Piiili iiiiiiiiïiiir^^ ifliilllilliiillîi lîniiîiw;! /I ^ A ni 50 ,1 "SiftVON^ NMiÇ, i^rbrai-D of tbc Uluscum OF COMPARATIVE ZOOLOGY, AT HARVARD COllECE, CA51BR1BGE, ÎIASS, The gift of K'i Bulkcns, Preuves, t. 1, p. (13. * « ... Ul jura lm|]crii oljscrvarct cl in tori-a sua IVccccl obscrvai-i. » Miricns, Op. ilipl. .\ppciui. 10 HISTOIRE DES RAPPORTS Hemi H piil pail i\ réieclion de ronipcrour Otiion IV en si.unant : « Ego Hemieus, clux Lolliariiiiiiae (|iii el Hraljaiiliae, mareliio romani iniperii, elegi el suscripsi \ » Lors(|ue, trompé par Ollion, il passa au parli (h; Pliilippe de Souahe, il recul Tinveslilure de ce dernier à Col)lence et en oblinl des dona- tions importantes -. Henri III reconnaît ses devoirs envers l'Empire dans son testament (1260)^; il se déclare obligé à l'assistance militaire « in servitium impera- torum lomanorum sive regum Memaniae. » Il avait suivi d'abord la cause d'Alplionse de Caslille qui le nomma son vicaire, puis il j)assa à celle de Ricbaid de Cornouailles, le(piel donna le ducbé au second fils de Henri III, Jean I, à cause de Tincapacilé de Taîné. Ricbard donna en même temps à révè(|ue de Cambrai el à Baudouin d'Avesnes Tordre d'investir Jean du duché K Comme prince de l'Empire, dit la charte, le duc est obligé de prêter le serment de fidélité à la première ré(juisilion de l'Empereur ^. Le duc Jean s'acquitta de ce soin à Cambrai (1261) el reçut l'investiture de Ricbard *". Rodolphe de Habsbourg lui confirma (i273): « Universa feuda, jura, liber- tates, cessiones, coilationes et sentenlias quae antecessores sui in Brabantiae duces conlulerunt ". » Adolphe de Nassau renouvela cette confirmation ** et constitua le duc Jean son avoué pour les Pays-Bas et les territoires environ- nants ". En 1292, le duc fit un traité avec Adolphe dans lequel il est dit que l'Empereur confirmera les innovations faites par le duc dans son pays '**. Henri VII sanctionna les droits des ducs, c'est-à-dire Tinféodation telle qu'elle avait eu lieu sous Philippe de Souabe ". ' iMirœus, Dijil. Iielij., t. I,c. 74. - Bulkcns, 1. 1, p. 1(17, Pretives, 53; t()8 cl Pn'iivfs, a(i. ^ Mii'fciis. ihiil., t. I, c. ',). * Biilkeiis, Preuves, \. c, )). !Ja. — Mirœus, Douai. , 1. I , r. t24, prolj. 101. — De Viiddere, t. Il, |). 149. — Kiiiscliol, TraclutKS I an Bntbunliu sil putria juris serijili, cap. 'i, n" "2. '■' ... Quod qiiam cito intrn (ines Alenianiac nobis cs.'Je conligcrit, dicliis Joannes taiiquani priiireps Imperii liomagiiiin et fidelilatis jiiiameiitiitii nnliis nracsiare tciicaliir ad ])iiiiiam requisilionem iiostram. » '^ liulkeiis, Preuves, 1. c, p. 101. 7 Bulkcns, ihiiL, pp. 10:i et I 1-2. ** Jhid., p. 1-27. '■' Ihiil., p. 1 28. '« Jhiil., p. 131. <' Jbid., p. 140. DE DROIT PUBLIC, etc. H En 1349, Charles IV confirma à Jean lll les franchises accordées aux ducs par les empereurs Frédéric II, Albert d'Autriche, Henri Yll, etc., et les augmenta par le célèbre privilège de non evocando , connu sous le notn de Bulle d'or de Brabant '. Ce privilège accrut considérablement l'indépendance du noble duché. Il statuait en faveur de tous les sujets et vassaux du duché de Brabant que, pour aucune cause quelconque, ils ne pourraient être attraits en justice hors de leur pays, ni devant un juge séculier, ni devant un juge ecclèsiasliciue dans toute l'étendue de l'Empire. Une particularité digne de remanjue, c'est que le privilège était rédigé dans des termes si larges qu'il donna lien, pendant plusieurs siècles, à de vives contestations entre les ducs de Brabant et les princes voisins, et à des plaintes qui furent déférées aux diètes de rEnq)ire jusqu'à la fin du XVIII" siècle, ainsi que nous le verrons plus loin. Ce n'était que dans le seul cas de déni de justice qu'il était permis de s'adresser aux tribunaux de l'Empire. Charles IV avait confirmé à Jean III la cession de la ville de Maastricht; il lui soumit l'abbaye de Nivelles, et l'abbesse dut, à partir de ce moment, demander au duc de Brabant l'investiture des droits régaliens. Il consentit aussi, en 1554, à ce que Jeanne, fille de Jean III, — décédé sans enfants mâles, — lui succédât dans le duché. Jeanne était déjà duchesse de Luxem- bourg par son mariage avec Wenzeslas, frère de Charles IV. C'était une déro- gation aux traditions féodales , le duché de Bral>ant étant un fief masculin ou imparfait. A défaut de Jeanne et de ses héritiers, le duché devait passer à iMarguerite, comtesse de Flandre, sa sœur, et, à défaut de celle-ci et de sa posicrilè, à leur sœur Marie, duchesse de Gueidre. En 137 1, les Linfars désolèrent les régions voisines du Uhin et à l'est de la Belgique. Charles IV invita les seigneurs de ces contrées à réunir leurs efforts pour extirper les brigands, rétablit l'ancienne ligue du bien public ou Land- frieden et en confia la présidence à son frère Wenzeslas, duc de Brabant et de Lolhier, qu'il nomma à cet effet vicaire général de l'Empire. Le duc de Juliers se mit du côté des Linfars et fit Wenzeslas prisonnier. Celui-ci ne fut relâché, un an après, que grâce à l'intervention de l'Empereur. ' Bulkcns, Preuves, I. c, p. 185. Tome XXXVI. 3 42 HISTOIRE DES RAPPOHÏS Confonnomcnt à l'acle de 1354, le Brabant passa , en 1 406 , après la mort de la duchesse Jeanne, à Antoine de IJom-gogne, pelil-fils de sa sœur Mar- guerite. L'empereur Robert voulut conserver le Brahantà TEnipire el empê- eher (pfil ne passât à la maison de Bourgogne que protégeait le roi Wenzeslas '; mais cette tentative échoua. A sa mort, l'empereur Sigismond revendiqua de nouveau le lîrabanl comme fief vacant de l'Empire [Mii). 11 ne voulait pas reconnaîtie la validité de l'acte de 1354, alléguant (pie le Brabant était un fief masculin; toutefois il finit par tolérer que Jean IV, fils d'Antoine de Bour- gogne, le gardât (14.24) ". Philippe de S'-Pol , frère de Jean IV, lui succéda en 1427 ; nous en parlerons plus loin. Telles sont les péripéties par lesquelles passa le duché de Brabant depuis l'avènement de la maison de Loiivain à la dignité ducale. On l'a vu : il n'est pas un événement quelque peu important de son histoire auquel le nom de l'un ou l'autre empereur ne se trouve mêlé. Mais ici se présente la question de savoir si le Brabant entier était fief de l'Empire, ou si c'étaient seulement (/uelr/ues parties du Brabant. Slockmans rapporte qu'en 1516 des conseillers au conseil de Brabant el des maîtres du trésor el des comptes furent chargés, — il ne dit pas à quelle occasion et par qui, — de rechercher (]uelles étaient les parties du Brabant relevant de l'Em- pire, et il affirme avoir vu dans les archives de Vilvorde {in arce V ilvonl iensi) le rapport de ces délégués ainsi que le tableau qu'ils dressèrent des seigneuries et droits que les ducs de Brabant détenaient de l'Empereur. D'après ces docu- ments, il serait inexact de dire que le Brabant ait jamais été enlièremenl sou- mis à l'empire romano-germain ; les seigneuries de Louvain, de Bruxelles, de Bois-le-Duc, de Diest, de Tirlemont, d'Aerschol, le pays roman et autres lieux, n'auraient jamais reconnu l'Empereur ou, jure dientelari , obéi à son auto- rité. En revanche, auraient été mouvants de l'Empire : le marquisat d'Anvers, Maastricht, une partie du Brabant, située au delà de la Meuse, l'abbaye de Nivelles, la ville de Grave, la seigneurie de Cuyck, les grandes routes royales, les tonlieux, le droit de foire à Anvers, une partie de la forêt de Soignes, ' Martene et Durand, 77tt'S. uneccL, t. I, 1718, 1722. 2 Dt! Viidderc, l. c, p. loi. — Ivinscliot, /. r., n» VI!. Voir les Documents dans Butkcns aux sources cilces. DE DROIT PUBLIC, etc. 13 Tavouerie d'Aix-la-Chapelle, le dioil de frapper de la monnaie d'or, enfin le li(re même de duc de Hrabanlet de Lolluniiigie '. Il ne nous a pas été donné de vérifier rexaciilude de cette assertion. Que lescomlés de Louvain, de P.ruxclles et de Tirlemonl aient été possédés très- anciennement par les ducs de Brabant connue de véritables alleux {lanquam verum aUodium), ainsi que le prétend Slockmans, la chose est possible, quoique peu prouvée ^ Toutefois, nous croyons que l'opinion du célèbre ju- risconsulte est trop absolue, et lui-même confirme nos doutes. « Il est irré- futable, dit- il, ([ue les ducs de Brabant, à raison des fiefs dont le Brabant est en quelque sorte parsemé, ont prêté foi et hommage à l'Empire et que la formule de la reconnaissance féodale concernait quelquefois le duché même, ainsi (|ue cela résulte d'une charte du roi Richard. » [."histoire nous a con- servé la formule de l'honmiage que Henri I prêta à Philippe de Souabe; il y est clairement dit (|ue « le duc de Lotharingie et de Brabant reçut de l'Em- pereur le fief qu'il détenait de l'Empire ". » Il nous paraît donc plus conforme à la réalité historique de dire que, dans le principe, la reconnaissance embrassait le duché tout entier, mais que, dans la suite des temps, à mesure que le lien entre les provinces belges et l'Empire se relâchait, la formule était conçue d'une manière plus vague et que l'hom- mage ne portait plus sur le duché entier, mais avait lieu « à raison des fiefs qui élaient tenus par les ducs dans le duché. » Les termes delà transaction d'Âugsbourg, — nous le verrons plus loin,— autorisent notre hypothèse, et lorsiiue Philippe II prêtera l'hommage à Fer- dinand , il le fera de telle sorte que la Gueidre , Zutphen , Utrecht et Overyssel seront reconnus comme relevant entièrement de l'Empire, tandis que le Bra- bant et les autres provinces ne seront point nommées intégralement et en corps, mais avec celte restriction qu'il y a en elles certains lieux qui sont mouvants de l'Empire. « Stockmans, Opéra umnia. lirux., 1093; Dectsioues brahanlinue , p. 4, § 14. 2 Stockmans prétend que ces terres auraient été apportées, comme alleux , en dot à r.aml)ert de Louvain par Gcrbcrge, fille d'Ottion de Lolharingic, /. c. ■' « Accedens ad praesenliam nostrain consansuincus et princeps noster Henricus illustris dux Lotharingiae et Brabantiae, liomagium nuLiis fecit et de manu noslra recepil finulum (IikkI ab Impcrio tcnerc débet. » 14 HISTOIRE DES RAPPORTS Quoi qu'il en soi!, le duclié de Brahant était la plus illuslre de nos princi- paulés. Ses souverains lurent, à diverses reprises, créés vicaires de TEmpereur ou avoués en son nom; témoins, comme vicaires, Jean le Victorieux, institué par Adolphe de Nassau (1292), et Wenzeslas par Charles IV (1371). En cette qualité, ils exerçaient sur les autres princes beiges un pouvoir militaire aussi étendu que possible et avaient j'obligaîlon de maintenir les paix publi- ques. Comme avoués, citons Henri iJI qui reçut Tordre de Guillaume de Hol- lande de garder Tavouerie de l'Empire sur l'abbaye de Born, prés de Heus- den ^ (3 avril 1248). On sait que les ducs de Brabanl étaient avoués impériaux de la ville d'Aix-Ia-Cliapelle. IIsélaient,deplus, nous Pavons vu, ducs de Lotharingie ou Lolhier. Comme tels, ils remportaient aussi en excellence sur les autres princes belges. Sans doute, ils n'exerçaient point sur ces derniers d'autorité en malière civile, mais ils les avaient sous leur commandement, en temps de guerre; ils étaient, de plus, tenus de faire respecter dans les Pays-Bas les paix publiques de l'Em- pire, pour autant que ces paix y avaient été publiées. Examinons maintenant l'origine et le développement des relations de droit public des autres provinces avec l'Empire germanique. Le pays d'Anvers, qui existait dans l'ancien pagus de Ryen, était borné à l'ouest par l'Escaut, et, comme il formait de ce côté la limite de l'Empire, ses comtes reçurent le nom de marquis [markgruven). L'empereur Othon le Grand en fil don à sa tante Gerberge, veuve de Louis d'Outremer, roi de France, et Charles, fils de Gerberge, devint marquis du saint-empire. Après la mort de Charles, la seigneurie passa sous la domination de Lambert, comte de Louvain. Dès lors, ses destinées se confondirent avec celles du Bra- bant dont il continua à faire partie. Quelques faits sont à noter spécialement : Frédéric de Luxembourg (j 1065) succéda à Gothelon l'Indolent (f 1046) dans le duché de Lothier et dans le marquisat d'Anvers, par donation de l'empereur Henri III. Godefroid de Bouil- lon lui succéda dans le marquisat seulement; ce n'est qu'en 1089 (pi'il ob- ' Mecrman, Geschied. van Graaf Willem lan IluUuiid , Rooinsch Keizer, t. II, p. 370. DE DROIT PUBLIC, etc. 15 tint le duché de Lolhier. Henri de Limbourg réunit, comme Godefroid, le duché de Lolhier au marquisat d'Anvers dont il fut dépossédé par Henri IV. Gode- froid le Barbu, qui en fut alors investi, se le vit à son tour enlever par l'empe- reur Lothaire et restituer par l'empereur Conrad. Godefroid transmit à son successeur le duché avec le marquisat qui resta depuis annexé au Brabant. Longtemps après, en 'UIG, on voit Jean de Bourgogne demander au roi Sigismond l'investiture du marquisat d'Anvers \ et, en 14.30, celui-ci passa avec le Brabant, après la mort de Philippe de S*-Pol, qui décéda sans enfants, à Philippe le Bon, son cousin. Le Limbourg n'eut guère de comte héréditaire avant 4055 : ce fut le comte Frédéric, fils de Frédéric de Luxembourg. Henri IH, on se le rappelle, le créa duc de Lothier. Il transporta le comié par sa fille Judith, avec Tagré- menl de l'empereur Henri IV, à Waiéran, comte d'Ârion. Le fils de Waléran, Henri I, prince turbulent et avide, eut des démêlés si retentissants avec plusieurs seigneurs ecclésiastiques, que l'empereur Henri IV entra avec une armée puissante dans le Limbourg, pour mettre le comte à la raison (1101). Henri se soumit, et chose étrange, l'Empereur, épris sans doute de ses (pialités guerrières, le nomma, la même année, duc de Lothier. Cela eut lieu à la diète de iMayence, du consentement unanime des grands de l'Empire, réunis en cour plénière à cette occasion '. Henri V ayant levé l'étendard de la révolte contre son père, Henri de Limbourg, par une versatilité inconcevable, prit d'abord parti pour lui; mais il écouta bientôt la voix du devoir et de la reconnaissance, leva une armée pour le vieil Empereur et fit essuyer un échec sanglant à Henri V, à Visé. Celui-ci, outré de colère, convoqua une diète à Worms. Henri de Limbourg y fut déclaré criminel de lèse-majesté, mis au ban de l'Empire et dépouillé de son duché de basse Lotharingie ", qui fut donné à Godefroid le Barbu. Henri ne parvint pas à triompher de ce rival ; mais il conserva le titre de duc de Limbourg que ses successeurs continuèrent à garder. • Bullccns, Proh., p. I(jl.— Bœlimer, /?e(ye.s/((, etc., p. 271. — Divœus, lier. Brab., p. 221. 2 Maiti'iie cl Durand, Tlics. aiiecd., t. III, p. 407. ^ Annal, saxo ad anu. 1 100. 16 HISTOIRE DES RAPPORTS Plus lard, le duc de Lolliier s'éiaiil déclaré pour Conrad de llohenslaufen, conipélileur de Lolliaiie de Saxe, successeur de Henri V, Lolhaire inveslil le comte Waléran de Liinbouig du iluché de basse Lolliarlugie, Mais Walé- ran se rallia à Conrad lorsque celui-ci eul été élu (1 130) el il ligure, comme prince de TEmpire, avec son lilre de duc, dans plusieurs diplômes donnés par Conrad , un mois après son éleclion, dans une diéle qu'il tint à Cologne '. En 1 144, Conrad investit le comte Henri II de Limbourg des terres de Gangeit el de Riclilerich, dont il dépouilla le sire de Fauquemonl '■. Henri demeura fidèle aux Hohenslaul'en cl suivit Barberousse dans son expédition contre le Pape el les villes d'Italie (llo9). Son fils Henri III suivit Barbe- rousse à la troisième croisade (1 189). Ce prince contribua puissamment à Téleclion de son neveu, Albert de Lou- vain, à l'cvèclié de Liège, tandis que le fils de Frédéric Rarberousse, Henri VI, y intronisait Lolbaire de Hostade. On sait qu'Albert de Louvain lut assassiné, probablement du consentement de l'Empereur. Il en résulta une guerre san- glante entre le duc de Limbourg et son suzerain , à la suite de laquelle celui-ci dut transiger avec son vassal (diète de Worms, 1193). Frédéric II entreprit, en 1227, une nouvelle croisade. Au moment de "s'embar(|uer à Brindes, il tomba malade et remit le commandement en chef de l'armée au duc de Limbourg '\ Celui-ci recul, en 1235, du même Empe- reur la mission bonoiable d'aller chercher en Angleterre la princesse Isabelle, sreur du roi Henri III, dont TEmpereur avait obtenu la main ^. Frédéric, déclaré déchu de la puissance impériale, ne fut |)oint aban- donné par le duc de Limbourg, et, dans un di|)lôme, dalédeLodi (1241), il fil de la fidélité de ce prince un éloge pompeux ^. Les fils du duc suivent une aulre voie. L'un, AdoIi)lie, devenu comte de Berg, prend parti pour Henri Raspon (1246), et Waléran IV, ducde Lim- bourg, pour Guillaume de Hollande (1247) contre Conrad, fils de Fré- déric H, dont leur père avait été le plus ferme soutien. ' Eriisl, I/i.sl. du Linibiiiinj, I. III, p. 40. - liulletin de l'Acadiiinle royale de Belgique, t. XIX, pp. 7 et suiv. du tiré h i)ai'l. ^ iMartene, Amplias. collecl., t. II, 1 19!). * H>'mer, Foedera, coin-entiones, etc., 1. 1, I" partie, p. 124. s Bulkeiis, t. I, Preuves, p. Hi. DE DROIT PUBLIC, etc. 17 Waléran IV mourut en 1280, ne laissant qu'une fille, nommée Ermen- garde, qui avait épousé Renaud de Gueidre. La comtesse prit aussilôt le titre de duchesse de Limbourg; mais ce ne fui (jue deux ans après qu'elle fil hom- mage à Tempereur Rodolphe qui lui donna des lellres d'inveslilure (18 juin 1282), acte qui ferait supposer qu'il considérait le Limbourg comme un fief féminin. Les lettres portaient que si Ermengarde venait à décéder avant son époux, celui-ci posséderait, sa vie durant, le duché et tout ce qui en dépen- dait. Ermengarde mourut celle année môme sans enfants, elle comte de Gueidre gouverna le duché comme usufruilicr '. Cependant le comle de Berg réclama la succession, et, ne pouvant point l'obtenir à l'amiable, il céda tous ses droits à Jean 1, duc de Brabant. Après la glorieuse bataille de Woe- ringen, Jean demanda l'invesliture de l'Empereur (1288). Rodolphe ne se montra pas pressé de l'accorder; mais son successeur, Adolphe de Nassau, reconnut Jean le Victorieux comme duc de Limbourg et l'institua, nous l'avons dit, son a\oué {advocaliDti principaleiii) pour le nord-ouest de l'Allemagne -. Dès lors, l'histoire du Limbourg, comme déjà celle du marquisat d'Anvers , se confond avec celle du duché de Biabant. Le Luxembourg fit, comme le Limbourg et le Brabant, partie de la Lotharingie. Lorsque celle-ci fut partagée en haute et basse, saint Brunon institua comme duc de la seconde, Godefroid d'Ardenne, fils de Ricuin, qui semble avoir été le premier comle de Luxembourg. Sigefroid , fils de Ricuin, lui succéda et reçut probablement l'investiture de l'Empereur, puisqu'il fut nommé, en 997 , avoué de l'abbaye d'Epternach. Sa fille Cunégonde épousa l'empereur Henri II, qui donna à son beau-frère Henri le duché de Bavière qu'il perdit cinq ans plus tard, mais qui lui fut restitué en 1017. Frédéric succéda à son père Sigefroid (998), et fil pendant douze ans la guerre à l'Empereur pour appuyer les prétentions de son frère Âdalbéron , qui s'était emparé de l'archevêché de Trêves, après en avoir chassé le titu- laire. Hem-i li soutint éncrgiquement les droits de ce dernier et força Adalbé- ron à renoncer à ses injustes prétentions. ' Butkens, /. c, p]). 253, 234. • 2 Butkens, /. c, p. 128. — LcIIits du 19 décembre 1292. 18 HISTOIRE DES RAPPORTS Le pelil-fils de Frédéric, Conrad, fut un des plus énergiques soutiens de Fenipereur Henri IV, dont il avait épousé la sœur. Son lils Guillaume servit la cause in!|)ériale avec le même zèle et |)rit une part personnelle aux combats dont rilaiie fut le théâtre à celle époque. Son lils, Conrad II, reçut la visite de rem[)ereur Lolliaire au monastère d'Epternach et obtint la libre naviga- tion sur la Sure en faveur de Tabbaye '. Conrad il (f 4 136) termine la série des comtes de Luxembourg de la pre- mière race. Il est à croire (pie le comté était aussi un fief féminin, puisqu'il échut au comte de Namur, Henri l'Aveugle, du chef de sa mère Ermesinde, fille de Conrad I , à rexiinclion de la famille de Ricuin. Cependant, à !a mort de Henri l'Aveugle, qui laissa le Laxembourg à sa fille Ermesinde, le chef de l'Empire le déclara fief vacant, par défaut d'hoir mâle, et le donna à son frère Olhon, comte de Bourgogne (1196); mais ce- lui-ci céda ses droits à Thibaut de l'ar, mari d'Ermesinde, pour une somme d'argent -. En 124-8, Conrad IV fait notification de l'hommage que la comtesse de Luxembourg lui a prêté antérieurement par procuration ^, et, en 12o3, Guil- luaume de Hollande confirme au comte Henri III le Blondel, fils d"Ermesinde, divers fiefs situés dans le pays de Namur '*. Plus lard, le comte Henri IV fut élevé à la dignité d'empereur sous le nom de Henri VII, mais le comté n'en retira aucun avantage. Jean l'Aveugle, son fils, prit part, comme électeur (de Bohême), à la diète de Francfort (7 oclobre 131 4-), à l'élection d'un roi des Romains, et contribua à faire nommer Louis de Bavière. Louis lui en témoigna d'abord une vive re- connaissance et lui promit, en cas de mort du duc de Brabant, de l'aider à se mettre en possession de ce duché et de celui de Limbourg, comme le plus proche héritier du duc; mais l'ingratitude prit bientôt le dessus et il ne tarda pas à devenir pour le comte-roi un ennemi acharné. C'est en 1354 que l'empereur Charles IV éleva le Luxembourg au titre * Voi/. Bcrtholct, Ilint. du Lux., t. I, passim. 2 Berthoict, l. c, p. -im. — De Marne, Jlist. de Namur, t. I , pp. 183 , 18i. 3 Iliiillaril-Breliollcs, Hist. dipt. Fred. Il, t. VI , p. ii , p. S2j. * Miifcus, Opéra dipL, (. I, p. 181. DE DROIT PUBLIC, etc. 19 de duché elde principaulé, en faveur de son frère Wenzeslas qui recueillit, en 1355, la succession de Jean III, duc de BrabanI, dont sa femme Jeanne était unique héritière '. Charles IV confirma aussi solennellement (I janvier 1337) les privilèges des habitants de Luxembourg, dans une charte nom- mée Balle d'or luxemhouryeoise et (|ui offre certaines analogies avec la Bulle d'or brabantine. Wenzeslas, n'ayant pas de postérité, fil son testament en faveur de son frère Charles IV el de son neveu , appelé Wenzeslas comme lui. Wenzeslas I!, pressé par le besoin d'argent, céda le duché, sous forme d'engagère, à son cousin Josse de Moravie (1388). En 1409, il donna sa nièce Elisabeth, fdie unique de Jean de Luxendjourg, duc de Gorlitz et mar(|uis de Moravie, en mariage à Antoine de Bourgogne, due de Brabant. Celui-ci devait retirer le duché des mains de Josse de Moravie en restituant à ce prince la somme payée par lui. Elisabeth, devenue veuve d'Antoine (1418), se remaria avec Jean de Bavière , qui sollicita et obtint de l'empereur Sigismond le renou- vellement de l'engagère du Luxembourg. Enfin Philippe le Bon reconnut l'empereur d'Allemagne pour son suzerain dans le duché. Nous verrons plus loin le détail de ces événements. Les premières relations du comté de Namur avec l'Empire sont obscures. Béranger , comte de Lomme , est le premier seigneur que l'on puisse citer avec certitude. Il en est fait mention dans un di|)lôme de 908 , par lequel l'Empe- reur confirme la donation de l'abbaye de Fosses, faite à l'église de Liège par sa parente Gisèle. L'empereur Othon força Robert, fds de Béranger, à restituer à l'abbaye de Gembloux la moitié des biens qu'il lui avait enlevés (après 946). Lepetil-fils de Béranger, Albert I (980), épousa Ermengarde, fdIe de Charles de France, duc de Lotharingie, et il éleva de ce chef des prétentions sur ce duché, prétentions qu'il soutint, sans réussir, contre l'empereur Othon II. Ses successeurs, qui demeurèrent constamment fidèles à l'Empire, con- servèrent le comté jusqu'à Henri l'Aveugle dont le règne ne fut qu'une série de guerres. Celui-ci ayant voulu assurer sa succession au comte de Champagne, ' Miraeus, t. I, p. lOrj. — Chifllet, Alsatia vindicala, § 11. Tome XXXVI. 4 . 20 HISTOIRE DES RAPPORTS fiancé à sa fille Erniesiinle, au déiriniont de Baudouin de Ilainaul, qu'il avait antérieuremenl nommé son hérilier, Baudouin réclama l'intervenlion de l'em- pereur Frédéric Barberousse, qui déclara qu'il ne souffrirait jamais que le comté de Namur passât à un prince français. Henri l'Aveugle n'ayant pas tenu compte de celle décision, Baudouin recourut aux armes et s'empara de presque tout le comté, dont il recul Tinvestiture en 1188. Pour comble de faveur, l'Empereur érigea en marquisat le comté de Namur uni avec ceux de Durbuy et de La Rocbe qui appartenaient encore à Henri l'Aveugle, et depuis lors Baudouin prit le tilre de prince de l'Empire K Baudouin le Courageux disposa, en mourant, du comté de Namur en faveur de son fils Pbilippe, dit le Noble, à charge de relever ce comté du Hainaul, et en fit ainsi un arrière-fief de l'Empire, de fief direct qu'il était précédem- ment -. Philippe n'ayant pas d'enfant, la succession revenait à Baudouin de Courtenay, son neveu; mais Marguerite, sœur de Baudouin, comtesse de Vianden , s'en empara. Jeanne de Flandre, pelite-fille de Baudouin le Cou- rageux, y prétendit également, et le roi des Romains, Henri, ordonna, en (|ualité de suzerain, aux hommes du comté de Namur, de reconnaître le comte de Flandre pour leur seigneur légitime et de remettre entre ses mains les châteaux, les lieux fortifiés et les villes du pays (3 juin 1229) ^. Un ar- rangement étant intervenu entre les parties intéressées, Marguerite conserva le marquisat; mais son frère Baudouin le réclama en 1237 elle recouvra. Dans les dissensions qui s'étaient élevées entre les d'Avesnes et les Dam- pierre, Saint-Louis, on le sait, avait assigné le Hainaul aux d'Avesnes. Jean d'Avesnes se plaignit à son beau-frère, le roi des Romains, Guillaume de Hollande, de ce que Baudouin eùl négligé de lui prêter foi et hommage pour le comté de Namur, dans l'intervalle d'un an et jour prescrit par le droit féodal. Là-dessus, Guillaume investit Jean d'Avesnes du comté de Namur (27 avril 1249) et ordonna à tous les hommes de fief de le reconnaître pour leur seigneur de la manière accoutumée *. Mais sur les instances de la reine * De Marne, Ilisl. tie à'uniur, 1. c., pp. 169, 173. — Berlliolct , /. c, pp. 231 etsuiv. 2 Chronique de Gisleherl, p. 287. ^ Saint-Gcnois, Moiuimeiits, t. I, p. 157. '' Saint-Geiiois, ibid., t. I, p. 407. DE DROIT PUBLIC, etc. 21 Blanche el du pape Innoeeiil IV, qui représcnlèrent avec raison que Bau- douin , retenu à Conslanlinople par des dillicultés incessantes, n'avait pu satis- faire à ses obligations, il ne fut |)as donné suite à la résolution de Guillaume; toutefois aucun acte formol no la révo(|ua. En 1298, remperour Albert d'Autriche, lors de son couronnement à Aix-la-Chapelle, donna Tinvestiture du marquisat à Jean de Dampierro, fils de Gui, comte de Flandre '. Jean suivit Tempereur Henri VII dans son expédition d'Italie (1310). Les comtes de Namur, on le conçoit, ne supportaient qu'avec impatience l'obligation où ils étaient depuis Philippe le Noble de relever leur principauté de ceux du Ilainaut. Au commencement de 1362, Guillaume I alla trouver l'empereur Charles IV à Aix-la-Chapelle et en obtint un diplôme par lequel le comté de Namur était déclaré fief direct de l'Empire. On ne sache pas ([ue les comtes de Hainaut aient réclamé contre cette décision ; ils ne firent non plus aucune opposition lorsqu'on 1388 Guillaume renouvela sa protestation d'hommage entre les mains de l'empereur Wenzeslas -. Le Hainaut, nous l'avons vu, appartenait à la puissante famille de Ré- gnier I au long Col dont le fils aîné, Gislobert, devint duc de Lotharingie. Régnier II, ayant succédé à son père dans le comté de Hainaut, se rendit tellement odieux que l'empereur Othon le Grand le cita à comparaître devant lui pour se justifier. Il n'y envoya qu'un de ses hommes d'armes et perdit le duché (953). Ses fils essayèrent de reconcpiérir l'héritage paternel (973) sur les lieutenants qu'Othon y avait placés et qu'ils tuèrent dans une bataille; mais ils furent impuissants à se défendre contre Arnoul , comte de Flandre, et Godofroid, comte de Verdun et en Ardcnnes, que l'empereur Othon H leur opposa. Cependant la paix ayant été conclue (977) entre l'Empereur et Charles, frère du roi Lothaire, Régnier III fut réintégré dans le comté de Hainaut qu'il occupa jusqu'en 1002. Son frère Régnier IV mourut (103G) sans enfants mâles. Ce fut sa fille, la célèbre Richilde, qui lui succéda. Son mari, Ilorman de Saxe, qu'elle épousa probablement d'après les conseils de I ?>6hmn; liegesla ad 1298, p. 200. '^ De Marne,/, c. 22 HISTOIRE DES RAPPORTS remporcur Conrad le Salique, prit part à la i^iierre que le duc de Lolhier et Baudouin de Lille, comie de Flandre, firent à l'empereur Henri IH. Richilde vendit ù révè(|ue de Liège, Théoduin, la suzeraineté du Hainaut, en échange d'un secours déterminé en hommes et en argent que celui-ci s'engageait à lui fournira Celle vente fut ratifiée par l'empereur Henri IV (10 mai 1071). A partir de ce moment, ce ne furent plus les empereurs, mais bien les princes-évêques de Liège qui donnèrent l'inveslilure du Hainaut, ce comté étant devenu, grâce à l'acte de Henri IV, arrière-fief de l'Empire. Henri V confirma également la cession ^. Baudouin, s'étant vu céder le comté de Namur par Henri l'Aveugle, alla, en H 82, trouver l'empereur Barbcrousse à Hagenau pour obtenir la ratification de cet arrangement. Il fut reçu avec de grands honneurs et invité à la cour plènière qui allait se tenir à Mayence où il eut l'honneur de porter l'èpée impériale. Les fêtes terminées, Barberousse fit expédier à Baudouin un diplôme en due forme pour la succession des comtés de Namur, La Roche et Luxembourg (1 i Si) '. Le comté de Valenciennes avait été donné en fief au comte Baudouin le Barbu par Henri II et à ses successeurs par Henri IV (H57) *. Le petit-fils de Baudouin le réunit au Hainaut. Les comtes de Valenciennes prirent quel- quefois le nom de mar(|uis. Les empereurs Guillaume de Hollande et Rodolphe de Habsbourg adjugè- rent le Hainaut aux d'Avesnes et enjoignirent aux Ilainuyers de leur faire hommage ■^. Un différend étant survenu entre le comte Jean d'Avesnes et la ville de Valenciennes, qui jouissait de privilèges fort étendus, l'empereur Adolphe déclara les bourgeois de la ville en état de rébellion et donna entièrement gain de cause au comte (1291) ". Guillaume H fut le dernier comte de Hainaut de la maison d'Avesnes (134.5). ' Voir la ctiarte originale aux Archives des comtes de Flandre à Lille. - Biilkens, t. I, Prnb., pp. 62, 60. ' Chronique de Gislebert , pp. t 26 et 129. 4 Ditinar, Chronique, 1. 1, p. 383. — Bulkens, l. c, p. C2. ■' Martene, Thés, anecd., t. I, 1021 et siiiv. '■' Marlene, Novus Thés., 1. 1, 1248. DE DROIT PUBLIC, etc. 23 D'après les principes du droit féodal, le comté aurait pu être revendique par son oncle Jean de BeaumonI; mais celui-ci se désista en laveur de Marguerite de Hainaut, sa nièce, épouse de Tempereur Louis de Bavière, qui s'em- pressa de sanctionner ce désistement. C'est ainsi que la maison de Bavière régna, jusqu'à Philippe le Bon, sur une des provinces les plus importantes de la Belgique. Mentionnons en passant que les comtes de Hainaul s'ap|)elaienl parfois comtes palatins '. Le diocèse de Cambrai fit partie de l'Empire dès les plus anciens temps. Déjà Louis le Pieux, rappelant divers actes de ses prédécesseurs et notam- ment de Charlemagne, fait don, en 817, à Hildoward, en faveur de l'église S'''-3!arie, de plusieurs privilèges, mais sous diverses conditions, parmi les- quelles figure spécialement celle d'obéir fidèlement à l'Empire ^ L'empereur Arnoul rappelle celte concession (894) et la confirme sous la même condition : « et nostro fideliter imperare Imperio ". » Olhon le Grand la confirme également (940) et accorde à l'évêque le tonlieu de la ville avec le droit de battre monnaie avec la réserve : « ... et nostro fideliter parère Imperio *. « Othon III renouvelle les concessions dans les termes les plus explicites (991 et 1001) \ et l'empereur Henri II donne l'investiture de la temporalité de Cambrai à l'évêque Lielbert (1007). Celui-ci, « facla fidelitate Imperalori el omnibus competentibus adimpletis » , prit congé de son suzerain ', qui lui confirma aussi le tonlieu el la monnaie de la ville \ » I)('j,'i rempeiTur Henri I iujiit, phirë à C(Mé du duo de Lotharingie le duc de Franconie comme comte palatin. {Voi/. Eicliliorii, t. III, p. 54.) Il dut sans doute résider à Aix-la-Chapelle. (Dijn- niges, Keiserliche Hof-und Limd-Geschirlile, p. âa7.) Les empereurs étaient les chefs de la cour de justice où ils résidaient; les cours simples étaient i)résidées par le comte palatin qui a|)par- tenait à celle partie de l'Empire où la diète se tenait. 2 « ... El nostro fideliter parère Imperio. » Chronicon Camerucense et Atrebatense a Balde- rico. Douai, ICI 5, p. C2. 3 Ilnd., p. 102. * Iliid.,\). \-2C,. s Ihid., p. 18i). '"' Cltronicon Cameracense , 1. c., p. 359. ' Mirœus, Diplom., t. I, p. 27. M HISTOIRE DES RAPPORTS Nouvelles confirmations de Conrad III (1 1/1.6), qui prend Téglise S'^-Marie sous sa garde inimédiale ', el de Frédéric Barberousse (Ho3) '-. Ce dernier empereur conféra Tavouerie de révèché aux comtes d'AIost '. Pliilip])e d'Alsace, (pii fut investi de ce comté, prit le nom de prince ps sacri Imperii et alla, comme avoué suprême de Cambrai, prêter pour la première fois hommage à l'Empereur à x\ix-la-Chapelle (il 64) *. Philippe de Valois conquit le Cambrésis en 1340, et l'empereur Louis de Bavière fit de vains efforts pour le replacer sous sa suzeraineté. Cependant Charles IV confia la garde de ce pays à révêque de Liège, au duc de Brabant, au comte de Flandre, comme feudalaire pour la Flandre impériale et avoué de Cambrai, et au comte de Ilainaut ^ Les évèques Pierre d'Ailly et Henri de Berghes reçurent les régales de Tempereur Wenzeslas ". Sous Maximilien I, Tévéché devint archevêché, et l'Empereur érigea le pays en duché (IS 10) et appela son évêque , Jacques de Croy, comte-duc de Cam- brai, sauf la liberté de la ville \ Le chapitre prélendit être vassal de l'Empire. La question fut jugée par des arbitres nommés par TEmpereur et tranchée en faveur de l'èvèque *. La Flandre, dont la frontière orientale était l'Escaut, fit, en vertu du traité de Verdun, partie du royaume occidental des Francs. On sait que Charles le Chauve en donna le gouvernement au célèbre guerrier Baudouin Bras de Fer. Ce dernier et ses descendants eurent souvent le nom de marquis, }nar- ' Mirœus, /. c, p. GO. 2 Ibid., le, p. 61. ' Sajnt-Genois, Ili.st. des avoiicries en Belgique, p. 4i. 4 Ibid., p. 120. ^ Mirseus, Opéra diploui., t. IIF, im. *'' Pistorius, Scrip. rer. Germ., p. 328. Extrait du Magnum cliroii. Delcj. ' Miroeus, Diplom., t. I, p. H3. 8 Eberliardi Responsa, etc. Francfort S/M, p. 79. — Le duclié de Cambrai fit partie du cercle de Wesiphalie jusqu'en t(J7", où il fut conquis par Louis XIV qui le garda en vertu du traite de Nimègue (1678). Charles-Quint se constitua avoué de Cambrai et y fit bâtir une cita- delle; il donna la chàlcllenie à son fils Philippe. L'évèque-duc entretint un représentant près la diète de rEni|iiie jusqu'en 1613; plus tard, il n'en est plus fait mention. — Dicelius, lîeichs- Geograpliia, IGiO, p. 176. DE DROIT PUBLIC, etc. 2d chiones, marchisii, markgruveii , parce que leur comté élail pays de froïKière. Une porlion de ce comié fui annexée à la Lolharingie; nous devons exposer dans quelles circonlances. Dans la guerre que fit le comte Hughes le Grand à Louis d'Outremer, Tempereur Olhon le Grand, allié de ce dernier, força Arnoul le Vieux, comte de Flandre, qui tenait le parti de Hughes, de lui céder la partie du comté qui s'étendait sur la rive droite de l'Escaut, à partir de Gand jusqu'à l'embouchure de TEscaul occidental (941). Pour défendre cette précieuse conquête, qui comprenait une partie du territoire de Gand , le pays de Waes avec les quatre districts de Ilulst, Axel, Bouchante et Asse- nede, appelés plus tard les Qaalre-Mciiers, Othon fit bâtir un château fort sous la protection duquel se trouvait un monastère qu'on avait détaché de lahbaye de Saint-Pierre, située sur le IMont-Blandin : il devint bientôt célèbre comme abbaye de Saint-Bavon, et releva immédiatement de l'Empire. L'Em- pereur en confia la garde à un seigneur saxon , nommé Wichmann de Billung. Il le créa comte de Gand et lui assigna pour domaine le pays conquis que l'on appela depuis lors Over-Schekie (Outre-Escaut) , et y ajouta le territoire d'Alost en deçà de l'Escaut. Afin de mieux fixer les bornes de l'Empire et du comté de Gand, Olhon fit creuser un large fossé à partir du fort de Sainl- Bavon jusqu'au bras occidental de l'Escaut, appelé aujourd'hui le Honi, et lui donna le nom de fossé ou canal d'Othon (Olto-Gracht). Cette partie de la Flandre proprement dite, qui se trouvait en dehors des limites orientales assignées par le traité de Verdun à la part de Charles le Chauve, fut réunie à l'Empire germanique et reçut dès lors le nom de Flandre impériale. Mais tout cela ne s'accomplil point sans une vive résistance de la part d'Arnoul à qui l'Empereur, pour terminer le différend, céda le château de Gand et lequel, en retour, donna sa fille en mariage au comte Wich- mann (949) '. Un peu plus d'un demi-siècle après, Baudouin IV, le Barbu, prit parti * « Olto impcralor, de Scaldi fossalo anle parlem sancti Jacobi iisque in mare prolensum, a nominc siio oranem pagiim OUinyliam vocavit, quo rcgiii Francoruin et imperii orientalium fuies detcrminavit. » Butkens, 1. 1, Prob., p. 1 1. Sur la qucslion de savoir quel élait le tracé exact du fossé ou canal d'Othon, voyez Warnkônig, Ilist. de Flandre, t. I , p. 159, et t. II , pp. 17, 50. — Hirsch., Jahrbûcher, 1. c, pp. oÙ7-d09. 26 HISTOIRE DES RAPPORTS conli-e rempereiif Ilonri II dans la guerre pour la succession du Lolhier. Il remporta d'ai)ord (]ue!(|ues avantages signalés; mais, craignant de succom- ber dans une lutte inégale, il alla trouver rEmpereur à Aix-la-Chapelle et lui demanda la paix. Henri H, dans le dessein de s'attacher le vaillant comte de Flandre, lui donna Tinvestiture de Valenciennes, dont il s'était emparé, ainsi que des cinq îles de Zélande, du pays d'Alost et des Quatre-Métiers (1007). C'est ainsi que s'établit le lien féodal entre la Flandre el l'Empire, et que les comtes de Flandre, qui relevaient du roi de France, devinrent également vassaux de l'Empereur '. Baudouin de Lille obtint la même investiture que Raudouin le Barbu de l'empereur Henri IH (1049) '. Robert II de Jérusalem eut des démêlés avec Henri IV el Henri V qui voulaient lui enlever la Flandre impériale, proba- blement parcequ'il avait négligé d'en faire bomniage. Toutefois, il finit par en obtenir l'inféodation ^. A la mort de Hemi V, Charles le Bon reconnut Lotbaire de Saxe et alla, en janvier 1127 , peu de temps avant sa mort, à Aix-la-Chapelle, lui prêter le serment de foi el d'hommage pour la Flandre impériale *. En 1177, Phi- lippe d'Alsace fil hommage à Frédéric Barberousse pour le comté d'Alost qui avait passé sous la souveraineté immédiate de la Flandre par la mort de Thierry d'Alost , neveu de Philippe *. La comtesse Jeanne fut déclarée décbue de la Flandre impériale parce qu'elle avait négligé de remplir ses obligations de vassale; le fief fut donné au comte de Hollande qui le convoitait (1218). Cependant la comtesse s'excusa en prou- vant que les troubles politiques seuls l'avaient empêchée de s'acquitter de son devoir, et l'Empereur la réintégra dans les possessions qu'elle tenait de l'Em- pire. Aussitôt que Fernand de Portugal fut sorti de prison, il alla à Aix-la- Chapelle faire l'hommage requis. Il serait trop long de faire ressortir ici le rôle que joua l'Empire dans la < Kluit, Hisl. crit. coin. Holl. et ZêL, t. II, I'" partie, p. 94. — Oudcglicrst, 1. 1, p. 218. 2 Meycr, Annal., ail. aiin. 1057.— Oudeglierst, t. I, p. 230. 3 Wanikônig, Hist. de Flandre, t. I, p. KiO. — Le Glay, Hist. des comtes de Flandre, t. 1, pp. 242, 248. ♦ JafTc, Script, rer. Gerni., t. I, p. ûG. !* Oiidegerst, Anti., 1. 1, p. 437. DE DROIT PUBLIC, etc. 27 grande querelle des d'Avesnes et des Dampierre. Rappelons seulement (pie Frédéric II, par une sentence rendue à î'oggia en l'H'i, déclara les d'Avesnes enfants légitimes de Marguerite et capables de succéder aux fiefs impé- riaux '. A la mon de la comtesse Jeanne de Flandre (1245), également comtesse de Hainaut, le chapitre de Liège adressa une requête à Frédéric II dirigée contre la comtesse Marguerite, devenue aussi héritière du Hainaut. Mais le chapitre fut déboulé, et Marguerite prêta le serment d'hommage lige par procuration. L'acte d'investiture de Marguerite, publié à Turin au mois de juillet 1243, eut pour témoin et pour garant le roi Conrad, second fils de Frédéric II, qui se trouvait alors au|)rès de son père '. Par le même acte, elle reçut l'investiture de la Flandre impériale et du comté de Namur ^. Le roi des Romains, Guillaume de Hollande, prit une part active à la guerre que fil Jean d'Avesnes à sa mère Marguerite. Jean s'empara des lies de Zélande et du reste de la Flandre impériale et demanda à en être investi malgré la sen- tence arbitrale de S' Louis. Marguerite remporta quelques avantages sur Jean d'Avesnes; mais les fiefs qu'elle tenait de l'Empire furent confisqués pour défaut d'hommage et adjugés à d'Avesnes *. Un des actes les plus importants du roi Richard est son intervention dans la même contestation. Marguerite obtint de lui, en 4258, une sentence favo- rable, tandis que son fils Guy promettait au roi (Alphonse, contre le payement d'une somme d'argent, de défendre au roi Richard le |)assage de la Flandre pour se rendre en Allemagne. Deux ans après, Marguerite fit à Richard hom- mage pour les fiefs impériaux et obtint la promesse que son fils en serait investi après sa mort ^ La comtesse Marguerite vivait encore à l'avénemenl de Rodolphe de Habs- bourg au trône impérial. Ayant négligé de lui faire hommage , la confiscation de ses fiefs impériaux fut prononcée, et Jean d'Avesnes en fut investi le * NViiriikonig, /. c. '^ Warnliônig, î. II, pp. ôo6-5.j8. ^ Art de vérifier les dates, t. XIV, p. 121. '* Kluit, Hist. corn., etc., t. I, p. ,501. — Warnlconig, Hist. de Flandre, édit. franc., t. I, pp. 248-251. — Dynter, t. III, pp. 193-198. s Warnkonig. t. I, p. 385. Tome XXXVI. S 28 HISTOIRE DES RAPPORTS 8 juin 1276 K Le comle Guy négligea égalemenl de faire hommage à l'Em- pereur après la mort de sa mère (1279), el la confiscation des mêmes fiefs eut lieu de nouveau au profit de Jean d'Avesnes. Celui-ci ayant prêté le serment de fidélité à l'Empereur (24 juin 1280), Rodolphe enjoignit aux habitants de la Flandre impériale de recevoir Jean pour leur seigneur légitime -. Un chevalier d'Audenarde avait déjà, avant cette date , fait reconnaissance à Jean d'Avesnes pour un fief qu'il tenait de lui dans la Flandre impériale '\ Louis le Bavarois prit parti pour les Flamands dans la guerre que ceux-ci soutinrent contre le roi de France. Il nomma le roi d'Angleterre, qui était le compétiteur de Philippe le Bel, vicaire général de l'Empire dans les pays en aval du Rhin depuis Cologne (1338). Les princes des Pays-Bas reçurent Tordre de soutenir Edouard III pendant sept ans, et Edouard prêta le serment de fidélité entre les mains de l'Empereur; mais cette alliance n'eut guère de durée. Louis le Bavarois se rapprocha de la France et alla même jusqu'à révoquer solennellement la nomination d'Edouard comme vicaire général (janvier 13/i.l) '. Charles IV fut obligé d'intervenir dans la guerre qui éclata entre son frère Wenzeslas et le comle de Flandre , Louis de Maele. Mécontent de ce que sa femme, sœur de Jeanne, l'épouse de Wenzeslas, avait été exclue de toutes les possessions ducales dans le BrabanI, les seigneuries d'Anvers et de Malines, Louis de Maele réclama , comme compensation , une pension plus élevée que la pension annuelle de 10,000 florins qui avait été assignée à sa femme dans le testament de son frère , el occupa Malines militairement. Charles IV se trouvait alors à Maastricht. Wenzeslas alla l'y joindre. Les deux princes y réglèrent tout d'abord , de concert avec la duchesse Jeanne, les conditions de la possession et de Tordre de succession des duchés de Brabant el de Lim- bourg ^. Il fut arrêté que Wenzeslas et son épouse auraient , leur vie durant , la I Warnkônig, t. II , édit. ail., pp. 270 et suiv. ■i Bôlimcr, Reg., ad 1280, p. 407. s Rciffenbcrg, Monum. du Hainaut, t. I, p. "G9, sqq. * Bôhracr, fier/., 1. c, p. G2S; Fonles , t. I, pp. 190-191. s Dynler, t. lil, p. 192. DE DROIT PUBLIC, etc. 29 possession el le gouvernemenl des duchés de Brabanl el de Limbourg; mais que Wenzcslas n'en pourrait aliéner aucune partie sans le consentement de Jeanne. Si la duchesse mourait la première, sans enfants, les duchés devaient rester comme usufruit à Wenzeslas. Si, au contraire, Wenzeslas venait le pre- mier à décéder et que Jeanne se remariât, les enfants qui naîtraient de ce second mariage succéderaient à leur mère. Que, si Wenzeslas el Jeanne mou- raient tous les deux, ne laissant point d'héritiers, les deux duchés feraient retour à l'Empereur ou au plus proche parent de la maison de Luxembourg. Cet arrangement fut conclu à Maastricht le 20 février 1357, et les députés des villes du Brabant y donnèrent leur consentement '. Le comte de Flandre fut tellement irrité de cette convention allenlatoire aux droits de succession de sa femme (pul recommença la guerre. Celle-ci ne prit fin (4 juin 13o7) que par suite d'une sentence arbitrale rendue par le comte de Hainaut qui fut tout au détriment de Jeanne et de Wenzeslas. En vertu de cette sentence, Anvers et Malines devaient rester à Louis de Maele comme fiefs du Brabant, et les deux souverains durent promettre de ne jamais aliéner tout ou partie de leurs duchés. Charles IV ratifia cette paix par laquelle Parrangcment de iMaastricht fut anéanti ^ En 4416, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, fit hommage à l'empereur Sigismond, à son retour d'Angleterre, pour la Flandre impériale "'. Parlons maintenant de la principauté de Liège. Les premiers évéques de Liège reçurent de grandes libéralités des rois francs et plus tard des empereurs carolingiens. Ces derniers leur accordèrent la plupart des droits régaliens. Ils jugeaient qu'il était d'une sage politique d'accroître la juridiction temporelle des évéques, afin de contrebalancer l'in- lluence de la France, qui ne cessait de convoiter celle contrée, et des grands vassaux toujours armés et prêts à se soustraire à la suzeraineté impériale. C'est ainsi que Louis l'Enfanl confirma, en 909, à l'église de Liège, toutes ' Dcwcz, Ilifil. gén. de Belg., t. III, p. 33'J. — Ernst, Hisi. du Liiiib., l. V, p. 107. — D\ iilcr, t. III, pp. 50 et 192. — Bulkens, Preuves , p. 190. - Eriist, L c, p. 114. "' \ Calais. — Monslrclct , Cliruii., t. I, [i. IGl. 30 HISTOIRE DES RAPPORTS les doiialions faites à celle de Tongrcs par le prédécesseur de ce prince '. Olhon 1 place Noiger sur le trône épiscopal. Otlion 11, par un diplôme de Tan 980, assure à l'église de Liège toutes les possessions qui lui avaient été accordées par ses prédécesseurs : Huy, Fosses, Lobbes, Tongres, Malines, qu'il met sous la puissance immédiate et indépendante de Tévéque, avec tous les biens et tous les hommes qu'elles contiennent ^ C'est là la véritable origine de la souveraineté des évèques de Liège, et c'est à partir de ce moment que rÉlat de Liège fit réellement partie de l'Empire germanique. Olhon 111 alla plus loin. Il confirma, en 984- et 985, la propriété de tous les territoires dont les évèques avaient fait ou feraient Pacquisition et la jouis- sance de tous les droits qu'ils y exerçaient '\ Son successeur, Henri 11 , sanctionna tous ces actes. Dans un diplôme du JO juin 1006, il énumère les domaines considérables qui appartenaient à l'église de Liège à celle époque, à savoir : Lobbes, Saint-Hubert, Brogne, Gembloux, Fosses, Malone, ^^amur, Dinant, Ciney, Tongres, Huy, Maas- tricht, 31alines, etc., et confirme et garantit à Notger, dans les mêmes termes qu'Othon 111, la possession libre et indépendante de ces endroits \ Les évèques de Liège furent souvent implicpiés dans les guerres dont la Lotharingie était le théâtre. Balderic 11 se vit sommé par le duc de Lotharingie, Godefroid le Pacifique, de prendre pari avec les autres vassaux de l'Empire à l'expédition dirigée contre le comte de Hollande, Thierry 111, rebelle à l'Empereur (1018). H dut obéir malgré ses répugnances. De mémo l'évoque Règm'er (ou Réginard) dut prendre pari à la lutte que soutint le duc Gothelon , au nom de l'Empereur, contre Eudes, comte de Champagne. L'empereur Henri 111 fit don à Nithaid du comté de Naspinga, la Ilesbaie actuelle, et ratifia la cession qui avait été faite au prélal des seigneuries de Franchimonl el de Looz "; mais il y eut mésintelligence entre ce prince et Wazon, en matière spirituelle, l'Empereur voulant empiéter sur les droits de ' Chapeauville, t. I, p. 107. ^ Mirœus, Opéra diplom., t. I, p. 50. ' Ihid., I. I, p. al, et l. II, p. 807. — Voij. aussi Chapeauvillc, t. I, pp. 21 1, 215. '' Cliapeauvillc, l. I, p. 212. * Cliapeauville, t. I, p. 279. — Villenfagne , TîecAej-c/ifs sur l'Iiist. de Likje, t. I, cliap. III, IV, V el VI. DE DROIT PUBLIC, etc. 31 l'évêque. Cependant ce dernier resta fidèle à Henri III, malgré les sollicila- tions des feudalaires lotharingiens (le comte de Flandre , Godefroid le Barbu, Richilde) qui le pressaient d'entrer dans une coalition contre le suzerain. Il empêcha aussi une invasion du roi de France qui convoitait toujours le Lolliier. Nous avons dit plus haut que , sous le règne de Théoduin, Richilde inféoda à révêché de Liège son comté de Ilainaul et que l'empereur Henri IV^ con- firma cette cession (4071) \ « Depuis lors, dit Villenfagne -, les comtes de Ilainaut furent classés parmi les grands feudalaires de Saint-Lambert; ils relevèrent, pendant des siècles, ce comté de cette église. On croit que c'est Jean de Bavière qui, le premier, vers la fin du XIV*" siècle, en a exempté Guillaume, comte de Ilainaut, son frère, et, dans le siècle suivani, Charles, duc de Bourgogne, s'élanl rendu maîlre de cette province, dédaigna d'en prê- ter hommage à nos évêques, comme l'avaient fait les comtes de Ilainaut, ses prédécesseurs, exemple que suivirent les princes de la maison d'Autriche qui héritèrent des États du duc de Bourgogne. » Plusieurs des évêques qui suivent appartiennent au parti impérial contre les Guelfes et les papes. Henri de Verdun est nommé par l'influence de Henri IV (1075); Obert est un des plus obstinés partisans de cet Empereur et il a le courage, lorsque tous l'abandonnent, de lui donner asile jusqu'à sa mort. Alexandre de Juliers achète de l'empereur Henri V, au prix de 7000 livres d'argent, l'investiture par la crosse et l'anneau; mais le chaj)itre refuse d'accueillir ce choix. Henri V favorise alors l'élection d'AIbéron, frère du duc de Brabanl. Lolhaire II est couronné Empereur à Liège par le pape Innocent II, auquel Alexandre de Juliers, qui était parvenu à se faire élire, donnait l'hospilalilé. L'évêque Alexandre II est un ami particulier de Frédéric Barberousse qu'il accompagne dans sa troisième expédition d'Italie, et Raoul de Zehringen accompagne le même Empereur à la troisième croisade. Il avait été réglé à la célèbre diète de Worms de H 22 que la nomination des évêques appartiendrait désormais au chapitre diocésain, mais que l'élu devrait ensuite obtenir du pape l'investiture |)ar l'anneau et la crosse et de l'Empereur les régales au moyen du sceptre. ' Cliapcauville, t. II, p. 12. •■î Ibid., t. I, p. 102. 32 HISTOIRE DES RAPPORTS Celle tlisposiliori, qui concernail révêché de Liège comme tous les autres, fut violée, nous Tavons dit |jlus iiaut, à l'égard dWlbert de Louvain. Albert se préseiila au plaid de Worms devant Tempereur Henri VI, entouré des archidiacres et de tout le clergé de Saint-Lambert. Son compétiteur, Albert de Rhétcl, n'avait avec lui que (|uatre ou cinq chanoines qui lui avaient donné leur voix. Ce dernier ayant renoncé à ses prétentions , TEmpeieur, contraire- ment à toute justice, proclama évéque Lothaire de Hostade et lui donna l'in- vestiture de révêché. Albert de Louvain en appela au pape qui ratifia Téleclion laite par le chapitre, puis il se relira auprès de son frère, le duc Henri de Lolhier-Brabant; mais l'Empereur fil sommer celui-ci de chasser le fugitif de ses États. Albert se rendit alors auprès de son oncle, le duc de Limbourg, et fut sacré par Tarchevècpie de Reims. Henri VI força le duc de Brabant, sous peine de mort, de désavouer Téleclion de son frère et commanda ou tout au moins toléra le meurire d'Albert de Louvain. On sait que ce fut le signal d'une révolte dans laquelle entrèrent la plupart des seigneurs de la Lotharingie, à la voix de Henri de Brabant, ainsi qu'un grand nombre de princes de la basse Alle- magne. En dernier résultat, Lothaire de Hostade dut faire sa soumission au pape, et Henri Vise réconcilia avec le duc de Brabant, mais non sans passer par les plus grands sacrifices (1193) \ Les relations des princes-évéques avec l'Empire conservèrent le caractère qu'elles avaient antérieurement. Philippe de Souabe confirma, en 1208, la célèbre yraiide charte qu'Albert de Cuyck donna à la ville de Liège et qui est le plus ancien monument écrit de son droit public et de ses libertés ". Hughes de Pierrepont prit |>arti pour le jeune Frédéric II contre Othon IV qui venait d'être exconuiiunié, ce (pii l'engagea dans une guerre contre le duc de Brabant resté fidèle au second. Henri Vil confirma par un rescrit l'alliance commune (jue les villes liégeoises avaient conclue entre elles pour la défense de leurs droits, de leurs libertés et de leurs privilèges, et il exigea de l'évêque la même reconnaissance ^. Henri de Gueldre fut élu grâce à son cousin germain, le roi des Romains, ' Gilles (rOrv;il,dans Chapcauville , t. II , ijp. 154 et suiv. — Ernst, t. III, pp. 181 et suiv. '^ Fouilon , Ilist. Lcod., t. II, p. 588. 5 Fi-icn, Ilist., [lart. I, I. XIII, p. 555. DE DROIT PUBLIC, etc. 53 Guillaume de llollancle, choix détestable el qui fut pour le pays de Liège une source de calamités. Plus tard, Guy de Hainaul, non élu par le chapitre, par- vint à se faire mellrc en possession du temporel de révêché par la volonté d'Adolphe de Nassau ^, et Engelberl de la Marck obtint rinlervention de Charles IV dans un différend cpril eut avec ses communes. L'Empereur amena à son secours un renfort de plus de 7,000 cavaliers, parmi lesquels figurait la plus brillante noblesse de l'Empire. Les relations personnelles entre les évèques et leur suzerain n'étaient pas sans influence, on le voit, sur les rapports politiques de la principauté avec l'Empire. Il en fut ainsi jusqu'au règne de Jean de Bavière, dont nous n'avons point à raconter l'histoire. On sait les vengeances terribles (|ue ce [)rince exerça contre ceux de ses sujets qui firent opposition à son gouvernement. En 1415, les Liégeois, poussés à bout, s'adressèrent à l'empereur Sigismond et en obtinrent des lettres confiimatoires de la grande charte d'Albert de Cuyck et de tous les privilèges octroyés aux bourgeois de Liège par les empe- reurs précédents. Comme conséquence de cet acte, Sigismond, se trouvant à Liège, cassa tout ce qui avait été fait par l'élu comme attentatoire à ses droits de suzeraineté et restitua aux bourgeois leurs droits et leurs libertés '-. Après avoir exposé les rapports de droit public de la Belgique méridionale avec l'Allemagne, nous ne pouvons nous dispenser d'examiner rapidement le lien féodal qui unissait également les provinces du INord à l'Empire. La Frise, dont le nom se donnait jadis à la majeure partie des Pays-Bas, comprenait anciennement trois parties distinctes. La première s'étendait de- puis la Sincfala jusqu'au Plie, c'est-à-dire depuis le Zwyn, bras de l'Es- caut en Flandre, jusqu'à l'embouchure de la Meuse dans la mer du Nord. La seconde était resserrée entre le Flie et Loubach, c'est-à-dire entre la Meuse et le Zuyderzee. La troisième allait de Loui)ach jusqu'au Weser. Elle fut, en 870, détachée de la Lotharingie et annexée à la Germanie. Plus tard, une autre division prévalut. La Frise comprit aloi-s : la Zélande, consistant dans les îles qui portent encore aujourd'hui ce nom; la Hollande, • ' \\œhei-\in, Deutsche Reichs-Gescliich(e, I. XI,|). ISI. - Fisen , /. c. M HISTOIRE DES RAPPORTS la Gueldre, comlés i)arlicaliers, les domaines derévéché d'Ulrechl el les pays de la Frise propreinenl dile. Commençons par celle dernière. Cliarlemagne avait compris les Frisons dans la paix qu'il accorda à leuis alliés, les Saxons, el il leur concéda des privilèges imporianls avec le lilre dlioiiinies libres. Ils devaient élire, chaque année, un magistrat qui, sous le nom dapodeslal, les gouvernerait sous la proteclion de TEmpire '. Ils étaient, d'ailleurs, partagés entre divers cantons soumis à des comtes particuliers qui devaient, en leur qualité de vassaux, comparaître, revêtus de leurs armures el de louirallirail de guerre, aux plaids impériaux. Les revenus qu'ils four- nissaient au trésor de l'Empereur étaient considérables". L'empereur x\iiiouId donna une partie de la Frise à son fils Zwenlibold et affranchit l'église d'Ulreclit du payement des lonlieux de Tliiel, Doresladt (Duurstede), elDeventer (896), perçus par les Frisons '\ La Frise suivit ensuite toutes les péripéties de la Lotharingie dont elle fai- sait partie; elle eut des démêlés séculaires avec les souverainetés avoisinantes, el son nom el son histoire se confondent souvent avec l'histoire et le nom de ces dernières. Nous nous occuperons donc spécialement de celles-ci. Les incursions incessantes des Normands faisaient senlir le besoin d'une défense énergique en Lotharingie. Le comte frison Gérolphe se signala vail- lamment et reçut, en propriété, de l'empereur Arnoul , un vaste territoire compris entre le Rhin, là où il se jette dans la mer à Kalwyk, et Suilhardes- hagen, dans le pagus de Bodegrave, avec la faculté de le conserver ou de l'aliéner à son gré *. Ce territoire, qui semble avoir été l'origine du comté de Hollande, prit bientôt une extension considérabhî. Thierry I", fils de Gé- rolphe, (|ui est considéré comme le premier comte de Hollande, se rangea du parti de Charles le Simple contre Conrad, élu Empereur par les Allemands. • « ... Ul qiiotannis niasislrolum eligant qui illuslris potestatls Frisiœ nominc conderoratiis, univei'sam regioneni Impcrio subjetlam adiiiiiiislrct. » (Scliwarzenberg, Recueil, etc., t. I, p. 44.) — 11 est ruricux de rciu-onlrer ce nom de podeslul à la fois en Frise et dans les com- munes lombaides. - Bahize, cap. I, p. 4(i0. ^ Heda, Hist. episcop. Traiect., p. 05. * Mii'fcus, Opéra diplom., t. 1, cap. XXIV. DE DROIT PUBLIC, etc. 35 Charles le Simple non-seulement lui confirma la possession de tous les biens paternels, mais il lui donna Téglise dTgmond avec toutes ses dépendances '. Thierry II renoua le lien avec Tempire germanique. Le 23 août 985, l'em- pereur Olhon III, se trouvant au palais de Nimègue, concéda à Thierry II « tout ce que celui-ci possédait antérieurement de la part de l'Empire soit comme fief, soit en usufruit, entre les deux fleuves (Rhin et Meuse), afin que désormais celui-ci ne le possédât plus en fief, mais en propriété, avec pou- voir d'en faire donation, de l'échanger et d'en disposer en tout selon son bon plaisir '. » Cet acte détermine l'époque du lien féodal qui s'établit entre la Hollande et l'Allemagne, et, de toutes les principautés des Pays-Bas, c'est le comté de Hollande qui fut le plus étroitement uni à l'Empire. Les diplômes des empe- reurs qui s'y rapportent sont trop nombreux pour que nous puissions les citer tous; nous devons nous borner à quelques faits ^. Chaque fois que les comtes étaient convoqués pour une expédition militaire, ils comparaissaient comme vassaux, et dans tous les pactes féodaux qu'ils concluaient avec des tiers, ils réservaient toujours les droits de l'Empereur. Ceux qui , par une mort pré- maturée ou par une longue absence de l'Empereur , ne lui ont pas prêté le ser- ment d'hommage forment l'exception. Thierry III établit des colons dans l'île de Merwède, qui avait été concédée par les empereurs en commun aux évêques d'Utrecht et de Cologne, et fit construire sur le bord de la Meuse une forteresse, pourvue d'une nombreuse garnison qui perçut un péage sur tous les navires marchands remontant ou descendant le fleuve, et qui pillait ceux (jui refusaient de payer. Les évêques s'émurent, et l'Empereur donna mission à Godefroid III, duc de Lothier, de joindre une armée de Lorrains aux troupes des évêques pour forcer le comte à l'obéissance, en enjoignant en même temps à celui-ci d'évacuer le territoire qu'il s'était indûment approprié. Thierry III ne céda point et défit complète- ment les troupes de Godefroid. Une réconciliation eut lieu. L'empereur Henri II ' Mirœus, Don. priv., cap. XXVI. 2 Mieris, Grool charterboek, 1. 1, pp. 49, oO; — Wagenaar, VaJerl. hist., t. Il, p. 127. "' Van Loon, Leenroerigheijd van liel graafschap Holland aaii 'l R>jk. Passira, 174.0. Tome XXXVI. 6 36 HISTOIRE DES RAPPORTS donna à Tliierry rinveslilure du territoire contesté, et lui fit concéder en fief, l)ar révèque d'Utrccht, la partie occidentale de révèché (1018) '. Florent 1 demanda à Henri IV la possession de plusieurs seigneuries en Frise que TEmpereur refusa d'accorder. Florent s'en empara à main armée, lorsque l'Empereur eut été excommunié ^. La comtesse Pétronille, sœur de l'empereur Lolhaire, invoqua le secours de son frère pour faire valoir les prétentions de son fils sur la Flandre im- périale, laissée vacante par la mort de Charles le Bon; mais cette tentative n'aboutit point. La comtesse réussit davantage dans la demande qu'elle fit à l'Empereur de détacher de l'évêché d'Utrecht les comtés frisons d'Ostergoo et de Westergoo, lesquels avaient été donnés par Henri IV à l'évêque Conrad : ces comtés furent replacés sous la domination de la Hollande '\ Lothaire apaisa aussi une révolte des Frisons occidentaux conduits par Florent le Noir, frère de Thierry VI, ses neveux (1132), et rétablit la concorde entre les deux frères. En 1477, Frédéric Barberousse reçut à Roncaglia l'hommage de Florent IH qui s'engagea à respecter toutes les régales de l'Empereur, à contribuer à les recouvrer si quelqu'un les enlevait, à exécuter tous les ordres que l'Empereur lui donnerait en personne ou par lettres, etc. *. Le comte Guillaume de Hollande, devenu Empereur % mit à profit sa haute situation pour favoriser les intérêts de son comté et ceux de la Lotha- ringie tout entière. En 1248, il rendit aux Frisons leurs vieilles franchises ' Wagenaar, Vud. (jeschkd., I. c. - Van Loon, Leenroericjheyd, etc., p. 9. 5 Frescliot, Hist. d'Utrecht, I. c. ''■ Bohmer, Begesta ad H75, etc. ■' Il fut élu roi des Romains, par les princes de l'Empire, au mois d'octobre 1247, à Woeriiigeu, sur la i)roposilion de son oncle, Henri de Hrabant, el par la fa\ cur du pape Innocent IV, en oppo- sition à Frédéric II, frappé d'excommunication; il fut couronné à Aix-la-Chapelle, en 1248, après la prise de cette ville. « Electores itaque convenientes apud pagum Woringiœ coloniensis diœcesis elcgeruntin rcgcra domicellum Hollandia; , protestantes ipsuni polentioruni esse prin- cipem in regno Gerniani;e. » [Chronique de Jean de Beka , p. 7G.) — « Papa Innoccntius misit ad Hcnricum, ducem Lotliaringia; et Brabantire ut regnum Romanoruni quo proraovere volebat, acceptaret. Sed dux se cxcusans recommendavit papas nepotcm suum, sororis filium , Wilhei- minii comitem Ilollandi.'c. » [Magnum chronicum beUjicum , p. 243.) DE DROIT PUBLIC, etc. 37 et lil}ertés pour les récompenser du secours qu'ils lui avaient prêté au siège et à la prise crAix-la-Chapelle. Deux ans après, il affranchit les bourgeois de Dordrechl de certains péages établis sur les quatre principales rivières de Hol- lande et les enrichit d'une charte nouvelle '. En dépit de l'élévation de ce prince au trône germanique, la comtesse de Flandre, Marguerite de Conslantinople, le fit avertir qu'il eût à lui demander l'investiture des îles de la Zélande -, ainsi que l'avaient fait ses prédécesseurs. Guillaume ne niait point la mouvance de la Hollande de l'Empire, ni que le comte de Hollande ne dût faire hommage pour la Zélande; mais il jugea que le chef suprême de l'Empire ne pouvait raisonnablement se faire le vassal de ses sujets et il repoussa les prétentions de l'altière comtesse ^. Ce furent les Frisons qui causèrent la perte de Guillaume. Ils se révoltèrent, en 1254., contre son autorité souveraine, et le comte-roi périt dans une em- buscade qu'ils lui avaient tendue (1256). Son fils Florent lui succéda. Celui- ci se trouvant sans enfants en 1276, Rodolphe de Habsbourg donna l'expecta- tive du comté à Jean II d'Avesnes, neveu de Guillaume, par sa mère Adélaïde, et au comte de Ilenneberg, époux de Marguerite, sœur cadette de Guillaume '*. Florent, s'étant marié dans la suite, eut un fils qui décéda sans postérité. Jean d'Avesnes réclama aussitôt le comté; mais l'empereur Albert I revendiqua la Hollande et la Zélande comme fiefs dévolus à l'Empire, en vertu du principe qui attribuait la succession des fiefs aux descendants directs et non aux colla- téraux, et dont Albert entendait ne pas se départir^. Pour couper court aux difficultés, Jean de Hainaut demanda l'investiture à l'Empereur. Albert le renvoya aux princes de l'Empire. Toutefois, Jean se maintenant en possession des comtés, Albert décréta une expédition contre lui afin de le réduire par les ' Van Loon, Leenroerigheyd , p. St et suiv. - Baudouin V avait pour fils, outre Baudouin VI, qui lui succéda dans le comté de Flandre, Robert, dit le Frison, qui épousa Gertrude, veuve de Florent le Gros, comte de Hollande, et à qui son père, pour éviter toute contestation entre ses enfants, assigna la Flandre impériale et les îles de la Zélande. 5 Van Loon, Leenroerigheyd, etc., p|). 57 et 58. * Martenc, Thés, anecd., 1. 1 , 1153, 4154. ■• Wagenaar, t. III, p. 158. — Bilderdyk, Vud. (jesch., l. III, p. 2. — Dissertatio juridico- historica de imperatoris Alberti I expeditioiie in HolUmdiam , etc., auctorc LaniLaclicr, 1758. 38 HISTOIRE DES RAPPORTS armes. Mais un arrangement intervint, bien qu'aucun acte ne le conslate. Il est probable (lue l'Empereur, du consentement des princes, disposa du comté comme fief caduc au profit du comte de Hainaut, tandis que celui-ci, fai- sant abstraction de son droit dliéritier, reconnut le droit de dévolution de l'Empereur et reçut de lui le comté comme fief nouveau '. En 13io, le comte Guillaume III prit les armes contre les Flamands au sujet de la possession de la Zélande. Un traité fut signé, en 1323, entre les belligérants, en vertu duquel la Zélande et l'ouest de l'Escaut reviendraient à la Hollande comme fief de l'Empire. Louis le Bavarois affranchit, à celte occa- sion, le comte Guillaume de tous les droits que les empereurs avaient pré- tendu leur appartenir sur les comtés de Hollande et de Zélande. « Salvo lamen, dit le diplôme, nobis et Imperio homagio debilo pro iisdem '-. » Louis soutint également contre l'évêque d'Utrecbt les prétentions de son beau-frère, Guillaume IV, sur la Frise qui était administrée en commun, nous l'avons dit, par les évéques d'Utrecbt et les comtes de Hollande. Guil- laume obtint une nouvelle donation de la Frise et mourut peu après (13 i5). En lui s'éteignit la race masculine de la maison d'Avesnes. Deux de ses sœurs, la reine d'Angleterre et la comtesse de Juliers, voulurent être admises avec Marguerile, femme de Louis le Bavarois, au partage des seigneuries hollan- daises. Mais l'Empereur déclara que le comté de Hollande n'était point un fief féminin et que, partant, faute d'hoirs mâles, il était vacant. Il en investit donc Marguerite, son épouse (134.6), qui s'adjoignit son fils, Guillaume V. Le comté de Hollande passa ainsi à la maison de Bavière". Nous dirons plus loin ses rapports ultérieurs avec l'Empire *. ' Lambachcr, /. c. — Goudhoeve, Chronyk van Holland, p. 554. — Van Loon, /. c, p. 93. 2 Meerman, Spécimen, etc., p. 29. 3 Art de vérifier les dates, t. XIII, pp. 374, 573-, t. XIV, pp. 446-i30. — Ilœberlin, t. I!l, pj). 1 7 1 , 594. — Loher , Jukobaa von Bayer n , t. I , pp. 72-1 71 ; 1 862. * Ce qui déinoiilre l'étroite union du comté avec le corps germanique, c'est qu'en 12CG, Florent V stijuila des bourgeois de Leydc, en leur accordant certains privilèges, que « cliaque fois qu'il serait convoque aux diètes, ils devraient lui fournir dix livres lioll. pour ses frais de voyage et de séjour. » Guillaume, avant d'être roi des Romains, avait accordé des francliiscs aux bourgeois de Haarlcm , sous la réserve qu'ils lui payeraient \ ingt livres lorsqu'il se rendrait à la diète. (Van Loon, /. c, pp. 53 et 03.) DE DROIT PUBLIC, etc. 59 Au poinl de vue de l'imporlance de ces rapports, nous plaçons sur la même ligne révêché d'Utrecht. L'origine de la lemporalilé d'Ulrcchl se trouve dans les donations faites par Charles Martel, en 728, à Péglise Saint-Martin, bâtie par saint Willi- brord. Ces biens augmentèrent tellement par les largesses des empereurs que les évêques d'Utrechl eurent bientôt des possessions sur tout le territoire des Pays-Bas. De là un lien étroit, et qui ne se relâche que rarement, entre ces prélats et les souverains d'Allemagne. Après la première défaite des Normands (873), Odelbalde, treizième évêque, reprit possession de la ville d'Utrecht (les évêques avaient séjourné jusque-là dans l'abbaye de Saint-Pierre, près de Liège) et obtint de Zwenti- bold confirmation de toutes les donations faites antérieurement à son église. Il est probable que l'évêque impétra cette confirmation pour faire la recon- naissance ordinaire à son suzerain et pour obtenir une déclaration officielle de tout ce qui appartenait à Févêché, afin d'empêcher le comte de Hollande d'étendre ses limites aux dépens de l'église d'Utrecht. Radbod obtint une con- firmation semblable de l'empereur Conrad I"(9I4-), et Balderic reçut d'Othon le Grand le droit de battre monnaie. Wolcmar devint évêque sans élection, ce qui donne lieu de croire qu'Othon II lui conféra celte dignité comme un fief de l'Empire '. Adelbode fut, selon toute apparence, nommé de la même manière par Henri II dont il était conseiller (1008). Il demanda à cet Empe- reur l'autorisation de rechercher les droits de son église et de répéter en par- ticulier du comte de Hollande quelques terres qu'il en prétendait injustement distraites. Non-seulement Henri II approuva l'instance de l'évêque, mais il enjoignit à Godefroidj duc de Lothier, de prêter main-forte au prélat. Celui- ci obtint ainsi reconnaissance, en présence de l'Empereur, de tous les feuda- taires de l'évêché d'Utrecht ^. Henri III ajouta aux possessions de l'évêché la ville de Groningue, les Ommelandes et quantité d'autres terres considérables, et Henri IV y réunit le domaine utile des comtés de Staveren, de Weslergoo et d'Ostergoo, dans la Frise, confisqués par sentence de l'Empire à un seigneur nommé Egilbert. ' Frcscliot, Hkloire iVlUreclil , p. 23. - Frcsfliot, /. f., pp. 23 et suiv. iO HISTOIRE DES RAPPORTS Florent le Noir, frère du comte de Hollande, Thierry VI, fil la giieri'e, nous l'avons vu il y a un instant, à André de Cuyck. Celui-ci invoqua la protection de Fempereur Lothaire, qu'il accompagna à une diète à Wiirz- bourg, puis à Aquino. Lothaire lui envoya d'abord un renfort; mais il lui relira sa protection lorsque Florent eut été assassiné par Herman de Cuyck, neveu de Tévcque, bien que celui-ci n'y eût point participé (1133) '. A Pavénement de Conrad 111, André alla trouver le nouvel Empereur à Cologne elle supplia de mettre un terme aux vengeances de Thierry VI. L'Empereur réconcilia le comte avec le prélat et rendit à l'évèque tout ce qui avait été enlevé à son église, particulièrement les comtés d'Ostergoo et de Westergoo que Lothaire en avait détachés en faveur de Thierry. Conrad alla plus loin encore. Se trouvant à Ulrecht pour y tenir les Etats do l'Enqiire (ll/^o), il céda et transféra aux seuls chapitres d'Utrecht le droit d'élire leurs évèques, renonçant à ce droit pour lui et pour ses successeurs. Le pape Eugène III confirma cette disposition qui donna lieu, en 1151, à un grave différend. Les chapitres s'étaient divisés, nommant chacun un évêque. Conrad, usant des prérogatives que lui donnait le concordai de Worms de 1122, convoqua les deux prétendants à paraître devant lui el désigna Herman de Hornes, choix qui fui ratifié par le pape. Les Ulrechtois eurent en même temps à payer une amende à Frédéric Barborousse, successeur de Conrad III « pour la manière irrespectueuse dont ils s'étaient conduits envers son prédécesseur -. » A la mort de Herman, Barberousse alla à Ulrecht el assura l'élection d'un de ses amis, Godefroid de Rhenen. Celui-ci eut des démêlés avec des seigneurs frisons à qui son prédécesseur Iléribert avait donné en fief les territoires de Groningue el de Coevorden , fiefs qu'il prétendait devoir faire retour à l'évèché. L'Empereur se rendit à Ulrecht pour connaître de la question et décida que ces territoires seraient gouvernés par un comte nommé simultanément par l'évèque el le comie de Gueldre qui avait également soulevé des difficultés; ces deux princes jouiraient d'une autorité égale dans ces pays; l'un des deux ne ' Frcschol, /. f., pp. iJlj cl suiv. - Moll, Kerkgescliiedenis van Nederland voor de hervorming, t. I, ('. c. — Beka, p. S2. — Ileda, p. 1G9. — Jaffc, 1. 1, pp. 200, 201. DE DROIT PUBLIC, etc. 41 pourrait se dispenser d'y résider chaque année un cerlain temps pour y rendre la justice que s'il en était empêché par des causes inévilahies, parmi les- quelles le service de l'Empereur figure en première ligne '. Olhon de la Lippe reçut l'investiture de Frédéric II à Francfort et assista ensuite à une diète de l'Empire ^ Olhon III était l'oncle et il fut le tuteur de Guillaume de Hollande qui devint roi des Romains. Il le présenta aux électeurs et contribua puissamment à son élection. Guillaume en retour voulut devenir son vassal en se faisant recevoir noble bourgeois de la ville d'Utrecht à laquelle il octroya, comme roi des Romains, des privilèges particuliers et, entre autres, celui en vertu duquel les citoyens ne pourraient être jugés que par leur évêque et par l'Empereur et ne seraient obligés de reconnaître aucune autre juridic- tion ^ Othon étant venu à mourir, les chanoines d'Utrecht élurent Goswin d'Am- stel, mais Guillaume fit casser ce choix et nommer Henri de Vianden , adver- saire de la maison d'Amstel et qui remporta sur elle plusieurs victoires grâce au concours du chef de l'Empire. On sait qu'une partie de la Frise avait été inféodée à l'évêché d'Utrecht. Elle fut perdue pour l'évêché sous le règne de Jean d'Arckel. Guillaume IV, comte de Hollande, en obtint donation de son beau-frère l'empereur Louis le Bavarois. Jean d'Arckel jouit de plus de faveur sous le règne de Charles IV. Cet Empereur décréta que « dans toutes les causes où l'évêque et son église seraient intéressés, sa parole et celle des dignitaires des chapitres vaudraient preuve complète contre tous les serments des parties adverses *. » A partir de cette époque, les rapports entre l'évêché d'Utrecht et l'Empire deviennent moins fréquents. Il ne nous reste que peu de faits à signaler. Fré- déric IV eut de graves démêlés avec des seigneurs frisons, avec le duc de Gueidre et la ville de Groningue qui, devenue peu à peu riche et puissante, s'était annexé un vaste territoire de la Frise. Frédéric invoqua la protection d'Albert de Saxe que l'empereur Maximilien avait investi du gouvernement ' Mathcus, De jure gludii, etc., p. 49o. — Frcschol, /. c. 2 Moll , Kerk(jeschiedenis , etc., l. I, p. lOi. ^ Frescliot, pp. 78 et suiv. — Mecrmaii, Geschied. van giaaf Willem , t. U,l.c. 4 Freseliot, p. 102. 42 HISTOIRE DES RAPPORTS (les Pays-Bas. Maximilien iiilervinl personnellement, el la ville de Groningue, refusant de se sounietire, fut mise au ban de l'Empire. Elle offrit la souve- raineté au comte Edzard d'Emden, un des généraux du duc de Saxe, qui accepta celle proposition séduisante « sauf les droits de l'Empire et de l'évè- que K » Cet arrangement, auquel le duc de Saxe et Févèque Frédéric ne s'opposèrent pas, termina la querelle. Nous exposerons plus loin comment la temporalité d'Utrechl passa sous la domination de Charles-Quint. Nous ne parlerons point spécialement de la Zélande, do la Groningue, de rOveryssel et du Drenlhe. L'histoire de la première rentre dans celle de la Hollande, et les destinées des trois autres provinces se confondent avec celles de l'évêché d'Utrecht. Mais il nous reste à dire quelques mois de la Gueldre et du comlé de Zulphen. Les successeurs de Charlemagne firent gouverner par des mamboirs ou tuteurs le pays qui devint plus tard la Gueldre. Le premier de ces mamboirs dont le nom soit connu est Wickard (880). On croit que Henri IV érigea la seigneurie de Gueldre en comlé (1079)-. Gérard 1, qui régna de 1085 à 1117 est le premier comte dont il soit fait mention comme tel dans les documents originaux. Son fds et successeur réunit au comté de Gueldre celui de Zulphen par son mariage avec Ermengarde, comtesse héréditaire de ce dernier pays. Depuis ce temps les deux comtés restèrent unis. Les comtes ne tardèrent pas à obtenir les régales et tous les droits de souveraineté. Frédéric Barberousse concéda au comte Othon II, à la diète de Mayence, du consentement de l'Empire, le château de Nimôgue avec son ton- lieu ^. Rodolphe de Habsbourg autorisa Renaud I à frapper, dans la ville d'Aridiem, des deniers de la valeur des escalins d'Empire *. Henri VII con- firma les droits el franchises de la ville d'Arnhem ^ et accorda aux Gueidrois le privilège de non evocando, c'est-à-dire de ne pouvoir être traduits devant ' Frescliot, /. c, pp. liiD, IGO. ^ Pontaniis, Hist. Gelriœ , lib. V, p. 9a. 5 Ponlanus, Le, \\h. VI, p. 180. "* « Denai'ioi'um Arnhemieiisis moiieta; sub legali iiuiuisniale fcriundoruiu ad valorem s(ùl- liiigoruin denarioruni. « Pontaiius, l. c, p. 159. s Pontanus, p. -182. DE DROIT PUBLIC, etc. 43 la cour de TEmpereur, à moins que le demandeur n'eût éprouvé un déni de justice '. Louis de Bavière éleva le comté au rang de duché et de principauté du saint-empire (1339) et donna au comte et à ses successeurs le droit de frapper des monnaies d'or et d'argent ". Avant cette époque, la monnaie était frappée au nom de l'Empereur "'. A l'extinction de la maison de Nassau, il s'éleva des compétitions auxquelles l'empereur Wenzeslas mit fin en donnant l'investiture du duché et du comté à Guillaume de Juliers « parce que, dit-il, ce fief relève de nous et du saint-em- pire'*.» Enfin l'empereur Sigismond donna la Gueldre et le Zutphen, qui par la mort de Renaud IV étaient vacants à l'Empire, d'abord à Arnold d'Egmond (1424), ensuite à Adolphe de Juliers (1425). Ce fut le signal de diflicultés qui ne cessèrent que sous Charles-Quint *. L'exposé rapide que nous venons de faire démontre quelles étaient l'étendue et la portée des relations féodales des diverses provinces belges avec le saint- empire ®. Nous avons dû nous borner aux faits principaux , laissant de côté les détails; mais ce que nous avons dit suffit à prouver sans réplique que ces provinces faisaient incontestablement partie de l'empire d'Allemagne. Nous verrons, dans la seconde partie de ce travail, l'importance pratique de cette observation. ' Ponlanus, p. t80. 2 Pontanus, lib. VU, p. 228. '' Mccrman, Spécimen, etc., p. 56. * « Invcstivinuis le terris, etc., quia a nobis et a S. Iniperio nostro ut feudo dépendent. » Pontanus, lib. VIII, p. 321. '■> Pontanus, lib. IX, pp. 423 , 425. * Nous ne devons, dans ce travail, traiter que des provinces belges. Nous n'avons donc pas à nous occuper des seigneuries particulières qui, dans les Pays-Bas, relevèrent d"abord im- médialcracnt de l'Empire et furent successivement médiatisées. Ce sont, entre autres, les abbayes ou monastères de Nivelles, de Genibloux , de Brogne ou Saint-Gérard, de Waulsort, de Saint-Gliislain, d'Echternach ou Epternach, de Saint-Bavon, à Gand, d'Egmond, de Saint-Trond, de Saint-Hubert; les églises collégiales de Saint-Servais, à Maastricht et de Chèvremont, etc. Il y eut aussi des villes impériales comme Cambrai, Nimègue, Zwolle, Kampen, Deventer, Amster- dam, etc. — L'abbaye de Slavclot-Malmédy, de toutes peut-être la plus célèbre, fut immédiate de l'Empire jusqu'à la révolution française. Par une bizarrerie inexplicable, elle fit, comme révêché de Cambrai, partie du cercle de 'Westpbalie. Tome XXXVl. 7 U HISTOIRE DES RAPPORTS Avant d'aller plus loin, il n'est pas superflu de résumer ici les principes essentiels qui se dégagent des faits que nous avons établis. La Lotharingie, que Gislebert plaça sous la suzeraineté de Tempire d'Al- lemagne, élait fractionnée en souverainetés ecclésiastiques ou laïques dont les unes relevèrent immédiatement de l'Empire et les autres médialement '. Les évêques, ducs, maniuis ou comtes, qui obtinrent la supériorité territoriale de ces pays, étaient princes de l'Empire. Comme tels : 1° Us devaient prêter foi et hommage à TEmpereur et, si celui-ci venait à décéder, demander l'investiture à son successeur comme nouveau suzerain du fief. En règle, nos feudataires, pour s'acquitter de ce devoir, devaient se trans- porter au lieu où se trouvait l'Empereur. Mais celui-ci était parfois à une telle distance de la Belgique, que les vassaux auraient dû attendre des années avant d'être investis. Pour parera cet inconvénient, il fut admis que le ser- ment de foi et d'hommage pourrait être prêté par procuration; mais cette formalité n'avait lieu que sous réserve d'une démarche personnelle, ultérieure de l'intéressé. D'autre part, l'investiture était indispensable à tous les feuda- taires, aux ecclésiastiques surtout, pour l'exercice des droits régaliens. L'évêque de Liège, par exemple, n'était pas encore souverain, le Pa|)e eùt-il même approuvé son élection, s'il n'avait reçu le sceptre de la part de l'Empereur. Ses sujets, si jaloux de leurs libertés, pouvaient lui refuser l'obéissance et ils la refusèrent plus d'une fois. Ici, nous rencontrons une coutume bizarre et dont nous n'avons point su découvrir l'origine. Pour valider le pouvoir de ces évêques et autres princes, on inventa qu'il leur sulfirail de faire foi et hommage à l'Empereur entre les mains d'une autorité qui , — nous le supposons, — élait déléguée à cet effet. Cette autorité était le collège des bourgmestres et échevins de la ville de Francfort réunis en séance solennelle. Les princes se présentaient devant eux en personne ou leur députaient des ambassadeurs qui les priaient de recevoir leur déclai'ation de vassalité '. Nous trouvons la première trace de cet ancien usage sous le règne d'Adolphe * Par cxera|ile, le Ilainaut depuis Kicliildc ; Xamur dc|iiiis Henri l'Aveugle. "^ Anutectajuris feudulis, par Zepersick. Halle, 1781; t. I, pj). (i4-8:2. DE DROIT PLBLIC, etc. m de La Marck, évêque de Liège. Ce prélat, qui élait partisan de Frédéric d'Au- Iriclie, craignant de ne pas recevoir Tinveslilure de Louis le Bavarois, qui Pavait emporté sur Frédéric, son rivai, se déguisa en paysan, gagna la pro- tection de deux échevins et réussit ainsi à se faire reconnaître prince de l'Em- pire (4316) '. Des investitures furent obtenues d'une manière semblable par Jean de Heynsbergh (1420) -, évêque de Liège; par l'abbesse de Nivelles (14-23); par le malheureux évêque Louis de Bourbon (1436) ; par l'abbé de Stavelot-Malmédy (14.60); par Marc de Bade (14-65); par Jean de Clèves (14-83); par Jean de Hornes (1484-) et, enfin, par Érard de laMarck(lo06)", ces quatre derniers également évêques de Liège; 2° En général, les fiefs étaient mâles ou imparfaits, c'est-à-dire que l'Em- pereur, faisant abstraction du plus proche héritier femelle, les attribuait à un descendant mâle plus éloigné ou à un étranger *; 3" Cependant il y avait des fiefs féminins ou parfaits (ou déclarés tels par les empereurs) dans lesquels les femmes étaient admises à succéder ^; 4-° En cas de maladie incurable ou d'insanité du successeur du feudalaire, l'Empereur investissait du fief un fils puîné "; ' Hocscm, dans Cliapeauvilie, l. II, p. 396 : « Eiiisco|)iis Adolplius, anxius quod in parlibus islis rcgi polcntiori (Ludovico Bavaro) conlrarius fucrut et sua nondum fiierit regalia secutus etquaeabipso reciperede facili non sperabat, attendons antiquam regni consuetudinem, qiià, rcge ultra Mosara lluvium existcnte , episcopi cistra dictum fluvium regalia possent a scabiiiis de Francfort impetrare, episcopus duoruin seabinorum dicti luci quorum unus Bovina Caro (/?*'««/- fleisch) alter, allium ( ^HoWawc/; ) cognominibus voeabantur, benevolentiam impetravit et se dissimula ns in grisea tunica coram iliis ad Francfort comparavit et quod petiit, impetravit. » - Ou plutôt par ses ambassadeurs messircs Jean d'Ottcy et Walter de Moustier. ' Zepersick, Analecta, 1. c. * Le Lothicr donné par Henri II à Godefroid de Verdun (100a) au détriment de Gerbergc et dErmengarde. — ■ La Hollande concédée par Othon de Brunswick à Guillaume, frère du comte Thierry, au détriment de la comtesse de Looz, Ada, fille de Thierry. — Plus tard donnée par Sigismond à Jean de Bavière au détiimcnt de Jacqueline. ' Le Brabant donné par Charles IV à Jeanne, épouse de Wenzeslas. — Le Limbourg, du con- sentement de Henri IV, passe à Waléran de Luxembourg par sa femme Judith. — Ermengarde en est investie par Rodolphe de Habsbourg. — Le Luxembourg passe à Henri l'Aveugle du chef de sa mère Ermcnsinde, fille de Conrad I", mort sans mâles. — Le Hainaut est donné en fief par Conrad le Salique à Richilde. — La Flandre impériale est inféodée à Jeanne de Constanti- nople par Frédéric II qui l'avait d'abord déclarée déchue. La Hollande est adjugée par Louis le Bavarois à Marguerite d'Avesnes, sa femme, etc. '■' Jean le Victorieux par Richard de Cornouailles. — Albert de Hollande par Charles IV. 46 HISTOIRE DES RAPPORTS 5" Les princes avaient les régales. Mais, bien qu'elles fussent un attribut (le leur souveraineté, il paraît qu'ils ne les exerçaient qu'en vertu d'une con- cession. Ce qui le prouve, c'est que les empereurs concédaient le droit de battre monnaie, le droit de marché ou de foire, des tonlieux, etc., à des comtes qui étaient souverains depuis longtemps. L'examen de la question des monnaies est important au point de vue du principe que nous venons d'énoncer. Il n'est donc pas superflu de tracer ici un aperçu sommaire des relations de la Belgique avec l'Empire, au point de vue de la question monétaire, pendant le moyen âge et jusqu'au règne de Charles-Quint. Déjà sous Charlemagne, il y avait en Belgique plusieurs monnaies célèbres {Monela, 3]ûnzslàttc],en\re autres, à Louvain, Cambrai, Wyk-by-Duurstede, Maastricht, Liège, Dinant, Mons, Tournai '. Sous Charles le Chauve, les principales étaient : Bruges, Cambrai, Chièvres, Courlrai, Dinant, Gand, Huy, Liège, Maubeuge, Namur, Maastricht, Nivelles, Tongres, Valenciennes, Viset, Tournai, Nimègue, Lens en Hainaut, iMons, Duurstede, Thuin ^ L'une ou l'autre de ces villes reparaît sous les successeurs de ce prince. La dissolution de l'empire carolingien et l'établissement de la féodalité modifièrent l'organisation des monnaies. Les ducs, comtes et seigneurs des Pays-Bas reçurent des empereurs germaniques, avec l'investiture souveraine, le droit de battre monnaie, et il est rare que l'on ne puisse pas fixer l'année à laquelle ce droit leur fut solennellement conféré. La numismatique a depuis longtemps décrit les pièces sorties des monnaies de nos anciens princes et en a établi la valeur artistique. Le royaume de Lotharingie, créé par Arnould le Grand en faveur de son fils naturel Zwentibold, n'était pas simplement vassal de l'Empire, mais jouis- sait de tous les attributs de la souveraineté : une monnaie de Zwentibold, frappée à Cambrai , en fait foi '. ' Millier, Deutsche Mimzgeschkhte. Leipzig, tSGO, 1. 1, pp. 191, 19G. 2 Muller, /6(W., p. 201. s Lelcwel, Éludes sur la numismalique du moyen âge, 5 vol. in-S" avec atlas. — Cam- hvousv , Numismatique de la seconde race des rois de France. — Robert, Sur les monnaies de Cambrai. DE DROIT PUBLIC, etc. 47 Il est à remarquer toutefois que, si nos ducs et comtes usèrent du droit qui était inhérent à leur position souveraine, les empereurs d'Allemagne n'en continuèrent pas moins à battre monnaie dans nos provinces '. Nous allons en donner quelques exemples. Après la mort de Zwentibold , le royaume de Lotharingie , on l'a vu , fui converti en duché. On a de cette époque deux monnaies - dont la lecture n'est pas douteuse quant au nom, mais qui sont attribuées par les uns à Henri l'Oiseleur et par d'autres à Henri IL En faveur de la seconde opinion , on fait valoir les arguments suivants : Henri l'Oiseleur fut élu par l'influence de Gislebert auquel il donna sa fille en mariage. Il envoya en Belgique un comte palatin , lequel retourna presque immédiatement en Allemagne. Son pouvoir n'y avait été qu'éphémère et il n'est pas probable que Gislebert, dont on connaît l'ambition, ait battu des monnaies au nom de l'Empereur. D'ailleurs, le poids de ces monnaies est trop léger pour être de cette époque; le type s'éloigne déjà trop de celui des mon- naies carolingiennes; enfin elles ont le même caractère que les monnaies que l'on attribue à Henri H. Outre cet argument fourni par la numismatique, il y en a un qui est historique. Saint Henri, deuxième du nom, arriva en Bel- gique en 1006; en 1007, il fut obligé, à la suite d'une guerre malheureuse, de céder la Flandre impériale au comte Baudouin, et, en 1008, on trouve la première mention de Gothelon, marquis d'Anvers. On en conclut que saint Henri a créé un marquisat des frontières, espèce de barrière nouvelle, puisque la Flandre impériale lui échappait de fait. La circonstance que les monnaies dont il s'agit furent frappées à Anvers semble confirmer celte hypothèse. En faveur de l'opinion inverse, le principal argument que l'on invoque est que ces monnaies furent frappées pendant le séjour du comte palatin en Bel- gique ^. Othon le Grand battit monnaie à Mmègue, à Cambrai et à Huy *. Les • Cappe, Die Mûnzen dur deuUchen Kulzer und Kunigc des Mittelaliers. Dresden, 1848, I80O, 1837, 5 br. '^ Revue de la numhmatique Ijelge, publiée sous la direction de M. Chalon. ' Ces monnaies appartiennent à M. Morel-Fatio, à Paris. * Voir l'ouvrage précité de Cappe, /jossim. — Pour Iluy, Revue numismatique de Bôhnie; Berlin. 48 HISTOIRE DES RAPPORTS pièces (rOllion II ne sonl pas à dislinguer de celles d'Olhon f''^ Olhon III batlit monnaie à Naniur. Sur les pièces d'Olhon P', on lit : Iloium, moiœta; sur celles (rOllion III : lloium. Ses. Lomberlas. Othon III, à la fin de son règne, ralilia la donation l'aile par Ansfried, comle de Huy, de tous ses do- maines à révêché de Liège ou, selon le langage du temps, au patrimoine de Saint- Lambert. Conrad le Salique et saint Henri ont frappé monnaie dans différentes loca- lités des Pays-Bas ', entre autres, à Tliiel, en Gueidre, à Nimègue, à Iluy, probaldement à Namur et à Liège, et enfin surtout à Deventer. Les mon- naies de cette dernière ville pour Henri II portent une main céleste sortant des nuages. Henri III batlit monnaie dans la ville d'Ulrecbt et dans plusieurs endroits de l'évèchè de ce nom. Guillaume, èvèque d'Utrecht, émit des pièces portant, d'un côté, l'effigie de TEmpereur et, de l'autre, la sienne^. Sous Henri IV furent IVap])ées des monnaies par Otbert, évéque de Liège, lesquelles portent aussi les deux effigies. Il n'existe plus de monnaies portant l'inscription du nom d'un empereur déterminé pour toute l'époque du moyen âge. Mais à Saint-Servais de Maas- tricht, avant que cette partie de la ville fût cédée au duché de Brabant, on frappait monnaie au buste d'un empereur d'Allemagne avec la légende : Im- peralor, ce qui était une simple reconnaissance de la suzeraineté de l'Empire, mais non un acte posé par tel ou tel empereur. Cependant, il existe une pièce de Raoul de Zahringen, èvèque de Liège, qui porte aussi, au revers, le buste impérial avec le mot /inperafor'. Elle fut attribuée longtemps, par une erreur aujourd'hui généralement reconnue, à l'èvèque Notker *. A partir de ce moment, on ne trouve plus guère de pièces que l'on pour- rait nommer impériales; il faut franchir un espace de temps considérable et s'arrêter à Louis de Bavière. Ce prince, nous l'avons exposé plus haut, fui ' Cnppe, passim. ^ Van dcr Chys , Sur les monnaies d'Utrechl. s Rencssc, Histoire numismaticjiie de Vévvchv de Liège. Bruxelles, 1831, pi. n" 1 et IV. * Elle fut restituée h son véritable auteur par M. Piot dans un mémoire curieux sur la trou- vaille (le Grand-Alleu, inséré dans les Méh. de i.'.Vcad. royale de Belc. de 1830. DE DROIT PUBLIC, etc. 19 rallié d'Edouard 111, roi d'Angleterre et de Jean III, duc de Brabant. Or, on a de lui des monnaies d'or, chaises et moutons, sendjlables aux monnaies flamandes et brabançonnes. Ce fait a donné naissance à plus d'une contro- verse. On a soutenu que Louis aurait frappé de la monnaie dans le comté de Flainaut, en sa qualité d'époux de la comtesse Marguerite d'Avesnes; mais cette opinion estdilficile à admettre puisque la comtesse signait elle-même s&s monnaies. On a prétendu aussi qu'il en aurait fait faire à Anvers; on se fondait sur la circonstance qu'il y a une grande quantité de pièces d'argent portant, au lieu du nom d'un souverain, l'inscription : Monela noslra Antwerpicnsls. Ces pièces étaient des chaises et on les attribua à Louis de Bavière. Mais, répond-on, n'est-il pas plus vraisemblable de les attribuer à Jean III ou à Louis de Maele qui, on ne le conteste pas, en ont frappé un si grand nombre? Ce qui est admis par tout le monde, c'est que Louis le Bavarois battit mon- naie à Aix-la-Cbapelle ^ L'empereur Wenzeslas accorda, en 14-02, à la seigneurie de Fels, dans le duché de Luxembourg, le privilège de battre monnaie ^. A partir du XV'= siècle, les monnaies belges offrirent des caractères divers dont nous n'avons pas à nous occuper ici '. Sous 3Iaximilien , et peut-être même sous Frédéric III, les monnaies d'or de la Gueldre, de TOveryssel et de la Groningue portaient le nom de l'Empereur *. Nous ne devions point, dans ce rapide aperçu, entrer dans les détails de la matière. Il sufTisait de mettre en relief certains faits pour prouver que les empereurs d'Allemagne maintinrent l'usage de frapper parfois de la monnaie dans nos provinces, soit pour établir leur droit de suzeraineté, soit pour tout autre motif. Comme nos souverains avaient le même droit, on conçoit (pi'il dut résulter souvent de la confusion de cette prérogative qui s'exerçait de deux côtés différents. Nous verrons les conséquences de celle situation dans la seconde partie de ce travail; ' Cap[)e, /)((ss4 HISTOIRE DES RAPPORTS cellos de l'Empereur, et s'assura le concours de ces pays en oclroyant aux habitants, par un diplôme du 8 août U3o, des privilèges plus étendus que ceux qu'ils avaient obtenus auparavant, La mort de Jacqueline (8 décembre H56) vint ajouter à sa sécurité. Cependant Sigismond, aigri par la résislance de Philippe, essaya d'un dernier moyen pour sauvegarder les droils de l'Empire. Il y avait en Alle- magne un agnat de la maison de Brabant ([ui pouvait élever des prélenlions sur le duché. C'était le landgrave Louis I de Hesse, issu en ligne directe de Henri l'Enfant, fils aîné de Henri II, duc de Brabant et de Sophie deThuringe, qui avait été reconnu landgrave de Hesse en 1247 '. Sigismond, après avoir pris l'avis des électeurs et autres princes , enjoignit à Louis de se rendre, comme plénipotentiaire et exécuteur des ordres de l'Empereur, dans les comtés belges détachés de l'Empire, de les occuper au nom de l'Empire et de faire prêter par les habitants , à raison de la fidélité qu'ils avaient toujours montrée à l'Empereur, le serment de foi et d'obéissance '-. Sigismond déclarait en outre son intention de se rendre aux Pays-Bas , aussitôt que les comtés occupés par Philippe auraient chassé « l'usurpateur. » Louis de Hesse marcha, en elïet, avec quelques troupes sur la Belgique; mais, arrivé à Aix-la-Chapelle, il apprit que Philippe s'apprêtait à le recevoir dignement et il reprit le chemin de l'Al- lemagne. Trop occupé des affaires du concile de Bâle, Sigismond dut détourner son attention de la Belgique et il ne put y revenir : il mourut empoisonné, le 9 décembre 4457, à l'âge de soixante et dix ans ". L'Empire était dans une situation critique. A l'intérieur, l'anarchie; à ' Les prétentions de la maison de tiessc ont formé postérieurement l'objet de plusieurs écrits en Allemagne, savoir : Ern. Kestner, De jure liassiaco in ducatum Brabantiœ , 1700. — J. Hart, dans Kuchcnbeckcr, Amdecia, t. I, p. 40. — J.-A. Kopp, Jus succedendi in Brubanliam , Marb., 1747, et deux écrits de 1747 et 1748, publiés à Gicssen et destinés à prouver que toutes les branches de la maison de Hesse avaient droit à la succession du Brabant. — Ronimel , GeschichtevonHessen, t. II, pp. 48, 202, 284, ôOô. — Reiffenberg, Bvlklin de l'Académie royale de Belgique, t. I, p. 54, t. VIII, p. 750, et une dissertation insérée dans le tome XI des nouveaux mémoires ont défendu la même thèse. 2 Dynter, /. c. ' Struvii, Corp. Iiist. Germ., p. 714. DE DROIT PUBLIC, etc. 65 rexlérieur, le danger d'une invasion des Turcs en Europe. On senti l en Alle- magne le besoin d'avoir un Empereur à la fois ferme et juste (jui put rétablir l'ordre et la tranquillité. Le duc Albert d'Autriche, gendre de Sigismond, était le prince le plus distingué de l'époque. Les électeurs jetèrent les yeux sur lui. Albert fut élu le 18 mars U38 i. Son règne fui très-court, mais non moins agité que celui de Sigismond. Sans parler des affaires de l'Église, qui étaient dans le plus triste état, Albert , qui était aussi roi de Hongrie, eut la douleur de se voir opposer en Bohème un antiroi dont il parvint cependant à triompher rapidement. Il eut le noble dessein de proclamer une nouvelle paix publique et il fit des tentatives à cet effet à la diète de Nuremberg (juillet UÔ8); mais la mort vint le frapper avant qu'il pût voir son désir réalisé (27 octobre IISO) ^ A ce projet de paix publique s'en rattachait un autre qui était destiné à le compléter et à en rendre l'exéculion plus facile. C'était la division de tout le ter- ritoire de l'Empire en quatre cercles, la Bohème et l'Autriche exceptées. La diète de Nuremberg fut également saisie de cette proposition. C'était la pre- mière application du projet de division de l'Empire présenté par Sigismond à la diète de 1431. Chaque cercle devait avoir un capitaine ou chef, chargé à la fois d'entretenir la tranquillité générale et d'exécuter les sentences de l'Empire. De ces quatre cercles, le premier comprenait la Bavière et la Eranconie; le second, les pays rhénans et allemaniques; le quatrième, les pays saxons; enfin, le troisième, la Westphalie et la Belfjlquc '', c'est-à-dire l'archevêché de ' Wenclc, Hisloria Alberli II, t740. — Kiirz, Geschiclilc Alhreclils II. — SclimidI, t. VI. p. 203.— Heinrich, t. VI, p. 281. — Ikchcrlin , t. VI, p. 176. — SoiRliiiy, f. IV, pp. 117- 131. — Liclinowsl>,y, t. V. — Chmcl, Urkuiuh-n und Aclensliiclie von 1415-1431» in dcn Sitziinti-s- herichten der k. k. Akademie von Wien, t. III, p. 12. 2 Tit. Arenpcck, Chron. Aitsiriac, p. I2o0. 5 Slruvii, Corp. hist. Geriii., fol. 717, § 3. c, Inde Ijina Noriniberga celebrata coniiliii. Prima die Margeretœ 1438 quœ nuraeroso principum confluxu fuerunt celebrata. Conslitulionc salii- bcrrima diffidationes onines in Iinperio abol(;vit, austrcgns dirimcndis stauium liligiis ordi- navit, imiversam Germaniam, excepta Bolicmia et Austria , in quatuor tirculos divisit. Quorum ])rimus Bavariam atque Franconiam, alter terram Rhenensem atque Allemaniam, Tertiiis Westplialiam iiiin cum Behjin; quarlus Snxoniam sub se coniprebenderct, peculiarcs etiam in quocumque circulo publie» pacis, rcrumqiie Imperii judicialium executores esse voluil. » 6G HISTOIRE DES RAPPORTS Cologne avec les é\èd\és d' Ufrcchl , de Liège, de Paderborn el de ÎMunsler; les duchés de Berg, de Clèves, de Juliers el de Gaeldre; les villes inipé- l'iales de Cologne el d'Aix-la-Clia|)elle; les jn-incipaulés de Brabaiit el de I/ollaiulc, avec loules les villes y situées, leurs comtes, seigneurs, cheva- liers, écuyers, étais, boui-gs el villages '. Ce n'est que plus lard que cette mesure si sage produisit des résultats sérieux. Albert II, à l'exemple de Sigismond, prétendit que les comtés de Ilainaut, de Hollande, etc. étaient, par la mort du dernier héritier mâle de la maison de Bavière , devenus vacants à rEm|)ire, el il assigna le duc de Bourgogne à Aix-la-Chapelle pour que le duc y fil le relief de ses fiefs el se justifiât d'en avoir pris possession sans l'autorisation el malgré la volonté formelle du défunt Empereur. Mais il mourut trop tôt pour poursuivre cette afl'aire (|u'il était réservé à Erédéric 111 de terminer. Philippe le Bon put donc paisiblement consolider son autorité dans les pays dont il s'était constitué souverain, et lorsqu'une nouvelle occasion d'agrandissement territorial se présenta, il la saisit avec empressement. C'est ainsi qu'il ajouta le Luxembourg à ses vastes domaines (HiS-HSi). Par là, sa puissance devint telle que l'Empereur allait devoir bientôt compter avec lui. ' Uull, De puce puhlka, p. 178. « IIliu (Jlt drille Krcysz sol siii dcr Erzbischofr zu Coiliii, mit den Bisclioven Utracht und LiUich, Badenborn und Munster. Die herzogen von Beii;c, Cleve, Giiicli und Gelre mil den Riclis Sletten Collun, Ach , mit dcni Fùrstenthuni Brnbnit, Ilollant mil allen Stelten, dorin begriffcn, iren Graven , Hcrrn, Riltei'n, Ivneeliten, Slellon, Mereklen uiul Dorllcrn. — Und des kreis soU ein Hauplman sin. » DE DROIT PUBLIC, etc. 67 SECONDE PARTIE. LA TRANSACTION d'AUGSBOURG. CHAPITRE I". L'indcpcntl.nnce des princes de l'Empire, et celle du duc de Bourgogne en particulier, augmente de jour en jour. — Altération des rapports entre la Belgique et rAllcniagnc sous Philippe le Bon. — Celui-ci acquiert le Luxembourg. — Opposition de l'empereur Frédéric IIL — Né- gociations à Vienne. — Philippe songe à rétablir l'ancien royaume de Lotharingie. — Démar- ches auprès de l'Empereur à ce sujet. — Celui-ci investit son frère du Ilainaut, de la Zéiandc et de la Frise pour forcer Philippe à les racheter. — Le duc se maintient en possession et envoie une nouvelle dcputation à Vienne pour obtenir le titre de roi. — Conditions qu'y met Frédéric. — Refus de Philippe. — Les négociations sont rompues. — Efforts de l'Empereur pour obtenir l'hommage de Philippe. — Celui-ci est convoqué à la diète comme prince de l'Em- pire. — Frédéric III empêche Philippe d'incorporer la Frise. — Charles le Téméraire figure aux diètes. — Il aspire h devenir roi des Romains. — Affaires de Gucldre. — Charles essaie de devenir roi de Belgique. — Il reçoit l'investiture de l'Empereur. — Entrevue de Trêves. — L'Empereur élude ses promesses. — Charles cherche à conquérir le titre qu'on lui refuse. — Il est mis au ban de l'Empire. — Ses fautes , ses revers, sa mort. Tandis que la supériorité territoriale des princes de TEmpire, et celle du duc de Bourgogne en particulier, acquérait plus de consistance de jour en jour, Tautorité suzeraine du chef de l'Empire diminuait en proportion. Le long règne de Frédéric III (U39-4493), successeur d'Albert II, est considéré par la plupart des historiens allemands comme l'époque de la plus grande décadence de l'Empire \ Frédéric manquait à coup sûr des qualités supé- rieures qu'il aurait fallu pour dominer la situation; mais, on doit le recon- . naître, cette situation était déplorable. Partout sévissait la guerre. La Hongrie et ^ « Schmidt, Ilisl. des Allemands, t. IV. — Ilœberlin, t. VII, p. 71, t. VIII. — Ilcinrich, t. IV, pp. 307-456. — Souchay, t. IV, pp. 152-423. — Chmel, Regesta Frederki III. VVieii, 1838-18-40. — Chmel, Gescliiclile Kaisers Friedrich lll und seines Solutés MaximiUuns. Wien, 1840. — Archiv fur Oesterrciih. Geschichlsquellen , t. X, p. I7'j; t. XI, p. 131). — Kurz, GeschiclUe Frddrich ///.Wien, 1817. — Lichnowsky, Hist. de la maison de Habsbourg, t. VI. — Millier, Reichstagssluat iinter Friedrich III, 3 vol. in-fol. Tome XXXVI. , 10 08 HISTOIRE DES RAPPORTS la Boliême s'agitaient convulsivement. Le schisme religieux déchirait encore l'Église. Les Turcs, qui convoitaient Constanlinople, menaçaient de plonger l'Europe dans la barbarie asiatique. Frédéric lit souvent ce qu'il put pour résister au torrent ; mais souvent aussi il fut au-dessous de sa tâche. Il tra- vailla de tout son pouvoir à rétablir l'union entre les princes chrétiens et il y réussit grâce au concordat de Francfort négocié, en 144-7 et mS, par son ministre /Eneas Sylvius Piccolomini, qui devint Pape plus lard sous le nom de Pie II. Il parvint à calmer (pielque peu la Bohême et fut élu roi de Hongrie le 4- mars 1459. Il appuya vivement le Souverain Pontife dans la prédication d'une croisade contre les musulmans et convocpia plusieurs diètes ayant trait à cette expédition , mais qui n'eurent pas d'cJTel. Il soumit en outre à ces assemblées plusieurs lois qui avaient pour but d'établir la paix publique sur des bases solides. L'exposé de ces événements n'entre point dans le cadre de ce tableau his- torique. Nous ne devons envisager le règne de Frédéric III que dans ses rap- ports avec la Belgique. La position de ce pays vis-à-vis de TAIIemagne s'était profondément modi- fiée. A la place des nombreux feudataires qui, dans les Pays-Bas, devaient foi et hommage à l'Empire, s'était élevé un prince riche, ambitieux, patient et dont les vues politiques étaient supérieures à celles de son siècle. Il com- prit le besoin de remplacer, par une organisation plus forte et plus uniforme, le système du morcellement féodal et il fit marcher la Belgique, de gré ou de force, dans les voies de la centralisation gouvernementale. Les circon- stances le servirent merveilleusement. Une vaste succession qui lui échut à la mort de son père, l'extinction de familles dont il recueillit l'héritage, des cessions amiables et quelques conquêtes, le rendirent maître en peu d'années d'un territoire considérable qui allait de la Suisse au Zuyderzee. Dès 1430, Philippe le Bon pouvait s'intituler : « Philippe, par la grâce de Dieu, duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabanl et de Limbourg, comte de Flandre, d'Artois, de Bourgogne, palatin de Ilainaut, de Hollande, de Zélande et de Namur, marquis du saint-empire, seigneur de Frise, de Salins et de Ma- lines '. » ' Van Loon, /. c. DE DROIT PUBLIC, etc. 69 Mais il va de soi que cel accroissement do puissance enlre les mains d'un prince iiabiie et énergique ne devait pas avoir pour effet de rattacher nos pro- vinces à TEmpire d'une manière plus étroite. C'est le contraire qui eut lieu. Philippe et son successeur osèrent braver les empereurs et se conduisirent presque en souverains indépendants de la monarchie allemande. Pendant un siècle, le lien entre les Pays-Bas et l'Empire va s'afïaiblissant de jour en jour jusqu'à ce que Charles-Quint le rétablisse sur des bases nouvelles, à la fois plus conformes aux besoins de l'Allemagne et de ses Etals héréditaires bcl- giques. Pour compléter la fusion de toutes les provinces jus(|u'alors indépendantes les unes des autres, il ne restait plus à Philippe le Bon qu'à soumettre le Luxem- bourg. Nous allons exposer dans quelles circonstances. La duchesse Élizabeth de Gorlitz, veuve d'Antoine de Brabant, avait, nous l'avons dit, même après son second mariage avec Jean de Bavière, conservé, comme oigagisle , la possession du duché de Luxembourg, et il continua à en être ainsi à la mort de Jean. Cependant la propriété du duché appartenait toujours à l'empereur Sigismond et, après son décès, elle passa à sa fille Eliza- beth, épouse du nouvel empereur Albert IL Albert avait signifié à la duchesse de Gorlitz qu'il allait dégager le pays en lui payant sa dette de 120,000 flo- rins; mais sa mort prématurée l'empêcha de donner suite à ce projet. Sa veuve, qui était enceinte, avait donné l'aînée de ses fdies, Anne, en mariage à Guillaume de Saxe; elle lui céda la propriété du Luxembourg sous la con- dition de pouvoir reprendre le duché pour le cas où elle accoucherait d'un fils, tandis que, dans le cas de succession, sa fille cadette, Elisabeth (qui plus tard épousa Casimir de Pologne), ou ses plus proches parents, pourraient en faire le retrait en remboursant à la duchesse de Gorlitz la somme qui lui était due. La veuve d'Albert ne tarda pas à accoucher d'un fils qui fut Ladislas le Posthume. Guillaume de Saxe, qui n'avait pas les moyens de rembourser l'engagcre , chercha à se rendre maître du Luxembourg par les armes. La duchesse de Gorlitz, qui était peu aimée des Luxembourgeois et qui était trop faible pour se maintenir, appela Philippe le Bon à son secours et le nomma mainbour ou régent du pays (14.41). Philippe prit possession du duché et en confirma 70 HISTOIRE DES RAPPORTS tous les privilèges (1 44-2). La guerre éclata aussitôt entre Guillaume et le duc de Bourgogne, et les négociations de paix n'aboutirent point. Guillaume de Saxe adressa à Tempereur Frédéric III un mémoire dans lequel il offrait de prouver ses droits sur le Luxembourg, soit devant l'Empereur lui-même, soit devant un comité présidé par les archevêques de Trêves et de Cologne. Frédéric lui répondit longuement (14 octobre l/piS) et l'autorisa à poursuivre ses droits; mais Philippe resta vainqueur. Il prit Luxembourg et la garnison saxonne fut forcée de capituler. Guillaume de Saxe recourut alors à la média- tion de l'électeur de Trêves qui termina la contestation le 29 décembre 1443. Le duché de Luxembourg fut cédé au duc Philippe, tant par Guillaume de Saxe que par Élizabelh de Gorlitz elle-même '. Cette princesse reçut une pension de 8000 florins et se retira à Trêves où elle mourut en 1451 '\ Comme celte transaction avait eu lieu en dehors de l'Empire , on soutint plus tard à la chancellerie de Vienne que Ladislas, fds posthume d'Albert II, avait seul des droits au Luxembourg. Les ambassadeurs de Philippe le Bon à Vienne avaient mission d'aplanir cette difllculté, et il en fut question dans des négociations imi)ortantes dont nous parlerons tout à l'heure. Fré- déric, en sa qualité de tuteur de Ladislas, ne croyait pas pouvoir consentir à céder le Luxembourg; mais l'ambassadeur du duc, van der Ee, lui exposa que son maître avait les droits les mieux établis sur le duché qu'il possédait^. On négocia alors le mariage du comte de Charolois et d'Élizabeth, seconde fille d'Albert IL L'Empereur y donna son consentement à condition qu'on lèverait la dot sur le Luxembourg; mais ces négociations n'eurent point de résultat *. Des troubles à l'intérieur et des guerres contre les Français, et plus tard contre les Anglais, loin d'entamer la puissance du duc de Bourgogne, ne • D'après Hœbcriin, t. VI, pp. IôI-IdD, on ne céda le Luxembourg au duc Philippe que eomme engagère. 2 Voir, sur toutes les affaires relatives au Luxembourg, Dewez, Hist. Gén., t. IV, pp. 249, 204, et Hist. part., l. III, p. 5. — Chmei, pp. 170 et 371. — Lichnowsky, t. VI, pp. 63-(Jo.— Baraiile, Histoire des ducs de Bourgogne. 3 Voir les actes dans Birk, Oesterreichischer Geschichtsforscher, t. II , pp. 254, 242 , 24!) , n«ô,p. 2o2,n°»Io, IG,pp. 237, 259, 2G"2, 20'*, 2G7, 270. 4 Birk, /. c, pp. 202, 204. DE DROIT PUBLIC, etc. 71 semblaieni que lui donner plus de cohésion. Aussi n'esl-il pas élonnanl que, pour donner à son i)ouvoir une forme stable, il ail songé à ériger ses im- menses Étals, réunis, en souveraineté indépendante. Philippe le Bon ne rêvait rien moins que la restauration , à son profit , du royaume de Lotha- ringie. Mais, pour atteindre ce but, il avait besoin du concours de PEmpe- reur, et il ouvrit à ce sujet avec Frédéric 111 des négociations sur lesquelles la plupart des historiens belges gardent le silence et dont nous exposerons la marche et les résultats ajjrès avoir montré comment Frédéric III facilita lui-même les desseins de son redoutable vassal '. Philippe le Bon n'avait point fait hommage à l'Empereur pour les duchés et les comtés qu'il avait acquis et ([ui relevaient de l'Empire '; cependant les deux princes étaient liés d'amitié. Frédéric, dans ses lettres, nomme toujours Philippe « son très-cher oncle '\ » Toutefois il existait entre eux une contes- tation relativement à la dot qu'avait reçue la princesse Catherine de Bour- gogne, femme du duc Léopold III d'Autriche, et aux joyaux délaissés par cette princesse et dont Frédéric et son frère, le duc Albert, étaient accusés de s'être emparés. L'affaire du Luxembourg n'était pas non plus définitivement réglée en I/1.45. Trois ans auparavant, Frédéric et Philippe avaient eu une entrevue à Besançon, où ils semblent avoir discuté diverses questions importantes et où l'Empereur témoigna à Philippe des sentiments empreints d'une cordiale bienveillance *. La môme année (Uio), une correspondance eut lieu entre les ducs Philippe et Albert, ce dernier frère de l'Empereur; le duc de Bourgogne avait proposé à son noble correspondant d'ouvrir des conférences entre des ' Les (lofuments y relatifs sont imprimés chez Climcl, Materialien zur Oesterreichischen Ge- schichtc, 1. I, PI). 129 et suiv. Oesicrreichischer Gescliichtsforsclier, t. I , p. 231. Documents communiqués par M. Birk, à Vienne. Chmel donne, dans son Histoire île Frédéric III, des détails sur ces ncgocialions. Il y en a aussi dans le tome VI de V Histoire de la maison de Habs- hour(j , par le prince Lichnowsky. * D'après le biographe Windeck, p. t2oo, cité par Ilœbcrlin, t. VI, Frédéric aurait reçu le serment de vassal de la part du duc à Aix-la-Chapelle lors de son couronnement le 20 juin 1442 ; d'autres disent à Besançon , mais cela est inexact. 5 Philippe était neveu de Catherine, fdle de Philippe le Hardi, qui était veuve de Léopold III d'Autriche, 1441. Elle mourut en 1425. Léopold était fils d'Albert II. 4 D'après une lettre du due Albert au duc PIiilip|)e, datée du 22 février 1441, Chmel (Mate- rialien, n° 55, p. 105), on est tenté de croire qu'une deuxième entrevue y eut lieu en 1445. 72 HISTOIRE DES RAPPORTS ambassadeurs qu'il enverrait lui-même et d'autres ambassadeurs que délé- guerait l'Empereur. La lettre est datée du 18 juillet H4o; Albert accepta et fixa le 11 septembre suivant pour l'ouverture de ces conférences à Besançon '. Pliilippe envoya Tévêque de Tournai et Etienne Armentier, président de Bourgogne. Ils arrivèrent à Besançon au jour fixé; mais ils ne trouvèrent point d'envoyés ni de l'Empereur ni d'Albert. Après avoir attendu dix jours, ils écrivirent, le 8 octobre 1445, au duc pour lui rendre compte de l'insuccès de leur mission -. Ils proposèrent alors de se réunir avec des ambassadeurs impériaux, le 16 octobre ou le 4 novembre, à l'oppidum Insula sur leDoubs, près de Besançon, ou dans queUiue autre endroit à désigner par le duc. On ne possède pas de renseignements ultérieurs sur ces négociations, et il est probable que les conférences n'eurent pas lieu. Au printemps de 144G, l'empereur Frédéric prit lui-même le parti d'ouvrir d'autres négociations avec le duc Philippe. Son frère Albert l'ayant encore une fois pressé de lui procurer de l'argent, dont il avait constamment besoin, à ce qu'il semble, il imagina le plan suivant pour satisfaire à ses désirs. Partant du fait que le duc Philippe ne lui avait pas fait hommage pour les duchés de Brabanl et de Limbourg, pour le marquisat d'Anvers, pour les comtés de Hainaut, de Hollande et de Zélande, il rédigea, le 3 avril 1446, et scella avec le grand sceau impérial une charte d'investiture de ces pays en faveur de son frère Albert ''. Il la fit suivre le lendemain d'une autre charte par laquelle il autorisait son frère à vendre ces pays ou à les donner en échange à qui bon lui sem- blerait '. Le cessionnaire que l'on avait en vue était le duc Philippe Uii- ' Ilœljcrlin, au tome VI de son liistoire, rapporte, p. 126, que, d'après les auteurs bour|J!ui- gnous, Frédéric aurait reuoucé, dans l'entrevue à Besançon, en I4'i-2, à toutes les prétentions de l'Empire sur le Brabant, la Hollande, la Zélande et la Frise. Cette opinion est évidemment erro- née. La lettre de Philippe se trouve chez Chniel, Histoire de Frédéric III , t. II, pp. 372, 375. 2 Voyez cette lettre également en latin chez Chmel, ibid., pp. 575, 574. Une autre lellre latine de Philippe, sous la date du ISaoùt I4i7, imprimée chez Chmel, Materiitlien, p. 241, a peut-être aussi trait à ces conférences. Jlais tout cela paraîtfort douteux ainsi (]ue la répéliliou de cette correspondance en 14i7, que Chmel donne, p. 488. ^ Cette charte, nienlionnée dans le Regesta Frederici III , est imprimée dans l'appendice au tome II , n° (ÎC , p. lxxxiv , n° 2059. '> Chmel, Recjesta, n" 2058. — Lichnowsky, I. VI, Rerjesta, n" 1 142, 1 I4(î, 1 155, 1172, 1179. DE DROIT PUBLIC, etc. 75 même, aii(|uel on offrait un moyen facile de légitimer la possession des pays qu'il avait usurpés : c'était de payer une certaine somme d'argent, sacrifice léger pour un prince aussi riche que Tétait le duc. Le 8 août, Fré- déric autorisa son frère Albert à traiter à cet effet avec Philippe ' et lui donna des instructions sur la ligne de conduite (ju'il aurait à suivre dans ces négo- ciations -. Outre le but principal, ces instructions parlent d'une alliance qui serait à conclure entre Philippe, d'un côlé,et l'Empereur avec son frère, de l'autre. L'alliance devait être dirigée contre les Suisses, avec lesquels la maison d'Autriche était alors en guerre. 11 s'agissait ensuite des réclamations que pourrait faire Philippe relativement au comté de Ferrette et au Sund- gau (haute Alsace), sur lesquels la dot de feu la duchesse Catherine avait été assignée ". Le duc Albert choisi!, comme intermédiaires entre lui et le duc Philippe, l'évêque d'Eichstael et quelques autres princes; mais le prélat s'étant excusé de ne pouvoir accepter cetle mission, dans une lettre du 18 juin I4./1.G \ Albert en chargea, le 9 juillet, le margrave de Roteln et deux de ses conseillers ^ Albert munit ces ambassadeurs d'instructions très- délaillées, et leur commit aussi le soin de négocier pour lui son mariage avec la fdie du duc de Gueidre , laquelle devrai! lui apporter comme dot la somme de 400,000 florins ou tout au moins un emprunt de 50,000 florins ^ L'ambassade arriva au mois d'août U4.6 à Bruxelles et elle commença immédiatement ses négociations; mais ses démarches ne semblent pas avoir été fructueuses. Le margrave de Roieln et son conseil se trouvèrent encore quelques mois plus tard chez le duc Philippe, et adressèrent, en avril U/i.7, à leur maître, plusieurs rapports sur les négociations \ Il faut croire que le duc Philippe éluda la question de l'inveslilurc des duchés, tout en affectant f Clinu'l, l. XVJ, \\. 205 (en allemand). 2 Chmcl, |i. 203. Cette instriiclion, écrite en allemaïul, est irès-étencluc; on ) pourvoit à toutes les éveiiluiilités. 3 11 sagissail surtout de déterminer le duc Pliili|)|ie à renoncer à ses prétentions. Climel, Hisl., t. 11, |>. 570. * Chmel, t. XVIH, p. 208. s Voir la procuration chez Climel, p. 208. fi Voir le texte de cette instruction chez Chmel , Hisl. (h Frédéric III , p. 742. 7 Ces rapports, rédigés en allemand, sont imprimés chez Chmel, Ilist., pp. 744-50. 74 HISTOIRE DES RAPPORTS les meilleurs senlimenls pour rEnipereur; mais il paraît avoir goûté le projet (railiance contre les Suisses et aussi celui d'un mariage entre l'archiduc Albert et la princesse de Gueidre. Enfin, au mois de mai liH, les ducs Philippe et Albert en vinrent à un traité, aucpiel s'associa le duc Sigismond d'Autriche, cousin d'Albert et héritier de Ferrelte et de Sundgau, qui, à ce dernier titre, était la partie la plus intéressée dans la question '. On décida que les réclamations relativement à !• errette et au Sundgau seraient tranchées par une commission d'arbitres. Le duc Philippe, voyant quel prix l'Empereur attachait à son alliance, n'hésita pas à tirer parti de ces négociations pour essayer de mettre à exécu- tion le projet grandiose dont nous avons parlé tout à l'heure , c'est-à-dire d"ériger ses Étals on royaume inilépendant. A cet effet, et pour traiter plu- sieurs autres aflaires qui lui tenaient à cœur, il envoya une dépulation à Vienne, à ce qu'il paraît, au mois de janvier 14.4.7. Ses envoyés devaient d'abord s'aboucher avec le célèbre Caspar Schlik, chancelier de Frédéric III, et avec le comte Ulrik de Cilly, son principal ministre. Philippe confia cette mission à Henri de Heessel, son roi d'armes, et au fils de ce dernier '. Schlik, gagné probablement par Philippe, s'intéressa vivement au projet. Il en fit un rapport à l'Empereur qui se montra bien disposé^. Le fils de Henri de Heessel partit aussitôt pour Bruxelles muni de docu- ments pour instruire le duc du résultat de la négociation, tandis que son père restait à Vienne pour la continuer. Il présenta au duc un rap[)ort circon- stancié sur la marche des affaires *, rapport qui nous fait voir dans quel but les ambassadeurs avaient été députés auprès de l'Empereur. Le duc Philippe, voyant la route frayée, envoya son secrétaire intime et ' Ce traité est la cliarte d'association de Sigismond du mois d'août 1447 que l'on trouve chez Chmcl, Malerialien , t. I, p. 241. Dans celte cliarte est inséré le traité entre les deux ducs qui donne sur l'issue des négociations les renseignements nécessaii-es. Elle est en latin. - Birk a publié, dans YOEsterr. Gescliiclilsforsclier de Chmcl, t. I, p. 253, l'instruction que Philippe avait donnée à ses envoyés et d'autres documents relatifs à leur mission. ^ Birk, p. 237, n° 4. Schlik traça lui-même aux ambassadeurs le plan d'exécution du projet, p. 230. '» Ce rapport est imprimé chez Climel, Mat., t. I, p. 241. Parmi les affaires à traiter élait aussi le mariage de rKmpereur avec la princesse Isabelle de Portugal, nièce du duc Phiiipjc. DE DROIT PUBLIC, etc. 7a archiviste van der Ee à Frédéric III pour conduire à bonne fin les négocia- lions commencées '. C'est alors aussi qu'on tâcha d'arranger un mariage entre la princesse Élizabelh, fille de l'empereur Albert II, plus tard épouse du roi Casimir de Pologne (l/^Si), et le comte de Charolois. Nous savons déjà ({ue cette tentative échoua : le duc ne voulait point une nouvelle possession hypothécaire du Luxembourg, mais la cession définitive du duché, sans la condition de rachat -. Pour ce qui était du titre et de la dignité de roi à accordera Philippe, Frédéric s'y montrait assez disposé; mais, tout en stipu- lant la conservation du lien féodal des pays du duc avec l'Empire, il déclara qu'il ne voulait détacher de l'Empire ni provinces, ni sujets et demanda en outre une forte indemnité pécuniaire'. Philippe, de son côté, ne se souciait pas d'obtenir de Frédéric un vain litre; il voulait être véritablement roi et gou- verner un royaume indépendant. Il pouvait invoquer un précédent incontes- table : Philippe de Souabe n'avait-il pas investi de la dignité royale Otiokar, duc de Bohême? Ce n'était pas ce que désirait l'Empereur, et comme Fré- déric III persistait dans les conditions ipi'il avait émises autant que Philippe dans ses prétentions, l'affaire en resta là *. Il est probable néanmoins que les négociations qui avaient eu lieu en 1445 se renouvelèrent en se^)tembre 4447 *. Le président Armenlier et l'évéque de Tournai durent de nouveau se rendre à Besançon pour conférer avec les envoyés de Frédéric : ils devaient, au nom du duc, prêter foi et hommage à l'Empereur, entre les mains de l'archiduc Albert, pour les duchés et les comtés de l'Empire dont le duc Philippe était en possession , afin que celui-ci en pût obtenir Tinvestilure. Tout était préparé à cet efl"et, les lettres d'inféodation ' Chmel, Histoire, p. 485.. '■' Instruction de van der Ee, chez Birk, t. I, pi). ^46-253. — Voir aussi la lettre du secré- taire du due Pliilip|)e à Albert d'Autriche, en date du j juin 1443; Chmel, Mater., 1. 1, i>. 187; Birk , pp. 267-270, n" 4, et l'extrait d'une lettre contenant une relation des premières entrevues du duc Charles le Téméraire et de l'empereur Frédéric, publié par M. Gachard dans le t. II de la Collecl. de documents , p. 252, n" 11). ' Voyez le texte de la réponse à cette déclaration, chez Chmel, p. 480, n" Ci. * Chmel, \\\). 480-487. « Darc terras, principes et immédiate subditos iniperii ad aliani obe- dienciam et pcrillum modum ab impcrio alienare, maiestas regia neqiie vult, ncque potest. » Souchay, l. IV, p. 2ôô. s Chmel, t. II, p. 4S8. Tome XXXVI. H 76 HISTOIRE DES RAPPORTS élaienl prèles el n'avaient plus (pfà être signées; on atlendil jusqu'au com- niencement du mois de novembre, mais, par un concours de circonstances demeurées inexplicpiées, le congrès n'eut pas lieu. Le 23 el le 29 octobre, les députés du duc écrivirent de Besançon pour rappeler l'affaire, mais per- sonne ne se présenta de la part de l'Empereur '. On consei^e aux Archives de Vienne deux projets de lettres d'investiture dont l'une pour les ducbés de Lotliier et de Brabant, l'autre pour la Hollande, la Zélande et la Frise. Elles sont toutes les deux laurées et portent en marge : Non Iransierunt '. Cependant le 13 novembre liai, l'Empereur donna à son frère Albert, alors auprès de lui à Vienne, une nouvelle procuration pour recevoir, à sa place, les hommages du duc. Il y spécifiait la formule du serment que Phi- lippe avait à prêter et y détaillait les provinces pour lesquelles le duc devait faire hommage, comme étant fiefs de l'Empire; c'étaient la Bourgogne, la Flandre, la Lorraine, le Brabant, le Limbourg, le marquisat d'Anvers, le Ilainaut, la Hollande, la Zélande et la Frise. Il y était dit aussi que les rap- ports entre ces pays el l'Empire devaient continuer à subsister tels <|u'ils avaient été dans les temps passés ^. Il faul supposer que l'Empereur ne réussit point dans son projet, à cause du taux des reliefs que Philippe aurait eu à payer au frère de l'Empereur *. Dans le courant du mois de février liiS, le duc Albert envoya à Bruxelles de nouveaux ambassadeurs qui, de concert avec les députés de l'Empe- reur, avaient pour tâche de renouer les négociations; mais le duc Philippe voulait régler les rapports de ses pays vis-à-vis de l'Empire d'après des bases qui étaient inacceptables pour l'Empereur. Le duc Albert informa son frère ' Cela paraît, singulier : on supposerait plutôt que ce furent les ambassadeurs du duc qui firent défaut. '^ Climcl, p. 488, dit que le duc parait avoir beaucoup désiré de terminer l'aiïaire de l'in- vestiture de ces pays, ainsi qu'il résulte des lettres de ses envoyés, publiées dans les Malcria- lien, t. I, pp. 274-27"j, n" 17. Il nous semble que c'était plutôt l'Empereur qui avait intérêt à voir s'accomplir l'acte d'investiture, afin de pouvoir conserver ces pays à l'Empire. l'iiilippe, qui les possédait, n'avait rien à craindre. 2 Voir le texte du projet, ciiez Cbmcl, p. 27Ï». — Maleridien, t. I , p. 277, n° 120. ■^ Cbmel, p. 490, /. c, en note. — Frédéric traitait son frère comme s'il avait été investi. Albert devait, de son côté, céder les pays à Philippe. DE DROIT PUBLIC, etc. 77 de Tinsiiccès de ses démarches par une lellre datée d'Ensishcim, en Alsace, le 17 août 1448'. C'est ainsi que Philippe le Bon resta en possession des pays pour lesquels il aurait dû faire honnnagc à l'Empereur sans qu'il en reçût l'investiture. Mais il mourut sans voir le rêve de sa vie s'accomplir. El pourtant ce rêve n'était pas irréalisahie, puisqu'il avait déjà existé à l'état de fait. Frédéric III, en principe, n'y était pas opposé. Philippe voulait le rétahlissement de l'ancien royaume de Lotharingie tel qu'il était constitué sous le roi Lothaire II, ainsi qu'il est dit textuellement dans le rapport de van der Ee dont nous avons parlé. Ce projet, on ne peut le nier, avait de la grandeur; il répondait, d'ailleurs, à un besoin d'équilibre territorial dont le clairvoyant Phili|)pe, abstraction faite de son ambition personnelle, mesurait les conséquences fécondes. Le nouveau royaume de Lotharingie ou de Belgique aurait formé entre l'Alle- magne et la France un État intermédiaire qui se serait appuyé sur l'une en contenant l'autre et que sa configuration géographique, la similitude de race de ses habitants, et les éléments de richesse qui y abondaient auraient pu placer en peu de temps au premier rang parmi les nations de l'Europe. Si, se fiant plutôt aux calculs de l'habileté qu'au prestige de la force, Philippe eût voulu se montrer quelque peu conciliant, il serait sans nul doute par- venu à ses fins. Il eût été d'un sage politique de commencer par satisfaire l'Empereur en lui faisant quelques concessions insignifiantes : la faveur si désirée ne se serait pas fait attendre. 3Iais Philippe crut (pie sa puissance imposerait à l'Empereur, et ce fut cette confiance qui le fit échorer. Toutefois ses relations avec l'Empereur n'en furent pas sensiblement alté- rées. En 1454-, le cri d'alarme retentissait dans l'Occident : les Turcs avaient pris, l'année précédente, la ville de Constantin, et des cœurs généreux médi- taient de refouler les barbares en Asie. Philippe, qui avait fait vœu d'entre- prendre un pèlerinage en Terre-Sainte, se rendit à la diète de Ratisbonne, où il fut question d'une croisade, pour y conférer avec l'Empereur 2. J^Iais le temps des nobles enthousiasmes et des chaleureux dévouements était passé. ' Chinel, /. c, p. 492. — Une copie de ceUe lettre conservée aux Archives impériales à Vienne, porte : « Refus fait au duc de Bourgogne relativement aux fiefs. » 2 Dcwcz, Ilist. gén., t. IV, p. 320. — Sur la diète, voy. IIa;berlin, t. V(, p. 318. 78 HISTOIRE DES RAPPORTS Frédéric III retoiirna en Autriche et la dièle se passa en pourparlers stériles. L'ne ([uestion inléressanle se présente ici. Philippe fut-il invité à la diète de Ratisbonne comme membre de l'Empire ou bien y assisla-l-il sponlané- nient, comme prince étranger, ami de TEmpereur? On a été longtemps sans pouvoir répondre d'une manière précise, et, à défaut de témoignages positifs, la seconde hypothèse paraissait la plus vraisemblable; mais un document, (pii n'avait pas été signalé jusqu'ici et que nous avons retrouvé, résout la question dans un sens alfirmatif. C'est décidément comme prince de l'Empire que Philippe fut mandé à la dièle de Ratisbonne. La lellre de convocation de l'Empereur est formelle à cet égard K A quelque temps de là, le duc Philippe et l'Empereur se trouvèrent encore en présence à propos des affaires de Frise. En 1422, les Frisons s'étaient déclarés indépendants de la domination hollandaise, et Philippe, sachant que leurs divisions intestines ne larderaient pas à les afïaiblir, ne les avait point inquiétés. Mais lorsqu'il fut obligé de marcher contre Ulrechl pour y intro- niser son fds naturel David-, il fit savoir aux Frisons qu'ils eussent à le recon- naître pour leur seigneur, sinon qu'il irait les y forcer par les armes. Il manda, en outre, à Haarlem , des députés de la Frise, pour leur exposer ses volontés et ses droits, afin qu'ils les transmissent à leurs compatriotes et les engageassent à se soumettre. Mais les hommes d'Oslergoo et de Weslergoo prirent la résolution de ne pas donner de réponse et de défendre bravement, au besoin, leur indépendance. Comme, vers le même temps, Frédéric III ' Voici les termes de la IcUrc impériale : « Fridericus divina fa vente clemenlia, Rotnanoium lrii|RTatoi' seinper auji;ustus. — Pliili])))0 duci Burgundie, etc., prindpi tioslro saluteiu. Dilcc- lioiiein liiam reqiiirinuis tihiqite vi'litl imperii sucri principi de plcnitiidinc cœsaric potestalis injnngimus et maiidanuis m prcdicla die Sancli Georgii ad Ralisponani le conféras. Datiini die VIIII januarii aiiiio hi. » Archives royales de Stutigarl, coll. yellere Reiclistagsacleii , t. VIII, fol. 170 et suiv. litt. A. — Une dicte avait eu lieu l'année préeédcnle à Francfort. Phi- lippe s'y était fait représenter par son chancelier, l'évêque de Toul. Le duc de Gueldre et l'évèque d'IUrecht y assistaient. Jbid. ^ David de Bourgogne reçut l'investiture de Frédéric en t4G4 : ■■ Eo imper. Davidi episcopo, suc et imperii sacri principi devolo, dilecto, rogatu ipsius omnia et singula fcuda, feudalia, regalia, terras, districtus, dominia, arces, rcs quoqiie, quœ episcopi ab impp. et imperio in feudiini suscipere et liabere consuevciunt, concedit, eunique de iis investit, sub conditione lamen soliti juramcnti, homagii prœstandi, primo legato cœsaris, verum ipsi imperatori prima otcasione. » Matha;ns, De iiobililate, t. Il, eap. 44. DE DROIT PUBLIC, etc. 79 metlail loul en œuvre pour raltacher ces terres à l'Empire, les gens de Frise profilèrent de celte circonstance pour lui demander sa protection contre les prétentions du duc de Bourgogne. En eflet, par une lettre du 10 août 14.57, l'Empereur s'engagea à proléger les Frisons comme sujets immédiats de l'Em- |)ire et somma le duc Philippe de prouver en justice la légitimité de ses droits sur les terres frisonnes. Toutefois il lui donnait l'assurance que, ces preuves fournies, il pouvait également compter sur l'appui impérial. Ainsi, le duc se trouva forcé de différer le projet d'établir son autorité en Frise, bien qu'il en fùl souverain de nom '. A partir de ce moment , les relations du duc de Bourgogne avec l'Empereur furent purement privées et n'eurent plus de portée politique. Philippe mourut en 1467, léguant à son fils ses États non moins que ses idées. Il s'était affran- chi, de droit , par le traité d'Ârras, de la suzeraineté française et, de fait, de la suzeraineté de l'Empire-. Nous verrons Charles le Hardi essayer d'aller plus loin encore; mais, faute de mesure, échouer au milieu de ses efforts. Jamais prince belge n'avait vu se déployer devant lui un avenir aussi bril- lant que celui qui semblait s'offrir à rhérilier de Philippe le Bon. Il se trouvait appelé à gouverner des États vastes et florissants, à recueillir la succession d'un pouvoir solidement établi, d'un trésor dont la richesse surpassait toulc croyance, d'une armée à laquelle nulle autre n'était comparable. Doué de plu- ' Wagenaar, Vad. historié, I. c. — Vaji Loon , p. 289. 2 Cependant l'Empire élait toujours la source de toute juridiction. Ia's tribunaux rendaient justice tant au nom de l'Empereur ([ue du duc de Bourgogne. Un exemple tiré du formulaire de justice de la ville de Wczop, capitale du Goyiand , ancien bailliage de la Hollande septentrionale, en fournit la preuve : « Heer rccliter, zoo staat A en ik met myne woorden [i. e. voorspraak) en klag liet God van liet heraeiryk, den kei/zer van Rome, den edelen hertog Philips van IIol- land, den baijuw van Goyiand, lieer reehter u, en aile goede licden ; hoc dat C voorzegd is gekommen in het keyzerryk van Rome, in hct graafscliap van Uolland, in bel baljuwscbap van Goyiand , binnen de vrye slad van Wezop. » .Vprès avoir rapporté tout au long le délit, le plai- gnant poursuivait ainsi : « Daar liy doorgebroken lieeft Gods van 't hemeiryk, des ketjzers vrede van Rome, des edelen hertogen Pbilii)s vrede van Uolland, des baljuws vredevan Goyiand, heer recliter uweii vrede en aller gocde licden vrede. » Voy. Furmulier van procederen te Wezup zou op het begaan van eenen munsUuj , als van cène toegebragte keurenvmnde uit het 3IS. handvesl- en privilégie bock van Wezop en Mtigden. Voy. Van Loon, p. '209, art. V. — Vo>cz aussi pp. 2a2 et 235. 80 HISTOIRE DES RAPPORTS sieurs qualités qui font, les grands hommes, il était brave jusqu'à la lémérilé, généreux , frugal , actif, infatigable. Heureux si une ambition inquiète ne lui eût pas fait dépasser le but qu'il voulait atteindre et s'il eût pu commander à un cai-actère dont il regrettait les emportements après en avoir éprouvé les conséquences funestes! Les premières années du règne de Charles le Hardi appartiennent presque exclusivement à l'histoire intérieure de la Belgique. Elles sont trop connues et , d'ailleurs, la vie agitée du vaillant prince a été trop souvent décrite pour que nous ayons besoin de nous arrêter aux événements (pii ne touchent pas directement aux rapports de notre patrie avec l'Empire. Ces rapports, du reste, furent moins fréquents qu'on ne serait tenté de le croire au premier aspect, tandis qu'ils étaient nombreux , presque continuels avec la France et Louis XI. L'Empire laissa trantpiillement Charles apaiser les communes flamandes et soumettre les rebelles de Liège. C'est en lil I , à la diète de Ratisbonne, que nous voyons pour la première fois le duc de Bourgogne et de Brabanl en rapports officiels avec l'Empereur. A celle diète assistaient presque tous les évèques, comtes, seigneurs et villes libres de la Belgique qui relevaient de l'Empire. Il y avait, outre Charles de Bourgogne, comme duc de Brabanl, comte de Hollande, de Zélande, etc., Tévêque d'LUrecht, les comtes d'Egmond, de Cuyck, de Culembourg, les barons de Baltembourg, les députés des villes libres impériales : Amersford , Ams- terdam ', Kampen, Deventer, Doesburg, Groningue, Zwolle, Utrechl,elc., '-. H est tout au moins singulier que Mmègue, la principale ville impériale dans les Pays-Bas, n'y soit pas citée; mais rien ne prouve qu'elle n'ait point été représentée à la diète. On fil à celle diète une nouvelle levée de 10,000 hommes contre les Turcs. Le duc de Bourgogne, on ne s'explique pas pourquoi, ne fui pas compris dans l'évaluation; en revanche, Utrecht, avec les Irois villes, dut ' p. 2f.()-268. L'Empereur accorda la même faveur au comte Oswald de Berg, par diplôme daté d'Aix-la-Chapelle (10 avril |/i8(i). ' Flallhaus, Gescliiclile Jfaximiliiiii I , ]). OG. DE DROIT PUBLIC, etc. 95 d'observer fidèlenienl les clauses du traité; mais il ajouta ([u'il ne pouvait pas répondre d'a|)aiser la colère de rEm|)ereur '. Il alla aussitôt rejoindre Frédéric III, qui était parti de Cologne avec Tarniée impériale, et le rencontra à Malines. Maximilien mit tout en œuvre pour détourner son père de l'expédition, lui représentant qu'il était lié pai- un serment, que la vie du jeune Philippe pourrait être mise en danger et que les Flamands, s'ils étaient réduits à la dernière extrémité, seraient capables de faire alliance avec les Français. Mais Frédéric ne voulut rien entendre. Il prétendit que ce sérail une ignominie et pour lui, et pour son lils, et pour tout TEmpireque de laisser cet attentat impuni. Il institua aus- sitôt une commission composée crecclésiastiques et de séculiers et chargée d'examiner si Alaximilien était lié par le serment que la violence seule avait pu lui arracher. La réponse fut négative. La commission décida que les gens de Gand, de Bruges et d'Vpres s'étaient rendus coupables du crime de lèse- majesté et que le roi était obligé de les châtier avec l'aide des électeurs et des princes de l'Empire '-. Malgré cette décision, dont les conclusions, longuement développées, ne man(|uaient pas de logicpie, JMaximilien refusa de s'associer à la guerre. Les troupes impériales se répandirent dans le plat pays et y commirent des excès de tout genre. Frédéric assiégea Gand; mais, au bout de six mois, il fut obligé de lever le siège. Philippe de Clèves, capitaine distingué, était à la tète des troupes ennemies et il remporta tout d'abord des avantages signalés. Le vieil Empereur en conçut un tel chagrin qu'il remit le commandement de son armée au duc Albert de Saxe, général célèbre, et mit au ban de l'Empire Philippe de Clèves, dont il confisqua les biens. Mais Philippe remporta encore plusieurs victoires, de sorte que les Flamands et les Brabançons offrirent 100,000 florins à .Maximilien s'il voulait (piitler les Pays-Bas et renoncer à la tutelle de son fils. Maximilien prisa l'honneur plus haut (pie l'argent et déclina fièrement cette offre impertinente '. Puis il alla apaiser une sédition en Hollande, y établit comme gouverneur Albert de Saxe et s'éloigna pour ' Italthaus, Geschichle Maximiliun l, \). (iH. 2 Jhid., [I. 70. ^ Ibid., p. 71, 72. 94 HISTOIRE DES RAPPORTS (|uel(|ue temps des Pays-Bas, (|iii ne lui donnaienl que soucis el chagrins. Cependant les Impériaux poussaient la guerre avec vigueur, et landis que Philippe de Clèves perdait chacpie jour du terrain, ils soumettaient peu à peu tout le pays. La diète de Francfort mit fin à la guerre. Frédéric III fit exposer la situation déplorable dans la(|uelle se trouvaient les Pays-Bas et il insista sur la nécessité d'avoir de nouveaux secours pour terminer promptemenl la campagne. Il désirait obtenir 40,000 hommes pour six mois; mais les Étals ne voulurent accorder que 6,000 hommes, et Tarchiduc aurait dû, comme duc de Bourgogne, y contribuer pour 4,346 hommes à pied el 336 à cheval '. Ce secours fui inutile. Albert de Saxe avait gagné bataille sur bataille et Philippe de Clèves était aux abois. Les électeurs et les princes de l'Empire en prolitèrent pour proposer un accommodement à Maximilien et à Charles VIII, roi de France, allié des Flamands. Ils réussirent à leur faire conclure la paix à la grande satisfaction des Flamands, qui y furent compris (13 octobre 1489) '-. Maximilien fut reconnu régent et tuteur du prince Philippe, et les Flamands lui payèrent 300,000 llorins d'indemnité. Le comte Engelbert de Nassau fut nommé gouverneur de la Flandre. Ainsi finit cette guerre qui ne profita à personne, ni à Maximilien qu elle abreuva de dégoûts, ni à la Belgicpie (ju'elle désola, ni à la Flandre, en par- ticulier, qu'elle couvrit de ruines et dont elle anéantit le commerce, ni, en définitive, à Charles VIII qui l'avait attisée et qui en sortit sans gloire. Charles VIII donna bientôt une autre preuve de sa mauvaise foi. xMaxi- milien allait épouser, en secondes noces, Anne, duchesse de Bretagne. Lorsque Charles en fut instruit , il renvoya à Maximilien la princesse Mar- guerite à qui il était fiancé, puis se porta avec une armée sur les frontières de la Bretagne, réussit à détourner Anne de son mariage avec iMaximilien et épousa lui-même cette princesse en 1491. Ainsi, il rompait doublement avec le roi des Romains en lui renvoyant sa fille et en lui enlevant l'héritière du duché de Bretagne. Il y eut un cri d'indignation en Allemagne. Les diètes de Mayence et de Coblence délibérèrent sur la (piestion de savoir s'il fallait déclarer la guerre au roi de France — et la Belgi(|ue aurait été de nouveau le ' Archives de Stullgarl, Acltere Beirlistagsucten, 1. c. ^ Il.iltaiis, /. c, pp. 7u-77. DE DROIT PUBLIC, etc. 1)5 ihéâtro (les hoslililés;^ — mais il y avail pénurie d'hommes et d'argent, et l'on s'abstint. .Maximiiien cependant défia Charles VIII el reconquit l'Artois. Le traité de Senlis (23 mai 1493) lui rendit cette province ainsi que la Franche-Comté. Peu de mois après mourut Fiédéric III. Il avait régné cinquante-trois ans. 3Ia\imilien fil bientôt investir du gouvernement de la Belgique son fils l'ar- chiduc Philippe (149o) el ne tarda pas lui-même à prendre possession du sceptre impérial. Le règne de Maximiiien commença une ère nouvelle pour l'empire d'Alle- magne. Le jeune roi — on lui rend justice aujourd'hui — était doué des plus brillantes qualités. Intelligent, brave, loyal, généreux, plein de nobles aspirations, il avail en outre une activité de corps et d'esprit qui contrastait singulièrement avec l'indolence et l'apathie de Frédéric III. Les Allemands fondaient sur lui les plus grandes espérances et il les réalisa. Sous le règne de son père, l'Empire avait rétrogradé au lieu de progresser. Il fallait pour le ranimer, lui donner une puissante impulsion. On était arrivé à cette époque de transition (pii marque la fin du moyen âge et prépare l'époque moderne. Frédéric III avait assisté au mouvement en spectateur impassible; Maximi- iien comprit que la monarchie avait besoin de promptes et sérieuses réformes. Ces réformes, quelques hommes éminents les avaient indiquées; Maximiiien se chargea de les traduire en fait. Il tint plusieurs diètes et créa un certain nombre d'institutions dont la paix perpétuelle, la Chambre impériale, le conseil de régence, le conseil auli(|ue et l'organisation des cercles sont les plus célè- bres '. Ces institutions appartiennent spécialement à l'histoire de l'Allemagne; nous devrons cependant les examiner au point de vue de l'inlluence qu'elles exercèrent sur les destinées de la Belgique et sur ses rapports avec l'Empire. ' Hallliaus, Geschicitte des Kaisers Maximilian I. Leipzig, 1830. — Hegcwisdi, Geschichte der Reçjieriing MaximiUans. Ilanihourg; , 1782, 2 Mil. — lUiipfel, Kaiser Mu.rindlum I. licrlin, 18(54. —Millier, RekhsUujSslaal von 1 500-1 'JOS, 1709, 2 vol. — Reiclisluçislhedtnim wie selbiges un ter Max. Regieriing gesUinden. lena, 1718, 1719, 2 vol. de 1486-1700. — Schmidt^ t. V, p. 300. — Il.-.'bcrlin, t. IX, X. - IleinricI) , /. c, pp. 407, (îit, 810. — Souchay, t. IV, pp. 424, o21. — Leglay, Muximilien I el MargmrUe d'Autriche. Paris, t859. (CoriT^pon- dance). — Raiimer, Geschichte Europas seit dem Ende des 13"" Jahrhiinderts, t. I. Leipzig, ■1832. — Ranke, Geschichte Deutschlaiids im Zeilalter der Refonnation, t. I. <)() HISTOIRE DES RAPPORTS l'n (les preniiors soins de Maximilien , après son couronnemenl , fui de retourner aux Pays-Bas pour inveslir solennellemenl du pouvoir son fils Pliilippe. Ce prince et sa sœur, Marguerite, étaient allés au-devant de leur père et ils le rencontrèrent à Maastricht. Puis TEmpereur, l'impéralrice ' et les jeunes princes se rendirent à Louvain, où Maximilien déposa la tutelle et remit solennellement à son fils ses États belgiques. Philippe jura de main- tenir tous les droits et privilèges du pays tels (pi'ils existaient au temps de Charles le Téméraire et reçut en retour le serment de fidélité des trois ordres. Puis il alla se faire inaugurer dans les principales villes des Pays-Bas. Cependant Maximilieu mûrissait de vastes projets. Il avait l'intention de tenir une diète solennelle dans lacpielle devaient être débattues et résolues toutes les grandes (piestions et où l'on tâcherait d'établir l'ordre politique sur des bases solides. Il convoqua la diète pour le 2 février 14.9S; mais elle ne fut ouverte que le 26 mars, c'est-à-dire iors(iue iMaximilien arriva à Worms, de retour des Pays-Bas. Les opérations de la diète furent nombreuses et variées. On y décréta une paix publif/ue fjénérule qui fut pour l'Empire une source de calme et de bien-être. Elle défendait tout défi particulier, toute guerre entre les États, sous peine d'être mis au ban de l'Empire et de payer une grosse amende. Un article spécial chargeait l'archiduc Philippe de l'exécution de cette paix dans les Pays-Bas'-. On y institua aussi la Chambre impériale [Reichs- kaiiimcrgericht) , composée d'un grand-juge et de seize assesseurs. Elle avait pour attribution de juger les diflerends des États. Le siège en fut fixé d'abord à Francfort, puis à Spire, en lo27, et enfin à Wetzlar, en 1698, où elle resta jus(prà la chute de l'empire d'Allemagne (1806). Les Pays-Bas de- vaient envoyer un assesseur à cette chambre. La diète de Worms s'occupa avec non moins de sollicitude du denier com- muii à prélever sur chaque habitant de l'Empire pour continuer la guerre contre les Turcs. Les Pays-Bas y devaient contribuer comme les autres pro- vinces de l'Empire. La perception de cette contribution devait avoir lieu dans les États de Philippe le Beau avant la Saint-André, et les commissaires qui ' M/i\iniilicn avait épou><('' en secnndos noees Hianca-Maria Sforza, de Milan. Il n"é(ait toujours que roi des Romains. Nous lui donnons le titre d Empereur pour nous eonfornier à l'usage. '^ Areliives de Stullgarl. DE DROIT PLBLIC, etc. î)7 l'avaionl opérée devaient en rendre compte avant le jour des Rois suivanl '. Mais celle mesure ne fut pas mise immédialemenl à exécution en Relgique. Maximilien adressa d'Augsbourg, le 23 mai 14.9G, une longue Icllre aux bourgmestres et aux conseillers des villes d'Anvers, Dordrecht, Bruges, Luxembourg, i\liddelbourg et Mous, pour les exiiorler à contribuer fidèle- ment au denier commun. L"Empei'eur rappelle dans ce message (pic lesdiles villes appartiennent à PEmpire et qu'elles doivent faire des efTorIs pour en assurer l'intégrité. Il leur représente la situation critique de TEmpire, qui se trouve menacé de tous côtés, aussi bien par les Français que par les Turcs, et les engage à fournir des contributions volontaires d'hommes et d'argent pendant trois ans ". Dans la matricule financière qui fut dressée à la même diète de Worms, nous voyons figurer Tévéché de Cambrai pour 254- florins, 30 kreuzers; Ulrecht pour 781 fl., 40 kr.; la ville de Cambrai pour 196 fl., 25 kr. ; et Leeuwarden en Frise, pour 156 fl., 25 kr.; Liège et le duc de Bourgogne n'y sont point mentionnés, mais bien les comtes et les seigneurs de la Frise pour 930 florins et le comte d'Egmond pour 312 fl., 40 kr.'\ La diète obligea aussi tous les princes et vassaux qui n'avaient pas encore fait hommage à Maximilien de recevoir l'investiture de leur impérial suzerain. Il y fut question, à différentes reprises, de l'investiture de l'archiduc Philippe, que son père avait négligé jusque-là de lui donner; la diète insista pour qu'elle eût lieu afin que Philippe fût soumis, pour les États belgiques, à tous les devoirs et à toutes les obligations des princes de l'Empire. On agita en même temps la question de savoir si l'Empereur devait prendre l'inveslilure de ses pays héréditaires et il fut statué que, puisqu'il ne pouvait se la donner à lui-même, il ferait à la diète l'énumération des fiefs qu'il tenait de l'Empire '*. ' Datt, De puce pulilica, (" 530. « Doch Soll die obtenant AiifFsazung iii ticr Koiiigl. Jlcy. iind irs siins Erzlicrzog Pliili|)s Erlilaiulcn ycglicli jars vor Sant Andréas lag obgeinillcr inassen cingcnommen, iind durcli die Commissaiirn den Sehatzmeistern mit Sampl der der AutTschrci- bung vor deni Iiailigen Ureycr Kiinig-Tag ncclist Darnach konimcndc getriilich ul)ei' antwiirt werden.)' 2 Datt, De puce pubiica, {" 3i(i. ' Kocli, N'eiieSammlinig der Rekltsahschiede , t. I, ]) 20. — Millier, p. 480. * Miiller, licichstagsslacitvoii l.'iOO-l oOS , pp. 439, jlO. — Ilœbcriin, l. IV, pp. 41 cl suiv. — Ilallliaiis, Muï. l , ])p. 153-130. 98 HISTOIKE DES RAPPORTS Comme Maximilicii ne so pressait point de recevoir l'iiommage de son fds, les Étais éievèreni des plaintes à ce sujet et insisièrent pour (pi'il lui donnât rinl'éodalion et lui imposai les obligations qu'il coniractail ainsi comme vassal de la monarchie. Philippe reçut donc Tinveslilure de TEmpereur à Linz, le 29 décembre 1495 '. Enfin la diète s'occupa encore — sans parler des affaires qui concernaient exclusivement l'Allemagne — de deux questions relatives aux Pays-Bas. Le duc Charles d'Egmond lui avait envoyé un ambassadeur pour réclamer son duché héréditaire de Gueidre; mais sa réclamation ne fut pas admise ■. On avait invité aussi les Frisons à envoyer des députés à la diète, afin d'en venir à une décision entre les deux factions des Sc/tieriiigers et des Vctkoopers qui divisaient le pays. Les Frisons s'y rendirent; toutefois la conleslalion ne fut pas terminée '\ Nous reviendrons tout à l'heure plus au long sur ces deux points. ÎMaximilien convoqua une nouvelle diète à Lindau (H9G-'14-97) et invita les vassaux de TEmpire à l'accompagner dans son expédition d'Ilalie. Il fit venir l'archiduc Philippe des Pays-Bas, espérant pouvoir le mettre à la lète du gouvernement, de sorte que, pendant son absence, celui-ci aurait été régent de l'Empire. Mais il ne put effectuer ce projet par suite de l'opposition des États et la régence fut exercée par les deux vicaires de l'Empire, le comie Palatin pour le midi et le duc de Saxe pour le nord '*. nienlôt de nouveaux troubles éclatèrent dans le nord des Pays-Bas. La ville de Groningue, qui était devenue riche et puissante, s'était annexé un vaste territoire formant partie de la Frise. Celle-ci se trouvait sous la protec- tion du duc Albert de Saxe qui y avait été établi, par Maximilien, comme gouverneur général héréditaire (14'98) ^ A la suite d'une guerre meurtrière, Maximilien avait fait proposer aux parties belligérantes, par un député ' Van I-oon , 0» (■)•«(/(' f(V<', pp. 275 cl suivantes. — Les Regesta de Georgiscli n'en font [ins nicnlion. '■! Millier, /. c, p. 48S. "' Millier, /. c, pp. 615, 63! et suivantes. — H;eberlin, t. IX, pp. 28, Ô8-Ô!). * Un peu plus tard, Slaximilien excusa son fils de ne pas s'être rendu à la diète d'ilni et promit de lui envoyer un message pour qu'il y députât immédiatement des ambassadeurs. s Ilœberlin, I. IX, /. c. DE DROIT PUBLIC, etc. 99 (|u"il envoya sur les lieux, de s'en remetlre à la décision de la dièle de Worms (1493), qui examinerait les prétentions réciproques. 