} ! Ni Ex dun " ia Arnou. Manuel de l'épicier........ — Manuel du confiseur........... Aygalliers (P. d’). L'olivier et l'huile Bachelet. Conseils aux mères...... Baudoin (A). Les eaux-de-vie et le RG 7 de ee ue dr ou 1 Beauvisage. Les matières grasses. Bel (J.). Les maladies de la vigne. Bellair (G.). Les arbres fruitiers... Berger (E.). Les plantes potagéres.. — Les plantes d'appartements et de fenétres.................. PP Ps orchidées ....:... ons nee sois Capus. Guide du naturaliste ....:.. Champetier. Les maladies du jeune — L'amateur de papillons......... Couvreur. Exercices du corps...... Cuyer. Le dessin et la peinture ... Dalton. Physiologie et hygiène des Dupont. L'âge du cheval.......... Espanet (A.). La pratique de l'homæo- palhie .. os coos de seemeotes se Ferrand (E.). Premiers secours.... . Fontan. La santé des animaux... George. Médecine domestique...... Girard. Manuel d'apiculture....... mr mm LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS re |” Bibliothèque ds Connaissances Utiles}. Auscher. L'art de découv. les sources 4 fr. LA TTRNNRR RE ERREUR ETAT DE #fr. 4 fr. Barré. Manuel de génie sanit., 2 vol. 8 fr. Blanchon. Canards, oies, cygnes ... 4 fr. | — Les secrets de l'économie domest. 4 fr: — L'art de détruireles anim.nuisibl. 4 fr. — L'industrie des fleurs artificielles. 4 fr. Bois (D.). Le petit jardin.......... 4 fr. Bourrier. Lesindustries des abattoirs 4 fr. Brévans (de).La fabricat.d.liqueurs 4 fr. — Les conserves alimentaires... 4 fr. — Les légumes et les fruits........ 4 fr. — Le pain et la viande .......... 4 fr. Brunel. Carnet-agenda du photogr. 4 fr. Brunet. Aide-Mém. de l'Agriculteur. 4 fr. Buchard (J). Le matériel agricole.. 4 à 4 fr. OO Eh déni e see eee 4 fr. Clerc.Aide-Mémoire de Photographie 4 fr. Coupin (H.).L'aquarium d'eau douce. 4 fr. — dur de coléoptéres........ 4 fr. RE PR SO ET anges aa 4 fr. Denaïiffe. La culture fourragère.... 4 fr. Donné. Conseils aux mèéres......... 4 fr. Dujardin. L'essai commercial des vins 4 fr. Dumont. Alimentation du bétail... 4 Fe 4 fr. Durand (E.). Manuel de viticulture. & fr. Dussuc (E.). Les ennemis de La vigne 4 fr. Fitz-James.La pratique de la viticult. 4 fr. Gallier. Le cheval anglo-normand.. 4 fr. 74 Gobin(A.).Lapiscicult.en eaux douc. 4 fr. — La pisciculture en eaux salées. 4 fr. Gourret.Les pécheries dela Méditerr. 4 fr Graffigny. Les ballons dirigeables.. 4 fr. — Les industries d'amateurs....7. 4 fr: Granger. Les fleurs du Midi...... Guénaux. L'élevage du cheval. . Gunther. Médecine vétérin. hkomæp. 4 fr: Guyot (E.). Les animaux de la ferme 4 fr. Hall et Demolon. Le sol en agric.... 4 fr. Héraud. Les secrebmde la science et de l'industrie =... 2 0e 4 fr. — Les secrets de l’alimentation.... 4 fr. * D EE CE EE — Jeux etrécréations scientif., 2 vol. 8 fr. Hisard. Formulaire aide-mémoire de photographie... 1000 Lacroix-Danliard.La plume d.oiseaux 4 fr. — Le poil des anim. et fourrures... 4 fr Larbalétrier (A.). 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L'industrie de la teinture, 4 fr. — Les matières colorantes......... Thierry. Les vaches laitières... Vignon (L.). La soie.......,.. ë Vilmorin (Ph.de). Manuel de floricult. 4 fr, LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS ENCYCLOPÉDIE e e | Technologique et Commerciale PAR S E. D'HUBERT H. PÉCHEUX A.-L. GIRARD Professeur Professeur . Directeur à l'École supérieure à l'École d'arts et métiers de l’École de commerce de Commerce de Paris d’Aix-en-Provence de Narbonne Collection nouvelle en 24 vol. in-16 de 100 p. avec fig., cart. à 1 fr. 50 “ I. — LES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION ET D’'ORNEMENTATION. D home lo hèsé "nn... Es essor 4 50 2. — Les pierres, les marbres, les ardoises, le plâtre.. ....... 4 50 3. — Les chaux et ciments, les produits céramiques.......... 4 50 4. — Les verres et cristaux, le diamant et les gemmes ....... 4 50 IT. — LA MÉTALLURGIE. 5. — Les minerais, les métaux, les alliages................... 4 50 He Les fers, Ones eliaciers. :......:..,..00..r0-s este 4 50 1. — Les métaux usuels (cuivre, zinc, étain, plomb, nickel, aluminium) DE à moe ohne à encoder ee TE sr TU 4 50 8. — Les métaux précieux (mercure, D or. platine) :: 4: 1 59 L III. — LA GRANDE INDUSTRIE CHIMIQUE. A 9. — Les malières premières (eau, glace, air liquide, combus- LOL BEURÉS SP ER PE ES 4 50 | 56 10. — Les matières éclairantes (pétrole, gaz d'éclairage, acé- NÉE A LL CL De SR Le den Re os © 015 sm 4e Se 4 50 11. — Le chlorure de sodium, le sel, les potasses, les soudes .. 4 50 12. — Les acides chlorhydrique, azotique, sulfurique..... ds AN DR IV. — LES PRODUITS CHIMIQUES. 13. — L’oxygène, l'ozone, l'ammoniaque, les vitriols, les aluns. 4 50 14. — Le salpêtre, les explosifs, les phosphates et les engrais, nie phosphore et les allumettes.....1,..:.........5.,, 4 50 15. — Les couleurs, les matières colorantes, la teinturerie..... 4 50 16. — Les parfums, les médicaments, les produits photogra- et rue dd age tn ser duo 2 4 50 _V. — LES PRODUITS INDUSTRIELS ANIMAUX ET VÉGÉTAUX. 1 17. — Les corps gras, savons ét bougies ........:. ........+.. 4 50 18. — Le cuir, les os, l’ivoire, l'écaille, les perles SPRL 4 50 He Les textiles, les tissus, le papier. .../...:.......:...... 4 50 | 20. - — Lecaoutchouc, la gutta, le celluloïd, les résines etles vernis. 4 59 RTS VI. — LES PRODUITS ALIMENTAIRES. 21. — Les alimen{s animaux (viande, œufs, lait, fromages)..... 4 50 | 22. — Les aliments végétaux (herbages, fruits, ’fécules, pain).. 4 50 23. — Les boissons (vin, bière, vinaigre, alcools, liqueurs) ds we 4 50 _ 24. — Les sucres, le cacao, le café, Re CURE ne ne ei 4 50 | Auscher.Technologie de la céramique Auscher. Les industries céramiques. Bailly. L'industrie du blanchissage. Barni. Le monteur électricien Bouant. Le talac Boutroux. Le pain et la panification. Brochet. Galvanoplastie Busquet. Précis d'hydraulique..... Carré. Chimie industrielle Charabot. Les parfums artificiels . Chercheffsky. Analyse des corps Coffignal. Verres et émaux Convert. L'industrie agricole Coreil. L'eau potable Dupont. Les matières colorantes... Gain. Précis de chimie agricole. Girard. Cours de marchandises... Gondy. Manuel d'horlogerie Guichard. L'eau dans l’ industrie. Guichard. Chimie de la distillation. Guichard. Microbiologie de la distil- lation Guillet. L'électrochimie et l'électro- métallurgie Guinochet. Les Eaux d'alimentation Haller. L'industrie chimique Halphen. L'industrie de la soude... Halphen et Arnould. Essais commer- ciaux. ? vol Leduc. Chèes et ciments.. Lefèvre. L'acétylène........ cons. Lejeal. L'aluminium Leroux et Revel. La traction mécse. 2 nique et les automobiles......... Letombe. 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BAILLIÈRE ET FILS PUBLICATIONS DU MÊME AUTEUR La pêche et les poissons des eaux doucgs, Description des poissons, engins de pêche, lignes, amortes, esches, appâts, pêche à la ligne, pêches diverses, nasses, filets, efc. 1891, À vol. in-18, cart. (Bibliothèque des connaissances utiles) 4 fr. Les coquilles des eaux douces et saumâtres de France. 1893, L'vol. er. 108. 2, TU 0 SG Va en COCO Les coquilles marines des côtes de France, 1892, 1 vol. gr. AE SPP ER PER OR Es Les coquilles marines au large des côtes de France. 1899, 108 er in$ . 255 NN ARE LME CÉNEES Les coquilles terrestres de France, description des familles, genres et espèces, 1894, 1 vol. gr.in-8 . "ms Prodrome de malacologie française, catalogue général des Mol- = Jlusques vivants de France, Mollusques terrestres, des eaux douces et des eaux saumäâtres, 1882, 1 vol. gr. in-8. 20 fr. Prodrome de malacologie française, catalogue général des Mol- lusques. vivants de France, Mollusques marins, 1886, 1 vol. LE OR M oO Contribution à la faune malacologique francaise; 1889-1892, 5 vol. gr. in8. Chaque volume. . . . :… + 24 1 Malacologie lyonnaise ou description des Mollusques terrestres et aquatiques des environs de Lyon, 18TT, 1 vol. gr. in-8 6 fr. Description de la faune malacologique des terrains quaternaires des environs de Lyon, 1879,1 vol. gr. in-8, avec unepl. 12fr. Etudes sur les variations malacologiques d’après la faune vivante et fossile de la partie centrale du bassin du Rhône, 4880-81 , 2 vol. gr. in-8, avec planches . . . . … 35fr. Catalogue des mollusques vivants, terrestreset fluviatiles, du département de l’Ain, 14881, 1 vol. gr. 1n8 7.2 10 Malacologie des conduites d’eau de la ville de Paris, 1893, gr. IDD pe d. < ‘dan D SN SR CC RSS Recherches paléontologiques sur les dépôts tertiaires à Mine- Edwardsia et à Vivipara du pliocène inférieur du département de l’Ain, avec planches, 1883, in8 . . . . . . . 5fr. HR FoscueR conchyliologique de Draparnaud, 1895, gr. in-8. DER Ve Ne 1 on 4e, SUR IPN EE RES Considérations sur l'albinisme et le mélanisme chez les Mol- lusques de la faune française, 1883, gr. in-8. . . . 3fr. De la valeur des caractères spécifiques en malacologie, 1883, DR V4 25 00 4 29e NE TS Histoire des Mollusques dans l'antiquité, avec pl., 1883, 1 vol. LS SE OU LES _ = Arnouzp LOCARD Vice-président de la société malacologique de France MANUEL PRATIQUE D'OSTRÉICULTURE Avec 97 figures intercalées dans le texte “4 LES HUITRES ET LES MOLLUSQUES COMESTIBLES à MOULES — PRAIRES — CLOVISSES ESCARGOTS, ETC. HISTOIRE NATURELLE CULTURE INDUSTRIELLE — HYGIÈNE ALIMENTAIRE a (& PARIS LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE & FILS 19, rue Hautefeuille, près du boulevard Saint-Germain 1900 Tous droits réservés n Sù Die. D re ee INTRODUCTION Depuis quelques années, nos savants et nos écono- mistes se préoccupent, avec un intérêt particulier, de toutes les questions relatives à l'alimentation. Assurer à l’homme une nourriture saine, variée, suffisante, tels sont les trois principaux termes du problème journalier qu'il importe de pouvoir résoudre. Or, si dans la chasse, et bien mieux encore dans les intelligents élevages pratiqués dans nos fermes, il trouve une abondante quantité d'aliments gras, il en tempère avantageusement les inconvénients par l’usage des légu- mes et des fruits que la terre a fait germer dans son sein. Mais, à côté de tout cela, il est un autre produit plus peut-être à sa portée et qui, dans certaines contrées plus particulièrement privilégiées, joue un rôle consi- dérable dans l'alimentation : nous voulons parler des _ produits aquatiques, Poissons, Crustacés et Mollusques. NOT IA 6 INTRODUCTION Parmi ces derniers, ilen est quelques-uns qui, de tout temps, ont été utilisés sur une vaste échelle par les popu-. | lations riveraines.Il suffit de voir ces « amas de débris de cuisine », ces Kj6khkenmôdings des temps préhistoriques pour en avoir la preuve la plus incontestable. Plus tard, les Grecs et les Romains ont chanté dans leurs écrits les mérites de l'Huitre et d’un certain nombre de Mollusques dont ils se plaisaient à parer les tables les mieux servies. Depuis lors, avec l’accroissement des facilités dans les communications de toute nature, la consommation de cer- taines espèces, Huïîtres, Moules, Praires, Clovisses, etc., a pris une telle extension que bientôt la production natu- relle est devenue absolument insuffisante pour répondre aux besoins du jour. De là la nécessité absolue de seconder la nature en favorisant la reproduction des espèces préférées et en les cultivant de manière à en améliorer encore ies qualités premières. Choisir avec discernement les espèces propres à l'ali- mentation, les acclimater dans des milieux nouveaux, surveiller les conditions de leur reproduction, recueillir précieusement les jeunes individus au moment de leur naissance, diriger leurs premiers pas, ies protéger contre les innombrables ennemis qui guettent sans cesse une proie facile et sans défense, les élever, les soigner dans la mer, absolument comme la Chèvre et la Génisse sont soignées à l’étable, tel est le rôle du conchylio- culteur. INTRODUCTION 7 Ce genre d'industrie, depuis quelques années, grâce à la généreuse impulsion donnée par un de nos plus émi- nents naturalistes, M. Coste, a pris une extension bien imprévue sur quelques-unes de nos côtes et se traduit par un mouvement de numéraire considérable, apportant un bien-être inconnu chez toute une population jus- qu'alors.des plus pauvres. On n'évalue pas à moins de 30 millions de francs le montant des ventes d'Huîtres annuellement livrées sur notre territoire, occupant une population d’au moins 300.000 personnes. Et, malgré cela, que de progrès encore sont à réaliser! Qu'on ne s’y trompe pas, rien qu’à Pégard de la Moule, la France est encore tributaire pour l'étranger de plus de 6 millions chaque année ! * Il nous a paru intéressant de réunir en un volume _toutes les données scientifiques et technologiques rela- tives aux Mollusques domestiques. Nous passerons successivement en revue la longue liste des espèces comestibles en France et à l'étranger; puis, accordant à quelques-uns de ces précieux coquil- lages la juste part qu'ils méritent, nous étudierons en- suite ce qui a trait à l'ostréiculture, à la mytiliculture et à l'éducation de quelques autres formes des plus im- portantes. Après avoir montré quelle influence physiologique la domestication peut exercer sur les Mollusques, nous exposerons les conditions du repeuplement de nos côtes, 8 INTRODUCTION nous signalerons les ennemis que les Mollusques ont à redouter et quels sont les moyens de les vaincre. Enfin, nous terminerons ce volume par une étude concernant les Mollusques au point de vue de l’alimen- tation. ARNOULD LOCARD.. Lyon, mai 1890. Les Huitres EOLES HOELUSQUES COMESTIBEES LES MOLLUSQUES COMESTIBLES EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER Mollusques comestibles, leur division. — Cephalopodes. — Le Poulpe, les Seiches, le Calmar, etc. — Gastropodes marins, Buccins, Pourpres, Murex, Littorines, Haliotides, Patelles, etc. — Les Limaces et les Escar- gots. — Acéphales marins, Pholades, Solens, Myes, Vénus, Tapés, Cardiums, Modioles, Moules, Huïîtres, Pectens, Anomies, etc. — Ace- phales d’eau douce, Unios, Anodontes, Cyrènes, etc. En thèse générale, on peut affirmer que tous les Mol- lusques marins qui vivent sur nos côtes sont comestibles ; mais cela ne veut certes pas dire qu'ils soient tous bons ; beaucoup sont durs et coriaces, tandis que quelques-uns sont réellement destinés à satisfaire le gourmet le plus délicat, à la condition, bien entendu, qu’on sache les lui présenter dans toutes les règles de l’art culinaire ! Il n'en est peut-être pas tout à fait de même des Mol- lusques marins exotiques. À vrai dire, ils nous sont infi- niment moins familiers, et nous sommes bien loin 10 LES -MOELUSQUES*"COMES EP ES d'avoir pu vérifier les méfaits légendaires dont on les rend responsables. En cela, comme en toutes choses, il ne faut jamais abuser ; aussi, que quelques-uns d’entre eux aient occasionné, sous l’action des tropiques, quel- que affection cutanée tout à fait passagère, c'est chose fort possible et qui se voit parfois sans aller aussi loin ; mais de là à conclure qu'ils sont dangereux ou même vénéneux, nous avons quelque peine à le croire. Les Mollusques terrestres sont également tous bons à manger. Mais, dans le nombre, il en est tant de si petits qu'on ne songe même pas à les ramasser. D’autres, dépourvus de leur coquille externe, comme les Arions, les Limaces, les Testacelles, etc., sans être plus mauvais que les premiers, sont simplement moins ragoûtants. Hélas ! à combien de pauvres malades n’en a-t-on pas fait avaler ! Si, dans quelques campagnes, on leur fait encore l'honneur de leur attribuer certaine vertu médi- cinale bien contestée, ils sont loin de faire partie de l'ali- mentation proprement dite. Quant aux Mollusques qui vivent dans les eaux douces, la plupart de ceux de nos pays se plaisent dans des milieux vaseux qui impriment à leur chair une odeur fade et parfois nauséabonde. Convenablement préparés, ils peuvent devenir comestibles. Mais à l'étranger plu- sieurs de ces mêmes Mollusques jouent un rôle impor- tant dans l'alimentation. Nous nous proposons, dans ce chapitre, de passer en revue les principales espèces malacologiques comestibles, nous attardant surtout à ceux de nos pays. Ne voulant: pas donner la préférence à telle ou telle espèce, car c’est bien le cas de dire que tous les goûts sont dans la nature, nous adopterons l’ordre scientifique ; l’Huitre, la Moule, dde 2 PSS ANNE TTC SE FE CÉPHALOPODES IL … la Praire ou l’Escargot viendront chacun à leur rang. Nous suivrons ici l'ordre que nous avons adopté dans notre Prodrome de malacologte. CÉPHALOPODES On donne le nom de Céphalopodes à des Mollusques * généralement de grande taille, ayant une tête arrondie pourvue d’yeux très développés, et entourés de bras charnus portant des ventouses; la bouche est située au centre de la réunion des bras ; à l’intérieur du corps il existe une coquille simple, rudimentaire. Les anciens Grecs et Romains étaient grands amateurs de Céphalopodes ; il suffit de parcourir les écrits d'Athé- née et de quelques autres pour s’en convaincre. Pline déclare hautement que les Poulpes étaient très prises des gourmands de Rome. Aujourd'hui, ces animaux sont quelque peu délaissés. Pêcheurs et marins surtout leur font la chasse et, cependant, nous avouerons sans honte que quelques-uns ont du bon. Mais, il faut bien le-dire, ces Mollusques sont, en somme, plus nuisibles qu'utiles; doués de mœurs éminemment carnivores, ils font une chasse redoutable au naissain et aux jeunes Mollusques dont ils absorbent des quantités considé- rables. | Jadis vivaient sur nos côtes des Céphalopodes gi- gantesques. Pline parle d'un animal pesant 350 kilo- grammes et faisant carnage sur les côtes. M. A. Granger cite un Calmar pêché, il y a quelques années, près de Nice, qui mesurait 1°",65 de longueur et pesait 5 kilo- grammes ; un autre, capturé au large de Cette, mesurait 1”,90. De tels animaux heureusement sont fort rares. 12 CÉPHALOPODES lis ont des mœurs nocturnes ou crépusculaires et vivent le plus souvent dans les anfractuosités de rochers, bien cachés, à l'affût d’une proie souvent facile. Avec leurs tentacules ou bras ils saisissent leur proie et l’étouffent avant de la déchiqueter avec le bec cornée dont leur bouche est armée (fig. 1 et 2). Mais, à leur tour, Fic, 1 et 2. — Becs de Céphalopodes. ils trouvent leurs ennemis dans les Marsouins et les Dauphins qui dévorent leurs bras et leur tête, et dans les oiseaux de proie tels que le Gorfou. Nous signalerons ici les principales espèces mangées par les habitants du littoral. L'ÉLÉDONE (E/edona moschata Lamck.). — Le Musqué, Pieuvre musquée, Pourpre de mai, Poulpe musqué (Provence); Muscardier (Nice); Muscardino (Italie) ; Karnita tal Misck (pêcheurs maltais). Les Élédones ont le corps sans nageoires ; les bras sont réunis à leur base par une membrane assez courte et portant une simple rangée de ventouses. Suivant les moments, leur coloration passe du blanc grisâtre au jaune ou au marron avec des taches violacées qui appa- raissent surtout lorsqu'elles sont en marche. Cette espèce se rencontre sur toutes les côtes de la Méditerranée (fig. 3). On la pêche souvent au large, à la surface des eaux où on la voit nager; sur la côte elle L'ÉLÉDONE 13 recherche les fonds un peu vaseux de 10 à 100 mètres de Fic. 3. — L'Elédone musqué (Eledone moschata Lamck.). profondeur ; au printemps elle vient ramper sur les bords. On la pêche au large à l’aide d'un filet rond à bourse, 14 CÉPHALOPODES monté sur ün cercle de fer, porté par un manche assez long, et qu’on appelle sa/abre sur les côtes de Provence. Sa chair exhale une forte odeur de musc qui ne dis- paraît pas complètement avec la cuisson. Les anciens l'avaient en grande estime; aujourd’hui les Italiens, les Sardes et les Corses l’apprécient encore assez fort et la mangent frite, bouillie, en ragoût ou en salade. Sur les côtes de Provence c'est le mets des marins et des pêcheurs; mais on lui préfère la plupart des autres Céphalopodes. Fe LE Pourpre (Octopus vulgaris Lamck.). — La Pieuvre, Pourpre, Picone, le Pourpri, la Chatrouille ou Satrouille, le Satron, le Baligand, le Minard, etc. (sur toutes nos côtes) ; le Poufre (Cette); Karnita (pêcheurs maltais) ; Poloo (Portugal). Le Poulpe a le corps oblong, arrondi et dépourvu de nageoires ; ses bras, tous égaux entre eux, sont réunis à la base par une courte membrane; ils sont munis de ven- touses disposées sur deux rangées parallèles; suivant qu'il est plus ou moins irrité, sa couleur, normalement d’un gris blanchaâtre, passe au jaune, au brun ou au rouge, avec des taches brunes en saillie (fig. 4). On le trouve sur toutes nos côtes ; il se tient ordinai- rement caché dans les rochers, entre les pierres, pour guetter sa proie. Sa voracité est extrême, il s'attaque aussi bien aux Poissons qu'aux Mollusques ou aux Crustacés qui, parfois, déchirent sa peau avec leurs carapaces armées de pointes. Souvent on voit aux abords de sa retraite les débris de ses festins; c’est là un bon indice pour les pêcheurs. Pour le capturer on fait usage d’un chiffon blanc ou d'un Crabe attaché au bout d'une corde que l’on agite et promène devant les anfractuosités des LE POULPE 15 rochers ; attiré par cette amorce, le Poulpe est saisi par un crochet en fer terminé en forme d’hameçon. . = | = = =, = = se — [S] — = É — = — = 7. , = = “HE = = — S = ET &n 2 = + Ces ER — = = Æ —— = è 2 n = É- = & R = ê 2e à = = S F x = < = FR 2 k : = © = = Ë : = | 5 j L: " FE ee < (E a Le & Ê a È Ë È ÉE È À Ël E : 4 G} ——_ FES },5 = ÉERELERE La chair du Poulpe est assez bonne et ressemble un 7" 16 CÉPHALOPODES peu à celle de la Langouste. On la mange sur toutes les. côtes ; mais, contrairement au dire des anciens, les petits Poulpes sont toujours plus tendres et plus délicats que les gros. On en voit sur tous les marchés du littoral. Sur les côtes de Normandie, au mont Saint-Michel, dit M. le D' Ch. Ozenne, on laisse les Poulpes séjourner quelque temps dans l'eau bouillante pour les attendrir ; ensuite on les coupe et on les fait cuire avec des légumes et des oignons. Cette eau de cuisson sert à faire des soupes assez estimées, puis on mange les animaux frits dans une pâte à beignets. Sur les côtes de Provence on attendrit la chair du Poulpe en le battant vigoureusement sur des pierres ou à l’aide d’un roseau, de manière à rompre les fibres de la chair, surtout si son poids dépasse 500 grammes ; tant qu’il est plus petit il est tendre et assez délicat. Après l'avoir écorché, on le mange coupé en tranches et frit; on l'accommode aussi avec du riz ou des tomates, les plus gros se mangent à l’aioli. Le prix de vente varie de 10 à 75 centimes l'individu ; ceux qui viennent des étangs sont toujours moins appréciés. Les Italiens, les Espagnols et les Portugais recherchent encore plus que nous le Poulpe, et peut-être sa chair est- elle plus tendre dans ces pays. Dans l’Archipel, les Grecs modernes pêchent dans la belle saison de grandes quan- tités de Poulpes qu'ils salent et conservent dans des jarres pour les manger durant les jours maigres et les nombreux jours d’abstinence prescrits par leur religion. Au Japon, ils sont, paraît-il, l’objet d’un commerce con- sidérable. L'OMMATOSTRÈPHES (Ommatostrephes sagittatus Lamck.). — L'Ommastrèphe, le Porte-flèche, le Calmar- - L'OMMATOSTREPHES 17 flèche, le Casseron (Charente-Inférieure); le Touteno, Toutenou (Provence). Ce Mollusque a le corps allonge et muni de nageoires ailiformes à sa base ; il porte huit bras courts armés de Fic., 5, — La Sépiole (Sepiola Rondeleti Lamck.). - cupules à cercle corné et denticulé ; à l’intérieur se 3e , A , - trouve un gladius corné, étroit et très allongé en forme … de flèche; sa couleur est d’un blanc nacré avec des Le] _ reflets violacés. - A. LocarD, Les Huitres. SAONE Fans Fr 18 CÉPHALOPODES On le rencontre assez fréquemment dans l'Océan et dans la Méditerranée, vivant par troupes dans la haute mer; il vient parfois se faire prendre sur nos côtes; il est plus rare dans le Sud-Ouest où il n'apparaît qu'acci- dentellement-en hiver. M. A. Granger a cité un individu mesurant 1,90 de long et pesant 6 livres, jeté, en 1880 par une tempête, sur les côtes de Cette. Sa chair, sur- tout lorsqu'il est grand, est dure et coriace, même après avoir été fortement battue. On l’apprécie peu sur nos côtes. D'après M. Ch. Ozenne, on pêche une grande quantité d'Ommatostrèphes sur les côtes du Chili, de février à mars, où ilest, parait-il, très recherché à cause de la délicatesse de sa chair. LA SÉPIOLE (genre Sepiola). — La Sépieta, lou Sepiou (Nice et Provence) ; Glaüchaü (Aigues-Mortes et Roussil- lon); Dackra (pêcheurs maltais). Les Sépioles ont le corps court et arrondi, portant deux nageoires latérales étroites; la tête est ronde et armée de huit bras courts et de deux autres bras tenta- culaires du double plus longs et plus grêles; sa coloration est rose tendre et sa chair comme transparente. On en distingue plusieurs espèces : La Sepiole de l'Océan (Sepiola atlantica d'Orb.) vit, comme son nom l'indique, sur tout le littoral océanique et remonte jusque dans la Manche sur les côtes du Bou- lonnais ; elle diffère de l’espèce méditerranéenne ou Se- piola Rondeleïi par ses nageoires plus larges et par ses bras ventriculaires beaucoup plus courts. Elle est comes- tible, particulièrement sur les côtes de la Charente-Infé- rieure et de la Gironde. La Sepiole de Rondelet (Sepiola Rondeleti, fig. 5) vit également dans la Manche et dans l'Océan, mais elle est r 4 + LA SÉPIOLE 19 | beaucoup plus commune dans la Méditerranée. Sa chair 4 7 délicate et fine est très estimée en Provence, en Corse, en à Fic. 6. — Gladius du FiG. 7. — Le Calmar {Loligo vulgaris Lamck.). Loligo vulgaris. F Sardaigne, en Italie, etc.; aussi la rencontre-t-on sur pres- _ que tous les marchés. On la mange spécialement cou- _ pée en tranches et frite. A Montpellier, Moquin-Tandon 20 CÉPH ALOPODES raconte qu'on la sert farcie de chair de poisson, parée de ses tentacules coupés en morceaux et frits. Les pê- cheurs s’en servent souvent comme amorce. Le CaLmar (genre Loligo). — Calmar commun, l'En- cornet; le Glaougeau (Cette); le Touteno ou Toutenou (Provence); la Seiche rouge (Arcachon); le Cornet, la Corniche (Bayonne); Chipirones (Basque); Lala (Portu- gal); Totano (Corse, Italie); Clamar (pêcheurs maltais). Le Calmar (fig. 7) a le corps allongé, effilé en pointe vers le bas et muni de deux nageoires latérales trian- gulaires; ses deux bras sont courts et armés de deux ou quatre rangées de ventouses: il porte en outre deux longs tentacules ornés de cercles cornés et dentés à leur extrémité ; à l’intérieur se trouve un gladius également corné, en forme de plume (fig. 6); sa couleur est d'un rouge plus ou moins foncé. On distingue un assez grand nombre d'espèces de Cal- mar, les uns vivant dans l'Océan, les autres dans la Médi- terranée; mais l'espèce de beaucoup la plus commune est le Calmar vulgaire (Loligo vulgaris) qui se trouve sur toutes nos côtes, et vit en abondance et se pêche en toute saison. Souvent à l'approche de l'automne, ils se réunissent en bandes nombreuses; on les capture alors en grandes masses dans les filets installés sur la côte pour la pêche des Thons. Ils sont très vifs et fort bons na- geurs. En août et mai ils approchent des côtes et pondent, de mai à juillet, des œufs formant un paquet composé d'un grand nombre de ramifications rayonnant autour d'un point central ; chaque paquet peut contenir jusqu'à quarante mille œufs. En Provence on les pêche par quinze à vingt brasses sur les bords sablonneux ou vaseux à l’aide d’une ligne le x nl LE CALMAR 21 garnie de plusieurs hameçons surmontés d'un morceau d’étoffe blanche. Les Calmars réfugiés sous les algues, prenant cette amorce pour quelque poisson s'y jettent brusquement et se font piquer aux hameçons; il faut avoir soin de tenir la ligne continuellement en mouve- ment pour mieux simuler le frétillement du poisson. « Les pêcheurs napolitains, dit M. le D' Brocchi, les capturent avec un engin assez simple ; c’est un poids de plomb, ayant la forme d'un fuseau allongé. Le poids a un décimètre de longueur et un diamètre d'un centi- mètre seulement dans sa partie la plus renflée; à une des extrémités de ce fuseau de plomb, se trouve une couronne de minces crochets recourbés, longs d’un peu plus d’un centimètre ; l’autre extrémité est munie d'un petit anneau pour passer une corde. Au-dessus de la couronne de crochets, le fuseau porte une petite rainure où l’on dispose du suif. Le Calmar vient pour manger le corps gras, et on l’enlève avec les hamecçons. » Le Calmar est un Céphalopode estimé ; sa chair, lors- qu'il n’est pas trop gros, est assez délicate et moins par- fumée que celle de la Seiche. Les Romains en faisaient très grand cas; après en avoir coupe les bras, ils en faisaient des pâtés, les farcissaient de moelle et les arrosaient d'aromates. En Italie on les prépare encore d’une façon analogue, assez complexe, mais qui les rend très bons ; nous en avons mangé jadis d’excellents à Li- vourne, mais il nous serait bien difficile d'en donner la recette. On voit le Calmar sur tous les marchés de la Pro- vence, de l'Italie, des côtes de l'Espagne et du Portugal; on le mange également sur les côtes du sud-ouest de la France, notamment à Bayonne; dans cette région 22 CÉPHALOPODES on vend plusieurs espèces différentes sous le même nom; les jeunes, qui sont les plus estimés se payent de 15 à 30 centimes la pièce. À Marseille on les vend couram- ment de 1 franc à 1 fr. sole kilogramme; on les mange farcis, avec du riz, des épinards, des tomates, etc. On les trouve également sur les marchés d'Orient, à Trieste, en Grèce, à Smyrne et jusqu à Suez où ils sont particu- lièrement appréciés. La SEICHE (genre Sepia). — Supi (Provence); Casse- ron (Bordelais); Chôco (Lisbonne); Seppia(Corse, Italie); Siccia (Maltais). La Seiche (fig. 10)ale corps court et ovalaire, muni de deux nageoires latérales, étroites, mais aussi hautes que le corps; la tête est entourée de huit bras très courts ornés : de quatre rangées de ventouses et de huit bras tenta- culaires très longs; à l’intérieur le gladius est remplacé par un osselet calcaire (fig. 9); à l’état de repos sa colora- tion est d’un rose jaunâtre irisé et parsemé de taches blan- ches; mais lorsque l'animal est irrité, son dos se hérisse de saillies irrégulières d’un marron foncé métallique. A l'intérieur il existe une poche à encre qui commu- nique avec l'extérieur par un petit canal. Lorsque la Sei- che est menacée d'un danger, elle lance une partie de cette liqueur, qui trouble l’eau et la masque à son en- nemi. Ses œufs ou raisins de mer (fig. 8) sont attachés par grappes aux plantes marines. On distingue plusieurs espèces de Seiches, toutes comestibles. | La Seiche commune (Sepia officinalis Lin., fig. 10) est extrêmement répandue et vit sur toutes nos côtes, aussi bien dans la Manche que dans la Méditerranée. Dans l'Océan on trouve également une autre espèce (Sepia ATH PRE) ÉAESBICHE 23 Filliouxi Laf.), dont le gladius est moins bombé; dans la baie d'Arcachon elle apparaît au printemps, tandis que la Seiche officinale ne s'y montre qu’en automne. D'autres formes plus rares vivent dans la Méditerranée. Fic. 8. — Œufs de Seiche. Fic. 9. — Os de Seiche, La Seiche est-comestible, mais elle ne vaut pas le Cal- mar. Les Grecs la faisaient figurer dans les repas de grande cérémonie; on avait alors coutume d’en envoyer comme présent le cinquième jour de la naissance des enfants avant de leur imposer un nom. Aujourd’hui on la mange surtout dans le Midi; on la voit journellement sur les marchés de Bordeaux, de Cette, de Marseille, de Lis- bonne, de Carthagène, etc. Sur nos côtes on la vend de 75 centimes à 1 franc le kilogramme. On l’accommode, 24 CÉPHALOPODES en Provence, avec du riz ou de la tomate ; quelques per- Fic, 10. — La Seiche (Sepia officinalis Lin.) sonnes préfèrent la manger coupée en tranches et frite à l'huile. Le gladius desséché est donné aux oiseaux en PU. A VE F. Le ; Fe 3 LA SEICHE 25 cage pour user leur bec; on fabrique avec elle des pou- - dres dentifrices et de la sandaraque. On en fait une grande consommation en Italie, en Grèce et dans le Levant; sur les côtes de l’Adriatique, _ dit le D' Ozenne, elle constitue le fond de l’alimentation ; les habitants de Slossella, dans le comté de Sébenio, se nourrissent, au printemps, presque exclusivement de Sei- ches. Dans quelques ports de l’Adriatique, on les sale pour les envoyer dans les villes d'Italie où on les mange pendant le carème. On fait même, paraît-il, pour les accommoder, une sauce avec leur encre, dont Bartho- lomé Scappus a donné la recette. La petite Seiche (Rhombosepion elegans d'Orb.), appelée Supiou en Provence, est de taille beaucoup plus petite; elle est très estimée dans le Sud-Ouest et dans la Médi- terranée; à Marseille on la vend jusqu’à 2 francs le kilogramme; on la pêche en Calabre et on l'accommode comme la Seiche ordinaire. Quand la Seiche est au large, on la pêche comme le Poulpe avec la salabre. Souvent aussi on la capte de la manière suivante : les pêcheurs, après s'être procuré une Seiche femelle, passent à travers son corps dans le sens de la longueur une ficelle de deux mètres environ, dont ils attachent l’autre extrémité à l’arrière de leur bateau. Les mâles ainsi attirés viennent en nageant se fixer con- tre cette amorce, et en retirant la ligne avec précaution on les saisit à la main, pour recommencer à nouveau avec la même femelle qui peut servir un grand nombre de fois. | Une autre espèce de Seiche, le Sepia Sinensis, se mange en grande quantité au Japon, sous les noms de Niao-ise-1a, Niao-fse où poisson voleur d'oiseaux, de 26 GASTROPODES MARINS Me-ia, poisson noir, et de Lan-14 ou poisson muni de cordes. M. le D' Ozenne, à qui nous empruntons ce renseignement, ajoute, d’après une note manuscrite de Péron : « Les Seiches paraissent très communes en ce golfe, car le rivage est partout couvert de sépiostaires (gladius), dont beaucoup, de très grande taille, indiquent une espèce d’une grande dimension, tandis que d’autres ‘plus petits annoncent quelques espèces plus petites. Leur “chair paraît fort délicate, car j'ai vu les matelots s’en montrer avides, et manger avec délices les restes de ces animaux qu'ils avaient retirés, à moitié digérés, de l’es- tomac des Requins et des Phoques. » GASTROPODES MARINS On appelle Gastropodes des Mollusques pourvus d'un disque allongé servant de pied et faisant suite à la tête. Ils ont une coquille qui est presque toujours externe, et ils rampent et se déplacent lentement au fond de l’eau sur le sable, la vase ou les rochers. La plupart sontandro- gynes, c'est-à-dire mâle et femelle à la fois ; ils donnent naissance à des œufs de formes très diverses. Leur chair est presque toujours plus dure et plus co- riace que celle des Céphalopodes; en outre, si le nombre des espèces de Gastropodes qui vivent dans nos mers est beaucoup plus considérable que celui des Acéphales et des Céphalopodes, en revanche la plus grande partie de ces animaux ont une taille telle qu'ils ne sont d'aucun secours pour l'alimentation de l'homme. Enfin la dispo- sition mème de leur coquille ne permet pas toujours d’en extraire facilement l'animal. Chez les coquilles enroulées, l'animal s'enfonce plus ou moins profondément et il ; CO PBUCCEN 27 Ô faut, pour l'extraire, ou briser la coquille ou faire cuire … J'animal pour l’extirper à l'aide d’un petit crochet. Chez - d’autres au contraire, comme les Patelles ou les Haliotides, la coquille ne fait que recouvrir l'animal ; on peut alors - l'en détacher facilement. On divise les Gastropodes en Opistobranches et Proso- branches. Les Opistobranches ne renferment pas, à proprement parler, des Mollusques utilement comestibles surtout en France, nous ne nous occuperons donc que des Gastropodes prosobranches. LE BucoN (Buccinum undatum Lin.) — Le Buccin ondé ; le Ran, le Calicoquot (Cherbourg, la Hougue) ; l'Escargot de mer (Normandie); le Whelk (Anglais); Wulk ou Villoksen (Hollandais); Wulk, Wullok (Bel- gique). Coquille d'un galbe fusiforme-ventru, mesurant de 60 à 70 millimètres de hauteur, composée de sept à huit tours à profil arrondi, ornée de côtes longitudinales ondulées et flexueuses recoupées par des stries transver- sales ; ouverture ovalaire; coloration d'un gris roussâtre, avec l'ouverture blanche. Cette espèce est très répandue sur toutes nos côtes de la Manche et surtout de l'Océan, depuis le Boulonnais jusque dans le bassin d'Arcachon, mais elle ne passe pas dans la Méditerranée. L'animal recherche les plages sablonneuses et aime à s’enfoncer dans le sol à l’aide de son pied. Il dépose ses œufs en forme de capsule sur les plages, groupés en petites masses ; chaque capsule ren- ferme cinq ou six animaux ; les marins s’en servent pour se laver les mains et les désignent sous le nom de Savon de mer. Sur nos côtes on le prend à la main ou au râteau: 3 . ci 28 GASTROPODES MARINS on le mange surtout sur les côtes de Normandie, où on en fait d'excellentes amorces pour les lignes à pêcher le poisson. « À Port-Patric, dit Johnston, le Buccin ondé est capturé dans des paniers où l’on dépose des morceaux de poisson et qu’on plonge à dix brasses de profondeur environ dans la mer, à un quart de mille du port ou du vieux château ; on les relève chaque jour pour enlever les Gastropodes qui ont pénétré dans l’intérieur, dans le but de dévorer les morceaux de poisson déposés. Chaque Buccin suffit à l'amorce de deux hameçons ; en estimant à quatre mille cinq cent le total des hameçons que lan- cent tous les bateaux en bloc, autant que ces conditions . se trouvaient remplies, on détruit par jour deux cent cinquante de ces gros Gastropodes ; on en userait donc ainsi soixante et dix mille par an. Bien que cette con- sommation se restreigne sous un espace assez étendu, il semble néanmoins que ces Mollusques y surabondent plus que jamais. » La chair des Buccins est assez coriace, surtout quand ils sont un peu gros; sur les côtes de la Manche on en fait une sorte de soupe qui est assez bonne; on les mange également bouillis ou grillés. En Normandie ils valent de 15 à 40 centimes la douzaine: à Bordeaux ils sont plus chers ; on les débite à raison de 10 à 15 cen- times la pièce ; on les voit très rarement sur le marché de Paris, où ils viennent plutôt à titre de curiosité : en Belgique, à Bruges, ils valent de 2 à 5 centimes la pièce. LA POURPRE (genre Purpura). — Ce genre comprend plusieurs espèces bien distinctes. La Pourpre de l'Océan (Purpura Oceanica Loc.), est une coquille fusiforme- ventrue, mesurant 60 millimètres de hauteur pour 40 F LA POURPRE 29 . dediamètre, composée de sept à huit tours peu distincts, . à profil anguleux ; le dernier tour est orné d’un cordon . de nodosités peu saillantes. Tout le reste du test est recouvert de stries transversales ; sa couleur est d’un gris roux, et l’intérieur de l'ouverture d'un beau rouge un . peu foncé (fig. 11). Fic. 12. — Capsules ovulaires de la petite Pourpre. Fig. 11. — La Pourpre de l'Océan (Purpura Oceanica, Loc.). Cette espèce est assez répandue sur nos côtes océani- ques, depuis Brest jusqu à Biarritz où les pêcheurs l’appel- lent Ouarque. Dans la Méditerranée elle est remplacée par une forme voisine, mais différente, le Purpura bæma- stoma Lin., avec le dernier tour orné de nombreux tu- bercules très saillants. Nous n'avons pas à parler ici de la Pourpre en tant que substance colorante, mais nous dirons que, parfois, les marins et les pêcheurs la mangent ; sa chair, nous a-t-on dit, est moins dure et moins coriace que celle du Buccin. La petite Pourpre (Purpura lapillina L., et P. imbri- 30 GASTROPODES MARINS cata Lamck.) est de taille plus petite; elle ne mesure que 30 à 35 millimètres de hauteur pour 20 à 23 milli- mètres de diamètre. Chez le Purpura lapillina le test est orné de stries transversales qui se recouvrent d'im- brications chez l’autre espèce; nousavons désigné sous le nom de P. Celfica une autre forme d’un galbé beaucoup plus allongé. Ces trois espèces sont de coloration très variable, passant du blanc au roux plus ou moins foncé, avec ou sans bandes transversales plus colorées. On ne trouve la petite Pourpre que dans la Manche et dans l'Océan ; ses œufs sont enfermés au nombre de cinq à six cents dans de petites capsules ovulaires bien closes (fig. 12), fixées aux pierres ou à tout autre objet. Elle est extrêmement commune ; à marée basse, on peut en faire une ample récolte sous les rochers ou sous les pierres à travers le sable ; la chair sans être des plus délicates est encore bien meilleure que celle des Buccins et des grandes Pourpres. On vend cette coquille dans la . Manche à raison de 15 centimes la mesure d’un 1/2 litre, sous le nom de petit Calicoquot; c’est un bon appât pour la pêche. M. Dutot, de Cherbourg, nous écrit que cer- tains navires de pêche, qui avaient manqué de boëtte dans les eaux de Terre-Neuve l'an dernier, s’en sont servi comme appât et s'en sont parfaitement trouvés. On en fait une grande consommation sur toute la côte néer- landaise, à Bruges et surtout à Anvers. LEs CassiDaiREs (genre Cassidaria). — Piade (Pro- vence); Pozzelete (Venise). Les Cassidaires sont des coquilles assez grosses, d’un galbe piriforme, allongé dans le bas, légèrement conique dans le haut, mesurant de 50 à 60 millimètres de hau- teur etenviron 40 de largeur. On en rencontre plusieurs Are DT j C'ASSIDAIRES 31 espèces (Cassidaria echinophora Lin., C. Bucquoyi Loc., C. mutica Tib. (fig. 13), C. rugosa Lin.) que l’on dis- . tingue à leur galbe plus ou moins allongé, et au mode . d'ornementation qui les décore. Le test est recouvert de côtes transversales plus ou moins accusées, tantôt lisses, . tantôt ornées d’un nombre plus variable de petits “ma- . melons rapprochés; la coquille est d’un blanc roux. Fic. 13. — Le Cassidaire {Cassidaria mutica Tib). Les Cassidaires ne vivent que dans la Méditerranée à d'assez grandes profondeurs ; ils sont ramenés à terre par les filets des pêcheurs. Leur chair n'est pas très _ bonne, elle présente quelque analogie avec celle des Murex. M. A. Granger nous écrit que l’on rencontre, sur les marchés du Roussillon et de la Provence, ces Mol- lusques confondus avec d’autres qui pourtant ne leur ressemblent guère. On les mange également sur les côtes 32 GASTROPODES MARINS d'Italie et dans l’Adriatique. On les fait bouillir ou rôtir sur le gril. LES TRITONS (genre Zrifonium). — Le Cornet ou Corno (Provence); la Conque marine; le Brogna (Maltais); la Tromba (Italie). On distingue une huitaine d'espèces de Tritons sur nos côtes, mais trois seulement se vendent sur les marchés comme espèce comestible. Le Triton nodifère (Trifonium nodiferum Lamck.). C'est le plus grand de nos Gastropodes français ; sa taille ordinaire atteint de 23 à 25 centimètres de hauteur; son galbe est fusiforme-ventru ; sa spire composée d'une dizaine de tours légèrement arrondis est assez acuminée, le dernier tour gros et un peu ventru; le test est orné de cordons aplatis et de quelques varices longitudinales lamelleuses ; sa teinte est d'un fond blanchître avec des flammes rousses et l’intérieur de l'ouverture d’un beau blanc nacré. Lorsqu'on brise la pointe de cette coquille, on peut s'en servir comme dune trompe; ainsi faisaient les anciens qui connaissaient bien cette coquille ; ainsi de même font encore les pêcheurs et les bergers sur la côte de la Méditerranée. On trouve ce beau Triton dans l'O- céan et dans la Méditerranée ; il vit dans les grands fonds et n'est guère capturé que par les filets placés par trente brasses de profondeur. Sa chair est quelque peu coriace, surtout lorsqu'il est grand ; on le voit pourtant sur les marchés du littoral où il se vend de 60 à 75 centimes la pièce ; il devient rare dans l’est de la Provence; ilest plus commun sur les côtes du Roussillon, au Barcarès. Il est parfois assez difficile d'extraire l’animal de sa coquille ; les pêcheurs pour s’en emparer attendent que CASSIDAIRES 33 l'animal, lorsqu'il est bien tranquille, sorte une partie de son pied hors de la coquille; ils enlacent alors rapide- ment, entre le mollusque et son opercule, un nœud cou- ù lant et font cuire le tout durant une bonne heure; en retirant la ficelle avec précaution on extirpe en même tempsl'animal, au moins en grande partie. On le mange généralement cuit à la vinaigrette. Le Triton froncé (Tritonium corrugatum Lamck.) est aussi désigné sous le nom de petit Triton, ou petit Corno; c'est une coquille d’un galbe fusiforme un peu étroite- ment allonge; son test très épais, est ridé transversale- ment et orné de côtes longitudinales garnies de petits tubercules irréguliers ; il est presque toujours recouvert d'un épiderme épais de drap marin roux; l'ouverture est fortement plissée en dedans, et d’une belle teinte blanche ; il ne mesure que 80 à 90 millimètres de hau- teur. Cette espèce très rare dans l'Océan est assez commune dans la Méditerranée ; elle vit de préférence sur les fonds sablonneux et à de moins grandes profondeurs que la précédente ; sa chair est toujours coriace, moins bonne même que celle du Triton nodifère, Sur le marché de Cette on la vend assez couramment mélangée avec des Murex. On ne peut la manger que cuite. Le Triton cutacé (Tritonium cutaceum Lamck.) a un galbe fusiforme court et renflé ; son test est orné de cor- dons transverses bien marqués; il est recouvert d’un épiderme très mince et membraneux, d’un roux clair; l'ouverture dentée à l’intérieur et d’un blanc nacré est accompagnée au dehors d’un épais bourrelet. Cette co- quille mesure de 60 à 65 millimètres de hauteur. Cette espèce, ainsi que deux autres formes très voi- A. Locarp, Les Huitres. 