PA EMA UN NRA Pi a) 2) A FA a à a ALES Ava AAA A] à î AFP AAA à à A x A A A Ms AAA: An ANA à e\ AAA A2 A NN NAR Ale: Va A AA ARS A an a À A a AAA: A! AA AA A! FAAAQ AN A AAA AN AN ANR NAAP A À Rss £ G EN ta ah (HTC ar” M NENEUE ne :: 0 LÉ ne ARS É En CAN L Ce ET es us : ED D Le 9 vf LYYV YU UV VW. UE) VUCNMONEONTENT CT A UE 3 VNN VUVUVYNV. ! ri SE î . Je SE VA - NN AMAR Yy JUSTE EN wa VVy MACCENNERE MEL E PLANS AY dv Vo LME LEA ARPPPEREN CARRE sa Ù CE EMMA 4 MMS VE # EVE YU Te A7 AA LAE | UVOV ELLE JE UTE a NU dE LA VVY AAA A v j yes SLR A J LA AE BAR e FE AL À. - © (S Ver VU? A 2 YU ve ei ‘Vo 4 UU CAT es 3 AIS ESS EM *UVNN UU . a AL #4 à VEN VV) MANU VU J PL US ace SL VV a w Mi PL RATE UV Ù < MAJ NN M VE M Musee Fe A enr A RER VU V = } Fybe RAA VUE EYE | À SUN VUE S SEE EM EE STE EVE TE EYES ET EME si FES EEE 234 JYVV LV PENEECC ES L'USFE # SUV UE UT A A AE a Nr dant NM L MS “ ) Q CA ANA AA YUY VUYVU VUVET TA ii LS ue autres N NE ME T Le RRSSUE ann .e Li TARN CM RS A À MARINES JAN JAECE NYVVY Vus = 10 /yy M YVYSUE NY D NES EEE EEN CL NT LÀ SR" ages À U" MN" D A AE YNV A de RE NES ANS SENU SE ue, D RASE CN NES DA RTE ON sv \] RS PUNNVYE SITE vo. TUE MY pee aa VIE A 2. ne w WE FA VV VD vu L. M AA NE VU VU M WE 2 VU YV\) GAL AAA AT USE NUE Eu SI VE ÉMAANX Ÿ de M Ph $ A ex dé PA IMPR UE ET Ÿ s : ‘5 VASE Ÿ SL ÿ ” ÿ K Sans RUE RP ÉÉRECEEE sn CE PAM EEE A EC a in JV JA MAN Sa QU* y UV GÙ 7 es HUE ES ae EYES : a TU MATE LE MÉÈM SEMI MES ". " Eu e Te +2 ne HER ve ÿ - in : Su NY: Non UNE : JUNE SNENTE Ne “D se RME Ne YU = UY £ A MANN UN Vy TCLN SUYS € = NY de ÿ g JC EE Fttre HN v YA) UN PL LA VV NN SE ENS CS S NE o JULY CCS 4 NI V ÉÉMANNNNNRE SES CEE ee LT a NY -- pue \g NUE NUS VV Er more Ve YEN USE E : he Le NN VUE à w. ; AA A 7 VON NO : UU PAT CET € =: ds Ve LA A EEE LI FIVE D no SOS EME. 2 SC SES 6. US SN NNNNNE IN PT SNS Vu 7 dE NN | UE 4% MÉMOIRES. MÉMOIRES DE L'ACADEMIE DES SCIENCES, AGRICULTURE, ARTS ET BELLES-LETTRES, D'AIX. ———## 0 ECRIA KES — TOME EV: ———#it PCR ETES 1e — — AU TE, De l'Imprimere de NICOT et AUBIN, 2], Pont-Moreau. na " DUR na See, tes k L : 2 F Ne WT EVE 1 ‘ia ê nn Ro L ab am faÿ | En ' | | eh | e L 4 eau? és HS. 7 *. 14 ne i! Mae LA hype ft ed Tes 4 NRA L : | V ” 4h UN ARLES ARE ce du 16 ï D sé D EU DT) 18h) HE = VIN XP, 1 ib 2 0 ME ET) TDR he. NT Ù | JET TN Mr HAUTES AE » \} { d: PE. OT 4. ne ‘il 2" 14 : 5e Î Li | wie à À on ; | 1. L | Sn : % re y = ’ Q l "9 4 ae { TE [ f il ? M PTE ie à 4 vis si ‘1 di | Te AB 0-2 | PT CPC UIREES ": . Ace L AVANT-PROPOS. Fix plaçant un avertissement en Es du troisième volume de nos Mémoires, mon honorable prédéces- seur et ami, M. de Montmeyan, m'a tracé une route de laquelle je dois d'autant moins m'écarter que je nai jamais cessé de considérer comme un devoir de suivre ses traces et de sol- liciter ses conseils. M. le Secrétaire-perpétuel avait pris en quelque sorte l'engagement de continuer cette publication, et avait fixé à trois années l’espace qui devait séparer un volume des Mémoires de l'Académie , de celui qui en serait la suite. Un long temps s’est écoulé sans que cette promesse ait été remplie : je dois en faire connaître les causes qu'il n'eut v] pas été au pouvoir de mon collègue, de faire disparaître, comme il n'a pas été possible à mon zèle d'en éviter les effets. Les inquiétudes que font naître les changements de gouvernements, lors même qu'ils ne présentent pas le spec- tacle de collisions sanglantes, ont pour suite indispensable de ralentir les travaux de l'esprit, comme ceux du commerce et de l’industrie. Deux fois le funeste choléra est venu décimer notre population et en disperser les débris. Une autre cause enfin, peut-être la plus puissante dans un siècle aussi positif que le nôtre , le manque des fonds nécessaires a arrêté le zèle de l'Académie. Placée aujourd’hui dans une posi- uon plus heureuse par la généreuse protection du gouvernement et de l'administration du pays, l'Académie en profite pour remplir un engage- ment qu'elle n’a cessé de considérer vi) comme sacré, et pour renouveler la promesse d’une périodicité à laquelle elle tient plus que jamais. Le zele et les travaux de ses mem- bres résidants, le choix toujours plus éclairé de ses correspondants dans tous les pays, ses relations avec la majeure parte des sociétés savantes de l'Europe , la mettent en mesure de ne pas tromper l'attente du public; et nous pouvons affirmer que ses cartons renferment plus de matériaux qu'il n'en faut pour la composition d’un cinquième volume. Le choix qui a précédé à la for- mation de celui-ci a dû nécessaire- ment porter sur les premiers ouvrages qui avaient été jugés dignes de lim- pression; les autres trouveront succes- sivement la place qui leur est due. Il ne m'appartient pas de faire l'analyse, ni mème d'indiquer par un simple avis ceux que renferme ce vo- lume parmi lesquels se trouvent quel- ques opuscules auxquels Fat attaché vjji mon nom, et dont le seul mérite est l'importance locale de la matère. Livrés désormais au jugement du public, ils ne doivent pas être pré- cédés d'un premier avis justement suspect de partialité. L'Académie parfaitement convain- cue que la principale utilité des corps savants, dans les provinces , consiste en tout ce qui se rattache à lagri- culture et aux sciences naturelles, leur a consacré la majeure parte de ce volume.Quelques pages sont destinées à prouver que nous ne laissons pas périr le langage si naïf de nos trou- badours, langue dont la concision, la douceur et l'énergie nous assigne- rent autrefois le premier rang dans la littérature , et qui, presque oubliée aujourd'hui, n’en mérite pas moins le culte des Provençaux, peuple que distingua toujours son amour pour sa belle et noble patrie. Le Secrétaire-perpetuel de l'Académie , Coure pe MONTVALON. * FR S R S Te re AT FRET GNES PRES @] gr Sas DEN INNECTEN NUINIBLEN À L'AGRICULTURE PRINCIPALEMENT DANS LES DÉPARTEMENTS DU MIDI DE LA FRANCE! PAR LE SIEUR BOYER DE FONSCOLOMBE. —088D (0€ 000e— QUESTION PROPOSÉE PAR L'ACADEMIE DU GARD : DÉCRIRE LES MOEURS ET LES HABITUDES DES DIVERS INSECTES NUISIBLES À L'AGRICULTURE, PARTICULIÈREMENT DANS LE MIDI DE LA FRANCE ; RECHERCHER ET INDIQUER LES MOYENS LES PLUS PROPRES A DIMINUER OÙ A FAIRE CESSER LEURS RAVAGES. Venit locusta et bruchus, cujus non erat numerus; et comedit omne fœnum in terrà eorum , et comedit omnem fructum in terrà eorum. {Ps. 104). {, A nature à répandu ses richesses avec une merveilleuse fécondité sur le globe que nous habitons. Les végétaux que la main du Créateur y a semés, les animaux dont il l’a peuplé, offrent à l’homme tout ce qui est nécessaire pour soutenir et embellir son existence. Mais il est aussi des contrastes à ses bienfaits: les poisons croissent à côté des plantes utiles; auprès du bœuf qui laboure nos champs, de Ia brebis qui nous vêtit (4) Ce Mémoire a obtenu le prix proposé par l'Académie royale du Gard, en 1855 et 1956 1 es et nous!nourrit, rodent le loup et le tigre; rampent le serpent, la vipère venimeuse. Ces disparates ont leur place dans l'ordonnance géné- rale des êtres, réglée par la haute sagesse qui les gouverne. Mais, ne füt-ce que pour faire sentir à l’homme sa dépendance et sa faiblesse, nous n’avons pu jusqu’à présent, nous ne pourrons sans doute jamais pénétrer les raisons secrètes de ces mystères de la nature. Nous souffrons de ces contrariélés qui troublent nos jouissances, qui nous nuisent même dans nos besoins essen- tiels: ce n’est qu'à la sueur de notre front, ce n’est qu’en les défendant contre des ennemis qui nous les disputent, que nous pouvons recueillir, avec bien des pertes, le fruit de nos labeurs. Notre étude continuelle doit être de les éloigner, de les combattre, de les détruire. Les insectes, quoique les plus petits de ces êtres malfaisants, ne sont pas les moins nuisibles; leur nombre multiplié à Vinfini compense leur petitesse; tellement que les dégàts qu'ils occasionnent ne peuvent quelquefois être arrêtés par aucun pouvoir humain. Mais, quand ïl est possible de s’en préserver, nous serions inexcusables d’en négliger les moyens. Appliquons-nous donc à connaître ces ennemis que leur petitesse nous dérobe souvent; distinguons-les ( pour ne pas frapper en vain et perdre nos peines) de la multitude d’espèces qui ne nous nuisent pas. Il ne sera sans doute pas aussi aisé d'indiquer toujours de sûrs pro- cédés pour les détruire , ou les éloigner. Cherchon cependant à rassembler tout ce que l'expérience Vi: a pu nous en apprendre, profitons des Iumières déjà acquises. Ce double but, celui de faire connaître par des caractères bien déterminés les insectes nuisibles à l’agriculture, surtout dans le département du Gard, et en général dans nos provinces méridionales; et d'indiquer les moyens qu'on peut employer pour les détruire; sera Pobjet de ce Mémoire. J'aurais voulu pouvoir appliquer à chaque sorte d’insecte un sûr moyen de destruction; je voudrais au moins dans tous ceux que j’indique , avoir le mérite de l’invention. Mais l’un est au-dessus des facultés humaines; l’autre surpasse ma science et mes moyens. J’ai donc cru pouvoir, tout en payant le tribut de ma propre expérience, ne pas laisser de côté, ce qui, avant moi, a été mieux trouvé et mieux expliqué. Enfin j'ai cru devoir ne rien négliger : Il n’est aucun insecte nuisible, soit à l’agricul- ture, soit même à l’économie rurale et domes- tique, à ma connaissance, que je nm’aie signalé- En m'attachant surtout aux espèces méridio- nales, je n’ai cependant pas voulu omettre ce qui concernait des espèces, plus nuisibles dans le reste de la France, que chez nous. On trou- vera peut-être que je me suis trop étendu, que j'ai trop détaillé. J’ai pensé qu’il valait mieux surabonder, que frustrer le moins du monde l'attente du lecteur curieux; füt-il même minu- tieux. J’ai pensé que je devais faire un tout le plus complet possible. Je puis témoigner de mes efforts et de ma bonne volonté; je serai satis- fait si l'exécution a répondu au zèle. XL. TABLE DES CHAPITRES. Des Insectes qui causent des dégâts au blé, soit sur pied, soit dans les greniers. Des Insectes qui attaquent l'olivier. Des Insectes de la vigne. De l’'amandier. Des arbres fruitiers. Des arbres utiles ou d’agrément. Des Insectes qui nuisent au jardinage , aux plantes potagères , et à celles que l'on cultive dans les champs. Des Insectes qui nuisent aux prairies. Des Insectes nuisibles en général ou qui attaquent tous ou presque tous les végétaux. Des Insectes qui vivent aux dépens des animaux domestiques, de l’homme et de nos provisions de ménage. Des Insectes ennemis des autres insectes. CHAPITRE PREMIER. DES INSECTES QUI CAUSENT DES DEGATS AU BLÉ , SOIT SUR PIED , SOIT DANS LES GRENIERS. ETTE plante, principale base de la nour- € riture du peuple, son grain si nécessaire à la vie, sont sujets à bien des dégâts occa- sionnés par des insectes, et dont on a souvent cherché, presque en vain, à les préserver. Le blé, dans nos contrées méridionales , à peine sorti de terre, est déjà exposé aux attaques de deux espèces de petites larves ou vers , pour se servir du langage ordinaire. L'un rouge, mince, alongé, se loge et vit au-dessus de la racine , dans les tuniques du bas de la tige. El y paraît dès les mois d'oc- tobre et de novembre. La saison souvent encore douce dans ces mois d'automne, et la sécheresse qui se joint quelquefois à cette température , le favorisent extrémement. Hl Ver du ble Cecidomyia Lestremie. Cecidomyia destruclor. (0 fait alors beaucoup de mal aux plantes céréales dont un grand nombre se flétrissent et se des- sèchent , et quelques autres languissent long- temps. Vers le mois de février on le voit encore dans le bas des tiges de froment , en nymphe brune, ovale, semblable à un grain d'orge pour la forme et même la grosseur. Ces nymphes se trouvent souvent plusieurs , a côté les unes des autres, dans la même plante. El en sort vers la fin de mars un petit moucheron de la famille des tipuies qui m'a paru être d’un genre approchant des cecidomyia de Latreille. El en diffère par les nervures des ailes qui sont au nombre de cinq dans celui-ci, tandis que le genre cecidomyia n'en a que trois. Cette espèce n'a été décrite à ce qu'il parait par personne. Le Mémorial encyclopédique, année 1854, en parle, mais sans en donner la description. Elle semblerait se rapporter au genre lestremie (Macquart, dip- tères du nord de la France. Latreille, règne animal, tom. 2, pag. #45). La cecidomyia des- tructor semblerait être de ce genre que d'ailleurs je ne connais pas, et ce nom spécifique convien- drait bien à notre insecte. Le moucheron du blé est noir; le corcelet est assez grand , l'abdomen cylindrique , mince, alonpé, obtus à l'extrémité, dans les mâles; celui de la femelle est plus sros , conique et terminé en pointe; les antennes sont orenues , chaque article étant renflé à son extré- mité et garni de poils en aigrette dans les deux sexes : les ailes sontun peu obscures, irisées , et ailées sur leurs bords. Cet animal est si petit qu'il est diflicile de F'atteindre pour le détruire. 1! se confond d’ailleurs dans son état parfait avec nombre d'espèces de la mème famille qui lui res- semblent beaucoup. On se plaint aussi, particulièrement dans le département da Var, d'un autre ver, pareil au premier par ses dévâts et sa manière de vivre, un peu plus gros seulement, et d’un genre très différent. El ressemble assez à la mouche de l'olive dont il sera question dans le chapitre qui traitera de l'olivier, et fait partie comme elle du senre oscinis , Latreille. Je dois la connaissance de cet insecte à M. Laure de Toulon , membre de la société d'agriculture et de commerce du Var, et correspondant de la société académique d'Aix , agriculteur très distingué par son esprit d'observation et ses nombreuses connaissances. Cette mouche, dont je donnerai la figure, est de forme ovale ; le dessus du corps est noirâtre, le devant de la tête et ses côtés sont jaunes ; les côtés et le dessous du corcelet, le ventre en dessous et les pattes sont jaunes; il y a deux ou quatre raies jaunes longitudinales sur le cor- celet , dont l'écusson est aussi jaune. ME. Blot (Mémorial encycl. 4834 , pag. 296) Oscinis du ble, ile terresue. s'est apercu que l'iüle terrestre, vulgairement Noctua chroleuca. béte à mille pieds , se tient, l'hiver, aux racines du blé, qu'il les ronge et fait périr la plante. On ne s'aperçoit du mal qu'en mars, et alors l'ani- mal a déjà disparu. El faut pour s'en défendre , avoir soin de faire passer fréquemment la herse en hiver dans les blés en herbe; comme aussi en septembre et octobre de brüler tous les débris de végétaux qui setrouvent à portée des champs ensemencés, parce que c’est là que l'iüle se cache et trouve son refuge ; la herse le dérange et le découvre , ear cet animal n'aime que lobscurité et vit caché : on peut alors aisément le voir et l'extirper. Je dois ajouter que je n'ai pas lieu de croire que cet insecte qui se trouve cependant dans nos contrées méridionales , y devienne trop nuisible au blé. Le blé, déjà en épi, mais encore vert, est quelquefois attaqué par une chenille assez eflilée, d'un jaune paille , parsemée de points noirs épars , qui étant plus rapprochés sur les côtés du corps, y forment deux raies entre lesquelles règne une bande d'un jaune pur. Elle s’y voit vers le milieu de juin; elle se transforme en noctuelle ou pa- pillon nocturne vers le milieu de juillet. C'est la noctua ochroleuca, Hubner, (Duponchel, ist. natur. des Papillons de France, tom. VE, p. 544, pl. 92, fig.3.) noctua flamma , fabri- cius. Cette noctuelle est d’an jaune pâle ou blanc le, fie sale avec deux bandes irrégulières d'un roux brun. Elle vole en plein jour, assez communément sur les fleurs des chardons. Au reste, elle n'est pas assez abondante pour faire un dégât marqué, et les agriculteurs ne s'en plaignent pas, con- fondant peut-être aussi ses ravages avec ceux de la grande sauterelle verte qui ronge souvent les épis verts. Une autre chenille raiée longitudinalement de brun et de gris sombre avec quelques points noirs sur chaque anneau, ronge la racine du blé et de quelques autres plantes. Elle passe l'hiver dans un creux sous terre à deux ou trois pouces de profondeurs; elle s'y transforme en chrysalide vers la fin de juin, et l'insecte parfait éclot un mois après. C'est encore une noctuelle, AN. segetis, fabr. Dup. N. segetum, hubn. Elle est d'un gris obseur , et presque noirâtre dans la femelle ; ses ailes supérieures sont traversées par deux lignes fiexueuses noirâtres avec quel- ques autres taches noires. Elle est figurée dans l'Histoire naturelle des Papillons de France . par MM. Godart et Duponchel, tom. V, p. 255, pl. 68, fig. 5 et 6. Ses ravages s'apercçoivent peu , soit parce qu'elle attaque aussi d'autres plantes que le blé, soit parce qu'on les confond avec ceux qu'occasionne Île ver du blé décrit ci- dessus. Une autre chenille beaucoup plus petite, d'un Noctua segetis. No jaune terne et pale, avec une raie dorsale blan- che, et les côtés verts, les stigmates d'un brun roussâtre, est beaucoup plus commune chez nous. Elle ronge la moëlle des chaumes sur pied, lors et avant même leur maturité. Je l'ai vue presque toutes les années tomber en quantité sous les mains des moissonneurs, à mesure qu'ils coupent les blés. Elle se retrouve sur les aires , entame aussi le grain, et certaines années les agriculteurs se sont plaint beaucoup du dommage qu'elle cause mème dans les greniers. El m'a été diflicile de suivre ses métamorphoses , parce que l'époque de la moisson et les commencements de la récolte étant passés, elle se blottit dans des fentes et des trous, et s'y tient immobile sans perdre la vie, et ne se donnant du mouvement que si lon cherche à l'inquiéter. L'hiver surve- nant, elle meurt souvent dans nos domiciles , quand on ly garde pour l'observer , sans avoir opéré ses métamorphoses et sans avoir cru en grosseur. J'ai cru longtemps que le papillon auquel elle devait donner naissance ; était la tinea elutella, hubner, parce que celle-ci se trouve à laçfin d'août en grand nombre dans les orenicrs. Mais je me suis assuré depuis peu que ces deux espèces n'ont aucun rapport, puisque ma chenille est loin d'être en chrysalide quand l'elutella est déjà éclose. Dans le fait je ne connais pas jusqu'ici le lépidoptère que donne la Le à Ms petite chenille que je viens de décrire. Je serais porté à soupeonner que ce pourrait être la noctua ockroleuca citée ci-dessus , dont la chenille pas- serait le temps de l'hiver dans cet état d’engour- dissement , pour reprendre sa croissance au printemps suivant. Cette opinion a besoin d'être mieux éclaircie. Réaumur (ém. sur les in- secles, tom. 5, p. 272, pl. 20, fig. 42, 46) décrit une chenille de fausse teigne qui fait de grands désâts en réunissant des orains de blé avec la soie qu'elle file, et se nourrissant à l'aise de la substance du orain, mais les caractères de l'insecte parfait différent de la F. elutella. La fausse teigne de Réaumur, trop commune dans la plupart de nos provinces, a les ailes grises , marbrées d'ondes plus brunes, et n'a pas les lignes obliques de l'elutella. Elle est inconnue ou peu connue heureusement chez nous , et dans le nord on ne parait pas connaître les dommages de la nôtre. Ces espèces ne sont done que trop multipliées ; et chaque climat a les siennes. On peut voir dans Réaumur celle qu'il décrit et qui est connue d'ailleurs des naturalistes et des agri- culteurs. sous le nom de ver des blés, alucite des céréales (Nouv. Cours complet d'agricult. Bose , règne antmal, Latr., tom. 2, p. 424. — Mém. encycl., année 4854). J'ai entendu nommer par nos eulfivateurs, canadelle , l'es- pèce de chenille dont nous nous plaisnons dans Fausse teigne des grains Canadelle, Alucite les grains Pou volant Papillon les grains ET vues le midi, quoique ce nom paraisse plus particu- lièrement propre à la larve d'un coléoptère que nous désignerons plus bas. I n'est pas étonnant que des effets à peu près semblables ayent porté à confondre sous la même dénomination deux espèces d'insectes d'ailleurs très différents par leurs caractères extérieurs. Je proposerai pour arrêter les dégâts etla propagation de cette fausse teigne, quelques moyens généraux que Jindi- querai plus bas , et qui seront en partie applicables aux autres insectes que je vais signaler. L'alucite des grains (Bose, cours compl. d'agricult. alucita cerealella, oliv. ene., mé- thod. œcophora, Latr., règne animal, p.425. — Réaum. , tom. Q, p. …, pl. 39, fig. 18.), désignée encore sous le nom de Teigne, pou volant, papillon des grains (Rosier, Dict. d'agr., tom. V, pl. 9 et 40, Mémor. encycl., 1851. ) cause , au moins dans les provinces du nord et du centre du royaume, des dommages incalcu- lables. Sa chenille, quoique très petite, est si multiplie qu'elle a menacé de réduire des pro- vinces entières à la disette. En 4760, le gouver- nement envoya deux savants académiciens ; MR. Dubhame! et Dutillet , dans l'Angoumois ; pour trouver, après avoir reconnu l'ennemi, quelques moyens deremédier à ses ravages. Un seul grain de blé, plus souvent un grain d'orge, qu'heureu- sement encore elle paraît choisir de préférence, quelquefois la seule moitié du grain suffit à l'en- tretien de sa vie entière. C’est donc par le nombre qu'elle produit les plus srands ravages. Elle atta- que aussi le maïs dans l'Amérique septentrionale, ét elle s'y multiplie tellement qu'elle remplit les sreniers. Bose assure qu'elle y vole en telle quantité, qu'il avait de la peine à garder allumée la lampe qu'il portait pour aller prendre le maïs de ses chevaux. La chenilie de cette espèce vit cachée dans l'intérieur du grain qu'elle ronge; elle se conserve vivante même dans le blé mis en terre. Elle est blanche , sans poils, sa tête seule est brune. L'alucite est d’un gris pâle tirant sur le canelle clair; ses ailes sont assez planes; les inférieures sont très frangées sur leurs bords ; ses palpes ou barbillons sont relevés au devant de sa tête, comme deux petites cornes recour- bées. Bosc assure que dans les climats un peu chauds , elle doit produire six générations dans une seule année. Je n'ai pas remarqué cette es- pèce dans nos contrées. Il y a lieu de croire que si elle s'y montre. elle y est rare et occasionne peu de dépâts. Ce papillon, ainsi que les espèces précédentes , une fois éclos sous sa dernière forme , ne peut plus entamer les grains et ne s'en nourrit pas ; ils ne sont plus dangereux (et c'est bien assez) que par leur ponte qui perpétue la race. Le eosson . charanson . calandre . Cosson. €haransor. £alandre. Cbatte-peleuse. Gond. Calandra granaria =. foire chatte-peleuse, gond , suivant les lieux divers , calandre granaria, fab. latr., vit sous la forme de larve ou de ver dans l'intérieur du grain où il se loge et qu'il ronge, comme la teigne décrite ci-dessus. Cette larve est blanche, molle, un peu alongée ; sa tête est jaune, armée de maudibules ou mächoires. Après avoir subi la forme de chry- salide, l'insecte troue le grain, mais il ne le quitte que pour continuer à le ronger à l'extérieur de la même manière, quoique alors il ne puisse pas occasionner un grand mal par l'extrème petitesse de ses organes manducatoires. Dans ce second ou plutôt troisième état , il est noir, alongé; sa tète se termine en avant en une trompe ou bec long et mince, à l'extrémité duquel se trouvent ses mâchoires : ses élytres sont profondément sillonées, deux antennes coudées, terminées en masse, partent de la base de la trompe. La durée de l'existence du charanson dans le grain depuis l'œuf jusqu'à sa sortie sous la forme de coléop- ère, est d'une quarantaine de jours plus ou moins suivant la chaleur du pays et de la saison. Les sénérations de cette espèce se succèdent , en effet, plusieurs fois dans une mème année. On a calculé qu'une seule paire de charansons peut donner naïssance successivement à plus de six mille individus, du milieu d'avril au milieu de septembre ; beaucoup plus encore dans nos contrées méridionales où la durée entière de sa Nr = vie est de moins de trente jours , et où ; consé- quemment , elle se renouvelle plus souvent. Il est donc très important que les précautions qu'on doit prendre pour se débarrasser de cette espèce ayent lieu avant la ponte, et avant l'époque dési- -gnée pour leur première apparition. Enfin, on trouve encore dans les #reniers une larve beaucoup plus srande que le charanson , qu'on appelle aussi et même plus particulièrement canadelle ou cadelle : c'est sous ce dernier nom vulgaire qu'elle est dénommée dans les diction- naires d'agriculture de Rosier, tom. 5 , pl. 10, fis. 40 et AA, et de Bose. C'est le frogosita caraboides des entomologistes. Elle est blan- châtre, à six pattes qui sont placées immédia- tement après la tête; celle-ci est noire, armée de deux fortes mächoires; la queue est terminée par deux crochets. Elle attaque les grains à l’ex- térieur, et ses dégâts sont encore plus considé- rables que ceux des autres espèces. A la fin de l'hiver elle quitte le blé pour se blottir dans quelque trou ou quelque fente. C'est dans cet abri qu'elle se change en chrysalide, puis en insecte parfait. Ce coléoptère noir, ovale un peu alongé, dont le corcelet en demi-cerele est sé- paré de l'abdomen par un étranglement assez marqué , ne vit point de grains dans son nouvel état ; il n'approche des tas de blé que pour y déposer ses œufs. I est bon de le connaitre sous Canadelle, Cadelle. Trogosite caraboides. Masca lineata orge. Procédés de destruction. Le ver. = So — sa dernière forme, aussi bien que le charanson, parce que c'est alors qu'il s’accouple et qu'il fait sa ponte , et c'est le moment qu'il faut choisir pour le détruire. Endépendamment de la courte description ci-dessus, j'en donne la figure. La larve de la musca lineata, Linn., vit dans les tiges de l'orge ; elle en ronge la moëlle et empêche la plante de former son épi. Elle a occasionné souvent de grandes pertes ; surtout dans la Beauce. Cette mouche est de forme coni- que , sa couleur est jaune ; elle à une tache noire sur le front, trois lignes sur le corcelet et quel- ques taches de la mème couleur à la base de l'abdomen. Sa longueur est d'une ligne et demie. Mais peu importerait de connaître nos enne- mis, si nous ne cherchions pas les moyens de les combattre ; ils ne sont ni toujours faciles , nitoujours bien connus. Nous allons donner une idée de ce qu'il est possible de tenter. 4° I est impossible de détruire ou d'éloigner le ver qui ronge les jeunes tiges du blé; encore plus impossible de saisir, de détruire et même de bien distingner la mouche qui lui donne nais- sance, à cause de son extrême petitesse et de sa grande ressemblance avec une infinité d’autres espèces congénères. On pourrait arracher les plantes attaquées lorsqu'elles sont totalement fanées et mortes ; parce que ce serait un moyen ou de prévenir la naissance de la mouche sous sa dernière forme, son accouplement et la ponte qui luisuccède. Mais il faut observer d'éparoner les plantes quin'ont pas encore entièrement péri. puisqu'on a l'espoir de les voir revivre , surtout quand des pluies assez abondantes , ét encore mieux des gelées un peu fortes font mourir le ver et arrêtent ou paralysent ses ravages. El faut que l'extirpation des plantes ait lieu avant le mois de mars ou même la fin de février, pour prévenir le développement de la petite mouche. On la saisit alors dans sa chrysalide décrite plus haut et facile à reconnaitre. El faudrait enfin (et nous serons obligés de répéter cette recom- mandation dans quelques-uns des chapitres sui- vants, parce qu'elle est essentielle), que tout un pays s'entendit, que l'autorité cbligeât les fermiers et les propriétaires à user simultanément de la même mesure, sans quoi rien ne pourrait empêcher les moucherons éclos chez un voisin népligent de déposer leurs œufs dans le champ du propriétaire vainement plus soigneux. On assure que les grains du blé, ainsi que les autres semences , mêlés avec de la fleur de soufre , dans une certaine proportion, par exemple d'une once de soufre sur trois livres de grains ; balottés ensuite quelque temps dans un vase couvert, et puis semés., ne sont pas sujets à être attaqués par les vers après leur sermination. Les teignes et alucites. Oiseaux danslesgreniers. 2 Sur les aires et pendant la moisson , il faut employer des enfants à ramasser et jeter sur-le-champ au feu toutes les chenilles qui tombent des épis et qui rodent parmi Îles grains ; et continuer à leur faire la guerre dans les greniers. Je ferai observer à ce propos, que quelque propreté que lon désire entretenir dans les greniers , les toiles d'araignées doivent être épargnées : elles sont utiles, parce que l'insecte quiles tend comme des filets, dé- truit par là une grande quantité de fausses teignes, et même de charansons, dont il fait sa proie. À Moissac , contrée peu éloignée de nous et qui fait un grand commerce de blés, on use, contre les diverses sortes de teignes et contre les charansons, surtout dans leur état de chenille ou de larve cachée dans les grains, d’un moyen que nous pourrions aussi pratiquer (Bosc, Cours complet d'agri- culture). On enferme dans lessreniers quelques bergeronneltes ; oïseaux très-friands de ces vers qu'ils savent dénicher, sans manger le blé lui-même dont ils ne se nourrissent pas. Il suflit de tenir dans le même local un ou deux plats remplis d'eau. Je pense que le rouge-gorge (riqaou) pourrait rendre ce mème service, d'autant plus que ce petit oiseau qui passe l'hiver dans nos contrées , est très-familier D — et ne craint pas la présence de l'homme. Au reste , l'une et l'autre espèce est commune dans nos départements, et il est aisé de s’en pourvoir. 3° MM. Duhamel et Dutillet, qui se sont fort occupés, comme je l'ai dit plus haut, des moyens d'extirper l'alucita cerealella , celle qui mine les grains; en ont indiqué plusieurs. On peut consulter le traité du premier de ces académiciens sur la conservation des grains. Le principal procédé est d'étuver les blés avee précaution à une chaleur de 60 degrés (thermomètre de Réaumur). Elle suffit pour faire périr les mineuses ; mais il faut prendre garde qu'elle ne s'élève pas à un point plus fort. Bosc assure qu'à 70 degrés, le blé perd la faculté de germer et devient même moins bon pour la fabrication du pain. Duhamel indique encore de laver fortement les blés à l'eau courante; ce lavage entraine les œufs, humecte, contrarie et fait périr une partie des chenilles, du moins celles qui sont en dehors des grains ,; emporte les larves de charanson déjà écloses , et les ordures qui favo- risent le travail de cettevermine , en lui ménageant une sorte d'abri. Olivier est dans le même sen- timent dans un mémoire qu'il a fait sur les insectes des grains. Parmentier propose de les exposer à la chaleur d'un four, mais avec de grandes pré- Étuyes, Lavages. Charansons. En QU A eautions pour ne pas faire plus de tort au blé que ne lui en font les insectes rongeurs. Du- hamel indique aussi pourles oreniers l'usage d'un ventilateur pareil à celui dont nous allons parler tout à l'heure. 4° Les charansons sont plus difliciles encore à détruire , et cependant ils sont plus communs et plus nuisibles dans nos départements. Ren- fermés dans le grain, à l'état de larve qui est celui où ils font tout le mal, ïis supportent ordinairement sans périr la chaleur indiquée plus haut de 60 degrés; à moins que l’eau bouillante ne leur soit immédiatement et presque indivi- duellement appliquée , ce qui est très difficile à espérer; et nous avons vu qu'un degré supérieur nuirait au blé. On a remarqué qu'ils ne l’attaquent pas tant qu'il est en meule; c’est selon M. Teis- sier, à cause de l'éloignement un peu plus grand du bâtiment de ferme, et par conséquent des charansons femelles qui ne quittent guère le orenier pour aller pondre plus loin; et parce qu'on à remarqué qu'ils n'atfaquent jamais le blé sur pied. J'aurais cru que Flinsecte était arrêté par la difficulté qu'il trouve à pénétrer sous la balle, pour déposer son œuf sur le srain même, mais il parait qu'il sait éluder cette difliculté : car il s’atfache au blé en grange ou sur l'aire, avant même qu'il soit dégagé de sa balle. Quoi- que, d'un autre côté, cette première enveloppe == ON plus serrée autour du grain même dans l'orge et l'avoine, les préserve des atteintes du charanson, et que par la raison contraire il attaque souvent le seigle et le maïs. Olivier a remarqué que le blé vanné au com- mencement de l'hiver contenait beaucoup moins de charansons que celui auquel on fait subir cette opération immédiatement après la moisson , comme on est dans l'usage de le faire dans ces pays-ci. Le vannage produit le même effet que le lavage indiqué plus haut, et qu'Olivier con- seille aussi à la même époque. El paraît que le commencement de l'hiver est préférable, parce qu'alors toutes les pontes sont achevées. les larves plus développées, et les inseetes moins en état de fuir et de résister. Il est moins diflicile de saisir et d’expulser ce petit animal dans son état parfait. Mais il est essentiel d'appliquer les moyens que nous allons exposer, avant le milieu d'avril pour prévenir la ponte des œufs, et tarir Île mal dans sa source. avant l'accouplement. Olivier ( Enc. méthod. insectes, Charanson) engage à remuer fortement et avec continuité le principal amas de blé con- ienu dans un grenier, mais après avoir pris la précaution d'en établir quelques petits à portée du grand. Les charansons craignent la fraicheur et le jour : inquiétés par le mouvement donné au tas principal. ils s'en échappent et vont cher- Saison de vannage. Remuer les bles L'eau bouillante, Ventilateur. PE cher leur tranquillité dans les plus petits. Ilest facile alors . après avoir écrasé ceux qu'on peut saisir au passage , de verser de l'eau bouillante sur chacun de ces petits tas de manière à la laisser pénétrer. Les insectes sont étouffés, et l'on peut après cela étendre et sécher les grains : le crible séparera ensuite facilement du blé les charansons morts ou restés languissants. Cette même manœuvre doit se répéter plusieurs fois selon la quantité de grains. M. Lottinger, avant Olivier, dans un mémoire qui fut jugé digne de l'accessit au prix proposé en 1768 par l'académie de Limoge, avait déjà indiqué une méthode à peu près semblable. C'est, fondé sur la répugnance des charansons pour le froid, que M. Joyeuse, dans un mé- moire qui remporta ce même prix de l'académie de Limoge, proposa d'adapter aux greniers un ou plusieurs ventilateurs. Ces ventilateurs, con- seillés aussi par Duhamel dans l'ouvrage cité plus haut, doivent agir pendant fout un été, pour entretenir une fraicheur continue de 49 à 20 degrés de Réaumur. M. Joyeuse à pratiqué ce moyen, et ses essais ont été couronnés par le succès. El a réussi à faire périr sous ses yeux un très grand nombre de ces insectes. Je ne puis cependant m'empêcher de remarquer que ce degré me parait encore b *aucoup {trop élevé et ne peut suffire que par sa continuité, puisque les cha- ransons commencent à s'aceoupler au milieu d'avril où la température est ordinairement de 12 à 45 degrés dans ces contrées méridionales. Il est fâcheux que la cherté de cet appareil, tel que Duhamel l'indique et le déerit, ait dégoûté beaucoup de propriétaires ; car on s'en est servi rarement depuis qu'on l'a fait connaitre. Olivier et Parmentier conseillent encore de mettre le blé dans les sacs dès le moment qu'il est battu et assez sec. Il faut les tenir isolés dans le grenier, en les posant sur un chassis élevé de quelques pouces au-dessus du sol, et mettant des perches entre leurs rangs. El est ainsi à l'abri des charansons, pourvu qu'il ait été battu et inis en sac au moins avant le mois d'avril; parce que les femelles ne peuvent déposer leurs œufs que dans la raïnure du grain qui est lendroit le plus tendre , sans quoi la larve éelose ne pourrait pas pénétrer dans son intérieur et mourrait en naissant faute de nourriture. El y aurait des milliers d'œufs sur le sac, qu'aucune larve ne pourrait pénétrer à travers , quelque lâche que fut la toile, parce qu'elles n’ont point de pattes pour marcher et qu'il faut qu'elles mangent le jour même deleur naissance. Ce moyen nécessite une dépense, une avance considérable ; mais une fois faite, elle ne doit pas se renouveler de longtemps. C’est au propriétaire à calculer. Je fais observer seulement qu'on suppose d’après Sacs isolées, Netteté des greniers. l'expérience , que dans le climat de Paris, les charansons occasionnent la perte d’un huitième de la récolte, quand on ne prend aucune pré- caution contre leurs attaques (nouveau cours compl. d'agr.) Les remèdes que j'aiindiqués sont plutôt pour les provinces septentrionales beau- coup plus sujettes aux dommages oecasionnés par les charansons et les chenilles mineuses, que pour celles-ci. J'ai dà cependant les faire connaître, ces mêmes ravages nous menacant quelquefois, et nous faisant à notretour éprouver des pertes qu'il est essentiel de savoir prévenir. Au reste, le blé infesté de charansons ,; que l'on peut porter au moulin, purgé autant que possible de ces insectes par le criblage et Le van- nage, ne fait aucun mal aux hommes et aux animaux qui s'en nourrissent (nouv. cours com- plet d'agrie.). Enfin, comme ilest prouvé que les charansons ont besoin d'abri contre le froid et qu'ils fuyent la lumière, qu'ils se blotissent volontiers en hiver dans les trous, les fentes , les gercures des murs, on leur ôtera ces asiles, on tendra à les expulser des greniers , en les tenant dans une srande netteté, et surtout plafonnés , recrépis et soigneusement carrelés. Si l'on n'y pratique pas des ventilateurs, qu'au moins ils soient bien aérés, que les ouvertures soient suflisamment multipliées, et garnies de cannevas qui, en 2 np arrétant l'introduction des insectes | permettent en mème temps à l'air dy circuler. Je demande seulement #râce pour les araignées que j'ai déjà recommandées à la bienveillance des fermiers. 