3Iais nous avons vu que la décision provisoire de la diète n'eut aucun effet. Le comte Edzard d'Emden, un des généraux d'Albert de Saxe, assiégea Groningue et iMaximilien mit la ville au ban de l'Empire. EllVayés de cette résolution, les Etats de Groningue offrirent la souveraineté de leur territoire à l'évèque d'Utrecht, Frédéric de Bade, et lui envoyèrent à cet effet des lettres de recon- naissance. L'évèque pria aussitôt le comte Edzard de suspendre les hostilités; mais Maximilien ne tint pas compte de ses désirs et déclara rebelles tous ceux qui portaient ou qui prendraient les armes pour Groningue. Frédéric ne se rebuta point. Il demanda une conférence à un des ministres de l'Empereur afin de lui exposer ses raisons. Maximilien y consentit et lui députa un de ses hommes de confiance. L'évé(|ue montra au délégué les patentes originales par lesquelles l'empereur Henri III avait donné la ville de Groningue à l'église d'Utrecht et sur lesquelles Frédéric fondait ses instances pour être réintégré dans ses droits. Cependant les députés de Groningue, admis à cette conférence, protes- tèrent à leur tour qu'ils ne voulaient dépendre de personne, à moins qu'on ne leur confirmât la possession de tout ce qu'ils prétendaient être leur terri- toire. Les conférences furent rompues et la guerre recommença ou plutôt con- tinua avec plus d'animosité qu'auparavant. Enfin la ville de Groningue, réduite aux abois, offrit la souveraineté au comte d'Emden qui l'assiégeait. Celui-ci, séduit par une perspective aussi engageante, quitta les troupes du duc de Saxe et accepta la proposition des Groninguois, sans préjudice des droits de l'Empire et de l'évèque. Cet engagement, auquel Frédéric de Bade, Albert de Saxe et 31aximilien ne s'opposèrent point, termina la querelle '. Des divisions intestines avaient toujours empêché les Frisons de jouir en paix de leur indépendance. Dès le XIV" siècle, ces dissensions avaient fait naître des guerres implacables entre les deux factions qui se disputaient le pouvoir : les Veikoopers (les grands) et les Schieringcrs (le peuple). Au bout de deux siècles de lutte, ils élurent comme podestat héréditaire le duc Albert ' Frescliot, I/istoùe d'Utrecht , pp. 159 et suiviintcs. Tome XXXVI. U iOO HISTOIRE DES RAPPORTS de Saxeque Maximilien leur avait donné comme gouverneur (liOS). Albert accepta la proposition des Frisons et fut inauguré à Franeker le 20 juillet 1498. Alors Maximilien détacha entièrement de PEmpire la Frise comprise entre le Vlie et le Lauv/er et la donna en lief à Albert. Peut-être Albert et 31aximi- lien s'étaient-ils entendus pour assurer par ce moyen la West-Frise à la maison d'Autriche, maîtresse déjà de prescpie tous les Pays-Bas. Quoi qu'il en soit, les Scliierinyers, (pii dominaient dans le Weslergoo, se soumirent seuls de bonne grâce à cet arrangement. Albert dut réduire par les armes les habitants de rOostergoo et de Zevenwouden. L'œuvre de la pacification l'ut lente, mais elle fut menée avec autant d'habileté que de bonheur. Malheureusement, une nouvelle mesure de l'empereur .Maximilien vint compli{|uer la situation. A la diète de Fribourg (14.99), iMaximilien étendit le pouvoir du duc Albert sur la Groningue et le Drentbe; mais ces pays, prétendant que l'Empereur n'avait pas le droit de disposer d'eux, se révoltèrent. Albert, pour les soumettre, s'unit au comte Edzard d'Emden; mais la mort l'arrêta au milieu de ses succès (loOO). Son fils Henri lui succéda. Le caractère dur et dcspotisque de ce prince fit de nouveau soulever tous les Frisons. Il fut obligé de remettre le pouvoir aux mains de son frère Georges (1504) qui ne réussit pas davantage à apaiser les esprits '. Celui qui attisait ces troubles et ne cessait d'exciter les Frisons contre la domination saxonne, c'était Charles d'Egmond, fils d'Adolphe. On a vu (|u'à la suite de la cession que le vieux duc Arnould de Gueidre avait faite de son pays à Charles de Bourgogne, celui-ci en avait reçu l'investiture de l'empe- reur Frédéric 111 (1473). Charles le Hardi avait gardé en lieu de sûreté les enfants d'Adolphe. Celui-ci ayant péri dans une bataille, les Étals de Gueidre se prononcèrent pour son fils , le jeune prince Charles, et offrirent la régence à la sœur d'Adolphe, Catherine, qui chassa les Bourguignons et somma Maxi- milien de relâcher les enfants. Comme celui-ci ne se rendit point à cette in- jonction hautaine, les États déférèrent la tutelle des enfants et le commande- ment suprême du duché au fiancé de Catherine, Frédéric de Ralenberg, de la maison de Brunswick. Sur ces entrefaites, l'empereur Frédéric investit ' Van dcr Aa, Aurdnjksk. enijesclii.edl;. Woordenbock vun Xederlaitd, v" Frieslaïul. DE DROIT PUBLIC, etc. IOI Maximilien des duchés en (jueslion (1478). Catherine conciut alors un Iraité avec 5Ia\imilien, sans cesser d'exciter secrèlenient les Etals contre lui. Adolphe de Nassau fut nommé gouverneur impérial de la Gueidre, Catherine mariée au duc de Lorraine et Charles d'Egmond mis en liherté par Maximilien (1487) : il servit alors un moment TEmpercur dans ses guerres contre la France. 31ais, l'ail prisonnier par les Français à la hataille de Béihune, il fit volte- face et, lorsque Charles VIII Peut relâché, il essaya de recon(|uérir le duché de Gueidre. Charles VIII lui avait promis de l'assister. Maximilien poussa aussitôt la guerre avec une telle vigueur que Charles d'Egmond demanda à parlementer. Vnc entrevue eut lieu et Maximilien promit à son adversaire de lui abandonner le duché s'il justifiait |)ar des litres sérieux que la Gueidre devait lui appartenir. L'examen de l'aClaire fut confié à quatre électeurs qui, après mûre délibération, refusèrent de reconnaître les droits de Charles et nièrent que ses aïeux et lui pussent faire valoir la moindre prélention sur le duché de Gueidre depuis la mort de Renaud IV; d'une part, parce qu'ils n'en avaiei>l eu aucune investiture et (pi'ils avaient tâché, au contraire, pen- dant cinquante ans, de s'en rendre maîtres par les armes; de l'autre, parce que la cession du duché qu'avait faite Arnould à Charles le Téméraire aurait mis complètement à néant leurs droits, s'ils en avaient eu. Maximilien était donc le possesseur légitime de la Gueidre et de Zutphen. Les électeurs déci- daient en conséquence que Charles ne devait plus prendre dorénavant le titre (le duc; (|ue, s'il voulait servir l'Empereur et le roi des Romains, il recevrait un honoraire de 6,000 florins par an (1494). Charles fut très-peu satisfait de ces conditions; il s'enfuit en France, son refuge ordinaire, et y leva de nou- velles troupes '. Albert de Saxe fut envoyé contre lui et opéra si habilement que Charles fui obligé de demander une trêve (1497). Bientôt le remuant prétendant recom- mença ses incursions. Maximilien se rendit alors à Anvers (1498) amenant un corps de troupes assez considérable, qu'il grossit encore de renforts ob- tenus dans les dilîérentes provinces des Pays-Bas. Le printemps venu, les allaiiues commencèrent de tous côtés contre la Gueidre. Mais Charles obtint ' Haltliaiis, Max. I, pp. 1 11, 1 \± K)2 HISTOIRE DES RAPPORTS un corps il'arméc français commandé par le bâtard de Bourbon, et la guerre traîna en longueur. Maximilien ayant été rappelé en Allemagne presque au moment où ces secours arrivèrent au prétendant, aucun de ses capitaines ne tint plus la campagne ; tous se retirèrent dev-ant les Français, les trou|)es, par défaut de solde, refusant de servir. Une trêve d'un an fut négociée par le duc de Bourbon (1499) et elle fut prolongée jusqu'en iS04. L'archiduc Philippe faisait de grands préparatifs pour réduire Charles d'Egmond, (|ui avait repris les hostilités, lorsque la mort de sa belle-mère, la reine d'Espagne, vint l'arrêter. Cet événement réclamait impérieusement sa présence dans la Péninsule. Toutefois, avant de s'y rendre, il voulut ter- miner la question gueidroise. Il tint à Bois-le-Duc une assemblée solennelle des États du pays, lança un manifeste dans !e(|uel il dévelop|)ait tous ses droits sur la Gueldre et le Zutphen, et somma les habitants de ces princi- pautés de lui faire leur soumission. Puis, |)our donner à ses droits une consé- cration plus complète, il alla à la diète de Hagenau recevoir de l'empereur Maximilien l'investiture des fiefs de Gueldre et de Zutphen , ainsi que du duché de Luxembourg, au nom de son jeune fils Charles (4505) \ Pourvu d'argent et à la tète d'une belle armée, il envahit les territoires rebelles et se rendit maître de presque toutes les villes du pays. L'Empereur lui-même le rejoignit bientôt avec un corps de troupes nombreux. Charles d'Egmond, voyant alors l'impossibilité de continuer plus longtemps la lulte, même avec le secours de la France qui le soutenait, dut en venir aux négociations. Philippe lui accorda une trêve de deux ans, pendant laquelle on préparerait un traité définitif, et voulut que Charles l'accompagnât en Espagne, pour l'empêcher de recommencer ses entreprises. Le rusé d'Egmond suivit l'archiduc jusqu'à Anvers et là il s'échappa furtivement après s'être fait donner 3,000 florins d'or pour ses frais de voyage ^ 11 avait été décidé à la diète de Worms de 1495 que l'assemblée se réu- nirait tous les ans. Les Étals de l'Empire se retrouvèrent donc à Lindau en 1 496, mais en si petit nombre qu'il ne fut guère possible d'y traiter d'affaires ' Haltliaus, Maxim. I , p. 194.— D'après les Regesla de Georgiscli, t. III, p. 412, cela aurait eu lieu le K juillet 1491). 2 Léo, iXiederliind. GeschklileH , t. II. — Wagenaar, Vaderl. Historié, t. V, p. 230. DE DROIT PUBLIC, etc. 103 générales. Philippe le Beau y assista d'abord en personne, puis il s'y fit repré- senter par sire Louis Pynnock , maire de Louvain, son maître d'hôtel '. A la nouvelle diète de Worms de 14.97, les États autorisèrent l'Empereur à prendre pour ses besoins une somme de 1 50,000 florins provenant du denier commun de ses pays héréditaires, ainsi que de ceux de l'archiduc Philippe et du duc de Juliers '■. La diète s'étaul transportée à Fribourg, Maximilien se plaignit de n'avoir reçu qu'une partie minime de la somme accordée cl demanda de nouveau à prélevei' le reste sur le denier commun, parce qu'il en avait besoin dans la guerre contre la France et contre les rebelles des Pays- Bas. Charles d'Egmond y fut déclaré coupable d'avoir violé la paix de l'Empire ^. Lorsque les affaires que nous avons énumérées furent terminées, IMiilippe partit pour l'Espagne avec Jeanne, son épouse, et fut inauguré comme roi de Castille, de Léon et de Grenade, etc., — l'Aragon demeurait à Ferdinand le Catholique, — au milieu de fêtes et de réjouissances interminables. iMais le deuil succéda bientôt à l'allégresse publique. Le jeune souverain mourut presque subitement, laissant sa femme enceinte et en proie à un désespoir qui lui ôta la raison. Cet événement devait de nouveau amener une régence pour les Pays-Bas. Le jeune Charles, qui devait être un jour le grand Charles-Quint, n'avait que six ans, et il importait qu'une main habile saisît les rênes du gouver- nement en attendant que le futur Empereur pût les tenir lui-même. Les Étals Généraux des Pays-Bas s'étant réunis à 31alines, le grand chan- celier de Bourgogne, garde des sceaux, leur donna officiellement connais- sance de la mort du souverain; il proposa qu'il fût pourvu à la tutelle de ses enfants et à la régence du pays, le testament de Philippe d'Autriche ne con- tenant aucune disposition sur ces deux points. Bien que le chancelier eût recommandé aux États de se mettre d'accord pour faire face aux dangers qui ' Datt, De pace puhlicn, 1. c, f° 897. — Voir une élude sur Pynnocli, par M. Poiillel, profes- seur à l'Université de Louvain, 48CÔ. - Haitliaus, /. c, p. 145. 3 Haitliaus, ])p. 145-146. — Voy. Archives de StuHgart, Aetlere Reichst^gsacten, I. c. 104 HISTOIRE DES RAPPORTS poui'iaienl se présenler, les opinions furent divergentes : les dé|)ulés de Bra- hanl, do Hollande, de Zélande et de Frise se prononcèrent pour lAJaxiniilien; ceux de Flandre, d'Artois, de Lille, de Douai et d'Orchies se dirent dé- pourvus d'instructions; ceux de Hainaut et de ISamur ne voulurent voler ni pour.Maxiniilien, ni pour (|uelf|ue autre personnage, dans la crainte de s'at- tirer le niéconlenlenienl du roi de France, dont les trou|)es paraissaient me- nacer leurs fronlièrcs. Cependant l'avis du Brabant prévalut et des députés se rendirent à Ems pour offrir de nouveau la régence à Maxiniilien. Ils avaient à leur têle Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres et d'Aerschot et pour organe Jean de Haulhem, chancelier de Brabant. L'Empereur accepta la régence avec empressement; mais, comme il ne pouvait l'exercer par lui-même, il confia la nutiiibouriue du prince de Cas- tille et le gouvernement des Pays-Bas à sa fille Marguerite, veuve déjà de son second époux, Philibert I! , duc de Savoie. Le Grand Conseil de Malines, (|ui exerçait par inléiim la régence, convoqua de nouveau les États Généraux à Louvain, au mois de mars '1507, et la duchesse de Savoie y fut reconnue comme gouvernante générale '. Maximilien lui adjoignit un conseil composé de seigneurs du pays. Mar- guerite était une femme d'un esprit supérieur, courageuse, prudente et d'une habileté polilii|ue à lacpielle l'histoire a rendu hommage. (>omme elle était aimée et respectée des Belges, Maximilien crut que personne ne pourrait mieux (pi'elle maintenir la paix et la tranquillité dans les turbulentes com- munes de Flandre et de Brabani, et il donna à son petit-fils pour gouverneur, Guillaume de Croy, et pour précepteur, Adrien Boyens. Il songea alors à aller recevoir à Rome la couronne impériale — il était toujours roi des Piomains — et il convoqua la diète de Constance dans le but de demander les subsides nécessaires ( lo07). La diète les accorda. Parmi les coniributions imposées aux princes de l'Empire, nous voyons figurer les Etals de l'archiduc pour 4.00 hommes à pied et 120 à cheval. Pour l'entretien de la Chambre impériale, il lui fut demandé 180 (lorins '^ Cette Chambre fui ' Juste, Histoire de Delijiqite , 4" l'ilil., 1808, l. II, p. 120. — Gaehard , A nalerles belfiiques , t. I . p. I ■). — Biillcliiis (le l'Acarléiiiie roijale de Belgique , t. VI , Xotice par M. Gncliiircl. - Archives de Stullgarl. Cuilccl. ciléc, t. Vlil, loi. cil('. DE DROIT PUBLIC, etc. 105 aussi réorganisée; comme la. première fois, l'Empereur y nommait deux assesseurs, l'un pour les Étals d'Autriche, Taulre pour ceux de Belgique '. Enfin la diète taxa de la manière suivante : l'iriclit :i W) ciiMilicrs, "il |)ic'toiis, I,a00 lluriiis. Cninhi'iii .... M 23 — 25 — 700 — Liège à 33 — o I — 1 ,530 — ^ Un acte important, qui s'accomplit en Allemagne pendant le règne de .^laxi- milien el dont la Belgi(iue eut sa part, fui la nouvelle division de PEmpire qui ajouta (pialre cercles aux six cercles déjà existants. Cette mesure, destinée une fois de plus à sauvegarder et à raffermir la paix pul)li(|ue {Landfriedens- Kreise), fui prise à la diète de Cologne de 1512. On forma un cercle spécial des possessions de la maison d'Aulriche-Bourgogne en Belgique, nommé Burfjuiidisclicr-Kreis '\ Il se composait de (piatre duchés, de huit comtés et de neuf seigneuries. Il se trouvait en relation étroite avec le cercle de Wesl- phalie. Ce dernier cercle subit diverses modifications. Il comprenait d'abord révèché dl'trecht, la Gueldre, Zutphen, Tévéché de Cambrai, les six évéchés de 31unster, Paderborn, Liège, Osnabriick, Minden, Verde el huit abbayes. En suite du mariage de Marie de Berg avec le duc Jean de Clèves, les duchés de Juliers, Clèves et Berg se réunirent. La Frise perdit sa vieille conslitulion indépendante, reçut, à la place de ses anciens chefs, ses comtes et vicaires de l'Empire el fut jointe en partie au cercle de Westphalie, en partie au cercle de Bourgogne. La West-Frise était gouvernée par les fils d'Albert de Saxe; nous la verrons bientôt au pouvoir de Charles-Quint. Dans l'Osl-Frise, les chefs des divers partis luttaienl pour le maintien de leur supériorité territo- riale avec les comtes d'Oldenbourg '*. Quant au cercle de Bourgogne, il comprenait tous les États des Pays-Bas, appartenant à Charles-Quint comme successeur des ducs de Bourgogne, ceux ' En 1 i'JC), Maxiniilicn établit coniinc assesseurs auprès de la Cliaiiibre pour les PaAS-Bas Olhon Sturm, et, en 1498, Guillaume Jung.— Harpprcclit, Slaats-Arcliiv., l. II, p. 151. — En lo07, voy. Colleet. citée des Archives de Stuttgart, t. Vlll , fol. cité. - Koch, Reichsaljscliiede , I. c., pp. 104-1 11. 5 Voy. Collect. citée de Stuttgart, t. YIII , ihid. * Haitaus, pp. 253, 2b6. 106 HISTOIRE DES RAPPORTS dos seigneurs de Nassau-Breda , d'Egmont-Ysselslein, de Berg-Waalen et du comte Oswald de Berg. Aucun des dix cercles ne devait jouir de privilèges ou d'exemptions au détriment des autres, pas plus le cercle de Bourgogne que le cercle d'Au- triche; ils devaient tous s'acquitter des mêmes obligations de la manière réglée par TEmporeur et par la diète, et Maximilien s'engageait à faire observer dans toute leur teneur les dispositions prises '. Malgré ses imperfections, l'institution des dix cercles fut éminemment salu- taire pour l'Allemagne et elle est considérée par les historiens comme une des œuvres capitales du règne de Maximilien; mais la création du cercle de Bourgogne eut-elle pour effet de rattacher plus étroitement la Belgique à l'Empire? De droit, peut-être; mais nous verrons qu'en fait nos provinces devinrent de plus en plus indépendantes de l'Allemagne et nous entendrons s'élever, au sein des diètes, les plaintes les plus graves à ce sujet. Les États des Pays-Bas « soutinrent unanimement que Maximilien n'avait pas le droit de disposer de contrées dont il n'était pas seigneur, puisqu'elles appartenaient à son petit-fils et que d'ailleurs on ne pouvait les assujettir à des charges auxquelles elles s'étaient soustraites depuis longtemps. On leur répondit en vain que l'Empereur avait toujours le droit de rappeler à leurs obligations des pays qui s'en étaient affranchis '". » La Belgique, pendant la minorité de Charles-Quint, fut paisible. La duchesse de Savoie, Marguerite, la gouvernail avec autant de prudence que d'habileté. Un de ses premiers soins avait été d'opérer un rapprochement entre le roi de France et son père. La princesse comprenait que le pays avait besoin de repos et elle savait que si la France se tenait tranquille, l'orage ne grondait point d'ailleurs. De nouvelles attaques du prétendant de Gueldre ralTermissaient dans celte pensée. Maximilien, pour réduire ce dernier à l'impuissance et pour pouvoir mieux abaisser l'orgueil des Vénitiens, entama des négociations avec Louis XII. Elles furent conduites par Marguerite, au nom de l'Empereur, et ' Voy. Collect. citée de Stnilgart, t. VIII, fol. 70 et suiv. 2 11 ne nous a pas été possible de vérifier cette assertion, dont nous laissons la responsabilité à M. tienne, f/isloirc du rkjiie de Churles-Quiiit en Belgique, l. VIII, p. 519; assertion repro- duite presque textuellement dans son Ilisloire de lu BehjKjue sous Cluirles-Quiitt ,1. 111 , p. 5iO. DE DROIT PUBLIC, ETC. 107 par le cardinal crAmboise, au nom du roi. Lorsque le terrain fui suffisam- ment préparé, ÎMaximilien envoya à Louis Xll son conseiller intime Tévèque Mathieu Lang de Wellenbourg qui aplanit les dernières difficultés. Outre les stipulations concernant la guerre d'Italie, Louis XII s'engageait à ne plus protéger ou soutenir Charles de Gueldre, ce (|ui élail le point capital. Charles, d'ailleurs, fut compris dans le traité. Il y aurait paix entre lui et le jeune archiduc Charles, de telle façon que le prétendant aurait à rendre toutes les places qu'il avait conquises, tandis que l'archiduc garderait toutes les villes (|u'il occupait déjà. Le traité qui consacra ces importantes stipulations fut conclu à Cambrai le 10 décembre 1S08 '. Toutefois la bonne intelligence entre Maximilien et Louis XII ne subsista pas longtemps. Jules X se détacha de la ligue dont le traité de Cambrai avait jeté les bases et en organisa une autre dans laquelle entrèrent successivement tous les membres de la première. Louis XII resta seul. Afin de se venger de Maximilien, il déclara la guerre à l'Empire en envahissant les Pays-Bas. Mar- guerite avait eu l'adresse de conclure, au nom de son père, un traité d'alliance avec Henri VIII (ligue de Malines), et trente mille Anglais se joignirent aux soldats belges. Maximilien accourut lui-même du fond de l'Allemagne pour animer par sa présence l'armée d'opération qui avait à lutter contre des troupes d'élite, commandées par des généraux tels que La Palice et Bayard. Il attaqua sans retard les Français qui avaient pris position à Guinegate et les défit com- plètement. La prise de Térouenne fut la conséquence de celle victoire (août 1513). Tournai, qui était une ville française depuis Philippe-Auguste, fut également forcée de se rendre aux forces combinées de Henri VIII et de l'Empereur. Bientôt Louis XII demanda la paix. Des négociations s'ouvrirent et le traité de Londres (7 août 1514.) suspendit provisoirement les hostilités entre l'Empire et la France ^. Sur ces entrefaites, Charles-Quint atteignit sa majorité (février 1515). Sa lante Marguerite lui abandonna aussitôt le gouvernement du pays. Bientôt une nouvelle couronne échut au jeune souverain, celle d'Espagne, laissée < Ilaltliaus , Maxim. I, pp. 217, 2'20. 2 Ualthaus, ibid., pp. 241, 242. Tome XXXVI. 15 108 HISTOIRE DES RAPPORTS vacante par la mort du roi Ferdinand (janvier 1516). MaximilitMi conseilla alors à son petit-fils d'aller recueillir la succession qui lui était ouverte; mais Charles, que d'importantes affaires retenaient en Belgique, dut relarder le voyage jusqu'au mois de septembre 1517. Il signa dans l'intervalle un nou- veau traité d'alliance avec Henri YllI et fut inauguré dans les différentes pro- vinces des Pays-Bas. Sa puissance était déjà redoutable. Il était désirable pour François I de l'avoir pour allié |)lutôl que pour adversaire. Les ministres du roi de France parvinrent à disposer favorablement les conseillers de Charles et à conclure avec eux le traité de Noyon (13 août 1516). Par cet arrange- ment François I obtenait le Milanais, et Charles le royaume de Naples; celui-ci épouserait la fille du roi. Maximilien donna son consentement à ces stipula- tions, pour autant qu'elles concernaient l'Empire '. Charles partit alors pour l'Espagne, en confiant de nouveau le pouvoir à la sagesse de sa tante Marguerite. Il adjoignit à la duchesse de Savoie une sorte de-conseil d'État dont les évèques de Liège et d'Utrecht firent partie. Enfin, autour de ce conseil particulier, il groupa le Grand Conseil de Malines, la cour de Hollande, le conseil de P-rabant, les grands collèges et les gouverneurs des provinces, pour l'assister de leurs avis. La Frise était de nouveau en ébullition. Mécontente de l'administration de Georges de Saxe comme elle l'avait été de celle de son frère Henri, elle se révolta contre son autorité (1504). Malheureusement pour lui, Georges avait perdu l'amitié du comle Edzard d'Emden qui s'était uni au duc Charles de Gueidre pour se remettre en possession de la Frise. Charles lui avait aussi en- levé la Groningue. La ville de ce nom subit des sièges en 1 500, 1 505 , 1 506; mais les Saxons ne parvinrent point à s'en rendre maîtres. A la fin de 1505, Georges de Saxe abdiqua tous ses droils en faveur de Charles-Quint, moyen- nant une somme de 350,000 fiorins rhénans. Maximilien ratifia cet arrange- ment dans lecpiel il vil un moyen de rattacher plus étroitement la Frise à l'Empire (1517); Florent d'Egmont fut envoyé en Frise comme gouverneur et il se rendit à Leeuwàarde pour être reçu en celle qualité "-. La principaulé de Liège, sous Érard de La Marck, jouissait d'un calme ' lliillhaus, L f., p. 249. ^ Wagenaar, Vad. geschied , I. c. DE DROIT PUBLIC, etc. 109 réparateur. Cependant ce prince, comme tous les membres de sa famille, était dévoué au roi de France dont les prédécesseurs avaient toujours protégé les La IMarck. Il alla même assister au couronnement de François 1. Mais croyant avoir eu à se plaindre des ministres de ce monarque, il fit mine de se rap- procher de la cour de Bruxelles. L'occasion était trop propice pour qu'on ne s'empressât point de la saisir. La principauté de Liège appartenait à l'Empire et sa position autant que la richesse de son territoire en faisaient un des mem- bres les plus importants du grand corps germanitiue. Sur les recommanda- lions de Maximilien, Marguerite chercha à conclure avec le prince-évèque un traité qui engagerait ses États d'une manière plus intime vis-à-vis de la Monarchie. Une alliance défensive entre l'évêché et le reste des provinces fui négociée secrètement et signée par Marguerite au nom de Charles-Quint (1518). A partir de ce moment, le prélat se montra sincèrement dévoué à l'Empereur et lui rendit des services importants, tandis (jue la principauté, sans faire partie intégrante de la Belgique, obéit aux mêmes impulsions et suivit les mêmes destinées. La dernière diète où il fut encore parlé, mais incidemment, de la Belgique, sous le règne de Maximilien, est celle d'Augsbourg (1318). Il y fut queslion du denier commun et autres subsides. Maximilien s'y engageait « tant pour lui que pour son cher fils Charles, roi d'Espagne, duc de Bourgogne, à exécuter fidèlement tous points et articles quelconques concernant l'aide contre les Turcs et autres contributions de même nature '. » Maximilien mourut peu de temps après (12 janvier 1319). Le grand règne de Charles-Quint allait commencer. ' Colleit. citée (les Artliives de Slutlgart. I. VIII, fol. ciié, lut. C, ii" 4. 110 HISTOIRE DES RAPPORTS CHAPITRE III. Caractère du siècle à l'avènement de Charles-Quint au trône impérial. — Coup d'oeil général sur le règne de ce prince. — Ses ennemis. — Conditions auxquelles il obtient la couronne des Césars. — Sa puissance. — Il achève l'unihcation territoriale de la Belgique. — Il acquiert successivement la temporalité d'iîtreeht, lOveryssel, la Frise, Groningue, le Drenthe, la Gueldre et Zutplicii. — Détails. — ïîituatioii des Pays-Bas, à cette épo(iuc, vis-à-vis de l'Em- pire. — Contributions diverses auxquelles ils étaient obligés de concourir. — Résistance des Pays-Bas aux décisions des diètes. — Matricules et contingents. — Efforts de Charles-Quint pour les faire coniribuer dans le conseil de régence. — Refus des États des Pays-Bas. — Insis- tance des Etats de l'Euipire. — Aouvel impôt turc. — Entretien de la Chambre impériale. — Charles-Quint charge le conseil de Brabant de l'exécution de la Bulle d'or. — Premières ten- tatives pour uniformiser les monnaies belges et celles d'Allemagne. — Marie de Hongrie remplace Marguerite d Autriche comme régente des Pays-Bas. — Réclamations des États de l'Empire aux diètes de VVorms (15:21), de Nuremberg (15:25-1524), de Spire (I52'J), d'Augs- bourg (1530) et de Ratisbonne (lo3l-l5il). Lorstjue Charles-Quint monta sur le trône impérial, il y avait un siècle, année pour année, que son trisaïeul, le duc Philippe le Bon commençait ce travail d'unification tpii devait placer la Belgi(|ue presque tout entière sous son autorité. Que de choses s'étaient passées durant ce siècle! Ce n'était rien moins qu'une transformation presque complète de la société du moyen âge. Byzance conquise par les Barbares, perdue pour la civilisation; le génie clas- sique de Tanliquité révélé à l'Europe par la bouche des fuyards du Bosphore; la pensée se multipliant à l'infini au moyen des caractères de l'imprimerie; la boussole devenue le guide sur des navigateurs; un nouveau monde décou- vert qui déverse sur l'Europe des richesses incalculables; la chevalerie expi- rant avec Bayard à la bataille de Romagnano; la science militaire transformée par l'invention de la poudre à canon : telle est, dans ses traits principaux, l'évolution de l'humanité pendant celte mémorable époque. Les idées sont dans une période d'attente et de doute. Un malaise moral pèse lourdement sur les masses. Des novateurs, tels que Arnaud de Brescia, Roscelin, Jean Huss et NViclef ont miné l'antique unité de la croyance chrétienne. Des abus graves, contre lesquels protestent en vain les con- ciles, rongent l'Église. Prêtre ou laïque, on demande à grands cris des réformes. DE DROIT PUBLIC, etc. 111 L'administralion des Elals a subi, elle aussi, des changemenls. Il y a une tendance générale à la centralisalion, née de la commune, qui veut la solida- rité, en opposition au système du fractionnement, issu de la féodalité, (|ui favorise rindi\idualisme. Rois et peuples travaillent de concert à créer Tunité de pouvoir : le vieil édifice du morcellement est sapé dans ses fondements. Ce phénomène se remarque partout^ en France où Louis XI bâtit la monar- chie sur les ruines de la féodalité, comme en Angleterre où les grands vas- saux sortent décimés des guerres meurtrières des deux Roses, et abandonnent désormais, sans résistance, le trône aux Tudors. il en est de même en Espagne où, les Maures vaincus, les principaux royaumes sont réunis sous le même sceptre, et en Italie, où les fameuses républiques oligarchiques font place aux maisons souveraines. En Allemagne, après l'extinction de la famille de Luxem- bourg, la dignité impériale retourne à la maison d'Autriche et celle-ci la con- servera jusqu'à la chute de l'Empire; désormais l'élection ne fera plus (|u'y consacrer l'hérédité. Enfin, nous avons vu par quelle série de circonstances, où le bonheur et l'habileté ont une égale part, les ducs de Bourgogne con- centrent dans leur main puissante les provinces belgiques, jusque-là morce- lées et divisées. C'est alors que paraît Charles-Quint. On peut dire qu'il est le premier sou- verain des temps modernes. Son génie avait à la fois la profondeur, la perspi- cacité', la souplesse et la patience qui font les grands polili(|ues. Il ne lui fallut rien moins que des qualités de premier ordre pour tenir tête à la redoutable coalition qui se posa en face de lui à son avènement au trône des Césars et le poursuivit jus(|u'à la fin de sa carrière. Elle se composait de trois éléments étrangers et odieux l'un à l'autre. Il y avait d'abord les ennemis séculaires de l'Occident et de la civilisation qui menaçaient l'Europe et l'Empire d'une manière permanente : c'étaient les Turcs. Ensuite, on allait voir éclater la plus formidable commotion qui ait ébranlé le monde depuis la chute de l'empire romain : c'était la réformation. Enfin, il se trouva un prince, pompeusement nommé « roi-chevalier» et « très-chrétien, » lequel allait faire appel à l'Islam, (ju'il abhorrait, et à la réforme, qu'il proscrivait chez lui, pour susciter mille entraves, mille embarras à l'heureux rival qui l'avait frustré de la couronne impériale : c'était François I. 112 HISÏOIKE DES RAPPORTS Celle coalition ne laissa à Ciiarlcs-Qiiint ni irêve ni repos, et, en killant contre elle, il épuisa ses forces et abrégea sa vie. Déjà Maximilien avait fait des efforts pour faire nommer son pelil-fils roi des Romains; mais il n'avait point réussi. A sa mort, Charles brigua la cou- ronne impériale; il trouva dans le roi de France un compétiteur dangereux. Ce dernier mil tout en œuvre pour se faire élire et il dépensa des sommes énormes pour corrompre les électeurs. Le mar(|uis de Brandebourg se laissa gagner; plusieurs autres, par exemple l'électeur de Trêves, acceptèrent de l'argent sans se lier complètement. Il y eut jusqu'à un troisième candidat au trône d'Allemagne, Henri VIII d'Anglelerre. Si Charles, qui était déjà roi d'Espagne, de Hongrie, de Rohème et héritier des possessions de la maison de Bourgogne, l'emporta sur ses concurrents, il le dut au zèle vigilant et aux négociations actives de sa tante, Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pavs-Has. Il fut élu à Francfort le 28 juin lol9 et couronné à Aix-la-Cha- pelle le 23 octobre \oW '. Lors des négociations (|ui eurent lieu entre Maximilien et les princes élec- teurs au sujet de la nomination de Charles comme roi des Romains, les princes avaient communiqué à l'Empereur un cahier renfermant les conditions sous lesquelles ils étaient disposés à lui donner leurs voix. Ces conditions furent reproduites et augmentées, et soumises à Charles lorsqu'il demanda la succes- sion de son grand-père ; son élection n'eut lieu qu'après que ses ambassa- deurs, se trouvant à Hochst, près de Francfort, eurent signé, en son nom, trente-deux articles, qu'on leur présenla sous le nom de capilulalion de l'élec- tion de VEm\)eveuv {]yaldrapilu(alion). Charles les souscrivit personnellement avant son couronnement à Aix-la-Chapelle. Les électeurs craignaient que le ' L'histoire des intrigues de François I et des négociations de Marguerite en vue de la cou- ronne impériale na été révélée coniplétenieiit que de nos jours, grâce aux nombreux documents reposant aux arcliives de Bruxelles, etc. Déjà, en I8ô;j, Mone publia dans le Anzeicjer fin- Gcschiclite (les Mitlelalters des lettres qui s'y rapportent. Eu 1839, Lcglay développpa toute lafiaire dans les yccjua'aliuns eliplumaliciiies entre la France et l'Autriche, durant les irenti^ premières années du XVI" siècle. Les renseignements furent complétés par la correspondance de Charles publiée par Lanz. Un bon résumé des négociations relatives à l'élection de Charles V se trouve dans l'ouvrage de M. Théodore Juste : Charles-Quinl et Marguerite d'Autriche. Bruxelles, 1857. DE DROIT PUBLIC, etc. 113 jeiuie monarque auquel ils décernaieii! le sceplrc ne fùl teiilé un jour de régner sur eux en maître absolu comme il le faisait en Espagne et, à Taide des capitulations, ils mirent des homes à son pouvoir '. , Charles s'engageait à défendre le Sainl-Siége et TÉglise en qualité d'avoué suprême de cette dernière, à confirmer les lois existantes et les ordonnances de l'Empire cl à les améliorer avec le consentement des Etals; à réiahlir le Conseil de régence [Reichsreghiienl) abandonné depuis 1302; à ne faire aucune alliance relativement aux affaires de l'Empire ni avec des puissances étrangères, ni même avec des princes de l'Empire, sans rassenliment des élec- teurs; à n'entreprendre aucune guerre concernant l'Empire, à ne point intro- duire des troupes étrangères sur son territoire, etc., etc. Charles dut aussi promettre de tenir sa première cour à Nuremberg; mais une maladie conta- gieuse qui régnait dans cette ville l'empêcha d'exécuter cette promesse. L'inauguration solennelle du règne de Charles-Quint eut lieu à la célèbre diète de Worms, convoquée le 1'^' novembre 15:20 el ouverte le 6 janvier sui- vant. Les alïaires à traiter à celte dièle étaient nombreuses el importantes. Il fallait prendre des mesures pour terminer la guerre entre révê(|ue de Hildes- heim et ses alliés, d'une part, el le duc de Brunswick et les siens, de l'autre; il fallait pacifier le Wurtemberg, désolé par la guerre qu'avait occasionnée l'assassinat du chevalier de Ilullen, tué par le duc Ulric dont Ilulten avait séduit la femme; il s'agissait surtout d'apaiser la grande agitation causée par les doctrines de Luther dont les écrits allaient mettre l'Europe en feu et l'Alle- magne en sang; enfin, on avait à s'occuper de toutes les grandes affaires (pii étaient revenues sur le tapis dans les diètes depuis U9S, à savoir de la paix publique, de la Chambre impériale et de la question d'argent. Cette dernière, plus spéciale que les autres, louchait directement aux rapports de la Belgique avec l'Empire; nous y reviendrons dans un instant. Le 24 février 1330, Charles-Quint reçut du Pape Clément VII la cou- ronne de Lombardie, cette célèbre couronne de fer qu'aucun Empereur n'avait portée depuis Charlemagne et que Napoléon I devait seul recevoir après lui. I Voy. la traduction des articles de la capitulation clicz Sclimidt, //i.s/. des Allemands, t. V, pp. l9û-t9G. 114 HISTOIRE DES RAPPORTS Enfin, le 27 février, il fui couronné empereur romain. C'était l'apogée de la puissance humaine. Les grands événements de son long règne, les quatre guerres qu'il eut à soutenir contre François I, ses généreux efforts pour maintenir Punité reli- gieuse ou tout au moins pour empêcher les dissidences de croyance de trou- bler l'union politique de la Monarchie, ses luttes incessantes avec les princes reijelles d'Allemagne, la révolte et la soumission des Gantois, ses deux expé- ditions contre Alger et les Rarbaresques, etc., ne rejaillirent que d'une manière indirecte sur les rapports de la Belgique et de l'Empire; mais il esl d'autres faits qui s'y rapportèrent d'une manière immédiate. C'est de ceux-ci (pie nous devons nous occuper. Nous avons à les examiner sous un double aspect : d'abord au point de vue des changements qui survinrent à l'intérieur; en second lieu, au point de vue des relations du pays avec le saint-empire d'Allemagne. Comme héritier de la maison de Bourgogne, Charles-Quint possédait dans les Pays-Bas, les duchés de Bral)ant, de Lind)ourg, de Luxembourg, les comtés de Flandre ' d'Artois, de Hollande, de Zélande, les marquisats d'An- vers et de Namur, la seigneurie de Malines, Tournai, et le Tournaisis, etc. H restait à soumettre d'une manière définitive les pays frisons et à acquérir le duché de Gueidre, le comté de Zutphen et la seigneurie d'Utrecht. Ce fut l'œuvre de plusieurs années; mais elle ne changea rien aux rapports de la Belgique et de l'Empire. ' A l'avènement de Charles, le siège d'Utrecht était occupé par Philippe, fils naturel de Philippe le Bon , qu'avait nommé l'empereur Maximilien. Grand seigneur, très-peu prélat et uniquement soucieux des choses temporelles, Phi- lippe n'avait point reçu les ordres. Il avait occupé divers emplois séculiers dans les cours du roi Philippe d'Espagne et de Maximilien et inclinait vers les doc- trines de la Réforme qui accordaient plus de facilité à ses goûts. 11 ne man- quait point, d'ailleurs, d'habileté et il en donna mainte fois des preuves. Charles ' I.a partie de la Flandre, appelée impériale, faisait toujours seule partie de l'Empire. L'Em- pereur n'en possédait pas moins la Flanilre tout entière. DE DROIT PUBLIC, etc. M» lui avait proposé une alliance offensive et défensive entre leurs Étals communs; mais rév^(|ue, comprenant que le poids de celte alliance aurait été beaucoup plus lourd pour son pays que pour le redouté monarque qui possédait tant de royaumes et de provinces, répondit d'une manière évasive. Il représenta adroitement que les droits du sang et les grâces qu'il avait reçues de Charles étaient des liens si solides pour Taltacher à ses intérêts, qu'aucune promesse ou alliance ne les pourrait rendre plus |)uissanls '. Mais |)eut-ètre eut-il lieu plus lard de regretter d'avoir décliné la proposition de l'Empereur. Force lui lut alors d'aller implorer son secours. Une sédition ayant éclaté dans la ville de Kampen , et n'ayant pas les moyens de l'apaiser, Philippe se rendit à Bruges auprès de Charles et lui demanda aide et assistance. Charles dépécha aussitôt un de ses conseillers aux révoltés et au ducdeGueIdre qui les soutenait, pour les rappeler au devoir, et il|)romitdes troupes au prélat; néanmoins la guerre dans laquelle il était engagé en ce moment avec la France lui lit perdre l'affaire de vue. Philippe mourut sur ces entrefaites au château de Duursiede (1324). Henri de Bavière lui succéda. Il eut tout d'abord de violents démêlés avec le remuant duc de Gueidre; mais celui-ci, voulant fortifier son parti pour mieuv tenir tête à Charles-Quini, lui proposa une alliance. Celte alliance aurait per- mis au duc de Gueidre de tourner les forces de l'évèché contre l'Empereur qui ne voulait point le reconnaître pour véritable duc, ni lui, ni aucun |)rince de la maison d'Egmont, ces princes n'ayant jamais demandé l'investiture du duché qui était fief de l'Empire et appartenait en propre à l'Empereur comme héritier de la maison de Bourgogne, puisque Arnould d'Egmont l'avait vendu à Charles le Téméraire. L'évèque Henri de Bavière n'accepla pas les propo- sitions d'alliance, et la guerre, renouvelée par le duc de Gueidre, fut conduite avec une fureur inouïe. Au bout de quelques années, lévècpie, fatigué de la lutte, se jeta dans les bras de Charles-Quint. Marguerite d'Aulriche, (jui gou- vernail alors les Pays-Bas au nom de l'Empereur, fil d'abord donner au prélat 6,000 ducats à titre de subvention, puis encore 25,000 autres ducats, en plusieurs termes, pour lever des troupes. Le duc n'en conlinuail pas moins le cours de ses victoires et de ses déprédations. Les villes d'Amersfoort et de ' Frcscliol, Histoire d'UlrecItt , pp. 170 et siiiv. Tome XXXVI. 16 116 HISTOIRE DES RAPPORTS Wyck, les seules qui restasseni encore à Henri , ne pouvant se soutenir plus longtemps, se mirent également sous la protection de Charles-Quint. qui pro- mit (le les délivrer bientôt des vcxalions du duc. L'audace de celui-ci croissait en raison de Timpunilé de ses allenlals. Son vaillant lieutenant, Martin de Piossem , un des [)lus fameux condoUières du seizième siècle, leva un corps de partisans avec lequel il marcha sur le comié de Hollande ([u'il dévasta. Enflé de ce succès, le duc de Gueidre lança une déclaration de guerre solennelle non-seulement contre la Hollande , mais contre tous les Élals de la maison de Bourgogne el contre l'Empereur, leur souve- rain. Charles-Quint, à qui ses grandes guerres laissaient un moment de répit, résolut alors d'agir avec vigueur. Il donna ordre à Georges Schenk de Tou- tenburg, un de ses meilleurs généraux en iielgique, de marcher conire le duc de Gueidre et de le chasser tout d'abord de la province d'Overyssel qui l'avait reconnu pour son seigneur. Le duc de Gueidre el Martin de Rossem, qui commandait à Ulrechl, opposèrent une résistance désespérée; mais le sort des armes décida en faveur de Schenk el de Henri de Bavière '. L'évêque n'avait, dans le principe, Irailé avec Charles-Quint que pour ob- tenir de l'argent el des troupes; mais il s'engagea bientôt secrètement à lui céder tous ses droits de temporalité , c'est-à-dire ceux qu'il avait comme sou- verain [Landesherr). L'Empereur acquit ainsi la ville et la seigneurie d'Utrecht. La cession eul bientôt lieu dans toutes les formes requises et elle fut com- muniquée aux États que le comte de Hoogslraten convoqua à cet effet. Les Étals approuvèrent et le pape Clément VH ratifia l'arrangement par une bulle du 21 octobre 1328 -. Le duc de Gueidre conclut aussi avec Charles-Quint une paix qui ne devait être que momentanée, el renonça solennellement à l'alliance de François 1. Le comte de Hoogslraten, commis par l'Empereur au gouvernement de la province d'Ulrechl, reçut le serment de fidélité de la ville, le 16 octobre 4528; mais sa qualité de général rendant sa présence nécessaire à l'armée, il laissa à sa place Jean de Termonde, qui avait élé gouverneur de Cambrai et * Fresctiot, /. c, pp. 204 et suiv. - Ibid., 1. c. — IlfL'bcrlin , t. XI, jip. (j6 , (i7. — Arl de vériftcr les dûtes, t. XV, ji. GS. DE DROIT PUBLIC, etc. 117 préposa à l'adminislralion particulière de la ville, Jean de Ciilembourg '. L'ac- t|uisilion de l'Ulreclit donnait en même temps à Charles-Qaint TOveryssel cpii en faisait partie; le Drentlie demeura à Charles de Gueldre. Les arrangements pris par Maximilien au sujet de la Frise et de la Gro- ningue,et dont nous avons parlé, n'eurent qu'un effet provisoire. Ainsi la cession faite par le duc Georges de Saxe à l'archiduc Charles et ratifiée par Maximilien, ne rencontra point Papprobation desGroninguois. Ils appelèrent de nouveau à leur secours le comte Ldzard d'Ost-Frise et le duc de Gueldre. La guerre conliiuia jusqu'en 1S17. Edzard se réconcilia alors avec l'archiduc, devenu roi d'Espagne, et Charles de Gueldre céda toutes ses prétentions sur la Frise (sauf la Groningue) au roi, moyennant 100,000 couronnes. Toutefois, à peine eut-il conclu le traité, qu'il se hâta de le violer. Les Frisons rançonnaient les Hollandais, dévoués au comte-roi et Charles de Gueldre, qui les soutenait, fut nommé seigneur héréditaire du pays par une partie des habitants (1520). La lutte reprit avec plus d'intensité que jamais. Les Frisons, habiles sur mer, et leurs alliés de ZnyoIIc attaquaient et pillaient sans miséricorde les vaisseaux hollandais; d'autres d'entre eux firent irruption en Hollande et en Brabant et menacèrent Leide et Bois-le-Duc lais- sant partout des traces désolantes de leur passage (1524.). Cependant Georges Schenk de Toutenburg , gouverneur au nom de l'Empereur, reprit l'avantage ; et les cruautés commises par le comte de Meurs, gouverneur au nom du duc Charles, aigrirent tellement les esprits qu'à la fin de 1524 toute la Frise reconnaissait l'autorité de Charles-Quint. Le duc de Gueldre se mil alors à la solde de François l"'' el prit part à toutes les campagnes contre l'Empereur. Il fut aussi compris dans la paix des Dunes ou de < ambrai (1529) par laquelle il s'engageait à entrer au service de l'Empe- reur, à recevoir de lui l'investiture de la Gueldre et duZutphen, moyennant une pension de 3,000 llorins, et, en cas de décès sans descendance légitime, à cédera l'Empereur ces deux provinces, outre la Groningue, les Ommelandes. le Drentheet le territoire de Koevorden. Les Groninguois demandèrent eux- mêmes, quehpies années plus tard, à se ranger sous la domination de Charles- ' Freschot, l. c. 118 HISTOIRE DES RAPPORTS Quinl , pour se soustraire aux vexations des Gueldrois. Les Etats du pays envoyèrent une députation à Bruxelles pour offrir à TEmpereur, par l'inter- médiaire de ^iarie de Hongrie, la possession héréditaire de la Groningue. Cette députation lut reçue avec honneur et le gouverneur de la Erise, Georges Schenk, alla à Groningue inaugurer le règne de TEmpereur le 7 juin lo36. Les Groninguois lurent maintenus dans leurs privilèges; mais ils durent payer une rente annuelle de 2,000 florins. Le gouverneur se rendit maître aussi en peu de temps des Ommelandes et du territoire de Ivoevorden, qui apparte- nait à Groningue. La Gueidre elle-même allait bientôt tomber au pouvoir de Charles-Quint. Le duc de Gueidre s'était, en 4554. , reconnu de nouveau vassal de la France en échange d'une somme de 50,000 livres tournois. L'Emperem-, pour le punir, Pavait dépouillé des terres de Groningue et de Drenthe dont il l'avait laissé investi. Le duc brûlait de se venger et il était à craindre qu'il ne se joignit à François I qui venait de recommencer la guerre. H était donc important de rempécher de prendre part à la lutte. On négocia avec ardeur et l'on manœuvra si habilement (pie le duc renonça définitivement à Groningue et à Drenthe, moyennant une somme de 35,000 carolus et une rente viagère de 25,000 '. Toutefois cet esprit opiniâtre, qui faisait plus de cas de l'argent que de la foi jurée, trahit bientôt sa parole. Tandis que les Français attaquaient Hesdin, il se porta sur Enkhuysen; mais il ne réussit pas à s'en rendre maître. Il prit alors une résolution désespérée. Il engagea les États de son duché à prêter serment de fidélité au roi de France , afin que, s'il venait à mourir, la Gueidre ne passât point à Charles-Quint. Mais il rencontra auprès des États la plus vive résistance et excita tellement la fureur populaire que ses châteaux furent pillés. Les États le forcèrent à consentir au mariage de sa nièce, Anne de Lorraine, avec Guillaume de Clèves, auquel il assura la succession de la Gueidre. Ils voulurent en outre qu'il résignât, de son vivant, le gouvernement 0 — Le seieneur d'Ei^mont-Ysselstein '''O '8 Le comte Oswald de Berg I'J4 '& ' Koch, ihid., pp. 210, 2-21. — Le second texte, puMié pour la première fois par Cortrejus, Ad ■mairie, semble être d'une rédaction postérieure à 1548. 11 y est fait mention du comte de Bourgogne et de Philippe II. (II"'' Malrikul ihr Hiilfe zinn Rœmerzùg , p. 31.) 2 II est à remarquer que le duché de Gueidre n'y figure point. 3 Cette rédaction fut faite probablement après la cession des droits de temporalité de l'évcché d'Utrecht à Charles-Quint. * La rubrique de la première est : Jahtiich zu Unlerhalt (des) Kammcrgerkitls; l'autre: Cum tiu(jme)ito, p. 220. Dans le principe, la contribution servait aussi à l'entretien du Conseil de régence. f* Indication évidemment erronée. C'est sans doute 50 qu'il faut lire. DE DROIT PUBLIC, etc. 125 Ces réparlitions faites par les États de l'Empire, Charles-Quint prit des dispositions destinées à en assurer refiicacilé. Il nomma ou plutôt se réserva le droit de nommer quatre membres au Reiclisregiment, deux comme Empe- reur, deux comme prince héréditaire d'Autriche et des Pays-Bas. Cet arran- gement fut pris de commun accord avec les électeurs, princes et autres Étals de l'Empire et il devait recevoir son entière application dans les pays que nous venons de nommer '. Il en fut do même pour la Chambre impériale. Afin qu'il y eût égalité dans la collation des places de ce tribunal , l'Empereur, de commun accord avec les États, choisit le Kammerrichter et deux assesseurs parmi les comtes ou barons, deux autres, comme Empereur, parmi les jurisconsultes, et deux parmi la noblesse, pour les pays héréditaires qu'il tenait de l'Empire ^. Enfin l'Empereur s'occupa aussi de la paix publique et « pour que tous les sujets de l'Empire pussent se féliciter de la consolidation de cette paix , l'Empereur et les États sont convenus de la maintenir et de la faciliter, spé- cialement dans les pays héréditaires de l'Empereur, et de l'y faire jurer par tous ^ » Les contributions pour les contingents ne s'obtenaient pas sans résistance, s'il en faut juger par l'extrait suivant que la diète consacra aux États « dou- teux et désobéissants. » Ces États, qui figurent sous la rubrique Bourgogne, étaient : Le seigneur de Nassaii-Breda pour 170 hommes à pied et (iO achevai. Le scigueur de Ilornes — 44 — et (i — Le seigneur de Berg — 5C — el 8 — Le seigneur d'Egmont-Ysselslein — 90 — et 20 — Le seigneur de Berg-Waaien — 134 — et 20 — Suit une nomenclature des dix cercles de l'Empire el des pays qui les com- posent. ' Archives royales de Stuttgart. CoUeet. Aeltere Reichstagsacten , t. VIII, fol. 170 et suiv., litt. D. a Ibid. 3 Ibid. 180 — et 40 44 — et () DO — et 20 IÔ4 — et 20 50 — et 8 ^26 HISTOIRE DES RAPPORTS Dans le cercle des Pays-Bas el de Wesiphalie figurent : Utrechl (évèelié) pour ilO hommes à pied et 100 à clicv; Cambrai (évêehé) — 1 64 — et 44 — Cambrai (ville) — 40 — et 4 — Dans le cercle de Bourgogne : Le duc de Bourgogne (l'Empereur) aver ses pays relevant de l'Empire pour 1,200 hommes à pied et 240 — Le seigneur de Nassau-Breda — Le seigneur de llorncs — l.e seigneur d'Egmonl-YsscIstein — Le seigneur de Berg-Waalen — Le comte Oswald de Bcrg — Charles-Quint, pour se concilier la faveur des Étals de TEmpire, désirait (jue les Pays-Bas acquittassent ces contributions : une lettre du 19 juillet 4 522 en fait foi ^; mais il rencontra de grandes difficultés de la part des Pays-Bas, d'abord en ce qui concerne le Conseil de régence. Comme celte institution n'exista que jusqu'en 1530, nous croyons qu'il n'est pas sans intérêt de montrer les efforts que fit le jeune Empereur pour y intéresser le Cercle de Bourgogne. Voici ce qu'il écrivit à ce sujet à Marguerite d'Autriche, en réfutant les objections qu'elle avait faites : « Touchant ce que me dites d'avoir différé l'envoi de maître Evrard de Veer au régiment de rEm|)ire et de ne pouvoir contribuer à l'entretien dudit régiment, parce que ce seroit rendre en servitude à l'Empire mes pays de par là plus avant qu'ils ne sont, vous et les membres du conseil privé devez vous souvenir qu'avant mon départ, ceste affaire fut plusieurs fois débattue el qu'il fut conclu que vous deviez y envoyer un député el la dite contribution. Or, comme je l'ai ainsi promis, juré el accordé en la journée impériale de Worms, toutefois sous protestation de non-préjudice des libériez el exemptions que pouvoienl avoir mes dits pays de non estre contribuables, tant pour garder ' Archives royales de Stuttgart. Collcct. Aidien; ReichlagsacIcH , t. Vlll, fol. 170 et suiv., litt. D. - Lanz, Corresp. de Cliarles V, t. I, p. ô4. DE DROIT PUBLIC, etc. 127 mon aulorité que pour ne pas melire en rupture les bonnes conclusions et ordonnances obtenues en celte journée el vu que je suis journellemenl requis et sollicité par mon frère et par ceux du dit régiment d'accomplir ma promesse, ou autrement que le dit régiment el la chambre impériale seroienl en voie de se séparer et de discontinuer leurs bons oflices , ce qui me seroit grande per- dicion d'honneur, autorité el réputation à peu d'occasion , je vous prie de ne plus différer le départ du dil maître Evrard ou quelque noble personne let- trée. — Certes, ne fusl que je suis Empereur, que je dois |)our ce monstrer le chemin el estre le premier d'accomplir les choses promises à l'honneur, bien, utilité de paix et justice à l'Empire, je n'aurois garde y envoyer ny payer aucun argent pour mes dits pays. D'autre part, celui qui sera envoyé au dil régiment, fera ce bien à mes pays d'obvier aux choses qui s'y pour- roient traicler ou besoigner au préjudice de leurs libériez; car plus facilement l'empeschera-t-il avant la conclusion qu'après, quand la chose seroit en train d'exécution. Pareillement, le salaire du dil conseiller sera pris sur la contri- bution imposée à l'Empire; assavoir s'il est noble homme lilléré, il aura 800 llorins d'or; s'il est noble, fors seulement docteur ou licencié, il aura 600 florins d'or '. » Celle lettre est du 31 octobre 1322. Charles-Quint s'empressa de donner avis de sa démarche à l'élecleur palatin : « Nous avons disposé, dit-il, que le payement des taxations de nos pays héréditaires pour l'entretien au Con- seil de régence serait exécuté et nous avons écrit à cette fin à notre chère tante dame Marguerite afin qu'il lui soit agréable (|ue notre contribution des Pays- Bas [Niederbnrfjyumlischer Anschlag) soit payée immédiatement et sans plus amples relards. Donné à Valladolid, le 1" novembre 1522 '". » Mais les Pays-Bas n'imitèrent pas l'empressement de rEnq)ereur. Celui-ci fut obligé de renouveler son ordre l'année suivante ( 1 6 mars) « pour les causes et raisons par ci-devant escrites à Madame "". » Toutefois sa volonté échoua devant l'opposilion des Étals belgicpies; peut-être d'ailleurs Marguerite d'Au- ' Archives royales de Bruxelles. Reg. Correspondance , fol. 48. 2 Archives royales de SluUgart. Cullecl. Aellere lieich.sdtçjsatten, elc, t. VIII, fol. 170 et siiiv. ^ Reg. Corresp., fol. 9o. Cf. Henné, Hist. du règne de Cliarles-Qiiint en Behjùpie, t. VIII, pp. 518 et siiiv. 128 HISTOIRE DES RAPPORTS triche ne le sccondail-elle pas assez. Quoi qu'il en soit, la régente écrivit à Charles-Quint pour se disculper : « Ils m'ont escript une seconde fois pour avoir dix mille florins pour la quole de ces pays de par deçà dans la dépense de la guerre de Tuitiuie et de l'entretien du conseil ordonné au régiment. Mais je vous ai dit comment ceux du pays de par deçà, pour chose quel- conque, ne voudroient conlrihuer aux charges de l'Empire; qui plus est, ils ne voudroient permettre qu'en votre nom j'y contribuasse, hors que sans leur assistance je le puisse faire. Ils rappellent que l'Empereur, mon père, durant la minorité de votre père et durant la vôtre, quand il n'était pas pro- priétaire du pays, ne consentit ni ne souflril jamais le payement de celte contribution. Ils ajoutent que vous moins devez le faire; (|u'il vous im|)orle (le bien garder la liberté et l'exemption que vos prédécesseurs, les ducs de Brabant et de Luxembourg , les comtes de Hainaut , de Hollande , de Zélande, de Namur et autres seigneurs particuliers de vos dits pays, vous ont re- (juises '. » Prétendre que Maximilien , qui avait institué le cercle de Bourgogne, « n'avait jamais consenti ni souffert le payement de sa contribution à l'Em- pire, » c'était là assurément un argument nouveau; mais on conçoit qu'il était inventé pour les besoins de la cause. Marguerite insista sur ce point le !22 avril suivant : « Pour vous obéir, écrivit-elle à son neveu , j'eusse volon- tiers envoyé deux conseillers de voire pari au régiment de l'Empire et fourni à leur entretien ; mais avec ce que je ne connais homme de conseil qui voulût y aller el que je n'ay de quoy y fournir, ceux de ces pays, par les raisons déjà assez touchées, jamais ne le permettraient. Ils ont été fort troublés de se voir taxés par ceux de l'Empire à huit à dix mille florins pour la guerre contre les Turcs, el il n'y a moyen ny espoir de les amener à payer celle somme , à moins que les deniers ne soient fournis sans leur charge -. » Charles-Quint se sentil ébranlé par les arguments de la régente, el comme il allait avoir besoin des deniers des Pays-Bas pour soutenir la guerre contre François I , il lui répondit d'une manière évasive : « Je trouve assez pesans et ' Reg. Corresp., fol. 103. Leltre du 28 mars 1523. — Henné, /. c. •2 Ibid., fol. 114.— Henné, Le. DE DROIT PUBLIC, etc. 129 difficiles à résoudre les affaires toiichaiU l'enlrelien du dil régimenl. Néant- moins j'adviserai hriefd'y faire la meilleure réponse qui sera possible. Lors je vous adverlirai de ce (pril y aura à faire louchant les dix mille florins, à quoy ils ont taxé mes pays de par delà, pour contribuera la despense du Turc et salarier ceulx de la chambre impériale, quoique je n'entendisse jamais et n'entends encore assubjeclir en aucune façon mes dits pays es taux et aydes de l'Empire ; je veux , au contraire, les maintenir dans les exemptions, franchises et libériez où ils ont de longtemps esté, comme l'ont fait mes pré- décesseurs '. » Les Etats profitèrent de la condescendance de TEmpereur pour rejeter les subsides; Marguerite en informa son neveu : « J'entends bien que plusieurs des princes qui cherchent la dissolution de la chambre impériale,- la voudroient tourner sur ce (pie vous n'avez fourny à la portion accordée pour son entrelien ; mais aussi vous pouvez et devez fermement croire que les sujets de par deçà, pour chose qui à l'avenir pourroil leur en arriver, ne consen- tiroienl à y contribuer de leurs deniers '". » Il y avait une certaine contradiction dans la conduite de Charles-Quint, en se rangeant à l'opinion exprimée par les États l)elgi(iues relativement à l'érec- tion du Cercle de Bourgogne; car lors de la révision dos cercles de l'Empire qui eut lieu, en 1522, à la diète de Nuremberg, Charles confirma expressé- ment l'acte de Maximilien en déclarant que « les pays de Bourgogne forme- raient un cercle ', » et nous avons vu qu'il avait fait part de ses intentions à l'électeur palatin. La diète avait pris acte de cette communication et elle dé- cida que « puisque S. M. avait demandé elle-même de régler le payement des taxes de ses pays héréditaires et que S. M., à cause de ses autres affaires, n'avait pu y pourvoir jusqu'ores, S. M. serait encore une fois respectueuse- ment priée de vouloir bien indiquer quand, où, et chez qui le conseil de ré- gence pourrait s'adresser à fin de payement '. » En même temps la diète décréta la levée de 10,000 hommes de guerre el ' Lettre du 8 mai, ibid., n" 124. — Cf. llenne , loc. cit. « Ibid. Lettre du 4 avril 1525, n° 255. — Cf. Henné , l. c. ^ Le reccs de la diète, titre 2 , § 2 , porte : « Der Burguiidisch-Krayss. Und soll Burgund mit seiiien Landcn auch einen habcn. » Voy. Moser, Teutscites Staatsrechl , t. I, p. 297. * Archives royales de Stuttgart, Reichstagsacten , I. c. 130 HISTOIRE DES RAPPORTS^ détermina la part de contribution des pays belges, en bommes et en argent : L'évêque d'IUrcchl avait à fournir . . . lO'J '/- '""""••^'s à pied cl i>,4<>0 Uoriiis. Lévèque de Cambrai -il — <"' ''Si — LEmpereur coiniue duc de Bourgogne . . 300 — et 7,-20() — Les comtes Henri et tîuillanme de Nassau- lircda-Tliilniiers(L)illcnljourg). . . . C7 '/-• — et i,(j-10 — Le seigneur de llorncs Il — et 2()4 Le seigneur dEgmont-Ysselstein . . . . 22 V'-i — et 54(t — Le seigneur de Berg-VVaalen ôâ^li — et 804 — La ville impériale de Cambrai 'J — et 210 — ' Mais ces contributions ne furent acquittées (ju^avec uneextièine négligence, ou, pour mieux dire, elles ne le furent pas du tout. Les événements forçaient Cbarles-Quint lui-même à rendre moins intime le lien qui unissait les Pays- Bas à l'Empire. C'est ainsi qu'à l'occasion de l'appel d'un procès adressé à la Cbambre impériale, l'Empereur déclara la Belgique exempte de sa juridic- tion; mais, en revancbe, il s'engagea vis-à-vis des États de l'Empire à entre- tenir pendant deux ans, par moitié, le Conseil de régence et la Cbambre im- périale, les États d'Aulricbe et des Pays-Bas étant compris dans cet entretien pour une part, jusqu'à ce que leurs contributions fussent payées (1524) ". C'est qu'en elTet les agitations de la guerre allaient nécessiter de nouveaux subsides. Les Turcs el les Français, (jui avaient pour alliés les princes ré- formés, menaçaient el troublaient incessamment l'existence de l'Empire, l'n gentilbomme bongrois, Jean de Zàpolya, s'était fait couronner roi après la mort de Louis, tombé à JMobàcs, et, pour se soutenir, il n'avait pas dédaigné d'appeler Soliman à son secours. Celui-ci s'avançait avec une armée formi- dable. La guerre sévissait aussi violemment en Belgique, oii, malgré la paix de Candjrai, le prétendant de Gueldre, son lieutenant Martin de Bossem et François I avaient recommencé les hostilités et tenaient en échec les forces du pays et de l'Empereur. C'est dans ces circonstances que les États de l'Empire, assemblés à Spire (1529), demandèrent des secours importants. Les Pays-Bas y furent I Arebivcs royales de Stuttgart, ReiclisUKjsacten , I. c, t. Vlll, fol. 170 el suiv., liu. 7-'. '^ Dali, Dépave ptiblicu, 1. e., p. 'JôG. — Voy. § 1 du reeés de la diète. DE DROIT PUBLIC, etc. 131 astreints comme les autres. Voici quels étaient les contingents à fournir : Le seigneur de Nassau-Breda 1,045 florins. Le seigneur de Homes 2G4 — Le seigneur de Berg 216 — Le seigneur de Berg-Waalen 804 — Le seigneur d'Egmont-Ysselstein .... 840 — Le Cercle de Bourgogne 7,200 florins et 300 hommes à pied. L'évêquc d'Utrecht fut taxé à 2,460 florins et 102 '/a hommes à pied; mais, ayant fait parvenir à la diète une requête tendant à obtenir un délai, il fut, à cause de la guerre qu'il avait à soutenir contre les Gueldrois, dispensé jusqu'à de meilleurs temps d'envoyer le nombre d'hommes (pii lui avait été imposé. Quant au Cercle de Bourgogne, la diète le range parmi les « Etats douteux et contre lesquels il ne sera pas procédé, pour de justes motifs. » On demanda également une aide considérable contre les Turcs. La répartition se fit pour la Belgique de la manière suivante : L'évèché d'Utrecht avec les villes de Deventer, Zwolle, Karapen, Amers- foort pour 1,537 '^ h. à pied, 162 '/-2 h. à clieval, 3,000 florins. L'évèché de Cambrai 615 — 60 — 1,320 Le Cercle de Bourgogne 7,200 — 430 — 7,200 — Les comtes de Nassau-Breda . • . 810 — 100 — 1,800 — Les comtes de Ilornes 165 — 31 — 180 Les comtes d'Egmont-Ysselstein . . 337 '/2 — 75 — 600 — Les comtes de Berg-Waalen . . . 502'/^ — 97 — 600 — La ville //6re de Cambrai .... 133 — 140 — 120 — ' L'année suivante, la situation n'était guère changée, et la diète, réunie en ce moment à Augsbourg, demanda avec instances de nouveaux secours (1530). On décréta une contribution de -40,000 hommes à pied et de 8,000 cava- liers. La Belgique y dut contribuer comme suit : Le Cercle de Bourgogne. . . pour 1,200 hommes à pied et 240 hommes à cheval. L'évèché d'Utrecht avec les villes de Deventer, Zwolle , Kampen et Amersfoort pour 410 — et 100 I Archives de Stuttgart. Coll. Aeltere Reiclistagsaclen , t. VIII, fol. 170 et suiv., lilt. B. Tome XXXVI. 18 152 HISTOIRE DES RAPPORTS L'évcché de Cambrai . . . pour 164 hommes à pied et /i^-S hommes à cheval. Le duché de Gucldre Mémoire. Le comte de Nassau-Breda . . . 270 — et GO — Le comte de llornes 44 — et 6 — Le comte Oswald de Berg. ... 36 — et 8 — Le comte d'Egmont-Ysselstcin . . 90 — et 20 — Le comte de Berg-Waaien ... 134 — et 20 La ville libre de Cambrai .... 56 — et 4 i La dièle s'occupa encore de l'enlrelien de la Chambre impériale. On a vu que Charles-Quint s'était engagé à y contribuer, pendant deux ans, pour moitié. Cet engagement avait déjà été renouvelé. Cette fois l'Empereur promit de contribuer pour moitié, pendant trois ans, à partir du 11 no- vembre 1531. Cette moitié devait se prélever, avons-nous dit, sur ses pays héréditaires d'Autriche et de Belgique. Celle-ci fut, en conséquence, taxée aux sommes suivantes : Le Cercle de Bourgogne , à 225 florins. L'évêché d'Utrecht avec les villes d'L'trecht, Deventer, Z^\ ollc, Kampen et Amersfoort, à ^0 Le duché de Gucldre, à Mémoire. Le comte de Nassau, à *'* Le comte de llornes, à ^^*'-2 La ville impéi'iale de Cambrai , a '^ Nous n'avons pas pu vérifier si ces sommes avaient été acquittées. Une question qui n'a pas de rapport avec les contingents, mais qui est inté- ressante en ce qu'elle touche à la juridiction de l'Empire sur les Pays-Bas-, reçut vers le même temps sa solution. En 1524, on avait arrêté, en Hollande, quelques Brabançons pour les y attraire en justice. Cette mesure était mani- festement contraire au privilège de la Bulle d'or qui défendait, ainsi que nous l'avons exposé plus haut, qu'un Brabançon, coupable de n'importe quel crime ou délit, fût distrait des juges de son pays et jugé devant un tribunal étranger. Octroyé par Charles IV, ce privilège avait été confirmé solennellement par les empereurs Sigismond, Rlaximilien et, en dernier lieu, par Charles-Quint. ' Archives de Stuttgart. Coll. Aeltere Reichstagsaclen , t. VIII, fol. 170 et suiv., lilt. B. 2 Ibid., Aeltere neichstafjsacten , 1. c, Htt. B. DE DROIT PUBLIC, etc. 133 Charles, de l'avis des États de TEmpire, avait commis l'exéeiUion de la Bulle au conseil de Brabanl qu'il constitua à cet effet vicaire impérial « avec auto- rité de procéder contre tous contrevenants, princes ou membres de l'Empire, séculiers ou ecclésiastiques, de quelque rang ou condition qu'ils pussent être, comme contre des rebelles et les condamner à une amende de 200 marcs d'or, applicable pour une moitié au fisc impérial, et pour l'autre au duc de Brabant, et les priver de leurs droits, rangs, honneurs et dignités, et même de les mettre au ban de l'Empire, ordonnant bien expressément que tout ce que le conseil de Brabant fera et décernera dans cette matière aura la même force et vigueur, comme s'il eût été fait et décerné par l'Empereur lui-même '. » Le chancelier de Brabant prétendit donc que l'arrestation opérée par les Hollandais était nulle et de nul effet. En même temps, la cour suprême du Brabant rendit une sentence qui donnait gain de cause aux Brabançons. Les Hollandais ne se tinrent pas pour battus et en appelèrent directement à Charles-Quint. L'Empereur, désireux de maintenir ses bons rapports avec le comté de Hollande, porta l'affaire devant son conseil privé; puis, ayant pris l'avis des princes de l'Empire, il se prononça en faveur des Hollandais '\ L'année suivante, son ambassadeur Scepperus détermina la Chambre impériale à révoquer une sentence de proscription ^ Lors de la diète de Nuremberg (1532), les États de l'Empire prièrent Charles-Quint de décréter que les monnaies des Pays-Bas seraient rendues conformes à celle de l'Allemagne. L'Empereur promit de nommer des com- missaires à cet effet et de faire connaître sa volonté au Cercle de Bour- gogne Sur ces entrefaites, Marguerite d'Autriche mourut, emportant dans la tombe les regrets unanimes des Belges. Elle fut remplacée par la sœur de Charles-Quint, Marie, veuve du roi Louis de Hongrie. La jeune princesse cachait dans un corps frêle une âme énergique et elle joignait aux qualités de l'esprit une intelligence peu commune. Mais sa nomination au poste de ' Nony, Mém. hisl., éd. de 1784, p. 395. - \s\'.i hoon, Lecnroerigheijtl van Holland atin 't Byk, pp. 307-3I0. 5 Voir son rapport du 5 février 1551 dans Lanz, t. I, p. 17G. '* Voir le recès de la diète, titre IX, § 2. J34 HISTOIRE DES RAPPORTS gouvernante des Pays-Bas ne modifia pas d'abord la situation de la Belgique vis-à-vis de l'Allemagne. Les réclamations des États de l'Empire allèrent croissant. On continua à se plaindre aux diètes de ce que les Pays-Bas refu- saient d'acquitter leur part de la contribution générale ^ ; que même les pays d'Utrecht, d'Overyssel, de Gueldre, etc., n'avaient pas voulu fournir leur aide contre les Turcs, sous prétexte qu'ils assistaient l'Empereur dans sa guerre contre la France. La diète de Ratisbonne (1541) somma le Cercle de Bour- gogne, comme les autres, de s'acquitter, dans les deux mois, de ses obliga- tions ^. Cette injonction n'ayant pas eu la suite désirée , les Etats de l'Empire résolurent de ne plus s'en tenir à de stériles recommandations, mais de traiter la question à fond, d'engager à cette fin des négociations actives et pressantes et d'amener enfin les États belgiques à accepter une solution définitive ^. ' Voir le rccès de la diète de Worras (1535), § 7. 2 Arcllives de Stuttgart. Collect. citée, t. VIII, ibicL, litt. E. — Recès, § 40. ^ Charles-Quint, dont les démêles avec le duc de Clèves, au sujet de la Gueldre, n'étaient pas encore aplanis, présenta à la diète un mémoire qui établissait son droit quant au fond : « Assertio juris imperatoris Caroli V in Geldriaj ducatu et Zutphaniœ comitatu édita in eomitiis Ratisponensibus a. 1544 et confutatio oppugnantium Guil. ducis Cliviœ Francfortii exhibitarum 1339. » Antwerpiœ, •1541, in-S". DE DROIT PUBLIC, etc. 155 CHAPITRE IV. Nouvelles négociations relatives aux rapports de la Belgique et de l'Empire. — La diète de Spire (i^i'i) demande de nouveaux sulisides à la Belgique. — Marie de Hongrie objecte la guerre que la Belgique est obligée de soutenir contre la France. — Mission de Sasbout dans les sei- gneuries d'Utrecht et d'Overyssel. — Marie dénonce à la diète les tendances de François I et invoque le secours de l'Empire en faveur des Pays-Bas. — Viglius est envoyé à la dicte. — Charles-Quinl paye une portion des contributions ducs par la Belgique. — Celle-ci continue à être comprise dans les matricules. — Viglius et Krychingen sont envoyés à la diète de Nurem- berg (1543). — Ils obtiennent un délai de payement. — Démarche des États de l'Empire auprès de François I en faveur des Pays-Bas. — Mémoire de Granvelle sur l'affaire de Gueidre. — Décision de la diète à ce sujet. — Diète de Spire (lLi44). — Lettre de Charles-Quint à Boisot et à Viglius. — Les États de l'Empire réclament les contributions d'Utrecht et d'Overys- sel, sous peine d'exécution par le fiscal. — Les Pays-Bas sont astreints au payement de l'impôt turc par le denier commun. — Démarches infructueuses des Etats de l'Empire. — Dicte de Worms (1545). — Ultimatum posé à Viglius. Tandis que la diète était encore assemblée à Ratisbonne, des bruits sinistres parvinrent aux députés de l'Empire. Soliman menaçait de nouveau la Hon- grie et l'Europe. Zâpolya, fatigué du despotisme des Turcs, avait rompu avec eux et conclu un traité avec Ferdinand , et Soliman brûlait de se venger de son ex-vassal. Cbarles-Quint ayant tenté la conquête d'Alger, les éléments, bien plus que les troupes de l'ennemi, avaient empêcbé le succès de l'entreprise. Ses armes avaient, d'ailleurs, éprouvé des revers sensibles en Espagne, en Italie et dans les Pays-Bas. François I, instruit de tous ces événements, guettait le moment de reprendre l'offensive. La position eût été difficile pour Charles- Quint, assailli de tant de côtés à la fois, si ses ennemis, agissant de concert, avaient réuni toutes leurs forces; mais le défaut d'unité et d'action de leur part favorisa l'Empereur. Quoi qu'il en soit, il fallait songer à organiser de prompts secours '. Le roi des Romains demanda à la diète de Spire, qui s'ouvrit au commen- cement de 1S42, une nouvelle armée de 40,000 fantassins et de 8,000 cava- liers, et les princes rebelles, plus préoccupés pour un instant de la crainte du Turc que de leur haine contre l'Empereur, promirent de la mettre sur pied. Cependant les États de l'Empire insistaient vivement pour que la Belgique J Henné, Hist. du règne de Charles-Quiiit, l. VII , L c. 136 HISTOIRE DES RAPPORTS l'ournîl son conlingent el ils pressaient Marie de Hongrie de s'exécuter, la lutte contre Tislamisnie absorbant des sommes énormes. Mais la Belgi(|ue, elle aussi, était rudement éprouvée. François I, d'accord avec les rois de Suède et de Danemark et le prétendant de Gueidre, avait jeté un corps d'armée dans le Luxembourg, tandis que les bandes de iMarlin de Uossem mettaient le Brabantà feu et à sang. Dans ces conjonctures, la gou- vernante ne pouvait que répondre évasivement; elle ne niait point d'une manière absolue le lien de la Belgi(iue avec l'Allemagne, mais elle s'excusait de ne pas envoyer les subsides demandés, empêchée qu'elle en était par la guerre violente qui sévissait dans les Pays-Bas '. Or, la conservation de la Belgique était nécessaire à rEnq)ire, et il importait de la défendre contre François I et ses alliés, dont les agressions n'étaient pas moins dangereuses que celles des Turcs. Peut-être cette réponse n'était-elle pas sans cacher l'une ou l'autre arrière-pensée, ainsi que nous le verrons plus loin. Toutefois, pour faire preuve de bon vouloir et ne pas indisposer outre mesure les Étals de l'Empire, Marie de Hongrie se résolut à demander leur conlingent aux seigneuries d'Ulrecht et d'Overyssel, qui appartenaient au Cercle de NYesIphalie. Elle chargea de ce soin messire Josse Sasbout, con- seiller de l'Empereur ^ Cependant, en attendant que le résultat de la mission de Sasbout fût connu, les conseillers chargés des affaires de la guerre turque, à Spire, continuèrent à insister auprès de la reine pour le payement des contributions des Pays- Bas' et ils invoquèrent l'opinion du roi des Romains, qui écrivit à Marie pour l'engager à remplir ses obligations '*. Les conseillers expédièrent la lettre de Ferdinand à la reine le 30 juin ^. Marie fit une diversion habile à ces récla- mations. De l'avis de son conseil et de Scepperus en particulier, elle se plai- gnit vivement à l'électeur de Cologne, qui lui avait transmis un message des États de l'Empire, des attaques incessantes du duc de Clèves contre la Gueidre. ' Arcliives royales de Bruxelles. Coll. Documents relatifs à la réforme religieuse, t. V, fol. \\-2, 114. 2 Voir l'instruction dans Lanz , t. Il, p. 21)(i. s Doriimeiits relatifs à la réforme rel'gieiise , I. V, fol. Iri7. Lettre du 23 juin 1342. * Ihid., fol. 130. Lettre du 23 juin. :i Ihid., fol. 133. DE DROIT PUBLIC, etc. 137 Elle dénonce le faux semblant de légalité dont se pare le duc de Clèves et incri- mine hautement la complicité du roi de France, dont toutes les protestations pacifiques sont autant de mensonges. Elle assure que l'objectif de François 1 n'est pas seulement de conquérir les Pays-Bas, comme il est en train de le faire, mais, si l'on ne s'y oppose vivement, de s'attaquer au territoire même de la nation allemande et d'étendre sa domination jusqu'au Rhin {Ois an den Rheinslwin). 11 est donc de toute nécessité, continue la reine, que les Étals de l'Empire pourvoient à un tel état de choses en donnant aux Pays-Bas un secours qui leur permette de résister avec avantage à leur ennemi. Elle met à cet effet l'électeur de Cologne directement en cause, en lui démontrant les inconvénients qui résulteront pour lui de l'occupation des Pays-Bas, puisqu'il en est le plus proche voisin; elle signale enfin les calamités qui s'ensuivront pour l'Allemagne tout entière '. Pour donner plus de poids à ses paroles et avoir au sein même de la diète un défenseur intelligent, Marie de Hongrie donna des lettres de créance à Viglius et le chargea de plaider la cause des Pays-Bas devant les États de l'Empire. Elle prie ceux-ci de recourir aux lumières du conseiller de S. M. I., qui leur exposera verbalement les raisons de la gouvernante, et exprime l'es- poir qu'ils lui accorderont une foi entière comme à elle-même ^. Charles-Quint partageait les appréhensions de Marie de Hongrie. S'il s'était peu ému de la ligue qui s'était formée contre l'Empire, la situation des Pays- Bas n'était pas sans lui inspirer des inquiétudes; menacés de tous côtés à la fois, sans alliés et sans moyens de défense bien organisés, il lui semblait difii- cile qu'ils pussent résister à leurs nombreux ennemis. Il fit part de ses craintes à Ferdinand. « J'ai plus de peine de la voir en cet état, dit-il, parlant de sa sœur, que de tout ce que l'on entreprend et me menace par terre et par mer. » Il chargea en même temps Ferdinand d'engager les Étals de l'Empire à se- courir ces provinces, à déclarer la guerre à la France et à punir la trahison du duc de Clèves '. La « crainte qui le troubloit le plus, » on la trouve encore exprimée dans une lettre du 28 août 1S42, pressant le roi des Romains ' Documents relaU/s à la réforme religieuse, fol. Ibl. LeUre du 5 août tb-42. * Ibid. Lettre du 15 août. 3 Lettre du 20 août 1542, ap. Lanz, Corresp., t. II, p. 552. 138 HISTOIRE DES RAPPORTS d'obtenir rintervention armée de la Germanie el de demander au duc de Saxe el au landgrave de Hesse l'envoi dans les Pays-Bas des troupes levées par eux contre le duc de Brunswick ' . Cependant le fiscal de l'Empire avait envoyé à la reine plusieurs somma- lions de fournir Vaide contre les Turcs et de payer la contribution pour Ten- trelicn de la Cbambre impériale. 31arie lui écrivit pour l'informer qu'elle avait envoyé Viglius aux États de l'Empire afin de leur expliquer ses raisons et d'alléguer ses excuses. Elle a aussi, ajoute-t-elle, donné à Viglius mission de se concerter avec le fiscal et elle émet l'espoir que ce dernier ne procédera |)oint, avant d'avoir entendu Viglius, contre le gouvernement des Pays-Bas, mais qu'il fera surseoir le procès, ainsi qu'il en a le pouvoir "". Deux lettres pressantes arrivèrent encore à la gouvernante, insistant pour une exécution prompte et rapide. 3Iarie répondit assez longuement en oppo- sant aux États une nouvelle fin de non-recevoir. « Rien n'était plus dans ses intentions, disait-elle, que de concourir à l'œuvre sainte de son frère en four- nissant le contingent du cercle pour aidera repousser les Turcs. » Mais tandis qu'elle allait se mettre en devoir d'exécuter ce projet, c'est-à-dire avant que les armements eussent lieu, le roi de France, secondé par ses alliés, les ducs de Clèves, de Holstein et autres souverains, ne s'est épargné ni peines ni efforts non-seulement pour envahir et dévaster les Pays-Bas, mais aussi, comme cela résulte clairement de toute sa conduite, pour faire man- quer l'entreprise contre les Turcs et jeter le trouble et la confusion dans l'Em- pire. Dans ces conjonctures, (jue faire? il fallait songer avant tout à la con- servation du pays héréditaire et des sujets de S. M. I. et l'on a fait des dépenses énormes pour repousser les attaques de l'ennemi ; mais par là on a été empê- ché de donner suite au projet de contribuer à la guerre contre le Turc. On a immédiatement instruit les Étals de cette situation. Néanmoins, comme depuis lors le danger s'est accru de jour en jour et que le roi de France et ses alliés ont attaqué le pays par terre et par eau, il a fallu réunir contre lui toutes les forces de la nation. Que les États de l'Empire veuillent bien se persuader que ' Même lettre du 20 août 1342, p. 352. — Cf. Henné, Hist. du règne de Charles-Quint, t. VIII, p. 57. * Lettre du 22 août. Documents relatifs à la réforme religieuse , t. V, /. c. DE DROIT PUBLIC, etc. 159 le roi de France ne tend ciu'à prendre pied en Allemagne. Au résumé, la bonne intention du gouvernement des Pays-Bas de contribuer à la guerre contre les Turcs, d'exécuter le recès de Spire, ne peut être mise en doute; mais des obstacles insurmontables ont paralysé ces généreux desseins. Les États excuseront ce défaut d'exéculion, persuadés qu'ils sont qu'il importait de conserver à la Monarcbie « ces Pays-Bas de, S. M. L qui sont en partie soumis à l'Empire [die (tins Tliails clein roin. Reich uiilervorfen) et sont un boulevard contre la France [uiind ein Vormanor geyen Fraiigreicli sein '. » Mais Cliaries-Quint , «pii avait des ménagements à garder, déclara qu'il allait enjoindre sans retard aux Élals belgicpies de fournir à l'Empire la con- tribution imposée au cercle de Bourgogne par le recès de 1321 -, et, afin de montrer incontinent ses bonnes dispositions, il paya, comme souverain des Pays-Bas, 12,000 florins sur les 23,916 fl. 4.3 kr. qu'on lui demandait. Cette affaire fut négociée par son ambassadeur de Naves ^. Malgré l'altitude d'abstention prise par les Pays-Bas, la diète ne négligea pas de les taxer relativement aux aides contre les Turcs. La matricule qui les concernait contenait les évaluations suivantes : I^e Cercle de Bourgogne. . . t,500 hommes l\ pied el 500 hommes à cheval. Le comte de Nassaii-Breda . . :223 — et 50 — Le seigneur de Ilornes ... o3 — et 11 — Le seigneur d'Egmont . . . 112' 'J — et 25 — Le seigneur de Berg . . . . 107'/2 — et 25 — Le comte Oswald de Berg . . 45 — et 10 — Relativement à l'entretien de la Chambre impériale, la matricule conte- nait les fixations suivantes : Le cercle de Bourgogne avait à |)a}er 430 reichsthalers. L evéché d'Utredit 160'/2 — L'évéché de Cambrai GO — L'évèché de Liège avec les trois villes 200 — La Gueldre avec les trois ^illes 500 — [pour mémoire)'''. ' Doriimenis sur la réforme religieuse , t. V, fol. 157. "^ Moser, Teulsclies Staalsreclil , § 10. 5 Voir sa lettre à l'Emjicreur dans Lanz, t. H, p. 335. * .archives de Siultgnrl, Aellcre Reichslagsaclen , t. 1, fol. 308. Tome XXXVI. 19 140 HISTOIKE DES KAPPOKTS En ouli'o, le recèsde la diète émit l'espoir que rEmpereiir, ayant été empê- ché par les circonstances de faire fournir au Cercle de Bourgogne Taide pour l'expédition contre les Turcs, s'empresserait, aussitôt (|u"il serait en son pouvoir, de verser l'entièreté de sa quote; (|u'il fournirait en même temps la contribution dans les charges générales de l'Empire et que la reine, Marie de llongiie, serait priée de veiller à l'exéculion de ces mesures '. La diète s'occupa aussi des cercles de l'Empire. Le recès contient à cet égard les dispositions suivantes, applicables aux Pays-Bas: « Au capitaine en chef [oberslen Huuplmann) sont soumis les dix conseil- lers des cercles (|ui seront élus et envoyés par ces cercles, de telle façon que chaque cercle pourra et devra choisir et envoyer un homme habile et expé- rimenté dans la guerre. Ces dix cercles sont ceux des quatre électeurs du Rhin (bas Rhin), de Franconie, de Bavière et d'Autriche, ceux de Souabe du (haut) Rhin, des Pays-iîas et de Wesiphalie, de haute Saxe, de basse Saxe et de Bourgogne. C'est dans ces dix cercles que seront établis les dix conseillers, lesipiels seront soumis à l'Empire, exécuteront et faciliteront ce (|ue la majorité aura décidé et devront obéissance au capitaine en chef. » Ce dernier pourra aussi requérir en tout temps d'autres gens de guerre expérimentés et les consulter d'après les besoins et les circonstances, afin qu'il arrive d'autant moins d'erreurs ou d'empêchements dans la perception du ileiner commun et dans les évaluations. » C'est ce que nous avons décidé conjointement avec les commissaires impériaux, à la place et au nom de S. ]\L L pour nos pays liérédilaires et ceux de S. 3J. I. Cet arrangement étant nécessaire pour le bien de la chré- tienté, nous ne pouvons ou ne devons rien faire qui puisse y porter atteinte ou permettre que les autres le fassent. En consé(iuence , nous avons résolu , au nom de S. i^L et pour nous-mêmes, avec les électeurs, princes et Etals de procurer la paix dans l'Empire et dans nos pays héréditaires et de la main- tenir avec les autres monarques chrétiens ^. » L'insistance de plus en plus vive des États de l'Empire et la résolution que prit en leur faveur Charles-Quini mirent la reine Marie dans un singulier * Voy. le recès de la dicie, §§ 10, 11 cl 1:2. * Arctiives de Stuttgart, Aellere Reichstagsactcii, l. Vlll, fol. 170 et suiv., liit, E. DE DROIT PUBLIC, etc. lit embarras. Elie se Irouvail placée devant une allernalive dont les deux issues élaicnt également fâcheuses. Si elle continuait à refuser les contributions impériales, elle devait nécessairement s'engager avec PAIIemagne dans un conflit d'autant plus regrellable que la Belgique était en butte aux attaques continuelles de la France. Si elle faisait droit aux réclamations de l'Empire, il était à craindre que les États des Pays-Bas, sur (pii pesaient les plus lourdes charges, ne se montrassent disposés à imiter la conduite des Gantois et, au besoin , à se melîre en opposition ouverte avec la régente. Dans cette extré- mité, Marie de Hongrie prit le parti le plus sage : elle chercha à gagner du temps en négociant. Josse Sasbout avait exécuté les ordres de la reine dans l'évêché d'Ulrecht; mais sa mission n'avait point profité à l'Empire. Lors(pie le contingent du pays fut armé, l'invasion de iMarlin de Rossem lui fit donner une autre des- tination ; on l'incorpora dans l'armée du prince d'Orange. Marie s'en excusa elle-même dans l'instruction qu'elle donna, le 21 octobre 1542, à Viglius de Zuychem et au baron de Krychingen envoyés par elle, au nom de l'Em- pereur, à la diète qui allait s'ouvrir sous peu à Nuremberg '. Cette instruction, d'une étendue relativement considérable, est une des plus importantes, au point de vue du différend <|ui existait entre la Belgique et l'Empire, que l'illustre sœur de Charles-Quint ail signées. Elle servit, du reste, de base aux instructions subséquentes. Aboidant avec autant de fran- chise que d"liabilelé le fond du débat, la reine Marie invocpie avant tout le principe de la réciprocité. Examinons avec l'attention qu'il comporte ce remar- quable document. La reine n'a pas envoyé de contingent de guerre aux Etals de l'Empire ni pour le Cercle de Bourgogne, ni pour les pays d'I'trechl et d'Overyssel : voilà le point de départ de l'instruction. C'est à Viglius et à Krychingen de faire valoir les raisons qui Justifient celte abstention. Tout d'abord, en ce qui concerne Utrecht, la reine s'est fait un devoir d'envoyer un commissaire dans ce pays « pour faire faire la dicte contribu- tion » et, si la guerre avait cessé à temps, elle n'aurait pas manqué de ' Voir ccllo iiislnutii)n dans Laiiz, l. II, p. ÔKi. 142 HISTOIRE DES RAPPORTS foiiniir les conlingouls trillreclil cl d'Ovensscl, en dépit des proleslalions « des dicis pays » qui prétendaient n'avoir jamais contribué aux charges de TEnipire, parce qu'elle estimait « la résistance contre le Turci) eslre tout nécessaire et re(iuise pour le bien universel de toute la chrétienté. » Mais, « au regard du Cercle de Bourgoingne, » il en est autrement. La reine a lait des efforts pour savoir ce que c'est ([ue ce cercle « et quelz pays, nobles et gens d'église y povaienl eslre comprins; » mais elle n'a trouvé personne, de quelque âge ou état que ce soit, qui ait pu Tinslruire à cel égard. Tout le monde allirmail « jamais auoir oy faire menlion du dicl cercle, ne jamais auoir esté sommé ni appelé pour faire aulcune contribution avec ceulx de l'Empire et (|ue jamais ilz n'ont été appeliez de comparoir aux diètes impériales avec les autres membres de l'Empire. » Par conséquent, le soi- disant Cercle de Bourgogne « ne pouail compiendre les pays de par deçà » qui n'avaient rien de commun avec le duché de Bourgogne, bien que leur souverain actuel — Charles-Quinl — descendit des princes de cette maison. Déboutée de ce côté, la reine s'est adressée directement aux Etals de l'Em- pire pour obtenir des renseignements plus précis sur les pays qui, suivant eux, « devroient estre comprins soubz la dicte contribution. » Elle a obtenu poin- toute réponse que c'est l'empereur Maximilien qui avait institué le Cercle de Bourgogne. Or, il l'a fait « sans le sceu des pays bas qui n'ont jamais en ce baillie aulcun consentement » et il en avait d'autant moins le droit « qu'il n'esloil lors seigneur des dicts pays. » C'est depuis lors « que par la même erreur on a coutume es diètes impériales faire mention du dict cercle de lîoui'gogne du temps de rem|)ereur moderne, combien que ceulx des dicts pays ny soient este oyz , appelez ou somnu'z de comparoir ou contribuer avec l'Empire. » D'ailleurs, continue la reine, les États de l'Empire avaient promis de spé- cifier « les pays, nobles et prelatz qui debvroient eslre compiins sous le dicl cercle. » Comme une pareille déclaration n'a pas encore été faite, la reine n'a pas eu la faculté « de contribucion » pour les Pays-Bas, ni d'examiner si le contingent imposé à ces pays élail excessif ou non, et, en cas d'affirmative, de s'en plaindre aux diètes, « en faire doléance, » comme dit l'instruction, « ainsi qu'il fusl dict par le recès de Spire. » DE DROIT PUBLIC, etc. 145 Dans celle incerlilude, la reine a lail demander son avis à rEmpereiir. S. M. élail loiile disposée à accorder le conlingenl demandé; mais la guerre que fail aux Pays-Bas le roi de France « allié du Turcq » Pen a empêchée. Il élail donc impossible aux Étals belgiques d'envoyer le contingent, « estans les pays bas assailliz de iroiz cotés par trois diverses armées. » Ici se termine, à propi-ement parler, la première partie de rinsiruclion de la reine à ses envoyés. Elle a réfuté les prétentions des États de TEmpire el allégué ses propres excuses. Nous n'avons pas besoin de faire observer que cette réfutation était plus spécieuse que solide; mais elle élail conforme au système de raisonnement adopté par le gouvernement des Pays-Bas. Plainte- nanl la régente va aller plus loin; elle va prouver que si quelqu'un est en faute, ce n'est pas la Belgicpie, mais bien l'Empire. En effet, dit Marie de Hongrie, non sans finesse, si les Pays-Bas « doibvent eslre repuléz membres de rEm|)ire » ils sont plus fondés « à demander se- cours el ayde de rEnq)ire » (pi'à dégarnir leur territoire en envoyant leurs gens de guerre à l'étranger : voilà pourquoi ils se sont imposé des frais énormes afin de conserver le pays à l'Empereur. En agissant ainsi, ils n'ont pas moins fail que s'ils eussent « employé ledicl argent conlre le Turcq, » puisque « tout ce que le roy de France faict est pour favoriser au Turcq pour entreprendre sur l'Empire, avec espoir que, s'il avait les Pays-Bas de Sa Maiesté, il occuperoit facilement une bonne partie de la Germanie; » car — la reine insiste particulièrement sur ce point — depuis longtemps « il a fantaisie d'étendre ses limites jusques à la rivière du Bbin el appliipier à la couronne de France tout ce qui est sur le Bbin avec les tonlieux que l'on lève sur ladite rivière. » Enfin, la reine place la question sur un autre terrain. Après avoir excusé les Pays-Bas de n'avoir pas fourni de contingent et i)rouvé que par là ils ont rendu indirectement service à l'Enq^ire, elle va déclarer que désormais la Belgique ne pourra plus contribuer dans les subsides de l'Empire à moins de réciprocité. Lors même, dit-elle, que les Pays-Bas « fussent notoirement de l'Empire » et qu'ils eussent de tout temps contribué dans ses charges, il ne serait pas « raisonnable de les contraindre à ladicte contribution » sans leur donner en même temps l'assurance de les secourir « en cas d'invasion ou lAi HISTOIRE DES RAPPORTS de nécessilé. » En retour d'une pareille assurance, les Pays-Bas pourroient esire « alliez et conledérez avec la Germanie et contribueroient avec l'Em- pire » quoique, ajoule la reine, ils ne Taienl jamais fait; cet étal de choses naîtrait d'un accord raisonnaOle et ne pourrait en tout cas porter atteinte « aux |)rivilèges, lihertéz et droits dont les Pays-Bas ont de tout lem|)sjoy et usé. » C'est aux Etals de l'Empire à exposer leur senlimenl à cet égard. Voici les conditions sous les(|uelles cet accord pourrait avoir lieu. Les Étals des Pays-Bas devraient consentir — sans préjudice de leurs privilèges el sans que pour cela ils soient « aullroment lenuz subjecis de l'Empire » ou puissent èlre traduits devant la Chambre impériale — à contribuer « en toutes expédicions et aullres charges générales de l'Empire » autant que con- tribue un prince élccleur, moyennant (|ue les Etats de l'Empire s'obligent à secourir et à assister les Pays-Bas quand ceux-ci seront attaqués par n'im- porte quel prince, qu'ils les convoquent aux diètes impérialeset leur y accor- dent siège et vole, enfin (pi'ils leur « baillent assistence contre le roi de France. » Les pays (pii devaient èlre compris dans cet arrangement sont, d'après la reine : « Brabani, Lolhrick, Luxembourg, Flandres, Artois, la conté de Bour- goingne, liaynnau. Hollande, Zèlande, Frise, Namur, Ulrecht, Overyssele et Croniiigue avec leurs appartenences el deppendences » tels que les pos- sède l'empereur Charles-Quint. Que si les Elals de l'Empire faisaient didicullé d'agréer cet « accord, » Viglius el Krychingen auraient à insister sur le |)rincipe de la réciprocité et à répéler que si rAllemagne exige des coniribulions de la Belgique, elle doit soutenir celle-ci dans ses guerres contre François L S'ils refusaient de com- prendre Ulrecht et l'Overyssel dans les pays susénoncès, parce qu'ils ap|)ar- tiennent au cercle de Wesl|)halie et non à celui de Bourgogne, les commis- saires répondraient que ])ion (pi'il en soit ainsi, comme on soumet ces deux provinces à des coniribulions qu'elles n'ont jamais fournies, il est juste aussi de les faire bénéficier de l'avanlage des aulres et ainsi de les détacher du cercle de Wesiphalie pour les réunir aux premières. Que si, en dernière analyse, les Élals de TEmpire ne voulaient se prêter à aucun arrangement et exigeaient coniribulions et contingent sans aucune compensation, les com- DE DROIT PLBLIC. etc. 145 missairos diraionl qu'ils n'ont pas mandai à col égard ol abandonneraient à l'Empereur le soin de décider la cpieslion. L'analyse fidèle que nous venons de faire de celle célèbre insiruclion nous dispense de la commenler. Nous nous bornerons à ajouler (jumelle renferme en germe la liansaclion d'Augsbourg qui ne fui conclue que six ans plus lard el dont ridée picmière apparlienl, par conséquent, à Marie de Hongrie. Si le plan de la reine fut modifié dans quelques-uns de ses détails, le fond sub- sista tout entier. Munis de cette instruction, Vigliusel Krycbingen se rendirent à la diète de Nuremberg dont ! ouverture solennelle fut letardée jusqu'au 31 janvier 1543. Au milieu des graves affaires qui les préoccupaient, les États de l'Empire remirent innnédiatemenl sur le tapis la question pécuniaire et renouvelèrent toutes leurs exigences au sujet des Pays-Bas. L'arriéré de l'impôt fut vivement réclamé '. Parmi les États qui n'avaient pas encore acquitté leur quole, figu- raient : Le Cercle de Bourgiigiif pour 5,760 reiciistiialers. L'évèclié tlUlreriit li.l^O — L'évèctip de Caml)rai 880 — Le duc de Juliers Clc\ps (Giicldre). . . . 4,8()0 — Le comte de Nassau-lireda DOO — L:i ^ill(■ de Cambrai t-Vi — '^ Viglius el son collègue agirent conformément aux ordres (pi'ils avaient reçus; mais on a peu de détails sur les discussions que leurs arguments ont dû soulever. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils réussirent à obtenir de nouveaux délais. Les États de l'Empire, prenant en considération les frais énormes oc- casionnés à la Belgique par les incursions de François I et du duc de Clèves, l'exemptèrent pour celte fois des contributions à payer ^ Ils firent plus encore. Marie de Hongrie ayant averti son frère des dangers qui la menaçaient, Charles-Quint ( hargea ses commissaires près la diète de Nuremberg d'exposer aux princes el aux États de l'Empire la conduite du roi ' Arciiives de Suillsart. Coll. MS. Beklistaçisacteu voii lo4.j , l. I , fol. 318, 417. 2 Ibi'.l , Heiclislugsacten von IHiô , t. IV, fol. 97. 5 Hœberlin, Rcichsç/eschichte , t. XII, ]>. Ufl, et Neuesle Reichs'geschichte , t. I, \>. 420. — Wagciiaar, Vadeiiundsche Historié, t. V, p. 500. — Viglii Epistolœ in iwtis ad cjits vitam , p. 100 in AiiuU'cl. hdg. UQ HISTOIRE DES RAPPORTS de France qui, le voyant absorbé par ses préparatifs contre les Turcs , levait partout des soldats, augmentait ses forces dans le Piémont, rappelait ses gens d'armes sous leurs enseignes et se préparait, au mépris de ses engagements, à envahir de nouveau les Pays-Bas. L'assemblée envoya des députés à Fran- çois I pour Texhorter à ne point troubler la paix de la chrétienté et à se joindre plutôt à l'Empereur pour repousser les Ottomans qui avaient envahi rAllemagne. Mais celte démarche, (jue nous nous plaisons à signaler, échoua. François I répondit qu'il ne réclamait que-ce qui lui était dû '. Ce fut à la diète de Nuremberg (pie le litige pour le duché de Gueldre entre l'Empereur et le duc de Clèves reçut enfin une solution. Les débals furent entamés le 12 mars ' et poursuivis avec zèle de part et d'autre. On échangea plusieurs lettres et mémoires. Parmi ceux-ci, nous devons nous arrêter un instant à une réponse de Granvelle '\ Les Étals de l'Empire avaient prié le roi des Romains d'interposer ses bons offices pour terminer à l'amiable la guerre entre l'Empereur et le duc de Clèves-Juliers et exprimé le désir de connaître l'avis de la reine et des com- missaires impériaux sur celte importante affaire. Granvelle fut chargé d'ex- poser aux Étals ce qui suit : « L'assemblée n'ignorait pas que l'Empereur avait, à la dernière diète de Ralisbonne, démontré ses droits irréfragables au duché de Gueldre et au comté de Zutphen. S. ^L avait aussi enjoint au duc de Clèves de comparaître devant les États et lui avait donné un sauf-conduit à cet effet. Mais, au mépris de cet ordre, le duc, comme pour se jouer de l'Empereur, s'est rendu en France, s'y est marié et s'est servi du prétexte d'une alliance de famille pour déguiser son hostilité contre l'Empereur. Les commissaires du duc n'ont point répondu aux messages qu'on leur a adressés, le duc persiste à occuper injus- tement et illégalement la Gueldre, et ce n'est que dans l'assemblée actuelle que ses commissaires ont produit sa défense. Que si l'on examine celle dé- fense de plus près, on la trouve pleine d'erreurs et fausse tant en fait qu'en droit. Il suffira d'une briève réfutation pour le prouver. ' Ilennc , ///s(. tlu règne de Charles V en Belgique, t. VII , pp. 343, 346. ^ Reiclistugsucten von i543,t. Il, fol. 300, 5:22, 338, 555, 59'2, 395, 399. s Du 28 mars 1543. Archives de Stuttgart. Coll. MS. Reielis-und Nebenhundlungen zn Niirn- berg, 1343, t. IV, fol. 395-398. DE DKOIT PUBLIC, etc. 147 » Personne ici, conlinue Granvelle, ne juge nécessaire que nous reve- nions sur le droit évidenl de S. M. aux seigneuries de Gueidre et de Zul- plien. Or, le duc de Cièves s'élanl, par une machination frauduleuse, allié Tannée d'avant avec le roi de France, il envoya des troupes en Brabant et y dévasta les terres de S. M. Puis, ayant, à sa prière et par l'entremise de l'archevêque de Cologne et du landgrave de Messe, obtenu à Louvain une trêve de la reine Marie de Hongrie, il refusa de l'observer, la r()m|)il violem- ment et poursuivit la guerre pendant tout Ihiver au |)rix d'une trahison; la reine allait désarmer croyant qu'il licenciait et renvoyait une parlie de ses soldats. Force lui fui, pour la défense du territoire, de maintenir ses troupes sur le pied de guerre et de faire des dépenses considérables. Une seconde trêve de neuf jours étant survenue, le duc la viola le premier jour en en- voyant ses soldais en Brabant : il en fut honteusement repoussé. » Mais il serait trop long d'énumérer tous les attentats du duc de Cièves. Nous nous référons, dit Granvelle, aux deux mémoires qui furent remis aux Etats par les commissaires de la sérénissime reine et d'où il résulte que le duc de Cièves a commencé la guerre contre l'Empereur, son légitime suzerain, d'une manière perfide, sans motifs, contrairement à tous ses devoirs. » Ce qui est plus grave, c'est qu'il est cause que le roi de France a troublé la républi(|ue chrétienne et a causé des dommages incalculables aux pays hérédilaires de S. M. Enfin, il a empêché l'Empereur de joindre ses troupes à celles de la Hongrie et d'assister en personne à l'expédition contre les Turcs, On sait le mal qui en est résulté non-seulement pour la iialion allemande, mais pour toute la chrétienté. » A ces causes, les conseillers et ministres de S. M. pourraient invoquer le secours de l'Empire contre le duc de (élèves pour le punir de sa rébellion et de ses machinations contre rEm|)ereur; mais puisqu'il a plu aux Etals d'intercéder pour le duc, lesdils commissaires sont d'avis que l'Empereur et la reine-gouvernante ne refuseront pas de condescendre à traiter à l'amiable avec le duc de Cièves, sur des bases conformes à la raison, au droit et à l'équité. A cette fin, le duché de Gueidre et le comté de Zulphen seront res- titués à l'Empereur et S. M. sera indemnisée de ses frais de guerre dans le Brabant. Que si le duc de Cièves ou ses ministres refusent d'acquiescer à Tome XXXVI. 20 148 HISTOIRE DES RAPPORTS celle jiisle et honorable transaction, les commissaires prédits demandent (|ue les États de l'Empire veuillent dom)er aide et assistance à S. .M. contre ce relielle pour le réduire au devoir. » On le voit, l'Empereur, avant de traiter avec son vassal, exigeait (|ue celui-ci fit d'abord sa soumission. Le duc de Clèves ayant, grâce à l'inter- vention des Étais, paru consentii'à cet arrangement, la diète formula la pro- position suivante : « S. M. I., comme duc de Brabant, demandera et obtiendra en lîefdu saint-empire le duché de Gueldre; puis elle inféodera cette même principauté au duc de Juliers (Clèves) , laquelle le même duc et ses héritiers recevront à fief de la maison de Brabant ^ » D'après les ordres de Charles-Quint, ses commissaires répondirent « que le père de l'Empereur, le roi Philippe, d'heureuse mémoire, l'enqiereur Maximilien et le duc Charles de Bourgogne ont reconnu le duché de Gueldre el le comté de Zuiphen pour des fiefs de l'Empire et en ont reçu l'investiture à ce titre. L'Empereur actuel le reconnaît également el il a toujours eu l'in- tention, tant pour lui que pour ses successeurs, d'en faire reconnaissance à l'Empire. S. M. concédera le duché et le comté prédits au duc de Clèves comme arrière-fiefs el les lui transférera d'après le mode en usage, sous la réserve de tous ses "droits '. » Un accord fut conclu en ce sens entre la reine-gouvernante el le duc ''. Celui-ci ne devait pas tarder à le violer. Enfin, la diète fixa le conlingenl des Pays-Bas pour l'aide contre les Turcs comme suit : Le Certle lie Bourgogne . . . 1,200 liommcs à pied et 240 liommes à clieval. Le cnmle de Naesaii-Rreda Le seigneur de Horncs. . Le seigneur d'Iîgniont . . . Le eouite de Ik'rg .... Le comte Oswaid de Berg . . ' Arcliives de Stuttgart. Coll. MS. Avltere Reichstagsacten , i. VIII , fol. 170 et suiv. Prenve.s produites le ICi avril 1548, litt. H. 2 Ibid. "' //)(f/. Coll. ReiclistagsactC7i von 1343, t. III, fol. 1-35. ' Ibid. Reichstagsacten , 1. c, fol. 398. 48 — et 40 44 — et . ôiiS. To.ME XX.WL 21 15*6 HISTOIRE DES RAPPORTS craignait, en outre, (itrcn soiilenanl (|ue les Pays-Ras héréditaires n'avaient aucun rapport avec TEnipire, il ne fournil aux Étals helgiipies le prétexte de s'affranchir, par des arguments semblables, des contributions particulières qu'ils devaient à l'Empereur. Ajoutez à cela (pie Charles-Quint, pour se rendre les Etats de l'Empire favorables, leur avait déjà, à maintes reprises, promis plus (pie ce (pie les Pays-Bas devaient réellement. Afin d'écarter toutes ces difiicullés, Viglius adressa aux Etats une contre-demande, en les priant de préciser (piels pays ils entendaient comprendre dans le Cercle de Bourgogne '. Cette demande, aussi adroite (pi'inattendue, embarrassa un instant la diète; afin de se mieux préparer à répondre, elle résolut, le 2 août i545, de re- mettre la décision finale de la (pieslion à la diète suivante -. ' Viglii EpisloUv. in )iolis(id cjiis vitam , p. 100. — Wagenaar, t. V, /. c. - Arttiivos lie StiiUgart, Aeltere Ih'iclistafi.sactcii , I. c, l. Vlll, liU. G, n° 3 : t Gezogen iiss dein prolncol des f/elnilten Rciclislaijs zu Worinba anno 4.) deii Onrcjun- dischen Kraiss liclrefj'cnd. )> Des Ciuirfiii'sten Hatths bedennkcnn : » Des Burgiiiidischcn Kraiss halbenii, seiiui hedaclil dieweil das principal, das ist die Rela- tion, dei' Riiigerung, uff kiinfTiigenn lîeirlistag gcscliobenn werden wijile, so sey dise sachenn aneli daliin zuverschiebenii. » Des Fiirsteii Ratlhs bedennkenn darufï : » Den BiirgLindisclicii Kraiss betrefîcnd, vcrglcicbenn sie sirh mi! denn Cliurfiirslcn Rethcnn. Aftiim Wormbs 'i aiigustij anno ut supra. » DE DROIT l^LBLIC. etc. 157 CHAPITRE V. Diète d Aiigsbourp; (lu47- 1548). — Los négociations sont reprises. — Nouvelles instructions pour Vin^iius. — Il doit essayer de conclure une confédération entre les Pays-Bas et l'Empire. — Marie de Hongrie se rend elle-même à Augsbourg.— Apogée de la puissance de TEmpcreur. — Nouvelle assemblée de la ligue de Souabe qui devait modifier la constitution de l'Empire. Elle n'aboulit |)oint. — Mémoire des États de l'Empire. Ils demandent que les Pays-Bas con- tribuent comme les autres Èlals dans les charges impériales. — Réponse de Charles-Quint. Il propose une transaction qui devient la base de négociations ultérieures. — Contre-rapport des États de TEmpirc. Faits allégués à l'appui de ce document. — Réfutation de Charles- Quint. — Faiblesse de ses arguments. — Nouvelle proposition des Etats. — Elle a aussi un caractères transactionnel. — Lettre de Marie de Hongrie à Viglius , définissant les pays qui doivent être compris dans l'accord: trois catégories. — Contre-proposition de l'Empereur conforme à la lettre de la reine. — L'arrangement conclu entre l'Empire cl la Lorraine est invoqué comme précédent (iyi2). — Nouvelle exigence des États de l'Empire. — Concession de l'Empereur. — Satisfaction des États. Cependant ils éprouvent encore des scrupules. — L'Emiiereur y fait droit. — Fin de la discussion. Doux ans se passèrent avanl que le difféfend entre les commissaires de Charles-Quint et les Étais de l'Empire fût remis en discussion. Il y eut une dièle à Ratisbonne en 154-6. L'Empereur, qui se trouvait à Maastricht avec Marie de Hongrie, prit, le 10 avril, congé de sa sœur pour s'y rendre; mais cette diète n'eut guère de durée et, d'ailleurs, elle fut si orageuse que les Etals ne songèrent point à s'occuper d'une question qui pouvait alors passer pour accessoire. Charles repari il le 3 aoi:it de Ralisbonne pour entrer en campagne contre les proleslanls de la Germanie. Pendant ce temps la question des rap- ports des Pays-Bas avec l'Empire redevint l'objet des délibérations de la reine- régenle et de ses conseillers et les occupa jusqu'à l'ouverture de la dièle d'Augsbourg, à laquelle il était réservé d'élablir une entente entre les parties intéressées. Charles-Quint désigna comme d'habitude Viglius de Zuichem pour le représenter. Lorsque Viglius fut sur le point de partir, la reine Marie lui donna une nouvelle instruction. Comme il connaissait la question à fond, la reine le jugeait plus propre (|ue personne à y porter la lumière et à amener la solution la plus favorable aux intérêts du pays dont le gouvernement lui était confié. La reine estimait que jamais l'occasion n'avait été aussi propice 158 HISTOIRE DES RAPPORTS de terminer le liliiie à ravaiilage de la nelgi(|Lie et de rEmpereur, et elle en- gageait son frère à ne pas la laisser échapper. La reine-gouvernante pose eneore une l'ois la (|uestion sur sa véritable base. De (pioi s'agit-il? Le voici : Depuis plusieurs années, notamment depuis la diète de Spire de 1541 et de 154-2, les Élats de TEmpire ont fait des démar- ches incessantes pour obtenir des Pays-Bas le contingent et la pari des con- tributions qui leur avaient été imposés comme appartenant en partie au Cercle de Westphalie, en partie au Cercle de Bourgogne. Afin de répondre à ces exigences, la reine a envoyé Viglius à la diète de iNuremberg en juillet 4542 el puis à celle tenue au mois de novembre, avec le sire de Rrychingen « pour remonstrer aux Estais de l'Empire les causes pour lesquelles lesdicts pays ne aviont furny ledicl contingent en portion, « pour expliquer comme (pioi ces pays ne se tiennent point « pour subjects el dependans » de TEmpire, qu'ils ignorent « quelle chose povoil esire ce circle de Bourgoigne, » enfin « quelz pays ceux dudit empire voloient comprendre soubz icelluy. » Ces explica- tions, continue la reine, ont empêché les Élats d'appli(pier aux Pays-Bas les peines édiciées contre les « délaillans eldilaians de fournir leur contingent. » Grâce à l'intervention du roi des Romains et du sire de Granvelle, envoyé également à Nuremberg, la procédure commencée par la Chambre impériale contre les Pays-Bas a été suspendue jusqu'à présent; il s'agit de savoir quelle attitude vont prendre désormais les États de l'Empire et il convient de s'ac- corder avec eux afin d'éviter des difficultés ultérieures. La reine renvoie Viglius à ses trois instructions précédentes pour lui tracer son plan de conduite. !1 faut essayer « de trouver (piehpie expédient el bon moien, » pour fixer la situation des Pays-Bas; il faut lâcher de les attacher à l'Empire « par une ligue offensive et deffensive, envers el contre tous, » pourvu que cela se puisse faire « sans préjudicier lesdicts pays en leurs libériez privilèges, franchises el couslumes el sans les assubjeclir au dit Empire. » On s'est déjà efîorcé d'atteindre ce but el il importe (jue Viglius développe les moyens proposés à cet égard. Les Étals de l'Empire devront s'en montrer satisfaits, et la solution ne pourra être que profitable aux pays héréditaires de l'Empereur. La reine insiste sur cette solution qui a été débattue en son conseil et à DE DROIT PUBLIC, etc. 1o9 laquelloon n'a rien trouvé à ajouter ou à changer, sauf « en ce que concerne la conlribucion. » On croyait dans le principe qu'il suffirait que les Pays-Bas réunis payassent autant (pi^un électeur; mais quelques membres ont été d'avis « que pour parvenir à si grand bien que a ceste alliance » on pourrait con- tribuer pour davantage. Faisons remarquer, en passant, que cette proposi- tion n'est pas nouvelle, que Charles-Quint l'avait signalée dans la lettre du 26 mars 1344. dont nous avons parlé. Viglius appuiera pour (pie l'Empereur lasse discuter cette solution et, au besoin, en |)ropose une autre s'il la trouve plus convenable. Mais il importe par dessus tout « d'establir et asseurer icelle alliance » afin de s'en prévaloir « en tems et lieu. » C'est là le point capital. Viglius fera son « extrême » pour y aboutir et il ne perdra pas de vue — la reine insiste encore là-dessus — que le moment est plus favorable que jamais et que peut-être il ne se représentera plus '. Les idées développées dans ce document ne sont pas neuves, si nous les rapprochons de celles (pie nous avons rencontrées dans les autres instructions; mais elles sont intéressâmes à étudier en ce sens qu'elles forment comme le germe de la transaction d'Augsbourg (jue nous verrons conclure, quehpies mois plus lard, entre l'Empereur, au nom des Pays-Bas, et l'Empire. Nous nous bornons ici à signaler le fait, nous réservant d'y revenir plus loin. 31uni de son instruction, Viglius partit pour Augsbourg, où il arriva après l'ouverture de la diète. Marie de Hongrie se rendit elle-même dans cette ville, au mois d'octobre, pour suivre de plus près des négociations (pii l'intéres- saient au plus haut degré, mais principalement pour régler avec son frère Ferdinand des affaires d'intérêt et s'occuper des placards sur rin(pHsition. Avant de partir, la reine avait confié la régence intérimaire des Pays-Bas, pendant son absence, au duc d'Aerschol, aux comtes de Bœulx et de Lalaing, au seigneur de Praet et à Louis de Schoore '-. Elle informa, en même temps, de son départ le Grand-Conseil de Malines et les conseils provinciaux, en leur notifiant qu'elle avait établi les membres du conseil d'Étal <( pour vaquer et entendre à la consultation, délibération et expédition de toutes et quelconques affaires qui surviendraient en son absence, sans déroger aux instructions et ' Docinncnls sur lu réforme relùjletise. , ibid. 2 Par k'Ures pak'iitcs du 15 oclobie 1547. 160 HISTOIRE DES RAPPORTS aux ordonnances qui avaient réglé les altribulions de ce conseil el comme ils le jugeaient convenir pour le bien, repos et tranijuiliilé du pays '. » l.a diète d'Augs!)0urg commença ses séances le 1^' septembre lo47. On sait les graves et nombreuses alïaires qui y furent débattues el parmi les- quelles ïlittériiii doit occuper la première place. Les délibérations duraient déjà depuis plusieurs mois lorsque la (juesliou des rapports entre les l>ays-Bas et TEmpire lut leprise. 31arie de Hongrie avait dit dans son instruction : « Toc- casion pour radresser lesdicts alïaires est à présent meillieur qu'elle ne fut onccpies » et elle ajoutait que PEmpereur n'aurait pas de peine à imposer ses vues aux États, puisqu'ils étaient à « l'entière dévotion de sa maiesle. » Ce n'élait pas là une exagération. Cbarles-Quint était, en effet, à l'apogée de sa puissance. Son babilelé l'avait fait triompber de tous ses ennemis. Les Pères de l'Église étaient léunis en concile œcuméni(jue à Trente; la ligue de Smal- kalde, qui en avait pris ombrage, était vaincue et dissoute, et de ses deux puissants chefs, le prince Jean-Frédéric de Saxe et le landgrave Philippe de Hesse, le premier avait été fait prisonnier à la bataille de Miihlberg (24- avril 1547), el le second était tombé au pouvoir de TEnqiereur à Halle (19 juin). En ouvrant la diète dans de pareilles circonstances, Charles pouvait se flatter de trouver les États plus dociles que par le passé. II revint alors à un projet qui lui était cher. Après la campagne du Danube, il avait songé à res- susciter, avec quelques modilications, la ligue de Souabe; mais il ne put exposer son idée (|u'après avoir terminé la campagne de Saxe. Au mois de mai 1 347, une assemblée des membres de la ligue eut lieu à l'Im. Elle devait embrasser tous les Étals de l'Emiiire el se proposer pour but suprême de modifier la conslilulion de l'Empire en la dégageant d'une masse de forma- lités (|ui entravaient souvent son libre essor, el d'affranchir, en même temps, l'Empereur du contrôle omnipotent des Étals. Charles-Quint es|)érait s'assurer la |)répondérance par l'accession de ses pays héréditaires de Belgique et d'Au- triche; mais ce plan échoua devant la résistance opiniâtre des villes et des princes, lorsqu'il l'eut exposé à la dièle. Les premières reculèrent d(!vaiit les guerres qu'elles auraient à soutenir pour la maison impériale el devant les ' GmliMiJ, Analectes belgitjues , I. I, |). 43i. DE DROIT PUBLIC, f.tc. [{\i frais qui en seraient la consé(|nence. Les princes devinaient de quel danger était menacée leur puissance le jour où ce projet deviendrait une réalité. L'Empereur se consola en pensant quïl arriverait à faire triompher le plan dans ses principales tendances en le faisant passer par la voie ordinaire des délibérations de la diète. Le collège des princes sut gré à TEmpereur de sa modération et le prouva en lui abandonnant le soin de nommer celle fois les assesseurs de la Chambre impériale et en ac(|uiesçant à un |)rojel de réforme de celle instilulion '. Celte (jueslion amenait nalureilcment celle des rapporis de la Belgique avec la monarchie allemande. D'ailleurs, la diète de Worms avait, nous l'avons dit, décidé elle-même que Taffaire serait reprise à la plus prochaine réunion des Élalsde l'Empire. Ceux-ci ne devaient donc pas s'attendre à se voir opposer encore des exceptions dilatoires ou autres. On s'était préparé, des deux côtés, à produire des arguments décisifs et il ne s'agissait plus que de savoir laquelle des deux parties ferait le plus de concessions. Ce furent les Étals de l'Empire qui rouvrirent la discussion. Ils adressèrent à l'Empereur un mémoire - dans lequel ils exposèrent « que son aïeul .Maxi- milieu avait autrefois compris les Pays-Bas dans le Cercle de Bourgogne et leur avait imposé la charge de contribuer pour une (|uole-parl dans les sub- sides à fournir par l'Empire; que son fds- le duc Philippe le Beau, avait assisté, soit en personne, soit par ses ambassadeurs, aux diètes impériales; qu'il avait envoyé des députés au Conseil de régence et à la Chambre impériale, où l'on avait fixé la part que les Pays-Bas devaient payer dans les contributions de l'Empire; qu'il était évident, par conséquent, que le Cercle de Bom-gogne devait continuera être traité comme membre de l'Empire el aider à supporter les communs impôts. » Les Étals de l'Empire ajoutaient « que le duché de ' Storch, Geschiclite Kaiser Karl's des funfleii. Lei|)zig, 1853, p. 190, 2 En février ou en mars. Ce mémoire est important en ee qu'il est le point de départ des négo- ciations qui amenèrent le traité d'Augsbourg. Les tentatives que nous avons faites [jour nous en profurer le texte sont demeurées infructueuses. M. le chevalier d'Arnelli , directeur des .Archives impériales à Vienne, nous a écrit que, malgré les recherches les plus actives, on n'avait pu trouver le document en question. Nous n'avons pas été plus heureux à Bru.xelles et à Stuttgart. Ranke {Gcschichlii DeiilsMund's im Zeitalta- dir liefonnatiuii, t. V, ]ip. 24 et suiv.) ne le cite point comme se trouvant aux Archives de Berlin. 10^2 HISTOIRE DES RAPPORTS Guc'lilre et le pays d'Ulrechl, ([ui iipparlenaient, sans coiilredit, à TEmpire, piiisciu'ils faisaient partie du Cercle de Wesiphalie, devaient coulribiier aux ciiargos impériales et solder les anciens arrérages ', » A considérer la substance de ce mémoire, tel (ju'il nous a été conservé, on doit reconnaître (pic rargumenlation des Etats man(piail de la base nécessaire à toute discussion fructueuse : un point de départ commun. Les Étals de l'Empire faisaient une pétition de principe en arguant de rétablissement du Cercle de Bourgogne par Maximilien. Les représentants de la IJelgitpie avaient précisément contesté aux diètes antérieures (pie Maximilien eut eu le droit d'instituer ce Cercle; or, ce droit, les États l'affirmaient, mais ne le démontraient point. Charles-Quint, dans sa réponse (28 mars), ne nian(pia pas de faire ressortir l'inanité de ce raisonnement. Un passage de sa « Réso- lution '^ » rappelle ce que nous avons nous-méme dit pins haut: « il im- porte peu (pie feu TEmpereur ait érigé le Cercle de Bourgogne, puisf/u'on ne trouve pas f/a'un seul Etat ou ville des Pays-Bas ail coiisenli à celle mesure; s'ils y avaient adhéré, on saurait au juste ce cpi'ils ont réclamé de compensations. En admettant même (juc l'empereur iMaximilien ail, en réalité, agi, comme on le prétend, sans l'assentiment des États Généraux bel- gi(pies, il n'a rien pu conclure (|ui fût contraire aux intérêts des Pays-Bas. Or, aucune lettre du Cercle de Bourgogne ne figure dans les registres de l'Empire, et rien ne prouve (pi'il ait payé des contributions. » Ce langage était fondé; mais s'il paraît étrange de le voir tenir par un empereur, petit-fils et successeur immédiat d'un autre empereur, il ne faut pas oublier (pi'il parlait ici comme souverain des Pays-Bas. En général, en politiipie il n'est pas habile, de la part d'un monanpie, de donner tort à son prédécesseur; car c'est amoindrir la confiance (pie ses sujets doivent avoir en lui-même. Il est vrai (jue, pour Charles-Quint, le cas était (pielcpie peu différent; il parlait moins comme empereur (pie comme prince des Pays-Bas, et, à ce litre, il devait évidemment défendre les intérêls ' IJmiiœiis, Jus juihl. Gcrm., l. IV, p. ()!)8, rioniio la substance do oc niénioiic intilulc : « a.iiioiips slaUiuni qiiil)iis iiiirgiiiKliain , deldriam, Zulplumiaiii alquc Trajcctuiii ad liii|ieriuiii pei'liiRTC, etc., pi'dbare sludciil. » 2 Arrliives royales de Stuttgart. Colleetion MS. Acllcn' nciclislatisucteii , t VIII . S'.j't'-loiii, fol. tOO et suiv. — Copie aux Archives de Berlin (Raiike). DE DROIT P( lîLIC, etc. 163 de ses sujets hérédilaires. Quoi qu'il en soil, nous ne nous arrêterons pas aux raisons secondaires invo(|uées par TEnipereur pour repousser la demande des Etats; nous ne ferions que répéter les arguments développés aux diètes anté- rieures et que nous avons longuement l'ait connaître; mais ce qui constitue i'hahilelé de la réponse de Charles-Quint, c'est que celui-ci, tout en réfu- tant le mémoire des Étals, veut leur donner une preuve de sa bienveillance, en posant en principe « qu'il ne s'opposera pas à ce que les Pays-Bas contri- buent aux taxes de \''Em[)We pour une pari raisonnable el d'après (es circon- stances, |)oin'vu qu'ils pin'ssent, en revanche, com|)ter sur la proiection et l'assistance de l'Empire et qu'ils soient, en cas de besoin, assurés d'une aide seniljlaljle à celle (|u'on leur demande; ils continueront à former un cercle spécial, mais seront maintenus dans leurs droits, libertés et privilèges, seront a/franchis de l'appel el de lu juridiction de l'Empire, et exempts de toule immixtion de la Chambre impériale. Il en sera de même pour la Gueidre, Zutpiicn et Utrecht : l'Empire ne s'en occupera qu'en ce (pii concerne les eoniribulions. » Telle est la base s(u- laquelle reposèrent les discussions ultérieures. Cependant les Etals n'étaient guère disposés à terminer le litige par une transaction de la nature de celle (|ue proposait Charles-Quint. C'était une question de droit. Les États de l'Empire demandaient que les provinces héré- ditaires de la couronne d'Autriche dans les « Pays en Bas » fussent soumises aux charges communes à tout l'Euipire. L'Empereur, par contre, ne voulait, on vient de le voir, consentir (pi'au payement d'une somme (pi'il insinuait vouloir fixer lui-même. Les États parlaient du principe que lesdits pays héré- dilaires étaient une partie intégrante de l'Empire sous le nom de Cercle de Bourgogne, et que les provinces nouvellement soumises à l'Empereur, — nous avons vu dans quelles circonslances, — savoir : la Gueidre, Zulphen et Ulrechi, faisaient partie du Cercle de \\ esiphalie, qui appartenait à l'Empire sans con- teste. Les Etals soutenaient, en oulre, (pie toutes ces provinces avaient tou- jours été taxées et avaient réellement coniribué pour leur jiart aux charges imposées par les Étals à tout l'Empire. Nous avons vu (pie la reine Marie, dans ses instructions à Viglius, avait émis un avis contraire, en alléguant que les Pays-Bas, comme portion de l'ancien royaume de Lotharingie, n'étaient Tome XXXVL 22 -164 HISTOIRE DES RAPPORTS pas une partie inlégrante de Tempire germanique, mais un pays dislincl réuni à celle monarx'hic; (|uo les provinces comprises dans le Cercle de Bourgogne élaienlen grande partie des possessions allodiales de la maison de Rourgogne. Les Élals avaient icnu assez peu compte de celle manière de voir de la reine- gouvernante; mais, en présence de la « résolution » du puissant Empereur, (|uelle ligne de conduite adopter? Ils comprirent (pie c'était à eux d'établir d'une manière irrécusable que les Pays-Ras avaient toujours (ail partie de l'Empire. L'exposé que nous avons l'ail ' des rapports entre la Helgicpie et les empei'curs d'Allemagne témoigne de la série nombreuse de faits évidents que les États de rEm|)ire auraient pu invoquer à l'appui de leurs prétentions; mais, chose surprenante, ils ne re- montèrenl pas plus haut que le règne de Philippe le Bon; ils s'efforcèrent de prouver que les provinces possédées par la maison de Bourgogne aux Pays- Bas étaient soumises aux lois et ordonnances de l'Empire en ce qui concer- nait les charges communes à supporter, malgré les exemptions et privilèges dont elles jouissaient sous d'autres rapports. Enfin, pour ce qui concernait le duché de Gueidre, le comté de Zutphen el la seigneurie d'Utrechl, les Etals voulurent démontrer que ces pays avaient été astreints aux contributions de l'Empire avant leur acquisition par l'Empereur. Afin de fournir ces différentes preuves, les Elats adressèrent à l'Empereur, \e \i avril, un contre-rapport'^, auquel ils ajoutèrent huit annexes, réunis- sant ainsi comme en un faisceau, une série de faits ou d'exemples destinés à corroborer la proposition et à prouver qu'elle était fondée en droit. Ces documents sont sans contredit les plus importants qui aient été pro- duits dans le cours des négociations; ils étaient tirés des archives de l'archi- chancellerie de l'Empire à lAlayence; le rapport qui les accompagnait n'en était que le résumé. iMalheureusement, ils étaient rassemblés pèle-mèle et por- taient la trace trop évidente de la hàle avec laquelle on les avait recherchés. Il y règne une confusion regrettable; on n'y a suivi ni ordre chronologique ni ordre systématique, de sorte que ce n'est ni la clarté ni la précision qui ' Voir la première pnrtie de ce travail. 2 Archives de Stuttgart. Coll. Aeltere lieirhstngsaclen , t. VlII. inliUilé : Dcr aiteiler Thail dess Reichslacjs zu Amjspîirg 4547-1348 , fol. 160-170. DE DROIT PUBLIC, etc. 16o y dominent. Mais, examinées en délail, il y a bon nombre de ces pièces qui offrent un intérêt véritable. Comme nous les avons toutes mentionnées plus baul, nous pouvons nous dispenser d'y revenir; toutefois, il est important de mettre en lumière, aussi brièvement que possible, Targumentalion des États, en suivant un certain ordre que les rédacteurs du rapport n'ont pas cru devoir observer. Les provinces des Pays-Bas, possédées au XV'' siècle par la maison de Bourgogne, formaient-elles une partie intégrante de l'Empire? Non, avait dit Cliarles-Quint. Oui , répondirent les États de l'Empire; car c'est pour ce motif (pie les ducs de Bourgogne avaient droit de siège et de vole à la diète de l'Empire. Ce droit, ils l'exerçaient, puistpie Pbilippe le Bon se fit représenter, à une diète tenue à Francfort en 1453, par deux envoyés, dont l'un était l'évèque de Toul, son secrétaire. Arnould, duc de Gueidre et comte de Zut- phen, et l'évètpie d'Utrecht y assistaient également. L'année suivante, Philippe fut mandé par lettres de l'empereur Frédéric III à comparaître en personne à la diète de Ratisbonne et il s'y rendit. Il y signa le recès avec une foule d'autres princes. Les Pays-Bas bourguignons, la Gueidre, Zulphen et l'irecbl figurent dans les matricules ou contingents à fournir |)our les expéditions de guerre de l'Empire, notamment dans celles de U66, 4471, 1480, 1489, 1491. Dans l'évalualion des frais d'entretien de la Chambre impériale, faite à Constance en lo07, l'archiduc Philippe le Beau est taxé à 180 florins. La matricule de la même année contient la fixation des contingents à envoyer par les Pays- Bas, tant par le duc de Bourgogne que par les autres princes, comtes, sei- gneurs ou évèques. 11 en est encore de même dans celles de 1323 et 1330, concernant la ré|)artition des frais d'entretien de la Chambre impériale. L'impôt du denier commun a été supporté par la Belgique, à preuve les nombreux actes des diètes de l'Empire. Mais ce n'est pas toul. Les paix pu- bliques ont été jurées par l'archiduc Philippe le Beau en 1493 et en 1500. La création des cercles (?), rinslilulion de la Chambre impériale, etc., avaient reçu son agrément. L'empereur Charles-Quint, demandent insidieusement les États, n'a-t-il pas décrété lui-même que la paix publique, votée à Worms en 1521, sortirait ses effets dans les Pays-Bas? Depuis lors le Cercle de Bour- \m HISTOIRE DES RAPPORTS gogne a clé Irnilé exaclemenl sur le même pied (|ue les autres, tant pour les coniribulions de guerre à fournir (pie pour renlrelien de la Chambre impé- riale. Des preuves irréfutables montrent que les pays de Gueidre, de Zulphen et dXUrechl sont dans le même cas. Telle est, dans ses traits principaux, la démonstration des États de l'Empire. Il ne doutaient pas (pie l'Empereur, vaincu par ces raisons, ne reconnût la va- lidité de leurs prétentions et n'y fit droit sans plus tarder. Certes , les argu- ments produits étaient pres(|ue tous irréfragables; mais celui cpi'il nous inté- resserait le |)lus de voir établir par des preuves était mentionné purement et simplement : rassenliment des Pays-Bas à Pinstilution des cercles de TEm- pire. El puis, (pie de choses importantes omises! Et (pielle confusion dans l'exposé ! Le mémoire avait un autre défaut irrémissible : il venait trop tard ! Les Étals auraient dû ouvrir la discussion en le soumettant à TEmpereur avant (pie celui-ci eût le temps de formuler une proposition contraire à leurs pre- mières conclusions. Ils passèrent la « résolution » de l'Empereur Sous silence; mais il n'était pas à supposer (pie Charles-Quint renoncerait à un système (pii était tout à l'avantage de ses Pays-Bas héréditaires, pour adopter des vues (pii ne leur étaient rien moins (pie favorables. L'événement le prouva bien. Cependant , (piekpie défectueux (pie fût le mémoire des Étals (piant au fond, si peu habile (pi'il fût dans la forme, il ne laissa pas (pie d'embar- rasser les commissaires de l'Empereur. Il était rempli de faits, et, ainsi (pie devait le dire un grand écrivain deux siècles plus lard, le fait seul est brutal. Viglius travailla assidiiment à le réfuter et demanda, en môme temps, des instructions à Charles-Quint et à Marie de Hongrie (pii était retournée aux Pays-Bas. Les électeurs et princes étaient pressés d'avoir la réponse parce (pi'ils désiraient regagner leurs foyers ', et l'on croyait que la diète allait, prendre fin dans un bref délai. On ne se doutait pas (pi'elle devait se pro- longer encore pendant six mois. ' « Les princes électeurs et aiiltpcs font grande instance pour sen retourner et semble que en bricfla dicte satlicucrii, les Eslalz ont exhibe a lEmp'' une grave information toucbru les pays dêbas et lobligation qniiz prétendent découler cnuers 1 Empire. Sur quoy Ion besoigne pour respondre demain et prcndtsa ma" incsmcs l'affaire au cueur plus que auparavant. » Lettre de Viglius à Marie de Hongrie du 24 avril loiS. Archives de liruxellcs, Papiers d'Élatet de l'au- !alines. 2 Archives de Stuttgart, Colteclion cilde. Copie à lîcriin (Ranke). DE DROIT PUBLIC, etc. 173 Mais si les Étals désiraient obtenir le plus de concessions possible, Charles- Quint n'élait guère disposé à les accorder. Il savait qu'en définitive les cir- constances étaient telles qu'ils devraient finir par accepter ses conditions, et il ne dévia pas de la ligne de conduite qu'il s^était promis de suivre. Toute- fois il fit une longue réfutation de la nouvelle demande des États, réfutation que nous pouvons nous dispenser de reproduire parce qu'elle ne renferme d'autres arguments que ceux que nous connaissons déjà. En deux mots, il fit observer qu'il était inutile de demander qu'Utreclit, la Gueldre et Zutphen pussent continuer à faire partie de l'Empire, puisque son intention n'avait jamais été de distraire quoi que ce soit du territoire germanique, et il s'attacha à démontrer que la contribution du double d'un électeur, qu'il olïraitde payer pour le Cercle de Bourgogne, allait au delà de ce que les États pouvaient légitimement prétendre. Il savait, disait-il, qu'il n'obtiendrait pas davantage des Pays-Bas, d'autant plus que ceux-ci étaient complètement libres de con- tributions auparavant et que la défense de leurs frontières absorberait des frais énormes; « ils devront entretenir plusieurs milliers d'hommes et de chevaux même en temps de paix, comme sauvegarde contre les irruptions possibles de monarques étrangers, et ils auront d'autres dépenses considérables pour l'entretien de leurs digues et barrages contre l'invasion des eaux, toutes choses qui surchargeront lourdement ces pays. » En terminant, l'Empereur, par mesure de conciliation , fit une petite con- cession aux États relativement à la juridiction de l'Empire. En principe, les Pays-Bas n'y devaient point rester soumis; toutefois, comme l'Empereur était intéressé, tout autant que les États, au maintien des paix publiques, il déclara que « tous les sujets de l'Empire qui se rendraient dans les Pays-Bas, y voya- geraient ou y auraient des biens, seraient compris dans la protection et la défense desdits pays, de façon que si l'un ou l'autre étranger ou Belge com- mettait quelque infraction contre le Laiulfrieden, il serait traduit en justice devant l'autorité compétente et condamné, le cas échéant. » Cette mesure devait entraîner la réciprocité, et l'Empereur se flattait que les États n'au- raient rien à objecter contre cette décision qui découlait du droit commun et devait être utile pour la répression des infracteurs de la paix publique. Charles-Quint ne se trompait pas. Son mémoire produisit le meilleur effet. 476 HISTOIRE DES RAPPORTS Yiglius le transmit sur-le-champ à Marie de Hongrie et, le o juin, il écrivit à la reine que les électeurs se rangeaient à l'avis du souverain et quils écarte- raient les didleullés que certains esprits trop méticuleux cherchaient à faire naitre. On lui avait promis une réponse immédiate, et les choses étaient si avancées que les États étaient déjà sur le point de dresser rinstrumenl destiné à établir l'accord des deux parties '. Cependant il parait que des scrupules saisirent les États au dernier mo- ment, car ils adressèrent à Charles-Quint, le 23 juin, un nouveau mémoire dans lequel, tout en exprimant à l'Empereur leur reconnaissance pour sa bénignité et en déclarant accepter, dans son ensemble, la transaction qu'il avait proposée, ils cherchaient à lui arracher quelques dernières conces- sions ^. On devine qu'il s'agit du taux des contributions. Sous le prétexte, tant de fois déjà combattu, que la Gueidre, Zulphen et Ttrecht avaient eu jusqu'alors des matricules particulières, se montant plus haut que la taxation d'un électeur, ils sui)pliaient S. M. de contribuer « pour quelque chose de plus que deux électeurs » pour la généralité des Pays-Bas, Et comme l'assem- blée venait de décréter une nouvelle expédition contre les Turcs, elle espé- rait que l'Empereur voudrait bien augmenter le chiffre i)romis antérieure- ment. Ce n'était pas ainsi, nous l'avons déjà dit, que l'entendait Charles-Quint. En recevant la dernière communication des Étals, à laquelle était jointe un projet de traité, il s'aperçut aisément (|ue la discussion était terminée. 11 dé- pendait entièrement de sa bonne volonté de refuser ou d'accorder la demande des États. Toutefois, un sentiment de satisfaction d'avoir atteint l'objet de ses visées et sans doute aussi le désir de donner aux États de l'Empire une ' a Toucliaiit l'accordt des pays dcnibas aucc IEm])irc, il est en assez bons termes. Les Eslatz nous ont point enfores doiïe responcesur lescript que la sepniaine passe iëvoyz à vrc Ma", sur lequel aucuns ont voulu mouvoir beaucoup de diflicultcz, mais ])ar le faueur des princes élec- teurs la cliose a ele radressee , de sorte quon me dit que Ion donnera ce iourdhuy ou demain boiîe resolution sur tout à sa M". Et est desia laffaire si avât quilz ont eôraâde dresser vue forme pour exbiber a Sa M", côbien que ieusse mieulx ayme que nous eussions peu retenir la plume en la main. » Archives de Bruxelles, Papiers d'Elal et de l'audience, janvier-avril tiitS, liasse n" 38. 2 Archives de Stuttgart. Collection citée. Ranke lui assigne la date du 23 juin. DE DROIT PUBLIC, etc. 177 preuve édalante de son esprit de justice lui dictèrent une réponse afllrma- tive. Quoique, disait-il, les Pays-Bas fussent déjà surchargés d'autres rede- vances et que la contribution double qu'ils auraient à eftectuer serait d'autant plus onéreuse qu'ils n'avaient rien à acquitter de ce chef auparavant, il déci- dait néanmoins qu'en temps ordinaire, ils fourniraient la contribution double; mais que s'il s'agissait d'une expédition contre les Turcs, ils payeraient le triple '. Ainsi se termina celle mémorable discussion qui avait duré près d'un quart de siècle. L'entente s'était établie cuire les deux parties. L'une et l'autre étaient satisfaites des concessions qu'elles avaient obtenues. On avait déployé des deux cotés une habileté sage mêlée d'une courtoisie extrême, Charles- Quint et ]\larie de Hongrie s'étaient prêté un mutuel concours. La science juridique et le talent de leurs deux éminents conseillers, Viglius et Gran- velle, avaient triomphé de toutes les difficultés sérieuses. Il convient d'allri- buer à ces hommes illuslres le mérite qui leur revient. On ne saurait dire au juste lequel des deux eut le plus de part à la conclusion du traité d'Augs- bourg. Si le rôle de Viglius eut lieu |)lus à découvert, si Viglius fut chargé de missions délicates ", la publication des papiers d'État de Granvelle a ré- vélé au grand jour l'activité des démarches du futur cardinal et la réussite de ses efforts. ' Archives de StuUgnrt, Collection citée. Non signalé par Ranke. ■^ ï ... llliid quoque non minimum cjus fuit servitium in dictis comitiis Augustanis praestitum, quod ipso princij)aliter negocium dirigenle, concordia ac traclatus inter cœsaream majestatem tanquam dominum infcrioris Gcrmanite ac status Iniperii initus fucrit super vetcribus contro- versiis ac prœlensionibus rationc fcudorum jurisdictionis ac fontribulionibus aiiisque noimullis juribus. Quo quidem tractatu multoe lites quœ ad judicium camerse Irahebantur aliaque mabg- nandi matcria Germanis prœcis fuit. » Voyez Vila Viglii Zuichemii, ap. Papcndrecht, Analecla lielgica, t. I, p. 27, n° 57. 178 HISTOIRE DES RAPPORTS CHAPITRE VI. Le résultat (les négocinlions est eonilcnsé dans un acte solennel dit : Trunsaction d'Aiigsbourg. — Résumé des prineipales stipulations. — Nouveaux rapports qu'elles créent entre la Bel- gique etTEmpirc. — Ualification des États de l'Empire. — Lettres de non-préjudice données à l'évêque de Liège relativement à iMaaslriclit. — Quel était le but de Charles-Quint en négo- ciant la Transaction d'.4ugsbourg? — Motifs divers. — Manque de clarté de la transaction au ])oint de vue juridique. — But jjolitique nettement défini. — Le traité achève le travail d'uni- fication des provinces belges. — Situation intérieure de la Belgique. — Comparaison avec les principaux Etats de l'Europe. — Occasion unique pour faire de la Belgique une nation indé- pendante avec une dynastie particulière. — Négociations pour obtenir la ratification des Etats bclgiques. — La transaction est soumise aux Etats Généraux. — Adhésions successives des diverses jirovinces. — Difiicultés soulevées par la Hollande et la Gueidre. — Viglius, Marie de Hongrie et le comte de lloogstraten les surmontent. — Ratification générale des dix- sept provinces. — Détails. — Complément de la transaction par la Pragmati(iue Sanction de 1549. Il ne restait plus qu a condenser dans un acte spécial le résultat des négo- ciations dont nous avons exposé la marche et constaté les tendances. C'est ce qui eut lieu le 26 juin lo48. Cet acte est connu sous le nom de Traité ou plutôt de Transaction [Vergleich) d'Augsboury ou de BourcjOfjne, suivant qu'on le considère par rapport à la ville où il fut signé ou relativement à l'objet dont il s'occupait. Rédigé en latin, il fut traduit en allemand et en français, et, connue il était d'une étendue assez considérable, on le divisa plus tard en 27 paragraphes correspondant à chacune des clauses ou articles du traité '. Avant d'aller plus loin, il est nécessaire de rappeler rapidement les i)oints sur lesquels avaient roulé les délibérations, ou plutôt de résumer en quelques mois la substance même de la transaction. En voici les stipulations essen- tielles : Les duchés de Lolhier, Brabant, Limbourg, Luxembourg, Gueidre; les comtés de Flandre, Artois, Bourgogne, Ilainaut, Hollande, Zélande, Xamur, Zulphen; le mar(|uisat du saint-empire; les seigneuries de Frise, Ulrecht, Overyssel, Groningue, Fauquemont, Dalliem, Salins, 3Ialines et Maaslrichî, ' Nous en donnons la traduction française, dans l'Appcn lice, à la fin de ce travail , n" II. DE DROIT PUBLIC, etc. I7t> avec loules leurs principautés, prélatures, comtés, haronnies et seigneuries, vassaux, sujets el alliés y appartenant ou enclavés tlireclenient ou indirecte- ment, devaient être à perpétuité sous la protection de l'Empire, convoqués aux diètes impériales el défendus comme les autres membres du corps ger- manique. En revanche, ils devaient contribuer dans les matricules de l'Empire autant que deux électeurs, soit en hommes, soit en argent; mais s'il s'agis- sait de Timpôl turc, ils devaient fournir un apport triple. Ces pays, qu'ils eussent antérieurement appartenu à l'Empire ou non, ou fait partie d'un autre cercle, devaient désormais former ensemble le Cercle de Bourgogne. En matière d'alTaires matriculaires de l'Empire, le cercle serait soumis à la jiu'idiction de la Chambre impériale , mais point pour d'autres alîaires ni en première ni en seconde instance. Il ne serait pas non plus astreint aux lois de l'Empire, mais formerait un État indépendant et libre; seulement, ce qui dans ce pays avait été mouvant de l'Empire le resterait. Le Cercle de Bourgogne demeurerait également compris dans les paix publi- ques; les sujets el les biens de l'Empire qui s'y trouveraient, el réciproque- ment, les Belges el leurs biens dans l'Empire jouiraient de toute protection el sûreté; en cas de contestation, le plaignant ti-aduirait le défendeur devant son juge naturel. Les Etals belgicpies devaient ratifier le traité dans le délai d'un an '. La ratification des États de l'Empire eut lieu immédiatement; elle forme une clause du traité même. Le sceau impérial fui opposé sur l'acte dressé en double expédition. Enfin, signèrent la Transaction les princes suivants : Charles-Quint, comme chef suprême de l'Empire el souverain des Pays-Bas; Sébastien, archevêque de Mayence, archichancelier de l'Empire, et Frédéric, palatin du Rhin et duc de Bavière, archisénéchal de l'Empire, lous les deux comme électeurs au nom de leurs coélecteurs; ' Parmi los (■criviiins qui ont trailé somiiiaircnient la question du Traité d'Augsbonii;, il faut citer Wagcnaar, Vwlerl. Ifislorie, t. V, iq). 2'J3-32i. — Ranke, Deuische Gcschichlc un Zeil- alter der Refbniialioii, t. V, pp. i'^-iH. — David, VuiUrlandsche Hislurie , t. IX, pp. C 1(5-0 l'.l. — tienne, Jlisloire du règne de Cliarles-Quiitt en BeUiU/iie, l. VIII, pp. 518-558; Ilisloirc de la Pelgique soun Charles-Quint , t. 111, [)[>. 538 et suiv, To.ME XXXVI. 24 180 HISTOIRE DES RAPPORTS Ernosl, évèque confirmé de Salzbourg, et Guillnuine, conile-pnlalin du Rliin el duc de Bavière (haute et basse) , tous les deux au nom dos princes ecclésiastiques et séculiers; Gerwig, abbé de Weingarten, au nom des autres prélats; Frédéric, comte de Fùrstenberg, au nom des autres comtes el seigneurs; Le bourgmestre et les conseillers de la ville d'Augsbourg, en leur nom et en celui des autres villes libres impériales. Ces divers personnages apposèrent respectivement leur sceau sur Tinslru- menl original, le mardi 2G juin 1348. Il fut rédigé ensuite un traité séparé concernant la Franche-Comté ' cl un abrégé du Traité de Bourgogne pour être transmis immédiatement aux pro- vinces des Pays-Bas '". Enfin, le traité lui-même fui encore confirmé par le recès de la dièle^ qui se servit à peu près des mêmes termes que ceux qui figuraient dans le corps de l'acte. Comme, parmi les seigneuries énumérées dans la Transaction, il était fait mention de la ville de Maastricht, Charles-Quinl donna, le 11 juillet suivant, au prince-évêque de Liège, qui était cosouverain de cette ville, des lettres de non-préjudice qui réservaient tous les droits du prélat. L'Empereur n'avait fait aucune tentative pour faire entrer dans le Cercle de Bourgogne les évê- chés de Cambrai et de Liège et la principauté de Stavelot-Malmèdy, qui appartenaient au Cercle de Westphalie el dont les rapports avec la Belgique élaienl si fréquents, mais qui, à la vérité, étaient indépendants de Charles- Quint. C'est pour mettre le prince-évêque de Liège à couvert des inconvé- nicnls qu'aurait pu amener un conflit entre les deux cercles que l'Empereur lui donna la garantie dont nous venons déparier. Après avoir constaté le caractère général et les tendances de la Transaction d'Augsbourg, nous avons à examiner le !)ul (|ue se proposa Charles-Quint en ' Duniont, Corps ilipluinatiqiie , t. IV, ii, p. G80. -^ Ko.li, Le. '' § ()7, Koch, Reichsahschiedc , t. III, |). 559. DE DROIT PUBLIC, etc. 481 reconsliluanl, sur de nouvelles hases, l'union de la Belgique avec FAIIemagne. On a émis les opinions les plus diverses à cel égard. Nous n'échapperions pas au reproche d'èlre incomplet si nous ne les discutions hrièvement et si nous n'essayions à notre tour de formuler une appréciation qui soit conforme à la fois à la vraisemblance historique et à l'esprit du traité. Que voulait Charles-Quinl, en se mettant d"accord, au sujet des Pays-Bas, avec les Etats de l'Empire? Entendait-il faire considérer encore la Belgique comme partie intégrante de l'Empire? Cette question a soulevé d'interminables discussions dci)uis 1548 jus- qu'en 1794. Il est vrai qu'il n'est pas facile, au premier aspect, de déter- miner d'une manière précise le caractère jiiridir/ne que Charles-Quint pré- tendait donner, par la conclusion du Traité d'Augsbourg, aux rapports des Pays-Bas avec la monarchie allemande. Voulait-il que ces rapports ne fus- sent à l'avenir que purement internationaux , ou bien que les provinces des Pays-Bas fussent traitées comme des membres de la patrie commune germa- nique, jouissant seulement de certains privilèges? Diverses phrases du traité semblent autoriser l'une et l'autre hypothèse : « Nos dictes terres et subgects dicelles demeurent entièrement en paisible joyssance de tous et quelconques leurs libertez, droiz, droitures, exemptions des appellations et jurisdic- tions, elc. '. » Si cette phrase favorise la seconde opinion, en revanche celle-ci témoigne en faveur de la première : « ... nos pays dembas... seront et demeureront perpétuellement pays et principaultez entièrement francz et non siihjects et par nous comme empereur et par tous aultres futurs empe- reurs et roy des Rommains, aussy par les électeurs, princes et estatz du saint- empire seront recogneuz pour pays, principaultez etsuperioritez francz et non subgectz, elc. ". » Enfin, en stipulant que les pays qui avaient relevé jus- qu'alors de l'Empire continueraient à être tenus en fief de celui-ci ^, l'Empe- reur n'a-t-il pas clairement exprimé qu'ils ne devaient former qu'un corps avec l'Empire? Non, répond-on; car une clause statuait que la paix publique * § 20 de la Traiisuclioji. 2 § 'il de la Traiisaclluii. ' § 21, in fine. 182 HISTOIRE DES RAPPORTS générale {Landfrieden) y devait être observée comme dans le reste de TEm- piro, et cependant les infraclenrs ne pouvaient être traduits que devant les tribunaux du pays '. Si le texte du traité autorise ces interprétations diverses, il n'est pas éton- nant que les historiens et les jurisconsultes Taienl ajiprécié, aussi bien en Bel- gique qu'en Allemagne, tanlôl dans un sens, tantôt dans un autre. Ils se sont demandé si ce n'était pas à dessein que Charles-Quint avait laissé celte ques- tion dans le vague, afin que Ton put, suivant les circonstances, embrasser Tune ou l'autre opinion. Or, c'est ce qui est arrive. C'est |)eut-è!re à cause de cela même que le Irailé avait reçu, dès le principe, le nom de Transaction {Transacfio awjuslana) ; car (|ui transige laisse souvent les points litigieux indécis. De celle manière, Charles-Quint aurait laissé la question principale en suspens, sachant bien qu'il aurait été difficile de réfuter victorieusement — je ne dis pas de nier — les assertions des États qui plaidaient la thèse : que les Pays-Bas avaient toujours été, étaient encore et devaient rester une partie intégrante de l'Empire. Nous verrons, dans la troisième partie de ce travail, que ce caractère quelque peu ambigu du traité devait faire naître, tandis que la Belgique tra- versait les phases les plus critiques, des controverses qui n'aboutirent jamais à un secours énergique et prompt. En effet, les exemptions stipulées pour le Cercle de Bourgogne étaient si fortes qu'on pouvait, malgré les arguments contraires, considérer les Pays- Bas comme détachés de l'Empire. Les lois volées par la dièle n'y pouvaient point sortir leurs effets, et la cour de l'Empire n'était pas fondée à étendre sur eux sa juridiction. Les charges qui leur avaient été imposées, c'est-à-dire de deux contributions électorales et du triple en cas de guerre contre les Turcs, pouvaient l'être tout aussi bien en vertu d'une convention inlernalionale. Mais, d'un autre côté, la Belgique fut déclarée devoir rester cercle et membre de l'Empire, pai' une sorte de continuation de l'œuvre de 31aximi- lien. Le Cercle « des pays patrimoniaux de Bourgogne » fut assimilé aux neuf autres cercles; c'est à ce cercle que l'on imposa les charges que nous avons • §§ 2-2, 23. DE DROIT PUBLIC, etc. 183 énuméréos; ce cercle devait présenter un membre à la Chambre impériale; enfin ce cercle figurait au nombre des États de TEmpire [Reichssldnde) , et avait siège et vote aux diètes par Tinlermédiaire de son ambassadeur. Pour- (|uoi ce |)ays n'aurait-il pas été une partie intégrante de la grande monarchie allemande? Celte monarchie était un Etal d'États et les Pays-Pas avaient le même caractère. Telles sont les réflexions (|ue fait naître la Transaction d'Augsbourg consi- dérée au point de vue du droit public. Mais, en dehors de ces considérations de l'ordre juridique, quel était, à pioprcment parler, le but politique de Charles-Quint? Ce but est facile à démêler, et cependant ici encore les opinions les plus diverses se sont donné libre carrière. On peut toutefois les réduire à deux : celles qui, derrière la question politique, ont voulu voir la question religieuse; celles qui, se plaçant davantage au point de vue de la vérité historique, n'ont envisagé dans le Irailé que ce qui s'y trouve réellement. Des auteurs hollandais ont soutenu le premier système. Ils ont cru que Charles -Quint n'avait conclu la Transaction d'Augsbourg que pour mieux pouvoir extirper l'hérésie dans les Pays-Bas. Vainqueur de la ligue de Smalkalde, prétend-on, et maître des princes protestants d'Allemagne, il aurait voulu forcer ces derniers à lui prêter indirectement leur concours pour triompher du protestantisme en Belgique '. Nous ne nous arrêterons pas à réfuter celte opinion dont l'absurdité saule aux yeux, et que pas une phrase, pas un mot du Irailé ne justifie. Concoit-on les armes qu'aurait pu fournir à Charles-Quint celle Transaction qui garantissait si énergi(|uement les libertés des Belges? Il y a, d'ailleurs, un fait qu'il n'est pas superflu de signaler dès à présent et qui réduit à néant la thèse que nous venons de repro- duire: c'est que Philippe II fut d'une opinion diamétralement opposée à celle (pie l'on se plaît à attribuer à Charles-Quint. Philippe, en effet, était d'avis que l'union des Pays-Bas avec l'Empire était trop grande et facilitait d'une manière déplorable la propagation de Thérésie; il aurait préféré la séparation complète^. ' Van Loon, Leenrocriglieyd van lloUand aan'l Rijk , pj). ôli-ôiS. — VVngenaar, Vuder- lumlsche Historié, t. V, /. c. 2 Wagenaar, ibid. — Léo, yied. Geschiclilen , I. II, p. 359. \Si HISTOIRE DES RAPPORTS L'aulre opinion, plus rationnelle et, disons-le tout de suite, la seule exacte, fut professée en premier lieu par PulTendorf, el elle est partagée par la plupart des savants. Elle découle naturellement de l'esprit et même de la lettre du Traité d'Augsbourg. L'Empereur, disait PulTendorf, en se soumettant à la con- trii)Ulion de deux électeurs, voulait s'attacher les États de l'Empire pour ob- tenir leur aide dans la défense de TAllemagne contre les Turcs, il ajoute que son but principal était d'obliger l'Empire à protéger les provinces belges con- tinuellement exposées aux attaques de la France, tout en les plaçant, à l'égard de l'Empire, dans une position d'indépendance ])oliti(iue. Rien n'est plus juste (|ue cette manière de voir. Un passage de la Transaction dit expressément que la Belgique doit jouir « de la protection, garde, souste- nement et ayde du saint-empire ^; » un autre que « les pays patrimoniaulx dembas seront doresenavanl el a lousiours en la protection, garde, soustene- ment et ayde des empereurs etroys des Rommains et du saint-empire et seront pas lesdictz empereurs et roys des Rommains et les estatz dudict sainct- ompirc a tousiours comme aullrcs princes, estatz et membres d'icelluy empire delïenduz, gardez, souslenuz el loyaulmenl aydés ^. » C'est dans ces paroles que réside la véritable intention, la volonté mani- feste de Charles-Quint. Pour donner aux dix-sepl provinces réunies le carac- tère d'un Êlat, il les comprend toutes dans un cercle, même la Flandre el l'Artois dont il avait brisé le lien féodal avec la France. Que ces provinces fussent considérées comme un Étal uni(]ue, c'est ce qu'exigeait l'unité du gouvernement, unité à laquelle tendaient alors les nations en général et dont l'esprit clairvoyant de Charles-Quint appréciait les conséquences fécondes. Cette mesure mettait le Cercle de Bourgogne à l'abri des influences des assem- blées des cercles voisins. Or, il était d'une importance capitale pour la maison d'Autriche-Bourgogne que la Flandre et l'Artois, auxquelles Charles était par- ticulièrement attaché, mais sur lesquelles la France pourrait encore élever des prétentions, fussent envisagées comme parties de l'Empire el placées sous la sauvegarde immédiate de l'Allemagne. Ce n'était pas acheter trop cher cette protection (pie de payer une contribution double de celle d'un électeur; ' § 13 du Truite. 