3 34 GASTROPODES MARINS sines, vit dans l'Océan et dans la Méditerranée, depuis Brest, jusqu'à Nice, mais sans être jamais bien commune. Sa chair n’est guère meilleure que celle de l'espèce pré- cédente ; on la mange bouillie surtout sur le littoral de Cette, où, comme l’a si bien fait observer M. A. Gran- ger, les habitants consomment sans répugnance presque tous les Mollusques de la côte. On la trouve sur les marchés de Cette et de quelques autres villes, mélangée à des Murex. Les MUREX (genre Murex). — Rocher, Chicoré; Biou outa et Biou arpu (Provence); Bunsegogi (Ligurie); Sconcigli (Naple); Caocciole (Tarente); Garusola (Ve- nise); Bulo maschio, Bulo femina, Garusola(Adriatique) ; Bakkum (Maltais) ; Busio (Portugal); Stachelschnecken (Allemagne). Il existe un grand nombre de Murex; ils sont tous comestibles à lacondition qu'ils atteignent une taille suf- fisante ; sur les marchés on vend surtout les Murex bran- daris et M. trunculus ; les Murex erinaceus et M. Taren- tinus plus connus sous le nom de Cormaillots font une chasse acharnée aux coquilles; ils sont tout aussi bons à manger, mais on ne vend pas ces ennemis des Mol- lusques, on se contente de les détruire le plus qu’on peut. Nous en parlerons dans un autre chapitre. Le Murex massue (Murex brandaris Lin.) (fig. 14) est aussi appelé Droite-Epine; c’est le Biou arpu des Provençaux. Sa coquille. est d’un galbe piriforme à spire très courte, terminé dans le bas par un canal étroit et très allongé ; les tours de la spire sont ornés de deux rangées de longues épines; sa couleur est d’un roux pâle avec l’intérieur de l'ouverture d’un roux plus foncé. : Sa taille atteint de 70 à 80 millimètres de hauteur. {RER LES MUREX 35 Cette espèce est très commune sur toutes nos côtes de la Méditerranée et plus particulièrement dans la partie ouest ; elle vit sur les fonds sablonneux, à une pro- fondeur variant de cinq à quinze brasses ; les pêcheurs en ramassent souvent de grandes quantités avec leurs filets où le Murex s'accroche par ses épines. Aux envi- Fic. 14. — Murex brandaris Lin. rons de Marseille on la pêche souvent au girellier, sorte de nasse ronde et plate au centre supérieur de laquelle est pratiquée une petite ouverture par laquelle s'introduit le Mollusque attiré par quelque morceau de Morue, de Hareng, des têtes de Thon, etc., que l’on dispose préa- lablement en guise d’appat. Sa chair est assez dure et ne nous paraît pas un bien grand régal ; on la mange bouillie, soit à la vinaigrette, soit avec l’aioli. A Marseille on vend les Murex à raison de 36 GASTROPODES MARINS 25 centimes la douzaine. Le D" Senoner nous apprend que, dans l’Adriatique, on les trouve en quantité sur les marchés et qu'ils sont très estimés de la classe pauvre qui en fait une grande consommation. Îl en est de même en Italie, en Corse, en Sardaigne et en Algérie. Sans prétendre rien affirmer, il nous semble que leur chair est meilleure dans ces pays que sur les côtes de France. Il y a peut-être là une simple influence d'habitat qui peut en effet agir sur la qualité de la chair. On sait que la liqueur blanchâtre que sécrètent les Murex est particulièrement photogénique; exposée à la lumière elle passe successivement au jaune, au vert, puis au violacé; elle entrait dans la composition de la liqueur purpurigène des anciens. Fic. 153. — Murex trunculus Lin. Le Murex fascié (Murex trunculus Lin.) (fig. 15), le Biou outa des Provençaux, possède les mêmes qualités, les mêmes propriétés que son congénère. Sa coquille se LES CÉRITHES 37 distingue par son galbe subfusiforme un peu court, aussi développé en dessus qu'en dessous, à spire plus haute et à canal beaucoup plus court; son test est orné de stries transversales ; sur chaque tour on distingue une seule rangée d’épines peu saillantes ; dans le jeune âge on observe sur le test des bandes brunes transversales, mais plus tard elles disparaissent sous un épiderme brun ou verditre ; sa taille varie de 60 à 65 millimètres de hauteur. LES CÉRITHES (genre Cerithium). — Il existe un grand nombre de Cérithes dans la faune méditerranéenne : mais la plupart sont de petite taille ; nous avons vu souvent les pêcheurs corses ou italiens en briser la coquille pour en retirer un petit animal qui fournit une excellente amorce ; mais une seule espèce est réellement comes- tible, le Certfhium vulgatum, et encore la qualité de sa chair laisse-t-elle beaucoup à désirer. Le Cérithe ordinaire (Cerithium vulgatum Brug.) ap- pelé encore : Cérithe Goumier ; Caragollo (Gênes); Cam- panari, Caragollo longo (Adriatique); Brancutlu (Mal- tais), etc., a une coquille d'un galbe turriculé très allongé, avec une spire pointue, et une ouverture de petite taille ; ses tours plus ou moins distincts sont ornés de rangées transversales de tubercules plus ou moins sail- lants ; sa teinte est d’un gris jaunâtre passant au roux ou au verdâtre, avec l’intérieur de l’ouverture plus foncé : sa hauteur varie de 40 à 60 millimètres. La chair des Cérithes est assez médiocre; elle pré- sente surtout ce grand inconvénient qu’elle est difficile à extraire des profondeurs de sa coquille. Nous avons souvent vu mettre une poignée de Cérithes avec leur coquille dans la bouillabaisse ; mais il est vrai de dire, ASE D Ms IT er N co * + OA ü - MP > noi 7 2 FR RENE 2 38 GASTROPODES MARINS que, comme dans l’olla podrida, on peut y mettre tout ce que l’on veut en fait de frutti di mure, à la condition de ne pas être obligé d'en manger. Sur les côtes d’Ita- lie, dans l’Adriatique, ce Mollusque n’est guère apprécié que par la classe nécessiteuse. Les APORRHAÏS (genre ÆAporrhais). — Les Aporrhaïs Chénopus ou Anserines, appelés Zumarugola dans l’A- driatique et Tricorni par les pêcheurs maltais, sont des F13. 16. — Aporrhaïs pelecanipes Lin. Gastropodes dont le galbe rappelle celui des Ceérithes, mais dont l'ouverture beaucoup plus grande est dilimitée par une expansion digitiforme plus ou moins palmée, à la manière d’un pied d'oiseau ; leur test est orné de côtes longitudinales un peu noueuses dans le milieu; leur coloration est d’un roux clair, avec l'ouverture blanche ; ils mesurent de 40 à 50 millimètres de hauteur (fig. 16). LES LITTORINES 39 Les Aporrhaïs vivent dans l'Océan comme dans la Méditerranée ; on en distingue trois espèces : Aporrhais pelecanipes, A. bilobatus, et A. Serresianus, caractérisées par la forme ou le nombre des digitations aperturales. Mais on ne mange que l'espèce méditerranéenne appelée Pied de Pélican; sa chair est assez bonne une fois bouil- lie. Le D’ A. Senoner dit que, dans l’Adriatique, cette espèce habite les fonds bourbeux à une profondeur de cent cinquante pieds, et quon la rencontre frequem- ment sur les marchés ; les ouvriers, ajoute-t-il, estiment beaucoup ce petit Mollusque. LES LITTORINES (genre Lifiorina). — Le Vigneau, la Vignette, le Brigeau, le Bigorneau, le Brelin, le Verlin, le Pilo noir ; Borrelho (Portugal); Alikruik ou Olikruik (Hollande); Pariwinckle (Angleterre) ; Slakhnys, Kara- kool, Karrekool (Flamand). Le genre Liftorina est très riche en espèces; nous en avons admis une quinzaine dans notre Prodrome; toutes sont comestibles, mais nous ne parlerons ici que des grosses espèces qui se vendent sur les marchés et qui appartiennent au groupe du Lifforina littorea. Ce sont des coquilles d'un galbe plus ou moins globuleux, à spire peu haute, au dernier tour très arrondi, orné de cordons transversaux minces et assez saillants; leur coloration est d'un brun plus ou moins foncé, passant au verdâtre, et leur hauteur varie de 22 à 27 millimètres. Nous avons admis dans ce groupe trois espèces : le Littorina liftorea (fig. 17), dont le galbe est renflé et un peu globuleux ; le L. Armoricana, dont la spire est plus haute et le galbe plus élancé ; enfin le L. sphæroidalis, qui est complètement globuleux avec la spire très courte. Ses œufs sont constitués par une petite sphère vitel- 40 GASTROPODES MARINS line et par une masse considérable d’albumine dont la couche externe durcie forme la coque ; ces masses géla- tineuses sont suspendues et agglutinées aux plantes marines ou aux rochers (fig. 18). Fic. 17.— Littorina littorea Lin. Fic. 18. — Œufs de Littorines. Toutes ces Littorines sont très communes dans la Manche et dans l'Océan. Elles sont ovipares, et se nour- rissent de plantes marines. Comme leur nom l'indique au moins pour l’une d'elles, elles se plaisent au bord de la mer, sans jamais descendre à de grandes profondeurs ; à marée basse, les femmes et les enfants en récoltent de grandes quantités qu ils gardent pour la consommation du ménage ou qui sont vendues au marché voisin. On vend en effet cette espèce non seulement dans toutes les villes du littoral, mais on l'exporte même au loin. Onen voit quelquefois sur le marché des halles à Paris. Sa chair est assez bonne; on la mange crue ou cuite; à Rennes, dit le D'Ozenne, où l’on en fait une grande consommation, on mange les Littorines avec des beur- rées. Sur les côtes de l'Océan, on en fait une très bonne soupe. Son prix de vente est très variable suivant les lo- calités et aussi suivant les provenances. Dans la Manche " LE TURBO A1 on vend la Littorine noire 30 centimes le demi-litre, et 25 centimes les autres espèces mélangées. A Bordeaux, on les vend 30 et 40 centimes le litre ; à Paris, nous avons vu vendre les mêmes coquilles, naturellement moins fraiches, 40 et 60 centimes la douzaine. A Londres, dit Brehm, on en importe sur les marchés de Poissons près de 2000 buschels par semaine (le buschel représentant un peu plus de 46 litres), depuis mars jusqu'en août, et 500 boisseaux environ par semaine pendant les six autres mois. On la mange également en Belgique et en Hollande, où elle vaut 25 centimes le demi-litre. LE TURBO (Turbo rugosus Lin.). — Le Turbo scabre est la plus grosse des coquilles turbinées de nos côtes. Son galbe est un peu déprimeé, plus large que haut, avec six tours faiblement carénés, ornés de grosses côtes longitudinales très ondulées ; en dessous règnent des cordons transversaux granuleux ; l'ouverture arrondie est fermée par un gros opercule calcaire appelé œil de saint Jacques ou œil de sainte Lucie suivant les pays. La teinte de la coquille est d’un gris roux ou cendré, avec le dessous rougeûtre ; sa hauteur varie de 35 à 45 milli- mètres, et son diamètre de 45 à 55 millimètres. Cette espèce ne vit que dans la Méditerranée ; elle est carnassière ; elle s’introduit fréquemment dans les nasses ou autres engins fixes posés en mer pour la pêche des crustacés. Elle remonte accidentellement jusqu’à Biarritz. Sa chair est quelque peu coriace; malgré cela les pêcheurs et même quelques autres personnes la mangent assez volontiers; on la trouve sur les marchés de Cette et de quelques autres villes du littoral méditerranéen, à Alger, Bône, etc. On la mange rôtie ou bouillie. r'ITETSS t'as 42 GASTROPODES MARINS LES TROQUES (famille des Trochidæ). — La Toupie, le Brelin; le Biou roud (Provence) ; Naridale, Caragolo tondo (Adriatique) ; Sgorra, Babbeck (Maltais) ; Kreisel- schnecken (Allemand) : Tolhorendlak (Flamand). La grande famille des Trochides comprend un nombre considérable d'espèces dont quelques-unes plus grosses que les autres, sont comestibles ; elles appartiennent aux deux genres Zizyphinus et Caragolus. Les Z7z vphinus ont un galbe conique, à profil presque droit ; le test est lisse ou orné de cordons transverses ; leur coloration est très variée, tantôt monochrome, tantôt flammulée de diverses teintes; l'ouverture est plus ou moins anguleuse ; ils mesurent de 25 à 30 millimètres de hauteur, et à peu près autant de diamètre à la base. Les Caragolus ont un galbe conoïde-globuleux ;les tours sont arrondis et le dernier tour est gros et ventru ; le test est très épais, l'ouverture presque circulaire; la co- quille d'une teinte grise est ornée de flammes ou de traits transverses d'un brun foncé; elle mesure de 20 à 28 mil- limètres de hauteur pour un diamètre de 18 à 25 à la base. Les Mollusques de ces deux genres sont très communs surtout dans la Méditerranée ; on les rencontre sur toutes les côtes. Leur chair présente assez d'analogie avec celle des Lit- torines ; elle est cependant un peu plus dure; les femmes et les enfants vont les ramasser à marée basse, et les filets des pêcheurs en prennent de grandes quantités ; ils vivent surtout sous les pierres et sous les rochers. Le plus souvent on les mange cuits ; quelques marins se contentent de les faire griller dans la cendre avec leur coquille, et ils arrachent ensuite l'animal avec une épingle. L'HALIOTIDE 43 Dans la Manche, on vend ordinairement mélangés les Zizvphinus sous le nom d'Eplisses, avec les Caragolus sous celui de Brelins, à raison de 20 centimes le demi-litre. Sur le marché de Marseille, la poignée de Biou roud se donne au prix bien modeste de 5 centimes. Quelques Troques dansla bouillabaisse ne font, dit-on, jamais de mal. On les voit également sur les marchés de Livourne, de l’Adriatique, d'Alger, d'Oran, de la Belgique, de la Hollande, etc. L'HALIOTIDE (genre Haliotis). — L'Oreille de mer, l'Ormier, l'Ormeau; Aurijo de san Pierre (Provence) ; Silieu, Sixyeux (Normandie); Mhara imperiala (Maltais). Comme son nom l'indique, l'Haliotide a une co- quille aplatie, en forme d'oreille, percée d'une rangée de trous suivant une ligne qui avoisine un des bords; sa face externe est plus ou moins ridée ; de là les deux es- pèces : Haliohis luberculata et H. lamellosa; sa couleur est d'un gris roux et terne, sa face interne, celle contre laquelle s'applique l'animal est au contraire tapissée d’une nacre aux plus chaudes couleurs; sa longueur varie de 60 à 80 millimètres (fig. 19). Les Haliotides vivent dans toutes nos mers et y sont même assez communes ; pendant le jour elles se tien- nent immobiles, plaquées contre les pierres ou les ro- chers, tandis que la nuit elles vont chercher leur pâture à travers les plantes marines ; mais dans l'Océan, elles ont soin de se tenir toujours sous l’eau, ce qui les distingue des Patelles qui peuvent patiemment attendre le retour de la marée. Pour les récolter, il faut battre les rochers et chercher avec une certaine attention, car le dehors de la coquille se confond facilement avec la roche; à l’aide ps "+ 4 Re ec € Pl ner 74 à 44 GASTROPODES MARINS d'un couteau ou d’une lame pointue que l'on glisse entre la coquille et le rocher, on arrive avec un peu d’ha- bitude à détacher délicatement le Mollusque sans le couper. Sa chair, quoiqu'assez coriace, se mange ordinaire- ment crue, surtout lorsque les animaux sont petits. On le trouve sur la plupart des marchés du littoral ; à Mar- seille il se vend souvent 5 centimes pièce. Fi. 19. — Haliotis tuberculata Lin. LES PATELLES (genre Patella). — La Jambe, le Bernie ou Bernicle, le Béni, le Bénicle, le Ran, l Œiül de Bélier, l'Œil de Bouc, le Bredin, le Lampot, la Flie (Normandie) : la Lapa (Basses-Pyrénées) ; l’Arapède, l'Arapedo l’Ata- pedo (Provence); Tepelhoedje ou Tepeldovsye (Hol- lande) ; Limped ou Flither (Angleterre) ; Patelli (Italie): Mhara tal furham, Mhara tas samma (Maltais); Napf- schnecken (Allemagne) ; Pantalena (Adriatique). On donne le nom de Patelle à des Mollusques dont la coquille a la forme d'un petit cône extrêmement sur- LES PATELLES 45 baissé et est ouverte sur toute sa base. Le dessus est orné de costulations rayonnantes partant du sommet, et sa coloration est généralement d’un gris terne passant au brun ou au verdâtre ; lé dessous, de couleur très va- riable, est lisse et nacré ; elle mesure de 30 à 40 milli- mètres de diamètre (fig. 20). Fic. 20. — Patella vulgata Lin. On distingue un assez grand nombre de Patelles vivant sur nos côtes au niveau du balancement des marées. Notre savant ami, M. le D' G. Servain, en a publié la monographie complète. Toutes vivent appli- quées fortement contre les rochers et les pierres, d’au- tant plus difficiles à en arracher que l'on veut s’y prendre avec elles avec plus de délicatesse. Pour les avoir, il faut glisser rapidement une lame mince sous la té MR 46 GASTROPODES MARINS coquille qui, ne pouvant alors plus faire le vide sous elle, se détache avec la plus grande facilité. Les principales espèces que l’on rencontre sur les marchés sont les suivantes : le Pafella vulgata de la Manche et de l'Océan, qui a un galbe conique assez élevé; il est verdâtre en dehors, et jaunâtre en dedans; sur les côtes de Normandie et dans les îles, il atteint parfois de grandes dimensions. — Le Pañella athletica est de taille plus petite ; son galbe est plus surbaissé; à l'intérieur la nacre est chaudement teintée avec une tache centrale rouge ou jaune et les bords rayés de noir. — Le Patella cœrulea, commun dans la Méditerranée, a un galbe déprimé ; son test en dehors est finement strié; l'intérieur est plus ou moins bleuté. — Le Pafella Lusi- lanica vit également dans la Méditerranée et dans la région aquitanique ; le test en dehors porte des rayons alternativement blancs et roux, de petits points bruns sont disposés en séries sur les rayons blancs. — Le Patella Tarentina de la Méditerranée est très aplati; en dehors ses côtes sont colorées ; en dedans la nacre est jaune et blanchäâtre, avec des rayons bruns; le bord de la coquille est dentelé. | Toutes ces espèces se mangent crues ou cuites; c'est à notre avis un assez médiocre régal; la chair est dure et coriace, et si ce n'était ce petit goût salé qui l’accom- pagne, nous aurions quelque peine à comprendre qu'elle trouve tant d'amateurs pour être mangée crue, séance tenante ! Cuite ou bouillie elle est moins indigeste ; dans le Midi on l'ajoute très souvent à la bouillabaisse. En Bretagne on en fait un potage qui jouit, dans quelques localités, d'une certaine célébrité. En d’autres pays, après les avoir fait blanchir à l’eau bouillante et les avoir con- GASTROPODES EXOTIQUES 47 venablement salées, on les fait confire dans l'huile pour être servies comme hors-d'œuvre. On trouve des Patelles sur tous les marchés du lit- toral. Le prix varie suivant les localités. A Cherbourg les Flies se vendent à raison de 10 à 15 centimes la mesure d'un demi-litre. A Bordeaux ce prix s'élève à 20 centimes ladouzaine ; à Marseille il n’est plus que de 10 à 15 centimes la douzaine. La Patelle peut être diffi- cilement transportée. C'est surtout sur place qu'on la consomme. On en trouve sur les marchés de Livourne, de Naples, d'Alger, de Bône, etc. GASTROPODES EXOTIQUES. — La liste des Gastropodes comestibles à l’étranger est encore à faire ; le nombre en est certainement considérable. Nous ne citerons donc ici que les espèces les plus importantes. Parmi les Opistobranches, nous indiquerons seulement une espèce, le Dolabella Teremiti, de Rang, qui, d'après Lesson, se mange à Taiti. Dans la famille des Cypræidæ, plusieurs espèces sont comestibles. Le Cypræa tigris Lin., d’après Rumphius, est mangé rôti sur des charbons par la classe pauvre à Java, Madagascar, l'Ile-de-France, etc. — Dansles Y’olu- tidæ, le Cymbium Æthiopicum est mangé par les Éthio- piens; ils font griller la coquille avec son animal sur des charbons, consomment le Mollusque et se servent de sa coquille pour puiser l’eau dans leurs canots. Certains Cônes sont comestibles ; Rumphius affirme que plusieurs espèces sont utiles à l'homme comme aliment; il en serait de même du frai du Cône marbré (Conus marmo- ratus) qui, par son aspect, $Simule un écheveau de fil emmêlé. Ce frai est blanc et rougeñtre, cartilagineux et bon à manger ainsi que l'animal qui le produit. AB GASTROPODES MARINS La famille des Doliidæ est représentée en Europe par une grande et belle espèce, le Dolium perdrix, appelé aussi Tonne ou Casque. On le vend fréquemment sur le marché de Bône; malgré la cuisson, nous écrit le D' Hagenmüller, sa chair est toujours coriace. Dans Ja même famille, une grande Pyrule est recherchée par les insulaires des îles océaniennes; le Pyrula paradistaca se vend sur le marché de Suez. Dans les Fasciolariidæ, il existe également une espèce comestible en Océanie; le Fusus colosseus est mangé par les Chinois du littoral. — Parmi les Muricidæ nous signalerons : le Murex erythrœus et plusieurs autres formes que l’on vend sur le marché de Suez; le Rapana ‘Bezoar et le Purpura luteostoma, comestibles sur le littoral de la Chine; le Concholepas Peruviana mangé au Chili. — Dans les Fusidæ, le Neptimia antiqua se mange à Ostende, où il est apporté par des pêcheurs français. — Dans la famille des Sfrombidæ, nous indi- querons : le Sfrombus fricornis vendu au marché de Suez ; le Sfrombus Lubuanus mangé par les Calédoniens ; le Sfrombus gigas où Lambis, comestible à la Marti- nique et à la Guadeloupe; Rumphius rapporte qu'à Amboine les Strombes servent à l'alimentation des indi- gènes et quel'ingestion de ces Mollusques donne au corps une odeur de fauve des plus désagréables. Dans la même famille le Pferocera fruncula est comestible en Asie. La famille des Naficidæ renferme quelques espèces assez bonnes. Déjà nos Natices européennes, quoique fort coriaces, sont cependant comestibles. Plusieurs Natices, Nérites (fig. 21) ou Néritines, se mangent en Océanie. Le Sigaretus Grayi, d'après M. Tremeau de Rochebrune, est comestible au Pérou. NRA T0 PR Ces: * FE GASTROPODES EXOTIQUES 49 Dans la famille des Twrbinidæ nous signalerons comme espèces comestibles : le beau Turbo chrysostomus, à la Nouvelle-Calédonie ; le Turbo niger, au Chili ; le 7rochus pica, vendu sur les marchés de la Martinique et de la Guadeloupe ; le Trochus Niloticu$, à la Nouvelle-Calé- donie ; on vend également plusieurs Troques sur les marchés de Suez et d’Aden; le Chrysostomus afer, au Pérou, etc. # Fic. 21. — Nerita polita Lin. Un Capulidæ, le Crypla Peruviana se mange au Perou. — Deux Fissurelhidæ, les Fissurella concinna et F. Cumingi, sont également comestibles dans le même pays. — Adanson rapporte qu au Sénégal les indigènes boucanent la chair des Haliotides, la font sécher au soleil et la vendent aux gens de l'intérieur des terres qui la font cuire avec de l’eau, du riz ou du mil. Presque toutes les grandes espèces de la famille des Patellidæ peuvent se manger : O. Schmidt dit que les habitants de la Terre de Feu se nourrissent presque exclusivement de différentes espèces de Patelles; à la Nouvelle-Calédonie, on consomme le Pafella testudi- naria et, au Pérou, le Tectura viridula. — Enfin on mange les Siphonaria dans plusieurs îles de l'Océanie. A. Locarp, Les Huitres. 4 50 GASTROPODES TERRESTRES ET D'EAU DOUCE GASTROPODES TERRESTRES ET D'EAU DOUCE Les Gastropodes qui vivent en France dans les eaux douces comme les Limnées, Planorbes, Physes, Vivipa- res, etc., ne présentent aucun intérêt pour nous, car nous ne croyons pas qu'on en ait jamais mangé ; leur chair est fade et de mauvais goût ; quelques-uns de ces Mol- jusques, comme. les Limnées, sont infestes de parasites, et nous n'engagerons personne à en consommer sans les avoir préalablement fait vivre pendant un temps assez long dans des eaux fraiches et pures pour les débarrasser en partie de leur mauvais goût, et surtout sans les faire cuire pour détruire tout germe nocif. Mais en revanche les Mollusques terrestres, et parmi eux les Escargots, jouent un rôle important dans la con- sommation journalière des grandes villes et des campa- gnes. Avant d'en parler, disons un mot des Mollusques nus dont on a jadis quelque peu abusé, et que 72 absorbe encore dans bien des pays. Les Limaces (genres Arion, Limax, Testacella, etc). — Sous le nom de Limaces on confond non seulement un grand nombre d'espèces, mais même plusieurs genres différents. Chez les Arion, il n'existe à l'intérieur aucune coquille, c’est à peine si l’on découvre quelques granu- lations ; le dessus de la peau est très rugueux. Tout le monde connaît la Limace rouge (Arion rufus Lin.), quoiqu il y en ait de toutes les couleurs (fig. 22). — Les Limax ont à l’intérieur une petite coquille rudiment taire, une sorte d'osselet grand comme l'ongle ; le dessus de leur peau est chagriné, mais non rugueux; telles son- LES LIMACES 51 les nombreuses Limaces grises qui font tant de ravages dans nos jardins. — Enfin les 7esfacella, déja mieux organisées, possèdent une petite coquille également rudi- LIN = LA SN Æ = SSI FiG. 22. — La Limace rouge { Arion rufus Lin.). mentaire, mais alors externe; contrairement aux Arions et aux Limaces, ils sortent surtout la nuit pour faire la chasse aux vers de terre dont ils sont tres friands (fig. 23). Au point de vue horticole, nous dirons qu'il faut faire 52 GASTROPODES TERRESTRES ET D'EAU DOUCE la chasse aux Arions et aux Limaces, mais nous recom- manderons de conserver précieusement les Testacelles. Au point de vue alimentaire nous nous bornerons à dire que tous ces Mollusques ne valent absolument rien ; nous aurons du reste occasion d'y revenir dans notre cha- pitre relatif à l'hygiène. LEs ESCARGOTS (genre Helix). — Voilà un Mollusque particulièrement intéressant et qui mérite de fixer un instant notre attention. Tout le monde connaît l'Escar- got; c'est un Gastropode qui porte avec lui une coquille de forme et de coloration très variable, dans laquelle il peut s’enfermer complètement et se clore avec un oper- cule calcaire ou membraneux. Le mufle ou tête de l'animal porte quatre tentacules; il respire à l’aide de poumons dont l'ouverture débouche dans le collier près de l'orifice anal ; il est androgyne ; deux animaux quoique portant les deux organes génitaux sont néces- saires à lareproduction et donnent naissance à des œufs. Sous le nom spécifique de Zonites, on distingue des Hélices de grande taille, d’un galbe aplati. Les Leucochroa ont le test blanc et calcaire, avec un galbe globuleux. Les Hyalinia ont le test brillant, corne, la spire déprimée et la taille petite; ils ne sont pas comestibles. Enfin les véritables Helix comprennent un grand nombre d’espèces vivant un peu partout, de préférence dans les milieux frais, humides, ombragés, sortant de leur retraite après les pluies du printemps et de l'automne. Les principales espèces comestibles en France sont les suivantes : Zonites Algirus. — Grande et belle coquille déprimée avec le dernier tour arrondi, l'animal noirâtre. Cette espèce vit dans le Midi et est particulièrement répandue PE À lb) Fe à LES ESCARGOTS 53 aux environs de Montpellier ; elle mesure de 50 à 60 mil- limètres de diamètre. Quoiqu'on la mange dans bien des localités, nous ne la recommanderons pas, ses mœurs n'étant point tou- jours absolument irréprochables au point de vue de la propreté. On la désigne parfois sous le nom de Peson. .Leucochroa candidissima. — Coquille de petite taille, d’un galbe globuleux ne mesurant pas, dans nos pays, plus de 10 à 15 millimètres de hauteur, mais devenant le double plus grande en Algérie; son test est blanc et d’un aspect calcaire. Il vit exclusivement dans le Midi, dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et dans la Provence, sur les rochers et les vieux murs. Les paysans le mangent grillé. Helix aperta. — Coquille globuleuse munie d’une très grande ouverture fermée en hiver par un opercule cal- caire blanc; la coloration de la coquille est d'un brun verdâtre; on la trouve en Provence, dans les vignes et les terres labourées; à Marseille on la désigne sous le nom de Tapado. Au point de vue comestible, c'est l'espèce la plus esti- mée dans le Midi; elle se vend de 50 à 60 centimes le cent; on la mange bouillie avec l’aioli, ou en ragoût, avec des épinards, ou bien encore à la ravigote. Elle commence à se faire déjà un peu rare. Helix aspersa. — Le Limat, Limaçon; le Cagouille (Bor- delais); Tapado (Provence); Carago (Marseille). — Cette espèce (fig. 24) est de taille plus grande et surtout avec la spire plus haute que les espèces précédentes ; elle me- sure 30 à 35 millimètres de hauteur; elle a un fond gris ou jaunâtre, tigré ou chagriné de brun; c’est une des es- pèces les plus communes et les plus répandues en France. & MES SAT 54 GASTROPODES TERRESTRES ET D'EAU DOUCE L'Helix pomatia où Escargot de Bourgogne (fig. 25), est le plus gros de nos Escargots de France ; il mesure suivant les pays, de 40 à 50 millimètres de hauteur; la coquille Fic 24. — H:lix aspersa Mull. d’un roux clair avec ou sans bandes plus marquées. On le trouve surtout dans le centre et dans l’est de la France; il ne dépasse pas trop la Garonne; on le rencontre dans les champs, les vignes, les jardins, et pendant l'hiver il s’enterre plus ou moins profondément après s'être enfermé sous son opercule calcaire. À côté de cette Fic, 25 — Helix pomatia Lin. espèce nous signalerons une forme voisine, l’Helix pyrgia Bourg, qui s’en distingue par son galbe plus élancé et qui constitue des colonies bien distinctes. L'Helix melanostoma, appelé Terrassier en Provence, ne Cu 4 LES ,ESCARGOTS 55 mesure plus que 22 à 25 millimètres de hauteur et a un galbe bien globuleux; son test assez épais est d’un gris terne tandis que l'ouverture est d’un brun presque noi- râtre. Cette espèce se rencontre surtout en Provence où elle est très estimée (fig. 26). Fic. 26. — Helix melanostoma Drap. L'Helix vermiculata, le Limaçon ou Mourgueta du Midi, a une forme déjà un peu déprimée; il mesure 22 à 25 millimètres de hauteur pour 30 à 32 de diamètre; son test d’un fond blanc est comme vermiculé de gris ou de brun, uni ou sans bandes transversales distinctes. On le rencontre surtout dans les champs et les vignes de la France méridionale. L'Helix apalolena, avec Son ouver- ture bien noire, est une forme voisine que l’on ne trouve encore que dans les Pyrénées-Orientales et dans l'Aude. Helix nemoralis. — Coquille globuleuse, dont la taille, suivant les pays, varie de 12 à 25 millimètres de hau- teur; son test est de couleur jaune, rouge, grise ou vio- lacée, tantôt monochrome, tantôt avec une à cinq bandes transversales plus ou moins larges et presque noires. On la trouve dans presque toute la France, mais principale- ment dans la France centrale. Dans le même groupe nous signalerons trois autres espèces voisines, égalementcomestibles : l’A. subaustriaca / 56 GASTROPODES TERRESTRES ET D'EAU DOUCE au test plus strié et à ouverture plus arrondie; l’H. bor- tensis, de taille plus petite et d'un galbe encore plus glo- buleux; l’H. sylvatica, qui ne vit que dans l'Est et dont le test est encore plus strié et l'ouverture plus petite. Helix Pisana. — Coquille globuleuse à test un peu mince de couleur rousse avec l'ouverture rose, ornée le plus souvent d'un grand nombre de cordons transver- saux plus ou moins étroits. Cette espèce se trouve dans les haies, dans les jardins et est très commune dans le Midi; on la désigne parfois sous le nom de Mouriguette. Helix cespitum.— Enfin sous ce nom on distingue une coquille très déprimée, largement ombiliquée, à ouver- ture arrondie, de couleur grisâtre avec ou sans bandes brunes; près d'elle prennent place un certain nombre de formes affines que bien des personnes confondent ; toutes ces espèces vivent dans le Midi, et sont du reste moins appréciées que celles qui précèdent, au point de vue culinaire. On voit par le nombre des espèces que nous venonsde citer, combien facilement peuvent être approvisionnés nos marchés; le Nord, le Centre et le Midi ont leurs es- pèces privilégiées; mais c'est surtout l'Helix pomatia et l'H. aspersa qui voyagent le plus et se répandent sur les marchés de la France entière. Le prix de vente est extrêmement variable. A Paris, à Lyon, à Rouen, l’Helix pomatia brut se vend de 40 à 60 centimes la douzaine; une fois préparé son prix aug- mente nécessairement suivant les soins apportés. A Bor- deaux il vaut 5 centimes pièce, tandis que l’Helix aspersa se vend 40 à 50 centimes le cent, et les Helix nemoralis, bortensis, etc., 15 à 20 centimes le cent également. A Marseille et à Nice, on vend l’H. aperta 50 à 60 centimes LES ESCARGOTS 57 le cent, tandis que l’H. aspersa ne vaut plus que 25 à 30 centimes et les autres espèces 10 à 15 centimes. Les Hélix ne se mangent jamais crus, ou du moins c'est par exception qu'on a la déplorable habitude, dans certains pays quelque peu arriérés, d'en faire avaler à de pauvres malades. Mieux vaut en effet manger l’Hélix cuit et bien cuit pour le débarrasser des parasites qu'il renferme presque toujours. La première des conditions pour consommer des Escargots, c'est de les faire sortir de leurs coquilles ; or cette opération ne peut se faire que lorsque l’animal a été suffisamment cuit. Bien souvent dans nos campagnes, les paysans se con- tentent de faire griller l'Escargot sous les cendres après l'avoir préalablement fait jeûner quinze jours ou trois semaines ; ils mangent alors réellement de l'Escargot, tandis que nos raffinés des grandes villes, sous prétexte d'améliorer la chose, ne savent plus du tout ce qu'ils dégustent. Les Escargots au sortir des dépôts sont jetés dans une bassine d’eau bouillante mêlée souvent d'un peu de cendre tamisée, et y cuisent à grande eau; une fois sortis de leur demeure, on les égoutte ou on en remet une partie plus on moins considérable dans la coquille ou dans celle du voisin, cela importe peu ; on clôt alors l’ensemble d’un mélange de beurre frais mêlé à du per- sil, de l’ail, de la ciboule, de l'échalotte, etc.; les vrais gourmets y ajoutent de menus morceaux de truffes et de champignons. Le tout porté sur un gril est servi bien chaud; vous absorbez ainsi un peu d'Escargot avec beau- coup d’autres choses, et c’est bien là le cas de dire que la sauce fait avaler le poisson. On fait une grande con- sommation de ces Mollusques, mais quant à dire que c'est là un mets réellement bon, c’est autre chose; dans RE RAT EE : Po na DS de 58 GASTROPODES TERRESTRES ET D'EAU DOUCE tous les cas, puisse la première douzaine que vous absor- berez vous être legère ! Gastropodes terrestres et d'eau douce exotiques. — Dans tous les pays de l'Europe on mange des Escargots; nous n’en ferons pas ici la nomenclature, cela nous entraîne- rait trop loin; toutes les espèces un peu grosses sont comestibles et se vendent sur les marches; c’est surtout dans le Midi que l’on en fait une plus grande consom- mation. En Italie, en Espagne, en Portugal, en Algérie il se fait journellement sur les marchés une vente consi- dérable d'Escargots de toutes sortes. Bien entendu on les accommode suivant les goûts du pays; en Italie, par exemple, l'huile remplace le beurre, et les épices et condiments de toutes sortes ne font pas défaut. En dehors de l’Europe, on mange également des Hélix. L'Helix Cambodjiensis au pays de Mois, l'H. Ghies- breghti au Guatemala; l’H. achañina dans une grande partie de l'Afrique. Mais dans quelques pays on rencontre des Bulimes ou P/acostylus dont la taille dépasse celle de nos plus gros Hélix et qui sont comestibles ; c'est ainsi que le Bulimus ovatus se vend sur le marché de Rio-Janeiro, et que la plupart des beaux Placostylus de la faune calédonienne sont mangés par les naturels du. pays. Plusieurs Gastropodes d'eau douce sont également utili- sés pour l'alimentation à l'étranger. Les Paludina malleata et P. Japonica se mangent au Japon.— Le Nerifina punc- tulata, que l'on rencontre dans presque tous les ruisseaux et torrents des petites Antilles, se consomme à la Mar- tinique et à la Guadeloupe. — Le Sepfaria porcellana est mange par les malades et même par les personnes bien portantes à l'Ile-de-France. — Les nègres de la Guade- se ÉPS'ESCARGOTS 59 loupe recherchent l’Ampullaria effusa, qui, convenable- ment préparé, cuit au beurre et arrosé de citron con- stitue un mets délicat. EN — — GA — Limicolaria Adansoni Pfeiff. Fic. 27. Le Novicella Cumingi sert à la nourriture des nègres à l'île Bourbon. Ouelques Achatines, comme le Limicolaria Adansoni, sont mangés grillés sur les charbons par les Africains (fig. 27). ae D UE CREER TT MR 60 ACÉPHALES MARINS ACÉPHALES MARINS Les Acéphales ou Lamellibranches sont tous caractérisés par l'existence d'une coquille externe composée de deux valves qui enferment l'animal. Suivant que ces valves sont plus ou moins closes, comme chez les Vénus, les Tapès ou les Huîtres, l'Acéphale une fois hors de son élément pourra être transporté au loin et se conserver assez longtemps. Les espèces des genres Pholas, Solen, Mytilus, elc., dont la coquille présente au contraire une certaine solution de continuité, devront être consommées sur place, si on veut les manger bien frais. L'animal des Acéphales n’a point de tête, ce qui ne l'empêche pas d’avoir des yeux diversement placés, au moins pour quelques espèces. La respiration se fait par des branchies, de là le nom de Lamellibranches qu’on leur donnait jadis. Au point de vue de la génération, la plu- part sont hermaphrodites, mais presque toujours cet her- maphrodisme est incomplet ; ils donnent ordinairement naissance à des œufs qui restent un certain temps entre les valves ou pénètrent dansles feuillets branchiaux avant d'être expulsés en dehors. Leur chair est généralement plus tendre et plus délicate que celle des Gastropodes. Un grand nombre de ces Mol- lusques est utilisé pour l’alimentation de l’homme. LES PHOLADES (genre Pholas). — Le Gite, la Datte blanche ; le Dail (Bordeaux) ; Dattilo (Adriatique) : Thamel abiod (Maltais); Bohrmuscheln (Allemagne). Ce genre renferme deux espèces comestibles : le Pho- LES PHOLADES Gi las dactylus, coquille allongée, étroite et effilée à une de ses extrémités, fortement échancrée dans le bas à l’autre extrémité, avec le test d’un blanc gris terne, orné de stries concentriques un peu rugueuses: sa longueur IR ADD TRE LE" 4 1 AN la _ | KR \ 4. / Lg; % 1 11 FT UT GIE Q Le UN M “le Fic. 28. — Pholas dactylus Lin. varie de 110 à 115 millimètres. Le Pholas candidus est toujours plus petit, sa région antérieure moins excavée ; le test porte de fines aspérités. Les deux coquilles ont en outre, au voisinage des sommets, des plaques supplémentaires qui complètent la disposition de ses valves. Les Pholades, sans être très communes, vivent cepen- 62 ACÉPHALES MARINS : FE dant dans toutes nos mers, se creusant des retraites dans les plus durs rochers (fig. 28), ce qui en rend la chasse parfois assez difficile, car il faut aller les extirper en brisant la roche à l’aide d'un marteau et d’un ciseau ; mais heureu- sement elles vivent en colonies, de telle sorte que lors- qu'on a découvert un individu, on a grande chance d'en découvrir d’autres dans le voisinage. La chair en est très délicate; c'est un des Mollusques les plus estimés ; on le mange presque toujours cru ; le prix en est assez élevé et atteint fréquemment sur les marchés 3 francs la dou- zaine. Le Pholas dactylus est plus estimé que le Ph. can- diduis. ; Il existe encore d’autres Pholades, de taille plus petite, mais qui ne se vendent pas normalement. En Angleterre, sur les côtes du Devonshire, on fait usage des Pholades comme amorce. | Presque partout c'est un objet d'alimentation recher- ché. Brehm nous apprend qu'on en vend sur les marchés de la Havane. LES SoLeNs (genre Solen). — Le Coutelier, le Manche de couteau, les Coutas ou Coutoyes (Bordelais) ; Cape da Deo, Cape longhe, Tabachine (Adriatique); Manico di coltello (Toscane, Corse); Cannoliccho ferraro et vo- race (Naples) ; Stoce (Maltais) ; Messerscheiden (Alle- mand). On distingue plusieurs espèces de Solen comestibles, toutes ont leurs deux valves très étroites et à bords pa- rallèlement allongés, largement ouvertes à leurs deux extrémités : le Solen vagina (fig. 29) a sa coquille d'un blanc jaunâtre; on le reconnait à un sillon en forme de gouttière, qui rétrécit l'ouverture de l'une de ses extrémités, sa longueur est de 110 à 120 millimètres, il & s NAT > LES SOLENS 63 est surtout commun dans l'Océan. — Le So/en ensis est un peu arqué, avec une coloration violacée; sa longueur varie de 90 à 100 millimètres, il est plus particulièrement répandu dans la Méditerranée. — Le Solen siliqua a la même coloration et le même facies que le S. ensis, mais il est toujours droit et un peu plus large, il est également très répandu dans la Méditerranée. \ \ \ ( (CC 1IihTII (LL WT Fic. 29. — Solen vagina Lin. « Ces Mollusques, dit Forbes, vivent enterrés vertica- lement dans le sable, à l'extrême limite de la mer basse, leur position n'étant indiquée que par un orifice semblable au trou d'une serrure; lorsque la marée descend, ils s'enfoncent plus profondément, pénétrant ainsi souvent à une profondeur d'un ou deux pieds. Ils ne quittent ja- mais volontairement leurs.trous, et, si on les en sort, ils …— senterrent bientôt de nouveau ». Pour les avoir on fait usage d'un long fil de fer recourbé que l’on introduit dans le trou, jusqu’au fond, de manière à passer le cro- Ë .chet sous la coquille, on n'a plus alors qu’à retirer le tout. Avec une pincée de gros sel on les fait également abandonner leur retraite, à moins qu'ils ne s’enfoncent plus profondément, ce qui arrive parfois. La chair des Solens est assez bonne, on en fait grand cas dans certains pays, particulièrement sur les côtes … d'Italie; on les vend sur les marchés de Livourne, de 64 ACÉPHALES MARINS Venise, de Gênes, etc. ; comme goût on peut rapprocher la chair des Solens de celle des Moules sauvages. | On les mange également sur les côtes de l'Océan, tan- tôt crus, mais le plus souvent grillés ou bouillis ; en Orient les Solens accompagnent souvent le classique pilaf, soit seul, soit accompagné d’autres Mollusques. On les vend en Normandie et à la Rochelle de 15 à 20 centimes la douzaine. Les MyEes (genre Mya). — La Betja (Charente); la Clanque (Arcachon) ; Solft Clam (Amérique); Strandga pen (Néerlandais); Peerdekul (Flamand). On distingue trois espèces de Myes comestibles sur les côtes de France : Mya truncata Lin., coquille de grande taille, d'un galbe ovalaire, tronquée à une de ses extrémités, test d'un jaune roux, avec les valves bäil- lantes aux deux bouts; sa longueur peut varier de 50 à 55 millimètres pour une hauteur de 38 à 40 millimètres. — Mya arenaria Lin., coquille de taille plus grande, atteignant de 65 à 70 millimètres de longueur, pour 40 à 45 millimètres de hauteur, d’un galbe régulièrement ova- laire. — Mya elongata Loc., coquille de même taille, mais d'un galbe notablement plus allongé. Tous ces Mollusques vivent dans les fonds sablonneux ou même un peu vaseux, recherchant de préférence le voisinage des cours d’eau douce; on les pêche à marée basse, quoiqu'ils vivent souvent à de plus grandes pro- fondeurs. La pêche se fait à la main, à l’aide de fil de fer à cro- chet, comme pour les Solens, ou mieux encore à la bèche ; enfouis dans le sol, ils laissent à la surface une petite : protubérance qui décèle leur présence et que l’on va fouiller à l’aide de cet instrument. En) PQ h : SR PP LES LUTRAIRES 65 Leur chair est blanche et d’assez médiocre qualité; sur les bords de l'Océan on les mange bouillis. Les Myes ne vivent que dans la Manche et sur les côtes de l'Océan, et encore le Mya fruncata ne descend-il pas beaucoup au-dessous des côtes de la Charente. En re- vanche ces formes remontent dans les mers du nord et s'étendent jusque sur les côtes d'Amérique où elles sont l’objet d’un commerce considérable. Sur nos côtes, on les trouve aux marchés de Brest, Lorient, La Ro- chelle, etc. M. A. Granger nous écrit qu’on en expédie de grandes quantités des côtes de la Charente-Inférieure sur le marché de Bordeaux où on les vend de 30 à 40 centimes la douzaine. LES LUTRAIRES (genre Lufraria). — La forme des Lutraires présente quelques analogies avec celle desMyes; mais à l’intérieur les dents situées sous le sommet sont absolument différentes ; chez les Myes, il n’y a qu'une seule dent plate et très saillante, sur une des valves, tan- _ dis que chez les Lutraires chacune des valves a deux dents. On distingue deux espèces : le Lufraria oblonga dont le galbe est elliptique allongé, retroussé et bien bäillant à ses deux extrémités, mesurant de 120 à 150 mil- limètres de largeur pour 70 de hauteur; son test est gris roux avec un épiderme gris fauve. — Le Lufraria ellip- tica est d'un galbe plus étroitement allongé et non rostré à une de ses extrémités, sa taille est généralement plus petite, et sa coloration un peu rosée avec un épiderme brun. Ces deux espèces vivent sur tout le littoral français, mais elles sont beaucoup plus communes dans la Manche et surtout dans l'Océan que dans la Méditerranée. On _ les rencontre dans les fonds vaseux des estuaires où elles Locarp, Les Huitres, 5 Fe HER 229 ST PL CUS w Fe k U à 66 ACÉPHALES MARINS s'enfoncent verticalement. On les pêche comme les Myes et les Solens, mais de préférence avec la bêche. Leur chair est de qualité très médiocre, elle conserve sou- vent le goût de la vase dans laquelle elle vivait; mais sans nul doute elle serait susceptible de s'améliorer par des parquages. Sur les marchés on les confond bien souvent avec les Myes. A plusieurs reprises nous en avons vu arriver sur les marchés de Paris et même de Lyon, où elles étaient encore très fraîches, malgré le long parcours qu’elles avaient dû subir. On les mange surtout dans la région armoricaine et jusque sur les côtes du Boulonnais. Les MACTRES (genre Mactra). — Cocchiolo junca (Sy- racuse); Quaquiglie (Italie). Les Mactres sont des coquilles de taille moyenne, d'un galbe ovalaire peuallongé, presque subtriangulaire isocèle. La charnière sur chaque valve se compose d’une dent triangulaire bifide en forme de V renversé, accompagnée de lamelles latérales saillantes. On en distingue plusieurs espèces dont les plus importantes sont les suivantes : Mactra stultorum Lin., d’un galbe trigone, avec les sommets peu renflés et les valves peu bombées, d’une teinte blanche ou violacée, brillante; sa largeur est d’en- viron 50 millimètres pour une hauteur de 45 millimètres. — Mactra lactea Gmel., d'un galbe elliptique, avec les sommets et les valves très bombés, de taille plus forte et de même coloration. — Mactra helvacea Chemn., d'un galbe beaucoup plus déprimé, mesurant environ 30 millimètres de largeur et 55 de hauteur; son test est ordinairement de teinte jaune avec quelques rayons vio- lacés peu distincts. Rs. LES DONACES 67 Ces trois espèces vivent sur toutes nos côtes; mais le Mactra belvacea est plus commun dans l'Océan; en re- - vanche le M. Jactea domine dans la Méditerranée. Elles recherchent de préférence les plages sablonneuses, où elles s’enfoncent à de faibles profondeurs; elles se dé- placent assez facilement quand le milieu ne leur convient pas; pour se mouvoir elles s'appuient sur leur pied qu elle font sortir de la coquille et s’en servent comme d'une béquille. Leur chair est d’assez médiocre qualité; - on la mange cependant un peu partout. Le Macira bel- vacea se vend sur le marché de Bordeaux à raison de 10 centimes la pièce. Les autres Mactres se vendent sur les côtes de la Méditerranée, à Cette, Marseille, Li- vourne, Gênes, Syracuse, Alger, Bône, etc. On les consomme crues ou cuites. LES DONACES (genre Donax). — Petite Clovisse, Hari- cot de mer, Olive (sud-ouest); Tenille (Provence); Fasiola (Italie); Tonninola (Adriatique); Cadellinha (Portugal). Les Donaces sont de petites coquilles toujours faciles à reconnaitre à leur galbe triangulaire aplati, transverse et plus ou moins allongé, au test lisse et brillant; leurs valves sont toujours bien closes. On en distingue plu- sieurs espèces : Donax politus Poli, d’un galbe bien al- longé, avec le test jaunâtre, parfois avec des rayons blancs; il mesure 25 millimètres de longueur et 12 de large. — Donax trunculus Lin., d'un galbe beaucoup plus court et toujours très haut. — Donax anatinus Lamck., très voisin du précédent, mais plus allongé, tous deux de coloration très variée. — Donax Semi- striatus Poli, orné de stries transversales très fines qui n'existent pas chez les autres espèces, mais s'arrêtent vers le milieu de la coquille. 