5° Les moyens proposés par Olivier et cités ci-dessus ; surtout l'isolement des sacs, s'appli- quent encore plus à la destruction de la cadelle, qui craint plus le froid que les teisnes et les charansons et qu'il est plus aisé d'extirper. Elle vit non-seulement de grains, mais s'alimente encore de farine et de pain. On s’en plaint moins il est vrai dans ces deux derniers cas ; non plus que de la larve da tenebrio molitor , jaunâtre, en forme de serpent qu’on trouve dans la farine et dont on se sert pour nourrir les rossignols en cage. Si leurs dégâts devenaient trop forts. le vrai moyen serait de tenir les farines dans des sacs ou dans des coffres ; ces larves, plus grosses que celles des charansons et que les chenilles, ne peuvent pas y pénétrer. Je dois, au reste , ajouter à tout ce que J'ai dit de la cadelle, qu'elle est plus funeste encore aux grains dans nos climats que les teignes et les charansons , parce que la douceur de notre tem- pérature lui est favorable. Dorthez a éerit son histoire très en détail. Quant à la multitude des recettes qu'on a indi- quées , dont plusieurs sont même consignées assez légèrement dans des ouvrages imprimés et La Cadelle. Tenebrio molitor Recettes. + répandus, recettes qui consistent ordinairement en décoctions , infusions ou frictions de diverses drogues, il faut s'en méfier, si ce n’est les abandonner totalement. Quelles sont insuffisantes ou elles ne nuisent aux insectes qu'en laissant sur les grains une odeur et une saveur qui les rend impropres aux usages économiques , et manquent, par conséquent , le but qu'on se pro- pose en éeartant les animaux malfaisants. Par exemple, Duhamel a reconnu par des expériences exactes, que des charansons enfermés dans une caisse enduite intérieurement de térébenthine et fermée hermétiquement ; ont résisté à cette épreuve sans en ressentir aucun mal. La respira- tion de ces petits animaux exige si peu d'air, qu'il est dificile de les asphixier ou même de les mettre en fuite par ce moyen, Malheureusement, pour Beaucoup d'insectes, soit ceux qui attaquent nos grains, soit ceux que je serai dans le cas de si- gnaler dans la suite de ce mémoire, le seul moyen est de les rechercher soigneusement , de leur faire la guerre, d'écraser ou brüler impitoya- blement tout ce qu'on peut atteindre ; et pour ne pas perdre sa peine en poursuivant l'innocent au lieu du coupable , il faut bien connaître le signalement de l'ennemi. Je m'y attacherai dans le cours de ces observations, en évitant toutes longueurs inutiles. Car il ne s'agira pas ici pro- prement d'entomologie . de descriptions tech- oi niques; ce n'est pas un traité d'histoire naturelle ; je m'en tiendrai aux caractères qui sont à la portée de l'agriculteur , et je pense qu’en accom- pagnant ce mémoire de quelques figures , je rem- plirai mieux mon but , et j'aiderai mieux encore à reconnaitre l'ennemi qu'on doit attaquer. Veut-on enfin connaître quelques-unes des recettes que des ouvrages estimables indiquent contre ces animaux. En voici d'abord une fort simple; c'est de mettre dans les sreniers quel- ques toisons avec le suint. Dans peu de moments elles deviennent, assure-t-on , toutes noircies par la quantité de charansons que leur odeur attire : embarrassés dans les poils, ils y périssent, et c'est d'ailleurs un moyen de les recueillir plus facilement. Une autre consiste en une fumigation de quatre onces de fleur de soufre qu'on fait brûler sur un réchaut rempli de charbons bien embrasés. El faut la ménager de manière à ce qu'elle dure pendant deux heures. Elle suflit ainsi pour un local de douze pieds carrés. S'il est plus grand , on y proportionne la quantité de soufre ; on peut aussi, pour rendre la fumée plus active, ajouter à la dose indiquée , quatre onces de cinabre. Cette fumigation extirpe les teisgnes et les alucites aussi bien que les cha- ransons, On a indiqué plus nouvellement le procédé de faire sécher sur les tas de blé, des feuilles de tabac, et l'on assure que leur odeur fait disparaitre les charansons. Cinips. Céraphron domestique. ER Îl en est des insectes qui nuisent aux grains, comme de tous les autres , comme de presque tous les êtres qui peuplent notre terre. Tous ont leurs ennemis qui cherchent à vivre à leurs dé- pens. Plusieurs espèces d'ichneumons, des ei- nips, le céraphron domestique décrit et ainsi dénommé par M. Say, vivent dans l'intérieur des chenilles et des larves dont nous venons de parler , et heureusement pour nous ils en font périr beaucoup. Se consacrerai plus loin quelques lignes aux ennemis des insectes, que par là même la providence a rendu nos amis, et qui arrêtent , sans nos secours, une multiplication qui serait aussi prodigieuse que ruineuse pour l'agriculteur. M. Robin, vétérinaire à Château-Roux, vient de découvrir un procédé qui consiste à appliquer la vapeur de l'eau bouilante , par un appareil assez simple et d’un emploi facile, du prix au reste de 440 fr., aux grains attaqués par l’alucite. Cet appareil détruit l'insecte et même ses œufs. L'auteur a reçu du gouverne- ment une indemnité pécuniaire et une médaille d'or; son procédé ayant été approuvé par la société royale d'agriculture, qui le regarde comme supérieur à ceux déjà connus, Moniteur , Aer. avril 1858. 2208 QC EC EXD EXD XD HE SA PRET pui FF CHAPITRE IH. DES INSECTES QUI ATTAQUENT L'OLIVIER. Cet arbre précieux donné par la providence pour être la richesse de nos contrées méridio- nales ; cet arbre déjà si souvent menacé par la rigueur des hivers, est encore sujet aux attaques d'un grand nombre d'insectes. Un très gros ver ou larve blanche ou d'un Oryetes arspus: gris blanchätre ronge la souche qui, par ses Rninocéros. racines chevelues ; alimente l'arbre. Ce ver s'y trouve caché dans les cavités qu'il y pratique sous la surface du sol , et plus ou moins profon- dément. El y est replié sur lui-même en demi- cercle , il s'y transforme en nymphe qui donne ensuite naissance à l'oryctes grypus , très grosse espèce de scarabé remarquable par la grande corne recourbée que le mâle porte sur sa tête, et qui lui à fait donner les noms vuloaires de Ciron. Taragnon. Hylesinus oleiperda. Er moine ou de rhinocéros. Le seul moyen de s'en défaire, moyen qui est d'ailleurs de toute manière profitable à lolivier, est de nettoyer, d'extraire toute la partie cariée de la souche, d'autant plus que cet insecte ne s'attaque guère qu'à celles qui sont déjà viciées en partie. Cette opération doit être faite avant le printemps , pour ne pas laisser le temps à l'in- secte parfait de quitter sa retraite et pour le saisir au nid. Les branches de l'olivier , le bois de trois ou quatre ans recèle un animal plus nuisible quoique _bien plus petit. On reconnaît son asile aux tâches de la longueur et de la largeur d'un pouce en- viron , d'abord d'un jaune sale , puis violettes et même noirâtres , qu'on aperçoit sur l'écorce. Les agriculteurs les connaissent fort bien. Els savent retrancher les branches attaquées; ils le font à l'époque ordinaire de la taille de l'olivier ; jus- ques là tout va fort bien. Mais comme dans ce même moment l'insecte n'est pas loin de sa der- nière métamorphose après laquelle il sort de la branche pour faire sa ponte; il faut prévenir cet instant, en ne taillant pas trop tard, et en em- portant sur-le-champ , pour les brûler sans au- cun délai, les branches tarées. Le ver ou larve qui occasionne ce dommage , connu vulsairement sous le nom de ciron ou taragnon , est blanc, presque lisse ou sans poils, à six pattes placées ni — près de la tête. El se loge sous l'écorce et dans l'aubier, où il vit ordinairement replié sur lui- même en demi-cerele. Il donne naissance à un coléoptère d'une ligne et demie de longueur , désigné par Fabricius sous le nom d'hylesinus oleiperda. Cet entomologiste lui assigne les caractères suivants : hyl. villosus , fuscus, ely- tris slrialis, griseis, pedibus testaceis, [abr. syst. eleuther , tom. EE , n° 25. Son corps est ovale, très convexe , un peu velu, surtout sur les ély- tres ou étuis des ailes qui sont marquées de 9 à 10 stries , et plus roussâtres que le reste du corps qui est brun. Les antennes, quisont courtes et en masse , et les pattes, sont rousses. Le bois mort des branches de l'olivier est habité par un autre coléoptère très semblable au précédent , mais qui ne peut pas être dangereux. C'est le bostrichus sex-dentatus ; oliv. apate , Latr. sinodendron muricatum., fabr. H diffère du précédent par ses antennes à trois feuillets, et les six épines qui terminent ses elytres tron- quées. C’est le bostriche de l'olivier et du figuier, de M. Bernard. (Mém. sur l'olivier.) Le feuillage de cet arbre n’est pas non plus épargné. Un ennemi d'une taille remarquable , la chenille du sphinx atropos ou téte de mort les dévore. Quoique la plus grosse des chenilles, comme elle n'est jamais en grand nombre, ses dégâts ne répondent pas à ce que sa faille pour- Bostrichus sex-dentatus Sinodendron muricatum. Bostriche. Sphinx atropos, Tête de mort. Sphinx ligustri. & ts rait annoncer. J'ai vu cependant des années où elle faisait assez de mal, surtout en mangeant les jeunes pousses. Cette chenille est d’un jaune verdâtre , picotée de bleu et de noir; elle à , sur ses derniers anneaux , une corne élevée comme tous les sphinx , raboteuse et un peu recourbée à son extrémité. Le sphinx ou papillon qui lui suc- cède est aisé à distinguer par sa orosseur , Ses ailes supérieures brun noirâtres , les inférieures jaunes , et surtout par la représentation d'une tête de mort , que lon voit sur son corcelet. Ce sphinx a cela de particulier, qu'il fait entendre surtout quand on le saisit ou qu'on l'effraye, un petit cri très prononcé, produit, à ce que l'on avait cru jusqu'ici, par le frottement de sa trompe contre les palpes, ou comme il paraît par de récentes observations , par le rétrécissement ou la dilatation successive de cavités placées à l'origine du ventre et accompagnées de mem- branes élastiques. El est aisé de chercher la che- nille , de la trouver, de lôter de l'arbre et de l'écraser. Je puis dire de même de la chenille d'un autre sphinx , sph. liqustri , que j'ai aussi trouvée se nourrissant sur l'olivier. Cette chenille est d'un beau vert avec des bandes bleues ou lilas, obliques, sur les côtés. Son papillon est tout gris , fort srand aussi , et les côtés de son abdomen sont entrecoupées de pris et de couleur de rose. Cr Les oliviers du Var sont attaqués par un Charansonite qui dévore les feuilles et même les jeunes pousses. Ses ravages dont les cul- tivateurs se plaignent hautement, et qu'ils regardent comme un vrai désastre , sont connus sous le nom vulgaire de Chaplun, c'est le Pachygaster meridionalis, Déjean. Otiorhyn. chus niger, Germar. Ce coléoptère est de la grosseur d'un gros pois, de la forme or- dinaire aux eharansons , c'est-à-dire, à tête prolongée en bec en avant, mais dont le pro- longement dans cette espèce est assez court et un peu évasé, à corcelet plus étroit que l'abdomen , qui, recouvert d'élytres soudées, est presque pglobuleux. Sa couleur est très noire , il est hérissé de quelques poils, et raboteux, étant parsemé de points enfoncés. Il monte la nuit sur les branches, et c'est alors qu'il ronge les feuilles ; il passe le jour caché sous la terre, presque à la surface , au pied de l'arbre, surtout dans les sinuosités qu'y forment les inépalités du tronc et de la souche. Cet insecte n'est donc pas très dif- ficile à détruire ; sa taille et sa couleur le rendent visible; on est assuré de le trouver en quantité en le cherchant la nuit sur les branches , à l’aide d’une lanterne; on peut en- core le trouver aisément de jour , en fouillant au pied des arbres qu'il a dévasté. Je l'ai F] A Pachygaster méridionalis. Otiorhynchus niger. Chaplun. +. souvent trouvé autour d'Aix , au pied de nos oliviers : seulement il n'y est pas aussi nui- sible , et l'on ne se plaint pas de ses ravages, comme dans le département du Var. I attaque aussi les orangers, et parait se nourrir des feuilles de plusieurs arbres qui les conservent l'hiver: je l'ai rencontré très fréquemment au pied des cyprés, il se tient caché en hiver, pour commencer ses dégâts dès le commen- cement du printemps. C’est à M. Laure déjà cité avantageusement dans ce mémoire, que je dois la connaissance de cet insecte et la plupart de ces détails. Cniaride La Cantharide commune Lylla vesicaloria, | Fabr. très connue et remarquable par sa taille assez grande et sa couleur d'un beau vert doré, dévore aussi les feuilles de Folivier , quoique elle soit encore plus avide du frène , du troësne et du lilas. Comme elle vit en famille, ses dégats peuvent être considérables, peu de jours, peu d'heures mème lui sufliraient pour dépouiller totalement un arbre ; heureu- sement l'appat du gain intéresse à sa des- truction ; les pharmaciens les recherchent et les payent , c'est assez pour engager les femmes et les enfants de la campagne à les eueillir et à en débarrasser les arbres. Minense Un autre ennemi est infiniment plus petit de l'olivier. E : CORES / , : el à peine visible , c'est une chenille mineuse hs = qui se nourrit du parenchyme de la feuille d'olivier. Elle pousse ses galeries entre ses deux surfaces. On apercoit sa présence , soit parce que la feuille est marquée en dessus d'une petite tache brune , alongée , irrésulière, soit encore plus sürement par un petit tas d'excréments qu'on apercoit à sa surface in- férieure, à l'issue que s'est ménagée la che- nille. Elle sort de cette retraite au commen- cement d'avril, ou même plutôt selon la température ou le climat, se transforme en chrysalide entre les feuilles et les bourgeons, ou du moins dans les gercures de l'écorce , et donne quelques semaines après , une petite teigne grise qui n'a qu'une ligne et demie de longueur. Ses ailes supérieures d'un gris cendré, marquées de deux ou trois points noirs quelquefois peu distincts , sont terminées par une assez grande frange, plus longue encore aux ailes inférieures. Ses antennes sont épaisses, légèrement dentées en scie ; les deux palpes qui accompagnent la trompe ou langue spirale, sont dirigés en bas; ses pattes sont armées d'éperons qui lui per- mettent de sauter, autant qu'elle vole. La petitesse de cet insecte le rendrait peu nui- sible; cependant sa multiplication qui est tou- jours très-grande y supplée malheureusement. Beaucoup d'oliviers ont presque toutes leurs ART feuilles attaquées; ces feuilles sont languis- santes et tombent, et l'arbre en souffre tou- jours. Il quitte même les feuilles vers la fin de sa vie pour se nourrir de la substance des jeunes pousses tendres et des bourgeons entre lesquels elle s'établit , en se cachant sous des brins de soie qu'elle file autour d'elle. Dans les communes du département du Var qui avoisinent les montagnes du comté de Nice, on se plaint extrèmement de ses ravages qui nuisent beaucoup à cet arbre précieux. Le seul remède possible serait d'ôter et de brüler en février au plus tard toutes les feuilles tarées : mais je le crois pire que le mal, à moins qu'on ne voulut, en le fesant de loin en loin, diminuer tellement l'espèce qu'on püt arrêter le mal pour les années suivantes; et c'est alors qu'il faudrait que tout un pays s’entendit pour faire simul- tanément cette opération partout; sans cela le remède serait nul, il n’en resterait que l'inconvénient. M. Bernard dans son ex- cellent mémoire sur l'olivier, couronné en 1782, par l'académie de Marseille, suppose que cette même chenille en grossissant quitte la feuille, et cherchant une nourriture plus succulente, vient se loger dans l'embryon du fruit, à mesure qu'il se développe, et quil en sort en papillon en septembre. Il est im- AN possible que ce manése ait lieu, M. Ber- nard ne la pas vu et n'a pas pu le voir; il est contraire aux mœurs connues des che- nilles; un si petit insecte ne prolongerait pas autant sa vie et avec des progrès si lents. J'ai observé d’ailleurs très-positivement , et dans le même moment où j'écris ceci, que la petite teigne mineuse éclot au plus tard les premiers Jours d'avril, et qu'elle ne peut continuer son espèce que par une nouvelle ponte qu'elle doit opérer à cette même époque. Cet obser- vateur a été trompé par la ressemblance de la teigne et de la chenille mineuse de la feuille avec celle du noyau dont je vais parler. En effet, ces deux insectes se ressemblent dans leurs deux états, ce qui, au reste, arrive souvent à des chenilles on des papillons qui vivent sur le même végétal, tels que les Pieris brassicæ et rape, les sphinx nicæa et euphorbiæ, au moins dans leur état parfait. Mais nos deux espèces diffèrent par les mœurs, la taille et même de légères dissemblances dans les couleurs. La chenille qui vit dans le noyau est plus orosse, elle se nourrit de la chair de l'amande; quand son temps est fini vers la fin d'août ou au commencement de septembre, elle la perce à l'endroit qui joint le pédicule au fruit, elle en sort pour subir ses métamorphoses , et l'olive tombe Chenille mineuse du noyau de l'olive, prématurément et se dessèche sur le sol. HI est impossible d'obvier à cet inconvénient et d'attaquer un ennemi si caché, et qui s'échappe avant que le siéve du mal puisse être connu. Tout ce que peut faire l'agricalteur est de laisser ces olives se conserver dans une demi- fraicheur, par les pluies et les rosées, ou mieux encore à l'abri dans des greniers frais en les remuant souvent; et l’on peut encore en tirer quelque peu d'huile, si le hâle du soleil ne les à pas trop desséchées avant que la récolte des autres olives soit commencée et que les moulins soient ouverts au public. On pourrait essayer d'attirer cet de détruire cette teigne ainsi que celle qui mine la feuille en suivant le même procédé que je décrirai dans le chapitre suivant, savoir, d'allumer des feux dans les vergers. J'ai lieu, en effet, de croire que ces teignes ne volent que la nuit. ne les ayant jamais rencontré autour des oliviers pendant le jour. L'époque où il faudrait allumer ces feux serait le commen- cement d'avril pour lune, et le milieu de septembre pour lautre. V. chapitre EEL, des insectes de la vigne. Il est assez inutile de décrire ces deux sortes de chenilles, celte connaissance ne peut servir qu'à les détruire, si un heureux hasard les fesait rencontrer autour de l'arbre — 43 — La mineuse dont j'ai déja décrit plus haut le papillon, est d’un vert tendre avec une rangée de points noirs quelquefois peu appa- rente de chaque côté du corps. La chenille de lolive est d'un vert grisâtre, marbrée, avec quatre lignes longitudinales noires sur le dos. La teisne qui lui succède ne diffère de celle des feuilles que par sa stature plus grande; les taches noires des ailes sont or- dinairement plus marquées. Elle a aussi la propriété de sauter; aussi M. Couture auteur d’un mémoire sur la culture de l'olivier, qui renferme au reste de bonnes vues sur l’agri- culture, l’a-t-il prise pour une sauterelle. Les jeunes et tendres pousses de l'olivier sont bien souvent endommagées par le phloto- tribus oleæ ou sa larve. Ce très petit insecte se loge dans la partie Ja plus tendre du jet, à la base des jeunes feuilles ou des bour- seons. Al les ronge, soit sous la forme de larve, soit sous celle de coléoptère. La pousse cernée , coupée à son origine, se flétrit, se dessèche et fait perdre l'espérance des années suivantes. Cet insecte est souvent un grand fléau redouté du propriétaire. Il est encore plus terrible, lorsqu'après une mor- talité, la souche de l'olivier repousse de tous côtés des rejettons encore nouveaux et faibles ; c'est là surtout qu'il établit son domicile et Phloiotribus oleæ, Chermès de l'olivier Pou de l'olivier. = = nuit à la reproduction de cet arbre si utile. C'est principalement dans cette dernière cir- constance que je l'ai observé. Le phloiotribus oleæ , Latr. est brun , presque arronüi , quoique un peu ovale, d'une forme appro- chant de celle de l’hylesinus oleiperda : ses antennes sont terminées par une masse à plusieurs feuillets : il est d’une couleur brune. On reconnait sa place sur les jeunes jets d'oliviers, à une substance gelatineuse, assez semblable à la manne, qui suinte des plaies qu'il fait aux jeunes rameaux. Le Chermès, pou de l'olivier, est aussi infiniment nuisible à cet arbre. Au commen- cement de son existence, cet insecte est à peine de la grosseur d'un pou ou d'un très- petit puceron. Mais après sa fécondation qui a lieu vers la fin de l'hiver, la femelle, seule nuisible, s'accroit considérablement, se fixe aux branches et même aux feuilles, s'y trouve toujours en orand nombre, et souvent plusieurs à la même place serrées les unes contre les autres , semblables à de petites salles. Elle insère sa frompe acérée dans l'écorce ou le bois tendre, elle en suce la sève qui s’extravase d'abord et suinte de son corps sous la forme d'une liqueur miellée , et ensuite, quand cette liqueur s'évapore, en une espèce de poussière noire ressemblant à Le. A la suie. Les rameaux épuisés, perdent leur sue, se flétrissent, périssent partiellement , et la vigueur de l'arbre entier est considé- blement altérée. Les parties les plus chaudes des départements méridionaux sont particu- lièrement sujettes à ses ravages : le dépar- tement du Var est un de ceux qui ont le plus à s’en plaindre. Cet insecte se propage avec une rapidité prodigieuse; il ne se con- tente pas d'attaquer l'olivier, quelques-uns de nos arbres d'orangerie, surtout le laurier-rose, lui conviennent aussi. Je voulus suivre les mœurs de ce chermès, dans une contrée où les oliviers sont plus rares et n'en sont pas attaqués. On m'en avait envoyé quelques-uns; je leur livrai un petit olivier isolé dans un vase; je cherchais surteut à connaître le mâle qui doit être ailé, qu'on ne connait pas encore et que Je ne pus parvenir à apercevoir. Bientôt je remarquai que les lauriers-rose de mon orangerie alors exposés à l'air libre et assez à portée de mon petit olivier, en étaient remplis ; et pendant plusieurs années consé- eutives , j'eus lieu de me repentir de ma négligence, j'eus bien de la peine à les chasser de ce nouvel asile. Le chermès de l'olivier est hémisphérique, marqué de deux lignes élevées, transversales ; sa couleur est d’un gris un peu canelle : il est de la grosseur pet QÙ ee d'un grain de poivre, quand il à pris tout son accroissement. Coceus oleæ, Fabr. La fleur de l'olivier encore en bouton où déjà développée, est piquée et sucée par une psylle, petit insecte de la famille des cigales, coton erouvier Qui se cache sous une enveloppe cotonneuse , Palokæ produit d'une secrétion de l'animal, à l'abri de laquelle elle épuise la sève qui nourrit la jeune fleur , la fane , la flétrit et la fait avorter. Son repaire est connu sous le nom de coton de l'olivier. Je ne connais aucun moyen d'en délivrer cet arbre, à cause de la délicatesse de la partie attaquée. On pourrait se servir cependant des moyens indiqués contre les puce- rons dont cet insecte se rapproche beaucoup , mais il ne faut pas trop se fier à ces recettes souvent au moins fautives. (Voyez plus bas l’article des pucerons.) Cette psylle n’est décrite jusqu'ici, à ma connaissance, par aucun auteur. Ses élytres sont membraneuses, d’une consis- tance sèche, blanchâtres, marbrées de brun; le devant de sa tête est avancé et applati; psylla oleæ, nob. El continue de fréquenter l'olivier dans son état parfait, mais alors il n'est plus caché sous son coton; c’est dans le courant de juillet qu'en le retrouve sous cette dernière forme. Oscinis oleæ L'insecte le plus préjudiciable, sans doute, ver de l'olive. au produit de cet arbre, est le ver qui ronge LE PR la chair de son fruit. Les olives en sont quelquefois si remplies que l'huile est {otale- ment infectée. Qu'on la détrite avant ou après la sortie du ver, son suc en est plus ou moins altéré; il contracte une odeur, un goût d'onguent désagréable; il y a plus de crasse que d'huile véritable, et Fagrieulteur éprouve des pertes considérables et sur la quantité et sur la qualité de la récolte. Celle d’une des dernières années, 4834, a subi presque partout ce fléau à un dégré que nous avions vu rarement. On peut dire que la récolte a été à peu près perdue. Ce petit ver ou larve est d’un blanc jaunâtre , alongé, avee une tête jaune. El sort des olives à la fin de novembre ou au commencement de décembre, précisément à l'époque, où après les avoir eueillies, on les entasse dans les greniers. El se transforme en une chrysalide ovale, jau- uâtre où d'un blanc sale, semblable à un petit grain alongé; el au bout de quelques jours, favorisé par la chaleur qui règne dans ces lieux , 1l se développe en forme de mouche. Cette mouche, du senre oscinis, latr., est d’un vert grisätre; son corcelet est bordé de deux lignes jaunâtres el sa pointe ou écusson est jaune. L'abdomen est picoté de quelques points uoirs assez régulièrement alignés, et terminé 2n pointe dans les femelles : tout le corps est A d'une forme à peu près ovale; ses ailes trans- parentes sont teintées de brun vers le bout. Il paraît d'après les observations de M. Laure, qu'elle pond dans la même saison, ou sur les olives même, ou sur l'olivier, des œufs qui préparent un nouveau dommage pour l'année suivante, si quelque influence bienfaisante de l’athmosphère ne vient pas en arréter la pro- pagation. Le même savant agriculteur s'est trompé quand il a cru (annales de la soc. d'agrie. et de commerce du Var, 1835) que le ver sorti de ces œufs, se réfugiait le même hiver, s’abritait et se nourrissait dans les tiges du blé, et était le même que j'ai signalé plus haut. Il suflit pour se convaincre du contraire de comparer attentivement Ia mouche sortie de l'olive, et celle que produit le ver du blé. Elles ont quelques rapports, beau- coup de ressemblance, sont toutes les deux du même genre oscinis (quoique selon moi, la mouche de lolivier se rapproche davantage du genre tephritis, et doit peut-être former un genre à part) mais leurs couleurs diffèrent, et la nature de leurs mœurs et de leur nour- riture les distingue encore plus. Latreille nomme la mouche de lolive oscinis oleæ. On à de tout temps indiqué beaucoup de recettes contre les insectes de l'olivier, ainsi que des autres végétaux. Mais l'expérience les 2 09 — a presqne toujours démentis. Ce n'est pas la faute du naturaliste s'il a affaire à des enne- mis, qui, par leur agilité et leur petitesse, échappent à sa vue et à ses mains, et dont le nombre est incalculable. J'ai déjà indiqué quelques moyens bien simples, mais qui vont au but, et qui ont au moins le mérite de diminuer la quantité des insectes nuisibles , d'arrêter leur propagation jusqu'a un certain ‘legré, puisqu'il n’est pas possible de les anéantir entièrement. On peut extirper le chermès, en y apportant de l'attention , de l'application et des soins assidus. El faut les faire tomber de dessus les rameaux, en les raclant et les détachant avec un couteau de bois plutôt que de fer, ou en frottant rudement avec un linge grossier, et les recueillir soigneusement pour les écraser à mesure. Après cela on imprègne fortement la place où ils étaient, avec un pinceau trempé dans du vinaigre, pour achever de tuer les œufs qui seraient restés contre l'écorce. Si l'on se sert du linge srossier, il est bon qu'il soit aussi imbibé de vinaigre. On indique contre les chermès ou cochenilles, la décoction de feuilles de sureau et de noyer, mais elle ne fait que peu d'effet. Le moyen suivant doit être bon pour arrêter ou diminuer considérablement la propagation Chermés de l'olivier, Remède. = dpi verderole. du ver de l'olive; (je voudrais pouvoir dire Précaution. l'anéantir, mais ce serait un espoir imaginaire) parce que quoique fort simple, il est fondé sur les mœurs et les habitudes de linsecte. Il sera eflicace, s'il est pratiqué avec suite et attention. Cette larve quitte les olives à l'époque que j'ai énoncée ; la chaleur entretenue ordinairement dans les greniers où on les en- tasse, hâte sa métamorphose; elle se réfugie en rampant, car elle n’a point de pieds, dans les recoins, la poussière, les ordures du renier , et surtout sous les tas d'olives. On est sûr de l'y trouver, je l'y ai trouvée moi- même, rassemblée en immenses quantités, soit en chrysalide, soit déjà en mouche, mais n'ayant pas encore assez de forces pour prendre son essor. Que l'on balaye fréquemment tous ces repaires , qu'on brüle exactement toute cette balayure , sans attendre que la mouche ait pû s'échapper; on diminuera infailliblement et no- tablement la génération des années suivantes. Mais il faut autant que possible suivre cette méthode dans tous les greniers d’une même contrée; sans cela les mouches du voisin épar- gnées mal à propos iraient chercher les oliviers qu'on a voulu préserver. Je sens bien que dans les pays où la fabrication de l'huile dure tout l'hiver, à cause de la grande quan- tité d'olives, tels que le comté de Nice et beaucoup de communes du Var, mon pro- cédé devient bien insuflisant, mais il faut alors le réitérer plus souvent, surtout avant comme après le moment le plus rigoureux de l'hiver, lorsqu'une température plus douce pourrait attirer les mouches au dehors. de propose encore pour détruire les vers et les mouches, si du moins il est possible de tenir fermé le local où sont entassées les olives, d'y mettre des rouge-gorges, des bergeron- nettes, des mésanges, dans le même but qu'on a indiqué pour les greniers à blé. (V. cet article.) C'est surtout après une mortalité générale des oliviers qui n'a lieu que trop souvent , que lagriculteur se plaint davantage de la multiplication des insectes ,; et des dommages qu'ils lui causent. En effet il est reconnu que les insectes s'attachent de préférence aux arbres les plus raboupris , les plus malades , à ceux qui ont souffert de Faction des fortes gelées. Il semble que la sève vigoureuse des arbres sains ne leur convient pas, ou même leur est nuisible, et quils s’accommodent mieux des sues moins abondants des vépétaux peu robustes ; par conséquent des arbres bien cultivés, bien fumés, soigneusement tenus, émondés , nettoyés des lichens et des écorces cironnées ou cancéreuses, sont moins sujets Causes qui favorisent ces insectgs NN à leurs attaques. Peu de temps après la mor- , oui talité de 4789 , le sieur Julien ; maire d'une commune rurale voisine de S'-Chamas , Bouches- du-Rhône , présenta aux administrations et à quelques particuliers de la ville d'Aix, un instrument dont il se servait pour débarrasser les oliviers des insectes parasites. Cet outil en pointe aiguë d'un côté, applati et tran- chant de l’autre, était propre à pénétrer dans les cavités, les interstices de l'écorce, et à racler celles qui étaient mortes ou cariées. Mais que pouvait-on atteindre ou enlever avec un pareil instrument ? à peine quelques insectes mal cachés sous la première écorce. Tous les autres, ou profondément enfoncés , ou voltigeant dans l'air, enfin des œufs que le microscope ferait à peine apercevoir, échap- pent à la destruction à laquelle on pré- tendait arriver par ce procédé. Aussi je n'ai pas appris qu'on s’en soit servi longtemps, et qu'il ait fait la fortune de son auteur. Les oliviers sont sujets à une maladie qui Chancre de loivier. rend Jeurs rameaux cancéreux et remplis de Vhv: boncerlons PERS irrégulières. J'ai vu beaucoup d'agri- culteurs les attribuer à la piqûre d’un insecte. Îl est diflicile de croire avec M. Ber- nard, que ces chancres viennent originai- rement des morsures par lesquelles la chenille mineuse entame les jeunes pousses. Une ohser- Rae vation assidue et la dissection de ces galles qui du nom provençal boucerle (élevure, protubérance) donnent aux oliviers qui en sont couverts le surnom de boucerlous, ne m'y ayant jamais fait reconnaître ni traces d'insectes, ni la configuration des nids des espèces qui seraient au cas de les produire, il est prouvé à mes yeux que c'est plutôt une maladie occasionnée soit par une exubérance de sève, soit par quelque arrèt de transpiration. S'il faut les attribuer à la cause signalée par M. Bernard, les insectes n'en seraient jamais que la cause originelle, développée par d’autres circonstances. prat de Sn : pe | . ù à négun : d'ugrets er | de venant M Mine Loi on nn he | rise vu 0 À DT UT LL sl 72 (A) Plutarque( vie de Marius), nous transmet des détails intéressants sur les deux batailles. IL n'est pas hors de propos d’en donner ici l'analyse. Après une occupation de trois ans, les Cimbres, les Ambrons et les Teutons quittèrent l'Espagne, dans l'intention d’envahir l'Italie. Mais leur nombre étant trop considérable pour qu'ils pussent allerfen- semble , ils prirent le parti de se diviser en deux grand corps ; les Cimbres qui se dirigèrent par les montagnes des Alpes, et les Teutons réunis aux Am- brons qui s'avancèrent par le littoral de la médi- terranée. Ces derniers arrivèrent au territoire d'Aquæ Sextiæ. Ils s’arrétèrent dans une vaste plaine située à l'occident et traversée par le fleuve. Marius qui suivait leur marche en supportant leurs railleries, prit position sur un rocher situé à l'extrémité oc- cidentale de la plaine. Son armée était exténuée de fatigue et de soif. Ee murmurait sourdement contre lui de ce qu'il ne l'employait qu'à creuser des fossés et à construire des monuments. Ces plaintes de- vinrent peu à peu générales , et les soldats deman- dèrent à combattre. Loin de se laisser intimider, Marius jeta sur eux un regard étincelant de colère. Il leur reprocha vivement une pareille insubordi- nation, etajouta qu'il ne s'agissait pas ici de chercher — 300 — à acquérir de la gloire; qu'ils avaient été envoyés pour sauver la patrie; que dès lors , loin de rien hasarder , il fallait pour combattre , attendre pa- tiemment l’occasion favorable. Les soldats deman- dèrent de l’eau. Marius d’un ton sévère, leur dit. en montrant le flenve qui coulait tout près du camp, mais qui était au pouvoir des barbares : « en voilà ; il faut la gagner au prix de votrésang. « Eh! bien combattons » s’écrièrent les soldats, en brandissant leurs javelots. Marius dominant ces clameurs , leur signifia avec force qu’il ne livrerait la bataille que lorsque les dieux en donneraient l'ordre ; qu'avant tout il fallait fortifier le camp. Aussitôt les troupes se mirent à l'ouvrage, et tandis qu'on travaillait avec ardeur, des valets descen- dirent vers le fleuve pour abreuver les chevaux. Quelques Ambrons voulurent s’y opposer. Des sol- dats romains, malgré la défense des chefs, quittèrent le camp, pour soutenir les leurs. D’autres Ambrons arrivèrent. Ce fut ainsi que peu à peu l'action devint générale entre les Romains et les Ambrous. Les femmes de ceux-ci les voyant plier, coururent au devant d'eux en les traitant de làches. Elles les frappaient comme des ennemis , et les forcèrent de retourner au combat. Se jetant ensuite dans les rangs de l’armée romaine , elles saisissaient les épées par le tranchant, sans craindre la douleur et. sans faiblir à la vue de leur propre sang. La nuit $épara les combattants, et les Romains restes maîtres du champ de bataille, passèrent la nuit, dans les plus vives allarmes ; entourés d'innom- brables ennemis qui poussaient des hurlements — 301 - épouvantables. Marius ordonna à Claudius Marcellus, un de ses lieutenants, de partir à la faveur de la nuit, avec trois mille hommes , en opérant sa marche dans les bois qui couvraient les hauteurs, et de se jeter sur les derrières de l'ennemi , lorsque la bataille serait engagée. Le lendemain les Teutons et les Ambrons con- unuèrent leur marche , et suivant son usage, Marius les suivit de près, évitant d’en venir aux mains. On arriva ainsi dans une grande plaine qui termine la vallée. Le général romain établit son camp sur une hauteur. Au soleil naissant, il fit sortir l’armée de ses retranchements, et la rangea en bataille, disant que le moment de com- battre était venu. Il recommanda à ses troupes de laisser avancer les barbares de très-près, de lancer ensuite leurs javelots et de fondre sur l’en- nemi avec impétuosité, mais en bon ordre, pour l’accabler par le nombre , et profiter ainsi de l'a- vantage du terrein. Quand les Ambrons et les Teutons virent ces apprêts , ils poussèrent de grands cris de joie, en battant avec leurs armes les peaux tendues qui couvyraient les charriots de bagages. Ils se réunirent à la hâte et gravirent en courant, les hauteurs qui les séparaient des Romains. Ces farouches guerriers étaient haletants de fatigue lorsqu'ils par- vinrent à la distance indiquée par Marius. Alors l’armée lança sur eux une gréle de javelots qui renversa les premiers rangs, puis elle s’ébranle et va heurter les barbares qui, ne pouvant résister à ce choc inattendu , sont culbutés jusqu'au pied — 302 — de la colline. Là ils cherchent à se ralier. Les Romains ne leur en laissent pas d’abord le temps; mais comme ils ne peuvent combattre tant d'en- nemis à la fois, la réunion s'opère , et l'on vient de nouveau attaquer les Romains qui font tous leurs efforts pour résister. Dans ce moment Mar- cellus sort de l'embuscade , à la tête de ses trois mille hommes auxquels il avait recommandé de pousser de grands cris, et il fond tout-à-coup sur les derrières de l’ennemi. Saisis d'épouvante , les barbares s’imaginent que de puissants secours ar- rivaient d'Italie. La confusion se met alors dans les rangs , et ils ne cherchent qu’à prendre la fuite. Le massacre fut affreux. Deux cent mille hommes restèrent sur le champ de bataille, et l'on fit plus de cent mille prisonniers. L'armée offrit à Marius les charriots , les tentes et le bagage des ennemis, en reconnaissant qu’il n’était pas dignement ré- compensé.