2 § 15. DE DROIT PUBLIC, etc. 185 car la plupart des guerres européennes finissaient toujours d'une manière ou d'une autre par atteindre les Pays-Bas, tandis que la défense contre les Turcs, qui tenait alors tous les esprits en éveil, était d'une véritable impor- tance dynastique pour la maison de Habsbourg. Charles-Quint avait eu soin d'écarter toutes les autres prétentions des Étals de l'Empire. La diète décrétait-elle l'apport d'un denier commun, les Pays-Bas ne devaient toujours fournir qu'une somme égale à celle qui était versée par deux électeurs du Rhin. En outre, il ne faut pas perdre de vue que l'indépen- dance intérieure des dix-sept provinces fut constatée et garantie. Il était sti- pulé plus expressément que par le passé que les Ordonnances et Règlements de l'Empire n'étaient pas obligatoires pour les Pays-Bas. Or, cela avait lieu dans le même acte, dans lequel on statuait, aussi d'une manière plus formelle qu'antérieurement, que le souverain héréditaire de ces pays devait avoir siège et vole aux diètes pour le Cercle de Bourgogne comme pour celui d'Autriche. Ce n'est pas sans une certaine contradiction (|ue l'Empereur, au moment où il s'attribue des nominations pour la Chambre impériale, se donne de la peine pour exempter ses Pays-Bas de la juridiction de celle dernière. Mais celte contradiction s'explique aisément; le puissant Empereur désirait profiter des avantages de la situation sans vouloir subir une réciprocité onéreuse K Quoi qu'il en soit, le Traité d'Augsbourg mettait le sceau, relativement parlant, au travail d'unification des provinces belges, commencé si laborieu- sement par Philippe le Bon, il y avait un siècle, et poursuivi avec une si per- sévérante ardeur par ses successeurs, surtout par son arrière-petit-fils. Sans doute, ce n'était pas encore l'unité compacte et centralisée des nalions mo- dernes; mais on y marchait visiblemenl. Un coup d'œil jeté sur la situation intérieure de la Belgique à cette époque rendra cette appréciation plus sai- sissante. Nous n'avons pas à nous occuper de l'organisation politique, qui était, avec de légères nuances, la même dans les dix-sept provinces. Un acte d'une haute portée, qui fit sortir les intérêts locaux de l'ornière étroite où l'esprit de provincialisme les avait tenus jusque-là et développa les aspirations nalio- * Ranke, GeschiclUe Europas im Zeilalter der Reformulion , t. V, p. 28. 18(j HISTOIRE DES RAPPORTS nales en leur assignant un l)ul commun, fui l'inslilulion des Etals Généraux, de ces vastes assemblées auxquelles toutes les provinces furent invitées à envoyer des délégués et qui furent les précurseurs de la représentation con- stitutionnelle en usage dans nos sociétés modernes. Ce qui restait défectueux, c'était la périodicité des sessions; mais c'était déjà là, à tout prendre, un pas décisif dans la voie de Tunité nationale. il en était de même dans Vordre judiciaire. Si des dilïérences continuaient à subsister, déjà dés avant le règne de Philippe le Bon, on y avait introduit une certaine uniformité, par rétablissement des conseils de justice, véritables tribunaux d'appel dans chaque principauté. Ce (jui contribua puissamment à ceniraliseï- la justice, ce fut l'érection du Grand-Conseil de Malines, dû à Charles le Téméraire et qui était une juridiction en dernier ressort pour les conseils de justice provinciaux, sauf pour ceux de Brabant, de Hainaut et de Gueldre, qui étaient des cours souveraines. Cette excellente mesure demeura toutefois incomplète parce qu'on ne réussit pas à y subordonner toutes les provinces. Dans l'organisation udminislralivc, les progrès ne furent pas moindres. Des corps spéciaux furent institués pour certaines parties du ser- vice public et chargés d'une mission de surveillance. D'autres ne furent établis (pie sous Charles-Quint; mais tous étaient dirigés par des conseillers nommés à cet elTet et qui demeuraient attachés à la personne du prince. Charles-Quint simplifia ces rouages en créant les trois « consaulx » ou conseils collatéraux qui reçurent le soin de diriger les trois branches les plus importantes de l'ad- minislralion (1534) '. En se rendant bien compte de ce qui précède, on peut aflirmer,sans crainte d'être taxé d'exagération, que les Pays-Bas étaient, à cette époque, aussi avancés que n'importe quel grand pays d'Europe, dans la voie de l'unification. En France, Louis XI avait supprimé bien des divergences locales; mais les parlements, quoique ayant une base commune, ne fonctionnaient pas tous de la même manière; les pays qu'il avait annexés à la couroinie conservaient leur physionomie propre, et, de même {pi'cn Belgi(iue, législation, coutumes, monnaies, poids, mesures, etc., différèrent de province à province jusqu'à ' Borgnet, Hisl. des Belçjes à lu fia du XVIIl' sidcle, l. I, pii. 17-;20. — IiUroiluctiori. DE DROIT PUBLIC, etc. 487 la révolution de 1789 qui effaça les distinctions séculaires. L'Italie nous offre un exemple semblable. Nulle pari l'esprit municipal ne dominait autant que là les aspirations générales, et ratlacbemenl des communes à leurs vieilles franchises favorisait la continuation du parlicularisme. En Espagne, Charles- Quint était moins le roi d'un pays unitaire que le souverain d'une quinzaine de royaumes rattachés entre eux par le lien de l'union personnelle, mais dif- férents à tous les autres points de vue. Les faeros y étaient un obstacle presque invincible à la centralisation, cl l'esprit de provincialisme s'y révèle encore aujourd'hui. Nous ne parlerons pas de l'Allemagne partagée en une infinité d'États souverains dont l'organisation, la législation et les coutumes diffé- raient de pays à pays, de cercle à cercle; et cependant elle formait une monarchie gouvernée par un seul chef. Enfin, l'Angleterre avait ses shires dont les lois et les coutumes locales n'étaient pas nécessairement identiques, et ses citoyens furent, dès les premiers temps, opposés à toutes les tentatives de centralisation qui auraient pu porter atteinte aux antiques privilèges de la nation. Il résulte des considérations (lui précèdent que la Belgique, quanta l'unifi- caUon générale, en était au même point que les pays les plus avancés, et l'on doit ajouter que si le génie praticiue de Charles-Quint avait passé à son suc- cesseur, celui-ci aurait pu faire des Pays-Bas une monarchie d'une solidité indestructible. C'était pour la première fois depuis Charlemagne que nos pro- vinces étaient réunies sous le sceptre d'un souverain unique. 31aximiiien, qui était Empereur, n'en avait eu que la régence, et son fils, Philippe le Beau, qui les possédait comme souverain, n'était pas Empereur. Charles-Quinl réunit à la fois la double qualité de souverain et de suzerain. A sa mort, son fils Phi- lippe II se retrouva dans le même cas que son aïeul. Il semblait donc que jamais l'occasion n'eût été aussi belle de donner à nos pays le caractère définitif et stable d'une nation indépendante et, comme cou- ronnement de l'unité nationale, de les doter d'une dynastie particulière. On le sait, Charles-Quint y songea à plusieurs reprises. En 1539 et en 1541, il avait été sérieusement question d'unir la fille de l'Empereur, Marie, au jeune duc d'Orléans, second fils de François 1, et de lui donner pour dot, au lieu du Milanais, les Pays-Bas. Il est certain, toutefois, que Charles-Quint aimait Tome XXXM. 2.5 188 HISTOIRE DES RAPPORTS mieux voir rinfliionce française se forlifior au delà des Alpes que prédo- miner sur la Meuse et TEscaul. Le Irailé de Crespy, du 18 septembre lo4.4-, refléta ces disposilions. Il portait en substance que l'Empereur donnerait en mariage au duc d'Orléans sa fille aînée, ou la seconde fille de son frère Fer- dinand; que si c'était sa propre fille, il lui céderait, à titre de dot, les |)ro- vinces des Pays-Bas en toute souveraineté pour passer aux enfants mâles qui naîtraient de ce mariage; que s'il préférait de donner sa nièce, elle apporte- rait à son mari l'investiture du ducbé de Milan, avec ses dépendances; (jua l'Empereur déclarerait, dans l'espace de quatre mois, le choix {|u'il aurait fait entre les deux princesses. Or, au temps prescrit par le traité, Charles déclara l'intention où il était de « donner en mariage au duc d'Orléans la fille de Ferdinand avec le iMilanais, » Mais au moment même où ce mariage devait s'accomplir, le jeune duc d'Orléans mourut d'une fièvre maligne (8 sep- tembre 1545). Seulement, il convient de l'ajouter, Charles-Quint aurait pré- féré la cession des Pays-Bas; l'opposition qu'il rencontra en Espagne et aux Pays-Bas même l'avait forcé en quelque sorte de se prononcer pour celle du Milanais '. La Transaction d'Augsbourg , complétée par la Pragmatique Sanction de 154.9, révèle une dernière fois la pensée de Charles-Quint à cet égard. La situation était encore fort belle. Dix-sept provinces, d'une étendue consi- dérable, séparées pendant des siècles, formaient enfin un étal unique rattaché par un lien solennel à la grande monarchie allemande, qui était obligée, moyennant quelques justes compensations, de le défendre et de le secourir en cas de besoin. Ainsi venait de naître et allait sans doute se développer une nation nouvelle dont les besoins et des intérêts communs devaient unir étroi- tement les parties diverses, et qui pourrait, grâce à sa configuration géogra- phique, à la force de ses libérales institutions, aux ressources immenses qu'elle offrait en toute matière, s'élever en peu de temps assez haut pour assurer, quand elle le voudrait, l'équilibre de l'Europe. Tel était l'objectif de Charles-Quint. L'idée, on ne saurait le nier, était grandiose. Pourquoi donc ne réussit-elle point? Parce que le choc imprévu ' Gachard, Trois années de l'histoire de Charles- Quint (IMô-ioUG) , elc, pp. 72 et suiv. DE DROIT PUBLIC, etc. 189 des événements renverse souvent les |)lus belles combinaisons du génie bu- main. D'ailleurs, pour que la conception de Cbarles-Quint aboulîl, il aurait fallu, nous l'avons dit, que l'Empereur put meltre à la léle du nouvel État belgique un prince qui, sans avoir son génie, fût animé du même esprit que lui, qui ne fût point embarrassé ou distrait par le gouvernement de pays étrangers et lointains et qui, partant, pût consacrer tous ses soins, toute son activité, à l'administration de ces belles et riches provinces, lesquelles de- vaient offrir par elles-mêmes et à elles seules un aliment suffisant à la géné- reuse ambition d'un souverain. C'était là la condition indispensable pour consolider le nouvel élat de choses. Cliarles-OuinI eut le tort de présumer trop de la perspicacité et de l'habileté de son fils, et, un quart de siècle plus tard, l'édifice splendide qu'il avait élevé allait s'écrouler, non par les attaques du dehors, mais sous les coups de la division et de la révolte intérieures. Après avoir apprécié la portée de la Transaction d'Augsbourg et constaté le but que poursuivait son impérial auteur, il nous reste, pour compléter la matière, à exposer les négociations qui eurent lieu en Belgique pour en ob- tenir la ralificalion. Ici nous retrouverons encore le zèle diligent et l'activité soutenue de 31arie de Hongrie et de Viglius. Nous avons déjà eu l'occasion de signaler la correspondance que le futur président du conseil privé eniretenailavec la reine-régente au sujet du com- promis belgo-allemand. Le jour même de la signature de Pacte, il envoya un courrier à Marie pour lui annoncer l'importante nouvelle. La reine ne lui répondit que le 18 juillet, mais en s'excusant du retard et en félicitant l'habile négociateur du succès qu'il avait obtenu '. Viglius lui écrivit sur-le-champ pour la remercier de la satisfaction qu'elle daignait lui témoigner et profita * Archives royales de Bruxelles, Papiers d'Élat el de l'audience, farde n° 59. « Nous res- pondrons par restard a quatre vos lellres du xix et 26 du passe et du 3 et 10 du présent et nous a ete gi'ant ]ilaisir auoir veu le Iraiclie eonclut dentre lenipereur mon seigneur pour ses pays patrimoniaulx et les estatz de lemjiire (]ue considérons bien nestre passe sans grandes dilïicultez et par sougneuse diligence, coutume et labeur... et vous scavons bongre du bon deb- voir que en avez fait que recognoislrois a voire retour par deçà, et eussons perdu tout espoir de pouvoir accorder avec les ditz estatz, si on eut failly a ce coup, etc.. » 190 HISTOIRE DES RAPPORTS (le la circonstance pour lui exposer la pénurie dans laquelle il se Irouvail et la prier en même temps de vouloir bien ordonner à messieurs des finances de liquider ses frais de séjour à Augsbourg, étal montant à l,bOO carolus '. C'était là le chiffre modeste auquel arrivait, après un an de résidence dans une des villes les plus fastueuses de TAIIemagne, le principal négociateur de Charles-Quinl, un des personnages les plus considérables des Pays-Bas!... Le 14 août, l'Empereur quitta Augsbourg ^ se rendant à Dlm et à Spire pour de là gagner les Pays-Bas, et arriva à Bruxelles le 20 septembre, le lendemain même du jour où l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse, ses prisonniers, avaient été éloignés de celte ville pour être conduits au lieu de leur internement. Les États Généraux furent convoqués pour le mois suivant, et, le 25 octobre, Cbarles-Quint en fit l'ouverture solennelle. Le chancelier de la Toison d'or, Philippe Nigri, lut, au nom de son impérial maître, un message retraçant d'une manière succincte les grands événements qui ve- naient de s'accomplir en Allemagne, l'adhésion des États de l'Empire au con- cile, l'adoption de Y Intérim, la réorganisation de la Chambre impériale, etc., puis exposant le fait de la Transaction d'Augsbourg, les motifs qui l'avaient provoquée et les conséquences heureuses qui en devaient découler pour le pays. Constamment préoccupé, disait le message, de tout ce qui touche « le bien, repos et conservation des Pays-Bas, » tant pour l'avenir que dans le pré- sent, l'Empereur avait essayé d'aplanir les différends existants depuis long- temps entre le saint-empire et la Belgique sur diverses questions. Il avait réussi à établir entre eux une confédération défensive, en vertu de laquelle lesdils pays seraient désormais protégés et secourus par l'Empire envers et contre tous, et, ainsi que les États Généraux pourraient s'en assurer, c'était là un « grand et inestimable bénéfice. » Il suffisait, pour parfaire ce grand ' Mêmes Archives, l. c, n° 38. Lettre de Vigliiis à Marie du 24 juillet : « Madame, iay receii ce iourdliuy les lettres quil a pieu a V. M. niescripre le xviij du présent estant bien ioyeulx q V. M. a trouve bon ce que avons iey besoigne avec les cstatz du lempire.... Madame, ie faiz toute diligence ici pour auoir mô coiigie mais Ion me remet de temps a aultrc. 11 sera lantost vung an que ie suis party de la et peult V. M. considérer mesmes que ma bourse est devenue vuyde. pourtant ie supplie tres-huniblement a V. M. quil plaise a icelle cômâder a mesgrs des finâces que ie puisse cstre dresse et paye pour le passe qui se môte a mille cincq cens carolus. » 2 Jbid. DE DROIT PUBLIC, etc. 191 œuvre, que les Élals donnassent leur ratification '. En même temps une aide l'ut demandée aux différentes provinces. Il est peu de pays dont rassemblée représentative se contenterait d'un exposé des motifs aussi sommaire; il convient d'ajouter cependant que le message se référait au texte même de la convention qui était jointe à ce document et dont les États des dix-sept provinces reçurent chacun une copie. Le § 26 stipulait que les ratifications devaient être opérées dans le délai d'un an. Ce terme n'était pas excessif; car il fallait compter avec les lenteurs des Étals provinciaux et la nécessité d'obtenir les votes des ordres qui les composaient. La première adhésion vint de la Flandre. Elle n'était que pro- visoire, il est vrai; mais elle eut lieu immédiatement après la séance du 25 octobre. « Les quatre membres du pays et comté de Flandres » ne sou- levaient aucune objection; ils se bornaient à remercier S. M. de la sollicitude (|u'elle témoignait pour le bien public et la défense des Pays-Bas, à ratifier autant qu'il était en eux la « confédération défensive » et laissaient aux pré- lats, nobles et villes que l'Empereur nommerait l'unique soin de la signer -. Et, comme gage de leur ratification, ils accordèrent, en même temps, les 250,000 écus demandés par Charles-Quint à la Flandre '\ C'était d'un heureux augure pour le succès général ; mais cet exemple de célérité ne fut pas imité par les autres provinces. Le 10 décembre, l'Empe- reur enregistrait les ratifications des États de Hainaut, de Namur, d'Ulrecht, des villes de Lille, Douai et Orchies, de Tournai et du Tournaisis *. La for- ' Voir l'original dans notre Appendice, n° III. 2 « Ayans entendu ce que au nom de Vostre Maiestc a este propose aux estalz generaulx de vos pays de par decha... toucliant les haultz affaires par Vostre Maieste a layde de Dieu para- chevez en Alieinaigne et la confédération deffensive pour vos pays bas avecq le sainct em- pire, a raccomplissemcnt de laquelle ne reste que la ratification et subscriplion dieelle par les estatz des vosdictz pays. Remerchient en toute humilité vostre tres-sacrée maieste du perpé- tuel soing et indefatigable sollicitude quelle prend pour le bien publicque asseurance garde et Van der Goes, Reijisler op 't jaer IS49. — Wagonaar, /. c. 2 Ihuuheslen van Amsterdam , p. 78. DE DROIT PUBLIC, etc. 197 ce que a cause diidil Iraillie el leur rallificalion l'ou pourroil prétendre el demander d'eulx K » La Cour de Bruxelles supposait, el à ])on droit, que ces concessions ex- trêmes ne pourraient que recevoir l'agrénient des Etals de Gueldre, et elle pressa la rédaction de Tacle général de ratification, ce qui eul lieu le 5 juin ; mais ce ne fui que le 7 que le comte de Hoogstraelen put écrire à la reine Marie qu'il était enfin parvenu à arracher aux Etats récalcitrants l'adhésion demandée. Encore celle adhésion était-elle entourée de réserves el de condi- tions qui prouvaient la vive répugnance des Etats à souscrire à rarrangement de Charles-Quinl et leur extrême défiance à Pégard des promesses que l'Em- pereur avait faites pour triompher de leurs scrupules. Aussitôt que Hoog- straelen leur eul communicpié la lettre de la gouvernante du 18 mai, les États remirent l'affaire en délibération el y consacrèrent deux séances qui durèrent jusqu'au soir. Malgré tout ce que le gouverneur, le chancelier el les conseil- lers de l'Empereur purent alléguer en faveur de la Transaction, les membres de rassemblée ne consentirent à donner procuralion pour la ratification de l'acte qu'à la condition expresse que S. .M. L leur octroierait des lettres réver- sales dont ils dictaient eux-mêmes la rédaction. Si le gouverneur avait refusé d'acquiescer à cette proposition, la ratification aurait été définitivement re- fusée '. La clause principale de cette contre-lettre portail que le duché de Gueldre ne serait pas uni plus étroitement à l'Empire que le reste du Cercle de Bourgogne el qu'il ne supporterait dans les charges qu'une pari é(|uitable et juste, de telle façon que si une contribution de 100,000 Horins était im- posée, il n'en payerait que 3,000 "'. Ainsi se lerminèrenl les négociations qui amenèrent la ratification géné- rale des dix-sepl provinces. Le 28 mai, l'Empereur, conformément au § 2G de la Transaction, désigna quatre prélats, (piatre seigneurs el quatre villes pour sanctionner le traité « au nom de tous les pays de par deçà, » lesquels, ajoutait-il, « se sont accordez et contentez » à celte fin. Il est à remar(|uer que la ville de Nymègue, (pii faisait partie de la Gueldre, reçut une commu- ' Voir Appendice, n"' VllI cl IX. ^ Appendice , n" X. s Pontani, Hist. Gctriw , liv. XIII, pj). 854. , 80 j. J98 HISTOIRE DES RAPPORTS nicalioii semblable et y repondit sans attendre la déeision des Étals de ee pays. La raison en est que, étant immédiate de l'Empire, elle n'avait pas à se préoccuper des résolutions dn duché. On avait fait deux expéditions authentiques du traité, destinées Tune aux archives des Pays-Bas, l'autre à l'archevêque de Mayence, comme archichan- celier de l'Empire. Le secrétaire de Charles-Quint, Christophe Pyramius, lut chargé de les soumettre préalal)lement à la signature des douze mandataires nommés par son souverain et qui devaient également y opposer le sceau de leurs armes K C'étaient: Au nom du clergé : Georges d'Egmout, évèque d'Llrecht, abbé de Sainl-Amand; Charles de Croy, évêque de Tournai , abbé des monastères d'Afib'ghem et de Sainl-Ghislain; Antoine Perrenol, évèque d'Arras; Gérard, abbé de Saint-Pierre-Blandin,à Gand. .lu iiO)>i do la noblesse : Lamoral , prince de Gavre, comte d'Egmont; Adrien de Croy, comte du Rœulx, gouverneur général de Flandre et d'Artois ; Philippe de Lalaing, comte de Hoogstraeten, gouverneur général de Gueidre et de Zutphen ; Joachim de Rye, seigneur de Rye, Neulchàteau, etc.; tous les quatre che- valiers de la Toison d'or. Au nom de la bourgeoisie : Les bourgmestres et conseillers de la ville de Louvain, pour le BrabanI; Les bourgmestres et conseillers de la ville de Nymègue ■', pour la Gueidre; Les bourgmestres et conseillers de la ville de Gand, pour la Flandre; enfin, Les bourgmestres et conseillers de la ville de Dordrechl, pour la Hollande. ' Voir Appendice, n° VII. ^ La lettre par laquelle l'Empereur désigna le magistrat de JVymègue pour ratifier le traité (l'Augsbourg n'est que la traduction flamande de celle que nous i)ublions dans l'Appendice, ji" Vil. Elle ligure dans les Ilundvesten en Charters van Nijmegen, p. 251. DE DROIT PUBLIC, etc. 199 La ratification portail en substance « que les soussignés, prélats, comtes, barons, seigneurs et villes, faisaient savoir à tous que, dans la dernière diète tenue à Augsbourg, S. M. L avait conclu un Imilé annvid avec les électeurs, princes et États de TEmpire, et que les prédits prélats, comtes, barons et villes ratifiaient et tenaient pour agréable ledit traité [inséré lonl au long dans l'acte) dans toutes ses clauses, points et articles, et promet- taient de le faire exécuter dans toute retendue de leur juridiction , sans dol ni fraude. » Ce document, nous l'avons déjà dit, est daté du o juin loiO '. Un des premiers actes politiques, complémentaires dç la Transaction d'Augsbourg, fut la Prufjmaiiqxie Sanclion du 4 novembre JoiO. Charles- Quint, en la soumettant aux États Généraux, y révèle de nouveau sa préoc- cupation de conserver, unies en un faisceau, les dix-sept provinces des Pays-Bas : « Nous avons considéré, dit- il, qu'il importait grandement à nos dits pays pour Pentière seureté et eslablissement d'iceux que pour Pad- venir ils demeurassent toujours sous un mesnie prince, pour les tenir en une masse, bien connoissanl que venans à tomber en diverses mains par droit de succession héréditaire, ce seroit l'évidente éversion et ruine d'iceux, d'au- tant qu'ils se trouveraient démembrez et séparez les uns des autres, et par consé(iuent leurs forces affaiblies et diminuées, dont leurs voisins pourroient esire tant plus animez de les molester. A quoy seroit obvié, moyennant que nos dits pays fussent toujours possédez par un seul prince et tenus en une masse.... » Les Etats Généraux adoptèrent cette proposition sans difliculté et reconnurent pour leur futur souverain le prince que Charles-Quint leur désignait. C'était malheureusement Philippe IL La Pragmatique Sanction fut confirmée par l'empereur F'erdinand, le 14 décembre 1559 '-. ' Archives de lliôtel de ville de Gand, Xieuwen Gelmven Boef;, B, fol. 259. ■- Ibid., I. c, fol. 240. — Voy. ausi-i Stockmans, Opéra omnia, pp. I79-I9i. Pra traité « francq et non subject » et (ju'ils ne seraient soumis d'aucune façon aux lois , juridictions et recez de l'Empire, sauf ce (|ui concerne les contribulioiis. Parmi les droits (pii résultaient pour le Cercle de Bourgogne de la Trans- action d'Augsbourg , il y avait celui d'envoyer des ambassadeurs ou députés à la diète de l'Empire. Lorsqu'une nouvelle dièle se réunit à Augsbourg, en 1551, Charles-Quint y envoya Jean de Hennin, seigneur de Boussu et de Reckheim, chevalier de la Toison d'or et grand écuyer de S. M. l.; Charles de Brimeu , comte de Meghem et seigneur d'IIumbercourt ; Henri Hasse de Lauffen, président du Conseil de Luxembourg, et Charles de Tisnacq, tous deux conseillers de S. M. '. Le rôle de ces députés était le même que celui des envoyés des autres nations; mais nous devons faire remarquer, dès à pré- sent, qu'il n'eut de l'inqiorlance (pi'après la mort de Charles-Quint. lis devaient, en vertu du § 16 ^, être convoqués à toutes les assemblées im- ' a Rcrogrioscitiir et siiscipilur in feiitluni Impciii tkicaliis Gelria:, et coniilalus Zutpliania>, ncc non doininiuni Traicclense et Transisalamini : et dcirule oiimiu alla c|ii;e in (hicatibus Lollia- ringiœ, Braliantia;, Limburgi, Luxemburgi et comilatibus l'iandriœ, Burgiindioe, liollandiœ, NaiiHirci, doniiiiiisqiic I"risi;e oi'icntalis et oroidentalis, aliisqiie terris inferioris Gerniani;p qii.T a S. 11. 1. moventiir, in feudmn rccogiioscunlnr ab Iniperio, iina eiiin pra'fectiira ac Diirggra- viatu Impcrialis ciladellœ et arcis Cameracensis. » VVcrncr, Sijmph. supplie, t. IV, p. 59. — Voy. aussi De Vaddcre, Orùj. des ducs de Brcdiaiit , C. XV, p. loi, et Siockniaiis, Decisiones, l.l, p. 16. ^ Reiclisfamu de 1727, 1. 1, p. 17C. •> « Item, eonvocabuntur ad omnes convenliis et comitia Inipcrialia ut eum aliis stntibus eompareant, aut deputatos suos, si eis visuni fuerit , millaul. Dabitiir eliain iliis, no-ilristpie Ineredibus et sucecssoribus ^el nobis, liorumque dcputatis sessio et suffragiuni noniiue die- larum provinriaruni tanquani areliiduci Austria'. » Tome XXXVÎ. 27 204 HISTOIRE DES RAPPORTS périales, pour y comparailre avec les députés des aulres Étals, et ils avaient session et voix à la diète « comme un archiduc d'Autriche. » A celle dernière clause se rattache une parlicularilé qu'il y a quelque intérêt à signaler. Le rang des membres de la diète était rigoureusement fixé, et Ton trouvait toujours vis-à-vis d'un siège ecclésiastique un siège séculier. Or, chose remar- quable, l'Autriche et le Cercle de Bourgogne figuraient dans le banc ecclé- siastique. L'origine de ce fait remontait à Philippe le Bon. Une vive discussion au sujet de la préséance s'éleva, en 14.33, au con- cile de Bâie , entre les électeurs et le noble duc. Les députés des électeurs alléguèrent une série de treize arguments pour prouver leur droit. Les ambas- sadeurs de Philippe les réfutèrent. Pour terminer la querelle, le concile rendit, le IG juin 14.33, une décision ainsi conçue: « En présence de la controverse qui a surgi entre les vénérables envoyés du duc de Bourgogne et ceux des électeurs du saint-empire, sur le point de savoir dans quel ordre ils devront siéger dans les sessions et assemblées, ce saint synode, afin de conserver la charité entre les princes prédits, considérant d'ailleurs qu'ils sont unis par les liens de rafiinité, que ce saint concile est célébré sur le territoire allemand et qu'il semble, à cause de cela, qu'on doive honorer les électeurs, le duc et les ambassadeurs, comme il est croyable tpie le duc voudrait honorer lui-même ces électeurs et leurs ambassadeurs, — ordonne provisoirement que , dans ce concile , un des ambassadeurs dudit duc de Bourgogne siégera le premier après les envoyés royaux et qu'après lui suivra un des envoyés des électeurs, et ainsi de suite alternativement. El cela sans préjudice de ce que chaque partie pourra agir au possessoire ou au pélitoire, comme bon lui semblera '. » La question n'ayant été tranchée que pour une circonstance donnée, la discussion recommença chaque fois que le duc de Bourgogne et les électeurs se retrouvèrent en présence. En 1471, à la diète de Ratisbonne, les envoyés de Charles le Téméraire furent placés parmi les ambassadeurs royaux. A partir de la Transaction d'Augsbourg, les députés du Cercle de Bourgogne furent les plus proches de ceux d'Autriche qu'ils suivaient toujours immédia- > Marlènc et Durand, Coll. vel. monitm., t. VIII, I sqq. DE DROIT PUBLIC, etc. 205' (omont. Los députés d'Aulriclio e( ceux ilu piiuce-archevêque de Salzbourg avaieul allernalivemenl le directoire du collège des princes, el la première voix ou suffrage avec la première séance au banc ecclésiastique , (|ui était le banc supérieur, « de manière que , quand Autriche précédait Salzbourg, le député de Bourgogne le précédait aussi, et, au contraire, quand Autriche suivait Salzbourg, Bourgogne le suivait également '. » L'obligation de contribuer dans les matricules avait été, nous l'avons dit, imposée aux Pays-Bas par le § 17 de la Transaction'. Une ordonnance du 22 noveml)re 1548 fixa cette matière^. La diète d'Augsbourg taxa d'abord la Belgique de la manière suivante : Le Cercle de Bourgogne et ses |)iiys ap- parienanl à lErapire 120 Iioninies à clieval el 600 à [liod *. Le eonile de Niissau-Breda-Dillenl)Ourg . -JO — et 90 — Le eoiiile de Ilornes â — et 22 — Le conile d'Egmont-Ysseisleiii . ... 10 — et 23 — Le comte de Berg-Waalen 10 — et C7 — Le comte Oswald de Bcrg 4 — et 18 — 'a * Slriivii Coyjius jiiris piihlici Iiiipcrii Romuno-Gernumici, p. S8G, noie 74. — Instruction donnée par le marquis de Castel-Rodrigo, le 31 mai 1007, à l'aiibé de Prétipiano et au conseiller Pliilippi, envoyés à la dicte de Ratislmnnc, dans le Bulletin de la Connu, royale d'histoire , 5""= série, t. VIII, p. i'M). 2 « Vicissim nostro , dictarumquc provinciarum nostraruin, subditorum el postcrorum eoruui consensu, debeliunt dietse omncs provincise, cum ad conservalioneni et bonum S. R. I. atque eliam ad fovendam pacem et jiistitiam iieecssarium crit, in omnibus conimunibus tribulis, qu;e quovis tempore a slalibns communibus Imperii concessa decrelaque fuerinl prieslarc cl contri- buere tantuni quanta duorum principum cleclorum contributio esse potesl. Adco ut, cum elec- tor nous pra^stabit ad contributionein centum llorenos, aut cum ccntum équités el centum pedites niittet, nos, ha-redes et successores nosiri tenebimur pendcrc ducentos llorenos et ducentos cquites ducentosque pedites submitterc; idcmque in magnis et parvis subsidiis, augendominuen- doque cum proportione servabilur; nisi lamcn casu aliquo nos, aut dicl;e nostra- pro^incifclicre- dilariœ, ipsi milite indigeremus aul alias consullius foret loco militum acciperc pecuniam, (jua^ co. casu, loco dictinum militum, proul subsidium concessum magnum |)arvumque fiierit, sin- gulis mensibus pcrsolvctur co modo, (pu) elecloris pro lemiiore niiliteni, ca|)ilaneus et oflicia- rios slipendio du|)lici aut aUis solulionibns ca-terisque rehus aient. » 3 Compte de H. de Boulogne de looO (n" 1892), art. Dé])enses. — Règ. aux dép. et mand. des finances, n° 20742. — tienne, /. f., j). ôôS. * En règle, c'était o54. 206 HISTOIRE DES RAPPORTS Celle imposition fut modifiée comme suit : Le comte de Nassau 50 Iiommes à clie\al et 155 à pied. Le comte de lloriics (moiléi-alion). . . "i — et 8 — Le comte d'Egmond (augmentation) . .10 — et 4ci — LeconUedOswalddcBcrg (id.) . . • 8 — et 20 — ". La diète insista aussi sur une question que nous avons déjà signalée en passant - et qu'il convient ici d'exposer plus en détail. Il est probable (|ue dès le XV'^^ siècle, les empereurs d'Allemagne firent des efforts pour unifier le système monétaire en vigueur dans les provinces belges, ce système si variable et si compliqué, ou tout au moins pour amener les diverses monnaies en usage à des proportions qui rendissent leur réduction facile en monnaie de l'Empire. Une probabilité , voisine de la certitude, auto- rise cette hypothèse. En etTet, lorsque les États de l'Empire établirent, au moyen des matricules, les contingents à fournir et les contributions à payer par les Pays-Ras, il dut s'élever — en supposant que les États des Pays-Ras se soient exécutés, — des contestations sérieuses au sujet des subsides demandés et accordés, ceux-ci affirmant que la somme versée formait le montant de leur quote-part, ceux-là alléguant le contraire, chacun se réglant d'après ses pro- pres monnaies. Mais en dehors de cette considération, il y avait tant de motifs d'utilité géné- rale qui appelaient une réforme en cette matière, que Charles-Quint promit, en 1532, à la diète de Nuremberg, de la signaler au Cercle de Rourgogne, en l'invitant à introduire dans son système monétaire les modifications désirées. Toutefois, la question ne put être posée et agitée eflicacement que lorsque Charles-Quint, en signant la Transaction d'Augsbourg, se fut engagé à faire participer les Pays-Bas aux contributions de l'Empire pour une somme double de celle d'un électeur et à concourir à l'entretien de la Chambre impériale. Dès le 17 juillet 134.8, Cbarles-Quint publia une ordonnance relative aux monnaies d'or et d'argent ayant cours aux Pays-Ras, statuant, entre autres dispositions, que toutes les pièces, depuis les plus grandes jusqu'aux plus ' Cortrejus, ad Malriculaui , p. 38. - Voy. pp. 155 et 4(; à 49. DE DROIT PUBLIC, etc. 207 petites, devaient porter, sur l'avers, Tempreinte de l'aigle impériale à deux tètes, Torhe de l'Empire sur la poitrine de Taigle, et le chiffre indiquant com- bien de kreutzers valait la pièce, avec l'exergue : CawL V. Imp. Amj. P. F. decrelo ; et sur le revers, les armes du seigneur ou du pays, avec son exergue ordinaire et le millésime '. Cette ordonnance n'ayant pas eu le résultat qu'on en attendait, la diète d'Augsbourg, en 1551, formula une nouvelle proposition à la suite de la- (|uelle Charles-Quint promulgua un édit spécial. On prit pour base le cours rhénan, soit le florin de GO kreutzer; mais on admit divers tempéraments. Ainsi, on laissa subsister le florin de l'Empire, nommé Reichsfjidden, valant en réalité fl. 1 '/s ou "2 kreutzer, et les Pays-Bas furent autorisés à maintenir leurs sous [sluiver) dont 28 formaient un florin de 72 kreutzer, à o loth (décagramme) de fin, et dont 76 formaient un marc; le sou, 8 penningen (deniers); 23 '/'i sous des Pays-Bas faisaient 1 fl. de 60- kr. '\ Mais cet édit, pas plus que l'Ordonnance de 154.8, ne mit fin à la discus- sion, et nous verrons le conflit se renouveler plus tard. Nous avons dit plus haut les diflîcullés qu'avait rencontrées l'Empereur de la part des États de l'Empire en négociant la Transaction d'Augsbourg. A peine le traité fut-il conclu ([u'il se manifesta des germes de mécontente- ment qui éclatèrent avec plus de vivacité en 1550. Il y eut alors de l'oppo- sition de la part de certains membres de l'Empire contre l'une ou l'autre clause de la Transaction ; mais Charles-Quint passa outre et ordonna à la Chambre impériale de l'imiter, ce qui eut lieu , malgré des doutes que l'on exprima sur Tinterprélation du traité '. Avant de terminer ce chapitre , essayons de calculer ce que coûtait à la ' « Ordonnance, statut et permission de FImp. Maieste des espèces d'or et d'argent aiant cours au pais de par deçà, publ. A. l!J't8, 17 jul. avec le billon dor et d'argent de plusieurs roiaumes, etc. » Gand, 1532, in-12. On cite, comme s'étant conformés à cet édit, trois princesévèques de Liège, Georges d'Au- 1 riche en 1336; Robert de Berg en 1337, et Gérard de Grocsbeck en 1537; l'abbesse deThorn en l3G5;deux évêques de Cambrai en i3(i6 et en 1370; l'abbé Christoplie de Stavclot-Malmédy, en 1370. Ils appartenaient, comme on sait, au Cercle de Westpbalie. "' Voy. V. Praùn, Gnindliche \uchricht von dein teiitschen Munztvesen, 1 74 1 , pp. 156 et suiv. ^ Harpprccht, Arcliiv des Kays. Kammergericlils , 1. c. — Meerman, cap. III. 208 HISTOIRE DES RAPPORTS Relgi(|iie son union avec i'Eni|tii'o, imniédlalomcnl après la Transaction ilWugsbourg. Prenons pour base les conlribuiions électorales. Un électeur avait à fournir 60 liommes à clieval et 277 à pied ; le Cercle de Rourgogne, étant coteau double, devait, par conséquent, fournir 120 boninies à cheval et S54 à pied [cuni anymenlo 600). En cas de guerre contre les Turcs, il devait contribuer pour le triple, soit 180 cavaliers et 851 piétons. L'électeur devait verser 1,828 ilorins par mois romain; par conséquent, le Cercle de Rourgogne, 3,656 et, en cas de guerre turque, 5,4.84, soit pour 12 mois romains, 4.3,872 florins. En outre, l'entretien d'un cavalier étant évalué à 12 florins par mois et celui d'un fantassin à -ï florins, le total coûtait au Cercle de Rourgogne, par mois, 1,440 llorins pour les hommes à cheval et 908 pour les piétons, soit , pour 12 mois respeclivement, 17,280 et 10,896 florins. Mais il faut ajouter à cela : La contribution dans l'entretien de la Chambre impériale, qui était de 2,000 florins de Rrabant environ; Les appointements de l'assesseur à cette Chambre, qui furent d'abord de 200 florins; Les honoraires de l'avocat et procureur à celte même Chambre que Charles- Quint, dans la patente de Rreynningh, fixa à 100 florins par an, mais que nous verrons augmenter plus tard ; Enfin le traitement des députés (|ue le Cercle de Rourgogne envoyait aux diètes et leurs frais de séjour; ce que nous évaluons en moyenne, à 1,000 flo- rins par tête, en prenant pour base la déclaration de Viglius après la diète d'Augsbourg, de 1547-1548. Les diètes ayant une durée plus ou moins longue, on ne peut fixer à cet égard qu'un chiffre approximatif. Au résumé, en supposant les contingents régulièrement foui-nis et en |)renant pour base une année de douze mois romains, le total général des dépenses du Cercle de Rourgogne comme membre de l'Empire aurait été de 80,000 florins, somme insignifiante relativement si les Pays-Ras avaient obtenu par compensation l'assistance eflicace du corps germanique ; mais le calcul par mois nous parait plus exact, parce que les matricules comptaient par mois et non par année. DE DROIT PUBLIC, etc. 209 Le 25 octobre 1555, Charles-QuinI, épuisé par les fatigues d'une carrière (|ui ne lui avait pas laissé de trêve, et désireux de goûter un repos tardif, céda à Philippe 11 la pleine propriété des Pays-Bas et la vicairerie de TEm- pire en Italie '. Le 17 janvier 1556, il remit à son fds les couronnes d'Es- pagne avec toutes les possessions qui en dépendaient, tant dans l'ancien que dans le nouveau monde. Il mit à la voile pour l'Espagne, le 17 septembre 1556, après avoir, le 7, envoyé à son frère, le roi des Romains, les insignes de la dignité impériale. Le 21 septembre 1558, mourut celui par lequel « le monde s'était agrandi. » Charles-Quint a été, de nos jours, l'objet de jugements bien divers. On a essayé de contester son génie et de nier la grandeur de son règne. Sans doute, il n'a pas réussi dans toutes ses entreprises ; mais qui oserait prétendre (ju'il ail échoué toujours et partout "-? Deu\ grands faits seront à jamais l'honneur de sa mémoire. Par des efforts incessants, par une héroïque obstination, il a refoulé les Ottomans et contenu les Français, Sans la persévérante ténacité de l'Empereur, Vienne, Rome peut-être auraient été envahies par les sectateurs de Mahomet et la bannière aux fleurs de lis eût été arborée sur le beffroi de Gand ' Retraite et inorl (h Cliaiies-Quinl au monastère de Yt(sle. — Iinroductioii, p. 140. 2 « On dirait que Ciiarles-Quint, qui ne ressemble ni à son père, ni à son aïeul, ni à son fils, encore moins à ses descendants plus éloignes, est venu tout exprès pour offrir dans sa per- sonne, son caractère et ses facultés, le représentant et le défenseur d'une colossale puissance ([ui nexistait pas avant lui , qu'il n'a pas fondée, mais recueillie, maintenue et accrue , qui , après lui, s'est d'abord divisée, parce qu'elle était évidemment trop grande pour un autre et dont les fractions importantes se sont amoindries par l'irapcrilie de ceux qui les ont possédées. Charles- Quint n'a reçu de la nature ni tous les dons, ni tous les charmes, et avec l'expérience il n'a pas acquis tous les talents; mais il a suffi à son rôle. Il a été assez grand pour garder sa multiple couronne. En somme, même en comptant les fautes et les infortunes de sa jeune vieillesse, la gigantesque monarchie dont il a été le chef pendant trente ans n'a pas décliné dans ses mains... Il s'est proposé principalement quatre objets : être le maître en Italie, arrêter les progrès de la puissance ottomane en Occident, vaincre le roi de France, dominer le corps germanique en le divi.sant et se servant du prétexte religieux de la reforme pour battre les défenseurs politiques de cette croyance. De ces quatre objets , trois furent obtenus : l'Allemagne seule ne fut pas vaincue, ou si elle l'a été dan, des batailles, ce fut sans triomphe politique et sans résultat religieux. Avec l'Allemagne, Charles-Quint s'y prit trop tard, trop lentement ; il entreprit de la soumettre à une époque où les protecteurs de la réforme avaient grandi , où lui-même s'affaiblissait. » Van Praet , Essai sur l'histoire politique des derniers siècles, 1867, 2° éd., pp. 190-192. 210 HISTOIRE DES RXPPOKTS cl sur les tours de Bruxelles. C'est contre ce double danger (juc Cliarles-Quini voulait prémunir rAllemagne en faisant négocier la Transaction d'Augsbourg. Assurer à TEmpire de nouveaux renforts contre les Turcs, procurer aux Pays- Bas une protection efïicace contre la France, c'était, nous Pavons vu, robjet principal de celle convention célèbre. Il y réussit et, en descendant dans la lond)e, il put croire à la stabilité de son œuvre. Ce qu'allait devenir la Bel- gique entre les mains de son successeur, nous allons le voir. DE DROIT PUBLIC, etc. 211 TROISIÈME PARTIE. EXÉCUTION DE LA TUANS.\C'nO.N u'aUGSBOURG. CHAPITUi: 1 '. Remarques préliminaires. — Pliilippe II icçoit de l'empereur l'crdinand l'invesiiuirc de ses terres dans les Pa^s-Bas. — Griel's des Belges eonlre le gouvernement de leur prince. — Plaintes et démonstrations. — Les Belges invoquent les paix de religion d'Augsbourg et de Passau. — Attitude expeclanle de l'Allemagne. — Défiances de la cour de Bruxelles. — Pre- miei'S troubles. — L'empereur Maximilicn II inlcr\ient en faveur des comtes d'Lgmont et de Hornes. — Le [)riuce d'Orange, condamné ])ar le duc d'AUie, en appelle à l'Empereur. — Démarches de plusieurs électeurs et princes de l'Empire auprès de .Maxiuiilien pour le prier de recommander à Philippe II la modération. — L'Em|)creur envoie à Madrid son l'rère, l'archiduc Charles. — Insuccès de la mission de ce dernier. — Réponse de Pliilippe II aux arguments de l'arcliiduc. L'exc'culioii sincère, loyale, conslaiile de la Traiisaclion d'Augsbourg, tant de la part de la Relgique que des États de PEnipire, aurait seule pu assurera la combinaison politique de Cliarles-Quinl la durée qu'elle méritait d'avoir. Ce- pendant, à partir de la mort du grand Empereur, le traité recul de nombreuses atteintes, et Ton peut dire qu'il ne l'ut souvent l'objet que (\c Vinexécution des parties intéressées. Non que, dans les occasions ordinaires, la Belgique ou l'Empire voulussent formellement l'éluder; mais leur tendance générale, dans des circonstances décisives, ne lut pas de l'observer énergiquemenl, de sorte qu'un jurisconsulte allemand a été pleinement fondé à dire (pie le résultat final du Traité d'Auiisbourg al)outit, par des vicissitudes successives, à l'abo- lition graduelle de l'œuvre de Cbarlcs-Quint '. Le traité avait constaté la réunion — elTectuée par Cbarles-Quint — des dix-sept provinces des Pays-Bas sous le même sceptre cl leur union avec ' PfcITingcr, Vilriarins illiislrultis. ToMi; WWI. 28 212 HISTOIRP: DES RAPPORTS lY'mpirc germanique; en outre, le devoir pour l'Empire trempècher loule mniilation de lerriloire de ehacune de ces provinces. Or, le Irailé fui alléré dans ses slipulalions fondamenlales d'ai)ord par la déreclion des Pays-Bas du nord el ensuite par les conquêtes de la Erance. Le. premier de ces deux laits fut provoqué par des causes internes , c'esl- à-dire par les griefs des populations belges contre leur souverain. Le second l'ut du à des causes cxlernes , c'esl-à-dire aux guerres dans lesiiuelles la IJelgicpie fut impliquée non par elle-même, mais par les rois anxcpiels elle obéissait. Dans les deux cas, elle ne reçut de l'Empire ([ue des secours inellicaces ou insullisants, ou elle n'en reçut pas du tout. Les détails de ces événements appartiennent à rhisloire générale do la Rel- gi(pie; nous ne devons pas nous en occuper. Nous n'avons qu'à nous arrêter aux faits principaux (jui exercèrent luie inlluence (jnelconque sur les rapports des Pays-Bas avec TEmpire. A la mort de Charles-Quint et lorsque Ferdinand fut devenu Empereur, Philippe II, qui lui devait hommage pour les principautés belges dépendantes de l'Empire, demanda un délai de huit mois pour s'acquitter de ce devoir, de nombreuses affaires d'État l'empêchant de le faire plus lot. Ce délai lui fut gracieusement accordé '. Ce fut le 13 mai 1560 que Ferdinand donna l'inves- ' Vav diplomi' ilu 'i't noi'it Wy'M. Arcliives impûrialos df Vienne, Hcirlisrcfj/slralarliiichi;!- Ferdinand 1 , l. XI, loi. ::i67. « Kûe : VVirde ziic llis|»:micii etc. : Induit aiif ac-lil nioniti huuKj, seiner ku : w. Lchens Emiifidninij lialben. Wir l'eidiiuind, clr. (en abr('gé) Bekliennen on'enllicli mil diseni brief, ails iiinis, der durelilcucliligist fiicrst, lierr Plilips ivuenigzu Flispa- nien, unnd baider Sieilieii, ele. Mr/lierzog zu Oesleireicli , Ilerzog zii Uurgiindi, Brabanl, etc. Gi-aiie zu llabspuig und Flannderii, cle., uiinser Ireundllielier lieber veller, l'ieundiicli uiid vetlerlieii zueiliiennen gei)en, wiewol sein Lieb pflielilig, aiiili frnendllicb unnd woll gewilt weie, li'c iiegalien nnnd ]>elien , so von uiins vund dem iieiliigeii rcieb zu Lelien liicren, nacli gebiiei', IVeundllieii mid veUerJieii l)ey iimis ziiersueeiien Muid ziiemplalicn, so werc Ir lie!) doeU diiieb niergkiiliciie lie Eeliairien daian diser zeil veiliindert. Mit freundliicjiem ansuecheii v(ii,d bilen, das wir seiner l.icb, soeleber lier Leliens empfaliung lialben, ungeiierlich auf acht rnoiiat iainig, vnnser urlaub uund Induit, zugebcn vund niilzulaillen gerucclilen , das wir deni- nacb lieundllieli vnnd veltcilieli angcsehen habcn, jezlbei'uerl seiner Lieb ziniblich anlanngen vund i)itt, Innd dainmb ,-einer Lieb, angeregic Ire Hegalia vund Lclien , auf aelil monat lanng, von date diz bricffs anzureelineii , freundtlieh vund volerlieh geurlaubt, Ibnen das aueli DE DROIT PriîLIC. etc. 213 liliire rc(|uise à Philippe, représenté par don Claudio Fernandez de Quiiiones, conile de Lima, son ambassadeur à la cour de Vienne; Pierre de 31o!arl, conseiller de l'Empereur et chambellan du roi de Bohême, el Urbain Schar- berger, secrétaire d'Étal pour la correspondance en langue allemande à Hruxelles. De même (|u\'n lool, la Gueidre, Zniphen, L'irecht et Over- yssei furent seuls relevés nominalivemeiil ; « les autres terres dans les pro- vinces des Pays-Bas, » mouvantes de rEm|)ire, le lurent d'une manière col- lective '. La même formule fui reproduite dans les inveslilures données par les successeurs de Ferdinand L Quelques mois après, l'Empereur conlirma à Vienne (30 avril 1360) le privilège octroyé par Charles-Ouint à la Hollande en vertu du(juel elle était affranchie du payement de tout subside à l'Empire '. liiriiiit ^\ isscntlicii viind ^\ollK'l]c('lltlil■ll , in Crnd'l iliz lîrii'iïs, nlso il;is soin [Je!) dicselhcn Ire von viins unnd dcni heilligi'n rciche zii Lclien ruercndf ruc!>lcnlliunili viind Laniidc, mil alicn Ii'en obrilvliliailcn , lierrliciiaiten, Niizungcn , uiind allcn anndL'in l:in mmuI Ziicgcliocriin- gcn, so von ailiers viind roclils wogcn darzue goliocrl liabcn, innliahcn, gcbraiiciicii, niiezcn vund nicsscn solle viind niiioge, allermasscn ails oh sein Licb dicsclbcn alherait von unns zii lelien erapfanngen licite, von allermenigelieh onucrhinderl, docli unns iinnd dem hcilligcn Rciche, an tiiiiisern, unnd sonnst incnigclich an scincn Rcclilcii nnnd gci'echligkhailen iiniier- griffcnlieh, Unnd das sein Lich von soelclien Régalien unnd Lchen, unns unnd dcin heilligen Reiche, das jlienig dauon laisle unnddienne, das sich gebnerl, auch in niiller Zcil, oder aispalt nacli versclieinung der achl inoiial, bcniclle Ire lîegalia, von unns unnd dcni hcilligcn Rciche. vvic gehreuchig, zu Lchen empfahe, (ingeucrdc, Mi! l'rkhnndl diz Bi'iefs. hesigelt mit unnscrui tiaiscelichen aulgedruckhlen Iiinsigl. Gcben in uriaset' und des Reielis-Slat .Augspurg, ain vici'ond-zwainzigislcntag dc-^ .^louais Auguslij, Nacli Ci-isli gidiuiil XV. C unnd ini LIX'"' unnscrei' licielie des Rocniischcn ini XXIX"" unnil dcc anndein ini .XXXiJI'''" jaren. Fehdi.na.nd, Ailniandulinn diij. lUciti Iiitj)i'raliirls jirojjriinii , V. Soi:ld. L. Kn.ciisi.Aciiii. » ' eiiinenlihus et a sacro Romano Imiieiio in leuduni ilepeudenlilius, unacuni omnibus aliis quic in ducatibus Lolliarin- giœ, Brabanliœ, Limburgi el Lucenibuigi ac comitatibus Flaudriœ, Ruigundiœ, ilollandia', Zeelandia* ac Namurci doniiniisque Frisiae occidenlalis el orienlalis, aliisipie Ici ris inlerioris Gerinaniœ.a iiobis et sacro Romano luipcrio in l'cudmii ni.)\cniur. » Ar(hi\cs de IJruxclIcs, fonds de raudiencc, carton Duchc de (iucliire. - Voir p. 19G. — Il.cherlin, Neiii'Sie Uiiiclisgi'Schidilc, I. IV, p. 294. — Le 21 avril 1503, 21 i HISTOIRE DES RAPPORTS .Nous avons mainlenant à examiner (|iu'IIe fut ratliUido de rEm[)ire à l'ésai'd (le la lulle qui allait éclater dans les Pays-P>as entre le souverain el une partie considérable de ses sujets. L'n des griefs principaux des Belges contre le gouvernement de Philippe II Ma(piil par suite des vexations de Pincpiisilion. Ce tribunal avait été établi dans les Pays-Bas par Charles-Quinl (lo22). Philippe, à son avènement, se borna à confirmer les ordonnances de l'Empereur sur cette matière; mais ces ordonnances furent prises au pied de la lettre el exécutées, par des in(|ui- sileurs zélés, avec un déploiement de rigueur inouï. Les protestations les plus énergiques s'élevèrent alors et contre le saint- odlce et contre le souverain qui Timposail. On savait que Philippe, pré- voyant que les Belges ne mancpieraienl pas de se prévaloir du Tiaité d'Augs- bourg, avait, autant que possible, cherché à en aflaiblir Tautorilé à leurs yeux '. En loo7 et 1358, pendant la guerre entre la France el l'Espagne, les États belgiques engagèrent le roi à s'attacher à Pexécution stricte du traité conclu en ioiS par son père au nom des provinces belges ' et demandèrent en même temps que la Transaction fût observée par le saint-empire comme elle Pavait été du côté des Pays-Bas, « attendu (pie par icelle cesdicis pays dévoient, sans gros frais et despens, être perpétuellement tenus soubz la garde, ayde et delTense dudict saint-empire"'. » A la séance du 8 avril loo8, les députés de Hollande demandèrent expressément que le pouvoir des inqui- Fenliiiand confirma le privilège accordé par Ciiarles-Qiiinl (I "i dccenihrc liiiô) à Léonard de Taxis comme maître des postes dans 1 Hmpirc, les pays héi'i'ditaircs et les Pays-Bas. (H;eberlin , /. ,:, t. V, p. D<).) I « Eleclores et principes Impcrii lalli si credcrent Flandriani et rcliquas ])rovincias sibi snhjcclos haberc aliqiiid commune cum Imperio. Etsi enim pater ipsius Carolus V', qui earuni doininus itemque Imperator fnissct, olim provincias illas adstrinxisset ad auxilia subminis- Iranda Imperio, quod vicissim etiam ad reciproca auxilia necessitate exigente leneretur, tamen oliiigalionem in effeclu nentram partem efîîcaciter liinc inde obstringere, alque Imperinin eo jure cxcidisse. » Moser, Teiilsches Sl(ipelle que la Transaction d'Augsbourg n'autorisait aucune poursuite devant la Chambre impériale pour motif autre ipie celui de non-payement des conlribulions : aussi l'exhorlalion au magistrat d'Anvers n'eut-elle aucune suite '\ Quoi qu'il en soit, on ne laissait pas en Allemagne de se préoccuper de la situation des Pays-Bas, et, de leur côté, les personnages qui formaient le gouvernement de Bruxelles élaient attentifs sur l'atlilude que prendrait l'Em- pire. Dès 1562, lors de l'élection du roi des Romains, Maximilien II, dont l'esprit de modération élait connu, le cardinal de Granvclle voyait avec dé- plaisir « que tant de seigneurs des Pays-Bas* fussent partis pour Erancfori, » parce qu'ils ne pouvaient « rien gagner dans leurs rapporis avec les Alle- ' Bulletins de la Commission roijale iVhisloire, â' scrio, I. VIH, \^\u Ô02 el ôOô. 2 Van der llaer, De iniliis tumiilt. helg., lib. I. "' Van Loon, Leenroerigheijd , clc, pp. ôôO, 531. i le duc d'Arstliot, de la pari du roi , le prince d'Orange, les comtes d'Arenbcrg et de Mans- l'clt, Schwendi, Antoine van Stracien, bourgmestre d'An\crs, le pensionnaire Martini, etc. — Ces deux derniers avaient été députés à Francfort par les Étals de Brabant, de l'agrément de la duchesse de Parme, pour solliciter de rF.mi)ereur la conlirmalion de la Bulle d'or de Brabant. 2if, HISTOIRE DES RAPPORTS niaiids \ » Cette défiance ne fit qne s'accroître une lois (|iie les dispositions de Maximilien, devenu Empereur -, furent connues. Quand les premiers trou- bles sérieux eurent éclaté, la duchesse de Parme engagea le roi à se servir de l'armée de l'Empereur pour soumettre les révoltés, parti qui, suivant elle, ol'iVirait ce double avantage : « ipi'il en coulerait moins et que les troupes de l'Empereur venant à être licenciées (les Turcs ne tenant plus la campagne), ne seraient pas enrôlées pour les confédérés et les sectaires '. » Ee bruit courut (pic Philippe II devait amener lui-même une armée aux Pays-Ras. « On dit, écrit aussitôt la duchesse, que, à la prochaine diète d'Au"sbour2-, les confédérés et sectaires demanderont à rEm|)ereur d'inter- céder auprès du roi afin (pie S. }\. ne vienne pas avec une armée et que si FEmpereur n'accueille pas ce vd'u , ils engageront les électeurs à lui refuser leur aide contre le Turc en prenant pour prétexte qu'ils auront à garder leurs terres et leurs biens contre les troupes du roi. On dit encore qu'il est (|uos- tion d'envoyer à l'Empereur deux tonnes d'or, afin de le gagner, et de riches présents à ses ministres pour avoir leur aj)piii auprès de lui. » La duchesse de Parme jugeait ces rumeurs « ridicules et sans fondement '. » Granvelle n'y croyait pas non plus et il regardait comme de l'air et du vent [aère y vienfo) les secours que les confédérés se vantaient de recevoir d'Allemagne : « Us manquent d'argent, dit- il, et, sans argent, il ne viendra personne. » Les disput(is de secte à secte lui paraissaient un autre obstacle sérieux : « H n'y a en Allemagne qu'un seul prince calviniste, c'est l'électeur palatin, et il est pour cela odieux à tous les autres et si pauvre qu'il ne peut même envoyer du secours à son gendre, assiégé dans (îotha. » A l'appui de son opinion, Granvelle fait encore remarquer « (|u'à Anvers les confessionnistes ou luthé- riens s'armèrent avec les catholiipies contre les calvinistes, haïssant ceux-ci au point de dire tout haut qu'ils se feraient plutôt catholiques que calvinistes '. ■> < Giirliiird, Conrsp. (h' Philippe 11 , I. 1, p. -2-2-. I.cIIit do Granvelle ■■m roi du 1 '.I iioveii!- iire \:n;-2. -^ FerdiiiiHid 1 «'iail mort :i Vienne, le -2'.> JMilIel \')('>'t , agi' de (Il ini>. "' //)/(/., p. '(-T^l. l.eUre du I "i oeUdu'C \'>CA'i. * Ihid., p. 'i.'.)r>. Lettre du 18 di'ccniljre l'iOti. " Ihid., p. 'J-27. I-eUre du l"i avril 1;)C7. DE DROIT PUBLIC, ktc. 217 Celte opinion de Granvelie était parfaitement fondée. Cependant l'Empe- reur croyait de son devoir d'interposer sa médiation et il fit en ce sens plu- sieurs tentatives que nous devons faire connaître. Lorsque le vain(|ueur de Gravelines et de Saiist-Quenlin eut été arrêté, Maximilien écrivit au roi, d'après la requête tie la comtesse d'Egmonl, pour prier Philippe II « d'or- donner que le comte fût mis en liberté afin de pouvoir rendre compte de ses actions, et (pril fût traité comme chevalier de la Toison d'or, il rappelait les grands services (pie ledi! comte avait rendus à l'Empereur Charles-Quint, et ai! roi lui-même; il disait qu'il avait toujours connu en lui une sincère volonté et affection, ainsi (ju'un zèle très-loyal pour le service de S. M. il faisait observer à Philippe que le comte et sa femme étaient alliées aux maisons les plus illustres de l'Empire et que déjà plusieurs princes allemands l'avaient supplié d'intercéder pour lui auprès du roi. Jl l'exliortait enfin à considérer la situation de la comtesse, mère de onze enfants en bas-âge '. » El écrivit dans le même sens pour le comte de Ilornes, à la requête de la mère et de l'épouse de ce seigneur, en faisant observer au roi (pi'il ne pou- vait, comme Empereur, se dispenser de prêter son appui audit comte, at- tendu qu'il était membre de l'Empire -. L'archevêque de 3layence écrivit également à Philippe II ^; mais la mort des deux captifs était décidée dans l'esprit du monarque. Philippe, de son côté, se plaignait de la prétendue protection que l'Empe- reur accordait aux révoltés. Ému de ces reproches, Maximilien II envoya au comte Louis de Nassau (1368) la défense de faire des enrôlements dans l'Em- pire pour soutenir les révoltés des Pays-Bas '*; mais le comte répondit qu'il ne pouvait abandonner l'entreprise commencée , sans le consentement de son frère, le prince d'Orange ■', et l'entreprise eut lieu ^'. ' r.adiard, Currexp. de Philippe ll,\.\, p. jSS. LcUic du r20 octobre liifiT. •■! Ibid. '' Corrcsp. n" cxviii. •* llœberlin, 1. VII, p. IJOâ. — .Mcciinan , § 43. •' Scliaddœus, l. Il , ]i. 117. '• Dans le reoès île la diùle tenue à Francfort en l.oGCi, il est fait menlion des aides à fournir à ir.mpirc par le Cereie de Bouru;ogne. Moser, Teulsclws SUtalsfecht, t. I, p. 302. Les représentants du Cereie de Bourgogne élaienl, en i:i")0 : Jean de Ligne, comte d'.Aren- 9|S HISïOlKi: DES RAPPORTS Le prince d'Orange s'étail sauvé en Allemagne ponr échapper à la colère du duc d'Albe qui, après avoir pris Tavis du Conseil des Troubles, le condamna , le 28 mai 1 S68, par tonlumace, au bannissement perpèUiel el à la confiscation de ses biens, tandis que son fils, le comte de Ruren, continuait à être détenu en Espagne. Le prince supplia PEmpercur, les électeurs el princes de TEmpire d'intercéder pour lui auprès du roi et de faire en sorte que sa cause fût dé- férée soit au cba|)itre de la Toison d'or, soit à la haute cour de TEmpire. Jl sejjlaignail vivement avec son frère I^ouis de ce qu'on lui imputait à tort les malheurs qui pesaient sur la Relgi(pie entière, el traçait un tableau désolant de la situation du pays. 11 terminait en disant que la cause de la lloUamIe étail celle de l'Allemagne, que les Espagnols, lorsqu'ils auraient entièrement soumis les Pays-Bas, aUaqueraiciil l'Allemagne elle-même el que les rapports de l'amitié et du bon voisinage faisaient im devoir à l'Empire de secourir les Relges '. Cet appel n'eut pas le résultai (pie Guillaume de Nassau en avait espéré : cependant six électeurs cl (pielques princes protestants firent auprès de l'Empereur une démarche solennelle pour l'engager à intervenir dans les affaires des Pays-Bas. « Ils remerciaient premièrement TEmpereur des in- stances qu'il n'avait cessé de faire auprès do S. M. C. pour qu'elle modérât l'acerbe gouvernement et les afllictions intolérables que ses sujets et vassaux des Pays-Bas avaient souffertes. Ils s'étonnaient (jue le roi n'y eût pas déjà pourvu, et que les aflaires empirassent, au contraire, chaque jour dans ces provinces, au point (pie non-seulement des gens de guerre étrangers avaient été amenés en Allemagne, mais que plusieurs membres de l'Empire avaient été moleslés. Us rappelaient à l'EmiJereur avec combien de rigueur et d'àpreté le duc d'Albe, aidé de son armée d'Espagnols, avait traité les Pays-Bas; comme il les avait détruits; avec (luelle cruauté il y avait versé le sang chrétien, pro- l)C'rg et liiirmi df liarliaiiroii , goiivcnicuf de Frise cl ilievalicr de lu Toison d'or; Félix Ilur- iiung, [irésideiiUlu Conseil de Luxembourg, el l'Iiilippe Coehel, eon-ieiller du roi, ton-; les deux doeieufs en droit (HelvhHJ'amu, I. c, p. 177). Ivi I5(»(i : Pierre i:rnesl, comte de Mansfeldi , dievidier de l;i Toison dor, gouverneur et eM|.itainc général du dnehé de Luxembourg el du comté de Cliiny; Thoniai Perrenol de CliaiHoa,i\ et ilanriiicouri . eJievalier , eonscillcr iiiaitic du roi , el Pliilippe Coehel. < Bor, .V('(/.«eroe*7e/i, l IV. j). ti-JC. DE DHOIT PUBLIC, etc. 21!) cédant avec une ligueur inouïe non-seulement contre les seigneurs les plus illustres, mais contre les personnes de tout étal. Ils disaient que, malgré les assurances, données par le roi, que le duc d'Albe avait pour mission de clialier ceux qui s'étaient révoltés aux Pays-Bas contre lui et non d'y établir l'inquisi- lion, celle-ci y avait été mise en vigueur, ainsi que le concile de Trente, de manière ([u'ils se trouvaient piivés du bénéfice de la paix pui)li(|ue et de reli- gion établie en Allemagne, (pioiqu'ils en dussent jouir, à cause de leur in- corporation à FEmpire. Ils soutenaient que la basse Allemagne devait être de Ja même condition que rAllemagne supérieure. Ils faisaient observer que le prince irOrange et le comte de llornes, bien que vassaux du saint-empire, avaient été dépossédés de leurs Étals, terres et seigneuries. Ils représentaient ensuite le tort qu'avaient causé aux États de l'Allemagne, et principalement à ceux du Rliin, les troubles des Pays-Bas, par la cessation, qui en était résultée, du grand commerce que lesdits Étals faisaient avec ces provinces. En consé- (|uence, les éiccleurs et princes de l'Empire exborlaienl vivement l'Empe- reur, comme chef suprême et seigneur de la nation allemande, à considérer mûrement toutes ces choses;. à regarder d'un œil bénin les calamités et afflic- tions des barons, seigneurs, nobles et autres vassaux et sujets de la basse Alle- magne ; à les prendre en sa protection ; à employer tous les moyens possibles pour que S. M. C. et les nouveaux ofliciers (|u'il avait aux Pays-Bas connus- sent que S. iM. I. et les électeurs et princes de l'Empire avaient cette affaire à cœur, et afin (pi'il fût évident pour tout le monde que S. M. I. et les princes de l'Empire étaient étroitement unis pour la conservation de la patrie et de la tranquillité publique. A cet eiTet, ils mettaient entre les mains de S. M. I. leurs États, leurs fortunes et leurs vies, prêts à les sacrifier, pour que ces pro- vinces fussent remises en leur ancienne pi'ospérilé, délivrées des soldais étrangers et ne fussent plus tyrannisées, contrairement à la |)aix de religion, droits et immunités. Ils concluaient en demandant qu'il fût avisé aux moyens de rappeler les soldats allemands (|ui avaient pris du service dans l'armée espagnole '. » A lire ce document, il semblerait (|ue l'Allemagne fut unanime dans la ' Du 22 septembre 1508. — Giicliaid , Concap. de Philippe II , t. II, pj). '8-40, n" 7!)l. ToMi: XX. WI. • 29 220 HISTOIRE DES RAPPORTS répulsion que lui inspirait le gouvernement du duc d'Alhe : ce serait cepen- danl une erreur de le croire, comme nous le verrons loul à l'heure. D'un autre côlé, les énergi([ues protestations des six électeurs et autres princes de l'Em- pire n'ont rien (pii doive étonner : elles étaient inspirées par le prince d'Orange; mais elles n'étaient et ne pouvaient être (pi'inutiles; carie véritable représentant du corps germani(|ue, c'est-à-dire la diète, ne s'en fit l'écho (pi'avec une indifférence visible. Toutefois, l'empereur .^iaximilicn continuait à élre partisan des idées de modération et il ne cessait d'engager IMiilippe 11 à procéder dans les Pays-Bas plutôt par des moyens de douceur (pie par la rigueur. Sou ambassadeur à .^ladrid, le baron de Dietrichstein , avait reçu à cet égard les instructions les plus précises '. Non content de ces mesures et pour prouver aux signataires de la requête (pielles étaient ses dispositions, il résolut d'envoyer en Espagne son frère, Tar- chiduc Charles, afin d'cîssayer de nouveau de réconcilier le roi avec le peuple belge. L'archiduc lut muni d'une instruction d'une longue étendue et en laipielle sont résumées assez bien la manière .de voir et les démarches de l'Empereur au sujet des Pays-Bas. En voici la substance. L'Empereur rap- pelle d'abord les exhortations qu'il a adressées au roi et au duc d'Albe, à dif- férentes reprises, depuis 1 o(jG, sur le système de gouvernement suivi dans les Pays-Bas. Il dit ensuite les instances qu'ont faites auprès de lui les électeurs et princes de l'Empire, et l'ambassade (pfils lui ont envoyée en dernier lieu afin que, par son intervention, ces provinces fussent délivrées du régime lyrannique sous lequel elles gémissent. C'est alors qu'il a député des commis- saires spéciaux vers le duc d'Albe et le prince d'Orange, pour les engager à conclure une suspension d'armes. Il fait observer (pie le grand nombre de gens de guerre qu'a rassemblés le prince montre (pi'il a trouvé en Allemagne un appui considérable et (pie, dans ces circonstances, il lui eût été impossible ' (latluiril , Conwsp. de I'Iu'Uijjh' H, I. 1, passiiii. — Sur lus déiiiarclics du l'Empurcur iiiipiùs du roi IMiilippe 11, ut rt'ciproqiieniunl, au sujut dus iifraires des Piiys-13as, voir t. Il, 11'" 7r>8, 75!), 7(50, 7(il, 7G-2, 78(i, 791, 7!ir>, 797, 7!IS, 800, 807, 810, 817, 818, 81'.», 8'JO, ; iir(lii\ps et n'y ;i jiiiiKiis iHv , du moins on ne la voit lii;niTi' dans aucun tic nos anciens in\entaii'es. Il est iirohalde (jne ce docnnien! suivit le sort des au(res napiers laiss(''s aux l'avs-Bas par le cardinal de ("ii-anxelle. 226 mSTOlKE DES liAPPOIlTS (HAPITRi: 11. Le CorrK- (Ir lioiii'i;oi;Mi' est coinoiiiii' à l'ii^semliléi' do Klats de l'Empire ii Fraiifforl ( l'ili'.»). — Le due d'Allie y emoie eoinine député du Cerele de IJourgogiie Jean de Naves. — Celui-ci exposi' la silualiuii des Pa\s-lJas. — Il éelioue dans sa mission. — Plainles contre le goiiver- nenienl du due d'Allie. — Diète de S|nre ( l.'iTO). — Le duc d'Albe y envoie le seigneur de Cliantonav. — Altitude de ee tiernier Aisà-\is de rEnipcreur. — Si l'on ]H)u\ait lever des lidupes dan-- rijnpiie pour le Cercle de Uuiiigogne? — Des liaijilanis de? Pays-l!as invo(iueiU la [iroteclion de la diète contre la tyrannie du due d'Alhe. — Celui-ci ne s'en énienl guère cl néglige de eontriliuer régulièrement dans les charges de rHnij)ire. — Les assesseurs Capilo cl d'Alliada. — Le duc d'Allie invoque à son tour ^as^islanee de l'Euipire contre les révoltes. — Ceux-ci ai)pcllenl à leur secours le roi de France et la reine d'Angleterre. — Conlércnccs de Délit. — Contingent du Cercle de liourgogne {\'.n~-\'.')97)). — iNouvclles déuiarelics des seigneurs protestants pour obtenir des secours de ri^upire. -— Sb'uiiiire de Maruix à TLiupe- reur. — L'union d Ltrcclu réserve les droits de I Em|iereur et de l'Euipii'e. — Rapports nioné- laircs des Pays-Bas et de l'Allemagne. Sur ces eiilrefailes, le Cercle de Bourgogne fui convoqué à l'assemblée de l'Empire t|ui devait se réunir à Francfort. Le duc d'Albe y envoya Jean de Naves et lui remit une insiruclion détaillant les divers points (|u'il avait à sou- mettre à la diète (17 avril 13G9). De Naves devait demander que les Pays- Bas, comme membres de TEmpire, pussent jouir « du bénéfice de la paix pubjitpu^ et des ordonnances sur ce faictes. » On conçoit que cette phrase pi'éliminaire l'amenait à parler du prince d'Orange el à dresser contre lui un acte d'accusation en règle. Voici, en efïet, comment le duc expose la conduite de son adversaire : « Au contraire, l'on avoil assez veu..., comment à len- contre lesdictes ordonnances et statutz, le prince dOranges (après avoir ha- bandonné ces pais bas à cause de sa ouverte rébellion el pressé de sa propre conscience et encoires avant quil estoit condamné et ses biens confisquez par justice) sesl advanclié de dresser assemblées des gens de guerre contre Sa Ma"^ et ses pais et subiects el aussi brasser en Allemaigne certaines consj)ira- tions; ayant en après, pour tant monstrer sa rébellion, hostillemenl faicl en- vahir par son frère le comte Loys de Nassou accompaigné d'ung nombre de gens de guerre el des aulcuns aullres rebelles fugitifs de par deçà le pais de Groningben, endommageant et chargeant celle part les siibiectz avecq de ran- çonnements, en piller el brusier leurs biens et aultremenl le tout avec ouverte DE DROIT PLBLIC, etc. 227 assistance de vivres et aullirs iiecessilez, adresse cl faveur (|ue ledil conile Loysa en celle pari mesmes des conles d'Overenipden ; loulesfois comme en après iceiiuy conte Loys fust entièrement delTaict avecq toute sa Irouppe de par layde de Dieu et de Son Ex''% ledict prince sest de nouveau pourveu sans aulcun consentement de lempereur ou caution quelcontjue des gens de guerre tant de cheval que de pied, les assembla sur les terres et juridictions des élec- teurs ecclésiastiques... » Il a ensuite pillé sur le Hhin des vaisseaux ap|)arte- nant aux Pays-Bas et est venu avec toutes ses forces envahir ces provinces : « en (pioy il na nullement supporté ou respecté les deux evechées Liège et Cambray, ains en a persécuté les subiectz, monastères, églises, chasleaidx et villaiges avec Tespée et feu, si extrêmement que à la fin foire leur eust esté de donner rançonncment, neusl esté que par lassislence et compassion que Son Ex-^"^^ avoit avec lesdicts deux evechées comme mend)res de l'Empire pour les saulver, ledict piince a esté constrainct fuyr hors ces pays, etc. ". » Il n'y a dans ce tableau rien que de vrai ; mais nous verrons tout ;'t l'heure qu'il ne fut pas à même d'émouvoir les membres du corps germaniipie. Pour nous, qui nous passionnons, dans un sens ou dans un autre, en lisant le récit des troubles des Pays Bas au XVI'' siècle, nous sommes toujours portés à croire qu'ils devaient surexciter au même degré les es|)rils en Allemagne à l'époque où ils se |)roduisaienl. Rien n'est plus inexact : le sentiment dominant était l'indifférence, et il n'est pas difficile d"en découvrir la cause. L'Enq)ei'eur et les Etals catholiques voyaient naturellement avec déplaisir la révolte protes- tante gagner chaque jour du terrain, et, partant, ils n'étaient point disposés à intervenir en laveur du prince d'Orange et de son parti. Les États proteslanis, de leur côté, eussent difficilement loléié que l'Empire prélàl aide et assistance au roi Philippe II, dont ils étaient les adversaires au point de vue des idées générales de la réforme. Toutefois — et c'est ici que se révèle le côté bizarre de la situation, — ils n'éiaieni guère mieux disposés pour le Taciturne. Les longues tergiversations de ce dernier en matière religieuse, — tergiversations qui trouvaient moins leur source dans ime tendance naturelle au scepticisme que dans les calculs intéressés de son ambition, — et plus lard son adhésion ' Arcliivcs royales de Bruxelles. Sccréfairerie d'Élat allemande. Corrcspoiiihinrc du duc (rAlbe avec les aqeiila (lijilonnilifiues (laO'J-l .j/'J), foi. t) el siiiv. liislnielioii [loiir de Naves. Tome XXXM. 50 228 HISTOIRK DES RAPPORTS (léliiiiiive aux iloclrines calvinisles, le icndaicnl sus|)ecl aux lulliériens, cl ci'iix-ci, qui foiuiaitMil la presque lolalilé des proleslaiils dans l"Empii'e, fii'ent peu ou |)oiiil delVoits |)our le secourir. Nous nous bornons à rappeler ici cet élal de choses déjà signalé plus haut; nous en verrons plus loin les coiisé- (juences. Dès à présent nous pouvons conslaler que Tenvoyé du duc d'Albe ne réussil pas dans sa mission. Il demanda que TEmpire « à cause du bon voisin;ige des Pays-Ras cl jiarce {]u"ils en sont membres » les rélablil « en repos et premier estai, » c'est-à-dire envoyât un contingent de troupes au duc dWlbe pour lui facililer la soumission des rebelles, il fut répondu sim- plement que « ralïain» du prince d'Oiange » serait remise à la prochaine dièle '. De Naves était aussi chargé de réclamer la reslilulion d'un navire chargé de marchandises et de sonmies considérables à destination du gouverneur général des Pays-Ras (jue le comie Palatin avait, sans aucun molif plausible, arrèlé et confis(]ué à i\!annheim. Le conseiller autrichien de Hegenniuller fui adjoint à de Naves pour conduire celte négocialion. Les électeurs examinèrent l'aiïaire et décidèrent (jue le Palalin devait rcsiiluer les deniers, sinon prouver |)ar écrit qu'il avail le droit de les garder en verlu des constilulions de l'Em- pire. De Naves rendit compte aussi au duc d'Albe des protestations (|ui airi- vaienl à la diète contre sa conduite. Les députés du comte d"Osl- Frise s'étaient plaints aux Étais de l'Empire « des oppressions el dommaiges qu'ils disent eslre faicts par les gens de guerre du duc » à Groninguc et qui sont évalués à plus de Io0,000 thalers. De Naves, quoique sans instructions, répondit que si le duc avail agi contre l'Ost-Frise, c'était que le comte d'Eniden avail ouvertement pris parti pour le comte Louis de Nassau et était en révolte contre l'autorité du roi; sinon, (ju'il n'eût pas été inquiété. En même temps, il mandait au duc que les troupes du parti d'Orange avaient causé dans la principauté de Liège des dégâts pour plus de loOO mille llorins du Rhin '-. Cependant les États d'Ost-Erise n'étaient pas seuls à se plaindre du duc ' Aichives royales de Bruxelles, ele., /. c. - Jliiii. Lettre de Jcnn de Novcs du 28 mai IjO!». DE DKOIT FIBIJC. i;tc. ^22i> crAlbo. Le seigneur de Batlemboiirg fit entendre des doléances parce ([ue le duc « avoit faict mettre en la main du roi la maison de la terre de Ballen- jjourg » qui était fief de TEmpire. La comtesse de ilornes demanda la resti- tution du château de West; le comie de Culembourg celle du cliàlean de Witlen, et le seigneur de Kertem celle du manoir de ce nom « parce (piils les tiennent estre fiefs de l'Empire. » L'abbé de Stavelot demanda une indemnité pour les dommages que rarmée du duc lui avait causés. Toutes ces aflaires furent renvoyées à la diète suivante '. Il n'v avait guère (|ue vingt ans que la Transaction d'Augsbourg avait été signée, et déjà l'Empire se plaignait du niampie de régularilé avec lequel le Cercle de Bourgogne fournissait ses contributions. A la fin de KiGT, le baron de Dietricbstein demanda au roi, en vertu des ordres de l'Empereur, qu'il fil payer la pari des Pays-Bas dans la contribution (|ue tous les Etais de l'Empin; avaient accordée récemment pour la guerre conlr(! le Turc; celte part s'élevait à 130,010 florins. Philippe II chargea le duc d'Albe d'y satisfaire au moyen des deniers du pays, si celait possible, et, en cas d'insnfiisance de ceux-ci, avec l'argent envoyé d'Espagne '-. Écoulons sur le même sujet le rappori de Jean de Naves : « Anicuns députez aneclionnés à la i\la"= du roi firent adverlissement (pic les députés el particulièrement les princes protestants se plaignoient que les Pays-Bas n'avaient pas acquillé 1,^00 chevauk pour Tan... (en blanc dans le texte: c'est 1504) et 1,200 pour l'an... (en blanc: c'est 1500) ni rien aussi fourni pour renlrelènement des gens de guerre que l'Empire a pour les défendre.... El si lesdicts paiz de par deçà de Sa Ma'" vouilloienl esire resputez poin' membres de l'Empire el jouir des privilèges bien el advantaige des aultres Eslatz de l'Empire, mesmes du secours que en ceste présente dielle tenue audit Erancfort ils avaient faict préparer pour con- tregarder et défendre les Estais de l'Empire d'invasions et oppressions des gens de guerre cpii présenlemeni esloient assemblez au royaulme de France, (pi'il convenoil i'.z paiassenl ce qu'ils esloient redebvables pour les contribu- tions subdicles et que présentement ils debvroienl à leur contingent pour paie- ment des gens de guerre (pic a ceste dicte dietle Ion avait conclu d'enlretenir ' Rapport de Jean de Naves, etc., 4 .juin I.jG!). ■^ GnclvM-(\,Corrcsp.(le Pliilliipe //, 1. I, [>■ (512. — l-etlic du ISarcenihie I :)(;". 2.10 HISTOIRE DES RAPPORTS à reffeclsusdiet. » L'assemblée chargea de Naves d'écrire au duc d'AIbe en ce sens elle recès de la dièle (§30) en fil mcnlion. Thomas Perrenot, seigneur de Chantonay el Ilaurineourl, l'un des maîtres ou mayordomes de la cour du roi d'Espagne el frère de Granvelle, assista, comme aml)assadeur de S. M. C. à Vienne, à la diète de Spire, qui s'ouvril on 1 370. Jean de 3Jepsch, lieutenanl de Groningue, et le secrétaire van der Aa lui furent adjoints bientôt après et présentés par lui « premier en chef de cette négociation » à l'Empereur (jui, dans celte réception oih'cieile, leur fil le même accueil qu'à de Naves. DViillein's, il semble qu'à celle dièle les ambassadeurs du Cercle de Bourgogne aient rencontré plus de froideur qu'auparavant. Ils avaient pour instructions « de recoujuiander les affaires du Cercle de Bour- gogne '. » Nous avons vu en (|uel sens le duc d'Albe Tentendait. Or, l'Em- pereur el l'archevêque de .Mayence, — archichancelier de l'Empire, — répon- dirent en termes généraux (prils étaient « afleclionnéz au roi, » tandis que l'électeur de Trêves, mieux disposé en apparence, dit « qu'il liendroit volon- tiers la main à ce que rien ne fût conclu à cette diète contre les Pays-Bas. » Le 3 août, admis de nouveau en présence de l'Empereur, ils se plaignirent, comme leur prédécesseur, de la conduite du comte d'Emden et du prince d'Orange. Maximilien se conlenla de répondre « (pril lui desploisoit de leurs niesuz et insolences el qu'il en avoil oy parl(M* plus ([ue ne lui estoil ag- gréable. » Il les renvoya à l'archichancelier ipii affirma « qu'il auroit tou- siours les affaires de S. M. pour reconmiandez. » C'étaient des fins de non- recevoir polies : aucun des éminenis personnages ne formula de conclusion. Les députés belges s'abstinrent de paraître à la séance où fut voté l'impôt turc, sous prétexte qu'ils n'avaient pas d'instructions; mais il leur était enjoinl de demander, au nom du duc d'Albe, de pouvoir lever des troupes en Alle- magne, ainsi (pie l'avait fait le prince d'Orange. Celle proposition rencontra d'abord des dillicullés. On objecta (jue « les réformés de France i)Ourroienl vouloir en faire autant et le roi' de France de même, » el (pie lEmpeieur ne pourrait point refuser à ceux-ci ce qu'il accorderait à ceux-là. Toutefois l'opim'on contraire prévalut. Il fut décidé que « doresnavanl il sera licite à ' L('iii- iiistriiclioii est diitécdii (i juillcl l'ilO. Même rccin-il. DE DROIT PUBLIC, etc. 231 uiig chacungde lever gens de guerre pour quelque polenlal que ce soit avec le sceu et sous le consentement de Sa 31a''' imp''' '. » On sait que le duc d'.Mbe profita de la permission et que bienlôl des bandes allemandes recrutées dans PEmpire aidèrent le vieux guerrier dans sa lutte contre les sécessionnistes. Pendant le cours de la diète, Jean de Mepsch fui nommé par les députés des princes pour prendre part à la réforme de la Chambre impériale; mais il régnait déjà dès lors dans les sphères du gouvernement des Pays-f3as un esprit de iésinerie dont nous verrons des exemples fréquents dans la suite et qui empêcha Mepsch d'accepter la proposition qui lui était faite; la raison en est curieuse : « Voyans que n'avions riens de conmiung avec ladite chancel- lerie, m'en suys excusé sans que je soys comparu audit aussriiiis -. » Le duc (PAlhe était du même avis, et il est impossible qu'il le fiU de bonne foi. Le Traité d'Augsbourg avait formellement stipulé que le Cercle de Bour- gogne conlribuerail dans les charges de l'Empire pour le double de ce qu'y contribuait un électeur. Voici comment le duc interprétait cette clause ; « En ce qui concerne la contribution de l,oOO chevaulx en l'an lo&i à Worms et 1,200 chevaulx accordés à Augsbourg (loG6) dont se faicl mention en votre instruction joinctement audict point concernant la contribution de l'expédition contre Gotta (et enfin le tout est d'une même nature) de sorte (|ue tant en l'ung que i'aullre les pays par deçà (en suyvant le traicté d'.Uigsbourg) en doibveni par raison eslre et demeurer exemptez, etc. "\ » H s'agissait, il est vrai, d'une contribution extraordinaire; mais le Cercle de Bourgogne n'était pas fondé à s'en affranchir; le vrai motif poin- lequel le duc d'.XIbe éludait de fournir les troupes demandées, c'est qu'il les voulait conserver pour dompter la révolu- tion dans les Pays-Bas. Opendanl cette révolution suit son cours. Les révoltés deviennent de jour en jour plus puissants; les Espagnols continuent leurs proscriptions. Ln grand nombre de Belges des diverses provinces, nobles et autres, se réfugièrent ' Mùme recueil, /. r., fol. -l'iS-il'l. — Mémoire de Clinnlonay sur les Irinaux delà diète (l-elâ" verkil). 2 Ihid. ■" Ihid. I.ciire du due nu\ anihiis-aileurs , ôU oetolire Io70. 232 histoirh: des h apports encore en Allemagne |)our éelitipper au (lunseil des Troubles et invo(|iier conlre Philippe II la proleclion de PEnjpire. ils sollieilèrent la diète de Spire d'intervenir en faveur des Pays-Bas et d'y mettre un terme à la tyrannie du due d'Albe. Ils repiésentèrent (juc " Icni' pairie était une partie de TAIIe- magne et soumise à H^mpire; (pie la Hollande, la Zélandc, le llainaul et autres pays limitrophes avaient été, comme tels, possédés héréditairement par la maison de Bavière; que Charles-Quinl avait encore récemn)ent placé ses Pays-Bas sous la garde et la proleclion de TEmpire à la diète d'Augsbourg; qu'il avait commis des députés des Pays-Bas pour assister aux diètes, les- quels avaient autorisé la contribution du denier turc; qu'à ce moment même, un envoyé du roi d'Espagne, souverain des Pays-Bas, siégeait à la diète; que, parlant, il n'y avait pas de doute (pie les Pays-Bas ne fissent partie de l'Em- pire '. » En consé(|uence, ils suppliaient l'Empereur et l'Empire de leur fom'nir aide et proleclion conlre leur souverain en verlu de l'article K'i du Traité d'Augsbourg. Aussilôl (|ue Chanlonay eut connaissance de celle recpiète, il en référa au duc d'Albe (() novend)re) (pii s'énuil médiocrement de l'incident et répondit : « Voyant qu'à Spire affluent loul plain des rebelles et qu'il y a gens qui pren- nent plaisir de leur porter faveur et les exhorter à présenter conlre nous leurs re(|uèles et libelz fameux, il sera bien que ime fois pour toutes remontrez (pi'on n'entend avec lelz rebelles ((pii sont esire subjeclz de Sa 31a'') entrer en dispute, les(|uelz s'ils avoieni quel(|ue cause |)0ur se purger de leur mal- heureuses actions, debvoient bien avoir comparu par devant leurs juges pour déduyre icelles et joyr delà grâce et pardon que le roy avait laid, etlesdicls estalz de l'empire ne leur debvroieni presler l'oreille ny se mesler de l'admi- nistration des aullres provinces es(|uelles ilz n'ont que veoir ny laisser blas- mer les princes et polenlatz d'icelles par lesdicls rebelles ny permettre aussy le tort et injure être laid au loy et ses minisires (jue nulluy d'eulx vouidroit soufilVir de ses subjeclz, combien que je confie que pardevanl ceulx qui seront ' « Lilicllii^ siip[ile\ iinpt'raloi'iii' ninjV'sInli , |iiiiui|iiluis alc|ur iiriliiiihii'i luimiiK' Bcl!;;iriiiii ex inferiori (icnnani.i evaiigclicM" p » Chacun de ces llorins comptés à 60 kr. » Quant à l'enlrctien de la Chambre impériale accordé en \''iS pour le 9' cl le 10' canon. » Plus, pour les dS" à ii' canons inclusivement, d'après iimijosition ordi- „„j,.e 2,100 » » En outre, pour l'augmentation des 24 Kr. consentis en 1339, les 22" à 23° canons U^OO » » En outre, pour l'élévation d un tiers consenti en 1366, les canons 56" à 44' inclusivement 900 » B Le florin compté à 64 kr. » DE DROIT PUBLIC, etc. 24S CHAPIÏKE m. Antagonisme créé par l'Union d'UlreclU uiilrc les Pa}s-Iias du nord et eeux du sud. — Congrès de Cologne. — Nouvelles tentatives de pacification. — Diète d'Augsbourg (1582). — Confé- rence de Spire (1")8y) et de Francfort (1590). — L'Empcicur envoie une am!)assade aux Pays- Bas. — Les Provinces-Unies ne veulent point de conciliation. — ?y'ouvelles conférences. — Albert el Isabelle. — Confirmation de la Pragmatique Sanction de Charles-Quint. — Plaintes . contre les abus de la Ihille rf'or de Brabant. — Nouvelle ambassade envoyée par l'Empereui- aux Pays-Bas. — Epuisement des partis. — Congres de La na}e (1007). — Message de l'Em- pereur aux Hollandais. — Leur réponse. — Trêve de douze ans (ICOD). — Rapports moné- taires. — Contributions du Cercle de Bourgogne. — Succession des assesseurs et avocats et procureurs à la Chambre impériale. L'Union d'Ulrechl créa entre les provinces du nord el celles du midi des Pays-Bas un antagonisme dont les conséquences funestes se révélèrent en toute circonstance et par suite duquel la Belgique vit, pendant deux siècles, ses intérêts constamment sacrifiés à ceux des Provinces-Unies. Cet antagonisme se manifesta d'une manière éclatante peu de temps après l'Union d'Utreclit. Les provinces du midi signèrent, conjointement avec le prince de Parme , le Traité d'Arras qui renfermait des stipulations diamé- tralement opposées à celles de l'Union ( 23 mai 1579). La scission était consommée. Cependant, on tentait encore des efforts de pacification. L'empereur Ro- dolphe II convoqua à Cologne un congrès, afin d'y débattre les questions brûlantes qui séparaient les deux parties. L'Empereur était représenté par les électeurs de Trêves et de Cologne, par l'évéque de Wurzbom-g, le comte Henri de Schwarzenberg, etc. Philippe II y avait envoyé le duc de Terranova, le seigneur de Vaulx, le prévôt Jean Fonck, Scharenberg, etc. Au nom des États Généraux des Pays-Bas figuraient onze députés agissant aussi au nom de l'archiduc IMathias , parmi lesquels le duc d'Aerschot, Gaspard Schetz de Grobbendonck, abbé de S''-Gerlrude, etc. Enfin, le Sainl-Père avait voulu témoigner de son intérêt pour les négociations en se faisant représenter à la conférence par le cardinal Castagna , qui devint Pape plus lard sous le nom d'Urbain VII '. ' Aciu puc//icaliuiih , (jiiœ coram S. Cws. Maj. coitiiiiissariis inter régis Ilispanianim el 246 HISTOIRE DES RAPPORTS On publia de part el craulie force noies, mémoires el proposilions; on discuta pendant neuf mois en protestant des dispositions les plus conciliantes; mais tout cola n'aboutit à rien de sérieux. Les prétentions qu'élevèrent les deux parties étaient si divergentes qu'il n'était guère permis d'espérer un résultat salisfaisanl. Aussi les négociateurs se séparèrent-ils sans avoir rien arrangé. Le duc d'Aerscbot conclut seul un accord particulier et se rallia à la cause rovaie. Toutefois les actes du Congrès fournissent une nouvelle preuve que les Hollandais, tout en repoussant les propositions de l'Empereur, ne jugeaient pas encore le moment venu de se séparer de l'Empire. Dans une lettre adressée aux commissaires impériaux, ils se réclament d'une requête (pi'ils avaient transmise l'année auparavant à Rodolpbe H et dans laquelle ils alTirinaient « que jamais l'occasion n'avait été plus favorable pour S. M. I. el pour les Étals de l'Empire d'être utiles à eux-mêmes et aux Belges en envoyant des secours aux Pays-Bas, qui étaient voisins et membres de l'Empire; que, quant à eux, ils devaient se défondre en allondanl, afin de sauvegarder les traités (jui avaient été conclus entre leurs provinces el l'Empire '. » D'un autre côté, ces pourparlers, s'ils ne produisirent pas le résultat qu'on en attendait , eurent une consé(|uence fort importante , celle de dégager nette- ment la situation des partis. Jusqu'alors les États el le prince d'Orange avaient prétendu qu'ils n'agissaient que dans l'intérêt du roi Philippe; à partir de ce moment, ils marchèrent à leur but sans déguisement. Le 26 juillet 1381 , Philippe H fut déclaré déchu de la souveraineté des Pays-Bas et l'exercice de la religion catholique interdit"-. W fut « enjoint à tous notaires et ofTllciers publics de ne plus faire usage des nom, titre el armes du roi d'Espagne, et de ne plus mentionner l'année du pontificat du Pape; » mais on leur pres- crivit en même temps « de continuer à faire mention dans tous leurs actes quelconques de l'année du règne de l'Empereur, les Etals ne s'élanl nulle- ment, par l'acte de lUnion d'Utrecht, séparés du territoire de l'Empire \ » Mathiœ, an-hiducis oriHnumque /h'iijii h'(jalos Culoiiiœ habita siiiif. Leyde, 1580. — Uœbcrlin, I. XI, pp. 230 et suiv.— Bor, t. Xlll, p. o'2 s(pj. — llooft, liv. XV, p. 561. — Meerman, ^ j|. — Gacliard dans le Biillcliii de IWnulémui, f' série, t. XXI, p. (il», cte., ete. ' Bor, liv. XV, p. l'JI. 2 Ihid. ^ Van Looi), /. c, p. 384. DE DROIT PUBLIC, etc. 247 Cependanl rEmpcrour conlinuait à l'aire des lenlalives en laveur de la patificalion. La dièle d'Âiigsbourg, ouverle le 3 juillet 1582 ', eiilama de nouvelles délihéralions sur les affaires des Pays-Bas. L'Empereur y fil exposer combien TEmpire souffrait des troubles et des guerres qui désolaient la Bel- gique et raconter tout ce qu'il avait fait pour arriver à une réconcilialion entre le souverain et les sujets. Il dit qu'après que le duc de Terranova s'élail relire à Bonn , il avait obtenu de lui qu'il accueillerait de nouvelles proposi- tions de la part des députés des Étals Généraux; mais que les prélentions de ces derniers avaient été si exorbitantes que les négociations avaient été défini- livenienl rompues; les ambassadeurs (|ue les États avaient promis d'envoyer à la cour de l'Empereur n'y avaient pas paru; enfin les Pays-Ras avaient appelé comme souverain le duc d'Anjou , un prince de la maison de France, cell-e ennemie séculaire de la Belgique! Là-dessus, l'Empereur avait député un nouvel ambassadeur dans les Pays-Bas pour les faire revenir de leur défec- tion; mais tout avait été inutile ; les insurgés avaient même envabi l'évècbé de Cambrai, qui relevait immédiatement de l'Empire. Quelques pays appar- tenant au Cercle de Wesipbalie avaient également souffert de la guerre des Pays-Bas. L'Empereur terminait en priant la dièle de délibérer sur les moyens à prendre pour mcllre un terme à toutes ces calamités et pacifier définilivement les provinces belgiciues'-. Les Étals des Pays-Bas avaient résolu d'envoyer des ambassadeurs à la dièle afin d'expliquer pourquoi ils avaient appelé le duc d'Anjou comme souve- rain. Soit (|ue leur influence paralysât les efforts de l'Empereur, soit que les Etals de l'Empire voulussent inaugurer dès lors leur système de passivité vis-à-vis du Cercle de Bourgogne, tant y a-t-il que la proposition de l'Em- pereur fut accueillie avec indifférence. L'envoyé de Wurtemberg déclara que la diète n'avait pas à s'occuper de l'affaire, et il parait que cette opi- nion prévalut. On se borna à insérer au recès (§28) « que les électeurs, princes et Éiats avaient pris la proposition de l'Empereur en considération et 1 Envoyés du Cercle de Bourgogne : Charles, comte d'Arenberg et de La Marck, baron de Barbaiiçon et de Zevcnbcrgeii ; Guillaume de S. Clémente, ambassadeur de S. M. le roi d'Es- pagne; Jean de Ilattstein et Ludolf llalver [Reichsfioini , I. c., p. 178). 2 IJœbcrlin, t. XII, pp. tOI-113. 248 HISTOIRE DES RAPPORTS soumis leur avis à S. M., mais (|iron avait résolu de remellre Taflaire à un autre temps lorsqu'une occasion opportune se présenterait '. » Toutefois on décida de renouveler la défense édictée par les diètes de faire des enrôlements dans VEm\)\ve pour l'étranger, et, afin de proléger les pays limitrophes contre les invasions des gens de guerre des Pays-Bas, on ordonna de faire payer des subsides aux Etals pour Fenlrelien des troupes destinées à exécuter cette défense '. Ces mesures furent inefficaces, el les pays voisins continuèrent à souffrir des troubles dont la Belgique était le théâtre. C'est pourquoi une conférence fut provoquée à Spire (1383) par les députés de douze villes, afin de délibérer sur les moyens de rétablir Tenlente entre les Pays-Bas et leur souverain, ou loul au moins de mettre un terme aux entraves de tout genre qui paraly- saient le commerce. On décida de présenter un mémoire sur la question à l'Emperein', aux électeurs, princes et Étals, aussitôt que la diète prochaine sei-ait réunie "'. Une nouvelle conférence de députés de villes eut lieu à Francfort en 1590, et Rodolphe II s'y offrit encore comme médiateur entre l'Espagne el les Pays- Bas *. L'Empereur avait fait cette promesse sur les plaintes que lui firent les habilanls du Cercle de Westphalie qu'ils étaient continuellement exposés aux incursions des soldats espagnols et des mercenaires des Provinces -Unies. Rodolphe envoya un ambassadeur en Hollande pour exhorter les Etats Géné- raux à conclure la paix avec l'Espagne et il donna ordre à son envoyé à 3Iadrid de peser de toute son infiuence sur l'esprit de Philippe II pour déter- miner ce monarque à se réconcilier avec les révoltés. Les États Généraux répondirent à l'ambassadeur impérial « qu'ils étaient loul disposés à vivre en paix avec leurs voisins et à restituer à l'Enjpireouà ses princes les villes ou places fortes qu'ils occupaient dans l'Empire; mais qu'ils priaient l'Empereur de cesser de les inviter à faire la paix avec l'Espagne. » ' Kocli, t. III , |i. 4()j. Le § 2 du rccôs conslalait que les affaires des Pays-Bas allaient de mal en pis malgré les elîorls conciliateurs de l'Empereur. - Moser, §§ 42-43 du recès. 3 IK-eberlin , t. XIV, pp. 508-301». '' Hoeberlin, t. XV, p|). 504-oOo. DE DROIT PUBLIC, etc. 2i'J Ils ajoulèrenl que jamais, dans ce dernier pays, on n'avait sincèrement voulu conclure la paix avec eux; on n'y méditait que fraudes et embûches, ainsi que le prouvaient des lettres interceptées de Philippe II à son ambassadeur près la Cour impériale, Guillaume de San-Clemenle; et Philippe romprait certai- nement la paix à la première occasion qu'il trouverait propice '. Philippe, de son côté, remercia l'ambassadeur impérial, baron de Rbeven- hiiller, de la sollicitude de l'Empereur et de ses olïres, et répondit évasivement qu'il avait autrefois remis le soin de celte affaire au duc de Terranova, son délégué aux conférences de Cologne "'. L'Empereur ne se rebuta point. Il envoya aux Pays-Bas (1592) une nou- velle ambassade solennelle composée de sept membres, entre les(piels le baron de Reydt déploya le plus d'activité. L'ambassade se rendit d'abord à Bruxelles^ où elle fut grandement traitée par Alexandre Farnèse. On attendait dans celle ville des envoyés des Provinces-Unies; mais ces délégués firent savoir que les Étais Généraux n'étaient pas assemblés et que, en allendant, on ne pouvait rien décider. Là-dessus, six membres de l'ambassade retournèrent en Allemagne, et le baron de Reydt se rendit à La Haye pour négocier directement avec les Élats Généraux. Dans l'intervalle, le prince de Parme avait commencé la campagne de France, et les Élats Généraux, avant de s'expliquer, voulurent savoir si le succès couronnerait l'expédition de Farnèse. Cependant l'Empereur enjoignit à Reydt de demander une réponse catégorique. Pressés par l'envoyé de Ro- dolphe, les Élats répondirent par écrit o qu'ils remerciaient l'Empereur de ses bons sentiments pour eux, mais qu'il leur était impossible de conclure une paix quelconque avec le roi d'Espagne; que celui-ci, toujours perfide, ne songeait qu'aux moyens de violer sa parole; qu'il prétendait extirper la religion nouvelle dont il poursuivait en ce moment même la destruction en France; qu'il y avait d'abord soutenu Henri III avant de le faire assassiner; que maintenant il cherchait à ravir la couronne à son légitime successeur, Henri IV, etc. » L'Empereur communiqua cette réponse au duc de Wurtemberg qui s'inté- ' Wagenaar, éd. ail., l. IV, liv. xxxi. — lliuLcrlin, I. XVI, pp. 5-7. 2 Jléinoires de Klievenhiiller, t. III, pp. SCO-361. 230 HISïOlliE DES RAPPORTS rossail vivornenl au rélablissemenl de la paix générale. Henri IV lui-même fit (les efïorls dans ce hul , tout en exprimant des réserves sur la loyauté de Phi- lippe Il ; mais les négocialions cessèrent sans avoir amené le moindre résultat '. A la mort du due de Parme (3 décembre 1592), Philippe II nomma l'archiduc Ernest, son neveu et frère de Rodolphe, gouverneur général des Pays-Bas; toutefois ce choix, — bien que la chose paraisse invraisemblable, — semble avoir déplu à TEmpereur qui fit des reproches à Philippe de ce (pi'il eùl nommé Ernest sans le consulter "■, L'Empereur convoqua en même temps une nouvelle diète à Ralisbonne pour le règlement des affaires pendantes {Io94-) ''. La diète reçut une requête de rarchevêque-duc de Cambrai, dans laquelle le prélat la suppliait de lui faire remise de rimpot turc, son diocèse ayant éprouvé des pertes énormes par suite de l'invasion des Erançais. Il priait en même temps les Etats de TEm- pire de lui faire rendre le château de Cambrai encore occupé par une gar- nison française *. La commission chargée par la diète de Texamen de l'affaire renvoya Tarchevêque à PEmpereur lui-même. La diète reçut en outre une requête du Cercle de Westphalie tendant à faire cesser les abus de la Bulle d'or de Brabant qui causait du jjréjudice à tous les pays voisins. Celte requête était accompagnée d'une plainte du prince-évêque de Liège sur le même sujet ^. l\lais la dièle ne parvint pas à leur faire donner satisfaction. Elle examina la cpiestion de savoir s'il serait opportun d'envoyer une députation, de la part de l'Empereur et de certains États , aux deux partis qui se trouvaient en présence dans les Pays-Bas, sinon pour rétablir la paix entre eux , au moins pour les empêcher de troubler l'Empire par leurs discordes ". ' Van Meteren, Xederl. Beroerten , liv. XVI,p. 3o7. — Klievcnliiiller, t. III, p. 1000. 2 Hœberlin, I.XVII, pp. j-27-328. — KlievcnliiilltM', l. IV, pp. 1071-1074. 3 Envoyés de Bourgogne : Cl)arles-Pliili|)pe, marquis de Havre, comte de Fonlenay et sei- gneur de Vinslingen ; Jean de Hallstein . devenu président du duclié de Luxemljourg, et Simon de Grimaldi, secrétaire du Conseil {Reichsfama , 1. c., p. 178. — Kocli, /. c, p. 444. — Mecr- nwn, p. 54). * Ha'ljerlin,t. .WIII, p. 274. " IbiiL, p. 517. D'après le mémoire de l'évêque de Liège inséré dans les Actu Comitialia Ralisponetisia. « Rcccs, §§ 20 etsuiv. DE DROIT PUBLIC, etc. 251 L'année suivante eut lieu à Spire une asseml)Iée de la dépulalion des Etals (le rEin|)ire. Piiilippe II y était représenté, pour le Cercle de Bourgogne, par Jean de Ilattstein, président du duché de Luxembourg et comté de Chiny '; mais les affaires de celte assemblée furent peu importantes en ce qui concer- nait la Belgi(|ue. L'évèque de Liège fil entendre des plaintes au sujet de la prise de Huy par les Hollandais el invoqua le secours de l'Empire pour pou- voir reprendre la ville. II demanda en même temps que sa (|uote-parl dans les contributions de l'Empire fût diminuée '-. Enfin il se plaignit de Philippe II qu'il accusait d'avoir élevé trois forteresses sur son territoire '\ }hh ses pro- testations paraissent être restées sans efl'et. En revanche, la ville de Cambrai , prise parles Espagnols, fut réintégrée dans l'Empire. L'Empereur, sans se laisser rebuter par les échecs qu'il avait essuyés, résolut de faire une nouvelle tenlalive de rapprochement entre les deux partis qui étaient en présence aux Pays-Bas. Il écrivit aux États Généraux à cet effet, en les engageant à traiter avec les Etats des provinces soumises aux archiducs '*. Mais les États Généraux se refusèrent énergiqucmenl à toute transaction {lo96). Ils écrivirent ensuite à l'Empereur pour se justifier (1S97), et Rodolphe transmit leur lettre aux Étals de l'Empire ^ La diète ou conférence du Cercle de Westphalie, qui eut lieu vers le même lem|)S, vit se reproduire toutes les plaintes contre les abus de la Bulle d'or de Brabant el contre les Pays-Bas-Unis à cause des vexations que commetlaienl leurs troupes sur le territoire wesiphalien '^; mais on ne parvint à obvier ni à l'un ni à l'autre de ces abus. On y revint à la diète de Balisbonne de 1598 '. Les §§ 27, 28 el 29 du recès constatèrent qu'on enverrait une députation aux Pays-Bas pour y négo- ' Hrclierlin, t. XIX, p. 268. 2 Ibid., p. GOii, t. XX, p. 4i. ' Ibid., pp. (104-GOo. * Il)id., t. XX, pp. 530-332. î* Ihid., pp. 49(i , 4'J7. « Ihid., t. XX, ])p. 652 et suiv. — Sclmiidt, Hist.des Allemands, t. Il, pp. 121 et suiv. ' Députes de Bourgogne : Jean de Hattsiein de Born, président du duelié de Luxembourg, et Jean Ferdinand de Berlliy et Berlhains [lieichsfuma, l.c., p. 178. — Koek, p. 46o. — Mecrmaii, p. 55). Tome XXXVI. 33 252 HISTOIRE DES UAPl'OilTS cior les bases d'une paix acceplabic pour les deux parlis cl afin de demander (les indeninilés en laveur des pays voisins qui avaient le plus souffert de la guerre. Le g 72 manifeste rinîenlion d'engager rarchiduc Albert à mettre fin une bonne fois aux abus de la Bulle d'or de lirabant ; il conlienl en outre la promesse que TEmpereur usera de toute son inlluence pour empèclier les évocalions et procès de Brabant, si la réclamation auprès de Tarobiduc n'avait pas d'effet; enfin on y mentionne les délibérations de la diète de lo9/j. et les plaintes portées contre lesdils abus par les députés du Cercle de Wesiplialie '. C'est à cette époque que Pbilippe maria sa fille Isabelle à Parcbiduc Albert et leur donna les Pays-Bas en dot (G mai 1598). Il convenait de rappeler cette circonstance; car elle fournil au roi l'occasion de reconnaître, trop lard, bêlas! la grandeur et l'ulililé de l'œuvre de Charles-Qninl. Il voulut, en effet, que la Pragmatique Sanction fût confirmée et que cette confirmation fût insérée dans le contrat nuptial. Il en im|)osa l'observance dans les termes suivants : « A cliarge d'esire gardée et observée inviolablement la Pragma- tique faite par d'immortelle mémoire l'Empereur monseigneur et père (pii soit en gloire, au mois de novembre de l'an ipiinze cens quarante neuf, en ce de lunion des pays d'Embas, sans consentir ny accorder aucune ilivi- sion ny séparation en iceux pour (juelque cas, ny en aucune manière que ce soit "'. » Cette phrase était évidemment dirigée contre les sécessionistes des Pa\s- Bas du nord. L'arcbiduc Albert se dévoua à la tâche de la « reconstruction » qui lui était imposée, mais il n'y réussit point. En 1600, l'Empereur fit de nouveaux efforts, infructueux malheureuse- ment, pour faire conclure la paix entre les Provinces-Unies et les Pa\s-Bas espagnols \ Le § 149 du recès de la diète dit (|u'il sera demandé à l'archiduc ' Ivocli, l. c, pp. 437-458, 464. - Slockiiians, De jure dcvolutioiiis , piii'l. I[, p. III. '' Ihuljcrliii, I. XXI, p. 701. — Dcputi's de B(Hiri,'Ogne : Cliarics, coiiile d'Egmont, piiiirc (le Gavre, chevalier de la Toison doiv i^oiiverneiir du conité de Xamur; Gilles de Faiiig de Coiva, thevalier, éciiyer tranchant de S. \., conseiller; Jean de Haltstein de Born , président du duché de Luxembourg et du comté de Chin\ ; Pierre von dem Puscli, président du comté de .\anuir (ReicItiffaiiKi , 1. c, p. I7S. — Koch, /. c, p. 4!)7). DK DKOIT PUBLIC. i:tc. 253 de faire observer l'ordonnance snr les monnaies, conforniéinenl an\ résolu- tions prises dans les diètes antérieures '. La diète de 1003 s'occupa davantage des affaires de la Belgique. Les ^§ 28-44 du recès portaient (jne Tanihassade que Ton allait envoyer aux Pays-Has, en Hollande, Zélande, etc., devait s'efforcer de préserver Emden des alleinles de la guerre et demander la reslilution des pays occupés par les insurgés '. On reproduisit les griefs contre les abus de la Huile d'or de Brahan! , el , malgré les promesses rassurantes données par l'ambassadeur du Cercle de Bourgogne, (|ui était pour lors Thierry, comte de iManderscheidt , Blankenheim el Rhusy '', on résolut d'envoyer une dépulalion à l'archiduc Albert el de reprendre l'affaire à la prochaine dièle, si l'on n'obtenait pas satisfaction sur ce point '. On convint que les frais de l'ambassade seraient supportés en partie par l'Empereur. L'archiduc ayant fait demander que l'ambassade fit accorder des indemnités aux cantons ruinés par les Provinces-Unies, la diète émit une déclaration favorable en ce sens. Elle accorda aussi un mois lomain pour couvrir les frais de l'ambassade ". L'archiduc Albert, qui fondait de grandes espérances sur la mission, chargea le député du Cercle de Bourgogne de remercier la diète de ses bonnes dispositions ^. Les Provinces-Unies, (|ui avaient compté sur une intervention énergiiiue de l'Empire en leur faveur, mais qui n'avaient rencontré qu'une neutralité bienveillante , opposèrent un nouveau refus aux propositions d'accommode- ment qui leur étaient faites (1605). Les Hollandais répondirent qu'ils dési- raient vivement conclure la paix, pourvu que celle-ci fût compalible avec le droit et la liberté, mais qu'une telle paix n'était pas à espérer et que, quant à traiter avec le roi d'Espagne, ils ne voulaient point en entendre parler. Ils * Ivocli, pp. 4'J(i, 497. 2 Koth , pp. 504-509. ' ChcviiliiT cl jusc des nobles du diichi; do Lnxemboiirs et du couité de Cliinv . Il cliiil iieroni- pagné de I>ieirc vou dcni Puseli et de Philippe de llaltsleiu de Born, tous les deu.x conseillers (Reicli.sfama, p. t7'J. — Ivoeli, (). 514. — .Mecrnian, /. c, § 55°). * Moser, /. c, p. ô07. s Hœbeilin, l. c, pp. 204-20C. 6 HîEbei-liri, /. c, p. 20!). 254 HISTOIRE DES RAPPORTS priaient, en conséquence, les Allemands de ne pas insister davantage '. Aussi agirent-ils petit à petit comme s'ils étaient entièrement indépendants et ne voulurent-ils entendre parler d'aucun traité de paix ou armistice (pie leur pro- posa l'archiduc, à la recommandation de l'Empereur. Cependant, ils furent obligés de se départir (piehpie peu de celte hostilité systématique. L'argent nécessaire aux frais de la guerre commençait à leur manquer, tout comme aux Espagnols, et, à la persuasion des envoyés français ,i\s convinrent de traiter, sinon de la paix, du moins d'une trêve, mais sous la réserve que les archi- ducs Albert et Isabelle déclareraient « qu'ils traiteraient avec eux comme avec des États libres sur lesquels ils n'avaient aucun droit et ne devaient former aucune prétention '-. » On traita sur ce pied. Un congrès eut lieu à La Haye; il s'ouvrit le 2ô jan- vier 1607. Divers princes de l'Empire y avaient envoyé des ambassadeurs. L'Empereur adressa une lettre à l'archiduc en Tinvitanl à ne rien conclure sans son consentement. Il rappelait à Albert que les Pays-Bas faisant partie de l'Empire, il importait (pie l'Empire eût connaissance de ce qui allait se traiter. L'archiduc répliqua qu'il ne niait point le lien des provinces belges avec l'Empire et le droit qu'avait l'Empereur de se préoccuper de ce qui les intéressait ; mais que, quant aux États de l'Empire, la Belgique n'avait guère îi s'en louer, puisqu'ils ne lui avaient donné « ni ayde, ni assistence, » quoi- qu'ils y fussent tenus par le Traité d'Augsbourg, Il terminait en disant que l'épuisement de ses pays lui faisait un devoir de leur procurer la paix le plus tôt possible ^. ' Meleren , liv. XXXVI, fol. 115. Cet auteur, fol. 110, cilc une brocliiiro dans laquelle sont énumérécs les causes pour lesquelles les Hollandais doivent repousser les |)io])osilions de ])aix faites par l'Empereur; la parenté de Rodolphe et du roi d'Espagne y figure au premier rang. '^ Van Loon , /. c, p. 51)8. 3 Cette réponse de l'archiduc Albert étant fort importante, nous croyons devoir la repro- duire ici. I Réponse réfuUdoire de Van-hiduc Alberl à lu supériorilé prélviidue pur V Einj)(!rcuf sur les Pays-Bas. A l'Empereur. A Bines, le 27 novembre IG07. — Jay vcu la Ire qu'il a pieu à V. M. m'escripre du 9" du mois passé, sur les bruictz quelle dict courent en Alleniaignc du traieté quicst en termes entre nous, à la participaôn du roy monseigneur et frère, et les Estât/. Uni.sdIIollande et associez, s'esbahi.ssant Vrê Ma" que nous ne luy en ayons faiet part, comme le fut roy monseigneur qui soit en gloire a faicl diverses fois, et requis rinter[)Osition impé- riale, pour assopir et appaiser les troubles d'icy, et à quoi par conseil des électeurs, princes et Estatz de l'Empire, elle s'est souvent employée, non sans grand travail et despensc. Adioustc DE DROIT PUBLIC, etc. 2S5 Mais les prétentions des Hollandais élaiont hautaines. Ils n'aspiraient à rien moins qu'à s'affranchir complètement de tout lien avec l'Empire. L'Em- pereur fut froissé de celle attitude et il adressa, le 9 oclohre, une lettre aux États Généraux des Provinces-Unies, Il y énumérail « toutes les peines que son père Maximilien et lui s'étaient données pour rendre la paix aux pro- vinces des Pays-Bas. Il témoignait son étonnement de ce que l'on avait cessé de traiter sans lui, ou même sans lui en donner le moindre avis et de ce que l'on paraissait avoir pour but de l'aire des Provinces-Unies une république libre. Cependant les Etals Généraux ne devaient pas ignorer que lesdits Pays-Bas V. M" (in'il luy iiuoml)c et Hppiirliciit pour le lien impérial qu'elle tient, me f;iire souvenir, comme elle a ja laid au dict S'' roy, que ces pays bas sont mouvans en fief (l'clle et du saint- empire et son Cercle et commemhre d'icclluy, et que de fiefs semblables et si princijiaulx ne se peut rien disposer, sans son scu et conscntenicnt , comme y estant seigneur souverain et féodal, oultre I intérest particulier d'elle, et do tous ceux de nré maison. Et en somme elle nous requiert de sans son seu et consentement rien voulloir bcsongner ni emprendre, ny accorder, ou faire alliance qui puis aprez puisse estrc de préjudice à elle, au saint-empiie on à nrê maison. Telle est la substance de la Iré pour à laquelle respondrc, en premier lieu , je la nicrcie très humblement de la faveur qu'elle m'a faici à mescriprc si bcnignemcnt, et lesoing naturel i[u'clle a de noz efïaircs, dont l'infante et moy luy demeurons très esiroitemcnt obligez, et confessons être bien informés des peines, Iravauk et despens qu'elle a niiz ]jour appaiser ces troubles et mettre fin à cette cnielle et sanglante guerre dont et l'Espagne et toute la cbrestienté lui demeu- rent en particulère obligaôn. Cependant V. M. me pcrmctira, s il luy plaist, que je luy parle ouvertement, sans toutesfois entrer en dispute sur ce qu'elle se (|ualifie comme empereur, sei- gneur souverain et féodal des pays-bas, car encore que les |)rinccs d'iceulx se sont tousiours portez pour souverains, sans recongnoisire aullre que Dieu pour supérieur, et que l'empereur Charles Je Quint nrê grand oncle, qui soit en gloire, par le Traitlé d'Augsbourg de l'an 48 ne pensât rien moings que les asseruirou assubicctii' plus qu'ils n'av(jicnt esté du |)assé, ains seu- lement les asseurer d'advantage, et par mesine moyen fortifier l'Empire, pour l'afTcction qu'il portoit à l'ung et h l'aultre, toutesfois au regard de V. M. je n'ay rien qui ne soit sien, ni dont elle ne puisse librement disposer, recognoissant le respect et obligation que ie luy doilis , et qu'il n'a tenu à elle que ne soyons pieca à nré aysc, mais quant aux électeurs, princes et Estats de l'Empire, jusques à maintenant , nous n'avons pas beaucoup à nous en loyer, ny d'ayde ou assis- tcnce qu'ilz nous ayent faict, quoy que par le mesme Irailté ilz y fussent fort estroittement obligez, car laissant appart ce qui est succédé du vivant du roy, qu'ilz sauent n'avoir rien espar- gné pour la défense de l'Empire contre les forces cl invasions du Turcq, et qu'en particulier il a négligé ses propres affaires, pour secourir et saulver Testât de Coiilogne, qui sans cela estoit irrémédiablement perdu et tiroit ipianl et soy la ruyne des aultres deux élecloratz ecclésias- tiques, et venant à ce qui nous touche, il y a tantosl dix ans que nous y sommes etscavent que nous n'auons ny les Indes, ny les royaumes et couronnes d'Espagne , que je suis né Allemand comme eulx, nepveu et petit-filz de tant d'empereurs, fils d'un empereur qui les a tant chery 256 ■ HISTOIHE DES RAPPORTS élaienl mouvanls de l'Emperenr ol du saint-empire, ainsi que le prouvaient les archives, inveslilures, indulls, concordais et recès de l'Empire; ils sa- vaient donc bien que, lorsqu'il s'agissait d'un lief aussi important , il n'était pas jjermis de traiter à Pinsu et sans le conseil du suzerain ; que si l'on agissait autrement, il était porté atteinte à la nature et aux propriétés du fief, ce qui ne pouvait être toléré, en vertu des ordonnances et statuts des droits féodaux. L'Empereur désirait, en conséquence, savoir ce qu'il en était et ce que com|)taient faire les Etals Généraux , afin qu'il pût sauvegarder sa juri- diction et celle de l'Empire; il priait en outre les Étals de ne pas continuer à et iiyiiié, frt'i't' de VrêMa" accjililé de tous t'ostcz, bonne jjartie de nos Estais perdue, et l'iuilre dcstruilte et actuellement infestée, se sont-ils oncques mis en deuoir de nous secourir et s'op- poser à nos ennemiz.Tout au contraire les ungs se sont contentez d"oyr de loing nos misères, Ic-s aullres ont l'omcnlé nos ennemiz, voyres jusques a y envoyer armée pour les protéger et nous résister, sans que lEmpire en ayt faict aultre démonstration, les diettes et journées impé- riales n'ont esté remplies que de ])laintes contre nous, et iioz gens, et si en passant de mala- duenlurc ils ont |)iins un poulie! sur noz voisins, tout le monde leur a courru sus, encore qu'ilz scavcnl de vrny que de tout le temps que ie suis icy, i ay eu plus de soingdu soulagement des jjays voisins que des miens propres, et (jnc sans comparaison ilz n'ont soufFcrl ce qti'ilz souf- froient avant mon temps, dont mes pau\res subiectz se sont douluz assez souvent, qu'au con- traire l'on ne parloit des ennemiz, ores qu'ilz fissent dix fois ])is, ravageans les pays de l'Empire sans contradiction, que s'il estoit question de passer le Rhin, pour recouvrer ce que y avons perdu, tant s'en faut que noz amis et confédéréz nous ayent donné passage j)ar leurs places, comme ilz y csloient obligez, qu'au contraire si pour les espargncr nous avions voulu dresser quelques forts sur le Rhin, tout le monde s'est eslevé comme si nous eussions dcii perdre le nré, sans nous nu'tire en devoir de le rccouvier. Je scay que Viè M"' y a souvent envoyé ambassades fort solennelles, et les peu gratieuses respouscs qu'ilz y ont faiel, que ie m'asscure Vré M'" aura veu avecq regret. Mais quelle démonsiralion ont faict les juinces pour saulver la lépulalion de Vré M" et la leur cl les l'éduire à la raison. Bi-ef, tout cela se pourroil souffrir si la guerre estoit d'iuig an ou d<'ux. Mais si elle a duré ipiaranle deux ans, cl mes ]iauvi'es subiectz qui sont dcmeuiés obéyssans sont tant im ommodéz, cl si ie ne voids point de fin, trouvera l'oneslrange si jay cherché moyen de une fois sorlir de ces mtdheui's, ou du moins venir en edicalion pour vcoir ce c[ui s'en |)ourrat espérer. « Il est vray que c'est avec condition qui semblera dure à tout le monde, qu'est dedéclaircr libres, côme jay faict ce qui s'entend, si la paix se faict, et que je n'en ayc donné part à \rè M", at esté jiour ce qu il n'y at encore rien de faict, ce que iusques à maintenant il est incertain si l'on sasscmblei-a ou non. Mais elle se peut asseurer que je ne lui eélcray rien, et qu'en sommes venus à ces termes, non pas tant pour nrë ayse, et nre repos, que pour la com- passion que nous a\ous de la ruyiu' de laul de pauvres innocens, et je su])plie Vré M" |)rendre de Jionne part ce petit discours, luy baisant trè,- bumblemenl les mains et priant le Créateur, etc. » (Da|)rès l'original reposant aux Archives royales de Bruxelles, Papiers d'Etui ih l uiiiheiice, lî , 2Ô0.) DE DROIT PUBLIC, etc. 257 agir sans son conseiitomoiil ou à l'aire (|iioi (|ue ce lût (|iii put èlre à préjudice à PEmpereur ou à l'Empire '. » Les Elals Généraux s'élaienl Irop avancés pour pouvoir reculer; ils se sen- (aienl assez i'oris pour résister au besoin. D'ailleurs, la lellre impériale les rendait défianls à l'endroit de la sincérité des propositions qu'on leur adres- sait. Il y avait si longtemps (pi'on n'avait plus parlé du lien (|ui unissait leurs provinces à l'Empire que cette mention nouvelle n'était faite, croyaient-ils, que dans le but de s'en prévaloir à l'occasion |)our renverser lé traité qu'ils allaient conclure avec l'Espagne. Ils répondirent avec déférence au message impérial, mais passèrent sous silence la question du lief « parce ([u'il aurait été odieux de la réfuter et lionteux de la reconnaître". » Toutefois, ils renon- cent à leur ancien lien avec l'Allemagne; ils nient être tenus encore à aucune obligation envers l'Empire; ils allirment leur liberté complète et expliquent la conduite qu'ils ont tenue par cette circonstance qu'ils n'ont pas reçu de l'Empire les secours demandés. Les négociations entamées entre la cour de Bruxelles et les Provinces-Unies se prolongèrent pendant près de deux ans sans (|ue l'on parvint à s'entendre. Enfin, grâce à la médiation de l'Angle- terre el de la France, elles furent renouées à Anvers, et , le 9 avril 1609, fut signée la fameuse Trêve de douze ans. Cet acte célèbre était le premier qui, depuis ioriginc de celte longue guerre, consacrai la reconnaissance des Provinces-Unies, non pas encore d'une manière diplomatique, mais virtuellement el d'une manière indirecte. C'était le second coup porté au Traité d'Augsbourg, et celui-ci était plus sensible encore (pie le premier. L'Union d'Ulrecbl, en effet, n'avait stipulé (j!ie la séparation des provinces du nord de celles du sud; elle réservait, en termes exprès, le lien (|ui les unissait à l'Empire. Celte fois, dans l'acte de paix , il n'est plus fait mention de l'Empire ; c'est comme si l'Empire n'existait plus. En passant ce point sous silence, les Pro- vinces-Unies se sont moralement délacbées de la monarcbie germanique. En revancbe, l'empereur Hodolpbe accorda une place inq)orlante aux 1 Van Metercii, Nel. llist., liv. XXVIll, fol. Kii. '■^ « Scd de fciido silcbalur, quia ot rffcllcre odiosiiin et fatcri ingloriosum. » — Grotiii-^. Hlsl., Iib. XVI. 238 HISTOIRE DES RAPPORTS affaires de Belgi(|ue à la dièlc de Ralisbonne qui eut lieu la même année. Il demanda aux Étais de PEmpire « ce qu'il y avait lieu de faire au milieu des disooriles qui déchiraient la Relgitiue cl causaient à l'Empire un dommage considérable, » ajoutant « qu'on y traitait de la paix sans consulter ni l'Em- pereur ni rEm|)ire; (lu'il n'était pas tolérahle (jue les Pays-Bas fussent con- sidérés comme une république libre, mais qu'il fallait, au contraire, les en empêcher de toute manière, afin qu'ils restassent un membre et un fief de l'Empire et leurs princes vassaux de l'Empire ^ » Mais les États se sépa- rèrent sans avoir pris de décision et ils persévérèrent jusqu'à la fin dans cette voie d'indifférence et d'apathie dont nous verrons plus loin les tristes con- séquences. Nous avons raconté plus haut les démarches faites par les États de l'Em- pire pour réduire à un système uniforme les monnaies belges et celles de l'Allemagne. De nouveaux efforts eurent lieu dans ce sens pendant la période que nous venons de traverser. Il importe de les signaler. Lorsque les Pays-Bas du nord se détachèrent de ceux du midi, ils eurent une monnaie distincte. Ceux du midi curent les ducalons [speciegeld) et les Alherlus ou Kreuz- Ihalcrs [murmiKjdd). L'archiduc Albert fit frapper des thalers d'après un titre inférieur à celui qu'avaient eu d'abord les Pliilipslliulers ; puis, pour les distinguer des autres, il fit graver sur le revers la croix de Bourgogne d'où ils furent appelés Krexiztlialers avec la légende : Puce cl juslitia. Les Pays-Bas méridionaux comptèrent aussi, d'après le cours flamand, en livres, escalins et gros. La livre flamande (livre de gros) valait 20 escalins {schel- UiKjcn); 1 escalin, \ît gros. Ceux du nord eurent les Rcichslhakrs et les ducatons. Ils maintinrent aussi les florins, sous el deniers. Le florin valait 20 sous; 1 sou [siuivcr] 8 dûtes [deul) ou 16 deniers. Par rapport à celle dernière monnaie, la livre flamande faisait G florins; 1 escalin, 6 sous; 1 sou, 2 gros; 1 dute, 2 de- niers '. ' Meteren, Jiv. xix, in init. - Voy. Praùn, /. c, pp. 525 et 358. DE DROIT PUBLIC, etc. 259 Un édit sur les monnaies , puljlié dans les Pays-Bas méridionaux en 4 585, conslate que déjà alors un demi-réal d'or, ainsi qu'un Philipsl/uder, dont 1 ducalon élail probablement l'équivalent, valait 1 rekhsihalcr 45 sous, i llorin d'or 4-8 et un ducat G6 sous. Mais il résulte d'un édit publié, en 1622, en Hollande, que le reicbstbaler néerlandais, pesant 19 engels, élail fixé à 50 sous, 1 Alberluskreutzer à 47 et 1 loweiilhaler hollandais à 40 sous. Il n'était pas question dans cet édit du ducaton ; mais, d'après la |)roportion éta- blie plus haut, il devait avoir 55 ^g parties et plus tard 60. Parmi les mon- naies d'or, le ducat fut coté à 85 sous et le llorin d'or à 62. C'est ainsi que la proportion entre l'or et l'argent fut plus élevée qu'auparavant '. Le § 149 du recés de la diète de 1600 portait que l'archiduc Albert serait invité à faire observer les ordonnances sur les monnaies conformément aux résolutions prises dans les diètes antérieures ^. Enfin , le § 54 du recès de la diète de 1603 formula une nouvelle demande à adresser à l'archiduc pour qu'il se conformât à l'édil de 1585. L'ambassade qu'on envoya aux Pays- Bas celte même année (1603) recul l'ordre d'insister sur ce point '; mais les pourparlers qui eurent lieu n'amenèrent aucun résultat. Nous avons vu que, pendant l'administration du ducd'Albe, les contribu- tions du Cercle de Bourgogne dans les charges de l'Empire avaient été en souflrance. Cette situation se reproduisit au commencement du règne d'x\lbert et Isabelle. Les archiducs, qui tenaient à conserver des relations étroites avec l'empire d'Allemagne, voulurent régulariser les payements et donnèrent des instructions en conséquence. En vertu d'une ordonnance du Conseil des Finances du 26 novembre 1593 et de trois j)atentes royales, la recelte géné- rale de Brabant au quartier d'Anvers recommença les versements à partir de l'année 1594. Il n'est pas sans intérêt, croyons-nous, d'en donner un aperçu en nous basant sur un document officiel émané de l'administration même des finances *. ' Praùn , pp. 342-Ô-47. * Koch, Reiclisabscitiede, I. c, pp. 490, 497. = Ihid. ■* Areliives du royaume. Carton : Places d'assesseurs à la Chambre impériale, n° 2031. « Bricfve déduction de ce qui csl paye et passe pour les gages des conseillers, assesseurs et avocats de la Chambre impériale de Spiere depuis et comprins l'an 159i en avant et sur quelz ordres. » Tome XXXVI. 34 260 HISTOIRE DES RAPPORTS Voici les versements effeclués de ISO-i à 1609 : (Inr. s il 1594. Pour la conlribiilion dans la Cliamhre impériale 2,087 '2 i — « Une somme pareille pour l'année 1373 qui avait été rayée parmi souf- france au compte précédenijusques à ultérieure ordonnance parce que, selon les instructions on ne pouvait rien passer à bon compte, laquelle ordonnance fut produite en 151)4. » 2,087 2 2 — Les gages de l'avocat du Cercle de Bourgogne, Laurent Vomelius. . . 208 IG (J i'à9'6. « Se trouvent encore passées au profil desdils assesseurs et à litre que dessus deux pareilles sommes di; 11. 2,087 2 s. 2 d., soit 4,474 4 4 Et pour lavocat deux fois (1. 208 IG s. (5 d., soit 416 32 12 4596. Pour la Cliamhre imjiériale 2,087 2 2 Pour l'avocat et procureur 208 40 G 4597. Pour la Chambre impériale 2,087 2 2 Pour l'avocat 208 IG G •1598. Pour la Chambre impériale 4,174 4 4 Pour l'avocat 416 32 42 l 4,474 4 4 4599. Comme en I59S ,,^. _,^ ,c f 416 a2 12 Dont il s'est laisse contenter, comme dit le texte. » 4C02 et 1603. « Le mesme a esté passé tant au prouflil des dits assesseurs que du dit avocat, respectivement lorsque le dit avocat est venu à décéder, et se trouve en outre audit compte de 1G03 encore une somme de. . 180 15 6 au proullilde son successeur Andréas Pfeffer. » 4604. « Idem pour les dits assesseurs et avocats et encore 540 15 4 à la vefve du dit advocat Laurentius Vomelius pour le parpayement lies gaiges du dit defunct son mari , comme dit le texte. » 4605, 1606, 1607. a Idem pour les dits assesseurs et advocat. » 4608. n Rien ne se trouve passé. » 4(i09. " Idem pour les dits assesseurs et y avoit lors deux advocats auxquelz furent passez les gaiges de 198 15 G pour chacun » Les détails qui précèdent fournissent matière à plusieurs observations. Ainsi, le traitement des assesseurs et de l'avocat à la Chambre impériale n'est pas toujours uniforme; tantôt ils reçoivent moins que la somme habituelle, tantôt ils reçoivent le double. Les noms des assesseurs ne sont pas men- tionnés, mais bien ceux de l'avocat, — particularité que nous ne nous DE DROIT PUBLIC, etc. 261 chargeons pas d'expliquer; — enfin, les conlribulions pour l'enlrelien de la Chambre impériale semblent confondues avec les appoinlcmenls des asses- seurs. La succession des avocats et procureurs est mieux élablie dans les docu- ments que celle des assesseurs. Après le docteur Jules Mart, que nous avons vu succéder, en 1572, à Capilo, le poste fut occupé par Laurent Vomelius, dont les lettres patentes sont datées de Tournai (5 avril 1582). Il est à remarquer que dans ces patentes, de même que dans les précé- dentes, après le pouvoir (|ui est donné au titulaire « de faire généralement tout ce qu'il verra convenir pour le service du roi, bien, prouHic et utilité de ses pais de par deçà, » Ton trouve la clause suivante : « Selon et ensuyvanl les lettres de procuration cpie lui en avons fait despecher, » ce qui prouve que, outre les lettres patentes dont nous avons parlé, on donnait encore à ces ofliciers une commission ou procuration dans le genre de celle du 14 novembre 1549, expédiée en latin en faveur de Breynningh. Au reste, si ce sont là les seules patentes dont on ail retrouvé les minutes, elles suflisent néanmoins pour expliquer l'objet des fonctions dont il s'agit. Il en résulte bien claire- ment que l'avocat et procureur pour les Pays-Bas à la Chambre impériale était chargé d'y soutenir les droits du souverain, ainsi que les intérêts et pri- vilèges du Cercle, de ses vassaux, habitants et sujets, c'est-à-dire qu'il était destiné à y remplir les principales fonctions qui étaient confiées ancienne- ment en Belgique aux ofiïciers fiscaux, sauf que nous ne voyons pas s'il avait entrée et voix dans la Chambre '. Le document que nous avons cité tout à l'heure nous a appris le nom du successeur de Vomelius. Ce fut André Pfeffer, nommé en lG02,et il exerça ses fondions jusqu'en IGIO '\ ' Consulte du 8 ;iviil 1750, /. c. - Briefve déduction, clc, dans le carton n" 2031, Places d'assesseurs à la Chambre iinp. 262 HISTOIRE DES RAPPORTS CHAPITRE IV. Guerre de Trcnle Ans. — Siluatioii de la Ik'lgiquc. — .\lheil cl Spinola. — Expiraliou de la trêve de douze ans (1(121). — Peckius. — Lettre de 1 F,ui[)ereur aux Provinces-l'iiies. ~ Réponse iiaulaiiie de ees dernières. — Mission d'Aitzenia auprès de rEni]iercur. — Diète de Ifiil. — Son importance. — Wcyns et Brun y sont envoyés jjour le Cercle de Bourgogne. — Aiïaire des eonlributions. — Question des mercenaires suisses. — Expost^ de la situation du (]f^^rclc. — 11 est taxé Iro]) liant — Nouvelles réclamations au sujet de la Bulle d'or. — Mémoire des États de Westplialie. — Réponse des députés de Bourgogne. — Décision de la diète. — Diète de 1(543. — Léonard de Richtersperg. — Traité de Westplialie. — Ses causes directes et indirectes. — Il entame la Transaction d'Angshourg. — Convoitises de la France. — Cons('(iuences pour la Belgique. — Protestation du roi d'Espagne. — Reconnaissance de l'indépendance des Provinces-Unies. — Contributions de la Belgique pendant cette période. — Détails. La Irève de 1609 élail inscrite dans les Irailés, mais elle n'existai! point dans les sentiments des juirties adverses. Dès 1610, il y eut un différend entre rarchiduc Albert et les Provinces-Unies au sujet de rinterprélalion de certains articles de l'armistice; toutefois un arrangement amiable intervint '. Puis ce fui TEmpereur (pii enjoignit à l'arcbiduc de restituer Cambrai à l'Em- pire (1613)"-. Quant à Albert, il ne songeait qu'à donner un peu de calme aux provinces belges épuisées par une longue guerre. Cependant ses efforts devaient être vains, car la guerre de Trente Ans allait commencer. Nous n'avons à nous occuper ici ni des causes ou des prétextes qui ame- nèrent celte guerre meuririère, ni de ses diverses péripéties; mais nous devons examiner spécialement quelles furent, pendant cette période, les rela- tions de la Belgique avec l'Empire. Ces relations doivent être considérées sous un double aspect, au point de vue international et au point de vue du droit public interne. ' Hœbcrlin, t. XXIII, pp. 50, 52. 2 Ibid., 1. c, p. 525. — Députés des Pays-Bas : Frédéric, comte de Berg, baron de Boxeri- Iicer, Bylandl, etc., banneret et capitaine en cbef de la princi[)auté de Gueldre et comté de Zntpbcn, conseiller de guerre et d'État de Bourgogne, capitaine des trabans, etc., et Bernard de Putz, licencié en droit, conseiller de l'électeur de Trêves et de Bourgogne. — La correspon- dance de ce dernier est très-remarquable. Écrivant eu français, il signait (/(/ Pin/s , et, en espa- gnol, de Pulev. (Leilres écrites pur Bernard de Piilz ù rarchiduc Albert, t. LXXXI. Ardiivcs de Bruxelles.) DE DROIT PUBLIC, etc. 263 Sous le premier rappori, les provinces i)elges preiiiienl pari, comme alliées de TEmpire, à la guerre de l'Espagne coiilre les prolestanls, la France, etc., tandis cpie les Provinces-Unies se liguent, avec les États protestants, contre TEmpereur, les Étals catholiques et les Espagnols confédérés. Sous le second rapport, les provinces belges sont toujouis considérées comme faisant partie de TEmpire, sous le nom de Cercle de Bourgogne. Dès 1609, on vit poindre un des germes d'où devait, dix ans plus lard, sortir la guerre de Trente Ans. C'était la mort du dernier duc de Clèves, décédé sans héritiers mâles. Sa succession fut réclamée en même temps par six prélendanis, et principalement par Télecleur Palatin et réiecleur de Bran- debourg. Ces deux princes s'uniient pour pouvoir mieux défendre leurs inté- rêts contre l'électeur de Saxe et contre l'Empereur (pii réclamait les duchés comme fiefs vacants de l'Empire, et ils s'en partagèrent la possession jusqu'à ce que l'Empire eût rendu une décision. Henri IV allait envoyer des troupes dans les duchés pour soutenir les prétendants lorsqu'il fut assassiné. Peu de tem|)s après, arrivèrent des troubles dans les pays héréditaires d'Autriche, la mort de Rodolphe et l'avéïiement de Malhias. L'Empereur et le roi d'Espagne s'allièrent. Le général Spinola,qui com- mandait en Belgique, envahit, en 1615, le pays de Juliers et prit possession (le quelques villes pour le prince Palatin, de la ligne catholique de Neubourg. Le prince Maurice de Nassau alla aussitôt occuper d'autres places pour le compte de l'électeur de Brandebourg. Spinola iiiveslil Aix-la-Chapelle. La paix de l'Allemagne avait cessé, sans ipie la guerre de Trente Ans proprement dite eût commencé. Elle éclata définitivement en Bohème (1618). Les Provinces- Unies, d'accord avec cerlains princes protestants, avaient poussé la Bohême à secouer le joug de la maison d'Autriche, afin d'empê- cher Ferdinand, successeur désigné de .Alalhias, de recueillir tous les pays héréditaires de cette maison, et de susciter des embarras à l'Empereur et à l'Espagne, son alliée. Dès le début, ce fut à la Belgique que l'Empereur de- manda un général ' et des soldais. On sait la part imporlante et glorieuse que ' Le comte de Bucqnoy. Tilly commandail , sous le duc de iîiivièi-e , Inriiiée de la ligue calho- li(iue. 264 HISTOIRE DES RAPPORTS prirent les régiments wallons à celle campagne ^ Le (railé d'Ulm, conclu le 3 juillet 16'20, entre TLinion protestante et la ligue catholicpie, fut une pre- mière étape dans celte funeste guerre. La lîohème n'y était pas compiise; rEmperour put ainsi disposer contre ce pays de l'armée commandée par le duc de Bavière et Tilly. L'union prolestante s'était engagée, par ce même traité d'I'lm, à déposer les armes, tandis que la ligue catholique avait promis de respecter les Etats héréditaires du Palatin; mais, du consentement même des Unis, l'archiduc Albert, prince souverain des Pays-Bas, avait été laissé en dehors de l'arran- gement, et, malgré son alliance intime avec l'Empereur et le roi d'Espagne, il resta libre d'envoyer au Palatinat l'armée qu'il rassemblait dans le commen- cement de l'année pour agir contre l'électeur '. Spinola va occuper le Palatinat ( 1 620) ''. Maurice de Nassau marche contre les Belges sur le Rhin; rélecteur Palatin, élu roi de Bohème, mais vaincu à la .Monlagne-Blanche, près de Prague, est mis au ban impérial. Spinola s'empare, sauf (pielques villes, de tout le Palatinat. Il y est vivement com- battu par le comte de Mansfeldl, général de l'Union protestante. Ces événements se succédaient si rapidement qu'ils laissaient à peine aux partis le temps de se reconnaître. Toutefois l'Union protestante ne pourvut pas seulement à la défense du Palatinat; elle fil représenter à la cour de France que l'entreprise de Spinola était contraire à la liberté de l'Empire, à la capi- tulation jurée par l'empereur Ferdinand et au traité d'Ulm. Elle demanda aux ambassadeurs français à Vienne de notifier à l'Empereur qu'elle se verrait forcée de se joindre aux pays révoltés conire lui, si l'armée des Pays-Bas commettait la moindre hoslililé conire un des princes de l'Union. Mais la cour de Vienne répondit en termes ambigus, et toutes les démarches de l'Union restèrent sans résultai. C'est alors qu'expire l'armistice entre les provinces belges et les Pays-Bas- ' Ainsi qu'à colles de Savoie, (rAulriche, de Hongi'ic, du P;ilatinat et des Pays-Bas. — Voy. Histoire générale îles guerres île Savoie, etc., par le seigneur du Cornet, geuliiliomme helgeois, publiée par M. de llobaulxdc Soumoy, :2 vol , I8(J8 et 180'.». 2 nœberlin, t. XXIV, p. 608. — Du Cornet, /. c , p. 8, note 5. 5 Ibid., pp. 5i3,SG9. DE DROIT PUBLIC, etc. 265 Unis (1621). Albert envoie son conseiller Pierre Peekius à La Haye pour exhorter les Hollandais à reconnaître l'aulorilé de Philippe IV, roi d'Espagne. L'envoyé siihil un refus formel; les hoslililés sont reprises et des deux côtés on lance des manifestes '. Sur ces entrefaites, l'archiduc Albert meurt (13 juillet 1621). Spinola continue un moment le cours de ses victoires; allié aux Bavarois, il chasse Mansfeldl du Palalinat. Des négociations s'ouvrent à Bruxelles en faveur de l'élecleur proscrit (avril 1622) -; mais elles sont rompues bientôt, et Mansfeldt pénètre dans les Pays-Bas où il remporte une victoire signalée sur les Espagnols, commandés par Cordova. Spinola, de son côté, assiège Berg-op-Zootn qu'il emporte. L'Espagne fait des propositions de paix : ses adversaires refusent '. Cependant, même après que la guerre de Trente Ans eut commencé, on considérait encore les Provinces-Unies, en Allemagne, comme une partie in- tégrante de l'Empire. Cela explique qu'en 1619 l'empereur Ferdinand II adressa aux États Généraux une lettre conçue comme suit : « Reverendis, illuslribus, generosis, magnificis, nobilibus, honorabilibus , prudenlibus, nostris el Imperii sucri fdelibus dilectis dilionum Belgicarum ordinibus. » L'envoyé de l'Empereur, Gramaye, était chargé de traiter de certains fiefs que tenaient les Étals Généraux, notamment de ([uelques terres dans le duché de Clèves. Mais les États refusèrent de s'aboucher avec le représentant de l'Empereur s'il ne changeait pas la (lualillcalion qu'il avait employée à leur égard et ne leur donnait un litre semblable à celui de la républicpie de Venise *. Gramaye offrit d'en référer à Vienne ; mais les Hollandais lui firent comprendre qu'il était inutile d'insister ''. Ferdinand, sans se rebuter, envoya , en 1623, aux Provinces-Unies une ambassade pour y rétablir les droils de l'Empire et de l'Empereur. Celle ten- lalive n'eut pas plus de succès que la précédente". Le célèbre négociateur ' Hœbcrlin, ibid., pp. 101 , 103. 2 IbiJ., pp. 136, 142. 5 Ibiil, I. c, pp. 148, 151, 200, 204. * Meerman, S/Jt'cùiiert, etc., pp. 103 et siiiv. ^ Aitzema, Zakmvan Slaat en oorlog , t. 1, pp. 218 et suiv. 6 Hîeberlin, l. c, p. 500. 266 HISTOIRE DES RAPPORTS liollaiulais Foppe (rAitzcma fui aussi chargé d'une mission auprès de l'Em- pereur pour obtenir la reconnaissance officielle de rindépendance des Pro- vinces-Unies; mais TEmperenr répondit (pie consentir à cette demande serait violer la capitulation cpril avait jurée à son avènement au trône ^ La guerre se poursuivit |)endanl dix ans des deux côtés avec des alterna- tives diverses, la France soutenant les Provinces- Unies - et les provinces belges n'obtenant aucun secours de l'Empire. Le successeur de Ferdinand II, Ferdinand III (1637), essaya encore de traiter les Pays-Bas-Unis comme États dépendants de l'Empire et il les appela « S. R. Imperii fidèles; » mais les États Généraux refusèrent de nouveau de recevoir la lettre cpie leur avait remise le comte d'Auersperg, à moins que l'intilulé n'en fût changé; l'Empereur y consentit et les appela : « Ceisi et potenles domini. » C'était reconnaître virtuellement les Pays- Ras pour un État distinct et indépendant de l'Empire ''. Cependant en Allemagne tout le monde était las de la guerre, et, à la diète de Ralisbonne de 1641, on fit des efforts sérieux dans le sens de la paix. Cette diète est une des plus importantes qui aient été tenues pendant la guerre de Trente Ans; nous avons besoin de nous y arrêter. Don Diego de Saavedra, chevalier de Saint-Jacques et conseiller du roi, était alors le représentant de S. M. C. en Allemagne, (^omme il était avant tout accrédité près la diète pour les affaires d'Espagne, il ne s'occupait qu'acces- soirement de celles qui avaient trait au Cercle de lîourgogne. Au milieu des événements dont l'Europe était alors le théâtre, le cardinal infant Ferdinand, frère de Philippe IV et gouverneur général des Pays-Ras, crut qu'il importait d'avoir des députés spéciaux au sein de l'assemblée fédérale, et il y envoya Pierre de Weyns, chevalier, président pour le roi d'Espagne dans le duché de Luxembourg et le comté de Chiny, et Antoine Brun, procureur général pour S. M. du comté et parlement de Rourgogne (13 décembre 1640) *. Ce ' Aitzcnia , /. c, I. II, p. 494. 2 ll;plirrlin , t. XXVI, pp. 5i, 33, 103, 173, 230, 231. ^ Mei'i'iiian, /. c — Aitzema , t. II, p. 70 1. '* Bulletin de la Conim. rojjalc d'histoire, t. VIII, p. 4GI . — Reichsfama , p. 1 7!), — Koili, p. ■i70. DE l)!U)IT PUBLIC, etc. 267 choix élait excellenl. Les deux ilépulés élaienl doués d'une grande sagacité et ils dépioyèrcnl une aclivité remarquable dans le cours des déliijérations, soil (ju'olles eussent pour objet la (jueslion de savoir s'il fallait conclure la paix ou continuer la guerre, donner une nouvelle organisation aux forces militaires, soil qu'il s'agit de la Chambre impériale. La lecture des procès-verbaux des sessions prouve encore que We\ ns et Hrun étaient fort au courant des affaires de l'Empire, qu'ils s'y appliquaient avec soin et qu'ils traitaient avec un talent réel toutes les (piestions relatives à nos provinces. En général, ils adhéraient aux voles de l'Autriche. Une des affaires les plus importantes dont ils eurent à s'occuper fut celle des contributions. Le 14 juillet 1641, ils promirent que, « malgré que le Cercle de Bourgogne se trouvai dans le plus triste état , la plus grande partie de son territoire étant occupé par l'ennemi, il remplirait lidèlement ses devoirs envers l'Empire. » Le IG, ils discutèrent la question de la percep- tion. Deux modes de perception étaient surtout en usage dans l'Empire; le premier avait lieu en suivant la matricule; le second s'opérait au moyen du denier commun. Les députés trouvèrent que les deux modes devaient souffrir des dilïicultés, l'un se heurtant contre l'équité, l'autre s'atlaquanl à des patrimoines ([ui n'étaient déjà que trop ébranlés. « (^e qui serait plus expé- dient, dirent-ils, ce serait de tlxer une certaine somme qui permettrait de faire la guerre pendant plusieurs mois; cette somme serait répartie propor- tionnellement et à l'amiable cntie les divers Cercles. » Cette pro[)osition ne fui pas prise en considération. Le II) juillet, les députés remirent aux États de l'Empire un mémoire au sujet de la présence des mercenaires suisses dans les armées françaises. Nous y trouvons des détails intéressants sur la guerre qui se faisait aloi-s dans les Pays-Bas. « Les diverses parties du Cercle de Bourgogne, est-il dit dans le mémoire, sont depuis plusieurs années en proie à la guerre (pie leur fait la France, par exemple la Bourgogne, le Luxembourg, l'Artois, le BrabanI, le ILiinaut, etc., provinces à la protection des(|uelles l'Empire est tenu en vertu de traités solennels et (pii sont l'avanl-mur et le boulevard de l'Em- pire.... Il im|)orte, pour leur conservation, que l'on rappelle les troupes suisses qui, aux gages de la France, portent la dévastation dans les provinces belges... Tome XXX VI. 3S 2G8 HISTOIRE DES RAPPORTS Que la dièle adresse un mandemeiU énergique aux Ireize cantons helvéli(|ues, et qu'elle conjure ainsi les dangers qui menacenl le reste de PEnipire... » Ils exposent ensuite la part prise par les Suisses à Tinvasion des Pays-Bas: « En 1637, sous le comte de Soissons, ils alta(|uèrenl et occupèrent le Luxeni- hourg. En 1G38, plusieurs régiments opérèrent au siège de Saint-Omer et eurent des engagements avec Piccolomini et les impériaux (pii allaient au secours de la place. En 4039, ils emportèrent llesdin, (pii appartient égale- ment au Cercle de Bourgogne, et encore aujourdMiui ils tiennent garnison pour le roi de France dans celte ville qui est garnie de leurs troupes. La même année, ils prirent part au siège de Thionville et essayèrent de repousser Piccolomini qui s'avançait au secours de la place. En 1640, ils investirent Arras, toujours de concert avec les Français, et gardèrent cette ville, qui maintenant est fortifiée, au nom de la couronne de France. Dans l'année pré- sente, 4 64.1, ils assistent au siège d'Aire et combattent enseignes déployées. C'est ainsi qu'ils aident à déchirer l'Empire alors qu'ils devraient agir d'une manière toute différente. C'est aux États impériaux de leur rappeler leur devoir de sujets de l'Empire et de leur faire comprendre que les coups qu'ils portent aux autres pourraient un jour retomber sur eux-mêmes '. » La diète fit des remontrances aux cantons ; mais nous verrons plus loin (prelies demeurèrent sans effet. Empruntons encore aux députés le triste tableau qu'ils tracèrent (22 juillet) de la situation dans laquelle se trouvait alors la Belgique, comparativement à sa splendeur passée : « Au temps, dirent-ils, où Charles-Quint conclut la Transaction d'Augs- ])0urg, le Cercle de Bourgogne comprenait les duchés de Brabant, Limboing, Luxembourg et Gueidre; les comtés de Flandre, Artois, Bourgogne, llai- naut. Hollande, Zélande, Namur et Zutphen ; les seigneuries de Frise, l'trechi, Overyssel,Groningue, Fauquemont, Daelhem, Salins, Malines et .'\Iaastrichl. » Le corps de ce Cercle, jadis si fiorissanl, est maintenant démembré en diverses parties. Des provinces qui ont été énumérées, la Hollande, la ' Londoi'p, Artd piihlira , t. V, |i. 487. DE DROIT PUBLIC, itc. 269 Zélaïuîe, la Frise, Ulroclil , l'Overyssel , la Groningiie el la Giieidre ont l'ail délVclioii, après avoir prononcé la déchéance aussi bien de l'Empire que du roi d'Espagne. Les Hollandais occupent les principales villes du Brabant et IMaasiricbt. Les Français ont envahi la majeure partie de J'Arlois el se dis- posent à prendre le reste, après avoir dévasté le comté de Bourgogne et la seigneurie de Salins d'une manière tellement barbare que les habitants ont péri par le fer, la famine et la peste!... Le Luxembourg, depuis que nous sommes en guerre avec la France, a été traité d'une manière si misérable qu(! la population est ou décimée par les incursions fré(iuenles des ennemis ou en fuite... Le pays a été foulé par toutes sortes do nations, Polonais, Croates, Lorrains, etc. Le Brabant, la Flandre, le Ilainaut, le Maniurois, 31alines, tout le Lindjourg, FauquemonI, Daelhem el le marquisat du saint-empire ont été soumis aux contiibulions des ennemis, français ou hollandais. Les désastres continuels qui depuis soixante-dix ans pèsent sur ces provinces, les ont tellement épuisées que, sans le secours de Dieu et l'assistance de l'Em- pire, elles ne peuvent plus subsister. » Les députés démontrent ensuite que, nonobstant ces calamités, le Cercle de Bourgogne s'est défendu énergiquemenl et qu'il a fait plus que fournir le contingent ordinaire que réclamaienl les l"]tats de l'Empire. « Cependant les provinces qui restent se montrent constamment si fidèles au roi et si dévouées au saint-empire dont elles sont le boulevard (|ue, pour se distendre contre deux puissants ennemis qui les pressurent, elles ont fourni les subsides habi- tuels el entreliennenl trois armées, deux contre la France el une contre la Hollande. Pour parer aux nécessités de la guerre, les Pays-Bas ont fait tout ce (|ui est humainement possible afin d'être conservés au prince dont ils sont les sujets el à l'Empire dont ils sont membres. On peut dire que dans le cours de cette guerre le Cercle de Bourgogne a non-seulement fourni le contingent qui lui est imposé par les traités, mais beaucoup plus, même trente fois plus que ce à quoi il est tenu. » En effet, la quote du cercle a été fixée au double de celle d'un électeur; aujourd'hui la moitié des provinces s'en étant détachée, la quole devrai!, d'après la norme de la matricule, être réduite à une simple part d'électeur. Or, la part de l'électeur le plus puissant n'excède pas la cinquantième coniri- 270 HISTOIRE DES RAPPORTS hulion de TEmpire. Les électeurs au Rhin, de Mayence, de Cologne et Palalin sont taxés exaclemenl comme ceux de Saxe et de Rrandel)ourg. Celui de Trêves seul contribue pour un tiers de moins. » C'est pourcjuoi, s'il faut entretenir GO, 000 hommes pour la défense de l'Empire, — ce nombre ayant rallié la majorité des votes, — cha(pie élecleui-, sauf celui de Trêves, devrait entretenir, sur le pied d'un ciiicjuanlième, 1,200 hommes; il en devrait être de même pour le Cercle de Bourgogne. Or, il entretient contre les Erançais seuls deux armées, l'une sur son propre territoire, d'environ 20,000 hommes, l'autre en France même, de 9 à 10,000 hommes, outre une troisième armée qu'il oppose aux Hollandais, alliés des Erançais. » 11 résulte de ce (|ui précède (|ue le Cercle de Bourgogne, sur qui s'appe- santit pres(|ue tout le poids de la guerre, a acquitté sa part plus qu'il ne de- vait, car en se défendant chez lui contre l'ennemi commun, il défend les autres parties de l'Empire dont il est l'avant-mur. En vérité, il s'acquitte d'une obli- gation qui incombe à tout l'Empire, c'est-à-dire d'aider, de défendre, de pro- téger et de secourir le Cercle de Bourgogne comme un membre de TEmpiie, ce à quoi l'Empire est tenu en vertu des clauses de la Transaction d'Augs- bourg. » Cette démonstration, outre qu'elle est intéressante par les détails qu'elle renferme, était d'une logique parfaite. Aussi les députés étaient-ils, à notre sens, fondés à formuler la conclusion suivante : « La règle en vertu de la- (juelle la part d'un cercle qui soutient une charge particulière est supportée par les autres cercles dans l'Emjjire a toujours été observée religieusement. Ainsi, lorsqu'il s'agit de l'impôt turc, les provinces avoisinanl la Turquie, qui soutenaient le poids de la guerre, n'y ont souvent pas été comprises. C'est ainsi que , à la diète d'Augsbourg de 4548, la maison d'Autriche fut exemptée de la matricule à cause des frais qu'elle fit dans ce bui. Récemment, le Cercle de Bourgogne fut passé sous silence dans la répartition des charges militaires, par les justes motifs que nous avons fait valoir. Toutefois, bien que le Cercle de Bourgogne ait contribué au delà de ses obligations, le roi d'Espagne, dési- reux de partici[)er à la guerre pour l'Empire, fournira tous les secours qui sont en son pouvoir, comme il l'a fait jusqu'ici, en envoijant des subsides DE DROIT PUBLIC, etc. 271 extraordinaires el en prèlant loul le concours possible à la cause commune contre l'ennemi comnuin '. » Quelque habile qu'eût été la thèse soutenue par Weyns el Drun , elle n'obtint pas le succès espéré; les Pays-Bas furent astreints à fournir leur contingent, et l'Empire, dont la situation était, d'ailleurs, critique, ne les paya point de réciprocité. Une autre affaire, dans laquelle le Cercle de Bourgogne fut mis en cause el (|ui souleva des débals importants, était relative aux abus de la Bulle d'or (le Brabanl. iNous avons déjà, à plusieurs reprises, signalé les réclamations qui avaient surgi de ce chef; il importe d'y revenir. Les plaintes dont avaient retenti les diètes en 1382, 1594-, 1598, 1003, 1G38, etc., n'avaient produit aucun résultat. Les États de l'Empire avaient chaque fois insisté auprès du gouvernement des Pays pour l'amener à sup- primer, sinon le privilège, du moins les abus auxquels il donnait lieu. En 1 641 , les députés du Cercle de Westphalie — (pii, parail-il, souffrait particulière- ment de l'application de la Bulle d'or, — présentèrent à la diète un mémoire longuement motivé el nourri de faits, lequel ne pouvait passer inaperçu. On verra par l'analyse que nous ne pouvons nous dispenser d'en faire comment le célèbre privilège était envisagé à l'étranger. A entendre les députés westphaliens, rien n'était plus légitime que leurs plaintes. Le conseil de Brabanl s'attribuait exclusivement l'interprétation de la Bulle, sans vouloir avouer que la connaissance d'un privilège appartient au concédant; que les Étals de l'Empire, qui y étaient intéressés, ne l'avaienl jamais ratifié, parce qu'il n'était pas vraisemblable qu'ils se fussent imposé le poids d'une pareille servitude. Le conseil de Brabanl étendait ce privilège si loin que lorsqu'un Brabançon avait commis un crime ou un délit dans un Élat de l'Empire, il fallait le faire traduire devant un tribunal en Brabanl, el s'il y avait contracté quelque engagement, il ne pouvait point être cité devant le forum coniraelus, mais seulement devant le juge de son domicile, il y avait plus. Dans le cas où un Brabançon était poursuivi à l'étranger, on usait, en Brabanl, de représailles en décrétant des saisies-arrêts contre un habitant du ' Lonil()i'|i, Afia publica, t. V, pj). 