68 ACÉPHALES MARINS Les Donaces sont très communes sur nos côtes. Le D. politus vit surtout dans la Manche et dans l'Océan; le D. frunculus ne se trouve guère que dans la Médi- terranée ; les D. anatinus et semistriafus se rencontrent un peu partout. Elles se plaisent dans les sables fins, au niveau de la basse mer, et s’enfoncent à de faibles profondeurs ; au-dessus de leur retraite on distingue un petit monticule qu’accompagne un étroit sillon. «C'est aux premières lames de la marée montante qu’elles sor- tent pour S'enfoncer de nouveau par saccades et avec une rapidité qui étonne l'observateur. » (Granger) On en vend sur tous les marchés, à la mesure dans le Nord, à la douzaine dans le Midi; son prix, suivant la grosseur, varie de 15 à 20 centimes. M. le D' Hagen- müller nous écrit qu’on en vend chaque matin des quantités considérables à Bône; nous en avons égale- ment vu beaucoup à la poissonnerie d'Alger. C'est un petit Mollusque assez agréable à manger cru, à la condition que ses valves ne retiennent pas trop de sable; son goût fin et delicat rappelle celui de la Clo- visse. LES PSAMMOBIES (genre Psammobia). — Petits Cou- teaux. Une seule espèce est comestible, le Psammobia ves- pertina; sa forme présente quelque analogie avec celle des Solens, mais elle est beaucoup plus courte et plus haute; il mesure 50 millimètres de longueur pour 30 de hauteur; sa coloration est d’un fond blanc avec des rayons roses ou violacés ; on le trouve sur toutes les côtes, s'enfonçant à de faibles profondeurs dans le sable. On le mange parfois sur les côtes de Provence. Sa chair n'est cependant pas très bonne; il est plus apprécié en Italie, en Sardaigne et sur les côtes de l’Adriatique. LES CYTHÉRÉES 69 Le SCROBICULAIRE (genre Serobicularia). — Lavignon; Lache (Trieste); Caparossole dal scorzo sotil (Venise). Une seule espèce de ce genre est comestible en France, le Scrobicularia piperata Gmel., qui vit sur toutes nos côtes. C’est une coquille aux valves presque closes, d'un galbe ovalaire et déprimé, d’un blanc jaunâtre, orné de stries concentriques assez fines; sa largeur est d'environ 40 millimètres pour une hauteur de 30. «Ce Mollusque, dit Montagu, vit enfoncé verticalement à 12 ou 15 cen- timètres de profondeur sous la vase des estuaires qui subissent l'influence des marées »; c’est en effet surtout sur les côtes du sud-ouest qu’on le rencontre: sa chair a un goût un peu épicé qui n'est pas apprécié par tout le monde; malgré cela on en fait, dans certaines loca- lités, une grande consommation. C’est une espèce qui gagnerait sans doute à être cul- tivée; on la vend à Bordeaux à raison de 50 à 60 cen- times le cent. En Italie, sur les bords de l’Adriatique on l'apprécie davantage; peut-être aussi y est-elle meilleure. On en fait dans le Triestois une soupe, paraît-il, fort agréable. Les CYTHÉRÉES (genre Cyfherea). — Le grand Cytherea chione Lin. est la seule espèce comestible de ce genre sur nos côtes; sa coquille épaisse et luisante d’un blanc fauve roux, avec quelques rayons plus foncés, est d’un. galbe ovalaire régulier, avec ses bords non bâillants; elle mesure 80 millimètres de largeur pour 65 de hauteur. On la rencontre sur le littoral océanique et surtout dans la Méditerranée dans les fonds sablonneux; c’est une des belles coquilles bivalves de notre littoral (fig. 30). Sa chair, quoique un peu dure, est assez bonne; c'est peut-être encore une espèce qui gagnerait à être culti- e 70 ACÉPHALES MARINS vée. On la mange sutout dans le Midi où elle devient plus tendre; malheureusement elle se plaît trop souvent à d'assez grandes profondeurs d’où il est assez difficile de la ramener. | (/ | ( \K D) AC | | \ / | Fic. 30. — Cytherea chione Lin. a, bord antérieur; b, bord postérieur; c, sommet; d, bord ventral; mm',; im- pressions musculaires ; #, sinus palléal accusé par la rétraction des siphons. Le D' Senoner dit que, dans l’Adriatique, elle est très recherchée à cause du goût délicat de sa chair. On la mange également dans le sud de l'Italie sous le nom de Fasolara, et sur les côtes d'Algérie. On la consomme crue ou encore mieux cuite. Cette différence de goût dans la chair d’une même espèce, suivant les milieux qu'elle ha- bite, démontre tout le parti que l’on peut en tirer pour la domestication dans un milieu convenable. LEs VÉNUS (genre Venus). — Ce genre renferme deux espèces importantes pour la consommation : La Praire (Venus verrucosa Lin.). — Vénus à ver- rues ; lou Prairé, lou Praïré double (Provence); Cocciola riccia (Messine); Tartufolo (Naples); Caparozzolo (Adria- LES VÉNUS 71 tique); Gandoffla (Maltais). Cette espèce a une coquille épaisse, d’un galbe arrondi, avec les valves bien closes; le test estorné de lames concentriques élevées qui s’épais- sissent et forment sur un des côtés des nodosités verru- queuses; sa coloration est d’un roux plus ou moins foncé; son diamètre varie de 35 à 45 millimètres, elle est cependant un peu plus large que haute; elle atteint parfois de 50 à 60 millimètres (fig. 31). Fic. 31. — La Praire (Venus verrucosa Lin.). La Praire vit sur toutes nos côtes et elle est partout comestible; mais c’est surtout sur les côtes de Provence que, trouvant un milieu qui lui convient mieux, elle at- teint ses plus grandes dimensions en même temps que la qualité de la chair s'améliore encore davantage. Ce Mollusque se plaît sur les fonds sablonneux ou même un peu vaseux dans lesquels il s'enfonce en tenant toujours ses siphons dirigés vers l'orifice de sa demeure; on le trouve depuis le niveau de la basse marée jusqu'à deux cent cinquante mètres de profondeur. Dans la Manche et dans l'Océan on le prend à marée basse; dans la 72 ACÉPHALES MARINS Méditerranée on le pêche soit à la main, soit à l'aide d'une petite pelle recourbée portée par un long manche. La chair de la Praire est extrêmement délicate, et lors- que l'animal a été convenablement parqué ou qu’il a vécu dans un milieu qui lui convenait particulièrement, elle est de telle qualité qu’elle peut lutter avec les meil- leures Huïîtres. Dans toute la Provence on en fait une grande consommation; la pêche locale ne peut y suffire ; aussi fait-on venir la Praire de fort loin, de l'Océan et de l'Algérie; comme ses valves se ferment hermétiquement, ce Mollusque peut parfaitement se déplacer sans trop souffrir de la longueur du voyage. On trouve la Praire non seulement sur tous les mar- ches du littoral, mais il n’est pas rare d'en voir dans les grandes villes du Midi, Montpellier, Toulouse, Bor- deaux, etc. ; elle remonte même jusqu'à Lyon; on en vend aussi, mais assez rarement aux halles de Paris. Le prix de vente en est extrêmement variable. Dans la Manche, à Vire ou à Cherbourg, la douzaine de Praires vaut 40 centimes; à Marseille et à Nice, suivant leur grosseur, on les vend depuis 60 centimes jusqu'à 2 francs et 2 fr. 50 la douzaine. Ces dernières se débitent sous le nom de Praires de La Réserve, quoique bien souvent elles viennent de n'importe où. Le plus ordinairementon mange la Praire crue, comme l'Huitre. La Fausse Praire (Venus gallina Lin.), Vénus poule; Lupino (Naples); Bibarazza (Adriatique), etc. — Le V’enus gallina est de taille plus petite, et d'un galbe en- core plus arrondi; souvent sa hauteur égale sa largeur et varie de 35 à 40 millimètres ; le test également très épais est orné de côtes concentriques irrégulières, peu élevées, % LES DOSINIES 73 nonnoueuses, mais s'entrecroisant souvent. On le trouve sur les côtes de l'Océan, mais surtout dans la Méditerra- née; ses mœurs sont très sensiblement celles de la Praire. Sa chair, quoique assez bonne, ne vaut cependant pas celle du Venus verrucosa ; on le vend cependant sur tout le littoral méditerranéen où il se mange cru. Dans l’Adriatique on fait une grande consommation de cette espèce. D'après le D' Senoner, on l’expédie souvent dans la Romagne, où les habitants en font une excellente soupe. Cependant sur la côte occidentale de l'Italie, elle est certainement moins appréciée que la Praire. LES DOsINIES (genre Dosinia). — Petite Vénus, Caca- sangue (Italie). Les Dosinies ou Artémis appartiennent également à la famille des l’eneridæ ; on en distingue deux espèces plus particulièrement communes : Dosinia exoleta Lin., d’un galbe circulaire déprimé, avec des stries concentriques, fines et irrégulières, la coloration d'un roux clair avec quelques rayons rougeûtres, le diamètre variant de 35 à 40 millimètres. — Artemis lincta Pult., de taille plus petite et orné de stries beaucoup plus fines et beaucoup plus rapprochées, d'une teinte blanche un peu bril- Jante. La première de ces espèces vit sur toutes nos côtes, la seconde est plus particulièrement méditerranéenne, toutes deux recherchent les fonds sablonneux un peu vaseux où elles s’enfoncent de 15 à 20 centimètres. Elles ne sont pas rares sur les marchés méditerranéens, parti- culièrement à Cette où on les vend confondues ensemble. Leur chair est assez bonne et rappelle celle du J’enus 74 ACÉPHALES MARINS gallina ou fausse Praire. On la mange également en Italie. Les CLovisses (genre Tapes). — Palourde (Nantes, La Rochelle, Normandie); La Cloouvisso(Provence); Ameijo de Rochedo (Portugal); Caperozzolo del Scorzo grosso (Venise) ; Arsella (Gênes et Livourne); Vongola, Gama- dia (Naples et Tarente) ; Arzella nigra (Maltais). Le genre Tapes comprend, en France un grand nombre d'espèces dont nous avons donné la description dans un autre Mémoire. Toutes ces espèces sont comestibles et se vendent sur les marchés. Nous ne citerons ici que les formes les plus communes. Fic. 32. — La Clovisse (Tapes decussatus Lin.'. Tapes decussatus Lin.; c'est l’espèce la plus grosse et la plus répandue ; son galbe est rhomboïdal, tronque à une de ses extrémités ; le test est orné d'un double ré- gime de côtes longitudinales et transversales qui lui donne un facies treillissé ; sa coloration très variable passe du gris au roux plus ou moins foncé, avec des taches ou des rayons noirâtres ou bruns; elle mesure de 40 à 60 centimètres de long pour 35 à 45 de hauteur (fig. 32). Une autre espèce du même groupe, le T. ex- PP O0 , _— = : LES CLOVISSES 75 . tensus Loc., en diffère par son galbe elliptique allongé, non tronqué à l'extrémité. Tapes pullaster Mont., de taille un peu plus petite, d’un galbe un peu plus allongé et plus régulier que le T. de- cussatus ; ses Stries longitudinales sont bien plus fines, et le test n'est plus aussi treillissé; sa coloration est d'un roux clair, un peu jaunâtre. Dans le même groupe, et avec la même ornementation, nous signalerons le T. pullicenus Loc., dont la taille est plus grande, le galbe plus allongé et plus étroitement ovalaire. Tapes texturatus Lamck., et ses formes affines : 7. Ma- billei Loc., T.nihdosus Loc., T. rostratus Loc., T. Gran- gert Loc., T. petalinus Lamck., etc., coquilles de taille en- core un peu plus petite, mais d'un galbe plus court ou plus renflé, au test d’un roux brun, un peu brillant, tantôt presque lisse, tantôt simplement orné de fines stries concentriques, parfois décoré de flammes, de mar- brures, de zigzags diversement colorés. Tapes Bourguignali Loc., et ses formes affines: 7. bi- color, Lamck.,T.anthemodus Loc., T. BeudantiPayr., etc., de petite taille, d'un galbe étroitement allongé, ne dé- passant pas 25 à 30 millimètres de largeur pour 16 à 20 de hauteur, avec le test finement décoré de stries transversales, et une coloration extrêmement variable. Tapes aureus et T. Æneus, également de petite taille, mais d’un galbe subtriangulaire ou subrhomboïdal, d'une teinte un peu jaunâtre, avec l’intérieur jaune paille. Tapes edulis Chemn., de taille plus grande, mesurant de 33 à 35 millimètres de largeur, pour 26 à 28 de hau- teur, d’un galbe subrhomboïdal, un peu allongé, avec des côtes concentriques, un peu irrégulières, et une 76 ACÉPHALES MARINS teinte d’un blanc rose, maculé de taches brunes ou rousses ; dans le même groupe nous indiquerons le T. Ze- pidulus Loc., d’un galbe beaucoup plus allongé, plus régu- lièrement ovalaire, orné et décoré de la même façon. Enfin le 7. geographicus Chemn., qui représente la forme la plus étroite et la plus cylindroïde puisqu'elle ne mesure que 28 à 32 millimètres de largeur pour une hauteur de 16 à 18; son test est plus finement et strié souvent décoré d'un quadrillage brun qui se détache sur un fond clair. Toutes ces espèces sont édules, mais naturellement les plus grosses sont les plus recherchées. On les prend sur les plages sablonneuses où elles s'enterrent à une faible profondeur au pied des plantes marines, ou dans les anfractuosites des rochers. On reconnaît toujours leur présence à une petite éminence de sable qui les recouvre. Le plus souvent on les pêche à la main, maïs si elles sont à une trop grande profondeur, on fait usage, notamment en Provence, d'une petite pelle recourbée, emmanchée au bout d’une longue canne. La Clovissese mange sur toutesles côtes : dans le Nord et dans l'Est, on l’avale toute crue comme l'Huître ; dans le Midi on la fait parfois cuire pour la manger en ragoût avec des épinards. Les petites espèces se vendent sur tout le littoral, à raison de 20 à 40 centimes le cent. A Marseille où l’on en fait une grande consommation, le prix varie de 75 centimes à 1 fr. 50 le kilogramme sui- vant la grosseur ; à Bordeaux, le 7. decussatus se vend de 1 fr. 75 à 2 fr. 50 le cent, tandis que les petites es- pèces ne valent que de 90 centimes à 1 franc. Les Clovisses arrivent maintenant sur tous les mar- chés des grandes villes de France. Les grandes espèces LES CARDIUMS 71 avec leurs valves bien closes peuvent très facilement se transporter : on en voit fréquemment sur les marchés de Paris et de Lyon, nous en avons vu également à Ge- nève. C’est une espèce qui mériterait d’être cultivée, car elle se reproduit très facilement, et par l'éducation elle est susceptible de s'améliorer, et comme taille et comme qualité de la chair. « Dans le Sud-Ouest, dit M. A. Gran- ger, on en pêche de grandes quantités, qu'on expédie sur les marchés de Bordeaux; mais le véritable centre de production des Clovisses est l'étang de Thau, dans la Méditerranée; tout un quartier de la ville de Cette, situé au bord de l'étang, nommé la Bourdigue, est habité par les pêcheurs de Clovisses. Chaque matin, une flottille de barques part de ce quartier et sillonne l’étang de Thau, chaque barque est montée par un homme qui se tient à l'avant, muni d’un râteau en fer, garni de dents, et au- quel est adapté un long manche ; à ce râteau, qui rem- place la drague, est fixé un petit filet à mailles très fines; le pêcheur drague pendant quelques minutes dans la vase et remonte son appareil, le filet, qui est rempli de vase, renferme en même temps une certaine quantité de Clovisses qui sont triées au moyen d'un lavage et dé- versées dans la cale du bâteau. Au retour, les pêcheurs séparent les Mollusques par grosseur, et en remplissent des paniers qui sont expédiés dans toutes les directions. » Les CaRDIUMS (genre Cardium). — Bucarde, Coque, Sourdon, Cœur, Maillot, Palourde ; Mourgue (Provence): Arcelle (Messine); Cape tonde (Adriatique); Herzmus- cheln (Allemagne); Leuza, Arzel tal marsa (Maltais); Cockle (Anglais) ; Kokhaan ou Kraus (Hollandais). On distingue un assez grand nombre de Cardium ; les uns de très petite taille que nous laisserons de côté, les 78 ACÉPHALES MARINS autres de très grande taille, d’une forme bien globu- leuse, avec de grosses côtes armées d’épines de diffe- rentes formes, et qualifiés C. fuberculatum, C. echina- tum, C. aculeatum, C. mucronatum (fig. 33), etc., d’après la forme de leurs épines. rt [l FiG, 33. — Le Cardium /Cardium mucronatum Lin). Ces grandes espèces qui mesurent 50 à 60 millimètres de diamètre sont comestibles sur les côtes de l’Adria- Er AE SP. à LES CARDIUMS 79 tique et dans quelques régions, mais ne le sont pas d’une manière régulière sur nos côtes; quelques pêcheurs de la Méditerranée seuls les mangent ; nous retiendrons en revanche les espèces suivantes : Cardium edule Lin., coquille de taille beaucoup plus petite, ne mesurant que 35 à 50 millimètres de largeur pour 25 à 28 de hauteur, d’un galbe subtrigone très renflé, de couleur blanchâtre avec des côtes longitudinales petites et très régulièrement rapprochées; les valves avec leurs bords crénelés se ferment très exactement et ont souvent à l’intérieur une tache violacée. Lorsque la coquille, tout en conservant la même teinte et la même ornementation, est fortement transverse, et bien plus développée d’un côté que de l’autre, on la distingue sous le nom de C. Lamarcki: Reeve ; quand, au contraire, la coquille est très régulièrement transverse, avec les sommets bien médians, c'est le C. obfritum Loc. Cardium Norvegicum Spengl. Dans cette espèce et la suivante, les côtes sont bien moins accusées. Le C. Nor- vegicum est presque lisse, un peu arrondi et d'une teinte fauve clair. Le C. oblongum est plus allongé dans le sens de la hauteur et ses côtes sont un peu plus mar- quées ; sa coloration est la même. Le Cardium edule et les espèces de son groupe sont extrêmement communs sur toutes nos côtes ; il vit sur les rochers et les plages sablonneuses, sans craindre les milieux un peu caillouteux. On le rencontre en colonies assez populeuses, de préférence au voisinage des cours d'eau. Sa chair un peu coriace est loin de valoir celle des Praires et des Clovisses. On la mange cependant sur toutes les côtes de l'Océan. Le Cardium oblongum ne vit _ as bu: | 80 ACÉPHALES MARINS que dans la Méditerranée, tandis que le C. Norvegicum se rencontre fréquemment dans l'Océan; il est meilleur que les autres Cardiums. Les petites espèces se man- gent crues, les grosses sont préférables accommodées : « Rien n'est délicieux, dit l’auteur de la Fee aux miettes, comme la Coque, fricassée avec du beurre d’Avranche et des fines herbes. » Aux environs du mont Saint- Michel, les pêcheurs de Coques ou coquetiers mettent sur leurs tables un fourneau recouvert d’une plaque de fer brûlante sur laquelle ils font cuire ce coquillage au moment de le consommer. On pêche le Cardium en toutes saisons, mais plus volontiers en hiver. On en voit sur tous les marchés du littoral, et même dans les grands centres il n’est pas rare. Dans la Manche on les vend 15 à 20 centimes le litre ; à Bordeaux 25 à 30 centimes le cent ; à Marseille il vaut 1 franc le kilogramme. Le Capo tonde abonde, dit le D' Senoner, toute l’année sur les marchés de l'Adria- tique. Dans quelques endroits il devient très grand et sa chair est alors réputée très délicate. On la mange éga- lement en Algérie, sur les côtes du Portugal, en Angle- terre, en Belgique, en Hollande. LES CARDITES (genre Cardifa). — La petite Praire, la Praire rouge; lou Praïré rougé (Provençal); Mitraglia (Italie); Lenza (Maltais). Une seule espèce parmi les Cardites est comestible sur les côtes de Provence, de Marseille à Nice, le Cardita sulcata. C'est une petite coquille d’un galbe arrondi, très globuleux, ornée de grosses côtes striées transversale- ment sur un test très épais. Sa coloration est d’un roux foncé avec des taches plus claires; sa hauteur est de 33 millimètres sur 30 de largeur. 1, € fftanhrter 2e on c LES PECTUNCLES 81 Sa chair est aussi bonne que celle des Cardium. On la mange également sur les côtes d'Italie (fig. 34). Fic. 34. — La petite Praire (Cardita sulcala Brug.). LES PECTUNCLES (genre Pectunculus). — Amandes de mer (Provence): Arzellatal bellus (Maltais). Nous signalerons deux espèces de Pectuncles comes- tibles : Pectunculus glycimeris Lamck., coquille à test épais, presque lisse, recouverte d'un épiderme brun et velu, d'un galbe arrondi, un peu renflé; à l’intérieur on distingue à droite et à gauche des sommets de nom- breuses petites dents. Pec{unculus violacesceus Lamck., d’un galbe plus transverse que le précédent, et d’une teinte plus violacée:; sa taille varie de 60 à 70 millimètres de largeur. La première de ces espèces vit dans la Manche et sur- tout dans l'Océan; la seconde ne se trouve que dans la Méditerranée. Ces Mollusques ne sont pas très communs, et vivent surtout à une trop grande profondeur ; on en voit cepen- dant sur les marchés de Cette et de Bordeaux, ramenés . par les filets des pêcheurs ; ils se vendent de 15 à 20 cen- times la pièce. La chair en est bonne. A. Locaro, Les Huîtres. 6 82 ACÉPHALES MARINS Les Mopiozes (genre Modiola). — Muscles moussus, Muscles mouflons (Provence); lou Muscli rougi (Var); Cozze plose (Italie): Zinzla (Maltais); Mussolo, Peochio peloco (Adriatique). Les Modioles présentent une grande analogie avec les Moules ; comme elles, elles se fixent à l’aide d'un byssus; mais leur test est de coloration brune ou rousse et sou- vent couvert d'un épiderme à longue barbe. La chair en est tout aussi délicate. Dans une étude spéciale nous avons donné la monographie des espèces françaises appartenant à ce genre. Nous ne signalerons ici que trois espèces plus parti- culièrement comestibles. Le Modiola barbata Lin., a un galbe subtriangulaire un peu allongé ; sa hauteur est de 42 à 48 millimètres pour une largeur de 24 à 26 millimètres. — Le Modiola mytiloides Loc., possède au contraire un galbe subrectan- gulaire bien allongé, notablement plus étroit. — Le Mo- diola Lamarchiana Loc., est toujours arqué, avec les sommets comme déjetés par côté. Ces trois espèces vivent sur toutes les côtes. Mais c'est surtout sur les bords de la Méditerranée qu'on les vend sur les marchés; elles sont assez communes dans les étangs et mérite- raient d’être élevées comme les Moules. On les vend dans cette région de 50 à 60 centimes la douzaine. On les mange surtout crues, ou cuites et préparées de la même manière que les Moules. Ces espèces sont éga- lement comestibles sur tout le littoral méditerranéen. Les MOULES (genre Myfilus). — Le Muscle, le Musclé, la Moule (Poitou) ; le Charron (Bordelais et Charente) ; Musclé de rocco (Provence); Mussel (Angleterre) ; Cozza nera (Italie du Sud); Peocio(Venise); Muscolo (Ligurie); ES AS LES MOULES 83 Pidochi (Adriatique); Catacozzula ninza (Catane); Mas- clu (Maltais); Charivia (Smyrne) ; Miesmuscheln (Allema- gne); Mossel (Belgique) ; Blaa-Skjäl, Krake-Skjäl’ (Nor- vège). Fic. 35. — Mytilus Galloprovincialis Lamck. a, bords du manteau; b, pied ; c, byssus; d, e, muscles du pied; f, bouche; £, tentacules ou palpes labiaux ; h, manteau ; 7, branchie interne ; 7, branchie externe. La Moule (fig. 35) est un des Mollusque qui jouentun des plus grandsrôledans l'alimentation conchyliologique. On en distingue sur les côtes de France plus de quinze espèces; dans un récent travail nous en avons donné la description et la figuration. Mais dans ce nombre une dizaine seulement sont à retenir comme espèces édules, Ms PAL a RE RAC Sd LE a a L sa 84 ACÉPHALES MARINS vivant à l'état sauvage ou cultivées. Nous les passerons rapidement en revue. On donne le nom de Myfilus à des coquilles d'un galbe plus ou moins allongé dans le sens de la hauteur avec les sommets acuminés opposés à un rostre arrondi; ce Mollusque sécrète un byssus par lequel il s'attache à tout âge aux corps environnants; ce byssus passe à tra- vers le bord antérieur de la coquille; l'angle opposé à ce côté se nomme angle postéro-dorsal; sa position joue un grand rôle dans la détermination des formes spécifi- ques des Mytiles. Ceci étant admis il nous sera facile de distinguer nos espèces. Le Mytilus Herculeus Mtr., a les sommets très anté- rieurs et le bord antérieur arqué; c'est la plus grande des formes méditerranéennes ; elle peut atteindre de 100 à 120 millimètres de hauteur pour 60 à 65 millime- tres de largeur ; sur les côtes de Provence elle est de taille plus petite. — Le M. Galloprovincialis Lamck., a un galbe subrectangulaire, avec les bords antérieurs et postérieurs parallèles, l'angle postéro-dorsal très relevé vers les som- mets, les sommets très antérieurs ; il mesure 70 à 75 mil- limètres de hauteur sur 38 à 40 millimètres de largeur ; on le trouve surtout sur les côtes de Provence (fig. 36). — Le M. pelecinus Loc., a au contraire ses sommets presque médians, le bord antérieur est donc oblique; l'angle postéro-dorsal se trouve à mi-hauteur ; cette belle espèce mesure de 90 à 100 millimètres de hauteur pour 50 à 55 millimètres de largeur; on la trouve sur toutes nos côtes. — Le M. trigonus Loc, a le bord antérieur droit, les sommets antérieurs; son galbe est triangulaire, et l'angle postéro-dorsal presque médian; il mesure 60 à 65 millimètres de hauteur pour 35 à 40 de largeur; il rit ME LES MOULES 35 vit sur toutes nos côtes (fig. 37). — Le M. glocinus Loc. a un galbe triangulaire allongé dans le sens de la hau- teur, et très déprimé ; la fente byssigène est particulie- rement large; il mesure 75 à 80 millimètres de hauteur pour 40 à 42 de largeur. — Le M. abbreviatus Lamck. est une petite forme sauvage, courte et trapue à sommets presque antérieurs, avec l'angle postéro-dorsal assez relevé; elle mesure 34 à 40 millimètres de hauteur pour 19 à 22 millimètres de largeur. Fic. 36. — Mytilus Gallo- FiG. 37. — Mytilus Fic. 38. — Mytilus provincialis Lamck. trigonus Loc. edulis Lin. Le Mytilus edulis Lin. et les formes suivantes sont tous beaucoup plus étroits et plus allongés ; le M. edulis est comme subcylindrique, avec le bord antérieur très droit, les sommets très antérieurs, l’angle postéro-dor- sal médiocre et très ouvert; sa hauteur varie de 60 à 70 millimètres, et sa largeur n'est que de 25 à 30 (fig. 38). — Le M. retusus Lamck. a un galbe analogue, mais sa coquille est beaucoup plus renflée, et la ligne FA PÈTR ., Led ’ ACEPHALES: MARINS 86 1 il mesure ’ ee L, des sommets au rostre beaucoup plus arqu é l'angle postéro-dorsal est un peu plus accus qui va HOUET SASNJAL SNJHAN] — ‘GE ‘OI TEE S NN = TX S \\ ù \ S Se VI É x = \ Ne —- = RÉ TT NAT AAA RUN =: SRE SN FRS - à IS hhhOhDdÎ, à Nr NN ÿ RTS ne D 50 à 60 millimètres pour 25 à 28 de largeur (fig. 39). — Le M, spathulinus Loc., tout en ayant le même galbe allongé a des sommets presque médians, et l'angle LES MOULES 87 posteéro-dorsal très bas; il mesure 75 à 8o millimètres de longueur pour 35 à 38 de largeur. — Le M. incur- valus Pen. est une petite coquille au galbe très in- curvé, avec le bord antérieur un peu creusé, les sommets en avant et l’angle postéro-dorsal un peu inframédian ; il mesure 30 à 40 millimètres de hauteur, pour 18 à 22 de largeur. Toutes ces formes sont plus particulière- ment septentrionales et vivent dans les eaux de la Manche et de l'Océan. Le M. edulis vit également dans la Médi- terranée. La Moule, lorsqu'elle sort de sa mère, est libre, et se déplace au sein des eaux à l’aide d'un appareil spécia qui lui sert de locomoteur et qu elle perd bientôt ; dès qu’elle a rencontré un point d’appui, elle s’y fixe et sé- crète aussitôt son byssus, sorte de câble qui lui permet de se suspendre sans crainte d’être gênée par le mouve- ment de la marée ou des flots. « Quand le Mollusque veut fixer son byssus, dit Moquin-Tandon, il allonge le pied, le porte à droite et à gauche, tâte les objets, appuie sa pointe contre le corps qu'il a choisi, dépose l'extrémité du fil, et retirant le pied brusquement, il laisse cette extrémité adhérente. Le Bivalve répète plu- sieurs fois ce petit manège, et chaque fois il atttache un nouveau fil. Il en fixe ainsi quatre ou cinq par vingt-quatre heures, chacun long de plusieurs centimè- tres et terminé par un empâtement. Son ouvrage est complet quand il a produit ce faisceau, Le byssus de certaines Moules présente jusqu’à cent cinquante petits câbles (fig. 39). » Les Moules vivent toujours en colonies très popu- leuses : on rencontre parfois de véritables grappes de Moules, se reliant toutes les unes aux autres par des 88 ACÉPHALES MARINS touffes de byssus; dans ces conditions elles se dévelop- pent mal, étant trop serrées les unes contre les autres. Par une éducation intelligemment pratiquée, on arrive à les faire grossir beaucoup plus et surtout plus rapide- ment, tout en rendant leur chair bien plus délicate. La Moule est un des Mollusques les plus répandus dans tout le système malacologique européen; partout on la mange, soit crue, soit plutôt cuite; comme elle vit à une faible profondeur, sa pêche est toujours facile. Dans un grand nombre de pays on la cultive, mais il y aurait encore bien à faire dans cet ordre d'idées, car les centres mytilicoles pourraient être multipliés sur une bien plus grande échelle, et un choix intelligent des espèces à cultiver permettrait certainement d'obtenir encore de meilleurs résultats. En Normandie on distingue dans le commerce plu- sieurs espèces : la Moule ordinaire, de forme allongée, est la moins recherchée, elle se vend 15 centimes le litre ; la Moule blonde vaut déjà 20 centimes le litre ; le Coïeux (M. incurvatus) est également plus apprécié. Un peu plus au nord, sur les côtes de Belgique et du nord de la France, on récolte de bonnes Moules que l’on exporte au loin et qui se vendent sur place 75 centimes le cent. Nous avons vu souvent à Paris et à Lyon des Moules de Belgique et de Hollande vendues sous le nom de Moules de Dunkerque. Sur la côte occidentale de la Suède, la Moule est peu appréciée, mais en Norvège et sur le côte orientale du Holstein, là où l’Huitre fait défaut, on l'apprécie davantage au point de la cultiver; à Holmbourg, on trouve une forme gigantesque qui at- teint jusqu'à 235 millimètres de hauteur. Dans l'Ouest, la Moule est d'excellente qualité ; ilexiste LES MOULES 89 sur nos côtes des installations extrêmement importantes sur lesquelles nous aurons à revenir. À Bordeaux, la Moule se vend 10 centimes la mesure d'un demi-litre. C'est surtout la Moule cultivée qui est la plus recherchée et la plus estimée. En Angleterre, on fait également une grande consommation de Moules. Les côtes de Provence et tout le bassin méditerranéen conviennent admirablement au développement de la Moule. Sur le marché de Marseille, on la vend de 10 à 30 centimes la douzaine, suivant la grosseur. Les Moules de l'étang de Berre, qui atteignent d'assez grandes di- mensions sont généralement peu appréciées; c'est ce que l'on nomme la Moule de Martigues; on lui préfère la Moule dite Moule de Roche qui vit dans des fonds moins vaseux. À Paris, à Lyon et dans toute la France, on apporte journellement des Moules de tous les pays. A Paris, les Moules les plus estimées sont censées venir de Boulogne sur mer ; on les vend à raison de 12à 13 francsles 100 kilo- grammes, mais il est fort difficile de se rendre un compte exact des provenances, car il en vient d'à peu près par- tout; en quelques jours, une personne bien renseignée peut se faire une superbe collection de toutes les prove- _nances mytilicoles françaises et même étrangères sur le carreau des halles de la capitale. La Moule se mange de toutes les façons : les vrais amateurs la mangent crue, et ils n’ont pas tort, mais il faut pour cela que la Moule soit bien fraiche, et nous n'engagerons personne à se permettre pareille gourman- dise avec une Moule qui a voyage ; il vaut donc infini- ment mieux manger la Moule cuite, et surtout bien cuite. On l’accommode de toutes les façons; sans faire 90 ACÉPHALES MARINS ici un cours de gastronomie, rappelons que nos Vatels modernes savent nous préparer des Moules à la proven- çale, à la marinière, à la béchamelle, en hachis, etc. ; Les LITHODOMES (genre Lifhodomus). — Les Dattes de mer; Dattes brunes, Datti rouge, Datti de mar (Pro- vence); Dattero di mare (Italie) ; Tamra (Maltais). SLT ; cs AE Ë A LUI = A Fic. 40. — La Datte de mer {Lithodomus Hithophagus Lin.). Comme l'indique leur nom, ces Acéphales se creu- sent leur habitation dans la pierre. Une seule espèce est comestible, le Lifhodomus lithopbagus Lin. ; c’est une co- quille d’un galbe étroitement cylindroïde, régulièrement allongé, d'un roux chaud et brillant, finement striolé et mesurant de 40 à 50 millimètres de hauteur. Cette es- LES AVICULES. — LES JAMBONNEAUX OI pèce ne se rencontre que sur les côtes méditerranéennes, vivant en colonies dans les rochers (fig. 40); sa chair est des plus délicates, c’est sur les côtes de Provence un des mets les plus estimés. On ne peut se les procurer qu'en cassant la pierre avec un marteau et un ciseau comme pour les Pholades, mais à l'inverse de ces co- quilles le transport peut s’en effectuer dans les meilleures conditions. On mange la Datte de mer crue comme l'Huître; elle se vend à Cette et à Marseille jusqu'à 2 francs la dou- zaine. LES AVICULES (genre Avicula). — Nous ne possédons en France qu’une seule espèce d’Avicule, l'Avicula Ta- rentina Lamck., sa coquille mince et feuilletée, très dé- primée, ressemble à celle des Huïtres, et porte dans le haut, latéralement, une longue expansion ailiforme toute caractéristique. La hauteur de l’Avicule est de 8 à 9 centi- mètres. On la trouve sur toutes nos côtes et surtout dans la Méditerranée, où elle constitue parfois des bancs im- portants. La chair de ce Mollusque est assez bonne, mal- heureusement la fragilité de la coquille ne la rend pas facilement transportable; en outre,comme elle sécrète un byssus à la manière des Moules, ses valves ferment mal, et l’eau nécessaire à la bonne conservation du Mollusque ne tarde pas à s'échapper. On voit assez souvent des Avi- cules sur le marché de Cette ; ce coquillage y était plus commun autrefois qu'aujourd'hui. LES JAMBONNEAUX (genre Pinna). — Pinna, Pinne, Cornet; Steckmuscheln, Schinken (Allemand); Nackra tal harira (Maltais) ; Ostura, Palostreghe (Adriatique). Les Jambonneaux ou Pinnes (par corruption du mot Penna, aigrette qui décorait le casque des Romains) sont 92 ACÉPHALES MARINS 3 À de très grandes coquilles, dont quelques-unes atteignent 500 millimètres de hauteur, en Corse et en Italie ; ils ont un galbe triangulaire allongé, effilé vers les sommets, comme tronqué à la base ; le test est mince, et souvent recouvert de petites écailles ; l'intérieur est richement nacré. L'animal sécrète un long et abondant byssus que l'on a cherché à tisser. Sa chair n'est pas très bonne, cependant on la con- somme parfois sur le littoral des environs de Cette ; elle est plus appréciée sur les côtes de l’Adriatique et en Algérie. FiG. 41. — Lima bians pendant la natation. Les LimEs (genre Lima). — Les Limes ont une co- quille déprimée, très bâillante, d’un galbe subovalaire allongé dans le sens de la hauteur, orné de côtes longi- tudinales assez fortes, souvent squameuses; à côté des CEÉSMENME Sr LESEBIGNES 93 sommets il existe deux petites expansions latérales appe- lées oreilles. Le test est d’un blanc foncé passant parfois au roux (fig. 41). Les Limes sont comestibles, mais vu leur taille, une seule espèce est quelquefois mangée sur nos côtes, c'est le Lima inflala Chemn., des bords de la Méditerranée. L'animal, d’un rouge violacé, exhale une odeur forte, assez désagréable ; en outre, ces Mollusques sont toujours peu communs; ils vivent sur les plages, s'enfoncent dans le sable ou la vase, ou s’attachent sous les pierres à l’aide d’un long byssus. On en voit parfois sur le marché de Cette. On mange également la Lime dans l’Adriatique, mais elle n’est jamais bien recherchée. Dans l'Extrème-Orient, à Smyrne, par exemple, les gens du peuple en font une assez grande consommation, grâce à son bas prix. LES PEIGNES (genre Pecten). — Les Pectens, Pélerines, Manteaux, Coquille de saint Jacques, Pétoncles; Kam- muscheln (Allemagne). Tous les Peignes sont comestibles et leur chair est de bonne qualité. Nous distinguerons les espèces suivantes qui se recommandent par leur taille. Pecten maximus Lin. — Grande Palourde (Bordeaux); Grosille (Charente); la Vanne ou grande Vanne (Nor- mandie); Scalop (Angleterre); Groot Mantel (Belgi- que). C’est une coquille d’un galbe arrondi, avec une valve inférieure très creuse et une valve supérieure très plate; chaque valve est ornée de côtes rayonnantes, celles de la valve inférieure sont arrondies, celles de la valve supérieure un peu méplanes, toutes les deux sont formées par la réunion de plusieurs autres petites côtes. La coloration est très variable et passe du blanc au roux 94 ACÉPHALES MARINS brun; son diamètre moyen est d'environ 140 millimè- tres. On la trouve surtout dans la Manche et dans l'Océan (fig. 42). FiG. 42. — Le Peigne (Pecten maximus Lin.) Pecten Jacobœus Lin. — La Pèlerine (Provence); Capa santa (Venise); Pellegrina (Italie méridionale et Mal- tais); Ctenia (Smyrne); etc. — Cette forme est très voi- sine de la précédente: elle en diffère par l'allure de ses côtes; celles de la valve inférieure ont une forme angu- leuse, tandis que celles de la valve supérieure sont étroi- tement arrondies et comme lisses. Cette forme vit sur- tout dans la Méditerranée. Pecten opercularis Lin. — Vanneau, Olivette (Nor- mandie) ; petite Palourde (Bordeaux). Les deux valves sont sensiblement également bombées; le test est orné de côtes régulières, un peu arrondies, finement striées dans le sens de la hauteur, et parfois squameuses; son diamètre est de 60 à 70 millimètres, sa coloration extré- mement variable passe du blanc au jaune, au rouge, au brun, au violacé, monochrome ou polychrome. On le trouve sur toutes les côtes, mais surtout dans la Manche et dans l'Océan. LE SMPIEIGNES 95 Pecten vartus Lin. — Petite Palourde (Bordeaux); Pa- lourde (Normandie); Callogria, les Sœurs (Smyrne); etc. Coquille de taille plus petite et d'un galbe un peu allongé dans le sens de la hauteur, mesurant de 60 à 65 millimè- tres, avec de nombreuses côtes longitudinales étroites et bien arrondies, parfois épineuses. Dans cette espèce les oreilles sont très inégales; la coloration est moins va- riable que chez le P. opercularis ; on la trouve sur toutes les côtes. Le Pecten maximus, lorsqu'il n'est pas trop grand, est de bonne qualité; sa chair est bonne surtout cuite et accommodée de diverses façons; on lui préfère cependant celle du P. Jacobæus qui est un peu plus délicate. On vend le P.maximus de 75 centimes à 1 fr. 50 la douzaine à Cherbourg, et de 15 à 25 centimes la pièce à Bordeaux. Le P. Jacobœæus se vend à Marseille et surtout à Cette de 10 à 15 centimes la pièce. Tous deux se prennent dans. les filets par vingt-cinq à trente brasses de profondeur. Les valves, lorsqu'elles sont un peu grandes, sont utilisées pour accommoder et servir différentes préparations culi- naires qualifiées de coquilles, mais où le plus souvent le contenant seul représente l'élément malacologique, le contenu étant représenté par du poisson, du Homard ou de la Langouste, de la volaille ou plus simplement du VEaU. Les autres espèces se vendent surtout en Normandie et sur les côtes de l’Océan ; on les paye de 75 centimes à 1 franc le cent sur les marchés de Bordeaux. A Cher- bourg le P.opercularis, assez recherché, vaut 10 à 30 cen- times la douzaine. Toutes ces espèces sont très bonnes et gagneraient certainement à être cultivées. 96 ACÉPHALES MARINS LES HuITRES (genre Osfrea). — Le genre Ostrea com- prend, même sur les côtes de France, un grand nombre de formes, espèces ou variétés, à l'égard desquelles les naturalistes ne sont pas toujours en parfait accord ; ces formes, surtout celles qui vivent à l'état domestique, se sont tellement modifiées sous des influences multiples, qu'il est souvent bien difficile de retrouver les véritables formes ancestrales. : Nous allons donner une description sommaire des espèces les plus communes, en indiquant les formes domestiques qui s’y rattachent. A ASLAN ( yrn eo \ \\ sn Dm mm Fic. 43. — L'Huitre (Ostrea edulis Lin.). a, partie supérieure du manteau, recouvrant la bouche et les palpes ou tenta- cules labiaux ; b, c, manteau; d, branchies; e, portion des lobes du manteau entre lesquels l'anus vient déboucher; 7, une portion du cœur placé a la partie antérieure des muscles des valves; g, muscles des valves. Ostrea edulis Lin. — Coquille d’un galbe ovalaire un peu allongé dans le sens de la hauteur, ornée de nombreuses lamelles calcaires superposées et striées; le contour est irrégulier et les sommets peu développés. Cette espèce a L Z F 4 _ 1 4 ONE — LES HUITRES 97 donné naissance à plusieurs races dont les plus impor- tantes sont : les Gravettes ou Huiîtres d'Arcachon, les Huîtres de Marennes (fig. 52), de Cancale, d'Ostende, etc. L'Huître Gravette, qui pullulait jadis dans les crassats d'Arcachon avant leur repeuplement, est ainsi définie par M. le D' P. Fischer : « Ces Huîtres étaient irrégulières, petites, minces; la valve concave avait une coloration bleue, violacée ou purpurine, parfois très intense, et les lamelles transversales de sa surface extérieure se rele- vaient en festons bien détachés ; les oreilles étaient larges et redressées; enfin, chaque valve concave retenait un coquillage entier ou un fragment (Cardium edule, Nassa, Trochus), sur lequel l'Huître s'était fixée après la période embryonnaire. » Les Huïitres de Marennes se rapprochent du type de l'Osfrea edulis ; parfois elles sont teintées de rayons bleu- tés et constituent l'Osfrea bicolor des auteurs anglais; souvent elle prend une coloration verte très caractéris- tique et sur laquelle nous aurons à revenir plus loin. Enfin l’Huître d’Ostende, comme nous l’expliquerons n'est qu’un Osfrea edulis dont les bords ont été découpés de manière à lui conserver toujours de petites dimen- sions. L'Osfrea bippopus Lamck., ou Huitre pied de cheval, est caractérise par sa grande taille qui atteint facilement 110 à 115 millimètres, et par l'épaisseur considérable de son test; sur la valve supérieure les plis longitudinaux disparaissent, et le sommet ou talon est beaucoup plus développé. Il est à remarquer que cette espèce qui vit sur toutes nos côtes, constitue des colonies beaucoup moins populeuses ; souvent les sujets sont complètement _isolés les uns des autres. | _ A. Locarp, Les Huitres. 