« Tellement, dit Plutarque , (traduction » d'Amyot.) Tous se sentaient heureux d'auoir » échappé à un si grand danger. Depuis cette ba- » taille, les Massiliens fermèrent leurs vignes de » murailles faites avec les ossements des morts, » et les terres où les cadaures avaient été ense- » velis, produisirent extraordinairement.» Après la bataille, Marius fit mettre à part, pour orner son triomphe, les dépouilles trouvées intactes. On éleva ensuite un énorme bucher , pour offrir aux dieux un sacrifice proportionné au bienfait qu'on en avait recu. Les soldats y assistèrent avec des coëfures triomphales. Marius couvert d'un manteau de pourpre, tenait dans ses mains un grandflambeau — 303 — qu'il éleva d'abord au ciel. Au moment qu'il allait mettre le feu au bucher , arrivèrent à bride abbatue des cavaliers romains qu’on reconnut d'abord pour être des amis du général. Un religieux silence régna aussitôt dans cette immense assemblée. Des- cendus de cheval, ces cavaliers embrassent le vain- queur et lui annoncent qu'il avait été élu consul pour la cinquième fois. La joie se répandit aussitôt dans l’armée dont les chefs couronnèrent de nouveau Marius d’une branche de laurier. Le vainqueur des barbares mit alors le feu au bucher, et acheva le sacrifice (1). (B) Ainsi à Roquefavour dont le nom latin Rupes favoris désigne le premier succès des armes romaines, sont trois camps de l’armée du consul. Les mu- railles en doivent paraître très-intéressantes aux archéologues , en ce qu'elles sont construites sans le secours du mortier, avec des pierres irrégulières enchassées seulement les unes dans les autres, avec un art inconcevable. Ces camps sont établis sur des escarpements qui dominent la rivière de l'Arc, et qu'on nomme encore Baous Mario ( élévations de Marius. ) Au couchant du plus considérable de ces camps est un ravin qui porte le nom de RIGOUES ( Rigo ossa ), et non loin du plan d’Aillanne, un quartier (1) Plutarque , 1e de Marius. — 304 — appelé MALOUESSO ( Mala ossa } (1). D'après Plu- tarque , les ossements des barbares avaient servi à clorre les champs. Cela semble expliquer la sin- gularité de ces noms. Quant à celui de Arigoues qui n'avait pas encore été remarqué , il n’est pas “imvraisemblable qu’une partie des ossements des barbares eût été jetée dans le ravin qui alors devait offrir dans ses blanchâtres sinuosités, l'image d’une rivière d’ossements. Il y a dans la plaine des Milles, un quartier nommé CAN REDOUN ( Camp rond }). Ne serait- ce pas le lieu même où l'armée romaine passa la nuit, après la première affaire ? Les lieux où fut livrée la grande bataille et les environs portent aussi une multitude de noms qui se rattachent à ce mémorable évènement. CAMPUS PUTRIDUS (Pourrières ). Ce nom fut primitivement donné à la plaine entière, théâtre du sanglant carnage qui y fut fait. Il est demeuré au village qui la domine. De Haïtze, historien d'Aix, cite une charte de la deuxième année du règne de Conrad, qui contient une donation faite à l'abbaye Saint-Victor lez - Marseille, d’un domaine quod est in campo de putridis, prope montem qui diciltur victoriæ , vel Sancto- Venturi. MARIOLUM (Meireuil ). MONS VICTORIÆ ( Sainte-Victoire }, D’après les traditions locales , ce nom fut imposé par Marius lui-même à l'immense rocher, témoin de la vic- (1) Fauris de Saint-Vineens, Notice sur les Lieux de Provence, etc. — 806%: — toire qu'il venait de remporter. I y bâtit un temple en l’honnenr de cette déesse (4). Un monument triomphal fut élevé sur le champ de bataille, dans la plaine de Trest et de Pourrières. Pitton et Bouche en parlent et en donnent le dessin, tel qu'il se voyait de leur temps ; mais une tapisserie du qua- torzième siècle que possédaient les seigneurs de Trest, nous en a transmis la figure, d’après ce qui existait alors, et par conséquent bien plus complète (2). Le monument était de forme pyra- midale , et sa base reposait sur un massif quarté, orné de sculptures à ses quatre faces. Il était entouré d’un pourtour, et couronné par un groupe en plein relief, représentant trois guerriers qui portaient un bouclier sur lequel originairement était sans doute figuré debout, le général romain. La gaîté provencale s’est emparée de la représentation incomplète de ce groupe, pour dire en proverbe: Lou trioumplhe de Pourriero , tres per pourtar un teoule , c'est-à-dire, le triomphe de Pourrières, trois pour porler une tuile. Nos tuiles en effet , par leur forme , ressemblent assez , comme le dit Fauris Saint-Vincens, aux boucliers des anciens. (C) Le 24 avril, de grand matin le tambour parcourt la ville, pour avertir les habitants. Aussitôt (1) Sch. Pitton , Histoire de La ville d'Air .—Fauris de Saint- Vincens, Notice sur Les Lieux où les Cimbres etc. (2) Recueil sur Les antiquités d'Air.et ses environs, gravé à Peau forte par Gaillard de Longjnmeau. TT = les hommes, les femmes etun grandnombre d'enfants des deux sexes se réunissent et forment une troupe considérable , sous la conduite de chefs éligibles chaque année. On part, et pendant la route, ces chefs distribuent l'étape qui consiste en un pain de munition. Arrivés sur la montagne, les pélerins parent leurs chapeaux de fleurs et de verdure. Ils ramassent ensuite du bois avec lequel ils construisent un énorme bucher. A neuf heures du soir, ils y mettent le feu. Cette cérémonie a lieu au bruit des tambours, aux acclamations de la troupe et aux cris mille fois répétés de vitori! vitori! vitori! Dès que les ha- bitants de Pertuis aperçoivent ce feu , ils en font un de leur côté dans un lieu qui puisse être vu par les pélerins , du haut de la montagne. La joie est uni- verselle. On danse, on folètre , un véritable délire s'empare de toutes les têtes. Les pélerins prennent dans ce temps le chemin de Pertuis, en portant des bouquets de verdure et des fleurs. Ils entrent dans la ville en bon ordre, précédés des tambours et aux cris de wetori! vitori! Ils se réunissent alors aux ha- bitants , et se dirigent ensemble vers l’église , pour rendre grace à Dieu ({). Ce voyage est évidemment votif, et les détails qui l'accompagnent sont remarquables. 11 faut se rap- peler que les habitants de Pertuis ne se rendent sur la montagne ni isolément ni sous des bannières re- (1) Jean Monicr, Lettre à MM. les Prieurs de la confrérie de £te_ Victoire, etc.—Achard, Description historique, géogra- phique et topograp'ique de Lx Provence. — 807 — ligieuses, mais organisés militairement, recevant leur étape et marchant sous la conduite de leurs of: ficiers , parce qu'ils représentent l’armée romaine. Ils assistent au sacrifice ou soit au feu de joie, ainsi que nous l'avons vu dans le passage de Plutarque déjà cité, aux cris de victoire! et après avoir paré leurs chapeaux de verdures et de fleurs. On reconnaît facilement dans ces détails , le sacrifice offert aux dieux par Marius à la tête de son armée, après la victoire. La fête de la BELLE ÉTOILE qu'on célèbre aussi à Pertuis, est la suite de ce que nous venons de dire, quoiqu'elle ait lieu le jour de l’épiphanie. Nous nous repporterons aux temps qui précédèrent la révo- lution parce qu'on la célébrait alors avec plus de pompe qu'aujourd'hui. Le jour des rois , vers les sept heures du soir , la noblesse du lieu se rendait chez le premier Consul, les bourgeois chez le second et les artisants chez le troisième. Les magistrats et les prieurs de corpus domini allaient ensemble à l’hôtel-de-ville , et de là chez le juge. Le cortège se réunissait à la place des Capucins où l’on avait préparé un char sur lequel s'élevait un grand bucher. Le cortège formé, le feu était mis au bucher , au son des cloches et au bruit des tambours. Alors le char commençait sa marche. Il parcourait successivement les places publiques et les principales rues de la ville. 11 était attelé d’un certain nombre de mulets, ayant chacun un con: ducteur vêtu d’étoffes particulières. Ilétait précédé par plusieurs hommes vêtus de blanc, ayant une épée à la ceinture et un bâton à la main. Derrière — 308 — le char marchaïent les abbés de la jeunesse ; ensuite les magistrats et les officiers de la justice, et puis le peuple. Des cris de réjouissance, le son des tambours etdestrompettesaccompagnaientcettecérémonie(1). Il est facile, comme le dit Monier , de reconnaître ici une véritable marche triomphale , telle que celle dont fut honoré Marius. Nous sommes frappé de la solennité avec laquelle les autorités se réunissent et se portent au rendez-vous général. Parmi les per- sonnes qui entourent le char, on peut reconnaitre les appariteurs , les conducteurs de chevaux, les sénateurs et les chevaliers romains. Enfin , on doit remarquer jusqu à la manière d’atteler les chevaux, c'est-à-dire, de deux à deux, comme dans les marches triomphales , et non à la file l’un de l’autre, ainsi qu'il est d'usage constant en Provence. (1) J. Momier, Lettre à MM. les Prieurs de La confrérie de Ste- Victoire de La ville de Pertuis.—Achard, Description histo- rique , géographique et topographique de La Provence. SUR LA POSITION DE LA AS 6 DL D => Lo 0 D AVANT SA DESTRUCTION PAR LES SARRASINS M. Kourhon. 108 A ville d’Aix compte maintenant dix-neuf cent- | een années d'existence. Pendant ce long cours de siècles , elle a éprouvé diverses fortunes; tantôt brillante et riche, tantôt pauvre et humiliée. Mais elle n'eut jamais autant d'éclat et de grandeur, qu'a l'époque voisme de sa naissance , où ses temples, son capitole, son amphithéâtre,ses thermes et ses portiques étaient 10** — 3i0 = encore debout sur le sol qu'avaient foulé Marius et César. Pour se faire une idée de la ville romaine. il faut partir de notre nouveau palais de justice. Nos pères ont vu en ce lieu l'antique château comtal, devenu le sièse des tribunaux souve- rains du pays. Ils y ont admiré ces vestiges de constructions romaines qui se mariaient à des constructions de fous les âges. C'était d’a- bord une belle tour massive de douze toises d’é- lévation, terminée par une rotonde en colonnes de granit: puis. en arrière de celle-ci, deux autres tours appelées l’une du trésor , l'autre, du chaperen, qu'un mur semi-circulaire du même style avait servi à lier autrefois. Au delà du mur semi-cireulaire ; se trouvaient quatre murs toujours du même style, formant un carré qui. par deux de ses angles venait se rattacher aux deux tours, À l'époque où disparut le château comtal pour faire place au palais moderne, on put étudier ces constructions mieux encore. Il fut reconnu par les trois belles urnes cinéraires dé- couvertes dans la tour de la rotonde et déposées aujourd'hui à la bibliothèque communale , que e’était là un mausolée. Un peintre distingué, de cette ville, M. Gibelin, remarqua que le mur semi-circulaire , entre les deux tours du chape- — 911 — ronet du trésor, n'avait pas de fondations dans sa partie moyenne, où l'on voyait au lieu de fondations , une voie romaine en grandes dalles portant la forte empreinte de la roue des chars, et au-dessous de la voie , un aquedue antique. En même temps , les ouvriers exhumèrent une petite rotonde en colonnes de marbre vert, cachée dans l'épaisseur des bâtisses de la séné- chaussée. Ce monument qui venait de lomber était Fancien palais des Préteurs ; OU pour mieux dire le Capitole de la colonie romaine , ainsi appelé à l'exemple du capitole de Rome, bâti sur la ligne même des remparts , et donnant entrée par une porte dans l'intérieur de la ville. Ce n'est pas ici le seul cas d'une citadelle cons- truite dans cette position et pour cet objet. Catel nous apprend dans ses mémoires de l'his- toire du Languedoc, qu'il en était de même des capitoles de Narbonne et de Toulouse. Ainsi se trouvent conciliées l'opinion de M. Gibelin, qui a vu frès-jJustement dans ce mur sémi- circulaire une porte de la ville romaine et celle de la plupart de nes savants qui ont reconnu dans cet ensemble de vestiges, Île palais des préteurs. De toute certitude, la ville n'allait pas au delà, puisqu'au delà, il existait un mau- solée , mais, de toute certitude aussi. elle s’é tendait jusque là. C'est par le souvenir de cette porte du ca- pitole , tournée vers Rome et F'Etalie, que nous concevons le caractère simbolique attribué depuis les temps les plus reeulés à la porte orientale de la ville. Une autre porte par laquelle les rois-comtes faisaient leur entrée , avait le nom de porte royale; mais la porte municipale et par excellence, a toujours été celle de Saint- Jean , sur quelque point qu'elle ait été placée à travers les révolutions des âges. C'était là, que les consuls nouvellement élus, étaient mis en possession de Ja ville par l'attouchement des clefs. La municipalité constitutionnelle de 1790, a été la dernière qui ait accompli cette solem- nité, au retour de la visite qu'elle venait de faire dans l'église du prieuré de Saint-Barthelemy aux réliques de Charles EE. L'opinion de ceux qui prolongent la ville ro- maine jusqu'au prétoire , n'est pas aussi éloi- snée, qu'elle le paraît d'abord, de l'opinion de ces autres qui placent le prétoire au dehors de la ville. En effet, ces derniers sont obligés de mettre un faubourg aux environs du prétoire. Très certainement sur la fin du quatrième sièele, il y avait des habitations , dans ce quartier. c'était à que logeait Saint-Honnorat , dans les voyages qu'il faisait de Lérins à Arles, et d'Arles à Lérins. Ce point ainsi fixé , une suite de monuments — 313 — publicsnous donnela ligne orientaie des remparts. À peu de distance du capitole , supérieurement lune à l’autre, se trouvaient deux salles de bains. La première était dans le voisinage de la place du Marché, peut-être sous ce tertre que l’on voit au-devant de la halle. La seconde dont le nom subsiste encore dans celui de la rue des derniers Bagniers , occupait l'empla- cement de la maison qui termine cette rue et à laquelle a été adossée une fontaine pu- blique. L'historien Pitton parle de lune ct de l'autre de ces salles. Lorsqu'en 1760 on bâtit à quelques pas de fa salle des bains supérieurs, les nouveaux greniers d'abondance, on découvrit les restes d'un monument qui consistaient en un pavé de mosaïque de onze toises de Jongueur sur hait de largeur, portant encore des bases de co- lonnes. Le musée de la ville renferme quel- ques fragments de cette mosaïque. Toujours dans la même direction ; sur les places de l’Archevèché et de l'Université , nous irouvons ces murailles en pierres froides à facettes, qui soutiennent la Cathédrale. C'était à un temple et un temple dédié au soleil. Les colonnes de marbre et de granit du bap- tistaire, d’autres colonnes qu'on a enlevées , le bas-relief de Léda, déposé au musée, en — 314 — sont les restes. Le fragment d'inscription dé- couvert sur ce sol en 165% ne permet pas le doute à cet égard, et nous explique quel était le dieu dont on exhuma à la même époque la statue mutilée. Après l'abolition du paganisme, le temple fut renversé, l'image brisée et en- fouie : à sa place les chrétiens bâtirent un oratoire sous le titre de La transfiquralion du très-saint Sauveur, devenu plus tard l'église métropolitaine d'Aix. El parait qu'au temple étaient annexés des bâtimens pour le logement des pontifes et des serviteurs du Dieu. L'ar- chevèehé actuel a remplacé un édifice appelé dans le moyen âge Hospitium de crotis, des restes d'appartements voûtés à la manière ro- maine qui en faisaient partie. Enfin, un peu plus haut se présente l'aire dite, du chapitre, où se tient aujourd'hui le marché des bestiaux. Les fouilles qui y ont eu lieu à diverses époques pour la réparer, ont amené des inscriptions , des troncons de colon- nes de granit, et selon toutes les probabilités ces deux belles colonnes, dont l’une orne la fon- taine de notre place de l'Hôtel-de-Ville et l'autre la montagne Bonaparte de la ville de Marseille. Enévitablement, il y avait là encore quelque monument, temple, portique, ou théâtre. Le sol voisin au-devant de l'Hoôtel-Dien renferme —_815 — aussi des pierres froides considérables portant l'empreinte du ciseau. De solides voies servaient de communication à cette partie de la ville romaine. Nous avons déjà parlé des vestiges existants entre la tour du Trésor et celle du Chaperon. On en voit de pareils dans la eave d'une maison de la rue de la Grande -horloge, et la voie toute entière fut retrouvée lors de la reconstruction qui eut lieu avant la révolution de la maitrise de Saint-Sauveur , et de la maison de Gaillard, faisant le coin de la place de l'archevèché et de la rue de la Grande-Horloge. Une charte de l’année GGÆ, rapportée par Pitton, dans les annales de l'éplise d'Aix , qui constate la visite faite par Fhéodose , évêque d'Arles, selon le droit de sa primatie | nous apprend que l’oratoire du très-saint Sauveur était situé non loin du mur de la ville, non procul a muro eivitalis. Nous y trouvons une nouvelle autorité. en faveur de notre système, sur a fixation de la ligne orientale de len- eeéinte romaine. Quand on considère avec attention l'espace depuis le Capitole jusqu'au monument de l'aire du Chapitre, on est tenté d'y voir cette es- planade que devait . selon Île témoisnage de — 10 — Vitruve, posséder chaque ville, où se tenait le marché public, qu'entouraient les portiques et les temples et d'où se découvrait toute une ligne de remparts. El y a là depuis le prétoire ; jusqu'à l'aire du Chapitre, en passant par le quartier des Baigniers, par la place du marché, et Pé- glise métropolitaine, une zone archéologique très bien caractérisée, non-seulement par des restes de monuments publics, mais encore par les débris de statues et d’ustensiles, de logements et de bains particuliers ; qui en ont été exhu- més. Au delà , vers l'est, on ne trouve plus rien. Passons maintenant à la ligne du nord. Depuis le monument de l'aire du Chapitre . jusqu'à l'ancienne cathédrale sous le titre de Notre-Dame de la Seds, devenue la chapelle du monastère du Saint-Sacrement , nous avons trois points précieux, savoir: la chapelle de Notre-Dame de Consolation, aujourd'hui l'église de l’'Hôtel-Dieu , la chapelle détruite de Saint- André, placée au-dessous et à quelque distance du cimetière du même hôpital , et enfin la cha- pelle et le cimetière Saint-Laurent , au delà de la route d'Avignon. Ces trois points se sont toujours trouvés hors de la ligne des murailles romaines. ae — Cést de l'église Saint-Laurent que furent retirés les corps des évêques Ménéfale et Ar- mentaire, comme l'établit une inscription placée dans le sanctuaire de la métropole, et si l'on Juge de l'ancienneté de l'église, par l'époque où ces pontifes ont vécu, elle aurait existé dans les premières années du cinquième siècle. Un acte du commencement du onzième siècle par lequel l'évèque Amalric rend le cimetière de Saint-Laurent aux moines de Saint-Victor de Marseille , est le plus ancien titre où ilen soit parlé. Le cimetière était nécessairement hors de la ville, et la chapelle bâtie à côté du cimetière y était aussi. La chapelle Saint-André tenant le milieu entre celle de Saint-Laurent et celle de Notre- Dame de Consolation , avait donné son nom à l'enclos dit de Saint-André , qui comprennait l'espace entre les chemins d'Avignon , du cime- tière de l'Hôtel-Dieu, et de Puyricard. C’est cet enclos alors appelé Filla sancti Andree . qui, au milicu du sixième siècle, fut usurpé sur l'église d'Aix, par Childérie, seigneur de la cour des rois francs , et que l'évèque Franco eut beaucoup de peine à se faire rendre. Le sol sur lequel avait été bâtie la chapelle était un rocher composé de coquillages fossiles , nommé rocher du dragon, d'un dragon qui, nn suivant la lésende , l'avait autrefois habité et avait été tué par l'intercession de Saint-André. Aux environs de cette chapelle, on trouva en 1790 des ossements humains brülés, et notamment deux avant-bras garottés ensemble par une menotte de fer; c'avait été là, sans doute, un lieu consacré au culte druidique et souillé par les sacrifices humains. Il avait passé des prêtres gaulois aux prêtres romains. et de ceux-ci à l’église chrétienne. La charte de 4082, par laquelle Pierre HE archevêque d'Aix donne à son chapitre, la chapelle Saint-André, nous apprend qu'elle était tant soit peu hors des murs de la ville, paululum extra muros ejusdem civi- tatis. À mon sens , le mur dont parle la enarte estle mur de la ville, avant sa destruction par les Sarrasins, lequel , à cette époque , devait ôtre conservé en partie. Enfin, puisque l'enclos de Saint-André n'a jamais fait partie de la ville antique , et que la chapelle de Notre-Dame de Consolation est si- tuée dans cet enclos même , celle-ci n’a pu être comprise dans l'enceinte romaine. D'ailleurs , tout près de à, on a reconnu des vestiges d'un champ sacré. Le chemin du cimetière de l'Hôtel-Dieu forme ia ligne probable du mur septentrional d'en- — 319 — ceinte ; il porte même des fondations conside- rables que M. de Saint-Vincens n'a pas hésité à considérer comme un reste des anciens remparts. Au delà de cette ligne, on ne trouve plus rien ; mais en deca , depuis Paire du Cha- pitre, jusqu'à l'église du Saint-Sacrement , le sol offre une grande richesse en débris d'édi- fices publics et privés. C'est une seconde zone archéologique plus féconde encore que la première. Là, se présentent la maison de Quintus-Nausidius-Avenius dont on découvrit les vestiges dans le jardin de Grassy , en 1806, les superbes mosaïques et la salle de bains trouvées dans l'enclos Silvacane en 1790, les mosaïques dont parle Pitton, etc. , etc. C'est au-dessous , qu'avaient été élevés l'am- phithéâtre et le palais des thermes. Le palais des thermes existait sur l'emplacement même de la maison des bains; il y en a encore des restes fort curieux. L’amphithéâtre était situé au bout de la rue de la Molle, dans le voisinage du jardin des dames du Saint-Sacrement. Il pou- vait contenir au dire du savant Peirese qui avait pu encore en mesurer les contours, six mille personnes. El devint plus tard , la maison des évêques, dont ils firent une forteresse ; avec des tours, d'où fut donné le nom de ville des tours, à la ville épiscopale d'Aix dans le moyen age. | me L'église cathédrale de Notre-Dame de la Seds faisait sans aucun doute, partie de la ville an- tique. Indépendamment de ce que telle est Po- pinion de tous nos savants , il est impossible de voir entre cette église et les débris archéolo- giques accumulés du côté de l'est , une solu- tion de continuité où l'on puisse placer une ligne d'enceinte. Des fouilles récentes faites sur ce point, tendent à établir, qu'il y a existé un temple antérieur à l'église des chrétiens. L'é- glise de la Seds devient done un jalon aussi sür que l’est le capitole Iui-mème. Maintenant , qu'y a-til à faire pour com- pléter l'enceinte de la colonie romaine, si ce n'est de tirer une ligne de l'église de la Seds au Capitole, en passant par la route d'Avignon et par les rues Villeverte, Saint-Esprit et des Gantiers. Comme nous avons ici deux points jusqu'auxquels nous devons aller, c'est-à- dire le Capitole et l'église chrétienne, nous en avons deux autres qui nous servent de bar- rières savoir; la tour du mausolée, et le champ sacré voisin : de l'église chrétienne ; qui s'étendait jusqu'à la grande aire de Saint-Roch. Lorsque par la grandeur connue de l’am- phithéâtre, on évalue appreximativement l'éten- due de la ville. on voit bien que tout cet — 8 = espace lui était nécessaire pour contenir sa po- pulation , et en considèrant les deux sources d'eau thermale qui naissent l’une à la maison actuelle des bains, l’autre à la petite place des Bagniers, on ne peut admettre, que les ro- mains si jaloux des eaux thermales, ne les eussent également renfermées dans lenr ville. Cette ville antique avait comme la forme d'un arc: autour du bâton se trouvaient rangés les monuments publics, amphithéâtre, temples, capitole. L'intérieur de l’are et sa corde, étaient occupés par la masse de la population. Sur la fin du neuvième siècle, la ville d'Aix disparut dans l'invasion des arabes. Sur la fin du cinquième siècle ; son évêque Basile l'avait pré- servée de la fureur des Goths , qu'il avait ha- bilement rejetés sur l'Auvergne. Sur la fin du sixième siècle, après s'être défendue avec courage contre les Lombards , elle avait été obligée de se racheter d'eux . moyennant vingt- deux livres d'argent pesant. Cette fois, ni l'ha- bileté, ni le courage , ni la richesse ne purent la sauver de ces autres barbares, qui appor- {aient non-seulement des lois et des mœurs nouvelles, mais encore un culte nouveau: la ville fut détruite de fond en comble , et lors- qu'après la gloricuse expulsion des Arabes , — 3922 — ses citoyens purent revenir sur la terre natale on eut de la peine à reconnaitre dans leurs habitations , quelque chose de la phisionomie de eette fille aînée des romains dans la Gaule. Fix pens en aan | , 2 7. : 17 va ; 1 [7 410 Mod) ME AT À rangs RE. Mie 14 sepalite, de, tnsritvlee Un, l'inuinnec Me vo Bourho. Prasiqnt at ROUICOERPTOUTES “se latte dé, age Lol Enton) qi qartnt : ke teitoire d'Arlet j Serpent Héboss hi " . A3 LIE th ue D A TEUTEES fe } À ” Hi APTE nm: À | DE MOTOR x " k L n | 4,61 L'URR L “ È _ is h LA} ï 2 par, r ‘ * Ù k i " T0 Ÿ ù tar AT ++ Un u ." o . i D odr 1} A È D r'ib ji! : “ cu . ‘ is» CORTE 44 % e Horrt . = re 10 » 1 VA. CCE (n NU TE FA van dx À on. A à 5 nl Cp : ré à , En rm" CPR TN Te A L i (2 { d on IL us | LA , ; 1 ” ( À TR SA 5 LOU ve NÉ 1 M ‘ ; LH | 10 j d ; ‘ LES ( Q " P'AALNTR ï 0 U ni AREA PE / La n : É SA: (fe: ñ À 7 A Monr, DORE a 541 DCE À LIN . AA | L ft à] PRE | A LR) Vaairen (18 L n à PME 2.10 CRT ; l L an "MN M0 L \ # 0 ï ré £ | { 1 k 4 , “= f n FA . Ÿ { CIRE LR À ! er s. sb = s PRES IS PRINT IT NP ENT RECHERCHES SUR DES LELMIFES TEDRIVORLALES D'ARLEN, D'AIX ET DE MARSEILLE, SOUS LA PÉRIODE ROMAINE, PAR M. E. MICHEL DE LOQUI. LUSIEURS bornes antiques portant ces mots : | FINES ARELATENSES et FINES AQVENSES, ont été découvertes dans le dernier siècle et dans le nôtre, sur divers points du territoire de l’ancienne Provence. Bouche, Papon et d'autres auteurs mentionnent une inscription du paqus Lucretus, (Gemenos ) qui portait le territoire d'Arles jusqu’au locus Gargarius, (4) voici le commencement de cette inscription : PAGANI. PAGI. LUCRETI. QUI. SUNT..FINI BUS. ARELATENSIUM. LOCO. GARGARIO. Q. COR. MARCELLI. LiB. ZOSIMO. HIHI. VIR. AUG. COL. JUL. PATERNA. ARELATE. OB. HONOREM. EJUS. (1) Bouche , Chorographie , ou description de Pro- vence et Histoire chronologique, etc. tom. {1 pag. 334. Aix, MDCLXIV ; Jacob. Spon. Miscell. Era: 11* — 326 — Les hahitants du Pagus Lucretus qui sont sur les limites des Arlésiens ( placées) au lieu Gargarius en l'honneur de Zozime affranchi de Q. Cor. Marcellus sextumvir de la colonie Julia Paterna d'Arles ; ete. Le père Boupgerel dans son ouvrage manuscrit sur les hommes illustres de Provence et dans son premier cahier, pag. 16. rapporte à propos de cette inscription qu'on trouva deux pierres- limites dans le voismage de Gemenos; on lisait sur l'une . et sur l'autre , EL paraît que le même auteur avait eu connaissance d’une inscription placée à Saint-Antonin et déterminant les limites d'Arles (1). En 1817 les membres de la société de statistique d'Aix découvrirent sur la route des Figons à Eguilles une pierre encore debout, regardant le sud- ouest sur laquelle on lisait F. ARELAT. À peu près à cette époque ils remarquèrent po | Antiq. Papon, Histoire générale de Provence, tom. 1e pag. 90 et 165. Paris. MDCCEXXVIT. Ruffi His. de Marseille. Statistique du département des Bouches- du-Rhône , tom. 2, pag. 286. Marseille, MDCCC XXIV... Cette inscripüon est rapportée avec quelques différences, par ces auteurs , mais la version qui pa- raitla meilleure à suivre, est celle qu'a donnée Papon, d'après le savant abbé Barthelemy. (1) Je rapporte ce fait sur le témoignage de M. le conseiller Rouchon qui a lu cette inscription dans les nombreux manuscrits du père Bougerel. Elle n’a pu être retrouvée. — 3927 — vers la grande Pagère et dans Les terres un nou- veau terme antique sur lequel ils lurent FINES OVIDEI; mais plus tard, en recueillant leurs souvenirs, ils pensèrent qu'ils auraient dû lire : FINES AQVENSES ; enfin en 4857 MM. les frères Bosq d'Aariol ont remarqué encore deux bornes semblables , dans la commune de Belcodène. La première, disent-ils , était placée sur le penchant de la coline du Castelas, elle était renversée . mais on pouvait enccre sans onllée oo k PC beaucoup de difiicultés, juger de la position qu'elle occupait primitivement ; on lisait sur le côté oriental; FINES AGVENS ; et sur le côté occidental; FINES ARELAT. La seconde pierre était encasirée dans le mur du cimetière de la même commune. Elle était debout et enfoncée d'un mètre dans la terre. La diffi- culté qu'on éprouva pour l'en retirer démontra que c'était là sa première place. La face orien- tale portait ces mots: FINES AQVENSES. et la face occidentale ceux-ci: FINES ARE- LA. (4). Tels sont les documents qui peuvent (1) Recueil inédit d’antiquités , présenté à l’académie d'Aix, par MM. Boscq - 1839, sur ces deux termes antiques. MM. les frères Bosq ont lu FINES AREIAT. et non FINES ARELAT. Mais on peut affirmer sans crainte d’erreur, que leur lecture a été vicieuse et qu'ils ont pris des L altérées, pour des IL. En effet sur l'inscription des Figons, ce mot Arelat est très lisible et tous les auteurs qui rapportent les inscriptions dont nous avons parlé, v lisent AREL ou ARELAT. ou ARELATENSIVM. — 3928 — servir à déterminer l'étendue des territoires de la ville d'Arles et de celle d'Aix: sans doute on pourrait désirer qu'ils fussent plus nombreux ; ils permettent cependant d'arriver À quelques résultats historiques. ÉTENDUE DU TERRITOIRE DE CES DEUX VILLES. En examinant attentivement les inscriptions que nous venons de rapporter; on s’apercoit que la même pierre désigne souvent les limites des deux villes. En conséquence, en suivant les divers pays où les termes ont été décou- verts, on aura la ligne de séparation des ter- ritoires d'Aix et d'Arles : cette ligne passera d'abord par Saint-Sean de Garguier ou Gt- menos. par Belcodène , se dirigera vers la grande Pugère et vers Saint-Antonin , puis jaissant la ville d'Aix dans un demi-cercle se courbera vers les Figons (4); les inscriptions antiques nous abandonnent ici, et il ne nous est plus possible d'indiquer la direction des limites des deux villes; certainement elle se continuait vers la Durance. Le territoire d'Arles 4) I est nécessaire d'admettre que cette ligne flé- chit vers ce point; en effet si on la tirait droit de Saint-Antonin aux Figons, la ville d'Aix serait en- clavée dans le territoire d’Arles. — 329 — était sans nul doute compris à l'occident de cette ligne ; d'abord on peut le présumer ; parce qu'il ne serait point naturel qu'il commencât à une si grande distance de ses murs. La se- conde raison, c'est que les termes dont on a pu voir la position primitive portaient sur la face occidentale ces mots: FINES ARELA- TENSES. (et que toujours les termes avec inscriptions envisagent les territoires.) Les limi- tes d'Aix au contraire s'étendaient vers l'Orient: elles commencaient au point où finissaient celles d'Arles , c'est-à-dire à Saint-Jean de Garguier ou Gemenos ; à Belcodène, à la grande Pu- gère, à Saint-Antonin et aux Figons ; elles paraissent embrasser une partie ou même la totalité du département du Var. Ainsi, l'es- pace immense compris entre le fleuve du Var. la Durance et le Rhône , semble à l'époque où ces bornes ont été placées, n'être divisé qu'en deux portions. Arles se trouve à la tête des pays situés à l'occident ; Aïx à la tête des pays situés à lorient (4). Mais s’il avait été tant ac- cordé à ces deux cités, quelle part avaït-on faite à Marseille ? Quelle était l'étendue de son ter- ritoire? On doit croire ou qu'il ne s’étendait guère au delà de ses rempart, ou squ'il était (1) I serait possible pourtant que le territoire d'Aix eût été moins étendu et limité par celui de Fréjus et de quelqu’autres villes. — 330 — considérablement restreint. Cependant on pour- rait attaquer cette proposition à laide d'une inscription rapportée par Millin; elle à été trouvée à Vence et elle est gravée sur deux colonnes, voici en quels termes elle est conçue : [ MASSILIEN | SIUM. | CURANTE AC | | DEDICANTE JUL. HONORATO PROC. AUG. EX PP PROESID. ALP MARITIMARUM. La première ligne de la première colonne étant fruste, Millin pense qu'il y avait: fènis agri ou terminus agri. Voici alors comment il traduit cette inscription: limites du territoire des Marseillais, par les soins de Julius Ho- noratus , procuraleur d'Auquste , un des pré- posés à la défense des Alpes maritimes (À). Cette première ligne n'était pas fruste du temps de Raymond-des-Soiliers qui la rapporte dans son ouvrage manuscrit sur les antiquités de Provence , on y lisait le mot populo (2). Alors on doit ainsi traduire cette inscription: Le peuple de Marseille élevant el dédiant 4) Millin, voyage dans les départemens du midè de la France.- Paris: 1807. tom. à. pag. 14. 2) Bouche, ouvrage cité. tom. {. pag. 112 — 331 — {cel édifice), Julius honoralus élant procura- teur d' Auguste, ex-préfet de la province . président des Alpes marilimes. Cette inseriy- tion mal lue et mal traduite en conséquence par le savant M. Millin , ne prouve point que le territoire marseillais se prolongeät jusqu'à Vence , elle ne détruit point cette proposition , qu'à l'époque où Arles et Aix avaient des dé- pendances si considérables |, Marseille était ren- fermée dans d'étroites limites. A QUELLE ÉPOQUE CES BORNES ONT-ELLES ÉTÉ PLACÉES. Il aurait été peut-être impossible de fixer l'époque précise où ces limites avaient été pla- cées, si l'antiquité ne nous avait fourni un moyen sûr de la déterminer. On aurait toujours hésité quant au temps entre le moyen âge et les diverses périodes qui, en emmenant des peuples nouveaux dans l'intérieur de la Pro- vence, avaient pu emmener des circonscriptions de territoires plus où moins étendues. On voit par l'inscription elle-même que les limites d'Arles passaient à Saint-Jean de Garguier , sous Antonin-le-pieux : PAGANI. PAGE. LUCRETI. QUI. SUNT. FINI BUS. ARELATENSIUM. LOCO GARGARIO Q. COR. MARCELLI. LIB. ZOSIMO. III VIR. AUG. COL. JUL. PATERNA. ARELATE. OB. HONOREM. EJUS. NOTUM. FECIT. — 332 — INJURIAM. NOSTRAM. OMNIUM. SOECULORUM. SACRA TISSIMO. PRINCIPI. T. OELIO. ANTONINO.....R. ROMÆ. MISIT. PER, MULTOS. ANNOS. AD. PROESIDES. PROVINCIÆ PERSE- CUTUS. EST. INJURIAM: NOSTRAM. SUIS. IN..... T. OB. HOC. DONAVIT. NOBIS: IMPENDIA. QUÆ. FÉCIT. UT. OMNIUM. SOECU LORUM, SACRATISSIML PRINCIPIS. IMP. CÆS. ANTONINI, AUG: PIL. BENEFICIA» DURARENT. PERMANERENT. QUE QUIBUS. FRUEREMUR. ET. BALINEO. GRATUITO. QUOD ABLATUM. ERAT. PAGANIS. .