"StJvuwA \^^s ^ibrarg of tbe fftuscum OF COMPARATIVE ZOOLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAJIBRIDGE, MASS. The gift of K^oA"^cn^Ao.~^ No. v^^^^ MEMOIRES COURONNES MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, Pl'BLlés P4R L'ACADÉMIE RO'^ ALE DES SCIENCES. DES I.ETTKKS ET DES BEAUX- ARTS DE BELGIQUE. MÉMOIRES COURONNES ET MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS, PUBLIÉS PAU L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XXXI. - 1 862-1 865. BRUXELLES, M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. 1863. TABLE DES MÉMOIRKS CONTENUS DANS LE lOMK XXXI, CLASSE DES SCIENCES. MKMOIRES DES SA^\^TS KTIlANlIEKS. lU'i'lici'clics MU' l;i (lilTiMclldii (le la liiniirj'c; [inr .M. IMi. Cillii'il. Ucrlicnlics siii' In liai-Joii cnlii' les |)li<''iiiiiii("'iirs de cnpillariti' cl d'ciidosinosc; par >I. E. Uède. CLASSE DES LETTRES. MÉMOinES COIIION.NIÎ.S. .Mt'uuiiic sur \:\ Joyeuse- Entrée ou Constitution brabançonne; par M. Edmond Poullel. Aiilicit l.r Mire, sa vie, ses écrits. — Mémoire historique et critique; par M. C.-B. De Ridder. JIÉ.MOIRES DES SAVANTS ÉTnAX.ERS. -Vlénioire sur la symplionie des anciens; par M. A. Wagener. 2) \i RECHERCHES ANALYTIQUES SLR LA DIFFRACTION DE LA LUMIÈRE, PAR PH. GILBEKT. l-nOKKSSEUR A l.ï'MVEHSITÉ DE I.OUVAI>. * t Mémoire presenlé è l' Académie royale de Belgique, le 5 août 1861.) Tome XXXL INTRODUCTION. Lors(|iroii cherche à déduire des formules de Fresnel les lois générales de la dilTraclioii de la lumière, on reconnail bientôt que les intégrales aux- (|uelles cet illustre physicien a ramené le problème, quoique suffisantes pour la détermination tiunierir/ne des positions des franges, des intensités lumi- neuses, etc., se prêtent bien diflicilemenl à une discussion alf/rbn'r/Kc susce|)lible de conduire à des lois nettes et générales, même dans le cas le plus simple, celui d'un écran à bord recliligne. En effet, à cause des alternatives de croissance el de décroissance (pie présentent ces deux intégrales; à cause, s'il est permis de s'exprimer ainsi, des oscillations qu'elles éprouvent lorsque le paramètre dont elles dépendent croît d'une manière continue, il est diflicilc devoir connnent, dans les l'or- mules qui donnent rintensité lumineuse, ces oscillations se combinent |)our déterminer les véritables positions àesviaxima el dcsminima de lumière, ou même se dclruisenl mutuellement de manière à produire une dégradation con- tinue de lumière, connue cela a lieu, par exeni|)le, dans l'ombre d'im écran opaque. Cette remanpie est si vraie (|ue Fresnel , dans son beau Mémoire sur la difj'raclion, n'a pu démontrer cette dégradation continue qu'en constatant, sur la série péniblement calculée des valeurs de l'intensité, l'absence de maxima et de minima successifs; et, dans les autres problèmes plus compli- (pjés, il n'a pu indiquer (pielques lois simples qu'en recourant à des consi- dérations géométriques insuffisantes. J'ai donc pensé que l'on arriverait peut-être à des lois plus claires , si Ton transformait les intégrales de Fresnel de manière à en dégager les éléments périodiques ou oscillants des éléments qui affectent une marche plus régu- 4 ll^TilODUCTIO^. liércct sans siiuiosilés. J'y suis parvenu après beaucoup (refloris, el il s'est trouvé que ces éléments oscillants qui compliciuaient la (lueslion se sont ré- duits à un sinus et à un cosinus, tandis que la partie vraiment transcendante des intégrales de Fresnel s'exprime par des intégrales rondnHellemeiit , ref/u- liôremcnl el mpidonenf décroissanles poui- dos valeurs croissantes de leurs paramètres. De là est résulté un premier avantage : à cause de leurs oscillations mêmes, les intégrales de Fresnel ne se prêtent pas à des interpolations. Lorsque la valeur de Fargument ne coïncidait pas exactement avec Tune de celles de la table de Fresnel ', il (allait , dans chaque cas particulier, calculer les valeurs de ces intégrales à l'aide d'une formule donnée par Fresnel , ce qui était très- pénible pour les vérifications numériques. Au contraire, les intégrales définies que nous introduisons ici dans les calculs de la diffraction sont éminemment propres, par leur marche régulière, à ces interpolations; et à l'aide delà lable que nous domions des valeurs de ces intégrales, les calculs numéricpies nécessités par la comparaison de la théorie avec l'observation , deviennent très-simples et très-rapides. Un second et sérieux avantage de la transformation que nous faisons subir aux intégrales de Fresnel, c'est de mettre en évidence, dans les principaux cas de la diffraction (|ue Ton étudie d'ordinaire, certaines lois générales, souvent très-simples, qui permettent d'assigner, sans aucun calcul numéricpie, les positions exactes ou approchées des franges par un simple tracé gra- phique. J'ignorais, en déduisant ces lois de mes formules, (|ue plusieurs des plus remarquables el des plus sinq)les eussent été trouvées, dès 1837, par .M. Knochenhauer {Ainialcs de Por/yeinlorf, t. XLl) et par HI. Quel en 1 8î)7 [A nitatrs de plii/si(/iie cl de chimie, t. XLIX , p. /i-STi) ; tous deux se sont appuyés sur certains développements en séries des intégrales de Fresnel. Il est inutile d'insister ici sur les différences (pii séparent leurs méthodes de la mienne, mais il y a lieu de s'étonner que des traités récents ne fassent aucune mention de lois aussi remarquables, el je m'estimerais heureux de pouvoir ramener sur elles l'atlenlion de quebiues physiciens. ' Afniioirc sur lu ili/)rufliiiii tiv tu tuinii-re, p. W^. IINTRODUCTION. 5 Je ine suis trouvé conduit, en cherchant à calculer mes tables, à étudier certaines propriétés d'une intégrale définie dont celles de la diffraction ne sont que des cas particuliers, et qui offre de l'analogie avec la fonction r de Legendre. Comme elle m'a paru assez importante, j'ai cru devoir lui con- sacrer la seconde partie de ce mémoire, où j'ai réuni également (pielques intégrales définies qui se ramènent à ce même type général. RECHERCHES ANALYTIQUES SUR LA DIFFRACTION DE LA LUMIÈRE. PREMIERE PARTIE. hVrUDE DES PHÉNOMÈNES DE DIFFRACTION. 1. Transformation des intégrales de FresneL Si dans l'intégrale rzïLV^x e 2 ' rfy, OÙ ^ désigne un paramèlre variable et positif, on fait f=., dou '(y = -p^^ 'àz, et si l'on pose pour abréger e» a = — u-, 2 s SUR LA DIFFRACTION on ol)lient évideinmeiU o Mnis, ;i laide de la formule bien connue ré(|ii!ilion précédente devient, en inlervertissanl l'ordre des intégrations, ^-1-).., Or on a X o et si nous posons encore T»/ M) _ 1 j X ' O dx. DE LA LUMIÈRE. 9 réquation se réduira à celle-ci : O Celle équalion imaginaire se décomposant en deux équations réelles, il vient /(■os T^-. dii = - H- M siii a — N fos a, 2 •' -2 n sm -^L. ili/ = - — M cos a — N sin « , iormules iinporlanles * où a désigne toujours la quantité Tri"*. Les intégrales M et N sont fonctions du paramètre a, et ont évidenuueiil des valeurs iinies et déterminées, quel (pie soit ce paramètre. On voit d'ail- leurs immédiatement (pie, pour « = 0, M et N se réduisent ensemble à la valeur {; que? po"'' ^'cs valeurs croissantes de fj., a croit comme le carré fj-, et, par suite, les intégrah^s M et N décroissent rapidement et continuellement à partir de l; qu'elles deviennent nulles pour «= ce. Or les intégrales qui forment le premier membre des équations (2) sont précisément celles aux(pielles Fresnel a ramené le calcul de Tintensilé lumi- neuse dans les phénomènes de dilTraclion, le paramètre payant une signifi- cation (|ue nous expli(pierons plus loin. Le but (|ue nous cherchions dans cette transformation est donc atteint , cV'st-à-dire (juc nous avons démèli- et mis en évidence, dans les intégrales de Fresnel, un élément oscillanl ou périodi(pie représenté par les fondions sim|)lcs sin «, cos «, et un élément (rime nature moins simple représenté par les fonctions M el N, qui sont iroimemlanlcs, il est vrai, mais continûment et régulièrement décroissantes depuis la valeur |jusqu'à zéro, // croissant de zéro à Pinfini. * Il seiMil, cvidcninicnl lacile de dégager celle démonslralion des imaginaires; nous les em- ployons iei pour abréger, sans liésilation, toute équation imaginaire n'é(ant pour nous que la représentation symlwlique de deux équations réelles. Tome XXXL ^ 10 SUR LA DIFFRACTION On tire immécliatoineiil des l'ormules (2), en faisant // = oc , les lornmles connues 0 o Onant au calcul nuniéri(|ue des intégrales M et N , nécessaire pour fixer avec précision les positions des franges de dilTraclion , nous donnerons , dans la seconde partie de ce travail , les formules au moyen desquelles on efT(!ctue ce calcul très-rapidement. Nous avons ainsi construit la première table , qui donne pour des valeurs de //-, croissant en progression ari(hnié(i(|ue, les valeurs correspondantes de M et N. Et à cause de la marche régulièrement et rapidement décroissante de ces fonctions , il sera très-facile de trouver, par inlorpolalion, leurs valeurs, pour des valeurs de ,« non comprises dans celles de la table, ou, si Ion veut plus d'exactitude encore, au moyen de formules (jue nous donnerons pour cet objet. Nous regai-derons donc, dès à présent, les fonctions M et N comnie numériquement connues dans toute l'élendue nécessaire à notre but. Nous allons appliquer les formules (2) à quehpies-uns des cas de la dif- fraction qui olïrent le plus d'importance et qui ont fait Tobjet des calculs et des expériences de Fresnel. Notre but sera d'obtenir, au lieu des résultats numériques, les seuls que Fresnel ait donnés, des lois générales, simples et exactes, en mémo temps qu'une plus grande simplicité et une plus iirande exactitude dans les détcrminalions numéi-iquos nécessitées par la comparaison de la théorie avec l'observation. 2. Diffraction produite fiar un ôrraii à bord rectilignc. La source de lumière est une laie lumineuse : l'onde c\lindrique est in- terceptée en partie par un plan opaque, terminé d'une part par une droite parallèle à la source, indèlini d'autre part. La figure (4) est une section nor- male au bord de l'écran; A est la source, HD l'écran, ECF \(^ plan d'ohser- A I DE LA LUMIÈRE. H Fig. 1. vation dans lequel on mesure la largeur des 1 franges et où la droite ACB marque la ligne |\ d'ombre géométrique, BL est la section de i\ Fonde non interceptée par l'écran, M est un 1», si-W" ^ poin' quelconque du plan d'observation. : \ En appelant a = AB la distance de la source j \ à récran , /y = BC celle de Técran au plan d'oh- ! ■ servation , / la longueur d'ondulation de la lu- i è — ïï ¥ mière homogène que Ton emploie , .s l'arc BN compté sur la section de l'onde depuis le rayon direct ANM jusqu'au bord B de l'écran, on sait, par la théorie de Fresnel *, (|ue l'intensité lumineuse en M sera donnée par la formule I étant l'intensité, Il un coelficienl , constant si a, b, l sont donnés, P el Q les deux intégrales i> = / (OS ^ dy, y = / '*'" "f" ''-'J ' — K ou bien (5) " ' ' 1 Q= / sin -^ dy-»- / Ml. --f///: et le paramètre f/. se trouve déterminé par l'équation il est donc proportionnel à l'arc .s, et sensiblement aussi à la distancer? du * Voir Frcsiicl, Mémoire sur la dilfruction de la lumière, dans les Mémoires de l'Iiislilut (Académie des sciences), l. V, pp. 40;i et suiv. — Ou Biltet, Traité d'optique physique , I. I, p. 106; etc. i2 SUR LA DIFFRACTION point M à la ligne donihit' géoniélri(|iie. On doit regarder s et [j. comme po- sitifs, si le point M est hors de l'ombre géomélrh/uc, comme négatifs s'il est dans l'ombre. On aura donc dans le premier cas, en vertu des équations (2) et en posant (4) et dans le second cas («) *=-^M* i P = 1 4- M siii a — N tos X Q = 4 — M cos a — N sin x . P = — M sin iz -t- N cos x Q = M cos 2 -f- N sin a. H« On peut laisser de côté, dans l'expression de l'intensité, le facteur y comme constant, et prendre simplement (6) 1 = P2 -t- Qi. Cherchons maintenant la position des franges brillantes ou obscures sur le plan d'observation. Pour que le point M réponde à un maximum ou à un miuimnm de liunière, il faut (pie l'on ail r/I f/P (/Q — = 0 ou p— + Q-^ = 0. (Ifi dfx. clfi Mais les équations (3) nous donnent, quel que soit (i, (/!> TM* rfQ T^* -— = cos =:COSa, -;— = sin ^— = SUl a; rfyu 2 du 2 et l'équation ci-dessus devient (7) p cos a -f- Q sin oc == 0. PiiEMiEK CAS. — Le point M est hors de l'ombre. — Remplaçant P et Q par leurs valeurs (4) et réduisant, il vient N = sia a -4- COS « , DE LA LUMIERE. 13 d'où, en observant que le second membre se réduit à V/â sin (« + ^ , nous obtenons cette loi : Les valeurs de a qui répondent à des maxima ou minima d'intensité dans la partie éclairée du plan d'observation , sont les racines de l'équation (8), sin ( *-<-—] = — — ■ \ i I 1/2 \. — . L'équalion (8) donne tout d'abord une idée Irès-uctte de la repar- ution des maxima et minima d'inlensilé dans la partie éclairée; car si , pre- nant ^.2 = J a pou'" abscisse, on construit les deux courbes représentées par les équations y = SU) X [Fis. (2)-] Fid leurs points dintersection auront poui' abscisses les valeurs chercbées de f^"'. Or la preniièi-e est une fiiniisoïdc facile à construire; la seconde donne, pour ^'i = 0 , // = -—. ; puis lordonnée décroît rapidement, en même temps que N, pour ûc^ valeurs croissantes de fj.^, devient bientôt insensible, et l'axe des X est une asymptote. L'inspection des deux courbes montre donc à l'évidence 1" Que les valeurs cherchées de ix- différent extrêmement peu de celles qui répondent aux points d'intersection de la première courbe avec l'axe des x , savoir : 7 It 4t— 1 ^' ~ ' . . . • 2 ' ' ' " ' .3 ' 9 Celte loi a déjà été signalée par M. Knocbenhauer. 2" Que la différence est de plus en plus faible à mesure que ^^ augmente. U SLR LA DIFFRACTION et f/u'i'lle est en moins potir les valeurs de ,a* de rang impuir, qui doinienl les maxiuta , car — y passe évidemment dii positif au négatif; et en plus pour les valeurs de ^^de rang pair, (|ui déterminent les minima d'intensité ou les franges obscures. il. — Rien n'est plus facile que de calculer, à l'aide de Téquation (8) et de la première table, les positions exactes des franges lumineuses ou obscures. On prend les valeurs approcbées de ^, données par la loi ci-dessus; on cherche dans la table les valeurs correspondantes de N, que l'on porte dans l'équation (8); on en tire sin [« + ^ |, et par conséquent une nouvelle valeur plus approchée de p."; et ainsi de suite. On peut pousser l'approximation aussi loin que le permet l'exactitude de la table; mais ce premier calcul suflil pour donner des valeurs sufllsanmient exactes *. III. — Pour calculer l'intensité aux points ainsi déterminés, portons dans l'équation (6) les valeurs de P, Q, tirées des équations (A), et observons que l'on M cos a — sin ^ = 1/2 (OS ( * -t- — il vient : I = (J -j- M sin jc — N cos «)*-<- (I —M cos a — N sin «)* = 2 -+- M"-! h- N* — -2 >l i/'J cos ('»-*- 7 — 2 N • V/f sin U H- ~\ = Fm — V~2 cos L + ^j T + fx _ I/2 • sin L+ y] 1 ■ Celle expression subsiste, (jucl (|ue soit «; mais son second terme s'éva- nouit, en vertu de l'équation (8), pour tous les points où l'intensité est un maximum ou un minimum. On a donc en ces points (9) i=rM-»/2- ros(^,+-\y, Pour- inonlicr combien ce calcul est rapide, je détermine le inemiei' muximuin. J ai la valeur approchée m*=1,5; la table donne 0,04037 pour la valeur correspondante de N; divi- sant pai'K 2, j'ai pour lognrithmc 8,4î):j:)44; je cherche le sinus corrcspondiinl ilaiis une table 'Onslruile pour la division ccnlésiniale du cercle, et j'ai immédiatement Ai"-= l,u — 0,018.ï(i ^ I,48l 1— cos(/3 — «)=2sni^ — /3 — a nous tirons l'équation ■j-="2 sin Tf|tc[{Mj; -f- Mo)cosTf|U — (N^j — N-)sin a-f/u] =0. Telle est la relation à laquelle satisfont les maxima et les mini)ii(i dan^ l'ombre du corps opaque. Or elle se décompose en deux autres : (lô) . . . . sin Tf/u = 0, (14) (M^ -f-M^)coSTe^ — (N;, — N^)sin;7e/x = 0, et cette dernière se met aussi sous la forme Discutons les résultats fournis par les équations (i;^) et (15). s DE LA LUMIÈRE. 19 1. — L'équalion (13) donne en général Tziu. = i~ ou M = - i désignant un entier quelconque. Ses racines sont donc 1 _ 2 _ â f f f Tous les points ainsi obtenus correspondenl à des niaxinia; car le second l'acteur de [— J ^] se réduit alors à ± (M,, + N :) , suivant que / est pair ou impair. Or, dans le premier cas, sin Trsft s'annule en passant du négatif au positif, et comme (M., + M^) est essentiellement positif, — passe évidcni- menl du positif au négatif, ce (jui caractérise un maximum. Dans le second cas, sin to// passe du positif au négatif, et comme — (M^. + M^) < 0, — passe encore du positif au négatif; donc il y a encore un maximum. Ainsi Féquation sin !refi = 0 ne donne que des maxima, et en particulier le milieu V. de l'ombre est un maximum d'intensité lumineuse. Tous ces maxima sont é(|uidislants et régulièrement espacés, à partir du milieu de Tombre. En désignant par x la distance CM de ce milieu à un maximum, on a sensiblement u -\- b x:s==(t-i-b:a OU c ^ s. (i el connue récjualion sfj. = / entraine celle-ci 2(<( -f- h) ''■'■-M--'- on a évidemment -2qx . b( / devenant successivement 1, 2, 3, Ces distances x croissent donc en progression arithméli(|ue et sont, d'ailleurs, pour une frange brillante d'ordre donné, proportionnelles à la distance b du plan EF au corps opatpie, ainsi qu'à la longueur d'ondulation , et en raison inverse de la largeur d(> la lame 20 SUR LA DlFFRACTIOiN opaque. Mais elles sont indépendantes de la distance a de la raie lumineuse à cette lame. Jl. Il résulte déjà de ce qui précède que les minima de lumière doivent se trouver répartis entre les maxima dont la position suit une loi si simple. En effet, l'équation (15) pu Ton a toujours M, > N^ , M^ > N^ et N^ > N,3 , donne évidemment tang !refi > I ; donc rs/x. > iV H- - et < «■'T -+- -' i désignant encore un des nombres entiers. 0, 1, 2, 3, De là il résulte Ainsi les /x correspondant aux franges obscures sont placés successivement entre les limites rigoureuses l I 11 il 2 1,21 4t- *^^ -2e f 4f t 2£ f 4f e 2f De plus, la marche de la fonction ^f^ montre que ces minima, d'abord très-voisins de leurs limites supérieures , lorsqu'on s'écarte peu du milieu de l'ombre, s'en éloignent déplus en plus en se rapprochant de leurs limites in- férieures, à mesure que l'on se rapproche du bord de l'ombre géométrique. Car pour /:/ = 0 Ton a .Ma -H Mj Quand (x croit, « décroit jusqu'à zéro pour // = e, et /3 augmente jus(|u"à la valeur donc iM^, N, vont en croissant, tandis que M^ et N3 décroissent. La fonction DE LA LUMIERE. il décroît donc rapidement à partir de ij.=0, et à moins que = ne soit très-petit, Mj et N^ sont à peu près négligeables pour ft = £; on a alors M^= N^= |; donc la fonction diffère peu de l'unité, à laquelle elle reste supérieure pour u= s; ainsi, dans l'équation (15), les valeurs de tang 7T£,u doivent s'éloigner de plus en plus de l'infini pour se rapprocher de l'unilé. Tout cela devient parfaitement évident lorsqu'on construit les courbes ;i = tang Tf^ , 1/ = — , pour se représenter la marche des fonctions (fig. 4-). La tlistribulion des franges obscures sont donc une loi moins simple que celle des franges lumi- neuses. Fij,'. t. ^-/i/ IH. — Il suit évidemment de ce cpii précède que le nombre des franges in- térieures est d'autant plus grand que e renferme un plus grand nombre de fois, c'est-à-dire que eest plus grand. Le nombre croit donc avec^, si a et h restent constants, et si g, a sont donnés, il croit avec -, c'est-à-dire lorsque la dislance du corps opaque au plan d'observation diminue. Ou peut même assigner le nombre des franges internes, car il y a autant de iiiaximu à droite de la frange centrale (jue - est conteim de fois dans e; donc si n désigne le nombre entier le plus grand renfermé dans £*, 2« -|- 1 sera le nombre des franges lumineuses intérieures. ±1 SUR LA DIFFRACTIOrS Au contraire, en vertu des limites (|ue nous avons assignées aux franges obscures , leur nomi)re est nécessairement pair et égal au moins à deux fois le plus grand nombre entier compris dans e^4- 1, el au plus à deux fois le plus grand nombre entier compris dans r+|. Enfin il est clair (|ue Tombre ne renfermera aucune frange obscure aussi longtemps que Ton aura I 1 t £ < — ou e^ <-' OU enlni t < - ■ Ouantl on rapproche le plan d'observation du corps diilringent, les pre- nnères franges obscures apparaissent lorsque e a dépassé 4 et lorsque r atteint la valeur | , d'où s = 5^ ; il en existe certainement nne de chaque côté de la frange lumineuse centrale. IV. — Là ne se borne pas Tulilité de la formule (15), elle fournil encore le moyen le plus rapide et le plus connnode poui- calculer les valeurs numériques de u qui répondent aux franges noires intérieures. En effet, prenant d'abord pour // les valeurs approchées 2f 2f L>f en ayant soin que [x ne dépasse pas e, on cherche, par la table des valeurs de M et N, les valeurs correspondantes de l'expression N« - N^ ■ En les portant dans ré(|uation (15), celle-ci donnera des valeurs approchées de tang TC/x, et par suite de (j.; el l'on procédera ainsi de suite par approxi- mations successives. Le calcul est très-rapide, attendu que cette seconde approximation est déjà sullisanle, et que, d'ailleurs, les fonctions M, N, comme on l'a déjà fait observer, se prélent fort bien aux interpolations. Lors- (|u'on possède les valeurs de // (|ui répondent aux maxima et aux tninima de lumière, on détermine la dislance réelle x d'une frange quelconque au milieu M de rond)re à l'aide de la formule . /(a-^l>)l>l V 2» DE LA LUMIERE. 25 Déterminons mainlonanl les intensités maxinia el minima. Les valeurs ( 12) de P et Q, portées dans Téquation I = Pî -4- Q2 , donnent généralement I = M^^ + JF3 + N^ -4- N^j H- -1 (M„ M^ + N„ Ng) eos (3 - «) -^ 2 (M^ N^ - N„ M^) sin (û- .) . ou encore el cette expression se transforme facilement en celle-ci 1 = |-pi^ -t- M^) eos ,f^_ ^N^— N^) sin Tt>j2 -i- |-^M^ — M^) sin Tf^n- ^N^ -t-N^^ oos Tf/.-j2. Or, lorsque I devient un inaximuui , on a sin ?:£//= 0, el cos7T£u= ± 1 ; donc A cause de raccroissenient rapide des fondions M;,, N^, lorsque « devient Irès-petit, celte expression montre que les franges lumineuses, aux(|uelles elle se rapporte, deviennent de plus en plus brillantes à mesure (|u"elles sont plus voisines de la limite de Tombre. Pour la frange centrale, on a L'intensité lumineuse de cette frange est donc quadruple de ce qu'elle seiail, au même point du plan d'observation, si la lame opacpie venail à s'étendre à l'infini d'un seul calé. Lorsque, au contraire, I devient un minimum, l'équation (A) donne /M^ H- M^) eos Tf^ — ni^ — N^^ sin tc/x == 0; d'où (17) I = [^M^ - Mg) sin TfM -H (\ H- N^) eos T,^]' . 24 SUR LA DIFFRACTION (jue Ton peut aussi , en éliminanl sin r.eiM et cos to//, mellie sous la forme La loiniule (17) montre que les franges voisines du centre sont très-noires, car Ton y trouve à très-peu près sin :T£/i = I , cos Tf|U = 0; d'où valeur très-petite, à cause de la difl'érence très-faible qui existe entre « et /3 dans le voisinage de la ligne centrale. Au moyen des équations (16) et (17), on calculera facilement, après avoir déterminé les positions des franges intérieures, les intensités corres- pondantes, en se servant toujours de la première table. B. Franges extérieures. — Le point M est supposé lioi's de Pombrc géo- niélii(|ue du corps opaque. Les points d'inlensité maximum ou minimum sont encore déterminés |)ar l'équation d/u d/u et les équations (10) et (11) ont toujours lieu, mais (^ — /^) étant ici négatif , les valeurs de P et Q s'expriment dilTérenunent au moyen des fonctions M cl N. Fn conservant à « et à /3 la même signification que ci-dessus, on tirera ici des équations (2) et (10) ( p = 1 -H M^ sin œ — N^ cos x — M „ sin /3 -t- N^ «'OS H , ( Q = 1 — M^ cos * — Nj, sin a ■+- M^j cos 3 -t- N^j sin f3 , et Téqualion des waxima et des miiiiina deviendra, en renqilaçaut P, Q, — f-r-> par leurs valeurs, et réduisant (cos a — cos 3) -t- (sin a — sin 3) f- (M^^ —Mjj) sin ((?—«) — (N^ ■*"'*'3)[' — cos (4 — a)] = 0, DE LA LUMIÈRE. 2S ou encore : 2 sin sin —l - cos — ^ -+- (M« - M;3) cos î^-^ {\^ -4- .N^) siii '-^- J = 0, 2 d'où enfin , en observant que l'on a a -t- s Sin — cos 2 '- = — V/2 COS !- -t- - 2 \ 2 4 / il viendra 2 sin ireii r (M,. — M^) cos n-ep — (Na -+- Ng) sin -eii — i/i cos 7 ('''*"*'."*'*' ^ j = "' équation qui se partage encore en deux autres : (19) sin rrf, 01 = 0, (20) . . (M„ - M^) cos TTtp - ^N^ + N^) sin wp = 1/2 • cos ^ ( '* "^ ."^ "^ ^ ) ' Telles sont donc les équations auxquelles satisferont les valeurs de y. qui déterminent un maximnin ou un )iiinimu>ii d'intensité dans la partie éclairée du plan d'observation. L — L'équation (10) est la même que pour les franges intérieures; elle donne en général t fx = - , fj. étant plus grand (|ue s, et nous nioitlre (pie les valeurs de /jl comprises dans celle loi coHlinuenl , hors de l'omhre, à correspondre à des franc/es brillantes ou obscures. Mais ce ne sont plus ici nécessairement des maxima, comme cela avait lieu dans la projection du corps opaque; ce peut être soit des maxima, soit desminima, suivant le nombre des racines de l'équation (20) qui viennent s'intercaler entre deux racines consécutives de l'équation (lî)). Or l'équation (20), ipioique compliquée, suffit pour décider la question. Remarquons en effet ((ue « et /3 croissent comme le carré de (x, à mesure ((ue Ton s'éloigne de la ligne d'ombre géoméiricpie, et qu'ainsi les fondions Tome XX XL 4 26 SLR LA DIFFRACTION }\^ 31^^ N„ + Nj sont toutes deux décroissantes et deviennent rapidement voisines de zéro : elles sont, d'ailleurs, multipliées par les facteurs sin tte/x, cos nsfji, toujours moindres que l'unité. Il en résulte que si Ton construil la fonction (A) IJ = (M* — Mjj) cos ne(i — (îijc -4- N-j) sin rzea . [«g- (5)] Kig. 3. en prenant la variable [j. pour abscisse , on obtiendra une courbe sinueuse coupant Taxe des x, à partir de jt/ = £, un certain nombre de fois, mais ne s'éloignant jamais de cet axe à une dislance plus grande que y = î , et (|ui même s'en rapprocbera très-rapidement à mesure ([ue ^ augmentera. D'autre part , la courbe représentée par l'équation (B) ,V =\ -2 i-os- [f2 -(- fi- est aussi sinueuse, mais elle s'éloigne toujours de l'axe des x à une distance égale à j/2 dans ses plus grandes élongations, et comme fx'^ croit rapide- ment avec fi, les points d'intersection de cette courbe (B) avec l'axe des .r se lapprocbent de plus en plus à mesure que l'on s'éloigne de la valeur f/ = j; en sorte que les sinuosités de la courbe se resserrent tout en conservant tou- jours la même hauteur. Il suit visiblement de là que les points d'intersection de ces deux courbes, |)oinls donl les abscisses sont les valeurs de fj. qui vérifient l'équation (20) , se ra|)pi()chenl de plus en plus des points d'intersection de la seconde (R) avec DE LA LUMIERE. 27 l'axe des abscisses, à mesure que Ton s'éloigne de la ligne d'ombre; les va- leurs de fx qui répondent à ces derniers points peuvent donc être prises pour celles qui donnent les maxima et les minima, ou pour les racines de l'équa- tion (20), et cela, avec d'autant plus de précision que la courbe (B) coupe l'axe des x sous des angles presque droits, tandis que la courbe rampante (A) coupe cet axe sous des angles très-petits, en sorte que l'ordonnée d'un point qui serait commun aux deux courbes (A) et (B) se confond à très-peu près avec la courbe (B). De là nous concluons : 1" Que les maxima ou minima dépendant de l'équation (20) s'écartent très-peu, et de moins en moins à mesure que l'on s'éloigne de la lif/ne d'omltre, des valeurs de fj. qui vérifient l'équation (21) œs ^( £*-+-«*-+- -j=0, ou celle-ci I fS -1- UL^ = 'il H — ■ H i étant entier et jj. supposé plus grand que e ; '2" Que , à mesure que // augmente, en suivant, par exenq)le, une progres- sion arilhméti(|ue , le nombre des racines de l'équation (20), comprises entrt deux valeurs de ju, croît de plus en plus, à cause du carré //'" dont dépend k cosinus (équation 21) , et cela d'autant plus , d'aillours , que e lui-mènic a une valeur plus grande. Il suit de là que les franges doivent se multiplier do plus on [)lus à mesure que l'on s'éloigne du bord du corps opaque, en se combinant d'ailleurs avec celles qui satisfont à l'équation (19); et l'on peut même fixer, pour une va- leur donnée des, le nombre de franges comprises entre deux valeurs de n, désignées par //' et jj.", (fui satisfont aux conditions : le COS - ( E* -4- u"^ -)- - = t , COS - I £* -4- fi"* -*- t: j = — ' ■' 2 \ • 2 / -2\ 2 / car il y a entre p.' et n" autant de maxima et de minima que l'équation (19) 28 SUR LA DIFFRACTIOIS compte de racines , plus le nombre de fois que la courbe (B) coupe Taxe des X, nombre égal à celui des racines de réqualion e2 H- a* = 2i -+- (|ui sont comprises dans le même intervalle. Et ce nombre est évidemment d'autant plus grand , que j est plus grand et que ^ est plus grand. 11. — La détermination numérique exacte de la position des franges se fait très-facilement par les équations (19) et (20); la première n'offre aucune dilliculté. Pour la seconde , on procède par approximations successives : on cherche les valeurs de ju, supérieures à £, qui sont comprises dons la loi I f2 -(- u"^ == :2? -4- - : 1 ce sont autant de valeurs approchées des racines. En les portant dans le pre- mier membre de l'équation (20), on calcule, par la première table, les valeurs de Ma, Na, ... et Técpiation donne de nouvelles valeurs plus approchées pour ju , et ainsi de suite. Du reste , cette première approximation est déjà suflisante. Et enfin, comme les maxima et les viinima alternent nécessai- rement, il suffît de ranger les valeurs de ix par ordre de grandeur, à partir de jjL = e, pour reconnaître celles qui donnent, soit les uns, soit les autres. IH. — On peut aussi déduire de nos formules (juelques conséquences assez simples sur la marche des franges à diverses distances du corps opaque , mais nous ne nous y arrêterons pas. Toutes les conclusions précédentes se vérifient très-bien par les expériences de Fresnel sur les franges produites par un corps opaque très-étroit , tel (ju^un fil, expériences qu'il a consignées dans son Mémoire sur la di /fraction (p. i'M\ du volume cité). 8. Phénomènes produits par une ouverture étroite. Nous ne nous étendrons guère sur la diffraction produite par une étroite DE LA LUMIÈRE. 29 Fig 6. A I ! i ! _J.. K. CHK. ouverture à bords reclilignes parallèles à la source lumineuse : ce cas offre ])eaucoup d'ana- logie, quant à la discussion, avec celui que nous venons d'étudier. Ici %j désigne la largeur de Pouverlure, dont DD est la section par un plan normal à la mie lumineuse (fig. 6). On a loujours, eu comptant Tare s sur Tonde cylindri(|ue, à "m partir du milieu de Pouverlure : V ahl ^ <>'>' fos — (hj . m) 10 o sin -£.jy^J sin — dy. 1 = P4 -H Q«. Considérons d'abord un point M du plan d'observation , situé dans la pro- jection conique de l'ouverture; e — ,« est positif, et en posant _(£_^)î = ^, -(E+p)« = p, nous aurons P = I M- M^ sin a — Na cos a -4- Mp sin p — Ng cos â. Q ^ 1 — Mx cos ûc — No; sin a — Mg coSa — Ng sin p. Les maxima et minima d'intensité sont donnés par l'équation rfp <«J _ et les équations (22) donnent immédiatement — = cos (3 — cos j[ j d(i dQ df. = sin 8 — sin a ; 30 SLR LA DIFFRACTION d'où, en suhsliluaiil, ré(|ua(ion aux maxima el minima devient -— = :2sin Tf,a 1/5- c, ,5 > ^. kê sera généralement assez grand, et, par suite. M?, N3 seront très-petits. La fonction M^ - M3 'Sx -*- X3 ' inférieure à l'unité pour ^ = t, croit donc avec .a, dépasse l'unité et puis augmente rapidement. Donc , comme la construction des deux courbes M* — Ui Il = tans mu., y = -- le montre facilement , à mesure que l'on s'enfonce dans l'ombre et que u. aug- mente, les valeurs de //, (jui répondent à un maximum, tendent à satisfaire à cette loi : •il -<- I tang neu = X . ou « = 2t Le calcul numéri(|ue exact de la position de ces franges étant tout à fait send)lable à celui des franges obscures intérieures dans l'ombre d'un corps étroit , que nous avons exposé plus haut , nous nous dispenserons de nous y arrêter. L'intensité lumineuse en un point quelconque, dans lombre, est donnée par la formule 1 =r/M^ — M \ cos «^— (N^ -4- N ) sin neu.^ + [(M^ -»- M^^) sin kiu + (N« — Ng) <•"« -f,"]*. et cette expression se réduit à ï == (M. - «s)' - (^"^'^ - ^V pour les minima, et à I = r/M^ H- M^^ sin TTffi -+- /N^ — N3) ros «uj* pour les muxima. Tome XXXI. 34 SLR LA DIFFRACTION DEUXIÈME PARTIE. PROPRIÉTÉS DES INTÉGRALES M ET N. 10. Nous nous proposons maintenant d'examiner quelques propriétés des inté- grales M el N, auxquelles se ramènent tous les calculs de la diffraction, et de tirer de là les formules nécessaires pour les calculer numériquement. Ces intégrales sont des cas particuliers de celle-ci Pa 1 + x^ qui dépend de deux paramètres X et a, dont elle est fonction. L'on voit sans peine, en la comparant à la fonction 1\ (|uVlle est finie el déterminée pour des valeurs positives quelconques de À el de x. On a visiblement J 1 + jr» J c/ I -f- a* d'où, par une propriété connue des fonctions r, DE LA LUMIÈRE. 55 Celte relation fournit immédiatement un développement de la fonction P>, avec Pexpression du reste, car elle donne successivement r(>) p _EiiJti)_p . r(x-H2n) d'où r(>) r(>-^2) r(x+4) . r(>.4-2») . -In -l_ 9 Indéfiniment prolongée, cette série serait divergente, car le terme -^^ï;,- finit par croître au-dessus de toute limite. Mais lorsque « est sulfisammeni grand, il arrive que Terreur commise, en s'arrèlant à un terme convenable, est très-petite, et Ton obtient ainsi une valeur approchée de rinlégrale défi- nie. Cette erreur est d'ailleurs exprimée par le terme final P, + 2H-t--2^ q»' permet d'en apprécier la grandeur cl de choisir le terme aucpiol il faut s'arrêter pour obtenir la plus grande approximation. En efTel , l'on a „> -+-2/1-1-1 „— j:x ,/_ / 1 -4- XÎ ^ J O 0 ou r (i -»- 2h -t- 2) . Px-+-2n-»-2 < ^x-h2h-h2 ' ainsi l'erreui- commise, en arrêtant la série {"2) à un terme quelconque, est toujours moindre que le terme qui suivrait celui-là dans la série prolongée : il suffira donc que celui-ci soit au-dessous de l'ordre des quantités que l'on peut négliger. On a aussi une limite inférieure de l'erreur commise, en observant que, pour toute valeur positive de x, l'on a 1 H- X-i <«■', 56 SUR LA DIFFRACTIOIN et par suite .«-.-2 >y en sorte que le resle Px^2;i-+--2 se trouve ainsi compris entre deux limites connues, d'autant plus resserrées d'ailleurs que « esl plus grand. dl. La formule (2), suffisante pour calculer rapidement V,, lorscpie le para- mètre a dépasse une certaine valeur, ne convient plus lorsque a esl petit , car les termes de la série n'atteignent plus une petitesse suflisante pour que le reste soil négligeable. Mais on arrive à une formule convenable lors(|ue « est très-petit, en développant l'intégrale d'une certaine équation dilTéreniielle que vérifie la fonction P;. On a effectivement /oo rfPi__ / x^ e~ ""^ dx _ et de même d^-P, = P >-4-2' Ajoutant membre à membre celte équation et l'équation (1), l'on a (3) i -+- p. = — • Cette équation constitue une nouvelle propriété de fonctions P>. Elle esl li- néaire, à second membre variable, et l'on sait que, pour obtenir son intégrale générale, il sullil d'ajouter une intégrale particulière ^ à l'intégrale générale de l'équation ePP^ laquelle est H COS a -t- K sill a, II et K étant des constantes. DE LA LUiMIÈRE. 57 Or on aura une intégrale particulière ^ de l'équation (3), en se servant de la méthode des coefficients indéterminés. Il faut évidemment poser : ^ = A rj- - > H- B'/-* - ' -t- C« " - ' -4- . . . , d'où d'j% = A (1 — i) (2 — )) a- ' -t- B (3 - >) (4 - )) «^- ' -f- C • (5 — >) (6 - )) «* ' et en substituant dans l'équation (3), on a les conditions r(>) A c = -— — î^— '^ = (1_>)(i>_,)' * (3_.)(4->)' (.'i->)(6-A)' ••■ ' qui déterminent les coeflicicnts et donnent : r(.)r ^ ^^ , Les constantes H et K, indépendantes de «, mais fondions de /, se dé- terminent sans peine, lorstjue \ est supposé compris entre 0 el 2, en remar- quant 1° Que pour «=0 l'on a : /X> ~ ' àx r _ . 2° Que la fonction P> vérifie l'équation d^ et Ton trouve ainsi = — p I H= -. K = 2 sin ^ 'i cos ^ et, les substitutions faites, on a enfin TT / 17. \ r (>) r x^ ■" 38 SIR LA OIFFK\CTIO>i Cello formule est convergente pour toute valeur de «, mais elle Test d'au- tant plus que « est plus petit. Elle suppose, il est vrai, que >. soit compris entre 0 et 2 , et même elle est fautive pour X = 1 , mais elle suflit du moins pour Tobjel particulier que nous avons en vue. 12. On peut aussi , pour suppléer aux formules (2) et (4), dans les cas où elles sont peu commodes, ou pour accélérer le calcul des valeurs de P,, lorsque a devient assez grand, calculer simultanément les accroissements de P, et P;^^. I comme il suit. En donnant à « raccroissement /(, on a la série con- vergente ,=/£z^z; {e-"--i)ds_ ,_„ . h^^ h^ AP, = / ^^ — = — /tP.^iH Pj^« P. ^X A* -^ Xî ''i^+t — •• •- expression qui devient, par l'emploi répété de la relation (1) Supposons que la valeur de h soit très-petite, groupons tous les ternies en P; et en P>-f-i, et observons que Ton a r(> -+- «) = ) (i -4- I). . . . (A -H H — i)r(;), il viendra „,.,n,=_P,„_e.3.,-P,,,..,„.i^j^-'^U^[' arctang - j «- - dz I x'-^ <•- '■'■ fos xz ■ ilx = r (; ) / î -__ ^ dz ; ■2 . -2\i- (I OÙ , en faisant z = ax, on lire la formule f- ""^ cos (> arctanj^ x) «^ „ - dx = — —- ' • (l-t-x^)î ^' 15. Nous arriverons à un résultat plus important en partant du théorème connu de Cauchy ; Si la varial)le imaginaire z parcourt un contour fei-mé quelconque, Tintcgrale //"{:;) dz a pour valeur en désignant en général par /", la limile du produit {z-z,)f{z), lors(pie z s'approche indéfiniment de la valeur z,, qui rend f{z) infinie et qui se trouve comprise dans Tintérieur du contour fermé. On sait que 2- doit être remplacé par t., si le point z\ se trouve appar- tenir au contour même que parcourt la variable imaginaire *. Soil a. L'équation n* -+- X* = 0 , donnani X * Voir, par exemple , Briot et Bouquet , Tlirorie des fonctions donhlenienl iiériodiqiics , [>. Vt. Tome XXXL <3 42 SUR LA DIFFRACTION on aura évidemment un seul infini sur le contour décrit par le point z, savoir : d'où «' + =' r + « »/- 1 d'où aussi ''- 2ap/=-r' et par suite , on a r f (z) dz n.y {a l/— 1) . f'^(z)dz ^ '2« mais cette intégrale se compose de quatre parties : J «2 — V'^ et de celte relation générale en supposant que Y reste constant , que X de- vienne infini, et que la fonction 9 soit telle que9(X + ?/ V/^) devienne mil pour X = 00, nous déduisons fjx)rfu; _ / y(j + Y V—\)dx / ,^(^|/_|) rrv(«t/— 1) L'on reconnaît sans peine que si la fonction 9 satisfait, en outre, à la condi- ''on que — — _— - s'annulle pour Y= 00, le second terme de récpiation précédente s'évanouira aussi, en faisant croître Y jusqu'à l'infini, et l'é(|ua- lion deviend ra simplement „2H-.r2 ^ V a*-y« '' 2a DE LA LUMIÈRE. 43 Cette relation, assez générale, implique nécessairement les deux conditions mentionnées plus haut pour la fonction 9. Prenons, par exemple, .(2) =(-2 v-iy- 1 „ — «3 X, « étant réels et constants. Pour x = ce , (p(î) = 0, la première condition est donc remplie. La seconde le sera aussi, si Ton a A— 1/^ 2 2V •i J- a;« et connnc l'intégrale (|ue renferment les seconds meuïbres se ramène immé- diatement aux fonctions P,, il en sera de même de celles que renferment les premiers membres. Ces relations conduisent, d'ailleurs, à plusieurs formules déjà connues. Ainsi, en éliminant entre elles l'intégrale J "^ J^J^^ '^^ *^*^^*'-'"^ 44 SUR LA DIFFRACTION réquadoii /II' ~^ sin ( — — ail] (lu 1 ^ — a' ^ cos (a* — déjà donnée par Cauchy *. Si dans la seconde de ces mêmes équations on pose elle donne / x^~ ^ dx t: a' et^ -4-22 -2 . '■^ sin — 2 et à l'aide de cette équation , la première donne alors „2 _ „2 ''"'' 2 t/ „2 -+- .r2 2 :2 0 ./ o Ces intégrales sont connues. Si Ton suppose maintenant X = 1 , d'où cos ^ = 0, la première des deux relations trouvées nous donne A cos ay dy - sin ax «2 — 1/2 2 a et en faisant , dans la seconde, X = 2 , on trouve de même /•■ 1/ sin au dy n- ■ = — = cos OJ:. 2 — V* 2 Ces formules sont aussi bien connues. * Atintdrs de Gergonne , t. XVI!. DE LA LUMIÈRE. 4o 16. Remarquons, en finissant, que Ton pourrait obtenir d'autres relations semblables par une méthode analogue. Ainsi, l'on ferait voir que l'on a -.'2 ^ ^-i ^ t/ „-2 , ,,» 9„ a- -t- y- pourvu que la fonction y satisfasse aux deux conditions 'f{x-h y V— 1 ) = 0 pour X = 30 ; — =: = 0 pour 1/ = ^ . a — r — y V — I En prenant, par exemple, y(î) = (_zl/^'~'e~*-\ 2>i>0, la fonction -',-'.'--.,, .,„_,,_^..,_.,i'^,.-^'^/'^-'.-;-.K J a^-^-y'i 2 «y 'l'i — j^ d'où l'on lire les deux équations réelles a2-+-»/2 2 2 2 V a* — J« y^ ~ ^ sinxy dii tt , ., „_ '»■ 'îr / x^~* e~ y =^— ^ = o' ~ -^ e~ "'' cos — -*- sm — / Et l'on conclut de là , en éliminant l'intégrale des seconds membres y^~^ sini^-xyjdy _ ^- = - ai-2 e- "- , a'i-i-y^ 2 xî 46 SLR LA DIFFRACÏIOIS et en faisant /. = 1 , /= 2 : COS ay ily ne' f 0 f «2 H- 2/2 2 a y sin «y dy _ - - aa — —— — c a* -+- îy* 2 formules déjà bien connues. D'autres intégrales définies sont encore réductibles aux fonctions P, ; pour ne pas trop nous étendre, nous nous bornons à citer sans démonstration les formules suivantes : cl/- , , if x-ie-'^rfx e-^-^ ' COS zKdz=—— I — . - . / e -!- "^ * • siii z* cfx = — - - / — et d'autres semblables. DE LA LUMIERE. 47 TABLE L M Valeurs des intégrales M e< IN. \ -^ x^ ' îT \/-2 */ '^'^ rfx- ,«' M DIFFÉB. N DIFFÉR. AX' M DIFFÉH. N DIFFÊR. 0,00 0,01 n,soono 0,49513 687 612 0,50000 0,40780 9220 3372 0,25 0,26 0,. 39921 0,39651 270 265 0,17-304 0,10999 305 351 0,02 0,48701 568 0,37408 2418 0,27 0,39586 258 0,16648 537 0,03 0,04 0,48155 0,47599 531 500 483 0,34990 0,53062 1928 1617 1398 0,28 0,29 0,59128 0,38874 254 249 0,16311 0,15987 324 312 0,05 0,47095 0,31445 0,30 0,38695 4.^2 0,15675 590 O.OG 0,40010 462 0,30047 1234 0,52 0,38143 406 0,15085 551 0,07 0,46148 444 0,38815 1106 0,54 0,.37C77 448 0,14.5.34 514 0,08 0,45704 427 0,27707 1001 0,36 0,57229 4.35 0,14020 481 0,09 0,45277 412 398 0,20706 915 S42 0,38 0,36796 418 0,15559 4.52 0,10 0,44865 0,25791 0,40 0,.30378 405 0,15087 426 0,11 0,44467 380 0.24949 779 0,42 0,55973 592 0,12061 401 0,12 0,44081 574 0,24170 725 0,44 0,.35581 579 0,12260 .378 0,15 0,43707 0,25445 078 0,46 0,35202 367 0,11882 558 0,14 0,45344 0,22767 655 597 0,48 0,34835 557 0,11524 340 0,15 0,42991 542 0,221.32 0,50 0,54478 346 0,11184 323 1 0,16 0,17 0,42649 0,42515 554 320 0,21555 0,20971 564 533 0,52 0,54 0,54152 0,33796 356 527 0,10861 0,10554 .307 292 0,18 0,19 0,4 1 989 0,41672 517 509 302 0,20458 0,19931 507 481 455 0,56 0,58 0,35469 0,55151 518 310 0,10262 0,09984 278 205 0,20 0,41563 0,19450 0,60 0,32841 301 0,09719 254 0,21 0,41061 295 0,18995 4.37 0,62 0,52540 294 0,09465 242 0,22 0,40700 288 0,18558 415 0,64 0,32246 280 0,09223 232 0,25 0,24 0,40478 0,40196 282 275 0,18143 0,17745 598 381 0,66 0,68 0,51900 0,31681 279 272 0,08991 0,08769 222 213 48 SUR LA DIFFRACTION U-' M DIFFÉa. N DIFFÉR. M* M OIFFÉB. N DIFFÉB. 0,70 0,31409 265 0,08530 204 1,40 0,24755 130 0,04537 07 0,72 0,51144 259 0,08352 196 1,42 0,24599 133 0,04290 06 0,74 0,30885 254 0,08156 188 1,44 0,24466 152 0,04224 64 0,76 0,30631 247 0,07968 182 1,46 0,24554 130 0,04100 04 0,78 0,30384 242 237 0,07780 174 1,48 0,24204 127 120 0,04098 01 0,80 0,30142 0,07012 168 1,50 0,24077 0,04057 59 0,82 0,29905 231 0,0744! 162 1,52 0,25931 124 0,05978 58 0,84 0,29674 220 0,07282 150 1,54 0,25827 123 0,05920 57 0,86 0,29448 222 0,07120 130 1,56 0,23704 120 0,03803 55 0,88 0,29226 217 0,00976 146 1,58 0,23584 119 0,03808 54 0,90 0,29009 0,06830 1,00 0,23465 0,03734 140 117 55 0,92 0,28797 208 0,06090 136 1,62 0,23348 110 0,05701 51 0,94 0,28589 204 0,00554 151 1,C4 0,23232 113 0,05030 51 0,96 0,28385 200 0,06423 126 1,66 0,23119 115 0,055U9 49 0,98 0,28185 190 0,06297 1 ^)^ 1,68 0,23000 110 0,05350 48 1,00 0,27989 0,00174 1,70 0,22890 0,05302 192 119 110 4/ 1,02 0,27797 188 0,00033 115 1,72 0,22780 108 0,03433 47 1,04 0,27609 185 0,05940 111 1,74 0,22678 100 0,05408 45 1,06 0,27424 181 0,05829 108 1,76 0,22572 105 0,05300 4i 1,08 0,27243 0,05721 1,78 0,22467 0,03519 178 105 104 43 1,10 0,27065 0,03010 1,80 0,22303 0,03270 170 102 ' 102 43 1,12 0,20889 171 0,03314 98 00 1,82 0,22201 101 0,03255 41 1,14 0,20718 109 0,05410 1,84 0,22100 99 0,05192 41 1,16 0,20549 0,03320 1,86 0,22001 0,05151 105 93 99 39 1,18 0,26384 103 0,05227 91 1,88 0,21902 97 0,05112 39 1,20 0,26221 0,05150 1,90 0,21805 0,05073 160 87 96 39 1,22 0,26061 157 0,05049 80 1,92 0,21709 95 0,03034 57 1,24 0,25904 ir.5 0,04903 85 1,94 0,21074 93 0,02997 57 1,20 0,25749 152 0,04880 81 1,96 0,21581 93 0,02900 30 1,28 0,25597 119 148 0,01799 78 77 1,98 0,21488 91 440 0,02924 53 100 1,30 0,25448 0,04721 2.00 0,21397 0,02889 1,32 0,25300 144 0,04044 75 2,10 0,20937 410 0,02725 151 1,34 0,25150 143 0,04509 72 2,20 0,20341 395 0,02572 139 1,30 0,25013 140 0,04407 71 2,50 0,20148 572 0,02455 120 1,38 0,24873 138 0,04420 09 2,40 0,19770 353 0,02507 110 DE LA LUMIERE. 49 2,30 2,60 2,70 2,80 2,90 3,00 3,10 3,20 3,30 3,40 3,50 ô,(i0 5,70 5,80 5,90 4,00 4,10 4,20 4,30 4,40 4,50 4,r.0 4,70 4,80 4,90 5,00 5,10 5,20 5,30 5,40 5,50 5,60 5,70 5,80 5.90 19423 19087 18768 18463 18172 17895 17028 17.374 17129 16894 1C609 16451 1G242 16041 15840 15058 15477 15302 15135 14909 14810 14056 14500 14361 14230 14085 15950 13820 13693 13570 13451 13334 13220 13107 1.3000 ToMK XXX L 336 519 305 291 277 207 254 245 235 225 218 109 201 195 188 181 175 109 104 139 154 150 145 141 157 153 130 127 123 119 117 114 115 107 105 0,02191 0,02084 0,01985 0,01894 0,01809 0,01731 0,01657 0,01589 0,01525 0,01465 0,01409 0,01557 0,01307 0,01200 0,01210 0,01175 0,011.30 0,01098 0,01003 0,01030 0,00999 0,00909 0,00940 0,00915 0,00888 0,00863 O,U084O 0,00818 0,00797 0,00770 0,00751 0,00735 0,00714 0,00690 0,00079 107 99 91 85 78 74 08 64 60 50 52 50 47 i4 41 59 38 53 33 31 30 29 27 23 23 22 21 21 25 18 19 18 17 16 0,00 6,10 0,20 6,30 6,40 6,50 6,00 6,70 6,80 6,90 7,00 7,10 7,20 7,30 7,40 7,50 7,60 7,70 7,80 7,90 8,00 8,10 8,20 8,30 8,40 0,12893 0,12792 0,12693 0,12390 0,12500 0,12405 0,12312 0,12221 0,12135 0,12046 0,11961 0,11878 0,11798 0,11719 0,11041 0,11363 0,11490 0,11417 0,11344 0,11272 0,11203 0,111.33 0,11063 0,10998 0,109.53 8.30 0,10870 8,60 0,10808 8,70 0,10747 8,80 0,10608 8,90 0.106.30 9,00 0,10572 10,00 0,100.30 11,00 0,09574 12,00 0,09170 15,00 0,08812 103 99 07 90 93 95 91 88 87 83 85 80 79 78 70 73 75 75 72 09 70 08 07 03 63 62 61 'M 58 38 550 402 404 358 518 0,00665 0,00048 0,00633 0,00019 0,00603 0,00391 0,00379 0,00500 0,00333 0,00544 0,00332 0,00521 0,00312 0,00503 0,00495 0,00484 0,00475 0,00405 0,00436 0,00147 0,00458 0,00450 0.00422 0,00414 0,00407 0,00400 0,00593 0,00586 0,00.380 0,0U374 0,00369 0,00513 0,00273 0,00211 0.00214 13 13 14 14 14 12 15 11 11 13 11 9 9 10 9 10 9 9 34 40 34 27 23 50 SUR LA DIFFRACTION 1 M UIFFÉB. N DIFFÉB. M' M DIFFtR. N DIFFÉn. ] 1 14,00 0,0XA9i 286 0,00191 18 2400 0,00494 151 0,0008(! 5 15,00 0,0»-208 259 0,00173 16 23,00 0,06503 123 0,00081 5 1 16,00 0,07949 253 0,00157 13 20,00 0,00240 117 0,00076 4 17,00 0,07GSITÉS. Obaefrntinns, \"maxim iim 1,2172 2,7407 Les valeurs trouvées pour jt diffèrent très-peu des va ! i" minimum. 2» maximum. 1,8725 2,5445 1,5562 2,5985 leurs correspond.intes assignées par Fresnel l Meni. cit. p. •HO), et j'ai lieu de les croire plus exactes. '2' minimum. 2,7300 1,6864 ; 3' maximum. 3,0820 2,2913 5' minimum. 3,.5'J13 1.7437 4' maximum. 3,6741 2,2521 A' minimum. 3,9371 1,7780 5' maximum. 4,1832 2,2207 j 5* minimum. 4,4139 1,8012 ' G' maximum. 4,6307 2,1987 6' minimum. 4,8473 1,8183 j 7' maximam. 5,0497 2,1818 1 7' minimum. 5,2440 1,8317 J Heinurque. — Je crois devoir signaler ici une erreur qui se trouve dans l'ouvrage de M. Meyer, Théorie des inféc/rales définies. Ayant ramené les fonctions P;^ à la forme / £il_S2!f£i^ j"e crus un moment, en m'appuyant sur la formule Slll — / i> «y 1 — fos bx dx — /) donnée à la page 157 de cet ouvrage, avoir réduit le problème do la difliac- lion à des fonmdes algébriques; mais il me fut facile de reconnailio (|iio cette équation, ton! à fait fausse, provenait d'une erreur de calcul (|ui se IrouNc à la page ioCi, ligne 4, en remontant, et (p^un simple coupd'œil sullît pour apercevoir. FIN. RECHERCHES SUR LA LIAISON ENTRE LES PHÉNOMÈNES DE CAPILLARITÉ ET DENDOSMOSE; M. E. BEDE , PROFESSEl'R EXTRAORDINAIRE A l'UMVERSITÉ DE LlÉUE. (Mémoire présenté le ii octobre 1801.) Tome XXXI. RFXHERCHES SUR LA LIAISON ENTRE LES PHÉNOMÈrSES DE CAPILLARITÉ ET DENDOSMOSE. Je MU' pioposals créludicr atleiilivomenl les phénomènes ireiitlosniosi' , particulièromonl dans leurs points de contact avec les phénomènes capil- laires; mais j'ai reconnu combien cette recherche présentait et de lon- gueur et de dillicultés, ef j'ai compris comment on a sur ce sujet tant de résultats contradictoires. J'ai donc abandonné la i)lupart des recherches (pie j'avais entreprises pour me borner à l'étude d'ini phénomène qui me parait être un véritable trait d'union entre les phénomènes ca|)illaires et les phéno- mènes d'endosmose. Je veux pailer de l'élévation du mercure observée par M. Maiiuus dans un tube i-cmpli d'eau et fermé par une vessie. Mes recliei- ches assez nombreuses et (pii m'ont fourni (piehjues résultats inléressanis sont rapportées dans le mémoire suivant. PHÉNOMKNES d'aSCENSION l'HODUIÏS PAU l'ÉVAI'OUATION d'uN LlQUHiE A TRA\ KHS TNE CI.OISON PORECSE. Les expériences de RI. Magnus sur l'élévation du mercure dans un tube plein d'eau, fermé à sa partie supérieure par une vessie et ayant sa [jarlie inférieure ouverte plongée dans un bain do mercure, m'ont paru Irès-inté- 4 PHErSOWENES DE CAPILLARITE ressanles aussi bien en elles-mêmes que parce qu'elles peuvent fournir des notions importantes sur les phénomènes d'endosmose. J'ai fait différentes recherches sur ce sujet. J'ai d'abord répété l'expérience de M. Magnus avec trois tubes remplis respectivement d'eau, d'alcool et d'essence de térébenthine. Au bout de dix-huit heures, le mercure s'était élevé de 2""",3o dans le tube à eau ; il n'avait pas bougé dans le tube à essence, et était descendu de 0""",()o dans le lube à alcool; de plus, dans ce dernier tube, on voyait sous la vessie deux bulles d'air qui n'y étaient pas au commencement de l'expérience. Ajirès soixante-six heures, l'élévation était de 8""",35 dans le tube à eau, nulle dans les deux autres. On peut déjà conclure de ces résultats que la marche du phénomène est à peu prés uniforme, c'est-à-dire que l'élévation du mercure est sensible- ment proportionnelle au temps dans un tube rempli d'eau. En elîet , les rap- ports des nombres précédents sont : ^ 2,53 -^—=0,130 18 8,35 G(i 1-2,00 —1—= 0,13-2 ;»l Les dilïérences sont, on le voit, très-faibles et irrégulières. On peut conclure, en outre, (pie le phénomène ne se produit pas ;i\ec lalcool et l'essence de térébenthine. Ces expériences furent répétées pendant vingt-quatre jours consécutifs, avec trois tubes remplis d'eau, d'alcool et d'élher. Voici les résultats obte- nus, Il représentant dans ce tableau la hauteur du mercure dans cluupie tube au-dessus de la surface du bain. Ail l'accroissement de hauleui' dans riniervalle AT de deux observations, et A0 l'accroissement de la it^npéra- ture dans ce même intervalle : ET D'ENDOSMOSE. Hauteur du mercure. Nos 1 ^^, Temps écouli-s Tem- pérature H AT â0 iH observa tioDS. T 0 Eau. Alcool. tlber. Eau. Alcool. Éllier. 1 OJ O''' 0' i9;4 mm. 12,05 5,50 7,-0 221' 45' -0^2 mm. +3,30 -0,10 i +0,50 2 0 22 45 19,2 15,85 5,40 8,00 23 45 -0,4 3,35 +0,10 0,23 5 1 22 30 18,8 19,20 5,50 8,25 24 15 -0,2 3,35 0,00 0,00 4 2 22 45 18,0 22,55 5,50 8,85 23 30 -0,1 3,20 0,35 0,55 5 3 22 15 18,5 25,75 5,85 9,40 t 25 40 +0,3 5,00 -0,15 0,10 (j 4 23 55 18,8 29,35 5,70 9,50 22 20 ) -0,1 ) 2,95 +0,25 0,15 7 5 22 15 18,7 32,30 5.95 9,05 24 0 î -0,7 2,85 0,20 0,80 ; 8 6 22 15 18,0 35,15 0,15 10,45 ) " 24 30 -0,0 5,45 0,20 0,70 ! y 7 22 45 17,4 38,00 6,35 11,15 24 0 +0,1 2,95 -0,05 0,50 10 « 22 45 17,5 41,55 0,30 11,05 23 0 +0,5 3,05 +0,10 0,15 11 0 21 45 17,8 44.00 0.40 11,80 24 30 -(1,1 3,10 0,25 +0,20 12 10 22 15 17,7 47.70 0,05 12,00 25 15 + 1,1 3,95 î 0,10 -0,80 13 11 23 30 18,8 51,05 0,75 11,20 24 15 ) +0,8 .3,50 0,15 -0,ïO 14 12 23 45 10,6 55,25 0,90 10,70 23 0 -0,0 5,70 0,05 + 0,10 \ 15 13 22 .5 19,0 58,85 7,55 10,80 21 15 ) -0,2 5,50 0,50 0,00 10 14 22 50 18,8 02,15 7.85 10,80 23 45 -0,4 3,70 0,45 0,40 1 17 15 22 45 18,4 05,85 8,30 11,20 24 0 + 1,8 1 5. "5 0,20 -1,05 18 10 22 45 20,2 09,00 8,50 9,55 24 0 ' 1 +0,4 5,05 0,45 -0,70 1!) 17 22 45 20,0 73,25 8,95 8,85 wj ■ ) ' 24 15 -0,4 3,05 0,00 +0,20 20 18 22 30 20.2 70,90 9,55 9,05 ) 23 30 -0,0 3,45 0,00 0,70 -.'1 10 22 0 19,0 80,35 10,15 9,75 24 15 1" +0,2 3,80 0,50 -0,05 2» 20 22 45 19,8 84, 1 5 10,05 9,70 23 50 ) ■1-0 4 3.70 0,60 -0,00 1 23 21 22 15 20,2 87,85 1 1 ,25 9,10 •2i 30 -0,1 3,40 1 o;65 +0,95 ' 24 22 22 45 19,8 91,25 11,90 10,05 ^ ) • Pour l'oaii, la moyenne des élévations esl à peu près S^^/i-S en vingl- (|ualre heures. Aucun chiffre ne s'écarle nolablemonl de ce résultai, la plus grande divergence esl de '/7- L'élévation en une heure serait 0""",142, nombre qui ne diffère que de 7' 3 de celui trouvé précédenimenl. On [leiit donc aflirmer que la marche du [ihénomème esl sensiblomenl uniforme. Bien que celte unil'ormilé ne soit point parfaite, il y a lieu de s'étonner (pfelli' se présente telle que nous l'avons observée ; car le phénomène renferme des éléments très-variables qu'une première analyse nous fera reconnaître. 6 PHENOMENES DE CAPILLARITE Le mercure ne s"élève (|u"en renipltiçaiit Peau sortie de l'appareil, et celle-ci n'a pu disparaître que par révaporalion. Sous ce rapport, la rapidité de l'élé- vation du mercure doit dépendre de la température et de Tétat liygromé- irique de l'air. J'ai même remarqué que du septième au douzième jour, intervalle pendant lequel l'ascension a été plus lente, l'air était très-chargé (riiuniidilé, tandis que le temps était très-beau les jours suivants. J'avais nciiligé dohserver un hygromètre au moment de la mesure de Télévalion : celte observation ne me paraissait pouvoir être de (piel(|ue utilité, ()ue faite continuellement, à des intervalles rapprochés, de manière à faire connaître un étal hygrométrique moyen. Encore était-il douteux qu'elle donnât ainsi des résultats bien importants; en effet, les quantités que l'on a à mesurer ici sont petites, et de faibles causes d'erreur peuvent exercer une influence égale à celle dont nous parlons. Il me parait, du reste, que les résultats précédents sont sulTisamment nombreux et leurs différences assez faibles et assez irrégulières, pour que Ton soit fondé à admettre que la marche du phénomène qui nous occupe serait parfaitement uniforme, si les circonstances extérieures l'étaient également, si, par exemple, la vessie était toujours entourée d'air sec à une température constante. On peut s'étonner de celte uniformité de mouvement, en présence île la variation continuelle de la hauteur de mercure soulevée; mais ce qui m'a le plus frappé, c'est que celle uniformité a persisté longtemps après que la vessie était entrée en putréfaction, au point d'être couverte de champignons. Ce fait me porte à croire que la putréfaction de la vessie de porc n'altère pas les dimensions de ses pores. Hclalivement à l'alcool , les variations sont très-irrégulières; toutefois on voit (|u'il y a eu pendant les derniers joiu's une élévation manpiée et assez uniforme. Quant à Télher, les variations sont si faibles et si irrégulières (|u'on peut les attribuer principalement aux changements de température, qui, en contractant ou en dilatant la colonne d'élher, soulèvent ou refoulent celle de mercure. On peut constater, en effet, que chaque fois «|ue la tem- pérature s'est élevée, le mercure est descendu, et récipro(|uement. Cette cause de variations doit être ajoutée à celle que j'ai signalée pour expliquer ET DEINDOSMOSE. 7 les variations d'ascension observées avec Peau et plus encore avec ralcool. J'ai cherché à rendre le phénomène que nous étudions phis frappant, en précipitant sa marche : à cet effet, sur l'entonnoir d'un endosmomètre à bulbe, je masticpiai un tube d'un mètre de hauteur et de 5'""',2o de diamètre. Le diamètre de la membrane était 72""",8. Si l'on admet que l'évaporalion de l'eau et par suite l'ascension du mercure croissent proportionnellement à la surface de la membrane , l'ascension du mercure dans cet appareil devait être Ur^j ou 193,2 fois plus rapide que dans les appareils précédents où la iiiembrane avait le même diamètre que le tube. Après avoir rempli l'instru- ment d'eau et l'avoir retourné sur un bain de mercure , j'attendis plus dun jour sans voir le mercure s'élever. Je reconnus alors que sous la vessie forte- lemenl concave s'étaient formées un grand nombre de bulles gazeuses. Ce-, pendant le mercure commençait à monter assez rapidement ; mais je pensai que ces bulles troubleraient trop le phénomène et, ayant retourné l'appa- reil , je les chassai au moyen de légères secousses. Je remis l'appareil en place et j'attendis de nouveau. Les bulles gazeuses se reformèrent , mais colle fois le mercure ne monta plus dans le tube. Alors je substituai à la vessie un vase poreux de porcelaine , tel que ceux (|ue l'on emploie dans les piles vollaïques. Ce vase était fermé par un bouchon dans lequel passait un tube de verre : le tout était soigneusement mastiqué. Je renq)lis cet appareil d'eau el le retournai sur un bain de mercure. Pendant plusieurs jours, j'observai l'ascension du mercure en notant cluupie fois les indications d'un baromètre et d'un psychromètre d'August. Les résultais de ces observations sont consignés dans le lableau suivant , où : T représente le temps écoulé depuis le commencement do roxporienco ; h la hauteur du mercure au-dessus du niveau du bain ; t,V les températures marquées par le thermomètre sec et le ihermonièlrc; mouillé d'un psychromètre d'August; H , 9 les données du baromètre ; /' la tension de la vapeur d'eau contenue dans l'air au moment de l'obser- vation, /", tension de la vapeur d'eau saturée à l\ La différence l\ — /donne la mesure de la quantité de vapeur que l'air pourrait encore absorber avant d'être saturé. 8 PHE>OMEi>ES DE CAPILLARITE Enfin, le lapporl -^ représente le rapport de raccroissemcnt de luuiteur ilii mercure pendant rinlervalle de temps écoulé entre deux expériences con- sécutives, à cet intervalle de temps exprimé en heures : c'est donc la vitesse d'ascension. Toutefois, je dois déclarer ici que le rapport précédent n'exprime pas exactement la vitesse du mouvement , parce (|ue j'ai eu le tort de prendre les valeurs de h à partir du niveau du bain de mercure, niveau qui s'abais- sait conlinuellemenl, au lieu de les prendre à partir d'un point fixe. A la vérité, l'erreur est très-petite, la surface du bain était au moins égale à 100 lois la section du tube, de sorte que les vitesses que je donne sont tout au plus trop grandes de 7'oo. Asifii.sioii (In iiicrcinc. T h / t' H O r n r.~f ^ h A T mm. Oj fli'- 0' 11,00 18:2 15^4 748,0 18;'3 11,51 15,34 4,03 4,08 0 19 50 01,70 17,9 13,4 748,0 18,5 1 1 ,08 15,24 5,50 5,50 1 0 13 113,40 18,3 15,8 746,6 19,8 11,90 15,82 3,92 3,34 1 1!) 50 184,80 17,5 16,0 746,5 17,6 12,76 14,91 2,15 0,07 1 21 43 10C,40 .< n c " V « .. 5,37 2 25 15 1 35 1,83 17,1 12,3 - 8,13 14,50 6,45 A la fin de ces observations, le mercure avait rem|)li tout le tube, de sorte (pie je ne pouvais plus suivre sa marche. Je laissai rentrer un peu d'air dan.» l'appareil jusqu'à ce que la colonne de mercure fût sullisamment descendue, cl je r(!pris mes mesures. Je trouvai : Tem pu «■Cûulë. Hauteur du mercure Température Forcon é i- !•■ KléTatlooa en 1 11 Oj Oli. 92.20 15.0 7,99 12.84 » 186.35 .. .. . 3.92 ô 5 2G1.9I V • " 2.40 ET DENDOSMOSE. On voit que, malgré celte rentrée de Tair, l'ascension du mercure a élé, pendant le premier jour, à peu près aussi rapide qu'auparavant; mais ensuite la vitesse a diminué sensiblement. Ainsi que je Pai dit plus haut, les observations précédentes du psychro- mètre sont insuflisanles pour permettre d'établir une relation certaine entre la marche du phénomène qui nous occupe et l'état hygrométrique de l'air. Ce- pendant on peut déjà reconnaître, par l'inspection du tableau précédent, que la vitesse ^de l'ascension croit avec la différence d — f, qui mesure, avons- nous dit , ce qu'on pourrait appeler le pouvoir évaporant de l'air. Pour vérifier ce résultat, je pris un tube plus étroit (S'"'",2o de diamètre), que je mastiquai dans un vase poreux plus grand. Je constatai que le mercure s'élevait au commencement de l'expérience avec une vitesse d'environ un millimètre par minute. L'obscurité trop avancée ne me permit pas d'observer avec exactitude. Reprise le lendemain et les jours suivants, l'observation me donna les résultais inscrits dans le tableau suivant, où j'ai conservé les nota- a/j tions du tableau précédent, avec cette seule différence que le rapport ^^ l'élévation en une minute, au lieu d'être l'élévation en une heure. est Élhulion du mercure. iA T h l (■ II (-) r A h -f ^T m III 0'' 0' 0,UO » 0 " " " " '' 0,50 17 50 319,15 • 0 n • ' " '' 0,12 18 10 ûâl.So 14:9 ii;'o 738,8 15,5 8,49 12,77 4,28 0,13 18 30 524,20 " n ■■ " - " " 0,15 19 0 328,75 15,1 11,8 C '■ 8,42 13,10 4,74 0,10 20 0 ôô!<,45 10,0 1-2,4 c .■ 8,60 13,88 5,22 0,15 0 51 2-2 0 355,85 21,0 17,3 757,7 19,8 12,35 18,52 5,97 2-2 30 305,05 22,7 17,2 ' ' 11,58 19,82 6,44 0,24 23 0 372,20 " " » » ■* " " 0,51 2ô 30 381,45 18,0 1 5,0 11 » 10,06 15,35 5,99 0,18 24 10 388,05 17,2 13,3 756,6 16,3 9,27 14,05 5,38 0 05 66 50 521,85 13,4 12,0 752,5 15,4 9,27 13,10 3,39 0,02 07 50 522,95 10,1 12,4 ,0 " 9,37 15,72 4,55 Tn MF \X^ tT 2 10 PHEINOMEÎSES DE CAPILLARITE Luispeclion des deux dernières colonnes montre rexaclilude de la con- clusion fournie avec moins de certitude par les observations de l'avanl- dernier tableau, savoir, que la vitesse d'ascension croit avec le pouvoir évaporant de Pair. On remarquera sans doute les valeurs élevées qu'atteignent celte dilTércnce et les températures dont elle dépend, depuis la septième observation jusqu'à la dixième. Cet accroissement sid)il est dû à ce qu'entre ces observations le soleil frappait l'appareil cl le psycbrométre. Je nai point cherclié à arrêter son action, alin d'en reconnaître Tinlluence; et les nombres obtenus dans cet intervalle de temps sont les preuves les plus concluantes en faveur de la proposition précédente, car l'on constate, avec un accroissement subit de f\ — f, un accroissement proportionnel de la vitesse d'ascension. Une autre consé{|uence imjjortante des expériences précédentes, c'est (jue le mouvement n'est pas uniforme, conune dans le cas où la cloison poreuse était une vessie. Nous constatons ici une rapide diminution de la vitesse qui, au commencement de l'expérience, était de 1""" environ par minute, et, pen- dant le quatrième jour, n'était plus que de 0"'"',0l2, c'est-à-dire cimiuante fois plus petite. A partir de ce moment, j'ai cessé de suivre la marclie du phénomène ; mais le résultat final (jue j'ai observé était fort remarquable : la colonne de mercure atteignit une hauteur de G 10""", autour de laquelle elle oscilla plusieurs jours. Enfin, elle se mit à descendre assez rapidement pour être réduite à 0 au bout de quelques heures. Alors, ayant enlevé l'ap- pareil , je reconnus avec surprise qu"il était entièrement vide d'eau. Ce fait m'ayanl frappé, je voulus rccoimailre si- la rentrée de l'air se produisait dès le commencemenl de l'expérience ou seu- lement à la fin. Pour cela, je donnai à l'appareil une dispo- sition nouvelle. Le vase poreux est formé à sa partie siq)érieure par un bouchon, dans lequel se trouvent masiicpiés un tube assez large T et un autre tube plus étroit, recourbé en siphon, dont la longue branche plonge dans un bain de mercure. Par le tube T, on verse de l'eau dans le vase; le siphon s"amorce et se rem- plit lorsque l'eau est assez haute dans le tube T. On bouche le bout du si- phon, ce qui peut se faire en le plongeant assez profondément dans le mer- cure, puis on achève de renq)lir le tube T; enfin, on le bouche en évitant ET DErSDOSMOSE. 11 (le laisser de Fair sous le bouchon, et on mastique avec soin. Au bout de fort peu de temps , à mesure que le mercure monte dans le siphon , on voit des bulles d'air s'élever dans le tube T, qui bientôt se trouve vide de liquide. J'ai répété la même expérience avec un de ces flacons poreux appelés a(- rarazas, sans obtenir de résultats particuliers. Pour éclaircir ce phénomène de la rentrée de Tair, accompagnée cepen- dant d'une rapide ascension du mercure , je partageai en deux parties un flacon à deux tubulures, et je mastiquai ces deux parties sur un cylindre po- reux sans fond. A l'une des deux tubulures, j'adaptai le tube en siphon dans lequel devait s'élever le mercure; par l'autre, je versai de l'eau. L'air étant bien expulsé, je bouchai et mastiquai. Le mouvement d'ascension se produisit avec une vitesse assez considérable d'abord, mais qui décrut rapidement. En même temps, je vis s'élever de la masse d'eau, vers la surlace, une grande (pianlitéde Irès-petiles bulles d'air qui paraissaient provenir surtout des parois du vase. A la fin de l'expérience, après trois jours et quart , ces bulles avaient formé une masse d"air occu- pant environ la dixième partie de la capacité de l'appareil. Je ne pus pro- longer l'observation , parce que le siphon dans lequel s'élevait le mercure était trop court et que ce liquide était parvenu à son sommet. Je iâpj)orte ici les chiffres fournis par ces observations, et dont les premiers surtout, ayant été déterminés dans un temps assez court pour (pie les circonstances extérieures n'aient subi (pie peu de variations, peuvent donner ipi(>lqu(^s indications sur la marche du phénomène. Mouvvmcnt d'uscviisioii. T h âft AT T /( A'' aT 0 !'■ 0' ram. -2-2 17" 5' mm. 3). Actuellement, il est clair que si le tube, au lieu de présenter à la partie supérieure une seule ouverture de rayon r, en présente un nombre quclcon(|ut' de même rayon, le même phénomène pourra se produire, mais avec une vitesse d'autant plus grande (|ue le nombre des ouverlures sera plus grand. En elTel, la capillarité de ces ouvertures fera équilibre à la même haulenr; mais la surface d'évaporation sera proporlionnelle à leur nombre. Or une cloison poreuse n'est pas autre chose (pi'un système d'innom- brables ouverUu-es très-capillaires; donc il n'y aura rien d'étonnani qu'on voie s'élever rapidement, dans un tube de l'"'", terminé par une cloison po- reuse cl rempli d'eau, une colonne de mercure de 600""" de hauleur. Car celle valeur extrême de nos expériences sera toujours, dans l'air libre, in- férieure à la valeur maxima donnée par ré(|ualion (2) , et pour qu'elle soil également inférieure à celle de l'équation ( 1 ) , il suflira (|ue l'on ait : (600 X 15,39 -+- 1000 — (JOO)"""" ou r < 0'""',00I8. 1 i PHÉNOMÈNES DE CAPILLARITÉ Si donc aucun des porcs de la cloison n"a un rayon supérieur à celte valeur, la capillaiilé des ménisques fera équilibre à la colonne de mercure soulevée et à la colonne d'eau qui la surmonte; elle maintiendra par consé- (pienl les ménisques à la surface. 31ais si (pielques-uns des pores ont un rayon plus grand que 0""",0018, égal, par exemple, à 0'"'",0036, dès que le mer- cure aura dépassé une hauteur d'environ 2o0"'™, la résistance du ménisque ne pourra plus faire équilibre au poids de cette colonne et de celle de "TiO""" dVaii qui la surmonte; alors Pair rentrera, par ces pores plus larges, dans rintérieur de l'appareil. Cependant il se pourra (|ue le phénomène d'ascen- sion continue; il sulllra pour cela que, le nombre des pores de moins de ()"'"',00I8 de rayon étant beaucoup plus considérable que celui des pores de 0'""',0036, la quantité d'air rentrant dans l'appareil soit inférieure à celle de l'eau qui en sort. La constance de la vitesse d'ascension du mercure, dans le cas où celte ascension n'est pas accompagnée d'une rentrée d'air, s'explique très-facile- ment. En effet, tant que tous les ménisques d'eau restent à la surface exté- rieure de la cloison, le volume de l'eau évaporée en 1" doit rester le même, si les conditions extérieures de l'évaporation ne varient pas; donc aussi il doit toujours s'élever en i" dans le tube des volumes égaux de mercure, et par consé(iuent des hauteurs égales, si le diamètre est constant. Quand, au contraire, l'ascension du mercure est accompagnée de la ren- trée de l'air, la vitesse ne peut rester constante et doit diminuer à mesure que le mercure s'élève, car en même temps la pression supportée par Tair rentré diminue, et l'augmentation de volume de cet air compense en partie la diminution du volume d'eau évaporée. Ainsi s'expliquent les faits que nous avons observés. Il me parait inutile de nous arrêter davantage à la discussion de ces phénomènes, simples en théorie, complexes en réalité. .l'aborde maintenant robjet princi()al de ces l'ccherchcs. .l'ai dit au commencement de ce chapitre que l'étude du phénomène ob- servé par iM. Magnus pouvait fournir d'importantes notions sur l'endosmose. En elTet , nos observations avec l'eau, l'alcool, l'éther et l'essence de téré- benihinc montreni combien ces divers liquides ont des aptitudes dilTé- ET DEiNDOSMOSE. Jd renies à traverser une vessie. De ces quatre liquides , Teau seule traverse bien visiblement la membrane , et il est permis de croire ({ue si le phéno- mène a paru se produire avec Talcool , c'est uniquement à cause de Peau qu'il contenait. D'un autre côté , dans tous les phénomènes d'endosmose pré- sentés par les vessies, c'est toujours l'eau qui produit le courant fort, et l'on n'a, je pense, constaté d'une manière certaine aucun phénomène d'en- dosmose avec d'autres liquides séparés par une vessie. Il y a là évidemment un point de contact entre les deux phénomènes qui nous occupent. A ce point de vue, il était intéressant d'observer le phénomène d"évapo- ration que nous étudions avec différentes solutions, et de mesurer ensuite l'endosmose de l'eau vers ces solutions. Je fis trois solutions d"azolate de soude, renfermant sur 15 gr. d'eau, la première 1 gr. de sel, la deuxième 2 gr. et la troisième 3 gr. J'apprêtai également trois solutions semblables de chlorure de sodium. Je remplis de ces solutions six tubes fermés par une vessie et retournés sur un bain de mercure à colé d'un septième ne ren- fermant que de l'eau. J'observai ensuite l'ascension du mercure, qui se faisait assez lentement pour que Ton put considérer comme faites simultanément les observations successives des sept tubes. Je notais en même temps les indi- cations du psychromèlre. Une première série d'expériences ne me donna que des résultats irréguliers, parce que j'avais négligé une précaution dont les observations de ftliM. 3latteucci et Cinia ont montré l'importance, savoir, de tourner du même côté, pour tous les tubes, la même face de la vessie. Je m'abstiendrai donc de rapporter les résultats de cette première série. Dans une seconde, j'eus soin de tourner dans tous les tubes le colé interne vers l'intérieur du tube, et pour plus de sûreté, au lieu de mesurer les hauteurs du mercure à partir ilu niveau variable de ce liquide dans le vase où étaient plongés les sept tubes , je les prenais à partir d'un point tracé sur la surface de chaque tube. Bien que le diamètre du tube ne me paraisse pas pouvoir exercer d'influence sensible siu* le phénomène, je rapporte ici les valeurs des diamètres des sept tubes, ainsi que la nature des liquides qu'ils conte- naient. 16 PHÉÎNOMEISES DE CAPILLARITE Valeurs des diumétres. N" Diamètres des NATURE DU LIQUIDE 1 des tubes. 1 lubes. COSTE.%11 DAtlS CBAQOE TIBE. 1 mm. 12,8 Solution de 1 gr. d'azotate de soude sur 15 gr. d'eau. 2 12,4 0 2 . ■> » 5 14,3 .1 5 .' ■> •> A 14,9 Eau. 5 13,4 Solution de 1 gr. de cliloiuie de sodium sur 1 3 gc d eau. 6 12,7 .. 2 » ■' " 7 13,8 B 3 " J'ai, dans le tableau suivant, inscrit les élévations observées à partir de l'origine du phénomène , c'est-à-dire du moment où les lubes avaient été retournés sur le bain de mercure, et il n'est pas superflu de dire que, pour pouvoir noter avec exactitude et facilité la hauteur du mercure dans chaque Élévation Il du mercure dans te leui: Temps écoule Élévation k dans le temps T. PB^'chromètre. Baroo ■étrr depuis le commencement de Tube 1. Tube 2. Tube 3. Tube 4. Tube (i. Tube C. Tube 7. Thermomèt. TliermoniC-t. lliiuteur Tei,.|M, l'expérience No Aï Na A= Na Aï . Na C( N(i Cl N(i c; sec mouillé. T. 1 :IS. !.1S. 3:15. E.iu. 1 .19 2. IS 3 n. (. V. II. Oh C „ „ B „ „ „ B 10',.j 1 4:8 749.1 i: 2'. 0 I.ÔO 0.75 0.G5 1.53 1.20 1.15 0.85 lfi,G 13,3 753.0 17 48 30 3.25 2.03 1.C5 3.85 2.83 2.C3 2.25 10,4 14,5 757.1 17, 73 0 5.03 4.20 3.30 6.70 5.40 4.80 3.83 17,1 15,1 730.3 18, 11!» 0 9.90 7.70 U.35 10.93 9.53 8.00 7.00 10,4 14,0 738.0 10, On voit que la vitesse d'ascension de l'eau l'emporte notablement sur les vitesses des solutions, et que ces dernières vitesses sont d'autant plus petites que les solutions sont plus concentrées. ET D ENDOSMOSE. 17 tube en ce moment, j'avais, après avoir rempli un tube de liquide et avant de le retourner sur le bain, versé dans son intérieur une quantité de mer- cure suffisante pour que le niveau intérieur de ce liquide fût , après le re- tournement du tube, supérieur au niveau du bain. Je notais alors la dislance, mesurée au cathélomètre , de ce niveau intérieur au trail fixe tracé sur le tube, et, en môme temps, l'indication du psycbromètre. Dans l'observation suivante, la diminution de la distance précédente faisait connaître l'élévation du mercure. J'ai calculé, dans le tableau qui suit, les rapports de ces éléxa- tions aux temps pendant les(|uels elles se sont produites, c'est-à-dire les élé- vations moyennes en une heure. J'ai calculé aussi la valeur de la force élas- ti(|ue de la vapeur d'eau contenue dans l'air et de celle (jui correspond, dans l'état de saturation, à la température de l'air. Comme je l'ai déjà dit, la dif- férence de ces forces élasti(|ues peut donner une mesure du pouvoir évaporant de l'air. J'ai pris la moyenne des différences consécutives, déterminées au moment des observations, pour avoir une indication sur le pouvoir ('vnpd- rant moyen de l'air i)oiidaiil les intervalles de ces observations. [IIdii ilii mercure en une heure. Él«vall h am. — en ane T heore. Éca< hrcTomtl rlqo. <. |-.lr. t 1. Aï l.s TiiliL- 2, N« As ■2 : 1» ToLpi- 3. Nn As 3 15. T.il.r ». E:iu. Tul.0 5. Na a 1 : IS. Tube 6. Na a 1 IS. Tube 7. Na Cl 3 15. Tension de la vapeur lie l-nir f Ten.ioo maiÉOia&r fr f'-f- Hoyeone tl« deux valeur! COD!é- cuIItci df P-f- ,. » n » • r> .- 11.79 15.88 2.09 1.99 054 0,031 0.027 0 004 0.050 0.048 0.035 12.19 14.07 1.88 2.22 0(17 0.042 0.034 0.070 0.059 0.055 0.040 11.-57 13.93 2.56 2.68 078 0.058 0.045 0,092 0.074 0.066 0.053 11.70 14.50 2.80 2.42 .085 0.065 0.053 0.092 0.080 0.072 0.059 11.89 13.93 2.04 Nous devons constater, en outre , (pie toutes ces vitesses ne sont point constantes; mais nous pouvons expliquer ce fait, contraire aux premières observations, par les variations considérables de l'étal hygrométrique de l'air. Tome XXXI. 5 18 PHÉNOMÈNES DE CAPILLARITE On peut établir une liaison entre ces résultats et les phénomènes connus irendosniose, en supposant que, dans ces phénomènes, les deux licpiides ont chacun une tendance différente à traverser la vessie, semblable à celle qui se manilestc dans les phénomènes qui nous occupent, cl que c'est en vertu de la différence de ces tendances qu'a lieu rendosmose. Pour mieu\ faire concevoir notre pensée, imaginons un tube fermé à la partie inférieure par une vessie, renfermant un licpiide A et plongé dans ini liquide B. Nous pouvons concevoir les parois du tube prolongées au-dessous de la vessie, ou, ce qui revient au même, celle-ci placée au milieu de la longueur du tube , et il nous sera permis de faire abstraction du liquide qui entoure le tube. Cela étant, si Ton retirait le liquide B, le liquide A aurait, à pénétrer dans les pores de la vessie, une tendance capable de faire écpii- libre à une colonne de mercure h; de même, si le liquide A était retiré, le liquide B aurait, à pénétrer dans les pores de la vessie, une tendance capable de faire équilibre à une colonne de mercure /*'; si enfin les deux liquides se trouvent tous deux chacun d'un côté de la vessie, l'un d'eux devra tra- verser la vessie en vertu de son excès de tendance h — //' ou W — h , et viendra, à l'extrémité des canaux capillaires du tissu membraneux, se dif- fuser dans l'autre liquide, au lieu de se diffuser par évaporation dans l'atmo- sphère, comme dans le phénomène observé par M. Magnus. Ainsi se pro- duirait le courant d'endosmose. Quant au courant exosmose, il pourrait être considéré comme un phénomène analogue à celui de la rentrée de l'air que nous avons observé : on pourrait concevoir que, dans les pores les plus larges de la cloison, la force li — h' n'est pas sullisante pour vaincre la pesanteur et la force de diffusion nmluelle des deux licpiides. Cette explicalion ressemble beaucoup à toutes celles par lesquelles on a cherché à lapprocher les phénomènes de capillarité et d'endosmose. .le ne la représente, sons une forme en partie nouvelle, que parce qu'elle me parait trouver un nouvel appui dans les faits que nous avons rapportés, et dans ce principe généralement admis, que l'endosmose de l'eau vers une solution aqueuse à travers une vessie, est d'autant plus forl(! que cette solution est plus concentrée. Quoique je ne doutasse point de la vérité de ce principe, j'ai voulu le soumelire à une vérification directe dans le cas actuel. J'ai donc ET D'ENDOSMOSE. 19 observé l'endosmose de l'eau vers les solutions que nous avons employées dans les tubes mêmes qui, dans nos expériences, les contenaient. Un acci- dent arrivé au tube 3 m'a empêché de mesurer l'endosmose de l'eau vers la solution de 3 gr. d'azotate de soude sur do d'eau; avec les autres solutions, j'ai reconnu que les hauteurs d'abord nulles des niveaux intérieurs des solu- tions au-dessus du niveau extérieur ih l'eau, étaient, au bout de quehpies joiu's, devenues : 4,:20 pour la solution '/i'' d'azoliite de soiuio. 5,80 » '/'^ ^^ chlorure de sodium. 11,73 » 2/is 13,55 » »/is » Poiidanl (rois joins, ces hauteurs se sont maintenues; ensuite elles dul diminué assez rapidement ; les vessies étaient poinries. On voit que ces hauteurs sont à peu près proporlionnelles uu\ (|uanli[és de sel dissoutes, et que celles (jui correspondent au chlorure de sodium sont plus grandes que celles de l'azotate de soude. Nous devons toutefois remarcpier que l'on ne peut pas établir un rappro- chement complet entre, ces derniers résultats et les précédents. En elïet, nous voyons que, dans le phénomène d'évaporation à travers la vessie, la vitesse d'ascension du mercure est plus grande pour la solution ^/is de chlorure de -sodium (|uc pour la solution -jm d'azotate de soude; par suite, l'excès de vitesse de l'eau étant plus considérable relativement à cette dernière dissolu- lioi) (|irà la première, l'endosmose devrait être plus forte vers la solution -;I5 d'azotate de soude que vers la solution -/is de chlorure de sodium, et c'est le contraire que l'on observe. Nous devons nous borner à tirer de nos observations le rapprochement très-important de ces deux conclusions : 1" Dilïérentes solutions aiiueuses étant renfermées dans des tubes fermés à la partie supérieure par des vessies identiques, et plongées dans un bain de mercure, les volumes de ces solutions diminuent, par le passage et l'évapora- lion à travers la vessie, d'autant plus rapidement que ces solutions sont moiit.^ 20 PHÉNOMÈrSES DE CAPILLARITÉ concentrées. D'où Ton conclut (|ue Teau traverse d'autant plus l'acilemenl une vessie qu'elle est moins chargée de sel ; 2° Différentes solutions aqueuses étant renfermées dans des tubes fermés à la partie inférieure par des vessies identiques et plongées dans un bain d'eau, il y a endosmose d'autant plus forte de l'eau vers les solutions que ces solutions sont plus concentrées. Pour résumer ma pensée au sujet des phénomènes que nous comparons, je dirai que ces phénomènes ne dilTèrent que par la nature de l'un des mi- lieux séparés par la cloison poreuse. Dans l'endosmose des ]i(|uides, ces deux milieux sont des liquides; ici, nous avons d'un côté un li(iuide, de l'autre un gaz , ou le vide ; car il n'est point douteux que le phénomène d'éva- poration que nous considérons se produirait également dans le vide. Sauf ce cas, ce phénomène n'est qu'une véritable endosmose de licpiide à gaz, que nous appellerons ondosinosc aimospJiérique. Toutefois, il y a une difl'érence essentielle entre le i)hénomène d'endos- mose proprement dit et l'endosmose atmosphérique. Le premier ne se pro- duit pas avec deux liquides quelconques, même capables de traverser la cloison qui les sépare : il faut que ces deux liquides puissent se mélanger l'un à l'autre, se difl'uscr l'un dans l'autre. L'endosme atmosphérique se pro- duira au contraire avec tout liquide capable de traverser la cloison. Mais cette différence tient seulement à ce que la diffusion des li(|uides dans les gaz ou dans le vide, c'est-à-dire réva|)oration des liquides, est une propriété gé- nérale, tandis qu'il n'en est pas de même de la diiïusion de liipiide à liquide. La similitude des deux phénomènes se trouve bien démontrée dans l'expé- rience suivante, que je crois intéressante et nouvelle. Dans un tube fermé par une vessie à une extrémité, je verse de l'eau et un peu do mercure, je retourne ce tube dans un bain de mercure contenu dans une cprouvetle, cl je le fixe bien verticalement; puis je remplis réprouvetle d'alcool. Le tube et la vessie sont ainsi entièrement plongés dans ce liquide. Bientôt on voit le niveau du mercure s'élever exactement comme dans le phé- nomène d'endosmose atmosphéri(iuo, mais avec une vitesse plus grande au connnencement de l'expérience et plus faible à la fin. Cette diminution de vitesse peut, du reste, s'expliipier par la formation de trois bulles gazeuses ET I) EÎNDOSiMOSE. 21 qui, lois(|iio je iliis oossor robsorvalion, occupaicnl ii peu près la nioilié delà surface de la vessie, el (|ui s'élaienl probablement Irouvées renfermées dans le mercure ou dans les [)Iis de la vessie. Au commencemenl de l'expérience, la hauteur du mercure dans le tube au-dessus du niveau dans Téprouvetle était de S^'^SO, à la fm de Tobservalion de 4 l'""',o ; cependant le mercure montait toujours avec une vitesse à peu près constante. On voit donc (|ue la force osmoli(|ue de Peau sur Talcool peut faire écpiilibre à une colonne de mercure de i)lus de U)'""' de hauteur, ou à une colonne dVau de plus de d/iO""". Voici les résultats complets de cette observation : Temps Aicnisioii ilii mercure ihms 11- lcm|is 1 Vircssc d'ascension AH TeinpH .ascension ilu meroiirr Vitrssr il'asrcnsiim Ml T H iT T II iT S" Ô.10 0.435 150 ■• , 22.05 0 075 1-2 o.ôO 0.4-25 175 1 , 24 40 0 . 000 .32 » . ',>:; 0.3G5 lOH 35.85 0 or.5 58 '/. 10. ôr. 0.215 325 28 75 0.107 !iO ■■!, 15. ir, 0 . 1 TM 257 1 , ÔO 30 0.0C5 7.S '/, 1 r. . .ïo 0 100 370 1 , -,1.55 0.047 10> 17..ir. 0 OHC 295 ■j-.' ."55 O.Oil l-JS 1/, ■20 . 40 0.115 r,24 •'j.'î . (i-'i 0.051 , 1 I.N. TOMR XXXI 4 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE CONSTITUTION BRABANÇONNE EN RÉPONSE A LA QUESTION SUIVANTE : Faire un exposé historique de l'ancienne constitution brabançonne CONNUE sous le NOM DE JoYEUSE-EnTRÉE , EN INDIQUER LES ORIGINES ET EN APPRÉCIER LES PRINCIPES ; Edmond POULLET . DUCTKUR KN 1>BUIT KT KN SCIK^CKS PUL1TIQUB5 KT ADViniSTn*TlVR9 , k LOOViin. ^ MiMiioirc couronne par rÀcadcinie , le 15 niai tSGâ.) Tome XXXI. IJNTRODUCTION. Loven den rijkpn hertoghr! Non tnmcii pi'gebil tcI ioeonditit ac ruJî woer, memoriom priori* Mtriulit tom\i d'.tgrie ) Un siècle ti peine nous sépare des dernières inaugurations de nos princes , connue ducs de Brahant, el dt\jà le nom do Joijcnac- Entrée ne réveille plus dans la mémoire de la plupart des Belges (pie de bien vagues souvenirs de liberté et de gloire. C'est que, durant la période (pii vient de s'écouler, TOc- cident a subi des bouleversements si complots! Les idées, les mœurs, les législations ont été si profondément ébranlées ! l'n souffle novateur a passé sur la l'ace de l'Europe, et la société moderne, arracbée de ses bases sécu- laires, cherche encore le point d'appui fixe et stable qui lui permette de reprendre une marche sûre, calme et progressive, sur la roule de la civili- sation. (l'était pourtant une belle et imposante cérémonie «pie rinauguration dun duc de Brabant ' ! Le prince du pays, qui était droiclurier seigneur du noble ducbé, allait au devant de son peuple pour s'en faire reconnaître, et pour nouer avec lui les relations qui devaient faire le bonheur et la force de l'un et de l'autre. Il gagnait avec sa cour l'anticpie capitale du Brabant , Louvain , la première des ' Les détails que nous donnons sur les cérémonies de la Joyeuse-Entrée sont tirés : 1" diin manuscrit de la Hibliotlièque de Bourgogne, n° 14088, Antwerpcn ofjicieren, PrivikijicH, par tic Moy; 2° Bor, Nederlandsche Oorlocjen, livre XVIF, au commencement: ô" Piot, ffisloire de Louvain, p. 290. 4 MEMOIRE SUR L'ANCIEiMNE cliefs-villes. En dosccndaiil la roule de Bruxelles, il pouvait conlenipler do loin le berceau de ses ancêlres, s'élcvant avec ses clochers, ses tours et ses niurailles majestueuses, dans la riche vallée de la Djie. Avant d'en prendre possession, l'iiériticr des vieux comtes de Louvain s arrêtait quelque temps aux portes de la cité, dans le monastère de Terbanck , et là venaient le sa- luer, au milieu d'un concours immense , le clergé , l'université , les officiers et le magistrat de la commune. La hiillnntc assemblée se rendait à la chapelle ; Tabbcssc de Terbanck allait à l'autel prendre le crucifix , le passait à recclésiasiique le plus élevé en rang, et celui-ci, s'approchant du prince, le lui présentait à baiser. Le recteur de Wilma Muter lui faisait une harangue, tant au nom du clergé que du corps universitaire ; le maïeur déposait entre ses mains la verge rouge de justice , emblème de sa charge; le premier bourgmestre lui remettait les clefs de la "sille; enfin, le pensionnaire de Louvain prononçait, à son tour, un discours au nom de toutes les magistratures locales. Alors le cortège se rcmetlait en marche au milieu des fanfares et des cris de fêle. Le magistrat de Louvain, la cour, les conseils du prince, les membres des états de Brabanl à cheval, se dirigeaient à travers les longues rues de la cité ornées de devises, de- verdure et de banderoles, vers Téglise de Saint- Pierre. Là tous niellaient pied à terre; on niontail processionnellemenl au chœur de la basilique, et, après les prières et les cérémonies religieuses, le prince jurait de défendre les libcrlés et les privilèges de l'Eglise de Brubaiit. Le cortège se reformait immèdialemenl pour se rendre sur la place publi(pie qui s'élend entre l'église cl Thôlel de ville. Une estrade y était dressée, et le futur duc y pi'cnait place avec les sommités de la nation brabançonne. Le chancelier de Brabant ouvrait la nouvelle cérémonie en déclarant que le prince allail jurer sa Joyeuse-Enlréc; ildonnail, ou faisait donner lecture du texte llaniand de l'acte, puis il le traduisait mot à mot en français, et le prince répétait toutes ses paroles '. Le prince prêtait encore un second serment, aux barons, nobles, villes et • Il-iic sera pas snns inli'n't ilc faire remarquer que, lorsque l'Iiilippe II lui iitaiii;iiré à Lou- vain, le 5 juillet l,"j4'.), il fallut lui traduire la Joyeuse-Entrée en espagnol. Le prince prêta son serment en latin, car il ne savait pas le llaniand. (Rcg. n° 333 des états de Brabant, folio 52 v°.) COINSTITUTIOÎS BRABAÇOiNÎNE. S franchises du duché, de leur être bon et léal seigneur, de ne pas les irailer arbitrairement ni par voies de fait, mais en droit et justice et d'après leurs privilèges. On revêtait le duc du manteau cramoisi fourré d'hermine et du chaperon ducal de Brahant; les états lui prêtaient le serment de fidélité; les trompettes éclataient en fanfares triomphales; les états, la cour, la noblesse, les métiers, le peuple remplissaient l'air de leurs acclamations; et les cris mille fois répétés des hérauts d'armes. Vive le duc de Brabant! apprenaient au duché, que le successeur des Jean, des Henri et des Godefroid , avait pris solennellement et d'après l'usage antique possession de leur héritage. Presque tous les anciens actes de Joyeuse-Entrée sont datés de Louvain ou du château d'IIéverlé, situé dans la banlieue de la ville; les premiers ducs cependant la juraient ensuite dans les trois autres chefs-villes. Plus tard, quand les princes du Brabant ne purent y paraître (|ue rarement, et que les gouverneurs généraux prêtèrent le serment inaugural en leur nom, la vieille capitale se vit enlever le privilège de reconnaître la première le duc de Brabant. Elle réclama plusieurs fois contre la violation de ses prérogatives, mais tout ce (pi'elle put obtenir ce fut, de temps à autre, un acte de non pré- judice à ses droits. L'agrandissement du pouvoir royal, sans changer la nature intime de l'inauguration, en modifia |)lus ou moins la forme. Naguère, c'était le souve- rain (pii venait se faire reconnaître comme seigneur du duché par la nation brabançonne; plus tard , ce fut le peuple brabançon lui-même qui alla au- devant de son prince pour l'inaugurer '. Depuis l'avènement du roi Philippe IV, Tinauguration des ducs de Brabant s'est faite constamment à Bruxelles, au milieu de cérémonies singulièrement simplifiées. Cependant, lors de l'installation du successeur de Philippe IV, représenté par le marquis de Caslel-Rodrigo, il y eut encore une grande so- lennité , « parce que les Français prétendaient quoique sans prétexte, » d'avoir quelque droit au duché de Brabant -. » Avant d'aborder l'étude des origines et des développements de la Joyeuse- ' Voir un manuscrit de Wynants, sur messirc L.-J. do Pape, et son ti'aité de la Jojeuse-En- lii'c, p. 5. Il y en a tnie copie à la Uibliotlièquc de Bourgogne. 2 Idem, p. G. 6 MEMOIRE SUR L'ANCIENINE Eiilréc elle-niènie, il convient crémelire sur l'étal du Brabant (|ucl(jucs vues générales. Le duché était un fief immédiat de Tempire irxVllemagne; mais la relation de vasselagc, qui subsista en droit fort longtemps, n'enlrainail guère des con- séquences onéreuses pour le |)ays. Peuples et princes du Brabant ne s'en sou- venaient (|ue pour demander et obtenir du suzerain des faveurs réitérées. Celle situation étail née tout naturellement des circonstances. Les empereurs dAllemagne ne pouvaient avoir que bien peu d'influence sur ceux de leurs vassaux (pii tenaient de vastes domaines en franc alleu; et les comtes de Lou\ain, ducs de Brabant, ne relevaient (pie do Dieu et du soleil une grande partie de leurs territoires. Il cùl été fort dangereux pour un suzerain électif, souvent peu puissant par lui-même et livré aux seules forces de vassaux intéressés à PalTaiblir encore, de clieicher querelle à un seigneur tei-ritorial important appujé sur de grandes alliances. Les ducs de Brabant avaient linappréciable avantage de dominer aux extrêmes frontières de l'Empire. Les vassaux impériaux qui les entouraient leur cédaient de beaucoup en puis- sance, ou bien ne possédaient qu'une autorité élective toujours plus ou moins précaire '. Ces derniers ne pouvaient donc songer à s'annexer les possessions brabançonnes par leurs projjres forces; et l'appui éventuel (pi'aurait pu leur prêter le suzerain était énervé par l'éloignement même du siège de la puis- sance impériale. La maison de Louvain avait eu au surplus le bonheur d'être repi'ésentée, pendant trois siècles consécutifs, par une lignée non interrompue de princes bcllicpieux et intelligents; son autorité avait eu le temps de se consolider, pendant les périodes dilliciles de l'Empire. Les luttes \wuv la couronne avaient même servi de marchepied à sa grandeur future. Henri le Guerroyeur, par une conduite plus adroite (pie morale, s'était habilement tourné vers tous les soleils qui s'étaient levés sur l'horizon pnlili(pic; cl, de tous les enq)ereurs qu'il avait successivement servis, il avait arraché poin- lui et les siens des concessions et des privilèges. Quand, pour la première fois, la descendance mâle vint à nuuKpier à la ' Ainsi les ronilcs de Naniiir, de llolliiiulc , de I,i»(iz. Ic>i évrqucs do Liège, l'électeur de ('o- logne, Ole. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 7 vieille famille de nos ducs, une circonslance spéciale sauva le Brabant des dangers imminents qui devaient assiéger un tiône toml)é de lance en que- ' nouille. La maison de Luxembourg crut n'avoir aucun intérêt immédiat à absorber violemment l'indépendance bral)ançonne. Un prince de la maison im- périale, un frère même de Charles IV, Wenceslas de Bohême-Luxembourg, venait, en effet, d'épouser l'héritière du Brabant et de ses appartenances, et personne ne pouvait prévoir la stérilité de la duchesse Jeanne, qui allait déjouer toutes les vues de la politique de l'Empire. La mort sans postérité de Jeanne et de Wenceslas porta au trône du duché la puissante famille de Bourgogne. Dés lors, l'indépendance extérieure du pays était assurée à jamais : personne en Europe n'était de taille à dicter la loi aux grands ducs d'Occident; et leurs descendants eux-mêmes finirent, en montant sur le trône d'Allemagne, dans la personne de Charles-Quint et de sa famille, par réunir dans leur chef la double qualité de duc el de suzerain du Brabant. L'indépendance extérieure, qui laissait aux princes brabançons une liberté complète d'allures, favorisa dans leurs possessions le développemenl régu- lier des institutions nationales el des libertés publiques. Princes et peuples étaient pleins de ce vieil esprit germain d'indépendance, de vie propre et d'initiative privée. Trois siècles de luttes et de gloire communes avaient inti- mement lié leurs destinées. Le Lion iCor de Brabant était aussi cher aux princes qui l'avaient pour emblème qu'aux peuples qui le suivaient sur le chemin de la victoire. De ces relations longues el loyales, comme de rinlérêt commun du duc et du pays, sortit un rapide épanouissement des libertés communales, el plus tard des libertés des classes inférieures tout entières. Par leur travail et par leur persévérance, ces dernières se rendirent capables de servir le souverain d'une façon toute particulière, cl d'exiger, en retour de leurs sacrifices, des droits et des privilèges toujours croissants. Les classes féodales, comme les classes laborieuses, au contraire de ce qui se passait en Flandre, étaient imbues d'un égal sentiment de nationa- lité ^ Elles vécurenl côte à côte, non pas sans luttes, il est vrai, mais au ' Tout le monde se rappelle les dénominations flamandes de Leliaerls et de Clauwaerts, et les faits qui leur avaient donné naissance. 8 MÉMOIRE SLR L'ANCIENNE CONSTlïUTFON BRABANÇONNE. moins sans recours à rinfcrvention étrangère, soit pour défendre une posi- tion acquise, soit pour acquérir une position nouvelle et convoitée. El quand les villes, et dans les villes les métiers, eurent conquis la place que le progrès naturel de la société leur avait marquée, tous les éléments sociaux se don- nèrent la main pour veiller en commun à la grandeur et au salut de la patrie brabançonne. Nous verrons, dans le travail (jue nous allons entreprendre, rinfluence toujours ascendante des villes dans la marclie gouvernementale; nous ver- rons la nation, contre-balançant déplus en plus, par l'action de ses repré- sentants légaux, Faction du pouvoir central des ducs de Brabant; nous verrons enfin grandir une à une et se consolider toutes les libertés publiques indispensables au développement des individus; et quand nous serons arrivés au bout de ce Mémoire, nous pourrons nous demander avec connaissance de cause, si, en dépit de tant de déclamations aussi injustes qu'ignorantes, le passé de noire nationalité était réellement sans gloire et sans bonheur! MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE CONSTITUTION BRABANÇONNE. CHAPITRE PREMIER. DES ORIGINES GÉNÉRALES DE LA JOYEUSE-ENTRÉE RRABANÇONNE. .^ I^'^ DE l'État de nos provinces et du bradant en particulier avant les chartes COMMUNALES. DE LA RENAISSANCE DES COMMUNES. Pour remonter aux origines primitives de la Joyeuse-Entrée brabançonne, il faut nécessairement pousser ses investigations jusqu'aux institutions ger- inani(pies. Il faut prendre connaissance de l'état des Gaules après la conquête franque, et suivre, à travers les siècles, le développement et l'épanouisse- ment des libertés publiques, dans les chartes communales et dans les pre- miers privilèges généraux du duché de Brabanl '. Quand les Francs se lurent établis sur le territoire de la Gaule septentrio- < Histoire de la civil isulimi , \r.u- Guizot. — Essai sur l'histoire du tiers état, \\ar Augustin Thierry; édil. de Hruxcllcs, ISjô.— Uiicpsact, OEiivres complètes, passim. — J. lîalmès, Du pnileslantisine comparé an callioticisme ; et autres. ToME XXXI. 2 iO MÉMOIRE SUR L'ArSClENNE nale , trois élémenls dilTérenls se disputèrent la prééminence el la direction de la marche sociale. L'élément germanique pur ou barbare arrivait avec ce profond senlimeni de force cl de liberté individuelles, avec ce patronage militaire essentielle- ment libre qui le caractérisaient. L'élément gallo-germanique, établi d'anciiMuielé sur le sol, avait été fa- çonné, par le contact des armées romaines, aux vieilles idées de l'empire, à certaines habitudes municipales, au respect d'un pouvoir central et absolu. L'élément chrétien, par les dogmes d'une loi divine supérieure aux lois humaines, de l'égalité de tous les hommes devant celte loi divine, du salut individuel el de la rédemption, travaillait à la régénération de toutes les classes sociales el à la renaissance morale el civi(iuc des classes inférieures, tenues dans un élal d'abrutissemenl complet au sein des plus brillantes sociétés païennes. De la lutle de ces trois élémenls sortit un mouvement de fusion de toutes les races el de toutes les idées; mouvement lent, comme toute trans- formation sociale, mais sur el continu, comme tous les résultats des lois na- tinelles. Dans les temps qui suivirent la concpiète fran(|ue, les races puissantes d'ori- gine germani(]ue lenaienl la tête de la hiérarchie : les Romains possesseurs, c'esl-à-dire ceux des anciens habitants du sol qui avaient eu le bonheur de conserver quelque partie de leurs biens héréditaires, ne venaient (|u"après elles. Au-dessous de ces classes dominantes s'échelonnaient les nombreuses catégories de personnes que reconnaissaient les sociétés barbare el gallo- romaine, depuis l'honmie libre jusqu'à l'esclave '. Durant la période de transition, en même temps que se formait une classe de grands propriétaires sans distinction d'origine nationale, toutes les conditions si différentes de l'esclave domestiipie de Rome, du colon gallo- romain, du lile el du serf germanique se rapprochèrenl d'un niveau connnun qui fut le servage féodal. Ceci se fit surtout sous l'empire de l'idée chrétienne, (pii adoucissait de fait la rigueur de la loi sociale -. ' CcUc gradiilion rcssoil h la ilcrniÎTC évidence des tarifs criminels des lois barbares. * Aug. Tliii'rry. mivr. cili'. pp. 17-I.S. CONSTITUTIOIN BRABAINÇONINE. . H Cependanl, au neuvième et au dixième siècle, des circonstances nouvelles vinrent arrêter pour un instant la marche ascendante des classes inférieures. La dissolution de l'empire de Cliarlemagne, tout en hâtant le mouvement de simplification des catégories sociales, aggrava encore une fois le sort de celles qui se trouvaient aux degrés inférieurs de la hiérarchie. D'un côté, raiïaiblissemenl du pouvoir royal augmentait l'indépendance des grands et laissait leur action sans contrôle; de l'autre, l'arrivée de nou- veaux confpiérants barbares forçait les petits et les faibles à se mettre sous la protection des puissants et des forts; et l'intérêt, trop souvent le mobile des actions humaines, leur faisait payer, par une considérable diminution de liberté, cotte protection indispensable. L'esprit guerrier dominait l'ordre social tout entier, et, par la force même des choses, il lui imposa une forme nouvelle calquée sur le patronage niili- laire,sur l'anlicpie seniomt. Seulement, comme c'était la possession foncière qui faisait la puissance, le seniomt, de personnel qu'il était, devint foncier. L'homme n'apparut qu'au second plan , et la terre domina la terre. Les possesseurs du sol entrèrent à différents degrés dans la hiérarchie féo- dale, participant désormais à tous ses avantages et se réservant à eux seuls les antiques libertés germaines. Les faibles descendirent de fait jusqu'à un servage plus ou moins mitigé, les metlant pres(iue entièrement à la merci du seigneur, qui avait bien voulu consentir à veiller à leur sûreté, avec l'aide de ses féaux et au moyen de luttes conlinuelles et sanglanlos. Les peliles villes elles-mêmes, (|ui, pendant la période gallo-romaine, commençaient à se relever dans nos provinces, périssaient dans la tour- mente. Les unes étaient absorbées par rinlluencc du grand qui avait consenti à les prendre sous sa sauvegarde; les autres, plus malheureuses encore, avaient complètement disparu sous les coups des conquérants du Nord. Çà et là un vieux municipe romain, plus fort, mieux constitué, ou plus favorisé par les circonstances, avait réussi à se défendre soi-même, et présentait une individualité et une organisation désormais exceptionnelles, devenant un objet d'envie pour la i)opulalion serve qui couvrait le sol de nos provinces. Le servage féodal n'était qu'une forme adoucie de l'anticiue et universel 12 . MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE esclavage. Le seigneur fixait ses serfs sur ses vastes domaines; il leur cédait, à titre d'une sorte d'emphyléose perpétuelle, certaines parcelles inaliénables, pour lesquelles il recevait des redevances en nature *.Les serfs faisaient une partie de sa fortune; il leur était interdit de se marier en dehors du terri- toire de la seigneurie -, comme aussi de la quitter pour quelque cause que ce fut, soit de leur persomie seulement, soit avec le bien qu'ils pourraient re- cueillir. Le seigneur était leur héritier naturel , à titre de droit de mainmorle , le serf ne possédant (pi'à titre de pécule ^. Autrefois des hommes d'origine libre habitaient \es villas, on seigneuries, et y exerçaient les divers métiers *. Mais dans la période du désordre, la plu- part d'entre eux étaient, comme nous l'avons dit, tombés dans un quasi-ser- vage et avaient fini par partager toutes les vicissitudes de l'existence servile. Naguère le seigneur, propriétaire de la villa , n'avait sur ses serfs et les colons libres de son domaine qu'une juridiction familière. La justice royale était la seule qui connaissait des cas graves. Elle procédait par ofliciers et échevins depuis Charlemagne, tandis que la justice domaniale se rendait par un officier uni(|ue du seigneur ^. Les grands vassaux se parlagèrenl les pouvoirs ro\aux; la justice leur passa avec la propriété de la terre ; et quand la grande masse des hommes libres, de condition inférieure, fut tombée dans l'abaissement que nous avons signalé, la justice ne leur fut rendue que dans les mêmes formes et sous les jiièmes garanties qu'aux serfs eux-mêmes. L'ancien pouvoir réglementaire, que les propriétaires des villas exerçaient à titre de leurs possessions sur ceux (|ui habitaient leurs domaines, prit une extension extraordinaire. Ceci n'était (|u'un danger peu grave; mais, au milieu de l'anarchie et du désordre, ces léglements mêmes ne furent guère respectés, de sorte que la loi gisait l)res(|ue exclusivement dans le caprice et la volonté du maiire : pas de cas déterminés, pas de limite certaine de culpabilité ou d'innocence, pas de peine fixe, pas même de lieu déterminé pour tenir les plaids judiciaires. ' Hiiopsjicl , Aii(ili/.ie tic l'origine et des progrès des droits des Belges et des Gaulois, % ôOi. * Aug. Tliicrry, iiassiin. '• Niinirclu', t. IV, Cours d'histoire nationale, p. 5JJ5,cn note, t'iiil. ilc Louvaiu. * Hncpsiicl . ini\ . rilé, ;)«.ssJw. :• Id., il,. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 15 Le bailli seigneurial tenait sa séance, tantôt sous le porche d'une église, tantôt dans la cour du château féodal , tantôt à l'ombre d'un arbre ou d'une haie '. il jugeait le plus souvent sans prendre la peine d'assumer des asses- seurs; d'autres fois, quand il se voyait obligé à le faire, il les assumait pour la forme et prononçait sa sentence, sans même s'être enquis de leur opinion. Dans les causes des rares hommes libres, qui avaient su sauvegarder leurs droits antiques, le bailli choisissait ses assesseurs, dès lors obligés, là où il le voulait, et en tel nombre qu'il le voulait, pourvu qu'il fussent ;?«/>,"} des lili- gants. Les parties amenaient de leurs pairs à volonté, et tous ensemble ils avaient voix pour prononcer la sentence. Il n'est pas étonnnal que la voix commune du temps ait stigmatisé ces actes judiciaires du nom expressif de fonn idolosa jmlicUi . Le serf était la chose de son maître, dans une certaine mesure. Comme il ne possédait qu'à tili'c de pécule, le maître, à bout de ressources, ne se faisait pas faute de doubler, de tripler la redevance colongère obligée, ou même de tailler à volonté ceux dont il ne pouvait atteindre les biens d'une manière moins brutale. Les guerres privées continuelles entre de grands propriétaires, violenls, inquiets et turbulents, ravageaient le pays et enlevaient aux habitants le peu que les exactions continuelles du maître, obligé de lever des hommes et des vivres, leur laissaient. Dans certains endroits, l'arbitraire et la violence du seigneur devenaient intolérables. Les serfs alors désertaient le domaine , se cachaient dans les bois et les marécages, ou allaient se réfugier à l'ombre d'un donjon plus hospitalier, qui leur offrait une protection sure et douce , même contre leur ancien maître. De vastes espaces demeurèrent presque en- tièrement déserts, et, avec leur population, s'en allaient la fortune et la puis- sance des propriétaires. Un grand nombre de causes, dans cette situation, durent amener une réac- tion et donner l'idée des franchises particulières; et, leur diversité même, au milieu d'une indentilé presque parfaite de besoins, est la meilleure explica- ' Racpsaet, ouv. cite, § 555. Dans certaines localités, l'usage des plaids en plein iiir ^i persévéré. Dans de nombreux villages de l'ancien comté de Looz ou de la Ileshaye, on voit encore fleurir le glgantes(iue tilleul à l'ombre du(jucl la justice locale était rendue sous l'aneien régime. 14 MEMOIRE SUR LANCIEISINE lion des dispositions si diverses qu'on rencontre dans les premières chartes connnnnales, à côté de quehiucs principes communs et universels. J>"un côté, les serfs fixés sur un territoire limité, forcés de nouer des rela- tions de famille avec leurs voisins, avaient dû finir, à travers le cours des générations, par former des associations de fait douées d\me certaine puis- sance matérielle. Alors il sufiisail d'une étincelle pour allumer la haine im- mense (pi'ils devaient nourrir contre le seigneur commun ; une guerre terrihie s'élevait, et la charte de franchise était le prix de la victoire. Hàtons-nous cependant d'ajouter qu'en Rrabant, nous ne trouvons aucune trace de mou- vements de ce genre. D'autre part, des seigneurs plus intimement imbus d'idées chrétiennes, ou plus perspicaces, accordèrent d'eux-mêmes certaines libertés aux habitants de leurs terres; dès lors, les serfs des propriétés voisines ainuaienl sous leur juridiction, et la richesse du seigneur novateur, sa force matérielle et morale |)ienaient des proportions considérables. Ses ressources, par la nature des choses, s'augmentaient en raison des garanties qu'il accordait à la propriété servile : car la richesse n'est que le produit du travail humain, et l'homme ne travaille pas, ou travaille mal, quand il est moralement sûr de ne pas jouir, à un degré quelconque, du produit de sa peine; au contraire, il lutte avec courage (|uand il a l'espoir d'améliorer sa condition et qu'il sait d'avance à quelles jjrestations modérées il est tenu pour s'assurer l'appui et la protection d'im supérieur. Il sudisail de l'initiative de (piehpies seigneurs puissants pour (|ue tous les autres, sous peine de se ruiner et de voir leurs terres en fiiche, dussent les imiter, même à contre-cœur. Aussi la liberté prit-elle bientôt un essor rapide. Remarcjuons ici que presque toutes ces concessions originaires portent le caractère de véritables affranchissemenls. Le seigneur renonce aux services serviles, il donne certaines garanties judiciaires , précise les cas où il pourra demander des redevances extraordi- naires aux habitants de son domaine, etc. Les serfs désiraient , dans une cer- taine ni<>sure, jouir des avantages et des privilèges dont jouissaient leurs seigneurs, et dès (pie l'occasion se présentait, ils se faisaient octroyer des con- cessions cahpiées sur ces mêmes privilèges. CONSTITUTIOIN BRABANÇONNE. 15 Ainsi, les hommes libres de la féodalité étaient justiciables de leurs pairs, dans la cour de leur seigneur. Les serfs, presque partout, demandèrent et obtinrent le jugement par magistrats plus ou moins fixes et permanents, par échevins pris parmi leurs égaux, dont la sentence était obligatoire. Les hommes de la féodalité ne payaient pas d'impôt : d'après les vieux principes germains, ils n'étaient sujets envers leurs seigneurs qu'à des pres- tations, à des services volontaires. Les serfs, dans les actes d'affranchisse- ment ou dans les concessions postérieures, firent stipuler également le droit de voter par eux-mêmes les redevances à payer aux seigneurs. Il n'entre pas dans la limite de notre travail de faire une dissertation sur l'origine des villes, ni sur toutes les différences du régime mui)ici|)al de l'époque. La naissance des villes fut un fait matériel que l'on peut encore observer aujourd'hui, mais qui nous apparaît plus clairement dans ces temps primitifs, où nous mesurons, d'mi coup dVril, de longues périodes. Une villa avec ses fermes, ses ateliers, ses dépendances, sa chapelle heureuse- ment située aux bords d'un lleuve navigable ou d'une route fréquentée ; un château fort assis au milieu d'une campagne découverte et seul lieu de refuge pour les alentours, en cas de danger; une aggrégalion de masures appelées par l'érection d'une église nouvelle ou d'un monastère : voilà les faits maté- riels d'où sont sorties nos villes; — villes à loi, (piand , par les circonstances dont nous venons de parler, la réunion des honunes cpii y habitaient était parvenue à se faire octroyer un affranchissement de (|uel(pu' étendue et une juridiction régulière; — villea à çommum' , tpiand elles étaient arrivées à former une association compacte de bourgeois obligés à se défendre et à se soutenir '. Alors elles entraient dans la féauté immédiate du seigneur suzerain et l'aidaient, d'une manière ellicace, à contre-balancer l'inlluence de ses vas- saux ligués entre eux, tant par le droit de la féodalité que par la conmiu- nauté d'intérêts. Les villes à commune rendaient au suzerain d'importants services militaires par leurs gildes et leurs confréries rompues aux exercices guerriers et surtout à l'usage des armes de trait. Elles possédaient l'indus- trie, et partant une richesse croissante, mine féconde où les souverains pui- ' Raepsact , ouvr. cilé, § 44V : Sur les différences des villes à loi et des villes à commune. 16 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE saicnl en cas de besoin. De là la lendance des rois, des ducs el des comtes ;i favoriser la marche ascendante des libertés communales. Mais atlachons-nous plus particulièrement à la naissance des communes hrahanconnes. Quand les comtes de Louvain devinrent ducs héréditaires de Lolhior, ils trouvèrent établies au milieu de leurs nouvelles juridictions quel- (|uos vieilles races allodiales presque aussi puissantes qu'eux-mêmes. Les Rer- lliaud de Grimberghe, les seigneurs d'Aa et maint autre grand propriétaire voyaient avec oi-gueil accourir à leur voix des vassaux nombreux et aguerris, éparpillés sur leurs vastes territoires. L'autorité impériale ne leur pesait guère; son centre d'action était trop éloigné; mais ils supportaient avec peine de se voir soumettre à un prince naguère presque leur égal , qui allait tondre né- cessairement à les dominer d'une manière complète. Des discussions et des luttes sanglantes surgirent aussitôt. La politique de la maison de Louvain exi- geait impérieusement l'abaissement des maisons rivales : elle sut être adroite, persistante et énergique. Le grand point était d'abattre la puissante unité des forces des grands seigneuis. Aucun moyen ne fut négligé pour y parvenii'. D'un côté, les ducs, éludant les principes féodaux, favorisèrent les par- tages de succession chez les barons les plus difliciles. Ils rompirent le lien des familles, en se servant habilement de l'orgueil des cadets : les fiefs de ces derniers, au lieu de relever immédiatement du fief de l'ainé, devinrent fiefs immédiats du duché. Ils amenèrent de nombreuses alliances entre les races hostiles et les races dévouées. Enfin, s'appropriant avec empressement (!l bonheur une idée qui avait déjà produit ses fruits tant dans leurs Étals (|ue dans les principautés \oisines, ils créèrent , sur les limites des vassaux les plus dangereux, des communes nondjreuses dotées de précieux privilèges. Dès lors, appuyés sur ces alliés naturels, ils n'eurent plus à craindre les classes féodales. Ainsi naquirent entre autres Lierre, Assche, Capelle-au- Rois, Merchtem et Vilvorde K C'est là, on peut le dire, la cause particulière du développement de l'es- prit communal en Brabant. Mais plusieurs des causes générales que nous avons signalées plus haut agirent encore dans le même sens el avec une ' WiJUltTS, I/istoiic (les Liiviruna de /hinvllvs, I. Il, {)[>. lôS-l(i(i. CONSTITUTION^ BRABANÇOININE. 17 égale éncM'gic. Leur action fui d'autant plus complète que les possessions allodiales des ducs de Lof hier étaient immenses et disséminées çà et là. A régal des autres seigneurs, ils avaient tout intérêt à peupler leur territoire, et par conséquent à accorder des avantages à ceux qui viendraient s'y éta- blir; d'un autre côté, quand ils voulaient y fonder une ville nouvelle, ils n'avaient pas d'intérêts féodaux hostiles à contenter au préalable. H ne sera pas hors de propos de citer ici quelques chartes, soit pour confirmer nos assertions antérieures, soit pour pénétrer plus intimement dans notre sujet. En 1212, Henri le Guerroyeur, pour peupler ses domaines de Campine, relève d'anciennes cités qui avaient disparu : Oppida quac de iiovo fecoramus sciliccl : Ooslcrwyck, Arendonck, Ilorcnllials, Tiiin- lioul, Iloogstraeten , etc. '. D'autres fois, à l'occasion de services quelconques, les membres d'une agrégation de (pielque importance demandent et obtiennent la consécration légale des règles, ([u'en fait, la nécessité du voisinage les a forcés d'établir entre eux : Pelierunt dilecli et tideles oppidaiii iiostri Leweiises (inosdani arliculos , quos propter coniniunein ipsius oppidi prol'ocdiin el iitilitateiii iiilor se ordinaveriiiit in dicto oppido slatuendos ipsis suisque siiccessorihus , a nobis et nostris successoribus concedi cl indulgeri 2. D'autres fois, le prince, obéré dans ses finances, accorde des libertés au prix de concessions pécuniaires : Wi Jan dat wi den scepenen ende die porleren van Hcrcnllials gemenelic hebben gegeven al sulckc \rihcid als onse andere sleden van Brabant liebljen ; ende overmils dese voorvvairden so seleu si ons nu geven aile hand sesse onderl ponl ^. D'autres fois, les concessions sont octroyées à la demande de la commune, qui vante ses anciens et loyaux services : ' Biitkcns, Preuves, t. 1, p. 40. ■^ Public, de la Comm. d'bist. : Codex k la suite de la Chronique de Van Ileelu,p. Soi. Jean I" en 1200. Iilcin pour Louvain, p. iiôo. "' Publie, de la Comni. d'bist. : liralmulsche Yei'steii, t. I"', p. (iOO, an 1291. Tome XXXI. 3 18 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE Item, Taisons à savoir que nous avons considereit et rewardeil diligemment plusors services kc nostre cliier et amcit bourgeois de nostre ville de Genappe ont faits à nous et à nos ancesseurs plusors fois '. D'autres fois encore, le prince cherche à favoriser une industrie naissante et utile, en accordant certaines franchises à la ville qui voudrait la dcvclo|)|)er : Usuarium et jus in sylva nostra habebunl prout hactenus habuerunt, bac conditionc adjecla, quod singuli burgenses pannos laneos in domo sua componi facient, secundo quod sibi conipetebunt facultates '-. Quelques chartes mentionnent comme motif de la concession tant Tavan- tagc du duc que Favanlage des bourgeois. Quod propter communcm ulilifatem lam nostram nostrorumque successoruni, quaiii nostroruni honiinuni de Scarenbeke ~\ Enfin, Fimilation joue un grand rôle dans Thistoire des libertés commu- nales. La liberté gagne de proche en, proche; la charte octroyée à une com- munauté fait l'objet de Fambition des membres d'une communauté voisini", et, à la première occasion, elle s'empresse de la réclamer *. Ainsi ceux de Schaerbeek recevaient, en 1301, la loi et les libertés de Rruxelles; ceux d'Overyssche, en 1234, avaient déjà reçu les mêmes conces- sions que ceux de Louvain ^. Toutes les chartes que nous venons de citer ne sont pas des chartes tout à fait primitives, mais nous pouvons ici raisoimer par analogie. Les mêmes motifs qui faisaient accorder des concessions nouvelles et plus étendues avaient dû guider les souverains dans les octrois originaii'cs. Les premières libertés communales en Hrabant remontent fort haut dans l'histoire. Le plus ancien monument écrit que nous ayons conservé, la charic de TirlemonI, de 11 08, constate déjà un droit préexistant. Anti(|uae libertatis privilegiuni a jjrogeniloribus nostris Tbieuensis collaluni I»raecedentae cbartulae innovainus leslimonio ''. ' Yrcxlcii , 1. 1", p. 70j, ail 1503. * Keurc d'OvcrysscIic, l:2ô4, aux Yeeslcii , i. 1 ', ]>. 042. •■* Yi-cslc)i, I. l', p. (ID^, an lôOI. ♦ lliid., t. 1", p. (iiCi. » Ibid., (. I", p. C,i'2. « Ihùl., t. I-, p. (;||. COiNSTITUTION BRABAISÇONNE. 19 Une charte de Louvain, de 1267, porte : Tenore praesentiiim recognoscimus et universis declaramus quod nos dilectis oppi- danis nostris in Lovanio proniiltimus omnes eoium liberlales, consuetudines, jura oppidi sui inviolabiliter observare ac dimittere, quemadmodura a tempore patris nostri, avi, proavi, cacterum antecessoruin nostrorum liuc usque perduxerunt '. Nous avons dit plus haut que les chartes communales, comparées entre elles, niellaient en lumière, à côté de certains principes communs et uni- versels, d'autres principes plus spéciaux à certaines localités. Nous ne nous appesantirons guère sur cet élément spécial qui forme plutôt Télément de la commune proprement dite, parce qu'il n'est pas en rapi)ort direct avec noire sujet. Ainsi, ici le duc permollait à une commune de se fortifier : Dat si na bacrc macht ouse stat mogen vesten en bewaren met vestingen vorder dat si bewaert is '^. Là il accordait aux hourgcois de se réunir à volonté, d'avoir des enseignes communales, d'avoir une cloche à sonner sous certaines conditions : Quod campanam non pulsabunt, nec standaidum ncc signacula producent, ncc extra producent, nisi sit por cousiiium judicis nostri et scabinoruni cl juralorum •' Insuper indulgemus eisdeni quod convenirc poterunt (luolios opus liabuorunt. L'élément commun de toutes les chartes communales présente au contraire une des origines les plus importantes de la Joyeuse-Entrée hrabançonne. Partout la commune demandait et obtenait : 1» Un échevinage local, désormais la seule et unique juiidiction compé- tente pour juger les bourgeois; 2» La soustraction à toute action arbitraire du pouvoir ducal, lequel ne pouvait plus rien sur les Iwurgcois que par sentence du banc échevinal ; 3° La suppression de tout service servile , de toute taille et impôt arbi- traire, sauf dans certains cas graves expressément déterminés. Citons encore cpielques exemples à l'appui de ces assertions. ' Ycesten, l. I", p. G(Î4-. •-' Ihid., t. I", p. 758. Bois-le-Duc, an 1318. 5 Ibùl., t. I". p. CCi. Louvain, an 1:207. 20 MEMOIRE SUR L AlNClENNE La charte de Tiileniont de 1 J68 : est ab omni injuriosa occasione omniquc esaclione, ulpole precaria post altciu- trius viri aut uxoris mortem perpétua vallamus libertalo '. La charte de Vilvorde de 1192 : Quicumque in hoc oppido burgensis factus fueril , in omnibus causis suis non nisi cuni seabinis ipsius oppidi el in ipso oppido tractabitur 2 Pracdictis burgensibus etiam lemisimus omnem exaclioneni, sed si liliuni niiliteni l'a- cianius, vei lilium vcl filiam nujtlui dederimus, vel in expeditioneni Irans Alpes inipeni- tori facinius Ad hoc, onines serviles opéras eis remisimus excepto novo libertatis debito de sin- gulis curtibus solvendo. La charte de Neeryssche de 1211 : Quod lijjcri erunt a raanipulis, a morlua manu, el ab omnibus exactionibus praeter- quani si filiuni niilitcm l'aciamus vel filiam nuptui donius vel peregrinalioneni riiciainiis "\ La charte d'Incourl de 122G : Haec villa de Ayencourt per omnia secundum senlenciam scabinorum regetur Nemo potest spoliari inlra libertatem de Ayencourt *. La charte de Diest de 1229 : Oppidauus de Diest non potcsl oppidanum de Diest inl'estare ali(iiia (iiicnla nisi in Diesl ■'. Omnem teloneum stabit judicio scabinorum. La charte de Louvaiii de 1234 : Si dux fonira quemqnam i|isorum dira jnris ordinem, cl contra senlenciam scaliino- rinn processerimus, deincejis ut dictum est, ad nullum nobis servitium pecuuiarium tcne- linnlur, donec id in slatum debitum revocaverimus el pênes scabinorum cousilinm '•. Si nous ne craignions pas d'accumuler les preuves, nous citerions encore les chartes de Léau de 1213, — de la Ilulpe de 1230, — d'Overyssche de ' Ycexii'i), t. I", p. G 12. - Bulkcns, I, Piriives, p. Wi. ^ Yeesteii, 1. 1", p. (117. * /hlil., I. I", p. f.-J7. '■ Jhid., I. I", p. G3I. '■ Ihiil , l. I", p. (r)«. COÎNSTITUTION BRABANÇONNE. 21 1234, — clAnvers de 1291, — de Malines de 1301, — de Sichem de 1302, etc. K Concluons de ce qui précède que les chartes communales avaient rendu, en Brabant comme ailleurs, aux nouveaux bourgeois une liberté civile com- plète, quant à la personne et quant aux biens; une juridiction régulière et obligée; et que, à certains degrés, elles avaient fait participer les monbres des communes et des bourgeoisies à tous les avantages matériels et moraux des classes féodales. § II. DES PUEMIERS PRIVILEGES GENERAUX DU DUCHE DE BRABANT. « L'action des villes sur les campagnes est un des grands faits sociaux du » douzième et du treizième siècle. La liberté municipale, à tous ses degrés, » découla des unes sur les autres, soit par rinlluence de l'exemple et la con- » lagion des idées, soit par Teffet d'un patronage polilicpie ou d'une agréga- » tion territoriale. Non-seulement les bourgs populeux aspirèrent aux fran- » chises et aux privilèges des villes fermées, mais, dans quelques lieux du » Nord, on vit la nouvelle conslilulion urbaine, la conunune jurée, s'appliquer, » tant bien (|ue mal, à de simples villages ou à des associations d'Iiabilanls » de plusieurs villages -. » Dès le treizième siècle, des faits analogues se ma- nifestèrent en Brabant , à la suite de plusieurs chartes générales que nous allons examiner. Testament de Henri II. — Le premier acte brabançon portant des con- cessions de libertés, pour un territoire plus étendu qu'une comnume parti- culière, est le testament du duc Henri II le Maçinanime, daté de 1247 '". Cet acte, fréquemment analysé par les historiens qui se sont occupés de ' Toutes CCS chartes se trouvent aux Yersicii , \oI. I"', pp. 618, 630, 042, 077, 090. '-î Aiig. Thierry, oiiv. cité, p. 30. ' Voir l'acte au 1. 1" de Butkcns, Preuves, p. 81». 22 1\IEM0IRE SLR L'ANCIEINNE nos anli(|uilés brabançonnes, présente tous les taractèrcs d'un uffranchisse- menl accordé par le duc aux habitants de sa terre, c'est-à-dire de ses pos- sessions persoinielles et allodiales , telles que le territoire de Bruxelles , de Vilvorde et de Louvain, et leurs environs '. La féodalité avait fait d'abord déserter les anciennes villes romaines et avait assure la prédominance des campagnes. Tout seigneur vivait dans son donjon, au milieu doses domaines, entouré de sa famille, de ses vassaux et de ses serfs. La renaissance des libertés communales avait été l'origine d'une réaction contre celte tendance dominante. Les serfs arrivaient en foule dans ces villes nouvelles, dont la constitution leur otTrait des sûretés et des avantages depuis longtemps convoités. Pour arrêter l'abandon de leur territoire, les seigneurs neurenl qu'un seul moyen cflicace , c'était d'accorder chez eux , et pai- tout loin* domaine, des garanties presque analogues à celles que le fugitif aurait trouvées dans les villes. Alors, l'esprit local et le sentiment presque inné (lat lâchement au sol qui a vu naître et mourir des générations d'ancêtres aidant, ils pouvaient espérer de conserver leur population, et par elle une cidture progressive et des redevances utiles. C'est de celte tendance natu- relle que durent naître ces nombreux vchevinages ruraux, nécessités, d'un autre côté, par l'accroissemenl et la concentration progressifs des populations (lu plat pays. Henri, comte de Louvain et duc de Brabant, était, pour ses domaines, dans le même danger que ses voisins. Voulant sauvegarder le patrimoine et les intérêts de sa postérité, et mû en même temps par des sentiments reli- gieux, oh remedimn unimarnm nostrarmn cl praedecessoruiii iioslroruin, il accorda les concessions dont nous allons |)arler. \° Henri U abolit le (Irait de niaiiiuiorte dans sa terre. C'était alVran- chir personnellement les serfs, leur reconnaître une propriété héréditaire; car jus(iue-là, le seigneur était l'héritier naturel du serf décédé 9 . " 3 ' Loovrns iiilrrpri-tr t'gnlcmrnt aa ferre de celte manière. Voir 1" part., p. 15, en note, «le son ouvrage intitulé : PritrlijcLe Sliet en Manière vun provederen in Iluerc Mujcsieijts souee- rei/nen raede r«n Brahanl. * Cours d'Instoire nationale de Nanièclie, t. IV, p. 1)59, en note. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 25 2° Il mitigé le droit seigneurial de bâtardise : Désonnais la part de l'héritage mobilier des bâtards dite : havesciiot S ira à leur plus proche parent, si le bâtard appartient à la terre ducale; si le bâtard est étranger, son bien reviendra au duc. Néanmoins, qu'ils soient étrangers ou habitants de la terre, le testament des bâtards sera tenu en valeur; 3" Il statue que les baillis devront régir sa terre, selon le droit et la sentence des échcvins ou d'autres hommes ducaux auxquels il appartient déjuger ou de donner des sentences en cas de Vespèce, à moins qu'il n'ar- rive quelque crime énorme, tel que violence, homicide, incendie ou autre sem- blable; .auxquels cas, lesdits excès seront punis à la volonté du duc et du conseil de ses hommes; et si un bailli juge autrement qu'il n'est prescrit et ordonné, lui et ses biens seront absolument à la volonté du duc. Cet article est le point tout à fait culminant de la charte de 1247. Il con- state d'abord que l'usage des échevins, des hommes de fief ci des hommes rottiers ou tenants n'avait pas tout à fait disparu dans les terres du duc; mais que cependant, là comme ailleurs, le bailli seigneurial avait su absorber presque complètement le pouvoir judiciaire. Désormais il ne jugera plus seul; il aura des assesseurs obligés, et si le plat pays n'a pas l'avantage de n"èlre justiciable que de tribunaux fixes et permanents, il ne sera du moins plus livré à la volonté arbitraire d'un seul homme. La charte de 1247 est antérieure à toute loi criminelle générale pour le duché de Brabant. Il est permis de croire que les échevins, dans leur juge- inent et leur sentence, déterminaient eux-mêmes le droit, c'est-à-dire la peine et les cas de culpabilité, principalement d'après l'analogie des lois conmiunales ou des anciennes coutumes germaines dont les traces s'étaient conservées. Tous les cas de juridiction criminelle ne relevaient cependant pas de la loi {de wet "'); ces cas graves étaient réservés à la seigneurie; le duc les punissait arbitrairement, au milieu du conseil de ses hommes, avec l'aide de ses vassaux inunédiats. Le duc punissait aussi arbitrairement les abus de pouvoir des baillis. 4" Le duc dispose que les dépenses seront tellement modérées par le conseil * Ouvrage cité de Loovcns, 1" partie, p. IG, quant à l'explication du moi haiesvltul. '^ Dénomination trcs-lréqucute pour désigner les cours éclievinales. 2i MÉMOIRE SUR L ANCIENNE de ses hommes, que ce sera par le conseil des bonnes gens et des religieux que se feront les exactions (impôls) à prendre sur sa terre. Le duc ne s'inlcrdil pas coniplélcmenl les exactions à volonté sur les liabilants de son domaine; mais la garantie de rinlervenlion de ses conseil- lers, bonnes gens et religieux, est un pas immense vers la liberté de la pro- priété. Le plat pays n'est pas encore aussi favorisé que les villes conuiumales; néanmoins il entre dans la même voie que ces associations (pii lui servent de jnodcle. 5" Le duc ordonne enfin : de prendre chaque année cinq cents livres de Louvain sur ses revenus, et de les distribuer aux nécessiteux à titre dç resti- tution et d'aumône. Elles doivent être prises sur les revenus de Louvain, Bruxelles, Tirlemont ei sur sylva nostra So.ma, la forêt de Soignes. Testament de Henri fil. — Le testament de Henri II avait jeté, pour les habitants de ses domaines, les bases de la liberté civile; mais il y avait encore beaucoup à faire. Le testament de Henri III étendit les libertés géné- rales du Brabant. Henri 111 ne dispose plus seulement en laveur de ses pro- priétés allodiales, de sa terre propre, mais en faveur de toute la terre de Brabant K In omni salutalione cupientes saluti animae nostrae consulere, de consilio bonorum et religiosorum ordinavimus , dit-il, dans le préambule de son tes- tament daté de 12G0. Sans doute qu'il avait vu les heureuses conséquences (lu testament de son père et qu'il voulait faire surgir les mêmes ellfets sur ses autres domaines, dont la possession était parfaitement consolidée dans sa maison. 1" A l'avenir, les hommes de la terre de Brabant seront indistinctement traités par droit et par sentence. Celte disposition confirme et développe une concession que nous venons de rencontrer dans le testament précédent. La faveur est étendue au Brabant tout entier : nulle part les baillis ne pourront régir les habitants que par droit cl par sentence, c'est-à-dire, aux termes du testament de Henri H, que ' \'(iir r.u'li'aii Liiijsfer van nralmiit , p. U). CONSTITUTION BRABANÇONNE. 25 par l'intervention des hommes de fief, des hommes colliers ou des échevins. Tous les serfs du Brabant sont, on peut le dire, remis, par celle disposition , au rang des hommes libres, alors surtout que Ton considère que : 2° Ils seront a/franchis désormais de toute taille, exaction , impôts ex- traordinaires, de telle sorte que le duc ne prendra ni ne fera rien prendre d'eux, si ce n'est dans des cas spécialement déterminés : a. Quand il faudra défendre son territoire ; h. Sauvegarder un droit menacé; c. Réprimer des injures ; d. Faire service à l'empereur des Romains ou au roi d'Allemagne; e. Marier son fils ou sa fille ; f. Armer son fils chevalier. La propiiélé des classes inférieures est donc garantie, en dehors même des villes communales. Les redevances et exactions extraordinaires ne seronl plus arbitraires, mais sont restreintes à certaines circonslances graves où le duc se trouvera forcément entraîné à des dépenses considérables. Il ne sera plus permis au souverain, même du conseil de ses hommes, de tailler à volonté les habilanls de la terre de Brabant. La liberté a fait ainsi un pas de plus. Remartiuons que les redevances ordinaires sont maintenues * : ce sont très- probablement des redevances colongères en nature , consétiiiences du haut domaine direct appartenant au souverain sur tout le duché. Les cas de tailles extraordinaires sont analogues à ceux que nous avons rencontrés plus haut dans certaines chartes connnunales -. Les articles suivants du testament de Henri 111, quoi(|ue intéressants en eux-mêmes, ne louchent pas directement à notre sujet. Nous nous bornerons à les mentionner : 3" Le duc ordonne de prélever annuellonent nulle livres sur la forêt de Soignes, et autant sur les revenus de la terre de Brabant : ad restituendas INJURIAS NOSTRAS. i" // restitue aux églises et aux personnes ecclésiastiques, par toute la terre • Par argiinirnt a contrario de la Charte et d'après les principes gi'tK'raiiv de raneiennc société. 2 Voir la eliartc de Vilvorde que nous avons citée plus liaut. Tome XXXL 4 20 MEMOIRE SUR L'AISCIEiNiNE de Brabant, les dimes foncières qui leur uppurliennent de plein droit. o" // enjoint de cliasser les juifs et usuriers du Brabant, de telle sorte f/u'ils en soient tout à fait extirpés, et qu'il n'en reste aucun , à moins qu'ils ne veuillent faire le commerce comme d'autres marchands, et s'abstenir de prêter à intérêt et de faire l'usure. G" // ordonne de payer ses dettes de son argent, de ses meubles et de ses biens disponibles. 1" Il rappelle qu'il s'est croisé; et s'il n'accomplit pas son pèlerinage , il veut qu'on prenne quatre mille livres de Louvain sur ses fonds les plus disjionibles, pour lever des soldats croisés qui, en son lieu et place, iront combattre en terre sainte. 8" // nomme des exécuteurs testamentaires qui auront l'entière disposition de deux mille livres, pour les injures à réparer, et des quatre mille livres destinées à armer un corps de croisés. 9° // mande aux nobles et aux autres hommes de sa terre, à ses parents, à ses amis, gens du monde et ecclésiastiques , d'aider les exécuteurs testa- mentaires. 10' Enfin, il ordonne aux exécuteurs testamentaires de réparer le pré- judice qu'il a causé aux tiers, en usurpant pour lui, ou en transportant indûment à autrui, certains droits dans les piUurages publics, les puisages et les affouages. Nous trouvons onsuilc, après le testament de Moiiri III : Les landkeuren de 1292 '. — Les landkeiiren de 1292, octroyées par Jean I'', peuvent être considérées comme une consé(|uence du testament de Henri III , (jui avait ordonné de traiter les Rraiiançons par droit et par seii- Ifuce. Les cours éclievinales ou féodales existaient d'ancienneté; il ne fallait pas les relever, mais seulement veiller à leur maintien. Au contraire , les lois criminelles générales n'existaient (|ue dans des traditions complètement défi- gurées, cl il importait de rendre au plat pays un texte, désormais invariable, cpii exclût |)our l'avenir les condamnations et les pénalités uni(piemenl fondées sur la mémoire et le caprice des cours judiciaires. Outre un code de ' Voirfcsaclcs au Codex diplDiHdlii us du V;m Ilcelii . |iiil)li(' piii' Willcins. Il \ cii ;i iiii W\lv diuis le Luysler vnii llriilmiil ; il \ . 42. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 39 § IH. DES ORIGINES IMMÉDIATE? DE LA JOYEUSE-EXTRÉE. Le duc Jean III, qui avait été à la tète d'une nombreuse et l)iillaiite famille, vil son troisième et dernier fils mourir dans Tannée 1332. Depuis 1204-, le Brahanl était devenu un fief féminin; cette situation assurait l'avenir des fdies du duc, mais néanmoins il ne pouvait prévoir sans douleur le dé- membrement éventuel du beau duché que la vaillance et les hautes (|ualités politiques de la maison de Louvain avaient porté à un si haut deijré de puis- sance et de splendeur '. Pour sauver ses États des dissensions qui pourraient s'élever après sa mort, il fil un testament par le(|uel il léguait à sa fille ainée Jeanne, e|»ouse de Wenceslas, duc de Luxembourg, le Brabant avec ses appartenances; à .Mar- guerite, comtesse de Flandre, une dot de cent vingt mille écus; à Marie, duchesse de Gueidrc, quatre-vingt mille écus ^. (]e testament, conforme au droit féodal , fut ratifié par Tempereur Charles IV, le mardi devant (es Pâques fleuries de l'an 1354 '. Cependant l'assentiment du pays fiouvait seul prévenir toute conlestaii(»ii ultérieure entre les trois filles du duc et les partisans qu'elles pourraient se faire; c'est pourquoi Jean III convoqua à Louvain, le 8 mars 13o4., les députés des villes et franchises du Brabant et du Linihourr/. Ces derniers entrèrent complètement dans les vues du duc et de l'Kmpe- reur, qui se trouvaient être d'accord avec les intérêts réels du duché; et, après (piel(|ue délibération, ils conclurent entre eux le fameux acte d'union des villes de Brabant et de Limbourg. \ Niimèchc, ouvr. cité, l. IV, pp. 6()4-665. 2 Butlcens, I., p. 440. ' Ihid. iO MEMOIRE SUR L'AiNCIENNE Ccl acte d'union coinpienail en substance ' : Que les villes intervenues ù l'acte ne souffriraient pas que le pays fût divisé ; qu'elles reconnaîtraient pour seul duc celui-là qui aurait le droit de l'être, pourvu que, sans démem- hrer le territoire , il consentit à acquitter les dots constituées à ses belles-sœurs. Les (léj)utés prêtèrent un serment solennel et s'engagèrent , au nom de leurs mandataires , à s'entr aider de corps et de biens pour maintenir l'union, comme aussi leurs libertés, privilèges, coutumes et observances anciennes. Les termes dans lesquels Tacle des villes est conçu témoignoni déjà de la haute influence qu'elles exerçaient dans les alïaires du duché. Nous aurons l'occasion de revenir fréquemment, dans le cours de notre travail, sur les conséquences fécondes des principes qu'elles avaient posés, et auxquels la noblesse brabançonne ne fit qu'ajouter le sceau de son assentiment -. Pour le point spécial qui nous occupe maintenant, remarquons que la clause de confirmation de leurs droits préexistants par celui qui serait duc de Brabant , est la cause première et principale de l'extension donnée à l'acte d'inauguration de Wenceslas. L'inauguration est un fait essentiel du régime féodal : c'était l'acte solennel par lecpiel le seigneur, prenant possession de ses domaines, nouait avec ses vassaux les relations de féaulé destinées à sauvegarder leurs droits et leurs intérêts réciproques '. (/usage des inaugurations existait en Brabant comme ailleurs, mais le ser- ment du duc ne devait sans doute coniprendre à l'origine (pie la promesse d'être bon et léal seigneur à ses sujets. Aujourd'hui va monter sur le trône un prince dont les droits peuvent être plus ou moins contestés. Les villes, en se donnant à lui , exigent , non plus une promesse vague et générale, mais un engagement délerminé, conq)renanl le maintien de toutes leurs libertés, privilèges, coulumes et anciennes obser- vances ; elles en font pour ainsi dire la condition de leur assentiment au non- démembrement du duché et à l'exécution du testament de Jean III. Evidem- ment le nouveau souverain, avant de prendre possession du pouvoir, de\ra ' \oir l'arlc aux Yeesten vau liruhaiil , I. 11. p. 473. - Yersieii , I. 11, |). VT'i. ' Rnoj)sael , Traité des inainjuralioiis. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 41 s'acquiller de l'obligation qu'un des litres de fait de sa possession elie-niêmc lui impose. De plus, le nouveau duc n'est pas né dans le pays, il n'y a pas même été élevé ; les lois et les coutumes brabançonnes lui sont , pour la plupart , tout à fait étrangères; beaucoup de privilèges sont fondés sur une possession et sur une interprétation immémoriales (pi'il ne peut connaître, et qui font pourtant partie intégrante de ce droit public du duché que Ton veut sauve- garder dans son entière teneur. De là, dans rinauguralion de Wenceslas, outre la confirmation générale des privilèges, une confirmalion et une ènu- mération spéciales de tous les points qui constituent en Brabanl la liberté publi(pie : c'est le premier acte d'inauguration des ducs de Brabant qui soit connu sous le nom de Joijeuse-Enlrée ; nom emprunté aux inaugurations (le la plupart des seigneuries au moyen âge, et fondé sur les réjouissances qui accompagnaient l'avènement d'un nouveau seigneur. Telles sont les origines légales de la Joyeuse-Entrée brabançomie, dont la plupart des principes doivent être interprétés à l'aide des vieilles insiiiulions germaniques. Nous prendrons un à un les divers actes d'inauguration des ducs de Bra- banl, rassemblant dans un même paragraphe tous les articles qui relèvent d'un principe connnun. A mesure qu'un article nouveau apparaîtra dans une charte, nous remonterons à ses origines et nous rexplicpierons avec ses développements postérieurs j(is(|u'à la Joyeuse-Entrée de Philippe II. Celle dernière, modèle de toutes celles qui suivirent, nous fournira l'occasion, par l'inserlion d'un texte complet , de jeter un coup d"(i'il sur Pensemble des libertés publi(|ues du duché de Brabanl. Avant d'entreprendre ce travail, il faut dire (pielques mots des étals de Brabanl. Lein- existence est toujours supposée dans les actes d'inauguration, et leur inlervenlion aux affaires du duché forme même la principale garantie (le liberté. Néanmoins, les premières dispositions qui s'occupent de leur orga- nisation et de leurs délibérations, dans la Joyeuse-Entrée, ne datent que de Philippe de Saint-Pol. Nous les expliquerons par anticipation dans le para- graphe qui va suivre. Tome XXXI. i2 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE S IV. APERÇU SUR LES ETATS DE BRADANT. L'inlerveiUion de la nation dans la direction de ses propres affaires, par rintermédiaire de mandataires spéciaux, collatéraux aux rois, est une an- cienne idée germanique. Avant les rois, chez les Germains, toutes les affaires se iiailaienl dans rassemblée générale. Quand les besoins de la conquête les eurent déterminés à se donner des chefs uniques, les affaires majeures res- tèrent encore du ressort des anciennes réunions du champ de mars. Ces principes passèrent dans la royauté franque et se mainlinrenl sous toutes les races des rois, quoicpie sous des formes légèrement modifiées. Chez les Francs, l'assemblée générale Irailail également des affaires majeures, et de plus, elle connaissait de certaines causes criminelles importantes '. Sous les deux |)remières races, on voyait siéger à rassemblée les évèqucs et les hauts dignitaires de TÉglise, tels que les supérieurs des abbayes et les chefs de chapitres. Ils y occupaient la place que les prêtres des Germains et les druides gaulois y tenaient avant eux. Les majores , la noblesse et les coniles, siégeaient dans un second ordre : les nobles, à litre personnel; les lomiles, à titre de leur office, connue représentants légaux de leurs admi- in'slrés, qui délibéraient au préalable, en personne, dans la co.nimune ou dans la centurie -. Néanmoins, il y avait à l'assemblée des minores , c'est-à-dire des gens de classes inférieures. Ils n'y venaient pas avec voix délibéralive, mais seule- menl pour fournir des renseignements sur l'état du pays, pour confirmer le témoignage de leur comités , etc. ^. ' Racpsaol, Histoire des étals giinàuiix ri piovimiuiix des Gaules, ff -2i cl 58. - Ihid., cliiii). II, section II. "• //;/(/., iiiivr. cilc, g 2C. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 43 Les allribulions de rassemblée étaient, comme nous le disions, de nature différente : les unes, proprement politiques, portant sur tout ce qui traitait de saillie ecdesiae, regni et régis ; les autres criminelles, portant sur le juge ment des grands, qui ne trouvaient leurs pairs que dans les assemblées géné- rales. Ces deux espèces d'attributions s'exerçaient dans des locaux différents; et, comme nous le verrons, quand nous traiterons de Tbistoire du conseil de Brabant, les aUribulions judiciaires Unirent par devenir Tobjel principal des assemblées, quand, après rbérédité des fiefs, les grands vassaux, à l'exemple des rois, tinrent eux-mêmes les états de leurs seigneuries. Mais, par Tanarcbie qui s'éleva après Cbarlemagne, un mouvement d'ab- sorption s'était opéré, et avait en quelque sorte éteint le droit des classes inférieures et du clergé de siéger à l'assemblée. D'un côté, comme nous le disions dans le paragrapbe précédent , les classes inférieures étaient tom- bées dans un quasi-servage; de l'autre, le pouvoir des grands seigneurs, étayé sur la force et la science des armes, avait tellement grandi, qu'ils s'em- barrassaient peu de consulter les rares hommes libies soumis à leur juridic- tion , encore moins de les amener avec eux aux étals. Un fait analogue s'était produit conire le clergé, abaissé et spolié de ses biens par les dominateurs guerriers '. Ce sont ces derniers seuls (jui entourent les premiers Capétiens (le leurs conseils. Cependant, avec la renaissance des premières franchises des conmiunes et du plat pays, avec la reconslilulion du patrimoine ecclésiastique, alors que l'empire de la loi commença à remplacer celui de la force brutale, on vil poindre de nouveau une certaine représentation du tiers état, composée sans doute de gens qui n'avaient pas tout à fait perdu leurs libertés anti(|ues, comme le prouve le nom (|u'ils conservèrent de : boni liomines , goecle iimnnen. Le clergé lui-même reparut dans les conseils des princes. Dans le testament de 124.7, accordé après délibération avec ses hommes et ses fidèles et avec les dignitaires eeclésiusiif/ues , cum viris religiosis, Henri II promet que les exactions à faire dans ses terres le seront du conseil des bonnes gens, bonorum, et d'ecclésiastitpies, religiosorum. Le testament de 12()0 indi(iue même, de la part ces deux classes de per- ' Raepsact, passiin , oiivr. cité. 44 MÉMOIRE SL'K L'ANCIEMNE sonnes, une pailicipalion plus largo aux affaires, puisqu'il est émané de coii- sitio bonoritm et rdigiosorum, du conseil des bonnes gens et (l'ecclésiasli(pies, et que, par larlicle 9, ce ne sont pas seulement les nobles , mais encore les antres hommes de ta terre du duc qui sont requis de i)rèter assistance à ses exécuteurs testamentaires. Les hommes rcli(jieux dont parlent ces cbarles doivent nécessairement être les principaux dignitaires du clergé brabançon, les prélats des abbayes ou autres, représculanl ceux sur lesquels ils uvaieul autorité '. Jus(|ue-là rinlluence du tiers état était minime et précaire; que pouvaient en effet ces boni homines, n'ayant pour ainsi dire d'autres biens que leurs bras et leur liberté, seuls, isolés, sans aucun principe d'union entre eux, contre la ligue redoutable des vassaux, obligés même, à titre de leur serment féodal, de se prêter entre eux aide et assistance ? L'institution des villes communales vint changer la face des choses. Les communes entrèrent comme association, comme personne morale, dans la féauté innnédiate du souverain qui les avait constituées. Les bourgeois s'appro- prièrent la fameuse maxime des féodaux : ut parem suum nemo dimittat; les boni homines ne viiu-ent plus individuellement aux étals; ils s'y firent repré- senter par leurs mayistrats propres parlant au nom de tous; et ces personnes morales, compactes, riches et audacieuses, conire-balancèrent bientôt l'in- fluence des personnes physiques des vassaux, qui ne pouvaient disposer chacun, ni d'autant d'hommes, ni d'autant de ressources. En Drabani, on voit les villes intervenir de bonne heure aux grandes afliiires du duché; mais c'est surtout depuis la charte de Corleidjerg <>l les chaites llamande et wallonne que se montre le mouvement ascendant de leur inilucnce poiili(pie. Les ducs avaient tout intérêt à les convo(pier avec leurs \assaux féodaux; elles le soulenaienl eflicacemeni contre ces derniers, et c'étaient elles seules qui pouvaient fournir les gros subsides. l)ei)uis que le pays entier fut soustrait à la taille arbitraire, la réunion des assemblées des vassaux et des communes dut devenir beaucoup plus frécpienle. Le prince manquant d'argent ne pouvait obtenir (pie d'elles seules des secours ' C'est If iiriiicipc rniid.iiiK'Dljil siif IimuicI csl (irgMiii-é loul h' •iVsU'Mir rciuc'si'iiliitir du iiuncii ;'iKC'. CONSTITUTIOiN BRABAISÇOIVISE. 45 pécuniaires; obligé de faire une guerre extérieure, elles seules aussi pouvaient lui fournir des contingents suflisants. Ces fréquentes relations communes eurent une influence directe sur lorga- nisation même des assemblées. Longtemps cbaque vassal , cbaque commune avait suivi le vieil usage germain de ne voler le subside que pour sa personne; cliacun apportait wîVî/îw son tribut au duc ^ Mais bientôt les intérêts communs formèrent des associations particulières dans le sein même de rassemblée. Les nobles étaient unis par le droit de la féodalité; au treizième et au quatorzième siècle, les villes brabançonnes con- clurent entre elles des traités d'alliance, et de là Torigine des ordres ^. On sentit alors rinconvénient du vole individuel, et l'on admit que les indivi- dualités particulières seraient liées par la majorité des suffrages dans le môme ordre. Les testaments de Henri II et de Henri II! prouvent que le clergé bra- bançon n'était pas tout à fait exclu de la direction des affaires. Cependant il a|)paraît moins souvent dans les assemblées, parce que, pour faire la guerre, il ne livrait pas de contingent, et parce (pril ne devait pas de prestations pécuniaires. Sous la minorité de Jean III, les abbayes supportèrent une partie de la dette nationale, et c'est depuis lors sans doute (|ue, prenant acte de ce pré- cédent , la noblesse et les villes se crurent fondées à imposer les biens ecclé- siasti(iues. Le clergé réclama aussitôt contre la violation de son immnnilé, recourut à Rome, et Tinlerdit fui Jelé sur le Brabanl. Pour couper court à toute dilliculté, on appela les cbefs des abbayes aux assemblées cbargées de voter les subsides ^; et c'est ainsi ([ue, vers la fin du quatorzième siècle, fut constitué en Brabanl l'ordre ecclésiastique des états. A la mort d'Antoine de Bourgogne, l'assemblée qui prend la direction des alTaires du Brabant se composait de douze abbés, de cent (piinze nobles et de vingt-buit villes ou francbises du Brabant et du Limbourg. Elle ne portait ' Uiicpsact, Jlisloirc dea éluts (jcnêniux et provinciuiix des Gaules, % IG'J. •^ Ibkl., $ 204. "' L'abbé Namèclie, Cours d'Itisloire iiaùonuh , l. IV, pp. OGO , (JGI el 70Ô. 46 MEMOIRE SUR L'AISCIEf^ISE pas encore le nom d'clats. Ce nom avail surgi en France vers 1350 '; il nap- paraît en Rrahant qu'en 1421, quand les abbés, les nobles et les villes de RrabanI, se donnant le nom de Dry Slaelen van Brahant, confèrent à Phi- lippe de Saint-Pol le titre de ruivaert ou gouverneur du duché ^. Dès lors les étais de l'ràbant étaient définilivemenl constitués. En parcourant les deux derniers actes (|ue nous venons de citer, on peut l'omaïquer que les états de Brabant comprenaient encore une grande partie de la noblesse brabançonne, presque toutes les villes et franchises d'une cer- taine importance et un grand nombre de chefs d'abbayes d'hommes. Quant aux villes, toutes y siégeaient au même titre, comme féales directes du duc. Pour les nobles, il est difficile de déterminer exactement quelle était la limite (pii séparait ceux qui avaient séance aux étals et ceux qui ne l'y avaient pas. Nous croyons, en remontant aux principes, que la féauté inmiédiate du duc de Brabant, à titre d'un fief d'une étendue déterminée, y marquait leur place. (les principes durent rester en vigueur assez longlenq)s en Brabant, car nous voyons encore l'article 1'' de la Joyeuse-Entrée de 3Iarie de Bourgogne reconnaître : a Que les villes, franchises et villages du pays de Brabant cl d'outre- Meuse, les prélats et maisons - Dieu , les barons, nobles et bonnes gens forment les états du pays; — et qu'elle ne pourra noch (lesfiluereii , iioch arhloiaeton aucun d'eux. » On conçoit que (luiconque était membre des étals veillât à y conserver sa place. C'était le seul théâtre où l'on pût ellicacement concourir à travailler au gouvernement du pays; mais peu à peu, et par la force des choses, il s"o|)éra un mouvement d'élimination provenant d'un double ordre de causes. D'abord les séances des états coûtaient fort cher à la moyenne noblesse, (|ui, journalièremenl en contact avec les grands seigneurs et ne désirant pas se laisser trop éclipser, faisait des brèches à son patrimoine. Les |)eliles villes comme les plus considérables, devaient elles-mêmes entretenir à grands frais leurs députés, et les étals de Brabant ayant d'assez nombreuses pré- rogatives intimement liées à la marche des affaires, les réunions étaicnl ' llacpsnt't , Jlisloire des états génêiatix, etc., | 1G4. - Naincclic, oiivr. ciii', p. 7'i0. COiNSTlTUTIOiN BRABAi>ÇO^INE. 47 fréquentes. Or il arriva que la petite noblesse et les petites villes sacrifièrent, (le par la nécessité, au principe économique qui enseigne que les meilleures économies sont celles portant sur des dépenses périodiques. Elles se reti- rèrent peu à peu de la séance des états. Elles eurent d'autant moins de peine à sacrifier leur droit que leur in- (luence devenait de plus en plus minime. Les puissants barons de Brabant , devenus moins nombreux, grandissaient de nouveau par les riches alliances à l'étranger, par les grands emplois, par les services rendus au souverain. Les chefs-villes dominaient peu à peu la situation du duché, comme nous le verrons, surtout sous le règne de Jean IV et de Philippe de Saint- Pol. H s'ensuivit que les petites villes et la noblesse de moindre étage se soucièrent peu d'aller siéger à côté de grandes influences qui se combattaient entre elles, en les laissant tout à fait dans l'ombre. Comme nous l'avons déjà remarqué plus haut, ce mouvement n'avait pas encore i)roduit son eiïet à Favénemenl de .Maiie de Bourgogne; il sopérait insensiblement et avec des transitions si ménagées, que c'est presque sans pouvoir préciser l'époque du changement que nous trouvons les états de Bra- bant entièrement transformés. Dans l'ordre ecdésiaslif/ue, le même travail d'élimination s'était fait de soi. Et quand les princes virent (|ue certains membres sabstenaient régulièrement de venir aux séances, ils cessèrent de les convo(|uer. Le pays ayant admis celte nouvelle observance sans réclamation, on |)ut considérer ce consenle- nient tacite comme un concordat. Dans les derniers temps, les états de lîrabant se composaient comme suit ' : Le premier ordre ou ordre erflésiasli(/ue comprenait les abbés dits de la (irande taxe. C'étaient ceux d'Alllighem (archevêque de Malines), de Saint- Bernard (évéque d'Anvers), de Vlierbeek, l'abbé proprement dit de Saint- Bernard, de Saint-Michel, de Grimberghc, de Parc, d'HeyIissem, d'Aver- ' La tonipositioii dernière des étals de Brabant est foil connue et exposée dans un grand nonil)re d'ouvrages imprimés et manuserits. Nous avons tiré le peu de détails que nous pré- sentons : r d'un manuscrit du vicomte de Wynants rc|)Osant à la lùMiotlièque Goetlials, à Courtrai, et plus amplement signalé plus loin, etc.; 2" d'un manuscrit cité de Wynants sur de Pape, à la page 22, 32, 20, 53, etc.; 3» du Mémoire ntir la composition et les attributioiii (les états de lirulmnl , par M. Gacliard, t. XVI des Mémoires de l'Académie. 48 MEMOIRE SUR L APsCIEININE Itode, (le Tongerloo, de Dilighom, de Sainlc-Gcrlrude et de Caudonherg. Le clergé séculier du Brabanl lenla plusieurs fois de se faire représenter, mais il fut toujours éconduil. Le (leuxièiiif ordre, ou ordre de lu noblesse, se composait des gentils- hommes titrés au moins d'un titre de baron attaché à une terre seigneuriale (lu duché et réunissant les conditions suivantes : 1" D'être d'ancienne noblesse de nom et d'armes, prouvée au moins poiu- sept générations paternelles, et reçue d'ancienneté dans certains chapitres nobles limitativement désignés; 2° De posséder quatre quartiers pour le moins entre lesquels ne pouvait se trouver le (piartier d'un anobli ; '^" D'avoir au moins vingt-cinq ans; 4" De jouir en Brabant au moins de quatre mille florins de rente en fiefs ou autres biens. L'abbé comte de Gembloux siégeait comme premier noble de la province. Les propriétaires de terres franches en Brabant, telles que le nian|uisat de Trasegnies, la baronnie de Rêves, etc., venaient à la réunion, comme nobles brabançons, quand il ne s'agissait pas de voler des subsides. Le troisième ordre ou tiers état se composait des chefs-villes de Louvain , Bruxelles et Anvers et, avant la paix de Munster, de Bois-le-Duc. Ci-devani |)armi les chefs-villes on comptait encore Nivelles, Tirlemonl et Léau. Les villes envoient aux états autant de députés qu'elles trouvent conve- nable; cependant elles n'envoient ordinairement en séance (pie quehpies-uiis de ieuis magistrats. Louvain et Anvers n'y envoient que leur premier bourg- mestre et un conseiller pensionnaire. Bruxelles, le premier bourgmestre, le premier échevin et un conseiller pensionnaire. Ces députés sont connnis- sionnés par les chefs-villes; quelquefois ils reçoivent une espèce de blanc seing, d'autres fois ils ne prennent les propositions que ad référendum, c'est- à-dire (pi'ils ne donnent (pfune réponse provisoire, allant consulter leurs com- mettants, les arrière-membres volants de cha(|ue chef-ville, avant de donner un consentement définitif. Nous n'entrerons pas dans la ([uestion de savoir quel est létal dont dépendent le plat i)ays et le clergé séculier. Cel examen nous mènerait trop COINSTITLTIOIN BRABAÇONISE. 49 loin. Il est vraisemblable cependant que les nobles ne représentent réellement que les membres de la noblesse et que les chefs-villes représentent tout le tiers état, aussi bien du plat pays que des petites villes. Chaque ordre délibère séparément; mais le clergé el la noblesse rédi- gent leur résolution sur le même acte. En matière de subside piincipale- ment, ils ne donnent un consentement qu'avec la clause : Behoudebjk den (Jerde sluel volfje. Le tiers état dépendant beaucoup moins du pouvoir royal , c'était pour les membres des deux premiers ordres un moyen assez facile de se soustraire aux obsessions et aux demandes indiscrètes. Régulièrement les résolutions doivent être prises à l'unanimité des suf- frages des trois ordres; mais, en i)ratiquc, le gouvernement lit souvent pré- valoir le principe de la compréhension , c'est-à-dire que le dissentiment d'une ville ou de l'arrière-membre d'une ville n'empêche pas la mise à exécution de la résolution prise par la majorité. L'article 93 de la Joyeusc-Knlrée de Marie de Bourgogne était contraire à cette prali(|ue ; il portait en substance que : Quand les éluts ('•latent réunis et opéraient sur une matière, el surtout es causes t/ui pourraient porter préjudice au paijs, l'assentiment de deux états ne pourra pas emporter le troisième. Il faudra toujours une com- mune résolution el avis des trois étals. Ceci n'est que raisonnable, mais : Si un état ou ville ne veut pas consentir, le consentement des autres ne pourra lui porter préjudice : la ville ou état ipii na pas consenti au sub- side ou à la charge ne devra rien supporter ; ceci , sauf les causes qui regardent notoirement Vintérét général du pays. On conçoit la dilïicullé que ce principe pouvait amener en matière de sub- side. Des villes auraient pu s>stémali(iuomenl refuser de contribuer aux charges publi(juos; tout le poids en serait retombé sur les autres membres de l'assendilée guidés par des sentimcnls plus généreux, el le membre récal- citrant aurait néanmoins profilé de tous les avantages généraux d'un gouver- nement marchant avec régulailé. Cette disposition ne se retrouve plus dans la charte de Philippe le Beau : elle n'est plus renouvelée dans l'avenir. Depuis Philippe de Saint-Pol , il y a deux articles dans la Joyeuse-Entrée Tome XXXL 7 oO MEMOIRE SUR L ANCIENiNE (|ui s'occupenl des élals de IJral)anl et qui se mainlieiineiU jus(|ue dans les derniers actes d'inauguration. lis contiennent (article i^, Pliilipi)e de Saint-Pol) promesse : (jue le duc annoncera les assemblées des villes el pays, aux villes du Brabant , au moins fjualorze jours d'avance , à moins que l'objet de l'assemblée ne re- f/uicre urgence, — el il tiendra les assemblées dans une place commode en lirabunl , où les villes puissent se rendre librement el sûrement, et s'en re- tourner de même. (Article i3, Philippe de Sainl-Pol) promesse : (/ue les prélats, barons, nobles, villes, franchises, pourront, soit devant le prince, soit autre part oii il appartient, ensemble ou séparément, exposer leurs griefs ou les faire ressortir, et cela sans encourir indignation ou disgrâce, soit de la part du prince ou de tout autre, et sans pouvoir, de quelque manière ^ être mal noté du prince pour ce: et si quelqu'un les inquiète de ce chef, le prince s'en prendra à celui-là dans son corps et dans ses biens. Il résulte des termes du premier de ces articles, comme aussi des prin- cipes politiques les plus élevés, qu'en Brabant, de même que dans toute monarchie, le pouvoir de convoquer les états appartenait au prince, ou à celui (|ui tenait sa place, notamment au gouverneur général. Ils ne sont que colla- téraux au pouvoir vraiment souverain; el s'ils avaient pu librement s'as- sembler au gré du caprice de (]uelques-uns de leurs membres, au lieu dètie une garantie de bon gouverncmenl, ils seraient devenus un élément per- manent de désordre. Dans nos gouvernements constitutionnels même, eu dehors des assemblées qui ont lieu de plein droit de par la lettre du pacte rondamcnlal, au souverain seul il a|)partient de réunir les représentants en session extraordinaire ; et cependant l'autorité des monar(|ues modernes , comparée à celle des monarcjues de l'ancien régime, est bien amoindrie. La faculté de convoquer les élals pouvait cependant donner lieu à des abus, surtout tant que le nombre de ceux qui y prenaient séance restait indé- terminé. Le prince, craignant de ne pas voir voler une résolution qu'il dési- rait, aurait averti sous main une majorité qu'il savait lui être dévouée, puis il aurait convoqué subilemenl les élals de manière à empêcher ceux «pii lui étaient hostiles de s'y rendre. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 51 D'un aulre côté, il pouvait choisir le lieu de la réunion de telle manière que force fût à la plupart des membres de s'abstenir d'user de leur droit. La Joyeuse-Entrée prévient ce double inconvénient. Il est probable que, dans les temps qui ont précédé l'avènement de Phi- lippe de Saint-Pol, on avait eu à se plaindre d'abus de l'espèce et que les états avaient voulu en prévenir le retour. Il était de l'esprit de l'article (pie la convocation annonçât aussi l'objet de la délibération, mesure excellenle pour prévenir des surprises toujours fâcheuses. En Brabant, la coutume était que le gouverneur général priât le conseil de Brabant de faire la convocation. Celui-ci envoyait des lettres circulaires à tous les membres des étals par messager '. Le délai de quatorze jours, entre la convocation et l'ouverture de la ses- sion, ne fut pas toujours religieusement observé 2. Les états se virent même obligés de faire des plaintes; car il arriva des cas où tous les membres ne purent se trouver à leur poste, faute de temps sullisanl. En pratique, il j)ouvait se glisser des abus graves sous des apparences légales. Comme le délai de quinzaine prenait cours à la date des lettres cl non pas à celle de l'information, l'on pouvait, en les antidatant, rendre l'article illusoire. Le même article, quant au lieu commode cl sur où devait être ouverte la session, s'interprétait déjà dans un sens analogue à l'article 45 de notre Constitution belge. Ainsi le dé|)Mté en session ne pouvait être arrêté par ses créanciers, comme étant sous la sauvegarde du prince et ayant pleine sûreté de corps. Il est à remarquer (jue les élats de Brabant voulurent se fonder sur cet article, pour soutenir que la convocation des étals généraux devait avoir lieu en Brabant. C'était évidemment une inlerprélalion abusive : il n'y a pas plus de motifs raisonnables à forcer les élats des autres provinces à venir en Brabant (pi'à vouloir obliger le prince de convoquer toujours les élats géné- raux dans une aulre province. L'autre article, qui a rapport à la complète liberté de parole dont jouis- saient les divers membres des élats , pendant la durée de la session , n'est ' Manuscrit cite de Wynanis sur de Pnpe. sous lart. 42. 2 l'hill. il). 32 MEMOIRE SUR L'ArSCIENISE pas moins impoilaiil. 11 pose exaclemenl le même principe que nous avons encore aujouiiriiui : cpraucun membre de nos chambres ne peul être re- cherché à l'occasion des opinions cl votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Comme le disail déjà le chef-présidenl : « A moins qu'on n'ait » liberté de dire son opinion en pareilles assemblées, il est inutile de les » tenir'. » Si chaque membre avait eu à craindre, soit des vengeances pai- lieulières, soit Taniiuadversion du prince, les intérêts publics, dans beau- coup de cas, n auraient pu être ni connus, ni défendus. Sous Marie de Bourgogne, Tarticle 93 disposait dans le même esprit, et pour plus grande sûreté : fjue les étais diraient leur opinion par une espèce de mandataire collectif, sans que jamais Von puisse forcer un particulier, ou un membre seul de dire son avis propre. Cette disposition ne fut pas renouvelée plus tard ; mais on poussait si loin la délicatesse au sujet de la liberté de parole, que le prince n'était plus même présent à l'assemblée, de peur d'intimider les orateurs'-. Le ministre lui- même se relirait au moment de la délibéialion. De la sorte il n'y avait plus de contrainte i)our personne, car il pouvait fort bien se faire (|u'un avis sin- cèrement émis déplût au gouvernement et que celui-ci trouvât plus tard une occasion indirecte d'en châtier rudement l'auteur. Il n'était donc pas inutile d'avoir une stipulation écrite sur ce point réellement fondamental de liberté. M. Gachard cite (pielque part, dans ses documents inédits, le fait d'un baron de Rolland qui , pour (piehiues paroles blessantes prononcées aux étals de Luxendjourg, se vit privé d'une pension qu'il recevait de la cour. Les états de Rrabanl, notamment en 1753 et 1777 , essayèrent de fon- der un autre droit sur Tarlicle 42 de la Joyeuse-Entrée : ils prétendirent (ju'ils pouvaient clore librement leur session sans l'autorisation du gouver- nement. Une dépêche du prince Charles de Lorraine, portée après examen de la question â Vienne , démontra le peu de fondement de leur exigence , et les étals se soumirent. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur la matière intéressante des états de Rrabant; mais, comme elle n'est qu'accessoire au sujet qui nous ' Mamiscril cité de \V\ liants sur de Pape, sous l'art. 42. « Ui. ib. COrSSTlTUTlOIN BRABAISÇONNE. 55 occupe, nous nous en tiendrons à ce qui précède, en terminant par ces der- nières remarques. Quand les états furent constitués d'une manière plus ou moins régulière , les princes s'adressèrent toujours à eux pour avoir les subsides. La taille du plat pays disparut complètement, même dans les cas anciennement réservés. Les états établirent entre eux un pied de répartition connnun; et c'est vers 1421 que fut établi le imluslrc du Bmbunl '. Certains biens ecclésiastiques étaient exempts des contributions, comme nous le verrons plus loin, en trai- tant de la législation des mainmortes. Il en était de même des fiefs et des anciens biens d'estoc, qui étaient grevés du service militaire personnel. L'impôt, en Brabant, se divisait en (|ualre branches principales : Vaille, qui se levait sur le pied introduit par les instructions de 1431 à 14.97, quoique avec quelques changemenis ^ Le subside ordinaire, établi sur le fonds, la moitié à charge du pro- priétaire, l'autre moitié à charge des fermiers; il était (i\é au viiKjlivme, fut ébauché en 1G72 et perleclionné en 1G83. Les impôts ou contributions indirectes fiappés sur les quatre espèces de consommations : grains, viande, bierre et vin. Enfin si, outre ces trois espèces de charges, les états accordent un subside extraordinaire, ils examinent sur quoi il sera levé; ils en proposent le mo>en au gouvernement, (|ui l'agrée et dépèche un mie d'accejJlalion.CoyiiCie lient lieu d'octroi et doime aux états le droit d'obliger ceux qui sont frappés d<' contribuer conformément aux dispositions prises. Les états de Brabant avaient deux réunions ordinaires : Tune en octobre- novembre, l'autre en avril ou mai; ils consentaient la levée de l'impôl pour six mois. C'était le chancelier de Brabant qui faisait la pelilion du subside à accorder^. Il existait une dépulation permanente composée de deux prélats , de deux ' Racpsact, Histoire des étals généraux, vie, g| 178. 2 Ces notions sur l'impôl sont tirées de Wynants, manuscrit de la Bildiollièque de 15.nn:,'()i;iic, n" 1S,970, p. 152. 5 Namèdic, Cours (l'histoire natioimle, t. IV, pp. 777,778, 781, pour tr qui concerne les députalions permanenti's. §4 MÉMOIRE SUR L'AINCIEISNE nol)le.s, (lu pioniier bourgmestre et d'un conseiller pensionnaire de chacune des villes de Louvain , d'Anvers et de Bruxelles. Elle avait le pouvoir d'exé- cuter les résolutions des états; avait l'administration des deniers; disposait par provision dans les affaires urgentes; préparait les rapports à présentei- aux étals sur les objets nouveaux, sur l'état du pays et sur les besoins (|ui se faisaient jour. Enlin disons, pour finir, qu'après la constitution définitive des états, tous les droits que la Joyeuse-Entrée brabançonne reconnaissait aux villes, pour contrôler l'action du pouvoir ducal, passèrent au corps entier des états. CHAPITRE II. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE WENCESLAS g ,,.,, INDIVISIBILITE DE 1. ETAT. UNION DU I.IMBOIRG. L;i situation nouvelle que l'extinction de la ligne masculine de la \ieille maison de Louvain avait faite au Rrabani, devait nécessairement se rellétcr, à plus dun point de vue , dans la Joyeuse-Entrée. ' Il y il (le iiomlirciix ItMcs tic ii'ltc clinrlc. On les trtiuvi' au Liiysltr viin linthaiit, aux l'Incaids ilv Hr,ibiiiil , .laiis louvragc do Loovi'its. — Le loxlo le plus épuré est eelni (|ue M. lalibé Nainèchc (hiniie dans son Cours d' Histoire nationale, loin. IV. pp. (i71 il >ui\ ailles; Miiiis en dimiinns un. ^iiii> l'ornie d'ap|ien(lice . à la fin de ce Mi'nioire. COiNSTlTUTIOIN BRABA^ÇOiMNE. 55 Jusque-là, les cadets de la maison ducale n'avaient jamais reçu que des apanages; pendant trois siècles, aucune conteslalion ne s'était élevée sur ce point. Mais, aujourd'hui que des princes puissants et voisins immédiats de lirabant pouvaient faire valoir des prétentions sur le duché, le principe d'indivisibililé de l'État devait faire l'objet d'une déclaration solennelle. L'acte d'union des villes de 1354 ' avait i)arfaitement exprimé la haute importance 'politique de ce principe, qui apparaissait pour la première fois dans le droit écrit du Drabanl. Une frontière nouvelle ne s'établit pas sans heurter mille intérêts matériels et moraux. Aussi, ces villes, que plusieurs siècles d'affection et d'intérêts communs avaient intimement unies, voulaient conserver celte entente cpii faisait leur force; elles voulaient éviter les discordes et les luttes qui n'auraient pas manqué de surgir, si elles avaient passé sous des dominations différentes; elles voulaient, en un mot, sauvegarder non-seulement la grandeur de celle vieille maison ducale avec kupiellc les peuples brabançons s'étaient pour ainsi dire identifiés, mais encore la grandeur, la puissance, le bien-être du pays entier du Brabanl. Toutefois, pour écarter tout prétexte de guerre avec les comtes de Flandre et de Gueidre, qui évidemment devaient se trouver froissés cl par le lestamenl de Jean III et par l'attitude des peuples brabançons, les villes exigèrent (|ue celui (|ui serait duc de Ihabaiil (c'est-à-dire Wenceslas et Jeanne) s'en- gagerait personnellement à payer à ses sœurs ce qui leur revenait du chef du testament de Jean III. Ces principes passèrent dans la Joyeuse-Entrée de Wenceslas, dont les articles 1 et 7 proclament l'indivisibilité de l'Etat pom- le présent et pour l'avenir. Article I. Le duc dotera ses .sœurs , uiais il les dotera sans démembrer le pays. Article 7. Le duc gardera le Brabunt un et indivis, sans le vendre, l'rn- yager, l'obliger, le charger en aucune manière , et il le laissera retourner au droit et légitime héritier de Brabunt , tel que Jean III l'avait possédé, sans être divisé ni amoindri [il aura cependant l'usufruit , au cas oii ta duchesse Jeanne mourrait sans postérité). ' Yeeslen vun Brabanl. Codex iliplomalicus , tome II, p. 473. 56 xMÉMOlRE SUR L'ANCIEISNE Nous verrons, dans le cours de noire travail, de fréquentes applioalions de ces principes- Celte slipulalion anticipée sur la succession de Brabant était plus qu'un acio de justice : c'élait un acte de prudence. Elle sauvegardait, contre les intrigues possibles de la maison de Luxembourg, les droits éventuels des comtes de Flandre et de Gueldre; et, de plus, elle garantissait le Hrabant contre les discordes intestines el la formation des partis qui naissent partout (M toujours autour d'un trône dont l'héritage en suspens est brigué d'avance par de nombreux el puissants compéliteurs. I^'événement prouva (|ue l'on n'avait pas été mù par des craintes chi- mériques. Au mépris de Tarlicle 7 du pacte inaugural, en 1357, on vit .leanne et Wenceslas, voulant reconnaître les services signalés que l'empe- lour Charles IV leur avait rendus dans la guerre de Flandre, transporter le duché de Brabant au plus proche héritier de la maison de Luxembourg, pour le cas où ils décéderaient sans enfants '. Cet étrange arrangement, qui fut cependant confirmé par les villes, faillit, vers la lin du règne de la duchesse Jeanne, amener les plus graves compli- cations. La maison de Luxembourg, se fondant sur cet acte de 1337, fit valoir ses prétentions à l'encontre de celles de la maison de Bourgogne, de- vant l'assemblée des états du Brabant 2. La déposition de l'empereur Wen- ceslas de Luxembourg, qui s'était rendu indigne de l'Empire, trancha la difllcullé; l'a fia ire de la succession du Brabant fut décidée, d'après l'article 7 de la Joyeuse-Entrée du duc Wenceslas de Brabant et l'acle de donation de 1390, par lequel la duchesse Jeanne avait transporté le duché à Margue- rite de Flandre, duchesse de Bourgogne, el à ses enfants. Union (lu Limhourf/^. — L'origine de l'union du Limbourgel (lespa\sde Daelhem, Wassemberg, Uode, SprimonI, Kerpen el de leurs apparicnances au duché de Brabant, remonte, comme on le sait, à la glorieuse bataille de Woeringen et aux traités qui la suivirent. Quoitiue réunis sous la main d'un même souverain, ces pays n'avaient pas été incorporés au duché; ils en ' David, Manuel (riiisloirv ik L'ihjiqtic, 'i' l'ililiiiii , pp. K)3-!;J4. ^ fiiilkciis, t. I, p. 518. s Ernst, Ifintoirc du Limbourg, piihlirc par l.:i\elle\c. Lit'j{r, 1. IV. p. !)!jô. COiNSTITUTION BRABANÇONNE. 57 étaient demeurés politiquement distincts, au point que Henri, le dernier fds de Jean III, avait été duc de Limbourg du vivant de son père, et que les ducs de Brabant allaient se faire inaugurer spécialement comme duc et sei- gneur de Limbourg et de ces pays connus plus tard sous le nom de pays il outre- Meuse K L'article i de la Joyeuse-Entrée de Wenceslas n'a pas pour but de briser cette espèce d'indépendance; seulement il complète le principe d'indivisi- bilité de l'État, en proclamant l'union indissoluble de ces pays au Brabant; de telle sorte qu'eux aussi, étant unis au noyau des possessions ducales, suivront la dé\olution du duché de droit en droit héritier de Brabant, sans pouvoir servir à établir un cadet. Les raisons qui avaient engagé les villes brabançonnes à désirer leur union sous le même souverain existaient pour les villes du Limbourg et d'outre- 3Ieuse. Elles aussi avaient concouru à l'acte d'union de 1355; elles aussi avaient contracté avec nos villes brabançonnes une fraternité d'intérêts et de vues communes qui datait de plus d'un demi-siècle. Plus cpie d'autres peut-être, grâce à leur peu d'importance propre, elles avaient encore be- soin, contre des iniluences contraires, du soutien de nos puissantes com- munes du centre du duché. Dun autre coté, Ihonneur même de la maison ducale semblait exiger que la plus importante de ses conquêtes restât unie à jamais à ses États primitifs, en perpétuel témoignage de sa valeur guer- rière et de ses hautes vues politiipies. Cette promesse d'union, telle que la fait Wenceslas, c'est-à-dire avec celle de mettre dans ces pays des gouverneurs brabançons ou limbourgeois adhérités, ayant fourni caution suffisante résidant sur la rive gauche de la Meuse, passe désormais dans toutes les Joyeuses-Entrées. Nous remaniuerons néanmoins à l'avance (|u'il n'existe peut-être pas de principe qui ait été plus souvent violé, parfois même du consentement des états. Il semble (pi'on peut en trouver le motif dans la détresse fmancière presque permanente (pii assiégeait nos princes brabançons, comme la grande géné- ' Ernsl, ouvr. cité. Tome XXXI. 8 58 MÉMOIKE SUR L AL\ClEi>NE rali(é des princes du moyen âge. Pour se tirer d'embarras, ils engageaieiil à des seigneurs particuliers ces pays éloignés du centre de leurs Étals et peu riches par eux-mêmes ; ils trouvaient ainsi le moyen de se procurei" des sommes considérables, sans diminuer sensiblement leur puissance et on sauvegardant toujours l'avenir. jVous verrons, en leur lieu, les nombreux développenienis que reçut ce |)rincipe dunion , ainsi que les laces diverses sous lesquelles il se représenic dans les Joyeuses-Entrées postérieures. Il nous reste à parler ici des stipulations spéciales de la charte de Wen- ceslas concernant la terre de Wassemberg et celle de Heusden. La terre de Wassemberg avait été acquise par le duc Jean le Victorieux en même temps et de la même manière que le duché de Lind)Ourg*. Après avoir été plu- sieurs fois engagée au sire de Heinsberg par Jean III , elle lui avait été ad- jugée, pour être (jardve par lui sa vie durant sans empèeherneni , par la sentence arbitrale de Cambrai de 1333 (34, n. st.). Le duc Wenceslas |)i'omit (le la joindre au Brabunl dès f/u'elle sérail déyagée , et. cela i)ar les mêmes motifs que nous avons exposés plus haut pour les pays de Lind)(»urg, de Daelheni, etc. Quant à la ville et au pays de Heusden, ils avaient été l'objet de graves dissensions, pour leur mouvance féodale, entre les ducs de Brabant et les comtes de Hollande. Le château de Heusden appartenait inconlestablemeni au duc de Brabant et n'avait même jamais été donné en fief. Mais les seigneurs de la terre de Heusden ( terre quïls relevaient immédiatement de leurs ahiés les comtes de Clèvcs) étaient-ils de son chef arrière-vassaux des ducs de Brabant ou des comtes de Hollande? Telle était la (lueslion cpii troubla lonir- Icmps et profondément les relations des deux pa\s voisins. Après de longues (lillicuilés (pii mirent plusieurs fois aux deux parties les armes à la main, im traité, conclu à Anvers en 1334, reconnut les droits du duc de Brabant. Jean III fut remis en possession de la seigneurie par droit de dévoluii(»n , après la mort sans enfants du dernier seigneur de Heusden de la maison de Clèves. ' Ernsl, I. V, \)\>. 22, 4« cl 49. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 59 11 faillit cependant satisfaire le sire de Sassemberg, qui avait épousé la sœur dé Jean IX de Heusden et qui avait des prétentions à cette seigneurie ; ce ne fut qu'après beaucoup de peines et de dépenses que le duc recouvra complètement, en ISiti, le domaine utile de celte terre si longtemps dis- putée. 11 n'est donc pas étonnant que les Brabançons , qui avaient encore la mémoire fraîche de ces troubles et de ces querelles , aient fait de Tunion de Heusden à leur pays l'objet d'une stipulation spéciale '. .^ II. DE I.A GARDE DES CIIAKTES, DEPUIS WENCESLAS JlSQi; A PHILIPPE II. La charte de Wenceslas est le premier acte du droit brabançon où il soit fait mention de la garde des titres iiistrumenlaires concernant le duché. L'article 2 de cette Joyeuse-Entrée ordonne (fue les charies existant du temps de Jean III , ou celles que l'on obtiendra plus tard, resteront à Loii- vain, où elles seront déposées sous la garde et la surveillance des villes du Brabant; quelles n'en seront pas déplacées sans leur consentement, et (pi elles seront renfermées sous trois clefs , dont l'une sera confiée au duc, les autres aux villes de Louvain et de Bruxelles : de sorte que ni le duc ni les villes n'y auront accès que de commun accord. Cependant le duc et le pays auront des copies pour s'en servir à l'occasion. On ne pouvait prendre trop de précautions pour conserver intacts ces précieux documents du droit public du Brabant. Ils conslalaienl en eflet la situation du duché vis-à-vis de l'Empire , qui avait accordé à nos ducs et à nos ' Tout fc qui concerne ici la ville de Heusden est tiré d'un luaiiuscrit intitulé : Hemai(iin:f sur lu Joyeuse-Eitlrk' de Sa Majesté comme duc de Brabant, par raessire Léon-Jean de Pape, avec des additions par raessire Meleliior Wvnanfs,^ils dn comte Goswin de Wynanfs. Lana- logue se trouve plusieurs fois à la lîihilotlièque de Bourgogne. — Voir sous l'article 48. 60 MÉMOIRE SUR L'ANCIEiNISE villes de nombreux privilèges ; ils élablissaient la situation juridique des villes et pays de Riabant vis-à-vis du pouvoir ducal , la situation juridi(|ue et les droits si divers des villes et des regnicoles dans leurs relations respectives. Dans un état social où tout droit était privilège et où tout privilège était fondé, soit sur une concession du souverain, soit sur une reconnaissance autliontique d'usages préexistants, il était indispensable de garder à labri do toute atteinte ces titres originaux et primitifs qui définissaient les situa- tions nouvelles, et (|ui, tout au moins en cas de contestation, devaient servir de contrôle légal aux |)rélentions et aux droits invoqués. Cet article est en relation intime avec l'article dernier conlirmatif des privilèges. Le duc ratifie les lettres scellées de ses prédécesseurs : or comment connaître la teneur véritable de ces lettres scellées ? Personne ne peut se créer des titres à soi-même; la copie qu'on produit n'a de valeur que pour autant (ju'on puisse en montrer la concordance avec l'acte original , lo(|uel doit donc être soigneusement conservé. (]e j)rincipe était généralement admis en ces matières. Ainsi, pour ne ciler qu'un exemple, en {M~, la duchesse Marie de Bourgogne casse un pi'ivi- lége de la ville de Bruxelles avec l'assentiment du magistral, par la raison (ju'on n'avait pas trouvé l'acte original de concession, dont l'existence de- venait ainsi problémalicpie '. La Joyeuse-Entrée met donc les privilèges sous la garde des villes. Comme les droits des barons résultaient plus de la nature du régime féodal (pie de concessions du pouvoir souverain, et que, sur un grand nombre de points, leurs tendances étaient communes avec celles de ce pouvoir même, c'étaient les villes qui avaient le plus d'intérêt dans la (piestion présente; du reste, par les dispositions prises, les droits du pays entier étaient sulfisammenl sauvegardés : une collusion entre le duc, d'un côté, et les deux chefs-villes, rivales entre elles cl toujours en garde contre les empiélemenls du pouvoir ducal, de l'autre, était impossible à prévoir. L;i \ille de Louvain, capitale du duché, première des chefs-villes, et jus- (pie-là la plus opulente des cités brabançonnes, était naturellement désignée pour recevoir le dépôt précieux des privilèges. En vertu de la Joyeuse-Entrée, ' Liiystcr vaii llrubaiU, 1" pai'lie, p. CG. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 61 on rassembla les chartes du duché, et on les mit dans un coffre fermant avec trois serrures, dans une des tours de l'église de Saint-Pierre, qui servait de beffroi 1. Remarquons ici que toutes les Joyeuses-Entrées, depuis celle de Wen- ceslas jusqu'à celle de Charles-Quint inclusivement, contiennent, par rapport aux chartes et privilèges de Brabant, exactement les mêmes garanties que celles que nous venons d'exposer. Néanmoins, le lieu où l'on déposa ces précieuses archives varia souvent; c'est ce que nous allons voir^. Il est complètement étranger à notre sujet de faire l'histoire des luttes intestines (|ui , pendant le règne malheureux de Wenceslas, troublèrent la capitale du duché; qu'il nous suffise de rappeler que, déjà en 1361 , le duc avait été obligé de mettre le siège devant Louvain. Tout en rétablissant l'ordre et le calme, il s'aperçut facilement que les différends entre les métiers et les patriciens n'étaient qu'assoupis. Il eût été imprudent d'abandonner, dans une ville divisée |)ar les partis et qui à chaque instant |)Ouvait lui être fermée, le dépôt des chartes brabançonnes. Wenceslas les fit extraire du beffroi el mettre en sûreté au château de G c nappe. Louis de Namur se trouvait dans l'armée ducale à Louvain; il se hâta d'avertir son parent le comte de Flandre du transport. Ce comte, enfant de Brabant par sa femme, avait un intérêt tout particulier à la conservation de plusieurs de ces documents, el, surtout, à la conservation du diplôme impérial qui avait érigé le Brabant en fief féminin ; là eu effet , au cas où Wenceslas et Jeanne n'eussent pas de postérité, se trouvait le fondement de son droit éventuel au duché de Brabant, comme mari de la fille |)uînèe de Jean III. Une correspondance s'engagea entre Louis de Maie et Wenceslas, el, sur la réponse peu satisfaisante de ce dernier, le prince flamand fit rassembler, à Anvers, les nobles, prélats et villes du Brabant, leur faisant demander si c'était de leur volonté que le transport des chartes s'était effectué. • Jaerboeken dcr stad Leuvm. Traduction de Divfcus, par M. Edouard Van Even, |). 108. Comptes de la ville confirmant le récit de l'historien. 2 Tout ce qui a rapport au transport des chartes à Nivelles est extrait des Yeesten van Bra- bant, t. Il, pp. a84 et suivantes. 02 MEMOIRE SUR L AIVCIENINE Ils répondirciil « (|irils n'en savoient rien, pour lesquelles choses déhasl » se devoil mouvoir (Mitre nions' de Flandre et ledit duc. » L'altitude de rassemblée était naturelle. Wenccsias, il est vrai, semble n"avoir consulté personne , mais il n'avait fait qu'un acte de prudence el de haute utilité pour le pays, acte (pie les états se seraient gardés d'alta(i.uer. .Néanmoins, pour éviter toute dilTiculté ultérieure, et considérant sans doute (pie le comte de Flandre n'avait pas tout à fait tort dans ce qu'il pré- tendait, « après plusieurs journées sur ce tenues par nions' de Flandre et » le duc », on fit un accord. Les privilèges du Brabant furent remis à la garde de quatre chevaliers : deux pour le duc de Brabant , deux pour le comte de Flandre. Chacun de ces chevaliers, ainsi que chacun des souverains, devait pos- séder une des clefs du coffre contenant les parchemins. Après avoir réglé les formalités à remplir pour avoir accès aux docu- inenls, on convint de les transporter à iNivelles, dans la tour de l'église de Sainte-Gertrude; « sans doute » que la religion de nos pères « avoit trouvé » bon qu'iceux privilèges seroienl mis en dépost et soubs fidelle garde, en » l'église madame Sainte-Gertrude, comme fille du duc Pépin, jadis pre- » mier duc de Brabant, sainte pour lors en grande vénération par tout le » Brabant et autres pays '. » Il est cependant probable que toutes les chartes indistinctement ne furent pas enlevées du château de Genappe. C'est ce qui semble résulter de l'article 2 de la Joyeuse -Entrée d'Antoine de Bourgogne, (pii parle des chartes qui jadis rcposaicnl à Louvaiii et (jui seront transportées à Nivelles. (^uoi qu'il en soit, l'article d'Antoine de Bourgogne est répété dans h^s chartes inaugurales de Jean IV et de Philippe de Saint-Pol. Durant le règne orageux de Jean IV, la ville de Nivelles avait été fre- (lueniment foulée par des gens d'armes , surtout à l'occasion des guerres avec Jacqueline de Bavière et les princes (pii avaient épousé ses intérêts-. Le Ilainaut se trouvant en lutte avec le Brabant, une ville frontière était un ' Giicliard , Dorumeiits inihlils, p. I7.S. - C\ironii]m' iVlùliniiiid ilf f)i/iiter, piililirc par Mgr. ilc IVini, l. lil. p. 4/)?. ((loiiiinission iriiisloiir.) COiNSÏlTUTIO.N BRABAiNÇONiNE. 63 endroit peu sûr pour servir de lieu de dépôt à d'importantes archives. En outre, plusieurs villes du Brabant enviaient à Nivelles cette possession des chartes brabançonnes. Un jour, sans doute vers la fin du règne de Philippe de Saint-Pol, pendant (pie la ville de Nivelles était en fête et absorbée par la procession de Sainte-Gerlrude, les Bruxellois vinrent forcer la tourelle qui servait de chartrier et enlevèrent les privilèges '. Une partie du dépôt ècha|)pa cependant à leur coup de main. Cest ce que constate évidemmenl rarlidc 2 de la charte de Philippe le Bon, ([ui parle de rassembler avant la Chandeleur, à Anvers, les privilèges qui reposent à iMvelles et autre part. Du reste, le motif qui avait fait (ransportor les chartes à Nivelles, sous la garde de che- valiers flamands et brabançons, n'existait plus à ravènement du duc de Bourgogne, qui désormais réunissait sur sa tète les deux couronnes de Bra- bant et de Flandre. La promesse de Philippe le Bon ne fut pas exécutée de son vivant, et son exécution doit même avoir rencontré des obstacles très- graves qu'il ne nous est pas possible de délerminer; en elTel, Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne, Philippe le Bon et Charles-QuinI lui-même, dans leurs Joyeuses-Entrées, parlent encore de transporter les charles à Anvers. Le délai (pi'ils se réservent pour accomplir le Iransporl change seul. Dans l'intervalle, les privilèges reposèrent un certain temps à Vilvorde; c'est ce que constate l'article 1" de la confirmation, par Maximilien, de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne. Ce ne pouvait être là qu'une situa- tion provisoire ; car les privilèges étaient sous la garde des villes du Brabant , et le château de Vilvorde était un château exclusivement militaire, dépen- dant du duc et où par conséquent la surveillance des villes ne s'exerçait que difficilement. A l'avènement de la grande maison de Bourgogne, le danger extérieur ne pouvait venir que du côté de la France. A ce point de vue, Anvers, situé au c(eur du duché de Brabant , offrait un abri sûr contre les entre- prises de l'étranger. On peut conjecturer aussi que l'attitude calme que la chef-ville d'Anvers avait depuis longtemps conservée, tandis que Louvain el Bruxelles avaient ' Gachard, Documents inédits. 64 MÉMOIRE SUR L ANCIENNE leurs années de fonnenlation et d'émcule, eonliibua à la faire choisir comme lieu (le dépôt des archives du Brabant. llemarquons en lerminanl que la Joyeuse-Enirée de Marie de Bourgogne porte encore, par rappoit aux chartes, une promesse supplémentaire. La duchesse s'engage à faire visiter les cliarles (/ui se trouvent à Rupel- monde ou autre part, en Flandre, en Hollande et en Zélande, surtout les cliurtes qui concernent les villes frontières du pays. S'il y en a qui peuvent intéresser l'une ou l'autre ville ou le pays de Brabant, elle en fera faire copie authentique , pour être jointe aux autres titres de privilège du duché. La Joyeuse-Entrée de Philippe II introduit ici dos principes enlièremeul nouveaux que nous examinerons plus loin. § m. DD DROIT DE GUERRE. DES SAISIES. DES ALLIANCES. — DE LA CONSERVATION DES FRONTIÈRES. Des articles 3 et 10 de la charte de Wenceslas il résulte que le duc a besoin de l'aveu et du consentement des bonnes villes et du pays de Bra- bant : 1" Pour faire la guerre, ou faire des saisies sur quelqu'un, à moins qu'on ne l'eut attaqué , ou qu'on ne l'eût .saisi dans .son duché ou dans ses appartenances , même au delà de la Meuse; 2" Pour faire alliance avec les princes et pays étrangers; 3° Pour sceller du grand sceau des lettres qui consacreraient une dimi- nution ou un alfaiblissement quelconque des frontières actuelles du duché cl de ses appartenances. A cet effet, le sceau sera, comme les privilèges, gardé sous tvois clefs aux mains respectives du duc, de la ville de Louvain et de la ville de Bruxelles. Chacun de ces points mérite une attention parliculière. CONSTITUTION BRABANÇONISE. 65 Du droit de guerre. — La Joyeuse-Enirée de Wenceslas ne fait ici que consacrer les principes que nous connaissons; elle ne fait que répéter, sous une forme plus explicite, la déclaration de 1284 que nous avons rencon- trée, constatant : f/ne ce n'était que de leur plein eonsentement que les Bni- Imnçons devaient suivre leur duc à la guerre, au delà de leurs frontières. Pour comprendre la portée exacte de ce principe, nous remonterons aux anciennes mœurs des peuples germains aux(|uels nous devons en grande partie notre origine. (]hcz ces peuples, la guerre était une affaire majeure ([ui ne pouvait être décidée que dans rassemblée générale de tous les hommes libres'. Les chefs n'avaient sur ce point qu'une autorité morale de persuasion et d'influence; seulement, en t('m|)S de paix, il était loisible à eux, comme aux autres hommes libres, de faire la guerre à leurs frais, risques et périls. Les grands avaient autour d'eux une nombreuse clientèle d'hommes vail- lants et dévoués, et, avec cotte Ijande guerrière , ils allaient tenter la for- lune des armes là où les portait leur caprice. Cette situation respective des chefs et de la nation, par rap|)ort à la guerre, passa dans le droit féodal. Nos ducs et nos comtes conservèrent le droit de guerre privée, à laquelle ils se rendaient, à leurs frais, avec ceux de leurs vassaux dont le fief était grevé du service militaire, et avec les honunes (pi'un serment ou un intérêt plus étroit liait à leur fortune -. .Mais |)our en- traîner leur comté tout entier dans une guerre nationale, pour lui faire franchir ses frontières, il fallait l'assentiment de la généralité de la nation. Dans un seul cas, le duc ou le comte avait droit d'appeler, de son chef, son peuple aux armes : c'était en cas d'allacpie des frontières. Alors le prince proclamait la linidiveir, le tocsin volait de bellVoi en helïroi, de clocher en clocher, et tout homme valide courait à son glaive et à sa lance pour défendre le sol de la patrie ^. C'est à la lumière de ces principes que nous devons expliquer l'article 3 de la Joyeuse-Entrée : il consacre le droit connnun de la féodalité, sans toucher à ce droit de guerre privée qui est resté encore ' Racpsaet, Analyse de Voriijine cl des progrès des droits des Belges et des Gaulois, % t. ^ Idem ,§«:.. 3 Idem , g 83. Tome XXXL 9 66 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE liipiinage de loiis les hommes libres', et, à plus for(e raison, des princes, et que les ducs do RrabanI peuvent éventuellement exercer sur une grande échelle. Les documents contemporains nous fournissent des détails précieux pour connaître les classes de personnes tenues à la c/tevaucltéo brabançonne. Ce sont d abord ceux des feudataires du duché, tels que les Wesemael, Rot- selaer, Huldenberg, Walhain et autres que les chartes du temps comprennent sous la dénomination générale de ex fumiUa ducis : un vasselage plus étroit est le prix de leur position spéciale à la cour du prince : au premier signe du souverain , ils doivent avec leurs bonmies accourir sous sa bannière. Ce sont ensuite ces nombreux tenanciers connus sous le nom de 7nei/s,se- niers "-; hommes d'origine servile, ils avaient été affranchis par la maison de Louvain, et fixés sur des manses avec quelques bonniers de terre, à charge d'un service militaire obligé. On peut conjecturer que c'est des rangs de ces meysseniers, guerriers laboureurs, que sortirent avec le temps plusieurs familles qui brillèrent dans les rangs inférieurs de la noblesse mililaire du Brabant. Mais revenons à la Joyeuse-Entrée. Aux termes mêmes de Particle que nous expliquons, le duc peut faire la guerre défensive, sans le consentement des villes et du pays, cVsl-à-dire (|u'il peut les appeler aux armes de sa seule autorité, toutes les fois que l'on rommcnce la guerre contre lui. Dans ce cas, il n'y a pas lieu de craindre ([u'un esprit bclliipieux le pousse à des entreprises aventureuses. L'honneur national est en jeu, et le consentement du pays est nécessairement présumé. Quant à la guerre offensive, le duc de Biabant ne peut l'entreprendre que du consenicment des villes et du pays. Et, en effet, il n'est que juste, comme disait déjà (pielque part Philippe de Comines, que ceux (pu' emploient à la guerre leurs personnes et leurs biens soient au moins consultés. Il se peut que celte nécessité de recourir à rassend)lée du pays relarde le moment de l'entrée en campagne; mais rarement les circon- ' Au (lUiiliirzièinc siècle, pcmliiiil les li'diihics de Pierre Coullu'l'cel , on voit eneore des Sucires privées surgir eiili'<' des plébéiens di' Louvain el hi \ille de Malines. Diva-us en l'ail foi. 2 Voir Des Roelics, aneiens Mniioirvi de rAcudémic de Unixellfs , I. IV, p. ;i!!), et autres auteurs. COiNSTITUÏION BRABANÇONNE. 67 stances pressent pour une guerre offensive, et, d'ailleurs, le prince (|ui , sur ce point, agit avec plein consentement de son peuple, est servi avec un dévouement bien plus grand, une abnégation plus entière. Cette restriction au pouvoir du prince était bien importante à une époque où nos ducs, chevaliers avant d'être souverains, rêvaient glorieuses che- vauchées et nobles coups de lance, et se souciaient souvent bien peu, (|uand il y avait de la gloire à acquérir, des souffrances du plat pays, livré pour ainsi dire sans défense aux déprédations des gens de guerre. Le droit de guerre privée, sous ce dernier point de vue, devenait de moins en moins dangereux. Les nations étaient établies et parfaitement à même de défendre leurs possessions contre des entreprises de particuliers tur- bulents et audacieux. Le service des vassaux devenait de plus en plus précaire, et les finances des princes étaient trop rarement dans un élat assez brillant pour pouvoir suflire seules aux frais d'une campagne. En comparant le pouvoir du duc sous la Joyeuse-Entrée avec le pouvoir du roi sous notre (>onslilulion, nous y remarquons une différence conq)lêlc. Le roi déclare librement la guerre. En droit donc, son pouvoir est ici plus étendu; mais, en fait, il ne peut guère plus que nos anciens ducs. Pour la guerre défensive au moins, ceux-ci ne dé|)endaient pas de la bonne volonté du pays : chacun s'é(|uipail, s'armait pres(|ue complètement à ses frais et devait, à la [)roclanialion de la Umdwcir, accourir sous les armes. Aujourd'hui, conmient mettre une armée sur pied de guerre sans recou- rir à d'énormes subsides, et par conséquent sans consulter les chambres, soit pour les crédits à ouvrir, soit pour les contingents de l'armée à ac- corder? Dcsmisics. — Les saisies dont parle la .loyeuse-Enlrée, et pour lescpielles le duc a également besoin du consentement des villes et du pays, sont les entreprises par voies de fait sur les biens et possessions des personnes qu'il sait ou croit lui être hostiles. Cette restriction au pouvoir souverain sauvegarde les principes consli- tulifs de la loi du pays sur le droit de guerre; car permettre au duc de commellrc librement ces actes violents, c'est attirer sur le pays la guerre étrangère, peut-être sans aucun motif plausible, sans aucun inlérèl national; 68 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE seulemeiil on laisse au prince le droit de libres représailles ; loule présoniplioii (le légèreté disparaît dans ce cas. Des alliances. — Il semble qu'il faut porter dans celle matière la dis- linclion (pie nous avons élahlic plus haut entre le droit de guerre privée cl le droit de guerre nationale. Le prince pouvait bien s'engager à seconder tel ou tel aulie prince de ses forces personnelles; mais pour Talliance vraiment nationale, Talliance (jui liait le Rrabanl aux destinées d'une autre principauté, il fallait le conscnlemeni des villes et du pays. Non-seulement ces alliances conduisaient éventuellement à des guerres dont il était juste (ju'on appréciât d'avance Tulilité, mais encore il y allait souvent des intérêts commerciaux les plus graves, des besoins matériels les plus essentiels de la nation entière. C'est sous l'empire de préoccupations de l'espèce (jue l'on avait vu Jean III, au temps de la puissance d'Arlevelde, suivre le parti du roi d'Angleterre, parce (pie l'industrie brabançonne avait besoin du commerce llamand el des laines anglaises; el (jue, plus lard, les circonstances changeant, on Tavail vu entrer dans l'alliance française au prix d'éminenis avantages conunerciaux '. De la conservation des fruntières. — En exigeant le consentement des villes cl du pays pour raflaiblissemcnt ou l'amoindrissement des frontières acluelles du duché, la Joyeuse-Entrée consacre encore un principe de droit public (|ue l'on retrouve, à des degrés divers, dans l'organisation de la plupart des Etats conslilulionnels. Quoirpie, en HrabanI, on puisse le considérer comme une suite, une consé([ucnce de l'acte d'union de 13o5, dont nous avons déjà si souvent parlé, il n'en est pas moins ^rai (|u'il lient à ce (ju'il y a de plus élevé dans l'ordre des principes sociaux. Quand, par des sacrifices et des efloris connnuns, toutes les parties dun lerriloire sont arrivées à |)orler la communauté ^ un certain degré de grandeur ; (piand mille liens moraux el matériels les ont unies les unes aux autres, il ne peut dépendre de la volonté du chef de relrancher arbilrairemenl un membre de la communauté ; de le forcer de rompre avec im passé glorieux peiU-èlre et toujours avantageux; de le jeler dans rincerlilude et ' L'nl)b(; Namèclic, Cours d'histoire nulionale, t. IV, pp. 655-6")6. COISSÏITUTION BRABANÇONNE. 09 risolemcnt, ou peul-êlre pis; de l'abandonner à une souveraineté élrangére (jui, sans aiïeclion , sans ménagemenis, ne songera qu à Pexploiter. Le chef même dont le pouvoir n'est restreint par aucune loi , par aucun usage, trouve néanmoins dans le titre primitif de son pouvoir, c'est-à-dire la nécessité sociale, des limites à ses droits, des règles à ses devoirs. Seul il ne peut éloigner aucune communauté particulière de la communauté générale, parce (pic le corps social tout entier lui a été donné à conserver et parce que c'est uniquement pour cela (pi'il règne et (pi'il commande. Certes, les circonstances peuvent exiger que, pour sauver la vie et l'hon- neur du corps entier, il faille sacrifier un des membres. Mais alors la communauté entière devra être consultée; elle ne peut avoir délégué au chef un droit qui pourrait amener indirectement sa destruction; elle devra se prononcer elle-même par ses représentants naturels et légaux, et ce n'est qu'après avoir tenté toutes les voies de salul (pfcllc devra se résigner à un sacrifice reconnu nécessaire. Une formalité spéciale assure ici les droits de la communauté brabançonne. L'apposition du sceau ducal est indispensable pour donner lauthenlicilé à tout acte du pouvoir souverain, et, comme nous le disions plus haut, à propos des privilèges, tous les intérêts du pays sont saufs pai- les précautions |)riscs. Il est pour ainsi dire inq)ossible de supposer le cas où le duc, Louvain et Bruxelles s'entendraient pour faire un acte préjudiciable à la nation. Les principes que nous venons d'exposer passèrent dans la Joyeuse-Knlréc d'Antoine de Bourgogne cl se maintinrent dans toutes les chartes posté- rieures sous les modifications suivantes. Le duc Antoine ne parla plus de confier le grand sceau ducal à la iiaide des villes: la dignité de chancelier avait été créée par la duchesse Jeanne, et sans doute le nouveau dignitaire était déjà devenu dépositaire du sceau '. L'exception, à moins qu'on ne fasse guerre ou saisie contre le duc, (pii consacrait dans le chef du duc le droit de librement déclarer la guerre défensive, ainsi que celui de faire des représailles, disparait dans la charte de Philippe de Saint-Pol. ' Bullvciis tome II, p. 342. 70 MÉMOIRE SUR L'AISCIE^NE On pourrai! (liiïicilemcnf reconnaître dans ce fail une restriclion du pouvoir ducal; cependant constatons cpril se produit au moment où, après le règne de Jean IV, les états de Brahant sont arrivés à Pépoque de letn- plus grande puissance. La charte de Philippe le Bon restreint le contrôle des états de Brahant aux guerres et alliances que le duc déclarerait ou coniraclerait comme duc de Brahant, de Limbourg et seigneur du pays d'outre-Meuse : c'est la consé(pience naturelle de ravénemenl au trône du duché d'un prince qui possédait déjà des pays nomhreux ayant des intérêts distincts. Il eût élé irrationnel, même impossihie, d'exiger le consentement des états du Brahant pour les actes que le prince ferait comme seigneur d'autres principautés; c'eût été donner à son nouveau domaine une prééminence (|ue rien ne justifiait. Depuis Philippe, ces rapports réciproques des étals et du duc nout reçu aucune modification et ont été toujours consacrés par la Joyeuse- Entrée. C'est ici le lieu d'expliquer l'article 24 de la Joyeuse-Entrée de Wen- ceslas, (|ui est en relation intime avec les articles que nous venons d'examiner. Des conquêtes faites avec le commun pays de Brahant. — Les conquêtes que le duc fera avec le commun pays de Brahant et avec les forces communes du duché devront être jointes au Brahant , y demeurer inséparahlement unies, et pratiquer ce que le pays de Brahant est tenu de pratiquer. Cet article confirme une l'ois de plus ce que nous disions plus haut, (|ue la charte inaugurale ne touche pas au droit de guerre privée du duc. En parlant en termes exprès des conquêtes avec les forces communes du pays, la Joyeuse-Entrée laisse implicitement le prince disposer lihrement de celles (|uil pourrait faire à ses risques el périls, et suppose même la possihilité de conquêtes faites de cette manière. Ces sti|)ulations sont la conséquence naturelle de l'esprit national (pu', éniincnmient guerrier à cette épocpie, tend toujours à étendre les frontières. C'est aussi une suite du principe d'indivisihililé de l'Etal, puisque ces conquêtes devront être unies irrévocahlemeni au Brahant et pratiquer ce que le duché doit pratiquer. Les pays ac(piis par la force des armes CONSTITUTIOIS BRABA^JÇONISE. 71 supporteront donc une part des charges, jouiront des mêmes droits publics (|ue le Brabant el, de même que les États d'oulre-Meuse , suivront la dévo- lulion du duché. Le principe de Tarlicle 24 reste intact dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures; seulement , depuis la charte de Philippe le Bon, il est reslroiiit aux conquêtes que le duc ferait comme duc de Brabant. Pour les conquêtes faites avec Taide des différentes principautés du duc, il est évident qu'il n\ a pas plus de raison de les joindre au Brabant qu'à toute autre seigneurie. § IV. DU C 0 M M E II C E. Les articles 5 et 6 de la Joyeuse-Entrée consacrent en matière commer- ciale divers principes dont il faudra déterminer l'importance : 1" Liberté de commerce moyennant le tonlieu légitime, et obligation pour le duc de tenir les routes franches, ouvertes et sûres, de manière à ce que chacun puisse commercer librement, sauf amendes encourues, méfaits commis ou promesses faites. 2° Obligation de faire délivrer et d'indemniser ceux de ses sujets qui, à l'étranger, auraient été arrêtés et molestés pour les dettes du .wuverain. Liljcrté du commerce. — L'article 6 consacre pour tout Brabançon la liberté du commerce intérieur : chacun peut commercer librement et paisi- blement en payant son tonlieu légitime, c'est-à-dire en payant certains droits de passage dépendants du domaine des souverains. Par là le duc s'interdit non-seulement de soumettre les traficpiants à des taxes arbitraires, mais encore de défendre entièrement le commerce à certaines catégories de ses sujets, ou d'en faire dépendre l'exercice d'un octroi particulier acheté à sa puissance souveraine. 72 MÉMOIRE SUR L ANCIENiNE Celle garanlie, qui n'était pas nouvelle dans le droit hrahançon ', puisque, depuis loni!;lenq)S déjà, les ducs ne pouvaient plus frapper leurs sujets d'impôts arbitraires, est d'autant plus précieuse (pi'elle donnait au commerce la première de ses conditions de succès : une hase fixe pour ses calculs et ses opérations. Mais ce n'élait.du reste pas du duc seul que pouvaient venir les entraves. Dans un temps où Pempire de la force brutale est si étendu, malgré les nombreuses garanties dont la loi écrite entourait déjà le droit des petits et des faibles, il ne suffît pas que l'autorité souveraine se voie tracei- des limites, il faut encore qu'une action incessante de cette autorité même s'efforce de ramener dans les voies légales les puissances secondaires. De là la promesse de tenir les routes franches, ouvertes et sures, promesse dirigée et contre les routiers, les voleurs de grand chemin et contre (piantilé de hauts barons qui ne se faisaient pas faute de fermer les seules voies pra- ticables, ou du moins de n'en permettre le passage aux maichands voNageurs (|ue moyennant de grosses redevances. Remanpiez que l'action ducale ne s'étend (|ue sur les routes franches, c'est-à-dire sur les voies publiques. Aller plus loin, c'eût été défendre aux pro|)riélaires pai'ticuliers de subordonner le passage sur leurs terres à des droits tels qu'ils voudraient en imposer; c'eût été porter au droit de propriété des entraves que notre législation moderne même ne pourrait pas admettre. La liberté des routes n'existe pas pour ceux qui auraient contracté dette ou ohlif/alion , encouru amendes ou commis un méfait quelconque ; ils pourront être arrêtés par leurs créanciers ou par l'autorité publique. La |»rotection dont on entoure l'exercice légitime de leur industrie ne doit pas al)0utir à couvrir indirectement leurs fautes. Tous ces principes se main- tiennent dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures. Le Brahançon libre des dettes des princes. — Chez les peuples germains, tous les parents étaient responsables des dettes les uns des autres, à moins d'avoir renoncé à la famille. Ce principe passa dans le droit connntni du moyen âge et se développa sous l'empire de l'esprit d'association et de solidarité, qui est un des caractères les plus remanpiahles de Tépocpie. ' Clinrlc (Ir roricii!»'!'!; cl (lofimiciils iirilrriciii";. Voir :iii cliiiii. !". CONSTITUTION BRABANÇONISE. 73 Chacun devint responsable non-seulement de ses obligations personnelles et de famille, mais aussi des dettes de sa commune, de son pays, de son seigneur; un droit commun et universel sortit de ce fait, né lui-même des mœurs germaines et féodales. Presque toutes nos anciennes chartes de commune constatent cet élat de choses par les mesures qu'elles contiennent pour en atténuer les fâcheux effets. On voit, dans la charte de 1347, accordée par le roi de France aux mar- chands du duché de Brabant, paraître, comme une concession, la clause suivante : Que désormais les Brabançons ne pourront être arrêtés en France, ni (le leurs personnes , ni de leurs biens, qi^e pour leurs dettes personnelles et in:RÉDiTAiUES , et pour celles des villes auxquelles ils appartiennent K Dans l'enfance du crédit et des relations commerciales, celte situalion s'explique sans peine. Les communications étaient difficiles, les transactions aléatoires : nul moyen assuré de constater la solvabilité ou le degré de bonne foi de ceux avec lesquels on contractait. Ajoutons à cela l'absence do toute voie d'exécution légale sur les villes, et la situation des princes perpétuel- lement obérée. On n'arrivait à recouvrer ses créances qu'en paralysant le négoce du peuple endetté; on arrêtait les marchands ou les marchandises, cl par ces moyens violents, par l'exercice de ce droit d'otages, on amenait une réaction intérieure qui forçait princes et villes de s'acciuitter. Des stipulations de la Joyeuse-Entrée on peut tirer pour le prince une double obligation : [° de délivrer les marchands brabançons arrêtés pour cause de dettes (/ne lui ou ses prédécesseurs auraient contractées, sans le consentement des villes et pai/s du Brabant. En elTet, il promettait qu'il les ferait voyager librement et paisiblement en tous pays parmi payement de leur tonlieu légitime. 2" D'indemniser ces mêmes trafiquants des pertes qu'ils auraient subies, d'après le contenu de la charte wallonne. Nous avons déjà vu que c'était cette charte qui avait fait de l'obligation consacrée par l'article 5 le droit commun du Brabant. Nous trouvons d'ail- leurs plusieurs concessions analogues faites antérieurement par nos ducs ou I Yeesten vu» Brabunt, 1. 1, p. 8ô(j. Tome XXXI. 10 74 MÉMOIRE SUR L'AINClEiMNE par des seigneurs particuliers, mais seulement ù des villes spécialement dé- signées. Ainsi en 1233, Henri le Guerroycur permettait déjà aux bourgeois Louvanisles de lui refuser tout service pécuniaire, si on les arrêtait pour ses dettes, jusqu'à ce qu'il les eût indemnisés '. Le seigneur de Diest devait délivrer le bourgeois de la ville incarcéré à son occasion -. En 1292, Jean le Victorieux s'engageait à faire restituer les draps de Louvain, qui avaient été saisis en France pour des obligations par lui contractées, et de plus à indemniser les marchands^. Ces principes de la cbarte inaugurale de Wcnceslas se développcrenl encore dans celle dWnloine de Bourgogne ; dès lors on ne distingua plus si la dette que le souverain a contractée l'a été ou non du consentement de la ville et du pays. Dans Tun comme dans l'autre cas, on devra indemniser les sujets (pii en ont été chargés. Depuis Antoine de Bourgogne, la disposition se niainlionl identique dans toutes les Joyeuses- Entrées postérieures. De la land vrede. - — A ces dispositions se rattachent deux autres articles de la Joyeuse-Entrée de Wenceslas qui n'eurent qu'une durée purement transitoire, parce qu'ils répondaient à des situations passagères. Ai'ticle 8. Le duc s'engage à jurer et à garder la land vrede, telle qu'elle a été faite et réglée. Cette land vrede était un des titres de gloire du duc Jean III. Les pays à l'orient du BrabanI étaient infestés par des bandes de brigands (|ui rendaient tout négoce impossible. Le re|)OS public était fréquemment troublé par leurs expéditions, d'autant plus (|ue des seigneurs du pays ne craignaient point de leur donner parfois asile cl de les aider dans leurs entreprises *. En 1351 , le duc Jean III conclut avec rarchevê(pie de Cologne, les villes ' Yeeslcn, I. I, p. 0Ô8. '- Ihid., il). ^ Chronùiue de Jean Van Iledtt, ])ul)liée par Willcms. Codex diptomaticus, p. 535. ' Jlisloirc du Umboiir. îiôl. C'est de ee reeours que doit être sortie avec le temps, et sous 1 iiidiiciui' de la |)i(ic('(liir'e eeelésiaslique, Torganisalion (les ajjpels liiérarcliiqucs. ' liistruelion de la duchesse .leamie |)oiir l'inquèlc générale de 1388, Yceslcii, t. Il, p. (i(;«. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 85 Cà cl là une voix émue s'élevait bien avec quelque indépendance el osait dire au duc : Vos baillis accumulant injure sur injure, en sont arrivés au point de forcer les habitants de Lincent à s'expatrier : ils sont vagabonds et men- diants sur leur territoire, à moins de quitter entièrement les lieux où ils sont nés et où ils ont grandi, et de s'enfuir au loin; de telle sorte que la ville de Lincent périt entièrement '. C'élail là, comme on le pense bien, un cas exceptionnel. Un simple particulier n'était pas à même de se permettre des récriminations aussi amères; el cependant un nouveau mal semblait s'être ajouté à tous les autres. Les magistratures , au moins en partie , devaient être devenues vénales, car la landcharter de 1312 dispose ffue l'on n'établira plus de maïeurs pour une so)inno d'argent. En 1314, les villes prolitèrenl des embarras financiers du duc Jean III, pour essayer de porter un remède au désordre 2. L'institution du sénécbal comme grand justicier (il exis- tait déjà d'ancienneté conmie ollicier du palais) lui mise sous l'égide d'une promesse ducale ; les justiciers et les receveurs durent à l'avenir être ciloisis ou destitués de par le conseil des villes et du pays de Brabanl , et pour entrer en charge, ils ne purent ni argent presler ni donner; en outre, ils furenl astreints à rendre conq)te devant le duc, son con- seil el les bonnes villes, les receveurs une fois, les justiciers deux lois l'an. Cette charte ne devait rester en vigueur i\n''aussi longtemps que les dettes ducales n'auraient pas été pleinement acquittées. Le remède n'était donc (pie lem|)oraire, el, du reste, il devait être assez peu cHicace. Comment une assemblée, ayant à régler le plus souvent les aflaires les plus graves du (liicbé, pouvait-elle entrer dans tous les détails des nombreuses adminis- halions judiciaires? On en revint bientôt, sans se douter du plagiat, à une pensée de Cbarlemagne que les rois de France avaient déjà renouvelée. En 1332, le duc Jean III ordonna de faire une enquête [bezoek) sur tous ses ' Plainte du cliapitrc de Liège nu dur de Bnibnut, l't'c.s^t';) , l. I, p. 047-048. '^ Voir les dispositions de la eharle wallonne, au cliapitre 1". 84 MEMOIKK SIR L'ANCIEiNNf: officiers de justice, proniettaiU d'examiner aUenlivenienl leur gestion et de les traiter en conséquence '. L'organisation de la commission semble avoir été diflicile. On y trouvait deux chevaliers, deux députés de Louvain,deux de Bruxelles, un d'Anvers, un de Tirlemont, un de Hois-le-Duc et un de Nivelles^. Peu à peu le nombre des commissaires monta jusqu'à treize. Ils reçurent leurs pouvoirs non-seule- ment du duc, mais encore des villes et de rassemblée de Corlenberg •'•. La commission d'enquête porta des condamnations sévères contre ceux qui avaient à se reprocher des injustices envers le peuple et les pauvres gens , qu'ils devaient protéger dans leur office et d'après leur serment *. Mais néanmoins l'institution, telle qu'elle était organisée, ne pouvait amenei' les résultats complets qu'on en attendait. L'exécution des condamnations prononcées était lente et difïicile, au point que, par l'article 23 de la Joyeuse-Entrée, Wenceslas devait encore jurer de faire exécuter ce qui avait été jugé dans le bezock de Jean III. Il arrivait en Hrabant ce qui arrivait aux enquêtes des missi dominici de Charlemairne. Les justiciers restaient en fondions jusqu'au moment où ils étaient con- danniés. I*ersonnc n'osait s'ouvrir aux examinateurs, de peur d'être déboute de sa plainte et d'être désigné à la vengeance de l'oflicier accusé. On ne trouvait que peu de témoins, et encore les déclarations des témoins à charge étaient-elles souvent contre-balancées par les dires de ceux que le justicier s'était attaché. il fallait donc arriver non-seulement à ce que ceux qui seraient entendus à l'eiuiuête eussent pleine liberté de parole, mais encore à ce que les con- damnations ne pussent être éludées et à ce (pi'elles fussent promptement exécutées. Les articles M et 15 de la Joyeuse -Entrée de Wenceslas pourvurent à ces besoins et inaugurèrent un système (|ui, s'il eût été mis pleinement en vigueur, aurait certainement atteint les meilleurs résultats. Chaque année, ' L.«()l. ' 1(1.. t. I, p.. SOI. CONSÏITUTIOiN BRABANÇONNE. 8o tous les justiciers, et, de plus, tous ceux qui tenaient du duc fouet ion (/uekonque, dans laquelle ils auraient pu commettre injustice, devaient rendre compte de leur gestion; et par le fait même de l'expiration de l'année ils se trouvaient déchargés de leurs offices. Ils devaient se rendre dans la chef-ville du ressort où ils avaient exercé leur juridiction, et là s'engager, soit devant deux échevius, soit devant deux du conseil de la commune , à ne plus quitter la ville pendant tout un mois. On faisait alors publier dans chaque paroisse que ceux qui auraient à se plaindre des justiciers n'avaient qu'à se rendre dans la chef-ville , et là, en- déans le mois, exprimer leurs griefs, soit devant les deux échevins , soit devant les deux conseillers, lesquels avaient plein pouvoir du duc de faire prêter serment an plaignant et aux témoins qu'il amenait. Celte organisation avait le double avantage, d'abord de soustraire le plaignant et les témoins aux influenees qui auraient pu les intimider dans les lieux où roUieier en jugement avait exercé sa juridiction; ensuite de con- stituer ceux qui faisaient Tenquète, par là même qu'ils n'avaient pas été spécialement désignés ad hoc par le pouvoir eeniral, dans une plus grande indépendance. Toute accusation était faite en présence du justicier incriminé, el (leva il èlre appuyée du témoignage de deux bons témoins légaux et complètement désintéressés au fait dont on se plaignait. Une fois les preuves admises, les deux échevins ou les deux conseillers faisaient immédiatement el dans la ville même réparer l'injustice constatée sur les biens du justicier; s'il n'en avait pas, on le retenait jusqu'à ce qu'il eût payé. Par là ceux qui avaient soulïert étaient à même d'obtenir prompte resti- tution ou réparation. Toutes les encpièles locales terminées, les commissaires de toutes les chefs- villes se réunissaient , tantôt à Bruxelles, tantôt à Louvain; le duc leur adjoignait deux bonnes gens de ta part du pays; le receveur et le drossart du Brabant se joignaient à eux, et alors s'instruisait ce que Ton pourrait appeler l'action publique. On déterminait les amendes que l'officier préva- ricateur avait encourues au profit du duc. 86 MEMOIRE SUR L'ANCIE[NNE L'officier qui élail sorti justifié de l'enquête, ou contre lequel aucune pluinle n'avait été portée dans le mois, pouvait reprendre son emploi; celui qui était condamné devait rester dans la chef-ville jusqu'au temps oii il avait satisfait au jugement prononcé contre lui , ou du moins il devait mettre caution , îVDicxTVM solvi, pour l'amende ducale. El s'il arrivait (luc |)laiirnanls ou Icmoins fussent molestés, ou seulement menacés par l'officier qu'ils avaient dénoncé , le duc se chargeait de punir ce dernier dans son corps et dans ses biens. Par Porganisalioii que la Joyeuse-Enlrée avait donnée à ce bezoek, il semblait que toutes les diflicullés étaient évitées et que désormais, sous le coup d'une surveillance pres(|ue permanente, les maieurs et baillis n'abu- seraient plus de leur autorité. Mais il arriva (ce qui du reste arrivait souvent à cette époque), que l'institution qui existait de par la charte ne fonctionna pas toujours avec régularité. Aussi en 1372, lors du renouvellement de la charte de Corlen- berg, et à la re(|uète de l'assemblée de ce nom, le duc Wenceslas ordoinia une enquête yénérale sur tous ses olliciers en BrabanI, depuis 13o4 jusqu'à la date du règlement '. Les enquêtes annuelles n'avaient donc pas eu lieu? Ce règlement de 1354 est très-délaillé, et offre ceci de remaïquable qu'il revient à l'ancien système de commissaires tout à fait spéciaux. Le bezoek était conlié à trois commissions différentes : La première se composait de dix membres chargés proprement de re- chercher les faits de la gestion : c'étaient doux chevaliers, puis des députés des villes de Louvain, Bruxelles, Bois-le-Duc, Tirlemont, Léau et Nivelles. La deuxième se conq)osait de onze justiciers taxateurs, barons, chevaliers et députés des villes, chargés de déterminer les réparations à faire, les amendes à encourir ou les autres peines à subir à leur arbitrage. La troisième comptait six receveurs : deux chevaliers, deux députés de Louvain, deux députés de Bruxelles, (|ui devaient percevoir les amendes et les employer à éteindre les dettes du trésor. Le duc prenait sous sa protection tous ceux qui , de près ou de loin, avaient ' \ iiir I iirlc .111 Luijxler vuii Brabuiil , I" pai'lic, p. Ii">7. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 87 pris part à l'enquête; il devait les indemniser de tout mal qui pourrait leur arriver. Il s'engageait même à ne faire grâce à aucun homme condamné par ces commissions spéciales, lesquelles avaient reçu délégation complète, sur le fait du bezoek , de raulorilé souveraine. Après cette enquête générale, il est probable que les enquêtes annuelles lombôrent complètement en désuétude, ou du moins n'eurent plus la même importance. La chaiie rcitouvi-bJc de (lortenberg avait émis des principes nouveaux qui devaient tendre au même résidtat. D'abord, l'assemblée de Cortenberg était remise solennellement dans la plénitude de sa puissance. Chacun pouvait librement aller y demander justice contre n'importe qui l'avait lésé; de plus, aucun fonclionnairc ne pouvait entrer dans sa charge, à moins cpiïl n'eût été l'objet d'une enquête légale, et que, depuis an et jour, il ireùl satisfait à toutes les condamna- lions (pi'il avait encourues antérieurement pour fait de son oflice '. En 1388, la duchesse Jeanne (il encore une eiKiuêle générale sur tous ses drossarts, justiciers, receveurs, aulies olliciers haiils et bas, leurs receveurs; et même sur la coiuluile des scif/neur.s Oatmuins dans letu' juridiction propre. Chacpie quartier, lammanie de Bruxelles, la maïeurie de Louvain, le Brabanl wallon, etc., reçut deux commissaires, lesquels devaient transmettre à la dnchesse et à son conseil le résultat de leurs investigations, pour qu'elle fil justice. Les enquêtes annuelles n'ont donc pas été d'un long usage; dès lors la durée annale des oflices, qui y était intimement liée, ne subsista plus, et les charges de maïeur, ammaii, écoulète, bailli, etc., redevinrent sim- plement révocables à la volonté du prince. La Joyeuse-Entrée d'Antoine de Bourgogne ne parle plus, ni de la durée annale des charges, ni de bezocl.- aniuiel. Comme nous venons de le voir, la charte renouvelée de Cortenberg avait conqjlétement organisé un tribunal central et permanent dont relevaient tous les ofliciers, connue tous les ha- bitants du Brabant. Peu à peu les oflices deviment permanents, en ce sens que persoime ne I Voir les articles 2 et îj de la charte renouvelée. 88 MÉ^IOIKK SIU L'A^CIKNNE pouvait èlre |)rivé de sa charge <|ue par sentence cl par déport volontaire'. Ce point était réputé privilège, et on disait que : le prince mettant dans la commission d'un oflicier qu'il resterait en fonction tant (/ti'il nous plaira, roi- licier était censé raisonnablement plaire au prince, aussi longtemps (^u'il rem- |)lissait avec honneur et droiture les obligations de son état. Avec les garanties nouvelles qui avaient été exigées de tous ces fonctionnaires, garanties cpie nous rencontrerons plus tard dans le cours de ce travail, celle inamovibilité de fait présentait de grands avantages. Une décentralisation raisonnable s'opéiail; le fonctionnaire n'était plus un inslrunienl docile sous la main du pouvoir central, c'était un magistrat indépendant ne relevant plus du caprice, mais uniquement de son serment et de ses devoirs. Une surveillance |)ermancnte analogue à celle qui s'exerce aujourd'hui s'organisa insensiblement. Pour fait de leur olfice, les fonctionnaires, en Brabant , devinrent justiciables du conseil souverain du duché -, et le procureur général ou fiscal informa contre eux aux frais des dénonciateurs. Il est à remanpier que, dans le droit brabançon, on ne trouve aucune trace d'autorisation préalable du pouvoir central pour qu'on puisse poursuivre les olliciers publics; quelle que soit l'autorité appelée à connaiire de leurs excès ou de leurs délits, chacun peut librement et sans contrôle préalable porter plainte. Appendice. — Il ne sera pas hors de propos de faire remarquer ici (pie, pour les échevinages, la durée annale était le droit commun du Brabant, à l'inverse du Limbourg, où ces charges étaient permanentes. Ce principe était antérieur à la charte de Wenceslas, et «pioiqu'il nait pas été placé spéciale- ment sous la garantie du sermeni inaugural des souverains, il s'est conservé jusqu'aux derniers temps de l'ancien régime. En 12()7, il était déjà consaci'é, pour les Louvanisles, par une charte du duc Jean 111 '^ ; en 1303 pour ceux de Léau ^ ; en 1307 poui- ceux de ' Voir [)our la permanence des offices, le manuscrit clW' de VV'ynanIs sur do Pape, sous l'article 5 des Joycuscs-Entrdes. - Xoir rOrdoiiiKinre Albcrtliir, art. 118. Kllc >;c irou>c. entre autres, dans I.oo\en~. ^2""' partie. "» Yirslvii , t. I, p. MV.t. * /(/.. I. I. (). 7(t(;. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 89 llérenlhals '; en 1333 il passe dans le droit de la ville de Bruxelles', el peu à peu dans presque toutes les chartes communales. Ceci procédait d'un besoin uniforme chez toutes les associations qui parvenaient à se faire ociroyer des privilèges des souverains. Quelques auteurs y ont vu le désir d'échapper à une magistrature onéreuse qui détournait le bourgeois de ses occupations lucratives sans ample compensation pécuniaire ^; cela peut être; mais au fond de cette situation faite aux charges communales, n'y a-t-il pas une vue politique plus haute el plus perspicace? Les échevins étaient, comme les maieurs et les baillis, choisis presque partout par le pouvoir central, et presque partout le choix de ce pouvoir même était restreint à quelques familles, à (pielques lignages. Les échevins étaient juges au criminel et au civil ; ifs étaient législateurs, en ce sens qu'ils avaient le droit d'ap|»liquer la loi par analogie; et dans ces législations peu complètes. Dieu sait comme le cas se présentait souvent M Ils étaient même ^ devenus administrateurs presque exclusifs de la chose municipale, depuis que les jurés {(/esivorne) avaient disparu. Qu'on songe dès lors ce qu'eussent été pour une ville des magistrats investis de tous ces pouvoirs réunis, s'ils avaient été permanents ou seuh ment révocables à la volonté du prince! Quelle responsabilité sérieuse aurait pu ollrir un collège de magistrats j)ermanents et soutenus par leurs familles cl leurs alliances? N'avaient-ils pas tous les moyens à la main pour se créer un parli dévoué? A la faveur de l'impunité que la quasi-impossibililé des poursuites leur aurai! procurée, ne seraient-ils pas devenus des tyrans, d'autant plus odieux qu'ils auraient agi sous le masque de la liberté ? Le changement annuel des échevins, s'il avait linconvénienl d'empêcher chez eux l'acquisition d'une grande expérience judiciaire ^', pi-otègeail au I Ycesleii, I. I, p. 74 1-4.2. - /(/., Luyster van Brahttiil , l" iKMliv. [t. ViG. "' .\insi Loovpiis, \" partie, p. 'il. * Voir rai'licle !j.'i des Landkviirvn de 1292. '■' Piot, Histoire de Louruin, p. 127. " Cet ineonvciiieiU avait trouvé Itrs-tôt un remède dans l'institution iies conseillers poisioit- /«(tVes, juriseonsulles qui dirigeaieni les tribunaux éclieviuau.\ dans la solution des quesli(.n> de droit. Tome XXXI. 12 90 MEMOIRE SUR LANCIEININE moins oflicacemonl la liberté des justiciables. L'échcviii, ne faisant que passer dans la charge, n'avait d'intérêt qu'à s'y montrer digne de la confiance de ses concitoyens; et c'est là, croyons-nous, ce qui a fait conserver le re- nouvellement annuel des magistrats communaux pendant presque toute la durée de la nationalité brabançonne. Du bailli du Wallon-Bnibani '. Article 33. — Après avoir exposé les principes généraux que contient la charte de Wenceslas sur la manière de desservir les oflices brabançons, et avoir examiné leurs destinées dans les Joyeuses-Entrées postérieures, il nous reste à parler d'un article spécial (|ui a rapport à cette matière. L'article 33 consacre : 1° l'existence au NVallon-Brabant iVun bailli suffi- sant qui, aussi bien que son clerc et ses autres officiers subalternes, devra être né en Brabant ; 2" la conservation de la cour de Genappe telle qu'elle existait d'ancienneté , de sorte que personne qui aura affaire sous sa juri- diction ne sera traité hors des voies de droit. Celle promesse passa dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures. Le quartier wallon, dont le chef- lieu était le château de Genappe, était le dernier reste en Brabant de Tan- li(|ue duché de Lothier, et, à raison sans doute de celte origine, il avait foimé depuis longtemps une circonscription particulière. Tandis que la langu<' bas-allemande était la langue de la maïeurie de Louvain, de l'ammanie de Bruxelles, du quartier d'Anvers et du Limbourg, la langue wallonne domi- nait dans le quartier de Genappe, et toujours les chartes qui concernaient cette |)arlie du Brabant avaient été rédigées dans cet idiome. La cour de Genappe ou de Lothier, comme on l'appelait communément, dont la juridiction s'élendait primitivement sur ([uatre villes ou bourgs et sur cent soixante-cjuatre villages, avait des coutumes essentiellement dilTérentes de celles du Brabant, coulunies (|ui portaient le cachet le plus pui' de Tesprit féodal. Outre le motif de conseiver une certaine existence politii|ue propre au dernier vestige des grandeurs primitives de la maison de Louvain, il \ ' Presque Idut ce qui coiiccrnc le Wallon-UrahanI esl lii'é d'un manuscrit du vicomlr de Wyuanls, ro|)Osaiil h la Hililiotlièquc Coctlials à Courtrai (A. 4 sur le dos), coiilcnatil des .Volions gihiiralen sur toiil ce qui coitcenii; le gounTiienieiit des l'uijs-Has atilrirliieiis, p. 177. Ce niaiiuscril est analogue à eelui qui porte le n" lîi'JTO de la nibliollièquc de Bourgogne. COfSSTlTUTIOrs BRABAINÇONINE. 91 avait pour le mainlien de la cour de Genappe le motif plus puissant encore de l'intérêt des justiciables du quartier. Les habitants du Wallon-Brabant de- vaient, autant que ceux des autres bailliages ou maïeuries, désirer conserver le droit et la juridiction sous lesquels eux et leurs pères avaient vécu et sous lenipire desquels s'étaient formées pour eux tant de relations juridiques. Le pays et les villes de Brabant stipulaient expressément que le bailli du pays wallon sérail brabançon, parce qu'ils voulaient prévenir le cas éventuel où le duc aurait excipé de ce que Lothier n'élail pus Brabant, et que par conséquent la collation des offices \j était parfaitement libre. Le bailli du Wallon-Brabant avait autorité sur quatre maïeurs : ceux de Nivelles, Genappe, Mont-Saint-Guibert et la Ilulpe, et sur onze petits officiers. Sa commission ne lui donnait pas toujours le nom de grand bailli; cependant on le lui attribuait dans la pratique pour le distinguer des autres officiers (lu pays ^ Il est à remarquer que celte charge passa dans le tour de rôle de la (jardc noble des archers après la création de cette compagnie. Celui d'entre les arclieis de la garde qui, au moment d'une vacance, en devenait rotulaire pouvait, s'il réunissait les (jualités de légitimité, d'âge et de naissance bra- bançonne, en prendre la patente. Si Tolfice ne lui convenait pas, il pouvait le céder ou le vendre; seulement le contrat devait être agréé par le conseil des finances, qui avait le droit de modérer la somme, s'il la trouvait exces- sive, et de suspendre son agréalion, s'il la trouvait trop modique. C'était là une dérogation profonde à tous les principes reçus en Brabant; mais elle avait été admise, de l'aveu des états, pour tous les offices, assez nombreux du reste, qui se trouvaient dans le tour de rôle des archers. La cour de Genappe était autrefois cour souveraine. Son importance alla toujours décroissant, et il vint un moment où elle ne jugea plus qu'cà charge d'appel : en causes ordinaires au conseil de Brabant, en causes féodales à la cour féodale du duché '^. ' Mumiscrit cilé de. Wynants sur de Pape, sous l'article 57. ■- Maniisrrit de In Bihliothèqui" de Bourgogni'. Wynaiits, ii° 15970, p. l'JI. 92 MÉMOIRE SCH L'ANCIENNE § VI. DES GAKA.NTIES DE J V H 1 D I », T I 0 N. La non-dislraclioii des jusliciables de leur juge naturel esl une des plus précieuses garanties de la liberté civile. Quand ce principe esl inscrit dans la loi d'un peuple, il ne peut plus a[)partenir au pouvoir d'atlraire arbitrai- rement le citoyen devant un juge complaisant ou prévenu contre lui, ni de le transporter loin des preuves de son innocence et des amis qui auraient pu le dé- fendre. Dans les relations entre citoyens mêmes, les droits de tous sont mieux garantis; leurs prétentions sont appréciées d'après la loi sous laquelle ils sont nés, loi que les parties connaissaient d'avance; ils sont contrôlés par des juges que le justiciable a peut-être aidé à établir, ou du moins dont une expérience journalière lui a fait connaître la sagesse et l'indépendance. Le citoyen se croit-il fondé à douter de leur impartialité, mille moyens d'influence locale peuvent être mis en jeu pour les ramener à leur devoir; mille témoignages peuvent être recueillis pour appeler au besoin sur eux la vindicte de l'autorité supérieure. Bien difl'érente serait la position d'un homme attrait devant une juridiction étrangère, jugé par une loi qui n'est pas la sienne, par des juges dont il ne connaît |)as la moralité et cpi'il ne peut pas surveiller ellicacemenl. Dans notre état social moderne, avec des lois uniformes et des tribunaux tout à fait indépendants, il est encoi-e de la plus haute importance, poui' la stabilité des fortunes, pour le repos des citoyens et pour l'administration d'une bonne justice, de ne pas voir au gré du demandeur intervertir l'ordre des juridictions locales. Quel besoin social immense de stabilité judiciaire devait donc se manifester au moyen âge! Les juges décidaient les procès, en général, non d'après des lois écrites mais suivant des usages traditionnels; ils ne connaissaient que les lois et coutumes de leur juridiction, et, de banc en banc, moMirs et coutumes différaient. liien des localités possédaient des privi- lèges spéciaux, jalousés par leurs voisins et méconnus par ces derniers, dès CONSTITUTION BRABAiSÇONNE. 93 qu'ils en avaient l'occasion. Et cependant c'était sous Tempire de ces droits spéciaux que se nouaient les relations juridi(iues. S'il était de la plus haute importance d'être jugé par les tribunaux locaux, combien était-il plus indispensable encore de ne pas être jugé par les cours des souverainetés étrangères? Ici rinlérêl des citoyens était joint à la dignité même du pouvoir national. Peut-on faire une injure plus forte à lautorité de sa patrie que de renier sa justice, et d'aller réclamer la vindicte de ses droits à une nation de laquelle on ne doit attendre aucune protection obligée? La Joyeuse-Entrée du duc Wenceslas contient sur celle matière des dispo- sitions nombreuses que nous allons apprécier. 1" Défense imx Brabançons de citer un Brabançon devant une juridiction l'trangère. 2° Défense d'appeler au combat au delà des frontières. 3" Exception pour 1rs matières de la compétence des tribunaux ecclé- siastiques. i" Principes sur la cession des procès. 0" Défense de transporter un Brabançon arrêté hors de sa patrie. Défense de citer un Brabançon devant une juridiction étrangère. — En étudiant les origines de la .loyeuse-Entrée, nous avons déjà rencontré d'importantes garanties de juridiction. Par la charte de Cortenberg, les ducs s'étaient engagés à traiter chacun de leurs sujets par droit et par sentence, et devant les tribunaux des villes oii il appartiendrait. Cet acte ne faisait (|ue borner le pouvoir du duc lui-même; il ne pouvait, en elïet, exercer son empire (pie dans l'inlérieur du duché, et rien nempêchail jusque-là les juges du dehors de prendre connaissance, à l'occasion, des causes brabançonnes; par exemple , si un sujet du duc était arrêté sur leur territoire, ou s'il y possédait des propriétés propres à satisfaire des créanciers. La Inille d'or brabantine avait amené un progrès nouveau : elle avait une action directe sur toutes les cours relevant de l'Empire, et sa conséquence immédiate fut la soustraction complète des habitants du Brabant et de ses dépendances à toute juridiction de ces tribunaux. Cette législation renfermait encore de graves lacunes; aucune |)eine n'était 94 MÉiMOIRK SUR L ANCIENNE comniiiiéc contre le Bral)aiioon qui, oublieux de son droit national, allait invo(|u('r Tappui d'une justice étrangère. En tentant cette voie de droit insolite, il ris(|uait tout au plus dï'Ire forcé à abandonner son action de par l'autorité ducale. D'un autre côté, les tribunaux extérieurs indépendants de l'Empire, n'étant pas soumis au prescriptions de la bulle d'or, pouvaient encore, soit évoquer les causes brabançonnes, soit en connaître sur la demande des parties. En fait, par une tendance assez natuielle aux corps constitués, ils ne demandaient pas mieux que d'avoir l'occasion d'étendre leur compétence. Les évocations ('irangères pouvaient donc encore se ren- eontrer assez fréquemment. Il inq)ortait, pour parer à tous ces inconvé- nients, de jiorter une défense générale et formelle d'appeler le Brabançon en justice autre part qu'en Brabant; et de plus, comme on n'avait aucun moyen de coercition contre les tribunaux non impériaux, de comminer une peine sévère contre le Brabançon (|ui irait, au mépris de sa loi nationale, leur soumettre des droits litigieux. L'article 18 de la Joyeuse-Entrée ne l'ait (jue sauvegarder les droits les plus incontestables de la souveraineté nationale; la gravité de l'injure faite au pouvoir brabançon justifie la gravité de la peine qu'il inflige : Le Bra- hunçon qui fera poursuivre un Brabançon hors du pays sera assimilé à riioniicide; il aura forfait corps et biens. S'il se soustrait à la vindicte nationale, le sol de la patrie lui sera interdit; s'il rompt son ban, il sera traité comme un malfaiteur. Ces principes qui assuraient, par la crainte d'une peine terrible, le maintien des droits de la souveraineté brabançonne, passèrent dans toutes les Joyeuses-Entrées jus(|u';i celle de Philippe II, sous les moililicalions suivantes : Depuis Antoine de Bourgogne (article 14, Joyeuse-Entrée) les ducs de Biabant promirent : Que si un Brabançon ayant contrevenu aux défenses susdites recevait sa f/rétce, celte grâce serait nulle et de nulle valeur. L'article 32 de la charte de Philippe le Bon apporta un tempérament à ces règles juridi(|ues, lem|»éramenl (|ue la prali(|ue devait déjà a\oir admis. La défense générale de poursuivre, inquiéter ou arrêter à l'étranger éiait maintenue; mais, au cas où un llrabançon serait fu(//fif de son pays puui- COîSSTlTUTlOiN BRABANÇOININE. 9S se* soustraire à une action judiciaire, son adversaire pourrait 1 attaquer devant un tribunal étranger. — Fugitif sans supercherie , dit Tarlicle, c'est-à-dire que l'inlention de se soustraire à la justice nationale devait être constatée el ne pouvait pas résulter de présomptions légères. Maliciis hominum non est subveniendum. La défense que nous expliquons était por- tée contre le créancier putatif ou malhonnête qui, se défiant de la justice de son pays, ou ayant des accointances à l'étranger, y traînait un malheureux débiteur, loin de ses privilèges el de ses moyens de preuve; elle no pouvait l'être en faveur d'un débiteur rusé qui se hâtait de passer la frontière, pour sauver sa personne et sa fortune de poursuites légitimes. Remarquons que l'article 39 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne amena dans ces principes une modification temporaire. Celui (|ui hors des cas expressément prévus par la loi citerait un Brabançon (levant un tribunal étranger, perdait son action el encourait une amende de soixante riders, moitié au profit du seigneur [le duc), moitié au profit de son adversaire. Il n'était plus parlé de forfaire le corps el les biens. Après Marie de Bourgogne, sous Philippe le Beau el (Ibarlos-Quinl , les principes, tels que nous les avons exposés plus haut, reprirent leur em- pire. Défense d'appeler au combat au delà des frontières. — Les combats judiciaires étaient un héritage des peuples germains. Ces nations qui, dans leur farouche indépendance, connaissaient à peine d'autres freins que les mœurs des ancêtres el la force des armes, y avaient recours lanl au civil qu'au criminel. Les combats en champ clos furent plus tard rangés, avec les épreuves du fer rouge, de l'eau bouillante, etc., parmi les preuves judiciaires appelées jugements de Dieu. La croyance universelle, oubliant que la Divinité a l'éternité devant elle pour établir l'ècpiilibrc du juste el de l'injuste, croyait à une intervention spéciale de sa part pour découvrir la vérité, protéger l'innocent et livrer le coupable. Les combats singuliers étaient en pleine vigueur en Brabant, et les land- keuren de 1292 ne leur avaient pas donné d'organisation nouvelle. Ces lois s'étaient bornées à statuer que le champ clos resterait tel qu'il avait toujours 96 MEMOIRE SUR L ANCIENNE l'ic ', consacrant ainsi pleincmenl les usages préexislanls, qui, sans doufe, iliflV'iaioni selon les localités. l/inlervention de TEglise avait été impuissante pour délruiic un usage si prolondémenl enraciné dans les habitudes belliqueuses des peuples d'Occident. Les efforts des souverains s'étaient nalurelleinent brisés là où reiïori du sen- timent religieux avait échoué. Tout ce qu'on avait fait, c'était de tâcher de rendre lex combats de plus en plus rares, en octroyant aux communes, sous forme de pi'ivilége : la défense d'appeler leurs boiirfjeois au rombal. Dès 1213, les bourgeois de Léau ne pouvaient plus être ap|)olés en champ clos, ni par un bourgeois, ni par un étranger'^. Dans aucun cas, pour aucun crime, un bourgeois de Diesl ne pouvait être provoqué au combat (an 1229)^. Le bourgeois de Louvain ne devait pas se battre avec un étranger au Brabant '*. Enfin, il était à peu près de droit commun que le bourgeois d'une commune (piolconque ne devait jamais accepter le combat de la part d'un banni '. Ces concessions étaient très-importantes; car celui qui refusait de paraître en champ clos, sans se fonder sur une autorisation légale privilégiée, en général perdait son procès, ou était déclaré coupai)le, tout comme s'il avait été vaincu. L'ignorance habituelle des juges, plus accoutumés à manier la pique ou le glaive que le syllogisme, coniribuail singulièrement à maintenir l'existence d'une procédure qui dispensait de grands efforts d'intelligence. Mais avec le progrès des preuves juridicpies, l'exenqjle de la procédure canonique, prudente el formaliste, et l'adoucissement, bien lenl il est vrai, des mœurs, l'usage des combats judiciaires parut, tel qu'il était en réalité, odieux et absurde, tant au pouvoir public qu'aux particuliers. Le combat judiciaire, c'était la force et l'adresse dominant le droit. Aussi, tant que Taulorité souveraine fut obligée d'admettre cette preuve devant les tribunaux du Icijitoire, eut-elle tout droit et tout n)olif de la défendre au delà des fron- tières. La preuve par le combat était intimement liée à l'exercice du pouvoir ' l.iimikviiren, texte fliiniaïKl, iirticle j'J. - Yeeslrn, t. I, p. fi 18. 1(1, I. I, p. fiô5. 1 1(1., I. I, p. 730. W., I. I, |)p. 73Ô-7V2. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 97 souverain; en général, le seigneur particulier ne pouvait qiùj admettre les parties •. La preuve elle-même, la manuum consertio , était réservée à la juridiction du duc. Le combat en champ clos constituant du reste une preuve judiciaire décisive, il est évident qu'elle devait être faite devant le tribunal qui seul pouvait légalement condamner, et que, par conséquent, la défense d'appeler au combat à l'étranger n'était qu'une conséquence du principe de non-distraction dos justices nationales, posé pour les procédures ordinaires. Il y avait même un motif tout particulier pour défendre plus spécialement ce genre d'action judiciaire par la voie des armes. Le bannissement temporaire était une peine extrêmement usitée au moyen âge : errant aux environs d'une patrie dont ils étaient exclus, les bannis auraient pu molester les citoyens pai- sibles qui avaient encouru leur haine. Abusant d'un préjugé qui faisait craindre de refuser le combat, sous quelque forme qu'il se présentât, ils auraient attiré hors de son pays un citoyen contre lequel la loi nationale ne leur accordait rien, et auraient demandé à la force la consécration Ye.fsten, t. I, p. fiS". * Placards de Bniliuiil , '.'>"" |iiirtic. livre II. tilrc I". «liap. 11. C0^'ST1TUTI0N BRABAi>ÇOWS£. lOo consenlemeni inuluel du souverain el du conseil de Biahant, on pouvait extrader le prisonnier '. Du droit d'Anvers. — L'article 27 tient encore aux garanties de juridic- tion , el, au premier abord, il parait très-difficile à comprendre. Aucun Juibllant du Drabant ne sera désormais poursuivi à Anvers , ni condamné d'après le droit de cette inlle, à moins qu'il ne soit au préalable légalement convaincu de culpabilité. Voici, croyons-nous, le cas auquel se rapporte cet article. L'ancienne légis- lation avait un principe fondamental ipii s'est reproduit à travers les temps jus- (|ue dans l'ordonnance ciiminelle de lu70 - (art. 41) : Personne ne pouvait, pour un crime r/uelconr/ue , être mis à mort qu après avoir confessé sa faute. La preuve, quelrpie claire qu'elle fût, (piand elle n'était pas corroborée par l'aveu de l'accusé, pouvait entraîner une correction arbitraire, selon les cir- constances de la cause, mais jamais l'exécution de la peine de mort. Quand un crime paraissait établi à suffisance de droit, les magistrats faisaient mettre le coupable à la torture pour lui arracher un aveu. Or le droit d'Anvers con- sacrait une procédure d'instruction violente et odieuse : Tarticle en fait loi. Quelle était cette procédure? (l'était probablement la torture ou tout au moins les ordalies, prétendus jugements de Dieu \ Avant Wenceslas, le jus- licier remi)loyait librement pour arriver à la répression des crimes et des délits; depuis Wenceslas, il ne pouvait plus y recourir (pi'après que le cri- minel était convaincu, c'est-à-dire alors cpril ne man([uail plus à la preuve du crime que l'aveu même du coupable. L'article 27 corrigeait ainsi, en partie, ce que la torture avait d'inmioral et de dangereux. Cet article se conserva dans toutes les Joyeuses-Entrées. Il disparut seule- ment depuis celle de Charles-Quint , probablement parce (pj'il faisait double emploi avec un autre article introduit par la charte de Philippe le Beau : celui (|ui défendait de mettre un homme à la torture sans information préalable de deux magistrats du lieu. ' Loovcns, 1'" ))arlic, p. S4. '^ Voir ccUe ordonniincc dans Loovens, 5"" partie, p. I7ô. ■> Loovcns est du nicrac avis, t" partie, p. (i!2. Tome XXXL 1^ 106 MEMOFRR SUR L'ANCIENNE Du bornage. — Quiconque désire mesuruge ou bornage dans les Élals du duc, l'obtiendra contre le duc et contre un chacun. C'est là une déclaration très-reniar(|iiable pour l'époque et une manifes- tation intéressante du respect profond dont était entouré le principe de la propriété privée. Quoique toute justice émanât du prince, le prince se sou- niellait lui-même à la juridiction ordinaire, en cas de contestation avec un iijet. Si cette disposition légale n'avait pas existé, il eût été trop facile aux grands d'opprimer les petits et les faibles, et d'usurper à la longue les droils de |)i'opriélé (pie ces derniers n'auraient pas pu défendre. § vn. VIOLENCES SDR LES FEJIMES. La pureté de mœurs traditionnelle des anciens Germains avait passé dans noire législation brabançonne. Consacrant probablement d'anciens usages et donnani au BrabanI une législation criminelle à peu près uniforme , les land- Lciu-en faisaient une dislinclion entre le viol et le simple rapl. Le viol était puni de la manière la plus cruelle : celui ipii s'en iciidail coupable avait la télé sciée avec une scie de bois '. Le simple rap! par violence entraînait ta forfaiture du corps et des biens, ou le bannissement perpétuel, si le coupable quittait le paijs pour se sous- traire à la condamnation '. Le consentement de la personne enlevée n'était pas une cause de juslilica- lion. En effet , quand elle restait près de son ravisseur, même de son plein aveu , elle perdait la jouissance de ses biens, qui étaient dévolus ou fisc, aussi longtemps que duraient 1rs relations illieiles. .i/)rès sa mort , ses biens reve- ' Laiidkeiiren (le 1292, art. \',, texlc flamand. - Ibid., arl. :.>V, texte (liiiiiainl. CONSTITUTIOiN BRABANÇONiNE. 107 naienl à ses héritiers les plus proches, sans que les enfants nés du ravisseur pussent y prétendre une part quelconque. C'était là un moyen indirect do faire rompre un commerce réprouvé par la loi et contre lequel la morale publique s'insurgeait avec véhémence. L'article 24 de la keure de 1292 protégeait aussi bien l'autorité maritale que l'autorité paternelle ou tutélaire. 11 ne fait aucune distinction entre la femme ou la fille. La peine des complices était analogue à celle de lauteur })rincipal. L'article 21 de la Joyeuse-Entrée de Wenceslas consacre à peu près les mêmes principes. Seulement il ne fait plus mention que du rapt par vio- lence contre la volonté de la personne enlevée : rapt qui peut être pour- suivi, soit sur la plainte de la victime, soil sur action directe '. Pour le rapt par séduction, qui soustrayait une femme ou une fille à l'autorité légi- lime de son mari, père ou tuteur, la loi n'en parle plus expressément. Elle suppose néanmoins la culpabilité, puisque la femme perd encore la jouissance de ses biens tant qu'elle demeure auprès de son ravisseur. Il est permis de supposer que ce cas restait sous l'empire des keures non abrogées de 1 292. La Joyeuse-Enirée apporte ici une distinction nouvelle qui est un véritable progrès philosophique. Jusque-là, l'âge de la victime n'exerçait aucune influence sur la culpabilité du ravisseur. L'article 21 distingue entre Tenlé- vement de la femme nubile et celui de la femme impubère. L'enlèvement de la femme nubile est puni de la forfaiture du corps et des biens, et subsidiairement du bannissement ; mais seulement aussi loin que te coupable petit for faire. L'enlèvement de la femme impubère est puni par la forfaiture absolue du corps et des biens. Cette différence de pénalité est assez diflicile à comprendre : il faut, |)ensons-nous, l'expliquer par l'article 53 de la keure de 1292. Jean 1" avait statué que si un homme qui encourait confiscation générale de ses biens avait femme et enfants, une moitié seulement de ses biens irait au seigneur, et l'autre moitié à sa famille. Nous croyons qu'en comminant la peine de ' Ou qu'on trouve en vérité que c'était contre sa volonté, dit rnrlirlc. 108 MEMOIRK SUR L'ANCIENNE forfiiilure tibsoliic, on voiilail enlever au coupable de raj)l tliuie impubère le bénéfice de celle rcstriclion. Dans la charle de 1304 que Wenceslas accorda sur le même objet aux Louvanistes, nous retrouvons les mêmes règles juridicpies \ Celle de 1375 , octroyée à la ville de Bruxelles, est à la fois plus sévère et plus explicite : Quand la jeune fille n'élait pas nubile, le coupable et ses eomplkes élaienl privés de tout recours en grâce. S'ils se souslrayaienl à la peine par la fuite , et (pie plus lard ils reparussent en Brabant , les parents de la lu'cfime pouvaient les tuer librement, sondeu misdoen tegen uns ofte JEC.IIENS DE PAUTYEN '. Ces principes se maintinrent dans toutes les Joyeuses-Entrées et se déve- loppèrent avec le temps. Antoine de Bourgogne assimile à Tenlèvement de la fille impubère le détournement de tout enfant en bas rif/e , kneciitkexs oit MEYSKENs, (garçous ou filles). Philippe de Saint-Pol, renouvelant les disposi- tions connues delà keure de 1292, punit de la même peine que Tauleur piincipal tous ceux qui l'auront aidé à commettre le crime, et tous ceux (pli auront secouru ou lor/é le malfaiteur. La licence des temps exigea sans doute un surcroit de sévérité, car il est expressément slalué |)ar Tarlide 2o : Qu'aucun coupable ne pourra se prévaloir , ni des privilèges des Sinte- Peetersmunnen, ni des droits particuliers de bourgeoisie ou de lettres éclte- vimdes, mais (pi il sera traité d'après le droit commun du pai/s. Ces principes de la charte de Philippe iU\ Sainl-Pol complèleni le sxslème criminel de la Joyeuse-Entrée sur le rapt. Pendant un certain temps sans doute, la peine que la loi de 1292connni- nait contre le viol resta en viguem-. Mais avec radoucissement des mœurs, évidemment suivi de radoucissement des peines, ou finit par |)ui)ir le viol comme le rapt d'après les dispositions b-irales de la Joyeuse-Knlrée '. ' Hnilidlilsrliv Yffslfii . I. I. p. tiO.'i. - /(/., t. I, p. 0:27. ' M.inuscril riti- de Wvinmts >iir de Pape, s()ii> l'iirl. C. CO.NSTITUTIO.N BRABANÇOiN^E. 109 § VIII. DU DROIT DE GRACE. Arlicle 20. Les habilaiili> du Bmbunl bannis pour séditions communales , meurtre, vol, violences sur les femmes, le resteront à perpétuité, et , d'au- cune manière, ils ne pourront plus revenir en Brabanl. Le duc s'interdisait donc le droit de grâce dans ces cas spéciaux. Pour comprendre la portée de Tarticie, il faut considérer que le bannissenienl, pour presque tous ces faits, n'élait qu'une peine subsidiaire. Le meurtre en- traînait la peine du talion. Les violences, comme nous l'avons vu, entraî- naient la perte du cor|)s et des biens, qui étaient mis à la merci du seigneur. Le bannissement ne pouvait èlre (pie la consé(pience d'une condanniati(»n par défaut. Jl est parfaitement raisomiable ipie le coupable qui s'est soustrait |)ar la fuite à l'action de la justice nationale ne puisse plus revenir en Brabanl en vertu d'un acte de grâce. La grâce eût été pour le duc un moyen de s'allacber des sujets odieux au pays ou dangereux pour la nation : c'eût été un mode facile de se créer, dans les villes surtout, im parti hostile aux magistrats et aux influences dominantes. Bemanpions ipie, {|uand l'article 20 a été porté, l'élénienl aristocratique dominait encore dans les écbevinages; la lutte que devait \ introduire l'élément populaire avait commencé depuis I30G '. A Louvain, beaucoup de gens de métiers avaient été bannis pour sédition contre les magistrats. L'élénienl dominant avait tout intérêt à empêcher la réintégration dans le pays d'hommes inlluents, hardis, et aigris peut-être par les privations qu'ils avaient subies. Si le duc avait pu librement leur faire grâce, à la moindre difllctdté qui se serait élevée entre lui et le palricial, il eût rappelé les bannis, el aurait par le fait même introduit, au cœur de la cité, un soutien puissant contre les influences qu'il voulait abattre. ' David, Muiiuel il'itistoire de Belgique; to'wivus; etc. no MEiMOlKE SUR LAIVCIENNE L'arlicle 20, du rcsie, avait son origine dans les chartes parliculières des villes : celle de Louvain de 130G statuait que les bannis des métiers res- teraienl bannis à perpétuité \ Celle de Léau de 1307 renfermait inie sti- pulation analogue -. (les principes se maintinrent sans modificalions importantes jusque dans la Joyeuse-Entrée de Philippe le Bon exclusivemenl. Les circonstances avaient changé : réiément populaire avait atteint son inlUiencc légitime dans les administrations communales; cependant, dans la pratique, il semble (pie, pour le cas de meurtre, on avait gardé le principe de larticle 20 de Wences- las. On n'expédiait pas de lettres de grâce à celui qui s'était soustrait à la condamnation sans consulter les étals '. ,^ l\. PRINCIPES ISSUS DU VIEUX DROIT DE VENGEANCE PRIVEE. Le droit de vengeance privée, un des plus chers à rindividualisme de nos anciens pères, a laissé dans la Joyeuse-Entrée des traces curieuses '. Ce n'est que vers le douzième siècle que s'est introduite dans le droit l'action publicpie pour la répression des crimes, jusque-là abandonnée à la vindicte de la famille\ Avant cette époque, les combats judiciaires consli- luaient le mode de preuve le plus généralement en usage, et personne n'eût voulu s(! charger d'un ministère qui l'eût obligé de descendre en champ cl(t< a\ec tous les accusés. Le droit de la société n'effaça même pas tout d'abord le droit des parti- culiers; seulement, avec le progrès des mœurs, des idées et des usages judi- ' lirait. Yeesteti, i. I, p. 732. - /'/., l. I, p. 7'i.". ' Loovens, 1" partie, pp. Mi-CO. ♦ Uiippsacl, Anali/se île l'origine et des progrès, § 1-2. CONSTITUTION BRABANÇONNE. Hl claires, celle répression individuelle, qui armail d'une manière permanente les uns contre les autres les citoyens d'une même nationalité el qui cou- vrait de sang la face de l'Occident, ne pouvait être tolérée qu'à regret par l'autorité publique, et surtout par l'Église : elles s'entendirent pour la faire disparaître. Cliarlemagne avail déjà essayé de détruire le droit de vengeance; mais ses faibles successeurs avaient été obligés de le rétablir. L'Église seule, avec sa force morale qui soumettait les consciences individuelles, par la persuasion el par les peines canoni(|ues, pouvait porter un remède au mal '. La trêve- Dieu, qui rendit un peu de calme au peuple, fut son ouvrage -. Dès lors le principe était posé el admis, el l'autorité civile, agissant dans le même sens, songea, non pas à extirper le droit de vengeance, ce qui eût été impossible, mais du moins à en paralyser l'exercice. C'est dans les keiires ^ des villes que nous trouvons en Brabani les pre- mières manifestations de cette action du pouvoir civil. Ainsi, chaque fois (|u'une lutte s'élevait, le Juge devait imposer aux parties une trêve de quinze jours. Ces quinze jours écoulés sans qu'une réconciliation fût intervenue, le juge imposait de nouveau une trêve de «piinze jours; puis une trêve d'un mois entier; puis une trêve d'an el jour, puis enlin, une trêve de trois ans. Celui qui rompait la trêve était de sa personne el de ses biens à la merci du duc *. Ce système que nous tirons de la keure de Louvain de 121 1 , est reproduit d'une façon presque identique dans la plupart des chartes connnunales. Pendant celle trêve obligée, les parents, les amis, les prêtres el même des magistrats spéciaux {payseeders ^) s'occupaient à amener la réconciliation el la composition entre la famille de la victime ou la victime elle-même et l'oflVnseur. Les landkeuren de 4292 établirent un progrès nouveau : Quand un I Reapsacl, Anulyse de ioriijine cl des progrès , § 'M. ■^ llnd., $ 448. ^ Diva'us, Annales, lib. 1, p. 7. 4 Ibid. s Raepsaet, Analijse, etc., % 2C. H2 MK^fOIRE SUR i;A>iCIEMSE /lommr clail lur, ceux qui ii'araieitl pas provof/ué lu lulle (onschi.ldigen) uToicnl , (le par le duc, (rêve pendani huit Jours et huit nuits , et après, chacun gardait sa haine '. Cette trêve existait de plein droit et sans Tinter- venlion de personne. Évidemment, ces huit jours passés, le justicier inter- venait et imposait, de par son ofTice, une nouvelle trêve, suivant le mode (jue nous avons exposé plus haut. Le violateur de la trêve n'était plus seulement avec ses biens à la merci du duc, mais il devait être écartelé ^. Toutefois le droit de vengeance existait encore, car celui qui, ayant tué quelquun , prouvait que le mort était son ennemi mortel, et qu'il lavait tué en dehors des trêves, était excusé et n'encourait (|u'une amende envers le duc '. Seulement, pour prévenir ces graves conséciuences, la veille de Texpi- ration de la trêve, les parties étaient tenues de comparaître devant le magis- trat pour la voir renouveler ". L'article 46 de la Joyeuse-Entrée de Wenceslas ne fait que reprendre à peu près les principes préexistants. — Après toute lutte, ceux qui ne l'ont pas provoquée ont paix ferme et sûre jusqu'au lendemain midi. Celui qui dans l'intervalle contrevient à la trêve est violateur de la paix publique. Est-il rien de plus clair (|ue l'origine de cette disposilion? Une seule re- mar(|ue est ici importante à faire. La trêve ducale était dans la loi de 1 :2<):2 de huit jours : pourquoi Wenceslas la restreint-il à un jour? Voici ce (pie nous croyons. Près d'un siècle s'était écoulé entre les deux lois : les relations sociales étaient mieux établies, les communications plus faciles, le pouvoir des magis- trats mieux défini et surtout plus respecté, leur nombre avait accru, leur ressort était plus restreint; par conséciuent, ils pouvaient bien plus facilement imposer la trêve entre les ennemis et avoir plus vite connaissance des cas particuliers où la paix publi(pie exigeait leur intervention. C'est sans doute faule de lemonler aux origines (pie beaucoup d'auteurs. ' Arl. 55, texte français. - Art. \5, tpxtc fraiirais. "' Article 55, Loi de lîruxellcs ilc 122!). Voir Codex de Van lleciii . ariiilc 7. h'iiiri' d'Iiicoiirl ; Yi'csien, t. I, artiric II, Luixllietireii de 1292. ' Yeesirii . ejiarle de 1501, t. I", p. G'JI, ordoiiiiaiice de Jean II. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 113 savants du reste, se sont bornés à ne voir dans cet article qu'une facilité pour la purge criminelle. Comme il s'est maintenu dans toutes les Joyeuses- Entrées, et qu'il a survécu pour ainsi dire au souvenir même de la vengeance privée qui l'avait fait établir, on n'y a vu qu'une restriction au droit de pour- suite d'office, pour donner à l'accusé le droit et le temps de provoquer lui- même un examen des cbarges qui pesaient sur lui. Quand l'action publique eut complètement remplacé l'action de la vindicte privée, ce principe, dans la pratique, fut étendu aux devoirs de l'officier public. L'article 17 de la Joyeuse-Entrée relève des mêmes idées germaines : Le duc ne rendra pus le pays à un hoiincide , à moins (pi il ne se soif réconcilié avec les parents de sa viclime. L'action publi(|ue et raclion privée existant d'une façon corrélative, étaient néanmoins parfailemcnl indé|)endanles. La réconciliation intervenue entre parties ne désarmait pas lautorité ' ; et, d'un autre côlé, en règle générale, le droit de vengeance existait jus(iu'au moment où, de leur pleine et libre volonté, offensé cl offenseurs et leurs familles respectives s'étaient donné le baiser de paix ". Parfois cependant, par exem|)le, en cas d'excuse, une amende payée au duc amenait l'imposition d'office de la paix aux parties " ', et en cas de légitime défense, l'homieide était même à l'abri de toute ven- geance de la part de la famille du mort, sans tlevoir payer aucun droit au fisc '. Ces dispositions prouvent la tendance du pouvoir public à faire domiiiei' l'action publicpie sur l'action privée, et à faire de rexlinclion de la première une cause d'extinction pour la seconde. L'article 17 est une réaction évidente contre celte tendance. La peine de rbomicide étant en général la peine de mort, le coupable (pii quitte le pays se soustrait, non-seulement à la peine, mais encore aux effets de la ven- geance privée. Donc, si le duc lui faisait grâce avant la réconciliation, il était à prévoir qu'il tiendrait l'offenseur sous sa protection spéciale, et (pi il para- ' l';ii- argiimcnl de lart. 44 des LimdkeKicit de l^Di. ■^ Par argument do l'art. I!» de la [>()i do Bruxelles de i±29, au LKi/stcr caii Bnilninl cl dans \'aii Ilci'lli. ■' Arlide G. Kt'iire de Louvaiii de 1-21 I, dans ni\oeu,s. * Article 47. ionr/Aei/rc// de l'i'J-i. Tome XX XL 1^ 114 MEMOJKE SUR LAiNClEiNiNE lyserait (ous les clïoils de la famille de rolTeiisé pour arriver à la coniposiiion. Cet arlicle se niainlinl dans loiiles les Joyeuses- En Irées; mais, avec le cours des temps, sa portée se modifia. La vengeance privée tendait de plus en plus à s'eft'acer des mœurs populaires, el Taction de l'autorité publitpie grandissait à mesure. Mille circonstances diverses pouvaient d'ailleurs atté- nuer la culpabilité de l'homicide : jeunesse du coupable, provocations san- glantes, colère; d'un autre côté, les parents de la victime pouvaient montrer des prélenlions exorbitantes. On crut que l'utilité pid)li(pie primait Tutilité ])rivée. Le pouvoir ducal accorda la grâce des coupables avant la réconcilia- lion des parents. Seulement les lettres de grâce n'étaient entérinées ré|j:nlière- ment qu'après satisfaction de la partie civile. Si elle ne voulait pas consentir à la réconciliation, ou si elle n'était pas sur les lieux, on passait outre après l'avoir citée à comparaître, el ses droits restaient saufs '. Il nous reste à parler de la purge criminelle pro|)rement dite dont traile Tarlicle 22 de cette Joyeuse-Entrée. On ne pernielira ni on ne pourra permettre qu'on faase tort à quelqu'un à muse de blessures ou dliomicide , au cas qu'il osât se défendre par la vérité el voulût venir se justifier, jusqu'à ce qu'il en soit convaincu. Nous avons vu que la loi délerminail plusieurs cas où meurtre et blessures étaient excusés et mèn)e légitimés. D'tm autre côté, il pouvait facilement se faire qu'on accusât un individu d'un crime (pi'il n'avait pas commis. L'ar- ticle 22 lui fournit le moyen de se soustraire non-seulement aux poursuites des parents, mais encore à celles de l'onicier public, en faisant légalement constater son innocence par ime en(piète (pi'il provo(piail lui-même sur le fait qu'on lui imputait. S'il se pourvoit en purge criminelle, le droit des parties, comme celui du pouvoir civil, reste suspendu à son égard jusqu'au moment où il es! con- vaincu de cidpabililé. El en efl'el, (piand un accusé ose provoquer lui-même l'action de la justice au lieu de se soustraire à ses reclierclies, il a en sa faveur une très-forte présomption d'innocence. La praliijue de la purge criminelle élail vieille en lîrabani; elle était déjà ' Maïuixril cili' ilc NVmiuiiIs >.ur do l'npc, sous l'iirliilc 1Î\. COISSTITUTIOIN BRABAlSÇOINiNE. H5 iiiscrile dans les Imidkeurcn , si souvenl citées, de 1292. La forme seule en a varié dans le cours des temps. Sous l'empire des lois de 1292 (art. 66), tout individu qu'on accusait d'un méfait dont on n'apportait pas la preuve n'avait pour se justifier r/u'à amener devant le magistral deux bons témoins légaux et cruyables , et jurer qu'ail était innocent. S'il était étranger, il devait jurer par trois fois : qu'il était étranger, qu'il n'avait pu trouver personne pour le justifier, qu'il était enfin innocent du fait qu'on lui imputait. Plus tard, les formes devinrent plus compliquées. Il fallut que l'accusé se présentât de lui-même devant le magistrat et qu'il se constituât prisonnier '. Puis on faisait citer les officiers, les adversaires, et en général ceux qui vou- laient le charger, et là, devant eux, il établissait son innocence. L'ordonnance Albertine- prescrivit de se |)Ourvoir en purge criminelle devant le conseil de Brabant. Le conseil, sur citation préalable des accusa- teurs, examinait l'aflaire, et son ordonnance étant intervenue, l'accusé était définitivement tenu pour innocent. Cet article se maintint sans aucun chanirement dans joules les Joyeuses- Entrées postérieures jus(pi'à IMiilippe 11. S X. DU DROIT DE CHASSE. La chasse, que Xénophon appelle munus deoruni , a été un besoin avant d'être un plaisir. Dans l'état primitif des sociétés, se liant intimement à l'ali- menlation des individus, elle était un droit naturel; la bête sauvage était res nullius et appai-tenait au preinier qui pouvait s'en emparer. ' Kiicliirldluii reiiiin criniiiiuliuiii de Josse de Damlioiider, éd. de Louvaiii, t. 154. - 'Voir un texte de rordorinance aux Cosliiymen van BrubanI, t. II, p. 1 1(57, art. 018. 116 MKMOIRE SUR L'ANCIENfSE (Ici élal (le choses coiilimia à exister parloiil où la piopiiélé parlieiilièie lie la teiTc n'élail pas consoliilée. La chasse était encore le droit libre de tons les Germains. Il n'en fui plus de même chez les nations établies d'une manière stable sur le sol. Il est vrai que la bêle sauvage n'est possédée par personne; mais comme tout propriétaire peut légitimement interdire à autrui Tusage de son fonds, il s'ensuit que seul il peut de plein droit y chasser : tout étranger (|ui ^ient y poursuivre le gibier est censé le faire en vertu d'une autorisation tacite. ("était le système romain '. Les produits de la chasse étaient considérés, non pas, il est vrai, comme un fruit du sol, mais comme produits recueillis à litre d'un droit accessoire du droit de propriété. Ces principes, que les Germains avaient trouvés établis en Gaule, passèrent dans leurs usages ^. Sous la période franque, chacun chassait librement sur sa propriété. Le droit des grands el même celui des rois, n'étaient pas en cela diflerents du droit des sujets ^; seulement, comme Jeurs possessions étaient immenses, leur droit de chasse s'étendait sur de vastes espaces *. Pendant le règne des faibles successeurs de Cbarlemagne, les grands s'emparèi'cnl, à titre de propriété, des villas qu'ils avaient jusque-là admi- nistrées pour le roi, à tili'e de bénéfice^. Leur usurpation lui reconnue, et dès lors ils chassèrent librement sur les territoires usurpés, connue ils chas- saient naguère sur lein-s autres biens '^. L'alïranchissemenl des serfs ne changea rien à la situation. Les rillas étaient devenues les seigneuries du moyen âge. Les seigneurs féodaux avaient fixé leurs serfs sur leurs domaines par des concessions tenant de rempli) - léosc per|)étuelle. ils leur avaient cédé le domaine mile du sol, c'est-à-dire le droit d'en percevoir les fruits. Mais, comme ils s'étaient réservé le domaine ' .liislinicn, lii-'ililiiles , liv. Il, lii. 1"', ^ ll>. - Uiiopsiict, Aniilijae dr l'onyine, clt;., § "il'l l'I siii\aiils. s Ihiil. » Ibid. » //>(■(/. '■ Ihid. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 117 dircd , il est évident que tous les droits accessoires de la propriété (|ui ne tenaient pas au domaine utile, leur demeuraient. De là la faculté du seigneur de continuer à chassera titre de propriétaire sur tous les fonds dépendants de Tancienne villa. Durant cette période, le droit de chasse des petits proprié- taires doit avoir existé à coté de celui des grands vassaux. Pendant les désordres des premiers siècles du moyen âge, non-seulement la propriété foncière se concentra dans les mains des classes supérieures, mais encore, il est permis de le croire, on força les petits possesseurs «lu sol à renoncer à Texercice du droit de chasse, qui aurait pu gêner singu- lièrement un des plus ardents plaisirs de puissants voisins. Nous pouvons suivre plus ou nioins ce mouvement en France, où il passa dans la législation. En I3<)G, le roi Charles VI défendit en général à tous les roturiers, qui n avaient pas privilëye ou permission de chasse, de chasser soit es garennes, soit dehors, aucune hèle grosse ou menue, ni aucun oiseau \ Les gens de labour jjurent cependant avoir des chiens, pour chasser de dessus leurs terres les porcs ou autres animaux sauvages ; à con- dition toutefois que, s'ils prenaient quelque bète , ils la porteraient au juge ou au seigneur, ou en pai/eraient la valeur ^. Le principe restrictif était législalivement posé : il ne fit plus que se res- serrer par les ordonnances de 1515, 1533, 1578, 1601, 1007, et linale- menl par rordonnance de 1669 sur les eaux et forêts ''. La jurisprudence interpréta celte dernière ordonnance avec une telle sévé- rité , (pie les nobles ne pouvaient plus chasser que sur le territoire de leurs hautes justices ou de leurs terres de tenure noble; ils ne le pouvaient pas sur les biens tenus en roture '\ En Mainaul, la chasse n'était permise qu'au seigneur haut justicier ou au propriétaire d'un frauc-alleu noble ''. . En Artois, les gentilshommes pouvaient tous courre le lièvre ou voler, ou ' .Mcilin, livi'arloirv, vorbo Chasse. 2 Ibid. - Ibiil. * Jbid. s //;(■(/. . lis MÉMOlllK SLR L'ANCIEMNE poursuivre leur proie sur (/ueh/ue sciçpieurie que ce fûl, lanl rpie le seigneur ne leur interdit pas l'entrée de su terre '. Les documenls manqucnl pour pouvoir établir d'uue nianiôre précise les vicissiludos du droit de chasser eri Hrabanl. Les ducs y possédaient des domaines ailodiaux très-considérables, et il y a tout lieu de croire ([ue le double mouvement de concentration des propriétés el de coaction contre les petits possesseurs s'y était manifesté comme dans tout rOccideul. Dérogeant au droit de domaine direct, sur une terre dont il avait déjà cédé le domaine utile, le duc Jean 1*=' avait permis, en 1290, aux moines de l'abbaye de Parc de chasser lièvre et lapin dans les bois f/ui entouraient leur ubbaip' -. D(! plus, en 1332, consacrant un usage préexistant , le duc Jean III avait donné aux Louvanisles l'autorisation rfe chasser avec chiens sur la rive droite de (a Dyle, du côté de Halen el de Tirlemont , toute espèce de gibier, excepté le cerf , chevreuil, biche et sanglier '\ i\c n'étaient là, comme on le voit, (lue des concessions tout à fait parti- culières : aussi le droit de chasse, tel (\\\\\ est concédé à la généralité des Brabançons par le duc Wenceslas, peut-il être appelé leur fameux pri- vilège. Les articles 31, 32 de la Joyeuse-Eutrée établissent un système complet sur la matière. Craignant que les chiens des gens de labour ne prissent ou ne troublassent leur gibier, les seigneurs avaient sans doute exigé naguère qu'on leur attachât des ligatures aux pattes, de là : 1" Article 30. Chacun pourra avoir pour garder son bien, chiens à pieds non raccourcis; s'ils tuent une pièce de gibier, le propriétaire du chien devra abandonner la proie sur la place; cependant si les chiens la mangent , le propriétaire ne sera pas responsable du fait de son animal. (resf une première el bien légitime concession aux intérêts des petiLs propriétaires et des classes laborieuses (|ui vivent du produit du sol. I l'IiKMtcl ilii 2.S juin ir)73. - Yi-i'.slv„ . t. I, p. (;7l'. 5 /(/.. I. 1. 1». 45'.». COISSTITUTION BRABAÎSÇOiMSE. 119 2° Tout Brabançon peut chasser pur tout le Brabant lièvre et renard sans être en contravention. 3° Tous chevaliers, ecuyers et bonnes gens des villes petivenl chasser le gros gibier également par tout le Brabant ; sauf toutefois dans les bois et garennes que f on fera connaître, et suivant la teneur des lettres qu'on expédiera sur la matière. Dès lors le (lioil de chasse, d'accessoire de la propriété (|imI élail à l'origine , devenait un droit personnel dans le chef de tout liabilant dn Hrabant. La seule distinction (pii, sur ce point, se maintenait encore entre les diverses classes sociales portail sur Pespèce du gibier. Les gens du plat pays sont seuls nnis dans une situation inférieure; les bonnes gens des villes sont ici , comme presque partout , mis sur le pied de la noblesse. lleinar(|uons que chacun devait user de son droit noblement, c'est-à-dire devait l'exercer au pied du vieux proverbe brabançon : Jagen hayr met hayr, pluym met pluym '. (l'est ainsi (pie tous les placards émanés sur la matière entendent le droit de chasse, et ils ne rencontrèrent pas d'opposition, ce qui prouve bien (ju'ils n'innovaient en rien. Dès lors on ne pouvait tuer le gii)icr avec armes de trait, ni le prendre avec des (ilets. Du reste, le souverain, en concédant un droit, ne renonça pas à la faculté d'en régler l'exercice. Diverses ordonnances limilèrenl le mode el le temps de la chasse, et déterminèrent certains lieux qu'il fallait absoltnncnt s'abstenir de fouler : ainsi, par exemple, les garennes, qui sont proprement des terres en garde, c'est-à-dire où le propriétaire seul a le droit de chasser. Ces principes passèrent dans la Joyeuse-Entrée d'Antoine de Bourgogne, (|ui les étendit encore. Son article 23 ajoute explicitement à la permission de chasser lièvre et renard, celle de chasser le lapin, et de voler librement partout avec oiseaux. Un règlement qui spécifiait les garennes ili^y ail être intervenu en 13()7, car l'article 23 on indique déjà quatre, qui sont : les bois de Soigne, deSaven- terloo, de Groolheyst el de Meerdale. Plus tard la Joyeuse-Entrée cite encore ' Loovcns, f' p:irl.. p. 04, cl ;uissi Trlbonkintis Betgicus, tluip. 55, § 4. 120 MÉMOIRR SLR LAiNCIEMSE la l'oièt de Grooleiilioui. Par la concpssioii successive de garennes, le sou- verain aurait pu restreindre singulièrement , cl même tout à lait éluder, le fameux [Hivilége des Brabançons; c'esl pourquoi, depuis Antoine de liom- gogne, tous les ducs promettent : Ai'ticlc 25. Qu'il n'y mira en Bruimnl d'autres garennes que celles qui le sont d'ancienneté , ou celles qui doivent l'être de droit. Ces derniers termes rcçoivenl leur explication par les chartes postérieures : ce sont les terres tenues de temps immémoiial en garenne par concession féodale du suzerain. Philippe de Sainl-Pol reprend les mêmes dispositions. Ses prédécesseurs sans doute avaient essayé de subordonner à certaines conditions l'exercice du droit de chasse, car, restreignant son droit de réglementer la matière, il dispose : Que pour que ce point reste ferme et stable, il promet que plus Jamais il ne fera ordonnance , défense ou demande contraire, en aucune forme ou manière, par laquelle pourrait être fuit ou donné empêchement à ce point. (Article 34.) Philippe le Bon introduit dans la matière un principe nouveau évidem- ment dicté par l'intérêt des classes inférieures. Les garennes privées devaient regoiger de gibier : or, comme il était défendu, non-seulement de chassei- dans la garenne, mais encore sur les terres qui l'entouraienl dans un ceiiain ravon ', les terres et les moissons devaient soulTrir des dégâts considérables. C'est pourquoi le bon duc, tout en maintenant les franches garennes, ajoute à son article 4-7 : pourvu que les gens n'en souffrent pas un dommage déraisonnable. L'article 10 de sa deuxième addition revient sur la même idée. Les pos- sesseurs de franches garennes avai'ent probablement forcé les propriétaires limitrophes à se défaire de leurs chiens, ou du moins à leur eiHever la liberté de courir. Le duc déclare de nouveau, que chacun pourra garder des chiens à pattes libres, et qu'on gardera derechef les bonnes gens de tout dommage déraisonnable du gibier, de telle sorte qu'ils n'auront aucun ' Anscliuo, Codex Belgicus, vcrbo J\(.t, clc. COINSTITUTION BRABANÇOISÎVE. 121 motif de se plaindre. Pour le reste, on observera sur ce point les privilèges du pays. L'article 61 de la charte de Marie de Bourgogne dispose aussi epie les ga- rennes doivent être gardées de manière à ne pas nuire déraisonnablement aux bonnes gens. Le syslème légal de la Joyeuse-Enirée sur la chasse, lel que nous venons de l'exposer, se reproduit dans toutes les chartes postérieures. Dans la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne, nous trouvons cependant une disposition sur la nialière qui n"esl pas renouvelée dans la suite. L'article 59 permet de prendre avec des filets moineaux, hirondelles, alouettes, b('casses , pluviers, pinsons, etc., et de tirer les canards et les oiseaux d'eau. C'était bouleverser foule l'économie des principes reçus jusqu'alors, et ouvrir la voie aux plus graves abus en matière de chasse ; car, dans la plupart des cas, le délit devait se séparer par une nuance excessivement délicate, de l'usage légitime du droit. Une quantité innombrable de placards furent publiés sur celle maliére: il sérail Irop long de les analyser ici; nous nous bornerons à citer ceux de 4510, 1514, 1519,1528, 1540, 1541, 1545, 1551, 15G8, 1570, 1571, 1611, 1613, 1617, 1623, 1629, 1631, 1646, etc. Remarquons enfin que le propriétaire qui avait franche garenne, ou celui qui possédait un pririlêge de chasse, pouvait non-seulement courre les bêtes fauves et voler avec faucon et autres oiseaux dressés, mais encore chasser avec armes de trait, filets et autres engins '. Pour prévenir les dégâts que la liberté de la chasse aurait forcément causés aux moissons, il fut établi (|ue, dans chaque village, il n'y aurait qu'une seule trompe. Cette trompe était à la garde du commis du grand veneur, ou du commis du vassal qui avait privilège de chasse. Tous ceux (pii voulaient user de leur droit se réunissaient et devaient se faire accom- pagner par la trompe du ressort -. ' Loovciis, 1" parlic,p. Ci. Manuscrit cité de Wynants sur de Papr, sous les art. 53, 54, 55. 