1 a Ne ÿ TES re Qt v A NE 98 ACÉPHALES MARINS L'Ostrea Tarentina Issel, ou Huitre de Tarente, diffère de l'Ostrea edulis par son galbe incurvé, virguliforme tout en restant toujours très large; les lamelles du test sont plus minces et plus fragiles, les plis longitudinaux plus étroits et un peu plus nombreux. Cette espèce cul- tivée surtout dans le golfe de Tarente peut très bien s'ac- climater sur les côtes de Provence. C'est, croyons-nous, surtout cette forme que les éducateurs du Midi doivent essayer de propager dans la Méditerranée. Sa taille est la même que celle de l'O. edulis. L'Ostrea Adriatica Lamck., conserve la forme trans- verse incurvée de l’Ostrea Tarentina, mais son test est encore plus finement orné, les lamelles sont plus nom- breuses et plus rapprochées, et les plis longitudinaux plus fins et plus serrés. C'est un type parfaitement défini et qui très probablement s’acclimaterait bien sur nos côtes. Cette espèce, comme la précédente, se vend sur tous les marchés d'Italie. Sa taille est un peu plus petite que celle des espèces précédentes. L'Ostrea Cyrnusi Payr., ou Huïître de Corse, grande et belle espèce, atteint souvent les dimensions de l Osfrea bippopus, mais elle en diffère par son galbe plus étroite- ment allongé et par son sommet plus effilé à son extrée- mité. Elle vit surtout dans les étangs de la côte orien- tale de la Corse, et est de très bonne qualité; on a, à plusieurs reprises, essayé de l’acclimater dans les étangs de la Provence. Ces essais mériteraient certainement d'être repris et suivis avec le plus grand soin. L'Ostrea Stentina Payr., coquille de petite taille, mesu- rant de 35 à 45 millimètres de diamètre, est de forme très variable, souvent irrégulière, avec la valve supérieure plus petite que la valve inférieure; celle-ci plus profonde et rire dE Poe Si LES HUÎTRES 99 dentelée sur les bords. Cette espèce, d'assez médiocre qualité comparativement aux autres espèces, se trouve assez: fréquemment sur les côtes de la Provence. L'Ostrea angulala Lamck., ou Huître du Portugal n'est connue que depuis quelques années sur nos côtes; sa forme est irrégulièrement étroite et allongée, la valve inférieure est très creusée, très profonde, tandis que la valve supérieure est presque plane; les sommets sont al- longés et saillants. Cette espèce, lorsqu'elle est jeune, vaut certainement, comme qualité, l'Osfrea edulis; elle tend de plus en plus à se répandre sur nos côtes océa- niques. Sans nous étendre beaucoup sur l'anatomie de l'Huître, quelques mots cependant nous paraissent nécessaires pour bien faire comprendre les conditions de reproduc- tion et d'éducation de ce précieux Mollusque (fig. 43). La bouche, dépourvue de tout organe masticateur, est située à côté de la charnière ; les organes de la digestion consistent en un estomac, un foie très volumineux, et un intestin, formé de plusieurs circonvolutions, qui se termine par un anus situé sur les côtés de l’animal. Le cœur, composé de deux oreillettes et d’un ventricule, est logé dans la partie supérieure du Mollusque. La res- piration se fait par deux paires de branchies qui entou- rent l’animal. La reproduction s'effectue chez un seul animal à la fois ; les organes sont confondus dans une glande géni- tale donnant naissance à des œufs ; ces œufs, fécondés, se répandent dans les branchies et y séjournent un cer- tain temps avant leur éclosion. Cependant, malgré cette disposition, il est reconnuque deux individus sont néces- saires pour la fécondation. L’œuf passe successivement FIG. 50. Fic. 51. Fic. 44. — Œufs murs non encore fécondés : a, membrane vitelline ; b, vitel- lus ; c, vésicule germinative ; B et C, ovules plus ou moins deformés. Fic. 45 a 48 — Œufs fractionnés a divers degrés. Fic. 49. — Œuf ou embryon plus avancé : a, a, cils vibratiles ; b, charnière; c, masse centrale; d, bandelette périphérique; e, espace vide. Fic. 50. —- Embryon muni de son appareil ciliaire natatoire a, a : b, charnière ; c, masse centrale, formant le foie et l'estomac; d, d, bandelettes périphé- riques représentant le manteau et les branchies ; e, espace vide; f, foie; £, estomac ; h, anse de l'intestin. Fic. 51. — Embryon plus avancé dont l'appareil ciliaire a, a, est prêt a se dé- tacher. Toutes ces figures, empruntées à Davaine {Mémoires de la Société de biologie), 4 sont grossies 100 fois. LES HUÎTRES IOI par les diverses phases que nous figurons (fig. 44 à 51) et qui ont été si soigneusement étudiées par Davaine. Les petits, lorsqu ils viennent de naître, sont pourvus d’un appareil de natation (fig. 49 à 51) constitué par une sorte de bourrelet irrégulier armé de nombreux cils vibra- tiles en mouvement. Les larves, au sortir de l’Huitre mère, se dispersent et partent à la recherche d'un point d’appui sur lequel elles se fixeront. À ce moment, elles perdent leurs organes de natation devenus inutiles et s'attachent au corps sur lequel elles ont élu domicile, par le sommet de leur valve inférieure. Si elles doivent continuer à vivre normalement, elles resteront logées sur ce point d'attache jusqu à la fin de leur vie. La nourriture des Huîtres consiste en particules orga- niques tenues en suspension dans l’eau et en animalcules microscopiques. Or, comme les eaux douces, à leur em- bouchure, contiennent toujours de telles substances en beaucoup plus grande quantité, c'est pour cette rai- son que les Huîtres, qui ne peuvent aller au-devant de leur nourriture, s’engraissent plus rapidement dans ces milieux qu'au sein des eaux plus pures de la mer. Quant à la respiration, elle peut encore s’effectuer du- rant plusieurs jours hors de l’eau normale, à la condition qu'il reste dans l'intérieur de la coquille assez d’eau pour baigner les branchies du Mollusque. C’est là, en grande partie, en quoi consiste le secret de la conservation de l'Huitre. La fécondité de l'Huître est véritablement prodigieuse ; on estime que chaque individu peut donner naissance à deux millions d'œufs chaque année ; on voit combien de ces jeunes individus se perdent en naissant, soit parce qu'ils ne trouvent pas le point d’appui qui leur est indispensable, 102 ACÉPHALES MARINS soit parce qu ils sont absorbés par d’autres animaux qui s'en repaissent avidement. Suivant les pays, la saison du frai varie de juin à septembre ; il importe donc, durant cette époque, de veiller à ce que le naissain se perde le moins possible. Huitres verles. — Les Huîtres vertes sont souvent plus recherchées par les amateurs que les Huîtres ordinaires ; cette coloration se manifeste surtout dans les branchies, et longtemps les naturalistes se sont préoccupés des causes qui pouvaient ainsi modifier la nature de l’Huître ordinaire. En 1820, Gaillon crut pouvoir l’attribuer à un petit vibrion qu'il désigna sous le nom de Yibrio ostrearius, l’eau des parcs renfermant en effet une grande quantité d’animalcules. Coste, plus tard, attribua le ver- dissement des Huîtres à la nature du sol. A la suite d'analyses chimiques comparatives, il écrivait : « Les ex- périences prouvent que les marnes bleu-verdâtre ont, comme le territoire de Marennes et au même degré, la propriété de colorer les Huîtres. » Mais, il y a quelques années, M. de Brébisson signala, dans les parcs de Cour- seulles, la présence d’une diatomée à laquelle il donna le nom d’Amphipleura osfrearia, et lui attribua le verdisse- ment des Huitres. « Les choses en étaient là, dit M. le D' Brocchi, lorsque M. de Puységur, commissaire de la marine, reprit à son tour la question avec le concours de M. Bornet, l’algo- logue bien connu.Ces messieurs examinèrent la matière verte qui se produit dans les claires ; ils reconnurent que cette matière était constituée par une diatomée dont les innombrables frustules en fuseaux traversaient avec vivacité le champ du microscope. Cette diatomée fut soumise à l'examen de M. Grunow, botaniste autrichien, LES HUÎTRES 103 qui constata que c'était une variété de sa Navicula fusi- formis et lui donna le nom de Navicula ostrearia. » M. de Puységur essaya alors de nourrir des Huïîtres ordinaires avec cette diatomée et voici ce qu’il constata : « Dirigées jusqu’à l'appareil buccal, les Navicules pénètrent dans l'estomac du Mollusque où.elles abandonnent leurs matières nutritives ; la chlorophylle jaune est détruite et digérée : le pigment solide passe directement dans le sang auquel il communique sa couleur. » Fic, 52. — Ostrea edulis, type de Marennes. Jadis, en France, l'Huître était un mets fort rare, réservé aux tables les plus luxueuses; pourtant, au temps des Romains, on trouvait déjà le moyen d'en expédier dans tous les grands centres. C'est ainsi, par exemple. que dans les fouilles de Trion, à Lyon, nous avons constaté la présence d’un nombre considérable 104 ACÉPHALES MARINS d’écailles d'Huîtres provenant évidemment de fort loin. Mais, plus tard, l’Huitre fut surtout consommée dans les ports de mer ou dans les villes les plus voisines. Depuis la création des chemins de fer, avec cette incessante faci- lité de transports économiques, la consommation des pro- duits maritimes a augmenté dans des proportions consi- dérables; c'est à ce moment que l’on a commencé à constater que les bancs naturels tendaient à s’épuiser et qu'il importait d'apporter bien vite un remède à cet état de choses. Aujourd’hui, dans nos grandes villes, nous consommons des Huîtres de tous les pays, et si la pro- duction augmente dans de larges limites depuis quelques années, à voir les prix de vente, on doit en conclure qu'elle est bien loin d’atteindre les besoins de la demande. Voici, à titre de renseignements, les principales qualités de ce Mollusque qui arrivent au marché de Paris, et leur prix de vente au détail et en gros: LA DOUZAINE LE CENT Portugaises vertes et blanches. . 0 40 à o 90 3 25 à 6 +» Arcdcton;(petites) = -., .:. 0 304-0769 3 25 à 6 » — (moyennes). TE. 7 » — (grosses). EE 8 » Armoricaines (petites). 1 60 LOU — (moyennes). os 127% — (grosses). 2 50 16 » MED he 2. 2 50 18 » Marennes blanches 2°. 1 25 SR — blanches 1". 1 60 9 » — blanches extra. 2.12% 13 9 Sables d'Olonne. . 1 60 10 » Marennes vertes ordinaires. 22% 14 » — vertes extra. 2 25 16 “à — vertes extra-grosses. . 2 75 18 » Cancale ordinaires. ST 2% 3 2% — extra. 2423 16 » RES AE CHEVARRENE LS Et 3 53 22:58 \ "A "4 % LES HUÎTRES 105 LA DOUZAINE LE CENT Courseulles. 2 25 15 » Ostende. 2 50 18 » — extra. CR 22%,2% — Victoria. 2 50 20 » Zélande. 3 3273 220% Royal Whitstable. 3 50 22 — extra Whitstable. 4 50 32400 — Colchester.. 3 50 BTS Burnham. 3 9 2245 Seconde native. LE 20 5 Il va sans dire que, dans les ports de mer, ces prix sont moindres ; ainsi à Bordeaux, la douzaine de Portugaises vaut de 30 à 40 centimes; la Gravette d'Arcachon, 20 à 25 centimes ; l’Huiître verte de Marennes, 75 à 80 cen- times ; le Pied de cheval, 2 francs, etc. Ces prix, pour nos Huîtres françaises, laissent encore une belle marge aux producteurs et aux éleveurs, car il n'est pas encore bien éloigné le temps où l’Huitre, à Paris, se vendait cou- ramment 50 et 60 centimes la douzaine, qu'elle vinssent de la Manche ou des côtes océaniques de la région armo- ricaine. Mais, malgré cela, comme le faisait judicieusement observer M. Max de Nansouty dans une conférence à l'Exposition universelle de 1889, les compagnies de che- mins de fer et les municipalités ont le grand tort de traiter l'Huître moderne, produit aujourd'hui surabon- dant, sur le même pied que le rare et précieux Mollus- que d'autrefois; « les frais de transport et d'octroi le chargent à l’envi ; un cent d'Huîtres de bonne grandeur, payé à Arcachon 3 francs à 3 fr. 50, suivant le cours, revient, rendu à Paris, à 6 ou 7 francs. Il va sans dire que les intermédiaires commerciaux n'oublient pas de préle- ver une quote-part respectable dans ce résultat total. On 106 ACÉPHALES MARINS ne devrait pas payer, au maximum, dans les villes, plus de 1 franc la douzaine les Huîtres de la meilleure qualité. Si les compagnies de transport et les municipalités vou- laient bien s’y prêter, elles n'y perdraient rien, car la consommation augmenterait en conséquence. » LES ANOMIES (genre Anomia). — L'Éclair (La Rochelle); l'Estufette (Cette). L'Anomie est un Acéphale qui vit en quelque sorte en parasite sur les autres Mollusques. Sa coquille est très mince, de forme arrondie; la valve inférieure s'applique sur d’autres corps solides dont elle épouse la Fic. 53. — L’Anomie { Anomia ephippix Lin.). forme, tandis que la valve supérieure, tantôt lisse, tan- tôt striée, porte à l’intérieur un ossicule qui traverse la valve inférieure pour se fixer au corps étranger, comme un byssus solide. La taille des Anomies varie de 30 à 60 millimètres de diamètre, et la couleur généralement d'un blanc argenté passe au rose ou au jaune (fig. 53). On trouve cette coquille sur toutes nos côtes ; l'espèce la plus connue est l’Anomia ephippia Linné. « Plusieurs ;. ACÉPHALES MARINS EXOTIQUES 107 naturalistes, fait observer M. A. Granger, ont prétendu que l'animal ne pouvait pas être mangé impunément et qu'il occasionnait souvent des vomissements et des dou- leurs d’entrailles chez les personnes qui en avaient fait usage. C’est une erreur qu’on ne doit plus admettre au- jourd'hui, car si l’Anomie est peu estimée sur notre lit- toral de l'Océan, elle est, en revanche, fort recherchée sur nos côtes de Provence et du Languedoc; et à Cette, où elle se vend sur le marché sous le nom de l'Estufette, elle est estimée à l’égal de l’Huître. » LES SPONDYLES (genre Spondylus).— La fausse Huître, l’'Huître épineuse, l'Huiître rouge ; Ostreghe rose, Os- treghe spinose (Gênes); Scutoponzoli ou Spronnuli (Italieméridionale); Gaideri(Adriatique); Gaidra(Maltais). Une seule espèce de Spondyle nous intéresse, le Spon- dylus gæderopus Linné, ou Spondyle pied d'âne. Sa coquille ressemble à celle d’une Huître comme galbe; ses valves sont inégales, le test est épais et orné d’épines plus ou moins saillantes sur la valve inférieure ; la char- nière, puissante, rappelle celle des Peignes ; la coquille est souvent colorée d’un rose violacé. On la rencontre sur les côtes de la Méditerranée. Sa chair est édule, mais elle est loin de valoir celle de l'Huître. On la mange en Italie, en Algérie, mais assez rarement en France. ACÉPHALES MARINS EXOTIQUES Le nombre des Acéphales marins qui sont consom- més à l'étranger est considérable ; la liste complète est loin d’être connue ; nous nous bornerons, comme nous l'avons fait pour les Gastropodes, à citer les principales espèces, celles qui sont les plus communes. 108 ACÉPHALES MARINS EXOTIQUES Les Pholades, comme en France, se mangent dans un grand nombre de pays ; on en vend sur les marchés de la Guadeloupe, de la Havane, de la Martinique. — Le Sole- curtus strigillatus fort peu apprécié sur nos côtes, se vend d'avril en août sur le marche de Naples, sous le nom de Latturo di mare; dans la même famille, le Novaculina constricta est élevé par les Chinois qui en font une grande consommation. Les Myes sont comestibles chez certains peuples du Nord. M. Peelsener nous écrit qu'on pêche le Mya arena- ria sur les rives du Bas-Escaut, à Ostende, et qu'on en envoie jusqu'au marché de Bruxelles. — Les Mesodesma malgré leur petite taille, sont utilisés, mais lorsqu ils atteignent des dimensions suffisantes ; leur chair de bonne qualité est très recherchée: c’est ainsique, dans l’archipel de la Nouvelle-Calédonie, on mange le M. striafa, et à Valparaiso, le M. Chiliensis. Dans la même famille, on consomme au Chili et au Pérou le Ceronia donacina. Le Scrobicularia piperata, non recherché sur nos côtes, est au contraire fort apprécié dans l’Adriatique; le Ca- parazzolo dal Scorzo Sotil des Vénitiens ou Lache des Triestois, sert, d’après le D' Senoner à faire une excel- lente soupe ; on le vend également sur le marché de Bône en Algérie. — Dans une famille voisine, le Capsa rugosa se vend à la Guadeloupe et à la Martinique. — Dans le même pays,le Donax denticulatus sert à faire un bouil- lon très estimé. — Les Mactres déjà plus appréciées dans l'Adriatique que dans la Méditerranée sont, paraît-il, re- cherchées en d’autres pays ; en Amérique, on consomme régulièrement le Macfra solidissima, et en Chine le M. ve- neriformis. La grande famille des l’eneridæ va nous présenter un ND, TS % - Ê bé à | is KR 2 | ACÉPHALES MARINS EXOTIQUES 109 grand nombre d'espèces comestibles. En première ligne, nous inscrirons le Jenus mercenaria des rivages est de l'Amérique du Nord, appelé Round Clam, Hard Clam, ou plus simplement Clam. « Les Clams, dit M. le D' Fischer, étaient connus des Indiens qui leur avaient donné le nom de Quahog, encore en usage dans l'État de Massachusetts. On rapporte même que les Mohegans payaient aux Iroquois un tribut de ce précieux coquil- lage ; la chair était rôtie, et les valves servaient d'or- nement. Le marché de New-York est régulièrement approvisionné de Clams, dont la consommation est consi- dérable ; on les vend dans les rues, et on les mange crus, comme les Huïtres. Il en est de même à Philadelphie et à Boston, qui en reçoit d'énormes quantités de Cape- Cod ». Coste a essayé vainement d'acclimater cette espèce dans le bassin d'Arcachon. | Plusieurs autres Vénus sont comestibles : le }. discre- pans au Pérou, les W. cancellata, V. granulata, VW. al- bida, V. mactroides, V. Bean, à la Guadeloupe et à la Martinique. Comme en France les Tapes sont recherchés dans nombre de pays; le Zapes semidecussafus se con- somme au Japon, où, paraît-il, il est très estimé; dans le même pays on mange également le Cyfherea petechialis ; M. Debeaux l'a vu consommer en Chine. Les belles Tridacnes ou Bénitiers ont des animaux dont la chair est très bonne à manger ; le 7ridacna mu- fica se consomme aux îles Carolines; et le 77. gigas dans la Nouvelle-frlande. Une autre espèce, le Tr. squamosa, vendu sur le mar- ché de Suez, est fort appréciée des Arabes; c’est une pré- cieuse ressource pour les Indiens ; ses muscles, au dire de Brehm, auraient la saveur de la chair du canard. — 74 D s : 110 ACÉPHALES MARINS EXOTIQUES Plusieurs Cardiums sont également comestibles : on mange le Cardium Japonicum au Japon, et le beau C. hians se voit parfois sur le marché de Bône. A la Guadeloupe et à la Martinique on vend l’Anomalocardia flexuosa. Plusieurs Chames sont également utilisées pour l’ali- mentation : à la Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, Saint-Pierre, Port de France, on vend les Chames venosa, Ch. radians, Ch. sarda, Ch. florida, etc. — Les Lucines exotiques sont encore plus appréciées : les ZLucina Pensylvanica, L. tigerina, L. Jamaïcensis, L. edentula, se mangent à la Guadeloupe et à la Martinique ; la première surtout est très estimée et a donné lieu à des élevages qui ont bien réussi; le L. exasperata est, paraît-il, une véritable friandise pour les Canaques. En Chine on mange le L. Philippiana, et sur quelques points de la Nouvelle- Calédonie on consomme également le L. figerina. Les Arches, même les espèces les plus grosses, sont peu estimées sur nos côtes; mais il n’en est pas de même en Italie, notamment à Tarente; les Arabes limitrophes de la mer Rouge en font une assez grande consomma- tion, et Adanson nous apprend qu'à l'embouchure du Niger les nègres pêchent l’Arca similis ou Fagan, dont ils se nourrissent. Une autre Arche serait également mangée en Chine, d’après M. A. Issel. Les Indiens prisent la chair des Pernes; le Myfilus decussatus est une des espèces comestibles du Pérou. Enfin, outre les nombreuses espèces d'Huîtres que nous avons relevées en Europe, citons encore : les Osfrea borealis et O. Virginica, sur la côte est de l'Amérique du Nord ; l'O. parasitica, aux Antilles ; l'O. {uberculosa, au Cap de Bonne-Espérance; l'O. cornucopiæ, à Suez; l'O. rufa, au Pérou; l'O. cucullala, au Japon; etc. ACÉPHALES D'EAU DOUCE 111 ACÉPHALES D'EAU DOUCE En Europe, les Acéphales d’eau douce se réduisent à un très petit nombre de genres : les Sphæriumet les Pi- sidium sont trop petits pour être utilisés, mais les Mar- garttana, les Unio et les Anodonfa sont de taille plus que suffisante pour pouvoir rendre des services; malheureu- sement, la plupart du temps, ces espèces vivent dans des milieux vaseux qui leur communiquent un goût fade et très désagréable. Cependant nous savons qu’en France à plusieurs époques, on a eu recours à ces Mollusques comme objets d'alimentation. Les espèces qui vivent dans les eaux courantes ont nécessairement la préférence. Le D' Ozenne rapporte que les Margaritana sont assez recherchés des paysans des environs du mont Saint-Michel qui les font cuire quelque temps dans l'eau bouillante pour les attendrir, puis frire dans du beurre, assaisonnés d’un filet de vinaigre. Gas- sies a vu manger dans le Sud-Ouest les Unio sinuatus et U. Requieni, et les Anodonta Grafeloupiana, À. pisci- nalis et À. cygnæa. Moquin-Tandon dit que les habitants pauvres de Îa Valogne, dans les Vosges, se nourrissent quelquefois des Margaritana, et qu'il a vu à Tourne- feuille, près Toulouse, consommer des Unio rhomboideus. Enfin Gauthier nous apprend que, en 1668, les gens de la campagne mangeaient les Anodontes dans le Lyon- nais et dans le Forez. Ces quelques exemples démontrent surabondamment que la chair de nos grands Acéphales peut être utilisée ; mais comme bien souvent nos paysans ont autre chose à se mettre sous Ja dent, ils préfèrent cette autre chose. 112 ACÉPHALES D'EAU DOUCE Cependant il est bien certain que la chair de nos Nayades, une fois qu’elle a été purifiée par un séjour un peu prolongé dans des eaux pures et un peu vives, est au moins aussi bonne que celle des Escargots, et dans tous les cas cer- tainement moins coriace. Mais il convient de la manger cuite et accompagnée de quelques condiments qui en relèvent la fadeur. A l'étranger, les Acéphales d’eau douce comestibles sont assez nombreux : l’Anodonta Japonica se mange au Japon; en Chine, l'A. edulis est cultivé à cet effet dans les fossés d’eau vive de Soug-Kiang-Fou ; l'A. sempervi- rens est consommé au Cambodge, par les indigènes. Le Cyrene Caledonica est comestible non seulement en Nouvelle-Calédonie, mais encore dans une grande partie de l'archipel Océanique. Les Ethéries et les Galathées sont mangées par les nègres, en Egypte et au Sénégal, et même dans l'intérieur de l'Afrique. Enfin Rafinesque rapporte que plusieurs espèces d'Unio sont comestibles en Amerique. RP A TU ue D © PR À | [I L'OSTRÉICULTURE Qu'est-ce que l’ostréiculture ? — Les producteurs et les éleveurs. — L'ostréi- culture dans l’antiquité et au moyen âge. — Le lac Lucrin et le lac Fusaro. — Production de l'Huitre. — Collecteurs en fascines.— Planchers collec- teurs. — Collecteurs en tuiles. — Tuiles en champignons. — Caisses ostréophiles. — Collecteurs pour hauts-fonds. — Pose des collecteurs. — Détroquage. — Huitres à tesson. — Petit élevage.— Grand élevage. — Parcs et claires. — Réserves. — Pêche de l’Huitre. — Expédition et vente, — Extension ostréicole. On donne le nom d’ostréiculture à l’art qui consiste à faire produire et à élever des Huîtres. Cette opération, assez complexe et assez variée dans son ensemble, com- porte une série de manipulations dont le mode, quoique changeant un peu suivant les pays, embrasse deux phases absolument distinctes et donnant lieu chacune à des branches d'industrie toutes différentes. On distingue en effet les producteurs et les éleveurs. Les producteurs se proposent de faciliter le développement embryonnaire de l’Huître, de récolter cet embryon par différents pro- cédés que nous aurons à décrire, et de livrer ensuite aux éleveurs le produit ainsi obtenu. Les éleveurs reçoivent l’'Huître toute jeune, la font grandir et prospérer dans des milieux convenablement aménagés, l’engraissent et améliorent sa chair, jusqu'au moment où elle est susceptible d’être livrée à la consom- A. Locaro, Les Huitres. 8 114 L'OSTRÉICULTURE mation. Il peut paraître assez étrange que le producteur ne soit pas en même temps éleveur; le cas est pourtant assez rare; mais lorsque nous aurons dit que ces deux genres d'opérations nécessitent le plus souvent des milieux de nature différente, assez difficiles à rencontrer dans un même pays, on comprendra la nécessité de la division dans la culture de l'Huître. Les anciens, fort appréciateurs de ce succulent Mol- lusque, s'étaient déjà préoccupés des moyens de l'élever; pratiquaient-ils l'ostréiculture telle que nous la connais- sons aujourd'hui? c'est peu probable, étant donné leur complète ignorance sur la reproduction des Mollusques. Il suffit de parcourir les écrits de Pline, le plus complet des naturalistes de l'antiquité, pour s’en convaincre. Mais, s'ils n'étaient point producteurs dans le vrai sens du mot, c'étaient par contre de très bons éleveurs. Aristote, tout en se préoccupant de la reproduction de l'Huître, esquisse en quelques mots, dans son 7raite des Parties, toute l'histoire de l’élevage tel que nous le pratiquons encore aujourd'hui : « La flotte, dit-il, étant venue débarquer à Rhodes, et les matelots ayant jeté dans l’eau des pots cassés et autres tessons, il s'y amassa avec le temps de la bourbe, et alors il s’y trouva des Huïîtres » ; et plus loin : « Des pêcheurs de l'île de Chio, ayant pris des Huîtres à Pyrrha, dans l’île de Lesbos, et les ayant portées dans un autre endroit de la mer voi- sine, et où les eaux formaient un courant, elles grossi- rent beaucoup, mais elles ne produisirent rien, quoi qu elles y restassent longtemps ». .… Entre les mains d’un observateur intelligent, ce double texte eût été certainement la source de toutes les phases de l'ostréiculture puisqu'il nous enseigne, d'une part, RIRES A OR, PESPACHEUCRIN ELLE EAG:-EUSAR'O LES comment les jeunes Huîtres peuvent se reproduire, et, d'autre part, que l’Huïître est susceptible de s'améliorer lorsque, après avoir été déplacée, on la dispose dans un milieu propice. C’est sans doute de ces précieuses données que s’in- spira un Romain du nom de Sergius Orata qui vivait un siècle avant notre ère, au temps de l'orateur Lucius Lici- nius Crassus (140-91 avant J.-C.). Pline, le naturaliste, rapporte en effet que ce Sergius Orata établit pour la première fois des parcs à Huîtres à Baïes; toutefois dit cet auteur, il les institua non pas dans un but gas- tronomique, mais uniquement pour en retirer de l’ar- gent. La spéculation, paraïit-il, réussit admirablement, car elle eut par la suite un grand nombre d’imitateurs. Comment s’y prenait-on? c'est ce que Pline a négligé de nous apprendre; mais il est probable qu’à cette époque on se bornait à recueillir des Huiîtres encore un peu jeunes dans la mer, et à les parquer dans les eaux plus douces des lacs Lucrin ou Fusaro. D'après de récentes découvertes archéologiques, on sait aujourd'hui que l’ostréiculture remonte chez les Romains, au moins au siècle d’Auguste. Deux vases funéraires en verre, à large panse et à goulot étroit, ont été trouvés, l’un dans la Pouille de l’ancien royaume de Naples, l’autre aux environs de Rome. Sur la paroi exté- rieure, on voit encore des dessins en perspective figurant des viviers attenant à des édifices, et communiquant avec la mer par des arcades. Sur le vase de la Pouille on lit ces mots : Sfagnum palatinum, nom que portait quelquefois la villa que Néron possédait sur les bords du lac Lucrin, et plus bas Osfrearia.Sur l'autre vase est écrit : Sfagnum Neronis, 116 L'OSTRÉICULTURE Ostrearia, Stagnum, Sylva, Baïa, ce qui indique d’une manière manifeste que la perspective figurée sur le vase a été tirée des édifices et des lieux de la plage de Baïa et de Pouzzoles. | Le lac Lucrin, l'Arverne des anciens, fut longtemps prospère; mais, à la suite d'un tremblement de terre. survenu en 1538, il fut comblé, et sur son fond s'élève aujourd'hui le Monte Nuovo. Dans le courant du siècle dernier, sous le règne de Ferdinand de Naples, l'indus- trie ostréicole fut transportée au lac Fusaro, l’Achéron de l'antiquité, à quelques kilomètres au sud-ouest de Naples, près de Baïes. C'est là que Coste, le grand savant, auquel nous sommes redevables de si beaux travaux sur la pisciculture et l'ostréiculture, puisa la plus grande partie de ses documents sur l’art d'élever les Mollusques. Mais l’Achéron ne devait pas avoir un sort bien diffe- rent de l’Arverne ; ce lac, séparé jadis de la mer par une simple digue, est aujourd'hui en partie comblé et livré a l'agriculture. | Durant les temps troublés du moyen âge, la culture de l'Huître a dû s'effectuer sans doute comme dans les temps passés, quoique nous n’ayons à cet égard aucune donnée positive. Cependant dans nombre de chartes on voit qu'il est question de « l’ensemencement des Huïtres », c'est-à-dire non pas de la production d'Hui- tres nouvelles, mais du transport dans un milieu nou- veau de jeunes Huîtres déjà formées. La difficulté de se procurer, durant la mauvaise saison, des aliments maigres pour satisfaire aux lois de l'Eglise devait nécessairement favoriser le développement de l'élevage de l’Huître, au moins au voisinage des côtes. Pour en finir avec l'historique de l'ostréiculture, nous AU MOYEN AGE 117 emprunterons à Coste les documents suivants relatifs à d’autres pays que le nôtre : « Pontoppidan rapporte une tradition danoise, d’après laquelle des bancs d'Hui- tres de la côte occidentale du Schleswig auraient été im- plantés artificiellement en l’an 1040. Cette tradition peut n'avoir guère de fondement, car les Huîtres ont pu s'étendre dans cette région tout naturellement; nous savons en effet, d’une manière certaine, qu'il existait des Huîtres le long de la côte danoise à une époque bien antérieure ; néanmoins, cette tradition nous montre que les tentatives de culture artificielle des Huitres n'étaient pas absolument étrangères au peuple. « Dans l'Hellespont et aux alentours de Constanti- nople, on « ensemençait » des Huïtres, d'après les récits des voyageurs du siècle dernier. Certainement cet usage n'a pas été introduit par les Turcs. Il a dû être conservé, par conséquent, depuis l'époque byzantine. Pétrus Gyl- lius, écrivain du xvi siècle, qui a laissé une description détaillée du Bosphorus fraceus, déclare aussi que depuis des temps immémoriaux on « plante » là bas des Huîtres. « Dans l'Ouest, l’ostréiculture n’a pas été suspendue, ainsi que l'indique une loi promulguée en 1375, sous le règne d'Édouard III, d’après laquelle il était interdit de recueillir et de transférer les couvées d'Huîtres à toute autre époque qu'au mois de mai. En toute autre saison, on ne pouvait détacher que les Huîtres assez grandes pour enfermer un shilling *. » En 1855, Coste étudia tout particulièrement la disposi- tion adoptée par les Italiens dans le lac Fusaro. C'est ce mode qui a servi de point de départ aux différentes ten- 4 Coste, Voyage d'exploration sur le tiftoral de la France et de l'Italie. 118 L'OSTRÉICULTURE tatives qui ont été faites postérieurement pour le repeu- plement de nos côtes. Il importe donc de rappeler ici les observations de ce savant naturaliste : « Entre le lac Lucrin, les ruines de Cumes et le cap Misène, se trouve un étang salé d’une lieue de circonférence environ, de 1 à 2 mètres de profondeur dans la plus grande étendue, au fond boueux, volcanique, noirâtre, l’Achéron de Virgile enfin, qui porte aujourd’hui le nom de Fusaro. « Dans tout le pourtour du lac, on voit de distance en distance des espaces, le plus ordinairement circulaires, occupés par des pierres que l’on a transportées. Ces pierres simulent des espèces de rochers que l’on a recou- verts d'Huîtres de Tarente, de manière à transformer chacun d’eux en un banc artificiel (fig. 54)... Autour de chacun de ces rochers factices qui ont en général deux ou trois mètres de diamètre, on a planté des pieux assez rapprochés les uns des autres, de façon à circonvenir l'espace au centre duquel se trouvent les Huiîtres. Ces pieux s élèvent un peu au dessus de la surface de l’eau, afin qu'on puisse facilement les saisir avec les mains, et les enlever quand cela devient utile. « Il y en a d’autres aussi qui, distribués par longues files, sont reliés par une corde à laquelle on suspend des fagots de même bois destinés à multiplier les pièces mo- biles qui attendent la récolte (fig. 55). Le produit de la pêche, renfermé et entassé dans des paniers en osier, de forme sphérique et à larges mailles, est provisoirement déposé, en attendant la vente, dans une réserve ou parc établi dans le lac même, à côté du pavillon royal, et construit sur des piliers qui supportent un plancher à claire-voie armé de crochets auxquels on suspend les … paniers (fig. 56). » | ee LE LAC FUSARO 119 Ainsi donc, comme on le voit dans ce récit, la pro- duction et l'élevage se trouvent réunis dans le même FiG. 54. — Banc artificiel du lac Fusaro, d’après Coste. milieu, milieu de petite dimension, de peu de profon- deur, convenablement protégé des intempéries, plus Fic. 55. — Lignes de fascines dans le lac Fusaro, d'aprés Coste, chaud encore que les eaux de la mer avoisinante et pro- bablement de moindre salure. Est-il nécessaire d’ajouter 120 L'OSTRÉICULTURE que les produits sont de très bonne qualité ? Telles sont les données pour ainsi dire fondamentales dont Coste a fait usage pour chercher à réaliser sur toutes nos côtes la culture de l’Huïître. Dès le printemps de l’année 1858, des essais furent pratiqués simultanément : le premier dans la baie de Saint-Brieuc, dans les Côtes-du- Nord ; le second dans la baie de La Forest, près de Concarneau, dans le Finistère; le troisième dans le bassin d'Arcachon, dans la Gironde. Les résultats obtenus furent très differents : dans le Nord, la tentative échoua com- plètement ; elle ne réussit qu’en partie dans le Finistère; mais en revanche la réussite fut complète dans le bassin d'Arcachon. Aujourd'hui, avec l'expérience acquise durant ces dernières années, la possibilité de la créa- tion artificielle des bancs d’Hui- tres, la culture de ces jeunes Fic. 56. — Panier servant à la : ; D EPA NME Mollusques, leur élevage, leur de- veloppement dans les parcs ré- servés ne font plus question. On pratique l’ostréiculture, sous ses différentes formes, sur presque toutes nos côtes ; les moyens de détails seuls diffèrent un peu. Mais pour arriver avec certitude à de bons résultats, pour éviter les fâcheux écueils des tentatives de la première heure, il faut s'astreindre à suivre des principes désormais bien acquis. Nous allons examiner les différents procédés. L'OSTRÉICULTURE h É | ny 1 | EH L A. Locarr, Les Huitres. | | j Il 1 ji j | il LL ik | Ï UF TNT Il 121 Fic, 57. — Réserve ou parc de dépot. 122 L'OSTRÉICULTURE Production de l'Huitre. — Les jeunes Huîtres, comme nous l’avons expliqué, une fois à l’état de larve em- bryonnaire, sont munies d'un appareil de natation qui leur permet d'effectuer de rapides mouvements au sein des flots. En sortant du manteau de la mère, elles se met- tent aussitôt à la recherche d'un point d'appui sur lequel elles viendront se poser d'une manière définitive et immuable si elles doivent toujours vivre à l’état sauvage. Tout corps solide, rocher, coquillage, bois fixe ou flot- tant, épaves de toutes sortes leur seront bons ; elles ne sont point difficiles à contenter ; l'essentiel, c'est que, dans un court délai, elles parviennent à trouver ce point d'appui solide, absolument indispensable à leur nouveau mode d’existence. Cela étant bien établi, on comprendra que le rôle du producteur consiste à faciliter le plus possible ces jeunes embryons dans la recherche de ce point d'appui. Il con- viendra donc d'installer, dans le voisinage des Huîtres mères, déja constituées en bancs naturels, des appareils convenables pour recueillir les larves huïîtrières, pour les tenir à l’abri de toute attaque des nombreux ennemis qui guettent une proie facile, et leur permettre de se développer convenablement durant cette période de leur existence. On donne à ces appareils le nom de collecteurs. On en a imaginé un grand nombre d'espèces ; nous pas- serons en revue les principaux. Reproduction en bassins clos. — Dans le principe, on imagina de parquer les Huitres mères dans des bassins complètement clos, de façon à pouvoir retenir et récolter la presque totalité du naïissain qu'elles étaient susceptibles d'émettre, sans qu'il s'en dispersât au dehors. Mais on s’aperçut bientôt que cette précaution quelque peu dis- … GODLECGDEURSAEN FASCINES 123 pendieuse était non seulement inutile, mais qu’elle pré- sentait même parfois des inconvénients. Les Huitres mères, ainsi parquées, perdent au bout de peu de temps leur puissance génératrice ; pour que ces animaux puis- sent vivre convenablement, il est nécessaire que l’eau qui les baigne soit souvent renouvelée, de façon à ce que les principes nutritifs qui sont tenus en suspension dans l’eau soient constamment remplacés, à mesure qu'ils sont absorbés par l'animal. La production du naissain avec des collecteurs instal- lés au large, dans le voisinage des bancs naturels, donne des résultats bien suffisants et tout aussi complets. Ce n'est donc plus que dans le Nord, et particulièrement sur les côtes de la Hollande, que ce mode de reproduc- tion est encore employé. Dans l'ile de Wight, sous la direction de lord H. Scott, on a construit des bassins circulaires entièrement clos dans lesquels on installe, dès le printemps, des Huitres mères que l’on a soin de renou- veler chaque année ; dans le voisinage, on établit des tuiles chaulées sur lesquelles le naissain vient se déposer : l'eau du bassin est renouvelée par un système de tuyau- terie. Ce procédé, ainsi compris, est certainement bon, mais il a le grand inconvénient d’être très onéreux. Nous ne connaissons, sur nos côtes, aucune installation de ce: genre. | Collecteurs en fascines. — Ce mode, renouvelé des dispositions du lac Fusaro fut proposé par Coste et employé en 1858 dans les tentatives ostréicoles de la baie de Saint-Brieuc. Des branchages (fig. 58) de 2 à 3 mètres de longueur, liés en fagots par le centre, à l'aide d'une bonne corde, ou mieux, d'une chaine gal- *as07 soide,p‘saulose} u2 1n2}22/[09 — ‘65 ‘OI L'OSTRÉICULTURE 124 % » COLLECTEURS EN FASCINES 125 vanisée, et reliée à une pierre servant de lest, assez lourde pour les maintenir dans les fonds producteurs, 5 ei fl ( Fic. 59. — Jeunes Huitres fixées sur un morceau de bois (grandeur naturelle) À, Huitres de 15 à 20 jours; B, Huîtres de 1 à 2 mois ; C, Huitres de 3 a 4 mois; D, Huitres de 5 à 6 mois; E, Huitres de 12 à 14 mois, d'aprés Coste. tel est le premier collecteur dans toute sa simplicité; on le tient élevé à une hauteur de 30 à 40 centimètres seu- ER , JE + 3; 126 L'OSTRÉICULTURE lement au dessus du fond et il ne tarde pas à se cou- vrir de naïissain. « Après un certain temps, dit Coste, on va relever l'une après l’autre les fascines et on en extrait la récolte avec autant de facilité que peut le faire un agriculteur pour celle des espaliers qui portent les fruits dans son domaine. Les fascines portent dans leurs branchages, dans leurs moindres brindilles, des bouquets d'Huîtres en si grande profusion, qu'elles ressemblent à ces arbres de nos vergers qui, au printemps, cachent leurs rameaux sous l’exubérance des fleurs. On dirait de véritables pétrifications. » (fig. 59). Ce procédé, l'un des plus économiques, sans doute, n'est cependant plus en usage aujourd’hui; il laisse perdre une grande quantité d'embryons qui passent à côté des fascines sans s'y fixer. En outre, il arrive parfois que les fascines sont entraînées par les courants ; dans les essais pratiqués par Coste, plusieurs fascines ont disparu à la suite de gros temps. Aussi donne-t-on la préférence aux systèmes suivants qui sont un peu plus dispen- dieux, mais qui donnent de bien meilleurs résultats. Planchers collecteurs. — Coste, un peu après, avait imaginé de répandre sur les terrains où il existait des bancs naturels, de véritables planchers en bois. Suivant l'importance de l'installation, ces planchers pouvaient être plus ou moins grands et offrir un nombre variable de compartiments. Nous donnons ci-joint la disposi- tion d'un plancher collecteur à compartiments mul- tiples (fig. 60). « Le plancher collecteur à compartiments multiples consiste, dit Coste, en plusieurs séries de doubles pieux A, qu'un intervalle de 12 à 15 centimètres seulement PLANCHERS COLEECTEURS 127 sépare, disposés en échiquier et à la distance de 2 mè- tres environ les uns des autres, et coupés par des pas- sages d’exploitation E, larges de 60 à 70 centimètres. « Deux trous se correspondant, le premier à 50 cen- timètres du sol, le second à 25 ou 30 centimètres au- dessus du premier, percent de part en part les pieux ac- couplés. Une clavette en bois ou en fer, introduite dans le trou inférieur |, convertit ces pieux en une sorte de chevalet, et sert de point d'appui à des traverses B, d’une seule pièce, longue de 2 à 20 centimètres au moins, et d’un diamètre de 10 à 12 centimètres. Ces traverses doivent être solides, car c’est sur elles que porte le plan- cher D, consistant en planches posées à plat, par leurs extrémités, sur les traverses inférieures, et rangées côte à côte de manière à laisser entre elles le moins d'inter- valle possible. «D'autres traversesC, de même longueur que celles-ci, mises au-dessus des planches et retenues elles-mêmes par des clavettes J, passées dans le trou supérieur des pieux, assujettissent le tout. S'il arrivait qu’il y eût un peu trop de jeu entre les clavettes supérieures et les tra- verses qu'elles doivent maintenir, un coin placé entre ces deux pierres obvierait à cet inconvénient. Des coins. de bois servent aussi à assujettir les planches qui auraient trop de mobilité. Les planches les plus propres à former plancher sont les planches brutes en bois de sapin ou de pin de 2" ,10 à2",15 de long, sur 20 à 25 centimètres de large, dont on hérisse l’une des faces, à l’aide d’un ciseau ou d'une herminette, de minces copeaux adhé- rents. Ces copeaux, qui ont une saillie de 2 à 3 centi- mètres, multiplient les surfaces et rendent très facile la cueillette des Huiîtres qui y adhèrent. 