… QUUD'USE FRUERANT. AMPLIUS: ANNIS. XXXX. « Les habitants du paqus lucretus qui sont sur les limites des Arlésiens (placées) à Gar- garius en l'honneur de Zosime affranchi de Q. COR. Marcellus sextumvir-augustal de la colonie Julia paterna d'Arles : il a fait con- naître l'injustice (que nous avions éprouvée) au prince très-sacré pour tous les siècles à T. OElius Antonin, il a envoyé (des lettres à) Rome pendant plusieurs années , il a pour- suivi a réparation de notre injure à ses propres frais auprès des présidents de la pro- vince ....... et il nous à fait remise de toutes les dépenses entreprises à cet effet. El a fait de telle sorte que Îles bienfaits du prince très-sacré à tous les siècles lempereur César Antonin, pieux, Auguste, durassent et persistassent, et que nous en jouissions ainsi que du bain gratuit qui avait été enlevé aux habitants, qui en avaient usé pendant plus de 40 ans. » Cette inscription est un témoignage irrécu- sable que saus le rèone de T. GElius An- — 333 — tonin . vers l'an 440 , les limites d'Arles étaient fixées et qu'une des bornes était placée à Gar- garius , et comme Îles inscriptions trouvées à Gemenos , à Belcodène, à la grande Pugère aux Figons , ont été considérées comme an- tiques par la forme des lettres qui les compo- sent ; comme elles se rattachent toutes les unes aux autres d'une manière naturelle en se dirigeant sur Gargarius , il est légitime de conclure que tous ces termes fesaient suite à celui dont parle l'inscription qui vient d’être citée. Les limites qui fixent comme nous Favans vu les deux territoires d'Arles et d'Aix, ont été en conséquence , posées à l'époque de la domination romaine ; elles Pont été ou sous le rèpne d'Antonin-le-Pieux ou antérieurement. A QUEL TEMPS DE LA RÉPUBLIQUE OÙ DE L'EMPIRE, LES VILLES D'AEX ET D'ARLES ONT-ELLES EU UN TERRITOIRE SI ÉTENDU. Pour arriver à la solution de cette difficulté. il faut remarquer que la ville de Marseille était alors enclavée dans le territoire d'Arles, ou que, si elle en possédait un , il devait être considérablement restreint ; or . en lisant l’his- toire de Marseille, on s'aperçoit que cette ville — 334 — a reculé sans cesse ses limites dans l'intérieur des Gaules, depuis l’arrivée du consul Quintus Opimius dans ee pays, en 455 avant d. C. jus- qu'à la fin de la république romaine et l'ave- nement de César à l'empire. Le consul Opi- mius lui donna les terres des Oxibiens qu'il venait de vaincre et qui avoisinaient la colonie d'Antibes (4). Le proconsul Sextius lui ac- corda une partie de celles qu'il avait enlevées aux Salyens (2). Marius pour la récompenser de l'assistance qu'elle lui avait accordée contre les Ambrons et les Teutons, lui fit présent des terres qui confinaient à l'embouchure du Rhône et d'un canal considérable qu'il avait fait creuser pour rendre la navigation du fleuve plus facile ; il paraît qu'il lui cèda encore les champs de Trest où les barbares avaient été défaits puisque d’après Plutarque, les Marseillais se servaient pour soutenir leur vignes des os- sements de ces hommes du Nord (3). Pom- pée et César, furent aussi généreux envers Marseille, le premier lui avait accordé les terres des Volces arécomikes , et des Hel- viens , l'autre après avoir vaincu les Gaules , (1) Polybe. Excerp. leg. CXXXI et CXXXIV , pag. 961 et 962, éd. Isaaci Casaubonis MDCIX. in-folio. (2) Strabonis. Géographia , editio Isaaci Casaubonis Lutetiæ Parisiorum. MDCXX. liber quartus pag. 185 D. (3) Plutarque in vita Marti, paragraphus 37. — 9939 — avait augmenté son territoire el ajouté à ses revenus. La politique des Romains jusqu'à la conquête définitive des Gaules, consista à donner à cette ville des témoignages continuels d’a- mitié.” Ils agissaient ainsi , parce que Marseille pouvait leur offrir d'utiles secours pour assu- jétir les peuplades gauloises. Ainsi le terri- toire de Marseille s'accrut sans cesse à partir de l’arrivée des Romains , jusqu'à l'époque de Jules César. Et ce n'est point dans cette pé- riode que cette ville fut enclavée dans le ter- ritoire d'Arles qui commença à peine à Jeter quelque éclat vers la fin du premier siècle avant J. C. Son territoire ne peut en conséquence avoir été restreint que sous la période des empereurs ; mais pour que ce fait se soit ac- compli, et qu'on ait dépouillé l'ancienne alliée de Rome, des terres qu'Opimius, Sextius , Marius , Pompée et César lui avaient accordées, il a fallu que cette ville se soit trouvée dans une position telle qu'un empereur ait pu la traiter en ennemie. Or. elle ne s'est trouvée dans cette position ni sous Antonin, ni sous les empereurs précédents, mais seulement à Fé- poque de Jules César. Vers l'an 59 avant d. C. la guerre éclata entre César et Pompée , l'un était le représentant et le favori du parti populaire , l'autre Îe chef de la noblesse. César s'était préparé de longue main aux guerres ei- — 336 — viles par la guerre des Gaules ; il'entra en triomphateur dans l'Italie, pénétra sans résis- tance dans presque toutes les villes , dispersa le sénat et Pompée devant lui, et se prépara enfin | après avoir vaincu son rival en Htalie, à le combattre en Espagne ; ïl se dirigea donc vers la Gaule et s’arrèta devant Mar- seille qui avait embrassé le parti de Pompée: elle avait reçu dans son sein Domitius qui y était entré avec sept vaisseaux appartenant à des citoyens d'Epvyle et de Cassano. Il les avait remplis de ses esclaves, de ses affranchis, de ses colons. Ilétait venu d'après les ordres de Pompée , pour occuper la ville. De jeunes nobles Marseillais qui étaient à Rome, lorsque Pompée en sortit, furent envoyés vers leur con- citoyens pour les engager à ne pas oublier les bienfaits qu'il avait répandus sur Marseille. Les citoyens recurent Domitius et écoutant les exhortations des jeunes nobles, appelèrent à leur secours les Ælbiei. peuples barbares alliés de Marseille depuis les femps les plus anciens, et habitant les collines d'allentour. Ils emme- nèrent des pays voisins et de leurs places fortes, du froment , ils élevèrent des ateliers pour la fabrieation des armes, construisirent une flotte, et réparèrent leurs remparts. César s'étant pré- senté devant la ville, en trouvales portes fermées. { Cœsari portas clauserant ). Malgré ses jins- di — tances, ils refuserent de l’admettre dans la ville, et le vainqueur des Gaules qui brülait de courir en Espagne pour y combattre les armées de Pompée , se trouva arrêté dans la rapidité de sa course, et forcé de mettre le siège devant Marseille. La résistance de cette ville fut grande, et César dut éprouver un profond sentiment de douleur et d'impatience en présence d'un siège qui, en retardant l'heure des combats avec son rival, compromettait sa victoire. Arles, ville Salyenne et encore obscure, n'imita point l'exemple de Marseille. César y fit construire des navires pour les opposer à ceux des as- siéwés (4) ct la ville d'Aix, habitée par des soldats Romains, dévoués pour la plupart à César, qu'ils regardaient comme le plus grand général de l'époque, dut également lui prêter assistance ; aussi lorsque la ouerre civile füt terminée, et que César monta au Capitole sur le char de triomphe , l'image de Marseille, parut au millieu de celles des villes subjuguées, (2). César nous apprend lui-même qu'il se fit (1) Pour tous ces faits, voyez César , de bello civil. Liv. 1. édition de Barbou, Paris 1755. tom. 2. (2) Cicero , de officiis liber If. Chap. VIT. Itaque vexatis et perditis exteris nationibus, ad exemplum amissi imperii portari in triumpho mas- siiam vidimus , et ex ea urbe triumphari, sine quä pumquam nostri imperatores ex transalpinis bellis triumpbarunt. — 338 — livrer les armes de Marseille . ses vaisseaux . ses machines de guerre , l'argent contenu dans le trésor publie, et y placät deux légions en sarnison (4). Le conquérant traitait la ville orecque, comme une ville ennemie , alors il dut lui enlever ses anciens privilèges, les champs des Volces Arécomikes, des Helviens et ceux qu'elle avait dans l'intérieur des terres. D'un autre côté, Arles fut récompensée des marques d'affection qu'elle svait données à César , et îl érigea eelte ville comme celle d'Aix en colonie romaine (2). C'est à cette époque seulement que les limites qui donnent à lune et à l'autre de ces deux villes des territoires si étendus, et qui restreisnent celui de Marseille , ont pu être posées à Saint-Jean de Garguier où Ge- menos., à Belcodène, à la prande Pugère , à Saint-Antonin , aux Fisons, etc. Enfin pour donner à notre argumentation, une forme géométrique, nous dirons que puis- que Île territoire de Marseille restreint sous la domination romaine, ne l'a été ni avant, ni après César , il faut nécessairement qu'il ait été réduit à l’époque de la domination du con- quérant des Gaules. (4) Cesar de bello civili liber secundus. (2: Suetone, in vita Neronis , Ç 4. Les inscriptions romaives de la ville d'Aix donnant à cette ville le surnom de Julia attestent aussi qu'elle fut une colonie de Jales César. Ji CONCLUSIONS DE CETTE DISSERTATION. De ce qui précède , il faut conclure : 4° Que Marseille fut dépouillée par César de ses acquisitions aux environs du Rhône , du littoral de la mer , de l'intérieur de la Ligurie, et contenue dans d'étroites limites. 2 Que les villes d'Arles et d'Aix eurent des circonscriptions territoriales étendues ; que la première présidait aux pays renfermés entre la mer, le Rhône, la Durance et une ligne passant par les points déjà nommés, que la ville d'Aix voyait s'étendre son territoire vers le département du Var. 3° Que ces circonscriptions territoriales sub- sistaient encore à l'époque d'Antonin , vers l'an 440. Il serait nécessaire de rechercher combien de temps subsista cefte division de la première portion des Gaules conquise par les armées Romaines; et quelle attribution politique elle donnait aux deux villes ; mais ce doit être là ie sujet d'une dissertation nouvelle. FIN. tt D? Le en. à ce qu, \ a MP LA 1 a Ldbur roses ta oi Al se: ù bi Ly dus: L'ORATELE" PENNCENE AR é (THB Ft, Ananas NOTICE HISTORIQUE SUR M. L'ABBÉE CASTELLAN. Chanoume honoraire d'Anx et de Fréqus , et Professeur dou de Va Faculie de Théologie À Aus.. CR — L existait dans l’ancien ordre des choses , sous hu des idées qui s’éteignent, une elasse d'hommes patients et infatigables, voués à l'étude comme à une espèce de culte ; sans lui deman- der profit ni gloire, dont la vie toute entière s'écoulait dans les labeurs d’une lente et cons- ciencieuse érudition. Les uns, cherchant une retraite profonde, allaient s’ensevelir dans une de ces communautés religieuses | si renommées pour leurs travaux littéraires , et devenaient bénédictins , jésuites , ou solitaires de Port-royal; d'autres, doués d’une volonté encore plus ferme, savaient pour- suivre Jeur but au sein même de Ja vie séceu- lière et des occupations d'un emploi publie. De li Lu = Te ce nombre était M. Jean-Probace Castellan . chanoine honoraire des chapitres d’Aix et de Fréjus, professeur-doyen de la Faculté de théo- logie d'Aix et membre de l'académie des sciences et belles-lettres de cette ville , où il est décédé le 25 août 4857, emportant peut-être avec lui au tombeau le dernier vestige de ces hommes d'un autre âge. En présence d'une perte qu'il n'est pas donné à la génération présente de réparer , on me saura gré sans doute d’avoir essayé d’esquisser sa biographie, et de donner une idée de son caractère, de ses mœurs, de ses vertus et de ses travaux. Ceux qui l'ont connu aimeront à retrouver ici quelque chose de cette physionomie si douce, de cette âme si candide , de ce savoir si modeste qui avaient pour eux tant d'attraits, et ceux qui n'ont pas eu l'avantage de le con- naître, ne liront point sans intérêt ce que fût cet homme de bien et de science, le fidèle re- présentant parmi nous d'une illustre tradition, dont l'intelligence va bientôt nous échapper. M. Castellan naquit au bourg de Tourves, le 27 décembre 4799 , de parents vertueux qui s’appliquèrent de bonne heure à lai inculquer les principes de religion et d’honnèteté héré- ditaires dans sa famille. Aussi, sa piété précoce ne tarda pas à manifester des signes décisifs de sa vocation à l'état ecclésiastique. Ce goût -—— 343 — se développant toujours plus en lui, on l'en- voya étudier au petit séminaire d'Aix , où il fit de rapides progrès. Doué d'une mémoire pro- digieuse , d’an esprit pénétrant et juste , et d’un infatigable amour du travail, il eut bientôt dé- voré les premiers éléments des sciences, et annoncé à ses maitres ce qu'il devait être un jour. Au grand séminaire , des études plus élevées vinrent offrir un aliment plus solide à son immense désir d'apprendre , et ses succès furent tels qu'à l'âge de vingt ans il était jugé capable d'instruire les autres et de professer la philosophie. Le 27 mars 1784. il eut le bonheur d'être promu à la prétrise ; et dès le 9 septembre de la même année, il prit place dans les rangs du clergé de la ville d'Aix , en qualité de vi- caire de la paroisse de la Magdelaine. Dans ce poste qu'il oecupa jusqu'au moment de la tourmente révolutionnaire , le jeune prêtre sut parfaitement concilier les nombreux devoirs de sa charge avec son goût prononcé pour l'étude, et l'irrésistible ardeur qui le poussa toute sa vie à la recherche des connaissances historiques. Ce fut pour lui un temps heurenx , dont le souvenir fit dans la suite un des charmes de sa vieillesse, et son plus agréable entretien avec ses anciens amis. Estimé de ses chefs, et chéri de ses collègues 2, SRE qui reconnaissaient sans peine la supériorité de son instruction, il acquérait chaque jour de nouveaux trésors de science, en même temps qu'il édifiait la paroisse par la ferveur de son zèle et l'angélique pureté de ses mœurs. On ie citait déja comme un des ornements de notre clergé, et tout semblait lui présager une élé- vation prochaine à des fonctions plus impor- tantes , lorsque la révolution, en éclatant , vint troubler son repos et briser les espérances qu'un autre moins modeste aurait pu concevoir à sa place. Mais ce n'était point ce qui préoccupait son âme désintéressée. Quand il lui fallut se dé- mettre d'un bénéfice qu'il possédait dans son bourg natal , il s'empressa de le faire sans os- tentation , comme sans regret. Tant qu'on ne lui demanda que le sacrifice des biens de la terre , il ne s’émut que légè- rement des exigences d'une politique hostile au clergé. I ne commenca véritablement à s’alar- mer qu'à la promulgation de la loi par laquelle le pouvoir séculier voulut imposer au sacerdoce un serment contraire aux constitutions de lé- olise. Trop éclairé pour ne pas voir le piège tendu à sa conscience de ministre du culte ca- tholique , il se rangea de suite parmi ceux qui protestèrent hautement contre la mesure et an- — 345 — noncèrent dès lors leur refus formel de s'y sou- mettre. Bientôt l'horizon se rembrunissant davantage et la persécution redoublant de violence, l'abbé Castellan dut songer à se soustraire à l'orage. Fuyant les lieux où il était connu, il alla d'a- bord chercher un asile auprès de l'illustre M. Portalis père, obligé aussi de quitter la ville d'Aix , et depuis peu retiré avec sa famille dans un maison de campagne éloignée. Làs’écoulérent, dans une délicieuse intimité entre ces deux hom- mes si bien faits pour s'aimer et s'apprécier , quelques mois trop courts , dont la douceur eut tout fait oublier à des âmes moins sensibles aux maux de la patrie. M. Portalis s'était associé son hôte dans le soin le plus cher à son cœur: tandis que le père de famille initiait son jeune fils à la connaissance des choses de ce monde, le prêtre achevait l'éducation religieuse de l'en- fant, etdéveloppait en lui le germe de ces vertus chrétiennes, qui ont jeté tant d'éclat sur l'un des mérites les plus éminents de notre époque. Cruel moment que celui où il fallut se séparer! On se quittait sans savoir ce qu'on allait de- venir , si lon se reverrait un jour, quel était le sort réservé à chaque tête, car il n'y avait plus en France coin de terre si écarté où l’on füt à l'abri de la persécution. C’est:alors qu'un vague projet revint à la pensée de M. Castellan: — 346 — il s'était dit quelquefois de ne pas laisser arriver ses vieilles années , sans payer son tribut d’ad- miration à la capitale du monde chrétien, à la ville des Césars et des papes, des monuments payens et des magnificences catholiques. Quel plaisir pour un esprit comme le sien d'étudier ces belles antiquités sur les lieux mêmes , de s'abreuver à cette source féconde de documents de tous les âges, et surtout de pouvoir consulter tant de précieux matériaux, appartenant à l’his- toire ecclésiastique, son travail de prédilection. Il s'est arrêté à cette idée ; puisque force lui est de s'expatrier . c'est à Rome qu'il ira porter son exil. À! y arriva vers la fin de l’année 1791 , après avoir parcouru avec intérêt une grande partie de lHtalie. Mais à son entrée dans la ville éternelle , ce fut un bien autre enthousiasme, mêlé de respect et de saint recueillement , qui s’empara de son âme, ouverte aux impressions des beaux-arts, des souvenirs historiques et des sentiments reli- gieux. H ne pouvait se lasser de voir et d’ad- mirer. Aussi étonna-t-il beaucoup les romains par la promptitude avec laquelle il fit connais- sance avec son nouveau séjour. Au bout de quel- ques mois il n'y eut plus dans Rome d'objet digne d'attirer les regards sur lequel ne se fussent fixés les siens. El y revenait jusqu'à ce qu'il en eût repassé chaque détail, apprécié l'entière — 347 — valeur et recueilli toute l'instruction y renfermée. Il apprit ainsi uon-seulement ce qu'était la ville à l'heure présente , mais encore ce qu'elle avait été aux différentes phases de ses fortunes anté- rieures , sous les premiers rois, sous la répu- blique, sous l'empire , sous les princes et les pontifes du moyen âge ; et il vous eût indiqué avec autant d'exactitude la position de la porte Carmentale, depuis si longtemps balayée du sol, que le lieu où gisent toujours les énormes débris du Colisée. Personne aussi n'avait vi- sité avec plus de soin les curiosités souter- raines , et mieux exploré les saintes horreurs des catacombes. Bientôt cette connaissance approfondie des curiosités locales et une merveilleuse aptitude à s'approprier la langue et Îa prononciation italiennes , lui eurent entièrement donné l'air d'un savant du pays. On eùt dit un romain, élevé dans sa ville natale, et occupé à l'étu- dier depuis sa plus tendre jeunesse. Dès la première année, sa réputation fran- chit, sans qu'ii s'en doutât, les murs du couvent qu'il habitait. D'illustres prélais et des hommes d'une érudition distinpuée ; ayant eu l'occasion de sentretenir avee lui, s'étaient empressés de faire son éloge ; et le jeune vicaire francais s'étaif vu aceueillir partout de ia manière la plus prévenante. — 348 — Plusieurs fois , des étrangers de marque passant à Rome, on avait cru ne pouvoir mieux correspondre à leur désir de connaître les an- tiquités de la ville que de les adresser à l'abbé Castellan dont la complaisance égalait le savoir. Le cardinal Antonelli, qui lavait pris en affection particulière , lui témoigna son estime par des missions encore plus honorables. Ravi de la pureté de sa foi et de son habileté dans les controverses religieuses, il lui envoyait pour les instruire, des personnes qui paraissaient dis- posées à l’abjuration du protestantisme , et Dieu aidant , le succès couronnait toujours les efforts de son ministre. Au milieu de ces occupations diverses , M. Castellan ne perdait jamais de vue l'objet qui souriait le plus à ses investigations de savant. El allait partout fesant sa récolte précieuse retrouvant et colligeant sans cesse dans les livres, sur le marbre et sur la pierre quelque feuillet détaché de la grande histoire de l'église. Pie VI le vit à l'œuvre, et nul doute que ce spectacle n'ait contribué à la réhabilitation du clergé français dans l'esprit de ce souverain pontife , qui se plut à répudier d’injustes pré- ventions et à rendre un éclatant hommage à l'orthodoxie, aux mœurs et au savoir de nos prêtres émigrés. Cependant notre révolution avait débordé sur —— 1849 — les états voisins, et la victoire avait amené le plus grand de nos guerriers près des murs de la cité papale , obligée de traiter avec lui et de payer sa rançon. Une longue agitation s'en était ensuivie dans l'enceinte même de Rome, et là aussi la position des exilés de la France avait cessé d'être sans danger. Contraint de dire adieu à la ville où ül a recu une si bienveillante hospitalité, où il a éprouvé tant de nobles jouissances , l'abbé Castellan renonce à prolonger plus longtemps son exil. Rome a été sa seconde patrie , il ne veut la quitter que pour retourner dans la pre- mière , dans cette France toujours restée chère à son cœur, et du salut de laquelle il n’a jamais désespéré. Il sent aussi le besoin de revoir un vieux père que le ciel lui a conservé dans ces longs jours d'orage. En effet en rentrant en France au mois de juin 4797 , il trouva le sol un peu remis de ses grandes commotions, et plusieurs manifestations non équivoques d’un premier retour des esprits vers les idées d'ordre et de justice. Avant que le 18 fructidor vint nous replonger un instant dans l'anarchie dont nous sortions à peine, l'abbé Castellan fut provisoirement chargé par les au- torités d'Aix de desservir la paroisse de Saint- Jean. De suite un soin pieux l’oceupe: lui , qui connaissait si bien tout ce qu'offrait d’intéressant — 390 — la ville où s'était écoulée sa jeunesse, il n'a plus revu à Saint-Jean le magnifique tombeau des anciens comtes de provence ; le vandalisme ré- volutionnaire l’a détruit comme tant d’autres. Néanmoins un espoir a fait tressaillir Fâme du saint prêtre : la stupide profanation peut s'être arrêtée au monument. Le voilà donc qui fouille lui-même , et recueille avec respect des restes précieux qu'il renferme dans une caisse avec cette inscription : «cette caisse contient les ossemens « du comte de provence Eldephonse E. et de son « fils Bérenger , beau-père de Saint Louis , en « échappés à la destruction de leur superbe « mausolée, l'an premier de la république ; ils ont été déposés iei le 26 août 4797. » Une nouvelle persécution à laquelle l'abbé Castellan dut se dérober , lui laissa à peine le temps de cacher la caisse dans un coin obseur ES de la sacristie, où elle est demeurée jusqu'à li- nauguration , faiteen 1828 , d’un autre mausolée destiné à remplacer l’ancien. L'étude remplit encore les loisirs de cette se- conde proscription, traversée par lui sur les lieux mêmes, et en grande partie au sein de sa famille. Enfin quand une maïn forte eût apaisé ces derniers tiraillements de nos factions affaiblies , ef qu'une saine politique eût rétabliles autels dé- fruits, M. Castellan fut de suite tiré de sa retraite pour aller occuper la enre de Lamhese. Cette — 391 — nomination , émanée du vénérable M. de Cicé , remonte au 6 mai 1802. Le 5 juillet d’après M. Portalis père devenu ministre des cultes , s'em- pressait d'annoncer à son ancien ami que le premier consul venait d’agréer le choix de l’ar- chevèque. Ceux qui ont pu apprécier tout ce qu'il y avaif dans son caractère de sage tolérance et de douceur évangélique , ne seront pas étonnés qu'à peine arrivé dans sa paroisse l’homme de Dicu ait su commander aux vieilles antipathies, dissiper les préventions haineuses et gagner tous les cœurs à sa personne , ainsi qu'à sa doctrine. Les plus farouches , qui frémissaient à l'idée de revoir une robe de prêtre , se sont sentis désarmés à l’ap- proche de cette figure si sereine et si amicale ; c'était un père qui venait au milieu de ses enfants. Dans peu il eut fait un bien infini et renouvelé la face de la paroisse. I! put alors trouver au milieu des fatigues de son ministère, quelques moments de loisir pour reprendre ses travaux chéris , et commencer à écrire les premiers volumes de son histoire des éplises de Provence. Déjàles hommes instruits que renfermait la ville d'Aix, avaient à travers sa bonhomie deviné la vaste érudition du modeste curé de Lambese, qui, plusieurs fois consulté par eux, les avait charmés par son ai- mable simplicité autant que par son prodipieux savoir. M. le président de Saint-Vincens. cet me autre Peirese des temps modernes, avait surtout conçu pour lui un profond sentiment d'estime et d'affection, dont les témoignages sont déposés dans les pages d’une correspondance pleine d'intérêt. Le 50 juin 4808 , cette réputation bien méritée lui valut l'honneur d’être nommé membre corres- pondant de la société qui venait de s'installer à Aix, sous le titre de société des amis des sciences, des lettres , de l'agriculture et des arts, autorisée plus tard à prendre le titre d'académie d'Aix. L'année suivante , lorsqu'on s'occupa du ré- tablissement de notre Faculté de théologie , M. de Cicé, juste appréciateur du mérite , n'eut garde d'oublier l'abbé Castellan sur sa liste de présentation des personnes dignes d'être appelées à l’enseignement sacré. L’archevèque, en annon- cant au curé de Lambesc l'arrêté du 24 novembre 4809 , qui le nommait adjoint pour la chaire d'histoire et de discipline ecclésiastique, ter- minait ainsi sa lettre : «Je suis charmé de la « décision du grand maitre , il ne pouvait fixer « son choix sur un sujet qui fut plus en état de « répondre à ses vues et aux miennes , et tous « ceux qui vous connaissent rendront justice à « son discernement. » El était dès lors visible que cette qualité d'ad- joint indiquait un futur successeur à qui la chaire allait bientôt échoir en entier. L’évènement — 3953 — devanca même les prévisions : le respectable M. d'Eyglunent sentit de suite que le fardeau excédait les forces que son âge et sa santé lui laissaient encore , et dès le 28 décembre 1809 l'abhé Cas- tellan fut appelé à remplacer définitivement ce professeur démissionnaire. La douleur qu'il éprouva en quittant une pa- roisse à laquelle il s'était vivement attaché et qui le payait amplement de retour , lui fit mêler d'a- bondantes larmes à la joie d'un évènement destiné à fixer son sort au gré de ses désirs et de ses goûts les plus chers. Le voilà maintenant revenu dans cette ville d'Aix, qu'il a toujours tant aimée, dans cette ville paisible et belle, résidence de son chef ecclésias- tique et siège des hautes études , toute pleine de souvenirs historiques , de magnifiques églises et de moyens d'instruction, où sa piété et son amour de la science vont se trouver dans leur véritable centre. Il vient y couler le reste de ses jours, pour les consacrer en entier à ses travaux de prédi- lection. El n'aura plus désormais d'autre devoir à remplir, à la charge seulement de communiquer le fruit de ses veilles au jeune espoir du sacerdoce, qu'il devra diriger à travers les siècles sur les pas de l'église , le flambeau de l'histoire à la main. Aix à vu lardeur qu'il a mise à l'accomplis- sement de ce devoir qui fesait son plus grand — 394 — bonheur. Ce n'est pas une science hasardée et superficielle qu'il travaillait à répandre du haut : de sa chaire, mais un enseignement solide et sûr, puisé aux vrais sources et sainement entendu. On nerisquait pas de s'égarer sur ses traces. Jamais professeur n'eut pour guides une critique plus éclairée et une impartialité plus sévère. Qr- thodoxe est aussi bon catholique qu'on peut l'être, nul ne savait mieux démontrer à l’aide de l’histoire comment le dépôt de la doctrine évangélique s'était conservé purdansleseindel'égliseromaine. Et cependant il ne déguisait rien de ce que les passions et les faiblesses des pontifes mortels avaient laissé échapper d'humain à côté de l'œuvre divine. Tant son œil exercé possédait l'habitude de distinguer avec sûreté l’une et l'autre action de ces périssables instruments ,; abandonnés à eux-mêmes dans les choses de ce monde, illu- minés d'en haut pour celles du ciel. Afin de rendre seslecons plus profitables, après avoir un certain temps déroulé les annales sacrées, à la fin de chaque siècle , lhabile professeur re- venant à son point de départ , traçait à ses élèves les règles de discipline ecclésiastique suivies pendant toute cette période; et là encore il prenait soin de leur apprendre à discerner les maximes constantes, bases immuables de la religion, d'avec celles moins essentielles qui varient selon les époques et les lieux. Louables eflorts, qui, puissamment secondés par les dignes collègues qu'on lui avait associés , semblaient devoir ramener les beaux jours de l'ancienne Faculté de théologie d'Aix, et raviver l'éclat de ces chaires sur lesquelles planait l'ombre illustre de Gassendi. D'où vient pourtant qu'un enseignement , si utile à la jeunesse de nos séminaires, n’a joui que peu d'années de la faveur qui l'avait accueilli à son début ? Quelle est cette transformation de la pensée cléricale, qui ne profite du rétablis- sement de l’ancien trône , que pour déserter l’u- niversité de France , et répudier le bienfait de ces cours de théologie, autrefois témoins de tant d’empressement ? Sans rechercher s'il faut attribuer cette con- duite à l'explosion moins génée d’un sentiment de méfiance venu depuis la révolution au cœur du clergé contre le pouvoir temporel, ou au désir de secouer le joug du régime universitaire, ou à telle autre cause, nous ferons seulement ob- server qu'il n’y eût rien qui atteignit la personne de l'abbé Castellan , restée en vénération pour tous. L'on peut même dire que les excellents prélats , qui se succédèrent sur le sièse d'Aix , mirent un soin particulier à lui faire oublier les désagrémens de cette brusque désertion, et à lui prouver qu'il n'avait point baissé dans leur estime. Appelé souvent dans leur conseil, revêtu du .camail , — 396 — investi des fonctions de l'officialité, iln'est marque de distinction et témoignage de confiance qu'il ne recüt de ses chefs. Néanmoins on ne saurait nier que le coup lui fut sensible , abandonné qu'il se vit des élèves en qui son cœur avait mis ses plus douces affec- tions , et contraint de descendre d’une chaire à laquelle il avait voué toute son existence. Ii dut à son caractère élevé , et à son àme sans fiel, une résignation calme et noble, qui ne laissa jamais échapper la moindre plainte. Ambitieux , il aurait pu tourner ses vues d'un autre côté , et aspirer à d’éminentes positions , lesmoyensderéussitenelui auraient point manqué et surtout les protecteurs. Disons-le même à sa louange : des circonstances se sont rencontrées où il n'aurait eu qu'à vouloir ; mais il ne crut point que Dieu lui eût marqué sa place en cet endroit, et que les besoins de la religion lui com- mandassent de quitter ses grands travaux ; non achevés, pour se jeter dans cette nouvelle car- rière. Loin de là , il ne vit dans les loisirs de la si- nécure que les évènemens lui avaient faite, qu'une intention mieux marquée, de la providence at- tachée à le maintenir dans les goûts d'étude qu'elle lui avait inspirés de si bonne heure, et à le pousser à l'accomplissement de la longue tâche qu'ils était im posée. — 357 — Telle est l'idée qui va présider à l'emploi de 45 années de sa laborieuse vie. Le vaste plan sur lequel il a conçu et commencé son œuvre n'exige pas moins de temps et de peine. El s’agit pour lui de rechercher les monuments de tout genre, qui peuvent lui dire ce qu'ont été dans les âges divers, les peuples et les villes de la Provence dont il veut raconter l'histoire religieuse. Que de longues heures employées à déchiffrer des inscriptions , à vérifier des chartes, à consulter des chroniques localés et nombre d'auteurs sacrés et profanes , et à interroger les vieilles traditions restées dans le souvenir des hommes, et les vieux débris épars sur le sol antique ! Rien n'effraie son courage, rien ne lasse son imperturbable patience. C’est à l’aide de ces documens , ainsi recueillis, et des merveilleuses ressources d'une mémoire qui a tout retenu sans confusion, qu'il parvient enfin à terminer un ouvrage , où il le dispute en érudition et en exactitude aux doctes bé- nédictins, auteurs des histoires de Languedoc, de Bretagne, de Lorraine , de Bourgogne , ete. Celle des églises de Provence qui se divise en 60 livres, capables de former huit à dix volumes in-octavo ; remonte aux premiers jours de la prédication de l'évangile et finit vers le milieu du dix-huitième siècle. Elle est précédée d'une notice importante , chargée de nous faire 1 LXk* connaître l'ancienne chorographie du pays , les noms et la position de ses peuplades primitives, son état sous les Romains, les villes gauloises existant en Provence avant l’arrivée des Pho- céens , celles bâties par ces fondateurs de Mar- seille, les colonies des Romains dans la contrée et les villes qui s’y sont formées dans le moyen âge. Deux dissertations, lune sur la religion des anciens Provencaux, l'autre sur l'établissement de la religion chrétienne en Provence, dans le cours du premier siècle, complètent lutile in- troduction placée en tête de cette histoire. L'ouvrage entier est enrichi de notes curieuses et de savantes observations ; qui en relèvent encore le mérite. Mais, ce qui surtout le re- commande aux hommes instruits, c'est l'étendue d’érudition , la sagesse de critique et l'esprit de sagacité que l’auteur apporte dans l'étude des faits historiques. Si l'on peut lui reprocher de ne pas oser toujours se prononcer d’une ma- nière assez décisive ; s'il confronte quelquefois toutes les opinions , expose toutes les raisons pour et contre, sans presque conclure , il n'y a là le plus souvent qu'une réserve qui honore sa modestie, et atteste un sentiment profond des convenances. IL à craint de faillir en adop- tant l'opinion ; même la plus admissible , alors qu'il a encore vu un coin de la question couvert — 359 — d'impénétrables nuages ; ou il a craint de heurter trop ouvertement de pieuses traditions, dont le renversement n'est pas sans danger pour le peuple, incapable de démêler le vrai d'avec le faux. L’accusera-t-on de manquer d'idées générales et d'écrire sans système à lui propre ? Ce serait méconnaïtre le caractère foncier de son histoire essentiellement descriptive et amie de la réalité, plus occupée à reconstruire qu'à juger les siècles passés. La pensée chrétienne, qui circule dans ses différentes parties, suflit à leur union. comme à l'intelligence du plan de l'écrivain. L'on pourrait à meilleur droit lui reprocher d'avoir négligé le style et surchargé le récit de détails et de citations qui en retardent la marche. Toutefois ce style peu soigné ne laisse pas de plaire par sa simplicité même, jointe à une grande netteté. Quant à cette longueur d’une narration naïve , et cette abondance de preuves apportées à l'appui des faits avancés , elles décelent une candeur d’âme.et un amour de la vérité, trop rares de nos jours pour qu'on ne leur pardonne point un peu de pro- hixité. En somme , l'œuvre est belle et patriotique autant que chrétienne. Le jour où la Pro- vence , astre trop tôt éclipsé, achevait d'aller se perdre dans les rayons de la monarchie fran- LR caise , la main pieuse d’un de ses enfants com- mençait un tableau monumental, où tout ce qu'il a pu recueillir de ses traits est venu re- produire sa noble et grande image , environnée d'une sainte auréole. Au reste cet éloge n'est que le résumé des opinions émises par les personnes , à qui des communications plus ou moins étendues ont permis de porter un jugement sur l'ouvrage. Dans le cours de ses travaux , M. Castellan en avait la plusieurs fragments à ses collègues de l'académie d'Aix qu'il aimait à consulter , ainsi que l’attestent la plapart des comptesrendus de cette société savante. Le public lui-même a pu lire quelques-uns de ces morceaux intéressants , dans les Mé- moires imprimés de l'Académie. Nous nous souvenons aussi de l'avoir applaudi à plus d'une séance solennelle. En 1854, il prononca en qualité de pré- sident un discours remarquable au sujet des Salyens, nos plus anciens devanciers sur ce sol antique , véritables Aborigsènes , dont il était parvenu à retrouver l’histoire à l’aide de quelques faibles documens et d’une prodigieuse sagacité. Lä présidence lui avait également été déférée par linstitut Religieux , autre société savante de notre ville, formée depuis peu sous ses aus- pices. Car il éfait devenu dans Aix le guide — 361 — des intelligences tournées vers les études lo- cales, l'oracle et l'ami de la jeunesse laborieuse. Malgré sa modestie, la réputation de son savoir s'était répandue au loin , et il n'y avait point d'hommeillusire dans la science qui , pas- sant à Aix , ne demandât sa demeure et n’en sortit aussi étonné de son érudition qu'enchanté de sa bonhomie. M. Millin, venu pour explorer les anti- quités de la Provence , avait retiré le plus grand profit de ses entretiens avec le docte chanoine. Autant en avait fait NE. le baron de Ladoucette retournant à Paris plein d'estime et d'amitié pour lui. C’est sur la proposition de ce savant qu'en 1850, la société royale des antiquaires de France, admit notre concitoyen parmi ses associés correspondants. Mais le bon abbé s'effraya d’un honneur qui Fappelait à produire le fruit de ses veilles au sein d’une assemblée de la capitale, et il fallut beaucoup d'instances pour lui arracher l'envoi de son excellente dissertation sur les deux com- bats de GC. Marius contre les Cimbres et les Teutons, insérée dans les mémoires de la société en 1832. Aussi plus tard refusa-t-illa flatteuse invitation qui lui fut faite d'accepter une place de membre honoraire de la société philotechnique et de la sociélé francaise de statistique générale. — 362 — D'ailleurs à cette époque, une occupation plus chère l'absorbait tout entier. Notre Faculté de théologie venait d'être reconstituée sous