» 5 FRE KSTRCE Da Tente MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE ACADÉMIQUE DE SAVOIE. 2 2 Rae Sans re CPS Smith Extrait de l'Art. 3% des Règlements de la Société. « La Société remet un exemplaire de ses Mémoires imprimés à chacun de ses Membres effectifs. « Elle en remet également un exemplaire à ceux de ses Agrégés ou de ses Correspondants qui lui.ont fait parvenir quelques Mé- moires ou Articles conformes au but de son institution et de nature à être accueillis avec intérêt. » Extrait de l'Article 39. « La Société n'entend ni adopter, ni garantir toutes les opinions émises dans les Mémoires dont elle aura autorisé impression ou la lecture publique. » HÉMOLRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE ACADÉHIQUE DE SAVOIE. MOME XIE. CHAMBÉRY PUTHOD , IMPRIMEUR-LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ. 1845 AT ST NUS TABLE. NOTICE HISTORIQUE des travaux de la Société pendant pages les années 1840 , 1841 et 1842, par M. le cha- noine Rendu, Secrétaire perpétuel. Sciences physiques. Chimie. VIIL Géologie. XII Inventions utiles. XXXIX Archéologie. . XLVIIL , Sciences philosophiques. LII ENST PT ee re de ere LIV Littérature et Beaux-Arts. LVII Biograplie-émulo.ofntfig à ol sons LEE Entouragements. fn 0M:ah-eR-1 ae ex MÉRNSES RS. Ce EUR ous M DLNXTS Des Brises PÉRIODIQUES dans les vallées des Alpes, par Mgr Billiet, Président perpétuel honoraire de la Société. . 1 Ecévarion DE Caamséry au-dessus du niveau de la mer, pour servir de base au nivellement baro- métrique de la Savoie, par M. l'abbé Chamousset. 24 TABLE. 1°" Calcul de la hauteur de Chambéry au- dessus du niveau de la mer. 2e Calcul. 5° Calcul. Conclusion. HyPSOMÉTRIE DU DIOCÈSE DE MAURIENXE, soit du bassin de l’Are, depuis Montmélian jusqu’au Montcenis, par MM. les chanoines Billiet et Gravier. . O»servaTions sur la quantité de pluie tombée à Chambéry depuis le commencement de 1829 jus- qu’au mois d'août 1842, par M. Chamousset. Lerrke de M. l’abbé Constance Gazzera , Secrétaire de l’Académie royale des Sciences de Turin , à M. N°*, membre de l’Institut de France, sur la fausse interprétation d’une inscription romaine découverte en Valachie. Rarrorr de M. le chevalier de Juge, sur le poème adressé à la Société, pour le concours de 1842. . MarériAUx msroriques et Documents inédits, extraits des archives de la ville de Chambéry, par M. le marquis Costa de Beauregard. L'Assaye p’Aucrs , d'après des documents inédits, Mémoire pour servir à l’histoire des monastères, par M. Léon Ménabréa. Documents. Sur LE PRÉTENDU Cure rendu par les anciens Egyp- tiens à quelques légumes, par M. 3.-G.-H. Greppo, vicaire-général de Belley. 101 TABLE. TagceAu DES TREMBLEMENTS DE TERRE observés à St- Jean-de-Maurienne en 14859, par M. le docteur MORAL NE EU en Ro ee 949 Norrce sur LEs Voies ROMAINES qui conduisaient de Leminceum à Augustum , par M. le comte de Vi- gnet, Président de l’Académie. . . . . . . 555 Suire pes Doxs faits à la Société royale académique de Savoie, depuis la publication du IX° volume. 575 # LÉ ss MOVE mr PME EN ‘Map | ol : « ñ . NOTICE HISTORIQUE Des Cravaux DE LA SOCIÉTÉ ROYALE ACADÉMIQUE DE SAVOIE Pendant les Années 1840, 1841 et 1842. Par M. le Chanoïine Rendu SECRÉTAIRE PERPÉTUEL. Pendant les trois années qui se sont écoulées depuis la publication des IX° et X° volumes de ses Mémoires, la So- ciété royale académique de Savoie n’a pas cessé de répondre à sa belle mission de travail et d'encouragement. Les séances ont été régulièrement tenues, de nou- veaux rapports se sont établis avec des Il NOTICE Sociétés étrangères , des concours ont été ouverts et des prix distribués, des députés ont été envoyés dans les congrès scientifi- ques d'Italie et de France, pour participer à cet échange d'observations et d'idées qui a pour but de hâter les progrès des sciences, en appliquant à la faiblesse de l'esprit humain le principe de l'association, qui a produit de si grands effets dans l’industrie. Le XI° volume des Mémoires de la Société contient des travaux importants ; mais 1l reste dans ses archives bien des pages qui mériteraient et auraient obtenu la même publicité, si l'Académie ne s'était fait une loi de restreindre le plus possible ses publications. Dans ce court exposé des travaux qui ont rempli les deux der- nières années , nous tàcherons de faire connaître ce qu'il y a de plus important dans les Mémoires qui ne sont pas livrés à l'impression. HISTORIQUE. IT Sciences physiques. Peu après l'apparition du daguerréotype dans le domaine des sciences, M. Michel St-Martin adressa à l'Académie un essai sur cette invention merveilleuse, qui donne à l'homme le pouvoir de fixer la lumière sur le métal pour y conserver les images de la nature. Exposer avec clarté et précision les opérations de la daguer- réotypie, analyser les actions chimiques qui s’y manifestent, faire l'histoire de son introduction dans notre pays, tel est le but de M. St-Martin. Depuis cette époque, l’art de la photo- graphie a fait des progrès ; les expériences de Becquerel, de Moser, de Gaudin et de plusieurs autres ont dépassé, comme cela devait être, un travail qui les a précédées, et par conséquent elles ont rendu sa pu- blication inutile. IV NOTICE M. l'abbé Billiet, chanoine de la métro- pole, a envoyé à la Société un Mémoire intitulé Hypsométrie du diocèse de Mau- rienne , soit du bassin de l'Arc, depuis Montmélian jusqu'au Montcenis. L'Académie, considérant que lapprécia- tion exacte des inégalités de la surface du giobe est d'une grande utilité pour com- pléter la topographie de chaque localité, a décidé que ce Mémoire ferait partie du présent voluine. La hauteur absolue de Chambéry avait été plusieurs fois établie, et par différents moyens. Cependant le peu d'accord qui existait dans les résultats portait à croire qu'il avait pu se glisser quelques erreurs dans les calculs, dans les observations, ou dans les instruments dont on s'était servi. Comme la hauteur de Chambéry servait de base à la détermination de toutes celles HISTORIQUE. \ des montagnes voisines, il était bien néces- saire qu'elle fût établie d’une manière à ne pluslaisser de doute. M. l'abbé Chamousset a fait de nouvelles observations, de nou- veaux examens, de nouvelles comparai- sons des instruments entre eux, et son immense travail, qui se trouve dans le XI° volume de nos Mémoires, ne laisse plus aucun doute sur la hauteur de Cham- béry ; il a même eu par là le moyen de reconnaître que l'échelle du baromètre de l'observatoire de Genève était, en 1640, trop forte de 18 64. M. l'avocat Raymond a deux fois entre- tenu la Société d'une découverte qu'il a faite dans la théorie du son. Le travail important dont il a commencé la lecture n'étant point encore achevé, nous nous contentons de donner ici le simple énoncé de Ja loi qu'il a trouvée. VI NOTICE On sait qu'un son quelconque fait en- tendre ses harmoniques à différentes oc- taves. En faisant des expériences au moyen de l'orgue, M. Raymond a observé que toutes les fois que deux sons se font entendre simultanément par deux tuyaux d'orgue, on n'entend pas seulement les sons harmoniques propres à chacun d'eux, mais encore un son distinct et didérent de ces derniers , lequel se reproduit cons- tamment dans les basses. Ce son , que l'on pourrait appeler sous- résonnance, doit certainement avoir un rapport mathématique avec les deux sons générateurs, et c'est vers la recherche de cerapport que se sont dirigées les expérien- ces et les calculs du savant physicien. Le résultat de ses recherches a été la décou- verte de la loi à laquelle il est soumis, et qui peut être énoncée ainsi : Deux sons qui vibrent ensemble repro- duisent toujours un troisième son égal à HISTORIQUE. VIH celui qui serait donné par un nombre de vibrations servant de plus grand commun diviseur aux vibrations des deux sons gé- néraleurs, pourvu que ce commun divi- seur soit au-dessus de 52. Dans le Mémoire de M. Raymond, cette proposition est appuyée par des démonstrations mathématiques qui ne laissent rien à désirer à l'esprit. M. l'abbé Chamousset a fourni à la Société des observations de pluvioméirie qui sont consignées dans le présent vol. Mer Billiet, archevêque de Chambéry et président honoraire perpétuel, a lu à la Société un Mémoire sur les vents pé- riodiques des hautes vallées des Alpes. Dans la première partie de ce beau travail, l'auteurétablit que dans les vallées VII NOTICE de Maurienne, de Suse, de Pignerol et de Tarentaise, il règne durant la belle saison des vents qui, pendant le jour, se dirigent de la plaine vers le haut des montagnes , en suivant le fond des vallées, et prennent pendant la nuit une marche opposée. Le séjour prolongé que ce savant prélat a fait à St-Jean-de-Maurienne lui a fourni l'occasion d'observer et d'étudier ce phénomène. Après l'avoir décrit et suivi dans sa marche, il entre dans des consi- dérations théoriques qui ont pour but d'en faire connaître la cause. Comme ce Mémoire est imprimé en entier dans le présent volume, nous y renvoyons le lec- teur. Chimie. M. Joseph Bonjean, protopharmacien de Chambéry, communique à la Société un Mémoire , dans lequel il examine une HISTORIQUE. IX question de grande importance pour la médecine pratique. Le calomel ou protochlorure de mer- cure , mêlé aux chlorures alcalins avec ou sans eau, avec ou sans sucre, peut-il donner lieu à une composition de sublimé- corrosif, et par là être dangereux pour les malades à qui un mélange semblable serait administré ?...… Telle est la question que le jeune chi- miste a cherché à résoudre , et qui déjà avait été fortement débattue dans le con- grès scientifique de Turin. M. Bonjean admet, avec Peten-Koffer, Miathe et M. Abbene, que le protochlo- rure de mercure en présence du sel am- moniac et de l'eau, se change, du moins en partie, en sublimé-corrosif et en mer- cure métallique, mais seulement dans le cas où la quantité du chlorure alcalin est au moins deux fois celle du calomel, et quand ce mélange est soumis à une tem- X NOTICE pérature d'au moins 40 à 5o degrés. Comme conséquence de ces deux der- nières conditions , M. Bonjean admet que le médecin pourra sans crainte prescrire le calomel uni au sel ammoniac, pourvu que ce dernier ne soit pas en quantité plus grande que le premier; Que, quelle que soit la proportion des deux substances, il n’y a pas à craindre de voir se former du sublimé - corrosif, parce que la réaction des deux sels ne peut avoir lieu qu'à une température su- périeure à celle du corps humain; Que le médecin pourra toujours or- donner le calomel seul et sans addition de chlorures alcalins, parce que la quantité de ces sels contenus dans les organes du corps humain, n'est pas suffisante pour donner lieu à la formation du sublimé- corrosif. Dans la séance du 22 juillet 1842, M. Joseph Bonjean à fait à la Société une HISTORIQUE. XI communication verbale conçue en ces termes : » » » » « En 1640, MM. Orfila et Lassaigne ont annoncé à l’Académie royale de Paris qu'ils avaient trouvé du plomb dans les urines d'hommes et d'animaux empoisonnés par des préparations plom- biques. » Ce fait méritait d'autant plus de fixer l'attention, qu'il avait été jusqu'ici contesté par la plupart des physiolo- gistes. » L'année dernière, j'ai fait quelques recherches à ce sujet pour me convain- cre par moi-même que certains métaux étaient réellement absorbés à l'état sa- lin, et je suis parvenu à reconnaître la présence du plomb, du mercure et de l'arsenic dans l'urine de malades à qui ces substances avaient été adminis- trées comme remèdes. Je me borne aujourd'hui à l'indication des résultats, XII NOTICE » et plus tard je ferai connaître le détail » de mes expériences. » Géologie. M. l'abbé Chamousset a, dans plusieurs séances de la Société, donné des détails pleins d'intérêt sur la géologie des environs de Chambéry. Il a successivement classé toutes les montagnes qui l'entourent, et indiqué les espèces de terrains qui s'éta- gent dans chaque masse. Les géologistes étrangers qui avaient visité nos montagnes n'avaient pu donner que des indications générales sur leur nature ; M. Chamousset a visité toutes les localités, examiné les masses, compté et pour ainsi dire analysé les couches de chaque montagne, rassemblé et-comparé les caractères organiques qui peuvent aider à les déterminer ; et à l’aide de tous HISTORIQUE. XIII ces moyens , il a marqué la place que nos contrées doivent occuper dans la carte géologique de l'Europe. Conjointement avec M. Itier, géologiste distingué de France et membre corres- pondant de l’Académie de Savoie, M. Chamousset s'occupe à dresser la carte géologique de tout le Duché. Il travaille encore à un ouvrage qui aura pour objet de faire connaître les terrains de la Savoie, les roches qui composent ses montagnes, et enfin ce qu'il y a de plus remarquable dans les divers soulèvements dont notre sol si accidenté a été le théâtre. En attendant que ce savant géologiste ait fini et publié son ouvrage, nous don- nerons ici l'abrégé de son travail sur tout ce qui a rapport aux environs de Cham- béry. Dans l'énumération des étages géolo- giques qui forment nos montagnes, nos collines et même nos plaines , nous com- XIV NOTICE mencerons par les plus récents, et nous arriverons successivement aux plus an- ciens. 1° Terrains actuels. — Les éboulis qui sont au pied de tous les escarpements, et en particulier toute la surface des Abimes de Myans; les dépôts que nos ruisseaux et surtout ceux que le torrent de l’Aisse forme sur sa route et prolonge dans le lac du Bourget ; les tourbes des marais de Challes, du Viviers, etc., appartiennent à cette formation. 0 Terrain diluvien. — Blocs errati- ques ; cailloux de diverses grosseurs dé- posés sur le sol, ou mêlés à la terre et au sable, et formant des masses qui ne pré- sentent aucune trace de stratification. Ce terrain se présente presque partout à la surface du sol, jusqu'à la hauteur d'environ 800 mètres au-dessus de la mer. Les blocs erratiques d'origine alpine, ainsi que les cailloux roulés qui se ren- HISTORIQUE. XV contrent partout avec eux, sont très-abon- dants sur la montagne de Curienne, sur l'escarpement qui domine Puisgros, Thoirv, St-Jean-d'Arvey ; ils cessent abso- lument lorsqu'on atteint la moitié de la distance verticale qui est entre St-Jean- d'Arvey et l'église des Déserts. Ces dépôts ne se montrent sur la montagne d'Epines que dans les parties les plus basses. Dans la plaine, ce terrain forme des dé- pôts considérables, surtout à Triviers, à St-Cassien près du pont St-Charles, à Mont-Gex, à St-Sulpice, où il est creusé par des ravins profonds ; à Ragès, sur la gauche de la descente, etc. 5° Terrains tertiaires. — 1° Formation supérieure, lacustre. — Sables, cailloux, argiles avec coquilles d'eau douce ( pla- norbes, spirorbes ) ; lignites contenant des feuilles quelquefois assez bien con- servées, des cônes de sapins, des clytres d'insectes. Ce qui distingue cette forma- XVI NOTICE tion de la précédente, c'est sa stratification assez régulière ; les sables, les cailloux, etc., sont disposés en couches distinctes. Les couches sont toujours à peu près ho- rizontales, quelle que soit l'inclinaison du sol sur lequel elles reposent. On peut citer en particulier les collines de la Boisse et de Sonaz., celles de la Motte- Servolex et du Trembley. 29 Formation moyenne , marine. — Les mollasses et les grès contenant des dents de squales, des pecten, et autres coquilles marines. La partie supérieure est généralement à grains plus fins et beaucoup moins coquillère que la partie inférieure , qui n'est souvent qu'un grès à gros grains tout pétri de coquilles. Elle est inclinée dans le voisinage des mon- tagnes , et a participé au dernier et prin- cipal soulèvement des roches plus ancien- nes. Elle occupe le fond de toutes les vallées qui se dirigent depuis les Echelles HISTORIQUE. XVII et le Pont-Beauvoisin jusqu'en Suisse : St-Jean et St-Thibaud-de-Couz, Vimines, St-Sulpice, Cognin, la Motte, le Bourget, Hautecombe et une partie de la Chauta- gne ; le Pont-Beauvoisin jusqu'à Cham- pagneux , les Echelles jusqu'à Yenne, par ia Bauche et St-Franc, Oncin, Novalaise, etc. Toutes les collines du Grésivaudan, de la Biolle, de Rumilly, etc. On n'en retrouve aucune trace dans la vallée qui joint Chambéry à Montmélian, ni dans la vallée de l'Isère, ni à plus forte raison dans la Maurienne et la Tarentaise. Dans les Bauges, elle existe dans les deux vallées d'Aillon et de St-Francçois à Belle- combe ; on ne la retrouve plus au-dessus du Châtelard. 3° Formation inférieure, lacustre. — Marnes et argiles rouges, bleues ou bigar- rées. — À St-Jean-de-Couz , à Vimines, près de la cascade; à Aiguebelette, où elle forme de petites collines, et surtout à II XVII NOTICE Grésy-sur-Aix, dont elle supporte l'an- cienne tour. Là on lui trouve une puis- sance d'environ 400 mètres ; elle y est immédiatement au-dessous d’un grès ma- rin à gros grains; elle contient des veines de gypse comme à Vimines, et plusieurs bancs d'un calcaire blanc grisâtre, mar- neux ou sableux, séparés par des marnes schisteuses, dans lesquelles on trouve des moules de plusieurs coquilles d’eau douce (hélices, néritines, etc. ). Ces marnes sont quelquefois noires et paraissent contenir des traces de lignite. La brèche de Vimines semble apparte- nir à cette formation ; elle est composée de fragments calcaires qui doivent provenir de Ja destruction du terrain néocomien supérieur. Ces fragments de différentes grosseurs sont environnés de couches con- centriques diversement nuancées, qui produisent le plus bel effet lorsque la ro- che est polie ; ils sont liés par un ciment HISTORIQUE. XIX calcaréo-marneux, dont la couleur varie du gris au jaune et au rouge. 