'i98 , 41)!». 27^2 HISTOIRE DES RAPPOllïS piiys où il élail poursuivi ou condaniné, s'il s'en li'ouvail un en Brabant. Les Urabançons domandaienl même à leur gouvenicmenl de faire la guerre contre le pays où Ton poursuivail un de leurs compalrioles. Une autre conséquence dangereuse de la Bulle d'or, c'est que les Brabançons refusaient, pour leurs biens situés dans l'Empiie, de contribuer dans Tinipôt turc, dans l'entretien de la Cliambre impériale, dans les mois romains et dans toutes les autres charges. Il y avait encore d'autres abus plus criants. Si un Brabançon pour- suivail un étranger devant un tribunal de son pays, et qu'il ne voulût pas continuer le procès ou qu'il perdit sa cause, on prétendait en BrabanI que la Bulle d'or élail violée. On exigeait même que loul étranger pût être cilé de- vant un Iribunal de BrabanI, y être jugé et, s'il n'y comparaissait pas, con- danmé comme coniumax. Même dans ces sortes de cas, on usait de représailles en Brabant '. Tel élail, en résumé, le mémoire des députés du Cercle de Wesipiialie, mémoire rédigé dans un jargon barbare, moitié lalin, moitié allemand : les députés avaient préféré les faits au style. Mais ce mémoire, loul imparfait (pril élail, ne laissait pas (pie d'embar- rasser les représenlanis du Cercle de Bourgogne, d'autant (ju'on n'avait conclu à rien moins qu'à l'aliolition complète du privilège. Il fallait cepen- dant songer à répondre à ce réquisitoire, qui avait ému les Etals de l'Em- pire, et détruire l'impression fâcheuse qu'il avait produite. Weyns et Brun tirent remarquer d'abord (|ue les députés de Westphalie avaient, sans doute, élaboré de longue main ce mémoire accusateur, tandis (pi'ils étaient, eux, peu au courant des faits qui s'y trouvaient développés. Ils demandèrent un délai suiïisant pour pouvoir le réfuter d'une manière complète, par exemple, jusqu'au prochain Conwnl des Étals, ainsi qu'on l'avait fait pour le Cercle de Souabe, qui avait à se plaindre de la chambre (ïc Ivolbwyll. En même temps ils rédigèrent une réponse provisoire et firent valoir les arguments suivants. La concession du privilège de la Bulle (/'or avait été faite par l'empereur Charles IV au duc Jean IV de Brabant et à ses successeurs, à cause des ser- " Londorp, Ada publiai, I. \, p. 681». DE DROIT PUBLIC, etc. 27.", vices que le duc avail rendus à rEnipiro. Tous les empereurs avaienl confiimé celle Bulle; voilà pourcjuoi elle était en pleine vigueur. « On se |)lainl des abus ! Mais les niinislres du roi, le cliaiieelier de î>ra- banl et le (irand-Conscil ' n'ont pas d'autre désir que d'appliquer de la ma- nière la |)!us légale les disposilions du privilège, en ayant soin d'écarler tous les sujets de plainte auxquels il pourrait donner lieu. Que si des cas se présentent où Ton excède les limites du privilège, cela ne doit pas être attribué au juge, mais ai!x parties qui négligent de proposer ou de prouver leurs exceptions. Ainsi, il arrive souvent, dans la chancellerie de Brabant, lorsque des lettres d'évocation ont été obtenues, que le demandeur n'est pas Brabançon ou (|ue le cas dont il s'agit n'est pas jyévu dans le privilège; alors l'évocation est cassée et le demandein- condamné aux frais du procès et à des dommages et intérêts. » On ne doit pas non plus se rendre immédiatement aux plaintes des par- lies évoquées ou condamnées, sans cela le juge ne sera jamais à l'abri de cer- taines supercheries » Les requérants se plaignent de ce que la chancellerie de Brabant se pose en interprète de la Bulle d'or; mais les diplômes impériaux, par lesquels le privilège a été concédé et augmenté, constituent le chancelier elles conseillers pour en connaître, le conserver et l'exécuter; c'est, parlant, à eux (piecompète de temps immémorial la connaissance entière de toutes les causes qui en dépendent. On objecte (pie la Bulle d'or n'a pas été acceptée par les Etats de l'Empire, ou tout au moins cpi'il n'est pas établi qu'ils l'aient l'ait. Mais peut-on rechercher ce qui s'est passé depuis trois cents ans? L'usage, l'observance constante doivent valoir litre; sinon, on pourrait attaquer Ions les antiques privilèges de l'Empire, entre autres, ceux des tribunaux westphaliens eux- mêmes. » On a déjà sullisamment prouvé l'acceptation du privilège au moyen des recès de rEm|)ire. A la diète de 1398, le principe de la Bulle est tenu pour incontesté; on se borne à demander que les abus auxquels elle peut donner lieu soient réprimés. On a encore tort de dire que la Bulle est une servitude ' Il sHgit sans iloiitc du conseil d'État. t274 HISTOIRE DES UAIM'OKTS pour rEnipirc, parce qu'elle ne veut pas que les Brabançons soient traduits ailleurs ijue devant leurs juges naturels; elle rentre dans le droit commun en faisant casser les arrêts irréguliers ou qui emportent un caracière odieux. » Quant à ce (pii en est des affaires criminelles, la Bulle est explicite. «Personne, dit-elle, de quelque condition que ce soit, ecclésiastique ou laïque, en matières civiles ou criminelles, ne peut exercer juridiction sur les biens, la vie ou Thonneur des sujets du ducbé. » Au déclinaloire, on ne procède (pie suivant le droit commun. L'exemple allégué par les députés de Westpbalie n'est pas concluant, parce que le procès dont il s'agit est pendant devant la cour féodale de Brabant, et, parlant, ne concerne pas la Bulle d'oi' dont la connaissance appartient au Conseil de Brabanl. » Si un Brabançon, qui possède des biens situés dans l'Empire, est soumis aux contributions et autres cliarges impériales, lui ou son colon sont tenus évidcnnnenl au payement, et la Bulle n'y met nul obstacle; c'est donc là un grief plus imaginaire que réel. Que l'on étende les limites du Brabant, c'est là une question étrangère à la matière; car autre cbose est une question de limites, autre cbose les [)rocès et évocations auxquels on fait allusion. Au surplus, la plupart des objections soulevées parles États de Westpbalie sont d'une portée trop générale et pas assez précisée. Mais, quoi qu'il en soit, — c'est ainsi que terminent les députés du Cercle de Bourgogne, — le roi ne permettrait point que la Bulle servît désormais de prétexte à des agitations ou fit tort à qui que ce fût. Ils prient les Étals de l'Empire de conserver intact au Cercle de Bourgogne un privilège séculaire et maintenu à travers tant de vicissitudes On peut faire à celle réfutation le reprocbe que Weyns et Brun avaient adressé au mémoire des députés de Westpbalie, c'est-à-dire d"être trop général; il est vrai qu'ils s'étaient excusés en disant qu'ils n'avaient pas sous la main les matériaux nécessaires pour répondre d'une manière victorieuse et complète. Aussi les députés du Cercle de Westpbalie revim-ent-ils à la obarge, et la discussion se prolongea pendant quelque lenqis, sans que des arguments nouveaux fussent produits. Quant au résultat linal , les §§ 94 et 95 ' Londovp , Acid iitibticu , t. V, p. 083. DE DROIT PUBLIC, itc. 27.^; du lecès se fircnl k's échos tics ploinles dos députés wesl|)liaIi(Mis. Il fui décidé qu(.' le roi el le cardinal-iuraiil, Ferdiuand d'Espagne, seraienl in\ilésà faire cesser le plus lot possible les abus au\(|uels enirainail une fausse interpré- tation de la jjulle d'or el qui causaient un préjudice considérable aux sujets de TEmpirc '. On sait que les tentatives de paix préliminaire qui furent faites à la diète ne réussirent point. Wevns et Brun avaient reçu pour instructions de « s'op- poser fort et ferme à toute paix dont le roi d'Espagne et le Cercle de Bour- gogne seroienl exclus -. » Le cours naturel des événements les empêcha d'agir en ce sens. La guerre fut poussée avec acharnement, et la Belgique continua à être comprise dans les contributions. Le gouverneur général , don Fran- cisco de Mello, désirait, eu égaid aux circonstances, l'en faire exempter. Il donna des instructions en ce sens à Léonard de Bichlersperg qui, en 1G4-3, siégeait à la fois à la diète pour l'Autriche et pour le Cercle de Bourgogne. Que Richtersperg eût des qualités comme représentant de l'Autriche, nous voulons bien l'admettre; mais il avoue lui-même qu'il était complètement étranger aux choses qui concernaient les Pays-Bas '. Le 48 décembre 164-3, il manda à don Francisco de Mello que les commissaires impériaux avaient demandé une contribution de iOO mois romains, payables en trois termes; mais qu'il s'efforcerait d'obtenir (|ue le Cercle de Bourgogne fût dispensé d'v participer, parce qu"il avait déjà dépensé plus de 100 mois |)our la défense des frontières de l'Empire '. La diète ne se paya pas de ces raisons et força les Pays-Bas à s'exécuter. La guerre continua, épuisant toute l'Europe et décimant l'Empii-e aussi bien (pie les Pays-Bas, jusqu'à ce que le traité de Westphalic fît suspendre les hostilités. Cette paix n'était pas seulement la conséquence immédiate des victoires du grand (iOîulé à Kocroy, à Fribourg, à Nordlingue, à Lens, ou le résultat ' Kncli, Itcirli.sulischieile, I. c. - Arrliivos du royaiiiiK'. Liasse : DirU' tic nalishoinie, n" 2706. ^ Lettre (lu 15 novembre IGiô. Arcliivcs du roviuinie : Dii'li'S cl dictiiics , E.C.irlou W, « r.uui status i-eruin liurgundiacaruin et intéresse nie;c Majestatis eallioliea' inilii nutuin nun sil. » ' Lettre du 1,S déeemiire 1045. — IhkI., el du i>;i déeembre. /. c. Tome \XX\T. 36 27G HISTOIRE DES RAPPORTS direct de la guerre de Trente Ans; elle était le fruit de la politif|iie nationale, de la politique séculaire de la France, l'œuvre de plusieurs générations de |)«!uples et de rois. Depuis un siècle et demi , la France, dont randjition gran- dissait toujours, avait travaillé à séparer les anneaux de la chaîne puissante (|ue la prévoyante maison d'Autriche avait nouée aulotn- d'elle. Ces anneaux, c'étaient les Pays-Has, PAllemagne, la Suisse, la Savoie, le Milanais, rEs|iagne. François I et Henri H avaient en vain tenté de rompre ce cercle de fer. Après Chailes-Quint, l'Espagne et l'Empire cessèrent d'être dans une mènic main; mais s'ils étaient séparés dans leurs princes, ils n'en étaient pas moins unis dans leur esprit, dans leur politique, dans la communauté de leurs inté- rêts. Or, la France, (|ui aspirait à jouer en Eiu'ope un lole de prédominance ahsolue, chercha de toutes manières à se déharrasser de l'étreinte de l'aigle imi)ériale. Tous les moyens furent employés à celte fin, et, il faut le dire, les circonstances servirent merveilleusement les souverains et les ministres de la France. Bornons-nous, pour le démontrer, aux Pays-Ras. Les Pays-Bas étaient une proie (pie la France convoitait depuis des siècles. Ces convoitises, Charles-Quint les avait rendues vaines en négociant la Trans- action d'Augshourg, qui assurait aux dix-sept prinvinces belges, réunies en une masse, le secours et la protection de l'empire germanique tout entier. La politique fatale de Philippe H dérangea cette cond)inaison, et les manœuvres du parti séparatiste, qui naquit alors, la détruisirent dans son essence. Non- seulement, les adversaires de Philippe H avaient rompu l'unité territoriale, mais, pour être plus sûrs de réussir, ils n'avaient pas craint d'appeler les Français à leur secours. On sait avec quel soin constant et (pielle ardeur inquiète les Français s'immiscèrent dans nos dissensions. Toutefois ils durent demander à la contpièle ce que des négociations pacifiques ne leur avaient pas fait obtenir, et ils tirèrent parti, avec une habileté suprême, de la guerre de Trente Ans. Ils Lie tendaient à rien moins qu'à l'absorption de la Belgique entière, et, pour arriver à ce but, ils voulurent commencer par la détacher de l'Emjjire. Le comte de Servien fit, au mois de mai 164-8, des efforts auprès des États pour faire exclure le Cercle de Bourgogne ainsi que la Lorraine de la paix (]ui allait se conclure. Il leur présenta, à cet elîel, une Remonstration où il DE DROIT PLBLIC, oc. 277 élail dit « que les guerres entre la France et l'Espagne, quoique touchant les Pays-Bas, ne devaient pas être considérées comme des guerres intéressant l'Empire. » 31ais il reçut en réponse une rélulalion énergique '. L'auteur démontrait que les Pays-Bas l'aisaient déjà anciennement partie de l'Empire et que le Traité d\Uigsl)ourg les avait spécialement mis sous sa protection. Il combattait ensuite les objeclions (pie Ion avait présentées, savoir que le Traité d'Augsbourg n'avait jamais été exécuté; que jamais l'Empire ne s'était mêlé des affaires intérieures des Pays-Bas; que le Cercle de Bourgogne n'avait pas payé les contributions imposées par l'Empire, etc. Enfin, il énumérail les avantages qu'avaient les Pays-Bas pour l'Empire et il concluait en disant que l'Empire ne devait pas les laisser ravir par la France. Ces considérations, par- lailement justes, inspirèrent un autre écrit conçu dans le même sens *. En présence de l'opposition qui se manifestait, Servien dut se contenir. Il cessa de négocier la séparation du Cercle de Bourgogne d'avec l'Empire et se borna à demander que l'Empire n'assistât plus l'Espagne dans sa guerre actuelle [pro prœsenti) contre la France. C'est dans ce sens que l'article 3 du traité fut rédigé. Le Cercle de Bour- gogne devait continuer à faire partie de l'Empire "; mais des clauses restric- tives le livraient presque sans défense aux arrière-pensées de conquête. Le roi d'Espagne, souverain du Cercle de Bourgogne, ne fut pas satisfait de ces stipulations et il chargea Pierre de Weyns , son ambassadeur, de pro- lester contre le traité. Weyns rappela l'établissement du Cercle de Bourgogne cl qu'il avait été membre de l'Empire jusqu'alors. Il s'éleva avec force contre ' Pelidonis (jallkœ de circiilo liKnjiindico a pace Inipcrii exciuduiidu der/iie (ipe ex lin- jierio non ferendo refutatio. Dans les Actu pacis Wesiphulicœ. 2 Fidelis Gcrmani in conventi mnnasleriensi able(jnli ad convenlus osnahni(jcnsis depritutos supra coronœ gullicœ pelitionibiis consi(llalioji- silas : singulis lainen stalibus liiierinn sit, liiiic iilive rei;no, extra Imperii limites, suppelias ferre, non lanicn aliter qnam seciindnni Imperii eonsliliiliones, ele. ■• Kocii, Rvichsabsvlnede , l.lll, p. GOG. -i78 HISTOIllE DES RAPPORTS los lendîHices de la paix. « Pour quels motifs, demanda-l-il, veut-on sou- nietlre le roi, qui est un ami et un allié, aux caprices d'un monarque étranger, (Tun roi de P^rance? On oublie que la Transaction d'Augsbourg — dont il leirace les principales dispositions — a expressément stipulé que le Cercle de Bourgogne serait sous la garde perpétuelle de l'Empiie... Par quel oubli de tout devoir et de toute justice, avez-vous, en acbetant une paix bonleuse, rompu ce lien séculaire?... » 11 termine en protestant publi(|uemenl devant les contemporains et la postérité contre la rupture de la foi du pacte de Bour- iioiçne ' Une autre clause du traité de Westphalie condamnait, ainsi que l'avait fait la diète de IGil , les abus de la Huile d'or de Brabant -. Les États de l'Empire devant payera la Suède une indemnité calculée sur le pied de la matricule, le Cercle de Bourgogne acquitta de ce chef un mois ou 3,Go6 florins "". Pendant les négociations entre l'Empire, la France et la Suède, le roi d'Espagne conclut une paix particulière avec les Provinces-Unies, paix par la(|uelle il reconnaissait ces provinces « pour États libres et souverains, sur lesquels ni lui ni ses successeurs n'élèveraient jamais aucune prétention. » 11 s'engageait, en outre, à obtenir de l'Empereur et de l'Empire la continua- tion et l'observation de la neutralité, de l'amitié et du bon voisinage avec les États Généraux; la confirmation de S. M. 1. suivrait dans les deux mois, et celle de l'Empire dans le délai d'un an à partir de la conclusion et de la rati- lication du traité '. L'empereur Ferdinand 111 adhéra, par une déclaration spéciale (6 juillet 184-8), à la paix signée entre l'Espagne et les États Généraux. Quanta l'Em- pire, il ne lit une déclaration semblable (|u'en 16o4. \ Les États Généraux en demandèrent une copie, et la chancellerie de Mayence la leur délivra. Tel fut le résultat de cette lutte de quatre-vingts ans que les Hollandais avaient entreprise contre l'arbitraire d'un monaniue anlipathi(ine à la nation ' Lunig, Teuisclic.s nc.iclisarclilr., t. Vil, Aiihang , p. ''t. - « Abusus Biillic Brabiintinœ iiideqiic nain aircsla |it'nitii^ tollantiir. » •' Aiiillcrii, Corpus conslit. Impérial., \. 1, p. 048. '' Ailzema, op. cil., t. III, p. 2a!) et scq., ait. o3. •' Londoi'p, t. \M,p. ù\o. — Mcermaii, p. 109. DE UKOIT PUBLIC, etc. 279 el qui ahoulit au tléchireineiil et au morcellement de la Belgique. Les Pro- vinces-Unies y acquirent Tindépendance absolue, tandis que les Pays-Bas dits espagnols, dont le souverain résidait à iMadrid et qui fut bienlôt incapable de les défendre, continuèrent à faire partie de TEmpire, sans pouvoir compter jamais sur une protection active et sérieuse. Ainsi était défaite peu à peu l'œuvre de Charles-Quint. Le lien qui sub- sistait encore entre les provinces belges et TEmpire était si faible que des jînisconsultes aussi bien (pie des politiques pourront se demander s'il n'avait pas été rompu délinilivemcnt par le Traité de Weslphalie. Mais l'appréciation des événements dont l'Europe venait d'être le théâtre ne doit pas nous détourner du soin de rechercher quelle avait été, pendant cette période troublée, la situation de la Belgique vis-à-vis de l'Empire, au point de vue des obligations qui lui incombaient. Pendant les années qui suivirent la trêve de 1609, les Pays-Bas acquit- tèrent assez régulièrement leurs contrii)utions. Mais, à partir de 1630, ils cessèrent le payement pour l'entretien de la Chambre impériale ou ne l'exé- cutèrent qu'après des rappels réitérés de la part des présidents et assesseurs de la Chambre. Le cardinal-infant, Ferdinand d'Espagne, répondit, en 1633, qu'il lui était impossible de s'acquitter de son obligation à cause de l'état misérable dans lequel se trouvaient les Pays-Bas. Le total des années 1632 à 1633 était de fl. 4,266, 40 kr., à raison de 1,066 11. 40 kr. par an ou 3,710 Bthl., 10 kr. Le 18 décembre 1658, le fiscal général, D' Bender, écrivit à S. A. S. que, pour maintenir la dignité de la Chambre, l'Empereur lui avait enjoint d'écrire à tous les Étals de l'Empire et aussi à celui de Bourgogne qu'ils eussent à payer leur quotc arriérée de 1633 et qu'il était chargé de pro- céder contre les récalcitrants, il semblerait que les payements eussent eu lieu pour 1632 et 1633, car, en 1639, le Pfenuigsambt ne réclama que l'arriéré depuis 1634-, soit 6,400 llorins. Deux années furent payées. En 1641, le directoire de la Chambre réclama les quotes échues depuis 1636, toujours sous menace de procédure '. > Arcliivcs du royaume. DiHes cl diéluws, Cart. suiipl., I(;3i-l(j77, liasse 1634-lfiCS. -iSO HISTOIRE DES RAPPORTS Voyons mainlonanl les délails que nous emprunlons au document déjà cité plus haut. Kilo, « Au coiiiple (Je cette année rien ne se trouve passé. « I li 1 1 . « Sont encore este passez pour les assesseurs à bon compte et tiltre que dessus 2,07a » » en une partie et 2,112 10 en une aultre, et à la veuve de l'avocat Plefler lurent passées encore deux années de gaiges et à l'autre avocat aussi deux années. •> 1612. « Sont esté [lassez pour les assesseurs 2,1 5^5 » » et à l'avocat une année de son gaige. » Note. « Estant à savoir que le petit changement ou augmentation de la somme en ccstuy et autres endroits procède de la différence survenue en l'évaluation de la monnoye et cours du change sur Francfort. » IGtô, 1CI4. « Idem , jiour les dits assesseurs et advoeat. » I(j|"i-I62y. " Idem, pour les dits assesseurs et deux udvocuts, saul (|ue le compte de l'an 1020, estant sur la tour, n'at este visité. » l(i'J(i-1()ôi. « Idem, sauf qu'il n'y avoit lors qu'i/n advocal et que le compte de 1650 n'at esté visité pour raison que dessus. » 1052- IG5a. « Rien ne se trouve passé à cause de ces gages. » 1656-1651). « A derechef este passée la somme de 2,250 15 ('. 1040. « Rien n'at esté passé '. » lO'il. « .V esté passée pareille somme de - 2,250 15 0 I0't"i-10i'.) inclus. « Rien n'at esté passé ^ pour les dits assesseurs, mais i)ien ])Our le dit ad\ocat quatre années de gages, revenant à * 1,051 5 » Ce tableau, qui renferme des indications curieuses, omet les noms des assesseurs, mais non ceux de Tavocat pour le Cercle de Bourgogne. André Pfeffer, qui succéda en 1602, à Vomelius, exerça ses fonctions jusqu'en 1610. Il y eut alors parfois deux avocats et i)rocureurs pour les Pays-Bas à la (Ihambre impériale, et parfois aussi, il y eut des personnages différents pour remplir ce poste. Ainsi, il est constant qu'en 1635, Adam Scinvindi était avocat. Cela résulte de l'extrait d'un état de charges du domaine d"An- ' D'après une lettre complémentaire du receveur Van Eyck au secrétaire de Gotlignics (-2 uiars lOT.j) on envoya 2,250 florins, 15 s. 0 d. (Carton : Plitces d'assesseurs à la Cluunhre impériale, n° 2051.) '^ D'après la même lettre, ce serait 4,475 florins, 7 sous pour deux années. "' En 1645, on avait envoyé 7,520 fl., !) sous pour trois années. Même lettre. '' Voir la note 1 , ji. i2a8. DE DHOIT PUBLIC, etc. 281 vers de 1633 portant ce qui suit : «... à Adam Schwindi, uvocul de S. 31. en la Chambre impériale, par an 20G fl. 1 5 sols '. » Or, en 1038, mourut TIk'o- (lore Dw\n\diU, procureur , et Philippe IV le remplaça, le 24 février, par Jean- Conrad Albrechl. Lorsque Schwindt vint à décéder en 1641, ce dernier demanda à lui succéder comme avocat, alors qu'il était déjà procureur -. .rignore s'il fut donné suite à cette requête; mais l'emploi continua à être occupé. ' Arfhivcs du royaume. Conseil privé , n" oljo. — Carton : Places (r((ssfsseiirs à la CliuHihn; impériale. Voir rapporta l'Empereur du io novembre 1737. ^ !hi(l. ^2S2 HISTOIRE DES RAPPOHTS CIFAPITRE \ . l'D^ilioii dos Pa\.s-]5as vis-;i-vis du l'Einpiic. — Investitures. — Cession de Dcsiinçoii à l'Es- |Kigiie. — Article de la cajjiuilalion de l"Em|iereur relatif à la Bulle d'or. — Incmie du gou- vernement de lîriixellcs. — Slockmans e-.t envoyé à la diète. — Son mérite. — Lassesseui' Broquarl veut faire renouveler la Tiausaelion d'Augsbourg. — Bellevaux et Pliilippi. — Louis XIV r(''ilanie une partie des Pays-Bas en vertu du droit de dévolution. — L'Empiii' doit-il défendre la Belgique? Discussion. — Annexions. — La Belgique s engage à fournir 3,000 hommes pour le contingent militaire impérial. — Dénùment des ambassadeurs. — Louis de Laneuveforge. — Son talent et son activité diploinaliques. — Services ([uil rend au |)ays. Il obtient une garantie explicite de l'Empire en faveur de la Belgique. — Coalition conli'e Louis XIV. — Assemblée des États à Brème (IGG0-'I()67). — Laneuveforge proteste contre les mercenaires suisses. — Paix de Mmègue (1078). PendanI la période qui s'ouvre devant nous, nous veri'ons la Belgique subir les plus Irisles vicissitudes. Nous allons assistera un morcellement sys- Itiniatiquemenl oi'ganisé. La France guette incessamment ces belles provinces (|ue Philippe-Auguste et ses successeurs avaient déjà convoitées et que PEm- pire germanique, battu en brèche de tous les côtés à la fois, miné (railleurs par ses divisions intestines, est impuissant à défendre. Dix traités successifs vont consacrer des prétentions iniques et imposer à la Belgique les plus dures humiliations. Rappelons encore, en peu de mots, la position des Pays-Bas vis-à-vis de TEmpire, depuis Philippe II. L'empereur Maximilien II était i)rolondémenl convaincu de la suzeraineté de TEmpire sur les Pays-Bas. On se souvient des démarches qu'il fit auprès de Philippe II en faveur des Pays-Bas et de la mission (|u'il confia, relative- ment à cet objet, à son frère Tarchiduc Charles. Il écrivait au duc d'Albe ([ue, de Tavis des électeurs et princes de l'Empire, les Pays-Bas étant une fraction, et pas la plus minime, de la Germanie, étant incorporés à l'Empire, et ayant plein droit de jouir des bénéfices de la paix publitpie, il était du devoir du roi d'Espagne, membre de l'Empire, connue possesseur de ce pays, de faire observer les dispositions du traité à cet égard, d'après ce qui avait été réglé à Augsbourg en 1348 et à Passau en 1552 '. ' lliillcliu lie lu Ciiinmission rnijale (riilsloire, 7 mai ISô7. I^apporl de M. Coremans. DE DROiT PUBLIC, etc. 285 C/esl en sa qualilé de suzerain que l'Empereur parlai! ainsi. C'(sl comme prince de l'Enipire que le beau-frère du comte d'EgmonI , Télecleur Palalin, écrivit dans le même sens au duc d'Albe, e! le prince d'Orange, dans le mé- moire jusiilicatif à l'Empereur que nous avons signalé, insistait fortement sur ce point '. F^'in\estiture des fiefs impériaux dans les Pays-Bas ainsi que le lenouvel- lemenl du traité de 1548 , tant à Tégard des provinces ou districts tenus direc- tement en fief que pour les autres parties des Pays-Bas, furent demandés aux empereurs aussi bien par Pbilippe II que par Parcbiduc Albert. Il est pro- bable, sans que l'on puisse cependant le prouver d'une manière positive, que leurs successeurs ont suivi leur exemple ". L'opinion des empereurs à cet égard n'était peut-être pas tout à fait désin- téressée. Ces demandes d'investiture étaient d'un bon rapport pour le trésor impérial, et l'on tâchait à Vienne de les mulli|)lier le plus possible. Le seignem- de Croy, envoyé par Philippe II à la cour de l'Empereur, écrivait à ce sujet de Prague, le 4 mars lo88, au duc de Parme : « El comme l'on nous avoil informé qu'il fauldroit payer double droict de relief ung particulier pour le faict de Cambray, et l'aullre pour tous les aultres fiefs en général , avons trouvé (|ue n'en debvons (pi'un seul , néanlmoins conviendra faire depescher comme du passé deux distinctes lettres, comme aussy ferons su-yvant la lin de notre instruction et les copies y joinctes, expédier nouvelle confirmation du Traité d'Augsbourg de l'an 48, et une aullre de l'exemption de nouveaux toidieux, et une troisième de tous les privilèges des Pays-Bas, dont ne sçavons encore combien les dépesches pouvant couster, sinon qu'on disl icelles à payei- selon l'importance et grandeur des affaires et qualité des parties. » Les empereurs Ferdinand I, Maximilien II, Rodolphe II, Mathias, Ferdi- nand II et Ferdinand III réclamèrenl souvent et avec insistance les rede- vances de cette nature lesquelles furent généralement acquittées. Mais lorsque, dans la seconde moitié du XVII'- siècle, les Français menacèrent et envahirent la Belgii|uc, l'Empire se montra peu disposé à la secourir. On tourna alors ' BuUelùi lie la Cumnihsioii d'Iiisloire, 7 mai 1837. Rapport de M. Corcniaiis. i IhUI. Tome XXXVI. 37 28i IIISTOIUE DES RAPPORTS dans un cercle vicieux. Le gouvernemeiil des Pays-Bas faisait valoir des droits à la proleclion de l'Empire; la diète réclamait les contributions que la Ik'Igique lui devait. La correspondance des leprésenlanls du Cercle de IJourgogne à Ratishonne donne à cet égard des éclaircissements que nous exposerons tout à l'heure. Le roi d'Espagne avait dû céder à la pression des circonstances en subis- sant les clauses du Traité de Westplialie; mais dès Tannée 1649, il renouNcla ses proleslalions contre l'exécution du traité en ce qui concernait la Relgi(pie et se plaignit amèrement que le Cercle de Bourgogne eût été abandonné par l'Empire '. La cession qu'on lui lit de la ville impériale de Besançon (1651) ne mil pas fin à ses doléances -. La principale alfaire débattue à cette époque entre la Belgique et l'Em- pire fut l'interminable discussion relative à la Bulle d'or de Brabant. Jus- (pi'alors les capitulations des empereurs n'en avaient point fait mention. Lors de Féleclion de Ferdinand IV comme roi des Romains, on inséra, pour la première fois, dans sa capitulation (1653) une clause par laquelle il pro- mettait de faire cesser, par son intervention directe et par tous autres moyens (pielconques, les abus du privilège brabançon, conformément à ce qui avait été déclaré dans le Traité de paix de Westphalie. Les États de l'Empire s'engageaient, en retour, à observer strictement la Transaction de Boin-- gogne Les débals sur la I5idle d'or de Brabant, (jue nous voyons se reproduire sans cesse, caractérisent le mieux la nature des rapports qui existaient alors entre la Belgique et le corps germanique. On avait beau prolester contre les ' Liinig, rteiclisiirchiv., purs spec. cunl.. t. I, p. 14. - Il Cï-t ilil dans la Icltre de cession ; « Ita ut. deinccps a noslra et sacri ln)|icrii juii-diiti (lu :27 juin 16.32. — Arciiives ilii rovauiiu', c((VeA' e( diétines, E, /. c. DE DKOIT PUBLIC, .:tc. ^291 la France si c'étaienl des ennemis qui n'inléressaienl pas TEnipire, comme rAngielerre, Venise, elc, ou bien s'il y avait guerre entre la France et l'Es- pagne proprement dite; mais lorscpie la Fiance attaquait le (lercie de Bour- gogne, il devait être permis à l'Empire de défendre ce pays conformément à l'art. H" de ladite paix, auquel se rapportait l'art, ô. On ajoutait que si l'Empereur n'avait pas eu le droit d'intervenir dans les alïaires des Pays-Bas , on aurai! rédigé tout autrement l'article de la capitulation relatif à ces pays '. Le parti français essaya de réfuter ces arguments par des arguments o|)posés "'. Les Espagnols intervinrent aussi dans le débat et alléguèrent (jue l'Empire et l'Espagne n'auraient point fait des arrangements concernant les Pays-Bas , s'ils ne les avaient pas considérés comme une partie intégrante de l'Empire ''. L'Em[)ereur, qui venait de faire concourir le Cercle de Bourgone au paye- ment de l'indemnité de 100,000 florins, assurée au duc de Lorraine (1 665) *, hasarda aussi une démarche (|ui fut sur le point de triompher des hésitations de la diète; mais l'influence française l'emporta. Quoique l'Allemagne ne fût ' Liinig, Kiiri)j)u/srlie Slaulscoiisilii-ii , i. !l, pp. 7' Lettre du 17 juin 1687. ■' Sa Correspoitihiiice, conservée aux Arcliives du royaume (sccrétaireric d'Etat alleniaïuie), jcnlcruie à elle seule les éléments d'un travail curieux sur cette époque agitée. Cette imporlanle (■(illcelidri, à laquelle nous renverrons fréquemment, ne eomprend ])as moins de vingt-six \()lurnes. '• L<'ltre du 14 noùt 1074. Diète de lUitisbonne , n" 2700. DE DROIT PLBLIC, etc. 293 en faveur du Cercle. Lanetiveforgc cul soin de faire ressortir celle inconsé- <|uence; il exposa qu'il avait déjà fail des démarches pour ohlenir la décia- ralioii demandée el que la majorilé des voix lui élail arcjuise; mais il ajoula (pi'il sérail souverainemenl imprudeni de ne pas accorder le conlingenl parce ([ue, en agissant ainsi, la garantie pourrait être refusée ou retirée '. Malheureusement Laneuveforge ne rencontra pas toujours de la part du gouvernement de Bruxelles rempressement inlclligenl que réclamaient les intérêts du pays, et si, pendant le (piarl de siècle que dura sa mission, le Cercle de Boui-gogne ne fut pas séparé de TEmpire, c'est à son hahih'lé supérieure qu'en revient le mérite. Le 25 août 1674., le Cercle de Bourgogne fut taxé à l,0(iO cavaliers, 2,000 piétons et 3,333 florins 20 kr. '-. Laneuveforge prit sur lui d'obtenir le conlingenl lixé et il réclama avec une énergi(|ue insistance la garantie promise. Ses efl'orts aboutirent. Le 3 septembre, les États de l'Empire adressèrent à rEnq)ereur un rapport motivé sur cette affaire. « Le roi d'Espagne, comme duc de Bourgogne, — disaient-ils, — ayant exposé que |)ar suite des inva- sions des Français, le Cercle dç Bourgogne a été conduit à sa ruine, contrai- rement aux traités de paix des Pyrénées el d'Aix-la-(^hapelle; ayant en oulre présenté un viémorial dans lequel il demande, en vue delà conservation de ce pays, la garantie de l'Empire, el cela en verlu des constitutions de l'Em- pire, instruments de paix el conclusions précédentes; ce mémorial ayant été porté devant les trois'colléges de l'Empire où il a été mis en proposition et en délibération, il a été résolu que, comme la conservation de ce Cercle importe grandement au saint-empire el aux Étals et Cercles menacés de la violence française; que, comme, en oulre, il a été déjà décidé plus d'une fois de lui donner assistance d'une manière effective, il faut prester au Cercle de Bour- gogne, comme à un membre important de l'Empire, la garantie désirée de la part de l'Empire, en veilu du contenu des prédits instruments de paix, recès impériaux et résolutions "'. » L'Enq)ereur adhéra à cette conclusion le 13 octobre suivant, en ajoutant ' Lettre; du i5 mdiU IG74. .>!ènie tiirton. - Même eatioii. ^ I.iinig, fteiclisurrhiv., 1. e.. p;irt. gén., p. (i!)ô. 296 HISTOIRE DES RAPPORTS « que celle garantie était d'autant plus juste que le Cercle de Bourgogne con- courait réellement à tout ce qui |)ouvait profiter à la paix et à la conserva- lion du saint-empire et (lu'il s'olTrail de nouveau à ronlrihucr aux charges impériales '. » Eu présence de ces déclarations catégoriques, ou serait tenté de croire (pie la Belgiciue allait, au premier cri de détresse, pouvoir invo(iuer eflicacement Tassistancc de l'Empire. Il n'en fut rien. La guerre éclata , on sait dans (|uelles circonstances, entre la France et les Provinces-Unies. Louis XIV ne pouvait pardoimer aux Hollandais la médaille par laquelle ils annoncèrent au monde qu'ils avaient « arrêté le soleil dans sa course victorieuse. » Il pensait , d'ailleurs, avec Mazarin, que « le véritable moyen d'arriver à la conquête des Pays-Bas espagnols était d'abaisser les Hol- landais et de les anéantir, si c'était possible. » Louis XIV sut adroitement détacher de la cause des Provinces-Unies prescjuc tous les alliés qu'elle avait eus jusque-là. Il ne restait aux Hollandais que le grand-électeur de Brande- bourg et — après quatre-vingts ans de guerre, quel revirement! — le roi d'Espagne. Comme le comte de Monterey, gouverneur général intérimaire des Pays-Bas, suivait la politique du cabinet de Madrid, Louis XIV se relira de la Hollande et transporta le théâtre de la guerre en Belgique. L'occasion éiait belle pour l'Empire de réaliser des promesses explicites : Laneuveforge rappela la garantie de 1674. Vain espoir! Toute la protection de l'Empire se borna à de stériles pro- U'siations. Une assendjiée des États de l'Empire, qui se tint vers la même épo(iue à Brème (1676-1677), s'occupa aussi des affaires des Pays-Bas et des moyens de les garantir contre la France; mais ces délibérations ne lurent d'aucune conséquence. L'Espagne y avait envoyé don Ballhazar de Fuen-Mayor, mar- quis de Castel-Moncayo, minisire d'Espagne à La Haye, qui rendait compte de ce (jui se passait à don 3lanuel de Lira , pour le gouverneur général '. Le duc de Villa-Hermosa avait chargé Laneuveforge de protester auprès de la diète contre la conduite des Suisses qui avaient porté les armes contie ^ l.iinig, Reirlisarcliiv., part, gt'ii.. |). G93. "^ />('é^e.s ( J (//('((/(es. Cai ion siippk'iii., I(i3'i-lf)77. DE DROIT PUBLIC, etc. 297 les Pavs-Bas en servant dans les armées françaises. Le dépulé de Bonrgogne snivit cel ordre el transmit au gouvernement la réponse des cantons. L'avis (|ue le conseil d'Élal formula à celle occasion mérite d'êlre rapporté; car il prouve qu'à celle épocpie on élait moins disposé, dans les hautes régions du pouvoir, à se détacher de rAIlcmagne. Voici ce (pi'il manda au duc : « Ayant veu et examiné la lettre du conseiller de Laneuveforge avec la réponse des treize cantons suisses, dans lacpielle lesdits cantons disent n'avoir aucune cognoissance que leur nation porte les armes contre l'Empire, comme s'ils vouloient ainsy seuls mettre en doute si le Cercle de Bourgogne est partie de l'Empire ou point, quoyque sur les remontrances dudil conseiller et par les termes exprès de la diète de Ralisbonne et les résolutions y prinses, il ait été déclaré si positivement que si, que cela doit être hors de controverse, il nous a semblé que V. E. pouvoit ordonner audit conseiller de Laneuveforge qu'il ait à inhérer aux résolutions précédentes et qu'il lasche avec les députez du Cercle d'Autriche qu'en suite des mêmes résolutions on continue à tenir le Cercle de Bourgogne pour membre de l'Empire, se servant à cest elïecl en tout el partout de l'advis, conseil et consenlemenl des dits députez du dit Cercle pour esire un point de la dernière importance '. » Le duc de Villa-Hermosa chargea Laneuveforge de porter ces remon- trances à la connaissance de la diète; mais les États de l'Empire étaient si préoccupés de la guerre, que ces plaintes ne trouvèrent aucun écho. Depuis deux ans déjà (1676) , un Congrès était ouvert à Nimègue. L'Es- pagne s'y était fait représenter par le marcpiis de los Balbases, le comte de Fuentès el Jean-Baptiste Christyn, conseiller au conseil suprême de Flandre; la France, par les comtes d'Avaux el d'Estrades; les Provinces-Unies, par van Beverning, van Haren el Borcel. Les négociateurs français parvinrent à dissoudre la coalition formée contre Louis XIV en concluant un traité parti- culier avec la république hollandaise (10 août 1678). Guillaume avait em- ployé inutilement tous ses efforts pour empêcher cette division d'intérêts; il considérait, dit un historien, cette manière de négocier comme ruineuse el pour les Provinces-Unies el pour l'Europe en général ; car le but de Louis XIV, ' Du 19 avril lOTS. Cnrlon : l'Iaces d'ussesseurs , etc., n" 20ôl. -29S lilSTOlUE DES KAI>1M)UTS en (lélachanl los Etais Généraux de ralliancc commune, élait de dicter plus sûrement la loi à TEspagne el à l'Empereur, (lelle sage opinion ne prévalut point : impatients de sortir de la guerre el séduits par rolïre d'un traité de eommerce avantageux et par la reslilulion de Maastricht, les Provinces-Unies abandonnèrent leurs alliés au grand déplaisir du prince d'Orange '. L'Espagne ne tarda pas non plus à céder à la force des choses. Le traité de Nimègue l'ut signé le 17 septend)re 1()78. La Belgique recouvra les villes de Charleroi, de Binclie, d'Ath, (PAudenarde et deCourtrai ; mais Louis XIV conserva la Franche-Comté y compris Besançon, la ville impériale, et, en outre, Valenciennes, Bouchain et Condé avec leurs dépendances, Cambrai et le Cambrésis, Aire, Saint-Omer et leurs dépendances, Ypres et sa chàtellenie, Wervicq, Warneton, Poperinghe, Bailleul, Cassel, Bavai el Maubeuge, également avec leurs dépendances. L'Empiie ne protesta pas contre cette mutilation de territoire. I Juste, Hitil. (lu Ih-lij., 4' ('tlit., l, il, p. 55^!. DE DROIT PUBLIC, etc. 299 CHAPITRE \T. Conséquences de la paix de Mmègue. Nouvelles prétentions de Louis XIV. — Chambres des réunions. — Elles prononcent l'annexion d'un gi-and nombre de terres belgiques. — Les Pro- vinces-Unies jiroposcnl un traité de garantie. — Occupation des Pays-Bas par les troupes françaises. — Mission du baron d'Autel. — Déniai'dics de Laneuveiorge. — Il réclame une garantie effective. — Inertie de l'Empire. — Congrès de Francfort. — Intrigues des envoyés français. — Dissentiments au sein de la diète. — Altitude de l'Autriche. — Invasion des Turcs et siège de Vienne. — Louis XIV envoie une armée en Hclgique. — Horreurs commises. — Émotion générale. — Le gouverneur général des Pays-Bas déclare lu guerre à Louis XIV. — Tentatives de paix. Longues et laborieuses négociations. — Trêve de Ratisbonne (1684). Ses stipulations. — Protestation de Lancuveforge. La paix do Niniègue couronnail des faits d'armes glorieux et des négocia- lions habiles. La France avait acquis une prépondérance incontestable, et ses ennemis, défaits et humiliés, étaient réduits à l'impuissance. Cette paix, comme l'avait prévu Guillaume d'Orange, livrait le roi d'Espagne et l'Empe- reur à la merci du monarque français. Cependant Louis XIV ne se déclarait pas satisfait. Non content d'avoir démembré le Cercle de Bourgogne, il voulut étendre sa juridiction sur la partie du terriloire restée libre. Il eut donc recours à de nouvelles ruses pour arracher quelques lambeaux à nos pro- vinces épuisées. Le pays d'Alost ayant élé occupé, pendant la dernière guerre, par les Fran- çais, et sa restitution à l'Espagne n'ayant pas élé expressément stipulée dans le traité, Louis XIV soulinl qu'il élait en droit de s'en assurer la possession; il éleva les mêmes prétentions au sujet de plusieurs autres villes et districts de la Flandre. En même temps, il établit à Brisach, à Metz et à Besançon des juridictions extraordinaires lesquelles, sous le nom de Chambres des réunions, furent chargées de désigner les pays et terres, qu'elles croiraient avoir dé- pendu autrefois de l'Alsace et des trois évêchés (Metz, Toul et Verdun) — territoires cédés définitivement à la France par le Traité de Wosiphalie — ainsi que les villes des Pays-Bas qui lui appartenaient en vertu des Traités d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue. Un arrêt du 12 avril 4080, rendu par la chambre de Metz, attribua à Louis XIV tout le duché de Luxembourg avec Tome XXXVI. 39 rm HISTOIRE DES RAPPORTS le comié de Chiny, une grande partie de la province de Naniur et des lerres considérables dans le BrabanI '. Des conférences eurent lieu à Courirai, alîn de parvenir à déterminer à l'amiable les limites des possessions françaises dans les Pays-Bas espagnols; mais les prétenlions du commissaire français furent tellement exorbitantes que la négociation fut rompue. Aussitôt de nom- breux délacbemenis de troupes envahirent le territoire belge sous prétexte d'y mettre à exécution Tarrèt de la chambre de Metz. La ville de Luxembourg fut étroitement bIo(|uée (1681). Tous les esprits en Europe se révoltèrent contre ces usurpations. La Hol- lande, qui avait souflerl énormément des dernières guerres par le préjudice appoi'lé à ses transactions commerciales, proposa à la Suède, — laquelle avait oscillé tour à tour entre TEmpire et la France, — la conclusion d'un traité de garantie dans le but d'assurer la paix de l'Europe par le maintien des dispositions des Traités de Wesiphalie et de Nimègue. Les Pays-Bas devaient profiter de cet arrangement parce qu'on voulait les maintenir comme barrière. Le traité fut signé le 30 septembre 4681. Le roi Charles II d'Angleterre y accéda et se prononça également en faveur du maintien des Pays-Bas. L'Em- pereur y adhéra le 28 février, et le roi d'Espagne le 2 mai 1682. A peine l'invasion du Luxembourg eut-elle eu lieu que la cour de Bruxelles envoya le colonel baron d'Autel à toutes les cours d'Allemagne pour leur représenter que la conquête des Pays-Bas entraînerait la ruine de leurs pro- pres Étals. D'Autel rendit compte à son gouvernement, dans les termes suivants, des dispositions qu'il avait rencontrées : « .l'ai déjà instruit MM. les ambassadeurs de l'Empereur.... de l'importance du Cercle de Bourgogne, et que si, contre toute apparence, la chose se réduisait à en venir à un traité avec la France, je leur ai fait connaître la nécessité qu'il y aurait, pour le bien et la sûreté de l'Empire, de prendre les précautions possibles pour la garantie du Cercle de Bourgogne, comme le boulevard non-seulement des électeurs et princes du Rhin, mais de tout l'Empire, et comme il devait être compris des premiers dans le traité que l'on pourrait faire. De tout quoi lesdits ambassadeurs ont été facilement persuadés et m'ont témoigné que, le ' Ncny, Mémoires Imtoricjiies sur les Puj/s-Bas milricliieiis , pp. 113, 114. — Juste, His- lolri' (le Belgir/ue, t. II, p. Ô52. DE DliOlï PUBLIC, Eio. "'Ol cas arrivant , ils auraient un soin tout particulier des intérêts du Cercle de Bourgogne, et que même Ton ne conclurait rien du consenlemenl de S. M. I. que ce Cercle ne soil compris '. » Laneuveforge s'elTorçail de faire prévaloir ces sentiments au sein de la diète. Depuis qu'il y avait été accrédité, il avait constamment reçu pour instructions de demander la restitution des territoires usurpés sur le Cercle de Bourgogne, de signaler les contraventions de la France au dernier traité de paix et de réclamer Tassislance du corps germanique dans les grandes crises (jue traversait la Belgicpie. Il protestait hautement que Farnèse, duc de Parme, successeur de Villa-Ilermosa (31 juillet 1680), voulait défendre avec courage le reste des Pays-Bas pour témoigner combien le loi, son maître, |)renail à cœur le maintien d'un membre de l'Empire, ajoutant (|ue c'était à sa négligence de le |)roléger (jue l'Allemagne devait attribuer le pénible état où elle se trouvait ". Il ne laissait échapper aucune occasion de rappeler les obligations de lEmpire envers le pays (ju'il représentait. Cette préoccupation constante l'avait fait voir de mauvais (cil par la France et par le parti français en Allemagne, et il se voyait presque toujours contrecarré par les princes que l'or de Louis XIV tenait dans la dépendance de la cour de Versailles. Sans doute, les horreurs commises par les troupes françaises en Belgique et le siège de Luxembourg révoltaient l'Allemagne; mais Laneuveforge espérait en vain que ce serait le signal du réveil. La diplomatie française travaillait à faire croire que le roi d'Es|)agne voulait traiter sons main avec la cour de Versailles et elle paralysait ainsi toutes les bonnes volontés. Farnèse avait fait tout ce qui était possible pour conserver Luxembourg, « cette clef de l'Allemagne, » et Laneuveforge insistait, mais sans succès, pour que la place fut défendue. Au congrès des princes qui eut lieu à Francfort en 1(382, Laneuveforge demanda instamment l'admission aux assemblées du ministre du Cercle de Bourgogne. Mais les ambassadeurs du roi de France avaient ordre formel d'écarter l'intervention de l'Espagne dans l'examen des droits de l'Empire et de la France dont la décision devait être réservée à ces deux < l,i'Ure du 7 février 178:2. 2 Lctlrc du (i novruilire 1(181. 502 HISTOIRE DES RAPPORTS puissances. La Belgique fui donc exclue de rassemblée; mais, par une amère conlradiclion, on la força de conlrihuer dans Téciuipement de Tarmée cpii y fut décrélée. Lancuveforge déclara à la dièle que le Cercle de Bourgogne fournirait les 1321 cavaliers et les 2708 fantassins demandés '. Louis XIV voyait ces apprêts de guerre sans déplaisir. Il était préparé lui-même à la lutte et il envoya de nouvelles troupes en Bolgi(pie pour ap- puyer les arrêts des chambres des réunions. Cependant des bruils sinistres parvenaient en Europe. Toutes les forces de l'empire ottoman allaient se porter sur le Danube. Louis XIV fit, à ce moment, étalage d'une générosité calculée : il leva le siège de Luxembourg, (pii durait depuis dix mois, ne voulant pas, disait-il, « affaiblir la chrétienté » contre le Turc (mars J682); cependant les troupes royales continuaient à camper dans les environs. Ce fut le signal de nouvelles divisions au sein de la diète de Ratisbonne. Les partisans de la France prétendaient que la levée du blocus de Luxem- bourg prouvait que cette puissance désirait sincèrement la paix. Leurs ad- versaires répondaient qu'elle avait voulu sortir d'embarras et ne pas se faire un plus grand nombre d'ennemis. On se défiait même de sa modération comme d'un piège. Laneuveforge faisait observer que, malgré la levée du blocus, la ville de Luxembourg ne restait pas moins cernée par suite de l'occupation de la province. Les électeurs de Brandebourg, deMayence, de Cologne et Palatin, (pii étaient tout dévoués à la France, voulaient qu'on acceptât les ofTres de Louis XIV; les autres, qu'on résistât. « La vivacité de la discussion allait jusqu'à l'emportement. » D'un autre coté, les conférences de Francfort n'avaient pas fait un pas; Laneuveforge avait « mal au cœur » de voir les affaires si opiniâtrement mal conduites -. Il en résulta que le congrès prit fin sans avoir rien conclu. Les ministres • français remirent une note hautaine dans hupielle ils rejetaient la responsa- bilité de ce qui allait arriver sur les membres de l'Empire qui n'avaient pas voulu accepter les prétentions de la France. Cette conduite était habile. La délibération des affaires revenait à la diète où Louis, on le sait, comptait de ' Arcliivcs du royaume. Pik.es et documenls cunceriianl la dièle de Ralisbonne dont parle de Laneuveforge, t()l>ô-IG!(7. 2 LeUre du dC avril 1082. DE DROIT PUBLIC, etc. 505 nombreux partisans. Le collège des électeurs qui paraissait plus effrayé de la suprématie de Léopold sur le corps de l'Empire que de la prépondérance hautement avouée que la France voulait exercer en Allemagne, fut disposé à accueillir les propositions du roi T.-C. Le collège des princes fut moins accommodant. Il éleva une voix généreuse en faveur de la Belgique. Laneuve- forge s'empara de ces louables dispositions pour [)roposer la conclusion d'une paix et garantie universelle. Il fut fortement appuyé par les députés de l'Au- triche, « Il fallait, disaient-ils, hâter les préparatifs de guerre et se mettre tous en posture si redoutable qu'on pût détourner à temps, et avec constance, les irruptions que l'on appréhendait; que le point de la sécurité devait être réglé avant; (|ue la France menaçait l'Empire, lorsqu'il était attaqué par les Turcs, tandis que, par le même motif, elle avait levé le blocus de Luxem- bourg; que l'expérience prouvait qu'on ne serait pas long(cm|)S préservé de son insatiable ambition par un arrangement, et que si l'on considérait ses procédés à l'égard de l'Espagne et de l'Empire, ce souci acquerrait une nouvelle force '. » Mais l'ambassadeur français, comte de (Irécy, souleva toutes les créatures de Louis XIV contre cette proposition, et les États retombèrent dans leur irrésolution : « L'on voit ouvertement, écrivait Laneuveforge au gouverneur général , que les uns ne veulent et que les autres n'osent. V. Ex. connoit trop les génies et la manière dans l'Empire pour ne pas comprendre que, comme l'on use de toutes les lenteurs parmi les périls mêmes, si, après que l'on aura eu la complaisance pour la France qu'elle demande, l'on auia plus de courage ou d'em|)ressement à faire le mauvais'-. » Finalement , la proposition de Laneuveforge n'eut pas de résultat. La Hollande poussait le gouvernement de Bruxelles à négocier avec la France sans l'Empire. Le gouverneur général, marquis de Grana , succes- seur de Farnèse (28 avril I(j82), répondit au prince d'Orange que S. M. C. vendrait plutôt les Pays-Bas que de se séparer de l'Empereur. Mais ce der- nier était dans une situation critique. Les Turcs avaient mis le siège devant I Levac, Essai lùslurique sur les ncgocialions de la (revu de Viiifjl Ans conclue à lialis- boiiiic, etc., 1844, p. 113 cl pussim. - Lettre du 17 décembre 1682. 501 HlSTOIUt: DES KAPPOKTS Vienne el le pressaient vivemcnl. Le conile de Crécy profita de cette situa- lion pour donner une |)reuve de magnanimité en proposant mie Irève de trente ans sur le pied de Yiili possidelis. La diète ne savait (piel parti prendre. La France maintenait rigoureu- sement toutes ses conditions. L'Autriche, malgré les dangers (pi'elle courail, persistait, avec une générosité plus louable (|ue prudente, à ne pas nous abandonner. Au milieu de ces stériles négociations, Vienne était vigoureu- sement attaquée par le Grand Vizir et allait peut-être succomber, lorsque Sobieski, — que l'ambassadeur IVançais, marquis de Vitry, avait vainement voulu délourncr du projet de sauver l'Empire, — marcha avec ses Polonais sur Vienne et refoula les Barbares. (l'est alors (|ue Louis XIV jette le mas(|ue : cin(| corps d'armée, forts de 70,000 hommes et placés sous le commandement du maréchal d'Humières, se répandent en l)elgi(|uc et la livrent à la dévastation (1683). Un cri d'indignation s'éleva d'un bout de l'Europe à laulre. Les Etals Généraux de Hollande mirent 8,000 hommes à notre disposition, et le Slal- houder, Guillaume d'Orange, en fit partir 44,000; mais celle armée se contenta d'observer et n'agit point. Aussi les Français conlinuèrenl-ils le cours de leurs ravages. Laneuveforge dénonçait incessamment à la diète les violences de la France : « Je concluois, disait-il, (|uil éloil temps de venir à l'exécution des garanties diverses fois adjugées par les voies les plus con- venal)les. Mais l'on étoit sourd au directoire de Mayence. » Le maréchal d'Humières poussa les opérations avec fureur. Menin, Vpres, Dixmude et Courlrai tombèrent bientôt en son pouvoir. A cette nouvelle, l'Empereur adressa au minisire hollandais à Vienne un mémoire dans lequel il traitait d'attentats les expéditions des Français et promellait non-seulement de nous envoyer des forces, mais de solliciter puissamment les princes de rFmpire à le seconder, ne doutant pas que tous ne se déclarassent contre rinfraction des traités et n'embi'assassent avec vigueur la défense du Cercle de lionrgogne '. Ces démarches entretenaient à Bruxelles des espérances de secours qui ne ' l!ss(it liistor., cU:.. ]i. 170. DE DROIT PLBLIC, etc. 505 se réalisèrent pas el (lu'on ne chercha pas niènie à réaliser, el pendaiil ce lenips les troupes françaises l'ançonnaient le pays et Tépiiisaienl par leurs cxaclions. Les garnisons belges el espagnoles élaienl impuissantes à s'opposer à ces excès, el les représenlalions de Penvoyé d'Espagne auprès du cabinet brilanni(pie demeuraient vaines. (l'est dans ces circonstances que le manpiis de Grana, sans se laisser abattre ni par l'abandon des alliés, ni par la faiblesse de ses ressources, ni par la ruine du pays, résolut de prendre une mesure extrême, le dernier argument des gouvernements, devant laquelle il avait reculé jusqu'alors mal- gré ses instructions. Il déclara la guerre à Louis XIV, expulsa tous les Fran- çais de la Belgique, confisqua leurs biens el autorisa les habitants à exercer contre eux toutes les représailles en usage. Mais cet effort désespéré ne devait que perdre davantage le pays. Les alliés, les Hollandais surtout, blâmèrent une résolution prise sans leur assen- timent et abandonnèrent le gouverneur général à ses propres ressources. Le maréchal d'Ilumières répondit à l'ordonnance du marcpiis par un placard terrible el qui rappelle les exécutions barbares ordonnées dans le Palatinat. Il enjoignait aux olficieis de livrer aux llammes les villages abandonnés el, s'il ne restait cpie de pauvres gens, d'incendier les maisons el bâtiments que les plus riches avaient délaissés. « Nous déclarons, en outre, ajoutait-il, que si le gouverneur général des Pays-Bas pour le roi d'Espagne, laissoil brûler (|uelque maison, bâlimenl ou village des pays de la seigneurie du roi de France, nous ferons brûler cent maisons pour une et cent villages pour un dans les pays sous la domination de S. iM. C, selon les ordres (|ue nous avons reçus du roi. » La déclaration de guerre du cabinet de Bruxelles a été considérée souvent comme une faute; mais, à envisager les choses impartialemenl, il faut recon- naître que le marquis de Grana ne pouvait guère agir autrement. Aucune concession ne devait satisfaire le cabinet de Versailles; il voulait imposer ses volontés comme ses lois en dehors de toute discussion. Grana prit alors un parti dangereux, mais magnanime. En restant dans l'inerlie, les bras croisés, il s'exposait à se voir enlever successivement, en peu de temps, tout le pays. S'il acceptait les conditions de Louis XIV, il se livrait volontairement à sa .-,()() HISTOIRE DES RAPPOKTS 08 HISTOIRE DES RAPPORTS mille hommes. La levée eut lieu, mais elle était tardive, el les manœuvres du comte d'Avaux la rendirent inetficace. Le congrès de La Haye proposa une trêve de plusieurs années, et, pour la négocier, on accorderait une suspension d'armes de quelques mois; néan- moins Louis XIV exigea qu'on acceptât toutes ses propositions ou que Ton continuât la guerre. IMalheurensement l'appui de Charles II était assuré â Louis XIV, el, sans l'Angleterre, il était impossihie de résister à la France. Les diplomates de La Haye ne réussirent donc à contenter aucune des deux parties. Ils déci- dèrent alors que si le roi de France n'acceptait pas les conditions qui lui étaient offertes, et s'il attaquait les Pays-Bas, on lui ferait la guerre. « Ce projet, disait le comte d'Avaux, éloit fort beau sur le papier, mais fort ima- ginaire. » Ces prévisions ne furent que trop justes. Le collège des électeurs, froissé de la translation des négociations à La Haye, se plaignait de la conduite arbitraire de Léopold qui voulait régler les affaires de l'Empire sans son concours et son consentement. Il déclara qu'il acceptait la trêve proposée par la France et qu'il ne prendrait aucune part aux délibérations de La Haye. Il donna avis de cette résolution au roi d'Angleterre et aux États Généraux. Chaque électeur défendit à s(în ministre d'engager aucune conférence avec les membres d'une assemblée qui traitait au nom du corps germanique, sans en avoir reçu de pleins pouvoirs. Les Provinces-Unies tirent faire des démarches officielles auprès de Louis XIV pour l'exhorter à entrer dans les voies d'une honorable transac- tion, tandis qu'on redoublait d'instances à ^ladrid , pour engager le roi à accepter la trêve, el à Londres, pour que Charles Stuarl interposât sa haute médiation, quoiciue ses refus successifs n'eussent que trop prouvé qu'il vou- lait rester étranger à la crise continentale. Le comte d'Avaux, au nom de son souverain, repoussa toute idée de conci- liation et posa un ullimaliim impérieux. Luxembourg, avec une série d'autres places fortes, devait être cédée à la France. Fuenmayor réfuta le mémoire de d'Avaux. Une partie de l'Empire s'alarma; le reste demeura impassible: « Nous avons ici des gens assez malavisés, et, entre autres, les députés des électeurs de Mayence et Palatin, qui disent que les armes de la France sont DE DROIT PUBLIC, etc. 30» I)ien entrées clans l'Empire sans Luxembourg et que sa perte ne leur en frayera pas le chemin; que l'Empire n'en sera pas plus inquiété qu'aupa- ravant, puis(|ue les Pays-Bas étant hors de résistance, la France laissera l'Empire en repos pour se jeter sur l'Espagne de toutes ses forces et trans- porter la guerre par delà la mer '. » Le collège des princes ne partagea |)as cette imprudente et trompeuse sécurité. Après de vifs débats, dans lesquels on accusa les Espagnols d'être la cause des alarmes de l'Allemagne, on décida, sur la proposition du com- missaire impérial, que l'on devait armer pour la garantie du Cercle de Bour- gogne et pour secourir Luxembourg -. Sur ces entrefaites, la forteresse de Luxembourg, malgré l'héroïque dé- fense du gouverneur, prince de Chimay, fut forcée de capituler devant les forces supérieures des Français, commandés par Créquy et Vauban (3 juin 1684). Les longues tergiversations des alliés avaient tout perdu. Dés lors, il ne restait plus qu'à essayer de fléchir l'orgueil du vainqueur. Le 24 juin, les Hollandais déclarèrent (|u'ils acceptaient les propositions de Louis XI\^ Ainsi, tandis que Versailles redoublait d'efforls pour accabler les Pays-Bas, toutes les puissances qui pouvaient , qui devaient nous secourir, l'Autriche seule exceptée, nous délaissaient honteusement : les Provinces-Unies, par crainte de la guerre qui eût détruit la prospérité de leur commerce; le Brandebourg, pour nuire à la maison d'Autriche et se venger de l'abandon dans le(|uel on l'avait laissé à Nimègue; l'Angleterre, pour un peu d'or. La diète germa- nique, entraînée par une politique d'intrigues, sans grandeur, tout em- l)reinte d'égoïsme, était devenue un instrument que le roi Très-Chrétien dirigeait à son gré contre la Belgiipie-. Le traité entre les Provinces-Unies et la France fut signé le 29 juin. En Allemagne, toutes les cours suivaient d'un œil inquiet les événements (jui tourmentaient les Pays-Bas, et ne savaient à quel parti se résoudre. Ici on voulait que la négociation avec la France se bornât à ce qui pouvait s'appeler la querelle intérieure. Là on soutenait que l'on y devait comprendre tous les < Ixltre du ISniiii 1684. '* Lettre de Laneuvcfon^e du S.i mai. 510 HISTOIRE DES RAPPORTS alliés sans exception. Le collège des princes demandait une suspension d'armes universelle pour la sûreté de tous par une garantie générale et réelle. La plupart des électeurs se prononçaient pour Pacceplation pure et simple d'une trêve de vingt ans en faveur de TEmpire seulement. En désespoir de cause, l'empereur Léopold se décida, sur les conseils de l'électeur de Bavière, à engager des négociations sur des bases qu'il avait jusqu'alors repoussées '. Le 26 juillet, les trois collèges de la diète résolurent : 1" qu'il fallait conclure une trêve pour le terme de vingt ans, en conservant dans toute leur force les stipulations de Wesiphalie et de Nimègue; 2° que l'Espagne serait com- prise dans la trêve de l'Empire et garantie réellement. L'ambassadeur de France relarda l'ouverture des conférences par de puériles difficultés d'étiquette, et lorsque la discussion fut ouverte, il se mon- tra intraitable. Aucune concession ne fut accordée sur le fond des prétentions françaises. Le comte de Crècy s'opposa vivement à ce que l'on parlât du Cercle de Bourgogne, et il ne consentit même pas à ce que l'on se servit des mots X Empire et ses dix cercles, parce que ses instructions portaient V Em- pire avec tous les cercles, ou simplement YEmpire, ce qui, disait Laneuve- forge, couvait une nouvelle supercherie. Le traité fut signé le 15 août, par le comte de Windischgràtz, au nom de l'Empereur, par François Mathias May, au nom du roi d'Espagne, et par Louis Verjus, comte de Crècy, au nom de Louis XIV. La France devait garder, pendant la trêve, qui devait durer vingt ans, la ville de Luxembourg, avec les quinze villages y appartenant, Beaumonl, avec quatre villages, Bou- vines et Chimai , avec quinze villages ; elle devait rendre Courtrai et Dixmude et toutes les places qu'elle avait occupées depuis le 20 août 1683, hormis celles que nous venons de nommer. Par l'art. XVII, l'Empereur et l'Empire assuraient leur garantie réciproque et commune à l'exécution de la trêve susdite. L'arrangement de Ratisbonne afïligea vivement Laneuveforge. Depuis dix ans il n'avait cessé d'exposer aux Étals impériaux la situation misérable de la Belgique et de démontrer que si elle n'était pas secourue, elle tomberai! ' Lettre de Laneuveforge du 16 juin IG84. DE DROIT PLBLIC, etc. 5il infailliblemenl aux mains de la France. Les mémoires qu'il publia à ce sujet el que nous n'avons pu qu'indiquer sont des tableaux du plus haut intérêt. Enfin, il protesta, le 11) novembre, contre les conclusions de Tarmislice K Le résultat matériel de la négociation, en laissant même à part ses consé- quences morales, avait été, en effet, extrêmement avantageux pour la France. On lui livrait les portes de l'Empire; on coupait les Pays-Bas de l'Allemagne; on les afTaiblissait plus qu'ils ne l'élaienl déjà; on avançait, en un mot, l'heure fatale de leur entier assujettissement. L'Europe pliait à Hatisbonne et à La Haye, comme à Nimègue, sous le poids de l'épée de la France. Louis XIV avait obtenu des puissances divisées ce qu'il n'eût jamais osé demander si elles fussent restées unies et si elles avaient confondu leur force dans un but unique, un intérêt commun, leur indépendance et leur sûreté. L'Espagne et l'Empire ne tardèrent pas à déplorer les cessions arrachées à leurs embarras, car la paix fondée sur la nécessité est rarement durable. Celle de Ratisbonne, à laquelle on n'avait donné que le nom de (rcve, tant on la jugeait insuffisante, ne pouvait être une reconnaissance des usurpations et des violences de Louis XIV ^ Bientôt nous verrons toutes les puissances se liguera Augsbourg pour résister à ses envahissements, et la France expier, par d'immenses revers et par de dures humiliations, la gloire des premières années du règne de son roi. ' JjOiidor|), Acla publicu , elc, t. XI, /. c. ' Flassan , llial. (jén. de lu diplomatie française , 1. IV, p. 7'2. Ai HISTOIRE DES RAPPORTS CHAPITIii; Ml. Inexécution des stipiilalions de la Transaction d'Augsljoui'g. — Place d'assesseur à la Cliambrc impériale vacante. — Payements irrégulier». — Affaire Pynappel. — Démarches de Bro- quart. — Celui-ci n'est pas secondé par le gouvernement de Bruxelles. — Sa correspondance. — Le gouverneur général des Pays-Bas veut olilcnir une diminution. — Il n'v réussit pas. — Le successeur de Broquart n"cst pas agréé par la Chambre. — L'emploi d'assesseur reste vacant jusqu'au XVIII" siècle. — Ligue d'Augshourg (I (580). — La diète agite la question de savoir si la Belgique fait encore partie de l'Emjiire. — Observations de Laneuveforge. — Il |)rotcste contre les corps suisses qui servent dans les troupes françaises. — Henri de Laneu- \eforge est adjoint à son père. — Maximilien-Emmanuel de Bavière. — Traité de Ryswyck. — Guerre de la succession d'Espagne. — Le Cercle de Bourgogne contribue dans l'armée de l'Empire et reconnaît en même temps le duc d'Anjou comme souverain. — Henri de Laneu- veforge est expulsé de la diète. — Projets chimériques de Maximilicn-Emrnanucl. — Il est protégé par Louis XIV et repoussé parles alliés. — La Belgique est considérée comme faisant partie intégrante de l'Empire. — Fautes des alliés. — La Belgique ])asse à l'Empereur d'Au- Irichc {\7\:>). On sait t|ue le principal reproche que faisaient les Élals de l'Empire au Cercle de Rourgogne élail de ne pas exécuter les stipulations de la Transac- tion dWugsbourg. Ce griel était, à coup si'ir, récipi'ot|ue; toutefois il est cer- tain (juc les Pays-Ras fournissaient irrégulièrement leur contingent militaire, et (|u'ils n'étaient pas moins en retard relativement aux autres contributions. H importe d'éclaircir ces deux points. La place d'assesseur à la Chambre impériale de Spire était devenue va- cante en 1651. Un sieur van Merstraten, avocat au Conseil de Malines, la demanda. Le député Brun, que Ton consulta, fut d'avis que, à cause de la froideur qui léguait à ce moment par suite de la conclusion du Traité de Munster, une pareille nomination serait peut-être inopportune '. La vacance du poste dura jus(|u'au 2o juin 1656, date à laquelle Rroquarl en fut pourvu -. Broquart, nous l'avons dit, est un des assesseurs les plus distin- gués que le Cercle de Bourgogne ait eus à la Chambre de Spire, et il y resta pendant dix-huit ans. On a déjà pu aj)précier son inlelligence politique^; nous allons maintenant le voir exercer son activité sur un autre terrain. ' .Vrchives du royaume. Carton : Dicle de Italisboniie , n° ;270G. - lliid. Conseil privé. (Carton : Places d'assesseurs à la Chambre impériale, n° 555. '' Voy. pp. t!8() et suiv. DE DROIT PUBLIC, etc. 313 Les payeinenls pour reiilretien de la Chambre impériale avaienl lieu avec une extrême irrégularité. De 1630 à 1659 aucun versement n'eut lieu. Bro- quart fil ce qu'il put pour engager le gouvernement des Pays-Bas à remplir ses obligations el pour amener les Elals de TEmpire à prendre patience. Des circonstances parliculières avaienl, du reste, concouru à l'inexéculioii parla Belgique de ses devoirs fédéraux. On sait que les revenus des domaines de Brabant au quartier d'Anvers avaient élé afleclés par Charles-Quint au paye- ment de la contribution pour l'entretien de la Chambre de Spire. François Pynappel avait élé nommé receveur des domaines en 1654-. A son entrée en fonctions, il avança au roi un crédit de 60,000 florins, en garantie des- quels il prétendait lui être engagé ce qui proviendrait de la recette, afin d'obtenir ainsi peu à peu le remboursement de la somme, capital et intérêts. Les réclamations qui vinrent de Spire apprirent au (Conseil des finances que Pynappel laissait les versements en souffrance, et comme l'agent de la Chambre, Henri Noppens, menaçait de l'intervention du fiscal impérial, le Conseil lança plusieurs ordonnances intimant au receveur de s'exécuter. Les ordonnances étant restées sans effet, le Conseil enjoignit à l'odlcier fiscal du Brabant d'inlenler, au nom de S. M., une action contre le défaillant et résolut de saisir, par voie de justice, les revenus du idniieu à Anvers jusqu'à con- currence des sommes arriérées. Cette afl'aire donna lieu à d'interminables poursuites; elle fui renvoyée successivement du tribunal des finances à la Chambre des comptes, de celle-ci au receveur d'Anvers, de ce dernier de nouveau aux finances, et enfin des finances à la Chambre des comptes. Le conseil souverain du duché, par jugement du 6 septembre 1659, considérant la nécessité où était la Belgique de ne point se séparer de l'Allemagne et l'obligation qu'elle avait de satis- faire à ses devoirs de confédéré, condamna Pynappel à payer les sommes (|u'il était resté en défaut de fournir '. Pynappel mourut en 1660, el ses successeurs ne mirent guère plus d'em- pressement (pie lui à faire les versements. Ils prétendaient que cha(|ue an- nuité ne compi'cnait que 840 florins, au lieu de '2,000 et plus que réclamait ' Conseil (l'État. Carton : /'/«ces d'ussesseurs à lu Cliumhre impériale de Wctzlar, 1C6ô- 177(i. 3ii HISTOIRE DES RAPPORTS la Chambre. Quoi qu'il ensoil, on envoya, en 1660, 2,400 florins, parmi lesquels élaienl compris les gages de l'avocat; mais de 1661 à 1663, rien ne fui passé, malgré les sollicitations de Broquart. Le mécontentement était grand à Spire, et, dès le 25 mai 1663, Broquart écrivait à un conseiller des finances que le fiscal de PEmpire avait présenté requête pour procéder contre les Pays-Bas. Mais laissons-le i)arler lui-même : « Il est vray, dit-il, que le fiscal d'Empire a présenté requête pour avoir un monitoire contre leslat des Pays bas louchant les contributions deues pour la subsistance de cesie Chambre imp''= comme contre tous autres estais d'Empire qui sont en defTaul de payer; ce monitoire ne consiste qu'en une lettre par où on semond extrajudicielement de payer, et si cela nopere pas, le fiscal est obligé par les constitutions d'Empire d'agir judicielemenl et de conclure à la paine du double et autres portées es dites constitutions; j'en ay cy devant escril amplement à messeigneurs des finances et autres minisires et il sy est mesme faict une poursuille et une autre depuis au conseil de Brabant contre le receveur d'Anvers qui a esté condemné de payer et cesle poursuille a cousié plus de trois cens palacons sans (|u'on en ail sceu avoir aulre efTecI , sinon que le receveur Pynappel a une fois payé (si bien me souvient) 2,000 fl.x au moien de quoy jay jusques ores empesché que Ion n'a pas agy autrement en cesle Chambre, mais côme rien ne suit plus, on ne sy veut plus contenter, ny remettre aux frayz et longeures de poursuivre contre un receveur particu- lier, ains user des droicts et jurisdiction, qui en ce cas compète à la Chambre imp'" contre leslat des Pays bas par l'accord et transaction faict avec l'empe- reur Charle 5'' en Tan 1 348 où Testât des Pays-Bas el de Bourgogne a été créé cl érigé en un (îercle d'Empire el a ce litre attribué voix el session au roy au consisloir des princes que monsieur le conseiller Slockmans va prendre de la pari de Sa 31a''- en la présente diète el réciproquement les Pays bas sont obligez de contribuer pour la delïense et nécessitez cômunes d'Enqiire, aussi pour la sustentation de la Chambre imp'" autant que deux électeurs et sont lesdils Pays bas exempts en tout de la jurisdiclion de lad'' Chambre imp'" sauf le faict desd'" contributions ou l'accord et transaction porte quen cas de delTaul ilz y pourront eslre convenuz et y deveront subir jurisdiclion, côme tous autres princes électeurs et Estais, et cest ensuille de ce que le fiscal DE DROIT PUBLIC, etc. 315 agira selon loule apparence, si le payement ne sensuit et je ne le pourray pas détourner uUerieurement, côme jay faict jusques ores, de sorte que sauf correction , je suis d'avis (|uil seroit expédient au service de Sa Ma'" de ne pas laisser venir les choses a ces extrémitcz, (|ue de veoir agir icy aux plaids et audiences publicques contre le roy ou son gouverneur général pour les susdits arriérages corne jay souvent re|)resenlé cy devant et la (piote des Pays bas ne vient |)as a lassesseur de Bourg"'', car en ce cas je pourrois facilement empescher la poursuilte, ains entre en casce cômune, dont la charge incombe au fiscal et au receveur pour ce eslably. » Il est vray que la quote des Pays bas est grande et a esté ainsy accordée lors que les Provinces-Unies et les villes et pays obvenuz à la France par la dernière paix, n'en estoient pas encore delaschez et côme entre autres poincis il se doit aussi (raicter en la présente diele de Ralisbonc de la modération des quoles de ceux qui se prétendent estre lauxés trop haut ez subsides et ma- tricules d'Empire, jay cydevant este une fois d'opinion de vous escrire sil ne seroit peut estre trouvé par delà que monsieur de Stockmans agisse a ce suiect a Ratisbonne pour obtenir (|uel(|ue rabbat et modération, je doute fort toute- fois si en la présente conjoincture des aiîaires cela sera jugé convenable à la grandeur de Sa Majesté '. » Cette lettre, qui exposait d'une manière si lucide les devoirs et l'intérêt véritable du Cercle de Bourgogne, fut mise en délil)ération au Conseil d'Élat. Après mûre réflexion, on décida que Broquart recevrait ses appoin- tements comme assesseur, mais qu'on ne contribuerait pas dans l'entretien de la Chambre impériale; ([u'on ne demanderait pas de modération, bien qu'il serait écpiitable de l'obtenir, parce que celle réclamation serait peu digne et d'ailleurs inutile; enlin on allégua (pie, quanta contribuer dans les charges de l'Empire, Charles-Quint ne l'avait fait que sous la réserve de la protection de l'Empire; mais que, celle-ci ayant toujours fait défaut dans les plus cruelles nécessités, il n'y avait pas lieu de déroger au statu quo -. Celte réponse ne fut point du goût de Broquart qui y répliqua par un ' Arcli. (lu royaume. Rciiilions féilériiles. XX. DicU's et diclincs, E, l(!l 'i-Kitld. - Arcli. du royaume. Carton : Places d'assesseurs ù la Chambre impérhilu de Welzlur et de Spire, n° i()~>\. Consulte du lô juillet IC6Ô. Tome XXXVI. 41 316 HISTOIRE DES RAPPORTS mémoire du 16 aoùl 4663. Il combaltail Tavis où élaienl les ministres des Pays-Bas de faire payer à pari les appointements de l'assesseur belge à Spire. En effet, plusieurs princes el Étals de PEmpire n'avaient pas, d'après lui, la prérogative de présenter des assesseurs, et cependant ils contribuaient et étaient cotés pour l'entretien de la Cbambre; d'autres avaient le droit de présentation et ne contribuaient pas, « de sorte q«e le droit de présentation et le droit de contribution n'avaient point de rapport et rien de commun, y ayant un receveur particulier et exprès et une caisse commune établie dans laquelle entrent les deniers que les États contribuent chacun selon sa quote, et ces deniers se distribuaient également entre les assesseurs aux termes et selon les règles prescrites pour les contributions de l'Empire, sans réflexion ni distinction aucune, si les principaux des assesseurs présentés paient exacte- ment ou point, en suite de quoy le Cercle de Bourgogne avait aussy jusques aux derniers paiements, fourni la quole, à laquelle il était cotisé par la transaction de l'an 4o48, dans la même caisse commune et non pas im- médiatement entre les mains de l'assesseur de S. M., ainsi que de recevoir à part ses gages, ce serait une introduction nouvelle sans exemple, dont il faudrait obtenir l'octroi en une assemblée des Étals de l'Empire '. » Broquart expli(iue ensuite que la demi-mesure à laquelle le gouvernement des Pays-Bas s'est arrêté n'atteindrait point le but qu'il se proposait : « Il ne pourrait pas voir, dit-il, que cela serait ni de l'utilité ni du service du roi. Point de YutiUH-, puisque la cpiote du Cercle de Bourgogne ne portail que 463 patacons et 27 V2 sols par semestre, qui font 927 patacons, 7 sols par an -, là où que le gage d'un assesseur élait de mille des dits patacons par an, comme il apparaissait par le recès de l'Empire de l'an 1654 el par le même recès se voyait aussi (p>e le roi d'Espagne , au titre du dit Cercle, avait le droit de présenter deux assesseurs, d'où il s'ensuivrait, si le corps de celle Cham- bre serait rempli du nombre entier de SO assesseurs, comme de nécessilé il se faudra accroilro si l'Empire demeure Iranipiille, d'aulanl que le nombre présent de 18(17) ne pourroit à beaucouj) près pas sullire à la besogne qui s'y trouve déjà, en ce cas, si de la pari de S. M., on voudrait paier ces deux I Conseil prive, n" u:»ô. Carton : Places d'assesseurs à la Chambre impériale. '^ Ou lOGO florins. DE DROIT PUBLIC, etc. 317 assesseurs à pari, il faudrait leur fournir par an 2,000 palacons, là où la quole de S. M. reprise ci-dessus ne porterait que la moitié. Point au service de S. M., puisque ce serait une singularité jusques à présent pas pratiquée par laquelle on commencerait à se départir de la dite transaction de Tan 4548, laquelle étant fort avantageuse à PÉtat des Pays-Bas et à leur con- servation, il seroil plus convenable de travailler et négocier à ce que cette transaction soit renouvelée et observée en tous points. » Cette insistance de Broquarl ne fut pas entièrement vaine. On n'avait rien payé en 16G1, 1662, 1663; en 1664, en envoya 2,400 florins, tant pour l'entretien de la Chambre impériale que pour les gages de l'avocat. En 1665, on ne versa rien; mais en 1666 et 1667, on passa 2,225 florins, 4 sous. De 1668 jusqu'en 1672, Broquait réclama inutilement : il obtint, en 1673, grâce à rintervenlion du comte de Monterey, 3,000 florins, à compte des arrérages '. Ce fut le dernier versement pour rentrelien de la Chambre inipériale que fit le Cercle de Bourgogne sous la domination espagnole. En 1605, l'arriéré était de 11,726 patacons ; en 1680, il était d'environ 50,000 patacons ou 26,204 Bthl. 64 kr. ', et en 1711, l'arriéré montait à 47,939 Reichsthalers, 86 kreulzers ^. Le 31 juillet 1681, le fiscal de l'Empire procéda dans les formes ordi- naires contre le Cercle de Bourgogne, et le président de la Chambre impé- riale écrivit au gouverneur général des Pays-Bas, duc de Parme, pour l'inviter à exécuter le payement. Le prince ne répondit que par de belles promesses {ein Canzleytrosl). La Chambre renouvela sa tentative en 1682; mais le marquis de Grana, successeur du duc de Parme, n'ayant pas même daigné répondre, le président envoya, en 1683, un prolonotaire à Bruxelles afin de faire les diligences nécessaires pour opérer le recouvrement; mais ses démarches n'aboutirent à aucun résultat \ La cour de Bruxelles, qui recevait trop souvent ses inspirations de celle de Madrid, soutenait que la ' Places d'assesseurs, etc., n" 2031. Ordonnance du 19 juin 1073. - Ihid. « Mémoiic de ce qui loudie à S. M. de fournir comme membre de l'Empire. . = Moser, Tciitsches Staalsrechl, t. I, p. 524. ♦ Moser, Teutsclies Slaalsreclit, I. c, § 50\ .118 HISTOIRE DES RAPPORTS (|uole qui conlinuail à être imposée au Cercle de Bourgogne « éloit Irop forle et nullement proportionnée à celle des autres princes de l^mpire (pii n'étoient pas taxés au double d'un électeur; (pie lors même (pfelleétoit juste au commencement, elle ne Téloit plus après le démembrement de la confé- dération d'Augsbourg; que les rois d'Espagne avoient satisfait el au delà à leur quole par les guerres continuelles qu'ils avoient soutenues contre la France, par les armées qu'ils avoient montées contre elle; que TEmpire ne Tavoit jamais secourue, quoiqu'il y fût obligé par la même convention '. » Rroquart était mort le î28 avril 1674.. François Maitini el \>alter Unge- duldig, tous les deux docteurs en droit et Luxembourgeois, demandèrent à lui succéder « comme connaissant la langue allemande el la wallonne. » Mais le cboix du roi d'Espagne se fixa sur un certain Pierre d'Uiïelingen, aussi natif de Luxembourg, licencié en l'Université deLouvain, conseiller et directeur de la cbancellerie de S. A. le prince de Nassau-Hadamar ". Il présenta sa commission à la Cbambre de Spire; mais les assesseurs lui suscitèrent mille dillicultés, de sorte qu'il ne put pas occuper son emploi. Ce refus contraria vivement le gouvernement de Bruxelles. Dès le l'" fé- vrier 1675, 31. de Fierlant, cbef et président du Conseil d'État, cbancelier de Brabant, et le baron de la Berbère, conseiller, exposèrent au duc de Villa -Ilermosa qu'ils avaient entendu les raisons par lescpielles la Cbambre de Spire refusait de recevoir Pierre d'Uffelingen. Ils proposaient en consé- quence de demander à la Cbambre copie des constitutions de l'Empire qui rempècbaient d'agréer le nouveau titulaire el « de faire entendre en mesme temps que l'on esl empecbé à trouver el régler un fond fixe bors duquel on furnira successivement la quole que le Cercle de Bouigogne doibl dans les fraiz el armement général de l'Empire où l'on comprendra aussi ce qui se doibl furnir par S. M. à la dite Cbambre el (pie cependant et par provision on envoyé par de(;a une somme qui semble à moy, cbef el président et cban- celiei' de Brabant, pourroit eslre de mille patlacons, el au baron de la lîer- lière de 500 patlacons, à bon compte de plusieurs années d'arrérages a j'urnii- aussitôt que le dit d'Ulfelingen sera admis ad reformlmii '\ » ' Hii|i|iorl (lu conseil privé du Iti novembre 1757. Carton : Couseil privé, b'jô. ' Places (l'((.sscsf;eiirs, etc., n" 20ôl. '■ Jbiil. DE DROIT PUBLIC, etc. 519 Des instruclions furent données pour faire vérifier quel était le quanlun) des arrérages. Le 20 février, le receveur van Eyck écrivit au secrétaire de Gollignies qu'il avait examiné les comptes de la recelte générale d'Anvers et qu'il avait dressé une liste, à partir de 4S93, des payements faits par la Belgique pour rentrcticn de la Chambre impériale et de ses assesseurs. Cette liste fut complétée par lui quelques jours plus lard \ Le Conseil décida qu'on enverrait à Spire, pour se concilier la Chambre, un à-compte de 600 palacons; mais cette minime somme n'ayant pas même été fournie, le duc de Villa-Ilermosa ordonna « au nom et de la part de S. M., de lever exécutoires au Conseil de Brabant et le faire obliger à ce par voye d'exécution '-. » Ce fut en vain. D'Uffelingen continua à être repoussé. On lui objectait tantôt qu'il n'avait pas été accrédité dans les formes ordi- naires requises, tantôt qu'il n'était pas assez versé dans la pratique et le style de la Chambre; mais le vrai, le seul motif par lequel on refusait de le rece- voir, c'était que le Cercle de Bourgogne était en défaut de payer sa contri- bution, et un des assesseurs eut la franchise de le lui dire "'. L'emploi resta inoccupé jusque dans la moitié du XVIIh' siècle; il est probable que la charge d'avocat devint vacante en même temps. Ainsi cessaient peu à peu, par un concours de circonstances funestes, toutes les relations que la Transaction d'Augsbourg avait créées entre la Belgi(|ue et rEm|)ire. Faut-il s'étonner dès lors qu'on ait reproché au Cercle de Bourgogne d'avoir manqué à la foi des engagements? Le grief peut être fondé; mais ce qu'il faut recoiuiaitre, à la décharge de nos pères, c'est qu'ils ont lutté jusqu'au dernier moment pour rester fidèles à leurs obligations, tandis qu'à aucune épo(|ue les États de l'Empire ne leur accordèrent une protection décisive. Cependant la prépondérance despoli(|ue de Louis XIV portail ombrage ' Celle lislc csl la « Ijriefvc deduclion, elr., » que nous nvons citée pp. 2ri'J, note I, -2(\0, 280. — Note du 2 mars IC75, même carton. 2 Même cailon. ■• Même carton. Lettres du 17 et du 27 mars et du 7 m.ii 1075, à M. de rierlant. 3-20 HISTOIRE DES RAPPORTS aux cabinets européens. Il élait à craindre que son rêve de monarchie uni- verselle ne devint une réalité. Pour prévenir cette redoutable éventualité, Guillaume d'Orange noua une nouvelle ligue, à Augsbourg (29 juillet dG8G), entre l'Empire, l'Espagne, la Suède, la Bavière, les Cercles de Souabe el de Franconie, le duc de Savoie, les électeurs Palatin et de Saxe, le grand- électeur de Brandebourg, et Maximilien - Emmanuel , électeur de Bavière, nui allait jouer bientôt un rôle considérable dans les Pays-Bas. La ligue des- tinée à assurer l'exécution des traités de Wesiphalie el de Mmègue, devait être purement défensive; mais, à peine fut-elle conclue, (jue Louis XIV, violant la trêve de Ralisbonne, lança un manifeste par lequel il en appelait de nouveau aux armes. Les princes de TEmpire décidèrent alors qu'on lèverait une armée de soixante mille lionmies, dont le commandement serait remis à rélecteur de Bavière, au prince de Waldeck el au margrave de Baireuth. La Belgique avait tout à craindre. Son envoyé, Louis de Laneuveforge, (|ui continuait à défendre énergiciuemenl les intérêts du pays qu'il représen- tait , fut effrayé en voyant les Étals de l'Empire agiter de nouveau la question de savoir si le (Cercle de Bourgogne pouvait encore être considéré comme membre du corps germanique (1687) '. La négative fut soutenue dans un mémoire qui faisait valoir les arguments suivants : « Le Cercle de Bourgogne avait été, après le traité de 154.8, exempté des lois el de la juridiction de l'Empire pour former un pays enlièrement libre, non compris dans rEnq)ire et qui devait avoir un souverain spécial. Que ce pays contribue dans les charges impériales, cela n'a point lieu parce qu'il est soumis à l'Empire, mais en vertu de sa volonté propre, en retour de la protection que l'Empire lui accorde. Protection et concours ne confèrent point la souveraineté; s'allier contre un voisin pour le maintien de la paix publique ne constitue pas non plus le fait de vassalité. Paraître aux diètes de l'Empire est un attribut spé- cial des ducs de Bourgogne et ne tend point à amoindrir leur souveraineté. Que le Cercle de lîourgogne, lorsqu'il ne paye pas sa quole, puisse être attrait devant la Chambre impériale, cela résulte du traité de 1348, et (|uoi- (]ue les Pays-Bas soient un Cercle, sa souveraineté lui a cependant été con- ' Moscr, Teularlifs Sliiaisrechi , l. I , pp. 7)16, 517. DE DROIT PUBLIC, etc. 521 servée; trailleurs les Cercles n'ont pas élé inslilués pour constater ce qui appartient à TEmpire ou non, mais pour établir quelle assistance on peut attendre do l'Empire en cas de nécessité. Cela fait que le Cercle de Bourgogne doit posséder toutes les libertés comme les autres États et membres de l'Em- pire et supporter les mêmes charges. Enfin, l'Espagne a déclaré souveraines les sept Provinces-Unies; elle a cédé de nombreuses places à la France en toute souveraineté, sans consulter l'Empire; elle s'est, dans le traité de paix deNimègue, appelée souveraine absolue des pays du Cercle de Bourgogne; elle a donc reconnu elle-même que ce Cercle n'appartient pas à l'Empire '. » Laneuveforge releva vivement ces sophismes et il en eut facilement raison. Lorsque le maréchal de Luxembourg vengea, par l'éclatante victoire de Fleurus, les défaites du maréchal d'Humiéres, battu en Flandre et à Wal- courl, Laneuveforge lança une nouvelle protestation contre les corps suisses qui servaient dans les rangs français contre la Belgique. La diète, écoulant ses plaintes, décida, le 9 juillet 1690, « que les Pays-Bas formaient un Cercle appartenant à l'Empire et que, parlant, les troupes suisses ne pou- vaient servir la couronne de France contre les dits Pays-Bas. » Les cantons suisses essayèrent de réfuter cette opinion. Ils alléguèrent « que Maximilien avait, à la vérité, placé le Cercle de Bourgogne sous l'Empire, seulement qu'il l'avait fait non comme empereur, mais comme archiduc d'Autriche; que, partant, ce fait n'obligeait point ses successeurs ni les membres de l'Empire. » La Transaction d'Augsbourg était passée sous silence. Ces paradoxes ne firent point changer la diète d'avis -. Au commencement de 1691, Laneuveforge pria le gouverneur général des Pays-Bas de lui permettre, à cause de son état de santé, de s'adjoindre son fils. Le marquis de Gaslafiaga ac(piiesça à ce désir par lettres du 19 mars ''. Louis XIV, (pii était à l'apogée de sa puissance, prit lui-même un instant le commandement des troupes françaises qui opéraient dans les Pays-Bas, et Vauban , Luxembourg et Boufflers lui firent remporter des avantages signalés. ' Lùnla;, Eiirop. Staalsconsilieii , t. Il, p. 1118. '^ Pièces et documents concenuoil la d'iHe de Ratishoiiiie, vie, do I (i',) I - 1 fiSCJ. 5 Ihid. 322 HISTOIRE DES RAPPORTS Le Roi clTspagnc, pour donner ;i nos provinces un chef délerminé, remit alors le gouvernenienl des Pays-Bas à rélecteur de Bavière (169i), en lui allribuanl les mêmes pouvoir et aulorilé (|ui lui apparlenaient à lui, roi, comme souverain. L'Empereur ne pouvait voir (|ue d'un œil favorable une combinaison qu'il avait signalée lui-même dès 1683, et que les intrigues de Louis XIV' avaient fait échouer. Mais ce fut le signal de nouvelles hoslililés conire la Belgi(|ue qui lut foulée et ravagée sans merci par les armées fran- çaises. Enfin le traité de Ryswyck intervint, el, pour la première fois, l'or- gueil de Louis XIV fut abaissé (1697). -Maximilien-Emmanuel s'elïorea, de son côté, de réparer les désastres que rand)ilion de Louis XIV avait causés à la Belgicpie et décréta une série de mesures destinées à en effacer les Iraces; on le soupçonnait toutefois d'in- cliner secrètement vers la France, et lorscpie la question de la succession espagnole se |)résenla, il se rangea, en elïet , du côté de Louis XIV. Charles 11, Roi d'Espagne, senlail ses forces décroître de jour en jour. Il considérait comme son vérilable héritier le fils qui était né de l'union de Maximilien-EMimanuel et de l'archiduchesse Marie-Antoinelte. Ses deux sœurs, 1 infante .Marie-Thérèse et l'infante .Marguerite, avaient épousé, la première, Louis XIV, la seconde, l'enqiereur Léopold ; mais un acte formel de renon- ciation à la monarchie espagnole ayant été imposé à l'ainée, la cadette était resiée Ihérilière présomptive du trône, et, en mourant (1675), elle avait légué ses droits à sa fille Marie-Antoinelle. Il est vrai que, dans le désir de transmettre la monarchie espagnole à un des fils nés de son troisième ma- riage, Léopold avait obligé Marie à renoncer à ses prétentions, lorsqu'il lui fil é|)ouser .Maximilien- Emmanuel. Toutefois comme Charles 11, malgré sa faiblesse d'intelligence, prétendait rester maître de sa succession, il institua, le 28 novembre 1698, le jeune prince de Bavière son seul héritier, excluant ainsi le Dauphin de France et l'archiduc Charles. Louis XIV protesta ; mais il n'eut plus bientôt pour son lils que ce dernier compétiteur, le lils de Maximilien-Emmanuel et de Marie-Antoitiette étant mort inopinément (1699). Guillaume 111 et le grand pensionnaire de Hollande, Heinsius, mus par une pensée de conciliation, essayèrent d'amener un accoid entre la France et l'Autriche, les seules puissances encore intéressées dans la DE DROIT PUBLIC, etc. 323 succession d'Espagne. Par un trailé, signé à Londres le 25 mars 1700, rarchiduc Charles devait recevoir TEspagne, les Indes, les Pays-Bas, la Sardaigne, et le dauphin de France, les royaumes de Naples et de Sicile, les duchés de Lorraine et de Bar; le duc de Lorraine recevrait le 31ilanais en échange de ses Étals héréditaires. Mais l'Empereur, qui avait repoussé un arrangement analogue en 1698, refusa également d'adhérer à cette nou- velle convention. Il n'allait pas tarder à se repentir de sa détermination '. Louis XIV redoubla d'efforts à Madrid et ses manœuvres furent couron- nées d'un plein succès. Charles II mourut le 1" novembre 1700, inscri- vant dans son testament le nom du duc d'Anjou, le dauphin, petit-fds de Louis XIV, comme son unique héritier. Louis n'hésita pas. L'impertinente bravade par laquelle il supprima les Pyrénées fut un nouveau défi lancé à l'Europe. Il avait, d'ailleurs, depuis le dernier traité, fait des préparatifs immenses en vue d'une nouvelle guerre. On ne l'ignorait pas en Allemagne. Le 18 mars 1698, Jean-Henri de Laneuveforge écrivit au gouvernement de Bruxelles qu'il était question de porter l'armée de l'Empire à 80,000 hommes en temps de paix et à 120,000 en temps de guerre, et demanda des instructions pour se conduire en conséquence. Le Conseil d'État conclut sagement que le Cercle de Bourgogne devait y contribuer pour sa part « nonobstant que le Cercle étoit si miné et démembré par les sucoessives guerres qu'il avait soutïertes ^. » Mais, au point de vue de la Belgique, ces précautions furent inutiles, Maxi- milien-Emmanuel s'étant laissé gagner entièrement à la cause de la France. A l'époque où nous sommes arrivés, l'histoire des rapports de la Belgique avec le saint-empire touche de si près à l'histoire intérieure du pays qu'il est impossible de traiter de l'une sans parler de l'autre; nous devons donc, pour les faits qui vont suivre, entrer dans quelques détails. Au moment où Charles II vint à mourir, des intérêts opposés préoccu- paient les esprits dans les Pays-Bas. On y redoutait les envahissements de la France, et l'on n'y voulait pas entendre parler de partage. La vieille haine ' Juste, //Lstoire de Belgique, 1868; t. II, pp. 343, 553. ^ Du t8 mars IC',>8. Carton cité. Tome XXXVI. 42 324 HISTOIRE DES RAPPORTS que Ton nourrissait coiilre Louis XIV céda devaiil la coiisiiiéraU'oii que ce monarque seul avait le pouvoir de prévenir ces malheurs. On y salua comme im bienfait sa renonciation aux anciens traités qui devaient démembrer la monarchie espagnole el son acceptation, au nom de son petil-fils, du testa- ment de Charles II. L'électeur de Bavière, lors même qu'il l'aurait voulu, n'était pas en élal de résister à ce sentiment unanime du pays. On ne saurai! ni aflirmer ni nier que Maximilien-Emmanuel eût eu des intelligences anté- rieures avec la cour des Versailles. Louis XIV craignit même que le gouver- neur général ne prît, comme prince de l'Empire, une altitude hostile; mais, dès les premières ouvertures, il remarqua avec satisfaction que rien de sem- blable n'était à craindre. Maximilien-Enmianuel était en dissentiment pro- fond avec la cour de Vienne depuis qu'elle avait opposé l'archiduc Charles, comme compétiteur, au jeune fds de l'électeur, el celui-ci imputait même à l'Empereur la mort du prince : aussi se monira-l-il tout disposé à servir la poIiti(|ue de Louis XIV de laquelle il attendait, du reste, de grands avan- tages \ Dès le 20 décembre 1700", les États de Brabant reçurent, de la part du gouverneur général, notification des dernières volontés de Charles IL Forcés d'opter entre l'Empereur, trop éloigné pour défendre la Belgique, et Louis XIV, qui la pouvait con(|uérir, ils reconnurent Philippe V pour leur duc légitime, el les autres provinces suivirent bientôt leur exemple. Ainsi un prince français, dont la famille était l'ennemie héréditaire de l'Allemagne, allait devenir, par les Pays-Bas, membre du saint-empire allemand! De son côté, Hlaximilien- Emmanuel mit un véritable empressement à renqtlir les intentions du monarque défunt et à exécuter l'ordre qu'il reçut de Madrid d'obéir à Louis XIV en tout ce qui concernait la défense du territoire. La Transaction d'Augsbourg et les privilèges de la nation s'opposaient à ce que des troupes étrangères tinssent garnison dans le pays; c'était un des griefs ' IJniike, Franzësisclw Gescliiclite voriwhmUch im sechzehnk'/> uiid siebzehnlen Jahrhun- dcrl, t. IV, ]). 1C3; 1856. - Pliilippc \^ aviiiU'té prociaiiié roi d'Espagne le 2-1 novembre, mais il ne fit son entrée solen- nelle à iMadriil que le 14 avril 1701. (Comte de Garden, Uisl. fjénérate des traités de paix, t. II, p. 250.) DE DKOiT PLIJLIC, etc. 52S que l'on avait tait valoir jadis contre les soldats espagnols du duc irAlbc. Néanmoins, Télecleur fit entrer (6 février) des troupes françaises, non-seu- lement dans les places exclusivement occupées par des forces helgo-cspa- gnolcs, mais encore dans les forteresses do Nieuport, Audenarde, Alli, Mons, Charleroi, Courtrai , Namur et Luxembourg où, d'après une convention passée entre les Provinces-Unies et Charles II, les Hollandais pouvaient tenir garnison. A la nouvelle de la mort de Charles II, Henri de Laneuveforge avait résigné ses fonctions; mais lorsque les Étals Généraux eurent reconnu Phi- lippe V, il crut |)ouvoir les reprendre. Cependant, comme le nouveau roi d'Espagne n'était pas accepté par l'Empire comme souverain des Pays-Bas, l'Empereur intima à Laneuveforge, le 3 août 1704 , l'ordre de se retirer de la diète et de quitter Ratisbonne. Il écrivit le même jour au magistral de la ville d'expulser l'ambassadeur, si celui-ci ne la quittait dans le délai de trois fois vingt-quatre heures; il adressa le même ordre au maréchal de l'Empire et à la diète. Maximilien-Emmanuel, auquel Laneuveforge exposa sa situation, pria le magistrat de Piatisbonne de ne pas donner suite aux injonctions de l'Empe- reur (18 août 1701); mais le magistrat répondit qu'il ne pouvait se dispenser de les exécuter '. Laneuveforge y retourna plus tard, toutefois pour peu de temps. Il fut le dernier député du Cercle de Bourgogne à la diète. Les Pays-Bas y furent représentés jus(|u'à la fin du XVII P' siècle par l'envoyé d'Autriche. L'électeur de Bavière ne se préoccupa point des résistances de la diète. Ce ne fut pas seulement comme gouverneur général des Pays-Bas, mais aussi comme prince de l'Empire qu'il entra dans l'alliance française. Le 9 mars 1701, il s'engagea, en vertu d'un traité conclu à Versailles, à empêcher par les armes, aussitôt qu'il sérail prêt, le passage des troupes impériales à travers la Bavière, et cela par tous les moyens prévus dans les constitutions de l'Empire. Il fit conmiencer aussitôt dans ce but des armements dans ses Etats héréditaires : le roi de France fournit l'argent nécessaire à cet effet. La poli- ' Voir !n corrcspondnnco dans t'ahcr, Europ. Slaatscunzlei , (. Vi , pp. 74S, 734. 326 HISTOIRE DES RAPPORTS lique qu'il suivit fut égaienicMil adoptée avec chaleur par son frère, Pélecteur de Cologne, qui était en même temps prince-évéque de Liège. Celui-ci avait conclu à Bruxelles, dès le 13 février, un arrangement semblable à celui que Maxiniilien-Emmanuel avait signé à Versailles '. 31ais i'acceplalion par Louis XIV du trône d'Espagne pour son pelit-fds ne pouvait maïuiuer de provoquer les légitimes susceplibililés de l'Europe. Guillaume III suscita une coalition qui amena une nouvelle guerre générale. Le traité dit de la Grande Alliance iui signé, le 17 septembre 1701, entre l'Autriche, l'Angleterre el les Provinces Unies. L'article 5 stipulait que ces puissances devaient s'emparer, à forces réunies, des Pays-Bas espagnols, du duché de Milan, des Deux-Siciles et des ports de la Toscane. Elles ne s'enga- geaient donc pas à revendiquer pour la maison d'Autriche toute la njonarchic espagnole, preuve qu'elles étaient encore disposées à reconnaître Philippe V. Le 30 septembre 1702, l'Empire déclara la guerre à Louis XIV. La plu- part des princes de l'Empire soutinrent l'archiduc Charles qui prit le nom de Charles III. Les ducs de Brunswick -Wolfenbuttel et de Saxe-Gotha, l'élec- teur de Cologne, prince-évêque de Liège et son frère, le gouverneur général des Pays-Bas, se mirent aux gages de Louis XIV. 3Iais quel était le but de Maximilien-Emmanuel en agissant ainsi? Ce but était double : il voulait, nous le verrons tout à l'heure, rétablir, sur ses an- ciennes bases, l'union du Cercle de Bourgogne avec l'Empire el devenir sou- verain de la Belgique. Louis XIV lui avait promis son appui à cet effet et il tint parole. Par un acte daté du 7 novembre 1702, le Roi, au nom de Phi- lippe V, céda el transporta à Maximilien-Emmanuel les Pays-Bas en toute souveraineté; mais cet acte ne reçut pas d'exécution '. Il y avait une contradiction llagrante dans les visées de l'électeur. Il était impossible à ce prince de songer sérieusement à bénéficier à la fois de sa haute position dans l'Empire et de la protection de Louis XIV, situation qui créait des intérêts et, partant, des obligations diamétralcmenl opposées. Aussi, dès que les troupes françaises eurent été admises dans le pays, la diète fil en- tendre des protestations. Maximilien- Emmanuel répondit que ces troupes ' Giii'dcn , Hisl. (jéii. des traités de paix, t. II, pp. 25o et 256. 2 Ibid., t. II, p. 517. !S !S DE DROIT PUBLIC, etc. 327 appartenaient au Cercle de Bourgogne, puisqu'il avait reconnu le duc d'Anjou comme héritier des Pays-Bas '. En même temps il demanda siège et vote à la diète. Mais les États de TEmpire élaient d'un avis opposé et quelques-uns d'entre eux proposèrent « de secourir le Cercle de Bourgogne contre l'enva- hissement de la France'-. » Cette proposition n'eut aucune suite effective, bien que l'opinion publique se prononçât alors dans un sens favorable à la Belgique. Un mémoire qui parut peu de temps avant la capitulation de l'empereur Joseph I", successeur de Léopold I"' (1705), disait nettement ^ : « Quant au point que l'Empire romain est obligé de s'abstenir de toute assis- tance qui pourrait occasionner à l'empire préjudice et danger, il y a à faire exception pour le Cercle de Bourgogne et pour la Lorraine que l'Empe- reur doit défendre énergiquemont en paroles et en action [mit Ralh und Tliat), afin que personne ne puisse dire que la paix de Weslphalie a été par là rompue; car ces pays sont les clefs et les frontières de l'Empire *. » La question de savoir si le Cercle de Bourgogne était considéré comme une partie intégrante de l'Empire fut encore débattue à un autre point de vue. Le prince-évêque de Liège, Joseph-Clément de Bavière, frère de Maximilien- Emmanuel et, nous l'avons dit, dévoué comme lui aux intérêts français, profita des événements qui venaient de s'accomplir pour fortifier plusieurs places de la principauté et les livrer aux troupes françaises qu'il fit passer pour des troupes du Cercle de Bourgogne. C'est ainsi que le sieur de Bulol, qui com- mandait la forteresse de Liège , dut la remettre au général français de Monl- ravel, qui l'occupa avec 4,000 hommes. Joseph -Clément se justifia auprès de l'Empereur et des électeurs de Mayence et de Trêves en disant que des troupes étrangères, hollandaises et autres menaçaient ses pays qui allaient devenir le théâtre de la guerre, et que c'était pour les protéger qu'il avait ' Moscr, Von TeutsMand , 1. c, j). 338. 2 Ibid. 5 Moser, Teiitsches Staatsrccht , 1. 1, p[). 517, 341. * Le même mémoire se prononçait contre la Bulle d'or de Brabant et disait que le maintien de ce privilège nuisait plus au souverain des Pays-Bas qu'il ne le servait. Il concluait en deman- dant que l'Empire usât de tous ses efforts pour en obtenir l'abolition. On inséra dans la capitu- lation de Josepti I et plus tard dans celle de Cliarles VI une clause promettant de faire cesser les abus (Moser, l. c, pp. 518, 319). 7,-28 mSTOini'] DES H APPORTS admis les Iroupos du Cercle de Bourgogne '. Mais on lui répondit qu'il aurait dû requérir les troupes du Cercle de Wesiphalie pour la défense de son terri- toire, et non des troupes françaises oU espagnoles, parce que le Cercle de Bourgogne ne faisait point alon partie intégrante de l'Empire et que les soldats envoyés par l'électeur étaient, par conséquent, des soldats étrangers et non de l'Empire '^. Le chapitre de Cologne, dont Joscpli-CIément était en même temps archevêque, était du parti de l'Empereur, et celui-ci exigea du chapitre de Saint-Lamhert , des magistrats et des sujets de la principauté de Eiége, ainsi que des troupes liégeoises, qu'il fût opposé résistance aux entre- prises de leur prince , lequel avait plus souci des intérêts de la France que de ceux de ses propres Etats. Maximilien-Ennnanuel conclut, en 1704-, un nouveau traité d'alliance avec la France. Louis XIV lui promit un renfort considérahie de troupes françaises que le maréchal de Marsin lui amena. L'électeur fut alors son allié non-seulement le plus dévoué, mais aussi le plus utile; à la tête des troupes françaises et bavaroises il remporta des avantages signalés et eut la satisfac- tion de s'entendre comparer aux plus grands capitaines de France. La bataille de Schellenberg, près de Donauworth , gagnée par les alliés (2 juillet 1704), ouvrit à ces derniers la Bavière et renversa les espérances de l'électeur. Toutefois, la ré|)Ulalion de Maximilien-Emmanuel était telle que l'Empereur lui fit olïrir, s'il voulait (juilter le parti de la France, outre plusieurs cessions territoriales, le gouvernement général des Pays-Bas, au nom du roi Charles IIL L'and)itieux prince était sur le point de souscrire à cet arrangement, lorsqu'il apprit que le maréchal de Tallard lui amenait ;:50,000 Français. La négociation fut rompue. .Mais Tallard fut défait à Hoch- stiidl et ce revers eut les suites les plus désastreuses pour l'électeur. L'empe- reur Joseph 1" se flattait de pouvoir réunir à ses Étals la plus grande partie delà Bavière. S'élanl fait autoriser par un condusum du collège électoral, du 27 novembre 1705, à mettre au ban de l'Empire Maximilien-Emmanuel et son frère, rélecteur de Cologne, il prononça leur déchéance, le 29 avril 1706, et procéda au partage de la Bavière \ 1 F:ibcr, Eiiroj). Sitiatscaiizlei , t. VI, pp. 490 et suiv. - Faber, /. c ^ Gardcn, t. II, |)p. 255 et 236. DE DROIT PUBLIC, etc. 529 . La bataille de Hamillies, gagnée par Mailboroiigli sur Villeroi (13 mai 1706), fut le signal de la délivrance de la Belgique. Charles III est pro- clamé roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas. Les Etals de Brabant le reconnaissent sur l'assurance qui leur est donnée (ju'il conservera leurs pri- vilèges ecclésiastiques et civils, et lui jurent fidélité '. Le revirement de la fortune entraînait irrésistiblement les esprits. La victoire remportée par les alliés détacha à jamais les Pays-Bas de leur ancienne union avec l'Espagne et les affranchit de la dépendance dans laquelle la France les voulait tenir. Louis XIV fil alors aux alliés des propositions d'accommodement : les royaumes espagnols et les Indes passeraient à un roi de la maison d'Au- triche; Naples, la Sicile et Milan demeureraient à son petit-fils Philippe V. Les Provinces-Unies disposeraient des Pays-Bas belgi(|ues. Il rendrait le Piémont et la Savoie, si on voulait les attribuer à réiccteur de Bavière. Ces ouvertures ne trouvèrent pas d'accueil. Les Hollandais craignaient, en les acceptant, de trop grandir la position de l'Empereur; ce dernier et les Anglais ne voulaient pas laisser disposer des Pays-Bas par les Hollandais dont ils redoutaient la prépondérance maritime. Cependant ces puissances, qui ne s'entendaient pas pour conclure la paix, suivirent l'impulsion des trois grands hommes qui guidaient leurs destinées, Heinsius, Mariborough et le prince Eugène, et furent d'accord pour continuer la guerre. Maximilien-Emmanuel continuait à poursuivre, de son côté, son projet de souveraineté des Pays-Bas. Lorsque les alliés se furent rendus maîtres de la Belgique, il dut regretter amèrement d'avoir embrassé le parti de la France. Dépouillé de ses États héréditaires et du gouvernement général des Pays-Bas, mis, en outre, au ban de l'Empire, il ne vivait que des libéralités de Louis XIV. Après la victoire de Bamillies, comptant sans doute sur la générosité des vainqueurs, il fit aux alliés de formelles propositions d'arrangement. Cepen- dant sa fierté ne l'avait pas abandonné. Il désirait qu'on renouvehàt les condi- tions que l'Empereur lui avait offertes en 4 704., ce qu'il pouvait regarder alors comme une augmentation ou un agrandissement; maintenant, que ses pays étaient complètement ruinés, ce n'était plus, à ses yeux, qu'un dédomma- ' Gacliard, Documents inédits concernant l'histoire de lu lieUjKute, I. III, p. 204. 330 HISTOIRE DES RAPPORTS gement. Il se monliail loulefois satisfait, si on lui eût donné pour compensa- lion les Pays-Bas ', perspective qui lui souriait particulièrement. Dans celle hypothèse, la Belgique serait redevenue — à ses yeux, du moins, car elle n'avait pas cessé de l'être — un cercle de l'Empire, suivant les constitutions communes, fournissant son contingent en temps de guerre el contrihuant aux charges impériales, formant, du reste, un État libre et indépendant, placé sous la garantie des autres cercles el uni indissolublement au corps germanique. 31aximiIien-Emmanuel en aurait été prince-directeur [Kreisaus- schreibender Fiirsl) séculier. L'électeur insinue que son frère Joseph-Clément en aurait pu être le directeur ecclésiastique '\ ' « ... Je crois qu'ils tiouvcioiit de réquité de m'accorder a présent les niesmes conditions qu'on m'avoit offert en .\lleniagiie, qui sont outre la restitution de tous mes Fatals el de leurs dépendances, le Palatinat de Niculjourgli, le marquisat de Burgau et quelque autres avantages, dont on n'estoit pas encore tout à fait convenu, consistant dans la jonction du pays et villes entre les rivières de Lisler(/7>'!a>)ct Danube, à mes (Etats) de Bavière, à rexcc|)tion de l'cvesché d'Augspourg et de la princi[)auto de Kempten. En ce temp-là mes Estats n"cstoient pas mis dans l'extrême ruine où ils sont a présent. Ainsi je pouvois regarder cette satisfaction comme une augmentation ou agrandissement; il présent à peine susdits {suffit?) il pour un dédomma- gement. L'Empereur qu'il seul a jouy de la Bavière jusques icy, ne donne en ce cas la que le marquisat de Bourgau, qui est de si i)eu de considération qu'il ne luy rend que quatre a cinq mille florins par an. Si l'on iiielinoit plulost à me donner ma satisfaction et des dédommage- ment au Pays-Bas, qu'en Allemagne, l'on pourroit s'expliquer là dessus et je apporleray de mon côté toutes les facilités possibles en me reservant pourtant d'un on d'aulre façon ce qui regarde le point de la dignité. » De .Mons, 9 juillet l/Oti. (Vreedc, Covrespotidance diploma- tique el militaire du duc de Marlboroiigh , etc., 1850, [>. '27)1}.) - 1 Mons, ce 10 juillet ITOtJ. — Comme je vous ay escrit hier, monsieur, incontinent après a\oir rcccu vostre lettre, jay fait du puys encore des réflexions sur ce qui pourroit le mieux convenir tant à messieurs les Eslats-Gencraux, pour la seureté de leur barrière qu'au bien de ce pays-icy. Je trouve que rien ne seroit plus convenable pour l'un et pour l'autre, que d'ériger les Pa3S-Bas en Cercle de l'Euipirc sur le pied des autres Cercles, qui se gouvernent par cux- mesme en forme de Bcpublique, à la charge seule de suivre les constitutions de lEmpire et de livrer leurs contingent en temps de guerre. — Par cet establissement le Pays-Bas deviendroit im Estât libre et indépendant, jouiroit de la garantie que les Cercles de l'Empire se doivent mutuellement, et sans estre assugety à aucun intercst eslranger, ne seroit tenu qu'aux presta- lions ordinaires de l'Empire et pourroit uniquement travailler à la conservation et au bien de l'Estatet par conséquent estre inséparablement unis à ceux qui ont les mesmes intercst. » Il me paroit qu'à moins d'une trop grande partialité pour la maison d'Austriehe, il n'y a pas de bon républicain dans les Provinces-Unies qui ne doive préférer ce parly à celui de voir le Pays-Bas sous la domination de la maison d'Austriehe. La eonvenience que je propose là dedans s DE DROIT IM BLIC, etc. 551 On ignores! ces ouverlurcs, qui probablenienl élaiont adressées au grand |)en.sionnaire Hoinsius, furent mises en discussion. Ce qui est certain, c'est (|u'eiles n'amenèrent pas pour réiecteur le résullai qu'il en avait espéré. Aussi bien, il ne mil pas à les faire loule Tliabilelé désirable. Tandis qu'il continue à se poser, quoique avec ménagement, en adversaire de la maison d'Au- iricbe. il n'Iiésile pas à dire ([u'il |)ouvail obtenir de Louis XIV la faveur (|u'il sollicitait des alliés. C'était une double maladresse; car la maison d'Au- triche, sans laquelle rien ne se pouvait conclure, devait être légitimement froissée des sentiments liostiles de l'électeur, et ses alliés devaient avoir peu confiance dans un prince qui se croyait assez aimé de Louis XIV pour en obtenir, s'il le voulait, des avantages considérables, il n'y a donc pas à 'étonner que l'on ne trouve pas de trace de la réponse des alliés. Nous n'avons pas besoin d'entrer dans le détail des campagnes qui ren- dirent célèbre la guerre de la succession espagnole. Toutefois nous devons donner une nouvelle |)reuve de la contradiction des Etats de l'Empire au sujet du Cercle de Bourgogne. Lorscjuil s'agit, en 1707, de réunir des con- Iribulions pour la caisse des opérations militaires, une licsolaliou des trois collèges ordonna le payement de 200,000 Ribl. La Belgi(|ue y dut coniribuer pour 31,271 tlorins, 18 kr. 5 pfennige '. Ainsi les Pays-Bas étaient traités comme faisant partie de l'Empire (juand il s'agissait d'en obtenir de l'argent, mais on ne leur accordait point une juste réciprocité. Cependant le moment ap|)rochail où la paix allait être enfin conclue entre la France et les alliés. La présom|»lion de ces derniers avait tout perdu. Aux conférences de Certruydenberg (1710), Louis XIV avait fait des pro- |ioiir iiKiy ilniis rkit'c fie 1 iuMoinodoniciit soi! [);ii-liciilic'i' ou géiicriil, est qu'un nie cùdo un Itr- ritoiic |iio|)orti()Mii('' i'i inc scivir de MUi^r.iitinii et de dcdoiiimagcmcnt, qui IVroil piirlic du Cci'C'k' cl iui(|ucllc — 1,1 (jiiidilr de dii'ctti'ur du Cercle, (|u'()ii a|ipelle en allemand Kraisaus- sciii'eiliender Fursl, dont il y en a ordiiiaii'euienl deux dans chaque Orclc, un ceclcsiaslique et un M'cidicr. — L'ecclésiastique scroit aysé à trouver. )) Vous pouvez joindre cette id('e à celle que je \ous a\ donn(' par ma Icllrc de hier. Je crois (|ue si l'on a les intentions sincères pour nio}, eoniuu' m)Us nie l'avez assciiré, c'est assez de matière jiour m en l'aire voir les elFels. — l'riant Dieu (pi il \uus ave en sa mainte garde. — IM. Emaiiuel, Electeur. » (\'rcede, /. c, pp. i^T-l'ÔS.) ' Koch, /. c, p. 11-2:k Tome XXW L 15 532 HISTOIRE DES UAIU>ORTS posilions magniliqiics. Il oflVail, afin de désarmer la coalition, de resliUier TAIsace, de pa\or un million par mois i)our aider les alliés à expulser Plii- li|)pe V de TEspagne, si ce prince ne voulait pas en sortir, et, pour fortifier la barrière promise aux Provinces-rnies, de faire rentrer lu France dans les limites que lui avait assignées le Traité des Pyrénées. Les alliés li'ouvèrent CCS concessions trop restreintes! II suffisait cependant, pour établir l'équilibre des puissances, d'enlever l'Espagne à la maison de liourbon, de rendre à l'Allemagne ses rives du Rbin, d'assurer au duc de Savoie une forte posi- tion des deux côtés des Alpes cl de restituer aux Pays-Bas catboliques leurs anciennes frontières. Jamais une occasion plus favorable ne s'était oITerle pour reconstituer le patrimoine de Cbarles-Ouint. Elle fui compromise, perdue par l'orgueil obstiné des chefs de la coalition. Dans l'ivresse de leur triomphe, ils se croyaient maîtres de l'avenir, mais l'avenir n'appartient qu'à Dieu '. Louis XIV renouvela ses propositions d'accommodement; mais les prélimi- naires de paix, (pii parurent intolérables aux Français, semblèrent insuffi- sants au corps gei'mani(pie, notamment aux cercles (pii avaient principale- ment supporté les charges et les frais de la guerre. Ils représenlèrenl (pie la liberté et la paix générale ne seraient nulle part assurées si les Français n'élaienl éloignés de tout le territoire germanicpie. La base du Traité de Westphalie, même d'après l'inlerprétation allemande, ne les contentait pas. Ils ne demandaient pas seulement Strasbourg cl les dix villes, mais toute l'Alsace, la Franche-Comté, la Lorraine elles évèchés avec tout leur terri- toire; on partait de ce principe que l'Empire germanique devait comprendre tout ce qu'il avait possédé en vertu de la matricule de 1321 -. Celle revendi- cation impliquait virtuellement ce qui avait été enlevé par la France au Cercle de Hourgogne. Ainsi, de la question de savoir à (pii sérail dévolue la succession espagnole, on passait à des projets inattendus sur les frontières à poser au royaume de France. D'un côté, on prétendait que la France devait perdre toutes les con- ' .Iiislc, IlisUiire dr /iflf/iquc, I. Il, p. ô70; l8(i:i!t. DE DROIT PUBLIC, etc. 353 quèles qu'elle avail laites depuis Richelieu; de l'aulre, ou avait eu vue réreclion d'un royaume intermédiaire sur les territoires devenus français, et le résullat, même partiel, semblait devoir tourner contre les intérêts de la France, puisque les alliés avaient alors la supériorité des forces '. Il en fut autrement. Les Français gagnèrent l'importante bataille de Villa- Viçosa et deux autres événements conlribuèrenl à hâter la conclusion de la paix. L'empereur Joseph I'' meurt (17 avril 1711). Sou successeur dans rEni|)ire est ce même Charles III que les alliés ont reconnu roi d'Espagne. L'archiduc rêve de réunir dans sa main toutes les couronnes de son glorieux ancêtre Charles-Quinl. Mais il était évident que la pensée d'une monarchie universelle attribuée à cet empereur et réalisée en partie par Louis XIV nélail pas du goût de l'Europe. C'était, en tout cas, un germe de division parmi les alliés. Bientôt Marlborough tomba en disgrâce et le cabinet tory, (|ui arriva en même temps au |)ouvoir, désirait la paix. La coalition était dissoute et la France sauvée. Les divers actes, connus sous le nom de traités d'Ulrechl, furent signés. Philippe V fut reconnu comme roi d'Espagne ; mais les couronnes de France et d'Espagne devaient être à jamais séparées, et les divisions qui s'élevèrenl, dans la suite, entre les deux Etals, firent voir que ces mesures avaient été habilement calculées. Par la paix conclue entre la France et les Etats Géné- raux, Louis XIV s'engageait à remettre à ces derniers, eu faveur de la maison d'Autriche, tout ce (|u"il possédait encore des Pays-Bas. Les Pro- vinces-Unies remettraient ces Pays-Bas à la maison d'Autriche, dès que celle-ci se serait arrangée avec eux sur le fait de la barrière (article 7). L'article 9 révoquait l'acte ' par lequel Philippe V avait cédé et transporté les Pays-Bas en toute souveraineté à réiecleur de Bavière et à ses héritiers et successeurs mâles. Louis XIV s'engageait à faire signer par Maximilien-Enimanuel un acte dans lecpicl il céderait et transporterait aux Etals Généraux, en faveur de la maison d'Autriche, tout le droit qu'il pouvait avoir sur les Pays-Bas ' Rankr , iliid. - Cet acte, (talé de Madrid, le iJ janvier 17li2, ordonne rcxéculion de lacle du 7 novcnihre 1702 (vo\. |). 320), arnUé et conclu entre Louis XIV et l'éleclenr sur lesdils cession et Ifaii'^- port do l'ii\s-Hiis. (Avlf>i cl Mi'iiKiirvs i/c /(( jinis d' l'hvilil , l 1, p. •2"i7.) 354 [IISTOIUE DES RAPPORTS (M) verlu lies cessions ([iii lui avaient été faites. Ce prince devait cependant retenir la souveraineté et les revenus du duché et de la ville de Luxembourg. P;if les articles 11 et 12, le roi cédait aux Etats Généraux, toujours en laveur de la maison d'Autriche, une partie des Pays-Bas français; par l'ar- ticle 14, il était arrêté qu'aucune province, ville, fort ou place des Pays-Bas espagnols et français cédés par le roi, ne pourrait jamais passer à la couronne de France, ni à aucun prince ou princesse de la maison ou ligne de France, à (piel(|ue titre (pie ce [)ùt être, etc. '. L'Empere(U' n'ayant pas adhc'ré aux arrangements intervenus à Utrecht, la guerre continua pendant (pielque temps; mais les succès répétés du ma- réchal de Villars inspirèrent à Charles VI des dispositions pacifirpies et il consentit à traiter. Les paix de Rastadt ((j mai 1714.) et de Bade (7 sep- tembre) réglèrent, en partie, des points étrangers à la (piestion qui nous occupe, et en terminèrent d'autres relatifs à la Belgique. L'électeur Maxi- milien-Emmanuel et son frère Joseph-Clément furent rétablis dans leurs États, rangs, prérogatives, dignités électorales et autres droits dont ils avaient joui avant la guerre, sous la réserve d'en demander à rEm|)ereur le renou- vellement. L'article 18 du dernier traite portait : « Au cas (pie la maison de Bavière trouvât quelque échange de ses États conforme à ses intérêts, S. M. T. C. ne s'y opposerait pas. » C'est cet article que la cour de Vienne alh^gua en 1785 pour prouver la légitimité de l'échange de la Bavière contre les Pays-Bas qu'elle avait proposé; mais il semble évident qu'il n'y est (|ues- lion que de quelque échange ayant pour objet un arrondissement de ter- ritoire. Par l'article 19, le roi de France consentait (pie l'Empereur prit possession des Pays-Bas pour en jouir, lui, ses héritiers et successeurs, con- formément à l'ordre de succession usité dans la maison d'Autriche, sauf la convention (pi'il ferait avec les Étals Généraux touchant leur barrière, sauf aussi la partie du haut quartier de la Gueidre cédée au roi de France. Par les artich^s 20 et 21 , la cession de la partie des Pays-Bas français faite en faveur de l'Empereur par la paix d'Ulrechl, était confirmée -. ' Gardon, t. II . pp. "17, 318. '-i ll)i(l., pp. 508 et :>,■)',). 0 DE DROIT PUBLIC, etc. 555 Enfin le Iraité délinilif de la lîanière du 15 novembre 1715 ' stipula, ■nlre autres, (lue rEmperour et les États Généraux entreliendraient en fjel- gique une armée de 30 à 35,000 hommes, dont PEmpereur fournirait trois cinquièmes et les Étals Généraux deux cinquièmes; ces derniers tiendraient garnison privative dans certaines villes; dans la ville de Termonde, il y aurait garnison commune. Ce traité garantissait d'une manière solennelle la possession des Pays-ÎJas à la maison d'Autriche, donnait des frontières plus sûres aux Provinces-Unies et constituait un nouveau boulevard à l'Empire d'Allemagne contre la Erance; mais il était humiliant pour TEmpereur cl il fut désastreux pour la Belgique '. Telles étaient les stipulations principales, au point de vu<' beljie, de la célèbre paix (rUirechl. Depuis le Traité de Westphalie, aucun n'avail réglé de plus grands intérés et aucun n'eut des conséquences plus imporlantes. La politi(iue de Téquilibre s'était imposée, comme une nécessité de premier ordre, aux cabinets européens el avait dicté les combinaisons (jue nous venons de résumer. L'objet principal pour les Hollandais était de procurer les Pays- Bas à une puissance éloignée d'elle et qui fût en état de les défendre contre la Erance. Les laisser à l'Espagne, c'eût été, au jugement des États Géné- raux, les donnera Louis XIV; voilà pourquoi il fut décidé qu'ils passeraient à la maison d'Autriche. L'Angleterre y était aussi intéressée (pie la républi(pie des Provinces-Unies. Si les Pays-Bas étaient tombés dans une dépendance directe ou indirecle de la France, celle-ci aurait pu acquérir sur la mer du Nord un pouvoir que la Gi-ande-Bretagne devait redouter. En obtenant des |)rovinces limitrophes de la France, l'Autriche restait son ennemie naturelle. I L'article 0 de l.i Graiulo Alliiincc de 1701 avait assuré aux Étals Généi'aux une bari'ièi<' contre la France, sans expliquer en ([uoi elle consisierail. Ce point fut l'objet de longues néso- elations. Un premier traité de la Barrière lut signé le 'i'.t o(ioi)ie I70!l, un second le ÔO jan- vier 17t3. 5 Ce fui le .") février I7l(i (pie les Hollandais irniirenlà lljnpereur les provinces el disliiels (les Pavs-Bas (|ui axaient été possédés par le roi Cliarles il; mais ils gardèrent encore, sous le pp'lexte de queli]ues prétentions, les villes el districts que la France avait rétrocédés en faveur (le la maison d Aniriclie par les traités d'Clreclit, de Hasiadtetde Bade. Les États Généraux ne les délivrèrent à lEmpereur que dans le cours de l'année 1719, à la suite dune nouvelle con- venlion explicative >pii avait été conclue à l.a Haye le '■2-2 décembre 1718 (Garden, C II, p. 3.")j). ô:i(i HISTOIHK DES RAPPORTS La sùrelé cl l'indopeiulance dos aulres Étals leiiaieiil en grande partie à celle inimitié active et conlinnelle '. Mais celte silnation nouvelle, créée |)ar le liailé d'Ulreciil et imposée par TEnrope, allait-elle reiioner les relations déjà si considérablement allai- hlies entre le Cercle de Bourgogne et la monarchie allemande? Une inter- vention quelconque de l'Empire dans les affaires des Pays-Bas devait-elle encore se manifester? Tout lien entre le Cercle de Bourgogne et rAllemagne etail-il rompu? L'œuvre de Cliarles-Quint élail-elle déiruite sans retour? C'est ce qu'il nous reste à examiner. ' T(ibl('(tii (lea rêvoliilioiis on sifsli'iiic piililitjui' dv F Eitntjie, i-'li. XXVI, pnrt. il , iiérioch' I\'. DE DROIT PLBLIC. kto. 537 CHAPITRE MU. s Miiil (le Louis .\IV. — lU'giic de CIimiIcn VI en Belgique. — Mémoires leinhiiil à |noiiver ijue l;i Belgique fait piirlie de l'Empire. — Compagnie d'Oslende. — Opinions diverses. — Mémoires el hroeliui'es publiés à ee sujet. — Ils reflètent les tendanees opposées des membres de la diète. — Les États nkcii ^v:ll■lml das licil-niinisclif' Roicli dciii lîuii;cirulis(lieii Crayss wider aile Iciiul- liclic Anialle zii luHVii vcrluindri) .sc\ . » Dans la Eurup. Slaulscanzli'i , t. II, p. 742. — Mènif ihrsc dév("lop|iûe dans SidiwiMlii- et Glalcv, Tlieat. prœtensiomtm fl coiilrurerslannii iltii.s- liiuiii, I7i:.'-I727, p|i. ",18-1011 cl !")'(■, siii- la CdHinai^iiic d"t)slciu!c. -' Plaranh (le /Irulxuil , t. \l. |i. !l. "' l'Uicards lie /Iralniiil , I. VI. ii. i'M. DE DROIT PLBLIC, etc. 339 On sail l'opposilion que firent les Hollandais à réreclion de celte Compa- gnie. Les flollandais avaient-ils raison? L'Knipereur avait-il tort? Ces deux questions furent discutées, pendant plusieurs années, avec une extrême viva- cité, tant en Belgique (|ue dans les Provinces-Unies. Nous n'avons pas à nous occuper de Thistoire pro[)rement dite de la Compagnie, mais à examiner, au point de vue des rapports de la Belgique avec TEmpire, ce que Ton pensait en Allemagne sur la question. En Allemagne, les opinions étaient partagées. On y soulevait deux points de droit : i" un point de droit inlernuiional, celui de savoir si Charles VI était fondé à établir la Compagnie; 2" un point de droil public, à savoir si l'Empire devait intervenir et soutenir Charles VI et la Compagnie, par la raison (|ue le (Cercle de Bourgogne faisait partie de TEmpire '. Ces deux points furent agités et résolus différemment dans des brochures et mémoires séparés et dans des articles juridi(|ues insérés dans les recueils de droit public de l'Empire. Les uns et les autres reflétaient les tendances opposées des membres de la Diète. L'importance que prit le débat exige (pie nous en rendions compte avec quelques développements. Voici comment on résumait, en Allemagne, les motifs par lesquels les Provinces-Unies voulaient empêcher l'érection ou le développement de la Compagnie d'Ostende. Les Hollandais prétendaient : « Que les articles 5 et 6 de la paix de iMunsler de 1648 s'opposaient impli- citement à rétablissement d'une Compagnie semblable; qu'ils avaient, eux, acquis le droil de iiavifjalion par prescription et par usage; » Que bien (pie de tout temps la iiavigalion eût élé libre et universelle, elle était devenue maintenant particulière et circonscrite dans de certaines limites; » Que S. M. 1. devait, comme successeur des princes des Pays-Bas, main- tenir les traités conclus autrefois entre l'Lspagne et les Provinces-Unies; » Que la nouvelle Compagnie de commerce et de navigalion d'Ostende atteignait tous les anciens et nouveaux traités, en parliculier l'article 20 du Traité de la Barrière, ainsi que les privilèges de la Compagnie hollandaise; ' lificlisfuma (le \7'i'i. |i|). I I!) cl sqij. TosiE X.\X\ ]. 44 r,40 HISTOIRE DES RAPPORTS » Que TEspagne avait défendu à lous les Belges de naviguer vers les Indes; » Que Pinfanle Isabelle, épouse de rarchidue Alberl, s'y ctail conforn)ée par Tacle de cession du 6 mai 1398; » Que des exemples nombreux prouvaient (]ue PEspagne s'était toujours conformée à ces prescriptions; » Que rEnipcreur lui-même concédait que les Belges ne jwuvaient faire le commerce dans aucune place hollandaise; » Que les Belges navigueraient, malgré Toclroi des Hollandais, dans des places où ces derniers sont souverains, ce 7. [iji. 21'.t, 2'20. DE DROIT PUBLIC, etc. 341 acia. » Or, les Hollandais ne se gouvernaieiU pas d'après le droit espagnol, mais d'après le leur propre; ils ne pouvaient donc pas se prévaloir du pre- mier pour y astreindre un liers qui ne leur était pas soumis. Il ne pouvait donc pas être question de la souveraineté qu'exerçaient les Hollandais sur certains endroits des Indes; mais il en était tout autrement lorsque les Hol- landais se plaignaient de ce que les Belges se servaient de Toctroi hollandais, ce (|ue l'Empereur lui-même ne désirait pas : quand ils disaient qu'il n'ap- partenait pas à l'Empereur d'ériger une Compagnie de navigation dans les Pays-Bas pour les Indes, le premier point élait à prouver, le second était déjà réfuté. En outre, les Hollandais devaient éviter d'agir contre toutes les règles de l'humanité, de ne regarder qu'à leur intérêt privé contre des traités établis et de se rendre par là odieux à tous les peuples. Ils demandaient la suppression de la Compagnie : mais puiscpie celle-ci n'était pas seulement |)rivilégiée; puisqu'il revenait à l'Empereur et aux Etats du saint-empire, et en vertu de l'instrument de paix de Westplialie et d'après le propre témoi- gnage des Hollandais, de naviguer vers les Indes, l'Empereur élait tenu et obligé, de concert avec l'Empire, de défendre et de protéger ce droit '. C'est sur ce dernier point précisément que s'exerça la science des juris- consultes allemands. On s'efforce de persuader aux États de l'Empire, disait l'un d'eux, que si, dans l'affaire de la Compagnie d'Oslende, une guerre vient à éclater, l'Em- pire doit faire celle cause sienne et offrir à l'Empereur son concours armé. « Voici les arguments sur lesquels on s'appuie : » 1° Les Pays-Bas, dans lesquels Ostende est situé, forment une partie de l'Empire. Ils y ont été compris sous le nom de Cercle de Bourgogne, en 1512, par l'empereur .Maximilien, et ils y furent rattachés, en 1348, par la Transaction {concordatum) de Charles-QuinI, laquelle leur assura aide, secours et protection de la par! de l'Empire. » Sans doute, la Transaction d'Augsbourg ne saurait être niée; mais on conteste qu'elle ait jamais produit le moindre elîel. D'abord, les successeurs de Charles-Quint dans les Pays-Bas ne se sont pas crus liés par les clauses ' fi:-i(!isfa»i(i, \l-27. PI)- 2-21. -2'2->. 542 HISTOIRE DES HXPl'ORTS ilii traité, à tel point que Philippe II décima ouvertement « que les Etals de l'Empire se trompaient s'ils croyaient qu'il exisliiit le moindre lien entre les provinces belges et la monarchie allemande '. » Ensuite, l'Empire n'a pas reconnu le concordai de Charles-Quint, mais il l'a expressément repoussé (?) comme nuisible et inutile pour l'Allemagne, puisque Charles-Quint déclarait les Pays-Bas exempts de la juridiction de l'Empire. Or, si les Pays-Bas ne veulent passe considérer comme membres de l'Empire pour contribuer dana les charges, ils ne peuvent non plus réclamer de l'Empire auciwe réciprocité onéreuse. C'est là la règle de foules les sociétés : qui ne veut pas supporter sa part des perles, celui-là ne peut non plus prétendre à avoir sa pari des profils. » 2" On se prévaut de l'article 3 de la paix de Munster ipii porto : Cir- cuius Burgundicus sit nianealf/ue memhrum Imperii. » Bien de plus exact que ce lexle; mais on aurait dû le compléter par celui-ci : << Bellis in Circnlo Burgundico verleniibus, nec Imperalor, nec nuUus Imperii Slulus se imniisceat. » Voilà pour(iuoi lEmpire obligea l'em- |)ereur Léopold, dans la capitulation de son élection (article 14.), de ne s'immiscer dans aucune des guerres qui avaient lieu alors en Italie et dans les Pays-Bas, ou de donner des secours quelconques aux ennemis de la France. D'ailleurs, il serait absurde de faire la guerre en faveur de pa\s (|ui n'ont pas contribué jusqu'ici le moins du monde aux charges de l'Empire el qui, quant au lien, au nexus, ne lui sont unis que de nom. » 3° La paix de Bade a fait la même stipulation (article 19) que celle de Wesiphalie. L'Empire doit donc, comme partie contractante de la paix de Bade, faire en sorte que celte paix ne soit ni violée ni détruite quant aux Pays-Bas. » Belativement à la paix de Bade, si S. M. I. élail en danger d'être attaquée pour n\\ droit que cette paix lui a conservé ou assuré, l'Empire serait sans ' Voici ce passage cité par le jurisconsulle allemand : « ÉIcctores et Princiiics Imprrii falli si «•relièrent Flandriain el reliquas provineias sihi .^ubjeclas lialierc niiqiiid romiiiune cuni Inii)erio. Elsi eniin pater ipsius Carolus V, ijui earuni doniiniis ItenKiiie Imperalor l'uissel, olim provni- eias illas adstrinxisset ad auxiiia subsrainistranda Imperio, (piod ^icissinl eliam ad reeiproca aiixilia nceessitate exiiçente terierelur, tarncn obligalioiieni in elTecUi neulram parlem edicaciler liiiie Inde obslringere, alcjiic Iniperiuni eo jure exeidisse. » DE DROIT PLBLIC, etc. 545 tloiUe obligé d'assister S. M. )lais il s'agil iuii(|uem('nl d'une Compagnie de commerce, donl il na pas été question dans la paix de Bade, Que si l'on prétend que l'Empereur possède les Pays-Ras au même titre que les possé- dait le roi Charles II d'Espagne, il est incontestable que celui-ci n'avait pas le droit d'ériger la moindre compagnie de conunerce pour les Indes orien- tales. Il doit donc en être de même pour l'Empereur. )) 4' Le traité conclu à Vienne, le 30 avril n2o, entre l'Empereur et le roi d'Espagne, du consenlemenl de THnipire, engage, dans le cas présent, l'Empire à prêter secours à l'Empereur. » Si l'oclroi de la Compagnie d'Ostende concernait S. M. I. comme Empe- reur, ou intéressait rEnq)ire, il faudrait examiner jusqu'à quel point l'Empire devrait s'en occuper, en vertu du traité de 4 723, mais aucune de ces deux hypothèses n'est vraie. La Compagnie de commerce d"Ostende ne peut être envisagée que comme une aflaire purement et simplement privée. Loin que l'Empire ait été consulté pour donner son assenliment à l'érection de celle Compagnie, comme c'eût été le cas si on l'avait tenue pour une affaire de l'Empire, il n'en a rien appris si ce n'est par les discussions ultérieures. On ne peut donc admettre d'aucun cAe/' qu'il soit obligé ex posl facto de faire des sacrifices pour une affaire à laquelle il est étranger, et de s'immiscer dans les dilïlcullés qui pourront surgir à cet elTet. » 3" L'Empereur, allègue-l-on encore, en concédant l'oclroi de la Com- pagnie d'Ostende, n'a pas fait autre chose que ce que peut faire chaque sou- verain, cha(|ue membre de l'Empire sur son territoire, à savoir : améliorer et favoriser, autant (pie possible, le commerce et l'industrie. S. M. était donc non-seulement fondée à ériger la société de commerce d'Ostende, mais elle était obligée de la soutenir et de la proléger par tous les moyens en son pouvoir. » Qu'il soit permis à tout État de l'Empire de favoriser le commerce dans son pays, cela est, en général, inconleslable, pourvu qu'il ne se heurte à aucun pacte contraire qui donne à un liers i\n jtis proliihendi. Or, les Pro- vinces-Unies prétendent à un pareil droit, en vertu d'un article du Traité de paix de .Munster, relativement à la Compagnie d'Oslende, et leur prétention trouve de l'appui auprès de plusieurs grandes puissances. Quant aux raisons r,li HISTOIRE DES 1{AIM»()KTS (lue les Provinces-Unies allèguenl, TEnipire n'a pas à les examiner, mais, ce qui est constant , c'est que la question de la Compagnie d'Ostende est une chose controversée. Or l'Empereur, connue tel, ne doit pas s'immiscer, et l'Empire moins encore, dans une controverse qui ne les intéresse pas, ou y prendre parti d'une manière quelconque, ce qui les pourrait entraîner dans une guerre funeste. iMais si l'Empereur se croit obligé de soutenir de toute façon la Compagnie d'Ostende, les États de l'Empire sont obligés, de leur côté, de démontrer à S. M. 1. qu'elle doit faire la guerre à ses risques et périls, si la guerre vient à éclatei'. » 0" L'Empire, dit-on encore, a expressément obligé TEmpereur, dans la capitulation de son élection, à développer et à favoriser, le plus possible, le commerce en Allemagne. On ne peut donc lui reproclier de l'avoir fait dans les Pays-Bas, (pii sont une partie de l'Empire. » Lorsque S. 3L travaille au développement du commerce en Allemagne, elle agit d'une manière louable et conformément à sa capitulation; mais (pianl à savoir si la Compagnie d'Ostende est utile à l'Allemagne, il ne serait pas difïicile de démontrer le contraire, ce dont personne, du reste, ne doute. » 7° r.es Pays-Bas autricbiens, qui sont un avant-mur pour l'Allemagne {Vornuiùer (les /?c?V7/.s), deviendraient, sans leur commerce, presque inutiles à l'Empire. » Cet argument n'en est pas un. Les Pays-Bas autrichiens ne pourraient pas devenir plus inutiles à l'Empire quils ne l'ont toujours été et ne le sont encore, puiscjne l'Empire n'en a jamais pu tirer le moindre subside pour ses contributions. Mais on a raison de dire ([u'ils sont un « avant-mur » pour l'Allemagne, en ce sens (pi'il n'est pas indifférent pour l'Empire aux mains de qui ils se trouvent. Seulement, on oui)lie qu'il n'y a pas la moindre discus- sion là-dessus : il s'agit uniquement de savoir si la Compagnie d'Ostende peut et doit subsister, en d'autres termes, si l'Empire est tellement intéressé au maintien de cette Compagnie (pi'il doive risquer une guerre dans ce but. » La Compagnie d'Ostende est un privilège que l'Empereur a octroyé, non comme Empereur, mais comme archiduc dAutiiche souverain des Pays-Bas, non aux Pays-Bas en général, ou à quelques provinces in corpore, mais à des particuliers et à des marchands : ce privilège autorisait ces derniers à DE DROIT PLBLIC, etc. 5io ('lablir à Oslentle une sociélé de commerce cl de navigation pour les Indes orientales, (le privilège, qui n'existait pas auparavant, froisse les intérêts des Provinces-Unies el est contraire à leurs traités avec l'Espagne. L'Angleterre les soutient du chef de garnnlie. Pour l'aire sienne cette querelle étrangère , el se lancer dans une guerre désastreuse, l'Empire n'y est obligé à aucun litre: mais il abandonne à la maison d'Autriche, si celle-ci le juge convenable, le soin de terminer par les armes son dilTèrend avec les puissances contradic- toires. L'Allemagne, encore une fois, n'a rien à voir dans la (|ueslion; elle n'a rien à perdre ou rien à gagner si les marchandises des Indes lui sont expédiées d'Oslende ou des endroits d'où elle les recevait auparavant. » 8" Laisser entraver l'essor de la C-ompagnie d'Ostende est non-seule- menl très-préjudiciable à toute la patrie allemande el à ses droits maritimes, mais cela pourra entraîner des conséquences dont il est encore impossible de mesurer la portée. » Comment l'abolition de la Compagnie d'Oslende porterait-elle préjudice aux intérêts généraux el aux droits maritimes de l'Allemagne? On ne s'est pas expliqué là-dessus el c'était précisément le point important. En effet , si un Étal de l'Empire voulait, ce qui n'est pas probable, établir une compa- gnie pour le commerce des Indes, l'Angleterre el les Provinces-Unies n'y mettraienl pas obstacle; quanl aux Pays-Bas, ils en sont formellemenl em- pêchés par une clause du Traité de i\Iunster. Que si cette abolition nuil à d'autres puissances, l'Empire n'a pas à s'en préoccuper '. » Tel élail le langage du juriscotisulte qui plaidait la non-interveniion. Des inexactitudes, pour ne pas dire des conlre-vérilés évidentes, el des subti- lités captieuses formaient le fond de son raisonnement. Xous devons mainte- nant écouler la réfutation de celle thèse el suivre l'ordre d'idées d'un des principaux défenseurs de ï intervention. Celui-ci posa tout d'abord en principe « (|ue les mesures de guerre el les violences ne font pas le droil » el c'est pourquoi il était d'avis (pi'il fallait examiner le fond des choses avant de s'arrêter aux considérations acces- soires. L'auteur de la réfutation, que nous allons brièvement analyser, constate ' Reichsfumo, 1727, pp. 88-1)0, cl 91-97. 340 mSTOIIlK DES RAPPORTS loiil (l'abord que l'Einpcreui' s'élait paiTailcment mis eu règle vis-à-vis de riunpire eu cxposaul aux Étals, le 17 mars 1727, ses iuleulious dans le préambule de l'oclroi. Il est vrai (|ue Tou pouvait répondre (pie celle com- iiuuiioalion auiail dû èlre faile avaul la concessiou du priviléire. Puis il passe à riiislorique de la foudalion de la Com|)aiiiiie, érigée pour relever de ses ruines le commerce des Pays-Bas aulricbiens. Il rappelle ro|)posilion des Hollandais, (pii voyaient dans celle foudalion une concurrence daniiereuse pour leurs inlérêls, raconte leurs démarches à lîruxelles et à Vienne et expose les motifs pour lesquels les Anglais soulenaienl les Provinces-Unies, il conclut en disant que c'était par des griefs imaginair(\s (pie la paix de TEmpiie semblait menacée '. Le jurisconsulle passe ensuite en revue, pour les réfuter, les arguments de son contradicteur. « Il est prouvé, dil-il, par les actes de TEmpire que les Pays-Bas, à partir de 1507 jusqu'à l'époque actuelle (1727), ont été soumis et unis à l'Em- pire. Les successeurs de Charles-QuinI , quoi que l'on en dise, n'onl nulle- ment contesté ce lien. La preuve, c'est qu'ils ont nommé des assesseurs près la (IhaudM-e impériale et supporté leur part dans les charges de l'Empire, Reirlisoneni , tout cela du consentement unanime de l'Empire. Preuves nom- breuses, tirées des Recès, avant, pendant et après le règne de Eharles-Quint -. Les Pays-Bas avaient donc le caractère essentiel d'un État de l'Empire, ils avaient siège et vole aux diètes '. — Tout cela était parfaitement exact. » On allègue, poursuit-il, que Philippe II eut I intention de distraire les Pays-Bas de l'Empire; mais lors môme qu'il en aurait été ainsi, cela n'a pas été fait; l'Empire n'y aurait pas consenti; il n'aurait pas abandonné une de ses parties les plus importantes. » L'Espagne, puis l'Autriche n'onl-elles pas conservé un ambassadeur au- près des diètes? Celui-ci u'y a-t-il pas voix? Les Pays-Bas ne continuent-ils pas à contribuer aux subsides communs? Lorsque, dans la guerre contre la Erance de 1702, l(>s Étals de l'Empire résolurent de mettre sur. pied une ' Itficlisfuma, I7:.'7, |)|). IW-Kii. s llnd., pp. 1(i7-17(l. ■' N(iir plus liniil, II' p.nlic, clinii. VII . |ip. I*0()-'il0. DE DROIT PUBLIC, trc. 347 armée de 120,000 hommes, les Pays-Bas n'y fournirent-ils pas 8,124. fan- tassins el 3,983 cavaliers 'P » Ont-ils cessé d'envoyer leur quote-part pour l'entretien de la Chambre impériale? N'ont-iis pas payé, en 1712, de ce chef, 927 Rtlir., 4-6 kr. '-? » Que si les Pays-Bas n'ont pas toujours fourni régulièrement leur con- tingent ou leur quote-part, la raison en est simple. Comme avant-mm- de l'Allemagne, attaqués sans relâche par la France, ils devaient avoir constam- ment une armée sur pied et faire des frais considérables pour veiller à leur défense, tandis que d'autres États, protégés par la vigilance des Pays-Bas, pouvaient réaliser des économies et jouir en repos de leur prospérité. Il n'est donc que trop juste qu'en retour des sacrifices que les Pays-Bas ont faits directement ou indirectement pour l'Empire, celui-ci leur accorde tm secours efficace dans les conjonctures critiques où ils peuvent se trouver. » On se réfère en vain aux articles du Traité de Westphalie, articles que l'on interprète ou que l'on traduit mal. Ils laissent, dans la circonstance ac- tuelle, entièrement libre l'action de l'Empire. Quant aux droits de l'Empereur, ils ne datent pas de la paix de Bade, et d'ailleurs celle-ci ne contient rien qui puisse empêcher S. iM. I. d'ériger une Compagnie de commerce. » On dit que l'Empereur a fondé cette Compagnie, non comme Empereur, mais comme souverain des Pays-Bas. Cette assertion est d'une inexactitude manifeste. L'octroi de la Compagnie d'Oslende concerne bien l'Empereur comme tel; par conséquent, il est une affaire de l'Empire. Ce n'est nullement une res privata; elle intéresse la liberté de l'Allemagne. Les droits d'un État particulier doivent être aussi sacrés à toute la nation que s'il s'agissait de ses droits à elle-même. » Or, c'est un droit pour tout État que de favoriser, autant (|ue possible, sur son territoire, le commerce et le trafic. On admet la vérité de ce principe pourvu qu'un tiers n'ait pas à objecter nu jus proliibendi.Ma\s cet argument est sans valeur; car il revient à dire que tel État ne pourra se livrer à tel et tel commerce que pour autant que cela ne déplaira pas à un autre Étal. ' liekhsfuma , iliicl., p. 188. "^ Reichsfama, p. 189. Cet argument était évidemment forcé; car il n'y a pas de trace, dans les Archives des Pays-Bas, d'nn pavement semblaiile. Tome XXXVL 45 548 HISTOIRE DES RAPPORTS Or, les articles 3 cl 6 de la paix de Munsler ne disent rien de senihlahle. L'Empereur est donc pleinement dans son droit en érigeant la Compagnie d'Ostende, ses adversaires dans leur tort en s'y opposant; el comme il s'agit d'une question qui intéresse tout l'Empire, l'Empire a le droit el le devoir il'intervenir. Les menaces que l'on tait conire l'Empereur ne constiluenl pas un droit conire lui, bien au contraire. Enfin, lors(pie l'Empereur s'elTorce de favoriser le commerce dans les Pays-Bas, il agit conl'ormémenl à sa capitu- lation et aux traités existants. » On demande sérieusement si la Compagnie d'Oslende doit continuer à subsister! Autant vaut demander si les Pays-Bas doivent conlinuer à faire partie de l'Empire; car si l'on répond négalivementà la première hypothèse, l'Empire recevra une grave atteinte par l'immixtion de puissances étrangères dans les affaires intérieures d'un de ses Étals; et si les Pays-Bas doivent être enlevés à l'Empereur, c'est une injure qui atteint également et l'Empereur et l'Empire. JN'est-ce pas un devoir pour tous non-seulement de conserver dans leur intégrité les pays qui appartiennent à l'Empire et leurs habilanls, mais aussi de maintenir intacts leurs droits, franchises et privilèges? » Or, que dit l'article 17 (§§ 10 et 11) de l'instrument de paix du Traité de Westphalie ? Que « le commerce dans les Pays-Bas et la navigation sur mer resteront libres, etc. K » » Lorsque les Hollandais ont commencé le cours de leurs navigations, ils l'ont fait en vertu du droit naturel et des gens, ainsi (|ue l'a fort bien exposé leur illustre compatriote, HugoGrolius, dans son traité De mari Ubcrn. L'oc- troi de S. M. I. à ses Pays-Bas autrichiens est non moins juste, non moins légitime. Les Etals doivent donc considérer l'aiïaire comme la leur et ne pas se séparer de l'Empereur. » L'abolition de l'octroi de la Compagnie serait très-préjudiciable aux droits maritimes de l'Allemagne; les droits du commerce et la liberté de la navigation recevraient par là une grave atteinte. Car s'il est exact que l'An- gleterre el la Hollande doivent permettre in yciiere à l'Empire d'Allemagne le ' « ... et provinciis, portiibus, fliiniinibus, qiiihusciinqiie sua prislina fcciirilas, jurisilietio cl usus, proiit aille lios motus bellicos a pluribus reti-o aiiiiis fuit, restituanlur, inviolabiliter conservcnlur. i> DE DROIT PUBLIC, etc. 349 commerce aux Indes, alors ce droit compète naliirellemenl aussi aux Pays- Bas autrichiens, puisqu'ils sont un Cercle de l'Empire [Reichskmys). Le pre- mier point n'est contesté par personne; le second découle du principe: ab universaii ad parliculare valet consequenlia, ainsi que des lois de TEmpire. La paix de Munster ne contient pas un mol d'où l'on puisse inférer que les Belges doivent être exclus du commerce des Indes. Que si les lois espa- gnoles sv opposent, les Hollandais n'ont rien à y voir. S'il convenait à un État quelconque de l'Empire d'établir dans son pays une navigation maritime afin que ses sujets ne fussent plus désormais obligés d'acheter les marchan- dises au prix élevé où les vendent les Hollandais, ceux-ci n'auraient le droit d'aucune manière d'y intervenir. Le droit de l'Empire est le même que celui des autres puissances, et l'empêcher dans un de ses membres, c'est porter atteinte au corps tout entier '. » Il faut reconnaître que les arguments des jurisconsultes qui demandaient Y intervention avaient une portée plus sérieuse que les raisons alléguées par ceux qui recommandaient au corps germanique l'abstention. Ce furent, mal- heureusement, ces derniers qui remportèrent. Les rois d'Angleterre et de France soutenaient les prétentions des Pro- vinces-Unies, parce que la Compagnie d'Ostende portait ombrage à leur commerce. D'autre part , le parti qui , au sein de l'Empire, conseillait l'inter- vention, était moins nombreux que celui qui cherchait à l'écarter. Charles VI fut effrayé. Porté naturellement par son caractère à l'irrésolution, froissé ou découragé par l'opposition des États de l'Empire, et menacé de voir les com- plications du moment aboutir à une guerre générale, il finit par abandonner le projet qu'il avait conçu. Le traité de Vienne du 16 mars 1731 mil fin au dilTérend. L'article 5 supprimait la Compagnie d'Ostende : il portait que « tout commerce el toute navigation aux Indes orientales, dans toute l'étendue des Pays-Bas autrichiens et des pays qui avaient été sous la domination de l'Es- pagne au temps de Charles W, seraient abolis à perpétuité-. » * Reichsfania , 1727, pp. lilO-217. 2 Celte clause était précisément l'opposé de l'article G du traité de commerce conclu entre rKmpercur et le roi d'Espagne ( ÔO avril 1725). Cet article accordait aux sujets (le l'Empire, pour le commerce de l'Inde, aussi bien que pour celui de l'Espagne, les mêmes privilèges qui, 550 HISTOIRE DES RAPPORTS Ainsi se Irouva larie une des principales sources de prospérité pour la Holgique. La suppression de la Compagnie d'Oslende était, d'ailleurs, le gage de la reconnaissance de la Pragniaticpie Sanction par les États qui n'avaienl pas encore voulu en admettre la validité. Ce n'est qu'alors que l'Anglelerre et les Provinces-Unies s'engagèrent à la garantir. Charles VI demanda une adhésion semblable aux États de l'Empire (1731). La Bavière fit une forte opposition à cette demande, et son envoyé la motiva, le 18 décembre, dans un mémoire longuement détaillé '. Ce mémoire, conçu dans l'esprit qui animait alors une partie des membres de l'Empire, et écrit dans le langage barbare, demi-allemand, demi-latin, de l'époque, renfermait des assertions contradictoires et péchait surtout par le défaut de clarté. « Quant au Cercle de Bourgogne, y était-il dit, entre autres, il fut sans doute relié à l'Empire en vertu du Traité d'Augsbourg de 1548, qui s'engageait à le défendre moyennant une contribution électorale double que ce Cercle promettait d'acquitter, et il fut laissé à l'Empire, mais d'une manière spéciale, par le traité de paix de 3Iunster dont l'article 3 portail : Si, à l'avenir, des guerres éclatent entre tout l'Empire et les rois de France, ils s'engagent réciproquement à ne pas secourir les ennemis de l'autre partie. En conséquence, lorsque, en 1G68, le roi de France assaillit les Pays-Bas, sous prétexte du droit de dévolution, bien que le Cercle de Bourgogne fit une motion au Couvent de l'Empire pour réclamer son secours, l'Empire n'intervint point, tout en voyant avec satisfaction que les électeurs de Mayence et de Cologne, à titre de voisinage et par conciliation, interposaient leurs bons offices auprès du roi de France. Lorsque la paix d'Aix-la-Chapelle s'en- suivit, l'Empire ne désira point y participer et il y resta étranger. Il est notoire que le Cercle de Bourgogne, lors de sa première incorpomlion à anciennement, avaient été accordés aux Hollandais. L'artii le 57 leur accordait le droit de l'aire le commerce des Canaries sur le pied où les Anglais et les Hollandais en étaient alors en pos- session; enfin, l'article 47 étendait aux sujets de VEmjiire loules les faveurs sans exception, dont ces deux nations jouissaient dans les États de la nionai-cliie d'iîspagne. — Les Belges, étant compris |)armi les sujets de l'Empire, devaient parlicipei' aux avantages que nous venons d'énu- niércr. Ce fut là la cause de l'opposition des Anglais et des Hollandais et le motif par lei]ucl l'article 5 du second traité de Vienne fut rédigé dans un sens diamétralenient opposé. ' Moscr, Stualsrechl, t. I, pp. 521-523. — Von Tciitschhnul , pjj. 53y-5fi-2. DE DROIT PUBLIC, etc. Soi l'Empire, mesure que l'on croyait devoir tourner à Tavanlage et à l'utililé (le celui-ci, avait assumé une double quole électorale; or, il ne l'a jamais acquittée et il n'a rien fourni à PEmpire depuis celle époque; il a donc lui- même renoncé au bénéfice de l'assistance réciproque. Il y a plus. Depuis rintroduclion du Cercle de Bourgogne dans l'Empire, depuis la paix de Wesiphalie et postérieurement, ce Cercle a été complètement modifié; non- seulement les sept provinces hollandaises s'en sont séparées, mais la France s'est approprié une partie considérable des Pays-Bas, de sorte que ce cpii reste encore à S. M. I. ne représente plus ledit Cercle dans sa conslilulion première, et que l'Empire ne peut plus se flatter de recevoir quelque com- pensation pour les sacrifices qu'il ferait en sa faveur. Ensuite, comme la plupart des forteresses des Pays-Bas autrichiens se trouvent sous la bannière de MM. les Étals Généraux, l'Empire n'en pourrait retirer aucune utilité; elles sont situées, l'expérience le prouve, de façon à être toujours le théâtre de la guerre. Si S. M. I. ne peut pas se fier à la solennelle garantie de la (/iiadiuple alliance qu'Elle a obtenue pour ces pays des couronnes de France, d'Espagne, d'Angleterre, ainsi que de MM. les États Généraux, contre tout agresseur même avec menace de guerre, il serait souverainement préjudiciable pour l'Empire de devoir, moyennant une nouvelle garantie, prendre à sa charge les luttes futures et les frais énormes qui en découlent ; de s'écarler des traditions qui ont assuré jusqu'ici la conservation , la pros|)érité et le repos de l'Empire, et d'assumer, sans nécessité aucune, pour les possessions italiennes et les Pays-Bas, un long et dangereux engagement qui n'est pas loin de ressembler à un vasselage et qui serait une cause de danger perma- nent et d'affaiblissement pour l'Empire. Enfin, il y a à peine deux ans, en 1729, que l'envoyé d'Autriche s'est plu à olïrir à l'Assemblée permanente de l'Empire une demi-quote électorale, ce à quoi on a eu raison de réfléchir jusqu'à présent ^ » Malgré ces objections, les Étals se décidèrent à accorder la garantie réclamée, mais il ne paraît pas cependant qu'ils fussent d'opinion que la Belgique faisait encore partie de l'Empire. Toutefois, aucun acte quelconque ' Mosers Actu publica die Oestcrrcich. Saitct. Pragm. belreffeiid , p. 173. 