2 Butkens, tome IV, p. 22G. Tome XXXL 16 122 MEMOIRK SIR L'ANCIENNE §XI. Iti; LA MONNAIE. Le droit de batlre monnaie appartenait, dans les premiers temps de la période franque, à tonl le monde '. Les rois se bornaient à surveiller le litre et laloi des pièces qu'on mettait en circulation. Chacun ne trouvait à JVxer- cice de ce droit d'autre limite que celle de son crédit, qui faisait accepter, avec plus ou moins de facilité, la signature mélallicpie par la(|uelle il garan- tissait le poids et le titre de sa monnaie. La grande diversité des types monétaires, (pii jelail tnie fâcheuse in- certitude dans les transactions, engagea Charlemagne - à tâcher de res- treindre le droit des particuliers. Par des actes successifs émanés de lui et de ses successeurs, le droit de battre monnaie commença insensiblement à être réputé droit régalien. Néanmoins, au milieu de l'indépendance féodale, la plupart des grands seigneurs continuèrent à battre des monnaies particulières : ils y trouvaient un grand profit, et souvent, quand le pouvoir royal n'était pas assez fort pour les réduire à l'obéissance, il couvrait du voile d'une concession souve- raine le fait qu'il n'avait pu empêcher ". H dut en être de même dans l'empire d'Allemagne. Il est de la plus haute probabilité que les comtes de Louvain ballirenl monnaie d'une manière permanente, depuis que le duché de Lotharingie devint héréditaire dans leur maison. Le droit de battre la monnaie d'or leur fui concédé spéciale- ment par l'empereur Louis IV de Bavière, sous le règne de Jean 111 '. Cependant ce droit pouvait donner lieu aux abus les plus graves et amener ' IJacpsiict, ouv. cité, Anali/se de l'origine, etc., g§ 177 cl suivaiils. « Ibid. s ll,iement en monnaie forte : de là perturbation sociale immense. Il est probable qu'en Brabant les principes rigoureux de la justice écono- mique ne furent pas plus respectés. Depuis la charte de Cortenberg, le duc ne pouvait plus imposer de charges que du consentement des villes et du pays. Plutôt que de recourir à ces demandes de fonds (|ui pouvaient être écartées, il avait, sans doute, recours à un expédient: il haussait la monnaie, à proportion des fonds dont il avait besoin, et comme, moycnnani pa\ement, il avait droit de prise de vivres et de fourrages, il pouvait momenlanémeiil se tirer d'aflaire -. Mais entre-temps toutes les relations pécuniaires étaient troublées, toutes les fortunes particulières ébranlées. C'est là l'origine de l'article de la charte wallonne qui dispose qu'on ne ballra monnaie en Bmbanl qu'en villes franches, du conseil des villes et du pays, el qu'on la tiendra el maintiendra en bon aloi , du conseil des villes et du pays. Ces principes dictés par la plus haute prudence i)araient à presque tous les inconvénients. Dès lors le duc ne pouvait |)lus,eu inondant les pays de monnaie, même droite de poids et de titre, faire baisser arbitrairement la valeur relative des espèces à l'égard des autres valeurs. (Beiiiartpions (pu- ceci était d'autant plus important qu'alors, comme aujourd'hui, la monnaie n'avait cours légal que dans les domaines du monnayeur, relativement res- ' Traité hislorique et mèlhuilitiiic sur l'usaye et la nature des ancieiuies monnaies; par P. Simonon. LU'^c, I7.'i8, p. 3'<-, 33. - Par argiiiiUMU de ce qui dit Racpsact des rois de l'raiice. Hisluire des étals (jénéraiix , $ 20t;, II- fond du droit féodal étant partout identique. iU MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE Ireints) K II ne pouvait pas non plus falsifier libromenl les espèces, surveillé qu'il était par les représentants des villes et du pays, auxquels rien de ce qui se passait dans les villes franches ne pouvait être étranger. Cette charte wallonne n'avait, comme nous l'avons déyd dit, qu'une durée temporaire. L'article 13 de la Joyeuse -Entrée vient donc à |)ropos pour remettre les mêmes principes sous la garantie du serment inaugural du duc : 1" On ne battra plus inonnnic fjue de l'avis du pays. 2° On ne chaiiyem l'aloi des espèces que du même avis. 3° On ne battra nouvelle monnaie qu'en la rendant bien reconnaissablc. (Ceci pour faciliter encore la surveillance des intéressés.) 4" Elle sera battue seulement es villes franches, et taxée comme le porte la charte wallonne. 3° Si le monnajjeur altère les espèces, on le punira sans port ni délai, dans son corps et dans ses biens. L'ensemble de ces principes se développa dans le cours des len)ps, et passa dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieui'os. L'article 9 de la charte d'Antoine de Bourgogne ne se borne plus à parler de l'avis du pays de BrabanI, mais il dispose en termes formels que le souverain ne battra monnaie, ni ne changera son aloi que de l'avis, vo- lonté et consentement du pays. L'avènement de Philippe de Sainl-Pol apporta dans le système monétaire de nouvelles modifications aux principes de la charte de Wenceslas. La dé- fense de diminuer l'aloi de la monnaie fut rendue absolue, et, de plus, on ne s'engagea plus à mettre à la monnaie qu'on battra des marques particulières. La puissance du crédit public s'était accrue, et la participation des étals au fait (lu monnayage garantissait sullisanimenl la sincérité de la maniue (|u'a|)posait le souverain aux espèces nou\ elles. La charte de Marie de Bourgogne signale une nouvelle tendance de dénancc envers l'action de la souveraineté (Article 31). Une fois l'an, au moins, on fera essayer les monnaies devant des magistrats des quatre chefs- villes, commissionnés ad hoc. L'essayage se fera par un essayeur nommé I I>;ir ;ii-iimi-iil iVnur oniiinnnrKr de saint I.miis. vlli'-r par R.icpsacl, tome IV, p. I !lô. CONSTITUTIOIS BRABANÇONINE. 425 par la duchesse el par un essayeur nommé par les chefs-villes. Aucune monnaie étrangère au Brabanl, même frappée dans d'autres Étals de Marie de Bourgogne, n'aura cours dans le duché qu'après avoir été essayée et évaluée à sa juste valeur. Quand 3Iaximilien d'Autriche approuva la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne, en 1477, il revint encore sur les mêmes formalités '. Article 10. On fera essayer lotit de suite, par l'essayeur ducal et par celui des états, les monnaies d'or et d'argent qu'on frappe à Anvers, pour savoir si elles sont conformes au type accepté par Charles le Téméraire, et pour leur laisser avoir cours. De plus, dès qu'on le pourra , on fera d'après le même type el à la réquisition des états, battre la monnaie qui, au nom du duc et de la duchesse, sera battue en Braijant. Ces dispositions sur l'essayage de la monnaie ne sont que transitoires dans la Joyeuse-Entrée. Les garanties, dont le système complet se trouve dans la Joyeuse-Entrée de Philippe de Sainl-Pol, sont les seules qui se mainliennent jusqu'à la fin. (Constatons toutefois, que depuis le règne de Charles-Quini, les états n'ont plus guère été consultés sur le fait de la monnaie. Avant d'ahandoimer celte nialière, faisons une dernière reniar(|ue. I.c droit de hallre monnaie était un droit souverain, qui n'appartenait qu"au duc el nullement aux états de Brahant. Néanmoins, après la mort de Philippe de Saint-Pol, les étals, poussés par la nécessité des circonstances, décidèrent qu'on continuerait à battre monnaie à l'efligie du mort , tant que le cadavre ne serait pas enterré; en d'autres termes, tant qu'il n'aïu-ait pas de successeur. C'est ce qui e\pli(|ue l'addition (jue nous trouvons à l'article 2G de la charte de Philippe le Bon; elle décide : Que la monnaie qui existe maintenant (c'est- à-dire celle frappée au coin de Philippe de Sainl-Pol) restera suhsii^ler an même aloi el dans la même forme, pour tout le temps pour lequel elle a été consentie. De plus on gravera de nouvelles matrices aux titres et armes du nouveau duc, à moins qu' entre-temps on n'en ordonne autremeiil du consen- tement des états. Cette disposition est parfaitement compréhensible : engagé dans une ' Voir l'acte do Maximilicn, dans lA)0\cns. ô'' pirlio, p. 8ô. J2(> MEMOIRE SUR LANCIEINISE foule do (lillicullos cxlérieures, chargé du soin de nombreux Étais, le duc Philippe le Bon ne pouvait s'occuper imniédialomenl de la monnaie hrahançonne. Des motifs analogues expliquent l'existence d'une disposition semblable dans la charte de Charles le Téméraire. § XII. DES UOMxMES DE SAIM-PIERRE. Article 27. Nous promenons que l'on traitera les PEETEnsMANNEx et ceux qui sont de l'hommage de Saint-Pierre , comme de droit l'on est tenu de les traiter et de les tenir. Tels sont les termes d'un article qui, à travers les siècles, conserva, dans toutes les Joyeuses-Entrées, le vestige d'une de nos plus anciennes institutions brabançonnes. Ce n'est pas dans ce mémoire que doit trouver place une his- toire complète des Hommes de Sainl-Picrro. Nous en dirons cependant quelques mots, et, partageant presipie entièrement les vues de l'auteur d'une excellente brochure \ présentée à l'Académie royale en 1853, nous exposerons briève- ment l'origine et les droits de cette classe particulière de Rrabançons. Il y a tout lieu de croire que le sentiment religieux et la muniHcence des comtes de Louvain avaient doté l'église de Saint-Pierre de domaines consi- dérables. Pour les peupler, nos comtes avaient alTranchi quantité de leurs serfs, à charge de payer un tribut à l'église, et, sans doute aussi, d'en oc- cuper les terres ^. Poussés par le besoin de se grouper aulom- d'un centre religieux, mus par le désir de conserver l'indépendance des ancêtres, que la violence du tenq)s menaçait à chaque instant de leur lavir, beaucoup ' Piir M. Lavîillcc, avocat à Bruxelles. - \i)ir la foiiiiiilc du .serment des Hinjlen Peetersmanncii , Coutume de Louvain, art. HJ, CONSTITUTION BRABANÇONNE. 127 (l'honimes libres vinrent se réfugier auprès du nouveau sanctuaire, et s'as- surèrent sa protection en lui prêtant hommage '. Tous ensemble, hommes libres tenus par l'hommage féodal, serfs alTranchis tenus par le tribut, ils formaient la famille de l'église, les homines sancti Pétri ^, et étaient soumis il sa juridiction particulière. On sait (|u'il était de droit commun au moyen âge que le propriétaire de la vida eut sur la famille domeslicpie ce i|ue nous pourrions appeler la juridiction de police ou même correclionnelle ^. Les hauts justiciers avaient même exemption complète de la justice du souverain *. Dés lors le droit commun de presque toutes les églises du moyen âge, de ne pas dépendre de la juridiction séculière, ne semble plus si extraordinaire. Mais les églises, pas plus que les seigneurs laïques, n'acquéraient cette haute justice de plein droit; ils la recevaient d'un octroi particulier du souverain, octroi du reste que |)res(iue toutes avaient reçu et qui constituait une partie de leur immu- nité. L'église de Saint-Pierre avait aussi son domaine p('U|)lé par une popula- tion qui dé|)endail d'elle; par consé(|uent, elle participait aux droits (|ue la loi du temps attribuait au seigneur de la terre. C'est donc à une concession originaire dont le titre est perdu (|uc doit remonter le tribunal spécial des hommes de Saint-Pierre; concession origi- naire qui n'avait rien de particulier, mais qui présentait les caractères communs à toute haute justice ''. Le tribunal des Peetersniannon , à l'origine, se composait des honmies libres « qui faisaient le service judiciaire en venant s'asseoir aux plaids, » pour statuer sur les dilférends de leurs pairs, de colons, de serfs, de » vassaux de condition inférieure, soumis aux règles de la confédération » de Saint-Pierre ^\ » Quand la famille groupée autour de Saint-Pierre a acquis une certaine ' Lavalléo, p. 18. 2 1(1, p. î). "' Raepsact, Analyse de. l'oriyine , etc., § ISfi. * /(/., §1 -2'-2o et suivants. ■' La vallée, p. 39. '■ /(/. p. Z7. 428 MEMOIRE SIR LAÎSCIEIVINE iinporlaiico, il n'est pas étonnant que des in(li\i(lus élrangers à la corpora- tion, y accourent en foule, pour venir se mellre sous sa protection et subir sa loi. Hienlot la ville obtient récbevinage local; le duc prend naturellement ses magislrals et ses éclievins parmi les membres de la confédéralion domi- nante. // y a sept ik-lievins : les familles diverses iVlioiiimes libres du domaine, poussées par Tinlérêl , se groupent, suivant les affections et le besoin, ol s'arrangent de manière à avoir conlinuellemenl, dans l'écbcvinage local un membre de celle agrégation parliculière, que plus lard on appellera lifjiicifje ou souche patricienne. De là le nombre de sept soucbes patriciennes que Ton rencontre à Bruxelles, à Anvers, comme à Louvain. Quant aux serfs affrancbis, ou bommes de la mense, disséminés sur les terres de l'église, ils continuèrent à babiler liors des portes de la ville, et formèrent la catégorie des Buyien Peetermannen. L'on trouve ces deux catégories distinctement conservées jusqu'aux der- niers temps de l'ancien régime. Placés sous la sauvegarde parliculière de la valeureuse maison de Louvain, les bommes de Saint-Pierre partagèrent de plus près ses périls et sa gloire; conmie nieyssenniers de la famille du duc, ils étaient en effet tenus de le suivre partout et toujours à la guerre. C'est peut-être à celle situation qu'il faut attribuer, sinon leurs privilèges, au moins la position spéciale que, seuls en Rrabant, ils avaient à l'égard du pouvoir ducal, parmi toutes les familles ecclésiastiques , et le maintien de leurs pi'iviléges pendant le cours des siècles. En effel, leurs droits et leurs privilèges étaient non-seulement garantis par le serment général de la Joyeuse-Entrée, mais, comme nous l'avons vu, ils faisaient l'objet d'un article exprès dans cet acte solennel. De i)lus, depuis Jean I'', cbaque souverain, à son avènement, venait faire un serment spécial à l'église de Saint-Pierre à Louvain '. Après avoir exposé l'origine probable des Sinte-Peetersniannen , il nous reste à tâcher d'exbumer leurs droits de l'oubli profond où ils sont tombés. ' liutlelins (le la Commission d'Iiistohc , tome 111, j). "rl\ M;muscril cité de Wynaiils sur (II' l':i|ii", sous l'an. 31. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 129 Nous avons déjà parlé de l'exemption de la justice ordinaire du souverain, et, dans ce côté particulier de Fimmunité ecclésiastique, nous avons reconnu un caractère commun à toutes les hautes justices de la féodalité. L'immunité, d'après le droit commun, comprenait encore l'affranchisse- ment de taxes et de tailles perçues au profit du duc '. Cet affranchissement fut formellement reconnu aux hommes de Saint-Pierre par une charte de 1309 de Jean IP. Des auteurs prétendent même qu'ils étaient exempts de l'ohligation onéreuse des péages et tonlieux en Brahant '\ Le irihunal particulier des hommes de Saint-Pierre, corollaire évident et naturel de l'exemption de la justice ordinaire, se perpétua à travers les temps, et reçut une consécration définitive dans la coutume de Louvain, homologuée en 1622. Il se composait de députés des lignages réunis sous la présidence du maïeur (article 48 de la coutume) et jugeait les causes des Siiifc-Peetersmajinen, \anl lignagcrs que forains, qu'elles fussent civiles, personnelles ou criminelles, pourvu que le Vcelcrman demandât le renvoi, ante lilem conlestalum. Ceux qui étaient domiciliés hors de la cité étaient soumis à la juridiction de leur domicile, pour certaines questions spéciales, telles (]uc cours d'eau, chemins, dommages de hestiaux, etc. (article 19 de la coutume). L'exemption des tailles perçues au profit du duc avait fini par devenir le privilège connnun des Brahançons, dont le pays entier était, comme nous l'avons vu , pays à subsides. Quant aux autres privilèges que l'église de Saint-Pierre reçut de la muni- ficence des ducs de Brahant, il est impossihle de les détailler. Juste Lipse déjà proclamait, par rapport au serment particulier des ducs, id fieri mnris prisci causa, et rem non ferc uholivisse \ Nous avons vu (|u'il y avait deux catégories nettement tranchées d'hommes de Saint-Pierre : les lignagcrs et les Bujften-Sinte-Pcetersmannen. Pour participer aux droits, quels qu'ils fussent, de la vieille confédération, il * Lavallée, p. 42. ^ /(/. , p. 33. ^ D'après Parival. Lavallée, p. 35. * Voir Lavallée, et Manuscrit de Wynants sur de Pape, sous l'art. 31. Tome XXXI. 17 130 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE l'alhiit prouver soIcMiiielloment qu'on appartenait à lune de ces classes. Au con)menceinent du quatorzième siècle, la preuve se faisait encore dans Téglise, devant le doyen et le chapitre rassemblés, à Taulel de Saint- Pierre. Celui qui désirait être admis dans le collège du patriciat devait se faire assister de deux cojureurs et allirmer sous serment sa qualité de descendant des véritables lignages '. Ouant aux hommes de la mense, on semblait se contenter à lorigine « de » ratleslalion solennelle de personnes probes et dignes de foi, pour admettre » dans la famille censitaire celui qui , sans en apporter la preuve écrite, >' s'y prétendait déjà engagé. » Insensiblement le pouvoir accordé à l'autorité ecclésiastique se transporta à l'autorité connnunale de Louvain *. C'est devant le magistral que se tirent les réceptions. Les formalités alors se compliciuèrent. Pour être reçu parmi les Buyien Peetersmanneu, il fallut (article 17 de la coutume), outre la nais- sance en Brabant, jurer qu'on était homme de Saint- Pi erre de Louvain , et FRANC-MESSENIER dcs ducs , appartenant à leur libre famille domestique. Remarquons, pour finir, que ce privilège de juridiction des hommes de Saint-Pierre fut souvent contesté, mais toujours maintenu avec énergie. L'histoire locale rapporte une foule de cas où des amendes considérables furent infligées à des olTiciers judiciaires qui avaient violé le privilège des Sinle-Peetersmannen^ . % XIII. DES BOURGEOISIES DE LA IICLPE , MERCIITEM. ETC. Article 32. Quand (/uelt/u'un désormais deriendra bourç/eois à C/tapelle- au-Buis, la llulpe et Merehtem, ses lettres de bourgeoisie contiendront la ' Laviill(!c, pp. 22-23. « /(/., p. 25. ' /(/., p. 27. COi^SïlTUTION BRABANÇOISINE. l.ïl dalc de l'année et du jour de sa réception; et depuis celte date , pendant an et jour, il supportera les cluirges publiques et les amendes pénales, comme s'il n'était pas bourgeois. L'obtention du droit de bourgeoisie avait, de droit commun, entre autres conséquences, celle de soustraire le poorter, non-seulement aux tailles et aux taxes ducales, mais encore aux amendes arbitraires prononcées pour crime. Il semble, par l'article 32, que ces villes voulaient soustraire leurs nouveaux bourgeois aux cbarges anciennes et aux amendes rpi'ils avaient encourues avant leur réception. C'était là une prétention exorbitante qui était cependant assez commune. Peut-être même n'est-ce là qu'une condition mise par le duc à l'acquisition d'un privilège. Alors il faudrait expliquer l'article ainsi : Que quiconque deviendrait bourgeois dans ces communes, serait , pendant au et jour après sa réception, considéré comme s'il n'était pas poorter, et quant aux charges pulAiques et quant aux amendes pénales. Quoi qu'il en soit, l'article 32 fait cesser tout malentendu et prévient, par une disposition légale, loule difllculté avec les olliciers ducaux. Il répond à une situation essentiellement locale et temporaire; aussi disparait-il déjà dans la Joveuse-Entrée d'Antoine de Bourgogne. § XIV. CONFIRMATION DES PIUVII.ÉGRS DES ECCLÉSIASTIOIES. Outre la confirmation générale des privilèges et la fameuse clause de refus de service, que nous étudierons dans un chapitre spécial, le duc Wenceslas confirme encore, d'une manière particulière, les privilèges el les droits des bonnes gens des couvents de Brabanl. Article 26. Il promet de garder fermes et stables toutes les chartes et tous les privilèges scellés en leur faveur par le duc Jean III et ses prédécesseiirs , les confirmant et les ratifiant dans leur entière teneur. 1.12 MEMOIRE SUR LAISClEiNNE Pour expliquer celle clause toute parliculicie relative aux gens irÉglise, il faut, pensons-nous, rcmonler aux faits qui ont amené Wenceslas sur le trône du Brahanl. Les villes s'étaient confédérées et avaient hautement pro- clamé leur intention et leur volonté de rester unies sous le même souverain, pourvu qu'il respectât leurs droits et leurs privilèges. La noblesse braban- çonne avait adhéré à l'acte d'union. Les ecclésiastiques, s'ils n'avaient pas fait d'opposition, n'avaient pas davantage donné signe de vie dans cette alïaire. iN'ulle part on ne trouve de trace de leur intervention dans cette situation spé- ciale du duché do Hrabant. Comme les droits de la noblesse résultaient plutôt de la nature même de la société d'alors (pie de concessions ducales, il s'ensui- vait que le clergé seul n'avait pris aucune précaution particulière pour ses pri- vilèges. Cependant les ducs de Brabant avaient promis de les maintenir pour eux et leurs successeurs. Lié par les promesses faites par ses devanciers, Wenceslas, croyons-nous, octroya l'article 26 pour plus grande sûreté des gens d'Église et pour qu'on ne pût leur opposer aucune exception. § XV. ^ APPENDICE DE FA CIIAItTK DE CORTE\BERG, RENOUVELÉE EX lÔl"! Entre la .Foyeuse-Eiitrée île Wenceslas et celle du duc Antoine de lîour- gogne se place un acte important du droit public brabançon, (pie nous ne pouvons passer sous silence : nous voulons parler du renouvellement de la charte de Corlenberg en 4 372. Cet acte, donné à la suite de la captivité du duc après la bataille de Bastweiler, fut en quelque sorte la condition du subside considérable (|ue nobles et villes du Brabant volèrent pour pourvoir aux nécessités du trésor. Il est probable que les dis|)osilions de la charte de 1312 n"avai(Mil pas ' Voir II' Icxlc lie cette cliarle, publii'e dans le .Uidilelavr, revue ilaiiiiimle. s à la juridiction des cours échevinales ou féodales, qui formaient la juridiction ordinaire. Celait une juridiction d'ex- coplion, et par conséquent il importait de restreindre son action dans de siricics limites. Il est probable encore que les formes de procédure y étaient plus simples et beaucoup moins favorables aux justiciables; et du reste, elles les obligeaient toujours à aller plaider ou se défendre hors du centre de leurs intérêts. On comprend par là l'importance de l'article 26 de la charte d'Antoine de Bourgogne, répété dans toutes les chartes d'inauguration postérieures : On n'attraira devant la juridiction forestière que les causes provenant de dettes qui prennent leur source dans la vente et l'achat de bois des forêts du souverain ^, ou d'autres bois et forêts qui ont été d'ancienneté soumis à la juridiction forestière. Quant aux bois soumis à celte juridiction spéciale, il doit en avoir existé une liste qui les indi(|uait ^. Pour ce qui concerne l'étendue de sa compé- tence, il y a plusieurs placards émanés sur la matière, ainsi qu'une instruc- tion sur la Foresterie donnée par Charles V *. L'article G2 de la charte de Marie de Bourgogne, qui n'est plus reproduit dans la suite, restreint la juridiction civile du consistoire des forêts à la première vente des bois au moment oii ils sont détachés du sol. — Les par- ticuliers dont les bois ne sont pas d'ancienneté sous ce consistoire devront poursuivre leurs droits d'après le droit des villes, et du pays. Le waul-recht siégeai! primitivement à Woluwe : plus lard son siège fut établi au Rroodhuis à Bruxelles "'. ' llrmii- cl Waulers, Histoire ilv lu r/V/c de lii lixelles, I. II, p. 497. - Il \ .1 propi-rnirnl diins rafle s/inn/letiile riin licl landl ; iiiiiis ces mois sont remplacés l>icnlol par ceux nui deii jiriiis van liel Itiiid , tpii en (iclcnnini'iit le sens. ' Jlaiiusciii citf' (le W\ nanls sur de Pape, sous rarlicle 50. » Ihid. " Honpc elNViiulers, locv riUilo. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 145 CHAPITRE IV. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE JEAN IV, DU PRIVILÈGE DU RUWAERT ET DU NIEIW REGIME^T DE JEAN IV. Le besoin de domination est un des instincts moraux les plus impérieux de la nature humaine. Il se manifeste à tous les degrés de réchelle sociale : chez les uns par rimpalience dobéir, chez les autres par la tendance invin- cible à ne pas reconnaître d'égaux, ou à étendre toujours les limites des attributions qui leur sont confiées. Quand le pouvoir souverain lui-même, après avoir miné les pouvoirs secondaires, se trouve devant l'initiative |)ri- vée, il cherche encore à la dominer, à l'attirer à lui, souvent au grand déiriment des intérêts et de la liberté des individus. C'est celte tendance intime' (pii fait que partout où un monar{|ue partage avec un corps politicpie uni(|ue l'exercice du pouvoir souverain, il y a entre eux lutte de prééminence. Chacun d'eux veut réduire son adversaire à une position d'infériorité; chacun d'eux étend son action et interprète ses droits et ses prérogatives de la manière la plus extensive. Unis (pianil un danger extérieur menace l'existence sociale elle-même, prince et corps délibérant se concertent pour le conjurer; mais à peine l'orage est-il éloigné de leurs tètes, que la lutte reprend plus vivace et plus acharnée. Heureux encore le peuple si les puissances rivales n'usent (|ue de voies légitimes et n'ont pas recours à ces coujis d'État , si nombreux dans l'histoire , toujours fâcheux pour la stabilité des institutions et pour la moralité des individus! Dans nos gouvernements constitutionnels modernes, le partage de la représentation nationale en deux corps séparés sauve en partie la nation de ces luttes fâcheuses. Il est à prévoir que, constitués sur des bases plus ou moins différentes, un des corps représentatifs aura intérêt à se joindre Tome XXXI. 19 146 MÉMOIRE SUK L'ANCIENNE à la rovaulé |)oiir empêcher son absorplion, et pour sauvegarder ainsi ses propres prérogatives et sa propre existence. Dans l'ancien régime, ces garanties n'existaient pas plus en Brabanl (pi'ail- leurs. D'un côté, il y avait le pouvoir ducal, de l'autre côté, le pouvoir des états, et ces deux pouvoirs étaient en lutte pei'pétuelle (riniluence. Sortie de cette situation , la Joyeuse-Entrée continua à être le miroir où se réflé- chirent, pendant de longues périodes, les fortunes diverses de la lutte. La mort d'Antoine de Bourgogne signala à la fois la constitution définitive des états de Brahant et l'accroissenienl de leur puissance (pie le règne de Jean IV^ amena à son apogée. Antoine était tombé à Azincoin-t , glorieusement enseveli dans sa bannière brabançonne. Aucune disposition n'avait été prise pour le gouvernement du duché, ni pour la tutelle de ses enfants encore mineurs. Les états formaient la seule autorité qui subsistât dans le duché. Ils s'emparèrent du pouvoir et se montrèrent à la hauteur des circonstances. Ils nommèrent un conseil de régence pour gouverner, sous leur surveillance, le duché jus(iu'à la majorité de Jean IV. Les chefs-villes auraient bien voulu profiler du bas âge du duc pour insérer de nouvelles clauses dans sa Joyeuse-Entrée; mais les nobles et les prélats s'y opposèrent; et, le lo janvier 1416, Jean IV fut inauguré solemiellement à Louvain, en jurant toutes les dispositions de la charte inau- gurale d'Antoine de Bourgogne. Il devrait prêter un nouveau serment â sa majorité '. Beaucoup de causes amenèrent la prééminence du pouvoir des états durant le règne de Jean IV. Deux fois par leur sagesse ils avaient sauvé l'héritage du duc, et des prétentions de l'empereur Sigismond et des prétentions de Jean sans Peur. Ce dernier voulait avoir la tutelle de ses neveux , ce qui aurait pu avoir les conséquences les plus graves pour le maintien des insti- tutions et de l'espril milional -. D'un autre côté, le jeune duc, par ses prodi- galités excessives, avait forcé les villes â un cou|) d'éclat; en 1417, elles s'étaient emparées, du consentement des nobles et des prélats, de l'admi- ' Piililii'iitioiis de lii Commission d'Iiistoirc , Chronique tic De Di/nlcr, I. III, p. ÔO'.l. '^ L'ulihé X.iint'clic, (nivr. cili', t. IV, p. 7'i3, anlôrieiiiTS et suivantes pour les points de l^iit (pli y sont piiiiaitenieut exposés. CONSTITUTION BRABANÇOISNE. 147 nislration du domaine. Elles défcndirenl au duc de faire aucune nominalion sans rassenliment de ses conseillers-tuteurs, et ])annirenl du Brabani plu- sieurs de ses officiers '. Après des faits de celte nature, on conçoit qu'en prenant par lui-même et définitivement, en 1418, les rênes du gouvernement, il devait être difficile au duc Jean IV de ressaisir son pouvoir et de dominer les étals. Au lieu de rivaliser avec eux de prudence et de sagesse , il persévère dans ses désordres financiers et dans la conduite la plus légère. Enfin , poussé par un esprit de vertige, il introduit la division dans le pouvoir ducal lui-même et rompt avec la duchesse Jac(pieline de Bavière. Les étals se joignent à l'épouse outragée; une lutte ouverte s'engage entre les états et le duc, et ce dernier, sans énergie pour accepter une situation (piil avait créée, abandonne la partie et quitte le pays. Son frère, Philippe de Saint-Pol, est nommé rmvaert du duché de Hrabant. De ces faits sortit cet acte célèbre dans l'hisloire du Brabant qu'on nomme hcl Nicuw Rcfiiment van herfof/ Jaii IV, et l'acte non moins célèbre appelé le Privilège du rwvaerl. (-es concessions furent imposées par les états à Jean IV presque connue conditions de sa rentrée en Brabani. Les dispositions en sont remanpiables, en ce qu'elles sont calquées sur les besoins impérieux (pii s'étaient fait son- tir pendant les premières années du règne du malheureux duc, et aussi en ce qu'elles reffètent plus ou moins Ihistoire de la ville de Bruxelles, (pii, depuis la décadence de Louvain, primait entre les chefs-villes. ' Ilcnne l'I Waulcrs, otivr. lilc, I. I, p. ID3. M8 MEMOIRE SLR LA.NCIEINi^E S I-. DU PniVII.EGE DU RUWAERT. Dans CCI acte de mai Hâl ', Jean IV cherche à rejeler tonte la respon- sabilité de ses torts sui- cenx qui Fenlouraient de leurs conseils. Il conlinne et promet de respecter tout ce qui a été fait sous Tadministration de son frère Philippe de Saint-Pol, n'engageant à ne molester aucun de ses sujets pour ce f/u'ils ont constitué un ruivaert. Si le duc Jean ou ses successeurs , ducs et duchesses de Brabant , portent atteinte aux priviléf/es des trois états ou de l'un d'eux, dans leurs droits , chartes, privilèges, coutumes, usages et anciennes observances , on ne leur fera plus service, on ne leur obéira plus, et les sujets seront déchargés de tous leurs serments. Les (rois états, à la majorité des suffrages, pourront alors choisir nu ruivaert, tel qu'il leur semble bon et f/ui leur plait ; ce ruwaerl aura les mêmes pouvoirs (pie le prince du pays, et on devra lui obéir jusqu'à ce que le duc ait rétabli les droits lésés dans leur intégrité. Cet acte mettait, connue on le voit, le duc complètement à la merci des états. Si CCS derniers avaient été poussés par des populations incpiiètes et remuantes, c'en était fait de toute stabilité en Brabant. A la moindre contes- tation entre le duc et le corps représentatif, on eût décrété {|u"il v avait lésion de privilèges, on eût -appelé un ruwaerl, el toutes les forces de la nation eussent abandonné le prince légitime, quand toutefois il ne se serait pas élevé une guerre civile. Cet acte fut aboli sous le règne de Philippe le Bon. Le duc prolila d'une émeute à Bruxelles pour faire casser un |)rivilège (pii n'était guère compa- tii)le ni avec la dignité du pouvoir, ni avec l'humeur plus ou moins impé- rieuse de la maison de Bourgogne ^. ' Voir l'aclc au Liii/ster van Brubunt, '!"" |nirtit', pp. 32-iï3. - Luijsler van Brubunt, -2"" partie, p. I2'J. CONSTITUTIONS BRABANÇOiNNE. 149 DU JVIEUW REGIMENT Le Nieuiv Rcymienl ne porte pas sculemenl de nouvelles reslriclions au pouvoir ducal , mais il revient sur plusieurs principes déjà mis sous la ga- rantie de la Joyeuse -Entrée, ou parce qu'ils sont plus importants el [)Ius ohers aux Brabançons, ou parce qu'on y a porté atteinte. Garaiilies de Juridiction. — L'article l*^' réitère la promesse de ne pas clianyer l'ordre des juridiclions el de ne soustraire personne à son juge naturel. iNous en avons parlé en cxpli(|uant la charte d'Antoine de l>onr- gogne. Cette disposition est le fondement de toute liberté civile véritable. Il n'est pas étonnant (pien rendant le pouvoir à un prince léger et maladroit, on lui rappelle le premier de ses devoirs de souverain. Indivisihililé de l'Èlal ^. — (Article 6.) Le duc Antoine de Boui-gogne n'avait pas plus respecté (|ue ses prédécesseurs l'union du Limbourg el des pays d'outre-Meuse au Brabanl. .Mêlé aux affaires de France, aux guerres de Bourgogne el d'Armagnac, il s'était souvent trouvé court d'argent et avait engagé Kerpen, Spriniont , Fuufpietnont , Rolduc et Wassemijery . Les étals avaient lait, à ce sujet, des plaintes Irès-amères, el néanmoins son fds l'imita. Jean IV engagea Fauqueniont au comte de Moers , Liniltourii au comte de Virnembourg, et Daelheni à un autre seigneur. De là l'ai-ticle G du Nieuw lieijimenl , (|ui porte en termes formels la pro- messe de racheter les territoires engagés par le duc el par ses prédéces- seurs : les chefs-villes de Louvain, Bruxelles et Anvers recevront le serment des cautions fournies par les Brabançons, gouverneurs de cespags; lcs(/uelles cautions jureront qu'on remettra les villes, pags et châteaux d'outre- Meuse au Brabant , endéans les quinze jours, dès qu'on en sera requis. ' Voii' racle aux (loitmicnls qui siiivetu le Codex Ifetgivus d'Anselino, dans l'édition de l'elius BoUenis, \M\'i , à la piific 5 (Anvers). - Ernst, ouvr. eité, t. V. jip. I 'J.■j-:20^>. im MKMOIHi: SlIH L AISClEiMSE Principes sur la collation des offices et sur les iklievinayes. — (Arlicle 9.) Nous avons expose, sous la cliarle de Wenccsias, riniporlance du principe (le ualionalilé relativement à la collation des olïîces biabançons. Ce principe reçoit ici de nouveaux dcveloppenients. Outre les échevins et nuujistrats de toutes les villes et bancs (art. 2) , les niaïeurs , ammans et t'coulèfes de Louraia , Bruxelles, Anvers, Bois-le- Duc, Tirlemont , Léau et Nivelles, devront être nés en Brubant. Il en sera de même des commissaires à envoyer par le duc avec pouvoir de renouveler tes éclievinar/es. L'article 9 exige de plus Vadhéritance en Brubant des officiers ducaux dénommés , non pas seulenieni pour que, par leur position personnelle, ils soient plus indépendants du pouvoir central, mais encore pour que ceux qui seraient lésés par eux Ironvassenl , dans cette position stable et constatée, un plus sûr recours en réparation du dommage causé. Les articles 2, 3, 4, iO, H, 12 consacrent l'indépendance des chefs- villes vis-à-vis du pouvoir ducal. Jusipuci, le duc avait, en général, nonnné à volonté les échevins des villes et des bancs; une seule condition était mise à Texercice de son droit, c'est qu'il devait les changer tous les ans '. Cette situation permettait au pouvoir central de mettre dans les magistratures locales des créalures part'ailemenl dévouées et de molester singulièrement les communes qui lui faisaient opposition, en les laissant pendant un certain temps sans échevins, arrêtant parla tout service judiciaire. Cela était arrivé à Bruxelles. Pendant plusieurs mois, le duc avait refusé de nonnnei- les échevins. Plus tard il avait donné à la ville un annnan taré dans l'opinion |)nl)liquo et (]ue les magistrats communaux s'étaient vus obligés (rciMprisonner ". Bien de plus naturel donc (|ue lescbefs-villes, prolitanldes circonstances, parent à ces éventualités làclieuses dans le Mieuw Beyiment. L'article 2 dispose (pie : Désormais les échevins sortants, ou (/uelques-uns d'eiiire eux choisis ad hoc, sous la foi de leur serment , dresseront une liste d'hommes capables t/ails enverront close et scellée au duc : et ce sera sur ' N'dir If ^ ilex offices, apiu-ndicc jui ili.iii. II. - Vuii- |H)iii' Ions ci-i l'ails llcniip cl Wnuloi's, Itisloirv de ftni.rrilts. CONSTITUTIOIN BRABAINÇONISE. 151 cette liste (jxie le duc devra imniédiatement choisir les échcvins nouveaux. Si le prince est en défaut de renouveler les magistratures locales au temps voulu, les échevins sortants nommeront eux-mêmes leurs successeurs , sur la liste déjà faite. Cependant, s'ils ne peuvent s'entendre, la nomination du nouvel échevinage se fera à ta majorité des voix des susdits échevins sortants et des conseillers de la commune assermentés ad hoc. il est superllu (rinsislcrsiir la haulo portée de ces dispositions, (|ui intro- duisaient dans le système échevinal la décentralisation la plus complète. Le dnc n'ayant cprun délai de cinq heures (art. 3) ponr l'aire son choix sur les listes de candidats, Ja nonniiation des échevins nouveaux par leurs prédé- cesseurs devait se présenter fréquemment. Dans tous les cas, le duc voyait son choix restreint entre (|uel(|ucs candidats dont les inllnences locales avaient pu constater le parfait dévouement aux intérêts de la commune. Dans certaines villes, il était dhahitude de confier le renouvellement des cchevinages à des commissaires spéciaux, envoyés de la part du pouvoir central. L'article 4 exige de ces commissaires, outre la qualité de Jira- bançon, la (/ualité de noble ou de baron en Brabant. Les états Noidaienl (|u'une mission aussi importante ne fût conliée (pi'à des personnes indépen- dantes, et, par leur grande position personnelle, an-dessus des intrigues cl des menaces. Mais ce n'était pas tout de rendre les échevitiages indépendants du pouvoir central; la nomination des olliciers, tels que maïeurs, ainmans, baillis, écoutètes, dépendait exclusivement du duc, et, dans la |)liq)art des actes des magistratures locales, leur intervention était indispensable; de là l'article 12. L'article \ 2 consacre l'existence d'un lieutenant du niaïeur, amman efécou- tète, assermenté comme lui et ayant les mêmes pouvoirs. Il pourvoit au cas oti le maïeur serait absent ou refuserait de .s'acr/uilter de son o/f'ce ; au cas où le lieutenant lui-même serait mort ou démi.'mcnt engagé à son oncle Jean de Bavière, ses comtés de Hollande et de Zélande et sa seigneu- rie de Frise ^. Les Biabançons indignés avaient armé pour reprendre les Etats cédés : c'est l'origine de l'article 22. — Le duc ne pourra plus mettre dans aucun office ou emploi en Brabant , ceux qui s'y trouvaient lorsqu'il a fait la sus- dite engagère et qui y ont pris une part quelconque. D'autres dispositions, que les dissensions locales de l'épotpie avaient rendues nécessaires, étaient pourtant d'un intéièl plus général et plus per- manent. Tel est l'article 23 sur les livrées. L'article 23 ne présente nullement le caractère d'une loi sompluaire. Il suflit de nommer les cliaperons blancs, pour réveiller dans la mémoire de tout le monde les jours les plus terribles de l'histoire connnunale de Gand et (le Louvain. Partout et toujours les marques dislinctives extérieures portées par les partis ont été des causes actives de querelles et de luttes. Il en était surtout ainsi au moyen âge, où chacun, ayant les armes à la main, était sans cesse obligé de frapper d'estoc et de taille pour soutenir l'honneur de son écharpe ou de sa bannière. En 14 14, Antoine de Bourgogne, à la demande des prélats, nobles et ' Voir pour les points de fuit lionne et Wautcrs, ouvr. cité. ■' llnd. Tome XXXT. 20 lU MÉMOIKE SUR L'ANCIENNP: l)onnes villes du Biabant, avait lait publier une ordonnance sur le poil des livrées, /JOM/" écarter le désordre qui en pouvait sortir, comme il en était souvent sorti '. L'article 23 du Nietiiv licf/iment en reprend à peu près les dispositions : Personne des deux états laïques, ne pourra, ni en ville , ni au village, vendre ou donner à quelque personne en Brahunt, autres que leurs commen- saux buvant, mangeant et dormant chez eux, haliits, chaperons , justau- corps, cottes, surtouts , ou autres ornements d'uniforme, soil par l'assem- blage de couleurs, soit par la bordure ou autrement. — Les nobles, barons, pourront cependant en faire porter à leurs receveurs, officiers, maïeurs et sergents. Ceux (pii contreviendront à ces dis|)ositions, soit en acceptant ta livrée, soit en la donnant, outre la confiscation des pièces de vêtement ait profit du duc, encourront , chacun, une amende de vingt escalins vieux gros; amende dont on ne pourra leur faire grâce. L'article 24 continue : Quiconque, de cette manière ou d'une autre, fera acte de division ou de parti en Brabant ; quiconque, sollicité de le faire , .mit de haut, soit de bas lieu, ne dénoncera pas le coupable, sera ouvertement corrigé par le duc, les conseillers non suspects et les bonnes villes ; de telle sorte qu'il sera à jamais exclu des conseils des villes et du conseil du duc. Il pourra encore encourir soit un pèlerinage à l'étranger, soit le bannissement, soit toute autre peine. — Les coupables de faits de cette nature ne pourront pas même exciper du privilège de Saint-Pierre , ni d'aucune franchise. Enfin (art. 26), quel que soit le baron , noble , chevalier, la ville ou fran- chise qui refuserait de signer l'acte présent du Nieuw Ke(.iment // sera con- traint, et on le corrigera comme il e.ft dit ci-dessus. Ces dispositions sévères et minutieuses disentassez à (|uel degré le Brabant avait été troublé, et combien cbacun, aussi bien le duc que les villes, avait à cœur de revenir à la paix et à l'union de toutes les forces sociales. Aussi tous les magistrats des villes et franchises doivent jurer de maintenir le NiEiiw Régiment, et de s'y conformer .mns subtilité et sans ambages. (Art. 27.) ' Voir Yeestoi , t. Il, |). 7i>l. COiNSTITUTiON BRABANÇONNE. 155 Nouvelles atlribuliom du conseil ducal; garanlies contre les conseillers eux-mêmes. — Avec un prince ferme et sage, el dans un état social peu compliqué, les conseils, qu'on peut appeler collatéraux de la couronne sont habituellement tenus dans une position très-secondaire. Mais à mesure que le pouvoir du monarque faiblit ou se déconsidère dans l'opinion des sujets, la position de ces corps favorise Textension de leur action propre, et parfois même l'absorption entière de rautorilé qu'ils ne devaient primitivement qu'éclairer. Les conseillers sortis des rangs de la nation , déjà désignés par leurs hautes fonctions à l'attenlion du peuple, sont facilement considérés comme les tuteurs naturels d'un prince trop faible ou trop maladroit pour se diriger prudemment par lui-même. Nous n'anticiperons pas ici sur l'histoire du conseil de Brabant; cependant nous devons mentionner la situation nou- velle que le Nieuw Régiment fait au pouvoir ducal , en le mettant positive- ment en tutelle de son conseil. Durant la minorité de Jean IV, il avait déjà été statué, comme nous l'avons vu \ qu'il ne pourrait faire aucune nomination sans l'assentiment de ses conseillcrs-lulours. Le duc a\ant prouvé par ses actes, à la face de toutes les provinces , (pie la maturité et la sagesse ne lui étaient pas venues avec l'âge, il était tout simple que les étals, profitant des circonstances favorables, le remissent sous l'influence des hommes graves (|ui l'entouraient : Désormais (art. 5) trois ou (/ualre conseillers ducaux interviendront dans toutes les aliénations de domaines, villes, pays, seigneuries, par terre et par eau. Il faudra leur assentiment pour faire grâce, remettre amendes ou con- fiscations, entreprendre guerre ou alliance, etc. Les conseillers, secrétaires et scelleur feront aux trois chefs-villes de Louvain, Anvers et Bruxelles, le serment de sauvegarder dans toutes ces matières les droits des deux états laïques; et s'ils méfont dans leur office, ils en seront corrigés par les villes et nobles du Brabant. Ce serment fut plus tard exigé de par la Joyeuse-Entrée , et nous en ver- rons toute l'imporlance quand nous expliquerons Ihistoire du conseil de Brabant. ' Hcnne et Waulers , ouvr. cilc . /or. cil. 156 MEMOIRP: sur LANCIENNE Les conseillers du duc ou leur wajorilv, sur leur serment , nonimeront les officiers, ils ordonneront tous les offices et emplois de la cour, les donnant aux plus capables et aux plus aptes; ils en réduiront le nombre au juste nécessaire. — (Article 15.) Ils interviendront encore aux nominations que le duc fera des officiers des villes et de dehors, comme aussi à leur déplacement. La no- mination et le déplacement se feront à la majorité des voix des conseillers. Si f/uel(/ue officier de la cour ou autre forfait à son serment ou à la loi nationale , il en sera corrigé d'une manière exemplaire. Los actes du règne de Jean IV, ses prodigalités excessives envers les courtisans, qui avaient déjà mis les finances en danger, les nominations odieuses qu'il avait faites expliquent à la fois et l'origine et l'utilité de ces dispositions K Même, pour que le duc ne puisse s'attacher librement des gens de bas étage (trop heureux de sortir de leur obscurité au prix de complaisances honteuses peut-être), le conseil seul pourra déterminer rpiels seront ceux qui , outre les nobles brabançons , pourront être au service du duc dans ses emplois (art. 15). C'est encore par le même motif, et pour laisser au conseil toute son iniluence, que ses mendnes pourront seuls faire des infor)nalions et des enquêtes ; personne ne pourra accepter mission semblable, ni prendre connaissance d'aucune affaire pour le duc, sinon au su et en présence du conseil. Ce corps aura plein pouvoir pour corriger tout contrevenant, à la majorité des suffrages. Pour que le duc ne puisse pas éluder la surveillance (pie ces espèces de mandataires du pays exercent sur ses actes, et en particulier sur ses finances : Tout litre d'une dette ducale devra être muni du grand sceau (conservé pai' un scellour assermenté) ; sinon il ne sera d'aucune utilité an porteur. (Article :2 1 .) Le rôle prépondérant (pie devaient jouer dès lors les conseillers du duc motivait sullisammeut les garanties les plus sérieuses mises à l'exercice de leur pouvoir. Un serment solennel était exigé d'eux à leur entrée en fonctions (article 3), et, comme nous l'avons vu, ils étaient sous la surveillance et l'action disciplinaire des états. ' II<'iiiii' et Wniilcrs, oiivr. ciU', lor. cil. COi>STITUTION BRABANÇONNE. lo7 En 1417, les conseillers luleurs avaient déjà reçu Tordre de ne pas s'al- louer de fonds, sinon sur mandat spécial des villes '. L'article 16 dispose d'une manière analogue : Qu'aucun conseiller juré du duc ne pourra prendra argent ni bien de per- sonne; ce qui leur reviendra de droit dans leur office restera aux mains du gardien du registre de fiefs, qui demeurera près du duc; et de ces fonds, on payera la dépense du conseil quand il voyagera dans le pays ; le reste servira aux menus plaisirs du duc et A d'autres usages qu'on déterminera. Les conseillers devront s'acquitter de leur office convenablement et rester près du duc; et ils mettront sa maison sur un pied si convenable et si res- pect a l/le, qu'il pourra s'en contenter et qu'il ne devra pas en changer l'or- ganisation , en entraînant le pays dans de plus grands frais et embarras. (Article 18.) Le gardien du registre de fiefs sera nommé par le conseil : ce sera un homme bon et notable , sachant bien le français et le flamand. C'est la pre- mière fois qu'il est fait menlion do ce fonctionnaire dans un acte public du droit brabançon. Uemar(|uons onlin , ({yi aucun prêtre , à Vexception des prélats braban- çons, ne pourra être ni conseiller, ni secrétaire. Les conseillers étant à la corrcclion des élats, il fallait empécbcr un coupable d'exciper de sa cléricature et de demander le renvoi devant la juridiction ecclésiastique; car par là loule l'économie du système introduit par le Nieuw Régiment aurait été renversée. Les conseillers étaient, à certains égards, les mandataires des états; ces derniers pouvaient seuls, sagement et pleinemeni apprécier l'étendue de leurs fautes et les causes de juslilicalion (pi'ils feiaienl valoii-. Le jugement qu'ils avaient à porter était un véritable jugement |)olilique. La juridiction ecclésiastique aurait jugé d'après les principes du di'oit strict. Le iSieuiv Régiment contient encore quelques dispositions spéciales, dont il convient de faire mention. Nous ne parlerons pas ici du serment des justiciers sur leur ollice (article 16); nous le retrouverons |)lus lard con- sacré par la Joyeuse-Entrée. ' Hcnne et Waulers, omr. cité, loc. cit. i58 MEMOIRK SIR L AINCIEÎNNE L'article 1 7 règle le droit ck' relief. Les valeurs monétaires avaient beau- cou|) changé. Si le souverain avait pu arbitrairement évaluer la dépréciation des espèces, il aurait pu charger fortement les reliefs. C'est pourcpioi il est défendu : de prendre de ta part du duc plus de treize florins pour le droit de relief d'un plein fief, dix pour le duc et trois qui iront là oit le conseil le décidera. Les seigneurs bassains ecclésiastir/ues ou laïques devront se con- tenter du même droit, à moins que, d'ancienneté, et d'après de vieilles obser- vances, ils ne soient accoutumés à recevoir plus. Faisons une dernière i-emarque sur le Nieun' Refji)nenl. L'article 15 pose en principe (pi'il ne faut pas être noble pour être au service du duc; il sullil d'être de naissance et de capacité telles cpie le conseil du duc le rccpierra. On sait que les membres des métiers en Brabant, depuis Wenceslas et le gouvernement du ruwaert , avaient acquis dans les chefs-villes de Louvain et de Bruxelles le droit d'entrer aux magistratures communales. L'article 13 dont nous parlons , étend ce princijje d'égalité. Le conseil poui-ra faire appel à toutes les capacités, peu importe d'où elles viennent. Un principe d'ému- lation légitime est donc introduit dans toutes les classes sociales ; et de cette fusion des deux éléments, de réiémeul aristocratiipie et de réiémeni po- pulaire, tous doux encore pleins de vie, de générosité et de dévouement, naîtront ces types admirables de magistrats, d'hommes politicpies et de guer- riers que la patrie brabançonne vit briller dans les conseils de la maison d'Autriche et de la maison d'Espagne. Enfin l'article 8 a trait à un abus fré(pieni au moyen âge, abus (pi'il a pour but de faire disparaître. — Il défend aux nobles , à leurs officiers , ser- viteurs quelconques , comme à ceux du duc lui-même, aux gentilshommes , écugers, etc., de charger o%i de tourmenter les cloîtres et maisons-Dieu , en Braltanl , par aucun logement de chevaux, chiens, chasseurs, gens, etc. Sauf les couvents et maisons-Dieu fondés sous cette clause, et sauf aussi les droits seigneuriaux et droits anciens de la noblesse. — Les privilèges des couvents sur ce point , et notamment ceux accordés par Antoine de Bour- gogne, seront tenus en pleine vigueur. CONSÏITUTIOiN BRABANCOiMSE. 139 CHAPITRE V. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE PHILIPPE DE SALNT-POL '. Le Nicuiv Refiimenl marqiio lo point culminanl de la puissance des élats de lirabanl ; le duel polili<|ue engagé entre eux et le pouvoir ducal avait amené leur prééminence, el, à Tavénement de IMiilip|)e de Saint- Pol, rien ne pouvait changer la situation existante. Le nouveau souverain avait , il est vrai, l'estime el Taffection de ses sujets; mais, pas plus (pion ne renonce à des libertés légitimes accordées, pas plus on n'est disposé à abandonner des restrictions apportées à un pouvoir par des iniluences rivales, aussi longtemps que ces influences ont conservé la plénitude de leur puissance. Philipi)e de Saint-Pol était obligé d'accepter la situation que les circonstances lui avaient faite. Peu puissant à l'étranger, ayant peu de secours à attendre des aines de Bourgogne, appelés en France avec toutes leurs forces, il ne pouvait luller à armes égales avec cette puissance com|)acte des états (pii disposait de toutes les forces vives de la patrie brabanc^onne. La loyeuse-Entrée reçut donc, à son avènement, de nondjreux développements; non-seulement elle consacra les principes jurés par les prédécesseuis du nouveau duc dans leurs inaugurations, mais encore plusieurs principes formulés dans le IS'ieiiw Reyi- menl , ou du moins sortis du développement des principes qu'il avait posés. ' Voir Taete au Lttyster van Ilrabanl, 2™° partie, p. ol. 160 MEMOIRE SIR EANCIEMNE S I-. DU COSEIL DU DUC. La cluiilo tle Weiiccslas disposait déjà qw, pour avoir ses entrées au conseil (lu duc, il fallait être Brabançon de naissance et adliérité en Brabant. Larlicle 8 modifie ce principe : ceux r/ui possèdent baronnie d'esfoc en Bra- bant, soit de leur chef, soit du chef de leur fetnine, pourront aussi être conseillers. Il y eut de l'ré(|uentes discussions sur le point de savoir si celle allcrna- live de baronnie Tétait de naissance, ou bien seulement d'adhéritance *. La question ne fut pas judiciairement décidée; en droit strict, on aurait pu dire : le seigneur étranger qui acquiert une baronnie en Brabant, devenant vassal du duc, est pai' là même devenu pair des autres vassaux du même suzerain, et, par conséquent, il doit, comme eux, avoir ses entrées aux conseils de la coiu'onne. Mais, à ne consulter que les vrais intérêts politiques des Braban- çons, la possession d'une baronnie en Brabant pouvait-elle dispenser de la nationalité? JNous ne le croyons pas. L'honnne {|ui possède dans un État de grands biens érigés en fief y a certes des intérêts puissants; mais ce fait seul ne peut engendrer cbez lui cet atlacliement profond et raisonné à toutes les 'mœurs, à toutes les idées, à toutes les institutions de la patrie. Or c"esl là ce (jue nos pères ont eu toujours grand soin d'exiger de ceux qui , à un degré (pielcontpie, devenaient dépositaires de la puissance publique. Cette dernière solution semble devoir être préférable, puis(pie, quand on a introduit au conseil des barons de Brabant nés à Tétranger, on a donné aux états acte de iion-prépidice -. I^a Joyeuse-Entrée de lMiili|)pe de Sainl-Po! conlicnt de nombreuses dis- " Manuscrit cité de Wynanls sur de Piipc, sons l'article "i. - Ihifi., toco eiluto. COÎNSTITUTION BRABANÇONINK. 16i positions sur le conseil ducal , presque toutes extraites du Nieuiv Régiment. Nous nous bornerons à les mentionner ici pour mémoire, en renvoyant pour leur explication à la charte de Philippe le Bon. Ainsi, plusieurs des attributions des conseillers sont déterminées par la loi fondamentale du pays : ils prêteront serment aux états de Brabant (ar- ticle 5) et seront à la correction des mêmes étals. L'étal de chancelier de Brabant, les pouvoirs de ce haut fonctionnaire, les garanties qu'il devra présenter, les qualités nécessaires j)Our en exercer les pouvoirs, font l'objet de dispositions expresses (article 4-7). Enfin , le duc s'engage, en termes formels, à établir une chambre du conseil en Brabant, là où il résidera; laquelle chambre aura plein pouvoir de décharyer chacun de sa part (article 27). § H. DE LA CHAMBRE DES COMPTES. La chambre des comptes était une création d'Antoine de Bourgogne ; il l'avait instituée dès 14.04, n'étant encore que ruwaert du Brabant '. La chambre des comptes régissait les domaines, vérifiait Pemploi des revenus publics, apurait les comptes des receveurs; en un mot, elle centra- lisait les opérations des finances du souverain. L'article 27 de la .loyeuse-Entrée de Philippe de Sainl-l*ol dispose qu'elfe sera tenue, comme elle l'a été jusqu'au jour de son avènement; c'est-à-dire qu'il ne changera rien à son organisation et qu'elle résidera au lieu où seront la cour et le conseil ducal. Le conseil ducal et la chambre des comptes devaient souvent conférer ensemble et travailler de concert ^, tant dans les affaires judi- ciaires que dans d'autres causes concernant à la fois le prince et le pays. Cette promesse, qui passa dans foutes les Joyeuses-Entrées postérieures, ' Ancien droit belgiqiie, Eugène Defacqz, 1" livr., pp. 'J-IO. ^ Manuscrit cite de Wynants sur de Pape, sous l'article 7. Tome XXXL 21 iG2 MEMOIRE SUR L'AINCIEISNE ne fui pas loiijoiirs religioiisomenl observée. Lors de réreclion du parlement de Malines |)ar Charles le Téméraire, là chambie des comples fut Iranslérée en celle dernière ville. Une seconde fois, elle y résida sous la minorilé de Charles-Quint, mais en droit, et, d'après Parlicle 27, il est évident que sa résidence légale était en Brabanl. L'article 92 de la charte de Marie de Bourgogne statue (juc, dans un délai dolcnniiie, le consisloire de la chambre des comples sera rélabli en Brabanl , dans le lieu oh il résidait anlérieuremenl, ou dans (/ueh/u'une des chefs-villes, la plus convenable au choix de la duchesse. — Le ntailre de celle chambre et lous ses collègues devront être nés en Brabanl ou au pays d'outre-Meuse , tout comme les conseillers de Brabanl. Enfin, |)our qu'ils n'étendent pas indû- ment leur juridiction ; — ils ne pourront donner aucun appoinctement f/ui puisse charger les parties ayant affaire à leur tribunal, sans Vintervenlion du chancelier et du conseil de Brabanl ; excepté dans les questions à débattre entre la duchesse et ses officiers de justice ou de recette , pour cause de letirs recettes respectives. Malgré ces dispositions formelles de la .loyeuse-Entrée, le gouvernement tenta, à plusieurs l'cprises, de fondre ensemble la chambre des comples de Brabanl et celle des Flandres. Il échoua en 1490 et en 1702. Ce ne fut qu'en 1735 (|ue, par un rescrit menaçant, il vainquit la résistance des états de Brabanl '. S ni. DES IIESTRICTIONS APPORTÉES AU POCVOIR DDCAL. L'article d 7 de la Joyeuse-Entrée de Philippe de Saint-Pol tire son origine des ailicles 5 et d3 du Nieuw Régiment. Le duc s'engage à ne tenir désormais rpiitte d'aucune amende ou confiscation: à ne mettre ni démettre of/iciers en Brabanl ; à ne faire .service et à n'octroyer ' l)i l'iiciiz, ouvr. cilt', |). Kl. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 163 (le grands dons à personne, si ce n'esl de l'avis de son conseil, ou du moins de cjuatre conseillers, qui signeront les lettres patentes expédiées sur ces points. La nomination des oflîciers publics, faite sans aucun contrôle, avait été de tout temps pour le pouvoir ducal le plus puissant moyen d'influence. La pensée personnelle du prince se répercutait, de degré en degré, jus- qu'aux derniers rangs de la hiérarchie des fonctionnaires dépendants du pouvoir central ; chacun d'eux était complètement à sa merci , chacun d'eux pouvait être déplacé au moindre caprice du prince. De là une obéissance ser- vile vis-à-vis de celui qui tenait le sort des officiers entre ses mains, comme aussi, pour ces derniers, une très-grande irresponsabilité vis-à-vis de tous les justiciables. Nous avons déjà rencontré, dans le cours de ce travail, les moyens que le pays avait mis en œuvre pour surveiller avec plus d'attention les officiers ducaux. Le duc s'était prêté volontiers à tous ces essais , ou du moins il s'y était résigné de bonne grâce. Mais, aujourd'hui que la lutte entre les étals et le pouvoir du prince était franchement ouverte, que les positions étaient trcs-dessinées, le temps des demi-mesures et des essais était passé. Les éiats saisissant le moment où ils élaient capables de dicter la loi, organisèrent, sur le système des nominations et des destitutions, une surveillance perma- nente qui, laissant une certaine liberté d'action au souverain, sauvegardait du moins les intérêts du pays. — Les conseillers ducaux seront assermentés aux états de Brabuni qui auront le droit de les punir : ils ne signeront donc au- cune lettre de destitution ou de nomination d'officiers ([ui puisse les exposer à des poursuites et à des peines. Les autres dispositions de l'article sont toutes dictées par ce même esprit de défiance. — Le duc ne pourra remettre amende ni confiscations sans lu participation de son conseil. En cfïet, comme un officier (jnelconque, ou même un simple particulier, peut se rendre coupable d'infraction à la loi par un trop grand dévouement à la personne du pi'ince, les sujets n'ont plus au- cune garantie, si l'officier ou le particulier prévaricateur peut être gracié pai- la volonté exclusive du souverain '. ' Ce sont les mêmes eoiisidcratioris ([ui oui fait iriserire . diiiis iioin; Consdlulion de 1850, i64 MÉMOIRE SUR L ANCIENNE Le duc ne peut pas faire librement service à quelqu'un, ni lui octroyer île grands dons. Il n'est pas bon que le prince puisse s'allacher un grand nom- bre d'indivitlualilés d'une manière trop étroite. Les étals devaient craindre des lenlalives de corruption qui, peu à peu, auraient miné leur propre influence. Et puis, il ne fallait pas librement permettre au prince de disposer de son do- maine. Le domaine était pour le duc une source de revenus réguliers qui ne coûtait rien à la nation; s'il l'aliénait, les dépenses sociales augmentant de jour en jour, il fallait recourir à des demandes de subsides, et, la nécessité pressant, les états étaient bien obligés de les accorder. Rappelons-nous que nous avons déjà rencontré une disposition semblable dans la charte wallonne, article 13 : Nous ne rendrons à nulluy mérite pour son service de uostre héritage, mais de nos biens nieoblcs, si ce n'estoil par le conseil desdils villes et pays '. Aujourd'hui les mêmes motifs ont amené la même disposition légale; seu- lement, comme les relations sociales deviennent plus compliquées et que les idées politiques progressent, la surveillance des villes et du pays, onéreuse pour les surveillants et diflîcilc à exercer, est remplacée par celle de man- dataires spéciaux du pays, toujours ù côté du duc et parfaitement à même de contrôler tous ses actes. Pour la nomination ou la destitution du drossart de Brabant et du receveur général, il faut même plus de garanties encore ; il faut l'intervention, l'assen- timent et la signature, dans leurs lettres patentes, de six conseillers au moins. Ces grands ofliciers n'avaient pas des pouvoirs limités et locaux ; ils exer- çaient une autorité très-grande dans toute l'étendue du territoire ; leur situa- lion toute spéciale exigeait les précautions les plus grandes, pour s'assurer (le leur |)arfait dévouement aux aflaires du pays et, avant tout, de leur par- faite indépendance des influences du prince. Ces dispositions se maintinrent jusqu'à la Joyeuse-Entrée de Phili|)|)e II. On peut croire néanmoins que, sous les règnes de Philippe le Bon, de ('harles II- iiriiii-ipe ([uc Ir Roi ne peut gracier nu niiiiislre coiidaniiii' par la cour de cassation que mii' demande d'une des ch ' Voir au chapitre I". la demande d'une des chambres législatives COiNSTITUTIOIN BRABANÇOISINE. 165 le Téméraire et de Charles-Quint, le fait ne correspondit pas ionjours au droit. Remarquons en passant que Marie de Bourgogne, avant sa Joyeuse- Entrée, avait distribué certains oflices et certains dons à des officiers. Les états tenaient tellement au maintien du principe de l'inlerveniion du conseil dans tous ces actes, qu'ils firent expressément statuer par Farticle 14 : Que tous les dons faits à des officiers de par la duchesse , avant la date de sa Joyeuse-Entrée, seront tenus pour avoir été donnés par inadvertance des droits du duché de Brabant. Toutes lettres et cédules signées de la du- chesse ou munies de son sceau, et relatives à des faits de l'espèce, seront portées à la connaissance du conseil de Brabant. Le conseil les examinera avec la duchesse, pour qu'on mette dans les offices ceux qui déjà ont reçu charge de la duchesse, ou d'autres hommes notables et capables qu'on pour- rait trouver. — Leurs lettres .seront alors expédiées par le conseil de Bra- bant et datées postérieurement à la Joyeuse-Entrée. î IV. DE l'indivisibilité DE l'ÉTAT-UNION DU LIMBOCRG. ETC La promesse d'union de Limhourg et de rouIre-Meusc se présente, dans larticle 2, sous une forme nouvelle. Nous avons vu (prAntoine de Bourgogne et Jean IV avaient engagé, à plusieurs reprises, les seigneuries d outre-Meuse, pour se tirer de leurs embarras financiers. Or qu'arrivait-il souvent? Au moment où il fallait rembourser l'engagère et rentrer en possession des territoires cédés, bien loin d'avoir par-devers lui les fonds disponibles, le prince demandait un nouveau crédit à l'engagiste; il prolongeait la durée de la cession moyennant de nouvelles avances, et par là rendait de plus en plus difficile la réunion des pays aliénés K De là, la promesse toute nouvelle, ' Voir dans Ernsl, ouvr. cilé, à propos de la duchesse Jeanne, plusieurs exemples de ces prolongations d'engagèro. iCG MÉMOIRE SUR L'ANCIKNNE qui se perpétue à côté des autres, de ne pas emjager, obliger et charger les pays d'outre-Meuse plus qu'ils ne le sont à présent. Et reman|uons que celte disposition était d'un intérêt majeur pour les pays de Brabant. Les pays engagés étaient complètement soustraits au do- maine direct du duc; on ne pouvait plus guère les faire contribuer dans les charges publiques. Tout le poids de ces charges retombait donc sur les villes et les territoires qui n'avaient pas été détachés de la souveraineté ducale im- médiate. Quant à la promesse de ne traiter le Limboiirg f/i(c par droit et par sentence, nous n'avons plus besoin de l'expliquer. Elle produisait dans ces seigneuries le même efïel qu'en Brabant. Et, du reste, ce n'était que la consécration d"un droit préexistant. Philippe le Hardi, en se faisant inaugurer comme duc de Limbourg \ après la cession qui lui avait été faite par la duchesse Jeanne, avait pris le même engagement. Il est probable que l'usage des inaugurations particulières au duché de Limbourg était plus ou moins tombé en désuétude, et que c'est pour cette cause qu'on met les droits de ce pays sous la sauvegarde de la Joyeuse-Entrée brabançonne. Dans les derniers temps , les états de Limbourg figuraient à côté des états de Brabant à la cérémonie de l'inaugu- ration des ducs. Le principe de l'article "2 fut repris dans toutes les Joyeuses- Entrées postérieures. § V. I)C SCEAU DCCAL DE BRABANT. Philippe de Saint-Pol s'engage : \" à ne pas changer le sceau qu'il a fait faire, depuis la mort de son frère Jean IV: 2° à ne pas en faire faire un second , autre ou analogue; si la nécessité l'y oblige , il le fera du consente- tnenl des villes et du pays. ' Enist, oiiVT. cité, t. V, p. ITIî. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 167 Le sceau ducal devait élie apposé à presque tous les actes émanant du pouvoir souverain, cl il leur imprimait le caractère de rauthenticilé. Tant que la formalité subslanlieile du scellage n'avait pas été accomplie, l'acte pouvait élrc considéré comme un simple projet. En effet, au bas de toutes les chartes émanées du pouvoir souverain , est soigneusement menlionné raccomplissement de Papposilion du sceau. Les témoins qui avaient assisté en personne à l'acte mouraient successivement; les signatures n'étaient pas d'un usage généralement admis; le sceau seul restait comme témoin perpétuel des clauses comprises dans l'acte et des (|ualités et des desseins de celui dont il émanait. On comprend (|u'il y allait des intérêts les plus précieux du pays, de rendre un pareil témoin irréprochable. Pour cela , il fallait éviter que dans l'avenir on put contester la sincérité du sceau (pi'on trouverait au bas de la charte ou du privilège, soit parce qu'à l'époque de la concession, il n'eût plus été en usage, soit parce qu'on n'y eût pas l'cconnu l'enqireinte habituelle. Depuis le iMeuiv Reyiineiif, il y avait même un motif plus particulier de restreindre le pouvoir du duc sur le fait de son sceau. Nous avons vu , dans la charte de VVenceslas, que, pour empêcher le duc d'en faire un usage con- traire aux intérêts du pays, ce sceau était enfermé de Iclle manière, (jue le duc n'y pouvait avoir accès que de concert avec les chefs-villes de Louvain et de Bruxelles. La dignité de chancelier de Brabanl avait été créée soit par Jeanne, soit par Antoine de Bourgogne, et le sceau avait été remis entre ses mains '. Longtemps ce fonctionnaire avait été complètement aux ordres du duc, et, par conséquent, le pays ne trouvait dans sa personne aucune ga- rantie. Depuis le Nieuw Reffiment, le garde des sceaux était assermenté aux états, et, par suite, il refusait d'intervenir aux actes qui pouvaient heurter les vues des états de Brabanl ou nuire aux intérêts du pays. Qu'arriva-t-il? Jean IV pouvait encore librement changer son sceau -. En 14.25, il voulut donner la régence de ses comtés de Hollande et de Zè- lande, et de la seigneurie de Frise, à Philippe le Bon. Les états de Brabant ' Voir le inéruoirc de Rapedius de Berg sur lu droit romain aux Pays-Bas ; voir aussi Butkens, à propos du chanccliôr, loco cilato. 2 Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 48. 168 MEiMOIRE SLR L ANCIENNE y faisaioni une opposition trcs-for(e, et, en conséquence, le garde-sceau refu- sait de sceller les lettres de transport. Le duc sauta par-dessus la diflicullé, cl lit faire un nouveau sceau à Malines! Let acte heurtait évidemment Tespril des institutions; mais aucune loi nationale n'était violée, et jamais on n'eût pu dire que Pacte de transport était invalide, faute de scel légal. La précaution de Tarticle 4 n'est donc pas inspirée par des craintes chimériques. C'est le seul moyen d'assurer d'une manière permanente, que les garanties tirées du serment de conseiller et de chancelier ne seront pas éludées. Cette promesse passa dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures, et se développa, comme nous le verrons, avec les besoins nouveaux qui se firent jour. § VL DES OFFICES. La plupart des dispositions sur les oflices (pie nous rencontrons dans la Joyeuse-Entrée de Philippe de Saint-Pol peuvent être considérées comme des développements de principes déjà existants et pratiqués, mais qu'on a trouvé convenable de proclamer d'une manière plus explicite. Dans un acte d'inauguration, pacte entre le souverain et ses fidèles, on ne doit rien laisser à rinicrprélation , rien à l'arbitraire. Il est préférable pour le duc, comme pour les étals, que les droits et les devoirs des induences rivales soient net- tement précisés : c'est le moyen d'éviter toute discussion et toute dillicullé ultérieures. \ation(difé des u/ficicrs. — Le principe de la nationalité des otïiciers se développe encore. Reprenant les principes de l'article 37 du Niemr Régi- ment, il est expressément statué que les six officiers ou juslieiers des grands offices de Bruhani seront Brabaneons de naissance. C'était le drossart et le receveur de Rrabant, le maïeur de Louvain, l'amman de Bruxelles, l'écou- lète d'Anvers et le maïeur de Bois-le-Duc. Comme le bailli du Brabant- CONSTITUTION BRABANÇONNE. 169 Wallon, ces quatre derniers avaient juridiction , non-seulement sur la chef- ville où ils résidaient, mais encore sur tout le quartier qui y ressortissait. Du devoir de desservir les offices en personne. — Il était expressément statué par la Joyeuse-Entrée de VVenceslas, que chacun devait desservir son office en personne, sans le louer ou le céder à autrui. L'article 20 de la présente charte revient sur le même principe; il renouvelle la disposition de la landchurter de 1312 que nous avons déjà citée, statuant: que le duc ne mettrait plus d'officier pour une somme d'urgent. — Désormais on ne pourra plus donner d'offices en Brabant en louage, ni en engager e ; ils seront tenus et desservis comme on a coutume d'ancienneté ; et s'il arrivait qu'on donnât quelque charge en louage, le contrat sera de nulle valeur. Les officiers en Brabant n'exerçaient pas, en général, la judicature par eux-mêmes. La judicature était une atlrihulion des corps échevinaux, et les officiers ne faisaient qu'y intorvemr, pour les requérir de faire droit. Pour le reste, ils représentaient le duc dans les attributions que nous pourrions appeler du pouvoir exécutif, et veillaient au maintien des droits , hauteurs et prérogatives de la couronne. Si l'inamovibililé des charges judiciaires est un bien, en ce qu'elle con- sacre une parfaite indépendance chez les juges, Tinamovibililé de fonctions, telles que celle de maieur, amman, bailli, aurait été un grave danger pour l'État. Ces officiers devaient, dans une certaine mesure, représenter la pensée, sinon du duc, au moins du duc et de son conseil; ils devaient être dans un accord complet de vues avec ce pouvoir central , dont ils étaient les agents uniques. L'inamovibililé de leurs charges, résultant d'im louage ou d'une en- gagêre, les aurait soustraits, pour ainsi dire, à Taction de Tautorilé supérieure. L'office serait entré, par une sorte de contrat bilatéral, dans le patrimoine de la famille. Il aurait pu se faire que le duc ou le pays eût eu tout intérêt à dé- poser un justicier de son emploi , et qu'il eût été arrêté par la nécessité de rembourser la somme qui lui avait été fournie, lors de la nomination du fonc- tionnaire. Il était, de plus, à prévoir, d'après l'expérience universelle, que l'ofTicier forcé de faire des déboursés considérables pour entrer en charge, aurait tâché de récupérer ses avances sur tous ceux qui dépendraient de lui et sur Tome XXXI. 22 170 ME3I0IRE SUR L'ANClEiNISE lous ceux qui auraicnl besoin de son intervention. Dès lors la porte était ouverte aux concussions les plus vastes el les plus dilliciles à réprimer. Des édits subséquents vinrent encore confirmer cette probibition de Tar- licle 20; entre autres, ceux du 4 juin l/j-77, du 4 juin 1557 el du 15 septembre 15G1 K Elle fut du reste répétée dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures. Cependant, malgré ces dispositions positives, des abus s'étaient encore introduits. Il arriva que des odiciers, mus par le besoin d'argent, enga- gèrent leur office , le donnèrent en une sorte d'bypotbèque pour obtenir des fonds. Ce trafic immoral, intolérable, était souvent Irès-favorable au prêteur: tant qu'il n'était pas remboursé, il jouissait de tous les émolunienls de la charge, cl ces émoluments pouvaient monter Irès-haul; leur (piantité n'était pas fixe; ils étaient perçus d'après un système assez semblable à celui qui réglait les épiées des juges el des écbevins. A l'avénemenl de Philippe le Bon, la situation était devenue assez grave pour attirer l'attention des états. L'article 31 de sa Joyeuse-Entrée introduisit un remède énergique, dont il est fait mention à toutes les inaugurations successives, jusqu'à celle de Philippe II inclusivement. — On atnorlira la dette due à ceux qui ont prête de l'anjenl sur un office el qui en jouissent à (a date de (a Joijeusc-Enlrée, et cela , au moyen de la moitié de leur recette, qu'ils devront rendre chaque fois qu'ils feront leur compte aux autorités compétentes , jusqu'au temps où l'office sera dégagé et libéré. - — Si le duc démet quelqu'un de sa charge , on le satisfera d'après la procédure de la chambre des comptes, quant à ce qui peut lui rester dû; de telle sorte , dit la charte, qu'on ne chargera cet office ni plus, ni plus haut; et qu'à celui qui entrera en fonction, on dfcra la moitié de sa recette, comme il est dit plus haut. Il est à remarquer «pie l'édil de 162() , sur la matière qui nous occupe, est beaucoup plus sévère : il |)orte, outre la perte de rollice, «pii sera vacant de plein droit par le transport qui en aura été fait, une peine pécuniaire du quadruple de la somme donnée el reçue sur la charge -. Néanmoins, il y avail des cas où le pouvoir devait, crainte de plus grand ' Maïuiscril cité de \Vvii;ii)ts sur de Papr, sous l'article 23. * Aiisclniu, Triboniuiuis beltjicus, cliap. LXXV. COiNSTITUTION BRABANÇONNE. 171 mal, respecter des siluations existantes. De là la dérogation temporaire <|u'apporte aux principes reçus l'article 6 de la première addition de Philippe le Bon dont nous avons déjà parlé, à propos de la charte de Wenceslas. 11 permet à des personnes qui se trouvent dans certains cas déterminés, non- seulement de céder leur charge, de la faire desservir par un autre, mais encore de la louer et même de la vendre. Nous avons vu, au même endroit, que l'article 3o de la charte de Marie de Bourgogne contenait une dérogation semblahle. Avec le cours du temps, plusieurs coutumes plus ou moins contraires à l'esprit de l'article 20 se glissèrent dans la prati(iue. Ainsi, le prince permettait parfois à ceux qui étaient pourvus d'un oflice, de le résigner sous réserve de quelque pension '. D'autres fois, par une violation manifeste du principe que nous expliquons, comme aussi de l'ar- ticle qui exige que chacun desserve son oiïice en |)ersonne, le prince, ainsi que les seigneurs subalternes qui avaient collation de charges, les conféraient à des enfants , en les laissant desservir provisionnellement par d'autres. Par- fois encore, on doimail un oiïice à une fille, à condition d'épouser un mari capable. Toutes ces pratiques rentraient plus ou moins dans les abus (|ue les états avaient voulu extirper. Celui (|ui devait payer une pension à l'oflicier qui avait résigné sa charge, comme celui qui n'avait qu'une desservitude provi- sionnelle, était naturellement porté à pressurer ses subordonnés et à repren- dre d'une main ce qu'il avait dû abandonner de l'autre. Donner une charge à une fille, à condition d'épouser un mari capable, c'était introduire l'incer- titude dans la collation des ollices; c'était amener le pouvoir ducal à se con- tenter éventuellement de garanties inférieures à celles qu'il aurait exigées, s'il avait eu librement et directement à nommer le fonctionnaire -. Nous pouvons remarquer, avant d'abandoinier cette matière, que les sur- vivances de charges ne sont pas directement contraires à la Joyeuse-Entrée. Néanmoins, comme dit de Pape, « il y a bien de la raison de ne les donner » i)as : c'est décourager ceux qui par leur mérite les pourroient espérer; c'est ' ManuscTil cité de Wvnants sur de P.ipc, sous l'article 25. « Ibid. i72 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE » les conférer à ceux dont on ignore la capacité, pour le temps qu'ils devront » servir; c'est donner un ennemi à un autre qui désire sa mort '. » Aussi les survivances étaient-elles rares; on ne les donnait (|ue dans des cas exceptionnels. Cautions à mettre par les officiers. — Article 49. Les maïeurs ou baillis qui tiennent prisons civiles, et aussi autres officiers au plat pays qui ont pouvoir de faire administrer justice aux gens, devront, satis délai, mettre bonne et sûre caution avant qu'ils puissent accepter leurs offices, et cela entre les mains de la loi oii ils les desservent , et au profit d'un chacun qui pourrait y avoir intérêt. Ce principe, maintenu dans toutes les Joyeuses-Entrées, est fondé sur le même esprit qui, dans le Nieuiv Régiment , avait fait exiger adhéritance en Brabant pour plusieurs oHîciers, tels que : ammans, maïeurs, écoulèles des villes de Louvain, Bruxelles, Anvers, etc. Les officiers qui tenaient prison civile et les justiciers du plat pays avaient, comme nous avons déjà pu le voir, bien des facilités pour abuser des pou- voirs qui leur étaieiff confiés. Or le principe de la réparation civile étant admis de toute ancienneté en Brabant, pour les excès et délits des magis- trats ^, il fallait faciliter aux justiciables Texercice du recours, et empêcher que, par une fraude quelconque, le coupable ne pût s'y soustraire. Ladbé- ritance n'était (ju'un moyen très-imparfait. L'officier attaqué pouvait assez aisément, par des voies détournées, annuler le gage, espérance des lésés. Une caution réelle, déposée aux mains des magistrats du lieu où il dessert sa charge, sauvegarde les intérêts de tous. Le recours contre le justicier préva- ricateur sera facile, et la facilité même des poursuites à exercer contre lui contribuera efficacement à le maintenir dans le devoir. Remarquons ici que, au quinzième siècle, les maïeurs, ammans et écoutètes étaient tenus, pour sauvegarder les intérêts du trésor ducal, lors de l'apurement de leurs comptes, de fournir caution aux mains de la chambre des comptes de Brabant ^. ' Miinuscrit cite de Wynaiils sur de Pape, sous l'artiole 25. * Voiries anciennes dispositions sur les/it'C0('Ac« et autrcs.exaniinécs au gt/esO^ces du chap.I". ^ Archives du royaume. Ohambre des eoinples, vol. l!2(iî)7. Commission de I^oys Pyniiock, S*' de Velpcn, maïeur de Louvain, délivrée en I4()7. par Charles le Téméraire. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 173 Grand serment des officiers. — Depuis le Nieuiv Regimenl (article 17), on avait pris soin d'engager, d'une manière solennelle, la responsabilité morale des officiers vis-à-vis de leur conscience et de la Divinité. On leur faisait prêter un serment, tant sur la manière dont ils étaient parvenus à leur charge, que sur la ligne de conduite qu'ils devaient y tenir. Et, avec la foi vivace des temps, ce serment devait être un lien puissant. Philippe de Saint- Pol promet de nouveau, par l'article 43 de sa charte, que : Ceux du conseil du duc, et tous les autres officiers, justiciers, bourgmestres , échevins , hommes de fiefs , conseillers , juges fonciers et tous autres ayant pouvoir de semoncer et de juger, et semblablemenl ceux qui tiennent quelque état ou office au pays de Brabant , quelque office que ce soit, nul excepté , soit dans les villes , franchises et villages , jureront [en faisant leur serment) qu'ils ne prendront argent, don, présent, ni autre bienfait quelconque, ni ne le feront, ni laisseront promettre ou prendre par eux-mêmes ou par quel- qu'un d'autre, pour favoriser ou préjudicier quelqu'un en justice; mais qu'ils feront droit et justice à un chacun, pauvre et riche, également , sans agir autrement, ou y chercher ou donner quelque couleur contraire; et en outre que, pour l'état de bourgmestre , d'échevin ou de conseiller, ils n'ont donné, promis et offert, ni fait promettre, donner, ni offrir de leur part à personne, du bien, argent, dons ni présents, services ou bienfaits quel- conques, ni pour ce prié, ni fait prier en aucune manière ; et que si quel- qu'un y contrevient, qu'il ne pourra jamais être dans le conseil du duc, service ni en aucune judicature ou gouvernement des villes, franchises ou villages du duc en aucune manière. Ce serment, comme on le voit, était un serment réellement promissoire de faits déterminés; il engageait la conscience de l'officier, aussi bien sur le point de la vénalité des charges que sur les prévarications et concussions qu'il pourrait à l'avenir se permettre. On l'appelait communément le grand serment, « mais plût à Dieu», dit le chef président, « que chacun le fit » sur une vérité conforme à ce que cet article exprime! et sans restrictions mentales ^ » . ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article H. 174 MÉMOIRE SUR L' ANCIENNE Plus laid, dans les nécessilcs du dix-soplième siècle, il arriva souvonl (|ue le prince reçût de Targent, en don ou en |)rét, de ceu\ à (jui il conférait des offices ^; notamment à cause des offices (|u'il érigeait de nouveau, en augmentant le nombre des divers olliciers surnuméraires. On croyait que la nécessité publique dispensait de l'article que nous expliquons; néanmoins quelques-uns des plus scrupuleux furent dispensés du serment. La plu- part se conformèrent à l'opinion de ceux qui disaient que cet article ne se doit réellement entendre « que des cas où un homme se servirait de » voies obliques et de sollicitations indues pour arriver à une charge » publique; » et pas du tout du cas de nécessité extrême où, par dé- vouement à la personne du prince, on ferait en sa faveur des sacrifices pécuniaires. Les états de Brabant eux-mêmes semblent avoir approuvé cette interprétation, (juoique au commencement ils en aient fait Tobjet de do- léances. Il va sans dire que l'article 45 de la charte de Philippe de Sainl-Pol passa dans toutes les Joyeuses-Entrées. Quoiqu'il ne porte, d'ime manière expresse, prohibition de la vénalité des charges que pour les élafs de bourgmestre, de conseiller et d'échevin, nous ne devons pas perdre de vue les principes, déjà expliqués, des Joyeuses-Entrées et de la Laudcharter de 1312. D'après leurs dispositions, il est évident qu'il faut entendre l'article 45 d'une manière ex- tensive, et décider que tous les officiers non spécifiés devront également jurer que ce n'est ni par don, ni par services ou bienfaits quelconques (pi'ils sont arrivés à leur charge. Serment des officiers sur la Joyeusc-Enlrée. — Tant que l'officier public ne prêtait un serment qu'au duc, de qui il tenait sa charge, sa première obli- gation était une obéissance presque passive aux ordres du pouvoir central. L'article i de la charte renouvelée de Corlenberg avait déjà porté une mo- dification à celle situation vicieuse, en exigeant du drossart de Brabani, comme des autres grands officiers et magistrats justiciers des villes, un serment spécial sur le maintien de la chaite de Cortenberg et de la charte wallonne. * Maniiscril cili' «le Wynanis sur de P!i|ic, snus liirliclc 1 1. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 175 L'oflicier obligé de par son serment de respecter les privilèges et les droits du pays, tout comme ses devoirs envers le duc, acquérait un droit d'examen sur les actes qu'on lui demandait d'accomplir. La responsabilité nouvelle qui pesait sur lui augmentait son initiative et sa liberté d'action. L'article 47 étendit les dispositions de la charte de Corlenberg renouvelée : Désormais le drossarl de Brabant, les autres grands o/licters et les magistrats des villes , jureront , à leur entrée en fonction, le maintien de la Joyeuse- Entrée, pour autant qu'il est en eux de la garder; et, de plus, de ne jamais y contrevenir en aucune manière, ni de fait ni de conseil. Le prince jurait, il est vrai, le maintien des droits et privilèges du pays, mais il ne pouvait tout faire par lui-même. 11 était bon de mettre ces mêmes droits et privilèges sous la garantie de la conscience de ses délégués; la con- science était un juge toujours présent, toujours actif; la peine et la destitu- tion pouvaient souvent être évitées. L'article 10 de la charte de Marie de Bourgogne exigea le même serment des conseillers de Brabant, secrétaires du conseil, maîtres et auditeurs de la chambre des comptes. Enlin, dans la Joyeuse-Entrée de l'enjpereur Charles-Quint, l'article 10, qui se perpétua à l'avenir dans loules les Joyeuses-Entrées, portait : Que les chanceliers, conseillers, secrétaires, membres de lu chambre des comptes, les clercs, les drossarfs, ivaut-maitre , gruyer, et autres qui ont quelque grand emploi ou office en Brabant; et, de même, fous les officiers du plat pays, et aussi les bourgmestres et échevins , et autres qui rendent ou administrent droit et justice, soit sous le duc, soit sous ses vassaux, jureront sur les saints Évangiles qu'ils maintiendront la Joyeuse-Entrée en tous ses points, aussi loin que cela les touche, sans y contrevenir en aucune manière, ni de fait ni de conseil. Ce serment finit par ne plus être prêté qu'une seule fois par tous ceux qui occupaient des charges devenues permanentes. Il semble néanmoins que, dans les commencements, on l'exigea à l'avènement de chaque nouveau prince, et aussi à chaque nouvelle Joyeuse-Entrée. Les lieutenants , gouverneurs généraux de Sa Majesté , conformément à cet article, jurèrent aussi la Joyeuse-Entrée; mais plus tard, on n"a plus exigé 176 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE d'eux racconiplissenienl de cet acte. Ils représentaient le prince, et les étals se contentèrent du serment prêté par lui '. Incapacité des fermiers de tonlieux. - — Article 13. Ceux qui prendront à ferme les tonlieux du duc, quelque part qu'ils soient situés, ou qui y par- ticiperont, ne pourront, durant tout le temps de leur ferme et participation, être établis, choisis ou reçus dans les lois, conseil et régence des villes, dans lesquelles ou so^ls lesquelles les tonlieux sont on seront assis. La prohibition do cet article se maintint dans tout le cours des Joyeuses- Entrées; elle tendait à empêcher que les fermiers de tonlieux, chargés, à leurs risques et à leur profit, de percevoir les droits de passage sur les objets de commerce, ne fussent, dans certains cas, juges el parties. En effet, les ma- gistrats des villes el des bancs avaient sur les questions de tonlieux el leurs accessoires une juridiction difficile à déterminer actuellement, mais qui est constatée par l'arliclo 9 de la deuxième addition de Philippe le lion. Depuis la même addition , ils eurent le droit de s'entremettre dans les diflicultés sou- levées entre le fermier el le marchand. Une impartialité complète était donc nécessaire pour sauvegarder tous les droits du commerce. Depuis Particle 24 de la Joyeuse-Entrée de Philippe le Bon, Imcapacité est étendue à tous les employés de la monnaie. Ces derniers dépendaient entièrement du pouvoir ducal; pai" là même obligés de le ménager, ils auiaient pu introduii-e dans les autorités communales des germes de ser- vilité déplorables au point de vue de cette vie propre, de celte indépendance dont nos villes étaient, à bon droit, si jalouses. Sous Marie de Bourgogne, Farlicle 29 interdit aux juges de la chambre des comptes les magistratures conununales; mais ce principe, quoique évidcmmenl fondé dans le même esprit, ne fut plus rappelé dans les inaugurations postérieures. Il est à re- marquer, du reste, que cet article ne dut jamais être invoqué, les fermiers de tonlieux et employés de monnaies, étant d'ordinaire d'une condition très-inférieure à celle des gens qu'on mettait dans les magistrats des villes -. ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'arliilc 10. ^ Ibid., ibid., sous rarlicle IC. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 177 § VII. Dl COMMERCE ET DES VOIES DE COMMUNICATION. Article 12. Le duc conlruindra ou fera çonlravulre ceux qui , à cause de leurs héritages ou biens , sont obligés d'entretenir f/ueU/ues clœmins , ou ponts ou passages en sondit pays ; il fera en sorte qu'ils entretiennent , réparent de temps à autre et tiennent en bon étal lesdits chemins, ponts et passages. Au cas qu'il y eût quelque faute, la chef-ville, sous laquelle tels chemins, ponts ou passages sont situés pourra les faire réparer à la charge et aux dépens de celui qui y est tenu; et personne ne sera excusé de cela, ni d'ob- server tout autre droit de voisinage. Cet article n'est (nriin développement du principe, déjà posé, que le duc doit tenir ses roules franches, ourcrtes et si'ires. L'ohslacle aux communica- tions peut dépendre non-seulement de violences exercées sur les voxageurs et les marchands, mais encore de la malveillance ou de l'incurie des pro- priétaires limilrophes qui, à un litre quelconque, se trouvent obligés d'en- tretenir chemin , pont ou passage. Le progrès dans les voies de communica- tion est un des jiliis sûrs moyens de favoriser les relations commerciales; il est lié intimement à l'ahaissemenl du prix des marchandises, et, par consé- quent, à l'extension des débouchés de tous les produits, soit manufacturés, soit agricoles. Chargé de faire respecter par les individus les reslriclioiis et les charges imposées à la propriété privée par l'intérêt général, le gouvernement devait nécessairement veiller à l'enlrelien des chemins. Cette obligation était déjà comprise au qualorzième siècle; le besoin de communications avait fait dé- créter, dans la charle flamande de 1314 , (|uc l'argent levé pour la réparation des routes ne pourrait être employé à un autre usage. Il pouvait se présenter fréquemment qu'un propriétaire, chargé de l'en- tretien d'une partie quelcompie de la voirie, ou grevé d'une servitude oné- reuse, ne trouvât aucun intérêt personnel à s'acquitter de ses devoirs légaux. Tome XXXI. 23 178 MEMOIRE SUR L'AISCIEISNE Au conlrairc, il pouvait avoir tout avautagc à rendre la voie impraticable, quand il ne se contentait pas de laisser faire la nature. C'était un moyen , chanceux il est vrai , mais qui pouvait réussir, de prescrire avec le temps les obligations ou les charges qui grevaient son fonds. De là les précautions que prend l'article 1 2 pour protéger les petits contre les puissants dans tous les droits de voisinage. Les chefs-villes, pour leur industrie et leur commerce, avaient tout intérêt à la facilité des communica- tions; de plus, elles étaient en lutte d'influence avec ces grandes existences des campagnes, apanage de la haute noblesse. L'autorité chargée, de par la loi, de la surveillance des intérêts dont il est question, était, par conséquent, la moins suspecte de partialité ou d'inertie. (Test de cet article que le conseil de Brabant s'est servi pour prouver que le droit de réglementer et d'améliorer les chemins publics est de juridic- tion et ne participe pas à la grâce '. Par suite, il appartient aux autorités de juridiction, et nullement à celles des finances en Brabant. Pour assurer l'exé- cution de ces dispositions, qui ne disparurent plus du pacte inaugural, on envoyait des commissaires pour visiter les lieux. Les placards émanés sur la matière fixaient, en général, les époques de ces visites, sans cependant res- treindre le droit des autorités compétentes, si, par un motif quelconque, elles croyaient devoir les faire en d'autres temps. § Mil. nES C.ARANTIES DE JCRIDICTION. Des Ixoica (l'IJccle ol de Sanl/iovoi}. — Nous avons rencontré frécpiemmenl la vieille obligation des ducs de Brabant, de traiter leurs sujets par droit et par sentence et devant les villes et bancs où il appartiendrait. • Manuscrit cité de Wynanls sur de Pape, sous l'arliclc 14. CONSTITUTIOIS BRABA>iÇONINE. 179 Conformémenl à ce principe, le duc devait nécessairemenl maintenir dans un état convenable tous les bancs et tribunaux auxquels les justiciables avaient rbabitude de recourir. Supprimer Tun ou l'autre d'entre eux, c'eût été in- directement changer l'ordre des juridictions, et heurter le privilège le plus cher et le plus important peut-être du pays de Brabant. Or, par suite de circonstances que nous ne pouvons déterminer, le banc de Santhoven avait été désorganisé; le banc d'Uccle avait complètement dis- paru sou^ le coup d'influences que nous signalerons. Les justiciables de ces deux juridictions avaient intérêt à leur réformation et à leur rétablissement, et ils profilèrent de lïnauguralion d'un nouveau duc pour exposer leurs justes doléances. En elïet, ces bancs formaient une juridiction intermédiaire entre beaucoup de justices féodales, foncières ou échevinales, et le conseil de Brabant. Leur chute avait enlevé à certaines populations un degré d'appel , et les avait obligées à aller plaider pour leurs droits, à plus grands frais, au conseil du duc; ou bien elle avait transporté l'appel intermédiaire à des cours jugeant d'après des principes diamétrale- ment opposés à ceux des coutumes dTccle et de Santhoven. Os dernières coutumes étaient cependant fort respectables , tant |)ar leur ancienneté que par l'affeclion inslinclive que portent les familles aux lois civiles qui ont régi pendant longtemps le patrimoine des ancêtres. Philippe de Saint-Pol fait droit aux réclamations légitimes des sujets par la promesse de l'article 37 : de n'fonner le banc de Santhoven el de le mettre en état convenable ; De rétablir et de réformer, sans retard , le banc d'Uccle, fermé depuis longtemps, et de le mettre en état convenable, comme il était jadis, du conseil de ceux qui s'y entendent. Le règne de ce prince fut trop court pour mettre cette double |)romesse à exécution : le rétablissement du banc dUccle rencontrait surtout des dilïi- cultés prati(|ues considérables pour un prince peu puissant par lui-même; aussi la double promesse revient-elle dans la charte de Philippe le Bon (articles 50 et 51). ' Butkcns, tome II, p. 17. 180 MEMOIRE SUR LAINCiENiNE Le duc s'engage encore à rélablir le banc dX'ccle avanl la (>liandcleur, par avis et conseil du conseil de Brabaul et du mayistrat de Bnux'lles. Les deux corps se concerlèrent, el firent une inslruclion sur ce point que le duc agréa. Le banc lut rétabli par acte du 11 juin 1431 '. C'est sans doute en mémoire de ces l'ailsque la double promesse, de main- tenir lesdils bancs d'Uccle et de Santhoven dans un étal convenable, fut insé- rée dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures. Disons encore un mol de ces deux consistoires de juslice. Le banc dX'ccle, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, semblait être le dernier \ es- tige de l'ancien échevinage franc An pagus ou gaa de Bruxelles. 8a coutume consacrait l'inégalité des partages et d'autres principes d'essence féodale, et devait par là nécessairement porter ombrage à la bourgeoisie de Bruxelles , avide d'étendre dans la banlieue de la comnunie Tempire de ses lois éga- lilaires. A mesure que Bruxelles grandissait en puissance elle démas(pia plus conq)lélement ses vues; et la présence dans l'éclievinage rival de maint patricien, de maint chevalier, et même de maint échevin communal, facilita singulièrement la réussite de son projet. A la fin du (|uatorzième siècle, en même temps (pie Bruxelles domina les cliel's-villes et par elles le duché tout entier, Téchevinage d"Lccle disparut el fui en partie absorbé par Téchevi- nagc de la ville -. L'acte de 1431 ne fut (pi'une réaction définitive et léiiitime contre cette usurpation lente et illégale. Il donna satisfaction à l'intérêt général contre l'intérêl particulier, et consacra législativement la compétence el l'orga- nisation de la vieille cour de justice. Le banc d'Uccle réformé se composa de sept échevins, assermenlés de- vant le chancelier de Brabant, tenant leur résidence à Bruxelles, de par la Joyeuse-Entrée. Sa juridiction s'étendit sur ini territoire de plus de cent fran- chises, villages, cours de tenants. Il prit connaissance de toutes les alïaires civiles et criminelles de ce ressort, soit pai- inslruclion directe [leerinylie), soit sur consultation des juridictions secondaires (|ui sadressaienl à lui connne à leur chef-sens [lioufde) ^. ' M.imiscrit cité de Wyiiiints sur de Piiix-, sous l'iiitiik- "il. - Wiiuti'iN, J/istoin: (les environs tic linnvlles, toiTic III, liv. III, < li;i|>. 11. * Cosluymen van Brabant , lonie I", p. 295. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 181 Lorganisalion du banc de Santhoven élait plus curieuse. Elle offre une image fidèle de toutes les anciennes justices féodales et seigneuriales. Le banc de Santhoven ^ se composait de récoutète d'Anvers comme mar- grave du pays de Ryen, ou bien de récoutète de Santhoven délégué par lui (article l*" de la coutume), et non pas d'échevins mais d'/iommex de fiof, vassaux du duc de Brabanl. On sait que le vassal était obligé envers son seigneur , en vertu de son serment de féaulé, à un double service d'aide et de conseil. Le service de conseil consistait dans Fobligalion de venir siéger aux tribunaux du seigneur, pour Taider à administrer la justice. De là tous les vassaux (|ui tiennent fief (lu duc de Brabant dans le vierscliare rechl (le ressort judiciaire) de San- thoven , et qui ont prêté serment de féauté , doivent venir siéger, conime juges, aux audiences et aux plaids du chef-banc de Santhoven, toutes les fois qu'ils en sont requis par l'écoutète ou par son lioulonant. Primitivement, récoutète désignait parmi les hommes de lief ceux (|iii lui convenaient : on comprend (juc c'était un moyen elllcace pour rendre la justice à peu près à son gré. Pour parera cet inconvénient, l'article 12 de la coutume statue que : désormais [voorkicn) l'écoutète ne pourra requérir (pie ceux f/ui ad uellcment siègent au banc, et (pii probablement ont été choisis par le pouvoir ducal. Quand, par suite de circonstances (pielcoiupies, il est né- cessaire d'assumer d'autres hommes de lief, pour remplacer celui ou ceux (|ui se trouvent dans l'impossibilité de siéger, ceux qui restent du banc présentent à l'écoutète une liste de trois candidats, hommes de fief, entre lesquels il doit faire son choix. L'usage ancien consacré par l'article 14. voulait du reste (pie lécoulèle ne jugeât, en causes civiles, qu'avec l'aide de cinq hommes de fief; de sept, en causes criminelles. Le banc de Santhoven jugeait en première instance toutes causes ayant trait à des fiefs mouvants du duc de Brabant, de son ressort, pourvu (pi'ils fussent situés dans le quartier, manpiisat et mouvance d'Anvers (article 44 de la coutume). ' Costuymen van Brabanl, t. I, p. tjy?. 182 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE il avuil juridiction, soit par appellation, soit par recharye, sur tous les villages, cours féodales, cours de tenants (pii en dépendaient. Il était con- sidéré comme chef-sens des bancs subalternes du ressort. Dans les causes criminelles, en particulier, ces juridictions inférieures pouvaient venir de- njander au chef-banc ce qu'elles auraient à juger, mais alors elles ne pou- vaient s'écarter de la sentence dictée par les hommes de fief (article 48 de la coutume). Pour parer aux inconvénients immenses (pi'apporlait dans ladministra- tioji de la justice Tignorancc des juges des campagnes, on avait obligé, dans certains cas, les tribunaux subalternes à recourir au tribunal de leur chef- lieu, pour y prendre conseil avant de délivrer la sentence qu'on leur de- mandait. Parfois ce recours était obligatoire; d'autres fois il n'était que facultatif *. L'article 48 n'oblige pas les justices subalternes à recourir aux lumières des hommes de fief de Santhoven; mais, s'ils prennent leur recours auprès d'eux, ils ne peuvent se départir de la sentence qui leur est dictée. Notons, en passant, (juc la pratique de la recharye, en se généralisant, eut une puissante inlluence sur l'unification insensible des diverses coutumes lo- cales. Des plaids des fiefs. Article 44. — Le duc promet de tenir les procédures de ses fiefs et les plaids y servant, et de les organiser dans le lieu oi( il aura sa résidence dans le pays ; de telle sorte que ceux qui seront parties auxdits plaids pourront y arriver commodément avec leurs témoins et autres instru- ments. La cour féodale existait pour recevoir les hommages et reliefs des vassaux, ' Racpsact, Analyse, % 384. Dclacqz, oiiv. cité, p. 49. Presque i)artout la pratique de la recliarge doit s'être introduite insensiblement. Cependant on trouve des ctiartes fort curieuses |)ar lesquelles un pi'iucc, en étaMissant un cchevinajçe, lui indique un chef-sens obligé; ainsi, dans la charte accordée à Curange, en 12'iO, par Arnould . •comte de Looz et de Chiny, nous trouvons le passage suivant : « Si vero scabini ejusdeni \i\\if > supci' ali(i-7(j7. COISSÏFTUÏION BRABANÇONNE. 187 CHAPITRE VI. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE PHILIPPE LE BON ET DE SES ADDITIONS '. Philippe de Saint- Pol était mort sans laisser de postérité : la succession (le Brabant était donc ouverte. Plusieurs prétendants se présentaient |)oui' la recueillir, et tous avaient des titres plus ou moins puissants à faire valoir. Ces prétendants étaient : 1° Marguerite de Bourgogne, comtesse douairière de Hainaut, sœur d'Antoine de Bourgogne et mère de Jacqueline de Bavière; 2° le duc de Bourgogne Philippe le Bon, chef de sa maison; 3" Les deux tlls de Philippe, comte de Nevers, père d'Antoine de Bourgogne, duc de Brabant ; 4" les princes de liesse, descendants de Ilenri.ll, duc de Brabant -. En attendant la solution d'un problème dont dépendait l'avenir du pays de Brabant, les étals avaient pris les rênes du gouvernemenl. Ils avaieni inainlenu provisoirement dans leurs fondions le chancelier et le conseil ducal, et, pendant plus de deux, mois ils procédèrent à l'examen des titres des candidats ^. Quel que fût l'état de la question en droit sirict, le débat fut bientôt circon- scrit entre les droits de Marguerite de Bourgogne et ceux de Philippe le Bon. ' Voir l'acte prineij).!! avec la première addition au Ltttjsler, 2"" part., p. (i4. "^ Namèclie, ouv. cité, tome IV, p. 7G8. Le duc Henri II, mort en 1247, avait épousé on secondes noces, Sophie, lille de Louis IV, land- grave de Hcsse et de Tliuringe, et de sainte Elisabeth de Ilon-rie. Le fds issu de ce mariage, Henri l'Enfant, devint landgrave, et eesl de lui que descendent, de mâle en mâle, tous les princes de Hesse actuels. Ils sont aujourd'hui les derniers rejetons, du côlé âe lu tance, de l'ancienne et ilhislrc maison de Lonvain. Lors des négociations pour la succession de Brabant en 1490, ils tondaient leur prétention sur le droit d'ugnalion et sur les stricts principes féodaux. 5 Henné et VVautcrs , Histoire de Bruxelles, t. I, p. 233. 188 MÉMOIRK SUR L'ANCIEINISE (]é(laiil à la piiissanlc iiiflticncc du bon duc \ les étals de Brabaiil iinireiil par lui adjuger la riche succession de son cousin; mais, avant de l'admettre à prendre possession de ses nouveaux domaines, ils traitèrent avec Fam- bassadeur du duc, per tnulios dies, et de la confirmation des anciens privi- lèges, et des privilèges nouveaux à accorder, suivant la coutume, à Tavëne- menl de chaque nouveau souverain ^. Cette situation toute spéciale explique les nombreux développements de la Joyeuse-Entrée dont nous allons prendre connaissance. Le principal titre du duc de liourgogne était le vœu des états; il devait donc, sous peine de voir peut-être lui échapper de riches possessions, sous peine certainement de s'aliéner dès Torigine ralTection de ses nouveaux sujets, passer par les con- cessions raisonnables qu'ils attendaient de sa munificence. Les états de Brabant s'entendirent, sur les points à insérer dans la Joyeuse- Entrée ^, avec les ambassadeurs de Philippe; ces derniers vinrent porter à Malines les conventions faites, et le duc, homologuant tout ce qui avait été décidé, fut inauguré à Louvain le 5 octobre 1430. L'avénemenl de Philippe le Bon manpie pour les étals le premier échelon de ramoindrissemenl successif de leur inlkience. Le pouvoir ducal de Bra- bant, passant sur la tète du grand duc d'Occident, allait ressaisir toute la force, toute l'autorité (pie la faiblesse morale ou malérielle des derniers princes lui avait fait perdre. Une fois encore, à, l'avènement de Marie de Bourgogne, les états pensèrent dominer; mais ce ne fut cpie d'une manière transitoire et passagère : ils rentrèrent bientôt dans la position secondaire, quoique grande encore, cpie la constitution de la société d'alors leur ré- servait. La première addition du duc Philippe le lîon à la Joyeuse-Entrée étant datée du même jour, nous l'expliquerons en même temps que l'acte principal. La deuxième et la troisième addition feront l'objet d'un paragraphe parliculier. ' IJavid, Manuel d'hisluire niilioiude. * Commission royale d'Histoire, Chronique de de Dynlcr, I. III . |>. 'Mi. ' Ibid, vm. COrSSTITUTlOIN BRABANCOÎNNE. \S9 S p DISPOSITIONS TKANSITOIRES. A la mon (le Philippe I'^'", tous les officiers ducaux n'étant que mandataires du pouvoir qui les avait institués, se trouvaient , par le fait même du décès du prince, décliargés de leurs fonctions '. C'est pour(|uoi, dans une dièle tenue à Louvain, les états de Brahant avaient décidé, (/ue lani que le corps du duc Philippe /"' {i\ avait été embaumé) resterait sur terre, sans être enseveli, le chancelier, les conseillers, les maîtres de monnaies, continueraient leurs fonc- tions Jusqu'à l'avènement du nouveau souveraine L'intérêt de l'ordre et de la stabilité avait dicté cette résolution, car les étals n'avaient en aucune ma- nière le pouvoir de nommer aux charges de leur chef. Philippe le Bon ne pouvait refuser de sanctionner cet étal de choses irré- gulier en droit, mais sullisamment justifié par les circonstances. Aussi, par l'arlicle 3 de l'addition à la .loyeuse-Entrée, il dispose : Que sera tenu pour slulde tout ce qui a été fait après la mort de Phi- lippe l"' par les trois états ou leur majorité ; et aussi tout ce qui, par son chancelier, conseillers, o/fidors, justiciers, serviteurs et magistrats du pays et bonnes villes du Urabant ou quelques-uns d'entre eux a été ordonné ou fait, à l'honneur, profit et intérêt du pays, dans les limites de leurs attributions, sans ambages. Sauf toutefois que les officiers, receveurs et serviteurs, comme aussi les maitres de monnaies, devront faire compte légal de leur gestion là où il appartiendra. Cette exception n'a pas besoin de commenlaire. Les officiers avaient été évidemment continués dans leurs charges avec leurs obligations ordinaires. Le gouvernement ne pouvait pas lenoncer à son droit de contrôle. ' Commission rnppclée plus haut de Loys Pyiinock, maïcur de Louvain que icellutj office et tous aitlrcs de nos pai/s el seigneuries à nous succédez et amenez pur ledit t7-espus (de Philippe le Bon) sont escitus vacans à noslre disposition. 2 DeDyntcr, t. IIl,p. 499. 190 MEMOIKE SUR LAîNClEINiNE La décision des étais de IJrabant, (|iii avaient accueilli Philippe le Bon comme leur souverain, au préjudice des autres prétendants, pouvait avoir, sinon pour le duché , au moins pour les habitants en particulier, des résultats très-graves et Irès-fàcheux. Il se pouvait aisément que les prétendants écon- duits profitassent soit de leurs relations à l'étranger, soit même des relations de voisinage qu'ils avaient avec le lîrabant, pour molester plus ou moins grièvement ceux des Brabançons qu'ils soupçonneraient de leur avoir été hos- tiles. Des laits de cette nature auraient pu de plein droit provoquer soit des représailles, soit une déclaration de guerre du nouveau duc de Brabant : l'honneur national se trouvait à couvert tout naturellement , mais la guerre n'aurait pu empêcher les particuliers desoulfrir dans leur patrimoine. Il fallait pourvoir à ces intérêts tout spéciaux, et assurer les Brabançons individuelle- ment contre toute perte et contre toute vexation : c'est l'objet de l'article 70 : Si le pays de Brabant ou d'outre- Meuse, ou leurs habitants souffrent inquiétude, frais, tort ou dommage de la part de quelqu'un, de quelque con- dition qu'il soit, pour ce qu'ils ont reçu, accueilli et inauguré Philippe le Bon comme leur prince, — le duc tiendra le pays et ses habitants indemnes, A ses frais et à ses dépens; il en répondra vis-à-vis d'un chacun, et il les délivrera. (le n'était pas acheter tro|) cher de florissantes et riches provinces, et il était l'quilable d'empêcher que le service rendu par les Brabançons ne devint pour eux un sujet de chagrin ou de ruine. Les articles 6i et 65 ont également rapport aux règnes précédents : le duc prend les bénéfices de la succession, il doit aussi en accepter les charges. Article 64. Aussitôt qu'il le pourra, le duc, pour autant que cela le concerne, exécutera et procurera l'accomplissement des testaments et actes de dernière volonté de ses cousins décédés, Jean et Philippe, ducs de Bra- bant. Il fera, selon son pouvoir, que dans l'église de Saint-Pierre à Louvain et en autres lieux oit il appartient , on fera les messes et services divins , lesquels doivent être faits d'après les fondations des bénéfices ecclésiastiques. Ai-licle 65. On donnera pleine satisfaction aux prélats, nobles, bonnes villes et habitants du Braltant, pour ce qui concerne les subsides acco/dés au duc Philippe, et d'après le contenu des instructions faites sur leur levée. COINSTITUTION BRABANÇONNE. 191 Il s'agit du subside de trois cent vingt-cinq mille couronnes d'or destiné à racheter les domaines engagés, comme aussi à acquitter les rentes hypothé- quées sur le domaine et les dettes contractées par les nobles et les villes. Le subside avait été voté en 1428 \ L'article 6S est une manifestation de ce principe, si bien admis on Urabanl, que les états exerçaient un droit de contrôle sur les subsides qu'ils accordaient; en les volant librement, ils avaient le pouvoir d'en surveiller l'emploi. Ils avaient, du reste, nommé, dans ce cas-ci, des commissaires spéciaux pour la répartition des sommes allouées : la mort de Philippe de Saint-Pol ne dispen- sait pas le pouvoir ducal, continué dans Philippe le Bon, de jusiilier aux états que leurs instructions avaient été suivies. Néamnoins, pour parer à toute diffi- culté, on inséra à ce sujet une clause spéciale dans la Joyeuse-Flntrée. § II. DU SCEAU DUCAL ET DU PORT DES TITRES. I*ar l'article 4 de sa Joyeuse-Entrée, le duc Philippe le Bon s'engage à prendre le fifre ef les armes de Lofhier, Brahanf, Limbourg et Anvers, comme il appartient. A faire faire, d'après ces litres ef armes, un sceau différent de ses autres sceaux avec marque rcconnaissahle ; A ne pas le changer, ni en faire faire un nouveau, si ce n'est pour causes raisonnables et du consentement des états de Brabant. (Ce point-ci, comme nous l'avons vu, a son origine dans la charte de Philippe de Saint-Pol, où nous l'avons expliqué) ; Enfin, à ce que le sceau restera toujours en Brabonf , sans en sortir, et qu'il servira à sceller toutes les choses qui regardent le Brabant, le pays d'outre- Meuse et les sujets d'iceux pays et pas d'autres. ' Henné ctWauters, ouv. ciié, l. I, p. 250, De Dynter, l. III, p. 484. 192 MEMOIRE SUR L'ANCIEINNE L'origine première de ces dispositions se retrouve dans le sentiment pro- fond de nationalité qui animait les états de Rrabant , quand ils traitaient avec les ambassadeurs du chef de la maison de Bourgogne. Se donnant à un prince puissant, qui portait déjà tant de couronnes, il y avait tout lieu de craindre, si Pou ne prenait des précautions minutieuses, de voir la nationalité •l)raban- çonne se fondre et disparaître dans la nationalité bourguignonne. Le titre de Rrabant représentait seul une réalité actuelle; les noms d'Anvers, Limbourg et Loi hier n'avaient, à la rigueur, qu'une valeur de souvenir, puisque les pa}s au\(|uels ils s'a|)pli(|uaient étaient indivisiblement unis au BrabanI el (ju'ils ne pouvaient être séparés de leur centre. El cependant ces titres si respectables d'anticiuilé el de souvenirs étaient chers aux Brabançons! Lolhier el Anvers représentaient les premières grandeurs de la maison de Louvain ; Limbourg, sa l)lus importante conquête, le j)lus beau fleuron de sa couronne militaire. Mus par ces considérations, les étals de Brabanl stipulèrent que le grand duc (POccidenl reprendrait tous les titres des ducs de Brabanl : par là, el par la confection dlui sceau spécial el distinct, ils arrivaient au but qu'ils voulaient atteindre : le maintien de la nationalité glorieuse qu'ils représentaient. Ce sceau, devant sceller toutes causes brabançonnes, el rien que les causes brabançonnes, était une proclamation permanente de l'individualité p()lili(|ue du pays auquel il a|)|)artenait. En traitant du conseil de Brabant, nous verrons quelle autre précieuse garantie se trouvait comprise dans l'obligation de ne se servir (pie du sceau de Brabant pour les aflaires bra- bançonnes. Marie de Bourgogne stipula même, par l'article 4 de sa charle, que si on scellait d'un aulre sceau une pièce reyanlanl les pays el suje/s de Brabant ou d' outre-Meuse, cette pièce el l'exécution qui pourrait suivre seraient réputées pour non avenues. Cette clause ne fut pas renouvelée par les successeurs de la duchesse, non plus (jue l'autre disposition du même article i, de Joindre à ses titres ceux de Gueldre et de Zulpiten. Ces pays, complètement étrangers au Brabant , ne pouvaient (|u'abusivement laire l'objet d'une stipulation de l'espèce dans la Joyeuse-Entrée. Sauf ce changement transitoire, les disposi- tions dont nous parlons i)assèrenl intactes dans toutes les Joyeuses-Entrées. En conformité de ee qu'elles presci'ivaienl, le sceau de Brabanl ne fut jamais COINSTITUTIOP^ BRABA?<ÇOIN>E. 193 changé K Mais ce qui ne s'observa pas aussi exactement, ce fut de se servir exclusivement de ce sceau spécial pour toutes les causes brabançonnes. Les patentes de chancelier de Brabant, titres de noblesse, survivances, étaient expédiés sous le sceau ordinaire. Ce point semble même avoir fait l'objet d'une convention avec les états de Brabant ^, qui s'étaient plies devant la nécessité. Tant que le conseil de Brabant avait eu, en l'absence du prince, le gouvernement des duchés, l'ar- ticle avait sans doute été en pleine vigueur d'observance; mais quand, après Charles-Quint , ce principe que nous allons expliquer eut été modéré, il y eut des difficultés. Le gouvernement espagnol n'avait pas donné au gouverneur général des Pays-Bas le droit de faire indistinctement toutes les collations d'olfices : il s'était réservé plusieurs charges et plusieurs espèces d'octrois, dépendant plus particulièrement de la puissance souveraine. Il fallut bien alors se contenter du sceau apposé en Espagne , et c'est à cette époque sans doute que la convention dont nous parlons aura eu lieu. Happelons-nous que Tarlicle 2 de la cJiarte wallonne statuait déjà : Qu'on ne saillera menldc nostrc sajel en grosses causes qui puissent trouver à encom- brier ou domaiger à nous ou à nostre terre, si ce n'est par le conseil des bonnes villes. % in. DE l'origine et DU DÉVELOPPEMENT DU CONSEIL DCCAL, PLUS TARD LE CONSEIL SOCVERAIN DE BRABANT. L'histoire du conseil de Brabant est une des faces les plus curieuses de notre ancienne histoire judiciaire ; touchant par ses origines aux premiers temps de la période franque, il s'est développé dans le cours des âges et mêlé ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape , sous l'article 4. * Voir manuscrit cite du vicomte de Wynants, de la bibliothèque Gocthals à Courtrai, p. 66. Tome XXXI. 20 194 MEMOIRE SUR L'ANCiENISE à Ions les grands souvenirs du Brabant. On nous pardonnera, en faveur de rinlérèl de la matière, les (|uel(|ues redites que nous serons obligé de faire, pour présenter une vue d'ensemble sur les origines, les développements et les attributions de cette institution. Après leur fixation sur le sol de TOccident , cpiand les tribus franques se donnèrent des rois, elles ne leur transportèrent pas la plénitude de la puis- sance souveraine. L'esprit d'indépendance des peuples germains répugnait à placer le pouvoir tout entier entre les mains d'un seul bomme, et les as- semblées générales de la nation conservèrent sur la direction des affaires nationales une influence considérable. Leur intervention était recpiise dans toutes les affaires majeures, c'esl-à- dire dans toutes celles où il était question de salufe ecclesiae, regni et ref/is '; mais, d'un autre côté, le gouvernement appartenait au roi seul; il avait aussi l'administration de la justice, qu'il faisait rendre en son nom, et qu'il rendait lui-même, en dernier ressort -, dans la cour de son palais. Dans les matières entièrement livrées à leur puissance, les circonstances avaient encore forcé les rois à se faire assister de conseillers. Le prince ne peut ni tout voir ni tout faire par lui-même : mille détails peuvent détourner son esprit des grandes affaires du royaume! Aussi était-ce au milieu de sa cour qu'il décidait toutes les affaires de gouvernement et d'administration '\ Pour l'administration de la justice cependant, c'était plus la loi sociale (|ue le besoin de conseil qui limitait son pouvoir. Le jugement de tous les bommes libres pur leurs pairs était le principe fondamental de la société : dans les causes de pairs de la couronne, le loi devait donc forcément appeler à son liibunal un nombre légal de pairs, qu'il cboisissait, il est vrai, à sa volonté. Les pairs en jugement ou en procès pouvaient de plus amener leurs cnmpairs, pour les assister à la cour royale; et les juges, avant de prononcer, devaient demander la voix de tous les assistants *. Ces derniers n'eurent d'abord que voix consultative ; mais peu à peu, avec ' Hiifpsiifl, Histoire des étais généraux, § 30;j cl sui\anls. * llcnrion tic Panscy, De l'autorité judiciaire en France, l. I", p. 5. ' Riicpsuel, oiiv. cilé, §g 307 cl suiv. ' Ihid. CONSïITUïIOrN BRABANÇONNE. 195 rextension de la puissance des grands au détriment de la royauté, les juges effectifs n'osèrent plus s'écarter de l'opinion de ceux qui les entouraient; et de consultative qu'elle était d'abord, la voix des assistants dc\inl déliOérative ^ Celte circonstance avait maintenu en vigueur la vieille coutume de tenir les audiences royales dans le même temps et dans le même lieu que les assemblées de la nation. Les affaires majeures de l'État se traitaient avec les membres de l'assem- blée générale dans la plena curia ; les affaires judiciaires , avec les juges nommés par le roi ou amenés par les parties , dans le forum judiciale ou salle aux plaids. Tous les féaux du roi devaient, conformément à leur ser- ment de féaulé, conseil à leur seigneur. Il eût été trop onéreux pour eux de devoir venir à chaque instant prêter leur service de conseil. C'eût été encore priver en fait les parties de l'assistance de leurs compairs, que de re- mettre les audiences du roi à une époque où les placita generalia n'étaient pas assemblés, cl où, par conséquent, il eût fallu un déplacomcnl spécial et fort onéreux |)our aider celui qui réclamait leur intervention devant la justice. Quand naquit la féodalité, ni le pouvoir, ni la propriété ne changèrent de nature ^. Ils ne firent que passer du roi à de grands officiers qui s'étaient rendus héréditaires dans leurs gouvernements et (|ui avaient usurpé les do- maines immenses dont ils n'avaient joui jus(iue-là qu'à titre de bénéfice. Ces grands vassaux, chefs de petits Etats plus ou moins indépendants, copièrent ces institutions de la royauté franque, si profondément enracinées dans les mœurs. Ils tinrent aussi les étals de leur souveraineté particulière, où, avec ceux qui ne s'élaienl pas laissé exclure de l'assemblée générale, ils décidaient les affaires majeures; et, dans une salle^, à côté sans doute, ils jugeaient avec leurs hommes les causes qui étaient portées à leur tribunal ^. Suivant toujours l'usage des rois francs, nos ducs et nos comtes tenaient ces cours plénières tantôt en un endroit, tantôt en un aulre de leurs do- maines; évidemment, pour égaliser les droits de tous leurs sujets, et pour ' Raepsael, /[istoire des élals gcnéraiix , $ 315. •^ IfiicL, $ 344. « s Ibid., $ 343. 196 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE permettre à tous de venir, avec une égale facilité, exposer leurs besoins ou leurs plaintes. Les assemblées générales, par riiulépentlance des arrière -vassaux eux- mêmes, avaient beaucoup perdu de leur importance. 3Iais les plaids judi- ciaires, correspondant à un besoin permanent et impérieux , restaient inévi- tablement plus nombreux, et finirent peu à peu par devenir le principal objet des cours plénières. On y décidait non-seulement les questions [)arliculières soulevées par les justiciables, mais encore les (juestions d'administration et de gouvernement cpii, ne touchant pas à la loi nationale, ne demandaient pas Paveu ou la délibération de l'assemblée générale de la nation. • Ceux qui siégeaient avec le duc ou le comte étaient ses hommes, ses fidèles, requis à titre de leur service du conseil; leurs attributions étaient tout à lait temporaires. Les prélats siégeaient d'ordinaire à ces assemblées des fidèles, tantôt en vertu de leur titre ecclésiastique, tantôt comme grands vassaux. Beaucoup des vieilles chartes brabançonnes constatent la part active que prenaient les U'aux du duc aux actes du gouvernement. Le testament du duc Henri II est rendu habita super hoc prius delibera- tione sufficienle cuiit hoiniiiibus et fidelibus nustris et viris religiosis torrae nostrae \ Son père Henri I'' avait déjà accordé aux habitants de Bruxelles une charte en 1234, de eonsilio hominum nostrorum -. Henri III dit également dans son testament rfe co«s///o bonorum et retif/io- soriim ordinavimus (1260). Ceci constate, comme nous Favons vu, la pré- sence ti rassemblée de bonnes gens, c'est-à-dire de membres des nouvelles communes, ou d'hommes libres de condition inférieure aux grands vassaux. Il est probable que, requise à titre de service féodal pour siéger dans les conseils, la présence des vassaux ij'élail pas réiribuée. L'assistance aux cours plénières des souverains devenait pour eux une chaige très-lourde ; car le seigneur ne pouvait raisonnablement y paraître (|u'avec une splendeur digne de son nom ou de son rang. Tant (pie Ton n'avait décidé les cas litigieux que d'après des usages de fait, chacun avait pu se rendre compte des dillicul- ( ' Voir ;iii cliiiiiiln" I". * LwjHter van Drabanl, \" partie, p. 43. CONSTITUTION BRABANÇOISISE. 197 tés et émellre des avis convenables. Mais quand, au douzième siècle, le droit romain commença à reparaître dans nos coutumes; quand les parties voulurent être jugées d'après les principes de droit strict (|ui avaient présidé à leurs con- ventions, les vassaux hommes de guerre, très-peu au fait de la science, se trouvèrent mal à l'aise dans ces plaids judiciaires qui leur coûtaient fort cher et où ils sentaient plus vivement chaque jour leur impuissance juridique \ De là un mouvement très-prononcé de répugnance chez les vassaux à se rendre à la réquisition de service de conseil des princes; et, comme leur indé- pendance, élayée de forces considérables, empêchait de les brusquer, les ducs sentirent la nécessité de s'entourer d'hommes plus versés dans les connaissances juridiques, et sans doute de les défrayer de leurs dépens et de leurs charges. En 1306 ^, Jean II accorde aux habitants de Bruxelles certaines dispo- sitions judiciaires dressées sur les conseils et délibérations de jurisconsultes (mit wettige lieden). Et, vers la même époque, presque toutes les chartes font mention d'une institution nouvelle, du conseil particulier du prince : rnedt, terme (pii rem|)lace partout les iiomines honos, les fidèles, et (|ui marque pleinement la modilication profonde (pi'avait subie l'intervention des grands dans les affaires judiciaires et gouvernementales du duché. Ainsi on lit dans la charte llamande : omme dut ici ende onse raedt sien ende mercken. — Le renouvellement de la charte de Cortenberg est octroyé par le duc , met rade syns. Ouvrons ici une parenthèse. On a dit souvent, cl plus souvent encore on a répété, que ce raedt dont parlent nos chartes brabançonnes du ([ualorziéme siècle était le raedt van Cortenberg, et par suite que c'était de cette assemblée (jue le conseil de Brabant tirait son origine. Les explications que nous avons données et le témoignage des chartes citées doivent déjà avoir ébranlé celte opinion complètement erronée, d(»nt quelques textes postérieurs feront prompte et pleine justice. Le conseil de Cor- tenberg était une institution tout à fait neuve: c'était, comme on l'a dit, une espèce de députation permanente des étals du pays; c'était un conseil perma- ' Racpsaet, Histoire des étals généraux, §| ôoO et suivants. "^ Lin/slcr van Urahunt , \" partie, p. GC. 198 MÉMOIRE SUR L ANCIENÎNE nenl sorli des anciens placita genemlia et non du forum judiciale ; conseil auquel les ducs de Brabant avaient confié le pouvoir de rechercher les abus (juekonques qui pouvaient exister en Brabant, de les corriger et d'ordonner toutes choses dans l'intérêt du pays (article 4 de la charte de Corlenberg). Ces attributions étaient évidemment de la compétence des anciens placila genemlia. Le conseil de Cortonberg n'était pas le conseil du duc, lié et soumis à sa personne, dominé par elle : c'était le conseil du pays constitué en «[uelque sorte comme surveillant de l'action du pouvoir ducal. L'existence collatérale des deux conseils, avec leurs caractères particuliers, résulte à l'évidence d'une charte de Jean III, par laquelle il institue six com- missaires pour recevoir le subside que les sujets lui ont accordé pour ac- quitter ses dettes *. Nous lisons ù l'article 2 : daeromme hebben wi bi ivisen rade ende met goeder délibérai ien, met volkomen gevolge beyde van onsen rade, van ans landts rade etide van onsen goeden steden. — Qu'est-ce que peut être ce lundis rade, sinon le conseil de Cortenberg? Celui-ci était donc parfaitement distinct du conseil du duc, onsen rude. Faut-il parler encore du renouvellement de la charte de Cortenberg de 1372? L'assemblée, ou le conseil de Cortenberg, est reconstituée dans la plénitude de son inlluence; pour la soustraire complètement à toute action du duc, il est expressément statué, article 7, que le duc ne prendra plus dans onsen ge- swoRNE UAIDE ccux f/uî soul du UAiDE VAN Cortenberg; et f/ue même celui r/ui sera du conseil du duc devra se démet fre de ses fondions, s'il est choisi pour aller à l'assemblée de Cortenberg. Article 4. Si un conseiller de Brabant n'a pas prêté le serment requis sur le maintien de la charte de Corlenberg et de ta charte wallonne, on le lui fera prêter devant le duc, et devant deux du conseil de Cortenberg. Ces dispositions n'ont pas besoin de plus amples commentaires. Revenons sur nos pas. Voilà donc, à l'avènement do Wenceslas, le duc de Brabant entouré d'un conseil particulier dont les membres, aux termes de la ' Luyster van Brabant, 1" partie, p. 98. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 199 Joyeuse-Entrée, doivent être nés de légitime mariage, nés, adhérités et do- miciliés en Brabant. Nous n'avons plus à indiquer les raisons qui réclamaient l'existence de ces qualités : elles ont été expliquées au chapitre II. Il nous reste à dire en peu de mots comme quoi la nationalité des conseillers n'était pas un privilège du pays, mais bien la constatation d'un droit commun. Les conseillers ducaux étaient une partie de ces anciens fidèles, hommes, vassaux directs (|ui entouraient le trône de nos ducs. Ces vassaux, à titre de leur serment, devaient à leur seigneur, comme nous l'avons dit, le service de conseil '. Mais ce devoir était pour eux un droit, puisqu'ils ne pouvaient être jugés qu'avec le concours de leurs pairs, c'est-à-dire avec celui des vassaux du même souverain, et vassaux au même titre, du chef du même fief dominant -. Tout étranger eût été un intrus, non pas seulement de droit brabançon, mais de droit féodal. L'institution de conseillers spéciaux n'effaçait pas ces vieux principes. Ils n'étaient eux-mêmes que des vassaux plus spécialement attachés à la per- sonne du souverain pour l'aider à administrer ses États, à défaut d'interven- tion de tous les autres grands. Et ce qui est remarquable, le droit des autres vassaux du duc de paraître à ses conseils, quand ils le trouveraient bon, n'est pas perdu par l'inslilulion en fait d'un conseil particulier : dans la charte de Marie de Bourgogne (arlide 102), on lit encore que les prélats et barons de Brabant qui sont conseillers extraordinaires pourront siéger au conseil. Ces faits juslifient encore la disposition de la charte de Philippe de Saint-Pol , qui assimile ceux qui ont baronnie en Brabant à ceux qui sont nés et adhérités en Brabant. Eux aussi sont vassaux directs du duc, et auraient dû autrefois venir lui rendre le service de conseil. Disons ici, pour ne plus y revenir, que ces origines du conseil de Brabant expliquent, d'une manière claire et complète, une partie de sa compétence : on sait que les nobles et gentilshommes brabançons furent toujours justi- ciables en première instance du conseil de Brabant ^. C'était un état de choses naturel : les conseillers étaient leurs anciens compairs féodaux. ' Raepsaet, Histoire des états généraux, §§ 236 et suivants. 2 Ihid. ' Loovens, 2"°' partie, p. i2. 200 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE A lorigine de ce conseil formel, les ducs n'y appelaient (|ue ceilains de leurs vassaux qui avaient déjà le droit et le devoir de les approcher de plus |)rès. Mais, comme peu à peu les goûts spéciaux de la noblesse la portaient plutôt vers les armes que vers les sciences; comme les vieilles races de ba- rons disparaissaient une à une et faisaient place à des familles nouvelles moins séparées des classes bourgeoises; comme la science du droit progres- sait toujouis, nos princes se virent obligés, à Timitation de ce qui se passait déjà en France, de créer des hommes de fief de plume et de composer leur conseil, au moins en partie, de jurisconsulles ^ C'était là, pour le souverain, un moyen puissant de détruire lindépen- dance et l'insubordination des grands vassaux; il créait, en elTet, en dehors de Tordre des seigneurs, des inlluences qui n'étaient grandes que par sa vo- lonté et qu'il pouvait anéantir aussi aisément qu'il les avait fait naître. L'éclat extraordinaire qui entourait les études juridiques, ainsi que le relief de l'université de Louvain, facilita singulièrement cette innovation, dont Phili|)pe le Bon est l'auteur en Brabant ^ Il suffît, poui' apprécier l'ensemble du mouvement, de parcourir les noms (|ui successivement figurèrent au conseil ducal. Les charges de robe se trans- mirent par la force des choses dans certaines familles où se perpétuaient, avec la science du droit, les traditions et la sévérité des mœurs judiciaires; de là naquit celte brillante noblesse de robe brabançonne que nous voyons s'élever avec éclat à côté de nos vieilles familles féodales. .Ius(|u'au règne de Jean IV, le conseil avait été pour les ducs de Brabant plutôt un secours qu'un instrument obligé de leur gouvernement. Sauf dans les alTaircs judiciaires concernant des pairs, où le prince ne pouvait pas juger seul, il ne les consultait que quand il le trouvait bon. Avec le règne de .lean IV le conseil ducal prend une position nouvelle. La faiblesse et l'incurie du jeune duc forcent les états à le tenir dans une tutelle permanente, et naturellement les conseillers qui l'entourent dt^jà de- viennent ses tuteurs permanents. Ils cumulent dès lors le double caractère ' Kacjisacl , Jfisloire (/es ('■hils (/riivraux. * Hrilz, Mémoire sur l'ancien droit helyiqiic, p. 3j, dans les Mémoires coitroitnés de l'Ara- dnnir roi/aln de Helcjique, t. XIII, 1" part. CONSTITLITIOIS BRABANÇOISINE. 201 de créatures du prince et de mandataires du pays. Leur intervention, dans toutes les affaires importantes, de facultative qu'elle était pour le duc devient obligatoire. Et non-seulement ils doivent être consultés, mais, dans beaucoup de cas, il faudra que leur majorité, ou du moins quatre ou six d'entre eux approuvent la mesure à prendre, l'acte à accomplir. Le Nieiiw Régiment établit un système complet de surveillance sur le duc, système dont nous avons déjà dit un mot. Article 5. Il faudra faire lettres patentes sur les aliénations des domaines et des seigneuries, déclarations de guerre , alliances, remises d'amende et de confiscation, octrois de fjrâce. Et ces lettres devront être signées de trois ou de quatre conseillers, pour qu'on soit bien assuré cjue dans tous les points susdits les droits des états soient saufs et ne soient pas éludés. Article 13. La majorité des conseillers nommera les officiers de la cour du duc. Article li. La même majorité devra être d'accord avec le duc pour nom- mer ou démettre les officiers des villes ou du dehors. Article 21. Ce n'est qu'avec le conseil, et par lui, que le duc pourra faire information, enquête, ou prendre connaissance d'une affaire quel- conque. Tous ces actes; faits sans l'intervention des conseillers, auraient été enta- chés désormais d'une nullité radicale, et le pays aurait pu s'en prévaloir à l'occasion. Il était même très-diflicile au duc d'échapper à ces entraves. L'apposition du sceau était une formalité indispensable pour imprimer l'au- thenticité et la force exécutoire aux actes du pouvoir souverain '. Le scelleur n'était plus sous sa main ; lui , connne les conseillers et les secrétaires, prêtait un serment qui engageait sa responsabilité vis-à-vis du pays. Il n'aurait évi- demment apposé le sceau ducal de Brabant au bas d'un acte ([ue (piand sa responsabilité aurait été à couvert, c'est-à-dire (|uand les conseillers seraient intervenus de la manière établie par le Nieuw Régiment. Article Ti. Conseillers, secrétaires et scelleurs, présents et à venir, promet- tront et assureront par tel hommage loyauté et serment qu'ils auront fait au duc ' Voir ce que nous avons dit sur le sceau à la charte de Philippe de Saint-Pol. ÏOME XXXI. 26 202 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE uu à ses successeurs , qu'ils n'interviendronl ni n'assisteront jamais à aucun acte, ni n'écriront , signeront ni scelleront aucunes lettres par lesquelles au- cuns du pays, villes et châteaux, gens ou seigneurs, par eau ou par terre, situés en deçà ou au delà de la Meuse, seront oppignorés, engagés, iKuidus, aliénés, diminués, chargés ou aucunement embarrassés ou donnés en aucune manière, si ce n'est du consentement des deux étals laïques de Brabani. Le serment devait être prêté aux trois villes de Louvain, Bruxelles et Anvers, qui dominaient complètement la situation du duché. Et s'il arrivait (article 5) que les ronseillers, secrétaires ou scelleurs se comportassent mal ou se méprissent dans leur office, ils seraient corrigés par les nobles et villes du Brabant , ou par la plupart d'entre eux. On voit que les fonctions des conseillers ducaux prenaient une nature tout à fait nouvelle ; la crainte d'une correction immédiate de la part des nobles et des villes, s'ils ne remplissaient pas convenablement leur mission, com- binée avec leur intervention obligée dans la plupart des affaires imporlanles, sauvegardait d'une manière complète les droits et les intérêts du duché. Prescpie tous ces principes, nés d'un état violent et anormal, passèrent dans la stricte légalité brabançonne, après avoir été sanctionnés par la Joyeuse- Entrée de Philippe de Saint-Pol. Article 17. Quatre conseillers au moins devront signer toute lettre portant libération de toute amende ou confiscation, nomination , destitution d'offi- ciers , prestation de service ou dons considérables à qui que ce soit. Article 20. Six conseillers au moins devront approuver la nomination et la destitution du drossart et du receveur du Brabant. Article G. Les conseillers resteront à la correction des nobles et des villes. Enfin , le serment dont nous avons parlé est requis par l'article 5 de la Joyeuse-Entrée. On y ajoute seulement : que toute libération de rentes devra aussi se faire avec l'intervention des conseillers, secrétaires, scelleurs, pour garantir les droits des étals de Brabant. Un ordre régulier de choses avait succédé à la situation presque révolu- tionnaire d'où était sorti le Nieuw Régiment. Le serment ne devra, en con- séquence, plus être j)rèlé aux trois chefs-villes, mais aux trois états de Brabant. Les villes, malgré leur puissance, ne représentaient pas le Bra- COISSTIÏUTION BRABANÇOINrSE. 203 bant tout entier; il était raisonnable de faire intervenir les représentants de tout le duché à un acte d'intérêt général. Du reste, ce n'est plus seulement le consentement des deux éfats laïques qui est requis pour les aliénai ions, enyagères, etc., mais bien le consentement des trois états. Les abbés, qui formaient l'ordre ecclésiastique, étaient seigneurs fonciers et jouissaient d'une immense influence. Tout comme les seigneurs laïques, ils avaient intérêt au maintien de la dignité et de la grandeur brabançonnes; il eût été injuste de les exclure, d'autant plus (jue, par leur patriotisme et leur dévouement, ils avaient dans toutes les grandes questions tendu la main au parti na- tional. L'ensemble de ces dispositions avait donné à l'office de chancelier garde- sceaux de Brabant une importance toute particulière et très-considérable : de simple fonctionnaire aux ordres du duc, le serment du Nieuiv Régiment en avait fait un fonctionnaire politique, dépositaire de la confiance du pays entier de Brabant. Aussi, dans la charte de Philippe de Saint-Pol, l'office de chancelier ou scelleur fait-il l'objet d'un article spécial. Article 41 . Le chancelier ou scelleur devra nécessairement être pris parmi les conseillers de Brabant , et devra, par consé(|uent, réimir en sa personne toutes les qualités recjuises pour être conseiller. // dei^ra bien savoir le latin, le français et le flamand, c'est-à-dire la langue presque odiGidlc dans le monde diploniali(iue d'alors, et les deux langues usuelles du duché. Enfin, il devra être choisi avec l'assentiment au moins de six conseillers, qui sur leur serment déclareront qu'il est propre à remplir ces importantes fonctions à l'avantage du duc et du pays. 11 eût été inconséquent d'obliger le duc à recourir au conseil pour nommer les officiers subalternes (article 7), et de lui permettre de remplir à volonté la plus grande , la plus considérée et la plus considérable des charges braban- çonnes. Ce chancelier ainsi choisi prêtera au duc et aux trois états un serment analogue à celui des conseillers et des secrétaires. Toutes les dispositions que nous avons expliquées jusqu'ici avaient donné aux conseillers ducaux une certaine action politique, restrictive des droits 204 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE ft des pouvoirs du prince; elles ne les avaient pas établis en corps per- manent et constitué ayant des attributions propres. Il est vrai (jue beau- coup d'actes ne pouvaient être faits par le duc qu'avec rinlervenlion de ces lonctionnaires; mais il restait toujours leur centre, et sans lui ils ne pou- vaient rien. Les conseillers pouvaient arrêter et contrôler; ils n'avaient pas (rinilialive. L'article 27 de la cbartc de Pbilippc de Saint-Pol vint apporter un nou- veau cbangcmenl à cet étal de clioses. Le duc crée une cbambre permanente en prenant parmi ses conseillers élus à volonté, et en aussi grand nombre qu'il veut, un certain nombre d'honmies qui ne rempliront plus leur oUice ut singuli, mais comme un corps ayant un cercle d'action parfaitement déter- miné, même à défaut d'intervention du duc. Article 27. Le duc mellra bonnes gens de son conseil pour tenir de sa part une chambre de conseil dans le pays, là où le prince aura sa résidence ; et s'il lui arritmit d'être absent , ce conseil se tiendra dans une ville convenable. — Les conseillers auront plein pouvoir de décharger un chacun de la part du prince. De là pour le conseil consécration d'un pouvoir, non plus politique, mais éminemment judiciaire : le pouvoir de décliarger chacun de la part du prince, c'est-à-dire le pouvoir de faire grâce aux criminels, de les décharger de leurs excès ou délits \ et, par conséquent, de juger si oui ou non ils méritent la considération qu'ils invoquent ; si les excuses qu'ils font valoir sont fondées. Ce pouvoir pouvait être exercé, non pas seulement avec le prince, mais même durant son absence et en son nom. L'article 27 constituait un double progrès : d'abord, le cours de la justice du prince statuant en dernier ressort n'était plus arrêté par ses absences, ipii pouvaient être fré(|uentes ; ensuite, le duc se trouvait empêché, sinon légale- ment, du moins moralement, de com|)oser son tribunal suprême selon les causes à juger et selon ses sympathies personnelles pour les parties, |)uis(|u'il y avait une chambre de conseil permanente, spécialement destinée au lait de la justice. ' Manuscrit cih' E. 205 Par tout ce que nous avons dit, on peut déjà apprécier rallégalion de ceux qui disent que Philippe le Bon a crée le conseil de Brabant. Philippe le Bon a trouvé en Brabant un corps parfaitement défini dont l'existence était basée sur la loi fondamentale du duché. S'il lui a donné une importance plus grande, s'il a complété son organisation, s'il y a introduit l'élément juridique, abstrac- tion faite de celui de la naissance, il est juste néanmoins de faire une part très-large aux précédents et à la sagesse de l'esprit public brabançon , qui , par des degrés successifs, était parvenu à faire constituer une inslilulion aussi importante qu'elle l'était déjà sous le règne de Philippe de Saint-Pol. La Joyeuse-Entrée de Philippe le Bon ne modifie pas les principes (|ue nous avons expliqués, ni sur les (pialités re(|uises et les formalités à remplir pour avoir ses entrées au conseil ducal, désormais qualifié de conseil de Bra- liant, ni sur les qualités requises et les formalités à rcnq)lir pour arriver à Tolfice de chancelier. Seulement, le nouveau duc se réserve de pouvoir admettre encore dans son conseil le sire d'Eiifj/iien (article 9), (/ni a déjà élé eunseiller, ei aussi Jean de Homes, sire de Baussir/nies, lleese et Lende. Ces deux seigneurs étaient vassaux du duc de Brabant; leurs bannières faisaient parade parmi les plus importantes des duchés; il ne leur manquait sans doute pour entrer de droit commun au conseil (juc la naissance brabançonne '. D'un autre coté, les pouvoirs nouveaux qui allaient être attribués au con- seil, et que nous devons exannner, nécessitaient dans son sein une modifica- tion assez grave. Les conseillers, jusque-là toujours pris en Brabant, n'avaient représenté qu'un élément national tout à fait exclusif; aujourd'hui (|ue le Brabant était joint aux nombreuses seigneuries de la maison de Bourgogne, que ses destinées allaient être unies aux destinées de cette maison , (|ue le conseil était appelé à gouverner en l'absence du prince, il fallait y introduire un élément nouveau, un élément procédant de vues plus générales. Il le fallait pour que le gouvernement du Brabant pût marcher d'accord avec les autres gouvernements du duc, et pour que, dans les grandes questions polili- • Voir Bulkens, (. Il, |)|). 