49 Terrain crétacé. — La craie et les grès verts manquent absolument aux en- virons de Chambéry. Les grès verts de la perte du Rhône sont classiques ; on les retrouve à Sixt, à Cluses, etc. On peut aussi étudier plusieurs roches crétacées à Bellecombe en Bauges, à Entrevernes, à Thônes, et sur un grand nombre de points des montagnes du Faucigny. La formation néocomienne, qui repré- sente la partie inférieure du terrain cré- tacé , est extrêmement abondante aux environs de Chambéry ; elle forme les sommités des plus hautes montagnes de la Grande-Chartreuse, du mont Granier en particulier. Le sol des Abîmes de Myans n'est formé que des débris du terrain néo- comien, dont il contient les fossiles en abondance ; on y trouve entre autres la Nérinea Chamoussetti. Lechâteau St-Clau- XX NOTICE de à St-Cassien, la cascade de Couz, St- Jean et St-Thibaud-de-Couz, dans les parties qui ne sont pas recouvertes par la moilasse , les environs des Echelles, d’Aix- les-Bains, de Voglans, portent les carac- tères de cette formation. Il s'appuie sur la face orientale des montagnes qui s'éten- dent depuis les Echelles jusqu’au Mont- du-Chat et en Chautagne, depuis Chailles jusqu’à Yenne, depuis St-Innocent jusqu'à Seyssel ; il en recouvre souvent le sommet, et quelquefois il s'en présente des lam- beaux du côté occidental des mêmes mon- tagnes. Dans le massif des Bauges, il existe à St-Jean-d'Arvey , aux Déserts, à St-François et à Arith; il forme tout l’es- carpement que présente Margériac au-des- sus des Déserts et de Plain-Palais, il occupe le sommet du Collombier, etc. On peut signaler aux amateurs de fossiles les loca- lités extrêmement riches de la cascade de Couz, des Abîmes de Myans, de Corsuet, de Moy , etc. HISTORIQUE. XXI 9° Terrain jurassique. — On peut étu- dier avec facilité aux environs de Cham- béry, tous les termes de la série jurassi- que, excepté la partie la plus basse de l'oolithe inférieure et le lias, quine s'y montrent Jamais à découvert. La roche d'où s'échappe la fontaine de St-Martin appartient à loolithe inférieure, et supporte, dans la vallée des Charmet- tes, les roches marneuses et les marnes d'Oxford, qui sont les premiers termes de loolithe moyenne. L'oolithe inférieure reparaît au Petit-Barberaz, pour s'enfoncer bientôt sous l'oxford-clay, qui forme les roches de St-Baldoph. La colline de Les- chaux, à la Ravoire, est toute entière de loxford - clay ; celle de Lémenc et de St- Louis-du-Mont est toute de l’oolithe infé- rieure, excepté la partie qui est à gauche du petit-séminaire, laquelle est plantée de vignes, et appartient encore à l’oxford- clay. En allant de Bassens à St-Alban, on XXIT NOTICE retrouve l'oolithe inférieure, qui plonge sous l’oxford-clay dans lequel sont plan- tées les vignes de Monterminod. Les vi- gnes de Challes sont aussi dans les marnes oxfordiennes, qui s’appuyent contre l’ooli- the inférieure dont est formée la montagne de Curienne, depuis le château de Challes jusqu'à la Boisserette. L’oolithe inférieure ou l'oxford-clay forme la partie la plus basse de l'escarpement de Granier, du Nivolet, et de toute la partie occidentale de cette montagne. Les mêmes roches se retrouvent sur la rive droite de l'Isère, où elles atteignent quelquefois une grande hauteur. Granier présente au-dessus des roches précédentes toute la série des ter- rains Jurassiques, qui sont même recou- verts par le terrain néocomien qui est à son sommet. Le haut de Nivolet est le corallien et peut-être l’oolithe supérieure. Lorsqu'après être monté sur le château St-Claude, qui est bâti sur le néocomien HISTORIQUE. XXIIT blanc supérieur, on s'approche de la mon- tagne, on observe le néocomien inférieur ; puis, après avoir traversé une petite val- lée, on tombe sur les étages supérieurs jurassiques. L’oolithe supérieure et le co- rallien se présentent sur l’escarpement qui est à la face occidentale de la montagne d'Oncin; le sommet de cette montagne est tout néocomien; mais depuis le passage d'Aiguebelette jusqu'a Chanaz, cette mê- me partie de la montagne est ordinaire- ment occupée par l’oolithe supérieure et le corallien. Ces deux roches se sont aussi fait jour sur le sommet de la montagne qui va de St-Innocent à Seyssel, où elles se montrent dans un grand nombre de points. Lorsqu'on descend le long du Rhône, de Yenne à Saint-Genix, on a d'abord à sa gauche l’oolithe supérieure, puis l'on voit successivement les différentes roches du corallien , etc. L'étude la plus belle et la plus complète XXIV NOTICE que l'on puisse faire de ces terrains se fait en traversant le Mont-du-Chat par la route nouvelle. La mollasse qui est sur les bords du lac recouvre le pied du terrain néoco- mien, qui s'élève jusqu'à la hauteur de l'église du Mont-du-Chat. Derrière le ter- rain néocomien se présente le terrain Ju- rassique, que l’on peut suivre jusqu'aux premiers étages de l’oolithe inférieure. Le corallien y est très-développé, ainsi que l'oxford-clay ; celui-ci se termine par la mine de fer, célèbre par l'abondance de ses fossiles : cette mine est suivie de plu- sieurs étages de l'oolithe inférieure. On peut faire la même étude en partant d'Hautecombe ou de Conjux, et allant par St-Pierre-de-Curtil , soit à Lucey, soit à Chanaz , où l’on retrouve la même mine de fer, et au-dessous l’oolithe inférieure. 6° Lias et roches inférieures. — Le lias se trouve au-delà de l'Isère, lorsqu'on s'approche de la chaîne principale des HISTORIQUE. XXV Alpes; mais le métamorphisme qu'il a éprouvé a détruit ou changé presque tous ses caractères. Il est inutile de parler des chistes antraxifères et à empreintes re- marquables , dont l’âge géologique n'est pas encore fixé d'une manière certaine, . et qui alternent avec des grès aussi mé- tamorphosés, qui, sous la forme de schis- tes talqueux ou micacés, reposent immé- diatement sur les roches granitiques. Nous ne devons pas oublier de dire que parmi les nombreux fossiles que M. l'abbé Chamousset a trouvés dans nos roches, se rencontre une espèce nouvelle, à laquelle M. d'Orbigny, dans sa Paléontologie fran- caise, s'est empressé de donner le nom de Nerinea Chamoussetti, pour honorer le nom de notre savant confrère. M. l'abbé Chamousset a rendu compte à la Société des roches polies qu'il a ren- contrées dans la Grotte des Fées. — Cette roche est située entre Chambéry et Aix- XXVI NOTICE les-Bains, sur l’escarpement qui porte le village de Vérel, presque à égale distance du défilé de St-Saturnin et du château de Montagny. Deux surfaces polies, qui se coupent à angle aigu, y forment le plan- Cher et le toit d’une petite grotte, que les gens du pays appellent la Grotte des Fées. On y arrive par une pente longue et ra- pide. La roche est formée d'un calcaire gris-jaunâtre , très-fendillé et à cassure inégale. La direction des couches est le nord-nord-est ; leur inclinaison est de 25° à 50° à l’est ; elles sont coupées diagona- lement par plusieurs fentes, qui donnent à quelques parties de la masse la forme de coins enclavés dans la montagnes : c'est à la destruction du sommet d'un de ces coins, qu'est due la formation de la Grotte des Fées. On remarque enfin une faille verticale près de cette grotte. La roche est polie dans tous les plans de stratification et entre toutes les surfaces HISTORIQUE. XXVII de jonction qui composent les grandes fentes diagonales, de sorte que la partie supérieure de chaque couche et la partie inférieure de la couche qui repose sur elle, sont également polies. Ces surfaces polies sont couvertes de stries fines et serrées, qui sont parallèles entre elles et presque parallèles à la di- rection des couches, ou perpendiculaires à leur inclinaison. Lorsque les faces polies ont été mises à découvert depuis quelque temps , ou qu'elles sont séparées par un petit inter- valle , elles se couvrent d'un dépôt calcaire qui diminue le poli. Dans quelques cas, l'eau qui coule sur la surface polie la rend douce, onctueuse au toucher et miroi- tante; mais en même temps elle détruit les stries et le poli primitif. On obtient des échantillons du plus beau poli avec les stries le mieux conservées, lorsqu'on sé- pare des surfaces dont le contact est par- XXVIIT NOTICE fait; on trouve encore, près de la grotte, des échantillons d'une brèche que l’on di- rait avoir été polie artificiellement. Nous abandonnons ces faits à l’inter- prétation des savants ; dans tous les cas, il est évident quil faut rejeter ici toute explication qui ferait intervenir soit le mouvement des glaciers, soit le transport des cailloux et des blocs erratiques. La direction des stries ne permet pas non plus d'admettre un glissement des couches dans le sens de l'inclinaison, lequel aurait été un simple effet de la pesanteur. Peut-être faut-il attribuer le poli de notre roche à des ébranlements que la masse aurait éprou- _vés, soit à l'époque du soulèvement, soit plus tard, par l’action de tremblements de terre, qui auraient produit des dislo- cations et des oscillations entre les diverses parties de Ja masse. Maïs toutes ces sup- positions ne serviraient qu'à éloigner les difficultés sans les résoudre. HISTORIQUE. XXIX Nous avons cru devoir donner une lon- gue place à la description de ce fait, par- ce qu'il a servi de base à plusieurs sys- tèmes, et qu'un grand nombre de savants s'en occupent dans toutes les parties de l'Europe. Dans la séance du 10 juin 1842, M. l'abbé Chamousset a fait à la Société une communication verbale sur l'ancien et terrible événement de la chute du mont Granier. Les courses nombreuses que ce savant géologiste a faites autour de la montagne et sur son sommet, l'ont mis à même d'expliquer la cause de cet éboule- ment , la manière dont il s'est fait, et l'étendue précise qu'il a eue , et par là même de réfuter l'erreur des écrivains qui ont pensé et dit que la portion de la mon- tagne qui est tombée équivalait à l’éten- due de la grande échancrure qui sépare le Granier de la montagne de Joigny. XXX NOTICE C'est par le moyen des observations géologiques que M. l'abbé Chamousset a pu établir ces trois choses avec une pré- cision qui ne laisse rien à désirer. — Et d'abord , par le moyen des blocs errati- ques , il a marqué l'étendue de la mon- tagne qui a été renversée et l'étendue du terrain qui a été recouvert par les débris. On sait que la surface de notre sol est partout recouverte de caïlloux roulés, ou de blocs erratiques provenant de l'une des dernières révolutions subies par notre globe. Si donc une partie de la montagne s'est éboulée dans la plaine, comme on le dit, en 1246, les débris auront recou- vert les cailloux roulés, qui ne se retrou- veront par conséquent ni sur le lieu dé- couvert par l'éboulernent, ni sur l’espace recouvert par les débris. Or, M. l'abbé Chamousset a retrouvé le col du Frais, d'où l’on supposait qu'était parti l'éboule- ment, tout recouvert de blocs erratiques ; HISTORIQUE. XXXI d'où il a conclu que lors de l'éboulement ce col était déjà ce qu'il est aujourd'hui. Ce n'est quen se rapprochant du grand escarpement vertical de Granier que l'on retrouve le sol découvert de cailloux rou- lés, ce n'est donc que de ce point qu'est parti l’éboulement. L'espace recouvert par les débris n'est pas aussi considérable qu'on le croit com- munément. La colline sur laquelle se trouve bâtie l'église de Notre-Dame-de- Myans étant un dépôt tertiaire semblable à ceux qui recouvrent le fond de toutes nos vallées , existait déjà ; la hauteur du village et du château des Marches étant de même nature, existait aussi : ce n’est donc qu'entre ces deux localités et la base de la montagne que l'on peut retrouver les débris. En effet, en suivant le chemin qui conduit de l’une à l’autre, on se trouve presque constamment sur la limite des éboulis. Venons à la cause de cette chute. XXXII NOTICE Le Granier est une montagne calcaire qui, depuis le point de sa base mis à découvert par l'éboulement, jusqu’à son sommet, contient toute la série des ter- rains jurassiques qui séparent l'argile d'Oxfort du néocomien. Les couches, sur- tout dans la partie inférieure, ne sont pas parfaitement horizontales, mais légère- ment inclinées vers l'est, soit du côté de l'oratoire de Myans. Il faut encore observer que les différentes assises n'étaient pas composées de roches dures et compactes, mais la plupart étaient formées de subs- tances meubles ou peu cohérentes. Sup- posons donc une tranche du Granier ac- tuel coupée verticalement par une fissure qui descendrait du sommet de la monta- gne en traversant toutes les couches et arriverait jusqu'a la couche du terrain oxfordien ; les eaux descendraient peu à peu par cette fissure, qui ne tarderait ‘pas à devenir une fente. Quand les eaux HISTORIQUE. XXXIIL arriveront jusqu'à la couche argileuse qui se trouve inclinée vers la vallée, la tran- che pourra glisser dans le sens de l'incli- naison , et quand l'équilibre de la masse sera rompu, elle quittera sa place pour tomber dans la vallée ; voilà ce qui a dû arriver. On comprend que, pendant la chute, les parties ont pu conserver un certain ensemble, et que le tout n'a dû se briser qu'au moment où la masse a frappé le sol. Dans ce cas, les parties les plus éle- vées de la tranche séparée ont dû être portées plus loin de la montagne, tandis que la base sera restée près du lieu qui lui servait d'appui. C'est en effet le résul- tat qu'a fourni à M. l'abbé Chamousset l'examen des éboulis et de la place qu'ils occupent. Le terrain néocomien parti du haut de la montagne, se trouve sur les bords du chemin qui conduit des Marches à Myans, sur la dernière limite des Aby- III XXXIV NOTICE mes; l'oxfordien se trouve vers la base de l'escarpement , tandis que le coralien remplit l'espace intermédiaire. Il ne peut donc y avoir doute ni sur la cause de l'é- boulement, ni sur la manière dont il s’est Lé r opere. La question des glaciers, qui occupe aujourd'hui les géologistes, laisse encore à la science de grands mystères à pénétrer. Le transport des blocs erratiques est maintenant assez généralement attribué à l'action des glaciers ; mais l'adoption de cette cause ne fait qu'éloigner la difficulté; il faut encore expliquer comment les gla- ciers ont pu prendre une extension assez grande pour porter leurs effets dans les lieux où les blocs erratiques attestent leur ancienne présence. M. le Secrétaire perpé- tuel a lu à la Société un Mémoire, dont le but est de trouver la cause de l'exten- HISTORIQUE. XXXV sion qu'ont dû avoir les glaciers, pour déposer tout autour du massif des Alpes ces blocs erratiques, qui s'y trouvent à une assez grande distance. M. le Secrétaire a étudié ce qui est encore pour arriver à la connaissance de ce qui n’est plus. Voici en peu de mots la suite de ses raisonnements : la surface du Mont-Blanc, au-dessus de la limite des neiges perpétuelles, fournit seule la quantité de glace qui alimente tous les glaciers d'écoulement qui se trouvent au- tour du géant des Alpes. Ainsi cette surface peut être considérée comme un réservoir, d'où partent les glaces pour aller se fondre dans une région plus douce, et les glaces qui en descendent forment ce que l’auteur appelle des glaciers d'écoulement. On comprend que les glaciers d'écou- lement doivent être d'autant plus étendus, que la quantité de glace fournie par le glacier réservoir est plus considérable. XXXVI NOTICE Ainsi, supposons qu'au lieu de former sept glaciers d'écoulement, la surface entière du Mont-Blanc n'en formât qu'un seul, et que toutes les glaces qui descendent de ce grand réservoir vinssent à s'écouler par le glacier des Bois : il est bien probable qu’au lieu de se terminer au point où il finit actuellement, le glacier descendrait jusqu'aux environs de la commune de Cervoz, ou au moins qu'il occuperait toute la vallée de Chamonix. Il y a donc une proportion déterminée entre les glaciers réservoirs et les glaciers d'écoulement. Pour le Mont-Blanc, cette proportion est à peu près celle-ci : le gla- cier réservoir a environ deux lieues carrées de surface, tandis que les glaciers d'écou- lement en ont six. On aurait donc cette proportion : les glaciers d'écoulement sont aux glaciers réservoirs , comme six sont à deux. Or, il y eut un temps où le massif du HISTORIQUE. XXX VII Mont-Blanc était plus considérable qu'il ne l’est maintenant; à force de frotter ses flancs les glaces l’ont usé ; les fentes, les échancrures, les vallées d’érosion qui sil- lonnent ses côtés, montrent encore tout ce que le temps lui a pris; les aiguilles du Dru, de Charmos, du Géant, etc., sont des témoins restés pour attester son an- cienne élévation et l'étendue de sa surface. , D'un autre côté, les blocs erratiques qui ‘couvrent notre sol, les galets, les graviers, les sables qui forment quelques-unes de nos collines, sont des matériaux qui lui ont été arrachés et qui donnent une idée de son ancienne masse. Si donc on-suppose que la surface des neiges éternelles a pu être seulement le double de ce qu’elle est actuellement, on aurait des glaciers d'écoulement de douze lieues carrées de surface. C’est peu de cho- se, mais les conséquences sont immen- ses. Cette quantité de glace, descendant XXX VIII NOTICE des hauteurs du Mont-Blanc dans les vallées voisines, qui n'étaient pas alors aussi profondes