les auspices de feu M. Raillon , et abbé Castellan en avait été nommé doyen à la demande du vénérable archevèque. Plein de zèle et de joie , l’ancien professeur crut devoir retoucher son cours d'histoire et faire participer ses nouveaux élèves aux profits de ses études et de son expérience. El se remit donc au travail avec l’ardeur d’un jeune homme. Jusqu'alors sa brillante santé n'avait éprouvé aucune altération: ce qu'il devait à une vie constamment sobre et réglée, de mème quà la sérénité d'une âme , toujours maîtresse d’elle- même , et que les passions n'avaient jamais troublée. Trop de confiance en cette robuste vieillesse lui devint funeste. En décembre 1834, les fatisgues du cabinet déterminèrent en lui les premières atteintes de l'hématurie qui a fini par le conduire au tombeau. Cependant il monta encore quelquefois dans sa chaire d'Histoire ; et malgré ses souffrances il aurait donné un plus long cours à ses efforts , si bientôt un nouveau temps d'arrêt ne leur avait été imposé par des difficultés qu'à soulevées aujourd'hui la haute sagesse du prélat qui gouverne le diocèse. L'état de sa santé ne lempècha point non plus de se rendre utile pendant les désastres PT du choléra de 4835 dont il brava courageu- sement les fureurs. On le vit même assister avec son édifiante piété à la procession expia- toire du mois d'août. Mais sa maladie empirait toujours, vainement combattue par les soins les plus habiles et les plus empressés. A la fin de 1836 , il cessa de pouvoir sortir, et depuis cette époque Jjus- qu'à sa mort, sa vie ne fut plus qu'un en- chaînement de souffrances qui croissaient chaque jour, en même temps que sa patience et sa résignation. Jamais il ne s’est plaint; dans ses longues nuits d’insomnie, au milieu de ses douleurs , si parfois des paroles un peu plus animées s’échappaient de sa bouche , c’étaient quelques versets des cantiques et des psaumes les plus remplis des louanges de Dieu et du souffle de l'esprit consolateur. Le jour, ne pouvant plus lire ni écrire, ül priait en lui-même , ou s’entretenait affectueu- sement avec quelques-uns de ses meilleurs amis auxquels sa science se manifestait encore nette et instructive ; à travers la visible lassitude de ses organes. Il se plaisait surtout à parler de notre con- quête d'Alser , et à suivre nos armées victo- rieuses sur cet antique rivage , dont la choro- graphie lui était familière , et où ses espérances de chrétien saluaient avec transport la résur- 364 — rection de cette église d'Afrique, autrefois si florissante. Ainsi s'éteignit sa religieuse pensée , occupée jusqu'à la fin du triomphe de lévangile. Hl mourut de la mort des justes, le 25 août 4837, universellement et profondément regretté. Il n'est plus, mais sa mémoire vivra éter- nellement dans la reconnaissance des pauvres qu'il soulagea toute sa vie, et qu'il n'oublia point dans l'acte de ses dernières volontés ; elle vivra dans les souvenirs du clergé de ce diocèse dons il fut l'édification, dans ceux de la Faculté de théologie qu'il a voulu éclairer de son savoir, même après sa mort, en la dotant des livres où il l'avait puisé; dans ceux de notre Académie qu'il enrichit de ses travaux, et mieux encore dans ses précieux écrits, où il s’est si bien peint lui-même avec sa science, sa modestie , sa bonté, sa foi d’apôtre , sa candeur d'ange et sa simplicité d'enfant. C’est là que tout ce qui possède un cœur pro- vençal et religieux s'empressera de venir res- pirer le parfum de sa belle âme, lorsque le dé- positaire de ce trésor aura pu le livrer au publie et satisfaire enfin le désir de ses concitoyens , le sien propre , et celui aussi du savant auteur de l’histoire des églises de Provence. FIN, RECHERCHES BIOGRAPHIQUES SUR MALHERBE ET SUR SA FAMILLE, Par M. Roux -Aipheran. mAcunN sait que Malherbe, célebre poëte français, naquit à Caen vers l'an 1555; qu'ayant quitté sa ville natale à l’âge de 18 ou 49 ans, il s’attacha au grand-prieur de France, Henri d'Angoulème, fils naturel du roi Henri KE; qu'il suivit ce prince lorsque celui-ci vint en Provence , et qu'il se maria à Aix d’où il alla s'établir à Paris, sur la fin de l’année 1605 ; qu'il eût plusieurs enfans dont un seul parvint à l'âge mûr et périt misérablement; enfin quil mourut en 1628, peu de jours avant la réduction de la Rochelle à l'obéissance de Louis XII. Mais ce qu'on ne sait pas, c'est le nom de son père, ni celui de sa mère ; quels étaient ses frères, ses sœurs et les autres membres de sa famille; quelles furent son éducation, sa fortune 12 TE et les particularités de sa vie, avant l'époque où Racan fit sa connaissance. On ignore surtout qu'à l'âge de cinquante ans seulement , il adopta le nom de Macnerse, tel qu'on l'écrit depuis lors, tandis qu'auparavant il l'écrivait et signait Marenee sans n, ou plutôt Demarense en un seul mot. On ignore enfin la date précise de son mariage et celle de sa mort. Les biographes qui ont parlé de lui, se sont copiés à cet épard, mot à mot, sans rien ajouter à ce qu'a dit Racan , et ce qu'ils en ont rapporté, manque absolument d’exactitade, ainsi que je le ferai remarquer dans le cours de cette Notice. J'ai publié en 1825, une partie de mon travail sous le titre de RecnencREs prOGRAPRIQUES sur MALHERBE, adressées à MM. les Maire, Adjoints et Membres du Conseil Municipal de la Ville de Caen (4). Mais ayant fait depuis lors de plus amples recherches sur la vie de cet illustre restaurateur de la langue et de la poésie francaise , j'ai formé du tout un nouveau travail auquel je conserve le titre du premier , et que je _soumets aujourd'hui à l'Académie d'Aix, qui veut bien me compter au nombre de ses membres. (1) 28 pages in-8° tirées à un très pelit nombre d'exemplaires, à Aix, chez Pontier, imprimeur. — Vid. la Bibliographie de la France, journal général de l'imprimerie et de la librairie, année 1825, page 421, n° 3472. — 867 — J'ai découvert, avec assez de peine, le contrat de mariage passé entre Malherbe et Magdelaine de Carriollis, d'une noble et ancienne famille de cette ville, qui a donné un grand nombre de magistrats aux Cours souveraines de Provence, et qui s'est divisée en plusieurs branches (1). Cet acte est à la date du 1° octobre 1581, et fut recu par Abel Hugoleni, notaire d'Aix, dont les écritures étaient en 1825, au pouvoir de feu M° Perrin, notaire, qui me permit d'en prendre une copie, et de faire calquer la signa- ture de Malherbe, laquelle fut fidèlement retracée dans le fac-simile joint à ma première édition, Je la reproduis ici en l'accompagnant du fac- simile de trois autres signatures du même, ainsi que je le dirai ci-après. Cette signature est apposée jusqu'à sept fois sur la minute de ce contrat de mariage (2), où (1) Jusqu'à la fin du 16° siècle, elle a écrit son nom Carriollis, qu'on écrit et qu’on prononce Coriolis, depuis que l'usage de la langue française est plus répandu en Provence ; carles gens du peuple continuent à prononcer Carriollis. La branche à laquelle appar- tenait la femme de Malherbe, possède depuis 1651, le marquisat d'Espinouse sous le nom duquel elle se dis- tingue des autres. Elle a fourni sept présidens à mortier au parlement d’Aix, de père en fils, depuis 1568, jusqu’en 1786 , et réside aujourd'hui à Paris. (2) Savoir : en marge de la premiére page pour approuver la rature de sept mots nuls (#4. la note sui- — 308 — l'on voit que Malherbe signait son nom précédé de l'article de, en un seul mot et sans n : DEMALERBE , ainsi que ce nom se trouve écrif maintes fois dans ce contrat dont voici les pre- mières lignes : «€ L'an milcinq cens huitante ung et le premier «€ jour du moys d'octobre après midi saichent tous « présents et advenir que comme ainsin soyct « que mariage soyct esté traicté par parolles à « l'advenir entre Mons.’ Françcoys de Malerbe « Escuyer de la ville de Caen en Normandie, « fils à Mons." Me Francçoys de Malerbe (1) et « de Damoyselle Loyse de Valloys d’une part vante); au bas du recto de chacun des 1‘, 2°, 3°, 4# el 5° feuillets et vers le milieu du 6° où finit l'acte, et où se trouvent aussi les signatures de l'épouse , Magde- laine de Carriollis;, d'Anne de Carriollis, sa sœur, veuve de Pierre Margalet sieur de St. Auquille; de Claude Margalet fils d’Anne de Carriollis; de quatre témoins et du notaire. Fol. 389 du registre, et seq. (1) I y a ici sur la minute : Conseillier du Roy au Parllement dudict pays. Ces sept mots sont légèrement effacés par un trait de plume, et il est dit en marge qu'ils ont été rayés du consentement du sieur de Malerbe. Qu'ils ‘aient été rayés lors de la signature du contrat ou plus tard, toujours en résulte-t-il, selon moi, que Malherbe s'était fait passer , en arrivant à Aix, pour le fils d’un conseiller au parlement de Normandie, et le notaire avait cru devoir lui donner cette qualité en rédigeant son acte. -— 369 — « et Damoyselle Magdallene de Carriollis fie «© a M' M°Loys Carriollis Conseillier du roy _« et Président au Parllement du présent pays _« de Provence et à feue Damoyselle Honorade « d'Escallis d'aultre. Or est-il que personnelle- « ment constitués en présance de moy Notaire « royal soubsigné et des fesmoings cy-après « nommés, ete., ete. » Ce contrat de mariage fut passé, y est-il dit, dans la maison Margalet , que Malherbe à con- tinué d'habiter depuis, pendant tout le temps qu'il a demeuré à Aix. Cette maison était située à la rue Courteissade (4), ainsi qu'il est prouvé par plusieurs quittances de loyer concédées à Malherbe , notamment en 1603 et 1604, devant Louis Gazel, Notaire d'Aix (2). Sa signature y (1) Je vois dans un acte du 3 décembre 1585, que les Margalet possédaient à la rue Courteissade , une maison attenante à un moulin à huile, lequel d’après ce que j'ai lu dans les registres des censes que percevait le Chapitre d'Aix, est le même que celui qui y existe encore aujourd'hui, sur la gauche en entrant dans cette rue par celle de Nazareth. Du temps de Malherbe, la rue Courteissade dépendait de la paroisse S'°-Magde- laine, celle deS'-Jérôme(vulgairementdite du St.-Esprit n'ayant été érigée qn'en 1670. Et c’est bien à la Magde- laine que furent baptisés les deux fils de Malherbe Henri et Marc-Antoine. (2) Ses écritures se trouvent chez M° Pissin, qui me les:a communiquées avec beaucoup de politesse. — 370 — est la même qu'au contrat de mariage de 1581 , à la seule différence qu'elle a été tracée par une main plus pesante, et qu'elle est précédée des lettres Fr, initiales du prénom François , mais toujours sans H: FR. DEMALERBE. C'est celle que j'ai fait graver dans la planche ei-jointe , sous numéro 2. Le P. Bougerel, de l'Oratoire, assure dans la vie de Scipion Dupérier (1), célèbre Avocat au Parlement d'Aix, mort en 1657, que Fran- cois Dupérier, père de Scipion, et connu par ses liaisons avee Malherbe, avait eautionné la somme que la femme de celui-ci lui avait ap- portée en dot : j'ignore où le P. Bougerel a puisé ce fait; mais il est certain que François Dupérier n'assista pas même au contrat de ma- riage de Malherbe dent il fut depuis le meilleur ami (2). (1) Hommes illustres de Provence, page 127, note. La même Vie a été réimprimée en tête des OEuvres de Scipion Dupérier, 3° édition, en 3 vol. in-4?°. (2) C’est à lui que Malherbe adressa ces belles stances qui commencent ainsi : Ta douleur, Dupérier, sera donc éternelle? Ni était petit-fils d’un Conseiller de l'institution du Parlement de Provence. Quelques éditeurs des poésies de Malherbe le nomment Charles Dupérier, et disent que le P. Bougerel a écrit sa vie. C’estune double erreur — Sn — El existe parmi les manuscrits de la biblio- thèque publique d'Aix, une Ænstruction de Ma- lerbe à son fils, écrite en cette Ville, au mois de juillet 4695, et dans laquelle le père , près de quitter la Provence , donne à son fils le détail de ses affaires domestiques , après lui avoir fait connaître les différens personnages de sa famille, loin de laquelle il est né. Cette pièee n'est point autosraphe , ilest vrai, mais fout en atteste l'authenticité : le ton de vérité qui y règne d'un bout à l'autre ; l'exacti- tude des citations des actes qui y sont men- tionnés, et dont les originaux existent, pour la L'ami de Malherbe s'appelait François, et c’est la vie de Scipion son fils que le père Bougerel a fait imprimer. Leur postérité mâle s’est éteinte depuis environ 50 ans. Charles Dupérier, poète latin estimé, mort en 1692, élait le neveu de Francois et le cousin germain de Scipion. Il était né à Aix le 31 janvier 1622, de Claude Dupérier , Gentilhomme du Duc de Guise, Gouverneur de Provence, et d'Anne de Moriès. D'un autre fils de ce Claude, sont descendus l’aimable traducteur de Ri- chardet, le feu général Charles-François Dumouriez, son fils, mort en 1823, et un autre Charles-Francçois Dupérier Dumouriez, mort évêque de Bayeux, en 1827. Voyez les mémoires du Général Dumouriez, ch. 1, où, par une faute d'impression le mari d'Anne de Moriés est nommé François au lieu de Claude Dupérier. Leur contrat de mariage que j'ai sous les yeux, est du 24 octobre 1619. — 372 — plupart, dans les écritures de divers notaires d'Aix; enfin, le témoignage de M. le Marquis de Méjanes , fondateur de notre Bibliothèque , qui, en admettant cette copie dans ses recueils , nous prouve assez implicitement qu'il la tenait de bonne source (4). (Al y a d’autres que nous », dit Malherbe dans cette instruction que j'accompagnerai ici de quelques notes; Qil y a d’autres que nous qui « portent le nom de Malerbe en Normandie; « mais à la distinction de ceux-là, nous nous « appelons Malerbe de St.-#gnan. « La terre de St.-Agnan, à cinq lieues de « Caen, du côté du Bocage, n’est plus à notre « maison, quoiqu'elle s'appelle toujours St.- « Agnan le Malerbe. Elle fut vendue par un « de nos prédécesseurs pour Île voyage de la « Terre-Sainte. « Plusieurs autres terres portent encore le « nom de notre maison, comme Neuilly le « Malerbe et autres, et toutefois ne sont plus « à nous; les unes ayant été aumônées aux (1)Je suis persuadé que M. de Méjanes, mort en 1786, tenait cette copie de M. le président de Boyer d’Egquilles (frère du fameux marquis d'Argens ), mort en 17385, dont les ayeux avaient recueilli les papiers et les livres de Malherhe comme on le verra dans cette Notice; et si l'original a disparu, c’est pendant la révolution, lors de l’émigration de MM. d'Éguilles. « « « — 373 — Eglises, comme Bleville, par Fouques Ma- lerbe à Yabbaye de Caen, comme il paraît par la fondation ; les autres ventues ; et les autres par mariage, passées en mains étrangères . comme celle de Jouy en Picardie, fut, par une fille de notre maison (1) , avec plusieurs autres, emportée en la maison de Pellevé, où elle est encore aujourd'hui. «En la chronique de Normandie , il y a un chapitre exprès des Seigneurs, Princes , Che- valiers et Barons qui accompagnèrent le Duc Guillaume à la conquête d'Angleterre, entre lesquels est La Haye Malerbe, d'où nous sommes sortis, lequel était Baron de La Haye en Côtentin; et parce que l'on pourrait dire que ce pourrait être de l'autre race de Ma- lerbe que l’on appelle Malerbe de la Méauffe ; cela se résout pour nous, parce que le Duc Guillaume ayant fait peindre toutes les ar- moiries des maisons illustres qui l'avaient suivi au voyage d'Angleterre, les nôtres se trou- vent en ce nombre, tant en une salle de l'abbaye de St.-Étienne de Caen , quiest de sa fondation qu'en une de Fabbaye de St-Michel, au rivage de la mer, en Basse Normandie. Nos armoiries sont d'argent à six roses de (1) Jeanne de Malherbe, dame de Jouy, aïeule du fameux Cardinal de Pelleré. 2 « « — 374 — gueules, et des hermines de sable sans nombre. « Mon père (4) peut aujourd'hui posséder six ou sept cents éeus de rentes, selon l'estimation que je lui en ai oui faire plusieurs fois, et même dernièrement quand je partis de Nor- mandie au mois de décembre 1599. « Mon grand-père était cadet de sa maison. Son ainé était Seigneur de Mondeville , Merville, et plusieurs autres terres. «€ Ma prand'mère paternelle était de la maison d'Ellebœuf, où il y avait alors cinq ou six terres nobles, desquelles par mauvais ménage, il en est à peine demeuré une aux mains de l'héritier. « Ma mère s'appelle Louise de Vallois, fille de Henri le Fallois, Seigneur d'Ifs, à demi- lieue de Caen, et de demoiselle Catherine le Joly, héritière de plusieurs biens roturiers , tant à Brelteville la pavée qu'a Louviqgny. De ce Henri de Vallois, sieur d'Efs et de ladite Catherine le Joly, sortirent plusieurs enfans , desquels ceux que j'ai vus sont : Louise de Vallois, ma mère, Jean le Vallois, Charlotte et Marie le Vallois. (1) Malherbe ne le désigne pas autrement; mais nous avons vu, par le contrat de mariage rapporté ci-dessus, que son père s'appelait François comme lui. ne « Charlotte et Marie sont toute: deux décédées : « Charlotte sans enfans et Marie, qui fut mariée « au sieur de Maizet, a laissé un sien fils, marié « aujourd'hui à une des filles de Fontaine- « Estoupefour. « Jean de Vallois, Seigneur d’Ifs, leur « frère et mon oncle, fut marié en première nôces «avec une sœur du sieur de £Lamberville, « maître des requêtes, et depuis, l'une de ses « héritières. « De ce mariage était sortie Marie le Vallois, « fille unique, qui mourut un quart d'heure après -« sa mère, l'an 4587. ce me semble. « Mon oncle se remaria avec demoiselle « Jeanne de Maimbeville. sœur et lune des « héritières du sieur de Comians. De ce mariage « sortit une fille qui est aujourd'hui mariée avec « Francois de Malerbe. sieur deiBouillen(®) et « d'Escousebœuf (2), qui est l’ainé de notre mai- « son. Elle peut avoir aujourd'hui seize ans. « Son père (5) mourut peu de temps après (1) Dans l'ancien recueil des lettres de Malherbe, on en trouve un grand nombre qui sont adressées à son cousin de Bouillon Malherbe. (2) Peut-être faut-il lire Escorchebœuf , nom d’un ch4- teau de Normandie. Tous ces noms propres’ sont assez mal écrits dans la pièce que je copie. (3) C’est pour cet oncle que Malherbe fit cetie épitaphe, « — 376 - qu'elle fut née , si bien, quelle est demeurée seule héritière de ladite terre d'Ifs et des biens situés à Bretteville la pavée , qui avaient appartenu à ladite Catherine le Joly, sa grand mère et la mienne. Dieu la fasse vivre et lui donne des enfans (1)! Sielle n'en avait point, mon cousin de Maizet, sorti de ladite Marie le Vallois dont j'ai fait mention, et nous, en serions héritiers. S'il n'y a autre bien que le noble, nous l'emporterions par- dessus mon cousin de Maizet, parce que nous sommes sortis de Louise de Vallois, fille ainée dudit Henri de Vallois sieur d'Efs; et qu'on lui a reprochée, et qui n’est, sans doute, qu'une plaisanterie : Ici dessous git Monsieur d’7s. Or plat à Dieu qu'ils fussent dix! Mes trois sœurs, mon père et ma mère ; Le grand Eléazar mon frère ; Mes trois tantes et Monsieur d’Js. Vous les nommai-je pas tous dix ? (1) Elle mourutavant Malherbe ; car dans les lettres de celui-ci, on en trouve une sans date, adressée à son cousin de Bouillon à raison de la mort de sa femme qu’il dit avoir été une des meilleures et des plus aimables femmes du monde; et comme Jean de Vallois, seigneur d’Ifs, son père, était mort bien avant elle, il s’ensuit que Ménage était mal informé lorsqu'il à dit à l’occasion de l'épitahe ci-dessus que Malherbe était l'héritier de son oncle. « « encore l'emporterais-je au préjudice de mon frère, parce que je suis son aîné, et le premier de tous les enfans sortis de mesdits père et mère. « Nous avons été neuf enfans : François . Jeanne, Éléazar (4), Pierre, Josias, Narie, Jeanne , Étienne et Louise. Jeanne la pre- mière, Josias et Étienne sont morts en en- fance. Pierre mourut à Lisieux, au retour du siépe de la Fere. Je crois que lors il n'avait que dix-sept ou dix-huit ans. « La seconde Jeanne décéda il y a environ huit ou neuf ans, et a laissé plusieurs enfans males, ayant été mariée avec le sieur Fau- connier , trésorier de France. «€ Marie est mariée au sieur de Reveillon- Putecoste, dont elle a des enfans. «€ Louise est veuve du sieur de Colombiers- Guerville, et a un fils et une fille. Elle fut mariée cependant que j'étais en ce pays-ci, au second voyage que j'y ai fait. Le sieur de Colombiers son mari décéda de peste en l'année 1598, au mois d'août, le même jour que j'arrivai à Caen, si bien que je ne lai point vu. (1) C’est ce frère avec lequelil fut, dit-on, longtemps en procés. On voit qu’il était le cadet de Malherbe et non son ainé, quoiqu'en disent les biographes. — 378 — « Mou frère est marié avec demoiselle Marie « Lambert, dame en partie de la terre d'Ouville. w - . - « près Falaise. En faisant son mariage, mon « père lui donna un état de Conseiller au siège « Présicial de Caen, qu'il lui avait baillé dès « l'an 83 ou 84 (4).................... CPS ote sole. c'e: fellels,e ee cote et olale e Re terete. « « Pour moi, en l'année 1576, je partis de « chez nous au mois d'août, et n’y revins qu’au « mois d'avril 1586, dix ans après. Dans cette « absence, je n'ai pas eu un liard de la maison. « Comme j'y fus arrivé audit an 86 au mois « d'avril (2), ma femme m'y suivit au mois de (1) Voilà qui doit fixer, ce me semble, les incerti- tudes sur l’état du père de Malherbe. Les uns le font Conseiller au Présidiai, les autres simplement Assesseunr à Caen. (2) Ainsi, Malherbe n’était pas en Provence à l'époque de la mort du Grand-Prieur de France Henri d’An- goulème, arrivée à Aix le 2 juin de la même année 1586. Il n’est même revenu dans cette ville qu'au mois de mai 1595 , comme il le dit plus bas. Il ne s’y était donc pas fixé dès la mort du Grand-Prieur, ainsi que l’assurent les biographes, el comme on le croità Aix , sur ce qu’en dit Pitton, en son histoire d'Aix, page 607. C’est pourquoi je ne crois pas du tout à ce qu’on rapporte du commandement d’une compagnie qui lui fut donnée au siège de Martigues, et jusqu’à une preuve positive, on m'objecterait en vain que Autrefois à Racan, Malherbe l’a conté. Il y a plus, ce siège de Martigues me parait de pure a « juillet ensuivant, et dès le mois de septembre « nous nous retirèmes au logis de ma cousine « de Mondeville, vivant du nôtre , sans aucun « secours de ma maison, que peut-être un « tonneau de cidre. De-là vint que je fus con- « traint d'emprunter six cents écus de M. de « Villars , trois cents du capitaine Benoit , et « trois cents du sieur Fauconnier (4),. .... « de toutes lesquelles sommes il m'a fallu entre- « tenir avec ma famille, depuis ledit an 86 en « septembre, jusques en lan 95 que ma femme «s’en revint en Provence. Après qu'elle fut « partie, je me fins toujours séparé , et n'allai « que fort rarement manger chez mon père. invention, car il n’en est parié daus aucune des nom- breuses histoires de Provence, imprimées ou manus- criles que j'ai compulsées avec soin. Cependant ce dra- peau noir arboré, dit-on, par le dernier habitant vivant le seul que la peste aurait épargné, méritait bien, ce me semble, d’être mentionné par les historiens du pays. Cette anecdote serait donc un conte fait à plaisir, par Malherbe, Racan, Tallemant des Réaux ou tout autre. Les savants abbés Joly et Goujet ne doutaient pas que la vie de Malherbe attribuée à Racan, n’eut subi de nombreuses allérations ( Biblioth. Franç. tom. xv, p.183). La présente notice en donne la preuve en plusieurs endroits. (1) Malherbe avait déjà parlé de cet emprunt par lui fait au sieur Fauconnier, et pour lequel un de ses cou- sins nommé Pierre Malerbe de la Pigacière avait été sa eaution. —: 380 — «En l'an 95 au mois de mai, je m'en revins en Provence , d’où je ne fus de retour (4) que jusques en 98 , au mois d'août. «€ Durant l'absence de ma femme. ma fille Jourdaine fut nourrie chez mon père, avec Magdelaine , fille de ma sœur de Reveillon , Jusques au mois de juin 1599, qu'elles décé- dèrent de la peste en même semaine. « Audit an 1599, au mois de décembre, je partis de Normandie, et m'en revins en ce pays où je suis encore aujourd'hui 8605, ce deu- xième de juillet. « De toutes lesquelles choses il se voit le peu de dépense que j'ai faite à mon père; et pour l'entretien des écoles , je n'ai jamais été qu'un seul mois en pension chez les Philippes à Caen; à Paris, un an avec mon cousin de Mondeville le jeune; puis derechef à Caen chez Varion; un an sous Lamy mon précep- teur, et après sous Dinot (2) environ six ou sept mois à Caen. et enfin sous lui-même deux ans en Allemagne (3). (1) En Normandie. (2) Probablement Æichard Dinoth, de Coutances ; auteur protestant, mort vers la fin du 16° siècle. (3) I n’est nullement question dans ce paragraphe du professeur Jean Roussel, sous lequel on dit que Maherbe étudia à l’université de Caen. « A] « « « « —-381 — « Mon frère a été aussi longtemps à Paris et en plusieurs pensions à Caen. Quand il n'a pas été en pension ; il a eu un précepteur en la maison. « J'ai discouru tout ceci, afin que si mon frère, de bonne foi, ne voulait faire raison à mon fils, il ait de quoi se la faire faire. « Dieu me fera, s’il lui plaît, la grâce de vivre pour le délivrer de cette peine, ét lui con- server ce que la nature lui à donné. « J'ai ici une déclaration que mon père m'à envoyée, par laquelle il me reconnaît, et après moi, mon fils Marc-Antoine son héritier en la moitié de tous ses biens présens et à venir. Ladite déclaration est du 24 septembre 1602, passée à Caen devant Horace et Forestier et Nicolas Roque , tabellion dudit Caen (1). « Ma femme est Magdelaine de Carriollis , fille de M. Louis de Carriollis (2), Président (1, Ces trois noms sont très mal écrits; c’est pourquoi j'avais omis ce passage dans ma première édition. Je le donne dans celle-ci, pour qu'on puisse faire des recherches à Caen si la fantaisie en prend à quelqu'un, et on verra par là que le père de Malherbe vivait encore en 1602, quoique tous les biographes le fassent mourir près de trente ans plutôt. (2) Né à Aix, en 1524, il suivit le parti des armes et perdit une jambe au service du roi, d’où vient qu'on Yappela depuis la jambe de bois. Reçu conseiller au par- — 382 — « au Parlement de Provence, et de demoiselle « Honorée d'Escallis. « Son bien consiste en trois mille écus mis « sur la communauté de Brignolles , et huit « cents écus constitués en rente sur la ville de @ Hormone Ce ES ; « Le jeudi 44 décembre 4600, environ onze « heures du soir, naquit Marc-Antoine mon fils, « et de demoiselle Magdeleine de Carriollis, « fille du feu sieur Président Carriollis. « Et le vendredi 45 du mème mois, il fut « tenu sur les fonts (1) par M. Laurent de Car- L Sue, sale e Lie e ‘ete 'e Le ze lioilfe] eÿtre e . lement, en 1554, ensuite président en 1568, il soutint avec zèle et fermetè les droits d'Henri EL et d'Henri IV, contre les fureurs de la ligue, et se mit à la tête de cette partie du parlementqui, demeurée fidèle à la cause du bon Henri, sortit de la ville d'Aix et alla tenir ses * séances à Pertuis, à Manosque et à Sisteron. Les roya- listes de ces quartiers et son corps lui-même le deman- dèrent au roi en qualité de premier président; mais Heori IV lui en préféra un autre, et il se retira à Avi- gnon où il mourut le 9 juin 1600, âgé d'environ 76 ans. (1) Dans l'Église paroissiale Ste-Magdeleine d'Aix, comme il résulte du registre de celte paroisse, année 1600. Je disais dans ma première édition que ce Marc- Antoine était le seul des enfans de Malherbe dont on trouve l'acte de baptème dans les registres des paroisses d'Aix. C'est une erreur : car dans celui de la même paroisse Ste Magdelaine 1585, onlit à la date du {*" août, — 383 — « riollis (Â) aussi Président au Parlement de « Provence, frère de ma femme, qui lui donna les « noms de Laurent-Marce- Antoine. Madame de « Margalet, Anne de Carriollis, sœur de ma « femme, fut sa marraine. Le nom seal de « Marc-Antoine lui est démeuré. l'acte de baptême de Henri de Malerbe, fils de François et de Magdelaine de Carriollis, sa femme, dont le parrain fut Henri d'Angoulême, grand-prieur de France et gouverneur de Provence, etc. Cet //enri mourut enfant et c’est de lui, comme de Jourdaine, née et morte en Normandie, que Malherbe dit dans ses stances à Dupérier : De moi, déjà deux fois d’une pareille foudre Je me suis vu perelus, etc. (1) H prit une grande part aux premiers troubles arrivés à Aix en 1630 et 1631, et se jeta dans le parti du duc d'Orléans, frère de Louis XELE, contre le cardinal de Richelieu, à raison de quoi il fut condamné à perdre la tête, ses biens et sa charge confisqués, et sa maison d'Aix rasée, le 29 octobre 1632. Il se sauva à Barce- lonve où, quoiqu'il fut vieux et devenu aveugle, il dounait des lecons de droit pour subsister. Rentre en France et espérant se réfugier dans le Comtat Vénaissin pour être plus à portée de sa famille, il fut enlevé sur la route et conduit à la Tour de Bouc, où il passa misé- rablement le reste de ses jours, dans le plus affreux dénüment, supportantson malheur avec le courage d’un philosophe et la résignation d’un chrétien. (Voyez les historiens de Provence, de la ville et du parlement d’Aix.) « — 384 — « Madame de la Vérune, Jourdaine dé Montmorenci (4), qui avait été en Normandie marraine de ma fille Jourdaine, se trouvant ici au mois de novembre 4600, pour la récep- tion de la reine Marie de Médicis (2), vint voir ma femme qui pour lors était grosse et n'avait plus qu'un mois à s'accoucher. La de- moiselle de Bois-Royer sa cousine était avec elle. « Lorsque ma femme s’est accouchée, j'avais avec moi un serviteur que j'avais amené de Normandie, nommé François Waxienne , du lieu de Plissy (5. € Un nommé Mahent messager, qui a fait plusieurs voyages en ce pays, y a vu mon fils Marc-Antoine toutes les fois qu'il y est venu. «El y à un an ou environ que lun des fils du sieur de Naud-Londel de Caen, et un nommé la Racinière marchand de Caen, étant en cette ville, me vinrent voir et virent mondit fils. (1) Jourdaine Magdelaine, fille de François Il de Montmorenci, seigneur de Hallot, mariée en 1591 à Gaspard de Pelet, vicomte de Cabanes, seigneur de La Vérune, gouverneur de la ville et château de Caen, lieutenant-général en Normandie. (2) Le 17 novembre 1600, cette reine fit son entrée à Aix, où Malherbe lui présenta une de ses plus belles odes. fid. le recueil de ses poésies. 3) Peut-être faut-il lire Plessis. « « -— 389 — «€ Un peintre nommé Jean Decayé ; fils d'une. qu'on appelait Francoise Decayé, tapissière, et qui a montré à mes sœurs à coudre en tapis- serie, a fait le portrait de mondit fils farce; Antoine, lequel portrait je porterai à mon père ({), Dieu aidant, au voyage que je vais y faire. Ledit Decayé fit ce portrait en l'année 4605, au mois de juin, durant lequel temps il a séjourné en cette ville. « Un nommé Jean le Bas, jeune garçon de vingt-ans , fils à ee qu'il dit de Gilles le Bas , voiturier de Caen à Paris, à aussi vu mon fils, étant en cette ville au service de Madame de Castellane. « Un autre jeune homme qui se dit ètre de Caen, nommé Jean Lucas, frère d'un nommé Satière, précepteur d'enfans en l'université de Caen, n'est venu servir au commencement du présent mois de juillet 1605. Un autre ménuisier de Caen, nommé , qui depuis travaille en cette ville, a vu mon fils Marc-Antoine, comme aussi une infinité d'autres ; ce que j'ai voulu écrire ici, parcequ'il arrive quelquefois que (1) On voit par là que le père de Malherbe vivait encore en 1605, quoiqu'il soit dit dans toutes Îles biographies qu'il était à la fin de ses jours, lorsque son fils partit de Caen, environ trente ans auparavant. — 386 — ceux qui sont nés Join de la maison de leur père sont méconnus de leurs parens qui veulent s’attribuer la part qui leur doit appartenir. Je ne crois pas que mon frère le voulut faire ; £ RL Æ £& £ mais il n'y a point de mal de laisser les choses « avec plus de lumières que lon peut, vu que « le temps n'y met toujours que trop de ténèbres. RD 0 de dote 878 ele dote, se eee te slelereretete )) Tels sont les passages les plus importans de cette Ænstruction (1) que Malherbe termine, en protestant devant Dieu que ce qu'il a écrit est la pure vérité. rois inutile de la transcrire en entier Je cro Ule de la t tier , le publie n'ayant que faire de ce qui est relatif à différens procès soutenus par Malherbe dans l'intérêt de sa femme ; à divers actes qu'il a passés tant en Provence qu'en Normandie, etc. El ne peut être question ici que de ee qui concerne sa famille , son éducation, sa fortune, son séjour à Aix ou à Caen, etc. J'ai remarqué plus haut que cette instruction qui renferme souvent des détails bien minutieux, ne fait pas connaître le prénom du père de Malherbe. J'ajoute que la date de son mariage avec Magdelaine de Carriollis ne s’y trouve pas (1) Cette pièce commencée à Aix le 2 juillet 1605, y fut achevée le 29 du méme mois. -— 387 — non plus, quoiqu'il y soit fait mention des deux premiers mariages contractés par cette dame. En effet, lorsque Malherbe l'épousa en 1581, elle était deux fois veuve : 4° de Jean Bourdon, écuyer d'Aix, seigneur de Bouc (À), duquel elle eut un fils, dont Malherbe parle dass l'instruction précitée. 2° De Balthazar Catin, sieur de SE Sa- vournin (2), lieutenant du Sénéchal au siége de Marseilie, dont elle n'eut point d'enfans. Aucun de ces deux maris n'a jamais été conseiller au Parlement d'Aix, bien qu'il soit dit dans toutes les biographies que Malherbe avait épousé la veuve d'un conseiller en cette Cour souveraine: C'était probablement une vanterie de Maïherbe, en Normandie ou à Paris, tout comme en Pro- vence il s'était donné, en y arrivant, pour le fils d'un conseiller au Parlement de Nor- mandie (3). (1) Contrat de mariage du 16 février 1573, reçu par Barthelemy Catrebards, notaire d’Aix. (2) Contrat de mariage, du 16 avril 1577, reçu par le même Barthelemy Catrebards. Il est surprerant qu'on n'ait remarqué nulle part ce double veuvage. — Balthazar Catin était un petit hamme bossu , au rapport de César Nostradamus , en son histoire de Provence, page 796, où il est parlé de Malherbe, que l’auteur appelle notre vieil et trés singulier ami. (3) V. ci-dessus, p. 368, note 1. V. aussi la note 2, p. 378, relative à un prétendu siége de Martigues. — 388 — On croit généralement que c'est en qualité de &rentilhomme, que Malherbe était attaché au Grand-Prieur de France, Henri d'Angoulême (4), Gouverneur de Provence, fils naturel de Henri EE. Deux actes irrécusables nous appren- nent que Malherbe était seulement secrétaire de ce prince. L'un est une décharge de papiers donnée par un procureur, le 18 novembre 1581 (2), à Magdeleine de Carriollis, femme de Monsieur Francois Malerbe Escuyer de Caen et pre- mier Secrétaire de Monseigneur le Grand- Prieur de France , etveufve en première nopces de Capitaine Jehan Bourdon, etc. L'autre est un arrèt du Parlement d'Aix, en date du 49 décembre 14590 (5), donné sur la yénéralle discussion des biens du feu sieur Grand-Prieur de France. — Francois Malerbe y est nommé trois fois comme Secrétaire du Prince : dans le nombre des créanciers deman- deurs; dans le vu des pièces, et dans le dispo- sitif de l'arrêt. (1) Ce Prince avec qui vint Malherbe, arriva à Aix, au mois d'août 1577, pour commander en Provence en l'absence du maréchal de Retz. Il n’eut des lettres de Gouverneur qu'au mois de mai 1579. (2) Devant Abel Hugoleni, notaire d’Aix, déjà cité. (3) Deuxième registre des arrêts publiés à la Barre , en 1590, 11° cahier. — 389 — Le P. Papon nous a conservé, d'après les lettres manuserites de Saurin, deux anecdotes concernant Malherbe ; que je crois pouvoir rapporter ici. « Le Grand-Prieur, dit-il (4), faisait des « vers sur lesquels Malherbe avait la liberté de « dire son avis sans crainte de l’offenser. Un « jour ce Prince voulant l'éprouver en fit qu'il « donna à apprendre par cœur à Dupérier , avec « ordre de les réciter après diné, comme sil «en était l'auteur. Le Grand - Prieur, après «les avoir entendus , les loua beaucoup, et « demanda à Malherbe comment il les trouvait : « mauvais, répondit le poëte, el c'est vous « Monseigneur, qui les avez faits. » « Malherbe, continue le P. Papon, épousa « à Aix, la fille du Président Louis de Coriolis, « veuve ct déjà âgée ; comme ses amis le « badinaïient sur ce mariage (2), il répondit «que c'était une licence poëlique. » (1) Histoire générale de Provence, in-4°, tome 4, page 255, note. (2) Voyez page 387, la note 2 relative à Balthazar Catin. Au reste, elle ne pouvait pas être bien âgée lorsqu'elle épousa Malherbe en 1581, puisque sa mère dont elle était la troisième fille ne s'était mariée qu'en 1548, et qu'elle ne mourut elle-même qu'en 1630, comme on le verra plus bas. IT est aussi à remarquer qu'elle mit au monde son fils Marc-Antoine en 1609, ce qui n'annonce pas un âge fort avancé à celte époque. 