454-437, les Bannières armoriées des banncrcts du duché de Bra- bant, et aussi, l. II, |). 113, pour la mou\ance d'Enghien. 206 MÉMOIRE SUR L'ANCfENÎNE ques, il ne se Irainâl pas dans une ornière plus ou moins égoïste d'intérèl purement local. Le duc se réserve le droit de mettre dans son conseil de Brabant doux membres élratiycrs , à sa volonté , à la seule condition qu'ils sachent la lunr/ue flamande, langue nationale usuelle et prescjue exclusive du Bral)anl, d'Anvers et du Limbourg. Dépendant plus directement du duc, étrangers aux préjugés locaux qui existent toujours quoi (|u"on fasse, ces conseillers assuraient à Tautorilé centrale une action dans le sein du conseil de Brabant. D'un autre côté, comme ils étaient en minorité, comme ils siégeaient à côté de cinq collègues parfaitement initiés aux idées et aux mœurs brabançonnes, les intérêts du pays étaient sulTisamment protégés. Ces principes nouveaux avaient été acceptés par les états, et, en effet, ils ne représentaient que des concessions parfaitement raisonnables. Néanmoins ils devaient porter plus ou moins ombrage à un peuple aussi jaloux (jue les Brabançons de n'obéir jamais cl en aucune chose qu'à des fonctionnaires nationaux. Aussi le duc Philippe, avec ce tact parfait et cette modération qu'il savait mettre dans ses actes quand il voulait s'attacher des sujets, corrigea-t- il par le fait ce que la disposition légale pouvait avoir de pénible pour le pays. Au lieu de profiter immédiatement de ses droits, que fait-il? Il choisit pour remplir les deux charges (|u'il peut donner à des étrangers pris à sa volonté : Jean, sire de liotselaer et de Vorselaer, chef de celte vieille maison féodale mêlée à tous les grands faits de l'histoire du duché, et ce même Jean de Homes, baron de Brabant, dont avait déjà parlé sa Joyeuse-Entrée, et qui pouvait venir au conseil, aux termes de l'article 9, comme les Brabançons de naissance ^ (Vêtait du coup rassurer et les états et le pays sur la portée probable dune concession qu'ils avaient bien dû faire à lintérêt général des possessions bourguignonnes, mais (|ui avait dû leur coûter immensément. Enfin, pour donner au pays l'assurance complète que l'action du gouver- nement sera toujours d'accord avec les intérêts brabançons, toute lettre pa- tente à expédier sur affaire brabançonne sera scellée du sceau de Brabant , ' \'oii' rnrlirle 4 de l'aildition. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 207 signée par quatre conseillers de Brabant et écrile par un secrétaire préposé aux affaires du duché (article 4). Ceci, combiné avec le serment du chancelier, des conseillers et des secré- taires, consacre de nouveau par Tarlicle 6, constituait une garantie complète. En effet, le scelleur ou le chancelier ne scellera ou ne laissera sceller aucune lettre qu'il ne l'ait d'abord attentivement examinée avec deux ou trois autres du conseil I et qu'elle ne soit signée par un secrétaire brabançon. Et si le chancelier, le secrétaire ou les conseillers se comportent mal ou se méprennent dans leur oflice (article 6 de la Joyeuse-Entrée), ils seront cor- rigés par le duc , du conseil des nobles et des villes. On voit que les dispositions de la charte de Philippe de Saint-Pol sont tant soit peu adoucies : le pouvoir ducal a grandi, il ne peut plus abandonner com- plètement la correction de ses fonctionnaires aux membres laïques des étals. Les étals, de droit commun et en |)rincipe, n'ont pas de pouvoir de judica- ture. Il semble (ju'on ne fait pas mention ici de l'ordre ecclésiastique parce ([ue la peine de mort pourrait être prononcée contre les conseillers et que les clercs ne pourraient pas y intervenir -. Le pouvoir du conseil de Brabant grandit considérablement par la charte ^ de Philippe le Bon. Outre rintervention des conseillers dans toutes les causes du duché (article 4) : Le duc s'engage (article 5) à confier en son absence le (jouvcrnement de Brabant et appartenances à sept personnes considérables dont sera le chan- celier et qui constitueront son conseil de Brabant. — Quand il sera en Bra- bant, il fera traiter et expédier toutes les affaires du duché par avis de ce conseil de Brabant ainsi organisé. Chef de nombreux Étals s'étendant sur d'immenses territoires , engagé dans une foule d'intérêts, le grand duc d'Occident allait être fréquemment absent du Brabant. Les états devaient prévoir cette circonstance et veiller attenti- vement à ce (|u'elle ne nuisit pas au maintien de leurs droits et de leurs pri- vilèges. Si le duc avait pu leur imposer à son gré un gouverneur étranger, ' Voir Instruction mir le conseil Je Brabant, article 10. Loovcns, 5" part., p. 70. '^ Manuscrit cite de Wynants sur de Pape , sous l'article 5. 208 MEMOIRE SLR L'ANCIEINISE cet officiel', parfailcnienl iiulilïércnl à leurs intérèls, ignorant de leurs mœurs et (le leurs habitudes, eut heurté de front le principe, si soigneusement ga- lanti et si précieux pour la liberté du pays, qxie tout officier devait être né en Brnbanf. Forcer le duc à mettre un Rrabançon unique dans le gouvernement du duché, n'était-ce pas fournir à une individualité particulière une occasion trop facile de grandir et de se développer vis-à-vis des autres hauts barons de Brabant, si jaloux de leur état; vis-à-vis des villes, si portées à balancer rinlluence de la noblesse? La constitution d'un conseil gouvernemental sauvegardait tous les droits et tous les intérêts, et la modération du duc, obligé de faire des concessions pour arriver à la succession de Brabant, sacrifia aux justes susceptibilités (lu pays. L'article S transportait au conseil de Brabant, en cas d'absence du duc, l;i puissance executive. Pouvant gouverner au nom du prince, il pouvait évidemment user de celte autorité suprême dans toutes les branches du gouvernement. Le pouvoir judiciaire du coips, ébauché déjà, comme nous l'avons vu, par l'article 27 de la charte de Philippe de Saint-Pol, était complété par le même article 5. Ce duc pouvait et devait traiter tous ses sujets par droit et par sentence : le même pouvoir et le même devoir passent donc au corps (jui le remplace dans le gouvernement du duché : c'est un progrés nouveau et con- sidérable. La charte de Philippe de Saint-Pol avait déjà (article 27) sauve- gardé, dans une certaine mesure, les intérêts de ceux sur lescjucls pesait une accusation criminelle : l'absence du prince ne prolongeait pas indéfiniment leurs angoisses, puisque, pour les juger, une autre autorité souveraine pou- vait le remplacer. Aujourdhui la même garantie est étendue aux affaires civiles : les droits do la |)ropriélé ne resteront pas dans rincerliludo, ils ne seront pas livrés au hasard, comme au temps où ils ne pouvaient être fixés que (piand les loisirs du prince lui permettraient de venir siéger dans sa cour judiciaire. Le conseil de Brabant avait non-seulement le pouvoir de juger par lui- mêm<' les causes qui relevaient du tribunal du prince, mais il était aux droits CONSTITUTION BRABANÇONNE. 209 tlii duc, pour faire administrer à chacun qui le demanderait droit et sentence là où il appartiendrait (article 1, Instruction de 1430) ^ Quand le duc était présent, il continuait néanmoins à rendre la justice au milieu de ses conseillers. Ainsi Charles le Téméraire, en 1468, siégeait en- core avec eux. Brabanlis Ilannoniisque jiulkebat , ter simjxdis liebdomudiOus ivier conciliarios presklens '. Les sept personnes notahles dont parle Particle 5 sont sans doute les mem- bres de la chambre du conseil instituée par Philippe de Sainl-Pol et main- tenue par l'article 27 de la Joyeuse-Entrée de Philippe le Bon. Il résulte, en effet, de rordonnance organi(|uc de 1430 (article 5) qu'il y a encore d autres personnes qui sont du conseil, et (|ue les barons de Brabant en sont membres de plein droit : en cas de surcharge, les membres ordi- naires du conseil peuvent les convoquer; mais ceux-là seuls qui sont spé- cialement appelés peuvent et doivent venir siéger ^. Sous Philippe le Bon, le conseil de Brabant était donc devenu un corps à la l'ois politique et judiciaire, collatéral obligé du prince dans tous les actes de la souveraineté. Cependant les charges de conseillers n'étaient encore (pramo\ibles, comme celles de tous les ofliciers du duché. Tous n'étaient cpie mandataires du prince, et leur pouvoir expirait de plein droit à la mort du mandant. C'est ce qui résulte à l'évidence d'une missive de Charles le Téméraire au conseil de Brabant, par laquelle il lui rappelle que la moii de l'/iilippe le lion, son très- eher seigneur et père, a éteint le pouvoir et les commissions qu'ils avaient pour l'exercice et l'administration de la justice au pays de Brabant, et par la(|uelle il leur ordonne de continuer à y faire en son nom ainsi que besoimj sera jusqu'à ce qu'il en ait autrement ordonné *. La position de ces fonctionnaires pouvait par là être parfois très-pénible : d'un côté, complètement à la merci du prince i|ui, à sa volonté, les privait ' Voir une brochure contenant le Discours de rentrée de I8V1>, par monsieur le procureur général de Bavay, sur le conseil souverain de IJrabanl. - Idem, citant Pontus llcuterus, p. 7. ' Voir cette ordonnance dans Loovens, 3°" partie, p. 70. * dachard, Analecd's betijiques , p. 259. Tome XXXI. 27 210 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE de leur office; de raulre côté, destinés à servir de conire-poids national à son inflnonce suprême el, à ce litre, assermentés aux états, ils devaient ou pouvaient à cha(|ue instant avoir à opter entre leur devoir et leur position. Les étals avaient prévu l'inconvénient et avaient obtenu de Philippe que de deux ans il ne changerait pas le gouvernement qu'il avait établi. Si tou- tefois un membre du conseil se rendait indigne de son office, après avis préa- lable des deux états (a'ù/ues, le duc le ferait juger et l'admettrait à se défendre et à se justifier (article 7). C'était une concession énorme pour Pépoque et bien importante: c'était un pas vers l'inamovibilité de ces grands oflîces qui devait avec le cours des temps passer dans le droit brabançon. La puissance considérable que l'ensemble de ces dispositions avait conférée au conseil de Brabant, devait cependant, d'après le cours des choses humaines, aboutir à une tendance permanente d'empiétements sur les autorités collaté- rales ou inférieures. Les abus de pouvoir furent assez considérables pour provo(|uer un article spécial dans la deuxième addition de Philippe le Bon, de 14.51. L'article 14. de cette charte défend au chancelier et aux autres membres du conseil de Brabant de faire citer personne devant eux, d'évoquer ou de retenir la connaissance d'aucune cause qui ne leur appartiendrait pas d'après les coutumes du pays. — Toutes les affaires de leur compétence qui se trai- teront devant eux seront traitées verbalement et sans écrit entre parties, aussi loin qu'il sera possible d'après les nécessités des causes. De plus, quand il sera nécessaire de faire faire enquête par une des parties, on les gardera de grands frais , entendant sommairement les témoins dans les chambres du conseil, quand cela sera possible raisonnablement , el sinon du moins on pro- cédera aux moindres frais possibles. Les empiétements du conseil avaient évidemment pour efïet de soustraire les justiciables au premier degré de juridiction, et de les exposer à des frais plus grands de dé|)laremenls de personnes, de témoins et de pièces. Aussi, dans les temps postérieurs, invo(iua-l-on souvent encore la disposition tuté- lairc de Tarticle 14 de la deuxième addition. Le plaidoyer verbal empêchait beaucoup de chicanes, « qui maintenant. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 211 » (lit de Pape, s'instruisent aussi voiumineusemenl que si c'étaient causes » d'importance ^ » Il ne mettait pas l'équité et le droit à la merci des for- malités de procédure. El quant au mandement de procéder à peu de frais, c'est le seul moyen pratique de rendre la justice égale pour tout le monde. Il convient que celui qui plaide supporte certaines charges pécuniaires, pour ne pas saisir de contestations mesquines la justice nationale; mais il ne faut pas que le pauvre soit arrêté dans la revendication de ses droits par la né- cessité d'avancer des frais considérables. Cet article finit par être très-peu observé, au grand détriment, il faut bien le dire, des plaideurs et des justiciables ^ Disons enfin que les nécessités du service avaient engagé Philippe le Bon à porter le nombre des conseillers à six conseillers ordinaires, plus le chan- celier, et à (juatre conseillers extraordinaires ayant qualité de commissaires aux preuves ^. L'instruction verbale devait rendre l'office de ces derniers très -laborieux, et il est probable qu'ils furent institués pour laisser plus librement va(|uer la chambre primitive aux fonctions de judicature propre- ment dite. Charles le Téméraire laissa le conseil de Brabant tel (|uil lavait reçu des mains de son père. Seulement son absolutisme ne put se faire à la concession de l'article 7 de la charte de Philippe le Bon, et les conseillers restèrent des mandataires absolument révocables à sa volonté. Par son ordonnance du 10 novembre 14G7, il organise son conseil de Brabant à l'exemple de ses prédécesseurs. Outre le chancelier, il nomme six conseillers aux gages, quatre conseillers préposés aux enquêtes et instruc- tions, des greffiers et des secrétaires, etc., comme sous Philippe le Bon *. Et il donne au conseil plein pouvoir et aulhorilé de doresnavani vacquer, besoigner et entendre à l'expédition des procès, besoiijnes et affaires de ses- dits pays de Brabant, Linibourg et d'outre - Meuse , de faire udininistrer bonne et briève expédition de justice es cas, et ainsi qu'il appartiendra, de ' Voir manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 4 de l'addition. '•! Ihid. ^ Loovens, a™ partie,-}). 108. '* Ibid, 3"« partie, p. 81. 212 MEMOIRE SUR L AISCIEININE garder, soutenir et entretenir nos droits, hauteurs, seigneuries et préroga- tives, de donner et octroyer à nosdits sujets de Brabant, de LûnOuurg et d' outre-Meuse, au nom de nous, tontes provisions de justice es cas et ainsi que faire se debvra, et desdits provisions faire si est, expédier nos lettres patentes scellées de nos sceaulx ordonnés en nosdits pays. C'est le chancelier de Bourgogne qui est commis pour recevoir le serment des conseillers de Brabant (sans préjudice évidemment du serment à faire aux états, aux termes de la Joyeusc-Enlrce). La chambre du conseil fut définilivcmenl fixée à Bruxelles pour tout le règne de Charles le Téméraire '. D ambulante qu'elle était naguère, la justice en dernier ressort devint désormais stable dans Tune des villes du duché. (Mus lard elle fut transférée momentanément à Louvain (1578), mais pour revenir bientôt à Bruxelles ^. Les états préféraient que le conseil eût sa résidence là où était la cour et le duc , ou plus tard le gouverneur général qui le ré|)ré- senlait. Puisque le conseil était collatéral du pouvoir ducal dans toutes les affaires brabançonnes, il fallait faciliter leurs relations réciproques-^. Sous Marie de Bourgogne, les principes cpii présidaient au choix et à réta- blissement des conseillers de Brabant se modifièrent d'une nianièrc assez curieuse. Le nombre des conseillers resta fixé à huit, et le chancelier dut être pris encore parmi eux. Mais, parmi ces huit, quatre seulement devaient être nobles ou schildborstig (article 46); les quatre autres devaient être clercs de droit. Cette disposition relative aux clercs de droit n'était qu'une manifestation nouvelle de la tendance qui avait fait établir autour de nos ducs un conseil permanent et formel. On y recoimaît néaimioins la main des bourgeoisies. Elles veulent garantir par la loi une coutume, récente il est vrai, mais utile; coutume qu'elles pouvaient croire de nouveau menacée par la maison de Bourgogne, soucieuse de raviver et de rajeinnr le lustre de la chevalerie et de la noblesse. Du reste, linfluence des honunes de loi une fois établie, porte en elle un ' Onloiuiiincc do 1467. Voir Loovcns, p. 8t , 3°" partie. ' l'Iarnrtis de Urahant , lomc I'', p. 2!i;). ' Miiniiscril cite de Wyiiaiils sur de Pape, sous l'article 7. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 215 singulier caractère de slabililé el d'expansion. Le corps des légistes forme, dans toute société constituée, une aristocratie homogène, intelligente, ouverte à tous les talents, el parlant toujours vivace; aristocratie fondée sur la science et l'esprit des affaires, el qui seule peut-être n'a rien à craindre du nivelle- ment des classes sociales. Le jurisconsulte, en effet, c'est le prêtre d'une sorte de religion mystérieuse, pleine d'arcanes pour le vulgaire dont elle enveloppe la vie; il est le seul organe de ses dogmes, le seul dispensateur de ses pré- ceptes, et à peine a-t-il mis la main à un rouage social , que l'opinion publique l'y maintient comme une force nécessaire. A tout prendre, Farlicle 4G était un progrès au point de vue des intérêts généraux; une partie de ceux qui devaient juger les grandes causes du pays avait une capacité juridique notoire el constatée, el, d'un autre coté, cette émulation que nous avons déjà signalée entre l'élément féodal et rélément des bourgeoisies était fortement excitée, el devait, avec le cours des temps, con- duire à de grands résultats. De même que ses prédécesseurs, Marie de Bourgogne s'engage à leiiir en cas d'absence, sa chambre de conseil dans une ville concenable , à son choix (article G). Cependant le choix qu'elle aura fait ne la liera pas, el elle pourra revenir sur sa décision. Celle chambre du conseil, en son absence, expédiera toutes les affaires du pays (article SI), de sorte que les sujets ne soient pas obligés d'agir hors du Brabanl, sauf en certains cas spéciaux déterminés, où il faut ordre et con- sentement de la personne même de la souveraine; tels que collation de dons, offices, privilèges, etc., — lesquels actes néanmoins seront expédiés sous le sceau de Drabant. Article d. Il y aura six secrétaires de Brabunt : ils devront tous être nés en Brabant, et savoir le français, le flamand et le latin. — Ce seront eux, ou quelques-uns d'entre eux, qui devront faire el signer tous tes actes re- gardant les affaires brabançonnes. La Joyeuse-Entrée de Philippe le Beau revint complètement aux principes de Charles le Téméraire el de Philippe le Bon, sur la composition, l'orga- nisation et les attribulions du conseil de Brabant. Ces principes se main- tinrent désormais sans changement jusqu'à Philippe IL 2i4 MÉMOIRE SUR L'ANCIEINNE A l'avéneinenl de ce prince, ils furent singiilièremcnl modérés. Nous étu- dierons ces changements ainsi que leurs causes en leur lieu ; pour le mo- ment, nous nous bornerons à une dernière remarque. Aujourd'hui le pouvoir judiciaire est un pouvoir indépendant, exercé en vertu d'une délégation spéciale de la nation belge; sous Tempire de la Joyeuse-Entrée, le pouvoir judiciaire n'élail quun allribul du pouvoir souverain, qu'une partie du pa- trimoine des ducs de Brabanl. Tant que les conseillers ne furent pas inamo- vibles, cette origine du pouvoir judiciaire devait se traduire en une moins grande indépendance de ces magistrats. Aussi n'est-ce qu'après que Tina- movibilité de leurs charges fut réputée privilège, par la puissance des faits, que le système moderne et le système ancien eurent à peu piès les mêmes effets. Néanmoins un inconvénient subsista de cette dépendance du pou- voir judiciaire vis-à-vis du pouvoir ducal , c'est que le cours de la justice pouvait être paralysé par un ordre du souverain. Les juges ne jugeant qu'en vertu d'une délégation spéciale de sa part, se trouvaient désarmés quand cette délégation spéciale leur était retirée, tandis que, de nos jours, le pou- voir judiciaire ne relève que de sa conscience et du droit. Celte situation se prolongea durant tout l'ancien régime, «aussi trouve-t-on à chaque pas, » dans les archives du conseil, des ordres supérieurs (jui paralysaient le » cours de la justice '. » § IV. INDIVISIBILITE DE L ETAT ET UNION DU I.IMBOURG. DE NIVELLES. ETC. La promesse d'union du Limbourg et du pays d'ouIre-Meuse se présente dans la charte de Philippe le Bon avec des circonstances toutes particulières. Nous avons vu que presque tous ces pays avaient été engagés par Jean III et ' Mercuriale cilce de M. de Bavay , p. 10. CONSTITUTIOIS BRABANÇOINÎSE. 215 par Antoine de Bourgogne. Sous le règne de Philippe de Saint-Pol , les états avaient volé un subside considérable pour les racheter avec les autres do- maines engagés; mais il semble, d'après les articles 10 et 11 de la Joyeuse- Entrée, que le rachat n'avait pu encore être effectué. Le comte de Veernembourg tenait en engagère le pays de Limbourg pour une somme très-considérable, et, à la suite de difficultés avec les Liégeois, Philippe de Saint-Pol avait remplacé ce comte dans le gouvernement de Limbourg par Henri de Gronsfeld \ L'engagère n'avait pas été remboursée (l'arlicle 10 le prouve), et, privé d'une partie de ses droits, il est probable que le comte de Veernembourg avait exigé la restitution des sommes qu'il avait prêtées. De là la promesse de l'article 10, fjiie te duc déchanjera le Lim- bourg de la créance du comte de Veernembourg et qu'il indemiiisera les bourgeois de Louvain et d'Herenthals, arrêtés à Engliieii , et tous ceux qui auraient été emprisonnés du chef de celte créance; enfin, qu'il satisfera ledit comte d'après le contenu de ses lettres d' engagère, 'E pays, leurs chefs seront accompagnés d'un conseiller de Brabanl , Icr/uel, arec les o/fieiers civils ducaux , les officiers des seigneurs bassains sous leur juridiction, et les députés des chefs-villes, veillera avec soin sur leur con- duite. Ceux qui soufl'riront tort ou mauvais traitements de gens d'armes se plaindront au conseiller de Brabanl ou aux députés des villes, cjui informe- ront et demanderont le redressement des griefs au commandant; si ce der- nier est en défaut de faire droit, les officiers civils du duc, soit sur plainte de la partie lésée, soit à la réquisition de la ville, et de même les officiers des seigneurs bassains , sous lesquels le fait s'est produit, appréhenderont et em- prisonneront le malfaiteur et ses biens, n'importe oh on pourra l'atteindre dans le pays, et ils le forceront à plein redressement de ses torts, tels qu'ils seront constatés par les conseillers, officiers civils, députés des villes , etc. Si les officiers ducaux ne peuvent parvenir à exécuter les condamnations, à première réquisition, le duc lui-même se chargera de faire avoir droit complètement , tant contre les malfaiteurs que contre leurs capitaines négli- gents ou autrement coupables , qui seront responsables. Si le duc lui-même est en défaut, on fera alors redresser les torts, méfaits, frais et intérêts, d'après la charte ivallonne et autres privilèges donnés es cas semblables par le duc et ses prédécesseurs aux états de Brabanl (ar- ticle IG, adclilion). C'était organiser un système complet non-seulement de surveillance, mais encore de correction sur les gens d'armes. Tous ces grands fonctionnaires et officiers avaient intérêt à veiller au maintien des droits et de la tranquillité du plat pays, où beaucoup d'entre eux avaient de vastes domaines; cependant, ces moyens échouèrent contre la persistance des faits, car nous verrons, sous ('harles-Quiiil, la Joycusc-Enirée porter de nouveau des dispositions sur les mêmes points. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 225 § V[I. DU COMMERCE. La fcodalilé avait fractionné ITuropc en de nombreux petits Étals plus ou moins indépendants les uns des autres. Ces diverses souverainetés, en lulle perpétuelle avec les souverainetés voisines, se repliaient nécessairement sur leur centre : elles se serraient pour mieux ménager leurs forces. Par suite, chacun des membres de l'association voyait dans celui qui n'en faisait pas partie, sinon un ennemi, au moins un être dont il devait se défier, et qu'il avait justement le droit de rançonner quand l'occasion s'en présentait. L'esprit d'association était porté à sa plus haute puissance dans l'Europe du moyen âge : associations guerrières, associations religieuses, associations commer- ciales, associations sociales, associations olVensives, associations défensives; le principe avait pris toutes les formes. 3Iais l'association elle-même, et surtout l'association politique, était entachée d'un caractère d'individualisme étroit. L'amour de l'association, comme l'amour de la patrie, consistait alors à faire du mal à l'étranger plus qu'à faire du bien au corps auquel on appartenait. Ces tendances se manifestaient également dans le monde commercial et éco- nomique : méconnaissant les magnifiques harmonies sociales qui font du bien des masses le bien des |)arliculiers, et du bien des particuliers un élément du bonheur des masses , les peuples avaient cru (|ue la richesse était inie (|uanlité absolue, et que chaque homme ne pouvait s'enrichir (pi'aux dépens des autres hommes. L'esprit général du temps est facile à constater; mais il serait extrêmement difiicile de déterminer exactement l'histoire de tous les droits (le douane : ils se confondaient presque toujours avec les tonlieux ou droits de passage de nature domaniale. Néanmoins quelques données posi- tives peuvent jeter un certain jour sur la matière. Depuis la conquête normande, il avait été établi, en Angleterre, un sys- tème de douanes fondé autant sur des vues fiscales que sur un sentiment d'an- lipalhie pour les aubains ; ces derniers payaient presque toujours un droit Tome XXXI. 29 226 MÉMOIRE SUR L'AÎVCIENNE moitié plus fort que lesregnicolcs, et parfois même ils élaioiU chargés d'uno taxe tout à fait spéciale '. D'autres peuples étaient entrés plus franchement encore dans le système appelé plus tard le système de la protection. Ainsi en France, depuis 1324- d325, la plupart des objets de commerce étaient frappés d'une interdiction de sortie; et sans doute des droits d'entrée étaient mis sur les marchandises étrangères, car on voit la charte de Philippe de Valois accorder, sous forme de privilège, des facilités d'importation considérables aux marchands braban- çons, sous le règne de Jean 111 ^. En Brabant, les ducs s'étaient engagés à laisser librement voyaç/er leurs sujets , sur leur tonlieu légitime, dans tous les pays ; ils ne pouvaient donc les empêcher d'aller traficpier au delà des frontières et de (piitter le sol du Brabant avec leurs marchandises. C'était un vieux principe consacré déjà par la charte wallonne et par une charte du duc Jean III, de I334 '\ Il est même probable que le marchand brabançon qui quittait le duché ne payait, sous l'empire de ce droit national que nous venons de rappeler, aucun pavage de sortie spécial. Nous prenons argument de l'intitulé d'une vieille liste de tonlieux du (pialorzième siècle, qui porte : . Ceci sont les droits qu'on prendra de tout homme habitant en dkiiors du Brabant K Or, dans la liste des droits , il est presque toujours question des marchan- dises qui sortiraient du duché pour aller vers une destination étrangère. Les marchands non regnicoles payaient des droits spéciaux, soit pour sortir du Brabant soit pour y entrer. Pour qu'ils n'en fussent pas tenus, ils devaient jouir d'une exemption par- ticulière, résultant soit d'une concession des ducs de Brabant, soit d'un traité particulier conclu par ces derniers avec les souverains étrangers. Aix-la-Chapelle, Nuremberg, Thiel , Nimègue, etc., sont signalés comme étant dispensés de payer le vieux tonlieu de Brabant. ' Dictionnaire d'économie politique , article Douanes. ■ Yirstvn, l. I, p. 83(). * Linjster van lirahanl, p. 1)8, l" pnrtic. * Yeeslen, Il vol., Rylagen , p. 433. COiNSTITUTION BRABANÇONNE. 227 Les bourgeois de Cologne, ceux du comté de Juliers, ceux des pays du sire de Heinsberg, sont cités comme exempts du nouveau lonlieu '. Nous avons déjà vu, sous la charte de Wenceslas, que les traités avec la Flandre et avec Liège , maintenus et confirmés par la Joyeuse-Entrée, éta- blissaient : que Brabançons et Flamands, Brabançons et Liégeois voyage- raient sur les territoires respectifs avec leurs marchandises sans payer de droits parlicuUers et plus élèves ; ou parfois encore que ces droits seraient identiques -. Il est probable que des traités analogues étaient intervenus entre le Brabant et les autres pays limitrophes appartenant à la maison de Bour- gogne. Du reste le Hainaut , la Hollande , la Zélande et la Frise ayant été unis au Brabant sous Jean IV, il est à présumer que les droits, qu'on pourrait appeler droits d'aubaine, avaient été adoucis dans les relations récipro(|ues de ces pays, ou peut-être qu'ils avaient été tout à fait abolis. C'est ce qui résulte de rarlicle lo de la Joyeuse-Entrée de Philippe le Bon, qui constate une liberté de commerce déjà ancienne. Car remarcpions que la promesse de laisser librement voyager les Brabançons, sur leur tonlieu légitime, dans tous ses États, est ici d'une importance toute nouvelle. Uéunissanl sous sa main de vastes domaines, il est tout naturel que le duc renonce à imposer les relations de ses sujets entre eux, et s'interdise des ressources fiscales évi- demment onéreuses pour le commerce. L'article 15 doit s'entendre en ce sens, que le duc promet de ne pas faire payer un droit d'entrée particulier aux Brabançons qui viendraient trafiquer en Flandre, en Artois, en Hainaut, etc. Si l'article énumère spécialement la Hollande, la Zélande et la Frise, c'est que le prince n'en est encore que ruwaert et héritier présomptif. L'article 08 confirme pleinement l'interprétation que nous donnons à l'ar- ticle 13, puiscju'il porte que tous les commerçants de tous ses pays , seigneu- ries, puissances et dominations, pourront entre eux aller et voyager çà et là, commercer, porter leurs marchandises au marché, les vendre oh il leur plaira le mieux, moyennant leur tonlieu et charges légales. On peut encore ' Yeesttn , t. IF, p. 433. 2 Voir la Joyeusc-Entrce de Wenceslas, cliap. I". 228 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE lirer de cet article Texemplion de toute espèce de droits d'étape ou de vente forcée de marchandises en un endroit déterminé, pour tous les sujets du duc dans leurs relations respectives. Voilà donc, d'après la Joyeuse-Entrée de Philippe le Bon, les Brabançons en droit de commercer librement, moyennant les droits de passage ordi- naires, dans tous les domaines de leur souverain, sans devoir y solder des droits d'entrée spéciaux, les sujets des autres Etats étant libres do venir aux niènK^s conditions et sans plus de restrictions en Brabanl. L'inlérét politique de tous ces comtés et duchés était intimement lié à une même idée, celle de la grandeur de la maison de Bourgogne. Les relations devenaient plus fréquentes, parce que les peuples, en rapports journaliers avec un même centre , apprenaient à mieux se connaître ; et lintérét com- mercial, la richesse publique, se trouvaient déchargés de restrictions péni- bles et embarrassantes. Le négociant n'arrivait plus sur le mai'ché avec des produits chargés de droits considérables qui, s'ajoutant au prix, non-seule- mont diminuaient ses bénéfices, mais encore restreignaient le nombre dos achotours. Le producteur et le consommateur ne voyaient plus sV'lever oniro le besoin et Tobjel destiné à le satisfaire des barrières arbitraires. (Ihacun profitait aux moindres frais possibles des avantages naturels des climats et des territoires étrangers. Si le fisc y perdait en une certaine mesure, il se préparait des ressources à la fois plus légitimes et plus considérables, par Textension extraordinaire donnée au mouvement industriel et commercial. Ceux qui n'appartenaient pas aux domaines de la maison de Bourgogne restaient cependant encore sous le droit commun du moyen âge, c'est-à-dire (pie leurs marchandises payaient des droits d'entrée spéciaux. La Jo^euso- Lnlrée no prosoiilo pour eux aucune garantie, aucune liberté. L'article G3 renferme encore une autre disposition. Le duc fera cl laissera paisiblement Jouir les habitants et sujets du pat/s de Brabant de leurs biens (/u'ils ont ou acquerront ci-après, en r/uelf/u'un de ses autres pays ou juridictions, et des fruits d'iceux, nonobstant (put- conques ordonnances ou défenses r/ui se pourraient faire au contraire. C'est , comme on le voit, la garantie de la liberté de la propriété. Depuis long- temps, on Brabanl mémo, tout homme, tout sujet, pouvait en droit disposer CONSTITUTION BRABANÇONNE. 229 libremenl de ses biens, suivant la coutume du banc auquel il ressorlissait : pour les biens féodaux, il lui fallait, de plus, avoir Taveu du seigneur domi- nant. Ceci était de droit commun. Mais Tindividualisme extrême qui , comme nous l'avons dit, dominait Tordre social d'alors, dans les relations de peuple à peuple, avait fait considérer souvent comme un vol fait à la patrie, l'acte d'un bomme qui quittait son pays avec une partie de sa fortune. Le serf ne pouvait quitter le domaine de son seigneur ni de sa personne ni, à plus forte raison , de ses biens. Quand la servitude fui abolie et que les communes s'éle- vèrent, des probibitions analogues furent portées: ainsi tout poortor devail nécessairement et indispensablement demeurer dans l'enceinte de la com- mune, et il ne pouvait même accjuérir un fonds en dehors des qualrc portes; s'il voulait sortir de sa commune pour aller demeurer ailleurs, il devail payer un droit d'issue K Cette habitation réelle obligatoire emportait nécessairement la fixation du siège de sa fortune dans l'intérieur de la commune donl il était membre. On peut conclure de ces exemples particuliers que l'esprit du moyen âge élait resiriclif du droit de quitter le pays avec les biens (|u'on possédait; il esl même probable que, outre la coutume tacite, il y eut souvent des défenses et des ordonnances promulguées dans ce sens. L'union des diverses principautés du duc IMiilippe, dans un intérêt même polili(|ue, sous certains points de vue, de même qu elle avait amené une liberté de commerce complète entre tous ses sujets, amena pour les Brabançons , dans la Joyeuse-Enirée, le droit, imprescriptible désormais, d'acquérir des biens à l'étranger, d'en jouir librement, d'en empoiler les revenus et de les dépenser, non-seulement dans le territoire ou sous la souveraineté où ils se percevaieni , mais là où le propriétaire y trouvait son plus grand avantage. (Cependant la réunion de la plupart des provinces des Pays-Bas sous le sceptre du duc de Bourgogne n'avait pas établi une unification complète. Le prince, comme comte de Flandre, de Hainaut, d'Artois, aurait aisément pu accorder à ces princi[)aulés des avantages commerciaux nuisibles aux Brabançons; mais quand le comte de Flandre veut devenir duc de Brabanl, ' Kacpsaet, Analyse de Vurigiiie el det jirofjrés, %% ita i-t suivants. 230 MEiMOIRK SUR L'ANCIEISISE il n'est que juslc que les étals, en disciilant ses litres, lui imposent la condition de ne pas favoriser ses anciens sujets aux dépens des nouveaux. De là la dis- position que le duc n'accordera plus aux nations qui font station en Flandre aucun privilège ou franchise qui puisse, en aucune façon, porter préjudice au pays ou aux habitants de Brabanl. (Article 67.) Bruges était à celte époque la reine du Noi'd pour le commerce ' : vais- seaux et marchandises affluaient dans son port; son étendard au lion bleu sillonnait les mors du iNlidi; et beaucoup de nations, pour faciliter des relations devenues permanentes, avaient établi dans son sein des comptoirs que les comtes avaient dotés d'éminentes franchises. Le commerce d'Anvers, favorisé par sa position sur un fleuve magnifique, grandissait à vue d'œil; il y allait de l'intérêt de cette dernière ville que le duc ne i)iit pas augmenter les privilèges des nations stationnant en Flandre, afin de les attirer là plutôt qu'en Brabant. Il devait laisser les pays et les villes lutter à armes égales dans la voie do la prospérité commerciale. La restriction de l'article 67 ne porte évidemment pas sur les privilèges (pie le duc pourrait accorder aux Flamands eux-mêmes, mais seulement sur les privilèges à ac- corder aux étrangers pour les attirer en Flandre au détriment du IJrabant. Tous ces principes se maintim-ent dans les Joyeuses-Entrées postérieures et reçurent, comme nous le verrons plus tard, une extension nouvelle. Article 66. — La ville d'Anvers et son commerce avaient été depuis longtemps l'objet de la sollicitude du duc de Brabant et des empereurs d'Alle- magne, leurs suzerains. Dès le treizième siècle -, en 1287 et en 4296, nous voyons Jean I"" ac- corder des sauf-conduits aux marchands étrangers pour gagner librement et (piiller Anvers, et, en 1298, le même duc créer dans cette même ville un marché aux chevaux ^. Les ducs de Brabant tenaient en fief le marché franc au poisson, au sel et à ravoine, qui y avait été établi par l'Empire. Par suite de circonstances qui n'appartiennent pas à notre sujet, ce marché avait été transporté à iMalines; ' .Miiiniscril cite tic Wjnanls sur de Piipo, sous l'arlide 46. - Yecslen , l. I, pp. G8G-087. î Ibid, p. «90. CONSTITUTION BRABAÎNÇONNE. 231 mais, à l'inlervention de Henri, roi des Romains, en 1309, il fut de nouveau rétabli dans la ville où il avait été fondé originairement '. Quand, après le traité d'Alh, la ville d'Anvers passa sous la domination llamande, les comtes de Flandre, pour la punir de sa malveillance envers eux, la privèrent de nouveau de ses privilèges commerciaux, et rendirent le marché à Malines. De là contestation avec le duc de Brahant -. Apres bien dos déboires, Anvers rentra en possession de ses droits, et finit par jouir paisiblement de son manlié franc ^. La foire générale semble lui avoir été accordée seulement en 14-15, par l'empereur Sigismond. Comme toutes les foires du moyen âge, elle attirail à Anvers, à des époques périodi(pu's, (fuanlilé de marchands étrangers (pii , trop à l'étroit sur un marché national nécessairement restreint, venaient y trouver de nouveaux et nombreux acheteurs. Producteurs et consommateurs apprenaient à connaître leurs prétentions et leurs goûts respectifs; des rela- tions nouvelles se formaient, et chacun pouvail se procurer, au [)rix de moindres sacrifices, des objets de consonunalion presque enlièremenl dé- chargés des droils et des péages nombreux qui, en temps ordinaires, les grevaient. Le pays entier profilait de ces réunions immenses d'étrangers, et, plus que toutes les autres, la ville où ils séjournaient el où ils devaient né- cessairement dépenser une partie de leurs bénéfices ; sans compter que le commerce ordinaire en tirait grand avantage, les nations foraines apprenant ainsi à connaître le chemin des ports de l'Escaut. Le duc promet d'affranchir par (erre et par eau, qiianl aux persontios cl quant aux biens, les marchands qui se rendront à la franche foire d'Anvers, dans tous ses pays , seigneuries, États el Juridictions. Et si, par l'ccoutète d'Anvers et les niaf/istrats, pour une cause quelconque, le temps de la foire est prolonç/é d'un temps raisonnable de quatorze nuits au plus, le duc accor- dera pendant cette nouvelle période toutes les mêmes franchises qui existent pendant le temps de la foire principale. Ainsi tous ceux qui se rendent à la foire d'Anvers ne payeront, dans les ' Butkcns, I, Preuves, pp. 141-142. 2 Yeesteti, t. II, p. 523. ^ Manuscrit cité de VVynants sur de Pape, sous l'article 44. 2.-2 MEMOIRE SUR L ANCIENNE Étals du duc, aucun dioil, ni sur les llouvos cl rivièros, ni sur les roules ordinaires, lis ne pourroni êlrc arrclés ni de loin- personne, ni de leiu's biens. La franchise des droils dépendani évidemment du souverain qui sacrifie ses finances particulières, il est naturel qu'il faille une disposition spéciale de sa pari pour permettre à des magistrats inférieurs de prolonger le temps de celle franchise. Les cpialorze nuits viennent de la vieille coutume ger- maine, qui s'était perpétuée dans nos provinces, de compter le temps non pai' jours, niais pai- mu'ts. Nec dienim nuiiicnis ut nos, sed nocfhuii coni- piiioni (Tacite) \ L'article (Ui fut désormais confirmé sans changements, sauf par IMiilippe le Reau, qui restreignit le droit de récoutète et des magistrats d'Anvers à neuf nuits au plus. Marie de Rourgognc avait énoncé d'une manière plus explicite en cpioi con- sisterait les franchises de la foire. Nous n'en pai'Ierons pas ici, parce (pie nous retrouverons les mêmes idées (|uand nous aurons à traiter de la franche foire de Rruxelles. La Joyeuse-Entrée de IMiih'ppe le Bon renfeiine en oulre plusieurs articles ipii ont Irait à certains droils de tonlicu particuliers dont la légalité était lontestée, ou qui étaient parliculièrement onéreux pour le commerce. Aussi rarticle 46, qui se maintint jusque dans la Joyeuse-Entrée de Charles-Quini , dispose-l-il (/ne le droit éUdjU à llcllcyat cl à Auf/sbrugge, du dixième pois- son, sera immvdialemenl aboli, et cela à perpéiuité. L'article 17 s'occupe des obstacles mis à la navigation de la Senne à IlelTen, et à la navigation de l'Escaul à (ïalloo : Le duc fera examiner la léf/a- lilc de ces droits de passaffc par un nombre convenable d'hommes notables des conseils de Brabant et de Flandre, (pli entendront les parties, et aprcs enf/uétes faites ou à faire, décideront ce rpie de droit. Le tonlieu de Calloo était perçu au profil du duc, celui de llellen au jtrolil des iMalinois, qui avaient fern)é la rivière. Les contestations (pii s'élevaient sur leur légalité ne pouvaient être vidées de la même manière, ni donner ' .M:iniisri'il cite- de WMiants sur de P;ipe, sous l'niliclc i'i. COrsSTITUTION BRABANÇONNE. 235 lieu aux mêmes mesures provisoires. Des arlicles tle la Joyeuse-Enlrée déter- minent le mode spécial à suivie pour terminer chacun des conflits. Article 18. Puisque le (onlieu deCniloo regarde surtout les finances ducales, le duc, par bienveillance et amitié pour les états, ordonnera d'en suspendre la perception pendant quatre ans, à dater du jour de la Joyeuse-Entrée. Dans cet intervalle, un nombre égal de conseillers de Flandre et de conseillers de Brabant seront désignés pour conférer ensemble et enquérir, ainsi qu'il ap- partiendra, si le tonlieu de Calloo est de droit établi en cet endroit, ou s'il faut l'abolir; si cette commission trouve que lé tonlieu est légitime, il restera néan- moins suspendu pendant les quatre ans ci-dessus mentionnés; si la commission trouve que le tonlieu est illégal, il restera supprimé à perpétuité. — Si le duc se trouve en défaut de faire terminer Venquéle endéans les quatre années susdites, le tonlieu de Calloo restera suspendu, même après le terme de quatre ans, jusqu'à ce qu'il conste de la légalité de sa perception. Le tonlieu de Calloo se percevait sur la rive gauche de lEscaut et par consé- quent en Flandre; mais il regardait également les Brahancons rpii, occupant la rive droite, devaient passer dans son rayon ' : c'est le motif de la n'-union des conseillers de Flandre et de BrabanI pour décider cette question de légalité. Un motif analogue existait pour les fair(> concourir ensemble à Paplanisse- ment de la dillicullé portant sur Tobslacle mis à la navigation de la Senne à llelïen. (relaient les Malinois (jui avaient bairé la rivière, et c'élaienl les Bru- xellois et les Anversois qui réclamaient contre ce qu'ils prétendaient un em- piétement sur leurs droits. Or nous avons vu (|ue, depuis Louis de >laele, la sei- gneurie de Malines avait toujours plus ou moins dépendu du comté de Flandre. L'article 5 de la première addilion s'occupe de ce point. Le diflérent était très-ancien. Dès 1412, les Malinois avaient représenté à IMiilippele Hardi, duc de Bourgogne et comte de Flandre, que depuis long- temps ils étaient en possession de tendre une chaîne sur la Senne à Heffen, pour qu'aucun bateau ne pût remonter la rivière sans leur consentement , ou du moins, sans solder un péage 2. Ils obtinreni raulorisalioii de remellre la ' Voir rancieiiiic ciirtc de Bolgiqur , dans le Mumtel d'Iiistoire de M. Tt.w id. -' llenne et Waiiters, l/isloire (le Bruxi-lles, t. I, p. 187. Tome XXXL 50 234 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE l'Iiaine qui, pendant un certain temps sans doute, n'avait pas été levée. Imniéilialement les Brabançons et surtout les Bruxellois réclamèrent. En 1413, un accord fut conclu à Lille entre le duc de Bourgogne et le duc de Brabant. On convint de faire examiner les privilèges des deux villes par des commissaires à nommei- i)ar Antoine de Brabant et Jean sans Peur, cl iiufi dans l'entre-temps la Senne et la Dyle rsteraieni libres et sur le pied oii elles l'étaient im an avant la mort de Philippe le Hardi. Cet examen n'eut probablement pas lieu, et la cbaine l'ut tendue par les .Malinois. Aussilol les villes du Brabant interdirent aux territoires qui dépendaient d'elles de |)orter du grain à Malines '. La cause était pendante à favénement de Pbilippe le Bon. Suspendra dau- torité la perception du toidiou de Ilcflon était dillicile , car il ne s'agissait pas d'un tonlicu ducal, mais d'un droit dépendant des finances de Malines et fondé sur des privilèges réels ou usurpés. Tout ce qu'on pouvait faire, c'était de pi'ovoquer une espèce de débat judiciaire devant un tribunal spécial, et inq)aitial entre les deux parties. L'article S de la première addition, après avoir constaté le diflérend qui existe entre. .Malines et Bruxelles à propos à la cbaine de IlelTen, dispose : r/ue le duc nommera quatre conseillers de Flandre et quatre conseillers de Brabant qui, endéans les quatre mois, parties appekk'S et entendues, si elles renient comparaitre , et après enquête sur le fait de l'existence de la chaîne dans les temps antérieurs, et de tout autre obstacle à la navigation, et telle autre enquête qui semblera nécessaire, rendront une sentence unanime à la requête des deux villes de Bruxelles et de Malines. S'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord endéans les quatre mois susdits, toutes les pièces d'enquête seront remises au duc, qui, avec six conseillers de Flandre et six conseillers de Brcdmnt , rendra une sentence à l'unanimité de toutes les voix. Si te duc est absent, la commission décidera sans lui de la même manière. Au cas oii l'on ne pourrait se mettre d'accord , on renverra les pièces du procès aux clercs de droit de la cour de Cambrai pour examiner la question et voir ce que le droit exige; et leur sentence devra être gardée et dite pour droit pur te duc ou les ' Heniic el Wautcrs, l. I . |>. i>")7. CONSTITUTIOIS BRABAINÇONNE. 235 conseillers de la commission , endéans les trois mois de la date de cette lettre. Mais il était dit que le procès ne se terminerait pas encore. Après avoir or- donné la cessation de toute hostilité, en attendant la décision, le duc de Bour- gogne se rendit à Malines pour faire produire les privilèges de la ville portant sur le point en litige. La ville obéit ', mais les députés d'Anvers, qui avaient été convoqués pour assister à l'examen, se récusèrent comme n'ayant pas reçu de leurs communes des pouvoirs ad hoc. Celte fois encore la marche de la légalité fut arrêtée. A la demande du duc, les Malinois laissèrent la rivière libre depuis le 1 G juillet 1432 justju'au l*-'' octobre, espérant obtenir bientôt une solution légale. Mais dès le 5 la chaîne fut rétablie. De là guerre entre Malines et les villes de Bruxelles et d'Anvers. En ii'Si seulement, fatigué de cette lutte (|ui troublait tout le centre des Pavs-Bas, Philippe le Bon arriva sur les lieux avec six cents cavaliers et demanda de nouveau qu'on laissât la rivière provisoirement libre. L(î différend dut se ranimer encore plusieurs fois, car toutes les Joyeuses- Entrées postérieures jusqu'à celle de Philippe 11 s'occupent du procès de MelV(;n. Il en est de même du tonlieu de Calloo. Inutile d'entrer ici dans plus de d(!tails : ce que nous avons dit des articles qui s'en occupent sullit pour faire apprécier leur origine et leur importance. Après avoir constaté le respect (|u'on avait pour les droits basés sur les privilèges des villes, nous ne devons pas nous y arrêter davantage. L'article 20 promet aux boni-geois de Bois-hï-Duc de confirmer et d'as- surer le priviléf/e qu'ils ont reçu de Jean IV et de Jacqueline, d'être exempts de droit de tonlieu en Zêlande et en Hollande, quand ils naviguent ou vo/jaf/enl dans ces pays avec leurs biens et marchandises. Les lettres nou- velles du duc sur ce point maintiendront les choses parfaitement selon la teneur des lettres déjà octroyées. — Et quant au privilège qu'ils ont lors- qu'ils naviguent et voyagent avec leurs biens et marchandises dans le pays de Gueldre, le duc fera fidèlement son possible pour qu'ils puissent en jouir. Le privilège des bourgeois de Bois-le-l)uc dont parle cet article leur a élé ' tienne et Wauters, ouvr. cite, p. 2ô7. -236 MÉMOIRE SUR L'ANCIEINNE .ucurdc vers 1418-1411) '. Celle exeinplion de loiilieu élait iniporlaiile; car en 14:24, silns doute sur réclamation, Jean IV promit aux habitants de Delfl (fuil n'accorderait plus à aucune ville en pays êlranf/er aucune exemp- tion de tonlieu en Hollande ou en Zélande : les Hollandais veillaient à ne pas pàtir de privilèges accordés par leur prince à d'autres pays dont il était souverain. Les ducs de Biabant avaient toujours montré une prédilection par- ticulière pour cette ville de Rois-le-Duc, création de leurs ancêtres. Eu 1233, ils avaient déjà fait obtenir à ses habitants exemption de péages sur le Rhin -, et Wenceslas, en 137t), leur avait encore accordé des avantages conmier- ciaux importants '". Quant an privilège des bourgeois de Bois-le-Duc en Gueidre, il consislail également en une franchise de droits de toulieu ; il avait été accordé par le comte Othon de Gueidre (article 26 de la charte de Marie de Bourgogne). Charles le Téméraire n'en parle plus dans sa Joyeuse-Entrée. Mais après lui la |)romesse reparaît, en ce sens que les descendants de la maison de Bour- gogne, étant devenus ducs de Gueidre, s'engagent à laisser les bourgeois de Bois-le-Duc naviguer et v oyager avec leurs biens et marchandises sans payer de lonlieu dans ledit pavs. § VFII. DISPOSITIONS FINANCIERES. On sait (|ue. dans le moven âge, les ducs de Brabant gouvernaient et soutenaient leur maison avec les revenus de leurs domaines, les produits de certains droits de tonlieu, etc., et, à l'occasion de (piehiue besoin extraordi- naire, par un sidjside spécial librement accordé par le pays. Les villes, de leur ' Miiiniscril i-'wr (le VVviiiiiits sur ili' l':i|)c, sous r.irliilc ITi. * Vf'C.vfl'/l ,1.1. |l. (ilïfl. -' Itnd., t. II. |). GÔ'J. COiNSTlTUTION BRABANÇONNE. 237 côté, comme les parliculiers, avaient des finances propres; elles complaient l»armi leurs privilèges constitutifs le droit d avoir une caisse coiiiniunale '. Comme conséquence de cette situation, les dettes du prince lui étaient personnelles; et si, en fait, les villes ou les particuliers étaient parfois mo- lestés par les créanciers ducaux, en droit, d'après la charte flamande de 1314 (articles 1 el 4) comme d'après la Joyeuse -Entrée, ils devaient èlre lenm imlemnes de toute perle subie à l'occasion des dettes du duc. Il est à croire qu'ayant à traiter avec des débiteurs souvent uotoiremenl insolvables, ceux qui se voyaient obligés de traiter avec les ducs el de lein- bailler des fonds, ou de leur rendre service moyennant reconnaissance pécu- niaire, demandaient la garantie des villes dont les linances élaienl ordiiiaire- ement en meilleur état. Cette garanlie était onéreuse à la caution, car si le débiteur poursuivait la ville, el la forçait à [)ayer en arrèlanl ses bourgeois ou autrement, la conunuiie avait loul lieu de craindre de n'a\oir (prun recoms [)resque illusoire contre le duc, débiteur principal. L'article 71 répond à une situation de cette nature. Jean IV a\ail vendu à des bourgeois d'Anvers et de Bois-le-!)uc certaines pensions viagères à liuif, quatre et trois tries , et aussi des renies perpétuelles remboursables au denier dix, à prendre sur les renies, cens, tonlieux el revenus ducaux d'Anver> et du marquisat. Retpiise de sceller les brevets des pensions el des renies, (!l craignant sans doute de se voir pins lard poursuivie comme garante, la ville d'Anvers exigea au préalable et obtint lettres scellées de Jean 1\' (/ui la déclarait exempte et déc/iarf/ée à jamais de ces oblif/ati(nis. Philippe de Saint-Pol, de concert avec les deux étals laùpies, convertit ces pensidos el ces rentes en pensions viagères à une vie, proportionnelles, el la \ ille d'Anvers re(|uil el obtint de nouvelles lettres de décharge. Le duc Philippe le Bon s'engage à renouveler à la ville d'Anvers telle lettre et sceau quelle a eus antérieurement sur ce point, el par lesquels elle sera à jamais libre , franche et quille des oblif/alions dont il est parle. L'article 72 ne constate dans le chef du duc que le devoir el la volonté d'accepter avec les Ijénéfices de la succession de BrabanI toutes les charges ' Uiii'psaet . Aiiali/se de l'un'gine, g 448 cl jm.sai m . 238 MEMOIRE SUR L ANCIEfSINE qui y sont altacliécs. // fera payer aux pensionnaires , selon le conlenu de leurs lettres scellées, aux échéances, de terme en terme, les arrérages de cer- taines rentes viagères à une vie f/ue Philippe I" a créées par octroi et consen- tement des états de Brabant sur la chambre des tonlieux et autres de ses biens et rentes à Louvain. Ces pensions opéraient novation d'une rente héritable de quatre cents livres de Louvain, remboursable au denier dix , et annuellement payable au sire de Mont joie sur quelques revenus ducaux à Louvain. (]es deux articles se maintinrent dans la Joyeuse-Entrée jusqu'à la charte (le Philippe H. Ils subirent certains changements (|ui en étendirent Tappli- cafion et que nous verrons en leur lieu. Article 73. S'il arrivait que les villes de Hollande et de Zélande ne vou- lussent pas garder et suivre le traité et concordat conclu récemment à Anveis entre elles et des habitants du Brabant à qui elles devaient des pensions, le duc laissera arriver et fera plein droit aux pensionnaires brabançons des rentes, comme s'il s'agissait de toute autre dette, dans tous les pays, seigneu- ries, Etats et juridictions contre les habitants des susdites villes de Hollande et de Zélande. Excepté toutefois que les sauf-conduits que ces villes ont reçus par rapport à ces dettes en d'autres temps, pour être saufs en Flandre et en Artois, seront valables et gardés en vigueur pour le temps de leur durée: de sorte que cette promesse du duc demeurera inattaquable. Il parait que, dans les guerres intestines du règne de Jac(|ueline de 15a- vièrc et de Jean IV, beaucoup de villes de Hollande, pour faire l'ace aux né- cessités des temps, avaient levé des rentes nombreuses ' dans les principautés voisines. D'après les principes de solidarité (|ue nous avons déjà rencontrés et qui étaient si fortement établis au moyen âge, leurs bourgeois voyageant à rétranger étaient arrêtés dès que le payement des renies était suspendu, ce qui devait arriver assez souvent. La pente sur laquelle se trouvaient les villes hollandaises cl zélandaises devait infailliblement les conduire à un désastre; •'1 n(d moyen de se rétablir, puis(|ue leur commerce e\térie\n' était devenu piTscpic impossible. Elles essayèr(>nl , pour ne |»as être loul ;i fait accablées, ' .Miiniiscril rite de WyiiaiiN sur de l'iipc, sdus l'nrliilc '(•'.). CONSTITUTION BRABANÇONNE. 239 de solliciter du duc de Bourgogne, comte de Flandre", des smif- conduits afin que leurs bourgeois ne pussent être arrêtés en Flandre et en Artois; et elles les obtinrent d'autant plus facilement que ces pays du duc de Bourgogne avaient tout intérêt à ne pas rompre leurs relations commerciales avec les comtés du nord. Ceci n'était qu'un moyen très-incertain et à coup sur seulement dilatoire. On obtint une réunion à Anvers, et les villes de Hollande et de Zélande con- clurent un concordat avec leurs pensionnaires brabançons. Alors, pour sûreté ultérieure, les Brabançons exigèrent du duc de Bourgogne, à son avènement, que, comme ruwaert des pays de Jacqueline, il ne favorisât pas ses fulurs sujets aux dépens des sujets (\\ù entraient immédiatement sous sa puissance, et qu'au cas où les villes de Hollande mancjueraient à leur |)arole , il les laissât au moins sous l'empire du droit commun qui sauvegardait les intérêts de leurs créanciers pensionnaires. Fn tout cas, comme le duc de BrabanI ne peut faillir aux promesses (|u"il a faites comme comte de Flandre et d'Artois, les sauf-conduits accordés de- vaient rester en vigueur, quelle que fût la conduite des villes de Hollande. Il nous resie à examiner ici l'article 7 de l'addition, (|Ui a plus ou moins trait à la matière dont nous parlons. Après une confirmation réitérée aux sujets, habitants et particuliers de BrabanI de toutes leurs lettres raisonnables et scellées (/u'ils ont reçues de pou- voirs compétents , l'article s'occupe des lettres de débit is. Les sujets et parti- culiers poursuivront les lettres de dcbitis r/uils pourraient avoir, en suivant l'instruction pour la levée du subside accordé à Philippe I", ou autrement, de telle sorte que les pays, villes et franchises n'en seront pas tenus, ni chargés en aucune manière. — Cela ne gênera toutefois pas les droits pécu- niaires qu'Englebert de Nassau a raisonnablement sur (iertruydenberg , ni ceux d'Arnould de Zcvenbergen sur Heusden, desquelles créances les susdits pays, villes et franchises peuvent être tenus. Les lettres de débilis sont des titres de créance-emportanl voie d'exécution parée ^ L'usage de pièces de l'espèce doit nécessairement être réglementé, ' Diction imirc de Droit de Ferriùres, verbo DEniTis. 240 MEMOIRE SIR F^AISCIErSISE ccsl p(»iir(|(ioi Tarliclc renvoie à yiiisliuciion sur le sul).si(le. Quant à re\ce|)- tion, voici ce qui Ta motivée. Nous avons vu plus haut que Ileusden et (ier- ini>(lenberg devaient rester au Brabaut aussi lonytoitps (jue les fonds qu'on ilevail raisonnablement restituer à ceux qui avaient fait des frais et souffert (les dommages pour la prise et l'occupation de ces villes ne seraient pas ren- dus. Nous avons vu de plus que Philippe le Ron rendit à Arnould de Zeven- beriien ses déboursés avec l'aide des états. Les droits (priingleberl de Nassau et Arnould de Zevenbergen ont sur (iertruydenberg et Ileusden sont donc des droits sur les finances du duc. Par suite de la position particulière de ces seigneurs, qui ont rendu un ser- vice public non-seidomenl à la personne du duc, mais encore au pays de Rrabant dans la guerre contre Jean de Bavière, les villes et pays seront tenus d'intervenir pour les rembourser de leurs avances et de leurs frais. L'ensemble de l'article n'est, au fond , qu'une application du principe déjà établi par la charte flamande, et (|ue nous venons encore de rencontrer, r/wc les villes ne seront pas tenues des dettes ducales. Quant à l'instruction sur le subside accordé à Philippe I", voici ce que nous croyons. L'année même de son avènement, une aide ordinaire de deux cent (|uarante mille écus d'or, payable en trois ans, avait été accordée au prince. Dos diflicultés s'étaient élevées, et la ville de Bruxelles avait refusé de payer sa part, avant d'avoir obtenu la promesse du duc qu'aucune déléyal ion ne serait faite à un créancier ducal sur la cote particulière de la ville ' ; l'article généralise ce principe, et dés lors les villes, pays et franchises ne seront chargés ni tenus en aucune manière des lettres de débilis, sauf dans les deux cas spécialement exceptés. ' VoAPz llcniif et Wiiiilci-s. /fisloirc de ISriixcIlca , au iTgnc de Pliilippc de Sainl-Pol. COÎNSTITUTION BRABAINÇONNE. 241 § IX. DE T.A DEUXIÈME ET DE I.A TROISIEME ADDITION DE PHILIPPE LE BON '. En se fondant sur rarlicle 7 de la première addition du duc Philippe le Bon, quelques commenfateurs se sont prévalus du mot lettres raisonnables {redelyke) , pour dire « qu'il y avait des lettres qui n'étaient pas raisonnables » et à Tobscrvance desquelles il ne se voulait pas obliger^. » Il nous semble que Celte interprétation est en opposition manifeste, et avec le caractère du duc Philippe le Bon, et avec sa manière d'agir dans ses relations avec le Bra- bant, et avec la générosité qu'il montra, en 1431, en octroyant au duché, de son plein gré, de nouveaux privilèges et de nouvelles sûretés, alors que son autorité et sa possession étaient cependant parfaitement consolidées. La deuxième addition est accordée en considération des grands et fré- quents services que les bonnes gens et sujets du Brabant ont rendus aux prédéresseurs du duc et à lui-même, et que, à t'aide de Dieu, ils lui rendront encore ^. Tous les principes qu'elle proclame ne sont pas nouveaux : elle revient sur des concessions déjà faites, mais dont l'esprit a été méconnu et dont par conséquent il est utile de rafraichir la mémoire. Nous avons déjà parlé en d'autres endroits de l'article 1", réitération du principe du jugement par droit et sentence et devant tribunaux compé- tents; de l'article 2, garantie contre les désordres des gens de guerre; de l'article i , destiné à prévenir les emj)iétements du conseil de Brabant ; de l'article 6 , qui constate qu'au temps du duc les oflîces ne sont pas encore per- manents, en statuant, pour ne pas interrompre le cours de la légalité, que l'of/lcier ancien continuera d'exercer sa char (jo jusqu'à ce que son remplaçant ait prête le serment requis ; enfin de l'article 10, relatif au droit de chasse et au droit qu'a chacun de faire garder son bien [)ar des chiens. ' Voir II' texte au Codex Belgicus d'Anselino, ]). 107 de l'édition citée de 1662. "^ Manuscrit (pie nous expli(pions fui mainlenu implicitement en vigueur, par l'article confirmatif des privilèges, dans toutes les Joyeuses- Entrées, et par conséquent il s'applique à la juridiction des évèchés nouveaux comme à la juridiction des anciens ^. Nous verrons plus * Namèclic, t. IV, pp. 7G1, 7(i2, 70 J. ■^ Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, à l'article de l'addition. s Ibifl. 244 MEMOIRE SUR L'ANCIEINNE lard, clans la Joyeuse-Enlrée deCharles-Quinl, comment des besoins analogues à ceux que nous venons de constater amenèrent des dispositions nouvelles et des garanties plus fermes. Maintien de la chose jugée. — Le maintien de la chose jugée est le prin- cipe de la sûreté des personnes et de la stabilité des propriétés. Dans Tan- cienne législation coutumière, le droit d'appel était vu de mauvais œil; les parties étaient citées pour assister au jugement , et à peine la sentence pro- noncée, sous peine d'être déchue du droit d'appel , celle qui était mécontente du jugement devait déclarer son appel sans déplacer seulement les talons K Ceci provenait sans doute de ce que, selon le droit de l'époque, l'appel n'était proprement i]u'une action intentée pour fausser le j'iif/ement, c'est-à-dire, pour accuser les juyes de l'avoir rendu méchamment comme faux, traîtres et men- teurs : espèce cYactio doli toujours plus ou moins odieuse -. L'appel devait se vider par le combat judiciaire dans la cour du seigneur dominant. Avec le progrès des procédures régulières et l'organisation successive de la hiérarchie des diiïérents tribunaux, l'usage absurde du combat d'appel dis- parut. On admit, en Brabant, qu'il ne fallait pas attaquer les juyes qui avaient prononcé le jugement pour acquérir le droit de recourir aux lumières du juge supérieur. Tout devait se passer entre les parties, V intimé et Vappelant '\ L'appel avait lieu de degré en degré, aussi longtemps qu'on trouvait tni juge supérieur'*, et parfois le nombre des degrés de juiidiction était très-grand. Prescpie toutes les alïaires passaient par le tribunal des chefs-villes, et de là allaient au conseil de Brabant; d'autres fois, comme nous l'avons vu, c'étaient des bancs spéciaux, tels que ceux d'Uccle et de Santhoven , (jui formaient le dernier degré avant le conseil •'. Lia haute cour du Limboui'g avait également celui-ci pour dernier ressort ^. ' Racpsacl, Analyse de l'origine, § 375. * Ihiil. '' Loovcns, :2"" piirlii-, p. 2SG. * Ibid., p. 280. s lliid., pp. t>'.)5, 29i, clr. <* Ibid., 1». -2U. COINSTITUTIOIN BRABANÇONNE. 245 Toute partie condamnée finit par avoir un délai de dix joura, qui courait depuis le moment où la sentence avait été prononcée et devait être venue à la connaissance du condamné, ou que cette connaissance pouvait être présumée '. Malgré ces délais de rigueur, il est probable que le principe de la chose jugée n'était pas trop respecté en Brabant, de même que dans tout le reste de l'Occident. La longueur interminable du procès de l'ancien régime est un des souvenirs les moins faussés et les plus vivaces de cette époque encore peu connue. Ces retards provenaient non-seulement de la multiplicité des juridictions d'appel, qui, vu l'ignorance habituelle des juges inférieurs, avait son utilité , mais encore de la négligence à exécuter les sentences et de la latitude que se procuraient, par des moyens divers, ceux qui voulaient inter- jeter des appels après le délai fatal de la loi. De là l'article o de la deuxième addition : Toute sentence prononcée sera tenue en valeur, pourvu f/ue la partie condamnée ait été appelée préalablement , ou ait préalablement reçu assigna- tion convenable et quelle n'ait pas soulevé d'exception d'incompétence , ou bien qu'elle ait été déboutée de son exception par le banc qui a prononcé la sentence — à moins que les Juges qui ont rendu cette sentence n'aient chef- sens ou juges d'appel, et que la partie condamnée n'ait appelé légalement au juge supérieur. En veillant au maintien de la chose jugée, il faut cependant excepter les cas où on condamnerait (|uel(|u'un par surprise, sans assignation convenable, ainsi que le cas d'incompétence du juge ; car chacun a le droit de ne pas être distrait de son juge naturel. Cet article cependant, dit de Pajjc, s'applique peu souvent. Promesse de ne pas innover ni porter atteinte aux droits et privilèges du pays sans consiUter les étals. — Le duc tiendra en tout point, et fera avoir lieu pleinement au pays et à .ses sujets de Brabant tous leurs privilèges et droits accordés, confirmés, ratifiés et promis, et il ne portera jamais ni ordre ni défense à ce contraire, sans le consentement des états. Et la défense d'armes, émanée récemment de lui, cessera d'être exécutée, jusqu'à ce que les états, convoqués ad hoc ayant été consultés sur leur avis et sentiment , ' Loovens, p. !2S0. 246 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE oUc ait l'Ié conveiuibleiiii'ut U'fornu'c d'après les droits H privUvyes du pays. Au surplus, le duc y aura toujours devant les yeux l'avis et sentiment des états, et il se conduira de telle sorte qu'ils n'aient nulle raison de se plaindre. Cet article 5 de la deuxième addilioii irace, criuie manière claire ol ex- presse, la position respective des états et du duc en Rrabani : c'est la pi-ocla- malion du principe dont l'arlicle final de toutes les Joyeuses-Entrées n'est qu'une conséquence nécessaire. En effet, si le duc n'a pas le droit de porter alleinle aux privilèges du pays, le droit de résistance passive que consacre l'article final , comme nous le verrons, est dans la nature des choses en cas d'infraction. Le duc de Brabanl, et Philippe le Bon plus que Ions les autres d(!vail s'en souvenir, ne montait sur le Irone qu'en respectant les concessions octroyées par ses prédécesseurs : acce|)tant le bénéfice de leur succession, il devait en accepter les charges. Pour s'assurer, non pas une obéissance passive de ses sujets, mais bien leurs services, il devait par lui-même, à son inauguration , jurer le maintien de leurs droits et de leurs privilèges '. Un contrat bilaté- ral se formait ainsi entre le duc et son peuple, représenté par ses mandataires naturels, (lui formaient les étals, et, comme tout contrat, il ne pouvait être modifié (|ue du consentement des parties contractantes, le prince ne s'étant pas réservé le droit d'y déroger. La situation du duc de Hrabant était parfai- tement analogue à celle des rois francs, > |)endue jus(|u'à ce qu'ils aient émis leur avis et sentiment. » ' Voir le rliapitn- Ml >iir lequel iiiiiis anlicipuiis. * Racpsitcl, Ifistoire des élats généraux, § 15. '• Fiiiclor, Elude sur les rnimtilulious nationales . p. 71. CONSTITUTION BRABANÇONNIl 247 Mandement aux officiers de faire leur devoir. — L'article 8 n'est qu'une lecommandation à tous les officiers ducaux et à ceux des seiirneurs bassains de faire leur devoir. Il est curieux néanmoins en ce qu'il peint l'état du pa^s, livré, en dépit des efforts de la justice répressive, à toute espèce de mal- faiteurs. Il constate en outre que les relards préjudiciables dans les alTaires judiciaires n'avaient pas tout à fait disparu, nonobstant les dispositions de l'ar- ticle l*"^ de la Joyeuse-Entrée, et que peut-être même les officiers n'étaient pas également prêts à servir tout le monde dans leur office. Les officiers et serviteurs du duc, dit-il, et ceux des seigneurs bassains, observeront soigneusement l'ordonnance sur les routiers et toutes autres or- donnances portées ou à porter à la demande du pays. Ils poursuivront avec dilif/ence, pour s'en rendre maîtres, les voleurs, meurtriers , bon te- feux et malfaiteurs par lesquels les bonnes gens du pags sont grièvement travaillés. ■ — De plus, ils feront à chacun droit et sentence, à la réquisition soit de la partie, soit de ses amis, de toutes choses ressortissant à leur banc, sans sur- seoir ni apporter de délai, si ce n'est un seul délai de droit seigneurial. Le duc ordonne à ses officiers et fera ordonner par les seigneurs bassains, à ceux (/ut ont charge de leur part, d'accomplir les points susdits en conformité de leur serment, et sous peine de perdre leur charge. Au surplus, celui qui sera en défaut sur ces points sera corrigé comme il appartient selon le droit fie pags. Disposition sur la perception des droits de tonlieu. — Article !). Dans tous les endroits, dit l'arliclo, oii l'on percevra un droit de tonlieu, le magis- trat aura un livre des droits oii seront inscrits et ceux qui sont exempts du droit, et ce que les autres doivent payer pour chaque marchandise. — Quand ces mêmes droits sont établis sur de vieilles monnaies qui ne sont pas assex^ clairement évaluées en monnaies modernes par les ordonnances monétaires, le duc convoquera les états ad hoc, et agant pris leur avis et sentiment, il fera évaluer les monnaies par le conseil, en tenant compte et du prix pour lequel elles ont cours, et de la valeur nominale pour laquelle elles ont été battues. El toujours avec tant de raison que ni les bonnes gens du pags ni les marchands étrangers n'auront l'occasion de se plaindre. Si le fermier d'un droit de tonlieu demande plus à un marchand que ce 248 MEMOIRE SIR L'A.%CIENNE (juc ce dernier croil être redevable, et qu'une contesiation s'élève sur ce point , les magistrats du ressort, à la prière du marchand ou de tout autre, cite- ront le fermier à comparaitrc , et termineront le différend de leur mieux, en suivant les registres des droits de tonlieu et les évaluations de ces droits. Si les magistrats ne parviennent pas à mettre les parties d'accord, ils prendront bonne sûreté du marchand jusqu'à concurrence de la somme exigée par le fermier. Par là ce commerçant ne sera pas obligé de rester sur les lieux, et il pourra transporter ses biens où il voudra. Les magistrats porteront alors l'affaire et ses véritables circonstances aux juges de la chambre des tonlieux ou au conseil de Brabunl, lesquelles juridictions, après bonnes raisons et examen, instruites des faits, ordonneront ce qui leur semble juste ; et le fer- mier devra se contenter de ce qu'ils lui accorderont. Si un fermier exigeait plus que le droit légal d'après le livre de tonlieux et les évaluations faites des énonciations qui y sont portées, et que le marchand lé,sé se plaignit à l'officier ou aux magistrats du lieu, ces derniers entendront le fermier dans sa défense, informeront et renverront toute l'affaire par écrit aux juges de la chambre de tonlieux , pour redresser la chose comme il appartiendra. Si l'on trouve que le fermier a pris plus qu'il ne pouvait, il devra rendre l'excédant, et en outre rembourser tous les frais, dommages et intérêts faits et soufferts par le plaignant ; de plus il encourra une amende de quatuf, hidkrs u'oit, dont trois pour le duc et un pour l'officier qui a reçu la plainte, et il sera encore corrigé sans délai par le conseil de Brabant, selon les circon- stances. Si les bonnes villes le désirent, le duc établira volontiers à Anvers et en d'autres lieux où il n'g a pas de chambre de tonlieux, un certain nombre de personnes notables qui auront connaissance et information de tous différends agant Irait à ces droits entre fermiers et parties, comme les juges des autres ihambres de tonlieux, afin que les marchands puissent toujours trouver, quand ils le désireront, facilité et décharge. Au surplus, les magistrats ordinaires garderont sur les questions de ton- lieu et relies qui s'y rallarheiU , telle ro)npétence quils avaient au trm/)s des piédécessfurs du duc. Os longues dispositions sur la maliôro dos droits de tonlieu inoritonl CONSTITUTION BRABAIVÇOIVINE. 249 quelque examen. L'existence des livres de tonlieu élail très-imporlante, parce que parmi les privilèges des villes el des particuliers figuraient de nombreuses exemptions de ces droits, parfois générales pour tout le duché, parfois ne regardant qu'un tonlieu déterminé. Plusieurs de ces privilèges remontaient fort haut. iNous avons déjà vu que les bourgeois de Bois-le-Duc ne payaient aucun droit, ni en Hollande ni en Zélande. Depuis 1451, les templiers de la commanderie de Vaillanq)ont étaient exempts de tout droit de tonlieu par tout le duché de Lotharingie '., D'autres fois, au lieu d'exemption conqilèle, il n'y avait que modération des droits; ainsi, pour citer un exemple, depuis 1297 ceux de Steenberge, au pays de Breda, naviguaient librement sur l'Escaut avec leurs marchandises, sans payer le tonlieu d'Anvers, ni le droit de (jckyde sur le fleuve. Ils étaient cependant tenus de payer le riddcr loi i\ Anvers, le droit du (lixièmc pois- son, etc. 2 Le lieu même de la destination de la marchandise, comme aussi le mode de transport et la quantité des objets faisant partie d'un même convoi, influaient sui- le taux des droits à payei-. Ainsi, pour une charrette de draps portant Houze pièces on devait payer een ouden en(/elsi(L, t. II, p. 434, Liste des droils de tonlieu. '' Ibid., ib., Nouveau Droit. Tome XXXL ' .52 2S0 MÉMOIRE SUR L'ANCIEWSE Le dopôl dos livres do tonlicu entre les mains de magistrats locaux, évi- demment présumés impartiaux, puisipie, aux termes de la Joyeuse-Entrée, ils ne pouvaient être fermiers des droits, olTrait une garantie précieuse pour les marchands, qui n'étaient pas exposés à devenir victimes de la rapacité de percepteurs agissant dans leur intérêt propre. L'intervention des états, qui est requise pour Tévaluation en monnaie cou- rante de toutes ces vieilles espèces, n'est qu'une application du principe de ,leur participation à toutes les alTaires monétaires. Si le duc avait pu, de son chef, évaluer ces droits, il eût pu frapper réellement d'un impôt nouveau le commerce de ses sujets; car, pour n'être qu'une sorte d'impôt indirect, le droit de lonlieu ne chargeait pas moins que nos douanes modernes la consomma- tion des particuliers, et on sait qu'en Brabant aucun impôt ne pouvait être établi que du consentement des états. Remarquons en outre la sévérité des peines comminées contre le fermier prévaricateur. La prise à ferme des droits de tonlieu était une spéculation commerciale; il fallait, par des mesures énergiques, sauver le commerce na- tional des cupidités particulières, toujours on éveil dans ces matières pour outro-passer la limite rigoureuse de leurs droits. On a voulu parfois soutenir que tous les Brabançons étaient exempts des droits de tonlieu, et en exprimant cette opinion on se fondait surtout sur l'in- titulé des vieilles lisfes de droits, qui portaient parfois loi dnnd de Brabanf '... (/u'oji prendra de chaque homme haOilanl hors des fronlières du Brahaiil. L'argument était vicieux, car les livres des droits de tonlieu n'exprimaient aucune exemption générale pour le Brabançon; et, d'un autre côté, des villes particulières du Brabant, notanmient Bois-le-Duc, étaient expressément dé- chargées du payement do certains droits -. D'autres controverses peuvent aussi être soulevées dans cette matière : ainsi une marchandise étant en Brabant et n'en sortant pas, doit-elle déclaration et payement du tonlieu? Le payement du tonlieu par eau dispense-t-il ilo celui |)ar terre? etc. Nous nous bornons à les indiquer, car elles nous entrai- neiaient trop loin de notre sujet. ' Voir Yceslrii, I. H, p. V-iô. - Manuscrit cili- >U: Wynaiils sur de Pape, sous l'article 9 de l'addition. CONSTITUTION BRABAiNCOISINE. 254 Remarquons que rarticle 9 remédie encore aux inconvénients qu'aurait pour les marchands la prétention du fermier qui, en cas de contestalion sur le payement d'un droit, exigerait leur présence auprès de leurs marchan- dises \ L'espèce de gage que prennent au marchand les magistrats locaux sauvegarde tous les intérêts. En cas de procès, il n'y a dans ces matières d'autre juge que le conseil de Brabant et la chambre des tonlieux de Louvain. De Pape en donne la raison. « Les chambres de tonlieux, dit-il, étant érigées pour moindres » causes domiciliâtes, et le lonlieu par terre étant l'ancien tonlieu de Louvain » attaché à la recette de ce quartier-là, celte chambre, conmie la mieux » informée, en connaît -. » Cette compétence était même si fortement éta- blie, qu'il y a plusieurs exemples de |)rocédures cassées dans des matières semblables, pour avoir été intentées devant les magistrats de Bruxelles, d'Anvers et d'ailleurs. Ne concluons |)as de l'article 9 que le prince ne puisse à sa volonté instituer des chambres de tonlieux. Le duc s'engage simplement à en placer là où les sujets le demanderaient "'. Cela est tellement vrai, que les .\nversois furent forcés de recevoir leur chambre contre leur gré. La même chose arriva pour la chambre de tonlieux de Limbourg, (|ui fut établie malgré les fortes oppo- sitions des états de la province. (^uant aux allributions que possédaient depuis longtemps les magistrats or- dinaires relativement aux droits de tonlieu, nous avons déjà dit <|ue le chef- président de Pape lui-même se trouvait dans l'impossibilité de les déterminer. Règlement du droit de relief. — Article 1 1 . Quand un défunt laisse de nombreux héritiers, soit en ligne directe descendante , soit en ligne collaté- rale, ces derniers pourront partager les biens du de cujus sans devoir les relever au préalable. Et ces biens étant partagés, chacun fera relief de sa part, payant pour droit au seigneur ce qu'au même lieu on payait au temps de Jeanne et d'Antoine de Bourgogne. Il en sera de même s'il n'y a qu'un héritier, comme aussi si quelqu'un achète des biens immobiliers sans que ' .Miiniiscrit cité de Wynants sur de l'upc, article '.I de I addition. ■^ llnd. '• Ihid. 232 MÉMOIRE SIR L'AiSCIE.MNE personne puisse être Iravaillé au delà de ces droits. — S'il y a coiileslalion sur ces points entre le receveur et celui qui veut faire le relief, il en sern décidé par les juyes devant lesquels le relief doit se faire. Le payement du droit de relief, qui devait se solder au seigneur dominant, à chaijue mutation de propriétaire , pouvait être une source féconde de per- ceptions plus ou moins indues. D'abord le seigneur dominant pouvait haus- ser le droit de relief. De là mandement de s'en tenir aux anciens usages. En outre , on pouvait exiger des héritiers multiples d'un de cujus qu'ils fissent d'abord ensemble le relief de la succession indivise; puis, après partage, que chacun relevât sa pari pro diviso; faisant ainsi payer deux droits de mutation là où réellement et légalement une seule mutation s'était opérée. De là la première partie de l'article 1 1 qui doit vouloir pai'cr évidennneni à des abus qui s'étaient fait jour en Brabant ^ Les juges qui reçoivent le relief sont les hommes de fief de chaque cour féodale; ils ont les mêmes intérêts éventuels que celui qui fait le relief, et ne peuvent par consécpient être sus- pectés de partialité en faveur des prétentions du receveur seigneurial. Il faut rapprocher cet article de l'article 17 du Nieuiv Régiment qui, sauf usage contraire, fixe le droit de relief à treize tlorins, comme au temps de la du- chesse Jeanne. Du rachat des rentes domaniales. — Article 12. Le duc fera décliarf/er son domaine de Brabant de toutes les rentes perpétuelles et charges qui le grèvent , aussi loin qu'il est à décharger. Il pourra vendre autant et pas plus de rentes viagères que ne le compor- teront le nombre et le taux des rentes perpétuelles déchargées. Si antérieure- ment une ville a scellé les obligations perpétuelles dont le duc se libère ou s'y est engagée, elle s'engagera de nouveau pour une somme proportionnelle dans les rentes viagères. Autrement les villes, avec les autres Etats, scelleront les nouvelles lettres en forme de consentement , de telle sorte quelles seront bien assurées que tout l'argent qui proviendra de la vente de ces rentes viagères sera employé à acquitter ces rentes perpétuelles et pas à un autre usage. Il est permis de croire (jue les renies dont parle l'article 1:2 avaient néan- ' Maimscril citt- de Wyiiiints sur de Pape, sous l'article en questiun. COi^STITLTIOrS BRABA1\Ç0ÎNÎNE. 2o5 moins été consliluées régulièrement, c'est-à-dire avec le concours des étals '. Il résulte du texte que les villes s'y sont engagées, et certes elles ne l'auraient pas l'ait au mépris de leurs privilèges et de leurs intérêts; mais il était, comme nous avons déjà pu le constater souvent, de l'esprit de la Joyeuse-Entrée de décharger autant que possible les domaines ducaux, afin de rendre moins fréquentes les demandes extraordinaires de subsides. L'article 12 consacre une opération financière dont le mécanisme est très-simple et infaillible en soi, quand des circonstances étrangères ne viennent pas en contrarier refl'el. Si on remplace chaque rente perpétuelle par une rente viagère proportion- nelle et sous les mêmes garanties, les créanciers sont saufs; seulement la nature de leur droit est changée, et, dans un temps donné, le domaine devia se trouver entièrement libéré. Le calcul mathématique est évident, mais il est à croire que, de même (|u'on avait chargé le domaine jusqu'à IMiiIi|)pe le Bon, on le chargea après lui. « iMaintenant, dit de Pape, le domaine est » chargé d'une infinité de rentes avec consentement des étals. » Pas plus alors (lu'aujourd'hui ramorlissement des délies publiques n'était donc une réalité : non pas (|u'en théorie il ne soit un remède radical, mais parce que les princes d'autrefois, connue les gouvernements modernes, étaient sans cesse pressés de besoins financiers; et ils n avaient pas fini, comme on dit vulgairement, de Ixmvhcr un trou qu'ils en ouvraient un autre. Des acquisitions de biens immobiliers par le clergé. — Nous réservons celle matière pour la Joyeuse-Entrée de l'empereur Charles-Quint; ici nous nous bornerons à citer l'article 13 de la deuxième aildilion : Le clergé de dehors le Brabant ne pourra acquérir dans ce pays aucune espèce d'immeubles. Le clergé du Brabant n'y pourra acquérir biens immobiliers par achat qu'à la comlilion que le vendeur ou ses héritiers puissent toujours exercer le retrait au denier XVIII. La deuxième addition à la Joyeuse-Entrée, octroyée par Philippe le Bon, se termine /ja>" xm mandement à tous les chanceliers, conseillers, drossarts, tvaut - maître , gruijer, autres of/iciers justiciers et serviteurs présents et à ' Manuscrit cite île Wynants sur de Pape, sous l'arliclc 12. — Il semble croire que l'article parle de roules créées sans le coiiseutemeiit des états. 254 MÉMOIRE SUR L'A^(:lEN^NE venir, et autres que la chose concerne , chacun dans la mesure de ses attri- butions, de laisser user le pays de Urahant fermement et librement de tous les points et articles dessus décrits, sans mettre ni laisser arriver obstacles ou empêchements , car telle est ta volonté du duc; sauf néanmoins les droits du duc en toutes autres choses, et dans les points susdits chacun des droits et privilèges du pays et des bonnes villes du Brabani. \Ai (roisième adtlilion ' à la Joyeuse-Enlrée est accordée à la deniaiido des étals do Brabant ; la deuxième est publiée de nouveau et est suivie de deux nouveaux articles qui forment proprement la troisième. Ils n'ont rapport qu'aux désordres des gens de guerre; nous en avons parlé dans un para- graphe précédent. Il est donc inutile d'y revenir. ' Voir le texte ilr cctU' addition à lu suite du Coilvx d'Anselnio, p. 8i. CONSïITUTIOrS BRABANÇONNE. 235 CHAPITRE VII. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE La Joyeuse-Enlrée de Charles le Téméraire reproduit les dispositions de celle de Plnli|)pe le Bon , moins les articles qui n'avaient trait qu'à des né- cessités purement temporaires. Grâce aux explications données dans les chapitres précédents, nous n'au- rons plus que peu de chose à dire sur la présente charte en particulier. Il ne paraîtra guère étonnant (|ue les Brabançons n'aient pas reçu de pri- vilèges nouveaux à l'avénenicnt du duc Charles. Le pouvoir ducal , connue nous l'avons déjà dit, avait, depuis Philippe le Bon, ressaisi toute son in- lluence. Les forces imposantes dont il disposait lui permettaient d'écraser un à un tous les pays turbulents ou mécontents i\yii voudraient contrarier ses vues. Le caractère même de Charles devait supporter impatiounnenl les libertés brabançonnes, qui restreignaient son cercle d'action personnelle. Il avait donné trop de preuves de son inq)lacable sévérité, disons de sa rudesse, notamment dans le sac de Dinant (HOG) -, pour qu'on osât entamer avec lui des négociations politiques, dans le dessein de lui arracher des concessions. Son pouvoir ne pouvait être ébranlé que pai' surprise : c'était ainsi que l'émeute à Gand de 1468, à son avènement, avait réussi; mais, dans des négociations pacifiques et préparées de longue main, il dominait en maitre, se tenant toujours sur la défensive et en garde contre tout ce qui aurait pu enchaîner l'exercice libre de sa volonté. Le respect du droit , si puissant à l'époque dont nous parlons, dans les relations de peuple à souverain, avait seul sauvé la Joyeuse-Entrée de toute restriction dommageable aux intérêts ' Voir l'acte de Joyeuse-Entrée de Ctiarles le Téméraire; Ltiyster, 2°" partie, p. 169. ^ David, ouvr. cité, p. 235. 256 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE (lu |)ays; cl, du reste, une circonslance spéciale assura le maintien du dioii |)ui)lic brabançon dans son existence ancienne , tout en contribuant sans (joule à ne pas le laisser s'étendre. Vers la fin de sa carrière, Philippe le Bon avait perdu beaucoup de son énergie. Fatigué des affaires publiques, il avait fini par abandonner la direc- tion du gouvernement au comte de Charolais; et, redoutant peut-être des (lillicullés qui surgiraient après sa mort, le 27 avril 14-65, il demanda, par Porgane de Pierre de Goux, sire de Wedergrate, aux états réunis de Bra- bant , Flandres, Artois, Hainaut, Namur et Malines, de reconnaître son fils |)oin' son successeur et de lui prêter serment de fidélité et d'obéissance. Les états déférèrent au désir du bon duc et, la même année, dans une assemblée solennelle tenue à Bruxelles, Tabbé d'Aftligliem, au nom des pré- lats; Jean d'Engliien, sire de Kestergat, au nom de la noblesse; Henri Van- (lenbroeck, secrétaire de la ville de Bruxelles, au nom du tiers étal de BrabanI, et Matliias Grooter, pensionnaire de Gand, au nom des villes des autres provinces, répondirent quïls consentaient de grand cœur à recon- naître le futur souverain '. Le 20 juin delà même année, les villes de Bruxelles, Louvain, Anvers, Tirlemont, Nivelles, Bois-le-Duc et Léau déclarèrent solennellement (|u'elles reconnaîtraient le comte pour leur prince , à condition qu'à sou avènement il jurât d'ex(;cuter les dispositions de la Joyeuse-Entrée. Par acte donné au cbàleau deVilry, près de Paris, le 3 juillet, Charles le Téméraire promit, par provision , d'observer leurs lois et privilèges. Les bases du contrat à intervenir entre le peuple de Brabant et le nou- veau souverain , à son avènement, étaient donc complètement fixées d'avance ; et l'on comprend aisément que ce n'était guère le moment d'exiger de jiou- velles concessions, quand il aurait fallu les obtenir des volontés réunies de IMiilip|)e le Bon et de Charles le Téméraire, ayant déjà sous la main toutes l(îs forces, toutes les influences du pays. ' llciiiic II Waulc'is, ouvr. lité, |)|). 2Gi-(>5, et Mniioires de Philippe de Commiiies, tome II, p. 4.>5, édition de 1747. CONSTiïUÏION BRABANÇONNE. 257 § I'' INDIVISIBILITÉ DE I. ETAT. — UNION DU LIMBOURG. ETC. Kous ne reviendrons pas sur les promesses d'union d'Anvers, de Nivelles, etc., qui restent ce qu'elles sont dans les chartes antérieures. Grave et Oyen, comme nous le disions dans le chapitre précédent, forment encore l'objet de dispositions analogues à celles que nous avons signalées sous Philippe le Bon. Comme l'article 8 de la charte de Charles le Téméraire contient, rela- tivement à l'union du Limhourg et de l'outre-iMeuse, tous les principes qui se maintinrent dans l'ensemble des Joyeuses-Entrées, nous croyons que c'est le moment d'expli(pier d'une manière complète l'étendue praticpie qui leur était donnée. Le duché de Limbourg n'était pas incorporé au Brabant; à certains [toinls de vue, il faisait par lui-même une province entière et distincte'. Il en était de même des comtés de Fauipiemont et de Daelhem , ainsi que du pays de Kolduc. Chacun de ces pays ayant eu au temps passé des seigneurs projjres el spéciaux, avait conservé le droit d'avoir des états particuliers indépendants les uns des autres, soit à l'égard du consenti^uent des aides, soit autrement. Il arrivait néanmoins (pie l'on convoquait tous ces états ensemble pour la demande des aides. Chaque étal délibérai! d'ordinaire à part pour prendre sa résolution; mais, lorsqu'ils consentaient uniformément la même somme, ils avaient entre eux un pied de répartition commune pour le payement de leur (|uote-part respective. Le duché de Limbourg avait une haute cour judiciaire qui relevait en dernier ressort du conseil de Brabant, mais qui servait elle-même de degré de juridiction supérieure aux tribunaux du Limbourg et d'outre-Meuse -. D'un autre côté, comme on le sait, le Limbourg et l'outre-Meuse étaient liés ' Manuscrit cité du vicomte de WMiiiuls, de lu HililiDlIièquc riocliials, p. 190. - I.oovcns, 2"" partie, p. ^'J4. Tome XXXL 5.5 258 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE indissolublement au Brabant, et de ce fait découlaient cinq conséquences pratiques principales : 1" Le Linibourg, le pays d'outrc-Mcusc et le Brabant avec Lothier, An- vers, etc., ont le conseil de Brabant con)me commun ressort en matière de police, de justice et de grâces. C'est là un des motifs, disait-on, pour les- (juels le conseil de Brabant est (pialilii' de souverain ; 2" Tous les domaines de Limbourg et d'outre -Meuse ressortisseni à la cbambre des comptes du Brabant; 3° Les aliénations de domaines ou de seigneuries que les ducs de Brabant veulent faire au pays d'où Ire- INI euse et au Limbourg ne i)cuvcnt s'effectuer (|ue du consentement des états de Brabant; et, en fait, les princes se sont, en général, servis de ce consentement, quand ils ont vendu ou engagé des domaines auxdits pays. Mais faut-il en outre le consentement particulier des étais de Limbourg? En droit, il est évident que ce consentement restait nécessaire, sinon l'union du Limbourg et de l'ouIre-Meuse n'aurait |)lus élé union au Brabani, mais bien incorporation à ce ducbé, absorption d'un état moindre par un étal plus puissant. D'après le droit commun de la plupart des peuples, les états de Limbourg et d'outre-Meuse, c'est-à-dire la nation, avaient le droit d'intervenir à toutes les aliénalions (pie voudrait faire le prince. Ce droit avail élé consacré , pour le Limbourg en parliculier, par un acte de Wenccslas de 135G2. Le fait ne resta pas d'accord avec le droit. Il parait (ju'on ne consullait pas les étals de Limbourg et d'oulre- Meuse, quand on aliénait des domaines situés en ces pays. Ils ne firent pas entendre de réclamations, et voici ce qui expli(pie leur attitude. C'étaient, en général, les membres des deux premiers ordres des états de ces pays, c'est-à-dire les nobles et les abbés, qui étaient les acquéreurs des domaines engagés on vendus. Cliacun d'eux cbercbail à obtenir du souve- rain ce qui lui convenail , el , pour ne pas rencontrer d'opposition locale, ils ' Manuscrit cilé Ae Wynanls sur de Pape, sous l'article 12. * IbiiL, sous l'article 12. COiNSTITUTION BRABANÇONNE. 259 avaient fait croire à ceux du tiers étal que le consentement des états de Bra- bant était seul requis pour que le prince pût aliéner des domaines chez eux. On savait parfaitement d'avance que ceux du tiers état du Limbourg et d'outre-Meuse, officiers, échevins et députés des villes et des bancs, n'au- raient pas consenti à des aliénations devant en quelque sorte amener leur destruction politique. De sujets immédiats du duc, et plus tard du roi, ils seraient devenus sujets immédiats de seigneurs particuliers dont, aux états, ils auraient dû suivre les vues. Or les seigneurs particuliers, en général, auraient défendu à ceux du tiers de leur dépendance de voter de gros subsides au souverain ; car ce qu'on prenait au nom du duc , ils ne pouvaient plus le prendre eux-mêmes. Par là il devenait évident (pie, des besoins publics élanl donnés, et le Limbourg et l'oulre-Meusc ne fournissant plus que peu de chose dans les aides, le Brabant lui-même aurait été chargé dans une proportion très-forte. C'est là le motif de l'insistance que met la Joyeuse-Entrée à exiger le rachat des domaines engagés, et surtout des domaines engagés au pays d'oui ro-Meuse et de r^imbourg. 4" C'est en se fondant sur la déclaration d'union (|ue les étals de Brabant linirent par obtenir des princes ([u'ils ne pourraient plus faire un serment particulier aux étais du Limbourg, mais que le serment fait au IJrabant de- vrait servir au Limbourg, ou (pie loul au moins ce serment se Icrail en pré- sence des états assemblés. Ceci cependant élail un abus évident contre lequel proleslaienl les principes du droit, tout aulant que les précédents'. 5" Enfin les emplois en Brabant, dans le Limbourg el dans l'ouli-e-Mcuse, étaient réputés conalurels , c'est-à-dire '^ qu'un Limbourgeois pouvait être fonctionnaire en Brabant et desservir tous les grands ollices , de même (|u'un Brabançon pouvait être fonctionnaire dans le Limbourg. • Miiiiuscritcilé de Wynants sur de Pape, sous rarliclc 4. - Manuscrit lité du vicomte de W\ liants, Bibliothèqui! Goclhals, p. t65. 260 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE CHAPITRE VIII. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE MARIE DE I50URG0GNE '. La Joyeuse-Entrée de 3Iarie de Bourgogne signale une phase toute par- ticulière dans le développement régulier du droit public brabançon. A la mort de Charles le Téméraire, le pouvoir ducal se trouvait dans la position la plus critique : les états ressaisirent partout leur influence, en fait très-amoindrie sous les deux règnes précédents. Marie de Bourgogne se trouvait à la tète d'une succession magnifique, mais chargée de diflicultés et d'embarras. « Le trésor était é|)uisé et Tarmée » détruite; et puis elle avait à craindre Pcnnemi acharné de sa maison, le )» perfide Louis XI, qui n'avait pu contenir sa joie en apprenant la défaite de » Nancy et surtout la mort de Charles. Enfin, pour comble de malheur, le » mécontentement était général parmi ses peuples, ils avaient été menés ru- » dément par le feu duc; les Gantois surtout avaient dû se courber sous sa » main de fer; mais à peine eurent-ils a[)pris la nouvelle de sa mort, (|u'ils » levèrent la tète et causèrent mille embarras à leur souverain. » Du reste la réaction était générale. A Bruges, à Bruxelles, à Anvers » tout comme à Gand, on cessa d'acquitter les taxes et les gabelles. Les » percepteurs furent maltraités par le peuple, les ollicicrs et les magistrats » insultés ou même rançonnés '-. « Une fermentation violente régnait donc en Brabanl comme ailleurs, favo- risée par les immenses embarras extérieurs et intérieurs qui assiégeaient la jeujie duchesse. Charles le Téméraire était mort le 5 janvier 1477. Ce ne fut que le 29 mai ' Voir l':ictc aux Codex Belfjiriis (l'Aiiseliiio, annexes de l'édition citée de lfiG2 , p. 59. - David , ouv. cité, pages 248 et suivantes. • C0iNSTITUT10i> BRABAfNÇO^iNE. 261 de la même année qu'eut lieu à Louvain l'inauguration de iMarie. Dans l'inlei- valle les états de Brabant avaient pu concerter leurs plans; et, pour éclaircir (|uelque peu l'avenir, pour se procurer au moins (pielque soutien à l'inlérieur, la duchesse allait devoir passer par toutes les conditions nouvelles qui lu serraient imposées. Jeune femme entourée de conseillers la plupart odieux au peuple, que pouvait-elle, sinon céder au destin (|ui pesait sur dleP Sa Joyeuse-Entrée, outre les principes que nous avons étudiés, consacre (juanlilé de privilèges et renferme (piantité de restrictions au pouvoir ducal tout à fait nouvelles. Comme avec l'avénemenl de Philippe le Beau aucune de ces nouvelles éoncessions ne fut reconnue d'endilée , nous pouvions bien dire que la charte inaugurale de la duchesse Marie constituait une phase spéciale de la marche des libertés brabançonnes. Il convient cependant d'exa- miner cet acte de droit public, car plusieurs des principes (pi'il admet finenl renouvelés plus tard, alors que, |)ar le développement régulier de ICspril pu- blic, les concessions arrachées par la violence furent devenues des nécessités d'une administration libre et progressive. S I- REACTION EN FAVEUR DES TEMPS QUI PRECEDENT L AVENEMENT DE PHILIPPE LE BON. Nous ne reviendrons plus sur les principes anciens ni sur leurs développe- ments postérieurs dont nous avons déjà parlé précédemment, et qui furent maintenus dans la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne. Commençons par constater que cet acte respire , d'un bout à l'autre , le désir de revenir au maintien des usages légaux antérieurs à Tavénement de Philippe le Bon; usages que la prépondérance du pouvoir central avait sin- gulièrement restreints dans un sens d'absolutisme, et singulièrement modifiés d'ailleurs depuis près d'un demi-siècle [{i^O-lill). 262 MEMOIRE SUR L'ANCIENINE Arliclo 7. Le conseil de Brabant ne jugera ni n'évoquera d'autres affaires que celles dont les justices des villes et les bancs du pays ne pouvaient prendre connaissance au pied de leurs droits, privilèges, coutumes et usages, au tofiips de l'avénemenl de Philippe le Bon. Article 11. Toutes les senlences, appointements et terminations dont, à l'avènement de Philippe le Bon, il n'y avait ni appel ni recours au chef-sens, qu'ils soient prononcés par le conseil de Brabant ou par les magistrats des bonnes villes et des bancs du pays, seront pleinement exécutés sans qu'on puisse en appeler ni atlraire la cause à d'autres tribunaux par réformation, évocation, ou autrement. Article 13. Les villes et franchises useront désormais de leurs privilèges et de leurs coutumes, (|uant à la compétence de leurs lettres échevinales en matière de contrats réels, de franchises et bourgeoisies, de refus de droit de Saint-Pierre et de correction ; et de toutes ces matières elles auront connais- sance, décision et exécution, comme à l'avénemenl de Philippe de Sainl-Pol. Les articles 17 à 25 ramènent la perception des droits de lonlieu à ce qu'elle était avant Philippe le Bon. Article 16. Tous les nouveaux droits de lonlieu, ainsi que les autres charges et droits quelcon(|ues imposés au Brabant , depuis Philippe le Bon, sans le consentement des états de Brabant, sont abolis. Article 23. Le tonlieu d'Anvers est ramené à ce qu'il était avant Philippe le Bon. Article 4-3. Les bâtards et enfants naturels qui n'ont pas d'héritiers colla- téraux, pourront disposer de leurs biens à volonté, par lettres échevinales, testaments ou autrement. S'ils ne le font pas, les biens suivront la dévolution (Uablie par la coutume du lieu, à l'avènement de Philippe le Bon. Article 99. L'impôt forestier dit hout-schatte , est ramené désormais à ce qu'il était au temps de l'avènement de Philippe le Bon. Enfin, les articles 59 et 90, fondés en partie sur le même esprit, méritent une attention plus soutenue, parce qu'ils se rattachent à des principes de la .loyeuse-Enlrée que nous connaissons déjà et dont nous avons pu apprécier loule l'importance. (Iharles le Téméraire souffrait de voir ses sujets de Flandre et d'Artois en CONSTITUTION BRABANÇONNE. 265 appeler des cours de justice de ces provinces au parlement de Paris, qui mettait souvent de grands retards à rexpédilion des affaires. Grand justicier, princeps singularis jusliciae, et du reste plein des tendances les plus indé- pendantes et les plus ambitieuses, il renouvela cl augmenla Timporlance d'une institution déjà établie par son père en 14.55. Il institua à Malines nnpaHe- ment auquel ressortissaient non-seulement les comtés de Flandres et d'Artois, mais de plus tous les conseils particuliers et provinciaux de ses nombreux États \ C'était travailler à l'unification des possessions de sa maison et pré- luder à l'édification de ce royaume de Bourgogne, rêve de sa vie entière. En 1473, son projet fut mis à exécution, et, malgré les ré|)ugnances locales, les sujets durent bien obéir. L'érection du parlement de Malines contrariait l'esprit de la .J()\euse-En- Iréc, puisqu'elle forçait les Brabançons à aller plaider en dernière instance hors des limites de leur pays. De plus, Tinstilulion nouvelle était iin|topulaire en Brabant ^ parce qu'elle diminuait le lustre du conseil de BrabanI, si vénéré et si chéri des nationaux, qui le considéraient à bon droit comme le défenseur le plus apte et le plus infatigable de leurs privilèges. Malgré les grandes attri- butions, telles que les grâces, remises, abolitions, etc., qui lui avaient été conservées, il devait inévitablement finir par descendre au rang des autres conseils, dont il se distinguait jusque-là d'une manière si notable. Les étals (le Brabant avaient fait mainte doléanceau duc Charles, et peut-être ain-iit-il fini par céder à leurs remontrances et par les soustraire à la juridiction du |)arlenicnt ; mais les guerres l'empêchaient toujours de donner suite aux affaires intérieures, pour peu qu'elles fussent compli(|uées. Il mourut sans avoir pris de décision, et avec lui, son prestige et la force du pouvoir ducal. Aussitôt on voit, dans la Joyeuse-Entrée, la réaction qui s'opère, et entre les nombreux redressements de griefs qu'on réclame apparaît, non pas la dissolution du parlement de Malines, mais seulement la distraction de sa compétence de tous les pays qui étaient du ressort du conseil de Brabant, seul point qui intéressât les Brabançons. ' David, p. 254. * l^oovens, \"' piirtic, p. I3(J, etc. 264 MP:M0IRE sur L'ANCIENNE Notons, on passant , que le parlement de Charles le Téméraire fut Torigine (lu grand conseil de Malines. L'article 8 dispose que tous les procès venus de Brabant et d'outre-Metise , f/ui sauf peiulanls au parlement de Malines et c/ui sont complètement instruits, seront portés au conseil de Brabant, pour les sentences y èlre appointées; à moins toutefois que ces procès n'aient été attraits à Malines par appel ou ré- formation du conseil, auquel cas ils seront renvoyés aux seicpieurs du conseil suprême, qui les mèneront à fin. — Toutes affaires venues des cours féodales de Brabant et d'outre-Meuse au parlement de Malines par appel, érocafion ou ré format ion, seront renvoyées cm conseil de Brabant. Entin, garantie do juridiction prompte et rapide. — Les procès pendants au conseil de Brabant par appel ou réformation, et qui ne sont pas juyés, seront poussés et terminés endéans les six mois. Ceux qu'on a évoqués seront renvoyés aux juridictions d'oii ils viennent. Article 90. Toutes cames, même pendantes au parlement , introduites et r.ommencées , qui n'y sont pas arrivées d'autres tribunaux — jugées, pai' consé(|uent , par le parlement de première instance — qu'elles soient dépni- tivement instruites ou non, seront soustraites à sa connaissance et renvoyées à la décision des juridictions et d'après le droit qu'il appartient. Ce dernier article prouve que le parlement de Malines, outre {|u"il était juge d'appel à l'égaid du conseil de Hrahant, avait encore enlevé à ce dornior, comme à des juridictions intérieures, la connaissance en première instance de certaines affaires. (]eci nous condirit à un autre ordre il'idées. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 263 SU. REACTION CONTRE LES EMPIETEMENTS DES AUTORITES CENTRALES. De même qu'il s'était opéré une réaction générale contre les empiétements du pouvoir ducal dans toutes les sphères de la vie publique, de même il s'opérait une réaction non moins violente contre les empiétements des grands corps centraux du duché, de plus en plus pénétrés des tendances du duc qui leur donnait une impulsion conforme à ses vues. Le fractionnement de l'autorité et l'indépendance des institutions et des pouvoirs locaux avaient été de tout temps chers aux peuples brabançons; cette liberté d'action s'accordait seule avec leurs idées et leurs mœurs puisées dans le vieux sang germain d'où ils sortaient. ('ette décentralisation était de l'essence même de la féodalité, et la renais- sance des communes les ayant fait entrer également dans la grande hié- rarchie sociale, elles avaient bientôt appris à connaître les bienfaits d'une adminisiralion locale com[)osée de concitoyens, contrôlée par des conciloxcns et où le pouvoir ducal n'avait qu'une part relativement peu importante. Avec la branche ainée de la maison de Bourgogne, forte en guerriers et riche en trésors, par consé(|uenl, plus portée à donn'ner par elle-même, une tendance violente à la centralisation s'était fait jour en Brabant comme ailleurs. L'esprit centralisateur est raccompagnenieni presque nécessaire de l'absolutisme: c'est le triomphe de l'orgueil individuel réduisant le système gouvernemental aux proportions d'une ingénieuse mécanique qui, recevant une inq)ulsion unique, va porter et réaliser partout la pensée du maître avec une force invincible puisée dans son unité et dans la hiérarchie de ses rouages. Dans un Etat où règne une centralisation absolue, la pensée n'est qu'au haut de l'édifice social ; aux degrés inférieurs il n'y a que du mouvement : tout part du maîlre, tout revient au maître. Avec la décentralisation des pouvoirs locaux, liée à une surveillance large, mais incessante du pouvoir souverain, la pensée est partout où il y a mouvement social. Et pourquoi ces pensées particulières Tome XXXI. 54 266 . MÉMOIRE SUR L'ANCIEININE s'cgareraicnl-clles plutôt que la pensée centrale et unique? Si Phoninie, livré à son initiative privée, doit fatalement aboutir au mal social et au sien propre, le souverain, quel qu'il soit, n'est-il pas non plus un honune ou une réunion d'hom- mes? où est la naissance privilégiée, la régénération qui a purifié ses tendances? Avec l'initiative individuelle on pourra sans doute arriver à des erreurs et à des mécomptes, mais ils ne seront que partiels et pourront être l'acilement redres- sés par l'expérience. Que sera-ce si un pouvoir central a en main toutes les forces vives de la société, cl si, comme nous le disions, ce pouvoir n'esta tout prendre qu'un être sujet à faillir? Qui retiendra le torrent dévié de ses voies? Quand le maître est imbu de ces tendances, toutes les autorités à rexercice desquelles il prend part, ou qui dépendent plus intimement de sa personne, travaillent insensiblement à attirer à elles une partie des droits et des atlribu- lions des autorités inférieures. Ce fait s'était produit sous Philippe le Bon et surtout sous (Charles le Témé- raire. Insensiblement, presque sans s'en apercevoir, les Brabançons, malgré des promesses nouvelles qui leur avait été faites de respecter les pouvoirs locaux (notamment par l'article 4 de la deuxième addition), s'étaient trouvés sous un régime fondé dans un esprit assez contraire à leurs institutions libres. Aussi, à l'avènement de Marie de Bourgogne, mit-on un soin nn'nutieux à tout rétablir dans l'état primitif et à rendre aux pouvoirs locaux, aux jinidic- tions inférieures, tous les droits dont ils avaient élé de fait dépouillés sous les règnes précédents. L'article l'indéterminé expressément quels sont les seuls crimes dont la con- naissance est réservée à la duchesse cl à son conseil, et, dans ces cas mêmes, la première information apparliendra aux officiers locaux, qui pourront dé- terminer si les soupçons leur paraissent suffisants pour poursuivre. L'article 7, dont nous avons déjà parlé, restreint la compétence du conseil de Brabant dans .sv.s- limites anciennes, en défendant tout empiétement ulté- rieur sur les droits des villes et des bancs. Le droit d'appel est également ramené aux usages anciens. Il n'existera qu'en causes civiles d'une certaine importance. Toute sentence de premièi-e instance sera même exécutée par provision sous caution, si la partie (|ui triomphe l'exige. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 267 Pour se pourvoir en ré formation d'une sentence, on n'aura qu'un délai de quarante jours, et le conseil de Brabant pourra seul connaître d'actions de cette nature. L'appelant devra déposer une caution aux mains des magistrats dont il veut faire réformer le jugement , tant pour les frais faits jusqu'ores , que pour l'amende de fol appel. Si la cause a été traitée verbalement , les magis- trats mettront tout par écrit et seront crus sur leur serment. Toutes ces dispositions sont évidemment dictées par le désir de rendre l'ac- tion des justices inférieures prépondérante et aussi indépendante que possible. Article d 1 . Si les parties, après une instance, trouvent de nouvelles pièces ou nouveau droit qui pourraient leur servir à faire réformer la sen- tence prononcée, elles pourront, endéans les quarante jours, recommencer le procès devant la même juridiction oii elles ont déjà été en justice, pourvu qu'elles prêtent serment : que lors de la première instance elles ne connais- saient rien de ce qu'elles apportent, van de nieuwe inbrengen. L'article i 1 consacrait ainsi une espèce de requête civile. 5/ l'une des parties accuse les juges de corruption, elle devra les attraire, endéans les quarante jours , de- vant le cotiseilde Brabant, après dépôt préalable de caution; et si elle suc- combe, elle payera tous les frais, plus une forte amende, moitié au profit du duc et moitié au profit des magistrats injustement accusés. L'article 12 revient sur les mémos principes. Nous avons vu précédem- ment ce que c'était que le chef-sens. L'ignorance de beaucoup de juges infé- rieurs avait fait statuer que, dans certains cas, ils no jugeraient (pi'à cbarge d'enquête. Quand la cause était instruite, ils envoyaient les pièces de la pro- cédure au juge dont ils relevaient pour l'appel. Après examen, celui-ci leur renvoyait le dossier avec le jugement tel (pi'ils devaient le prononcer. Ce juge agissait alors en qualité de chef-sens ^ Tous les magistrats de ville et Imncs qui ont eu jadis chef-sens ou ressort d'appel pour leurs sentences, auront désormais recours à ce chef-sens dans les affaires qu'ils ne comprennent pas (zuleen staen... van saeken die zy niet WYS zyn) , ou bien, on appellera de leur sentence à ce chef-sens, d'après l'an- ' Defacqz, ouvr. cite, p. 49. 968 MEMOIRE SUR L'ANCIENÎSE eionne coutume. Ils chercheront la formule rie leur jurjetnent au banc où ils }-essortissenl immédiatetuent ; à moins (/ue, de l'aveu et du consentement des parties, désireuses d'éviter des frais nombreux et Faction successive de diverses Juridictions, les juges n'aillent directement chercher sentence à la chef-ville ou au chef-banc f/ui, sans cela, n'aurait jugé que sur appel de la juridiction intermédiaire. La compétence des justices locales est donc établie surtout dans rinlérèt des particuliers. Ils peuvent librement renoncer à un droit ipii, dans des cas donnés, pourrait leur être préjudiciable. Pour augmenter les garanties de liberté et de bonne administration , les ma- gistrats, baillis, serviteurs des seigneurs, sergents des villes et franchises ou villages, qui commettraient des actes punissables , soit dans l'exercice de leurs fonctions ou en dehors, ne seront plus justiciables du duc ni de .son conseil, mais bien des juridictions sous lesquelles ils remplissent leur office (article 46). (Vêtait le moyen de contre-balancer les avantages et les sûretés que donnait à ces magistrats et ofliciers une nomination qu'ils tenaient uni(|uement du pou- voir ducal. Sans celte précaution, le duc aurait jugé par lui-même, au milieu de son conseil , ceux qu'il avait choisis pom- le représenter à tous les degrés de la hiérarchie des fonctionnaires, c'est-à-dire (|u'il se serait jugé lui-même : les coupables auraient relevé d'un tribunal où ils avaient toute chance dim- punité, au moins pour les abus de pouvoir '. En les rendant justiciables des tribunaux locaux, ils n'étaient plus jugés par des juges prévenus en leur faveur, mais par des magistrats parfaitement au coui'ant de leurs tendances, de leurs faits cl gestes et parfailemenl à même d'apprécier avec impartialité la prévention qui pesait sur eux. Nous avons vu que plus tard le conseil de Brabant fut néanmoins le juge ordinaire des ofliciers du pays; mais alors le conseil était établi en corps permanent, et, à certains égards, indépendant du duc. Ce dernier ne pouvait plus appeler à sa séance qui il voulait; de plus, la charïïbre du conseil pouvait statuer sans lui. C'était déjà une séparation de ' Le système eoiilre lequel les linihaneniis récliirnaienl res>;cinl)lail foil, dniis ses effets, ù ee qu'on nouiiiic en l'rance la r/aranlie con.stitutiuniwlle des /b«(7('0H«((iVt'A'. Rappelons -nous, eepenilanl, (lu'eri ISi'alinnt tout eitoven lésé avait toujours eu le droit d'allrairc en justiee l'ofli- eicr prévarieateur sans autui'isation du due. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 269 fait (lu pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif qui, en droit, reposaient cependant sur la même tête. Pour sauvegarder complètement Fexistcnce propre du Brahanl avec toutes ses conséquences, en même temps (jue le respect des pouvoirs locaux, Par- ticle 53 statue expressément qu'aucun officier de dehors le Brubant ne pourra faire aucune exécution, ni en Brahanl ni en oulre-Meuse , pour quelrpie ac- tion que le duc ou un particulier ait contre un habitant de ces pays. — On devra s'adresser à la justice du lieu du domicile de celui qu'on veut assi- gner, et, se contentant de ce qui sera adjugé par la sentence de cette justice, requérir exécution de l'officier du même lieu. La première partie de Tarticle résultait évidemment des principes les mieux établis en droit public sur les limites du droit de souveraineté et sur la compétence des ofliciers d'un souverain déterminé; mais la Joyeuse-Enirée, lidèle à ses vieilles tendances, laisse le moins possible à la discussion et déter- mine nettement les droits et les prérogatives de tous. L'exécution des sentences par des ofliciers locaux était encore sauvegardée par larlicle 81. — La chambre du conseil ne pouvait avoir qu'un huissier. Toute exécution de lettre close ou patente devait être faite par Cofficier du lieu, et il devait en avoir salaire comme d'exécution faite entre parties. Les lettres lui seront envoyées par un homme d'armes de la duches.sc, capable, admis à la chambre du conseil, et ayant donné caution aux mains du chan- celier et du conseil. L'article 88 probibe V institution d' un procureur Ç\scâ] , général ou parti- culier, ou d'un contrôleur agissant au nom du souverain. — Les officiers du lieu auront la poursuite de tous les excès qui seront corrigés par les magis- trats du lieu, comme il appartiendra. Toutefois , pour les causes pendantes au conseil, le chancelier et le conseil pourront députer, pour remplir des fonctions déterminées d'une nature analogue, un de leurs collègues. La cbargc de procureur général avait été instituée par Pbilippe le Bon ' cl avait soulevé aussitôt en Hrabant des réclamalions fort vives. Les étals avaient prolesté, et le duc, tout en pronjeltant de déférer à leur désir, avait éludé sa * tienne et Wauters, ouvr. cité, p. 248. 270 MÉMOIRE SUR L ANCIENNE proinossc. Celle charge nouvelle ccnlralisail, dans une certaine mesure, la répression des crimes et des délits, et diminuait de beaucoup limportance des maïeurs, des écoutètes et des baillis des villes et des bancs; elle avait encore le grave inconvénient de soustraire cet officier général à la surveillance journalière des intéressés, et de lui assurer en fait une espèce d'impunité. A ce double point de vue, elle était odieuse au Brabant, et les étals profilèrent du moment favorable pour la faire supprimer. Plus tard, elle fut rétablie, mais dans des conditions tout autres et qui sauvegardaient les droits et les intérêts locaux. Article 10. Enfin, pour éluder la paresse ou la malveillance des tribu- naux, un délai falal leur est imposé endéans lequel ils doivent prononcer leurs jugements. Ce délai court à partir de la fin des débats entre parties, du moment où les juges sont mis en demeure de juger. Tous les consistoires, quels qu'ils soient, du conseil de Brabant, des magistrats du pays, soit féo- daux, soit autres, auront trois mois dans les questions réelles pour pro- noncer leur sentence ou porter l'affaire au chef-sens. — Qua^it aux affaires d'amendes, réparations, questions personnelles, ils n'auront que six semaines. Le chef-sens, qui aura été saisi, aura le même délai pour prononcer .sa sentence. — Tout ceci sauf accord des parties pour prolonger les délais, et sauf leur serment. î III. PRINCIPES PARTICULIERS SUR LES TONLIEUX ET IMPÔTS. Nous avons déjà parlé de l'abolition par la .loyeuse-Enlréc des droits do lonlieu et autres impôts indirects établis depuis Philippe le Bon sans le con- sentement des états. Tout le reste de la charlc,proclame, dans co cercle d'idées, les principes les plus larges et les plus favorables au commerce. Les articles 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26 et 91 s'occupent CONSTITUTION BRABANÇONNE. 271 de la matière. Il est inutile de les analyser ; il suffît d'avoir constaté le carac- tère générai que nous leur avons assigné. Les magistrats des lieux sont main- tenus dans leur juridiction en première instance sur les contestations entre fermiers et marchands, à charge, s'ils ne peuvent accorder les parties, de les renvoyer, pour faire décider leur cause, devant le receveur et les juges de la chamhre des comptes du ressort (article 22). Il est, de plus, prescrit aux mar- chands de ne pas s'écarter de la voie ordinaire pour échapper aux tonlieux (article 47). Le marchand ne devra pas se trouver auprès de la marchandise pour laquelle il réclame l'exemption du droit de tonlicu; il lui sullira de la faire accompagner d'un certificat d'exemption de droit, de quelque chef que ce soit. En cas de fraude, la marchandise sera confisquée. Ceci du reste était déjà expressément établi par la charte de Philippe le Bon. § IV. DES OF IICES. Ici encore nous rencontrons des principes tout à fait nouveaux. Nous pourrons apprendre, par quelques-uns des articles de ce paragraphe, combien les lois civiles cl les institutions publiques étaient profondément imprégnées d'idées morales, quoique la pratique des mœurs laissât à désirer. hicapacilc de ceux qui inveut en concubimuje. — Ainsi non-seulement, pour remplir un emploi en Brabant, il fallait être né de mariage légitime, mais, dit l'article 32, personne ne pourra tire drossarl, justicier, bailli, sergent, officier, châtelain , receveur, ayant semonce ou droit déjuger, ma- gistrat de villes ou franchises en Brabant on en pays d'outre-Meuse, s'il vit ouvertement en concubinage et y persévère (article 32). Une institution assez semblable à celle des censeurs de l'ancienne Rome était chargée de rechercher ceux qui contrevenaient aux lois sacréeâ du ma- riage (article 49). 272 MEMOIRE SUR L AINCIEISÎSE Des hommes honnêtes, dignes el qualifiés, nommés seynt schepenen , syn- dics, s'acquillaienl de celle recherche, et, après avoir prêté serment, ils faisaient connaître ceux qui avaient méfait en ce point ou ceux que la re- nonnnée publique accusait. Leur mission nélail du reste que temporaire et, en dehors de certains jours déterminés, personne ne pouvait être cité devant eux du chef de concuhi- nage, adullèi-e ou autres délits analogues, ni pour être accusé, ni pour avoir à se justifier. Celle enquête avait un caractère purement civil. Le magistrat des villes et des bancs devait recevoir une copie des enquêtes faites; el, sans doute, pour ne pas attirer sur les coupables les peines spirituelles, aucune accusation de ce genre ne pouvait se faire qu'en l'absence de l'official et de l'archidiacre forain. Les olliciers ducaux avaient sur ces matières une compétence délerniinée ; mais (article /i-8) ni eux ni leurs servilews ne pouvaient , ni de nuit ni de jour,. pénétrer dans le domicile des Brabançons pour découvrir les intrigues, sinon accompagnés d'un bourgmestre et de deux échevins, ou du moins de leur consentement. S'ils contrevenaient ù cette prohibition , ils devaient être corrigés par le magistrat. Toutes ces dispositions sont évidemment nées du même esprit qui avait fait admettre le principe (pie, pour exercer charge, il fallait être né de mariage légitime. Elles ne sont pas seulement fondées en morale, mais encore elles représentent, comme nous l'avons déjà dit, une haute conception politique. Des commissaires spéciaux pour le renouvellrment des éclieri nages. — Plusieurs dispositions qui se trouvaient dans le Nieuw Régiment de Jean IV reparaissent, avec plus ou moins de modifications, dans la charte de Marie de Rourgogne. Ceux qui seront nommés commissaires pour renouveler le ma- gistrat des villes où cela a coutume d'être fait par tel intermédiaire, ou pour recevoir les comptes des mêmes lieux, seront Brabançons et /tommes notables. Ils prêteront, aux mains de l'officier du lieu oii ils vont instrumenter, un serment comprenant en substance que, pour arriver à la mission qu'ils rem- plissent, ils n'ont pas reçu d'urgent [sauf le traitement usité) pour mettre quelqu'un dans le magistrat. — Qu'au contraire, ils ne nommeront que des CONSTITUTION BRABANÇONNE. 275 f/ens bons, droits, de légitime mariage, vertueux et sages, sans aucune sub- tilité et sans amitié ni faveur (article 69), Ce serment mettait la prohibition de la vénalité des charges sous leur ga- rantie personnelle. Les commissaires agissaient au nom de l'autorité ducale; ils assumaient, dans la délégation qui leur était faite, tous les devoirs que la loi du pays imposait au prince lui-même pour la collation des offices. Lieutenants des officiers. — De même que dans le Nieuw Régiment, il est statué que tes principaux officiers de Justice auront des lieutenants (/ui les suppléeront en cas de besoin; — et de plus, f/ue personne ne pourra remplir deux offices. C'est la première prohibition de cumul (jui paraisse dans nos lois brabançonnes (article 16). De même encore que dans le Niemv Régiment, si un officier requis par le magistrat refuse de faire droit aux parties ou de remplir son devoir, en quelque cas que ce soit, le magistrat (article 47) pourra requérir un autre officier siégeant au même lieu, et, à son défaut, un serviteur choisi et asser- menté ad hoc, qui fera l'acte en question. Cet acte sera valable comme si le serviteur avait été commissionné par l'autorité ducale. Nationalité des officiers. — La nationalité des pricipaux ofliciers et leur dévouement aux intérêts du pays sont de nouveau garantis par Tarticle 63. Le drossart de Brabant, le maïeur de Louvain, l'amman de Bruxelles, le margrave d'Anvers, Vécoutète de Bois-le-Duc , le maïeur de Tirlemont, les receveurs généraux et particuliers, seront nés et domiciliés en Brahant et y adhé rites. Article 67. Le lieutenant des fiefs de la seigneurie de Matines et de toute autre seigneurie acquise par la duchesse, sera aussi Brabançon de naissance; de même que les clercs ou gardiens des registres des fiefs. — Il en était de même pour la chambre des comptes. Remarquons qu'à la différence du pays de Malines, la seigneurie de ce nom a toujours dépendu du Brabant. Précautions prises contre les concussions. — ■ Enfin , pour que les sujets ne soient pas arbitrairement chargés de frais de justice, les droits de sceau, d'écriture, etc., les gages du chancelier, des conseillers et des secrétaires de Brabant, lorsqu'ils iront en mission hors de leur résidence, seront réglés Tome XXXI. 3a 274 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE par le confteil de Brabunt, selon l'avis préalable et conforme des états (ar- licle9.i). Pour éviter même loute concussion de la part tics olliciers de justice ordi- naires du duc cl de ceux dos seigneurs bassains, il leur est défendu, ainsi qu'à tous leurs serviteurs et à tous les magistrats ducaux et seigneuriaux, de prendre pour salaire, dans aucune cause ou exploit , plus qu'ils ne prenaient de coutume, en 1350 et antérieurement. Pour plus grande sûreté, le duc et le conseil, sur l'avis des états, détermineront ce taux endéans l'année (ar- ticle 83). L'article 85 est relatif aux concussions des olliciers de justice. H reparait dans l'addition de Charles-Quint que nous expliquerons plus loin. Enfin, nous avons déjà vu que le passage des gens de guerre était une véritable calamité au moyen âge. Il fallait donc, autant que possible, égaliser une charge pénible quand la nécessité voulait que le Brabant lût foulé par des bandes d'hommes d'armes. C'est pourcpioi il est interdit au duc, comme à ses vassaux et à leurs serviteurs (article 86), de prendre argent de (jui que ce soit pour faire loyer des gens d'armes plutôt dans une place que dans une autre, ou pour en décharger complètement certaines parties du pays; il est même expressément défendu aux gens d'armes eux-mêmes de recevoir de l'argent pour un motif analogue. % V. DU RESPECT DE I.A PUOPRIETE PRIVEE. Les dernières dispositions dont nous venons de parler, sur le logement des gens de guerre, ont déjà un certain rapport avec la matière de ce paragraphe. Mais les articles fk>t , /^o, 85, 87 et 103 s'occupent tout spécialement du respect de la |)ropiiélé brabançonne. La confiscation des biens était une peine Irês-coninumt; au moyen âge. Odieuse en elle-même et constatant un état de CONSTITUTION BRABANÇONNE. 27S législation peu avancé, elle frappe souvent des innocents, la famille et les enfants, complètement étrangers au crime du père; elle excite aussi d'une manière singulière la cupidité du pouvoir. L'étroite solidarité qui liait à cette époque tous les membres d'une même famille cachait à l'opinion publique le vice de cette peine; mais, comme nous l'avons déjà vu, les lamlkeuren en avaient mitigé la portée, en sauvegardant dans une certaine mesure l'intérêt des enfants. La charte de Marie de- Bourgogne contient sur cette matière des disposi- tions, non pas tout à fait neuves, mais au moins assez favorables aux intérêts des sujets. Article 44.. Le célibataire sans enfants, qui aura encouru la peine de con- fiscation générale de ses biens, en supportera tous les effets. L'homme warié sans enfants ne perdra immédiatement que la moitié de ses biens, l'autre moitié restera à sa femme, sa vie durant; si, même après le crime, un enfant lui naît de la femme xisufruitière , les biens usufruités passeront à cet enfant en toute propriété, à moins que la confiscation n'ait déjà été prononcée. L'homme marié, père de famille, ne perdra que le quart de tous ses biens; les trois autres quarts resteront à sa femme et à ses enfants (sans doute les mêmes dispositions doivent s'appli(|uer à la femme coupable), et le survivant conservera en tout cas le douaire stipulé dans le contrat de mariage. Article 45. Quand quelqu'un sera accusé d'un crime emportant confisca- tion de biens, ni l'officier, ni le seigneur ne pourront immédiatement se saisir des biens; ils ne pourront qu'en faire inventaire, et la femme, les enfants et les amis de l'accusé, moyennant caution, pourront les conserver jusqu'à sentence définitive de condamnation. En tous cas, les droits des créanciers antérieiirs du coupable seront sauvegardés , comme aussi tous les frais, dommages et dépens faits par les officiers et les seigneurs. Toutes les questions relatives à la confiscation et au fait qui doit l'entraîner, seront jugées par la juridic- tion des villes et des lieux oii le fait s'est passé, et selon le droit du ressort où les biens sont assis. Les mêmes juridictions poursuivront les abus de pou- voir en ces matières des officiers et seigneurs, sauf, en tout ceci, les pri- vilèges, droits et coutumes des villes. — Le produit des confiscations ira au seigneur féodal ayant haute et moyenne justice sur le territoire oit les 276 MÉMOIRE SUR L'ANCIEISNE hieus sont situés. — Dans le cas de crime de lèse-majeslé, le produit appar- tiendra au duc. Par une coutume, fondée encore sur celle espèce dï'loignenient que cliaque nalioiialité professail contre ceux qui n'étaient pas regnicoles, les souverains, et parfois aussi les populations du littoral, s'attribuaient la propriété des épaves maritimes. On sait combien il a été difficile d'abolir cet usage, même beaucoup plus tard, chez les populations bretonnes. L'article 85 dispose que : les épaves maritimes ne seront pas confisquées an profit du duc, mais c/ue tous ceux qui les auront perdues pourront les réclamer. — Si des objets quel- conques viennent à la côte, on les remettra à l'officier du lieu, qui dressera inventaire devant deux magistrats. Les objets seront gardés, et le proprié- taire pourra tes revendiquer pendant un an. Ils lui seront remisa la discré- tion des magistrats, sauf payement de droits raisonnables de sauvetage. — Le conseil du pays jugera, du reste, en cas de contestation, s'il y a épave oui ou non. — Les marchandises non susceptibles de conservation, qui seraient jetées au rivage, seront vendues au plus offrant , après annonce à l'église et après avoir déduit les frais qu'il appartiendra. On gardera l'argent à la dis- position du propriétaire. Pas plus qu'on ne pouvait confisquer les épaves, Ton ne pouvait confisquer les objets volés (article 103). — Quand un officier du duc, ou de ses vas- saux, aura saisi quelqu'un, par terre ou par eau, qui a volé, enlevé, pris ou détourné quelque bien d' autrui, et qu'il a encore ce bien par-devers lui, ou qu'on sache qu'il ne l'a pas encore détourné à son profit, la confi.ualion de l'objet n'aura pas lieu; on le rendra au légitime propriétaire , pourvu qu'il prouve son droit, ou que son droit soit patent. L'article 87 dispose enfin qu'on ne forcera plus désormais personne, ni qu'on ne le laissera plus forcer à prêter de Vargent. Avec nos idées modoines, une pareille disposition semble presque absurde; mais, en remonlani aux origines, il n'en esl pas moins vrai que ces emprunts forcés avaient un litre légal et, qui plus esl, coniracluel. Le serment de féaulé prêté à clia(|ue seigneur à son avènement faisait naître enlie lui et ses fidèles ou vassaux des relations juridicpu's, réciproques et obligées. Le seigneur, comme nous l'avons vu, avait dioit au service de CONSTITUTION BRABANÇONNE. 277 son féal, service d'aide et de conseil. L'aide consistait non-seulement en secours d'hommes cl de bras armés, mais évidemment aussi en secours de biens et d'argent. Si le seigneur pouvait prendre à ses vassaux, dans certains cas , une partie de leurs biens, sans aucun devoir de restitution, par exemple, par les subsides et les impôts, à plus forte raison pouvait-il exiger d'eux un prêt temporaire, et lever par conséquent un emprunt. Rigoureusement, il est vrai, il eût encore fallu ici le concours volontaire des vassaux , comme pour la livraison des subsides. Mais il est possible que des abus partiels s'étaient présentés cl que les seigneurs, ou même d'autres hommes influents à leur exemple, avaient imposé, soit à leurs vassaux, soit à d'autres subordonnés, des emprunts, sans s'enquérir de leur consentement. Pour parer à tout inconvénient, les étals exigent du duc, et avec raison, une prohibition absolue de ces emprunts forcés. Ces emprunts sont souvent aussi onéreux que les impôts mêmes. Ils aveuglent le souverain sur l'état de ses finances, el il arrive un moment où il devient aussi impossible d'exiger un emprunt que de demander un subside. Le pays est épuisé el la banque- roule arrive à grands pas. § VI. PRINCIPES GENERAUX DE LIBERTE. Nous avons déjà vu, en parlant des enquêtes sur le concubinage, que la liberté du domicile était sauvegardée par l'intervention obligée d'un bourg- mestre el de deux échevins, ou au moins par leur consentement préalable, à toutes les visites des officiers ducaux. — L'article 36 dispose d'une manière générale que : ni les officiers des villes ou franchises ni leurs sergents ne pourront, ni de jour ni de nuit, arrêter r/uelqu'un dans sa maison, ni le chercher, ni l'y faire prendre ou.arrèter, ni faire de visite domiciliaire pour '278 MÉMOIRE SUR L'ANCIEINNE i/ueU/ue cause que ce soit, civile ou criminelle , à moins d'avoir pris au préalable lionne et pleine information des faits dont le prévenu est char (je, excepté toutefois le cas oh un individu s'enfuirait de l'officier devant lequel il était attrait pour quelque cause criminelle. S'il allait alors s'enfermer dans une maison, l'officier pourrait l'y poursuivre et l'arrêter. Ces principes reparaissent plus lard clans l'article 10 de la deuxième addi- tion de Cliarles-Quinl. Nous nous réservons d'en donner l'explication sous cet article. L'article 37 a encore trait à la même matière; mais cette fois ce n'est plus aux empiétements du pouvoir qu'il met obstacle, mais à toute entreprise des particuliers. Quiconque, soit de nuit, soit de jour, est attaqué dans sa maison pour être volé ou maltraité, pourra arrêter les assaillants et leurs complices, pour les livrer à la justice et les faire punir par les magistrats , selon les circon- stances. Si un des malfaiteurs est blessé ou tué dans une lutte de l'espèce , celui qui aura frappé ne sera responsable ni à l'égard de la partie ni à l'égard du seigneur, à moins qu'on ne prouve légalement que l'arrestation ou r/iomicide n'était pas nécessaire. — Suivent des dispositions sur le bris de clôture et sur les peines encourues par celui qui blesse un autre dans sa maison. Ces dispositions ne consacrent pas un droit nouveau en Brabant. Le domi- cile avait toujours été protégé, sinon complètement contre les perquisitions des ofliciers de justice, au moins contre toute atteinte des personnes privées. Presque toutes les anciennes heuren des villes excusent ou parfois même juslifienl le meurtre commis pour la défense du foyer domestique \ Enfin, les landkeuren de 1292, qui établissaient une certaine unilé dans le droit cri- minel du pays, disposent, par leur article 47, (pie (piiconque, se dèfenduni dans sa cour ou dans sa maison, tuerait ou blesserait son agresseur, ne serait pas coupable envers le seigneur, ni passible de la vengeance des parties. Il est à remarquer (pi'outre le droit de défense, l'arlicle 37 de la charte ' Article G, Kciirc d'Incnurt; article 5, Keure de Diesl de 1229; arliclc 1 1 . h'iurc de lîni- xelles de 122!), déjà citées. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 279 de Marie de Bourgogne consacre, pour le citoyen attaqué dans son domicile, le droit d'appréhender l'agresseur, c'est-à-dire un droit dépendant plus ou moins de la puissance publique. C'était un principe analogue à celui de notre droit criminel moderne: qu'en cas de flagrant délit, tout citoyen peut arrêter le coupable pour le livrer au pouvoir compétent. L'article li décharge tous les sujets de tout malheur notoire. Nous expli- querons, sous la Joyeuse-Entrée de Philippe le Beau, ce qu'il faut entendre par là. Remarquons ici que la Joyeuse-Entrée admet l'ivresse comme excuse: car tout meurtre commis en état d'ivresse ou autrement sans préméditation et réflexion, n entraine qu'une amende de trente et un ryns guldeins^h lieu de la confiscation des biens. L'article 108 protège la liberté individuelle contre toute atteinte arbitraire ou précipitée de la part des magistrats. Nous le rencontrerons en détail dans la Joyeuse-Entrée de Charles-Quini. § VIL I)E I.A JURIDICTION ECCLÉSIASTIQDE. La Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne contient sur celle matière spé- ciale une promesse qui, plus taril, sous Charles-Quint, deviendra le droit permanent du duché. Jusqu'ici il avait toujours été permis, et nous avons vu que c'était de né- cessité, d'attraii'e les Brabançons en justice à l'étranger pour affaires relevant de la juridiction spirituelle. Il semble que, depuis peu, les évoques de Liège et de Cambrai avaient élevé des tribunaux en Brabanl; dès lors, le motif de l'exception au privilège de non evocando extra patriam, cessait, et l'article 57 ne fait qu(î rentrer dans le droit conmiun du pays. Aucun des sujets du duc, de Brabanl ou d'outre-Meuse, ne pourra être »280 MEMOIRE SLR L'ANCIENNE attrait en justice, pour causes relevant de la juridiction cpiscopale de Liège et de Cambrai, à l'occasion d'autres personnes habitant le Brabant ou de biens situés dans ce pays. — Ils devront être cités devant les cours ecclésias- tiques de ces diocèses établies en Brabant, aussi longtemps qu'elles y reste- ront ÉTABLIES- — sauf le privilège de Loiivain. Et afin que des ofliciers civils ne soient pas indirectement soustraits à la répression des autorités civiles (qui seules peuvent complètement apprécier leur conduite), ou pour qu'une qualité personnelle ne les fasse pas échapper à la peine qu'ils auraient encourue , personne ne sera plus chancelier, président de la chambre des comptes, secrétaire, clerc ou receveur, ni officier quel- conr/ue, à moins d'être de telle qualité et condition que la juridiction laïque du Brabant puisse agir contre lui et ses biens, au civil comme au criminel, et l'exécuter s'il tombait en faute. î VIII. INDIVISIBILITE DE l ETAT. UNION DC MMBOCIIG. ETC. Les étals de Brabant, dans les concessions qu'ils avaient arrachées à la duchesse, avaient manifesté en certaines matières des prétentions irellemenl outrées. Nous avons déjà dit plus haut, à propos du pori des lilres bra- bançons par le duc de Bourgogne, que Tarlicle i avait obligé Marie de Bour- gogne à prendre les lilres de Gueldre et de Zutplien. Ceci n'avait, en droit, aucune raison d'être dans la Joyeuse-Entrée brabançonne, car ces pa\s n"a- vaient jamais appartenu à nos anciens ducs. En conséquence du port des titres, l'article 5 stipulait encore : que le duché de Gueldre et le comté de Zutphen resteraient à perpétuité unis au Brabant ; que ni ces pays ni aucune partie d'iceux ne pourraient être abandonnés ou réunis à qui que ce fût , sinon du consentement des étals de Brabant et d'outre-Meuse. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 281 Ces pays avaient été acquis par Charles le Téméraire du vieux duc Arnould de Gueidrc, de la maison d'Egmont \ et la cession, comme le rappelle la Joyeuse-Entrée, avait été confirmée par l'Empire (article 5). Néanmoins le duc de Bourgogne fut obligé de soumettre par les armes ses nouvelles pos- sessions, car le fils d'Arnould avait relevé la bannière de sa famille -. On peut croire que le motif déterminant des états de Brabanl, dans la pro- messe d'union qu'ils exigeaient, était le souvenir des difficultés dont les villes do Grave, Oyen e( Cuick avaient souvent fait l'objet entre les ducs de Gueldre et le duc de Brabant. L'union entière des pays rivaux assoupissait à jamais des querelles (|ui devenaient désastreuses même pour le vainqueur. Cependant (article 5), si, dans (a suite, de l'avis conforme des trois étals, la duchesse trouve (ju'elle n'est pas fondée en droit à f/arder les paijs de Gueldre et de Zutphcn, et f/ue par eonséf/uent ils doivent être séparés du Brabant , Grave, Oyen et Cuick au moins, qui appartiennent d'ancienneté au duché de Urabant , devront lui rester annexés. Les états de Brabant étaient arrivés au but auquel ils tendaieni depuis si longtemps, de voir ces villes effectivement unies à leur territoire, et ils |)Gur- voyaient d'avance à leur conservation. § l\. DISPOSITIONS DIVERSIvS. Les articles 78 et 79 ont trait à des situations analogues à celles (pie nous avons déjà expliquées, par rapport aux finances ducales, dans leurs relations avec celles des villes. La duchesse Marie s'engage à décharger les villes et à payer aux pen- ' David, p. 241. ^ Manuscrit cité de Wynanls sur de Pape , sous Tarticle 50. Tome XXXI. 36 282 MEMOIRE SUR L'AlNCIEiNi^E sionnaires les intérêts de toutes les rentes viof/ères vendues par Philippe de Saint-l'ot, des rentes viagères et perpétuelles vendues par Philippe le Bon et Charles le Téméraire sur quelques-uns de leurs domaines t^t de leurs reve- nus, aliénations dans lesquelles certaines villes sont intervenues. Article 79. Elle payera au duc de Juliers le reliquat de sa dette pour l'acquisition de la Gueldre et de Zutphen , et elle déchargera les villes de tout tort, frais et dommages qu'elles pourraient souffrir à l'occasion de ces créances; elle délivrera également les bonnes villes et les habitants du pays de tout dommage qui leur serait arrivé dans leurs biens à l'étranger, ou qui leur arriverait par suite des mandements de soïi seigneur et père. Nous ne parlerons pas ici des dispositions sur les lettres de répit et de sauvegarde [nr[\c\QS 404- et 10G), que nous rencontrerons dans les chartes postérieures, et, pour le même motif, nous ne dirons rien non plus de la prolongation du droit cpi 'accorde la ducliesse (article 105) aux villes qui ont le pouvoir de lever des accises et des péages. Après avoir mentionné pour mémoire rarlidc 43, qui constate le droit qu'ont les bâtards de disposer librement de leurs biens, quand ils n'ont pas d'héritiers légaux, de même (pie l'article 98, qui interdit, aux vassaux comme au duc, de hausser le prix de leurs cens et domaines établis d'après de vieilles monnaies d'or et d'argent , de quelqtie nom qu'elles soient, jusqu'à ce que, par le conseil et les trois états de Brabant , il en soit autrement ordonné, nous terminerons l'examen de la Joyeuse-Entrée de iMarie de Hourgogne par (piehpies lemaripiessur certains articles (jui contiennent des vestiges curieux de nos anciennes monirs et de notre ancien droit. La rigueur des lois ancieimes envers les débiteurs est assez connue. La loi romaine, dans certains cas déterminés, rendait esclave de son créancier l'homme qui ne pouvait pas faire face à ses engagements, et, chez les Ger- mains, l'ingénu tombait en servage dans les cas analogues '. (les principes avaient été mitigés dans le cours des temps. La servitude avait été remplacée, dans certains cas, par des peines et des confiscations inlligées aux débiteurs en relard. Ceci encore pouvait donner lieu aux plus ' Racpsact, Amihjxc ilv Voiiijini: , etc., § 148. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 285 graves abus; aujourd'hui même les tribunaux admellenl difficilement le pacte commissoire, qui livre souvent la partie la plus faible à la partie puissante avec laquelle elle a eu l'imprudence de contracter. L'article 82 qui suit constitue donc un grand bienfait pour toutes les classes inférieures. Ni tes receveurs ducaux, ni ceux des vassaux ne pourront plus se servir d'aucune lettre ou mandement ducal qu'ils auraient reçu ou qu'ils pourraient recevoir, portant peine ou confiscation contre ceux qui ne payent pas leurs cens, ou ne font pas le dénombrement de leurs biens à Jour fixe. — Tous les receveurs devront poursuivre leurs recouvrements devant la ju- ridiction de la situation des biens et d'après le droit des lieux. S'il y a conleslation entre le receveur et le débiteur des cens sur les arré- rages payés, le receveur sera cru sur son serment judiciaire, jusqu'à preuve du contraire. La suite de l'article défend les vexations dont certains rece- veurs accablaient parfois leurs subordonnés : ainsi ils ne peuvent exiger qu'w» seul droit de réalisation, sans charger davanlaye les parties, quand plusieurs héritiers partayent les biens d'un même de cujus. // en est de même pour les ofliciers et magistrats, (\nv\i les exécutions , réalisations ou exploits où sont intéressés un usufruitier, un propriétaire ou des personnes plus nombreuses. — Ainsi encore, quand plusieurs sont à la fois chargés du même cens, le receveur, en cas de retard de payement, ne pçiirra exiger qu'une amende. Outre les |)riviléges des honunes de Saint-Pierre, (pii sont, comme nous l'avons vu, l'objet de stipulations toutes spéciales dans les Joyeuses-Entrées, la duchesse Marie conlirme expressément les privilèges et les droits de toutes les bourgeoisies foraines (article 52). Mais comme, en certaines matières, ces privilèges inhérents à la personne même pouvaient présenter des inéga- lités préjudiciabjcs aux intérêts publics , elle trace des limites en dehors des- quelles les bourgeois forains, comme les honunes de Saint-Pierre, seront traités d'après le droit commun des localités. Tous ceux qui ont privilège de bourgeoisie , ou qui sont hommes de Saint- Pierre, useront de leurs privilèges, même hors franches villes, en toutes causes tenant à leurs corps et à leurs biens, tout comme s'ils demeuraient dans le siège de leur franchise. ■ — Pour ce qui regarde la conduite et le cu- rage des eaux, le dommage causé par des bestiaux, les ordonnances sur les 284 MEMOIRE SUR L'AINCIEISNE métiers , etc., les privilégiés seront suiunis aux mêmes droits et aux mêmes olÂijjutions (/lie leurs voisins. Ces principes passèrent plus tard dans le texte de toutes les coutumes locales : Les poorters et hommes de Saint-Pierre devront venir deux fois, comme leurs voisins de demeure ou de propriété, aux waerheden ou franches \h:uités. — Il en sera de même (article o4) des habitants du plat pays, qui ne devront également y comparaître que deux fois. Les waerheden étaient des informations préparatoires; elles se faisaient avant la tenue des plaids généraux ^, dont l'usage s'est conservé très-long- lonips dans nos provinces avec plus ou moins de modifications. Le plaid général, aussi appelé orand vierschare, était le juge d a|)pol des juges du ressort, sauf en matière féodale, en matière de propriété de terres et de charges foncières. Il jugeait de plus tous les cas pour lesquels les juges locaux n'étaient pas compétents ^. La waerheid était faite par le bailli avec (juelques hommes à cheval qui parcouraient le pays pour s'informer des causes à faire juger par le plaid général. Plus. tard, pour éviter les troubles et les iniquités qui devaient sortir de cette masse d'hommes appelés à juger les affaires, les souverains finirent par restreindre le nombre des juges, et les échevins des localités tinrent parfois eux-mêmes le vierschare "'. On conçoit que ces appels périodi(|ues aux franches vérités étaient une |)erte de temps et une lourde charge pour les sujets. Aussi le nombre des franches vérités élait-il déterminé par la Joyeuse-Entrée , pour (pi'il ne put pas dépendre d'un oflicier (|uelcon(pie de troubler à sa guise les citoyens au nulieu de leurs travaux, ou de les frapper d'amende au cas de non-compa- rulioti. Nous avons vu, en étudiant le Nieuw Régiment de Jean IV, l'essor im- mense qu'avait pris la |)uissance des villes et surtout des chefs-villes braban- çonnes, qui étendaient de plus en plus leur action sur les autorités qui les enlouraieni. De même (|u'elles avaient dicté la loi aux villes de moindre ' Racpsacl, Analyse de l'oritjine, etc.. cliapilrc IV. « H>id., % 90. s tbid., §91. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 285 importance, elles avaient aussi empiété sur les droits et les juridictions des seigneurs. Les villes s'étaient attribué, au préjudice des cours féodales, le droit de faire les adhéritances, réalisations et reliefs de biens féodaux, et de traiter ces matières par lettres échevinales '. L'adhérilance doiniait seule le droit réel ; l'acte de transport entre parties ne donnait à racquéreur qu'une action ad rem -. La philippine du 18 novembre 144.6 statua expressément (juc toute adlié- rilance de biens féodaux ou censaux devait se faire devant la cour féodale dont ils relevaient "•. Néanmoins les empiétements continuèrent, et les seigneurs lurent obligés de faire, en 1400, un traité avec les villes, tant sur le point de leurs com- pétences respectives en fait dadliéritancesque sur le droit des bourgeois des communes, des hommes de Saint-JMerre, etc. *. Les seigneurs durent céder aux chefs-villes le droit de faire, en certains cas, les adhéritances de biens féodaux subalternes. Entre autres concessions, ils durent encore permettre que, à la première réciuisilion de la connnunc à laquelle il appartenait, le bourgeois, saisi dans sa personne et dans ses biens par un oflicier seigneurial, fût mis en liberté cl tenu complètement indemne de l'arrestation; quelquefois seulement, il devait prêter caiilioii jiiraloire de se présenter en justice au jour indi(|ué •'. Ce traité est ronfînné et ralijiv par l'article 12 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne, ainsi que l'étendue de l'aneienne compétence des lellres échevinales des villes, en matière de contrats réels, franchises, bourf^eoisies, refus de droit, etc. Le droit de correction des villes sur les of/iciers ducaux est consacré , mais restreint aux termes d'une correction civile. La Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne fut approuvée par son époux ' Loovens, 4" partie, p. 129. - Ibid., •i"" partie , p. Ml. '• Ihid. * Ibid., 3°" partie, p. 7i. Le traité y est cité en entier. ^ Ibid. 286 MEMOIRE SI R l/ANCIEMNË Maxiinilion (rAulriclR', le 5 décembre 1477. Le 3 janvier suivant, il doinia un nouvel acte confirmalif de certains privilèges et articles de la Joyeuse- Entrée, relatifs surtout à des points encore en souffrance et à Tégard desquels il Y avait, pour le moment, pratique contraire. Parmi les matières dont s'oc- cupe l'acte de l'archiduc nous citerons : le transport des chartes de Vilvordc à Anvers (article 1''), les empiétements du conseil de Brabant (articles :2 et 4.), les tonlieux (articles 7, 8 et 9), les monnaies (article 10), le serment à prêter à la Joyeuse-Entrée par les officiers ducaux et ceux des seigneurs bassains (article 11), les inténMs de certains Brabançons indûment attraits en justice à Liège (article 12), les franches garennes (article l'A), le sort de ceux qui, étant fonctionnaires en Brabant, n'avaient pas les qualités requises pour exercer leur ollice (article 19), etc. ' ' Loovens, ô"' partie, p. 83. COINSTITUTION BRABANCOISINE. 287 CHAPITRE IX. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE PHILIPPE LE BEAU '. Marie de Bourgogne mouriil en 1 i82. Aux termes de ses conventions ma- trimoniales, son époux, Maximilien d'Autriche, ne pouvait pas lui succéder -. Il gouverna les vastes domaines de son fils Philippe le Beau comme tuteur du jeune prince et comme régent de ses Etats. Les restrictions que la charte brabançonne, jurée par la duchesse, avait mises au pouvoir souverain restèrent en pleine vigueur durant cette régence. Maximilien était trop occupé des guerres extérieures et même des didicnltés que lui suscitaient les villes de Gand et de Bruges, pour chercher de nou- veaux sujets de (pierelle avec les états de Brabant. Cejjendant son élévation au trône impérial vint plus tard changer la face des choses. Désormais son fds Philippe le Beau allait prendre lui-même les rênes du gouvcrnemeiil de ses possessions , et, sûr d'un appui puissant à l'étranger, il pourra mettre moins de longanimité dans ses relations avec ceux du Hra- bant ''. Pendant que sa mère se trouvait dans les embarras du commencement de son règne, les Brabançons lui avaient arrache des concessions très-impor- tantes; aujourd'hui la roue de la fortune avait tourné : c'était le pouvoir du- cal qui était en |)osilion de dominer les négociations au sujet de la Joyeuse- Entrée, et, comme on devait s'y attendre, il en profita à son tour. Philippe le Beau ne voulut reconnaître à son inauguration aucune des concessions faites par sa mère, il prit pour base de sa Joyeuse-Entrée celle ' Voir Pacte avec l'addition au Liiystcr, ^"" partie, p. 181. ^ David, ouvr. cite, p. 25G, pour tous les points de fait. 3 Ibiii, p. 2GI. ^2SS MEMOIRE SUR L'ANCIENNE de Charles le Téméraire et celle de Philippe le Bon, avec toutes les additions (|uc ce dernier prince y avait faites. Le dernier article de sa charte excepte expressément de la confirmation des privilèges accordés par ses prédécesseurs loiile la Joyeuse -Entrée de Marie de Bourrjogne et la eonftrination d'icclle, accordée par Maxiniilieti, ainsi (jue la confirmation accordée de nouveau par le roi des Romains, quand il commença à (jouverner comme tuteur de son fis. Cependant il n'y avait nul motif de revenir sur des dispositions réellement progressives. Aussi Phi- lippe le Beau s'engagea-t-il à accorder et à confirmer de nouveau, parmi les |)riviléges octroyés par Marie de Bourgogne, ceux qui, étant réellement pro- fitâmes au pays, lui seraient redemandés de commun accord par les trois riais \ Il parait que, sur certains points particuliers, les divers membres des étals de Brahant étaient en différend. Quand ils furent parvenus à se mettre djaccord , ils portèrent leur réclamation au duc, lequel , après examen de son conseil, accorda, en mai 149,G, laddition à sa première Joyeuse-Entrée. Nous avons peu de choses à dire ici de la Joyeuse-Entrée principale : en expli(|uant les chartes antérieures, nous avons déjà parlé de celle de Philippe le Beau, dans lacpielle aucun principe nouveau ne se fait jour. Nous ferons cependant remarquer que l'article 3 de la première addition de Philippe le Bon passe ici dans le corps de l'acte principal, où il forme l'article 30 : que désormais les bas officiers, justiciers, receveurs particuliers, seront nés Brabançons, comme aussi les c/iédelains des châteaux, à moins qu'ils ne possèdent biens d estoc en Brabant, soit de leur chef, soit du chef de leurs femmes. Il faut croire que ces dispositions avaient été méconnues et qu'on voulait les rappeler de nouveau à la mémoire du souverain, puisqu'on ne se con- tentait pas de la confirmation générale des additions de Phili|)pe le Bon. L'article 52 revient également sur l'article 78 de la charte de Marie de Bourgogne, en statuant : (jue le dur décharf/era toutes les villes des rentes vendues sur les domaines au temps de Philippe le Bon, Charles le Témé- ' Voii- prcaniliulc de l'addition. CONSTITUTIorS BRABAP^ÇON^JE. 289 raire, Marie de Bourgogne et Maximilien , et dont les villes auraient donné leurs lettres aux pensionnaires , cVst-à-dire dont elles se seraient portées ga- rantes. Cet article se maintint jusqu'à Philippe II. En exposant plus haut des articles analogues, nous avons vu qu'ils n'étaient que la conséquence des principes de la charte wallonne. Parlons maintenant de l'addition, qui offre ceci de remarquable, (|ue tous les articles qui la composent passent, immédiatement après Philippe le Beau, dans le corps de la Joyeuse-Entrée. INDIVISIBILITÉ DE 1,'kTAT. UMON DU I.IMnOlRG, ETC. La promesse d'union de la (Jueldre et de Zulphen, que Marie de Bourgogne avait faite aux étals de Brabant, ne fut pas longtemps exécutée pacifiquement . Adolphe de Gueldre était parvenu à soulever le peuple et la noblesse de cette contrée en sa faveur; il mourut bientôt devant Tournay, laissant un fils, Charles, au nom duquel sa sœur Catherine gouverna le duché. La régente déposa tous les olficiers brabançons cl fil prêter serment au jeune préten- dant ^ Les Brabançons durent entrer en canq)agnc presque imnK'diatement après le mariage de leur duchesse. F^e sort des armes leur fut favorable; car, en 4481, Marie eul la joie d'être inaugurée comme duchesse de Cueldre et comtesse de Zulphen. Après sa mort, Maximilien fut également reconnu comme souverain de ces pays. Mais tout cela ne dura que juscpi'en 14-92. Charles de Gueldre, (|ui avait été cinq ans prisonnier en France, revint tout à coup et se fit reconnaître dans tout le duché : Grave et le pays de Cuick seuls restèrent fidèles au duc Maximilien. De là la promesse de l'article 9 de l'acte principal de la Joyeuse- Entrée de Philipj)e le Beau, que Grave et Oyen avec leurs appartenances res- ' Manuscrit cité de Wynanis sur de Pii|)c, sous l'article 50, pour tous lesfaitsdecei)araï;raj)iic. Tome XXXL 37 290 MEMOIRE SUR L'AINCIEISINE lerotH unis au Brahanl, et que, quant à Oye», qui est pour le moment hors fies mains du duc, il le réunira de nouveau au duché comme il l'a été. Cet article se maintint clans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures, sauf la clause adclilionnellc suivante, ajoutée depuis Philippe II : zoo verre als naer rçf/hten gebeuren niach , (|uoi(|uc depuis 154o les princes ducs de Brahanl possédassent paisihiement le duché de Gueidrc el le comté de Zutplien. Phi- lippe le Beau parvint à réunir la place de Oycn à ses Etats; car, par l'ar- ticle l" de son addition, il promet : que les pays et ville de Grave, le pays de Cuick, Kessel, Oyen, resteront à jamais unis et incorporés au Brahanl , et que tous leurs habitants auront commun ressort au conseil de Braliant sans en être en aucune manière séparés. Ce ressort au conseil de Brahant, comme juridiction supérieure, n'était que la conséquence naturelle de l'union de ces pays au Brahant. Ceux de Cin'ck et de Grave le contestèrent cependant vers les années IS-i" et 1518; mais ils furent déboutés de leurs prétentions par une sentence définitive portée sur l'avis du conseil privé, d'Etat et des finances. Cet article se maintint dans toutes les Joveuses-Enlrées. % H. GAItANTIËS E> MATIERE DE LIBERTE CIVILE. Défense de détenir pour dettes civiles dans des châteaux forts. — Article ',] . Aucun sujet du Brahanl ou d'outre- Meuse ne sera arrêté ni détenu pour a/faire civile dans les châteaux forts du pays. Il gardera sa prison dans la prison du lieu où il aura été appréhendé, sauf les lieux oii il n'en existerait pas. De plus, quand celui qui est arrêté pour cause civile fournira caution DE sisTEM)! IN jL'Dicio ET JUDic.VTUM SOLVI , uti Ucu et ttiusi qu'il appartien- drait, il devra être élargi sur-le-champ — à moins qu'il ne fut détenu pour chose jugée ou pour dette propre et dealers du prince. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 291 On sait qiren règle générale, chacun devait être cité en justice devant le juge de son domicile. Cependant, en matière personnelle et en matière mixte, mais jamais en matière réelle, une dérogation avait été admise. Par per- mission du juge dans les villes, et dans le plat pays à la requête des parties agissant à leurs propres risques et périls, les officiers de justice pouvaient (léfendi'e à la partie, en la saisissant elle-même où en saisissant ses biens, de se soustraire à la juridiction sous laquelle elle était appréhendée. On voulait ainsi empêcher un débiteur malintentionné d'éluder le droit des créanciers : c était là ce qu'on appelait agir par arrêt. L'arrêt ne pouvait jamais avoir lieu contre les personnes jouissant d'une franchise particulière ; el même la plupart des chartes de commune stipulaient en laveur de leurs bourgeois le renvoi de toutes les affaires à leurs IrUmnaujc êelievinaux. La défense do détenir dans des châteaux forts était, dans un cas semblable, ime précieuse garantie de liberté. Conunandés par des officiers ducaux , ces lieux étaient complètement impénétrables au vulgaire, cl il aurait pu arriver (|u'iuie hante inffiience, au mépris des droits du pa> s, fit enlever un homme hostile et l'y tint enfermé, loin de ses parents, loin de ses amis el de ses juges, sans presque aucun moyen de commumiiuer au dehors ou de de- Miander un jugement K Le reste de l'arlicle s'explicpie tout aussi aisémenl. \jnrrèt n'étant introduit, en général, cpie ad fuiidandum Jurisdietioneui , il était inutile de prolonger la détention après (|U(>, par la dation d'une caution suffisante, les droits et intérêts du demandeur étaient pleinement sauvegardés. Remarquons l'exceplion pour les créances du j)rincc, qui sont traitées en créances tout à fait privilégiées. Remarquons aussi l'existence d'un eniprisonnemenl après condamnation , es|)èce de contrainte par corps en matière civile. De la liberté du langage. — La liberté du langage est intimement liée à la liberté de la personne. Elle avait toujours été pratiquée de la manière la plus large au Rrahanl. En parcourant les chartes que nous avons eu l'occasion de citer dans le cours de ce mémoire, on a déjà pu remarquer (jue, sauf les anciens documents latins, toutes celles qui regardent le Brabant roman sont ' Voir pour les détails de la procédure par anri , Loovciis, 2"" partie, p. 'iib. 292 MÉMOIRE SUR L ANCIEISISE rédigées en vieux français, tandis que celles relatives aux (|uartiers de Bru- xelles, de Bois-le-Duc, d'Anvers, de Louvain cl du Linibourg, sont écrites en langue thioise. Ces langues étaient sur le pied dï'galilé dans le duché, (lluuun, dans les relations privées comme dans les relations publiques, se servait de sa langue propre. La Joyeuse-Entrée avait déjà pris ce principe de liberté sous sa sauvegarde, en exigeant du chancelier de Brabant la connais- sance approfondie du latin, du flamand et du français. Pour mieux le gai'aii- lir encore, il est établi, par l'article 7 de la charte de Philippe le Beau, (|ue : désormais toutes lettres closes ou patentes que le duc émettra en son conseil de Brabant, soit de par lui, soit de par la réquisition des parties, seront expé- diées et rédigées dans la langue en usage au lieu oii elles seront envoi/ées. Cet article se maintint dans toutes les Joyeuses-Entrées postérieures, et (juand le français eut commencé à devenir d'un usage plus commun dans la généralité du Brabant, la Joyeuse-Entrée elle-même reçut une traduction o/ficielle. Ces faits ne pouvaient être passés sous silence; ils constatent, une fois de plus, que les lois restrictives de la liberté du langage, et partant de la liberté de la pensée elle-même, ne sont pas nationales chez nous, mais (pi'elles ne s'y sont implantées qu'avec la domination étrangère, avec les Français en 1794., avec les Nassau en 1813. Garanties en matière de détention préventive. — D'autres garanties de la liberté de la personne avaient été tirées de la charte de Marie de Bourgogne. L'ancien droit commun autorisait, en général, \i\ détention préventive eu toute matière pénale. Les chartes communales de privilèges le prouvent à l'évidence : elles déterminaient les cas et les lieux où // ne sera pas permis d'arrêter un bourgeois '. En signalant ces cas comme des exceptions, elles constatent le droit commun de la manière la plus claire. La charte de Bruxelles, de l;î:2G, porte que jamais, dans l'avenir, on ne pourra ni arrêter ni détenir un bourgeois, s'il n'est convaincu par anunan et echevins, d'après le droit de la ville -. Ceux de Lou\ain ne pouvaient être arrêtés par le maieur, s'ils n'avaient ' l,a lu lire de la Hiitpc , I2ô0, Yeeslen, loini! I", défend d"arrclcr dans l't'glise cl dans un certain raviin an\ aliMilours. * Luyster van /Intimnl, I" pariio, |t. 89. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 295 pas été surpris en cas de flagrant délit, qu'après autorisation préalable du tribunal des échevins '. (relaient , comme on le voit, des privilèges ; et ceux qui ne jouissaient pas (le franchises criminelles demeuraient complètement soumis à l'arbitraire des maïeurs et des baillis en matière d'arrestation préventive. L'article 108 de la charte de Marie de Bourgogne avait corrigé ce système dangereux, en faisant du droit des communes en ces matières Tapanage de tous les habitants du commun pays de Brabanl. Désormais, dit-il , aucun homme qui n'aura pas franchise de ville, ou antre, ne pourra plus être arrêté ou détenu, ni sous la juridiction ducale, ni sous celle des vassaux, pourvu qu'il jouisse de bon nom et de bonne renommée. L'officier du lieu devra, au préalable, prendre pleine information des soupçons pour lesquels on veut l'arrêter et le détenir. Le détenu, demandant justice par lui ou par ses amis, ne pourra être mis à la question par la torture, si ce n'est après que l'officier aura montré le résultat de son information aux magistrats du lieu. L'accusé entendu , les magistrats ordonneront ta torture, s'il appartient. Toutes ces dispositions passèrent dans Tarlicle 9 de l'addition de Philippe le Beau : seulement une exception fut établie pour le cas de crimes privi- légiés, dont la connaissance n'appartiendrait pas aux magistrats des villes et du plat pays, mais bien au duc et à son conseil. La Joyeuse-Kiitrée fut complètement confirmée par l'édit perpétuel de IGll, qui augmenta encore les garanties -. En cas de flagrant délit, le délinquant pouvait toujours être immédiatement appréhendé par l'ofticier. Hors le cas de flagrant délit, il ne pouvait l'être qu'après bonne et due information de l'officier, information appréciée par les juges; alors, si le fait semblait prouvé, soit par soupçons véhéments, soit par demi-preuve , le délinquant pouvait être constitué prisonnier ou cité à com- paraître en personne, scion la nature du fait (article 38). On voit que l'édit perpétuel renchérit même sur la Joyeuse-Entrée dans les ' Ycesleii , t. I, p. 775. '- Voir le texte au Commentaire d'Anselmo sur l'Édit perpétuel. 294 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE garanties qui prolégenl la liberté inilividuelle. sSmumoim, ajoute Parlitle 39 , ajiit (/ne l' innocent ne soit injusienieni travaillé, nous défendons à tous les- dits o/ficiers de procéder à l'appréhension de personnes ayant fixe domicile, sauf les trois cas suivants : 1" 5/ le délinquant est pris en élaguant délit. Or celui-là est pris en llagrant délit, qui in ispo actu depreliensum est, vel antequant venirel ad locum destinatum , vel cum latitaret non longo post delictum alio actu ex- iraneo non interveniente ; 2° Si les JUGES ont décrété prise de corps ou ajournement personnel sur les informations préparatoires par eux vues ; 3° S'il y a ACCUSATION et instance des parties , formée aux lieux oii il appartient. Ces citations prouvent le progrès de la législation pénale dans nos pro- vinces. Dans redit perpétuel et la Joyeuse-Entrée, on retrouve plusieurs principes qui sont encore écrits aujouidliui dans notre loi de 18o2 sur la détention préventive. Ainsi, après information préalable de roflicier de justice, nous voyons les magistrats prendre connaissance de riiil'ormalion. N'est-ce pas, à certains égards, le rôle de la chambre du conseil vis-à-vis des mandats de dépôt et d'arrél? La protection de la loi est déjà plus spéciale pour Pindividu ayant domi- cile que pour le vagabond. Une certaine intervention de la partie plaignante est admise en matière d'ap|)iéliension et de détention préventive. Enfin, alors comme aujourd'hui, le cas de llagrant délit fait exception à toutes les règles ordinaires. Mais revenons à l'article 9 de l'addition. La torture, comme nous l'avons dit, était en général employée pour ar- lacher l'aveu à un coupable déjà convaincu par les preuves extérieures. Sauf dans le stads redit van Antiverpen, nous n"en trouvons pas de traces dans les vieilles procédures brabançonnes; et il est probable (|u'elle fut im- porlée dans nos provinces par la maison de Bourgogne. Le chef-président de Pape nous a|)preiul (|u'à l'égard de la torture, il n'y avait pas de principes généraux : mais que c/iaque tribunal suivait son CONSTITUTIOIN BRABANÇONINE. 295 Hlyle ', en observanl néanmoins les garanties de liberté stipulées par la Joyeuse-Entrée. L'article 9 est encore remarquable, en ce qu'il constate l'existence de crimes privilégiés dont la connaissance est réservée au duc et à son conseil. Nous avons vu plus haut que la Joyeuse- Entrée de 3Iarie de Bourgogne (article 1*^') rangeait dans celte catégorie les crimes de lèse-majeslé , allenlal à la personne du prince, du chancelier de Brahanl, etc. L'ordonnance de Charles-Quint, de 1322 (article 3), attribue au conseil la connaissance des crimes commis par les seigneurs particuliers et les oHi- ciers du Brabanl ; nous avons vu du reste, en expliquant les origines du conseil de Brabant, qu'un acte de cette espèce ne faisait que rendre au conseil une juridiction ressortant de sa nature même et du droit social du moyen âge. Des malheurs notoires. — Le droit criminel brabançon avait (ail un autre progrès par l'article 4-4 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne, que nous retrouvons avec développement dans l'article 4- de l'addition que nous expliquons. A l'origine des législations pénales, la philosophie du droit guide bien peu le législateur dans la fixation du taux des peines. Les tarifications si minutieuses des lois barbares, celles des landheuren de 1292, ne portent que sur les nuances du fait matériel réprouvé par la loi. Si un homme frappe de la main un autre, lui donne un coup de pied , lui lire les cheveux sans causer d'effusion de sang, il devra payer au duc cint/ sols. Si celui qui est frappé tombe à terre, le coupable payera (juinze sols, sïl y a effusion de sang, la peine sera de vingt sols. Le taux de la peine varie encore suivant les qualités respectives du cou|)able et de la victime -. Mais l'inlenlion de l'auteur du fait, sa culpabilité morale, n'est pas prise en consi- dération par le législateur ; elle échappe complélemenl à Papprécialion du magistrat chargé d'appliquer la heure. Plus lard , rencontrant l'occasion de parler des homicides, nous avons coti- ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 35. 2 Keure romane des Landl^euren de 1292, article 3. 296 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE slalé que le vieux droit hiahançon admcllail certaines excuses comme certaines causes de jnslilication; mais, (|uanl aux blessures et aux morts accidentelles, les hmtlhcuren ne contiennent (|u\nie déclaration d'innocence trop peu géné- rale pour guider les cours judiciaires dans les cas d'application. Les termes de l'article 44 de la charte de Marie de Bourgogne semblent même constater une imiovation. La duchesse ne dit pas ^'e confirnie, je jure, je promels, mais bien : nous donnons (wy geven dat) r/iie seront francs et non c/iarf/és cramende ou de confiscation de leurs biens, les sujets de Brahant et d'oulre- Meuse , en tout cas de malheur notoire qui pourrait arriver, de r/uelr/ue ma- nière que leur personne, celle de leurs enfants, serviteurs, commensaux , passât de vie à trépas. A la requête de l'officier, les muf/istrats du lieu exa- mineront le cas et déclareront s'il doit être tenu pour malheur notoire : s'ils trouvent que non , il doit y avoir poursuite. L'article 4 de l'addition contient les mêmes principes; seulement il ajoute : que ce que les magistrats décideront devra être suivi, c'est-à-dire (|ue leur décision sera sans appel. Nous ne pouvons séparer ces dispositions de l'article 28 de la Joyeuse- Entrée de Philippe; II, qui ne fait que les expliquer : — Malheur notoire par lequel quelqu'un irait de vie à trépas sans faute préalable de l'auteur du fait (zOM)EK vooRGAEiNDE sciiuld). Et si le magistrat trouve quelque faute préalable, l'auteur pourra être puni d'une manière extraordinaire, selon les circonstances. L'article 4 de l'addition constatait déjà un grand progrès, puisque l'homme n'était plus poursuivi pour un fait matériel commis par lui, dont le hasard seid, le malheur notoire, avait amené les funestes conséquences; mais, depuis Phi- lippe II , il y a un système complet sur la culpabilité intentionnelle. S'il y a dans le chef de l'auteur du fait dol, c'est-à-dire intention de nuire, le coiq)able reste sous l'empire de la peine ordinaire. L'article 28 ne s'occupe pas de lui. S'il y a malheur notoire, c'est-à-dire ce que Damhonder appelle in fort u- niuw , casualis eventus quod plane fortuito accidit, et de quo nemo aliquod mali rrcnlurum suspieari rerta ralio)ie possit \ l'auteur du fait sera déchargé ' Praxis Ri'riim rriminaliiiiii , cliap. 8!i, § 15. CONSTIÏLTION BRABANÇONNE. 297 de toute amende et confiscation ; il ne sera passible d'aucune peine , et cela avec raison, car le mal qu'il a causé n'est le résultat d'aucune intention mauvaise. Pour jouir néanmoins du bénéfice de cette situation tout exceptionnelle, il faut qu'il conste à l'évidence pour les magistrats qu'il n'y a ni dol ni faute, que le fait est arrivé zonder voorrjaende schuld. En cas de faute préexistante, les magistrats \i\\x\\vi)\\icxtraordinairemenl, c'est-à-dire de peines librement déterminées par eux et selon les circon- stances; en d'autres termes, ils devront examiner la nature de la faute existant dans le chef de l'auteur incriminé, et graduer la condamnation selon son plus ou moins d'imprudence, de négligence, d'inattention, suivant ce qu'ils trouveront en lui de culpa lula, levis ou levissimu. Ce système réalisait, au point de vue de Pappréciation des culpabilités, les |)rincipes les plus élevés du droit criminel : Ihomme étant donné avec son corps matériel et l'âme qui le dirige, ce n'est pas l'instrument seul qui est responsable, ce n'est pas une action en quelque sorte mécanique qu'il faut |)unir. Au point de vue de la justice absolue , la réparation sociale doit être pro- portionnée, non pas seulement au fait matériel et extérieur pris en lui-même, mais à la culpabililé intentionnelle, à la perversité plus ou moins grande des coupables à corriger. (Test sur cet article de la Joyeuse-Entrée qu'on fondait, en Brabanl, le prin- cipe que lesjusliccs suhalleritcs elles-mêmes Ju(jeaie)i( par arrêt au criminel: el (/n'en ces matières il n'y avait pas révision de la sentence ^ On comprend aisément du reste l'origine de ce principe, quand on se rap- pelle que, dans les premières périodes, l'appel ne se vidait que par le combat en champ clos. Tout condanmé à mort aurait évidemment voulu courir les chances et les dangers d'un combat (jui pouvait encore le sauver. ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 28. Tome XXXI. 38 298 MEMOIRE SLR L ANCIENNE § m. GARANTIES E.> MATIERE DE PROPRIETE PRIVEE. Relations de la propriété privée avec la propriété collective des communes et du duc. — Nous avons signalé, dans la charle de iMarie de Bourgogne, rarlicle 103, (|ui défendait la confiscation des objets volés. L'article 8 de Tad- dition de Philippe le Beau a renouvelé ces dispositions. Il faut croire cpie des abus de Tespèce s'étaient glissés dans la prati(|ue, et que peut-être les olliciers de justice s'appropriaient ces objets à titre d'accident de droit. O n"eiU été qu'une tonne particulière et assez naturelle des nondireux abus d'autorité que nous avons déjà signalés de leur part. Les dis|)ositions suc- cessives de la Joyeuse-Entrée prouvent du moins t|ue ces abus étaient répri- més par la loi nationale, et que si de temps à autre ils reparaissaient, c'était par l'elTct, non d'un despotisme légal, mais d'un despotisme de fait, dont nous pourrions trouver encore çà et là des traces dans nos campagnes sous Tempii-e même des lois modernes. L'article 6 contient une disposition analogue à celles que nous avons déjà étudiées sur le droit de chasse. Tout le monde en Brabant, de quelque état on condition qu'il soit , pourra pécher dans la Senne, comme on avait coutume de le faire au temps de Phi- lippe le lion. Enfin article 10. Désormais et à perpétuité aucun drossart, écoutète, maïeur ou autre of/icier en Brabant, par autorité de transport ou de procuration qu'ils recevraient de qui que ce .wit , ne pourront arrêter, inquiéter ou charfjer, dans l étendue de leur juridiction, par eux-mêmes ou par autrui, quelque habi- tant dudit pays ou leurs biens, à l'occasion de dettes dont les rilles, fran- chises et villa(/es seraient redevables pour rentes viagères, rentes perpétuelles ou autres oblif/ations. — S'ils contreviennent à cette défense, ce qu'ils feront sera de nulle valeur, et de plus, ils encourront une amende de dix florins au profit du seigneur. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 299 Le chef -président dit ne jamais avoir vu la pratique de cet article *. Nous croyons qu'il faul, pour l'expliquer, recourir à des faits et à des pi'inci|)es que nous avons signalés antérieurement. Nous avons constaté au moyen âge l'exi- stence d'une solidarité intime entre les bourgeois d'une même commune et entre les sujets d'un même pays; solidarité telle, qu'un bourgeois pouvait être arrêté pour les dettes de sa commune, un sujel pour les dettes de son souverain. Celle situation exorbitante était peut-être nécessaire dans ces époques d'incertitude et de relations irrégulières. Peu à peu cependant elle se modifia sous l'empire du progrès des idées et de la facilité des communica- tions. Les ducs de Brabant, depuis la cbarte wallonne, avaient pris l'engage- ment d'indemniser complètement les sujets arrêtés pour cause de leurs dettes. L'article 10, selon nous, mit fin à l'exercice de la solidarité entre les bourgeois et leurs communes, solidarité (pu n'était plus utile aux intérêts des conununes et qui ne pouvait plus qu'être onéreuse au pays. S IV. DU COMMERCE. Depuis la cbarte de Pbilippe le Bon, tous les pays soumis à la même do- nnnalion que le ducbé de Brabant commerçaient librement entre eux, en payant les droits de passage ordinaires. Des relations commerciales régu- lières et considérables avaient dû être la suite de celle situation. Cliaque peuple, assuré de trouver dans l'échange international un écoulement pour ses propres produits, s'était appliqué à les mulli|)liei' et à les perfectionner. D"un autre côlé, comme le même échange international apportait sur le marché intérieur une foule d'objets qu'on n'avait pu se procurer qu'à l'aide de frais et de travaux considérables, tant qu'on avait dû les fabriquer soi-même, les ' Mamiserit cité de Wynants sur de Pape, sous l'arliclc 50. 300 MÉMOIRE SUR L'A>'CIENNE diverses industries s'étaient classées selon les tendances naturelles des popu- lations, selon les conditions des climats et selon les richesses du sol. Les agents naturels, exploités avec intelligence, allégeaient de |)lus en plus, pour chaque industrie sagement et raisonnahlement constituée, relïorl du travail humain; les prix s'ahaissaienl, et le niveau de la richesse puhlique aug- mentait sans relâche. L'époque des ducs de Bourgogne sérail une magni- fique époque à étudier dans Thistoire écononii(|ue de nos provinces; qu'il nous suffise de signaler, dans le présent mémoire, les progrès nouveaux de la législation commerciale de la Joyeuse-Entrée, évidemment sortis de l'ex- périence heureuse de celle liberté commerciale intérieure que nous avons constatée plus haut. Quand Philippe le Beau accorda son addition de 1496, la puissance de la maison d'Autriche-Bourgogne était dans toute sa splendeur. Le jeune prince rt'unissait sous son sceptre les plus tlorissanles de nos provinces; son père occupait l'Empire, et lui-même allait épouser Jeanne, fille de Ferdinand le Catholique, roi d'Aragon, et de Jeanne, reine de Castille '. Si la liberté commerciale avail produit de si heureux résultats dans les anciens domaines, relativemenl restreints, des ducs de Bourgogne, (|uel puissant ressort de progrès elle promettait de devenir, en mettant en rapport et les provinces du nord el les provinces espagnoles, auxquelles un nouveau monde venait de s'ouvrir, et les Etats de l'Empire, qui tous désormais allaient s'imprégner de l'esprit d'une même famille! La paix existait avec la France et avec l'Angleterre; le moment était favorable, et, élargissant encore la voie de la liberté, la Joyeuse-Entrée brabançonne proclama, dans Particle :2 de l'addition de Philippe le Beau , une lihcrtc (ommcrciide entière. Tous les man/iands, de quelque pays ou nation qu'ils soient, tant ceux du dehors que du dedans du pays , pourront librement et paisiltlement avec les biens et marchandises uarifjner, aller, converser, fréquenter, vendre et acheter en sondit pays de Brabant et d'outre -Meuse, tant sous le duc que sous les seiyncurs bassains, en quelque ville on place qu'il leur plaira et leur sera le plus commode, parmi leur légitime droit de tonlieu et frais, sans que ' Daviil. ouvr. lilc, p. 262. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 301 Ipsdils marchands pourront être oUifjés à aucunes restrictions ^ nuindements ou défenses, ou autrement devoir faire leur commerce ou trafic plutôt en nue place particulière qu'en une autre, et que lesdits marchands pourront choisir, prendre et tenir leur demeure et résidence dans sondit pays en tel lieu qu'il leur plaira, sans, pour cause d'aucune étape ou autrement , pouvoir être empêchés en aucune manière en leur libre volonté. — Sauf que ce qui vient d'être dit ne pourra être étendu plus avant qu'aux étapes qui sont présen- tement en son pays de Brabant. Sauf aussi, quant à ceux de Lierre et de Diest : comme il y a entre eux lilispendancc au pétitoire sur l'étape des bestiaux, au dire de ces villes, le chancelier du Brabant, endéans le mois, prendra connaissance des actes qu'ils disent avoir sur ce procès; ce qui fait, et te mois écoulé, le duc or- donnera et appointera sur ce point ce qu'il trouvera appartenir. Le marchand élrangor ira donc sY'Iablir avec ses biens là où il trouvera le nncux et le plus l'avorablenienl à se défaire de sa marchandise, il ne sera plus nioleslc par les ordres divers du ^ouverncnKuil ([ui, voulant favoriser tel ou (el lieu, le forcerait à faire étape, c'est-à-dire à mettre ses marchandises en vente dans tel endroit délerminé avant d aller plus loin. Néanmoins cet article ne déroge pas aux droits acquis; les étapes anciennes en Brabant restent de droit et pourront toujours être exigées par les villes qui les ont obtenues. Le dernier membre de Tarticle 2, sur le procès relatif à Tétape des bes- tiaux entre Diest et Lierre, se retrouve encore dans la charte de (Iharles- Ouint. Le procès fut sans doute terminé plus tard par une espèce de partage (lu privilège, car jusqu'à la fin de Tancicn régime, la ville de Lierre jouit de rélape des bestiaux, et celle de Diest de l'étape des chevaux '. L'article 2, (pii devint l'article SI des Joyeuses -Entrées, resta inscrit désormais dans toutes les inaugurations qui suivirent; mais malheureusement le fait ne corres- pondit pas longtemps au droit. Lors de la révolte des Provinces-Unies c'ontre l'Espagne, le gouvernement avait interdit tout commerce avec les pays sépa- rés. Le besoin des peuples, accoutumés à des relations journalières, fut plus fort que les prohibitions , et le gouvernement dut tolérer un certain trafic ' Manuscrit cité de Wynanls sur de Pape, sous l'article 51. .102 MEMOIRE SLR L'ANCIENNE cnlro les provinces fidèles et les pays rebelles. Comme cette tolérance dé- pendait tout à fait de la puissance souveraine pendant la guerre, elle en fil inio ressource fiscale; elle taxa la qualité et la quantité des denrées, et en permit la sortie et Fentrée moyennant des espèces de passe-ports, nommés licenles, acquis à titre onéreux du gouvernement '. Des règlements généraux sur la matière furent portés en 1597 et 1598. Les étals ne murmurèrent pas tant que durèrent les hosilités : en elTel, le pouvoir royal étant libre dinter- dire tout trafic, il pouvait évidemment mettre ses conditions au trafic quil tolérait. Mais (|uand la paix fut conclue avec les Provinces-Unies, el qu'une liberté de commerce réciproque absolue fui reconnue, les états s'opposèrent à la con- tinuation de la levée des licenles. Ils étaient dans leur droit à un double point de vue : d'abord au point de vue de l'article 51, (|ui proclamait la liberté de commerce sans restriction ; ensuite au poinl de' vue du vieux principe brabançon, que le duc ne pouvait pas charger ni imposer ses sujets sans leur consentement. Par trois actes successifs du 4-, du 29 juillet et du 12 novembre 1648, il fut fait droit à la réclamation des états, au moins en principe. Mais voici ce qui arriva : les Provinces-Unies avaient continué à tenir sur pied leurs droits d'entrée el de sortie. Des prohibitions analogues existaient en Fiance el en Angleterre. La guerre avec la France survint, el la levée des licenles fui maintenue on fait. Les étals de Brabanl allèrent, dans le cours de ces querelles, qui se renou- velèrent encore, jus(|u"à refuser pendant trois ans le payemenl d'aucun sub- side. Pour en finir, le roi offrit aux états de faire àéciàcr judiciairement la (|uestion. Les états n'acceptèrent pas la proposition, et, comme ils étaient en (piel(|ue sorte mis en demeure, la levée des licenles fut continuée à titre pro- visoire. Ce provisoire se maintint jusqu'à la fin de l'ancien régime, avec des modifications qui n'appartiennent plus à notre sujet. L'article 5 de l'addition de Philippe le Beau contient une seconde dispo- ' Quant aux licenles, voir un mnnuscril en deux tomes, inlilulé au dos de Wavraiis, reposant à la Bibli<)lliiM|ue Goelhals, à Courtrai, pp. .iO et suivantes. Ce nianuserit semble être le résultat d'un travail d'annotations sur des mémoires de Wvnants. CONSTITITION BRABANÇONNE. 505 sition favorable au coramerce. A propos de la franche foire d'Anvers, nous avons dit quelques mots des avantages économiques des foires au moyen âiie. L'article o est curieux, surtout sous le rapport du droit, en ce qu'il signale en peu de mots les avantages juridiques accordés à ceux qui venaient assister à une franche foire. L'article 72 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne contenait sur la foire d'Anvers à peu près les mêmes dispositions que celles que nous allons examiner ici et qui concernent tant la foire d'Anvers (/ne celles de Bruxelles et de Berg-op-Zoom. Le duc ne fera ni ne laissera troubler ou altérer les franches foires de ses villes de Bruxelles , d'Anvers, ni pareillement la franche foire de ta riltc de Berg-op-Zoom , par aucune exécution, mandement ou défense, suit par lettre de marque, contre-marque , arrêt, ou par celles qu'il pourrait accor- der au contraire; sauf et réservé ses propres dettes, ensemijle l'ordonnance par lui faite ou à faire sur te fait des monnaies, laquelle ordonnance le duc veut être observée aussi bien au dedans qu'au dehors desdites franches foires, et que les transgresseurs d'icette seront châtiés. La franche foire était donc, en général, un terrain neutre, où toutes les prétentions et droits antérieurs étaient suspendus pendant tout le tenq)s de rimmunilé accordée par le pouvoir souverain. Peu de catégories de personnes étaient exclues du bénélicc du privilège; nous citerons cependant les ban- queroutiers frauduleux, qui étaient considérés comme indignes d'en jouir, el ceux qui, ayant été bannis du lieu où se tenait ta foire ', ne pouvaient raison- nablement trouver, dans une faveur du souverain , une occasion de rompre leur ban. Les lettres de marque et de contre-marque dont il est question semblent présenter le même sens qu'on leur donne aujourd'hui. En cas de guerre avec une puissance étrangère, les vaisseaux ennemis qui se rendaient à la foire ne pouvaient donc être capturés, ni par mesure d'hostilité agressive, ni par me- sure de représailles. Nous avons parlé plus haut de Varrét, ordre tacite ou exprès du juge de ne pas soustraire à sa juridiction, soit la personne arrêtée, soit des biens * Manuscrit ciic de Wynanls sur de Pape, sous l'arlicle 45. 7,04 MKMOIHK SUR L ANCIENÎNK ii/)/)((ilrii!2 (article 51) -. ' Ansi'lino, Coilcx Uriginis, \cvhci Vnj-Mercliten , $ C. * llciiiic cl NVaiitrrs. oiivr. cité, I. I, )). 2;i5. COINSTIÏlJTIOr^ BUABAINCOrNfNE. 305 CHAPITRE \. DK F.A JOYEUSE-ENTRtE DE CHARLES-QUINT ET DE SES DEUX ADDITIONS I. IMiili|i|)(' le l{oau clait niorl presque suhilenicnl on Espagne, le 25 sep- lenihrc IVAH'y. Aussilôl des diUieiiIlés sV'Ievùrcnl pour la Uilelle du jeune piinee (pii lui plus lard Cliarles-Ouiiii. Ceux (pii avaient gouverné les pro- vinces du nord, au nom 14-, Ions les privilèges accordés par ses prédécesseurs, mais, dans des additions successives du 12 et du 2G avril lîiio, il étendit considérahlenienl les liber- tés hrahançonnes. ' Vciir liictc principal cl la 2""' addition au fjiijslcr vtin Itiubaiil, p. tîJ^, ."""' pailii-. ^ David, ouvr. cili-, pp. 2(i4-'2()"j. L'nc partie de ces points sont controversés; néanmoins nous avons cru pouvoir suivre l'opinion du savant professeur de Louvain. — Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, succéda à son parent dans sa charge de gouverneur du prince, en i:iO!(. ToMK XXXI. 39 306 MEMOIRE SIR L'ANCIEINNE iNous n'avons que peu de remarques à l'aiie sur Taclo principal île la Joyeuse- Enlrée de Charles : nous avons déjà dit que tous les articles de Taddiliou de Philippe le Beau y élaient expressément inscrits, et pour le reste nous ren- voyons aux explications données dans les chapitres antérieurs. Le seul article tout à fait nouveau du pacte inaugural est le 64""'; il est relatif aux antiafes et aux commendes el fut conservé dans toutes les Joyeuses- Entrées des successeurs de Charles- Quint. L'article portait : (/ue dêsonnais on ne donnera en aucune manière, fera ou laissera donner en commende aucune abbaye, prélulure ni diynilé du Brabant, el qu'on fera toute instance pour obtenir et avoir du siège de Rome réduction des annales de tous monas- tères el maisons-Dieu f/ui en pourraient être ou ciendraienl à en être cliaryès, au delà de ce qu'ils ont été chargés ci-devant, sauf que les prélats, maisons- Dieu et monastères susdits payeront et fourniront les frais nécessaires à ladite réduction. La commende était le dépôt d'un hénéfice ecclésiastique entre les njains d'une personne qui ne pouvait pas en retenir canoniquernenl le titre; ou hien le dépôt entre les mains d'un séculier, moyennant dispense du pouvoir com- pétent, d'un hénéfice régulier '. Le pape seul pouvait en droit strict accorder des bénéfices en commende -. Néanmoins cet article prouve que le pouvoir civil qui , depuis longtemps, avait ime certaine action, sinon de droit du moins de l'ail, sur la collation des béné- fices, s'était arrogé le même droit que les souverains pontifes. La commende était un moyen d'éluder les règles canoniques (|ui exigeaient certaines con- ditions, certaines garanties pour la possession d'une abbaye, prélature ou dignité ecclésiastique. Ces garanties étant obligatoires dans l'intérêt de la chose pul)li(pie, il est naturel que la Joyeuse-Entrée assure leur existence f)leine et entière, et ne permeltc pas de les éluder par des subtilités juridiques. Les annates étaient le revenu d'un an que le pape percevait sur cluupic bénélice (piand il devenait vacant '\ L'article 64 étant introduit en faveur ' l'aider, /{liiilcs sur les lonstilulions nuliuiiaks, \t. 01 , c-l Uibliothkjue cunoiiUiui: , \iib(i Commende. - /lilil. ranon., ihid. '' Ihid., vcrl)o Annates. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 307 du clergé brabançon, il est tout simple que ce soit lui qui paye les frais que le prince devra faire pour obtenir du pape la réduction de Tespèce d'impôt prélevé sur le clergé lui-même. Uemarquons que cet article, au dire du président de Pape, n'exclut pas ce qu'on appelait les pains d'abbaye, c'est- à-dire la pension ou impôt dont chaque prince temporel, à son avènement au duché, pouvait une fois charger chaque abbaye '. Cette dernière exaction remonte certainement au jus spolii du moyen âge. § F-. DE I.A PREMIÈRE ADDITION A LA JOYEUSE-ENTUÉE ACCORDÉE PAR CHARLES-QUINT. La première addition à la Joyeuse-Entrée accordée par l'empereur Charles- Quint est assez peu importante au point de vue du droit public '-. Elle fui accordée à la demande des états cl à l'occasion d'un subside considérable qu'ils avaient accordé au prince. Analysons-la brièvement : L'article i" renferme de nouvelles garanties contre les gens de guerre; ce qui prouve que les dispositions sévères prises par Philippe le Bon et analy- sées plus haut, n'avaient nullement produit l'elTet qu'on en attendait. Chnrles- Quinl , SUR SA PAROLE DE PRINCE, S engage à achever l'œuvre qu'il a commen- cée, c'est-à-dire, à faire sortir du Brubanl, de gré ou de force, leh gens de pied et autres hommes d'armes qui occupent les quartiers de Louvain et de Bois-le- Duc ; et à garantir au surplus ces quartiers contre toutes autres troupes de soldats. Les articles 2, 3 et 4. s'occupent du recouvrement du subside à l'occasion duquel l'addition a été accordée; ils ordonnent en substance que l'impôt sera payé on six payements espacés dans le terme de trois ans. Il sera ac- ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 57. ^ Voir l'acte aux Placards de Brabaiit, vol. I, p. 205. ' 508 MEMOIRE SUR L'AINCIENNE iiuillr aux iimiiis du receveur de chaque (/uarlier résidant dans ta chef- ville (arliclc 2). Les deniers seront levés suivant l'instruction de 1 4ol et autres entanées sur la matière, ce qui comprend les concordais que pourraient avoir faits ou que feraient à l'avenir les chefs-villes avec les villes et franchises de leur quartier (article 3). Pendant les trois ans durant lesquels court le subside accordé, le prince ne demandera ni aux états ni à aucun ordre particulier , consentement , sub- vention ou autre charge quelconque, pour quelque raison que ce puisse être. De plus, pendant tout ce terme, le Brabant sera complètement déchargé de tout logement et de tout entretien de gens de guerre. Sinon les termes à payer encore du subside accordé seront divertis aux frais de la guerre et à l'entretien des gens d'armes dont il serait question (article 4). L'article 5 constate la ilidicultc de maintenir au plat pays la sûreté des personnes et des propriétés, La Joyeuse- Entrée avait, dans un article spécial, appelé l'attention des princes sur la sûreté et la franchise des roules. La première addition e\- piime les mêmes idées : Le prince promet de nouveau de tenir les chemins libres et sûrs, en sorte que les marchands pourront voyager avec leurs mar- chandises, effets et biens, vers les places où il leur plaira, en telle manière que les mêmes marchands n'en souffriront aucun do)nmage. Enfin, les articles G, 7, 8, 9 et 10 s'occupent encore du subside accordé : Ciiaque ville, franchise et village du Brabant recevra l'avertissement por- tant le montant de sa quote-part, six semaines avant l'échéance du terme à payer. En payant sa quote-part, chaque ville, franchise et village aura satisfait , sans pouvoir être obligé à contribuer au défaut d'une autre partie du pays qui n'aurait pas payé. — Ils en recevront quittance sans frais. Enfin toutes les questions relatives au subside seront décidées par lu chef- ville la plus proche. COÎSSTITUTIOrS BRABArS(:Oi>rSE. 509 DE LA DEUXIÈME ADDITION A LA JOYEUSE-ENTRÉE ACCORDÉE PAR CIIARLES-QUINT. La deuxième addition à la Joyeuse -Enlrée accordée par Charles- Oiiiiil, la été non pas à la demande des élals, mais à la demande des villes ri du plat pays '. En eiïet, « les prélats étaient contraires à aucuns points de ce » (|ui s'y ordonne, même ont prolesté de s'y vouloir opposer en Justice -. » Ces points sont les articles relatifs aux mainmortes. Il n'en est pas moins certain que cette addition fut pleinement confirmée par l'assentimeni ulté- rieur des élals, puisqu'elle fut comprise dans tous les serments des souve- rains jusqu'à la fin de l'ancien régime. Celle addilion est intéressante à étudier. Comme elle renferme |)lusieurs principes non explicpiés encore, nous la prendrons article par article, en nous bornant à mentionner les principes antérieurement analysés, mais en nous étendant davanlagi; sur les origines et les développemenis |)iali(pies de ceux que nous voyons pour la j)reniière fois. Article {"". Des droits de tonlieux. — L'article 1"' sur les tonlieux n'est ipic la réitération d'une disposition que nous avons déjà signalée dans la charte de Marie de Bouigogne. Les relations de négoce s'étaient fortement dévelop|»ées; le crédit commercial soutenait dès lors de vastes entreprises, et les marchands ne se bornaient plus à courir de place en place avec leurs marchandises. F^'article 25 de la charte de Marie de Bourgogne avait déjà dis|)ensé les marchands d'accompagner leur marchandise exempte du droit de tonlieu, pourvu (juils y joignissent un certificat d'exemption. En cas de tVaude, la marchandise en (pieslioii était confiscpiée. Il est à croire que les prétentions des fermiers des lonlieux s'étaient réveillées et que, pour soustraire le commerce à des vexations fréquentes et préjudiciables, on voulut de nouveau faire pro- ' Voir l'acte i'i la suite ilii Codex d'Ansclino. au Liiysler van BraUanl , l'tc. - Faider, ouvr. cilé, en note, p. !">. r>IO MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE clamer oniciellenienl le principe méconnu. L'arlicle l"de l'addilion dispose : qui' désormais le marchand qui aura franchise d'un tonlieu en Brabanl, ne devra pas rester en personne auprès de sa marchandise pour la prouver sienne : il lui suffira d'envoyer un certificat de toi, ou lettre de tonlieu au- thentique de la place où il réside, en gardant la vieille coutume. Cette disposition sauvegardait tous les intérêts des fermiers, en même len)|)s qu'elle dispensait les trafuiuants de voyages onéreux et difficiles; elle leur permettait de conduire à la t'ois des affaires multiples. Article 2. Des octrois et autres péages à percevoir par les villes. — Toutes les villes du pays qui du duc ou de ses prédécesseurs ont reçu octroi pour lever accises ou péages, ou qui en jouissent encore pour un certain nombre d'années, recevront une prolongation de cet octroi de douze années, les- quelles commenceront à courir à partir de l'expiration de la concession pré- cédente. — Pour chacune de ces années néanmoins , on payera au duc, à titre de reconnaissance d'octroi , telle somme qui est due d'après les lettres émanées sur la matière; et les lettres susdites seront renouvelées à chaque terme, à la demande des villes. On sait qu'un des principaux droits des communes était celui d'avoir une caisse communale. Cependant, pour que les autorités locales pussent impo- ser les bourgeois, il fallait, alors comme aujourd'hui, une approbation du chef de l'Etat. Parmi les vieux documents de l'histoire du Rrabant, nous en rencontrons un certain nombre faisant mention de concessions de cette na- ture. Nous citerons une charte accordée, en 1330, à la ville de Bois-le-I)uc par le duc Jean III ', et une autre accordée aux Louvanistes en 1368 ■. « Dal si liocreii last «'iide cominer... iieiucn ciide sotlon sonder vorircckcn aen onsf stal endc o|) cneii iegclycken van onsc stat, aiso alst onscrslat rade orlitMlec dunkeii sal. » L'établissement de péages et d'accises rentrait évidennnent dans la règle commune et ne pouvait se faire (pi'avec l'assentiment du duc ^. Larlicle 405 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne avait accordé ' Yeesten , l. I , p. 809. s Ihid., t. II, p. 010. "• Mnnuscril ciié df Wynaiils sur de l'apc, sous l'article 2 de l'addition. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 31 i une prolongation des concessions d'octroi, mais seulement de dix années. Elle aussi parlait d'une reconnaissance à payer par les villes au pouvoir ducal, el en fixait le taux à la hauteur de la somme qu'on avait payée au temps de son père et de ses ancêtres. L'usage que constate l'article est donc ancien en Brabanl, et il est fogdé en raison : le prince, pouvant refuser l'octroi, y mettait telle condition pécu- niaire que ses propres intérêts pouvaient exiger. Ce principe était étendu si avant, que les ducs recevaient même une reconnaissance à l'occasion des deniers levés sur leurs sujets, et dont eux-mêmes et leurs domestiques étaient exempts. Le chef- président remarque que ces reconnaissances se payaient encore annuellement à son époque. De la juridiction ecclésiastif/ue. — Dans le deuxième chapitre de ce mé- moire, en parlant du privilège de non evocundo extra patriani, nous avons montré les exceptions que la nécessité avait fait établir dans certaines matières de compétence ecclésiastique. Dans les cas de l'espèce, un Brabançon pouvait être appelé en justice à l'étranger. Néanmoins, à la suite de l'établissement de cours ecclésiasli(|ues en Brabant, les exceptions furent abolies, sous .^larie de Bourgogne, par les dis- positions de l'article 57 de sa charte. Sous l'emperem- Charles -Ouinl, ces cours étant devenues permanentes, non-seulement il n'est plus fait mention des anciennes exceptions dans les articles (article 3G) qui défendent le recours aux juridictions étrangères, mais un article spécial, le 3""' de la deuxième addition, dispose : rpie les sujets de Brahant ne pourront être attraits en justice pour leurs personnes et leurs biens établis et assis en Brabant, de- vant les cours ecclésiastiques des évéchés de Liège et de Cambrai, établies hors du territoire du pays; mais qu'ils esteront en justice devant les cours desdits évéchés établies en Brabant , aussi lonytemps que ces cours y reste- ront établies. En conformité de ces dispositions, l'évêque de Cambrai et l'évêque de Liège tinrent des tribunaux èpiscopaux en Brabant, et plus tard l'évêque de Namur imita leur exemple ^ ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 3 de l'addition. 512 MEMOFRR SUR L'AW.IENNE La huile (lu pape Lt'ou X confirma pioiuonuMil ces pi'incipos de dioil inté- nCur, (Ml obligeant indireclenienl les évoques à avoir des ofllcialitésdisliiules dans ehacjiu' partie de leurs diocèses formant un État séparé, appartenant à rarchiduc (Charles (Charles-Quint) '. Précédemment nous avons plusicm-s fois signalé les conflits nombreux que les questions de compétence respective amenaient entre les tribunaux civils et les tribunaux ecclésiastiques. Philippe le Bon avait pris des précau- tions particulières pour renfermer ces derniers dans leurs strictes limites; et Parliclc 3 de Taddition de Charles-Quint dispose encore : Que lesjuyes ecdé- sins/ifjues ne prendront connaissance que de frais espèces de causes, à savoir : de la validité ou de l'invalidité des testaments, des contrats de mariafje et des biens amortis , et pas au delà. C'étaient les trois cas déjà reconnus de leur compétence depuis la charte de Wenceslas, laquelle reproduisait elle-même le vieeux droit presque géné- ral de nos provinces. Mais les expi-essions mêmes de la Joyeuse-Entrée prê- taient à équivoque, et les empiétements réciproques et fréipients que nous avons constatés ne pouvaient avoir lieu qu'au grand délrimenl des sujets. On peut s'étonner à bon droit qu'il ne vînt pas plus tôt à l'esprit des parties lili- gantes d'avoir recours à la mesure que prit l'empereur Charles. Lesévéques de Liège, proches voisins du Brabant, et souvent d'une nature plus ou moins querelleuse et guerrière, s'étaient toujours montrés les plus (lilTiciles, et leur diocèse comprenail autrefois la plus grande partie du I5ra- banl. En lo/^d, l'empereur Charles -Quint, duc de BrabanI, résolu à fixer (h'finilivement la situation, fit avec l'évèque de Liège un concordat mr les limites de leurs juridictions respectives". Après l'érection des évêchés nou- veaux aux Pays-Bas, cet acte fui reçu par toutes les odicialilés en Brabant, (M même par toutes celles des Pays-Bas. Quant au Limbourg, un règlement spécial avait été publié en 1027'. Il serait trop long d'analyser l'acte important de ITi/i-I; cependant nous en citerons quchpies dispositions, pour avoir au moins une idée de la ma- ' \fA\o()\, Codex Biabanticm, p. 2iO. • Ihiil., p. 'iHi. •" MiiinKrii( iii(' (lo Wyiiiiiils sur di- Pape, sous l'arliclc " ilr Indililidn. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 513 niére dont a été vidé, de commun accord, un différend plusieurs fois sécu- laire. D'abord : Titre I"'. Quoad causas (estamentarias et dotales super quibus velus et anlîf/tiu conlentio fuit inter officiarios dictorum principum : Les causes testamentaires et dotales sont mixli fort : le juge premier saisi aura prévention, et jugera la cause avec tous ses incidents et choses con- nexes. Ceci arrivera toutes les fois que Faction intentée sera personnelle, soit qu'elle ait pour objet des meubles, soit qu'elle ait pour objet des immeubles. Le juge ecclésiasti(|ue ne pourra pas néanmoins contrevenir, dans ces causes, aux droits et privilèges du pays, mais il devra juger en conformité d'iceux. Le juge ecclésiastique ne pourra connaître d'aucune action relative aux fiefs ou à d'autres domaines ayant juridiction ; ni d'aucune aclio)i n'-elle née soit d'iui toslanicnt, soit d'un pacte anlénuplial. Titre II. Quant aux questions proprement niatrimoniales : Toutes les questions relatives à Valliance matrimoniale, à la lêf/itimilé, à la séparation de corps, relèveront exclusivement du tribunal ecclésiastique. Si elles se présentent incidemment devant le juge séculier, elles resteronl questions préjudicielles ecclésiastiques à vider par l'ollicial endéans l'année. L'année expirée sans décision de l'ofTicial, le juge séculier |)ourra pousser la procédure. Celui (|ui soulèvera une exception frauduleuse de l'espèce sera passible d'une amende à arbitrer par le juge (article 2). Le juge ecclésiastique qui a connu de la séparation de corps ne pourra connaître de la séparation de biens (|ue par prorogation de juridiction ex- presse, et encore celte prorogation devait-elle être accordée par les parties elles-mêmes et non pas par leurs procureurs. Le juge ecclésiastique ne connaîtra qu'incidemment des questions de dot, donations à cause de mariage. Titre III. Quant aux biens amortis : L'ollicial connaîtra de la pi'oiM'iété des biens amortis, même quand un laïque sera défendeur. Cependant, avant que la citation soit lancée, il faudra (|u'il lui conste de la qualité des biens, soit par les lettres d'amortissement, .soit par leur copie aut/ienCique, soit par une possession suffisante. Tome XXXI. 40 314 MEMOIRE SUR L ANCIENNE Article l"'. Seront considères comme amortis les biens soustraits à la juridiction séculière par lettre du prince, ou ceux qui, depuis soixante et dix ou quatre-vingts ans, ont été considérés comme amortis par l'Ëf/lisc. La question préjudicielle d'amortissement, que pourrait soulever le lai(|ue, sera portée au conseil de Rrabanl, où elle devra être décidée endéans l'an- née. Au cas où le conseil n'aurait pas prononcé dans le délai voulu, le juge ecclésiastique passera outre, comme si l'exception n'avait pas été soulevée. Quiconque soulèvera frauduleusement une evceplion de l'espèce encoui-ra l'amende. Article 3. Quant à la constitution de revenus pour une église sur un fonds non amorti, le juge ecclésiastique n'en connaîtra que si le défendeur est clerc, et si l'action qu'on lui intente est personnelle. Article 4. Le juge ecclésiastique ne connaîtra des questions de servitude que lorsque les fonds dominants et servants sont tous deux des biens amortis. Article 5. Le juge civil connaîtra seul des questions de bornage. Article 6. Quant aux biens non amortis, le juge ecclésiastique ne |)ourra connaître des contestations qui s'élèveraient à leur sujet, que lorque l'action sera intentée personnellement contre un clerc. Article 7. Enfin les abbés, les abbesses et les autres membres des étals de Brabant ressortironl activement et passivement là où ils ressort issaienl d'après le droit ancien. Titre V. Quant aux actions personnelles, lorsqu'elles seront intentées par les laïques contre les clercs, on suivra le principe actor sequilur forum rci. Titre VU. Quant aux actions procédant d'un délit: L'action publicpie, prenant sa source dans un crime ou un délit, sera tantôt poursuivie par l'autorité ecclésiastique, tantôt par l'autorité civile. Ainsi révé(]ue seul connaîtra du cas d'hérésie (article l""^). Le tribunal sé- culier connaîtra seul des cas de sortilège, divination, maléfices (article 2), l/lasp/ièmes [âvùde 3). La simonie sera punie par, chaque pouvoir suivant la •pialité de sa juridiction (article 4). Le juge ecclésiastique jugera seul les cas de violation d'asile (article 6), d'adultère (article 8), etc. Le concubinage notoire donne lieu à prévention. Le concordai contenait encore une foule de dispositions positives et minu- CONSTITUTIOrS BRABAISÇONISE. 313 lieuses, destinées à prévenir pour l'avenir tout conflit entre les deux juridic- tions. Ce que nous en avons dit en donnera une notion suffisante pour l'étude que nous avons entreprise. Des lettres de sauvegarde. — Article i. Personne ne sera contraint ni civi- lement ni criminellement, sous le titre et pouvoir des lettres de sauvegarde, à moins qu'il n'y soit expressément dénommé, et que les lettres n'aient été notifiées par un des vassaux ou officiers du duc. — Sauf en ceci le bon droit des prélats et de tous autres. (]et article reproduit les dispositions de l'article lOG de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne. Tâchons d'en déterminer la portée. F^es lettres de sauvegarde étaient celles que l'on demandait , pour obtenir la protection particulière du souverain, quand on avait lieu de craindre une injure ou un allront public, ou toute autre attaque et mauvais traitement '. Le duc ou le roi, en accordant telle lettre, défendait, sous peine de for- faire corps et biens, d'attenter par voies de fait à la personne de limpétrant, à sa famille ou à ses biens. D'après cette définition, l'on comprend assez aisément la haute portée de la restriction que met Charles -Quint au pouvoir desjettres de sauvegarde. (iCs lettres constituaient rim[)étrant dans une position tellement privilégiée, qu'elles pouvaient entraîner les plus graves abus. Profitant d'un crédit de cour, une persoiuie aurait pu, par l'obtention d'une lettre générale de sau- vegarde, se mettre pour un temps indéfini à l'abri de poursuites privées et même publiques : pour un ten)ps indéfini, car tant (|u'elle était couverte par la lettre du souverain, on ne pouvait rien conti-e elle; et la même influence <|ui avait arraché l'immunité pouvait en retarder le retrait. De plus, l'impé- trant aurait pu tendre un piège odieux à ses adversaires : il aurait pu tenir ses lettres cachées, puis, après atteinte portée à l'intégrité de ses droits, exhiber sa sauvegarde et appeler la vengeance du duc sur l'auteur du fait. Le duc ne peut plus donner désormais ([ue des lettres de sauvegarde où la personne de la partie adverse soit expressément dénommée; dès lors cette ' Loovi-ns, nuvr. rite, a"" partie, p. 386. 316 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE «leniiére avait, pour se défendre, une action (rinjure née de ce qu'on la dé- clarait indirectement infâme et perturbatrice du repos public, et nul n'aurait plus osé s'exposer à une sorte de poursuite calomnieuse, en demandant à la légère lettre de sau\ egarde. La notification par officiers ou vassaux prévenait toute surprise cl iraiicliaii nettement les positions des adversaires : chacun d'eux savait à quoi s'en tenir et comment sortir de la position qui lui était faite. Les lettres de sauvegarde étaient habituellement demandées au conseil sou- verain de Brabant, agissant au nom du duc ou du roi; un huissier signiliail la lettre, et un double en était cloué à la porte de Pimpétrant. Des lelires de répit. — Article 5. Le duc ne donnera plus désormais « uHcan particulier, de quelque étal ou condition qu'il soit, ni à aucune ville de de/tors le Brabant, des lettres de répit que dans la forme d'accoutumance , après caution mise par l'impétrant en Brabant. La lettre de répit ne sera du reste accordée qu'une sexde fois. Les lettres de répit sont fondées sur un pi-incipe analogue à celui de l'article lâi-i de notre code civil. Seulement, au lieu d'être directement demandées aux juges ordinaires, elles Tétaient au souverain. La partie qui se trouvait momentanément dans l'embarras, et qui ne pouvait payer à l'échéance, avec espoir de relever ses affaires dans un temps donné, s'adres- sait directement \ soit au duc, soit au conseil de Brabant. Le conseil faisait appeler les créanciers devant des commissaires spéciaux, pour obtenir un lertne de fpu'ice, ou bien il donnait une lettre d'induction sur des juges su- balternes (levant lescpiels se traitait alors l'affaire. C'était cette dernière forme <)ui, probablement, était celle à' accoutumance , et au maintien de hupielle les étals de Brabant tenaient le plus particulièrement; et, en effet, les juges du ressort étaient le mieux à même de s'interposer entre parties ellicacenjent et en |)leine connaissance de cause. La caution mise en Brabant assure les droits du créancier. L'article 104 de la Joyeuse -Entrée de Marie de Bourgogne avait déjà prouHs de ne plus accorder de lettres de répit quinquennal. * Lou\eiis, -1'"' piiriic. ji|). y.iO et suiv. COiNSTITUTlON BRABANÇOISNE. 517 Au dire du chef-président de Pape, cet article 5 n'était guère observé, en ce sens que les lettres de répit étaient souvent accordées plus d'une seule fois. Des Égyptiens. — Article 6. L'article G a trait aux populations (|ue nous appelons aujourd'hui zingares ou bohémiennes. Désormais les Égyptiens, ceux qui se disent de la basse Egypte, ne pour- ront venir, retourner et fréquenter dans l'intérieur du Brabant; ils resteront hors des frontières , sous peine de for faire corps et biens, suivant le contenu des placards expédiés et publiés antérieurement de la part du duc. Ces populations, dont les anciens auteurs parlent dans les termes les plus méprisants, passaient pour se livrer à la divination et à la magie : divinatio- nibus victum quaeritant K Leur présence était évidemment dangereuse, sur- tout à cette époque, où la répression dos délits commis au plat pays était encore si diflicile. Véritables out-laivs de la civilisation, les Égyptiens de ce temps ne vivaient qu'aux dépens de la société, dans le sein de la(|uelle ils formaient une agrégation tout à fait spéciale, agrégation ayant ses mœurs à elle, sa langue à elle, son Dieu et ses chefs particuliers, et ne se mêlant aux habitants d'origine nationale que pour les exploiter. La sévérité des dispositions légales sur ces bandes vagabondes organisées n'a rien qui doive nous étonner, après les précautions (|ue nous avons vu |)reh- dre contre les gens de guerre, enfants de la société occidentale et chrétienne. Depuis les années 1500 et 1544, les empereurs d'Allemagne avaient déjà défendu aux Égyptiens de rôdei' dans le territoire de l'Empire, même alors qu'ils ne feraient aucun mal -. L'article G ne fait que résumer les principes ihs placards émanés sur la matière, et par conséquent il ne consacre pas un droit nouveau en Brabant. Quoique l'article ne parle expressément i\iw de ce duché, les mêmes principes doivent s'appliquer au Limbourg et aux États d'outre-Meuse, qui sont inséparablement unis au Brabant, et qui doi- vent pratiquer ce que le Brabant doit pratiquer. A ce motif juridiipie Anseimo en ajoute un autre : facorabilia enim debent extendi et ampliari , ut que favorabile pro subditis Brabantiae ut ejusmodi germina satanae expellantur • Anseimo, Tribonianus belgicus, cliap. XXXI. 2 Anseimo, ouvr. rite plus haut, § 2. 318 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE nec uvf/uam revertantur ^ Prenons-en noie comme d'un signe de l'époque. Disposition transitoire sans intérêt. — L'article 7 de Paddition ne doit être mentionné que pour mémoire : il n'est plus d'aucun intérêt. — Ceux (le Bois-le-Duc sont autorisés à démolir certains châteaux ruinés, nayuère hâtis dans l'intérieur des murailles de la ville, plutôt dommageables et in- quiétants pour elle qu'autre chose. — Seulement, les matériaux qui provien- dront des démolitions seront employés à réparer et à fortifier la ville. Du droit de chasse. — L'article 8 est relatif au droit de chasse. Charles- Quint promet de ne plus donner en louage les non franches yarennes, en contrariété de l'article 31 de la Joyeuse- Entrée de Philippe le Beau. — (Teùt été un moyen indirect de ramener la prépondérance des grandes for- tunes dans le fait de la chasse, et d'éluder complètement \o fameux privi- lège des Brabançons dont ils étaient si jaloux. Cet article s'observa toujours dans la suite ^. Des fonds destinés à la voirie. — Article 9. Les péages qu'on lève en firahant pour y faire chemins, ponts et passages, ne pourront être employés à un autre usage qu'à la réparation des susdits chemins et ponts. Nous avons déjà rencontré une disposition analogue dans l'article G de la charte flamande de 1314. La voirie vicinale semble donc avoir été de tout temps l'objet de la sollilude du pouvoir central; il comprenait déjà (pie les voies de communication établies avec entente étaient une source abondante de richesse, et un moyen de développer rapidement Tindustrie et le com- merce des populations. L'article 9 ne s'observait néanmoins pas toujours. Dans des villages pau- vres, ou même dans certaines villes de moindre importance, des nécessités |)lus pressantes forçaient les administrations à divertir les fonds de voirie à d'autres usages ^. De la liberté du domicile. — L'article 1 0 s'occupe de la liberté du domicile. La liberté du domicile, centre des intérêts moraux et matériels du citoyen ,^ était garantie d'ancienneté au pays de Liège : on y disait pauvre homme en ' Anscliiio, ouvr. cité, § i". - Manuscrit cité de W) nants sur de Pape, sous l'article 8 de raddition. ^ Ihid., sous l'article !) de l'addition. COINSTITUÏIOIN BRABAÎNÇONNE. 319 sa maison est roi ^. Il est probable qu'en Brabant, pays par excellence de libertés écrites, des précautions légales furent bientôt prises, pour mettre les justiciables à l'abri des vexations arbitraires de la part des officiers de jus- lice. Néanmoins nous ne trouvons sur ce point aucune déclaration de liberté générale avant l'article 36 de la Joyeuse-Entrée de iMarie de Bourgogne, dont nous avons déjà parlé. Les officiers, dit cet article, des villes ou des franchises ou leurs sergents, ne pourront , ni de Jour ni de nuit, ni arrêter quelc/u'im dans sa maison, ni l'y chercher, ni l'y faire prendre ou arrêter, ni faire de visite domiciliaire pour quelque cause que ce soit, civile ou criminelle, à moins d'avoir pris au I>RÉALABLE BONNE ET PLEINE INFORMATION dcS failS dout OU VCUt le churf/Cr. Toutefois, si un homme, arrêté pour cause criminelle, s''enfuit de devant l'officier et se réfuijie dans quelque maison, l'officier pourra l'y suivre et l'y arrêter. On voit que les mêmes précautions sont prises et contre les visites domici- liaires indues et contre les arrestations arbitraires. La nécessité d'une information préalable fait de la visite une exception, et dès lors on peut dire que le pays entier de Brabant jouit, dans une mesure très-large, d'une liberté précieuse qui tient de si près à la liberté do la per- sonne. Il est à remarquer qu'au commencement du moyen âge, une dislance immense séparait, quant au respect du domicile, les diverses classes so- ciales. Nul oflicier, nul sergent du duc n'aurait osé pénétrer, sans des motif légaux et impérieux, dans le manoir du seigneur féodal; sans doute;, il aurait payé de la vie son zèle et sa témérité. Mais, quant aux babitations des classes inférieures, il n'en était plus de même : le maïeur ayant droit d'arrêter, à peu près librement, les délinquants, allait les cbercher là où il pouvait s'en emparer le plus aisément, à moins qu'un privilège particulier de commune ne mil un obstacle à son action. Nul n'aurait osé lui interdire l'entrée de sa demeure. Remarquons toutefois qu'avec le progrès et la marche ascendante des ' Faider, ouvr. cité, p. iôS. S 320 MEMOIRE SUR L'A^CIE^NE classes iiil'éiicurestlans toutes les voies de liberté, le vieux sang germain a du énei'giqueinenl réagir dans le sens de la liberté du domicile. Cette liberté devait être particulièrement cbère à des peuples indé|)endants, moraux et hos- pilaliers, et chez lesquels le pouvoir paternel était aussi fortement constitué, l/article 30 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne semble du reste consacrei' un ancien usage : il ne ressort pas du tout de ses termes que la duchesse accorde une concession nouvelle. L'article 10 de la deuxième addition de la charte de Charles-Quinl renvoie évidemment à la disposition que nous venons d'expliquer, et sous l'empire de la(|uelle des usages nouveaux a\aient dû naître. Ni les officiers des villes, franchises, villages (luBrabanl, ni leurs sergents, ne pourront désormais plus r/ierclier ni arrêter personne dans sa maison, ni faire des visites domiciliaires, pour quelque cause que ce soit, plus avant que ne le comportent les privilèges, routâmes et anciennes obsenmnces des places où le cas se présentera , et oit il appartiendra d'après le droit écrit ; sauf les privilèges plus larges, coutumes et usances de Louvain , Anvers et Bois-le-Duc , observés Jusqu'à ce jour. Cette disposition dénote à l'évidence que, par tout le pays de Brabani , il y avait certaines garanties de fait, désormais garanties de droit, qui mettaient un trein à la tendance (piauraient pu manifester les justiciers à violer le do- micile de leurs administrés. Il est probable que la principale garantie consistait, soit dans Vinformation préalable dont parle Marie de Bouigogne el qui reste nécessaire i)our toutes les arrestations préventives en général, soit dans la |)articipa!ion à la visite domiciliaire des échevins ou d'autres magistrats locaux. Ainsi à Bruxelles (qui n'est pourtant pas désignée comme ville à large pri- \ ilcge sur ce point), on ne pouvait arrêter quelqu'un pour cause civile, dans la maison d'un poorter, sinon avec l'assistance de deux échevins '. Nous n'entrerons pas dans les détails des franchises |)articulières de Lou- vain, d'Anvers el de Bois-le-Duc; cet examen nous conduirait trop loin de notre sujet. Bornons-nous à dire sur ce point spécial que, à Louvain, pre- mière des chefs-villes : le maïeur ne pouvait faii-e de visites domiciliaires ni ' Voir liiTticIr (i.") dr l;i Cmiliimc ilt Hruxetivs. COiNSTlTUTION BRABANÇOININE. 321 extraire quelqu'un de sa maison qu'avec le consentement préalable des deux bourgmestres ou de ceux qui les remplaçaient. Le maïeur était même tenu de montrer à ces magistrats le décret d'appréhension qui avait été porté par les échevins et sans lequel il ne lui était pas permis d'arrêter un bourgeois '. En ^éï\éYd\ , personne ne pouvait, contre sa volonté et par violence, être extrait de sa maison pour causes civiles. Ce point était reçu à Louvain, à Anvers, à Bois-le-Duc et dans beaucoup d'autres villes. Il semble même con- stituer un principe commun au Brabanl tout entier, car Anseimo dit : « Ou'il » ne faut pas distinguer si la maison est louée ou habitée gratuitement, ou si » elle est située à la ville, au village ou en pleine campagne -. » Néanmoins, la franchise criminelle générale de la Joyeuse-Entrée présen- tait de nombreuses exceptions : elle pouvait être invoquée pour les petits excès et délits, mais jamais pour les causes proprement criminelles, quand il s'agissait d'un crime atroce. Des concussions commises par les officiers publics. — Article 1 1 . Tant «pie les justices ducales et seigneuriales avaient été ambulantes, il avait bien fallu que les administrés hébergeassent et défrajassenl les juges en tournée^. Mais quand les tribunaux furent devenus sédentaires, les juges qui exigeaient les mêmes indemnités, n'étant pJus fondés en nécessité, commirent de véritables concussions. Les lundkeuren de 1292 avaient déjà pris des mesures pour parer aux exactions et aux vexactions des olliciers ducaux; et les anciennes chartes des villes veillaient à ce que les justiciers n'abusassent pas de leur pouvoir pour faire réussir des entre|)rises conunerciales. Une heure de Lou- vain défend au niuiein* et à ses sergents de tenir aucune taverne ou de par- ticiper à son exploitation *. Toute question de dignité mise à part, il est évident que la moindre con- travention à une disposition si sage devait engendrer un odieux monopole. Qui aurait osé fréquenter le débit de boissons du simple particulier, quand le maïeur lui faisait concurrence? le maïeur! c'est-à-dire l'homme qui, prin- ' Coutume de Louvain, arlicle 25. ^ Trihoniaiius Belgicus, chap. X, §| 7 et 8. ' Raepsaet, Analyse de t'origine, etc.. | 9i. * Yeeskn, t. I, p. 170. Tome XXXI. 41 522 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE cipalement dans les petites seigneuries, pouvait presque tout sur la vie, la lorlune et {"honneur des administrés. Vers la fin du règne de la duchesse Jeanne, alors qu'Antoine de bour- gogne n'était encore que ruwaert du duché, des plaintes très-graves étaient arrivées jusqu'au Irène ducal sur les concussions et les vexations dont les nohies et les officiers au plat pays accablaient les pauvres gens, surtout par Texigence de corvées indues '. Aucun paysan n'osait se refuser à faire la corvée demandée; car, comme dit la charte de 1404, destinée à remédier aux abus, les uns cèdent de peur d'être poursuivis et accusés par les officiers, les autres, mus par la crainte et la terreur que leur inspire celui fjui requiert leur travail. Pour couper court aux abus, Antoine défendit à tous les nobles et aux roturiers d'exiger des gens du plat pays des corvées gratuites , sauf néanmoins les corvées fondées sur une convention avec les tenanciers, ou celles qui appartiennent de droit au seigneur de la terre. Celui qui aura requis indûment, comme celui (jui aura fait indûment une corvée, payera trois couronnes françaises d'amende au profit du duc. A l'avènement de Marie de Bourgogne, des abus analogues avaient été signalés, et, ainsi que nous l'avons déjà dit en passant, un article spécial de sa Joyeuse-Entrée, le quatre-vingt-cinquième, s'occupe de la matière. Les officiers du duc, ceux des seigneurs bassains, les magistrats des villes, franc/lises et villages, les fermiers de tonlieux, leurs serviteurs de justice et de recette cl autres, ne pourront pas molester leurs subordonnés en leur don- nant à garder des moutons, des chiens ou d'autres bêtes, en leur faisant faire des corvées, en prenant dime de viande ou de grains, en tenant taverne ou débit de bière ou de vin. — Ils devront se contenter de leurs épices et de leurs .salaires, et s'ils manquent à ce devoir, ils seront frappés d'une amende pécuniaire par la chef-ville du ressort, amende dont un tiers appartiendra à la ville, un tiers au seigneur et un tiers au dénonciateur. Cet article exprime sullisaunnenl la gravité du mal que l'on devait ex- tirper : tout était occasion de charger les pauvres gens du plat pays. Il aiuail fallu sur ces empiétements une surveillance minutieuse de tous les instants; ' Yeestt'li, t. II. |i|(. 7^0 l'I "il. I/diMloiiiiancc \ ost loiil :iii Ion;;. CONSTITUTIOi^ BRABAINÇONNE. 323 et ni les mœurs ni Pétat du pays ne la permettaient, ni même Torganisation des institutions judiciaires. Aussi voyons-nous reparaître, dans la deuxième addition de Charles-Quint, un article tout à fait analogue à Particlo 85 de la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne. Les officiers du duc et des seigneurs bassains, les magistrats des villes, franchises et villages, fermiers et gardes de tonlieux en Brahant , leurs ser- viteurs de justice, les receveurs, ne pourront plus molester leurs subordonnés par des réquisitions de corvées, garde de chiens, de montons, d'autres bêles ou prise de nourriture pour ces bêtes. — Ils ne pourront exiger ni accepter ni garder aucune dime de viandes, de grains ou d'autres biens semblables , par lesquels les administrés de leur ressort pourraient être chargés en quelque manière. — Sauf néanmoins dans tout ceci les vieux droits habituels et pres- crits, les émoluments, salaires et accidents de droit servant et appartenant aux officiers et employés, et compétant aux actes de leur emploi et office. Ils devront s'en contenter sans molester personne au delà. Si quelque officier contrevient à ces dispositions, il sera corrigé là et où il appartiendra. Ces dis|)ositions, étant confirmées à cha(|ue inauguration, restèrent loi du Brahant; cependant, malgré les placards nomhreux qui les confirmèrent el qui renouvelèrent, pour les ofiiciers, la défense de tenir des tavernes, elles n'étaient guère observées en pratique, il paraît que les abus étaient beaucoup plus fré(|uents dans les seigneuries des parliculiers que dans les domaines ducaux '. Cela n'est pas étoiuianl : les seigneurs |)arliculicrs se trouvaient plus près de leurs sid)ordonnès, plus intimement en contact avec les olliciers de recette et de justice qu'ils avaient nommés eux-mêmes et dans lesquels ils avaient mis toute leur confiance ou ([u'ils avaient tout intérêt à soutenir. Leurs i-essources étant plus bornées, ils étaient inévitablement portés à pressurer leurs vassaux pour pouvoir suivre le luxe qui grandissait et faire figure à la cour. Dupugement des vieux cens. — Article 12. Tout le monde, de quelque état ou condition que l'on soit, devra seulement, dans les prestations annuelles de tous les biens et deniers, payer telle valeur el prix qu'il a été accoutumé ' Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous larticlc {'l de laddition. 324 MEMOIRE SUR L'AISCIENNE de pajjer jusqu'à ce jour, sans èlre charf/é au delà et sans devoir payer plus cher du chef de ces mêmes biens et deniers. Sauf que les lettres de consti- tution des mêmes biens et deniers resteront toujours dans leur valeur et vi- ffueur touchant le principal des rentes, à moins qu'une sentence contraire ne soit donnée. — Ceci tant que courra le subside que l'on a accordé à Charles- Quint pour son inauguration et sa réception. — Et toutes les rentes et cens ducaux, comme aiissi ceux des vassaux constitués en vieux florins, ou de deniers d'argent de 'vieux gros, escalins, etc., de quelque nom qu'on les nomme, ne seront ni élevés ni renchéris plus qu'ils ne le sont mainte- nant et qu'ils ne sont payés annuellement. Et les sujets de Brahant .s'en con- tenteront. Cet article est amené dans Taddition par suite des variations dans la valeur des monnaies. Beaucoup de rentes et de cens dataient de fort loin dans le cours des temps, et la somme des espèces ayant considérablement augmenté en Rrabant, comme dans le reste de l'Europe occidentale, leur valeur rela- tive avait baissé presque à proportion. De là résultait que le cens qui ne rapportait que le même nombre de pièces d'argent qu'autrefois, ne donnait ré(ïllement pas au propriétaire une même somme de valeurs et de jouissances possibles. L'article 12, véritable restriction au droit de propriété, est fondé sur une certaine faveur que le prince accorde aux classes inférieures, aux classes débitrices. Cet article continua, parait-il, à èlre observé dans la suite, et on trouve, dit de Pape, plusieurs sentences qui y sont conformes. Néan- moins, en 1G26, on y contrevint d'une manière llagrante '. Jusque-là le vas- sal n'avait payé que sept ou huit florins pour hergeweyde , ou droit de relief: on estima la valeur inlrinsè(|ue des ryders , el on lit monter les droits à cincpiante-sepl ou cinquante-buit florins de monnaie ordinaire. On murmura bien tout bas; mais les bauts barons retrouvaient sur leurs vassaux, dans le relief des arrière-fiefs, l'augmenlalion de droit qu'ils payaient au duc*. Les villes n'étaient nullement intéressées dans une ([uestion purement féodale. Personne n'osa commencer le procès, cl la nouvelle observance fut maintenue. • Miiimscril cité de Wynanls sur de Pape, sous l'article 12 de l'addition. * Ihid. CONSTITUTIOIN BRABANÇOISiNE. 32S De la législation des mainmortes. — Les articles 14, d 5 et 46 s'occupent (les mainmortes. La législation des mainmortes en Brabant remonte, comme nous le ver- rons, au treizième siècle. La position toute spéciale des personnes morales, naissant pour ainsi dire à volonté au moyen âge, douées d'une existence indéfinie et partant d'une faculté continue et incessante d'acquérir, devait atti- rer l'attention des princes. Les personnes morales portaient, dans l'ancien régime, le nom générique de communautés; on les divisait en ecclésiastif/ucs et laïques K Diverses dans le but qu'elles poursuivaient, elles produisaient des effets identi(|ues sur l'organisation matérielle de la société; aussi, dans le der- nier état de la législation sur la matière, les probibilions furent-elles communes aux deux catégories. Un mouvement de concentration de la propriété foncière (la seule en bonneur alors) était la conséquence immédiate et fatale de la mul- tiplication des communautés, et celte concentration pouvait, avec le cours des âges, se traduire en un véritable danger social. La législation des main- mortes n'a pas été fondée dans un esprit anlipatbique à l'opulence de l'Lglise; pour en compiendro les bases morales, nous examinerons brièvement les motifs qui, pendant l'ancien régime, ont fait porter des limites à la faculté d'acquérir des immeubles reconnue aux établissements religieux. Quand l'existence des personnes morales est admise par la loi civile, le pouvoir de posséder et d'acquérir des biens leur est évidemment accordé en principe. Les propriétés qu'elles possèdent leur appartiennent aussi légitime- ment que les pro|)riétés particulières appartiennent aux personnes pbvsicpies; et tout acte de l'autorité qui s'approprierait à un titre quelconque des biens de niainmortes acquis par elles suivant la loi du pays, ne serait, sous ipielque prétexte qu'on le colore, qu'une odieuse spoliation. Cependant la personne mo- rale est une création expresse ou tacite de la loi civile : en en reconnaissant l'existence, cette même loi peut évidemment restreindre ses droits dans les limites de la justice absolue et de l'intérêt général combinés. Or trois ordres principaux de motifs avaient fait apporter depuis longtemps des restrictions ' Riitz, Mémoire sur l'ancien droit belgiqué, p. 321. Il donne l'énumération des nombreuses personnes morales laïques. 326 MÉMOIRE SUR L'ANCIENNE au droil d'acquérir des établissements de mainmoi-te : des motifs de finance, des motifs de juridiction, cl des motifs i)ro|)i'emcnt d'intérêt social. Nous allons le comprendre en exposant brièvement la position des biens ecclésiastiques vis-à-vis du pouvoir civil dans notre ancienne législation brabançonne. A Torigne, les biens féodaux comme les biens ecclésiastiques étaient dispensés de charges réelles pécuniaires ' : c'était justice. Le posses- seur du fief devait l'impôt du sang : il devait 1» service militaire personnel et un service d'hommes proportionné à l'importance de sa terre de tenure féodale. Les établissements religieux étaient exempts des subsides, non pas seulement en vertu de l'immunité générale de l'Église, fondée sur une renon- ciation libre que le souverain avait faite de ses droits; mais encore parce que ces établissements devaient des prières spéciales à la Divinité, à rcITel de contribuer au succès des entreprises et des campagnes nationales. Ceci pouvait continuer à subsister tant que la richesse des établissements de mainmorte resterait dans une situation normale; mais leurs acquisitions prenant des proportions considérables, les princes intervinrent, et, après plusieuis mesures transitoires'', ils introduisirent, au point de vue financier, une distinction des biens ecclésiastiques en trois catégories : 1" Ceux acquis avant 133G; 2" Ceux acquis jusque vers 1383; 3" Ceux acquis depuis cette époque '''. Les premiers étaient considérés comme pleiiidiiciit amurtis et exempts de tout impôt, charge et subside quelconque. L'exemption fut solennellement reconnue par .Jean III qui, pour prix de sa charte, se réserva seulement quelques prestations spéciales de corvée, de chienage, etc., ([uon rachetait encore dans les derniers temps au prix d'une somme d'argent *. Les biens de la deuxième catégorie étaient aussi considérés comme amortis, ' Lnovcns, l" partie, pp. 120 cl suivantes. - Une charte de Léau Je l;2!)0 dcfeud aux bourgeois de cette localité de transporter de> biens à une personne ecclésiastique, sinon avec la clause de supporter pendant quinze ans les tailles et arrises comme sous les anciens possesseurs. Codex de la Chron. de Van Heelu. p. 'i^l . '" Loovens, 1" partie, pp. 1:20 et suivantes, pour la distinction des caléj;ories de iiicns cl Icui- sitnation vis-à-vis du pouvoir ducal. * Yeeslen. I. I, p. 751. CONSTITUTION BRABAISÇOISNE. 327 exempts de la juridiction civile et francs de tout impôt et charge sous les seigneurs bassains. Ils dépendaient uniquement de la suprématie du prince, qui les prenait sous sa sauvegarde et commettait à leur protection le warunt- maitre ou f/rui/er de Brabant. Pour la troisième catégorie de biens, les ecclésiastiques payaient une coli- salion volontaire diW duc, cotisation librement consentie. On comprend aisément quelle avait été la pensée financière des princes. Il était de principe que les subsides devaient être votés par les états; mais, d'après le droit des gens du moyen âge, le subside, même légalement con- senti, ne pouvait être réparti sur les biens ecclésiastiques complètement exempts de charge. Si cette espèce de propriétés avait augmenté sans aucun contrôle, le (aux des subsides aurait marché en s'affaiblissanl toujours. Eneflet, les biens sur lesquels portait la répartition de Timpôl auraient diminué en étendue, et, sous peine de pressurer complètement le contribuable, sous peine peut-être de récarter complètement de l'exploitation de la terre, il aurait fallu dimi- nuer le poids du subside et amoindrir ainsi les sources du revenu public. Les princes pourvurent donc à un besoin imminent, comme nous venons de le voir, et, comme ils pouvaient en fait défendre toute acquisition ultérieure, les établissements ecclésiastiques et les clercs ne se refusèrent pas à se cotiser vo- lontairement et à contribuer dans les impôts librement votés, au moins pour leurs biens à venir. C'est là même ce qui doit avoir fait entrer de nouveau les abbés de Brabant dans les réunions ordinaires des états sur le fait des subsides. Les princes avaient encore un autre intérêt d'argent à surveiller, les accpii- sitions immobilières des corporalions ecclésiastiques. Ces dernières se perpé- tuaient indéfiniment, et, par le fait même, échappaient au droit périodiipic de relief que le vassal devait payer quand il succédait à son auteur. On |)0urvul plus tard à ce besoin spécial , en n'accordant les amortissements que moyennant finance. Outre ces motifs financiers, les princes avaient un motif sérieux de juri- diction pour mettre un certain frein à l'augmentation indéfinie des possessions ecclésiastiques. En examinant plus haut le concordat fait avec l'évèque de Liège, nous avons dû remarquer que les biens amortis sortaient presque entièrement 7,28 MÉMOIRE SUR L'ANCIENINE de la jiiridiclion civile, pour ne plus relever que de la juridielion ecclésias- lique. La juridiclioii du souverain aurait clé perdant sans cesse du terrain, à n)esure que les amortissements seraient devenus plus importants; et nous avons vu que ramortissement pouvait être opéré tant par lettre du prince que par prescription de soixante et dix à quatre-vingts ans. Il importail aux intérêts d'une bonne justice nationale, aux intérêts des administrés, comme au lustre de la puissance souveraine, d'arrêter ce mouvement fatal de décroissance dans linlluence et dans Taclion la plus légitime de cette dernière. Enfin, socialement et politicpiement parlant, si la grande propriété est in- dispensable au progrès général, si elle seule procure ces grandes existences capables de faire des sacrifices à l'avenir, on ne devait pas non plus oublier que la possession du sol par les masses est le plus puissant élément de mo- ralité et de stabilité. L'bomme propriétaire de la terre se sent doublement lie aux intérêts de la patrie; et si quelques personnes morales, (|ui ne soutiraient dans leur sein aucun morcellement, aucun partage, avaient pu indélinimenl s'agrandir, la quantité des biens immobiliers restés dans le commerce et capables d'exciter l'émulation des travailleurs serait devenue relativement minime; l'essor de la |)opulalion se serait ralenti, et un puis- sant élément de progrès social se serait trouvé éteint dans son principe. Après ces considérations préliminaires, nous pouvons exposer les dévelop- pements successifs de la législation brabançoinie sur la matière. L'acquisition des richesses mobilières, (|ui n'importe pas au pouvoir civil, ne fera, remar- (]uons-le, l'objet d'aucune disposition : ce fait conlirme ce (pie nous disions plus haut, après Anseimo ', que la restriciion portée au droit d'acciuérir des immeubles n'est pas portée en haine de l'opulence de l'Église, mais unique- ment pour sauvegarder, les droits du prince et les intérêts généraux. Les landkeuren de 1292, article 30, disent : « Nulle gens d'ordene ni bourgeois de dehors noslre terre ni de dedans, ne i)uevenl ac(]uere biens hirctauls de soûls nous, si ce n'est de nostre congicl, s il n'y a pas encore de défense d'acquérir; mais déjà le pouvoir, intéressé à la ré|)artilion de la terre entre des familles capables de service nuliiaire, ' Trihonianus Belgicus, cliap. L, § 3. CONSTITUTION BRABANÇOxNNE. 329 témoigne d'une sollicitude particulière pour les acquisitions à faire à Tavenir, tant par bourgeois que par personnes ecclésiasiiqiies, les uns peu portés, les autres tout à fait inhabiles à la carrière des armes. La (andc/iarler de 1312 dispose que, sans octroi du prince, les ecclésias- tiques ne peuvent acquérir de biens féodaux. Ces dispositions furent les seules qui réglèrent la matière jusqu'à l'époque où parut l'article 13 de la deuxième addition de Philippe le Bon. Les gens ecclésiastiques de dehors le Brahant ne pourront acquérir aucuns biens immenbles en ce pays ; pareillement les ecclésiastiques du Brahant ne pourront en acquérir que par achat, à condition que le vendeur ou son héri- tier les pourront toujours racheter au denier xviii. Les établissements de mainmorte étrangers au Brabanl se trouvaient donc dès lors complélcmcnl privés du droit d'acquérir des biens dans le duché et SCS appartenances. La disposition du duc Philippe était sage et raisonnable. Les mainmortes étrangères ne contribuaient en rien aux charges braban- çonnes; on ne pouvait les imposer de force, et, n'étant liées par auciui lien d'alTection au Brahant, elles n'auraient évidemment pas voté volontairement des subsides au prince du pays. D'un autre côté, tout le produit des immeu- bles, tout leur revenu, soif en nature, soit en monnaie, quittait le sol du Bra- hant (ît s'en allait à l'étranger sans aucune compensation. Les ecclésiastiques du Brahant n'ayant la faculté d'acquérir que par achat, ne pouvaient accepter des donations ni recueillir des successions; et comme le vendeur ou l'héritier avait toujours le droit de racheter à des conditions assez avantageuses, l'immeuble vendu n'était pas tout à l'ail sorti du commerce : une action de réméré introduite par la loi l'y faisait rentrer au gré de l'aliénateur ou de sa famille. La deuxième addition de la Joyeuse-Entrée de Charles-Quint renferme, comme nous le disions en commençant, un système complet de législation sur la matière. Comme la loi portée par Philippe le Bon n'avait pas été strictement observée {usu non receptaest) ^, l'article 14 reprend et renouvelle les mêmes disposi- • Tribonianus Belgiciis, chap. L,%&. Tome XXXI. 42 330 MEMOIRE SUR L'ANCIEISNE lions. Il défend pour l'avenir aux couvents et au clergé de dehors le Braimnl, d'acquérir ou d'acheter aucun droit immobilier en Brabant, soit fonds, soit cens, soit fermes, soit rentes. De Pape dit avoir vu de son temps juger contre les Alexiens de iMalines en conformité de Particlc 14 ^ Les articles 45 et 16 s'occupent exclusivement des mainmortes braban- çonnes. Il résulte de leurs dispositions : 1" Que les couvents, maisons-Dieu , chapelles, collèges, ou autres main- mortes ne peuvent acquérir des immeubles qu'à titre onéreux, et nullement pur successions ou dévolutions quelconques, générales ou particulières , ni par testament ou autre acte de dernière volonté ni donation à cause de mort ou hérédité ab intestat ; 2° Que, même pour acquérir, à titre onéreux, quelque bien ininiohitier, féodal, allodial, censal ou emphytéotique assis en Brabant, Liinbourg et outre-Meuse , il faut que la vente, transport, cession ou échange ait lieu de commun consentement et octroi du prince et des magistrats de la chef-ville dans le ressort de laquelle les biens sont situés. L'octroi du pi'ince le mettait à même d'apprécier à l'avance le donnnage que ses finances ou sa juridiction pourraient subir par les nouvelles ac(|uisi- lions des mainmortes. L'intervention des chefs-villes prévenait l'aclion des influences qui auraient pu arracher au prince une concession préjudiciable à rinlérêt social; cl, de plus, les ma£;istrals du ressort, en relation prescjne jour- nalière avec le plat pays, étaient mieux à même que personne de juiier des avantages ou des désavantages probables que l'octroi du prince allait amener. On comprend aisément la prohibition des acquisitions à titre gratuit. Dans cet ordre de transports de la propriété, la surveillance de l'autorité était beau- coup plus dillicile à concilier avec le respect des volontés et des liberlés indi- viduelles. Les fraudes et les abus étaient trop faciles pour ne pas en exiirper jus(|u'à la racine; et, du reste, par les successions ab intejitat sm-lout, le mouvement de concenlralion de la propriété foncière, qu'on voulait éviter, se serait opéré, lentement il est vrai, mais cependant avec une conlinuiN' imni- ' Manuscrit cilc ilo Wvnants sur de Pape, sous riirliclc I i «le r.'iJdilion. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 331 table. L'article 16 resta en pleine observance; mais comme il était juste de permettre aux fidèles de faire des fondations pieuses, quand un testateur avait disposé d'un bien en faveur d'une mainmorte incffpable, le legs était valable, en ce sens, que la mainmorte |)ouvait disposer du prix de l'immeuble; toute- fois elle devait nécessairement se défaire de ce dernier '. Tout ce qui sera fait ou tenté par quelqu'un (article 16) contre cette pro- hibition de la loi, sera nul et de nulle valeur, et sera réputé tel à perpétuité. Néanmoins, quoique la question soit controversée, nous croyons que la nullité fondée sur la probibition de l'article 16 pouvait se prescrire par trente ans. Pour que la surveillance de l'autorité centrale et des chefs-villes s'exerçât d'une manière erticace sur les transactions à titre onéreux relatives à des immeubles entre mainmortes et particuliers, il était défendu à tout officier, homme de fief et à tous autres justiciers d'intervenir à un acte quelconque de vente, transport, etc., d'immeuble en faveur d'une mainmorte qui n'aurait pas obtenu le double octroi requis du prince et de la chef-ville. Tous ceux qui contreviendraient à cette prohibition , encourraient l' indignation du prince, et de plus une amende d'un marc d'or à son profit, sans délai ni dissimidation. Il parait que certain |)lacard exigeait, outre le conscntemcnl de la chef- ville, le consentement du seigneur particulier du village où étaient situés les biens que l'établissement de mainmorte voulait accpiérir -. Toutes ces dispositions ne purent entraver complètement cette tendance naturelle que les maiimiortes ont en connnun avec tous les propriétaires de chercher à s'étendre cl à s'agrandir. De Pape prétend (|u'elles achetaient des immeubles à haut prix, et (|u'elles se liaient dès lors à la quasi-impossibilité où se trouvait le vendeur de rendre plus tard le prix, s'il concevait le projet d'opérer le rachat ^. Cuni haec jura de non acquirendo fuerunt dubia, liligiosa et controversa , saepius in repetendis ab ecclesia bonis immobilibus disputatum fuit, quando et a quo tempore monasteria aliaque pia loca fuerent reddita incapacia *. ' Miinuscril pile' de ^yynanl.s sur tic Pape, sons l'iirlicle I "j de l'addilion. - IliiiL, sous larlicle IG de l'addilion. 3 Ihitl. '' Trihomaniis Bchjkus, cliap. L, g i± 332 MEMOIRE SUR L'ANCIEISNE Dans ces circonslanccs inlervinl rédil perpétuel de io'20 sur la matière, (|ui conlinne et reproduit en (|uel(|ue sorte la législation de la Joyeuse-Entrée. Il lut toutefois admis que tout ce que les mainmortes avaient acquis avant la date de Tédit leur resterait. Cette jurisprudence était l'ondée sur les termes mêmes de Tédit de 1520, et fut confirmée par plusieurs arrêts, tant de la cour féodale que du conseil de Brabant. Garantie contre les appréhensions indues des grands officiers. — L'ar- ticle 17 et dernier de Taddition est une garantie pour la liberté individuelle des sujets brabançons contre les appréliensions indues des grands officiers de justice du duché. Les drossarl de Brabant, prévôt des maréchaux, gruyer et tvauf-maitre , ne pourront faire appréhension ou exploit dans les villes du Brabant que dans les cas où il leur appartient, d'après leur instruction et d'après l'an- cienne observance. Pour comprendre la portée de cette disposition, il convient d exposer son»- mairemenl le caractère et les attributions de ces divers offices. Nous avons parlé plus haut, en traitant de la foresterie, des fonctions du waut-maître préposé à la conservation cl à la surveillance des forêts doma- niales. Le drossarl de Brabant avait à peu prés les mêmes fonctions que le grand bailli dans les autres provinces. Il était commis pour veiller à la tranquillile el à la sûreté publiques, avec mission de purger le pays des vagabonds, mal- faiteurs, fri|)()ns et voleurs. Autrefois justicier suprême du duché, il avait fini par n'exercer plus en Brabant que des fonctions analogues à celles du prévôt lies maréchaux ^ Le drossarl avait une conqiagnie de gens d'armes à lui destinée à l'aider dans l'exercice de sa juridiction. Il prélendail au droit (et l'observance l'y avait confirmé) de loger, sans payer, une fois l'an avec sa conq)agnie dans chacun des villages de sa juridiction. Ce qu'il y avait d'exorbilanldans les pouvoirs du drossarl de Brabant el du prévôt des maréchaux, c'est (jue, lorsipi'ils Irouvaienl le cas notoire, ils ju- geaient seuls le prévenu qu'ils avaient fait appréhender. Si le cas était dou- ' Mamisnit ilc Wynants, pp. 283-286, n° WJ970, Bihl. de Douriçiigiic. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 555 teux, ils se rapportaient à la décision d'un des fiscaux de la province, et plus tard d'un seul assesseur, qui avait été adjoint à leur office. Une puissance aussi dépourvue de contrôle et de garanties devait, dans Tintérèt des sujets, être restreinte dans les plus strictes limites \ La charge de prévôt des maréchaux avait été créée en 15i9 par Charles- Quint. Cet officier veillait à la sûreté du plat pays et des villes ouvertes, et exerçait la répression des crimes commis par les vagabonds -. Le gruyer de Brabant avait la poursuite des délits commis dans les monas- tères et leurs possessions, d'après Tinslruction donnée en 1545 par Charles- Quint. Dans ces limites, il agissait à l'exclusion de fous autres officiers, sauf dans le cas de peine de mort ^. En cas de crime emportant peine de mort, il agissait en concurrence avec l(!S maieurs de Louvain, de Bois-le-Duc et de Tirlemont, ramman de Bru- xelles, Técoutète d'Anvers et le bailli du Walion-Brabant. Il y avait pré- vention en laveur de celui de ces officiers (|ui tenait le délinquant en état d'arrestation. Remarquons que le gruyer avait une partie de juridiction commune avec le grand veneur de Brabant, chef du consistoire de la trompe *. Tous ces grands officiers devaient être assez facilement enclins à dé|)as- ser les bornes de leur pouvoir, et il importait de garantir le pays contre toute atteinte (ju'ils pourraient porter, soit à leurs instructions, soil aux an- ciennes observances auxquelles les Brabançons étaient si attachés. Par dé- rogation à cet article, on avait reconnu au waut-maitre le droit de visiter les maisons des bourgeois sans éclievins •'; sans doute à cause de la célérité indispensable à la poursuite des délits forestiers, par suite de la facilité à faire disparaître le corps du délit. ' Justice criminelle d'autrefois, discours de rentrée de M. le procureur général de Davav , an 185G, pp. 17-18. '^ Ilenne ei Waulers, Histoire de Bruxelles, tome II, p. 498. 5 Wynants, Decisiones, tome II, dccis. XXVII. * Wynants, mimusc. de la Bibl. de Bourgogne cité, n" irjOTO, p. 276. ^ Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 17 de l'addition. 334 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE CHAPITRE XI. DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE PHILIPPE II '. Depuis ravénement de la branche aînée de la maison de Bourgogne au trône (lu Rrahant, la position du pays avait singuiièremonl changé. Nous Pavons déjà lait remarquer, de possession unique ou au moins tout à fait princi- pale de ses princes, il était arrivé à ne plus former (|u'une partie, toujours importante il est vrai, mais relativement peu considérable, de leurs vastes et nombreux domaines. Des circonstances particulières et les sages précautions prises par les états avaient conservé au duché une grande indépendance, une existence |)olitique parfaitement distincte. Le pouvoir gouvernemental attribué au conseil de Brabanl était le principal fondement de cette situation; mais ce pouvoir même devait singulièrement gêner la marche du gouvernement des jH'ovinces belgiques, alors surtout que les circonstances allaient faire de l'ab- sence du |)rince la l'ègle à |)eu près générale. La maison d'Autriche avait re- cueilli rhéritage de Bourgogne, et l'avait joint à ses possessions d'Allemagne, d'Aragon et de Caslille. Charles-Quinl portait la couronne impériale, et des intérêts majeurs l'appelaient à être plus souvent à Vienne et à iMadrid ([u'à Gand et à Bruxelles. Celle situation du pouvoir souverain devait évidemment le porter à désirer une certaine concentration, une certaine unité dans l'im- pulsion à donner à nos provinces, liées entre elles par des besoins et des intérêts communs. A vrai dire, cette unité dans la direction générale du gou- vernement des Pays-Bas pouvait, en quelque mesure, être aussi utile, aussi pntliiable aux administrés qu'au pouvoir. Mais la liberté d'allures du conseil de IJrabanl y portait un obstacle presque invincible en droit. Onaiid Charles-Quint avait ('lé inauguré, la situation, (pie nous caracté- ' Voir l'aclc dans Loovens, 1" partie, p. iu8. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 535 risons à grands traits, n'avait pas encore produit toutes ses conséquences. El puis le prince, plein d'aflfection pour les Brabançons au milieu desquels il avait été élevé, plein de respect pour les lois jurées par ses prédécesseurs, avait octroyé, dans sa Joyeuse-Entrée, les concessions les plus larges, renou- velant même une partie des dispositions accordées par Marie de Bourgogne et supprimées par Philippe le Beau. Charles ne fut pas de longtemps en Espagne qu'il s'aperçut que l'acte d'in- auguration en Brabant pouvait, en certains cas, restreindre singulièrement son action : dès 1S19, 1520, 1521, il écrivit à l'archiduchesse Marguerite à (|ui il avait laissé le gouvernement des Pays-Bas : « Qu'il était averti que, » dans la Joyeuse-Entrée, il y avait plusieurs articles non raisonnables ; qu'il » lui ordonnait de les faire examiner, et de l'avertir des moyens de les re- » dresser ^ » En 1531, en instituant sa sœur la reine Marie de Hongrie comme gouver- nante générale, il lui adjoignit trois conseils collatéraux, le conseil privé, le conseil d'État et le conseil des finances ^. Par là il annihilait pour ainsi dire en fait la prérogative gouvernementale du conseil de Brabant, auquel on contesta en outre le droit d'accorder des lettres de grâce ^. Les étals de Brabant firent d'amères doléances sur ces violations de la Joyeuse -Entrée, ainsi que sur plusieurs autres coutumes nouvelles (pii y étaient contraires, et qu'on tentait d'introduire dans la pratique. Dès 1536, Charles-Quint négocia avec eux *, cl depuis ce moment il conçut le projet, dans l'intérêt de sa postérité, dans l'intérêt peut-être de l'ensemble de ses possessions, de faire retrancher légalement de la Joyeuse-Entrée brabançonne les articles devenus surannés ou inutiles, el de faire modérer ceux qui em- barrassaient l'action du gouvernement général. Charles-Quinl sut trouver le moyen de rendre hommage au grand prin- cipe fondamental de son autorité en Brabant , principe qui ne lui permettait de gouverner que selon les privilèges du pays, et de ne changer ces mêmes ' Mnnusrrit cite de Wynants sur de Pape, à la page 3. - David, oiivr. cité, p. 287. ' Loovens, i" partie, au règne de Cliarles-Quint. * Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, à la page 4 et b. 336 MEMOIRE SUR L'ANCIENNE privilèges que du consenlemeni des étals, reprcsenlanls noliuels et légaux de la coMiinuiiauté brabançonne. Il résolut do faire inaugurer de son vivant son tîls Pbilippe il comme dut* de Brai)anl, sans lui céder immédiatement la sou- veraineté ^ ; el, en conséquence, s'aboucbant avec les états de Brabant dans le courant de 1549, il dressa, de commun accord avec eux, Pacte dinauguration de Philippe II. La Joyeuse-Entrée de Philippe II est le point culminant du droit public brabançon : c'est le résultat final auquel aboutissent cinq siècles de dévelop- pements et de progrès. Désormais les souverains qui monteront sur le trône du Brabant jureront, dans leur acte d'inauguration, les mêmes points, articles et privilèges (|ue porte la Joyeuse- Entrée de loiO. Une seule modification fut introduite sous Albert et Isabelle, et encore ne faisait-elle que rétablir un principe omis par erreur dans la charte de Philippe IL Nous commencerons donc par faire mention des principes qui disparais- sent définitivement du droit constitutionnel du duché. Puis, dans un second paragraphe, nous inscrirons le texte des privilèges qui se maintinrent désor- mais dans l'ancien régime, renvoyant pour leur explication à ce que nous avons dit dans les chapitres précédents. Enfin nous examinerons les changements apportés par la Joyeuse-Entrée de Philippe II aux principes admis déjà dans les chartes antérieures, et qui ne furent (|ue modérés. Ce résumé nous montrera avec évidence que le duché de Brabant jouis- sait de toutes les libertés désirées, désirables et appréciées dans la société d'alors, et que, vis-à-vis de tous, il pouvait lever fièrement le drapeau du progrès et de la liberté polilicpie. ' Manuscrit intitulé de Wavrans, de la Bibliothèque Goelhals, dëjà cité. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 357 § I-. PRINCIPES QUI DISPARURENT DÉFINITIVEMENT DE LA JOYECSE-ENTRÉE. A mesure que les mœurs politiques se développaient, nous avons pu remar- quer que la Joyeuse-Entrée posait plus souvent des déclarations de principe, et s'occupait moins des questions de fait que pouvaient soulever des diflîciiltés particulières; à moins toutefois que la difficulté n'existât entre un sujet, une ville el le prince lui-même. D'un autre côté, les actes d'inauguration étaient fondés principalement èur le respect du passé; ils portaient souvent de$ ar- ticles devenus inapplicables, et mentionnés en ipielque sorte par souvenir et par reconnaissance de services rendus. A l'occasion d'un remaniement complet de la Joyeuse-Entrée, concerté librement entre le souverain el les états, tous ces anacbronisines devaient naturellement disparaître. Par suite, il n'est jilus question, dans la Joyeuse-Entrée, ni du procès de Heffen, ni du procès de Calloo, ni des droits de tonlieu d'Augsbruggc et du Ilellegat, points qui, depuis Pliilippe le Bon, avaient fait l'objet de stipula- tions solennelles. Il n'est plus (luestion non plus d'un article rvh\[i( m droit d' A twera , c'est- à-dire à celle procédure spéciale que nous croyons .être la torture ou tout au moins les oi'dalies ou jugements de Dieu. Ces derniers ont tout à fait disparu de la pratique judiciaire; el même une disposition générale introduite par Philippe le Beau limite, ainsi que nous l'avons vu, l'usage de la première. L'article relalif au droit d'Anvers existait depuis Wenceslas. De même il n'est plus parlé, dans l'inauguration de Philippe II, du maintien et du réiublisseinent des privilèges de Lierre et de Bois-le-Duc sur l'admi- nistration de ces villes; (Article 48 de la charte de Charles-Quint.) Ni des pensions créées par Jean IV, Philippe I" , Philippe le Bon, Charles te Téméraire, Marie de Bourgogne el Maximilien; Ni du procès de Lierre et île Diest pour le droit d'étape des bestiaux; (Arlicles 54 el 55 de la charte de Charles-Quint.) Tome XXXI. 45 338 MEMOIRE SUR L'ANClEl\i\E Enfin le droit n'était plus d'accord avec le fait sur certains points parti- culiers, restrictifs de la puissance souveraine. La faiblesse de Jean IV lavait fail mettre sous une espèce de tutelle du conseil du Rrabant. Philippe de Saint-Pol avait dû consacrer, à son inauguration, les privilèges arracUés ;i son frère. Mais depuis, le pouvoir ducal avait grandi prescpie d'une manière continue, et les états pouvaient sans dinicullé sacrifier, dans la Joyeuse- Entrée, des articles que des circonstances fatales et inévitables avaient ré- duits à l'état de lettre morte. L'ai'ticle i n'est plus désormais suivi de la clause : Que toutes lettres re- f/ardant affaires brabançonnes devront être signées par quatre conseillers de Brnbant. Ont également et définitivement disparu les articles qui portaient : Que le duc de Brabant ne pourrait remettre amende ni confiscation , mettre ou démettre officiers , faire service à f/uelqu'un ou donner de grands dons, si ce n'est de l'avis et approbation du conseil de Brabant , ou au moins de quatre conseillers qui auront signé les lettres. (Article 13 de la Joyeuse-Entrée de Charles-Quint.) Que le duc de Brabant ne pourrait nommer ni révoquer le drossart ni le receveur de Brabant, sinon de l'avis et approbation du conseil de Brabant ou du moins de six conseillers qui auraient signé les lettres. (Article ii de la Joyeuse-Entrée de Charles-Quint.) § II. TEXTE DES ARTICLES, POINTS ET PRIVILÈGES PE LA JOVELSE-ENTRÉE. ItAPRÈs LE DERMER ÉTAT DE CETTE COSTITDTIO. La Joyeuse-Entrée n'ayant plus subi, comme nous Pavons dit, (|u'un cliaii- gemenl peu iini)orlant depuis \lii9, nous croyons pouvoir insérer ici, non pas le texte dressé à cette date, mais celui de 1702, qui nous olTre une tra- duction offîciellc française. Disons pourtant que, partout où la charte du roi CONSTITUTION BRABANÇOrSINE. 539 Philippe IV dit 5a Majesté, l'acte de 1549 se sert du terme Nous, compre- nant à la fois et Charles-Quint encore duc et Philippe inauguré par antici- pation. Quant aux autres légères divergences de forme, nous les indiquerons en note. Le roi promet aux Brabançons : Article 1". — Premièrement que Sa Majesté leur sera bon, équitable et léal seigneur, et qu'Elle ne leur fera, laissera ni souffrira être fait, en façon quelconque, aucune force ni volonté, et que Sa Majesté ne les traitera ni laissera traiter hors de droit et de sen- tence, mais qu'Elle traitera et fera traiter tous nos prélats, maisons-Dieu, barons, nobles et bonnes gens et sujets de ses villes, franchises et pays de Brabant et d'outre-Meuse, en toutes choses, par droit et sentence, suivant les droits des villes et des bancs, où il appartiendra et devra être fait; et que les juges dudit pays de Sa Majesté seront obligés de tenir leurs jours de plaids, sans aucun moyen de délai, par leur négligence, faute ou coopération, sauf que lesdits juges pourront bien une fois sans plus délayer leurs jours de- plaids de seigneurie. Article 2. — Que les privilèges et Chartres concernant cedit pays et bonnes gens, qu'ils ont présentement et acquerront ci-après à leur profit et dudit pays, demeureront au château de Vilvorde, à la garde d'une personne honnête, digue etqualiliée, née en Brabant et y résidente, ù ce commise ou à connnettre par le prince, saut que le même commis fera serment au prince, en présence des états, ou de leurs députés : à (pioi les prélats et nobles ont député deux prélats et deux nobles, lesquels le prince, ou son commis, pourra trouver le plus commodément au temps (pie ledit commis fera son ser- ment, et le troisième état (savoir : les chels-villes), en èlaiil icciuis, députera vers le prince un de chaque chef-ville, qui seront à ce appelés et convoqués pour aussi entre- venir audit serment; lequel serment sera et portera d'être bon et fidèle au même prince et au pays, et de n'aliéner, démanuer ni obscurcir lesdits Chartres et privilèges par lui- luême, ou par autre, en aucune manière; et que le même commis donnera et délivrera aux états son inventaire général des privilèges ei Chartres concernant ledit pays et bonnes gens de Brabant, lequel sera fait par le même commis et garde, en présence du chan- celier de Brabant, tellement étendu qu'un chacun des mêmes états en jiuisse savoir el connaître ce qui lui touche et concerne, jwur le même inventaire être gardé par les mêmes états en leur coffre; et il n'en donnera à personne en particulier copie, mais que néan- moins il en sera donné vision et inspection aux mêmes élats, et à chacun d'eux et des chefs-villes ', à leur réquisition et à l'ordonnance dudit chancelier; et, par dessus ce, que ledit garde des Chartres sera tenu, lorsqu'il en sera requis des mêmes états, ou de quel- qu'un d'eux, de donner vision el copie authentique de telles lettres originales dont les mêmes états, ville ou villes, ou quelqu'un d'eux, pourraient avoir besoin , ou qui leur seraient nécessaires, et cela par ordonnance du prince, ou de son conseil de Brabant. ' La cliailo de Philippe II parle des quatre cliefc-villcs. 340 MEMOIRE SUR L'AINCIEISNE Article 3. — llcni, que Sa Majesté ne s'obligera jamais, comme duc de Brabanl et de Limhourg, et pour causes concernaiil la seigneurie des mêmes pays, d'entreprendre la guerre avec quelqu'un, ni de faire ou faire faire saisie sur quelqu'un, ne soit du conseil, volonté et consentement des villes et du pays de Brabant de Sadite Majesté; et que Sa Majesté ne pronieKra ni scellera aucunes autres dioses par lesquelles ses pays, limites ou villes, ou aucuns diceux pays, leurs droits, libertés et privilèges, pourraient être enfreints, diminués, ou ses pays et sujets d'iceux endommagés en manière quelconque. Article 4. — Item, que Sa Majesté prendra le titre et les armes de Lothier, de Bra- bant, de Linibourg et de marquis de Saint-Empire, comme il appartient, et que, selon lesdits titres et armes Sa Majesté fera faire et graver un scel distingué par une notable marque de ses autres scels, lequel Sadite Majesté ne pourra faire changer, ni sur ou après icelui faire ou laisser graver aucun autre, ou y consentir en aucune manière, ne fut pour causes raisonnables : ce que Sadite Majesté, en ce cas, ferait du consentement des trois états de sondil pays de Brabant. Lequel scel devra toujours demeurer en sondit pays de Brabant, sans en être transporté; et on en scellera toutes les choses concernant sondit pays de Brabant et celui d'outre-Meuse, et les sujets d'iceux, sans en sceller d'aiitres. Qu'aussi les lettres qui en seront, se dépêcheront par quelqu'un des secrétaires de Sa- dite Majesté qui seront ordonnés aux affaires du lirabant. Article tî. — Item, que Sadite Majesté entretiendra sejtt dignes personnes, dont l'un sera chancelier et scelleur, natif de sondit pays de Brabant et sachant trois langues, à savoir: la latine, wallonne et bas-allemande, lequel gardera le scel de Sadite Majesté; et les quatre natifs, demeurant et possédant biens en sondit pays de Brabant, ou qui pos- sèdent baronnie d'esloc en sondit pays de leur chef ou par mariage, et les deux autres, de la |)art de Sadite Majesté, de son conseil, tels qu'il lui plaira, sachant la langue bas- allemande : par lesquelles sept personnes et autres y étant présentement jointes, ou qu'il , plaira à Sadite Majesté à l'avenir de joindre audit conseil, Sadite Majesté, son gouverneur ou gouvernante générale, fera traiter et expédier toutes les affaires du même pays et des habitants d'icelui, concernant la justice et ce (pii eu dépend, soit de proviijious ordinaires de justice, ou statuts, placards, édits, ordonnances, mandements ou autrement, par con- seil et avis d'icelui et diidit conseil brabançon, sans qu'en cela leur pourra être fait par quelqu'un aucun enq)êchement ou trouble, ni qu'ils seront soumis À l'ordonnance de quel- qu'un, sinon d(i Sadite Majesté ou de son gouverneur et gouvernante générale. F'^t tous ceux qui seront conseillers ou secrétaires de Sadite Majesté ou de ses successeurs, avant (pie de se pouvoir enti'einellre de leurs fonctions de conseiller, ou oflices, pronietiroiit et assureront, par tel liounnage, loyauté et serinent (pi'ils auront fait à Sadite Majesté ou à ses successeurs, aux trois états de Sadite .Majesté au prodt de son commun pays, qu'ils n'enireviendroiit ni assisteront jamais, ni n'écriront, signeront ni scelleront aucunes lettres par lesquelles anciins des pays, villes, châteaux, gens, rentes ou seigneuries, par eau ou par terre, situés deçà ou delà de la .Meuse, seront op|iignorés, engagés, vendus, aliénés, diminués, chargés, ni aucunement embarrassés, donnés ou remis en aucune ma- nière, si ce n'est du consentement desdits trois états. Kt, s'il se tr(ju\àl (|ue contre ceci CONSTITUTION BRABANÇOININE. 541 quelqu'un des conseillers, scelleur ou secrétaires susdits se comportât mal, ou se méprit en son conseil, office ou services. Sa Majesté l'en corrigera par conseil des nobles et des bonnes villes de son pays de Brabant ou de la plupart d'iceux. Article 6. — Item, que Sadite Majesté ne prendra ni retiendra dorénavant personne en son conseil juré de Brabant, si ce n'est gens de bien, nés en son pays de Brabant de légitime mariage, et demeurant dans sondit pays, et adhérités ou possédant baronnie d'estoc dans le même pays, de leur chef ou par mariage, excepté les deux dudit conseil de Sa Majesté sachant ladite langue bas-allemande. Article 7. — Item, que Sadite Majesté commettra des hommes de bien de son conseil de Brabant pour, de sa part, tenir une chambre de conseil au lieu où elle résidera dans son pays; et, s'il arrivait à Sadite Majesté d'en être absente, en ce cas elle ordonnera que cette chambre se tienne dans sondit pays, en un lieu à ce commode : lesquels auront plein pouvoir d'expédier un chacun de sa part; et que, pareillement, sa cliandire des comptes sera tenue ainsi qu'elle a été jusques à présent. Article 8. — Item, que toutes lettres patentes et closes que l'on accordera et expédiera désormais, de la part de Sa Majesté, au conseil de Brabant, soit pour Sa Majesté, ou à la réquisition de parties, seront faites, expédiées et adressées en telle langue que Ion parie au lieu où elles seront envoyées. Article 9. — Item, que Sadite Majesté ne commettra aucun chancelier ou scelleur en son conseil de Brabant, qui ne soit né de légitime mariage dans le pays de Brabant. et demeurant et adhérité en icelui pays, ou y possédant baronnie d'estoc, soit de son chef ou par mariage, sachant, comme il est dit ci-dessus, les trois langues, et étant d'ailleurs propre et capable au même état, et utile audit pays; lequel chancelier fera le serinent appartenant au même office, en présence de Sadite Majesté et des trois états, au profit de Sadite Majesté et de son commun pays, en la forme reprise en un des points ci-dessus, touchant les promesses et assurances que feront auxdits trois états les conseillers, scel- leur et secrétaires de Sadite Majesté. Et que les secrétaires de Sadite Majesté en Brabant, et le clerc du registre des liefs de Sadite Majesté, seront nés Brabançons, sauf que Sadite Majesté pourra établir audit conseil deux secrétaires, quand même ils ne seraient pas nés en Brabant. Article 10. — Item, que le chancelier et gens du conseil de Sadite Majesté, les secré- taires, les gens de la chambre des comptes en Brabant, et les clercs, drossarts, gruyer, waut-maîlre, et tous autres qui ont quelques grands états on offices, et seniblablement tous officiers au plat pays, et aussi les bourgmestres et échevins des villes de Majesté, et tous autres qui font ou administrent droit et justice, soit de sa part, ou de la part de ses vassaux, jureront, sur les saints Évangiles, qu'ils observeront cette Joyeuse- Entrée de Sadite Majesté en tous ses points, si avant qu'il touche à chacun d'eux en particulier, sans y contrevenir, ou agir au contraire, par conseil ou de fait, en aucune manière. Article II. — Item, que ceux du conseil de Sadite Majesté et tous autres ses officiers, justiciers, bourgmestres, échevins, conseillers, hommes de fiefs, juges fonciers, et tous autres ayant pouvoir de semoncer ou de juger, et semblablement ceux qui tiennent quel- 342 MEMOIRE SUR L ANCIEISNE que t'Ial ou oiïicc en son pays de Brabant, quelque office que ce soit, nul en excepte, soit dans les villes, franchises et villages, jureront (en faisant leur serment) qu'ils ne prendront argent, don, présent ni autre bienfait quelconque, ni se le feront ni laisseront promettre ou prendre par eux-mêmes, ou par quelqu'un d'autre, pour favoriser ou pré- judicier quelqu'un en justice, mais qu'ils feront droit et justice à un chacun, pauvre et riche, également, sans en agir autrement, ou y chercher ou donner quelque couleur au contraire, et en outre, que, pour l'état de bourgmestre, d'échevin ou de conseiller, ils n'ont donné, promis ni offert, ni fait promettre, donner ni offrir de leur part à personne, du bien, argent, dons ni présents, services ou bienfaits quelconques, ni pour ce prié ni fait prier en aucune manière; et que, si quelqu'un y contrevenait, qu'il ne pourra jamais être dans le conseil de Sadite Majesté, service ni en aucune judicaturc ou gouvernement des villes, franchises ou villages de Sa Majesté, en aucune manière. Article 12. — Item, que les pays de Limbourg et d'outre-Meuse de Sadite Majesté demeureront à toujours unis à son pays de Brabant, et qu'ils n'en seront jamais séparés; que pareillement elle déchargera ses autres pays d'outre-Meuse comme elle pourra le plus commodément, et les unira à son pays de Brabant pour y demeurer unis insépa- rablement; que, de plus. Grave et Oyen avec leurs appartenances, et autres qui en sont aliénés, demeureront unis à son même pays de Brabant; et fera particulièrement en sorte qu'encore bien que ladite place de Oyen soit présentement hors de ses mains, que néan- moins la même place sera derechef remise et restituée en ses mains, et y demeurera unie comme elle l'a été auparavant, si avant qu'en droit se peut faire; et qu'elle n'enga- gera, obligera ni chargera davantage ou plus avant ses pays et forteresses d'outre-Meuse en général, avec toutes leurs appartenances, qu'ils ne sont chargés et obligés pour le temps présent; et, dès qu'iceux seront revenus en ses mains et pouvoir, qu'alors sans délai elle fera assurer ceux de sondit pays de Brabant, par bonne caution en deçà de la Meuse, d'en livrer les maisons à ces l)ays, quand besoin sera, et de faire occuper lesdifes maisons et villes par des Brabançons, ou par ceux qui seront domiciliés audit pays, et qui l'en assureront et son pays par de bonnes cautions résidant en deçà de la Meuse, en sorte qu'elle et son pays seront bien assurés qu'ils ne seront en aucune manière séparés de sondit pays de Brabant; que dès lors en avant elle n'engagera ni alién(M'a plus sesdils pays, forteresses et villes d'outre-Meuse en aucune manière; que, de plus, elle main- tiendra aux sujets de sondit pays d'outre-Meuse les lois et sentences, selon les droits des bancs où ils ap])artienneiit. .Xrtkxk 15. — item, que Sadile Majesté tiendra tous ses sujets cl bonnes gens de ses villes et pays de Brabant et d'outre-Meuse, naviguant, allant et venant dans les pays de Hollande et de Zélande, et en tous autres pays, libres et francs, moyennant leur droit légitime de tonlieu, conune d'ancienneté ils sont accoutumés; que, de plus, elle tiendra tous ses sujets et bonnes gens de sesdites villes et pays, naviguant, allant et venant en tous pays, libres et francs de toutes dettes et promesses, qu'elle ou ses prédécesseurs peuvent avoir faites ou données, ou qu'elle pourrait ci-après encore faire ou donner. Et, au-dessus, Sadile Majesté ;i encore conlirmé et ratilié, cnulirme et ratifie aux bourgeois CONSTITUTION BRABAlNÇOISNE. 345 de la ville de Bois-le-Duc [au cas que la même ville pourrait retourner ou être retournée sous son obéissance] ' telles lettres de privilèges qu'ils ont de feu Jean, duc de Brabant, et de dame Jacqueline, duchesse de Bavière, d'heureuse mémoire, portant qu'eux et leurs t)iens et marchandises sont libres et francs du droit de tonlieu, naviguant, allant et venant aux pays de Hollande et de Zélande, et ordonnera que leurs lettres seront accom- plies selon la teneur des mêmes lettres; et, quant au pays de Gueldre, qu'ils seront aussi libres du droit de tonlieu avec leurs marchandises, naviguant, allant et venant dans ledit pays de Gueldre, selon le contenu des lettres qu'ils en ont pareillement; et, arri- vant que quelqu'un de ses sujets et bonnes gens susdits fussent appréhendés ou endom- magés, au sujet des dettes et promesses de sesdits prédécesseurs ou de Sadile Majesté, qu'elle les en indemnisera et dédommagera, selon que la chartre ou lettre wallonne en formée le contient et comprend. Article 14. — Item, que Sadite Majesté tiendra libres et ouverts tous les chemins publics, ainsi qu'elle est tenue de le faire, sans fraude, à ce qu'un cliacun y puisse pas- ser et repasser, parmi le droit légitime de tonlieu, sauf pour dettes ou promesses dont il pourrait être redevable, ou qu'il pourrait avoir faites, ou pour des contravcnlions ou délits qu'il pourrait avoir commis. Article 15. — Item, qu'elle contraindra ou fera contraindre ceux qui, à cau.se de leurs héritages ou biens, sont obligés d'entretenir quelques chemins, ponts ou passages en sondit pays, et fera en sorte qu'ils entretiendront, répareront et tiendront de temps à autre en bon état lesdits chemins, ponts et passages, et, au cas qu'il y eùl quehpie faute, que la chef-ville sous laquelle tels chemins, ponts et passages seront situés, les pourra faire faire à la charge et au\ dépens de celui qui y sera tenu. Et personne ne .sera excusé de cela , ni d'ob.server tout autre droit de voisinage. Article 16. — Item, que dorénavant ceux qui prendront à ferme les tonlieux de Sadite Majesté, en quelque de ses pays ils soient situés, ou qui y parliciperont, m- pourront, durant le temps de leur ferme ou parlici|)alion, non plus que ceux qui ont part aux mon- naies, être établis, choisis ni reçus dans les lois de ses villes. .\rticle 17. — Item, si quelque personne que ce soit est appréhendée dans le pays de Brabant et d'outre-Meuse de Sadite Majesté, qu'elle ne la fera mener, ni laissera mener prisonnière hors de sondit pays. Article 18. — Item, que Sa Majesté ne fera battre aucun denier en sondit jiays de Brabant, si ce n'est de l'avis, volonté et consentement de sondit commun pays, et qu'on ne pourra jamais altérer ce denier, et, si on l'altérât, qu'elle pourra s'en prendre au corps et au bien des maîtres de la monnaie, sans port et sans délai; et que l'on battra ce denier en quelqu'une de ses franches villes, et que l'évaluation s'en fera selon (]ue la chartre ou lettre wallonne ci-devant faite le contient et comprend. Article 19. — Item, que nul homme qui n'est pas de légitime mariage ne pourra être conseiller, drossart ni juge en Brabant, ni y avoir aucun oflîce de la part de Sadile Majesté. ' Ci'ltc parenthèse ne se trouvait pas dans la charte de Philip|ie II. 344 MÉMOIRE SUR L'ANCIENINE ARTrcLE 20. — Item, si on sondil pays, arrivait quoique querelle ou comJjat, qu'alors tous les non coupables de ladite querelle ou combat auront ferme et sûre paix , dès l'Iicurc que ce différend ou combat serait arrivé, et cela durant l'espace de vingt-quatre heures. Kl qui dans ce temps ferait quoique chose sera tenu pour infracteur de paix. AiiTicLE 21. — Item, que Sadilo Majesté ne donnera à personne le pays en cas d'ho- micide, qu'auparavant il n'ait satisfait les parents. Article 22. — Item, que tous ceux à qui Sadite Majesté conférera dorénavant maye- rios ou bailliages, ou qu'elle fera mayenrs ou baillis, et aussi ceux qui d'ici en avant ont DU tionnoul niayeries ou bailliages, elle les contraindra à tenir et desservir eux-mêmes iosdites mayeries ou bailliages et qu'ils ne les pourront transporter, vendre ni donner en ferme à per.sonne; qu'aussi les maycurs ou baillis qui tiennent prisons civiles, et aussi autres ofliciors au plat pays qui ont pouvoir de faire administrer justice aux gens, devront, sans délai, mettre bonne et sûre caution, avant (ju'ils pourront accepter leurs offices, cl cela entre les mains de la loi où ils les desservent, et au prolit d'un chacun qui pourrait y avoir quelque intérêt. Article 25. — Item, que les charges et offices de .sondit pays de Brabanl, concernant la justice, ne pourront plus être donnés à ferme ni engagés, mais seront Iosdites charges l'i offices d(!sservis comme d'ancienneté l'on est accoutumé de les tenir et desservir en .sondit pays de IJrabant, et, si quelqu'un do ces offices se donnât en forme, que toile forme .sera ot demeurera de nulle valeur. Article 24. — Item, que Sadite Majesté ne souff"rira pas qu'aucun de sondit pays pourra arrêter, inquiéter ni ajourner un autre hors du pays, si ce n'est qu'il fut fugitif, sans suporcliorio de (juolques choses, telles qu'elles fussent. De même, si quoiqu'un do .sosdits sujets provoquait un autre au combat hors du pays, le lit provoquer ou a[)j)olor, ils forferonl deux cents marcs d'or, à l'arbitrage et modération de ceux de sondit conseil de IJrabant. .\rticle 2o. — Item, si quelqu'un des sujets de Sadite Majesté lui déniât, volât ou saisît son pays de Hiabant ou d'outre-Meuse, ou les habitants d'iceux, ou que désor- mais il donnât scio|iinioiit du secours, logeât ou soutint les ennemis de Sa Majesté (comme duc do lirabaiit, do l-imbourg, et seigneur du |)ays d'oiitre-Meuse) et de son même pays do iirabant, qu'icelui forfora corps et biens. Et elle ne lui pourra aussi jamais accorder sondit pays de Hrahant sans le consentement des trois états du même pays; et, au cas (|u'oll(> lui fit grâce, cotte grâce sera nulle et de nulle valeur. Article 20. — Item, si quelque femme ou quelque lille fût violée, qui s'en plaignit, ou ()u'on trouvât avec vérité que ce fut contre son gré, et qu'elle demeurât auprès do celui qui l'avait violée, en ce cas Sadite Majesté aura son bien meuble â toujours, et l'imuioublo tant et si longtemps qu'elle vivra; ol, a|>ros .son trépas, .son bien immoublo l'oiourncra là où il apparlionl. \.\ s'il arrivait (prollo no iloiiiourâl point aujtros do celui qui l'a violée, Sadite Majesté n'aura on ce cas ni ses meubles, ni ses immeubles; et celui qui aura fait le rajjt , ot tous ses complices, et |)aroilloinoiil ooiix qui sciommeul leur don- iioraiont du secours, les logeraient ou .soutiendraient dans sondil pays, forforont corps CONSTITUTION BRABANÇONNE. 