qu’elles le sont mainte- nant, ne pouvait pas y fondre pendant les mois de l'été ; elle devait donc s’accumu- ler et remplir ces mêmes vallées: dès lors, la glace les comblant devait s'élever à la hauteur des montagnes voisines, les couvrir et ne former quune immense surface, qui diminuait de hauteur en s'étendant jusqu'aux plaines. Or, cette surface , étant elle-même au- dessus de la limite des neiges éternelles, ne serait qu'un glacier réservoir qui don- nerait lieu à des glaciers d'écoulement d'une immense étendue. Avec la connaissance du véritable sys- tème de la formation des glaciers, si l’on fait attention que la fusion de la glace ne s'opère qu'à la surface extérieure, etencore à celle-seulement qui est en contact avec l'air atmosphérique , on conçoit que pour HISTORIQUE. XXXIX arriver à des glaciers d'une très- grande étendue, il n'est pas nécessaire de recou- rit à des révolutions dans la position du globe, ni à des soulèvements extraordi- naires, ni à des changements de tempé- ‘rature d'une très-grande durée. C'est ce qu'a cherché à démontrer le Mémoire de M. le Secrétaire. Inventions utiles. M. Louis Ménabréa, capitaine du génie, membre non résident de la Société, a fait, dans la séance du 20 mai 1842, un rap- port verbal sur la machine analytique de M. Babbage, savant anglais, qui consume sa vie à la solution d'un grand problème, ayant pour but d'épargner le temps des hommes qui explorent la nature. Nous nous contenterons de citer ici, autant qu'il nous sera possible , les propres expressions de M. Ménabréa. XL NOTICE M. Charles Babbage, membre de la Société royale de Londres, occupe à lu- niversité de Cambridge la chaire de l’im- mortel Newton; il est connu par un grand nombre d'ouvrages ; mais celui qui a le plus contribué à vulgariser sa réputation en Angleterre, est le traité de l'Economie des manufactures et des machines. Déjà il avait inventé un instrument calculateur qu'on pourrait appeler Machine aux diffé- rences ; mais il en a abandonné l'exécu- tion dès l'instant où il a conçu le plan de la machine analytique, dont je veux es- sayer de vous donner une idée. Le temps qu'il faut employer pour ob- tenir certains résultats cherchés par les calculs numériques, le danger de tomber dans des erreurs qui peuvent si facilement échapper à une attention qui doit être longuement soutenue, ont de tout temps fait sentir la nécessité d’une machine qui pût soulager et rassurer l'esprit des cal- HISTORIQUE. XLI culateurs. Pascal, Leibnitz, Nicolas Saunderson, etc. , etc., ont tour-à-tour travaillé avec plus ou moins de succès à la combinaison de ces instruments. La ma- chine arithmétique de Pascal, que l'on peut regarder comme ayant ouvert la carrière à ce genre d'invention, ne pouvait s’ap- pliquer qu'aux quatre premières opéra- tions de l’arithmétique. M. Babbage , s'élançant hors des voies suivies jusqu'à ce Jour, étend sa machine au point de lui demander tous les calculs de l'analyse, sans avoir recours, dans la série des opé- rations, à l'intervention de l'intelligence de l’homme. En supposant done qu'un savant ait combiné une méthode et dressé une formule pour arriver à la solution d'un problème, là s'arrêterait sa fonction pour faire place à celle de la machine analytique, à qui l'on demanderait l’exé- cution mécanique de tous les calculs indi- qués par ces mêmes formules. ! XLII NOTICE Dans toute espèce de calcul, on distin- gue la nature de l'opération et les nombres sur lesquels on doit opérer; cette distinc- tion donne lieu à deux dispositions cor- respondantes de la machine. Toute opération numérique se réduit en définitive à l’une des quatre premières de l’arithmétique, l'addition, la soustrac- tion, la multiplication et la division. Comme la machine analytique exclut toute méthode de tâtonnements, ces opé- rations doivent nécessairement être faites d'une manière directe. Chaque nombre est représenté par une colonne verticale, composée d’un nombre indéterminé de disques circulaires ayant tous un mouvement de rotation indépen- dant autour d'un même axe vertical. Sur le contour de chacun de ces disques sont écrits les dix chiffres qui composent notre alphabet numérique. Le premier disque représente les unités; le second, les dixai- HISTORIQUE. XLIJE nes ; le troisième, les centaines, et ainsi de suite. Cela posé, en disposant sur une même ligne verticale une série de chiffres pris sur chacun des disques, on pourra représenter un nombre quelconque. Il existe un nombre indéterminé de ces co- lonnes, et leur ensemble forme ce que M. Babbage appelle le magasin. C'est là que viennent s'écrire les nombres destinés à être soumis aux opérations ; c'est encore à que viennent s'inscrire les résultats obtenus. Une autre série de colonnes semblables aux premières forme le moulin. C'est là que s'écrivent les nombres sur lesquels on doit opérer immédiatement, et ceux qui doivent être transportés dans le maga- sin, pour y être conservés comme résul- tals, ou bien pour servir à d’autres trans- formations. Ainsi , les nombres passent alternativement du moulin au magasin et du magasin au moulin. XLIV NOTICE Pour donner à la machine la faculté de procéder d'elle-même aux calculs qui lui sont indiqués par la formule proposée, M. Babbage a eu recours à l'ingénieuse idée de Jacquard. On sait qu'au moyen de simples cartons l'on parvient à con- fectionner des étoffes brochées, sans que l’ouvrier qui travaille au métier ait à s’oc- cuper du dessin qu'il doit reproduire. C’est aussi à l’aide de cartons que marche la machine analytique. Elle en contient de deux genres principaux : les cartons qui appartiennent aux diverses espèces d'opé- rations , et les cartons des variables, qui indiquent les colonnes du magasin sur lesquelles il faut opérer. Chaque série de cartons représente le développement d'une formule algébrique, dont ils ne sont qu'une simple traduction. Ils en ont la généralité, puisqu'ils ne font qu'indiquer l'ordre et la nature des opérations et les colonnes qui doivent être mises en action. HISTORIQUE. XLV Avant de mettre la machine en mou- vement , il faudra donc introduire les données numériques du problème. A la fin de l'opération, les données se trouvent imprimées avec le résultat auquel elles donnent lieu, ce qui permet de reconnaî- tre si la question à été bien posée. C'est d'après les lois de l'algèbre que les com- binaisons des signes s’opèrent dans la machine même. Nous avons dit que la machine était capable d'exécuter les calculs analytiques. Pour cela, il faut concevoir qu'une ex- pression analytique puisse toujours être développée en séries et ordonnée suivant les puissances ou suivant certaines fonc- tions de la variable. Les différentes séries se distinguent entre elles par la nature des coeflicients numériques qui affectent les fonctions de la variable. La combinaison de plusieurs séries entre elles donne lieu à des résultats composés de termes dont XLVI NOTICE la forme est connue. La question se réduit doncà calculer les coefficients numériques de ces différents termes. Ainsi, en sup- posant que chaque colonne du magasin représente une puissance ou une fonction de la variable, et que le nombre écrit sur la colonne en soit le coefficient, dans les différentes combinaisons qu'on se propose, il suffira de changer convenablement les nombres écrits sur les colonnes, pour pas- ser d’une série à une autre. Cela peut se faire par le moyen de cartons, comme pour le cas où l’on n’a qu'une simple for- mule à calculer. Telle est l'exposition des principes généraux sur lesquels est fondée la construction de la machine analytique. L'invention de M. Babbage a pour but de procurer une exactitude et une rapidité d'exécution , qu'il serait impossible d’ob- tenir différemment. Ainsi, une multipli- cation dont les facteurs seraient de 20 HISTORIQUE. XLVII chiffres chacun, exigerait tout au plus trois minutes. I] est impossible de ne pas voir de quel secours cet instrument serait pour les sciences physiques. Une foule d'observations précieuses restent enseve- lies et sans utilité, parce que le temps matériel manque pour les soumettre au calcul. Il n’en sera plus ainsi quand la machine analytique constituera une véri- table manufacture de nombres. M. l'abbé Depierre, vicaire de Morzine, dans le haut Chablais, a adressé à l’Aca- démie un Mémoire sur certains usages auxquels on peut appliquer l’ardoise. Ce Jeune ecclésiastique a profité de son séjour dans les montagnes du haut Chablais, pour examiner les propriétés des schistes ardoisiers, qui sont comme la base du massif calcaire qui avoisine la chaîne centrale des Alpes. XLVIIE NOTICE Après divers essais, il a trouvé une encre au moyen de laquelle on peut tracer sur l'ardoise, qui est d'un bleu noir, des caractères qui deviennent dun blanc assez pur et qui sont indélébiles. M. l'abbé Depierre énumère les divers usages auxquels on peut appliquer sa découverte, quil'appelle Schistographie. Archéologie. M. l'abbé Gazzera, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Turin et corres- pondant de celle de Savoie, a envoyé un Mémoire dont nous nous dispensons de parler ici, parce que ce travail, admis par une commission spéciale, est tout entier reproduit dans le présent volume. Des tombeaux avaient été découverts sur la colline de Lémenc, aussitôt la HISTORIQUE. XLIX Société avertie a nommé une commission composée de MM. Chamousset et Ména- bréa, pour les examiner et recueillir tout ce qui pourrait fournir d'utiles indica- tions sur l'espèce et l’âge de ces restes d'un autre temps. M. l'avocat Ménabréa, chargé de faire le rapport, a fait connaître les faits suivants: Sur la gauche du chemin qui conduit de la route d'Aix au couvent de la Visita- tion, des ouvriers cherchant de la terre végétale dans les enfractuosités des ro- chers, ont découvert à la profondeur de 2 à 5 pieds, douze squelettes parfaite- ment conservés et tous couchés à la ren- verse. D’après le rapport des ouvriers, ces corps, à l'exception d'un seul dont la position n'a pu être constatée, avaient tous la même direction, celle du nord-est au sud-est ; et c'est vers ce dernier point que leurs pieds se dirigeaient. La plupart d'entre eux avaient les pieds IV L NOTICE posés sur un segment de disque en terre cuite et demi-circulaire. Sur chacune de leurs jambes était placée une espèce d'armure pareillement en terre cuite, et semblable à ces tuilles recourbées que l’on appelle cornières, avec la difié- rence qu'au lieu d'être arrondies, les deux parois formaient un angle droit. Vers la tête de chaque squelette il y avait un vase en terre; et ces différents vases comparés entre eux, ne se ressem- blaient ni par la grandeur, ni par la for- me, ni même par la substance, puisque l'un d'eux semble tenir un certain milieu entre la porcelaine et la terre de pipe. Un fragment de poterie grisâtre, tendre et friable laisse encore lire ce qui suit : FE: Pivs Sans porter un Jugement définitif sur l’âge de ces sépultures, la commission ne serait pas éloignée de les reporter aux HISTORIQUE. LI premiers temps de la domination romaine dans ces contrées. M. l'abbé Greppo, grand-vicaire du diocèse de Belley et membre correspon- dant de la Société, a assisté à la séance du 1r-août 1842. Ce savant, si connu par ses travaux sur l'antiquité, a lu un Mémoire sur les mœurs des Egyptiens. On sait que ce peuple d’une supersti- tion qui dépasse le ridicule, est accusé d'avoir adoré les légumes de ses jardins. Dans le travail intéressant qu'il a com- muniqué à l'Académie, M. Greppo s’est borné à l'examen de cette question : Les Egyptiens ont-ils véritablement adoré les oignons, comme le leur reprochent Juvé- nal et quelques autres poètes latins ? Pour arriver à la solution d'un problè- me aussi difficile, l'auteur a succesive- ment interrogé l'histoire, la poésie, les LIT NOTICE médailles , les hyérogliphes et les autres monuments. Il a conclu que les oignons et les porreaux avaient été de tout temps la nourriture des Egyptiens, que les habi- tants de Péluse étaient en Egypte les seuls qui s'abstinssent d'en manger, et enfin que le respect de ce peuple pour ces légu- mes ne prouvait pas quil les regardât comme des divinités, mais seulement comme des objets sacrés, parce qu'ils étaient sans doute consacrés à quelque dieu. Ce travail étant destiné à jeter de la lumière sur une question assez impor- tante de l'histoire ancienne, la Société a jugé à propos de le publier dans ses Mé- moires. Sciences Philosophiques. En 1840, M. le docteur Gouvert a lu à la Société le plan et quelques fragments HISTORIQUE. LIT d'un grand travail sur la double vie de l'homme, la vie organique et la vie intel- lectuelle. Le but de cet ouvrage intéressant est de combattre les doctrines de l'athéisme et du matérialisme, qui se sont trop sou- vent mêlées à l'enseignement des sciences physiologiques. L'auteur s'élève à de hau- tes considérations sur l'homme , sur les penchants opposés qui tendent à détermi- ner ses actions , et sur les influences qu'il reçoit de sa double nature. Il montre la fausse route suivie par quelques savants, qui ont cru trouver dans l'organisme hu- main, la cause unique de tous les phé- nomènes de la vie et de la pensée. Cette marche le conduit naturellement à Caba- nis, dont il analyse les travaux sur les rapports du moral et du physiqne de l'hom- me, et à une réfutation des systèmes an- tilogiques du docteur matérialiste. Pour- quoi faut-il qu'un ouvrage si utile reste LIV NOTICE incomplet, et que la mort soit venue briser Histoire. L'histoire n’a pas été négligée par la Société académique. Plusieurs de ses membres s’en sont occupés d’une manière spéciale et avec un zèle et des succès dont le public pourra juger, à mesure que seront publiés les résultats des savantes recherches auxquelles ils se livrent. M. le chanoine Turinaz a terminé le cours d'histoire qu’il destine à la jeunesse de nos colléges. M. l'avocat Ménabréa a enrichi le XI° volume de nos Mémoires d'une disserta- tion sur l'abbaye de St-Jean d'Aulps, et cet ouvrage n'est qu'un épisode jeté au milieu de ses travaux historiques. M. le marquis de Costa poursuit ses HISTORIQUE. LV recherches sur les anciennes familles de la Savoie, et a fourni à la Société les documents inédits extraits des archives de la ville de Chambéry , qui font partie du présent volume. Parmi les membres correspondants, M. le chanoine Chevray, M. le chanoine Angley , de St-Jean-de-Maurienne, M. l'abbé Bonnefoy, curé de Jarsy, M. Bon- nefoy , notaire à Sallanches , s'occupent aussi à réunir des matériaux propres à jeter un plus grand jour sur l'histoire de notre patrie. Cependant, comme il est difficile de rechercher dans toutes les localités les documents historiques qui ont pu échap- per aux désastres de la révolution, et qu'il est d’ailleurs à souhaiter qu'il y ait de l'accond et de l’ensemble entre les diverses personnes qui travaillent dans le même but, l’Académie a cru devoir former dans son sein une Commission de recherches LVI NOTICE historiques, composée de M. le comte de Vignet, président de la Société ; De Mer l'Archevêque, président perpé- tuel honoraire ; De M. le marquis de Costa; De M. l'avocat Ménabréa Léon, Et de M. le baron sénateur Jacquemoud, secrétaire-adjoint de l'Académie. Rechercher dans toutes les archives les documents inédits, les réunir dans un même local, distribuer le travail de ma- nière à s’entre aider sans perte de temps, établir des correspondants pour avoir des yeux partout, publier ce qui sera digne d'intérêt, tel est le but que s'est proposé l'Académie, en créant la Commission de recherches historiques ; espérons que ses vœux ne seront pas inutiles. HISTORIQUE, LVI Littérature et BeauxsArés. L'Académie n’a pas oublié que, parmi ses devoirs, se trouvait celui d'encourager les lettres et de leur donner une bonne direction. Plusieurs de ses membres ont prononcé des discours qui tendent vers ce but. Le jour de sa réception, M. Léopold Cot a prononcé un discours qui retrace les différentes phases par lesquelles la poésie française a dû passer avant d'ar- river à la dernière école, qui n'est peut- être elle-même, selon l'orateur, qu'une de ces évolutions que doivent subir les créations de l'esprit humain. La poésie, dont l'objet est surtout de peindre les mœurs des peuples chez qui elle règne, se met en rapport avec les idées domi- nantes, et reflète avec fidélité le genre et LVIIT NOTICE le degré de civilisation de chaque peuple et de chaque siècle. C’est donc le siècle qui donne à la poésie ce caractère par- ticulier, qui marque les écoles dans la poésie, comme il ÿ en a dans la peinture. Le siècle qui fit Marot et Ronsard n'aurait pu faire Racine, et celui de Racine n'au- rait pu faire Lamartine et ses nombreux imitateurs. Dans une circonstance semblable, M. l'avocat Raymond a jeté un vaste coup d'œil sur les produits littéraires de notre époque, et, frappé de l'abondante stérilité _ qui encombre les sanctuaires des lettres, sans rien produire qui mérite de passer à la postérité, il a recherché les causes de cette indigence, qui contraste si ex- traordinairement avec les efforts que sem- ble aujourd'hui faire l'esprit humain pour aller à l’immortalité. Deux causes se sont comme d'elles- mêmes présentées à sa pensée : HISTORIQUE. LIX La première, c'est cette instruction hâtive, rapide, accélérée, qui veut qu'un enfant sache tout et apprenne tout en peu de temps ; qui, au moyen de manuels, d'abrégés, de tableaux, etc., se charge de