390 Les principaux amis de Malherbe à Aix. étaient: Francois Dupérier dont jai déjà parlé , Fun des beaux esprits de son temps, qui cultivait avec assez de succès la poésie et la numismatique ; César Nostradamus, historien de Provence, poëte, peintre et excellent joueur de luth; Louis de Gallaup-Chustueil, auteur de plusieurs pièces de vers qui n'étaient pas sans mérite (4); Jean de la Cépède, Conseilier au Parlement ; ensuite premier Président de la Chambre des Comptes, dont on a quelques poésies sacrées ; Francois d'Escallis (2), N... de Villeneuve la Garde, et autres dont les ouvrages sont aujourd'hui oubliés, mais qui formaient à cette époque, une Société de Gens bien nés, aimables et instruits, sur lesquels planait le génie de Malherbe. Vers la fin de l'année 1605, Malherbe se fixa (1) Il était très lié avec le président Fauchet, auteur des Antiquités gauloises et françaises, et il fut lun des quatre lémoins du mariage de Malherbe. H était né à Aix le 19 novembre 1554, et y mourut le 5 mai 1598. On sait que le goût des Lettres a été héréditaire dans sa famille pendant plusieurs générations. Le savant Soli- taire du Mont-Liban, François de Gallaup, était son fils. (2) Auteur de {a Lydiade et de quelques autres poésies imprimées à Tournon, en 1602, in-12. V. Goujet, Bi- bliothèque française, tome XIV , page 24 et 464. Il était né à Aix le 1° mars 1569, et était parent maternel de ka femme de Malherbe. — 891 — à Paris, où il se lia bientôt avec tout ce que la Ville et la Cour offraient de plus recommandable. ‘est alors seulement qu'il commenca de C placer une a dans son nom , et de signer indiffé- remment MALHERBE OU DE MALHERBE, en séparant l'article du nom, tandis que jusques là , il avait ) 1 , constamment signé DEMALERSE, en un seul mot et sans n. Cette particularité, selon moi très remar- quable dans la vie de notre poëte , et cependant ignorée jusqu'à ce jour (1), ne saurait être révoquée en doute. En effet, on a vu par son contrat de mariage, de l'an 4581, et par une quittance du loyer de son logement, de l'an 4605, que dans l'un et l'autre de ces actes authentiques , il a signé Demalerbe sans h (2); et l'on trouve dans le volume intitulé Lettres de Malherbe dédiées à la (4) Lefebvre de Saint-Marc dit, il est vrai, dans sa table raisonnée des poésies de Matherbe (Paris, Barbou, 1757, in-8°) pages 419 et 420, que dans tous les recueils de vers antérieurs à 1615, le nom de ce poëte est écrit Malerbe sans h; mais il ne fait aucune observation à te sujeL 0e . (2)Je pourraisau besoin citer d'autres actes également recus par des nofaires d'Aix, dans cet intervalle de vingt-deux ans, qui établiraient celte vérité; mais il wa paru qu'il suffisait d'en rapporter le premier et le dernier. — 392 — Ville de Caen, (À), et adressées à notre savant Peirese , de 4606 à 1628. on trouve, dis-je. -que les premières de ces lettres, écrites pendant les années 4606 et 4607, sont signées tantôt Malherbe et d’autres fois de Malherbe, mais toujours avec une k. C'est ainsi qu'il a continué d'écrire et de signer son nom, jusqu'à la fin de ses Jours. Quels furent les motifs ou l’occasion de ce changement ? Rien ne nous l'apprend et je hasarderai une conjecture à ce sujet avant de terminer cette notice. Ce que Malherbe a fait depuis cette époque est plus connu , d’après les mémoires de Racan ; mais on paraît ignorer qu'il fit encore plusieurs voyages en Provence où sa femme et son fils avaient continué de résider. Une affaire d'intérêt majeur, dont je vais parler, était faite d'ailleurs pour l'y attirer. Au mois de juin 4615, Malherbe, alors Gentil- homme ordinaire de la chambre du Roi, pré- senta un placet à Sa Majesté, tendant à en obtenir en pur don un terrain où il se proposait de faire bâtir des maisons sur les deux côtés du port de Toulon. Le Roi ordonna le renvoi de cette de- - (1) Paris, J.-J. Blaise, 1822, 1in-8°. Le fac-simile joint à ce volume donne la signature de Malherbe telle que celle que J'ai fait graver sous n° 3, à la seule diffé- rence qu'elle n’a point de paraphe. — 1393 — mande aux Trésoriers Généraux de France établis à Aïx, auxquels toutefois ce renvoi ne fut fait qu'au mois de juillet 1616, en vertu d'un arrêt du Conseil d'État. Au mois d'octobre suivant, le Bureau des Finances députa un Commissaire à Toulon pour visiter les lieux, faire mesurer le terrain, en estimer la valeur, etc. Les Consuls de Toulon, au nom de ladite Ville, s'opposèrent vivement à cette concession; mais les Trésoriers Généraux de France ayant reconnu que le projet de Malherbe tendait & l'embellissement de la Ville, à l'assurance des murailles de l'enclos y aboutissant, et à la bonification du port d'icelle, d'autant que les vaisseaux s’y pourront loger à couvert des vents, le Roi, par un brevet signé de sa main, et daté du dernier juin 4617, voulant gratifier le sieur de Malerbe en considération de ses mérites et des bons et recommandables services qu'il « rendus et rend journellement à Sa Majesté , lui fit don des places de vingt-deux maisons qui peuvent être bâties , dit le Roi, dans l'enelos de la darsine du port de Toulon, d'un et d'autre côté, à la charge, lorsqu'elles seront bâties, d’une cense annuelle de deux écus par maison, et des droits seigneuriaux, en cas d'aliénation, au profit de Sa Majesté , ete. Ce brevet fut suivi de lettres patentes du Roi. — 394 — adressées aux Cours souveraines de Provence ; où elles furent enregistrées au mois d'avril 1618, malyré les nouvelles oppositions des Consuls de Toulon (1)- Malherbe at-il fait construire lui-même en vertu de cette concession les maisons qui bordent les quais du port de Toulon? On pourrait consulter à cet égard les archives de ladite ville. On verra ci-après qu'il en est encore question dans le testa- ment de Magdelaiie de Carriollis sa veuve. Malherbe se trouvait à Aix, en 4616, à l'époque où le célèbre Guillaume Duvair , premier Président du Parlement , fut fait Garde des Sceaux de France. Ils partirent ensemble pour Paris, le 49 avril de la même année (2). Il était encore à Aix lors de l'entrée du Roi Louis XHIL, laquelle eut lieu le 3 novembre (1) Archives du Parlement d'Aix ; registre des lettres royaux de 1617 à 1621, fol. 596 à 625, où sont transcrites toutes les pièces de cette affaire, au nombre d’une vingtaine. J'observe qu'il n’en est pas une où le nom ne soit écrit Malerbe sans h, ce qui indique qu'il était écrit de même dans les piéces originales. Il est certain cepen- dant qu’à cette époque, Malherbe plaçait une À dans sa signature. Je trouve aussi que le Parlement fit grâce à Malherbe des épices dues à raison de cet enregistrement. (2) Histoire manuscrite du Parlement de Provence, par Pierre Louvet, chap. 22, art. 11. Autre, par M. d'Hesmivy de Moissac, Conseiller, livre 5 in fine. — 395 — 4622, et il fit pour cette circonstance, des vers plas que médiocres (4), qu’on n'a pas jugés dignes d'être insérés dans le recueil de ses poésies (2). Ce fut la dernière fois qu'il vint en Provence. Pendant un séjour de sept ou huit mois qu'il fit à Aix à cette époque, il y éprouva un dé- plaisir cuisant en la personne de son fils Marc- Antoine, ce fils chéri qu'une mort prématurée lui enleva peu d'années après, lorsqu'il était sur le point d'être reçu conseiller au parlement de cette province. Ce que je vais en dire est extrait de diverses lettres imprimées de Malherbe , dont il est nécessaire de remettre quelques fragments sous les yeux de mes lecteurs. La première, datée d'Aix le 40 juillet 1622(3), est adressée à Peiresc , alors à Paris, et lui an- nonce que Malherbe en était arrivé depuis tantôt deux mois. C'était alors l'époque de la Fête-Dieu, dont la célèbre procession , instituée par notre bon roi René, attirait à Aix chaque année, comme (1) Jean de Gallaup-Chastueil. Discours sur les ares triomphaux dressés à Aix, pour l'entrée de Louis XIE, Dr 1riet 27. (2) Lei finit ma première édition; ce qui va suivre est le fruit de mes nouvelles recherches. (3) Lettres de Malherbe publiées à Paris, chez Blaise, 1822, in-8°. Lettre 207, pag. 498. on le sait, un nombre considérable d'étrangers. Malherbe le fils s'y prit apparemment de que- relle avee lun d'eux, suivant ce que son père rapporte à Peiresc. « Le jour même de la Fêète- « Dieu, il plut à l'avocat-pénéral Thomassin , « faire garder la chambre à mon fils; ce qui lui « réussit si bien, par la facilité qu'il trouva en « M. d'Oppède (1), qu'encore aujourd'hui il est « en prise de corps. Je crois bien que si je « l'eusse voulu faire représenter, il en serait « quitte; mais parce que je me doute qu'ils « leussent obligé à quelque satisfaction à « la partie, j'ai mieux aimé qu'il soit privé « quelques jours de la place des Jacobins (2), « que de le soumettre à cette indignité, etc. » Dans une autre lettre écrite à Colomby , son cousin (3), Malherbe entre dans plus de détails qu'il n'avait fait avec Peirese. «J'étais venu ici « pour y passer autant de temps que le roi en (1) Vincent-Anne de Forbin-Maynier, baron d'Oppède, alors premier président du Parlement d'Aix. (2) Plus connue à Aix sous le nom de Place des Pré- cheurs, ce qui est la même chose. C'était alors la prin- cipale promenade de la ville, le Cours n’existant pas encore. (3) Cette lettre est placée sans date, à la fia du second livre de toutes les éditions des anciennes lettres de Malherbe: On voit assez par ce fragment, qu'elle est de 1622. — 397 — « mettrait à faire le tour de la Guyenne ét du « Languedoc. Je m'attendais d'y recevoir quelque « contentement parmi les miens, et ne voyais « rien qui fut capable de m'en empêcher. Cepen- « dant deux jours après que j'y fus arrivé, je « ne sais quel petit fripon d’officier fit une niche « à mon fils, pour laquelle il a été contraint de « garder la chambre, et moi privé du conten- « tement que j'étais venu chercher à ma maison. « Mes amis me disent que c'est un juif à qui « j'ai affaire, et que je ne dois pas trouver « étrange que mon fils soit persécuté par ceux- « mêmes qui ont crucifié le fils de Dieu, etc.» (4). Il résulte évidemment de ces deux lettres , que Malherbe le fils eut une querelle à l'époque de la Fête-Dieu de cette année 1622; et puisque les magistrats avaient lancé contre lui un décrét de prise de corps, il paraît , quels que fussent les torts de son adversaire, que les siens étaient encore plus grands , d'autant mieux que. de aveu même de son père, on aurait pu l’obliger à faire quelque satisfaction à la partie. Le père ne nomme pas, ilest vrai, ce petit fripon d'offi- cier qui avait fait une niche à son fils, mais il le qualifie de j'af, ce que Je crois suffisant pour (4) Non-seulement l’Officier dont 1l sera parlé plus bas, était suspecté d'origine juive, mais encore l'avocat- général Thomassin Ce — 398 — en induire que cet officier est le mème que celui dont je parlerai bientôt. EH serait par trop sur- prenant que les deux affaires qu'il a eues eussent été contre deux officiers différents , et que ceux- ei fussent réputés l'un et l'autre d'origine Juive. Malherbe était encore à Aix à la fin du mois de novembre , postérieurement au départ de Louis XELE (1). El dût arriver à Paris à la fin du mois suivant. el il y mena sans doute son fils Marc-Antoine, toujours par suite de la même querelle , s'il faut en juger par ce qu'il écrivit de Paris à ÆRacan, deux ans plus tard , c'est-à- dire le 43 décembre 4624 (2). « Vous obligés « grandement mon fils de vous souvenir de lui. « Il y a fort longtemps que je Faï envoyé en « Normandie , où il passe son temps, à ce qu'il « m'écrit, mieux qu'en lieu où il ait jamais été. « Je lai tiré d'ici, pour la doute que j'avais que « ses parties ne lui eussent tendu quelque piége . « comme certes J'ai découvert qu'ils avaient fait. = Mais j'eus bon nez, de quoi bien lui prit et à = moi aussi. J'attends, avec un million de gentils- .« hommes , un pardon général de tous les duels. ES dont le mariase de Madame (5) sera le pré- texte. ete, » = = (1) Lettres de Malherbe, etc. 1822, in-8° p. 505, n°212. (2) Voyez cette lettre dans toutes les éditions des an- ciennes lettres de Malherbe, livre I. (3) Henriette-Marie de France, fille d'Henri IV. mariée en 1625, à Charles [7 roi d'Angleterre. — 399: — La querelle dont j'ai parlé, aurait donc été suivie d'un duel ? El est permis de le sup- poser. Le pardon général dont on se flattait fut-il accordé ? On peut le croire aussi, puisque Mare- Antoine de Maïherbe était de retour à Aix en 1627. Au mois de juin de cette année, Paul de Fortia, seigneur de Piles, gouverneur du Chà- teau d'Ef et des îles de Marseille , vint épouser, à Aix, Marquerite de Covet, fille de Jean-Baptiste de Covet, baron de Treis et de Marignane, conseiller et garde des sceaux du Pariement (4). Des fêtes furent sans doute données à cette occa- sion dans cette ville et dans Îles terres seigneu- riales de la familie de la mariée. L'on peut raison- nablement conjecturer que, dans l’une ou lautre de ces terres, également éloignées de la ville d'Aix de quatre lieues , dans des directions diffé- rentes, Malherbe le fils alla derechef provoquer le nouvel époux. Celui-ci était , selon toutes les apparences , ce même oflicier avec lequel Marc- Antoine avait eu une première affaire en 4622. Assisté de Gaspard de Covet, baron de Bormes, son beau-frère , il tua son ennemi : en duel, suivant tous les bioyraphes ; au moyen d'un as- sassinat, selon Malherbe et sa femme, qui ne (i) Contrat de mariage du 5 juin 1627, recu par Louis Gazelet Jeau-Robert Baudoin, notaires à Aix. _ 400 — cessèrent, jusqu'a leur mort, de qualifier ainsi le meurtre de leur fils. Le sonnet que Malherbe composa à cette occa- sion , et qui est imprimé dans toutes les éditions de ses poésies, semble indiquer que Marc-An- toine n'avait pas de second lors de ce duel. Mais que de deux marauds la surprise infidèle Aitterminéses jours d’unétragique mort!..(1)etc. Toutefois, de Piles n'ayant été condamnédéfini- tivement qu'au paiement d'une somme de 800 livres, destinée à une fondation pieuse, ainsi que je le dirai plus bas, ne faut-il pas conclure, mal- gré les plaintes de Malherbe et desa femme, dont les cœurs étaient ulcérés par la douleur, que cette dernière affaire ne fut considérée par les juges que comme une rencontre malheureuse et digne d'excuse, qui ne saurait entächer la mé- moire de de Piles et de son beau-frère ? (1) Le même sonnet adressé à Dieu que l’auteur espé- rait, sans doute, engager dans sa querelle , est Lerminé par ces deux vers : La justice L’en prie, et les auteurs du crime Sont fils de ces bourreaux qui Font crucifié. C'est un reproche de judaïsme que la famille de Fortia était loin de mériter, suivant l'avertissement qui précède les lettres de Malherbe, publiées chez Blaise, en 1822, où il est dit qu’elle est d’origine espagnole et alliée aux souverains de celle nation. — 401 — Dans une lettre au roi Louis XELE, plusieurs fois imprimée, et que Meusnier de Querlon a insérée en entier dans son édition des poésies de Malherbe, rangées par ordre chronolo- gique (4), Maiherbe s'exprime ainsi : « Mon pauvre fils ayant été tué à quatre « lieues d'Aix, y fut apporté, pour selon son « désir, être inhumé en l'éplise des Minimes (2), (4) Paris, Barbou, 1764, in-12, réimprimé en 1776, in-8°. On la trouve aussi dans la collection des classiques français ( Malherbe, tome 2, p. 140 et suiv.) Malherbe y parle en termes très durs des familles de Covet et de Fortia, et surtout de l’immense fortune de la première, qu'il évalue à près de deux millions , somme énorme en ce temps-là. Au reste, ces deux familles se sont éteintes de nos jours: l’une en la personne de M. Emma- nuel-Anne-Louis de Covet, marquis de Marignane et des Îles d'or, etc. premier consul d'Aix, procureur du pays de Provence, en 1768 et 1769, mort en cette ville, en 1802, à peine de retour de l'émigration, n'ayant eu qu’une fille qui l'avait précédé, Marie-Marguerite-Émilie, mariée à Aix le 23 juin 1772, au célèbre triban Gabriel- Honoré de Riquetti, comte de Mirabeau, député d’Aix aux États-Généraux de 1789 ; l’autre en la personne de M. Alphonse-Toussaint-Joseph-André-Marie-Marseilie de Fortia , comte de Piles, gouverneur-viguier de Mar- seille avant la révolution, en survivance du duc de Forlia, son père, etc. mort sous la restauration, ne laissant que des filles. (2) C'est aujourd'hui l’église des Dames du S'-Sacre- ment, qu'elles ont fait relever dans un nouveau goût, car celle des minimes avait été abattue en grande partie pendant la révolution. =" 4h « quiest au bout de l’un des faubourgs. Le peuple « ne seut pas sitôt que le corps était arrivé, « qu'il y courut en telle abondance, qu'il ne de- « meura au logis que les malades. Comme il fut: « question de le mettre en terre , ils dirent tous « que résolument ils le vouloient voir encore « une fois. Les religieux en firent quelque difh- « culté, mais il fallut qu'ils cédassent. La biére « fut ouverte, le drap décousu, et le peuple « satisfait de ce qu'il avait désiré. Quelles béné- « dictions furent alors données au pauvre défunt, « et quelles imprécations faites contre les meur- « triers! C’est chose vue et attestée de trop de « gens pour my arrêter. » C'est le 15 juillet que ceci eut lieu, les re- gistres mortiuaires des P. P. Minimes faisant foi que ce jour-là Marc- Antoine de Malherbe fut inhumé dans leur église, et c'est Favant- veille 43 juillet qu'il avait été tué, ainsi qu'il est dit dans le testament de Magdeleine de Carriollis, sa mère, dont je parlerai ci-après. Tallemant des Réaux est le seul auteur qui soit entré dans quelques détails sur les circon- stanees de la mort de Malherbe le fils. « Voici , dit-il (4) ;,» comment ce pauvre sarcon fut tué: (1) Les historiettes de Tallemant des Réauxr, publiées par MM. de Monmerqué, de Chaleaugiron et Tasche- reau, Paris, 1834,6 vol. in-8°. Voyez au premier volume l'historiette de Malher! be, vers la fin, — 403 — ‘* Deux hommes d'Aix ayant querelle prirent « la campagne ; leurs amis coururent après ; les « deux partis se rencontrèrent en une hôtel- « lerie; chacun parla à Favantage de son ami. « Le fils de Malherbe était insolent. Les autres « ne le purent souffrir, il se jetèrent dessus et « le tuèrent. Celui qu'on en accusoit s’appeloit « Piles. I n'était pas seul sur Malherbe, les « autres laidèrent à le dépècher. Or, on soup- « connoit celui pour qui Piles étoit, d'être de « race de juifs; c’est ce que veut dire Malherbe « en un sonnet qu'il a fait sur la mort de son « fils... » Quoiqu'il me paraisse difficile d'adopter cette version , j'ai dû la rapporter iei, d'abord pour ne rien omettre de ce qui peat conduire à la décou- verte de la vérité, ensuite pour faire remarquer ces mots : le fils de Malherbe étoit insolent. Ne semblent -ils pas écrits, en effet, pour jus- tifier mes conjectures qu'à l'époque de la Fête- Dieu 1622, Mare - Antoine eut Îles premiers torts dans sa querelle avec le petit officier ; et qu'en 4627 , à l'occasion du mariage de de Piles, il vint de nouveau hraver celui-ci, le railler peut- être sur sa prétendue orisine Juive , lorsque lui- même trouva la mort dans cette dispute ? Dans un avertissement qui précède les lettres de Malherbe à Peirese, dont j'ai parlé plus haut, il est dit que c'est Ludovic de Fortia qui nm — tua Malherbe le fils, et non Paul de Fortia, son frère. Ceci me paraît une erreur, Car on ne peut pas disconvenir que Malherbe ne dut savoir lequel des deux frères était le meurtrier de son fils ; et voici ee qu'il dit formellement dans sa lettre à Louis XHEE, ci - dessus citée : « Cauvet, con- « sciller d'Aix, beau-père de de Piles et père « de Bormes , qui sont les deux abominables as- « sassins de mon pauvre fils, prèche partout la « vertu de ses pistoles , ete. » Or, il est certain, et l'avertissement en question le reconnaît , que c'est Paul de Fortia, et non Ludovic, son frère, qui épousa Marguerite de Covet. Quoiqu'il en soit, Malherbe fut inconsolable de cette perte, et ne survéeut à son fils que quinze mois , étant mort à Paris, le 16 octobre 1698, ainsi que cette date est constatée dans le testament ci-après relaté de Magdelaine de Car- riollis, sa veuve, Malherbe institua pour son héritier Fincent de Boyer , petit- neveu de sa femme (1) ce qui (3) Vincent de Boyer était fils de Jean-Baptiste, con- seiller au Parlement d'Aix, mort doyen en 1648, inhumé le 3 octobre dans l’église des Minimes et dans la tombe de Marc-Antoine de Malherbe laquelle a servi depuis à la sépulture de la plupart de ses descendants; et Jean- Baptiste était fils d’un autre /’incent de Boyer aussi con- seiller au Parlement d’Aix, mort en 1586, lequel avait épousé Mariede Carriolhs, sœur dela damede Malherbe. = 48 — est encore dit dans le testament solennel de celle-ci, portant la date du premier août 1629, et déposé le lendemain, en présence de témoins (4); à Joseph Aymar, notaire d'Aix. Je pense qu'on ne sera pas fâché d’en connaître les prin- cipales dispositions : «............ Eslisant sépul- « ture à mon corps dans l'église des pères Mi- « nimes de ceste ville et en la tumbe estant « dans la chapelle que j'ay faiet faire dans « icelle (2) et dans laquelle a esté ensevely le « sieur Marc-Anthoine de Malherbe mon fils « où je veux mondit corps estre porté accom- « pagné tant sulement des pères religieux dudit « couvent portant la saincte-croix et par treze « pauvres portant chascun d'eux un flambeau « de cire blanche poisant deux livres pièce. Je « lévue audit couvent des pères Minimes la « somme de douze cents livres pour fondation « d’une messe que dès à présent j'ordonne estre « dicte perpétuellement par lesdits pères tous les « jours à l'autel de la chapelle que j'ay faict faire (1) L'un de ces témoins est le célèbre jurisconsulte Charles-Annibal Fabrot, né à Aix, le 15 septembre 1580, sur la vie duquel notre aimable confrère , M. Ch. Giraud, avocat et professeur en droit, a publié en 1833, une de ses plus intéressantes productions, pleine d’éru- dition et de recherches. (2) Cette chapelle était la premiére à gauche en entrant, prés du portail. « « — 406 — en icelle pour faire prier Dieu pour les âmes des feus sieurs Francoys et Mare - Anthoine de Malherbe mes mary et fils et de la mienne, après qu'il plairra à Dieu m'appeler de ce monde en l’autre... Je légue à M. M° Jean- Baptiste de Bouyer (4) conseiller du roy en la cour de parlement de Prouvence mon nepveu la somme de trois mille livres que le feu sieur Francois de Malherbe mon mary avoit léguées au sieur André Astruc à prandre sur les amandes à luy adjugées à cause de l'assassinat commis en la personne de feu sieur Marc-Anthoine de Malherbe mon fils et encore je lépue audit sieur mon nepveu tous les druicts que je pourrois prétandre pour raison du don faict par sa majesté en faveur dudit feu sieur de Malherbe , mon mary, des places de maisons en la ville de Toulon (2)... Comme aussy je veux et entends que la cha- pelle et tumbe que j'ay faict faire en l'église des P. Minimes soytet appartienne audit sieur de Bouyer mon nepveu moyennant lesquelles choses cy-dessus lépuées audit sieur de Bouyer Je veux et entends que iceluy en qualité de (1) Le nom de Boyer est écrit dans ce testament comme on l'écrivait alors, Bouyer, et tel qu'on le prononce encore aujourd'hui dans la langue provençale. (2) Voyez ci-dessus, p. 392 et suivantes. = 1e ‘« père et légitime administrateur de la per: « sonne et biens de Vincenr pe Bouyer son “C FILS , HERITIER DUDIT FEU SIEUR RANCOYS « pe Marnerse (À) mon mary ne puisse en «rien prétandre sur le léguat que J'entends « faire des meubles et autres choses en faveur € dudit sieur Astruc..... Priant en tant que faire « je puis ledit sieur de Bouyer mon nepveu « ne vouloyr désister à poursuivre conjointement « avec mes héritiers après nommés l'assassinat « commis en la personne de mon fils... Je « lépue audit sieur Astrue advoeat en la cour (1) Jusqu'à présent on ne connaissail des dernières dispositions de Malherbe que celle par laquelle il léguait Ja moitié de seslivres à François d Arbaud de Porchéres, cousin de sa femme, qui le soigna dans la maladie dont il mourut. Ce poëte provençal, natif de S'-Maximin, appartenait à une branche éteinte de la noble famille d’Arbaud qui, depuis plusieurs siècles, a donné à la ville d'Aix, une longue suite de magistrats dans les diverses cours souveraines du pays, des guerriers intré- pides et des littératears distingués. Ceux d’entr'eux qui ont vécu de nos jours ou qui vivent encore, sont trop connus pour qu'il soit besoin de les nommer. D’Arbaud de Porchères fut l’un des disciples les plus chéris de Malherbe qui le chargea en mourant, du soin de faire imprimer ses œuvres, {ant en prose qu'en poésie. (Voyez le privilége donné à la Rochelle, le 9 novembre 1628, et qui se trouve dans les éditions in-4° de 1630 et 1631, à Paris chez Chapelain.) Il fut depuis l’un des premiers membres de l’Académie française, et mourut en 1640. — 408 — « trois mille livres à prandre sur la part et « portion des amandes qui m'ont esté et seront « adjugées contre les murtriers et assassina- « teurs de mon fils et c'est à cause du léguat « de trois mille livres audit sieur Astruc faict « par M. de Malherbe mon mary et là où « ledit sieur Astruc descedat avant qu'il eust « rapporté arrest deflinitif pour raison du mur- « tre et assassinat dadit sieur de Malherbe « mon fils audit cas je veux et ordonne « que M. Paul Joannis de Chasteauneuf (4), « advocat en la cour mon nepveu, succede «au droict lieu et place dudit sieur Astruc «et qu'il conserve la poursuite et adjudication « dudit procès tant en considération de l’af- « fection que Je porte à mondit nepveu que 8) Fils d’Arnoux de Joannis, seigneur de Châteauneuf, conseiller au Parlement d'Aix, et de Charlotte de Car- riollis, la plus jeune des quatre sœurs de la testatrice. Charlotte n'était pas du même lit que ses sœurs, les dames de Margalet, de Boyer et de Malherbe, non plus que de Lucrèce de Carriollis, femme de Balthazard de Périer, aussi conseiller au Parlement d'Aix, laquelle élait encore d’un autre lit que les précédentes; car la Jambe de bois beau-père de Malherbe, avait eu jusqu’à quatre femmes. Cette famille de Périer qui subsiste à Aix, et qui a fourni six conseillers au Parlement, de père en fils, jusqu’à la révolution, n’a rien de commun avec celle de Dupérier dont j'ai parlé plus haut. (Voyez page 370 , note 2.) « — 409 — pour la confiance que j'ay en luÿ qu'il ne laisserait point impuny le susdit assassinat, Item , je veux et ordonne que chaseun jour des decès desdits sieurs de Malherbe mon mary et fils qui sont les trèze juillet et sèze octobre, ensemble le jour de mon deces soit sélébré aux frais de mes héritiers , en leur présance et durant leur vie une haute messe ou cantar avec les ornemens nécessaires et deux flam- beaux alumés. Et en tous et chascuns mes autres biens droicts noms et actions j'ay faict institué et nommé mes héritiers universels seuls et pour le tout scavoyr est Jean-Honoré Bourdon sieur de Bouc mon fils et ledit sieur André Astruc advoecat en la Cour pour de tous mes biens et héritage et tout ce que dessus en estre par eux faict à teur plaisir et volonté pour la moitié chascun (1).......... Laquelle institution d'héritier concernant ledit sieur Astruc j'ay faicte tant en considération (4) U parait par un acte du 12 juillet 1630, passé au greffe de la sénéchaussée d’Aix, qui siégeait alors à Trets, que Jean-Honoré de Bourdon, sieur de Bouc, se prétendant seul héritier de sa mère , se pourvut en cassalion de ce testament, mais seulement en ce qui touchait l'institution d'André Astruc. J'ai cru bien inu- tile de rechercher quelle fut l'issue de ce procès, et je n'ai pu me procurer le moindre renseignement sur ledit Astruc, n'y ayant jamais eu dans Aix aucune famille de ce nom. EH — « de l'amitié qu'il avoyt de tout temps porté audit « feu sieur Mare-Anthoine de Malherbe mon « fils que pour plusieurs et infinis tesmoignagnes « d'amour et d’affections et bons oflices qu'il a « toujours faict tant à moi qu'à mon fils n'ayant & jamais espargné sa personne aux occasions qui « se sont présantées..….. estant marrie n’avoyr « de quoy le mieux recognoistre. Déclarant en « oultre que ma volonté est tele qu'iceluy sieur « Astruc héritier si tele est sa volonté puisse « le jour de son descès estre ensevely en la « tumbe de la chapelle que Jj'ay faict faire en « l'église des pères Minimes nonobstant le don € par moi faict au sieur conseiller de Bouyer, etc. La dame de Malherbe mourut dans les pre- miers jours da mois de juin 1650 , pendant que la ville d'Aix était affligée de la peste. Les Cours souveraines en étaient sorties depuis le mois d'octobre précédent et n'y rentrèrent qu'au mois de septembre de cette année 1650. d'ignore si Magdelaine de Carriollis y était restée et si elle y est morte (peut-être de la peste), ou si elle s'était retirée dans quelque autre lieu; mais il est certain que son testament fut présenté le 42 juin au lieutenant-pénéral de la sénéchaussée d'Aix , sié- geant à Trets , lequel en fit faire la lecture et la publication en sa présence (4). (1) Registre de la sénéchaussée d'Aix, où se trouvent tous les actes de cette juridiction, passés à Trets, pen- — 41 — Les poursuites qu'elle et son mari avaient ordonnées à raison du meurtre de leur fils, furent continuées. Cet, par arrêt du parlement « « « de Toulouse, en date du 29 avril 1632 , le sieur de F'ortia de Piles fut condamné au payement d'une somme de huit cents livres pour faire prier Dieu pour le repos de Pâme de Marc- Antoine de Malherbe. fils de la dame de Carriollis , à cause de l'assassinat commis en la personne dudit Marc-Antoine, ladite somme applicable à l'église où son corps avait été ense- veli. « Les P. P. Minimes d'Aix ayant eu connais- sanee de cet arrêt. produisirent l'extrait mor- tunire du sieur de Malherbe, constatant que son corps reposait dans teur église, et sur cette production, ils furent mis en possession de ladite somme de huit cents livres, par un second arrêt du même parlement de Toulouse, daté du 6 janvier 4699 (4). » dant la peste, depuis le 6 novembre 1629 jusqu'à la fin d’août 1630, etdont je dois la communication à l'amitié de M. Vallier greffier audiencier à la Cour royale d'Aix. (1) Ces renseignements tirés du Mémoire des Annales des minimes d’Aix, fol. 63 et 64, m'ont été fournis par M. Paul Ricard, archiviste de la préfecture des Bouches- du-Rhône à Marseille (où sont déposés actuellement les registres des anciens Corps religieux), avec cette obli- geance qu'il m'a témoignée en plusieurs circonstances — 49 — Encore quelques mots sur Marc-Antoine de Malherbe, dût-on m'appliquer ces vers de Boileau: Un auteur, quelquefois trop plein de son objet, Jamais, sans l’épuiser, n’abandonne un sujet... El était né à Aix le 14 décembre 1600. Son père nous l’a appris dans l'instruction que j'ai rapportée (1), et si l'on me niait l'authenticité de cette pièce , le registre de la paroisse Sainte- Magdelaine serait 1à Pour constater cette date. Cependant son père écrivant à Peirese , le deux octobre 1606 (2). au su Jet de sa généalogie, pour laquelle il le priait de s'adresser en Angleterre au célèbre Camden , ajoute cette phrase: « Marc- « Antoine vous servira comme y ayant la prin- {€ cipale obligation, où pour le moins ayant , « S'il plait à Dieu, à en jouir plus longtemps. » Un enfant de six ans, me dira-t-on , ne pouvait aider ni Peiresc ni Camden dans cette recherche. Non , sans doute; mais l'intérêt qu'inspirait son jeune âge ne pouvait manquer de les y engager, et dont je le prie d’agréer mes remerciments. Au surplus cette analyse faite par l’auteur de ce registre , ne rend peut-être pas bien fidèlement les termes des arrêts qu’il mentionne , et il faudrait voir ces arrêts pour connaitre toute la pensée du Parlement de Tou- louse , sur la mort de Malherbe le fils. (D Voyez ci-dessus, page 382. (2) Lettres de Malherbe, Blaise, 1822, pag. 4 et 5. — 413 — et c'est dans ce sens qu'il faut expliquer cette phrase de Malherbe. Dans une autre lettre à M. de Mentin (4), datée dans la plupart des éditions de Malherbe, du 44 octobre 4616, ce dernier lui dit : « El y aura « bientôt trois ans que vous vous employätes à « me faire avoir pour mon fils un oflice de con- « seiller au parlement de Provence. Le traité « qui s'en fit alors fut interrompu par une « brouillerie qui lui survint (2). Il est aujour- d'hui question de le renouer, et ; s’il est pos- = » sible, de le conduire à sa perfection , etc. » À seize ans , me dira-t-on encore , on ne pouvait être reçu conseiller; j'en conviens aussi, mais non pas de la date de cette lettre qui est évi- demment fausse. Dans quelques éditions , elle n'en a pas d'autre que celle du 15 octobre, sans indication d'année , et ceux des éditeurs qui y ont mis la date de 1616 auraient dà lui (1) Je crois qu'il faut lire Mantin, nom d’un per- sonnage considérable de la ville d'Aix, vivant à cette époque; Théodore de Mantin, Vun des plus grands hommes de mer qui soient nés en Provence, créé vice-amiral des mers du levant en 1620. Étienne de Mantin , Son père, chevalier de l’ordre du Roi, était premier consul d’Aix en 1563-64, et mourut en cette ville en 1578. (2) Sans doute cette querelle arrivée en 1622, dont j'ai rendu compte, à la suite de laquelle Malherbe envoya son fils en Normandie. = Al = donner celle de 1626, époque à laquelle Maïherbe fils était en âge d'entrer dans la magistrature. Us auraient dà faire attention que le père parle, dans cette lettre, de l'incomparable cardinal (Richelieu) ; de la paix qu'il a faite avec l'Espa- gnol; de sa dépense pour rebätir la Sorbonne de fond en comble ; enfin du séjour qu'il avait fait à Avignon. Or, Richelieu ne s'était retiré à Avignon qu'en 46147, après la mort du maréchal d'Ancre ; il ne fut cardinal qu'en 4622 et prin- cipal ministre qu'en 162%; la paix conclue à Moucon , à raison des affaires de la Valtetine, n'eut lieu qu'en 4626; et c'est en cette année là seulement qu'il commenea à rebâtir la Sor- bonne (4). L'abbé Goujet rapporte (2) que ce malheureux Marc-Antoine de Malherbe avait du talent pour la poésie et avait laissé quelques vers où il y a plus de feu, mais moins de correction que dans ceux de son père. C'est ainsi que le père Bou- gerel en avait parlé à l'abbé Goujet, après avoir vu quelques-unes de ces pièces (3). Elles exis- (1) Griffet, histoire du règne de Louis XII, et Îles divers historiens du cardinal de Richelieu. (2) Bibliothèque francaise , tome XV , page 179. (3) Vie de Malherbe par Meusnier de Querlon, pages xvi et xvu, en tête des Poëésies de Malherbe, Paris ,: Barbou, 1764, in-1?. — 415 — taient donc encore de leur temjs. et sans doute chez MM. de Boyer d'Éguilles à Aix, patrie du père Bougerel. Mais elles ont dà disparaître pendant la révolution , comme ont fait la biblio- thèque de ces messieurs et les livres de Mal- herbe dont je vais parler. Dès lors , où peut-on espérer de les retrouver ? On a vu plus haut que Vincent de Boyer, seigneur d'Éguilles (4) et conseiller au parle- ment d'Aix , fut l'héritier du poète Malherbe. Les papiers et les livres de celui-ci furent par lui recueillis et sont demeurés dans sa famiile jus- qu'à la révolution, époque à laquelle ils ont été dispersés par suite de l'émigration de messieurs d'Eguilles. Quoiqu'ils aient sans doute péri en grande partie dans les mains des vandales qui les ont pillés, on rencontre parfois à Aix quel- ques-uns de ces livres qui ont appartenu à Mal- herbe. En voici plusieurs exemples : RE. le marquis de Sinety en possède un (2) sur le frontispice duquel Malherbe a écrit de sa main, au haut de la page : Emit filio suo M. Antonio (1) Village d'environ 2500 âmes de population, à une lieue et demie d’Aix, nommé dans les anciens titres Castrum de Arquillä, et en provençal Aquilho, dont on a fait en francais Aquilles, puis Aiguilles et finalement Eguilles. (2) Traictez des droicts et libertez de l’église gallicane. Paris, chez Olivier de Varennes, 1609, in-4°. — 416 — Fr. Malherbe , parisiis 1619, et au bas de la même page : Delectare in domino et dabit tibi pelitiones cordi tui (À); après quoi il a apposé sa signature. On la verra gravée, sous le n° 3, dans la planche jointe à cette notice. Sur le revers de ce frontispice se trouve collé un grand écusson gravé , de forme carrée, d'environ 115 millimètres de hauteur, sur 400 de largeur, offrant les armes de Malherbe ,; mais avec un autre blason que celui par lui indiqué dans l'in- struclion à son fils (2), savoir: d'azur à six roses d'argent, posées 3, 2 et 4, et des hermines de säble, ce qui provient sans doute de l'ignorance ou du caprice du graveur. J'ai dans ma bibliothèque un autre de ces livres (3). au-dessous du frontispice duquel il (1) Psalm. 