54§ et biens à jamais, si avant qu'ils le pourront forfaire. Et, si quelqu'un enlevât ou séduisît quelque enfant mineur, soit garçon ou lille, icelui et ses complices auront lorCait leurs corps et biens sans support. Et personne ne pourra se défendre contre ceci par la qualité d'homme de Saint-Pierre, de droit de bourgeoisie, lettres échevinales ou autrement, mais on les traitera selon le droit du pays. Article 27. — Item, qu'on ne permettra ni ne pourra permettre qu'on fasse du tort à personne, à cause de blessure ou d'homicide, au cas qu'il osât se défendre par la vérité , et voulût venir se justifier, jusqucs à ce qu'il en soit convaincu , sauf que l'olficier du lieu le pourra appréhender et tenir en prison et ses biens en saisie, et de suite procéder contre lui jusques à sentence définitive, soit de condamnation ou d'absolution. .\rticle 28. — Item, que tous les sujets de Sa Majesté et bonnes gens de ses villes et pays de Brabant et d'outre-Meuse seront et demeureront quittes et déchargés de toutes forfaitures et confiscations de leurs biens, pour tous malheurs notoires (jui leur pourraient arriver en leurs personnes, ou en celles de leurs enfants, serviteurs, valets ou domes- tiques, de quelque sorte et manière que ce fût, dont quelqu'un d'eux viendrait à mourir sans aucune faute précédente : duquel malheur les gens de loi du lieu examineront et visiteront la cause, à la réquisition de l'olficier du même lieu, et, cela fait, déclareront, si le cas devra être tenu pour malheur ou non, et l'on sera obligé de se tenir à ce qu'ils ep déclareront. Et au cas qu'y fut trouvé quelque faute précédente, les gens de loi du lieu pourront punir extraordiuairement les coupables, selon l'exigence du cas. Article 29. — Kem, que quelconques villes, franchises, seigneuries ou forteresses que Sadite Majesté gagnera par commune guerre, ou par communes forces de sondit ])ays de Brabant, sur quelques seigneurs que ce soit, qu'icelles demeureront et appartien- dront à sondit commun pays de Brabant, sans retour, et qu'elles pratiqueront ce (juc son commun pays est tenu de pratiquer, sans séjiaration ainsi que sondit pays de Brabanl. Article ÔO. — Ilem, si quelqu'un veut mesurage ou bornes en sondit |)ays de Bra- bant et d'oulre-Meuse, qu'elle le lui fera faire contre soi et un chacun. Article 31. — Item, que l'on traitera les S'-Peeters-Mannen , et ceux qui sont de l'hommage de Saint-Pierre, comme de droit l'on est tenu de les traiter et tenir. Article 52. — Item, si quelques deux parties, étant gens lais, plaidoyassent pour biens situés au pays de Sadite Majesté, et que lesdites parties en fussent venues en jugement, de sorte que l'une le perdît par sentence, ou que de ce dont serait question elle fût éconduite, et qu'alors elle transportât à quelque prêtre, clerc ou autre pensonne ecclésiastique, ou à (jnelqu'autre, pour molester ou inquiéter hors du pays celle qui aurait pour soi ladite sentence, ou aussi si quelqu'un, demeurant audit pays de Sa Majesté, eût à poursuivre quelque cause, ou si pareillement quelqu'un, aussi demeurant en sondit pays, transportât cette cause â quelqu'aiilre, pour molester ou inquiéter .sa partie adverse hors du pays, que ceux qui feraient une des choses susdites forferont deux cents marcs d'or, ou seront autre- ment punis, à l'arbitrage et modération de ceux du conseil de Sadite Majesté en Brabant. Article 33. — Item, qu'un chacun pourra garder et faire garder son bitn propre, el pour cela tenir des chiens, les pieds non coupés, sans être calengé; et, s'il arrivait que quel- Tome XXXI. H 346 MEMOIRE SIJR L'ANCIENNE que bêle noire ou fauve eût le cou cassé, ou lût blessée par les chiens, qu'en ce cas on la laissera sur le lieu; et, si les chiens des gens la mangent, qu'ils n'en seront pas endom- magés; et, en outre, qu'un chacun pourra chasser des lièvres et des renards par tout le I5rabant sans amende, et pareillement des lapins hors des franches garennes, et aussi chasser pailout avec oiseaux , sans amende. Article 54. — Item, que dorénavant tous chevaliers,écuyers et bonnes gens domiciliés dans les villes et pays de Brahant pourront chasser, par tout le Brabant, en sa saison, toute sorte de gros gibier, sans amende, e.xceplé dans les garennes, bois, forets de Soignes, Zaventerloo, de Grootheyst, de Mecrdale et de Grooteuhout. Et, afin que ce point soit bien et fermement observé, nous, Ysidro de la Cueba et Beuavides, marquis de Bedmar, etc., avons, au nom de Sadile Majesté ', |)roniis et juré, promettons et jurons, comme dessus, que Sadite Majesté ne fera jamais ni ne laissera faire ordonnance, défense ni demande au contraire, en aucune forme ou manière par où pourrait être fait ou donné aucune atteinte ou empêchement aux mêmes points. Article 5o. — item, que dorénavant, dans ledit pays de Brabant, il n'y aura ni s'y tiendra aucune garenne tjue celles (pii ont été franches garennes depuis l'an lôtu, et que dès lors l'on a tenues en fief de ceux à qui il appartient, pourvu qu'il n'en soit fait aucun dommage déraisonnable aux bonnes gens. Article 30. — Item, qu'on n'actionnera personne, pour aucune dette, devant le coii- sistoire des bois et forêts, sinon pour dettes procédant d'achat de bois et de forêts des anciens bois et forêts du prince du pays, ni d'autres bois et forêts qui d'ancienneté ont été soumis à la jiidicalure foreslière. Article 37. — lleui, qu'il y aura, dans le roman pays de Brahant de Sa Majesté,, un bon et honnête bailli , natif de son pays de Brabant, et que son clerc et ses officiers subalternes, et semblablemenl les officiers et justiciers des autres six grands offices de Sa Maj<'sté, seront natifs de son pays de Brabant, et que la cour de Genai)pe .sera tenue connue elle a été accoutumée d'être ci-devant, en sorte que i)ersonne qui y ait affaire ne soit traité hors la voie de droit. Article .38. — Item, que pareillement les officiers suhallernes, les justiciers et rece- veurs particuliers de Sa .Majesté devront désormais être natifs de son pays de Brabaiil, sans qu'ils pourront faire ou laisser desservir leursdits offices avec ou par quelques étran- gers, de quelque qualité ils pourraient êlre. lit semblablement devront aussi les châtelains de tous les chàleaux de sondit pays de Brabant êlre nalil's Brabançons, ne fût qu'ils pos- sédassent des biens d'estoc dans ledit pajs, .soit de leur chef ou |)ar mariage. Article 39. — Semblablemenl que les officiers et justiciers des seigneurs bassains de Sa Majesté, ensemble les châtelains de leurs châteaux, devront aussi être natifs de sondit pays de Itrahant, sans qu'ils pourront laisser ou l'aire desservir ou garder leuisdifs offi- ciers ou châteaux avec ou par aucuus étrangers, de quelque qualité qu'ils puissent être, ne ' l.c tnnniuis do Hcdniiii- otail gouverneur {{unéraj en 170-2. Duiis la cliarlc de 1349, ce sonl les princes (jui stipulent cux-Diémes. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 347 fût qu'ils possédassent aussi des biens d'estoc en sondit pays, de leur chef ou par mariage'. Article 40. — Item, que Sadile Majesté tiendra ses bancs réformés de Santhoven et d'Uccie en tel état qu'ils sont à présent et qu'il appartient, et que ses échevins d'Uccle tiendront leur résidence en sa ville de Bruxelles. Article 41. — Item, que sa ville d'Anvers, avec ses appendances et dépendances, demeurera à toujours unie aux bonnes villes et pays de Brabant, en la forme et manière qu'elle était au temps qu'elle fut séparée du Brabant; et semblablement sa ville de Ni- velles, ainsi qu'elle l'a été jusqucs à présent. Article 42. — Item, que les convocations que Sadite Majesté fera désormais de ses états et pays de Brabant et d'outre-Meusc se feront toujours quinze jours avant le jour qu'on tiendra l'assemblée, ne fût que les choses pour lesquelles elle voulût tenir les assem- blées demandassent grande hâte pour être expédiées, et qu'elle fera tenir lesdiles assem- blées en telle place commode, et en sondit pays de Brabant, où sesdits étals pui.ssenl librement et sûrement séjourner et en retourner, et qu'un chacun des prélats, barons nobles, villes et l'ranchises dudit pays de Brabant et d'outre-Meuse pourra, devant Sa Majesté ou ailleurs où il appartiendra, dire et déclarer leur charge, ensemble ou en parti- culier, et passer parmi cela , sans en encourir aucune indignation ou disgrâce de Sa Majesté, ou de quelqu'autre, ni pour cela être mal vu de Sa Majesté en aucune manière. Et, au cas que quelqu'un, pour cette cause, leur fît ou à aucun d'eux quelqu'outrage, nous, Ysidro de la Cucba et Benavides, man|uis de Bedniar, etc., promettons, au nom de Sadite Ma- jesté '^, de nous en prendre, sans support, aux corps et biens de celui ou de ceux qui le feront. Article 45. — item, que Sadite Majesté ordonnera et tiendra toujours les procédures de ses fiefs, et les plaids y servant, au lieu où Sadile Majesté fera sa résidence en son pays, en sorte que les parties des mêmes procédures, avec leurs témoins et autres instru- ments leur servant, y puissent venir commodément. Et, quant il arrivera que Sadite Ma- jesté sera hors de sondit pays de Brabant, elle autorisera un honnête homme, soil son drossait de Brabant, ou (luelqu'aiitre qui puisse être conseiller en Brabant, lequel en son absence, et tant qu'il plaira à Sadile Majesté, recevra les (icfs mouvants d'elle, et qui, en absence de Sadile Majesté, tiendra les plaids du droit de ses fiefs au lieu où l'on tien- dra la résidence de la chambre de son conseil, cl pourra faire tout ce qui peut concerner iesdits fiefs, ainsi que Sadile Majesté le pourrait faire elle-même, si elle était présente, sans toutefois donner ou quitter quelque chose. Article 44. — Item, que Sadile Majesté alfranchira et fera affranchir par eau et par terre ses franches foires annuelles établies en la ville d'Anvers, pour personnes et biens, en tous ses pays, seigneuries, états et juridictions. Et si, par son écoutète et les gens de loi de sadite ville d'Anvers, présents et à venir, lesdites foires fussent, pour quelques ' Gel article 59 n'élail pas dans la charte de irU!) : nous verrons pourquoi dans le paragraphe suivant. Par suite, l'article 40 de la charte de Philippe IV formait le 39"" de celle de Philippe II ; le -ll"'« formait le 4t)"", et ainsi de suite. * Voir la note de la page précédente. » 348 MEMOIRE SUR L'AiNCIENîNE nlTiures, prolongées d'un raisonnable terme de quinze jours ou au-dessous, nous, Ysidro (le la (liieba et Bcnavides, marquis de Bedmar, etc., ' promettons en ce cas, au nom de Sailite Majesté, de tenir et faire tenir lesdites foires, durant ladite prolongation, aussi franches qu'elle est obligée de le faire au teuips de la foire principale. .Vkïicle 43. — Item, que Sadile Majesté ne fera ni laissera troubler ou altérer ses franches foires annuelles de ses villes de Bruxelles et d'Anvers, ni pareillement la franche foire annuelle de la ville de Berg-sur-le-Zoom , par aucunes exécutions, mandements ou défenses, soit par lettres de marque, contre-marque, arrêts ou pareilles, qu'elle pourrait accorder au contraire, sauf et réservées ses propres dettes, ensemble l'ordonnance par elle faite ou à faire sur le fait des monnaies, laquelle ordonnance nous, Ysidro de la Cucba et Benavides, marquis de Bedmar, etc., voulons, au nom de Sadite Majesté -, qu'elle soit observée aussi bien dedans que dehors lesdites franches foires, et que les transgresseurs d'icclle soient punis et châtiés. Article 46. — Item, que Sadite Majesté ne donnera ni accordera désormais aucuns privilèges ni franchises aux nations tenant leurs stations en son pays de Flandre, qui pourraient aucunement redonder au désavantage ou préjudice de son pays ou des habi- tants de Rrabant. Article -47. — Item, que Sa Majesté fera et laissera librement et paisiblement jouir les habitants et sujets de sondit pays de Brabant de leurs biens qu'ils ont ou acquerront ci-après, en quelqu'un de ses autres pays ou juridictions, et des fruits d'iceux, nonob- stant . 1 1 cl suiviintcs, cl Loyciis, Traclulus curiiic lliiiliniiliai', p. ID'i. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 3S7 4." Les questions personnelles concernanl les conseillers de Brabant, secré- taires, avocats, procureurs, huissiers du conseil; S° Les questions personnelles regardant les barons , chevaliers ou autres gentilshommes brabançons, ou même les étrangers de telles qualités adhé- l'ités en Brabant et cités par arrêt sur leurs biens devant les justices bra- bançonnes ; 6" Les questions personnelles regardant les évoques, prélats, abbés, pré- vôts et antres dignitaires ecclésiasticiues et chefs religieux du duché et ses appartenances ; 7." Les autorisations de pro Deo : 8° Les actions criminelles intentées contre les ofliciers ducaux et ceux des seigneurs bassains pour l'ait de leur oOice. Enfin, de|)nis la confirmation de la bulle d'or accordée, en Io30, par Charles-Ouint, le conseil souverain de Brabant était investi, en vertu dune délégation im|)ériale, du droit de juger les inIVactions (|ui y étaient conunises, et de punir les contrevenants, de quehpie (pialité ou condition qu'ils pussent être ^ ('iClte attribution, qui étendait la juridiction du conseil bien au delà des limites du duché et même des Pays-Bas, fut pour lui une cause fréquente de difficultés avec des souverains étrangers; difficultés dont il se lira toujours avec honneur. Le nombie des membres du conseil varia selon les nécessités des temps : à la (in du dix-huitième siècle, le corps se composait de dix-sept personnes, y compris le chancelier et le fiscal ; il se divisait en deux chambres -. Le fiscal était conseiller, et juge ordinaire dans les causes non fiscales. il y avait aussi un procureur général, qui était Thomme du prince et por- tait le litre de conseiller, mais sans avoir ni voix ni séance au conseil. Remarquons, en finissant, que les conseillers de Brabant devaient appar- tenir à la religion catholique, et que des édils des souverains avaient exigé, dans leur chef, la (pialité de licencié en droit de Tuniversité de Louvain '". ' Vcrlooy, Cmtvx Umlmntirits , p. 42. - Und., pp. 40-48. "' Loovens, 2""' partie, p. Ô5. 558 MKMOIRE SLR L'ANCIENISE Des l'-vncatinna étraiif/ères et des iransporis frauduleux de créances. — On se rappolle ([iio, tlopuis la deuxième addition à la Joyensc-Enlrée, accor- dée par Cliarles-Quinl, il était défendu aux Brabançons dallraire leurs natio- naux, même en justice ecclésiastique, hors du Brabanl. Les évè(|ues entre lesquels se partageaient le Brabant et ses appartenances avaienl établi, chacun, une ollicialité dans le duché. Le transport de droits litigieux, fait d'un laïque à un clerc, n'avait plus dès lors pour résultat nécessaire de faiie appeler un sujet brabançon devant une justice étrangère : il enlevait simplement un défen- deur à la justice de droit commun pour le faire juger par un tribunal d'excep- tion. Sous ce point de vue, les transports litigieux étaient encore punissables à juste titre, mais néanmoins il fallait abaisser le taux de la peine à proportion de ramoindrissemcnt do la cul|)abilité dans Pespèce. D'un autre côté , Charles-Quint réunissait sous son sceptre toutes les pro- vinces limitrophes du duché de Brabant; et l'action de ce centre unique devait avoir amené entre tous ces pays des tendances et des pratiques comniunes. La période brillante des ducs de Bourgogne et des princes de la maison d'Autriche avait adouci les mœurs sociales. Les peines comminées au (|ua- lorzième siècle n'étaient plus en rapport avec l'esprit public du seizième; et du reste, dans le cas spécial qui nous occupe, l'union des pays circonvoisins sous le même sceptre (|ue le Brabant, avait diminué le danger des évocations étrangères. Il en résuite que les articles 2i et 32 de la Joyeuse-Entrée de Philippe II sont considérablement modérés. Au lieu d'encourir la forfaiture du corps et des biens, ou le hannisseiitenl perpétuel au cas de défaut, ceux (jui provoquent un Brabançon au combat à l'étranger, comme ceux qui de quelque manière l'y appellent en justice, comme ceux qui transportent méchamment à un tiers, ix poTEXTionKM , xine action litigieuse ou autre , — n'encourront dès lors qu'une amende de deux cents marcs d'or, et une punition à l'arbitrage et à la modération du conseil de Brabant. De la nationalité des officiers. — Soit volontairement, soit par mégarde, l'article 38 de la charte de Philippe II ne statuait plus expressément cpie les justiciers, officiers et receveurs |)articuliors du prince devaient être Bra- bançons comme ceux des seigneurs bassains. CONSTITUTiOrS BRABAÎNÇONINE. 359 Les étals de Brabanl, maintenant la clause ancienne dans leur acte de consentement, firent immédiatement des représentations, et la reine Marie de Hongrie promit qu'il y serait fait droit \ C'était, comme nous devons nous le rappeler, un des droits que les états avaient sauvegardés avec le plus de soin, et en toute raison , puis(pril assurait chez les délégués du pouvoir unt; union complète d'esprit et de mœurs avec ceux qu'ils étaient appelés à régir. Ce ne fut néanmoins que par acte de 1554 que le grief lut redressé-. L'acticle 38 de la Joyeuse-Entrée de Philippe II porte une clause nouvelle (|ui se maintiendra dans l'avenir : Que les officiers des seigneurs bassains ne pourront ni faire ni laisser desservir leur office par un étranger, de (/neU/ur f/uulifé qu'il puisse être. Ainsi que le disaient les états de Hrabanl : « Si l'on ouviail une fois celte » porte, et qu'on conférât ainsi des ollîces en Brahant à des personnes iiica- » pables, avec faculté de commettre substituts capables, les privilèges du » pays seraient bientôt rendus vains, illusoires et sans eflet ^. » Il semble du reste que ces délégations, quelles (|u'elles fussent, heurtaient l'esprit du principe de la Joyeuse-Entrée sur l'obligation de desservir les offices en per- sonne. Pour éviter tout malentendu et toute difficulté, la Joyeuse-Entrée d'Alberl et Isabelle introduisit un article nouveau, ayant trait particulièrement aux officiers des seigneurs bassains, et leur article 38 exigea de nouveau la natict- nalité des officiers ducaux. Article 38. Que pareillenienl les officiers subalternes , les justiciers et re- ceveurs particuliers du prince , devront désormais être natifs de sundit pays de Brabant, sans qu'ils pourront faire ou laisser desservir leursdits offices avec ou par quelques étrangers, de quelque qualité ils pourraient être, et semblablement devront aussi les châtelains de tous les châteaux de sondit pays de Brabant être natifs Brabançons , ne fût-ce qu'ils possédassent des BiKNS d'estoc dans ledit pays, soit de leur chef ou par mariage. ' Hisloiredc Cliarlex-Quint , par Alexandre Ilenne, p. 378, l. VIII; Bruxelles, cdit. de i85'J. •2 Ibid. •> Manuscrit cité de Wynants sur de Pape, sous l'article 38. 360 MEMOIRE SUR L ANCIENNE Article 39. SembluUemenl que les ojjiciers et justiciers des seigneurs bas- sains (lu prince, ensemble les cliûlelains de leurs châteaux, devront aussi être itati/'s de sondil pays de Brabant, sans (/u'ils pourront laisser ou faire des- si'rvir ou garder leursdils offices ou cliûleaux avec ou par aucuns étrangers, de f/uel(/ue fpiatité qu'ils puissent être, ne fût qu'ils possédassent aussi des uiENS d'estoc en sondit pays, soit de leur chef, soit par mariage. Les élals, sur le point de la nationalité des oUiciers en Rrahant, poussaient si loin la susceplibiiilé, (|u'ils se refusèrent toujours à admettre le principe ubique uatus\wm- les enfants des militaires, des courtisans et de tous autres (|ui devaient être comptés parmi les escroues. Ils voulaient naissance effec- tive en Rrahnnt ou dans ses appartenances. Ici, leur attitude était ce que \> ynants appelle une pierre de scandale '. En effet, ce privilège souleva des conllils aussi irritants que nombreux. Le souverain pouvait accorder des lettres de naturalisation, mais, (juand il s'agissait d'habiliter (|uel(|u'un à desservir un ollicc, son octroi ne sullisail plus; il était recpiis de l'impétrant (pi'il obtînt en sus des lettres de brabanti- sation, accordées du consentement exprès des étals par le nïinisière du conseil souverain et revêtues du sceau de Brabant. Les états de Flandre et du llainaut auraient bien voulu sappropiier un semblable piivilége, mais ils ne surent jamais produiie ni lili-e ni possession (pii pût servir de fondement à leurs prétentions -. Il est à remar(|uer enfin (pie, grâce à l'union du Limbourg et du pays d'outre-Meuse, tous ceux qui étaient nationaux de ces pays étaient consi- dérés comme Brabançons, quant à la capacité de desservir des ollices. Les étals du Limi)()urg accordaient la naturalisation aux étrangers avec un(î facilité trop grande. Les états de Brabant |)résentérent requête au conseil souverain pour le prier de demander leur avis avant d'octroyer les lettres de brabant isatiou à la demande des états de Limbourg. Si l'avis des étals de Brabant n'était pas demandé, la naluralisalion accor- dée parles états de Limbourg n'était prise en aucune considération en Brabanl. ' .Mamiscrit rite de la liibliollii'fnic (Jocllials: WvnaiiN. p. 7S. ■-' Ihiil., \). S'<.. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 3Gi De la purge criminelle. — Remarquons, pour finir, que la cliarlo de Phi- lippe II apporte une modification aux |)rincipes reçus depuis celle de Wen- ceslas sur la purge criminelle. Son article 27 porte une clause nouvelle. On ne pourra faire tort à (/uch/u'un de blessure ou de meurtre, s'il ose se défendre par la vérité...., excepté que l'officier du lieu pourra l'appréhender et le tenir en prison, mettre ses Inens sous séquestre et procéder contre lui jusqu'à sentence définitive de condamnation ou d'absolution. L'article 27 ne (ail plus dès lors qu'établir une sorte de présomption d'in- nocence en faveur de celui qui aura provoqué de lui-même une enquête sur le lait qu'on lui impute, en consacrant du reste le 7ion bis in idem , du chef du fait en question. Tome XXXI 46 362 MEMOIRE SUR L'ANCIEiNINE CHAPITRE Xll. DE LA CONFIRMATION DES PRIVILÈGES ET DU REFUS DE SERVICE AU CAS DE NON-OBSERVANCE. La malière que nous abordons est d'autant plus délicate et plus difïicile, qu'elle semble au premier abord toucher à des questions brûlantes, déballues avec passion dans la société moderne. En remontant aux origines avec l'ardeur pacifique de l'historien , nous exa- minerons ce qu'était cette clause de refus de seririce à l'époque où elle entra dans la Joyeuse-Entrée; puis nous étudierons ce qu'elle devint dans la suite, ou plutôt, quel fut le sens que les peuples et les princes crurent devoir lui donner. Avant de nous livrer à ce travail, il convient de mettre sous les yeux du lecteur les développements matériels des articles du pacte inaugural, depuis Wenceslas jusqu'à Philippe II, dont la Joyeuse-Entrée, comme nous l'avons déjà dit, servit de modèle à celle de ses successeurs. L'article 34 de la charte de Wenceslas porte : Que le duc a promis, juré, consenli et rafi/ié à toutes ses lionnes yens, villes , franc/lises , couvents et à tout son commun pays de BrahanI , toutes les franchises, chartes, notamment la charte de Cortenbenj et la charte icallonne , et toutes leurs autres chartes, privilèges, coutumes, usof/es et anciennes observances, t/u'ils ont , telles qu'elles sont scellées, observées d'an- cienneté et passées en usage. — Le duc promet de les tenir fennes et stables à perpétuité pour lui, ses enfants et ses descendants , sans les violer et sans y porter atteinte, ou ij faire porter atteinte en quelque manière: rt il leur promet en bien, de leur être bon et lèal seigneur et dame, de ne leur faire souffrir aucune violence ou arbitraire, ni de le permettre en aucune manière. Et comme il veut et désire que tous les points prédits, articles et stabi- lités soient gardés fermes et stables et restent sans atteinte à perpétuité, il CONSTITUTION BRABANÇONNE. 363 a donné, promis et juré sur l'Evangile à ses bonnes gens susdits, leurs enfants et leurs descendants , qu'il gardera tous les points et articles prédits fermes et stables pour lui et ses descendants à perpétuité, sans faire ni per- mettre de faire quelque chose contre eux en quelque manière, dans toute leur teneur, telle qu'elle est décrite ci-dessus. Et s'il arrivait que lui, ou ses enfants, ou ses descendants allassent, agissent ou fissent agir en tout ou en partie contre quelqu'un des articles, stabilités et points susdits , — il consent et s'engage vis-à-vis des bonnes gens prédits, qu'ils ne rendront ni a lui, ni A SES enfants, ni A SES DESCENDANTS, AUCUN SERVICE; Qu'iLS NE LEUR OBÉIRONT PAS, jusqu'au temps où LE DUC OU SES DESCENDANTS AURONT REDRESSÉ LE GRIEF ET SE SERONT AMENDÉS COMPLETEMENT. En témoignage et stabilité de ce qui précède, le duc appose aux présentes lettres son grand sceau, et, pour plus de sûreté, il a prié et prie et requiert ses féaux, elc , de sceller avec lui. , Ces stipiilalions passent, à peu près dans les mêmes termes, aux art. 29 cl 30 de la Joyeuse-Entrée d'Antoine de liourgognc; seulement le duc promet en sus : Pour lui , ses enfants et ses descendants, que jamais ils n'allégueront, ni mettront en avant, ni feront alléguer, qu'ils ne seraient pas tenus d'observer lesdites franchises, droits, privilèges, chartes, coutumes et anciennes obser- vances qu'il a ci-dessus confirmés et ratifiés en général, pour et à raison de ce qu'il ne leur aurait pas donné, accordé ou promis en particidier ou en spé- cial les points et articles susdits. La Joyeuse-Entrée de Jean IV est, comme nous l'avons dit, semblable à celle de son père; et tout ce qui précède est repris dans les articles 4-8, A\) et 50 de la cbarte de Philippe de Sainl-Pol , dans l'article 74 de celle do Phi- lippe le Bon, dans l'article SI de celle de Charles le Téméraire, dans l'article 109 de celle de Marie de Bourgogne, dans l'article 54- de celle de Philippe le Beau, dans l'article 6S de celle de Charles-Quint, et dans l'article 58 de celle de Philippe II. Seulement, depuis Charles le Téméraire, c'est-à-dire im- médiatement après l'octroi des premiers actes additionnels à la Joyeuse-Entrée, chaque souverain , avec les articles de son pacte inaugural et les libertés an- ciennes, confirme d'une manière générale et expresse les additions accordées par tous ses prédécesseurs. 364 MEMOIRE SUR L'ANCIEÎNNE Depuis IMiilippe II, les articles 58 et 59 de la Joyeuse-Enlrée poiieiit c<' qui suit : Article 58. Item, de. plus, avons nous, Isydro de la Cueba et Benavidcs, marquis de Bedmar, etc., au nom de Sadite Majesté, confirmé et ratifié, con- firmons et ratifions à tons ses prélats, maisons-Dieu, monastères, barons, chevaliers, villes, franchises, et à tous autres ses sujets et bonnes yens de ses pays de Brabant et d'outre-Meuse, tous leurs droits, libertés, privilérjes, Char- tres, coutumes, usages et observances qu'ils ont, et qui leur ont été donnés, concédés et scellés par les ancêtres de Sa Majesté, ducs et duchesses , et aussi ceux dont ils ont joui, usé et pratiqué, et notamment la lettre additionnelle concédée par ledit feu bon duc Philippe auxdits trois, étals au temps de son entrée, de la date des lettres de la même entrée ; semblablement deux autres lettres leur octroyées par ledit feu duc, l'une en date de i iol , le 20"" jour de septembre, et l'autre de l'an ^4-57, le 28"" jour de novembre, et pareillement les deux additions de la Joyeuse-Entrée de l'empereur Charles-Quint, de haute et f/lorieuse mémoire, l'une donnée à Garni, le 12"" jour d'avril de l'an IHIo, après Pâques, et l'autre à Bruges, le 26"" jour d'avril de la même année; et nous leur promettons , pour Sa Majesté, ses hoirs et successeurs , de tenir iceux tous en général, et chacun en particulier, fermes et stables à toujours, si avant qu'ils sont à observer et sont observables, sans les enfreindre ou y contrevenir, faire ni souffrir y être contrevenu en aucune manière. Article 59. Item nous leur promettons encore, de plus, pour Sadite Majesté, ses hoirs et successeurs, que Sadite Majesté n'alléguera ni ne mettra jamais en avant ni ne fera alléguer qu'elle ne serait tenue d'observer lesdites libertés, droits, privilèges, Chartres, coutumes, usages, observances, que nous, en son nom avons ci-dessus confirmés et ratifiés en général, pour et à raison qu'elle ne leur aurait donné, accordé ou promis en partit nlier ou en spécial tes points et articles susdits : en quoi elle ne veut pas que leur soit fait ou porté aucun empêchement , dotnmage ou préjudice. Et comme Sadite Majesté veut et entend que tous lesdits points et articles, dons, promesses, confirmations et stabilités soient gardés et demeurent fermes et .stables à toujours , sans in- fraction, pour ce nous, Isydro de la Cueba et llenavides, marquis de Bedmar, etc., avons, au nom de Sadite Majesté, promis de bonne foi et juré corpo- CONSTITUTION BRABANÇONNE. 36?) rellement, sur les saints Evangiles, pour Sadite Majesté, ses hoirs et succes- seurs, à tous généralement prélats, maisons- Dieu et monastères, barons, chevaliers, villes et franchises, tous sujets de Sadite, Majesté et bonnes gens de ses pays de Brabanl et d'outre- Meuse, leurs hoirs et successeurs , de les tenir dorénavant tous en général fermes et stables à toujours, et de ne jamais y contrevenir, faire ni souffrir ij être contrevenu en aucune manière. Et s'il arrivait que Sadite Majesté, ses hoirs et successeurs y contrevinssent, allassent ou fissent contre ceci par eux-mêmes ou par quelqu'un d'autre , en tout ou m partie, en quelque forme et manière que ce fut, nous consentons et accordons en ce cas, au nom de Sadite Majesté, auxdits prélats, barons, chevaliers, villes, franchises et à tous autres sesdifs sujets qu'ils ne feront, a Sa Majesté, SES HOIRS ou successeurs AUCUN SERVICE, NI OBÉIRONT EN AUCUNE CHOSE DONT ELLE AURAIT BESOIN, OU QU'eLLE VOUDRAIT d'eUX OU LEUR POURRAIT DEMANDER, JUSQUES A CE qu'elle LEUR AURA RÉPARÉ ET REDRESSÉ TEL DÉFAUT, QUE CI-DEVANT EST MENTIONNÉ, ET EN AURA ENTIÈREMENT DÉSISTÉ, ET V RENONCÉ AU-DESSUS. xi quoi nous voulons, décernons et déclarons, au nom de Sa Majesté, que tous officiers établis au contraire de celte sa Joyeuse-Entrée, seront inconti- nent destitués, et qu'aussi en outre tout ce qui d'ici en avant pourrait être attenté au contraire de ce que dessus ne sera ni ne pourra a l'avenir être TENU d'aucune VALEUR : le tout sans malengien '. Ces longues dispositions peuvent se résumer en trois grandes idées : 1" Confirmation et ralilication itérative de tous les privilèges et droits accordés par les souverains antérieurs; 2" Renonciation ù toute eveeplion du chef de ce que le souverain actuel n'a pas spécialement concédé lui-même tous ces privilèges; 3" Enfin, clause de refus de service au cas d'infraction à la Joyeuse-En- trée, point qui doit principalement nous occuper ici. La confirmation des privilèges et la renonciation à l'exception n'ont pas besoin de commentaires. Il nous reste seulement à remonter aux origines et à apprécier "la jjortée de la clause de refus de service. Disons d'avance (jiie ' Comme nous l'avons ilil plus liant,, page 3iG, en note, dans la Joyeuse-Entrée de Philippe II • (t'étaient les prinecs eux-mêmes qui stipulaient. Sauf rintervenlion du gouverneur général, le texte des deux articles 38 et oV est identique avec celui des articles 57 et 58 de Philippe II. 366 MKMOIUE SUR L ANCIEINNE nous devrons ici heurter plusieurs fois des idées admises en histoire; mais nous ne le ferons ([u'en nous appuyant sur des documents authentiques, ou du moins sur de consciencieuses autorités. La clause de refus de service est-elle une innovation que la Joyeuse-Entrée ap|)orle au droit public brabançon? il sullit de parcourir les chartes de liberté antérieures pour nous con- vaincre de la négative. L'article 10 de la charte de Cortenberg porte ' (1312) : Nous prions, ordonnons et conjurons tous les prénommés présents et à venir, sur leur foi et féauté prédite : s'il arrivait que nous, nos hoirs ou des- cendants voulions contrevenir en tout ou en partie contre les points ou choses prédites, ou voulions les violer en quelque manière, — qu'ils ne fassent, ni à nous, ni à nos hoirs ou descendants, ni aide ni service, qu'ils ne nous obéissent pas, jusqu'au temps que nous ayons amendé, fait amender et redresser tous les manquements qui ont eu lieu, en telle forme et teneur que ces points et choses sont écrits et développés plus haut. La charte de Jean I"^' de 1294, octroyée à la suite du subside considérable librement accordé par les Brabançons pour la guerre de Limbourg, se ter- mine d'une manière analogue -. « El s'il advcnisl chose ke nous ou aucuns de nos hoirs venissent contre les conve- nances de ces prescrites lettres, nous voulons et octroions que cil no homme devant dits ne lussent tenu d'aileir avcckes nous en ost ne chevauchic, ne rendre jugement nul en queil manière qu'ils en fussent requis , ne faire autre service nui à nous ne à nos hoirs, jus- ques à lant ke nous ou nos hoirs oussiens du tout accomplis les conventions devant dites. » De plus, dans les chartes particulières des villes brabançonnes, nous trou- vons des stipulations entièrement fondées sur le même esprit. Ainsi dans une charte de Louvain : «Si quem ipsorum nostrorum occasione debilorum captivari ad nullum nobis servitium pecuniarium utpote exactionis tenebuntur '\ » C'est d'après ces documents antérieurs que nous devrons étudier le sens ' Voir an cliiipitrf I". 4 Ilnil. 5 Yeeslen , t. I", p. (i58. CONSTITUTION BRABANÇONNE. 567 précis de l'article 59 de la Joyeuse-Entrée, puisque la Joyeuse-Entrée elle- même n'est que le développement progressif des actes de droit public qui l'ont précédée. La clause de refus de service est-elle au moins une clause juridique usitée seulement au duché de Brabant? Non encore. Le droit public des princi- pautés voisines, comme le droit public d'autres royaumes et États européens, l'admettait également. Dans le fameux traité d'alliance de 1339 entre Jean, duc de Brabant, et Louis, comte de Flandre et de Nevers, et les communes de leurs Étals res- pectifs, les parties conlraclanles, après s'être garanti muluellement leurs franchises, lois, coutumes, usages locaux, font jurer le irailé par les barons des deux pays en ces termes ^ : Au cas que l'un des seigneurs duc et comte ou leurs successeurs contrevienne à aucun de ces points, les deux pays ne sou/friront pas, en ce qui concerne son seigneur et prince, que, Jusqu'à réparation fidèle et complète, il perçoive et lève aucun profit, émolument, amende ou autre avantune , et les nobles susdits ni aucun d'eux ne sera tenu de défendre son prince en aucune manière sur ce point. Le serment des rois de Hongrie esl d'une teneur analogue : Si lui ou quel- qu'un de ses successeurs , en quelque temps que ce soit, rient à enfreindre les privilèges des Hongrois, il leur sera permis, en vertu de cette promesse, à eux et à leurs descendants, de se défendre sans pouvoir être traités de rebelles -. La grande charte d'Angleterre est conlirmée, en 1 153, avec une clause analogue : Si le roi contrevient à ses promesses, tous ses comtes et ses barons s'abstiendront de lui faire service jusqu'à ce qu'il ait redressé ses erreurs ^. Arrêtons-nous à ces exemples, que Uaepsaet et autres multiplient, et con- cluons de cette analogie parfaite qui existe, dans l'Europe entière, entre la sanction des droits et des devoirs réciproques des seigneurs vis-à-vis de leurs vassaux, que la clause de refus de service relève d'un principe antérieur à la ' Voir le Luystervan lirubaiit, et aussi Raepsaet, Inauyiirations, % 95 * Raepsael, Inaugiiralions, § 104. 5 Ihid.,% \m. 368 MEMOIRE SLJK L ANCIENNE féodalité, jinléricui- même à l'empire de Charlomagne, et qu'elle est fondée sur les inslilulioiis primitives issues de l'esprit germanicpie. Disons-le tout d'aboni : la clause de refus de service est la sanction d'un contrai parliculier intervenu, y;«r l'inauguration, entre le souverain et les sujets, contrat (pn' leur impose réciproquement des obligations nouvelles et (pii leur accorde des droits spéciaux. Ce contrat, c'est le contrat de srnionil '. Nos anciens ducs et comtes réunissaient dans leur chef doux (pialités essen- liellemenl distinctes ([ui ne pouvaient se confondre, mais qui se complétaient l'une par l'autre : la somierainelé et la seigneurie. Depuis Cliarlemagne, la royauté était devenue territoriale et héréditaire, et depuis la reconnaissance de l'hérédité des fiefs, le même caractère avait été attribué à la possession de tous les vassaux qui démembrèrent le grand empire d'Occident. La souveraineté venait aux grands de par le droit de nais- sance; la seigneurie ne leur était acquise avec ses avantages que moyennant un pacte particulier intervenu entre eux et leurs sujets. Dans rancienne (iermanie, il était d'usage, chez les princes et chez les noi)les, de s'attacher, par un lien étroit et solennel, des clients et des fidèles. Le grand était le sénieur de ces derniers : il devait les aider, les honorer et les protéger; les fidèles devaient à leur tour lui prêter assistance, ou, comme on disait alors, lui faire service, service (J'aitle et de conseil. .K l'origine, chatpie homme libre choisissait librement son .sc»?'cMr.- Cliarle- magne ordonna et fit admettre en principe que tous les sujets de son royaume, sans |)our cela devoir renoncer à tout autre lien parliculier, devraient le choi- sir |)our leur chef-sénieur : par là, il s'assurait le service de tous ses sujets, service auquel, comme nous allons le voir, il n'avait pas droit par le fait seul de sa royauté. Après lui, l'usage se maintint. Le souverain, et parlant les grands vassaux, après l'hérédité des fiefs, propriétaires de leurs territoires, (Mirent le droil reconnu d'être les sénieurs de tous leurs .<»/>/.<, lescpiels, en vertu du contrat sénorial, devenaient leurs fidèles. Seulement, au lieu d'élre l)urenienl personnel, le sénorial était devenu foncier, en ce sens que c'était de la propriété de la terre que dérivait la direction du lien à nouer. En vertu de la souveraineté, le roi franc, et plus lard le seigneur, pouvait ' Le li'.'iili' (le Il;ii'|isMi't .sur Ifs inaugurations épuise coiiiiiIcIciiii'mI hi nialirr(.'. COINSTITUÏION BRABANÇONNE. 369 f'xigei- obéissance en loul ce qui concernail le gouvernement et l'administra- tion de la justice et de la police clans le royaume ou dans la seigneurie. Mais là se bornait son droit: il ne pouvait, en vertu de sa souveraineté, exiger aucun service pour sa personne ou pour l'aider dans Texercice de son pou- voir royal, ducal ou comtal K D'abord le service n'était dû que du féal au sénicur, plus tard du vassal au seigneur; et ce service consistait en aide et en conseil. Vaide, c'était le service militaire, les dons et les subsides destinés à aider le souverain dans l'exercice de ses droits. Le conseil, c'était l'obligation de venir aux plaids tenus par le souverain pour l'aider dans la décision dos questions majeures ou dans l'administration de la justice^. La souveraineté ne donnait que des droits purement passifs; la seigneurie y ajoutait les faculle's actives qui assuraient toujours et |)arlout l'exercice des droits souverains. (]ette distinction, qui peut à la première vue paraître subtile, maiscpii, en réalité, est fondée sur l'organisation même de la société germaine, passa coni- plélement dans le droit de nos provinces. L'inauguration n'était pas le seul litre de nos ducs et de noscomtes; elle ne faisait (juc leur assurer les droils du séniorat, et ne les investissait pas de la souveraineté. Si elle avait été le seul litre de leur droit souverain, la dévolution des Étals n'eût pas été réellement béréditairc; avant leur sermefit solennel, les princes auraient été complète- ment dénués de toute action, de toute autorité dans les Éhxls où ils étaient appelés à régner. Or cette situation ne se présentait pas chez nous. Le sou- verain héréditaire pouvait, sans devoir attendre son inauguration, faire tous les actes d'administration, de justice et de police, et même porter les lois et ordonnances que les circonstances exigeaient "'. Aussi , par les lettres circu- laires qu'il adressait «aux étals et aux consaux, pour leur annoncer la mort » du souverain prédécédé et son avènement au trône, il confirmait et rete- » nait tous ses oflicicrs dans leurs fonctions et places. » ' Unepsact, Iiiaiiijurations , $$ 7 cl 8. -■ ilncl.,$$ 35, 34 et 3S. "• Ibid., $ 5. Tome XXXI. 47 370 MEMOIRE SUR L AINCIEISNE -Nous pourrions sur ce point multiplier les exemples, nous nous conten- terons d'en mentionner deux. Après la mort de Philippe le Bon , Charles le Téméraire, écrivant au conseil de Hrabanl que les pouvoirs de ses membres sont expirés par la mort du man- dant, ajoute ' : « Obslant les graves affaires que nous avons présentement, n'y » povons (à la nomination de nouveaux conseillers) si presten»enl pourvoir que » nous ferions volontiers et qu'il est de nécessité, nous escripvons présentement » par devers vous, et vous requérons et néanlmoins mandons par ces présentes, » qu'en l'exercice et administration de la justice en nostredit pays de Brahanl, » vous veuillez continuer et persévérer et y faire en nostre nom, ainsi que » besoing sera, jusqu'à ce que par nous autrement soit ordonné. » Plusieurs mois s'écoulèrent entre la mort de Charles le Téméraire et l'in- auguration de Marie de Bourgogne. La duchesse nomma néanmoins des offi- ciers en Brabant, distribua des bénéfices, etc. L'article 14 de sa Joyeuse-Entrée, qui regarde tous ces dons et collations conmie non avenus, se fonde, non sur ce que la duchesse Marie aurait agi sans droit, mais sur ce ([u'cllc aurait agi sans la parlicipalionjhi conseil de Brabant, requise en ces matières de par la loi nationale. En elTet, le souverain ne pouvait, avant son inauguration, gouverner ses Etals (jue d'après la loi nationale -. Or de la loi nationale faisaient partie tous les actes , chartes et privilèges octroyés par ses prédécesseurs au nom de leurs descendants, et les actes librement consentis'entrc ces prédécesseurs eux- mêmes et le commun pays. A l'inauguration intervenait un contrat nouveau, librement consenti entre le souverain et les sujets (jui allaient devenir ses féaux, et alors les parties con- tractantes pouvaient ap|)orler des modilicalions à la vieille loi nationale. Après ce qui vient d'élie dit, on peut sans autre dévelop|)ement saisir le vrai caraclèri! de la Joyeuse-Entrée biabançoime. Elle est un contrat synal- laiimali(|ue interv(!nu entre les États et le prince; contrat portant sur des rapports d'inie nature essentiellement srnioriale à l'origine. ï/inauguralion, le sernuMil sur la Joyeuse-Entrée, ne faisait (praccorder ' llnicIniiT citée de M. le procurcurgém'Tal de Baviiy, \i. i) ; Guchard, Analectes belf/iques, p. "ilid. * It.'iepsaet, Inaiiguraliuns, § î> CONSTITUTION BRABANÇONNE. 571 au duc de Brabanl des droits plus étendus, puisque, avant elle, il pouvait déjà gouverner son duché. La cérémonie même de l'inauguration « rappelait avec une similitude » parfaite la cérémonie de foi et hommage '. » Le préambule même de l'acte constate que les droits et les privilèges sont accordés pour imporlanls et nombreux services que les bonnes gens du Bra- bant ont rendus naguère et rendront encore à leur duc -; c'est-à-dire à l'oc- casion du respect et de l'amour avec lesquels le pays de Brabant a gardé ses devoirs de féal à suzerain. Dès lors il faut expliquer les clauses du contrat dans le sens d.e sa nature même; et la véritable portée de la clause de refus de service sera la portée qu'elle pouvait avoir dans le droit féodal. Dans le droit féodal, alors que le seigneur man(|uait à ses engagements, les féaux cessaient de lui rendre le double service d'aide el de conseil. On le mettait par là « dans une sage impuissance de continuer son injustice, et on » l'induisait rt's|)eclueusemenl à la léparer lui-même sans blesser sa dignité •". » Le retrait du service d'aide privait le seigneur de toute ressource pécu- niaire et de toute force armée; le retrait du service de conseil paralysait la marche du gouvernement; les féaux étaient les conseillers nés el exclusifs du seigneur : seuls ils pouvaient être olliciers judiciaires. Leur abstention arrêtait jusqu'au coins de la justice. Le refus de service était donc une sanction assez énergique pour qu'on ne doive pas s'efforcer, dans l'intérêt des peuples, d'en étendre la signification au delà de sa valeur réelle. Jamais on ne pouvait déclarer un souverain déchu de ses droits *; il les possédait de par l'hérédité, et ne les tenait nullement de son peuple. Quand il se faisait rvconnaUrc par les états, il se bornait à leur demander de constater un droit préexistant dans son chef, droit dont il ne réclamait aucune ratification •\ ' Baron de Gerlaclie, Histoire des Pays-Bas, vol. I", p. 127. * Voir le préambule delà Joyeuse-Entrée de Wenceslas et des autres Joyeuses-Entrées suc- cessives. "' Raepsaet, Inaugurations, §g 30, 51 et 32. * Ibid., % 47. =• Ihid., % G9. 372 MÉMOIRE SUR L ArSCIE^iNE Jamais on ne pouvait en droit déclarer la guerre au seigneur et revendi- quer le redressement des griefs par les armes ^. La loi et la coutume d'obser- vance ancienne *et continue dans la féodalité traçaient même une procédure l)arfailoment délern)inée pour arriver à Pamendement du seigneur, avant de recoui'ir à Vnllinia ruiio du l'cfus de service. Quand un féal croyait avoir à se plaindre de son seigneur, il pouvait pré- senter avant tout ses doléances à ce dernier, et demander rjuil lui fi'il fait droit par ses pairs, si spontanément le seigneur ne voulait pas redresser le gric^f don! le féal se plaignait. Ce n'était ({u'aprcs des démarches respectueuses et réité- rées, que, pour déni de justice, il pouvait cesser son service. L'exercice de la seigneurie demeurait alors momentanément en suspens vis-à-vis du féal lésé^. La Joyeuse-Entrée ne consacre pas des droits plus étendus, el, comme nous l'avons dit plus haut, outre la teneur de ses dispositions, elle demande à être interprétée par ses origines. Or la charte de 1294., dont nous avons cité un passage, consacre en termes exprès, pour les Brabançons, en cas d'infraction à un privilège spécial, le dioil de cesser le service d'aide : Que cil no homme dcvantdils ne fusrent tenus d'alleir aveckes nous en est ne chevauchie; le droit de cesser le service de conseil : Ne remire jugement nul en queil manière qu'ils en fusrent requis; le droit de cesser tout service autre, quel qu'il soit : Ne faire autre service nul à nous ne A nos hoirs... Quand nos ducs éludaient ou violaient l'un ou l'aulrc des articles de la cliarle inaugurale, on ne voyait pas le pays s'armer contre eux ou leur refuser brusquement le service; les états procédaient, comme ils y étaient tenus, par voie de doléances respectueuses. Ainsi le préambule de l'addition de Philippe le Bon constate une situation et une procédure de l'espèce ; ainsi encore, sous Charles-Quint, avons-nous rencontré un acte analogue, lors de la création des trois conseils collatéraux. La Joyeuse-Entrée, contrat essentiellement féodal entre le souverain-sei- gneur el tous les sujets brabançons qui étaient individuellement ses féaux, consacrait : un droit de résistance purement passif. Elle ne touchait, en aucune façon, au droit de résistance active, au droit d'insurreclion. Celte ' Itiii'psacl, JndiKjiirations, \t. i(i. '- llnd., % 40. CO^STIÏUÏIOP^ BRABAr^ÇONrSE. 573 question brûlante devait être décidée en Brabant, comme dans tous les États constitués, par les principes du droit public naturel. Nous n'avons plus à nous en occuper ici. (cependant tout ce que nous venons de dire n'a trait qu'à la nature véri- tablement yM/«W2V/î. li". COrsSTITlTION BRABANÇONiNE. 377 et revenus en provenant, et les pourront administrer et percevoir comme auparavant. Article 28. Les communautés et hdbitunts de toutes les places et pays que Sa Majesté Très-Chrétienne cède dans les Pays-Bas catholiques, par le pré- sent traité , seront conservés et maintenus dans la libre jouissance de tous leurs privilèges, prérogatives , coutumes, exemptions, droits, octrois com- muns et particuliers, charges et offices héréditaires, avec les mêmes honneurs, gages, émoluments et exemptions, ainsi qu'ils ont Joui sous la domination de Sa Majesté Très-Catholique; ce qui doit s'entendre des communautés et habi- tants des places, villes et pays que Sa Majesté a possédés immédiatement après la paix de Rysivich , et non des places, villes et pays que possédait le feu roi d'Espagne Charles II au temps de son décès, dont les communautés et habitants seront conservés dans la jouissance des privilèges , prérogatives, coutumes, exemptions, droits, octrois communs et particuliers , charges et offices héréditaires , ainsi qu'ils les possédaient lors de la mort dudit feu roi d'Espagne. Le Iraité de la Haye, de 1790, stipule, dans son article 1'', que :. Sa Majesté Impériale, en recevant de la manière usitée l'hommage des provinces belgiques, leur confirmera à toutes et à chacune les constitutions, privilèges et coutumes légitimes dont ta jouissance leur a été assurée respec- tivement par les actes d'inauguration de l'empereur Charles VI et de l'im- pératrice Marie-Thérèse de glorieuse mémoire '. Tel était donc, dans la dernière période de l'ancien régime, l'état légal des privilèges brabançons. Certes, dans le cours de deux siècles et demi, il dut surgir entre les états et le souverain de fréquents conflits sur leur interpré- tation et sur leur portée. Nous avons déjà signalé, dans ce mémoire, les luttes du conseil de Brabant et du conseil privé pour la publication des pla- cards et ordonnances; nous pourrions mentionner encore les luttes de |)ré- séance, si vives et si souvent renouvelées entre ces deux corps polili(|ues -; les représentations des états, en 1666, lors de l'inauguration de (Charles IIF; ' Faidcr, ouvr. oiu-, p. 190. ^ Proeès-vcrbaux de la eoniiuission royale des ordonnances, 1. 1", pp. 75 à 134. Tome XXXI. 48 378 MÉMOIKE SUR L'AINCIENINE celles de 1717, lors de rinauguiation de Charles VI '. Mais, malgré ces dissoiitiinonls passagers et toujours assoupis sans violence, grâce à l'esprit prudent et conciliant des parties liti^antes, la Joyeuse-Entrée était resiée Tarclie sainte des Brabançons qu il n'était pas permis de violer impunément. Joseph II osa la casser : la réponse des étals fui la proclamation de sa dé- chéance, et, après peu de jours, le pouvoir autrichien avait disparu du sol belge tout entier! Léopold II, plus sage que son frère, inaugura sa restau- ration par le rétablissement du vieux pacte dans sa forme et teneur. Il ne fallut rien moins que le bouleversement social, résultat de la révolution fran- çaise, pour anéantir définitivement une constitution qui aviiit fait la gloire et le bonheur de nos ancêtres. Airétons-nous maintenant; nous en avons dit assez des origines et des développements de la Joyeuse- Entrée, pour pouvoir hasarder sur elle un jugement d'ensemble. Gardons-nous d'aborder ce nouvel et dernier examen avec les idées (|ui ont cours dans notre société moderne. L'observateur impartial et l'historien, pour juger sainement et de bonne foi l'état des siècles passés, doivent se soustraire à l'atmosphère qui les enveloppe ; ils doivent se pénétrer profon- dément de l'esprit de l'époque (pi'ils étudient; abandonner tout système pré- conçu et se dire que, pour les sociétés comme pour les hommes, le progrès étant l'œuvre du temps, les institutions doivent être appréciées d'après le milieu social dans lequel elles se meuvent. Trop souvent nous accusons l'ancien régime tout entier d'ignorance et d'oppression ; trop souvent aussi nous prêtons à nos pères des idées et des sentiments (jui ne peuvent être que les nôtres; nous reprochons à l'ordre social de ne pas avoir été dès l'abord constitué comme il l'est maintenant. Mais pourquoi toujours envisager le côté sombre du tableau;^ Pounpioi ne |)as rendre un légitime honuïiage à ce qu'il y a de beau, de grand, de fort, dans ce monde passé sur lequel on déverse tant de calomnies? Le mal social n'est-il pas de toutes les époques? n'esl-il pas un des éperons du pro- grès? Et quelle société humaine prétendra n'avoir pas de |)rogrès à faire? ' Airliives des états de Brab.int, registre n" 553 des étais de Urabant. fol. U^J v". CONSTITUTION BRABANÇONNE. 579 On ne reproclie pas à Tenfanl de ne pas jeter, dès son berceau, les éclairs de génie (pii illumineront peut-être le milieu de sa carrière! On ne reproche l)as au chêne, qui s'assimile patiemment les sucs du sol où il est planté, de ne pas être dès son germe le roi de la forêt ! On ne reproche pas à la moindre mécanique de passer par des transformations successives, pour arriver à ar- racher victorieusement à la nature ses forces les plus vives ! Tout, dans l'ordre des choses contingentes, commence, grandit, se développe et se perfectionne; et la société, celte gigantesque mécanique morale, où les rouages sont ce qu'il y a de plus mobile et de plus perfectible, des hommes, des cœurs et des intel- ligences, on voudrait la voir parfaite d'im seul coup! Dans le mémoire que nous terminons, nous avons étudié, pour un État particulier, la marche progressive des idées polititiues depuis le monde ger- main jusqu'au monde du seizième, du dix-septième et du dix-huitième sièch*. Nous avons vu la liberté, apanage primitif de euse-Entrée, la liberté sérieuse des citoyens était en général garantie: par le pouvoir des états de Brabant, qui n'était pas Imrné, conmïe le dit le comte de Neny, au fait de consentir les suljsidcs, mais qui était en quehpie sorte collatéral du monanpie, dans les matières les plus ini|)ortantes du gouvernement; parle droit le plus large de pétilioime- ment des citoyens ^ ; par la participation indirecte du conseil souverain au pouvoir législatif; par l'absence de tout enq)écliement légal au droit de pour- suivre un officier ducal en justice pour fait de ses fonctions; enfin, par le refus de service dans le cas d'infraction aux coutumes et aux privilèges. La liberté de la personne en particulier n'étail-elle pas protégée elficace- menl par le pacte fondamental ? Connaissait-on en Brabant les lettres de cacbel? cbacun ne devait-il pas être jugé par droit et parsenlenceP le prince ne devait-il pas respecter Tordre établi des juridictions!' Aucune arresiali(tii j)réventive ne pouvait avoir li(!u (|u'après information préalable, et le domicile était inviolable pour le justicier sans l'intervention des magistrats locaux. Les Brabançons avaient-ils la liberté de conscience? Oui, dans la mesure du temps; autant (|ue la société d'alors admettait la liberté de conscience. Le Brabançon était libre dans son for intérieur; (piant au for extérieur, il ne pouvait être cité en justice ecclésiasiicpie que chez lui et dans les cas expres- sément prévus par la loi du pays, il ne pouvait pas, il est vrai, propager des doctrines contraires aux doctrines catholiques, mais le catholicisme était la religion de l'Etat. La société ancienne était chrétienne dans son essence, c'est un l'ait; elle se défendait contre (piicontpie aurait voulu antener un relâchement du lien comnum, une diminution de vie sociale. La liberté de conscience, c'est-à-dire le droit pour les minorités conmie ' l'iiidcr, Diivr. cité, p. Iod. 382 MÉMOIRE SUR L'ArSCIENNE pour les inajorilés de croire et de prali(|iior |)iil)li(iiK'incnt ce (|ui leur plail, ne dale pas de loin dans rhiimanité. « Ceux (|ui, les premiers, secouèrent le » joug de ce qui s'appelait rÉglise universelle, étaient en général aussi peu » disposés à permettre des différences (ropinions religieuses (pie celle Eglise » elle-même '. » S'il faut ciler des faits el des exemples : «Le comle Jean " de Nassau lui-même, le seul ipii reslàl de ses vaillants el généreux frères, » s'opposait à la |)aix religieuse, sauf (piand elle pouvait profiler à la foi » réformée. Là où les catholiiiues avaient été réellement vaincus, comme en » Hollande et en Zélande, le comle Jean ne voyait pas de raison pour {pi'on » leur permit de relever la tête ; dans les provinces catholiques, au contraire, » il était partisan de la liberté religieuse -. » La liberté de conscience, Pégalilé complète des dominateurs el des faibles, en matière religieuse, est donc une idée toute moderne sortie, comme le dit un protestant, « de l'indilférence religieuse, qui n'aime pas à voir sa paix » troublée par des disputes tliéologiques ^. » Les Rrabançons ne pouvaient pas prali(pier une idée (|ui nVlail pas née. C'était en vertu de sa liberté même qu'une i)opulatioii callioliijue, par la voix de ses représentants légaux, demandait, dans les traités européens, le main- tien de la foi romaine. Que dire de la liberté de la propriété? Elle existait en Hrabant à peu près aussi complète (pie dans notre Belgique moderne. Le duché était, non pas pays à'mpôts, mais de subsides librement consentis par la nation. Tous les sujets devaient être traités par droit et par sentence, el ne pouvaient, par con- sé(pienl, être privés de leur propriété que par décision judiciaire ou par déport volontaire : tous pouvaient contre tous exiger le mesurage el le bornage de leur terre; tous jouissaient librement de leurs biens et pouvaient en Iraliipier à volonté. La loi s'élevait avec force contre les concussions des olliciers, (piels qu'ils lussent. Toute terre était présumée allodiale jusqu'à preuve contraire *. ' John Sluiirt Mill. /m Hhcrlv. Piiris, Guilliiuinin , I8(i0, p. tô. - .V1i>ili\ , (•it(; piir M. de (Itilnilic , dans sa Notice sur Alexandre Farnèse, Revue hvlge et élran- ghe,i. XII. Bnixcllcs, l«(il; p. i2!)ô. ' .Sliiarl Mill, ouvr. cité, p. 14. ' Fiiidcr. (iiivr. cilt-, p. 1;i8. CONSTIÏUTIOlN BRABAISÇONINE. 383 Tous les droils publics, indispensables au développemeni des individus, élaienl donc protégés sérieusement dans la Joyeuse-Entrée brabançonne; ils se manifestaient de la manière la plus large et dans toute la mesure de ce que permettait la nature même de lancienne société. Tandis que la France avait vu disparaître une à une ses libertés communales, qu'une royauté absor- bante était arrivée à pouvoir dire en toute vérité par sa personnification la plus magnifi(|ue : l'Elut, c'est moi, le Brabant était déjà salué par Topinion étrangère comme la terre classicpie de la libei'lé '. La liberté d'association n'était pas écrite dans les lois, mais elle existait dans les mœurs. Ce n'est à proprement parler que depuis la révolution de (|ualre-vingt-treize que les peuples ont dû la protéger législativemenl contre la faculté absorbante du pouvoir public qu'elle arrête avec eflicacité. Tout était association dans l'ancien régime. L'association prenait l'enfani au berceau; elle ne (|uillait le citoyen qu'à la tombe. C/était-elle qui avait fait les communes, émancipé le tiers état, fait renaître les sciences, les arts et la littérature, développé le travail et l'industrie, arracbé les classes vivani du travail de leurs mains à l'isolement et à l'abandon. L'autorisation (pi'on sollicitait du pouvoir |)ul)lic avait moins pour objet le droil de s'associer [)ro- prementdit, que celui de former une personne morale, caractère général des associations de l'ancien régime. La liberté de la presse et la liberté de l'enseignement ne pouvaient exister tant que la liberté des cultes n'était pas législativemenl reconnue. La presse péiiodi(|ue n'était pas dans les mœurs; mais les mille panq)lilets du siècle dernier, s'attaquanl tant aux bomujcs du pouvoir qu'aux innovations odieuses, les grands ouvrages de théorie exposant des doctrines contraires aux croyances et aux idées politicpies du pouvoir et de la grande majorité même des sujets, prouvent assez que la censure, telle qu'elle existait en Brabant, était de fait un obstacle bien peu formidable à une discussion loyale et sérieuse. L'inégalité des classes sociales était grande encore; mais un mouvement immense de rapprochement s'était opéré dans le cours des temps, et rien ne pouvait faire prévoir un moment d'arrêt fatal de ce mouvement. La hiérai- ' Scliaw, Essai »«r les Pays-Bas autrichiens (anglais). 384 MKMOIRE SLR LAÎNCIENiVE. cliie arislocralique s'organisait de plus on plus, d'après la grandeur el la con- linuilé des services rendus; et cette hiérarchie existera toujours sous Tune ou l'autre forme, parce (|u'el]e trouve sa hase au cœur même de IMiunianilé. Les charges de rohe, les charges communales, exercées fréquemment |)ar les mêmes familles, élahlissaient une gradation insensihle entre la simple hour- geoisie et les castes féodales. Tout le monde, indislinctemenl, était soustrait à l'arhitraire, et, sous plusieurs rapports, l'égalité de tous les firahançons devant la loi était déjà un fait et une vérité légale. On ne connaissait pas la garantie de liberté si précieuse de la séparation des pouvoirs; mais le pouvoir ducal était limité dans son action par la dé- centralisation la plus complète. Tout n'était pas parfait, loin de là, dans la Joyeuse-Entrée; mais le passé du Hrahant répondait de son avenir. Transporté dans le dix-neuvième siècle, le vieux pacte brabançon pourrait sembler une anomalie; cependant l'élude (|ue nous en avons faite doit nous avoir convaincu que, dans la société de l'ancien régime, il répondait à la liberté la plus large et la plus généreuse; que nos libertés publiques actuelles ne sont pas d'importation étrangère; qu'enlin, nos constituants de 1830, eu élaborant leur œuvre immortelle, n'ont fait que reprendre nos vieilles franchises nationales, en les mettant eu rapport avec les nécessités qui dominent notre société moderne. Si d'autres sont actuellement nos maîtres dans la vie élégante et dans la vie littéraire, nous réclamerons une palme glorieuse dans les luttes de la vie politi(|ue; nous nous attacherons à nos institutions nationales avec le double sentiment du res[)ect el de l'amour de ce (pie nous ont légué nos ancêtres, et de la con- liance dans un avenir dont le présent nous répond! COINSTITUÏION BRABANÇOINNE. 385 APPENDICE. TEXTE DE LA JOYEUSE-ENTRÉE DE JEANNE ET WENCESLAS. JoHANNA, bi der gracien Goeds, herloginnc van Lulscnborcli, van Lotryck, van Brabant, van Lymborch, ende marcgrecvinne des Heilcchs Rijcs; ende Wenceslau van Behem, bi der selver gracien hertoge van don selvcn landen , ende maregrave des Heileclis Rijcs, aise bare witlege man ende monitoir. Doen cont allen den glienen die dese letteren sulen sien ende Iioren lesen, want bel toebeboirl alloes den Overslen sine gcnade ende gracie te doenc sinen goeden ende getruwcn lieden die bem met berten ende met getrouvvccbeiden dienen ende onderboerecb siin : soe dal vvi anesien en(b' meriveri die grole en niencclifiddege (ronweendedienstedieonse goedc iiede van onsen lande van Brabant vorgbenoemt dicvvile ende menecbwerven onscn lieven vader ende voirderen, dien God genadccb siin moet, vriendelec gbedacn bebben, ende ons ende onscn nacomelingen nocb doen sueien ende niogen doen, aise getrouwe lieden boren Heren sculdecli siin te doene; hieromnie \vi met onser goeder onsten ende speciaeire gracien , die vvi te lien dragen , begbeeren lien vriende- lec ende onstelec te versiene, bebi)en ben gbegevcn,gelocftendegbeconsentcert, in onsen in coniene ende ontfanghene van onsen lande, airebande poenleii, articuler) ende veste- cheiden bier navolgende, te beboudene, vrilec tegbebriikene, ende te iiebbene teweleken dagen, die welke wi vore ons, vore onse oer ende nacomelingen, ben geloeft ende ge- svvoren bebben te boudene ewelec \ortane, vaste onde gbestadc, sonder breken, in aider manieren ende vornien, gbelijc dat si begripen ende bier navolgende siin. In den iersten soe gbeloven wi onsen goeden lieden van onser sleden ende lande vorsc. onse susteren te goedene, gbelijc dal onse steden ende lant ordinercn selen, sonder die lande te scheidene. Voert gbeloven wi ende consenteren, dal die privilegien ende die cbartercn, die onscn lieven hère ende vader, den hertoge van Brabant, daer God die siele af bebben moet, ons , onsen goeden lieden ende lande aeugaen , die nu tôt Lovene geleecht siin , ochte die wi ende onse goede lant namaels vercrigen sueien, alloes sulen in bouden ende in bebel- tenisse siin onser stede van Brabant, ende te beboef ons ende ons gbemeyns lands, ende die niet ute te reykene nocb te verdragbene sonder wille ende consent onser goeder stede van Brabant, ende daer af drie slolele selen siin, van den welken vvi den enen bebben selen, onse slal van Lovene den anderen, ende onse slat van Brucelle den derden, soe dat die ene sonder den anderen daer toc niet gaen en sal , van den welken privile- gien ende cbarteren wi bebouden ende hebben selen copien,ende onse gemeine lant Tome XXXL 49 386 MÉMOIRE SUR L'ANCIErSiNE des gelijcs, lot ons vorsc. ghemeins lands behoel', ons onde hen mede te behelpene bi rade van onsen vorsc. stedcn. Voert gheloveii \vi lien, dat vvi ons nemraermeer iiaïuacls vcrbinden en selen met iemandc sonder vville ende consent onser stede ons ghemeins lands, nocli neghene saken en selen docn besegelen met onsen groten segelle, daer onse lant oclite onse païen van Brabant (aiso verre alsi onsen vorsc. hère ende vader toebehoerende waren op des side der Masen, ende op dander side der Masen) niede ghemindert ochte gecrenct mochten werden in eneger manieren, die welke segel liggen sal onder onse vorsc. stat van Brn- celle, ende daertoc drie slotele selen siin , gheliic ende in aider voegen, dat ten privile- gien siin die onder onse vorsc. stat van Lovene ligglien. Voert gbeloven vvi hen dat wi vortane niemant tôt onsen geswornen rade nemen en selen het en siin goedc liede binnen onsen lande van Brabant gheboren van willigen bedde, in onsen lande van Brabant vvonende ende ghegoedi, ende dat onse lant van Lymborch, van Daelhem, van Spremont, van Rode ende van Kerpen,mel allen den toebehoerten , wel versekert selen siin onsen lande van Brabant met goeden borgen op des side der Masen gheseten, die huse te leveren onsen lande als te doene es, ende die huse ende stede te besettene met Brabaiiteren, ochte metlen ghenen die daer inden lande gheseten siin , ende dies ons ende onsen lande also versekeren selen met goeden borgen ane des side der Masen gheseten, soe dat wijs ende onse lande wel versekert siin dat van onsen lande van Brabant niet gheschoydeii en niach werden )n engcenre manie- ren, ende dat onse lant van Huesdene metter borch ende met der stat desgelijcs onsen lande versekert werde ende beset, ende dat onse lant van Wasscnberghe sal wedercomen tôt onsen lande van Brabant, ghelijc dat schuldech es te comene. Voerl gbeloven wi hen dat wise selen houden varende ende vlietende op hoereii ghe- rechten loi, paisselec ende ra.stelec in allen landen,alse van allen scouden ende gheloelten die wi of onse vorsaten schuldech siin , ochte ghcloeit hebben, ochte gbeloven selen hier naeniaels, daer onse lande mede ghecrencl ochte geachtert mochten siin, daer onse stede nocli onse lant niet mede ghcloeit noch geconsenteert en hebben, ende dat vvi hier al onse goede lieden van onsen lande scliadeloes houden selen van onsen gherechlen goeden dat te nemene, ghelijc dat die walsche charteren in heel't ende begrijpt. Voerl gbeloven wi lien aile onse vrien slraten opeii ende vri te houdene, alsoe als wise sculilech siin le houdene, sonder argelist, eicker niallic te vaerne ende le keerne op sinen gherechlen toi, ute ghenomen van scouden ochte gheloelten die bi sculdecli ware ochte gheloefl hadde, ochte broken ochte raesdaden die hi mesdaen mochie heb- ben. Voert gheloven vvi hen le houdene die vorsc. lande gheheel ende ongesceiden son- der die te verpandene, te vercopene, te versettene, noch te becommeren in gheenre manieren. ende dat wi, herloge Weneeslau vorsc, n ende goede lieden ute onsen sleden die in onsen lande van Brabant geselen siin suelen mogen jagon alrehando groet welt sonder calongioren al Brabant dore, uleghesceiden in den woudo COINSTITDTION BRABANÇONNE. 391 ende waranden die men verclaren sal , ghelijc dat die brieve iu hebben suelen ende be- gripen die men daer op maken sal. Voert hebben \vi hen geloeft dat, soe wi vortane portere werden sal le Capellen op ten Bosch, ter Hulpen ochte te Merclitene, dat sine brieve inhouden selen op wat jare ende dage dat hi porter wart, ende dat hi, na dien dach, jaer ende dacb sinen last ende broke dragen sal aise ochte hi daer geen porter en ware. Voert gheloven wi hen, dat men in onsen walschen lande van Brabant hebben sal enen souffi.santen baelui gehoren van hinnen onsen lande van Brabant, ende dat sine clerke ende sine anderen ambachters suelen van binncn onsen lande van Brabant geboren siin ai desgelijcs, ende dat thof van Genepien ghehouden sal siin ghelijc dat plach hier vortijts, soe dat niemant die daer te doene heeft en werde ghehandelt bulen weghe van rechte. Voert hebben wi gheloeft, gesworcn, geconlirmeert ende geratiliceert allen onsen goeden lieden, sleden, vriheidcn, clocsteren ende allen onsen lande vorgh. aile hare vriheiden, charteren ende sunderlinge den charteren van Corlenborghc, ende den vvaiscen chartere ende aile hare andere charteren, privilegien, costuraen, usagen ende heerbrenghen die si hebben, ghelijc dat .sise besegelt, heerbracht ende geuseert hebben, die te houdene vaste ende gesteede tôt eweleken dagen , vore ons, vore ons oer ende nacomelinge, sonder breken , sonder daer jeghen te doene, ocht te doen doene in e.neger inanieren : ende gheloven hen goede, gerechle ende gctruwe vrouwe ende hère te sine, ende hen ghene crachte nooli wille ane hen laten te gesciene, noch le gedoeghen»- in negeenre nianieren. Ende oninie dat wi willen ende begheren dat aile desc vors. poenlen, arliculeii ende vesticheiden vaste ende gesteede gehouden werden ende bliven sonder breken loweliken dagen, soc hebben wi ghegeven, geloel't ende gesworcn, op die heilege Ewan- gelie, onsen vorsc. goeden lieden. hacr oer ende nacoinelingen , aile de vorsc. |)oenten.» articulen ende vesticheiden, vaste ende gestade te houdene, vore ons, onse oer ende nacomelingcn eweleke vortane, sonder daer jeghen le doene ochte le doen doene in eneger manieren, in aider vormen ghelijc dat hier boven bescreven es. Ende ware dal .sake dat wi, onse oer ochte onse nacomelingcn jeghen eenige van dese vorscreven poen- len, articulen ende vesticheiden gbinghen, daden ochte daden doen in al ocht in deele, hoc ende in wat manieren dal dat ware, soe consenteren wi ende willecoren onsen vorsc. goeden lieden, dal si ons, noch onsen oer, noch onsen nacomelingcn ncmmernietr negheenen diensl doen en suelen noch onderhorech siin, totdcr liil dat wi hen dat weder daen hadden ende al'gelaelen volconielec. In orconscappe ende in vesticheiden van allen desen dinghcn vorsc, soe hebben wi onsen grolen segel ane dese jegenwoor- dighe letteren doen hanghen. Ende omme die meerdere sekerheit onsen vorsc. goe- den lieden hier af te doene, soe hebben wi geheden, versueken ende bidden onsen lieven ende gelrnwen hère Dideric van Horne, hère van Perweys ende van Cranenborch, heren Henric Berthout, hère van Duffele ende van (leele, hère Geerarde, hère van Vorsiaer ende borchgrave van Gcldenaken, hère Jan, hère van Boeckliout, ende hère 392 MÉMOIRE SUR L ANCIErSISE CONSTITUTIOIN BRABANÇ. Bcrnarde, herc van Borgevael, onsen drossate van Brabant, riddercn, dat si desc jogcn- wordighe Iclteren wilicn besogelcn met liaren segelen , in kennissc endc in getugcnisscn van allen desen dinghen, poenten ende arliculen vorscreven. Kndc wi Dideric van Horne , liere van Perweys ende van Cranenborcii , Henric Bert- liout, licre van DniTele ende van Geele, Geerarde, hère van Vorsiaor ende borchgravc van Geldcnaken, ,lan, hère van Boecklioul, ende Bernart, herc van Borgevael, drossate van Brabant, ridderen vorsc, overmits beedc ende versuec onser liever ende geniinder vrouwcn ende heren vorsc. , hebben onse segelle metten haren anc dese jegenwordighe letteren doen hanglien, in kennisse ende in getugenissen van allen desen dinghen , poenten ende articulen vorsc. Gegeven tôt Lovene, op den derden dach van january, int jaer ons Heren M" CGC vyflech ende vive '. ' Collatiunné sur le Clem-Charler boek . manuscrit de 1367 reposaut aux aicliives de Louvain. FIN. TABLE DES MATIERES. Pages. Imrodi'ction 3 CHAPITRE PREMIER. Origines générales de la Joyeuse- Entrée brabançonne S g I«'. — De l'état de nos provinces et du Brabant en parlicnlier avant les chartes comniiinalcs. — De la renaissance des communes ll>. % II. — Des premiers privilèges généraux du duciié de Brabant '2\ § III. — Des origines immédiates de la Joyeuse-Entrée 3'J 4') § IV. — Aperçu sur les états de Brabanl. *j CHAPITRE II. De la Juijeuse-Enlrée de Wenceslas ■>'^ g I". — Indivisibilité de l'Etat. Union du Limbourg /''■ II. — De la garde des chartes , depuis Wenceslas jusqu'à Philippe II o'J % III. — Du droit de guerre. — Des saisies. — Des alliances. — De la conservation des frontières •>'* % IV. — Du commerce 71 g V. — Des offices 7ti § VI. — Des garanties de juridiction '•'- § VII. — Violences sur les femmes "••) § VIII.— Du droit de grâce 10!» § IX. — Principes issus du vieux droit de vengeance privée 110 § X. — Du droit de chasse 115 g XI. — De la monnaie I^ii ^ XII. — Des hommes de Saint-Pierre 1^*' g XIII. — Des bourgeoisies de la Hulpe, Merchtem, ctc tôO § XIV. — Conlirmalion des privilèges ecclésiastiques ■ im g XV. — Appendice. De la charte de Cortenherg, renouvelée en 1372 132 Tome XXXI. 50 594 TABLE DES MATIERES. CHAPITRE III. Page!.. De la Joijeu.sc-Entréc (V Antoine de Bourgogne .155 § I". — Des garanties de juridiction 136 g II. — De l'indivisibilité derÉtat. Union du Limbourg, etc 140 f III. — Du concours des villes et pays de Brabant à tout acte pouvant léser les droits d'un particulier ou un privilège 142 § IV. — De la juridiction forestière 145 CHAPITRE IV. De la Joyeuse-Entrée de Jean IV, du privilège du rcwaert et du Nieuw Régiment de Jean IV 145 § I". — Du privilège du ruwaert 148 § II. — Du Nieuw Régiment 149 CHAPITRE V. De la Joyeuse-Entrée de Philippe de Saint-Pol 1 59 § 1". — Du conseil du duc 160 § II. — De la cliambre des comptes ICI § m. — Des restrictions apportées au pouvoir ducal 162 § IV. — De rindivisibilitç de l'Etat. Union du Limbourg, etc 165 § V. — Du sceau ducal de Brabant 166 § VI. — Des offices 168 § VU. — Du commerce et des voies de communication 1 77 § VIII. — Des garanties de juridiction 178 5 IX. — Dispositions spéciales 184 CHAPITRE VI. De la Joyeuse-Entrée de Philippe le Don et de ses additions 187 3 I". — Dispositions transitoires 189 § II. — Du sceau ducal et du port des titres 191 § III. — De l'origine et des développements du conseil ducal, plus tard le conseil sou- verain de Brabant 195 § IV. — Indivisibilité (le l'Etat, et union du Limbourg et Nivelles 214 § V. —Des offices 218 § VI. — Garanties contre les excès des gens de guerre 221 § VII. — Du connnercc 225 § VIII. — Disposition financières 256 § IX. — De la deuxième et de la troisième addition de Philippe le Bon 241 TABLE DES MATIERES. 395 CHAPITRE VII. Pages. De la Joyeuse-Entrée de Charles le Téméraire 255 § 1". — Indivisibilité de l'État. Union du Limbourg 237 CHAPITRE VIII. De la Joyeuse-Entrée de Marie de Bourgogne 260 % I". — Réaction en faveur des temps qui précèdent ravénemcnt de Philippe le Bon. 261 % II. — Réaction contre les empiétements des autorités centrales 265 % III. — Principes particuliers sur les tonlieu.x et impôts 270 % IV. — Des offices 271 § V. — Du respect de la propriété privée 274 % VI. — Principes généraux de liberté 277 g VII. — De la juridiction ccciésiasti(|uc 279 § VIII.— Indivisibilité de l'État. Union du Limbourg 280 § IX. — Dispositions diverses 281 CHAPITRE IX. De la Joyeuse-Entrée de Philippe le Beau 287 § I". — Indivisibilité de l'État. Union du Limbourg 289 3 II. — Garanties en matière de liberté civile 290 § III. — ■ Garanties en matière de propriété privée 298 § IV. — Du commerce 299 CHAPITRE X. De la Joyeuse-Entrée de Charles-Quint et de ses additions 305 $ l". — De la première addition à la Joyeuse- Entrée 507 $ II. — De la deuxième addition 309 CHAPITRE XI. De la Joyeuse-Eiiti-ée du Philippe II 534 g jcr — Principes qui disparurent définitivement de la Joyeuse -Entrée 337 % II. — Texte des articles , points et privilèges de la Joyeuse-Entrée de 1 349, d'après le dernier état de cette constitution 338 § III. — Changements et modérations apportés par la charte de Philippe II à celles de Charles-Quint 350 396 TABLE DES MATIERES. CHAPITRE XII. Page». De la confirmation dea privilèges et du refus de service uti cas île non-ohservnnce. . . 562 Co.NCLUsio.> 57G Appendice. — Texte (lamand de la charte de Jeanne et Weneeslas 385 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. Abbayes de Brabant, 55, 56, 57, 45, 506, 507. Abus de pouvoir, 82, 8i, 522, 525. Voy. Con- cussions. Accidents de droit, 298, 325. Accusation. Qiiid? 29i. Action pénale. Origine de l'action pul)liquc, HO. Actions litigieuses (Proliibilion du trafic et du transport à un clerc ou in potcnliorem) , 101, 102, 558. Addition diplomatique à la Joyeuse-Entrée, 576. Adhéritance des officiers, 77, 150, 285. Affaires majeures, 4-2, 65, 104. Affranchissements, 14, 22, 126. Aide (Service d'). Voy. Service féodal. Aides, 55, 257. Voy. Subsides. Aliénations de domaines, 155, 201, 211, 258. Alleu (toute terre est présumée), 582. Alliances, 68, 69, 155, 201. Avec Flandre et Liège, 75, 227, 567. Amortis (Biens). Quels ils sont, 314, 526. Voy. Mainmortes. Analogie (Droit de juger par), 27. Angleterre (Grande charte d") , 567. Annates, 506, 507. Anvers (Union d'), 50, 141. Commerce, 230, 231, 257, 257. Lieu de conservation des chartes, 63, 64, 551. Large privilège, 320. Fiefs du mar- quisat, 181. Anvers (Droit d), 105, 294, 357. Anvers (Tonlieu d), 262. Appel (Droit d'), 102. Origine, délais, nature, 179, 244, 262, 26t, 266, 267, 297. Hiérar- chie des appels, 244, 556. Appréuensioxs. Voy. Arrestations. Archers (Garde noble des), 91. Arrestations. Le Brabançon ne peut être arrête hors de son pays, 58. Quand il est arrêté en Brabant, il ne peut être conduit hors du pays, 105. Garanties générales, 277, 294, 320, 521. 332, 555, 581. Arrêt. Justices subalternes jugent même par arrêt au criminel, 297. Arrêt (Procédure par), 291, 505, 504, 357. Assemblée générale, 42, 195,246. Association (Amour de 1") au moyen âge, 225, 385. Aubaine (Droit d), 227. Audiences. Voy. Plaids. Augsbruggde (Tonlieu d'), 252, 557. . Avocats au conseil de Brabant , 556. B. Baillis Arbitraire, 15. Doivent se conformer aux sentences échevinales, 23. Sont punis par le duc, 25. Charte wallonne, 55, 57; 77. Pouvoir énorme, 81, 89, 138, 208, 269. Voy. officiers. Baiser de paix, 115. Voy. Trêve. Bande guerrière, 65. Bannis. Voy. Batinissemenl. Bannissement. Peine très-usitée. 97, 109, liO. Barbare. Elément social, 10. Barbares (Loi.s), 295. 598 TABLE ALPHABÉTIQUE Barbares (Arrivée des), H. Baro.vmes. Voy. Barons. Barons de BRABANT.Leur indépendance; politique des comtes contre eux, 16. Disparaissent pour faire place à d'autres familles, 31, 53, 47, 72, iOO. Droits, 00. Leurs bâtards, 81 ; 151, 15t. Sont conseillers de Brabant, 100, 199, 203, 206, 207, 524, 557. Bassaixs (Seigneurs), 87, 15S, 224, 247, 274, 280, 300, 522, 523, 557, 558, 559. Bâtards, 79, 80, 81, 202, 282, 554. Bâtardise. Droit seigneurial mitigé, 25. Bezoeck. Qitid? Origine, vicissitudes, mode d'o- pérer et abandon, 85, 84, 85. Biens féodaux. Voy. Fiefs. Bohémiens, 317. Bois-iE-Dic. Privilèges locaux doivent être main- tenus, 185, 557. Liberté de commerce en Hol- lande et en Gueldre, 255, 250. Démolition de châteaux, 318. Large privilège, 520. Bonne renommée, 293. Bonnes cens, boni homines , 24, 31 , 43, 44, 46, 119, 142. Elément communal, 190. Bornage, 100, 382. Bourgeois, 18, 19, 21. S'unissent, 44, 108, 180, 180, 200, 212, 202, 285, 292, 355. Voy. Poorter et Communes. BoiRGEOISIES FORAINES, 282. Bourgmestre, 4, 54, 151, 173, 174, 175, 272, 277,521. Bradant. Fief de l'Empire, 0. Fief féminin, 59, 61, piissim. Bruges. Splendeur, 230. Bruxelles. Charte sur le viol, 108. A une clef des chartes, 59, 60. Absorbe le banc d'Uecle, 180. Large privilège, 292, 320, 550. Bulle d'or. Analyse, 37, 93, 94, 97, 98, 100, 101. Le conseil de Brabant juge des infractions y faites, 557. Buvten S'» Peeters-MANNen. Voy. Pierre (Homma de Saint-). Cadastre de Brabant. Origine, 55. Calloo. Procès sur le tonlicu, 252, 337. Campagnes. Imitent les villes, 21. Prédominance sur les villes, 22. Canon. Droit et procédure, 96, 100. Capelle-au-Bois. Lettres de bourgeoisie, 130. Catholique (Religion), 557. Religion d'État, 376, 581. Caution des ofUciers à la chambre des comptes, 172. Voy. Officiers. Cens. Ne peuvent être hausses, 282. A i>oursuivre devant les juridictions locales, 285, 323, 324. Centralisation commencée par Philippe le Bon, 261, 265, 269, 334. Voy. Hccenlralisalinn. Cessions de procès. Voy. Jetions liligicii.ies. Crambre DE conseil, 161, 204, 209,212,213,209. Chancelier de Brabant, 55. Origine, 09, 107; 159, 101, 102, 180, 183, 187, 1S9, 103. Qua- lités requises pour remplir l'oflice, 203, 557. Serment, 205, 212; 206, 207, 211, 280. Doit savoir latin, français et flamand, 292; 551, 353, 354, 355, 357. Chancelier de Bourgogne, 212. Chartes brabançonnes. Importance, conservation, transports successifs, 59, 60 et suiv., 286. Sys- tème nouveau, 550 et suiv. Chasse. Historique et législation 115 et suiv.. 241, 518. Châtelains des châteaux en Brabant, nationaux, 220, 271, 288, 359, 300. Voy. O/ficlers. Chef-sens, 180, 182, 202, 267, 208, 270. Chefs-villes, 3, 5, 40, 00, 05, 85, 86. Indépen- dance, 119, 150, 146; 152, 155, 162, 177, 178, 180. Einpiètements, 185, 186, 202, 205, 224, 242, 244, 268, 285, 308, 522, 330, 551, 551. Chemins, 57, 129, 508, 318. Voy. limites. Chevaliers. Voy. \oblcs. Chevauchée, 28, 66. Chienage, 326. Voy. .Ibtts de pouvoir. Chiens. Peuvent avoir les pattes libres, 118. Chose jugée (Maintien de la) , 244. Christianisme. Élément social, 10. Action sur l'origine des communes, 14. Sentiments des seigneurs, 22, 21, 30. Action sur la collation des oOices, 79, 271. Sur les combats judiciaires. 1 DES MATIERES. 599 96, 99. Sur l'exercice de la vengeance privée, HO. Sur la fraternité des peuples, 219. Clercs. Féaux de Dieu, 99, Sli. Droit d'appel, 10), lOi. Clekcs de droit au conseil de Brabant, 212. De la cour de Cambrai, 234. Yoy. Droit. Cloche communale, 19. Colon, 10, 126. Combats judiciaires. Origine, 95. Moyens em- ployés pour les faire disparaître, 96. Défense de provoquer à l'étranger, 98. Evoques de Liège, 97. Disparition, 98, 110. Mode d'appel, 244, 297. Peines mitigées, 388. Comités, 42. Commandants de milice, 220. CoMMENDEs. Interdites, 306, 307. Commerce (Liberté de), 71. Depuis Philippe le Bon, 225. Depuis Philippe le Beau, 299, 230. Commissaires aux preuves, 211. Commissaires poifr renouveler les échcvinages, 150, 151. Qui l'était de droit, 272, 356. Ser- ment à prêter, 273. Commissions extraordinaires interdites, i^l. Communautés. Voy. Mainmorte. Législation, 325. Communes. Origine, 16, 17, 18. Droits, 19. Action sur les campagnes, 21, 30, 44, SI, 96, 152. Mi- lices, 15, 222. Caisse communale, 257. Obliga- tion du poorter d'y habiter, 229, 265, 292, 310. Voy. Villes brabançonnes. Composition, 110, 114. Voy. Trèoe. Compréhension (Principe de la), 49. Comptes à rendre par les olliciers, 36, 37, 189. Comptes (Chambre des), ex professo, 161, 172, 175, 190, 258, 271. Tour de la chambre des comptes, lieu de dépôt des chartes, 551. Concordat des villes de Hollande avec leurs cré- dit-rentiers brabançons, 238. Concordat avec l'évéquc de Liège pour la juridic- tion ecclésiastique, 310, 311, 312. Concubinage. Cause d'exclusion des offices, 271, 277. Concussions, 82, 273, 274, 283, 321, 522, 382. Voy. A bus de pouvoir. Confiscation, 107, 154. Système général, 275, 279,283. Confréries. Gildcs, 15. Conquêtes. Système légal, distinction , 70. Conseil juré. Voy. Conseil de lirubanl. Conseillers de Brabant. Voy. Conseil. Conseil de Brabant ou souverain, 4, 55. Qualités requises pour y entrer, 77, 88, 91, 115, 133, 134. Caractères sous Jean IV, 155. Sous Phi- lippe de Saint-Pol, 160, 161, 162. Serment spé- cial, 173. Serment sur la Joyeuse-Entrée, 175, 178, 179, 180, 183, 187, 189, 192. Histoire ex professo, origine, développements, attribu- tions successives, pouvoir disciplinaire dont re- lèvent SCS membres, lieu de résidence, pouvoir gouvernemental, 193 et suiv. Absorbe la cour féodale, 219; 224, 233, 234. Degré d'appel de la haute cour de Limbourg, 257, 288. Réaction contre ses empiétements, 262. Relève monien- tanément du conseil de Malines, 265, 204. Dé- lais de justice, 264. Réformation lui appartient, 267; 208, 274, 286, 290, 292, 293, 316, 335. 338, 550, 351, 352, 353. Compélence dan;» le dernier état de son organisation, 353, 354, 355, 350. Composition du corps, 356. Bulle d'or, 357, 309. Liilli's de prééminence, 377, 581. Conseil. Grand conseil de Malines. Voy. Parlement. Conseil (Service de). Voy. Service féodal. Conseils collatéraux, 290, 355, 354, 377. Consistoire de la trompe, 533. Contrainte par corps, 291. Corruption de jugbs (Action en), 267. CoRTENBERGii (Charte de). Origine i.'l analyse, 29, 44, 123, 175, 502,500. CoRTENUERCii (Charte renouvelée de), 87, 132. 198, 199. CoRTENBERGii (Conscil de), 32, 87, 152. N'est pas le conseil de BrabanI, 197, 198. Corvées, 322, 325, 320. Cour féodale de Brabant, 91, 182, 183,218, 219. Cours féodales, 26. Juridiction ordinaire, 157, 144, 179. Exemple d'organisation, 181, 182. 252,264, 285. Cours PLÉMÈRES, 195, 196. CoTTiERs (Hommes), 23, 25. Coutumes, 143. Voy. Observances anciennes. Crimes atroces, 23, 104, 105. Crimes privilégiés, 23, 157, 459, 266, 276, 293, 295. CuicK (Union de), 217. Tribunaux, 290. Voy. Union du Limbourg ; voy. aussi Gueldrc. Cumul prohibé, 275. 400 TABLE ALPHABF:TIQIE Dacii va.\ kade, 158. Dacu van recute, 138. Daelhem, bC, 110, 257, 35f>. Voy. Union du Lim- hourg et oiitrc-Mcuse. Débiteurs. Dureté de la loi, 282, 285. Décentralisation, 88. Répression des crimes pri- vilégiés, 159, 206; 151, 176. Réaction en sa fa- veur, 210, 201, 262, 265. Esprit décentralisa- teur national, 265, 269, 270, 296, 520. Délai d'apakemem, 138. Demi-pkelve, 293. DÉPtTATioN permanente des états, 53. Détention préventive, 292,295. Dettes du prince , 5i , 55, 36 , 57. Les sujets n'en sont pas tenus, 71, 72, 73, 83, 156. Le prince doit décharger les villes i|ui l'ont cautionné, 256, 240,282,288. Dettes des villes. Les bourgeois ne |)cuvi'nl plus être arrêtés de leur chef, 298, 299. Dévolution du duché, 57. Diest. Droit d'étape, 501, 537. Dîmes foncières, 20. Docteurs en droit, 81. Voy. Droit. Domiciliés (Faveur des) au criminel, 294. Seuls admis aux emplois, 77. Dommage cause par le gibier, 120, 121. Donations à cause de morl. Voy. Qucsiions testa- mentaires et Concordat avec l'cvèque de Liéye. Dons du prince, 36. Intervention du conseil, ICi, 165, 202, 215, 558. Dot. Voy. Questions matrimoniales et Concordat. Dots des soeurs de Rrabant, 59, 40, 55. Douanes, 225. Voy. Tonlieux. Droit. Influence des titres juridiques, 81. Renais- sance des études, 197. Pouvoir des juriscon- sultes grandissant, 200, 205. Tendances géné- rales, 212. Grade de licencié en droit exigé pour entrer au conseil souverain, 557. Droit et sentence (Jugement par), 5. Origine, 24, 20, 29, 50, 105, 150. Ppur le Limbourg, 167 j 95, 105, 179, 208, 209, 581. Drossart de Bradant, 85. Serment aux chefs- villes, 152; 164, 175, 202, 275. Limites à son aulorilc, 552, 558. Drossarts. Voy. Justiciers et Officiers. Duels. Origine et pénalités, 99. E. Ecclésiastique (Ordre) aux états. Origine, 45, 47. Composition, 47, 205. Ecclésiastiques. Conformation spéciale do leurs privilèges, 4, 131. Ne peuvent en général être du conseil de Rrabant, 157. Ecclésiastiques de dehors le Rrabant, 329, 253. Voy. Mainmortes. Ecclésiastiques (Riens). Renaissance, 43, 101. Exempts d'impôts, 520, 545. Voy. Mainmortes. Ecclésiastiques (Dignitaires), 42, 45, 44, 196, 357. ÉciiEViNACES. Origine, 15, 19, 26, 81. Pouvoir, durée des fonctions, 88, S9. A Louvaiii, 109, 128. AITranchis de plus en plus de l'aclion du- cale, 144, 150, 151, 152, 169, 179, ISO, 185. ËciiEviNAGES RURAUX. Origine, 22. ÉcHEviNs, 12, 23, 25, 27, 29, 48, SI, S2, 85, S9, 128, 150, 151, 175, 175, 180,259.272, 277, 291, 292, 293, 320, 335. ÉcoUTÈTES, 35, 88. Voy. Officiers. ÉcuvERS. Voy. IS'oItlcs. Édit PERPÉTUEL, 293, 294, 320. Egyptiens, 317. Égalité devant la loi. Premières traces, 31. Emprunts non forcés, 276, 277. Émulation des classes sociales, 7, 158. Engacères, 58, 141, 142, 149, 165. iNc peuvent se faire (|ue du consentement des états, 202, 205, 215. Voy. Union du Limlmunj. Engiiien (Sire d'). Peut être conseiller de Rrabant, 205. Enquêtes de la part du duc, qui peut les faire, 156, 201. Épaves, 276. Épices, 522. Épiscopale (Justice), 99. Voy. Juridiction ecclé- siastique. Esclaves, 10. DES MATIERES. [01 EscROUEs OU employés à la cour, iSV), 360. Étape (Droits d'), 228, 30), 537. Etats de Bradant, 4, 41. Ex professa, histoire, origine, développements, composition, attribu- tions, lieu et mode de convocation, époque des réunions, etc., 42 et suiv. Quand surgit le nom , 46; 78, 103, 104, 121, 125. Innuence pré- pondérante sous Jean IV, 146, 148. Pouvoir disciplinaire sur le conseil de Brabant, 156, 163, 202, 207. Puissance culminante, 159; 165, 167, 174, 176. Gouvernement à la nioit de Philippe de Saint-Pol, 187, 188, 189, 190. Interviennent quand il y a des traîtres à gracier, 181, 185; 191, 192, 193. Doivent consentir aux aliénations an Limbourg, 202, 203, 258; 207, 210, 212, 214, 215, 216. Doivent être con- sultés pour changer les privilèges, 245, 246, 250. Interviennent au rachat des rentes doma- niales, 252, 256; 261, 269, 270, 274,280, 281. Leur attitude à l'avènement de Philippe le Beau, 287, 288; 502, 508. A ravéncmcnt de Charles V, 305, 308, 514. A Tavénenient de Philippe II, 555, 536; 551, 552, 354, 555, 556 , 559 , 560 , 369 , 57 1 , 377, 581 . Etats d'outre-Melse et de Limboirc, 166, 257, 258,259,280, 360. Étrangers. Jouissent de leurs privilèges en Bra- bant, 27. Il peut y en avoir deux au conseil de Brabant et aussi deux secrétaires , 206, 220. Ne peuvent rcmiilacer un ollicier, 359. ÉvÊciiÉs nouveaux. Juridiction, 243. Évocations étrangères. Voy. Juridiciion clran- gire. Exactions du duc, 27. Des seigneurs sur les cou- vents, 458. Voy. Impôts, Taille, Concussions. Exécution des sentences, 81. A faire par officiers locaux, 269. Provisionnelle sous caution, 266. Extradition interdite quand? 104. Extraordinaire (Punitions), 297. Ou h l'arbitrage , 358. F. Fameux privilège, 118, 120, 318. I'amilia ducis, 6G. Familles ecclésiastiques, 127, 128. Fauquemont, 257, 356. Faute (Théorie criminelle de la), 296, 297. Féodalité, 15, 22, 99, 122. Fractionne l'Europe, 225, 265. Fidèles, 197, 199, 569. Voy. Hommes de fief et Service féodal. Fiefs, 16. Service militaire, 65, 79. Droit de re- lief, 158, 251, 524. Gardien du registre, 157, 220, 275. Plaids des fiefs, 182, 183. Exempts d'impôts, 325, 326; 181,222,225,285,513, 329 , 366. Finances. Dispositions diverses, 256, 282, 288. V^oy. Pensions sur les villes.... Rentes domaniales, Cens, etc. Fiscal, 88 , 333 , 357. Voy. Procureur général. Flagrant délit, 295, 294. Flamande (Charte), 54. Analyse, 37, 44, 177, 197, 237, 240. Foire (de Bruxelles), 503. Foire (de Berg-op-Zoom), 303. Foires (d'Anvers). Origine, vicissitudes, avan- tages, 231 et suiv., 303. Fol appel (Amende de), 267. formidolosa judicia, 13. ^ Forum judiciale, 195, 198. Franc. Élément social, 9, 10. Francde vérité, 284. Voy. Waerlicden, Franchises, 262, 285. Voy. Villes et Commu- nes. Franchises, 15, 14, 15, 27, 142, 154, 245. Voy. Privilèges. ■ Francs-alleux des ducs de Brabant, 6, 22. Frontières (Conservation des), 55, 68, 142. G. Gallo-gbrmanique. Élément social, 10. Garantie constitutionnelle inconnue en Brabant, 88, 268 en note, 581. Tome XXXI. Garde des chartes. Origine, qualités requises, 551, 552. Garde des sceaux, 354.Voy.CAance{ter(ie Brabant. 402 TABLE ALPHABETIQUE Garknnes. Quid? H9, 120, 286, 518. Voy. Chasse. Cav tir. UatxELLES, 180. Genappe (Cour de) ou de Lolhier, 61. Ex professa, 90, 91. Genappe (Château de), 61, 62. Gens iie guebke (Garanties contre les désordres des), 221, 222, 274, 307, 308. Gertruydenderg (Union de), 216. Voy. Union du Limhourg. GiLOES, 15. Gouverneurs des pays et châteaux de Linibourget d'outre-Meuse, 57, ItO. Gouverneurs généraux ou lieutenants. Serment, 175, 353. Grâce (Droit de). Restrictions, 93, 109. Homi- cides, 113, lU; 155, 163. Traîtres, 184; 201, 202, 204. Restrictions enlevées, 338. Contesté, 363 ; 335. Puis maintenu au conseil de Brabant, 353. Grand bailli du Wallon-Brabant, 91. Grand bailli, 332. Grand veneur, 333. Grands vassaux. Indépendance et empiétements, i I, 43. Partagent les pouvoirs royaux, 12 , 65. Droits de chasse, 116, 195, 199, 200, 366. Voy. Barons de Brabant. Grave (Union de), 215, 257, 290, 357. Voy. Gtieldre et Union du Limbourg. Gruver, 175, 253, 327, 332. Voy. Warant- maltrc. Gueldre (Union de la), 192, 235, 236, 280, 281, 282, 289. Guerre. On ne peut forcer les Brabançons à une guerre extérieure, 28, 05. Le duc fait librement une guerre défensive, 66, 155, 201. Guerres civiles. Métiers et patriciens, 29, 61, 109. Dispositions qui en sont sorties, 153, 161. Comment sont punis les traîtres, 184, 185. Guerres privées, 13, 65. u. Haute justice. Appartient presque partout au duc, 31,82. Des églises, 127,275. Havesciiot, 23. Heffen (Procès de). Origine et vicissitudes, 232, 337. IIellegat (Tonlieu de) aboli, 252, 537. Henri I''. Politique habile, 6. Henri II (Testament de). Analyse,21, 50,45,190. IlENRflII (Teslamentde).Analyse, 24, 30,45, 196. IIf.rgewrvde, 524. Voy. l'icfs , Droit de relief. Hesse (Princes de) prétendants au duché de Bra- bant, 187. Heusden (Union de), 56, 58, 140. Diflicullés, 216. Voy. Union du Limbourg. Heverlé (Château de) d'où sont datées plusieurs Joyeuses-Entrées, 5. Homicide, 25, 94. Meurtre, 109. Ne peut être gracié avant la réconciliation, 113. Excuses, 23, 278, 295,296. Hommage féodal, 127, 182. Voy. Service féodal cl Inauguration. Hommes. Voy. Hommes de fief. Hommes de fief, 25, 25, 27, 157, 175, 181, 182, 195, 196, 197, 199, 331. Voy. Fidèles, Pairs, Vassaux. Hommes libres, 10,12,13,15,25,43,66,06, 127. Hongrie (Serment des rois de), 567. HoRNES (Sire de) peut être conseiller, 206, 206. HOUT SCDATTE , 263. HUKSSIERS DU CONSEIL DE BraBANT. Il IlC peut V Cil avoir qu'un a la chambre de conseil , 269 ,516, 357. Immunité, 45, 129. Impôts arbitraires supprimés, 19. Les Germains et les féodaux n'en payaient pas, 15. A modérer, 24, 30. Diverses espèces en Brabant, 53; 72, 123. Compte à rendre aux ét:its. 191, 302, 325, 326. Voy. Subsides et Taille. Inamovibilité desconseillers. Quand clic nait, 209, 210, 356. Des charges en général, 87,89. 169. DES MATIÈRES. 403 Inauguration (Lieu de 1'), 5. Cérémonies, 5. Na- ture, 40, 41, 5C8,3e9,570, 571. Indemnité. Si on moleste les Brabançons du chef de Philippe le Bon, 190. Indivisibilité de l'État, 40. Origine du principe, .>iS,70, 140, 149, 165. Industrie, l."}, 18, 68, 75. Voy. Commerce. Information préalable, 277, 293, 294, 519, 320. 581. Inventaire des cbartes, 351, 352. Ivresse. Excuse criminelle, 279. Jagen iiayr met iiavr, 1 19. Voy. Chasse. Joveuse-Entiiée. D'oii vient le nom, 41. Quand elle est abolie, 578; passim dans tout le mé- moire. Juge naturel (Non distraction du), 51, 9'2, 157, 149. Voy. Droit et sentence, 381. Jugements. Délai pour les prononcer, 270. Voy. Plaids. Jugement de Dieu, 95, 337. Jurés, 89. Juridiction (Garanties générales de), 92 et suiv., 15(i et suiv., 149. Maintien des anèîcns bancs, 179; 527, 528. Juridiction ecclésiastique. Origine, 99. Cas an- ciens de sa conipéteiiec, 100. Beslriotions et garanties, 100. Garanties, 242, 279. Établie en Brabant, 511, 312, 313, 314, 358, 381. Juridiction étrangère (Recours à la). Interdits, 38, 95, 242, 279, 558. Voy. Huile d'or. Juridiction familière, 12, 127. Juridiction forestière, 157, 145. Juridiction seigneuriale ou domaniale, 12, 82, 181, 285. Voy. ■Inridiclion familière. Fiefs, etc. Jurisconsultes, 197, 215. Voy. Droit. Jus spoLii, 507. Justices locales (Respect des), 157, 159, 151, 186, 210, 262, 205, 266, 268, 269, 272, 275, 276, 283, 291, 295, 296, 516, 520, 521, 550, 361, Za. Voy. Décentralisation. Justiciers, 35, 36, 38, 78, 81, 85, 86, 154, 158, 168, 172, 175, 175, 220, 271, 288, 320, 358. Voy. Officiers. Keures des villes, 17, 18, 19, 20, 74, 75, 88, 89, 96, 103, lOS, HO, 111, 118, 119, 292, 510, 321, 526,566. Kerpen (Union de), 56, 141. 245. Voy. Union du Limbourg. La IIulpe. Lettres de bourgeoisie , 130, 13t. Landcdarter. Analyse, 28, 36, 83, 102, 169, 174. Landkeuren. Analyse, 26, 95, 102, 106, 107, 111, 115, 275, 295, 296, 521, 328. Landvrede , 74. Landweir, 65 , 67. Leeringhe, 180. LÉGISTES. Voy. Droit. Légitimité. Qualité requise pour être officier, 77, 79, 513, 554. Voy. Officiers. Léon X (Bulle de), 512. Lèse-majesté, 275, 295. Voy. Crimes privilégiés. Lettres d'adjudication a l'office, 554. Lettres d'amortissement ou d'amortisation, 315. Voy. Mainmortes. Lettres de bradantisation, 360. Lettres de cacuet, 581. Lettres de cession de biens, 354. Lettres de débitis, 239 , 240. Lettres échevinales, 108, 262, 285. Lettres de grâce, 114, 555, 555. Lettres d'induction, 516. Lettres de légitimation, 354. 404 TABLE ALPHABETIQUE Lettrïs raisonnables, 259, 2tl, 535. Lettres de hépit et d'atermoiement, 282, 316, 3 Si. Lettres de rappel de ba.\, ôiil. Lettres de salvegaude, 282, 31!). Lettres de supplément u'ace, 354. Lettres de sireté de corps, 354. Liberté politiqie, 80, 81, 82, 379. Liberté civile. Défense de détenir pour dettes civiles dans des châteaux forts, 21, 24, 290. Pas d'extraction du domicile pour dettes civiles, 321. Liberté de conscience, 381. Liberté du domicile, 272, 277, 278, 294, 518, 319, 520, 381. Liberté INDIVIDUELLE, 103, 101,272,278,279, 292. Liberté du langage, 90, 91, 291, 292. Liberté de la propriété. Voy. Propriété privée. Liberté du vote, 51, 52. Libertés. Origine, 7, 14. LiCENTES, 302. Lierre (Privilèges de) à maintenir, 185, 337. Droit d'étape, 301. Lieutenant des fiefs de Brabant, 183, 219. De Malines, 273. Lieutenants des officiers. Origine, 181, 273. Ligue des vassaux, 44. Limbourc (Haute cour de), 244, 257, 356. LiMBOURG. Voy. Union du Limbourg. Lion d'or de Brabant, 7. Lite, 10. Livrées (Ordonnances sur les), 153, 154. Loi (La). Cours éclievinalcs, 23. Loi nationale, 190, 246, 355, 370. Lotiiier (Cour de), 90, 91. Voy. Cenappe. Cohites de Louvain deviennent ducs, 16, 17, 422. LouvAiN. Première des chefs-villes, I. A une clef de l'armoire aux chartes, 59, 00. Charte sur le viol, 108; 292, 293. Large privilège, 520, 321; 350. m. Magistrats. Voy. Officiers, Échevins, etc. Maïeur, 35, 37, 77, 81, 89, 91, 102. Voy. Offi- cicr.< (sous-inaïeur), 37. Mainmorte (Droit de), 12. Aboli partiellement, 22. Mainmortes (Législation des), 253, 309, 315, 514. Ex professa , 325 et suiv. Maisnie. Maison militaire du due, 29, (il). Majores, 42. Malheurs notoires, 279, 295, 290. Malines (Seigneurie de), 253, 273. Marché franc Voy. l'oircs. Mariage. Comment un le favorise, 79, 80. Marque (Lettres de) et de contre-marque , 305. Mercenaires (Troupes). Origine, 222. Voy. Gens de guerre. Merciitem. Lettre de bourgeoisie, 131. Meysseniëhs, 56, 128, 150. Ministère PUBLIC. Origine, 110. Minores, 42. MiSSI DOMINICI, 81. Monnaie, 57, 76. Ex profcsso, 123. Les employés de la monnaie ne peuvent être ofliciers , 176; 189, 249, 250, 286, 505, 304. Valeur, 324. M. Nationalité des oITicicrs et magistrats, 77,208, 219, 358. Voy. Officiers. Nations étrangères. Ne peuvent recevoir en Flan- dre des privilèges qui seraient |iréjudiciables aux Brabançons, 230. Naturalisation , 560. Neutralité. Le Brabant décharge des guerres de Flandre et de Liège , 222. NiEUW Régiment. Origine, 117. .Viialysc, 149 et suiv., piissim. Nivelles. Union an Brabant. 217, 257. Garde les chartes, 62, 05, 550. Nobles, 27, 28, 55, 12, 17, 19, 54, 61, 146, 151, 155, 151, 15b. 11 ne faut pas cire noble pour pouvoir servir le duc, 188. Le conseil de Brabant décide qui peut servir avec eux, 156. DES MATIERES. 405 Droits de chasse, 119. Voy. Chasse. Sont justi- ciables du conseil de Brabant, 199, ôEiT. Noblesse militiiire. Diminue, 'i'-2'2. Noblesse de robe. Origine, 200, 584. Noblesse (Ordre aux états), iCf 47. Conditions pour y être admis , 48. Non bis in idem, 361. o. Observances (Anciennes), 40, 143, 148, 320, 332. OcTBOis des villes, 310, 311. Offices et OFFICIERS, 58. Principes généraux , 77. Doivent être desservis en personne, 78. Ne peu- vent cire ni vendus ni cédés, 79. Exceptions, 79. Ne peuvent être conférés qu'à des enfants légitimes, 79. Exceptions, 81. Durée annale, 81. Grand pouvoir qui y est attaché, 82. De- viennent pcrniaiieiits, 88. Titulaires justiciables du conseil de Brabant, 89. Ne peuvent acquérir des procès, 102; 115. Doivent être adhérités en Brabant, 150. Reçoivent des lieutenants, l;)l. Prêtent serment sur la charte de Corten- bergb, 133, 131. Causes d'exclusion, l.'i3; 156. Conseil de Brabant intervient à leur démis- sion, 163, 201. Titulaires doivent être natio- naux, 108, 169. Ne peuvent vendre ni céder ni engager leur charge, 109. Praliqucs abusives contraires à ce principe, 171. Officiers re- présentent le pouvoir exécutif, 169. Doivent mettre caution, 172. Leur grand serment, 173. Serinent sur la Joyeuse -Entrée, 171. Incapa- cités, 176; 189, 202, 213. Doivent être natio- naux, 219, 220. Doivent continuer leurs fonc- tions jusqu'à leur remplacement, 241, 243, 247. Capacité des Limbouigeois, 259, 300. Ne peuvent vivre en concubinage, 271, 272. Sont justiciables des magistratures locales, 268. Doi- vent être nationaux, 273, 275, 277, 288. Doi- vent dépendre de la justice laïque, 280. Serment, 286; 291,292, 293, 294, 296,298, 315, 319, 320, 321, 322, 523, 531, 338. Justiciables du conseil de Brabant, 557. Doivent desservir leur charge en personne et être nationaux, 358, 359, 369. Offices de la coib, 156, 201. Offices nÉRÉoiTAiRES, 79. Offices siRNUMÉRAiREs, 174. Officialités et officiaix, 102, 104, 272, 358. Etablis provisoirement en Brabant, 280. Éta- blis délinitivement en Brabant, 311. Voy. Jit- ridiclion ecclcsiasliqite , Lvoii X. Officiers (Grands) en Brabant, 164, 168, 552, 555. Ordalies, 95, 105, 357. Ordonnance Albertine, 115. Ordres (Origine des) aux états, 45. Otages (Droit d'), 73. Oltre-Melse (Pays d). Quels ils étaient, 57. Situation spéciale, 257. Voy. t'Hi'o'i du Lim- bourg. OvEN (Union de), 215, 257, 290. Voy Cueldre cl Union du Limbourij. Pains d'abbaye, 507. Pairs (Jugemeiil par), 13, 15. Ut parent suum nemn dimitlal , 44, 99, 127, 136, 191, 199, 200, 572. Paix. Voy. Trêve. Parlement de Malines, 265, 201. Partie civile, 114. Partis politiqes. Il est défendu de faire acte de di- vision, 153, 154. Patriciens. Lignages, 89. Origine probable, 128. Payseeders, 111. Péages, 510. Voy. Octrois. Pècde. Libre sur la Senne, 298. Pénalités. Adoucies, 558. Pensionnaires, 4, 48, 34. Fonctions, 89 en noie. Pensions sur les villes, 257, 282, 288, 289, 337. Pétition (Droit de), 381. 406 TABLE ALPHABETIQUE PkTITION DC SIBSIDE, 55. Pierre (Iloninips de Saint-). Ex professa, liO; 108, 154, ï>85, 284, 285. Placards (Forme de publication des) et diflioullés à ce sujet, 354. Placita generalia, 19!i, 196, 198. Plaidoyer verbal. Recommandé; pourquoi? 210. Plaids des baillis, 13. Plaids d'audience, 137. Ne peuvent être remis qu'une seule fois de droit seigneurial, 137. Formes générales de procédures cpii doivent y être observées, 158. ^'oy. Fiefs. Plaids judiciaires GÉNÉRAi'x, 196, 284. Plaids de seigneurie, 13S. Plena cuRiA, 195. Plume (Hommes de fief de), 200. PooRTER, 131, 229, 284, 320. Voy. bourgeois et Communes. Pouvoir gouvernemental du conseil de firabaiit. Ex professa, 207; 211, 334, 35b. Lui est en- levé, 355, 354. Pouvoir judiciaire. Droit patrimonial du prince, ce qui en découle, 214. Pouvoir législatif. A qui il appartient, 246, 354, 355, 581. Voy. Loi uatinnale. Prélats, 55, 61, 146, 153, 199, 309, 357. Voy. Ecclésiastiques (dignitaires). Prévention, 313, 514, 353. Prévôt des maréchaux, 332, 335. Prise de corps (Décret de), 294. Prisons civiles, 172. Privilège de Brabant, 574. Privilèges de chasse, 121. Privilèges généraux. Spécifiés sous Wencrslas, pourquoi? 40, 215, 336. Confirmation, 362, 565, 564, 565. Ne peuvent être abolis par le duc seul, 142, 145. Procureur général, 88, 269, 557. Procureurs au conseil de Brabant, 557. Pro Deo (Autorisations de), 557. Propriété privée. Premières garanties, 25, 157. Liberté de transporter, 228. Garanties, 275 cl suiv., 298, 382. Purge criminelle. Confondue avec la trêve, 115. Formalités, 114, il 5. Depuis Philippe II, 361. Quartiers. Circonscriptions en Brabant, 87, 90, 186,292, 507, 508. Questions dotales, 100, 512, 515. Questions matrimoniales, 100, 312, 515. Questions testamentaires, 100,312, 313. Raedt. Conseil, avocat, 138. Raedt. Conseil ducal, 197. Voy. Conseil de Bra- bant. Rapt (Peines du), 107, 108. Voy. Viol. Receveurs, 35. Compte à rendre, 36, 86. Géné- raux et particuliers, 220. Receveurs des do- maines, 144. Receveur général, 164;220;27l, 275, 280, 285, 288. Receveur des quartiers, 508 , 559. Recharge, 182. Voy. Chef-sens. Reconnaissance d'octrois, 511. Redevances seigneuriales ou colongcrcs, 15, 25. Référendum (Propositions prises ad), 48. IUformation, 26i. .appartient au conseil de Bra- bant, délais, caution ii déposer, 267, 356. Refus de service (Clause de), 53, 54, 74, 134. 148. Ex professo, 362 et suiv. Relief. Voy. l'irfs. Religieux. Intervention aux impôts, 24, 43, 44. Rentes domaniales à rembourser, 215, 252, 288, 289. Voy. /'cHsio/is sur les villes, Engagcres, etc. Réparation civile contre les fonctionnaires, 88, 172. Représailles, 68, 69. Requête civile, 267. Réquisition de faire droit, 169. Révision. N'a pas lieu en matière criminelle, 297. Rode ou Rolduc (Union de), 56, 257, 356. Voy. Union du Limbourg. Romains possesseurs, 10. DES MATIERES. 407 UoTSELAEii (Sire de). Est conseiller, 206. Routes franches. Ouvertes et sûres, 72. Entre- tien, 177, ô08. RuPELMONDE. Charles flamandes qui s'y trouvent, 64. RuwAERT (Privilège du). Analyse, 1-46, li7, 118. S. Saisies. Interdites au duc, 67, 69. Salaire des officiers, 273, 274, 322. Santiioven (Banc de). Organisation et rcfornia- tion, 181, 244. Sauf-conduits, 230, 230. Sceau. Charte wallonne, 56, 60, 6'J, 142, 1S6. Ex professa, 167. Ohligation d'en avoir un par- ticulier pour le Brabant, et de ne pas le changer, 191. Doit sceller toutes lettres relatives au du- ché, 192. Exceptions, 193; 183, 201, 206, 207, 3fi4. Quid? si le sceau n'est pas apposé, S.HS, 560. ScELLEUR, 200, 201. Voy. Chancelier. Secrétaires de Bradant, 201, 206, 207, 215, 219,220,353,580. Seigneurs, 30, 51, 122. Voy. Nobles, Grands vas- saux. Sénéchal de Bradant, 55, 82, 83. Séniorat. Forme hiérarchique sociale. 11. Ex pro- fessa, 368. Sergenteries, 79. Sergents, 151, 152, 172, 268, 273, 277, 319. Voy. Officiers. Servage féodal cl serfs. Origine, 11. Condition du serf, 12, 13. Émigrations, 15. Associations, 14. Ce qu'ils ambitionnent, 15, 19, 22, 45. 116, 126, 127. Service militaire, 528. Voy. Service féodal. Service féodal d'aide et de conseil, 65, 67, lâl, 190, 197, 199, 246, 276. Ex professa. 568. Serviteurs des officiers, 151, 162, 268, 275, 522, 325. Sevnt sciiEPt.vE.v, 272. Soignes (rorét ducale de), 24, 25. Voy. Garennes. Solidarité. Des parents, 75, 275. Dos cobour- gcois , 299. Soupçons véhéments, 295. Sous-amman. Qui le nomme, 82. Souveraineté et seignei rie. Différences et carac- tères, 568, 569. Sprimont (Union de), 56. Voy. Union du Limhounj. Stabilités, 57. Voy. l'ramliises. Subsides, 50. Votés par les étais, 45, 53. Le Bra- bant pays à subsides, 129, 257, 277, 307, 508, 524,325, 326, 527, 382. Survivances, 78. Rares en BrabnnI, 171, 193. Taklman, 138. TtiLLE. Abolie, 19, 22. Exceptions réservées, 28. Charte spéciale, 27, 28. Interdite, 50, 44. Dis- parait complètement, 55, 129, 151. Voy. hn- pôts et Subsides. Tavernes. Officiers ne peuvent en tenir, 521, 522. Tenants, 23, 137, 182. Terbanck. Monastère où on reçoit le duc à son inauguration , 4. Terres franches, 48. i Testaments de Jean fV et de Philippe de Saint- Pol, 190. Textes de la charte de Philippe IV, 558 et suiv. De celle de Wenceslas, 385. Tiers état. Origine, chapitre I". Aux états de Brabant, 48. Aux étais de Limbourg, 258, 259. Tilleul judiciaire, 13, en note. Titres brabançons (Port des), 192. Titres et privilèges. Voy. Chartes. Tonlieux (Chambres de), 248. 249, 251, 270. ToNLiEix (Droits de), 71, 129, 226, 227, 247. 249, 250, 251, 262, 270, 271, 28l>. 357. Tonlieux (Fermiers de). INc peuvent ctreni magis- trats communaux ni ofliciers, 1 76; 509. 322, 523. Torture, 105. Garanties, 295, 294, 295, 537. Traduction officielle de la .Ioveuse-Entrée. 292. Traité des villes et de l\ noblesse, 285. Tréve-Dieu, 111. Trêves (Système général des) , 1 1 1 el suiv. Trompe. Nécessaire pour chasser, 121. 408 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. r. (Jbiqib NATis. Principe repoussé, 300. UccLE (Banc d'). Organisation, vicissitudes, réta- blissement, 179, '■2ii. Union des villes (Acte d"). Analyse, 59, 40, 5a, 57. Union du Limboirc et des pays d'oitre-Meise. Origine, 39; 50, 57, 70,140, 105, 215. Con- séquences, 257, 280. 289. 290. , Umvebsité de Loi vain, t. Juridiction, 242. Em- piétements réprimés, 200, 242. 243, 557. Usages anciens. Voy. Observances. Usages pieix, 100. UsiRiERS. Chassés, 20. Uti possidetis, 137. V. Vacances, 139. Vassalx, 05, 07, 515. Voy. Fiefs, Hommes, Grands vassaux. Vénalité des charges. Prohibée, 55, 37, 78, 83, 169, 174, 272, 275. Voy. Offices. Vengeance privée (Droit de), 108, 1 10, 1 12, 113. Veto. Du conseil de Brabant, 355. Vierscbare, 181,284. Villas. Seigneuries, 12, 110, 117, 127. Villes. Sort des petites villes romaines, H. Villes à loi , villes à commune , 1 5. .Vction sur les cam- pagnes, 21,22,24, 25, 27. Villes drabançonnes. Origine, 16 et suiv. In- fluence politique, 54, 55, 5fi, 57, 59, 44. Sont féales du duc, 35, 46. Maintien de leurs privi- lèges, 31. Rôle aux états, 46, 47; 54, 55, 57, 00, 61,64,78, 81, 123, 143. Rôle prépondé- rant, 140, 147, 151, 152, 153, 154, 156. 186, 208,240, 254. 284, 262. Empiétements sur la noblesse, 285, 308, 509, 524, 532. Villes franches ou Bonnes villes, 51, 55, 56, 124, 285. Voy. Villes hrabanronnes. Communes. Villes du Limbourg, 57. Vilvorde. Garde les chartes, 65, 55) , 552. Violet violences (Législation et pénalités des), 106, 107 et suiv. Visites domiciliaires. Dans les premiers temps, 81, 272. Garanties, 272, 277, 319, 320. En matière forestière, 333. Volés (Objets). Ne peuvent être conOsqués, 276, 298. Vf. Waerbeden, 284. Wallon- Brabant. Quartiers, officiers, justices, etc., 90. Wallonne (Charte). Analyse, 34, 75, 123, 104, 105, 193, 222, 224, 220. 289, 299. Warant-maître, 527. Voy. Gruyer. Wassembërgh (Union de). 50, 68. 141. Vo) . Union du Limbourg. Wait-maItre, 145. 144, 175. 552. Waut-reciit, 144. ZlNGARRS, 317. I ZuTPOEN (Union de), 192, 280, 282, 289. ERRATCM. Page 187, en note. Lors des négociations pour la succession de Brabant. en 1490. lisez : en 1430. AllBERT LE MIRE, SA VIE, SES ÉCRITS. MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE, M. B.-C. DE RIDDER, VICAIRE Dt: l,\ PAROISSE DES MIMMES, A niU'XEI.LCS. (Imiruniu* le 19 tii;ii IStîIv. ) Fdtura prospice. (DcvïM de Miraui , grarrc «eut ton porlrait-'l Tome XXXI. I OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Poui' porter un jugement juste et impartial sur la vie et les ouvrages d'Aubert Le Mire, il nous paraît nécessaire de tenir compte des idées, des habitudes littéraires, voire même des préjugés de l'époque où il vécut. « Trans- porter dans les siècles antérieurs les opinions de nos jours, dit M. de Keiiïen- berg, c'est des erreurs la source la plus féconde. » Ainsi, pour apprécier à leur juste valeur les mérites de Mir»us, il faut se reporter à Pépoque qui suivit la fin de nos troubles au seizième siècle, et se remettre en mémoire les ruines que celte grande catastrophe avait amoncelées. Les écoles primaires et latines, si (lorissantes jadis, avaient disparu. Les frères de la vie com- mune , fondés par Gérard De Groot et qui auparavant possédaient le mono- 4 OBSEKVATIOiNS PKELLMINAIRES. pôle de rinsiruction moyenne, n'avaient pas reconstitué leurs établissements; les collèges de jésuites, d'augustiiis, d'oratoriens et de dominicains ne de- vaient s'ouvrir que plus tard. L'instruction du jeune clergé s'était tout natu- rellement ressentie d'un tel étal de choses. Le diocèse d'Anvers en particulier éprouva ce qu'une telle situation avait de pénible '. Les prêtres, éloignés des écoles par les commotions politi(|ues, navaient pas eu l'occassion de suivre des cours réguliers ; peu nombreux , et accablés par les soins de leur ministère, à tel point qu'un seul ecclésiastique desservait parfois plusieurs paroisses, il ne leur restait aucun loisir pour parfaire leur instruction demeurée incomplète. Une partie même du diocèse était au pouvoir des états généraux de Hollande; les catlioli(|ues y étaient privés de leurs pasteurs ^. C'est sous de si tristes auspices qu'Aubert Le Mire, à peine âgé de vingt- cinq ans, vint occuper un siège de chanoine à la cathédrale d'Anvers. Il se distingua de bonne heure par son zèle apostolique; il prit part, sous l'épis- copat de son oncle , à toutes les grandes mesures qui avaient pour but (l(> faire refleurir la religion catholi(|ue, soit en relevant les temples abattus par les réformés , soit en érigeant de nouvelles écoles et de nouveaux collèges. Quant aux nombreuses productions sorties de la plume de cet infatigable écrivain, nous ne prétendons pas à coup sûr les placer sur la même ligne que d'autres publications postérieures. En appréciant un ouvrage, il faut tenir compte des ressources dont l'auleur a pu disposer. Au temps de Le Mire, ces ressources étaient fort restreintes. Les grandes collections des Bollandistes et des Bénédictins n'avaient pas encore vu le jour; les annales des divers ordres religieux gisaient enfouies dans les archives des monastères. On n'avait pas rïon plus érigé de bibliothèques publiques, et Ton sait combien ct'lle utile in- ' Les villages avaieiil iicrdii la plus f^iaiulc parlic de leur pi)|)iilati()ii. llcvU'ii, //istorisilic VerhandeliiKj. S Ileitogeiiboscli, 1791, 111-4°, Vil' parlic, pp. 37-0!). * De Rt\ni,Syfiod. lielg., i. III, pasaiw. OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. 5 slilulion a conlribué à la diffusion des lumières. Faut-il ajouter que plusieurs couvents en étaient eux-mêmes privés? Enfin, l'accès personnel aux docu- ments originaux était loin d'être aussi facile qu'il l'est devenu de nos jours. Si Le Mire n'a publié qu'un texte incorrect, c'est qu'on ne lui a remis la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, qu'une copie fautive. Parmi les productions de Mirœus, il y a une catégorie tout entière qui, s'il fallait l'apprécier avec nos idées actuelles , ne trouverait guère grâce de- vant la critique, même la plus indulgente. Nous voulons désigner ces publi- cations de circonstance , qui parfois frisent l'exagération ; mais c'est ici surtout (ju'il faut se garder d'idées préconçues. Une lettre de Le Mire, adressée à Puteanus, nous apprend qu'il était alors d'usage reçu parmi les littérateurs ou ceux qui se piquaient de l'être, de composer une pièce quelconque à la mort d'un prince, d'un évêque, d'un abbé ou de tout autre personnage de distinction, pourvu qu'on eût eu avec eux la moindre relation. Ce genre do publications, dont la llallorie faisait souvent tous les frais, n'est pas sans mi- lité pour les détails biograj)liiquos qu'on y rencontre et que l'on cberclieniii parfois vainement ailleurs. Les publications analogues, dues à la plume de Mirœus, se distinguent par une réserve plus grande et par une diction moins déclamatoire. Enfin notre auteur vécut à une époque où ces idées de tolérance que nous vantons aujourd'hui n'avaient pas encore acquis droit de cité. Les écrits polémiques de Mirœus portent en plus d'un endroit l'empreinte de ses fortes convictions religieuses. Il contemplait avec douleur l'oppression sous laquelle gémissaient ses coreligionnaires dans les pays protestants. Il était du reste lui-même d'une grande aménité de caractère ; son zèle n'avait rien de fou- gueux ni d'intempérant. La lettre que le célèbre Grolius lui adressa, en 1601), confirmerait au besoin notre assertion. * Au moment où la science contemporaine, plus équitable que celle des âges précédents, casse tant d'arrêts qui semblaient irrévocables, l'occasion a paru. 6 OBSEKVATIONS PRÉLIMINAIRES. opporliineà l'Académie pour réviser certains jugements émis sur Pédileur de la Clironif/ue de Sif/ehert et des Opéra diplomativa. Nous répondons à son a|)|)ei. SOURCES. A. — Ouvrages imprimés. 1. Mémoire pour servir à l'histoire littéraire des xvii provinces cl de la piiiicipautc de Liège, par J.-N. Paquot. Louvain, 1765; 18 vol. in-12, vol. I, pp. Iô7-i55. 2. Bibliothcca Bcigica , de Foppens. Bruxelles, Fr. Foppens, 1739; 2 vol. in-4'\ vol. I , pp. 107-111. ô. Bibliothcca ecclesiastica , etc., pars altéra. Auberti Miraei opus posthumuni. .Antv., Mesius,1649. i. P.-F.-X. de Bam, Nova et absoiula Coilectio synodoniin K|iiscopalus Anivcrpiciisis, tome 111 du Syiiodicon Belgium. Lovanii, 1858, surtout l'Apparalus hislorico-chronolo- gicus, X-CXXIl. 5. De Ram, Synopsis Actorum Ecclesiae Antverpiensis, liber prodromus. Bruxelles, Hayez, 1856. 6. Uicrcxsens, Antverpia Christo nascens et crescens. Anl., .I.-N. Van Soest, 1775, 7 vol. in-8". 7. Bulletin du bibliophile belge, 1'"' série, tomes I] et III. L'article de M. de Beiffen- berg sur les ouvrages de Mincus. 8. Messager des sciences historiques et Archives des arts , 2"" série. Gand , llebbe- iynck, année 1859 (pp. 196-205), année 1849 (pp. 518-555 et 455-455). 9. Le Carpcnticr, Histoire généalogique des Pays-Bas, ou Histoire de Cambray et du Cambrésis. Leide, MDCLXIV, quatre i)arties in-i". 10. Le théâtre de la noblesse de Brabant. Liège, Broncaert, 1705; in-4". (La Généa- logie de Le Mire, parmi les mercèdes d'honneur, quatre feuillets dont le second est mar- qué + 28.) B. — Manuscrits. 1. Liber Actorum Capitularium Insignis Capiluli B. Mariae, Autverpiensis; ab anno 1590-1641. Six volumes in-l'olio. (Aux archives de l'archevêché de Malines.) 2. Erycii Putcani, Lipsii, Miraei, Plouverii et aliorum Epistolae. (A la Bibliothèque de Bourgogne, sous le n" 6525.) 8 SOURCES. ô. rorrospnndanco do Gevartiiis (A la Ribliolhoqiie de Bourgogne, sous le n" I558H). 4. Correspondance du même {ibid., sous les n'* ôo81, 5988, 5989, 5990). 5. l»apiers d'Klat et de l'audience, aux Archives du royaume. — Différentes liasses, (i. Scrii)tores Antverpienscs, tonius III. N" 11598 de la Bibliothèque de Bourgogne. 7. Foppens, Bililiotheca Belgica. Différents exemplaires annotés par Foppens, Aze- vedo, Goyers, Van llullheni et autres. (Bibliothèque de Bourgogne, ii" 1759.^>-17606. Les n°' 17595, 17599, 17605 contiennent les notices sur Mirseus.) 8. Mémoires littéraires de Paquot , annotés par Van Huithem, à la Bibliothèque royale '. 9. Correspondance autographe de Puteanus. Six cartons provenant de la vente de Umimens. Les lettres de Mirsus, qui sont au nombre de cinquante, se trouvent au cin- (piiènie et au sixième carton. Cette correspondance n'est pas cataloguée dans l'inventaire publié par M. Marchai, n'ayant été acquise que durant l'impression de cet inventaire. Le (oiilenu de cette collection se trouve détaillé au catalogue Lammens, tome III, pp. 440- 445, sous le n° 146 des manuscrits. Nous avons aussi trouvé des détails aux archives de la cathédrale d'Anvers, dans quel- (pies registres de l'archevêché de Malines et dans la bibliothèque des Pères Bollan- distes. ' Van Hullhem ajouta d'iiileressanles noios tiibliographiques sur les œuvres de Miraus. Il élait admirateur de notre historien, i-l lit placir son buste à la Bibliolhéciue royale. (D'après une note de Van llultlieni.) AUBERT LE MIRE, SA VIE, SES ÉCRITS. PUEMIÈRE PARTIE. NOTICE HISTORIQUE SUR LA VIL DAUBERT LL MIRL. I. La famille de Le .Mire porlail (rancieiine date les armes d "a/iii- au olio- vron d'argent, accompagnées de Irois besanls de même bordés d'or '. C'était une des nobles et anciennes familles du Cambrésis, qui lirait son origine de la maison de Quicvy ou Kicvy. Walther de Quievy est "mentionné déjà parmi les chevaliers qui parurent au tournoi d'Anchin (1096); il s'y trouva avec son fils Robert, surnommé Le Mire, tige de la famille de ce nom -. Marc Le Mire, orfèvre, échevin de Cambrai et receveur de Marcoing, \ivait au commencement du seizième siècle. Il avait épousé Micbelle de • Lettres d'anoblissement pour B. Le Mire. Registre 148 de la chambre des comptes, lolio xc. L evêquc d'Anvers, le chanoine et les descendants de Guillaume Le Mire portèrent des miroirs nu lieu de besaiits. ' Le Carpentier, Jlisloire de Cambrai/. Lcide, iGG4, in-4", pp. 798, 799, 923. Tome XXXL 2 10 MEMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Walincourt. Ils mouruienl tous deux à Cambrai vers l'année 1520 '. Leur sixième fils, Ilumborl, tlevinl ainsi orphelin à l'âge de trois ans. La guerre que se firenl Cliarles-Quinl el François I""^ ruina sa famille. A Tàge de quinze ans, il vint s'élablir à Bruxelles en qualité de drapier-. Il y épousa, le 8 mai 1547, Marie Cuelens, fdie de Barihéicmy el de dame Catherine Schoc- kaert. Humbert ( ou Aubert) décéda à Bruxelles en 1579, sa l'emnie en 161 1, comme le prouve Tépilaphe que Ton voyait à l'église des Dominicains avant he bond)ardement de 1695^. Ils eurent plusieurs enfants : Barthélémy Le 31ire, dont les descendants ob- liru'cnt des lettres de réhabilitation de noblesse, Jean Le Mire, ce savant et pieux évèque d'Anvers, .losse Le Mire, mort curé du Béguinage à Mahnes, le 5 août 1616*, et Guillaume , père de notre auteur. (Guillaume Le Mire, lils aine d'Hunibert el de Marie Cuelens, nacpiit à Bruxelles, le 20 mai 1548. Il fut drapier, comme son père, et épousa, en l'église de Saint-Géry, le 20 novenibi-e 1572, Jeanne Speeckaert, née le 4 septembre 1551 , lille d'Engelbert el de Marie de Vesoen. Aubert, généra- lement connu sous le nom d'AinERTis Mir.i-l's, était l'ainé de leurs enfants. (àiillaume avait réussi à s'insinuer dans les j)onnes grâces du duc .Mexandn- de Panne : la faveur du représentant de Philippe II lui valut la place de tré- sorier à Bruxelles, dès que cette ville fut rentrée sous l'obéissance du roi. Il remplit ces fondions durant les années 1585 et 1586 ■' el mourut à Bruxelles le 14 février 1621. Sa femme le suivit au tombeau le 13 mai 1627. Ils furent inhumés tous les deux dans l'église de Sainl-Mcolas, alors nouvel- lement érigée en paroisse ^. II. Ai'HEUT Le Mnu: na(|uil à Bruxelles et fut baptisé en l'église des ' Le Carpcnticr, lor. cit. — Théâtre de la noblesse du Bruhunt , |i;iriui les inercèdcs d'iioti- ^ ncur. * LcUri's (riiii()i)lissomoiit : « Dans le liiil de rd'iiirc sa foiuiiii'. « '■ Théâtre de la noblesse. * Sou i-|)ilaplic se litdans Prorinrie, slad , cnz., van Mechelen, II, l^ô. ^ I'iii|ui)l, .itéiti. litt., I, 157. llcniif cl Watileis, J/istoirede la ville dr /inixvlles, II. 540. ^ Les parents de Le Mire dcmetirèreiil au Vicux-Mardié-au-Poissoii, qui se leiiait au Marclié- aux-IIcrbes actuel, non loin de la rue de la ("iillinc. ( Mi'ssaijcr des sciences, I8'i-'.), ]). '»3i. - lliiiiie el NVuulers, III, \-27 , I'i8.) SUR AUBERT LE MIRE. 11 SS. Michel et Giidule le 2 décembre 4573 \ Il eut pour parrain son aïeul Humbert et Marie Vanden Benipde fut sa marraine. Son oncle s'était rendu à Douai pour yacbever ses cours de philosophie, que les troubles du temps lavaient forcé d'interrompre à Louvain; il entra plus tard comme sous-ré- genl au collège du Roi , érigé dans la même ville, et y enseigna la rhétorique et la langue greccpie. Ces circonstances nous expliquent la présence du jeune Aubert à Douai, où il fit un cours d'humanités et suivit des leçons de philo- sophie sous le célèbre chancelier Colvenerius. En 1588, l'étudiant accompa- gna à Bruxelles son oncle, qui venait d'être appelé à administrer la paroisse de Sainl-Jacques-sur-Caudenberg. Aubert continua ses cours à Louvain, à la pédagogie du Faucon -; il obtint la septième place à la promotion générale de 1591. Il se fil bientôt remarquer de .Juste Lipse par son assiduité à ses leçons, et ne tarda pas à jouir de son amitié ^. Durant son séjour à la Péda- gogie, Le Mire fut chargé d'une classe d'humanités : il s'acquitta de cette mission avec succès *. Résolu d'embrasser l'état ecclésiastique , Le Mire entra au grand collège des Théologiens ; il compta le célèbre Lessius ^ parmi ses professeurs. Le collège du Saint-Esprit était alors en possession de la belle bibliothèque que lui avait léguée le savant Ruard Tapperus. Le Mire ne né- gligea pas une occasion aussi favorable de s'instruire, comme il nous l'avoue lui-même •'. Son exactitude, son amour pour le travail, sa rare intelligence, lui conci- lièrent l'estime de Jean Clarius, président du collège, et lui méritèrent sa ' Registre aux actes de baptême de Saiiite-Gudulc, déf. 1573. 2. Oberliis (') pâtre Gtiilelmo LeMlre, niutre Anna SpeeckacrI {") , patiino Humbvrto LeMire, matrina Margareta Vanden Ilcmpde. Paquot donne le 30 octobre; mais nous croyons cette date fautive. Le Thédlre de la noblesse donne aussi le 2 décembre. - Promolioncs in Artihiis. — MS. de l'université de Louvain. '' Paquot, lue. cil. * Foppms, nibl.betij., I, 107. ^ D'après une inscription de la main de Mirseus sur un livre de la bibliothèque de Louvain ; Léon. Lessio, praeceptori oliin suo Aub. Mirœus D. M. '' Elogia belgica, in-i", p. 23. (■) A côté d'Oberlus , on a ajouté Htiberlus. (■■) Au lieu d'Anna , lisez Joanna. 12 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE iioniinalion de proviseur audil élablissenienl. D'après Paquol, il le pourvut aussi d'un bénéfice à la collégiale d'Anderlecht '. MI. Dès avant 159G, Mira^us avait obtenu le grade de bacbelier en ibéo- logie; il lui était donc permis d'aspirer à quelque bénéfice que pût conférer la Faculté des Arts, en vertu des privilèges oclrojés par les souverains pon- tifes. Ses vues s'ètant portées vers Anvers, il fit informer le chapitre que la Faculté des Arts l'avait désigné pour jouir d'une prébende, aussitôt (ju'il y aurait quelque vacature -. En elTel, le 17 mars 1597, mourut à Anvers (Iharles Du Terne, chanoine de la cathédrale. Mirœus se présenta aussitôt pour prendre possession du bénéfice; mais le chapitre, tout en se montrant favorable à sa nomination, crut devoir lui opposer quelques fins de non-re- cevoir. Il manquait un chanoine gradué pour parfaire le nombre réclamé par la bulle d'érection, et Aubert n'était que bachelier. On voulait encore (juc le nouvel élu fût noble et appartint au diocèse; Le Mire ressortissait à l'ar- chevêché de Malines. Enfin la nomination de chanoine gradué se faisait par révèquc, d'accord avec les autres chanoines gradués, et non par l'université de Louvain. Les chanoines surent gré à Mirœus de l'abnégation dont il lit preuve en celte circonstance. Le chanoine Adrien Malapert étant décédé le 22 mars 1598, Miranis fut admis parmi les membres du chapitre, dans leur réunion tenue le 30 du même mois. Cette nomination était duc à la Faculté des Arts, <|ui avait été heureuse en celte circonstance de sanctionner un choix dicté par Jean Clarius^. Le nouvel élu n'alla pas immédiatement l'ésidcr à Anvers. Il compléta ses études théologiques et se disposa à subir les épreuves préparatoires à la li- cence. Par suite de diverses circonstances, la collation du grade fut dilTérée, quoi(]ue Mira;us eut défendu, en séance |)ubli(pie, les quatre séries de thèses requises par le règlement académique *. Sur ces entrefaites, il quitta Tuni- versilé et se présenta aux chanoines, pour connnencer la prcmiùrc résidence , ' Pag. 137.— Vov. la iiolc 5 du g XXVIII. * Acla capitiili. ■* Piiqilot, p. 138. ' VfriiiiliL'u.-., /lcuus préparez. Quant à la prédication, tout vous y pousse : votre piété, l'étal (pie vous avez embrassé, oui, la nature elle-même. Vous êtes doué d'une élocu- tion douce et forte en même temps, capable d'émouvoir vos auditeurs. Vous leur plairez, vous les exciterez au bien, vous les ennammerez. Au reste, je vous ai vu donner ici des preuves de votre talent ^. » Il l'exhorte en même temps à faire une étude spéciale des œuvres de saint Jean (;hrysost()me et de saint Bernard, et à prêcher plut(Jl la morale qu'à faire de savantes disser- tations. V. En 1001, Miranis acheva son premier ouvrage, (l'est peut-êliv à (pioi Juste Lipse fait allusion. Approuvés par le pléban S|)ilhol(l, le 18 octobre de cette même année, les Eloyid iUustriuin Belfjii scriploruni \)i\mrenl en 1602. Dans une pièce de vers qui y est insérée. Juste Lipse décerne à Le Mire le titre de savant. VI. La nomination de Jean Le Mire, oncle d'Aubert , eut une assez grande iniluence sur la carrière de son neveu pour mériter que nous esquissions en (piehpies traits la vie de cet illustre personnage. ' Àcla aipiluli. II Cillait deux années de résidenre avani de pouvoir assister aux réunions du chapitre. - Actu capituli. ■' Justi Lipsii Kpistolarum seleclarum renturia lertia. .\nlv.. Plant., IGO'J: in-4°. Epist. XLIX, p. G7. a MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Né à Bruxelles, le 6 janvier loGO, Jean Le Mire fil ses humanités sous la direction des Frères de la vie commune, et commença ses cours do philoso- phie à la pédagogie du Château. Les malheurs du temps le forcèrent à (piilter ce paisible asile. Il se rendit à Douai et lut second à la promotion générale de 4579. Le 2 août 1588, il prit à la même université le grade de licencié en théologie. Après avoir refusé le décanal du chapitre de Renaix , dignité que lui avait ofl'ertc Parchevêque de Malines, après sVtre démis d'un cano- nical à Namur, dont il était en possession en vertu des jjriviléges de Tuniver- sité, il accepta, le 28 août 1591, la cure de Saint-Jacques-sur-Caudciiherg. Quelque temps après, il fui nommé chanoine de Sainle-Gudule et autorisé à conserver ses fonctions pastorales. L'an 4601, Guillaume de Berghes fut |)romu au siège archiépiscopal de Cambrai. Celle nomination fut suivie de celle de Jean Le Mire au siège dWn- vers, signée par les Archiducs, le 2G juillet 1G08 \ Il fut sacré dans sa cathédrale le 30 mai de Tannée suivante. Aubert Le Mire adressa, en cette circonstance, un discours à son oncle, discours (|ui se trouve reproduit à la suite de son C/ironicon Pmemonslmtensc : c'est une dissertation, conmie il l'appelle lui-même, sur l'origine et les progrès du catholicisme à Anv<'rs. Ce sujet était fort heureusement choisi. Il devait plaire aux religieux de Saint- Michel. C'est en efl'el dans l'enceinte de leur monastère que Minrus lut ce discours, le 29 mai, veille du sacre de Jean Mira?us, où le nouvel élu reçut les félicitations du chapitre. Quant à l'évèquc lui-même, il devait trouver dans l'exemple de saint Norbert un puissant encoiuagemeul : tous deux avaient des ruines à réparei" -. Aubert devint bientôt le secrétaire intime de l'évèquc , qui lui confia aussi la garde du sceau épiscopal. Le G août 1607, il devint membre du vicariat, espèce de conseil composé de cin(| membres et (|ue Jean .Mineus avait nommé pour l'aider dans raccomplissemenl de ses fonctions ^. De son ' Voiries curieux détails donnés à ce propos par monseignenr de ll:mi, Syn. Bvhj., Ili, f' xxxi. * \)v Riiiii, fol. xwii. '• Ihivcnsiiis rappelle le zèle de Jean Le Mire et ajoute : Quoil ul ammodiits f'rurtuosiusiiiie praeslel, fideli stibinde opéra itlilur II. I). Aiiberti Mirœi, ex fratre nepotis; viri nimium et vilue inleifrilule el cdilis in liicvin titvraruiii moiiuineiills per orbein cvlebiTrimi Il écrivait cela eu IGOU. [Commciitariiis de ercclioiie iwv. episcupatuiim in licltjio, j). C.j.) SUR AUBERT LE MIRE. lo côlé, le chapilrc cul à pourvoir à la nominalioii d'un écolàtre, en remplace- ment du chanoine Heyiwigen, promu à la trésorerie. Le 9 décembre I6O0, cette position d'écolàtre échut encore à Âubert Le Mire. En cette ((ualité, il avait la surveillance des divers établissements d'instruction de la ville. La visite des écoles, le choix des livres classiques, Texamen des instituteurs, tout se trouvait sous sa surveillance et sa direction spéciales ^ Ces occupa- tions multipliées eurent cependant pour résultat de le mettre en rapport avec les divers monastères et abbayes du diocèse, et de lui faciliter l'accès de leurs bibliothèques. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus d'une l'ois dans le cours (le ce mémoire. VIL Durant rélé de l'année 1 ()06, Tévéque chargea son neveu d'une mis- sion qui avait trait aux alïïiires religieuses du diocèse. Nous ignorons toute- fois vers (|uel point du pays ou de l'étranger Aubert se dirigea; tout nous fait supposer que ce fut en Hollande : car comment expli(|uer autrement les nondjreuses connaissances qu'il y comptait et qu'il alla visiter, lors de sa seconde mission, en 1G09? Cette absence ne fut guère longue, puis(|u"il n'eut besoin que d'un congé de quinze jours - (|ue le chapitre lui accorda, sur la demande de révè(|ue, le 2 juin 1G0(). VIIL Nous ne pouvons attribuer qu'à ces occupations mulli[)liécs ainsi (|u'à un excès de travail la maladie assez grave que Le Miic lit \ers ce tem|)s. Il dut solliciter un congé de six semaines. Les sonunilés lilléraires de ré[)u- (|ue recouraient en foule à ses lumières, surtout (piand il s'agissait de ques- tions d'histoire. Ainsi il prit une part active à la publication que composa Juste Lipsc en Thonneur de Notre-Dame de Hal ^. En compagnie de son oncle et du jésuite François De Coster, il se rendit au célèbre sanctuaire et fit authentiquer par le magistrat les diverses copies qu'il y prit. Ces copies étaient destinées à être mises entre les mains de l'illuslre auteur. C'est encore Mirœus qui surveilla l'exécution des gravures qui ornent l'édition plantinienne de cette monographie. Juste Lipse nourrit aussi pendant (|uelque temps le projet d'écrire une histoire de Brabant; il s'en était ouvert à Mirtcus, (|ui lui ' Aria capilidi. - Bien qu'il [>ùl profiter de son trimestre de vacances, d'après les lois canoniques. '' Burniann , Si/lloije, II, 14^2. Vita Lipsii par Mirœiis, \>\}. 39 et iO. i6 MEMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE fournil imuiédialeinenl divers ronseignoments, des diplômes, cl lui garaii- lissail des communications ullérieurcs '. La Icllre ([ui nous donne ces détails lémoigne au plus haul point des recherches laborieuses au\(|uellcs Le Mire s'élail livré dès celte époque. VElenchiis hisloricorum Belyii, (\n"\\ publia Tannée suivante, nous en donne une nouvelle preuve. IX. On s'e\pli(|ue diflicilement comment, en dépit de ses occupations variées et nmlliples, le pieux chanoine d'Anvers ait su trouver assez de loisir pour publier tant d'ouvrages. C'était, il faut bien le reconnaître, un homme vraiment infatigable. Écoutons sur ce point le témoignage de Valère André, qui fui pendant quel(|uc temps son commensal el (pii demeura toujours son ami : Varias funciiones obivit..,fjuae lied totum hominem occiipare potuis- sent, lanlo ardebal amore 3/usarum, ut obtemperare sibi non posse/, qiiin ubi- cnmr/ue locorum scmper legeret, disqiiireret , observarei, notaret, excerperel, aut scriberel, cl apes imilalus, e floribus aptioribus auctorum probatonun im'llilcfjiium copularcf ^. On pouvait décerner, dit encore Valère André, à Mirtvus l'éloge que Pline le Jeune donnait à son oncle : Si l'on a rf/ard à ses éludes, il n'a ni assez lu ni assez écrit. C'est sans doute celte assiduité au travail <[ui a valu à notre auteur les occu- pations dont on le surchargeait. En 1008, le chapitre le nomma proviseur de l'église de Sainle-Walburge. A cette époque, les églises de la ville cl des faubourgs, soumises à la juridiction immédiate du chapitre, avaient chacune, outre le curé desservant ou vicaire perpétuel, un proviseur particulier. Celui-ci avait la haute direction de l'administration , il approuvait les comptes, remé- diait aux abus, pourvoyait aux nécessités urgentes et, pour les cas difficiles, en référait au chapitre "•. \. Le chapitre nomma encore Mincus l)il)liothécaire. Cette charge, hàlons- nous de le dire, lui revenait de droit : car c"esl bien à ses démarches et à ses instances (pu; nous devons la création de la Hiblioihècpie pul)li(pie d'Anvers. « La première bibliolhèipie publicpie, dit M. Meilens, en parlant de celle d'Anvers, est assurément la bibliothèijue créée, au commencement du dix- ' lliirmnnii , Si/llorjf, p. { 15. - Vnlèif .\ii(lir, liihliolli., cdilion île KiVÔ. ri)|)|)cn«. ^ Aria capitiili. SUR AUBERT LE MIRE. 17 sepliènie siècle, par les soins du chanoine Aiibert Le iMire. Ce savant, qui jouissait d'une grande considération parmi ses concitoyens, parvint à réunir plus de trois cents volumes '. » D'accord sur ce fait, les historiens n'ont guère parlé jus(|u'à présent des circonstances qui Toccompagnérent. Plus heureux, nous avons trouvé, aux archives du chapitre, quelques détails que nous con- signerons ici ^. L'institution de bibliothèques publiques nous parait excellente pour aider à la diffusion des lumières, aux progrès des sciences, à l'instruction des masses. Chose étrange cependant, personne, dans notre pays, anlérieure- menl à Mirœus, n'avait songé à mettre à exécution une idée si utile. Dans leur séance du 18 avril 1608, les chanoines avaient décidé l'érection d'une bibliothèque publicpie à l'usage du clergé. Mirœus fut élu bibliolhé- caire à l'unanimité. Il fut entendu, pour couvrir les premiers frais d'établis- sement, que le chapitre donuerail deux livres de Flandre, (|ue la fabri(pie en allouerait deux également et que tout nouveau chanoine verserait, à son admission, une livre pour le même objet. On exhorterait en outre les cha- noines ;i se ressouvenir de la bibliothèque dans leurs dispositions leslamen- laircs. ' Culaloguc méthodique, introfiiiction. ■2 i\l. Voisin (McxsiKjcr des sciences liisloriqurs et des arts) cl M. Mrrtcns nous onl donni" une notice historique sur la hibliotlièquc d'Anvers. Le preniierrcnionle jusqu'en 14.S0 cl allribuc l'Iionneur de cette fondation au scerétaire Guillaume l'auwels. Le testament de celui-ci conte- niiil iini' disposition par huiiicilc il léf^uait ses livres à la ville, à ehai'ge de les déposer dans une clianibre où le pensionnaire, les secrétaires et les clercs ou commis pussent venir les consulter. L'inventaire qui en fut dresse à cette époque cnumcre quarante cl un volumes, presque tous Irailant de jurisprudence. Mais aucun des docunienls l'apportés (lar le savant auteur de l'article ne nous révèle l'intention qu'il prête au testateur de créer une liildiotlicque publique ou d'en augmenter le fonds. Il nous paraît évident que Pauwels n'eut en vue que d'aider ceux qui vien- draient après lui et de leur faciliter l'accomplissement de leur tàclie, en mettant à leur usage des livres auxcjuels ils devaient recourir parfois pour la i-édaclion de contrats, conventions ou autres actes oftîeiels. Dicrcxscns, dans son excellente histoire du christianisme à Anvers, nous parle, en s'en réfé- rant (lu reste aux annales de l'ai)ebrochius, d'un nouvel essai tenté en 1505; mais il ajoute immédiatement qu'il n'a pu trouver le moindre détail touchant cette institution. Quoi qu'il en soit, au temps de Mirwus, on ne retrouva aucun volume de l'ancienne biblio- thè(iue, si tant est qu'elle ait jamais existé. Le premier catalogue, dressé par Mirœiis lui-même, n'en fait aucune mention. Tome XXXL 3 18 MÉiMOIilE HISTORIQUE ET CRITIQUE Le projet |)riniilif n'avait donc en vue que le clergé; mais les chanoines ne tardèrent pas à élargir leur plan, et déléguèrent deux de leurs collègues à l'ellet de s'entendre avec le magistral et de faire participer toute la ville à ce bienfait. Les dianoines Le 3Iirc et Van Eynatten lond)èrenl d'accord avec l'autorité civile pour établir la bibliothèque au Papenhof. Un arrangement fut conclu, vers le mois d octobre, entre le magistral et la ville; du moins nous trouvons aux actes du chapitre une délibération, en date du M de ce mois, qui autorise le secrétaire à signer la convention que les délégués avaient faite avec la ville et d'en déposer l'original aux archives. XL En attendant la construction d'un local convenable, à élever derrière le chœur de la cathédrale ', la bibliothèque dut être placée dans une dépen- dance du Papeiiliof. Nous ne savons quelles dillîcultés retardèrent le choix d'un établissement délinitif. Le chapitre délibère encore au mois de mars 1611; le 29 novembre 1613, l'on arrête que la bibliothèque sera placée au séminaire épiscopal, et cependant Mincus conserve les livres dans sa maison jusqu'à son dépari pour Bruxelles, en décembre 16ll). Il fallait mainlc'nant se j)rocurer des livres. Mii-œus s'adressa à cet ciTet aux chanoines, aux grands de la ville, au magistrat, à ses amis; il prêchait lui-même d'exemple. Le catalogue qu'il publia, vers la fin de l'année 1608, contient déjà plus de trois cents ouvrages. A côté du titre, il a soin d'ajouter le nom du donateur. On y trouve mentionné le nom de la phqiart de ses amis; personne jjarmi eux ne se montra |)lus généreux (jue F. Swertius. La ville même d'Anvers ne donna au commencement (pi'un seul ouvrage : la Polyglotte d'Arias Montanus , sortie des presses plantiniennes. A la mort de son secrétaire, .lean l5ochius"-, elh» acheta la plus belle partie des livres dé- laissés par ce savant. XIL Néanmoins il ne faut pas croire, par suite des détails dans lescpiels nous venons d'entrer, «pie Mineus, absorbé tout entier dans la création de Fœuvre de la bil)liolhè(pie pubiicpie, œuvre qu'il avait tant à cicur, oubliai les intérêts généraux du pays. Détrompons-nous. Par ses talents, pai- ses ' Décision du nuigisiial ilii 24 (ir^ccniliic lUIO. relie il(-iisi(in ne tut p;is mise :'i i-miiiIIoii ■•' 15 janvier i«i09. Mira»us, Elogiu Hehjicu, ('•<]. in-4', p. '_*!