communiquer la science en dispensant du travail et de la méditation ; qui en- gendre la vanité du savoir sans le pro- duire. La seconde, c’est l’état actuel d’une société où l’homme se hâte de vivre, comme si l'avenir devait lui manquer. Un siècle mercantile, spéculateur, avide de richesses et de plaisirs; un siècle où les grandes idées d'immortalité, qui ont ins- piré les génies d’un autre âge, semblent avoir été transposées au présent ; un siècle où les idées éternelles d'ordre et de mora- lité sont échangées contre les principes d'égoisme , ne peut former des hommes capables de se plier aux règles du goût et aux exigences du vrai. Voila pourquoi LX NOTICE les ouvrages que nous voyons paraître tiennent tantôt du ridicule , tantôt du monstrueux. Reçu dans une séance publique, M. le sénateur de Juge a parlé des chances de succès que devait rencontrer la poésie dans les montagnes de la Savoie. Dieu et Ja patrie, voilà , selon le brillant orateur, les deux aliments les plus féconds dont se nourrit la poésie. Or, nulle part le sentiment religieux et le sentiment de la patrie ne sont plus ardents qu'au sein de nos montagnes. C'est là que Dieu et le Roi reçoivent encore un culte dont l'énergie et la pureté pourraient étonner les autres peuples. Mais écoutons un moment l'ora- teur-poète : « Il est donc pour le poète une com- munauté de pensées et de sentiments dans laquelle il peut puiser, sûr d'être compris HISTORIQUE. LXI par tous ceux qui écouteront ses chants ; véritable foyer de lumière placé au sein de l'humanité, où chaque intelligence veut séclairer d'un rayon; source intaris- sable d'émotions, où chaque cœur aime à prendre la fraîcheur et la vie : Dieu, patrie, ces deux mots ne sont vides de sens nulle part; ils ont une valeur pour le savant comme pour l'ignorant ; ils re- tentissent sous la hutte du sauvage comme sous les portiques de nos cités. Inscrits dans la langue de tous les peuples, ils y groupent une foule d'expressions qui, sans le tronc qui les soutient , se déta- cheraient de la mémoire des hommes et tomberaient dans l'oubli. Pour tout dire enfin, ils portent avec eux les consolations de cette vie, et le gage de notre immor- talité. « Et n'allons pas craindre, après tant de siècles, d'arriver trop tard , de ne plus trouver d'accents sur cette Îvre sainte et LXIT NOTICE patriotique que tant d'immortels génies ont fait vibrer. S'il n’est plus rien de nou- veau pour nous sous le soleil, c'est que nous nous laissons éblouir par ses rayons, et que nous ne cherchons pas, par-delà tous les cieux, celui qui lança lastre dans l’espace. Si la terre est pour l'homme comme un champ desséché qu'il se lasse de remuer en vain, c'est quil a fermé son cœur aux douces joies de la famille, aux émouvantes inspirations du pays na- tal ; car, soyons-en sûrs, la religion et la patrie sont deux muses qui ne vieillissent jamais. Que dis-je ? elles n'ont pas d'âge; et ces fontaines d'eaux vives dont le ré- servoir est au ciel, ne demandent ici-bas qu'un cœur pur, pour y tomber en flots étincelants. « D'ailleurs, chaque pays a ses beautés naturelles, ses monuments des arts, qui, se reflétant sur ses mœurs et ses habitu- des, lui impriment, sur l'immense toile HISTORIQUE. LXIIT du monde, un caractère original, une physionomie particulière. Chaque peuple a ses souvenirs, ses espérances, patri- moine sacré dont il est le gardien jaloux, h des mains et qu'il ne livre jamais étrangères. Or, c'est là un trésor inépui- sable de poésie, un sujet toujours nou- veau , offert à l'enthousiasme de qui a reçu d'en haut le don de peindre ses pensées par des paroles. Sous ce point de vue, Messieurs , le poète savoyard n'est pas un enfant deshérité du ciel. N'avons- nous pas nos jours resplendissants de lumière pour éclairer nos pompes reli- gieuses, nos fêtes nationales ? N'avons- nous pas des fleurs de toute espèce pour orner nos autels et parfumer nos demeu- res ? Et le bruit lointain de nos torrents, et le frémissement harmonieux de nos forêts ne viennent-ils pas se mêler au chant grave de nos prêtres, aux doux cantiques de nos vierges ? Oui, la paix LXIV NOTICE de nos fraîches vallées appaise les inquié- tudes de l'existence, et nos monts nous élèvent vers le trône de l'Eternel, dont ils sont en quelque sorte le sublime marche- pied. « Mais la nature, en Savoie, ne vient pas seule inspirer le poète. Les beaux- arts y ont aussi droit à ses hommages. Sans doute nous n'avons pas ces temples magnifiques, ces basiliques imposantes dont des peuples plus fortunés s'enorgueil- lissent : nos monuments sont simples comme nos mœurs, modestes comme nos héritages. Cependant nous devons à la piété de nos pères quelques édifices que les artistes ne dédaignent pas de confier à leurs pinceaux. Et de nos jours même, deux monuments se sont élevés, qui, consacrant tout ce qu'il y a de grand dans le passé, s'emparant de tout ce qu'il y a de hardi dans l'industrie moderne , suffi- raient seuls pour rendre le pays qui les HISTORIQUE. LXV possède le juste objet de l'admiration des étrangers : vous avez tous, comme moi, Messieurs, nommé l’abbaye d'Hautecombe et le pont Charles-Albert. « Maintenant si, fouillant dans les siècles écoulés, j'y cherche nos titres de gloire et d'honneur, quel immense horizon ne s'ouvre pas devant moi! Quelle lyre pourra répondre à tous ces noms qui rayonnent dans notre histoire ? Ah ! Mes- sieurs, elle est bien grande, bien faite pour parler au cœur et à l'imagination, cette royauté savoyarde, qui, partie du sein de nos agrestes montagnes , s'est élevée par ses vertus et son courage , et franchissant les Alpes soumises , a posé sous le beau ciel d'Italie son trône, dont l'amour des peuples a creusé les solides fondements. Elle est bien digne de l’en- thousiasme de l’ode, de la consécration d'une épopée, cette famille de princes et de rois, qui, toujours vierge d'un tyran, \ LXVI NOTICE porta aussi bien le sceptre que l'épée, et plus que jamais est devenue de nos jours la personnification de toutes les gloires nationales. « Et ne croyez pas qu'en suivant la trace de nos princes et de nos guerriers, le poète n'ait qu'à parcourir la terre qui leur donna le jour. Non, leur sang gé- néreux a coulé partout où il y avait des injures à venger et des lauriers à conqué- rir. La Terre-Sainte a vu briller leur épée victorieuse ; la croix blanche a flotté tri- omphante dans les plaines parfumées de l'Orient, et nous trouvons leurs pas em- preints en sillons lumineux sur la plupart des champs de bataille que l'Europe mon- tre avec fierté aux nations qui s’inclinent devant sa gloire. » M. le comte de Boigne, Président de l'Académie, répondant au récipiendaire, HISTORIQUE. LXVII a montré, dans un discours rempli de grâce et d'érudition, que l'amour de la poésie et la culture des lettres peuvent s’allier aux études graves et sérieuses qui doivent remplir la plus grande partie de la vie d'un magistrat. Il rappelle que Tho- mas Morus, d'Aguesseau et le président Favre débutèrent par des vers dans la carrière des lettres, et cependant devin- rent de grands magistrats. Dans la même séance, M. l'avocat Ménabréa , rapporteur de la commission chargée d'examiner et de juger les ta- bleaux envoyés au concours de peinture, montre aussi la Savoie comme un lieu privilégié et éminemment propre à ins- pirer les poètes et les peintres. Son ciel souvent nuageux, ses montagnes tantôt gracieuses , tantôt àpres et sévères, ses vallées fraîches et touffues , cette variété LXVIII NOTICE incessante d'un sol accidenté qui semble avoir été agité par tous les cataclismes que le globe a subis, l'aspect de ceux de ses châteaux qui ont échappé au marteau du vandalisme révolutionnaire, les ruines mêmes de ceux qui ont été à moitié dé- molis , tout ici semble inviter le génie à prendre la lyre ou le pinceau. La fraîche et brillante nature de la Savoie n'a point encore été noircie par les fumées de l'in- dustrie; ses riantes collines, ses mysté- rieux ombrages nont point encore été symétrisés par le compas des niveleurs ; ses habitants, simples, naïfs, hospita- liers, n’ont point encore été façonnés par ce culte de l'or qui change la nature de l'homme. Chantres de la nature, c’est ici qu'il faut chercher vos modèles ! Dans un discours de réception, M. Bon- jean a fait l'éloge de M. Bise. Nous en parlerons ailleurs. HISTORIQUE. UXIX M. le comte de Vignet, Président de la Société , a répondu par un discours qui retrace si bien l'esprit et le but de la So- ciété, que nous croyons utile d'en repro- duire ici la plus grande partie. « Si le but de l'institution de cette So- ciété, dit-il, est d'encourager les talents naissants et de leur donner un moyen de se faire jour; si nous avons admis des can- didats dans la seule espérance que leurs succès futurs justifieraient notre choix, à bien plus forte raison il est heureux pour nous de recevoir dans notre sein des per- sonnes dont les travaux sont déjà connus et dont les pas dans la carrière des sciences ont déjà été marqués par des succès obte- nus dans notre pays et à l'étranger. Quelle que soit donc la modestie qui vous fait attribuer à votre seul zèle pour la science et à votre constance dans le travail, le titre de Membre effectif de la Société, vous ne devez pas douter qu'en vous l'ac- LXX NOTICE cordant elle n'ait voulu récompenser vos essais précédents eten reconnaître l'utilité. « Le souvenir du membre de la Société dont vous venez de déplorer la perte est encore assez frais parmi nous , pour que nous ayons prêté une oreille attentive à ce que vous nous avez dit de lui, et donné notre assentiment aux éloges qu'il vient de recevoir dans votre discours. Son zèle pour l'accroissement de la Bibliothèque publique, la simplicité de ses manières et la rare complaisance qu'il montrait dans l'exercice de ses fonctions de bibliothé- caire , sont encore présents à tout le monde. Mais un mérite de M. Bise, que vous n'avez pas oublié, et auquel je m'ar- rêterai spécialement, est son rare désin- téressement. Je n’omettrai jamais l’occa- sion de signaler cette vertu , compagne nécessaire de l'intégrité, parce que, ainsi que je l'ai déjà dit dans un écrit que la HISTORIQUE. LXXI Société a bien voulu faire imprimer (1), ce désintéressement est un caractère dis- tinctif et général des gens de lettres de notre patrie. Je n'ai jamais attaché une grande importance aux dénombrements que plusieurs de nos écrivains ont faits des auteurs que la Savoie a produits, pour prouver notre aptitude aux lettres et aux sciences. Ils ont oublié qu'une seule ville de 25,000 âmes, placée sur notre fron- tière, a produit à elle seule plus d'hom- mes distingués que les 21 autres cantons Suisses et les 8 provinces de la Savoie réunis. Mais il n’en est pas de même de tout ce qui peut relever, ne füt-ce qu'à nos propres yeux, le caractère de la classe des gens de lettres de Savoie. Si nous pou- vons prouver que toujours et partout ils ont été reconnus comme gens intègres , (4) Réponse du vice-président de la Société académique, à M. le comte Charles de Boigne. — 1830. LXXII NOTICE \ désintéressés , religieux , nous aurons prouvé plus que beaucoup d'autres con- trées ne pourraient prouver en leur faveur; et si lon disait que ce genre de mérite est plus facile et moins rare que le mérite littéraire, on risquerait fort de se tromper. Il'est plus d'une contrée où l'on rencon- trerait plus aisément un savant ou un littérateur , quun homme parfaitement intègre et désintéressé. « J'ai déjà parlé ailleurs du désintéres- sement de presque tous nos grands hom- mes, qui ont sacrifié les plus brillants avantages à l'amour de leur patrie ou de leur devoir, mais je n'ai pas cité les hommes de lettres qui avaient montré la même vertu chez l'étranger. Je n'ai pas nommé Frezier, qui, dans une place où d'autres auraient accumulé une grande fortune, n’a rien su gagner pendant une longue vie, que le renom d’une parfaite intégrité. Je n'ai pas parlé de Berthollet, HISTORIQUE. LXXIL qui ne retira d'autre avantage matériel de ses nombreuses découvertes dans les arts, découvertes qui ont enrichi tant de manufactures , qu'une pièce de toile de coton, qu'il ne voulait pas même accep- ter. Je n'ai pas cité vingt autres noms, rappelés dans l’ouvrage de l'abbé Grillet, comme ayant été connus dans les pays étrangers par leurs vertus privées et leur rare désintéressement ; ni les écrivains modernes, dont la réputation littéraire n'a enrichi que leur éditeur, dans un temps où la littérature n’est plus, pour tant d'auteurs , qu'une spéculation mer- cantile. « D'après ce que je viens de dire, vous Jugerez facilement , Monsieur , avec quel intérêt j'ai écouté la partie de votre éloge qui rappelle la fin religieuse de M. Bise, et avec quelle satisfaction j'ai appris que l'élève de l'Ecole normale, l'associé de l'Athénée, avait reconnu qu'il valait mieux LXXIV NOTICE pour lui finir dans la croyance de ses pères que dans les doctrines qu'il avait entendu enseigner dans l’une et l'autre de ces institutions, versées à pleins bords dans la première, instillées goutte à goutte dans la seconde. Hélas! il avait été, comme tant d’autres, soumis à la nécessité à la- quelle nous condamne notre position géo- graphique et la langue que nous parlons, celle de ne pouvoir atteindre à un certain degré d'instruction sans l'aller chercher dans la seule capitale de l'Europe où les sciences physiques et les études métaphy- siques n’ont pas encore cessé de graviter vers le matérialisme ou le panthéisme, Mantua ve miseræe.…........… Qu'il reçoive donc les louanges qu’il mérite pour n'avoir pas voulu se séparer des gens de lettres de notre patrie, dont le caractère religieux est, ainsi que je l'ai dit, une qualité propre et distinctive. Je ne sais pourquoi personne n’a encore relevé cette circons- HISTORIQUE. LX&V tance. Si l’on a redouté pour leur mémoire le dédain que le philosophisme moderne a déversé sur les écrivains religieux, on a eu grand tort. Qu'importe l'opinion d'une fraction du monde littéraire chez un seul peuple et dans un seul siècle ! L'estime pour le caractère religieux des poètes et des philosophes est de tous les siècles et de tous les peuples, et cette es- time est si forte qu'elle triomphe même des opinions propres à chaque religion. Assurément nous avons peu de sympathie pour les divinités de l'Olympe, ou pour le puritanisme protestant, et cependant quel homme de bien ne préfère le respect pour les dieux professé par Euripide, Platon, Virgile, Cicéron, et n'aime mieux la religion de Newton , de Leibnitz, de Klopstok, que l'irréligion d’Aristophane, de Lucien, de Hume ou de Bolingbroke, quoique ces hommes aient pensé comme nous sur le paganisme ou le protestan- LXXVI NOTICE tisme ? C’est donc une gloire réelle pour les hommes de lettres de Savoie d'avoir toujours conservé ce caractère d'attache- ment à la foi de nos pères, même dans les temps les plus difficiles. Qu'on se rap- pelle le 16° siècle, lorsque l'esprit de la Réforme envahissait la moitié de l’Europe et partageait les écrivains en deux camps presque égaux ; non-seulement il n'y eut en Savoie aucune défection chez les écri- vains ecclésiastiques , mais les auteurs profanes eux-mêmes, comme Favre, et plus tard St-Réal, publièrent des ouvrages de controverse en faveur de la foi catho- lique. Enfin, au dernier siècle, lorsque, si près de nous, trois générations suc- cessives ont fait au christianisme une guerre active et incessante , guidées au combat par la portion la plus nombreuse, et, il faut bien l'avouer, la plus habile des gens de lettres et des savants, on ne peut compter aucun homme distingué de HISTORIQUE. LXXVII notre pays qui se soit enrôlé sous ce dra- peau. Loin de 1h, deux hommes se sont rencontrés parmi nous qui, de l'aveu général, se sont placés au premier rang des défenseurs du Christ. L'un, qui a honoré la pourpre plus encore que la pourpre ne l'a élevé, a défendu la vérité avec tout l’ascendant que lui donnait la réputation d’un des plus grands géomètres et des premiers métaphysiciens de son siècle ; l’autre, armé de toute la puissance d'une érudition qui étonne la pensée, et s'appuyant sur une renommée littéraire devenue européenne , a pris courageuse- ment l'offensive ; il a attaqué l’école vol- tairienne corps à corps; il a osé arracher de son front cette auréole de suprématie littéraire qu'elle avait usurpée, et la changer en couronne d'ignominie, et tous les peuples ont applaudi à son audace. Il ne m'appartient pas de le louer, mais je crois que nul plus que lui n'a accéléré LXXVIII NOTICE le mouvement de réaction qui a renversé le voltairianisme, et n’a eu plus d'action sur la jeunesse actuelle. « Vous savez tous, Messieurs, combien d'autres écrivains, dans nos provinces et dans cette enceinte même, ont élevé leurs voix pour les saines doctrines, et je n'en parle que pour constater l’universalité des sentiments religieux parmi les gens de lettres savoisiens. Si quelques hommes d’un talent reconnu ont, dans les temps orageux d'où nous sortons , affiché hau- tement des sentiments opposés , leur nombre si faible, qu'à peine il autorise à se servir du pluriel pour en parler, et plus encore la déconsidération morale qui s'est mêlée à leur réputation littéraire , comme la fange à l’eau de la source, font de ces exceptions presque inaperçues la confirmation la plus forte de mon asser- tion. Bien plus, s'ils ont formé le déplo- rable souhait que leur mémoire passât à HISTORIQUE. LXXIX la postérité avec le