128 Fi 69, — Plancher cel « On peut les remplacer par une couche de valves de Bucardes, de Vénus, de Moules ou de cailloux du volume d’une noix, que l’on fait adhérer aux planches à l’aide d’un mastic de brai sec et de goudron. Enfin, pour four- nir aunaissain un plus grand nombre de points d'attache, rc, “Re HR ANS LS LS + À 2 - Le | PORT MAP LR Le r î : PEÉANICERERSÉEOLLECTEURS 129 | | _ Y — = = a — re = —— SR —- 7 ; 7 = = QUI | | | ur de Coste. on garnit aussi cette face de menus branchages de chà- taigniers, de chènes, de sarments de vigne, etc., que l’on fixe par des liens passés à des trous pratiqués aux planches. » | Ces planchers collecteurs sont installés environ un mois 130 L'OSTRÉICULTURE avant la ponte, à 20 ou 30 centimètres au-dessus des bancs ou dans leur voisinage immédiat. M. de Bon a installé dès 1858, sur les parcs de Cancale, un système analogue qui a donné de‘bons résultats. Le reproche que l'on peut faire à ce système, c’est que d’une part il est assez coûteux, et que, pour le détroquage, c’est-à-dire pour la cueillette de la jeune Huître, il ne se prête pas aussi bien que la tuile dont nous allons parler. Collecteurs en tuiles. — H y a fort longtemps déjà que l’on a proposé de substituer les planchers en tuiles aux planchers en bois, les premiers essais auraient été tentés dans l’établissement de Régneville dans la Manche, appartenant à M°° Sarah Félix, sœur de la célèbre tra- gédienne Rachel. Différents systèmes ont été indiqués. Le toit collecteur simple consiste en un cadre en bois formé de barres parallèles écartées de 30 centimètres les unes des autres et reliées ensemble par des traverses ; on dispose sur ce cadre les tuiles, de façon à ce que la partie concave regarde le sol , elles sont placées bout à bout ou se recouvrent à peine; pour les maintenir en place, et les empêcher d'être dérangées par les courants, on pose par-dessus, de distance en distance, des pierres un peu grosses (fig. 61). Dans quelques installations plus exposées au mouvement des eaux,-on a soin de consolider chaque rangée de tuiles à l’aide de fil de fer galvanisé, tel que cela se pratique pour les toitures dans les pays exposés aux vents. Dans le bassin d'Arcachon, on dispose les tuiles en ruche ; on empile les tuiles les unes au-dessus des autres, sur huit ou neuf rangs superposés; le tout est retenu soit par un piquet central, soit mieux encore par des piquets latéraux auxquels sont fixés les cadres. Ce système a LE 4 ? D n 4 : COLLECTEURS EN TUILES ÉTT donné les meilleurs résultats. Aujourd’hui on emploie dans cette station plus de quatorze millions de tuiles. Fi. 61. — Toit collecteur simple. Chaque tuile peut recevoir une moyenne de deux cents Huitres. Au lieu de placer les tuiles à plat, on préfère parfois les disposer en files obliques ; ce système est bon lorsque Fic. 62. — Toit collecteur a piles obliques. le courant tend à entraîner le naissain toujours dans la même direction, on place alors les files dans le sens 132 L'OSTRÉICULTURE opposé au courant. On implante dans le sol des cheva- lets peu élevés et assez rapprochés; sur chaque ligne on dispose les tuiles, le côté le plus large sur le sol, et de façon à ce qu’elles se présentent sous un angle de 30 à 35° (fig. 62). On peut également, et c'est même chose prudente, relier les tuiles entre elles par du fil de fer galvanisé. D'autres personnes ont proposé une disposition diffé- rente; c'est celle des collecteurs formant une double toi- ture, l’une à claire-voie, l’autre à séries continues et croi- sant la première ; le tout, comme dans le premier système que nous avons indiqué, s'étale sur des cadres en bois reposant sur des chevalets implantés dans le sol (fig. 63). Enfin, si l'on veut éviter de faire usage des cadres et des chevalets, on pourra installer les tuiles de manière à former des séries de toits à files juxtaposées; les tuiles reposent sur le sol par leur extrémité la plus large et se touchent par le sommet de façon à pouvoir se soutenir ; une seconde rangée vient se buter par la base contre la première, et ainsi de suite (fig. 66); pour donner plus d'assiette à cet échafaudage, on dépose au pied des tuiles, de distance en distance, quelques grosses pierres. Tuiles en champignons. — Les dispositions que nous venons d'indiquer sont bonnes toutes les fois que le terrain est solide, mais lorsqu'il est plus mou, plus va- seux, il ne saurait convenir. Tel est le cas de la plupart des fonds que l’on rencontre sur les côtes de Bretagne. On doit à M. E. Leroux une ingénieuse installation qui permet d'établir des tuiles collectrices dans ces terrains. On nomme ce système : tuiles en bouquets ou en cham- pignons. L'histoire de cette invention mérite d’être rapportée d'après le fils de l'inventeur. Ê ÿ - L A 24 ny es TUILES EN CHAMPIGNONS 533 … « Eugène Leroux, en juillet 1866, voulant employer … la tuile qu'il savait à l'essai tant à l'ile de Ré qu'à Arca- - chon, fit venir de Nantes cinq mille tuiles à couverture, Fi. 63. — Toit collecteur double. FiG. 64, — Toit collecteur en files opposées. Ur |A] | “AI de 33 centimètres de longueur, qu'il disposa par petites ruches de six tuiles élevées au-dessus de la vase, Sur quatre échalas formant un carré de 20 centimètres et reliés entre eux par la tête avec du fil de fer. Il mainte- 134 L'OSTRÉICULTURE nait les tuiles placées sur ce carré, au moyen de deux fils de fer placés au milieu des échalas en passant en croix sur le collecteur. « À l'époque des malines, les deux frères E. et H. Leroux, allèrent à basse mer, avec une brosse, déli- vrer les tuiles de la couche de vase qui les couvrait, et leur zèle fut bientôt stimule par l'apparition d’un certain nombre de naissains sur chaque tuile. Mais la solidité des collecteurs laissait beaucoup à désirer, un grand nombre de tuiles avaient été renversées. « C’est E. Leroux qui résolut le problème. En 1867, il eut la patience de percer, avec un foret, un trou à chaque extrémité de la tuile ; il y passa deux longs fils de fer n° 14, galvanisés, qui, après avoir réuni six ou douze tuiles en forme de ruche, allaient se fixer solide- ment à la tête d’un piquet de plus de 1 mètre, quil fai- sait passer dans l’espace carré formé par l'écartement des tuiles, au milieu de la ruche. « Cet appareil, fixé dans le sol, tenait les tuiles sus- pendues à 15 ou 20 centimètres au-dessus de la vase. Iavait l'apparence d’un champignon, c'est le nom qu'il reçut; d’autres l'appellent bouquet. » Cette heureuse disposition a été adoptée par tous les ostréiculteurs de la région armoricaine, partout où le sol est un peu trop vaseux. Quelques légères modifications ou perfectionnements ont été apportés par divers éle- veurs. Dans certaines localités, au lieu du piquet unique, on fait usage de traverses en bois qui reposent sur le sol ; pour maintenir l’ensemble des tuiles, on les relie à 4 un simple pieu central ; de cette façon, elles sont plus régulièrement réparties en surface. Enfin pour main- tenir un écartement convenable, et pour ne pas perdre COLLECTEURS:EN CHAPELETS 135 de place, M. de Wolbock dispose entre chaque tuile une planchette de bois, de façon à maintenir un écarte- ment constant. Longtemps on a reculé devant la dépense occasionnée par l’achat de cestuiles, achat qu'il faut renouveler bien souvent. Mais aujourd'hui, au moins dans le Nord- Ouest, on arrive à faire des tuiles à bon marché, en se servant de la vase de mer ; M. de Wolbock, depuis 1882, a annoncé à la Société ostréicole d'Auray qu'il pouvait livrer des tuiles ostréicoles à raison de 22 francs le mille. Dans la Gironde, on vend, d'après M. Gonon, depuis quelques années, la tuile couverte de son naïssain, telle qu'elle est au moment du relevage. La tuile, qui revient brute à 25 centimes pièceen moyenne, peut, suivant les marchés, se revendre à 50 ou même 60 centimes. C’est donc, comme on le voit, un joli bénéfice pour le pro- ducteur. Collecteurs en chapelets. — Les jeunes Huîtres, comme nous l'avons expliqué, aiment à se fixer de préférence sur les corps un peu rudes et surtout de nature calcaire. Ainsi en liberté elles s'attachent très volontiers sur les valves de leurs congénères ou sur de vieilles coquilles au fond de la mer (fig. 65). On a donc imagine de percer des morceaux de coquille ou de les nouer le long d’un fil de fer galvanisé de manière à former des chapelets que l’on suspend au voisinage des Huitres mères. Ces cha- pelets sont utilisés sur un grand nombre de points con- curremment avec les tuiles. Dans le même ordre d'idées et pour remplacer les co- quilles, on fait usage à Wameldigne, en Hollande, de pe- tits cylindres en terre-cuite de 2 centimètres de long, enduits de chaux hydraulique; ces cylindres sont enfilés 130 L'OSTRÉICULTURE dans des fils de fer galvanisés et placés sur un cadre métallique de 1 mètre de long sur 2 de large; ils pro- ENT Û Mess — Fic. 65. —- Valves de Cardium chargées de jeunes Huitres de grandeur naturelle. nn = à tn | | nl 4) | nn duisent de bons effets et leur prix de revient est assez minime, car ils peuvent être fabriqués à la mécanique très économiquement. 4 Caisses ostreophiles. — Les ostréiculteurs du bassin 3 | | | Æ EX | | 4 Ill AU , 1 4FASMRRSSSRRS RE | CAISSES OSTRÉOPHILES 137 d'Arcachon, voyant leurs éducations bien souvent com- promises par l'intervention de poissons ou de crustacés destructeurs, ont inventé divers systèmes pour tenir complètement à l'abri leurs jeunes Mollusques. Ils ima- ginèrent de placer les petites Huitres soit dans des cages en osier, soit dans des caisses en bois munies de trous permettant à l'eau de circuler, mais interdisant toute ap- proche aux ennemis des Mollusques. Ces procédés étaient en somme assez primitifs. M. Michelet eut alors l’idée de construire ce qu'il qualifia d'ambulance ostréophile. « C'était, dit M. le D'Brocchi, un bassin en pierre à fond de briques cimentées, reposant sur un fort madrier en bois, lequel était lui-même soutenu par des pieux en- foncés dans le sol. Un second madrier posé sur les pierres se reliait au premier par de forts boulons en fer. A l'in- térieur, et à 6 centimètres environ du fond, étaient fixées des claies en osier ou en toile métallique sur lesquelles étaient placées les jeunes Huiîtres. La couverture se composait de panneaux mobiles en bois ou en toile mé- tallique. L'ensemble de la construction était entouré d’un massif d'argile qui en consolidait la muraille. » Ce procéde etait, comme on le voit, assez dispendieux et surtout intransportable; à chaque changement de sta- tion on était forcément condamné à reconstruire la ma- çonnerie de l'appareil. On a remplacé les ambulances par des appareils beaucoup plus simples appelés caisses os- tréophiles. Ce sont de véritables ruches en bois qui se présentent dans les meilleures conditions pour recevoir le naissain et l’abriter complètement durant son jeune âge. Cet appareil (fig. 66) est constitué par une caisse sans fond en bois léger, mesurant environ 2 mètres de lon- 9. 138 L'OSTRÉICULTURE gueur pour 1 mètre de hauteur et autant de largeur. La base repose soit directement sur le sol, soit mieux encore sur deux ou trois traverses Q posées à plat, de façon à laisser la libre circulation de l’eau dans toute la partie inférieure. Le couvercle D, situé au-dessus, est formé de plusieurs pièces juxtaposées et maintenues par {l y Fic. 66. — Caisse ostréophile. une traverse T, qui vient s’encastrer à ses deux extrémités dans une sorte de gâche À à l’aide d’un’coin C, et dis- posée à la partie supérieure de deux pilotis P, enfoncés aux deux extrémités de la caisse pour la maintenir fixe. Les planches qui constituent les parois latérales de la caisse sont fixées sur des cadres S de manière à laisser entre elles des vides de 2 à 3 centimètres à travers les- quels l’eau peut librement circuler. En outre on a soin de percer dans ces planches des ouvertures O permettant encore à l’eau de se déplacer facilement du dehors au de- dans. Llss este D... dl si EE mit CAISSES OSTRÉOPHILES 139 Dans l'intérieur de ce coffre, on dispose des châssis (fig. 67 et 68) également en bois, de 4 à 5 centimètres d'épaisseur, garnis dans le fond d’un treillage en laiton ou en fil de fer galvanisé à mailles de 2 centimètres de côté; ces cadres sont soutenus en dessous soit par une traverse en bois, soit par des tringles en laiton ou en fer FERRER EE EE Il ll | 7 LI LITIITTITTIT ï 111131:111111 trit 1 ii ï ï ï Haun CLTH d., All F 1 L} i © | x LL] A CL] u Ci [ [ | ee HN © HA Baux Fic. 67. — Chassis mobile F1G. 68. — Chassis mobile a traverse en bois. a tringles métalliques. galvanisé, placées en croix. Chaque châssis est muni de poignées ; la dimension de ces cadres est telle qu’il doit en entrer un multiple pair dans chaque rangée de la caisse. Pour compléter l'organisation, on étale sur ces châssis des fragments de coquilles mortes, valves d'Hui- tres, de Cardiums, de Moules, etc. Pour faire usage de ce collecteur, on dispose sur le sol une soixantaine d'Huîtres mères également réparties, et on place au-dessus le cadre avec une première rangée de châssis; puis, sur la seconde rangée de châssis, on étale une seconde couche d’Huîtres mères au milieu de fragments de coquilles, et on recouvre le tout d’une nouvelle rangée de châssis coquilliers. Cinq ou six mois après la ponte, les fragments de coquilles sont recouverts de jeunes Huîtres qu'il est 140 L'OSTRÉICULTURE alors facile de retirer des châssis et des cadres (fig. 69). Ce procédé, un peu dispendieux comme mode d'installa- tion première, présente de grands avantages; bien peu de naissain est perdu, et toutes les jeunes Huïîtres sont absolument protégées durant leur jeune âge. Une caisse comme celle que nous venons de décrire peut contenir facilement cinq mille jeunes individus. Elle coûte en FiG.69.— Caisse ostréophile ouverte ; une des parois latérales est enlevée pour monter l’arrangement des chassis mobiles. moyenne une dizaine de francs et peut servir pendant longtemps à condition qu'il n'y ait dans la localité aucun Mollusque phytophage. Dans ce cas, il conviendrait de revêtir les parois d’une feuille de zinc galvanisé. D'après M. le D' Brocchi, on n’emploie pas moins de cinq mille de ces caisses dans le bassin d'Arcachon. Ces caisses peuvent servir pour la production et pour l'élevage. Collecteurs pour hauts fonds. — M. Arturo Issel, dans son intéressant volume intitulé Pe/agos, a donné la des- those fées Date à mt dun. + ÉPOQUE DE LA POSE 141 cription d'un collecteur très simple et très ingénieux qui peut être avantageusement utilisé dans les localités où le fond se trouve un peu bas. Sur un cadre carré de 1 mè- tre de côté fait en bois noueux, on fixe des branches rameuses de 1",50 de hauteur environ, et l’on dispose le tout sur quatre piquets enfoncés dans le sol avec quatre grosses pierres dans les angles, pour maintenir au besoin l'appareil au fond de l’eau. Dans l'intérieur du cadre également fait en bois on installe les Huîtres mères. Les jeunes embryons, en sortant de la coquille viennent se fixer. sur les rameaux qui sont étalés au- dessous et ne tardent pas à s’y développer. Époque de la pose. — Le choix des collecteurs étant fait, et ceux-ci étant préparés à l'avance, à quelle épo- que conviendra-t-il de les mettre en place, et combien de temps faudra-t-il les laisser au sein des eaux avant de les retirer ? Cette époque de la pose varie suivant les pays. La ponte, pour nous servir de l'expression des os- tréiculteurs, est d’autant plus précoce que la tempéra- ture est plus clémente. Dans le Midi, sur les côtes de Provence, les collecteurs devront toujours être installés avant le 1° juin. À Ar- cachon on estime qu'ils doivent être en place du 12au 15 du même mois, tandis que, sur les côtes de Bre- tagne et de la Manche, on retarde cette pose du 15 juin au 15 juillet. Il y a de grands inconvénients à placer les collecteurs trop tôt ou trop tard, Trop tard, on perd la récolte; trop tôt, les collecteurs se salissent, leur surfac se recouvre de corps étrangers qui viennent s'y déposer; plusieurs ani- maux tels que des Bryozoaires, des Serpules, des Asci- dies, etc., prennent la place que l’on croyait réservée aux 142 L'OSTREICULTURE jeunes Huîtres ; il importe donc d'apprécier exactement le moment le plus favorable. Il existe du reste un criterium à peu près certain qui permet aux ostréiculteurs de se rendre un compte exact du moment opportun où cette pose devra s'effectuer. Il suffit pour cela d'ouvrir, vers les époques indiquées, quelques Huitres, et de voir quelle couleur elles présen- tent à l’intérieur. Si l'animal prend une teinte blanchätre ou laiteuse, il est temps de se préparer; si la coloration passe au blanc ardoisé, c’est que la sortie des embryons est très prochaine. Il faut alors se hâter d'installer les col- lecteurs. Au moment de la ponte, les collecteurs se recouvrent rapidement du jeune naissain qui s’y fixe et y croît dès le premier jour avec une grande rapidité. Cet accroisse- ment, au moins pour l'Osfrea edulis et ses formes affines, se fait en moyenne à raison de 2 centimètres de dia- mètre en dix mois environ. Nous avons donné (fig. 59) les dimensions, en grandeur naturelle, des Huîtres à cinq ages différents. C’est seulement lorsque l’Huître a 2 cen- timètres de diamètre qu'il convient de la détacher et de la livrer aux éleveurs. C'est donc au printemps, c'est-à-dire au commence- ment du mois de mars, que cette opération devra avoir lieu. Dans le Midi, et surtout dans la Méditerranée, nos Mollusques attendront le retour de la belle saison sans trop souffrir des rigueurs de l’hiver; mais dans le Nord, il est prudent, si les collecteurs ne sont pas suffisam- ment abrités, de retirer le naissain fixé sur les tuiles et de placer le tout dans des eaux plus profondes qui les maintiendront toujours au-dessous du niveau des plus basses marées et les préserveront des atteintes d’un froid DÉTROQUAGE 143 trop rigoureux. C'est surtout dans ces conditions que les caisses ostréophiles rendront des services, car on pourra les déplacer avec une extrême facilité sans que les petits Mollusques aient trop à en souffrir. Deétroquage. — Nous voici arrivés au printemps, c'est-à-dire au moment où il convient de retirer les jeunes Huîtres de leur premier berceau, pour les céder aux éleveurs qui vont parachever leur éducation. Tantôt, on vend directement les tuiles des collecteurs avec leur récolte, tantôt au contraire, on livre au commerce les Huîtres toutes détachées. On donne le nom de détro- quage à l'opération par laquelle on détache l'Huître de son premier support. La plupart du temps, ce détroquage est fait à la main par des femmes; à l’aide d’un instrument en fer, elles détachent délicatement la coquille de la tuile et la déposent dans des corbeilles ou paniers qui sont expé- diés le plus rapidement possible aux éleveurs. II va sans dire que ce détroquage doit être fait avec assez de soin pour que la coquille n'en souffre pas. Longtemps cette pratique a présenté certaines difficultés, tant est grande l’adhérence du Mollusque. Mais aujourd'hui, grâce à l'emploi de certaines précautions, cette opération s’ef- fectue avec la plus grande facilité. Au lieu de laisser les tuiles brutes, telles qu'elles sont livrées par le commerce, on les recouvre de divers enduits qui ont pour but, non seulement d'attirer les embryons, mais encore de faciliter considérablement le détroquage. L'enduit le plus simple et le plus économique consiste en un chaulage unique ou double; on passe sur les tuiles. une ou deux couches d'un lait de chaux. M. AI. Martin plonge chaque tuile d’abord dans un lait de chaux 144 L'OSTRÉICULTURE grasse, puis quand la couche est sèche, il la replonge à nouveau dans un lait de chaux hydraulique. M. H. Leroux prépare de la manière suivante ses tuiles pour les collecteurs en champignon : « Une cuve étant remplie d'eau douce, si c’est possible, on y ajoutera de la chaux en quantité suffisante pour obtenir un liquide plus ou moins épais, suivant le mode de détro- quage qui devra être adopté; on pourra même y mêler un peu de sable fin, 5 à 6 Litres par hectolitre de liquide. Un collecteur en champignon, tout préparé sur son piquet, est plongé en le renversant, dans le liquide cal- caire constamment agité; il est mis ensuite à sécher. » M. le D' Kœmmerer a imaginé un autre enduit un peu compliqué, il est vrai, mais qui, paraît-il, a présenté de bons résultats. L'auteur donne à son appareil le nom de collecteur ciment porte-graine mobile : « La tuile étant sa- turée d’eau, on tapisse la concavité de cette tuile avec du papier mouillé, de manière que le papier laisse près des bords de la tuile une surface d’un centimètre à décou- vert. Alors vous étendez votre ciment sur toute la con- cavité de la tuile et vous laissez sécher. Le ciment se prend en une seule masse, mais il ne tient à la tuile que dans la partie que le papier ne couvre pas; dans toute la partie tapissée le ciment n’a aucune adhérence avec la tuile, et il suffit de couper rapidement, avec la pointe d'un couteau, la petite lisière de ciment pour en séparer en bloc tout le ciment porte-graine. » L'Huître ne doit jamais rester trop longtemps sur la tuile, surtout si les jeunes individus sont assez rappro- chés pour arriver à se nuire dans le développement. Quelques personnes laissent ainsi les Huîtres quinze et dix-huit mois avant de les détroquer, mais dans ce cas D TS TT PS VA SN I I EE | » ae à Là ER ; - A HUÎTRES À TESSONS — ÉLEVAGE 145 le Mollusque affecte une forme irrégulière qui nuit à sa bonne vente. Huitres à tessons. — Quelques producteurs, voulant faire de l'élevage sur place, ont imaginé un mode de manipulation particulier que l'on désigne sous le nom d'Huiître à tesson. Dans les caisses ostréophiles, nous avons vu le naissain venir se déposer sur des fragments de coquille, et la, la jeune Huitre, fixée seulement par son sommet sur une surface plus ou moins arrondie, se développer pendant un certain temps, sans que son galbe en pâtisse le moins du monde. C’est ce que cer- taines personnes ont voulu imiter sans avoir recours aux caisses ostréophiles. Le naissain étant dépose sur des tuiles même chau- lées, on les y laisse le plus longtemps possible, c’est- a-dire tant que les coquilles ne se gênent point les unes les autres dans leur développement. Puis on casse ou mieux on découpe la tuile de manière que chaque frag- ment ou tesson porte son Huïitre. Ces tessons ainsi char- gés de leur Huître sont ensuite déposés dans des claires où elles achèvent de grandir. Lorsque l'Huître est devenue marchande, on la détroque alors assez facilement de manière à la séparer de son tesson. Élevage. — L'Huître une fois produite passe entre les mains des éleveurs ; mais il va sans dire que, si le milieu s’y prête, ses producteurs seront en même temps des éleveurs, et qu'ils suivront l'Huître depuis sa phase embryonnaire jusqu'à la fin de l’évolution du produit marchand. En ôstréiculture on distingue le petit et le grand élevage, ou encore l'élevage et le demi-élevage, suivant le degré d'avancement que l’on veut donner à l'Huître avant de la livrer à la consommation. A. Locar», Les Huitres,. 146 L'OSTRÉICULTURE Le petit élevage consiste à prendre les jeunes Mollus- ques une fois détroqués, à les parquer dans un milieu convenablement aménagé, et à les laisser croître jusqu’à ce qu'ils aient atteint un développement suffisant. Dans le grand élevage, on ne se contente pas de laisser pousser les Huïîtres, comme le disent les éleveurs, tout à fait à leur guise, on les soumet à une sorte d’entraînement qui a pour effet d'en modifier les chairs en les amélio- rant, de manière à les rendre plus grasses, plus appétis- santes au goût comme à la vue, et surtout plus facile- ment digestives. Petit elevage. — Pour l'élevage ordinaire, on se con- tente de choisir dans la mer un milieu à fond non vaseux, peu profond, convenablement abrite des coups de vent et des coups de mer ; les milieux à fonds de rochers ou sablonneux conviennent très bien pour ce genre d’édu- cation. La vase, lorsqu'elle est en excès, nuit, comme nous le verrons plus loin, au libre bâillement des valves, et les jeunes Huîtres ne tardent pas à y périr étouffées. Mais une fois la nature du sol convenablement choi- sie, il ne suffit pas d'y déposer de jeunes Huïtres et de les abandonner ; il faut les parquer de manière à ce que l’eau se renouvelle de temps en temps ; il faut en outre les protéger contre les nombreux ennemis avides de se repaître d'une proie si facile. Enfin, on a observé que les Huîtres prospéraient beaucoup plus rapidement dans des eaux traversées par des courants même assez éner- giques plutôt que dans les eaux de même qualité, mais absolument tranquilles. « On ne saurait douter, dit le D’ Brocchi, de l'influence des courants sur la pousse des Huîtres. Il arrive à chaque instant que des Huïîtres placées dans des bassins où les GRAND ÉLEVAGE 147 courants sont très faibles, restent pour ainsi dire inac- tives, ne grandissent pas. Si l’on prend alors ces Mollus- ques et qu'on les place dans un endroit où se produit un courant énergique, on ne tarde pas à voir les coquilles s'accroître ; tout leur contour s’allonge, produisant une couche coquillière, d'abord mince, transparente, et dési- gnée, par les ostréiculteurs, sous le nom de dentelle.» Il est bien certain que dans un milieu absolument calme, les substances nutritives tenues en suspension dans l’eau ne se renouvellent que difficilement autour de la coquille, tandis que, sous l’action d’un courant, les provisions nutritives sont sans cesse renouvelées. Grand elevage. — Dans le grand élevage ou élevage complet, on se préoccupe non pas tant de donner à l'Huître tout le developpement dont elle peut être susceptible, mais bien de faire acquérir à sa chair des qualités plus fines et plus délicates. Il faut alors non plus se contenter de parquer les Huîtres dans des eaux normales et courantes, mais leur donner des eaux plus douces, presque saumâtres. Cette action de l'eau sau- mâtre est absolument manifeste ; l'expérience l’a démon- tré maintes fois. Sans doute, ces eaux sont encore plus chargées de principes nutritifs que les eaux de la mer, et cette condition particulière tend à engraisser davan- tage le Mollusque, et à rendre sa chair plus tendre et plus agréable. Parfois aussi dans le grand élevage, on fait subir à la coquille une véritable transformation mécanique. A l’aide d'un outil on coupe ses bords sans toucher aux . sommets, de façon à donner à son profil un contour arrondi bien régulier. Cette ablation périphérique du _ test a pour effet, non seulement de rendre la coquille 145 L'OSTRÉICULTURE plus petite et plus élégante, mais encore d'empêcher l'animal de concentrer inutilement ses forces au dévelop- pement de la matière testacée qui lui sert d’enveloppe. Le grand élevage se pratique donc rarement sur les mêmes lieux que la production. Souvent même l’Huitre est appelée à subir de grands et longs voyages. Nous citerons comme exemple l’histoire de l'Huitre dite d'Os- tende. À Ostende, il faut bien l'avouer, il n’y a point d’Huitres naturelles. Le plus ordinairement, ces fameuses Huitres d'Ostende, que l’on vend à Paris et bien ailleurs, ont pris naissance en France sur les côtes de Bretagne. On les a transportées, dans leur jeune âge, en Angle- terre, pour les parquer dans les eaux saumâtres qui avoisinent l'embouchure de la Tamise où elles se sont rapidement engraissées ; puis on les a emmenées à Ostende pour y subir une dernière toilette, celle de la taille des bords de leur coquille. C’est de là qu'une fois transformées on les expédie dans le monde entier sous la dénomination de leur dernière demeure. On a pu con- stater que des Huïtres de Bretagne vendues à Paris sous le nom d'Huîtres d'Ostende, avaient séjourné à peine vingt-quatre heures dans les eaux belges: c’est bien peu pour en modifier les qualités, maïs c’est encore beaucoup trop pour l'honneur du marché français ! Parcs el claires. — L'élevage des Huitres se fait dans des parcs ou claires installés au bord de la mer ou à l'embouchure des cours d’eau suivant le genre d'éle- vage que l'on veut pratiquer. Le nom de claire, déjà fort ancien, vient simplement de ce que dans ces espaces clos et réservés, l’eau y est ordinairement plus limpide et plus claire. On peut faire des claires de toutes les façons. PARCS ET CLAIRES 149 _ Dans le bassin d'Arcachon, les claires ont ordinaire- ment de 30 à 40 mètres de longueur sur 4",50 de lar- geur, répondant à une superficie de 120 à 200 mètres car- res. En Bretagne, elles sont plus petites et ne mesurent que 4 à 5 mêtres de long sur 30 à 40 centimètres de largeur. Elles sont presque toujours installées dans la partie la plus élevée de la concession, par conséquent dans la partie du terrain qui restera le plus longtemps à découvert au moment de la marée basse. La hauteur d'eau moyenne varie de 30 à 40 centimètres. On les entoure de cloisons en planches ou en clayon- nage d’osier que l’on soutient avec des pieux enfoncés dans le sol, ou avec de la terre en buttes. Le fond est garni de gravier fin et de sable; on a soin d'y laisser quelques plantes marines qui ne peuvent qu'assainir l’eau. On subdivise l’ensemble de la claire par des cloi- sons qui empêchent les vagues de se former et de dis- perser les Huîtres. C’est dans ces compartiments que l’on dépose les tuiles chargées de naissain et les Huîtres déjà détroquées. A Marennes et dans le Nord-Ouest, les claires sont installées différemment ; elles ne sont plus, comme à Arcachon, submergées à chaque marée, mais seulement aux époques des grandes malines, c'est-à-dire à la nou- velle et à la pleine lune. En outre, elles sont d'une plus grande superficie puisqu elles mesurent de 5 à 600 mètres carrés de surface. Suivant qu’elles sont plus ou moins rapprochées des cours d'eau douce, on les désigne sous le nom de hautes et basses claires. Elles sont délimitées par une levée en terre appelée chantier, qui mesure en- viron un mètre de hauteur et autant à la base, et sur laquelle on peut circuler pour les besoins du service. 150 L'OSTRÉICULTURE Pour pouvoir renouveler l’eau suivant les besoins, la digue qui entoure la claire porte une écluse munie d’une vanne qu'un homme peut manœuvrer. Enfin, comme, dans ces régions, on a toujours à redouter les envase- ments, on donne à la claire une pente suffisante ; de temps en temps on établit des chasses qui entraînent la boue dans un fossé ou doue pratiqué dans la partie extérieure la plus basse de la cloison. Outre cela, on doit, chaque année, parer la claire; cette opération se fait au mois de mars et comprend deux manœuvres : le grat- tage et la mise en humeur. Le grattage sert à purifier et à régénérer le sol de la claire ; il dure de six semaines à deux mois. L'eau étant supprimée, au moment des basses eaux, le sol se des- sèche et se fendille sous l’action des rayons solaires du printemps ; on dit alors que le terrain se gratte. Lors- qu'il est bien desséché, on fait rentrer l’eau petit à petit, de manière à déliter lentement cette croûte desséchée; il se forme petit à petit, au bout de douze à quinze jours, sur le sol humide, une couche blanchätre appelée humeur. La claire est alors bonne à recevoir les Huîtres. Mais toute claire qui n'est pas parée à temps ne permet pas aux Huîtres de verdir. D’après M. S. Grand, il n’y a plus d'espoir de voir ce fait se produire, lorsqu'il ne s’est pas accusé de septembre à novembre, époque des premières pluies. Le parage doit être pratiqué toutes les années, mais en outre, tous les trois ou quatre ans, il faut encore piquer la claire. Suivant l’état du terrain, on procède à un piquage complet ou à un demi-piquage. Il se fait à l’aide d’une pelle appelée ferrée que l’on enfonce plus ou moins profondément dans le sol. On profite de ces parages 151 *apnja, | anod o18q — ‘ol ‘or ==> É _— PARCS ET CLAIRES # pe Lg FA JT FA. # Ve 152 - L'OSTRÉICULTURE pour renforcer et consolider les levées ou chantiers qui bordent la claire. Ces soins, quelque minutieux qu'ils puissent paraître, sont indispensables, si l’on veut s’as- surer la production des Huïtres vertes si particulièrement recherchées. Dans ces claires ainsi préparées, on dispose les Huîtres détroquées ; on admet que l'on peut en répartir environ 40.000 par hectare de surface submergée ; elles doivent autant que possible être très régulièrement disséminées sur la surface du sol. On recommande toujours de ne pas laisser le naissain trop longtemps sur les collecteurs ; en attendant que l'on puisse procéder au détroquage, M. le D’ Gressy a proposé de parquer les tuiles dans des claires de très petites dimensions où le naissain séjournera avant d'aller prendre place dans les grandes claires vides que nous venons de décrire ; les claires du D’ Gressy ont seule- ment 8 mètres de longueur, 20 centimètres de profon- deur et 2 mètres de largeur : ce sont de simples bassins creusés dans la vase et sans aucune clôture. On a également construit pour l'élevage des Huîtres et pour leur étude, des parcs plus confortables et ména- gés d’une façon plus scientifique. Ils sont alors entière- ment construits en maçonnerie (fig. 70); le sol est fait artificiellement, s’il s’agit d’un parc d'étude; l’arrivée de l’eau s'obtient par des tuyautages, tandis que la sortie se fait par des vannes. Mais de telles installations sont plutôt des annexes de laboratoires maritimes ou des réserves, que des parcs destinés à faire des élevages sur une vaste échelle. Réserves. — Puisque nous venons de citer les réserves, disons qu’on donne, dans la Méditerranée et particuliè- PÈCHE DE L’'HUÎTRE 153 rement aux environs de Marseille, ce nom à de petits parcs ou bassins, la plupart du temps très sommairement aménagés dans lesquels on entrepose des coquillages en attendant le moment opportun de leur consommation. Ces réserves reçoivent non seulement les Mollusques pêchés dans la localité, mais surtout ceux venant de beau- coup plus loin, même des côtes océaniques. Le plus souvent, les Huitres déposées dans les réser- ves ont atteint tout leur développement, et elles n’y font qu'un court séjour ; mais parfois aussi on y fait parquer de jeunes Huîtres pour qu'elles s’y développent et y engraissent rapidement. On pourrait sans doute tirer un bon parti de ces installations; mais malheureusement, la plupart du temps, elles sont faites dans des conditions déplorables sous tous les rapports, et les Mollusques que l'on y renferme ont certainement plus à y perdre qu'à y gagner sous le rapport gastronomique. Pêche de l'Huître. — La pêche de l'Huître sauvage, vivant en bancs au sein de la mer, nécessite un matériel spécial. Un Mollusque qui s'attache avec autant de faci- lité que l'Huître aux corps solides, et qui ne paraît pou- voir vivre qu'à la condition d’être ainsi rivé au sol, ne se pêche pas aussi facilement que la Praire ou la Clovisse qui préfèrent la liberté à cette singulière servitude. Aussi, lorsqu'il s’agit des Huitres vivant en bancs, ne les pêche- t-on pas; on les drague. C'est là un mode aussi sauvage que barbare, qui a singulièrement contribué pour sa part à détériorer et à dévaster les bancs les plus riches. La drague à Huïître, que nous qualifierons volontiers de guillotine à Mollusques, est composée d’un cadre en fer de forme rectangulaire, muni sur ses deux plus grands côtés d’une lame étroite et amincie, en forme de cou- 154 L'OSTRÉICULTURE teau. Le plus grand côté du cadre et par conséquent le couteau, mesure de 80 centimètres à 1 mêtre de long; à la suite du cadre, s'étend une vaste bourse en filet, tandis que, de l’autre côté, sont fixées trois ou quatre cordelettes qui viennent se réunir en une longue corde unique servant à la manœuvre (fig. 71). De é je | V7 10 FiG. 71. — Drague. Comme cette pêche est réglementée, elle ne se pra- tique, aux époques et aux heures fixées, qu'avec un certain nombre de barques détermine, opérant toutes en même temps, à un signal précis, sous la surveillance d'un garde-côte, portant le pavillon de l’État. Chaque barque porte quatre ou cinq dragues. Le bateau est sous voiles (fig. 72), la drague jetée à la mer, atteint bien vite le fond ; le côté qui porte le couteau, étant nécessairement le plus lourd, vient s'appliquer sur le sol, n lé 4 - À É L 2 F et le bateau, l’entrainant dans sa marche, lui fait impi- toyablement racler tout ce qu’il rencontre devant lui. Les Huïîtres, jeunes ou vieilles, sont détachées du fond et viennent se loger pêle-mêle dans le filet qui suit le couteau. sé Arr PA 4 . PÊCHE DE L'HUÎTRE 155 On comprend dès lors tout le mal qu’un pareil engin peut produire. C'est sans le moindre discernement qu'il opère; il arrache presque toutes les Huîtres, grosses ou Fic. 72 — Dragage en mer. LL (ill | | | ME f | À [ auf (HU [il QU É pOn LAVE {ll | 2 ; Il! NL Il À petites, et celles qui lui résistent sont blessées ou dété- riorées ; le filet à lui seul, traînant ses lourdes mailles Sur un naissain débile, peut le détruire à jamais. Le filet re Fe » < 156 L'OSTRÉICULTURE de la drague une fois plein est ramené à bord, puis vidé dans le bateau, et rejeté de nouveau à la mer. Rarement les Huitres ainsi pêchées sont vendues di- rectement. Presque toujours on en fait un sévère triage une fois le bateau revenu à terre, et on envoie les Huïîtres s’engraisser et s'améliorer dans des parcs ou claires aux eaux plus douces; par l’effet de ce par- quage, les Huïîtres sauvages, quelle que soit leur taille, prennent toujours une plus grande valeur marchande; en réalité, elles deviennent meilleures au goût. Quant à la pêche des Huîtres domestiques, il va sans dire qu'elle ne présente plus la moindre difficulté. Si la Moule, chaque fois qu'on l’arrache de son milieu normal s’empresse bien vite de sécréter un nouveau byssus pour s'accrocher à sa nouvelle demeure, l'Huitre qui, dans le premier état de sa vie, meurt, si elle na pas trouvé un point d'appui pour s'y fixer, peut au contraire très bien s'en passer par la suite. Une fois détachée de ce point solide, elle ne cherche plus à s'attacher à nouveau. Dans ces conditions, une fois arrivée au point voulu de sa croissance, on n'a plus qu à la ramasser dans son parc pour l'expédier ensuite. Dans la Méditerranée, là où les plongeurs sont plus hardis et plus habiles que dans le Nord, c'est à la main que l’on procède à la pêche de l'Huitre sauvage. Auxiles Minorques, les pêcheursmontent des embarcations quiles conduisent jusque sur les bancs; ils plongent hardiment, « parfois même à d'assez grandes profondeurs, et détachent l'Huître du sol, à l'aide d’un marteau courbé, ou d'une sorte de ciseau qu ils ontsoin d’attacher à leur bras; ils dé- posent leur cueillette soit dans un panier suspendu à l’autre bras, soit dans une large poche fixée à la ceinture. FT ES PE LU A _d À EXPÉDITION ET VENTE 157 Au Mexique, sur la côte de Campêche, la pêche est plus facile, et le produit ne manque pas d'une certaine originalité. Les Huîtres, dans cette région, se fixant sur les racines submergées des mangliers qui s'entrecroisent au bord de la mer, les Indiens coupent les branches de ces arbres sans en détacher les grappes des coquilles, et portent ainsi au marché des villes voisines de véritables régimes d'Huîtres. Expédition et vente. — Une fois pêchée, l'Huître est très soigneusement triée, puis on l'empile par lots de douze douzaines dans des paniers ad hoc appelés bour- riches, le tout recouvert d’un peu de paille et vigoureu- sement ficelé, il ne reste plus qu’à la transporter rapi- dement au lieu de consommation. Dans d’autres pays, en Amérique par exemple, l’expédition se fait non pas en bourriches, mais dans des tonneaux où l'Huître s'arrime mieux, ou même dans de simples caisses. Il est nécessaire que l’Huître reste toujours en pres- sion ; une fois hors de son élément, l'Huître bäille, perd son eau et souffre de ce régime nouveau qui est com- plètement incompatible avec sa manière d’être, de là la nécessité de tenir toujours les Huitres fortement pres- sées les unes contre les autres; de là également l’ori- gine de cette énorme pierre, que nos marchands au détail ne manquent pas de mettre sur les bourriches entamées ; sans cette sage précaution, les Huîtres se con- serveraient fraiches beaucoup moins longtemps. Aux installations telles que nous venons de les dé- crire, il conviendra donc d'annexer quelque bâtiment pour tenir en réserve l'outillage, pour procéder à l'ex- pédition, etc. Nous avons donné la description des dis- positions les plus simples, les plus économiques. Mais 158 L'OSTRÉICULTURE FiG. 73. — Parc aux Huitres de l'Océan. LL area ES “a EXTENSION OSTRÉICOLE 159 dans une exploitation en grand, on pourra modifier avantageusement ces dispositions en installant des parcs en maçonnerie, reliés entre eux par des voies ferrées qui faciliteront singulièrement la manutention. Nous don- nons un dessin d'un parc aux Huiîtres, ingeénieusement combiné dans ces conditions (fig. 73). De semblables installations ne sont plus du domaine du naturaliste, mais bien de celui de l'ingénieur. Reste à savoir si les Huîtres y sont moins chères, dans tous les cas nous affir- merons qu'elles n'y sont pas meilleures! Extension ostreicole. — Comme on a pu le voir, on peut créer des installations ostréicoles, non seulement au voisinage immédiat des bancs naturels producteurs, mais même loin d'eux. Cependant, en tenant compte de l'extrême facilité avec laquelle l'Huiître normale se pro- page, il est bien certain que l'on aura plus de chance de réussite en donnant la préférence aux milieux dans les- quels l'Huître a déjà vécu. C’est donc à notre avis, plutôt un repeuplement qu'une acclimatation nouvelle que l’on devra tenter. Passons donc rapidement en revue les centres ostréophiles de nos côtes. Dans la Méditerranée, les bancs naturels subsistants sont devenus fort rares, presque partout ils ont été épuisés. Nous ne parlerons pas de la partie la plus orien- tale comprise dans le voisinage des Alpes-Maritimes ; cette région avec des fonds très inclinés, très abrupts, a toujours été rebelle à la conchylioculture. Mais, dit M. Bouchon-Brandely, « il fut un temps où la côte toulonnaise était aussi fertile en coquillages qu’en pois- sons. On retrouve encore dans le golfe de Gênes la trace de plusieurs bancs huîtriers, et dans la rade d'Hyères, M. le commissaire de l'inscription maritime de Toulon 160 L'OSTRÉICULTURE a pu reconnaître les emplacements occupés autrefois par douze bancs sur des tufs calcaires. La rareté de l'Huïitre dans cette partie de la rive provençale, ne re- monte pas au delà du commencement du siècle. Il y avait à cette époque, dans la rade de Toulon, plusieurs gisements d’une grande richesse, et qui fournissaient des produits d’une qualité sans pareille. » Il y a un demi-siècle, il existait un banc d’huîtres na- turel en dehors de l'étang de Thau, au voisinage de son embouchure ; ce gisement était d’une richesse telle que les Huîtres ne se vendaient alors que 3 à 4 sous le cent. Aujourd’hui ce banc est complètement épuisé. Un peu plus à l’ouest, au Barcarès, il y avait, il n'y a pas encore bien longtemps, un autre banc d'Huîtres et un gi- sement de Pectens ; ces Huîtres étaient, dit-on, les meil- leures et les plus belles de la Méditerranée. Le poète Au- sone, qui écrivait aux premiers siècles de notre ère, cite en propres termes les Huîtres du littoral de Marseille à Port-Vendres. Plusieurs essais ont été tentés pour repeupler nos côtes méditerranéennes, et à part les bons résultats obtenus dans le Var, la plupart des autres ont échoué. Mais il faut dire qu'au lieu de s’appliquer à développer l'Huitre locale, ou tout au moins l’Huître de la Méditerranée, ces essais ont été en grande partie pratiqués avec des Hui- tres d'Arcachon qui vivent dans des milieux absolument différents de ceux des grands étangs; MM. Marion et Coutagne ont bien déjà essayé d’acclimater l’Huître de Corse dans ces parages; ces tentatives mériteraient d’être reprises sur une plus vaste échelle et d’être pour- suivies avec plus de persévérance. Dans l'Océan, les installations ostréicoles sont infini- ces... mis ae sc dcshe dot. du Ru à 2 mes nt n à.“ 5 mat ite Dé EXTENSION OSTRÉICOLE 161 ment plus prospères; quelques-unes ont donné des ré- sultats véritablement surprenants. On a pu voir à l'Ex- position de 1889 que les efforts tentés par plusieurs syn- dicats avaient pleinement réussi. Sur toutes les côtes, depuis Arcachon au sud, jusque dans la Manche, il existe un nombre considérable de centres producteurs ou éleveurs. À Arcachon, la production s'élève à pres de 300 millions d'Huîtres donnant une valeur d’en- viron 5 millions de francs. À Marennes, le mouvement ostreicole oscille autour de 125 millions d'individus que l'on introduit annuellement dans les parcs, représentant environ 2 millions; il en sort pour près de 4 millions de francs de produit cultivé. Si à ces quelques chiffres nous ajoutions ceux donnés par les installations de l’île de Re, Rochefort, La Rochelle, les Sables-d'Olonne, le Croisic, Vannes, Auray, Carnac, Quiberon, Lorient, Concarneau, Brest, Paimpol, Saint-Brieuc, Cancale, Re- gneville, Granville, Cherbourg, Saint-Waast-la- Hougue, Courseulles, Dives, Dieppe, Vimereux, Dunkerque, etc., nous arriverons à un total de près de 1200 millions d'Huîtres qui, au prix moyen de 20 francs le mille, re- présentent un minimum de 24 millions de francs. D'après les documents fournis par M. de Nansouty, dans une conférence faite à l'Exposition de 1889, l’éle- vage de l'Huître occupe actuellement en France une po- pulation de 300.000 individus. Les parcs à Huîtres con- cédes sur le domaine public maritime s'étendent sur une superficie de près de 13.000 hectares. Ils sont exploités par 18.000 inscrits maritimes, femmes ou enfants d'in- scrits, et par 29.000 non inscrits. Sur les propriétés pri- vées, 1940 hectares sont affectés à l'ostréiculture; ils appartiennent à 950 inscrits et à 2500 non inscrits. A. LocarD, Les Huitres. 11 # 162 L'OSTRÉICULTURE "e A l'étranger, nombre de pays se mettent également à cultiver l'Huître. L'Italie, jadis en partie tributaire de la France, se suffit aujourd hui à elle-même avec ses installations de Venise et de Tarente. L’Angleterre tend de plus en plus à développer sur ses côtes les parcs ostréicoles ; autrefois elle achetait en France une pro- digieuse quantité de jeunes Huîtres qu’elle faisait pros- pérer à l'embouchure de ses cours d’eau. Maintenant, sous prétexte de l’envahissement de l'Huître portu- gaise, elle cherche de plus en plus à s'isoler dans sa production ; les compagnies de Whistable, de l'ile de Wight, les pêcheries de Coln, de Lyn, de la Crouch, font concurrence, sur le marché de Paris, à nos Huïîtres fran- çaises. En Hollande, l'ostréiculture a rendu les plus émi- nents services. Les anciens polders autrefois à peu près improductifs, qui, en 1875,ne rapportaient que 40 à 45.000 francs, produisaient, en 1882, 4.500.000 francs. Les établissements de Berg-op-Zoom et de Kruiningen fournissent actuellement plus de 22 millions d'Huîtres vendues 125 francs le mille en moyenne sur le parc. La Belgique, la Suède, la Norvège, l'Allemagne tendent de plus en plus à faire développer sur leurs côtes ce genre d'industrie. Dans l'Amérique du Nord, le commerce des Huîtres atteint des proportions encore plus considérables. D'après M. de Broca, la consommation s’élève dans ce pays à 4 milliards d’Huîtres par an; New-York à lui seul en absorbe près de 4 millions. Les côtes de New-Jersey, de l’île de Long-Island, du Conneticut, de Rhode-Island, les rivages de l'embouchure du Delaware et surtout ceux de la baie de Chesapeake sont les principaux cen- tres producteurs de cette vaste contrée. 