36, vers 4. (2) Voyez ci-dessus, pages 373 et 374. “ (3) De asse et partibus ejus libri quinque Guillelim Budei parisiensis secretarii regii. In ædibus ascensianis (pridie nonas janua. anno ad calculum romanum mpxxHT) in-fol. Dans l’espace qui se trouve entre ce litre et la vignette représentant l’intérieur de l’atelier de josse Badius(preium ascensianum)une main autre que celle de Malherbe a éerit : Malherbe 1619. Est-ce la signature de Malherbe le fils? c'est possible : mais je n’en suis pas certain. C’est pourquoi je ne la fais pas graver. Cet exemplaire est très bien conservé. Le dos en était un peu endommagé; je l'ai fait restaurer en y faisant in- scrire au-dessous du fitre : Er bibhiotheet Fr. de Malherbe. — 49 — a écrit de sa main: Emptum parisius, 1619, ctil a signé Fr. Malherbe, sans paraphe. Sur le plat des deux couvertures de ce volume , sont incrustées , en dorure, les armes de Malherhe, dans un écusson ovale d'environ 45 millimètres de hauteur, sur 35 de largeur. M. Rouard, bibliothécaire de cette ville et notre honorable confrère, possède dans sa biblio- thèque particulière un autre volame (4), acheté par Mailherbe, postérieurement sans doute, aux deux précédents et bien plus curieux que ceux-ci, en ce que la signature du poète s'y trouve au revers du frontispice, sur deux lignes : Malberbe de St.- Agnen , telle qu'elle est gravée sous n° #, dans la planche ci-jointe. Au-dessous de cette signature est collé un petit écusson gravé, de 45 millimètres de hauteur, sur 35 de largeur , portant encore six roses posées 3, 2 et 4, et entourées d'hermines, dans un champ d'argent. Au-dessus du casque qui sur- monte l'écu et dont la visière est tournée à gauche , comme dans les écussons des deux autres volumes que je viens de citer, on aperçoit dans celui-ci, en cimier, un lion léopardé. C'est une pièce d'honneur ajoutée par Malherbe à ses (1) Les œuvres de maistre Alain Chartier, clerc , no- taire et secrétaire des Rois Charles VIet VIL, etc. publiées par André Duchesne. Paris, 1617, in-4°. — 418 — armes, et qui fait partie de celles d’une autre famille de Malherbe, en Normandie (4). Enfin , j'ai vu passer dernièrement, chez M. Sardat, libraire, un traité de Jean Cochlée (2) qui avait appartenu à Malherbe, dont lécusson se voit encore au revers du frontispice ; ce que je rapporte, pour donner une idée de la nature des livres qui composaient sa bibliothèque ou qu'il achetait pour son fils (5). Vincent de Boyer se mariant en. 1644, avec Magdelaine de Forbin - Maynier d'Oppéde ajouta à son nom celui de Maïherbe, dont il avait été l'héritier, ainsi qu'on peut le voir dans les actes de son mariage (4). C'était une con- dition que Malherbe lui avait imposée, son testament portant expressément que, pendant (t) Voyez l’armoirial de Dubuisson, Paris, 1757, 2 v. in-12 ; tome 2, pag. et pl. 6, n° 78. (2) Contra quosdam rebelles hujus tenporis. Maguntiæ, 1550, in fol. (3) Si les livres de MM. d'Éguilles ravaient pas été pillés, dispersés ou détruits pendant la révolution, je publierais ici bien volontiers le catalogue de ceux qui provenaient de Malherbe et je pense que les curieux l'auraient lu avec plaisir. (4) Contrat du 10 avril 1644, reçu par Boniface Borrilli etPbilippe Beaufort, notaires à Aix ; etacte d’épousailles, du 19 avril, paroisse St-Sauveur de la même ville. — 419 — trois générations, les Boyer prendraient le nom de Malherbe (1). Il est à remarquer qu'une sœur ainée de la femme de Vincent de Boyer-Malherbe, Claire- Francoise de Forbin-Maynier d'Oppède , avait épousé en 1638 (2), ce même Gaspard de Covet, baron de Bormes, depuis conseiller garde-des- sceaux au parlement d'Aix, que Malherbe ac- cusait de complicité du meurtre de son fiis Mare- Antoine. Apparemment les deux familles s étaient réconciliées. Ilest encore à remarquer que vers la même époque, le baron de Bormes et le baron de Marignane , son frère aîné (3), fonderent deux couvents de P. P. Minimes, l'un à Bormes, l'autre à Marignane (4). Serait-en (1) Ce fait m'a été attesté dernièrement par M. le marquis de Boyer d'Éguilles qui en a entendu parler bien souvent à feus MM. les présidents d'Éguilles, ses père et aïieul. Je regrète infiniment de ne pouvoir rapporter l'acte des dernières volontés de Malherbe qui contenait sans doute, l'expression énergique de ses sentiments contre les meurtriers de son fils, ainsi que sa veuve a exprimé les siens dans son testament. (2) Épousailles en date du 22 juillet, même paroisse StSauveur à Aix. Gaspard de Covet mourut sans enfants. et fut enterré en 1668, aux Minimes de Bormes. (3) Henri de Covetl, baron de Marignane, premier consul d'Aix, en 1641-42. Sa terre fut érigée en mar- quisat en 1645 seulement. (4) Dictionnaire géographique de la Provence, par — 420 — expiation de la mort de Marc-Antoine de Mal- herbe, lequel avait une très - grande dévotion pour ces religieux? Je l'ignore et je me borne à signaler le fait. Vincent de Boyer mourut en 1659 et fut enterré comme son père aux Mini- mes d'Aix, dans le même tombeau de leur cousin Marc-Antoine de Malherbe (1). Achard , aux mots Bormes, (ome 1, page 350, et Ma- rignane, lome 2, page 26. (1) Vincent fut père de Jean-Baptiste de Boyer , sei- gneur d’Aguilles ou d'Éguilles, aussi conseiller au Par- lement d'Aix, né en cette ville le 21 décembre 1645, mort le 4 octobre 1709, et enterré dans le tombeau de ses pères et de Marc-Antoine de Malherbe, aux Minimes d'Aix. On peut lire son article dans la Biographie universelle de Michaud, tom. V, page 425-26. Amateur distingué des beaux-arts, et pos- sesseur d’un des plus riches cabinets qui aient jamais existé à Aix, et où se trouvaient des originaux de Raphaël, d'André del Sarto, du Titien, de Michel-Ange Caravage, de Paul Veronèse, du Corrège, du Carrache, du Tintoret, du Guide , de Poussin , de Bourdon , de Lesueur, de Puget, de Rubens , de Vandick , etc. Il dessinait et peignait agréablement. Il avait même gravé plusieurs tableaux de sa galerie qu’on trouve dans la première édition de ses estampes publiées en 1709, par Coelmans et par Barras, et qu’on regrète de ne plus voir dans la seconde édition donnée par Mariette, à Paris, 1744, in-fol. Jean-Baptiste est l’aïeul du célèbre marquis d’ Argens, aussi nommé Jean-Baptiste de Boyer né à Aix le 24 juin 1704, chambellan du grand Fredérie, roi de Prusse, qui lui fit élever dans l’église des Minimes — 421 — El est temps de revenir au poète Malherbe. On sait qu'il était singulièrement infatué de sa noblesse, qu'il faisait remonter à l'époque de la conquête de l'Angleterre par les Normands. Ii avouait cependant que depuis deux cents ans, sa famille étoit en si mauvais termes , qu'elle ne scauroit étre pis, sielle n'étoil ruinée en- tièrement. Ce sont les propres expressions dont il se sert dans sa lettre à Louis XELE, que j'ai déjà citée. Mais en se rappelant : 1° que pendant les cinquante premières années de sa vie, il a signé Malerbe, sans h, ainsi que je l'ai prouvé par son contrat de mariage du premier oc- tobre 4581, Abel Hugoleni, notaire à Aix, et par un acte de quittance du 6 octobre 4605. Louis Gazel, notaire de la même ville ( vingt- deux ans après {son mariage) ; 2° que c'est seu- lement lorsqu'il s’estfixé à Paris à la fin de 4605. ou au commencement de 4606, qu'il a changé son nom en celui de Malherbe, avec une h; 3° que sur la fin de ses jours, il essayait d'adopter le nom de Malherbe de Saint- Aqnen et d'intro- duire un lion léopardé , en pièce d'honneur, dans ses armoiries ; ne peut-on pas Soupeonner que d'Aix, à sa mort arrivée en 177{, un mausolée en mar- bre, donton peut voir la description dans Millin (voyage dans les départements du midi de la France , tome 2. page 249 el suiv.). Ce monument se {rouve aujourd'hui au musée de la ville. — 422 — cette fantaisie tardive de s'afhlier à la maison de Malherbe Saint- Aynen, ou plutôt de Saint- Aqnan, lui a été suggérée par la vanité seule. et quil n’appartenait pas véritablement à cette maison ? Je laisse cette question à résoudre aux personnes qui, bien mieux que moi, sont à portée de connaître les anciennes familles de la Normandie. Elle serait d’ailleurs très - indiffé- rente à la généralité de mes lecteurs, et je me hâte de leur offrir une lettre inédite de Malherbe sur la mort de son fils. Je l'ai tirée du tome 3, pages 951 et 952, d'un recueil manuscrit fort curieux du dix-septième siècle, conservé à Aix, dans la riche bibliothèque de M. le marquis d'Albertas, qui a bien voulu me le communiquer. On ne voit pas à qui cette lettre est adressée . la suscription ne s'y trouvant pas; mais je suis porté à croire qu'elle fut écrite à Jean de Gal- laup-Chastueil (4) , avocat-général à la Cour des comptes. ou à Scipion Dupérier (2), avocat au (1) Jean de Gallaup-Chastueil À né à Aix en 1587, mort le 22 août 1646 , était frère du pieux solitaire du Mont-Liban, et fils de Louis de Gallaup-Chastueil, ami de Malherbe et lun des témoins de son contrat de ma- riage. (Voyez ci-dessus p. 390, note 1 ; et p. 395, note 1.) (2) Scipion Dupérier, né à Aix le G mars 1588, mort au mois de juillet 1667, était fils de François Dupérier, autreami de Malberbe (V. ci-dessus, p.370 not. Let 2. — 4923 — Parlement, l'un et l’autre hommes de lettres, ayant conservé avec Malherbe les relations que leurs pères avaient eues, de leur vivant, avec. ce grand poète. Quoiqu'il en soit, je ne pense pas que l'au- thenticité Ne cette lettre puisse être contestée, attendu la gravité du caractère de l’auteur du précieux maruserit d'où je l'ai copiée (4). Je con- serve l'orthographe de ce manuserit, mais je n'aflirme pas qu'elle soit exactement conforme à celle de Malherbe. C'est par là que je terminerai cette notice. (1) Antoine de Félix, de Marseille, assesseur deladite ville en 1639-40, puis premier consul en 1653-54, joua un grand rôle dans les {troubles qui eurent lieu sur la fin du règne de Eouis XHE, et dans les premières années de celui de Louis XIV. Il entra depuis dass les ordres sacrés ef mourut en 1675, âgé d'environ 75 ans. 1 a laissé quatre énormes volumes in-fol., écrits en entier de sa main, contenant des mémoires intéressants de ce qui s’est passé de son temps enProvence, principalement à Marseille, et qui sont entremélés de quelques pièces curieuses, parmi lesquelles se trouve la lettre de Malberbe que je rapporte. C’est lui qui rédigea Le re- glement du sort destiné à prévenir les brigues dans les élections municipales de Marseille, et imprimé en ladite ville, chez Garcin, 1654, in-4%°. As — LETTRE INÉDITE DE MALHERBE SUR LA MORT DE SON FILS. « M., Quand vous ne m'eussiéz pas escrit « vostre sentiment sur la mort de mon pauvrie « fils, je n’eusse pas laissé de le croire tel que « vostre lettre me l’a tesmoigné. Ceux qui ont « le goust que vous avéz se fairoient tort de « n'aymer pas ce qui est aymable, et je puis dire qu'il l'estait a aussy haut point que nul « autre de son âge et de sa qualité. Le tesmoi- « gnage qu'en a donné M. de Guize au roy ; aux « reynes et à toute la Cour devant sa mort et « depuis en ma présance et en mon absance , me « fait croire que j'en puis parler de ceste facon. « L'amitié de vostre maison est la plus ancienne «_ et la plus particulière que J'aye contractée en « Provence. M. vostre père l'a entretenue avec « tant de bons oflices que je n'en doy pas moins « attendre de vous. Je scay bien que les exem- « ples n'imposent point de nécessité; mais vray- « semblablement ils donnent quelque disposition. « Ce que vous faites pour moy vous le faites € pour un amy inutile; mais aymer gratuitement « c'est aymer généreusement. Je suis icy avec « beaucoup d'autres attendant que le conseil des « parties soit estably en quelque fieu pour Y « continuer la poursuite contre nos assassins Cet les mettre Le plus avant que je pourray dans «le chemin de grève. On m'a dit que Couvel est allé à Rome. Si c'est pour de pardons il s'abuse. Ceux dont il a besoin ne se prennent pas en celieu-à.Qu'ilaille où il voudra; j'espère luy faire voir qu'il y à d’autres gens que les roys qui ont les mains longues. Les Espagnols ont ce proverbe que celuy qui menasse ne frape jamais bien. Je n'y Sçauray que faire. Ma cholère est trop juste pour ne luy laisser pas ses coudées franches. Sy le corbeau qui nous a donné cest euf vient par decà comme quelques uns le disent, nous le verrons. Pour moy je n'y voy rien qui l'y puisse amener que la vanité de faire voir à la Cour et au conseil que la Provence à son Timon aussi bien que la Grèce. Sy c’est la son dessain Je n'y ay rien à dire. Encore luy advoueray-je que le Pro- vençal a de quoy l'encherir par dessus le Grec. Tout ce que je demande c’est que l'on nous baille un Parlement. Les assassins disent qu'ils ne veulent point de Grenoble. De ce costé là nous sommes d'accord. Je me doute qu'ils voudroient Paris, mais je ne le veux pas. Le Judaïsme s'est estandu jusques sur la Seine. El serait à sohéter qu'il fut demuré sur le Jordain et que ceste canaille ne fut point meslée comme elle est parmy les gens de bien. Il n’y a remède. Ma cause est bonne, Je combattraÿ partout et vaincray partout avec l'ayde de Dieu, fut-ec dans Jérusalem et devant les douze lignées d'Esraël. Vous en verréz l'yssue, M. , et quelque jour vous en réjouyréz avec vostre, ete. C1 — 426 — EXPLICATION DE LA PLANCHE CI-CONTBE Fac-simile de la signature de Malherbe , telle qu'on la voit à la minute de son contrat de mariage avec Magdelaine de Carriollis , recu le premier octobre 1581, par Abel Hugoleni , notaire à Aix, (actuellement chez M° Pison.) urre.....….. à un acte de quittance. recu le G octobre 4605, par Louis Gazel., no- taire à Aix , (maintenant chez Me Pissin. ) AUTRE... . au frontispice d’un exemplaire P des Traictéz des droits et libertez de Peéglise gallicane (Paris, 4609, in-4°), acheté par Malherbe en 1619, ( à pré- sent dans le cabinet M. le marquis de Sinety. à Aix.) Autre... Au revers du frontispice d'a exemplaire des œuvres de maistre Alain Chartier, clere, notaire et secrétaire des rois Charles VE et VIT, ete., publiées par “ndré Buchesne, (Paris, 1617, in-#° \, acheté par Malherbe en «Eve ‘aujourd bui an pouvoir de À Rouard, bibliothécaire de la ville, à Aix.) 71424 ii a É 1beb As Lan. D j Mgr. 12h M. d 4 slt ’ 14) y 1° | i à Li #7, va L « LA TR: we (IE XX NE CE RRNOEX < Se > > A NORNENNIINE RENE SRE ns THÉODORE KIERNER oU LE TYRTÉE ALLEMAND. on loin du village de Webbelin , à côté de la route qui de Ludwisslust, conduit à la capitale du duché de Mecklembours-Sehweris , est une allée de peupliers, au bout de laquelle on aperçoit une claire-voie en fer : c’est la porte dun petit jardin , formant un carré long , orné d'arbustes et de fleurs ; au milieu, devant un chène majestueux , qui le couvre de son ombre, s'élève un autel de bronze , sur lequel sont représentés en relief , une lyre et une épée qu'entoure une couronne de chêne: em- blêmes significatifs , auxquels on reconnait le tombeau d’un homme qui, comme poète et comme guerrier ; eut des titres à la gloire. Sous ce monument , repose en effet un jeune écrivain qui, âgé de 22 ans à peine, s'était déjà rendu célèbre par de grands succès dramatiques , qui. en 1813, lorsque le eri de guerre poussé par 14 2 none la Prusse, retentit jusqu'aux extrémités de l'Allemagne ; abandonna tout pour y répondre et s'enrôler dans un corps de volontaires , qui, nouveau Tyrtée, sut exciter l'enthousiasme de ses compagnons d'armes par des chants guer- riers où règnent les sentiments les plus nobles, qui enfin, après avoir donné des preuves nombreuses de courage, obtint l'objet de ses vœux les plus ardents, le sujet de ses plus belles inspirations , une mort glorieuse pour la patrie, sur le champ de bataille. Charles-Théodore Rœrner naquit à Dresde , le 23 septembre 1791, son père , conseiller au tribunal d'appel de la Saxe électorale, n'était pas seulement distingué par son esprit et ses connaissances, il avait encore toutes les qua- lités d'un bon père de famille; la frèle consti- tution de son fils, lui fit craindre qu'il n'y eut du danger pour sa vie, à hâter, d'une manière trop rapide, le développement de sa jeune intelligence, et renoncçant à une vaine sa- tisfaction d'amour - propre, qui pouvait lu;j coûter bien cher, il le laissa se livrer aux jeux de son âge et aux exercices qui donnent au corps de la force et de l’agilité; jamais, cepen- dant, cette tendre sollicitude ne fut poussée jusqu'à la faiblesse, et après avoir fait la part des exigences d’une santé délicate, il ne népliges rien pour Jui donner une bonne éducation. — 431 — Théodore était vif et léger : aussi ne pouvait- on pas toujours captiver son attention ; mais dès qu'on y était parvenu, il n'y avait rien de diffi- cile pour la pénétration de son esprit. Bien or- ganisé pour les arts, il possédait à un haut depré le sentiment de la musique, et souvent on le vit se promener, une guittare à la main, et chanter en s’accompagnant des romances de sa compo- sition. Mais la poésie fut de bonne heure sa passion dominante; c'était l'art vers lequel il se sentait entrainé par un penchant irrésistible ; une circonstance d’ailleurs contribua singu- lièrement à développer en lui cette disposition naturelle. M. Kœrner était l'ami intime de Schiller, dont il a écrit la vie dans une notice pleine d'intérêt , qui se trouve dans toutes les éditions allemandes des œuvres de ce poète; il le recevait souvent chez lui, et bien qu'au dernier voyage de Schiller à Dresde, Théodore n'eut pas encore dix ans , cette maison , tant de fois honorée par la pré- sence dun grand homme, était pleine de son souvenir, On y rendait une sorte de culte à sa mémoire, on y parlait sans cesse de lui et de ses ouvrages , et ses sballades furent sans doute un des premiers livres que l’on mit entre les mains du jeune enfant; quoi de plus propre, nous le demandons , à tourner toutes ses idées vers Ja poésie ? M. Rœrner se fit une loi de ne donner aucun encouragement aux premiers essais poétiques de son fils; il avait une trop haute idée de Part, pour ne pas craindre qu'un simple penchant , une fantaisie passagère ne fussent pris pour une vocation véritable, et il savait que souvent une approbation donnée trop à la légère , a le danger de pousser sans retour un jeune homme dans une carrière où il ne doit jamais s'élever au-dessus de la médiocrité. El n'était pas d’ailleurs assez riche pour laisser son fils à une existence indépendante ; rarement, la poésie mène à la fortune, et il lui fit sentir la nécessité d’une profession qui put lui fournir les moyens de vivre honorablement; Théodore choisit les mines dont le côté poétique avait quelque chose de séduisant pour son imagination. Après quelques études préliminaires , il fut envoyé, dans l'été de 1808 , à l'école des mines de Freiberg; là, accueilli avec bonté par un des professeurs , ami de son père, il sut bientôt se gagner l'estime de tous les autres, fut reçu dans les maisons les plus recommandables, et ses qualités aimables lui firent beaucoup d'amis parmi ses jeunes camarades. Il se livra d’abord avec toute l’ardeur de son caractère à la science pratique des mines, et dans les pièces de vers composées par lui à cette époque, il la peint avec les plus brillantes couleurs, mais peu à peu, — 433 — l'idéal fit place à la réalité, et entrainé par le charme puissant des sciences qui servent d’auxi- liaires à l'étude des mines; il négligea celle-ci, s’occupa de minéralogie, recueillit des fossiles, et s'adonna aux expériences chimiques. Il était depuis un an à Freiberg, lorsqu'il en- treprit, dans les montagnes de la Silésie, un voyage à pied, aussi instructif que fécond en Jouissances ; dans cette course, les grandes et imposantes scènes de la nature agirent forte- ment sur son esprit impressionnable, et cette époque a toujours été regardée par lui comme une des plus heureuses de sa vie. Ce fut vers la fin de 4810 qu'il fit paraître un premier recueil de poésies, sous le titre de Hnospen , (boutons de fleurs.) Il n'avait pas 419 ans, et peut-être y avait-il de la témérité à courir, si Jeune encore , les chances de la publicité, mais son père ne s’y opposa pas, persuadé que l'effet de cette épreuve décisive serait ou de le dégoûter de la poésie, ou de l'encourager à de nouveaux efforts. Quelques mois de séjour à Leipzie, berceau de sa famille, furent consacrés presque entière- ment par lui à l'étude de l'histoire, de la philo- sophie et de l'anatomie; il se rendit ensuite à Berlin, pour y suivre les cours de l'Université, mais des accès de fièvre le forcèrent de quitter bientôt cette ville et de rejoindre ses parents à — 434 — Carisbad ; dès qu'il fut rétabli, il manifesta le désir qu'il avait, depuis longtemps, de se rap- procher des bords du Rhin ; M. Rœrner y eût consenti volontiers s’il n'eut redouté l'esprit qui régnait alors dans les Universités de ces contrées, et voulant éloigner son fils de tout ce qui pou- vait exercer une influence pernicieuse sur son imagination ardente et vive, il prit aussitôt la résolution de l'envoyer à Vienne. Ses relations intimes avec l'ambassadeur de Prusse Guillaume de Humbold et avec Frédérie de Schlegel, furent pour beaucoup dans cette détermination, en ce qu'elles assuraient au jeune homme, dans cette capitale, un accueil bienveillant ct des avis salu- taires. Théodore Rœrner entra dans Vienne au mois d'août 1814 , et ce fut pour lui le commence- ment d'une nouvelle existence. El pouvait désor- mais , sans craindre de manquer aux intentions de son père, se livrer à son goût pour la poésie, puisqu'après tout, les connaissances qu'il avait acquises à Freibere, assuraient son avenir. Aussi, sans négliger d'acquérir ce com- plément d'éducation qui caractérise tout homme bien élevé , il employa une grande partie de son temps à composer des ouvrages poétiques. Après quelques essais dans le genre comique, accueillis par le publie avec une orande faveur, 1 aborda les sujets sérieux et tragiques qu — ab, = convenaient beaucoup mieux à la nature de son talent ; ses débuts, dans ce genre, furent Toni, drame en trois actes, tiré d'un conte de Henri de Kleist, et l'Expiation, tragédie en un acte. Ces deux pièces furent suivies des tragédies de Zriny et de Rosamonde, et du drame d'Hedwig. A faut y joindre un autre petit drame, quelques comédies et deux opéras, pour avoir toutes les œuvres dramatiques de Kœrner. Le succès de la plupart de ses pièces, sur- passa son attente et celle de ses amis, la tra- gédie de Zriny surtout , excita un enthousiasme qui fut poussé jusqu'au délire , car l’auteur fut appelé par le public sur la scène, ce qui était inusité à Vienne. Un suffrage bien plus flatteur encore fut celui des hemmes de goût; Goëthe , ce patriarche de la littérature allemande , porta sur le jeune poète le jugement le plus favo- rable , et par ses soins , la Fiancée , le Domino verd et l'Expiation furent représentés sur le théâtre dont il avait la direction à Weimar. Une seule place est, en Autriche , l'objet de l'ambition des hommes de lettres , c’est celle de poète ordinaire de la Cour ; elle fut donnée à Kœrner comme la juste récompense de ses succès dramatiques; à cette place , entr'autres avantages, était attachée une forte pension. Ainsi ilu’a pas encore atteint sa vingt-troisième année, et à ret âge, où d'ordinaire, un auteur commence — 436 — à peine à hasarder quelques essais, il est pro- clamé un des premiers poètes de lépoque; reeu, fêté partout , il s'est créé par son talent une existence brillante , et son union avec une jeune personne qu'il aime et dont il est aimé, va bientôt mettre le comble à son bonheur ! Mais , hélas ! il ne devait pas jouir longtemps des faveurs de la fortune ; déjà la mort lavait marqué comme sa victime , et l’on ne peut assez admirer le généreux dévouement qui lui fit quitter une aussi douce position, pour répondre à l'appel de son pays et exposer aux terribles chances des combats , une vie qui s’ouvrait sous les plus riants auspices. L'année 1845 venait de commencer : c'était l'époque où après les désastres de la retraite de Moscou , l'empereur Napoléon se disposait à combattre pour regagner la prépondérance que les malheurs inouis de la campagne précédente lui avaient fait perdre ; l'Autriche toujours pru- dente hésitait encore, mais la Prusse rompait avec la France, signait un traité d'alliance avec la Russie, et faisait un appel aux princes et aux peuples de l'Allemagne. Depuis longtemps , Kœrner ardent ami de sa patrie, songeait à être un de ses libérateurs ; aussi dès que le cri de guerre eut retenti, sa détermination fut prise à l'instant. € L'Allemagne se lève, écrivit-il à son père, et agitant fièrement ses ailes , l'aigle 2e AS = prussienne réveille en nous la sublime espérance de reconquérir notre liberté ; notre art regrette une patrie, eh bien! montrons-nous dignes d'être ses enfants. Aujourd'hui que les astres de ma destinée lancent sur moi des rayons amis, ilest noble et généreux le sentiment qui m'anime : c’est la ferme conviction qu'aucun sacrifice n’est trop grand pour ressaisir le plus précieux de tous les biens. Dans des temps extraordinaires , comme les nôtres , il ne faut pas des âmes vul- gaires ; je sens en moi la force d'être une des pierres de la digue élevée par les peuples contre l'esprit de conquête, et d'opposer ma poitrine à la violence de ses flots. Je sais quelles peines je te prépare , je sais que ma mère va verser des larmes, que Dieu vous console! je ne puis vous épargner cette douleur; risquer ma vie est en soi peu de chose; mais la risquer lorsqu'elle est embellie par l'amour et par l'amitié ; renoncer à la douce résolution que mon cœur avait formée de ne vous causer jamais volontairement aucune inquiétude , ah ! c’est un sacrifice que peut seul compenser le noble but que je me propose. » Ce fut le 145 mars 1813, que Théodore Rœrner quitta Vienne, muni de lettres de re- commandation pour les principaux chefs: de l’armée prussienne ; lorsqu'il arriva à Bresslaw , le major de Lutzow organisait un corps franc auquel il donna son nom , et il avait déjà réuni — 438 — sous ses ordres, des hommes de tous Les âges et de toutes les conditions, d'anciens militaires, des littérateurs , des étudiants et des artistes. Kœrner se joignit à eux, et voici le tableau qu'il a tracé lui-même de la bénédiction solennelle de ce corps qui eut lieu dans une église de village , à peu de distance de Zobten : € après qu'on eut chanté le cantique, le prédicateur du lieu pro- nonça un discours touchant qui arracha des larmes de tous Les yeux ; puis il nous fit jurer de sacrifier nos fortunes et nos vies pour notre sainte cause, et de marcher courageusement à la mort : nous le juràmes. Alors il se jeta à ge- noux et demanda à Dieu de bénir ceux qui allaient combattre pour la patrie. Ah! qu'il fut beau, ce moment où tous les cœurs tressaillirent , animés de sentiments héroïques! Le serment militaire prêté sur le sabre des ofliciers , termina la cérémonie. » Accoutumé à la marche par les excursions minéralogiques, Théodore KRæœrner ne trouva rien de pénible dans les fatigues de la vie mili- taire, et jamais soldatne mit plus de zèle à remplir ses devoirs, mais en s'attirant par sa conduite l'estime de ses chefs, il sut anssi gagner l’affec- tion de ses camarades et exerçca bientôt un grand empire sur leurs esprits, par les chants guerriers qu'il composa pour eux et qui lui ont mérité le nom de Tyrtée allemand. Ces chants "MS !_ 439 — pour lesquels il avait le soin d'employer les ry- thmes les plus propres à produire un grand effet, étaient l'expression libre et spontanée des sen- timents qui agitaient son âme; il les composait au bivouac, pendant une halte, quelquefois même sur le champ de bataille, et l’on ne peut se faire une idée de l'enthousiasme avec lequel, ceux qui l'entouraient, recevaient ces énergiques élans d’un cœur plein de patriotisme. Après avoir servi quelque temps dans l'infan- terie et pris part à plusieurs affaires, Roœrner obtint d’être d’une excursion que le major de Lutzow fiten Thuringe, avec quatre escadrons de cavalerie et quelques cosaques; cette petite expédition réussit d'abord, ils interceptèrent des convois et saisirent des dépèches importantes; mais à leur retour, et lorsque le major cherchait à rejoindre son infanterie , ils furent surpris à l'entrée de la nuit par un détachement francais et mis en déroute. Blessé grièvement à la tête, au commencement de l'action, Ræœrner fut emporté par son cheval dans un bois voisin , où il se cacha au milieu d’un taillis épais. Eù , épuisé de fatigue, affaibli par la douleur et la perte de son sang , privé de tout secours , il se crut à sa dernière heure et ce fut l'esprit plein de cette idée qu'il s’endormit. Le lendemain, à son reveil, il aperçut devant lui des paysans que quelques-uns de ses camarades lui avaient 440 — envoyés , et qui étaient parvenus à le découvrir ; ils lui firent prendre quelques aliments et le transportèrent chez eux au village de Gross- Zschocher , où lon mit un appareil sur sa blessure. Ses amis l'introduisirent ensuite à la faveur d'un déguisement dans Leipzick où il recut tous les soins que réclamait son état. Dès qu'il fut mieux, il se rendit à Carlsbad, puis à Berlin , et enfin après sa parfaite guérison , il se hâta de rejoindre ses frères d'armes , ces chasseurs de Lutzow que sa pensée avait tou- jours suivis , et desquels hélas ! il devait bientôt se séparer à Jamais, car peu de jours après, ayant fait partie d’une nouvelle expédition , dont le but était de s'emparer d’un convoi, il recut dans les reins un coup de feu qui le tua sur place; Ainsi s'accomplit le rêve de toute sa vie ! Son corps fut porté par ses cama- rades , sous un chêne antique, à peu de distance de Webbelin, et ce fut au pied de l'arbre drui- dique, tant célébré dans ses vers, qu'ils l'ense- velirent avec tous les honneurs militaires et les marques du plus grand respect et de la plus vive émotion. C'était la tombe que Théodore lui-même se fut choisie, et son malheureux père le jugea bien ainsi, lorsque le prince de Mecklembourg Schwerin voulut faire trans- porter le corps du poète guerrier dans l'église de Ludwigslust, M. Aœrner demanda grâce — 441 — pour le chène consacré à son fils par ses cou- rageux compagnons, et ce fut alors que par les soins du prince, ce lieu où repose un héros , fut disposé comme on le voit aujourd'hui. Mais le suerrier nous a fait népliger le poète, revenons à celui-ci, et tächons d'apprécier les nombreux ouvrages qui ont marqué les pas de sa trop courte carrière. Nous avons déjà vu, qu'ägé de dix-neuf ans à peine , il publia un recueil de poésies, sous le titre Knospen (bou- tons de fleurs) ; on y remarque entr'autres pièces, une Cantate, dont le sujet est la lutte des ouvriers mineurs avec les esprits de la terre, des sou- venirs de son voyage en Silésie, où les grandes scènes de la nature sont retracées en vers pleins d'harmonie et de noblesse , enfin quelques sonnets religieux. Les poésies qu'il donna plus tard, consistent principalement en chansons , lésendes etballades ; ces dernières sont au nombre de trois et souffrent la comparaison avec les plus belles du genre; cependant l'une d'elles FFallhaide, a Le défaut de trop rappeler la fameuse Lénore de Burgeu. Toutes ces pièces sont sur- tout remarquables par la richesse et la facilité de la versification, et l'on est surpris que, si Jeune encore, il ait été initié à tous les secrets de la poésie. N'oublions pas d’ailleurs qu'elle ne füt d'abord pour lui qu'un délassement au milieu de travaux beaucoup plus sérieux, et qu'alors — a — mème que plus tard , il put suivre librement ses inclinations , ce fut aux compositions drama- tiques qu'il appliqua toutes les forces de son génie , ce fut à elles qu'il demanda la réalisation de ses rèves de gloire. Tout ce qu'il a fait dans ce dernier genre , durant les quinze mois qu'il passa à Vienne, est vraiment prodisieux, et nous avons déjà dit que dans ce court espace de temps , il a com- posé des comédies , des drames, des tragédies et des opéras. Ses comédies ne sont pas de celles qu'on appelle à caractère ; (c'est un genre que ne connaissent guères les Allemands); ce sont de jolis dialogues entre deux ou trois personnages; une seule le Crieur de nuit sort de cette caté- gorie; elle renferme de charmants détails, est bien dialoguée et rappelle les petites pièces de Molière et de Regnard; on en trouve des extraits dans tous les recueils de littérature allemande. Je ne dirai rien de ses opéras, et ne ferai que mentionner les drames de Toni et d'Hedwiq qui, quoique pleins d'intérêts à la représentation, m'ont paru renfermer bien des invraisemblances, pour aborder enfin le genre dans lequel il à excellé , celui auquel il a dû une réputation si précoce. Des trois tragédies composées par Xœrner , FExpialion, pièce en un acte, ne fut qu'un essai pour sonder les dispositions du public; = AB = Zriny et Rosamonde, voilà ce qu'il à fait de mieux, voilà ses véritables titres à la gloire comme auteur dramatique. Un noble oflicier Hongrois, le comte de Zriny, gouverneur de la forteresse de Sigeth, y est assiégé par le sultan Soliman-le-Magnifique , à la tête d’une nombreuse armée; avec quinze cents hommes de garnison seulement , il brave pendant trente quatre jours tous les efforts des infidèles ; enfin , voyant que sa forteresse n'est plus qu'un amas de ruines , il adresse une tou- chante exhortation à la poignée de braves qui lui reste et se précipite avec eux au milieu des ennemis , où ils trouvent tous une mort slorieuse. Il y avait un heureux sujet de tragédie dans ce trait d'héroïsme , un des plus beaux qu'offre l'histoire d'Allemagne ; il ne pouvait échapper à Kœrner, ce poète si fier de l'honneur et de la gloire de son pays, et ce fut pour lui une occa- sion de donner un libre essor aux nobles sen- timents qui remplissaient son cœur. Zriny a fait connaître à son souverain Maxi- milien le danger qui menace Sigeth; mais ce prince, dont l'armée est bien inférieure en nombre à celle du sultan, ne veut pas, en livrant bataille, compromettre le sort de tout l'empire ; pour toute réponse, il envoie à Zriny l'ordre d'arrêter, par une vigoureuse défense, la marche de ennemi. Alors ce brave officier prononce — 444 — ces mots sublimes : «Tu me connais bien Maxi- « milien , et je te rends grâces pour ta confiance; « va, elle ne sera pas trompée. Une mort glo- « rieuse pour ma religion et pour ma patrie , « €’était la plus belle récompense que put ob- « tenir de toi ma fidélité. » Deux scènes admirables sont : celle où les compagnons de Zriny jurent tous sur l'épée de leur chef, d'être fidèles jusqu'à la mort à leur prince et à leur pays, et celle où lun d'eux, fait prisonnier dans une sortie et affaibli par de nombreuses blessures, est conduit devant Soliman, brave ce despote accoutumé et à ne voir que des esclaves tremblants , et lui impose par des paroles pleines de noblesse et de cou- rage. On dirait une des belles pièces de Cor- neille. Indiquons encore comme fort dramatique , la seène où Zriny arrive sur le théâtre sans cuirasse, paré comme s'il allait à une fête, por- ant à sa ceinture les clefs de la forteresse qui fat confiée à sa garde par son souverain, et adresse à ses compagnons un discours terminé par ces mots : &« Mourons comme il convient à « des hommes, faisons payer cher à nos enne- «€ mis la dernière goutte de notre sang; c’est sous « un monceau de cadavres qu'un héros doit être «_enseveli, et celui qui, fidèle à tous ses ser- « ments, est ainsi tombé pour son Dieu et pour _— « sa patrie, celui-là vit éternellement dans la « mémoire de ses concitoyens. » C'était-là, ce nous semble, que devait finir la pièce, et il y a eu manque de soût, à la ter- miner par une catastrophe qui tient exclusi- vement du mélodramme. (La comtesse de Zriny met elle-même le feu à la citadelle.) Nous n’ap- prouverons pas davantage l'idée qu'a eue l’auteur, de faire poignarder par son fiancé la fille de Zriny ; il est des choses qui répugnent trop à nos mœurs , pour ne pas s’interdire de les repré- senter sur la scène. Si l’on se rappelle la situation de l'Allemagne en 4812, on n'aura pas de peine à com- prendre l'enthousiasme qu’'excita à Vienne la représentation de ce sujet national , traité d’ail- leurs avec une si grande supériorité de talent. Peu de pièces ont obtenu un succès aussi com- plet, et celui de la tragédie de Rosamonde, que Rœner donna bientôt après, ne peut lui être comparé. Pour nous, qui avons lu avec attention les deux pièces, et les avons com- parées , tout en admirant dans Zring des scènes pleines d'intérêts , de nobles sentiments exprimés en beaux vers, des caractères fortement des- sinés , nous n'hésitons pas à donner la préférence à Rosamonde , qui nous parait, dans son en- semble, réunir plus complétement toutes les conditions d’une bonne tragédie. L'intérêt y est 14° — ‘446 — mieux ménagpé, l’action plus progressive , et cela tient à la différence même des sujets : dans zriny, dès le milieu du second acte, le dénoue- ment est prévu, Sigeth doit tomber, ses dé- fenseurs doivent périr jusqu’au dernier homme, c'est là la catastrophe fatale, inévitable , et dès lors toutes les autres scènes, quelques belles qu'elles soient, n’ont plus le mème intérêt et ne sont, si l'on peut s'exprimer ainsi, qu’une espèce de remplissage avant d'arriver à la fin. Tout le monde a lu, dans l'histoire d'Anple- terre, la mort tragique de la maitresse de Henri IX, de cette belle Rosamonde, que la reine Éléonore immola à sa fureur jalouse; c’est ce sujet touchant que voulut traiter Rœrner, et il le fit , on peut le dire , en poète consommé ; nous nous bornerons, comme pour ia première, à indiquerles scènes les plus remarquables de cette tragédie : Et d’abord , celle où Richard , ce jeune prince, à qui sa témérité et son audace valurent plus tard le surnom de Cœur de Lion, reconnait le roi son père dans le personnage mystérieux qui presque tous les soirs pénètre sous un dégui- sement dans le château de Woodstock, une autre où Rosamonde, qui vient d'apprendre le rang élevé de celui auquel elle a donné tout son amour, lui annonce qu'il faut se séparer à jamais, enfin , celle où Richard, rebelle à son père php et à son roi , vient se jeter à ses pieds, pour im- plorer son pardon et remettre son sort entre ses mains. Le caractère de la reine Éléonore est con- forme à celui que lui donnent les historiens ; celui du plus jeune de ses fils est plein de grâce, et nous citerons encore comme bien touchante, la scène où Henri IT, ce prince si malheureux comme époux et comme père, trouve des con- solations dans le langage naïf de cet enfant , devenu le seul objet de ses affections et de ses espérances. Le dénouement est d'un grand effet drama- tique , et Rœrner a montré qu'il comprenait son art, en adoptant la version qui fait présenter à Rosamonde la coupe fatale, par sa rivale couronnée. Dans cette pièce, plus encore que dans Zriny, on reconnaît un habile imitateur de Schiller, et lon peut dire, qu'elles promettaient l'une et l'autre à l'Allemagne, un poète tragique du remier ordre. P Mais quelque incontestable que soit le mérite de ses œuvres dramatiques, Rœrner est encore plus connu par les chants guerriers qu'il a com- posés pendant sa courte carrière militaire, et qui furent recueillis et imprimés peu après sa mort, sous le titre expressif de : la Lyre et l'Épée. — 448 — Les vers contenus dans ce recuil, nous donnent une idée complète de l'esprit qui animait alors tous les peuples de l'Allemagne ; l'amour de la patrie , la haine du joug étranger, un sentiment profond de nationalité, l'espoir d'un triomphe prochain; voilà ce qu'on y trouve ; et le sort de l’auteur , les circonstances au milieu desquelles il les composa, la teinte religieuse et mélancolique dont ils sont em- empreints , leur donnent un caractère parti- culier qui n'appartient à aucun autre poète; aussi on ne peut les lire sans être vivement ému et sans ratifier le nom de T'yrtée allemand, par lequel on a coutume de désigner cet homme extraordinaire qui est mort à l'âge de 22 ans, le front ceint d’une double couronne. Il est assez diflicile de faire un choix parmi ces pièces, presque toutes d’un mérite supérieur; cependant nous avons cru devoir donner la pré- férence à celle qui a pour titre : l'Épée, tant à cause de son originalité, que parce que c’est la dernière que Rœrner composa et qu'il l'écrivit sur ses tablettes, une heure avant de recevoir le coup mortel. L'ÉPÉE. Épée suspendue à ma gauche, d'où vient ton éclat brillant? Tu jettes sur moi des regards amis, et cela me fait tressaillir. Hurrah! 