souvenir de leur ini- mitié envers le trône et l'autel , ils n’ont pu réussir dans leur vœu. Une fatalité (que je ne sauraïs nommer malheureuse) a égaré leur science dans des objets de détail et dans des travaux sans intérêt ; ils ont été connus de leurs contempo- rains comme des hommes de haut sa- voir ; mais nos neveux ignoreront leurs noms. Rien, parmi nous, ne porte mal- heur aux talents comme de débuter par une marche en sens inverse des senti- ments et des croyances du pays, et si nous cessions Jamais d'exiger le respect pour nos sentiments et nos croyances , alors ce serait malheur à nous. & Maintenant il me suffit de constater avec quelle difficulté les opinions anti- religieuses ont pris jusqu'ici racine dans - cette contrée, soit qu'il y ait quelque chose dans l'atmosphère morale de notre patrie qui étoufle leur développement, LXXX NOTICE soit plutôt qu'il existe dans la race qui habite nos montagnes, un instinct inné de fidélité, qui repousse tout genre d'in- fidélité. | « Cette explication me paraît très-sou- _ tenable : telle peuplade est connue par sa disposition à se vanter, telle autre par la propension à mentir, une autre par l'in- constance de ses sentiments ; pourquoi la nôtre ne serait-elle pas caractérisée par la constance des siens ? Le chantre d'Armide dit, en parlant d'une province de France: La terra molle e liela, e dilettosa, simili a se gli abitator produce. Pourquoi nos nei- ges éternelles et nos inébranlables rochers n’enceindraient-ils pas un peuple égale- ment immuable dans sa foi politique et religieuse ? Puisqu'on nous accorde un amour d'instinct pour notre pays, n'accor- dera-t-on pas le même caractère instinctif à la fidélité, qui est, chez nous, plus forte que l'amour même du pays ? Si l'on HISTORIQUE. LXXXI en doutait, je pourrais citer un fait mé- morable , qui serait ignoré s’il n'avait été tiré de l’oubli par le marquis de Costa ; car , jusqu’à lui, l'histoire de notre patrie a été livrée à la plume vaniteuse et par- tiale des historiens d’un pays voisin. Je veux parler de ces soldats du régiment de Maurienne, qui, licenciés jusqu'au prin- temps, dans la retraite de 1792, aban- donnèrent tous leurs familles et leurs foyers occupés par l'ennemi, sans savoir s'ils pourraient jamais les revoir. Pas un ne manqua à l'appel au jour fixé, et ce- pendant ils ne s'étaient pas concertés ! Quelle impulsion autre qu'une fidélité sucée avec le lait maternel à pu inspirer à la fois à un millier de jeunes gens une abnégation aussi évidente de leurs intérêts personnels , et leur a fait quitter leur pa- trie en bravant les plus affreux sentiers des Alpes et le danger de la rencontre des troupes françaises. LXXXII NOTICE « Enfin, ce qui, plus que tout autre argument, prouve la nationalité de cet instinct de double fidélité, c’est que les gens de lettres naturalisés dès l'enfance en pays étrangers, et qui ne tenaient à la Savoie que par leur naissance ou leur origine, ont conservé toute leur vie les mêmes sentiments. On me demandera peut-être de prouver ce que j'avance ! ma preuve ? c'est Ducis, le plus beau carac- tère d'homme de lettres du 18° siècle, dit un de ses biographes, qui, fidèle à son attachement pour Louis xvim, dont il avait été secrétaire, refusa, bien que sans for- tune , la place de Sénateur , offerte par Napoléon , et qui accepta de la Restaura- tion la croix de la Légion, qu'il avait constamment refusée sous l'Empire ; qui, fidèle à la religion et à la scène française, dont il fut le quatrième maître, fréquen- tait avec une égale assiduité l'église de sa paroisse et le théâtre , et dont le lit de HISTORIQUE. LXXXIII serge était décoré à la fois d'un bénitier, d'un Christ et du buste d'un poète tragi- que; ma preuve? cest Michaud, qui, élevé dans une province où la Révolution fut saluée avec un enthousiasme général, sut résister au torrent qui l'enveloppait, et braver les proscriptions et l'exil pour rester fidèle à la cause des Bourbons et de la Religion, à laquelle il consacra sa plume et sa vie entière. C’est tant d’autres enfin, qu'il me serait facile de citer, si je ne m'apercevais qu'il est temps d'arriver à la fin de ce discours, quel que soit le charme que j'éprouve à dire, au milieu de vous , du bien de mon cher pays. » Biographie. S. Exc. M. le comte Avet, membre de la Société, a fait lire, dans une de ses séances, un article nécrologique sur M. LXXXIV NOTICE le marquis d’Alinges. L'éloge d’un homme qui n'a usé d'une grande fortune que pour faire du bien à ses semblables, et sur- tout à ses compatriotes, le souvenir d’un nom qui se trouve partout mêlé avec honneur aux annales de la Savoie, ont, sous la plume de l’habile écrivain , vive- ment excité l'attention des auditeurs. Dans son discours de réception, M. J. Bonjean a fait l'éloge de M. Bise, an- cien professeur de belles-lettres, biblio- thécaire de la ville de Chambéry et mem- bre de la Société académique. Homme simple, laborieux, désintéressé, M. Bise ne devait qu'à lui-même l'instruction qu'il semblait n'avoir acquise que pour la com- muniquer aux autres. Littérateur modeste, professeur dévoué, il se fit autant d'amis qu'il avait eu d'élèves. Il est décédé le 29 novembre 1041. HISTORIQUE. LXXXV Une des pertes les plus sensibles qu'ait faites la Société est celle de M. le docteur Gouvert, décédé le 22 mars 1842. Mé- decin distingué, philosophe observateur, agronome plein de zèle, M. Gouvert réu- nissait un ensemble de connaissances qui se trouvent rarement dans la même per- sonne. Membre de la Chambre de Com- merce et d'Agriculture , vice-président de l’Académie, membre de la junte provin- ciale de statistique, médecin des hospices et de presque tous les établissements pu- blics de la ville, il appartenait encore à toutes les administrations , et par son activité il suffisait à tout. Usé par le travail bien plus que par les années , atteint d'une maladie cruelle et quil savait incurable , il adoucissait encore les souffrances de ses derniers jours par l'étude et les consolations que procure Îa religion à ceux qui voient fuir LXXXVI NOTICE loin d'eux un monde qui n'a pu combler leurs désirs. Encouragements. La Société a, chaque année, distribué les prix de la fondation Guy, et pour la poésie comme pour la peinture, elle a pu remarquer des progrès sensibles dans les ouvrages qui ont été envoyés au concours. Pour 1841, le sujet du prix de pein- ture était un paysage à l'huile, représen- tant de préférence l'un des monuments historiques de la Savoie. Le prix a été remporté par M. Hugard, de Cluses, élève de M. Didet, de Genève. Pour 1842, le sujet du prix de poésie était l'abbaye d'Hautecombe. — C'est M. J.-P. Veyrat qui a été pour la seconde fois couronné par l'Académie. Pour 1843, la Société a statué que le HISTORIQUE. LXXX VII prix de peinture sera accordé au meilleur dessin représentant un fait puisé dans l'histoire de Savoie. L'Académie laisse au choix des artistes le genre de dessin et même les dimensions du tableau. Elle recevra également des ouvrages au crayon, à l’estompe, à la plume, à la sépia ou à l'aquarelle. L'invention du sujet, la dis- position des "personnages , la perfection des détails, serviront de base au jugement de l'Académie. Une société s'était formée dans la ville d'Annecy, pour ouvrir une souscription destinée à produire des fonds pour élever un monument à la mémoire de Berthollet; l'Académie ne pouvait rester indifférente à une telle entreprise. Quand l'illustre chimiste n'eût pas été l’un de ses membres les plus anciens comme les plus distin- gués , elle aurait encore voulu revendi- quer pour la Savoie l’une des gloires de la science ; c’est pour cela qu'elle a alloué LXXX VII NOTICE à cette œuvre une somme de 500 livres. Quand la ville de Sallanches a été con- sumée par un incendie, qui a laissé dans la plus affreuse misère une population de trois mille âmes, l’Académie, considérant que cette ville avait à reformer des écoles, à réparer des édifices religieux, à racheter des instruments d'agriculture , a pensé que c'était user de ses revenus d’une ma- nière conforme à leur destination, que de lui en donner une partie. Elle a voté une somme de mille livres pour les incendiés de Sallanches. Quand MM. Courtois et Aubert ont émis des actions pour fonder la Galerie savoisienne , la Société, regardant cette publication comme utile aux arts, a voulu l'encourager de ses suffrages , et elle a pris deux actions. Ainsi l'Académie, fidèle à sa mission, s'est montrée , comme elle se montrera toujours, jalouse d'encourager tout ce qui HISTORIQUE. LXXXIX peut contribuer au progrès de lintelli- gence et au bien-être de la société. Mélanges. M. Mottard , docteur-médecin à Saint- Jean-de-Maurienne , a adressé à l’Acadé- mie un tableau des tremblements de terre qui se sont fait sentir dans cette ville pendant l’année 1839. Déjà le même phénomène a été consi- gné dans les Mémoires de l'Académie royale de Turin, par Mgr Billiet, alors évêque de Maurienne. Cependant, comme ce phénomène mérite d’être consigné dans les annales de la province même dans laquelle il s'est montré, la Société a jugé convenable d'admettre ce tableau dans le XI° volume de ses Mémoires. Si jamais il vient à se renouveler, nos neveux auront un moyen de comparaison. XC NOTICE Nous devons faire observer qu'entre le tableau publié par Mgr Billiet et celui de M. le docteur Mottard , il n'y a pas un accord parfait relativement au nombre des tremblements de terre. M. Mottard en compte davantage, soit parce qu’il a con- signé un certain nombre de secousses qui n'ont été ressenties que près de la mon- tagne qui paraît en avoir été le centre, et qui n'ont pas été sensibles à St-Jean- de-Maurienne, où Monseigneur faisait ses observations , soit parce que M. Mottard aura inscrit des secousses trop faibles pour avoir pu être parfaitement consta- tées aux yeux de Mgr Billiet, qui est d'une grande rigidité dans ses observa- tions. M. Mottard a accompagné son tableau d'un grand nombre de réflexions sur les circonstances qui ont accompagné ce phé- nomène, sur la nature des lieux où il s'est fait sentir avec plus de violence , sur HISTORIQUE, XCI ses liaisons avec ceux de même nature qui se sont reproduits dans d’autres pays, et enfin sur les moyens d'observations qui ont été mis en usage; mais l'Académie a cru convenable de ne consigner que les faits. M. l'avocat Duplan a adressé à la So- ciété une lettre dans laquelle il a fait con- naître un phenomène qui s’est manifesté dans les eaux salines de Moûtiers en Ta- rentaise. Voici le fait : Il y a dans le petit village de Salins, et tout près l’une de l’autre, deux sources thermales minérales. L'une, très-abon- dante , alimente les salines royales de Moûtiers ; l’autre, moins abondante, est employée pour l'établissement des bains. Les eaux de la grande source n'ont eu, jusqu’au mois de décembre 1841, qu'une température de 51° c., tandis que les eaux XCIH NOTICE de la petite source qui alimente les bains jouissent d'une température de 57° cen- tigrades. Or, d’après des observations exactes, faites par M. Duplan , et répétées par M. le docteur Savoyen, directeur des bains, il paraît que la température de la grande source s'est élevée de 31° c. à 94° c., et qu’elle conserve cette chaleur. On attribue ce changement au tremblement de terre qui s’est fait sentir assez fortement à Chambéry et à Moûtiers , le 2 décembre 1841, à 8 heures du soir. Depuis la même époque, la quantité d'eau se serait accrue d'un pouce dans chaque source. Comme il serait possible que le chan- gement provenu dans la température de la grande source ne fût que l'effet d'un mélange dans les eaux des deux sources, l'Académie n’admet ces faits que provi- soirement, et fera faire de nouvelles ob- servations. HISTORIQUE. XCTIL Messieurs, Témoin assidu de vos travaux et des efforts que vous faites pour exciter une louable émulation dans notre patrie, il a été doux pour moi d’en retracer l'histoire; mais c’est pour la dernière fois peut-être qu'il m'est donné de me faire entendre au milieu de vous. Appelé par notre auguste souverain à l'administration d'un vaste diocèse, ce n’est pas sans regret que je quitterai une Société à laquelle je me fais gloire d'avoir appartenu dès les premiers jours de sa naïssance. Dans vos assem- blées, je m'enrichissais de vos pensées, Je méclairais de vos lumières : j'ai trop à perdre pour ne pas avoir des regrets. Une seule chose peut les adoucir, c’est que si je cesse de trouver des maîtres dans les membres de l’Académie, je ne cesserai jamais d'y retrouver des amis. Rs do nt ts à t LC hr à pu peu Nes AE “ROUE ÉRBÉE d'A ho - Sa aie PA Wa RTUESON | tipo 23e 7 HAE. 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Sa direction est constamment d’Ai- guebelle au Montcenis ; en remontant la vallée , elle en suit toutes les courbures. Lorsque le ciel est pur et l 2 BRISES PÉRIODIQUES serein, elle commence vers les 7 ou 8 heures du matin, et va en augmentant d'intensité jusque vers les 3 ou # heures de l'après-midi ; dès lors elle baisse peu à peu et cesse ordinairement tout à fait vers les 6 heures ou 7 heures du soir. Quelquefois ce n’est qu'un zéphir rafraîchissant ; plus souvent son intensité égale celle d’un vent proprement dit, et même celle d'un vent violent. Aussi peut-on remarquer que pres- que tous les arbres de la vallée ont leur cime et leur feuillage fortement penchés vers le haut de la vallée, surtout à la sortie des défilés. Il ne faut pas confondre ce vent périodique avec celui que nous appelons communément en Savoie la bise noire. La bise noire est un vent ordinairement commun à toute l'Europe ; c’est un vaste courant des régions septentrionales vers celles du midi. Le vent périodique dont nous parlons est particulier aux val- lées de montagnes. La bise noire n’a lieu que quel- quefois pendant l’année et surtout au printemps; elle dure chaque fois trois, six ou neuf jours ; elle souffle jour et nuit sans discontinuer , avec un ciel à demi nébuleux , et produit toujours un abaissement de température assez considérable. La brise périodique souffle depuis le mois d'avril jusqu’au mois d'octobre, durant le jour seulement , et plus particulièrement aux jours sans nuages ; elle rafraîchit peu l'atmos- phère. Enfin la bise noire est simultanément vent DES ALPES. 3 supérieur et vent inférieur , tandis que la brise des Alpes n’occupe que le bas des vallées , quel que soit le vent supérieur. Vers les 7 ou 8 heures du soir , le vent diurne cesse complètement ; il s'établit dans l'air un calme parfait ; les feuilles des arbres paraissent immobiles. Cepen- dant on observe , à la direction de la fumée , qu'il s'établit bientôt un faible courant en sens inverse dans la direction du Montcenis à Aiguebelle. Ce courant dure toute la nuit ; il est plus sensible dans les parties les plus étroites de la vallée ; il augmente d'intensité et de fraîcheur le matin avant le lever du soleil. Après le lever de cet astre , la fumée s'élève d’abord per- pendiculairement , ou bien on la voit hésiter, onduler pendant quelques moments en sens divers ; bientôt elle commence à s’étaler en amont ; le courant diurne reprend le dessus et conserve le reste du jour la di- rection d'Aiguebelle au Montcenis. Nous n'avons observé ces deux courants, dans la province de Maurienne , qu'aux beaux jours, depuis le mois de mars jusqu’à la fin d'octobre. En exami- nant avec plus de soin la direction de la fumée, peut- être pourrait-on les reconnaître un peu plus tôt au printemps et un peu plus tard en automne. Il paraît qu'ils n’existent pas en hiver, ou que les perturbations trop fréquentes de l'atmosphère ne permettent pas alors de les observer. %. BRISES PÉRIODIQUES Dans le bassin de Moütiers la direction des vents a été soigneusement étudiée aussi depuis long-temps, parce que la connaissance en est indispensable à l’ex- ploitation des salines. On a élevé à côté de cette ville des bâtiments de graduation d’une vaste étendue ; ils sont destinés à faciliter l’évaporation de l’eau salée. La distribution de l’eau se fait par deux canaux pa- rallèles établis à leur couronnement. Avec le vent d'ouest, on se sert du canal qui est du côté d’Aigue- blanche, et avec le vent d’est, de celui qui est du côté de Salins. Deux ouvriers appelés gradueurs sont char: gés d'observer constamment l'allure du vent aux mouvements de quelques girouettes disposées à cette fin , et de placer l’eau du côté par lequel il arrive. Or , d’après les observations de ces gradueurs et celles de M. Roche , directeur des Salines , il règne dans le bassin de Moûtiers deux vents constants ; l’un y arrive de l’ouest ou nord-ouest par la gorge d’Aigue- blanche , et l’autre du sud-est par la vallée de Brides. Le premier commence chaque jour vers les 9 heures ou 9 heures et demie du matin , et dure jusqu’à 7 ou 8 heures du soir ; peu de temps après le vent de Brides lui succède et dure jusqu’au lendemain matin. En hiver la durée du courant diurne est moindre d'une heure ou deux qu’en été. Ces deux courants constans et opposés ne sont interrompus que de loin en loin par le vent du midi, qui précède et accom- DES ALPES. ) pagne la pluie. Ces renseignements intéressants nous ont été fournis par M. l’avocat Duplan. Ils prouvent d’une manière évidente que le phénomène des brises diurnes et nocturnes existe dans la vallée de Taren- taise de la même manière que dans celle de Mau- rienne. , Si les gradueurs de Moûtiers assurent que le cou- rant d'Aigueblanche ne commence chaque jour que vers les 9 heures ou 9 heures et demie du matin, c’est parce qu'ils n’en jugent que d’après les girouettes , qui ne tournent sur leur pivot que lorsque le vent a déjà acquis un certain degré d'intensité. S'ils obser- vaient la direction de la fumée, qui est encore le plus sensible des anémomètres , ils reconnaîtraient proba- blement que le renversement se fait chaque jour une heure ou deux plus tôt. Nous avons acquis la certitude que dans la province du Faucigny il existe aussi un courant de Bonneville à Sallanches pendant le jour , et un courant inverse pendant la nuit ; mais pour cette province les obser- vations laissent encore beaucoup à désirer. Le même phénomène se manifeste dans les vallées situées à lorient comme dans celles qui sont placées à l'occident de la chaîne des Alpes , mais d’une ma- nière inverse. Dans la vallée d'Aoste, la direction du courant est de l’est à l'ouest, ou plutôt du sud-est au nord-ouest pendant le jour, ensorte qu'il parait 6 BRISES PÉRIODIQUES tendre à la cime du Mont-Blanc plutôt qu'au passage du Petit-St-Bernard. Une brise en sens opposé lui succède pendant la nuit. Nous croyons devoir citer ici les paroles mêmes de M. le chanoine Gal, géné- ralement estimé par l'exactitude de ses observations. « Je puis assurer, dit-il, que dans cette vallée la « direction du vent périodique, dans les beaux jours, « est du sud-est au nord-ouest ; il se dirige par con- « séquent vers le Mont-Blanc, comme vous l'avez « conjecturé. J'ai même observé, dans certains jours « un peu nébuleux, deux vents qui soufflaient en « sens contraires ; celui de la région supérieure por- « tait les nuées de Fouest à l'est, et celui de la région « inférieure faisait tourner une girouette que j'ob- « servais régulièrement du sud-est au nord-ouest. « Ce vent périodique n’est pas toujours de la même « force. D'après la girouette , son commencement « varie de 10 heures jusqu’à midi ; mais j'ai remar- « qué plusieurs fois, au moyen des cheminées, qu'or- « dinairement il commence légèrement de 7 à 8 « heures du matin, et finit vers les 6 , 7 et même 8 « heures du soir. Le matin, j'ai plusieurs fois observé « que la girouette était tournée en sens contraire, « quoiqu'il n'existât alors aucun vent sensible. Je « présumais que ce changement aurait été causé par « un coup de vent momentané. À l'entrée orientale « de cette vallée, à Donas , on me dit que depuis le « DES ALPES. 