3 à A 2. [TI É AMV PIBICHERURE Origine de la mytiliculture. — Histoire de Patrice Walton., — La baie de Aiguillon. — L’acon. — Les bouchots d'en bas. — Les bouchots bâtards. — Les bouchots millouins. — Les bouchots d’amont. — Rendement des bouchots. — La mytiliculture dans l'Océan. — La mytiliculture dans la Méditerranée. — La Moule de Tarente. — La Moule de Venise. — La Moule de Toulon et des étangs. — Elevages de la baie de Kiel. — Pêche de la Moule. Si l'élevage de l’Huitre présente de sérieuses diffi- cultes, il n’en est pas de même de la culture de la Moule ou mytiliculture. Ilest peu de Mollusques qui se prêtent aussi bien à l'élevage que ce coquillage dont l'animal est presque aussi apprécie que celui de l'Huitre. Moules et Huitres ont leurs défenseurs, nous ne soutiendrons ici le débat ni pour l’un ni pour l’autre, pareil sujet ne rentrant pas dans notre rôle, et nous nous bornerons à exposer quels sont les moyens mis en œuvre pour obtenir et élever la Moule, L'histoire, ou pour mieux dire l’origine de la mytilicul- ture est chose fort curieuse, et ce qu un Robinson intel- ligent, échoué sur les côtes. de France, a su faire il y a six siècles, c'est encore ce que nous faisons aujourd’hui. Si les Romains revendiquent à bon droit l’art de parquer 164 LA MYTILICULTURE les Huîtres pour les engraisser, c'est à un Irlandais qu'il faut attribuer l'invention de la culture de la Moule telle qu'on la pratique encore de nos jours dans les lieux mêmes où elle fut inaugurée pour la première fois. A l’automne de l’année 1235, une barque, montée par trois courageux Irlandais et chargée de moutons, fut as- saillie par la tempête et vint se briser près de La Ro- chelle, sur les rochers de la pointe de l’Escale, à 2 kilo- mètres seulement du port d’Esnande. Les pêcheurs du littoral accoururent au secours des naufragés, mais seul le patron de l'équipage et une partie de la cargaison parvinrent à se sauver. Cet homme avait nom Patrice Walton. Il paya plus tard généreusement sa dette à ceux à qui il devait la vie, en dotant leur pays d’une industrie qui n'a jamais cessé d'être florissante. Patrice Walton, presque ruiné par les pertes qu'il ve- nait d'éprouver, tenta de se fixer sur cette plage pauvre et solitaire de l’Aunis, n'ayant désormais pour tout pa- trimoine que les quelques moutons échappes au nau- frage, vivant de la chasse et de la pêche fort productives en ce pays. Il accoupla ces moutons irlandais avec ceux du pays et donna ainsi naissance à cette race croisée au- jourd’hui fort estimée et connue dans l'Ouest sous le nom de moutons du marais. Sa chasse eût été réellement fructueuse s'il avait pu parvenir à s'emparer de ces innombrables oiseaux qui voltigent sans cesse sur les eaux marécageuses au bord de la mer. Il avait bien observé que, la nuit venue, quel- ques-uns de ces oiseaux en quête de petits insectes, ra- saient tantôt l’eau, tantôt la terre; il se souvint qu'en son pays d'Irlande on tendait des filets de nuit ou filets d’alloret (de deux vieux mots, l’un celte, l'autre irlandais: J à ET A alt LA MYTILICULTURE 165 allaow, nuit; ref, filet); ce filet fut bientôt fabriqué. Il: se composait d’un long réseau de 3 à 400 mètres, haut de 3, tendu verticalement comme un rideau sur de grands piquets enfoncés dans la vase. Pendant l'obscurité du crépuscule les oiseaux venaient donner contre ce filet et restaient engagés dans ses mailles. Jusque-là rien de mieux, mais il fallait pouvoir accéder le long de ce filet; la était la véritable difficulté. En cet endroit, la baie de l’Aiguillon n'est en quelque sorte qu'un vaste marécage au sol boueux où nulle em- barcation ne saurait pénétrer. Notre Irlandais eut un trait de génie ; il imagina une sorte de batelet ou de pirogue qui lui permit de traver- ser en tous sens cette immense vasière de l’Aiguillon. C'est grâce à cette découverte que non seulement il put chasser à sa guise, mais qu'il rendit possible, comme nous allons le voir, la culture de la Moule dans ce pays. Ce batelet se nomme acon ou pousse-pied dans tout le bassin de La Rochelle. C’est une sorte de caisse en bois à fond plat, longue de 3 mètres, profonde de 50 centi- mètres, dont l'extrémité postérieure est droite, tandis que l’antérieure est retroussée à l’avant en forme de proue à bout carré. Pour en faire usage, l’homme y place sa jambe droite, le pied et le genou appuyés sur le fond, tandis que la jambe gauche chaussée d’une longue botte reste au dehors. Se penchant en avant, il saisit avec les deux mains les bords latéraux de l’acon, et plongeant la jambe libre dans cette vase à peine durcie, il y trouve un point d'appui suffisant qui lui permet de faire avan- cer son embarcation (fig. 74). Cette succession réitérée de mouvements le fait circuler assez rapidement sur le sol; en même temps, sans que cela lui demande beau- 166 LA MYTILICULTURE coup plus d'efforts, il peut charger, dans de certaines limites, la petite barque des produits de sa chasse ou de sa pêche et les ramener sur la terre ferme. AU CET Fi. 74. — Bouchoteur dans son acon. a LUE Mais bientôt Walton, tout en chassant ainsi au ma- : rais, fit une découverte d'une bien grande portée. Il observa que les jeunes Moules, dontles parents abondent si el LA MYTILICULTURE 107 dans tous les parages de l’Aiguillon, venaient se fixer par leur byssus à la partie submergée des piquets qui soutenaient son filet de chasse. Laissant ces Moules grandir, il constata que, ainsi suspendues en grappes à une certaine hauteur au-dessus de la vase, tantôt émer- gées, tantôt immergées, suivant les caprices des marées, elles devenaient plus grosses et croissaient avec plus de rapidité que celles qui restaient constamment sous l’eau de l'Océan. Il planta alors dans la vase quelques pieux isolés, qui se recouvrirent bientôt comme les autres de jeunes Moules se développant avec plus de rapidité que leurs ancêtres, et dont le goût était certainement plus fin et plus délicat. Cette intelligente observation et la décou- verte de l’acon renferment à elles deux tout l'art de la mytiliculture, tel qu'on le cultive aujourd’hui couram- ment sur les côtes océaniques. « Les pratiques qu'institua Walton, dit Coste, furent si heureusement appropriées aux besoins permanents de la nouvelle industrie que, après bientôt huit siècles, elles servent encore de règle aux populations dont elles sont devenues le riche patrimoine. Il semble qu'en s’'appli- quant à cette entreprise, non seulement il avait la con- science du service qu'il rendait à ses contemporains, mais le désir que ses descendants en conservassent le souvenir, car il donna aux appareils qu'il inventa la forme d'un W, lettre initiale de son nom, comme s'il eût voulu que son chiffre fût inscrit sur tous les points de cette vasière fertilisée par son génie, en attendant sans doute que la reconnaissance publique élevât un monument à la mémoire du fondateur. » D'après un document publié vers la fin du xvr siècle, _.— : RE PL 2 pt 1C8 LA MYTILICULTURE ce fut vers 1246, soit dix années après son naufrage, que Walton proceda à la construction de son premier établissement de mytiliculture, sur le modèle duquel sont installés aujourd’hui les quatre cent quatre-vingts parcs artificiels que nous voyons répartis dans l’anse de l’Aiguillon. On leur donne le nom de bouchots : de bouf, clôture ; choat, bois. Patrice Walton implanta donc dans le sol boueux de la baie, au niveau des basses marées des pieux de 2",50 à 3 mètres de hauteur, espacés les uns des autres d'environ 1 mètre, et sur une longueur de 200 à 250 mè- tres, formant une série de V dont les sommets étaient tournés vers la mer, et dont les branches s’ecartaient de manière à former entre elles un angle d'environ 45° (fig. 74). A la pointe il installa des filets pour pouvoir retenir le poisson au passage, de telle sorte qu'il faisait à la fois double récolte. Il entrelaça ses pieux de bran- chages, de manière à en boucher grossièrement les inter- stices. Monté sur son acon, il parcourait avec aisance ces terrains jusqu alors improductifs, profitant des ma- rées les plus basses pour disposer ses pieux les plus avancés vers la mer. Bientôt une abondante récolte vint couronner ses efforts; et comme on remarqua bien vite que les Moules ainsi obtenues étaient plus grosses, plus grasses et de bien meilleur goût que les autres, chacun se mit à l’œuvre pour construire de tous côte des bouchots. En | peu d'années la vasière entière en fut sillonnée. Aujourd'hui, la baie de l’Aiguillon est couverte d’une véritable forêt de pieux et de fascines qui, selon l’heu- reuse expression de Coste, « plie tous les ans sous | une récolte qu’une escadre de vaisseaux de ligne ne … LA MYTILICULTURE 169 pourrait suffir à renfermer ». Dans cette baie, les palis- sades des bouchots, c'est-à-dire chaque branche du V mesure de 200 à 250 mètres, et émerge au-dessus du sol d'environ 2 mètres. L'ensemble des bouchots s'étend sur une largeur de 8 kilomètres. Fic. 75. — Bouchots d'en bas ou d'aval, Dès le xvi° siècle, l'industrie des bouchots était en plein rapport. Dans son mémoire qui remonte à 1750, Mer- cier-Dupaty constatait qu'un bouchot bien entretenu pouvait fournir au moins la charge de trois barques, sans préjudice de la vente au détail qui était, paraît-il, assez considérable, et sans qu’on touchât aux Moules nécessaires pour le repeuplement et l'entretien du parc. Le chargement de chaque barque se vendait alors 150 li- vres ; le produit des deux cents bouchots qui existaient alors produisait annuellement de 90 à 100.000 livres. Bordeaux était à cette époque le centre d'exportation. 170 LA MYTILICULTURE Les bouchots, suivant la place qu’ils occupent à plus ou moins grande proximité de la mer, et par conséquent suivant qu'ils sont plus ou moins longtemps immergés au moment des marées, se divisent en quatre étages suc- cessifs : 1° bouchots d’en bas ou d’aval; 2° bouchots bâtards ; 3° bouchots millouins ; 4° bouchots d’amont. En tête, près du large, sont installés des pieux isolés, non palissadés ; ils ne sont à découvert qu'aux époques de grandes marées de sizygies. Ces pieux sont destinés à recevoir le jeune naissain qui vient du large. On les distingue sous le nom de bouchots d’en bas ou bou- chots d’aval (fig. 75). La jeune Moule, comme la jeune Huïtre, dès sa naissance, se meut et se déplace rapide- ment pour se mettre en quête d’un point d'appui où elle passera le reste de sa vie; ces bouchots d’aval jouent donc le rôle de collecteurs. S'ils étaient palissadés comme les autres bouchots, ils rassembleraient certainement plus de naissain ; mais comme la cueillette en serait ensuite assez difficile à travers ces brindilles, on se contente de planter des pieux un peu plus rapprochés qu’ils ne le sont dans les autres bouchots. C'est en février ou en mars que l'embryon se met en mouvement et vient se fixer sur ces supports. En avril, sa grosseur atteint déjà le volume d'une graine de lin. En mai, il est gros comme une lentille, et en juillet, comme un haricot. À ce moment, on le nomme renouvelain, et il est prêt à être cueilli pour pouvoir être transplanté. Jusque-là, par suite de la position des pieux, nos jeunes Mollusques se sont presque constamment trouvés immergés, et par conséquent à l'abri d’une sécheresse prolongée qui amè- nerait rapidement l'évaporation de la minime quantité d'eau renfermée sous leurs valves fragiles. Mais les voilà + 2» n ass idea d'aibiaf !h,24 TA ds LA MYTILICUE CURE 171 maintenant plus forts, et ils pourront passer à un nou- veau genre de vie tout différent de celui qu ils eussent mené s'ils avaient vécu à l’état sauvage. Donc, lorsqu arrive le mois de juillet, les boucholeurs ou mieux bouchoteurs, montés sur leurs acons, s’avan- cent à marée basse armés d'un pêchoir (fig. 76), sorte Fic 76. — Péchoir à Moules. de long crochet en fer emmanché à son autre extré- mité. Ils vont ainsi jusqu’aux bouchots d’aval et raclent sur leur surface avec cet outil des plaques de renou- velain qu'ils font tomber dans un large panier (fig. 77). Fic. 77. — Panier a Moules Ils ramènent ensuite cette première récolte vers une seconde ligne de bouchots, dits bouchots bâtards et procèdent à ce qu'ils nomment la bâtisse. Ces bouchots bâtards plus rapprochés de la terre que les premiers, se découvrent lors des marées de vives eaux ordinaires, et sont tous palissadés avec un clayon- nage dont les branches horizontales s’entrecroisent. Là, chaque paquet de renouvelain est enfermé dans un petit sac fait avec dela toile très grossière et déjà àdemipourrie, 172 L'AMYEREL ECO EAUIRE tels que des débris de voilure, de vieux filets hors d'usage, etc. On ferme le haut à l’aide d’une brindille, et on attache ces sacs les uns à côté des autres tout le long des branchages. Que va-t-il se passer dans ces petites colonies empri- sonnées ? Les jeunes Moules, fixées par leur byssus à leurs voisines, vont continuer à croître rapidement, tandis que celles qui n'ont plus de point d'appui vont bien vite s’en créer un nouveau sur les parois du sac en faisant fonctionner leur appareil byssigène. Bientôt le sac qui les contient sera trop étroit, et sa paroi déjà aux trois quarts pourrie se rompra pour donner un libre essor au développement des coquilles ; alors les Moules se fixeront petit à petit, d’elles-mêmes, aux clayonnages. À mesure qu'elle croît, son poids augmente, et néces- sairement la Moule, pour pouvoir se soutenir, se trouve dans la nécessité de multiplier les liens qui la retiennent aux corps environnants. Au bout d'un certain temps, il ne reste pas trace des sacs qui enserraient les coquilles, et le renouvelain, dont on distinguait à peine les sujets groupés en masse, s’est transformé en un paquet de Moules, dont tous les indi- vidus se pressent les uns contre les autres. Dans ces conditions leur développement ne pourrait plus s’effec- tuer convenablement, si l'on n'avait pas soin d’éclaircir les rangs et de repiquer les sujets, absolument comme nos jardiniers repiquent, dans les potagers, les jeunes salades devenues trop touffues lorsque le semis est suf- fisamment levé. La nouvelle rangée de bouchots, sur laquelle se fait ce repiquage, se nomme bouchots millouins; ces bouchots restent à découvert pendant toutes les marées. Les D ‘md matin LA MYTILICULTURE QE Moules à ce moment sont déja beaucoup plus fortes et peuvent être impunément exposées durant un temps plus long aux ardeurs solaires ou aux froids qui ne sont du reste ni l’un ni l’autre jamais trop intenses dans l'enceinte de la baie. La coquille a déjà pris une teinte plus foncée : elle a acquis plus d'épaisseur et plus de vo- lume, partant elle peut conserver une plus grande quan- tité d'eau dans son intérieur, tandis qu'elle est exposée à l'air. Cette nouvelle cueillette se fait soit à la main, soit mieux encore à l’aide de ciseaux grossiers. On détache les Moules les unes après les autres, de façon à éclaircir suffisamment les palissades; on les reçoit dans un pa- nier, et les bouchoteurs vont alors les déposer à la main, une à une, dans les interstices des clayonnages des bouchots millouins. La Moule, ainsi placée, sécrète bien- tôt un nouveau byssus qui lui permet de se fixer soli- dement sur son nouvel appui. Elle y séjournera jusqu'a ce qu'elle ait atteint toute sa taille, au point d’être dite marchande. Le plus souvent, c’est après dix ou douze mois que la Moule domestique a acquis son développe- ment complet. Mais avant de la livrer au commerce, on lui fait en- core subir un dernier déplacement. Comme la croissance des jeunes est assez rapide, et que la place peut finir par manquer, on enlève une fois encore la Moule de ses points d'attache pour la placer sur les bouchots extrêmes dits bouchots d'amont. Là, suivant les alternatives de la marée elle est exposée à l'air plusieurs heures par jour; elle s’y fixera encore d'elle-même à l’aide d’un nouveau byssus en attendant les besoins du marché (fig. 78). Dans ces conditions, et grâce à cette ingénieuse dis- 1774 LA MYTILICULTURE position, la reproduction, l’élevage, la récolte et la vente de la Moule se font simultanément, dans le même mi- lieu, pour ainsi dire sans interruption. Cependant, sui- vant les saisons, la Moule est plus ou moins bonne et se vend plus ou moins facilement. Au premier printemps, 72 A F1G. 78. — Bouchots d’amont. c'est-à-dire depuis la fin de février jusqu'au commence- ment de mai, les Moules sont sous l'influence de la pé- riode d'incubation ; elles sont laiteuses. À ce moment, et surtout immédiatement après la ponte, elles sont né- cessairement maigres, dures et coriaces. C’est surtout de juillet à janvier qu'elles sont particulièrement bonnes. C'est à cette période que correspond la grande activité commerciale de la Moule. Dans un même élevage on distingue des Moules de plusieurs qualités différentes. Celles qui, dans le courant de leur domestication, sont continuellement maintenues dans le haut des clayonnages sont toujours plus fines et plus délicates à la dégustation que celles qui sont au- dessous. Les Moules qui ont séjourné dans le bas, et qui _— Ÿ 4 As ec «4 a. | LA MYTILICULTURE 175 par conséquent sont restées plus ou moins longtemps dans le voisinage de la vase, sont incontestablement de moins bonne qualité. Mais quelle que soit la place qu’elles occupent dans l'échelle des bouchots, les Moules ainsi cultivées sont toujours bien meilleures et bien plus belles que celles qui vivent à l’état sauvage dans les mi- lieux les plus voisins. Un bouchot convenablement entretenu, suffisamment et régulièrement repeuplé, donne, suivant sa longueur, de quatre à cinq cents charges de Moules ; chaque charge représente 150 kilogrammes et se vend un prix moyen de 5 francs. Un seul bouchot rapporte donc de 2000 à 2050 francs. M. le D' P. Fischer évalue la récolte de tous les bouchots réunis à un poids de 30 à 37.000.000 de kilogrammes, représentant une valeur de 1.000.000 à 1.200.000 francs. Quelques chiffres de statistique empruntés à M. le D’ Brocchi nous permettront de faire ressortir toute l'importance qu'a prise cette exploitation mytilicole. «En 1846, ditnotre auteur, 340 bouchots étaient exploi- tés par les trois communes d'Esnandes, de Charron et de Marsilly ; à l’époque où Coste publia son voyage sur le littoral de la France, le nombre des bouchots s'élevait a près de 500. Actuellement, dans le seul quartier de Marans, le nombre des bouchots s'élève à 1590. Ces appareils sont installés tant dans la baie de l’Aiguil- lon, depuis la rivière du Lay, jusqu’à la Sèvre-Niortaise, que sur la côte au-dessous, commune de Charron, où ils touchent à ceux d’Esnandes, qui est du ressort de La Rochelle. « Dans le quartier maritime de La Rochelle, les bouchots sont devenus tellement nombreux, que l’administration Su PRET +7 TS TONER RE 176 LA MYTILICULTURE n’accorde plus de nouvelles autorisations. On craint que, la vase retenue par les appareils, s'amoncelle de plus en plus et finisse par combler la baie.» Parfois, la quantité de semence recueillie sur les bou- chots d’aval ne suffit pas ; on va alors faire la cueillette | plus loin. M. de Quatrefages a vu, à Chatelaillon, cin- quante charrettes chargées de graines en destination de la baie de l’Aiguillon. On nous a affirmé qu'on allait même en chercher jusque sur les côtes de l’île de Ré. La mytiliculture dans l'Océan. — D'aussi brillants résultats devaient nécessairement tenter plus d’un indus- triel. Coste ne manqua pas de faire ressortir tout le bé- néfice que l’on pouvait retirer de ce genre de culture. Aussi de nombreux essais ont-ils été faits en vue de créer des installations analogues à celles de la baie de l'Ai- guillon. Malheureusement, soit que leterrain ne s’y soit pas aussi bien prêté, soit que les dispositions n'aient pas été convenablement prises, sans donner complète deé- ception, ils n'ont pas toujours été aussi brillants que dans la baie si célèbre. La Moule existe en plus ou moins grande abondance sur presque toutes nos côtes, et comme nous l'avons vu, contrairement à l'Huître, elle ne craint pas les fonds va- seux ; mais, partout où elle vit à l’état sauvage, elle est de plus petite taille que lorsqu'elle est domestiquée. Il y aurait donc avantage à multiplier les installations myti- licoles, d'autant mieux que, une fois parquée, la Moule devient plus facile à pêcher, et que son entretien comme son élevage nécessitent en définitive des frais assez mi- nimes, très largement compensés par une haute plus- value dans le prix de vente. Dans le bassin d’Arcachon, il n'existe pas à propre- LS PR A nn 4 | L1 = € "ue, De L LA MYTILICULTURE DANS L'OCÉAN 177 ment parler de bouchots ; cependant la Moule y est as- sez répandue pour pouvoir être utilement pêchée. Elle se fixe sur les pilotis et les fondations de pierres de l’an- cien débarcadère d’Eyrac. D'après le D'P. Fischer, il existe un banc sur la plage du débarcadère du cap Fer- ret ; ce banc, d’une étendue médiocre, paraît naturel ; les Moules y sont de petite taille, pressées et plus ou moins enfoncées dans la boue. Mais comme l'a très judicieu- sement fait observer cet auteur, il ne conviendrait pas de recommander dans cette station la culture de la Moule sur une vaste échelle, puisque déjà on y pratique avan- tageusement celle de l’Huître, et que ces deux genres de culture sont absolument incompatibles simulta- nément. Il y a quelques années, de nombreux bouchots sem- blables à ceux de la baie de l’Aiguillon ont été installés à Rochefort, à proximité de l'embouchure de la Charente, ils ont donné les meilleurs résultats. Dans le Nord, les Moules d'Isigny, près de Bayeux, sont particulièrement estimées; on en pêche également de grandes quantités sur la côte comprise entre Saint- Malo et Cancale, dans l'Ille-et-Vilaine. Les côtes de la Manche sont abondamment pourvues de cet utile Mol- lusque que l’on exporte au loin. Le marché de Paris est approvisionné non seulement avec les Moules de la Charente, mais il en reçoit encore des quantités considérables de la Belgique, notamment des environs de l'embouchure de l’Escaut. Ces Moules étrangères viennent jusque sur les marchés du centre de la France. Nous avons vu bien souvent, à Lyon, des Moules provenant de Dunkerque et de différentes stations de la Belgique. A. Locarp, Les Huitres. 12 173 LA MYTILICULTURE Mytiliculture dans la Méditerranée. — Plusieurs sta- tions de nos côtes méditerranéennes semblent admirable- ment disposées pour l'élevage de la Moule. De nombreu- ses tentatives ont été faites et quelques-unes seulement ont été couronnées de succès. Naturellement, les éle- veurs ont cherché à s'inspirer de ce qui se faisait avec tant de succès dans la baie de l’Aïguillon. Mais dans la Méditerranée, les conditions ne sont plus du tout les mêmes; deux éléments surtout sont particulièrement différents: l'absence de marées sensibles et l'élévation plus grande de la température. On doit donc, dans les éducations, procéder tout différemment Avant d'abordér ce qui se pratique chez nous, voyons un peu ce qu'ont fait nos voisins qui ont su nous précéder dans la voie du progrès. Dans le golfe de Tarente, on procède, en effet, d’une tout autre manière qu'en France. Nous laisserons la parole à M. Kobelt dont le récit est cité par Brehm. « Parmi les 30.000 habitants qui demeurent aujour- d'hui à Tarente, les deux tiers au moins vivent de la mer et de ses produits. Les principaux sont deux espèces de Moules appelées Cozze nere et Cozze pelose ; la pre- mière est la Moule bleue commune, la seconde est la Moule barbue, nommée Modiola barbata. On trouve les Cozze di Tarento, avec les Ostriche di Tarento, sur tous les marches de l'Italie septentrionale, jusqu'a Rome. « Dans le bassin antérieur de Mar pic (comme on dit dans le dialecte de Tarente, ou plutôt dans celui des qua- tre dialectes que parle mon matelot), la rive est bordée d'une zone assez large qui s'enfonce sous l’eau jusqu’à 8 ou 10 pieds de profondeur. C’est là que se trouvent rangées des séries de pilotis séparés par des intervalles de MYTILICULTURE DANS LA MÉDITERRANÉE 179 18 à 20 pieds. Ils sont maintenus par des cordes tendues en tous sens sur lesquelles sont fixes d'innombrables chevalets ; c'est sur eux et non sur les pilotis que se fixent les Moules. «Les amarres sont composées de fibres végétales qu'on m'a dit provenir dune herbe marécageuse des environs de Naples; je n'ai pu me procurer de rensei- gnements plus précis à ce sujet, mais je ne crois guère me tromper en repoussant cette assertion et en recon- naissant dans cette matière l’esparto d'Espagne (Macro- chloa tenacissima). Ces cordes, extrêmement solides, ré- sistent très longtemps à la pourriture : les pêcheurs les désignent sous le nom de corde de paille (fune di paglia). « Pendant mon séjour à Tarente, en novembre, la plu- part des établissements de ce genre étaient dégarnis, mais les pêcheurs s'occupaient de tous côtés.de les réinstaller pour recueillir de nouveaux hôtes. Je mets en doute l’as- sertion de Salis, suivant laquelle on laisse les Moules un an et demi sur les cordes. Les spécimens nécessaires pour l'installation sont pêchés en pleine mer ; on choisit parmi les sujets, les plus jeunes qu’on a conservés sépa- rément dans ces établissements. Les cordes sont fixées de manière à se trouver à sec au moment dela mer basse qui abaisse toujours l’eau de deux pieds, au moins, à Tarente. Pour certains établissements, on les soulève tout à fait en l'air de temps à autre, et on les laisse hors de l'eau pendant plusieurs jours. « Dans la mare piccolo, j'ai compté pres de trente groupes de pilotis, comprenant en moyenne deux cents pieux ; mais je n'ai pu me procurer de documents exacts sur le nombre et la valeur des Moules que l'on en retire, personne ne s'en étant occupé. Les sommes qu’on en 1830 LA MYTILICULTURE obtient doivent être considérables, car on expédie vers les marchés italiens des wagons entiers chargés de Moules fraîches ou marinées. À Noël, notamment, ces envois prennent des proportions considérables, car on sert alors dans toutes les maisons italiennes un grand repas dans lequel, au milieu de plusieurs poissons, les anguilles (capitone) de Chioggia et les Cozze de Tarente jouent le rôle principal. Les Cozze nere fraîches coûtent, à Tarente, suivant l’offre ou la demande, de 40 à 50 cen- times le kilogramme. s(Brehm, Mollusques, p. 305-306.) ES PS AS oŒovGŒœc + PET D D Fic. 79. — Pergolaro de Tarente, d’après Giglioli et A. Issel. Nous complèterons ces indications en donnant (fig. 79) la figuration de cette disposition si particulière. Comme le fait observer M. À. Issel, il n’est nullement nécessaire de déplacer les Moules; leur développement complet se fait sur place; les jeunes individus, produits par des Moules mères du voisinage, se déposent d'eux-mêmes sur le pergolaro et y restent toute leur vie. Dans ce mode d'éducation, il faut compter trois années pour que la Moule atteigne sa taille définitive. On remarquera que les pêcheurs de Tarente ont bien MYTILICULTURE DANS LA MÉDITERRANÉE 181 soin de suspendre de temps en temps la Moule sur le cordage de la traverse horizontale, de façon à ce qu’elle reste à l’air durant un certain temps. De cette manière, ils suppléent encore à l'insuffisance de la marée, et se rapprochent du mode d'élevage pratiqué dans l'Océan. C’est là un fait très particulier et qu'il importe de retenir toutes les fois que l’on veut se livrer à l'éducation de ce Mollusque, c’est une des conditions sine qua non de sa bonne réussite. Fic. 80. — Radeau de Venise. A Venise, on pêche des Moules très estimées et qui sont colportées fort loin. On les cultive d’une autre manière. Coste raconte que, dans les bassins de l’Arse- nal, un gardien se livrait à la culture de la Moule à l’aide d’un appareil particulier (fig. 80) fort intelligemment “is il RE PU 182 LA MYTILICULTURE combiné. Sur un radeau en bois sont disposées des planches verticales, mobiles autour d’un axe, de telle sorte qu'elles peuvent pivoter sur leur point d'attache et s'obliquer les unes par rapport aux autres, à la ma- nière des voliges d’une jalousie. Ce radeau flotte au voisinage d'un banc naturel et reçoit le jeune naissain ; dès qu'il a acquis une grosseur suffisante, ces planches sont démontées et fixées sur un autre radeau, de façon à permettre à la Moule de se développer. La surveillance de ce radeau est facile, et si dans la région il n’y a ni Tarets, ni aucun autre Mollus- que phytophage, ils peuvent être employés avec succès. M. Mallespine, dans la rade de Toulon, a proposé, pour l'élevage des Moules et des autres coquillages domesti- ques, un procédé fort simple qui donne les meilleurs résultats. Les collecteurs consistent en de simples cor- dages tendus sur des piquets plantés de distance en dis- tance. Mais, comme ces cordages présentent une surface trop peu considérable, et qu’en outre ils seraient sujets à s’altérer très rapidement, M. Mallespine a imaginé de les revêtir d'un manchon formé par plusieurs planchettes de bois juxtaposées et reliées par un fil de fer galvanisé. Dans ces conditions, la surface d’adhérence aux jeunes Mollusques est beaucoup plus considérable et le détro- quage s'opère avec la plus grande facilité. Dans la rade de Toulon, MM. Gasquet ont installé, en 1879, des bouchots de la forme de ceux que l’on em- ploie dans l’anse de l’Aïguillon ; dès la première année, ils se sont couverts de naissain, et en trois mois, les Moules parquées ont pris un développement que l'on peut évaluer au triple de leur taille primitive. En somme, cordages ou bouchots semblent avoir donné, dans cette CR ET : > à , * x FL TER Ur 7 ÿ , £ MYTILICULTURE DANS LA MÉDITERRANÉE 183 station, d'aussi bons résultats. Aujourd’hui, le parc de Bréguillon est régulièrement installé et en pleine pros- périté. Il occupe une superficie de 3 hectares et peut donner de 20 à 25.000 francs de bénéfices par an. Les Moules de la rade de Toulon jouissent, en effet, d’une juste réputation. Dans le canal de Lamolle, près Port-de-Bouc, dans je Bouches-du-Rhône, on a, pendant quelques années, fait usage d’un autre mode. M. Vidal se proposait de suppléer à un manque total de marée dans la région où il opérait. A cet effet, il installa dans le sol des pieux équidistants entre lesquels pouvaient se mouvoir, dans le sens de la hauteur, des cadres garnis d'un clayonnage. C’est sur Fic. 81. — Porte-cadre Vidal, d’après Giglioli et A. Issel, ces cadres que se déposait le renouvelain et que la Moule devenue plus grosse achevait de grossir. Aux époques voulues, on soulevait les cadres hors de l'eau et on les laissait suspendus en l'air par un simple crochet fixé sur une traverse se reliant aux pieux. On a renoncé à ce genre d'éducation (fig. 81). | De tels succès auraient certainement dû tenter les pé- cheurs de Marseille. Il est, en effet, peu de milieux qui se prêtent mieux à la mytiliculture que ces fonds vaseux du 184 LA MYTILICULTURE golfe. La Moule naturelle abonde dans toutes les anfrac- tuosités de rochers ; mais à force de la pêcher elle com- mence déjà à se faire plus rare ; en outre, elle est certai- nement moins belle et moins bonne que la Moule domestique. Il est donc assez surprenant de voir ainsi le marché de Marseille tributaire des régions avoisinantes et même de l'Océan, alors qu'il suffirait de quelques efforts pour obtenir, presque sur place et en abondance, ce pro- duit qu’il faut aller chercher si loin. Dans tous les étangs qui bordent le littoral depuis le port de Marseille jusqu'aux pieds de la grande chaîne pyrénéenne, la Moule croît avec la plus grande facilité. Ces eaux un peu douces et tranquilles, à fonds vaseux et riches en principes nutritifs, se prêtent particulière- ment au bon développement de ce Mollusque. Aussi, la plupart du temps se contente-t-on de pêcher ce qui vient spontanément sans chercher à améliorer ces pro- duits, dont la nature semble si prodigue; à peine se borne-t-on à les faire séjourner quelque temps dans des réserves où ils s’abiment plus qu'ils ne s'améliorent. Dans l'étang de Berre, la Moule est particulièrement abondante ; vingt bateaux la pêchent toute l’année. A Cette, on la pêche également en toute saison; il s’en expédie annuellement pour une trentaine de mille francs dans tout le Midi. L'étang de Thau, comme ceux de Berre ou de Caronte, se prêterait admirablement pour la myti- liculture. Mais déjà, au moins dans les environs de Cette, la Moule commence à devenir plus rare, et l'on entrevoit le moment où elle finira par disparaître tout comme l'Huiître, si l'on ne prend pas des mesures sévères pour sa conservation. Plus à l’ouest, la Moule se développe encore davan- . JET. IE Ps ÉLEVAGE DE LA BAIE DE KIEL 185 tage ; elle paraît plus commune aux environs d'Agde que de Cette; peut-être aussi y a-t-elle été moins pêchée. A mesure que l’on s'éloigne du grand centre de con- sommation marseillais, la faune reste plus riche. A l'em- bouchure de l'Hérault et de l'Aude, on trouve de belles et bonnes Moules. Quant aux étangs de la Nouvelle, de la Palme, de Leucate, etc., ils sont beaucoup moins riches en coquillages de tous genres que les étangs de l'Hérault. A l’est, la faune est plus pauvre encore ; les milieux se prêtent bien moins au développement des Mollusques testaces. Nous savons que des tentatives réitérées de mytiliculture ont été pratiquées à Saint-Agulf, près de Saint-Raphaël, dans le Var; mais les indigènes se sont chargés de l'exploitation intempestive des produits de ces exploitations. Élevage de la baie de Kiel. — Nous terminerons cette étude sur la mytiliculture par un aperçu des procédés mis en pratique dans le nord de l’Europe. La Moule abonde dans toutes ces mers. On la pêche communé- ment sur les côtes des îles Britanniques, de la Suède, de la Norvège, du Danemark, de la Prusse et de la Russie. Elle paraît même plus développée encore dans le nord de l'Europe que dans le sud. Disons cependant que, en dehors des régions méditerranéennes que nous avons signalées, la Moule se trouve également sur un grand nombre d’autres points, qu’elle existe également dans la mer Noire et qu'elle commence à faire son apparition dans la mer Caspienne. Dans bien des stations septentrionales, on pratique un élevage qui diffère singulièrement de notre système de bouchots. Sur la côte orientale du Holstein, nous écrit M. Agardh Westerlund, l'Huiître fait défaut ; on cultive D a 186 LA MYTILICULTURE à sa place la Moule par un moyen aussi simple que pra- tique; on se contente de planter au fond de la mer des troncs d'arbres rameux sur lesquels les embryons des Moules viennent se fixer et se développer ensuite tout à leur guise. On nomme ces arbres Musseltrad, Muschel- bäume. De là vient l'expression de fra (arbre), employée pour désigner le nombre de cent Huîtres ou Mollusques dans divers pays du Nord. Dans la baie de Kiel on opère d'une manière analogue. Nous empruntons le récit qui va suivre à MM. Meyer et Môbius (Fauna der Kieler Bucht): « À la surface des pilotis et des planches du port, des lavoirs, des bateaux, et des ernbarcadères, dans tous les points mouillés par l’eau, viennent s'installer des Moules, dont les petits pullulent au-dessus de leurs parents, comme un gazon serré. Leurs résidences artificielles sont les pr/ofis à Moules ; ce sont des arbres que les pêcheurs installent sous l’eau, dans la zone qui appartient à leur habitation, auprès de l’ancien village d'Ellerbeck. On emploie de préférence des aulnes, parce qu'ils sont moins chers que les chênes et les hêtres, dont on se sert aussi néanmoins. « Les pêcheurs prennent les branches les plus étroites de ces arbres, ils les coupent chaque année près du tronc, et les appointissent à l'extrémité inférieure; puis, à l’aide d’une corde et d’une fourche, ils les fixent dans le sol au milieu des herbes marines mortes ou vivantes, a une profondeur de deux ou trois brasses. Ces arbres à Moules s'installent en toute saison ; mais on ne les retire qu'en hiver, le plus souvent sur la glace, parce que, à ce moment, les Moules sont plus savoureuses et inoffensives. L olts 41% lattes Te + ms . À “: ÉLEVAGE DE LA BAIE DE KIEL 187 « Les pilotis, implantés des deux côtés de la baie, le long des rives de Düsternbrooker et d’Ellerbeck, res- semblent à des jardins sous-marins qu’on aperçoit sous l’eau transparente quand la mer reste calme. Lorsqu'un vent d'ouest persistant refoule une grande masse d’eau hors de la baie, les cimes les plus élevées de ces arbres apparaissent çà et là au-dessus des flots abaissés ; autre- ment, ils sont toujours couverts et invisibles. Nous avons souvent fait retirer de ces pilotis, pour y recueillir des Moules, et nous avons pris plaisir à étudier les manœu- vres et les observations des pêcheurs d'Ellerbeck. « Ils ont des canots d'une forme antique, à fond plat et à parois abruptes, et ils rament avec des palettes en forme de bêches. Ils savent reconnaitre la place des pilotis en se guidant sur des points de repère terrestres qu ils observent de loin. Une fois arrivés au-dessus d'un de ces arbres, ils enfoncent une perche dans le fond pour y assujettir le canot; puisils fixent une corde autour d'un crochet qu’ils plongent dans l’eau pour enlacer le tronc de l'arbre chargé de Moules et le soulever en l’en- tortillant. Dès qu'il est extrait du fond, il s'élève plus aisément, et bientôt il apparaît à la surface ; on le sou- lève alors suffisamment au-dessus de l’eau pour recueillir les Moules fixées à ses branchages, qui en sont ordinaire- ment très chargés. On y voit pendre, en touffes ou en pelotes, de grands individus qui ont tissé leurs fila- ments de byssus soit sur le bois, soit sur les écailles des voisins; entre eux et sur leurs écailles pullulent, en outre, des animaux divers. « Dans la baie de Kiel, on installe chaque année un millier de pilotis à Moules, et on les retire au bout de trois ans : c'est le temps qu'exigent ces animaux pour 7 F1 TPE TUR 188 LA MYTILICULTURE se développer ou point de fournir un mets convenable. Sur le marché de Kiel apparaissent chaque annéeenviron huit cents tonnes de Moules dont chacune renferme en moyenne quarante-deux mille pièces. Ainsi on récolte en hiver près de trois millions trois cent soixante mille pièces. Les années sont plus ou moins bonnes, tant au point de vue de la quantité de Moules, qu'au point de vue de la qualité. » (Meyer et Môbius.) Ce procédé d'élevage, fort simple comme matériel et comme manipulation, diffère, comme on peut le voir, par plus d’un point de nos éducations françaises. Le même arbre qui reçoit le naissain embryonnaire le garde tel quel jusqu’à complet développement. Pendant tout ce temps, on laisse la Moule abandonnée à elle-même. Or, dans ces conditions, pour peu que le renouvelain soit un peu abondant, les individus en croissant se nuisent incontestablement les uns aux autres. C’est précisément ce que nous observons sur les bouchots lorsqu on ne prend pas soin d'éclaircir les rangs des Mollusques à mesure qu'ils se développent. On obtient finalement des produits de petite taille, car pour que la Moule soit belle, il ne faut pas qu'elle soit gênée dans sa croissance. En outre, dans nos élevages français, il faut dix à douze mois pour que la Moule ait acquis un développe- ment suffisant pour être marchande. Dans la baie de Kiel, comme dans le golfe de Tarente, trois années sont reconnues nécessaires pour arriver au même résultat. Nous n'osons croire qu'une pareille différence tient à la race éduquée ou à la différence de climat, puisque nous passons ainsi du nord au sud, et que les espèces domes- tiquées ne diffèrent pas sensiblement. Cette différence du simple au triple provient très vraisemblablement du mode / PÊCHE DE LA MOULE 159 même d'éducation. Entre le système du Nord qui con- siste à tenir la Moule toujours sous l'eau, celui du Midi où on lui fait prendre l'air de temps en temps, et celui de l'Ouest où la Moule, à mesure qu'elle grandit, reste à l'air de plus en plus longtemps, il y a toute une échelle progressive. Enfin, si l’on compare la Moule du Nord avec celle de nos pays, on n'hésitera pas à donner, comme goût, la préférence à ces dernières. Tenons-nous-en donc à nos procédés français, puis- qu'en réalité ce sont ceux qui ont donné les meilleurs résultats, et cherchons à les appliquer partout où les conditions du milieu s’y prêteront. Dans la Méditerranée, lorsque la marée fait défaut, donnons la préference aux procédés qui permettent de faire subir à la Moule cette gymnastique aérienne qui lui paraît si salutaire; éclair- cissons les rangs dans les grappes où les Moules sont trop serrées, et on rachètera facilement par le temps gagné et la beauté des produits obtenus, le temps em- ployé dans ce travail ou l’argent dépensé dans ces ma- nipulations reconnues nécessaires. Pêche de la Moule. — Cette pêche se fait au couteau, au râteau ou à la drague. Chaque année le préfet mari- time de la circonscription indique les bancs naturels, ou moulières, qui peuvent être pêchés dans les conditions prescrites. On pratique cette pêche du 1° mars au 31 octo- bre dans le premier arrondissement maritime, et du 1° septembre au 30 avril dans les quatre autres. Elle est interdite avant le lever du soleil et après son coucher. Sur nos côtes, les quantités de Moules ainsi pêchées sont beaucoup moins grandes que celles prises dans les éducations mytilicoles. IV BOMESTICATION DES PRAIRES; CLOMISSES ESGARGOTS-EETE La conchylioculture. — Les Praires et les Clovisses, leur élevage dans la Méditerranée. — Les Praires de la Réserve. — Epuisement des ressources actuelles. — Repeuplement conchyliologique de nos côtes. — La Coque ou Sourdon. — Les Clams d'Amérique. — Les Huitres d'Amérique. — La conchylioculture en Chine. — Les Escargots domestiques. — Les cochlearia 4 a Rome. — Les escargotiers en France. — Conservation et jeune des | Escargots. — Acclimatation d'Escargots étrangers. En dehors de l'Huïître et de la Moule, le nombre des espèces de Mollusques conservés est relativement très restreint. Si quelques essais ont été déjà tentés, c'est | encore malheureusement sur une trop petite echelle. * Est-ce à dire pour cela que l’on n'ait pàs rencontré de coquillages qui valent la peine de pratiquer de pareilles expériences ? Non, certes : à côté de la Moule et de l'Huître, il existe un bon nombre de coquillages pré- sentant à l’état sauvage à peu près les mêmes qualités, et qu'une intelligente domestication viendrait bien cer- tainement encore améliorer. | Déjà les Praires et les Clovisses ont donné lieu à de très intéressants essais dans le bassin méditerranéen, PRABRES ETF CLOVISSES 191 tandis que, dans le bassin d'Arcachon, on a tenté d’accli- mater des espècesd’Amérique. Mais bien d’autres coquil- lages, journellement consommés, mériteraient d’être parqués et-engraissés. Quant à l'Escargot, représenté par un grand nombre d'espèces, toutes comestibles, si jadis les Romains lui faisaient subir une domestication complète, aujourd’hui nous nous bornons à le parquer, non plus pour l'en- graisser, mais au contraire pour lui faire subir un jeûne prolongé. Comme il joue un grand rôle dans l’alimen- tation de certains pays, nous en dirons également quel- ques mots. Praïres ef Clovisses. — Qui l'emportera, aux yeux des gourmets, de la Praire ou de la Clovisse ? Pour le profane du Nord, c’est chose indifférente ; à peine con- naït-il seulement ces noms-là, sans même bien savoir à quelle coquille ils s'appliquent! Pour l'amateur pro- vençal, le doute n'est pas possible : la Praire aura le pas sur la Clovisse et même sur l'Huître; il n'hésitera pas un instant entre une bonne douzaine de Praires doubles de la Réserve et les plus belles Huîtres du monde, fussent- elles d'Ostende ou de n'importe où. Pour l'homme du Midi, rien, en fait de coquillages, n'est supérieur à la Praire; mais qu'il y prenne garde, cette Praire qui lui est si chère va bientôt disparaître! Le Venus verrucosa n'est cependant pas une espèce rare, tant s’en faut : on la trouve sur toutes nos côtes, au nord comme au sud, dans l'Océan comme dans la Médi- terranée. Mais, sous une influence de milieux que l'on ne saurait contester, la Praire de la Méditerranée n'est pas à comparer avec celle de l'Océan et encore moins avec celle de la Manche. 