352 HISTOIRE DES RAPPORTS n'avait rompu le lien qui unissait les Pays-Bas à rAllemagne : ce qui para- lysait TEmpire, c'étaient la crainte de Tétranger, Tatonie intérieure et plus encore les divisions nées de la rivalité des intérêts. L'Europe recommençait à jouir des bienfaiis de la paix, lorsque la mort d'Auguste II, i-oi de Pologne, ralluma la guerre en 1733. Cet événement eut des consé(piences imporlanles pour notre pays en ce que, pour la pre- mière fois, la Belgique se vit appliipier accidentellement un principe qui devait, un siècle plus tard, être inscrit dans le droit public européen. Une partie de la nation polonaise avait déféré la couronne à Stanislas Leckzinski, qui déjà avait été mis sur le troue, en 1704., par les armes de Charles Xil; une autre partie élut Frédéric-Auguste, électeur de Saxe, sous le nom d'Auguste III. La czarine soutint l'électeur de Saxe qui fui aussi protégé par l'Empereur dont il avait épousé la fille. Charles VI et l'impératrice Anne envoyèrent des corps de troupes sur les frontières de la Pologne. Le roi de France, gendre de Stanislas, trop éloigné de la Pologne pour y faire la guerre, chercha, dans rintérêl que prenait l'Empereur à l'élévation de l'électeur de Saxe, un motif pour attaquer l'Allemagne et les États de lEmpereur en Italie. Les rois d'Espagne et de Sardaigne s'unirent à la France, et leurs forces réunies obtinrent de grands succès. L'Empereur, voyant ses provinces attaquées et l'indivisibilité de ses États en danger d'être ronqnie de son vivant, réclama l'assistance des Anglais et des Hollandais. Ils avaient reconnu cette indivisibilité comme essentielle pour le maintien de l'équilibre de l'Europe; ils venaient de s'engager par l'article 2 du Traité de Vienne de 1 73 1 à la garanlir, et ce fut eu considération de cette garantie que l'Empereur avait sacrifié la Compagnie d'Ostende; mais il ne put obtenir en cette occasion l'accomplissement réciproque de l'engagement des puissances maritimes. Les Hollandais et les Anglais prirent un moyen terme. Ils offrirent à la France d'observer la neutralité si elle voulait s'abste- nir d'attaquer les Pays-Bas autrichiens. Le 24. novembre 1733, la France et les États Généraux conclurent, en conséquence, une convention dans laquelle la neulraUlé des Pays-Bas fut proclamée. Le Roi T.-C. déclara qu'il n'attaquerait pas ces provinces, et les DE DROIT PLBLIC, etc. 5o3 Hollandais s'engagèrent en échange à ne prendre aucune pari aux affaires de Pologne, ni aux différends qui en étaient ou qui pouvaient en être la suite. La Belgique ne fut, en réalité, pas attaquée et le roi de France, en guerre partout avec rEm[)ereur, conserva toujours un ministre à Bruxelles auprès de la gouvernante, rarcliiduchesse Marie-Elisabeth '. Le reste du règne de Charles VI fut, au point de vue du droit public, sans intérêt pour Thisloire des rapports de la Belgique avec TEmpire. iMais il fut imporlant à un autre point de vue que nous devons signaler. L'insuccès de la tentative (pi'avait faite l'Empereur pour relever le com- merce national par Térection de la Compagnie d'Ostende ne l'avait pas disirait du désir de renouer les liens singulièrement relâchés des Pays-Bas avec l'Empire, il jugea que le meilleur moyen d'y parvenir serait de rétablir tout d'abord les relations financières qui avaient cessé entre les deux parties depuis plus d'un demi-siècle. Dès le 40 juin 1729, il offrit au Conveni de l'Empire de coniribuer, au nom du Cercle de Bourgogne, dans l'enlrelien de la Chambre impériale, à raison de la moilié de ce que payait un électeur, soit loO lîorins pour le canon simple, et d'acquitter les 7 canons annuels, soit 1,050 florins, non pas seulement à partir de 1729, mais depuis 1716, année à laquelle les Pays-Bas lui avaient été remis. Charles Vi y mettait toutefois une double condition : il aurait le droit de présenter un assesseur à la Chambre impériale, et les États de l'Empire assureraient au Cercle de Bourgogne, d'une manière plus efficace que par le passé, la protection et la défense qu'ils lui devaient en vertu des stipulations de la Transaction de 154-8 -. Il y avait loin de celte offre à celle de Charles-Quint en vertu de laquelle le Cercle devait payer, dans les charges énumérées plus haut, le double de la (|uole d'un électeur; mais les temps n'étaient plus les mêmes; les Pays-Bas avaient été tellement démembrés que leur territoire primitif était réduit de plus de moitié; ils étaient, d'ailleurs, épuisés par une longue série de guerres. Aussi la proposition fut-elle acceptée sans difficulté par les électeurs. L'en- ' Neny, Mim. liisL, pp. l6o, IGC. Éclit de 1784. — Voy. le traité cliez Rousset, Recueil historique iVucles, néyociations , vie, t. IX, p. 441. 2 Reichsfuuia , part. VI, p. I. 3S4 HISTOIRE DES RAPPORTS voyé d'ÂiUiiclie présenta, le 5 juillet suivant, un nouveau mémoire aux Étals clans lequel il disait que « le collège des électeurs ayant adhéré à la déclara- tion impériale, il ne doutait pas que les deux autres collèges n'en fissent au- tant; que l'Empereur, malgré l'amoindrissement du territoire des Pays-Bas, par suite des conquêtes de la France, etc., était toujours prêt à supporter les charges qui lui étaient imposées dans les matricules de l'Empire et à en payer le montant, — le terme simple calculé à 914 florins — mais toujours sous les conditions susdites, et qu'il désirait obtenir de l'assemblée une déclaration conforme '. » Plusieurs Étals, — la Bavière, entre autres, — étaient d'avis que la propo- sition devait être déclinée, parce que l'Empire assumerait une nouvelle obli- gation envers les Pays-Bas, tandis qu'il n'en retirerait aucune utilité; cepen- dant l'offre de l'Empereur fut agréée et la cour de Vienne transmit l'ordre au gouvernement des Pays-Bas de remplir les intentions de l'Empereur; mais il ne parait pas qu'il y ait été satisfait aussitôt. Le 3 juillet 1733, le Conseil des finances à Bruxelles reçut par l'entremise de la gouvernante, l'archidu- chesse iMarie-Élisabetli, une dépêche impériale |)ortant que « pour les besoins fort pressants on exigeoit des cercles la contribution de six mois romains » et ordonnant « que la quote-part de cette contribution pour le Cercle de Bourgogne, s'élevant à 5,484 florins d'Allemagne, fût payée par les finances des Pays-Bas, que la moitié on fût remise aussitôt au baron de Jodoci, envoyé de l'Empereur à Ratisbonne, et que l'autre moitié fût tenue prèle pour lui être pareillement envoyée avec un ordre de remettre à S. A. S. la (|uittance correspondante du trésorier de l'Empereur. » Le Conseil des finances accueillit ce décret avec fort peu d'empressement. Les conseillers, comte Defl'onseca, Rubens et Slrozzi, représentèrent que « les Pays-Bas ayant été, par le traité de lo48, soumis et obligés à lu con- tiibution de l'Empire, on avait, toutes les fois qu'elle était demandée, pro- posé par consulte les aydes et subsides des provinces pour fonds naturel de cette coniribulion. » Mais, ajoutent-ils, « comme on a presque toujouis excusé ce payement à l'Empire par la nécessité d'employer cette contribn- ' Bloser, t. I, Slaal.srwlit , t. I, [). Ô20. — Reiclisfuina , iliiil. DE DUOIT PUBLIC, etc. 335 tion à la défense de ces pays, nécessaire pour la conservation el la iranquil- jilé de rEm|)ire, et qu'à présent les aydes et subsides et au delà s'employenl à cette fin aux fortifications etc., le conseil prie S. A. S. d'intercéder auprès de TEmperour pour qu'il daigne décharger les Pays-Bas de cette nouvelle obligation. » L'archiduchesse jugea ces raisons insuflïsantes et , par une apostille para- phée de sa main, en marge de la consulte dont nous venons de parler, déclara que S. M. ayant trouvé moyen de réduire à un finarl la taxe à laquelle Charles -Quint s'était obligé, il n'était guère possible de marchan- der le payement d'une somme si modicpie; cpie la première moitié de la sonmie devait être remise à destination « en la prenant hors du premier casuel qui viendrait à entrer dans la caisse des deniers réservés à la dispo- sition de la gouvernante. » Cet ordre n'admettait pas de répli(pie. Le payement fut exécuté aussitôt : il ne devait pas tarder à être suivi d'autres plus considérables. Charles VI avait assuré à la Belgique, nous venons de le dire, les bienfaits d(! la neutralité pendant la guerre de la succession polonaise ; mais il ne dépendait pas de lui de ne pas faire contribuer nos provinces dans les dépenses que cette guerre occasionnait à l'Empire. Le 23 août 1734, l'Empereur écrivit à sa sœur que la diète de Ratisbonne ayant imposé à chaque Etal de l'Empire de participer aux frais de la guerre par trente mois romains payables en trois époques (fin août, fin septendjre, fin novembre), le Cercle de Bour- gogne avait à verser entre les mains du représentant de l'Aulriche à la diète, baron de Palm, la sonnne de 27,4.20 florins, plus un payement arriéré de 1,828 florins. Le Conseil des finances ne fit cette fois aucune objection à cette demande; mais « vu la courlresse généralement connue, » il suggéra le moyen de faire lever la somme entière sur les 227,000 florins restants du secours extraordinaire que les États de Brabant avaient voté pour la subsistance des troupes et la mise en état des fortifications. Il est probable que ce moyen fut adopté; au moins n'avons-nous point trouvé la preuve du contraire. Cependant le trésor belge se trouvait toujours dans une pénurie extrême, et les versements pour l'entretien de la Chambre impériale étaient fort Tome XXXVI. 46 5d6 histoire des RAPPORTS négligés. Une lettre de rarchiiluchessc, du lo septembre 1738, rappela au Conseil « (|u'il s'agissait d'accoinplir les engagements de S. AI. ( faits en 1729) el de payer la quote-part (|ui porte par an 811 reichsdalers, 35 kr. ou 1217 11. 23 kr. d'Allemagne, en deux ternies, à Francfort, entre les mains du trésorier de ladite Chambre, M. de Schoi'lemer, à savoir à la fêle de la JNalivilé de Notre-Dame (septembre), et à la fête de TAnnonciation (mars), à commencer par le payement pour la fête passée de la Nativité. » Cet orili-e n'ayant pas été exécuté, l'Empereur, par lettre de cabinet du 20 mars 1740, écri\it ce qui suit : « .Fay derechef résolu de faire paier exactement par mes finances des Païs-Ras, à Téchéance de chaque terme, le canon courant et un canon arriéré de la dite quote-part, commençant à compter les arrérages depuis la fin de l'année 1713, auquel j'ai été mis en possession effective de mesdits Païs-Ras, me })romettant du zèle et de l'atten- tion que le comte de Virmont, président de la dite Chambre,... témoigne |)our le bien ûo mon service , qu'il persuadera et poi'tera la Chambre à se contenter du terme a quo au lieu de celui de l'an 1G73, qu'elle avait d'abord prétendu (|ue les ari'érages devi'oient commencer à avoir cours. » La Chand)re impériale se rendit au désir de l'Empereur. Le 12 juin, le comte de Virmont inlorma le comte de Ilarrach qu'il avait reçu les quotes- parts du Cercle de Rourgogne pour les années 1716 à 1719 et 1739. Par suite d'une méprise, une somme trop forte avait été envoyée pour l'année 1716; elle servit à éteindre l'arriéré jusqu'en 1719. Il est donc acquis que les Pays-Ras n'ont point contribué dans l'entretien de la Chambre de Wetzlar depuis 1675 jusqu'en 1716 et que la Chambre leur fit remise de ce qu'ils auraient dû acquitter de ce chef. Jusqu'en 1719, le canon ou terme à acquitter à la Nativité et à l'Annon- ciation se payait sur \e pied simple de 113 fi. 85 kr.; à partir de cette année, il fut calculé sur le pied refumssé, ce qui le lit monter à 405 florins 72 '/._, kreutzers '. En oITrant, en 1729, aux États de l'Empire, de contribuer dans les charges communes poui' la moitié d'une jiart électorale, l'Empereur, nous ' Arcliivcs (le Bruxelles. Conseil cl(!S finances. Carloii : Cliuiiilirc. impi-riulc de H'elzhir. DE DROIT PUBLIC, etc. 3u7 l'avons vu, avait stipulé que TEnipii-e assisterait ses provinces des Pays-Bas et que le Cercle de Bour^fogne pourrait, comme cela avait eu lieu précé- demment, nommer un assesseur près la Chamhrc impériale. Cette double condition fut acceptée; mais il ne fut donné suite qua la seconde. Le o mars 178o, Charles VI demanda des éclaircissements « sur la ques- tion de savoir tiepuis quand et pourcpioi on a cessé d'entretenir à ladite Chambre l'assesseur pour h' Cercle de Bourgogne » et enjoignit que cette charge fut rétablie '. Un nonuné de Speckmann avait sollicité cet emploi et donné ainsi l'éveil à la Cour impériale. Le Conseil privé, qui appréhendait de nouvelles dépenses, ne se hâta point de répondre, et, un an plus tard, foi'ce fut au Gouvernement général de lui rappeler l'adaire en insistant pour obtenir pronq)tement les rensei- gnements désirés. Les mendjres du Conseil adressèrent un rapport à l'Empereur le 15 no- vembre 1737, c'est-à-dire plus de deux ans et demi après en avoir été requis. Ils exposèrent longuement que Ciharles-Quint avait nommé un asses- seur près la Chambre impériale en vertu de la Transaction d'Augsbourg et qu'il avait affecté au payement de sa contribution les domaines de Brabant au quartier d'Anvers; que ce payement, après avoir été effectué avec plus ou moins de régulaiité jus(pi'au milieu du XVIU' siècle avait cessé, malgré les efforts et les instances de Broquart : (pi'à la mort de ce dernier, la Chambre avait refusé de recevoir son successeur, Piei're d'Ulllinghen, se fondant sur le défaut de payement de la j)art du Cercle de Bourgogne, et que depuis lors ledit Cercle n'y avait plus eu d'assesseur. La conclusion de ce rapport mérite d'être citée en entier; elle établit une fois de plus l'état de délabrement où se trouvaient les finances des Pays-Bas : « Le Conseil supplie S. 31. de ne plus nommer d'assesseur ; le défaut dans lequel les rois d'Espagne sont restés d'en nommer un n'a apporté aucun préjudice aux droits, hauteurs et |)rééminences de S. M., puisque, nonobstant cette interriq)lion, le droit de S. M. de nommer est hors de dispute et le corps germanique n'a jamais mis ce droit en doute... » Pourquoi donc ne * Arcliives de Bruxelles. Conseil privé. N" u53. C.irlon : Places d'assesseurs ù lu Cliunihre impériale. S'icS HISTOIRE DES RAPPORTS pas en user? « Si on on noninioit un , ceux de la Cliamljro de Wetzlar no soroient-ils pas ou droit ûo redemander tous los ari'éragos qu'ils prétendent d'exiger suivant les recès de l'Empire pour l'entretien do ladite Chambre P.. . Si on vouloit faire i-ondre ce droit et que S. M. trouveroit convenir d'y com- meltre un assessetu', il seroit nécessaire avant tout d'ajuster cette différence concernant lesdils arrérages... » Le Conseil terminait en disant que les sujets des Pays-Bas n'a\aient pas souffert de l'absence d'un assesseur à la (Chambre impériale et qu'ils no retireraient aucun avantage de sa nomination. Enlin, il déclinait, on tout état de cause, le choix de Speckmann, « ce candidat n'étant pas natiC du Cercle de Bourgogne. » Les observations du Conseil privé n'eurent point d'elïet. Le Gouvernement décida, le lo janvier 1738, qu'un assesseur serait nommé. On s'adressa successivement au Gi'and-Conseil et au Conseil de Luxembourg pour la pré- sentation de candidats capables, et le choix se fixa sur François-Valère de Haver (octobre 1740). A la mort de Charles VI le nouveau titulaire n'était pas encore agréé par la Chambre impériale. Nous verrons que lorsqu'il eut été accepté, le Gouvernement songea aussi à pourvoir à la nomination d'un avocat et procureur. Lorsque la maison d'Autriche devint souveraine des provinces belges, la question monétaire ne fut point sensiblement modifiée. La monnaie autri- chienne étant la même que celle de l'Empire, les Pays-Bas firent entendre les mêmes plaintes que celles qu'ils avaient exposées jusque-là contre l'intro- duction de monnaies qu'on n'avait pas reconnues en Belgique. En 1748, à la Banque d'Amsterdam, 1 reichslbaler était compté pour 30 sous et 1 ducalon pour 60. La grosse monnaie [courant ou pemwujsfjeld) consistait principalement, nous l'avons vu plus haut, en Belgique, dans les Alberlusllialers , ap|)elés aussi patagons. Dans l'édil sur les monnaies de 1022, il leur est attribué une valeur de 18 1/2 engels; on les cola à 48 sous. La Banque d'Amsterdam les acceptait moyennant 4 ^:o de perte. Vis-à-vis de l'Empire, ils valaient 1 fiorin 30 '7,-, kreulzers '. ' Voy. Praun, /. c, pp. 538 et suiv. DE DROIT PUBLIC, etc. 359 Dans les Provinces-Unies, le couranigeUl consislait dans le (owenthalcr hollandais el le florin. Le premier faisait 40 sous el le second 20. Vis-à-vis de TEmpire, le florin valait 4-8 kr. et le ihalor le double '. Il y avait une monnaie courante en usage dans les Pays-Bas du nord comme dans ceux du midi. Celaient les cscalins [schellwfjcn) dont 8 for- maient 1 Allji'flHslhaler. D'après les vérifications faites à P»atisbonnc, 50 escalins coniprenaient dans le marc brut 9 lollis de fin , et 1 escalin valait 1 5 kreutzers '. La monnaie divisionnaire consistait en sous [sluivefs], gros {gro(en), dûtes [deuten) el deniers (penningeu). 6 sous valaient 1 escalin; 2 gros, 8 dûtes ou 16 deniers, valaient 1 sou. Dans le dernier recés de la diète, relativement à la question monétaire, on compta 60 sous pour 90 kreutzers et 1 '/a kreutzer pour 1 sou '\ Le lien qui s'afl"aiblit graduellement entre la Belgique et PEmpire rendit inutiles toutes les réclamations de ce dernier par rapport à ses monnaies. Cette situation resta la même jusqu'à Pincorporation de la Belgique à la République française. ' Voy. Praun, p. 3o8. - Ibid., j). 367. 5 Ibid. 360 HISTOIRE DES RAPPORTS CIIAPITIIE IX. lirgiic de Maric-TliérTse. — Guerre de Silésie. — Frédérie 11 ne reeonnait pas lu lielgi(|iie eoiimie faisant parlie de rEnipire. — Eiivaliissemenl de la Belgique par Louis XV. — Projet de cession de la Belgique eontre la Silésie. — Traité de Versailles. — Exécution des mande- ments de la Chambre de Welzlar. — L'Empire devait-il intervenir dans les cessions de ter- ritoires du Cercle de lîourgogue? — Consuiles du Conseil privé. — Joseph II. — Projet d'échange de la lîelgique contre la Bavière. — Les démarches de Frédéric II le font avorter. Bévolutions brabançonne et liégeoise. — Intervention de l'Empire dans l'une et dans l'autre. Fin du règne de Joseph 11. — Détails sur les dernières contributions fournies par la Bel- gique dans la Chambre Impériale. — Derniers assesseurs. — Il n'y a plus d'avocat et pro- cureur. — luvasiiMi française. — Attitude de l'Empire et de la Prusse. — Annexion de la Belgi(]ue. Les efforts de Charles VI pour faire garantir la Pragmatique Sanction font honneur à sa prévoyance; mais les événements (|ui suivirent sa mort prou- vèrent bientôt combien le prince Eugène avait eu raison de dire « qu'une armée de 100,01)0 hommes la garantirait mieux que cent mille traités. » A peine TEmpereur était-il descendu dans la tombe (ITiO) qu'une coalition formidable assaillit son auguste iiéritière. La Belgique allait-elle être de nouveau impli(|uée dans les collisions san- glantes dont TEurope était alors le théâtre? Il était permis de le craindre. Toutefois plusieurs années se passèrent avant que l'ennemi y pénétrât; mais lorsque le territoire belge fut violé, l'Empire conserva son altitude inerte et passive. Si, d'aventure, on discutait à la Diète une question d'une importance majeure, le temps se passait en discours stériles, et l'alfaire demeurait sans décision '. Celle attitude des États de TEmpire était en grande partie l'œuvre de Fré- " L indifférence de la diète s'explique par les considérations suivantes : a Quant à VKnijnre cm-maniiiue, il ne figurait jamais comme tel dans les grands événements. Les membres, liés par une constitution incohérente, agissaient isolément selon leur position respective, leurs affections ou peut-être même selon les subsides que leur accordaient les grandes puissances. » (Garden, t. III, p. 12^2.) — «Le corps germanique est puissant, si vous considérez le nombre de rois, d'électeurs et de princes qui le composent; il est faible, si vous examinez les intérêts opposés qui le divisent. Les diètes de Ratisbonne ne sont qu'une espèce de fantôme qui rap])elle la mémoire de ce qu'elles étaient jadis. C'est une assemblée de publicistcs plus attachés aux formes qu'aux choses. » Frédéric 11, Ilisloirc (h mon temps, t. I. DE DROIT PUBLIC, etc. 561 déric II. Ce prince irignorait pas que la Belgi(|ue formait un des dix Cercles de l'empire d'Allemagne, mais il imporlait à sa politique de pouvoir offrir à la France, son alliée naturelle, un dérivatif chaque fois qu'il méditait de faire quelque conquèle en Allemagne, et rien ne devait être plus agréable aux Français que de pouvoir se dédommager, aux dépens des Pays-Bas, des succès du grand Frédéric. Lorsque le roi conclut avec l'empereur Cliai-jes VII le traité (secret) connu sous le nom d'Union de Francfort (24 juillet 1744), il ne réserva pas l'intégrilé de l'Empire, en ce sens qu'il ne compta pas les Pays-Bas comme y étant compris. L'article 9, il est vrai, portait : « ... Ce traité n'a d'autre objet que le rétablissement du repos et de la tranquillité dans l'Empire el le mainlien de son système '. » Mais puis(|ue Frédéric ne défendit pas à la France, qui avait accédé au traité, d'envahir les Pays-Bas, il fut censé admettre que ceux-ci ne faisaient pas partie de l'Empire. Ainsi encore, après avoir conclu avec Marie-Thérèse la paix de Dresde {1745), il déclara qu'il ne croyait pas devoir lui garantir la possession de ses provinces belges, bien qu'il lui eût promis de faire respecter tous les pays qu'elle possédait en AUenuujne: car, disait-il, « ces provinces ne font plus partie du corps germanique. » A Vienne, on soutint naturellement le con- iraire parce que « la Belgique était une partie importante de l'empire d'Alle- magne. » Toutefois Frédéric H persista dans son opinion ". Mais ce n'était là évidemment qu'un moyen adroit de déguiser des arrière- pensées de conquête. Aucune séparation, répétons-le, n'avait été prononcée entre les Pays-Bas et l'Empire, et si Frédéric II s'exprimait comme nous venons de le dire, il s'emparait habilement du sentiment d'une partie des États de l'Empire qui avaient refusé l'intervonlion du corps germanique dans l'affaire de la Compagnie d'Ostende et qui, plus lard, avaient répondu d'une manière évasive lorsque Charles VI leur avait demandé de garantir la suc- cession de tous ses Étals héréditaires. Aussi verrons-nous, en 1792, le roi de Prusse tenir un autre langage. Les alliés de Marie-Thérèse partageaieni naturellement l'opinion de la ' Gardcn, i. III, p. 312. 2 Hœberlin, Jaluhtichdes teiit.iclien Slaalsrechls, t. I, pp. 77-7J 562 HISTOIRE DES RAPPORTS cour do Vienne. Lorsque le roi de Pologne, électeur de Saxe, le roi de la Grande-Bretagne, électeur de Hanovre, la reine de Hongrie et les Provinces- Unies conclurent raliiance de Varsovie (8 janvier 1745) , le rétablissement et rafCerniissemenl de la paix et du bon ordre en Europe et parliculièrenienl dans l'Empire lut un des buts de Taccord (art. 2). Or, le roi -électeur de Hanovre devait, à la première réquisition. Taire marcher aux Paijs-Bas, ou ailleurs dans l'Empire , un corps de 10,000 hommes (art. 6) '. L'inaction des États de TEmpiie donnait raison en apparence aux paroles de Frédéric H et favorisait la politique de la France. La Belgique, qui avait été déclarée neutre en 1733, fut envahie une première fois par une armée française commandée par Louis XV en personne Çl'ii), et bientôt après par le maréchal de Saxe (H/to). Mais les Français se gardèrent bien de toucher à la Gueldi'e, de peur de froisser leur allié Frédéric H. Marie-Thé- rèse fit en vain protester à la Diète par son envoyé, le baron de Palm, contre Tinvasion de la Belgique" : TEmpire ne chercha point à la défendre. Ce n'est qu'à partir de la paix d'Aix-la-Chapelle (1748) que la Belgique put respirer, et l'on sait combien l'administration exercée, au nom de Marie- Théi'èse, par le |)riiice Charles de Lorraine fut bienfaisante et réparatrice. Au commencement de la guerre de Sept Ans, le grand Frédéric révéla encore une fois que rinlérèl de sa politique lui commandait de ne pas com- prendre, comme prince de l'Empire, les Pays-Bas parmi les membres du corps germanique. George H, roi d'Angleterre et électeur de Hanovre, redou- tant les préparatifs de guerre de la France, demanda à l'impératrice-reine des troupes auxiliaires qu'il croyait pouvoir exiger d'elle comme allié et garant de la Pragmatique Sanction. Marie-Thérèse déclina celte demanda sous pré- texte qu'elle était menacée d'une invasion de la part du roi de Prusse si elle envoyait des troupes dans la basse Allemagne. L'électeur se tourna aussitôt du côlé de Frédéric 11 et mit son électoral sous la protection de ce monarque. Le Traité de Westminster (6 janvier 17 56), qui avait pour but que des troupes i'iraïKjères n'enlrassenl en Empire, fut conclu à cet eflet. Dans le cas où • Gardcii, t. III, p. 319. - Arciiivcs (lu Roy;umic. Conseil |iii\é, 11° uoô. Places d'assesseurs, clc. DE DKOIT PUBLIC, etc. 363 quelque puissance lenlerait, sous n'importe quel prélexle que ce pùl èiie, de faire entrer des troupes en Allemagne, il était convenu, par rarlicie 2, que les deux parties contractantes uniraient leurs forces pour maintenir la Iran- quillité en Allemagne; mais, par un article secret, les Pays-Bas autrichiens furent déclarés n'être pas compris dans celte convention de neutralité '. Cependant l'impératrice -reine éprou\ait le plus vif chagrin de la perte (le la Silésie, la plus riche province de ses États allemands. Aussi ne re- iionça-t-elle jamais à l'espoir de la recouvrei-. Impuissante à l'arracher des mains de la Prusse, elle invocpia le secours de la France et lui proposa d'échanger une partie de ses possessions belgiques contre la Silésie. Si l'Au- triche parvenait, grâce au concours de la France, à reconquérir cette dernière, l'Impératrice s'engageait, par compensation, à céder en propriété à Louis XY un certain nombre de villes a\ ec leurs territoires -. Les négociations entamées à cet effet n'aboutirent pas; mais la France et l'Autriche signèrent bientôt, à Versailles, un traité (|ui leur donnait cer- iBines assurances réciprocpies ( l'^'' mai 1756). La Convention de neulraiité statuait (pie, la tranquillité publitpie étant n)enacée parles différends qui divi- saient la France et la Grande-Bretagne, l'impératrice-reine ne prendrait, ni directement ni indirectement, aucune part aux susdits différends, mais qu'elle ' Garden, t. IV, p. U. 2 I La cour de Vienne avait perdu par la (k riiière guerre les ducliés de Silésie, de Parme et de Plaisance; elle souffrait iuipalieinnieiit celle diiniuulion de puissance; et comme elle en rejelait la faute principale sur les Anglais, qu'elle n'accusait pas sans raison de saerilier les intérêts de leurs alliés aux leurs propres, cela la dégoùlail de cette alliance et la (lorlail à souder le terrain à la cour de V'crsailles, afin d'essayer de dclaclier celte ])uissance de la Prusse et en inènie temps de trouver (juelque expédient pour concilier les iiiléréls des deux cours. Le comte Ivaunilz, duipiel ce projet venait particulièrement, étant pléni|)Otcnliaire de rim|)éralrice-reine à Aix-la-Chapelle, ne larda pas à en faire les ])rcmièies ouvertures à M. de Sainl-Sévérin , eu lui disant, par manière dinsinuation , que si la l'iance \oulait s'entendre avec la maison d'Au- tricli(;, il v aurait des engagements de bienséance à prendre entre les deux cours, moyennant lesquels la Flandre et le Braliaut pourraient demeurer en propriété de S. M. T.-C, pourvu (pi'elle voulut obliger le roi de Prusse à resliluer la Silésie à I impéralrice-rcine. L'ajqiàt était bien propre à tenter la cour de Versailles si Louis XV, excédé de la guerre qu'il venait de ter- miner, n'eût craint d'en recommencer une nouvelle pour exécuter ce projet; de sorte que M. de Saint-Scvérin déclina ces offres, tout avantageuses qu'elles étaient. » Garden, t. IV, pp. 10 et 17. ÏO.ME X\\\ I. ^tl ÔG4 illSTOlUH DES UAPPOIlTS observerait une parl'aile et exacle neulralilé poinlaiil loul le temps que poiii- i-ail durer la guerre occasionnée par ces différends. Le roi de France |)ro- mellail, de son côté, de n'alla(|uer ni d'envahir les Pays-Bas ou autres Elals de Pimpéralrice-reine '. Le premier des cinq articles secrets, comprenant le Haité lui-même, don- nait une force nouvelle à ces stipulations. La neutralité ne fut iïuère res- pectée ; mais la clause secrète jjrotégea le teri-itoire beliïe - pendant plusieurs années jusqu'à la paix de Huherishourg qui mil lin à la guerre de Sept Ans et maintint définitivement à Frédéric la Silésie et le comté de Glatz. Le Traite de Versailles changeait le système |)oliti(pi(' de l'Europe en faisant succéder une alliance intime à la rivalité séculaire des maisons de Habsbourg et de Bourbon. II fut fatal pour la France, mais fort avantageux pour la Belgique laquelle, alors que toute l'Europe était en feu , eut le bonheur de jouir dinic tranquillité profonde''. Les arrangements contenus dans le Traité de Versailles reçurent bienlol une conlirmation. Les ministres qui avaient conclu ce traité en signèrent un autre qui n'est pas moins curieux pour l'histoire de la Belgique. Le but était ex|)rimé dans le préambule : cétait d'assurer le repos général de l'Europe (>t le repos particulier de l'Empire, en réduisant la puissance du roi de Prusse dans de telles bornes qu'il ne fût plus en son pouvoir de troubler à Tavenir la tranquillité publique. En échange des troupes que Louis XV fournirait à Marie-Thérèse, et aussitôt que rim|)ératrice auiait été mise en possession des pays qu'elle méditait de reconquérir , elle céderait à la France la souveraineté de Chimay et de Beaumont, les villes et ports d'Ostende et de Nieuport, les villes d'Ypres, de Furnes, de Mons, le fort de Knocke et une lieue de tei'ri- toire à l'entour desdites villes et forteresses (art. 11). Elle céderait le reste des Pays-Bas à l'Infant don Philippe, duc de Parme — dont les États devaient être incorporés à la monarchie autrichienne, — et à sa postérité mâle et fémi- • Wenck. Corp.jur. Genl. rec, t. III,)). 139. — Gardon, p. .10. - Ccpcnilant, rrédcric nvait l'ait pronicUre au roi dAiiglctcric, i)ar le traiu' du 11 jnn\ii'i- 1757, d'inquiéter la France .sur ses eûtes ou dans les Pays-Bas « afin de faire une pnissanic diversion en faveur de S. M. Prussienne » (article 5). Garden , t. IV, p. 30. '■ Builelin de rAcadumie, t. XVII, l'" jjart., p. 378 et suiv., art. de M. Gachard. — Ranke, t. IV, /. f. DE DROIT PUBLIC, etc. 36S iiiiie. L'impératrice se résorvait toutefois : l" voix et séance aii\ diètes de l'Empire, ainsi que le droit de présentation à la Chambre impériale, droits annexés à la possession du Cercle de Bourgogne; 2" la collation de Tordre de la Toison d'or; 8" les armoiries et les titres de la maison de Bourgogne ^ Quelque regret qu'on éprouve de voir, dans cette alliance, une partie des provinces belgiques sacrifiée aux combinaisons de la politique, on doit ri'connaître que Marie-Thérèse y attirmait hautement l'union du Cercle de Bourgogne avec l'Empire. Toutefois, conunent pouvait-elle concilier la ces- sion éventuelle d'un certain nombre de villes et de places fortes des Pays-Bas avec les stipulations de la paix d'Ltrecht qui avaient expressément interdit une cession semblable? Cela prouve une fois de plus jusqu'à quel point les membres du corps germanique étaient indilTérents à ce qui ne les concernait pas personnellement. Une question qui touchait également aux rapports du Cercle de Bour- gogne avec l'Empire et que l'on agita à cette époque était celle de savoir s'il convenait que « le Directoire du Cercle de Bourgogne se chargeât des commissions de la Chambre impériale de Wetziar pour l'exécution des sen- tences du même tribunal » ou, en d'autres termes : « i" si l'on pouvoit combiner les commissions avec les droits, hauteurs, prérogatives et l'indé- pendance des pro\inces belgiques vis-à-vis des tribunaux de l'Empire, et "2" comment en ce cas il pourroit être à propos d'arranger la consonmiation de cette affaire sans préjudice au roial service , ni aux fidels sujets de S. M. aux Pais-Bas. » Le Conseil privé, à qui l'on soumit la question, se fondant sui- l'article 21 (le la Transaction d'Augsbourg, conclut en principe pour la négative; mais il émit en même temps l'avis qu'il serait utile d'exécuter les commissions parce que « le Cercle de Bourgogne gagneroit par là plus d'influence dans les affaii'cs de l'Empire ^ » La maison d'Autriche continuait à avoir siège et vote à la diète de l'Em- pire pour le Cercle de Bourgogne et à présenter un assesseur pour la Chambre ' Garden, t. IV, p. 4-i. - Du 27 septembre 17;j(). Archives de Bruxelles. Conseil privé, n' o?)3. Places d'asse.'<- sciirs , etc. 366 HISTOIRE DES RAPFOUÏS iiHp(''ri;ii('. Pciidiiiil les longs pourparlers (|ui eurent lieu, en 1778, à Ilatis- honne, concernant Porganisation de cette Chambre, le droit de « visilation » et de révision, etc., le Cercle de Bourgogne vota comme PAutriche (30 juillet), sous la réserve de ses anciens privilèges garantis par la Transaction d'Augs- bourg '. Il coniribuait aussi dans l'entretien de la Chandjre impériale, comme nous le verrons dans un instant. C'est une preuve (pie la Belgique éfail considérée comme faisant partie, en fait, du corps germanicpie, tandis que, au point de vue du droit public, les Eltafs de l'Empire la Iraitaient paifois comme si elle en avait été détachée. Les écrits des publicistes de l'époque trahissent la même hésitation. Quel- ques-uns soutenaient que les Pays-Bas étaient, par suite du Traité d'Augs- bourg, séparés de l'Empire, de sorte ((u'il n'existait entre ces provinces et l'Empire que des relations internationales réglées par ledit traité, de telle façon (pie les Pays-Bas étaient soumis aux charges stipulées de commun accord cl jouissaient d'un droit de protection qui devait leur être accordé, au besoin, par la force des armes. Mais la plupart étaient d'avis que la Beïgi(jue formai! une partie inl(''graute de FEmpire jouissant seulement d'exemptions et de pri- vilèges extraordinaires'-. Moser, un des plus célèbres auteurs de droit public du XVllI'' siècle, pi'it un moyen terme: « Si, dit-il, l'on prend en considé- ration l'ensemble des faits et qu'on en veuille tirer des conséquences, on ne sait que dire et on peut soutenir l'une et l'autre opinion. Tantôt l'Empire reconnaît les Pays-Bas comme un de ses membres intégrants et le reconnaît encore aujourd'hui comme tel (1737); tantôt, notamment s'il s'agit de leur prêter une aide eflicace, il leur refuse cette qualité. La Belgique, de son côté, lorsqu'elle est dans l'embarras, veut appartenir à l'Empire et lui demande ' « Burcjiiml. Dicscs Ilcrzogtliiinis Frcyliciteri , Ueclitcn, Gcrctlilii^kcilcn , Excmtion dcr Appclliiiion und jiiriscliclion in Folj^n des aiif dm ReiclisUig zii Aiigsbiirg ini jalir lîiiS mit kaiscri. .MajesliiL iind sanimllic^hen Sliiiidcii des Rciclis cingegnngenen ^'erU'ags, iiiiabbriiclilig und iinachlcilig, wic Ocslcrrcicli. » — Aicliivcs do nruxclics, Audience; liasse ; DiHc de liniis- Imnne, 1775. '^ Voy. Pfedcl, de Coluinr, anihassadciii' de France près la dicle de Ralishonne, Ahrégi (hroiiiildiiiriiie de l'iiislnire el du druit pulilie d'AlleuHKjiie ^ 17'j'(-, 'l' édil., 17'JS, p. C2!). — Piiilcr, J/islorische Eiitwicketuiiy der lieuli(/en Slaufsvei-fastiuiig des leulscheii Rcichs , 178{), \). U,0. DE DROIT PUBLIC, etc. 567 de venir à son secours; ces cas exceptés, elle prétend être un pays distiiicl et souverain, ne payant pas à l'Empire les contributions stipulées et ne se souciant pas le moins du monde de TEmpire. Aujourd'hui (pfelle fait partie des pays héréditaires de l'Empereur, la décision de la quesliitn dépendra de la politique (pi'il plaira à TEmpereur de suivre, de l'autorité et de l'influence (pie S. M. exerce sur la diète, des moyens qu'Elle aura d'j faire réussir ses projets et du parti qu'Elle prendra soit de se faire craindre, soit de s'insinuer près d'elle. Tantôt on dii-a qu'il existe un lien entre lEmpii'c et les Pays-Bas autrichiens; tantôt on dira le contraire; nous croyons avoir démontré que cette dernière opinion est aujourd'hui celle que les Etats de l'Empire parta- gent du fond du ci. ' 0. Klo|i|), rrieilricli II . Koniij von l'rciinsai iiiiil ilii- dciilsilie \(ill(in. |i. 'il)3. UE DROIT PUBLIC, lic. 369 démolir, en 1781 , les places fortes de la Belgique el en reiivo,v;int les gar- nisons que les Étals Généraux y eiilretenaienl en vertu du Traité de la Bar- rière. Sans cette précaution préalable, rechange projeté aurait pu éprouver de l'opposition tant de la part des Provinces-Unies que de la part des Pays- Bas autrichiens. Après s'être concilié rim|)éralrice de Bussie, Josej)h 11 Ml l'aire, vers la lin de 1784, à la cour de Munich, la proposition suivante: la maison Pala- tine cédera à TAulriche la haute el la basse Bavière, le haut Palalinal, le landgraviat de Leuchtcnberg et les duchés de Neuhourg et de Sulzbach , ou, en peu de mois, toutes les possessions dans le Cercle de Bavière, contre les l'ays-Bas autrichiens, « y compris les avantages que I Empereur était en droit d'allendre des Hollandais', » mais à rexceplion du duché de Luxem- bourg el du comté de Namur. Chaque partie se chargera des délies hypothé- quées sur les pays cédés; PEmpereur aura toujours le droit de négocier des emprunts dans les Pays-Bas; toutes les troupes el Tarlillcrie se trouvant dans les Pays-Bas resteront à rAulriche, ainsi que les troupes bavaroises; mais ce prince renoncera à la levée des recrues dans les Pays-Bas : si les revenus des Pays-Bas ne passent pas de beaucoup plus d'un million de llorins ceux de la Bavière , on ne demandera aucune compensation à réiccleur; mais si cet excédant est plus considérable, Pélecteur se chargera d'une partie pro- portionnée des dettes de la Bavière. Joseph emploiera ses bons olTices pour (jue la maison Palatine soil revèlue de la dignité de Roi de Dourtjoyne (c'est- à-dire de Belgique). Il payera à l'électeur une somme d'un million et demi de florins, au duc de Deux-Ponts (neveu de l'électeur) un million; au prince Maximilien de Deux-Ponls (depuis roi Maximilien-Joseph) un demi- million. L'échange sera garanti par l'Empereur et par les cours de Versailles et de Pétersbourg. Chose à remarquer, il n'était pas question de la garantie de j'Empire. La France devait recevoir, comme prix de son acquiescement, les pro- vinces de Luxembourg el de Namur; mais l'échange projeté n'eut pas lieu. Le duc de Deux-Ponls ne balança pas à déclarer qu'il n'accepterait jamais une proposition préjudiciable aux intérêts de sa maison ; il réclama en même ' C"esl-à-dirc hi lil)ci(é do rEscaut. r,7() HisToiai: des rapports (omps la proleclion du roi do Prusse. Frédéric II était trop convaincu, nous Pavons dit, do la prépondérance que la réunion de la Bavière aurait donnée ;t la maison d'Autriche, pour ne pas s'y opposer vivement. L'échange proposé était contraire au Traité de Pavie, qui donne à toutes les possessions de la maison Palatine le caractère d'un lidéicommis; il était contraire à la paix de Teschen qui confirme les pactes de lamille de celte maison. Si ces actes in- terdisent à Pélecleur raliénalion de la moindre partie de ses Étals sans le consentement unanime de ses agnals, les Traités dUlrecht et de Bade n'étaient pas moins positifs en défendant à la maison d'Autriche la cession des Pays- Bas. Des déclarations réciproques de Joseph !i et des princes de la maison Palatine mirent (in aux négociations '. il nous reste à parier des contributions du Cercle.de Bourgogne dans les charges de l'Empire et des emplois d'assesseur et d'avocal et procureur près la Chambre impériale, depuis le règne de .Marie-Thérèse. Au 30 décembre 1740, le moulant de tous les arrérages dus par la Belgi- (jue était de 17,855 fl. Ai) kr. ; le (Conseil des finances paya sur cette sonune 2,84.0 tl. 57 'Ai kr. Il paya aussi régulièrement les canons échus jus(pren 174-4., bien qu'en 1743 il fallût à cette fin un décret s|)écial de rEmperour. Au mois de déct^mbre 174.5, l'arriéré était de 3,4-93 11. Brab. 19 sous, 8 deniers, et l'administrateur de la Chand)re impériale insinua poliment que si les canons n'étaient pas acquillés le môme mois, il se verrait obligé de mettre « le haut Cercle de Bourgondie parmi les reslanis dans les listes ipPon imprime et |)ublie ordinaircinent au bout de l'an. » Rien ne peint mieux la détresse du Trésor pendant celle année 174-5, si désasireuse pour la Belgi(|ue et pour les armes impériales, cppune consulte du Conseil des finances signé par le manpiis de Ilerzelles et les conseillers Bervoet et Papeians de Morchov(Mi : « Comme nous sommes fort à l'élroit — ainsi y est-il dil — pour rargeni complanl et (|ue les droits d'enli'ée et de sortie (sur les (piels se |)ayaienl les canons) sont engagés..., nous avons cru devoir porter celle allaire à la connaissance de V. E. (le comie, plus lard prince de Kaunilz) pour èlre ' (liu-dcn , /. c, |)|). ;27;j et siiiv. DE DROIT PUBLIC, etc. 371 informez si nous devons continuer ces payments et si, pour les faire, nous pouvons prendre les deniers de ceux qui sont à la recette généiale (pioique réservez au\ ordres de V. E.... A cette occasion, nous La prions de remar- quer que nous ne sommes pas en état de fournir aux dettes courantes par les (■'puisemcns que les finances de ce pays ont du essuier pour avancer les quar- laux et les inlérèls de la levée sur la Silésie et faire des secours à la caisse de guerre ^ » 3Iais le comte de Kaunilz fit faire le payement par l'entremise de Mathias Nettine (à qui les droits d'entrée et de sortie étaient engagés) et décida que ce dernier pourrait se couvrir sur les recettes ultérieures. Pendant les dix années qui suivirent, aucun versement n'eut lieu. En 1733, le prince Charles de Lorraine, qui avait reçu des plaintes à ce sujet, s'informa de l'époque où les payements avaient cessé *. Le Conseil produisit les quittances que le prince demandait, jusqu'en 1743, et répondit « que les paiemens avaient cessez par les fâcheuses situations où l'on s'était trouvé à cause de la guerre. » Charles de Lorraine « fit alors traiter avec la Chambre impériale sur la rémission des rates échues pendant la dernière guerre, » et la Chambre déclara « d'être contente de laisser décompter à ce titre quatre années ou huit termes. » De 1753 à 17G9 les cotisations s'effectuèrent régulièrement, bien qu'il fût besoin de temps à autre d'un avertissement de l'adminislraleur de la Cham- bre (en 1737 et 1738). En 1739, 31arie-Thérèse annonça au prince Charles que la Chambre de Welzlar s'élant plainte « des mauvaises espèces dans lesquelles paiaient les Étals de l'Empire, » elle avait résolu, « pour donner un bon exemple, de faire payer les contingents de Bohème et de Bourgogne d'après le cours de Vienne, savoir le ducat de Hollande à raison de 4 florins 7 ^j-i kreuizers. » Le Conseil donna ordre de faire payer sur ce pied, soit 1704 fl. Brab. 7 sous, 8 deniers. Si l'on ajoute à cela que les frais de change et de port (3 °/o) se montaient à 83 fl. 4 s., 4 d., on obtient un total de 1 789 fl. Brab. 12 sous que les Pays-Bas devaient acquitter annuellement. ' 4 décembre 174a. Archives du Ro3;iunic. Cliambre impériale, de Welzlar, n" d044. - Chambre impériale de JFe/r/a j-, 1753-1 78(i. Tome XXXVl. 48 372 HISTOIRE DES RAPPORTS Cependant, le Conseil essayait toujours de payer le moins possible, el, eu 1766, il cessa d'acquitter les canons arriéres, sous prcMexle qu'il y avait eu des erreurs dans les comptes, que l'on avait soldé huit ans el demi de trop; il proposait de les défahiuer des versements à faire pour les ternies en relard '. La Chambre impériale protesta vivement contre ce procédé et réclama avec instance le payement des arrérages (1770). 31. de Hormayr, subdélégué autrichien dans la dépulation chargée des affaires de la Caisse, adressa à ce sujet au prince de Kaunitz un rapport lumineux, dû à 31. de Harpprecht , assesseur à la Chambre pour l'Aulriche. Ce prince était disposé à prendre le parti des Pays-Bas, mais le Conseil des finances reconnut lui-même qu'il y avait 14- canons arriérés, faisant ensemble 5G81 écus d'Empire el 25 kr., à i05 écus, 72 ^/â kr. chaque canon : « Les observations, dil-il, faites dans le Précis de Hormayr sur la conformité entre l'extrait du compte du trésorier de la Chambre impériale et une tabelle formée, en 1766, au Conseil des finances, ne laissent aucun doute sur la légitimité de la prétention que forme cette Chambre à charge du Cercle de Bourgogne. Le Conseil estime, en consé- quence, qu'il plaise à S. A. R. de faire payer chaque année à ladite Chambre impériale deux termes ou canons à compte des arrérages depuis 1 766, outre les deux termes courants, au moien de quoi on parviendrait en sept années à leur extinction entière, ce qui est conforme au plan qu'on a suivi pour acquitter les anciens arrérages jusqu'en 1763 inclusivement. » Le prince Charles rendit, le 9 janvier 1773, une décision en ce sens, el avis en fut donné à 31. de Hormayr. Une nouvelle dépense allait s'ajouter à celles que le Cercle de Bourgogne avait eu tant de peine à couvrir. Jusqu'en 177o, le nombre des assesseurs à la Chambre impériale n'était que de dix-sept. Marie-Thérèse, par décret du 15 décembre, porta leur nombre à vingt-cinq. Cet accroissement de personnel augmenta les cotisations des Étals de l'Empire. Il fut établi « qu'ils paieraient à chacune des deux foires annuelles de Francfort, outre les deux quotités établies, la moitié d'une telle quotité el la moitié de celte moitié, ou ' Archives du royaume. Chuinbn- Imph-inh de Wclzlar. Voy. le mémoire à ce sujet. DE DUOIÏ PIBLIC, ETC. 375 le qiiail d'une quolilé. » Le Cercle de Bourgogne dut verser de ce chef 101 reiclisthalers 40 7, kr. ou 213 11. 1 kr. La Belgique acquitta dès lors régulièrement son contingent, et, en 1780, l'arriéré fut éteint. La dernière trace de payement que nous ayons trouvée est du 28 septembre 1786 ^ ; peut-être les premiers troubles qui commen- çaient alors à gronder firent-ils suspendre tout payement. La Chambre fit- elle encore des tentatives de recouvrement ? Les archives qu'il nous a été donné de consulter ne nous ont point éclairé à cet égard. Nous avons vu qu'à l'avénoment de 31arie-Thérèse, l'assesseur de Haver, nommé par Charles VI, n'était pas encore agréé par la Chambre impériale. Marie-Thérèse fit négocier pour son admission avec le comte de Virmont, président de la Chambre, et le sieur de Speckmann, assesseur pour l'Au- triche; toutefois de Haver ne fut point reçu. Au bout de douze ans de con- testations, on finit par nommer (1752) Jean-IIerman-François Papius, con- seiller aulique de l'électeur de ]\layence et syndic de la noblesse libre et immédiate du bas Rhin. Ainsi, il avait fallu, malgré tout, recourir aux ser- vices d'un étranger. Papius conserva ses fonctions jusqu'en 1774, mais les renseignements nous manquent sur la question de savoir de quelle manière il s'en acquitta. Il eut pour successeur (3 février) Charles de Dehien, conseiller intime et référendaire de l'électeur de 31ayence. Celui-ci donna sa démission en 1776 et fut remplacé (28 juin) par Egide ou Gilles de Fahnenberg, conseiller de la régence et de la Chambre de Fribourg, qui est le dernier assesseur pour le Cercle de Bourgogne dont les documents fassent mention ^. Le gouvernement impérial s'était préoccupé aussi de faire revivre l'emploi d'avocat et procureur à la Chambre impériale. Par décret du 18 février 1750, Marie-Thérèse s'informait des motifs qui avaient fait supprimer ce fonctionnaire et de l'utilité qu'il y aurait à le rétablir. Le conseil privé, saisi de la question, y répondit longuement par la con- sulte du 8 avril , que nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de citer. Remontant à iMaximilien et à l'établissement du Cercle de Bourgogne, les ' Archives du royaume. Chambre impériale de M'elzlar, n° 1043. * Arcliives du royaume. Conseil privé, n" 533. Places d'assesseurs à la Chambre impériale. 574 lilSTOiHE DES UAPPOUTS conseillers rappelèrent que c'était en vertu de la Transaction d'Augsbourg que Charles-Quint avait nommé un avocat à Spire, et énumérèrent les pre- miers titulaires à qui l'on avait confié ces fondions. Aous sommes entré à cet égard dans des détails qui ne se trouvent point dans la consulte; mais, après tout ce que nous avons dit, il y a encore un intérêt spécial à reproduire Topi- nion du Conseil sur le but qu'avait eu Charles-Quint en rattachant les [)ays de la succession de Bourgogne à l'Empire germani(|ue et surtout à mettre en lumière les prétextes allégués pour éviter que l'Empereur ne se décidât à nommer un nouvel avocat et procureur. « L'établissement d'un pareil ollicier, » — est-ii dit dans la consulte, — « pouvoit être regardé comme utile avant la séparation des Provinces-Unies, attendu que la grande étendue de frontière ({ui bordoit alors les Pais de la domination du Pioi et du côté de TEmpire, pouvoit quelquefois donner lieu à des démêlés ou à des incidens qui exigeoient le ministère d'un défenseur public. » Il parait assez que c'est là le motif que l'on fil valoir pour fonder réta- blissement de l'oflice dont il s'agit. Dans le fond, les provinces des Païs- Bas, quoique unies à l'Empire sous le nom de Cercle de Bourgogne, ne pouvoient guère avoir de démêlés à la Chambre impériale, puisqu'il est constant (]ue ni uvanl ni après la Transaction d'Augsbourg ces pays ne dépendoient en aucune manière de la jurisdiction des tribunaux de l'Empire, de sorte que si la Chambre impériale s'est jamais trouvée dans le cas de devoir connoitre des droits, privilèges ou prérogatives du pays, ce ne peut avoir été que fort accidentellement. » 3Iais l'Empereur Charles-Quint, qui se proposoit de laisser ses Étals héréditaires d'Allemagne à l'archiduc Ferdinand , son frère, prenoit en même temps ses mesures pour empêcher qu'on ne put, sousaucun prétexte, contester à sa propre descendance les qualifications qu'exigent les constitutions de l'Empire pour être élevé sur le trône impérial. C'esl là sans doule ce qui lui lit conclure la Transaction d'Augsbourg, au moyen de laquelle le possesseur des Pays-Bas devint membre de l'Empire. Ce premier fondement jeté, l'Em- pereur ne négligea rien pour tâcher de procurei- à son fils de puissantes in- lluences dans les affaires de l'Empire et de lui attirer la juste considération UE DROIT PIBJ.IC. iTc. 575 qui élait due à un grand prince tel qu'il éloit. Il est naturel de croire que, puar atteindre nue partie de ce bal, Ton employa dans l'Empire le plus d'officiers qu'il étoit possible à litre du Cercle de Bourgogne. » Toutes ces considérations cessent aujourd'hui. Cependant, puisque nos souverains ont été dans la possession de tenir un avocat et procureur en leur nom, à la Chambre impériale, il pourroit y avoir quelque utilité à ne pas négliger entièrement cette possession, sur quoi nous ne pouvons (jue nous en rapporter aux lumières supérieures de V. A. R. » Ce n'est pas que nous ne regardions un pareil officier fort inutile pour les intérêts actuels des Pays-Bas; mais il n'y a nul inconvénient à en donner le simple litre, ce qui peut se faire sans aucune charge pour les finances de S. M. » Il n'est même pas nécessaire de choisir pour cet eflet un naturel des Pays-Bas, ni un homme qui soit instruit de leurs lois, de leurs usages ou de leurs maximes. Tout jurisconsulte résidant à Welzlar pourra y être em- ployé, puis(pie, suivant notre avis, il ne s'agirait que de se conserver la possession, au moyen d'un officier purement titulaire , sauf à employer, en cas de besoin, des personnes plus intelligentes. » Ici encore la principale préoccupation était la question d'argent. Nous ignorons la décision qui intervint, n'ayant pas été à même de la vérifier. Nous avons dit plus haut quelles furent les tentatives de Joseph II à l'égard des Pays-Bas. On connaît la suite de l'histoire de son règne en Belgique; ses innovations en matière religieuse et civile; les protestations des citoyens belges, puis la résistance armée; enfin la révolte ouverte et la déchéance de Joseph II officiellement prononcée. Ces laits n'exercèrent aucune influence sur les rapports des Pays-Bas avec l'Empire, qui assistait à la lutte en spec- tateur impassible; mais un des principaux États du corps germanique, la Prusse, suivait avec une attention trop soutenue pour être désintéressée la marche des alïaires et entretenait auprès du gouvernement provisoire des espions qui lui rendaient un compte exact de la situation. Ce fut grâce aux inspirations de la Prusse que le général Vandermersch fut remplacé dans le commandement des troupes belges, par le Prussien baron de Schœnfeld. 576 HISTOIRE DES RAPPORTS Lorsque le comité des Patriotes assemblés à Bréda envoya des députés à Londres, à Berlin et à La Haye pour demander que l'indépendance du pays fût reconnue, ceux qui furent chargés de défendre ses intérêts à la cour de Prusse remirent au cabinet prussien un mémoire dans lequel on réclamait Finlervention des puissances maritimes comme garantes du Traité de la Bar- rière « et la protection spéciale du roi de Prusse, comme prince de l'Empire germanique, dont les Pays-Bas fesaient partie sous le nom de Cercle de Bourt/oyne. » Le principal ministre prussien, comte de Herzberg,' évita de se prononcer sur ce dernier point, tout en prenant en considération les ar- guments développés par les envoyés belges; mais, au congrès de Reichen- bach, il découvrit clairement les vues de son gouvernement; il demandait que la Prusse obtint la cession de Danzig et de Thorn, cession par laquelle la Pologne eût obtenu de l'Autriche la rétrocession de la Gallicie et l'Autriche elle-même eût conservé Belgrade, Orsowa et la partie de la Croatie enlevée aux Turcs. Quant aux Pays-Bas, M. de Herzberg demandait que Léopold — qui venait de succéder à Joseph 11 — leur accordât, outre Tamnistie pro- mise, leur ancienne constitution, pourvu que le peuple rentrât de bon gré sous la domination de l'Autriche, selon le conseil que le roi de Prusse lui donnerait; Pancienne constitution serait alors garantie par les deux puis- sances maritimes et par l'Euipire, auquel le Cercle de Bourgogne apparte- nait. L'Autriche rejeta ces propositions '. Après avoir reçu la couronne impériale, Léopold fit paraître à Francfort une déclaration dans laquelle il s'engageait , de la manière la plus solennelle, sous la foi du serment « et sous la garantie des cours de Londres et de Berlin, et de la république des Provinces-Unies, » à gouverner chacune des provinces bcigiques sous le régime des constitutions, chartes et privilèges qui étaient en vigueur pendant le règne de 31arie-Thérèse, et à ne permettre ni souffrir qu'il y fût porté la moindre atteinte '. ' Juste, Ilist. de la révulut. belge de 1790, t. H, p. 18(5. - Un dernier vestige des anciens rapports de la Belgique avec l'Empire se trouve dans la Cai)ilulation de Léopold II : le nouvel Empereur y promet de faire cesser les abus de la Bulle d'or de Brabant (17'J0), mais cette promesse ne pouvait plus être qu'une vaine formule de chan- cellerie. DE DROIT PUBLIC, etc. 377 Il est à remarquer qu'il n'élail queslion, dans celle déclaration, ni de TEnipire, ni des Étals, ni de la Diète : la Prusse y était nommée uniquement comme puissance médiatrice. Mais tandis que la Belgique rentrait sous la domination de ses anciens souverains, des événements graves se passaient dans la principauté voisine de Liège qui appartenait, on le sait, au Cercle de Westplialie. Ces événe- ments eurent une afïinilé assez grande avec ceux qui s'étaient déroulés en Belgique, et celle-ci y prit, à un moment donné, une part assez considérable pour que nous en fassions ici un récit sommaire. La principauté de Liège avait joui, pendant leXVlII" siècle, d'un calme politique presque ininterrompu. Cependant, ni la ville épiscopalo ni le reste du pays n'avaient oublié les anciens privilèges et les libertés dont leur patrie avait joui antérieurement, et plus d'un citoyen songeait aux moyens de reven- diquer quelques-unes des formes constitutionnelles d'autrefois, lorsqu'une occasion d'opposition au pouvoir se présenta en 1789. L'Évèque Jean-Théodore de Bavière avait accordé à un établissement formé à Spa, le privilège de tenir des jeux de hasard qui y attiraient un grand nombre d'étrangers. Ses successeurs en avaient autorisé d'autres secrè- tement. En 1785, un spéculateur ouvrit une nouvelle salle, appuyé qu'il était par un grand nombre de familles puissantes qui s'y trouvaient inté- ressées. Le prince régnant voulut la faire supprimer. En 1789, un procès s'ensuivit entre lui et l'entrepreneur devant la Chambre impériale de Wetziar, et ce procès, dans lequel le peuple fut content de trouver un motif de faire une manifestation contre le prince, finit par enfanter une révolution. A la vérité, la maison de jeu de Spa ne fut pas le seul grief qu'on reprochât à César de Iloensbroech. On prit aussi prétexte contre lui d'un traité conclu avec la France, de la facilité avec laquelle il permettait aux enrôleurs fran- çais d'embaucher des troupes sur le territoire de la principauté et du mépris qu'il affectait pour les privilèges dont le pays était encore en possession. Sur ces entrefaites, vint à éclater la révolution française. Les chefs du mouvement liégeois, qui avaient des attaches secrètes avec les agitateurs de Paris, crurent que le moment était venu de regagner d'un coup les libertés qu'ils avaient successivement perdues depuis un siècle. Le prince , cepen- 578 HISTOIHE DES KAPPORTS (lant, mollirait des dispositions conciliantes, et l'on croyait géncralemenl à un acconiniodement lorsqu'on apprit que César do Iloensbroech était furtivement |)arli de la ville l'avant- veille du jour fixé pour l'ouverture de l'assemblée générale dos États. Il avait, d'ailleurs, laissé une lettre dans laquelle il décla- rait qu'il quittait le pays pour motifs de santé et qu'il protestait d'avance contre toutes les plaintes qui pourraient être produites en son nom. Néanmoins, peu de temps après, la Chambre impériale, qui s'était d'abord prononcée en faveur du prince, puis des patriotes, revint à son premier sen- timent, et adressa aux Liégeois une déclaration dans laquelle elle disait : (I qu'elle se regardait autorisée à intervenir de son propre conseil dans les aiïaires liégeoises; que le mouvement qui s'opérait dans la principauté avait tout le caractère d'une infraction à la paix de l'Empire, et que tous les princes du Cercle de Westpbalie allaient être convoqués pour proléger par les armes, et aux frais des Liégeois, le prince-évêquo et ses fidèles serviteurs, pour réta- blir la constitution que l'on venait d'abolir et pour chàlier les chefs du mou- vement révolutionnaire » (27 août 1789) '. On crut que cette déclaration était due au prince, et on en vint bientôt aux émeutes et aux tumultes populaires. Les princes-directeurs du Cercle de West- pbalie, c'est-à-dire le roi de Prusse, comme duc de Clèves, l'électeur Palatin, comme duc de Juliers, l'archevêque de Cologne, comme prince-évêque de Munster, étaient chargés d'exécuter les ordres de la Chambre et invités à prêter main-forte à Iloensbroech contre ses sujets rebelles. Les deux derniers princes voulaient procéder immédiatement à l'exécution de la sentence; mais le roi de Prusse commença par négocier avec les Liégeois, dans l'espoir de terminer le différend par des moyens pacifiques; car on n'avait pas l'inten- tion do rattacher par la force la principauté au cercle; les armes ne devaient être employées qu'à la dernière extrémité. Cependant les négociations traînant en longueur, les directeurs du Cercle du bas Pihin et de la Westpbalie, par un dc/iorlalo/'re rendu le 10 octobre, réclamèrent avec insistance l'exécution du mandement du 27 août et, par un ' Darstellung der neuesien im Biszlhum Lûtlich vorgcfallenen Begebetiheilrii nchsl sluuls- l'chdichen Betrachfiingeii dariiher, 17!t0, iii-8", p. ICI. dp: droit public, etc. rm nouveau mandenienl publié le 25 novemitre, ne laissèrent aux Liégeois ([u'un délai de dix jours pour obéir. Le roi de Prusse oflVil de nouveau sa média- lion, et les explications données par son envoyé firent si bien que les troupes prussiennes, palatines et celles des autres princes du cercle entrèrent, sous les ordres du baron de ScIiliefTen, dans le pays de Liège, sans trouver de lé'sisiance. Les députés dclidiers et de .Munster prolestèienl, comme le piince-évècpie le lit lui-même, contre les dispositions pacifiques de la l'russe. Le prince surtout réclamait à grands cris des mesures énergiques. S'élanl adressé de nouveau à la Chambre impériale, il en ol)lint, le 4- décembre 1789, une (irdonnance qui rendait tout arrangement impossible : la Chambre prescrivait le rétablissement intégral de la Constitution du pays de Liège dans Pétat où 580 !IIST(H!{i: DKS H APPORTS leur dcniandèrenl du secours. Mais I Assemblée eut le bon sens de répondic (luY'lle ne pouvait se mêler d'alTaires élrangères à la France. La relraile des Prussiens iTavail pas tardé à- donner lieu à des diflicullés nouvelles. Les membres du Cercle de Wesiphalie ne |)ouvaienl songer à sou- mellre la principauté par la force des armes, sans s'engager dans de grandes dépenses, bien (pfils n'eussent rien à craindre du côté de la France. Toiilefois, les connnissaires du Cercle du bas Pihin et de la Wesiplialie signilièrent aux liabilanls du pavs de Liège (pie, ensuite des « injonclions el adjonclions » décernées par le mandement el les sentences du 8U|)réme tribunal de NVelzIai-, un cor|)S d'armée allait procéder à l'exécution, leur ordonnant de se soumettre et de déposer les armes. Cette mesure n'ayant pas produit d'effet, le prince, César de Iloensbroecb, persista, de son côté, plus tpie jamais dans sa résolu- tion. 11 finit par s'adresser à l'Empereur lui-même comme souverain du Cercle de Bourgogne et réclama de S. M. \. l'exécution du jugement rendu par la Cbambre impériale. C'est en ce sens que se prononça aussi , le 21 août 1 790 ', une conférence des princes assemblés à La Haye. L'alïaire fut déférée à la Diète de Ralisbonne. La diète examina longue- ment la question de savoir si elle avait le droit d'ordonner à rLmpereur, comme souverain du Cercle de Bourgogne, d'assurer l'exécution de la sen- tence de la Cbambre impériale, ou si elle ne pouvait que réclamer son inter- vention amiable à cet effet. Tbéoriquement, il était douteux qu'elle pût agir par réf/uisilion, c'est-à-dire qu'elle pût adresser un mandement au Cercle de Bourgogne, enjoignant d'efîecluer l'exécution prononcée; il était plus probable, pour la plupart des membres, (ju'elle n'avait cpie le droit de faire |)arvenir au Cercle, comme à une puissance amie et alliée, la demande d(> vouloir bien aider l'Empire à faire ladite exécution. La question fut l'objet de controverses en Allemagne. Le D' Danz, profes- seur à l'académie Caroline de Stuttgart, défendit la seconde opinion - contre une brochure, publiée à Augsbourg, qui avait soutenu la première. Danz était d'avis (|ue la Belgique ou, si l'on aime mieux, le Cercle de Bourgogne, ne ' Borgnct, Ifisloire ilc la révoltilio)i Ukjeoise , I. I, |)|). 'i(>(î-'f70. — .Juste, Histoire de ht li-vohilinn beige de 171)0 , I. III , jip. 77 et 78. 2 Ï)i\n7., Beirachlinigeii iihei- tlic liillisrlicii Vnrulieii. Siiilii;,iil . I7'.i0. DE DROIT PUBLIC, etc. 581 faisait plus partie de l'Empire, et il n'y a pas lieu de s'étoiiiior de celte opi- nion lorsqu'on se rappelle l'impassibilité des Etals de l'Empire en présence de tous les événements (|ui s'étaient accomplis, en Belgicjue, pendant le WllI" siècle. Toutefois la diète fut d'un autre avis, et l'exécution de la sentence fui confiée au chef du Cercle de Bourgogne, c'est-à-dire à l'Empereur, dont les armes victorieuses venaient de reprendre possession de la Belgicjue. Les Lié- geois avaient remporté plusieurs avantages sur les troupes des électeurs. Ils allaient se trouver en |)résence d'adversaires plus sérieux. Le décret de la Chambre impériale était du 20 décembre. Le 23, trois semaines après la rentrée des Autrichiens à Bruxelles, le général -major Alvinzi manda au conseil de la commune de Liège qu'il avait reçu l'ordre d'occuper la ville. Les Liais et le conseil firent leur soumission, le 40 jan- vier 179d, au comte de iMellernich , et, le 13, les soldats de Léopold pre- naient possession de la cité, où le prince-évè(|ue fut rétabli dans la plénitude de son autorité '. César de Hoensbroech rentra bientôt après dans sa capitale, presque ati moment même où la Belgique était replacée sous l'autorité de l'Empereur. Mais ce ne fut que pour peu de temps. Le volcan français, qui allait bientôt inonder de sa lave brûlante l'Europe entière, commençait à gronder. Des armées sortirent de terre comme par enchantement. La conquête de la Bel- gique fut décidée ■. Dumouriez la commença par la bataille de Jemmapes ' Datiz [nililii\ encore une brochure sur les évéïicnients de Liège diins laquelle il défendail sa thèse : Furlselzung der HelraclituiKicH iilier die lutlischrii Uiinilieii, 17!H. — Voir aussi un écrit anonyme : l'fher dus Vi-ihitllitiii-'! des bunjundiseheii Kreises gegeii dus liekh und die Jtetchsgerichte. Regensburg, 17!M. - Des auteurs racontent qu'avant celte époque la Belgique aurait figuré couiine une (les lignes d'un plan d'ensemble eoneerlé entre l'Empereur, eu personne, le colonel Bisschofs- werder, au nom du roi de Prusse, le comte de Florida-Blanca, ministre d'Espagne, cl le prince (le Nassau, au nom des princes français. Ces hauts personnages auraient conclu une alliance intime, à Pavie, dans le but de ramener l'ordre en France et de sauver la nionarcliie de Louis XVI (6 juillet 1 7'J I ). Rééditant, pour ainsi dire , le projet de Joseph 11 , les alliés auraient réuni la Bavière aux Etals de la maison d'Autriche, taudis que la Belgique, avec les parties qui en avaient été détaclices [)ar les con([uétes de Louis XIV, aurait été jointe an l>alalinal, sous le titre de rovaumc d'Austrasic, et donnée à un prince de la maison de Witteisbach. — Toutefois, l'existence de celte coii\ciitiiiii de l'avic est probli'maliqiic. ((iaiilcn, I. V. pp. Kil ellUi.) Ô.S-i HISTOIHK DES 1{AI>IM)UTS (G novembre 1792); la victoire de Fleuriis, gagnée par Jourdan, l"ach('\a (26 juin 1794). Que restail-il de rancieiine union de la IJclgique avec l'Empire? Un sou- venir. Il n'élait pluscpieslion de rapports avec les Etals ou la Diète impériale. L'Empire lui-même, battu en brècbe, allait bientôt s'écrouler. Le faible lien que les traités avaient laissé subsister, le temps l'avait défait. Lorsque l'invasion de la Belgique commença, un seul Etal de l'Empire d'Allemagne se leva pour nous défendre. Le cabinet de Berlin qui, lors des traités de Dresde et de Huberlsbourg, avait refusé de garantir à Marie- Tbérèse la possession des Pays-Bas, parce qu'ils « ne faisaient pas partie de l'Empire » et qui aurait probablement tenu le même langage si le projcl de Joseph II de rouvrir l'Escaut avait réussi ou si la révolution braban- çonne avait eu une autre issue, — le cabinet de Berlin déclara nettement que la Belgique appartenait au corps germanique. Dans l'exposé par lequel le roi de Prusse fil connaître les motifs qui le portaient à déclarer la guerre à la France, il était dit que « l'Empire était attaqué par les Français du moment que ceux-ci s'emparaient de la Belgique , vu ipie les Pays-Bas aulri- cliiens faisaient, comme Cercle de Bourgogne, partie de l'Empire, et (|ue, partant, ladite invasion atteignait l'Empire lui-même '. » Mais la Prusse s'opposa en vain à la marche victorieuse des généraux de la Bépublique : elle fui brisée comme le reste de l'Allemagne. La Belgique devint française pour vingt ans. L'annexion fut décrétée par la loi du 9 vendémiaire an IV (]•='" octobre 1793) "^. I In l^tIl)lici^tc s. A 11.1 (locli'in-f lioijsiit l'I Vi(/liiis. (U':i|irés l'orisinitl, Archives île l:i ('.i.iir cl ilc ri:i;il ;i Vienne; Arrliirhaiicellerie tic Mai/fHce , 11, ir>l!,) I>IKCES JISTIFI(;ATI\ES. 580 II. Tm\s.u:Tio\ I) AiiGSBOi'RG 01 iJK Bol iu.o(;m;. .-f. Te\lc fi*»iioal.s. ('.(iiicanlnt ciulv confvilpyaliu (le/f'ciisiie f/hciiioecl hi/der K. M', onscii sonurelneii Iwerp , roor lie laiuleii van Iwiicacrlsocere, invttcn staten luit dcn /ictr'/licii fi/ckc. I '. Nous (Charles le Ouiiil |);ii' la diviiu' clfiiiciice Em|)('n'ur ilo I^uiinuiins loiisioiiis înigiistc, Roy de Germanie, de Casiillc, Dnrragon, de Léon, des deux Cecilles, Hierusalem, J)honi;iie, de Dalmn(ie, de Croatie, de ÎN'avarr(% de Grenade, de Toledo, de V'alencc, de (ialiice, (le Maillore(|ue, de Seville, de Sai'daine, de Cordua, de Corsica , de Jaiiiii, Ual- garbie, Dalgezire, de Gieraltar, des isles de Canarîe el des Indes et teiie Cerine de la nier oceane, Arcliidne Daiistriclie, duc de Boiirgoingne, de Lotliicr. de lirabant, de Stirie, de ('arintliie,de Carninle, de Leinliourg, de Luxembourg, de Gbeldres.de Caiaiu'ie, Dalbenes, (le Neopalrie, de Wirtemberg etc.. Conte de Habsburg, de Flandres, de Tirol, de Goricia, (le Barceionne, Dartois, de Bourgoingne Palatin et de Haynnau, de flollande, de Zeiande, de Ferrette, de kyburg, de >'amur, de Rosseilon, de CiCritane et de ZiU|)ben, Lanigrave Dalsasse, mar(|uis de Burgau, Doristani, de Gociani et du saincl empire, Prince de Z\va\e, de Catbeloigne, Dasturie etc., Seigneur de Frize, de la Marcbe, Desciavonie, de Porte- nau, de Biscaye, de Molin , de Salins, de Tripoli et de Malines etc. IL Cognoissons et faisons scavoir a tous, connne en la présente dietle impci'ialle tenue en ceste \ille Dauspurg, entre aiillres urgens allaires du sainel em|)ire, nous soit este faiet rapport et exbibe par escripi, par les électeurs, princes et les communs eslalz el députez des absens, ce f(ue en la dei-nit'ie diette imperialie tenue à A\'ornies fut délibère et l)Csoigne par les conseilliers des circles députez au fait de la modération du taux el entre aulires y soit mentionne, comme feu de très recommandée et très heureuse mémoire Icmperciu- Maximilien, noslre aycul, ayt institue le eircle de Bourgoingne et comprins entre aulires dudict saincl empire et avec(| son taux (pie lors fut ordonne, fait inscripre, conmie eneoires il se treuve es registres dudict saint empire et aussy au nom de noz pays |)atrinioniauK (Jembas et de Bourgoingne, consentu certain taux pour ceulx fpii dépendent et doibvenl a|)perlenir audil saincl empire, comme ilz loni plus amplement declaire et deduiet. 111. Kt scmblablemeiii comme du temps de feu de Ires beureuse mémoire Lemperein- Fredeiicq, le due Philippe de Bomgoingne , coiTime prince de lempire, soit este appelle a aulcunes dieites irnperiailes , en lune destpielles il envoya son cbanccllier et en laulire comparut en personne, et oultre ce que au nom et de la part de la dicte maison de liom- ' Les numéros ont élé ajouli-^s codformi'mciil à la division de CldHlel , ([ni est i;i'neialenicnl adnnse. .U.sului rinclirala, cap. X. pp. "iO el suiv. Éd. d'Anvers, 1630. ISii APPENDICE. goingnc en imit icmps soyeni cslc oidonnoz oi picscnicz peisonnes laiit tiii reginicnl diidict (Mnpiic (]iic a l;i clinniljrc ini|K'rialk', et (|iit' pour ii'ciilx soit par nous ci pai' nostrc diel ayoïil aulcimcs foi/, csic accoi'dcc clconsenlue ia\dc et eoiitribulioii aveec] ie.s nulties estai/, .>iel()ii que en plusieurs reces diidiet saint empire et registres des coiitrihntions dieelluy, se ii<'iive supplians pourlani iceuK esiat/ (|ue voiilsissions elementemeiil laisser demourer Icdici eirele de Honriiniii!inc es avdes et conli'ihnlions diidicl sainet empire, eommc meml)re dicelluv l\ . .Aussy atleiidu, (pic la diicc de (Jlicldres avec la conte de /uiplicn en dépendant, a|)paitient a Icmpiie et (juc ieelle se Irciive dénommée en anhnins registres des contri- liutions dudict sainet empire, (pie nostre bon plaisir l'ut les vouloir elementemeni informer alin (piil/ accordassent et consentissent en telle eonlribulion. \. Pareillement l'aiic lanl avec les estai/ du pays Dutreclil, puistpic ieellu\ sans eon- liadiction a|)pcrlieiil audici saiiicl empire et ipiil en dépend (lanrliicimclc , (piilz payent la dciiiiere aytle de Icmpii'c cuiilrc le mr(i|, aussy (piilz délivrent le commun (iciiiei' cl snp- poilenl anllres eonlribulioiis dudici empire considère meismes (pic ces deux principanlle/ de Glieldres et Utreelit sont eomiirins au eirele de VVestpliale, comme le loui nous a este i('monslre avecq plus am|)lc allégation de piuisieurs raisons. VI. Mais aleuconlre nous navons ne confesse ne seeu confesser ce (pic par les diel/ communs estai/ a este mis en avant en la mamère proposée, ains leur aM)ns faici doimer clerc information de leslat de nos dietz pays (leml)as et de Hourgoingne cl cuire autres ipie l'on ne scauroit monstrer ne irouxer (pie de la part des dielz |)ays palrimouiaulx (leml)as ou de Bourgoingne oneques aulcune contribution soit este jiayee, ains que iceulx sont este de tout temps exemplz tant desdicles eonli'ibutions comme des eonstitucions, ordonnances, jurisdictiou et procès dudiet sainel empire et que le dict eirele de Bourgoingne ne sorlisi oncqiics sou en'ccl. \ 11. Kt combien (pie lediel duc Philippe de Bourgoingne ail cinoye du icmps dudici l'eu empereur Frederic(| ses ambassadeurs a la dielle imperialle et ipie liiy meisme soit comparu a quehpie aiillre dietle, toulcsfoiz ipie cela a este de sa franee volume et non par oliiiiialion ou dcliNoir (pielconipie et pluslosl pour salisfaire a son solem|)nel veii pour secourir aux terres de eliristicns coulrc kimeiuy de noslre l'oy , après la perle de lan- cbicnne cl imperialle ville et résidence de Coiislaiilinople, pour iiiciler les eliiefz de la nation germanicque a faire (piel(|ue ayde notable pour recouvrer la dicte ville de C.onsian- linople et délivrer les bons ebrisliens de la nation gregoisc, et que a ceste cause il ait faict loiile diligence possible comme cecy cl aultres eboses a ce scrvaiis se mesiicr cstoit,se poiirroient monsircr. VIII. El quand a la duce de Gheldres, que ja |iar piuisieurs loiz a\\oiis monstre aux comnuins eslalz (pie recognoissons icelluy de Icmpirc.cl ipic devant ipic laxyons iiagairs rcdiiyt a nostre obeyssance, lavyous relevé eu liefz de iiosire ayeiil Icmpciciir Maximilien, (le bonne mémoire, mais que touchant la eonlribulion lesdiclz estalz de la dicle duce de (llii'ldres a la requisilion des communs estât/ dudict empire aiillrcfoiz a eulx faiele par escript, nous avoyent doclaii'c (pic Iclics eonlribiilioiis ncsloicnl jamais par eydcvani PIECES JUSTIFICATIVES. 387 (k'iuaiidees deiilx et encoires moins este payées, ains sont démolirez tousiours exemptz, sans aceste cause avoir este inoieslez, avec très iiunihle piière puisfju'ils sesloyent rendiiz a nous, a condition de les conserver en leurs franchises, que les voulsissions laisser paisi- i)lcnient denioin'cr en la joyssance dicelies. IX. Le meisme nous a este renionstre de la pari des pays dUtrecht et signamnient que du temps que les Evesques tenoient la temporalité, nulle ayde imperialle ne soit este oneques a eulx demandée ou du moins levée, que scions leurs libertez et anciennes cous- tumes ilz nestoient a ce lenuz. \. El combien cpie Ion Irouvoit la duce de Glieidres et le pays dUtreclit estre comprins soubz le ciicle de Westpliale et icculx avec aultres pays patiimoniaulx soyent dénommez es contributions et registres de leinpire, il ne sensnyt point que pourtant ilz soyent tenuz <'t obligez a payer les dictes contributions, considère que telz circles du commenchement sont seuUement inveniez pour la nonn'nalion et presentalion des personnes a la chambre imperialle, et que lempire na este jamais en possession ou usance de reeepvoir chose quel- concque ou nom du dict circle. \1. Et que nultre ce les diclz pays pnlrimoniaulx sont de toute ancbienneie esie francz et ixemptz de la jurisdiction de lempire sans que aussy iceulx non plus que aultres noz pays dembas en leurs nécessitez et besoing, ayent jamais euz, jusques a présent, aulcune protection, tuition,ou assislence du dict sainet empire, comme toutesfoiz oui par raison aullres eslalz de lenq)ire, supportant les dictes eonlribulions. \II. Par ou Ion peut racillement conclure que nos diclz pays ne sont lenuz de supporter ou furnir aulcune contribution de lempire, et que selon équité ils doibvenl estre laissez en leui's ancieimes libertez et exemptions. XIII. Aéantmoins comme pour la singulière afl'eelion que portons au dict sainet empire de ccste nalion geimanicque, nosire intention na jamais este de luy ester chose quelcon- f|ue, ains plustost augmenter et extendre icelluy, nous leur avons donné à entendre que pour entretenir avec eulx bonne intelligence et voysinance , aussy pour le bien et proufïît desdiets pays, dung coste et daultre, nous seryons content que tous noz pays bas patri- moniaulx ensemble la duce de Gheidres, conte de Zuiphcii et la temporalité dUlrecht et aultres y appartenans, vassaulx et seigneuries des dictz pays, ainsy que nous les possé- dons maintenant, lous ensamble fussent comprins soubz ung circle et quilz contribuas- sent quelque sonnne dargent ascavoir autant que la contribution de deux princes électeurs peult monter, et que oultre ce ilz m; fussent chargez aussy que aleneontre ilz fussent com- prins en la j)rotection, garde, souslencmcnt et ayde du sainet empire, pourven que icculx et aultres choses demeurassent en tous leurs hbertez, droiz, droitures, exemptions des appellations et jurisdiction etc. XIV. Sur laciuelle fondée information et clémentes oflres, les électeurs , princes et eom- umns estatz, aussy les conseilliers et orateurs des absens, sont entrez avec nous en ulté- rieures eonmnmications et après divers cscriptz, informations et traitiez d'une part et daultre, se sont avec nous et nous avec eulx, soubz les moyens ensuyvans, absolutement accordez, appointez et transigez, accordons, appointons et transigeons en vertu de ces Tome XXXVI. 50 388 APPENDICE. présentes en iii nicillcinx' ei plus v;iilliil)le lornie ci iniinicio ipic se pouiruit et scauioil l'aire de droit on de constume, XV. Assavoir : tpie nous connue \ray liercditable et souverain seigneiu' de noz diciz pays palrinioniaulx dcndias, pour nous, noz lioyrs et successeurs, ensemble nos diclz pays patrimoniaulx dembas, nonimecnient les dneiiez de Lotbicr, de Brabant, de Leni- bonrg, de Lu\end)ourg, de Glieidrcs, les contez d(^ P'iandrcs, dAriois, de liourgoingnc. de llaynnau, de Hollande, de Zelande, de Naniur, de Zulpiien, le marquisat du sainci empire, les seigneuries de Frize, dUtrecbl, dOveryssel, de Groeninghe, de Faul(|uc- mont, de Daelbeni, de Salins, Malines et Maestrecht, ensemble toutes leurs appertenanees et incorporations, mediatement ou inniiedialemenl, tant ecclésiastiques que séculières, prineipaidtez, pielatures, dignilez, contez, baronnics et seigneuries y appartenans, \as- saulx et attcnuz, seront doresenavanl et a lonsiours en la protection, garde, soustenement et ayde des empereurs et roys des lUminiains cl du sainct empire et quilz useront cl joyront des franebises, droiz et droitures dicelluy, et seront par Icsdielz empereurs et loys des Ronnnains et les estatz du dict sainct empire a tousioin-s, comme aultres princes, estatz et membres dicelluy empire ded'enduz, gardez, sousienuz et loyaulment aydez, XVI. Pareillement appeliez et convocqucz a toutes assemblées et diettes imperialles, pour y comparoir avecq les aultres estatz ou envoyer leurs députez si bon leur semble; aussy sera donne a eulx, noz boyrs et successeurs ou a nous et lems députez, session et voix au nom des diclz pays , comme a ung archiduc daustricbe. XVII. Alenconlre avons pour nous, nos dictes terres, subgeclz et successeurs diceulx consentu que toutes icelles, quand la nécessite surviendra, pour le maintenenient et bien du sainct empire, aussy pour lentretenement de la paix et justice et en toutes communes contributions , (|ui par les connnuns estatz seront en tout temps accordées et conclûtes , debvront furnir et contribuer autant que la contriliulion de deux princes électeurs se peult extendre, de sorte que quand ung électeur furnira a la contribution cent florins ou (piil envoyera cent a cheval et cent a pied, nous, noz hoirs et successeurs seront tenuz pa\er deux cens florins et envoyer deux cens a cheval et deux cens a piet et le semblable sera observe a ladvenant, en grandes et petites aydes, en montant et diminuant, pourvcu toutesfoiz (|uc au cas que nous ou nozdictz pays patrimoniaulx eussions mesmes besoing de gens ou aidirement, il fut plus convenable donner et ])rendre largent au lieu des gens, que en ce cas ou lieu des dcsdictz gens, selon que layde accordée sera grande on petite, chascun mois sera paye et furny en argent, selon (|ue les électeurs en cbascim temps entretiendront leurs gens de guerre, capitaines cl ofïiciers, avec doubles et aultres oïdtrepayes et appertenanees; XVIII. Aussy avec telle expresse condition que sil advenoit tost ou tard que les dictz de lempirc accordassent pour aulcunc ayde, petite ou grande, de lever le commun on certain denier, que toutesfoiz nous, ne nosdictz pays patrimoniaidx ne les subgeclz diceulx, ne seront tenuz ou contrainlz de lever ou fournir ledict commun denier, ains (pie nous ou nom de nosdictz pays |)atrinioniaulx dembas, furnirons autant que deux princes électeurs du Rhin, (pii a chascun ten)ps nous seront dénommez par lesdictz estalz, PIÈCES JUSTIFICATIVES. 589 lèveront et cueillei'ont avec tous leurs terres, subgectz et atlenuz, et ne serons davantaige fil tant qu'il touche ledict commun denier par aulcune restitution ou reces , soit avec motz, clauses ou dérogations en gênera! ou espeliai en façon quelconque ou de quel nom que ce fut aulcunement plus avant oblige sans le consentement de nous ou de nos diciz pays, saulf que si Ion saccordoit de dresser gcneralle expédition contre le Turc([, en ce cas nous et nos diclz pays serons lenuz de furnir |)our nostrc ayde, non moins que trois électeurs, qui a chascune foiz nous seront par les communs estalz dénommez et signifiez. XIX. Au réciproque, nous, noz hoirs et successeurs et les susdictz noz pays ensemble tous Princes, prelatz, contes et vassaulx y appericnans, qui jusques a |)resent sont este eom- prins soubz iceulx et riens paye a lenipii'e, aurom ung jiro|)re circle appelle le circle des pays palrimoniaulx de Bourgoingne, soubz lequel ilz seront tous comprins, nonobstant que aulcuns diceulx par cy-devant sont este mis et attribuez a aulcuns aultres circles. XX. Item en cas que nos pays patrimoniaulx deinbas feissent faulte ou delay au paye- ment de ladicte contribution et ne la furnissent et payassent au temps prefix , a cause de telle faulte de non payement ou furnissemcnt, respondront à la chambre impériale et sera illee procède par nostre j)rocureur fiscal contre eulx, comme contre aultres eslatz de lem- pire, pour les contraindre a payer ce (|uilz doibveni, mais horsmis le cas de la dicte contri- bution, nosdictes terres et subgectz dicelles, demeuront entièrement en paisible joyssance de tous et queizconques leurs libériez, droiz, droitures, exemptions des appellations et jurisdictions, sans aulcunement estre contrainiz au contraire, et ne sei'ont les subgectz ei atlenuz desdictz pays, grevez ne molestez par mandemens, citations, admissions des appel- lations et aultres procès en toutes aultres matières duquel nom que ce fut, sans excepter aulcune, saulf a cause de la dicte contribution, et seront exemptz etfrancqz de la dicte juris- (lietion nostre et du sainct empire soit en premier ou seconde instance. XXI. Et aussy lesdictz noz pays patrimoniaulx de Bourgoigne et dembas avec leurs appertenances serwit et demeureront perpétuellement pays et principaultez entièrement francz et non subgeclz et par nous conmie Empereur et par tous aullres futurs Empereurs et Roy des Rommains, aussy par les électeurs, princes et estatz du sainct empire seront recogncuz pour pays, principaultez et superioritez francz et non subgectz sans estre plus avant que pour le dict recouvrement des contributions, comme il est cy dessus et après eseript, tirez ne appeliez a la dicte jurisdiction du saint empire, semblablement sans estre obligez en riens aux ordinaires constitutions et reces du dict sainct empire, plus avant que nest dict cy dessus et après pourveu toutesfoiz que lesdicts principaultez et terres en tant quil y a entre iceulx qui dépendent du fief dudict sainct empire debvront dorescnavant estre reprins et relevé en fief dudict sainct empire, comme ilz sont este par le passe jusques a présent. XXII. En oultre les estatz et subgetz de tous noz j)ays patrimoniaidx seront tenuz de observer et maintenir la constitution de la paix publicque dite le landfreid et ceulx qui atticnnent au sainct empire quand ilz viendront en noz pays dembas et passeront ou auront leurs biens en iceulx seront comprins en la protection, soustenement et libertez diceulx, et seront conforme aux aultres subgectz desdictz pays, maintenuz et gardez et assistez pour obtenir droit et raison. 590 APPEÎSDICE. XXIII. El reciprocquemeiil ceuK ilc nosiliclz pays deinbas auront proleelion ci soiiJ-tc- iicinenl oiidit saiiicl onipiie , coiiimo aiiItiTS estai/, cl siiligcMz dicelliiy, do sorlr (pic sil advcnoil nidcunc chose conlre ledit landfreid a anlcuii de Icmpiie ou a ccuix (pii sont dcs- dicles prineipaidlez et terres et leurs subgectz, ou cpic par aultres choses quelzconques, (|uclles quelles fussent, il prétendit avoir contre laultre quelque action, icelluy sera tenu lors le cerchcr connne il appcriicnt, devant lordinaire supériorité ou justice de celln\ (pii a faict linh-aclion on a (pii Ion faict demande et dch\ra illcc ponrsuyvir son droici on luy sera administrée homic et hreCve justice et aiiis) i\(' long et laultre coste sera en ce garde egualitc. XXIV. En la manière (|ue dict est, nous avons, au nom des susdictz et aultres noz pa\s palrimoniaulx, avcé(| les eieclenrs, princes et communs estatz du sainct empire très cle- mentcment et enlx avec nous, ou nom dn sainct empire, avec bonne ei meure délibération, hnnddement accorde, appointe et tr;msigc, la ipicllc transaction nous aussy pour nous cl noz terres palrimonialles, aussy noz hoirs cl successeurs et les Icm-s, et pareillement les- diclz électeurs, princes et communs eslatz du saint empire ou nom du dict sainct empire, consenliz, acceptez et promis de le observer, si disons cl promeetons selon ce, en parollc dcmpereur pour nous, noz hoirs et successeurs et pour tous les dictz noz pays palrmio- niaulx dcmbas et de Bourgoingne, que la dicte transaction, accord et appoinlement en tous et chascuns ses articles et pointz y con^enuz concernans, nous et les nostrcs, dcbvons et voulons avoir agréable, ferme et cstable et inviolablcmenl observer cl accomplir, sans allci- ne venir alencontre en manière que ce soit , ne soufrir aux noslres quitz y contreviennciii , et que tout ce que conlre le susdit traille et appoinlement a este faict, ordonne, statue ou impetrc on a ladvenir sera faici, ordonne, statue, obtenu ou impetre ne pourra eslre allègue ne use allenconlrc, ains sera et demeurera sans nulle vigcur. XXV. Pareillcmeni toutes demandes que nous ou les eslatz prelendrons avoir a cause des aydes et contributions passées seront mortes , asoupies, cstaintes et sans aulcunc force, milles et de nul eflect, comme aussy nous, avec ladvis et consentement des susdictz nos princes électeurs, princes et eslatz, les declairons par cestes de noslrc certaine science et plainiere imperialilc, non debvoir avoir aulcunc force; ny vigcur, ains demeureront cassez, nid et de nul effect. XXVI. Et au réciproque pour plus grande scnrelc du sainct em|)ire cl des cstalz dicelluy, promettons bailler ralilication et consentement des diclz noz pa>s palrimoniaulx dcmbas, de Bourgoingne, ausdictz estalz de lempire , ou en leur nom an très révérend noslre et du sainct empire, prince Electeur et archevesquc de Maycnce comme archichan- cellier, soubz les seelz des quatre princi|)auh prelatz de nos dictes terres patrimoniales, ■ ipiatre principaulx seigneurs cl quatre principalies villes ou nom de tous les pays cl altenuz dicenlx, au plus tard cndedens nng an après la date de ces présentes. XXVII. Et nous les électeurs princes et communs cslalz du sainct empire , aussy les con- seilliers et députez des absens, selon que sommes ions coinparuz en ccsie dielle imperiallc et dénommez et spécifiez au reccs dicellc, confessons pour nous, noz hoyrs et successeurs, |);ueillcirienl aus^y pour noz maistrios quoque per Nos, et provincias noslras patrimoninles, liberos quoque nosiros, eorundemque successores : similiterque per dictos Electores, Principes et Communes S. R. I. status nomine dicli S. R. I. consentientes, eamque acceptantes, promittcntesquc eam servare, definimus, pro- mittimusque juxta hacc, verbo Iniperaloris, pro N'obis, liberis nosiris, et successoribus, et pro omnibus nosiris provinciis patrinionialibus inferioribus et Burgundia, Nos dictam transactionem , concordalionem et capitulationem in omnibus et singulis suis articulis et capilulis, in ea contenlis, Nosque et nostros concernentibus, debcre, et velle rata , firma ei slabilia babere, et inviolabilitcr observare et adimplere sine conlraventione ulla, nec per- mittere ut nostri iis contraveniant. Et quicquid contra supradictam tractationem vel capi- tulationem faclum, ordinatum, slalulum , aut impetratum fuit, vcl in futurum fiel, ordi- nabitur, staluctur, obtinebitur aut impctrabitur, non poteril allegari, nec usui osse in contrarium; scd erit mancbit(pie sine ullo vigore. XXV. Similiter onmes poslulaliones, quas Nos, aul sialus nosiri babere praetendimus PIECES JUSTIFICATIVES. 397 latione subsidiorum et conliibutionum praeteritaium niortuae, sopitae, exslinciae, et sine iilla vi, nullae et nullius effectus erunt; sicut etiam nos, consiillu et conscnsu supradicto iiostioiiun Principum lileciorum, Principuni ei Stalulum, eas per lias de certa nostra scientiaet plenaria protestale impérial! declaramus, vim nullani, et nullam vigorem habere, sed cassas, nullas, nullius circetus pernianere deberc. XXVI. Et vicissini pro niajori securitaie, S. R. I. et Slaïuum ejusdcm promiltinius Nos, ratificationeni et eonsensum, dictarum nostrarum provinciarum palrinioni;ilium Infe- riorum et Burgundiae, dictis statibus Imperii, aut eorum nomine, Reverendissimo nostro S. R.l. Piincipi Electori et Archiepiseopo Mogunlino tanquani Arcbicancellario, sub sigillis (jualuor praecipuorum Praelatoium, dictarum nostrarum provinciarum palrimoniaiium quatuor item praecipuorum Dominoruni, et quatuor praeeipuarum Urbium, nomine om- nium provinciarum, et eas atlinentium, intra aniumi ut quam maxime sero, post datas praesentes praebituros. XXVII. Et Nos Electores Principes, et Status communes, S. R. I. Consiliarii item et Deputati absenlitim, prout omnes comparuiinus in hisce comitiis Imperialibus et denomi- nali, spccificati sumus in rcccssu eorum, fatemur [iro Nobis, posteris et successoribus nos- tris siniiliter pro Dominis, et Princi|)alibus nosiris posteris et successoribus eorum, dicta, concordatum, capitulalionem et transactionem , facta esse de seientia et consensu nostro; ideoque promiitimus pro Nobis, posteris et successoribus nostris, sub. lionore et verbo Principis et fide bona , omnes et singulos arliculos et capita in iis contenta, quae Nos et dictuni S. R. I. concernuni, Nos fideliter et firmiter tenturos, observaturos, et impleturos sine contradictione, nec contra facturos aut molituros; nec ullatenus ut id alii Caciant, passuros; id reservantes ut praesens tractatus et consensus non importot praejudicium, nec per eum quidquam S. R. Imperio quoad terras, quae antebac ad illud perlinuerunl, neque quoad communes et particiilares status ejusdcm, similiter nec provinciis patrimonia- libus inferioribus et subdilis Caroli Imperatoris, excepto eo, quod praesenti traciatu con- tinetur, et omnibus aliis rnodis, qui eorum suprcmitates, dominia, libertates, jura, antiquas consuetudines et usus coiicornunt. XXVIII. In quorum testimonium nos Carolus Imperator, tam nomine Imperatoris Romanorum, quam etiam nomine veri et supremi Domini diclarum nostrarum provincia- rum patrimonialium, sigillium nosiris bis apponendum curavimus; quarum duae ad unum exemplum facta sunt. XXIX. Et nos Sebastianus D. G. Arcbiep. Moguntinus, Arehicancellarius S. R. I. Et Fredericus Cornes Palatinus Rheni, Dux Bavariae, Archi-Dapifer S. R. I. ambo Principes Electores pro Nobis et rebijuis Electoribus; et Nos Erneslus confirmatus Arebiepiscopus Argentinensis et Wilhelmus Cornes Palatinus Rheni , Dux Bavariae superioris et inferioris pro Nobis et aliis Principibus tam Ecclesiasticis quam saecularibus, Gervvinus abbas Vingartensis, etc., pro nobis et aliis Praelatis, Fridericus cornes de Furstenberg etc., pro nobis et Comitibus et Baronibus, et nos Consul et Consiliarii civitatis Augustanae pro nobis et aliis srbibus libcris et imperialibus ad requisitionem et preces Nobis per Electores, Principes et Status S. R. I. factas, nostra quoque sigilla poni et afligi curavimus praesen- 398 APPENDICE. libiis hiscc liloris, datis in Lrbe nostra Auguslana die Marlis 26 nicnsis Junii aiino a nali- vitatc Domini MDXLllX, et Imperii nostii anno XXIIX. Regnonim nosiroriim XXXIII. Ita signaluni: Carolus. Scbastiumis Arciiicpiscopus Mogunliniis, pcr (ieniianiam Arclii- Canccllarius, et pcr ordinationcni Imperaloris J. Obcrnburger. (H. Conring, De pniLiis imperii liom. (Jerm., I, cap 2S, p il' el suiv. — Liiiiig, Iteichsnrrhiv. , Spir. conliiiiial , 1, Aiilh. p. i-8. — Dnnioiil , Corps diplomatique , Uuiie IV, pail. Il, p. 340-34"2. — Placards de Brabanl, 1,381 et suiv. — Chiffleliiis, Alsatia vindicala, cap X, p 39, «lit d'Anvers, 1650.) C Texte allemand. Der Rom : Kaijserlichcn Maje^tael unci Cliurfiirsten, Fnrsten und slaende îles Heil : Ili'tni: lieichs Verlrafj wegen der Burijundischen-und JSicder-Erb- Lande zu Augsjmrfj anf dent Reichs-Tage Anno loiS aiifgeric/it. I. Wir Cari der Fiinfftc, voor Gottes Gnadon Roniisolier Kayser, zn allcn Ziilcii Mehrcr des Reiciis, Koenig in Germanien, zu Castilien, Arragon, etc. II. Bekennen iind thun kund alierniaeniglichen, dass auf diesem allgcmeinen zu Augs- piirg gehaltenen Rcichstag, neben andci-n des lleil : Rcichs obliegendcn Saclien, uns von Cburlurstcn, Fui"sten,und gemeinen Staenden,aucii der abwesendcn Bollscbaiïtcn Berieht uiKJ Relation, was aul' neeiist zii Wornis gcballenein Reicbs-Tag, duieii die veiorcbicte Kreyss-Raethe, der Ringerung-Handiung baiben, und gehandeit, in SebrilTlen unlerliiae- niglicben fùrbracbt und ûbergeben, und in denselben under andern vernieldl, wie dass wejland unser iieber Abn-IIerr kayser Maxiniiiian, niildcr und seliger Gcdacblniiss, dcn Burgundiscben Krcyss aufgericlitel, und denselben unter andere des Ileil: Reiehs Krcysse gezogen, und mit .seiiieni Anschlag (so daznmahl gesetzt, und wordt in des Ileil: Reiebs Matricul verleibt) babe konimen lassen,aueb von wegen unserer Nieder-Burgundiseben Efb-Landen, so viel deren zuni Reieb gebôren sollen, einen Anscblag iiber sieb ge- nomnien, III. Mit weilei'cr Erzeblung, dass aiicb bei Zeilen Kayser Friedriebs niiider und seliger Gedacbtnùss, Ilertzog Pbilipps von Buigund, als ein Fiirst des Reiebs zu etiieben Reichs- Taiten bescbrieben, deren einen cr diireb seinen Canizler besucht, auf dem andern abcr eigencr Person erscbienen sey, zu dem, dass von wegen des Hanses Burgund je zu Zeilen an unser kayserlieb Régiment und Canuuer-Geriebt Personen verordnet und praesenlirl, und von desselben wegen der Hùlffund Anschlàge, neben andern staenden durebuns und ermeldten unsern Abii-Herrn zu leisten, etlichnial bewilligel worden, wie dann in vielen des Heil : Reicljs Abschieden und Abseblacgen befunden, untertbanigst bitiend, wir PIÈCES JUSTIFICATIVES. 599 wolicn solchen Burgundischcn Krcyss in des Hcil : Rciclis (;ils ein Milgliid dcsselbcn) Hùiff iind Anschlnegc nllergiiàdig'^t blcil)cn lasscii. IV. Fcrner, naclidem das Hcrizogiliiim Gcldcrn mit dcr anhaiigeiidcn Grafschaffl Zul- phcn , zu deni Reich gehôrig , audi in etlichen des H. Reichs An.sehlag-Registern ver- zeichnet gcfunden , dass wir die slaende gemcidics Ilerlzoglhums ailergniidigst dahin weisen woltcn, snlclic Ansclilacge an und auf «ch zn noiimen, und zu Icisicn. V. Glcicher Geslalt aucii l)cy dcr Landseliaffl des Slillïs Utriclit, dicwcil derselJDe StiH'l zu dem Rcieh unzweiffeniiich gehcirig, und dabey herkommen, zu veil'ugen, die jiingsf bewiiligic Tiircken-Sleuer, auch dengemeinen Pfennig zu erlegen, und andereAnscblaege des Reichs zu iragen , in Ansehung, dass diesc beydc Fiirslentliunibcn Geldern und Utrieht, in dem Wesiphalischen Kreyss begriffen, wie dann soiehes ailes uns durch gemeine slaende des Heil : Reichs, mit Ausfuhrung allerhand Ursachen noch weiter ange- bracht worden isl. VJ. Dargcgen wir aber gemeiner slaende Fiirbringen, itnnassen das geschehen, milil geslanden noch geslehen kônnen, sondern ihren iautern Berichi, wie es um misère Bur- gundisclie Nieder-Erblande geschan'en, anzeigen hissen , unler andein, dass nicht darge- than noch bewiesen wcrdcn niôge,dass voor wegen gedachter INiedcr-Diiigundischcn Erb-Lande, je einige Contribution oder Anscblaege zu dem Reich entrichlet worden, sondern dass es deren, darzu des Reichs Satzungen und Ordnungen, Jurisdiction und Pro- cessen je und ailewegen h'ey gewesen, zudem der Burgundischc Kreyss nie in keine Wiirckung kommen, VII. Und obgleich Herizog Phiiipps von Burgund, loebiicher Gediichlniss, bel Zeitcn gemeldies KayscrsFriedrichs,die seinen zu einem Rcichs-Tagabgefcrtiget, auch auf einem andcrn Rciciis-Tag erschienen, so waere doch soiehes aus freycm Willcn, und niclit ans Pflichlen odcr Sciiuiden, sondern daruni, dass er seineni gethancn zierhchcn Yolo gcnug thun, und zu Erreilung der Chrisll : Landen , wider den Feindt unseres Giaubens , naeli Veriierung dcr ahcn oricntahschenRciciis Sladt imd Silz Constanlinopel, die Ilaûptcr der Teutschen Nation, zu einer slalthciien Ilùiflund Recuperirung dersclben Sladl, auch erle- digung der frommen Chrislhchen Ilerlzen der Grieciien, bewegen kônte, gesciiehen und dcsshaiben allcn niôgiichslen Fleiss fùrvvenden woilen, wie dann soiehes und anders nii( vielen Monumenlen dargelhan werden nioechte. Vlli. Was aber das Hertzogthum Geldern belangct, halten wir gemeinen slacndcn zu niehrnials angezeigt, dass wir dasselbige von dem Reich erkennlen, und ebe und znvor wir das jctzl zu unsern Haenden wieder braciil, von unserni Abn-Hcrrn, Kayser Maxiini- lian mildcr und sceliger Gedacchlniiss, zu lehen enipfangen, aber dcr Conliibulion halbeii hàtlen die Slaendedes Landes zu Geldern, auf gemeiner Slaende derwegen an sic ausgcgan- genes Schreiben, uns zu erkennen geben, dass dergleichen Anschlaeg von ibncn liievor nie begcbrt, viclweniger bezahlt worden, sondern waeren dersclben jedcrzcit frcv, nnd unangefochten blieben mil unterliiaenigster Bill, dicwcil sic sich an uns mit Condition und Beding, sic bei ihren Frcyheilcn zu handhaben, crgeben, sie dabei ruhiglich bleibcn zu lassen. iOO APPENDICE. IX. Dergleichen Anzeig wàren uns auch von der Landsclinfït des Stillts Uuichl l)eschelien, iind sonderlidi dass von iluien der Zeit, als die Bischôlïe die weltliche Regie- rnng noch gehabt, einige Reiclis-Hùiiï nie gefordert, odcr zum wenigsten nie eingebrachl, (hss sie auch dem Reich, vcrmog ihrer Freyheiten, und alten Herkonunens, ichts zu erlegen niclit schuldig. X. Und obwolil Geldein und Utriciit in dcn Westphaliselien Kreyss gezogen, und die- selben sammtandcrn obangezeiglen Rurgundisehen Landen in des Reichs Registein und Anseldiigen bel'unden, so folgt doch daraus niclit, dass sie darum des Reiehs Ansehiaege zu entrichten pflichlig, dieweil solcher Kreyss anfàngiich allein vonwegen der Nomination und Pracsenlation, an unser kaysleriieh Canuuer-Gericiit, wàre aufgerichlcl worden, unil (las Reieh von ibnen derwegen ielits zu enipl'alicn nie iiu Besitz oder gebrauch gewescn, XI. Zu deni , dass solche Lande von des Reichs Jurisdiclion von Allers gefreyet und eximirt, und von dem Ileiligen Reicii gleicli andern unsern Nicder-Erb-Landen , bis anhero in zugeslandenen Beschwerungen, Schulz, Schirm, oder Beystand nie gehabt, vvie (loch sonstandere Staedie des Reichs, so sie Ansciilaege tragen, billig liaben, XII. Daraus denn leichtiich geschlossen werden kônnte, dass solche unsere Lande, einige des Reichs Ansehiaege zu tragen, oder zu leistcn , nicht schuldig seyn, und billicb hey den alten Freyheiten und Exemption gelassen werden solltcn. XIII. Aber niehts desto minder, dieweil wir aus sonderer îVeigung, so VVir zu dem Heiligcn Reich Teutscher Nation tragen, nichl gemeynt, demselben einiges W'eges ichis zu eniziehen, sondern vielmehr solches zu mehrcn und zu weilcrn willig, so haben Wir unsgnacdiglich vernehmen lassen, dass uns zu Erhallung gutes, IViedIichs und nachbar- liehs Willens, auch zu Nutz und Aufnehmen beyderseits Landschafft, nicht zuwider seyn soll, dass aile unsere Nioder-Erb-Lande, samnillich mit dem Hertzogthum Geldcrn, und (irallschaft ZiJlphen, und der Temporalitàt zu Utricht, und andern zugehôrigen Vasallen iMid Hcrrschafften der Nieder-Erb-Landen, wie Wir die jetzunder besitzen, aile zusam- men unier cinen Creyss gezogen ; und eine benannte Summa Geldes , als nehmiicli so viel zwcyer Churfiirstcn Ansehiaege ertragen môchlen, contribuirten, darbcy sie gelassen, und dargegen in des Heiligcn Reichs Schutz, Schirm, Veriheidigung und HùlUe begril- fen seyn solten, doch, dass dieselbcn sonsl bey allen andern Freyheiten, Rechleii, Gerech- tigkeiten. Exemption der Appellation und Jurisdiction gelassen wùrden. XIV. Auf solehcn unsern bestandigen Gegen Bericht und gniidiges Erbielen , haben Cburlurstcn , Fursten imd genicine Staende, auch der Abwcsenden RiUhe und Botli- schafien, sieh mit Uns in weitere Handiung eingelassen, und nach viell'altigen hin und wieder crgangenen Schrillïen, Berichten und gcpflegien Ilandlungen, Wir mit ilmen, und sie sich mit uns , auf nachfolgende Mittcl endiieh verglichen , vcreiniget und vertra- gen, vergleielien , vereinen und vcrtragen uns auch hicniil , und in KrafFt diess Brieffs, in bester und bestaendiger Form und Maas, wie das immer und von Rechls und Gewohnheits- wegen gesehchen soll, Kann und mag, dargeslell. XV. Dass Wir, als rechter Erb-und Ober-IIerr gemeldter unserer Nieder-Erb-Landen, (ïir Uns, unsere Erben und Nachkommen, sammt denenselben nach benannten unsern PIÈCES JUSTIFICATIVES. 404 Nieder-Erb-Landen, nemlich, die Herizogihumb Lothringen, Brabaiid, Limburg, Liil- zenburg, Gcidoin, die GrafTschaiït Flandcrn, Arlhoys, Burgund , Hrnnigaii, Holiand, Seeiand, Namiir, Zul|jhen, die Marggrallschafft des Heiligen Reicbs, die Herisehaft Friess- land, Utricht, Ober Vssel, Grocningeti, Falckenberg, Thaiheim, Salin, iMecheIn iind Mastrich, mil allen dere médiate et immédiate y.ugchôrigen und cinverieibicn Geistlichen und Weltliclieii Furstenthumen, Praciadiren, Digniliilen, Graffschaiïlen , Frey-und Herr- schatîten, und derselben zugebôrigen Vasallen, Untertbanen imd Vervvandten, hinfuhro zu ewigen Zeiten in der Romischen Kayser und Koenige, und des Heiligen Reiehs Schutz , Sciiirm, Veribeidigung und Hiiiffe seyn, auch sich derselben Freyhciten, Recbten und Gcreciiligkeiten , l'reuen und getrawben , und von genieldten Romischen Kayseni , Koenigen und des Heiligen Reicbs Staenden, jederzeit , wie andere Fûrsten, Staende und Glieder desselben Heiligen Reicbs, gescbiitzet, geschirmet, verlbeydiget und getreulicli gehoiffen , XVI. Utid dann aucb zuallen Reiclis Taegen und Versanimlungen beschrieben uiul erl'ordcrt, und ob sie woUen, dieselben neben andern Slaenden zu besucben, oder zu bescliicken Maclit liaben, auch ihnen unseren Erben und Nachkommen, unser und der- selben Gesandten Session und Stimm, von wegen obberûhrter unser Lande, als eines Erlzberzogen zu Oeslerreich, zu gelassen vverdeii sollen. XVII. Dargegen Wir uns von oberzehiter unser Land und Leule, und deren Nach- kommen wegen bewilligel, das aile solchc unsere Lande in vorstehender Notli, zu Hand- habung und Wohll'arth des Heiligen Reiehs, amh Unierhaltung Friedens und Recbtens, und allen andern gemeinen, des Heiligen Reicbs Anschlaegen , so durch gemeine Staende jederzeit bewilligel und beschlossen werden, so viel als zween Churfiirslen Anschlaege sich erstrccken, leislen und contribuiren; Als, wie ofï't ein Churfûrsl hundert Gulden zu Anschlag geben, oder hundert zu Rofs, und Imndertzu Fuss schickcn wûrde, sollen und wollen wir, unsere Erben und Nachkommen, allewegen 200 Flor. erlegen, oder 200 zu Ross, und 200 zu Fuss schicken, und also in mindern imd mehrern Anschlagen auT und abzurechnen; doch wo Wir oder angezeigte unsere Erben, Land und Leulhe niclit enlra- then kônnlen, oder sonst beqvehmer seyn wùrde, fiir die Leulhe Geld zu geben, und zu nehmen, dass alsdann vor das Voick, nach Grosse und Kleine der bcwilligten Hiilffe, monathlich hezahll und crlegt werde, immassen , wie Cburfiirstcn ihr Kriegs-^'olk, Hau|)( und Befelchs-Leuthe, mit doppel- und Uebersoldcn und anderenZubeliorungen, jederzeii unterhalten werden ; XVUI. Mit dieser fiirnehmlichen Besclieidenheit, wo gemeine Staende des Heiligen Reiehs, sich kùnlFtiglich ùber kurtz oder lang, eines gemeinen oder benannlen Pfennings, der waere gross oder klcin, zu ciner Hûlff vergleichen wùrden, dass doch >\ ir, auch obgcmeldte unsere Erb-Lande, oder Unlherthanen, denselbcn gemeinen oder benanntcn Pfenning zu sammein, oder zu erlegen, nicht schuldig seyn, noch gedrungen , sondern , dass Wir, von derselben unserer Nieder-Erb-Lande wegen, so viel als zween Churfurslen am Rhein, mit allen ibren Landen, Leulhen und Verwandten einsammeln, wie uns die jederzeit durch gemeine Staende benennet werden, erlegen soltcn, und weiter des gemeinen i02 APPENDICE. Pl'eiiiiings lialber uiivcrbuiiden seyii, uni! uns und unsere Erblande keine Oidnuiig, iiodi Abschiede, mil was W'oiten, Clausulen, oder Dérogation, ingcmein, odcr iiison- derheil, wie das gcsclicben, oder iVahnicn habeii niochte, ohne unser, und derselbcn Lande Bewilligung, des gemeinen Pfennings halber, niclu binden soll nocb mag, doeli lui Fall, das man sicli einer gemeinen Expédition wider die Tiircken vergleicben wiirde, alsdann sollcn Wir und unsere Lande, unsere llullï nielil wenigcr, dann drey Cburfiirsten, die uns jederzeit dinrii gemeine Staende benennet oder angezeigt werden, wie ver laut, zu leisten schuldig seyn. XL\. Darneben soUen aucb ^^'ir, unsere Erben und Nachkommen , und opgedacbte unsere Lande , sammt allen derselbcn zugeborigen Fiirsten , Praelalen , Grafen und Vasal- len, so bissber unler denselben begriden gewesen, und in dem Reieb nichis bezahll, ein sonderen Creyss, der Burgundischen Erblanden Creyfs genannt, haben, und nnter dcm- selben solcbe aile begrilTen seyn, unangeseben, dass elliche derselben hievor etlicben andcrn Creyssen sind zugerecbnet worden. XX. Und im Falle dieselben unsere Nieder-Erb Lande mit beslimmter ibrer Contri- iiution saumig, und die zu gebiibrender Zeit niebt erlegen, oder leisten \\ûrden, solehes niebt Erlegens oder Lcistcns balber, sollen sie unserem kayserlichen Cammer Gericht unterworffen seyn, und daselbsl wider sie, durcb unsern Kayserlicben Fiseal, glciehwie wider anderedes Reichs Staende, sie zu gebiibrender Zahlung anzulialten, procedirt und gebandelt werden, und sonst, ausscrbalb soleber Contribution, sollen erzehltc unsere Lande, und derselben Lntertbanen, bei allen ibren Freybeiten, Recbten, Gereebtigkeiten Exemption der Appellation und Jurisdietion, gaenizlich und ruhigiieh gelassen, darwider niebt bedraengt, sondern dero Land, Unteribancn und Zugehôrige, mit unsers Kayser- licben Cammer- Gericbis Mandalen, Cilationen, Anncbmung der Appellation, und andern Proeessen, in allen andern Saeben , wie die Nabmen baben, keine angenommen, ausserhalb der Contribution, unbcscbweiht und unangefochten bleiben, und nnser und des Reichs Jurisdietion in erster imd anderer Instantz geùbriget und gefreyet seyn. XXL Es sollen auch unsere Niederburgundisebe Erb-Lande, mit ibrer Zubehor sonst gantz IVcy, obne eingezogen Land und Fùrstenthumb seyn, und ewig bleiben, und von Uns, als Rômiscbcr Kayser und allen andern kûnlTtigen Romiscben Kaysern und Koe- nigen, auch Cburfursten, Fiirsten, und Staenden des Heiligen Reichs, frey, und ohne eingezogen Land und Fùrstenthumb, Superiorilat und Principal erkannt werden, und nicht wciter, dann zu Einziehung der Anschlaege, wie oben, und hernach geschrieben siehel, zu unser und des Heiligen Reichs Jurisdietion gezogen, und erfordert werden, nocb des Heiligen Reichs Ordnungcn, Satzungen nnd Abschieden, ferner dann, wie oben und hernach vermcldet, mit Icbten verbunden seyn; doch sollen gleichwohl obgc- nieldlie Fùrstenthumb und Lande, so viel deren vom Reich zu Lehen riihren, binliihro, wie bissbero, vom Reich zu Lehen empfangen und getragen werden; XXH. Desgleichen auch die Stiinde und Unterthanen aller obbenannter unserer Erb- Lande unsern Kayserlichen Lande-Frieden zu haltcn und zu handhaben schuldig, und des Heiligen Reichs Verwandten , so in bemeldle unsere Erb-Lande kommen werden , PIECES JUSTIFICATIVES. 403 odcr iliie Giiler tIariiiiR' liubcii, in dcrselbeii Scliulz, Scliinii uiiil Fri'vFiciU'n ItcgrlilL'ii seyn , uiid i;lei(li aiuU irii deirii Luiukii Unlcilliiineii geliandliabt iind geliallen, ilinenaucli zii Ueelit iMuI {Jilligkfil gfliolHc'ii werdeii; XXIiF. Wiu demi hierwiedcrum unsercr Aieder Erb-Lande Verwandten, wie aiidcre iinserc, iind des Ileiligeii Uciclis Verwandieii, ini Ileiligen llcieli, Schulz, Sebiriu , uiid V ertbeidigiiiig habcn, aiso, \vo einem des Keiclis oder liemeldler Furstentliumb und Land- Verwandleii, oder Unlertbaiien, iciils wider dcii Land-Frieden bcgegiieii wûrtle, oder soiist anderer Saclien balben, warumb das vvàre, gegen dei! andern Forderung zii habeii veimcynt, dass er alsdann solches \or des Verbrecbcrs oder Bekiaglen ordentlicben Obrigkeit und Gericbt sucben, und wie sichs gebiilirt, austùbren, der Ende ihni aueb lorderlicbes Kechtens geslatten luid verbolffen, und aIso beyderseits eine Gleicbbalt gehal- len werdcn solle. WIV. Solcher Gesialt liaben \\"ir uns von obl)eincldter unserer Erb-Lande wegcn. mit Cliurfùrsten, Fiiislen, und gemeinen Sliinden des Ileiligen Ileiebs allergnadigst, und sic hergegen mit Uns von wegen des Heiligen Reichs mil guten vorgehabten zeillichen Kalli, untertliaeniglich vereinigei , verglicben nnd vcriragen , weleben Vertrag Wir aucli lur Uns und benannte unserc Erb-Lande, unsere und ibrc Erben und iNacbkonunen , der- gleichen Cburfùrstcn , Fùrstcn und gemeine Staende des Ileiligen Reicbs, von des Heili- gen Reicbs wegen bevviiliget, angenommcn undzu balten versprocben. Gereden und ver- sprechen demnach bcy unsern Kayserlicbcn wabren Worlen, fiir Uns, unsere Erben und Naeiikonmien, und von aller obbenannter unserer Burgundiseben Erb-Lande wegen , dass wir solcher Transaction, Vcrgleichnûss und Vertraeg, in allen und jeden Stucken, Punc- len und Arliculn, Innliallungen und iMcynungen, Uns und die Unsern belreffend, vvahr, l'osl, slatt, und unverbriicblieb balten, vollenzieben , darwider keines Wegs tbun, nocb den Unsern oder andern zu tbun gestatten sollen und wollen, dass auch ailes das, so diesemVertragentgegen, und zuvvider fùrgenommen, geordnet, gesetzt, erlangt und aus- bracht werden moclite, bierwider nicbt gebraucht werden, sondcrn Krafftloss, niehtig und inbindig; XXV. Aucii aile Fordcrungen, so Wir, die Staende, von wegen der vorgegangenen Gontribution zu baben vermeynet, gefalien, todt, und aber aueb kraiïtloss, nicblig und unbindigseyn und bleiben sollen; Wie Wir dann aueb mit Raib und Bewillignng vorge- daehter unserer Cburfursten, Fiirslen und Staende, solcbes biemit Kraffllos, nicblig und unbindig, aus Kayserlicber Macht VoUkommenbeit, mit rechter Wissenheit erkennen. XXVI. Und binwiederumb zu mehrer Sieberbeil des Ileiligen Reicbs, und derselben Staenden, wollen Wir dieser Vergleicbung genugsame Ratification und Bewilligung von obbemeldten unseren Nieder-Burgundiscben Erb-Landen, den Staenden, oder in deren \aiimen, dem Ebrwiirdigen unserm und des Ileiligen Reicbs Cburfursten dem Ertz-Bi- scliolîen zu .Mayntz als Ertz-Cantziern, und vier, gemeldter luiserer Erb-Lande furnebin- sten Praelaten, vier Lands-IIerren, und vier der vornebmslen Staedte, im Nabmen aller Lande, und derselben \'er\vandlcn , auf das laengste in Jahrs-Frist nncb dato des Brieffs libergeben. ^ Tome XXXVl. 52 iOi APPENDICE. XXVII. Und Wir, Cluirlurslen , Furslen, mid i;('""LMiif Slaende des Ik-iligen Reiclis, aiich diT Abwesendc'ii Racdic und IJoihscludlion , w'w wir aile auf diesen jezl nliliier zii .\iii;si)iirg seliallencii Ilcichs-Tag erscliietien , mid in Aljscliicd dcsselbcn bestinimt und benannlseyn,l)ekennen aueli fur uns nnd nnsere ^aclikommen, und Erben, so dann aueli von we"-en unserer Obein, und dersclben Erben und Nachkommcn, dass solebe Verglei- eliun,", Verlrag, und Tiansaclion, mit unsern gulen Wisscn nnd Willen z.ugangcn und l)esclielicn. Versprecben aueli iûr uns, unsere Krben, und Naclikoinnien, bey unscin Fin-slliclien Ebren.auch in wahrcn rechten Freuen und Glauben, aile und jede Arlicul , Punclen und Innhallung desselbigen, Uns und das Heilige Heicli betreirend, grireulieli und fesiiglich, zu liailen, deniselbcn ungeweigert nacbzukommen , und zu geleben, dar- wider nieht zu tliun oder l'urzunebnien, nocb andcrn zu duin geslatten, in keine Wege. Uoeb soll dieser Vertrag und Bewiiligung dem Heiligen Rômiscben Reicb an den Landen, so demselben hicrvon verwandl ge\vesl,darzu desselben gemeinen und sondern Slaenden, dergleiciien obeizebUen unseres Kaysers Caris, Nieder-Erb-Land, und dessen Lnterliia- nen", sonst ausserbalb dièses Vcrirags, in aile andere Wege an ihren Obrigkeiten, Herr- lichkeiien, Freybeilen und Gerechtigkeiten, altem Herkommen luid Gebrauchen, unvcr- greifflicb und bierniil niebis benommen seyn. XXVIII. Dcss zu Urkund baben Wir kayser Cari, als Rômiscber Kayscr, aneh rechter Ober-Herr offlgenieldler unserer Niedcr-Erb-Landc, unser Insiegel an dicsen Bricfl', deren zween gleicblautend auffgericbt, tbun heneken. XXIX. Und Wir, von Gottcs Gnadcn, Sébastian, Eriz-Biscbofl' zu Mayntz, des Heiligen Rômiscben ReifbsErtz-Cantzler; Und Friedricb, Pfaltz-GrarbeyRbeiii,Herlzog in Bayern, des Heiligen Rômiscben Reichs Eriz-Truchsess, beyde Churfûrsten , fur uns und andere unsere Mit-Cburlïirsien. Wir Ernsi, Bestiittigter des Ertz-SlilTts Sallzburg, und Wiihelm . Plaltz-Graf bey Riiein, Herzog in Ober-und Nieder Bayern, fiir uns und andere Geistlicbe und Welllicbe Fùrsten ; Gerwig, Abl zu Weingarten, fur uns und dcr Praelaten : Friedrieb. Graaff zu Fiirstenberg, fiir uns und der Graffen und Herren. Und Wir Burgernieisier und Ratb der Stadt Augspurg fur uns und anderer Frey-Reiebs-Slaedie wegen. auf Cburfiir- sten, Fùrsten und Staende des Heiligen Reicbs bescbeben Ersueben und Biiten, unser Insiegel an diesen Brieff tbun heneken : der geben ist in unser und des Heiligen Reicbs Stadt Augspurg, auf Dienslag den 26 Tag des Monatbs .lunii, naeb Cbristi unsers lieben HErrn Geburtb, Funlfzebn iiundert im acbt und viertzigsten, unsers Kayserliiums im aebi nnd zwanizigsten, und unserer Reicb im dreyssigsten Jabr. Carolus. Ad Mandatum Cacsareae et Catbolicae Majestalis propriiim. Sebastianus Archiepiscopus Mogunlinus, per Germaniam Archi-Cancellarius. (Faber, Staatskamtei. p. 795. — Lininaeus, Jim. public. Geim.. I. IV, p. 697. — Schmauss, Corpu.'< Juris publia reyni Oer- matiici, p. 118, etc.) PIECES JUSTIFICATIVES. 405 III. Proposition faite aux ETAr.s Généraux belgiqles pouk l adoption DE LA Transaction d'Augsbourg. (-23 octobre 154S.) l'roposilie yhedaen van iceglien cler K. M', den gencralen stalen van den landen ran herwaertsovere up den XXV" oclnbris XV' achtcn lecrtkh, binneii dcrslede van Bruù- sele, nopende den concordatc metten heleghen rijcke etc. ende van dei- ayde van if L"' croonen voor zes jaeren. Messieurs qui csles icy assemblez, represenlans les estatz generaulx des pa>s de pardeca, la niaiesle imperialle nostre souverain Seii^neur vous tient inemoratifz et les dictz pays de ce quelle vous lait entendre a son dernier |)artemenl pour retourner en Alle- magne, espérant lors de plustost revenir pardecha, ce que ne luy a este possible, pour les ires grans pesans cl urgcns affaires ausquelz sa dicte maieste a este continuellement et nécessairement empeschee pour le service de Dieu, bien publicque de la christiennele, paci- licacion de la Germanie, réduction en obeyssance et cbasloy de ceulx qui en rebellant a lauctorite impériale, la vouloient mettre et tenir en sédition et division. Et grâces a nostre benoil Créateur que le tout est si bien succède, comme vous lavez peu entendre de temps a aultre, a lexaltation de son sainct nom, avec submission de tous les estalz de lempire au sainct concilie , acceptation de linterim et reformalion publiée, esta- blissement de paix et pollice et linstitution du Camerryc et justice suprême et souveraine lormee, mise en bien pourveue par sa Maieste, suyvant ce que les dictz estatz ont entière- ment remiz a sa dicte Ma'" de ce faire. Et durant le tem|)s que sa dicte Maieste a este absente comme dict est, elle a tenu lousiours continuel soing des pays de pardeca , préservation et asscurance diceulx tant pour le présent que pour ladvenir, et ([ue toutes ses actions et ce qu'il a besoignc en la dicte (Jermanie, fussent et redividassent au bien , repoz et tranquillité des dicts pays. Et meismes a procure et conduict la pacification de tous differens que par cydevant le sainct empire et estatz dicelluy ont eu par longtemps et en diverses manières a lenconlre l. Ciiaui.es m. |). Moy présent, \ EKREYKEN. (Archives rie Vienne. Ihid. '.) Leilro lie In reine Mûrie de Hoiiç/rie au f/ouverneur de la (iucldie. (18 janvier ioiO.) Monsieur de Hoiclislrale. Par cliarge de Lenipereur mon seigneur. Je vous envoyé le Iranslat du Iraittie dallyance el eonfedcration dellensive. que sa maieste a fait pour ses pays patrimoniaulx de pardeea, avec le sainct Fmpire es eslalz diceluy. Moyennant lequel lesdits |iays de pardeea seront désormais portez assistez et defTendiiz, envers et eontre tous dudit saincl Empire et susdits estatz. l'A vous Re(iuiers le eommur)i(pier aux eslatz de (îbeldres et Zutphen El a cesle fin les faire convoquer et assembler a tel brief convenable Jour que iidviserez (Leur Requérant : Que ayant Regard au grant el Inestimable bénéfice fait en cec\ par sadilte Maieste a ses pays de pardeea, eulx el aullres. meismement que parée moyen ledit de Gbeidrcs et Zutphen sont descbargez de la pretension dudil empire pour les faire contribuer en toutes aydes et subventions. Hz veuillent passer lettres de pouoir et procura- tion, pour la Ratilfication dudit iraittie commil est Recpiis, poiu' lentierefîecl de cesle tant bonne œuvre, et tant mille et proulfilable, pour eulx et leurs successeurs.) Suyvant le con- sentement ja donne par les eslalz des aullres pays de pardeea , et conforme a la mynule ei-Jointe, ou par forme daete soubzsigiie |)ar aulcuns dentre eulx ou nom desdits eslatz comine adviserez pour le mieulx. A quoy de Recliicf vous Requiers tenir la main el men- ' Oiig, sur p.ircliemin signe de la main de l'Empereur. H y a encore : Il -j pièces de la même teneur, sous la même date (10 dec,), concernani les « eslalz de Namur, dulrectil, les eslalz des villes de Lille, de Douay el d'Orchies, el la ville de lournay » et « consentemenl de ceulx de Tournesis (le Katillier la confédération avec lKn)|iereur. .. Il 2 pièces de la même teneur, sous la date • ITi Décembre » concernant » Flandres cl Matines.» r Une pièce, de la même teneur, sous la date « le penultime Jour de l)eceml)re, ■■ concernani les « Eslatz de Zellande. » (Tous originaux sur parcbemin, avec la même signature de .' Charles " el " Verrejlîen » de leur propre main.) PIÈCES JUSTIFICATIVES. 409 \o\er le despeschc, au i)liistost iiue pourrez, pour après faire dresser laditle llaliiïicalion piir lels prelalz, nobles et villes que sa maiesie trouuera convenir. Alant Monsieur de lloichstrale notre seigneur vous ait en garde. De Bruxelles le xvni""' Jour de Janvier Anno 1.^49. Semblable au conite de Mansfell pour le pays de Luxembourg. Semblable au comte Darend)erger pour les cslalz de Frize Doveryssol et «Jronningcii. (.■irc/iii'fs de Vienne. Ibkl ) VI. Pleins pouvoirs des États iV Artois concernant la rati/icalion du Traité du ^6 juin 1548. (Sansilale. ) r i\ous les prélats, nobles el villes dArras etc. Representans les trois estatz du pays et conte dArtois. Reeognoissons et faisons savoir a ung cbascun Commilj soit que en la dernière Journée Impériale letuic a augspurgb certain traictie soit este fait et passe entre lempereiir nosire souverain seigneur comme prince et seigneur Héréditaire de ses pays patrimoniaulx dembaz dune pari, et les princes, électeurs et aultres estatz duj saint Empire daultre, en date du xxvi'"" de Juing de lan mil eineq cens quarante buyl, Par lequel entre aultres cboses soit expressemenl convenu , que (piatre principaulx prelatz, quatre seigneurs principaulx el quatre principalles villes ou nom de tous les estatz desdilz pays dembaz des patrimoniaulx de sa majesté approuveront el Ratliflie- ront Icelluy traitlie cndedens ung an. Aprez la date dicelluy selon quil appert plus amplement par le contenu dicelluy traictie. Pour ce est il que nous lesditz eslalz danois ayans ledit traictie en tous ses pointz pour agréable el desirans y satisfaire et accomplir ce (pie sadille majesté a traicle et convenu. Remectons par cestcs a Icelle de choisir hors de sesditz pays dembaz lelz personnaiges prelalz seigneurs cl villes que a eesl effecl luy sam- bleronl convenir et a Iceulx donnons au nom dudit pays et conte danois membres et estalz dicelluy plain povoir pour approuver, Rattilïier el aggreer ledit traictie en baillier leurs lellres scellées en bonne eldeue forme, Promeclans soubz nosire serment tenir ferme estable et aggreable loul ce que par eulx ou nom desdilz estatz danois sera en ce que dessus fait et passe el de le Inviolablement observer et accomplir, Sans Jamais y contrevenir ny souffrir eslre contrevenu , comme ny pour quelque cause que ce soit. En lesmoing etc. {Arcliins de Vienne. Ihiil.) ilO APPENDICE. VII. Lellrr de C.liarlf.s-Quiitl noiiiinaïU. des dilérjvh jimir rali/irr In 'l'iansaction de Bourgogne. (27 mai 1349.) Mon cousin, Vous scavez comme en Iti dernière dietlc d'Augsbourg traicte daliance et confédération perpcluelle y fut fait entre nioy comme Seigneur iiereditaire de mes pays patrimoniaulx dembas et de Bourgoingne, et les Electeurs princes etanilres estatz du sainei empire, Par lecpiel entre auitres eiioses est expressément convenu que quatre principank |)reiatz, quatre seigneurs prineipaulx. et quatre principailes villes rattillicroient Icelluy traicte ou nom de ions lesdiis pays en dedans ung an lors advenir, Sur quoy ay depuis fait communiquer avec les estatz de mesdits pays de pardeça de Bourgoingne, Lesqnelz se y sont accordez cl conteniez, et mont donne povoir de prendre lelz (pie bon me sem- blera, pour en leur nom Balillicr leelluy traicte, Et suivant ce vous ay clioisy comme lung des prineipaulx seigneurs diceulx pays, et ay fait depeseber deux desdils iraictez dimc mesme teneur, Lung poin- estre garde pardeça a la sbrurte de mesdits pays, et laulre poin- estre délivre a Larclievesi0.) .1. lexle iiéerluudttiM. Die ConiiigimiL' Uoiiaigierc \;in Hoiigrven \iiii Bdlu'iiicii oie. liciiciiic eiide gomcr- naiile Irideti landcii vaii flL'rwcrlsoveix'. Versiaen Hclibi'iulc liijdcii (/iiil/.clcr van gheldoi- laiid. Dat de slaleii slaïUs eiide l'iirstendoins van geire dcse \oerlederie Dagen Intler statlt van Ai'nhein versanieit zijnde. zwaricheyt geniaeet liebben le Ratidieeren de verbontnisse ende cont'ederatie tussclien den Keijserende den kurJ'uislen,Princenende staten des Hey- ligeii Rycx. Er)de /.ijnder niajesteit eriïnederlandeii van Herwertsovcre opgericht. Aeii- nierekende dat de voorsz. vei-boiilnisse ende eonlederalie gioolelicM aengael ende belrellt de weluaert Ruste viede ende versekertheyt van den voorz. landen. Heeft Duer express bevel. ende Inden nanie van zijnder keijs : Ma''" oni de voorz. staten van Gelderlandt le Betboonen, Datmen bijdeser manicren Hen nyet en Utnickt boven Redenc te belasten. Geseyt ende vercleert, Segt ende vereleerl bij desen. Dat indien liier namaels gebuerde. Dat de eoniribucie niitten Rijeke soe groot ware. ende van zuicker i|uanliteyt. Dat van noode vvesen soude de voorz. stalcn van Gelre te aensoeeken. Oni bnn aendcel ende con- tingent op le bringen ende liiinyeien niitten andeien landen van iieiweilsovere. In zuli- ken gevalle zijne keys. Ma""' ende zyne ma'"'' erven ende nacommelingen Heeren van den voofsz. Landen. zullen tselve steilen ter diseretie van den voorfi staten van gcb-e. soe zij alsdan In aider Redcne ende eqniteijt tselve zullen bevinden te beliocrene oni hen nyet geheelieken te verschcyden van den anderen landen van Herwertsovcre. Sonder dat zijne Ma""'' oit zijne erfven de selve gheenssins souden mogen belasten boven igenc Dat zij mit liueren goeden dancke zullen bewilligen. Aldus geordonueert bij zijnd Ma'"" le Rruesselc den Aebieiitwinliebsten Dacli van Meye A° xv" negenenveertich. C. v. v'. Marie ni. |j. Duer bevel bar Ma"". VEUKEVkK.N. (Il y a encore un evenipluire original sur parclieniin , île la même leiicur et sons la même date.) {Arcliirc-'i île f'ieune. Ihid ) U. Texte rrunrni». La Reyne Régente etc., ayant par le Rapport du Clianeellier de Gbeldies entendu (pie les estaiz du pays et Duché de Gheldres ces jours passes assemblez en la ville d'Arnhem. se sont renduz dillicilles de Rattifier lalliance et conlederation laite par lEmpereur et les Tome XWVI. o5 ih2 AI»PE.M)1Œ. lilocicurs princes cl l'i^iuV/. du siiincl cinpiic nvi'c les |);i\s |iiilriiiu)i)iiHiK de ! aiiltres pays de pardeca. En ce cas sa maicsie Iniperialle et ses successeurs seigneurs dieenlx pays remettront la chose a la discrétion desdils eslatz de (îlieldres selon (|ue alors eidx mesmes trouveront en équité et raison convenir, pour non se séparer entièrement des autres pays de pai'deea sans {[ne Sa maiesle ou ses héritiers les puissent charger en rien oullre (!e que bon gre ilz accorderont consentant en ouiire les tenir indempnes envers ledit empire de tout ce (|iic a cause (kidil li'aillie et leur ralidieaiion Ion poiirroil pre- lendre el demander deulx. Ainsi ordonne par Sa Maieste a Bruxelles le xxvni' jour de mai xv'' xi.ix. {Arcliirea de Viniiii'. Ibid.) IX. Lettre des Gouii-nieiir , chancelier , etc., de Giivldre à la lleiiir sur le même sujet. (7 juin 1349.) Allergenediebste vrouvve wy gcbiedcn ons in aller oedemoediebev t ende aller onder- daenicheyt In die gnede gratie van iiwe maj"''. Allergenedichstc vrouwe Dcse tegenwoerdigbe hriefl' sal dienen om uwe maj"" w adverteren dal die slaten van dcsen lande wesende hier binnen dese stadt vergaderi nac aile moegeliche Kcmonstrantieii iienluyden gedaen aelitervolgende die despesehe n)y Nicolaj by uwe maj"=" medegegeven ende daer op twee daeghen gedelibereert hebbcnde Ten leslen gister auondl entrent seven uren geaccordeerl hebben die alliancie ende con- federatie mitten Rijeb te ratificeren ende daer op te geven behoerlicbe procuratie noch- (ans hebben besproben dat benluyden van key' maj"" gegeven sonde vvordden Revers- sael brieven achtervolgende die minute by iienluyden ons overgelevert hier by gevuegbt wclliche minute eerstlicb zeer anders geconcipiert was Inhoudende punctcn ende dingbeii die ons dochten opgheen Redenen te staen Alaer ten lesten doer onser bericbl ende ondewysen is die selve n)inuie gehroeht geweesl totter forme In welliche sy ier overge- sonden wordt Ende sonder henlujden le verzeccheren dal kej" maj""'' die Reverssael l)rieven geven soude was groote appareniie dat sy die ("ondrmatie wederomme geweygcri souden labben Ende wanl onder correclie ons dunckl dal inde voersz Reverssael brieven uil en Staël dal eenighe zwarigheit up sich heeft Ende dat wy den voerz staetlen hebben PIECES JLSTIFICATINES. 413 inoeten geloven diil lienluydcii dicsche Reverssacl biii vcii oxcrgcleNorl /.oiuleii worclilcii willendf aiiders diUcrcrcn die scgelalic \andt'n prociii'alic loi OM'rk'vciiii^lic vaiidcii voei's/. |{(!verssael Itrievon Sal iiwe inaj'"' iii'lievfii die sclvc aciisioiull le docii cxiR'diei'en endc oiis ovci'seyndcii oui dcii v(m rsz slaelni ovcr le kiiuiL'ii Knde idscjo w) dose twce actcii die niy Mcolaj vick vnii daer nK'degi'geveii waereii uil van noodc gfliadl en licbhun seyn- den \vy die selve uwe niaj"'' wederonniie die selve hiddeiide onse dchiioir dillioenlie endc aile Igliene \vy hier inné gedaen liebben oiis nit andcrs dan in alleii gncde alTte neineii ende ons te gebieden nwer niaj"" \oirdere gelieUïen endc \\\ willcn ons eniployeren nae onsen kleynen veinioegi'ii die sche te volbrenglien. Allergenediehste vrotnve \\y bidden godt alniecblieb uwe niaj"" in liooglien geluckliclien Kegiinente laneklevende le bewaeren, Gesehrevcn tôt Arniicin den vu daeli Jiiny xv° xlix. Dat dese depescbe lot nu toe getardeert is gevvcest is daer doer toekominen dal inen nae die expcdilic vanden procuralie vanden voersz slaetcn loi nii (oc gewachl beeUt wel- lieke procuralie hier gevueglil is. (leselireveii op Pinxler dacli. lUver Ma" alleroedtinoedichste ende alleronderdaeiiicbsle Diencicn die Sladlbol- der Cantzier ende IJaeden des keysers geordonneerl in Gelderlandi. m. p. Ml. |). Hi-iuv III. II. (Archives de \ ioiiif. Ilikl.l X La Bulle d'or de Urabanl. (lôW.) Carolus Dei gralià Ronianorum Hex semper Auguslus el liolieniiae lîex ail peipetuaui ici inemoriam. El si Ilegiae Majeslatis circunispecla benignitas universos iideles ipsius f|uos Romanorum ambil Imperiuni pio favore prosequiter, ad ilioruin lanieii utililateni cl commoda speciali (piandam praerogaliva favoris inicndil, (|ui diiilmiiiuile laboris cl iin- niotae fidei conslantià circa procurandos sacrosancli liiipciij honores adhibila diligeniia clarucrunt. Sane lllustris Joannis Lolharingiae , Brabantiae cl Limburgis Ducis Sacrique fmperii ÎMarchionis Principis el eonsanguinei nostri charissimi merila jirobitaiis et cir- <:unispectae lidei purilalcni quibus ipse unà cum suis progenitoribus saciiini Rnmanuin Imperiuni debiliae iidelilatis obscquijs praeslanliùs honoravil nce cessât quotidiano sin- ceritatis aiïeclu diligenliùs honorare, clare nosliae nicnlis intuilu linijiidiùs iniuentes, sibi, hacredibus et siiceessoi'ibus suis inperpeluuin biine eoneessionis el donalionis gra- 414 APPENDICE. liniii (Je speciiili iio>li;if Miijoliilis l'iiNnic (|ii\iniiis liicicinhiiii , ik'ti ineiilos et cdiclo |hi- petiio statuentcs, qiiod iiullus Arcliiopiscopns, Piineeps, Cornes, Baio, JN'obilis, ani ('njii.sciiinqnc coiidilionis existât, Eeelesiasliec^ sivae leiiipofalis qiiibiiscunupie caiisis. de rivilihus , ciirninaliliiis, realii)us aiit peisoiialibus eoiiliniieiiles vel lioiioreiii , aliqnain juiis- dictioneni scu jiidieiarnni polestatein teinporaliter iii snbditos, vassallos cl servitorcs die- iDnim Ducis, liaei'edimi et, succcssofum ipsiiis inlra Diieatiis l^olliafingiae, Brabantiae et Liinbui!;is, ne Maieliioiiem liiiperij et eùrum distrietiis appeiidentia , et quascuiiique pei- tiiieiilias eonslitulo.s, ati iiistaïuiam eiijiisciiiiKpie personae irilia vel extra lijnitcs dietoi'mn Uoniinioriiiii cxislcntes, qiialiseumque siradiis, status scu eoiidilionis existant, evocando, appeliando, abjiidieaiido, baiiiiieiido, iirosei'iliendo, aiit aiios aelus judiciales faeiendo, per seriteiitias iuterloeutorias , seu dilinilivas exereeie piaesiiiuat ; iiisi primitus ellicaciter ei évident! et legitimo doeumento probet, quod à judieibus, olliciariis et aliis fideiibus dio- lorum Ducis, hacrcduni et successoruni ipsius qui pro lenq)ore fuerint niinistrandae jus- litiae de|)ulali, pelenti seu petenlibus super actione aut aclionibiis (piaui vel (pias inlciKare .seu intentasse noseuiUur, justitia l'uerit denegala, nec coneequi potuerit justitiae eoinple- inentuHi. Decernenles universas et singulas senlentias interiocutorias et dilinitivas, si quas super quibuscuin(|ue eausis eliam specificatis voeabulis designari valerent adversùs prae- sentis nostrac gratiae et iargitionis induituni à quibuscunique judicii)us , justitiarijs et justitiae Aiciendae praesidibus euianare conliiigcret irritas penitus et inanes, nec eanun liraetextu vasallos, subdilos et servitorcs dictorum Ducis, hacredutn et successoruni ipsius, iufra terminos et spalia Donnnioium tpiae sciipla sunt et eorum periinentias constitutus, ali(|iialit<'r obligari. Celeri'ini eùni plcrique innocentes ex (piadain contagione noeenliuiu paersaepù pericula dispcndiorum videntur incurrerc, cùni is (|ui reus non est ioco noxij detinetur, ut eidcm pcriculo in terris ejusdeni Principis , quein suà virtulc poscentè non ijunicrilo prac ccteris adaniamus, de Kegiae benignitatis gratià abruidantiùs eavcatur, illiid praecipè statuenduni (hixinius et poteslotis IJegiac cdicto slrietiùs injungcnduni , neab(|uis vassallus, subdilus nec servilor dictorum Ducis, baereduni et successoruni ipsius, inlVa Ducatiis Lolbaringiae, Brabantiae et IJinbiu'gis et Marebionatuiu liiqierij et connu appeii- (ieniia seu pcrtinentias constilutus, in quibuscunupie Episcopatibus, terris , provincij-, l'rincipalibus sive Doniiin'js, sacro sulijectis Imperio, Ecclesiastici aut tein|joralis si\c cnjuscuniquc alterius jurisdictionis existât, Ioco et vice aherius de eodeni Doiiiinio qua- eunique noxa seu del)ito involuli arrestari, inipignorari seu dclinei-i, rébus aul corpore inolestari debeat, aut aliquas vioiciilias seu niolestias (piomodobbet sustinere, nisi fortassis réuni vel debitorcin iiujusniodi vivà voce, manuali non tractus sed spoiitc propria se de- liilis seu dclictis lalibus obligassct, abs(|ue alioruni praejudicio contingeret personaiiter ileprebendi ; si tpiis auteui ausu tenierario, etc. Datuiu in \\'ustberck, anno Domino M. CGC. \LIX, indictione secunda, tertio kalendas IMartii. Kegnonun nostrorum anno lertio. (Biilkciis, Trophées de IlrabaiU, l. I , preuves, pp. 184-18o.) FI.N. TAIiLi: DES :\1\TIÈI\ES. l'aies. AVANT-PH()P«tS ■ ■ ' PREMIÈRE PARTIE. l' U N 1 F K; AT I O.N 1 K R II 1 T 0 H I A I. E, INTRODUCTION. Dcmeiiibi'ciucnl delà monarchie carolingien ne. — Tr.iilé de Verdun. -- Iji Lotharingie. —Ses vicissitudes. — Elle est crigcc en royaume, puis en duché. — Giselhert la place sous la suze- raineté de Tcmpire d'Allemagne. — Elle est di\iséc en Haiile (Lorraine) et Bo.sse ( Luthier ). — L'afraiblisscmcnl du pouvoir impérial favorise le système féodal. — Origine des sei- gneuries souveraines, ecclésiastiques et laïques, en Belgique. —Faits nombreux établissant le lien qui les rattache à lEmpirc. — Les comtes de la maison de Louvain deviennent ducs de Lolhier-Brabant. — Le lîral.anl tout entier était-il fief de l'Empire? — Prérogatives des ducs de Lolhier. — Le marquisat d'Anvers. — Le comté, puis duché de Limltourg. — Le comté, puis duché de Lu.xembourg. — Le comté, puis marquisat de Namur. —Le comté de Hainaut. — L'évéché-duché de Cambrai. — Le comté de Flandre relève de la France. — Origine de la Flandre impériale. — La principauté de Liège. — La Frise. — Le comté de Hollande. — L'cvèché d'Utrechl. — Le comté de Zélandc. — Le territoire de Groningue. — L'Overyssel cl le Drenthe. — Le comté, puis duché de Gucidrc. — Le comté de Zulplien. — Conséquences découlant des relations féodales des provinces belges avec l'Empire. — Résumé. — Commen- cement d'unification des pro\inces à l'avènement de la maison de Bourgogne. — Relâchement du lien féodal. —Jean, élu de Liège, et Jacqueline de Bavière, — Arnould d'Egmonl. — Inter- vention de l'Empereur .Sigismond dans les alLiires des Pays-Bas. — Guerre des Ilussitcs. — Première »iHO/c((/(' connue.— De quelle manière la Belgique y contribue.— Projet de divi- sion de I Empire en quatre régions. — Démêlés de l'Em|)creur et de Philippe le Bon. — Sigismond refii-e à Philippe l'investiture des fiefs des Pays-Bas et veut lui substituer le landgrave de liesse. — Philippe ne prête point l'hommage aux successeurs de .Sigismond. — L'empereur Albert 11. — Division de l'Emiiiie en quatre cercles. — Les |irovinces belgiques sont comprises dans le troisième cercle • ■ il G TABLE DES MATIERES. SECONDE PARTIE. I. A TliANSACTION d'a IMJ SBO U UG. CHAPITUI': !■. L'iinlc'pcruliiiifc des princrs de lEinpiic cl celle du due de Biiurfiogne en |)iiiiieulier iiuguieiileiil de jour en jour. — Alléraliou des lappoils entre la lielgique et l'Alleniiigne sous Pliili])pe le Bon. — Celui-ci acquieit le Luxembourg. — Opposition de reiupercur Frédéric 111. — Xégo- ciiilions à Vienne. — Pliili|)|ie songe ii rétablir Tancicn royaume de Lotliaringie. — .Ses démar- ches auprès de I lùupercur à ce sujet. — Celui-ci investit son frère du llainaut, de la Zélande et de la Fi'ise pour forcer Philippe à les racheter. — l.e duc se maintient eu possession et cii\oie une nouvelle di'pulalion à Vienne |ioiir ohlenir le lilic de roi. — Coudilious qu'y uiel Frédéric. — Refus de ['hili|)pe. — Les négociations sont rompues. — Kffoi'ls de l'Empereur pour obtenir l'hommage de Philippe. — Celui-ci est convoqué à In diète comme prince de TEni- |,i,.e. _ Frédéric m empêche Phili|ipe d'incorporer la Fri>c.— Charles le Téméraire figureaux Ji^.l^.ji, _ Il aspne à devenir roi des lloiuains. — Allaires de Gucidrc. — Charles essaie de devenir roi de lielgicpie. — Il reçoit l'investiture de l'Iimpereur. — Entrevue de Trêves. — L'Empereur élude ses promesses. — Charles cherche à eoncinérir le litre qu'on lui refuse Il est mis au ban de l'Empire. — Ses fautes, ses revers, sa mort ()7 Cil APlTHi: II. Mariage de Marie de Bourgogne et de Masiuiilien. — Celui-ci reçoit, an nom de son épouse, l'inveslilure des Pays-Bas. — Louis M , par crainte de lEnipirc, évacue les parties des Pays- Bas (lu'il occupait. — La Belgique contribue dans les matricules impériales. — Maximilien csl nounné tuteur de .ses enfants et régenl des Pays-Bas. — Troubles. — Maximilien est jeté en prison. — Les États de l'Empire lèvent une armée pour le délivrer, et l'Empereur l'amène au secours de Maximilien. — Celui-ci est irlàché. — La diète de Francfort met (in à la guerre. — Maximilien est définitivenient recoimu tuteur et régent. — Avènement de Maximilien au trône im|)érial. — Ses réformes. — Dièle de Worms (1495). — Ses décrets. — Philip|)e le Beau est chargé d'exécuter la paix publique dans les Pays-Bas. — La chambre impériale.— niète de Lindau (I4',»G). — Affaires de Frise et de Gneidre. — Intervention de Maximilien. — Il donne à Phili|ipe le Beau liuféodation de la Gucidre, de Zutphcn et de Luxembourg. — La mort de Philippe le Beau amène nue nouvelle régence de Maximilien. — Celui-ci, n'étant encore que roi des Bomains, désire être sacré Empereur. — La Belgi(iue contribue aux sub- sides nécessaires pour Vexpéditwii rviiniine. — Division de l'Empire en dix cercles. — La Belgique eu forme un, sous le nom de Cercle de IJoiirgoyiie, et est entièrement assimiléi' au.xautres, — Le traité de Cambrai. — Louis .\II déclare la guerre à I Emiiire en attaquant les Pays-Bas. — Les armes impériales triomphent. — Traité de Noyon. — Maximilien rat- tache la Frise |dus étroilement à I Empire. — Traité d aiuiîié entre les Pays-Bas et la prin- cipauté de Liège. — Mort de Maximilieu ■'^'*^ TABLK DES MATIERES. 417 CHVPITHK III. Caraclère du ^.ièclc h ravéïicnii'iil e, Gionini;ue, le Dicntlie, la Gueldrc el Zulplien. — Délails. — Situation des Pays-Bas. à celte épo(|ue, \is-à-vis de TEin- pire. — Conliibulions diverses au\([uelles ils étaient oiilisçés de concouiii-. — Résistance des Pays-Bas aux ilécisions des diètes. — Matricules et contingents. — Eil'orts de Cliai-les-Ouinl pour les faire eoniribucr dans le conseil de régence. — Refus des États des Pays-Bas. — Insis- tance des États de l'Empire. — Nouvel impôt turc. — Entrelien de la Chambre impériale. — Charles-Quint charge le conseil de Brabant de l'exécution de la /hille il'ur. — Premières ten- tatives pour uniformiser les monnaies belges et celles (rAllemagn<'. — Marie de Hongrie remplace Mai-guerite d'.Aulriche comme régente des Pays-Bas. — Réclamations des Etats de l'Empire aux diètes de VVorms (lo'il), de Nuremberg (1525-1. "J'Ji), de Spire (loîjy), d Augs- bourg(l530) et de Ralisbonne(l33l, Ki'H) M" CHAPITRE IV. Nouvelles négociations relatives aux rapports de la Belgique et de l'Empire.— La diète de Spire (1542) demande de nouveaux subsides à la Belgique. — .Marie de Hongrie objecte la guerre que la Belgique est obligée de soutenir contre la France. — Mission de Sasbout dans les sci- jneuries d'L'Irecht el d'Overyssel. — .Marie dénonce à la diète les menées de François I el invoque le secours de l'Empire en faveur des Pays-Bas. — Viglius est envoyé à la diète. — Charles-Quint paye une portion des contributions ducs par la Belgique. — Celle-ci continue à élre comprise dans les matricules. — Viglius el Krychingen sont envoyés îi la diète de Nurem- berg (1545). — Ils obtiennent un délai de payement. — Démarche des Étals de l'Empire auprès de François I en faveur des Pays-Bas. — Mémoire deGranvelle sur l'affaire de Gueldrc. — Décision de la diète à ce sujet. -- Diète de Spire (1544). — Lettre de Charles-Quinl à Boisol et à Viglius. — Les États de l'Empire réclament les contributions d'L'Irecht et d'Ovcry.s- scl, sous peine d'exécution parle fiscal. — Les Pays-Bas sont astreints au payement de l'impôt turc par le denier commun. — Démarches infructueuses des Etals de l'Empire. — Diète de Worms(1545). — Ultimatum |)osé à Viglius I3.i o" CIIAPITUE V. Diète d'Augsbourg (I5'i.7- I5i8). — Les négociations sont reprises.— Nouvelle.-, instruction'- pour Viglius. — Il doit essayer de conclure une c()nf('dération entre les Pays-Bas et l'Emiiire. — .Marie de Hongrie se rend elle-même à Augsbourg. — Apogée de la puissance de l'Empereur. — iNouvcIle assemblée de la ligue de Souabe qui devait modifier la constitution de l'Empire. Elle n'aboutit point. — Mémoire des Étals de l'Empire. Ils demandent que les Pays-Bas con- IIS TABLE DES MATIÈRES. liibuent comme les autres ÉlaU dans les char-es impériales. — Réponse de Cliarlcs-Qiiint. Il propose une transaelion qui devient la hase de négoiiations ullérieuies. — Contre-rapport des Ktats de l'Empire. Faits allégués à I ap|iui de ce document. — Uélutation présentée |)ar Charles-Quint. — l'aihlesse de ses arguments. — Nouvelle proposition des États. — Klle a aussi un earactère Iransaetioiinel. — Lettre de Marie de Hongrie à Viglius. définissant les pays qui doivent être eompris dans l'accord: trois catégories. — Contre -|)roposilioii de lEmpcreur conforme à la lettre de la reine. — L'arrangement conclu entre l'Empire et la Lorraine est invoqué comme précédent (WiW). — Nouvelle exigence des États de l'Empire. — Concession de l'Empereur. — Satisfaction des États. Cependant ils é|)rouvenl encore des scrupules. — L'Empereur y fait rlroit. — Fin de la discussion 137 CIKPITRK \l. Le résultat des négociations e^t condensé dans un acte julenncl dit : Tninsculivn il AiHjshuiiry. — Résumé des iirincipales stipulations. — Nouveaux rapports qu'elles créent entre la Bel- gique et l'Empire. — Ratification des États de l'Empire. — Lettres de non-préjudice données à l'évèquc de Liège rclalivemenl à Maastricht. — Quel était le but de Cliarles-Quint en négo- ciant la Transaction d'.Uigshourg? — Motifs di\ers. — Manque de clarté de la transaelion au point de vue juridique. — But politicpie nettement défini. — Le traité achève le travail d'uni- fication des provinces helgcs. — Situation intérieure de la Belgique. — Comparai-on avec les principaux États de l'Europe. — Occasion uni(|uc pour faire delà Belgique une nation indé- pendante avec une dynastie particulière. — Négociations pour obtenir la ratification des Étals belgiqucs. — La transaelion est soumise aux Étals Généraux. — Adhésions successives des diverses pro\inces. — Difiicultés soulevées par la Hollande et la Gueldre. — Viglius, Maiie de Hongrie et le comte de Hoogslraeten les surmontent. — Ratification générale des dix- sept provinces. — Détails. — Complément de la transaction p.ir la Pragmaliiiue Sanction de Ij4'.) •'** CHAIMTHI': VII. McMires destinées à assurer l'exécution de la Transaelion d'Angsbourg. — Nominations des premiers assesseurs et avocats et piocureurs à la Chambre impériale pour la Belgique. — Investiture de Philippe U |)ar l'Empereur, son père, pour les terres des Pays-Bas. — Distinction faite à ce sujet. — Premiers députés en\oyés à la diète au nom du Cercle de Bourgogne.— Hs siègent dans le banc ecclésiastique. — Pourquoi? — Contributions dans les matricules. — Comment le Cercle de Bourgogne fut imposé. — Nouvelles tenlati\es pour rendre les mon- naies belges conformes à celles de l'Empire. — Ordonnances à cet égard. — La Transaction d'Angsbourg donne lieu à quelques dillicuités d'interprétation de la part de certains Etats de FEmpirc. — Ce i|uc coûtait approximativement à la Belgique son union avec l'Empire. — Mort de Charles-Quint -^^ TABLE DES )IATIERES. 4I<> TROISIÈME PARTIE. EXÉCUTION 1)K LA TKANSACTION d'aUGSBOCFU;. CHVPITRK I ■. U(;iii;irqucs pirliiiiiiuiii'cs. — l'Iiilippe II reçoit de l'etii|)ereiir Ferdinand l'inve'^liltire de ses terres dans les Pays-Bas. ■ — Griefs des Belges ciinirc le gouvernement de Iciii' prinee. — Plaintes et déinonstralioiis. — Les Belges invoqiu'iil les paiv de religion dAiigshourg et de Passaii. — Altitude expertante de rAIIeniagne. — Délianccs de la cour de Bruxelles. — Pre- miers troubles. — L'empereur Maximilien II inlervicnl en faveur des comtes d'Egmont et de Hornes. — Le prince d'Orange, condamné par le duc d'Alhe, en appelle à l'Empereur. — Démarches de plusieurs électeurs et princes de l'Empire auprès de Maximilien pour le prier de recommander à Philippe II la modération. — L'Empereur envoie à Madrid son frère, l'archiduc Charles. — Insuccès de la mission de ce dernier. — Réponse de Philippe II aux arguments de l'archiduc 211 CHAPITRE II. Le Cercle de Bourgngnci est convoqué à l'assemblée des États de l'Empire à Francfort ( I3C!>). — Le duc d'Alhe y envoie comme député du Cercle de Bourgogne Jean de Naves. — Celui-ci expose la situation des Pays-Bas. — Il échoue dans sa mission. — Plaintes contre le gouver- nement du duc d'Albe. — Diète de Spire (1570). — Le due d'Alhe y envoie le seigneur de Chantonay. — Attitude de ce dernier vis-à-vis de l'Empereur. — Si l'on pouvait lever des troupes dans rEm[)ire pour le Cercle de Bourgogne? — Des habitants des Pays-Bas invoquent la protection de la diète contre la tyrannie du duc d'Albe. — Celui-ci ne s'en émeut guère et néglige de contribuer régulièrement dans les charges de l'Empire. ~ Les assesseurs Capito et d'Alhada. — Le duc d'Albe invoque à son tour l'assistance de l'Empii'C contre les révoltés. — Ceux-ci appellent à leur secours le roi de France et la reine d'Angleterre. — Conférences de Delft. — Contingent du Cercle de Bourgogne (i577-l.'J9ô). — Nouvelles démarches des seigneurs protestants pour obtenir des secours de l'Empire. — Mémoire de Marnix à rEm[)e- rcur. — L'union d'Utrecht réserve les droits de l'Empereur et de l'Empire. — Rapports moné- taires des Pays-Bas et de l'Allemagne 22(i CHAPITRE III. Antagonisme créé par l'Union d'Utrecht entre les Pays-Bas du nord et ceux du sud. — Congrès de Cologne. — Nouvelles tentatives de pacification. — Diète d'Augsbourg (1;j82). — Confi'- rencesdc Sjiire (lySiJ) et de Francfort (1590). ^ L'Empereur envoie une ambassade aux Pajs- Bas. — Les Provinces-Unies ne veulent point de conciliation. — Nouvelles eonférenees. — Albert et Isabelle. — Confirmation de la Pragmatiiiue Sanction de Charles-Quint. — Plaintes contre les abus de la Bulle d'or de Brabanl. — Nouvelle ambassade envoyée par l'Empereur aux Pays-Bas. — Épuisement des partis. — Congrès de La Haye (H>07). — Message de l'Em- To.ME XXXM. ^ ' U i-2{) TMÎLK DES MATIKRES. jicriMii' nu\ llolliiiidiiis. - Lciii' i'(''|)oiisc. — Ti'i'vi^ de ildiizr ;iiis (lOOi)). — liii|)|ii)i't- moiii'- liiii'ps. — Contributions du Cercle de Bourgogne. — Succession des assesseurs et avocats et ])rocureurs à la (^liaiulii'c inipéiiale '2^tii CilAPlTIli; l\ . (iueire de Ti-ciitc Ans. — Silualion de la nelgiquc. — Alherl et Spinola. — Expiration de la Trêve de douze ans (Ki'il). — Mission de Peckius. — Leilce de rFuipereur aux Provinces- Unies. — JU'ponse hautaine de ces dernières. — .Mission d'Aitzeina auprès de rEnipercur. — Diète de 1041. — Son importance. — Weyns et Brun y sont envoyés pour le Cercle de Bour- gogne. — Atlaire des contribuli(uis. — Question des mercenaires suisses. — Exposé de la situation delà lîelgiipie ■ — Elle est taxée Iro]) haut — Nouvelles l'éclamatious au sujcldc la Bulle d'or. — Mémoire des Etals de VVestplialie. — Réponse des députés de Bourgogne. — Décision de la diète. — Diète de Hiiô. — Léonaid de Rielitcrsperg. — Traité de Westphalie. — Causes directes et indirectes (|ui ranienèrcnl. — Il entame la Transaction d'Augshourg. — Convoitises de la France. — Conséquences pour la IJelgi(]ue. — Protestation du roi d'Espagne. — Reconnaissance de rindcpcndancc des Pio\ ii\ces-L'iiies. — Coiitiibutions de la Belgicpic pendant celte période. — Détails 'Ht'l CII.APlTKi: \ . Position des Pays-Bas vis-à-vis de l'Empire. — Investitures. — Ces.sion de Resançon à l'Es- pagiu'. — Article de la capitulation de rEm[iereur relalilà la Bulle d'or. — Incniic du gon- \ernen)ent de Bruxelles. — Stockmans est nommé député près la dièle. — Son mérite. — L'assesseur Broquart \eut l'aire renouveler la Transaction d'Augsbourg. — Bcllevaux et Philippi. — Louis XIV réclame uiu' partie des Pays-Ras en vcriu du droit de dévolution. — L'Empile est-il tenu de dél'endre la Belgique? Discussion. — Annexions. — La Belgique s'engage à louruir 3,000 hommes pour le contingent militaire impérial. — Dénùment des ambassadeurs. — Louis de Laneuvel'orge est nommé député près la dièle. — Son talent et son activité di])lomali(pies. — Services qu'il rend au (lays. Il obtient une garantie explicite de l'Empire en laveur de la Belgi(|uc. — Coalition contre Louis XIV. .