7 printemps jusqu'en automne il y a deux vents pé- riodiques, celui du matin dans la direction de l’ouest à l’est, et celui qui lui succède, qui souffle en sens opposé. En un mot, il est constaté qu'il y a deux vents périodiques dans cette vallée, quoi- que leur direction varie peut-être un peu selon la direction des vallées latérales où ils soufflent. » (Lettre du 5 décembre 1839.) Pour la vallée de Suse , M. Clerc, docteur méde- cin , a eu la complaisance de nous fournir les rensei- gnemenfs suivants , qui nous ont paru également très-précis : « Pendant l'été, surtout quand le temps est beau , depuis les 8 heures et demie ou 9 heures du matin , il s'élève un vent périodique qui a sa direction du levant au couchant. Ce vent est d’a- bord très-léger ; il augmente graduellement jusqu’à 2 heures de l'après-midi ; il diminue ensuite et finit complètement à 6 heures du soir. Ce calme se sou- tient ordinairement jusqu’à 10 heures , époque où commence un vent très-léger en sens contraire , qui augmente insensiblement jusqu'à l'aurore ; il cesse au lever du soleil. Le calme se rétablit jus- qu'à ce que le vent d'est, soit du Piémont , repa- raisse. « Toute la vallée de Suse est exposée à ce vent périodique ; quelques localités cependant l’éprou- vent beaucoup plus ; par exemple, la vallée d'Oulx 8 « « « « « BRISES PÉRIODIQUES et celle de Cesanne dans la haute province de Suse. Dans le bas de la province, tout le trajet qui s'étend de Suse à St-Ambroise y est également très-exposé , surtout dans la direction centrale de la vallée. » ( Lettre du 10 janvier 1840. ) Les mêmes courants existent dans les vallées de la province de Pignerol. Les renseignements suivants , fournis par M. Balcet , curé de Massel , nous parais- sent suffire pour en établir la preuve. « Si le temps « que j'ai pour vous répondre était moins court, je pourrais peut-être vous donner des notes plus pré- cises sur la demande que vous m'avez faite. En l'état, je me bornerai à vous dire en peu de mots ce que je sais et ce que j'ai entendu répéter à cet égard. Réellement aux beaux jours, et surtout aux plus chauds , des mois de juin, juillet, août et septembre , nous avons dans nos vallées un zéphir diurne périodique. Ce vent doux nous arrive des plaines du Piémont. Sa direction ordinaire est de l'est à l’ouest. En quelques endroits il commence de meilleure heure et cesse aussi plus tôt. A Du- blon , par exemple, et dans cette plaine qui sépare Dublon de Pinache, il se fait sentir ordinairement depuis 11 heures du matin jusqu’à 3 heures du soir. Je ne saurais précisément à quelle heure il commence à Pragelas et à Fénestrelles ; mais ce qui est certain , c’est que sur la place du fort St- DES ALPES. 9 « Charles on l’éprouve pendant une grande partie « de la journée. Dans cette vallée , selon ce qu’en « disent les observateurs , il y a aussi quelque diffé- « rence quant aux heures. A St-Martin et à Chabrans, « il commence à 9 heures et cesse à midi. À Massel «il est très-fort à 11 heures et cesse à 2. Iei sa direc- « tion paraît être du nord-est au sud-ouest ; mais je « l’attribue aux détroits et aux tournants qu'il ren- « contre dans sa marche. Pendant la nuit , au dire « des agriculteurs , il s'établit dans l’air un calme « tel qu'ils porteraient leur lampe allumée sur la plus « haute montagne. » (Lettre du 2 janvier 1840.) Quoique cette lettre ne parle pas directement du courant nocturne , on peut conclure des faits qu’elle contient qu'il existe dans les vallées de Pignerol aussi bien que dans les autres vallées des Alpes, mais d'une manière peu sensible, comme dans la vallée de Maurienne , tandis que le courant diurne paraît y avoir beaucoup d'intensité. M. Fournet, professeur à la faculté de Lyon, a recueilli sur ce phénomène de nombreuses observa- tions , dans un voyage fait sur les Alpes au mois d'octobre 1839. Voici ce qu'il nous écrivait le 8 no- vembre suivant : « Maintenant que j'ai un peu mis en « ordre les résultats de mon voyage dans les Alpes , « permettez-moi de vous soumettre les observations « que j'ai pu recueillir sur le vent des vallées. Je l'ai 10 BRISES PÉRIODIQUES « « « « « « « « « « « « « « « « trouvé constant partout , soit de jour , soit de nuit, tant dans les grandes vallées que dans les vallées latérales. Généralement le vent diurne est plus intense que le vent nocturne , et toujours inverse , à moins que quelque grand vent dominant supé- rieur ne vienne troubler l'équilibre atmosphérique et occasionner des pluies. Ce qui prouve bien que ces courants sont causés par les sommités , c'est qu'en même temps que le vent de la Maurienne remonte de l’ouest vers l’est, celui de la vallée d'Aoste et d'Oulx court en sens inverse , en venant de l'Italie vers les Alpes. « Le changement de vent diurne en nocturne à lieu après une stagnation qui survient après le coucher du soleil, et qui dure jusque vers les 9 heures du soir dans les grandes vallées. Dans les vallées latérales le passage est plus brusque. » Voilà toutes les circonstances du phénomène dé- crites avec beaucoup de précision , telles que nous les avons toujours observées dans la province de Mau- rienne. Postérieurement à la date de cette lettre , le savant professeur a publié dans les Annales des sciences physiques et naturelles de la Société d'Agriculture de Lyon , un Mémoire spécial sur les brises de jour et de nuit autour des montagnes. I renferme des ob- servations très-intéressantes , faites dans un grand DES ALPES. 1i nombre de localités différentes. Elles concourent gé- néralement à confirmer tout ce que nous avons exposé relativement à ce phénomène. Nous en citerons deux ou trois qui nous ont paru mériter quelques remar- ques. 1° M. Fournet parle d’un vent qui se manifeste sur le territoire de Nyons, dans le département de la Drôme , où il est connu sous le nom de ponthas. Il assure que ce courant à plus d'intensité la nuit que le jour, et qu'il est plus violent aussi en hiver qu’en été. Mais la brise des Alpes est insensible en hiver, et en été elle a beaucoup plus d'intensité le jour que la nuit. Le pontias pourrait donc bien avoir une cause entièrement différente. 2° M. le professeur parle d’un vent périodique qui existe dans la vallée de la Brévenne , et que les habi- tants du pays appellent l’aloup de vent; mais ce vent paraît différer aussi de la brise des Alpes en trois choses : il règne fortement aux mois de janvier et de février ; il est plus sensible la nuit que le jour ; il rafraichit l'atmosphère plus subitement que le vent du nord. Le vent périodique de la vallée de Maurienne, au contraire , est inaperçu en hiver ; il a plus d’inten- sité le jour que la nuit , et rafraîchit moins l’atmo- sphère que le vent du nord ordinaire. 3° Le 1°" septembre 1838, M. Fournet fit l’ascen- sion du Mont-Thabor avec MM. Elie de Beaumont et 12 BRISES PÉRIODIQUES Sismonda. En montant pendant le jour la vallée de Valmeinier , ils ressentirent un courant d’air qui sui- vait leur direction. Lorsqu'ils eurent atteint le sommet de la montagne , élevé de 3172 mètres (1) au-dessus du niveau de la mer, ils trouvèrent un vent supérieur allant du sud au nord , et coupant ainsi angulairement celui de la vallée. Nous avons cru devoir citer cette observation, parce qu’elle prouve parfaitement que la brise des vallées est distincte des vents supérieurs. 4° Dans la vallée de la Quarazza , M. le professeur a observé des courants « qui, tout en suivant d'une « manière générale l’axe de la vallée, en déviaient « cependant diagonalement , de manière à tendre de « préférence vers les escarpements de la base du « Mont-Rose. Cette attraction , occasionnée par l’in- « fluence prédominante de cette énorme masse , « mérite d’être signalée. » Mémoire sur les brises de jour et de nuit, page 44. Serait-il vrai que les principales masses d'une chaîne de montagnes exerçassent une sorte d’aspira- tion ou d'attraction, de manière à faire fléchir vers elles les courants des vallées voisines ? L'exemple cité par M. Fournet porterait à le croire. Dans la vallée (4) D’après les observations faites par MM. les chanoines Billiet et Gravier , la hauteur du Thabor serait de 5191 mètres. DES ALPES. 15 d'Aoste, le courant diurne semble aussi subir une déviation poursaboutir directement au Mont-Blanc. Dans la haute Tarentaise , au lieu de suivre l’axe de la vallée , de Centron au Petit-St-Bernard, la brise diurne paraît aussi s’en écarter diagonalement comme pour tendre au sommet du Mont-Pourri, qui rivalise avec le Mont-Blanc par sa hauteur comme par les vastes glaciers dont il est couvert. Cependant ce fait remarquable a besoin d'être appuyé sur de nouvelles observations. ‘ RÉSUMÉ. 1° Aux beaux jours du printemps, de l'été et de l'automne , il se manifeste , dans les vallées de Mau- rienne , Tarentaise et Faucigny, un courant diurne qui dure depuis les 8 heures du matin jusque vers les 8 heures du soir, et se dirige de l’ouest à l’est , soit des parties inférieures de ces vallées vers la chaîne des Alpes. Ce courant a plus d'intensité dans les par- ties étroites de chaque vallée, et surtout au sortir des défilés. 2° Aux mêmes saisons il règne aussi dans ces val- lées un courant nocturne dirigé en sens inverse , qui commence vers les 8 heures du soir et finit vers les 8 heures du matin ; il est plus faible et plus frais que le courant diurne. 14 BRISES PÉRIODIQUES 3° Durant le même temps il règne dans les vallées d'Aoste, de Suse et de Pignerol ur courant diurne qui tend de l’est à l’ouest, soit des plaines du Piémont vers la chaîne des Alpes, et un courant nocturne moins sensible dirigé en sens inverse. Ainsi, pendant le jour , des deux côtés les brises des vallées abou- tissent à la chaîne des Alpes, et pendant la nuit elles partent de cette chaîne et se dirigent de chaque côté en sens opposé. Comme le courant diurne a plus d’in- teusité que le courant nocturne , un voyageur qui va de Chambéry à Turin peut remarquer sur la route que les arbres ont généralement leur feuillage penché, en Maurienne , de l’ouest à l’est, et dans la vallée de Suse , de l’est à l’ouest. THÉORIE. Si l'on considère que les brises périodiques des vallées alpines ne se manifestent sensiblement qu'aux beaux jours du printemps, de l’été et de l'automne ; qu'elles commencent chaque jour vers le lever du soleil, et cessent peu de temps après son coucher , et que leur plus grande intensité coïncide assez exacte- ment avec le maximum de la chaleur diurne , on en conclura naturellement que la production de ce phé- nomène , extrêmement remarquable et encore peu observé jusqu'ici , se trouve liée à l’action des rayons DES ALPES. 15 solaires. Mais si l'on veut expliquer ultérieurement comment le soleil donne lieu à ces courants, on ren- contre sur sa route de graves etnombreuses difficultés. On a imaginé deux hypothèses pour rendre compte de l’origine des vents. La première suppose une dila- tation dans la partie de l'atmosphère de laquelle paraît venir le vent ; la seconde une condensation dans celle vers laquelle il se dirige. Cette dernière hypothèse est appuyée sur une observation assez remarquable , si elle est exacte. On assure que lorsque le vent du nord s'élève , c’est dans les contrées méridionales qu'il se fait d'abord sentir. On assimile cette propagation des courants atmosphériques au mouvement de l’eau dans un canal lorsqu'on ouvre l’écluse. Il faut ajouter qu'une dilatation moindre dans l’une de deux localités voisines, doit produire à peu près le même effet qu’une condensation. Il est reconnu et prouvé par les observations que le mouvement thermométrique diurne est moins étendu sur les montagnes que dans les plaines , c’est-à-dire que l'intervalle du minimum au maximum y est cha- que jour moins considérable. Par exemple , si à Chambéry le minimum est de 18°, le maximum de 30° , et la différence de 12° , le même jour au Mont- Cenis, le minimum sera de 15°, le maximum de 25°, et la différence de 10°. Ces principes posés , on pour- rait peut-être expliquer les courants périodiques des 16 BRISES PÉRIODIQUES vallées de la manière suivante. Nous ne donnons cependant que peu d'importance à notre opinion , et nous serons très-disposé à l’abandonner dès qu'on nous en présentera une plus satisfaisante. Prenons dans l’atmosphère une bande qui recouvre Ja chaîne des Alpes dans toute sa longueur , donnons pour dimensions approximatives à cette bande 100 lieues de longueur et 20 lieues de largeur. Imaginons encore deux autres bandes atmosphériques sembla- bles, l’une au levant et l’autre au couchant de celle-ci. Nous les appellerons bande orientale, bande occiden- tale et bande centrale. Toutes les trois sont supposées avoir une épaisseur égale à celle de l'atmosphère. Nous supposons qu’à 7 heures du matin il existe dans l'atmosphère un calme parfait. A la première action des rayons solaires , l’air éprouve une dilata- tion. Si cette dilatation était proportionnellement égale dans les trois bandes , l’équilibre serait maintenu ; il ne s’établirait pas de courant d’une bande à l’autre ; mais si la dilatation est proportionnellement plus grande dans les deux bandes latérales que dans celle du centre , il y aura durant tout le jour déplacement d’air de celles-là dans celle-ci. Or, c’est ce qui doit avoir lieu; car la chaleur des rayons solaires doit produire chaque jour sur l'atmosphère trois effets principaux : elle dilate l’air; elle dilate les vapeurs suspendues dans l'air et produit de nouvelles vapeurs. DES ALPES. 147 Aussi observe-t-on durant la matinée d’un beau jour que cette couche humide de rosée qui recouvre les prairies et le feuillage des arbres, que ces nombreuses touffes de brouillard vaporeux et presque cotonneux, qui se traînent lentement sur l'horizon , disparaissent presque aussitôt après le lever du soleil. Ces trois effets réunis doivent augmenter de beaucoup le volume de la masse d’air dans laquelle ils se produisent ; car on sait qu’en passant de l’état liquide à l’état de vapeurs, le volume de l'eau augmente dans la proportion de 1 à 1696. Or, 1° le matin, la dilatation produite par les rayons solaires doit commencer dans les bandes laté— rales beaucoup plus tôt que dans la bande centrale ; parce qu'il est reconnu que le soleil se lève dans les plaines au moins une heure ou une heure et demie plus tôt que dans les vallées des Alpes, ombragées par la cime des montagnes. 2° Pendant toute la durée du jour la dilatation doit être proportionnellement plus grande dans les deux bandes latérales que dans celle du milieu , puisqu'il est démontré que le mouvement thermométrique y est plus grand que dans celle-ci. 3° Il doit se former chaque jour une plus grande quantité de vapeurs dans les plaines que dans les montagnes , soit parce que la chaleur y est plus in- tense , soit parce que le sol y est généralement plus humide. 