102 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES Dans le Nord et dans l'Est, c’est une coquille de taille assez petite, dont le diamètre ne dépasse pas trop 35 mil- limètres, renfermant un animal sinon coriace, du moins peu délicat, que les pêcheurs n’apprécient pas plus que n'importe quel autre Mollusque. Sur les côtes de Pro- ne KR ù SRE où Fic. 82. — La Praire double. vence, sa taille, au contraire, s'accroît dans de notables proportions ; les belles Praires atteignent alors 50 et 55 millimètres et la chair de l'animal est absolument fine et délicate. La comparaison entre ces coquillages de provenances diverses donne des résultats tellement distincts qu un naturaliste qui n’aurait pas devant lui les valves d’où sont extraites des chairs d’un goût si dif- férent n'hésiterait pas à déclarer qu’elles appartiennent à deux espèces absoluments étrangères l’une à l’autre; et certes, plus d'une espèce a été instituée sur des carac- tères moins nettement tranchés. | Pourtant, de part et d'autre, la Praire vit à peu près dans les mêmes conditions, a les mêmes mœurs, mais elle grandit et se développe dans des eaux de nature differente et sous des climats suffisamment distincts | n PT 7 - Le dl amitié télés ads A La: We 7 der PRAIRES ET CLOVISSES 193 pour qu'il en résulte cette modification si parfaitement sensible. Et encore, toutes les eaux de la Méditerranée ne lui conviendront-elles pas aussi bien, puisque l’on arrive à distinguer, à leur qualité, les plages où elles ont été péchées. C'est donc uniquement dans la Méditerranée qu'il fau- dra aller chercher les Praires bonnes à être immédiate- ment consommées ; et si l’on veut faire de l'élevage, cest là surtout qu'il conviendra de concentrer les efforts. La Praire, en effet, s'améliore par la domestication, tout comme l’Huître et la Moule. C’est un fait aujourd’hui parfaitement constaté et à l'égard duquel il ne saurait y avoir le moindre doute. C’est, du reste, uniquement pour cette raison que, après avoir pêché la Praire, on la dépose, aux environs de Marseille, dans ces viviers d’eau de mer appelés réserves. De là le nom de « Praires de réserve », et par corruption, « Praires de la Réserve», nom que l'on donne, à Marseille, à ces coquillages, lorsqu'on veut essayer de les vendre plus cher. La Praire simple, le Cardita sulcata (fig. 83), vit à peu près dans les mêmes milieux, mais alors unique- ment dans la Méditerranée. Le plus ordinairement on la pêche dans des colonies absolument distinctes, quoi- que ces deux espèces puissent parfaitement vivre en- semble. Sa chair, rosée, est très délicate, mais malheu- reusement la taille de l'animal est assez petite, puisqu'elle ne dépasse pas trop de 25 à 30 millimètres. Peut-être, comme pour la Moule, arriverait-on à l’augmenter dans de notables proportions par la culture. Nous ne pouvons pas séparer les Clovisses des Praires. La Clovisse, qu'on ne mangeait guère autrefois qu'en Provence et sur côtes de l'Océan, nous arrive main- À. Locarp, Les Huitres. 13 194 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES tenant d'une façon régulière et courante, sur les prin- cipaux marchés des grandes villes du centre de la France. Elle tient sa place à côté de la Moule; mais Fic. 83. — La Praire simple. c'est encore une place trop modeste. Malgré cela, il en est résulté un surcroit de consommation qui a motivé des pêches plus abondantes donnant lieu à un appau- vrissement sensible de nos côtes. F1G. 84. — La Clovisse, Jadis, chacune de nos poissonneries du Midi parais- sait se suffire : aujourd hui, il n’est pas rare de voir, sur les marchés de Cette et de Marseille, des Tapes ou Clo- PIREARRIE SREMACGEONVITSSES 195 visses (fig. 84) qui viennent en droite ligne de l'Océan, pour suppléer au vide qui s’est fait dans les pêcheries de Provence. De telles anomalies marchandes importent peu, il est vrai, au consommateur, du moment qu'il est satisfait par la qualité de la marchandise, mais plaignons le pauvre naturaliste s'il veut se borner à une simple inspection du marché pour étudier la faune locale : il s'expose alors aux plus singuliers mécomptes; et lors- qu'il veut essayer de se débrouiller au sein de cette nouvelle tour de Babel malacologique, il éprouve les plus grandes difficultés, les marchands se doutant, bien à tort, qu'ils commettent un méfait scientifique, s'efforcent, du mieux qu'ils peuvent, de cacher la pro- venance originaire de leurs marchandises. Par suite d'un fâcheux oubli qui ne saurait s'expliquer, aucune disposition concernant les Praires et les Clo- visses n'a été prise dans le décret de 1862, visant la pêche et la production de l'Huitre. Les dragages prati- qués dans les ports, les pêches incessantes et à toutes les époques de l’année, un notable accroissement dans la consommation locale et dans l'exportation, tout, en un mot, contribue à faciliter le dépeuplement de nos côtes, alors qu'au contraire tout devrait tendre à le favo- riser. Il importerait donc, pour la Praire et la Clovisse, de se préoccuper non seulement de l'élevage, mais encore de la reproduction. Malheureusement les données pratiques suffisantes fontencore défaut sur cette dernière question. Tout au moins, il conviendrait d’ores et déjà d’en régle- menter la pêche et de l’aménager de façon à éviter le dépeuplement des contrées autrefois riches et prospères. La Clovisse, au moins pour certaines formes robustes 196 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES du groupe du 7Zapes decussatus, paraît se prêter assez facilement à l'acclimatation et, par suite, à la reproduc- tion. Il paraitrait que le Tapes texturatus, qui vit aujour- d'hui en abondance à Cette et dans les étangs environ- nants, était inconnu, il y a une trentaine d'années, dans les eaux de Toulon. « Il y fut introduit, dit Bouchon- Brandely, d'une façon tout accidentelle. Un bateau portant du vin, venant de Cette, en jeta quelques sasses, et cela a suffi pour en peupler toute la partie de la rade comprenant le canal de la Seyne et ses approches, et le port marchand dit de Rode. » MM. Gasquet et Malespine, le premier dans le golfe de Gien, le second dans la baie de la Seyne, ont tenté _ d'élever ces coquillages en même temps que l'Huïtre et la Moule. Dans la presqu'île de Gien, on obtint, quoique dans une proportion moindre que pour ces derniers Mol- lusques, de bons résultats avec les Praires et les Clo- visses. De jeunes coquillages furent disposés sur un fond sablonneux : ils y grandirent et s'y multiplièrent; mais, contre toute attente, il se produisit un fait assez particulier. Le frai de ces Mollusques ainsi domestiqués, au lieu de se déposer dans le voisinage, alla, au contraire, se fixer en grande partie sur des corps flottants et plus spécialement sur les lièges et les cordages d’une madrague voisine. C'est là une précieuse indication sur le m0dus vivendi des tout jeunes sujets appartenant à ces deux genres d'animaux et sur la manière dont on doit procé- der pour recueillir leur naissain. | Dans l'établissement de Brégaillon dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, M. Malespine a semé des Praires venant de Grèce; elles s’y sont parfaitement accli- PRAIRES ET, CLO VISSES 197 matées, et leur propagation dans les eaux toulonnaises ne semble faire aujourd’hui aucun doute. Aux environs de Marseille, la Clovisse vient très bien dans la partie du port dite la Réserve. Comme l’a fait observer M. Bouchon-Brandely, il faut croire que cet emplacement est favorable à sa propagation, car, malgré la guerre acharnée dont elle est journellement l’objet, les pêcheurs ne sont pas encore parvenus à la faire en- tièrement disparaître. Mais, bien entendu, cette unique station ne suffit pas pour servir de pavillon à la prodi- gieuse quantité de marchandises vendues sous ce nom! Cependant une année, paraît-il, au dire de M. Charles Bretagne, les Clovisses disparurent de leur parc ordi- naire, et la désolation fut grande au camp des amateurs. Les échevins marseillais prirent alors une généreuse ini- tiative. Ils firent pêcher au loin des quantités considé- rables de ces précieux coquillages et les répandirent au même endroit que l’on qualifia de ce nom de Réserve qu’il porte encore aujourd'hui; depuis lors les bancs n'ont jamais été complètement épuisés. Ces eaux sont donc particulièrement bonnes pour le développement des Mollusques; elles sont, par leur si- tuation, extraordinairement riches en principes nutritifs. Quelques praticiens marseillais ont obtenu les meilleurs résultats en faisant séjourner artificiellement des Mol- lusques dans ces mêmes eaux. Des Clovisses enfermées dans des caisses à claire- voie, analogues aux caisses ostréophiles, ont été dé- posees pendant un an et plus dans les eaux quelque peu mélangées qui se trouvent à l'entrée du port. Après un séjour dans ces eaux grasses et vaseuses, les Clovisses avaientnon seulement beaucoup grossi, mais elles avaient FTP .« 108 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES encore acquis d'excellentes qualités au point de vue culi- naire. Pour suppléer à la pauvreté de la Réserve, on fait jour- nellement venir, par bateau et même par chemin de fer, des Clovisses de l'étang de Thau et de Toulon. L’étang de Thau à lui seul fournit pour plus de 150.000 francs de Clovisses par année. Mais les vrais amateurs préfèrent à la Clovisse un peu vaseuse des étangs celle qui, comme à Toulon vit au contraire sur des fonds sablon- neux ou rocheux, et dont la chair a une saveur bien plus délicate. Les étangs de Berre et de Caronte donnent également des Praires et des Clovisses ; mais celles-ci ne sont«pas de meilleure qualité que celles de l’étang de Thau, et en outre, elles semblent y être notablement moins abon- dantes. Dans l'étang de Berre, il existe quelques plages dont le sol, constitué par un sable coquillier très riche en calcaire paraît plus particulièrement convenable pour l'élevage des Mollusques. Puisque, d’après les exemples que nous venons de raconter, on a pu voir avec quelle facilité les Praires et les Clovisses pouvaient s’acclimater et se reproduire dans les eaux de la Méditerranée, de tels milieux semblent tout indiqués pour qu'on y tente des essais de conchylioculture. Pouvons-nous trouver un meilleur exemple de la source de bénéfices que l’on peut retirer de l'élevage de ces Mollusques, que celui qui fut pratiqué en 1863, par M. Garreau dans l'étang de Thau? M. Garreau associé avec quelques personnes acheta, au mois de novem- bre 1863, quelques centaines de kilogrammes de petites Clovisses qu'il paya à raison de 6 à 7 francs le quintal. | Ces jeunes Clovisses furent déposées dans le parcréservé « PRASER ESEMTR GE OMISSE:S 1909 de Rouqueyrol; on les y laissa grandir et s'améliorer. Six mois après, au printemps de l’année suivante, ces mêmes sujets furent repêchés et purent être vendus sur place au prix de 24 francs le quintal. Voilà donc un pro- duit qui en six mois a plus que triplé les bénéfices de l'opérateur. Existe-t-il, par le temps qui court, beaucoup d'opérations industrielles ou commerciales susceptibles de donner de pareils résultats? Mais malheureusement il faut compter avec l’apathie des gens du Midi, qui, vi- vant toujours au sein de cette riche nature si prodigue pour eux, n éprouvent que bien difficilement le besoin de mettre en pratique le vieux proverbe : « Aïde-toi, le ciel t'aidera ! » Pour terminer ce que nous avons à dire sur ce sujet, nous ne saurions mieux faire que de citer ici les sages paroles de M. Bouchon-Brandely : « La Clovisse est un coquillage qui, à l’égal de l'Huître, s'améliore et profite dans des parcs spéciaux. Les expé- riences de M.Garreau l'ont démontré surabondamment, « Quelques personnes avisées ont souvent insisté au- près des marins pour les déterminer à se faire parqueurs de Clovisses. Ceux-ci ont toujours refuse de suivre le conseil, prétextant que le parquage de ce coquillage est une besogne inutile, et que, de plus, il ne manquera jamais dans l'étang de Thau. La vérité est que les pê-. cheurs de l'endroit craignent que des industriels, en venant s'établir sur leur domaine, ne leur fassent une concurrence susceptible de déterminer l’abaissement du prix des produits qu’ils livrent à la consommation, sans préparation d’aucune sorte. « Ce sont là des craintes exagérées. Si la Clovisse était soumise à une éducation rationnelle, sa réputation 200 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES n'aurait qu'à y gagner; les pêcheurs auraient, d’ailleurs, eux aussi, la faculté de lui faire subir les manipulations qui sont de nature à la rendre meilleure, et ils tireraient de leur marchandise un prix infiniment supérieur à ce- lui d'aujourd'hui. Il me semble que les questions agri- coles, questions d'ordre économique, ne sauraient être envisagées au seul point de vue de la convenance des marins inscrits. L'art de cultivér les coquillages pouvant être élevé à la hauteur d’une industrie, devenir pour la contrée une source de travail et de richesse, rien ne doit être négligé pour aboutir à ce résultat. » Or, tout ce que nous venons de dire pour la Clovisse s'applique aussi bien à la Praire et même aux autres co- quillages comestibles. Tous sont susceptibles de s’amé- - Jiorer par la culture. Du moment que l'on trouve sur un point donné une colonie appartenant à telle ou telle espèce et que cette colonie présente des sujets de plus belle taille que dans la colonie voisine, il faut nécessai- .rement en conclure que l'espèce est susceptible d’attein- ‘dre plus de développement sous l'influence d'une culture rationnelle. Une fois cette constatation faite, ce n est plus qu'une question d'observation et d’application. Sur les côtes de l'Italie ou de la Corse, on rencontre certaines variétés de Tapès dont les dimensions sont con- sidérables. Ne serait-ce point le cas d'essayer d’intro- duire sur nos côtes ces belles races pour les y acclimater? Et puisque dans les étangs de la partie orientale de la Corse, par exemple, les Mollusques atteignent des di- mensions si remarqubles, pourquoi n'utiliserait-on pas ces eaux à l'éducation des Praires et des Clovisses ? Enfin, si la Clovisse et surtout la Praire sont de meil- leure qualité lorsqu'elles sont pêchées dans la Méditerra- PRAIRES ET CLOVISSES 201 née plutôt que dans l'Océan, rien ne nous dit que le Mol- lusque océanique ne serait point également susceptible de s'améliorer sur place, s’il était convenablément do- mestiqué. Il en adviendrait certainement pour lui ce qu'il en est advenu avec les Moules de la baie de l’Aiguil- lon; ce n’est en somme qu’une question de choix con- venable de nourriture et partant de milieu. Pourquoi ne ferait-on pas, pour la Praire et la Clovisse, ce que l’on a fait pour la Moule ? Il ne faut pas oublier que la Praire se vend bien plus cher que la Moule, puis- qu'on paye la douzaine de ce Mollusque, à Toulon, à Marseille, à Cette, jusqu’à 2 et 3 francs la douzaine. Le bénéfice à réaliser est donc assez considérable pour que l’on tente de semblables essais. Et que faut-il pour réussir? une mise de fonds bien modeste, surtout si l’on veut commencer simplement par faire de l'élevage. Choisir des milieux un peu sau- mâtres, dans lesquels les principes nutritifs soient aussi abondants que possible; donner toujours la préférence aux milieux sablonneux, à fonds calcaires, recouverts par une épaisseur d’eau suffisante et constante. Puis, - après avoir choisi de jeunes Mollusques d’une bonne 4 éguté di ra ts race, les abandonner au printemps dans ce nouveau milieu, pour les y recueillir au bout de quelques mois. La culture complète, c'est-à-dire la reproduction pré- sente plus d’alea. Mais puisqu'elle a déjà réussi aux en- virons de Toulon, il n’y a pas de raison pour qu'elle ne réussisse pas encore dans d’autres stations. On devra donc s'inspirer de ce qui a été fait précédemment, et puisque le jeune naissain aime à se fixer sur des corps installés dans le voisinage, plutôt en hauteur qu’en pro- fondeur, on devra lui présenter des collecteurs flottants, 202 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES des fascines, des cordages, des bouées, etc. Les jeunes coquilles seront ensuite recueillies et déposées sur un fond sablonneux. Nous aurons du reste occasion de revenir dans un autre chapitre sur ce sujet. Sourdon et Coque. — Sous ces différents noms popu- laires, le Cardium edule et ses formes affines, les Car- dium obtritum et C. Lamarckii, ont également leurs amateurs. Jadis, les marins et les gens qui vivent au bord de la mer, savaient seuls les apprécier. Aujourd’hui, en face de la rareté des autres coquilles comestibles, on les expédie fréquemment dans l’intérieur de la France. II n’est pas rare de les voir non seulement sur les marchés des grands centres maritimes, mais même encore à Paris, à Lyon, à Toulouse, etc. Il nous souvient d'en avoir vu vendre, il y a deux ou trois ans, par un de ces mar- chands ambulants qui sillonnent tout Paris, sous le beau nom de Clovis, coquillage de mer, à la porte même du Muséum! Ce petit Cardium abonde sur toutes nos côtes, et sa chair est vraiment bonne. On le pêche en quantité dans les étangs de Berre et de Caronte, où il se plaît dans les eaux peu profondes, à fond limoneux ou boueux. Mais avant de le vendre, on a soin, en Provence, de le tenir CNP durant quelque temps enserré dans des nasses, déposées … dans des réserves à eaux plus claires et plus pures, non seulement pour débarrasser sa coquille de la vase qui la souille, mais encore pour améliorer sa chair et lui faire perdre tout mauvais goût. Cette sorte de parquage se pratique surtout dans le Midi ; les animaux qui ne se sont pas ainsi dégorgés en eau claire durant un certain temps sont de très mauvaise qualité. Dans l'Océan, le Sourdon paraît rechercher des … MOLLUSQUES MARINS DIVERS 203 fonds moins vaseux ; sa chair est nécessairement moins fade, mais souvent aussi il est de taille plus petite. Il serait évidemment facile de concilier ces différentes données ; en élevant le Sourdon dans ces eaux vaseuses qu'il affectionne, on obtiendrait des animaux de grande taille ; il suffirait ensuite de les parquer quelque temps en eau claire, pour leur faire perdre tout mauvais goût ; on aurait ainsi, en pratiquant d'une manière régulière ce que quelques pêcheurs seulement mettent en œuvre, un produit à la fois gros et bon. Mollusques marins divers. — Pour en finir avec nos Mollusques marins des côtes de France, nous dirons qu'en dehors de ceux que nous venons de citer, il en est encore bien d'autres qui mériteraient d’être cultivés, en vue d'en améliorer la chair. Parmi ceux-ci, nous cite- rons plus particulièrement : les’ Buccins de l'Océan; les Murex de la Méditerranée; les Haliotis, les Pholades, les Myes, les Mactres,les Donaces, les Modioles, les Lithodomes, les Avicules, etc. Tous ces Mollusques ont une chair sans doute moins fine et moins délicate que celle de l’'Huître ou de la Praire, mais bien certainement par la domestication, on arriverait à l'améliorer. Espérons donc que de sérieux essais seront bientôt tentés dans cet ordre d'idées. Les Clams d’ Amerique. — Comme nous l'avons ex- pliqué dans un autre chapitre, on désigne en Amérique, sous le nom de Clam, plusieurs Mollusques acéphales et plus particulièrement une espèce de même genre que la Praire, et que les naturalistes qualifient de Venus mer- cenaria. Connaissant l'immense succès gastronomique de ce coquillage à l'étranger, voyant avec quelle facilité il semble se reproduire, on a tenté de l’acclimater en 204 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES France. Voici ce que rapporte à ce sujet M. le D" P. Fis- cher: « Non content de repeupler les parcs d'Arcachon, en y introduisant des Huîtres de diverses parties de l'Europe, M. Coste a songé à doter nos rivages de quelques Mollusques exotiques, remarquables par leur volume et leur saveur. « En 1864, nous avons visité, en compagnie du com- mandant du stationnaire, les fonds émergents situés au nord-est de l’île des Oiseaux. Là, sont déposés dans une excellente situation, les Mollusques d'Amérique expé- diés par M. Coste. « Citons en première ligne le Venus mercenaria L., grande et belle espèce, qui abonde sur tous les rivages est de l'Amérique du Nord, et dont le nom vulgaire est Round Clam, Hard Clam, ou tout simplement C/am. « Un premier envoi de Clams a été expédié à Arca- chon, en 1861; en 1863, nouvel envoi. Ces Mollusques, reçus en bon état, sont placés dans un parc spécial en- touré de fascines. Ils y vivent, enfoncés dans le sable, à une profondeur variable qui atteint 1 décimètre et da- vantage. Les animaux sont robustes et bien portants; ceux du premier envoi ont accru leur coquille de 2 cen- timètres environ; ceux du deuxième envoi de quelques millimètres seulement. Malgré nos recherches, il nousa été impossible de trouver de jeunes individus. La ponte n'a donc pas eu lieu en France, ou bien les embryons ont été dispersés par les courants. » Ainsi, les Mollusques amenés à grands frais d'aussi lointaines régions, grâce à la puissance vitale qu'ils pos- sèdent, ont pu continuer à croître dans leur nouvelle patrie d'adoption; mais ils se sont refusés à faire souche. L'HUITRE D'AMÉRIQUE 205 L'expérience, il faut bien en convenir, ne manquait pas d’une certaine hardiesse. Mais a-t-elle bien été faite dans toutes les conditions voulues pour s'assurer complète réussite ? Il est à craindre que non. Ilest bien certain qu un pareil voyage a pu singulié- rement éprouver ces pauvres Mollusques; des organes aussi délicats que ceux de la génération ont pu en souf- frir. Ce qu’il y a de bien certain, c'est que l’acclimatation n'a été que partielle; les jeunes sujets ont continué à croître, mais ils n’ont pas donné naissance à de nouveaux produits. N'est-ce point, sans aller aussi loin, ce que nous avons vu déjà dans les autres tentatives similaires ? L’accroissement continue, sans qu'il y ait ensuite de produits nouveaux. Il y a la sans doute une question d'âge, peut-être plus qu’une influence de milieu. Dans tous les cas, c'est un problème qui reste encore à l'étude. L'Huitre d' Amerique. — « L'Ostrea Virgimca, dit le même auteur, a été également l'objet de deux envois, en 1861 et 1863. Les Huîtres ont été déposées dans un petit parc du bassin d'Arcachon qui ne diffère en rien des parcs du gouvernement où l’on élève l'Osirea edulis. Les Huîtres d'Amérique nous ont paru de taille médiocre, elles ont à peine augmenté leurs dimensions. L'examen des valves ne montre pas de naissain appartenant à leurs espèces. Les jeunes Huitres qui y sont fixées offrent les caractères distinctifs de l'Osfrea edulis. « L’Huître d'Amérique a été expédiée aussi dans la Manche, à Saint-Waast-la-Hougue ; mais elle ne s’y est pas encore multipliée. » Voilà donc encore d’infructueux essais à ajouter à la liste des déceptions en conchylioculture. Mais, y avait-il < 206 DOMESTICATION DES PRAIRES ET CLOVISSES =: un réel avantage à les tenter ; pourquoi chercher à intro- duire en France cette espèce d'Amérique? Certes, elle a de précieuses qualités ; les Américains du Nord savent parfaitement l’apprécier, à en juger par l'énorme consom- mation qu'ils en font, soit fraiche, soit conservée. Mais, n'avons-nous pas autour de nous, sans aller si loin, des espèces tout aussi bonnes, qui se reproduisent tout aussi bien, sans que nous nous exposions encore une fois à voir nos bancs et nos parcs envahis par une espèce plus robuste, susceptible de les étouffer et de nous les faire perdre ? Portons donc nos efforts sur les espèces européennes, surtout lorsqu'il s’agit de l'Huître et de la Moule; dans cet ordre d’idées, du moins, nous n'avons absolument rien à envier à l'étranger. La conchylioculture à l'elranger.— Les espèces domes- tiques, à l'étranger, sont bien peu nombreuses. En géné- ral, les populations maritimes se contentent des produits de la mer, tels qu elle les leur donne, se bornant tout au plus à les faire parquer dans des réserves, comme cela se pratique dans le midi de la France. Nous citerons ce- pendant quelques exemples de véritable domestication. En Chine, l’Anodonta edulis est une des espèces co- mestibles ; on le vend dans des paniers sur les marchés, et on le cultive, à cet effet, dans les fossés d’eau vive de Song-Kiang-Fou. Dans son intéressant ouvrage intitulé Pelagos, M. A. Issel nous donne quelques détails sur deux autres Acé- phales également cultivés en Chine : ce sontles Novacu- lina constricta et probablement Arca granosa du port de « Ning-Po, dans la province de Tche-Kiang. Le Novaculina constricla qui se plaît, comme ses con- LA CONCHYLIOCULTURE A L'ÉTRANGER 207 _ génères, dans les fonds vaseux, abonde dans la baie de Nimrod et donne naissance à une quantité considérable de jeunes individus. Malheureusement, ils ont à craindre de nombreux ennemis, particulièrement des oiseaux aquatiques qui leur font la chasse. Dès que les coquilles ont atteint quelques millimètres de longueur seulement, les Chinois recueillent avec soin ce jeune naissain et le répandent dans des parcs à fonds vaseux, mis à décou- vert à marée basse et facilement surveillés. Au bout de trois années, la coquille a atteint ses dimensions ; on la recueille à nouveau pour la mettre dans la commerce. Le Mollusque est ensuite cuit ou desséché au soleil. Pour pouvoir circuler sur ces fonds vaseux, les indigènes font usage de sortes de patins en bois qui jouent dans ces éducations le même rôle que les acons dans la baie de l’Aiguillon. Ainsi chaussés, ils peuvent circuler sur la vase, à marée basse, sans craindre de trop enfoncer. Pour l’Arca granosa, les Chinois se contentent d'un simple élevage. Dans le courant du mois de mars, on se procure de jeunes individus ayant à peu près la dimen- sion d’un petit pois et on les dépose dans des réservoirs installés dans la baie de Nimrod. Ces réservoirs, construits . sur de l'argile, mesurent environ 15 mètres de long sur Le fi EE 7 de large ; ils sont munis d’une ouverture qui les met en communication avec la mer; à marée haute, la porte de cette baie est ouverte, tandis qu’on la referme à marée basse, mais en ayant soin qu'il reste toujours, sur les coquillages, un demi-pied d’eau. Au bout de deux années, ces Arches ont atteint tout leur développement et sont mises dans le commerce au prix de 50 sapèques la livre environ. 208 DOMESTICATION DES ESCARGOTS Enfin, nous citerons un intéressant exemple d'accli- matation d'espèce exotique qui a parfaitement réussi. Le Lucina Pensylvanica, espèce comestible assez estimée, ne se rencontrait jadis que sur un seul point de la Marti- nique, dans la baie de Robert où il en existe un banc considérable au dire de Beau. Vers 1837 ou 1838, un officier de la marine française, à la sollicitation d'un in- digène, fit draguer un certain nombre d'individus de cette Lucine et les transporta dans la baie du Français où elle s’est promptement multipliée. Domestication des Escargots. — Les Escargots semblent avoir occupé sur la table des Romains à peu près le même rang que l’Huître. Ils furent en grand renom à Rome au commencement de notre ère et même dès la fin du siècle précédent. De même qu'aujourd'hui, dans nos écoles spéciales ou dans les traités d’agriculture on en- seigne l’élevage et l'entretien du bétail, les soins qu'il convient d'apporter à la ferme et à sa basse-cour, de même voyons-nous, chez les Latins, les plus savants agro- nomes s'occuper, dans leurs écrits, avec des détails tout particuliers, de l'élevage et de l’éducation des Mollusques et tout spécialement des Escargots. Varron, Columelle, Palladius, nous ont laissé de bien curieuses instructions à ce sujet. L'Escargot, à cette époque, était cultivé tout comme nous cultivons l'Huïtre aujourd'hui; on se préoccupait peu de sa reproduction, la nature prévoyante se chargeant suffisamment de ce soin. On allait donc au loin, chercher précieusement telle ou telle espèce, puis on la parquait dans des enclos convenablement disposés, afin de l’yélever et de l'engraisser, pour parfumer et améliorer sa chair. Varron nous apprend que l’Escargot vit de peu et que » De +. DOMESTICATION DES ESCARGOTS 209 l'on est presque dispensé de pourvoir à sa nourriture dans les parcs où on l'enserre; du son et quelques feuilles de laurier suffisent pour le conserver dans les cochlearia. Voici, d'après le même auteur, comment ces parcs étaient disposés : « Il le faut en plein air et entouré d'eau de toutes parts; sinon vous risquez de courir après les petits et même après les gros que vous aurez mis là pour y multiplier. L'eau vous tiendra lieu de fugi- tivarius, si le soleil n'y donne pas trop et si la rosée y abonde ; c'est ce qu'on peut trouver de mieux à défaut de rosée naturelle, inconvénient propre aux lieux trop exposés; ou si le même lieu couvert est dépourvu de ces rochers ou terre dont l’eau baigne le pied, alors il faut produire artificiellement la rosée et voici par quel procédé : au moyen d’un tuyau qui se termine par un certain nombre de petits mamelons, on lance avec force de l’eau qui, retombant sur une pierre, rejaillit en gouttes de tous côtés. » Mais, comme en somme tous ces Escargots, quelle qu’en soit la provenance, ont une chair assez coriace, on imagina de leur faire prendre une alimentation parti- culière destinée à les améliorer. « Fulvius Hirpinus, dit Pline, établit des parcs d'Escargots (cochlearum viva- ria) dans le territoire de Tarquinies, peu de temps avant la guerre civile entre César et Pompée ; il en sépara même les espèces, mettant à part les blancs, qui proviennent de Réate ; ceux d’Illyrie, qui sont les plus gros; ceux d'Afrique, qui sont les plus féconds, et les Solitans qui sont les plus renommés. Il imagina aussi le moyen de les engraisser avec du vin cuit, de la farine et autres substances ; de la sorte, les Escargots engraissés devin- rent un objet de gastronomie. » A. Locarp, Les Huitres. 14 210 DOMESTICATION DES ESCARGOTS L'Escargot se mangeait cuit. Pétrone nous apprend ; que Trimalcion se faisait servir ses Escargots sur un _gril d'argent. Après les avoir lavés, on les faisait séjourner, au dire d’Apicius, durant vingt-quatre ou quarante-huit heures, dans de l’eau claire ou mieux dans du lait, pour en atten- drir les chairs. Aujourd’hui encore, quelques raffinés du Midi font usage de ce procédé, mais, à vrai dire, nous ne pensons pas quil produise grand effet sur cette viande coriace. Par suite de quelles singulières circonstances ce mets, si prisé des Romains, véritable objet de grand luxe pour l’époque, a-t-il, suivant la décadence romaine, peu à peu descendu les échelons de la gastronomie aristocratique, pour arriver à Se cantonner uniquement sur des tables beaucoup plus modestes? Singulier retour des choses d’ici-bas! Pourtant ce même Escargot fut, à son tour, appelé à jouer un rôle symbolique et religieux. Après les funérailles, avant de se séparer, les invités allaient toujours manger quelques copieux plats d’Es- cargots, dans une de ces popina ou caupona installées au voisinage des tombes. Plus tard, lors des premiers progrès de la chrétienté en Occident, ce même Escargot devint un symbole de la résurrection, et servit d’em- blème pour distinguer les tombes chrétiennes. Nouveau Lazare, ne sortait-il pas lui-même de sa tombe, en bri- sant les portes de sa demeure, au retour du printemps, après un long hivernage durant lequel on le croyait mort ? Malgré de tels titres, la valeur gastronomique de l’Es- cargot passa de mode et tomba même en désuétude. Pourtant, avec le moyen âge, il semble revenir en faveur. « on n pl ER ail 1 Ent, Aer - > , ' = J Pa. « _DOMESTICATION DES ESCARGOTS 2171 La difficulté, parfois assez grande, de se procurer en toutes saisons des aliments maigres va le faire recher- cher, et on créera, dans le voisinage des couvents, des parcs de dépôts où on l’emmagasinera dans la saison propice. Aujourd’hui encore, dans certains pays, non plus du midi comme autrefois, mais du nord et de l’est, nous retrouvons cette coutume d'enserrer les Limaçons. Durant les temps de disette et de famine, les Escargots ont encore joué un grand rôle dans l'alimentation et rendu de réels services. Lors de la triste famine de 1816 et 1817, l’'Escargot fut d'un grand secours pour les populations du midi de la France. Même encore de nos jours, bien des pauvres gens de ces pays sont heureux lorsqu'ils peuvent se nourrir de quelques maigres Escargots grillés sous la cendre. Plusieurs pays de l'étranger ont conservé l'habitude, sinon de parquer les Coquillages, du moins de les garder un certain temps dans des escargotières. En Danemark, nous savons qu'il existait des parcs à Escargots dès le xvie siècle, et que ce Mollusque, fort recherche, était _ servi sur la table des riches danois. Dans le pays de Brunswick, il existe encore aujourd'hui des fosses en maçonnerie, recouvertes de tuiles ou d’un grillage en toile métallique, dans lequel on parque les Escargots durant plusieurs mois. Ces fosses sont, paraît-il, d’un usage assez ancien, car nous savons qu’il en existait déjà au siècle dernier. En Silésie on parque également les Mollusques, et pendant tout le temps qu'ils restent ainsi enfermés, on les nourrit d'origan, de serpolet, de pouliot et de plantes aromatiques qui donnent à la chair de l'animal une agréable saveur. de © 212 DOMESTICATION DES ESCARGOTS Aujourd’hui, la ville d'Ulm, dans le Wurtemberg, est encore renommée pour ses escargotières. Selon Martens, on expédiait, il y a quelques années, annuellement, de cette ville, par le Danube, plus de dix millions d’Helix pomatia ou Hélice vigneronne, que l’on parquait et engraissait dans les jardins et dans les escargotières. On les envoyait, une fois engraissées, par tonneaux de dix mille, pour être consommées pendant le carême, dans les couvents de l'Autriche. Aujourd'hui encore, il se fait en Autriche une consom- mation considérable d'Escargots, principalement pendant le carême. La Suisse, et surtout le canton d’Appenzell, en expédie chaque année des quantités considérables que l'on parque dans des enclos frais et humides, en atten- dant le moment de la vente. En France, la consommation des Escargots paraît avoir suivi d'assez singulières vicissitudes. Nos pères, dit-on, les prisaient peu; dans quelques contrées seule- ment on savait les apprécier, sans que ce fût jamais un aliment bien estimé. Au commencement de ce siècle, les Escargots ne se voyaient guère qu'à la porte de l'officine des herboristes et des pharmaciens auxquelsils servaient souvent d’enseigne, enfilés sous forme de chapelets. Aujourd’hui, l'Escargot est revenu en pleine faveur, et pour plus d’un amateur, c'est un vrai régal que d’ab- sorber une belle douzaine d'Escargots fraîchement accom- modés et servis bien chauds. Mais nous doutons fort que les gourmets lettrés et intelligents, les Brillat-Savarin ou les Monselet, recommandent jamais aux personnes délicates cet aliment lourd, indigeste et trop agréable- ment parfumé de l'odeur des condiments qu'on se plaît à y rajouter. DOMESTICATION DES ESCARGOTS 213 Ces chers Escargots, on en trouve presque partout, mais c'est surtout dans les pays à sol calcaire qu'ils vivent en plus grande abondance et où ils atteignent une plus belle taille. Sur les bords de la mer, là pour- tant où il semble qu'ils aient à redouter la concurrence des Mollusques marins, ils sont encore fort appréciés. C'est cependant plus particulièrement dans le Centre et dans l'Est qu'ils sont l’objet d’une chasse suivie, et d'où on les expédie sur les différents marchés après leur avoir fait subir un temps de parquage plus ou moins long; mais partout ces installations sont assez sommaires. Dans le Barrois, les escargotières sont nombreuses et d’une extrême simplicité. « En ces pays, ditle D'Ébrard, une escargotière consiste ordinairement en un tonneau défonce recouvert d’un filet, ou bien en une fosse carrée dont les côtés sont boisés, et qui est fermée en dessus par un treillis de fer, ou encore par une simple claie en ba- guettes d'osier. Les cultivateurs y entreposent les Lima- çons a mesure qu ils les trouvent, jusqu’à ce qu'ils soient assez nombreux pour suffire à un repas ou pour être vendus. « Les escargotières ont encore un autre but : les cul- tivateurs y placent les Limaçons pour les engraisser ou pour attendre que la venue du froid leur fasse fermer leur coquille et permette ainsi de les transporter plus facilement. « En Lorraine, on consacre aux Limaçons un coin de jardin entouré de treillages à mailles serrées où l’on a soin de rassembler et de mettre tous les végétaux qui leur plaisent le plus. Au milieu de ces retraites où plusieurs milliers d'Escargots vivent en paix, sans autre souci que celui de manger, croître et multiplier, on a 214 DOMESTICATION DES ESCARGOTS une espèce de garenne toujours prête à fournir pour les survenants un plat très délicat, susceptible de divers apprêts et dont la dépense est presque nulle. » Dans le Jura, l'Ain, le Rhône, Saône-et-Loire et la Côte-d'Or, nos cultivateurs et nos vignerons parcourent les vignes, les vergers et les jardins, après les grosses pluies orageuses de la belle saison; ils font ainsi par- fois d’abondantes récoltes d’'Hélices de toutes sortes. La plupart du temps, d'un coup de sabot, ils écrasent à terre les Helix nemoralis, H. bortensis et même H. as- persa, qu'ils dédaignent, même pour leur consommation particulière, mais ils récoltent précieusement les Helix pomatia, H. pyrgta et autres formes du même groupe. Jamais ils ne les consomment de suite. Si c’est pour eux qu'ils lesrecueillent, ils feront subir à ces Mollusques un jeûne de trente à quarante jours, en les enfermant dans un vieux pot, au fond d'un tonneau défoncé ou sous une caisse couverte d'un clayonnage. Si, au con- traire, ils comptent les vendre au marché voisin, ils les parqueront dans un enclos plus grand, le plus souvent sans leur rien donner à manger, de telle sorte que ces malheureux Escargots, en pleine saison d'activité, res- teront trois ou quatre mois dans quelque coin obscur, privés de toute nourriture. Ainsi condamné au repos et à l’inactivité, exposé par- fois à une sécheresse qui lui est absolument nuisible, le pauvre Mollusque finit par s'y méprendre; il ne connaît plus les saisons ; aussi n'est-il pas rare de constater, que même en plein été, ainsi abandonné dans un tas, il se retire au fond de sa coquille, sécrète son opercule et s’en- dort du sommeil du juste, tout comme s’il s'agissait pour lui de passer un long hiver. né. ie <è ME es È " » DOMESTICATION DES ESCARGOTS 215. C'est en automne surtout que se font les ventes des Limaçons. Des marchands spéciaux, véritables commis- sionnaires en Escargots, parcourent les campagnes, ramassant de droite et de gauche tout ce qui a pu être mis de côté durant la belle saison, et transportent à la station voisine des cargaisons de plusieurs centaines de mille d'Escargots. Dans ces conditions, ils se vendent plutôt au poids qu’au nombre; et pourtant ce poids pré- sente les plus grandes variations suivant la taille et sur- tout l'épaisseur de la coquille. Aussi, est-ce un prix à débattre entre vendeurs et acheteurs, d’après la belle allure de son enveloppe. Les chargements emballés dans des caisses à claire- voie, sont ensuite expédiés dans les grandes villes à d’autres marchands qui déversent ces caisses dans des caves ou enclos voûtés, divisés en compartiments par des cloisons en brique ou en pierre, et recouvertes par. des grillages ou plus simplement par des planches. Dans ces enclos toujours sombres, mais très secs, entre- tenus à une température constante, bien à l'abri des gelées, les Escargots continuent leur hivernation en tas de 40 à 60 centimètres de hauteur, jusqu'à ce que l’in- stant de la cuisson soit venu. Il faut avoir bien soin de visiter de temps en temps les tas ; on les retourne à la main, en ayant la précaution de rechercher les animaux morts pour les enlever bien vite. Il suffit de quelques Mollusques crevés dans un tas, pour compromettre le tas tout entier. Il y a de ce chef un déchet parfois assez considérable. Enfin, si la consommation n’a pas été suffisante, lorsqu’arrive le printemps, nos Mollusques se réveillent, et il faut aussitôt leur donner à manger, sans quoi on s'exposerait encore ON ME 0 - 216 DOMESTICATION DES*ESCARGOTS à en voir périr un grand nombre. C’est là souvent un mauvais moment pour le marchand; avec les tièdes journées d'avril ou de mai, la mortalité s'accroît, dans les escargotières, dans d'assez fâcheuses proportions. C'est donc surtout pendant l'hiver que le Mollusque est préparé pour être livré aux personnes qui le débitent en détail. Nous n'avons pas à revenir sur la préparation qu'onleur fait subir dans ces officines. Nous nous sommes déjà suffisamment expliqué sur ce sujet. On se demandera avec juste raison, si ce jeûne ainsi prolongé est une bonne chose, non pas certes pour le Limaçon, puisque nous n'avons pas à plaider sa cause, mais pour le consommateur qui nous intéresse davantage. Il est peu d'êtres, dans la nature, qui se prêtent aussi volontiers à l’abstinence et au jeûne que les Escargots. De nombreux exemples ont éte cités à ce sujet. A l’au- tomne de l’année 1871, nous avions acheté au marché de Perpignan, des Helix apalolena, pour en distribuer à quelques-uns de nos amis. Un an et demi après, un lot de ces Hélices, abandonné dans une armoire du Muséum de Lyon, fut retrouvé tel qu'il y avait été placé. Les Mollusques furent mis dans l’eau, et quelques instants après tous étaient revenus à la vie, aussi dispos que s'ils venaient d'être pris dans les champs. Le baron Henri Aucapitaine a cité un exemple de longévité des Hélices encore plus frappant. En 1858, il recueillit sur la route de Touggourt à Ell-Oued en Al- gérie, des Helix lactea, dans un site, où il n'était pas tombé une seule goutte d’eau depuis cinq années. En 1862, de retour à Alger, il retrouva ses Hélices ou- bliées au fond d’une caisse, enfermées dans un sac en papier, ayant contenu du tabac, et enfoncées sous des D, DÉRASS LA 1 DOMESTICATION DES ESCARGOTS 217 papiers et des livres. Il les jeta dans de l’eau afin deles nettoyer. Quel ne fut pas son étonnement lorsque, le lendemain matin, il s’aperçut que toutes ses coquilles se promenaient pleines de vie aux alentours du vase où il les avaient déposées. Après trois ans et demi, ces Mol- lusques privés d'air, de lumière et de toute nourriture, étaient revenus à la vie. A l’état normal, l’Escargot dans nos pays, passe comme on le sait tout l'hiver enfermé dans le fond de sa coquille, sans prendre la moindre nourriture, vivant en quelque sorte de lui-même. Dans ces conditions, tout se passe d'une façon régulière, car c'est pour le Mollusque, sa manière de vivre durant la mauvaise saison. Comme la Marmotte, il hiberne à sa manière. Pendant ce temps-là sa coquille pas plus que lui-même, ne subissent la moindre modification. Le jeûne hivernal ne lui est donc pas préjudiciable. Mais en été, il n’en est plus de même. Durant la belle saison, jusqu au moment oùil va sécréter son épiphragme, il croit et se développe constamment ; à ce moment-là, il a besoin d'absorber une grande quantité de nourriture pour parer à la dépense qu'il fait. Si donc on le prive de toute alimentation à cette époque, non seulement il en souffrira, mais encore on arrêtera son développement. Faire jeûner en été les Escargots, c’est s’exposer à les voir rester petits, et c'est en même temps la meilleure manière de les rendre malades. Or, jamais la chair d'un animal malade n'est chose bien hygiénique. A quel instant de sa vie sera-t-il préférable de manger l'Escargot ? Pendant la première année, il est tendre, mais bien petit; sa coquille, non formée à son extrémité, se prête malaux préparations culinaires. Après son premier Re 218 DOMESTICATION DES ESCARGOTS hiver, alors qu'il s'est pour ainsi dire vidé lui-même, il sera plus particulièrement dur et coriace. Il conviendra donc d'attendre la seconde année, alors qu'il aura acquis tout son développement, et donner la préférence à la saison d'automne ou mieux au commencement de l’hi- ver, c'est-à-dire tant qu'il n'aura pas souffert de son jeûne. Parqués en toutes saisons, les Escargots sont donc une bonne chose, mais à la condition toutefois que le Moilusque n'ait pas à en souffrir. Qu'on le laisse aban- donné à lui-même tout l'hiver, rien de mieux, mais tant que la saison est belle, il convient au contraire de lui procurer une nourriture abondante et variée, il lui faut si peu de chose! de mauvaises feuilles de salade, un peu de son mouillé, des plantes d'orties, des débris de pommes de terre, de raves et de carottes, des fruits gâtés ou trop mûrs, tout lui est bon. Sa chair bien entretenue s'améliorera, et si, à sa nourriture journalière, on ajoute quelques plantes aromatiques : serpolet, pouliot, lau- rier, etc., elle ne saura en devenir que meilleure. L'escargotière pourra être des plus simples. En été, le moindre réduit en planches, en terre ou mieux en pierre, bien abrite, plutôt un peu humide, entièrement clos, mais toujours aëré ; en hiver, il conviendra de tenir les Mollusques dans une cave sèche, non chauffée, mais à l’abri de toute gelée; les coquilles pourront être entas- sées sur une épaisseur ne dépassant pas 30 à 40 centi- mètres de hauteur. Il faudra souvent les visiter pour retirer les animaux morts ; ceux qui, dès le retour du printemps, commenceront à sortir de leur coquille, de- vront être mis à part et recevoir de la nourriture. En Bourgogne et dans le Jura, on fait parfois hiberner FL DOMESTICATION DES ESCARGOTS 219 L dehors les gros Escargots. A cet effet, on creuse dans un sol bien sec, et assez profondément, une fosse dans le fond de laquelle on dispose un lit de feuilles sèches ou de mousse. On y entasse les Mollusques en couches régulières, et on recouvre le tout avec de la terre. Dans ces conditions, les Limaçons se conservent parfaitement. Mais dès le retour de la belle saison, il faut à nouveau les parquer à l'air pour éviter une trop grande mortalité. Quelquefois même, si la couche de terre qui les recou- vre n'est ni suffisante comme