— Assemblée des Étals à Brème ( 1 ()()(>- 1 (it)7 ). — Laueuverorgc proleste contre les mercenaires suisses. — Paix de Nimègue (1078) 282 CHAPITRE VI. Conséquences de la ])aix de Nimègue. Nouvelles prétentions de Louis .XIV. — Chambres des rriniions. — Elles |irononcenl l'annexion d'un grand nombre de terres belgiques. — Les Pro- vinces-Unies |)roposcnt un Irailé de garantie. — Occupation des Pays-Bas par les troupes Irauçaises. — Mission du baron d'Autel. — Démarches de Laneuvcforge. — 11 réclame une garantie effective. — Inertie de l'Empire. — Congrès de Francfort. — Intrigues des envoyés français. — Dissenlimenls au sein de la dièle. — Attitude de l'Autriche. — Invasion des Turcs et siège de Vienne. — Louis .XIV envoie une armée en Belgique. — Horreurs commises: — IJnotion générale. — Le gouverneur général des Pays-Bas déclare la guerre à Louis XIV. — Tenlativcs de paix. Longues et laborieuses négociations. —Trêve de Ratisbonnc (1084). Ses sti])ulations. — Protestation de Lancuveforgc 2'J!< TABLK DES MATIERES. m CHAPITUK \ 11. Inexénilion des slipiilnlioiis do la 't raiisadion (l'Aiissl)oiirp;. — Placo (l'assci^snir à la Cliaiiitsif impériale vacante. — Payeiuciils irrégulicrs. — Alîairc Pyiiappcl. — Démarches de Bro- quart. — Celui-ci n'est pas secondé par le gouvernement de Bruxelles. — Sa correspondance. — Le gouverneur général des Pays-Bas vent obtenir inie diniinnlion. — il nv léussil pas. — Le successeur de Broquart n'est |)as agréé par la (;iiainl)i'('. — L'emploi d'assesseur resie vacant jusqu'au XVIII' siècle. — Ligue d'Augsbonrg (I()8()). — La dièle agite la queslioii de savoir si la Belgique fait cncoi'C parti(! de l'Empire. — Observations de Laneuvcl'orge. — Il proteste contre les corps suisses qui servent dans les troupes l'rançaises. — Henri de Laneii- veforge est adjoint à son père. — Maximilien-Emmanuel de Bavière. — Traité de Ryswyck. — Guerre de la succession d'Espagne. — Le Cercle de Bourgogne conliibue dans l'armée de l'Empire et reconnaît en même temps le duc d'Anjou comme souverain. — Henri de Lanen- veforge est expulsé de la diète. — Pi'ojets chimériques de Maximilien-Emmanuel. — Il est protégé par Louis XIV et rcpouss('' parles alliés. — La Belgique est considérée comme faisant partie intégrante de l'Empire. — Fautes des alliés. — La Belgique passe à l'Empereur d'.\u- triche (I7i:)) niJ CJlAPlïRK Mil. Mort de Louis XIV. — Règne de Charles VI en Belgique. — Mémoires tendant à prouver que la Belgique fait |)arlic de l'Empire. — Compagnie d'Osleiide. — Opinions diverses. — Mémoires et brochures publiés à ce sujet. — Ils reflètent les tendances opposées des membres de la diète. — Les Etats de l'Empire refusent de reconnaître la Compagnie. — L'Empereur con- sent, après de longs efforts, à abolir l'institution. — La Pragmatique Sanction de Charles VI. — Guerre de la succession polonaise. — La neutralité de la Belgique est [iroclaméc (I7ôô). — Charles VI rétablit les relations linancières entre la Belgique et l'Empire. — Difiîcultés (ju'il rencontre aux Pays-Bas. — L'Empereur veut nommer un assesseur près la Chambre imj)ériale. — Objections du gouvernement de Bruxelles. — Question monétaire. . . 357 criAPiTRi: i\. Bègue de .Marie-Thérèse. — Gucri'c de Silésie. — Frédéric II ne reconnaît pas la Belgi([ue comme faisant partie de l'Empire. — Envahissement de la Bclgi(]ue par Louis XV. — Projet de cession de la Belgique conire la Silésie. — Traité de Versailles. — Exécution des mande- ments de la Chambre de Wetziar. — L'Empire devait-il intervenir dans les cessions de ter- ritoires du Cercle de Bourgogne? — Consultes du Conseil privé. — • Joseph II. — ■ Projet d'échange de la Belgique contre la Bavière. — Les ilémarehcs de Fi'édéric II le font avorter. — Révolutions brabançonne et liégeoise. — Intervention de l'Empire dans l'une et dans l'autre. — Fin du règne de Joseph II. — Détails sur les dernières contributions fournies par la Bel- gique dans la Chambre impériale. — Derniers asse^seurs. — Il n'y a plus d'avocat et pro- cureur. — Opinion du gouvernement de Bru.xelles à cet ('gard. — Invasion française. — Attitude de l'Empire et de la Prusse. — Annexion delà Belgique !ï(i(l 1-22 TABLE DES MATIÈRES. APPENDICE. PIÈCES JUSTIFICATIVKS. I. Lcllif de I ciiiijciciir Cliiirlt\-.-niiiiit iuix (lo(lciii'> lioiï-ol cl \ ii^lius (l.")44). . . . ôS'i II. Trnnsaclion d'Aiigjhuurg (2(j juin IliiSj ô8o A. Tcxlc fniiiçais ''(»■ B. Texte latin 3',)l C. Texte allemand 398 m. Proposition faite aux Iî!tats Généianx bclgiqucs pour l'adoption de la Transaction d'Augsbourg (25 octobre 1.548) 'jOj IV. Lettre constatant que les ratifications de plnsirurs Étals ont été obtenues rclali\e- ment à la Transaction d'Augsbourg (10 décembre 1548) 407 V. Lcllre de la reine Marie de Hongiic an gouverneur . — loi, ligne -2 — ses successeurs, Une/.: ses prédécesseurs. — 280, noie 1 - \\>\. note I , p.2SS ,i\sei:\o). note i, p. iS!). — 319, noie 1 — citée, p. iS9, note I Ahet: citée, p. ÎS!), note 'i. DESCRIPTION DES FOSSILES DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. PREMIERE PARTIE. GASTÉROPODES. Ordre I. — PROSOBRA\CHES. Section A. — SIPHONOSTOMES. A. BRIART ET F.-L. CORNET, INGÉMEURS CIVILS (Mémoire présenté à la classe dos sciences le 1 1 mai 1S6!).) Tome XXXVI. ^' INTRODUCTION. Depuis la publication, clans les Bulletins de l'Académie royale, de nos notices relatives à la découverte ' et à l'extension ^ du calcaire grossier de Mons, peu de faits sont venus s'ajouter à ceux que nous avons fait connaître. Cependant, nous les croyons assez importants pour que nous en parlions ici dans un résumé succinct des connaissances que nous avons relativement au mode de gisement et aux autres caractères de ce nouveau système tertiaire. Au point où nous l'avons d'abord découvert, c'est-à-dire au puits domes- tique creusé en 4865 par M. Gofïïnt dans la partie nord-est du territoire de la ville de Mons, le calcaire grossier, rencontré à 6'",50 de la surface, ' 2'" série, I. XX. -^ Idem , t. XXn. IV liNTRODLCTlON. est l'ccoiivert par une couche de 4 à o mètres formée principalement de sahie Irès-glauconil'ère, dont il est séparé par une ligue de ravinements bien caractérisée. Nous avons démontré stratigrapliicpiement que ce sable est infé- rieur, non-seulement aux assises argilo-sahleuses du 3Iont Panisel où Du- mont a pris le type d'un système que les recherches récentes de M. Dewalque tendent à faire rapporter à la partie inférieure du calcaire grossier de Paris; mais nous avons prouvé, de plus, (pril passe en dessous des couches d'argile et de sables du système ypresien à Nmmnu/iles plamilata, et qu'il corres- pond aux dépôts glauconifères landeniens d'Angres et de Tournai, dans lequel on trouve, avec le Pholadonuja Koninckii , Nyst, d'autres fossiles qui les font rapporte!' aux plus anciennes couches tertiaires de France et d'An- gleterre. Enfin, l'étude des débris ramenés d'un sondage pratiqué entre la ville et le puits de M. Goflint nous a prouvé que le calcaire grossier de 3Ions a , dans cette partie du pays, une puissance connue de 93 mètres, et qu'il occupe une vaste et profonde dépression dans la craie blanche. Plus tard, nous avons montré que la craie blanche (jui supporte immédia- tement le calcaire grossier de Mons dans le sondage dont nous venons de parler est durcie et jaunie au contact, et qu'elle appartient à la cmic de Spiennes que nous avons placée récemment à la partie supérieure de l'étage de la craie blanche du Hainaut ^ Nous avons signalé la i)résence du nouvel étage tertiaire en dessous du village de Cuesmes où il repose sur le tufeau de Maestricht, et nous y avons rapporté les roches traversées, à partir de 39 mètres et de 'i7"',66, dans le puits artésien de la caserne de cavalerie et dans celui de M. Raimbaux, rue de Nimy, ainsi que celles que l'on voit reposant dans une profonde dénudation de la ciaie blanche moyenne mise à découvert, au ' Sur la division de la craie blanche du Hainaut en quatre assises (Mém. cour, et mém. des SAV. éth. de l'Acad. iiov. de Belgique, I. XXXIV). INTRODUCTION. v sud d'Hainin, par la tranchée du chemin de for. Ce dernier gisement avait été rapporté par Dumonl au système du tufeau de Maestricht. En consultant les notes de cet illustre géologue, M. le professeur Dewalque a trouvé que le calcaire grossier de Mons devait, en un certain point, y être séparé des sables verts landeniens par un dépôt d'argile noire. Une fouille pratiquée dans cette tranchée, eu présence de .AU Dewalque, nous a en eflet montré, intercalée entre le calcaire grossier et les sables landeniens, ravi- nant le premier et ravinée par les seconds, une argile ligniteuse de 1 mètre à l^jSO de puissance, que nous croyons maintenant appartenir à un puissant système argilo-sableux qui séparerait le calcaire grossier de Mons des couches landeniennes à P/ioladomya Koiiinckii. Ces argiles et ces sables, et probable- ment la partie supérieure du calcaire grossier de Mons traversée à la caserne de cavalerie , ont été rapportés par Dumout à son système Heersien , quoi- ((uMI n'y ait, d'après nous, aucune preuve de synchronisme entre ces dépôts et les couches argilo-sableuses et marneuses ((ui occupent, relativement au système landenien , la même position dans le Uimbourg. La vaste lacune géo- logique existant entre les formations crétacée et tertiaire est comblée en partie par la découverte du calcaire grossier de Mons et des couches argilo- sableuses qui le recouvrent; mais l'existence de lignes de ravinement, les différences profondes et subites que l'on constate dans les faunes et les carac- tères minéralogiques , nous prouvent, non-seulement que ces dépôts ne se sont pas suivis immédiatement dans la série des temps, mais qu'il existe encore une lacune entre la craie de Maestricht et le calcaire grossier de Mons, comme entre le landenien et les couches d'argile el de sable qu'il recouvre dans le bassin de la Haine. Peut-être le système Heersien du Limbourg comble-t-il totalement ou partiellement une de ces lacunes? Partout où nous avons constaté sa présence , le calcaire grossier de Mons :'st constitué principalement par une roche à texture grenue, généralement e VI INTRODLCTION. assez friable, hlanchàtie ou jaunâtre, lorinée par raggloniération de débris ori^aniques parmi lesquels ou distingue un grand nombre de foraminil'ères dont les espèces les plus abondantes appartiennent au genre QuiiuiHclocu- liiKi. Ouelques bancs à grains plus fins ressemblent tellement au tul'eau de Maestricbt qu'il est très-facile de confondie des écbantillons provenant des deux assises. On trouve dans la masse, et d'autant plus abondamment qu'on s'y enfonce davantage, des lits minces, des bancs non continus et des rognons souvent très-volumineux de calcaire blanc très-dur, très-tenace, à texture subcompacte, empâtant les mêmes espèces de fossiles que les bancs friables, et renfermant quekpiefois des vides remplis d'une matière noire ligniteuse. Cette substance doime, en certains endroits, à une partie du système une teinte bleuâtre ou brune très-prononcée. Ce dernier fait a été constaté au son- dage Lebreton et au puits artésien de la caserne de cavalerie. Des blocs provenant des parties dures du calcaire grossier de Mons sont souvent rencontrés mélangés à des silex arracbés à la craie dans le dépôt caillouteux qui forme ordinairement la base du sable landenien de recou- vrement; et, fait remarquable, quoique les rociies dures, comme d'ailleurs les rocbes friables de notre nouveau système, soient composées presque uni(|uement de carbonate de cbaux, cette substance a disparu presque complètement des blocs remaniés et a été remplacée par un élément siliceux. Les fossiles ont disparu, mais ils ont laissé leurs moules externes dans la rocbe. En quelques-uns des points peu nombreux où nous avons constaté l'exis- tence du calcaire grossier de xMons, les fossiles ne se trouvent qu'à l'état de moules et sont peu abondants; mais le puits Goflint et le sondage Le])reton ont traversé des assises excessivement fossilifères et où les spécimens sont dans un état de conservation pour ainsi dire i)arfait. La plupart des espèces que nous allons décrire et lîgurei- proviennent du puits Collint. Elles ont été INTRODUCTION. vu rencontrées sur toute la hauteur des 14.™,30 de calcaire traversé, le même bloc de roche montrant quelquefois une centaine d'espèces dont la grande majorité sont marines, mais dont un nombre relativement assez grand sont d'eau saumâtre, d'eau douce ou même terrestres. Nous ne nous attacherons pas, pour le moment, à faire i-essortir les carac- tères singuliers de cette faune nouvelle; nous pensons que ce que nous en I)oui'rions dire trouvera mieux sa place à la fin de notre travail. Quatre espèces de polypiei-s a|)partenant au calcaire grossier de Mons ont déjà été décrites par iMM. Milne-Edwards et J. Haime '. Ce sont les Trocho- (tjdtas Koninckii , Pleurocora cxplanata, P. ultermins, et P. Komnckii. Les spécimens qui ont servi à la description ont été, pensons-nous, fournis par M. le professeur de Koninck qui les tenait de feu 31. Albert Toilliez. Celui-ci les avait rencontrés avec d'autres espèces (Corbis, Arca, Dentalium, etc.) qui sont maintenant en notre possession, dans les déblais provenant des fouilles ouvertes pour la construction de la maison de M. Goffint, voisine du puits. M. A. d'Orbigny a fait de ces quatre espèces, (pii avaient été placées par MM. Milne-Edwards et Haime dans la craie de Maestricht, quatre espèces céno- maniennes (Prodrome, Et. 20""=). Quoique nous n'ayons pu consulter tous les ouvrages qui traitent de la description des fossiles tertiaires , nous pensons cependant que ceux que nous avons eus à notre disposition nous donnent la certitude que bien peu de points de comparaison nous ont échappé. En effet, nous avons consulté, pour la France, les ouvrages de MM. Lamarck, Deshayes, Melleville, A. Rouault; pour l'Angleterre, ceux de MM. Sowerby, Morris, Dixon, Wood et Edwards; et enfin, pour notre pays, ceux de M. Nyst. Nous n'avions, du reste, à nous préoccuper, en quelque sorte, que des fossiles éocènes, et, en dehors des au- teurs cités plus haut, il y en a fort peu qui s'en soient occupés, ou dont les fossiles n'aient pas été repris par eux. ' Annales des sciences nutitrelles, zoologie, 5°" sér., t. IX, X et XI. VIII INTRODUCTION. Nous ajoulei'ons que la classification que nous avons adoptée est celle pro- posée par S. P. Woodwai'd, dans son Manuol of Mo/liisca, ouvrage très- reinai'ipiable, fort suivi en Angletei're, et dont l'autorité commence à être reconnue sur le continent. DESCRIPTION DES FOSSILES DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. GASTEROPODES. Ordre 1. — PROSOBRANCIIES. Sect. a. — SIPHONOSTOMES. Famille : STROMBIDES. Nous n'avons découvert de celte famille que quelques fragments de l'aile épineuse d'un grand Pterocera ou Roslellaria , trop incomplets pour (pie nous puissions en faire usage ici. Nous ne la signalons donc que pour mémoire. Famille : MURIGIDKS. Genre MUIILX, Linné, IToS. Car. f/éii. — Coquille ovale ou oblongue, poilaiil cxtérifurcmcnt dos bourrelcls vari- i|ucux, tuberculeux, épineux ou foliacés, au nombre de trois ou plus par tour de spire; ouverture terminée en avant par un canal plus ou moins long, fermé en tout ou en partie par une lamelle calcaire très-niinee qui n'y laisse souvent (|u'une fente longitudinale très- étroite. Rem. — Les bourrelets se correspondent ;jf(>'/b/.s d'un tour à l'autre, prin- cipalement dans les espèces où ils sont au nondjre de trois, mais le plus souvent cette i)articularité ne se remarque pas. C'est donc un très-mau\ais Tome XXXVl. 2 2 DESCRIPTION DES FOSSILES caractère du genre que cette correspondance des bourrelets, surtout si on la généralise trop, comme le font la plupart des auteurs. Quant à la pellicule calcaire qui ferme plus ou moins le canal, elle ne se rencontre pas toujours dans les espèces fossiles les plus anciennes, soit qu'elle ait été enlevée par la fossilisation, soit qu'elle n'ait jamais existé. Il paraîtrait que les Murex, lors de leur première apparition, ont com- mencé pai' avoir des bourrelets nombreux : tel est le cas de l'espèce que nous signalons dans le calcaire grossier de Mons. Plus tard, sans pourtant que les espèces à bourrelets nombreux aient entièrement disparu, se mon- trent les espèces à bourrelets moins nombreux, et plus tard encore, celles que l'on pourrait appeler les véritables 3Iurex, et qui n'en ont plus que trois. On pourrait même pousser plus loin cette histoire du genre, car les Ranella, qui ne sont, à proprement pai-ler, que des 3Iurex à deux bour- relets, ne se sont montrés (ju'à la (în de la pi-riode tertiaire. Or, si ces bourrelets représentent des périodes d'accroissement successives que l'on rapporte généralement à l'année, il s'ensuivrait que les conditions favorables au développement de ce genre ont toujours été en augmentant depuis sa première apparition jusqu'aujourd'hui, ce qui est conlirmé, du reste, par le nombre des espèces qui a atteint son maximum dans les mers actuelles. Il n'est pas bien certain que ce genre se soit montré avant la période ter- tiaire. 31. A. d'Orbigny cite, mais avec doute, une espèce des terrains séno- niens des Indes orientales [M. trinc/titiopolitensis , Forbes). Le M. cakur, Sow., du grès vert de Blackdown, est relégué dans le genre Fusus. De son côté, M. de Ilyckholl a ligure, dans la pi. XXXIII de ses Mêlanfjes paléon- lolofjiqiies , le M. Iricircodus , de Ryck., provenant du tourtia de Tournai, mais nous n'en pouvons rien dire quant à présent, la ligure de cet auteur n'étant qu'une \ ue jiar-dessus, et le texte descriptif n'ayant pas encore paru. Quant au M. harpula , Sow., des terrains primaires, il appartient au genre Macrocheilus. Le calcaire grossier de Mons ne nous a fourni qu'une espèce de ce genre dont les caractères soient bien évidents. Deux autres espèces, que nous signa- lerons plus loin, ont été rangées par nous dans le genre Fusus, bien qu'elles aient plus ou moins l'apparence des Murex. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 3 nitnF.v IIaivxosiicl'S, Si>. n. PI. 1, flg. 10, (., c. DiM. — Lfiiigueui- (le kl coquille O.OOSÎi — 100 Largeur — 0,004o— 55 Hauteur (lu ilernicr tour 0,004'i— 55 Angle apicial 50" à 50° Coquille assez petite, ovnle, allongée, eomposée de eiiiq tours s'eiiroulant ix-gulièremcnt, séparés |)ar des sutures profondes, ondulées. Ces tours sont ornés de côtes transverses, droites, aiguës, saillantes, correspondant d'un tour à l'autre, au nombre de dix à douze pour une révolution de la spire, produisant des épines assez fortes en forme de gouttières à la partie postérieure, où elles traversent une carène bien marquée d'où le tour reiondje brusquement sur la suture; ces ciMes sont séparées par des sillons arrondis, très-profonds. Omerture ovale, mi |ieu oblique, assez petite, lerniinée en avant par un canal assez étroit, mais que l'état incomplet de notre coquille ne nous peimet pas de décrire entièrement; le bord droit arqué depuis la suim-e jusqu'à l'origine du canal , sinueux à l'endroit de la carène, épaissi en boui-rclel intérieur portant deux ou trois protubérances vers le milieu; bord columellaire largement infléclii depuis la suture jusqu'à l'origine du canal, où il se trouve renflé et rejeté un peu en arrière. Rem. — Nous possédons deux iiulividus complets de cette espèce. Le plus j^i-and et le plus coni])let, celui que nous avons dessiné, ne monti-e qu'imparfaitement les côtes dont sa surface est ornée. Le second, (fuc nous avons découvert plus lard, j)lus incomplet encore puisque le dernier tour est en partie enlevé, a conservé ses côtes transverses dans leur état primitif, ce qui nous a permis de compléter et même de rectifier la descri|)tion que nous avions faite de cette espèce, d'après notre premier spécimen. Ainsi, nous avons reconnu que les sillons entre les côtes transverses sont entière- ment lisses, et si ({uelques stries longitudinales sont indiquées sur notre dessin , elles sont dues à la mauvaise conservation de la coquille. Cette espèce est très-voisine du M. crispm , Lamk., décrite dans le pre- mier ouvrage de Deshayes (t. II, p. înSO, pi. LXXXI, fig. 7-12). C'est une espèce du calcaire grossier supérieur et des sables moyens. Si, de cette espèce, on suppose enlevés par le frottement, les ornements et la lamelle calcaire qui ferme le canal, on retrouvera, pour ainsi dire, l'espèce de Mons; ses proportions sont les mêmes et le nombre des côtes transverses le même 4 DESCRIPTION DES FOSSILES aussi. La seule différence que nous puissions y signaler, c'est que le bord droit semble plus arqué et se prolonge verticalement sur ujie plus longue distance à partir de la carène, ce qui i-end les sutures moins profondes. FiG. 16, vue du coté de l'ouverture, i;rossie quatre fois. — iii, vue par-dessus, grossie quatre fois. — ic, vue des côtes transverses fortement grossies, d'un individu plus jeune et mieux con- servé quant aux détails, mais dont l'état incomplet ne nous a pas permis de pro- fiter pour le dessin d'ensemble de la coquille. — \d, grandeur naturelle. Genre THITOÎN, Monfoii, 1«10. Car. gén. — Co(|uille ovale ou oblongue, qnekiiicibis allongée, portant extérieurement des bourrelets vari(|ueux souvent rares , quelquelois solitaires et ne correspondant jamais d'im tour à l'autre; ouverture ronde terminée par un canal généralement coiu't et ouvert, et ayant le bord droit crénelé ou dentelé à la lèvre interne , qui est quelquefois très- épaisse. Rciii. — Les bourrelets des Tritons, presque toujours arrondis, mais qu'il est assez facile de distinguer des côtes dont les coquilles sont souvent ornées, deviennent plus rares encore que chez les Ranella, et très-souvent, il y en a moins de deux pour ime révolution de la spire. Ce genre est très-voisin des Murex, et il est très-dilfioile de bien fixer la limite qui les sépare. Les animaux sont , du reste , les mènies. On s'accordait généralement à faire naître ce genre avec les terrains ter- tiaires. Quelques auteurs avaient bien indiqué des Tritons crétacés, mais on était assez d'accord pour les ranger dans d'autres genres, principalement dans le gem-e Fusus. Dans ces derniers temps, M. de Ryckholt a été plus heureux que les autres paléontologistes : il a, en effet, fait figurer deux espèces sénoniennes (Mél. pal., pi. XXXV) et (juatre espèces du tourtia de Tournai (pi. XXXII). Ces dernières surtout paraissent incontestables. Il faut donc faire reculer la première apparition de ce genre jusque vers le milieu de la période crétacée. Le calcaire grossier de 3Ions nous en a fourni trois espèces. DU CALCAIRE GROSSIER DE MOÎS'S. Tritos ai a rie, Sp. II. PI. 1, Rg.ia,b,c. DiM. — Longueur de la co(iuille 0,011 — lUO Lar^'eur — 0,006— 53 Hauteur du dernier tour 0,005 — 43 Ani;le apieial -W» Coquille assez petite, conique, composée de six tours convexes, s'enroulant régulière- ment, séparés par des sutures profondes. Ces tours sont ornés de douze à seize grosses côtes iransverses, un peu courbées, saillantes, laissant entre elles des sillons assez larges, profonds, allant d'une suture à l'autre, et ne se prolongeant pas très-avant sur la base; une et quelquefois deux de ces côtes, par chaque révolution de la spire, s'épaississent, acquièrent plus de saillie et de longueur, et forment les bourrelets vari(|iieux périodiques; ces côtes sont traversées, à l'extérieur des tours, par cinq cordonnets longitudinaux, peu visibles dans le fond des sillons , mais laissant des protubérances sur les côtes Iransverses, le postérieur joignant la suture, l'antérieur recevant le retour de la spire; deux autres cor- donnets, également longitudinaux, plus faibles que les précédents, ne se montrent que sur la base. Ouverture ovale, arrondie, très-oblique, un peu rétrécie à la partie postérieure, pro- longée en avant par un canal très-court; bord droit épaissi intérieurement et extérieurement, arqué dans toute sa longueur, portant sur le renflement intérieur cinq dents assez fortes, •et une sixièirie antérieure à l'origine du canal; bord columellaire presque aussi courbé que le bord droit, se recourbant un peu en sens inverse aux deux extrémités; colimielle cylin- drique, portant deux ou trois petites dents entre sa base et son extrémité antérieure qui est comme tronquée. Rem. — Melleville a décrit une espèce des sables inférieurs qui a les plus grands rapports avec la nôtre. C'est le T. Lejewin (1843, p. 70, pi. X, fig. 6-7 ). Il est plus allongé que l'espèce de 3Ions et a le canal plus long. Deshayes, de son côté, en donne quelques-unes également très-rapprochées, mais qui s'en distinguent par des ornements plus complexes, et surtout par la taille. Nous citerons le T. viperinum, Lnmk. ' (Desli., 1824, t. II, |). (ri 1, et 186o, t. III, p. 309, pi. LXXXVII, fig. 1-3), le T. nodularlum, Lamk. (Desh., 1824, t. II, p. 013, pi. LXXX, fig. 39, 40, 41), et surtout, ' Les figures du premier ouvrage de Deshayes représentant cette espèce ont été reconnues défectueuses ]ku" l'auteur lui-même, ce qui l'a engagé à en rionner d'aiilrcs dans le second en 1863. Notis ferons remarquer que ces dernières ne s'accordent pus encore très-bien avec sa description, surtout au point de vue des dimensions. 6 DESCRIPTION DES FOSSILES parmi les nouvelles espèces de Deshayes, le T. scabriusculum, Desli. (4SGÎj, t. III, p. 803, pi. LXXXVI, fig. 13-15) qui, par sa forme et ses dimen- sions ordinaires, se rapproche encore plus de notre espèce; les côtes trans- Yerses sont plus fortes et plus espacées, et ressemblent beaucoup à celles de l'espèce de 3Ions, tandis que ses proportions sont presque les mêmes. Nous n'y voyons de difiérences un peu sérieuses (|ue dans la forme plus allongée du canal et dans le nombre des dents du bord droit qui est de sept au lieu de six. Le T. scabriiiscnhim , Desh., est, du reste, une espèce des sables moyens, c'est-à-dire d'une formation géologique plus élevée dans la série des terrains tertiaires que le calcaire grossier île Mous. FiG. 2«, vue du côlé de l'ouverture, grossie trois fois. — Hli, vue par-dessus, grossie trois fois. — ôc , grandeur initurelle. Tnnox simplicicostata, Sp. n. PI. I , fig. 3n, b, c. DiM. — Longueur de la coquille 0,0105 — 100 Largeur — O.OOoo — 52 Hauteur du dernier tour 0,005 — 48 Angle apicial 42° à 44" (;o(|iiillo assez pclilc, conique, brillante, composée de six tours un peu convexes, s'cnrou- lant régulièrement, séparés par des sului'cs peu profondes, ondulées; ces tours sont ornés de seize grosses cotes iransverses, simj)Ies, un peu irancliantcs, légèrenicnl tuberculeuses en arrière près de la suture, séparées par des sillons profonds dans lesquels on remarque de faibles plis longitudinaux (|ui ne traversent pas les côtes; celles-ci sont interrompues de temps en temps |)ar d'autres côtes périodiques, beaucoup ])lus fortes, plus saillantes et plus larges. Ouverture ovale, allongée, terminée en arrière par un angle un peu arrondi, et en avant par un canal très-court; bord droit arqué depuis la suture jusqu'au canal , ayant u l'intérieur un fort bourrelet porlant cinq dents simples; les trois poslérieurcs et rantéiieure sont les plus fortes; bord gauclie très-infléebi à l'origine de la coiumclle, celle-ci droite, cylindrique, ttn peu encroûtée à rouverlure, et portant quatre dents, les deux pos- térieures plus Tories que les deux autres. Rent. — Cette coquille est très-bien conservée et paraît plus rare que la précédente. Au premier aspect, les deux espèces seraient facilement confon- dues; mais celle-ci se distingue par des caractères assez saillants : d'abord, DU CALCAIRE GROSSIER DE MO^S. 7 les côtes transverses sont simples, c'est-à-dire que les plis longitudinaux ne les traversent pas en y produisant des protubérances; les côtes variqueuses y sont plus larges, plus saillantes et, ainsi que les autres, entièrement unies; nous avons enfin l'ouverture qui est plus allongée, et dont le bord droit porte cinc| dents au lieu de six. FiG. ôa, vue par-desstis, grossie trois fois. — ôh, vue du côté de l'ouverture, grossie trois fois. — ôf, grandeur naturelle. TbITOIH tUBTlLUM, Sp. II. PI. I, lig. la, b, c. Dm. — Longueur de la coquille 0,007o— 100 Largeur — O.OOû")— 73 Hauteur de Touverlure 0,0040— 53 Angle apicial oo» Coquille assez petite, globuleuse, d'une apparence irrcgulière et déformée, composée de trois tours convexes, s'enroulant sous un angle très-ouvert en une spire régulière, tron- quée et laissant voir à la troncature un ou deux tours aplatis; les trois derniers tours sont arrondis, séparés par des sutures hien marquées, ondulées; ils sont ornés décotes trans- verses, arquées, oblicpies, surtout près de la suture, au nombre de vingt à trente pour une révolution de la spire, devenant de plus en plus nombreuses à mesure que l'on s'approche de l'ouvcrliu'e; elles sont interrompues |)ar des cotes vari<|ueuses plus fortes et plus allon- gées au nombre de trois par tour. Base obtuse, arrondie, limitée extérieurement par une espèce de carène vague sur laquelle finissent les petites côtes transverses. Ouverture assez grande, allongée, sid)triangidaire, très-oblique, terminée en avant par un canal très-court; le bord droit arque siu' toute sa longueur, épaissi, portant quatre dents presque égales et assez régulièrement espacées; columelle courte et é|)aisse, portant trois plis sensiblement égaux, s'élevant presque à angle droit sur la base. Re»i. — Celte coquille très-rare est un peu fruste. Quekjues particu- larités des ornements pourraient bien nous avoir écbappé. Le canal était probablciuent plus allongé. Comme la précédente, cette espèce porte des côtes transverses simples, mais sa forme ramassée ne periuettra jamais de les confondre. Aucune des espèces du bassin de Paris n'est relativement aussi large; celle qui l'est le plus, le T.reticnlomm, Laink. (Desli., 1824, t. II, p. (Mo, pi. LXXX, fig. 30-32), est une espèce du calcaire grossier 8 DESCRIPTION DES FOSSILES doiil la largeur égale seulement 0.60 de la longueur, tandis que dans la nôtre, cette dimension atteint presque 0.73, Fir,. \ii , vue ilii cùlû de l'ouverture, grossie trois fois. — 4/j, vue par-dessus, grossie trois fois. — 4c, granilcur naturelle. Genre TUnriTVELLA, Laink.. 1799. Car. (jén. — Crxniillo turl)iiir(', fusilormc ou pyrifonnc, présentant au bord columol- lairc, vers le milieu de rou\ertuie, un ou jjlusieurs plis transverscs et saillants, et ayant le bord droit simple et aigu. Rem. — La plupart des auteurs exigent trois à cinq plis au bord colu- mellairc des Turbinelles; les autres, moins explicites, se contentent d'en demander plusieurs. Tous sont d'accord pour reléguer dans le genre Fusus les espèces à un seul pli. Ceci nous paraît peu rationnel, et nous nous sommes permis de modifier légèrement les caractères de ce genre ^ avec d'autant plus de raison, nous semble-t-il, que les animaux des Fusus et des Turbinelles se ressemblent beaucoup, et que cette coupe est, pour ainsi dire, artificielle. Ainsi, tous les Fusus des auteurs ayant la columelle plissée transversale- ment, quel que soit, du reste, le nombre des plis, doivent entrer dans le genre Turbinella. Nous citerons, entre autres, le F. incertus, Desb., le F. vni- plkatus, Desb., etc. ^ Ce genre a commencé à se montrer dans les assises supérieures du terrain crétacé, puisque, comme Desbayes l'a déjà fait observer, M. de Binkborst en a signalé une es|)èce dans le tufeau de 31aestricbt. Desbayes cite trois espèces de ce genre dans les terrains tertiaires de France. Si la rectification que nous proposons était admise , il y en aurait bien davantage. Le calcaire grossier de 3Ions nous en a fourni deux espèces. ' M.Alex. Rouiuilla créé le genre Conlieriu {Desc. (h's foss. du terr. coc. des env. de Pav) pour trois espèces qui nous semblent devoir être rangées parmi les Turbinelles. Ce nouveau genre, comme l'auteur le reconnaît, du reste, lui-même, iTest qu'un synonyme du genre Borsonia de M. Beliardi; mais, d'après les ligures qu'il en donne, et même daprès ses descrip- tions, le sinus ou écliancrurc du bord droit ne serait pas assez caractérisé poLw permettre de ranger ces esjjèces dans ce dernier genre. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. ' 9 T 111 mai EL LA F LSI o PSI s, Sj). n. Pl.I.fig.Sf.,!., cpl. ll,fig. I",'.. DiM. — Longueur de la coquille (ailulte) 0,0-26 —100 Largeui- - — 0,0105— -i* Hauteur de l'ouvei Hue 0,014 — 37 Angle apicial ôo" à 40» Coquille assez gronde, l'iisirornie , composée de scpl à liuil iours assez larges, convexes, s'cnroulant régulièrement, séparés par des sulures profondes, ondulées, ornés de côles transverses au nombre de sept pour une révolution de la spire, s'étendant d'une suture à l'autre et sur la base jusqu'à l'origine du canal; ces côtes sont très-fortes, très-saillantes au milieu des tours, séparées par des sillons profonds; elles sont traversées à l'extérieur par deux bandelettes longitudinales assez fortes et saillantes, s'élargissant et s'écartant un peu sur les cotes, laissant entre elles un espace plat au milieu duquel se montre souvent un très-mince filet égalemcnl longitudinal; la surface des tours postérieure à ces bande- lettes est occupée par des filets minces très-serrés, au nombre de cinq, celui de la suture plus fort que les autres et se relevant un peu sur le tour précédent ; la base montre égale- ment de nombreux fdets, mais plus forts et plus saillants , assez serrés d'abord, s'écartant un peu dans une dé|tression à l'origine du canal, pour se rapprocher de plus en plus jusqu'à l'origine de celui-ci ; le retour de la spire se l'ait sur le filet postérieur en le laissant déborder un peu en un mince bourrelet suturai. Ouverture droite, assez large, ovale, allongée, aiguë en arrière, terminée en avant par un canal assez long, large et conique; bord droit, mince, arqué jusqu à l'origine du canal où il rentre un peu dans l'ouverture; bord columellairc infléchi à la base de la columelle, recourbé en sens inverse justpi'à son extrémité; celte columelle est subcylindrique , lisse et polie dans l'intérieur de l'ouverture; elle porte, entre la partie renflée et la dépression , deux plis assez forts |)res(pic transverses. jicm, — Nous avions rangé d'abord le spécimen pi. II, iig. la, b, parmi les Fusus. La présence des pliscoluinellaires, placés assez profondément dans rouverture, nous avait été longtemps cachée |)ar le bortl droit et par un encroûtement de la roche que nous sommes parvenus à enlever, ce qui nous a donné la preuve, non-seulement que le véritable genre de cette coquille nous avait échappé jusque-là , mais que nous avions déjà fait la description de la même espèce sur un individu beaucoup plus jeune , dont le bord droit, enlevé en grande partie au dernier tour, nous avait laissé voir, dès le prin- cipe, les plis columellaires (pi. I, fig. 3a, b, c). Cette circonstance nous engage à donner le dessin des deux spécimens. Il est à craindre que beau- ToME XXXVI. 3 10 DESCRIPTION DES FOSSILES coiij) (lo Tiirbinella n'aient été décrits comme des Fusus par les auteui-s, du fait de semblables circonstances. Les Turbinelles données pai- Desbayes s'écartent des deux espèces du calcaire grossier de Mons par leur forme })lus courte, se rapprocbant beau- coup plus de celle des Murex que de celle des Fusus. Par contre, certains Fusus du même auteur portant des plis columellaires s'en rapprocbent davan- tage. Nous citerons deux espèces très-voisines, du calcaire grossier de Paris, le F. heptiujonm, Lamk. (Desb., 1824, t. II, p. 534, pi. 71, fig. 9, 10, et 1865, p. 2G8), qui a un pli à la columelle, et le F. incertus, Desb, (1824, t. II, p. 537, pi. 71, fig. 1, 2, et 1865, t. III, p. 261), qui en a deux, espèces qui, pour nous, sont de véritables Turbinelles. Comme nos deux espèces de Mons, ces coquilles ont les tours ornés de grosses côtes transverses, et le canal antérieur très-allongé; mais outre qu'elles sont de plus grande taille, elles ont les sutures moins profondes et les ornements longitudinaux notablement dilTérents. Jeune âge. — PI. 1, fig. S6, vue du côté de louvcrture, i^rossie trois fois. fig. oa, vue par-dessus, grossie trois fois. fig. oc, grandeur naturelle. Age adulte. — PI. II, fig. lo, vue du côté de l'ouverture, grossie deux fois. fig. 1^, grandeur naturelle. TlIlBI^EI.I.* STHIATILA, Sp. H. PI. I, (ig. Cu,h,i: Dm. — Longueur de la coquille 0,017b — 100 Largeur — 0,0075— 43 Hauteur du dernier lour 0,009 — 52 Angle apicial '...... io" Coquille assez grande, fusiforme, à spire allongée, composée de six à sept tours larges, convexes, s'enrouiant régulièrement, séparés par des sutures profondes. Ils sont ornés de très-grosses côtes iransverscs, un peu ol)ii(|ues, au nombre de sept pour une révolu- lion de la spire, commençant à la partie postérieure des tours à une petite distance de la suture, se prolongeant sur le derniei- un peu au delà du point oii se fait le retour de la spire; CCS côtes sont larges, très-saillanles, prescjuc droites, séparées par des sillons pro- fonds, ne se correspondant pas d'un tour à l'autre; elles sont traversées |)ar de nombreuses stries ou filets longitudinaux rendus un peu granuleux par les stries de croissance, au DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. H nombre de dix à douze sur la partie extérieure, assez serrés à la partie posléiieure, plus larges et plus écartés au milieu et conservant ces mêmes dimensions jusqu'à la partie antérieure ou l'extrémité du canal. Ouverture droite, ovale, semi-lunaire, assez large au milieu , peu anguleuse en arrière, prolongée en avant en un canal long et étroit; le bord droit arqué depuis la suture jusqu'à l'extrémité du canal où il est assez fortement infléchi, se relevant un peu sur le tour précédent et produisant, le long de la suture, un bourrelet qui n'atteint pas les côtes transverses; bord eoluniellaire trés-renfoncé à la base de la columelle et se dirigeant de là en ligne à peu prés droite jusqu'à l'extrémité du canal; en arriére du milieu de la columelle se trouvent deux plis presque transverses , assez espacés sur un renflement calleux mince, uni, peu large, se prolongeant depuis la suture jusqu'à l'extrémité antérieure. Rem. — Les deux espèces que nous venons de décrire sont très-caracté- risliques, et pourraient être données comme des types du genre. Par leur forme générale, elles sont très-voisines, et peuvent seulement se distinguer par les ornements longitudinaux beaucoup plus nombreux à l'extérieur des tours, plus serrés et plus uniformes dans le T. striatala que dans le T. fu- siopsis. FiG. Co, vue du côté de l'ouverture, grossie deux fois. — f)h, vue par-dessus. — Gc, grandeur naturelle. Genre CAWCELLARIA, Lamk., 1799. Car. fjéii. — Coquille ovale, turrieulée, souvent ombiliquée, à spire généralement courte; ouverture ovale, anguleuse en avant, ou éeliancrée, ou prolongée en un canal souvent très-court ou presque nul; columelle portaiU des plis plus ou moins nombreux, quelque- fois transverses, le plus souvent obli(|ues; bord droit généralement sillonné à l'intérieur. Rom. — La place que ce genre doit occuper est loin d'être bien fixée. Quelques auteurs le rapproclient des Volutides, d'autres des Muricides; M. Deshayes a même émis l'opinion que ses véritables rapports sont peut- être avec les Actéonides. Nous nous rangerons ici de l'avis du plus grand nombre en le plaçant à côté du genre Turbinella, avec lequel certains Can- cellaria non ombiliqués ont beaucoup de rapports. D'après d'Orbigny (Prodrome), ce genre n'aurait commencé à se montrer qu'à l'époque tertiaire. Cependant M. Zeleki en avait déjà signalé une espèce 12 DESCRIPTION DES FOSSILES des terrains crétacés supérieurs de Gozau, et M. de Binkhorst une autre de la craie de Maestiicht. Depuis, M. de Ryckholt en a découvert plusieurs dans le lourtia de Tournai et les a fait figurer dans les planches de ses Mélanges palêontolociiques. Enfin, plus récemment encore, nous en avons décrit une nouvelle espèce provenant de la meule de Bracquegnies. Il faut donc faire remonter l'origine de ce genre jusque vers le milieu de la période crétacée. Cependant, ce n'est qu'avec l'époque tertiaire qu'il a pris une véritable exten- sion , et les espèces deviennent de plus en |)lus nombreuses en aj)prochant de l'époque actuelle. Le calcaire grossier de Mons nous en a procuré une seule espèce. ("ASCEI.I.Ani* BIPI.ICATA, Sp. 11. PI. I, Og. 7a,/-, c. . Dm. — Longueur (le la coquille 0,003 — 100 Largeur — 0,003- 60 Hauteur du ilernier tour 0,00ô — 60 Angle apicial So° à 60" Coquille assez pelile, ovale, globuleuse, composée de cinq tours saillants, s'enroulant l'égulièrement, .séparés par tles sutiM'Os profondes. Ces tours sont ornés de côtes trans- verses au nombre de tlouze pour une révobition, s'éiendant dune suture à l'autre et se prolongeant sur la base très-peu au delà du point où se fait le retour de la spire; ces côtes sont irès-fortes, saillantes, assez irrégulières, séparées par des sillons profonds, arrondis, et traversées, à la partie postérieure du tour, par un cordonnet assez fort produisant des protubérances disposées en une vague carène longiliidinale; quelques granules, en avant et en arrière de cette carène, également disposés en rangées longitudinales, indi<|uent d'autres cordonnets moins bien marqués; la base est lisse, assez renfoncée à l'origine de la eolumelle. Ouverture assez grande, ovale, droite, arrondie à la partie postérieiu-e, aiguë en avant; le bord droit fortement arqué sur toute son étendue; le bord cohmiellaire très-rentrant et anguleux à la base de la eolumelle, à peu près droit jusqu'à l'cxlréniité antérieure; il porte, un peu en avant de la dépression, deux plis obliques bien niar<|ués. Hem. — Le dernier lourde cette coquille, enlevé en grande partie, laisse forcément notre description incomplète , ce qui est d'autant plus regrettable que, pour ce genre surtout, la forme de l'ouverture fournit assez souvent des caractères très-précieux pour la distinction des espèces. Nous avons cru, DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 15 comme dans beaucoup d'autres cas, devoir la donner, en complétant cette description autant que possible, persuadés que ce (|ue nous en disons suffît |)our en marquer les caractères d'une manière suffisante. Nous pourrions rapprocher notre espèce de quel((ues espèces du bassin de Paris décrites par Lamarck et Deshayes et que nous croyons inutile d'indi- (pier ici, mais dont on |)ourra iacilement la distinguer par ses ornements longitudinaux beaucoup moins nombreux. FiG. la, vue thi côte de l'ouverture, grossie cinq fois et demie. — 76, vue [lar-dessus, grossie cinq fois et demie. — le, grandeur naturelle. Genre l'YKULA, Lamk,, IHOI. Car. (jèn. — Coquille pyrifornie, large, à spire coiirie, (juciquefois obtuse; ouverture ovale oblongue, souvent large et dilatée, terminée en avant par un canal généralement assez ouvert, plus ou moins long; columelle simple, sans plis. Rem. — Ce genre, tel qu'il est admis par quelques auteurs, entre autres par Deshayes, n'est pas très-bien limité. C'est un démembrement du genre Pyrula de Lamarck dont on a retranché les Ficula, c'est-à-dire les espèces types. Il est évident, comme le dit d'Orbigny, que les Pyrula, ainsi cir- conscrits, ne sont que des Fusus raccourcis; mais le genre Fusus est telle- ment abondant en espèces, qu'il y a tout avantage à le subdiviser, quand même cette subdivision ne se ferait pas d'une manière entièrement satisfai- sante. En attendant des coupes mieux motivées, nous suivrons donc l'exemple de Deshayes et nous admettrons le genre Pyrula pour une coquille fort remarquable du calcaire grossier de Mous. , PlRtU lïMBOIDE*, Sp. II. PI. 1, lig. 9(1, 6, c. Diji. — Longueur de la coquille • • • 0,018— !00 L.iigeur — 0,010- 56 Hauteur de l'ouverture 0,0 U — 78 Angle apicial 30» à 33" Coquille ovale, rhomboklale, allongée, affectant la forme de certaines volutes, composée (le (rois tours y compris un nucleus globulaire irrégulier et très-gros pour les dimensions U DESCRIPTION DES FOSSILES de la coquille, s'enroulant sous un angle eoucave; le dernier tour très-allongé, le médian assez étroit, pres(|uc plat. Le dernier tour porte une carène assez bien marquée sur laquelle se fait le retour de la spire; cette carène est ornée de côtes transverses, droites ou un peu obliques, |)arallèlcs ou non aux stries de croissance, très-saillantes, devenant un peu tuberculeuses en approchant de l'ouverture, se prolongeant en arrière jusqu'à une dépression longitudinale (|ui se trouve à |)eu près à égaie distance de la carène et de la suture, et en avant sur une étendue un peu plus grande et lînissant insensiblement; ces mêmes côtes sont encere visibles sur une partie du tour précédent; de nondireuscs lignes de croissance également transverses, régulières, se remarquent sur ces côtes ou dans les intervalles (\u\ les séparent, et sont traversées par de très-fines stries longitudinales, visibles seulement à la loupe, excepté à la partie antérieure et en arrière de la carène où on peut les voir à l'œil nu. Ouverture ovale, allongée, peu oblique, très-grande, large au milieu, aiguë en arrière, prolongée en avant en un canal court, large et bien ouvert; bord droit arqué, sinueux à l'endroit de la carène environ au tiers postérieur, rentrant un peu dans l'ouverture à l'origine du canal; bord gauche sim|jle, lisse, plus ou moins infléchi à la base de la eolumelle, renflé à l'origine du canal, et s'infléchissaut de nouveau avant d'atteindre l'extrémité de la eolumelle qui est très-aiguë. Rem. — Nous possédons plusieui'S individus de cette curieuse espèce, dont la foi-me et les dimensions proportionnelles varient un peu avec Fâge. L'angle apicial, qui n'est guère que de 50° dans le jeune âge, augmente assez sensiblement dans l'âge adulte, ce qui rend l'angle de la spire un peu concave,- mais en même temps, ce qui est moins rationnel, la longueur proportioimelle augmente ainsi que la hauteur de l'ouverture, tandis que la largeur dimiiuie et que le bord columellaire se redresse. Nous aurons encore l'occasion de constater de semblables différences dans la forme et les dimen- sions des coquilles suivant leur âge, et, entre autres, que la eolumelle tend à se redresser en vieillissant. Cette espèce est très-remartpiable par son nudeus globulaire très-volumi- neux, ce qui pourrait la faire confondre avec le Cijmba imcquiplicatu , nob., mais l'absence complète de plis à la eolumelle en fait incontestablement un Pyrula. Quant aux espèces du même genre décrites par les auteurs, nous n'en connaissons aucune qui puisse lui être comparée. FiG. 9((, vue du côté de l'ouverture, grossie une fois et demie. — ',)f , vue par-dessus — — — — — %, grandeur naturelle. DU CALCAIRE GROSSIER DE MOÎVS. \o , Caire FICLLA, Swainson, 1848. Car. (fin. — ('o(|uilk' pyrifoniic, ininco, polio, vcniriio, à spiro coiirlo cl ol)liisc, sil- lonnée ou iroillisséc lo plus souvent d'une ninnière très-régulière; ouverture ç;rande, prolongée en nvant en un canal large et oifvert ; coliimelle simple, bord droit mince. Rem. — - Le ijenre Ficiila est basé sur des motifs que l'ou ue peut guère contestei-, tirés de la forme de l'atiimal, eutièrement dilïéreiil de celui des Fusus ou des Pyrula. Cet animal est muni d'un très-large pied et d'un man- teau très-vaste se renversant sur l'extérieur de la coquille. Nous ferons seu- lement remarquer que le genre, étant un démembi'cment de l'ancien genre Pyrula de Lamarck, et emportant avec lui les véritaldes Pyrules de cet auteur, il eût été convenable de lui laisser le nom que lui avait donné Lamarck, d'af)rès la règle qui veut que la section d'un genre qui renferme les espèces types, en même temps que les plus nombreuses, conserve le nom du genre duquel elle est tirée. Ce genre date des premières époques des terrains crétacés. Nous citerons ici le Pyrula depressa, Sow., qui est incontestablement un Ficula, qui pro- vient du grès vert de Blacktown, que nous avons également rencontré dans la meule de Bracquegnies, et que nous avons décrit en lui conservant le nom que lui avait donné Sowerby. Les espèces deviennent plus abondantes dans les terrains tertiaires, et sont actuellement à leur maxinuun. Le calcaire grossier de Mons nous en a fourni une espèce dont les carac- tères nous semblent incontestables. FiCUI.A BICARINtTil , Sp. 11. PI. I, fig. 10a, b,c. Dr.ii. — Longueur de la coquille 0,017 —100 Largeur — O.OOOo- 56 Hauteur lie l'ouvcrlure 0,011 — 6b Angle apicial 77" Coquille ovale, ventrue, mince, brillante, composée de six tours arrondis, le dernier très-dévcloppc, senroulant régulièrement en une spire assez allongée, pointue, séparés par des sutures profondes. Le dernier tour est orné à l'extérieur de deux carènes bien IG DESCRIPTION DES FOSSILES miin|Liécs, portant des protulKTtiiicos assez régulièies, vagiieineiit reliées entre elles par des côtes forniant un zigzag d'une carène à l'autre et non parallèles aux stries de crois- sance qu'elles recoupent ol)lic|uenienl; le retour de la spire se fait sur la carène anté- rieure, en laissant apercevoir les protubérances le long de la suture,- toute la surface est recouverte de stries longitudinales traversées par les stries de croissance, formant un réticule assez réguliei'. Ouverture grande, ovale, allongée, terminée en arrière pai' un angle assez prononcé, cl en avant par un canal assez coiu'l, large, eonitiue, très-ouvert, un peu recourbé' en arrière à son exlréniilé; le bord droit mince, largement arqué à l'ex- trémité du canal; bord columellaire largement infléchi à la base de la columelle, celle-ci conique, un peu coiu'bée en arrière à la partie antérieure où elle se termine en pointr. Rem. — Elle se distingue du F. tricostuta, Desh. (^Pyndu, 18:24-, II, p. 584, pi. LXXIX, fig. 10, 11 ; 18G3, III, p. 433) en ce que cette espèce possède trois carènes tulici'culeuses au lieu de deux. Il en est de même du F. Smithi, Sow., que le même auteur donne à la pi. LXXXIII, lig. 10, 11 , 1805, qu'il ne faut pas confondre avec le Pi/nUa Smit/ii, fossile du Gau/l, décrit par le même Sowerhy en 1836 (Fitton, Trans. (jeol. soc.') et dont nous avons constaté la présence en Belgique dans la meule de Brac(juegnies (Dcsc. min. geol. et pal. de la meule de Bnuquef/iu'es, 1865. — Mém. df: l'Acad., 1868). Fig. I0«, vue du coté de l'ouverture, grossie deux fuis. — loi), vue j)ar-dessus — — — — 10c , grandeur nalurrllc. Genre FUSUS, Bruguière, 1791. Car. rji'it. — Coquille fusiforme ou subfusiformc, à ouverture terminée en avant par lui canal plus ou moins long; columelle simple, sans plis; bord droit simple, sans bourrelet ni écbancrurc. fiem. — Jusqu'à présent ce genre n'a pas été très-bien limité, ou [)!utôt les limites n'en ont pas toujours été bien observées, puisque quekiues au- teurs continuent à admettre des Fusus à columelle plissée. Ainsi que nous l'avons fait remarquer dans nos observations sur le genre Turlunella, celte manière d'agir n'est nullement rationnelle et n'a aucune raison d'être. Les co(|uilles à columelle plissée, quel que soit d'ailleurs le nombre des plis, doi\ent, selon nous, être écartées du genre Fusus et prendre place dans les genres Fasciolaria, Turbinella ou Cancellaria. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 17 Du côté (le ces derniers genres, la limite serait donc très-bien marquée. Il n'en est malheureusement pas de même dans d'autres directions, entre autres du côté des Murex, des Buccinum ou des Pyrula, où elle reste tou- jours dans le vague, et où la transition d'un genre à l'autre a lieu d'une manière insensible. D'un autre côté, si nous en exceptons le genre Ficula, les tentatives laites pour subdi\iser ce genre si nombreux en espèces n'ont pas été heu- reuses, en y comprenant même la section des Pyrula, que nous admettons cependant, et dont la coupe est loin d'être satisfaisante. Quoi qu'il en soit, ce genre est un des plus importants parmi les Gasté- ropodes. D'après M. de Koninck, il aurait commencé à se montrer dès le calcaire carbonifère (F. primordialis). 3Iais cette espèce, acceptée par Bronn, et d'une manière dubitative par Deshayes, est rapportée au genre Chemnitzia par Pictet, et au genre Loxenema par d'Orbigny. D'autres espèces primaires ne sont, d'après Pictet, que des Cerithium. Les Fusus véritables, ceux qui n'ont donné lieu à aucune contestation, ne se sont montrés qu'avec l'époque secondaire; mais ce n'est guère qu'à l'époque tertiaire qu'ils ont acquis un très-grand développement. Ils se trouvent à leur maximum dans les mers actuelles. Le calcaire grossiei' de Mons nous en a fourni dix espèces. FtStS I.\TERI.ISIEATUS, 5p. )i. PI. I, fig. 80,6, c. DiJi. — Longueur dp la coquille 0,011—100 Largeur — 0,009— 64 Hauteur du (jeiiiier lour 0,008— 37 Angle apicial 60" Coquille assez petite , trapézoïdale, muriciforme , à spire pointue, composée de six tours convexes s'enroulant régulièrement et séparés par des sutures profondes. Ces tours son! ornés, pour une révolution de la spire, de huit à dix côtes transverses, arrondies, très- saillantes, irrégulières, un peu obliques et arquées, ne correspondant pas d'un tour à l'autre et se prolongeant, sur la base, jusque vers l'origine du canal; ces côtes sont tra- versées, à l'extérieur des tours, par cinq fdets longitudinaux, l'antérieur sur lequel se fait le retour de la spire, le postérieur formant comme une vague carène un peu en arrière Tome XXXVI. 4 18 DESCRIPTION DES FOSSILES (lu milieu tlu tour cl iciidaiil les cotes i\n peu iiiherculeuses, les trois filets inlerinédiaires plus faibles et plus rapprochés; entre cette carène et la suture se trouvent d'autres filets loiii!,iiudiiiau\, mais plus fins et souvent peu visibles; la base est également couverte de filets longitudinaux à peu près de même grosseur ijuc ceux de lextérieur des lours, mais plus espacés; dans les intervalles que ces filets laissent entre eux s'en morjirent quekpie- f'ois d'autres plus petits. Ces ornements sont recoupés ])ar des stries de croissance paral- lèles aux côtes transverses, par conséf|uent, un peu sinueuses en arrière, à l'extérieur des tours. Rem. — La moitié du dernier tour élatit enlevée de Tunique spécimen que nous possédons de cette espèce, il nous est fort dilficile de décrire Tou- vertin-e, qui doit être assez grande, ovale et oblique. Il en est de même du canal antérieur tpii devait être peu allongé. Les dimensions données plus haut doivent nalurellenienl se ressentir de cet état de choses. Celte conser- vation imparfaite de la coquille dans ses parties principales nous laisse quel- ques doutes quant à sa détermination générique. Elle pourrait tout aussi bien appartenir au genre 3Iurex qu'à celui dans lequel nous Tavons placée. Cependant la forme des côtes transverses nous a fait |)référer ce dernier genre. L'irrégularité des ornements longitudinaux empêche de confondre cette esj)èce avec le F. rocjnlaris, Sow. sp. (Murex) [F. untiqum, Brander) espèce des sables inférieurs du bassin de Paris, mais s'élevant dans le bassin de Londres, où elle est beaucoup plus abondante, jusqu'à la région des sables moyens (Sow., Min. conch., pi. CLXXXVIl, fig. 3, /*) et (Desh., 1824, t. II, p. oo9, pi. LXXVI, fig. 35, 36), Il en est de même du F. carinella, Sow. sp. (Murex, pi. CLXXXVIl, fig. 5, 6, 7,) que Deshayes croit être une variété du F. regularis; ces deux espèces sont, en outre, plus allongées que la nôtre. Fig. 8n, vue du côté de l'oiivcrlure, grossie deux lois. — 86, vue par-dessus, grossie deux fois. — 8c, grandeur naturelle. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 19 Ffsus .lÎAi.Aisi. Sj). n. l'I. Il, (ig. 2ii, Ij, c. Coquille petite, trapézoïdale, miiriciforme, à spire pointue, composée de eiaij tours arrondis, saillants, s'cnroulani régulièrement, séparés par des sutures profondes. Ces tours sont ornés, pour une révolution de la spire, de neuf côtes transvcrscs, variqueuses, aiguës, assez régulières, ne correspondant pas toujours d'un tour à l'autre, laissant entre elles de larges et profonds sillons; ces côtes sont traversées par des filets longitudinaux dont les trois plus forts restent à découvert pai' le retour de la spire; l'antérieur, à peine caché, forme comme un petit bourrelet le long de la suture; cinq autres lilels ne se voient qu'à la base, et deviennent de plus en plus minces en approcbant de l'extrémité du canal, tandis que les intervalles qui les séparent diminuent également; tous ces ornements sont traversés par des stries de croissance et des stries I. ngiludinales. Ouverture arrondie ter- minée en avant par un canal court. ji(.,),^ — Comme la précédente, cette coquille n'est pas complète du côté de l'ouvertui'e, ce qui rend notre description imparfaite et notre détermi- nation quehiue peu douteuse. Les deu\ coquilles ont entre elles une vague ressemblance, mais cette dernière se reconnaît parfaitement à ses ornements longitudinaux traversant les grosses côtes, beaucoup moins nombreux, moins serrés et plus saillants. Elle se rapproche davantage de deux esj)èces de Deshayes provenant de deux étages différents du bassin de Paris. C'est d'abord le F. bicarinatus, Desb. (1 824, t. II, p. 564, pi. LXXVI, fig. 3 et 4 ; et 1 863, t. III, p. 286) du calcaire grossier. Si les deux filets longitudinaux de l'extérieur des tours se trouvaient, dans notre espèce, plus rapprochés et plus nettement séparés des autres par de plus larges intervalles, nous n'hésiterions pas à identifier les deux espèces. C'est, ensuite, le F. rurisukatus, Desh. (1824, t. II, p. 556; pi. LXXVI, fig. 32-34; et 1865, t. III, p. 286), espèce des sables moyens. Ses ornements extérieurs ont une vague ressendjiance avec ceux de l'espèce de Mons; on l'en distinguera cependant avec assez de facilité, d'abord par les caractères de l'ouverture, ensuite par ses tours beaucoup moins saillants et séparés par des sutures moins profondes. Fig. 2a, vue du côte de l'ouverture, grossie six fois. — 2/j, vue d'une partie du dernier tour forleincnt grossi. — 2c, grandeur naturelle. 20 DESCRIPTION DES FOSSILES Fusijs MOMis, Sp. n. l'I. ll,fig. ia,b,c. DiM. — Longueur (Je la coquille 0,0165—100 Largeur - 0,008 - 49 Hauteur du dernier lour 0,008 — 49 Angle apicial 40» à 45° Très-jolie coquille formée de huit ou neuf tours arrondis, s'cnroulant régulièremciu en une spire assez allongée, pointue, séparés par des sutures profondes. Les deux premiers sont lisses et sans ornements, les autres ornés de côtes iransverses, arrondies, très-fortes, régulières, un peu ar(|uées, parallèles aux stries de croissance, au nombre de neuf à onze pour une révolution de la spire, séparées par des sillons profonds, arrondis, com- mençant à la sutiu-e postérieure et se prolongeant sur le dernier tour jusqu'à l'inflexion de la base du canal et quelquefois même au delà; toute la surface de la coquille est cou- verte de nombreux fdeis longitudinaux traversant les côtes iransverses, ceux de l'extérieur des tours très-saillants au nombre de sept ou huit entre les deux sutures; le retour de la spire se fait souvent sur une bande plus ou moins large, à peu près lisse; des stries ou lik'ts beaucoup plus petits viennent parfois s'intercaler entre les plus gros. Ouverture ovale, assez large, oblique, terminée en avant par un canal assez court rejeté en arrière; bord mince , fortement arqué jusqu'à l'origine du canal où il rentre un peu dans l'ouver- ture, montrant à l'intérieur de petits plis courts correspondants aux filets longitudinaux, paraissant se répéter de loin en loin en bandes transverses marquant une certaine pério- dicité dans l'accroissement de la coquille; bord gauche fortement arqué depuis la suture jusqu'à l'origine du canal où se trouve un assez fort renflement; une callosité brillante reuqjlace, le long de ce bord, les ornements longitutlinaux eidevés du vivant de l'animal, et produit le renflement columellaire dont nous venons de parler, lequel se trouve le plus souvent limité par une l'ente ou dépression longitudinale se prolongeant jusqu'à la pointe de la columelle. Rem. — Cette espèce, très-élégante, est fort abondante dans le calcaire grossier de Mons; elle peut passer pour un des fossiles caractéristiques de cette assise. Le F. humills, Desh. (I8G0, p. 269, pi. LXXXIV, lig. 22-24) a [)resque les proportions et la forme générale de notre coquille; elle s'en i-approche également par les ornements, mais ses côtes transverses sont plus nombreuses et plus serrées, tandis que les filets longitudinaux sont, au con- traire, en plus petit nombre. Mclleville a, de son côté, décrit le F. afjims, Mell. (Sables inf., p. 68, pi. IX, fig. 13, 14.) dont les ornements sont aussi DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 21 très-rapprochés de ceux de l'espèce de Mons, mais qui ne peut lui être rap- porté à cause de sa forme beaucoup plus allongée. Fig. 4a, vue du tôté de l'ouverture, grossie deux ibis. — 46, — — — fortement grossie. — 4c, grandeur naturelle. Fusus pt'sii.i.i's, Sp. II. n. Il, fig. ia,li,c. Très-petite co{|iiillc, ovale, globuleuse, composée de cjuatrc tours arrondis, séparés par des sutures assez profondes, s'enroulant sous un angle convexe au sonunet, mais deve- nant plus régulier en avant. Les trois premiers tours sont lisses et brillants; le dernier est orné de côtes transverses au nombre de dix, très-faibles d'abord, mais acquérant sur la der- nière moitié du dernier tour une assez forte saillie, commençant à la suture postériciue, et se prolongeant parfois siu' la base jusqu'à une dépression assez forte niar(|uant l'origine du canal; ces côtes sont un peu obliipics, courbées, et séparées par des sillons profonds, plats; quclipies fines stries longitudinales se remarquent à la partie antérieure du dernier tour. Ouverture assez grande, dilatée, oblique, terminée en avant par un canal court; bord droit fortement arqué presque jusqu'à l'extrémité du canal ; bord gauche indéclii à la base de la columelle, se recourbant en sens inverse à la partie antérieure. Rem. — Nous n'avons pu donner les dimensions de cette petite coquille, à cause de sa petitesse môme. Elle est, du reste, représentée sur nos plan- ches avec une grande exactitude, ayant été dessinée au microscope à l'aide de la chambre claire. Elle n'atteint pas deux millimètres de longueur, et sa forme particulière ne nous a pas permis de la rapporter au jeune âge d'aucune autre de nos espèces. Il est pro])able qu'elle con.stitue le jeune âge d'une coquille dont nous n'avons pu découvrir l'âge adulte. Fig. d«, vue du côté de l'ouverture, grossie environ huit l'ois. — 56, vue par-dessus, grossie environ huit fois. — oc, grandeur naturelle. FlISl'S VARI/VJIS, Sj). H. PI. 1 , IJK. 12a, (<, c el fig. 13(1, fc, c. DiM. — Longueur de la cociuille 0,00-i — 100 Largeur — U,U02 — 50 Hauteur du dernier tour 0,0022b— 56 Angle apieial tS" Très-petite coquille ovale , allongée, composée de cinq tours assez larges , presque plats , s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures bien marquées, le tour antérieur 22 DESCRIPTION DES FOSSILES débordunl un iieii le lour postérieur. Le dernier tour jjoite, à l'extérieur de la buse, un rendement plus ou moins obtus sur lequel se fait le retour de la spire; les quatre ou cinq premiers tours sont lisses et brillants; le dernier et qnelqnel'ois l'avant-dernicr sont ornés de cotes transverses cpiehiuelbis très-bien marquées, d'autres fois peu accusées, mais deve- nant de plus en plus prononcées en approchant de l'ouverture; elles sont au nombre de vino-t environ pour une révolution de la spire, assez serrées, droites et rendues tubercu- leuses prés de la suture par un sillon longitudinal à la partie postérieure des tours; ces côtes s'étendent d'une suture à l'autre dans l'avaiit-dernier tour, et souvent, sur la base, au delà du point où se lait le retour de la spire; elles se prolongent plus avant sous forme de rides ou fines stries de croissance; quelques sillons longitudinaux, au nombre de six ou sept, se remarquent dans une large dépression de la base, à l'origine du canal. Ouver- ture ovale, oblique, allongée, terminée en avant par un canal court, large, ouvert; le bord droit arqué, saillant au milieu, un peu infléclii à l'origine du canal; boni columcllaire inflécbi à la base de la columelle, un peu renflé à l'origine du canal. Rem. — Nous avions cru pouvoir, dans le principe, faire deux espèces de celte coquille; mais un examen plus attentif nous a fait reconnaître tpie nous nous trompions, et que nous étions en présence de deux états dilïérents de la même espèce. Nous les avons dessinés tous les deux. Une petite espèce, décrite par Deshayes, le F. excejiliuncnlus, Desli. (1863, t. m, p. 260, pi. LXXXIV, fig. 10-1Î2) a assez hien la forme générale de cette espèce, mais il en diffère par les deux sillons de la carène de la hase et celui de la suture, qui se prolongent jusqu'au sommet de la spire, et par c l'absence de tout ornement transverse. Jeune c'iye. — Fig. 13((, vue du coté de l'ouverture, grossie dix fois. — lû/j, vue par-dessus, grossie dix fois. — 13c, grandeur naturelle. Age ailnlle. — Fie. \'hi, vue du côté de l'ouverture, grossie sept fois. — 146, vue par-dessus, grossie sept fois. — 1 4c, grandeur naturelle. Ftsts Ed.mo>idi , Sp. n. PI. II, fig. »a, l>, c. Dm. - HauU'Ur de la coquille 0.0033-100 Largeur - 0,0015- 43 Hauleur du dernier lour 0,002 — 3/ Angle apicial ■^'" Coquille petite, allongée, fusiforme, composée de six tours presque plais s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures bien marquées, le tour antérieur débordant un peu DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 23 le loiir postérieur, à surface lisse et lirilhniic sans ornements. Une carène assez prononcée limite extérieurement la base; c'est sur cette carène que se fait le retour de la spire. Ou- verture allongée, lozangiforme, un peu oblique, aiguë en arrière, terminée en avani par un canal assez eourl, oblique; bord droit se dirigeant presque en ligne droite depuis la suture jusqu'à la carène de la base, d'où il se dirige assez brusquement vers l'extrémité de la coquille en s'inlléchissant im peu vers l'intérieur de l'ouverture; bord eolunieliairc fortement infléebi à la base d'une eolumelle tordue, renflé un peu plus avant à l'origine du canal, et rejoignant de là l'exlrémilé antérieure en ligne droite. Rem. — Plus allongée ({ue Pespèce prt'cédcnte, on poiiii-ait la preniire pour une de ses variétés, si Tabsence complète de tout ornement, le canal plus long, la spire plus aiguë, les tours plus nombreux malgré sa taille moindre ne nous décidaient à en faire une espèce distincte. Quant aux différences à signaler avec les espèces décrites par les auteurs, nous ne trouvons, comme pour le F. varians, que le F. exceptiumulus , Desh. qui puisse lui être comparé. Mais ici , la distinction sera d'autant plus facile que notre coquille est entièrement lisse et polie, ce que Ton ne peut attribuer à une usure produite par le roulement; cette coquille, au contraire, est parfaitement intacte et a conservé Téclat qu'elle avait du vivant de l'animal. Fin. 8«, vue du côté de l'ouverture, grossie luiit fois. — 86, vue par-dessus, grossie huit fois. — 8c, grandeur naturelle. Ftsis stBsi'ncs, S)t. n. l'I. II, lig. Cn, b, c. DiM. — Longueur (le la coi|uille U,000 — 100 Largeur - 0,901 - U Hauteur du ileniier lour 0,0053 — 39 Angle apicial 30" à ôf° Coquille petite, allongée, à spire conique, longue, pointue, composée de sept tours arrondis, s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures profondes. Ces tours sont presque lisses et même brillants, marqués de stries d'accroissement très-fines que l'on ne peut voir, le plus souvent, (ju'à l'aide d'une forte loupe, et qui s'innéchissent un peu en arriére vers le milieu du tour; la partie antérieure du dernier tour est inarquée de très- petits sillons longitudinaux qui s'amoindrissent progressivement et s'arrêtent vers l'exlé- rieur de la base au point où se fait le retour de la spire. Ouverture ovale, anguleuse en arrière, prolongée en avant en un canal court, large, ouvert; bord droit arqué, tranchant, 21 DESCRIPTION DES FOSSILES portant intérieurement un épaississement en forme de bourrelet légèrement dentelé; bord gauche très-infléclii vers le milieu de l'ouverture, fortement renflé à l'origine du canal, recouvert sur toute son étendue d'une mince cl étioiie callosité; columclle tortueuse, pointue en avant. Rem. — Les plus petits individus constituent une variété, si pas une espèce distincte : ils ont les tours plus plats, plus brillants, l'extérieur de la base mieux marqué, le canal plus allongé, et la columelle plus tortueuse. Ces caractères semblent être d'autant plus prononcés que la coquille est plus petite, de sorte (|u'ils pourraient bien en caractériser le jeune âge, et rappro- cher cette espèce du F. Edmomli, qui, sous un plus petit volume encore, a les mêmes caractères beaucoup plus prononcés. Cependant les intermédiaires nous (ont défaut pour décider si les deux coquilles appartiennent bien déci- dément à la même espèce, et jusqu'à preuve du contraire nous les séparons. Cette coquille ressemble beaucoup au F. awjustm, Desh. (1824, t. II, p. 543, pi. LXXVI, fig. 30, 31, et 1865, t. III, p. 266) des sables infé- rieurs et du calcaire grossier de Paris. Elle se distingue principalement de la nôtre par ses dimensions proportionnelles : le F. auyustus est l'espèce de Mons allongée, sa largeur n'est que le 4^ de sa longueur, tandis que, dans notre espèce, la largeur atteint presque la moitié. Toutes les autres variations que l'on peut signaler entre les deux espèces dérivent de cette variation des proportions, comme bouche plus allongée, tours plus plats, columelle plus droite, etc. Fig. G((, vue du coté de l'ouverture, grossie trois fois. — ait , vue par-dessus, grossie trois fois. — Gc, grandeur naturelle. FtSUS Ll'CIAKI, S/). H. PI. Il, fig. 3a, 6, c. DiM. — Longueur (le la coquille 0,012 —100 Largeur - 0,0073— 62 Hauteur du dernier lour 0,008 — 67 Angle apicial 60» à 62» Coquille assez petite, rhomboïdale, assez mince, composée de six tours presque plats, séparés par des sutures bien marquées, le tour antérieur débordant un peu le tour posté- DU CALCAIRE GROSSIER DE MOAS. 2o rieur, s'enroiilaiit en une spire courte et pointue sous un angle un peu concave. Les premiers tours lisses et sans ornements; les derniers, ornés à l'extérieur de six forts filets longitudinaux assez élevés, arrondis, réguliers, et d'un septième plus petit longeant la suture postérieure, séparés par des sillons arrondis de la même largeur à peu près cpie les filets, également réguliers; le plus antérieur reçoit le retour de la spire; en avant se trouve un sillon ayant à peu près le double de largeur des autres situé tout à fait à l'exté- rieur de la base sur une espèce de carène obtuse; antérieurement à ce sillon se trouvent d'autres filets plus nombreux, un peu plus fins, plus serrés, un peu irréguliers, s'éten- dant sur toute la base jusqu'à l'extrémité du canal; les intervalles qui séparent ces filets antérieurs sont quelquefois occupés par de plus petits. Ouverture assez grande, très-dila- tée, losangilbrme, terminée en avant par un canal assez petit, ouvert, oblique comme l'ouverture; le bord droit mince, presijue droit depuis la suture jusqu'à la carène où il se recourbe fortement pour rejoindre en courbe plus douce l'extrémité du canal, à l'origine duquel il rentre assez fort dans l'ouNcrture; bord g; ;!clie fortement inflécbi à la base de la coiumelle et assez fortement renflé à l'origine du c^siial. Reui. — L'espèce de Deshayes qui .se rapproclie le plus de la nôtie est le F. snlcfifus, Desh. (1824, t. II, p. 333, pi. LXXVl, fig. 12) qui provient des sables inférieurs. La confusion, toutefois, n'est guère possible, le faciès des deux espèces est tout dilTérent. La longueur proportionnelle principale- ment est beaucoup plus considérable dans Tespèce du bassin de Paris. Fig. 3a, vue du côté de l'ouverture, grossie deux fois. — ob, vue d'une partie du dernier tour, fortement grossie. — oc, grandeur naturelle. FlSlS STBICTtS, Sp. n. PI. H, fig. 7a, b,c. DiM. — Longueur de la coquille 0,009 —100 Largeur — 0,0035 — 39 Hauteur de l'ouvcrUire 0,004 — 44 Angle apiclal 2S" Coquille petite, à spire conique, allongée, composée de six tours assez larges, un peu arrondis, s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures bien mar(|uées, ornés de côtes transverses peu saillantes, assez peu régulières, un peu obliques, parallèles à des stries de croissance très-fines qui se prolongent sur toute la base sans être recoupées de stries longitudinales. Ouverture ovale, semi-lunaire, presque droite, dilatée en avant, anguleuse en arrière, terminée par un canal court presque nul; bord droit mince, arqué jusqu'à l'extrémité antérieure sans inilexion à l'origine du canal; bord gauebe presque Tome XXXVI. S 26 DESCRIPTION DES FOSSILES droit, |jLii iadcclii ;i la base de la eoluniclle vl pou rciillc à l'origiiK' du canal, ayaiil anlé- riciircniciil sur la moitié de sa longueur une petite fente longitudinale qui limite un léger l)(iurr('!('l conlomnant la eolumeile. di-iii, — Cette espèce, comme le F. mlmwlas (p. 23), a certains rap- ports de forme générale avec le F. anynstm, Desh. Sa forme allongée l'en i-approche même un peu plus; mais elle se distingue facilement de ces deux espèces par les ornements transverses de ses tours et par Tahscnce presque complète de canal antérieur. C'est aussi ce dernier caractère qui la distingue des espèces costulées que nous décrivons. On peut dire que cette espèce se trouve sur la limite du genre, et s'a|)proche très-près des Buccins. Aussi lui trouvons-nous beaucoup de res- sendjlance avec le B. junceam, Sow. sp. (3/urex juncens, Brand.), très- commun dans l'argile de Londres, et qui ne s'en distingue que par les ornements réticulés dont sa surface est couverte. 31. Agassiz , dans les notes dont il a accompagné la traduction du Minerai Concholofjy de J. Sowerby, faite par M. Desor, dit, à propos de cette espèce et de deux autres ayant à peu près la même forme, que ce ne sont pas de vrais Buccins, et qu'il faut les ranger dans une subdivision du genre Fusus qu'il propose de nommei- Atmctus. D'Orbigny ne s'est pas rallié à cette opinion, et nous voyons l'espèce de Sowerby figurer parmi les Buccins dans son Prodrome. Il en est de même de Bronn dans son Index poleontohgicus. Quoi (pi'il en soit, notre espèce n'ayant pas d'écbancrure antérieure, nous préférons en faire un Fusus. Fir,. la, vue du côte de rouverture, grossie trois l'ois. — 76, vue jiar-dcssus, grossie trois fois. — 7c, grandeur naturelle. Fusus ECASAI.ICILATUS, Sp. H. PI. 1, fig. 10a, b.c. DiM. — Longueur de la coquille . 0,008 — 100 Largeur - 0,00.1- 50 Hauteur du dernier tour 0,00-1— 50 Angle apicial ^0' Coquille assez petite, ovalo-globideuse, eomposée de six ou sept tours presque plats, s'enroulant régulièrement en une spire allongée, conique, séparés par des sutures l)ien DU CALCAIRE GROSSIER DE MO^S. 27 marquées, subcanaliculées, le tour anlcrieur ilébordant un peu le tour postérieur. Ces leurs sont lisses et brillants, sans ornements, marqués seulement de stries de croissance très-fines, à peine pciceptibles; le dernier tour irès-ienné, assez fortement arrondi à lex- térieur de la base. Ouverture ovale, allongée, oblique, occupant la moitié de la longueur de la coquille, assez étroite, semi-lunaire, aiguë en arrière, terminée en avant par un canal court, presque nul; le bord droit largement arqué depuis la suture jusqu'à l'extré- mité du canal, tranchant, un peu épaissi intérieurement; le bord gaucbe infléchi assez fortement à lu base de la colunielle, recourbé régidièren)eiit en sens contraire jusqu'à la pointe de celle-ci, laquelle se trouve rejetée en arrière; columelle épaisse à la base, aiguë en avant, fortement encroûtée depuis la base jusqu'à son extrémité. Rem. — Cette espèce partage avec la précédente cette particularité d'avoii- le canal presque nul. Aucun autre rapprochement n'est, du reste, possible entre les deux. De toutes les espèces décrites par Desliayes, celle qui se rap])roche le plus de la nôtre est le F. deci/uens , Desh. (1805, t. III, p. 288, pi. LXXXIV, fig. 20, 21). C'est une coquille du calcaire grossier inférieur. Elle se dis- tingue de l'espèce de xAIons par sa forme plus allongée et surtout par la lon- gueur de l'ouverture et du dernier tour qui atteint une fois et demie celle de la spire. Fig. 10a, vue du côté de l'ouverture, grossie trois fois. — 106, vue par-dessus, grossie trois fois. — lOf , grandeur naturelle. Famille BUCCINIDES. Genre IJUCCIINUM, Linné, 1767. Car. rjén. — Coquille ovale, à tours peu nombreux; ouverture grande terminée par un canal très-court, brusquement renversé, produisant une sorte de variée contournant la partie antérieine de la coquille. Rem. — La famille très-nombreuse des Buccénides, telle (|u'elle est circonscrite par Woodward, renferme les coquilles à ouverlm-es échancrées antérieurement ou ayant le canal brusquement réfléchi produisant une espèce de varice en avant de la coquille. [Man. of ihe MolL, p. 110.) Cette espèce de varice, qui n'est que la trace des échancrures successives du canal ou de l'ouverture, peut cepenilanl se rencontrer dans des genres qui sont 28 DESCRIPTION DES FOSSILES étrangers à celte famille, dans les Mnrex, pai' exemple, dans les Volutes, dans les Fnsus à canal court, etc. On peut voir, pai' certaines espèces que Deshayes a classées dans ce dernier genre, (pfil est souvent bien difficile d'en marquer la limite. Toutes les espèces des lorrains primaires et des terrains secondaires jus- (|u'au\ terrains crétacés exclusivement, (|ui avaient été données par les au- teurs comme des Buccins, sont aujourd'hui généralement reléguées dans d'autres genres. C'est du moins l'opinion de d'Orbigny, de Pictet, etc. Ce genre ne paraît avoii' commencé (|ue vers le milieu de la période crétacée : on en cite des espèces du gault, du grès vert de Blackdown, du tourtia de Tournai, etc. Mais c'est à dater de la période tertiaire qu'il se montre avec une grande abondance, et le nombre des espèces n'a l'ail (pie croître jusqu'à ce jour. Le calcaire grossier de Mons nous en a offert deux espèces, dont l'une, le B. stmmboïdes , se rencontre dans le bassin de Paris, et dont l'autre, le B. Monteuse, est extrêmement voisine du B. (/uœsilam, Desli., très-abon- dant dans les sables inférieurs de Châlons-sur-Vesles. BucciKUM sTHOMBOiDEs, Heiiiian. PI. Il, fig. \Oa.h. Dm. — Longueur de la cofiuille 0,055 — 100 Largeur - 0,018— 53 Hauteur du dernier lour 0,023— 71 Angle apicial 6-2" Syn. — Buccinum siromboïdes, Hermau , iKi; Naturforclicf, p. 84, pi. II, fig. S, Il — — Lamk., 1803;^nH. rfîi.WH.f., 1. ll,p. 16i,n» I. _ _ Deshayes, 1824; Coii.fos.i. des cnv. de Paris, t. ll.p.lin.jil. LXXWI, lig, 8,9, 10. — — Bronn, 1848; Iiid. pal., 1. 1, p. 187. — — Dixon, 1850; Fo.ss. 0/ SH.s.«'.r., pi. Vll.fig. 33. — — d'Orbigny, 1852; Prodi:, t. II, 24'»': ^t., p. 320, n° i20, et 25"'= et., p. 3()9, n° 635. — - Morris, 1854; Cn(. <;/Cn(./oss., p. 237. — — Nyst, 1833; listes pidil. par i\l. d'Omalius, Eue. pop. : Géol., p. 382. — — Deshayes, IStîo; /1h». snxs l'crt., t. III, p. 495. — — Dewalque, 1868; Prud. d'une deser. iiéni. de lu Delijiquc, p. 201. Coquille grande, ovale, allongée, brillante, à spire courlc, composée de cinq tours s'cnroulant régulièrement, séparés par des sutures profondes, un peu irrégulières, et dont le fond est arrondi par un léger renflement du tour antérieur qui s'avance sur le précé- DU CALCAIRE GROSSIER DE MO^S. 29 (lent. Les oriit'iiioDts îles lours se pomposeni piiiieipalement de stries et, de sillons d'accroisseiiieiil irréguliers, très-légers sur la iircs(|iic totalité de la co(piiile, mais prenant au dernier tour, près de l'ouverture, une assez giaiidc saillie; huit plis longitudinaux occupent environ le tiers antérieur du dernier tour et sont d'autant mieux manpiés (pi'ils se trouveiU plus rapprochés de l'échancrure. Ouverture grande, ovale, allongée, un peu otdiquc, un peu rétrécie sans être aiguë en arrière, terminée en avant par une échanerure profonde, semi-lunaire; hord droit dilaté, largement artpié dans toute sa longueiu-, sinueux près de la suUue; hord gauche à peu près droit, un jjcu infléchi à la hase de la colu- melle, recouvert par une mince et large callosité déhordant la suture en arrière; columelle conique, assez aiguë, saillante eu avant. Un hourrclcl antérieur, longitudinal, formé par les échancrures des bouches successives, nettement séparé du tour, contourne extérieu- rement la columelle et se perd sous l'encroûtement vers le milieu du hord droit, en y formant un léger renflement. fl^.))t_ — Cette espèce est très-abondanunent répandue dans le l)assin de Paris. Elle s'y trouve depuis les couches supérieures des sables inférieurs où elle est assez rare, jusque dans les couches inférieures des sables moyens, en traversant toute l'assise du calcaire grossier où on la rencontre en très- grande quantité. C'est une des rares espèces dont d'Orbigny admet le pas- sage d'un étage à l'autre, de son étage suessonien (Saint-Félix, Cuise-la- Motte, etc.) dans son étage parisien (Grignon, Courtagnon, etc). Cet au- teur, en omettant dans son Prodrome, les localités où elle a été signalée hors de son pays, semble la circonscrire aux terrains tertiaires de France. Elle a cependant été rencontrée dans les couches de Brakleshttm et de Selsey, en Angleterre. C'est aussi une espèce connue dans notre pays. Elle avait probablement échappé aux premières recherches de M. Nyst, qui ne la mentionne pas dans sa Descri/ilion des coquilles et polypiers fossiles des terrains tertiaires de la Belgique, publiée en 1843. De nouvelles recherches faites par cet éminent paléontologiste la lui ont fait découvrir plus tard, car elle se trouve men- tionnée dans la liste dressée par lui des fossiles des sables calcarifères de Bruxelles tpi'a publiée M. d'Omalius d'Halloy à la suite de son traité de géologie {Eue. pop., 18o3). M. Dewalque {Prodrome d'une description géologique de la Belgique, I8G8) la mentionne également dans les mêmes assises, d'après le même auteur, et la fait descendre dans le système panisé- lien(1868,p. 201). 30 DESCRIPTION DES FOSSILES Jusqu'à présent elle n'a pas été signalée dans les systèmes ypresien et l.uideuien. Elle aurait donc vécu dans notre pays à deux époques assez éloi- gnées Tune de Tauti-e, à réj)oque du dépôt du calcaire grossier de Mons et à celle du dépôt des couches bruxelliennes et paniséliennes; elle aurait émigré de nos mers tertiaires, entre ces. deux épo(|ues, pendant la longue période qui a vu se déposer les systèmes landenien et \ presien. Nous aurons l'occa- sion de signaler, par la suite, le même fait en parlan[ d'autres espèces. Frc. lOa, vue du côté de l'ouverture, grandeur naturelle. — 10/;, vue par-dessus, grandeur naturelle. Bl'CClIVUM MOKTEKSE, Sp. H. PL II, fig. Oa,b,r,il. Dm. — Longueur de la coiiuillf 0,0135—100 Largeur — 0,O0G — ii Hauieur du dernier tour 0,006 — iî Angle apicial 30» à i'I" Coquille conique, allongée, composée de sept ou huit tours, à spire pointue, d'un enrou- lement assez variable, souvent régulier, quelquefois convexe. Ces tours sont séparés par des sutines peu proloiules mais bien marquées, le tour antérieur débordant un peu le totu' postérieur; ils sont ornés de seize à vingt-deux côtes transverses assez inégales, inégale- ment espacées, fibreuses, assez fortes à la suture, se prolongeant d'une suture à l'autre et disparaissant progressivement sur la base avant d'atteindre le bourrelet antérieur; ces côtes sont traversées par de nombreux lilets longitudinaux existant également sur toute la base, dont six et plus rarement sept restent à découvert par le retour de la spire, ren- dant ces côtes granuleuses, surtout près île la suture. Ouverture ovale, aripiée, allongée, anguleuse en arrière, atténuée en avant où elle se termine par une échanerure assez large et assez profonde; bord droit mince, arqué jusqu'à l'échancrure mais plus fortement courbé au milieu, portant à l'intérieur de fines dentelures; bord gauche en S allongée assez régulière. Un bourrelet antérieur part de l'échancrure, contourne la columelle doni il est séparé par une dépression et quelquefois par une fente longitudinale, et se perd sous une légère callosité vers le milieu du bord droit. lieiii. — Les variations de l'angle apicial rendent nécessairement les dimensions pro|)orlionnelles également fort variables. Celles que nous don- nons en tète de notre description ont été prises sur le plus grand individu que nous possédions et qui a la spire a.ssez convexe. Dans d'autres, plus DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 31 petits et il iinjïles (renrouleinent léguliers, la largeur proportionnelle est |)liis considérable et peut même alteiiulre 0"',o'j de la longueur. C'est une des coquilles les plus abondantes du calcaire grossier de Mons, et c'est piobablement au grand nombre de spécimens que nous possédons, que nous devons de n'en pas a\oir formé plusieurs espèces, ce qu'aurait favorisé la grande variabilité des proportions. A ce propos, nous ne pou- \ons nous cmpècber de répéter ici que ce cas se présente probablement très-souvent, que la grande multiplication des espèces provient en partie du nom])re restreint d'écbantillons (pie l'on possède, et qu'il suffirait de décou- vrir les formes intermédiaires pour en supprimer un grand nombre. Le B. f/iiœsiïiun ^ Desh., des sables inférieurs (i86o, t. III, p. o03 , pi. XCIII, fig. 9-12), assez commun dans certaines localités, principa- lement à Cliàlons-sur-Vesles , a presque la taille, les proportions et les ornements de notre espèce. Cependant son angle apicial est plus ouvert, et, par conséquent, sa largeur proportionnelle plus grande; ses filets longitudi- naux, principalement ceux du milieu de la base, sont plus nombreux, plus serrés et moins saillants; de plus, l'ouverture est plus large, moins atté- nuée en avant, et a l'écliancrure plus grande. Nous avons pu établir ces différences d'après des spécimens assez nombreux que nous avons recueillis à Cbâlons-sur-VesIes, les figures de Desbayes ne rendant qu'approximati- vement toutes les particularités du B. (juœsituiii. FiG, 9a, vtiu du côti; de rouverlurc, grossie deux fois. — 'J6, vue par-dessus, grossie deux fois. — 9c, vue du dernier tour fortement grossi. — Oil , grandeur naturelle. Genre PSEL'DOLIVA, Swainson, 1840. Car. r/én. — Coquille globuleuse ou ovale; ouverture ovale, échancrée à la base; boni droit mince, portant à la partie antérieure une dent triangulaire ou une écbancrure cor- respondant au dehors à un sillon ou à une bande de sinus décrivant une spirale sur le dernier tour. Rem. — Ce genre très-bien circonscrit, (pi'il est impossible de confondre avec les monocéros, se place, au point de vue de la forme de sa coquille, entre les buccins et les olives, comme l'indiquent, du reste, les noms qui lui 32 DESCRIPTION DES FOSSILES oui ('[(' donnés ÇSt(l(v(u«xijtiiiii . (fOrl). I8i7). Cepcndaiil , s(»a opt'irulc corni' semblerait plutôt le rapproelier des pourpres. Au point de \ue paléon- toloi>i(pie, il appartient jusqu'à présent entièrement aux terrains tertiaires inférieurs (|ui en ont lourni en tout sept espèces. On en connaît, en outre, six espèces \ivantes, ce cpii sendjierail indicpier une interruption dans la vie de ce genre; mais il est plus probable que les recliercbes d.uis les ter- rains tertiaires supérieurs n'ont pas encore été assez complètes poui' l'aire connaître les espèces intermédiaires. Le calcaire grossier de Mons nous en a fourni neuf espèces nouvelles, c'est-à-dire un nombre plus considérable ({ue celui des espèces fossiles du même genre connues jus(|u'aujourd'bui. Cela constitue, on peut le dire, un des traits particuliers de cette intéressante formation. PsEi'DOi.n A RonusTA , Sp, n. PI. m, lig. la, ^. DiM. — Longueur de la coquille 0,046—100 Largeur — 0,000— 05 Hauleui- du dernier tour 0,051— 67 Angle apicial 88° à 90» Coquille grande, épaisse el solide, ovale, gibbeuse, formée de six tours ou plus s en- roulant sous un angle régulier jusqu'au dei-nier tour où cet angle devient un peu convexe, séparés par des sutures profondes, inéguliéres; le dernier tour très-dévcloppé , renflé vers le milieu. Une forte carène se remarque à la partie postérieure des tours , limitant une surface un peu concave qui rejoint la suture presque à angle droit. Les tours sont ornés de côtes transverses, peu régulières, très-saillantes à la carène qu'elles dépassent postérieurement en grosses épines tuberculeuses, diminuant progressivement d'intensité en s'avaneant sur le dernier toiu- et Unissant avant d'atteindre un profond sillon longitu- dinal situé à peu près au tiers antérieur de ce tour. Des stries et des ondulations de crois- sance fort irrégulières ornent toute la surlace de la coquille; très-inclinées en arrière de la carène et presque tangentes au tour précédent, elles se recourbent assez fort en appro- chant du sillon qu'elles traversent en y produisant des sinus irès-aigus qui devaient cor- respondre à une dent du labre également très-aiguë; ces sti-ies, à la partie antérieui-e du dernier tour, se retournent en sens inverse, indiquant très-bien la l'orme que devait avoir l'écliancrure de l'ouveiture, laquelle devait être presque droite; tous ces ornements sont recoupés par des stries ou petits fdets longitudinaux peu saillants, un peu plus réguliers (jue les ornements transverses, plus accusés à la partie antérieure en avant du sillon. DU CALCAIRE GROSSIER DE iVIONS. 53 Ouverture grande, ovale, que l'aljsenee presque couipléte tlu hoi'd droit nous empéclie de décrire entièrement; bord eoiunicliaire largement arcpié, à peine recoui'Ijé en sens inverse à l'extréniiié de la columelle, recouvert dune large et épaisse callosité; un bourrelet longitudinal, très-fort, contourne la columelle et en est séparé par une dépression assez bien marcpiée. Rem. ■ — Nous ne possédons malheureusement aucun individu bien con- servé de cette espèce, ce qui nous empêche d'en donner une description bien complète. Ce que nous en disons sulïit cependant pour bien en pré- ciser les caractères. Le P. prima, Desh. sp. (18G6, t. III, p. o09; Buccinum lliiura, Desh. 1824, t. II, p. 665, pi. LXXXVII, fig. 23, U;Stn(tluolarin prima, Defr., Die/, des se. nut.), coquille des sables inférieurs du bassin de Paris, se rap- pi'oche assez de notre espèce : c'est, en quelque sorte, l'espèce de Mons fort allongée, et dont lu longueur atteindrait presque le double de la largeur (100 : o3). Les deux espèces sont donc bien dilTérentes. D'après le même auteur, M. Zitlel, dans un excellent mémoire, a fait connaître une coquille de la Hongrie, sous le nom de Biiceinum hornesi, lequel serait un Pseudolixa très-rapproché du P. jn-ima. Nous regrettons de ne pas posséder le mémoire de M. Zittel , ce qui nous empêche de com- parer notre espèce à la sienne, Fig. \a, vue du côté de rouverture. grandeur nalurclle. — \h, vue par-dessus, grandeur nalurclle. PSEl'DOLIVA tA!VAI.ItlI,AT*, Sp. 11. IM. m, lig. 'm, b.c. Uni. — Longueur de la coquille 0,010 —100 Largeur — 0,0005— 63 Hauteur du deinier leur 0,007 — 70 Angle apicial 75' à 78» Coquille assez petite, ovale globuleuse, composée de cinq loiu's s'enroulaïU. sous un angle un peu concave, séparés par des sutures eanaliculées; les deux premiers tours glo- buleux, les autres ornés de fortes côtes transverses assez régulières au nombre de (juinze environ pour une révolution de la spire, séparées par des sillons arrondis, foit saillantes H la partie postérieure où elles deviennent épineuses et débordent la suture; elles se pro- longent en avant jus(|ue vers le milieu du dernier tour où elles disparaissent inscnsible- ToME XXXVI. 6 ôi DESCRIPTIOIS DES FOSSILES mcni avaiil tralteiiulrc un sillon longiliulinal bien prononcé |iailant de i"ani{le posléiicur de l'ouvcrtnre pour arriver au quart antérieur du bord droit où il se prolonge en une (IcMi fort oblitpie. La surface, en avant de ce sillon, est ornée de stries longitudinales beaucoup mieux niar(piées (jue sur le restant de la coquille, où elles sont à peine \isibles; ces ornements sont traversés de lignes de croissance parallèles aux grosses cotes, s'inflé- chissant en un sinus très-aigu sur le sillon antérieur. Ouverture grande, ovale, oblicpie; bord droit largement arqué, mais d'une combure plus forte à la partie postérieure; bord gaucbe également arqué presque jusqu'à l'exirémité de la columelle qui se recourbe un peu en sens inverse; celte columelle est assez aiguë, et séparée, par un sillon bien mar- (|ué, d'un bourrelet longitudinal correspondant à l'écliancrure antérieure et disparaissant sons la callosité vers le milieu du bord colnmellaire. Rem. — Nous possédons quelques spécimens plus grands, mais trop mal conservés pour pouvoir être décrits, (jue nous croyons, sans pourtant en être bien certains, devoir rapporter à cette espèce, de manière à la relier à la précédente. Cependant, il y a trop de différence dans la taille et dans les autres caractères des deux coquilles pour tpie nous puissions les identifier avant de posséder d'autres intermédiaires, d'autant plus que si cette identifi- cation devait se faire, la forme de fàgt; adulte serait complètement modifiée et tout à fait différente de celle du jeune âge. En eflct, dans le P. mnalka- lata, les tours sont plus arrondis, séparés par des sutures moins profondes, et s'enroulent en une spire plus aiguë. Nous croyons donc devoir maintenir ces deux espèces jus(|u'à ce que l'intervalle «pii les sépare soit comblé. FiG. 4a, vue du côte de rouverturc, grossie trois fois. — kh , vue par-dessus, grossie trois fois. — 4f , grandeur naturelle. PSEl'DOI,IV.\ CtRVICOSTATA, Sp. H. n. m, lig. ia, b,c.. Dm. — Longueur de la coquille 0,0093— 100 Largeur — 0,00.ïo— 58 Hauteur de l'ouverUirc 0,006 — 63 Angle apiclal 00° Coquille assez petite, ovale, allongée, composée de cinq tours arrondis, s'enroulanl régulièrement en une spire assez aiguë, séparés par des sutures profondes; ces tours sont ornés de(iuatorzeà dix-huit côtes transverses, un peu obliques aux stries d'accroissement, très-forics à la suture où elles se recourbent en avant, et diminuant progressivement du DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 3S coté antoi'iiiir pour disparaître vers le milieu du dernier tour un peu au delà du point où se fait le rclour de la spire. Toute la surface de la coquille est recouverte de stries longi- tudinale* très-fines et très-serrées, recou|)ées île stries d'accroissement beaucoup moins visijjles, excepté vers le milieu du dernier tour, où elles s'infléchissent brusquement en une bande longitudinale de sinus correspondant à une dent saillante et aiguë au tiers antériem- environ du bord droit ; cette bande de sinus , située au milieu dune large et |ieu profonde dépression longitudinale, accuse à |)eine une leiidance à devenii- un sillon, cl correspond, à l'intérieur de la coquille, à un bom'relet assez bien marqué. Ouverture ovale, allongée, un peu obli(|uc , un peu aiguë en ariière, terminée en avant par une éehancrurc large et assez profonde; bord columellaire arqué , se recourbant en sens inverse aux deux extrémités; bord droit en courbe assez forte à la |)artie postérieure, et de là se dirigeant iiresipic en ligne droite justju'à l'échancrurc; columelle séparée par une dépres- sion assez prononcée d'un bourrelet antérieur, longitudinal, bien marqué, correspondant à l'écliancrurc et se perdant sous un bord gauche assez mince vers le milieu de l'ouverture. Rem. — Cette espèce est la plus aboïKlaiite du genre dans le calcaire grossier de Mons. Nous en possédons de nomltreux spécimens bien con- servés, dont la constance des caractères- est fort remarquable. La forme de la suture non canalicnlée, ses côtes transverses non épineuses, son angle apicial beaucoup moins ouvert, et surtout, Tabsence de sillon longitudinal sur le dernier tour, la distinguent parfaitement du P. cwiolicHlalii. FiG. 2n, vue du côté de l'ouverture, grossie trois fois. — 26, vue piU'-dcssus, grossie trois fois. — 2c, grandeur naturelle. PSEt'IJOLIVA LUDOVIC.E, Sp. n. PI. m, lig. m, h, c. DiM. — Longueur de la coquille 0,014 — tOU Largeur — 0,008 - 57 Hauteur de Pouverture 0,0005— 68 Angle apicial 72° à 75" Coquille ovale, allongée, assez grande, composée de cinq tours arrondis, le dernier assez développé, s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures profondes, simples. Ces tours sont ornés de quatorze à seize côtes transverses, commençant près de la suture, finissant vers le milieu du dernier tour pour acquérir leur maximum de saillie entre ces deux points extrêmes, à l'endroit où se fait le retour de la spire; le reste du tour est lisse, et l'on ne remarque, sur toute la surface de la coquille, que des stries de croissance très- fines, non recoupées d'ornements longitudinaux; ces lignes de croissance produisent une 36 DESCRIPTION DES FOSSILES bande de sinus un peu en axani du milieu du dernier lour, correspondant sur le labi'e à une dent large, assez aiguë, située environ au tiers antérieur; celte bande de sinus est tout à fait superficielle, sans le moindre sillon. Ouverture ovale, allongée, oblique, aiguë en arrière, terminée en avant par une éeliancrure assez large et profonde; bord droit foi'tc- ment arqué à la partie postérieure, se redressant de plus en plus en approcbant de l'éehan- crure; bord gauche arqué au milieu, recourbé en sens inverse à ses deux extrémités, mais d'une manière plus marquée à son extrémité antérieure; un léger bourrelet part de 1 ecliancrure, contourne la colunielle et se perd sous une légère callosité du bord gauche. Rem. — Celte espèce, moins abondante que la précédente, est aussi l)ien circonscrite. Elle s'en distingue par sa spire beaucoup plus obtuse, par la manière d'être de ses côtes trausverses, plus saillantes vers leur milieu et presque nulles à la suliu-e, et par l'absence de stries longitudinales. Fin. 6a, vue du côté de rouverlure, grossie deux fois. — ah, vue par-dessus, grdssie deux fois. — (ic, grandeur naturelle. l'sEi'DOi.ivA Elise, Sy). /(. IM. 111, Cg. Sa, (,,0. DiM. — Longueur de la coquille 0,0H— 100 Laideur — 0.008- 73 llaiileur de l'ouvcÈlure 0,008— 73 Angle apicial 8o° Coquille ovalo-rhondjoïdale , atténuée antérieurement, renflée au milieu, l'ormée de cinq tours arrondis s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures profondes. Ces tours sont ornés de côtes transverses, très-nombreuses aux premiers tours, au nombre de dix à treize seulement au dernier; elles sont obliques, aiguës, très-saillantes à la partie exté- rieure sur un renflement longitudinal subcaréné sur lequel se fait le retour de la spire, se prolongeant, du côté postérieur, jusqu'à la suture où elles finissent, et du côté antérieur jusqu'à une bande de sinus formée par des stries de croissance très-iines, qui traversent obliquement les côtes transverscs et recouvrent tout le restant de la surface de la coquille; celte bande de sinus est superficielle et correspond à une dent du labre assez forte, trian- gulaire, située environ au tiers antérieur; aucun ornement longitudinal ne traverse les côtes ei les stries de croissance. Ouverture allongée, oblique, large au milieu , atténuée en avant, où elle est terminée par une échancrure profonde, peu large; bord droit fortement arqué à l'extérieur des tours, droit à la partie antérieure jusqu'à l'échancrure ; bord gauche fortement infléchi au milieu, à l'endroit de la plus grande largeur de l'ouverture, se lecourbant en sens inverse à la partie antérieure, sur une longueur excédant le quart de DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 37 su ioiigucur toliik". Ln bourrelet antérieur assez saillant part de léchancrure, eonloiinie la eolumelle et se perd, vers le milieu, sous une mince callosité qui recouvre le bord gauche. Hem. — Cette espèce, dont la circonscription n'est pas aussi satisfaisante que celles des espèces que nous avons décrites jusqu'à j)résent, s'en dis- tingue cependant encore avec assez de facilité. C'est, de toutes nos petites espèces, celle dont l'angle apicial est le plus ouvert, et qui, par le renlle- ment des tours, alTecte le plus la forme des pyrules. Elle se distingue du P. Lndovicœ, que nous venons de décrire, par sa largeur proportionnelle beaucoup plus grande, et par le nombre des côtes transverses beaucoup plus considéral'le dès les premiers tours. Cependant, nous devons dire que tous les spécimens tpie nous possédons ne réunissent pas ces caractères d'une manière également tranchée, principalement ceux de petite taille, ce qui prouve, comme la forme de la coquille doit, du reste, le faire supposer, que ces caractères ne se montrent parfaitement que quand la coquille a atteint tout son développement. FiG. oa, vue du coté de l'ouverture, grossie deux fois et demie. — 36, vue par-dessus, grossie deux fois et demie. — oc , grandeur naturelle. PSEl'DOI.lV* GBOSSECOSTAT\, 5/). II. [>\. in, lig. Sa, b.c. 1)]M. — Longueur de la coquille 0,01 13— 100 Lai-geur — 0,008 — 70 Hauteur du dernier leur 0,0083 — 74 Angle apieial 80° à 82° Coquille ovalo-rhomboïdale , atténuée antérieurement, renflée vers le milieu, com- posée de quatre à cin(| tours presque plats, s'cnroulant régulièrement en une s])irc courte et assez obtuse, séparés par des sutures peu profondes, presque superlieielles. Les pre- miers tours lisses et sans ornements, le dernier seul, porte sur sa surface la plus renflée, six à huit côtes Iransverses, s'élcvant de plus en plus à mesure que l'on approche de l'ou- verture oîi elles deviennent très-fortes; ces côtes sont courtes, elles iinissent d'un côté avant d'atteindre la suture, et de l'autre à peu de distance en avant du point où se fait le retour de la spire ; des stries d'accroissement très-fines recoupent ces côtes un peu oblique- ment et se montrent sur toute la surface de la co(piille, en formant une bande surperlî- cielle de sinus correspondant à une dent peu saillante, arrondie, qui se trouve un peu en 38 DESCRIPTION DES FOSSILES avaiil (lu iviilitu du liihre; aucun ornement lon.^ituilinal ne traverse les cotes et les stries de croissance. Ouverlure allongée, oblique, losangitbime, élargie au milieu, aiguë à la pallie postérieure, terminée en avant par une échancrure ([ue renlèvcnicnt du bord droit cm|)écbe de bien voir sur la figure, mais qui, si nous en jugeons par les stries de crois- sance, devait être peu large et peu profonde; bord eolumellairc inlléebi au milieu, se recourbant en sens inverse à ses deux extrémités; bord droit fortement courbé à la partie saillnnle du tour, et rejoignant pres(|ue en ligne droite, d'un côté, la suture, et de l'autre, réchancrure antérieure. /{em. — La forme générale de cette espèce la rapjjroclie beaucoup de l'espèce précédente, mais elle s'en distingue facilement par ses premiers tours unis et sans ornements, et par la forme pi'estiue tuberculeuse des côtes transverses du dernier tour. Deshayes a décrit, de l'étage des lignites du Soissonnais, une espèce qui se rapproche assez de la nôtre, et dont les dimensions, parait-il, varient dans d'assez fortes proportions. C'est le P.semkostuta, Desh. (1865, t. 111, p. 508; Buciinnm semicostatum , 18^24, t. II, p. 637, pi. LXXXVIII, lig. 3, 4-), lct|uel se retrouverait dans le bassin de Londres à un étage plus infé- rieur. Cette espèce, au lieu d'une bande superficielle de sinus, porte un sillon longitudinal, ce qui suffit pour en faire la distinction. Elle a, de plus, des stries longitudinales assez marquées, surtout à la partie antérieure. FiG. Tyu, vue p;u--dessus, grossie deux fois et demie. — ol), vue du coté de l'ouverture, grossie dtux fois et demie. — 5f , grandeur naturelle. PSEIDOLIVA ELO\GAT» . S/l. H. PI. III, fig. -0, /', 1-. DiM. _ Longueur de la coquille 0,0095—100 Largeur - 0,0055- 58 Hauteur lie l'ouverUire 0,0C6o— 68 Angle apicial 6"2o à 68° Coquille assez petite, ovale , allongée, composée de cinq tours presque plais s'enroulani régulièrement en une spire assez courte et pointue, séparés par des sutuies pres(|ue super- ficielles. Les premiers tours lisses et sans ornenienls, le dernier seul porte sur la iiartie renflée sept à neuf côtes transverses, obliques aux stiies de croissance; quelques côtes se montrent déjà vers la fin du tour précédent , d'abord tiès-faib!es el grossissant de jilus en plus à mesure que l'on approche de l'ouverture; elles :ont peu allongées, finissent posté- DU CALCAIRE GROSSIER DE MO>S. 59 iieiiremcni avanl tralleimliL' la suture, fl iléitassonl très-peu, du côte antérieur, le point où se lait le retour de la spire. Des stries d'accroissement très-lines se montrent sur toute la surface de la coipiille en formant une bande de sinus iongitudiiKiie, superficielle, im |)eu en avant des côtes transverses, correspondant à une dent peu saillante, arrondie, située un peu en avant du milieu du labre. Aucun ornement longitudinal ne traverse les côtes cl les stries de croissance; ouverture allongée, assez étroite, oblique, aiguë en arrière, un peu rélrécie en avant, où elle est terminée jiar une écbancrure presque droite; bord columellaire légèrement renfoncé au milieu et recourbé en sens inverse à ses deux extrémités, mais un peu plus brusquement à Textrémité antérieure; bord droit fortement arqué au tiers postérieur, à l'endroit correspondant au renncmcnt du tour sur lequel se lait le retour de la spire, et rejoignant de là, en ligne droite, d'un côté, la suture, et de l'autre, l'écliancrure antérieure, en ayant même, de ce côté, une légère tendance à rentrer dans l'ouverture. /je„j. — Cette espèce est, pour ainsi dire, la précédente allongée. Elle s'en distiiigiie très-bien par son angle apicial beaucoup inoindre, d'où découlent de notables variations dans les dimensions proportionnelles, et une apparence toute différente de la coquille. FiG. 7a, vue du côté de l'ouverlure, grossie deux fois et demie. — 7b, vue par-dessus, grossie deux fois et demie. — 7c, grandeur naturelle. y û' PSEUDOI.IVA TEXUICOSTATA , Sp. )(. ri. m, fig. On, b, c. Uni. — Longueur de h ccH|uille 0,01-f — 100 Largeur - 0,0085- Cl Hauteur du dernier lour 0,010 — 71 Angle apicial '3° Coquille ovale, globuleuse, composée de cinq tours arrondis, s'enroulant régulièrement, séparés par des sutures profondes. Le premier tour est lisse et globuleux, les suivants sont ornés de nombreux plis transverses très-serrés, peu saillants, irréguliers , droits à la partie renflée des tours, se rejetant un peu en avanl près de la suture, et formant une bande longitudinale des sinus bien marquée sur le dos de la coquille correspondant à une dent large et saillante située un jieu en avant du tiers antérieur du bord droit; en avant de cette bande, les plis deviennent moins accusés et obliquent un peu veis la columelle; aucun ornement longitudinal ne traverse ces plis. Ouverture ovale , allongée, oblique, aiguë en arrière, terminée en avant par une écbancrure large et profonde; bord columellaire for- tement inflécbi au milieu, se recourbant en sens inverse à ses deux extrémités, contourné à sa partie antérieure par un bourrelet assez prononcé, correspondant à l'échancrure et se 40 DESCRIPTION DES FOSSILES perdant en arrière sous une callosiié liès-niince vers le milieu du l)ord gauche; ee Imiu- relet est séparé de la eolunielle, à hi pailie antérieure, jjar inie légère dépression; hord di'oit largenienl ar(|ué sur loiUe son étendue, mais d'inie eourinire heaueoup |ilus pio- noncée depuis la suliue jusqu'à la partie saillante, et de là, diminuant |)rogressivenicnl jusipià I eehanerure. Re)i}. — Celte espèce est très-bien ciiroiisorite, et se distingue parfai- tement de toutes celles que nous avons décrites jusqu'ici , par Talisence de côtes transverses remplacées par des plis très-nombreux. Elle est assez voisine d'une espèce des sables inférieurs de France, donnée par Desbayes en 1824 sous le nom de Buccinum fissuratum (t. II, p. 6o0, pi. LXXXVII, bg. 21, 22), nom qui a été cbangé par Pauteur en 1865 en celui de Psendolwa fssumld (t. III, p. -108). D'après la description de cet auteur, les ornements de sa coquille seraient beaucoup moins saillants que ceux de res|)èce de Mous. Nous remarquons, sur la ligure qu'il en donne, qu'ils sont beaucou]) plus ondulés et se recourbent en arrière j)rès de la suture, ce qui pourrait bien être une erreur du dessinateur. Dans tous les cas, c'est le contraire que nous avons constanunent observé dans nos espèces. D'autres différences se remarquent encore entre les (feux coquilles, enti-e autres, la forme plus globuleuse de l'espèce du bassin de Paris, son sillon longitudinal au lieu d'une bande de sinus, et l'étendue de la callosité colu- mellaire qui déborde en arrière sa suture. De son côté, Dixon décrit trois Pseudoliva ÇGeol. and foss. of Sussex), dont l'une, le P. ovalis (p. 187, pi. VII, lig. 18), a à peu près le même faciès que l'espèce de Mons. Elle est cependant un peu plus globuleuse, et sa surface unie et non plissée, ainsi que l'épaisseur de son bord gaucbe em|)ècberont toujours de les coid'ondre. Ilemar(|uons encore ici que le fossile de l'auteur anglais pai-ait mal rendu par la giaviue, la bande des sinus étant mal placée '. FiG. '.)(/, vue du eùté de l'ouverture, gi'ossie deux fois. — %, vue par-dessus, grossie deux fois. — île, grandeur naturelle. ' Deshayes rapporte le P. ovalis, Dixon, à son Biicc'iiinii paluluni (A.\.\. sans vert. ISfi,'), I. III, p. 495); nous ne soinincs |)as à même de ti'ancher cette «piestion. Nous ferons seulement reniar Nyst , 4843, Coq. et pol. foss. de Delg., \>. 602. — — Bronn, 1848, Iink:T pal., t. II, p. 842. — macrooaoi|iiille allongée, brillante, composée de sept tours s'enroulant régulièremciit, presque plats, à spire aiguë; le dernier tour assez large près de la suture, s'atténuant beaucoup à la partie antérieure par suite de l'inflexion de la colunielle cpù se rapprocbe du bord droit. Suture canaliculée; un petit bourrelet calleux longitudinal, irrégulicr, longe cette suture à quelque distance en airière sur le tour précédent. Ouverture anguleuse , étroite en arrière, s'élargissant progressivement en avant jusqu'au milieu, et au delà conservant la même largeur jusqu'à la partie antérieure; bord droit mince, trancbant, presque droit, un peu détacbé à la suture, portant une dent obtuse au tiers antérieur très-bien indiquée sur le restant du tour par une bande longitudinale de sinus aux stries de croissance, échancrure antérieure de l'ouverture large et assez profonde ; le bord s'y épaissit beau- coup; bord columellaire inflécbi au milieu; de cette inflexion partent deux sillons longitu- dinaux, correspondant, le postérieur à la partie antérieure du bord droit, et ranlérieur, plus fort, à l'extrémité de la colunielle, comprenant ainsi entre eux l'échancrure anté- rieure; le sillon antérieur limite un bourrelet assez fort, du côté de l'ouverture, sillonné longitudinalemcnt ; entre les deux sillons on remarque quelques stries longitudinales, et en arrière du sillon postérieur, une bande également longitudinale à la limite de laquelle DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 47 les stries de croissance changent de direction assez brusquement, indiquant la lornic de i eehancrure antérieure. Rem. — Un spécimen de cette espèce, celui que nous avons dessiné, avait été communiqué à M. Deshayes et à la Société géologique de France en 1867; 31. Deshayes n'y avait pas reconnu VO. mitreola, Lamk. L'opi- nion d'un honniie aussi compétent devait nécess'airement être pour nous d'un grand poids; aussi avons -nous hésité longtemps avant d'adopter un avis contraire. 3Iais, après avoir comparé nos spécimens à de nombreux individus provenant du bassin de Paris, il ne nous a pas (Hé possible d'y découvrir de plus grandes difterences que celles que l'on remarque habituellement entre des individus d'une même espèce. Les dimensions proportionnelles ainsi que les angles apiciaux sont les mêmes, et nous devons dire ici qu'ils varient dans d'assez grandes proportions chez les individus du bassin de Paris. Quant aux détails de forme, un examen attentif n'a pu nous y faire reconnaître des dilîérences assez bien marquées sur lesquelles nous puissions baser une dis- tinction spécifique. L'O. mitn'ola, Lamk., est une espèce du calcaire grossier de Paris que Deshayes fait descendre jusque dans les sables inférieui's. D'Orbignv est d'un avis contraire et doime aux coquilles des sables inférieurs le nom de 0. mucmiinfa. Sans posséder les éléments nécessaires à la solution de cette question , nous croyons cependant devoir nous rallier à l'opinion de M. Des- hayes, qui dit que si la coquille des sables inférieurs est généralement plus étroite que celle du calcaire grossier, en en réunissant un certain nombre de diverses localités, on en remar(|ue quelques-unes qui, sous le rapport de la forme extérieure, ne diffèrent pas du type de l'espèce. On connaît, du reste, la répugnance de d'Orbigny à faire passer une espèce d'un étage à l'autre, et il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il ait pu, quelquefois, s'écarter de la vérité. M. Galeotti avait signalé, dès 1 83 7, cette espèce dans les sables de Bruxelles. En 1843, M. Nyst n'était pas encore par\enu à l'y retrouver, et il ne l'in- dique qu'a\ ec doute dans sa Description des coquilles et polypiers fossiles de la Belgique. Depuis, ses recherches ont été plus heureuses, et l'espèce se trouve indiquée dans les listes des fossiles publiées par MM. d'Omalius d'Halloy et Dewalque, listes qui sont dues à cet éminent paléontologiste. Cette espèce 48 DESCRIPTION DES FOSSILES occuperait donc, dans iioli-e i)ays, deux assises tertiaires séparées par les systèmes landenien, ypresieii et paniselien, dans lesquels sa présence n'a pas encore été constatée. Jusqu'à présent, cette espèce n'a pas été signalée, que nous sachions, en d'autres pays. FiG. '■lu, vue du cote de l'ouverture, grossie deux fois. — 26, vue par-dessus, grossie deux fois. — 2f , grandeur naturelle. Genre ANCILLARIA, Lamk., 1801. Car. rjén. — Coi|uille oblonguc, cylindro-conique , lisse et polie, à sutures non caiiali- culées; ouverture longitudinale, écliancrée à la base, pourvue d'une callosité postérieure au bord columcllaire. Rem. — Ce genre n'est donc différent du précédent que parce qu'il n'a pas sa suture canaliculée. Les animaux, du reste, se ressemblent beaucoup. On connaît de ce genre une espèce crétacée, c'est VA. crelacea, Millier, de la craie supérieure d'Aix-la-Chapelle. Les terrains tertiaires en fournissent un assez grand nombre, mais ici comme chez les olives, les différences spécifiques sont assez vagues, difficiles à saisir et, surtout, à bien préciser. Le calcaire grossier de Mons nous en a procuré une seule espèce, remar- quable parce qu'elle se rencontre également dans le bassin de Paris. A^ClLl.ARIA BiccnoÏDES, Lamk. PI. IV, fig. 10, b. DiM. — Longueur de la coquille 0,050 —100 Largeur — 0,012a— 38 Hauteur du dernier tour 0,0:22 — 67 Angle apicial ôd" à 40" SYN. — Ancillarii. buccinoSdes . Laillk., Awi. liu MuS., t. XVI, p. 304, U" 2. — subulata , ~- — — 11" 3. Anciiia buccinoïdes, Lamk., 1801, Ami. du Mus., 1. 1, p. 47o et t. VI, pi. XLIV, fig. S. «ociiius — Monfort, 1810, ConcA.sysf., t. II, p. 382. «o.ai,.^ — Roissy, 1816, jVo//., I. V, pi. LVl,tig. 7. Anclllaria — SoW., iUlH. COHCA., pi. CCCXXXIII, fig. 1 à 4. — — Desli., Eue. tncdi. Vers, t. I, p. 43, n" 6. — — Desh., 18'24 , Dese. des coq.Joss., t II, p. 730, pi. XCVII, fig. 1 1 à 14. — — Broun, 1848, hid. pal., 1. 1 , p. 72. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 49 SVN. — Aocillarla bucclnoïdes, (l'Url*. , I80O, PtriUf., l. II, :25""' él., \K 3ûl. — — Dixoii, 1830, /■>«*. o/S/«.«., pi. VlU, ti^. 24. — — Morris, 18oi, Car. 0/ irii./o.vj. ;2""-'éd.i, p. -JSo. — — Desli., \ii6'ô, Aint. stiiis vert., t.]\l , [t. b'Si. _ _ Nyst, I86«, Foss. des sait, de Dnt.r. (rt'Omalius d'Hall., Géol. de tu Delij., p. 0041. — — Nyst, 1868, h'osx. des sab. de Laek. (d'Omallus d'Hall., Géoi. de la Betij., p. 606). — — Nysl, 1868, Foss. des syst. biu.r. et tiiek. (Dewalque, Prod. d'une de.fc. tjéol. de ta Belijiqiie , p. 401). Coquille assez grande, ovale, allongée, solide, composée de six tours s'enroulant sous un angle un peu convexe en une spire pointue, séparés par des sutures tout à fait superficielles que leniail dont la spire est recouverte empêche de bien distinguer; le dernier tour trés- allongé ayant la suture qui rejoint d'une manière brusque et oblique l'angle postérieur de rouverlurc; la surface de ce dernier lour est divisée en trois parties ou zones bien dis- tinctes : la zone postérieure, assez large, est d'une couleur blanchâtre et reste à découvert par le retour de la spire; elle est brillante et inar(|uée de lignes de croissance bien pro- noncées au voisinage de l'ouverture, onduleuses , ayant un sinus arrondi en arrière corres- pondant à l'angle postérieur de Touverlure et s'iiifléchissant brusquement en avant prés de la suture; la zone médiane est il'une couleur plus foncée, suriout à la limite posté- rieure, à peu près de même largeur, moins brillante et marquée de lignes d'accroisse- ment transverses, fines, presque droites; la zone antérieure, d'une couleur moins foncée que la médiane, plus brillante, se termine à un sillon profond, au delà du(|uel se trouve un bourrelet saillant portant ciiK] ou six cotes longitudinales arrondies; cette dernière zone porte au milieu un léger renflement longitudinal et est marquée de stries de croissance transverses à la longueur de la coquille, de manière à former un angle droit avec les stries de la zone médiane. Ouverture n'atteignant pas la demi-longueur de la coquille, un peu oblique, assez aiguë en arrière; le boid droit tranchant et presque droit sur la partie qui correspond à la bande médiane, s'épaississanl un ijou en arrière; le bord gauche infléchi au milieu, portant une callosité assez forte prés de l'angle postérieur où se remarque une légère gouttière; la partie antérieure fortement échanerée. Rem. — D'après Doshayes, cette espèce très-reinarquahlo appaj-aît poui" la première fois en France dans les sables inférieurs pour se continuer dans toutes les couches marines jusque dans les sables moyens où elle disparait. On la rencontre dans un grand nombre de localités, entre autres, à Aisy, Laon et Cuise-la-Motte pour les sables inférieurs; à Chaumont, Grignon, Parues, Damery pour le calcaire grossier; à Anvers, Caumont, Ermenonville pour les sables moyens. Elle existe également en Angleterre dans les couches de Braklesham, Barton, CalweJ-Bay, etc., mais parait ne pas avoir encore été rencontrée dans le London clay. Tome XXXVI. 8 ;iO DESCRIPTION DES FOSSILES Dus IH^i, M. Dcshayes signalait la présence de cette espèce dans notre pays. C'est ce que fit également Paufeur du Prodrome de /mléontoloyic luii- rcrsclle en ISoO. Il est probable qu'il ne faisait (jue répéter ce qu'avait dit .M. Deshayes. Nous ne savons sur quoi ces assertions étaient basées. Ce (|iril y a de certain, c'est qu'en 184^3 M. Nyst ne signalait pas cette espèce comme appartenant à nos terrains tertiaires [Co\OMC«, !^j>. n. PI. IV, fig. la,b,c.d. DiM. — LoiiHiieui' de la coquille 0,019—100 l.uiKeur — 0,0073— 5lt Hauteur du dernier tour 0,0103— 35 Angle apicial 3«" à 40" Coquille rusifornie, alioiigce, composée de luiil tours assez larges, s enroulanl l'éguliè- rement en une spire pointue, séparés par des sutures profondes. Ces tours sont assez fol- lement carénés au milieu; les deux premiers sont lisses et arrondis, les suivants [lortent sur la carène des côtes transverses courbes et ol)li(|ues, au nombre de douze à quinze, relativement beaucoup plus fortes dès les premiers tours, où elles ont la l'orme de gros tubercules presque ronds; dans les tours suivants, la carène se prononce de plus en |)lus, les cotes deviennent aiguës, prennent une forme un peu allongée en s'avançant oblique- ment sur la partie antérieure du tour, et deviennent assez irrégulières au dernier; la partie postérieure des tours porte, un peu au delà du milieu vers la suture, une ligne de granu- lations quelquefois assez régulières et arrondies, mais le plus souvent un peu allongées dans le sens des stries de croissance, c'est-à-dire obli(|uemcnt à la suture jusqu oi'i elles se prolongent parfois; la base est ornée de filets longitudinaux bien marqués, dont les pre- miers, au nombre de six ou sept, traversent en ondulant les côtes transverscs de la carène, sont assez forts et assez espacés , souvent marqués à leur sommet d'inie fine strie et laissent entre eux des intervalles occupés par des filets plus petits; trois ou quatre de ces filets restent à découvert par le retour de la spire ; sur la partie antérieure de la base , les filets longitudinaux sont beaucoup plus nombreux et se resserrent de plus en plus en appro- chant du canal; tous ces ornements sont recoupés de stries de croissance, fortement sinueuses en arrière entre la carène et la côte granuleuse de la suture, ce (jui indique la forme de lechancrure marginale. Ouverture un peu plus longue que la spire, oblique, élargie au milieu, aiguë en arrière, prolongée antérieurement en un canal assez long, étroit; bord columcllairc en forme de S très-allongée, uni et lisse, ce qui provient de l'enlè- vement des ornements extérieurs du vivant de l'animal suivant une bande étroite et bien limitée qui se trouve, j)ar conséquent, un peu renfoncée; columelle assez forte, conique. Beni. — Le P. dentata, Lamk., espèce fort abondante de l'étage du cal- caire grossier de Paris (Deshayes, 1824-, t. II, p. 4.o2, pi. LXIl, fig. 3, 4, DU CALCAIRE GROSSIER DE MOINS. 53 7, 8, et 186o, I. III, p. 300), est, de toutes celles qui ont été décrites par les auteurs, celle qui se rapproche le plus de Pespèce de Mons. D'après les descriptions et les planches qui en ont été données, il serait parfois assez difficile de ne pas les confondre; mais la confusion n'est plus à ci-aindre si la comparaison se fait sur des individus provenant du bassin de Paris. On leconnaît alors que notre P. Hannonica a la base moins allongée, et les ornements de la carène beaucoup moins saillants et moins réguliers; nous avons, de plus, la ligne de granulation de la suture qui n'existe pas dans le P. (h'titata, Lamk. Notj*e comparaison a également porté sui- un assez grand nombre d'autres espèces décrites par Sowerby, MIson, Edwards, Rouault etc., mais on ne trouve ni en Angleterre, ni dans le midi de la France, aucune espèce qui lui soit entièrement identique. xNos recherches à cet égard ont été d'autant plus persévérantes que le Pleurotoma dont nous nous occupons est assez abondant dans le calcaire grossier de Mons, et (pie nous avions lieu d'espérer qu'il appartenait à une espèce connue et déjà décrite. I'k;. la, vue du côté de l'ouverture, grossie deux fois. — 76, vue par-dessus, grossie deux lois. — 7c, vue d'uue partie du dernier tour, fortement grossi. — Id , grandeur naturelle. PiEuiioioMA Dipr,>Tr, .Sp. n. PI. IV, lig. 9u,h, r, d. DiM. — Longueui' tle la cociuille 0,009—100 Largeur - 0,004 - it Hauteur de l'ouverture 0,0053— 61 Coquille assez petite, fiisiforme, allongée, à spire assez aiguë, composée de six tours assez larges, s'enroulant régulièrement. Les deux premiers, lisses et sans ornements, les autres, ornés, sur la partie renflée, de grosses côtes transverses, très-saillantes au milieu, obliques et un peu sinueuses, commençant à un bourrelet longitudinal granuleux assez saillant longeant la suture, se prolongeant jusqu'à la suture opposée, et très-peu au delà sur la base; les granulations de ce bourrelet sont assez irréguliéres, souvent assez fortes, généralement en plus grand nombre (|ue les côtes transverses; le restant de la surface est traversé de nombreux filets longitudinaux, très-fins et irès-serrés depuis le bourrelet U DESCRIPTION DES FOSSILES siilur;il jusque vers la parlic renflée des lours, mais acquéraiil suljiteiiieiu plus de saillie, de laigeur et d'écarlement; en avant de cette partie ils se rapprochent de nouveau, de- viennent moins saillants, sans cependant redevenir jamais aussi ténus que les filets posté- rieurs. Des stries d'accroissement recoupent tous ces ornements, aussi bien les cotes Iransverses auxquelles elles sont obliques que les filets longitudinaux: elles s'infléchissent très-fort en arrière entre la partie saillante des tours et le boin-relet suturai, indi(pianl une écliancrure marginale assez profonde. Ouverture ovale, assez large, peu allongée, im peu aigué à la partie ])oslcriein-e, jjrolongée en avant en un canal long et étroit; le bord columellaire fortement infléchi à la base de la coluiiielle, presque droit jusqu'à l'exlrémité du canal, lisse et poli sur une bande assez large par renlévemcnl des ornenienis longitu- dinaux pendant la vie de l'animal; le bord droit forlement et assez régulièrement coiubé jusipi'i'i l'origine du canal. [i(.)if_ — 1^0 p, Ifaitiioiiira possède égaloment, à la partie postérieiii-e ûos lours, un bourrelet suturai iiramileux; mais il est séparé de la suture |)ar un intervalle assez sensiijie, et les griinulations sont beaucoup [jUis nom- breuses que dans celle-ci. Le premier ouvrage de Deslia>es ne présente aucune coquille se rappro- cbant notablement de cette espèce. Le second nous olïre le P. VmuUiH, Desli. (1863, t. III, p. S-'i", pi. XCVII, fig. 24-20), espèce des sables inférieurs qui s'en distingue facilement par ses proportions et surtout par le bourrelet suturai beaucoup moins prononcé et à granulations plus serrées. Edwards décrit deux espèces des terrains tertiaires de TAnglelerre qui paraissent assez \oisines de la nôtre. Ce sont : le P. cedHla, Edw. [Eoc. MolL, p. 300, pi. XXXI, fig. tidh), plus rapprocbé cependant du /». Vaii- dini, Desh., et le P. vurkuis, Edw. (t. III, |). 293, pi. XXXI, fig. (Sub). Ces deux espèces ont l'angle apiciaî plus petit (pie l'espèce de Mons, et les gra- nulations plus nombreuses au bourrelet suturai. Nous devons faire ici une observation relative à un grand nombre de Pleurotomes décrits par l'auteur anglais. Les figures de ses plancbes nous semblent peu exactes, en ce sens que le sommet de l'écbancrure du bord droit s'y trouve prestjue toujours placé à la carène ou à la partie extérieure des tours, tandis (|ue, généralement, l'écbancrure se rapprocbé beaucoup plus de la suture. C'est |)robal)lement une erreur du dessinateur, erreiu- qui rend les comparaisons diUiciles. DU CALCAIRE GROSSIER DE MO\S. oo Xoiis (k'dioiis cotte espèce à notre excellent ami, M. Edouai-tl Dupont^ riialiije explorateur des cavernes de la province de Naniui-. Jmg. 9«, vue (lu cote de l'ouverture, grossie quatre fois. — % , vue par-dessus, grossie quatre fois. — 'Je, vue d'une partie du dernier tour, fortement grossi. — '.)il , grandeur naturelle. PlElROTOlM Mm.aisei, .S/J. n. ÏM. IV, fig. o«, h, c, d. Di.M. — Longueur (le la C0(|iiille 0,0143— 100 Largeur — 0,006 — 41 Hauleui' du dernier lour 0,008 — ri.5 Angle apieial moyen 40° Coquille l'usifornie, assez allongée, composée de six à huit tours enroulés régulièremenl , assez renflés au milieu, et même assez carénés, ornés, sur cette partie, de protubérances ou côtes très-courtes, obliques, parallèles aux stries de croissance, très-saillantes à la carène, ne se prolongeant guère au delà en arrière, et décroissant d'une manière insen- sible du côté antérieur; ces ornements transverses sont proportionnellement beaucoup plus saillants aux premiers tours, et diminuent progressivement jusqu'à l'ouverture, où ils sont cependant encore bien accusés; la surface des tours, postérieurement à la carène, est concave et ornée prés de la suture de (rois cordonnets contigus, égaux, formant un bourrelet suturai; en approchant du sommet, le cordonnet postérieur disparaît sous le second plus saillant; en avant de ce bourrelet siUural jusqu'à la carène, la surface est ornée de stries longitudinales très-serrées et très-nombreuses que l'on ne peut voir qu'à la loupe; à partir de ce point jusqu'à l'extrémité du canal, toute la surface est ornée de lilets longitudinaux assez prononcés, assez peu réguliers soit en grosseur, soit en écarte- inent ; tous ces ornements sont recoupés de lignes de croissance, indiquant, entre la carène et le bourrelet suturai, une échancrtue marginale assez profonde, et rendant plus ou moins granuleux tous les ornements longitudinaux, principalement les trois cordonnets de ce bourrelet. Ouverture étroite, très-allongée, occupant presque la moitié de la longueur de In coquille, ovale, oblique, anguleuse en arrière, terminée en avant |)ar ini canal étroit, allongé; bord droit largement anjué, saillant à la carène, rejoignant insensiblement le l'anal; bord gauche infléchi à la base de la columelle, pres(|ue droit jus(|u'à l'extrémité •lu canal, lisse et poli sur toute son étendue par l'enlèvement des ornements longitudinaux du vivant de l'animal. /ie)ii. — Cette espèce se distingue fort bien de la précédente par ses ornements longitudinaux plus serrés, plus nombreux, surtout en arrière de 56 DESCRIPTION DES FOSSILES la (Hrèiie, et |)ar les trois petits cordonnets granuleux qui forment le bour- relet suturai. FiG. 5a, vue du côté de loiivcrlure, grossie deux fois et demie. — 56, vue par-dessus, grossie deux fois et demie — 5c, grandeur naturelle. — rirf, vue d'une partie du dernier tour Ibrtement grossi. Pi.Etr.oiOM* Taii,!, Sii. n. PI. IV, Kg. 4a, ((, r. DiM. — Longueur de la coquille 0,018 —100 L.iif;eur — 0,00G — 33 Hauteur du deriiiei' loin- 0,0101— 50 Angle apicial S'»" Coquille allongée, fusiforme , composée de liiiit tours peu renflés, assez larges, seniou- laiit régulièrement , les deux premiers lisses et arrondis, les autres portant une carène obtuse au milieu, sur laquelle se dessinent des protubérances obli(|ues, parallèles aux stries de croissance, au nombre de onze à douze, proportionnellement plus prononcées dans les premiers tours, lesquels semblent avoir ainsi plus de saillie; ces protubérances sont presque nidles près de l'ouverture, et la carène y est presque eftacée; la suture est très-bien mar(iuée par un bom-rclet composé de trois cordonnets sur lesquels les lignes de croissance dessinent une légère granulation et dont le postérieur n'est visible <|u"au dernier tour, disparaissant sous le second dans les tours précédents. Entre le bourrelet suturai et la carène, la coquille est ornée de sept filets longitudinaux lins et serrés; plus avant et jusqu'au point où se fait le retour de la spire se trouvent (|Uiitie ou cinq lilets |)lus forts et plus espacés entre lesquels s'en montrent d'autres plus petits; le restant de la base est recouvert de filets longitudinaux à peu près égaux, mais acquérant cependant un peu plus de saillie à la partie innéeliie vers l'origine du canal, et de là conlimianl à décroiti'c jusqu'à son extrémité. Les lignes de croissance qui traversent ces orncmunts sont assez bien marquées et font voir qu'une échancrure assez profonde du labre se fait enire la carène et le bourrelet de la suture. Ouverture étroite, peu oblique, anguleuse postérieu- rement, terminée en avant par un canal un peu courbé, fort étroit; le bord droit, d une courbure modérée, rejoint insensiblement le canal ; le bord columellaire, très-intléclii à la base de la columelle, et se dirigeant de là, en ligne droite jusqu'à son extrémité, est lisse et uni sur une certaine largeur jiar l'enlèvemmi des ornements longitudinaux du vivant de l'animal, mais celte surface n'est pas limitée brusquement par un renloneement, et se confond insensiblement avec le restant de la Itase. Hem. — La forme allongée de cette espèce ht distingue de toutes les autres que nous avons rencontrées dans le calcaire grossier de Mous. Aucune de ces DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 57 dernières n'a le canal aussi étroit, la spire aussi longue, la largeur propor- tionnelle aussi faible et, par conséquent, Taiigle apicial aussi fermé. Ce sont toutes ces particulai'ités (|ui la distinguent, entre autres, du P. Malaisei dont les ornements sont à peu près les mêmes, mais qui, tout en ayant les tours plus saillants, n'a cependant pas une carène aussi bien mar((uée. Cependant, comme le canal du P. Maluisei est enlevé en |)artie, nous ne pouvons juger qu'imparfaitement de la longueur qu'il devait avoir, bien que celle que nous lui avons assignée nous paraisse assez exacte. Si ce canal devait être allongé, ses proportions changeraient et se rapprocheraient de celle du P. Pauli. Il ne resterait aloi-s (|ue la dilïérence dans les angles apiciaux et les varia- tions {|ue nous avons signalées dans les ornements. Quoi qu'il en soit, ce sont deux espèces très-voisines, et il n'a peut-être manqué que d'en avoir un plus grand nombre de spécimens pour trouver une transition et les identifier. Une espèce deDeshayes, le P.raricostulata[\'^Ç>^,i.\\\, p.374-, pl.XCVlI, fig. 10-12), quoique un peu moins large que la nôtre, s'en rapproche assez. Cette espèce est des sables inférieurs de Cuise-la-Motte. Elle se distingue de la nôtre par le bourrelet suturai simple au lieu d'être formé de trois cor- donnets, et par ses côtes transverses qui naissent brusquement au-dessus de ce bourrelet au lieu d'en être séparées par un espace assez large et presque lisse. Une autre espèce, le P. torqwito Desh. (18(ir),t.III, p. 367, pi. XCVIII, lîg. 22-24.), a exactement les mêmes proportions que la nôtre, et lui est également très-voisine au point de vue des ornements , mais l'ouverture est plus allongée aux dépens du canal, et le bourrelet suturai plus simple. Elle est aussi des sables inférieurs. Fig. 4o, vue du côlé de rouverture, i^rossie deux fois. — M), vue |);ii-(lesNMs, grossie deux Ibis. — 'if, i;i:iiiiteur naluieile. Tome X.WVI. 58 DESCRIPTION DES FOSSILES Pl.EDBOTOMA MIMTII.A, Sp. n. PI. VI, lig. lOa, h, c. UiM. — Longueur de la coquille 0,007—100 Largeur — 0,003- 43 Hauteur du dernier lour 0,00-t— 57 Angle apiclal 45° à 50° Co(|uille petite, fiisiformc, composée de cinq tours arrondis, s'enroulant sous un angle régulier, séparés par des sutures profondes, simples. Les deux premiers tours sont lisses et brillants, les trois autres sont ornés, sur leur partie saillante, de côtes transverses, courtes, obliques, très-saillantes au dernier tour, parallèles aux stries de croissance, au nombre de onze à treize pour une révolution de la spire; ces cotes sont traversées par des filets longitudinaux assez réguliers, très-bien marqués à l'extérieur des tours, mais s'effa- eant de plus en plus en apjjroebant du canal sur lequel ils sont prescjue nuls. Ouverture ovale, large, un peu oblique; le bord droit très-arqué, rejoignant insensiblement un canal long, étroit, aigu, presque droit; le bord columellaire assez infléclii à la base de la colu- melle, un peu renflé à l'origine du canal, lisse el poli sur une bande non limitée brus- quement, mais se confondant insensiblement avec le restant du tour. /je»i. — Cette petite espèce est très-rare. Elle est caractérisée par ses côtes transverscs, courbes et très-saillantes eu égard aux dimensions de la coquille. Ce caractère la rapproche de quelques espèces décrites par Des- hayes, entre autres, du P. carvicosta, Lamk. (Desh., 1824, t. II, p. 460, pi. LXIII, fig. i, o et 6), et du P. LorMi, Desh. (I80G, t. III, p. 364, pi. XCVII, lig. 16 et 18), mais elle s'en distingue facilement par ses dimen- sions. Les espèces du bassin de Paris sont, en clîet, beaucoup plus élancées et ont la spire plus longue que la moitié de la longueur totale de la co([uille, tandis que, dans la nôtre, la longueur de la spire atteint seulement les ^/t de la longueur totale. Quelques espèces données par Edwards des terrains tertiaires de TAiigle- terre sont dans le même cas, entre autres, le P. prestwichii, Edw. (Eoc. Mull., 18o8, p. 282, pi. XXX, fig. 3 a-d), et le P. smill/itia , Edw. (id., 18o8, p. 283, pi. XXX, fig. id-c). Elles s'en distinguent également par leur forme plus élancée. La coquille de 31ous a de plus la suture sinq)le, ce qui n'existe ])as dans les autres. C'est également cette particularité qui la dislingue des autres espèces du DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. S9 même gisement que nous venons de décrire, et qui, comme nous l'avons vu, ont toutes un bourrelet suturai plus ou moins complexe. Fie. 10«, vue du côté de l'ouverture, grossie cinq fois. — iOb, vue par-dessus, grossie cinq fois. — 10c, grandeur naturelle. l'i.El'ROTOMA Al.PHOKSI, $p. >l. PI. IV, fig tia, (., c. Dm — Longueur de la coi|uille 0,0103—100 Largeur — 0,0045— iô Hauteur du dernier lour 0,006 — 57 Angle apicial 4o° Co(|uille assez petite, fusifonne, composée de six tours un peu convexes, s'enroulant régulièrement, séparés par des suturés linéaires, un peu enfoncées, bien marquées. Ces tours sont lisses et brillants, dépourvus de tout ornement, excepté à la base vers l'origine du canal où se montrent de très-lins plis longitudinaux, nombreux et ondulés; les stries de croissance sont à peine visibles, et ce n'est qu'avec peine que nous avons pu discerner l'échancrure marginale qui caractérise le genre, qui est très-profonde, et qui se trouve eu arrière du milieu du lour prés de la suture. Le dernier tour renflé au milieu , fort allongé, la base conique. Ouverture étroite allongée, un peu oblique, aiguë en arrière, terminée en avant par un canal assez long, un peu courbé; bord columellairc fort infléclii à la base de la colimielle; celle-ci à peu prés droite, large à la base, terminée en pointe en avant un peu tordue, et revêtue d'une callosité brillante portant quelques légers plis obliques. Reui. — Le bord droit est eidevé, ce qui nous empêche de le décrire; mais sa (orme est assez bien indiquée par les stries de croissance : il devait être assez saillant au-dessus de l'ouverture on avant de l'échancrure margi- nale, arqué et im peu infléchi à l'origine du canal. Quant au.x légers plis columellaires, ils ont trop peu les caractères de ceux du genre Borsonia, pour permettre d'y rapporter notre coquille. La plupart des espèces lisses décrites par les auteurs ont une dépression plus on moiiKS forte à la partie postérieure des tours, dessinant un bourrelet plus ou moins marqué le long de la suture. C'est, du reste, un caractère assez constant du gem-e tout entier, mais qui, n'existant pas dans l'espèce de Mons, lui constitue, en quelque .sorte, un caractère spécifique négatif. Cepen- dant, cela n'est pas général ; ainsi, Deshaycs décrit le P. uiiifitsciulis , Desh. (1824, l. II, p. 443, pi. LXX, lig. 12 et 13) dont la suture est également s 60 DESCRIPTION DES FOSSILES simple et dont les autres caractères sont aussi très-rapprochés de ceux de notre espèce, mais qui n'a pas de plissement columellaire, et dont le canal est mieux marqué par une inflexion du tour plus prononcée à la base. Nous citerons aussi le P. kevigata , Melleville (sables tertiaires inf., p. 63, pi. VIII, fig. 9-10), espèce des sables de Laon, plus allongée que la nôtre et qui n'a pas non plus des plis à la columelle. C'est le SubUevigata, d'Orb. (/>/•. t. II, p. 315). Fro. (ia, vue du cote de louverlure, grossie trois fois. — 66, vue par-dessus, grossie trois fois. — Gc, grandeur naturelle. Genre liOP.SONIA, Uellardi, 1838. Car. rji'it. — Coiiuillc fusifoniie, allongée, terminée en avant par un canal droit el court; bord droit éelianeré à la partie postérieure près de la suture; columelle épaisse, portant vers le milieu un ou plusieurs plis oblicpics. jif^in^ — Ce genre est un démeiubrement très-lieureux du genre Pleuro- toma, proposé par M. Bellardi en 1838, et que certains auteurs ont tort de ne pas admettre. Il se rapproclie, d'un coté, des Turbinella, et de l'autre, de la famille des Volulides par la ressemblance avec les Mitres de certaines espè- ces, entre autres, de celle que nous proposons aujourd'hui et qui est la seule trou^ée dans le calcaire grossier de Mons. Jusqu'à présent, on considérait ce genre comme entièrement tertiaire et ne remontant pas au delà de la période éocène. 31. Alex. Rouault avait décrit trois espèces de cet étage du midi de la France, sous le nom de Cordieria, qui n'est qu'un synonyme de Borsonia , mais nous avons j)récédenmient émis l'opinion que ce genre pourrait bien ne pas leur convenir (voir Turbinella). Depuis, M. de U^ckholt a fait figurer dans les planches de ses Mélanges 'paléontoloylqHcx, cinq espèces du tourtia de Tournai , dont quelques-unes paraissent incontestables, ce qui fait remonter Forigiiie de ce geme justpie vers le milieu de la période crétacée. 11 est à remarquer, du reste, que d'au- tres auteurs ont décrit connue étant des Volutes ou des Mitres, certaines espèces crétacées que leurs cai-actères doivent faire admettre dans le genre Borsonia. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 61 BORSOMA COEM^\'^l, .SV "• PI. V, fig. ;,(,, b, c, ,1. Dm. — Longueur de la cofiuille 0,014 —100 Largeur — 0,006 - « Hauteur du dernier tour 0,007o — oi Angle apicial 40" à .i.ï" Coquille assez pelite,fiisifornie, solide, composée de sepi ou liuil tours s enroulant sous un angle un peu convexe en une spire aiguë, séparés par des sutures profondes. Ces lours sont ornés, au milieu, d'une assez forte carène portant des tubercules assez gros dans les pre- miers tours, mais s'elTaçant de plus en plus en approcliant de rouvcrture; une seconde rangée de tubercules se remarque en arrière de cette carène, près de la suture, lesquels s'effacent également à mesure ([ue la coquille grandit; des stries et des sillons d'accroisse- ment quelquefois bien prononcés se voient sur toute la surface de la coquille, assez forte- ment infléchis en arrière sur la carène, correspondant à une écliancrure du bord droit assez large et bien marquée. De très-fines stries longitudinales recouvrent toute la surface des tours, mais ne sont guère visibles à l'œil que dans une légère dépression du dernier tour, à l'origine du canal. Ouverture étroite, allongée, oblique, aiguë en arrière, à bords presque parallèles, terminée en avant par un canal court très-ouvert; bord columellaire presque droit, un peu déprimé à la base delà colunielle; celle-ci conique, large à la base, portant trois plis obliques, saillants, le premier dans la dépression plus petit que les deux autres, ces derniers presque égaux; bord droit sinueux à la carène, j)eu ai'(|ué ilans le reste de son étendue. Rem. — DaiLs un spécimen plus petit que nous avons de cette jolie espèce, les tubercules des deux rangées sont plus permanents depuis le sommet ju.s- tprà l'ouvertm-e et sont très-serrés, les autres particularités de la coquille restant les mêmes. Les Borsonia donnés par Deshayes dans son dernier ouvrage se distin- guent particulièrement par la carène plus arrondie, et par une seule rangée de gros tubercules peu nombreux, ce qui ne permet pas de les confondre avec cette espèce. Les espèces de Deshayes ont, dit reste, beaucoup de rap- ports entre elles, et nous avons tout lieu de croire qu'il les a trop multipliées. De son côté, Edwards décrit (piatre espèces de ce genre des terrains ter- tiaires de rAngleterre, lesquelles, outre les ornements de la surface, n'ont (|ue deux plis placés vers le milieu de la columelle, ce qui sulïit amplement pour les distinguer de l'espèce de Mons. 62 DESCRIPTION DES FOSSILES Nous dédions cette espèce à notre excellent et savant ami, M. Eug. Coe- mans. FiG. 5a, vue du côté de l'ouverture, grossie deux fois et demie. — bb, vue par-dessu>, grossie deux fois et demie. — oc, vue d'une piirtie du dernier tour, fortement grossi. — M, grandeur naturelle. Famille :V01,UT1DES. Getire VOLUTA. Lanik., 1HU2 Car. ijiit. — Coquille ovale, plus ou moins ventrue, à spire courte, obtuse ou mame- lonnée; ouverture allongée, écliancrée en avant, sans canal; columelle portant plusieurs plis obliques, les antérieurs étant les plus gros. /{(^Di, — Le grand genre Voluta, tel que l'avait créé Linné, renfermait les genres les plus divers, qui en ont été successivement écartés par Bru- guiéres, Lamarck. , etc. Tel qu'il a été limité par ce dernier, il est encore un des plus abondants en espèces, ce qui nécessiterait de nouvelles subdivisions si elles pouvaient être établies d'une manière judicieuse. Jusqu'à présent, les tentatives faites dans ce sens n'ont pas été heureuses, et Doshayes s'est con- tenté, dans son dernier ouvi'age, de diviser les Volutes qu'il a décrites en groupes dont les caractères distinctifs sont très-peu importants. Ce genre a commencé vers le milieu de la période crétacée, et a pris inie extension considérable avec l'époque tertiaire, dont les espèces sont généra- lement remarquables par l'élégance et la variété de leurs formes. Le calcaire grossier de Mons nous en a offert trois espèces, dont l'une, le V. spinoso, est depuis longtemps connue, et se rencontre, pour ainsi dire, partout où la formation éocéne a été étudiée. DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 63 VOI.KTA SPI^OSA, Lin. sp. PI. V, fig. la, b. DiM. — Longueur de la coiluille 0,0375—100 Largeur — 0,0210— 56 Hauteur du dernier lonr 0,0283— "(S- Angle apicial 73° SYN. — fonon «pinosus, Lill., l"o8, S(/.sï. »a/. StrombUB luctator, Hrâlld., 1766, fo.SS. lldUl., t. Y. Û^. 6o. — splaoaus ^ h\\l., SlJ-St. Uat. voium »pino,a, Lamk., 1802 , .-iKH. d« .l/«5., t. 1 , p. 477, fig. 3002,3003. _ _ Sow., 1816, Mm. coiicli., t. Il, p. '30, pi. CXV, lig. 2 à i. _ _ Desh., 1821, Coq.foss., t. Il, p. 690, pi. XCll, fig. 7, 8. — — Desh., Eue. metli. vers, t. III, p. 1 143, il" 22. — — Galeotti, 1837, Consl. géol. de la prov. de Brabant , p. 149, pi. III, fig. 16. — — ^ysl, 1843 Coq, et pol.foss. de Iiel(jii. — Ldiigufur (le la C0(|uill(> 0,0:2ô — 100 l.artieuf — U,Ulio— 34 I.ipiijiiipiir lie rouverliire 0,017.') — Tt! Aiijile aiiicuil To» ('.oijiiillc ovnic, îilloiigée, n spire courte . |ioiimie, conipos(''t! de sept tours d'un cni-cule- nicnl réiiulier, le dernier iri's-iu roiidi , ornés de eûtes liiinsverses régidiéM'es, se coi res- Tome \X\\ 1 10 66 DESCR1PTI0^^ DES FOSSILES pondnnl assez bien iriiii loiir à l'autre, l'on saillantes au milieu du dernier tour, diniinuanl progressivement de saillie vers le eôté antérieur où elles disparaissent presque, et vers la suture près de laquelle elles se relèvent un jteu et deviennent tuberculeuses. Ces côtes sont nu nombre île (piinze ])Our une révolution de la spire, et sont séparées par des sillons profonds, arrondis. D'autres sillons beaucoup plus petits, nombreux, longitudinaux, tra- versent, en ondulant, les côtes à la partie antérieure sur un tiers environ de la longueur du dernier tour. Ouverture allongée, ovale, oblique, aiguë postérieurement; bord droit tran- cbant, arqué sur toute sa longueur, plissé irrégulièrement sur un renflement intérieur con-espnndani à la dernière côte; ces plis , très-petits et très-minces , commencent à quchpie distance de la suture et finissent à l'endroit où commencent extérieurement les sillons longitudinaux antérieurs; bord eoliimellaire arqué au milieu, se recourbant en sens in- veise aux deux extrémités, portant trois plis un peu en avant du milieu, l'antérieur assez gros, le second plus petit , le postérieur presque lud ; entre ces plis , la coquille est comme renflée, et simule d'autres plis intermédiaires plus obtus; une callosité s'étend sur le bord columellaire depuis la suture jusipi'à la partie antérieure, en une bande mince et étroite lui peu épaissie \ers le milieu. Rem. — Très-voisine du V. Umjidulit , Desh. (182i, t. II, p. 700, pi. XC, fig. 9 ,10), espèce du calcaire grossier, elle s'en distingue très-bien par la disposition des plis columellaires, et surtout parce que les côtes trans- verses de l'espèce du bassin de Paris augmentent toujours de grosseur depuis leur origine à la partie antérieure jusqu'à la sutiu'e, oii elles ne se relèvent pas en tubercules comme cliez l'espèce de xMons. M. Nyst a l'ait connaître de notre pays une espèce plus voisine encore, c'est le V.suUindis (1835, Foss. de Hoesseit et de Klein-Spauiven, p. 38, pi. IV, 11g. 100; et 1843, Coq. et pol. foss. de Belgique, p. 592, pi. XLV, fig. 6rt^ h) dont les côtes transverses s'etïacent au dernier tour et dont le labre n'est ni épaissi ni plissé. Img. -lu, vue i Longueur du dernier loiir 0,0m — tj'2 Angle apicial 5S» à UO" Coquille ovale, allongée, fiisilornie, composée de six ou sept lours un |rii arrondis, assez larges, s'enroulanl régulièrement en une spire assez élevée: ornés de dix à treize grosses côtes (rausverses , arrondies, moins nomhieiises au dernier tour, séparées [lar des sillons larges, prolonds, presque plats au milieu, sur les(pie!s on remanpie des stries d'accrois- sement; ces côtes ont leur origine dans une large et peu profonde dépression qui se trouve vers la partie antérieure de la coquille; elles acquièrent une assez forte saillie au milieu du tour, et se prolongent jusqu'à la suture, qui est assez profonde, qu'elles rendent onduleuse et où elles se recourbent un peu en arrière. Ou\erture ovale, allongée, à bords presque |)arnllèlcs, oblique, aiguë en arrière, éehanerée obliquement en avant; bord eoluniellaire fortement inllécbi au tiers postérieur et se continuant ensuite pres(pie droit jusqu'à l'écliaiicriue. ^Vrs le milieu de celle partie droite se trouve un pli antérieur, oblicpie, saillant, étroit, précédé en avant d'un léger sillon, et suivi, un peu en arrière, de (pielques autres plis beaucoup plus petits, ks derniers prescpic nuls; le bord droit trancbant, successivement épaissi par les côtes extérieures, largement ar(|ué jusqu'à mie légère dépression (pii le fait rentrer un peu dans l'ouverture avant d'atteindre l'échancrure. Rem. — Celte espèce, dont nous possédons plusieurs spécimens malheu- reusement incomplets, nous a laissés longtemps dans le doute. Elle fait, en effet, partie d'un groupe assez nombreux d'espèces du calcaire grossier de Paris et du Loiidon claij d'Angleterre, auquel appartiennent les V. /larpula, Lamk., r. tonilosa, Desli., V. mixta, Chemn., \\ neglecta, Desli., etc., des(|ucls il est souNcnt assez difficile de la distinguer. Sans entrer dans tro|) de détails sur les dilTérences (|ue nous y avons observées, nous dirons que, généraiciuent, les espèces étrangères que nous venons de citer ont i\nc lornie plus élancée et une spire plus pointue. En les examinant chacune en particulier, ou parsientà reconnaître qu'aucune identification n'est possible. Nous nous rallions donc à l'avis des membres de la Société géologique de France, à qui nos spécimens ont été montrés en 1857, et qui v ont reconnu une espèce nouvelle. C'est, entre autres, l'avis de M. Deshayes. Nous ferons seulement rem;u(pier que, [lar sa fornii' et ses ornements, elle a beaucoup 68 DESCRIPTION DES FOSSILES ])lus trjillinité avec les espèces du etticaire grossier de Paris qu'aNcc celles des sables inférieurs. l'ir,. 