2 18 BRISES PÉRIODIQUES 4° Les glaciers qui existent de loin en loin dans la bande centrale sont comme autant de condensateurs qui attirent , qui absorbent , qui boivent pour ainsi dire les vapeurs de l'atmosphère. Aussi voit-on que dans les temps secs la neige est blanche et durcie ; elle porte, selon l'expression des paysans , tandis que dans les temps humides elle devient d’un blanc mat et ne porte plus. On peut encore prouver la faculté condensatrice de la glace par une expérience aisée à répéter. Si, pen- dant les chaleurs de l'été, on applique sur la partie vide du tube d'un baromètre un petit vase en fer- blanc rempli de glace , il se forme en peu de temps, dans l’intérieur du tube , sous le point de contact , un petit nuage de goutelettes de mercure produit par la vapeur mercurielle , qui a été ainsi subitement con- densée. Ce qui se fait ici en petit s'opère en grand sur les Alpes. IL paraît donc bien certain que, par l'effet de ces quatre causes réunies , il doit y avoir pendant le jour une dilatation plus grande dans les deux bandes latérales que dans celle du centre , et qu'il doit s’établir un déplacement d’air de celles-là dans celle-ci. Après le coucher du soleil , la dilatation de l'air cesse de s’opérer; il ne se forme presque plus de nouvelles vapeurs ; une partie de celles qui se sont formées durant le jour retombe en rosée. Alors les DES ALPES. 19 courants cessent ; un calme parfait se rétablit dans l'atmosphère. Si cette condensation était durant toute la nuit égale dans les trois bandes , l'équilibre serait conservé ; mais si, pendant la nuit, la condensation doit être proportionnellement plus grande dans les deux bandes latérales que dans celle du centre, il devra s'établir un courant d’air de celle-ci dans cha- cune des deux autres , en sens inverse de celui qui a existé durant le jour. Or, c’est encore ce qui doit avoir lieu , 1° parce que le mouvement thermométri- que est plus étendu dans les deux bandes latérales que dans celle du centre , et qu'ainsi la température baisse pendant la nuit, à Chambéry et à Turin, de plusieurs degrés de plus qu’au Mont-Cenis et au Grand-St-Bernard ; 2° parce que la fraîcheur de la nuit trouve une plus grande quantité de vapeurs à condenser dans les deux bandes latérales que dans celle du milieu. Il existe un autre phénomène qui a une grande analogie avec celui dont nous venons de parler ; c’est celui des brises du littoral maritime. Il consiste en ce qu'il s'établit des courants d'air, durant le jour, de la mer vers la terre, et durant la nuit, de la terre vers la mer ; ensorte qu'il y a le jour vent de mer, et la nuit , vent de terre. I] paraît que ces courants atmo- sphériques peuvent encore être attribués à peu près aux mêmes causes que ceux des montagnes. 20 BRISES PÉRIODIQUES En effet , il se forme habituellement beaucoup plus de vapeurs sur mer que sur terre. Cela doit être , et l'observation le confirme ; car , dans nos climats , les auages qui produisent la pluie nous arrivent presque toujours des mers les plus voisines. Or, chaque jour, au lever du soleil , cette immense couche de vapeurs qui repose sur la surface de la mer, éprouve une raréfaction subite , l'équilibre se trouve rompu , et aussitôt une brise de mer commence à s'établir. Le soir , aux premières fraîcheurs , ces mêmes vapeurs subissent une grande condensation ; une partie même retombe à l’état liquide. La condensation est moindre sur le littoral parce qu’il y a moins de vapeurs ; ainsi l'équilibre se trouve rompu en sens inverse , et il s'établit pendant la nuit une brise de terre. M. le professeur Fournet a cru devoir expliquer les brises de montagnes d’une manière différente. Voici ce qu'il en dit dans le savant Mémoire que nous avons déjà cité, page 68 : « Dès que le soleil commence à « éclairer une cime , il détermine l’échauffement de « sa surface, et par suite une raréfaction dans la « couche d’air en contact. Celle-ci s'envole alors pour « faire place à la tranche suivante , qui subit la même « loi; ensorte que de proche en proche dans la ma- « tinée , l'aspiration tend à se transmettre jusqu à la « plaine. Cependant le soleil s’abaisse aussi graduel- « lement sur celle-ci , et dès lors le résultat inverse DES ALPES. 21 « aurait lieu , puisque la plaine s'échauffe plus que la « sommité , s’il n'était prédominé par une cause plus « énergique , qui résulte de l’élancement du cône « montagneux dans la région atmosphérique. Ses « flancs solides , opaques , à teintes plus ou moins « sombres , absorbent et répercutent avec force les « rayons calorifiques , et échauffent par conséquent « plus fortement la couche d’air ambiante que ne « peut l'être une couche située à égale hauteur dans « l'atmosphère diaphane ; de là une raréfaction , une « ascension continue , et par suite un flot montant qui « lèche constamment la surface de la montagne. » Deux raisons principales nous ont déterminé à don- ner la préférence à l'opinion que nous avons cru devoir adopter. 1° IL est établi que les variations thermométriques se font entre des limites extrêmes plus rapprochées sur les montagnes que dans les plaines ; on n’est donc pas fondé à supposer qu'il puisse se développer dans la bande centrale une chaleur plus intense et une dilatation atmosphérique proportionnellement plus grande que dans les deux autres. 2° Selon l'opinion adoptée par M. Fournet , dans la vallée de Maurienne , par exemple , le courant diurne devrait commencer à Lanslebourg et non à Aigue- belle ; or, l'expérience paraît prouver le contraire. IL est bien reconnu que le soleil se lève chaque jour 29 BRISES PÉRIODIQUES dans les plaines une heure ou une heure et demie avant de pénétrer dans les vallées de montagnes. Nous l'avons observé d'une manière très-sensible le 1% juin 1840. Parti de St-Jean-de-Maurienne à 4 heures et demie du matin, nous sommes arrivé à Argentine à 6 heures et demie ou 7 heures. Partout sur la route , au Pontamafrey , à La Chambre , à La Chapelle et à Epierre , nous avons vu la fumée étalée dans la direction de St-Jean à Aiguebelle , ce qui prouvait évidemment la continuation de la brise de nuit. À Argentine nous avons été afteint par les pre- miers rayons du soleil. Presque aussitôt la fumée a commencé à varier , et après quelques moments d’hé- sitation elle s’est étalée en sens contraire. D’Argentine à Montmélian nous avons ressenti continuellement la brise diurne d'une manière très-sensible. Or , lorsque le revirement s’est fait à Argentine , toute la vallée de Maurienne, depuis là jusqu'au Mont-Cenis , était encore ombragée. Il paraît donc démontré par cet exemple que l'ébranlement de la colonne d’air dans ce cas doit être attribué à une impulsion qui a lieu à l'extrémité inférieure de la vallée , et non à une sorte d'aspiration qui aurait lieu à son extrémité supé- ricure. Nous avons déjà remarqué que les glaciers des Alpes ne paraissent point étrangers à la production du phénomène dont il est ici question ; mais nous croyons DES ALPES. 23 devoir ajouter , en terminant cet article, qu'ils n’en sont pas la cause unique , parce qu'il est reconnu que les brises périodiques se manifestent aussi autour des montagnes moins élevées qui ne sont surmontées d’au- eun glacier (1). (4) Ce Mémoire a été lu dans la séance du 4# décembre 1840, par Mgr Buuier , Archevèque de Chambéry, Pré- sident perpétuel honoraire de la Société. ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY AU-DESSUS DU NIVEAU DE LA MER A UN NIVELLEMENT BAROMÉTRIQUE DE LA SAVOIE Par M. l'Abbé Chamousset PROFESSEUR DE PHYSIQUE AU GRAND-SÉMINAIRE DE CETTE VILLE» 1. La forme sphéroïdale de la terre et des autres planètes paraît avoir été déterminée par les mêmes lois. Cette forme diffère peu de celle qu'un corps fluide ou flexible, et doué d'un mouvement de rota- tion sur lui-même , prendrait par l’action composée de la pesanteur et de la force centrifuge. L'effet de ces deux forces a été modifié par des causes perturba- trices et particulières à chaque planète , dont les pro- grès des sciences naturelles, et surtout de la géologie, sont appelés à nous révéler le secret. 2. Si la terre avait d'abord été à l’état liquide et soumise seulement à la première de ces forces, ses diverses parties cédant à l'attraction qui anime tous les éléments de la matière , se seraient rapprochées et disposées de manière à produire une sphère parfaite , 26 ÉLÉVATION DE CHAMBERY comme le ferait une goutelette de mercure ou de ro- sée, si, soustraite entièrement à l’action de la terre, elle n’obéissait qu'à la cohésion de ses molécules. La pesanteur , en effet, a eu la principale influence sur la forme de la Terre , et les observations nous appren- nent qu'elle est à très-peu près une sphère de 6366200 mètres de rayon , ou 40000000 de mètres de circon- férence. Quelque grandes que soient ces dimensions, la courbure de la Terre devient sensible pour des distances qui ne sont pas très-considérables : soit T la Terre , dont le centre est en C, un œil placé en o à la surface d’un lac ou d’une mer, ne peut voir qu'une très-petite partie de cette surface et n’aperçoit aucun des objets situés au-dessous du plan horizontal b o b'. Pour que le rayon visuel puisse atteindre un objet a, il est nécessaire que l’æil s’élève au moins jusqu'en h. sur le prolongement de la tangente o h (1). (4) Soit k la hauteur oh, D h la distance o a ou h «a des deux stations, et 2R le diamètre ter- restre , on a , d’après un pro- blème de géométrie : h:D::D:2R+h. (a). d'où h=—y/R? +p° — R. Lorsque la distance D n’est pas très-grande , la hauteur À est très-petite par rapport au d > b AU-DESSUS DE LA MER. D} à Un calcul très-simple montre que l'œil doit être à un mètre au-dessus de l’eau pour qu'il puisse aperce- voir un point de la surface distant de 3568 mètres. Cette distance n’est pas beaucoup plus grande que la plus grande largeur du lac d'Annecy. La hauteur à laquelle l'œil doit s'élever pour qu'il puisse voir des points de la surface de l’eau , situés à différentes dis- tances , croît à peu près proportionnellement au carré de ces distances, quand celles-ci ne sont pas très- grandes. La longueur du lac du Bourget, mesurée sur la carte de M. Raymond , est d'environ 16600 mètres : ce nombre vaut 4, 65 X 3568. En élevant 4, 65 au carré, on trouve qu'une personne qui voudrait ob- server depuis Voglans, à l’aide d’une lunette, ce qui se passe sur les bords du lac, à Châtillon, devrait se placer au moins à 21" 62 au-dessus du niveau de l'eau , et que, si la lunette était à la surface de l’eau, son prolongement ne rencontrerait que les objets qui seraient élevés au-dessus du niveau de l’eau du même diamètre terrestre , le dernier terme 2 R + h de la pro- D? es D’après la carte de M. Raymond, la plus grande lar- geur du lac du Bourget est d'environ 2900 mètres ; celle du lac d'Annecy d'environ 5400 mètres. On a, dans le premier cas, h—0" 66, et dans le second h = 0" 91. portion , peut se réduire à 2R, et l’on a h — 28 ÉLÉVATION DE CHAMBERY nombre de mètres. Ces exemples donnent une idée de la courbure moyenne de la Terre. Les résultats que j'ai cités ne peuvent cependant être regardés comme exacts qu’en supposant que dans notre pays la forme de la Terre n’a aucune de ces irrégularités que l’on rencontre souvent à sa surface. Admettons encore que la Terre soit exactement sphérique dans la partie de l'Europe que nous habi- tons ; si, dans la formule (a) de la note 1 , on met à la place de R sa valeur, qui est environ 6366200 mètres , et à la place de k la hauteur du Mont-Blanc au-dessus de la mer, qui est de 4810" 7, on trouve que cette montagne se cache entièrement derrière la convexité de la terre, à une distance D égale à 247540 mètres, ou à environ 55 À lieues de 25 au degré. Cette distance, qui est à peu près celle du Mont-Blanc à Nice, surpasse d'environ 5 lieues celle du Mont-Blanc à Gênes ; elle est inférieure de plus de 14 lieues à celle du Mont-Blanc à Marseille. Il est donc invisible depuis cette dernière ville. Son som- met est sur le prolongement de l'horizon de Nice, et très-près de ceux de Gênes, Plaisance, Milan, Zurich, Freybourg , Dijon, St-Etienne , Avignon, etc. On pourrait donc, avec de bonnes lunettes, voir une partie plus ou moins grande du géant des Alpes, en s’élevant sur les montagnes qui sont dans le voisinage de la plupart de ces villes ; car, pour quelques-unes, AU=DESSUS DE LA MER. 29 d’autres montagnes interposées arrêtent les rayons que les glaciers du Mont-Blanc leur envoient. Du reste il y aurait beaucoup de difficultés à le distinguer des autres objets placés à l'horizon ; tous les pics qui couronnent le Mont-Blanc se présenteraient comme un seul point. Dans le cas même où la Terre serait plane, et par conséquent où celte montagne serait visible toute entière depuis sa base, deux lignes me- nées à l'œil de ses deux extrémités, ne formeraient , à la distance de 247540 mètres, qu'un angle de 1° 6 5. Le sommet du Mont-Blanc ne serait donc élevé que de 1° 6’ 5 au-dessus de l'horizon ; la mon- tagne ne produirait sur la rétine qu'une image moin- dre que celle qui y serait produite par un objet d’un pouce de haut , que l’on regarderait à une distance de 4 pieds. 3. Le mouvement rapide de rotation qui fait dé- crire à la Terre une circonférence entière dans l’inter- valle de 23 h. 56’ 068, produit la force centrifuge. Cette force tend sans cesse à éloigner les molécules terrestres de l'axe de rotation ; elle agit sur chaque molécule proportionnellement au rayon du cercle que chacune décrit ; elle augmente depuis les pôles , où elle est nulle, jusqu'à l'équateur, où elle atteint son maximum. Si donc la Terre a jamais été liquide , elle a dû s’aplatir vers les pôles et se renfler vers l'équa- teur. En appliquant les principes de l'hydrostatique 30 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY à la recherche de la forme que la Terre devrait avoir prise , dans l'hypothèse qu’elle aurait été primitive- ment fluide, et soumise seulement à la pesanteur et à la force centrifuge , on prouverait qu'elle devrait être un ellipsoïde de révolution autour de son petit axe ; tous ses méridiens seraient , dans ce cas, des ellipses, et seraient d’ailleurs égaux entre eux, tandis que l'équateur et ses parallèles seraient des cercles, dont la grandeur irait en diminuant de l'équateur aux pôles. D'immenses travaux ont été entrepris pour reconnaître si la véritable forme de la Terre était celle que prévoyait la théorie. On n’a pas reculé de- vant les innombrables difficultés qui semblaient ren- dre impossible la mesure directe d’une masse aussi énorme. Des arcs de méridien ont été mesurés à l'équateur, à différentes latitudes et jusque sous le cercle polaire. Un arc du parallèle de la latitude moyenne de 45° a aussi été mesuré dans une étendue de plus de 15°, depuis les bords de l'Océan vers Bor- deaux, jusqu’au-delà de l’Adriatique , en triomphant avec autant de génie que de fatigues , des obstacles que les Alpes ajoutèrent à ceux qui accompagnent toujours ces grandes opérations. Ces importants tra- vaux ont prouvé que le rayon terrestre diminue à mesure que l'on s'approche des pôles. On est arrivé à la même conséquence par un moyen indirect , mais non moins sûr ; on compte les oscillations que fait un AU-DESSUS DE LA MER. J1 même pendule à différentes latitudes, et l’on déduit de la rapidité de ses oscillations , dans chaque lieu , l'intensité de la pesanteur dans ce lieu, et par suite sa distance au centre de la terre. On a reconnu par ces deux moyens, si différents l’un de l'autre , que la forme du globe, considérée dans son ensemble ,. s’approchait beaucoup de celle d’un ellipsoïde , mais qu'il y avait de nombreuses irrégularités, soit dans le sens de la longitude, soit dans celui de la latitude ; que cette forme était très-compliquée ; que , tout en faisant abstraction des montagnes, la surface unie de la mer, qui représente la véritable forme de la terre, avait dans certains points une convexité plus grande ou plus petite que celle qui convient à la surface d’un ellipsoïde, et qu’elle pouvait même devenir plane ou légèrement concave ; enfin, que probablement les deux moitiés boréale et australe de la terre n’étaient point semblables. Il est extrêmement difficile de déterminer avec pré- cision tous les accidents de la forme de notre planète, par l'ignorance où nous sommes de l’état du globe à une petite profondeur au-dessous de la surface que nous habitons. Une distribution inégale de la densité dans son intérieur et surtout dans les couches les plus rapprochées de nous, détermine des centres particu- liers d'attraction, qui accélèrent ou ralentissent les oscillations du pendule, et dévient le fil à plomb des 32 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY instruments destinés à mesurer les latitudes dans les opérations géodésiques. Les erreurs qui proviennent de celte cause affectent gravement les mesures prises dans chaque contrée , et laissent une grande incerti- tude sur la forme du sol dans chaque point en parti- culier. Ces mêmes erreurs se compensent presque en entier , lorsqu'on combine ensemble les diverses ob- servations pour en déduire la forme générale du globe et la valeur de son aplatissement. On emploie en outre, pour résoudre ce problême important, une méthode indépendante des causes d'erreur que je viens de citer, et qui consiste à choisir parmi les nombreuses inégalités du mouvement de la Lune , celles qui pro- viennent de l’ellipticité de la Terre , et à en tirer par l'analyse le rapport des rayons de l’équateur et des pôles. Ces trois méthodes conduisent à des résultats qui s’éloignent peu les uns des autres et se contrôlent réciproquement. Les astronomes avaient d’abord ad- mis que la différence du grand et du petit axe était 551 du premier. À mesure que les observations se sont multipliées , on à vu que ce rapport était trop faible, et divers savants, en se servant d'observations et de méthodes différentes, sont arrivés aux nombres 36, 08 500» 3086» 288» 282, ClC. , qui oscillent dans des limites étroites. Cette différence des deux rayons terrestres correspond à un peu plus de quatre lieues AU—DESSUS DE LA MER. 33 et trois quarts de 25 au degré, ou de 4444" 4. Le rayon de la Terre diminue en moyenne de 233 mètres par degré, à mesure.qu'on s'éloigne de l'équateur , mais cette diminution est plus rapide dans nos lati- tudes que dans les contrées qui sont plus voisines de l'équateur ou des pôles, puisque c’est à ces deux limites que les variations de ces deux rayons chan- gent de signe. Le lac du Bourget, qui dans sa lon- gueur se dirige à peu près du midi au nord , occupe sur la carte de M. Raymond une étendue d’environ 0° 9 dans le sens de la latitude ; or, entre les latitu- des de 45° à 46°, et dans l'hypothèse où la Terre serait parfaitement elliptique, les deux rayons qui aboutiraient aux extrémités d’un arc de méridien de 0° 9’, différeraient l’un de l’autre de 58 6. Le ni- veau du lac au Bourget serait donc éloigné du centre de la Terre de 58" 7 de plus que le niveau du même lac sur les bords de la Chautagne , ou , ce qui est la même chose, la force centrifuge ferait remonter l’eau de 58 à 59 mètres dans une étendue de 4 lieues. Le rayon vecteur, mené du centre de l’ellipsoïde terrestre à Marseille , dont la latitude est 43° 18', au- rait 2822 mètres de plus que le rayon vecteur mené à Calais, dont la latitude est 50° 58 (2). (2) Je me suis servi, pour ce calcul , de la formule 22 d 34 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY Les détails qui précèdent montrent que ce qu’on appelle la hauteur d'un lieu au-dessus du niveau de la mer, n'indique pas la différence des distances au centre de la Terre, de ce lieu et des bords de la mer, puisque les différents points de la surface de celle-ci sont eux- mêmes à des distances très-différentes de ce centre. La hauteur d'un lieu au-dessus du niveau de la mer est son élévation au - dessus du niveau que la mer occuperait, si elle se prolongeait jusque sous la ver- ticale qui passe par ce lieu , soit que ce prolongement soit celui d'un ellipsoïde , soit que la surface de la mer y prenne toute autre forme dépendante de causes particulières. 