(). SUR AUBËRÏ LE MIRE. 19 relations, Le Mire était appelé à briller sur un plus grand théâtre; aussi le voyons-nous plus d'une fois chargé de diverses missions. Après une lutte semi-séculaire, les Provinces-Unies s'étaient entièrement détachées de l'Espagne. Nos princes, les archiducs Albert et Isabelle, animés d'un désir sincère de rendre la paix à l'État qu'ils gouvernaient, ouvrirent des négociations à Anvers; elles n'aboutirent toutefois qu'à la trêve signée le 9 avril 4 009, et plus connue dans nos annales sous le nom de trêve de douze uns. Antérieurement à la conclusion du traité, révé(|ue d'Anvers s'était abouché avec les ambassadeurs des Archiducs, ainsi qu'avec ceux du roi de France; il leur avait fortement recommandé les intérêts des habitants catho- liques des Pays-Bas, et surtout de ceux du diocèse d'Anvers. Ses efforts furent couronnés de succès, en ce sens, qu'il obtint une déclaration formelle des plénipotentiaires de Sa Majesté Très-Chrétienne. Ils certifièrent que les états généraux et le prince Maurice avaient formellement promis (pie rien ne serait innové, en ce (|ui concerne la religion, « es villaiges qui sont du ressort des Provinces-Unies, situés en Rrabanl; et, tout ainsy (|ue le seul exercice de la religion calholiccpie, apostolic(pie et romaine y a esté fait du passé, qu'il y sera continué do mesnie sans aulcun empeschement et sans cpi'on lui donne aulcun scandale. Promettant à cette occasion , au nom de Sa Majesté , que si (pielque contravention y estoit faite, elle poursuyvra instamment lesdils sei- gneurs des étatz pour la faire réparer, en sorte que ladite promesse soit effec- tuée de bonne foy ^ » Cette déclaration fut signée à Anvers, le même jour que la trêve, par les envoyas de France, le président Joamiin et Elie de la Place-Russy. XIII. Par sa dépêche du 18 mai suivant, le roi Henri IV avait approuvé cette démarche. La chose résulte encore plus clairement de la lettre de Ville- roy, qui accom|)agnait la missive de Sa iMajeslê : « Enlin nous approuverons.... l'oHice que vous ferez en faveur des catholitpies , duipiel j'ai estimé devoir faire mention en la lettre commune que le roy écrit à M. de Russy et à vous, alin (ju'il soit su que vous ne l'avez avancé sans commandement exprès et ' De Ram, Syn. lielg., III, loi. xxxiv. Mieliaiid et l'oujoulat, Xonvelle collection de mémoires pour servir à l'histoire de France, 2"" série, t. IV, p. G2G. "20 WÉiMOlIŒ HISTORIQUE ET CRITIQUE roitéré; mais nous aurons regrel s'il advient non-seulonieni qu'il soil inutile, niais (lu'après iceluy ils soient traités plus sévèrement K » Ces promesses et ces assurances avaient été faites à Tinsu des états géné- raux. La persécution continua donc dans le Brahanl septenirional. ("/est ainsi (|ue nous voyons le drossart de Berg-op-Zoom s opposer à Tentréc en fonc- tions du curé d'Ossendrcchl -. XIV. Ce dernier fait engagea Pévèque à profiter de la présence à la Haye des plénipotentiaires français pour y envoyer Aubert Le iMire, et à leur rap- peler l'exécution d'une promesse faite au nom du roi de France. Le président Jeannin, nous en sommes convaincu, était i)ersonnellemenl bien disposé pour les calholi(|ues; mais ses efforts étaient paralysés par la politi(pie française aussi bien que par les diplomates anglais, dont le but ))riiRipal était de rendre impossible la réconciliation des Provinces- Unies avec l'Espagne. Le fanatisme protestant ne fut pas non plus étranger à l'in- succès des démarcbes tentées en ce moment : le prince 3Iaurire y voyait ini moyen d'éloigner des affaires son frère aîné, demeuré fidèle à la religion catholi(iue, et de satisfaire ainsi sa propre ambition. Cependant, l'avoucrons- nous? nous avons quelque peine à croire que Jeannin fût entièrement de bonne foi, du moins touchant l'efficacité de la promesse quil fil en faveur des catlu)li(|ues, le 9 avril 4G09. Qu'il nous soit permis de citer à 1 appui de notre opinion queUpies extraits des lettres qu'il adressa, le 8 et le 9 juin, ;ui président Hicbardot , à révè(|ue d'Anvers el au duc de Villeroy. Voici ce qu'il écrivit le 8 juin au président Hicbardot : « Quanl.au fait de la religion |)ourle plat pays de HrabanI , même ce que le drossart de lîergues a fait contre le nou- veau curé du village de.... [Ossendi'ecbl], la vérité est que les étals n'avaient lien entendu de Paele (pii vous a été donné par M. de Kussy el moi. Et encore ([ue nous Payons fait avec le su de leurs députés, et après avoir pris la pa- role de M. le |)iince I\laurice, toutefois quand la chose est venue à la connais- sance de l'assemblée générale, par une copie d'iceluy acte que les minisires de Breda et de Berg-op-Zoom ont apportée, lesdits sieurs députés onl dit ipPils ' Micliand cl PoiiiDiihil , |t|). C'fô, d'i'i. I.rlli'c ;iii |ii('si(l('ii( .Iciinnin. - Archives île riirclievceliê. SUR AUBERT LE MIRE. 9| ne la voient jamais vu, bien leur .en avions-nous parlé sans qu'ils y eussent contredit, ni qu'ils y eussent aussi donné leur consentement exprès , comme il est vrai... » Dans sa lettre à l'évèque d'Anvers, Jeannin convient que les députés du roi de France n'ont pu complètement tenir leur parole; enfin dans sa missive au duc de Viileroy, il dévoile toute la situation. Au fond, les proteslanis hollandais ne voulaient pas reconnaître la liberté du culte ca- Iholique. Une fois de plus, ici comme partout, l'erreur se montrait intolé- rante et persécutrice, comme dit quelque part Lacordaire. Ajoutons du reste (|u'avant de faire de la politique catholique, Henri IV, héritier des traditions de haine léguées par son prédécesseur François 1'=', se souciait médiocrement d'aider au rétablissement de l'influence de la maison d'Autriche. Aussi, en dépit même du discours que Jeannin prononça dans l'enceinte des étals ii;énéraux de Hollande en faveur des catholiques, il nous semble qu'il y a manque de sincérité de la part des représentants du Roi Très-Chrélien : li-iste nécessité (|ue leur imposait l'égoïsme d'une politique implacable! Dans de telles conjectures, iMir.TUS n'avait aucune chance de réussite. Il dut se con- tenter de (piehpies promesses, à l'edicacilé desquelles le président .leannin lui-même ne semblait ajouter aucune foi. XV. Si la mission d'Aubert Le Mire échoua, (|uant au but principal, elle eut toutefois pour lui d'heureuses conséquences. Ses relations avec les étals de Hollande lui valurent la connaissance, l'estime et bientôt l'amitié de Hugo (irolius. Grolius, esprit modéré et bienveillant, ne pactisait en aucune façon avec ce fanatisme sombre et rigide qui caractérisait à cette époque les cal- vinistes néerlandais. On le lui fit expier plus tard. Relégué dans la forteresse de Lowenstein, il apprit à ses dépens ce qu'il lui en coûtait de ne pas s'être rangé sous la bannière de Gon)ai'Ms, et d'avoir préféré aux doctrines de ce maître l'enseignement plus large d'Arminius, knpu'l semblait mieux répondre aux tendances de son propre cœur. Une lettre du 10 juillet 1009 nous révèle le caractère de cette amitié. Grotius se félicite d'abord de la trêve conclue récemment : elle est utile aux études dont la gueri-e trouble le calme; elle lui fournit en même temps le moyen de jouir plus fréquemment de leur amitié réciproque. Puis l'auteur en arrive à ce qui paraît être le but principal de sa missive : est-il vrai, comme il l'a entendu dire, que de savants docteurs en 22 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE llu'ologic do Louvain onseigneni (|ue les Cçitholi(|ues, vivant sous un gouver- iicincni |)rol('slanl ou liétérodoxe, doivent obéissance à leurs niagistrals civils et s'v conduiie de manière à mériter le nom de bons citoyens? Celle opinion, que Grolius approuve beaucoup, pourra aider à éteindre insensiblemenl la iiaine des réformés contre les callioli(|ues el à rendre les magistrats proles- tants plus équitables envers eux. Il demande à .Mirœus un document quel- conque constatant celte opinion, el finit sa lettre en lui olTrant ses services el en lui renouvelant l'assurance de son amitié '. Mirons communiqua cette lettre à Janssonius, docteur en théologie à Lou- vain. Dans sa réponse, en date du 20 août suivant, le savant professeur donne connaissance de la manière dont la Faculté de Théologie a envisagé la (|ues- lion proposée par Grolius. La réponse est, généralement parlant, aflirmalive, mais limitée à la durée de la trêve; la Faculté n'entend donner celte réponse que pour autant (|ue les conditions actuelles de la trêve subsistent. XVI. Les mauvaises dispositions où se trouvaient les élats généraux ne découragèrent pas révoque d'Anvers. Sur ses ordres, son neveu se rendit directement à Paris, au mois d'oclobre 1G09, à l'effet d'obtenir du roi l'exé- cution des promesses faites en son nom. Le président Jeannin se trouvait alors aussi dans la capitale du royaume. Nous possédons une relation de ce voyage, due à la plume de 31irœus lui-même. Ce journal, intéressant et amu- sant tout à la fois, est écrit en français et dans un style familier; Tauteur v mèb; du latin et du flamand; il se sert généralement de cette dernière langue (|uand il lui faut dire des choses peu favorables à la France. Nous y trou- vons de curieux détails sur les usages de l'époque, sur les moiumients (|u'il a visités, sur les livres et manuscrits qu'il a vus et examinés, sur les événe- ments contemporains el sur les piincipaux personnages avec lesquels il a eu l'occasion de s'entretenir ". Mirœus entreprit secrètement ce voyage, de peur, croyons-nous, d'éveiller les susceptil)ililés des élats généraux. Il n'emmenait qu'un seul domestkiue avec lui. Parli d'Anvers le 9 octobre, il arriva le H à Lille, el descendit ' /iatavia Sacra. Briixell<\;, Foppciis, 17ij4, vol. )l , p. 22. - M. le chevalier Léon de Burbure, arcliivistc de In cjithédr.ile d'Anvers el arrière-pelit-ncveu de Mirœus, l'ii |)ubli('; dans le Messayer des sciences hisloriques et des arts, année 1849. I SUR AUBERT LE MIRE. 23 chez le chanoine Florent Vander Haer, rauteur du bel opuscule De iniiiis Tmnulluum Belgkorum. A Arras, il attend trois jours la voiture pul)li(|iie qui devait le conduire à Paris; à Amiens, il visite la cathédrale; puis, pas- sant par Breteuil, Saint-Leu, Montmorency et Saint-Denis, il arrive à Paris, le 20 octobre, à quatre heures de Taprés-midi. Les premières journées de son séjour à Paris furent consacrées à des visites de cérémonie et à l'inspection des principaux monuments de la capitale, l'eckius, ambassadeur des Archiducs auprès du roi, le présenta à Henri IV, au duc de Sully, premier ministre, au grand chancelier, au duc de Villerov, au nonce du pape, au président Jeannin et aux autres sommités de la cour et de la ville. 11 rencontra partout un accueil sympathique. Le roi daii;na même donner Tordre au chancelier et au secrétaire d'Élal d'actoniniodcr en loule manière l'évesf/ue d'Anvers. XVII. Néanmoins Mirœus était assez perspicace pour ne pas larder à s'aper- cevoir que sa mission à Paris se prolongerait au delà du lerme (|u'il s elait assigné dès l'abord et que, par suite, il lui sérail assez didicile de déguiser à ses compalriolos les véritables molifs de son absence. Il crut prudent de donner le change à l'opinion. « Si quelqu'un , écrivail-il à son père , le 2 1 no- vembre 1609, s'informe de ce que je fais à Paris, répondez (|ue j y éludie le droit canon. J'accrédite ici le môme bruil , el cela pour de bons molifs. » De fait, Mincus s'était mis à l'étude du droit canon; il y consacrait linhi- luellement la soirée. Durant le jour, il profilait des loisirs que lui laissaienl ses occupations pour allei- entendre quehjues cours de théologie à la Sor- bonne. Il aurait voulu obtenir le grade de licencié, mais il ne savait se fixer. I*eckius insistait pour le droit canon. Jadis Le Mire avait suivi avec succès, à Louvain, les cours exigés, et avait biillé dans la défense des thèses publi- (|ues; mais d'autre part, il était déjà bachelier en ihéologie el avait de plus subi les épreuves préparatoires à la licence. Pour mettre un ternie à ses perplexités, il s'adressa au doyen du chapitre d'Anvers et le supplia de fixer ses incerlitudes, a|)rès en avoir référé à son oncle. La réponse ne fut pro- hablement pas telle (|ue Mineus l'attendait. Il ne se rendit point à Dôle ', ' Le chiinoine Giuiy, professeur à Dôle ol docU-nr en théologie, se (roiivait alors à Paris et avait fortement engagé Le Mire de l'aecompagner à son retour à Dôle. 24 MÉMOIRE IIISÏOIUQUE ET CRITIQUE où nos princes avaieni une nnivei-silé, el ce projet demeura abandonné. J XVIll. A Paris comme partout, Mirœus se distingua par sa grande acti- I vile. Sans parler des démarches (pie nécessitait sa mission et du temps (pi'il consacrait à la théologie, il trouva encore le moyen de visiter les dilîérenles iiihliolhè(|uespul)li(pieset particulières, d y copier quehpies manuscrits el d\v recueillir de nondjrcuses notes pour ses futures publications '. (i'esl à Paris quil fil paraître sa dissertation sur les onze mille Vierges el sa notice sur les évèchés du monde catholique. Sa correspondance nous prouve (pril nourrissait un projet (|u"il ne mit jamais à exécution. Il avait proposé à son imprimeur, Sébalien Cramoisy, de publier une série d'ouvrages historiques qui eussent pu contre-balancer la mauvaise inlluence exercée par les publications de Van 3leteren, Le Petit et autres apôtres de Terreur. Cette collection aurait compris Topuscule de Vander Haer, Thistoire des troubles du père Dcirio, la vie d'Alexandre Farnèse par Campana, etc., le tout tra- duit en langue française. Décidément, Mirons jouait de malheur : sa mission en France allait se briser contre un obstacle analogue à celui qui Tavail fait échouer en Hol- lande. Reconnaissons franchement que le roi Henri IV n'avait jamais été favorablement disposé envers la cour de Bruxelles. Ses rappoi'ls avec les Ar- chiducs prirent un caractère tout particulier d'aigreur depuis que la prin- cesse de Condé avait suivi son époux en I)elgi(|ue. Sous prétexte (|u'elle était l'objet de traitements indignes de la part de son mari, le père de la princesse voulait la forcer à rentrer en France. La vraie raison de cette démarche était un désir manifesté par le roi qu'elle parût de nouveau à la cour. Les Archiducs y mirent une opposition formelle. Ueçu dans son espoir, Henri en conçut un profond ressentiment et ne voulut en aucune façon appuyer auprès des états de Hollande les réclamations de nos princes. Peckius écrivait à Albert et Isabelle, le 4- février iOlO : « Le roy me demanda par après si les com- missaires de Votre Altesse estoient retournez d'Hollande, et quel fruit ils raj)- porloient de leur négociation. A quoy je lespondis que le trésorier général Uobiano estoit de retour à Rruxelles et les autres y altenduz de bref, mais • Sa Hibliollteca ecdesiastirn , (|iii parut en Ko'.t. coiiticiu le plus ili' notes de ce genre. 1 SUR AUBERT LE MIRE. 2S jusques à présent ils iVavoienl pas tiré beaucoup de raison des estais des Provinces-Unies, à ce que j'enlendois, et que c'esloient des difficullez où son aulorité et ayde auroil grand pouvoir, comme elle Tavoit fait au trailté de la irefve. 11 répliqua qu'il n'avoit que faire de s'en mesler, puisqu'il ne voyoit aucune preuve ny marque d'amylié de nosire coslé '. » Ce mécontentement du roi, (fui ne gardait plus de mesure, l'arrivée à Paris, vers la fin d'avril, des envoyés de la Hollande, tout tendait à démon- trer à MircPus l'inutilité d'une prolongation de séjour dans la capitale. Il reprit le chemin d'Anvers -. ' .Xégocialions de France, t. IV, aux Archives du royaume, Papiers d'État et de l'audience. — Nous résumons ici dans une note quelques pièces dipiomali(]ues relatives à la mission de Mira!us l,i France. Par sa lettre du :i décembre IG09, de Russy, ambassadeur en Hollande du Roi Très-Chrétien, dit qu'il a vu par la lettre à lui adressée par Villeroy, que IV-vCquc d'Anvers s'était plaint de la mafiière dont les étals généraux exécutaient la trêve relativement à lu religion. Parmi les |ilaintcs formulées par l'évcque, il en est, d'après lui, de fort déraisonnables et d'autres telles que je me promettais de les faire accorder, si les députés des Archiducs me les eussent mises entre les mains. — Cette lettre est datée de la Haye; la copie s'en trouve à l'archexèt hé de Matines, registre B de l'ancien évèché d'Anvers, j). 02. Voici les plaintes que formulait Jean Mirrnus et ijue Russy, mal disposé du reste en faveur des catholiques, trouvait exorbitantes. Les faits qu'elles relatent sont eu opposition formelle avec les promesses du président Jeannin. F. Le ministre Henri IJovhorn , de Breda, a visité et fait préparer la place au village d Kttcn pour y faire la presctie le premier dimanche! de septembre. IL L'autre ministre de Breda, Miiyscnhol, aurait presclié en un estahli , à Ginnekcn. III. Ce numéro ne relate qu'un bruit qui avait cours. IV. a Le drossart de Bergucs et aulcuns du magistral ont empcsché que lévesque ne mettoil des pasteurs; et soustcnoient qu'il touchoit à eux de pourvoir, et combien que la diUicullé, par le moyen de M. le président Jeannin, fuct accommodée , touttefois ont exigé depuis du curé de Hal- lercn serment de n'induire novellcttes soubz prétexte de huiuelle parole pourront cy- après survenir des diUîcultés. Par ce mot novelleltes , entendent quelque chose par la(juelle seront exclus de pouvoir faire ce que touche à l'exercice de la religion catholique. — • Les mesmcs n'entendent que l'évcsque, par soy ou les siens, viendray visiter Icsdicts villaiges du quartier de Bergues. — » Ceux de Breda ont envoyé soldats pour susiiendre l'anhidiacone d'Anvers, qui estoil venu visiter les villaiges du quartier. « — Les receveurs (laïques) prétendent l'administration des biens et ne donner aux prêtres que l'alimentation. Au mois de juillet, ils ont envoyé des billets pour donner en ferme toutes les dîmes ecclésiastiques. — Les ministres de Breda invitent le peuple des villages à ne pas contribuer à l'entretien descurés. Tome XXXI. 4 26 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE XIX. Sa longue absence ' avait fortement indisposé le chapitre de la catlK'dialo, et Ton conçoit la chose d'autant plus aisément, qu'il ignorait le véritable but de sa mission. Par résolution du 9 mai 1610, les chanoines avaient décidé de retirer à Mirœus la permission de s'nbsenler, s'il ne leur fai- sait |ias connaître les motifs vrais et légitimes do sa conduite en cetlo occur- rence. L'arrivée des envoyés de Hollande, leur fit-il savoir, devait mettre lin à son séjour dans la capitale. Le 4 juin, Mira^us arrivait à Bruxelles; le H, il rendit compte au chapitre de la mission qu'il avait accomplie. Ses motifs furent agréés -. L'évêque Mira'us ne perdit pas courage. Vers le mois de juillet 1610, il fit de nouvelles tentatives auprès des états généraux. Celte fois, il avait en- voyé vers eux l'archidiacre De Witte et le secrétaire Zypœus. On les congédia poliment, après de longues et infructueuses démarches, sous prétexte qu'on ne pouvait entrer en négociations durant l'absence du prince Maurice ^. Une nouvelle mission d'Auberl Le Mire n'eut pas plus de succès : les états alléguè- rent la maladie de leur pensionnaire, Olden Rariievelt. Sur ces entrefaites, la situation des catholiques dans la partie hollandaise du diocèse d'Anvers — Le (Irossarl de Breda a emprisonné et condiininc ii une amende de soixante florins le vicaire de Ilaiteren, pour avoir célchrc un mariaiçe avec quelque soicTiinitc. — lis ont enlevé les papiers du monastère de Iluybergen. — Ceux de Berg-op-Zooni prétendent avoir ])leine juridiction sur les curés el les prêtres. — Le conseil du Brahaut septentrional a jeté hors de possession le curé de Saiinq)s (pie la IJiblio- th('(pie royale ne reçut aucun accroissomonl notable, du temps de Miricus. Pour nous, (pii connaissons l'activité de Mincus et son amour pour les let- tres, à peine pourrions-nous croire à un pareil témoignage; heureusement d'autres faits semblent infirmer la thèse de La Serna. L'exemplaire de la Bibliollicca liolrjica de Foppens, annoté par l'auteur lui-même et par Goyers, mentionne que, sous iMiraîus, non-seulement la bibliothèque accpiit de nouveaux ouvrages, mais même qu'il en fil rentrei- plusieurs (|ue l'on croyait perdus. M. Marchai se range, lui aussi, à l'avis de La Serna : il pré- tend (pie Mir.TUS n'aurait pas enrichi de nouveaux manuscrits le dép(')t litté- raire dont il avait la garde. Quoique restrictive de la première opinion, celle- ' Archives (hi royaume, Papiers d'Ékit et de l'uudiencv , liasse 493. D'après PaquoI , les lettres |)atcntcs de noinin.ition furent sigiii'cs le même jour; elles ne furent eejiend.inl expédiées qu9, lût , I0:>. Un examen sérieux du journal llaniand d'Abraham Verlioeven, dont la Bihliollièqur Royale possède une assez belle collcetion, quoi(pic incomplète, nous a pleinement eanliiiné dans noire opinion. iNous trouvons, en effet, une grande ressemblance entre les opinions exprimées dans le journal et eelles que nous voyons dans les lettres de MirsRus. ainsi que dans quelques-unes de ses publications; par exemple, dans celles qui traitent de la guerre de liobènie. Le but (jue se propose l'auteur est évidemment un but religieux. La position qu'il occupait à la cour lui fournissait loeeasion d'être bien informé. Enlin, nous avons sur ee point l'aveu de Mirœus lui-même. Il écrit au secrétaire Uobiano, en Ki'JO : . Je vous envoie ci- jointes quelques imbliealions faites à Anvers par mes soins, dans le but de mettre un terme .'i l'insolence des Hollandais; peu contenus de nous insulter les armes à la main, ils nous provoquent eiirorc par toute espèce d'écrits. » Or, en fait de publications analogues, Miraeus ne nous semble avoii- rien produit, sinon les articles qu'il communiquait aux Tydingen. ^ Papiers d'État, Correspondance, liasse 499. SUR AUBERÏ LE MIRE. 35 n'y sont pas ménagés ; on aurait tort cependant d'en faire un reproche exclu- sivement à notre auteur. II demeurait fidèle aux traditions de son temps. On trouve autant et même plus d'exagération dans Cliifflet, Beyerlinck, Erycius Puleanus, Sanderus, Ryckius, Castellanus, Dillenus et autres que dans Le Mire. XXVIII. Jlirœus conserva ses diverses fonctions à la cour jusqu'aux pre- miers jours de Tannée 1624 \ Le 5 janvier, messirc Jean Deirio, licencié es droits et doyen de la cathédrale d'Anvers depuis 1607, décéda en celte ville, à huit heures du soir. Plusieurs ecclésiastiques savants et vertueux se mirent sur les rangs pour remplacer Deirio; nous ne citerons parmi eux que Laurent Reyerlinck, archiprètre du chapitre -. Mais la nomination presque immédiate d'Aubert Le Mire, faite dès le 11 janvier, nous donne la preuve que linfante Isabelle l'avait désigné longtemps à l'avance pour occuper cette importante position. Le nouveau doyen s'empressa de faire part de sa nomination à ses con- frères. Sa missive fut lue à la réunion du chapitre, le 15 janvier. Antérieu- rement à sa prise de possession, Mirœus, de l'agrément de ses supérieurs, permuta sa prébende canoniale avec son neveu, Aubert Van den Eede, qui lui céda ses deux chapellenies de Ternath et d'Anderlechl '\ Van den Eede fut installé, en qualité de chanoine de Notre-Dame d'Anvers, le 28 mars 1624. Denis Leermans, chantre du chapitre, donna lecture des lettres de nomi- nation du nouveau doyen et de la commission qu'il en avait reçue de prendre, en son nom, possession du décanal. Les lettres patentes de nomination avaient été délivrées au nom de Philippe IV; on n'y avait pas fait mention de l'induit apostolique qui autorisait Sa Majesté à procéder à ce choix. Cette difficulté fil remettre la prise de possession du décanat au 30 mars. Le procès -verbal de cette solennité constate la protestation des chanoines (|ui , tout en admet- tant Mira-us \ prétendaient avoir le droit d'éliie leur doyen. Mirœus, sans * Il ronscrva les fonctions Je Bibliothécaire jusqu'à sa iiuirl. - Archives du royaume, Patcnles ecclésiastiques, liasse lOu'J. ' Celte permutation aura sans doute induit Foppens et Paquot en erreur, puisqu'ils supposent que Miraeus cul un bénéfice simple à Anderlecht avant de devenir chanoine d'Anvers. • L'évêquc leur avait enjoint de procéder à l'admission. Tome XXXI. S 54 MÉiMOlKE lilSTOKIQLE ET CRITIQUE ((u'on ail pu bien pénélrer le iiiolif de sa conduile, sollicita el obliiil d'autres lettres de nomination, délivrées celte fois par rinfanle. En voici la teneur : IsABEL, etc. A vénérables nos chers el bicn-amez les chanoines et chapitre de l'église calhédrale de Notre-Dame, en la ville d'Anvers, salut et diicction. Comme non ohslanl que par le trespas do fou monsieur i'archiducq, les pays de par de(;à soyent dévolus on pleine propriété au roy, mon soigneur et nepveu, nous ayons néantmoins droict en vertu tant de l'induit apostolique que de la commission de Sa Majesté de dénommer notre vie du- rant aux préiaturos et digniléz des dicts pays, quant elles vacquont, personnes soulïi- santes et à nous agréables. Et il soit qu'estant naguères advenu le trespas de messire .lean Del Rio, protonotaire apostolicque, votre dernier doyen, par lequel le doyenné de votre église est présentement vacant; Nous, après avoir eu rapport des sens, littérature, bonne et catliolicque vie et conversation de messire Aubert Mira,'us, licentié en la sainte théologie, protonotaire apostolicque, chanoine d'icelle église et chapelain de Notre ora- toire, sçAvoiR vous FAISONS, qu'ayaus égard à ce que dessus, avons le dicl Aubert Mira-us nommé et présenté, comme par la teneur de cestes nommons et présentons ù la dicte dignité de doyen de la susdite église, comme personne à ce capable, idoine et à nous agréable. Vous requérant et néantmoins ordonnons de le recevoir el admettre à vraye, réèle el acluèle possession du dicl doyenné, ensemble des droiclz y appartenans el en dé|)endans en quelque manière que ce soit, luy donnans el assignans au clia'ur et eliapiire le siège qu'ai)parlient à la dignité de doyen, et come de coutume en ce gardées et obser- vées les .solempnilés en tel cas requises, et que des fruits, revenus, proullilz el émolumens y appartenans vous lui respondiez et laciez respondrc, ou à son procureur, par tous ceulx (]u'i! appartiendra; promellans en oultro audict messire Aubert Mirvus, do sur ce point obtenir de notre S. Père le Pape, do l'évesquc diocésain ordin;iiro ou aultres telles bulles apostolicques cl provision de conlirmation qu'il appartiendra et icelles mettre à deiie exé- cution. Si donnons ces mandemens à nos très-chers et bien-aniez les chel's-juésidens et gens du privé et grand conseil de Sa dicte Majesté, chancollier et gens du con.seil de lîrabanl et à tous autres justiciers, oiliciers el subjelz d'icelle oui ce regardera qu'à vous en ce que dicl est, ils assistent si besoing soit, el facenl, soulTrent el laissent le dicl messire Aubert Mira'us de ceste notre nomination, accord ol permission, plainomonl et paisiblement jouyr el user. Cessans tous conlradiclz el enipeseliemous au contraire; car ainsy nous plaist-il. Donné en la ville de Bruxelles, sous le scel dont feu le Sérénissinie .\rchiducq el Moy soûlions user, le onzième de janvier, l'an de grâce 1624 '. C<)nHnuni(|uces au chapitre, dans les premiers jours de juin, ces nouvelles leltres furent lues en séance capitulaire, le 8 du même mois; puis déposées aux archives. L'installation du doyen eut lieu quinze jours après. ' La Miimitc au\ .\iTliive.s du ro}iiuinc, Papiers d'Élat, etc., liasse tOîiO dos Patentes eccté- sittsliriues. La même liasse contient également la nomination faite au nom de Philippe IV. SUR AUBERT LE MIRE. 35 XXIX. Si Miraeus ne se rendit pas immédiatement à Anvers, ce ne fut point par suite d'une espèce d'antipathie qu'il aurait éprouvée pour aller oc- cuper une position où il ne parvenait qu'avec quelque difliculté. Une mission délicate et difiicile à la fois, dont l'archevêque de Malines, Jacques Boonen, l'avait chargé, contribua à le retenir dans la capitale. Au prieuré de Groenendael , situé dans la forêt de Soigne , avait eu lieu , le 7 et le 8 novembre 1622, l'élévation solennelle du corps et des reliques du vénérable Jean de Ruysbroeck, l'un des plus célèbres mystiques du quator- zième siècle. L'archevêque Jacques Boonen présida à cette solennité, (|ui attira un grand concours de monde; le 17 du même mois, les reliques reçurent la visite de l'Infante, qui donna ordre d'élever un magnifique tombeau pour y déposer ces précieux restes '. L'année suivante, le supérieur général des cha- noines réguliers de Saint- Augustin, sur les instances disabelle et à cause d'événements extraordinaires qui étaient survenus, pria Jacques Boonen de vouloir !)ien procéder aux informations juridiques, préliminaire obligé de la béatification de Jean de Ruysbroeck. L'archevêque, par ses lettres du 30 jan- vier 1624, chargea Mineus de cette première enquête ^ Elle dura plusieurs mois, et ne fut close que le 4 juin ; les dépositions furent recueillies par Jean DeWeze, notaire apostoli(iue et royal. Deux ans plus lard, Minvus fil éga- lement partie de la commission qui, sous l'autorité immédiate du pape, pro- céda aux nouvelles informations requises. XXX. Le 23 juin 1621, après l'ofllce des vêpres, Mirseus fut installé solennellement par le chapitre, qu'il présida pour la première fois le même jour : c'était une pure formalilé (pie celte assemblée. Dans la réunion subsé- (piente, tenue le 28, le nouveau doyen fit son discours d'iniroduclion. Revenu à Anvers après plusieurs années d'absence, Auberl Le Mire s'occupa presque aussitôt de la bibliothèque (pi'il y avait fondée. Il parait qu'on n'y ' Histoire îles environs de Bruxelles, t. 111, p. 545. - Jacobi;s, etc. — « Deccrniraus processuin infurnialivum hic requisitiim forani R. D. Au- » berto Miraeo, prcsl)ytcro , S. T. L. protonotario aposlolico, etc., assuniplis sibi iiolario ft " executore seu nuniio juratis, quos assuniendos duxeril, fore et esse instilueiuluii) et perficien- » dura ; dictuni Rev. Dnm ad liane eausani députantes et viees nostras illi in hac parte comrail- » tentes. » — Tous les actes concernant les deux informations se trouvent en eo|)ie authentique chez les pères bollandisles. 36 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE avait plus songé depuis son départ. Dès le 30 août , le doyen, en compagnie de deux autres de ses confrères, se fait autoriser par le chapitre à faire une démarche auprès de révèque, à TelTet do sVntcndroavoc lui. Il voudrait faci- liter au public rentrée de cette bibliothèque, qui occupait alors un local dé- pendant du grand séminaire. La dignité dont Mintus était revêtu ne lui permellait plus d'accepter les fonctions de bibliothécaire. Sur sa proposition, le chapitre, par délibération du 17 janvier 4621, nomma trois curateurs ou proviseurs pris dans son sein , auxtpiels il remit la haute direction de la bi- bliothèque. La garde et la surveillance de ce dépôt littéraire furent confiées à un employé. Ces fonctions furent remplies d'abord par le secrétaire parti- culier du père Schott. Quoique obligé à résidence, Mirœus se vit forcé par ses études de s'éloi- gner souvent d'Anvers, non pas seulement durant les trois mois que lui con- cédait le droit canon, mais même davantage. Reconnaissons volontiers que les chanoines ne se montrèrent pas difficiles à prolonger le congé'qu'ils lui accordaient. .Mirœus, à son tour, n'oubliait pas leurs intérêts. En réunissant ses efforts à ceux du chanoine Dinghens, il parvint à obtenir du roi Philippe IV une nouvelle concession de deux cents mesures de terres tourbeuses en faveur du chapitre d'Anvers '. Le doyen profita de ses absences pour parcourir les monastères el les abbayes, et y recueillir des matériaux pour les ouvrages qu'il avait en préparation. Il affectionnait tout particulièrement le séjour de Rruxelles : il y avait la direction de la Ribliolhèque royale et s'y retrouvait avec la plupart de ses amis. A cette époque se rattache la publication de ses quatre volumes des Opéra iliplomalica (première édition). XXXI. Quehpies années plus tard -, Miranis fut nommé vicaire capilulaire durant la vacance du siège. Son administration dura un an et neuf mois. Les registres aux actes du vicariat, conserves aujourd'hui à l'archevêché de 31alines, témoignent du zèle et de l'activité (|u'il montra pendant son intérim. Sur ces entrefaites, la mort de l'infante Isabelle vint offrir à Miraîus une 'Eu IGK), Mii'iciis iivnil d<'jà ()l)U'mi des Arcliiducs un don de di-iix cents mesures de xcliorre.s, situées aux environs de IIulsl, à cliarge toutefois pour le eliapilrc d'exonérer certains services religieux, fondés par nos princes dans la calliédralc d'Anvers. - A la mort de .Malderus, arrivée le t2l octobre IG33. Le diapilre nomma le vicaire capitu- laire le 25 du nidme mois. (Actes du chapitre.) SUR AUBERT LE MIRE. 37 nouvelle occasion de se produire. Le dimanche 29 janvier 1634, on cé- lébra solennellement, à Anvers, les obsèques de la bien-aimée princesse. Le doyen du chapitre prononça l'oraison funèbre. La nomination de Gaspard Nemius ' au siège de 31alderus mit fin à l'admi- nistration intérimaire deMirœus. Le prélat, aux temps de sa jeunesse, avait trouvé un zélé protecteur dans Aubert Le Mire -, alors déjà chanoine de Notre-Dame, et avait même été son secrétaire pendant quelque temps : il ne pouvait manquer aux obligations de gratitude qu'il avait jadis contractées. Le 7 août 1635, Nemius nomma Mirœus son premier vicaire général. XXXII. Cependant la santé du doyen déclinait sensiblement. A partir de 1 636 , nous rencontrons fréquemment dans les délibérations capitulaires qu'il est fait mention de congés accordés au doyen pour motifs de santé. Il passa les mois d'août et de septembre de cette même année aux eaux de Spa. L'année 1640 surtout, qui fut pour lui la dernière, arriva avec un redou- blement de souffrances. Nous ne le voyons plus assister ni aux ollices de chœur, ni aux réunions des chanoines, ni aux conseils tenus à l'évèché. Il décéda, à Anvers, dans la maison décanale, le 19 octobre 1640. Son corps fut déposé dans un caveau au grand chœur de la cathédrale, du côté de l'épître. On y voyait l'épilaphe suivante : CNI TRINO QCE DEC S. CDI QCOD DE TERRA ACCEPERAT EIDEU IIIC REDDIDIT. AUBERTCS MIR^CS BRCXELLE.\. GCIL. F. JOANMS QUONDAM HIC EPISC. EX FRATRE N. UCJUS CATH. ECCLES. DECANCS ET EPISCOPAT. VICABICS GENERAL. PROTONOT. APOSTOL. S. TH. LIC. SER"'' ALBERTO ET ISABELLAE ACSTRIAE ARCHID. BELGII PRmCIPIBUS A SACUIS ORATORIl ET BIBLIOTHECAE PR.EFECTCS PUS MANIBUS LECTOR BENE APPRECARE. ' Philippe IV le nomma dvèquL- d'Anvers, le 24 mai 1634. Les bulles d'institulion furent données l'année suivante. - De Ram , p. xLii. 38 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Son petit -neveu et hérilier, le chanoine Jean Charles Francheim, fit ériger en mémoire de Mirœus un monument orné de son portrait. Il portail l'inscription que voici : D. 0. M. S. ACDERTO MIRvEO H. ECCL. DECANO STUDIIS SCltlPTISQUE CLARISSIMO QUI ORDIMIiCS RELIGIOSIS ORIGINES AANALIRUS GESTA PUS FUNDATORIHUS FAMAM HISTORIIS LUCEM, SCRIPTORIBCS PER ELOGIA VITAM PATRIAE CLARITUDINEM ECCLESIAE IIUIC DEÇUS ASSERUIT. QUIB. ASSIDUE LABORA>TI AC FELICITER OPERA^TI ET PEREN'NARE DIGMSSIMO MORS MAiNUM INJECIT ANNO MDC. XL. MENS. OCT. DIE XIX. VITAE EJUS LXVII. JO. CAROL. FRANCHEMICS MIR^EI EX ASSE IIAERES AVUNCULO MAGNO, PROTOPARENTI OPTIMO IN H. E. CIIORO CONDITO, GRATITUDINIS ERGO MONUMENTUM P. C. XXXIII. Le teslanuMit de Mincus, passé devant le notaire Cantelborg, fut lu en présence des chanoines et déposé aux archives du chapitre. Nous avons fait des recherches, tant à Anvers qu'à Malines, pour découvrir ce pré- cieux document; jusqu'à présent elles sont demeurées infructueuses. Son principal héritier fut Francheim, comme le dit l'inscription ci-dessus; sa mère était la sœur d'Auhert Van den Eede. La bihliolhè(|ae de .Mirons, si riche en manuscrits, passa à ce même Van den Eede, filleul du doyen, s'il faut en croire Papebrochius '. MiiaMis fit quelques legs pieux; celui, entre autres, d'une foiulalion en faveur des chapelains et prêtres de la cathédrale (|ui assisteraient à la messe célébrée chaque année, le 13 décembre, en Thonneur de saint Aubert, son patron. Pour compléter ce que nous avons à dire touchant ses largesses ou la (larl ' Pars lortia, p. i-l des RespontiotiP.i ad exhibitioncm errnmm , etc. Anlv., I(i98; in-4°. SUR AUBERT LE MIRE. 39 (|u'il prit dans les embellissements de la cathédrale, nous rappellerons que cette église possède, de nos jours encore, un vitrail peint, don de Miraeus et de trois autres chanoines : il orne actuellement le côté gauche du transept. Sur ses instances, la ville fit graver une inscription sur la tombe du célèbre historien Guicciardin, enterré au pied du jubé, dans l'église Notre-Dame. Il fit aussi transporter au pied de la grande tour les restes mortels de Quentin Massys, et rétablit l'inscription que portait le maître-autel avant les fureurs des iconoclastes. Quanta l'autel lui-même, c'est par erreur que les historiens d'Anvers en attribuent l'érection à Mirœus : ce fut son prédécesseur Delrio qui le fil élever aux frais communs du chapitre et de la fabrique, et ses héri- tiers payèrent à Hubens la somme de mille (lorins pour prix de l'admirable toile qui en fait le plus bel ornement '. XXXIV. Nous voici arrivé au terme de la lâche que nous nous étions imposée en esquissant rapidement la carrière de l'illustre doyen du chapitre de Notre-Dame d'Anvers. Une mémoire heureusement douée, un jugement droit, un amoiu' pour l'étude qui ne se lassait jamais, une activité infatigable, toutes les qualités se trouvaient réunies dans sa personne pour en faire un érudit de premier ordre. C'est ainsi (|ue l'ont du reste apprécié un grand nombre de crilitpies du dix-septième et du dix-huitième siècle. Les savants de l'Allemagne ont célébré à l'envi sa vaste érudition; le protestant Slruvius, au siècle dernier, et, de nos jours, le docteur Hirsch, se sont rencontrés pour en faire le plus pompeux éloge. (iC n'était pas cependant par sa seule science que Mirœus avait acquis une brillante renommée parmi les savants de son temps : les ([ualités du cœur étaient chez lui tout aussi reman|uables. L'aménité de son caractère, sa gé- nérosité, son désintéressement, l'avaient mis en relation avec la plupart des célébrités littéraires de l'époque et lui avaient valu les plus ardentes et les plus vives sympathies. Ce serait une liste bien longue que celle des per- sonnes avec lcs(|uelles il entretenait un commerce épislolaire. Nous ne cite- rons que quehjues noms : André Scholt, Butkens, Rosweydus, Bucherius, ' Actes du chapitre. 40 MEMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Wendelinus, Roccox, Swerlius, les Lancelot, Rubens, Gevarlius , Pec- kius, Juste Lipse, Putcaïuis, Valcre André, M'overius, ZypcTiis, Plouverius, Boehius, Hugo Groliiis, le président Auguste de Thou elle président Jean- iiin, les jésuites Sirada et Fronton du Duc, Marc VeJser, le géograpiie Luc Hoistenius, Nicolas Lcfcbvre, le cardinal du Perron. A une profonde érudition et à une rare bonté de caractère, Mirœus joignait un amour sans bornes, une all'ection filiale pour l'Église catholique, à la défense de laquelle ses talents et sa plume furent consacrés : la plupart de ses publications n'ont d'autre but que celui-là. Celte assertion peut paraître singu- lière au premier abord; mais un examen ultérieur de ses œuvres en démontre l'incontestable vérité. Mirœus, il est vrai, ne publia guère d'œuvres de po- lémicpie pure ; son goût et la tendance de son esprit le portaient vers l'his- toire : c'est sur ce terrain qu'il entendait rencontrer l'hérésie prolestante et se mesurer avec elle. Luther, Calvin et les autres adeptes de la réforme battaient en brèche la hiérarchie de l'Église, son unité, son universalité; ils avaient proclamé l'abolition des vœux monastiques et en avaient fait l'objet de leurs sarcasmes. iMira'us descendit dans l'arène brûlante encore pour les combattre. Tous ses travaux de géographie ecclésiastique nous démontrent que les évêques du monde catholique ont de tout temps reconnu le pontife romain pour leur chef suprême. Après avoir lu, dans la Nolitia episcopa- tuiim ', son épître au nonce Bentivoglio,'il n'est plus permis d'avoir le moindre doute à ce sujet. Pourquoi, encore une fois, Mirœus entreprend -il de nous raconter l'origine et de nous dérouler les annales des corporations monas- tiques, sinon pour démontrer, preuves en main, à une science qui s'égare les immenses services que ces ordres rendirent en tout temps à la société? Veut-on une preuve, empruntée à Mintus lui-même, de la vérité de cette dernière assertion? Jean Moiin lui avait adressé ses Excnilaliones eccle- siasticae. Il lui répond en ces termes : Placciil milti iiiipn'iiiis id ffcinis scrip- liones parlim liisloricur, pardm ihcologicae, ulpole quac fnwlum iiigoilcm adfcrunt ecdesiae ac rcipublkae cliristiomtc et fociuut f/iiam maxime ad Ime- reticos confumlcmlos. Jean Morin, protestant converti et devenu oralorien, ' Kiliï. SUR AUBERT LE MIRE. 41 répondit à celte missive par une lettre d'où nous extrayons le passage sui- vant : Prucseriim, ciim videam in ea te esse sentenlia, quae mentem meam jam olim occupavit , ejusmodi rermn ecclesiasticarum tractationes , etiamsiab omni cuin haereticis conlenfione abhorrere videantur, ad controversias tamen dirimendas plurimum posse. Un avis aussi précieux, émané d'un homme tel que Fauteur des Antiquités de l'Église orientale, ne pouvait que confirmer iMineus dans la voie où il était entré. Notre savant ne se contenta pas d'aimer les lettres dans un but de satis- faction personnelle, il s'occupa d'en propager le culte, autant (pie le lui per- mirent ses forces et rinfluence qu'il avait acquise. Il prend une part active à l'érection des nouveaux collèges qui remplaçaient les étahlissemenls ana- logues des Frères de la vie commune, dispersés par la tourmente du seizième siècle. Ses instances déterminent les augustins à ouvrir, d'abord à Anvers , plus tard à Ilerenthals et à Louvain, des écoles latines. Il engage son ami Erycius Puteanus à faire composer par ses élèves une dissertation sur un sujet (pielconcpie (pi'ils réciteront en sa présence quand il arrivera à Lou- vain; il promet de récompenser leur zèle. Nous ne reviendrons plus sur son désir de voir établies partout des bibliothèques publi(iues; on sait assez que ce fut là l'une des grandes œuvres de celte vie consacrée tout entière à la religion et aux lettres. Tome XXXI. 42 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE SECONDE PARTIE. NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES ŒUVRES DE MIR^:US. Quelques biographes modernes, nous le savons, ont fait écho à l'opinion de Baillet, reproduite par A'icéron, et ont contesté, comme à Tenvi, à Mira-us le litre de savant, voire même d'écrivain sérieux. Nous ne saurions nous ral- lier à cette manière devoir. Que le lecteur veuille bien se rappeler les princi|)es que nous avons établis dans nos Observations préliminaires, à savoir : (pril faut tenir compte du milieu dans lequel un homme se produit. Miranis n'a- vait à sa disposition que des ressources restreintes; il a ouvert la voie à des érudits plus fortunés que lui. Il est une autre considération à faire valoir : Mirœus a composé un gr.and nombre d'ouvrages de circonstance : c'est sur ces publications d'un jour que ces critiques sévères nous semblent avoir assis leur jugement, il nous paraît que c'est là mal raisonner. Il faut apprécier notre auteur d'après les grandes publications auxquelles il a attaché son nom : procéd(!r dilïérennnent, c'est s'exposer à Terreur. Pour se fixer sur le choix des sujets traités par Aubert Le Mire, rappelons- nous qu'il a eu en vue de venger, à l'aide de l'histoire, l'Église catholique et ses institutions des alla(|ues dont elle était l'objet de la part des réformés. Muni de cette boussole, nous réussirons à nous diriger assez facilement dans ce vaste champ, (Micore à peu près inexploré, des publications multiples sorties de la plume de ce fécond et laborieux écrivain. Nous considérons comme l'accom- plissenienl d'une tâche patriotique la réhabilitation de cette mémoire que l'on SUR AUBERT LE MIRE. 45 a tenté d'obscurcir, ou du moins sur laquelle on a essayé de jeter quelques ombres. Plus tard la grande Biographie nationale que prépare PAcadéniie royale fera resplendir cette figure du dix-septième siècle d'un éclat nouveau. Son jugement sera un arrêt définitif. Nous l'attendons en toute confiance. I '. Elogia illustrium Belgii scriptorum , qui vel Ecdesiam Dei propugiui- ruiii , vel disciplinas illuslranmt. Centuria decadibus distincta. Ex hihlio- theca Auherti Miran , canonici Anlverp. — Antverpise, sumptibus viduiv et heredum Joannis Bclleri, sub insigni Ar/uilae aureae. Anno 1 G02. 207 pages *. Mirœus a tenu tout d'abord à répondre à une objection. Pourquoi, en elTet, limiter au chiffre de cent ceux des Belges illustres dont il entend esquisser la vie? Il ne s'est pas proposé, dit-il, dans sa préface, de faire connaître tous ceux de ses compatriotes qui illustrèrent jamais le sol natal dans les diverses carrières assignées à l'activité humaine; son but est plus modeste : il a voulu faite connaître aux étrangers une centaine de personnes qui ont mis en relief le nom belge, si célèbre depuis longtemps déjà. Comme son litre rindicpie, le traité se divise en dix décades. Elles com- prennent: 1" des pontifes belges (un pape, un cardinal, huilévèques); 2" des théologiens de Louvain; 3" des théologiens appartenant à d'autres localités; 4.° des religieux; 5" dos jurisconsultes; G" des médecins et des mathémati- ciens; 7" des philosophes et des philologues; 8" des professeurs de langues, (|u'il désigne sous le nom de linguaruin cuUores;. 9" des historiens et des littérateurs; 10" des poètes. Ces notices sont fort abrégées sans doute; cependant on y trouve souvent des détails que l'on chercherait vainement ailleurs. Mira^us donne presque toujours l'inscription que l'on a mise sur le tombeau de ceux dont il a esquissé la biographie. En IGOl), parut une seconde édition de ce livre; le titre en est légère- ment modifié : Elogia Belgica , sive illustrium Belgl scriptorum (pii nostrà patrumque viemorid vel Ecdesiam Deipropugnarunt, vel disciplinas illustra- runt , vitae breviler commémora tue. Studio Auberti Mirœi Bruxellensis , ' Nous suivrons l'ordre chronologique des publications. 2 Y compris le litre, mais sans les prœtermissa, la table, et les approbations. 44 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE ranonici e( BibUothecarii Antverp. — Antv., apud Davidem Mailiiium. CD. I[)CIX. In-4°, trois leuillels liminaires, 210 pp. el 3 Icuillels, table, approbation et privilège. Cette édition, revue et corrigée ', fut dédiée au magistrat de la ville dAn- vers. L'auteur le remercie de lïnslilulion d'une bibliothètpie publicpie. Ce travail renferme trente notices en |)Uis que le précédent. Néanmoins, cdinme Mirœus y réunit parfois plusieurs biographies sous la même rubrique , on peut dire qu'il nous y fait connaître et apprécier cent cinquante personnages belges. Cette réimpression est préférable à la première édition; il y a plus d'exacti- tude dans l'assignation des dates et plus de soin dans la transcription des épitaphes que l'on y a insérées. Quelques exemplaires de ce tirage sont ornés de portraits; un frontispice gravé par Galle remplace le titre imprimé : IUuk- iriuvi Galtiae Belgicae scriptornm icônes ei dogiu. Ex mumco A uberli Mirwi (■(inonici Antverp. Aclprohavit Ecjh. Spilholdus S. T. L. et censor, 20 nufi. /6'^S.— Aniverpia?, apud Theodorinn Galleum. CI'3 I3C VllI. Ces portraits, au nombre de cinquante-sept -, correspondent à autant de notices de lou- vrage de Mirons. Les mêmes planches furent utilisées plus lai'd pour la liiblat- t Itéra Belgica de Foppens. Comme c'est le même ouvrage, il est facile à comprendre pourquoi cet écrivain, ainsi «jue Paquot, n'a pas fait mention des Elogia belgica publiés sous le dernier titre que nous venons de rappelei-, IL Origo Beguinariun Virginum in lielgio liodief/ue frequentiuin , ad Calliarinam }/ira>am. — Antv., Plant. 4G02. Miraîus, comme il nous le dit lui-même, composa celte petite dissertation à l'occasion de la solennelle profession de sa sœur. Personne, à noire connais- sance, n'a rencontré un exemplaire de la première édition, sortie des |)r('sses plantiniennes. La r)ibliolhè(iue royale possède un exemplaire manuscrit, pré- tendument fait par Erniens, d'après l'édition originale; c'est ce (prallirme une note de Van llulthem; mais il n'y a là évidemment (ju'une supercherie ' Aviiiit ilr iiiililirr celle iKiiivelle (•diiioii, Mirœiis s'adressa à Erytius Puteanus. Il le pria de iT\()ir son preinicf traviill et «le lui coiiiiniini(|tier toutes ses remarques. — Lettre du 1 ;> iu)\('ui- lire KiOX, eolleetioii citée, paiiuet Di. * Kxcniplairc de la Bibliothèque royale, catalogue Van llulllicm, n' 22455. On ne comi.iil pas d'exemplaire qui en possède davantage. SUR AUBERT LE MIRE. 45 littéraire , dont Ermens lui-même a été probablement dupe. Le titre porte : Origo Beguinarum Virginum in Belgio. Aubertus iVirœus Bnixetlensia S. iheol. licent. canonicus et sigillifer Antverpiensis publicabat. Cette deuxième partie est empruntée au Chroiikon Cisterciense, qui parut en 4614. C'est dans ce traité que Mirœus réimprima son opuscule de 1 602 sur l'origine des Béguines (pp. 498-208). La fausseté de cette seconde partie du titre se prouve aisément : le décès du chanoine Pardo, en 460o, appela Mirseus à la garde du sceau épiscopal; il ne passa sa licence en théologie (|u'en 1644. Quant à la rareté excessive de la première édition , elle s'explique sans peine. Ce n'était sans doute qu'une feuille volante, imprimée in-plano, et distribuée aux personnes (jui prirent part à la fêle. Mirœus, en composant ce travail , ne pouvait avoir pour but de retracer ex professa riiisloire des béguinages; il se borne à en considérer Lambert le Bègue comme Pinstilu- teur, rappelle leur étonnante propagation , énumère leurs bienfaiteurs et les saintes qui en sont sorties. Une apostrophe à sa sœur conmience le traité, une autre le termine. II L Aubcrii Minvi (Usscrialio de Antverpiensis Ecdesiœ origine ac pro- gressa, art reverendissiinuin doininum D. Joannem Miranun pulruum suunt colendissiinuin, Aniverpianœ urbis miinus episcopale féliciter auspicantem , anno CIO IDCIV, die XXX wensis maii. .Mirœus, en donnant celte dissertation à la suite de son C/ironieon Prue- ntonstratense , ne nous dit pas expressément si elle avait eu auparavant déjà les honneurs de l'impression. Tout nous le fait cejiendant supposer. Il est plus (]ue probable ipi'il lit im|)rinier, dans un format analogue à celui de l'ouvrage précédent, celte dissertation composée à l'occasion de l'arrivée de son oncle dans sa ville episcopale. Ce travail, qui n'occupe que six pages d'impression (pages 308-314), est d'un médiocre intérêt. Auberl Le Mire est cependant le premier qui ait entrepris de traiter celte matière. IV. Auberti Minvi de obilu Justi Lipsii epistola. — .\ugustae Vindeli- corum. 1606. ln-4". Nous ne connaissons ce rarissime opuscule que par le catalogue de J.-B.Ver- dussen ' et par le Foppens annoté de la Bibliothèque de Bourgogne. Nous ' Page 292. 46 MEMOIRE: HISTORIQUE ET CRITIQUE avons fait de vaincs recherches à la Bibliothè(|ue royale pour le découvrir. Celte lettre est adressée à Marc Velser, ami intime de Juste Lipse et membre du magistrat d'Augsbourg. Le catalogue Verdussen n'indique point le format de cet opuscule; on Pv mentionne toutefois comme étant relié avec Tédition in-4°, Vila et Elui/iuhi Justi IJpsii ; il est donc à présumer que ce sera le même format. Cela sort également à nous expliquer Terreur de Paquot et de tous ceux qui Pont suivi , en assignant Tannée 1606 comme étant celle de la première édition de Tou- vrage prémentionné; ils ont confondu évidemment, puisqu'il ne parut qu'eu 1609'. V. Origines Coenobiorum Benedictinorum in Behjio quibus anfif/uae reli- fjionis orlvs progressim/ue deducitur. Studio Auberli Mirœi Bruxcllensis v.anonici Anlverp. — Ântverpiae, apud Hieronymum Verdussium. 3I.DC.VI. ln-12; titre. — Neuf feuillets liminaires, 199 pages. Tables et approbation 8 pages. Les liminaires comprennent : 1" une dédicace, en style lapidaire, à Ni- colas Mainfroy, abbé de Sainl-Bertin, en date du 1" juin 1606; 2" une préface de cinq pages dans la(|uolle Tauteur fait l'histoire de l'institution cl de la réforme, en Allemagne et en Belgique, de Tordre de Saint-Benoit. Il y ajoute la liste des écrivains et des ouvrages qu'il a consultés. L'ouvrage, divisé en soixante-sept chapitres, comprend la description d'un nombre égal de monastères, tant dhonnnes (pie de femmes. Trois ta- i)les alphabétiques facilitent extrêmement les recherches. La plupart des ren- seignements fournis par Mineus étaient inédits; il les avait puisés, le plus souvent, dans les manuscrits des couvents qu'il avait visités. Des actes de fondation, divers documents rares, des notes curieuses, tout contribue à faire de ce livre une œuvre historique vraiment intéiessante -. Mira>us a en- tièrement refondu cet ouvrage dans ses Origines Benediclinae. ' Il est pr{ilml)If (iiif l<'s (it'Iails contenus dans la lot Ire à Marc Vdscr se retri)U\cnt dan> l'opusciile de IG09. - Il existe lin opuscule d'une grande rareté, que son titre ferait i)asser pour un ajipendice du traité de Mirfpus : c'est une sini|)le monograjihie du couvent des liénédiclins à A'onnenbosch, près d'Ypres. Miroeus s'était contenté de mentionner cet établissement sans lui consacrer une notire spi'ciale. En voici le titre : f/iistola sive uppenilix Ctiroli Vdii lloucke ^ (iirliidiaconi SUR ALBERT LE MIRE. 47 VL Ekhclius Hislorkorum Belgii, nondiim typis editorum. Auhertus Mirœus, Bruxellensis , canonicus et scholasticus Antverpiensis eruemio pu- blicabal. Antverpiae, apud Hieronymiim Verdussium. M.DC.VL Cum gralia et privilegio. — 15 pages in- 12, litre compris. — L approbation est donnée le 3 octobre 1G06. Mirœus en donna lui-même une seconde édition, sous ce litre légèrement retouché : Elenchus Historicorum et alionim scriptonm nondum typis editorum (/ui in BeUjio potissimum Bibliothecis manuscripli exstant. Auljertiis Mirœus Bruxellensis eruendo putdicabat. Bruxellis, apud Joannem Pepermannum, billiopolani juratum, lypographumque civiiaiis, sub Bibliis aureis, anno 1G22. — IG pages in-42, titre compris. Sanderus en donna une troisième édition, dans sa Bibliotheca BeUjim '. C'est la repi-o- duction littérale de l'œuvre de 160G, sauf qu'on a eu soin d'indiquer les ouvrages qui ont été imprimés depuis cette époque. Si l'on compare entre elles les deux éditions de IGOG et de 1G22. on s'aperçoit bientôt que Mincus a fait subir à la dernière d'importants rcUia- nienienls. Il en a fait disparaître tous les ouvrages imprimés depuis IGOG ; il y ajoute tous les nouveaux manuscrils dont il a eu connaissance: c'est, à \rai dire, un ouvrage cnlièniment neuf. Une note de la première édition nous rend compte du but (pie Le Mire poursuivait : il voulait engager les abbés et autres supérieurs d"insti(uls ec- clésiastiques à mettre au jour les manuscrits qui étaient en leur possession. VIL Sanctorum (kdliae Belrjicae imagines et Elogia (piibus religionis ortus progressusfpie in Belgio ostenditur , opéra Auberii Mirœi, canon, et scholastici Antverpiensis. — Antverpiae, apud Joannem Rapt. Vrienliuin. CJ3DCVL — Adprobavit Egb. Spitholdins canon, et plebanus Antverpiae, 21 junii IGOG. 1it-4"; texte encadré avec figures allégoriques. L'exemplaire de la Bibliothèque royale - contient, sans le titre, (piaranle et une gravures de Vrienlius, représentant des saints qui ont vécu dans notre pays ou qui y ont prêché la foi. Saint Vaasl en est le premier, saint Albert . doiil Y/irciisis, ad origiiu's , Auberto Mirœo Antverpiensi canonico coltectore , coenobiorum liene- (lictinoruin in Ddijln. — Amloraaropolis , \ G07. ' Lille, tGit, pages 2 1-27. - Fonds Van lliiltlicm, n" 23375. 48 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE la fêle se célèbre le 21 novembre, en est le dernier. Il est dilficile, pour ne pas dire impossible, de décider la question de savoir si l'exemplaire de la Bil)liolliè(|uc royale est complet. La colleclion des écrivains belges de la Bi- l)li()lliè(|ue de Bourgogne ', tout en nous faisant connaître deux éditions pos- térieures -, ne fait pas mention du nombre des gravures. Le catalogue de Martin iVyholï ^, au n" 13483, nous en fait connaître une (|uatrième édition. Elle parut chez Jean Galle, sous le titre suivant : Sancforum Galliae Ue(- gicae lotiusque Germaniae inferioris imcujines el Elof/ia r/uibus retiffionis orius progressusfjue in lieUjio ostmditur. — Antverp., apud Joannem (ial- laeum; 16G3. In-i". Celte collection compte quatorze gravures de plus que l'exemplaire de la Bibliothèque royale , mais elles sont bien inférieures aux premières. Les gravures des diverses éditions représentent les saints avec les attri- buts qui leur conviennent. Sur le deuxième plan est représentée quel(|ue action remarquable de la vie de chacun d'entre eux. Au bas de la planche, la légende abrégée du saint se tnouve gravée dans un encadrement. (]es notices, généralement bien faites, ne laissent aucun doute sur rauthenticité de l'œuvre de Mira'us ; il est possible (pi'elles aient été destinées aux Fasti Belf/ici et Burf/undici, qu'il ne publia (|u'en 4622. On nous dira |)('ul- ètrc que Le Mire ne mentionne nulle part la présente [)ul)lication, ni dans sa correspondance, ni dans ses ouvrages postérieurs. Rappelons-nous, pour conq)rendre la chose, qu'il n'eut point en vue de faire une œuvre déiudi- tion , mais d'illustrer la vie des saints à la manière de son époque, (iallé, Wirix, Vrientius, iMallery et bien d'autres encore, s'occupèrent de travaux analogues. C'était la mode du dix-septième siècle que ces ouvrages emblé- matiques. VIII. Hisloria B. Virginis Camberonensis , tconibus illustrala. Stuc/io Aubcrii Minci. — Antverpiae, Theodorus Gallaeus. CL) L)CVH excudil. ln-12. — 45 feuillets, dont quatorze estampes représentant des miracles. Tel est le litre que nous donne Van Ilulthem, dans le Paquot annoté par ' iV'17:i!t:), 17005. ^ IC20, l(;22. 3 Di^remliro 18(il. SUR AUBERT LE MIRE. 49 lui et conservé actuellement à la Bibliothèque royale '. Nous n'avons pas réussi à découvrir un seul exemplaire de ce rarissime opuscule ; la Bihlio- ihèque royale même ne le possède pas. Nous l'avons cependant vu men- lioiiné dans un catalogue de vente chez Verdussen^ et chez Verhoeven \ D'après la note du bil)liophile gantois, c'est une série de gravures au nombre de quatorze; tout nous porte à croire que le titre était également gravé, il est à supposer que cet ouvrage n'avait [)oint de texte im|)rimé séparément dos planches; tout se sera sans doute borné, connue pour la publication |)ré- cédente, à une légende insérée au bas du sujet gravé et dont le contenu aura été fourni par Mirirus. En publiant ses Origines nionasficae, qui parurent en 10:20 et où il signale * l'histoire de la statue miraculeuse de CamI)ron, publiée à Douai-' |)ar Waliand (^aoltius, il n'eût pas manqué, nous semble-t-il, de citer son propre travail sur ce même sujet. Pour être impartial, nous devons toutefois ajouter (|ue les Galle et d'autres éditeurs encore publièrent jadis des collections de gravures sans texte im|)rimé sous le non» de Miranis, et à la publication des- (pielles il demeura étranger, sinon peut-être pour les légendes. Elail-ce une spéculation de libraire que de placer ces albums sous le patrouaire d'un homme aussi avantageusement connu?.... IX. Gcnfis SpimUae iUmirium Hof/iu, auclorc Auherto Minco Bnuell. — Aniverpiae ex olïîcina Ilieronymi. VerdussI. CK).i;)C.VII. In-4"de44 pages, y compris le titre et l'épitre dédicatoire, mais sans la table et ra|)probalion. L'épitre dédicatoire, en date du li niars KiO", rappelle succinctement les principaux faits d'armes du marquis Ambroise de Spinola, général en dwi de l'armée aux Pays-Bas espagnols. Après l'indication de ses sources, Miiicus entre en matière. Il ouvre sa notice par la biographie du vicomte (iui de Spinola , au dixième siècle, et la continue jusqu'au combat naval livre près des côtes de Flandre et de Zélande , le :2(i mai IM)^, et dans lequel succomba Frédéric, père du grand capitaine. ' Section des imprimés. - I77(i, p. 95, n" 7ô. ■• l«tO,p. 1!»5,n"2877. * Piig. 31 î). ' \fm. Tome XXXI. 7 aO MÉ.MOIKE HISTORIQUE ET CRITIQUE Mirapus, qui avait composé cet opuscule sur les instances de son oncle l'évèque d'Anvers ', en donna, trois ans après, une nouvelle édition, sous c<» titre : Genlis Spiinilae itlustrium elogki, auciore Aiiùeiio Mirceo, Bruxel- lensi , canonico et Ijibliothecario Anlverpiensi. Edi/io altéra auctior et emeii- (latior. — Coloniae Agrippinae , apud Joannoni Kinckium , sub Monocerote. Anno M.DC.XI. In-4.". Cette nouvelle édition reproduit la première, avec quatre chapitres en plus^. Elle se trouve ordinairement à la suite de deux autres pu- hlications qui parurent cette même année et chez le même imprimeur : l'une, sous le pseudonyme de Roland iMirteus^, donne l'histoire du gouvernement de Mansfeld, de l'archiduc Ernest et du comte de Fuentes; l'autre, sortie de la plume de Gamurin, présente les exploits militaires d'Ambroise de Spinola. X. De SS. Virginihus Coloniensibus disf/uisitio pvr Auberlum Mmvum, ïiruxelL, canonicum et scholarcham Antverp. — Antverpiae, apud Gislenuni Janssenium. MDCVIII. In-4" de quatre feuillets, y compris le titre, ou sept pages. C'est là encore un de ces rares opuscules dans lequel iMira^us communicpie le résultat de ses recherches. Paquot et de ReilTenberg se sont trompés en aflirmant que l'opuscule du savant chanoine n'est qu'un « recueil d'autorités » |)osilives et négatives qui concourent à faire douter de l'histoire des onze » mille vierges '*. » A l'appui de notre opinion , nous citerons le témoignage du P. Victor De Buck, dont personne à coup sûr, ne contestera la compétence : Eam (scriptionem ]\lir»i) vellicavil cnuleliter Paquot, scriheiis eam constare ex oppositis sententiis et valere solum ad duhia rreauda de martyrio Ursulaixi. Sed neglir/euter legil rensor, quandoquidem liac Disrpiixilione ni/iil aliud mit anrtor quam suam proniere sententiatn , de modo quu B. Ursula et suriae coelestem paliiiam promeruerint , eanique viris eruditis expendendam propo- nere; et tantum abest ut pretiosam earum mortem et cultum dubia faeere velit , ut, stalim ac seutentiam suam proposait, haec [quod uouuihil nova illa videretur) addat : « xUque haec quidem sic dicta accipiautur, velim , ut • Nous ignorons à (juellc occasion. Scriiil-cc pcut-clre n propos de la prise de Grol, ville lortc du comté dcZnlphcn (fin de l'aniice 1600)? 4 Les XVin\ XIX', XXXI' et XXXIV. ' C'était Martin Delrii). * Mémoires, etc., i. I, p. 143. liibliophile Delije, t. Il, p. loti. SUR AUBERT LE MIRE. 51 » in omnibus salvum in primis Ecdesiae sit judicium et cullus Iwnosque » sanctarum Virginum ac Marlyrum nmneat illibalus, cuine minime quidein » volumus iri delructum ^ » An témoignage du savant bollandisle, celte dissertation fut plusieurs fois réimprimée à Paris et ailleurs. Nous ignorons s'il existe d'autre édition que celle qui parut chez Sébastien Cramoisy, en 1609, in-S". Nous connaissons les relations de Mira'us avec cet éditeur ^j il est probable que lui-même aura surveillé l'impression de son livre durant son séjour dans la capitale de la France. Nous devons ajouter toutefois que l'édition parisienne n'a pas passé dans nos mains; elle nous est seulement signalée par une annotation de Goyei-s à la Bihliolheca de Foppens ^. XI. Ordinis B. Mariac Annunliatanm Virginum Origo. Accessit ordinis Carmetilmi, Virginum praeserlim Teresanariim origo. Aubertus Mirœus BruxelL ex suis originum monasticarum libris exscribebat. — Antverpiae, apud Davidom Martinium. Anno M. DCVIII, in-4.°. Titre et vingt-neuf feuillets. • Au revers du titre se trouve une belle dédicace en riionneur de la sainte Vierge; le recto du second feuillet contient une prière à 3Iarie et le verso une |)ièce de vers due à Bochius, secrétaire de la ville d'Anvers. L'ouvrage est divisé en trois livres : l'un expose les origines de cet ordre des Annonciades, fondé par la bienheureuse Jeanne de Valois, fille de Louis XI, sœur de Lharics VIII et épouse répudiée de Louis XII. Cet exposé est suivi de la liste des maisons d'annonciades et du témoignage que rendit l'historien Massicus siu- la bienheureuse Jeanne et son défenseur Standonck. Le deuxième livre donne le bref de Léon X, qui approuve l'ordre, en date du 25 juillet 1517. Le troisième s'occupe des carmélites ou térésiennes. Cet opuscule était une œuvre de circonstance. Il s'agissait en ce moment de fonder à Anvers une maison de chacune de ces congrégations religieuses. Le magistrat, favorable à ce projet, engagea Mirants à y préparer ro|)inion publique. Dès celte même année 1608, les annonciades s'établirent dans leur ' AclaSanctorum, octob., t. IX, p. 11:2, B. Lopinion de Miiwus plut ;'i Ilensclienius et ;'i Papebrocliius, mais avec réserve de leur part. '^ 3Iesm(]er des sciences historiffues , 1849, p. 457. î Exemplaire annoté de la Bibliolliè(|iie royale, section des manuscrits, n" I7(i03, art. 3flrmus. 52 MÉiMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE nouveau cloître; trois ans après, les carmélites ouvraient à leur tour un éta- hlissemenl à Anvers '. XII. Rerum loto orbe r/estanti» chronica a Ckrislo milo ad nosiru us(/ue irmpora. Aiicforibus Eusebio Caesariensi episcopo, B. Hieronymo presby- icro, Sif/eberlo Gemblacensi monacho , Anselmo Geinblacensi abbale , Auberlo Mirwo Bruxell. aliis(/. Omnia ad unlupios codices M SS. parlm campa râla , parlim nunc primum in lucem édita. Opéra ac studio ejusdem Axiberti Mirwi , caiionici et scliokircltae Anivcrp. — Anlverpiae, aputl Hieronymuni Verdus- sium. Anno M.DC. VIII. ln-4". Titre et onze feuillets liniinaiies, suivis de la cin-onique d'Eusèbe et de celle de saint Jérôme, sans pagination, mais dont les feuillets sont signés A — IF. Puis vient la chronique de Sigebert, pré- cédée d\m nouveau titre et de trois feuillets liminaires : Chronicon Siyeljvrii Geuildacensis monachi. Ad autoyraphum , veteresf/ue codices manuscriptus coiHparatiim. Accessit Anselmi Gemblacensis abbatis chronicon, cum aucia- .riis Gemblacensi, Affligemensi, Valcellensi et Arpiicinctino , primum typis nunc editum studio A uberti Minci Bruxell. canonici et bibliothecarii Antverp. — Antverpiae, apud Hieronynum Verdussium. Anno 31. DC. VIII. — Cette chronique de Sigebert occupe les pages 1-179; la continuation par Anselme de Gendiloux et les divers aucturia, moins celui de 3lirtTus, comprennent les pages 181-263. Le supplément fut intitulé : Rerum toto orbe yeslarum chro- nicon. Ab anno Christ i MCC ad nostra us(/ue tempora. Auberlus Mini-us Bruxell. ex vetusiis scriptoribus concinnavit. — Anlverpiae, apud Hiero- nymuni Verdussen. Anno M. DC. VIII. — Cette dernière cbroniipie, (|ui nVst précédée d aucune pièce liminaire, end)rasse les pages 2G7-399; on rcjjreud le chiffre 390, puis 101 et on le continue jusqu'à 120 (pour 420). Suit un index al|)liabéti(|ue peu détaillé, Rerum memorabilium. La pagination em- brouillée de ce recueil réclamait impérieusement un reyistrum indiquant la signature de toutes les feuilles du livre dans Tordre (|u"elles y occupent : on le irouNc au dernier feuillet. ' Li- I'. S|)()cll)cr^li, rc'colk'l du coiivi'iil de Maliiio. doiuia à Lou\ain, en KiiG, une tiaduc- tion tlainiindt' de cet opuseule (calalof;. Van llullheni, n' i>;j*i2l). Celte édition, ornée de deux ^iM\ui'o.s et de dcu\ vignettes sur bois, ne vaut pas l'original. Nous ignorons \wr (inelle eau.se le traiiiiclenr ne cite ni Mirœus, ni son ouvrage. SUR AUBËRÏ LE MIRE. oô Telle est la description matérielle de celte publication du chanoine [.e .Mire; son importance exige que nous entrions dans quelques détails. L'ouvrage s'ouvre par une belle épiire dédicatoire aux doyen et chanoines de la cathédrale d'Anvers '. Depuis longtemps Mirteus songeait, nous ap- prend-il, à publier une chronique belge, relatant principalement les laits religieux. Il eut la bonne fortune de rencontrer le manuscrit, probablemeiil autographe, de Sigebcrl de Gembloux. La comparaison qu'il en fit avec les éditions antérieures ne tardèrent pas à lui démontrer que les ennemis de la religion avaient interpolé cette chronicpie en divers endroits. Ce fut donc avec joie qu'il mit ce travail au jour; il ne connaissait guère de relation plus exacte et plus ancienne à la fois. Mirœus a résumé d'après Eusèbe les temps antérieurs à ceux dont s'oc- cupe; le moine de Gembloux '-; pour les temps j)ostérieurs , il eut recours à Anselme et à quelques autres historiens inédits, dignes de toute crovance. Tout en continuant la chronique jusqu'à une épo(]uc plus rapprochée de nous, Minuus a soin de s'effacer lui-même, pour ne laisser parler que les écrivains auxquels il a emprunté quelques-unes de leurs pages. Pour la chronique de Sigebert, notre auteur a consulté (piaire maniiserils dilïérents : celui de Gembloux, qu'il croyait être l'original ^, ou du njoins une copie contemporaine de l'original; celui d'Anchin, copié par im moine de celle abbaye; la copie (pii appartenait à Juste Lipse, transcrite par un moine d'AHli- ghem; enfin le manuscrit d'Ortelius, provenant de l'abbaye de Vaucelle. Il a pris pour base de son travail le manuscrit de Gembloux; les passages (pii manquaient dans ce texte, aussi bien que ceux qu'il supposait itilerpolés, ont été imprimés en caractères moindres; il inditpie en marge le codex (pi'il a suivi. Il donne intégralement les passages concernant les démêlés de (Gré- goire VII avec l'empereur Henri V, au sujet de l'investiture ecclésiastique; il cite en note les auteurs calholiques qui s'occupent de la question exprofcsso. Il saisit à ce propos l'occasion de censurer sévèrement l'édition d'Henri Esti(!imc * ' Celle dédicace valut à Mirœus une coupe de vermeil que le chapitre lui offrit eu cuiiroriniii' de sa résolution du b septembre 1G08. {Actes du chapitre.) 2 11 suivit un manuscrit de l'abbaye d'Anchin, en lettres oncialcs du septième siècle au plus lard. 3 On sait que Perz soutient que le manuscrit de Gerablou.x n'est pas l'original, qu'il prétend, lui, avoir découvert et inséré dans ses Momnnenta Gerinaniae.Xoir Porlhast, Bibt. hist., p. ^ôl . * Paris, 13t3. — Voyez la préface de Miraeus à la chronique de Sigebert. M MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE et (oiilos celles aux(|uelles elle a servi de type, à cause des futilités et des haifa- tellos dont elles fourmillent. C'est donc à bon droit que le travail de Miraeus jouit d'un renom justement mérité. (Cependant un jeune élève de Tuniversilé protestante de Leipzig attaqua, dans une dissertation latine, publiée Tan 1684, la bonne foi, la probité de IV'dileur de Sigeberl. Il l'accusa d'avoir supprimé les passages ayant trait à la papesse Jeanne et à la querelle des investitures, vers Tan 4111. Quelques écrivains allemands, et surtout de fougueux calvinistes, en Hollande, lirent écho à l'assertion de Daniel Franck. On s'étonne de la voir reproduite encore de nos jours après Struvius ' et surtout depuis l'admirable ti-avail du savant Hirscb, disciple du célèbre Léopold Ranke : Quibus omnibus commotus sum, ui in velusliorum opinionem a primis eclitoribus demum hune cenlnneni Sif/e- bcrU) esse assutum pedibus ireni. Denir/ue non est (/uod hoc loco lumuluni Joannae papissae in quemjmn Leibnilius flores sparsit, effodiam , atque de re jam longe acta iterum agam, licet caluvinimn hanc ineptam ab honiinibus nugarum niniiiim cupidis inventam a nonnullis qui se criticos jaclant atque saluti generis hmnani aliquid afferre sludenl hodierno adhuc tempore repe- tiiani esse videam -. Sans décider la (|ucslion de savoir si le texte concernant les démêlés de l'Empereur et du Pape est bien réellement de Sigebert. Hirsch reconnaît l'édition de Mirœus comme préférable à celle de Paris ^. Ici se présente tout naturellemeni la question suivante: Aubert Le Mire, dans son travail d'éditeur, a-t-il fait preuve d'une saine et judicieuse critique? D'après le docteur Hirscb, il s'est parfois tronq)é, en attribuant à Sige- i)ert des opinions qui sont celles de (luehpi'un de ses copistes ou de ses con- tinuateurs. Mirapus considéra le manuscrit de Gembloux conmie l'oiiginal : voilà la source de ses erreurs. Par suite , il n'a pas su toujours discerner les interpolations du texte lui-même '*. Quant à la bonne foi de Mira^us, elle est, de l'aveu de M. Hirsch , au-dessus de tout soupçot) •*. ' Plenissinu: et emendatissime edidil [Bibliolhvcu hislorica. Leipzig, 1782, I. 1. |i. 74). Tel ftlait le tëmoignage que Struvius rendait, en 1705, à l'éditeur de Sigeberl. - Dr Vila vt Sniptis Sigeberti nwiuichi Gcmlilaceimis. Berolint , typis et iinpcnsis Rcinierianis. MDCCr.XU, iii-8", |). 477. "• Pages U4-450. * \jV savant (loc(e\ir développe son jugement avec preuves à l'appui, pp. 'tol-ASb. ^ Ouvrage cité, p. 18. SUR AUBERT LE MIRE. 55 * Mais si la bonne foi de Mirœiis ne peut être suspectée, quant au texte qu'il a publié de la cbronique de Sigebert même, il semble au premier abord qu'il est impossible d'émettre un jugement analogue touchant la leçon adoptée pour les continuateurs du moine de Gembloux. Ce reproche, on ne l'articule point, pour ce qui regarde la chronique de deux des continuateurs de Sigebert : c'est la continuation du moine d'Afllighem, dont la copie appartenait à Juste Lipse, et le manuscrit d'Anchin qui fournissent matière à de sérieuses accusations. Hiisch les formule en ces termes : Majus est quod in ipsius contiimationis Aljlifjemensis, ah anno 1149 tm/ue ad annuvi 1163, eilitione Minmnade- pic/iendimus , et de quo qunmvis eausam non perfecte hic explicare liceal , inonere tamen non aliemini videtur. Hirsch donne un tableau comparatif du texte de Mirœus mis en regard de la chronique d'Albéric ', (|ui, au témoignage du docteur Allemand, s'est évidemment servi de l'exemplaire d'Alïlighem; puis il conclut : Quae in editiove Mirwana désuni, non casu quodam exci- disse sed de consilio omnia quae Fredericum posleris commendure oel advei- sarionmi famam imminucre possent oniissa esse intclliges ^. Essayons de répondre. En comparant le texte de Miraeus avec la chioniiiue du moine des Trois-F'ontaines, le docteur Hirsch, à la haute impariialiié du(|ucl nous sommes heureux de rendre hommage, soutient <|ue le docle écrivain a eu sous les yeux le texte du moine d'Alïlighem; il a raison. Mais s'ensuit-il que le manuscrit ait été tronqué par Mirtrus? C'est là luie conclu- sion qui dépasse les prémisses. Pour(|uoi ne pas admettre, par exemple, (|ue l(!s éloges décernés à Frédéric I, Barberousse, ont été interpolés par le moine des Trois-Fontaines? L'Empereur ne mourut que le dO juin 1190. D'après De Becdelièvre, Âlbéric vécut de 1163 à 1241 et habitait le pays de Liège, de tout temps très-favorable aux empereurs d'Allemagne dans leurs querelles avec le saint-siège. Si nous examinons les variantes signalées par Hirsch, ce sont toutes phrases incidentes (jue l'on peut aisément supprimer. On pour- rait donc rétorquer l'argument et soutenir que c'est Albéric (|ui, en vue des besoins de la cause à laquelle il crut devoir se rallier, ajouta en (|uelque sorte une glose au texte primitif du moine d'Afllighem. ' Moine des Trois-Fontaines {Trium-Fontiwn). 2 Pages 36t-364. 56 MEMOIKK HISTORIQUE ET CRITIQUE « Marlènc ol Durand ' reprochent certaines omissions à Miracus. Ainsi ils prétendent nolanimenl (|u'il a omis à dessein (|uel(|ues passages. « On ne » peuf s'imaginer, disent-ils, pour(|iioi Mirée a retranché ces faits de son » Aiicfariuiu ,s\ ce nVst par respect pour le sainl-siége. » Cest ])récisémenl celte absence de motifs qui nous fait croire (\ue l'omission de (pu'lques détails assez secondaires n'est pas l'œuvre du consciencieux éditeui-. il avait une connaissance trop approfondie de l'histoire, il avait le jugement trop droit l)Our ne pas partager l'opinion des savants bénédictins. Et puis il faut être logi(|ue : pourquoi retrancher de VAuclarium (pielques anecdotes plus ou moins hostiles à la papauté, tandis qu'il n'en retranchait point dans la chro- nique de Sigebert? Quel but poursuivait iMincus? Il nous donne intégralement la chronique du moine de Gembloux. Pour la période postérieure, celle (|ui s'étend de 1 1(>:2 à 1225, il en puise les détails dans la chronique d'Anchin, (pi'il donne si peu en entier, qu'il prend lui-même le soin de nous dire (|u'il n'en fournil (|ue des extraits -. Il nous semble résulter de cette dernière expression , (|ue jamais il ne songea à publier la chroni(|ue d'Anchin dans toute son intégrité. Enfin, l'in- fatigable érudil ne put pas, malgré sa bonne volonté, avoir toujours accès aux documents originaux : il devait souveni se contenter de la copie qu'on lui faisait parvenir. Les détails fournis par les divers continuateurs de Sigebert conduisent la chronique jus(|u'en l'an 1225. 31ira'us reprend lui-même la série des événe- ments à l'année 1200, et emprunte le texte de son récit aux auteurs les plus Néridi(pies (pi'il a soin de désigner exactement •". La plu|)art des sources dont il se servit étaient alors inédiles. Plusieurs de ces ouvrages ont vu le jour depuis; la compilation de Mira'us a néanmoins conservé sa valeur : elle est concise, exacte, consciencieuse *. ' Deuxième voi/uye lilléraiie. Paris, 1724. lii-4", \>. .S5. - Quai' .siilijiuKjniilin ex ms. coiliri- Aiiiiicinrtino r.xcmi'MMVs . \i. I-2S. •' Celle «leiiiièrc |)arlie, due tout enlièir il Mirwiis, .1 élé rein'iidiiile diiiis le Cliruniiini mitriite de Itiiudoiiin Juniiis, imprimé l'i Coloj;ne en Kill) el \fi-l-2. ' l.n liil)ii(illièi|iie de riiriiver>;ilé de I.duviiin ims>;èiigiii(''s au rcdu sciik-incnl : 1-50. "' Trois ctnl ciii(|ii Lisez I (')(('.), car l'approbation n'est que du "i"! aoiil I(i08. •> Trois feuillets. SUR AUBERT LE MIRE. 59 miner à rinstitution de l'ordre du Christ par le duc de Mantoue. Les cinq livres occupent 157 pages; le sixième comprend les pages 137-161. Une table alphabétique très-ample termine ce recueil, entrepris en vue de dé- fendre la religion catholique par le moyen de Phisloire '. XVI. BibUolhecae Antverpianae primordia. Auberlus Miranis, Bruxel- lensis, canonicus etbibliothecarius Antverp. colligendo publicabat. — Antver- piae apud Davidem .Marlinium. CD DC IX. In-4-". Vingt-quatre pages sans le titre et la préface. Voilà à coup sûr Tune des plus rares publications de Mirreus. .M. de Heif- fenberg n'en mentionne que deux exemplaires : celui de la Bibliothèque royale et celui de la collection Michiels, vendue au commencement de ce siècle "'. L'auteur passe en revue, dans sa préface, les diverses bibliolhè(|ues d'Euro|)e, fondées par les princes ou par les souverains pontifes. En érigeant une bibliothèque, les Anversois ont marché sur leurs traces'. Le catalogue de Mirœus est méthodique ; il se divise d'après les diverses branches du savoir humain : théologie, jurisprudence, médecine, histoire, littérature. Il y a un aucfariuin de trois pages. L'ai)probalion est en date du 23 décembre 1008. XVII. Orifjhtcs Carf/iusianorum inoiiusleriurum per orbcm univcrsum. A iiberlus Minvux, BnixclL, canoiikiis el sc/iolasticus A nfverp. eruendo publi- cabat.— Coloniae, apud Antonium Hieratum. Anno MDC. IX. Titre, soixante- treize pages chiffrées et deux |)agcs à'errafa. L'approbation fut donnée à Cologne, le 25 octobre 1608; à Anvers, le 10 février 1809. L'épiire dédi- catoire est datée d'Anvers, le 1" décembre 1608, et adressée à Hercule VVinckclius, Bruxellois, prieur de la Chartreuse à Bruxelles et visiteur de la province teulonicpie. Mirœus puisa la |)lupart des matériaux (|u'il mit en œuvre pour cet ouvrage dans la bibliothè(iue des chartreux de Bruxelles; il se proposait également d'é- diter la Corona Carlliusiana de Dorlandus, mais il fut piévenu par son anu' ' Voir la lettre, en date de Paris, 17 décembre KJO'J, et adressée au doyen de la eathédrale. Messager (les sciences hisl., ISi'J, p[). 44:2 et suiv. "^ M. Mertens l'a réimprimé dans le Catalogue méthodique de la bibliothèque d'Anvers. "' Cette préface, dit M. Voisin, servit de cadre à Sanderus, pour sa dissertation sur les biblio- ihcques. Messager, 18ô'J, p. 199. GO MÉMOIRE HISTORIQIE Eï CRITIQUE Théodore Potreius. Mirseus, dans ce livre, parcourt les dix-neuf provinces (le cliartreux, mais il s'arrête avec une complaisance mar(|uée sur les mai- sons de la province belge et sur celles de PAIIemagne. Quani au lieu d"\m- pression, il nous semble que la présence de Peireius dans la ville de (lologne sfillil à l'expliquer. Ce savant religieux était en possession de doeunienis indis- pensables à Mira'us pour la correction de son livre. O petit traité, assez rare et plus concis que les autres publications ana- logues de Panteur, est loin d'être sans valeur. Michel Kuen écrivait encore au siècle dernier : « Hoc opiisculo, adnioduni raro, (îliam de celeberrimo » Carthusianorum ordine bene mereri voluit Mirrcus '. » XVIII. Origines equesfrium, sive iiiililarium ordinum libri duo. Auher- Im MiricHS, Bnixellensis, Caiioniciis e( Bihliof/iecaritis Antvcrp. scriitando pvblicahal. - Antverpiae, apud Davidem Martinium. CK) \'M] IX. In-i". Titre, trois feuillets liminaires, quarante -six pages de texte; la table occupe un feuillet. C'est un ouvrage de circonstance, (pii parut à l'occasion du mariage ■ du jeune marquis de Spinola , fils unique de Gaston, avec la princesse Claire d'Arenberg. Miranis l'avait conq)Osé à la denjande de Gaston; c'est à lui (|uïl le dédia, pour reconnaître divers bienfaits dont il lui était redevable. Quehpies exemplaires portent au titre les armes du prince, au lieu de la vignette^ dont Minvus avait l'habitude de se servir. Après les travaux de Schoonebeek, dllelyot, d'Herman et autres, ce livre n'a plus grande valeur. XIX. La même année, l'infatigable écrivain publia une édition française de son livre : Origine des chevaliers et ordres militaires, recueillie pur A uherl Le Mire , Uruxellois, chanoine de Nosfre-Dame d'Anvers. — A Anvers, chez ' <:i)ll('iii(i .sniiiUirum reriim liifiloricu-muttu.sliiD-errtcsiusIiianiDi niriorum rrliuinsfiruiii oriliiiuin. l'Irn.ic, 175')- I7."i(j: trois voliiiiu's iii-folio. I,'o|)usi'ulc de Mira-us v osl n'inipriiiir lilléralcment, pp. 'Hl-Vti. - CèlvhrC'. Iv. 10 niai KiO'.». ' Un livre oiiM'i'l, (oui raM)niiani et enlouri' d'un sci'pciit lorniaul rcrclr, a\i'c la devise, distribuée dans les (pialrc coins: Vi;- r.*T->io- m. • l'ronti.spiciis libroruin xoleo itlud : Vetat MOlii jtviie.liijcrv, nini cinhlcnidlc ifiiod rides iidjiuirtioii. Alibi si/rcnam riiro rsprimendinii iiim spfiiilo : ijuikI insiyiiiis iiiisiris (jcnliliciis (jhw Irihiis cuii.stanl spiciilis, DHiiica illa Ihu mut- dent. » l.cllre de Miraius à Puteaniis, 10 j,iii\ ici' Kil I. SUR AUBERT LE MIRE. 61 David Martens, C\3 \dC. IX. In-12. Titre, trois feuillets liminaires, soixante- trois pages. L'approbation est du i juillet 1609. Le livre sort des presses d'André Baex, imprimeur à Anvers. Le succès de l'édition latine engagea Mira?us a en donner une traduction française. Il s'y était également décidé sur les instances de (piekpies seigneurs de la cour. On peut cependant noter plusieurs dilTérences. Dans son travail latin, il consacre un chapitre entier à la suppression de l'ordre du Temple; il n'en dit (|ue peu de mots dans le présent ouvrage; par contre, il entre dans d'amples détails au sujet des divers ordres de chevalerie française et an- glaise : l'ordre du Bain, de la Jarretière, de la Toison d'or, etc. L'édition lalinc fut réimprimée ' dans le Chronicon chronicorum de Gualterus, moins la dédicace et la préface. iMira;us en donna lui-même une troisième édition - à Cologne, l'an 4638, et la dédia au commandeur de Pilsenbourg, à .Ma- tines. Miricus a consigné dans l'édition de Cologne quelques faits qu'il a em- pruntés aux beluiae equesirium de François Menuens ^ et l'a ainsi com- plétée; il s'ensuit qu'elle doit être préférée à la première. ,M. de ReilTenherg nous assui-e (pie la première est plus recherchée ; ce ne peut être (pi'à cause de sa grande rareté '*. XX. Vila sive eloyimn Justi Lipal sapienliae cl litlcniniin aiuisdiis. Au- bertus iVincus, Bruxellensis, canoniciis et bibliot lu-car ius Antverp. ex srn'p- tis illhis conciniiabal. — Antverpiae apud Davidem .Marlinium CI'JI'JCIX. ln-4-". Titre, quarante pages de texte, deux feuillets non paginés. Si l'on excepte de cette édition le titre, la dédicace en style lapidaire et les trois derniers feuillets, ce n'est qu'un tiré à part de l'article que .Miranis a consacré à son savant ami dans la deuxième édition des Llof/ia Bolqica ^ L'ouvrage est dédié à révé(|ue polonais Jean-André Prochnicius. La plu- part des détails cpii s'y trouvent consignés sont puisés dans les écrits mêmes ' l'iiiiiclorl, 1014; in officiint Auliiiaiia. - Aticlior cl con-i'ctior. Le premier li\ri'ii ciini iliapitrcs, le second livre a dix cliapiln'- «le plus que les autres éditions. ■' Celui-ei s'était servi de la |)reiiiière édition de Mirseus pour son livre. '* M. de UcilTeiiiieri; annonce, d'après les notes de Van Ilultheni, une seconde édition fran- çaise qui aurait paru chez J.-13. l^epernians, en I(i8'i. iN'ous n'avons pas réussi à nous la piocnrer. '^ Pages 1.ï7-i74, -2"" édition. 6-2 MEMOIRE HISTOKIQUE ET CRITIQUE do. Jusle Lipse, et surtout dans une lettre qu'il écrivit à Jean Woverius d'An- vers '. Mineus a aussi compulsé d'autres documents. On y trouve des rensei- gnements curieux et circonstanciés sur les derniers moments de cet homme célèbre, sur sa mort et ses funérailles. Nous sommes cependant loin de |)ré- lendre que rimparlialitéa toujours ici guidé la plume de 3Iiranis : son alTeclion j)our son ancien ami nous semble l'avoir porté parfois à l'exagération. Miroeus donna, cette même année encore, une nouvelle édition de son opus- cule. Il y a une légère variante dans le titre. Cette nouvelle publication ren- fernu! de plus que la précédente : I" une épilre dédicatoire à Prochnicius, dans laquelle il fait l'éloge de quelques célébrités polonaises; 2" une lettre de Peckius à Miraîus : il l'y remercie de lui avoir envoyé son travail sur Juste Lipse; 3" la belle lettre de celui-ci à Martin Deirio, par laquelle il lui an- nonce sa conversion et son retour au pays natal ; i" le catalogue des ouvrages de Juste Lipse; 5" quelques renseignements louchant la nomination de son successeur, Erycius Putcanus. Cette vie a encore été réimprimée dans la Fania posthwni J . Lipsii' et dans (pielques éditions de ses œuvres. L'opus- cule de Mineus a conservé sa valeur; on le consultera toujours avec fruit, quand il s'agira d'étudier la carrière du savant Isquois dont l'enseignement jeta tant d'éclat sous le règne de nos Archiducs. XXL Notifia Episropatuum Orbis Clirisdani , sive Codex proviiicialis Romanus. Auberlus Mivanis, linixelL, Caiionicus Antverp. ex velusfo codice unie (uuws fere (jniiicjciitos scripto publicabal , nofisquc iUusIrabaf. — Parisiis, ex ollicina Mvelliana, apud Sebaslianum Cramoisy, \ ia Jacobaea, sub Cicoiiiis. MDCX. Cum privilegio Kegis. — In-folio. Titre, préface (li feuillets), texte à colonnes numérotées (2 par page) 1-54. Ce petit traité se trouve ordinairement joint à un autre ouvrage sorti des mêmes presses et portant le millésime de 1G21 : Anfouii Augusfini, Episcopi llerdensis, antiquae dccrctalium coUocfiones commentariis et emendalionibus itlustratac. Quibus accessenmt huic novae editioiii, Jacobi Cujacii, Je. cele- berrimi et aliontm notae. Cum Notifia Episeopafunm Orbis Christiaui , sive Codice provinciali Romano, per Atiberfum Miranuh, linixelL, canonicuni ' KjnMolarum ceiilut ia tcrtia miscellanca. Epist. 87. ^ MoiTtiis, 1G15. SUR AUBERT LE MIRE. 65 Antverp. ex vetuslo codice noviter piMicata nolisque Hluslrala. — Parisiis, apud Sebaslianum Cramoisy, via Jacobaea, sub Ciconiis. 1()21. Nous nous permeUons de réunir ces deux titres sous la même rubrique, parce qu'il y a doute, en effet, que le millésime 1610 soit exact. Sans parler de la concordance parfaite des deux éditions, quant aux caractères d'imjjres- sion, au pa|)ier et au reste du livre, nous devons encore faire remar(|uer fjue , dans Texemplaire que nous avons eu à notre disposition. Ton a ajouté à la plume un X à la date assignée au bas du titre \ Nous savons que Wirœus s'occupa d'un travail analogue j)endant sa mis- sion à Paris, et nous regardons quelques feuillets, revêtus de sa signature autographe et conservés à Bruxelles '^, comme un fragment de l'édition (pii parut certainement vers 1610. (]e qui, du reste, confirme notre assertion, c'est-à-dire l'existence d'une édition antérieure à l'an 1 620, c'est qu'elle a été lii- léralemenl reproduite, en 1614-, dans le recueil de Gualterus^, avec le Spcn'mcn f/cof/mphiae ecdesiasiicae (|ui ne se ti'ouve dans aucune des éditions belges. Dans la préface, datée de Paris, %^ mai 1610, Mira'us traite des cinq anciens patriairals. Puis il iiidi(|U(' les sources où il a puisé : le Coder pnw in - cialis surtout, dont il a trouvé (piairo manuscrits à Paris. Un texte de rc'véqtic de Palare, adressé à l'empereur Juslinien, lui fournil le motif de celle ptddi- calion : « Mulli in hoc mundo sunt reges et non est unus sicut ille, Papa » est super Ecclesiam totius mundi.» L'allusion au protestantisme est irans|)a- renle. Puis il donne le précieux Codex provincialis au(piel il a ajouté (pu'hpics notes curieuses; il y a joint un essai de géographie ecclésiastique qui ne se trouve pas dans l'édition de 1611, mais qui reparaît dans celle de KM 8. Nous ne parlerons pas de l'édition de 1611, imprimée à Anvers, puisque la troisième est évidemment meilleure et beaucoup plus complète. (.et ouvrage, nous l'avons déjà dit, est dirigé contre les protestants. Nous en trouvons la preuve dans les ajjpiobalions qui l'accompagnent et dans la dé- dicace au nonce apostolique à Bruxelles, Bentivoglio, archevécpie de lUiodes K ' Exemplaire de la Uililiothèquo royale, ayant appartenu jadis à la IJihliotlièquc des jésuites. - Fonds Van Ilulleni. ■■ Chronim chronicoruiii , iniprinié à ("ologne, (. 1, [)]). l-!)a.- '' Cette ])ul)Iieation valut à Mira-us le titre de protonotaire apostolique. Ci iMÉ.MOIRK HISTORIQUE ET CRITIQUE Le premier livre de rédilioii de 10 13 ' (pp. 1-G2) comprend une noiiee siii' les anciens palriarcals el sur les Églises orientales, niaronile, arménienne et (|iiek|ues antres. Le second livre (pp. 63-101 ) donne rancieinie division ecclé- siaslicjuedu monde entier, d'après le ponilléde la chancellerie apostolique. Le troisième livre (pp. 102-136) est consacré à la descri|)lion el à la division des quatre patriarcats de lOrienl, durant la première partie du moyen âge. Le quatrième livre (pp. 157-227) s'occupe de la division ecclésiastique mo- derne, en provinces et en diocèses. L'auleur a parsemé cette partie de notes nond)reuses qui témoignent de ses recherches. Le cinquième livre, qui est de loin le plus considérahie (pp. 228-4.18), traite de la géographie ecclé- siastique. On y trouve une liste alphabétique de tous les évèchés el villes épiscopales du monde catholicpie, avec letnnom vulgaire et une courte notice. (jCtle |)ublication suffit à elle seule pour venger .Minens du reproche d'écri- vain superficiel dont on a tenté de flétrir sa mémoiie. Sil est vrai que cet ouvrage ne présente plus aujourd'hui le même intérêt (|u'autrefois, il n'en de- meure pas moins établi (pi'il eut un grand succès auprès des contemporains. Celte vogue continue engagea l'auteur à retravailler son livre de manière à en faire disparaître les lacunes qu'on pouvait y signaler. Si la mort ne l'avait prévenu, il en eùl donné une édition revue el augmentée. Nous en avons la preuve dans un exemplaire acquis récemment par la Bibliothèque royale à In vente du vicomte de Jonghe. Un exemplaire de la Noi/lia, signé Mira-us, l()36, porte en marge des annotations autographes, dues au célèbre géo- gra|)he Luc liolstem'us, comme Aubert lui-même ratlesie au dernier feuillet, el deslin(i('s à la prochaine ("dition (|u'il comptai! en donner -. XXll. Miru'us publia lui-même un extrait de son grand ouvrage, sous le litre suivant : Nolilia Episcojjaliiuin Iliupuniae et ludianuii. Auberlus Mirivm, Bruxelleiisis , canonivus Antverpiensis publivabat. Quati-e feuillets in-12, signés A el A-, mais non paginés. Anvers, 1611. — On retrouve ' Voiii 1(- liiic àv relie ('dilidii : .Xotilia E))iscnj)tihnim Orliis Clirisliaiu ; /// (/iiti Chris- ttiititic liflifiioiiix ampliludo i-liirel. Lihrl V. Aiiheiliis Mirœus Briixellensis , S. Th. liceiil. riniiininis ri si(iilli('cr Aiilveipiensis puhlliuhnl. Aiiherpine ex nflieiiin Plnnliniaiia , »\)\\A \i(liiani el lilios Jo. Moieii. iM. 1)C. XIll. - La Hililiolliètiuc de l'univorsitc de J-oiiv:iin possède un exemplaire inlorfolic du même ou- vrage. aiiiKiN' el complété par Toppcns. Ces annotations conreriieiil surtout le W et le V' livre ; SUR AUBERT LE MIRE. 65 cilé un exemplaire de ce rare opuscule au catalogue Van de Velde, n" 8669. XXilJ. Relacion de (os anobispados y ojiispados de EspuTia, y de lus hidias occidentales y orientales, por el licenciado D. Aubcrto Mirwo, pro- lonotario apostolico , canoniyo y bibliolhecario de Amberes. — En Amberes, por David Martin. Anne CD DC Xlll. — Dédicace à Parchevèque de To- lède, primat d'Espagne. 12 pages. L'approbation est du 30 juin 1618. C'est une traduction libre des chapitres XIII, XXV et XXVI de l'édition de 1613, avec (piehpies variantes. XXIV. Gcoyrapliia ccclcsiaslira , in f/na , jiroi.'inciac , mcirnpok's , cpis- ropaius,sive urbes litiilo episcopuli illustres, alphabeti série diyeslw legunfur: Et de ecclcsiarum maxime illustrium originibus , proyressibus , ac vicissitu- dinibus breviler dissoritur. Auberto Mirœo Bruxellcnsi , aucfore. — Lugduni , sumpt. Antonii Pillebotle, sub signo SS. Trinitatis. M. DCXX. Permissu su- periorum. -^ Titre, trois feuillets liminaires, texte 1-359 i)ages '. L'épîlre dédicaloire est adressée à Gaspard de Mornieu , duc de Cramnionl. Cet ouvrage fait suite, dit l'auteur, à sa Politia ecclesiastica dont nous par- lerons plus loin. Au fond, ce n'est autre chose (pie la reproduction du cin- (piiènie livre de sa JSotitia, avec d'insignifiantes augmenlalions. C'est pour ce motif que nous en parlons ici. XXV. Nous en dirons autant des Urbes episcopales Itatiae, Galliue el lielgii , publiées à Anvers en 1636 et signalées par Van Ilullem '^, quoique la Bibliothèque royale n'en possède pas d'exemplaire ^ A ces différents extraits de la Notitia episcopatuuni, nous devrions peut-être joindre la Politia eccle- siastica, dont le fond est extrait des livres I, III et IV du même ouvrage; mais ces livres subirent plus tard un remaniement si complet , que nous ferons de celte publication l'objet d'un examen partictdier. l'ili's nous prouvent sullisamniont que l'iircliidiacrc di- Mnlincs siinijca, lui aussi, à donner une nouvelle édition de l'œuvre de .MiruL-us. ' M. Mas-Latrie place en tête de sa liste des évécliés la remarque suivante : « La Tultle gcograplùqtie des vvcrlics du monde chrétien, publiée par Le Mire en 1020, et celle de Fahri- cius, qui ne l'a pas remplacée (oui à fait, quoiqu'elle ait paru en t73l, forment la base de notre nomenclature, o Aiuitiaire de l'Iiistoire de France, 1844, p. Iô8. ■- Paquot annoté. '' Le catalogue de Servais en signale un exemplaire sous le n" 2401. Tome XXXI. 9 GG MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE XXVI. Rcrum Brabanticarum libri XIX, auctore Pelro Divwo Lova- niensi; studio Auberti Mirœi , canonici Antverpiensis, priimim mine eiUli et iflnstrati. — Anlverpiae, ex ofïicina Hioronymi Verdussii. CI'J l'JC X. Cum privilciiio ad sexonnium. lii-i". Tilro, cinq l'cuillels liminaires, 248 pages de texie, table el approbation (buit louiiiets). L'ouvrage est dédié à l'archiduc Albert. Ce manuscrit de Divanis tomba sous la main de l'éditeur, après être resté enfoui durant ipiarante années dans la bibliotbèque d'un particulier. Dans son Elenchus liisioricorum, Miranis signale un manuscrit de cet ouvrage existant aux archives du conseil de Hrabanl el un autre chez le fils de l'auteur. Le catalogue des manuscrits dé- laissés par Miraeus en compte un troisième; enfin, le catalogue Verdussen ' en indique un quatrième annoté par Gevartius, mais différant notablement du texte imprimé par les soins du chanoine d'Anvers. Mincus ne l'aura eu sous les yeux que plus tard. En effet la bibliothèque deTongerloo possède un exem- plaire de cette publication annoté par Mirauis lui-même, qui nous y donne des variantes d'après le manuscrit que Gevartius possédait de son temps. ï^'auteur convient (|u'il a soigné et poli l'ouvrarje primitif en le dépouillant en quelque sorte de la rouille dont il était couvert ^. C'est ce qu'il faut entendii' du style et non du fond de l'œuvre qu'il a respecté. Comme on reconnaît l'excellence de celle chronique , nous sommes dispensé d'en dire davantage. Ajoutons toutefois que les quatre derniers feuillets ont élé ajoutés par l'éditeur; c'est encore à lui (|ue nous sommes redevables de la bonne table alphabé- licpic . — Les clogcs (]uil y df'cerne à Rebrévieltes reviennent de plein droit à Beys et à de Soto. '' Nous devons la déoouvcrlc de cette publication à M. Itynians. attaché à la Bibliothèque royale. * Non compris le litre, la dédicace et un cnihlèinc, qui sont également gravés. SUR AUBERT LE MIRE. 71 XXXU. De viris sanclitalis opinione illuslriOus ex Ordine Praemonslra- tensi ad Rev''""' admodum in Christo palrem Christianum Micliaelis, iUus- tris Monasterii S. Micliaelis in Urbe Anlverpiensi Abbatem dignissimum sacrum illud munus féliciter auspicanlem , anno CIO IDC XIII, die XIV mensis aprilis. C'est une feuille in-plano, imprimée chez David Mertens et contenant de courtes notices sur vingl-(|ualre saints personnages de Tordre des Norber- lins. Le seul exemplaire connu jusqu'ici se trouve actuellement encore parmi les liasses de l'audience, aux Archives du royaume '. Deux ans plus tard, JeanWils, auteur anversois, fit paraître ce travail en distiques ^. En voici le titre tel que nous avons pu le copier sur le seul exemplaire que nous con- naissions, lequel se trouve à la Bibliothèque des pères bollandistes : Epif/nnn- mata de Viris Vitae sancliinonià illuslribus, ex Ordiiie Praemonslratensi. Juxla ex qiiae e variis aucloribus collecta sunl per R. D. Aubertum Mi- nvum, Antverpiae cauonicum. Edidil Joannes Raptista Wih, Anlverpieiisis. — Lovanii, apud Joanncm Masium sub Viridi Criiee. — Anno CD ICO XV. In-i". Douze feuillets, tilre compris. XXXIH. Ordinis Prucinonsiralensis cliroiiicon in SUR AUBERT LE MIRE. 7o Il adresse la dédicace de cet opuscule à Rémi de Zaman, prévôt de Loo, en Flandre. Il s'est décidé, sur les instances de ses amis, à retracer les annales des chanoines réguliers de Saint-Augustin , après avoir esquissé celles de plu- sieurs autres ordres '. Le premier chapitre est consacré aux quatre grands ordres; le deuxième nous déroule la vie de saint Augustin; les autres nous font connaître les diverses congrégations qui ont accepté sa règle, ainsi que le tableau des couvents appartenant à chacune d'entre elles. Ce traité, plus rare que d'autres ouvrages analogues de .Mirieus, a été éga- lement reproduit dans la collection déjà citée de Michel Kuen. Le témoignage de ce savant est d'autant plus précieux, qu'il était lui-même chanoine régulier de Saint-Augustin. Il dit : Quantum illi debent reyularis et canonica poster itas, si cœtera abessent omnia, vel soluin hoc opusiulum abuiide demonstrat -. XXXVIII. De Collegiis Canoniconim, per Germaniam, Belgium, GaUiain, Ilispaniam, Italiam, aliasque orbis Christ iani provinclas , liber singularis. Aiibertus Mirivus, Bruxcllensis, S. R. E. Protonotarius et Canonicus Antwer- piensis, eruendo publicabat. — Coloniae Agrip|)inae, sumptibus Bernardi Cuallheri. Anno M. DC. XV. Titre, quatre feuillets, texte 1-221 pages, table alphaboti(|ue (trois feuillets). Cet ouvrage, qui se rencontre rarement, est daté d'Anvers, 14 août 1615, et adressé à Charles-Philippe de Rodoan, évècpie de Bruges, L'auteur y parle non-seulement des collèges de chanoines séculiers, mais aussi des chapitres de cbanoinesses aux Pays-Bas et en Allemagne. Personne avant lui, dit-il, n'a traité cette matière. Dans la description qu'il donne des divers chapitres, il suit, généralement parlant, l'ordre chronologique. Il entremêle son récit d'actes de fondations, de diplômes et d'autres pièces (pii sont reproduites dans ses Opéra diplomatica. On doit sincèrement regretter (pie les noms propres y soient pour la plupart orthographiés d'une façon très-fautive : la cause s'en trouve sans doute dans son éloignement Ju lieu d'impression. Les autres publications de Mira^us, faites à Cologne, ne sont pas non plus exemples de fautes d'impression, mais ' Cette épître est écrite de sa maison de campagne, à Saint -Willibrord lez-Anvers, le 1" août 1014. - Préface dn lonie troisième. 76 MEMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE dans le présent opuscule, on croirait qu'elles ont été multipliées comme à plaisir '. XXXIX. DeSlaluBi'liffioiu's Chn'stianae ,per Enropain , Asiaiit, Africam el Orbem Novum, Ubri IV. Anherdis Miranis, BnixeUensis , Ser'"" Archldu- libus A Iherlo et Isabeltae Chirac Euyeniae Belyarum principibus a Sacris Ora- forii, el Bibliotheca, publicabul. — Coloniae Agrippinae, sumplibus Bernardi (inaltlieri. M. DC. XIX. Titre, sept feuillets liminaires, texte 1-222 pages, table alphabétique (trois feuillets). Miracus adresse sa dédicace, datée de Rru\elles, le 5 janvier 1619, à An- toine Triest, alors évèque de Bruges. 11 \ donne l'historique de la découverte du nouveau monde, à laquelle les rois de Castille et de Portugal contribuè- rent oflicacement par leurs encouragements. Puis il y es(|uisse à grands traits l'histoire du christianisme dans ces pays nouvellement découverts. Le fonds de cet opuscule est em|)runlé aux livres I , III , IV sur les évèchés; l'auteur leur a fait subir néanmoins un remaniement complet, tout en les augmentant considérablement. Il y ajoute encore le relevé des établissements (|ue les jésuites possédaient dans le monde entier. Son but, comme le disent Paquot et de ReilTenberg, « est de montrer que TEglise romaine est seule en droit de s'appeler Catholique. » ' Il parut de ce livre une seconde édition, mais sous un titre un peu diiïé- renl. Elle est préférable à la prenuère ^. XL. On'ginum Monaslicanim libri IV . In quibu.s onh'mim oinnii(ui Bcli- fjiosorum initia ac prof/n-ssus breviter describuntur. A ubcrtus Mincini, Bniucl- k'Hsis, Protonolariiis Aposlolivus et S. llieolufjiao Licentialas , publicabal. Quibus , eodeni aiitore, dictai uni origiinim aiicfariaiii , seu (il/cr (/niiiliis et oralio in laudcm S. Tlioiiiae Af/uiiiatixacccsseninl. — Coloniae Ajiri|)pinae, sunq)tibus Bernardi Cuallheri. Anno M. DC. XX. Titre, onze feuilk?!s limi- naires, texte 1-4.13 pages. ' Citons comnic ixcmplcs : (pa^c 178) .Vestcrlou [lour W'e.sterlooi (page 17'.») Ueca, pour (Ihela; (page 190) Zandtinjcii pour Soul)uri;; Marlensdyel four Martensdf/clc, de. - Puliliiic Eccifsinsliciic sive Slatus Iteliiiioiiis (Hirislidiiae, per F.iiroputn, Asium , Afriaim !■! Orliem Novmn, libri JV. Aubi-ilo Mirœo, Bruxellciisi, (untorc. Omnibus riiiti aacri, luiii pulilici nrdiiiis Iwminibu.s utiles. — Ltigdmii, apiid Aiit. Pilli-liotlo, CAD 13CX.\. Supcrioniiii pri'iniisii. Iii-IG. SUR AUBERT LE MIRE. 77 Cet ouvrage, dédié à Dom Philippe Caverelle, ajjbé de Saint -Vaast, est un résumé en quelque sorte, du moins les premiers livres, des publications antérieures de Miraeus sur les congrégations religieuses. Ce qu'il dit, au troi- sième livre, des dominicains et des franciscains, ainsi que les détails qu'il donne touchant les écoles latines érigées par les augustins en Belgique, étaient des choses encore inédites avant lui. A la page 293, commence le cinquième livre. Il y a un nouveau titre et une nouvelle épilre dédicaloire à Guillaume del Castillo, abbé de Baudeloo : ce n'est qu'une com|)ilalion de la Bibliothevu Cluuiacensis de iMarlin 31ari'ier et André Quercelanus '. XLI. La page 391 nous donne le titre suivant- : Lmulalio S. Thomar Aquinalis, (jusque doclrinae, dicta BruxcUis in aede sacra P. P. Doinini- canonim Idibus Marlii, anno ^619, ab Auberfo Minco liruxellensi, Scr""" Belgii Principum CapeUuno Oraloriiac Bibliolhecario, cl S. Th. Liceitlialo. Il étudie saint Thomas et ses œuvres, surtout au point de vue de Térudilidn. XLII. De Rébus Bofieinicis liber singularis , in quo séries regum Boheiniae, arc/iiepiscoporum Prarjensium , Oluntucensium et Vratisluviensium , aliaquc. eo facientia conlineiilur. Belli insuper Bohemici oriyo, successus et finis breviler describilur. Aubertus Mirwus, Bruxellensis , Quioiiicus Aniverp., pubiicabat. — Lugduni, sumptibus Claudii Landry. .M. I)C. \XI. Tiln-, 3-117 pages, table alphabéti(|ue (trois pages). Cet ouvrage est dédié à l'archevêque de Prague, Jean Lohelius. Après avoir décrit sommairement la marche du calvinisme, l'auteur arrive à la priso de la capitale de la Bohème |)ar l'armée de la Ligue. C'est pour monirer la joie (|u'il prend à cet événement, joie qui lui est commune avec tous les cœurs catholiques, qu'il a pris la plume. 11 a recherché dans son musée ou biblio- thèque tout ce (jui a trait à la Bohême ^. Ce livre est divisé en (piinze chapitres. Après une description détaillée du pays, l'auteur en énumère les rois et les princes, les principaux saints cl patrons. 11 donne ensuite la liste des archevêques et des évèques de Prague, ' l'iiris, Kil',. lii-lol. - A re\cin]ilc de P;iquot,(le de ReifTciiberg, clf., nous avons considéré ce triiitë comme une nouvelle publication, quoiqu'il n'ait |)as de pagination particulière. -■ Bruxelles, 22 avril IC21. 78 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE d'Olnuilz cl de Breslau. A celte liste succède le tableau des divers chapitres, abbayes et couvents; nous y rencontrons la relation des évënemenis qui se passèrent en liobème, adressée par le duc Maximilien de Bavière au pape Paul V, et la réponse du pontife concernant la bataille de Willeniberg; enfin nous y voyons figurer la prédiction laite à Rodolphe de Habsbouriï el les douze empereurs de la maison d'Autriche. C'est un livre de circonstance, (|ui a naturellement perdu de son intérêt aujourd'hui, mais qui eut une vogue immense au moment de son apparilion. L'auteur fut obligé, d'en donner trois éditions, en deux années de temps. Ce petit traité avait le mérite de l'actualité, etMiranis avait puisé ses renseigne- menls à bonne source. Il possédait si parfaitement son sujet, qu'il pul, en le remaniant et en le présentant à un autre point de vue, le faire reparaître sous le litre qui va suivre, comme livre nouveau. XLllI. De Bello Bohemko FerdinamU II Caesaris auspiciis feliciler f/eslo, Commentarius , ex (/iio sedidosissimum Calvinianae seclae geniuni , el prae- seniem Europae slatuiu lieet uynuscerc : auclore Auberto Mini'O, BruxeUviisi , S. Theolofjiue Licenliato, Prolonofario Aposlolko et Sereitissiinae Isabellar Clarae Euf/eitiae, llispaniarum Iii failli, a Sacris Omtorii. — Bruxellis, apud .loannem Pepermanum, bibliopolani jinatuni, typographunupie civilalis, siih Bihliis aureis. Cum gralia et privilégie. Sans date. ln-4°. Titre, cinq feuillets liminaires, texte 1-44 pages; ensuite six feuillets marques F. 3 — G. 3. Mira'us dédie son opuscule au cardinal San-Severin, archevêque de Salerne el nonce apostoli(|ue prés la cour de Bruxelles '. Ce traité s'ouvre à la défenes- tration de Piague, et conduit le lecteur à la punition des rebelles, le 21 juin i ()2 1. L'auteur y entremêle une foule de détails (pu' ne se rapportent pas stric- tement au sujet qu'il Iraile, mais qui ne laissent |)as que d'intéresser. Celle (l'uvre, plutôt poIiti(|ue quhistorique, eut un grand succès; le chancelier Pec- (|uius en fil le plus brillant éloge -. Une édition anctior et emeudalior en parut à Cologne, Tan 1G22, chez Henri RralTl. Elle conlienl en plus lui su|)|)léi1ienl dont voici le litre : Auclariuiii Commenlarii de Bello Bohemko Ferdinandi II Caesaris uuspkiis féliciter yesto, etc. ' i nclol.ic l(;t2l. - Afiri/i(f iiluniil , f'cril Miracus à l'utcaiius, le '2-2 jaiiviiT 1(5:2:2. SUR AUBERT LE MIRE. 79 Cet Aiœtarium, de irenle-huit pages de texte, traite en particulier de la saisie des papiers secrets du prince d'Anhalt, tombés au pouvoir des catho- liques après la bataille du 8 novembre 1620. Un écrit de ce genre avait déjà paru en allemand et en latin dès l'année 1621. Les siv dernières pages de ce supplément sont consacrées à Finscription en style lapidaire composée par Mirœus en Thonneur de l'archiduc Albert, que l'auteur avait vu mourir quelques mois auparavant. XLIV. Serenissimi Albcrîi Bclejarum Principis Eloyium et Funus. Aii- bertus Mirants, BruxelL, IsabeUae Clarae Euycniae, Scr. Ilisp. Iiifanli a Sacris Oratorii et S. Th. L., publicabat. Bruxellis, apud Joannem Popor- manum, bibliopolam juratum, typographumque civitatis, sub liibliis au- reis, 1622, in- 12. — Titre, texte, pp. 3-102. Tables. — Approbation du 3 mars 1622 (trois feuillets). Presque en même temps parut l'édition in-4" du même ouvrage , mais le litre en est modifié : De Vila Alberli PU, Sapientis, Prudeulis lielfjaruui Principis Commeularius. Axiberius Miranis , BruxeUensis , S. T. L. eideiii Principi a Sacris Oratorii et Bibliolheca , publicabat. Accédant seorsini Lau- rentii Beyerlinck cl aliornm de eodem Principe Elof/ia. — Antverpiae, ex ofiicina Plantiniana. M. 1)C. XXII. ln-/j-", litre, épitre dédicaloiro à Phi- lippe IV, texte 9-108 pages, de plus doux feuillets contenant l'approbation , le privilège, le nom et la vignette de l'imprimeur; puis suivent les autres pu- blications mentionnées dans le titre. A la première inspection, on considérerait, comme fondée l'opinion de Fo|»- pens, Paquot et de Reiiïenberg, qui virent dans ces opuscules deux publi- cations entièrement différentes. Mira^us en effet a modifié la rédaction des premières pages; ce n'est qu'à la page 17 de l'édition in-12 (p. 38 de l'édi- tion in-4°) que les deux textes, à part de légères transpositions ou chaniic- ments de synonymes, redeviennent identiques. Laquelle des deux éditions est antérieure P Celle de Bruxelles, dépourvut' d'une épitre dédicatoire, fut approuvée le 5 mars 1622; celle d'Anvers, dont l'approbation n'est point datée, a une dédicace écrite à Bruxelles, le 2 mars de la même année. Ces indications ne nous ont appris rien de certain , il nous a fallu recourir à un autre moyen. L'inspection plus minutieuse du texte 80 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE nous aulorise à donner la priorité, dans l'ordre du temps, à l'édition bruxel- loise , par la raison qu'on y rencontre deux erreurs qui ont disparu dans Pd'uvre plantinienne : l'archiduc Albert naquit le 13 novembre 1359 et non le 23 ; ce l'ut le«pape Paul V et non Clément VIII qui plaça le bienheureux martyr et évèque de Liège au nombre de saints. L'édition d'Anvers rectifie les imperfections d'un premier travail. L'édition de Rruxelles a de plus que la seconde quelques inscriptions lumulaires, et sur- tout l'épitaphe que Mirœus composa en l'honneur de son prince, laquelle devint dans les mains du grand typographe d'Anvers, l'objet d'un ouVrage séparé. L'édition plantinienne renferme de plus que celle de Bruxelles la lettre (|ue l'archiduc adressa à Clément VIII, en déposant les insignes du cardi- nalat , el le bref de Paul V touchant la canonisation de saint Albert de Lou- vain. Nous y trouvons, comme dans l'édition de Bruxelles, la description du magnifique catafalque, en forme de chapelle ardente, que l'on dressa dans l'église des Saints-Michel el Gudule \ Miranis y a fait de nouveau figurer ses Xff Cjcsaros Austriaci. Il semble avoir attaché un grand prix à ce travail, (pi'il édita encore comme annexe à l'oraison funèbre de l'infante Isabelle. On ne retrouve pas toutefois, dans le livre édité par Plantin, les six feuillets qui lerminenl l'œuvre mise au jour par Pcpermans : Inscripûones sive Elogiii Albprtina, quae in lumulo arc/iidiicali seu capella ardente , ut vocunt , ad D. Gudilae, Bruxellis, legebantur. Sanderus en donne une nouvelle édition dans la Flandria lUustrata ^. XLV. Screnissinii Alberti Austriaci BeUjarum Prinripis Coenotnp/u'uni. — Antverpiae, ex ofTicina Plantiniana. M. DC. XXP. In-/p", quatre feuillets, litre comi)ris. ' On peut en voir le dessin, ainsi que (onto h description, dans l'oiivrajîe intilnlé : Pomjm fiinchri.i optimi polentiss. principis Alhcrti PU, etc. — Brux., Moniniartiiis, 1025. In-fol. All>um de G't gravures. - Tome I , p|). 101-115. — Paqiiot, et de Roiffonber;; après lui, parient (Tune édition in-folio , publiée en 1G54, par l'imprimerie Plantinienne. Aucun catalogue à ma connaissance (Van llul- tcm. Van de Velde, Lannnens, de Jonglie el autres) n'en fait mention. Il est probable ijue l'on aura confondu l'éloge de l'Areliiduc avec celui de l'Infante, qui parut en effet chez Plantin, en If)ô4, in-'i-". "• Lisez : I (i22. SUR AUBERT LE MIRE. 81 Celte longue inscriplion en style lapidaire se trouve ordinairement jointe à la deuxième édition de la vie du prince Albert ', comme nous venons de le voir. XLVF. habellae Sanclae , EUsabellm Joannis Bapt. mater, EUsabelha Andr. Régis Ilimg. fllia, habellaregina PortugalUae , JsabellaS. Lud. Gal- liae Régis soror. Auberlus Mirants, BruxelL, Isabellae Clarae EvgeniaeSer. Hisp. In font i, a Sacris Oralorii et S. Th. L.,publicabat. — Bruxellis, apud Joannem Pepermanum, bibliopolam juratum, lypographumquecivitatis, sub BilAiis aureis. (Sans année). In- 12. Cet opuscule, de quinze feuillets non paginés, fait suite à l'éloge de l'Ar- chiduc. Dans la préface, dédiée tout naturellement à l'Infante, Mira'us dé- clare avoir entrepris ce travail à propos de la découverte que l'on fit en 1612, au monastère de Longchamps ^, du corps demeuré intact de sainte Isabelle, sœur du roi do France saint Louis. Au fond, c'est une publi- cation en l'honneur d'Isabelle. L'on sait en effet qu'après la mort de son époux, elle renonça à toute pompe mondaine pour ne plus porter que l'habit de sainte Claire. Sa patronne avait adopté une résolution analogue l'an 1259. Les quatre premiers chapitres racontent la vie des saintes femmes mention- nées au titre; le cinquième est une notice consacrée à cinq personnes de notre pays, nommées Isabelle ou Elisabeth, qui moururent en odeur de sainteté. Mirœus fit reparaître cette brochure, en seconde édition, à l'imprimerie plan- tinienne, l'an 1G34, comme appendice à l'oraison fiuièbre d'Isabelle. Il en élagua toutefois le chapitre premier, les divers diplômes qui se trouvaient au chapitre quatrième; le cinquième chapitre disparut totalement. A ce livre ainsi transformé, il substitua un titre quelque peu différent du pi'cmier : Elisabe- thae sanctae Regum fiUae XLVII. Diploma Grcgorii XV de Electione Romani Pontipcis. 1622. Nous ignorons le véritable litre, le format cl l'importance de celte publi- cation, aussi bien que le lieu cl le nom de l'imprimeur. Nous avons néan- moins la certitude que celte pièce a été imprimée par les soins de Miraeus, ' ï Nos cocnotapliium, vclut vitac compendium, scripsimus, quod ad liujus commenlarii calceni rcjccimus. » — De Vilu Alberti, p. 78, in-4°. - Près de Paris; Mirœus en donne une description en français, à la fin de ccl opuscule. Tome XXXI. H 82 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE en 4621 ou en 1622. Il suffit pour s'en convaincre de l'extrait suivant d'une lettre qu'il adressa à Gevartius : « Adjunxi diplonia Gregorii XV de eltctione » Romani Pontificis et elcnclium Ilistoricoruni MSS. per Belgiuni , quacî duo, » petenle nuntio aposlolico, nuper publicavi \ » XLVIII. Fasii DeUjicl et Burgundid. Aiiberdis Mirœm Bruxelleusis, habellae Clame Eugeniae Ser"'"' Hisp. Infantl a Sarris Oralorii et S. T. L., pubUcabat. — Bruxellis, apud Joannem Pepermanum, hibliopolom juratum, lypoi^a-aphuniquc civitatis, sub Bibliis aureis. (Sans année.) — In-12; sept feuillets liminaires, texte 1-755 pages. Suivent deux bonnes tables, l'une chronologi(iue (20 pages) , l'autre alphabétique (23 pages). Privilège du roi , donné le U juillet 1622. Les pièces liminaires comprennent l'épitre dédicatoire, l'avis au lecteur, la liste des écrivains consultés et deux extraits de Tertullien. L'ouvrage est dédié à François De Rye, grand doyen de Besançon, premier chapelain et grand aumônier de l'infante Isabelle. Cette œuvre est le fruit des loisirs que lui laisaient à la cour ses fonctions de curé. Après avoir fait, dans la dédicace, l'histoire des martyrologes, Mirjeus ajoute qu'il suivra les traces de ses devanciers qui ont traité celte matière. Il a mis à profit les sources imprimées et manuscrites qu'il avait à sa disposi- tion poui- retracer la vie des saints personnages qui ont vécu dans les Pays- Bas et en Bourgogne. Afin de mieux réaliser son plan, il suit l'ordre du calendrier. Tout en donnant la préférence au travail plus complet de Molanus -, nous avouerons que l'œuvre de Le Mire contient plusieurs documents et notices qui font défaut dans le livre du docteur de Louvain. Raissius publia, en 1626, un Aucfarium à l'ouvrage de Molanus, où il utilisa grandement les Fasti lirlf/lci et nurf/Hvcliei. XLIX. I>e Windesiiiicnsi, Lalemnensi , Aroasicnsi, et Coiigreytitiouibus uliis (Miioiiicorum ref/uluriiun Ord. S. Augaslini. Accessit Vita et Tniiis- lalio Corporis V. Joaiinis Rnslm)(/uii, Ord. ejusdem, in ViHdi Valle, prope I LeltiT (lu 1!» (■(•\rici' 1022. N° 3988 de l.i liihliolliitiiic de Ihmrrjwjm, \\. 101. — Remar- quons «.'Il passiiiil (|iril signale ici la seconde édition de son Elcnclius Ilistoricoruni. - Natales Saiictoriim Itelrfii. SUR AUBERT LE MIRE. 83 Bruxellam, an. i622, die 8" Nov. facta. Aubertus Mineus Bruxelleusis. S. Th. Licenlialus, publicabat. — Bruxellae, apud Peperraanum, bibliopo- lam juratum, typographumque civitatis, sub Bibliis aureis. 1622. In-12, 70 pages, titre et approbation compris. Cet opuscule de ftliraîus est devenu très-rare. On peut voir plus haut à quelle occasion il fut composé ^ Nous avons examiné trois exemplaires diffé- rents de cet ouvrage, et dans aucun d'eux nous n'avons pu rencontrer le supplément annoncé par le titre du livre et qui est relatif à la vie de Jean de Ruysbroeck. Quelques savants consultés par nous veulent retrouver cette biographie, qui, selon nous, pourrait bien èlre celle qu'on trouvera au para- graphe suivant, dans les deux premiers chapitres du présent opuscule. Peut- être préférera-t-on cette opinion à la nôtre.... Mira>us y donne, en effet, un résumé et une courte description du prieuré de Groenendael , ainsi qu'un précis de la vie du vénérable Jean de Ruysbroeck. Les détails contenus dans les autres chapitres ^ se retrouvent dans son livre sur les chanoines réguliers de Saint-Augustin, dont nous avons déjà rendu compte-". Ajoutons que, la même année, parut une vie de ce grand mystique du moyen âge, écrite en espagnol, approuvée, le 12 novembre 1622 ', par Miraîus lui-même, et qui n'est au fond qu'une traduction libre des deux pre- miers chapitres. Nous supposons que l'auteur n'est autre que le père Thomas de Jésus, alors provincial des carmes, à Bruxelles ^. L. Eloyia et Testimonia varioruni de Vila Joanne Rusbrof/uio, priore mo- naslerii Viridis Vallis [f/uod est Canoniconim regidarium Ord. S.Augustini, in Silva Sonia, prope BruxelUwi) , die 2 Decembris, anno C/iristi idSI, aetat. 88 , sanctissime defuncto. — Bruxellis, Joan. Pepermanus, 4622. Petit in-12 de quarante pages. ' Page dS. Consultez aussi Masteliuus, Necroloyium monasterii Viridis Vallis, etc. — Brux., J. Meerbccii (s. ann.). In-i", p. t2(i. â III-IX. ^ La bibliollièquc de l'abbaye de Tongerloo possède un exemplaire de l'opuscule avec des annotations autographes de Mirœus. '* Cette date paraît inexacte. La préface mentionne encore la pose de la première pierre de la nouvelle chapelle de Groenendael, cérémonie qui n'eut lieu que le 17 novembre. " Sur l'exemplaire de Tongerloo, Mirœus a ajouté de sa main ce nom au titre de l'opuscule. 84 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Cel opuscule parait introuvable. Nous ne l'avons rencontré ni à la Rihlio- llièque royale, ni à la Bil)liolliè(|ue d'Anvers, ni à celles de Louvain, de Tongerloo el du grand séminaire de Malines. Le musée des Bollandisles ne le possède pas non plus. Nous en connaissons le litre par Paquol. De ReilTen- berg, en rendant compte de l'ouvrage cité sous le n" XLIX, ajoute : « Ce traité [Elufjia, etc.) manque assez souvent, ce qui lait diminuer la valeur de l'exem- plaire où il ne se trouve point '. » LI. Reruin Belgicarum Annales in quibus Clirislianae Hetigionis et vario- ruijt upnd DeUjus Pn'nciputuuin origines, ex vetusfis labulis principumq. (liplomalibus huustue, explicantur. Auberlus Mirœus, Bruxell. publici juris, facicbat. — Bruxellis, apud Joannem Pepermanum, bibliopolam juratum, typograpbumque civilalis, sub Bibliis aureis. — (S.ann.) Petit in-8" (162-4). Titre, onze feuillets liminaires, texte 1-851 pages; table el approbations (six feuillets). L'épilre dédicatoire, adressée au duc Alexandre de Bournonville -, expose, sous forme d'introduction, l'invasion des peuples du \ord, Tongrois el Franks, qui renversèrent la domination romaine en Belgique. Il parle ensuite des mé- lainorpboses (|ue subirent la Neuslrie, l'Auslrasie, la liante el la basse Lotha- ringie, ainsi que des seigneurs qui possédèrent ces territoires, el dont il se j)i'o|)ose de dérouler les fastes. Mirœus se préoccupait depuis longtemps de l'idée de publier ce livre ^. Ouehpies bibliographes n'ont voulu voir dans le Rcrum BeUjicarum chronicon'^ qu'une seconde édilion du présent ouvrage'* et font à l'auteur divers repro- ches. Pa(|uol, notammeni, l'accuse d'avoir introduit trop de choses étrangères à son sujet. S'il s'agit du Chronicon, nous croyons la remarque fondée, il n'en est pas ainsi des Annales. Miru'us y mentionne, à l'occasion, des pays voisins; mais c'est que son sujet amenait tout naturellement ces allusions sous sa plume. Il parle de la domination romaine dans les Gaules; notre pays en fil partie. Il ' liihtioplillt' helf/e, I. Il , p. l'i '.. * Bruxelles, '27 avril I(i24. — Sans doiiU' h cause que la famille de lioiii'iiiniville a>ait rcnilu de granus a reproduit parmi les notes de ce volume quelques-uns des tableaux généalogiques d'anciennes familles belges, édités déjà par lui dans les Stemmata Principum. Deux tables très-amples terminent le volume : la première donne la liste des maires du palais, emi)ereurs, rois, ducs, comtes, princes dont il est fait mention; la seconde énumère les chapitres et les abbayes dont il est question dans le cours de l'ouvrage. LVI. Notitia Ecclesiarum Belgii, in r/ua Tabulis donationum piarum longa annorum série diycstis, sacra et polit ica Germanniae inferioris, vicinaruni- (pie pnwinciarum Ilistoria, explosis falmlis , recensetur et ilUistrotur. Studio Auberti M irre 1630, ' AiniTs, ±2 inais tG2'J. SUR AUBERÏ LE MIRE. 89 Tauleur passe en revue les principales donations pieuses faites par les an- cêtres de Sa Majesté Catholi(pie, depuis Chiipéric jusqu'au comte de Flandre, Philippe d'Alsace. Quant au texte lui-même, il est enrichi d'un grand nomhre de notes et de généalogies. Deux tahles, dont l'une énumère les diplômes par ordre des temps, l'autre, systématique, d'après les diverses classes de donateurs et d'étahlissements qu'ils gralillent, terminent le volume. Nous ne savons les motifs (|ui peuvent avoir déterminé Mirœus à donner des litres différents à des publications (pii ont entre elles tant de traits de ressemblance. Koppens, son éditeur au siècle dernier, suppose (pie l'auteur, prévoyant qu'il ne réussirait point à donner un ouvrage complet sur celte matière, a voulu se ménager une issue honorable en faisant de chaque volume un ouvrage spécial. L'archidiacre deMalines nous donne encore un deuxième motif qui nous paraît plus plausible : Mineus tenait beaucou|) à suivre dans ses ouvrages l'ordre chronologique. Si présentement il avait dû s'astreindre à cette marge pour tout l'ouvrage, au lieu de Tadopler pour chaipie volume, la publication eût souffert des relards considérables. Tout Ui monde ne mettait pas la même facilité à lui communiquer les diplômes dont il voulait enrichir sa collection. Les quatre volumes de Mira'us lurent réimprimés en 172;}, par les soins de ,lean-Fiançois Foppens, à celle é|)oque professeur de philosophie à Lou- vain. Gilles Denicpie, deLouvain, et François Foppens, pèretlu professeur, prirent à leur charge les frais d'inq)ression. Deux volumes, dont la pagina- lion n'est pas interrompue, parurent d'abord : le premier com|)rend les quatre ouvrages de Miraeus, revus en partie sur les originaux , mais surtout d'après les corrections autographes trouvées sur les exemplaires dont le doyen d'An- vers se servit '; le second volume renferme trois Auclaria recueillis par Foppens et Irois tables, dont la première donne la série des chapitres, ab- bayes et couvents cités; la seconde, les donateurs; la Iroisième, l'ordre chro- nologique des matières. Voici le titre de la seconde édition : Aubcrti Mirifi (kuhedralis Ecdcsiuc Anlverpiensis Decani Opéra diplomaticael historien, in quibus continenlur Charlae fundaliotmm ac Donaliomini piarum Teslameiila, Privilégia, Foe- ' TtjpograpliKs ad leclorcm , 1" volimii;. Tome XXXL 12 90 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE (lira Principum, et alla (um sacrae Htm profanae aniù/u/lali.s Monumenlu , a Pontificibus, luiperuloribiis, RegiOus, Principihusque Jielyii édita, cl ad Germanium iitferiorem, vicimm/ue provincias spcctanlia, ex ipsis lubulanun publicanim fontibus erufa. Edilio secunda uuclior et correctior. Joaiines Francisais Foppens, Bruxellensis , S. T.L. Calliedralis Ecctesiae Bruyensis Canonicus, et in aima Universitate Lovaniensi p/tilosopliiae Professor, notas et indices addidit , diplomala midla cum suis originalibus contidit aliafjuc plura hactenus inedita adjunxit. — Tomiis primas, continens Codiccm Donationnm piarum , Diplomala BeUjica, Donationes Belgicas , et Notitiani Ecclesiarum Belgii.—^ Lovanii , typis iEgidii Dotii(|ue, hibliopolae Acade- inici. M. DCC. XXIII. hi-folio. Tilre, huit feuillets liminaires; texte 1-80/^ pages ^ Le deuxième volume porte le même tilre que le premier, sauf rindicatiou du contenu : Tomus secundus continens tria Auctaria, sive Supplementa diplomalica, et 1res indices unnm Chronologicum , alterum Topographicuni , sive Capitidorum, Abbatiarum, etc., et tertiuni Genealogicum sni Familia- rum , fpiarum mentio fit in hisce Operibus. — Titre, un feuillet liminaire contenant la préface; texte 805-1362 pages; tables i-xni, i-iv, i-xxxvni. Les liminaires du tome premier contiennent : \" la disposition des deux premiers volumes; 2", la vie et Tcloge de Mirœus, d'après Sanderus, Valère André et autres; 3° les approbations des quatre diverses publications de Tcdi- teur; 4" la dédicace de Foppens au prince de Rubemjjré; 5° la préface au lecteur; 6" les diverses dédicaces de Mirœus. Enfin, en 1731 cl en 1748, parurent les deux derniers volumes, plus exacts et plus estimés : Diplomatunt Belgicorun) nova Colleclio sive Supplementum ad Opéra diplomalica A uberli Minci Nous n'en parlerons point : Mirauis n'y eut aucune pari. Depuis longtemps, dit M. Le Glay , les érudils ont signalé dans ces volumes de nombreuses erreurs, des inleri)olalions infidèles et même des lacunes fâcheuses ^. Antérieurement déjà , plusieurs savants y avaient signalé des ' Ce premier volume est orné diiii portrait de iMiriuus, d'après Vaii Dyek , cl grave par 11.- 1'. Diamaer : (•"est une copie du magiiilique porti'ail grave par Poutiiis. On Irouvc dans lu Uibliotlicca Uvhjica de Fojipens un portrait de iMiraeus, mais plus petit. ' Revue des Opéra (Uplomalku de Mirœiis, avant-propos. — Bruxelles, Hayez, t856. SUR AUBERÏ LE MIRE. 91 inexacliludes. Qu'il nous suffise de nommer Mabillon ', Baillet^ De Basl^, Paquot, les Bollandistes et les auteurs des Acla Sanctorum BeUjii. Diericx, qui avait écrit : « C'est avec peine que je me suis aperçu que Mirœus a tronqué |)resque toutes les chartes les plus curieuses, en y étant les passages les plus saillants , » se vit réfuté par De Bast. « Il est évidemment faux , répliquait ce savant , (|ue cet homme laborieux et érudit se soit permis de tronquer presque toulos les chartes les plus curieuses et les plus saillantes... Quelque- fois, comme il l'avoue lui-même, on lui envoya des copies de chartes, sans toutefois lui- communiquer les pièces originales. C'est ce que le judicieux Pa- quot nous a voulu apprendre en disant que Mrstn?, .n^avail pas tous les se- cours nécessaires pour réussir, surtout clans ces histoires monastiques... » M. Le Glay, archiviste du département du Nord, qui a revu avec une rare patience les Opéra diplomatica, émet un jugement analogue. « Je ne suis pas, dit- il, de ceux qui font peser sur Mira>us l'accusation grave d'avoir sciemment et de propos délibéré, avec mauvaise foi, tronqué les titres qu'il reproduit. Quel intérêt avail-il de commettre ces faux?... Il est plus naturel, selon moi, d'imputer ces torts aux personnes qui lui remettaient des copies, en retenant les originaux... Sous certains rapports, ne faut-il pas faire aussi la part de la censure officielle? On sait combien était grande la susceptibilité des examinateurs de livres *. » Le même critique considère les notes dont le travail des éditeurs est enrichi comme judicieuses et satisfaisantes. Pour compléter l'excellent travail de M. Le Glay, il faudrait comparer les actes imprimés avec les originaux, ainsi qu'avec les anciens cartulaires où ces actes se trouvent transcrits d'une façon généralement exacte, et dont heureu- sement il existe encore un bon nombre dans les archives publicpies et parti- culières. LVIL De Congregationibus clericorum in communi viventium ut Tlteati- norum, Societatis Jesu , Barnabitarum , Somaschae , Oratorii , Doctrinae Christianae, et aliorum. Liber singularis Aubertus Mincus, Bruxellensis , ' De Re diplomatica. ^ Vies des Saints. ^ Antiquités de Flandre. '' Le Glay, préface, pp. iv, v. 92 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Decanus Autverpiensis, publicahal. — Coloniac Agrippinae, .suni|)lil)usBer- narili Guallheri. Anno M. DC. XXXII. In- 12. Tilre, six l'oiiillets liminaires; loxle 3-188 pages; labié el errata (trois pages). Nicolas-Albert GnieN\osz de Olexo\v, ambassadeur du roi de Pologne près des cours de Paris el de Bruxelles, avait rendu souvent visite à Mirœus; il avait même pris son neveu, Aubert Van den Eede, en qualité d'aumônier, lors de son ambassade en France. La reconnaissance faisait un devoir au doyen d'Anvers de lui dédier quelqu'un de ses ouvrages. Le présent livre acquitta la dette de sa gratitude. C'est un traité historique sur l'institution des clercs réguliers, comme les appelle le droit canon. On y trouve les bulles de fondation de la plupart de ces ordres religieux, le catalogue des établissements des jésuites, ainsi (|uc leur population respective en 1(5:27, la bulle de canonisation de saint Phi- lippe de Néri et d'autres documents importants. On compte à bon droit cet opuscule parmi les meilleurs de Mira^us. Il est assez rare. LVIIL Romunorum Viae militares per Galliain Bctgicain ; Galliat' lichjicae divisio. In-folio piano, à deux colonnes. Tel est le titre d'une grande feuille in-plano dont la Bibliothè(|ue royale ella Ribliothè(jue de Liège possèdent chacune un exemplaire, el dont le texte vient d'être réimprimé |)ar les soins de M. Stanislas Bormans, conservateur adjoint aux Archives de l'État, à Liège '. A en croire Paquoi , ce texte n'est autie chose (jue l'explicalioii d'une carte dressée par Pyrrhus Ligorius, célèbre peintre, architecte el anlicpiaire napolitain -. Il nous a paru , en examinant cet imprimé^, que sa longueur n'était pas en proportion avec sa largeur; d'où nous avons cru pouvoir conclure (|ue l'explication de Miranis était destinée à être accolée à la carte de Ligorius. Dans celle supposition, on com|)rend facilement que le litre donné pai- Paquoi ne soil pas identique avec celui que nous avons fait figurer en tète de cet article. Le premier aura élé sans doute le litre général de la carte : Galli'ae ficlgicae sicO Impemloribm Romanis et Viurum in en Mililarium Typus. — Antv., 1G30. Cette date, donnée par Paipiol. de Reif- ' liullctin (lu IlihUoj.hilv belge, l. Wll, [)[>. 'J-J-'J'J. * Mort en 4;i8(i. * Biblioliicque royale. Fonds de la ville, n" 7G70. SUR AUBERT LE MIRE. 95 fenberg el aulres, est inexacle. On lit en effet au bas de la deuxième colonne de l'exemplaire de la Bibliotbèque royale consulté par nous : A Mirœus Brux. pii- hlicabat. — G. Eslrix approbavil. — Antverpiae, apud Joannem Cnobbai'uni. 1633. Cette deuxième date est également indiquée par Mirœus lui-même '. LIX. Serenissimae principis Isabellae Clame Eiujeniae Hispaniaraiu lii- fanlis Laudafio funebris , dicta ab Auberlo Minvo, Bruxellensi, S. T. L. JJi- cano et Vicario Generall Antverp. in exequiis honorifice célébrât is a clcro, senatu ac populo, in Basiiica Cathedrali, die A'AVA' Januarii M. DC. A'A'AVr. — Antverpiae, ex oflicina IMantiniana Balthasaris Moreti. M. D(]. XXXIV. ln-4", titre, cin(| feuillets liminaires; texte 1-50 pages et trois fenilleis non paginés. La mort de Tinfante Isabelle lit éclater une douleur analogue à celle doni nous avons été témoins de nos jours, lors du décès de notre regrettée reine Louise d'Orléans. Le magistrat de la ville d'Anvers, l'abbé de Sainl-Midiol, tout le clergé, tant séculier (|ue régulier, assistèrent en corps aux pompeuses funérailles qui, à l'imitation de ce qui se faisait dans d'autres villes, furent faites à notre souveraine dans la catbédrale, à onze beuresdu matin -. Mir;eus, en sa qualité de doyen du chapitre, prononça une oraison funèbre; il la fit mettre sous presse au mois de mars suivant. L'oraison funèbre est dédiée à Ferdinand d'Autriche, plus connu sous le nom, qu'il a illustré, de prince-cardinal. Après avoir cité les femmes célèbres dont les anciens auteurs el les saints Pères ont célébré les louanges, Mira'us ajoute qu'il a essayé de marcher sur leurs traces en célébrant les vertus de l'Infante. Celte épître dédicatoire, qui renferme des détails biographi(|ues pré- cieux, doit être envisagée comme un appendice de l'oraison funèbre. A la suite de son discours , l'auteur a reproduit ses Caesares XII Austriaci (p. 3843)elses£'//srt^f///rt(vS«»f7rtp(p. 44.-0O). Il va joint en outre l'inscrip- tion que portait la première pierre du maiire-autel de la cathédrale, posée, au ' Lettre de Mirtcus, adressée à Piileainis le ^1 mars Kiôô. « Curo, ineis suin)ililiiJS alqiie arrr in aes incidi vias oranes luilitares llomanorum per Belgiuiii. » — M. le chanoine CocJix, de Ma- lines, possède un exemplaire de eelte carte, le seul connu. Le texte y est aussi séparé de la carte. . * Acta capilvli. 94 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE nom de l'Inf;uUe, par le duc de Croy et le chancelier Peckius, le 2 mai 1624 , ainsi que les vers (jue le chanoine Ilemelacr composa à celle occasion '. LX. Aiiberti Miro'i Rerum BeUjkarum Chronicon abJulii Caesaris in Gal- liaiu advcnlu usfjne ad v\d(jarem Clin'sliannum M. DC. XXXVI, in r/uo Belfja- rniii Rfs Ecdesiusiicae et Polilicae, per mille seplinf/entos ferè unno.s euni extcroruin Hisloriu composilae, ad exaclam Temporrun ralionein revocantur, rrjeclis(/ue fabulis, ex flde dassiconim cujusque sueculi Scriptorum ac vete- ruin Diplomalum, solide ad.strimntur, et varié illustrantur. Ad Ferdinand uni Amlriacum Hisp. Infanlem Belgicae Proregem. — Anlverpiae, apud Guilicl- muni Lesleenium, via vulgo Hoochsiract sub Pellicano aureo. M. DC. XXXVI -. Cum gratia et privilégie. In-folio, titre, feuillets liminaires, texte 4-523 pages, tables (neuf feuillets). Dans une dédicace de trois feuillets , adressée au prince-cardinal ^, Mirœus trace en raccourci l'histoire des divers gouvcrnemenls qui se sont succédé aux Pays-Bas, depuis l'invasion des Romains jusqu'à Philippe IV. L'éloge de l'admi- nistration actuelle termine cette épitre. Nous ne considérons pas cette publication comme une édition nouvelle d'un ouviage antérieur, mais bien comme un ouvrage nouveau. Mirœus s'y est attaché à raconter les faits qui ont eu la Belgique pour théâtre, la Bel- gique, entend-il, telle qu'elle était au temps de l'empereur Julien. Il a rat- taché à sa chronique les événements qui se passaient à proximité de ce territoire. Tout en visant à la concision, il a exposé avec détails les événe- ments principaux ; quant aux faits contemporains , il a essayé d'en faire le récit sans omettre aucune circonstance inqwriante. Miraîus a puisé aux sources les plus dignes de foi. Pour la période romaine, il a adopté la chronologie consulaire , mais en nieltanl en regard toutefois les années correspondantes de l'ère chrétienne. Une bonne table systématique termine le volume. ' Sandcrus donna uiif iiouvelte édition de cet opuscule, dans ta Flandriae illustiatae , I. I, pp. 1 1!) et suiv. - Quelques rares exemplaires portent le niittésirae Kiô,"». Ou n v rcuKirquc pas d'autre dilTé- ri'iicc. "' Anvers, Il novembre 1635. SUR AUBERT LE MIRE. 95 Paqiiol reproche à Mirseus d'avoir introduit dans sa chronique trop (rtMé- inents hétérogènes et de ne pas avoir lait preuve d'assez de critique. .\ous avons déjà répondu à ce grief. Sans doute, quelques erreurs se sont ghssées dans ce volume : une critique plus sévère les eût peut-être fait éviter; ce qui n'enipèche pas que ce livre, dit de Reiffenberg, ne soit un des plus estimés et des plus chersde 31irœus '. Corneille Van Gestcl , l'auteur de ÏHistoria Arcfii- aptscopalus Meddiniensis , a fait une continuation de l'ouvrage de Mira'us, depuis 1636 jusqu'en 1738. Il n'a pas eu le temps de la livrer à l'impression -. LXI. Elenchus Regalarum monastkaruin et Conslilulionum asccficaniiti. Auberlus Mirmis , BruxeUensis , Decamis Antverpiensis , eruencio publicn- bal. — Antverpiae, apud Jacobum Mesium. M. DC. XXXVII. In-12, dix-neuf pages, litre compris. La préface au lecteur est en date du 23 décembre 1 636. Avant que la règle de saint Benoit fût reçue dans l'Église occidentale, il \ avait plusieurs constitutions coniuies sous la dénomination de RegulacPutrum. Quelques-unes de ces règles avaient déjà été publiées à Louvain, l'an lo74; Prosper Stellaert en avait réuni une plus grande (|uaiilité à Douai, en 1626. La liste de fondateurs d'ordres et de diverses congrégations (|ue publia Mira'us donne une idée du grand nombre de documents qui man(iucnt oncurc dans un recueil de ce genre. Notre auteur fait coiuiaitre en outre (pielles sont les Bibliothèques où Ton trouve soit les ouvrages, soit les manuscrits (|u'on pourrait mettre à profit. Nous ne voulons voir autre chose dans cet Elen- chus qu'une publication préliminaire, une espèce de prospectus de l'ouvrage suivant, avec prière de comnunii(|uer à l'auteur les pièces dont il a besoin jjour en faire une œuvre véritablement historique. L\]\. Codex Regularum et Conslilulionum clericalium, in (/iio forma insti- iulionis Canonicorum et Sanclimonialium Canonice viventium ; Leges item srriplac Fratrum Vilae Communis, Tliealinorum , Paulinonim seii Burmdii- lariim, Socielatis Jesu , Clericoruin Somascae scu S. Majoli Vapiensis , Boni Jesu, Oratorii, Oblalorum S. Ambrosii, Ministrantium infirmis, Clericti- rum minorum B. Mariae, Scholaruin piarum, Docirinae chrislianae, et ' Bihliophile belge, t. Il, pp. 157 et siiiv. ■ Paqiiot, t. VI, p. 340. !)() MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQLE (iliunoii nolirjiosarnm faimliaruin in couyreyatioue vivent ium , recitanlur, no(isf/uc illusirantur, studio Auberti jt/irwi Bruxellensis , S. Th. LicentiatI t'i Ik'cani Aniverpicnsis. — Anlverpiae, apiid Cœsareni Joacli. Trogntesiuiii. AiiiioM.DC. XXXVIII. Ce tilro général comprend deux ouvrages dislincls, ayant chacun ses in- scription, dédicace, avant-propos et pagination propres. Ce premier titre est suivi d'une épîlre dédicaloire, datée d'Anvers, le 15 novembre 1637, et adressée à François de Gand, dit Villain, prévôt de Saint-Pierre, à Lille. Puis suit Finscriplion que voici : Forma institutionis Canoniconini et Sanctiinonialium canonice vivenliuni anno Christi DCCCXVI. Ludovici pii Itnp. kortatn in roncilio Aquiayranensi l'dita. Aubcrlus Mirants Bruxellensis , S. Th. Lieentiulus et Decanus Ant- rerpiensis, noiis illustrahat. — Antverpiae, apud Ca'sarem Joach. Trognif- sium. Anno M. DC. XXXVIII. Titre, ciiKj feuillets liminaires; texte 1-148 pages; lahie (deux feuillets). Enfin transcrivons encore le troisième titre: Regulae et Constitutiones clericorum in Coiif/rcgatione viventium, Fratrum Vitue Communis, Theatinorum, Paulinoruni seu Barnabitarum , Societatis Jesu, S. Ma joli Papiensis , seu Somascae, Oratorii, Oblatoriini S. Antbrosii, Ministrantium infirmis , Clericorum Minorum , B. Mariae, Doctrinae Chris- lianae, Scholarum piaruni , et aliurum Religiosarum familiarum, studio Auberti Miriei Bruxellensis , S. Theolorjiae Licenliati et Decani Antver- piensis, ununi in corpus collectae, notisque illustratae. — Antverpiae, apud t'a^sarem .loach. Trognsesium. Anno M. DC. XXXVIII. Titre, trois feuillets liminaires; texte 1-1 5i pages; table alphabétitpie (trois feuillets). La première épitre dédicatoire, adressée au prévôt de Saint-Pierre, à Lille, est une œuvre historicpie remar(piable. L auteur y donne d'excellents aperçus sur les origines cl les premiers progrès de la vie de communaulé dans TÉglise. Il entre dans d'amples détails au sujet des noms, costumes et privilèges de plusieurs chapitres: jadis, on le sait, on vil des rois, des empereurs, andti- lionner le lilre de chanoine. Abordant ensuite direclement son sujet, il [)u- lilie, dans le premier des ouvrages que nous avons cités, la règle donnée aux chanoines, lors du concile d'Aix-la-Chapelle, sur les instances du fils (le Charlemagne. La deuxième règle, donnée dans les mêmes circonstances, concerne les chanoinesses. SUR AUBERT LE MIRE. 97 La deuxième épîire dédicatoire, antérieure en date à la première', est adressée à l'ordre des chanoines. Miraeus y traite des premières congréga- tions de clercs qui menèrent la vie commune; des saints qui introduisirent ce genre de vie dans les divers pays de la chrétienté; de Charlemagne qui, le premier, institua et dota des chapitres; de la règle qui leur fut donnée sous Louis le Débonnaire , enfin de l'avantage qu'il y a à se rappeler les nobles traditions des ancêtres. Dans la première partie, Mirseus donne les statuts des chanoines, accordés par le concile d'Aix-la-Chapelle, en 816, et divers auctaria avec d'inté- ressants extraits. 