5449 — « Un vailiant cavalier me porte , voilà pour- «€ quoi je brille de tant d'éclat. Je suis l'arme « d'un homme libre, c'est ce qui fait la joie de « l'Epée. » Hurrah ! Oui, ma bonne Epée, je suis libre, et je t'aime du fond du cœur, comme si tu m'étais fiancée, comme ma bien-aimée. Hurrah ! « Je t'ai consacré tout mon être. Ah! que ne « sommes - nous fiancés! Quand viendras - tu « prendre ton épouse. » Hurrah ! Déjà les sons solennels de la trompette nous annoncent le jour des noces ;lorsque les canons feront entendre leur voix, je viendrai prendre mon amie, Hurrah! «€ © doux embrassements! combien je soupire « après vous! c’est pour toi, mon fiancé , que « je porte la couronne nuptiale. » Hurrah! . . . A | r . Mais dis -moi, à mon Epée , pourquoi ces transports fougueux qui 'agitent dans le four- reau ? Mon Epée , pourquoi , résonnes - tu donc ainsi ? Hurrah ! «€ Je soupire après la bataille , voilà la cause « de mes transports , voilà pourquoi je résonne « ainsi. » Hurrah! Reste , reste dans ton étroite demeure, que ferais-tu ici, mon amie ? Reste dans ta demeure ; bientôt je t'appellerai. Hurrah! « Ah! ne me fais pas longtemps attendre, « jardin délicieux, plein de roses couleur de « sang et où fleurit la mort. » Hurrah ! Eh bien! sors du fourreau, toi dont la vue comble les vœux du cavalier; sors du four- reau , Ô mon Épée ! je t’'emmène dans la maison paternelle. Hurrah ! € Ah! qu'il est beau d’être libre au milieu de « ces rangs armés qui forment le cortège de la « noce ! De quel éclat de fiancé brille l'acier aux « rayons du soleil! » Hurrah! En avant, guerriers courageux; en avant, cavaliers allemands; votre cœur n'est-il pas brü- lant ? Prenez votre fiancée dans vos bras. Hurrah! Naguères, à nos côtés, son éclat était en partie voilé; à présent, dans notre main droite, visible à tous les yeux, elle recoit de Dieu lui-même la bénédiction nuptiale. Hurrah ! Ah! pressez contre vos lèvres la bouche d'acier de cette fiancée que l'amour enflamme. Maudit soit qui abandonne la fiancée ! Hurrah ! —49{ —-- Chante, mon amie, chante, fais jaillir de vives étincelles. Voici le jour des noces, Hurrah ! fiancée d'acier, Hurrah ! FIN. RUE STE | NS ES A d 675 aps ormés quéformeut.le cothge de {4 nor! Dai quel éclat dr Bninod Hrille Paeice at ue à LE D + hasta à r ‘ : : viribleà LUS Vip alle eert de Dion lama tn bénédiction en Murdh! 11 Ah presses cobtee Vos Airis lxhione de nelte iancée que V'amipue enflamue. *_ mot «qui ‘abondomne Ju fancée Hashes Hunt [2 CPR RTE PHILIDAS Par M, Kouchon. 06 Le ciel avait accordé un riche domaine à Lysimon, magistrat d'Argos; la nuit de nom- breux troupeaux paissaient l'herbe de ses colli- nes , et le matin, aux premiers feux du soleil , on voyait s'avancer dans la plaine ses soixante charrues. Près de là était le champ de Philidas, pauvre citoyen. Il n'y avait pour séparer les deux héri- tages ni bornes de pierre, ni haie de buissons; mais le premier qui préparait le sol, y laissait une pleine raie, et cette limite était consacrée à Jupiter, père des saintes conventions. Un jour Lysimon distrait, comme le sont les riches, conduisait de sa main ses quatre bœufs, et sans s’apercevoir qu'il foulait la terre d’un autre, il marcha deux fois du midi au nord, et deux fois du nord au midi. 14** | tre Lorsque Philidas vit sa limite détruite, il se jugea perdu; son patrimoine était si petit, et de ce qu'il y recueillait, à peine , il pouvrait vivre avec son épouse, sa fille et son vieux serviteur. Sa tête chancela, il errait dans les forêts som- bres. Il oublia ses travaux, le soin deses abeilles, il oublia le lit nuptial, l'autel domestique et le berceau de son enfant. Lysimon le sut : il fut attendri jusqu'aux lar- mes. Lysimon honorait les hommes , il craignait les dieux, et sans perdre du temps il courut effacer ces sillons que les dieux avaient maudits. Inutile vertu! lorsque dans les combats, le guerrier est blessé au cœur , il tombe sur la poussière, son sang ruissèle à gros bouillons ct les regrets d’un illustre ennemi ne sauraient appaiser l'inexorable mort. Le Dapsan Ailanais , par le même. Mon cœur est dévoré d'ennui', ce métier d'es- clave me pèse; je ne veux pas comme le premier de nos ducs jeter ma bèche sur un arbre et former ma résolution, suivant qu'elle y restera ou non suspendue; je vais à l'instant embrasser mon père et malgré ses larmes , je me rangerai sous les drapeaux milanais. Chevaliers, qui passiez sur la route, et me demandiez quelquefois la distance que vous aviez encore à parcourir pour arriver à la ville voisine , vous ne pensiez pas que sous ce manteau, régnait un grand cœur et une âme ambitieuse ; je Souriais à vos demandes familières ; il y a l'un de vous que j'ai remarqué. Quand je serai par- venu au terme de ma grandeur, j'en ferai mon écuyer de service. Jeune comte d'Albi, que ferai-je de toi? Si j'avais l'âme moins haute, j'en tirerais une ven- geance terrible, je briserais sous le marteau , la main qui frappa mon visage : mais non, sois tranquille , je te suis reconnaissant d’avoir hâté mon dessein et fixé mon inquiétude. SAR Ce soufflet est toujours dans ma pensée. Quand je le recus, il bouleversa tout mon être. Mes yeux erraient sans cesse de mon père au père du comte , de notre cabane au château. Un jour, me dis-je, ce vil paysan apportera la torche dans ce palais , il en dispersera les pierres et d'une main encore habile, il conduira la charrue sur ses débris. Si l'on croyait ces seigneurs ; nous ne serions pas des hommes. Ils caressent leurs chiens et leurs chevaux, et n’adressent jamais un mot de consolation à nos paysans. IL faut cependant bien peu de choses pour nous contenter : un mot dit en passant, un encouragement donné, un souhait de bonheur, quelques bienfaits ré- pandus de distance en distance ; tout cela n’appauvrit pas le trésor du seigneur et remplit le trésor du vassal. Pour moi, je le déclare, paix à tous les hommes , excepté à ceux de la elasse de mes oppresseurs. Leur pardonner est une chose trop au-dessus de mes forces et il me serait plus facile de déplacer cette montagne et d'arrêter le cours de l'Éridan, que d'apaiser les flots tumultueux de ma colere. CRD DE —— “Gus cuBg rt te Gus mue etOe One mOnmp ns Due OO roi coGoe cape smOorG Gb Le Chant des Moissons , par le même, Le Pontife a ouvert la moisson, Le Pontife a ouvert la moisson. Citoyens, je viens d'ouvrir la moisson. Je suis le premier de vos pontifes; mon cœur a tressailli de joie, lorsque j'ai vu les épis que le vent balançait dans la plaine. Mais, savez-vous combien le ciel nous donnera de serbes dans notre territoire. Le Pontife a ouvert la moisson, le Pontife a ouvert la moisson. Pontife, nous n'en savons rien encore. Quel que soit Le nombre des épis dans la gerbe, et des grains dans l’épi, nous bénirons le Dieu immense et éternel. En plaçant les hommes sur cette terre, il a voulu qu'ils vécussent de ses fruits; il nous nourrira cette année comme il nous à toujours nourris, comme il a nourri nos pères de génération en génération. Le Pontife a ouvert la‘moisson, le Pontife a ouvert la moisson. Le froment est une chose sacrée pour les enfants des hommes. C’est le froment qui pro- duit la force du mâle, la fraîcheur de la femme ; qui soutient la faiblesse de l'enfant et du vieillard. Ne laissez point d'épis à terre, défendez vos serbes des pluies soudaines, et le plutôt que vous pourrez, battez votre froment et serrez-le dans vos greniers. Le Pontife a ouvert la moisson, le Pontife a ouvert la moisson. Nous accomplirons la loi. Nous allons tous nous mettre à l'œuvre. Nous prendrons pour le finir, sur le temps du sommeil, sur le temps des repas, sur le temps des prières publiques et si les laboureurs du midi sont pressés de faire leur récolte et que ceux du nord ne le puissent pas encore , nous te promettons , pontife , de nous aider les uns les autres. Le Pontife a ouvert la moisson, le Pontife a ouvert la moisson. Vous le voyez, la maxime que le travail porte sa récompense, ne trompe point. Vous PORTÉE avez mis vos sueurs dans votre champ. Vous avez labouré sous les soleils brûlants , sous les humides brouillards. La terre, votre nourrice, vous rend avec usure votre travail. Mais la terre est de tous les howumes : elle est de l'étranger , de l'infirme , de l'insensé , qui n’ont ni champ à cultiver , ni métier à exercer. Le Pontife a ouvert la moisson, le Pontife a ouvert la moisson. Si tu connais quelque étranger qui se soit égaré sur nos terres, quelque infirme qui manque de force pour le travail, quelque insensé qui ne se mette pas en peine de sa nourriture , tu le sais, pontife, tu peux le prendre chez toi, ou l'envoyer chez quelqu'un de nous; ensuite tu l'adresseras aux juges qui lui donneront un asile dans une de nos familles , une part sur notre commune substance. (rares same tanl D SR age _rogna, wus Je tarot re pis jé \ es hbonreures ‘du fi vont p jrosués de Daire leur révolte #t.qme certit, du with. ne ls péianent pus. A EE qe durer ÿ La voue eo ls nt le Foie eee % mo Enbi Fra EE D'ÉUEs @ Vocer -le. down. ls smbNidue qi _ vue” porte sn CE CAE ENAEN EN 4 né trompe peine LC etre . : a PCARTPARMNRANNIMNNIMMAMME POÉSIES PROVENOALES, PAR M. JOSBPH-JACQUES-LÉON D'ASTROS. La Cigalo et la Fourniguo. Fablo. (Tracuctien de Lafoniane. ) Pensant pas à la fringalo (1) Aprés aver, la cigalo, Tout l’estiou fa qué cantar, Si trouvet pas maou lougado , La biso esten arribado D’aver plus ren à pitar; Pas la mendré parpaïiolo (2) De mousquo vo de mouissolo. (3) La battié. (4) Si vén jittar Su leis pas de la fourniguo, La prégant de li prestar De grans uno malo brigo (5) Per anar fin qu’eis meissouns Que neissirant leis mouissouns. En aqueou tems, dis la damo, Vous pagaraï, su moun amo, Intérest et principaou. Anen, mi fes pas liguetto Rouinaraï pas vouste oustaou. 1 Faim canine. — 2 Legère petite chose qu ‘emporte le vent, = MOncÉeees à Aix on prononce mouissalo, et dans le Var mouissole. — 4 Luttait contre sa misère. — 5 Uno malo briguo , un misérable petit brin. 15 — 462 — La fourniguo est pas dounetto , Es soun pu pichot défaou. Li diguet : quand carregeavi Oou pu fouer de la calour , Qu'’es que fasias tout lou jour ? — Doou matin au souar cantavi ; Avés oousi ma cansoun ; La trouvarias pas poulido ? — Cantavias ? N’en siou ravido : Dansas aro un rigooudoun. 2 CARRE ERREURS ET a —— Lou maou Marida. Fablo. (Imitatien de Lafontaine. ) Que l'on vigue toujour si tenir per la man : Bounta et me beouta , mi (1) maridi (2) deman. Mai coumo si vis per countrari Poulis ues (3) plens de troumparié, Bello testo pleno de garri, Amours mesclas de jalousié , La cadeno (4) deis couers bagnado de lagremos, Siou pas pressa de m’empachar de fremos. De mariagis n'ai vis, n’ai vis tant et piei mai! Jamaï ges m’an lenta, remarcian Diou jamai. Pamen (5) (ce que m’estouno) Aqui quasi cadun s’hazardo et si talouno. Voueli vous parlar d’un que s’esten talouna , Troubet d'autre parti que d’enmandar (6) sa bello, Avaro, suspichoua (7), jalouso, renarello (8), Vrai demounencarna. 1 Mi,jeme. 2 Maridi, marie: 3 Poulisues , jolis yeux; en Languedocien poulis iols. 4 La cadeno , la chaîne, 5 Panien, pourtant. 6 D’enmandar, de renvoyer, 7 Suspichoua ; soup- conneuse. 8 Renarello, grogneuse. — 463 — Aco si! per cridar qu'a vié pas sa pariero! Davant que fousse jour l’oousias de la carriero. Mari, varlets, cambroua (1), cadun n’avié sa part: Si couchavount trooupleou (2); si levavount trooup tard; La filho roumpié (3) tout; ero uno dégailhiero (4); Leis varlets, d’arrougans, buvient senso resoun ; Un bouilhoun trooup salat, uno saousso manquado, Uno brouquetto oou soou (5), aquito n’avié proun: (6) Lou fuech ero à l’houstaou. D'aoutreisfes, devagado (7), De saoupre (8) de seis gens la secreto pensado, Su lou bout deis arteous (9), et de garapachoun (10), Retenen ben soun halenado, S’anavo (11) mettre à l’escoutoun. Garo alors! garo à vous lenguo maou avisado! Chambriero, qu’es qu'as dich!té v'aquito un basseou (12). Quatre jours....., ti foout tant. Toun paquet, souerti leou (13). Ansin mena, tout soun mounde enrabiavo: Repepiavo (14) à soun bome à lou far venir verd : Moussu n’avié ges de gouver (15), Moussu risié, moussu si proumenavo..… Ello avié tout lou fai..…., (16) tant qu’avié l’uil dubert, D'oou matin fin (17)qu'oouseroenunmot rampelavo, (18) 1 Cambroua,servante.— 2 Trooup leou, troptôt.— 3 Roumpré, brisait.— 4 Dégailhiero , elle faisait beaucoup de dégât.— 5 Oou soou, parterre. — 6 Aquito w’avié proun, là il y en avait assez. — 7 Devagado, hors d'elle, tourmentée. — 8 De saoupre , de savoir. — Q Deis arteous, des orteils. — 10 De garapachoun , en tapinois. — 11 S’anavo mettre à l’escouton, elle allait se mettre aux écoutes. — 12 Basseou, soufflet. — 13 Leou, vite, sur-le-champ. — 14 Repepiavo, grognait. — 15 N’aviéges de gouver, n'avait ni ordre, ni économie. — 16 Tout le fardeau. — 17 Fin qu’oou sero, jusqu’au soir. — 18 Rampelavo , grognait. — 464 — Enca (1) si dis, que quand su lou couissin, La nuech vengudo repoousavo, En pantaïlhant (2), l’oousias que renouriavo (3), Et gaic , et gnac.... un beou matin Moussu , las de l’oousir, la mando à la bastido (4) Aco (5) de seis parens. Passavo aqui (6) sa vido Eme (7) tanto Françoise et sa sore (8) Cleroun, Pierras lou bastidan et Jean lou pourqueiroun (9). Quand la creset toute autro après quaouqueis mesados (10) Soun home la recampo (11) et li dis: countas-nous Coume es que pasavias eila (12) vouesteis journados ? La vido doou meinagi es ti de voueste gouts ? Assas, li respoundet, maï lou fum mi mountavo, De veire que leis gens erount piegi (13) qu’eici. Et Diou soout coumo tout anavo! Ges de soins deis aves (14); de ren prenien souci. De fleous!.…. boulegas (15) dounc , anen , (16) en paou de mousquo! Va mandavi pas dire, atou (17) mi voulien maou. Sabès (18) qu’ai lou sang viou, que quaouqueis fes espousquo. Eh! madame, li dis, parten de soun repaou, Soun mari ben facha : se lou mounde que resto Qu'un instant eme vous n’a perdessus la testo Et vous poou plus sentir, Que farant de varlets, que toute la journado, Vous veiran contre elleis mountado ; 1 Enca, encore. — 2 En pantailhant, en rèvant. — 3 Renou- riavo , murmurait. — 4 La bastido , la métairie. — 5 Aco, chez. —6 Aqui, là, —7 Eme, avec. — 8 Sore , sœur. — 9 Pourquei- roun, petit porcher. — 10 Mesados , un certain nombre de mois. — 11 Larecampo , la fait revenir. — 12 Eilà , là bas. —13 Piegu, pire. — 14 Avés,troupeaux, — 15 Boulegas, remuez.— 16 Anen, allons. — 17 Aou, aussi. — 18 S'abès , vous savez. — 465 — Et coumo li pourra tenir, Un home que voulés, que sié touto sa vido, Per lou faire enrabiar, nuech et jour prochi vous ? Retournas, retournas, ma bello, à la bastido. Adiou. Et se jamaï un sentimen trooup doux, Uno tendresso maou garido Mi fasié faire enca un cooup la foulié De vous far revenir ; que la mouert dins moun lié Mi toque de sa man passido (1), Et que dins l’autre mounde , agui (2) per mei peccats, Doui (3) fremos coumo vous sans cesse à meis coustas. 10000 CIRE NS NS RES 6 e-ce— Leis Laires (4) et l’Ase. Fablo. { Traductien libro de Lafontaine. ) Per un ase roouba dous laires disputavount ; Un lou voudié gardar, l’aoutre en paou maquignoun N’en voulié far de soous. Lou premier dis de noun, L'autre de si; si..., noun..., toujour maïs’escooufavount; Patin, couffin..…., après ben de resouns Metterount man eis coups de poungs A beis fichaous s’arresounavount ; Bouto! vague! anen, zou! piquo (5) que tu n’oouras (6), Cooups de pès oou darnier, cooups de poungs su lou nas. Doou biai que s’en dounavount Aurias dich que lou tems li manquesse oou besoun. Piquas ferme , en effet, braveis gens lou tems presso ; 1 Passido , flétrie. — 2 Agui, j'aie. — 3 Doui, deux. 4 Voleurs. — 5 Frappe. — 6 En auras. AGE — Vaqui (1) qu'arribo ur tresième larroun Que leis vian (2) anissas (3) vous mounto lou grisour Et li brulo la poulitesso. Souto la capo doou souleou, Quand s’es pas vis de reis coumo aqueleis douslaires, Que , l’espaso (4) à la man, cresen far seis affaires, Ant fach eiïs autres lou mousseau (5). nn Sn Se US Leis Granouilhos que demandount un Rei- Fablo. ( Traductien libro de Lafontaine. ) Leis granouilhos si lassant D’esse toujour senso mestre, Jangourerount (6) tant et tant Que lou diou Jupiter, de poou (7) d’un escooufestré (8), Coumo parei (9), Si décidet à li dounar: un rei. Li lou mandet {10) doou ciel. Ero pas un arléri (11), Un prince entreprenent, ambitious , {yran, Ero poouvya (12), bounias, haman. A défaout de cabesso (13) avié proun (14) de matéri, Foout dire atou qu’avié un beou plan! (15) 1 Voilà. — 2 Vian, voyant. — 3 Animés l’un contre l’autre. — 4 L’épée. — 5 Le morceau. 6 Grognèrent. — 7 De peur. — 38 Émeute. — 9 Comme il pa- aît. — 10 I Le leur jeta, — 11 Extravagant, — 12 Pose, tran- quille, — 13 De tête. — 14 assez. — 15 Phlegme. — 467 — Pamen ({i) fet à soun arribado Un taou raffle din l’er, et su l’aïguo un taou bran, Que la granouilho espravantado Creset la terre aprefoundado. Aquelo espéco d’animaou , Per l’espoourir, sabés qui lou foout paou. Tamben (2), sauve qui peut, cadun lou largé gagno: Quu va dins leis traous leis pu founds ; Quu s’escounde dedins leissagno (3); Dins leis cannos, quu dins leis jouncs, Lou gros, oou found doou marescagt, Si va mettre dessus lou nas Mié pan, per lou men, de fangas, S'agamoulis (4), espérant de couragi. N'oougerount de long tem allucar (5) oou visagi Aqueou qué si cresien que fouguesse un géan. Sabès cequ’ero? Un calaman ! (6) Soun aspect impousant fet poou à la prémiero, Qué, de lou veire s’hazardant, Oouget sourtir de la sourntéro. S'avancet, mai en tremourant (7); Un aoutro seguisset (8), piei uno autro, pieï tant, Que s’en fet uno tirassiero (9), Et la bando à la fin fouguet tant familiéro Que n’en venount jusqu’à saouta Su l'espalo doou rei, — lou rei , plen de bounta, Si facho pas de la maniero (10); Souffre tout et dis ren. La gent granouilho estounado en vésen Qué soun rei ero mut et qué si boulegavo Escassamen (11) 1 Pourtant.— 2 Aussi. — 3 Espèce de jonc, dont on empaille les chaises. — { S'accroupit. —5 Regarder.—6 Une poutre. — 7 En remblant. — 8 Suivit. — 9 Une traînée, — 10 Du procédé, - 11 Seulement. — 468 — Qué quand l’aïgo ero en mouvamen. Et qu’alors toujour si viravo Doou caire ounté lou vent bouffavo. Répépiéguet : (1) Ah! siam pas gouverna! Oh! Jupiter, qué rei n’avés douna! Regardas lou toujour en meme placo. Nous méne en lué, disient dintré la populaco De mutinos qu’avient de front, Vivo lou bru ! vivo la glori! Se voulem far parlar l’histori Foout pas d’un rei qu’a leis couestos oou long (2. Jupiter, de seis cris, ayent la testo routo : Siés pas countent , pople ingrat, bouto ! (3) T'empentiras d'avant que siégué nué, Et su lou cooup li mandet une agrué. Lou mounarquo, à soun arribado, De granouilhos d’abord faguet uno ventrado ; Esquicho, empasso..... (4) ero leou lés (5) : Et leis habitants doou marès De cridar encaro maï; et lou Diou de li dire : Sias tout de sacs maou plens. Oui, vire coummo vire Emé v'aoutreis eici l'y a toujour peiroou rout (6) Sé vous crésiou fourrié leou changear tout. Foullié (7) estar coummo erias, vaqui (8) d’abord per uno. Avés vougu changear ? Jabo (9). Mai per fourtuno Quand vous aviou douna un rei bounias et doux V’en devias(10) countentar, d’aquestou (11) arrangeas Vous. 1 Murmura.— 2 Côtes au long , c’est-à-dire toujours couché. — 3 Va! — 4 Tord et avale. — 5 C'était bientôt fait. — 6 Rout, cassé, phrase proverbiale : l’y a toujour peiroou rout, il y à toujours chaudron cassé, il y a toujours à redire. — 7 Il fallait. — 8 Voilà. — 9 Soit. — 10 Vous vous en deviez. — 11 De celui-ci. FE [2 vue Er 1046434 Rd LA sit ii | (hs safe enrst « ù LE bleu 1 de jen pee ra" Mu di | Éd, Fe MU sue tal LS d'or À CT a ns NO Et, s'es.vis, pr mel Ars ST | _ Ein | fs ha n jé | sente Drop drpaore 2 Ou OR Oh: 4u'eg Luroto, D ER AL TER , js re Be ol AN Mio CET ENT) 2 eriebl 20e règne Satin A AR LP TETE FRE SEAT SEE. A1 LS ci) TT el ‘Le Diane Fe PR TT à .LOER Duras td me AU st SUAR x. } NT CR ST'ANCES ‘ SUR LES AGRÉMENTS ET LES DOUCEURS DE LA VIE CHAMPÊTRE, Par RACAN. Tirsis, il faut penser à faire la retraite, La course de nos jours est plus qu’à demi faite, L'âge insensiblement nous conduit à la mort. Nous avons assez vu, sur la mer de ce monde, Errer au gré des flots notre nef vagabonde : Il est temps de jouir des délices du port. Le bien de la fortune est un bien périssable, Quand on bâtit sur elle on bâtit sur le sable ; Plus on est élevé, plus on court de dangers. Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête, Et la rage des vents brise plutôt le faite Des maisons des nos rois que des toits des bergers. O bienheureux celui qui peut de sa mémoire Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire, Dont l’inutile soin traverse nos plaisirs, Et qui, loin , retiré de la foule importune , Vivant dans sa maison, content de sa fortune, À, selon son pouvoir, mesuré ses désirs ! * L'Académie a fait imprimer le texte français en regard de la traduction , afin que l’on püt mieux juger des ressources de la Janoue provencale. — A1 — Œraduction libre. au Tirsis, li foout pensar, regagnent la meinado, (1) La blesto (2) de ma vido es eis trés quarts fielado (3), Dins ren de tem si viam oou bout de nouesteis jours. Dessus leis grandeis mars la favour mensoungiero A proun (4) fach esgarar noustro barquo loougiero, Serié tem qué doou port tastessian (5) leis douçours. Lou ben de la fourtuno es trooup sujet à termé, Quu su d’ello bastis , bastis pas sus lou fermé, Oou pu haout l’on si trovo oou maï l'y a de dangiérs ; Leis pins sount mazantas (6) quand fa de bourrasquado, Et, s’es vis, deis bargiers quand la caso es soouvado Leis casteoux deis signours demouerount pas entiers. Oh! qu’es hurous aqueou que poout de sa memori Escarffar per toujours l’ambitien de la glori, Que nous tent carcagna (7) per l’angouisso et la poou, Et que soout, en paou luen doou poudé que coummando, Viouré, din soun oustaou, (8)de ce que Diou li mando, Et s’estendé pas maï que noun a de lancoou. (9) 1 La famille, -- 2 Queue de chanvre. — 3 Filée. — 4 Assez. — > Nous goûtassions. — 6 Très-secoué. — 7 Tourmenté. —8 mai- on.— 9 Drap delit, ce vers est un proverhe dont le sens littéral st qu'on ne doit pas s'étendre ou s’allonger plus qu’on n’a de lon- sueur à son lit, ét le sens moral : que l’homme ne doit pas faire lus que ne le permettent ses moyens. — 472 — El laboure le champ que labourait son père ; il ne s’informe point de ce qu'on délibére Dans ces graves conseils d’affaires accablés ; il voit, sans intérêt, la mer grosse d’orages, Et n’observe des vents les sinistres présages Que pour le soin qu'il a du salut de ses blés. Roi de ses passions, il a ce qu'il désire : Son fertile domaine est son petit empire, Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau ; Ses champs et ses jardins sont autant de provinces, Etsans porter envie à la pompe des princes Se contente chez lui de les voir en tableau. Il voit de toute part comoler d’heur sa famille ; La javelle a plein poing tomber sous sa faucille ; Le vendangeur ployer sous le faix des paniers, Et semble qu’à l'envi, les fertiles montagnes, Les humides vallons et les grasses campagnes S’efforcent à remplir sa cave et ses greniers. Il suit aucune fois un cerf par les foulées, Dans ces vieilles forêts du peuple reculées, Et qui même du jour ignorent le flambeau, Aucune fois des chiens il suit les voix confuses, Et voit enfin le lièvre, après toutes ses ruses, Du lieu de sa naissance en faire son tombeau. "9 HO — Eou trabailho lou ben (f) que loouravo (2) soun paire, Et, l’estevo (3) à la man, jamaï s’entrèvo (4) gairé (5) De ce que fant leis grands eis chambros assemblas, S’enchauto (6) pas ni maï (7) se su mar fa tempeslo, Et s’alluco leis nious que passount su sa testo N’es que per lou souci que li dounount seis blas. Mestre de seis passiens a tout ce que désiro, Sa terro es un rouyaoumé ouute coummando en siro ; Sa cabano es per eou un palaï encanta, Seis despartaments sount seis jardins, seis farraillos (8), Et, sense estré envegeous deis poumpos de versaillos, Leis vis din de tableoux que leis mousqu'ant pita. Li vent tout ben de Diou : vis, la joyo din l’amo, A plen pougnet loa bla toumbar souto l’ouramo (9). De moulouns de rasins, uno bando d’agniers Que fant trimar leisais à travers la campagne, Et dirias que tout lan lou valloun , la mountagno, S’entendount per emplir sa croto (10) et seis graniers. Ua fusiou su lou couel, ségui de chins de raco, Oou senglier quoouqueis fes s’en va faire la casso Dins de boués souroumbrous qué vient pas lou souleou ; D'aoutreis fes lou chin japo, eou pousta vis la lébre, Que va, mounto, devallo, et toujours din la fébre, Revent prochi soun jas per li leissar la peou. 1 La terre. — 2 Que labourait. — 3 La poiguée de la charrue vulgaire. — 4 Il ne s’enquiert. — 5 Guère. — 6 Il ne se soucie. — 7 Non plus. — 8 Ses prairies, —9 La faucille, — 10 Cave. nt Te Tantôt il se promène au bord de ses fontaines , De qui les petits flots font luire dans les plaines L'argent de leurs ruisseaux parmi l'or des moissons; Tantôt il se repose , avecque les bergères, Sur des lits naturels de mousse et de fougères Qui n’ont d’autres rideaux que l'ombre des buissons, Il soupire en repos l'ennui de sa vicillesse Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse A vu dans le berceau ses bras emmaillotés ; Il tient, par les moissons, registre des années, Et voit de temps en temps leurs courses enchainées Vieillir avec lui les bois qu'il a plantés. Il ne va point fouiller aux terres inconuues , À la merci des vents et des ondes chenues, Ce que nature avare a caché de trésors, Et ne recherche point, pour honorer sa vie, De plus illustre mort, ni plus digne d'envie, Que de mourir au lit où ses pères sont morts. Il contemple du port les insolentes rages, Des vents de la faveur, auteurs de nos orages, Allumer des mutins les desseins factieux , Et voit, en un clin-d'œil, par un contraire échange, L'un, déchiré du peuple , au milieu de la fange, Et l'autre à même temps élevé dans les cieux. vue Quouro siégué ; (1) lou cours deis aïguo leis pu bellos. Visio seis vargiers, seis jardins, seis pradellos, (2) Seis cros (3) que pourtarant de nouvellos meissouns. Quouro (4)vent s’assetar eme(5) leis bargeirettos, Li conto quaouquo novo, aouse seis sansounetlos, Et piei va prendre un souen à l’oumbro deis bouissouns. Vengu vieil, soou (6) souffrir seis angouissos en sagi, Soulo la chamineio ounté dins soun bas agi A vis dedins lou brès (7) seis pès emmailloutas. Per leis récoltos tent lou compte deis annados, Et vis, à soun entour, selon seis destinados, Eme eou si faire vieil leis aoubres qu’a plantas. Anara (8) pas bouigar (9) eis terros ignourados, A la marci deis vents, deis oundos enrabiados, Ce que naturo avare a cacha de précious, Et reserquara pas, per si rendre hounourable, De pus illustro fin , de sort pu désirable Que de mourir oou lié v’ounte sount mouart leis sious. A l'abri, din lou port, eountemplo leis tempestos Qu'’abramado (10) d'argent et d'hounnours et de festos, Surlèvo l'ambitien per toujour s’enhaussa ; Lou favouri doou sort eme fierta si plaço, Mai dins un vira d’uil (11) un autre lou descasso, (12) En espérant que siegue (13) à soun tour débooussa. 1 Tantôt.— 2 Il suit.— 3 Prairies. 4 Pièces de terre, — 5 Avec. -— 6 IL sait, — ; Berceau. 8 Il n'ira. — 9 Fouiller. — ;0 Affamée 11 Un vira d'uil , un clin d'œil, — 19 Chasse. — 13 Soit. — 476 — S'il ne possède point ses maisons magnifiques , Ces tours, ces chapiteaux , ces superbes portiques Où la magnificence étale ses attraits, Il jouit des beautés qu'ont les saisons nouvelles , IL voit de la verdure et des fleurs naturelles Qu'en ces riches lambris l’on ne voit qu'en portraits. Crois-moi , retirons-nous hors de la multitude Et vivons, désormais, loin de la servitude De ces palais dorés où tout le monde accourt. Sous un chêne élevé les arbrisseaux s'enpuyent, Et devant le soleil tous les astres s’enfuient De peur d’être obligés de lui faire la cour. Après qu'on à suivi, Sans aucune assurance, Cette vaine faveur qui nous pait d'espérance, L’ennui en un moment fous nos desseins détruit , Ce n’est qu’une fumée ; il n'est rien de si frêle, Sa plus belle moisson est sujette à la grêle Et souvent elle n’a que des fleurs pour du fruit. Agréables déserts, séjour de l'innocence, Où loin des vanités, de la magnificence , Commence mon repos et finit mon tourment | Vallons, fleuves, rochers , plaisante solitude : Si vous fütes témoin de mon inquiétude , Soyez-le désormais de mon contentement. — 477 — S’es pas ({) lou poussessour de seis meisouns tantrichos, S’a pas (2) de galariés, de balcouns, de cournichos, V'ounté (3) de la grandour aboundount leis attrets, Eou (4) jouis deis beoutas qu'’ant leis sesouns nouvellos, Soun uil vis la varduro et de flous naturellos Que dins leis beis salouns si vesount qu’en pourtrets. Cresé me, luen doou moundé accaben (5) nouste viagi , Et mangen noueste pan fouero (6) de l’esclavagi, D’aqueieis (7) beis palaïs tout plens d’ambitious. Quand lou souleou parei (8) v'ounté sount leis estelos ? Leis barquos sount pas ben prochi (9) leis grosseis velos, Tout aubret néquéris(10)souto un roure (11) ourguilhous. Quand , flattas d’un espoir que toujour nous amuso , Si siam (12) mes (13) à l’aprés de la favour troumpuso, La jalousié s’intriguo et si vian (14) encalas, (15) O favour qu’es que siés ? (16) Uno liquour que mousso ; La flammado d’un lum (17) qu’en paou de ventamousso; 18 Uno flous que passis, (19) un fruit que ses nébla. (20) Déserts poulis et gais, abri de l’innoucenco, V'ouenté, luen deis grandours et de la maouvallenco (21), Aï (22) trouba lou repaou et siou plus tourmenta : Roucas, boués et vallouns, bel endret que Diou amo, Se sias esta (23) témoins deis soucis de moun amo, A jamaï sigués vo 24 de ma felicita. 1 Ses pas , s’il n’est pas. — 2 S’a pas, s’il n’a pas. — 3 Où. — 4 Lui.— 5 Achevons.— 6 Hors. — 7 Deces.— 8 Paraît — 9 Près. 10 Languit et perd.— 11 Chène.— 12 Sisiam, nousnous sommes. —13 mis. — 14 Siviam, nous nous voyons, — 15 Arrêtés dans Vornière, — 16 Qwes que siés ? qu’est-tu? 17 Lampe.— 18Éteint. —19 Flétrit. — 20 Fruit coulé, altéré sur l'arbre avant sa matà- rité. — 21 Malveillance. — 22 45, j'ai. — 93 Se sias esta, si vous ayez été. — 24 Sigués-vo, soyez-le. nn tour tant siod siot auib 0 "ANNE 15 on tn nana RUTELE NE jé Fr d'être chtis né vers nié rss : $ tu ed | dau etroû mwojiei sup tiges nu‘ eetislt . bent) coangantong amont ni heq8'lÀ (ras (étais à (82) Lesfsons (Bt) air ide: cugfaiatte dienolaÿ ei" | vanocai dus sirOMpit oaÙ ind rt “ nr eo es voit Fe 1od des sig het an mur ant aiouroa sidb amigéaà) (BE) chan asie 48 | -:26ioifet a orme U rats du We Mitos FT Mahé ,: "4 "Oo fin des, ane, de fa npanifinnre MATE ie PAT es à ET 24402 AUVEQS IE NAT ei te té EL LL LE te. pr de RQ re Slise lent à 44 TR alt, ou “ee ee _ em Sava 240v... TABLE DEN PIÈCES CONTENUES DANS LE PRÉSENT VOLUME. —#0OD ÉÉ CE ce — Pacrs 1 Des insectes nuisibles à l'agriculture, principalement dans le Midi de la France, par M. Boyer DE FONSCOLOMBE 5 2 Notice sur l’'avaux ou avaoussé qui couvre une grande partie des terreins fo- restiers, dans un rayon de cinq ou six lieues, sur le littoral de la mer, dans le département des Bonches-du-Rhône, par M. le Comte de MONEVAEON. Nc me eee dre eee 229 3 Recherches historiques sur les fêtes de la Tarasque , célébrées dans la ville de Tarascon (B.-du-R.), par M. J.-B.-F. Porte. 271 4 Sur la Position de la ville d'Aix avant sa destruction par les Sarrasins, par M. ROUGHON:: SN TL EU 308 — 480 - > Kecherclies sur les limites territo- riales d'Arles, d'Aix et de Marseille, sous la période romaine, par M. E. Micuer DELROOURS Ru Ce CR LUE 325 6 Notice historique sur M. l’abhé Cas- tellan, Chanoine honoraire d'Aix et de Fréjus, et Professeur-doyen de la Faculté de théologie d’Aix.......... ECS AR 341 7 Recherches biographiques sur Mal- herbe et sur sa Famille, par M. Roux- ALPHÉRANIS SU Le «Le sat mens eee eee . 96 $8 Théodore Kærner ou le TYRTÉE ALLEMAND 429 9 Philidas, par M. Roucnon..... SERRE 453 10 Le Paysan milanais , par le MÈME....... 455 ii Le Chant des Moissons, par le MÈME.... 457 12 Poésies Provençales, par M. Joseph- Jacques-Léon D’ASTROS................... 461 FIN DE LA TABLE. ire pas av TN FA A mA Rouet CPSCE Ro IS RE y Li. à bia à Re sv ‘Me | NERO Er Ne 1 a: ONU F d ne e ; || INT v % er trs rss Bras #0 HO © A Pi p % =. mr Fe rad hs ns Thai sun * : RES SAGE AN CRETE ur ae PR nt | em} 100 | k a RU \ 14 h s4! H TT “' D : u mu "t ‘VRAI ; : Ia A 14 PURE £ k Le F ang see x vbs HU" 2, ie 14 a Lan Ru RARE Pre AS fi EL | FA = #1 nv ' { à € ‘ LS jar: 4 : Vos : Lu k Mes du CHEN IRL Le | #4 LE + # d'ais re ae gras fe A nee hs ï # Val vi { % LEE ) wi 4 2 [PAR à | \ Le | < | 1! nr Ÿ Tr M JULIE tvruvr uvébéguuvreer” VE Eve M soso AM NUL ARTE MS uv — nn \W 4V uv YYVYE LE SUV JUS JEUNE “ < or in Ÿ és SR ÿ À sa PRE sus NN UN v NN NN NT VUUUv y? NON rt JS IN? ON NY MINES ” ss NE à né ‘ Ni 5 © PIE ; ne SY JESVE ETES SE À HE UP, SE CN CARE mé LA NE | Et CC ne CAT CO ET ER L4 e RE ORMTO TS V L SEES EE y Fe VOLE Mu uuu M ERNST CUVE “vd JV EE NY NY à D ANNEES No + NUNONPEENEN M vs N À PE ÿS) \ NN éuuL NN EE “e NU NN 24 NNSN 5 MNSNNNN EE SN No Ne ET ER DNA LRN Te PES CEE UNSS CUP EEE SRE 7 QT Nu À SOC ENTER DAS NN ONU EN UN ec 1, SES -Q\ÿ eV Fa RAS V9 NS 7.0 jus ii 8 GS EN DES TER RUN TS RUE ANA U UNE ANS Re ESS ee" 2" MN" N J 2e id & AR exc) S: - YYNN QC CPE TENENT LOS dd MU y SRE NSS NUL EN Ci | NN) d 9 Sie : ANNE nude UN RENE DD NT SOC SENS) SES SMART Ed QUE on PRE n IAE À # CM À EE + v e VV PME CUS 3 S AAA S MIS Ÿ Y — ROIS OR ER SOLE ET EEE ARE AE / | LA UE LE EU bi À Dovvee ce 2e SPÉOMU r RAT TAEE ft 1: AU Ê K à n wmv (4 : À ht dd À A ht (TEÈS LE TETE 24 LE GW RATE 7 Lois LVLEL fa PAS ÉÉCEELEE LATE SORTE TI III TS CL ] ERP A CU AL RATES Te + h 2 CLARA À DEL CASA ERA RAS ARELL FC CELL AT AAA ELLE BA TÉCR AAA AL AT TC SNS