épaisseur, ni assez battue, ils sortent d'eux-mêmes la nuit et vont retrouver leur liberté. Il est toujours convenable, nous dirons même pru- dent, de faire jeûner quelques jours les Escargots qui vivent en liberté, avant de les consommer. Il importe de les laisser se débarrasser de toutes les impuretés qu'ils peuvent renfermer. On voit souvent les Escargots se promener sur des champignons absolument vénéneux, s'en repaitre avidement et ne pas paraître pour cela le moins du monde incommodés. Mais il n'en serait pas de même des personnes qui s’aviseraient de les manger à leur tour avant qu'ils aient achevé leur digestion. Plu- sieurs cas d’empoisonnements par les Escargots ont été constatés, et toujours ils avaient lieu à la suite d’ingestion de Mollusques qui n'avaient pas subi le moindre jeûne. Il faut donc laisser à l'Escargot tout le temps néces- saire pour éliminer la totalité des principes nocifs qu'il a pu absorber. En trois ou quatre jours, sept au plus, son tube digestif est complètement débarrassé. Telle est la pé- riode de jeûne qu'il conviendra de lui faire subir dans la saison où il n' hiberne pas, si l’on veut éviter tout danger. A la fin de l'hiver, après son long jeûne, lorsque 220 DOMESTICATION DES ESCARGOTS l'animal vient à sortir de sa coquille, on remarque qu'il expulse quelques excréments noirs auxquels les gens de la campagne attribuent toutes sortes de propriétés bonnes ou mauvaises. Cependant son tube digestif s'est vidé depuis longtemps ; ces matières proviennent uniquement de l’épiphragme corné ou membraneux qu'il a absorbé avant de reparaître à la lumière. Hâtons-nous d'ajouter qu'il n'y a absolument rien de malsain dans ces matières. Ainsi donc, faire jeûner plus de quinze jours, dans la belle saison des Escargots, c’est les faire inutilement souf- frir; c'est en outre s’exposer à rendre leur chair encore plus dure et plus coriace; mais d’autre part, les manger immédiatement après qu'ils ont été ramassés dans la campagne, c'est s’exposer soi-même à un réel danger. Prescrivons donc un jeûne complet, absolument rigou- reux, mais à la condition qu'il ne dépasse jamais la quinzaine. Acclimatation des Escargots etrangers. — La France est cependant bien riche en Escargots de tous genres! Du nord au sud, de l’est à l’ouest, sa faune malacologique est absolument variée; et si l’Helix pomatia, le gros Escargot de Bourgogne, ne vit pas partout, du moins il se laisse transporter avec la plus grande facilité ; enfin, d’autres espèces, à peu près aussi bonnes, peuvent, « comme nous l'avons vu, y suppléer dans bien des cir- constances. Malgré cela, de nombreuses tentatives d’acclimatation d'espèces étrangères ont été faites en France à différentes époques. Nous ne parlerons pas ici, bien entendu, des migrations naturelles que les Mollusques peuvent effec- tuer ; nous avons déjà traité longuement cette question dans un autre ouvrage. Nous nous bornerons à parler des LE ACCLIMATATION DES ESCARGOTS ÉTRANGERS 221 tentatives d’acclimatation faites par la main de l’homme. Dans le nombre, quelques-uns de ces essais n'avaient d'autre but qu'une simple question de curiosité physio- logique; mais les autres ont eu un résultat absolument pratique et ont rendu de véritables services au point de vue économique. Voici par exemple l’Helix aspersa, bonne espèce comestible, fort appréciée en certains pays. On la trouve aujourd'hui aux environs de Lausanne en Suisse, mais répandue dans un faible rayon. Elle aurait été introduite dans le pays il y a quelques siècles seulement ; les uns estiment que c’est un évêque qui l'aurait rapportée du midi de la France, tandis que d'autres croient que ce sont les moines de Trabandan qui l’auraient introduite dans leurs vignes sous Lausanne, en vue d’avoir à leur disposition un aliment maigre. Cette espèce paraît s'être complètement acclimatée dans le pays, mais sans s’étendre beaucoup au delà de ses anciennes limites. Puton rapporte que c'est par l’escargotière des Char- treux de Metz que ce même Helix aspersa, que l’on avait _fait venir du Dauphiné pour les besoins du couvent, s’est répandu d’abord dans le jardin botanique de cette ville, pour se propager ensuite dans tout le pays. Comme l’a fait observer M. de Mortillet, dans la région des Alpes, il arrive souvent que cette espèce se rencontre plus par- ticulièrement localisée au voisinage des anciens couvents, alors qu’elle est beaucoup plus rare, ou même qu’elle fait défaut dans le reste de la contrée. L'Helix pomatia et ses formes affines ont été l’objet de plusieurs tentatives d’acclimatation en France. Ainsi, on sait qu'il ne s’avance pas vers l’ouest, au delà du département de Maine-et-Loire ; M. J. Desmars, en 1871, DAS DOMESTICATION DES ESCARGOTS a tenté avec succès de le répandre dans le département del'Ille-et-Vilaine, dans les vignes de Beaumont à Redon. De son côté, M.J. B. Gassies l’a dispersé dans l’Agenais, notamment à l’'Ermitage et à Saint-Vincent. Depuis une huitaine d'années, un de nos zélés mala- cologistes lyonnais, M. Roy, a introduit dans son jardin aux environs de Lyon le bel Helix Iucorum d'Italie, et depuis cette époque il s’y développe et s'y reproduit régulièrement. On trouve aujourd'hui des individus de tous les âges et pourtant plusieurs hivers rigoureux n’ont pu faire disparaître ces Mollusques. Ils ne sont du reste pas encore bien habitués aux mœurs des Escargots de nos pays. Ainsi, ceux-ci, aux approches de l'hiver, ont bien soin de s’enterrer profondément, tandis que nos Helix lucorum, se croyant encore dans le pays où fleurit l'oranger, creusent à peine le sol pour s'y cacher ou se contentent parfois de s’abriter sous une simple touffe de fraisier. Plusieurs essais analogues ont été faits à l’étranger. Benson rapporte que l’Achatina fulica aurait été importé de Madagascar à l'ile Bourbon sur l'indication d’un mé- decin qui aurait recommandé l’usage du bouillon de Limaçon à un indigène dont la femme était atteinte d'une affection de la poitrine. Aujourd'hui cette espèce est complètement acclimatée dans le pays. Parfois aussi ces acclimatations se font naturellement, par la main de l’homme, il est vrai, mais en dehors de sa volonté. Voici par exemple tout un groupe d'Hélices xérophiliennes, qualifiées par les naturalistes du nom d'Helix variabilis, et qui vivent plus particulièrement dans le Midi. Actuellement ces formes se trouvent en abondance et à tous les âges aux environs de Paris et de an ns ‘À “ : PS ONE CUS PT CNT PPT NT CPR CUT a | | ACCLIMATATION DES ESCARGOTS ÉTRANGERS 223 Lyon. Pourtant, nous savons bien qu’elles n'y vivaient point à la fin du siècle dernier, puisque ni Geoffroy, ni Poiret, ni Brard, ni Sionnest qui cependant connais- saient bien la faune de ces pays, n’en font mention dans leurs catalogues. Aux environs de Quimper, on trouve, sous le nom d'Helix Quimperiana, une forme toute particulière dont le facies planorbique est absolument méridional. Cette espèce en effet, aurait été importée accidentellement des Pyrénées, et elle ne s’est développée en Bretagne que dans un cercle des plus restreints. Aux environs de Lyon, nous avons eu à signaler l'existence de toute une faunule méridionale introduite accidentellement et dont nous avons raconté l’histoire. Avec l'innombrable facilité de communications qui s’accroit encore chaque jour davantage, une foule de produits, jadis absolument stationnaires, sont aujour- d'hui déplacés et transportés au loin. Les légumes, les fruits, les fourrages, que le Midi nous expédie jour- nellement sont d'excellents véhicules pour de jeunes Mollusques qui franchissent ainsi en quelques heures des espaces considérables. Si les débris de ces légumes ou les tas de ces fourrages sont installés dans un milieu convenable, nos Escargots voyageurs s'y développeront et y feront souche. Leur coquille, sans doute sous l’in- fluence de ces milieux nouveaux, se modifiera peut- être pour donner naissance à quelques variétés nou- velles, mais on n’en aura pas moins une acclimatation définitive ou momentanée d'espèces étrangères au pays. On peut donc, comme on le voit, tenter d'accli- mater certaines des espèces reconnues bonnes pour l’ali- _mentation. Toutefois, comme les Escargots vivant en 224. DOMESTICATION DES ESCARGOMS liberté détruisent les plantes qui les environnent, il faudrait bien prendre garde de tomber, sous prétexte de faire du bien, dans un excès contraire. Tel fut le cas d’un philanthrope anglais, Charles Howard: voulant doter son pays de ces Escargots fameux, si recherches des Romains, il fit venir à grands frais du pays de Bagnes, une certaine quantité d'Hélices et les répandit dans ses domaines. Le milieu, paraît-il, leur convint admirable- ment; si bien que, en peu de temps, leur multiplication prit de telles proportions, que sir Charles Howard vit ses récoltes compromises. Il fallut faire la chasse et détruire au plus vite ces malheureux Escargots qui faisaient en somme plus de mal que de bien. V INFLUENCES PHYSIOLOGIQUES DE LA DOMESTICATION SUR ÉES MOLEUSQUES Importance de ces influences au point de vue de la culture, — Choix des sujets d'expérimentation. — Comparaison entre la domestication des Mol- lusques et celle des animaux supérieurs et des plantes. — Rapidité de l'évolution. — Accroissement du volume. — Régularité du test. — Mo- dification de l'épiderme. — Affadissement et amélioration de la chair. — Atténuation de la fécondité. — Exaltation des caractères spécifiques. — Origine et prédominance des races. — De la sélection malacologique. Lorsque l’on compare les formes naturelles avec les formes domestiquées chez les Mollusques, on est surpris de constater des différences extrêmement notables dans l'ensemble de la coquille, dans l'allure du test et jusque dans le goût de la chair de l'animal. Ces différences sont telles que parfois un naturaliste peu-exercé serait tenté de créer des dénominations nouvelles pour ces formes produites par la main de l'homme. Il importe donc de chercher à se rendre un compte aussi exact que possible de Ja cause et de la nature de ces modifications, et de voir si elles constituent un bien ou un mal au point de vue de l'amélioration de la race. On remarquera que, chez les autres animaux, et par- ticulièrement chez les animaux supérieurs, les études Li A. Locars, Les Huitres 15 226 INFLUENCES DE LA DOMESTICATION zootechniques nous démontrent de la manière la plus péremptoire que la domestication, l'élevage en un mot, même au bout d'un petit nombre de générations, con- duit à une modification très sensible de certaines parti- cularités plus spécialement recherchées au point de vue de la consommation. Chez les plantes également, par les soins intéressants de l'horticulture ou de l’arboriculture pratiques, on arrive à modifier les formes primitives des arbres ou des plantes, de manière à obtenir non seulement un chan- gement presque complet dans le port ou l'allure du végétal, mais encore de facon à obtenir un développe- ment particulier de la fleur ou du fruit. Il est donc intéressant, après avoir constaté quelles- sont les modifications que l'élevage fait subir aux Mol- lusques, de voir si ces modifications concordent toujours bien avec celles que l'on observe, soit chez les animaux supérieurs, soit chez des organismes encore bien moins doués, comme les plantes. De tels rapprochements n’ont jamais été faits, et pourtant, ainsi que nous allons le . constater, ils présentent un double intérêt au point de vue de la philosophie naturelle des êtres et dela pra- tique industrielle. Comme nous l'avons précédemment expliqué, les Mollusques qui sont le plus souvent soumis à la domes- tication sont les Huîtres et les Moules. Les Huïitres, nous en avons la preuve, subissent souvent dans leur élevage des modifications artificielles qui ont nécessairement pour effet d'en denaturer l'allure et le galbe ; cette sorte d'ablation périphérique du test, lorsqu’elle est pratiquée, … ne nous permet pas de suivre exactement les conditions normales de la coquille dans tout son développement. ; PORC VE T0" AUTEURS hosted ians- is 0 à on à SUR LES HUÎTRES ET SUR LES MOULES 227 D'autre part, les Huîtres sauvages, il faut bien l'avouer, sont souvent fort difficiles à caractériser au point de vue spécifique ; leur enveloppe testacée présente en somme peu de variations parmi les différentes espèces ou races du système européen ; leur contour. varie peu, leur galbe général, chez les formes affines de l’Osfrea _edulis, reste sensiblement le même, et leur mode d’orne- 4 ë. . riture aussi abondante que variée, ils ne tardent pas à mentation offre peu de caractères bien précis. Les Huîtres domestiquées ne nous donneront donc qu un petit nombre d'observations physiologiques suffi- samment concluantes. Chez les Moules, au contraire, l'élevage se fait tou- jours d’une manière absolument régulière, sans qu’aucun élément anormal vienne influencer la coquille ou son animal dans leur développement. En outre, si le nombre des espèces est plus considérable que chez les Huîtres, les caractères spécifiques de nos Mytiles sont aujour- d'hui parfaitement connus et exactement définis. C’est donc plus particulièrement sur les espèces appartenant au genre Myfilus que porteront nos observations. Quant aux élevages pratiqués dans nos laboratoires, ils sont toujours faits sur une trop petite échelle et ne peuvent embrasser qu'un trop petit nombre d'individus. En outre, ces sujets sont en général élevés dans des milieux tellement différents de leur milieu naturel, que leur développement s’accomplit presque toujours dans des conditions pour ainsi dire anormales. Malgré tous les soins apportés dans l'aménagement de ces véritables prisonniers, qu’il s'agisse de Mollusques terrestres ou d’eau douce, malgré le choix d’une nour- \ péricliter; s'ils se reproduisent, les formes auxquelles 228 INFLUENCES DE LA DOMESTICATION ils donneront naissance finiront par présenter de vérita- bles anomalies au bout d’un petit nombre de générations. Les Mollusques d’eau douce se prêtent cependantun : peu mieux que les Mollusques terrestres à ces sortes d'élevages. Nous n'avons jamais vu d'Hélix donnant plus de deux générations, ainsi cultivés dans les caisses de nos laboratoires, tandis que nous avons pu suivre les développements des Limnées durant quatre générations consécutives ; mais combien ces jeunes êtres différaient deja de leurs grands-parents! Rapidite d'évolution. — Les naturalistes ne sont pas absolument d’accord sur le degré de longévité des Mol- lusques, précisément parce que l'élevage en modifie sin- M gœulièrement les conditions normales. É La plupart des Pulmonés terrestres, au moins dans M nos pays, mettent environ deux années pour atteindre leur maximum de développement, depuis l’éclosion de l'œuf jusqu’à ce que le bourrelet du péristome, comme 4 chez les Hélix, ait atteint sa forme définitive. Tant que l'animal vit, on peut dire que la coquille continue à s'accroître, sauf, bien entendu, durant la période d’hi- 5 bernation. Mais, dans les derniers mois de la vie, cet accroissement est très peu considérable. Parfois même, : le Mollusque sécrète une seconde ouverture en dedans Ë de la première, et munie d'un nouveau péristome aussi « complet que le premier. Mais ce sont là d'assez rares anomalies. Dans les élevages, les conditions de viabilité sont tout autres. Le Mollusque, à l'abri des intempéries, du froid, de l'excès de chaleur, de la sécheresse, se développe plus. ? rapidement, et en même temps sa longévité peut être prolongée de plus du double; on a vu des Hélix vivre RAPIDITÉ D'ÉVOLUTION DES MOLLUSQUES 229 en captivité jusqu'à six ou huit ans, sans que leur enve- loppe subisse de modifications bien apparentes. Mais dans ces milieux, ils ne se reproduisent plus au delà de la seconde année. Très souvent, chez les Helix élevés dans ces condi- tions, avec une abondante nourriture à leur disposition, on observe, non pas une augmentation de la taille, mais au contraire une augmentation du poids de la coquille ; la coquille reste petite, constituant presque une variéte minor, mais elle est solide, épaisse, plus pesante même que les individus de même race vivant en liberté et dont la taille est plus grande. Chez les coquilles marines, la durée de longévité varie suivant les espèces et suivant les climats. Quelques espèces semblent douées d’un degré de longévité parti- culier. Chez l'Huître, par exemple, durant quatre ou cinq ans au plus, on observe un accroissement périphérique facile à constater; puis ensuite, cet accroissement se produit en épaisseur, la valve inférieure surtout finit par prendre des dimensions et un poids parfois consi- dérables. C’est ce que nous voyons chez l'Huître pied- de-cheval draguée dans des fonds rarement explorés. M. le D’ P. Fischer a cité, comme exemple de longévité probable, une Huître fossile actuellement dans les collec- tions du Muséum de Paris. Cette Huître, l'Osfrea cras- sissima des environsde Tarsons en Cilicie, mesure 46 cen- timètres de longueur, et 24 centimètres de hauteur; son poids est de 26“#,550! En comparant cette gi- gantesque forme à d’autres plus jeunes et beaucoup plus petites appartenant à la même espèce, on compren- dra sans peine qu'elle a dû vivreun nombre considérable d'années. 230 INFLUENCES DE LA DOMESTICATION En dehors des influences de milieu qui doivent néces- sairement contribuer pour une très grande part au dé- veloppement des Mollusques, il semble que le mouve- ment de l'eau, ou, ce qui revient au même, le déplacement : artificiel du Mollusque au sein de son élément, accroît dans de notables proportions la rapidité deson développe- ment. On a observé, en effet, queles coquillages qui se fixent avec une si grande facilité sur la carène des na- vires croissaient plus rapidement sous l'action du mou- vement qui les entraînait au loin, que ceux de leurs congénères condamnés à l’inaction. Petit de la Saussaye a cité à ce sujet un fait bien curieux : un navire caréné et doublé à neuf avec du zinc part de Marseille pour la côte ouest de l'Afrique, et met quarante-huit jours pour faire la traversée. Il séjourne soixante-huit jours dans la rivière de Gambie, et passe quatre-vingt-six autres jours pour effectuer son voyage de retour; soit donc en totalité deux cent deux jours d'absence. En rentrant au port, sa carène est nettoyée et l’on en détache notamment un Myfilus Afer et un Avicula Atlantica qui mesurent déjà 78 millimètres de longueur, etun Osfrea denticulata de 95 millimètres de longueur. Or comme ces trois espèces appartiennent à la faune du sud-ouest de l’Afrique, elles ont donc mis au plus cent cinquante-quatre jours, soit cinq mois pour atteindre un pareil développement. Un autre fait du même genre a été observé par M. le D' P. Fischer. En 1862, il recueillit sur une énorme balise située dans le bassin d'Arcachon, dans la Gironde, une grande quantité de Myfilus edulis d'une taille excep- tionnelle (100 millimètres de long, pour 48 de large). La balise nettoyée, goudronnée et remise en place, fut amine.” à débaé et LIT. Acte TT LE M ON M IN SE RAPIDITÉ D'ÉVOLUTION DES MOLLUSQUES 231 retirée un an après, et elle était chargée de Moules ayant les mêmes dimensions. Moins d'une année avait donc suffi à cette espèce dont la taille, sur nos côtes, ne dé- passe guère 5 ou 6 centimètres, pour acquérir une taille double. On remarquera que, dans ces deux exemples, les mêmes êtres à l'état normal vivent fixés sur les rochers et qu'ils ne sont soumis à aucun mouvement, puisque, comme nous l'avons déjà dit, les Huïîtres, aussi bien que les Moules sauvages, se tiennent en dehors du niveau du balancement des marées. Le navire comme la balise, continuellement en mouvement, ont donc favorise, dans des proportions inattendues, le développement de nos Mollusques. Meÿer et Môbius estiment que, dans la baie de Kiel, dans la Baltique, les Moules acquièrent leur taille com- plète en quatre ou cinq années. Dans les élevages de l'Océan comme dans ceuxde la Méditerranée, la coquille, au bout d’un an seulement, a atteint tout son dévelop- pement. On remarquera qu'ici encore la Moule parquée vit dans un milieu sans cesse agité, puisque non seule- ment dans l'Océan elle subit l’action des marées, et qu'elle est tantôt immergée, tantôt émergée suivant sa position sur les bouchots, mais que, même dans la Médi- terranée les.éleveurs suppléent à cette action particulière par une gymnastique spéciale. Nous allons également constater chez l’Huitre une plus grande rapidité dans l'accroissement des races do- mestiquées que chez les espèces ou variétés sauvages. Au bout de la première année, les jeunes Huîtres sauvages draguées sur les bancs sont toujours beaucoup plus pe- tites que celles prises dans les élevages; celles-ci sont 232 INFLUENCES DE LA DOMESTICATION déjà presque marchandes, tandis que les autres ne pour- raient certainement pas être utilisées pour une vente immédiate. C'est à peine si au bout de la seconde année, elles sont réellement comestibles, alors que l’on vend couramment pour les marchés des Huïîtres parquées de deux ans. | Ainsi donc, sous l'influence de la domestication, nous constatons un notable accroissement dans la rapidité de l’évolution biologique des Mollusques, accroissement qui semble en outre singulièrement favorisé, au moins pour quelques espèces, toutes les fois qu’elles sont sou- mises à une sorte d'entrainement mécanique au sein de leur élément normal. C’est également ce même fait qui a été observé aussi bien chez les plantes que chez les animaux supérieurs, lorsque l’un et l’autre sont soumis aux conditions d’un élevage rationnel. À propos des Mammifères et des Oi- seaux, cet accroissement de rapidité dans l’évolution est sans doute moins accusé et moins complet, mais il n’en est pas moins manifeste. Il porte, comme on le . sait, non seulement sur le développement des êtres dans la vie extra-utérine, mais aussi sur la durée de gesta- tion. Celle-ci, chez certaines grandes races, peut être diminuée de douze à quinze jours. La dentition elle-même, ce criterium certain de l’âge des vertébrés est également modifiée par l'élevage ; la durée de son évolution peut être parfois ramenée de cinq à trois années. Enfin on sait très bien que tous les ani- maux domestiques croissent bien plus vite que les ani- maux sauvages de même espèce. Les plantes de nos serres et de nos jardins, toujours soigneusement préservées des intempéries, abondamment Cédn à étalée Rosé Le à: Sd De DS SD tement ot dant |: 46 RAPIDITÉ D'ÉVOLUTION DES MOLLUSQUES 233 pourvues d'air et de principes nutritifs, entretenues dans un milieu convenablement amodié, croissent également avec une beaucoup plus grande rapidité que lorsqu'elles sont à l’état sauvage. Ne sait-on pas dans nos serres obtenir, dans les saisons les plus anormales, des fleurs ou des fruits qui ne le cèdent en rien à ceux qui viennent en pleine liberté ? Cet accroissement dans là rapidité de l’évolution des Mollusques domestiques, nous semble du reste chose assez facile à expliquer. Dans les parcs où on les élève, ils ont constamment à leur portée une nourriture beau- coup plus abondante et sans cesse renouvelée; ces parcs sont en effet installés non loin des fonds vaseux, lors- qu'il s’agit des Moules, ou des apports des cours d’eau si au contraire ce sont des Huitres, des Praires ou des Clovisses. Au large, ces mêmes Mollusques, lorsqu'ils naissent, vont se déposer là où le flot les porte, sans qu ils puis- sent choisir à leur guise le domicile où ils passeront toute leur vie. Dans ces conditions, la question de la nutrition du Mollusque est nécessairement beaucoup plus difficile à résoudre pour lui. Ne pouvant se déplacer, il ne prend que ce qui est à sa portée, et c’est souvent bien maigre chère, en comparaison des abondantes victuailles dont se regorge son congénère domestique. Mais si, au lieu d’une stabulation perpétuelle, on per- met au Mollusque, même sauvage, de se déplacer, son milieu sera nécessairement renouvelé, et il y puisera bien plus de principes nutritifs que lorsqu'il était rivé à son rocher. C'est ce qui nous explique pourquoi ces coquillages, mis en mouvement par une balise ou un navire, ont pu croître avec une telle rapidité. 234 INFLUENCES DE LA DOMESTICATION Enfin, on a observé que, dans les claires comme au _ voisinage des bouchots, la température était toujours plus élevée qu'au large. La hauteur de l'eau étant nécessairement moins grande dans ces milieux factices, le liquide peut s’échauffer plus facilement sous l’action des rayons solaires. D'autre part, ces installations sont toujours plus abritées contre les vents froids. Enfin, le sol, au moins dans les parcs à Moules de l'Océan, étant mis à sec lors du retrait de la mer, peut s'échauffer et . communiquer aux eaux un peu de sa chaleur absorbée lorsqu'elles reviennent à nouveau le couvrir. Cette abondance de nourriture comme cette éleva- tion de température du milieu doivent donc certaine-. ment contribuer pour une très large part à la rapidité de l’évolution des Mollusques. Il serait très intéressant de savoir si cette modifica- tion qui porte, comme nous venons de l'expliquer, sur la vie extérieure seulement, n’a pas également une influence sur la durée de la gestation, et de voir si, comme pour les grands Vertébrés, cette durée n'est pas diminuée dans de notables proportions. Malheureuse- ment nous n’avons encore aucune donnée positive sur cette question. Accroissement du volume. — En même temps que l’évolution s’accomplit avec plus de rapidité chez les Mollusques domestiqués, le volume de leurs coquilles et celui de l’animal qu'elles renferment s’accroit dans de très notables proportions. Au bout d'un temps égal, les Mollusques élevés dans les parcs sont toujours beaucoup plus gros que ceux qui vivent en liberté. Une fois arri= vés à la fin de leur vie, lorsque tous les deux auront acquis leur maximum de développement, la taille des. rend Pod dpt. c “_ à it is Te 4. SR hier it POSTE ET "LS N toit m£ 9 ét dite EMPOISONNEMENTS PAR LES MOULES 373 . que des souffrances de certains êtres et non pas des Mol- lusques. _ Observez ce qui se passe dans un panier de Moules sur nos marchés des villes du Centre, ou même de Paris: vous y verrez pas mal de coquilles bäillantes; ouvrez celles qui vous semblent les mieux closes, elles ne ren- ferment plus d’eau de mer; l’animal est mourant, s'il _n’est déjà mort en route, et n a plus la force de refermer ses valves si vous l’irritez ; hé bien, c'est ce moribond, c'est ce cadavre que vos cuisiniers où cuisinières vont acheter pour vous le faire manger. On le fera cuire, direz-vous, le feu purifie tout. Mais à quelle température sera porté le Mollusque ; juste assez pour lui faire ouvrir tout à fait ses coquilles par la dilatation de ses mus- cles adducteurs; or pour cela une légère température suffit, et votre cordon bleu en sait assez pour vous avouer que, sison Mollusque est trop cuit, vous vous plaindrez qu'il est coriace. Dans ces conditions, avez-vous tué les microbes qu'il peut renfermer dans son sein; avez-vous détruit ces redoutables ptomaïnes qui auront pris nais- sance dans ce corps malade ou mourant ? non certes, car on sait qu'il faut de bien plus hautes températures, pour avoir raison de ce monde destructeur. Et voilà ce- pendant le peu ragoûtant produit que vous vous plaisez à manger | Après ce tableau qui n’a certainement rien d'exagéré, on comprendra tout le rigorisme que nous prétendons apporter au choix des Mollusques destinés à l’alimen- tation. Vous ne consentirez jamais à manger un mouton ou une poule que vous savez morts d’une lente maladie, et c'est pourtant ce que vous faites, disons-le, presque journellement, pour d'autres êtres que vous absorbez 374 L'HYGIÈNE ALIMENTAIRE DES MOLLUSQUES par douzaines. Or, il suffit d'un individu gâté pour « empoisonner une personne. Ainsi s'explique ce cas bizarre que nous exposions précédemment, d’un individu intoxiqué pour avoir mangé des Moules, alors que ses compagnons de table étaient absolument indemnes. Dans certaines grandes villes où l'administration vigi- lante a créé des inspecteurs pour les marchés ou pour l'examen des denrées alimentaires, on devrait exiger de leur part autant de sollicitude pour les Mollusques que pour les fruits trop verts ou la viande trop mûre ; mais on nous répondra que les règlements n’ont pas prévu pareille catégorie de victuailles : c’est précisément ce qui nous a été dit dans une très grande ville que nous = n'osons nommer. La conclusion de tout ce qui précède, c'est que, si l'on veut manger des Moules qui soient inoffensives, il faut les manger très fraiches et de bonne provenance. On remarquera que, si l’on compare la quantité de Moules consommées crues ou cuites au bord de la mer, avec celles que l’on absorbe dans le centre de la France, la statistique démontre que les accidents sont beaucoup plus fréquents loin des rives de la mer. C'est précisément parce que la Moule a voyagé plus longtemps et qu'on la conserve moins fraîche. En outre, nous recomman- derons aux éducateurs de toujours donner la préférence aux espèces les moins bâillantes, celles dont la fente byssigène est la plus petite; et lorsqu'ils procèderont à la cueillette de la Moule, ils devront avoir soin de ne pas arracher le byssus, ce qui blesse et fait souffrir inu- tilement l’animal, et permet encore au liquide intérieur 5 de s'échapper plus rapidement. L'usage ou plutôt l’abus des Mollusques peut parfois | je pe “rà + « L à : » Pal an" " 4 1 0 sh | CNP PT PT TNT PE TT. { , ee à Fè sl # : % i L'URTICAIRE ET LES MOLLUSQUES 375 donner naissance à des affections cutanées, qui, sans être bien graves, méritent cependant d'être signalées. On se souvient que Moïse, dans les sages préceptes qu'il dicta aux Hébreux, leur prescrivit en ces termes l'usage des coquillages : Quidquid autem pinnulas et squamas non babet, eorum quæ in aquis moventur et vivunt, abominabile vobis execrandumque erit : « Mais tout ce qui remue et qui vit dans les eaux sans avoir des nageoires, ni d’'e- cailles, vous sera en abomination et en exécration » CEev: XL; -10). Ces urticaires s'observent également quand, au lieu de Moules, on mange soit du poisson, soit de la charcuterie qui n’est pas de toute fraîcheur. Plusieurs auteurs ont raconté que les Moules, au moment du frai, donnaient plus volontiers cette affection qu'en temps ordinaire. Cette assertion est loin d’être démontrée, et nous croyons qu'il suffit que le comestible ait subi une légère alté- ration pour causer ces affections absolument passagères. Si, après avoir signalé le mal, nous n'indiquons pas le remède, c'est que pareille question sort absolument de notre cadre ; mais en attendant l’arrivée du médecin, les vomitifs sont naturellement tout indiqués. Quant à empêcher le Mollusque d'être nocif, plusieurs procédés ont été indiqués; nous les énumérerons, quoique nous n'ayons pas une absolue confiance dans leur effica- cité. Il va sans dire d’abord, que les Moules doivent tou- jours être soigneusement lavées ; on les débarrasse ainsi de la vase, des plantes marines, en un mot de la plus grande partie des impuretés externes qui peuvent les souiller. On a proposé de les faire cuire avec du vinaigre ou du jus de citron; l'acide acétique ou citrique. peut exercer une influence sur les parties externes de l'animal, se 376 L'HYGIÈNE ALIMENTAIRE DES MOLLUSQUES Eu x mais nous doutons fort qu'il puisse PÈRE jusque dan les organes du Mollusque. s “4 Selon Heusler, on prévient tout danger, en ayant la. précaution de jeter ces coquillages, bien nettoyés, dans un seau d’eau, où l'on a mis préalablement deux fortes poignées de sel, et en les y laissant une heure ou deux, avant de s'en servir. Ce procédé est toujours usité dans le Holstein. Mais, comme nous l'avons dit, mieux 5 encore faire usage du carbonate de soude et surtout faire 4 cuire les Moules à une température suffisante pour dé- “2 truire tout germe pathogénique; la chair de l'animal sera + sans doute un peu moins délicate, mais les amateurs ‘s’en trouveront infiniment mieux. à Depuis le terrible accident de Wilhemshaven, on s’est 4 demandé s’il ne convenait pas de restreindre les épo- … ques de vente de la Moule, comme on l'avait précé-. L demment fait bien à tort pour l'Huiître. Dans un rapport | tout récent, en date du 16 avril 1889, M. Henneguy, 2% membre du Comité consultatif des pêches maritimes, À ; a combattu cette idée. Voici quelles sont ses impor 2% tantes conclusions : « Le Comité consultatif des pêches maritimes, en présence des données actuelles, fournies par des re- à cherches scientifiques, considérant que les parcs à Moules … : sont en général situés dans les endroits favorablement ; disposés pour le renouvellement de l'eau, et que par conséquent les Moules qui s’y développent ne se ro vent pas dans des conditions qui peuvent les rendre. venimeuses ; que, d'un autre côté, la protection des gi- sements naturels assure d’une manière suffisante la reproduction de ces Mollusques, est d’avis de permettre 4 la vente en tout temps, sur les marchés du littoral, des _ ; « ET #4 LA PHARMACOPÉE MALACOLOGIQUE 377 Moules provenant des parcs, vente interdite actuellement _ pendant les mois de mai et de juin, par application de _ l’article 53 du décret du 4 juillet 1853. » Si nos coquillages ont parfois causé de tristes mé- __ comptes, parfois aussi on leur a attribué des propriétés » curatives, qui ont eu bien longtemps cours dans la cré- dulité populaire, et même, convenons-en, aux yeux de la docte faculté. Les anciens surtout leur accordaient des - vertus que les modernes leur refusent sans pitié. Parmi les Céphalopodes, la Seiche par exemple, jouis- sait de propriétés très variées. Sa chair était un puissant aphrodisiaque et un excellent stomachique ; ses œufs étaient préconisés contre les catarrhes de la vessie ou la gravelle; avec son gladius, qualifié de corail blanc, on préparait des cosmétiques, des poudres dentifrices ; insufflée dans les yeux, elle faisait disparaître les toiles de la cornée ; calcinée, elle permettait de combattre les affections de la peau et de détruire la gale. Aujourd’hui encore au Japon, on fait usage de la chair de ces Mol- lusques pour combattre les hémoptysies, ou pour cica- triser les ulcères; son encre mélangée à du vinaigre _ forme un breuvage bon pour les maladies du cœur. Hahnemann enfin affirme qu'à dose infinitésimale, l’os de Seiche cesse d'être inerte et convient dans les mala- dies chroniques qui dépendent de la psora. Parmi les Gastropodes, ce sont surtout les Limaces et les Escargots qui ont joui et même jouissent encore dela _crédulité publique en tant que substance véritablement médicamenteuse. « Pline vante, dit le D' Ozenne, contre la céphalalgie un cataplasme fait avec des Limaces hachées et pilées qu on applique sur le front, ou leur Limacelle renfermée dans un sac en peau de chien suspendu au 378 MR HYGIÈNE ALIMENTAIRE DES MOLLUSQUES Arions contre les maux de dents, et de les pendre dans une amulette au cou des enfants pour faciliter la denti- tion. Galien ordonne, dans l'odontalgie, de mettre dans avec de la cire. Contre la dysenterie, le naturaliste de Rome recommande de prendre cinq Limaces d'Afrique, de les brûler avec le poids d’un demi-denier d’acacia, et d'avaler deux cuillerées de cette cendre dans du vin de M myrte et une pareille quantité d’eau chaude. A l’exté- he. rieur, la Limace n'était pas moins employée. Sa cendre était préconisée contre une foule d’affections telles que. 4 taies, ulcères atoniques, hydrocèles des enfants, épistaxis. | Gesner affirme que la Limace rouge (Arion rufus), coupée | : par morceaux et macérée dans du sel, laisse exsuder un … liquide qui a été employé comme révolutif sur les verrues et les engorgements goutteux, et pour remédier à la *4 chute du fondement. ë « L'hygiène elle-même s'empare des Limaces, car on. 52 trouve dans Pline un passage où il est dit que ces animaux 4 servaient aux dames romaines pour adoucir et blanchir la peau, pour faire disparaître les éphélides; que ces mêmes bêtes, séchées au soleil sur des tuiles, pilées, ré duites en poudre et mélangées à leur poids de farine de fèves, forment un excellent cosmétique. Du temps de +, Mathiole, l'eau distillée de Limaces servait aux ds . LA PHARMACOPÉE MALACOLOGIQUE 379 teuses, Ambroise Paré contre les anthrax, et plus récem- ment Tarenne pour opérer le resserrement de l'anneau inguinal et guérir les hernies commençantes. L'Escargot vivant a passé, à un moment donné, pour un amateur de chairs cancéreuses, d'ulcères et de chancres; placé vi- vant sur les parties du corps affectées de ces terribles ma- _ ladies, on prétendait qu'il détruisait et rongeait les chairs malades pour ne laisser au jour que les parties saines. A l’intérieur, quels bouillons, gelées, sirops, pâtes de toutes sortes n’a-t-on pas faits avec ces Mollusques ! Au- jourd’hui encore, ils ont leur vogue basée sans doute sur cette croyance dont nous parlions dans un de nos cha- pitres précédents, qui condamne le pauvre poitrinaire à avaler des Escargots crus ou des Limaces roulées dans du sucre. Le principe actif, dans ces préparations, il ne faut pas se le dissimuler, ne prend pas sa source dans l'Es- cargot, mais dans le véhicule qui l'accompagne. Dans les affections où elles sont préconisées, n importe quel mucilage produirait le même effet. Et si quelques esprits crédules sont assez heureux pour se bien trouver d'un semblable traitement, nous leur répéterons ce mot bien vrai d'un vieux praticien : « Dépêchez-vous de faire usage de votre remède pendant qu'il est encore bon. » . Les Acéphales ont eu moins de vogue en thérapeu- tique. A part l'Huiître et la Moule, les autres n’ont ja- mais joui d’une grande réputation. Les coquilles d’'Hui- tres calcinées et réduites en poudre peuvent, dans certains cas, avoir une réelle efficacité; c’est en somme un car- bonate et un phosphate de chaux de bonne qualité, mais que les précipités chimiques doivent avantageusement remplacer ; elles sont loin pourtant d’avoir les proprietés antilyniques, apéritives, détersitives, dessiccatives, sto- 380 L’'HYGIÈNE ALIMENTAIRE DES MOLLUSQUES machiques, lithontriptiques, etc., que certains praticier ont cru devoir leur attribuer. La perle, cette quintes sence de la matière nacrée, devait naturellement avoir bien 5 plus de vertus concentrées sous un plus petit volume: aussi ena-t-on pendant longtemps singulièrement abus | L'Huître dans l'hygiène des convalescents peut, comme G nous l'avons expliqué, rendre de réels services; ra qu'elle renferme a été parfois employée seule, oo les eaux de Seltz ou de Vichy. La Moule, il y a peu de | temps encore, a eu son heure de vogue. Un pharmacien … d'Orléans avait trouvé en elle des principes minéralisa=" teurs analogues à ceux de l'huile de foie de Re avait proposé de substituer à cette préparation peu. agréable, un sirop mytilique. Nous ne croyons pas € que son usage se soit bien répandu. En résumé, il convient de faire en malacologie, comn Le. en bien d’autres sciences, un sage éclectisme. Il faut prendre le bien et le bon partout où ils se trouvent” or, dans cet ensemble d'êtres, loués des uns, mépris des autres, il y a beaucoup à recueillir, puisque, en déf nitive, l'histoire de l’alimentation humaine nous a d = montré surabondamment tout l'immense parti qu'ot È pouvait en tirer. Malheureusement nous sommes mena. cés de voir les formes les plus précieuses, les plus utiles, = disparaître en face de l'accroissement incessant de. Ta consommation. Apportons donc tous nos efforts pour venir en aide à la nature, et nous aurons fait œuvt e de bien. | 1 FIN a F “ Der TABLE DES MATIÈRES ‘7 | a É: ENFRODUBTIONS 5, 0 Ë . 2 00 É LES MOLLUSQUES COMESTIBLES EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER 2 RUES comestibles, leur division, 9,— Céphalopodes : Poulpes, Seiches, Calmars, etc., 11. — Gastropodes marins : Buccins, Pourpres, Murex, Littorines Haliotides, Patelles, etc., 26. — Les Limaces et les Escar- gots, 50. — Acéphales marins: Pholades, Soiens, Myes, Vénus, Tapès, ne Cardiums, Modioles, Moules, Huitres, Pectens, Anomies, etc., 60. — 3 Acéphales d’eau douce : Unios, Anodontes, Cyrènes, etc., 107. [I L'OSTRÉICULTURE … Qu'est-ce que l’ostréiculture ? 113. — Les producteurs et les éleveurs, 114. — L'ostréiculture dans l’antiquité et au moyen âge, 115. — Le lac Lucrin et le lac Fusaro, 119. — Production de l'Huître, 122. — Collecteurs en fascines, 123. — Planchers collecteurs, 126. — Collecteurs en tuiles, 130. - . — Tuiles en champignons, 132. — Caisses ostréophiles, 136. —— Collec- teurs pour hauts-fonds, 140, — Pose des collecteurs, 141, — Détro- | quage, 143. — Huitres à tesson, 145. — Petit élevage, 146. — Grand élevage, 147. — Parcs et claires, 148. — Réserves, 152, — Pêche de l'Huître, 153 — Expédition et vente, 157. — Extension ostréicole, 150, = IT] LA MYTILICULTURE Origine de la mytiliculture, 163. — Histoire de Patrice Walton, 164. — La baie de l’Aiguillon, 165, — L'acon, 166. — Les bouchots d’en bas, 170. — Les bouchots bâtards, 171. — Les bouchots millouins, 172: — Les . bouchots d’amont, 173. — Rendement des bouchots, 175. — La mytili- culture dans l'Océan, 176. — La mytiliculture dans la Méditerranée, 178, — La Moule de Tarente, 178. — La Moule de Venise, 181, — La Moule de Toulon et des étangs, 182. — Elevages de la baie de Kiel, 185, — Pêche de la Moule, 189. La conchylioculture, 190. — Les Praires et les Clovisses, leur élevage Importance de ces influences au point de vue de-la culture, 225. Conditions générales pour la culture industrielle des Mollusques, 26 382 TABLE Rte SÉLEER [IV DOMESTICATION DES PRAIRES, CLOVISSES, ESCARGOTS, ET. la Méditerranée, 191. — Les Praires de la Réserve, 197. — Epuiseme Huîtres d'Amérique, 205.— La conchylioculture en Chine, 206. Escargots domestiques, 208, — Les cochlearia à Rome, 209. — Acclimatation d'Escargots étrangers, 220. V INFLUENCES PHYSIOLOGIQUES DE LA DOMESTICATION- SUR LES MOLLUSQUES des sujets d'expérimentation, 226. — Comparaison entre la domest catic For des Mollusques et celle des animaux supérieurs et des plantes, : Rapidité de l’évolution, 228. — Accroissemént du volume, 234. — larité du test, 238. — Modification de l’épiderme, 242. — Affad et amélioration de la chair, 244. — Atténuation _de la a races, 250. — De la sélection bn 259. VI REPEUPLEMENT MALACOLOGIQUE DE NOS CÔTES Nature de l'élevage, 266. — Choix des sujets, 267. — RE À 274. — Influence des ee 277. — Profondeur, température a de salure des eaux, 285. — Nature des En 298. — LRU Gurièr — Rôle des laboratoires maritimes, 308. = VII LES LES ENNEMIS ET LES MALADIES DES MOLLUSQUES LE 2 Lee ennemis des Mollusques, 310. — Les Mammifères, 311.— Les Oiseaux, 2 ee. REA Les Poissons, 318. — Les Crustacés, 322, — Insectes nuisibles ou les, 326. — Les Arachnides des Mollusques d'eau douce, 330. — Mol _ lusques carnassiers et parasites, le Cormaillot, le Drill, etc. , 331. — Les poor 336. — Les Vers, 338. — Les Cercaires et Rare évolutions, .— - Les Hirudinés, 342. — Les ni. 345.— Les AE P bniements par ie Foires, leurs causes et leurs re do EE . Huîtres vertes et les Huîtres laiteuses, 360. — Les mois à R ou sans se posées, le cuivre, les Crabes, l’idiosyncrasie, etc., 364. — Les Moules les une 369. — Les Moules fraiches, 374: — SRE de et les #0 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES “HISTOIRE NATURELLE + C2 DES - DE FRANCE CONTENANT DES ÉTUDES GÉNÉRALES "SUR LEUR ANA FQRE ET LEUR PH ‘Dans la première partie nl fee te l'anatomie et la physiologie des Mollusques, l’auteur étudie ganes et les fonctions. Tous les genres sont passés en revue. M. quin-Tandon examine leur anatomie et leur physiologie, tant * la nature, tantôt dans les monographies, éclairant ses observ avec les travaux des malacologistes les plus habiles, modifi étendant les découvertes de ses prédécesseurs avec Lane £ recherches. N'a choisi plusieurs types par groupes ‘dans Je F pour objet des espèces très petites. Enfin, il a employé la cc sance de la structure au perfectionnement de la classification. des Mollusques, à leur vie privée età leur vie commune . dans son livre que les Mollusques ont des ruses et des in Lust des sympathies et des inimitiés, des guerres acharnées- des: bizarres. 7 Frs variétés... Mais en décrivant He Fe al jamais le Mollusque < qu’elle abrite’et se tient en Se > | tude de multiplier les espèces. M:Moquin-Fandon a joint à son ouvrage un Tres ia anomalies qui affectent les Mollusques, un autre sur l'utiit fes animaux et un troisième sur leur recherche, leur Éhoix, ration et leur conservation. à x ss - y 5e LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE ET FILS CA.-E. BREHM Les Merveilles = de la NATURE L'HOMME ET LES ANIMAUX Description populaire des Races Humaines et du Règne Animal Caractères, Mœurs, Instincts, Habitudes et Régime, Chasses, Combats, Captivité, Domesticité 10 VOLUMES Des Races Humaines ; Par R. VERNEAU * 1 volume grand in-8, avec 600 figures. 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