11 y a joint à la fin des notes curieuses. Nous y trouvons, entre autres choses, le tableau de tous les chapitres de chanoines et de cha- noinesses nobles qui ont été fondés dans les dix- sept provinces des Pays- Bas, ainsi qu'au pays de Liège, en Lorraine et en Allemagne. Dans la deuxième partie, qui est précédée d'une troisième épilre dédica- toire ^, Mincus donne les statuts des diverses communautés religieuses men- liotmées dans le litre. Les règles des Frères de la vie commune, dont Gérard de (irootfut le fondateur, ouvrent la série; puis suivent celles d'autres communau- tés. Une excellente table al|)habétique facilite merveilleusement les recherches. Ce travail du doyen d'Anvers est trop peu connu ; il mériteiait de rèlre davantage. Il a demandé à son auteur de laborieuses veilles et atteste au plus haut point ses nombreuses investigations. Quiconcpie écrira sur les corpora- tions monastiques de notre pays sera obligé d'en tenir grand compte : la Bel- gique, surtout au point de vue religieux, était l'objet constant des préoccu- pations de ce savant illustre, de ce patriote éclairé. LXIIL Bibliolheca Ecdesiastica sive nomenclalores VII veteres, S. Hie- roni/imis, Preshijfer et Doctor Ecdesiae, Gennadius MassiUensis, S. Ilde fou- sus Tolelanus, Sigeberlus GcmOlacensis , S. hidorus Ifispalensis, Honorius Augustodunensis , Ilenricus Gandavensis , Auhertus Mimnis, Bruxellensis , S. R.E. Pvoionolarlus ,Demnus Antverp.,auclarns ac scholiis illuslrakil. — Antverpiae, apud Jacobum Mesium. M. DC. XXXIX. Cum gralia et privilégie. Titre, trois feuillets liminaires, texte 1-288 pages;. tables, 289-307. ' Elle est datée d'Anvers, le 1^ juin IG37. - Adressée d'Anvers, le -21) oelohie IGô7, aux différents ordres des chanoines réguliers. Tome XXXI. 13 98 MÉMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE Cet ouvrage est dédié à Gaspard de Guzman, conseiller d'État du roi PI)ili|)|)o IV. Il est assez étonnant que la liste où Mirieus énumère les au- teurs (|ui ont traité le même sujet ne mentionne pas le nom de Suffridus Pciri, qui publia à Cologne, Pan 1580, un ouvrage analogue. Tout nous fait supposer qu'il n'en a pas eu connaissance ^ La dédicace , datée d'An- vers, le 29 mars 1639, est suivie de l'approbation ecclésiastique, de l'ap- probation royale eld'une lettre élogieuse écrite à l'auleurpar le célèbre jésuite Strada. Le texte se compose de courtes notices sur les écrivains ecclésiastiques , rédigées par les auteurs dont il est fait mention au litre, mais qui pour la plu- part sont enrichies par Mirscusde nombreuses notes surtout bibliographiques. Ces dernières sont parfois incomplètes par suite dos ressources restreintes dont Aubort Le Mire disposait. Ses remarques sont fortérudites, dit M. Iluet '^. Quant à XAuclarium (ouvrage exclusif de Mirœus), il y parle de plus de sept cents écrivains dont la plupart sont belges. Nous sommes loin de considérer ce travail comme l'œuvre capitale du doyen d'Anvers. A son époque surtout, il ne pouvait manquer de verser dans des erreurs pour ainsi dire inévitables. 11 n'y avait guère de grands dépôts littéraires accessibles au public; les catalogues de livres étaient rares. On ne disconviendra pas néanmoins, si l'on veut demeurer impartial, que l'auteur, pour atteindre à un pareil résultai, n'ait dû lire énormément: c'est le l(''moignagalalibus Sanctorum Belgii, opus diversuni ab cdito. Auxit ai' nolis illustravil Aubertus Mirœus. VIII. J. Molani Comnicntarium aulographum rcrum Lovanicnsium, cuni notis Mir;ri •'. IX. Diploniatuni seu donationuni piarum liactenus ineditarum tonii 1res *. X. Judicia de historicis graeeis et lalinis, e variis collecta ab Auberto Mira;o. .\I. Episropatus cl lituli, seu dignitatcs omnes tam ccclesiaslieae quam saecuiares, Ilaliae, llispaniae et Galliac •'. XII. Collectanea de ordinibus sub régula SS. Auguslini cl Benedicli. llcm de ordinibus nicu- dicantibus, siihinissa "^ ex Ilispania, Italia et Gallia aliisquc provinciis. .XIII. Fundationes variarura ecclesiarum collcgiataruni seu canonicalium in Belgis et vicinis provinciis, quarum multae hactenus non editae. XIV. Diploniala varia Belgica, memorabilia varia, et observationes de Ilybcrnia aliisquc provinciis. XV. Notitia Episcopaluum orbis christiani cum relalionibus consistorialibus de statu siiigu- larum ecclesiarum cpiscopalium vacaiiliuni, liaclcnus non cditis '. .\VI. Nolilia Abbaliarum orbis christiani, ordine aipliabctico episcopaluum. XVn. Catalogus canonizalorum ac bcatificorum in universa ecclesia *. ' Nous pcn.soiis que cel ouvrage est refondu dans la Hibliothcca Eccicsiastka de Mira^us. • Une partie de cette clironiquc et ce qui en fait la suite furent imprimés dans le Chronicon Helgiciim. ' Te! est le sens que nous altaclions à la note de Sanderns, II, Iîi8. ' Il existe sous ce nom un exemplaire à la Bibliothèque Koyale (section des nuiMUScrits, n"' I0"it2- 10241); mais nous ne pouvons croire que ce soit le même exemplaire. Le premier volume, en effet, con- liiMil le cartulairc de Sainl-Servais, à Maestrielil, et celui du couvent de Maria-Cnmii , à lleusden. Le deuxième et le troisième volume renferment une espèce de livre censal d'une famille Van der Elst; récri- ture en est postérieure aux temps de Mira-us. ' N'étaient-cc pas des notes pour une nouvelle édition de la Noiilia Episcopaluum' ' Ce mol siilimism prouve à toute évidence, selon nous, que la collection a été formée par Minrus. ■ Même remarque qu"à la noie 0. " l,c catalogue du musée des anciens Bollandistcs mentionne, si pas l'original, du moins un exemplaire du présent ouvrage. Il y ilgure même parmi les ouvrages imprimés de Mira;us. SUR AUBERT LE MIRE. lOS XVIII. Corrccloriuin genealogiaruin Belgicaruni. XIX. Genealogia S. Arnulfi, Metcnsis episcopi, a Petro Pilhaeo ])riraum édita, postca ex fide veterum codicum ab Auberto Mirœo aucta et emendata. XX. Codex donalionum seu diplomatum variorum bactenus non editorum. XIX. Séries dominorum Diestensium et Burgraviorum, seu t'astellanorum Antverpiensiurn. Ex vctere manuscripto per Aubcrtuni Miraeum extracta '. Liste des manuscrits attkibijés a Mir/els, dans l'inve.ntaike de la Bibliothèque DE Bourgogne. [. N"' 7407-7412. Nous avons déjà lait mention de ces (iocuinenls. Celle collection proviendrait-elle de la bihliollièque du doyen de Cano? Devise des armoiries : Virliiiis amoretn Cano. II. N°' 7957-7958. Collection intéressante, mise en ordre par Mii-^us lui-même à l'époque, selon toute probabilité, où il était bibliotbécaire de la cour. En voici le lide et le contenu : lielgica praecipua Episcopuluum el Ept.scoporum. u. Belgii flumina. b. Brabantia antiqua. c. Episcoporuin Ullrajeclinoruni catalogus. (/. Computalio aceepti et expensi Ecclcsiac Trajectcnsis ilr aiiiio I40G, farta a Joannr . Wael, canonico rjiisdcm ecclcsiac. (!. Hisloria Joannis Bckensis de PoiUificibus Ullrajeclcnsibii> cl Coiuilibus lloilandiac. /. Episcoporum Cameracensium catalogus el notilia .\rciiiepiseopatus per siiigulorum decanatiiiiin pagos -. g. Episcoporum Tornacensiuin catalogus cl nolitia diciccscos ejusdcni. h. Episcopatus Tornaccnsis notilia per singuloruni dccanaliium pagos elalia Tortiacnni speclanlia ^. i. Episcopi Morinenscs. Urbis antiquilas *. j. Atrebalensia quaedam. /■. Gandavensis urbis origo *. m. N" 16S13. Origo beguinarutn. Voir plus haut, p. 44. IV. N°' 10242-10244. Diplomata. Voir page 104, note 5. V. N°' 6701-6712. Ces manuscrits sont attribués à tort à Mineus; il parait (jue ces compilations sont l'œuvre d'un curé de Ham-sur-IIeure. ' M. de Keiffenbcrg a publié un mémoire de ce genre. ' Pouillé incomplet de rarcliidiocèse de Cambrai. - Pouillé du diocèse de Tournai et une collection d'épitaphes de Notre-Dame. C'est une belle collection de pièces concernant l'église de Térouane. ^ Quelques pièces sur Gand, Tome XXXI. 14 106 MEMOIRE HISTORIQUE ET CRITIQUE VI. La Bibliollicque impériale de Paris possède un catalogue des manuscrits faisant partie de l'ancienne Bihiiotlièque de Bourgogne. Ce catalogue, qui ne nous fut pas resti- tué avec les autres documents en 1815, est un autographe de Mira?us, s'il faut en croire Van Hulthera '. Correspondance de Min.ïus. Nous ne connaissons, selon toute probabilité, que la minime partie des lettres que Mirseus dut échanger avec la plupart des érudits de son temps. Nous nous bornerons donc à en dresser un catalogue bien imparfait. .4. Lettres de Mir.cis. A. Imprimées. l. Trois lettres dans la Batavia Sacra. Bruxelles, IIM. Tome II, p. 264. II. lîurmannus Sylloge epislolarum. Deux lettres de Mii'anis à .Juste Lipse. Tome II, pp. 142-145. III. Messager des sciences et des arts, 1849. Huit lettres écrites de Paris, pendant sa mission de IGOO-KîlO. Pages 435 et suiv. IV. Revue d'histoire et d'archéologie. Une lettre et une requête de Minibus. Tome l'', p. 470; tome II, p. 178. V. Morini , Anliquitates Ecclesiae Orienlalis. Londini, 1682; p. Ia5. Une lettre de Miranis. B. Manuscrites. VI. La correspondance d'Erycius Puteanus, à la Bibliothèque de Bourgogne, ren- ferme cinquante lettres de Mira'us. VII. La correspondance de (îevartiiis (n" 5988) en renferme huit. VIII. La correspondance de Plouverius (n" 6525) en a une. IX. Un manuscrit in-folio, conservé aux archives de la cathédrale d'.Vnvers, contenant une relation exacte des faits relatifs à une cession de terres marécageuses faite au cha- pitre, l'an I(}l6-I(il7, renferme six lettres de Miranis avant trait à cette donation. X. M. le chevalier Léon de Burbure nous a comnuniiqué la copie de deux lettres de iMira'us don! il ])()ssè(le l'original. .\l. Parmi les pa])iers d'Utat et de l'audience aux Archives du royaume, à Bruxelles, nous avons trouve jusqu'à présent neuf lettres ou requêtes de Mir.Tus. XII. ,\n catalogue de Carolus Major'-, on rencontre un numéro qui, s'il faut en croire le litre, contient des lettres de Miriens : Kpistniac aliquot doctiss. virnritni ad rarioy. ' Ia: PaqiiDt uiiiioto. — Introduction à riiivcnlairc iniprinii' do la Bibliolliùquc de bourgogne, pp. cxxxvii ri cxxxviii. • Cal. de 17(J7, m- iiiH't. SUR AUBERT LE MIRE. 107 ul et Ern. a Sclielstrale , J. Coclilœi ad Arnold. Abbatem Tongerloeu. io49 '. Auberti Mirœi. Card. Poli et alioruni ineditae. Manuscrit in-4°. B. Lettres adressées a Mir^eus. A. Imprimées. I. Epistolaridii Ju.sti Lipsii cenluria quinla miscellanea. Epist. x , epist. lxxix ( '/"(//j. Plant., 1607; pp. H et 77). Item. Centuria 1er lia ad Belfjas. Epist. xlix et xciii (pp. 67 et Hl). II. Burmanni SijUorje , t. II, p. 144. Juste Lipsc à Mirœus. III. Batavia Sacra, t. II, p. 2± Deux lettres à Mineus, l'une de Hugo Grotius, l'autre de Janssonius. IV. Bévue d'histoire et d'arrhéolofjie, t. I", p. i77. Réponse de Prats à Mirseus. V. D'Oulreman, Histoire de Valenciennes. Lettre du neveu de l'auteur de cette his- toire à Miraeus. VI. Morini, Aniiquitates Eccl. Orient. Lettre de ce savant, p. 154. Vil. Enjcii Piiteani epistolariuii apparalits. Anislciod;iini , 1647. — Cenluria prima : epist. ,xv et xxviii; centuria secunda : epist. lxiii; centuria quarta (Apparatus novus) : epist. Lxxix. — Une lettre de Puteanus figure également dans la Geogr. Ecoles. (1619). VIII. Strada. Voir le \" volume de la Bibliot/t. Eccl., parmi les pièces liminaires. B. Manuscrites. IX. Le manuscrit ôo81 delà Bihliothèque de Bourgogne paraît contenir des lettres que Gevarlius adressait à Mirseus. Il ne nous a pas été loisible d'y avoir recours. X. Le n° 15581 de la même Biliiiotlicque contient diverses letlres écrites à Miraeus par l'archevêque de Malincs et autres |)ersonnages, lors du décès de son oncle, l'évèque d'Anvers. XI. Lettre du doyen Jean Deirio à .Mineus, 4 avril 16162. Ajoutons en Unissant que, d'a|)rès Papebrochius '\ tous les manuscrits de Mineus de- vinrent la propriété de son neveu , .Vubcrt Van den Kede, qui mourut évèque d'.^nvers, le 6 novembre 1678. D'après M. le chevalier Léon de Durbiire '% ces manuscrits passèreni au petit-neveu de Miraîus, Jean-Charles Franckhcim, et, selon lui, le libraire Eugène Fricx, imprimeur à Bruxelles, en lit l'acquisition après la mort de ce dernier. Il s'apprèlail à les mettre sous presse lorsque le bombardement du mois d'août 1695 vint consumer sa maison et tout ce qu'elle renl'ermait '. ' Voir Sandcrus, Cliorograpli. Sacra Hnili., tome I, p. 5I>I. ' Manuscrit n» IX cite à la page précédente. ' Voir p. 08 de ce niémoirc. ' Messager, \ 849 , p. 455. ^ Le chanoine Jean-Charles Franckheini, (ils de Marcel et de Marie Van den Ecdc , sœur d'Aubert. évèque d'Anvers, mourut le 10 juillet 1001, et le bombardement n'eut lieu qu'en 1095; il est donc plus probable que l'imprimeur Fricx acquit les manuscrits de Mirxus après la mort d'un frère ou neveu de Franckheini, peut-être d'Aubert Van den Eede. TABLE DES MATIERES. Pages. Observations préliminaires ^ Sources ' PREMIÈRE PARTIE. NOTICE HISTORIQUE SUR LA VIE d'aUBERT LE MIRE. I. Famille Le Mire î> II. Naissance et éducation d'Aubert Le Mire 10 III. Il est nommé chanoine d'Anvers 12 IV. Sa résidence à Anvers (iîi'JS-1 604) 1^ V. Il publie son premier ouvrage ^''• VI. Son oncle promu au siège épiscopal d'Anvers /''. VII. Première mission de Mirocus 15 VIII. Son pèlerinage à Notre-Dame de Hal Ib. IX. Ses occupations multipliées et son assiduité au travail Ki X. Établissement d'une bibliothèque publique à Anvers Ib. XI. Mirajus procure des ouvrages à la nouvelle institution 18 XII. Trêve de douze ans Ib. XIII. Intervention de la France à ce propos Il' XIV. Aubcrt Le Mire se rend 5 la Haye "20 XV. Il se lie avec Grotius et autres Hollandais de distinction "Ai XVI. Mirœus se rend à Paris 22 XVII. Ses études et ses travaux dans cette capitale 25 no TABLE DES MATIERES. Page;*. XVIII. Ses négociations 24 XIX. Nouvelles tentatives auprès des états généraux de Hollande 2(1 XX. Mort de Tévèqnc d'Anvers 'il XXI. Mirœus nommé protonotairc apostolitique et curé de la cour Ib. XXII. Il s'occupe de la bibliothèque de Bruxelles 28 XXIII. Histoire de cette liibli()lliè(|ue 2'.t XXIV. Ses labeurs comme bibliothécaire 3(» XXV. Ecrits politiques de Miraîus 31 XXVI. Sa position financière; il sollicite la prévôté de Lille 32 XXVII. Mort de l'archiduc Albert . . . Ib. XXVIII. Mirœus est nommé doyen d'Anvers ô5 XXIX. 11 procède à l'information canonique touchant les vertus du vénérable Jean de lluysbroeck 35 XXX. Son installation comme doyen du chapitre Ib. XXXI. Il est nommé \icaire capitulaire ôt» XXXII. Sa dernière maladie et sa mort. ... 37 XXXIII. Son testament 58 XXXIV. Résumé. Appréciation sommaire 39 SECONDE PARTIE. NOriCK GIBLIOGRAPHIQUE SUR LES OEUVllES DE MIR/EUS. Considérations générales 'i-2 I. Elogia illuslriuni lielgii scriptorum 43 Elogia Belgica Ib. II. Origo bcguinarum Virginum in Bclgio 44 III. Disscrtatio de Aiilverp. ceci. orig. et progressu 45 IV. De obitu Justi Lipsii epistola Ib. V. Origines cocnobiorum bcncdictinoruni in fielgio 46 VI. Elcnchtis hisloricorum Bclgii 47 Vil. Sanclorum Galliac-Belgicae imagines /''• VIII. llisloria li. Virginis Canibcronensis 48 l.\. tJcnlis SpinuliM' illuslrium elogia ii' .\. De SS. Virginibus Coloniensibus disquisitio ■>(• \1. Ordinis annuntiatarum origo ■»l .\ll. Hcruni lolo orlic gcslaiiini chronicon . . .)2 Chronicou Sigebcrti Gemblacensis monachi /'<■ XIII. Equilnm Rcdomptoris J.-C. ordo ■"•' .\IV. Legcndi' oll d'Icvcn, wercken, dood endc miraeulcn , etc /''• XV. Historia eccicsiastica, oft kerkelickc historié, etc -iS XVI. Biblidlliccae Antvcrpianac |iriiii(irdia î>'J TABLE DES MATIERES. Il Piges. XVII. Origines carthusianorum raonasieriorum 3'J XVIII. Origines equestrium ordinuni 60 XIX. Origine des chevaliers et ordres militaires /fc. XX. Vita sivc Elogium Justi Lipsii 61 XXI. Notifia episcopaluum orl)is christiani - Opéra omnia diplomalica et historica 8îl LVII. Ue congregationibus clerirorum !•! LVIII. Bomanoruni \iac militares !(i Galliae Belgicae sub imperaloribus Romani lypu.s Ih. LIX. Isabellae infantis laudalio lunebris 95 LX. Rerunj Belgiearum cbronicon 94 LXI. Elencbus regularum monaslicaruni 95 LXn. Codex regularum et conslitutioneni elericalium !(>■ Forma inslitutionis canonicorum et saiiclimomalium 9(i Regulae et constitutionis elericorum in eongrcgatione viventiuni Ih. LXIII. Bibliolheca ecclesiastica 97 C0«C..US.0N "" Appendice '^-^ Publications projetées ^''• Ouvrages manuscrits de Mirajus "<• Listes des manuscrits attribués à Miraius dans l'inventaire de la Bibliotlièque royale . . 105 Correspondance • •00 A. Lettres de Miraeus "'■ B. Lettres à lui adressées 107 ERRATUM. Page 69 , ligne i , au lieu do ^'ia . lisez. Vtln. FIN. MEMOIRE SIR LA SYMPHONIE DES ANCIENS, A. WAGENER, i>K(l FESSE IR A I. IMVFRSITK DE fi A N D. (Présenté le 1" juin 1801. Tome XXXI. MÉMOIRE SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. IISTRODUCTION. Les Grecs et les Romains ont-ils employé dans leur musique r/uelque (hase (l'amdof/ue à ce que nous appelons harmonie? Celle queslion, à laquelle ou a donné, depuis plusieurs siècles, des ré- ponses exlrêmenienl divergentes, a élé récemnienl, de la pari de iMM. Félis ' el Vineenl -, Tobjel d'une diseussion aussi vive (pie savante. Si je nie per- mets de prendre |)arl à ce débat , ce n'est |>as (pie je me llatle de le clore d'une manière définitive; mais les éludes (jue j'ai faites sur les lexles anciens , avant même d'avoir pris connaissance des recherches les plus récentes, m'onl amené à certains l'ésullals (jui, par leur caractère à la fois précis et rigoureu- sement démontrable, resserreront désormais, j'ose l'espérer, la (picslion dans des limites plus étroites. Toutefois, avant d'entrer en matière, je me vois obligé de loucher à un ' Mémoii'O siii' celle queslioii ; Ac.s (irccs et les liiiinuins onl-ih eoiiiiu l luirmuiiie simiilluiiéi'- des sons? En onl-ils fait usage (hms leur musique? par Fr.-Jos. Fétis. — Inséré dans le tome XXXI des Jfr moires de l'Académie royale de Belgique. 1859. - Réponse à M. Félis et réfutation de son mémoire sur celte question : « Les Grecs et les Romains, etc.; » par M. A.-J.-H. \'incent. Lille, 185!). 4 MEMOIRE point que je n'aborde pas sans hésitation. Ma compétence en fait de musique est assurément fort contestable , et je n'ai à ma disposition aucun certificat de capacité qui puisse, sous ce rapport, me mettre à couvert. Je suis donc force (le me donner à moi-même le témoignage que je me crois sulfisammenl familiarisé avec la musique de nos jours, pour n'avoir pas à redouter, en étudiant cet art chez les peuples anciens, de tondjer dans des erreurs faute de connaissances préalables. Je crains bien que, malgré cette déclaration, M. Fétis, dont j'aurai à com- battre les conclusions, ne me range tout d'abord dans la catégorie des phi- lolof/ues, à l'égard desquels, en fait de questions musicales, il ne parait professer qu'une médiocre estime. « Lesérudits, dit-il ^, se persuadent qu'ils ont éelairci les questions quand ils ont parlé grec en français : ils ne s'aper- çoivent pas qu'ils se payent de mots. » Ce jugement, ([uelque sévère qu'il soit, peut, à certains égards, ne pas manquer de justesse; mais appliqué à la généralité des philologues, il me parail ne devoir être considéré que comme une boutade. Pour(|uoi, en etVet, les philologues auraient-ils le triste privilège de se payer de mots du mo- ment qu'il s'agit de musique? Et comment pourraient-ils se soumettre sans appel à l'arrêt de M. Fétis, qui semble leur interdire à tout jamais les abords du temple musical? Odi profanum vulgus et arceo. Des paroles aussi profondément dédaigneuses, venant de la part d'un homme aussi savant et aussi considérable que M. Fétis, rendent certes la partie fort inégale; mais, quelle (pic soit la juste autorité de l'illustre pro- fesseur de Bruxelles, puis(|ue enlin il s'est résigné à suivre les érudits sur leur terrain, il ne pourra pas trouver mauvais que, sur ce même ter- rain, les érudits examinent à leur tour la valeur des arguments employés contre eux. Dans l(\s (piestions d'arl , on peut , si l'on veut, ne motiver ses appréciations que par son sentiment personnel ; mais du moment qu'on se résout à aryu- * Mciu. cité, |i. 1 1"). SUR LA SYMPHONIE DES Ar^CIENS. 5 menter, il n'y a plus d'autre autorité que celle de la logique. Je crois donc ne pas man(|uer au respect très-sincère que je professe pour le célèbre musi- cographe belge, en essayant de prouver contre lui que l'Iiannonie siuml- fanée des sons a élr connue des anciens et (/u'ils en ont fait tisuye dniis leur musique. Cette preuve me parait déjà avoir été fournie en partie par le mé- moire non encore réfuté de M. Vincent. Malheureusement il y a dans ce travail remanpiable un certain nombre d'assertions que je crois inexactes et (|ui compromettent même plus ou moins la valeur de l'ensemble. On me permettra donc de leprendre sous œuvre quebpies-unes des citations faites par l'académicien français, alin que ma démonstration ne reste pas incom- plète. Il est évident que la question de savoir si les Grecs et les Romains ont connu l'harmonie simultanée des sons, et s'ils en ont fait usage dans leur musique, ne peut être résolue que par l'examen des textes anciens, (|ui pa- raissent affirmer ou contredire le point en litige. Or dans ces textes se trou- vent certaines expressions dont il importe au plus haut degré de bien saisir la valeur, alin (|ue l'argumentalion ait une base solide. Je n'en veux |)Our preuve que la manière dont s'ex|)rime M. Fétis relativement à une raison invoquée par M. Boeckh. « En eflét, dit le doyen des philologues allemands, lorsqu'ils (les anciens) parlent de la symphonie, lorsqu'ils indiquent avec la plus grande exactitude les diflérences qu'il y a lieu d'établir entre les sons homophones, aniiphones, paraphones et diaphones, puis encore entre les sons consonnanis par eux-mêmes et ceux qui ne le sont que par cohérence (zarà auvé'/ctav), lorsqu'ils nient la consonnance de la onzième, tandis qu'au contraire, ils affirment celle de la douzième : je ne vois pas pourquoi ils auraient fait loni cela d'une manière si soigneuse, si ce n'est pour appli- quer de semblal)les préceptes à quelque chose d'approchant de l'harmonie actuelle '. » Comment M. Fétis réfule-t-il cet argument? « M. Boeckh oublie, dit-il, que Burette a répondu victorieusement à ces objections, el a fait voir (pie • De Metris Pimluti , p. 255. 6 MEMOIRE dans (out cela il ne s'agit que des rapports de succession inélodi(|ue des sons pour la formai ion du chant '. » Il est clair qu'aussi longtemps (pi'on ne se sera pas mieux entendu sur la signification précise qu'il convient d'attacher à ces termes, la discussion res- tera un chaos dans lequel il sera impossible de faire pénétrer la lumière. Ainsi, par exemple, M. Fétis donne le nom de paraphoiies aux sons qui Uniuicnl le milieu entre les coiisunnances et les ilissoiiances '^, tandis que M. Hoeckh entend par sons paraphones les consonnances de quarte et de quinte ~\ De plus, ces mêmes sons paraphones, les deux académiciens que je viens de citer les considèrent, l'un comme simultanés '', l'autre comme se succédant d'une façon mélodi(|ue '•'. Il est évident , je le répète , ([u'avant d'aborder l'examen des textes anciens qui doivent nous servir à trancher la question , il faut nécessairement fixer d'une manière aussi nette que possible la valeur des termes techniques. Ce que les musicographes anciens enlendeni par le mol symphonie. Le plus important de ces termes est celui de symphonie. En eflel , il est inutile de s'attacher au mot àp^ovia, qui avait chez les anciens une signifi- cation tout à fait dilTéienlc de celle qu'il a revêtue parmi nous. Burette a démontré depuis longtemps *"' (pie par harmonie les anciens entendaient gé- néralement, ou bien l'arrangement des sons dans les échelles musicales, ou bien encore les mélodies chantées d'après ces échelles. Quant à ^^^//yow-a , cùusojyoç, w//wv£rv, il faut faire une difl'érence non-seu- lement entre leur signification propre et leur emploi figuré, mais aussi en- * Muin. cilé, p. -1'.). * lh!d. , 1». 77. ^ Dp m l'Iris Pindari , p. 2.j4. * Ihid., p. 25(i. '^ Fctis, /. c, p. 53. * Mém. de r.lnid. dr.s iiiarrijilioini el helles-letircs, I. IV, pp. 1I(i-118. SUR LA SYMPHONIE DES AINCIEINS. 7 Ire les auteurs qui se sont servis de ces mots, ainsi qu'entre les passages 6ù ils se trouvent placés. Ces distinctions sont très-importantes, comme on pourra s'en convaincre en songeant , par exemple, qu'en français les mots harmonie Ql mélodie désignent des choses essentiellement diverses, et que néanmoins on entend parler fort souvent de Miannonie (Tune flûte et d'une voix harmonieuse. A quels résultats contradictoires ne serait-on pas amené si, dans les expressions précitées et dans beaucoup d'autres analogues, on s'avisait de chercher la définition de rharnionie actuelle? Poin- être sûr de ne pas se tromper sur la signification exacte de ces termes techniques, il faudra s'en rapporter aux définitions données par les théori- ciens et à l'usage qu'ont fait de ces termes les auteurs qui se font remar(|uer par la précision de leur langage. Aucun écrivain de l'anticpiité n'est plus célèbre qu'Aristote pour la netteté de ses définitions. Or que faut-il entendre, d'après lui, par le mot cTuju-pjyia ? La réponse à celte question se trouve clairement contenue dans deux passages du Stagirite, parfaitement authentiques et dont je crois que jusquïci on n'a encore guère fait usage ' : « C'est pourquoi nous comprenons mieux lors(pu' nous n'entendons |)arler (pi'une seule persoinie , (jne lors(pie plusieurs disent à la fois la même chosç. Il en est de même pour les instruments à cordes; et nous conq)renons encore beaucoup moins lorsqu'il y a en même temps accompagnement de llùte et de cithare , attendu (lue les sons se confondent les uns dans les autres. Ceci est surlOHl manifeste par rapport aux consonnances ; car, dans ce cas, les deux sons s'obscurcissent l'un l'autre. » Plus loin, après avoir établi que les sons, bien qu'ils paraissent continus, se composent néanmoins de vibrations successives, l'auteur ajoute ' : ' Arislot. , de Audit)., p. 801 , éd. Beklcer : ^à xai (ii.xi.Xov kvù% àxiCouTs.; awicficv ij sroi.iûi/ â/ua Taù~i ïsyôvTUv , xaBârep km èa-t tûv •^^spjùv • km toXù y,rrcv ôrny T/ja;auij ti; â/x^. km xiOjcpii^y; , âii rà auyxtiaiiai rà; yui/àç Ùttô ■zûv érépoiv, Oùj^ ^xiTTot. (Tf toDto èiri râv auju-.omùv ^xvipjv èara • i.fi-^srépo-J-, yj.p à^oKpôjTTeaOxi toù; ijx'"; av/jL^OLivei uir à/>)jJM>/. ^ Ibid., p. 805 : Tô t?f aùri Gu/^Bxhei toCts kxï Ttspi rii aufit^aviti. iii yip -ô }ripii7uyKXTaia/iliàvel «xsùtjTai. ^ .Xotices et Ex Irait s des manuscrits de la Bibliothèque du roi , tome XVI, pp. 451 et siiiv. 5 Ihid., note 2. Tome XXXI. 2 10 iMEMOIRE aiiyy.ùaTOi /j e'I àfJLaozéiMv Wiivri i-A-iwirax '. AU lieU QC âteT/^/JixaiZi'juÂvy] Cl tlp sùy/.oaTOç , il faut lire nécessairement âteGyt^ixivri et âaiyxfaToç. On me reprochera peut-être de trop insister sur un point tléjn stiflisam- nienl élucidé par les citations précédentes. 31ais iM. Félis a allirmé le contraire d'une façon tellement calégorif|ue, que je ne crois pouvoir m'entourer de trop de témoignages, afin de mettre mon opinion complètement à Tabri. Les théoriciens grecs, dit le célèbre professeur de Bruxelles, toutes les fois (pi'ils parlent de sons consonnanls, ont « simplement en vue les rapports mélo- diques de ces sons '. » Les passages que j'ai cités jusqu'ici sont la condam- nation formelle de sa manière de voir. Mais cette opinion n'est-elle pas appuyée, d'autre pari, par Arisloxène, par Aristide Quintilien, par Gaudence ou par Bacchius l'ancien? Il importe donc que la démonstration soit pour- suivie jusqu'au bout. Quant à Arisloxène, quoiqu'il se serve très-fré(|uemment du terme de sjimphonie, il n'a pas jugé à propos, du moins dans celle partie de ses ouvrages qui est parvenue jusqu'à nous, d'en donner la définition. Cerles, il ne serait point difficile de déduire logiquement de plusieurs de ses asser- tions que, pour lui aussi, l'idée de simullanéilé est intimement liée à celle de symphonie; mais pour qu'il n'\ ail pas lieu d'incidenter sur des preuves indirectes, je m'en tiendrai exclusivement aux définitions. Or voici ce qu'on lit dans Aristide Quintilien - : « Les sons consonnanls sont ceux dont l'émission simultanée fait en sorte que la partie mélodicpie ne se manifeste pas plus dans le haut que dans le bas; les sons dissonants sont ceux dont l'émission simultanée fail passer à l'un des deux la partie mélo- dique. » (letle définition est, à la vérité, différente de celle des autres théoriciens, mais renferme, elle aussi, cet élément de simultanéité (|ue conteste 3L Félis et qui est exprimé à deux reprises différentes |)ai' les mots «f. \'l, ë(i. .Meilioiii : Sû/ijwwi fièv âv i/jui xpuisfiivm cùSiv fixWsv t'j c^urifu ■/ tw Pafuréfiji TÔ /iéXoi ifirpérei • Siifuyoi .f£)V0Vi fiyai yafify aùroûç. A/àyUî/oi Sk av âfia xpcysfifVwy i( aùioufiivav , cùSiy T/ ^ aiVfTai Tov lJ.tXoui e'ivM TOÙ jSapuTf'pou npôç tô Ô|ù ij' toû è^urspou Trpô; tô papù tô aÙTÔ • ij ÔTay pifcft'uiay xpx<7iii Trpô; à>))fiou; éjj.fàivoudiv âfta îrpoff/îo'fitvoi. '^ Baccliii scnioris Inlrod. metliod. Artis mus., p. 2, éd. Meibom : Eupifui/éa de ri éari; xpxiTii (fùo fdôyyav , àvoiiôiuiv c^ôt>jti kvX ^rxpÙTijri iapjBayopit'yajy , év j oùâéy 7i liXiXoy rê pt'>o<; ftx!vCTc>.i roù papurépou ijVfp tcD è^urépcu • cùJi rm è^u-épou ^Tcep toD (3«puTfpou. •■ Ihld., p. 14 : Aiayavia cfè t! zariv; "OTav Sjo Sfiôyyav àvonoiav TUTTTopLivav iJTOi t:ù papurépou fSôyyov TÔ pif'Jo; ÛTrâp^y ij' to2 i^uTépou. iâ MEMOIRE Pour le coup, la définition do la symphonie ne renferme pas les mots «lua el ofjLB'j que nous avons presque conslammeni rencontrés jusqu'ici chez tous les autres théoriciens. Néanmoins il est aisé de prouver que Tidée de simul- tanéité s'y trouve comprise d'une façon implicite. En elïel , si le mélaiiire (/.câa^ç) dont parle Bacchius pouvait être entendu de la succession mélodique de deux sons, il s'ensuivrait que tous les intervalles mélodiques rentreraient également bien dans la définition de la consonnance. Si je fais succéder dans un chant la paranète à la nèle, ces deux noies feront partie de la mélodie à titre égal : conséquemment , dans l'hypothèse que je combats, ces deux notes formeraient une consonnance, (pioique tous les théoriciens anciens soient d'accord sur ce point que l'intervalle de seconde est essentiellement diaphone. Il suit de là que Bacchius, aussi bien que les autres, ne conçoit pas la sym- phonie sans la simultanéité. .le crois avoir épuisé maintenant toute la série des définitions de la sym- phonie contenues dans le Corpus des musicographes publié |)ar Mcibom. Je n'ai laissé à l'écart que celle de Martianus (^apella, non point |»our le motif (jue ce qu'il dit de la consonnance serait en contradiction avec la doctrine des théoriciens grecs, mais parla raison que les définitions de cet auteur n'ont pas pour le but que je poursuis une netteté suflisante. En dehors de Meibom, nous avons encore la définition de Théon de Smyrne ^ : « Deux sons sont en consonnance, l'un par rapport à l'autre, lorsque l'un des deux ayant été joué sur un instrument à cordes, l'autre resonno en même temps, en vertu d'une certaine affinité et sympathie naturelle; de même lorsque ces deux sons, joués simullanemenf, produisent un mélange agréable et doux à entendre. » Celte définition, comme le prouve le conunenlaire de Porphyre sur Pto- lémée ^, est littéralement empruntée au j)éripatéticien Adrasle. ' Pag. 80, éd. Bullinidus : SufiyuvoSa-i tfOôyyoi jrpo; ii.Xij).oui; , ùv earépw xpcu70hr3;é-rt Tjys; èp- yàvou riiv ivrintv, xai o ioiTràî xarà rivi oixiiôrtiT'x «ai auitnàBtiav auvtjXiJ. Kari thi/tc Je aiitcïy «p'z KjiOuijiiiiTuv ifoùd. xai wpoirifyij; ix T^; xpiutat iÇaxsùijTai ^wi"). ' Joli. Wallis, 0pp. mathemm., vol. III, p. 270. SUR LA SYMPHOISIE DES ANCIENS. 13 Dans ce même commenUiire, on trouve encore la définition suivante, ex- traite du platonicien Elien ' : 2t»/y.ywi/t'a ùé sauv àioïv ^Bôyyoa , ô'^ùrriu zat ^af,i)Tr-.i àar ^spovzMv, /jcaà. xo «lii-à uToxjfç vMv.^a.aii [in idem casus misdoque). Forkel ^ dit à ce sujet : « Elien donne le nom de symphonie à une chute et à un mélange semblables de deux ou de plusieurs voix, différant en acuité et en gravité. Que peut-il résulter de cette chute et de ce mélange semblables de plusieurs voix, si ce n'est une mélodie à Tunisson et en octaves? » Je ne me sens pas le courage de réfuter de pareilles absurdités, débitées avec tant d'oulrecuidance ''. Le même passage d'Élien a été commenté de la manière suivante par M. Weitzmann. « Le platonicien Élien, qui vivait au troisième siècle après Jésus- (Ihrist, confirme cette manière de voir (à savoir qu'à celte époque on maga- disait non-seulement Toclave, mais aussi la quarte et la quinle) ; car il dit que la symphonie est la réunion de deux ou de plusieurs voix, différant en acuité ou en gravité, et leur progression en mouvement uniforme*.» Pour démontrer combien ces explications sont malheureuses, je n'ai (ju'à transcrire les paroles suivantes de Porphyre : Eozt yàp rjufj.YMia. àioïv fOiyyotv i^ùzvizt /.«• (3apùzyjTt ùtafef^-jTM , /.or.y. To aùxh TTTwffiç /aï /.f.antç. Aâ ykp Tsù? œôsj/yoî/ç aiiyïi.poiiaôévzai, tv T( S'.doc, «TTOTeAeô/ (^Qôyyou xri àxar. . Eài/ yà.p i) ày.vrj roù Çiipsoç, |ua//ïv iv xf, i uy/. poi>a n TioifiXai XYjV ÔLVxi'kYi^iv ' /j ndhii xoxi à^éoç ' àoùixawvâv taxi xh xciojxov ''. D'après Élien, la symphonie n'est donc autre chose que Vémission Kimul- lanée et le mélange de deux notes appartenant à des degrés différents de l'échelle musicale. ' Joli. Wallis, Oj)i>. malliemiii., vol. III, p. 270. ' Hist. de la Mus., t. I, p. iOI. « Aelian ncimt ilie S}iiiplioiiic cin aluiliciics Falleii uiid Mischen zweier oder luehrerer Stimiiicn , die an Hohc uiid Ticfe verschiedcii siiid. VVas kann aus dicscm aliiiliclicii Fallcn iind Misclu'ii inctiiTror Sliraraen anders entstehen als eine Mé- lodie in Einkliingen und Octaven ? » ' « Forkel, homme considérable par sa coiinaissanrc de la musique, par ses fortes études et |)ar son esprit de recherehe. » Fétis , Mém., p. 28. * Gesch. dm- Griecli. Musik., lier]., 18S3, p. 34 : « Der im 111 Jahrii. n. Clir. Icbende Plato- niker Aelianus bestiiligt dièse Ansicht, indeni er sagt, das eine S3'mpbonie die Vereinigung Zweier und mehrerer, der Htilie oder Tiefe nach verschiedener Stimmen und deren Fort- schreilung in gleiilier Bewegung sci. » ■' Wallis , /. f., p. 2G.3. i \ MEMOIRE Voici encore un passage de Plutaïqiie ', (jui est, par rapport à ia sympho- nie , aussi explicite que possible. L'auteur, après avoir nionlré ([ue Toclave est leprésenlée par la [)roportion de 1 à 2 , la (juinle par celle de 2 à 3 , et la (|uarte par celle de 3 à 4 , ajoute : « Que si la différence des poids ou des lon- iiueurs est dans la proportion de 9 à 8, elle donne naissance à Pintervalle d'un /'/// , (|ui est, non [)ai consonuani , mais, pour le dire en un mol, inéloOiqw , attendu que les [deuxj notes, lors(iu'elles sont jouées séparément, sont douces et agréables à entendre, tandis que, si elles sont jouées simultanément , elles résonnent d'une façon âpre et pénible à ouïr; mais pour ce qui est des notes consonnantes, soit qu'on les joue « la fois ou l'une après l'autre, leur con- cert produit sur la sensation un effet agréable. » La seule chose (|ui, dans ce passage, pourrait prêter à la discussion, ce sont les mots mm ivoùliE,. Ne prouvent-ils pas que le terme de symphonie , tout en étant applicable au concert de deux voix, n'excluait point l'émis- sion successive de deux notes qui, lorsqu'on les jouait simultanément, pro- duisaient un accord? Rien ne saurait être plus faux (|u'une pareille con- clusion. En effet , il était impossible à Plutarque de s'exprimer autrement. Les deux notes (|ui limitent un accord peuvent, certes, se succéder d'une façon mélodique; elles ont cela de commun avec tous les autres degrés de l'échelle musicale. En d'autres termes , tous les intervalles consonnants sont en même temps mélodi(|ues, mais tous les intervalles mélodiques ne sont pas conson- nants 2. Les intervalles consonnants ont une propriété particulière, celle de pou- voir être employés en harmonie simultanée, et c'est précisément cette dei- nière circonstance (|ui fait (ju'on leur a appliqué le nom de si/mphonie. (]e terme porte donc essentiellement sur la qualité dislinctive (|ui permet l'émis- sion simultanée de deux notes consonnantes. ' De Animue procr. in Tiinaco, p. tO^i B : 'Eàv Je ci,- èwéa n-pd; cxtù yanirti r&y p-/.fiùv y^ -in uifxwi/ i) àwffoTij; , ~ci>i4 : Koi f*^ -iyra,- rjù; ijiiieieï<; tivii xi'i au'j.-.ùvw, ' Cl xaX -rivra; ci aùfi^uyii xtù Èf*f*tif7«. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIEINS. 15 Le passage de Plufarque que je viens de cominenlei- peut servir, en partie, à combler la lacune qui se trouve dans les Propos de table du même écri- vain '. Nous possédons, en effet, le sommaire, mais le sommaire seulement, de la question suivante débattue par Plutarque : « Quelle est la différence entre les intervalles mélodiques et les intervalles consonnants? » La réponse à celte question s'est perdue; mais quelque intéressants qu'eus- sent été pour nous les détails de celte réponse, elle n'a pu guère différer, quant au fond , de celle qui se trouve contenue dans le passage précité. Toutes les citations que j'ai réunies jusqu'ici ' ne sont assurément pas favo- rables à l'opinion de M. Fétis. Je me crois donc autorisé à la déclarer dénuée de fondement , bien que M. Fétis prétende qu'elle a été victorieusement dé- montrée par Burette. J'ai fait jusqu'ici de vaines rechercbes pour savoir dans quel volume des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres a été insérée celle démonstration victorieuse. Je ne crois pas, en effet, que ;M. Fétis veuille faire allusion à la Dissertation sur la symphonie des anciens, dont lui-même nous a donné l'analyse ^. Je constate, à la vérité, avec M. Fétis, (pie dans celle dissertation. Burette a fait voir que les théoriciens grecs « en- tendent par harmonie la succession des sons dans la mélodie », el(|ue, dans un passage du Traité du monde où ligure le mot harmonie , « il s'agit de la succession des sons dans le chant, en vertu de certaines règles. » Mais rien de tout cela n'est applicable au terme de symphonie, le seul dont la signifi- cation précise nous intéresse maintenant. La démonstration de Burette doit donc se trouver ailleurs. Mais, quel que j)uisse être l'endroit où il faut la chercher, je me refuse à croire qu'elle soit victorieuse. Elle n'a pas paru telle du moins à M. Boeckh, au(|uel les travaux de Burette n'avaient point échappé; d'ailleurs les textes que j'ai mis sous les yeux du lecteur sont trop clairs el trop catégoriques pour ne pas résistei- aux aflirmations contraires de M. Fétis. Le savant académicien aura beau répéter '' ' Sjjmpos., livre IX, prol). 8 : T/V/ d/ayf'pfi rà sftpfJ^ dma-tf^aTci T'uv cufi-jâviM. ■■^ Il n'y a pas jusqu'à Manuel Brjenne, dont les définitions ne soient d'accord (livre 1, scct. d) avec celles des aulres théoriciens. Je n'ai pas cru devoir transcrire et traduire ses paroles, parce que son autorité est trop peu importante dans la question qui nous occupe. ' Méin., pp. 14-lG. * Mém., p. ^5. l«i MEMOIRE tjuo, dans Ions les passages des auteurs anciens où il est question du « mélange des inlervalles », il ne s'agit pas pour ce motif de « lunion simultanée des sons » ; il aura beau nous rendre circonspects en disant ' quil « faut enirer dans Tesprit des traités de musique des Grecs pour apprécier la signilicalioti (le leurs paroles concernant les intervalles des sons et leur enchainement » : lt»utes ces considérations ne sauraient prévaloir contre les citations que jai lassemblées , et à moins (jue Ion ne parviemie à prouver (|ue aij.a et o/^ei ne signifient pas en mé)iie letiips , à la fois, enscmbk' , je considérerai comme un point définitivement acquis que, dans tous les bons auteurs qui parlent de inusi(|ue, les mots aufx^wvoç , aup.ywv!a , w/x^coverv, lors(|u'on les emploie dans leur sens strictement musical, désignent le concert ^, Vémission sitnullanée de deux sons, placés à des degrés différents de Téchelle musicale, et produisant, au moyen de ce mélange, une sensation agréable. Pour mettre ce résultat à l'abri de toute contestation, il ne me reste plus qu'une difficulté à lever. M. Hoeckh, dans le passage (|ue jai rapporté précédenuueni "', dit (|ue les auteurs grecs établissent une différence entre les inlervalles consonnunts par eux-mêmes et ceux (|ui ne le sont que par cohérence [ymo. axjviysiou). Si cette différence était nettement démontrée, si elle était appuyée sur le té- moignage d'auteurs dignes de foi, il en résulterait, non pas, à la vérité, (|ue les définitions que j'ai transcrites plus haut devraient être inter|)rétées au- trement que je ne l'ai fait jusqu'ici, mais que dans d'autres passages, (tù il est parlé de si/mphunie , il y aurait lieu de se demander constanunent sil s'agit de la consonnance ordinaire ou de la symphonie jmr culiéremr. Or cette différence n'est indiquée que dans un chapitre de ïhéon de Sm\rne, chapitre tellement incorrect et confus dans la seule édition de cet iuilein- (|ui existe jusqu'ici *, qu'avant de pouvoir en tirer parti, il faut né- cessairement le faire passer par le ci-euset de la crilicpie. Voici d'abord le texte de Théon , tel qu'il nous est fourni par Houillaud '' : ' Mih». , p. 2Î). * Arist. l'riihl., XIX, ^7 : K«; yip iiv i aveu lj>'cu ut' As;, ôpa,- sj;f' >:'">• — «■>' , >l 7u«yuyi« eux êx^' ^83 ;. •' Voy. plus liant, p. 7. ^ Celle (le Bouillmul (Bullialdus), 1C44. '■ /)(' Uns., rli. V. |i, 77, Itull. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 17 T'ùv ^k 'Stx'j'YiiJ.dTùiV là [xh liiusDCtiva , rà (Je $i.dwjn/liona essent an diapliuna, id (inod Théo Mus., e. V, indieare videtur liis verbis : A/ipay;/ oV ùii koi :i aùu.-jw:i -.Oiyy:!. SUR LA SYMPHOINIE DES ANCIENS. 19 qu'une erreur du copiste. Ainsi la définition de la symphonie que j'ai donnée plus haut est fondée sur le témoignage unanime de tous les musico- graphes anciens, pour autant qu'ils se sont exprimés à ce sujet; c'est donc de cette définition qu'il faudra se servir pour expliquer toutes les autres in- dications de ces mêmes théoriciens dans lesquelles il sera question de ce qu'ils appellent symphonie. Et qu'on n'objecte pas que, dans certains pas- sages de Platon, les mots àp^vAa et 7uf/.ya)vta sont en quelque sorte synonymes, et que, le premier de ces mots excluant la simultanéité, il doit en être de même par rapport au second. En effet, ces passages, lorsqu'on les examine de près, démontrent que Platon, en se servant du terme de stjmplionic, a simplement en vue un arrangement rationnel, une correspondance, une disposition symétrique. §11. De (a diaphonie, île la paraphonie , de l' homophonie et de l'auliphonie. ï.a démonstration (|ue je viens de donner pour la symphonie me dispense d'entrer dans de longs développements sur la diaphonie. La diaphonie, dit Euclide, est le contraire de la symphonie, et la définition qu'il en doime prouve de la façon la plus claire qu'il ne la conçoit point sans simultanéité. Même observation pour Nicomaque, Aristide Quintilion, Gaudence, Bac- chius, auteurs dont les définitions ont été transcrites plus haut. Des intervalles consonnants et dissonants nous sommes amenés naturelle- ment aux sons paraphones, relativement auxquels j'ai déjà signalé plus haut la divergence d'opinion de MM. lioeckh et Fétis. Ce dernier, en examinant, au point de vue de la symphonie, V Histoire de la musique greef/ue de M. Weitz- mann , a écrit entre autres la phrase que voici ' : « Quant à la magadisa- ûv icrri x.r.i. » J'avouc franchement que je ne comprends rien à ces paroles, et je crois que M. Volkmann lui-même serait fort embarrassé, s'il devait interpréter et justifier sa pensée. ' Mém., pp. 70-77. 20 MÉMOIRE lion à hi quarle et à la quinte jusles, il la fait commencer vers le temps de Gaudonce et lui donne le liom de paraphonie; mais en cela il se trompe, car les intervalles parapliones {(/uinle mineure, quarte majeure et tierce ma- jeure) tenaient, comme le dit Gaudence, le milieu entre les consonnunces et les dissonances , tandis (/ne la quarte et la quinte jusles sont dex couson- nancea pour tous les théoriciens. » Cette phrase, je regrette de devoir le diie, est écrite avec beaucoup de légèreté. En effet, M. VVeilzniaïui avait dit avec raison : « La consonnance des quartes et des quintes est souvent i\\)\K'\ée paraphonie. » En cela, dit 31. Fétis, il se trompe. Le (ait est, et je le prouverai à l'instant, qu'en cela M. Weilzmann ne se trompe nullement. M. Fétis, qui a combattu le système de M. Bocckh, doit avoir lu les paroles suivantes qui se trouvent dans le traité de Metris Pindari , p. 254 : « Paraplionia ad quam proprie perti- nent diapenle et diatessaron , » et un peu plus loin : « Veteres non tam ju- cundam quam antipliona , paraphoniani dixerunt; consonare tamen para- phona non ncf/unt. » M. Fétis a lu, en outre, la dissertation de Slallbaum, intitulée Musica ex Platone. Or voici ce (|ui s'y trouve, à la page 24 : « To Çi^ycoi/ov usurpatum esse constat de intervallis minoribus, quae pro consonis habebantur, (luaecjue eliam -w noLf,a.faviw vel toD îrapaçpcivou nomine appellata sunt. » Mais peut-être ces deux savants sont-ils dans Terreur. Le contraire est aisé- ment démontrable. Il existe, en effet, pour la paraphonie trois définitions dif- férentes '. La première émane de Gaudence, la deuxième de Manuel Hryenne, la troisième de Théon de Smjine et de Psellus. Voici d'abord la définition de GaudenC(î : Wapj.W"^'^<- ^'^ {'fOéyyoi) oi [j.é'jot jj-lv miJ-atuvou x«; àacfiûvcD iv âè zr, y.po-jaei 'j.au- viixz'joi GÙfjL'MJVOt. il-iT.Efj OTi zpt(i.v '.ôvwj (fixlvzTai , âïTs ~ap'jT:xrrX uiiwj ém. r.a.pa.u.é(yr,v , v.cti ' Voici ce que dit M. Vollcmann , en coiuiiiciitaiit le cliapitrc XtX du Traite sur la musique de l'iutarquc : « £tiam jrajjàj.wi/a et n-apa^uv/a/ appellata suiit [intervalla eoiisona seu symphoniae]. Quoriiin iii numéro referebanliir rà Sizovov , tô âià u^vre, rà (ftà Teacàpav , postremo tô M raorn sive a.vTVfUyov, ayri-jùivia. » Ce passage est [)leiii d'erreurs. Le Jhivov [ou la tierce majeure] n'a jamais ét(' range parmi les eonsonnanees, et i'antiphuiiic [ou l'oelavc] n'a jamais été elassêe parmi les piifa|)lionics. Le mol ixiruplionic , en outre, n'est |)as synonyme de si/mplionie, et si la tierce majeure conslilue un intervalle paraphone , c'est à un tout autre titre ipie la quai'te on la i{uinte. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 21 ira èiio zévtuv , dm néauv âtarivou eVri T.a(Mii.i(Tr!v . Il eSt élUIlliant qUC M. Félis , i{ui a littéralement cité et commenté ce passage ', ne se soit pas donné la peine de lire, à cette occasion, la judicieuse et savante note de Meiboni , qui eût pu sur-le-champ lui faire reconnaître son erreur. Qu'il me soit |)ermis d'en transcrire les parties les plus saillantes : « Hic non parva occurrit dilTicullas. A nullo enim musicorum eo modo acceptos legimus sonos na^a^iwo;/;. — Cae- terum qui soni sint paraphoni, unus tantum recte tradere videtur Bryen- niUS.... Ta ■n.v.pé.t^va. ' olo)^ tô (Jià ■névre koù to 6ik tmoùv y.w. àà. r.évrs. — Paulo aliter Psellus in Synopsi musica, ubi non tantum diapente, sed et dialessaron vocat paraphonum. Habet in hac doctrina Psellus adstipulatorem Theonem Smyrnaeuni 2. » Je ne donnerai plus ici les paroles do Théon , attendu que je les ai citées et corrigées plus haut. Quelle que soit d'ailleurs la définition à laquelle nous doimions la préfé- rence, l'idée de simultanéité s'y trouvera toujours attachée. Cela est évi- dent pour les définitions de Théon de Smyrne et de Manuel Bryenne, (|ui considèrent la paraphonie comme une espèce de symphonie. .Mais cela n'est pas moins vrai de la définition de Gaudcnce, quoique M. Fétis souliemic le contraire. « Ce n'est pas, objecte ce savant, en faisant une classification d'intervalles, cl avant d'avoir établi la conslilulion des modes, (|u"il (Cau- dence) aurait pu, par (pielques mois jetés en passant, aborder un sujet aussi important que les accords simultanés, ou l'harmonie, dans le sens que nous lui donnons '. » Notons d'abord que le traité de Gaudence ne com- prend en tout et pour tout que vingt-neuf pages de Meibom, et que sur ce nond)re il y en a plus de trois qui sont consacrées à la théorie de la con- sonnance. 11 ne s'agit donc pas, toule proportion gardée, de quckpies mois ' Mcm., pp. 25-33. "^ Voici la définition de la paraphonie donnée par Baccliius l'ancien, p. la, éd. .Meibom : if tov o^uTépou TO fifio? Û7rocpjt;f(. CeUc définition n'est pas très-claire, en ce sens qu'elle est pres- que identique avec celle de la consonnanec , donnée précédemment par le même Bacchius (p. 2, éd. Meibom). Mais, quoi qu'il en soit, c'est-à-dire qu'il faille l'interpréter ou bien de la quinte seulement, ou bien encore de la quinte et de la quarte, ou enfin de la quinte, de la quarte et de l'octave (ce qui n'est pas probable), toujours est-il que, d'après les idées de Bacchius, clic ne se conçoit pas sans la simultanéité. 5 Mém. cité, p. 23. 22 MEMOIRE jetés en passant. Remar(|uons ensuite que ce même traité de Gaudenee n'est en aucune façon un manuel de composition , mais un exposé excessive- ment sommaire des principaux éléments qui constituent la musique. Ceci posé, je prétends qu'il ne nous est guère possible de déterminer catéjïori- quement et à priori que Gaudenee, dans son Introduction harmonique, n'a pu parler ni de ceci, ni de cela, sans entrer dans des développements étendus. Ce n'est point |)ar des raisonnements de cette nature qu'on infirme des textes suflisamment clairs. Or le texte de Gaudenee relatif à la para- phonie ne peut être entendu que de la simultanéité des sons ', pourvu naturellement qu'on le mette en rapport avec ce qui a été dit immédiate- ment avant sur la symphonie et sur la diaphonie. Celles-ci , je l'ai établi plus haut, impliquent la simultanéité d'une manière absolue, et Gaudenee, après en avoir donné la définition , continue dans les termes suivants : « Les sons paraphones tiennent le milieu entre les consonnances et les dissonan- ces; mais, dans le jeu des instruments, ils paraissent consonnants^. » S'il s'agissait de sons venant à la suite les uns des autres, comment pourraient- ils occuper le milieu entre les consonnances et les dissonances? En effet, qu'y a-l-il de commun entre ces deux espèces d'intervalles? C'est l'émission simultanée des sons qui les limitent. Qu'est-ce, d'autre part, (jui les distingue essentiellement? C'est que leur emploi en harmonie simultanée produit des effets entièrement différents, c'est-à-dire que , se mariant dans le premier cas, ces intervalles demeurent désunis, non mélangés dans le second. Quant aux sons paraphones, ils occupent, relativement à cette différence, une position ' Forkcl, /. <-., p. 321 : » Wurdcn .sii' alier (les intcrvalk-s (■(insonnaiits ) iiacli riiiaiiih'r iii mclodischen Forischrcituiigcn geliort, so liicss die Forlsclireitung Paiai)lionon odcr l'ara- |)lionie. Einigc ncnnen die Fortsclireitung — in Qiiarton iind Quinlen Paraplionie. » De pa- reilles assertions ne méritent pas qu'on les rombatte : il suffit de les eilei'. - Le texte de Gaudenee porte tv oè rj xpiùsei. Meibom dit, dans sa note : « Maliin xp«7ti , iit verli. 0 Mais ee eliangemcnt n'est pas seulement arbitraire (comme M. Vincent la déjà fait ob- ser\er, Répoiisv, j). 50), il e-^t, de plus, Irès-cerlainenient ninllicureux. En effet, comme les eonsonnani'es et les dissonances n'existent (jue pour autant qu'il y ait mélange (xpij/;), il est absurde de dire que certains sons oeeu|)ent par eux-mêmes, abstraction faite de ce mélange, une jjosition intermédiaii'c entre les consonnances el les dissonances, tandis (|ue, du moment qu'on les nu'Iangc, ces mêmes sons paraissent eonsoimants. 11 u y a donc |)as lieu de s'arrêter à la conjecture de Meibom. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 23 intermédiaire : ils ne s'unissent pas entre eux aussi bien que les uns, ils ne restent pas non plus complètement désunis comme les autres. Qui ne voit que tout cela disparaît en même temps que la simultanéité? « Mais, ajoute Gaudence, dans le jeu des instruments, ils |)araissent consonnants. » C'est-à- dire que, sans choquer l'oreille, on peut les employer en harmonie simul- tanée. Voilà, ou bien je me trompe étrangement, (a seule interprétation possible de ce passage de Gaudence '. Il ne me reste plus, pour terminer ces études préliminaires, qu'à par- ler de l'homophonie et de l'antiphonie. L'Iiomophonie a été définie Irès- nettement par Bacchius l'ancien : « Qu'est-c(^ que l'homophonie? [Elle a lieu] lorsque deux sons produits simultanément et également ne ditïérent entre eux ni en acuité ni en gravité -. » Cette délinilion est en parfaite con- formité avec le passage suivant d'Arislote : « Il faut (|ue la maison et la cité soient en quelque sorte une unité, sans leire néanmoins d'une façon absolue (lomme si (|uel(iu'nn transformait la symphonie en homopho- nie ^. » Le sens Irès-précis du mot symphonie implique la simultanéité de l'homophonie *. D'ailleurs, je ne crois pas (pi"à ce sujet on ail jamais sou- levé des doutes. L'antiphonie est , à proprement parler, le contraire de Tho- mophonie. C'est en ce sens (jue l'a interprétée Hesychius (s. v.) en disant : ' Dans ses Éludes sur le Timée de Platon, M. H. Martin s'exprime, au sujet de lu para- plionic, dans les termes suivants : « Si les intervalles de la quarte et de la quinte ont jamais été nommes Trapà^ui'a, ce n'a pu être qu'îi une époque où Ion ne s'en servait pas encore pour la syraptionie. » Puis il ajoute en note : « Forkcl avoue que quelquefois la pai-uplioiiie , op- posée à la consonnance, signifie un rapport agréable seulement entre les sons successifs. Au lieu de dire quelquefois , Forkcl aurait du dire toujours. (P. 1 1 , t. II.) » M. Martin avoue que, du temps d'Aristote, la quarte et la quinte étaient en usage pour raccompagneiiient (p. !2â), et ce sont précisément ces deux intervalles que Théon de Smyrne appelle paraphones. Que restc-t-il, en présence de ce fait, de l'aflirmation si catégorique de M. Martin? Ce qu'il dit dans la note précitée n'est pas moins inexact. I^es textes que j'ai allégués dcmontrcnl que M. Martin est complètement dans l'erreur. * Page 15, éd. Mcibom : 'O^OfCivii dï ri hriv. "Orav â/ua (Ko -f^ÔT^yoi èficlui ruvrou-ivci pifTf c^inifii y-lifts BapùrEpoi àiiijicov Û7ràp^u<7/. ^ Polit., II, 5 : ûE/' fitV yàp eivai tto); ylav xai ri/v oixiav na.i rijv izohv, àlX où ■ni.vT'jx, acixtp xâ-j èi Tii T^ii aufifuvioiv nci^ueiev ôfiojjai/ia;/. * Je n'ai pas à parler ici de Ihomophonie mentionnée par Aristide Quinlilien (p. 12,Mei- boni), au sujet de laquelle on peut consulter la savante note de Meibom. {Ihid., ô, 117.) 24 MÉMOIRE 'A./T(ÇKoi/a ivxv-iôfMa. C'csl de cettc maiiièie aussi qiril faut entendre le pas- sage suivant de Plularque, qui a été mai compris par plusieurs commenta- teurs ^ : « La musique résultant des instruments à cordes, joués avec ou sans plectrum, arrive à la sijmpJutnie par des sons aniiphones, alors qu'entre les notes graves et les notes aiguës il existe une certaine ressemblance; au rontraire, pour ce (|ui est du concert de l'amitié, il faut qu'aucune de ses parties ne soit dissemblable, différente ou inégale, mais que la similitude se manifestant en toutes choses, il y ait concordance de paroles, de pen- sées, de desseins et de sentiments, comme si une seule et même âme oc- cupait des corps différents. » Je prétends que dans ce passage, si on l'examine sans opinion préconçue, on devra reconnaître que l'antiphonie n'est, d'une manière générale, (pie le contraire de l'homophonie, Nous verrons tout à l'heure que le mol aiilipho- mo'A, dans la majeure partie des cas, une signification différente, et qu'il dé- signe la plupart du temps la consonnance de l'octave; néanmoins je ne crois pas que, par rapport à Plutarque, celte interprétation soit la plus rationnelle. Les mots é^ùzrii'. y.cà Pia.piiZYjiiv tkfx'ïKTyénaiç, bixotôzrjzci; iyyivou.évYiç UIO pai'aissCUl prou- ver que, dans la pensée de cet auteur, il ne s'agit pas uniquement de la consoimance diapason. Il est vrai que, dans son conmientaire sur le traité repl noufjKvç, M. Volkmann s'e\|)rime à ce sujet de la manière suivante'" : « Eliam concentus vocis humanae cum instrumentis musicis per antipho- niam ' (iebat, siquidem recte intellego Plul., De Amie. miilL, c. VIII : -h fxh yàp nspl ^a>.ixo'jq x. t./. » Mais je ne vois rien dans ce passage qui fasse allusion à une mélodie chantée. La traduction latine porte, à la vérité : « Nam con- centus (juidem vocuni et nervorum ex conirariis sonis conllatur. » Toutefois, connne M. Hoeckh l'a fort bien déuionlré *, ^a/.uii désigne le jeu des instru- ments à cordes à l'aide des deux main.s , tandis (pie pour le Y.âaci'ju.iç, , on se ' De Amie, inutlil., p. 96 F : 'Il i^èv yio jrtpi »/;aX(*où< xai ^Spfiiyyai apiiovioL Ji àvriiirjav 1%^' Kx't xpnsvia^ cùoèv àvapiov , cùJt cèvâpaiov, cùrîè àviacv fîvai Su ii-îpoi, ai)' èÇ k-rivriav ôusiu; èxsvrav ifioioyfiy Kal OftoJc^fiv xï( ôjioIkuXeli/ km auvoiicnjiklv , ÛTrsp uâ,- ifji'X'ii ^^ ^^^''<" âi^p^ftiv^s 'jàft.iisi. - Pn^e lOC). ' « Hoc est |)cr oclavns. » llmi. • forp. hmr. Grnvr., vol. II, p. 202. SUR LA SYMPHONIE DES AISCIENS. 2S servait du pleclrum. Il faudrait donc admettre, pour nous conformer à Tin- tei'prélation de M. Volkniann, que la phorminx permit la magadisation de Poctave, ce qui est contraire à toute vraisemblance *. Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, de cette citation, dont l'importance ne pourra être complètement saisie que dans la suite de ce mémoire, le sens habituel du mot miliphonie, en tant qu'impliquant l'émission simultanée de deux notes à l'octave l'une de l'autre, ce sens, dis-je, n'a pas même été contesté par M. Fétis. Il suffira donc de renvoyer à la dissertation de Burette - ceux qui conserveraient quelques doutes à cet égard. § "I. Discussion d'un problème d'Arislote et de deux passayes de Plularque. Résumons maintenant , avant d'aller plus loin , le résultat de toutes les considérations précédentes. Je crois avoir prouvé, d'une manière concluante et définitive, que les théoriciens grecs (|ui ont écrit sur la nuisique, toutes les fois qu'ils parlent de synqihonie, de diaphonie, de parnphonie, dhonio- phonie et d'anti|)honie, ont en vue des phénomènes musicaux résultant de Vémission simultanée de deux notes ditïèrentes ou égales. Je ne voudrais pas exagérer l'importance de ces conclusions préliminaires; elles ne prouvent pas encore que l'harmonie simultanée, bien qu'elle ail été définie et expliquée par les théoriciens, ait jamais trouvé place dans la pratiijue musicale. Néanmoins il faudra reconnaître (|uc ce serait un fait en tous cas fort étrange que toutes ces définitions, toutes ces distinctions, tous ces commentaires n'eussent pour- suivi qu'un but purement tliéori(pie : c'est là une des considérations (|u'a fait valoir M. Roeckh pour prouver (|ue l'harmonie simultanée ne pouvait pas être tout à fait étrangère à la musi((uo des Grecs. M. Fétis, nous l'avons vu plus haut, • Lorsque Aristole se ileniaiulo (Probl., \1X, 17) : iià rî [tô M] a-tV-t [kxi zô ] oùx x'ïouTiv àvTÎyœi/x; — il est évident (jiic lo inol ivTi.wot ne peut pas être entendu de la pon- sonnancc de l'oetave. * Mémoires de, l'Académie des inscriptions el belles-lettres , vol. IV, pp. 118 sq. Tome XXXI. 4 26 MEMOIRE considère cet argunienl comme dénué de valeur. Mais les résullats que je crois avoir établis garanlissonl la solidilé du raisonnemonl de M. Boeckh, quoi(iue ce raisonnement , je le reconnais volontiers, ne constitue point, par lui-même, une démonstration suffisante. Ce que jo me propose de faire voir maintenant, c'est que l'emploi de l'har- monie simultanée dans la musique des Grecs doit être regardé, non-seule- ment comme probable, mais comme rigoureusement démontré par des textes authentiques. La première preuve (|ue je vais en donner sera empruntée à deux passages de Plutarque et à un témoignage analogue, mais plus explicite, d'Aristote. Ces citations ont déjà été employées dans le même but par 31. Vincent; toutefois la manière dont cet illustre savant a interprété les paroles d'Aris- tote ne m'a pas paru de tout point satisfaisante, et j'aime à croire que l'ex- plication nouvelle que je vais en proposer sera regardée par lui-même comme plus rationnelle. Mon explication aura, en outre, l'avantage de restituer aux deux passages de Plular(|ue leur sens naturel. Kxaminons, en premier lieu, le témoignage d'Aristote : c'est le § 1::^ du chapitre XIX des Problèmes. J'en donnerai d'abord le texte, tel qu'il a été constitué par M. J. lîekker, sauf à y introduire plus tard les corrections nécessaires : A là T(' T&)V -/jipdCiin/ r, iSapnzéiia àsl zi [jÀloi /au/5 ;-.!/«; ov yccp âîïjZau ôacu -r,v ~.a!jau.i^v n ^aÇAj-i:éf.a âïi TÔ lùlcc, '/.u(j.fixv£i; « Noii (lillileor, dit liojesen ', illud ipsiini tô jUê^sç ?^,u/3avci> — quiil sit, non satis pcrspiouuni mihi esse. » Dans les Notices et Extraits, etc. ^, M. Vincent tra- duit ces mots de la manière suivante : « Pourquoi la plus grave de ces deux cordes tend-elle toujours de préférence à entrer dans laccompagnement? « Le savant académicien français renonça plus tard à sa première traduction et la remplaça par celle que voici : « Pourquoi la plus grave des deux cor- des prend-elle toujours la prépondérance dans l'harmonie? » Or la première de ces interprétations me paraît entièrement fausse, la seconde, beaucoup trop ambiguë. Je ne vois pas, en effet, comment il sérail possible à M. Vincent de justifier le sens qu'il a donné au mot iiûoi en le traduisant par accompagneiiienl. Il renvoie, à la vérité, aux pages 6 et 35 de ses Notices; mais je n'y trouve absolument rien qui justifie cette inter- prétation. » Entre les mots olân et néhc, il y a, dit-il ^, cette dilTérence essen- tielle que le premier signifie un chant vocal exécuté sur des paroles, tandis que le second s'applique à toute suite mélodique de sons, particulièrement à rexéculion instrumentale , et même aussi à la vocalisation : A; nàcou â-jv^nsiz zCtv aôéyyrjiv ehlv o/.TÙ /al &'/.« xsv àpS^iv , iv ot'ç Tiivxa. xai ociszou xoù œj/.îÎTou /.al y.iSa.iJ'Xezac ■/.ai, -i aùtxnav dr.c'iv , ixùm àizat *. » J'accèdc asscz volouticrs à la distinction éta- blie dans celte note; oui, le mol piXs? est souvent employé pour désigner une partie instrumentale à l'exclusion de la voix ^. Mais de celle distinction il ne résulte nullement (|ue le mot [xéhç, puisse être traduit jiar accohipayne- ment. A la page 33 des Extraits et Notices, je trouve une autre noie, dan> la(iuellc il est dit (jue M. lîellermann s'est trompé quand il a pris jus/o? pour la partie vocale caiitileuu. Aussi le passage auquel se rapporte cette note a-t-il, d'après M. Vincent, la signification suivante : « En outre, h partie instruuieulak doit toujours commencer seule l'exécution. » Ceci , à loul prendre, n'est qu'une assertion sans preuve; mais en radmotlant même comme fondée, il ne s'ensuit pas du loul que le mot ^c)::ç désigne l'accom- ' L. c, p. 117. ^ Page 118. '" Notices et f:slr(iil!<, p. 0, note 1. * Gaudciit, p. 10,1. X.XX, ('•il. Mcilioin. 5 Cf. Plut., Qvœst. font)., lib. VII, c. IV, § 9. SUR LA SYMPHONIE DES AiNCIEÎNS. 29 pagnement. Le sens de psXaç correspond à ce qu'en français nous appelons mélodie ^ C'est donc précisément le contraire de l'accompagnement , à moins qu'au moyen de l'unisson, la mélodie et l'accompagnement ne se confondent. La première interprétation de M. Vincent étant ainsi écartée, examinons sa seconde version : « Pourquoi la plus grave des deux cordes prend-elle toujours la prépondérance dans l'harmonie? » J'ai dit que celte traduction était trop ambiguë ; en effet , ce n'est , à proprement parler, qu'une para- phrase qui nous laisse dans le doute sur le point capital. Voici ce qu'il faut éclaircir : Arislole parle de deux notes différentes, employées en hminonie simultanée. (M. Félis lui-même esl d'accord avec M. Vincent sur ce point.) Or de ces deux notes émises simultanément, il y en a une qui fait partie de la mélodie, tandis que l'autre forme l'accompagnement. Il s'agit maintenant de savoir quelle est, dans la pensée d'Aristote, celle de ces deux notes qui appartient à la mélodie. Selon moi, la réponse n'est pas douteuse : c'est la plus grave des deux qui s'empare de la mélodie ( rà ^.oç, ïan^ivzi ). D'après M. Vincent, dans le cas cpii nous occupe, c'est précisément le contraire qui a lieu : la mélodie se trouve à l'aigu , mais la prépondérance n'en existe pas moins dans la grave. Comment le savant académicien français a-t-il pu se contenter d'un pareil résultat? Comment n'a-t-il pas vu que ce résultat était en contradiction manifeste avec sa propre traduction de la suite du problème : « En effet, lorsqu'il s'agit de chanter la paramèse, si on l'accompagne du son de la mèse, la mélodie n'en souffre nullement ^. » Voilà, certes, (|ui est fort surprenant : si la paramèse est accompagnée de la mèse, c'est-à-dire ' Cette assertion n'a guère besoin de preuves. On en trouvera d'ailleurs la confirmutiou aux pages 23 et 24 de la Réponse de M. Vincent. Toutefois là encore le savant académicien français prérend à tort que, suivant Aristide Quinlilien (p. 52), l'accompagnement, xpcù/u^x, se compose de la mélodie (du uï/c^) combinée avec le rhythmc. Kpovn'/. signifie d'une manière générale, le jeu des instruments, et conséquemment aussi, dans certains cas spéciaux, l'accompagne- ment. Mais que les mots xpoîjfj.01. et Kpoùin; désignent |iar eux-mêmes l'accompagncraent, voilà ce que M. Vincent ne parviendra jamais à établir. Bien loin donc que le passage d'Aristide démontre que le mot /Lcéf^o^ peut désigner l'accompagnement, il en résulte, au contraire, que Kpoùfia veut dire habituellement une mélodie exécutée sur un instrument de musi(/ue. ' Réponse, p. 23. Remarquons, en outre, qu'à deux lignes d'intervalle, M. Vincent traduit le mot ji-éioi; d'abord par prépondérance dans Vharmonie, ensuite par mélodie. 30 MEMOIUE d'une noie plus grave d'iui Ion, la mélodie n'eu souffre nullement (yivszou ts iuc'À5ç oùdkv Yjrzov) , (iuoi(|uc raccompagnonienl ait la prépondérance. J'avoue que je ne comprends absolument rien à un pareil raisonnement. Mais , m'olijeclera M. Vincent , « en adoptant voire version de renoncé du pioblème, on aboutit à des conlradiclions plus manifestes encore. » Assu- rémenl; aussi n'y a-l-il qu'une seule manière de sortir d'embarras, c'esl-à- dire qu'il faut corriger le texte. La nécessité de ce remède suprême, au(iuel vainement on s'efforcerait d'échapper, ressortira plus clairement encore de la suite du problème. La voici, d'après la traduction de M. Vincent : « Mais s'il faut, au contraire, chanter la mèse, alors on doit accompagner à l'unisson, et il n'y a plus de son isolé. » Je ne vois pas quel peut êlre le rapport (|ui relie cette partie du problème aux phrases précédentes. Comme le dit fort bien M. Vincent, dans les pro- blèmes d'Aristote , il y a ordinairement trois parties à distinguer : 4" la question à résoudre ; 2° une sorte de coiifïrmalion de la premièi-e partie , présentant, soit les raisons qui motivent la position de la question, soit même (|uel(iuefois des doiUes sur une opinion qu'elle présuppose; 3° enfin la .soliUion ou un essai de solution. Appliquons cette remarque générale au |)roblème (pii nous occupe : I" Pour(|uoi, lors(|ue deux notes de hauteur inégale sont jouées simul- tanément, la mélodie se Irouvc-t-elle toujours dans le bas? 2" En effet, dans tel cas spécial, on peut, sans nuire à la mélodie, lui donner pour accompagnement une note différente; mais il est d'autres cas d'où cet accompagnement est exclus, et ne peut se faire (|u'au moyen de l'unisson. Quels sont les cas coin|)ris dans cette seconde catégorie? On les décou- vrira sans trop de dilliculté, pourvu qu'on y songe d'une façon méthodi(|ue. Supposons, comme Aristote le fait constamment dans ses Problèmes, (pje nous n'ayons affaire qu'à une seule octave. Si maintenant, en cas d'harmonie simidianée, la mélodie doit toujours se trouver au grave, qu'arrivera-l-il lorsipi'une note de cette mélodie occupera le haut de l'échelle musicale? L'ac- compagnement ne pouvant se faire alors ni au grave, ni à l'aigu de cette note nïélodique, devra nécessairement se confondre avec elle {àov ajuyw). SLR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 31 Il résulte de celte déduction rigoureuse que le mol ixéayiv ne peut avoir aucun sens , et qu'il faut de toute nécessité le remplacer par véniv , chan- gement qui, au point de vue paléographique, n'a rien de choquant. Celle même correction doit, d'ailleurs, être appliquée aussi aux mots inexplica- bles aùv ipàri zr, (dcrn , auxquels il faudra substituer a. i|/. t. «>)t>j. J'espère que celte double conjecture trouvera grâce devant les deux aca- démiciens que j'ai dû contredire. En effet, M. Fétis a proposé lui-même de remplacer napaixérrnv par r.apavrivrrj. Ma correction n'est donc que l'inversion de la sienne, et si celle correction est admissible une première fois, on ne pourra pas la repousser raisonnablement une ligne plus bas. Quant à M. Vincent, il a déclaré ^ ne pas s'opposer au changement indiqué par .M. Félis. J'estime conséquemmenl qu'il ne rejellera pas davantage la conjecture (pie j'ai mise en avant. J'ajoulerai, d'ailleurs, que, dans Nicomafpie, p. 39, lignes 7 et H, les manuscrits portent deux fois rra/jav/ir»;; au lieu de Tra^uatteo»;? , comme l'a fait observer Meibom (p. GO). Le texte d'Arislole, ainsi modifié, ne présentera plus désormais la moindre difficulté : il y aura une parfaite concordance entre toutes ses parties, comme la traduction que je vais en donner le prouvera clairement. « Pourquoi la plus grave des deux cordes s'empare-t-elle toujours de la mélodie? En effet, lorsqu'il s'agil de chanter la paramèsey si on l'accompagne du son de la nè(e, la mélodie n'en souffre nullement; mais s'il faut, au contraire, chanter la iièle, alors on doit accompagner à l'unisson, et il n'y a plus de son isolé. Est-ce parce que le grave est puissant en raison de sa grandeur ^, et que dans le grand est compris le petit, et que [par exemple] Vhypate , au moyen de la disjonction, donne naissance à deux nèles distinctes. » Dans cette inlerprélalion, la fin du problème se rattache Irès-nalurelle- menl aux deux parties précédentes. M. Vincent, qui, comme nous l'avons vu plus haut, a remarqué que les problèmes d'Arislole se divisent généralement en trois membres distincts , ne veut pas leur attribuer à tous trois une égale valeur. « Dans les deux premiers , dit-il , c'est Aristote qui parle ; et l'on reconnaît presque toujours, dans la question qu'il se pose, des vues profondes ' Réponse, p. iJG. ^ Cf. probl. 8 : ^rà ri ij da-puct ràv t/î oÇfùc,- i);\ Iv y km dli n rSiv ■jjjj.y^v'-^v :fi:tJ Tome XXXI. 5 34 MEMOIRE On voit que la question posée par Plutarfjue est idenli(iue, pour le fond, avec le problème d'AristOte : Aïk ri -ùv yopSoiV h (Sacurépa tkû -à [xéloç 'tafx^dvei. Cette analogie n'a pas échappé à M. Vincent, et comme, en vertu de son opinion sur ce problème difficile, il a doimé un sens inadmissible, selon moi, à renoncé de la question, il sVst vu forcé d'interpréter le passage de Plii- tarque d'une manière que je ne saurais approuver davantage : « Pourquoi, lorsque des sons consonnants sont frappés ensemble, le plus grave a-l-il la prépondérance dans l'harmonie? » Ce que j'ai dit plus haut sur le problème d'Aristote suffît pour justifier ma traduction, à moi, du texte de Plularque. Il en résulte que, d'après ce dernier, la mélodie se trouve dans le grave. Voici maintenant la seconde citation de Plularque, qui est empruntée aux Conjuyalia Praecepta ' : « De même que, si l'on prend deux sons consonnants, c'est le plus grave qui produit la mélodie, de même dans un ménage sagement gouverné toutes les atïaires se font du consentement des deux parties, mais de manière ce- pendant à mettre en évidence la prédominance et la volonté du n)ari. » Les mois de ce passage que j'ai soulignés ont été traduits dilTéremmonl par M. Vincent : « C'est le plus grave qui a la prédominance dans Tliarmonie. » L'académicien français a été conséquent jusqu'au bout, c'est-à-dire que, d'après ma manière de voir, il a encore traduit ce passage d'une façoii inexacte. Mais , quelle que soit sur ce point notre divergence d'opinions , nous sommes d'accord quant à la question capitale; car dans les deux passages précités, Plulanpie veut, à toute évidence, parler d'une harmonie simulta- née. MainlenanI cette harmonie simultanée doit-elle être entendue seulemeni de l'octave? Une telle opinion ne me parait guère soutenable. En efVel, peut-on dire raisonnablement, alors (|u'on entend jouer une mélodie en octaves, que celle mélodie a|)partienl en propre aux notes inférieures? Cela n aurait un sens qu'en supposant que, dans la pensée de Plularque, raccompagnemenl du ('liant , au moyen d'un instrument de musique, se fait toujours, en cas de ' (;iiii])ilre XI et non pas IX, coninic le porte par erreur le texte de M. Vinrent -.'iïfrtp TpxTTSTXi niv ùx' iii^rifum oijuvii :ùvtuv , trtfxivd ifè riji/ roù àvfpà; Ifyefuviay xxi xpoxifean. SUR LA SYMPHONIE DES AISCIENS. 35 symphonie, à l'oclave aiguë de la mélodie chantée. Mais Philarque n'indique par aucun mot qu'il ail en vue cette consonnance spéciale produite par la mélodie chantée et par les notes de laccompagnement. « Deux sons conson- nants, dit-il, étant frappés simultanément (épû y.pBuo(j£VMv) K » Il s'agit donc évidemment d'un ou de plusieurs instruments de musique, produisant, par voie de symphonie, deux sons différents, et Plularque constate que, dans une pareille si/viphonie, la mélodie est engendrée par la note inférieure. Com- ment, encore une fois, Plutanpio aurait-il pu constater un tel fait, comment aui-ait-il pu s'en demander la raison , s'il n'avait connu d'autre harmonie simultanée que celle de l'homophonie et de l'anlipiionic? Le prohlème d'Aris- tote et les deux citations de Plularque nous ont donc amené à ce douille ré- sultat : I. Indépendanmient de l'homophonie et de l'antiphonie, dont l'usage dans la musique ancienne n'est pas contesté, les Grecs em|)loyaient encore en har- monie simultanée des intervalles différents, tels 1i è^oùpeciv , rsî/r' ify n rifv «/o-Oijtiv àu-ôiy sraycv fVi rô Ji3.lii^i'Uiv rà /nt'Aîv STt rijy T:xj>ir.yviTify. 'O '<Ù70; dï 'téyoi xai Tf/Jt rif; vvi-if,. Kai yà/j Taùrij rph /"-iv Ti;y xpootjiy sxp^y': Kxi Tpô; irxpxvijTiij o'iaycjy-); xat frpô; fiiai^y Tu/xfûyu; ' x'/rà iJ.(j>uvia , àa(fwjia. et leurs dérivés impliquent constam- ment et sans aucune exception la notion d'Iiannonie simultanée. Je puis donc me borner à constater les résultais. Soit la gamme mi fa sol la si ut ré mi. C'est d'après cette échelle qu'on chantait le mode spondaïque, en négligeant toutefois Vut et le mi à l'aigu. Maintenant Plularque, probable- ment d'après Arisloxène, veut prouver que ces notes, quoique non employées dans le mode spondaïque , n'étaient pourtant pas inconnues aux anciens mu- siciens qui avaient composé conformément à ce mode. En effet, dit-il, ils faisaient usage de ces notes dans le jeu des instruments ^ servant d'accom- TtJ ffTCvJfraxw Tporoi. OÙ fiôvoy de ToÙTOi.;, à>>« xai Tj (7Ut/>j/ifié>i:v v>JTfi cura xt'xpijyTa/ TrdvTCi ' x'j.rà y.tv yàa Tîjv Kpoiaiv «ùr^v ^nifâvouv npô^ te 7rapan}Ti}v xat ?r/iôs' TTa.p]V xoà [auvs-^âyouv Trpo; re ^èatfv xat] irpôç Uxavov • Kazi d'à rô fit'Jo,; , xxv aîaxw Molntâi p5?,7râ xpr'i- Du rapprochement de ces vers, M. Roeckh tire la conclusion que le mode dorien et le mode éolien pouvaient être combinés en harmonie simultanée. Or comme ces deux modes sont distants l'un de l'autre d'une tierce mineure, l'emploi de cette dissonance serait démontré. Le même fait paraît à M. Boeckh résulter d'un vers de Pindare cité par le SColiastO : Mohùç e(5Mvs ^upiav nAeuSov Jpwv. M. Fétis combat très-vivement ^ les conclusions du savant académicien berlinois. Toutefois son argumentation n'est pas de nature à atteindre le célèbre pliilologue allemand *. Voici, entre autres choses, ce qu'il dit sur ' Plat. Larh. : "Unep (^api7T'i) ^ivif ÉJiijwxij iariv âppiovia. * Cf. Volkinann, ml. Plnt. de Mus., pp. 140-47. "' Mém. , pp. 04-1)5. ' On peut ilire la même diose des arguments de M. H. Martin, lequel, pour ne citer que ce seul fuit, traduit Kh^Ui ^oiTii par danse éolienne (/. c, II, p. 18) : c'est là ce qu'on appelle, en termes de logique, une pétition de principe. 44 MEMOIRE ce point : « Mais il y a une objection bien plus forte contre Tinterpréta- tion de Boeckh; car, au temps de Pindare, il n'y avait pas de mode nommé ('ulicn. Alors, comme au temps de Pylhagore, dont la naissance avait pré- cédé celle de l'illustre poëte d'environ soixante ans, on ne pouvait connaiire que le plus ancien système de tonalité grecque, lequel était formé des six modes, iaslien, dorien, phrygien, lydien, lydien-synton cl mixo-lydien , dont toutes les gammes étaient incomplètes et portaient encore les signes de leur origine orientale; ou bien, si déjà le système était perfectionné, c'était celui dont parlent Aristoxène et Euclide, comme ayant été antérieur à celui de leur temps, système composé de sept modes, hypodorien, mixo-lydien , lydien, phrygien, dorien, hypolydien et hypophrygien. On voit (|ue dans Tun et dans l'autre système , il n'y a pas de mode éolien. » Assurément, M. Boeckh n'est pas infaillible; mais l'erreur de fait que lui attribue M. Félis est tellement improbable par elle-même qu'on pourrait, me parait-il , la repousser à priori. Aussi me suis-je convaincu, vérification faite, (jue largument de M. Fétis est sans la moindre valeur. Il sullil, pour le prouver, du témoignage d'IIéraclide qui nous a été conservé pai- Athénée ' : « C'est pourquoi (les Éoliens) ont un caractère approprié au mode hypo- dorien. En effet, comme dit Iléraclidc, c'est ce mode-là qu'on appelle éolien, ' DeinnOS. , 1. XIV^, p. G24, D. : i/à xoà Tfp/t^ouu/ (0/ AioAfT;) tô t?; ôiroâapcu xa/cuufyij; âp- poi/iaî ij^o; "AuTij yâp èuTi, 7r« Kcpàv te KiufitWo "Aio^O!/ ftlf/ipo/aj' vftvwy àvàyuy A/b>/» L'accompa- gnement à roctave, par voie de magadisation, est donc essentiellement dif- férente de la ùno zr)u t^v y.po'joic, dont parlent Arislole et Plutanpie. La nature spéciale de cet accompagnement nous est encore révélée d'une façon plus exacte par un texte fameux de Platon , qui a été l'objet , de la part de M. Slallbaum, d'un travail à tous égards remarquable -. « C'est donc dans cette vue (|ue le maître de lyre et son élève doivent faire usage des sons de cet instrument, à cause de la netteté inhérente à ses cordes, de manière que le chant soit reproduit note pour note. Mais relativemenl à la diversité des sons et aux variations sur la lyre, alors que les mélodies exécutées sur les cordes sont diflerentes de celles qu'à compo- sées le poêle — ce qui se fait au moyen de la symphonie et de l'antiphonie appli(|uées à la densité par rapport à la rareté, à la vitesse par rapport à la lenteur, et à l'aigu par rapport au grave; ce qui se fait encore quand on ap- proprie aux sons de la lyre toutes sortes de variations rhylhmi(iues, — re- ' IJojcseii, /. c, |). 108 : « Totani rem ita iiileipietor ut pulcm cos, qui cantuiu voiis tibiis romilarenlur, in reliquo canlu et variis iiguris mclicis et aliis s3niphoniis usos esse, in cx- Irrnio autcni caiitu non socus ac nostros nuisicos diapason consonantiani ailiiiliuissc. » Martin, l. c, p. 27 : « Ils avaient donc employé pour le moins la quarte et la quinte, et peul-élre même quelques dissonances introduites par des variations rapides cl fugitives. » * De Lcgg. , 1. VII, p. 812 : Toùrav Toiyuv cTt/ p^àpiy TsT; ^Bôyyoi; t^< iùpx; îrp:5%p^7()zi aoL-.ifvtM; iviKt. Tûv xop'f'^'' '■5'" "f xiOy.fiGTÎfV x«i t'ov TTa/J'Eus'fifvoy , à.Tzo'iiSivr'Ai TpâjxopJa ^B^yftjiTTC roïi r^éy- aiLuiv ■ T^y ^i ÎTifOrfUvwv x«t voixiuiv T^î XùpoLc, , âi>a ^h /«t'Ai; Twy xopjûv leiaôiv , â>A« àè To5 T;JV ^tiuilxv ^vAivZii TCIljrOÛ , X«i iTi ^ù^L-jOtvov xai i.vt'fMvi>v TTjipf %OjUfj';u; , xxi rwf puOfiiiy inxùrii; it'xvréâxsrx TzoïxîiitxTa TfC^'xp/iÔTrr/rx; rdïai fOôyyoi; rij; '•Opx; , nivrx tjv rà tî/ixDtj! fiii npotr-fépdn to7< /jtéiXcuviv iv rpiaty ireai ri t^ç «ou- SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. SI lalivement donc à toutes ces choses, il n'est pas besoin dA exercer des en- fants qui n'ont que trois ans pour apprendre le plus promptement possible ce que la musique a d'utile; car il est difficile d'apprendre des choses qui se contrarient et s'embrouillent réciproquement. » Platon, comme il est aisé de le voir, combat certains usages des musi- ciens de son époque, attendu que, d'après lui, ce sont des abus. Je ne veux pas examiner maintenant jusqu'à quel point Platon avait tort ou raison ^, il me sutTil de constater ce qu'on faisait de son temps. Or voici ce qu"on pra- li(|uait en enseignant la musique. Nous avons vu que, d'après le témoignage de Plutarque, tous les anciens musiciens antérieurs à Archiloque ne connaissaient d'autre accompagne- ment que celui de l'unisson. Cet usage fut modifié de bonne heure, et Ion arriva ainsi à un mode d'accompagnement de plus en plus varié. Platon , (|ui réprouve cette méthode, nous en fait connaître trois applications diffé- rentes. Nous savons que, dans la musique ancienne, on distinguait trois genres principaux : le diatonique, le chronialique et Yeultannoiiique. Le dialoniijuc procédait du grave à l'aigu par 7] ton + 1 ton + I ton; le chromatique par I ton -|- l ton + 1 { ton; l'enharmonique par J ton + | ton + 2 tons. Deux de ces genres avaient ceci de commun, que la somme de leurs deux premiers intervalles était plus petite que le reste du tétracorde. Or c'est celte somme qu'on qualifiait de tt-jxvsv. La TOuvânj? était donc, d'une manière généiale, une suite de plusieurs notes très-rapprochées l'ime de l'autre. Mettre en rapport la n'Mvézm (densité) avec la ixavôzyii (rareté) des intervalles, c'était intercaler dans une suite mélodique des degrés plus petits que les notes principales. Il résulte de là (|u"un des trois artifices dont on se servait dans le mode d'accompagnement blâmé par Platon, consistait dans l'emploi de certaines notes de passage intercalées dans les notes du chant. Le second artifice, résultant du premier, s'obtenait par la rapidité des traits mêlés au chant principal. ' Beriiliardy, GrUrh. LilL, 2' Auf}., 1, p. 78 : « Kcin Wunder dass Iclztere (Phrvnis, Timotlious) von don Vorkamplerii (ïir aile Sitle — in das ungiinstigstc Liclil geslellt werdcn; (■lier verwundcrt man sich dass seibsl Neuere sic nacli solchen Stimmen beurtlieilen. " 32 MEMOIRE Pour ce qui concerne enfin le troisième genre d'ornements condamné pai Platon, ce n'est autre chose que riiarmonie simultanée, comprenant non- seulement l'octave, mais aussi la quarte et la quinte. Tous ces points ont été établis par M. Stallbaum ' de manière à ne |)lus laisser aucun doute. La seule erreur que j'aie constatée dans son commen- taire, c'est (|u'il considère le âi-mw comme Tintervalle de seconde ", tandis que c'est manifestement la tierce majeure ^, et qu'en outre, il croit que ce dilon doit être rangé dans la catégorie des consonnances. Sans doute , Gau- dence dit expressément que le diton est une paraphonic , et le mot de para- phonie, comme je l'ai exposé plus haut, désigne parfois des intervalles consonnants, tels, par exemple, que la quarte et la quinte, mais personne n'a prouvé jusqu'ici que la seconde ou la tierce majeure fût considérée par les Grecs comme une consonnance véritable. Après ce que je viens de dire, on comprendra difficilement (jue M. Fétis ait pu se persuader * que son système est identique avec celui de M. Stall- baum. En effet, M. Fétis ne voit dans tout cela que « les arlilîces par les- (|uels les mélodies composées par le poète étaient ornées par les chanteurs et par les instrumentistes, artifices par lesquels les musiciens grecs en va- riaient les formes, comme font les artistes de nos jours. » Il n'y veut pas reconnaître « l'indication des parties différentes, desquelles aurait résulté une harmonie analogue à celle de la musique moderne. » Celte dernière phrase est, à la vérité, ambiguë. Je ne prétends nulle- ment, pas plus que MM. Boeckh et Vincent, (]ue l'harmonie des anciens fût la même que la nôtre. La seule chose qu'il s'agisse de constater, c'est de savoir si « l'homophonie et l'anliphonie composèrent toute l'harmonie des Grecs •'. » C'est en cela que consiste le système de M. Fétis, et , sous ce rap- port, les résultats obtenus par M. Stallbaum sont loin de concorder avec les idées du savant professeur de Bruxelles. D'ailleurs celui-ci, quoiqu'il donne ' Mtisica ex Plutonc. Lij)s. , 184G, pp. 19-26. - L. c, paf;e 24. ' Cf. Gnudcnl., Inlr., page 12; Plut., Mot:, page 4ôU, \. ♦ Mém. , pp. 1 3 cl 1 4. " Fctis, Mém., page 108. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 55 une analyse suivie de la dissertation du philologue allemand, ne doit l'avoir lue que très-superficiellement. Comment, en eflet, aurait-il pu dire sans cela que le texte de Platon, altéré par les copistes, avait été corrigé par M. Stall- bauni? Le fait est que dans tout ce passage, il n'y a pas eu un seul mot de changé; ce ne sont donc pas, comme le dit M. Félis, les altérations du texte qui ont pu causer Terreur des interprètes. Mais ce n'est pas à cela que se bornent les distractions de M. Fétis; car voici comment il résume l'opinion de M. Stallbaum : « Après avoir aussi combattu l'opinion de Keppler et de quelques autres, qui ont dit que ce que les Grecs appellent musique mérite à peine le nom d'art, il ajoute : » « Cependant nous pensons que ceux-là ne sont pas dans le vrai qui ont été d'avis que cette partie appelée par nous harmonie leur a été connue (aux Grecs) et qu'ils en ont fait usage. » Quiconque aura lu cette phrase devra se persuader que, d'après M. Stall- baum , la musique des Grecs , quoique ayant un mérite très-réel , était toute- fois complètement dépourvue d'harmonie. Or voici ce que dit en toutes lettres le célèbre critique ' : « Considérantes igitur verba Platonis accuratius ac senlentiam iis sub- jeclam diligentius perpendentes primum quidem nobis plane persuasimus, in magna opinionis errore illos versatos esse , qui vetcribus Graecis et Ko- manis omnem fere plurium vocum suaviter consociandarum artem rationem que abjudicaverunt. In cpiorum numéro adeo fuit magnus ille JOANNES KEPLERUS, qui in libro nobilissimo De Ilarmonia mundi , p. 80, eos in ista arte non plus profecissc arbitra lurcpiam nostros utricularios. »> L'opinion combattue par M. Stallbaum n'est donc pas celle qu'indicpic M. Fétis, c'est l'opinion de M. Fétis lui-même, et Keppler n'a point soutenu que ce que les Grecs appellent musique mérite à peine le nom d'art ; il a dit seulement que Vharmonie simultanée des anciens n'était guère plus pai'faite que celle de nos joueurs de cornemuse. Le résumé donné par M. Fétis est donc assurément peu fidèle. Mais poursuivons la citation de M. Stallbaum : « Enimvero vel ex iis, quae modo ad illustranda Platonis verba de anli- * L. c, page 26. 54 MEMOIRE phoniae el symphoniae rationibus dispiitafa sunl, perspicuum fore arbilra- niur, Graecos utiquc pcrspecla habiiisse varia vocum ac sonoriini irUervalla. Qiiod prolecto vel soluin salis est ad aliquani arlis iliiiis laudem iis vindi- raiidani. Nunc vero multo plura etiam iis nota fuisse coinperUiin babennis, (|uae nos dubilare non sinunl, qiiin in bis rébus majus quiddam, f/uam illi pulanl, praeslilerint. Quamciuam (juo usque in eo progressi sunt, in tanla U'Slinioniorum penuria vix conjici, neduni definiri uncjuam poteril. Verum iiUid quidcmvel ex boc uno Platonis loco intelligi possearbilramur, Graecos in hac arlis musicae parte neuliquam rudes plane el imperilos exlilisse. Verum enim vero lamelsi arbitraniur refelli hoc Platonis loco gravissime eorum sententiam , qui vetoribus niaximam boc in génère inscitiani cxpro- braverunl; tamen nec illos verum vidisse existimamus qui cxinde college- lunt, eam, quae nunc vocalur, barmoniam illis notam fuisse et usitalam. » 11 est évident, d'après ce passage, que les conclusions auxquelles a abouti M. Stallbaum sont de tout point contraires aux idées de 31. Fétis. Tous les passages que nous avons anal> ses jusqu'ici nous semblent avoir mis hors de doute les résultats généraux que voici : L'harmonie simultanée des sons était connue des anciens et appliquée par eux aux instruments et aux voix. Mais ceci doit s'entendre avec de grandes restrictions. Les voix, quelque nombreuses qu'elles fussent, ne chantaient toujours qu'en lioinophonie ou en autiplionie. L'acconqiagnement confié aux instruments avait des ressources beaucoup plus variées. Il se faisait d'abord au moyen des intervalles consonnants, c'est-à-dire de l'unisson, de la (|uartc, de la quinte, de l'octave, de la on- zième, de la douzième, de la double octave, etc. Il admettait ensuite, dans une certaine mesure, l'emploi d'intervalles plus ou moins dissonants. A celle catégorie appartenaient, par exemple, le triton et la tierce majeure, qui, dans l'accompagnement, paraissaient consonnants, (juoiqu'ils occupassent, d'après le témoignage de Gaudence, une place inter- médiaire entre les consonnances el les dissonances. L'intervalle de seconde. Ionien constituant une vraie dissonance, n'<''lail |)ourtanl pas exclu de racconq)agnemenl dune manière absolue. SUR LA SYMPHOr^lE DES ANCIENS. 33 Il est très-probable que cette harmonie simultanée ne comprit jamais au delà de deux parties, à moins que l'une d'elles ne fût doublée à l'octave. L'homophonie, quoique, à proprement parler, elle ne puisse pas être con- sidérée connue formant symphonie, était placée sur la même ligne que les autres consonnances, c'est-à-dire que, dans un certain nombre de cas, les deux parties se confondaient en une seule. L'accompagnement, alors quil n'était pas homophone, se faisait toujours à l'aigu du chant. Il est très-pro- bable aussi (jue fort souvent l'accompagnement consistait surtout à faire en- tendre, en même temps que la mélodie, des ornements, des traits, des dessins, comparables, sous certains rapports, à ce (jue font les organistes en accompagnant le plain-chanl. Il est clair, d'après ce que je viens de dire, que je ne saurais admettre l'opinion de M. Vincent, relativement à la musi(iue d'une ode de Pindare qui nous a été conservée par Athanasius Kircher. Cette musique se compose d'abord d'un certain nombre de notes vocales appliquées aux quatre premiers vers (conformément à l'ancieune division) de la première ode pytbique; puis vient, pour les quatre vers suivants, une série de noies iustrumentules , précédée des mois : x«>«« -"'« »%<»• MM. Boeckh et Félis sont d'avis que le chœur, ou peut-être seulement le coryphée, chantait les quatre premiers vers sans acconq)agnement , tandis que la mélodie des vers suivants était exécutée à l'unisson par les voix d'une part et la cithare de l'autre. M. Vincent a supposé au contraire que ces deux séries de notes constituaient, la première, la mélodie, la seconde, Taccom- pagnemenl, et que la combinaison de ces deux séries, appliquée successive- ment aux trois parties de la strophe, nous en fournissait la mélodie tout entière , dûment accompagnée. Le seul argument sur lequel se fonde 31. Vin- cent pour justifier cette hardie conjecture, c'est que, d'après lui, « si la voix devait être accompagnée à l'unisson par la cithare, il suflisait d'en faire mention, en continuant, ce qui était naturel, d'employer les notes vocales. Il est évident, ajoute-t-il , qu'en supprimant celles-ci, c'est comme si l'on eût dit : Pour les noies vocales voyez ci-dessus '. » ' .Yotices , page I o4. n6 MEMOIRE Celle argumenlalion me paraîl très-peu solide. Il y avail, eu effel, deux espèces de noies, consacrées les unes au chant, les autres à la musique instrumentale, Or si, pour la seconde partie du morceau de musique en (jueslion, on voulait indiquer Tunisson de la cithare et des voix, on pouvait recourir à trois systèmes difl'érenls : I. Continuer d'employer les notes vocales, en y ajoutant une indication relative à la cithare. H. Écrire à la fois les notes vocales et les notes instrumentales. III. Se borner aux notes instrumentales. Le second de ces systèmes constituant une redondance, on ne pouvait opter raisonnablement qu'entre le premier elle troisième. Maintenant ce der- nier me paraît de beaucoup préférable; pourquoi, en effet, lorsqu'il s'agit de choses différentes, ne pas recourir à des signes dilïérents? C'est là ce (jui justifie le système auquel, d'après MM. Bocckh et Félis, s'est arrêté le com- positeur dont nous examinons la musi(iue. Mais, dira peut-être M. Vincent, dans celle hypothèse, il eût élé inutile d'ajouter les mots etç w9«pv. Je réponds que l'accompagnement , (juoiciuil fût indi(|ué par les notes instrumentales, pouvait se faire sur la flùle aussi bien que sur la cithare ; il était donc nécessaire que le compositeur précisai quelle espèce d'instrument il désirait qu'on employât. M. Vincent, dans sa Réponse à M. Félis ', est revenu sur son argumenta- lion précédenle; toutefois, quoique présentée sous une forme nouvelle, elle est, pour le fond, demeurée la même, ce qui revient à dire qu'elle ne m"a point convaincu. L'opinion de M. Vincent me parait donc une pure hypo- thèse, fort ingénieuse, je le reconnais volontiers, sans que, néanmoins, il me soil possible de la considérer comme fondée. Car, indépendamment des objec- tions (prdle soulève en détail , elle est en contradiction formelle avec le dou- zième problème d'Aristote -, ainsi qu'avec les citations de Plularque (lue j'ai commentées plus haut. En effet, comme je crois l'avoir i)rouvé clairement, il résulte de la confrontation de ces divers passages, qu'à toutes les époques de la musique hellénique l'accompagnement s'est fait à l'aigu. L'hypoihése ' Pages (17-7 j. » Sect. XIX. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 57 de M. Vincent implique le conlraire, conséquemment, je ne saurais Tad- mellre. Je regrette de ne pas |)ouvoir me rallier davantage à Topinion émise par M. Vincent ^ sur un curieux fragment de musique, représenlanl, d'après lui, une gamme de cithare exécutée par la main droite et accompagnée par la gauche. Je considère ce fragment, malgré tout ce qu'on en a dit, comme formant provisoirement un problème désespéré; en tout cas, je ne saurais y voir ce qu'y a vu Pillustrc académicien français , par la raison fort simple qu'en adoptant cette hypothèse, nous aurions de nouveau un accompa- gnement au grave, ce qui serait contraire à toute analogie. § VI. Analyse des objections faites par M. Fétis, au point de vue des instnimcuts à cordes. Je pourrais ici terminer mon mémoire , car je crois avoir prouvé, par des témoignages irrécusables, m\''une certaine harmonie à deux parties était pratiquée par les anciens. Comme, néanmoins, M. Félis a consacré cpiarante pages in-quarto à dé- montrer que les instruments de musique dont se servaient les artistes de la Grèce excluent la possibilité de l'harmonie simultanée, il ne sera pas inutile de vérifier mon système en l'examinant à ce nouveau point de vue. M. Fétis étudie d'abord les instruments à cordes, en commençant par les lyres et les cithares ^. Les monuments figurés nous en offrent des variétés très-nombreuses, dont la plupart sont tout à fait hors de cause, si nous en croyons le savant professeur de Bruxelles. Ainsi , d'après lui , tous les in- struments dont les cordes étaient mises en vibration par un plectrum, et dont le nombre est de beaucoup le plus considérable, doivent être écartés au point de vue de la question des accords, puisqu'on n'en pouvait tirer qu'un son à la fois. ' Xolices, page 2!i7. Il(^p-, pages 30-47. - M cm., page 80. Tome XXXI. 8 88 MEMOIRE l'iK' pareille conclusion n'est nullement admissible, car si la main droite avait recours au plectrum , rien n'empêchait la gauche de se servir de ses doigts ^ Il faudrait donc démontrer par les monuments figurés que, dans la plupart des cas où l'on jouait de la cithare ou de la lyre, la main gauche n'était point employée. Or cette démonstration est tout à fait impossible, ce (jui réduit à néant la distinction éta])lic par M. Fétis. Ce savant élimine, en second lieu , les cithares et les lyres qui ne sont mon- tées que de trois, quatre ou cinq cordes. Des représentations de pareils instruments existent en efiet, mais je ne crois pas qu'il faille y attacher la moindre importance; car quiconque a étudié quelque peu l'histoire de larl chez les Grecs sait fort bien que, dans la reproduction des détails, les artistes grecs n'étaient guère scrupuleux : ils se contentaient de quelques pierres pour indiquer le rivage, de quelques poissons pour représenter la mer, d'une colonne pour marquer le voisinage d'un temple, etc. Combien de fois ne voit-on pas sur les monuments figurés des lyres et des cithares dont les cordes soûl absentes! En conclura-l-on qu'il y avait des lyres sans cordes? La reproduction minutieuse des détails est propre à l'art égyptien, tandis qu'elle est antipathique au génie de la Grèce. Conséquemmenl, si, dans quel- ques peintures de vase et, à plus forte raison , si, dans quelques bas-reliefs, la lyre n'est montée que de trois , quatre ou cinq cordes, cela ne prouve en aucune façon que ce nombre restreint ait jamais répondu à la réalité. D'ail- leurs, dans la plupart des cas où les dessins sont suHisamment étendus pour qu'il y ait eu lieu d'en soigner plus ou moins les détails, il se trouve que le nombre des cordes est de sept ou même de huit. Or, comme le démon- trent de nombreux témoignages, la lyre la plus ancienne dont nous ayons à nous occuper (car il ne s'agit pas de remonter aux temps fabuleux) était niouiéo de sept cordes. Ceci résulte à toute évidence du passage suivant d AriSlOte * : -r, on èTrrà ri'jxj a: ypf^xl ~h àpyaxTj , în é^ù/M zr;j rpi.'rr,'j Téjjâoa/'if,:: t/;v F/inv(uilion de celle lyre à sept cordes est, en outre, attribuée à Mercure ' Ascoiiius in Cic. , il, \ers I, :20, Jiô : • Qniini canunl citharistlie ittriusquc inaniis lim- guiitiir oflicio. Dexirct pleilro utiliir et lioc est foris cuiiere. Sinislrac tliijitis clioidas iar|)iiiit et hoc est hiluH ranere. « ^ ^ Proht. XFX,32. SUR LA SYMPHOiME DES ANCIENS. S9 lui-même par l'auleur de l'hymne homéri(|ue en Thonneur de ce dieu ' : Pour ce qui est de la phorminx mentionnée par Homère, j'ignore naUi- rellement le nombre des cordes dont elle était montée; aussi n'est-ce pas là que réside la question. Les origines de la musique véritablement digne de ce nom se rattachent, en Grèce, au nom de Terpandre, qu'il faut placer vers les premières olympiades. Les peintures de vase ne remontent pas plus haut, et les conclusions qu'on peut en tirer n'infirment en rien ce que nous savons, d'autre part, sur le nombre de cordes de la lyre de Terpandre. Toutefois, dit M. Fétis^, « les lyres à sept cordes n'offraient pas plus de ressources pour une harmonie véritable que celles (|ui n'en avaient que cinq ou six, la tierce étant bannie du nombre des consonnances ; car l'heptacorde, accordé dia- toniquemont, ne fournissait, dans le mode lydien, par exemple, que trois (piartes, trois quintes, et pas même l'octave d'une seule note. Or nous ne devons pas oublier que la ([uarte et la quinte ne se magadisaiont pas dans l'ancienne musi(pie grecque. Quelles successions de quartes et de (piintes au- rait-on pu tirer de leur mélange en se renfermant dans ces limites? Les voici : » ■ ^^^m Le mode lydien qu'a en vue M. Félis ne peut être que celui dePtolémée, s'il faut en juger par le tableau comparatif annexé à la fin de son mémoire. Quanta l'heptacorde, accordé dialoni(|uemontdans ce mode, il se compose, d'après M. Fétis, des notes suivantes : car ce n'est (pie dans cet arrangement qu'on trouve trois (piartes et trois quintes. Pourquoi, cela étant, M. Fétis a-t-il exclu l'accord ~o — B.7 F=i- T ' Vers 5 1 . "^ Mém., pngc 85. 60 MÉMOIRE Voilà ce que je ne puis comprendre. Mais ce qui esl plus grave, c'est que M. Fétis a admis la possihilité d"uii tel heptacorde. Cet hcplacordc n'a jamais existé, par la raison fort simple que, d'après la théorie des anciens, il devait être composé de deux tétracordes véritables. Ces tétracordes étaient conjoinls ' avant l'innovation de Terpandre, disjoints après celte époque. Or, en supposant que la lyre heptacorde ne comprit pas d'octave, elle ne se prêtait, dans le genre diatonique, qu'aux trois combinaisons suivantes : é^Q-rr-^^ Vô-fr~^W^ ^ ,r^~0=^ :^^^2r^=^ 'W^ -o^ zazl Dans chacune de ces gammes, il y a quatre quartes et deux quintes. Voici donc comment on pouvait procéder, en admettant toutes les resiric lions exigées par M. Fétis : 1 ^=a-^ o ^^^ '' ■ t. -Ch ^ o o ^ o Mais ces restrictions sont-elles commandées par les textes? Nous avons \u plus haut, d'après un passage de Plularque, que les plus anciens musiciens de la Grèce admettaient, dans la gamme mi fa sol la si bémol ul rr, l'ac- compagnement du rc pour le sol, le la , le si bémol et Vuf. « Les tierces, dit M. Fétis, étaient bannies du nombre desconsonnanccs. » delà est exact, mais on en faisait usage dans l'accompagnement, ainsi (|ue le prouvent le témoignage de Plularque et le texte de Gaudence ([ui ont été dis- cutés plus haut. « En outre, ajoute 31. Fétis, nous ne devons pas oublier (juc la quarte et la (|uinte ne se magadisaient pas dans l'aneiemie imisi(|ue. » Sans doute, comme nous l'avons montré précédemment, on ne magadisait que Tin- Icrvalle de l'octave ; mais de là il ne suit nullement qu'on ne pût pas em- ployer successivement deux (piarles ou deux quintes. Mayadiser c'est jouer de la magadis ou faire de la musicpie conformément à celle qu'on exécutait habituellement sur cet insirumenl. Or quel était le principe de la magadisa- lion? (l'était l'emploi de la mênie consonnance, appli(piée successivement à toutes les noies d'une mélodie. ' Nicom., page 20, éd. Mi'iboiii. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 61 Dans la musique ancienne, on ne magadisait que Foclave; il en est de même de la musique moderne; esl-ce à dire que, dans la musique actuelle, on ne puisse employer de suite deux tierces majeures? J'ignore, par conséquent, si la musique ancienne n'admettait pas, par exemple, la succession de deux (|uarles. La musique moderne repousse deux quintes successives. En était-il de même pour la musicpic hellénique? Quehpie probable que cela soit , nous n'avons pas le droit de ValWnnev à priuri. Le genre enharmonique qui parait avoir été en honneur chez les Grecs, nous déchirerait , j'en suis sûr, les oreilles. Ne nous hâtons donc pas , dans des questions aussi obscures , de con- clure des modernes aux anciens. On voit, par ce qui précède, que les lyres à sept cordes fournissaient dans le système conjoint au moins cpialre quartes, deux quintes, une tierce ma- jeure et une seconde , pour raccompagnement des six notes inférieures (car le ré ne pouvait être accompagné qu'à l'unisson). Dans le système disjoint, il y avait trois «juintes, trois quartes, une octave et une seconde. Le der- nier fait est attesté par Plutarque. Mais la lyre à sept cordes, telle (|u'elle avait été constituée par Terpandre, fut, quelque temps après, modifiée par Pylhagore ', lequel y ajouta, comme huitième noie, la (rile. Dès lors il y avait quatre quintes, quatre (piartes, une octave, un triton, une tierce majeure el une seconde pour laccompagne- ment des sept notes inférieures. Cette lyre à huit cordes, que M. Fétis parait revendi(|uer pour l'époque romaine "", on la trouve sur d'anciens monuments grecs dont je me boi'ueiai à indiquer (|uel([ues-uns, mais dont le nombre pourrait être facilement aug- menté. Ainsi l'on voit un satyre jouant d'une lyre à huit cordes sur un vase de la collection Lamberg"'. Orphée jouant d'une lyre octocorde est représenté sur un vase magnifique, découvert à Canosa et conservé aujourd'hui à iMunich *. Un vase athénien nous montrant Alcée et Sapho, celle-ci tenant une lyre à huit cordes, a été publié, entre autres, par M. Welcker, qui iixe • Nicom. , page 9, éd. Mcil)om. 2 Mém., page 84. •* Voy. I^abortle, loni. I, pi. 49. * Description des tombeaux de Cunosa, pi. 2 et suiv. 62 MÉMOIRE l;i date de ce monument à environ la (luatl•e-^inglième olympiade (430 ans avant Jésus-Christ) '. Le même savant a décrit un \ase très-curieux où l'on remar(|ue encore une lyre à huit cordes -. l'eu à peu le noai])re des cordes de la lyre fut augmenté jusqu'à onze. Théopliraste de Piérie ajouta la neuvième, Ilistiée de Colophon la dixième, Timolhée de Milet la onzième \ El qu'on ne dise pas que ces indications ne se rapportent point à la lyre proprement dite; en elïet, rexislence de la lyre à onze cordes est attestée par le témoignage du poète Jon *, dont Euclido nous a conservé l'épigramme suivante : « Lyre à onze cordes, toi qui comprends dans la disposition une échelle à dix marches, une triple voie pour les consonnances musicales, jadis, quoi(|ue lu n'eusses que sept notes, tous les Grecs te faisaient résonner en accord; car ils se contentaient d'une pauvre harmonie. » Ainsi donc à Athènes, vers 430 ans avant Jésus-Christ, la lyre à sept cordes passail déjà pour un instrument suranné : que deviennent après cela les raisonnements de M. Fétis? Parmi ces raisonnements, il en est notamment un (|ue je ne puis passer sous silence. Pour prouver que, dans le jeu de la cithare ou de la lyre, les cordes de ces instruments étaient pincées tour à tour, alors même qu'on se servait des deux mains, M. Fétis se transporte en Egypte et en Asie, dont il décrit divers monuments. Sur ces monuments on voit , entre autres , une lyre et plusieurs harpes, montées d'un grand nomhre de cordes et jouées des deux mains. Or, dit M. Fétis, en Egypte et en Asie l'harmonie no fut jamais connue. Par conséquent, les cordes de ces divers instruments étaient pincées lour à tour, cl il en est de même pour les lyres et les cilhares de la Grèce ^ ' Wclckpi-, Altc Denhm. , Il . pi. XII , !2I. i ihki, m, pi. XXXI. ï Nicom., Il, page 33, éd. Mcibom. * Berglv, Poi'Uiv bjrki Gruec, page 4G3 : Ta; ciififUVQÙijOL^ kfyavi'Âi rpiiocu; Upiy ftiv aêtr-ircvov \pdXycv Jii réaaxùa Trjéyrti 'E>ii)Vf; crjivix-/ u-iùijxv àlitiiiuvzi. ^ Mhn., l)ugcs 8") et 80. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 65 On pourrait d'abord demander à M. Félis sur quoi il se fonde pour af- firmer , dans son Mémoire , que jamais rien de semblable à l'harmonie ne fut connu des peuples de TAsie. Que savons-nous de la musique assyrienne? Quels sont nos renseignements sur Tancienne musique égyptienne? Sous ce rapport , nos connaissances sont pour ainsi dire nulles. Mais en admettant même les assertions de M. Fétis comme fondées, qu'en pourra-t-on conclure quant à la musique hellénique? Je crois que ce qu'il y a de plus sage, c'est de n'en conclure rion du tout. Je ne suivrai pas M. Fétis pas à pas dans tout ce qu'il dit sur les Irigones, la magadis, etc.; car si l'existence de ces instruments polu'ordes ne prouve pas que, dans la musique hellénique, on ail fait usage de Tharmonie simul- tanée, assurément elle ne prouve pas non plus le contraire. Je me bornerai donc à deux observations de détail. 1. M. Félis ne connaît (lu'une seule peinture de vase où l'on voie la représentation d'un Irigonc. Je lui en signalerai une seconde qui est fort curieuse, et où l'on aperçoit Tcrpsichore jouant de cet instrument *. il. « L'étourderie d'Athénée, dit le savant professeur de Bruxelles ^ est moins excusable encore; car, après avoir dit tout à riicure que les iiislni- ments à grand nombre de cordes n'ont été connus que fort tard, il réfute Posidonius, en disant que cet auteur semble ignorer que la magadis est un instrument ancien. » L'étourderie, je regrette de devoir le dire, est tout entière du côté de M. Fétis. En effet. Athénée ne dit nullement que les instruments à un grand nombre de cordes n'ont été connus que fort tard ; car voici ce que porte son texte " : « Certains auteurs se demandent comment il se fait qu'Anacréon , bien que la magadis n'existât pas de son temps (en effet, disent-ils, les in- struments à un grand nombre de cordes ne furent inventés * que fort tard) ait pu néanmoins mentionner cet instrument. » Par conséquent, comme il est aisé de le voir, il n'y a aucune contradic- tion dans les paroles d'Athénée. ' VVeIckcr, Altc Denkm., 111, pi. 51. - Méin., page 'JO. s DeipnOS., 1. XIV, p. 655, C : àiaTzopoîiai ^è ëvioi, Sitai;, -?,; /x-iyàMoi wx oCsr, x'xzi '.\vxxpéo-^ra (o'if^ yâp TTCTE Ta Tzslûxoptfci. ô^O^^'a/) i>.viju.sveî>iyy aÙT?,- 5 'kvxKpésM Xeysi x.t.X. ^ Litléralenieiit vus. 64 MEMOIRE § VII. Analyse dos nbjoclions faites par M. Féfis , au point de rue des instruments à vent. Les indications de M. Fétis relatives aux flùles des anciens ne doivent être acceptées qu'avec beaucoup de circonspection ; car plusieurs d'entre elles sont dénuées de preuves suflisanles, d'autres nianifeslement inexactes. Le célèbre musicographe s'est efforcé de prouver que les flûtes doubles ('laient construites de telle sorte, qu'elles ne pouvaient point servir à la pro- duction de l'harmonie. A cet effet, il s'est d'abord appuyé sur un passage bien connu de Varron , (|ui nous a été conservé par Servius, Ad /En. IX, 618 : « Tibia Phrygia dextra unum foramen habet, sinistra duo, quorum ununi acutum sonum habet, alterum gravem. » M. Fétis conclut de ces mots que les flûtes de la droite n'avaient qu'un seul trou , et que les (lûtes de la gauche n'en avaient que deux. Telle n'est point l'opinion de M. Boeckh, (pu' applicpie le mot foramen à ce que nous appelons embouc/iiire '. M. Volkmann dit à propos de ce même passage - : « Varronis verbis equidem non niullum iribuo. » M. Fortlage ^ considère l'indication de Varron comme se rappor- tant à une époque mylbi(pic. On voit par là que le témoignage de Varron n'est pas aussi concluant que parait le croire M. Fétis. Quant à moi, qui ai fait jadis quekpies éludes spéciales sur Servius, j'ai acquis la conviction que le texte de ce commenlaleur a subi de trop profondes altérations, pour (pi'on l)uisse avoir une confiance illimitée en ses prétendues citations, surtout lors- (pi'elles paraissent en contradiction avec des renseignements puisés à d'auli-es sources plus sûres. Or voici ce que rapporte Acron , dans son commenlaire sur les vers 203 et suivantes de VArt poeti/jne d'Horace : « Varro ait in tertio disciplinarum el ad Marcellum de lingua lalina, quatuor foraminuni fuisse tibias apud an- ' De Mi'In's Finit. , page 26.'J. 2 Ad Plut, (le Mm., page 146. ' Pauly, Heal-Ennjcioji., VI. pa-^c 609. SUR LA SYMPHONIE DES AÎSCIENS. 6S tiquosetse ipsum ait in lemplo Marsyae vidisse liiiias quatuor foraminuni. » Ainsi donc, d'après ce même Varron, qui n'aurait attribué aux flûtes phry- ijjiennes qu'un seul ou deux trous, les flûtes qui n'en avaient que quatre étaient conservées dans les temples comme des antiquités. Qu'il y ait eu en Grèce ou en Asie des flûtes à deux trous, je ne le conteste pas, mais cela ne m'est pas démontré, ni par le passage précité de Servius, lequel n'aurait d'ailleurs, en tout cas, qu'une portée très-restreinle, ni par la circonstance qu'Alliénée ' dit en parlant des flûtes : :iâx'7i ^i /.al -Iz ài- r.cvç, ezt " (j.s'jo-MT.o-Ji v.cà ro'jç v.à>Mij.éyvjç, i/r.i-f.r-:rjz. M. Félis regarde commc cer- tain que la flûte iJiope n'avait que deux trous. Toutefois, voici comment s'ex- prime à ce sujet M. Volkmann ^ : « Ulrum vocabulum $'.or.oç, apud Ath. binos calamos an foraminum numerum speclet, dubium est. » On ne peut que louer cette sage réserve. Ensuite , lorsque M. Félis affirme (pie la flûte hé- wiope ou mésocope n'avait que trois trous, je ne sais sur quoi il appuie cette assertion. La mésocope n'est pas du tout définie par Athénée; (piant à Vhémiope , qui est différente de la mésocope , la seule indication qu'il nous donne est qu'elle n'avait pas la même grandeiu' (pie la flûte parl'aile (tcXjw; œ26c). « L'bypoirèle, dit encore M. Félis, était une flûte à trois trous percés dans la partie (jui faisait face aux doigts , avec un trou au-dessous qui se bouchait avec le pouce. » Ce dernier point résulte de l'élymologie du mol hypotrèle; mais, pour ce qui est des trois trous supérieurs, je me demande comment M. Félis pourrait en démontrer l'existence. Notons aussi, en passant, le singulier mode d'argumentation employé par le savant musicographe, à la page 95 de son Mémoire : « Les flûtes à un seul trou ou à deux ne sont pas les seules qui prouvent que la plupart des flûtes doubles n'avaient que des ressources bornées et insuffisantes pour la production de l'harmonie. » Ce raisonnement n'aurait de la valeur (|u'en admettant qu'il fût réelle- ment démontré que la plupart des flûtes doubles n'avaient que des res- sources bornées. M. Félis a essayé de prouver que certaines flûtes doubles ' Deipn., IV, page 186, Schw. - L. c, page 1 1 3. Tome XXXL " 9 66 MEMOIRE n'avaient (|u'iin seul, deux ou trois trous. En admellant qu'il eût réussi dans cette dénionstralion, encore n'aurait-il pas pu en conclure qu'il en était de même pour la plupart d'entre elles. Celte substitution de la phiparl à cer- faines n'est nullement motivée par la suite du raisonnement. Il est encore un autre point sur lequel le célèbre professeur de Bruxelles a émis une opinion entièrement neuve, mais ([ui me parait plus originale que conforme à la vérité. Toutes les lois que, dans les auteurs anciens, il est question de musi(|ue théâtrale, on se sert constamment du pluriel tibiae , ce qui a été entendu par tous les commentateurs dans le sens de flûtes doubles. Maintenant ces flûtes doubles étaient égales ou inégales, de la droite ou de la gauche [pares aut impares, dextrae aut sinistrae). La tlùte de la droite avait un son plus grave que celle de la gauche. Il y avait donc trois combinaisons possibles, c'est-à-dire (|u'on jouait à la fois soit de deux flûtes graves (pares et dex- trae), soit de deux flûtes aiguës (pares et sinistrae), soit d'une flûte grave et d'une llûte aiguë (impares dexira et sinistrn). Or de quelle manière se servait-on de ces flûtes doubles? L'opinion la plus généralement accréditée, est que les flûtes égales jouaient à l'unisson, les flûtes inégales en séries d'octaves. Mais, dit M. Fétis, « si les deux tubes eussent eu des intonations identi- ques, une flûte simple aurait été employée, puisque la double était inutile. » Cette argumentation n'est pas sans ré|)li(juej en eflet, M. le professeur Grysar, dans un travail très-remaïquable inséré dans les Bulletins de l'Académie im- périale de Vienne ', a émis l'opinion cpie cette flûte double et égale servait uni(piemenl à renforcer le son, de même que, dans les orchestres de nos jours, on voit souvent deux ou même plusieurs musiciens jouant à l'unisson du même instrument. Toutefois, j'en conviens volontiers, cette hypothèse ne me sourit cpic médiocrement, et connue nous savons, par le témoignage d'Arislote, que racconjpagnemenl de la flûte ne suivait pas toujours la mé- lodie, c'est-à-dire qu'il pouvait diflerer à la fois et de l'homophonie et do ' l'i-brr (las Caiilicuin uiid deii Clior iii dcr iiK'iiiisi'lu'n Tivigtidic {Sitziingsber. (1er iiliilvs.- hisl. et. (kr litiis. Al;. — l'ag. 15 du tire à part.) SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 67 rantiphoiiie , je crois plutôt que l'une de ces tlùtes guidait le chanteur en l'accompagnant à l'unisson, tandis que l'autre était surtout destinée à cet accompagnement varié dont j'ai plus haut démontré l'existence. Quoi qu'il en soit, d'après les idées de M. Fétis, lorsque les deux flûtes n'étaient pas réunies, on ne les employait toujours que Tune après l'autre. Voici de quelle manière il essaye de démontrer cette thèse ' : Il résulte du témoignage de Donat que les modes du chant théâtral [can- ticiim) pouvaient varier. Or pour chaque mode il fallait une llùle différente, et des tlùtes accordées dans des modes différents ne peuvent s'harmoniser entre elles; conséquemment, si les flûtes étaient égales, elles ne pouvaient pas être percées du même nomhre de trous, et ces trous devaient se trouver à des endroits différents. Je m'étonne (jue M. Fétis ait fait usage de ce mode d'argumentation , at- tendu qu'il nous apprend lui-même ^ que Pronomus de Thèhes ( maître d'Alcibiade) avait imaginé une flûte propre à jouer à volonté dans les modes dorien, phrygien et lydien. Ce résultat était prolvahlemcnl obtenu au moyen de chevilles dont M. Fétis a constaté l'exislence dans plusieurs pein- tures d'IIerculanum, et dont on trouve, en outre, la représentation sur un assez grand nomhre de bas-reliefs funéraires '•, Il ne fallait donc pas changer de flûte pour changer de mode; de sorte que le raisonnement de IM. Fétis s'écroule par la base. Mais il est une considération beaucoup plus grave (|ui montre que toute cette argumentation est entachée de nullité. En effet, lors- (lue Donat nous dit : « Necjue enim omnia iiadem murlis in uno cantico age- bantur, scd sacpe mukilis , » rien ne nous autorise à traduire le mot modm par mode. Modus en bon latin veut dire une mélodie et non pas une écfielfe musicale. Or, pour changer de mélodie, il n'était certes pas indispensable de changer de ton ou de mode. La thèse de M. Fétis n'est donc qu'une pure hypothèse. D'ailleurs, parmi les centaines de monuments figurés où l'on voit des mu- siciens se servir de deux flûtes, je n'en connais que deux, en tout et pour ' Mém., page î)fi. "- fd., page 95. 5 Voy. entre aiilres, Millingen, Viied. Mon., sér. Il, |)1. 1.5. 68 MEMOIRE loul, qui nous inontrenl remploi isolé de Tune de ces flùles : ce sont deux peintures de Ponipéi, représenlanl Tune el Faulre le dieu Pan ou Marsyas, donnant une leçon de flûte au jeune Olympe '. L'élève, guidé par son maî- tre, tient d'une main Tune des flûtes à la bouche, tandis que Tautre est maintenne à distance. On comprend facilement en vue de (|uel but Tarlisti^ a choisi cette disposition spéciale. Avant d'apprendre à jouer des deux flûtes à la fois, il fallait commencer par ne se servir que d'une seule, (les deux monuments ne prouvent donc en aucune façon qu'on fit usage des deux tubes de la double flûte d'une manière successive. C'est ici l'endroit de rencontrer l'opinion singulière émise par M. Fétis relativement à l'usage de la phorbêia. Je transcris en entier le passage qui s'y rapporte, pour ne pas être exposé à en altérer le sens ^ : « Les deux tuyaux des flûtes doubles étaient en général séparés ; ils ne se réunissaient que dans la bouche de celui qui en jouait. Pour leur donner une position fixe et solide, le musicien s'attachait sur la bouche une sorte de bandeau en cuir inventé chez les Grecs, qui rappelaient jjhoibéia : les Latins lui donnaient le nom de aipistniiii. Ce bandeau était percé de deux ouvertures par lescpielles le flûtiste introduisait dans sa bouche le tuyau dont il devait jouer; l'autre tuyau était appuyé sur le bord de l'ouverture de la phorbéia, pour être à son tour introduit dans la bouche, quand le pre- mier tuyau en était retiré. Tel était l'usage véritable de la phorbéh. Les archéologues se sont trompés sur sa destination, lorsqu'ils ont dit qu'on s'en servait pour empêcher que le souffle ne se perdit hors de l'embouchure de l'instrument. » Notons d'abord dans ces mots une erreur de fait. Cuphlrtun se dit d'une muselière de cuir; ce même objet était désigné en grec par le mot '^zçfiz'.a. Mais si les Grecs se servaient aussi de ce terme pour désigner l'appareil décrit par M. Fétis, il ne s'ensuit pas que cet usage figuré fût également applicable au mpisinun. Ceci n'est assurément qu'un détail insigmfiant ; mais lorsque M. Fétis aflîrme sans hésiter qu'on ne se servait toujours, en ' V(n. Pitl. d'F.rr., I, pi. 47; Mua. Doih., X. pi. ±1; Brumi, Hhln. .Uns., I.S'.ti. pp. i70 svv. * Mém., pape ;>7. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 69 eniployanl la phorbéia, que de l'un des tuyaux composant la llùle double, et que l'autre tuyau était appuyé sur le bord de l'ouverture de la phorbéia, pour être à son tour introduit dans la bouche, quand le premier en était retiré; lorsque, dis- je, il affirme de telles choses, je me demande si l'écrivain que je combats n'a pas eu connaissance des monuments figurés qui nous montrent l'usage (ju'on faisait de la phorbéia, ou bien si, en dépit de ces monuments, et malgré l'absence de témoignages écrits, il a substitué ses propres conjectures à des documents historicpies. L'ne des représenta- tions les plus exactes de la phorbéia se trouve sur un des vases de la col- lection de Leyde qui ont été publiés par M. Koulez '. Le célèbre professeur de l'université de Gand a indiqué, en note, les principaux monuments où le même appareil a été reproduit -. Or, dans toutes ces peintures, sans aticum' exception, l'artiste muni de la phorbéia se sert simultanément des deux tuyaux de la double llùtc. Je ne sais donc sur quoi se fonde M. Félis lorsqu'il dit, en parlant de son propre système : « Tel était l'usage véritable de la phorbéia. » Nous ne possédons, sur la destination de la pliorbéia, que trois témoignages anciens, empruntés, le premier au scoliasto d'Aristophane, le second à un traité de Plularque, le troisième au lexique de Suidas : "Otiw.; cv aùix[jiSTpov tô 7n/£jjua T.EiJ.~6fxvjo-u r.^îav zr;v (j^vr^'j -ci) œj'/.cîi T.zw,m "*. O Ma^4- ... ( . . 1 • i ^6q(Îiov ' TS TtzCi-/.s'.y.zy:v tm 0T5,uaT! t:J aJ/j^TCÛ âépfxy., '.•jy. [>:(] T/pb-r, ~o yvJ.^i xj-.7j "". Ces explications sont loin de s'accorder, et aucune d'elles ne me parait pleinement satisfaisante. En effet, comment la phorbéia, qui devait néces- sairement défigurer le visage, aurait-elle pu être considérée, quoi qu'en dise Plutarque, comme obviant à la laideur résultant du gonflement des joues? Le remède eût été pire ipie le mal. Ensuite, s'il ne fallait jouer que d'une flûte, on devine difficilement l'utilité de la phorbéia, en ce sens (ju'elle I I>1. XVIII, PI). 79 et siiiv. du k-xle. ^ \o\j. cncoïc l'anofka, Yasl ai premio, t. IV, 15; If mcinc, Musée Ulucaa, pi. XIll-XV; Bouillon, Musée des anliia.ii (jiù'JouGt '■^ipfiuS.ç, axsp. » Un commentaire sur ces mots se trouve dans Longin , qui s'exprime de la manière suivante", en parlant de Clilarque : ^hroôriz ykp h âvr,p, zai oj^ùv, zarà zàv SsfflojtXs'a, ap.iv.poïç, uiv m'kÎTAOt'ji , ifopjSeixç âcf.rsp. H me paraît résulter de la combinaison de ces deux passages qu'on avait généralement recours à la phorbéia, lorsqu'on jouait de deux tlùtes de petites dimensions". Quant aux grandes flùles doubles, je crois qu'on pouvait, selon le but à atteindre, s'en servir avec ou sans phorbéia. Loistju'il s'agissait d'obtenir de la douceur dans l'intonation, on avait recours à cet appareil disgracieux; lorsqu'au contraire, on voulait jouer à plein souflle, les deux grandes flûtes étaient employées sans phorbéia. Quoi qu'il en soit, un point est acquis, c'est-à-dire qu'il n'existe rien, absolument rien, ni dans les écrits des anciens, ni dans leurs monuments figurés, qui justifie les allirmalions, pourtant si catégoriques, de M. Fétis. Il ne me reste plus qu'à dire un mot de l'opinion de M. Fortiage *, qui suppose que la phorbéia appartenait à une époque mythique. Le vers d'Aristophane' dont j'ai cité la scolie, prouve à l'évidence qu'on s'en servait encore de son temps. D'ailleurs Plu- ' Ad Alt., II, t Mém., page 108. ^ Rép., page G'(.. 72 MEMOIRE Irons, cprlains virtuoses exécufoni des parties notables de concerlos très-dif- lioiles écrits pour le violon. » On objectera peut-être à cette assiuTiJation (pfelle n'est, à tout prendre, ([u'une pure bypotlièse. Mais voici, à ce sujet, un témoignage positif qui réduit à néant tout ce qu'on a dit et répété sur la pauvreté des ressources musicales (prolTrait aux Grecs la conformation de leurs instruments ' : « Les bons gouvernements ont banni l'usage de la llûte. ('/est pourquoi Platon aussi ne veut point Tadmettre. La cause en réside dans la variété des sons de ce! instrument , qui prouve que l'art de s'en servir doit être également repoussé. En effet , les instruments qui renferment tous les genres d'harmonie, el l'emploi d'un grand nombre de cordes, tout cela n'est qu'une imitation de la (lùle; car on dit que chaque trou de la finie pro- duit pour le moins trois sons différents, et lorsqu'on ouvre les trous latéraux, encore davantage. » Dans le passage de Platon auquel Proclus fait allusion -, il est dit cpic les trigones , les pectis el en général tous les instruments polu'ordes ont été construits à l'instar de la flûte. Une idée analogue a été exprimée par Plu- . tarque ', qui en parlant des innovations musicales de Lasus d'Hermione, les attribue sans liésitci' à l'influence de la flûte : xn zùv «JÀw «rs/uawi/!?: /.y-x/.z- Ce n'est donc pas sur la pauvreté des ressources musicales qu'offrait aux Grecs la conformation de leurs flûtes, qu'on peut être admis à établir une })reuve solide contre l'usage qu'ils auraient fait de l'harmonie simultanée. Avant de (juitter ce sujet, je crois (pi'il est de mon devoir de relever encore une double erreur commise par M. Fétis. Voici ses propres paroles * : « Par cxlension , le mot ou.îÇ'4 signifie aussi ce (pii est d\iccord , en harmonie. Rartholin était sans doute préoccupé de ce dernier sens quand il atlopta la ' Proclus ili Alcil). l'Idt., éd. Crciiz., I, p. )',)7 : 'Ofe«i roXiTe'iui tîjv «jiijr/x^i' àT£irrp.iifiTay. Ojkivv cùiè 0 TlXoiTuy ccjTyy Ta/!2'/f%tT-j;/. Tô cft x'Ïtiiv îj frcixiXix Tct/'h roZ cpydyou, tcù aj/cù >fVa, c xxi ri;v TCX"'!" ''"'I" XP'^'F'^'"!'-' *"-';' «Tt-fif/f ïfuxrifi'. Kai yàp ri }rxvxp;j.îvix x'ù If xclvx-pSi'x fiifi^u-Ari râ-j oLÙXûv hriv ' ixy.STCv 7-àp rpùrifiw/. twv v.ù}jSiv tdcï; tSoy^'ou,- , ù; fxji roù/aj^ioTsy à.f'ofjiv " H (Jï xoi ri ^'/rj'/TyjTTijiu'XT'x '/.v:ixOe!>j , rXltcui. » Dv ihpiihl., pngc 399, C. D. ■• De Mus., cil. X.XIX. * Mém., pafÇL- 98. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 73 mauvaise version latine que Lubinus a faite d'un passage du troisième livre des Dionysiaques de Nonnus, où le poëte dit : Après le festin, Cadmus, rassasié des sons de la flûte de Bistonie , etc. ^ Lubinus a pris Biffrovo; «ù^sD pour la flûte à deux sons simultanés, et a traduit par bino sonitu tibia canebat ^. » Ces affirmations sont très-positives; toutefois j'ai pensé qu'il serait utile de les vérifier, et, chose étonnante! j'ai dû constater que d'un bout à l'autre elles sont inexactes. En effet , Lubinus n'a pas commis l'erreur ridicule de prendre Bt^Tsys? aùhù pour une flûte à deux sons simultanés; il a traduit comme il devait traduire : Sed cum sane post convivium saturabatur Bisiu- nide tibia ^. Quant à Barlholiii, sans doute, il a écrit : bino sonitu tibia canebat ; mais ces mots sont la traduction irré|)rochable du texte grec cité par lui-même : (Jktutoç aîAsç Iij.ù.t:e. Avant d'aborder avec M. Fétis l'étude des flûtes inégales, je signalerai deux peintures de vase qui ont, relativement à la question qui nous occupe, une importance capitale. Elles se trouvent l'une et l'autre dans la collec- tion Lamberg, publiée par Laborde '*. On y voit deux flûtes égales, em- ployées simultunéinent , tandis que les deux mains de l'artiste sont placées différemment. Il me parait (|ue ce fait résout la (juestion. Les deux flûtes dont on jouait simultanément-' étaient-elles toujours el nécessairement égales? Les mots impares tibiac suffiraient pour me pi'ouver le contraire. Comme, néanmoins, M. Fétis interprète cette locution comme si elle désignait l'emploi successif de deux flûtes inégales, il faudra recourir à d'autres autorités. L'existence de la flûte magadis, composée de deux tuyaux inégaux, et donnant naissance à des séries d'octaves, a paru incontestable à M. Fétis lui-même; mais, ajoute-t-il ^\ « l'usage de cet instrument a dû être ' Liv. III, V. 213. JVole de M. Fétis. Cette citation esl inexacte : c'est du vers 257 qu'il est question. 2 Casp. Barthol., De Tibiis vclerum, c. V, page 53. .Xole de M. Félis. ^ Voy. Poett. gr. heroïci carm., cd. Lcclii. Arel., t()0(i. '' Vol. I, pi. 48, V. 20, et pi. 02. •' Murfud., lib. 14 : Ebria nos madidis rumpit tibicina buccis , Saepe duas pariler , saepe monaiilon liabet t <" Mém., page 99. Tome XXXI. 10 74 MEMOIRE peu répandu, car aucun monument nous le retrace. » Il est possible i\w nous n'ayons aucune représentation de la flûte magadis, mais l'emploi simul- tané de deux flûtes inégales est démontré par le témoignage des monu- ments. On le remarque, par exemple, sur un camée du 3/useo Burbonico, dessiné dans Mûller ', ainsi cpie sur un sarcophage déposé au Vatican, el dont on voit le dessin dans l'ouvrage récent de MM. Guhl el Koner -. Un certain genre d'harmonie simultanée était produit par la cornemuse, à propos de laquelle il est échappé à M. Félis certaines inexacliludos (ju'il importe de relever. Les noms grecs de cet instrument, dit le savant professeur de Bruxelles % étaient pythaide ou ascaulc, lesquels désignaient peut-être des variétés. No- tons d'abord que le mot pylhaule désigne, non pas un instrument de mu- sique, mais un artiste jouant de la flûte pjlhique, et qu'ascaule ne signifie pas non plus la cornemuse, mais l'artiste (pii se sert de cet instrument. En- suite, et ceci est plus grave, il est faux, ou du moins non démontré el fort peu probable, que la flûte pythique soit une variété de cornemuse. Barlho- lin el quehpics au'res avant lui distinguaient entre le pylhaule el \e pillmale. en ce sens que le premier aurait joué de la flûte pythique, tandis (pie le second se serait servi d'un instrument fort bizarre, composé d'une espèce de tonneau (m'as?) et de plusieurs tuyaux; mais cette opinion est depuis long- temps réfutée. La flûte pythique est mentionnée par Pollux * : tt/sôç Traiàva; oi, oi ITuSotot' ■ zelsiouç, âtxùrovi ùjéim^ov. Yiuko'jv ôs tô xypfio'j oIiIyiijxi, to lh9r/.6v. Elle esl signalée encore par Arlémidore [Oneir., 1, 58) : aùhîv ôî lluôfzsf; aùXor? névSoç crri[jmm. Ainsi qu'on le voit, il n'y a rien dans ces témoignages qui nous autorise à assimiler la flûte pylhicpie à la cornenmse. Ce qui esl plus surprenant encore, c'est que 31. Félis, après avoir confondu le pylhaule et l'ascaule, les confond ensuite l'un et l'autre avec le chormde'". Et sur (pioi se fonde celle hardie conjecture? Sur le témoignage de la lettre à Dardaïuiscpion alliibuail jadis à saint Jérôme : « Anlitpiis lemporibus fuit chutns (pioque sinq)le\, pellis cum ' Ant. Dvnkm., II, n. 580. - Dus Leben il. Gricch. u. Riimcr, 1860, I, page 2:>9. ^ Mèm., pp. 100 cl 101. * Liv. IV, pjijço 80. " J/rm. , page 102. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 75 duabus cicutis aeneis, et per primam inspiratur, secunda vocem emitJit. » Voilà assurément une bien pauvre autorité. Le dernier éditeur des OEuvres de saint Jérôme, M. Migne, considère cette lettre non-seulement comme apocrypbe, mais comme tout à fait indigne de celui auquel on Fattribue. Juut diù est, dit encore à ce sujet Forcellini (s. v.), cum illam esse supposiiiciam a vins doctis deprehensum est. En effet, celte épitre renferme des absur- dités de tout genre; c'est là, par exemple, qu'on trouve cette fameuse défi- nition de la cithare (un instrument triangulaire composé de vingt -quatre cordes) que M. Vincent n'aurait pas dû adopter '. Je ne nie pas qu'au moyen âge, il y ait eu un instrument de musique appelé chorus. Car Silvester Giraldus dit, dans la description de la Cambrie, ch. II : Tribus iituntur instrument is : ci/tharis, tibia et clioro. De même on trouve dans les poésies de la reine de Navarre, p. 24i : De vicies sot et de rote De harpe sot, et de chorum De lire et de psaltcrium. Mais que, dans le mot grec choraule, -/ôpoi désigne le chœur et non pas un instrument particulier, voilà ce qu'il est aisé de démontrer. Nous avons vu plus haut que Pollux ' dit au sujet des tlùtes pythitpies : r^Aouv 51 -h 'àyopm aiÀriiJ.a, T9 U'jSuôv. Or le même auteur poursuit en ces termes : si ôk /spzsi à0updij.[3cLi nporrrJh'jv. La lliile du choraule (aJ/à; yopi-Mç) était donc la flûte qui accompagnait les choeurs. Ce fait est d'ailleurs attesté clairement par Dio- mède * : « Quando enim chorus canebat, choricis tibiis, i. e. choraulicis artifex concincbat; in canlicis aulem pythaulicis responsabal. » Mais, pour- rait-on objecter, l'instrimicnt dont se servait le choraide n'était-ce pas une espèce de cornemuse, et n'est-ce pas là ce qui explitjue que, plus tard, on donna à cet instrument le nom de chorus, comme semble le prouver la lettre à Daidanus, et comme cela est rendu plus probable encore par tpielques glos- saires allemands, qui traduisent le mol chorus par Sackpfeife? Cette conjec- ' Rip., page 32. '^ Cité par Du Cange, s. v. ■■• Liv. IV, page 81. 4 Page 489, éd. P. 76 MEMOIRE turc serait soutenablc, s'il n'existait pas certains monuments attestant le con- traire. Sur un cippe funéraire, trouvé non loin du tombeau de Cécilia Me- lella , on voit * Finscription suivante : 0 K TÏXIKÛI ADEAEY XOPATAH C'est-à-dire 0[£9r(;] y.\aza-/_6ovioiç] TuycxM yopixQcn- « Aux dieux infernaux. — A Tychicus, affranchi, choraule. » Or, sur le côté gauche de ce monument, on aperçoit deux tlûles, de gran- deur égale, percées, l'une de deux trous, l'autre de trois, el pourvues. Tune et l'autre, de deux clefs ou chevilles. Je me crois suffisamment autorisé à conclure de là que les deux flûtes représentées sur ce monument ne sont autres que les choricae libiae dont se servait habituellement le choraule. D'ail- leurs, celte preuve est encore renforcée par un bas-relief trouvé sur la voie Appicnne et représentant ^ un choraule, tenant dans ses mains deux flûtes parfaitement semblables à celles qui sont sculptées sur le cippe prémcii- tionné. A la base de ce monument on lit : 0 K MÏTOnNOri NAKÛ XOPATAH C'est-à-dire ©[esî;] i'.[aTa;(55V!9((;] « Aux dieux infernaux. — A Myroi)nous, le nain choraule. » < Voy. Kaithol., Do Jib., p. «2; liocikli, Curp. Inscr. Graec, vol. III, |). HH-', n" ««92. - nnrlliol., p. 84; Boeckli, Corp. Inscr. Gruec, vol. III, p. 963, n° (J44l. SLR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 77 Enfin, ce qui prouve sans réplique qu'il faut établir une différence entre le choraule et le joueur de cornemuse, c'est le passage suivant de Suétone • : « Voverat — prodituruni se — hydraulam et choraulam et utriculariuni. » § VIII. Réfutation de l'opinion de M. Fétis relative à une peinture de vase du musée de Berlin. J'ai examiné, dans les pages précédentes, tout ce qui a été dit par M. Fétis sur les instruments à cordes et sur les instruments à vent en usage chez les Grecs. J'ai montré que l'élude de ces instruments ne nous autorise en aucune façon à conclure que les Romains et les Grecs auraient dû s'interdire toute espèce de symphonie, autre que Yhomophonie et Yantiphonie. J'ai prouvé (|ue M. Fétis a commis sur ce point des erreurs assez considérables pour que son autorité, quelque grande (lu'elle soit, ne puisse plus nous être opposée comme une fin de non-recevoir. Examinons maintenant sa dernière objec- tion. En mariant entre elles les flûtes el les lyres, on pouvait arriver à une cer- taine harmonie : ceci n'est point contestable. «Mais, dit M. Fétis, la quarte, la quinte el l'octave étant les seuls accords admis par les anciens, on ne pou- vait arriver, après tout, qu'à une misérable harmonie à deux parties dont on trouvera un spécimen à la page 403. » Cette objection, comme je l'ai fait voir précédemment, est réfutée par Âristote , par Piutarquc et par Gaudence. Je n'ai donc pas besoin d'y revenir maintenant. Mais le savant professeur de Bruxelles est allé plus loin : il s'est efforcé de prouver, par une peinture de vase, que « cette misérable alliance de sons simultanés-, » dont il avait pour un moment accordé la possibilité, était déjà en réalité, une concession excessive. Toutes les flûtes, toutes les ci- « Nero, c. LIV. * Mém., page 104. 78 MEMOIRE iliares, toutes les voix ne jouaient et ne chantaient qu'en Imuophonie , ou tout au plus en anliplionie. Voilà ce qui serait démontré par le témoignage de cette remarquable peinture. Ce résultat est assez important pour (|ue nous étudiions la manière dont il a été obtenu. Sur un vase du musée de Berlin', on voit, d'un côté, un sacrifice à Minerve, de l'autre, une série de quatre musiciens, deux flùlistes et deux citharèdes; chacun des flùlistes se sert de deux (lûtes égales. Avant, der- rière et au-dessus de ces musiciens , on aperçoit six lignes de caractères grecs, que M. Gerhard, un des premiers archéologues de Fépoque, consi- dère comme inintelligibles. Or c'est précisément sur ces lignes mystérieuses que se fonde l'argumentation de M. Fétis. Plus heureux que M. Gerhard, il a réussi à les interpréter. En effet, d'après lui, il n'y a dans ces lignes (|u'une série de notes constamment répétée, repiésentée en grec par M3IÔ et correspondant, en notation moderne, à %^t^.^ J 1 U » iUej^d "" Voilà la liiuiiu- (jue, selon M. Fétis, les quatre nuisiciens auraient exé- cutée à l'unisson. Je m'étonne (|uc le célèbre musicographe n'ait pas été épouvanté d'un tel résultat. A qui fera-t-il accroire que de pareilles agré- gations de sons aient jamais fait partie de la liturgie athénienne? L'impos- sibilité mélodique en a été démontrée par M. Vincent", et ce même écrivain a signalé avec raison que, sur le vase de Berlin, il n'y a pas l'ombre d'un M et (jue Vepsilon renversé (3) , traduit par fa dièse, provient de ce que M. Fétis a lu à rebours. Sa traduction est donc en tout cas inexacte. .l'avoue, d'autre part, (|ue je ne puis pas me rallier davantage à l'expli- cation donnée par M. Vincent"', qui voit dans ces cpiatre signes la succes- sion de AEIO, et (|ui, se fondant sur un passage de Démétrius *, où il est dit (pu» les prrlrrs rf/ijpficiis honoraient les dieux en récitant , à la suite les ' Voy. Mém., |.I. II. - lii'ii. , pjigc .'):». ^ Rép. , pp. 57 cl ;j«. * De Eloriit., c. LXXI. SUR LA SYMPHONIE DES ANCIENS. 79 unes des autres, les sept voyelles dépourvues de musique, conclut de là qu'un usage analogue existait probablement dans le rituel de la Grèce. Cette hypothèse est, certes, fort ingénieuse; mais conclure de l'Egypte à ce qui se passait en Grèce, n'est-ce pas dépasser les bornes d'une critique prudente? Si quelque chose de pareil avait existé en Grèce, Démétrius l'aurait vrai- semblablement mentionné, tandis que son silence me porte à admettre que lui du moins ne connaissait rien d'analogue. D'ailleurs, pourquoi les quatre voyelles AEIO, à l'exclusion de l'Y? C'est, dit M. Vincent ', que c'étaient les seules employées à cette haute époque. Assurément le signe de l'Y n'exis- tait point dans l'alphabet phénicien : il a dû être inventé et ajouté par les Grecs; mais du moment qu'ils ont commencé à écrire, le son de Y upsilon, soit qu'ils l'exprimassent par le vau (F) , soit qu'ils recourussent à un signe nouveau , devait avoir de toule nécessité une représentation quelconque. Son exclusion ne serait donc point motivée. En outre, la présence de l'A sur le vase de Berlin n'est pas plus réelle que celle du ^ : on y aperçoit quelque chose qui ressemble à un X. .le ne saurais donc admettre l'hypothèse de M. Vinccnl. Esl-ce à dire que j'aie à proposer moi-même une explication plus plausible? Nullement; je crois, au contraire, que les signes XEIO, qui ne se répètent d'ailleurs que d'une manière fort irrégulière, doivent être rangés dans la ca- tégorie de ces inscriptions arbitraires dont les vases nous offrent tant d'exem- ples ^. Ou bien s'avisera-t-on de chercher un sens raisonnable dans les inscriptions suivantes d'une hydrie de Vulci, publiée par M. Roulez^ : Nino EY ONI NXAEt NAEI NAEOIE ? S'obstinera-t-on à déchiffrer T2AX2XOA X20TEA *, NEOTAlvVO OU OCIOIlv 1\0 AEA NlvEN "? Je crois même (|ue MM. Grotefend et Welcker ont déployé en vain leur sagacité pour ex- pliquer les inscriptions d'un vase du musée Britannicpie : : » Dirsi'S Wcilisoispici voii Gesani; und Musik , dus iiin Pailliriionfrics iiiir cine schwarlie Aiidi'iilimg l'aïul, is( anf dcin vorlicr- gcnden Bild siiiiiinlliclu'ii Spii'llciiU'ii ciillaiig, iii scclis Zrilcn dcullicluT, ol)\\ohl iinvcrslaiid - licliiT, gricchisclicr Sclirifl l)is ziitii llcbcrlluss ausgedi'iirkl. " Tome XXXl. H 82 MÉMOIHK SDK LA SYMPHOINIK UES ANCIENS. CONCLUSION. Je crois avoir mainlcnanl reiuoiilr*' on détail Ions les argiimonls, louU's les ohjeclions de M. Félis. Colle réfulalioii m'a paru nécossairo , parce (pie le célèbre professeur de Bruxelles est considéré assez généralement comm(> une espèce d'oracle dans toutes les questions musicales. J'ai donc dû démon- trer, par une série d'exemjjlos, que M. Fétis, malgré sa grande et légitime autorité, n'est pourtant pas infaillible, qu'il s'est trompé sur un assez grand nombre de points et que ses opinions, en fait de musique ancienne, ne peu- vent pas être considérées comme des arguments sans réplique. Je répète, d'ailleurs, à la fin de ce mémoire, ce que j'ai déjà dit au com- mencement, à savoir que je n'ai nullement la prétention d'avoir résolu défi- nitivement toutes les questions qui se rattachent à l'emploi de l'haimonie simultanée chez les Grecs et les Romains. Je ne suis arrivé juscpi'ici qu'à des résultats généraux. Avant d'entrer, comme j'en ai l'intention , dans les (piestions de détail, j'exprime le désir que les personnes compotontos mani- festent leur opinion sur la base de mon système. C'est à leur appréciation bienveillante (pie je soumets ce travail. FIN. v-* C9à ISl'Ilf 3 2044 093 257 889