4<(, vue du colé de rouvcrturc, grandeur naturelle. — Ab , vue par-dessus, grandeur naUirelIc. Genre CYMKA , Cnidcrivi, 1«:!6. Car. f/i'ii. — Coquille ovale, oblongue, \ciilriH', ;i spire eoiirle, (|ueli|iie('ois reiilraiiie, i'i Diick'iis nrs-voliiiiiineii\ ; ouverture ovah', allongée, éeliancrée en avant, sans canal; eolunielle portant plusieurs plis (^ijli(|ues. Rem. — La seule différence (|ue l'on remarque entre ce genre et le grand genre Voluta dont il est démembré, consiste dans la foi-me du nucleus qui est très-volumineux, arrondi, souvent irrégulier. C'est, comme on le ^oit, un caractère bien peu certain et d'une importance assez faible, surtout si l'on réfléchit que les Volutes en général ont un nucleus mamelonné plus ou moins gros. Aussi cette coupe n'est pas généi-alement admise. Nous l'avons adoptée, cependant, pour une coquille du calcaiie grossier de Mons, parce que d'abord celte coquille réunit à un très-haut degré les caractères assignés à ce genre, ensuite parce que le grand gem'c Voluta ne peut (|ue gagner à être subdivisé. 11 faut reconnaître d'ailleurs que le genre Cymba est encore un des plus judicieux de tous ceux qui ont été proposés dans ce but. Cymba iv.eouiim.icata, Sji. u. PI. V, «g. 5(r, 6. Dm. — Longueur fie la coquille 0.010."j — 100 Largeur — 0,00,'>j — '6i Hauteur du dernier lour ll,OOS — 76 Angle apicial -iO» Coquille assez petite, brillante, ovale, pyril'ornie, eoniposée tle deitx tours seulement et d'un sommet mamelonné très-volumineux et irrégulier. Le premier lour est orné de sillons transverscs, obliques, d'abord assez faibles ei assez éeartés, se resserrant de plus eu plus jus(iu'à la partie du dernier loin' en regard de louNerture (pi'ils ne dé|)asseiU jias, et où ils sont surtout très-bien aeeenlués et acquièrent une certaine régidarilé; au delà, sur toute la partie du dernier tour opposée à l'ouverture jusqu'au bord droit, nous ne voyons j)lus (|uc des stries d'accroissement irrégulières, mais il s'y l'oriuc, à la partie postérieure, DU CALCAIRE GROSSIER DE MO>S. 69 une espèce do carène viigiic, sur laiiiielle se ilcssincnt (|ucli|iie,s u)aiiioloiis allongés dans le sens des stries, grossissant de plus en plus jusqu'au bord. Ouverture étroite, allongée, aiguë poslérieureinent; bord droit, mince, arqué, se redressant, et même s'infléchissanl un peu eu approchant de réciiancrurc antérieure, ia cré- tacée; le genre a pris une extension considérable pendant la période tertiaire et se trouve à son maximum dans les mers actuelles. Le calcaire grossier de Mons nous en a fourni sept espèces. 70 DESCRIPT10> DES FOSSILES >llTIll VICIXA, Sp. lé. PI V, lig. in. /.. UiM. - l.cuifjiiem' lie la foi|iiillc 0,01-25-10(1 L:„-ein- - O.OOriS- 4i HaïUeur du dei nier lour 0,007 — .'lO Anyle apicial *•>" Cû(|uille petite, ovale, iillongéc , ii spire pointue, comi)Osée de six tours iiti |)cu i-on- vcxcs, ornés de côtes iransverses simples, fortes, obliipies, parallèles aux suies d'aeerois- sement,se prolongeant depuis la suture jus(iu'à la partie antérieure de la base, ne((Mérani plus de saillie dans le voisinage de la suture à l'endroit eorrcspondant à peu prés au milieu des tours antérieurs; ces côtes sont au nombre de dix à douze poiu- une révolution de la spire, plus nombreuses dans les premiers tours que dans les derniers, et ne correspondant point, par conséquent, d'un tour à Taulre. Ouvcrlme étroite, ovale, allongée, à bords presque parallèles, presque droite, anguleuse |)oslérieuri'nienl; le bord droit iranchaiU, épaissi par la dernière côte et par un renllement intérieur, Irès-faible à la suture, mais s'épaississant de plus en plus et devenant assez fort à la partie antérieure; bord columel- lairc assez inllédii à la base de la columcUe, celle-ci presque droite jus(pi'à son extrémité antérieure, portant (piatre plis sur un peu plus de la moitié postérieure de sa longueur, k's deux postérieurs simples et saillants, presque iransverses, le troisième pins large, divi-é en trois filets par deux sillons, et ranlérieur simple, un peu plus oblique que les précédenis. Celle ouverliu'e est terminée en avant par une écbancrure large ci profonde, d'oi'i part un bourrelet Irès-fort qui contourne la columellc et en est séparé par une légère dépression. l{i.ii, — (^^Ik- espèce o.st trèi^-voisine criiii groupe de Mitres dti cnlcaii'c grossier du bassin de Paris (omprenant le M. crassidois , Desh. (18^1, t. Il, p. (37(1, pi. ex, fig. a, 4, 7, 8), le i\/. custulala, Desh., s\). {\8U, t. 11, p. ()78, pi. ex, lig. 1 , 2) (saljcostalula , d'Or!).), cl le J/. oblkjmla, Desh. (1824, t. il, p. ()7 7, pi. LXXXIX, iig. a, 4, et pi. CX, lig. 3, 6). Il nous a seml)lé ([ifelle se rapprochait plus de cette dernière espèce (fue des deux autres, surtout de la variété représentée pi. CX, lig. o, (>; mais elle ne peut être idenliliée ni avec Tune ni a\ec Tiiutre. En elTet, bien que son hord droit soit épaissi à Tintcrieur, il ne porte pas la dent grosse, conitpie et pointue du M. cnusmlena; ses plis ou côtes Iransverses sont heau- cotip plus gros (pie ceux du M. costidota, et sa forme plus élancée ainsi que la disposition de ses plis columellaires ne permettent pas de la coiil'ondre DU CALCAIRE GROSSIER DE MONS. 71 avec le M. obliquata. Du l'esle, les côtes de Pespèce de Mons tendent à s'épaissir et à s'écarter à mesure que Ton approche du derniei- tour, tandis {pie le contraire a lieu dans les espèces du bassin de Paris. FiG. 4rt, vue du côté de l'ouverture, grossie deux lois. — 46, vue par-dessus, grossie deux l'ois. — 4o, grandeur naturelle. >IiTn\ Omai.ii, .Syj. H. FI. V, IJg. 10,n .l<- rA.ad.Toni.XXW 111. 1 v J«' X. „ c / 9 V V V '' j-L3T'Kir^. a^. ruxt 3UZ. Xith. û~ Severeyrt^, -Brxijcdier. ^ 1- ■' ESSAI HISTORIQUE SDR LES COLONIES BELGES QUI s'établirent EN HOiXGRIE ET Ei\ TRANSYLVANIE PENDANT LES ONZIÈME, DOL'ZIÈME ET TREIZIÈME SIÈCLES; PAR Emilr de BORCHGUAVë, DOCTEUR EX DROIT, SECRÉTAIRE DE LÉGATION DE PREMIERE CLASSE DE S. M. LE liOl DES UEMiES, ETC., MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE ROYALE DE DELCIOl'E. ( Mémoire couronné dans la séance du 1 1 mai ISTO. ) a Ad rt-tinendam coronani. » ( Devi&e des t'Iauiands de Transylviitiie.) Tome XXXVI ^ AVANT-PROPOS. Loi'sque rAcadémie royale attira l'attention de ceux qui s'occupent d'études historiques sur l'établissement des colonies belges en Hongrie et en Transyl- vanie, nous avons cru que l'ien ne serait plus intéressant et plus utile que d'aller étudier, dans ces pays mêmes, les vestiges des colonies qui y furent (ondées. Nous avons ] assé deux mois sur le territoire où l'histoire laconle (pie nus pères s'établirent. Le résultat scientifique général n'a pas répondu à l'ardeui- de noire allenle et à l'étendue de nos i-echerches. Expliquons-nous : Les Allemands de la Hongrie et de la Transylvanie s'appellent Saxons et ils portent ce nom depuis six siècles; nous dirons plus loin ce qu'il faut entendre par là; mais, dès à présent, nous devons constater que si les plus anciennes chartes locales parlent de Flamands, il n'y en a (jue trois où ce nom ligure expressément. Presque immédiatement après, les colons sont désignés sous le nom d'Allemands, Teutonici, et celui de Flandrenses dis- paraît à jamais. Il faut donc chercher dans les circonstances extérieures (|uelle IV AVANT-PROPOS. part revient à réiément belgo-flamand dans la colonisation de la Hongrie et de la Transylvanie, et Ton conçoit quelles difficultés présente un tel examen s'il faut le circonscrire aux douzième et treizième siècles, et s'il ne reste aucune preuve positive, aucune trace formelle qui révèle l'influence de cet élément. Nous nous trouvons donc en présence d'un monument dont la base est aux trois quarts introuvable et dont les parties qui subsistent sont brisées. Il nous a été dès lors difficile et — jusque dans une certaine mesure — impossible de réaliser, en son entier, le plan tracé par l'Académie. Nous n'hésitons pas à le déclarer; car « à l'impossible nul n'est tenu. » Le programme portait: « Rechercher les causes qui amenèrent, pendant le douzième et le treizième siècle, l'établissement des colonies belges en Hongrie et en Transylvanie. » Nous nous flattons d'être complet sur ce pre- mier point. Non-seulement nous avons exposé l'établissement des colonies aux douzième et treizième siècles, mais nous avons raconté les destinées d'une colonie fondée en Hongrie — et ce point n'y est que fort imparfaitement connu — ■ dans des circonstances curieuses, dès le milieu du onzième siècle. Nous nous sommes efforcé de répandre sur cette question toute la lumière possible. (^Introduction, chap. I-IV.) Nous avions ensuite à « exposer l'organisation de ces colonies et l'influence qu'elles ont exercée sur les institutions politiques et civiles, ainsi que sur les mœurs et les usages des pays où elles furent fondées. » Ici, il faut distinguer : L'organisation de la colonie des Flamands-Saxons de Transylvanie reposa entièrement sur le privilège d'André II, auquel nous consacrons tout le cha- j)itre V. Là sont clairement définies les institutions politiques, civiles et ecclésiastiques dont jouissait la colonie. On se trouvait en présence d'un document authentique; il était donc aisé de traiter celle matière avec les détails qu'elle comportait. AVArST-PROPOS. V 11 en est autrement pour la colonie d'Erlau et pour celle de la Zips. Ici les chartes faisaient défaut, ou bien elles s'appliquaient à une époque où Pélément belge primitif avait presque complètement disparu. Il a donc fallu procéder par analogie, et laisser une large part à la conjecture. Toutefois, je n'ai admis l'hypothèse que lorsqu'elle avait pour point d'appui un ensemble de faits graves, précis, concordants. La critique occupe naturellement dans cette partie une place importante. Quant « aux mœurs et aux usages » que nous avions à retracer, on ne remarque pas, à première vue, chez les Saxons transylvains, rien qui soit sensiblement différent des coutumes des autres peuples germaniques. Il va de soi que les particularités rappelant la patrie d'origine, qui exis- taient jadis chez les Flamands « d'outre-forêt, » ont dû s'effacer peu à peu dans le courant des siècles, au contact des nationalités diverses qui peuplent la Transylvanie. Toutefois des personnes qui ont étudié à fond là vie du peuple saxon de Transylvanie nous ont signalé des particularités intéres- santes dont nous avons fait notre profit. En outre, nous avons cru devoir consacrer un chapitre à part au langage employé par les Saxons afin de démêler, si c'était possible, les traces de l'antique idiome flamand. (Chap.VI.) Pour les détails du plan que nous avons suivi nous renvoyons à la table des matières. J'ai visité la Transylvanie avec un plaisir infini. Elle est sans contredit un des plus beaux pays de l'Europe. Le sol en est généralement si exhaussé que les montagnes des frontières, bien qu'elles soient en réalité très-hautes, ne semblent avoir qu'une médiocre élévation. Au contraire, vues du dehors, c'est-à-dire quand on a passé la chaîne, elles paraissent atteindre une hau- teur extraordinaii-e. Les paysages varient à chaque instant. Sur ce sol con- tinuellement accidenté, on trouve tour à tour des forêts de bouleaux et de sapins, de chênes et de hêtres, ou bien encore des coteaux chargés de vignes, VI AVANT-PKOl'OS. d'inlcrininaljlos clianips de blé ou de maï.s, bordés, près de la roule, de melons et de pastèques, que le laboureur mange en passant pour se désal- térer. Malbeureusement les grandes sécheresses de Tété donnent à certaines vallées un aspect triste et désolé. Ce qui frappe le voyageur, ce n'est |)as seulement le changement des pay- sages, c'est encore la variété des costumes. La Transylvanie est habitée par un certain nombre de nationalités qui différent entre elles par les mœurs, les habitudes, les goûts. Les trois principales, celles qui dominent les autres, sont les Hongrois, les Saxons et les Sicules. Elles ont, chacune, le territoire que la loi leur assigne, et figurent, chacune, pour leur propre compte à la diète qui représente ce que Ton a appelé la trinité transylvaine. L'^s Hon- grois sont les premiers : ils ont conquis le sol au neuvième siècle. Après eux viennent les Sicules, fraction du peuple magyar, qui l'occupaient bien avant eux. Enfin arrivent les Flamands-Saxons admis au douzième siècle en qualité de colons. Ces trois nations ont leur administration particulière, leurs droits, leurs privilèges à port. Leur union a été solennellement instituée en 4545, à la diète de Torda. Au-dessous des ti-ois « nations unies » viennent en sous-ordre les Vala- ques", anciens maîtres du sol, et les plus nombreux habitants, qui ne possè- dent pas de territoire , et sont dispersés sur toute la sin-face du pav s, hormis chez les Sicules. Il faut aussi compter quelques milliei's d'Arméniens, de Grecs, de Juifs et de Bohémiens. Ces nations sont appelées « tolérées » par opi)o- sition aux autres, parce qu'elles ne forment pas de corps distinct. Les trois dernières n'ont aucun droit politique. Les Arméniens et les Valaques sont regardés comme membres de la « nation » entre la(|uelle ils habitent et siègent à la diète en qualité de Hongrois et de députés des villes '. Ces différentes races ne se sont pas mêlées. Elles sont restées en présence 1 II en ôtiiil l'ucoiT ainsi oi) 18(15; mais la réorganisation du la nion^irciiif aiistro-linn-roïc cil 1807 a ai)ji. 211. 5 Ces causes ont été longuement développées dans notre Histoire des colonies belges qui s'élal/lireiit en Allemugne pendant le doKziènie et le treizième siècle. Introduction, pp. 53-33. Bruxelles, 1863. ET EiN TRANSYLVANIE, etc. IS i^rave Conrad do Misnie les fixe dans ses États et l'évèque Gerung leur assigne un territoire (|ui faisait partie de la ville de Meissen. L'abbé de Ballenstedt j)rit l'initiative de la colonisation de TAnbalt, rarchevèque Wichmann de celle du Magdebourg, et le comte Conrad de celle de la basse Lusace. Mais ce n'est pas seulement dans les contrées où l'agriculture était en souffrance par le manque de population que se fixent les Belges; ils sont appelés aussi dans les territoires dévastés pai- les guerres sanglantes que se sont livrées, pendant plusieurs siècles, les Wendes et les Geiinains. La Wagrie, le Brandebourg, les bailliages de Jiiterbock et de Bitterfeld, la Saxe électorale, le 3Iecklembourg, le Lauenbourg, la Poméranie, l'IIker- mark, rAuti'icbe et jusqu'à cei-taines parties de la Pologne sont successive- ment le tbéàlre pacifique de leur admirable et féconde activité '. Ces faits ne pouvaient être ignorés d'une cour qui entretenait des rapports suivis avec les autres États, et lors même qu'ils n'eussent pas été connus tous, le voisinage de la Silésie où les colons belges étaient arrivés à un liant degré de prospérité, était un exemple suffisant pour tenter des imitateurs. 3Iais les gouvernants magyars n'avaient pas besoin de sortir de leur propre pays pour trouver des ])récédents. Abstraction faite des immigrations jiartielles qui avaient eu lieu dans le pays à toute époque, ils avaient sous les yeux le spectacle de travail et d'industrie qu'offrait une colonie belge fondée au cœur de la Hongrie dès le milieu du onzième siècle. C'est là le premier établissement qui s'impose à nos investigations. Quittons par conséquent le champ des généralités pour entrer sur le terrain plus intéressant des faits. ' Hisl. (les colonies belges qui s'éUMirent en Allemiujne, pa^sim. iO COLOrsiES BELGES EN HONGRIE CHAPITRE K DE LA COLO.ME BELGE FONDÉE DANS LE DIOCÈSE DEULAU. Une sli'rilité générale cause une afFrcuso famine en Hongrie. — Des Hongrois sont aceueillis par Icvèque de Liège, Réginiinnl, et s'établissent dans la jirinci|)auté (1029). — La cause des relations entre les deux pays est due à l'expansion que saint Etienne donna aux Magyars en Europe. — Détails. — Politique. — Trafic. — Ordres religieux. — Colonie liégeoise dans le diocèse d'.Agrie (Erlau). — Discussion sur la date. — En I4i7, une députalion de Wallons hongrois se rend à Ai.\-la-Chapclle et à Liège. — Ils y sont reçus avec de grandes démonstra- tions de joie. — Leur langage est le même que celui des Wallons de Liège. — On redicrche dans les archives les traces de l'èmigi'ation des Liégeois en Hongrie. — Rescrit de Jean de Heinsherg. — Détails sur le pèlerinage du sanctuaire des trésors ou reliques à Aix-la-Cha- pelle. — Noms des Wallons hongrois. — Droits et privilèges dont les Wallons jouissaient en Hongrie. — Manque de sources. — Destinées ultérieures de la colonie. — Elle disparaît au seizième siècle. — Aucune trace n'en rappelle le souvenir aujourd'hui. I. — Pendant les règnes de Conrad H, empereur d'Allemagne, de saint Etienne, roi de Hongrie, et de Réginliard, évèqne de Liège, une stérilité gé- nérale, qui ne dura pas moins de trois ans, causa dans toute TEurope une disette horrible dont la Belgique, TAllemagne et la France souffrirent parti- culièrement, mais dont les effets se manifestèrent partout avec des degrés d'intensité divers. La Hongrie fut éprouvée comme les autres pays. Les chroniqueurs belges de Tépoque contiennent sur cette famine des dé- tails qui font frémir et dont on ne se décide qu'avec peine à admettre l'au- thenticité. Le dénùment était tel dans certaines provinces que des malheureux habitants, les uns tombaient d'inanition sur la voie publique, tandis que les autres dévoraient de la chair humaine pour assouvir riiorrihle faim qui les tourmentait. Une grande partie de la Belgique fut cependant préservée de ces horreurs, grâce à la charité compatissante des évèques de Liège, de Candjrai , de l'abbé de Gembloux et d'une foule de seigneurs qui distribuèrent généreusement aux nécessiteux, sans distinction de pays ou de langue, de grands approvision- nements de blé ou de bétail. Entre tous se distingua Réginliard (ou Régnier), vingt et unième évéque de Liège (102o-1038). On remarquait chez ce prélat l'union de deux qualités ET EN TRANSYLVANIE, etc. H rarement associées dans le même caractère, une grande sévérité pour les excès des grands et des riches, et une douceur, une charité inépuisable pour les misères des pauvres indigènes et étrangers '. Les historiens ne tarissent pas en éloges sur ses immenses largesses. Dès le début de la calamité, il prit à sa charge personnelle l'entretien de trois cents malheureux -• puis, le nombre de ces derniers s'augmentant rapidement, il pourvut journellement, pendant tout le temps que sévit la famine, à la subsistance de douze cents personnes, chiffre qui se répartissait ainsi : trois cents dans la ville même de Liège, trois cents à Huy, autant à Dinant et un nombre pareil à Fosses et à Thuin ^, villes qui dépendaient de la principauté *. La renommée porta au loin le bruit de cette admirable générosité. On vit accourir à Liège des gens de tous pays; toutefois les chroniqueurs signa- lent spécialement des troupes de Hainuyers, de Frisons, d'Allemands et de Hongrois. Réginhard les accueillit avec bienveillance et les traita bénigne- nient. Il leur donna même la faculté de se fixer pour toujours dans son diocèse en leur assignant, à cet effet, un vaste espace de terrain, situé à l'extrémité de la ville. Les Hainuyers, Fi'isons et autres étrangers peuplèrent un bourg qui s'appela longtemps Hannonia; les Hongrois formèrent une commune qui prit leur nom : Viens Hiuiyarorum. L'évêque mit le comble à ses bienfaits en accordant aux immigrants les mêmes droits et privilèges que ceux dont ils jouissaient dans leur patrie ^. La tradition de cet événement, qui eut lieu vers 1029, se perpétua dans la principauté, et les meilleurs chroniqueurs liégeois n'ont pas négligé d'en faire mention. C'est par une erreur manifeste que Foullon, qui relate la fondation du Viens H un y ar or uni , en reporte l'origine au dixième siècle, ' « Hic bonis bonus, perversis studio erat molestus, milem sese paupcribus, asperrimiim quoque iniquis cxbibebat divitibus. » Anselmi Gesla Pontificum Leodiensium ap. l'ertz, c. 57. ^ « Ut niisericordiae quam populo suj^gesserat, prier exeraplum praeberet, trecentos ex eis (miscris) stipe sua alendos sustepil. » Ibid. ' Cette ville faisait partie de l'Entre -Sambre- et- Meuse et avait été donnée, en 888, par Arnould, duc de Loibaringic, avec rabba3c de Lobbes, à révcque de Liège, Francon. * Outre les auteurs cités dans l'Appendice, lî»' I à IV, voy. Foullon, llisloria Lmdkiisis, t. I, p. 223, 1735, et Gilles d'Orval, Rerion Leodiens., c. 80. " Voir à l'Appendice n" I, II, III, IV, les récits des cbroniqueurs que nous combinons ici. Tome XXXVI. 4 18 COLONIES BELGES EN HONGRIE à l'époque où les Hongrois furent défaits par le gendre d'Otlion le Grand, Conrad, qui les avait attirés pour se venger de son beau-père et qui, repen- tant de sa faute, périt en les cond^attant. Quant au fait en lui-même, il convient de s'y ari'èter un instant. Que des Frisons, des Hainuyers et des Allemands aient afflué à Liège dans le but de participer aux nobles dons de j'évèque, il n'y a là rien qui puisse étonner; les contrées qu'ils habitaient n'étaient pas si éloignées de la principauté que la réputation de bienfaisance de Réginhard n'ait pu parvenir aisément et en peu de temps ius(|u'à eux. Il n'en est pas ainsi pour les Hongrois. Leur patrie n'était connue jusqu'alors en Europe que comme un objet d'épouvante, et les rapports entre la Belgique et la Hongrie se bornaient à ceux que nous avons signalés plus haut '. Si, d'autre part, on se refuse à admettre que le hasard seul ait pu amener les Hongrois à Liège, on est naturellement porté à se demander quels ont pu être les motifs politiques, religieux ou économiques qui déterminèrent des Magyars à choisir de préférence le pays de Liège pour seconde patrie plutôt que tout autre pays. La cause, complexe, suivant nous, réside tout entière dans le changement absolu que le règne de saint Etienne apporta aux relations du peuple magyar avec les nations étrangères. II. — Autant les Hongrois avaient vécu jusqu'alors isolés dans les retraites sauvages de leur pays, autant leur premier roi s'efforça de les mettre en contact avec l'Europe civilisée. Nous avons indiqué plus haut quelques idées générales à cet égard -; il ne sera pas superflu d'entrer ici dans des détails que comporte la matière. La seconde sœur de saint Etienne, Gisèle, avait épousé Othon-Guillaume, comte de Bourgogne, et lui-même avait pris pour femme une princesse de Bavière. Pour encourager et faciliter l'établissement ou le séjour de ses sujets au dehors, il fonda à Rome deux institutions ecclé- siastiques, l'une pour les pèlerins hongrois qui visiteraient la ville éternelle, l'autre pour les jeunes gens qui a oudraient s'y adonner à l'étude des sciences. Il éleva un cloître à Ravenne, alin de permettre aux voyageurs, ses compa- ' Voir pp. l) h 7. - Voir pp. 9 :i 13. • ET EN TRANSYLVANIE, etc. 19 triotps, qui se rendaienl à Konio, de se reposer des fatigues de la roule. A Constantiiiople, il érigea un eloitre pareil pour les pèlerins qui allaient à Jérusalem; enfin, dans celle dernière ville, il institua une congrégation de religieux qui avaient pour obligation, outre les exercices de piété, d'héberger et de soigner les pèlerins hongrois '. En outre, la cour de saint Etienne servait d'asile à plusieurs princes proscrits. On y voyait Bezpreni, frère du roi de Pologne, et Bruno, IVèi'e de Henri II, y séjourna jusqu'à sa récon- ciliation avec TEmpercur. Lorsque Canut fut porté au trône d'Angleterre par le vote unanime de la nation, il éloigna les enfants mineurs de son prédé- cesseur, Edmond et Edouard, et les envoya à son beau-fière le roi Olaf de Suède. De là, on ne sait par quelle vicissitude de la fortune ils arrivèrent en Hongrie : Etienne les accueillit de la manière la plus paternelle et donna à Edouard sa fille Hedwige en mariage -. On voit, au récit de ces quelques faits, que le grand roi était en relations avec l'Europe presque tout entière. Mais ce n'est pas tout. Aussitôt que le bruit de sa conversion se fut répandu, les pèlerins — Belges et autres — que la dévotion portait à visiter les lieux saints, pas- sèrent par la Hongrie, au lieu de s'exposer aux périls de la mer •'. La bonté avec laquelle le roi accueillit ces pieux voyageurs en accrut considéra])lement le nombre. Peut-être s'en Irouva-t-il parmi eux qui révélèrent aux Hongrois les ressources qu'offrait la Belgique, alors même qu'une pénurie générale arrêtait pour un instant l'essor de la prospérité publique. Il convient d'ajouter que des trafiquants hongrois, qui s'étaient faits les intermédiaires entre les commerçants du Nord et les marchands grecs de Constantinople, se ren- daient fréquemment de la vallée du Danube dans plusieurs \illes d'Alle- magne ^, et il n'est pas impossible que quelques-uns d'entre eux soient venus ' .Mailâth, Gescli. der Magijareii, t. 1, p. 48. i! Slailàlli, (. I, p. 57. 5 M. de Siu'v, Jfisl. géii. de Hoiigrii', l. 1, p. 572; 1778. On sait que les premiers croisés prirent ])lus lard le même chemin. * Le contraire avait également lieu; les iMagyars attiraient même tellement le commerce de l'Allemagne que le duc d'.Vutriche, Léopold le Glorieux, interdit à des marcliamls de ce pays de voyager en Hongrie : a A'ulli civium de Swecia (Svevia) vel de Ralispoiia vel de Patavia liceat intrare enm mercibus suis in Ungariam, quicunque contrariuni fccerit, solvat nobis ;2 mar- cas auri. » De 1221. (Fejér, Cod. dipluvi., t. 111, vol. i, p. 552.) ^20 COLONIES BELGES EN HONGRIE jusque dans les Pays-Bas. Enfin on sait que l'impulsion vigoureuse que saint Etienne donna au christianisme dans ses États attira un grand nombre de personnages ecclésiastiques détachés par leurs supérieurs des florissants monastères d'Allemagne, de France et des Pays-Bas pour former des filiales en Hongrie, et l'on peut admettre que des moines belges défrichèrent déjà à cette époque une partie des landes stériles de ce dernier pays. C'est dans cet ensemble de faits qu'il faut, à notre sens, chercher le vrai point de départ des relations ultérieures des provinces belges et du royaume des Magyars. ni. • — Ces relations s'établirent pour la première fois d'une manière directe et quasi oflicielle vers le milieu du onzième siècle. VVazon était prince-évèque de Liège. Dès la première année de son administration, une lamine, plus violente encore que celle qui avait eu lieu du temps de Régin- hard, désola de nouveau les provinces belges, l'Allemagne et la France. Wazon imita noblement la conduite de son prédécesseur en distribuant d'abondantes mesures de blé à ceux que la calamité trouvait sans res- sources K Néanmoins, soit qu'un certain nombre d'habitants ne se crussent pas suffisamment protégés dans leur patrie contre les incertitudes du présent, soit qu'ils redoutassent les éventualités de l'avenir, tant y a-t-il qu'une troupe de Liégeois, auxquels se joignirent une partie des Hongrois qui s'étaient établis, un quart de siècle auparavant, dans la principauté, quittèrent avec leurs femmes et leurs enfants leur pays natal ou d'adoption et se transpor- tèient en Hongrie. Le roi de ce pays était alors André I (104G-106I), Il voulut reconnaître, disent les chroniqueurs, la bienveillance avec laquelle quelques-uns de ses sujets avaient été traités par révè((ue de Liège et, en retour, fit aux Liégeois l'accueil le plus hospitalier. Il imita en tout les bons procédés de Réginhard. Ainsi il assigna à perpétuité aux immigrants un territoire situé au cœur de ' « Primo slatiin cpiscopatus aniio, orlà magnà aniionae pcnuria , quac ^cxenniimi ferme Galliam Germaniamqiic leniiit, cocmit uiulique frumenla, tongessilquc et non mcnilicorum moclô egcslali subvenu, scd etiam aliorum, quos pudor a mendicando absterrcbat , submis^is seircto dénis, viecnisve aliquando et cenlenis frumonlo modiis, etc. » Foullon , l. I, p. 229. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 21 son royaume, dans le diocèse d'Agrie ' et leur recommanda de ne point désapprendre leur langage wallon ou de le laisser tomber en désuétude de quelque manière que ce put être. Les Liégeois se fixèrent dans cette contrée, augmentèrent rapidement en nombre, et, au bout de quelques années, leur population devint si considé- rable qu'elle occupa plusieurs villages qui, dans le langage usuel, furent appelés loca gallica, vici wallonorum. La circonstance que le roi André connaissait l'expatriation de ses compatriotes dans la principauté de Liège et qu'il voulait se montrer reconnaissant de l'accueil qu'ils y avaient reçu, apporte un nouvel argument à la présomption que les Hongrois ne s'étaient pas rendus auprès de Réginbard accidentellement; ils devaient savoir qu'ils pouvaient s'adresser à lui en confiance, qu'ils ne seraient pas repoussés. Peut-être même le nom de leur roi Etienne les protégeait-il. il n'est pas moins probable que les Liégeois se rendant en Hongrie étaient munis de lettres de l'évèque, demandant pour ses vassaux une gi-acieuse réciprocité. La conduite du rof André le prouve virtuellement. Mais si le fait de l'établissement des Liégeois en Hongrie semble ne pas devoii- soulever de doutes, il n'en est pas de même si l'on cbercbe à pré- ciser la date à laquelle l'événement s'est passé. Jean de Stavelot et le moine Adrien ^ disent nettement (pie ce fut en 10o2, sous l'administration de Wazon, le pontificat de Grégoire YI et les règnes du roi André I de Hon- grie et de l'empereur Henri HL Cette dernière indication n'apporte aucune lumière au débat puisque le règne de cet empereur dura de 1039 à 1056; les autres données ne font naître que des contradictions. En effet, si l'on admet que l'événement eut lieu en 1052, il faut le placer sous le règne de Tbéoduin ou Dietwin, Wazon étant mort dès 1048. Si l'on croit à une erreur de copiste et qu'on lise 4 04.2, on se trouve dans la vérité ' Anjourd'liui Erlaii, en allcmaiiil ; Eger en hongrois; Jager en esclavon. — Jadis forte \ ille de la haute Hongrie, ehef-heii du eoniilat actuel de Heves, à 108 kilonièlros N.-E. de Ptsth. Saint Etienne y élaldit un évèilié. Elle est aujourd'hui le siège d'un arehe\ èehé et reiifernie une université fondée, dans la première moitié du siècle dernier, par l'archevêque, prince Estcrhazy. Elle fut saccagée par les Mongols en 4256, assiégée par les Turcs en loo2 et prise par eux en 1396. Rien n'est resté debout de l'époque antérieure au seizième siècle. - Voir .A]ipcndice n"' I cl IV. 22 COLOMES BELGES EIN HONGRIE historique, en ce sens que la famine dont nous avons parlé coïncida avec réiévation au trône épiscojjal de Wazon (1 04.2). Cette date est elTectivement celle que donne IJouille, mais dans cette hypothèse, comme dans la première, il faudrait conclure, — ce qui n'est pas admissible, — que le fait se passa à une autre époque que sous le pontificat de Grégoire VI, ce pontife n'ayant occupé le siège apostolique que deux ans, de 1044 à 104G. Celte dernière date est celle que nous préférons par le motif qu'elle fut celle où André I monta sur le trône de Hongrie et que, de cette façon, elle concilie le récit de tous les chroniqueurs. N'oublions pas de mentionner que Wazon, à peine élu, se rendit à Ratis- bonne avec une suite nombreuse composée d'ecclésiastiques et de laïques, pour y recevoir, suivant la coutume du temps, la crosse des mains de l'Em- pereur, en signe d'investiture ', De Ratisbonne — qui est sur le Danube — en Hongrie, le voyage est des plus aisés en descendant le fleuve. Peut- être nos Liégeois ont-ils suivi cette route IV. — Quatre siècles plus tard, en Mil, avait lieu une exposition géné- rale et publique des trésors ou reliques à Aix-la-Chapelle. Parmi les pèlerins et voyageurs (ju'attirait cette solennité, on remar(|uait une troupe de Hongrois qui, malgré leur nationalité étrangère, s'exprimaient correctement en wallon liégeois. Interrogés sur ce fait, ils racontèrent avoir ouï dire à leurs parents que leurs ancêtres étaient originaires du pays de Liège, qu'ils avaient quitté ce })ays à cause du manque de vivres et qu'ils s'étaient fixés en Hongrie. En entendant ce récit, les habitants d'Aix les engagèrent à se rendre à Liège, pour Aérifier l'exactitude de cette tradition. Les Hongrois suivirent le con- seil. Lorsqu'ils eurent fait leurs dévotions, ils allèrent à Liège et ils y furent traités en frères. Maïeurs et échevins, maîtres et jurés de la cité, le chapitre de Saint-Lambert et plusieurs clercs et autres personnages s'empressèrent à l'envi autour d'eux, « les lechurent moult bénignement, » dit Jean de ' « Rciptiis iiotiiis quam clcclus.... Ralishonain atlil idonco comilatu, ciini poiitificio pciio, qtiod l'x ocvi coiisiietudine ;\h Ilcnrito Rigc m(i|)Ciet. » Et en note : « iiiitliliii' Ilalisbonaiii tuiii conveiiic'iilibiis Ecclcsiac simid et populi civilalis pcrsonis. » Foidlon. (. I, p. 2:29. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 23 Stavelot, ol donnèrent en lenr honneur de grandes fêtes et des banquets somptueux. Le doute n'était plus possible sur l'identité du wallon liégeois et du lan- gage des Hongrois. Ceux-ci, d'ailleurs, l'explicpuiient d'une manière plausible et toute naturelle. Les hommes, disaient-ils, apprennent tous le magyar dont ils ont besoin jiour gérer leurs alïaires et pouvoir communiquer journelle- ment avec les populations des environs. Mais les femmes sont les gardiennes vigilantes de leurs foyers; elles sont continuellement à la maison, ou ne s'en éloignent que pour vaquer aux travaux domestiques; elles s'occupent de l'éducation des enfants, à qui elles parlent tout d'abord leur langue mater- nelle, et qui de cette façon conservent à leur' tour le wallon d'une manière impérissable. Afin de confirmer l'émigration de leurs ancêtres d'une manière authen- tique, et de se rattacher ainsi j)lus intimement à leurs hôtes, les Wallons de Hongrie prièrent le magistrat de Liège de com|)ulser les anciennes chroni- ques du pays, pour s'assurer si les détails qu'ils rapportaient s'y trouvaient relatés. Cette demande répondait trop bien à la curiosité des uns, à l'intérêt réel que leur portait le plus grand nombre pour qu'elle ne fût pas accueillie avec empressement. Aussi « à leurs prières, dit encore Jean de Stavelot, furent visenteit de tous costeis les cronikes, et fut troveit que chu qu'ils disaient cstoit veriteit, — que leurs prédécesseurs estaient desquendus de paiis de Liège, et estoient alleis en Hongrie par une grande famyne qui avait esteit en paiis de Liège, enssi comme ils avaient oit dire leurs anle- cesscurs '. » Lorsque le fait se trouva ainsi pleinement constaté, les Wallons hongrois demandèrent une dernière faveur, avant de s'en retourner dans leur pays. S'adressant cette fois au prince-évêque, Jean de Heinsberg, ils le prièrent de confirmer olïiciellement les détails qu'on avait trouvés dans les annales, et qu'ils avaient complétés par leur récit. Le prélat accéda à cette prière et leur délivra un rescrit en bonne et due forme, le 8 juillet lHl. Ce rescrit s'adresse en général à tous princes, rois, archevêques, évêques, ' Jean de SUivcloI , p. 585. 24 COLONIES BELGES EN HONGRIE ducs, marquis, comtes, barons, chevaliers, clients, compagnies et corpora- tions des villes et des villages, et, en particulier et surtout au palatin de Hongrie et à Tévêque d'Agrie. Jean de Heinsberg établit que c'est pour rendre hommage à la vérité qu'il confirme par un rescrit solennel des faits sur Fauthenticité desquels aucun soupçon ne doit planer et pour fixer en même temps à cet égard l'esprit de ses fidèles sujets. C'est pourquoi, dit-il, il a ordonné de fouiller dans les anciennes archives, chroniques et autres documents authentiques. Il constate ensuite qu'il est résulté de ces investigations que des Hongrois sont venus et se sont établis dans la principauté de Liège sous Réginhard et que des Lié- geois, à leur tour, se sont transportés en Hongrie sous le règne de Wazon. Les descendants de ces derniers, ajoute l'évêque, parlent le roman liégeois absolument comme les autres Wallons de la principauté. Enfin, il termine en exhortant tous ceux qui « le présent rescrit liront, » de traiter les voyageurs comme des compatriotes et des frères, s'engageant, lui, de son côté, à ac- corder une loyale et courtoise réciprocité à ceux qu'on voudra bien lui envoyer désormais. V. — La visite des Wallons de Hongrie aux reliques d'Aix-la-Chapelle n'était pas un fait isolé. Les trésors conservés dans la célèbre cathédrale de la ville attiraient des pèlerins non-seulement des pays limitrophes, mais de presque toutes les parties de l'Europe, et principalement de la Hongrie, de l'Esclavonie, de la Bohême, de la Pologne, de la Livonie, etc. On croit que cette afïluence commença vers le onzième ou le douzième siècle. Avant cette époque, lés reliques étaient exposées, une fois l'an, le mercredi après la Pentecôte. Dès le lundi, une procession qui venait de l'ab- baye de Priim à Aix ouvrait la solennité. Le chiffre des pèlerins augmen- tait d'année en année. En HiO, ils étaient si nombreux qu'ils remplissaient les places, les rues, les maisons d'où l'on pouvait voir les reliques; les toits mêmes étaient occupés. Un toit s'étant effondré sous la masse des individus qu'il supportait, dix-neuf personnes furent écrasées. En 14-o3, on fut obligé, par mesure de police, d'assigner aux étrangers des quartiers différents. Le marché au Bétail (der Katschhof) était occupé par les Hongrois; le petit ET EN TRANSYLVANIE, etc. 25 cimetière par les Slaves, le marché aux Poulets [der Hof) par les Frisons, etc. Les pèlerins de Hongrie, d'Esclavonie, de Bohême, vulgairement appelés Wiener^ arrivaient dès le printemps à Aix et, avançant à genoux dans l'église, olTraient un cierge très- lourd. Ils atteignaient parfois jusqu'à cinq mille individus. Louis d'Anjou, roi de Hongrie, fonda, en 1374, dans la cathédrale, la chapelle hongroise pour les pèlerins de ses États qui visitaient le saint sanc- tuaire, y préposa deux recteurs, institua une rente .pour son entretien, et la pourvut de tous les ornements nécessaires. Il en confia la garde à l'autorité de la ville. La chapelle ayant, dans la suite des temps, subi des détériorations, la restauration eu fut commencée par l'empereur François I, continuée par Marie-Thérèse et achevée sous Joseph II en 1767. Quelques années plus tard, ce dernier souverain interdit à ses sujets hongrois de faire désormais le pèlerinage (1776) '. Au quatorzième siècle, ce voyage semble avoir été imposé parfois comme une peine judiciaire. Il est cité comme tel dans les procès-verbaux des ma- gistrats de Schemnitz. Toutefois le pèlerinage était surtout une pratique ])ieuse et il se conserva môme après la réforme. Le pasteur hongrois Peter Bornemisza, qui publia vers lo82 ses Enekek ou Cantiques, disait : « Qu'al- lons-nous faire à Rome et à Notre-Dame de Cologne? Et de là dans la grande Aix-la-Chapelle? » En supposant que l'usage fût demeuré chez les protes- tants, le passage que nous venons de citer peut tout aussi bien se rapporter aux catholiques, l'époque de la séparation religieuse étant encore assez rap- prochée. D'un autre côté, l'affinité qui existe entre le langage des habitants d'Aix avec celui des Transylvaniens et des Zipser permet aussi de supposer que le pèlerinage avait lieu surtout de la part des descendants des colons chez lesquels d'anciennes traditions de famille conservaient le souvenir de la * V'oy. Quix, Historische Besclireibmig der Mitnsterkirche und der Heiligthumsfahrt in Aachen, etc., pp. 3S-40 , 92-64, 156; 1825. — Voy. aussi Noppius, yl oc/fer Chronik, 1. 1; 1C45. — Miiller-Weilz, Aachener Chronik, p. 244, v. 14. Tome XXXVI. S 26 COLONIES BELGES EiN HONGRIE patrie crorigine. Aussi la coutume était-elle considérée comme une cunsue- tmlo iheulonkaUs. Dans le langage populaire on l'appelait Achvurt '. VI. Jean de Stavelot nous a conservé les noms de six des Hongrois arrivés à Liège. C'étaient Matthias Btw, fils d'André, Paul Dolo, Nicolas Tamarosco, Simon Ilenrat, Marc Balaven et Martin Ponc/te. Le nom de Biro a seul en hongrois une signification. Il se traduit par juge (lUcliter). Faut-il, dans le diplôme de Jean de Heinshorg, le considérer comme énonçant une qualité ou jjien comme constituant déjà un nom de famille ? Les deux hypothèses sont également admissibles. Faisons remar- quer à ce propos que, un siècle plus tard, un Matthias Biro de Devay fut un des principaux seigneurs qui introduisirent le protestantisme -. Est-il in- vraisemblable de voir en lui un descendant du Mafhias Biro qui vint à Liège en 1447? L'évèque de Liège adresse les lettres confirmatoires à Laurent, palatin de Hongrie, et à Anselme, èvèque d'Erlau. Ici se pose la question de savoir pourquoi Jean de Heinsberg ne s'adresse pas de préférence au roi, qui était alors Ladislas V le Posthume. J'en crois trouver la raison dans la circon- stance que le palatin et l'évèque d'Erlau étaient frères. Laurent, deuxième du nom, de l'illustre famille de Hedervâr, était le soixante-treizième palatinfdu royaume des Magyars. Il remplit ses éminentes fonctions de 1437 à 1449. Son frère Ladislas (et non Anselme), trente-troi- sième èvèque d'Agrie, monta sur le siège épiscopal de cette ville en 1447 et l'occupa jusqu'en 14G8. Malgré les recherches nombreuses auxquelles nous nous sommes livré, il nous a été impossible de découvrir quels furent les droits et privilèges accor- dés aux Liégeois établis dans le val d'Agrie et les obligations auxquelles ils furent astreints en retour. Toutefois, un point parait ressortir clairement des rares documents qui ' Schrôer, Xmlilruij ziiiii Wôrterhiclie lier deuisclieii Miindarlen des ittKjrIsihen Ber(ihm- dcs, p. 15, v" Aciivart. Wicn, 1839. — Duistelliiiig der dciiisclien Miindurten des ninjrisclien Bcrglaiides , p. o4; I8(i4. 2 Horvàlh, Kurzyefussle Gescliichte luii Uiujern, I. II, p. -44. Pcslli, 18(m. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 27 s'occupent de notre question, c'est que les Liégeois vécurent sous une admi- nistration propre, tant au point de vue spirituel qu'au point de vue temporel. Les données qui suivent le démontrent d'une manière irréfutahle. Un ra|)port du vice-gespan (^vice-cornes), du comitat de Borsod au roi Louis l'Illustre (1342-1382), renferme le passage suivant : « Désirant obéir à vos ordres, comme c'est notre devoir, nous avons envoyé, pour les rem- plir, deux des nôtres, hommes sages et dignes de foi et capables. Nos com- pagnons, leur mission terminée, sont revenus nous en rendre compte. La veille, arrivés dans la ville d'Erlau, ils firent sur la place publique une pro- clamation générale pour faire changer vosdites monnaies et leur donner cours suivant le contenu de vos autres lettres, écrites à ce sujet. Tout à coup, maître N. F. M. (Aicolmis filius Martini?), comte de la vallée d'Agrie , et tous ceux qui relèvent de lui et spécialement les hôtes et Wallons de la même vallée, se jelôrent en armes sur les mandataires du comte des chambres royales, sur les hommes de l'archevêque de Strigonie (Grau) et du trésorier en chef; ils les criblèrent de blessures mortelles, lenversèrent le changeur et le comj)toir de banque et jetèrent à terre des florins, gros et deniers pour une valeur de soixante marcs ^ » Il résulte de ce passage qu'au quatorzième siècle, les Liégeois-Hongrois du val d'xVgric avaient leur Oberfjespaii et qu'ils étaient assez puissants pour oser résister aux ordres du roi. Un siècle plus tard, nous constatons que la réunion de leurs bourgs et ' a Nos ia;itur praeceptis vestris obedire ciipientes, ut lencniur, duos ex nobis providos et utique fide dignos vires et idoneos, videliccl... iransmisimus ad praemissa mandata vestra exc- queiida, qui quidcin socii nostri, tandem ad nos reversi nobis concorditer retulerunt isto modo, quod ipsi pridie, ut pote feria tertia proxime praeterila... in civilatem agriensem cum eisdera... accessere et in foro gencrali facta proclamatione memoratas monelas vestras iuxla continen- tiam dictarum aliarum literarura vestrarum exinde foniuctarura , in eadem civilate in foro cambiare, et patenter currere facere voluissent, tandem magister N. f. M. [Nicolaus fdiiis Martini?), comes vallis agriensis, cura omnibus ad se pertinentibus, specialiterque universis hospitibus et Gulids de eadem vulle ad dictos procuralores eomitis camerarum vestrarum et homines archiepiscopi (Strigoniensis) et magistri tavernicorum vestrorum (Oberschatzmeisler) arniatis manibles irruentes, ipsos letalibus vulneribus sauciassent, in trapezita seu mensa nu- mularia avertissent, florenos, grossos, denarios ad numerum sexaginta raarcarum ad terram dispersissent. » Kovacbich, Forinulae soleiines styii , p. 20. Pestb, 1799. 28 COLOrSIES BELGES EN HONGRIE villages formait une province ecclésiastique séparée. C'est ce qu'écrivit for- mellement à la curie romaine, en 14-80, le légat pontifical prés la cour du roi Mathias Corvin : « Ce royaume , dit-il , est encore habité par une tribu flamande, qui parle un bon français. Ces gens ont une province séparée pour eux. Ils habitaient déjà le royaume lorsque le roi Charles I (Charles- Ro- bert d^Anjou, 1308-1342) en fit la conquête. K » Le légat ne dit pas, il est vrai, où habitent ces Flamands; mais comme il n'y avait pas dans le royaume d'autres habitants qui parlassent le français ou wallon, il ne peut s'agir que de ceux qui habitaient le val d'Agrie et qui, nous venons de le voir, avaient leur propre juridiction civile. Au seizième siècle, la situation n'avait pas changé. Le savant Nicolas Olah , qui accompagna, en qualité de secrétaire, la reine Marie de Hongrie, à Bruxelles, où il écrivit son grand ouvrage sur le royaume de saint Etienne (4336), s'exprime en ces termes : « Dans la vallée d'Agrie il y a quelques villages qui sont habités par des colonies cVÉburons, qu'on appelle mainte- nant des Liégeois et qui s'y sont fixés jadis. Ils parlent encore aujourd'hui un langage français (ou wallon) -, » Olàh ajoute qu'il ignore si et quand les Liégeois furent appelés en Hongrie ou s'y fixèrent spontanément; toute- fois il exprime, d'une manière dubitative, il est vrai, l'opinion que ce pou- vaient être les débris des Wallons amenés de Belgicpic par l'Empereur Ferdi- nand I pour combattre Jean Zapolya. D'autres conjectures ont été émises à ce sujet. D'après Etienne Horvâth, les Wallons seraient les mêmes que les Vàli^, et, d'après M. de Resô-Ensel, ce serait Bêla IV qui aurait attiré, moyennant de grandes promesses, les I « Trovasi aiicora dctto regno abitato da geiite fiamcinja, \\f\\\A[\ parlan diitto fraiicese. Qucsti haiiiio iiiia provincia pci- loro scpaïaUi. Costoro ri:r.aslnj nol rcgno anticainciitc, (juando il rc Carlo lo ronquisto » Engcl, Geschichle fies Ungrifichen Ih'iclis, t. II. p. 8. Ilnlle, 1798. '^ « In valle agricnsi, aliqiiol p.-igi incohmtur, liabili pro coloiiiis Eburoiuim, qui mine Léo- (lieuses dicunlur, olim eo tnuhiclis. lloruiii iiicoloc in liixlierniim diem gallircim soiiaiil lin- (jiiuiii. Quo aulem teinpore aut co tradiicti sirit, aut spoiilc inigiariiit, liaïul salis coiiiperuiiii habeo. » En note: « Ecqiiideni, rcliqiiias liiissc tredidcriin Walionum qui Fcrdiiiando I, adver- sus Rcgrm Johaniicni , militabanl : nisi aliud nos diplomata aul cius actalis scliodac dociicrint. » Nicolai Ohilii Iluiujaria, pp. 91 et sqq. Vindob, 17(33. Olàh fut évêque d'Erlau et devint plus tard archevêque de Gran (j 1308). 3 Rujzolalok, § Ii!9; 1825. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 29 industrieux Liégeois dans la vallée d'Erlau, après les dévastations des Tar- tares '. Nous avons vu ce qu'il faut penser de ces hypothèses. En résumé : le viens Hunfjarorum , près de Liège, devint le quartier de Honf/rée qui existe encore aujourd'hui près du pré S'-Barthélemy; le bourg de Hannonia donna son nom à une rue, dite de Hainaut-; et Sambuc, dans sa carte géographique de la Hongrie, comprend les loca gcdlica, vki Wal- lonoriim sous le nom général de Val éburon qu'il place près d'Erlau ou Agrie ^. Telles furent les destinées de cette colonie fondée, dans un temps de calamité, par une poignée de Wallons entreprenants qui conservèrent, pen- dant cinq siècles, à travers toutes les vicissitudes, le souvenir et la langue de leur patrie originaire. Ce qu'ils devinrent plus tard, on l'ignore. Selon toute vraisemblance , ils auront été décimés par les Turcs , qui dévastèrent le territoire d'Erlau en loo2 et 1596. Aujourd'hui le souvenir des Liégeois d' Agrie a presque entièrement disparu *. En 1838, un M. Jerney institua un prix de dix ducats pour obtenir la solution de la question historique que nous venons de traiter. Personne ne répondit à cet appel. ' Sid-gmy, Buda-Pest, i>o septembre 1803, n" '218. 2 Appendice n" III. 5 Foullon, /. c. — Le Ij.iron de Czoernig, Elhnogr. Slali.ilik voit Oesterreich, t. II, p. lôa, croit que les noms des villages de Andornuk et Kaal , près Erlau , rappellent l'ancienne colonie liégeoise; mais cette opinion n'est appuyée d'aucune preuve. * Je ne saurais assez reconnaître l'empressement que mit M. Albert de Monle-Dego, biblio- thécaire de l'université d'Erlau, à rendre mon séjour dans cette ville fructueux. Malheureuse- ment les Turcs y ont détruit tous les monuments et documents quelconques, et les archives ne renferment point de chartes antérieures au dix-septième siècle. Le vénérable archevêque d'Erlau, M«' Barlakovics de Kis-Apponyi, me suggéra lidée que des pièces relatives à rétablis- sement des Liégeois dans ce diocèse pouvaient se trouver parmi les archives du Vatican. Mais les recherches qui furent opérées dans ce dépôt célèbre n'amenèrent aucun résultat. 30 COLONIES BELGES EN HONGRIE CHAPITRE H. DES COLOMES BELGES FONDÉES DANS LA HAUTE HONGRIE ET DANS LA ZIPS. Situalion de la Hongrie à ravénemcnt de Gei/.a II. — Dépopulation. — Les tuteurs du roi appellent des colons des Pays-Bas et des bords du Rhin. — Flandrenses et Saxones. — Éta- blissement i)rineipal dans la Zips. — Motifs divers qui permettent de eonilure que ce fut une colonie flamande. — Tradition. — Dicton populaire. — Route commerciale. — D'où vient le nom de Zips. — Noms ])ropres. — Lalini , Wallons? — L'invasion tatare détruit la colonie flamande. — Deux institutions survivent : la prévôté libre et la confédération des quatorze villes. — Au treizième siècle', la colonie prend une physionomie haut-allemande très-pro- noncée. I. — Nous avons esquissé plus haut, à grands traits, la situation du royaume de Hongrie au commencement du douzième siècle '. Le règne de Bêla H l'Aveugle (1131-1 141 ), bien quil produisit des résultats utiles, ne l'ut exempt ni d'agitations intérieures, ni de luttes avec l'étranger, et il contribua à l'an'aiblissement de la race indigène. Bêla laissait pour successeur un enfant de dix ans, Geiza II , que la nation couronna comme roi, trois jours après la mort de son père. Qu'allait devenir le royaume entre les mains débiles de ce jeune prince? Tout était à craindre, si une impulsion énergique n'était donnée à la marche du gouvernement. Bêla II avait épousé une princesse serbe, Hélène, dont le caractère viril et les (pialités intellectuelles avaient exercé un ascendant immense sur son faible et irrésolu époux. Les magnats, qui avaient eu des preuves du courage et de l'habileté de la reine, n'hésitèrent pas à lui conlier, avec la tutelle du jeune souverain, la régence du royaume, et lui adjoignirent, comme conseillers, Belus, oncle maternel du roi, le palatin Ampudin, et l'évèque d'Erlau, Lucas Bàntli. Les historiens hongrois sont unanimes à reconnaître que le mérite d'avoir attiré des colons étrangers dans le royaume revient à la reine- régente, Hélène, et à l'évèque d'Erlau. Nous ne pouvons nous empêcher d'ajouter que la pensée d'appeler de préférence des Belges fut due, sans doute, à la ' Voir pp. \-2-\fir. ET EN TRANSYLVAME, etc. 31 circonstance que révéque avait pu apprécier les qualités solides de la colonie wallonne qui formait une partie importante de son diocèse. Il n est pas étonnant qu'il ait fait partager à la reine la conviction où il était, que des immigrants de même race seraient d'une utilité immense pour combler les vides de la population du royaume. L'invitation de s'établir en Hongrie fut donc faite à des babitants des Pays-Bas et des contrées voisines. Sous quelle forme cet appel eut-il lieu? La reine-régente envoya-t-elle des ambassadeurs aux princes belges, ou s'adressa-t-elle à l'empereur d'Allemagne de qui relevaient ces princes et avec lequel elle était en pourparlers continuels? Il est plus probable, à notre sentiment, ({u'elle chargea du soin d'amener les étrangers, des religieux de l'un ou de l'autre ordre que les Arpàdes avaient fixés dans le pays. Les moines étaient alors généralement les secrétaires des rois et des reines et ils étaient chargés presque toujours des négociations importantes entre nations. La circonstance que des maisons d'un même ordre existaient dans la plupart des pays facilitait à la fois leur voyage et l'accomplissement de leur tâche. A défaut de preuves directes, cette hypothèse est plus que vraisemblable; ce qui lui donne presque le caractère de la ceititude, c'est que les colonies belges dont nous avons rappeb' l'établissement en Allemagne furent fondées de cette manière K Nous reviendrons plus loin sur ce point. — IL Les émigrants arrivèrent en nombre considérable. Les plus anciens documents les appellent Flmmuuh ÇFlandrenses); plus tard les colons sont désignés sous le nom de Saxons [Saxoues^. Quelle est la valeur de ces deux appellations? Sont-elles exclusives l'une de l'autre? Les mots Flandre et Flanuuuh avaient, au moyen âge, une signification très-étendue. Ils n'indiquaient pas seulement, dans le langage usuel, le pays et les habitants du comté de Flandre, ils s'appliquaient souvent à tout le territoire des Pays-Bas ou, si l'on veut, de la Lotharingie, et cela eut lieu pendant des siècles -. La langue de ces pays, le thiois, flamand ou neder- ' Histoire des colonies belges en Allemagne pendant les onzième et douzième sli-cles, passim. Bruxelles, 1863. 2 « Haec est illa Germanieae nationis (Frisiorum) origo i)rr riira Galliaruni disseminala : indc sunt Brabanctini, inde Flandrenses, in solo gallico manciUes, origine germanica. » De Frisio- 32 COLONIES BELGES EN HONGRIE duifsch était, avec quelques nuances légères, la même pour toute la basse AUemtujne '. Les Flamands s'appelaient aussi Bas-Saxons, ainsi que cela résulte d'anciennes chroniques rimées -. Enfin, on les comprenait même par- fois dans l'expression générique de Saxons, expression des plus vagues au moyen âge et qui était commune à divers pays de l'Allemagne , placés entre l'Ems, rOder, le Bassin du Danube et la Baltique. On sait que la Flandre ou le payus flandrensis et le Brabant avaient reçu, en partie, au quatrième et au cinquième siècle, et, en partie, au huitième, après les victoires de Charlemagne, des milliers de familles saxonnes qui aidèrent au développe- ment de l'agriculture. Le littoral belge de la mer du Nord était appelé Utlus saxonicimi, expression qui paraît déjà du temps de Tempeieur Théodose, rum unliquitale et origine, libri très auctorc Pelro SiilTriilo, p. 274. Franckcrae, IC98. — (( Qiiod si vero cliam Geniianias diias, supcriorem el inferioicm , quac [iropiiè in Belgicu sunt, placel Germaniae adscribere, mullo crit amplior amplissimac rcgionis dilio : ulque ut ad eam referuntur vulgo : Argentoralum, Wormacia, Spira, Treviri, Moguiicia, Colonia, ita ad cam rcrcianlur : Ant\verpia, Gandavum, Brugae, Lugdunum Batavorura, etc. » Commentarioritm reriiin Germanivanun P.Bcrtii, liliri très; Amstelodami , 1G->(), cap. 23, p. 40G. 1 « Teutonia, Dacia, iVorvica, Suevia, Flaitdria et Anglia iinani habent linguam, lieet idioma- tibiis dignoscantur. » — Roder. Tolel. apiid Vrcdii Ilisl. Comit. Flandriae, p. 527. Brugis, 1G50. 2 « De Lande die gelagen Cl Tu-ssen Maaz, zie en Nimagen » Rien en Mase en torp Assen « Al die Goeycn helen Neersaxseii. » Kiaas Kolijn, v. 130, cilé chez Raepsact, Précis topographique de raiicieiiiie Belgique, p. 05. — Nederlanlsche oiitiquileiten van S. Willibrordus , ajiostel van llollandt, Zeclandt, Sticbt van Utrecht, Ovcrijssci cnde Vrieslandt, met ook eenighe dcelen van Gelderlandt, Cleve, Culick, Brabandt cnde Viaanderen-Brussei; chez Scboevaerts, 1002, v. 23. « Want de inwoonders van aile landcn acn de zee paelendc, van Oosl-luiH aff, tôt aen de rivicr van de Scliekie toe, hcbben dicn naem glicvocrt (Sassen), gelick ook' uyt dc/.e oude duylsclie Rymcn niach blijcken : Melis Stocke (v. i). « Oudon bocken lioer ic gewagen « Dat al 'l lant bencden Nymagen « Willen Kcder.sassen hiet. « AIso als dun stroeme verschief Il « Van dcr Mase ende van den liine « Die Sclielt was dat weslende fine. » et p. 00 : i Egbcrtus in de .yederlaiiden gbearrivcert, die dier tijd iS'edersassen lot acn de Sclielde loe glienocinpt waren... « ET EN TRANSYLVANIE, etc. 33 dans une charte de l'an 379, et par laquelle il faut entendre le territoire situé le long de la côte depuis la Zélande jusqu'à Boulogne '. La Chronique de Saint-Denis considérait les Flamands et les Brabançons comme Saxons, à cause de la langue qu'ils parlaient "-. D'après une charte de Ilériman, arche- vêque de Cologne (104i), un district voisin du Rhin était appelé Sachsen- gau ^. Faisons remarquer, à ce propos, qu'il n'y avait pas encore de haute Saxe à cette épocpie et que la basse Saxe n'avait pas de colons à expatrier, puisque Heiu'i le Lion et autres princes appelèrent les Néerlandais pour cul- tiver leurs territoires déserts '*. Il est donc dilïicile de déterminer, à priori, à quel État spécial appartenaient les colons germaniques qui peuplèrent la Hongrie sous Geiza IL La charte originaire ((ui consacra l'établissement des colons étrangers et les conditions sous lesquelles ils allaient vivre se perdit dans les orages qui assaillirent la Hongrie à intervalles rapprochés. Le roi Sigismond, dans un acte de 1419, rappelle, d'une manière expresse, des certas lifteras de Geiza, et Ladislas, qui semble encore avoir eu la pièce sous les yeux, s'y réfère également, en mentionnant, à l'année 144-1, le diplôme de Sigismond. Il résulte à l'évidence de ces documents que les colons furent appelés, vocati. Les immigrants n'étaient donc, ainsi qu'on a voulu le faire supposer, ni un débris des anciens habitants du pays , ni un reste des Goths ou des Gépidos qui le parcoururent en tout sens. Ce n'étaient pas non plus des soldats de l'armée allemande que Geiza II conduisit, en 1156, contre les Grecs. Cepen- dant rien ne défend d'admettre qu'il y eût parmi eux des retardataires de l'armée des croisés qui, sous la conduite de l'empereur Conrad et de Louis VU, traversèrent la Hongrie, en 1147, et la réduisirent presque à la famine. Il est possible qu'un certain nombre de ces derniers se soient réunis aux colons appelés ^, soit que leur enthousiasme religieux se fût refroidi ou qu'ils fus- * Voy. De Kerels van Vlaamhren , par M. Henri Conscience; 1870. 2 Voy. notre Histoire des colonies belges en Allemagne , p. 30. 5 Voy. un intéressant travail du D' Tcutsch : Ueher den Namen der Siebenbiivger Sachseu dans le Archiv fur den Verein der Siebenbiirger Landeskitnde , t. I, 2' liv., pp. I lô-l 17. '* Schlôzer, p. 20'J. s M. .Michel llorvillh, l'éminent auteur de la grande Histoire de Hongrie, dans une lettre qu'il nous a écrite, s'exprime ainsi : « Es ist selir wahrschcinlicli » , dit-il, « dass ini Ilccrc Kaiser Tome XXXVI. 6 Tri COLONIES BELGES EN HONGRIE sent gagnés par les propositions avanlagcnses qui purent leur être laites de la part du gouvernement de Hongrie, soit ([u'ils lussent d'avis qu'il était aussi méritoire de combattre les païens Cumans que les infidèles Sarrasins. Ainsi s'expliquerait naturellement le silence des chroniqueurs étrangei's au sujet de ces immigrations. Les expatriations ayant lieu à cette époque sur une grande échelle, celles qui avaient en vue une destination spéciale pouvaient passer inaperçues, d'autant plus qu'elles coïncidaient avec le grand mouve- ment des croisades ' et que des troupes [)lus ou moins nombreuses de pèle- rins traversaient incessamment la Hongrie. Ces préliminaires posés, nous essayerons de fixer, autant que les éléments d'appréciation le permettent, à quelle nationalité appartenaient les colons; nous examinerons ensuite quels furent les points où ils se fixèrent; nous raconterons enfin brièvement à quelles vicissitudes ils furent soumis. III. — Les villes florissantes de la haute Hongrie, qui, aujourd'hui encore, ont conservé leur caractère primitif, ne remontent pas, au point de vue des sources, au delà du treizième siècle. H en résulte qu'il ne faut pas rechercher (|uelles furent les destinées de ces localités avant cette époque; car elles ne commencèrent à avoir une histoire qu'avec la colonisation geraianique qui eut lieu, pour la haute Hongrie, en deux périodes. La première tombe dans la seconde moitié du douzième siècle et se rat- tache au règne de Geiza II ; l'autre appartient aux règnes des rois Éméric (f 1204), André II (11233) et Bêla IV (f 1270). On peut appeler celle-là, d'après le caractère qui y domine, la basse alle- mande, la néerlandaise , la flamande; celle-ci, la médio-allemande (^mittel- deutsch), la saxonne. Il semble impossible de préciser l'époque à laquelle eut lieu la colonisa- lion de la première période. Les historiens hongrois se prononcent généra- lement pour l'année 11 -iS parce qu'une inscription conservée dans l'église Ronrad III der ini Jalirc 1 147 cinen Kreuzzug nncli dcm liciligcn Land fiilirte und seinen Weg iibcr Ungcrn nalini, autli Manche von den nach Saclisen ausgewandertcn Delgicni sicli l)cfunden liaben.... » ' J. K. Schuller, Umrisse und krittsclie Stiidien zur Geschickte von Siebenbûrgen, 1. 1 , p. 66. llurniaimstadt , 18 40. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 33 de Kronstadt porte que le roi Geiza H appela alors les Saxons en Transyl- vanie et que leur apparition en Hongrie eut lieu en même temps '; toutefois il parait plus rationnel d'admettre que l'arrivée des colons n'eut pas lieu en masse et dans la même année, mais qu'elle se fit par groupes et à de certains intervalles. Il n'existe plus aucune charte de fondation qui fasse mention des Fla- mands comme colonisateurs de la Zips -. D'un autre côté, les Zipser histori- ques se présentent généralement dans le passé, comme dans le présent, avec une physionomie plutôt mitleldeulsch (saxonne)^. On en a conclu que des Flamands [Flandrenses , FUhniuyer, Flamidnder) ne s'y sont point établis. Nous sommes. d'une opinion différente. En voici les raisons : Les auteurs qui font mention de l'établissement des colonies néerlandaises en Hongrie ne sont pas nombreux; mais ils sont d'accord pour admettre que les colons furent attirés par les promesses des rois magyars, principalement par Geiza H; qu'ils quittèrent d'autant plus volontiers leur patrie que des inondations terribles et fréquentes leur y rendaient l'existence précaire et les agitaient d'inquiétudes incessantes; enfin que ces colons sortaient de la Flandre, des Pays-Bas en général, et des contrées voisines '*. Ce sont là les données unanimes de l'histoii-e; mais l'argument que nous en tirons serait insuffisant, en l'absence de documents authentiques, s'il n'était confirmé par d'autres preuves. On a fait souvent la remarque que les traditions populaires survivent à toutes les guerres et à toutes les révolutions parce que le peuple, moins ' Martin von Schwartner, Slalistik des Kôningreichs Ungarn, p. lôO. — Katona, Historia critica Recjum Hunguriae. stirpis Arpadianae, t. III, pp. 532-554. Pcst, 1780. — Szalay, J/a- gyarorszàg tiirlcnete, I kotek , v" k., 233. — Hôcke, Kirulyaink sa hekùlUizùU iiépek cmlekci, n° 263. Siirgôn}', 1801 . — Schwartner, De ScuUetiis in Hungariam advenis, p. 73. Biidae, 1815. — Pray, Annules Rvgum Hungariae, t. 1, pp. 132, 227. — Eder, Erdéhj ismerletêse , p. 30. Szcben, 1826. — Szirraay, Szatmunitegije birasa, t. II, p. 136. — Georgii Barlal de Belchàza Commentarium ad Historiam slatulus jurisque piiblici Hungariae. 2 Le nord de la Hongrie, appelé communément District des montagnes (Bergdistrid), parce qu'il est traversé par les Karpathes, renferme plusieurs comilats, dont celui de Zips est le plus important et le jjIus vaste. 3 Krones, Ziir aelteren Geschiclite der freienSladt Kaschuu , p. 8. Wicn, 1864. * Voyez les sources citées à la première note de la présente page. 56 COLONIES BELGES EN HONGRIE exposé que les gntiuls aux caprices et aux innovations de la mode, conserve plus fidèlement, souvent à son insu, tout ce qui tient au passé. Cette obser- vation reçoit une nouvelle application pour la Hongrie, et, en particulier, pour la Zips. En effet, les plus anciennes légendes qui se rapportent aux colons établis dans ces contrées parlent toujours de Néerlandais ou Alle- mands de la rive gauche du Rhin K Il y a à cet égard une tradition d'une certaine précision en ce qui con- cerne la Zips. Elle raconte que, au temps que les Flamands traversaient les plateaux des Karpathes pour se rendre en Transylvanie, un certain nombre d'entre eux, sous la conduite du comte Renhold, s'arrêtèrent dans ces pa- rages, et s'y fixèrent définitivement-. Or, il est authentiquement prouvé qu'il y eut un comte palatin (cornes curiaUs), du nom de Renhold, à la cour du roi Geiza vers 1145 ^. Il est indifférent, au point de vue de la question (pii nous occupe, de savoir ce qu'il faut entendre ici par le mot comte; dux et cornes, dit un texte. C'était probablement un chef-colon , semblable à ceux qui fondirent les colonies belges en Allemagne. Un dicton, encore aujourd'hui en usage dans la Zips, renforce singulière- ment la tradition qui précède : « Das Madchcn isl ans Flandrcn : « Es wanderl von einem zuni andren *, » dit-on, en parlant d'une jeune fille volage. D'autres particularités donnent de la consistance à la conjecture de l'éta- blissement des Flamands dans la Zips. La Zips, nous l'avons dit, était la grande route commerciale qui reliait, au moyen âge, le nord de l'Allemagne avec le bas Danube et l'Orient; la plupart des auteurs supposent qu'elle servit de passage aux émigrants qui, venus des Pays-Bas et des pays adjacents, se rendirent en Transylvanie. On * Schlôzer, p. 284. — Krones, l. c, \). 9. ■^ Ibid. ^ Fejcr, Codex diplom. Humj., t. II, p. 1:24. ^ Bredecky, Topograph. Beilràge zur Geschichte Ungarvs, p. tl7; 1800. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 37 ne doit pas perdre de vue, en outre, que la Zips, sous le rappoi-t ecclésias- tique, relevait de i'évèché d'Erlau, et nous avons fait remarquer que ce fut un évêque de ce diocèse qui, suivant toutes les vraisemblances, conseilla d'appeler des Flamands en Hongrie. Le voisinage du district de Batàr et de la Silésie dut aussi, suivant nous, exercer de Tinfluence sur les destinées de la population des Karpathes. La basse Silésie fut, dans le courant du douzième siècle, parsemée de fermes flamandes et wallonnes; les colons néerlandais y atteignirent un haut degré de prospérité et y importèrent leur droit propre. Ce qui confirme cette conjecture et lui donne presque la valeur d'une certi- tude histori(|ue, c'est le nom même que reçut ce district montueux où se forma |dus tard « la confédération des vingt-quatre villes. » Le nom de Zips (C^;js, terra Zipsiensis, Zepus chez l'anonyme de Bêla, Szepes en hongrois) ne s'explique ni par le magyar, ni par l'esclavon qui est parlé dans les environs. L'imagination aidant, on a voulu le faire dériver des Gépides {Gepklia —Gepasia, Chepiisia, Sepusium?!), mais, à ce compte, il n'y a pas de mot dont on ne puisse invoquer la paternité. Il y a une explication plus plausible et qui trouve sa raison d'être dans l'histoire des colonies belges en Allemagne. En Misnie, dans la basse Lusace, en Saxe, en Poméranie, la redevance en nature, c'est-à-dire en blé, que les Flamands et autres colons devaient acquitter en échange du droit de juridiction propre, s'appelait Zip (racine sep ou osep, blé). On peut supposer qu'une partie des colons émigrés en Hongrie venaient des pays que nous venons de citer et qu'ils introduisirent dans le « district des montagnes » l'usage de la même redevance , justicia Zip. De là on est amené à conclure qu'ils auront été nommés Teutoncs jure Zip viventes ou Zipsenses i. A l'appui de cette hypothèse, il y a un passage de la Zipser WiHkur de 1370 qui dit : « Als Aev Zips gestift ist -. » Ajoutons que la plupart des auteurs admettent que, outre les Flamands, il y avait dans la Hongrie et dans la Zips des colons venus de l'Alsace, de ' Engel, UiKjar. Geschichte, p. C88 , d'après Schlôzer. — Voy. aussi notre Hisloire des rolo- nles belges en Allemagne , pp. 257-23!). 2 iMithnay-Lichiier's Ofner Studreclil , l'"' Bcilage ; 18'to. 58 COLONIES BELGES EN HONGRIE la Saxe, de la Thuriiige, de la Lorraine, de la Franconie, du Luxembourg, des pays rhénans, etc. '. IV. — Un indice de la nationalité des colons se trouve, en Allemagne, dans les noms pi'opres ou de lieux qui subsistent encore ou dont Tbistoire a conservé la mention. Cet élément de preuve fait défaut pour la Zips, au moins de façon à pouvoir servir de base à une appréciation décisive. Toutefois les archives de la ville de Kaschau consei'vent deux monuments, contemporains (|uant à la date, qui olTrent des indications curieuses pour déterminer ai)pi'oximati\ement la nationalité des émigrants dans la Zips. L'un est le Liber uctorum iadiciarioriun de 1394 à 140G; l'autre est la Rathsordmny de 1404. 3Iais ces monuments sont postérieurs de deux siècles et demi à la colonisation de Geiza. Il n'est donc pas étonnant que l'élément miJIehIeaIch, silésien, y prédomine. Cependant, il s'y rencontre des noms qui décèlent incontestablement une origine niederdeutsch, tels que Claws, Smitt, Zopp; les terminaisons he et /.//( ou hujnne ont la même valeur : Frenczke, StelTke, Nanschke; — Bonusbkynne, Jeanichin, etc. N'avons- nous pas, dans notre histoire de Flandre au moyen âge, Zunnelan et Baudouin Hapkin? Il y ligure aussi un Urbanus GalUcus. II s'agit ici évidemment d'un Wal- lon; mais ce nom isolé ne permettrait pas d'alîirmer qu'un groupe de Wallons se sont établis dans la Zips, si le nom d'une localité importante, Walleiidorf, ne venait à l'appui de cette hypothèse. On m'objectera que le nom latin de Wallendorf était villa Lalina et que partout où le mot Latinus se rencontre dans les chartes, il faut le rendi-e par Italien, Welche. Cependant cette opi- nion n'a qu'une valeur relative. Le mot Latinus se traduit généi'alement, à la jvérité, \)av Italien, et, lorsqu'il est isolé, il serait dangereux de lui don- ner un autre sens. Néanmoins, il perd cette signification absolue quand le contexte autorise cette déviation, |)ar exemple lorsqu'il est employé en oppo- sition au jnot générique de Teutonici , et surtout ((uand une traduction séculaire lui attribue un sens diiïérent. Tel est ici le cas. Wallons, Français, ' llormayr's Tascln'iibucli, p. 185, 1832. — D' Erasimis Schwab, Laiid viid Leide in Uit- (jani, t.I, p. 492; 1803. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 39 Italiens, etc., étaient des Latini aux yeux des Magyars, comme aujourd'iiui encore tous les Occidentaux sont des Francs pour les habitants de l'Orient. Là où Ton voulait distinguer les Italiens des Wallons, on appelait ceux-ci (iallici, Walilea, et cette expression désignait les habitants du nord de la France et de l'est de la Belgique K Quant à la question de savoir si les Latini ou Wallons établis dans la Zips venaient directement des Pays-Bas ou bien s'étaient détachés de la colonie d'Erlau, nous ne faisons aucune dilïiculté de reconnaître que la seconde hy- pothèse nous paraît mériter le plus de créance. Ce sont là les seuls débris de la première époque de la grande colonisation qui eut lieu dans la partie est de la haute Hongrie, par conséquent aussi dans la Zips, et dont le caractère bas-allemand, llamand, est incontestable -. Pendant cette période, les colons germaniijues, désignés aujourd'hui géné- ralement sous le nom de Saxons, s'étaient répandus dans plusieurs comitats de Hongrie. Ils s'établirent dans les villes dites des monta/jnes (^Berystadte) où leurs traces se sont conservées jusqu'à nos jours, nolannnent à Rarpfen (Karpona), à Zolon (Zolyon, Allsohl), à NeusohI (Beszterce-Banya), à Do- bronya (Dobronica), à Babaszek (Babina), à Nemet-Pelsoc, à Schemnitz (Selmecz-Bânya), à Rremnitz (Cremnich-Bànya), à Libethen (Libetbànya), à Loppena, à Nagybânya et Felso-Banya, etc. En même temps qu'ils peuplaient ces villes des montagnes, ils immigraient dans la Zips, ainsi que nous l'avons vu plus haut, et y fondaient trois vil- lages qui, réunis, formèrent plus tard la \ille de Kasmarck; puis Sumugh, Lublau (Lublyo), Pudlein (Podolin), Iglo (Neudorf), S'-Ladislas, Ober- et Unter-Kassa d'où sortit l'importante ville de Kaschau '^. Les hôtes de la paroisse de S'-Nicolas de Patàk, auquel Eméric II donna, en 1201, des pri- vilèges spéciaux et ceux de Sachsen-Beregh (Beregh-Szâfz) étaient probable- ment restés en arrière des Flamands qui se rendaient en Transylvanie ^. ' Ilulmann, Dntlsclics Slildli'irescn , t. I , p. 236 : « Les expressions Gatlus et Walch avaient, au moyen âge, la même significalion , el il faut enlendre par là les pays de Liège et de Brabant où le wallon était parle. Un même individu est tanlùt ajtpelé Latiitus, tantôt Wnlih. > - Kroiies, l. c, p. 10. ' Czoernig, Ethnographie des oslerrcichischcn Muiuuvhiv , I. II, pp. :2II-t2l8. '* Ilorniayi-'s Tuschenbiich, p. IcSîi; 1832. — Fessier, Uiigurische Geschirhie, t. II, p. 220. 40 COLONIES BELGES E.>j HONGRIE A partii- ilu treizième siècle, cet établissement originairement flamand et bas-allemand fut absorbé peu à peu par le courant croissant des colons mit- lehleutsch, des Suxones ou Teutonici, dans le sens des chartes de la Hon- grie du moyen âge, et tomba dans Toubli. L'immigration des colons silésiens dans la haute Hongrie doit être mise en rapport avec une appaiilion semblable dans la Silésie polonaise; cette coïncidence nous explique Tétroite parenté de mœurs et de langage qui existe entre les Allemands de la haute Hongrie et les Silésiens, parenté qui saute trop aux yeux pour ne pas p(M'mellre de conclure à une patrie commune des colons d'en deçà connue d'au delà des Karpathes •.Mais un point qui demeure tout à fait dans l'obscurité, c'est de savoir quelle fut la cause qui amena l'ex- patriation d'un nombre considérable d'habitants de la Silésie, alors que les princes de ce pajs attiraient des Flamands et des Wallons et les retenaient par la concession des privilèges les plus étendus. Ce que nous ne pouvons pas omettre d'ajouter, c'est cpie les Flamands habitaient la Silésie depuis près d'un siècle loi'sque cette ex{)atriation eut lieu, et il faut conjecturer (pi'un assez grand nombre d'entre eux s'étaient sulfisannuent mêlés avec la population pour communiquer au langage l'inlluence de leur dialecte néer- landais "-. D'autres colons germaniques, principalement des Thuringiens, se mêlèrent aux émigrants dont nous venons de parler et peu|)lèrent également un cer- tain nombre de localités, qui ont conservé jusqu'à ce jour une physionomie et un langage particuliers. De ce nombre tous les Grûndner, ou habitants des six villes suivantes de la Zips : Schmolnitz, Stoss, Schwedier, Remete (Einsiedel), Gôlnitz et Wagendriissel , avec les villages environnants; ceux de Topschau, dans le comitat de Gômôr; ceux de 3Ictzenseif, Rrikeliay, Deutschbronn, Stubn et Pilsen, etc. Ce qui prouve que ces émigrations ont été postérieures à celles des Fla- mands-Saxons, et que ces derniers ont dû disparaître, presque en totalité, lors de l'invasion tatare, c'est que leurs descendants n'ont guèi'C de chants popu- laires d'une date ancienne, tandis que les descendants des Thuringo-Silé- ' RiipLlI , Geschirlile Poleits ,1.1, pp. 570 et suiv. cl 450. '^ Vov. notre Histoire des colonies belges en Ilont/rie, pp. 100-105. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 41 siens en ont un grand nombre (fui se retrouvent en même temps en Siiésie et en Thuringe. D'ailleurs, il n en est pas fait mention clans les sources avant le quatorzième siècle '. Cependant les gens de Metzenseilï (Haut et Bas) se tiennent pour des descendants des Saxons et mettent quelque vanité à être considérés comme tels ^. Ils furent appelés par les moines de Tabbaye de Jâszo, de Tordre des Prémontrés, laquelle a fait le plus grand bien à la con- trée tant au point de vue moral que sous le rapport matériel ^. V. — Il serait difficile de déterminer si Tune ou Tautre des institutions qui fleurirent dans la Zips furent un legs des Flamands ou si elles eurent une origine postérieure. La tradition en signale deux que nous devons par ce motif mentionner ici : ce sont la prévôté de la Zips et la fondation des vingt-quatre villes confédérées. Les auteurs qui ont approfondi avec le plus de science et de sagacité le passé de la Zips sont d'avis que la prévôté dont il s'agit prit naissance en même temps que celle de Transylvanie. Or cette dernière — les sources le proclament — date authentiquement de la période flamande. Il reste donc à examiner la valeur des raisons que l'on allègue pour conclure en faveur de l'érection simultanée. Tout d'abord, il n'est pas admissible que l'auteur en ait été saint Etienne. Ce grand roi fonda les dix évècbés de Hongrie, bâtit des monastères et des églises; mais peut-on croire qu'il ait songé à instituer une juiidiction ecclé- siastique importante au milieu des forêts et dans une contrée déserte telle qu'était la Zips avant l'arrivée des colons que Geiza y appela? Ce ne furent pas non plus les Saxons, puisque des diplômes disent expressément qu'elle fut érigée par des rois de Hongrie. « Cela étant, dit Wagner, dont l'opinion fait autorité en cette matière, il faut reporter les origines de la prévôté de la Zips à la même année environ pendant laquelle surgit la prévôté de la Tran- sylvanie, L'époque de cette dernière est fixée par des lettres des légats de la cour de Rome S'il est évident que la prévôté de Zibin (Hermannstadt) ' Czoernig, l. c, p. 19G. 2 Erasmus Schwab, /. c, p. 291. ^ Ibid. Tome XXXVI. 7 /1.2 COLONIES BP:LGES en HONGRIE lut fondée par Boln III, vers 1 189, il est dès lors toul à fait vraisemblable que celle de la Zips conimeiica (>n même temps. On sait, en elTet, (pie des Allemands, Saxons ou Flamands, de qiicicpie nom qu'on veuille les appeler, furent attirés par Geiza II, père de Bêla, dans la Transylvanie en même temps que dans la Zips; qu'ils y reçurent les mêmes privilèges; (|ue leur nond)re ne fut pas moindre ici que là. Il convenait que Bêla, fds de Geiza, donnât aux deux colonies des prévôts, afin que les colons de la Zips ne pussent pas se plaindre de ce qu'ils devaient vivre sous un régime inoins favorable que ceux de Transylvanie. D'après cela, des privilèges semblables, départis aux deux prévôtés, révèlent un même auteur. Il est constant que les Flamands ou Saxons de Transylvanie et ceux de la Zips étaient soumis de telle façon à leurs prévôts respectifs ([u'ils devaient s'adresser à leur tri- bunal et ne pouvaient recourir ((ue dans des causes d'une importance ma- jeure, ceux-ci, au métropolitain de Strigonie (Gran), ceux-là, à l'évèque de Transylvanie. Joint à cela qu'avant les rois Émeric et André II, il n'est pas fait mention d'un prévôt de Transylvanie, preuve manifeste que ce dernier fut, comme l'autre, créé par leur père '. » La tradition attribue en outre aux Flamands la fondation de vingt-quatre villes qui, en 1201, avaient formé une confédération (Fmlernitas Pleba- uariDit A'A'/r Rcgaliiun) avec Lenlscbau pour capitale -. Les autres localités étaient : Wallendorf (Olaszinum, villa Latina); Kirclidorf (Vàrallya, mb- iirbimn); Neudorf (Iglô, nova villa); Leibnitz ; Bêla; Merhard; Deulsclien- dorf (Poprad, villa Theulonicalis); Georgenberg; Fôlki; Gross-Lomnitz (Méga ou Kakas-Lomnitz); Eisdorf (Szakocz, villa Isaak); Durand; Hunsdorf (Nannis villanus) ; Kapsdorf (iv7/rt compositi); Donnersmark (Csôtôrtok, Qaintofonnn , FanmnS. Ladislai); 'Sperudovî [villa Sperarum, villa Ursi); Palmsdorf [villa Palmarum); Odorin; Schwabsdorf (Svabosz, villa Suevi); Miillenbach; Rissdorf [Rusquiidum); Eulenbach (Welbacb, Felbach), SancI Kirn (^villa de S. Qairinio). ' Wagncri Analevla Scepusii sacri et profuni, t. I, pp. 1-5. Vienn.ne, 1778. - D'iipiè^ une iuicienne tradition los habitants de Leiilschau seraient originaires de la Hol- lande et des villes lianséatiques : leur prédilection séculaire pour la culture maraichcre et des jardins donne peut-être quelque consistance à cette légende. Czoernig, oiiv. cilé, t. lî, p. 21 G. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 43 VI. — En 1241, les 3Ioiigols, sous la condiiile de Batu-Cliaii, firent, nous l'avons dit, une violente irruption dans le pays et anéantirent non-seulement la pjospérité naissante, mais causèrent de tels ravages qu'une partie minime de la population ne réussit qu'à se cacher dans les défilés des montagnes, près de Kapsdorf, à l'endroit nommé Lapis Refugii. Après la mort de Dschengis-Chan, les 3Iongols se retirèrent de la Hongrie (1242); leur chef, battu, lut appelé en Asie pour l'élection d'un nouveau Grand-Chan. Le roi Bêla IV sortit alors de sa retraite de Croatie où les Mongols avaient éprouvé un échec dans les plaines de Grobniker et s'elîorça de toutes manières de relever le royaume de ses ruines. Il appela de nouveau dans la Zips, dévastée et dépeuplée, des colons allemands — Teiitones, Flainlrenses et Saxones, disent plusieurs chartes — qui s'unirent aux restes des anciens immigrants , rebâtirent en partie les habitations renversées ou biùlées et en fondèrent en partie de nouvelles K C'est ainsi que reparaît, en 1243, la ville de Leutschau , qui devint bientôt la capitale du pays -. Bientôt reparaissent aussi, et cette fois dans la clarté lumineuse de l'histoire, les « vingt-quatre villes de la Zips » qui, outre leur vieille organisation municipale germani- que, obtinrent la libre élection de leurs autorités, à côté de plusieurs privi- lèges importants. Elles se trouvaient sous la protection d'un juge suprême, le SadisoKjmf, élu au milieu d'eux et parmi eux, dont une charte de 1254 de Bêla IV fait déjà mention et que l'on ne doit pas confondi-e avec le Zip- sergraf •'. ' Hormayr's Taschenbiich, p. 195; 1832. 2 Le nom de Lculschau a sa légende : Après la relraile des Tatars, les habitants qui retour- nèrent dans leur patrie placèrent des sentinelles sur le sommet du mont Kabsdorf, point qui fut nommé Zeuf.sc/t(/wc (Leutescliauen), parce qu'il permettait d'observer tous les mou\ements de l'ennemi. Resij-Ensel , Die Erklàrungitn der iiiujrisvhen Orls-Namen , dans le Pester Lloyd , n'-215, 216; 1859. ^ Le Zipsenjraf était le commandant des Dienlsmannen du roi appartenant à la Bur(j et l'intendant des domaines de la couronne situés dans la Zips. D'après la tradition, il liabilait le « Zipserhaus » qui était, à l'origine, une Buvg royale, située sur la cime d'une montagne, escarpée du côté du nord et nord-ouest, mais déclive graduellement du côté du sud. Dans cette direction il y avait des murs d'une longue étendue et pourvus de plusieurs tours renfermant des cours spacieuses que l'on doit traverser pour arriver, par plusieurs autres portes, sur la U COLOiNIES BELGES EN HONGRIE Le roi Etienne V ne confirma pas seulement ses privilèges en 1271, mais il les étendit de la manière suivante. Les Saxons de la Zips, qui, comme tous les colons germaniques, portaient le nom de hospites, étaient libres de toutes charges et redevances usitées dans le pays; ils n'avaient à payer qu'un impôt annuel de trois cent marcs d'argent; on ne pouvait les obli- ger qu'en cas de nécessité à fournir cinquante guerriers {lanceati); en outre ils devaient donner convenablement l'hospitalité au roi lorsqu'il visiterait la Zips, et cela tant à l'arrivée qu'au départ. Ils avaient le droit d'élire et leur propre comte ou jiifje qui devait établir sa résidence à Leutschau, capi- tale de la Zips, et le chef ecclésiastique de la communauté, prévôt ou curé. Ils ne pouvaient être cités par personne en dehors de leur j)rovince devant le roi et devaient être jugés suivant leurs lois propres '. En 1280, la reine-mère, Elisabeth, de concert avec le légat du pape, statua que désormais les Saxons et les Wallons de la Zips n'auraient plus à acquitter la dime d'après la coutume saxonne, c'est-à-dire en abandonnant la douzième gerbe, mais d'après l'usage des Hongrois et des Slaves. La même année, les chefs des deux premières nations (Elias cornes Saxonum et Lati- lionim et consules coelerique Saxones et Luttai de jyrovincia Scepnsiensi) s'engagèrent par serment, dans une charte spéciale, à faire observer stric- tement ce mode de prestation -. Charles Robert d'Anjou, qui, pour recueillir la succession des Arpiules, plus linuir terrasse où la Biirg proprement dilp, qui en même temps forme la j>arlie la jjIus ancienne du tout, est bâtie sur des rochers sauvages qui s'abaissent à pic. Elle aurait été fondée par Biutcjur, un compagnon d'armes d'Arpâd; du moins le plus ancien historien de la Hongrie, « Anon} mus ISelae IV notarius, » du treizième siècle, rapporte la tradition que ce Bungur aurait été envoyé par son grand chef pour défendre la frontière contre la Pologne et qu'il aurait trouvé là la Burg. On su[)posc généralement que c'est là le Zipser Huns. Depuis Mathias Corvin on donna la IJing en propriété héréditaire à Eméric Zapoha, et celui-ci fut élevé à la dignité de comte héréditaire de la Zips. En i;)27, Jean Zapolya perdit la Burg comme antiroi, mis au ban du royaume, et elle fut donnée au comte Alexis Thurzo. Elle resta dans la famille de ce dernier jusqu'à son extinction en KiôG et fut enlin donnée, par Ferdi- nand II, au comte Etienne Csaky, dont la postérité possède encore aujourd'hui la ruine ainsi que plusieurs domaines qui appartenaient autrefois à la couronne. ' Czocrnig, /. c, t. II, p. '213. '^ Ilormayr's Taschciihiich (Das ungarische Municipaiwesen, etc.), p. 2'2'i. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 4§ avait à soutenir de longues querelles avec les magnats hostiles à sa cause, liattit, dans une bataille décisive, livrée près de Rozgony, à l'aide de ses lidèles Saxons, le puissant Mathieu de Trentsin (1312) et les fils du palatin Âniédée. Il témoigna sa reconnaissance à ses vaillants alliés en confirmant, en 1328, leurs libertés municipales dans un diplôme allemand dans lequel il simplifie les obligations antérieures. Ils ne devaient plus acquitter qu'une ledevance annuelle de quatorze cents marcs d'argent à la |)lace de toutes autres contributions; ils étaient libérés de tout service militaire au delà des frontières de la Zips et dispensés de l'hospitalité à donner au roi [Bewir- iJmwj). Le Zipserfjmf, le Burfjyraf, YUnfcrfjraf el le LaiKhjrof smh de- vaient être leurs juges et prononcer les sentences à Leutschau, d'après les coutumes, droits et privilèges du pays. En 1370, les juges, jurés et anciens de la Zips se réunirent en assem- blée solennelle et rédigèrent le code des lois saxonnes connu sous le titre de WiUhiihr der Sachsen in dem Zips K A l'abri de leurs libres institutions, les colons de la Zips ne pouvaient manquer de se développer rapidement. Leur commerce s'étendait non-seule- ment en Hongrie, mais en Allemagne et en Pologne. L'industrie — surtout la lilature de lin, la draperie, le travail des mines — était àé\k fort avancée au temps de Bêla IV, et la culture des beaux-arts prit un essor considérable. Toutefois cette prospérité lU' dura pas. Plusieurs des vingt-quatre villes pri- mitives déchurent — au point de devenir d'insignifiants villages — • |)ar suite de circonstances défavorables et surtout parce que les rois de Hongrie les vendirent ou les donnèrent en cadeau aux magnats. L'empereur Sigismond, qui était en même temps roi de Hongrie, engagea en 14.12, moyennant un prêt de trente-sept mille schock prager (jroschen -, les villes suivantes à la Pologne : Lublau ^, Pudlein et les treize villes de la Zips suivantes : Knie- sen, Bêla, Leibnitz, Menhardsdorf, Georgenberg, Teutschendorf (Poprad), ' Cet iiiiporlanl document a été publié par Michnay et Licliner dans le Ofner Sladreclit, pp. i2l-:25o. 2 135,400 ducats hongrois. 780,(WO florins d Autriche. 3 Dans le château de Lublau , dont la magnifique ruine se voit encore aujourd'hui sur une hauteur près de la ville, résidait le gouverneur pour la Pologne. 46 COLONIES BELGES EN HONGRIE Miclielsdorf, Wallciidorl', Neiidorl', Riezdorf, Felka, Kirchdorf et Diirlsdoil. Celte cnyuyèye mit fin à la confédération des vingt-quatre villes de la Zips. Les onze villes saxonnes demeurées à la Hongrie conservèrent leur comte, mais dépendirent dès lors de TObergespan ÇComitatsç/raf) et perdirent |)eu à peu leur bien-être et leur caractère national '. Les autres partagèrent les destinées de la Pologne jusquen 1772, époque à laquelle Marie-Thérèse les reprit au premier partage de ce royaume. Elles formèrent alors le canton des « XVI Zipseï' Kronstadte » et furent indépendantes de la juridiction du comilat de Zips. Chacune d'entre elles porta le titre de « XVI Stadt. » Sous la domination de la Pologne, elles avaient, d'ailleurs, conservé leurs privi- lèges que le roi Sigismond de Pologne confirma par diplôme de l'an 4 339 et que dix-huit autres rois polonais jusqu'à Stanislas Auguste renouvelèrent, à l'exemple de Sigismond. Lors de leur réincoi'poration à la Hongrie, elles renoncèrent volontairement à leur antique droit saxon, malgré la position privilégiée qu'il leur donnait, et adoptèrent les lois hongroises -. CHAPITRE m. LES FI.AMArsDS DANS LE DISTRICT DE BATAU. L'existence d'une colonie flamande dans le comitat de Ugocsa, district de Batâr, ne nous est révélée que par un seul document conservé à la fois en hongrois et en latin. Voici ce i\n'\\ porte; nous combinons les deux textes : « Un nommé Paul, du village de Reltuk, intenta un procès contre les Flamands ^ qui composaient la commune de Batàr et qu'il accusait d'avoir assassiné son frère Benoit. Les Flamands ne nièrent pas le fait, mais allé- guèrent, pour leur défense, qu'ils avaient tué ledit Benoît en flagrant délit ' Czoernig, /. c, l. Il, p. t217. ^ Voy., entre autres, J. Lud\igh, l'rag mut i.sche Gcsdiiilils- uni! Vcrlussii»gs L'mrisse dvr XYI Zipser Sladte, 148 p. Leutscliau, 1842. — Gcnersieh, Gescinchte der kôniglichen Frei- stadt 'Kcsmark, etc. ' « Flandrenses ■■ dit Bel, en note, « e TlandriM oriiiiuli, iidem suntquos riiurotzius (Chron., p. Il, cap. 22) niienenscs nominal. » ET EN TRANSYLVANIE, etc. 47 (le vol. Là-dessus, VOherfje.yxm du comitat de Ugocsa, nommé Esaii, sta- tuant d'après Tordre du roi, envoya le pristalde ' Martin à Grosswardein pour procéder au jugement du Ter rougi. Paid porta le fer incandescent sans en éprouver aucun mal et obtint, en conséquence, gain de cause. » Il résulte de ce passage ({ue les Flamands formaient une petite commu- nauté, donc (ju'ils devaient être établis à Batàr depuis un certain nombre d'années; cela nous reporte à la seconde moitié du douzième siècle, le fait que nous venons de rappeler se passant en 1216. Il s'ensuit encore que les Flamands formaient sinon la totalité, au moins la majorité de Batar, car l'absence de témoins, ou le soupçon qui les attei- gnit tous rendit nécessaire le jugement de Dieu; sans cela les formes de la procédure ordinaire auraient sulïi -. Il n'est plus fait mention des Flamands de Batâr à partir de cette époque ^. Il est probable qu'ils disparurent dans la grande invasion tatare qui survint peu après (1241). ' La justice étnit, sauf pour les cas ressortissant à la juridiction ecclésiastique, rendue dans chaque couiilat par le comte suprême (ou Oberçjespaii] ; les Diloaes ou Biloclies siégeaient à côté de lui et les Pris lui des exécutaient la sentence. » .Maihith, Geschiclile der Mugijuren, t. I, p. 50; 185-2. 2 Les moyens de preuve étaient, en instance (près de VOherçjespun) et en appel (près du palatin et du roi) : les adirmations des témoins, l'examen des pièces, la possession, le serment, l'aveu. Dans les cas douteux, les juges recouraient nu jugement de Dieu. Maih'illi, /. f., p. 51. ■' Endlichcr, Moniuiienta Arpàdiana, p. 701 ; 1848-1849. — D'après le C Hcnszimann, pré- sident de l'Académie royale de Hongrie, le procès dans Iciiuel ils avaient été impliqués était un procès de sorcellerie ( Eine archnoh(jische Reise. in der Szalhmarer Diocèse Ungarns. Vienne, 18G5.) 48 COLONIES BELGES EN HONGRIE CHAPITRE IV. DES COLO.MES BELGES FO>DÉES E> TRANSYLVANIE. La Transylvanie depuis les anciens temps. — Conquêle romaine. — Graiiiles invasions. — La Transylvanie est un champ de bataille des Barbares. — Saint Etienne la conquiert sur les Petchenèeucs. — Troubles et dissensions. — Triste situation du pays à ravénemenl d Geiza H. — Les tuteurs du jeune roi veulent y porter remède en introduisant des colons étrangers. — Bclus. — Appréciation géuéiale. — Les Belges s'établissent tout d'abord dans le voisinage de la vallée de l'Aluta [Alteland); ensuite dans l'Erzgebirge; enfin sur les bords des deux Kockel et dans le district de Bistritz. — U'où provient le nom de Sieheiibiirgcn. — Don venaient les Fluntlrenses. — Discussion. — Analogies linguistiques, noms de personnes et de localités. — Iniluencc des Bénédictins et des Cistersiens. — Les Flamands forment une corporation indépendante, tant au point de vue civil qu'au point de vue ecclésiastique. — Leur église est, comme celle de la Zips, érigée en prévùlé libre. — Conflit sur l'étendue de sa juridiction. — Le légat du pape décide. — André I veut élever la prévôté au rang d'cvèché. Il échoue. — Le nom de Flandrenses disparait et est remplacé par celui de Saxoiies. l. — 41 est peu de pays dont riiistoirc ofiro un intérêt aussi varié que cclU' de la Transylvanie. Habitée, à Tépoque préhistorique, par les Agathyr.ses qu on suppose avoir appartenu à la famille des Sarniatcs, nous voyons cette contrée [)euplée, à partir du régne d'Alexandre le Grand, par les Gètes ou Daces, que les savants rangent toui- à tour parmi les Germains, les Slaves et les Celtes. Les Daces étaient un peuple vaillant et guerrier vivant de ses nom- breux troupeaux et s'adonnant à l'agriculture '. Leur puissance atteignit son apogée sous le roi Décébal (pii résista courageusement aux Romains et força même l'empereur Domitieii à conclure une paix honteuse. Mais ces beaux temps n'eurent pas de durée. Cent ans après l'ère chrétienne, l'empereur Trajan vengea, dans une campagne heureuse sur le Danube et dans le * On sait que les Bomains nommaieni Dack la vaste région comprise entre les Karpalhes, la Tissza, le Danube et la mer Noire. Ils la divisaient en trois provinces dont l'une, placée au cœur de la Dacie et entourée d'une ceinture de montagnes, était dite Méditerranéenne. Au moyen cage les Magyars appelèrent silvana Regio le pays boisé situé à lest de la Hon- grie. La contrée qui se trouvait au delà, et qui formait autrefois la Dacie méditerranéenne, reçut le nom de Ultra Silvana ou Transylvana. Eu hongrois on l'appela Erdélg (de erdii, forêt). En allemand le pays s'ajjpela SicbcnhUryen , nom dont nous discuterons |)lus loin l'origine. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 49 Banat, récliec essuyé par les Romains. Il conquit Zarniizegethusa ', la bril- lante capitale de la Dacie, et bâtit sur ses ruines une ville nouvelle appelée Ulpia Trajana. La seconde campagne de Trajan contre les Daces, dont la colonne triomphale à Rome rappelle le glorieux souvenir, réduisit la Tran- sylvanie en province romaine. Décébal s'était donné la mort; les Daces, vaincus, se réfugièrent au delà du Dniester et des Karpathes. La Transylvanie demeura pendant cent soixante-huit ans au pouvoir des Romains qui y établirent de nombreuses colonies parmi lesquelles Apulimi, près de Karlsbourg, SaVuiae, près de Thorda, Aururia, près de Abrudbanya - et la capitale nouvelle, Ulp'm Trajana, furent les principales. Mais, dès l'an 263, l'empereur Aurélien fut contraint de retirer en deçà du Danube les colons romains menacés par les irruptions des Barbares qui devaient, un siècle plus tard, dissoudre l'Empire. Ainsi finit la domination romaine que rappellent encore aujourtl'hui tant de ruines splendides, des restes de voies de communication, des inscri[)tions, des monnaies, des médailles et des objets de tout genre dont les collections locales s'augmentent chaque année. Après la retraite des Ronrains, la Transylvanie devint le champ de bataille des Goths, des Gépides, des Vandales, des Avares, des Bulgares, etc. Foulée et ravagée en tout sens, pendant six siècles, par ces hordes ennemies, elle était tondjée dans la plus profonde baibarie lorsque les Petchenègues s'éta- blirent sur les frontières orientales du pays. Ce peuple, sorti des steppes entre le Wolga et le Jaik , était plus inculte , plus sauvage encore que ceux qui l'avaient précédé, et il ne cessa, jusqu'à la fin du dixième siècle, d'empê- cher toute soi'te de progrès matériel dans la contrée qu'il infestait. En 1003, saint Etienne conquit la vieille Dacie et la réunit à la Hongrie. Les Petchenègues se levèrent en masse, traversèrent la Transylvanie et mar- chèrent contre les Magyars. Le roi les défit complètement (1021) et fortifia, pour les mettre à l'abri d'incursions nouvelles, les frontières du pays qui ne • On a beaucoiii) disculé l'élyniologie de ce nom. Nous le décomposons ainsi : Zannis, Gel, Husa, c'est-à-dire résidence de Zarmis le Gète. Zarmis est un des rois les plus fameux des Gètes ou Daces. - D'après des inscriplions qu'on y a découvcrlcs, les Romains avaient institué dans cette partie de la contrée des procuralores et coUegia aururionim pour diriger l'exploitation des riches mines d'or et d'argent qui s'y trouvaient. Tome XXXVÎ 8 50 COLONIES BELGES EN HONGRIE s'étendaient pas à cette époque au delà du Mieresch. Si incomplète que fût celte prise de possession, elle fut le germe d'où devait sortir plus tard la colonisation germanique. Pendant le cours du onzième siècle, les armées magyares ne s'aventurent pas au cœur de la Transylvanie qui est encore dépeinte, au treizième siècle, comme un désert dangereux, théâtre des bri- gandages et des querelles des Kumans qui s'étaient joints aux Petclienègues sur le bas Danube et que la valeur hongroise n'avait pas réussi à soumettre. Ladislas I (1078-1095) leur fît une guerre incessante et les battit dans deux batailles décisives (1084, 1089). A partir de cette époque, la Tran- sylvanie fut délînitivement acquise à la couronne de Hongrie et Ladislas obtint du Souverain Pontife l'érection d'un évéché à Weissenbourg. II. — Cependant à l'avènement de Geiza II la situation matérielle du pays était des plus précaires. Des villes ou seulement des habitations murées étaient très-rares; en été et pendant l'automne on habitait sous des tentes. Boris, fils du roi Coloman, et le frère de Geiza fomentèrent des révoltes et se réfugièrent auprès d'Emmanuel Comnène qu'ils décidèrent à prendre les armes contre la Hongrie. Les troupes de la seconde croisade, qui passèrent par le royaume, ne firent que l'épuiser davantage. Les habitants, rares et disséminés, étaient découragés et les richesses de tout genre que recelait le sol demeuraient inexploitées. Nous avons vu que les tuteurs du jeune roi Geiza s'étaient préoccupés de la triste situation où étaient les contrées soumises aux Arpàdes et qu'ils avaient avisé au meilleur moyen d'y remédier. Nous avons dit que la reine- mère Hélène n'ignorait pas que des familles allemandes, immigrées anté- rieurement en Hongrie, y avaient apporté l'esprit de travail et le bien-être; que Lucas Bànffi avait sous les yeux le spectacle de l'activité et des qualités industrieuses de la colonie liégeoise établie dans son diocèse d'Erlau; qu'il est naturel, partant, (|ue ces deux personnages aient songé à appliquer sur une large échelle ce qui avait eu lieu dans des cas isolés, et qu'ils appelèrent des colons de la basse Germanie |)Our cultiver et fertiliser le pays et, au besoin, pour le défendre contre les incursions des hordes barbares qui le désolaient périodiquement. ET EN TRANSYLVANIE, etc. SI Ces dernières considérations avaient nne valeur toute particulière par rapport à la Transylvanie. Il est probable que la reine Hélène et l'évêque Bànffi ne furent pas les seuls à cbercher à coloniser ce pays désolé. On croit que le frère de la reine, Bélus, s'associa à leurs efforts. Bélus signa, en effet, plusieurs diplômes tantôt comme hun et tantôt comme duc (Herzog), et des auteurs estimés l'envisagent comme ayant été duc ou ban de Tran- sylvanie. On peut admettre, dès lors, que, voyageant dans cette contrée déserte et dépeuplée, il ait calculé ce que pourrait réaliser, pour le bien général de son gouvernement, l'activité germanique, unie à une énergie persévérante, sous la protection de la couronne ^ C'est alors, dit un savant historien, que « une troupe d'honnnes, forte de plusieurs milliers de têtes, émigrèrent, enire 1141 et 1161, de la Flandre et dftla basse Allemagne, dans une contrée située à plusieurs centaines de milles de leurs pays. Ce n'était pas une vile plèbe qu'un esprit d'étourderie, la famine ou le crime poussaient à s'expatrier; c'étaient des gens bien posés, appelés par un pouvoir étranger, c'est-à-dire attirés par des promesses magnifiques qui équivalaient à une sorte de contrat. Au milieu d'une nation chez laquelle la civilisation était encore à l'état d'enfance et qui, par cela même, était des plus mal notées, ils furent les soutiens d'un trône dont ils étaient devenus les sujets. Ils s'établirent dans des déserts qu'ils ne durent pas seulement défricher, mais où ils eurent à se défendre par l'épée contre des ennemis redoutables qui s'y montraient de temps en temps et ne parais- saient pas disposés à céder si aisénient le terrain. Sous la garantie de leur nouveau gouvernement, ces colons se donnèrent une constitution fondée à la fois sur la vraie liberté et sur l'égalité la plus large et qui avait beaucoup d'analogie avec les constitutions démocraticpies des villes germaniques qui naquirent plus tard. Cette constitution dut être importante, puisqu'elle a pu subsister pendant six cents ans et qu'elle a atteint au plus haut point le but final de toute bonne constitution, c'est-à-dire de rendre heureux un grand nombre d'honnnes. Cependant ces colons eurent beaucoup à souffrir tant des ennemis du dehors que des jaloux de l'intérieur. Mais, dès le principe, ils ' Fessier, Gcschichle der Ungern, t. 11, p. S3; 1815» o2 COLONIES BELGES EN HOiNGRIE l)âtii"cnt, pour se mettre ;i l'abri des atteintes des premiers, des villes et des fortei'esses dont leâ Kumans ne parvinrent jamais à triompher; contre les autres, ils se maintinrent victorieusement par leur énergie personnelle, sou- tenus qu'ils étaient, d'ailleurs, par des rois sages et justes. Cette colonie, i-elativement insignifiante à son début, augmenta tellement dans le cours des siècles, qu'elle atteignit le chiiïre de trois à quatre cent mille hommes, et, quoique entourés de non- Allemands [mitten , imler und neben nicht- Deiilsc/ten ' ), les colons ne se mélangèrent jamais et conservèrent intact leur caractère germanique. » Rien ne fait mieux ressortir que ce passage de Schlozer, l'importance des colonies belges en Transylvanie et l'intérêt qui s'y attache. C'est un aperçu lumineux de l'histoire de nos conq)atriotes dans ces lointains parages. Sui- vons-les maintenant, autant que les souvenirs de l'époque le permettent, dans le détail de leurs entreprises. in. — Lorsqu'on arrive aux versants orientaux du Zihinscjebirrje, la vallée s'abaisse graduellement et l'Aluta sépare en deux parties la |>uissante mu- raille élevée par les montagnes qui forment la frontière de la Transylvanie du côté du sud. Cette vallée, encaissée entre les rochers, s'appelle le Défilé de Ut Tour ronge ou Rotlieiithuniipass. Le paysage y est d'uue beauté im- posante. Nulle part la nature n'a mieux indiqué elle-même la route à suivre pour le commerce entre les pays de l'Orient et les peuples de l'Europe. Aussi, au moyen âge, cette route était-elle des plus fré([uentées; elle ne faisait que continuer, d'ailleurs, la voie que nous avons signalée dans le nord de la Hongrie. Si aujourd'hui elle est moins suivie, à l'époque des grands évé- nements du moyen âge, elle servit de passage tour à tour aux croisés, aux trafiquants grecs et allemands, aux hordes des Kumans, des Valaques et des Petchenègues et aux soldais du Croissant. C'est dans le voisinage de cette vallée que s'établirent tout d'abord les colons de la basse Germanie, pour créer des revenus à la couronne et en même temps protéger les confins du royaume contre les incursions des peuplades ' Scliltizer, Kridsclic SammluiKjen , (Uc, Vorrcde, [3. iv. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 53 nomades voisines. Là snrgirent les chapitres de Hermanstadt, Loschkii-cii et Schonk , division ecclésiastique qui est la plus ancienne. Il semble donc que l'on puisse désiiçner comme le premier établissement des Flamands le point où l'Aluta (Alt) a déchiré la montagne et aplani la vallée, et dont le territoire s'appelle encore aujourd'hui VAlte Lcuul , soit du nom de la rivière qui l'ar- l'ose, soit du degré de priorité de la colonie. Les Flamands se fixèrent en même temps dans VErzgehirge, à partir de Broos (Baros) jusqu'aux montagnes boisées des Sicules (Szekiers) au delà de Reps. Une partie resta en deçà du Mieresch et fonda Chraptuidorf (^\Iag\ ar- Igen)etKrako; l'autre passa la rivière et bâtit Rams (probablement Rumes) '. Bientôt d'autres Flamands s'établirent aussi, toujours du temps de Geiza, sur les bords des deux Kockel. Il est probable que le district de Bislritz reçut sa population germanique à la même époque, car un siècle plus tard, la ville de Rodna était populeuse et florissante ^. Le résultat prouve que les immigrations des Flamands et autres colons en Transylvanie avaient été nombreuses; car il est à remarquer que le gouver- nement hongrois leur assigna expressément un territoire désert et cependant , au l)Out de peu de temps, ils remplissaient plusieurs villes, bourgs et villages. Serait-ce d'eux que la Ti'ansylvanie reçut son nom allemand de Siebeii- Iniryen? La légende le raconte et des analogies curieuses semblent permettre de le croire. Les Flamands, dit la tradition •', élevèrent, sur les confins du territoire qui leur avait été assigné, sept châteaux-forts destinés à protéger la colonie nais- sante et à la défendre contre les attaques des ennemis voisins. Le nombre sept était cher à plusieurs peuples germaniques; c'était une antique coutume, chez eux, de s'organiser en sept communautés ou districts, ou d'emprunter le nom du pays qu'ils occupaient, de sept montagnes ou collines. Au dixième ' Tcutsfh, Geschiclite (1er Sieberbiirgen Sachsen, p. 17. Kronstadt, 1852. 2 Ibid. ^ D'après une autre version, le nom de Siehenbiirgen , Septemcastrensis, ilatcrait des Huns ([ui auraient partaiçé leurs gncrriers en sept armées, élu sept eliefs et bâti aulant de places fortes ; Rcsô-Ensel , Die erlclarunyen (kr imyrischen Orts-Namen , dans le Pester Lloijd , n°' 213, 21 G; 1839. — Voyez plus haut, p. 1.3, note 2. M COLONIES BELGES EN HONGRIE siècle, la Frise était partagée en sept territoires * et les Flamands transylva- niens se partagèrent, dès le début, en sept sièges ou judicatures. Il fautrap- [)eler, dans le même ordre d'idées, le Siebmgebirye, vis-à-vis de Bonn, Sieben- berge entre Hildeshein et Alfeld, Siebenberge en Bohème, Zevenbergen près de Breda, dans le Brabant septentrional, Zeveuhnisen et Zevenwomlcn dans les Pays-Bas, Zevenherg, près Banst (Anvers), Zevenborre, Zeveneelwn , Zeven- hoek, Zevenkote, Zevenstene , Zeventorens, etc., dans la Belgique flamande, les Sieben Bergsladie dans le Harz et les mêmes en Hongrie. Sept montagnes entourent Rremnilz -; Golnitz et les sept localités qui Fentourent obtiennent des droits semblables ■'; les setle communi dims la province de Vicence nom- maient leur pays dans leur langue, ce qui est surprenant : de siben Perge. Peut-on dès lors douter encore de Torigine du nom de Siebenbiirgen ^? Si ingénieux que soient ces rapprochements, des critiques sérieux n'en acceptent la conclusion qu'avec des réserves formelles. Nous ne demande- rons pas les noms de ces sept châteaux élevés par les premiers Flamands — car on ne les connaît pas; — mais on ne sait pas même désigner approxi- mativement l'emplacement où ils se seraient trouvés ^. On objectera que le sceau national des Saxons de Transylvanie contient les sept Torts dont il s'agit; mais ce sceau ne remonte pas à une époque assez reculée pour cpi'on puisse le considérer comme une preuve suffisante du fait que l'on allègue. Ces réflexions ont déterminé des écrivains compétents à écarter l'explica- tion de la légende et les coïncidences qu'elle invoque, et à chercher l'origine du mot Siebenbiirgen dans une donnée plus simple '^. * Grimm, Rechtsallerthûmer, p. 214. - Kachelmann, Geschichte der iingrischen Bergsludle, t. 11, p. 'M. 3 Féjer, Cod. diplom., IX, IV, pp. 464 et suivantes. * Schrôer, Beilrag zii einem Worlerbihlie der deutsclien lUuiidarlen des nnrjrischen Berg- landes, pp. 9 cl 10, et 107, v° Zips. Wicn ,1858. — Dans le saxon populaire, le nom de Tran- s}lvanie est rendu par Siwebergen, et ce mot indique plutôt sej)! montagnes que sept forts. Il est vrai qu'au moyen âge les forteresses étaient de préférence bâties sur des montagnes. s On a prétendu que c'étaient les sept sièges originaires des Saxons : llermannstadt, Miil- Icnbach, Grossclicnk, Reps, Leschkirch, lleissmarckt et lîroos. « Au quatorzième siècle la légende a pris un corps. Un Sejjfridus de SepIciDcastris est maître es arts à Vienne (Kink, Geschichte der Wiener UinversitiU , 1. 1 , p. 29). Ce serait donc un habi- tant du pays où étaient élevés les Siebenbiirgen? ET EN TRANSYLVANIE, etc. SS La rivière qui arrose la ville saxo-flamande de Hermannstadt, dit-on, s'appelle Zihin. La ville en emprunta son nom ancien et devint Cibiinnm en latin. Le mot Zibin est slave et on le rencontre avec des variantes, dans les endroits où des tribus slaves ont passé. On trouve un Zeben, dans la haute Hongrie, dont le nom latin est également Cibinium ou Sijbniciu. Il y avait en outre, en Transylvanie, un Sibinium (Sibil) qui rappelle les villes curiales de la Dalmatie, Sibinko et Sebenico '. Il parait, dès lors, dit-on, plus simple d'admettre que Siebenbi'trrjen pro- vient, par une de ces dérivations que l'on voit souvent dans l'histoire, de Zibinburcj, fort bâti sur le bord de la Zibin et qui aura été, suivant toute vraisemblance, le premier poste de la colonie flamande, peut-être même Hermannstadt -. Ce qui est digne de remar(|ue sous ce rapport, c'est que, tandis que Her- mannstadt apparaît anciennement comme le point central de l'établissement germanique, le Hermannstddter Gau est considéré encore aujourd'hui comme ["Alte Land ^. Les colons du Burzenland, dont nous parlerons plus loin, ne croyaient pas demeurer in SiebenbUrgen. Le Barz ou cours d'eau qui tra- versait leur territoire donnait à leur district son nom tout comme le Zibin donnait le sien à XAUe Land. Or, aujourd'hui encore, les habitants du Bur- zenland qui vont à Hermannstadt disent qu'ils se rendent en Tramylvanie, ce qui fait supposer que ce nom qui désigne aujourd'hui le pays entier ne servait anciennement qu'à indicpier le Gaa de Hermannstadt ^. IV. — Quoi qu'il en soit, l'histoire des premiers temps de la colonie belge de Transylvanie est environnée d'obscurité. Nous avons dit que des chartes qualifient de Flandrenses les premiers immigrants appelés par Geiza; mais cette expression générale n'est-elle pas susceptible d'une interprétation plus précise? L'objet de cette étude nous amène naturellement à grouper, à ce point de vue, les éléments épars qui s'imposent à notre examen. ' Schi-ôer, /. c, pp. H 7 et 10. 2 Robert Rocslcr, Die Anfiinge des walachischen Fûrstenthums, pp. 50-53. Wien, 1867. ^ Voir plus haut, p. 55. '♦ Roesler, /. c, p. 33. — Wattenbach, Die Siebenbûrger Sachseii, p. 14. 5C COLONIES BELGES EN HONGRIE « Ce que la comparaison des dialectes rend prointble avant tout — dit ini écrivain qui a consacré de longues investigations à la langue des Saxons transylvains — c'est que les premières immigrations dans la Zips et en Tran- sylvanie ont du avoir lieu en même temps et doivent être attribuées à des émigrants qui, partis des bords du Rbin, se répandirent juscpie dans les ter- ritoires slaves (la baute Saxe, la Lusace, la Silésie, la Pologne, dans les districts montueux de la Hongrie et en Transylvanie). Ce courant reçut, sans doute, sa première impulsion des Flamands et des Hollandais, entraîna tou- tefois les pays rbénans jusqu'à Cologne et Aix-la-Cbapelle, le Sieben(jebit'(j(* et le Hundsriick » Ces émigrants furent appelés Flundrenses et Teutonici (en Transylvanie et en Hongrie) et cela doit être évidemment piis à la lettre : ceux qui étaient venus d'enti-e Aix-laCbapclle et le Siehengebirge sont les Teutonici; les autres sont les Néerlandais '. » "Nous Pavons dit plus haut, les noms de Flamlrenses, Flandria avaient une signification trop étendue au moyen âge pour que l'on puisse placer pré- cisément dans la Flandre proprement dite la patrie des Flamands de Tran- sylvanie -. Abstraction faite des analogies linguistiques dont nous parlerons plus loin, nous voudrions chercher des éléments d'appiéciation dans les noms de per- sonnes, de localités, de peuples, de rivières, de montagnes, etc. Malheureu- ' K. J. SclirôtT, Versitcli einer Darslellinuj , etc., pp. 8 et 27. Wien, 48Ui. ■^ Un savant professeur de runivcrsilé de lleiraannsladt , M. Schuler de Lihloy, lormule ainsi son opinion : » Vlamische Coloiiieen akjesoiidert von den UeutscIi-Siiclisi-clien liât es liierzu- lande gewiss nichl gegeben. Fast saimiiche Dialecte der Siebenbiirger Saelisen (raanichfacli unler sich verscliieden), vieles im Redite, noch mchr in Sillen und Einriclitungcn weist ent- schieden auf den Mederrhein — etwa Trier, Luxeniburg, Coin — unsre Slarannater waren der grossen iVIehrzahl nacb Niederrheiniiindcr, also ripuarische Franken , welcbe nur den Ueber- gang zuin Niederdeutseb-Sachsiscben bilden; eins abcr ist bedeutungsvoll, die altesten Urkunden licissen die Ansiedier, besonders die von nermannsladt nnd seiner engcrn Provinz der drci Sliihle, die Flundrenses, Flandrer, — und erst im nachslen Jahrhundert, dem dreizehnten, heissen diesclben Suxunes; — beidcs aber ist wobi nur diplomatischc Unsiltc, wie auch hcut- zulagen , im Orient (die Deutschen Franken, und in Ungarn aile Neusiedier Scbwaben geheissen vverden, so dass iiian sagen kônnle der diplomatische Styl im zwôlften Jalirhundert bezeichnct die deulscben Colonislen aïs nandrisebe, der spiitrc aïs siielisiscbe, der nouere Sin-achgcbraueli aber liebt den Ausdruck Scbwaben ». Lettre de la eoUeetion de l'auteur. ET EN TRANSYLVANIE, etc. S7 sèment, les éléments primitifs font presque absolument défaut; ceux que l'on ti'ouve sont d'une date poslérieuie d'un siècle et demi à l'établissement de la première colonie, les documents relatifs à la période la plus ancienne ayant tous été perdus. Voici toutefois des points qui nous paraissent mériter d'être signalés. Noms de personnes. Nous ne pouvons citer aucun nom qui puisse être attribué exclusivement aux Pays-Bas. Il en est qui y étaient des plus fréquents, tels que Berthol- dus, Godescains et Gotscalcus, Arnoldus, T/u'dericus , Ilincmarus, Gisil- berlus (1309) ', Gualterus, Richwinns ou Ricuinus ^, mais ces noms se ren- contrent dans tous les pays occupés jadis par les Franks. Nicolaus Thimis, ou fils d'Antoine, a une couleur flamande très-prononcée (1342) '\ D'autres noms sont à moitié néerlandais ou flamands et à moitié hoch- deutsch, tels que Nicolaus an dem Veld (1342), Hermanicus Holczappel, (1369)4. En 1 4-19, on mentionne un Mattheus de Waldo, le VV^allon {den W.alen) ^. En 1454, Laurentius Ilaan ^ et en 1463, Micbael Smet ', noms qui révèlent parfaitement la forme néerlandaise. On rencontre aujourd'Iuii en Transylvanie des noms de famille qui décèlent une origine frisonne, tels que Adleff, HidlelT, Drotleff, BerllelT, etc. La termi- naison leffest une déviation de lof, qui est elle-même une métatlièse de olf^. Cela permet de supposer qu'il y eut des Frisons parmi les premiers immi- grants, et ce qui renforce singulièrement cette conjecture, ce sont les feuilles ' Mùller, Deutsche Sprachdeukmàler ans Siebenbûrgen , p. 9. Hermannstadt, 18C4. 2 Teutscli et Firnhaber, Urkunilenhuch ziir Geschichte Siebenbiirgens , Wien, 1837, pi). xiv et fil. On trouve aussi une villa Richwini, p. dôl. ô Ibid., p. 14. * Millier, Deutsche Sprachdvnkmàler aus Siebenbûrgen , pp. 14 et 20. ^ Ibid., p. 43. « Ibid., p. 69. 7 Ibid., p. 78. 8 Voy. Marienburg, Ueber diesiebeiib. sàchsischen Familiennamen ; 18")7. — Stark, Die Kose- nanien der Germanen, pp. 139 et suiv., et I8!i et suivantes. Tome XXXVI. 9 S8 COLONIES BELGES EN HONGRIE du lys d'eau ou nénuphar (^iii/mpliaea) qui figurent dans les armes de la ville de Hermannsladt et que Jacob Grimni a décrites comme le syndjole et l'image de la race frisonne. Dans le poème de Goedrueii , Herwic de Seelanden porte également le lys d'eau dans ses armes : « Sébletcr swelient diii- inné '. » Nous avons poussé nos recherches jusqu'en 1500, et nous n'avons pas besoin de faire remarquer que le résultat obtenu est bien minime. Ce qui offre une moisson plus abondante, ce sont les Noms de localités. Dès 1298, nous trouvons dans une charte le mot Dmbanlimi - qui indique évidemment le Brabant. Au moyen âge, les méthatèses étaient fréquentes dans les noms propres, et, en Belgique même, on disait indilleremmenl Biirbant, Bracbant, Brabant et Barbant ^. Dans la même charte, figure un Valentinus de Barbantina. Le nom de la localité devint Borbund; comme il est isolé, il y aurait lieu de savoir s'il n'a pas une signification en hongrois *. Il y a, dans notre province de Limbourg, une ville du nom de Dal/iem et le Luxembourg en a une du nom de Dallwim. Une localité appelée de même apparaît en Ti-ansylvanie, tantôt sous la forme basse allemande ou flamande, tantôt avec la physionomie liorlideutsch : 1327, Dalheim; 1339, Thalheim; 1372, Dalhem; 1387, Dalheim; 1402, Dalheui; 1471, Dalheym \ Un village du même nom fut fondé par les Flamands (|ui s'établirent en Thuringe, dans h f/o/dene Ane, et il indiquait, d'une manière incontestée, une origine néerlandaise '^. ' NValteuIi.nli, Dii' Siebenhûrrjcr Saclisen , p. 1 i. Ilcidcllx'rg, 1870. - ïculscli cl Finiliiilicr, Urkundenbuch , fie, p. '207. 5 Desroches, Mùnwire sur les paqi ilc. la Udguiuc ilii scplièine an dixième siècle. * Sur la situation de Borhand , Horliaiilli ou Daniaiid, vo\. Ttnitscli et rii'ulialjor, /. c, p|>. i.xx\i-LX.\XTii. Rcg. 070 [ad \'i\)'.)). s Millier, /. f., pp. 12, 1 i, 29, 71, S7. Il y a aussi un Daldeii au nord de Juliers et un Dal- heim a l'ouesl de .Alayenee. •i Voy. noire IJisluirc des colonies belçjes (/ni s'éUddirenl eu Allemacjnc , p. 79. ET EN TRANSYLVANIE, etc. S9 On s'accorde à admotlro qu'une partie des colons partirent des environs de Cologne : il est remarquable, à ce point de vue, qu'on trouve dans un des plus anciens documcnis qui aient été conservés, une localité du nom de Colonia 1, (|ui semble rappeler la Colonia (agrippina) des bords du Rhin et dont on ne trouve plus de mention plus tard. Une contrée montueuse de la Bavière rhénane et des Étals prussiens (pro- vince rhénane) s'appelle le Handsrilck -. Ce n'est pas, sans doute, par une coïncidence purement fortuite qu'on trouve un Ilamlsriick-Bery près de Her- niannstadt, et un autre près de Pilsen, dans la Zips ^. Enfin, si l'on voulait pousser plus loin ces rapprochements de noms de lieux, il faudrait conjecturer qu'un certain nombre de colons |)artirent des environs des soui'ces du Rhin, près de Saint-Golhai'd, puisqu'on trouve une vUla Saiicd-i/othardi Uans une ancienne charte de Transylvanie ^ et qu'une bourgade du même nom (célèbre par une victoire de Montecuculli sur les Ottomans) existe dans le comilat hongrois d'Eisenbourg où des Allemands furent également établis ^. D'autres noms de localités qu'on trouve mentionnées dans les anciennes chartes relatives à la Transylvanie ne se rapportent pas à tel ou tel endroit des Pays-Bas; mais ils ont une physionomie néerlandaise sur laquelle il est impossible de se méprendre. Tels sont: 3Icrf/cii(lal (1336), Mergental (1335) '^; lîosHinlal (134.9), qui devient bientôt le hochdeutsch Roseiifhal (1362) '; Longeiidri/es (1342) ^, qui est purement flamand; Lewdal (^\3QG) qui ne figure qu'une fois dans les sources ■'; Oppendorph (1382) qui ne pa- ' Millier, /.(•., p. 14. - Le Ilundsi'iitk ctail cinciennenicnt compris dans lu Palatinat du Rhin, dans les ci-dcvaiit élcftorats de Mayeiice el de Cologne, et dans le duché de Clèves. ' Schrôer, l. c, p. 2(j. * Millier, /. c, p. \-2. '■' Czoernig, /. c, t. II, p. 27G, 277. '' Millier, /. c, p. 15, 21. ' /ti(/., p. 21,24. * Ibid., p. lu. — Dries, diiesch, drijes, terre en Irielie, se rencontre très -fréqucinnient dans la Flandre. 3 //)/■(/., p. 25. — Leeiiw, en flamand , signifie un passage d'eau ou un fossé large qui Iraverse une prairie. On trouve le mot fréquemment dans la Belgique llamandc et dans les Pays-Bas. Coin- 60 COLONIES BELGES EN HONGRIE raît qu'une fois également ^ etc. Nous écartons naturellement de cet examen les mots composés ou dérivés qui ont, dès le principe, un caractère haut- allemand pur; mais, dans la suite des temps, tous les noms auxquels on reconnaît primitivement une physionomie hasse-allemande ou flamande finis- sent par dégénérer en hochdeutsch ou se perdent entièrement. Un judicieux investigateur transylvain a poussé ce travail plus loin. Il a recherché les noms de localités dont Pidentilé ou l'analogie ne peut èlre niée et qui se trouvent à la fois sur le territoire saxon et en Belgique, en Hol- lande, en Westphalie, dans la Prusse rhénane, etc. Il a pris pour hase le caitulaire de Lacond)let -, en élaguant les noms qui se retrouvent trop fré- quemment et en trop d'endi-oits dilTérents pour pouvoir entrer en ligne de compte. Nous lui empruntons les données suivantes : « Ahnen, E. de Znlplicn, S.-E. de Dcventer. AIzen, S.-E. d'Eiipen, N. de Malmcdy. En il6G, Altiiia; 1169, Aliéna; 1174, AIzena. liadiem, S. de Bonn; liadtem, S.-O. de Cologne el un anlrc N.-O. d'Aix-la-Chapelle. En 1183, Bacheim; 1271, Baghem; 127;i, Bacliem. (En Transylvanie Bachnen.) Bami, S. de Bingen et S. de Bonn (liann, Bùn, près de Scliiisshourg). Baseii, E. de IMalniedy. Befigendorf (Bà^endorf). Begina, en 962. Bell, 0. de Bacharach. En 1095, Belle; 1112, Bella ''. Z/er.«/o/'^ (BretzdorI' près Uegeii, en Transylvanie), 117Ô. BcUerdorf, N.-O. de Trêves. En 1064, Belhindorp; 1076, Beddendorf; 1181, Belten- dorf. Billik (Billak), N.-O. de Mnnsler. En 1064, Belleke. niiffcle (Birgeln), 1 i 18; Burgela, 1019, après 1 147. liirk, S.-E. de Cologne, N. de Siegbourg. En 1083, Birge; Berke, 1040. ^0(7(0^^ S.-E. de Es.sen; Bocholz, N.-O. d'Aix-la-Chapelle; Bocholt, N.-O. de Wesel; Biichnll, 1117. Bndendorf, S. de Bonn, N. de Coblenz. En 1227, Biidendorp; 12.j5, Bodendorp. Bonrjarl, O. de Cohlcnz. En 1159, Villa Bungart; 1251, Fonierium; 1238, Bongarde. Bourzeii, S. de Liège. Villa Bmz. parer la ville de Lceuw (Léaii, L'eau?) en Brabant, Dender/cfîMf, Leemvcvghcm, Leeww-S'-Pierre, ipeï«?t'aarde, cte. ' Millier, /. c, p. 29. ^ rrLuiidenbiich fur die Gcschiclile des yiederrlwiiis. Diisscldorf, 1840. 5 Comp. Belle (Bailleul), dans la Flandre française. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 61 Briir/gen, S.-O. de Crefekl (Bckoklen Briickhiittcn). Bniçjfje , Bruges en Flandre. Bush, S. de Saarlouis; Bust, S. de Luxembourg. En M 64, Buste. Derbach, 0. de Bingen; Ober- el Unter Drcbacli, S. de Bonn; Dierenbach dans le Nassau. £'/)/)e«(/or/'(Ueppendorf, lurris divi Epponis), E. de Esscn. Etscli, S. de Bonn; Elscli près Eidescli , Pays-Bas; Escli-sur-rAlzetle el Esch-sur-la-Sure, dans le Luxcndjourg. putsch, à droite de Trêves (nom de personne en Transylvanie). Frechen (Freck), S.-O. de Cologne. En 941, Vreggava-Frecben ; en 1129, Freklo. GaUiate (Galt), 11G4. Geisl (Apalza-Geist-Geislerwald), 1119. 6;e.sec/«e(Gesdsz), M 81. Geshubel, plusieurs dans le Nassau. Gliinbadi (Glimboake, Blumenbach , Blinibich, originairement sans doute Glimbicb), N. de Juliers. Godesberrj (Gi(zembrig), près Bonn. Greimeralh (Greinierich, près Schâsbourg), S.-O. de Coblence. Haarbach, 0. de Siegen; Ilorbacb, N.-O. d'Aix-la-Cbapelle (nom de cours d'eau en Tran- sylvanie). De 1073-75, Ilorbacb. Uandorf, N.-O. de Munster. Harna (Harina) en 1018. En 1 147, Ilerine. - Hedenesdoif (Ileidendorl) , 902. Heldein, 1074. Heldorp, 1189. Au onzième siècle, Helethorpe. Helebeche (Flolbak) , 1 082- 1121. Hella on Ella, village vendu en partie à Burlscheid '. Hellnon, village en 1147. Holhvilare (Holdvilag, Ilolvelagen), 898. i/orre)/«i (Scbcuern = Scbuur, en flamand), cloître à Trêves, 895; Orreum, 966-71, « in liorrea. » Kircfihellen, E. de A\'csel. Kiersl (Kirtscb). En 904, Kiricbsexta. « Kockdvnbnrrli vun Muusier ^. » Kuckeland près Grimma dans le royaume de Saxe. Kockelferden, faubourg de Roir, E. de Blankenbeim. Koepesch, faubourg de Ziilpicb avant 1375. £'oi',sf/o//(Keisd), S. de Bonn. En M 92, Coisdorf (Keisd de Geist ou Geis). Eôln (Koliin). Voy. plus liant Colonia. Rond, E. de Kocbem sur la Moselle (Kond, près Regcn). Cond, 10.51. * Qiiix, Geschiclite von niirscheid, pp. 100 et 240. ^ Ivindlingci- Miinsterschen lieitràgen , t. I, p. 270. 62 COLONIES BELCxES EN HONGRIE Landscron. En 1248, Schlosslandscroii ; 1510, Landiscronc. Laiigendorf, en 1140. Lasc'l, N. de Trêves. Lechenich (Leelinitz), N.de Bonn, HÔ9. Leodium (Leogdes) = Leodium , Liège. LMar (Leblaiig), N. de Bonn. Liiy.sAùc7(e« (Lesclikirch). Kn 1270, Lysoyskirchen ; 129a, Lysolskirclien ; 1298, Lisis- kirgin. Medebach (Medwiseh), en Westphalie, sur la frontière de AV'aldeck. . Meschcde (JMcsclicn) , E. de Dorininnd sur la Ruhr, N.-O. de Medebaeli. i»/Mc:/teH«c/t(Meschen), S. de Cologne. En 1088, Mesinihc; 116G, Meschingin. Magniaga (Manyerch) , 1164. M«A;t'«/tTOH (Meakendorf) , 1054. MiiUiiarken (Minarken), 1185. Morp (Marpod) , 1 1 44. Morsdorp (iMortesdorf), 1159. Nczinesheim (^'osen, Nisen ^ Bislrilz), 1195. Noilhusen, 10G7; Nilhusen, 122G. Oesien, faubourg de Deulz, 158G. Osier (Ost), N.-O. de Munster. Pesdie (Pescliendorf), 973. Poil (Pold, abrégé peut-être de Poldorf, eonniie Kcisd peul-élre abrégé de Keisdorf), S. de Cologne. Putsch (Botseb, Batoscli), dans le Nassau. 7V«((!e(Pruden), 1149. Itaad, S.-O. de Essen; Rad, N. d'Aix-la-Chapelle; Rodt, N. de Trêves; Roth, dans le Nassau; Rode, 1103; Rolhe, 1148; Rode, 1174 '. 7?«7(e(Ratsch), 1045. Bnlniis, S.-E. de Konigwinter et du Siebengebirge ; Ramsdorf, N.-O. de Wcsel; Ramsen, S. de Bingen. Rauenthal, iN.-O. de Bingen dans le Nassau. ficîVcriY/or/' (aujoin'd'liui). Rcthcrstorpc, 1241; Rethcrstorph, 1283; Reytcrstorph, 1 288. Hhniu-r (plusieurs), 1079-1089 et 1208 (en saxon : Ren, Regun, 1228). Ren, 897. Ripersiorp H Ri imioif (Reps), 1082-1121. Roisdorf, N.-O. de Bonn. Rnscllen , S.-O. de Diisscldorf. ' Fréquent dans la Belgique flamande. Rôle, Rhode, /{oo correspond à Sart en roman cl sinnilic terrain délriclic on dérodé. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 63 Uiilir (IcRoIirbaeli), afllucnt du Hliin. Si'jlnirg (Scguswar = Scliassljiiri;). Seiberburg (Seiburg), 0. do Bingoii; Siburg, S. de Dorlmiind. Svliagern (Scliogen), N.-O. de ^Iinisicr. Sdiâssbimj (sic), N. d'Aix-lu-CliaitL'Ilc , N.-E. de Diicien; Schiissburg, cliàicaii près de Ileerlen; le Scbiissbourg de la Transylvanie saxonne parait dans une cliarte de 1280 comme Caslrum sex '. Sclieien (Scbievcsbach), 1 14-0. Sdnier (Schorscli), S.-O. de Alunsler; iOOa, Soron. Schweich (Schweischer) , N.- de Trêves. Siberrjh, faubourg de Deutz, i.j8(». Siiulorf, S.-O. de Cologne; Sjndorf, i\.-0. de Diiren; Ziindorl', S. de Cologne. Snmmerbnrg , dans le Nassau. Stcin, E. de Siegburg. Stohenburfi , S. d'Aix-la-CbapcUe et JMalniedy, iN. de Trêves. Tôrnen, Turre, 1051. Treppen, 1174, Trabana, Trabeii. Urbach (Urvegen en saxon, et mieux, Urbigen) , S.-E. de Cologne. Velecjen (Flaigen-Felek), 9:J8. Vwze, faubourg de Deutz, 138G. Vogdsanr/, N.-O. de Dortmund sur la Lippe (marebé pi-ès de Scbassburg). Waels (Wôlz), 0. d'Aix-la-Cbapelle; 1041, Vais, 1059, Vaels. Waldurf, Vualalborpi, 927; Walatborp, 1047; Waldorf, 1140. Weingarl (Weingartskircben), S.-E. de Ziilpicli. Werth, N. de Wcsel ; Weert, dans le Limbourg, au N. de Maastricbt , Werl (auf Kai- serswerlb; lO-jO, Werede; lOol, Werde; 1190, Wcrda 2. Wesseliiig, S. de Cologne (Wossling, près Schiissburg, 1075-1075. Wester, N. de Munsler; Westum, 11 92. Wi'stheim, villa A\ iesebe (^'écs), 1043. Wilen (Wilii, Weilau), 1010. Winlhagen (Windau), 11 50. Wintz, S.-E. de Essen; VVinzo, 1003, 1019. Winnielinga (\\ lu-mlocb), 1090; \\'ormelinga, 1 144. ' M. Hiiliricli croit que les nombreuses localités du Rhin inférieur comme Sieg , Sicgeii, le Sieg, Duishuing (Dispargum), Siegburg, Schàssburg , etc., doivent leur nom à l'ancien culte, général dans cette contrée, du dieu de la guerre Zio ou Saxnot. — Comp. Zibin, le Zabcng, Zoûill (Zi(klt, cours (rcau et nom de localité), Scbiewes-Scliiewcsbach, près llcrmannsladt, Scbass, Schiissburg. 2 Wert, Wi'ith , IVerde, Woertli , etc., signifie ile , partie de terre entourée de tous côtés d'eau. — Comp. I)onnuw.'ôr(/', Nonnenii'er//*, etc. 64 COLONIES BELGES EN HONGRIE Wurmeresdorf (Wermesch), 1 031 . Zinrieren (Zendcrscli), N.-O. de Cologne. Znppnldi.sbnir (Zoppeit, nom de personne chez les Saxons iransjlvains, 1166). ZtKlendorf; HG7, Uic-liwiniis * de Zudendorp; 1212, Zudendorpli; 1240, Zudindorp (en flamand, Zuidendoip?). Plusieurs autres noms de localités saxonnes apparaissent par groupes à l'est de Nurend)erg, Ralisbonne;, jusqu'à la forêt de Bohème; dans les Silésies auti'ichienne et prussienne et dans la partie de la Bohème avoisinante, ils y sont particulièrement nombreux; puis prés de Brème, mais plus rares; dans la Prusse orientale et dans la Zips, ce qui s'explique par l'histoire des colo- nies qui y furent fondées -. En résumant ce qui précède, on est amené à conclure qu'il est difficile, à première vue, en l'absence de preuves écrites, de déterminer d'une ma- nière satisfaisante le lieu de départ des colons qui s'établirent en Transyl- vanie. Toutefois, plusieurs circonstances importantes permettent de le pré- ciser d'une manière approximative : ce sont des témoins indirects qui ont une valeur incontestable. Si l'on se rappelle les grands mouvements d'émi- gration qui eurent lieu en Flandre et dans les Pays-Bas au XIP siècle et qui furent occasionnés en partie par les inondations de la mer; si l'on ajoute à cela que les plus anciennes chartes de la Transylvanie appellent les émi- grants Flandrenses; si l'on constate que de la Flandre et de la Belgique par- tirent les masses d'émigrants qui peiiplèrent en grande partie les territoires laissés en friche ou dévastés de l'Allemagne; si l'on admet que les noms d'un grand nombre de localités de la Transylvanie saxonne offrent des analogies voisines de l'identité, avec des villes ou villages situés en Belgique et en Hollande, sur le Rhin inférieur, dans la Prusse rhénane, en Westphalie, etc., et que les dialectes saxons de la Transylvanie sont similaires à ceux des contrées que nous venons d'énumérer; si l'on découvre que certaines mœurs et coutumes, particulièrement en ce qui concerne le costume, la manière de bâtir et d'arranger les habitations, etc., offrent des analogies semblables ' fiiciiiiiux, Bioiin, nom fréquent dans les Pays-Bas et les contrées limitrophes et qui sigiiilie puissant [rili), illustre {ilhii). 2 Hallrich, Ziir ilviilsclicn Thiersage , pp. 12-15. Kronstadt, 1855. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 6d avec celles des Pays-Bas et pays adjacents; enfin si Ton veut attacher quel- que importance à une tradition populaire qui règne encore chez les Flamands- Saxons ', ainsi qu'à Tépopée des animaux qui s'y raconte de jjouche en bouche, on n'hésitera pas à conclure que c'est de ces mêmes contrées que le flot de lémigration a dû partir et il senijjle qu'on puisse allirmer que l'émi- gration eut lieu sur une grande étendue de territoire, dans les contrées avoisinant le Rhin , à partir de l'embouchure de ce fleuve. V. — Ce point étalili, il est hautement probable que la colonisation en Hongrie et en Transylvanie fut due, abstraction faite de l'initiative que nous avons attribuée aux gouvernants de Hongrie, à l'impulsion que lui donnèient les ordres religieux, particulièrement les Cistersiens, les Prémontrés et les Bénédictins. Disons en deux mots ce qui nous porte à émettre cette conjec- ture : Les religieux de l'ordre de Cîteaux furent appelés en Hongrie par Bêla H (H 31-1141) -. Ce fut sous le règne du fils de Bêla, Geiza H, que les colons furent attirés en Hongrie et en Transylvanie. Or les premiers cloîtres des Cistersiens furent fondés, dans la Zips (Egres) et dans le désert « d'au delà de la forêt » (Kerz), à la même époque. Le premier couvent des Cistersiens, bâti sur le sol germanique, fut Altenkamp, près de Meurs, sur les frontières des Pays-Bas. La maison-mère de Cîteaux avait déjà plusieurs filiales en Belgique, surtout dans la Flandre et dans l'Artois ^■, Altenkamp n'était donc qu'une succursale plus éloignée de Cîteaux et il fut peuplé par des religieux belges. Il est vraisemblable que ce fut de ce monastère que partirent les * Elle dit : Nos pères demeuraient près de la mer , là où quatre fleuves ont leur emljouehure, ceux-ci sortant tous d'un seul. N'est-ce pas là le Rhin avec ses grandes embouchures? Saint- Nicolas, qui était le patron des émigrants partis des Pays-Bas, a donné son nom à maintes anciennes églises, chapelles, localités, marchés, etc. Voy. Otte, Handbuch des Kirclil. Arcliiv des deiils. ma., p. ôâl. 2 Wagner, Annales Scepusii sacri et profani, t. 111, p. loi : « Cistersienses in Ungariam a Bela H ueciti, a Bêla III iisdem immunitatibus quibus in Francia gaudebant, donati sunt. » 5 En 1125, saint Etienne, abbé de Cîteaux, fit la visite des abbayes de ces deux provinfcs et reçut partout, disent ses biographes, des témoignages de vénération; voy. sa vie par les BoUandistes. Tome XXXVI. 10 66 COLONIES BELGES EN HONGRIE moines, accompagnés des colons qui devaient se rendre en Hongrie et en Transylvanie. Le fondateur de Citeaux avait imposé pour règle à ses frères de dessécher les marécages, de fertiliser les endroits incultes, de déroder les forêts, en un mot de faire progresser l'agriculture et la richesse domestique. Plusieurs des colonies fondées en Allemagne par les Belges furent dues à Tinilialive des Cislersiens ' : ne peut-on pas admettre qu'il en fut de môme dans le pays des Arpades? Celte hypothèse paraît d'autant jjIus fondée que ce fut pour récompenser les services rendus à la culture du sol par les Cir- tersiens que Bêla III leur accorda les mêmes privilèges que ceux dont ils jouissaient en France -. La lihéralité des rois et des magnats fit hientôt monter à trente-trois le nomhre de leurs maisons en Hongrie ^. Nous avons vu plus haut la part que l'abbaye de Jaszô prit à la colonisa- tion de la haute Hongrie. Rien ne prouve que l'ordre des Prémontrés ne s'occupa point ailleurs de cette question aussi importante sous le rapport politique qu'au point de vue économique. Introduit en Hongrie du temps d'Élienne II (1 130), il eut son premier couvent près de Grosswardein. Peut- être les Prémontrés établirent-ils à Batâr, qui est dans les environs de cette ville, les Flamands dont nous avons fait mention ^. En peu de temps, ils comptèrent quarante maisons en Hongrie ^. Les mêmes réflexions s'appliquent aux Bénédictins. Ceux-ci avaient été inti'oduits en Hongrie par saint Adalbert, le premier apôtre des Magyars, et ils y prirent rapidement une extension considérable. Saint Etienne fonda cinq abbayes de leur ordre ^ et ses successeurs imitèrent ses largesses. L'ordre de Saint-Benoit comptait de nombreuses maisons en Hongrie au ' Vo}-. notre Histoire des colonies belges en Allemagne , pp. 76 et 77 et pussint. '^ SchuUer, Umrisse iind krilische Sfudien zui- Gescliiclilc von Siebenbiirgen , et les soiirtcs qu'il invoque, pp. 1 00- 1 0:2 ; 1 840. — Voy. p. 6o, note 2. 5 Daniiani Fuxhovcr, Monaslerologia regni Hiingariae, liv. II, pp. 97-188, cité par Czœrnig, I. Il, p. 155. * Voy. plus haut, pp. 4('), 47. ^ Daraiani Fuxliovci-, Monaslerologia regni Hvngariue, liv. II, pp. 3-87. '^ Celle de Saint-Martin, sur le Pannonsberg (1001); celle de Pecsvarad, au pied de l'Ei^cn- berg (1015); eellc de Saint-Adrien, dans l'ile de Szala (1019); eelle de Sainl-ni[]polyte, sur le mont Zohor (1025) et celle de Sainl-Maiiiicc , dans la forêt de Baronv, norarace Baronybél (I03G). Voy. Hormayr's Taschenbuch, p. 172, 1832. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 67 temps (le Geiza II; toutes ces maisons étaient en rapports fréquents avec les cloîtres des autres pays et établissaient un véritable lien politique et reli- gieux entre les dilïerentes parties de l'Europe. Dans la preinièi-e moitié du douzième siècle, elles reçurent une impulsion puissante d\m des bomnies qui honoraient le plus cette époque, d'un moine belge dont le nom est resté célèbre, de Wibald de Stavelot. Wibald, né probablement dans la principauté de Liège (1097), doué d'admirables talents et initié à toutes les connaissances de son temps, fut à la tète de ti'ois abbayes fameuses dans les annales ecclésiastiques, Stavelot (1130), Mont-Cassin (1137) et Corvey (11/^6). Grâce à son habileté dans les affaires })oliliques, il devint le secrétaire intime et le conseiller de quatre empereurs, Heni-i V, Lothaire III, Conrad III et Frédéric I, qui le chargè- rent, à de nombreuses reprises, de négociations importantes. Wibald n'était pas étranger non plus à l'art militaire : Lothaire le mit à la tète d'une flotte destinée à opérer contre les Normands, et il prit une part importante aux guerres d'Italie et à celles contre les Slaves. Étonnante époque qui trouvait tout simple qu'un même homme revêtît la cuirasse, dirigeât les chancelleries et chantât les hymnes du Seigneur K La correspondance active qu'il entretenait avec les hommes maïquants de son époque s'étendait aux religieux de son ordre, ainsi que le prouvent les lettres qu'un savant, prématurément enlevé à la science, a publiées avec un soin pieux "-. On peut donc supposer qu'il n'a pas été étranger à la colonisa- tion de la Hongrie. Divers indices autorisent celle conjecture. Nous avons dit ailleurs la part que prirent les abbayes à l'œuvre de la colonisation de l'Allemagne, et celle qu'il convient d'attribuer spécialement aux Wichmann de Magdebourg, aux Hartwich de Hambourg-Brème, aux Anselme de Havelberg, etc. Ces personnages éminents étaient liés d'une amitié étroite avec Wibald et ils échangeaient avec lui une correspondance des plus fréquentes ^. Or, dans le même temps que les gouvernants magyars ' Jaiïé, Monumenta Corbeieiisa, p. GOG. Berlin, 18(14. — Voy. le portrait que trace de Wi- bald M. VVaulers dans la Table chronologique des cliartes concernant l'histoire de la Belgique, l. Il, pp. x-xvi. nruxellcs, 1868. 2 76»/., pp.77-()IO. s Voy., entre autres, Juflé, hc. cil., lettres 33, liil, 122, iiiS, 13!), 160, 221, 430, etc. 68 COLONIES BELGES EN HONGRIE colonisaient la Hongrie, Ilartwicli continuail Poiganisation des colons néer- landais dans le diocèse de Brème \ Wicliniann consacrait ses soins à révèché de Naunibourg, à rarchevèché de Magdebourg et à la prévôté de Julerbogk -, et Anselme allait i-èsider sur le Rhin inférieur, à Corvey et dans les Pays-Bas, notanniient à Utreclit, pour y recruter des colons ^. N'est-il pas permis de supposer que Wibald aida les religieux bénédictins de Hongrie comme il dut prêter son concours aux hommes éminents que nous venons de nom- mer? Tout le prouve, ridenlilé du but à atleindre, la similitude des circon- stances, le synchronisme du temps, enfin les analogies nombreuses qu'of- frent les noms des localités que nous avons fait ressortir et qui se trouvent dans la contrée située précisément entre les deux abbayes dont Wibald était le chef : Stavelot, qui exerçait une grande influence en Belgique et dans la Prusse rhénane, et Corvey, qui dominait la Wesiphalie. VL — Quoi qu'il en soit, les Flamands, qui avaient le privilège de for- mer une cor|)oration indépendante, obéissant à des chefs élus dans son sein et ne relevant que du roi, eurent, comme corollaire, le droit de former une église exempte de la juridiction ordinaire, c'est-à-dire de l'évèque de Tran- sylvanie, et d'être soumis immédiatement au saint-siège. Ici, nous avons, pour nous aider dans nos recherches, des documeuls autlientiques ^. Grégoire, cardinal-diacre^ du titre de S'^-.AIarie du Portique, fut, à deux reprises, légat du saint-siège à la cour de Bêla HI (1173-1196). Pendant le cours de sa prcmièie mission, le roi lui demanda d'èi'iger en prévôté libre la communauté des Flamands de Transylvanie. Grégoire se rendit à ce désir et l'institution eut lieu (1191). Le diplôme qui constata le fait est perdu. On sait néanmoins qu'il y était dit que la juridiction prévôtale devait s'étendre « sur tous les Flamands qui habitaient le territoire désert (^désert am) con- cédé par Geiza. » Le légat, à la prière de Bêla, fit les démarches nécessaires pour obtenir ' Voy. noire Histoire des colonies belges en Allemagne , pp. 0:2-116. 2 Ibid., pp. 83, 86, 9S, 122. ' Ihid., pp. 114-Hj. * Voy. Appendices, ii" V, VI, VII et VIII. ET EN TRANSYLVAÎSIE, etc. 69 du pnpe la confirmation anthcnti(|uo de rérection. Le souverain ponlile, considérant que la prévoie des Flamands était munie des mêmes franchises que les autres prévôtés exemptes, écrivit à rarchevêque de Gran, à qui res- sortissaient toutes ces dernières ', que, tenant cette institution poui- agréable, il a\ait ordonné qu'elle fût inscrite, à la suite des autres, sur le registre tenu à cette fin. L'interprétation du mot deserlum donna lieu bientôt à des difficultés entre Adrien, évoque de Transylvanie, et le prévôt de Zibin. Celui-ci prétendait que tous les Flauiands quelconques de Transylvanie dépendaient de lui. L'évèque objectait que Bêla III et le cardinal Grégoire n'avaient, dans leur charte, entendu parler que des Flamands, qui habitaient le deserlum, lors de l'instilulion de la prévôté. L'aiïaire fut déférée au pape. Le saint-père renvoya la cause au cardinal Grégoire, comme à la personne la plus capable d'interpi'éter le diplôme, puisque les faits lui étaient mieux connus. Le légat ne crut pas pouvoir faire moins que de consulter le roi lui-même. Bêla III tint une cour solennelle à Veszprim et, en présence de ses magnats, rendit la décision suivante, qui était conforme au texte de la première charte : « Il n'était pas dans son inten- tion, ni au temps où la prévôté fut instituée, ni plus tard, que d'autres Fla- mands fussent soumis au prévôt que ceux-là seulement qui habitaient alors le désert, concédé par Geiza, son père, aux Flamands, et qui y habiteraient postérieurement. » Se fondant sur cette décision, qui cadi-ait avec ses propres souvenirs, le légat donna, de son côté, l'interprétation suivante du mot deserlum : « Nous n'avons pas entendu parler d'autres Flamands, et nous n'en soumettons pas d'autres au prévôt que ceux qui, au temps où nous instituâmes la prévôté, habitaient ou seraient venus habiter ultérieurement le désert que Geiza avait concédé aux premiers Flamands ÇFlandrensibus prioribus). » Il est probable que ce document fut rédigé entre les années 1 192 et 1196. Le pape Innocent III le confirma, à la demande de l'évéque de Transylvanie, par un bref spécial (15 juin 1198). * Schiilicr, Umrissc, etc., l. c, pp. 95 et 94, note I. 70 COLOxNIES BELGES EN HONGRIE On \ient de voir qu'il y avait encore d'autres Flamands [alii Flandremes) que ceux qui étaient étaljlis dans la prévôté de Zibin et (jui formèrent les chapitres de Hermannstadt, Leschkirch et Grosschenk. On manque de détails sur leur histoire. Une seule charte en lait mention. Ils étaient établis dans le tel litoire de Saint-Michel et relevaient de Tévéché A'Alba Jidia (Karisbourg). Leurs prêtres eurent un conflit avec Tévéque à propos de la collation d"un droit de dîmes paroissial. L'évêque obtint gain de cause. Le pape Inno- cent III, dans un bref à Adrien, évèque de Transylvanie, statua que si un éciit était pi'oduit par les Flamands contre la sentence, cet écrit serait nul et de nul effet. Il ajoutait que si les Flamands, ou le prévôt de Zibin ou l'arche- vêque de Grau, dont relevait le prévôt, formaient appel contre la sentence, Adrien pouvait récuser les juges (lesquels?) et recourir directement au sainl- siége apostolique (11 99). Quant à la prévôté de Zibin, André II voulut l'élever, en 12H, au rang d'évêché; mais le saint-siége n'approuva pas cette mesure. On peut conclure de cette circonstance, aussi bien i\\\c du conflit qui avait surgi entre le prévôt et l'évêque de Transylvanie, à rimportance de la colonie en général et à celle de la communauté ecclésiastique des Flamands en particulier '. A partir de cette époque, les colons perdirent leur nom primitif qu'ils avaient emprunté des Flamands et adoplêrcnt celui de Saxons, qui équi- valait, dans le langage de cette époque, à la dénomination d'Allemands en général, ou Tcalonici. L:i raison de ce changement est aisée à comprendre. Le transplantement continu des colons pendant le douzième et le treizième siècle, en Hongrie et en Transylvanie -, atteignit une nation énergique ou des tribus importantes pour qui les variétés disparaissaient dans l'ensemble du lait de l'immigration, et qui les caractérisaient par le nom générique qui les désignait toutes. Ces éléments durent s'organiser en un faisceau d'oppo- sition et s'unir soit contre les Magyars, soit contre les Kumans et les Pet- ' Sdilôzcr, /. c, p. 210. ^ Petit à pclii la Transylvanie aUira des Allemands de divers pays. On trouve, entre autres, en lûGi, dans les chartes, les noms suivants : Margurcta , /ilia Aiidii^ae Germani Kiliani (1564); Simon uns (1er SMesia (1484); Ludoikus ik Aoreubunja (I4GG), etc. — Voy. Miiller, /. c. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 71 chenègues; ils perdirent par li'i leur caractère particulier; rélénient belge, néerlandais ou (laniand se londiulans rélénient allemand; pour les Magyars, Flaadrenscs et Saxones ne lïut'ut plus que Tcutonici. Si, parmi les colons eux-mêmes, le nom de Saxones prévalut, c'est qu'il désignait pour tous des habitants quelconques de la (basse) Saxe parmi lesquels les Flamands étaient comptés. En Allemagne, il en fut autrement. Les influences locales n'étaient pas hostiles à l'immigration étrangère qui se recrutait parmi des hommes de même, race; c'étaient des Germains au milieu de Germains. Aussi là on distinguait les Flandrenses , les Frisones, les Hollandi. C'est pourquoi leurs traces se retrouvent mieux dans les pays du Nord. Ce ne fut que lorsque la cause, pour laquelle on les avait appelés, venait à disparaître, que leur nom spécial se fondit dans le nom générique qui leur était commun. VIL — Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans dire quelques mots des colons établis dans le Burzenland, situé à l'extrémité de la Transylvanie, à la- quelle il fut réuni postérieurement, bien qu'il en fût distinct dans le principe. L'ordre teutonique avait été refoulé de Jérusalem jusqu'à Saint-Jean d'Acre; toutefois, aux yeux de l'Europe chrétienne, sa gloire n'avait rien perdu de son éclat et l'admiration qu'inspirait la vaillance des chevaliers n'avait pas diminué. Le roi André II, (|ui partageait ces impressions et qui était allié au grand protecteur de l'ordre, le landgrave Ilerman de Thuringe, dont le fds Louis avait épousé sainte Elisabeth, fille d'André, voulut dé- dommager l'ordre des pertes qu'il avait subies en Orient et concéda au grand maître, Herman de Salza, un territoire désert, nommé terra de Borza , situé sur la frontière du pays des Rumans (1211). Il y avait au fond de cette concession une pensée politique : les chevaliers devaient défendre le royaume contre les incursions de leurs sauvages voisins. Ils pouvaient, à cet eflet, élever des maisons et des villes en bois que, dix ans après, ils furent autorisés à bâtir en pierres (1221). Ils reçurent des privilèges importants. S'ils venaient à découvrir de l'or ou de l'argent sur leur nouveau terri- toire, la moitié leur appartiendrait, le reste reviendrait au fisc. Ils avaient le droit d'élire leur propre juge et, en cas de contestation, ils ne pouvaient être 72 COLO.MES BELGES EN HONGRIE soumis à une autre juridicUon qu'à celle du roi. Ils étaient affranchis de ToljUgatiou d'iiébergcr le woïwode et de toutes redevances au trésor royal, et avaient la faculté de créer des marchés et de prélever des péages (tnarkt- zoUe). Ils furent également exemptés de la visite onéreuse du commissaire royal pour le change des monnaies, tandis que le chef de la colonie obtint le droit d'eutieprendre la somme nécessaire et d'en procurer rechange. André II lévoqua, en 1221, la 'concession du Burzenland , mais la con- firma Tannée suivante. En 1224, le grand niaitre Ilerman de Salza, ayant eu des difficultés avec Tévêque de Transylvanie à propos de la juridiction ecclésiastique, reconnut le pape comme suzerain du Burzenland. Comme cet acte entamait évidemment le droit de propriété de la couronne hongroise, André II entra dans le teri'itoii-e concédé et chassa les chevaliers leutoniques des forteresses qu'ils avaient élevées. Mais les colons que l'ordre avait amenés restèrent et contribuèrent, avec ceux du centre de la Transylvanie, à la défense du pays et à son améliora- tion matérielle en le défrichant et en y attirant peu à peu le commerce et l'industrie '. On ignore d'où venaient ces colons ; aucune chai'te ne fournit la moindre donnée à cet égard; il est probable qu'un certain nombre d'émigrants établis déjà en Transylvanie se fixèrent dans le nouveau territoire ouvert à leur activité -. * Voy. Czœrnig, l. c, t. II, pp. 183-187. — Schlôzer, Kritische Sammltingen , pp. 310 et siiiv. — Millier, /. c, t. II, pp. (i et suiv. - a L'ordre teutonique n'existait que depuis H90; mais déjà sous son quatrième grand maître, Hermaii de Salza, il était parvenu à un degré de puissance incroyable Son histoire est une des plus intéressantes parmi celles des corporations au moyen âge. Ces moines-gentils- liommes aventureux créèrent un nouveau monde dans le Nord et fondèrent sur les bords de la Baltique un royaume qui , il y a cent cinquante ans , fut la terreur de ses voisins. A une époque antérieure, ce fut l'est de notre conlinent, le Burzenland, au lieu de la Prusse, qui fut le théâtre de leurs exploits éclatants .S'ils y avaient réussi, la côte qui longe la mer Noire depuis le Dniestr jusqu'à l'Hémus ne serait pas déserte comme elle l'est aujourd'hui; elle serait devenue ce que d'autres Allemands ont fait de la vaste contrée située entre le Rliin et l'Eder, et du ter- ritoire plus vaste encore qui s'étend depuis la Trave jusqu'au golfe de Finlande; ce que les Grecs ont fait jadis des côtes de l'Asie Mineure et de la Crimée, ce que les Carthaginois ont fait de l'Afrique et ce que, à une époque plus récente, les Anglais et les Allemands ont fait des .côtes de l'Amérique du Nord. » Schlôzer, /. c, pp. 310, 32G. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 73 CHAPITRE V. DES DROITS ET PRIVILÈGES ACCORDÉS AUX BELGES EN HONGRIE ET EN TRANSYLVANIE, — OBLIGATIONS AUXQUELLES ILS ÉTAIENT TENUS. Pénurie de sources. — Les ealamilés du règne d'André II altcignent les Flamands. — La Bulle d'or. — Traduction et commenlaire de ce document. — Par qui il a été confirmé. — A qui il s'applique. — Ce qu'il faut entendre par liospites. — Organisation de la colonie. — Liberté civile. — Unité politique. — Droit de propriété exclusif et absolu. — Droit de bourgeoisie. — Égalité de droits. — Ses conséquences. — Juridiction propre. — Le juge ou clief suprême est nommé par le roi. — Ses attributions. — La nation élit elle-même les juges secondaires et exerce le pouvoir judiciaire d'après le droit coulumier. — Elle forme une communauté ecclésiastique indépendante, élit elle-même ses prêtres et paye la dîme à ces derniers et non à l'évêque. — Franchises des péages, liberté du commerce et des marchés. — Exemption de rim|)Ot sur le change des monnaies. — Sceau particulier. — Obligations im|)osées aux Polons. — 'l" contribution annuelle. — 2° service militaire. — 5° devoir de défrayer le roi pendant trois jours ou le woïwodc pendant deux jours. — Résultats. Il ressort à Tévidence des faits que nous avons racontés dans les cha- pitres précédents, que les colons des Pays-Ras ne durent consentir à s'ex- patrier dans des contrées lointaines et à se fixer dans des endroits où leur sécurité n'était rien moins que 2;arantie , si ce n'est sur la foi de promesses formelles, lesquelles, tout |)erniet de le croire, devinrent des contrats synal- lagmatiques. Les rois de Hongrie, successeurs de ceux qui avaient appelé les Fkmdrenses , font expressément mention de chartes octroyées aux colons; mais ces chartes sont perdues; on n'en possède que (piehpies-unes de l'époque postérieure. C'est donc à l'aide de documents complètement insuffi- sants qu'il faut essayer d'esquisser quelle était la nature des droits et des ohligations dont les Relges furent l'objet. Autorisation de s'administrer eux-mêmes au civil, et de former une com- munauté, indépendante de l'ordinaire, dans l'ordre ecclésiastiipie : ce fut là un privilège commun aux Liégeois d'Agrie, aux Flamands de la Zips et à ceux de la Trans>lvanie K Pour ces derniers seuls, il est possible d'entrer dans les détails de la matière. * En ce qui concerne l'installation matérielle des colons, voy. notre Histoire des colonies belges en Allemugtie, pp. 1.59-105. Tome XXXVI. H 74 COLONIES BELGES EN HONGRIE Les événements qni marcjuèreiil le ré^ne dWndré II pesèrent lourdement non-seulement sur le royaume en général , mais surtout sur les immigrants belges que Geiza II avait fixés sur les coidlns méridionaux du pays. Les colons avaient défriché le sol inculte et les hordes des Kumans ne traver- saient plus le territoire. Le rétablissement de la paix à Tintérienr ne dépen- dait pas d'eux. Ils n'en souffrirent que davantage. Il s'éleva un parti puissant qui prit à lâche de |)orter alleinte à leurs droits et de leur enlever ces fran- chises sous la garantie desquelles Geiza les a\ait appelés. Un grand nombre d'entre eux, dont les pères avaient été les premiers pionniers du désert, quittèrent leur nouvelle patrie et se retirèrent dans le Burzenland ' deman- dant aux chevaliers teutoniqucs de leur assurer un meilleur sort. D'autres allèrent trouver le roi de Hongrie et se plaignirent qu'on leur eût fait perdre les libertés que Geiza leur avait octroyées; ils démontrèrent en même temps que l'état de pauvreté auquel ils étaient réduits les empêchait de fournir leurs contributions à la couronne. Le roi écouta bénignement ces doléances et leur concéda, en 1224, une charte importante que les Flamands de Tran- sylvanie appelèrent le Priciléye ou la Balle d'or (^Privileyium aureiuii, Bulla aureu) et qui fut comme la base de l'existence de la nation pendant plusieurs siècles. La charte portait "^ : « Au nom de la Sainte-Trinité et de l'indivisible Unité. André, par la grâce de Dieu, roi de Hongrie, de Dalmatie, de Croatie, de Rama, de Ser- vie, de Gallicie, de Lodomérie. De même qu'il revient à la dignité royale d'abaisser par la force l'orgueil des superbes, de même il appartient à la royale clémence d'alléger miséricordieusement l'oppression des humbles, de tenir compte du service des fidèles et de mesurer la récompense de chacun d'après son mérite. Comme nos fidèles liâtes geniiaiiiques de la Transylvanie sont tond)és à nos pieds, ont fait entendre respectueusement leurs plaintes à notre majesté et nous ont exposé qu'ils perdraient entièrement la liberté sous laquelle ils avaient été appelés par le pieux roi Geiza, notre aïeul, si ' Voy. |). 7:2. * Voy. Appeiidici' , ii" X. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 75 notre royale majesté ne jetait des regards compatissants sui- eux; qu'ils n'avaient pu, à cause de leur grande pauvreté, effectuer à l'égard de la royauté les prestations auxquelles ils étaient tenus; nous, prêtant une oreille bienveillante à leurs justes doléances, voulons que ceci soit à la connaissance des contemporains et de la postérité, que nous, suivant les exemples pieux de nos ancêtres, et mû, dans le plus profond de notre cœur, par une compassion paternelle, » Nous leur avons rendu leur liberté primitive; » De telle façon cependant que tout le peuple commençant à Varos jusqu'à Baroith avec le district de Sébus, appartenant au pays des Szekiers, et le district de Daraus, formera un seul peuple et sera gouverné par un seul juge, tous les districts, sauf celui de Zibin, cessant d'exister. Celui qui sera juge de Zibin ne pourra pas prendre sur lui d'établir quelqu'un comme juge dans les districts prédits à moins qu'il n'y soit habitant; et le peuple nom- mera, à cette fin, celui qui paraîtra le plus digne; » Personne, dans le comitat de Zibin, ne se permettra de faire le trafic d'échange de la nouvelle monnaie; » Ce peuple sera obligé de fournir annuellement SOO marcs d'argent au profit de notre chambre. Nous voulons qu'aucun possesseur foncier ou toute autre personne, demeurant dans ce territoire, ne soit exempté de cette rede- vance, à moins qu"on n'ait obtenu un privilège spécial à cette lin. Nous leur concédons aussi qu'ils ne doivent pas fournir l'argent qu'ils sont obligés de nous payer, d'après un autre étalon que le marc d'argent que notre père Bêla, de pieuse mémoiie, a établi pour eux, c'est-à-dire de quatre et demi fertos, poids de Hermannstadt, en deniers de Cologne, afin qu'aucune différence ne se produise. Ils ne refuseront pas de payer aux messagers, (|ue le roi enverra pour recevoir ledit argent, trois lolhs pour leurs dé- penses, pour chaque jour qu'ils y séjourneront; » Ils enverront 500 combattants dans l'intérieur du royaume pour le ser- vice du roi, 100 hors du royaume, lorsque le roi ira en personne en cam- |)agne; mais si le roi n'envoie hors des frontières du royaume (|u'un magnat, ils ne fourniront que 50 combattants et le roi ne pourra pas en exiger un nombre plus grand et eux ne seront pas obligés de le fournir; 76 COLOMES BELGES EN HONGRIE » Ils éliront librement lenrs prêtres, présenteront ceux qui sont élus, leur payeront la tliine et leur seront soumis pour toutes les choses ecclésiastiques suivant les coutumes anciennes; » Nous voulons aussi et ordonnons formellement que personne ne les juge si ce n'est nous ou le cornes de Zibin que nous leur constituerons en temps et lieu. Mais, devant quelque juge (|u'ils puissent se trouver, celui-ci ne pourra rendre la justice que d'après le droit coutuinier et personne ne s'avisera de les citer devant nous, à moins que le procès ne se puisse terminer devant leur juge; » Outre ce qui a été dit plus haut, nous leur avons encore concédé la foret des Valaques et des Bissènes (Petchenègues) avec les eaux, en usage commun avec les Valaques et Bissènes prédits, afin que, jouissant de leur liberté prémentionnée, ils ne soient tenus de servitudes envers personne; » En outre, nous leur avons accordé de se servir d'un sceau unique, qui sera reconnu sans conteste et par nous et par nos magnats; » Si quelqu'un veut procédei* contre eux pour affaire d'ai-gent, il ne ])ourra citer devant le juge d'autres témoins que ceux qui habiteront dans les limites du territoire, puisque nous les aflranchissons de toute juridiction étrangère; » Nous accordons à tous de chercher librement, conformément aux anti- ques privilèges, du sel menu à la fête de saint George pendant huit jours; à la fête du roi saint Etienne, pendant huit jours, et à la fête de saint 3Iartin, également pendant huit jours; » Nous leur octroyons, en outre, qu'aucun receveur d'impôts ne s'avisera, soit à l'aller, soit au retour, de les grever de contributions; » Quant à la forêt avec toutes ses appartenances et à l'usage des eaux avec leurs conduits, ce qui concerne purement la libéralité du roi, nous les abandonnons à l'usage de tous, des riches aussi bien que des pauvres; » Nous voulons aussi et mandons en vertu de notre royale autorité qu'aucun de nos magnats ne demandera soit un village, soit une terre de la majesté royale; que si quelqu'un fait une demande semblable, ils pourront, en vertu de la liberté que nous leur avons accordée, former opposition; » Nous résolvons, en outre, pour nos fidèles (Flamands) déjà nommés que, si nous arrivons chez eux en vue d'une expédition quelconque, ils ne ET EN TRANSYLVANIE, etc. 77 seront obligés de nous héberger (jue trois jours. Si le woïwode au service du roi est envoyé chez eux ou traverse leur territoire, ils devront Théberger deux fois, la première à son arrivée, la seconde à son départ; » A toutes les franchises déjà éiuuuérées, nous ajoutons encore celle-ci : leurs marchands pourront voyager, en tous sens, dans notre royaume, où bon leur semblera, librement et sans payer d'impôts et pourront se prévaloir de ce droit en vertu de la bienveillance royale; nous ordonnons aussi que leurs marchés se tiendront sans charges ; » Afin que tout ce qui précède demeure ferme et inébranlable pour l'avenir, nous avons fait revêtir le présent privilège de notre sceau double. Donné l'année de rincarnalion du Christ 1224- et de notre règne la vingt et unième. » Tel est le sens, à peu près littéral, de la Bulle d'or. L'original n'en existe malheureusement plus. Il manquait déjà, en 434.6, aux archives nationales à Hermannstadt ; toutefois, en le perdant, on n'a pas tout perdu; car plu- sieurs rois de Hongrie et princes de Transylvanie ont, à diverses reprises, confirmé le célèbre diplôme et l'ont, à chaque fois, inséré en entier dans la charte confirmative. Ce sont : Charles-Robert d'Anjou, en 1317; Louis I le Grand, en 1366; Marie, en 1383; Sigismond, en 1387 et 1406; Matthias, en U86; Ladislas II, en 14-93; Ferdinand I, en 1332; Etienne Bàthori, en 1383 et Gabriel Bethlen, en 1627. La Bulle d'or, bien qu'on n'y ait pas suivi d'ordre méthodique, est cepen- dant facile à comprendre dans son ensemble. Certains points néanmoins ont besoin de quelque explication '. André parle de ses /ïdeles liospites Teutonici Ultrasilvani , expression générique et par cela même un peu vague; mais il ajoute un peu plus loin qu'ils ont été appelés a piissuno reye Geizu. Si nous mettons cette phrase en rapport avec la charte du cardinal Grégoire dans laquelle il est dit : deser- tum... Geiza Rex Flandrensibus concessit, nous concluons qu'il s'agit d'un seul et même peuple et que les Teutonici d'André II sont les descendants ' Voy. le beau commentaire que Sclilôzcr a fait de la Bulle d'or, Kiutische Sammm'Ngen, etc., pp. 512-687. — Cf. Sehuller's Umrisse, etc., I. II, pp. 57-151. 78 COLONIES BELGES EN HONGRIE des Flumhenses de Geiza II et de Bcla III. Nous étions donc autorisé à faire, dans ce travail , mention de la Balle d'or, bien que les Beli^es n'y soient pas nominativement désignés. Les colons y sont appelés /lo.yrites, c'est-à-dire hôtes *. Leurs ennemis se prévalurent de cette expression et en conclurent que les Flamands-Saxons de Transylvanie n'étaient que des étrangers tolérés dans le pays et que, par- lant, ils ne pouvaient prétendre ni à une direction indépendante, ni à une volonté libre. C'est là une erreur. L'expression liospiles a, dans le langage hongrois du moyen âge, une signilication qui honore celui qui en est qua- lifié. Dans le principe, tous les non-nationaux s'appelaient ainsi; plus tard, le nom fut attribué uniquement aux tribus de race germanique qui se fixèrent dans le royaume et il devint un nom d'honneur, un nom privilégié, signifiant autant que libre, voire même que noble. Peu à peu l'expression tomba en désuétude; elle fut remplacée une première fois, en 1206, dans le privilège des trois villes (Chrapundorf , Karako et Rams) par celle de Suxones et celle-ci finit par devenir prépondérante à partir du milieu du treizième siècle. Outre les conjectures que nous avons émises plus haut, il n'est pas invrai- semblable que si les Magyars qualifiaient souvent de Saxons les Allemands en général, c'est que parmi eux s'était perpétué le souvenir des défaites san- glantes que les empereurs de Saxe avaient inlligées à leurs ancêtres aux jour- nées de Mersebourg et d'Augsbourg -. Aujourd'hui encore, dans le langage du peuple, Saxon et Allemand sont synonymes, et le second nom est peut- être encore plus fréquent que le premier : c'est que les petits-fils conservent d'une manière indélébile les ti-aditions de la grande famille germanique dont ils se sont détachés il y a plus de sept siècles. Examinons maintenant en détail les droits et privilèges que la charte de André II assurait aux Flamands-Saxons et les obligations qu'elle leur impo- sait en retour. • Aucune charte ne donne ce nom au\ colons belges clablis en Allemagne. L'archevêque de Brème dit : « Quidam eis Rhenuin commauentcs »; — l'inêque de Naumbourg : « Populus de terra quœ Holland nominatur », » Hollandini qui et Flaraingi nuncuj)an(ur » ; — la choniquc de Porta : « Rustici flcniingenses » ; lévèque de Jlisnie : « Strenui viri ex flandrensi provincia adventantes » ; I abbé de Ballenstœdt : « Flamiggi petenles... »; — Léopold le Glorieux, duc d'Autriche : « Burgenscs noslri, qui... Flandrenses nuncupantur n ; etc. - Tculsch, Geschichte (1er Sicbenbiirger Sachsen, p. 40. ET E!\ TRANSYLVANIE, etc. 79 § I. — Droits et privilèges. I. Lihcrié. — Il n'y avait encore à cette époque, en Ilongiie, que deux classes (riiomnies : les hommes libres et les serfs. Les premiers jouissaient, en réalité, trune liberté pleine et entière; toutefois il naissait souvent des con- flits entre les hommes libres eux-mêmes; on établissait des distinctions entre les nobiles et les ignohiles, entre la noblesse et la bourgeoisie, etc. Il y avait même parmi les Hongrois de vrais serfs, des mancipia cliriMlami , nés de Magyars, qui étaient pressurés et ex|)loités par les magnats. C'était à cet état de servitude que les Flamands et les autres immigrants refusaient de descendre. L'aflranchissement des communes était déjà un fait accompli dans les Pays-Bas et les fiers communiers enqwrtaient partout avec eux le sentiment de leur indépendance et de leur dignité '. La libertas Saxonam comprenait donc tous les droits personnels que les colons, nés libres, avaient dans leur patrie et les droits civils qu'ils avaient stipulés à leur entrée dans le royaume, la pleine propriété du territoire désert qu'on leur avait assigné et la faculté de s'organiser comme ils l'entendaient. Des historiens ont cherché à établir que les Flamands auraient reçu (donati) la liberté de Geiza comme un don au lieu de l'avoir imposée comme une condition (Jibertate qua vocafi fucrant); mais cette hypothèse n'est |)as admissible en soi et, d'aillein-s, l'examen de l'original a prouvé que c'était bien le mot oorati qui figurait dans le privilège d'André -. Dans le préambule du privilège, le roi André dit expressément que les colons se plaignaient de ce qu'ils allaient perdre cette liberté sous la garantie de laquelle ils avaient été appelés par le roi Geiza. C'est par ce motif que le roi leur restitue leur liberté primitive. IL Unité politique. — Comme, dans les lenq)ètes du temps, la parole royale était souvent inefficace et que les lois |)erdaient parfois leur vigueur dans la confusion générale, André chercha à fortifier les colons par leurs propres ressources, afin qu'ils pussent, au jour du danger, se défendre eux- ' \oy. noli'c JJialoire (les colonies belges en Allcmagiœ, pp. 170, 171. 2 Eder, De iniliis Saxonum, etc., pp. 199-202. 80 COLONIES BELGES EN HONGRIE inèincs. Jusqu'alors, les colonies étaient isolées, ayant chacune une exis- tence distincte, sans lien avec les autres : l'union devait leui- donner la cohésion qui lein- nian(|uail : concordia res parvae crescunl. C'est pour ce motif qu'André modifia le privilège antérieurement concédé aux Néerlandais, en ce sens, que tous les étahlissements isolés depuis Broos, à l'ouest du pays, jusqu'à Draas, à l'est, ne devaient plus former qu'un seul État. Il n'est pas question des lignes frontières nord et sud. « Et tout le peuple, c'est-à-dire les Flamands-Saxons, à qui le |)rivilége était départi commençant de Broos jusqu'à Boraith, y compris le territoire de Sebus dans le pays des Seklers et le pays de Draas, sera un peuple et tous les districts, sauf celui de Her- mannstadt, cesseront complètement d'exister. » Baraith est le bourg de Barol dans le pays des Seklers; par Sébus il faut entendre Schepschi, dans les mêmes parages. Outre l'ancien territoire qu'ils occupaient, André concède aux colons le bois des Yalaques et Petchenègues avec les coui-ants d'eaux qui les arrosent. H s'agit, dans ce passage, de la forêt boisée située dans le district actuel de Fogaras et le roi la cède aux colons « avec les Valaques et Petchenègues qui y demeurent. » Tous les étrangers, riches et pauvres, en auront l'usage en commun : par là, le roi n'entend pas placer les Néerlandais sur le même pied que les deux autres peuples que nous venons de nommer; ces derniers n'eurent jamais des droits égaux à ceux des Allemands; par contre, les rois de Hongrie les cédèrent plus d'une fois comme s'il ne s'était pas agi de créatures humaines. C'est ainsi que Louis I donna, en 4377, à la ville saxonne de Klausenbourg le village valaque de Felek; Matthias donna, en 1472, à ceux de Bistritz la \ allée de Rodna, et la même année au district de Hermann- stadt le cercle de Fogaras « avec tous les Valaques qui y demeuraient. » Le pays qui s'étend de Broos à Draas, et dont André réunit tous les habi- tants germaniques en un seul peuple, s'appelle la province de Ilei'inannstadl. Ce sont les sièges actuels, Stuhle. Au commencement du quatorzième siècle, le siège de Medwisch en fut séparé et c'est par ce motif que depuis ce temps on ne comprend dans la province de Hermannstadt que les autres sièges. Le privilège d'André n'embrassait donc ni Kra|)undorf, ni les distiicts de Bis- tritz et de Borza. Cependant ses franchises furent appliquées ultèiieurement à ET EN TRANSYLVANIE, etc. 81 ces derniers, de soi-te que petit à petit ces districts se réunirent au centre commun a\ec lequel ils ne formèrent plus désormais qu'un État : Univer- siias Saxonum. La réunion des divers ^l'oupes flamands-saxons im|)liquait leur séparation d'avec les autres nationalités qui les entouraient. Toutefois cela n'eut lieu que vers le seizième siècle. IIL Propriété. — Ainsi que Geiza l'avait fait antérieurement, André con- cède aux colons germaniques du Gau de Hermannstadt, le pays en pleine et absolue propriété. Ce n'était que Texécution d'une des clauses qui avaient été stipulées par les premiers immigrants. On conçoit aisément (pie les Fla- mands appelés par Geiza n'avaient pas franchi des centaines de milles pour être mis en |)ossession d'un sol sur lequel ils n'auraient eu qu'un droit tem- poraire de location. Et ce sol inculte, qu'ils devaient en quelque sorte créer eux-mêmes, n'était-ce pas le leur? C'est par ce motif que le roi l'appelle « leur pays » et qu'il défend, en vertu de son autorité royale, qu'aucun de ses magnais convoite aucune parcelle de ce territoire. Que si l'un ou l'autre s'avisait de le faire, les colons, en vertu du privilège, le repousseront éner- giquement. C'est là le véritable principe de la pi-opriété privée, bien que le mot ne soit pas prononcé dans le diplôme. Mais il n'y avait pas d'inconvé- nient à nommer tous les colons en bloc — aitiversitas — puisqu'ils n'étaient vraisemblablement pas encore assez nombreux pour occuper un pays de 12G milles carrés. Le partage des terres était-il abandonné à la conmiunauté? Le roi décidait-il ou tout au moins conlirmait-il le partage? En élait-il dressé acte? Tout cela est douteux. Les rois de Hongrie n'ont pas varié dans leur opinion à cet égard. Le pouvoir royal, dit Ladislas I en 14.41 , et moins encore un particulier, ne |)eut enlever aux Saxons ni village, ni territoire, ni juridiction, ni quoi que ce soit qui leur api)artient, pour l'attribuer à un autre. Voilà pourquoi les Saxons possèdent le territoire saxon , le Sadiseiilmlen, comme rappellent fréquemment les rois de Hongrie. Et aujourd'hui encore, par une consé- quence naturelle du principe de la propriété, les descendants des anciens Flamands-Saxons ont le droit d'achat et de vente de ce territoire, le droit de mouture, de marché, de chasse et de pèche, etc., et comme passé sept Tome XXXVl. 12 82 COLONIES BELGES EN HONGRIE cents ans, les biens des personnes décédées sans hoirs éciieoient non ;i la coui'onnc, mais à la coninnniaulé. En Allemai>ne, le droit de propriété des colons était variable; il tenait par- lois de Femphytéose, tandis qne, d'antres fois, il avait plutôt le caractère d'un liel". Il y était généralement e\|)rimé par le mot possessio '. Ce mol ne ligure pas dans la charte d'André 11; mais il \ est dit : « imWuin praediafein ah bac exdudi reddilione » L'expression praedialis , peu usitée, ne se trouve pas dans Ducange; elle doit signilier (pii possidet pmedlo. En droit, tous les Flamands-Saxons étaient également ca|)ables de posséder; en lait, il y avait parmi eux des gens (pii augmentaient leur avoir, d'autres cpii le perdaient, ainsi ([u'il arrive dans toute société. Le di'oit de propriété est donc clairement délini dans la Bidle d'or. IV. Droit de hourfjcois/e. — « Tout ce peuple ne formera (pi'un peuple » et « personne ne s'a\ isera de réclamer un village ou une partie de leur terri- toire. » D'après cela, et conformément à la nature des choses, au droit des colons en Hongrie et au but de leur institution , les Flamands-Sftxons se sont attribué le droit de bourgeoisie exclusif et l'ont maintenu j)endant des siècles. Tous les rois les ont favorisés en cela, car le bonheur du pays y était intime- ment attaché. Lorsque les émigrants arrivèrent en Transylvanie, leurs mœurs étaient plus polies, leur culture d'esprit plus élevée que celles des habitants qu'ils y trouvèrent. Ce fut grâce à leur état de civilisation qu'ils puient transformer un désert en un séjour habitable, le défendre contre des en- nemis et, ainsi que le dit le roi Mathias, « l'orner de villes et de villages. » Mais leur civilisation reposait sur leur esprit de nationalité et ils conservè- rent celui-ci par leur droit de bourgeoisie exclusif. S'ils avaient accoidé le droit d'établissement aux peuplades étrangères qui les entouraient et dilïé- raient si foncièrement d'eux par la langue, les mœurs et la législation, leur population se serait peu à peu effacée, mélangée et abâtardie. Leur langage aurait perdu son iniluence dominante et par là la communication la {)lus intime avec la grande patrie germanicjue aui'ait disparu peu à peu -. ' Vo). noire Histoire îles colonies bvUjes en Alleinwjne, \)\u 171-176. - Teiitscli, /. c, p. 51. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 83 Nous pouvons, au point de nuc de nos idéos niodernos, l)l;unci" cel excki- sivisnie patriotique; mais riiistoire de Hongrie nous en fournit maint exem- ple. Le roi Boia (h'IVndit aux Saxons de Sclimegen, dans la Zips, de vendre de leurs terres à d'autres qu'à des Allemands \ Le même roi statua que des Allemands seuls pouvaient obtenir droit de cité à Heusclil. Le roi Geiza II avait permis aux habitants /7cv*', en Flandre). VI. Jurkliclioit propre. — Du droit de bourgeoisie et de l'égalité dos citoyens découlait naturellement pour les Flamands-Saxons le droit de s'admi- nistrer eux-mêmes et d'avoir leur propre juridiction. C'est encore un privilège qu'ils eurent de comnnni avec les colons établis en Allemagne '. Le chef du fi avoir joui en Allemagne. A Brème, rarchevèque se réserve cxpressémeiil le droit de nommer le successeur de Tecclésiastique (pi'il éta- blit chef spirituel de la colonie; toutefois les colons sont soumis à leur nou- veau souverain conformément aux lois et coutumes de Téglise d'L'trecht dont ils semblaient être originaires. Dans le Xaumbourg, les Belges pouvaient lenir un synode présidé par leur prè\ôl. Oi', en Transylvanie, outre les juges — et à cette époque il n'y avait pas d'autres magistrats civils — les colons devaient, en \ertu de la charte dAndré, élire eux-mêmes leurs prêtres, donner à ces derniers, et non à l'évêque, la dime et les autres redevances ecclésiastiques et leiu- obéir, suivant leurs propres usages, en tout ce qui était du domaine de l'Église. De cette façon, ils formaient encore, au point de vue spirituel, une communauté indépendanle et inaccessible à l'influence étrangère. Nous disons que les colons payaient les dimes à leurs prêtres et non à l'évêque, ou à tous les deux, ainsi qu'il était d'usage. Ce point a besoin d'être mis en lumière. « Electos (sacei'dotes) représentent » , dit le privilège d'André. Cela doit s'entendre de la conlirmalion nécessaire aux ecclésiasti- ques pour exercer leur mission spirituelle, après qu'ils en avaient été investis par l'élection des fidèles. Mais par qui cette élection devait-elle être ratifiée? On serait tenté de croire, au prenner aboi'd, que c'était par l'évêque de Transylvanie; toutefois, si l'on considère que le saint-siége avait élevé la communauté des Flamands en prévôté libre et exempte ', on doit admettre (pie c'était au |)ape seul ou à son légat près la coui" de Hongrie qu'il reve- nait de confij'mer le vote des Flamands. La charte porte simplement : « décimas persolvanl » , doii il faut inférer que les Flamands payaient les dimes propreineitt diles, par exemple, la dixième gerbe; les dimes enlières, c'est-à-dire le tiers de chaque quantité imposée aux quatre saisons; les grandes et les petites dimes (maiores et mi- nores), comprenant les fruits de la terre et le moût, le bétail et le lin, etc. ' Voy., plus liiiiit, pp. (kS (H (19. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 87 « La possession des ilimes oui pour le peuple les résultais les plus utiles; par elles, les prêtres furent à même de donner à leur mission tout le déve- loppement possii)le et de continuer leurs rapports avec rAllemagne. C'est grâce aux dimes que les Saxons furent et restèrent le peuple le plus civilisé de la Transylvanie ^ » VIIL franchise des péages, liberté du commerce el des inarc/ics. — Le pri\ ilége d'André assure aussi des avantages aux colons au point de vue de leurs relations extérieures. Il exempte les colons de tous dioits de tonlieux dans toute la Hongrie et leur accorde des marchés libres (annuels et hebdo- madaires) sur leur propre territoire; en d'autres termes, il résout, au |)rolil des Flaînands-Saxons, le principe de la liberté commerciale. C'étaient là des concessions d'une haute importance pour les colons el d'une portée politique considéiable. Nous avons vu plus haut ([ue la Transylvanie continuait la grande voie commerciale qui reliait l'Orient à l'Europe. La mesure si sage d'André dut nécessairement y faire alïluer en transit toutes les marchandises du nord et du sud. Les archives des Saxons en contiennent les preu\es manifestes. Non- seulement le commerce en Hongrie était entièrement aux mains des Alle- mands, mais ceux-ci Iratiquaient aussi en Croatie, en Dalmatie, en Autriche, en Pologne et dans la Valachie. Ils y importaient des matières brutes, des céréales, du bétail, du poisson, du sel, de la cire, du miel, du vin, de la toile, des objets d'habillement, des peaux de chèvre, de veau, de renard, de martre, etc. Les successeurs d'André eurent soin de confirmer les dispositions qu'il avait prises en matière de commerce, et le pays ne fit qu'y gagner, au point de vue de la richesse publique et privée. Les Flamands-Saxons oflrent dotic aux regards de l'historien le spectacle le plus intéressant. Actifs el entn - prenants, ils s'adonnaient également au commerce et à l'industrie; ils fai- saient presque exclusivement toutes les transactions d'un grand royaume et cela libres de toutes douanes; ils reliaient, grâce à une situation piivilégiée, ' Tcutstli , Inr. cil., pp. 5a-S(J. 88 COLONIES BELGES EiN HONGRIE l'Oi-ioiit et l'Occident, et ils inireiif, peiulMiit quatre siècles, à conlrilnitioii volontaire leurs voisins qui étaient riches en produits de tout genre, mais ignorants et paresseux. Ce fut la cause de leur pi-ospérité, de l'accroissement de leur population et de leurs progrès matériels et moraux. Quelle victoire, s'écrie Sclilôzer, pour le piincipe de la liberté commerciale! Dans le cercle de Naumboui-g, les Flamands, sans avoir le inarkhec/if, pouvaient traliquer librement sans être soumis à aucun impôt ou à aucun droit de douane K II en était de même en Misnie -. IX. Libération (la change. — André délivra aussi les colons de la plaie du change des monnaies, institution inconnue dans les temps modernes et ((u'il n'est pas inutile de faire connailre. A l'époque d'André II, on frappait en Hongrie, comme dans le reste de l'Europe, de la monnaie d'argent divi- sionnaire si mince qu'un souille sullisait pour la déplacer et qu'on la brisait aisément entie les doigts. Cette monnaie s'usait rapidement et devait être refondue. Les frais de la refonte donnaient lieu à un agio que l'on payait en changeant un certain nombre de vieilles pièces contre un nombre moindre de pièces nouvelles. Excité par les avantages que procurait ce change, le trésor finit par refondre à cha(|ue instant et à établir un agio exagéré; les changeurs eux-mêmes soustrayaient une certaine quantité de métal de sorte (pie le change devint bientôt une véritable calamité. C'est de cet abus qu'André voulut alïranchir les colons. X. Sceau. — Connue signe sensible de l'union des émigrants, André accorde au peuple llamand-saxon le droit de se servir d'un sceau unique. Quatre liommes supportent une couronne. Le premiei-, dont le costume semble annoncer un ecclésiastique, est debout; le second, qui parait être un paysan, est à genoux sur un coussin, et tous les deux portent l'indice de la civilisation dans toute leur personne. Les deux autres, à moitié à genoux et à moitié nus, figurent, à ce que l'on croit, les Valaques et les Petchenè- gues dont il est parlé dans la charte d'André H. La légende porte : « Sigil- ' V()\ . liolre Histoii-f des colonies belges en Alleniuyne, p. :254, n" vu. * llild, |). 230 , n" m. ET EN TRANSYLVANIE, .rc. 89 lAiM ciBiMENSis piu)\ iNciK AD UETiNiLNUAM coRo.NAM. » Ces (loi'niei's inols figii- renl aussi sur réteudard des Saxons. C'est là le premier sceau national des Saxons; la plus ancienne em- preinte qui en ait été conservée date de 4302; mais on croit qu'il a été en usage antérieurement. En 1370, Louis rillustre, devenu roi de Pologne, donna à la nation saxonne un autre sceau dont elle s'est servie jusque dans ces derniers temps. Il se compose de trois écus posés deux et un et surmontés d'une coui'onne; le premier écu est partagé \erticalement en deux parties; dans le premier champ se trouvent les (piatre fleuves hongrois et dans le second les lys des Anjous; le second écu est d'argent à l'aigle éployée et cou- ronnée de sable; enfin, le troisième contient un triangle avec une feuille de nénuphar à chaque extrémité et surmonté d'ime couroime semblable à ki première '. La légende reste la même que pour le premier sceau. Enfin, sous Jean de Zapolya, en iri38, les États des trois nations unies (^Status et ordiiies trium nationum prinrijxi/tis Transijlvauiae) décidèrent que tous les actes publics seraient scellés au moyen de nouveaux sceaux appartenant à chaque nation. Les Hongrois adoptèrent une aigle à moitié cou- ronnée; les Allemands, sept bourgs ou châteaux-forts; les Szekiers, le soleil et la lune. Ces trois sceaux, placés l'un à côté de l'autre, portaient l'inscrip- tion suivante : SIGILLCM X COMI- SIGIL. ^AT10^■|S SIUIL. ^ATI0N1S TATVVM TRANS. SAXONICAE SICVI.ICAE. Nemes ha- rdm nemzel bol al- lo Erdely Orszcifja. c't'sl-à-dire : « incliltiiu ex Iri- hus nnliniiibus consisteiis rcgiuim Transylvaiiinc ». En même temps que l'usage du sceau, les Saxons obtinrent le droit d'em- |)loyer la cire rouge, droit qui avait été réservé jusque-là aux barons seulement. Tels sont les droits et privilèges rendus, accordés ou maintenus aux Néerlandais de la Transylvanie. Mais tout droit a pour corrélatif un devoii'. Voyons, par conséquent, quelles étaient les obligations imposées aux colons par le roi André. ' Nous lie ré|)on(l()ns ])a.s de l'cxiiclitude de cette description. Tome XXWI 13 90 COLONIES BELGES Ei\ HOPSGRIE ,^ II. — Charces. I. — Les colons ('taient (omis de pajer une conlribution ainuielle de oOO marcs d'argent, au prollt du trésor royal : « in lucrum canierae noslrae.» Par cette expression, on entendait tout impôt prékné dans le royaume, impôt dont les nobles n'étaient pas plus exempts que les autres habitants. Avant le roi André, toutes les communes flamando-saxonnes payaient diverses redevances sous des noms diiïérents; en écartant toutes les an- ciennes charges, le roi en crée une nouvelle qui portera un nom unique. Les diplômes postérieurs apprennent que cet impôt n'alTeclait pas le sol, mais qu'il était payé par des hommes libres en échange des privilèges qui leur étaient déi)artis, et qu'il servait pour les besoins du royaume. Plus tard, il prit le nom de Saint-Martin, parce qu'il était payé lors de la fête de ce saint; et lors(|ue la Hongrie se lrou\a dans des circonstances critiques, il dépassa mainte fois oOO marcs. L'impôt était dû et est dû encore par tout habitant : la charte d'André était formelle à cet égard. Par rapport au poids — car le marc n'est pas une monnaie, — le diplôme statue qu'on observera l'ordonnance sur la matière de Bêla III. D'après cette ordonnance, 4. '/-2 fertos de Hermannstadt formaient un marc. Les colons pouvaient payer les oOO marcs soit en lingots, soit en monnaie courante. Au temps d'André, cela formait une somme de 1,894. florins; un siècle plus tard, 2,1 16, et au quinzième siècle, 3,644 florins. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer, à ce propos, que la valeur de l'argent était plus considérable à cette époque qu'aujourd'hui. Les colons répartissaient entre eux la quote-part de chacun. Lorsque les commissaires royaux arrivaient pour recueillir la somme entière, on leur donnait ?> fo(/is d'argent par jour. IL — La seconde obligation à la(pielle les Flamands-Saxons étaient tenus était le service militaire. Ce devoir, qui jadis n'incombait qu'aux hommes nobles ou libres, est limité à trois cas bien distincts. Si le roi ET E.>' TllANSYLVAlNIE, ktc. 91 c'iitrc on c;iini)agii(' lui-même, dans rinlériour du royaume, ils Courniionl 300 hommes; 100 seulemenl, si Texpédilion a lieu au delà des frontières, et oO pour le cas où le roi ne se inellrait pas à la tète de ses troupes. Mais, de même que Tinipôt dépassa souvent oOO marcs, de même le nombre des combattants qu'ils fournirent excéda 500 au moment d'un danger pressant. ni. — La dernière obligation à laquelle les colons fussent soumis con- sistait à donner rhospilalité au roi Çdescensiis , — Herbcry, Nachfliifjer, — ffUe, etc.) et, en certains cas, au woïwode. C'est encore une des |)articula- rités de l'époque que l'on a peine à conq)rendre aujourd'hui. En voici l'ex- plication : Les rois de Hongrie n'avaient pas encore alors de résidence fixe; ils parcouraient le pays et allaient là où les besoins de l'État les appelaient et où leur |)résence était nécessaire. Ceux au milieu desquels se trouvait le roi devaient pourvoir à son entretien. S'il ne s'était agi que du souverain, le fardeau aurait été léger; mais la suite énorme qui l'accompagnait partout et les exigences d'une valetaille sans vergogne étaient une plaie qui elîrayail tout le monde. La noblesse hongroise se fit afiranchir de cette obligation, par la Bulle d'Or d'André; mais elle y fut soumise en Transylvanie jusqu'en 1324.. Les Saxons-Flamands y étaient tenus également. Quand le roi était parmi eux, ils devaient l'héberger trois fois par an; ils n'étaient tenus à le faire que deux fois, s'il s'agissait du woïwode, et seulement dans le cas où celui-ci venait d'après les ordres du roi. Dans le diocèse de Brème, lorsque rarchevê(|ue se rendait au milieu des colons pour juger, au degré d'appel, les contestations qu'ils ne pouvaient terminer eux-mêmes, ils devaient l'entretenii" à leurs frais et lui faire tou- cher un tiers du montant du litige \ En Misnie, les Flamands devaient sup- porter les frais du séjour (siniiptu.s) du Voif/( trois fois l'an, pendant les |)laids qu'il tenait parmi eux "-. Les détails (pu |)récèdent font suflisammenl connaître ce qu'était le privi- lège octroyé par le roi André 11 aux Flamands-Saxons de Transylvanie. Pri- • Voy. noire Histoire des colonies belges en Alleinaçine , p. 197. - Ibid., p. ^240. 92 COLONIES BELGES EN HONGRIE vilége, disons-nous, car il contenait un ensemble de droits et de franchises dont ne jouissait aucune autre populalion en Hongrie, pas même les habi- tants de la Zips. Ce lut grâce à ce privilège que les descendants des premiers colons purent formor définitivement cette vaste fédération qui a fait Tadmi- ralion de tous les hisloriens honiïiois et ((u'ils ont conservée intacte pendant sept siècles, à travers les temps les plus dilliciles, qu'ils ont \écu et agi, au\ limites extrêmes qui séparent le monde occidental de FOrient, connne agis- saient et vivaient leurs compatriotes de la Flandre et des bords du Rhin; qu'ils ont introduit <>( développé une civilisation inconnue dans ces parages éloignés; qu'ils oui d(''rodé des bois, desséché des marais, aplani des mon- tagnes, rendu arables des terres où croissent à Tenvi toutes les espèces de céréales, la vigne et les fruits les plus variés; qu'ils ont fondé des villes et des villages, répandu l'instruction, les arts et la science, cultivé l'industrie oV entretenu sans interru|)tioii le commerce entre les pays du Couchant et de l'Orient le plus lointain. (.' ET EN TRANSYLVANIE, etc. 93 CHAPITRE VI. ■ »E LA LANGUE PARLÉE DANS LES COLO.MES BELGES E> HONGRIE ET EN TRANSVLVA.ME. S'il y a f|iiel(|up analogie entre le laiigiige parlé flans la Zips et en Transylviinic el la langue néerlandaise. — Opinion de l'eller. — Fait récent. — Opinion des écrivains allemands ile Hongrie el de Transvlvanie. — .'Similitude des dialectes de la Zips et saxon,s-trans\ Ivanions. — Ils a[iparticnnenl au miilclilfiilsrh , avec de nomln-eux éléments néerlandais. — Lis(e de mots em|)riinlés au vocabulaire de la Zips et comparés avec la langue des Pays-Bas. — Echan- tillons des dialectes de la Zijis et du district des montagnes : Pilsen , Griinde, Kriekerbiiii. — Édianlillons du langage transylvanien : Bi-lrilz. Hei mannstadi, Regen, Scliiissbourg, Kron- stadt. — Fragments anciens. — Détails. I. ^- En se reportant à ce que nous avons dit plus haut, on peut con- •luie que si l'on no possède pas de documents écrits qui désignent avec une entière évidence la patrie originaire des colons appelés en Hongrie et en Transylvanie par le roi Geiza II, il y a des témoignages indirects dont la valeur ne .saurait être contestée. Nous avons constaté le fait de la grande émigration qui eut lieu aux Pays -Ras au douzième siècle; nous avons vu que les plus anciens documents appellent les colons Flandrenses ; nous avons établi que des noms de personnes et de localités indiquent évidemment une provenance néerlandaise ou rhénane, que des traditions populaires s'ajou- tent à ces éléments de preuves, etc. Il reste un dernier point à éclaircir. Le langage des Saxons de la Zips et de la Transylvanie a-t-il conservé quelque analogie avec la langue parlée dans les provinces flamandes et basses alle- mandes? Cette question peut être résolue affirmativement, mais non pas d'une manière absolue. Lorsque le .savant abbé de Fellcr qui était, on. le sait, Luxembourgeois, visita, au siècle dernier, la Transylvanie, il écrivit ce qui suit dans le journal de son voyage : « Bistritz est habité par des Saxons dont le langage propre est l'allemand de Luxembourg avec quelque changement L'étonnement de ces Saxons, ainsi que le mien, fut extrême quand nous découvrîmes l'iden- tité de ces langues. De là je conclus que ce langage est le vieux langage aile- 94 COLONIES BELGES EN HONGRIE rnaiid. Le iiîUurcI, le ton et les manii'ros de ces Saxons sont justement les mêmes (|iie ceux des Luxembourgeois Les li;d)itants de Saad, village saxon en Transylvanie, ont aussi le natmcl et le langage des Luxembour- geois ^ » S'il en «'tait ainsi au siècle dernier, — ce qui est confiiiné par plusieurs témoignages, — il en est encore de même aujourd'bui pour certaines parties. Tout rêccnnneni, des ouvriers luxembourgeois, arrivés à Scbassbourg |)our la construction du cliemin de fer, compriieut sans difficulté le dialecle indi- gène. Mais le Scliiissbourgeois ne comprend pas le saxon de Bisiritz et celui du Burzenland; Tallemand écrit qu'on enseigne à l'école doit lui venir en aide -. Aussi les écrivains allemands de Hongrie et de Transylvanie ne sont pas unanimes à constater les identités de langage dont parle Feller; tout au plus sont-ils arrivés à trouver des analogies entre la langue saxonne ac- tuelle et l'idiome parlé sur les bords du Rliin '\ Le résultat de leurs i-echer- ches se résume dans les points suivants : ' Fcllcr, Itinéraire en diverses parties de VEurope, I. 1, ]). 2"27. Liège, 1820. « Le Luxem- bourg fut-il ;iu nombre des contrées qui reçurent des colonies saxonnes? Le fait est traditionnel et esl liiiiporlc |iiii' |)lusicurs anciens clironicjucurs : il existe, à trois lieues au sud-ouest de Luxcmbijuig, un \illai;e a)i|)clé Sasseiiheiiii ou Saxe/ilwim , demeure des Saxons; de temjjs iraraémorial les Luxembourgeois ont joui du privilège de prêter serment debout et en allemand, usage consacré en Saxe; enfin le langage parh' dans un grand nombre de localités de la Tran s>l\anie, j)euplées par des Saxons, est identiquement le même ([ne Ton |iarlc dans le Luxem- bourg. » Marccibn La (iarde, //istoire du liiielié de Liueiidioiirçi , t. I , p. 04. - Waltcnliacb , Die Sielieiilniryer Sachsen , ]>. 13. •" Waticnbacli , /. c, dit à ce jiroiios : « In Lrm.ingdung dei- last iiberall fehlenden bcstinimlen Angaben iibcr ilii'c Ilerknnft, miisscn wir unsdalicrauf Erforsebung und Vergleiebung ilires besondcren Diaiccts, der Oi-tsnamen, der Sagen und .Marclien, der Iteclilsgebraûcbc, und iiberliaupt der Sillen und Einricliluiigen verlegcn, und bci dcn Siebenbiirger Sachscn luliren uns aile dièse S,uu'en nacli dcm Niedcrrbcin, xorziiglicb iiach der Gegend zwischen Mosclund Muus. » M. Scliulei' de Libloy résume ainsi son o]iinion : o Intéressant bleibt es dass dièse Frunkeii (oder v\ ic man sie naiinte Sachscn) ui'spi'iinglidi Flandrenses, grade die Hauplgruj)pe von ller- mannstadl, gebcissen und dass sie nianclie selir (jleidw Volksziige aufznweisen liabcn;der Dialect aber, dieser spreclicnde Zeuge der Vergangenlicit , ist so enlscbicden dcm niittel-»nd nieder-rheinlandiselien anzuschiiessen , das-i ganz gewiss last aile Coloinsten frdnkischer Ab- slammnng gewesen sind, und milbin allerdings aucli dcn Uehergang zinn siicbsisclien und flàmisehen vermitteln , gevvisscrniassen das aus der Keltc dieser Verwandsclial't berausgeris- sene Mittelglicd abgeben. » Lettre citée, de la eolleclion de l'auteur. Voir |ilus baut p. 56, note 2. ET EN TRANSYLVANIE, etc. 95 II. — J^es Alleniaiuls des disliicts moiUiicux de la Hongrie doivent être considérés comme formant une famille, poni- aniant qu'ils parlent le même dialecte, qui se divise en plusieurs patois, occupe une place à part entre les dialectes allemands (tout connue celui de Transylvanie, qui se partage également en différents patois) et doit être compté parmi les dialectes )nil- leldculsch *. (le dialecle de la Zips a des traits particuliers et un certain nondjre de mois qui se rapprochent plus du dialecte saxon-transylvanien que de n'im- porte quel autre. Ce qu'ils ont de coimnun dénote une origine commune et autorise peut-être à conjecturer que ce fut là la langue des [)reniiers colons (pii eurent si cruellement à souffrir de la violente irruption des Tartares, dont nous avons parlé. Le sentiment de la communauté d'origine entre les Saxons de la Zips et ceux de Transylvanie a fait naitre des rappoils analo- iïues entre ces mêmes Saxons et les colonies allemandes voisines. Cette communauté ne peut s'expliquer par des immigrations postérieures ' « Depuis rétablissement clélinilir des rameaux allemiimls à la lin des migrations des peu- ples, on trouve dans la prononciation des dialectes admis comme tels, une différence entre les rameaux qui habitent les parties élevées de rAllcmagne du sud et ceux qui peuplent les con- trées basses de l'Allemagne du nord, u L'illustre historien de la langue allemande, Jacob Grimm, a dit à ce propos : « J'ai besoin d'un nom générique embrassant tous les peuples de la seconde prononciation qui ne peut être autre que celui que j'ai choisi. Car l'appellation de Siiihleiitsrlien n'est plus concluante depuis qu'ils se sont aussi répandus dans l'ouest; or, par l'opposition de hoclidetUsch à niederdeiitsch, on désignera le pays des montagnes du sud et le pays des plaines du nord et eu même temps la noblesse de notre dialecte dominant devenu une langue écrite supérieure et l'état inférieur d'un sim()le dialecte populaire. Ce n'est que par rapport au dia- lecte néerlandais qu'un tel mode de parler peut être incorrect, eu égard à sa seconde accep- tion. i> « Au picniicr groupe appartiennent les AIcmans et Suèves (ï^ouabcs), les Bajoaricns (Bavarois), les Autrichiens avec leurs similaires (Sprachverwandten) dans la haute et la basse Autriche et les disiricls de I Inn (Tyrol, Autriche et Carinthic); les Francs, . ÎMème signification (pie !e flamand populaire : ;/(/( omdradijoi). Bazhj, patzùj, gepalzifj , (jebazirj, fier, suffisant, orgueilleux; néerl. : batsch, id. IHral, poire; néerl. : peer, id. ; ail. : Birne, id. l'ialzcii, frapper eu produisant du bruit; néerl. : pletsen, id. Bloch, homme lourd et grossier; flam. : blok, même signification. Bohen, bober , au-dessus; néerl.: boven, ocer, id.; ail. : ohen, ober, id. Popp, poupée; néerl. : pop, id.; ail. : Puppc, id. Prudeln, murmurer; néerl. : preutelen, grommeler, murmurer. Buder, poudre; néerl. : pocder, id.; ail. : Pnker. Puse, chat, dans le langage des cnlants; néerl. : pocs, id.; bas ail. : pus. Piitschen, tomber; néerl. : bolzen, se cogner, s'affaisser; bas ail. : butzen. Derweil, cependant; néerl. : lerui/l , id. Getter, volaille; néerl. : (phiiin) (jedii'rle , id. Totem, babiller, bavarder; néerl. : lalereii, id. Trekken, tirer, voyager; néerl. : Irekkeii, id. Dreischen, ruisseler en sifflant; néerl. : druischen et ruisschen, ruisseler, bourdonner. Treufj, sec; néerl. : droofj, id.; ail. : trockcn. Driesch, champ en friche ou peu cultivé; néerl. : drias, driesch, id. Tiirpel, seuil; néerl. : dorpel et drcuipel , id.; ail. : Schwelle; en Transylvanie : Diirpid. Ce mol, dit Schrôer, est un témoin précieux eu faveur de Tidenlilé d'origine des pre- miers Zipser et des Transylvaniens. Il n'existe probablement ni dans les dialectes bava- rois, autrichiens et alémaniques, ni dans les dialectes viiltcldeutsch. 11 existe dans les Pays-Bas, sur le bas Rhin, dans la Zips et en Transylvanie. On le trouve aussi dans le platldcutsch , mais avec une forme altérée; frison : driippcl ; Aix-ia-Chappelle : dolpcr; ffolstcin : dniitipel. ' V. Sclirocr, Beitrug zii eiiiem Worlerlniclie der deiitsclien Muiuhirlen des ii)i(jilsclieii Bmj- lundes, 18î)8. — Nachlrag zum Worlerbuche, etc., 18b9. Tome XXXVI. 14 98 COLO?yIES BELGES EN HONGRIE Tuschen, verluscheii, caclier; nécrl. : duikeu? id. Tul:vn (sicli), se cogner, se heuiler contre quel(|uc chose; flamand popul. : loelsen , cho- quer légèrement. Tutten et l'àlen, corner, souffler en produisajit du hruit; iiéerl. : Itiilen, id.; dial. silésien : tutten. Tri'j. tach , luch, jour. Conmie exemple curieux de la ))arenté et de la dissemhiance des dialectes, nous reproduisons les jours de la semaine tels qu'on les prononce dans plu- sieurs endroits importants : Kasmakk : Méunlàch, Dènstàch, Mettwoch, Donnersclilàcli, Frailàch, Soimàubeml , Sonntàck. DopscHAU : Mànlàch, Dénslàch, Medbocli, Donncrschtàck, Frailàch, Sonnabend, Sunntàch. KuNESCHHAU : Màiilik, Deinslik, Moidborh , Dàncschlik, Wrailik , Seimet, Snnnlik. Krickerhau : Mœtik, JH-nslik, Mè^bodi, Donesclitik, Wrailik, Sômen, Sonlik. PILSE^ : Mailich, Àiruchlàf/, Mi'iiloclin, T/inziàrj, Wraitàij , Sani.stûfj, Siiiilàfj. Sette COMMUN! (\'icence): Mentak, Erlak, Milloch [Miltak], Fistak, Wrailak, Saslak, Sunlak. Tyrol : Manticli, Frclitir/, Miltif/, Pfiiistirj, Freitig, Saiii.'ilifj , Siintig. Dans une seule localité, à Gmùnd, on a, outre la l'orme Mé"bocli, Quoinldç/, pour dési- gner le mercredi. Erk, colère; llani. (hrahançon) : errj (zyn), être fâché, s'oiïenser. Flâmisch, malveillant. Ein flàmscher, un homme malveillant, malicieux. Par quelle cause le nom de flamand a-t-il pu subir une pareille déviation? — Dans le dialecte de Kijnes- chau (Zips), ce mot (vlàmisch) signilie aussi énorme, effrayant. On dit, par exemple, en parlant d'un grand chien dont on a peur : dàs soe wlumisclw liuiid! Le mot a conservé la même significalion dans le pays d'Anhalt '. — Même sens pour le mol flander (à Re- (jen, en Transylvanie), /lender (flerren) , qui indi(|uc une grande quantité, une masse considérable. — Le mot Flandra, chez les Slaves de Hongrie, est une injure; les hôtes germaniques ont été probablement aussi peu les bienvenus pour les Slaves que pour les Magyars. — Enlin, le mot Flander signifie encore, dans le dialecte de la Zips, un ivanderer , un voyageur, mi nomade, un colon en général, et heniiiiflandcrn dit autan! (jue hcrumluitfen "-. Flinder, feuilles d'oi' ou d'argent battu; née!'l. : vlinder, pa|)illon; ail. : Fliiider, paillelle. Friesen, geler; néerl. : vriesen, id.; ail. : frieren, id. F«/)re, /"«re, sillon ; néerl. : voor, vore, id.; ail. : Fiirclw. Gel, jaune; néeil. : (jeel, id.; ail. : r/elh. Gezôuwe, instrument; néerl. : fjelouw, méliei' (à !issei'). Grep, (jrepel , vallée élroilc, fossé; néei'l. : grep, greppcl , |)e!it fossé, ruisseau, rigole. Grùnen, c!'oitre, gia!idir; néerl. : (jroeijen, id.; ail. : (uifwac/iscn. ' Voy. notre Histoire des colonies belges en Allcmugne , p|). Oi-Oi). ^ Seliwandlner, S^( Ai hàselnusz, ai hàselniisz Zbè (iveslialb) pëst tu asii gri~? E sic incla ani kilen là Jà~ slbeng (desslialb) pon icii asu gri~. Ai joiiivfià mai"", ai jonkfrà niai~, Zbc pësl tu asu scIiè"':' Ech àsz os wlàscli uni tirnii na bai^. JiT stbeng peu ëcii asu sciiè~. Ai jonkfrà mai^, ai jonkfrà mai~, Bu bclst dëfli dàa lumein '? Ech hà stolza priciala Zu lien be ëeii mëcii tumcin 2, etc. E. — Traduction néerlandaise. Er gaat een' niaagd bazehiooien plukken 'S morgens vrocg in clen dauw; Wat vond zij nevens den weg staan ? Een' groenen hazclnootcnslruik. Eb! bazeinool, eb! bazelnoot, Waarom zijl ge zoo groen? Ik sta oiiijd in koelen dauw, Daarom bcn ik zoo gi-ocn. Eb, julTcr niijii, eb, jud'er mijn, Waarom zijl ge zoo scboon? Ik eet bel viecseb en . oOG-o'J8. Le pupe Céleslin III confirme la charte de Belu III élevant l'È(jlise des Allemands {Flumuîids) de Transylvanie au rang de précôté libre. (1191, Il décembre.) Coelestinus episcopus, scrvus servoruin dei, venerabili fratri Strigoniensi archiepis- copo salutem et apostolicam benedictionem Cum autem ecciesia Teutonicorum Yltra- silvanorum in preposituram liberam sit instiluta, et eisdem, quibus et alie praepositure exempte, libertalis insignibus rcdimita, et eandem aulhentico scripto clarissimus in Christo (ilius noster B{ela) illusiris rex Ilungarie, studuerit eommunire, quam cliam dilectus filius noster, Gregorius, S. Marie in porticu diaeonis cardinalis, tune apostolice sedis legalus, privilegii sui munimine rojjoravit; et apostolica poslmodum aucloritas conlir- mavit, eandem inslitutionem ralam habentes precepimus nostri rcgislri série conlmeri, pereiini memoria duraturam. iXulli ergo omnino hominum liceat liane paginam nostre eonlirmationis et conslituiionis infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem lioc altenlare presumpserit, indignationcm omnipotcntis Dei, et beatorum Peiri et Pauli aposloiorum eius, noveril se incursurum. Dal. \II1 ival. Januar. Pontificalus nostri anno primo. Urkiindenbuch zur Geschichle Siebenbtirgens. {Fontes Berum Aunlriacarum, XV Ibiid) I Tlieil, p. ô, heraus- gegebeu von Teulsch iiiul Kiruliaber. Wieii, 1837. il8 DOCUMErsTS VI Le légat du pape Grégoire décide dans tin différend survenu entre l'évéque de Transylvanie et le prévôt de Hermannstadt. (1192-1196.) Gregoriiis de S. Apostolo Dci gratia Sancte Marie iii porlicu diaconus cardinalis, apos- lolice sedis legalus omnibus in Cliristo fidelibus, ad (|uos litière praesentes devenerint, saluteni et rationeni in Domino. Ne quorumlibct sopite questiones materiam récidive con- tcntionis inveniant, quod salubriter cl bene disposilnm est, perpciiiam débet slabililalem oblinere et juxla majorum monila litlerarum niemorie commcndari, ne processu lemporis in dubiani queslionem devenial, quod définitive calculum constat sententie suscepisse. Cunclis igilur (idelibiis \olunHis notum licri , (piod cum occasione bujiis verbi desertum, quod verbum est in privilégie gioriosi et illustris domini régis B(('/ae ///) et nostro ad preces ejusdcm régis impetrato a nobis et obtento super constitulione praepositure Ultra- silvane, quam fccinuis , cum primo oflTicium legationis gessimus in llimgaria , questio essel crta, inter venerabilem fratrem nostrum A(drianum) Ultrasiivanensem episcopum et dilectum amicum nostrum P. Prepositum Cibinienscm pro eo quod occasione prcfali verbi prepositus diceret generaliter omnes Flandrenses ecclesie sue fuisse suppositos, e contra ej)iscopus responderci , dominum regem et nos intellexissc de illis dumtaxat, qui tune crant in illo solo déserte, (piod gloriose memcrie G{eisa II) rex Flandrensibus concessit, et de illis, qui in eodem tantum modo deserto erant liabitantes, et eo processum csset quod questio eadem ad dominum papam fuisset delata, et inde ad nos remissa, utpote ad cum , eui interpretatio prefati verbi , donnni régis mente et voluntate explorala, dcberel esse cer- tissima : prcfatus illustris et gioriosus rex ' ad interrogationcm nostram liane interprela- tionem Vesprimii in presentia magnatum suorum promulgavit, quod non fuit ejus inten- tionis tcmpore eonstitulionis prepositure ncc postea, quod alii Flandrenses preposilo essent subditi, nisi qui tune lanlummodo habitabant in deserto, quod sancte recordationis Geisa pater suus Flandrensibus concesserat, et in eodem fuiuris lemporibus essent babi- tatiiri. Nos vero idem cum domino rege scntientes et eandem interpretationem liabentes in animo prcdictum verbum sic interprelamur, quod de nuUis aliis Flandrensibus inlellcximus nec alios prepositure supposuimus, nisi dumtaxat illos, qui tempore, quo ipsam preposi- luram constituimus, in illo lantum luibiiabanl, et crant babilaturi deserto, quod Geisa Kcx Flandrensibus prioribus concessit. Et iir bec nostra et domini régis interpretatio omni tcm- pore plénum robur et firmani slabilitatem obtineat, bas iiide litlcras scribi mandavimus, et sigillo nosiro fecimus sigillaii. Teutsch et (''inihaber, l'rkumlenbucli , Ole, |i. l. ' Bêla, sous le règne duquel le différend s'éleva. ET PIECES JUSTIFICATIVES. 119 VU Le pape Innocent III confirme la décision du cardinal-légat Grégoire , relative à l'étendue de la prévôté des Flamands de Hermunnstudl. (lojuin 1198.) (Innocentius PP.) N. L'itrasilvano. Ciiin a nobis pelitiir privilcgiiim super tleserluni a tlilecto filio Gregorio, S. Marie in porlicu diac. card. libi indiilluni, nucloritate apostoliea eonfirmamus, et preseiitis scripli pagina communinuis. Ad maiorcni aiileni hujiis rei evi- dentiam, predictiim privilegiiim iiuic nostrc pagine de vcrbo ad verbuni ducimiis inseren- dum '. Decernimus ergo, etc. Dat. XVII Kalend. Julii. Rome apud S. Petrum. Teulscb el Firnhaber, UrkundenlXKh, etc., p. 6. VIII Bref du pape Innocent III relatif aux prêtres flamands de Hermannsladt. (14 décembre 1199.) (Innocentius P. P. III) Adriano Ultrasilvanensi episcopo. Quoniani ca, que per ordi- neni judicialis cxaminis lationabilitcr sunt decisa, nulla debent lemerilalc rescindi, sed perpétue slabililalis roborc eonfirniari : prescntiuni lilcrarum aueloritate slatuinius, ut si ali(|uod scriptuni conira scntenliani, que contra Flandrenses sacerdotes , qui positi sunt in terra S. Michaelis quondam decimali, super jure parochiali pro te lataest, per subrcp- lionom apparcat impeiralum, virii)us carcat, et luis impostcrum ralionibus non obsistat. lilud quoque decernimus, et per présentes libi literas induigennis, ut si vcnerabilis fraler noster Strigoniensis A. cpiscopus, vcl Cil)iniensis praepositus, ant ipsi Flandrenses pres- byteri praeter conscienliam tuam, et procuratoris tui, in gravamen luum judiccs aliquos impeiravcrint, quos vel babeas adversarios, vel manileste possis probare suspectos, ad recusandum illos bceat (ibi sedem apostolicam appeilare, eliam si in commissionis literis appeilationis sit remediuni interclusum. Datum Lalerani. XIX kalend. januar. Teutsch et Firnhaber, Urliuiuleiibuch, elc, pp. 6 el 7. ' Voy. Dnciiments , n" V. 120 DOCUMENTS IX Sur les Flamcmds de lialur. (I2I6J Paul, tk \illa Bclliik, impctiit oinncs Flandrenses de Batar, pro occisione fratris sui Bcncdicli. Quod, ciim pracdicti Flandretises non difllierentnr, scd dicercnl se illum in latrocinio occidisse, Esau, cornes de Hugosa, ex praecepto régis disculiens, per prislal- duni, nomine ^laiiinum, misit Varadinum, ad candcnlis ferri indieiuni; ubi Paul, por- lato ferre, juslificatus est. Mnllii.'ie Bi'li Apporalun ad Risloriam Hungariae , elc. l'osonii, 17Ô5, p. 243, Bilus explorandae veritatis per iudicium ferri candentis, § CCXLIII. Tei'Hlon hongroise. Pàl Béltnk helységbol voie pcrben fogta az egész batàri belységnek Flandn'ai Iakossét Benedek lestvcrének mcgôletlete se crt, nielyet midôn az enilitoll flandriaiak nern tagadnàk- de bogy ugyminl latrol ollék nieg àllilanàk. Esau ugosi (ugocsai) foispany niegilélvén ôket, a bol Pal bordozvàn a tûzesvasal-igaznak lalidlatott. Viiradi liizes probakijiu/v. 243, czikk . Szirmaij Szal- mâr merjije leiràna , II, 1o6 p., 121 O'''evrol BuUq d'iir du roi André II. (1224.) In nomine Sancic Trinitatis et individue unitatis. Andréas Dei gracia Hungarie, Dal- macie, Croacie, Rame, Seruie, Gallicie, Lodomerieqne rex in |)erpeiunm. Sicul ad re- galem pcrtinel dignitalcm , siipcrborum coiilnmaeiam polenicr opprimcre, sic cciani regiani deect benignilalcm, oppressioncs bnniiiium misciicordilcr subieuarc et (idelium nieliri famulatum et unicuique sectmdum propria mérita retribueiones graciam impertiri. Acce- dentes igitur fidèles hospiles nosiri Theiilonici UUrasiluani \n'nicr»i , ad pedes maieslatis nostre liumiliter nobis conquerentes , sua queslione suppliciter nobis monstraverunt, quod ET PIECES JUSTIFICATIVES. 121 |)cnilus a sua liberlate, qua uocali fuerant a piissinio rege Geysa auo nostro excidissent nisi super eos maiestas regia, oculos solile pietalis nostie aperiret, unde pre nimia paiiper- lalis inopia, nulluin maicstali régie scruicium poterant impcriiri. Nos igitur iustis eorum querimoniis aurcs solile pietalis inclinantes, ad presenciani , posterumqiie noliciani uolu- inus deuenirc. Quod nos antecessorum nostrorum piis vestigiis inhérentes, pietatis nioli visceribus, pristinam eis reddidimus libertalem. Ita tamen, quod vniuersus popnius inci- piens a Vnras usqne in lioralt, cuni terra Syculoruni terre Sebus et lerra Daraus vnus sit popuins et sub uno judiee eenseantur, omnibus coniilatibus prêter Cbybiniesem ees- santibus radieitus. Cornes vero quicunque fuerit Chybiniensis nulkmi présumât staluere in predictis coniilatibus, nisi sit infra eas résidons, et ipsum populi eiigant, qui melius iiidebilur expedirc, nec etiam in comilalu Cbybiniensi aliquis audeat eomparare pecimia. Ad luerum uero noslre camere, quingenlas marcas argenti dare leiieanlur annuatim, nul- lum predialem uel qiiemlibet alium volumus infra termines eorundem positum , ab bac excindi nddicione, nisi qui su|)er lioc gaudeal |)riuilegio speciali. IIoc eciam eisdem coii- eedimus, quod pecunia quam nobis soiuere lenebunlur seu dinoscunlur, cum nullo ab'o pondère nisi cum marca argentca, quam piissime recordalionis paler noster, Beia eisdem constituit, uideiicet quintum dimidium fertonem Cbybiniensis ponderis cum Coloniensi denario, ne discrepent in stalera sobare teneanlur. Nunciis uero, quos regia maiestas ad diclam pecuniam colbgendam slaluerit, singulis dicbus, quibus ibidem moram t'eccrint, très lottones pro eorum expensis soiuere non récusent. Milites uero quingenti infra regnum ad régis expedicionem seruire depulentur. Extra uero regnum centum , si rex in propria persona iuerit, si uero extra regnum jobagit (larves) . . . ylf/rioH (nymphe) . . . Perla (larve) .... Pltryijuiiea (larves) . . Nemonra trifascinta (lar- ves). Cloe diptera (larves) . Culex pipiens (larves) . Corethra pluiniconiis (larve). C.hiroitumiis '! (larve) . CRUSTACES. Ganimanis Roeselii. Aaellus aquaticus . Cypris jusca . . . — pictiï . . . Dapltiiia sinia. . . Lynceus lamcilatiia . Cyctops qfiadriconiis Nulle ou à peu près. Id. Lente ou Irés-lenle. Nulle ou très-lente. Id. Id. Lente. P.apide .... Id. Assez rapide Rapide . . Id. Rapide . . Id. Très-rapide. Id. Id. Id. Id. Jloy. 4 h. 49'. — 2 h. 3. DeSh. àI4h. Moy. G h. 59'. G h. nv. Moj .3 h bu'. — 2 h 40'. — Oh 36'. - Oh. S'2I - Oh. 21'd7 Uh 7'. _ (Jh 417 C'est à dessein que les hydrachnes ne figurent pas dans ce tableau ; on les Tome XXXVI. 3 18 RECHERCHES PH\ SICO-CHIMIQUES douerait à priori d'une al)sorption cutanée considérable, tandis que je prouve plus loin, par expérience, qu'elle est nulle. On voit donc qu'en rangeant les animaux qui ont fait l'objet de mes expé- riences suivant le peu d'épaisseur relative de la peau ou suivant l'étendue de la surface brancbiale ou cutanée par laquelle peut se faire une absorp- tion des matières en solution dans l'eau, les chiffres qui expriment la rapi- dité d'action de l'eau de mer suivent une progression (uialof/uc. Si, dans le tableau qui précède, il n'y a pas un accord parfait entre les différents termes, c'est qu'il est impossible d'apprécier autrement que par une estimation grossière les qualités de ténuité ou de pouvoir absorbant de la peau et qu'il eût lallu opérer sur un nombre d'espèces encore plus consi- dérable. Je prie donc le lecteur de ne voir, dans celte classification, qu'une sorte d'esquisse destinée à montrer le principe qui m'a guidé dans les expé- riences que j'ai encore à exposer. Il nous faut rechercher maintenant si les éléments constitutifs de l'eau de mer sont réellement absorbés et quels sont ceux qui agissent comme poison. § vn. EXPÉRIENCES SUU l'aBSORPTION CUTANÉE OU BRANCHIALE. Si les animauK d'eau douce qu'on plonge dans l'eau de mer peuvent absorber les éléments de celle-ci par la peau ou la surface des branchies , il est de toute évidence qu'en sortant du cercle des Arthropodes et en demandant des sujets d'expérience à des groupes où l'absorption cutanée est reconnue comme grande, on devra obtenir des effets très-rapides. Or, c'est ce que j'ai effectivement observé. !. Cinq iiiclividiis (17/.yf//« fiisca m'onl tons montré les |)lu'nomônPs suivants : nu prc- niier coninct entre l'Iijtlrc et l'eau de mer, l'animal se contiaele l'orlement; il tonehe au fond du li()uide sans s'y (i\er; la lou|)e ne décèle plus auenn mouvement. Sans pouvoir piéeiser l'instant de la niorl, on est en droit d'admettre que celle-ci est arrivée excessive- ment vite. 2. Une Naïs proboscidea descend au fond, se tord et se détord une fois ou deux, puis SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 19 se noue linéralement. L'animal meurt après 1 minute. Un deuxième individu meiu-t après r,l7". ô. On met dans l'eau de mer une Planaria lactea de grande taille ; elle flotte, puis, apl-ès quelques mouvements, tombe morte au fond, à demi contractée, au bout de 4', 12". 4. Une Nephelis iidgaris-, dans les mêmes conditions, nage vivement, cherclie à luir, puis, au bout de 3 minutes, les mouvements cessent, l'animal descend au fond, s'étend complètement et mcmt en un temps total de 7 minutes. Un deuxième individu ne résiste que 4, 50". Chez les Hydres et les Nais, l'action est donc presque instantanée, la Planaire et les Nephelis ont mis à mourir à peu près le même temps absolu que les Çi/clops quadri- cornis; mais, si on a égard à la différence considérable de taille, on est obligé d'avouer que l'action de l'eau de mer est bien plus rapide. Rappelons-nous, avant de passer à des expériences plus précises, que les sels di.ssous dans l'eau de mer se divisent en chlorures et sulfates. Parmi les chlorures on peut négliiier le chlorure de potassium ([ui ne rejjrésento qu'un millième de la masse totale. Restent les chlorures de sodium -^„ et de magnésium ^^ et les sulfates j^. Le chlorure de sodium seul aura évi- demment une action prépondérante, soit comme effet physiologique, soit dans les réactions chimiques à elfectuer. Je m'occuperai jjIus loin du chlo- rure de magnésium, des sulfates et, en général, de l'action isolée des diffé- rents sels de l'eau de mer. Les essais directs que j'ai pu faire sur les articulés aquatiques ont eu poiu- point de départ une expérience très-importante de M. Claude Rernard rap- pelée et développée récemment par M. M. Einery K M. Emery met une gre- nouille dans de l'eau contenant environ 23 p. Wo de sel marin. La grenouille s'agite d'ahord heaucoup ; au hout de trois à cinq minutes, elle devient insen- sihle et immohile; alors, on la lave avec soin, et on la place dans de l'eau distillée pure; l'animal > reprend hientùt son activité, et Ton constate que l'eau distillée précipite ahondamment par l'azotate d'argent. On n'a plus à démontrer aujourd'hui l'existence des ahsorptions cutanées ; mais l'expérience que je viens de résumer démontre deux faits sur lesquels je dois insister pour l'intelligence de mon travail : 1° le chlorure de sodium est rapidement absorbé par la peau de certains animaux et peut agir comvte ' Notices phijsloloçiiqiies (Annales des se. nat., 5' série, t. XII, p. 505, I8(J'J). 20 RECHEUCHES PHYSICO-CHIMIQUES poison; 2° si l'on s'y prend à temps, la substitution de l'eau pure à l'eau salée permet l'excrétion du sel absorbé. J'ai suivi, à très-peu près, la même mélhode que M. Emery. 1. Après avoir conslalù que l'eau ilislillco dont j'allais me servir ne donnail aucun pré- cipité par l'azotate d'argent, et, après avoir soigneusement lavé, avec de cette même eau, les tubes de verre nécessaires à mes expériences, j'ai placé neuf individus A'Asclhis aqiia- Ikus dans une solution de sel marin contenant, en poids, G,()9^ de sel et 9G,9.j4 d'eau, c'est-à-dire une quantité de sel exactement double de celle que renferme l'eau de mer. Les aselles restent dans cette solution pendant 87 minutes; au bout de ce temps, ils manifestent du malaise; on les ôtc, on les pose un instant sur du papier absor!)ant, puis on les lave, à cinq reprises différentes, avec de l'eau distillée, jusqu'à ce que la dernière eau de lavage donne, à peine, avec l'azotate d'argent, un trouble perceptible. Les neuf articulés sont mis une sixième fois dans de l'eau distillée pure (10 centimètres cubes) pendant 2 heures. Ce temps écoulé, ils ont repris toute leur vivacité, et l'eau dans laquelle ils ont séjourné donne franchement, par l'azotate d'argent, un précipilé de chlo- rure soluble dans l'ammoniaque. Mais il fallait essayer d'autres animaux, ou varier les conditions de Tex- périence. Dans le cas précédent, j'avais employé, comme M. Emery, une eau plus salée que l'eau de mer; voici une expérience avec une eau renfer- mant moins de sel. 2. Quatre Asellus (iqualicus séjournent, vivants, pendant Go heures ' dans un mé- lange d'eau douce et d'eau de mer renfermant ^ d'eau de mer, en volume. On procède comme plus haut; la dernière eau de lavage ne donne rien par l'azotate d'argent. L'eau distillée pure {i centimètres cubes '^) dans laquelle les aselles passent 1 heure devient opaline par l'addition d'azotate d'argent. Il y avait donc eu absorption et excrétion de chlorure de sodium, mais faibles, en raison de la petite quantité de sel. Les essais suivants ont été faits à l'aide d'eau de mer naturelle. 3. Deux Gammarus Roeselii, après avoir nagé dans l'eau de mer pure pendant 1 heure, sont lavés suivant la mélhode décrite; la dernière eau de lavage ne donne rien aux réactifs. On les met séjourner, toujours vivants ^, dans 2 centimètres cubes d'eau I VoyezgXXIIL - Le volume de l'eau distillée est toujours aussi i)ftit que possible afin que les réactifs puis- sent déceler la moindre trate de sel excrété. ^ Les animaux sont vivants pendant la durée de toutes ces expériences. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 21 distillée pure pendant 2 heures. Cette eau, essayée à l'azotate d'argent, donne un préci- pité très-net de chlorure. i. On opère exactement de mémo sur deux larves de CIvc dipleia. L'eau distillée pure dans lii(|uelle elles ont excrété du sel donne une légère trace de précipité par l'azotate d'argent. Ici la réaction est peu accusée, parce iiue le faible volume du corps de ces petits insectes ne leur a guère permis d'emmagasiner beaucoup de nialière. 5. Une Nepa cinerca, mâle, essayée par le même procédé, après avoir vécu 27 heures dans l'eau de mer, n'abandonne à l'eau distillée lînule dans laquelle elle séjourne 5 heures, que très-peu de chlorure de sodium, mais assez pour donner un léger trouble par l'azo- tate d'argent. 0. Six larves de Culcx pipiens passent 2 h. 40' dans l'eau de mer ; on les lave à l'eau distillée; elles séjournent 3 heures dans ô centimètres cubes d'eau distillée pure. Celle-ci ne donne, à l'azotate d'argent, qu'un léger trouble; à peine perceptible; cela lient à une absorption relalivemenl lente de sel par les insectes en expérience, et au peu de temps qu'ils sont restés dans l'eau de mer. 7. En présence du résultat précédent, on fait une seconde expérience. Cinq larves de Culex pipiens passent 4 heures dans l'eau de mer, et, après lavages jusqu'à absence de réaction, séjournent 3 heures dans 2 centimètres cubes d'eau distillée. Celle-ci se trouble nettement par l'azotate d'argent. Ces expériences mettent hors de doute que certains articulés aquatiques absorljeiit du chlorure de sodium par la surface du corps. Mais, pour ([uV'lles soient parfaitement concluantes, il faut encore montrer que tous les insectes et crustacés dVau douce ne sont pas dans ce cas , et que ceux chez lesquels l'absorption fait défaut sont précisément ceux qui peuvent vivre impunément dans Teau de mer. De là , les essais suivants : 1. Deux Arjabus bipttstulalus et un IJi/droporus dorsalis nagent dans l'eau de mer pen- dant 41 h. ôC; après les avoir retirés et les avoir soumis aux lavages habituels, on les laisse pendant 2 heures dans l'eau distillée pure. Celle-ci, essayée au nitrated'argent, ne donne rien. 2. Deux Àdiiiis sidcahis, mâle et femelle, après avoir passé 48 heures dans l'eau de mer, subissent les mêmes opérations. L'eau distillée dans laquelle ils sont restés 2 heures ne donne aucune réaction. 3. Une Noionccla glatica qu'on a laissée dans Tcau de mer pendant 48 li. 15' ne fournit également aucune réaction dans les mêmes conditions. 4. La nymphe d'Arjrion, dont il est question au § V, et qui vivait encore dans l'eau de mer après 52 heures , est essayée par la méthode ordinaire. I/absence de réaction montre qu'il n'y a eu ni absorption , ni excrétion de chlorure. Dugès ' assimile aux branchies trachéales la peau des hydrachnes sous laquelle se ' Traité de physiologie comparée, t. Il, p. o49; Paris, 1838. 22 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES (rouxc un résciiii trachéen serré, réseau trachéen dans lequel l'air pénétrerait, suivant son expi-ession , par endosmose. Le célèbre physiologiste ne perd nullement de vue que les iraciiées des liydrachnes naissent de stigmates distincts ; mais il est tenlé d'admettre mic lespiration par la peau, prépondérante. Que la respiration soit cutanée ou complètement trachéenne, il n'en est pas moins cer- tain (pie l'absorption des litpiides, ou des sels contenus dans ces li(|uides, par la peau des hydrachnes est très-faible ou nulle. Le temps que ces animaux peuvent passer dans l'eau de mer sans accident en est une première preuve, l'expérience ci-dessous sera la seconde. Une Ilydrachna cnienla ayant vécu plus de 50 heures dans l'eau de mer est lavée, un grand nombre de fois, jusqu'à absence de réaction. L'eau distillée pure (1 centimètre cube), dans laquelle on la laisse 2 h. 30', ne donne rien par l'azotate d'argent. Toutes ces expériences sont , je Fespère, sufllsammcnt concluantes; j'en résumerai les résultats comme suit : Les articulés aquatiques d'eau douce qui peuvent vivre impumhuent dans l'eau de mer, sont ceux chez lesquels il n'i/ a pas d'absorption de sel par la peau : ceux qui y meurent, au bout d'an temps relativement court, ont absorbé du chlorure de sodium. Je prévois une objection peu importante : cette absorption, qui parait se faire par la peau, n'a-t-elle pas lieu tout simplement par les voies digestives? Quekpies expériences trop peu nombreuses, faites exclusivement sur la Daphnia sima et le Cyclops quadricornis , m'avaient conduit à admettre cette opinion dans des recberclies précédentes " ; mais je reconnais que c'est une véritable erreur, car, dans ce cas, tous les animaux tpiej'ai essayés et surtout ceux sur lesquels l'eau de mer n'a pas d'action, et qui ont précisé- ment ime plus grande taille que la pltqiart des autres, auraient abandonné beaucoup de sel dans l'eau distillée, et celle-ci aurait donné un précipité abon- dant par l'azotate d'argent; ce qui n'est pas. Je puis citer, par exemple, les deux Acilius sulcatus dont il est (jueslion plus baut ; ces insectes , pendant le séjour de deux heures qu'ils ont fait dans la dernière eau distillée, ont dégorgé un liquide rougeâtre par la bouche, et ont déposé des excréments. Ces matières auraient pu contenir des chlorures; mais l'absence de précipité par l'azotate d'argent a montré qu'il «'en était rien. Il est tout naturel de ne constater chez les articulés d'eau douce à peau ' Recherches sur les criislaccs, etc., oji. cit., p. 04. SUR LES ARTICULES AQUATIQUES. 25 épaisse et à respiration aérienne ni l'absorption des sels, ni les phénomènes qui en sont la conséquence; car on a reconnu, depuis les expériences laites sur les vertébrées , que lorsque la peau est épaisse et surtout garnie de son épidémie non vasculaire , Tabsorption cutanée des poisons les plus violents n'est r[ue très-lente. C'est ainsi que M. Longet, appliquant une solution de chlorhydrate de strychnine sur la surface écailleuse de la peau du \entre d'orvets et de lézards , n'a constaté de symptômes d'enq)oisonnement qu'au bout de plusieurs heures *. La texture hlstologique des membranes animales a une intluence marquée sur la quantité de solution saline qui peut les traverser en un temps donné. D'après M. A. Cima -, une solution de sel marin passe plus rapidement au travers d'un fragment de vessie de bœuf qu'au travers d'un fragment d'égale étendue de la membrane du jabot du i)oulet, bien que la première de ces membranes soit environ quatre fois plus épaisse que la seconde. Cependant, la peau des insectes et des crustacés dont nous nous sommes occu|)és ayant, dans chacun de ces groupes, une texture anatomique assez uniloi-me, nous ne devions porter notre attention que sur les diflérences d'épaisseur seules. § VIII. INFLUENCE DES SELS DE l'eAU DE MER CONSIDÉRÉS ISOLÉMENT. Les sels dissous dans de l'eau de mer y sont en propoi'tions très-diffé- rentes; si donc, en essayant leur action isolée sur les articulés d'eau douce, nous les employions dans les proportions relatives qu'ils alïectent, nous ris- querions fort de poser des conclusions fausses : attribuant à ceux qui existent en grande (piantité un effet toxique, et à ceux dont le poids n'est qu'une fraction minime de celui de l'eau, une action nulle. Pour rendre les résultats comparables, il fallait se servir de quantités égales; à cet effet, j'ai préparé des solutions formées: la première d'eau et ' 7Vat7(' (/(' phijsiolnfjie, t. I, p. 295, l8o9. 2 Siill' evaporazione e la trasudaziom dei liriiùdi altruverso le nninbrunc aiiimcdi (Mém. DE 1,'AcAD. DES sciE.NCES DE TuHi.N , scric II, tomc XII , p. 19). , 24 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES de clilorure de sodium , dans des proportions telles que le poids du chlorure de sodium fût égal à la somme des poids de tous les sels contenus dans Peau de mer; la seconde, d'eau et de clilorure de magnésium, dans les mêmes |)roportions; la troisième, d'eau, de sulfate de magnésium et de sulfate de calcium dans les rapports qu'ils présentent dans de l'eau demei-, mais en quantités telles que la somme des poids des deux sulfates égalât la somme des poids des sels de l'eau de Tocéan. Les faits exposés précédemment nous ayant montré qu'il était inutile d'es- sayer l'influence des sels sur les coléoptères et les hémiptères, à l'état parfait, il ne sera question, dans les expériences suivantes, que des articulés à grande ahsorption possible par la peau. C'est à ce titre qu'on y verra figurer encore les hvdrachnes. § IX. ACTION DU CFILORURE DE SODIUJl SEUL. Composition du liquide \ Clilorure de sodium. ô,046 j Eau ".16,934 Total .... 100,000 INSECTES. .4ction i/((.ïfHs iimrginaUs , résiste jikis de i) li., moins de 17 li. . » .. 0 Larve d'Hydroporide (%/)A/drMS.'), résiste plus de 29 1k moins de 36 h. « A peu près nulle. ;i Six larves de Culex pipiens meurent après 8 h. 43' . B Analogue. 4 Larves de Corethra plumlcornis : l" individu meuri api es 9 h. 5'. . 12 h. W. . ' m 11 37' . Plus lente. o Deux larves de Phrijijunea rhombica meurenl après 16 h. . . » Plus rapide. 0 Larves de Cloe diplcra : l<^', 2" et 3' indiv. meurent après 2 h 19'. . - 4tcto= ~ — 2 h. 30'. . > 2 h. 29' . Analogue. — — fi" et 7» — 2 h. 15'. . \ 7 tue larve d'Agrion '! vit plus de 29 h., moins de 36 h. '• Plus rapide. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 25 ACARIDES. D'oitoaE. ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DURÉES moyennes. Acliun de la solution saline comparative- ment à celle de l'eau de nier. 8 Deux Hijdyaclina rriicnta rosistont plus de 31) h. et nioiu CRUSTACÉS. ^ do i8 h. . ^ Aussi lente (analogue). 9 Gaminarus Hot^.'iclii : l'"'' individu meurt après .... th. 1- . - - -2c _ _ . . . . 1 h. 38' . 1 11. 43'. . Plus rapide. - - 3^- - - . . . . 2 h. 13' . 10 Àsellufi aiiuiiliciis : 4" — — .... -_ 2= - - . . , . 1 il. SU' . ' 2 h. o' . 2 II. 1&' . - o" - - . . . . 2 h. 30' . 2 h. 45' ) 2 h. 3fi'. . Analogue. — — «« - — . . . . 2 11. 53' . - — T - - . . . . 3 h. 5' . — — 8« - — . . . . 3 h. 19' II Dapiwiii \inta . U''' — — .... - - 2« - - . . . . Oh. 6' . Oh. T . — - 3'= — — . . . . Oh. Il' . > Oh. 7'3I". Plus rapide. - - 4« — - . . . . Oh. 7' . — .- g«etfl'- — — . . . . 0 h. 8' S". 12 L'n Li/ncciix laincllalus meurt au Ijuut de Oh. S' . " Analogue. 13 Cyclop.s- o4 Total 100,000 J'ai déjà eu roccasion de parler dans un travail précédent de l'action du chlorure de magnésium sur les cyclops et les daphnies ^•, mais j'avais em- ployé ce sel dans la faible proportion où il existe dans l'eau de mer, ce qui ne permet pas, comme dans la méthode actuelle, de comparer son effet à celui du chlorure de sodium. La même réflexion s'applique aux sulfates dont il est question aux §§ XI et XII. INSECTES. Action de la solulior de cblorure de ina- N» DURÉES gnésium comparalivemenl à celles II ESPÈCES ESSAYÉES ET DLRÉES. — d'ordre. moyennes. DE l'ead de mer. DE Na Cl. 1 l'ne larve de Dythciis tnargiimlis passe 4 h. 30' dans la solution; on l'en ote pendant un certain temps (voir plus loin), puis on l'y remet. Elle y vivait en- core très-bien après 23 h. (on met fin à l'expérience). Nulle Nulle (ou plus lente). 2 Une larve de Dyliscide {Aiiabu.':?) meurt au bout de 10 h. 5' .' .1 .Nulle (identique). . » 3 Une larve d'Hydroporide {Hiiphidrus'.') vivait encore après 53 h. (on met lin à l'expérience) » Id. Nulle (ou plus lentei. 4 Une larve de Gyrinus natator meurt au bout de 10 li. " » \ 1 t Trois larves de Culcx pipietis sont mortes après 7 h 45' .. Analogue. . . . Analogue. Deux larves de Culex pipienu ont résisté plus de 7 li., moins de 14 h 6 Une larve de Phryganea rhombica vit plus de 12 li., moins de 24 h Plus rajjide . . . Id. 7 Une larve de Plinjganea atra vivait encore après 18 h. (on a mis fin à l'expérience) Analogue. . . . » 8 Une larve de Slratiomys chamœleo vivait encore après 4-1 h. (on met fin à l'expérience) « Nulle Nulle. 9 Deux larves de Corelhra plumicornis meurent a|irès 40 h » Plus lente . . . Analogue. Recherches sur les crustacés, etc., op. cit., p. C4. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 27 15 46 n 18 49 20 21 ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DURÉES moyennes. 40 Trois larves d'Éphémérides (?) meurent après 4 h. 20'. 44 Trois larves de Cloe diptera meur. au bout de 2 h. 23'. 12 t'ne larve i'Aririnn (?) vivait encore après 48 h. (on met fin à l'expérience) 43 Une nymphe HAgrion (?) donne le même résultat. . .4CARIDES. 44 I Trois Hyt/rac/iHa ciucHm vivaient encore après 49 h. 1 (on met fin à l'expérience) CRUSTACES. Six Gammarus Rueselii meurent au bout de 2 h. 4 1', Asellus aquaticifi : 4", 2» et 3« individus meurent après. . 49 h. . . 4c — — . . 49 h. 45' . Se _ — . . 20 h. 40' . Daphnia siina : 4e'' individu meurt après 0 h. 42'û9" 2c _ _ Oh. 21' 3e _ _ 0 h. 30' 4e _ — Oh. 4T 5e _ — Oh.-lS'SO" 6e _ — Oh. 47'30" Deux Lyiiceiis lamellalus meurent après 0 h. 9' . Cyclops quadricornis : 4", 2= et 3c individus meurent après . 0 h. 22' 4e - — . . Oh. 30'30" ge — — . . 4 h. 5' Cypris uionacha : 4" individu meurt après 3 h. S6' oe _ — 4 h. 22' 49 h. 22' 0 h. 49'29" Cypris fusca : 4er et 2c individus meurent après . . 2 h. 44' 3c, 4e et 5« — — . . 3 h. So' 6e en» — — . . 4 h. 53' ;i 0 h. 37' 4 h. 9' 3 h. 43' Action de la solution de chlorure de ma- lésium comparativement à celles gne DE L eàU DE MER. Analogue . . Analogue'.' . Id. oeNcic;. Analogue. Analogue 't Id. Analogue (ou nulle). | Analogue (ou nulle). Plus rapide • . • 1 Plus lente. Beaucoup plus lente. Analogue . 1(1. Plus lenle . . Beaucoup plus lente. Beaucoup plus lente Plus lente. Analogue. Plus lente. Beaucoup plus lente 28 KECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES En résumé, l'action du chlorure de magnésium est, dans les cas compa- rables, soit amilofjvo à celle du chlorure de sodium, soit moins énerg h/ ne. Ce résultat nous conduit nécessairement à ranger le chlorure de magnésium, après le sel marin, parmi les matières salines nuisibles aux articulés d'eau douce à peau mince ou à branchies. Souvent, ainsi que le montre le tableau, les effets de la solution de chlo- rure de magnésium ont été les mêmes que ceux de l'eau de mei-; si, pour quatre espèces, on observe, au contraire, une action plus faible, cette action n'en est pas moins infiniment plus violente que celle des sulfates dont je m'occuperai au § XI. Afin de savoir si le chlorure de magnésium était absorbé par la peau, comme le chlorure de sodium , j'ai fait les essais suivants : 1. Une larve de Dytiscus marginalis ayant passé 4 h. 30' dans la solution de chlorure de magnésium, séjourne, après lavages suffisants, pendant 7 heures, dans 10 centimè- tres cubes d'eau distillée; cependant, au bo^it de ce temps, cette eau ne donne aucune réaction. L'absorption avait donc été nulle ou à peu près. 2. La larve et la nymphe (.VAr/rion qui avaient séjourné pendant 18 heures dans la solution sont lavées par le procédé ordinaire et placées dans 1 '/^ centimètre cube d'eau distillée pendant 5 heures. Celle-ci ne précipite ni par l'azotate d'argent, ni par le phos- phate ammoniaco-sodique. L'absorption avait donc été nulle. ô. Les trois Hydradma ciuenta qui avaient passé 49 heures dans la solution de chlo- rure de magnésium sont mises, après les lavages nécessaires, dans de l'eau distillée pen- dant 4 heures. Au bout de ce temps cette eau n'indique aucune trace de chlorure de magnésium. Il n'y avait donc eu, comme dans le cas de l'eau de mer, ni absorption active ni excrétion. 4. Un Asellus aquatkus, après un séjour de 20 heures dans le chlorure de magnésium et une digestion de 2 heures dans un centimètre cube d'eau distillée, ne communique à celle-ci aucune des réactions caractéristiques du chlorure de magnésiimi , même au micros- cope. L'absorption avait donc été trés-faihlc, ce qui explique comment les Aselles résistent bien plus longtemps dans la solution de chlorure de magnésium que dans l'eau de mer. o. Deux Gammarus Roeselii n'indiquent pas de traces d'absorption après un séjour d'une heure dans le chlorure de magnésium. Comme ce fait s'explique assez naturellement par le peu de temps pendant lequel on les a laissés dans la solution, on recommence avec de nouveaux individus. G. Deux Gammarus Roeselii, après avoir vécu 1 h. 50' dans la solution saline (temps qu'on ne pouvait guère dépasser puisqu'on sait qu'ils meurent dans le chlorure de ma- gnésium au bout de 2 heures), sont lavés avec soin , jusqu'à ce que la dernière eau de SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 29 lavage ne donne plus de réaetioii, puis laissés pendant 1 ii. 50' dans un conliniéire cube d'eau disiiliée. Celle-ci donne, au bout de ce temps, un précipité peu abondant, mais net, de clilorure par l'azotate d'argent, et une goutte du liquide , additionnée , sur le porte-objet du mici-osi'opp , d'un peu de phosphate annnnniaco-so(li(|ne. indifpie des traces de phos- phate nnmioniaeo-magnésien. Cette expérience a une double portée; elle nous montre d'abord que les Gammarus absorbent le chlorure de magnésiinn, et elle nous indique, de plus, que les précautions dont j'ai entouré mes essais ne sont pas superflues. Ainsi, nous constatons, une fois de plus, que les animaux qui supportent, sans inconvénients, l'action d'une solution saline sont ceux qui n'absorbent pas les sels qu'elle contient, et que ceux, comme les Gauniiarus, sur lesquels l'action est rapide, en ont absorbé une quantité telle qu'elle peut être décelée par les réactifs chimiques, § XI. ACTION DES SULFATES SEULS. 1 Sulfate de magnésium . 12,025 Composition du mélange . . , — de calcium , 1,023 (Eau 96,954 ToTAi 100,000 Dans ce mélange, l'ensemble de tous les sels de l'eau de mer se trouve remplacé, en poids, par les sulfates seuls, ceux-ci étant dans leurs rapports respectifs. Mais il faut remarquer qu'il y a ici une quantité de sulfate de calcium, sel, comme on sait, fort peu soluble, trop considérable pour se dissoudre entièrement. L'action des sulfates, même à cette dose assez forte, est, ainsi qu'on va le voir, nulle ou à très-peu près. 30 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES INSECTES. N« ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DUREES moveniies. Action des sulfates comparativement à celles lit l'eau de ubr. Nu Cf. de Mj,C(. -10 11 1-2 13 U Une larve de Dyci.iciis martjinaits a vécu plus de 18 h. (on a dû la mettre en liberté à cause de son ex- trême voracité et de l'impossibilité de la nourrir convenablement ') Une larve de Dytiscide [Agabus .') vivait encore après 4i h. {on met fin à l'expérience) Une larve d'Hydroporide(//(;;jA/(/rKs.') vivait encore après 32 h."(on met tin à l'expérience) .... Deux larves de Plinjgaiiea rhombica vivaient en- core après 31 h (on met fin à l'expérience). . . Six larves de Cloe ilipiera vivaient encore parfaite- ment après T2 h.; plusieurs avaient changé de peau (on met fin à l'expérience) Une larve d'Agrion '.' vivait encore après 31 h. (on met fin à l'expérience) Huit larves de Cule.r pipiens vivaient encore après 42 h. 30' (on met fin à l'expérience) ACARIDES. Trois individus A'Hijdrackna cruenla vivaient en- core après 48 h. (on met tin à l'expérience). . . CRUSTACES. Quatre Gauimarus Hnesclii étaient encore très-vifs après 2o h. (on met lin à 1 expérience parce que les Oammariis, à l'exception du G. puteaiiu.i, se conservent mal en captivité dans un faible volume de liquide Huit individus d'Asetliis aqnaticus étaient bien vi- vants après 48 h. (on met fin à l'expérience) . . Dapluiiit Hiina : l'-'fetS' inJiv.nieur. après 2 h. 30'. — - ?,■' — — 3h. r. — 5« et tjt 3ii. ir. 2 h. 40'. Lyiiceus lainellatus : X"' indiv. meurt après 2 h. 33'. - — -1' — - 2 h. 3'. Six individus de djclaps guadricornis vivaient en- core après 48 h. (on met fin à l'expérience). Un septième laissé, à dessein, vivait après 72 h. . Huit individus de Cypris fnxca vivaient après 48 li. (ou met tin à l'expérience) 2 h. 2 h. 19'. Nulle (identiq.) Id. Nulle . . . Id. Nulle (identiq.). Nulle . . . Plus lente. Nulle . . Id Id. Id. Id Nulle. Nulle (identiq.). Nulle. Id. Id. Id. Nulle (analog.). | Nulle (analog.). |Nulle (identiq.) Nulle (ou plus lente). Nulle . . . Beaucoup plus lente. Nulle Nulle (ou plus Nulle (ou plus lente). Nulle lente). Beaucoup plus Beaucoup plus lente. lente. Nulle Nulle ' Elle a dévoré, en ces t8 h., une autre larve de Djliscide plus petite et deux larve.s de Corîxa slriala. Elle .i vécu, ensuite, environ une semaine dans l'eau douce, en faisant un véritable carnage parmi les autres insectes. SLR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 31 Ainsi que je l'annonçais, en tête de ce tableau, la solution des sulfates de magnésium et de calcium n'a, en général, aucune action; il n'y a d'elîets perceptibles que sur les animaux très-délicats du groupe des dadocères et encore ces crustacés résistent-ils ])lus de deux heures, tandis qu'ils périssent en quelques minutes dans les liquides précédents. Il me restait à tenter quelques essais pour m'assurer si les sulfates sont absorbés par les animaux ayant fait le sujet de mes expériences. J'ai porté exclusivement mon attention sur le sulfate de magnésium, le plus abondant des deux sels contenus dans le liquide. 1. Une larve iVAçjrmi, après avoir séjourné ol heures clans la solution, subit les manipulations habituelles et reste finalement, pendant 3 heures dans 1 '/a centimètre cube d'eau distillée. Celle-ci ne donne ni, avec le chlorure de barium, la réaction des sulfates, ni, avec le phosphate ammoniaco-sodique, la réaction du magnésium, même au micros- cope. 2. Quatre Gammarus Roeselii, après tm séjour de 2S heures dans la solution des sul- fates et un séjour final de 2 heures dans trois centimètres cubes d'eau distillée, ne don- nent lieu à aucune réaction. 3. Cinq Aselhis aquatkus, ayant passé 14 heures dans la solution et 5 heures dans deux centimètres cubes d'eau distillée, ne donnent absolument rien. Comme il était impossible d'admettre qu'aucune trace de sel n'était ab- sorbée lorsque le séjour dans la solution était prolongé, j'ai fait l'expérience suivante : 4. Cinq larves de Culex pipiens sont laissées dans la solution durant 8 heures, puis lavées à l'eau distillée jusqu'à absence de réaction. On les laisse dans deux centimètres cubes d'eau distillée pendant 14 h. 30'. Au bout de ce temps, le liquide se trouble légère- ment par le chlorure de barium, ce qui indique une excrétion de sulfate, et, par suite, une absorption très-faible. Les animaux articulés à peau mince ou à branchies n'absorbent donc pas les sulfates de la solution que nous avons employée; ou, s'il existe une absorption, elle est excessivement lente. 32 RECHERCHES PHVSICO-CHIMIQLES § xn. ACTION UU SCLF.Vrj: DE MAGNÉSIUM SEUL. Dans le paragi-apho (|iii précède, nous avons constaté rinflucnce en générai à peu près négative d'un mélange de sulfates de magnésium et de calcium. Comme j'avais cependant observé une légère trace d'absorption, après un séjour prolongé, chez les larves de Culex pipiens, et comme, d'un autre côté, les daphnies et les lyncées n'y vivaient pas indéfiniment, j'ai voulu, pour résoudre la question d'une manière complète et connaître entièi'ement l'action du sulfate de magnésium, essayer ce sel seul, dans la nièm<' propor- tion (pie le chlorure de sodium. Sulfate de niagnésiiiin . 5,04(1 Composition du liquide . ) Eau 96,904 Total 100,000 INSECTES. Action de la >olulion de sulTatede magné- || N„ d'orohe. ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DURÉES moyennes. sium seul , compa de l'eau de mer. ralivement à celles do la soluiion des sulfates de maguesium et de calcium. 1 Une larve de Oijiisni.s marijiiialis vivait encore après 48 11. (on met lin à l'expérience) , IVulle. 2 Une larve A'Hijdroitfi caraboldes vivait encore ajirès 48 h. (on met lin à l'expérience) )' » Id. ■A i Une larve de Phriiiianea rlmmOica est nioile an liout de 30 h. . . ■ " " Lenle. Une nymphe d'Éphéméride (Cloe?) a vécu plus de 29 h. moins de 37 s Deux larves de Coreilira plumicoriiis vivaient après 48 h. (on met tin à l'expérience) » Nulle 1. « Douze larves de Ciilr.r pipii-ns vivaient encore après 48 lieures; un grand nombre s'étaient transformées en nymphes (on met lin à l'expérience) lil. Nnlleiidenli(|uei. ACARIDES. 7 Quatre llijdracbna criieiila vivaient encore après 48 h. (on met fin à l'expérience) „ Nulle (analogue). . Nulle (idcnliiiue,. SUR LES ARTICLLÉS AQUATIQUES. 33 CRUSTACES d'obdrb. ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DURÉES moyennes. Action de la solution de sulfate lic m:ignL'- sîuni seul, comparativement à celles Je la solution de l'eau de mer des suUales de magni^sium et de c;ilciuni, s Gammarus Roesclii : \"; 2' et 3' individus meurent après ... 8 li. ■ \ 4= - _ . . . Sh.SO'. ( 8 h. 40'. Beaucoup plus lente. Lente 5« — _ ... 10 h. 30'. ^ 9 Trois Ascllits aniialiciis r6ih\cn\ plus de 30 li., moins ' de 37 h 1 » Id. lil. Deux /l.scW«.s meurent après 38 li. 10'. m Daplmia sitrta : 1" et 2= individus meurent après .... Oh. SS'. 3« et 4'' — — .... 1 h. 33'. Se et e» — — .... -1 h. 20'. 1 h. 27'. 1(1. Un |ieu p:us rapide. 7e et S" — — . "... 2 h. 11 Ci/ctops (juiidriconiis : l»"- et 2' individus meurent après .... 14 li 3», 4e et S' - . - . . . . yii. ' llh.SO- Id. Lente. 1-2 Cypris fusca : l", 2" et 3" individus meurent après ... 7 h. 30'. 4c et D' — — ... 7 h. oa'. . 7 h. 40'. M. Id. Deux individus résistent exceptionnellement 24 h. Donc, en résumé, une solution do sulfate de magnésium contenant ^ de sel environ, ne produit aucun elTet sur les larves de coléoptères et de diptères, ainsi que sur les liydrachnes. L'action qui se manifeste pour les autres espèces est toujours très-lente, d'une façon absolue, et beaucoup plus lente que celle de l'eau de mer. Nous sonmies donc en droit de maintenir que l'influence du sulfate de magnésium est ou nulle ou très-faible. Si l'action de ce sel est aussi faible dans une solution à ^, il est évident qu'on ne doit plus du tout en tenir compte dans l'eau de mer qui n'en renferme que -nnjry. On a vu que les animaux plongés dans la solution des sulfates de magné- sium et de calcium mélangés n'absorbaient i)as le sulfate de magnésium ou Tome XXXVL S 34 RECHERCHES PHYSICO CHIMIQUES ne l'alisorbaient que fort peu. Comme on pourrait supposer que cela tient à la petite quantité de sel de magnésium, j'ai recommencé des expériences du même ordre avec la solution actuelle. I. Quatre grosses Ilijdrachna cruenta (jin aviiicnt passé plus de 48 heures dans la solution de sulfate de magnésium, lavées à la faeon habituelle, puis abandonnées dans 2 centimètres cubes d'eau distillée, pendant 12 heures, ne cèdent rien à cette eau, car elle ne fournit aucune des réactions caractéristiiiues d( s sulfates ou des sels de magnésium, même au microscope. On devait s'attendre à ce résultat, aussi n'ai-je fait rexi)érience que pour prouver, une fois de phis, l'absence d'absorption cutanée chez les hydrachnes. 2. Trois Gamviarm Roeselii, après un séjour d'environ 8 heures {maxhincm du temps, voyez le tableau) dans le sulfate de magnésium, ne cèdent rien à l'eau distillée dans laquelle ils restent 2 heures. 3. Résultat négatif identique avec trois AseUus aquatkus dans les mêmes conditions. 4. Six larves de Citlex pipicns séjournent pendant 48 heures dans la solution et s'y transforment en nymphes. Celles-ci , mises dans l'eau distillée (2 centimètres cubes) pen- dant 10 heures, n'abandonnent rien à ce liquide, car il ne fournit aucune réaction, même au microscope. Ces expériences, jointes à celles du paragraphe précédent, j)ermeltent donc de conclure que les sulfates de Feau de mer ne sont pour rien dans les effets nuisibles de cette eau sur les articulés d'eau douce, et que ces sels sont si faiblement absorbés qu'on ne parvient presque jamais à déceler chiim'que- ment l'absorption. Après avoir montré expérimentalement que les sels de l'eau de mer mortels pour les articulés à peau mince ou à branchies, sont les chlorures, et après avoir recherché quel rôle l'absorption cutanée joue dans les phénomènes observés, il fallait s'assurer si la différence de densité qui existe entre l'eau douce et l'eau de mer est absolument sans influence. § XHI. EXPÉRIENCES SUR l'iNFLUENCE DE LA DENSITÉ. M. P. Bert a publié, en 1866, quelques observations très-intéressantes sur les j)hénomènes que présentent les poissons de mer lorsqu'on les plonge dans SLR LES ARTICULES AQUATIQUES. 3d Tcau douce '. Je rovioiulrai sur ce travail on décrivant mes expériences per- sonnelles sur les articulés marins (§ XXII); il me suflira de rappeler ici que M. Bert range la dilTérence des densités parmi les causes qui l'ont périr les poissons de mer dans l'eau douce -. Cette même cause pourrait-elle être admise pour les faits inverses (|ue nous étudions? Doit-on croire, en d'autres termes, que si des articulés d'eau douce meurent dans l'eau de mer, c'est que cette dernière a une plus grande densité? Remar(pions que la solution de sulfate de magnésium dont l'action est à |)eu [)iès ludle a une densité voisine de celle de l'eau de mer. L'aréomètre de Bannie y marque 3 et accuse dans l'eau de mer 3,3. D'un autre côté, la solution (le chlorure de magnésium tue, en général, à peu près aussi vite que l'eau de mer et possède cependant une densité moindre, puisque l'aréo- mètre n'y marque que 2,5. M. Bert s'est servi successivement, dans ses expériences, de solutions de sucre et de gomme. Comme dans mes recherches précédentes sur les clado- cères et les copépodes, j'ai renoncé à l'eau gommée, son emploi pouvant donner lieu à des erreurs notables; en effet, « l'eau gommée, à la même densité que l'eau de mer, est beaucoup plus vis(pieuse que l'eau sucrée au même titre, parce que le poids spécifique de l'arabine (principe soluble de la gomme arabique) étant 1,1, c'est-à-dire inférieur à 1,006 qui est celui du sucre de canne cristallisé, il faut dissoudre plus de gomme que de sucre. Il résulte de là que les animaux s'y déplacent difficilement, ainsi que je l'ai fort bien constaté, et, par suite, que la respiration y devient trop lente (chez les animaux à branchies); de sorte que, à mon avis, il ne faut pas tenir compte des résultats obtenus dans ces conditions défavorables ^. » • iVole sur lu mori des poissons de mer dans l'eau douée (Miisi. de la Soc. des se. i iivs. et .NAT. de BoiiDEAUX, t. IV, 1" caliiei", suite; 1860). - Les autres causes sont, pour l'auteur, la diUérenee de pouvoir osmotique, la différeiue de solubilité de l'oxygène dans les deux li(iuidcs. Dans une publication iioslérieure (A'o//(e sur tes titres et les travaux scientifiques du D' P. Bert, p. 11. Paris, ■Î8G9), M. Bert ajoute: « Mais la densité n'est pas tout; car en ramenant avec de l'eau distillée la densité de l'eau de mer à celle de l'eau douce, les poissons y vivent beaucoup plus longtemps que dans cette dernière. Le clilo- rure de sodium ne joue pas seul un rôle dans ces phénomènes. » '" Recherches sur les crustacés, etc., op. cit., pp. 62 et 05. ."}() RECHERCHES PHYSICO-CHLMIQUES . J'ai donc préparc une solution de sucre de canne dans Teau on pionant la précaution de l'amener exactement, à l'aide de l'aréomètre de Fahienheit, à la même densité que l'eau de mer fraîche que j'avais puisée la veille. Voici les résultats que j'ai obtenus : INSECTES. ESPÈCES ESSAYÉES ET DllRÉES. ACTION PRODUITE par la solution de sucre. L'ne larve de Dylisciis marijinalis vivait encore sans nourriture après 29 h. (on met fin à ï'exiiériencel Une larve li'Hydroporide [Hyphidrus ?] vivait encore après S3 heures [on met fin à l'expérience) Six larves de Culex pipiens vivaient encore après 72 heures (on met fin à l'expérience , Une larve de Stratiornys cliamoeleo vivait encore a]irès 72 heures (on met fin à l'expérience) Probablement nulle. Nulle. hl. Id. AC.\RIDES. 3 I Iroist HydracliiKi crueulu nageaient vivement après 72 heures (on met fin à ' I l'expérience) ". | Nulle. CRUSTACÉS. Gammarua Hueselii : l" et 1" indiv. meurent après 3 h. 30'. \ — — 3'^ et4« — — 6 h. 40'. ( Moy. 3. h. 31'. — —S' et6« — — S h. 3'. ) Un individu vit exceptionnellement plus de 12 heures. Deux Asellus amiaticux vivent plus de 31 h. et moins de 39 h., un troisième meurt après 42 h. 30' Six Daphnia sitna sont mortes après 1 h. 20' 9 Six Cyclops quadricornis vivaient encore après 8 jours Nulle. 10 Cinq Cypris monacha vivaient encore après 40 h. (on met fin à l'expérience). 11 Huit Cijpris fusai vivaient encore après 72 heures (on met fin à l'expérience). Plus lente que celle de l'eau de mer et ûes chlorures, plus rapide que celle de sulfate de magnésium. .\nalogue à celle du sulfate de magnésium seul, c'est-à- dire très-lente. Id. Id. Id. I Ainsi, sur les onze espèces que j'ai essayées, huit vivent impunément dans l'eau sucrée ayant la densité de l'eau de mer. Pour les Gammarus, il existe SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 37 mie action nuisible amenant plus rapidement la mort que dans la solution de sulfate de maj^niésium. Les aselles et les dajjhnies résistent à peu près aussi longtemps (|ue dans ce deinier liquide. Pour toutes, indistinctement, Taction est beaucoup plus lente que celle de Teau de mer et des chlorures. Je ne crois pas qu'il soit possible de mettre la mort des Gmnmams, des Asellus et des Daphnio sur le compte de la densité du mélange; car que peut produire une augmentation de densité, si ce n'est un ralentissement évident des mouvements généraux et, par consétiuent, des appendices respiratoires; d'où résulterait une rapidité un peu moins grande dans Thématose? Mais cette cause existe pour tous les animaux en expérience. Si les daphnies meurent dans l'eau sucrée, pourquoi y vo}ons-nous vivre indéfiniment les Cijpris et les Cyclops, chez lesquels la respiration est tout aussi active? Comment expliquer, |)ar une respiration plus lente, la mort des Gammarm dans l'eau sucrée, en présence du fait suivant : je faisais, pour la seconde partie de mes recherches, des essais sur la respiration et sur l'influence de l'eau privée d'air. A cet effet, employant une méthode que j'ai abandonnée depuis, à cause des inconvénients graves qu'elle présente, je privais l'eau d'air par une ébullition prolongée et je la recouvrais, encore bouillante, d'une couche d'huile épaisse, comme dans les expériences de M. Galy-Cazalat; puis, après refroidissement, j'introduisais des articulés dans l'eau sous- jacenle. Des Gammams Rocselii, placés dans ces conditions, nageaient vers le haut et s'engageaient complétemenf dans la couche d'huile qui les empri- sonnait à tout jamais à cause de sa grande viscosité. Or, malgré cette visco- sité qui paralysait presque tout mouvement, malgré une res[)iration évidem- ment bien entravée, les Gammams vivaient encore dans le li(iuide gras après trente-six heures '. Si la dilTérence des densités était la seule cause de la mort de certains articulés d'eau douce transportés dans l'eau de mer, nous aurions dû observer un pai-allélisme à peu près complet entre le tableau des durées dans l'eau de mer et le tableau du paragraphe actuel. Ce parallélisme n'existant pas, on ' II est connu que l'iiuile dissout les gaz constitutifs de l'air; mais nos articulés n'y pouvaient trouver ni la liberté de mouvement né.essairc à l'acte respiratoire, ni la quantité de gaz que contient l'eau aérée. 38 KECHERCHES PHYSICO-CHlMiQLES est foi'céinent i-aineiit' ;ui\ t'ouclusioiis que nous avons formulées plus haut : il y a dans Teau de mer des sels, chlorures de sodium et de niajiuésium, nuisibles aux articulés d'eau douce chez lesquels Tabsorption est rapide. § XIV. POIDS SPÉCIFIQUE DE l'eAL' DE MER. La détermination exacte du poids spécitîcpie de Teau de mer que j'ai employée dans mes recherches était un complément obligé de celles-ci. Je ne pouvais me contenter de Tun des nombres donnés dans les tableaux de poids spécifiques des ouvrages de physique ou de chimie, parce que ceux-ci présentent plusieurs variantes et parce qu'on n'y indique nullement si l'eau a été puisée au large ou près des côtes. La salure, et, par suite, la densité de l'eau de mer diminuent dans le voi- sinage des côtes et même des petites îles. L'eau que j'ai enq)loyée ayant toujours été puisée à la côte, je devais déterminei' le poids spécilique de cette eau et non de celle de la haute mer. Âlin d"éviter les influences perturbatrices, soit des longues pluies, soit de cours d'eau venant de terre, j'ai pris l'eau qui m'était nécessaire, le 2 juin 1870 à marée haute, en me tenant aussi loin que possible sur un des brise-lames. J'ai choisi cette date du 2 juin, i)ai'ce qu"il n'avait pas plu depuis près d'un mois. Une première détermination, aussi exacte que possible, m'a donné, à la température de 18° c. et à l'aide de l'aréomètre de Fahrenheit : 1,0224. Ce nombre étant un peu inférieur à 1,0234 indiqué par 3L Backs pour l'eau puisée dans le voisinage d'Helgoland, j'ai recommencé par la méthode de la balance hydrostatique, méthode considérée comme la meilleure. J'ai obtenu ainsi : Perle de poids dans IViiu de mer (11103 eiiiie) 1j°'jC50. — — distillée id. 15^551.. Poids spécifique de l'eau de mer à t8"C. . . 1,02:24. Ces deux expériences se conlii'ment l'une l'autre; le poids spécilique Moyenne 6 ii. 38'. 5% d', 1' et 8* 7 h. 50', La durée moyenne est plus courte que celle observée dans l'eau douce, mais pas de beaucoup; quelques durées absolues sont les mêmes. 4. Gammarns locusta. d" et 2° individus meurent après 5' individu meurt après 4= _ _ 5' — — 6= — — 7" — — 8" — — 2 h. 40'. : 3 h. 40'. ôh. I 11. 7'. ) Moyenne 2 h. i-I. 0 11. 40'. 1 h. 25'. 2 h. 25'. Durée moyenne double, environ, de celle constatée dans l'eau douce. 5. Ligiu oceanica. i" individu meurt après . . 2'= — — 5" — — 7 h. 55'. i 8 h. 55'. ; Moyenne 8 h. 23'. 9 h. La durée moyenne est un peu plus longue que celle observée dans l'ciui douce. G. Idolea lineur 'IS. Ln individu meurt après 3 b. 10'. Durée double de celle <|u'on observe dans l'eau douce. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 17 7. Slubberina agata. Deux séries d'expériences effectuées, la première sur huit individus, la seconde sur quatre, m'avaient donné, comme durées moyennes : S*" 43' et 2'' 2', nombres bien inférieurs à la durée moyenne dans l'eau douce. Con- vaincu que les Slabberina devaient pouvoir résister, au moins aussi longtemps que dans l'eau douce, dans une solution dont la composition se rapproche de celle de l'eau de mer, je recommençai une troisième série et j'obtins : Quatre individus meurent au boni de o ii. / , ..,,„, /. 1 aai i Moyenne o ii. 48 . Cinq G h. 28 . ) Lîi durée moyenne est donc, dans ce dernier essai, à peu près égale à celle que ces animaux présentent dans l'eau douce. Nous déduisons donc de l'ensemble des expériences de ce paragraphe : en premier lieu, que le chlorure de sodium employé seul n'est pas nuisible aux crustacés marins, puisque, dans les cas des durées les plus faibles, son elTet n'est guère plus énergique que celui de l'absence totale de sels, c'est-à-dire dé l'eau douce; en second lieu, qu'il parait nécessaire à la majeure partie des espèces, puisque cinq d'entre elles, sur sept que nous avons essayées, vivent plus longtemps dans la solution de chlorure de sodium que dans l'eau pure. i8 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES ^ XIX. ACTION DU CHLORURE DE MAGNÉSIUM SEUL SUR LES CRUST.4CES MARINS K Action de la solution de chlorure de ma- d'obdbe. ESPÈCES ESS.\YÉE.S ET DURÉES. DUREES nuivennes. gnésium comparattvenient à celles do de l'eau douce. m Cl. 1 Carciiiiis mwnas (petiti; taille) : i" individu meurt au bout de . . . . 4 h. . 8 h. 13'. . 6 b. 13'. 2= — - ... 3= - - ... 5 h. 10'. Plus lente (environ double). * 2 Curcinus mœnas (taille iiioyeiuiej : •!=■■ individu meurt au bout de . . . 2= - - ... . 12 b. . 1 i h. 3« - - ... 4e - - ... . 10 h. 15-, Il h. 13'. . 8h. \ Beaucoup plus lente (àpeuprestriiile). Analogue. 3' - - ... . 12 h. 3 Craiigon mlgaris .- Quatre individus résistent Trois — — .... . \ h. 40'. . 2 h. 30'. 2 b. 4'. Plus lente (à peu près double). Plus rapide. i Talilriis xaltator : •1er, 2e et 3e iiuUvidus meurent après . . Ob. 34'. 4e, 5e et 6e — — 7e individu meurt après . 1 h. 27'. { . 2 h. 47'. 3 b. 0 b. 88'. Beaucoup plus ra- pide. Beaucoup plus ra- pide. 8e - ~ o Gaminartis locusla : Quatre individus résistent Six - ^- . 1 b. 30'. . 2 b. 10'. / Cinq — — . 0 b. 48'. 1 0 h. 87'. Un peu plus rapide. Id. Deux — — . 0 h. 54'. \ L'n individu résiste . Ib. 35'. 6 Ligiu oceniiica : l" individu meurt apr -s . 7 b. 33'. 8 h. 33'. 9 h. ^ _ _ 2e - - 8 b. 23'. Plus lente . . . Identique. — - 3e - 7 8 Idotca liiiearis : Un individu meurt apr Slabberina atjata : Deux individus meurent au bout de . ■s . 0 11. 34'. . 3 11. , » Plus rapide . . . Beaucoup plus ra- pide. Un individu meurt au bout de ... . Deux individus meurent au bout de . . . 4 b. 30'. ^ . 2 b. 03'. ( 2 b. 39'. Id. Plus rapide. Un individu meurt au buut do .... 3 h. 18'. 1 1 * LasollUioti a lit nicine composilion que fclle du § X. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 49 Le clilorure de magnésium n'existant dans Peau de mer qu'en très-minime quantité (y^'^,), on pouvait adnietti-e, même sans expériences préalables, que son rôle était nul dans les conditions d'existence des articulés marins, et que son influence, en quantité notable, dans la situation tout exceptionnelle où se trouvaient les animaux essayés, deviendrait nuisil)le. Les expériences confirment exactement cette supposition : si un certain nombre de crustacés vivent aussi longtemps ou plus longtemps dans la solu- tion de chlorure de magnésium que dans l'eau douce, les petites espèces à téguments minces y meurent, en général, plus vite qile dans la solution de chlorure de sodium. Le tableau renferme un nouvel exemple remarquable de l'influence de la taille; les crabes de petite dimension résistent, en moyenne, S^IO', tandis que ceux de taille ordinaire supportent l'action du liquide pendant 41 '",4 5', c'est-à-dire pendant un temps double. § XX. ACTION DU SULFATE DE MAGNÉSIUM SEUL SUR LES CRUSTACÉS MARINS ."Vclion de la solution de sulfate de magnésium p)o ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DURÉES comparativement à c elles d'ordre. moyennes. de l'bad douce. de KaCl. de Mj C(. 4 Carcmu^ mœria.s (petite taille; : l" iiiilividu meurt après 3 1). T6'. -1' — ^ 4 h. iO'. 4 11. 2'. Plû's lente (du- rée double). " Un peu plus ra- pide. 2 Ciimnus iiio'ntis (taille moyenne) : jfr fi Or individus meurent après . . 24 11. 3'^ ^ — . . 1211.30'. 2011. Beaucoup plus lente. Plus lente. . Plus lente. 3 (yaurinti vulyuris : 1er et 2« individus meurent après. . . 1 li. 1.5'. 3'^' - — , . . ■! Il 33'. 2 h. 2'. Plus lente. . Plus rapide . Identique. i' - _ . . . 21i.3o'. 3« - - ... 3 h. 10'. La solution a la composition de celle ilii § XII. Tome XXXVI. m RFXHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES N" ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. moyennes. Action de la solution de sulfate de magnésium comparativement à ceil<*s L Bir UOl'CE. de NaCL M y 0/. Talilriis sallalor : •l" individu meurt après 'i'elH' — — ■'f et 3'^ — — (je _ _ •1 h. 20'. 2 h. 20'. H h. 20'. 3 h. od'. 2 h. Gantwarus locifitn : , \" individu meurt après Oh. 20'. 2i',3»et4« — — 6s7fet8'^ — - . i)<- - - Ugia océanien : 1" individu meurt après ^e 3c _ _ 0 h. 30'. 4 h. 5'. \ f !>■ 33'. 0 h. 28'. 0 h. 41'. I 2 h. Sa'. \ ih. 5'. I 4 h. 21'. 6 h. n-. ) ISeaucoupplus rapide.. Plus rapide Ijeaucoup plus rapide. I'lu.s rapide . Iihilea Uneari.i: l'n individu meurt après I Ii. 30'. Slabbcriua atjata : I" et 2« individus meurent après. . . S h. !;>'. 3' — — . . . 5h. 4'- — — ... 2 h. 40'. 5" et 6' — — ... 4 h. 10'. Deux individus de Tnlilrus sallalor ontrèsistii, ex- ceptionnellement, 3 h. 20' et 7 h. 23'. 4 h. 20'. Un peu plus ra- pide. Analogue . . Plus rapide Beaucoup plus rapide. Plus rapide . Unpcuplusra- pide. Plus lente. Un peu plus ra- pide. Beaucoup plus rapide. Plus lente. Plus lente. Le sulfate de magnésiiiin, comme le chlorure, n'existe dans Teau de mer qu'en faible proportion ( ,7r,777); le même raisonnement lui est donc applicable. Dans l'eau de mer naturelle, son influence doit être nulle; employé ai-tifi- ciellement, seul et en grande quantité, il devait agir comme substance nuisible pour les crustacés de petite taille. Ainsi les TuUtrus, Gammarns, Slahberiim et />////« résistent moins longtemps dans le sulfate de magnésium que dans l'eau douce; les Crcuiyon , Talitras, Gammarus, Ligia, Idofca et S/oOfjcn'na y meurent également j)lus vite que dans la solution de chlorure de sodium. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. M § XXI. REMARQUE SUR LES RÉSULTATS QUI PRÉCÉDEMT. Les expériences que je viens de décrire (§§ XV à XX) n'oflVent pas des résultats aussi uniformes qu'on s'y serait attendu au premier abord; c'est-à- dire que chaque liquide pris isolément ne produit pas le viéme effet absolu sur toutes les espèces. Cependant, en réfléchissant aux différences remar- quables qui existent entre les manières de vivre des animaux essayés, on s'aperçoit bientôt que les résultats devaient être induencés par des causes indépendantes de l'expérimentateur et qui ont, en grande partie, leur source non dans l'organisation conunune à tous les crustacés, mais dans la nature intime de chaque espèce. Je citerai un exemple : Ainsi qu'on pouvait le piésumei-, la plupart des crustacés ont vécu plus longtemps dans la solution de chlorure de sodium que dans l'eau douce. Le Tolitrus sallotor est une des rares espèces qui fassent exception; il vit sensi- blement pendant le même temps dans les deux liquides. Or les TuUtnis se rencontrent sous les tas de fucus dans la portion à peu près sèche et mouvante du sable de la plage, où ils sont presque aussi exposés à être arrosés par l'eau des pluies que par celle de la marée K L'action de l'eau douce ou de l'eau salée doit donc leur être indiiïérente. Je crois, malgré les quelques divergences qu'offrent, çà et là, les résul- tats obtenus, que le but (|ue je m'étais proposé a été atteint en grande partie. J'espère avoir réussi à montrer que le chlorure de sodium est non-seule- ment un sel nécessaire, mais le seul sel indispensable aux crustacés marins. ' Pcndanl In pci'iode de 1833 à 1802, le nombre moyen de jours de pluie, pur an, a été à Bruxelles, de 183, c'esl-à-dire qu'il a plu, en moyenne, un jour sur deux, lîn iSGO, le nombre de jours de pluie a été de :>2(i (Quetelet, Mcléoroloyie de la Beltjique comparée à celte du globe, p. 145. Bruxelles et Paris, I8G7). 52 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES ^ XXII. EXPÉRIENCES SUR l'iNFLUENCE DE lA DENSITÉ. Les expériences que j'ai effectuées quatit à rinfluence de la densité de l'eau de mer sur les ai'ticulés d'eau douce m'ont amené à tenter des essais du même ordre sur les articulés marins. M. P. Bert, dont j'ai déjà eu l'occasion de citer le travail, dit, en parlant de la mort des poissons de mer dans l'eau douce : « Ceci arrive non-seule- ment pour les poissons, mais pour les mollusques, les crustacés. ^ » Je regrette beaucoup que l'auteur n'ait pas publié les observations qu'il a faites sur les crustacés; elles eussent servi de contrôle à mes propres résultats. Les pois- sons marins sur lesquels M. Bert a expérimenté ont >écu notablement plus longtemps dans l'eau sucrée ramenée au degré aréométrique de l'eau de mer que dans l'eau douce, .l'ai voulu m'assurer s'il en serait de même pour les crustacés. Ceux-ci plongés dans l'eau sucrée ayant la densité de l'eau de mer ont résisté pendant les temps suivants : DOBDHli. ESI'ÈCES ESSAYÉES ET DLKÉES. DIRKES moyennes. Action de la solution de sucre compa- ralivemenlà celle de l'eau douce. 1 Carctnux iiw-nas (de petite taille; , meurt après 3 11. 7'. » Lu peu pius It'iite. 2 — — (taille moyenne) : 1" individu meurt après 6 h. 30'. . 20 11. 12 h. — — — 2"et3'' — — — — ^ 4=610" — — Ith. 10'. Beaucoup plus lonte (durée à peu prés , triple). 3 CrniHifiii vilf/arix : 1" et S" individus meurent après. . . Ih. — — ",<■ et 4' — — 0 h. 33'. ( 1 h. oO'. ( I h. 6'. Analogue. - - B" 1 h. 4 Talilru.s .saltalnr : 1" individu meurt après — — 2'', 3'', 4= et 0" individus meurent après. . - G"-, 7'^clS= - — U h. 43'. , 1 h. 13'. 3 h. ^ ! h. 30'. Beaucoup plus ra- pide (environ qua- tre fois). * Op. cil., j). 7. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 35 d'ordbe. ESPÈCES ESSAYÉES ET DURÉES. DLHÉES mojeunes. 1 Action de U solution de sucre compara- liveitient à cellede l'eau douce. 1 3 (iaiiimaïus luCKSla : Itr, '> et .'!' iiiilividus meiirciil après . . (j h. 20'. — — 4» et o« - — . . 0 h. 33'. — _ - 6« et 7« — - ..Oh. 53'. — - 8<- et 9<- - — .1 h. i'. Liniii oceuïitcu ' l^"" individu meurt après . . ."h .^"' ) 011.41'. Plus rapide. 7 8 _ _ 'i» _ _ 7 h 33' 7 h 36' 1 Analn.Mio ,l..;.o n»,. Il Idolea linearis : l" et 2« individus meurent après . . SlahbeiÎÊiu iiijalu : !«'• et '■2' individus meurent a|>rès . — — 3'! et i" — — - - S'elli' - - . 9 h. 33'. . 0 h. 33'. 1 h. 40'. . 3„. . 3 h. 37'. . 6h. ^ 1 h. 3'. 3 h. 3G'. plus lente). .\nalogue. Plus raiiido. 1 1 En résumé, les résultats peuvent se grouper comme suit : .Action plus lente ([ue celle de l'eati clouée : une espèce. Curciims niœiiua. iCraiiyoïi vulgurlu. Ligia oceunica. ^ Idolea lincari.i. I Talltrus salktlor. Action plus rniide : trois espèces > Gammurus Iwusla. ( Slabbcrina agala. lis sont loin d'indiquer une tendance générale des crustacés essayés à résister plus longtemps dans Peau sucrée (pie dans l'eau douce , puisque six espèces sur sept, ou bien, vivent le même temps dans les deux liquides, ou bien, meurent plus rapidement dans la solution de sucre. Je rappellerai, du reste, encore une fois, que la solution de sulfate de magnésium, bien qu'ayant une densité voisine de celle de l'eau de mer, a une influence plutôt nuisible que favorable. Je ne saurais donc attribuer l'action de l'eau douce sur les crus- ' Je ne puis iisscz insister sur h) nécessité de s'entourer de toutes les prcciiutions possibles dans des expériences aussi délicates. Un crabe de grande taille a vécu [iliis de soixante-douze heures dans l'e.iu sucrée |)iircc (]ue la quantité d'eau n'était pas assez grande et ({u'cii se soule- vant sur ses longues pattes postérieures, il tenait le corps liors du liijuide. 54 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES tacés marins ^ à la dilTérence de densité existant entre cette eau et l'eau de mer; tout semble, au contraire, indiquer que son influence pernicieuse est due à l'absence de chlorure de sodium ^. § XXIII. MODIFICATION (IRADL'ELLE DK LA COMPOSITION DU LIQUIDE. Les faits exposés dans les pages précédentes de ce mémoire montrent suffisamment que Teau de mer agit comme un véritai)le poison sur beaucoup d'articulés d'eau douce et qu'il en est de même pour l'elTet de l'eau douce sur les espèces marines. Mais, dans les expériences telles que je les ai effec- tuées, les insectes ou les crustacés passaient brusquement d'un milieu dans l'autre, et subissaient immédiatement l'action d'un liquide à composition nouvelle. Il est évident que si, au lieu de procéder comme nous l'avons fait jus- qu'ici, on place les animaux dans un mélange d'eau de mer et d'eau douce, l'effet produit doit être beaucoup plus lent. Je citerai, par exemple, l'expé- rience suivante de M. E. Duchemin sur le Noctiluca miliaris, Sur. Les Noctiluca, dit 31. Duchemin, «... répandent une lueur très-brillante quand on ajoute à l'eau de mer soit un acide étendu, soit de l'alcool; mais la phos- phorescence ne survit pas à l'addition de semblables liquides. L'addition d'eau pure à l'eau de mer, dans dos proportions de cinquante pour cent, ne semble pas diminuer le pouvoir kimineux de ces petits êtres; mais il en est tout différemment lorsqu'on les transporte subitement dans l'eau douce; alors, ' Je souligne ces mois à dcsstin pour que le Iccleur ne se méprenne pas sur ma pensée; je eonsidère les résultats obtenus par 51. Bert, pour les poissons, comme parCailcnient exacts; si nous sommes arrivés, lim et l'autre, à des conclusions absolument opposées, c'est que nous avons opéré sur des animaux tro|) distants dans la série zoologique. 2 Je crois devoir justifier ici le silence que j'ai gardé quant aux expériences curieuses effee- luécs sur le Carciinis mœnus par M. W. Carmicbacl Mac Intosli ( Observations uiidcxpcrimenls an the Carcimis mœnas, Prize thesis. London , 1861). Ces rcehercbes intéressantes portent sur l'action des gaz vénéneux et des poisons introduits dans le corps du crabe par injection; elles s'éloignent donc beaucoup du sujet de mon travail et auront leur place marquée dans des mémoires que je compte publier ultérieurement. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. m ni Falcool, ni I acide, ni l'électricité, ne peuvent laiie apparaître la phos- phorescence ^ » M. Duchemin ne nous dit pas pendant combien de temps la phosphores- cence a persisté. Que serait-il arrivé si l'auteur avait agi plus lentement, s'il avait transporté les Noctilaca dans des mélanges contenant des (piantités d'eau douce croissantes? « Lorsque la transition, » dit 3L Bert, à propos des poissons, « est lentement et progressivement opérée, oi; observe de remarcpiables résultats de tolérance. C'est ce que présentent, par exemple, dans l'état de la nature, les saumons, anguilles, lamproies, etc., et divers expérimentateurs, entre autres Beudant, ont obtenu de cette tolérance des exemples encore plus curieux -. » Sous l'inducnce de doses dont la valeur augmente |)elit à petit, l'orga- nisme se modifie et devient apte à supporter, sans trouble appréciable, des quantités de matière vénéneuse souvent étonnantes. Ce fait est si connu et d'une application si fréquente en médecine, que je n'ai pas à en citer de preuves ; mais je devais le rappeler afin de faire bien saisir toute la valeur de l'expérience que je vais décrire. Celte expérience a eu pour résultat de montrer que des espèces d'eau douce sur lesquelles, dans les circonstances ordinaires, l'eau de mer a une action énergique et mortelle, peuvent, lorsqu'on procède par degrés successifs, finir par vivre dans cette eau , sinon indéfiniment , du moins fort longtemps. L'espèce essayée est XAselUts a(juaticus ; d'après le tableau du § V, les aselles résistent, en moyenne, dans l'eau de mer, pendant 2'' 40'. La résis- tance maxima a été de o'" 45'. Voici la méthode que j'ai suivie; j'ai cru devoir transcrire entièrement mes notes, parce qu'elles feront mieux com- j)rcndre la manière d'opéi'er : Jaxvieu, 2t. Dix Anellus iKjuaUais, presque tous femelles et cliargés d'œiirs, sont placés, avec (les plantes aqualiqucs, dans un mélange contenant ^ d'eau douce et -j^ deau de mer, en volume. Ils n'accusent aucun malaise. On obser\e le même l'ail pour les c\clops, les jeunes liinnces et de petits planorbes qui les aecom])agnent. ' Note sur la phosphoi-escence de la mer. (LesMondes, 2°" sér., 7"" année, t. XXI; \b"" livr.; 9 décembre 1800), p. 630. ^ Op. cit., p. 7. 56 liECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES JwviKR, 23. On .ijoiUc cncoi-c douze asellcs. 2o. On rcmi)lace le liciuide par un nouvcnii iiu'lange contenant ~l d'eau douce et -j-^ d'eau de nier. 26. Trois asellcs inorls (on les enleNc). 27. Nou\eau lii|ulde : ^^ eau douce, ^ eau de mer '. 50. ]\ou\eau liquide : /„ d'eau de mer (tous les animaux sont bien vivants). FÉvniER, 2. »'/( asellc mort (on l'enlève comme dans tous les cas suivants du même genre). Nouveau liijnide : r!',, d'eau de mer. 4. Un asellc mort. Nouveau liquide : :^^ d'eau de mei' et addition de quelques plantes fraîches. C. Nouveau liquide : -^ dcau de mer (le nombre des eyclops a beaucoup diminué). 9. Un aselie mort. Nouveau liquide : .^ d'eau de mer. 11. Nouveau liquide : :^ id. 13. Nouveau liquide : ifj d'eau de mer. Les asellcs vivent bien; ils sont donc, en ce moment, dans un mélange à parties égales d'eau douce et d eau de mer (des autres animaux il ne reste plus qu'un seul eyclops en \k). 16. Deux asellcs morts. Nouveau li(iuid(' : Il d'eau de mer. d8. Nouveau liquide : ^l id. 20. Nouveau liquide : ~ id. 25. Jfnil asellcs sont morts Nouveau liquide : '-^ d'eau de mer. 2.J. Quatre asellcs morts. Nouveau li((uide : ,'j| d'eau de mer. Mahs, 3. Dix-huit asellcs morts. A ce moment, le nombre d'aselles morts surpasse de seize le nombre d'individus primitifs. Ces seize asellcs et tous ceux qu'on voit dans le bocal sont des jeunes nés au sein du mélange. Nou\cau liquide : j^ d'eau de mer. 0. Un asclle mort. Nouveau lii|uide : 'r^ d'eau de mer. 7. Deux asellcs morts. Nouveau liquide : ^ d'eau de mer. 8. On renouvelle le^ plantes aquatiques [leinna et callitriche). Pour éviter qu'elles n'introduisent de l'eau douce, on les comprime |)réalablement dans un linge; leur volume est, du reste, très-faible ])ar rapport à celui du liquide. 10. Cinii asellcs morts. Nouveau liquide : .Vi! d eau de mer. 12. Cin(i asellcs morts. Nouveau liquide : eau de mer pure. ' Ces inélauges .sont toujours eiilii''reinent nouveaux, formés d'eau do pluie cl il'oau du mer fraîclic. daiK- uni- longue éprouvetle divisée en vingt parties d'égale capacité. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 57 Mars, 14. Quarante- huit Iieurcs après, douze aselles vivent encore dans l'eau de mer pure; leur taille varie de 9 à 5 raillimètres; ils ont les téguments couverts d'une sorte de croûte blanche '. On renouvelle l'eau de raer. 15. Les ascllcs sont depuis qualre-vingt-qualrc heures dans l'eau de mer pure, sept, dont le plus grand vit encore. 16 (soir). Les sept aselles ont résisté cent huit heures. 18. Morts. Le résultat obtenu est, comme on le voit, extrêmement remarquable; en effet, non-seulement les aselles se sont reproduits dans un mélange conte- nant une forte proportion d'eau de mer, mais les jeunes, au nombre de 46, nés dans ce liquide, ont acquis la propriété, pour quelques-uns du moins, de vivre plus de cent huit heures dans l'eau de mer pure, alors que les aselles n'y résistent, au maximum, dans les conditions ordinaires, que 5 h. lo' et que, suivant mes observations, les jeunes individus y meurent, en général, plus tôt que les adultes. Pour que l'expérience qui précède fût parfaitement concluante, il fallait essayer, à part, sur des individus frais venus directement de l'eau douce, l'action des mélanges que j'ai employés. 1. Mélange contenant ^ d'eau de mer. Quatre aselles supportent sans effet le séjour dans ee liquide pendant G3 heures (on met fin à l'expérience). 2. IMélange contenant ^ d'eau de mer; les aselles y meurent après les temps suivants : Moyenne 17 h. l" individu meurt après . . . 13 h. 50', 2" et 5'' — — . . 1 5 h. 30'. 4' — — . . 17 h. S' — — . 23 h. 30'. .5. Mélance contenant '^ d'eau do mer. 1" individu meurt après . . . 7 h. 55' 2c . . 15 h. 45', 3'- — — . . 19 h. 15' 4' — — . . 25 h. Moyenne 16 h. 28' < Cette croûte, observée au microscope, est de nature végétale; elle est composée de flocons, jaunâtres par transparence , formés de filaments cellulaires déliés. Quelques infusoires nageaient entre ces fdaments. Tome XXXVL 8 58 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES i. Alélangc contenant ^ d'eau de mer. 1" individu meurt ajji'ès ... .") il. I 2« — — ... 8 11. :>'. I 5' — — ... :j il. 10'. ) MovLNME I21i.:il'. 4^ — — ... 20 11. 5'. 5' — — ... 20 11. 5u'. Il N a donc pou de dilTéreiicc entre les ac(ion.s des méiaiiges coiiliiKtiil ToJ 1^ et {- d'eau de mer; cependant, dans tous les trois, la durée de la ^ie est très-limitée; tandis que sept des jeunes nés dans mes bocaux ont sup- porté, pendant loni<(emps , raclion de ces liquides sans effet sensible. L'expérience que j'ai instituée a eu pour résultat, non une modi(irati()n des individus primitifs, puisque ceux-ci étaient morts au 3 mai's, sous l'in- fluence du mélange à ||, mais une modification de leurs descendants qui en a presque l'ait une variété nouvelle, quant à l'aplilude de \ivre dans de l'eau de mer. Je n'ose pas parler de Darwinisme pour une expérience tro|) lapide, pui.s- qu'eilc n'a duré qtîo deux mois; mais on devra avouer qu'il y a eu ici, par suite d'un changement graduel des conditions d'existence, une très-légère trace de transformation. Celui qui vomirait pousser les conséquences de celte expérience plus loin que je ne désire le faire, pourrait y voir, non un cas de sélection nafarelle . mais un cas de survival of the fittesl , de survivance des plus aptes, suivant l'expression de M. Herbert Spencer : De nombreux indi- vidus, légèrement modifiés peut-être, naissent dans l'eau de mer qui se con- centre de plus en plus; sept seulement d'entre eux sont plus aptes à vivre dans ce liquide pur et résistent les derniers. § XXIV. 1)1- l'endosmose, de 1,A DIIEUSION ET DE I. A DIALYSE DANS LES PHÉNOMÈNES OBSERVÉS. Les traités modernes de physiologie expliquent l'absorption intestinale, l'absorption cutanée, etc., par V endosmose, phénomène physique, en vertu duquel (k^ li(|uides miscibles tendent au mélange au travers des membranes 1 SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 59 ou des diaphragmes poreux. Étudiée sérieusement, poui" la première fois, |)ar Dulrochet ', reprise, dans ses détails ou ses applications, par plusieurs phy- siciens ou physiologistes, elle a acquis une grande im|)ortance. Les travaux auxquels Pendosmose a donné lieu ont mis hors de doute le rôle (|u'ello joue dans beaucoup de phénomènes d'absorption animale ou végé- tale; mais telle qu'elle a été considérée jusqu'à présent, elle ne saurait suffire seule dans l'interprétation des phénomènes spéciaux étudiés dans mes expé- riences personnelles. Nous nous trouvons, dans ces expériences, en face du fait suivant : la sur- face cutanée très-mince d'un insecte ou d'un crustacé sépare deux liquides; le liquide du corps, de nature généralement albumineuse, et une solution saline extérieure. Suivant la nature du sel, celui-ci passe, plus ou moins, au travers de la |)eau. Nous ne ferons jouer ici aucun rôle aux dilTérences de densité auxquelles on a donné trop de valeur, car M. Becker, injectant dans l'intestin de lapins des dissolutions de sucre de densités variables, a vu les dissolutions concen- trées passer aussi bien dans le sang que les dissolutions étendues. Mais des expériences de 31. J. Béclard - nous montrent que : « des dissolutions de sucre ou de sel se dirigent par endosmose vers une solution d'albumine, alors que ces diverses solutions marquent le même degré à l'aéromètre. Le cou- rant prédominant s'établit encore, dans une certaine limite, des dissolutions sucrées et salines vers la dissolution albumineuse, lors même qu'elles sont plus denses que la solution d'albumine. » C'est, en vertu des faits observés par M. Béclard que, dans le cas d'animaux d'eau douce à peau mince placés dans l'eau de mer, nous voyons la dissolution saline absorbée avec une assez grande énergie. Cependant, si l'endosmose nous explique l'absorption des sels , elle ne nous indique nullement pouniuoi , dans des solutions salines au même titre de sels différents, l'absorption varie d'un sel à l'autre. En effet, l'aéromètre de Baume plongé successivement dans l'eau de mer, les solutions de chlorure de sodium, de chlorure de magnésium et de sulfate ' Nouvelles recherches sur l'endosmose et V exosmose. Paris, 1828. - Traité de physiologie humaine, i" éd., p. 17'.). Paris, 186:2. 60 RECHERCHES PHYSICO-CiHMIQUES (le magnésium, employées clans le cours de mes recherches, marquaiil à la température de + 17''C. : dans l'eau de mer 5,5, dans la solution de elilorure de sodium 5,0, — — - — de magnésium .... 2,o, et dans celle de sulfate de magnésium 5,0, l'endosmose, agissant seule, aurait dû nous montrer une absorption égale de chlorure de sodium et de sulfate de magnésium, puisque les solutions de ces sels ont sensiblement la même densité, et une absorption plus énergique de chlorure de magnésium. Or, c'est l'inverse qui se produit; les deux chlo- rures, bien que leurs solutions soient de densités dillerentes, sont absorbés de la même façon et produisent des effets analogues; le sulfate dont la solu- tion est aussi dense que celle du chlorure de sodium est à peine absorbé et ne produit rien K C'est qu'il y a dans les faits d'absorption que nous cherchons à expliquer d'autres phénomènes physiques que l'endosmose seule; ces phénomènes sont la diffusion et la dialyse. Ils ont fait le sujet des remarquables travaux de Th. Graham "-; voici en quoi ils consistent et les conclusions auxquelles ils mènent : • On pourrait peut-èlre, se basant sur les théories et les expériences récentes, qui montrent combien le calorique spécifique des corps en présence a d'inlluence dans les phénomènes osmo- tiqucs, cherclicr une explication dans les différences existant entre les chaleurs spécifiques de nos solutions salines. .Mais les caloriques spécifiques des troi-i sels employés étant, suivant M. Regnault (*) : poui- le elilorure de sodium 0,21401, — de magnésium 0,19-iOl), pour le sulfate de magnésium 0,22159, c'est-à-dire Irès-voisins, il est probable qu'il n'y a également (|ue des dilférences bien faibles entre les capacités calorirupies des solutions (pii renferment toutes le même poids de matière saline (**). La diffusion et la dialyse donnent, du reste, une explication si simple et si facile à vérifier expérimentalement, que je crois superflu de la chercher plus loin. ^ Liquid diffusion applicd io analijsis (PirM,osoi>EiirA[, TRANSACim,%s for 1801, part. I, pp. 185 et sniv). — Pliilosophiral maijazine, vol. .XXIII, 4' série, p. 20i. Janvier-juin 1862. (•) Daguin, Traité de physique, t. I, p. 867. Paris, 18o5. (") Ibid , p 857. SUR LES yXRTICULÉS AQUATIQUES. 61 A. Diffusion '. On verse dans une éproiivefte de verre 70 centimètres cnbes dVau dis- tillée. A l'aide d'nne pipette fine, qu'on enfonce avec une i^ninde lenteur, on introduit au fond du vase 10 centimètres cubes de la solution du sel dont on veut étudier la diffusion. Les solutions employées par Graham renfermaient 10 p. °/o de sel, en poids. Les deux liquides sont ainsi superposés par ordre de densités croissantes de haut en bas. Malgré l'action de la pesanteur, le sel de la couche inférieure monte lentement, par diffusion, dans l'eau distillée surjacente. L'appareil ayant été placé dans un lieu à température constante, on enlève, au bout d'un temps déterminé et à l'aide d'un siphon étroit, le —ji supérieur du licpn'de et on le meta part; |)uis on recueille, de même, le ,',j qui était situé immédiatement au-dessous, et ainsi de suite. En évaporant à siccité et au moyen de pesées, on trouve aisément les quantités de sels dilïïisées dans des sections liquides égales en volume et situées à des hauteurs différentes. Or, dans l'endosmose des solutions salines vers uu autre liquide, albu- mine, par exemple, le sel qui tend à traverser le diaphragme poreux passera vite et en grande quantité s'il peut se diffuser rapidement; si, au contraire, sa diffusibilité est faible et lente, il ne s'en mélangera que fort peu au liquide albumineux; le lésultat indiqué par un endosmomètre sera faux, au point de vue de nos expériences, car il aura pu y avoir endosmose de beaucoup d'eau, tandis que le sel aura en quelque sorte été arrêté dans sa marche par son peu de diffusibilité. Nous devons donc faire à peu près abstraction de l'endosmose dans les phénomènes d'absorption de sels par la peau; car, si c'est l'endosmose qui permet le passage de la solution saline, c'est la dilïusion qui déterminera la quantité réelle de sel seul absorbée. Graham a insisté sur l'importance de la diffusion en physiologie : « A parlicular advantage of the new methods is the means which it alTords of ascertaining the absolute rate of velocity of dilïusion. It becomes possible to State the distance which a sait travels per second in terms of the meter. It ' Philos, magaz., op. cit., p. 209. 62 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES is easy to see that sucli a constant nuist enter inlo ail ihe chronic pheno- mena of pliysiology, and that it Iiokis a place in vital science, iiot uulike ihe time of tlie falling- of heavy hodies in the physics of gravitation. » Rappelons que, d'après nos recherches, les animaux d'eau douce du groupe des articulés, à peau mince ou à hranchies, plongés dans des solu- tions salines, absorbent le chlorure de sodium et n'absorbent pas, ou extrê- mement |)eu, le sulfate de magnésium; les faits observés par Graham, bien que l'auteur n'ait jamais expérimenté sur des animaux, viennent prouver que cela tient, en grande partie, à ce (|ue la diffusion du chlorure est l)eau- coup plus rapide que celle du sulfate. J'extrais du travail de Graham les chiffres suivants : 1° Temps approximatifs d'égale di/fusion, le temps employé à la diffu- sion de l'acide chlorhydrique étant pris pour unité. Temps employé pnr le cliloruiu de sodium 2,33 — — le suH'iilc de iiiiigiH'siuni .... 7,00 Ainsi la diffusion du sulfate de magnésium demande un temps triple de celui exigé par la diffusion égale du sel marin. 2" Quantités en poids diffusées de chlorure de sodium et de sulfate de maynésium à 10 p. "/y, en quatorze Jours. Température +10°C, NUS1ÉH0S DE L.V COICIIE 9 partir du haut. SULFATE de ■nagncsium. CHLORURE de sodium. ■1" seizième supérieur -2c _ _ 3" - — 4«- - - S' — — 6" - - 7« — - 8« — — 9= — — W - - 11' — — 12' - - 13' - - ■14' - - ■lo'etl6' — — 0,007 0,011 0,018 0,027 0,049 0,083 0,133 0,218 0,3;il 0,499 0,730 4,022 1,383 1,803 3,68 i 0,104 0,129 0,162 0,198 0,267 0,340 0,429 0,333 0,634 0,766 0,881 0,991 1,090 1,187 2,266 SUR LES AimCLLÉS AQLAÏIQl ES. 05 Ce tableau montre que, jusqu'à la ll*^ couche liquide (\\'= seizième), la quantité en poids de sel marin diffusée a toujours été plus grande que celle du sulfate de magnésium. Si, à partir du nM 'I , les couches de sulfate parais- sent plus riches, ce nVst qu'une confirmation du même fait. La diffusion vers le haut étant plus lente, les couches inférieures de sulfate de magné- sium devaient rester plus longtemps chargées de sel que celles de chlorure de sodium qui s'appauvrissent rapidement. On fera, peut-être, l'objection suivante : lorsque les animaux sont placés dans l'eau de mer, il ne s'agit pas de sels isolés, mais d'un mélange de i)lu- sieurs sels, et les phénomènes de diffusion ne sont-ils pas troublés par ces conditions spéciales? Les expériences de Graham prouvent qu'il n'en est rien; les tableaux con- tenant les résultats qu'il a obtenus et (pie je ne crois pas devoir reproduire, montrent que, lorsqu'on soumet à la diffusion un mélange de plusieurs sels, ils se séj)arcnt par ordre de diffusibilité et se diffusent chacun suivant ses propriétés individuelles. B. Didlijsc. Graham a nommé dialyse (diali/sis) l'analyse d'un liquide à l'aide de la séparation de ses principes constituants par leur diffusion inégale au travers des corps poreux. Un tambour de bois ou de gutta-percha durcie, fermé inférieurement par un (lia|>hragme poreux tendu sur l'orifice (papier de poste, |)apier parchemin, membrane animale), flotte sur de l'eau distillée. On verse dans le tambour un liquide complexe formé, par exemple, d'un mélange de silice gélatineuse et d'une solution saline, ou de gomme arabique et de sucre dissous dans l'eau. Au bout d'un temps plus ou moins long, la partie cristallisable de la solu- tion (corps cristaUok/es Graham) aura passé dans l'eau distillée extérieure, tandis que la portion non cristallisable (corps colloïdes Graham) sera restée en totalité dans le dialyseur K Mais, si les corps cristalloïdes passent ainsi au travers des membranes ou ' Philos, mcigaz., op. cit., pj>. 'iOi à 203. 64 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES «les plaques poreuses pour se diffuser ensuite dans Teau distillée, ce passage et celte did'usion ne se feront pas avec la mènne énei'gie poiu' tous. La ques- tion importante pour le travail actuel était de savoir si, dans la dialyse, les solutions au même titre des trois sels de l'eau de mer que j'ai essayés pas- sent avec des vitesses relatives dans des rapports analogues aux absorptions constatées chez les animaux vivants. Graham ne nous ayant pas laissé de données à cet égard, j'ai eftectué, moi-même, les expériences nécessaires. J'ai suivi, en partie, la méthode de dialyse préconisée par M. Ern. Guignet ^ et qui consiste dans l'emploi, bien facile, d'un vase poreux en terre de pipe dégourdie, tel que ceux des piles de Bunsen -. Je dis que j'ai suivi la méthode de M. Guignet en partie : en , effet, cet auteur place l'eau pure dans le vase poreux et la dissolution au dehors; il en résulte, avec les vases d'un couple ordinaire de Bunsen, que le volume de l'eau est moindre que celui du liquide à dialyser; tandis que Graham a insisté sur ce point que la quantité d'eau devait l'emporter de l)eaucoup. J'ai donc renversé les conditions des expériences, mettant la solu- tion saline dans le vase poreux et l'eau distillée à l'extérieur. Voici comment j'ai opéré : ayant choisi trois vases poreux neufs de dimensions égales (10 centimètres de hauteur et -4, o centimètres de dia- mètre) et les ayant soigneusement lavés et sèches d'avance, j'ai versé, dans chacun d'eux, GO centimètres cubes d'une des solutions à 10 p. **/q de chlo- rure de sodium, de chlorure de magnésium ou de sulfate de magnésium purs que j'avais préparées d'avance. Au moment où, pour chacun des vases poreux, la surface extérieure changeait de teinte, ce qui montrait que la solution saline avait traversé l'épaisseur de la terre de pipe, le dialyseur était plongé dans un vase de verre plus large (8 centimètres de diamètre) contenant 130 centimètres cubes d'eau distillée pure aux réactifs. Le volume de l'eau distillée avait été choisi tel, par des essais préalables, ' Comptes rendus des séunces de l'Académie des sciefices de Paris , t. LV. p. 740, novembre t8C2. - Duliochet (op. cit., p. 19) avait déjà observé à rendosmomètre Tétai éminemment actif des argiles blancbes cuites. SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. m que les deux liquides, intérieur et extérieur, fussent au même niveau. C'est à partir de Pinstant précis où la terre de pipe s'humecte à l'extérieur et où l'on plonge le vase poreux dans l'eau distillée, que se compte la durée des expériences. Un tube de verre neuf et propre plongeait dans l'eau distillée et servait à remuer celle-ci de temps en temps et à en puiser une certaine quantité aux moments voulus. L'eau des appareils, fréquemment remuée, afin d'obtenir un mélange intime de toutes les couches, a été analysée qualitativement, pour chacun d'eux après 15 minutes, 1 heure, et 3 heures 30 minutes. Après 3 heures 30 minutes, on a relire les vases poreux et l'on a procédé à l'analyse quantitative de l'eau distillée. A cet elTet, j'ai pris dans chacun des vases de verre 80 centimètres cubes de l'eau qu'il contenait cl j'en ai piéci- pité complètement soit le chlorure par l'azotate d'argent, soit le sulfate par le chlorure de barium. Les poids exacts des précipités obtenus par les mé- thodes ordinaires n'ont donné aisément, par les équivalents, les quantités, en poids, des sels qui avaient passé par dialyse. J'ai réuni les résultats dans le tableau suivant : LES SOLUTIONS DONNE.VT, PAR LES BÉACTIFS, DONNENT, PAR ANALYSE, a, res3h. Su' de di:ily»e nprès lii'. après 1 h. après 3 h. 30'. DAnS 80 CE DE LIQ SeU «v'C leurs m .U-- <:ules il'e-iu de crislalli âatiuD. HT. CtlBtS (HUE. Sels supposés ^.i.l.yJres. DASS 1 CE DE LIV S'-ls avec 1- urs moié- CIII.S .rt-nu Il crisl.illi- salîuQ. NT CUBE UIDE. Sels supposés atih>Jrifs. Solulioii de chlorure (le sodium. L'azolate d'arsent trouble nctle- nieut. Précipité caille- botté. Précipité caille- bolté. » ue^^oba » 08',0Ù32 Solution de chlorure de magnésium. L'azolate d'ari^cnt trouble nette- ment. Précipité caille- botté. Précipité caille- botté. OB', 1667 0,0836 0ef,0020 0,0010 Solulion de sulfate de magnésium. Les chlorures et azotates de ba- rium troublent à peine. Trouble faible. Précipité très-peu abondant. 0,1289 0,025:i 0,0016 0,0003 Tome XXXVI. 66 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES Le ciilorure de sodium employé était cristallisé en cubes par évaporation spontanée à la température ordinaire et conséquemment auliydre. Le chlo- rure de magnésium contenait cinq molécules d'eau de cristallisation et le sulfate de m gnésium sept. De quelque manière qu'on calcule, en partant des poids des précipités, les poids des sels dialyses, soit en les considérant tous trois comme anln- dres, soit en comptant Teau de cristallisation pour ceux qui en renfermaient primitivement, on arrive à ce résultat, que le sulfate de magnésium est celui des trois sels dont la dialyse est la plus lente. Ce fait important n'esl que la confiimation de ce que Graliam avait déjà trouvé pour la dilTusion sinq)le. § XXV. APPLICATIOiS DES nÉSULTATS PRÉCÉDENTS A l'eXPLICATION PARTIELLE DES PHÉNOMÈNES. L'endosmose nous explique pourquoi, lorsque des articulés d'eau douce munis, soit d'une peau mince, soit de surfaces branchiales étendues, sont plongés dans l'eau de mer, il y a absorption de sels. La diffusion nous fait comprendre pourquoi il y a absorption rapide de chlorures de sodium et de magnésium et absorption lente ou nulle de sul- fate de magnésium; mais il est à remarquer que les trois sels pourraient être également vénéneux sans déterminer les mêmes elTets. Tout ce que nous pouvons assurer, c'est que le sulfate de magnésium n'est que faible- ment absorbé, et rien ne nous dit qu'introduit dans l'organisme en quantité égale aux autres sels, il ne produirait pas des accidents identiques. Nous avons fait un pas vers la solution de la question; je doute qu'on puisse aller plus loin. Il y a encore d'autres faits inté-ressants ((ue la dialyse permet surfout d'interpréter : lorsque les articulés d'eau douce ont absorbé des sels par leur st\jour dans une solution saline, ou lorsque des articulés marins, venant directement de leur élément natal, sont placés dans l'eau distillée, les uns et SUR LES ARTICULÉS AQUATIQUES. 67 les autres abandonnent à celle-ci, par excrétion, une certaine quantité des sels absorbés. Ici, évidemment, la peau mince ou la tunique cutanée des brancbies est le diaphragme poreux du dial\seur séparant l'eau distillée d'un liquide complexe contenant des matières colloïdes (albuminoïdes) et des sels cristulloïdes. Les cristalloïdes passent seuls et se dilTusent dans l'eau dis- tillée. L'animal d'eau douce se débarrasse des sels nuisibles absorbés et reprend, ainsi que je l'ai toujours constaté, toute sa vivacité primitive. Le crustacé marin, au contraire, lait une véritable perte qui peut, pour une large part, contribuer aux accidents qu'on observe. Je suis loin de prétendre que cette perte est la seule et unique cause de la mort; mais le lecteur qui aura suivi, avec attention, mes expériences successives, ne pourra se refuser à admettre que les crustacés marins ont besoin, pour se trouver dans leur état normal, d'une quantité assez notable de sels, que les sels nécessaires sont les chlo- rures de l'eau de mer, qu'ils perdent ces sels dans l'eau douce, enfin, que cette perte, déterminant un état anormal grave, doit hâter la mort. § XXVI. CONCLUSIONS. 11 m'a paru utile de réunir, à la fin de ce travail, les conclusions princi- pales auxquelles l'ensemble de mes expériences m'a conduit; je les ai classées en deux groupes ayant rapport, le premier, aux articulés d'eau douce, le second, aux crustacés marins. Articulés d'eau douce. 1. L'eau (le mer n'a qu'une inducnee trcs-faible ou nulle sur les coléoptères cl les hé- niiptcres aqualiqucs à l'élai paiHiit; cette influence peut être un peu |)lus grande pour les larves. 2. L'eau de mer produit des effets nuisibles sur les articidés d'eau douce à peau mince ou à branchies, et ces effets sont, en général, d'autant plus marqués ([uc l'étendue de la suiface mince est plus considérable. 68 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES, etc. .". Les articulés aqualiques d'eau douce (|iii |)euvenl vivre impunémenl dans IVau de mer, sont ceux chez lesquels il n'y a pas d'absorption de sel par la peau; ceux qui y uK'urcni, au hout d'un temps relativement court, ont absorbé des chlorures de sodium et de mugnésium. 4. Les sels nuisibles contenus dans l'eau de mer sont les chlorures de sodium et de magnésium; l'influence des sulfates peut être considérée connue nulle. 5. La difl'érence de densité qui existe entre l'eau douce et l'eau de mer n'explique |ias la mort des articulés d'eau douce dans le second de ces liquides. G. Lnrs(|ue les arliculés d'eau donee pussent, par une transition très-lente, de l'eau douce dans l'eau de mir, et (|uc, durant cette transition, il y a eu reproduction, la nou- velle génération résiste plus longtemps à l'action de l'eau de mer que les individus ordi- naires de l'espèce. Crustacés marins. 7. Les crustacés les plus communs de notre littoral meurent dans l'eau douce, après un temps variable pour cbacpie espèce, mais (pii ne dépasse pas D heures. 8. Les crustacés marins plongés dans l'eau douce abandonnent à celle-ci les sels (chlo- rure de sodium surtout) dont étaient imprégnés leurs tissus. 9. Dans le plus grand nombre des cas, la présence du chlorure de sodium fait partie des conditions d'existence indispensables aux crustacés marins. Ce sel parait être le seul nécessaire. 10. Les individus de petite taille et ceux qui , venant de muer, ont les téguments minces, résistent moins que les antres à l'influence des liquides à composition exceptionnelle. 11. La dillérencc entre les densités de l'eau de mer et de l'eau douce ne peut être con- sidérée comme la cause de la mort des crustacés marins dans l'eau douce. 12. [Applicable aux deux groupes.) L'endosmose permet d'expliquer l'absorption des sels par la peau mince ou les surfaces branchiales des articulés d'eau douce plongés dans l'eau de mer. La dill'usion et la dialyse, s'opérant avec plus d'énergie pour les chlorures de sodium et de magnésium que pour le sulliite de magnésium, montrent en vertu de quelle cause les chlorures seuls de l'eau de mer sont absorbés. Enfin la dialyse explique comment les crustacés marins placés dans l'eau douce perdent, au sein de ce liquide, les sels dont ils sont imprégnés. FIN DE LA PREMIKRE PARTIE. 3 2044 093 257 939 iiii