4. La Terre n’a donc pas , à la rigueur , la forme elliptique que la pesanteur et la force centrifuge tendent à lui donner ; les irrégularités qu'on y dé- couvre prouvent, ou qu’elle n'a possédé à aucune suivante, dont on trouvera la démonstration dans le tome II des Zlementi di Astronomia di Santini. R=a[1i- ++ (e + ;) cos. 2L— 2 cos. 4 L.. | R est le rayon terrestre correspondant à une latitude quelconque L; a est le rayon de l'équateur; e? est une quantité égale à 4 —#, b étant le rayon des pôles. Dans le calcul ci-dessus, j'ai supposé laplatissement égal à +, ce qui donne e* = 0,0066555555.... j'ai sup- posé a — 6577000. AU-DESSUS DE LA MER. 39 époque un degré de mollesse ou de flexibilité suffisant pour obéir entièrement à ces deux forces , ou plutôt que ces deux forces n’ont pas agi seules, et que leurs effets ont été modifiés par des forces perturbatrices. Ces dernières forces, sur la nature desquelles nous ne pourrons jamais former que des conjectures plus ou moins vraisemblables , sont probablement les mê- mes qui ont produit les phénomènes géologiques et changé entièrement l’état primitif de la surface de la Terre. Celle-ci, en effet, n’a plus rien qui nous rap- pelle ce qu'elle était à l'origine des choses. Nous habitons sur des ruines immenses. Le sol est en grande partie formé par une série de roches composées de sables, de cailloux, d’argiles, de grès, de dépôts calcaires, etc. , dans lesquelles sont ensevelis des restes innombrables de plantes et d'animaux. Les roches cristallines qui servaient de base aux roches sédimentaires déposées horizontalement sur le fond des mers anciennes, ont été soulevées, et dans ce mouvement les dernières ont été déplacées, dislo- quées , et les lambeaux d’une même couche ont quel- quefois été portés à des différences de niveau de plusieurs mille mètres. Souvent aussi les roches cris- tallines ont traversé les couches de dépôt et se sont élevées au-dessus d'elles. Les continents eux-mêmes ont éprouvé et éprouvent encore des soulèvements et des abaissements alternatifs. Ainsi la surface de la 36 ÉLÉVATION DE CHAMBERY terre s'est toute hérissée de montagnes, séparées par des vallées plus ou moins profondes et des plaines de niveaux différents. Les parties les plus basses sont recouvertes par les eaux, dont la surface unie donne une apparence de régularité à notre planète ; mais le fond des mers est couvert de dépressions et d'aspé- rités aussi bien que les continents ; les bas-fonds et les îles ne sont que les sommités des montagnes sous- marines. 5. Ces inégalités de la surface de la Terre sont sans importance pour l’astronome , qui ne la consi- dère que dans ses rapports avec les corps célestes , et elles paraissent extrêmement petites lorsqu'on les compare à sa masse. Si on voulait la représenter par un globe d'un mètre de rayon, le Mont-Blanc, qui est la plus haute montagne de l'Europe, et l'Hima- laya, qui est la plus haute montagne du monde (3), y seraient réduites à de petites aspérités de 02" 75 et 1" 23 de hauteur. Les plus grandes profondeurs de la mer y formeraient des dépressions insensibles à l'œil et seulement de quelques dixièmes de milli- mètres. L’ellipticité de la terre disparaîtrait aussi , et la différence de près de cinq lieues qui existe entre (5) La hauteur du Mont-Blanc au-dessus du niveau de la mer est de 4810" 7 ; celle du pic le plus élevé de l'Hi- malaya, de 7825" 8. AU-DESSUS DE LA MER. 37 les rayons des pôles et de l'équateur n’exigerait qu'une différence de 3"" 3 entre les rayons de notre sphé- roïde. L'atmosphère enfin , qui enveloppe la Terre jusqu’à une hauteur qu'on peut supposer égale à en- viron 1% à 16 lieues, y pourrait être représentée par une couche transparente de 12 à 13 millimètres d’é- paisseur. Or, si nous nous élevions seulement à une distance égale au rayon terrestre, distance qui n’est que 50. de celle de la Lune, et 55355 de celle du So- leil, la terre se présenterait à nous avec la grandeur apparente de cette sphère d'un mètre de rayon , que nous regarderions à un mètre de distance. Si l’on voulait rapporter les inégalités de la surface de la Terre sur les globes ordinaires destinés à l’étude de la géographie, et qui ont environ un pied de diamè- tre , il faudrait diviser par 6 les nombres qui les re- présentent sur une sphère d’un mètre de rayon, e’est- à-dire qu'il faudrait leur donner une forme aussi exactement sphérique et une surface aussi polie qu'il serait possible de le faire. 6. L'étude de ces irrégularités du sol, qui méri- tent à peine de fixer un instant les regards de l’as- tronome , est, sous d’autres rapports, du plus haut intérêt. La connaissance de la hauteur relative des différents lieux est aussi importante en géographie physique , que celle de leur longitude et de leur lati- tude; outre qu'elle pique vivement la curiosité, elle est 38 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY un élément essentiel à la solution d’un grand nombre de questions de géologie , de météorologie, d’agricul- ture et de botanique comparées ; elle est absolument nécessaire dans les entreprises d'irrigation, de canaux, de routes, etc. Enfin c’est ce sol plus ou moins dé- chiré , hérissé d’aspérités et tourmenté de mille ma- nières , qui est le domaine et l'habitation de l'homme. Le nivellement d'une contrée , tel qu'il est réclamé par les besoins de la société et le progrès des sciences, doit comprendre la hauteur d’un très-grand nombre de points. Il serait très-utile, par exemple , de con- naître la hauteur du sol de toutes les églises, parce qu’elles sont le centre de chaque commune ; celle des tours et des monuments antiques que nos pères ont élevés dans des sites ordinairement remarquables ; celle de la partie la plus élevée et de la partie la plus basse de chaque vallée, ainsi que des ponts et des points les plus reconnaissables du bord des rivières ; celle des cols par lesquels les vallées voisines com- muniquent entre elles ; enfin celle du sommet des collines et des montagnes. Il n’y a encore aucune partie de la Terre pour laquelle on ait entrepris un nivellement aussi complet, et dans chaque pays on ne possède la hauteur exacte que de quelques points isolés. Les immenses travaux que nécessitent les mesures géodésiques , ont limité leur application à la détermination de la hauteur de AU-DESSUS DE LA MER. 39 quelques villes et de quelques montagnes. L'emploi du baromètre , il est vrai, est plus facile ; mais il exige des précautions qui malheureusement ont trop souvent été négligées. Ce précieux instrument n’a pas toujours été entre les mains d’observateurs instruits et consciencieux. On s'est contenté quelquefois de mesures prises à la hâte, dans quelques voyages ; on les a comparées à celles qui étaient prises en même temps dans des observatoires trop éloignés, et on a supposé, sans l'avoir vérifié, que les échelles des divers instruments étaient d'accord entre elles. Aussi parmi les hauteurs citées dans les cartes et les traités de géographie , y en a-t-il beaucoup qui contiennent de graves erreurs. 7. C’est surtout pour les pays montueux , et en particulier pour nos Alpes, dont le relief actuel est le résultat des bouleversements géologiques les plus violents, qu’il est utile de connaître les inégalités qui affectent la surface que nous habitons. MM. les chanoines Billiet et Gravier viennent d'offrir à la So- ciété royale académique de Savoie un tableau com- prenant les hauteurs des principaux points de la Mau- rienne et de la Tarentaise. Ils les ont déterminés par eux-mêmes, à l’aide de baromètres bien construits et bien comparés. Des observations étaient faites en même temps à St-Jean-de-Maurienne et dans la loca- lité dont ils cherchaient la hauteur ; de sorte que les 40 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY deux stations n'étaient jamais très-distantes l’une de l'autre. Ces messieurs ont ainsi obtenu directement la hauteur de ces différents points au-dessus ou au-des- sous de St-Jean-de-Maurienne. La hauteur de cette dernière ville au-dessus de Chambéry était d’ailleurs connue avec beaucoup d’exactitude ; elle avait été déterminée par Mgr Billiet , lorsqu'il était évêque’ de Maurienne, au moyen de trois séries d'observations barométriques , comprenant chacune 10 à 15 jours. J'avais l'honneur de faire à Chambéry les observations correspondantes. Les trois résultats obtenus par le calcul de ces trois séries d'observations étaient à peu près identiques :.leur moyenne excluait toute incer- titude. Je m'occupe depuis plusieurs années d’un nivelle- ment barométrique des environs de Chambéry; ce travail, qui est sur le point d’être terminé , s'étend à toutes les paroisses de ce diocèse et à quelques loca- lités des diocèses voisins ; toutes les hauteurs y sont calculées par rapport à la hauteur de Chambéry. Quand aux parties de la Savoie qui ne sont pas comprises dans les limites de mes observations et de celles de MM. les chanoines Billiet et Gravier , elles ont été l’objet d’un grand nombre de mesures de la part des savants qui ont visité le Mont-Blanc et les vallées qui l'entourent. Ces mesures, disséminées dans plusieurs ouvrages , ont été rassemblées par M. AU-DESSUS DE LA MER. 41 Alphonse de Candolle, dans son Hypsomètrie des en- virons de Genève. Cette publication intéressante est un recueil complet de toutes les hauteurs qui ont été mesurées avant 1839 , dans un cercle de 25 lieues autour de Genève. 8. Les travaux de MM. Billiet et Gravier et mes propres observations faisant connaître la hauteur des principaux points des diocèses de Maurienne , de Ta- rentaise et de Chambéry, au-dessus du sol de cette dernière ville , il devenait nécessaire de chercher combien Chambéry, et en particulier le point auquel se rapportaient nos mesures, était élevé au-dessus du niveau de la mer. Ce point est le sol du jardin du grand Séminaire, ou mieux le seuil de la porte par laquelle on passe de ce jardin dans l’intérieur de la maison. Il est à 5" 56 au-dessous du parapet des fenêtres du premier étage qui regardent dansle jardin. Voici les principales mesures de la hauteur de Chambéry , qui ont été prises jusqu'ici. L'arc du parallèle moyen, qu’on a mesuré depuis Bordeaux jusqu'au-delà de l’Adriatique, passe par Chambéry. Une commission composée d’astronomes et d'ingénieurs piémontais et autrichiens, et dirigée par des hommes d’une science éminente (MM. Plana et Carlini) , exécuta en 1821, 1822 et 1823 la partie la plus difficile de ce travail, en réunissant les deux arcs déjà mesurés en Italie et en France , par un are L 49 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY. mesuré au travers des Alpes. Un des angles du réseau trigonométrique avait son sommet sur la colline de Lémenc , au signal que la commission fit élever près du Calvaire. On trouva que le pied du signal était élevé de 339 7 au-dessus du niveau de la mer. D'après les observations qu'ils firent en même temps à la tour du Château royal ( parapet des dernières fenêtres), et au clocher de la paroisse de la Motte ( parapet des fenêtres, au plan des cloches), la pre- mière de ces deux stations est élevée au-dessus du niveau de la mer de 306" 2, et la seconde de 279" 1. Ces hauteurs obtenues à l’aide d'opérations géodé- siques habilement conduites , méritent d’être admises avec la plus grande confiance ; elles m'ont été très- utiles dans la détermination de la hauteur du sol du grand Séminaire. Plusieurs savants étrangers se sont servi du baro- mètre pour mesurer la hauteur de Chambéry. M. de Saussure a fait lui-même , dans cette ville, plusieurs observations barométriques , qu'il a comparées à des observations faites en même temps sur les bords du lac de Genève ; il en a déduit la hauteur de ce lac au-dessus de Chambéry , puis en retranchant cette hauteur de la hauteur du lac au-dessus de la mer, il a trouvé que la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer était de 265" 7. On verra que ce nombre est peu éloigné de la vérité. Il est à regretter que l'au- AU-DESSUS DE LA MER. 43 teur n'ait pas indiqué le lieu où il faisait ses obser- vations ; son silence fait penser qu'elles se rapportent au niveau moyen de ville (#). M. Deluc donne à Chambéry une hauteur de 2748, qu'il conclut de deux observations barométriques seulement ; M. Alphonse de Candolle remarque qu'il faut ajouter à ce nombre une correction relative à la hauteur du lac de Genève , qui est maintenant mieux connue qu'à l'époque où vivait M. Deluc ; ce qui porte le résultat précédent à 284" 8. Ce nombre est beau- coup {rop élevé (5). Des observations de M. Martinel nous placent encore beaucoup plus haut, à 419" 4, c'est-à-dire à 12" au-dessus de l'observatoire de Genève. Enfin M. Albanis Beaumont nous ramène à 258" 25 (6). Il me reste à parler d’un travail spécial qu'un sa- vant compatriote, M. G.-M. Raymond, a publié dans le tome II des Mémoires de la Société royale acadé- mique de Savoie, sur la situation géographico-topo- graphique des environs de cette ville, et dans lequel L (4) De Saussure, Voyage dans les Alpes, $ 1180. (5) Deluc, Modifications de l’atmosphère.— Voir l Hyp- sométrie des environs de Genève, par M. Alphonse de Can- dolle, page 55. (6) Albanis Beaumont, Description des Alpes grecques et cottiennes. 44 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY il croit pouvoir établir que le sol du grand Séminaire est élevé seulement de 243" 2 au-dessus du niveau de la mer ; il a employé pour ce caleal les trois pre- mières années des observations barométriques et thermométriques que Mgr Billiet, alors supérieur du grand Séminaire , avait commencées en 1822, et qu'il a continuées pendant les quatre années 1822, 1823, 182%, 1825. M. Raymond a ajouté 1" 4 à la moyenne barométrique des trois années 1822- 1824, pour correction de la capillarité, et il l’a suc- cessivement comparée aux observations de Paris et de Genève , pour en conclure la hauteur relative de Chambéry et de chacune de ces deux villes , et par suite la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer. M. Alphonse de Candolle, en reprenant le même calcul avec les observations de la seule année 1822 , faites à Chambéry par Mgr Billiet, et les observations correspondantes de Paris, sans appliquer aux premaë- res aucune correction pour la capillarité, est arrivé au nombre 266" 3. Les différences qui existent entre tous les résultats que je viens de citer, laissaient donc une grande incertitude sur la véritable hauteur de Chambéry ; c'est pourquoi j'ai entrepris de la déterminer de nou- veau , et J'ai été assez heureux pour y parvenir par trois procédés indépendants les uns des autres, qui se sont servi mutuellement de preuve. AU-DESSUS DE LA MER. 45 Je vais exposer successivement le détail de ces trois calculs , avec les précautions que j'ai prises pour éviter les erreurs. 1° Calcul de la hauteur de Chambéry au-dessus du niveau de la mer. 9. J'ai fait au grand Séminaire, pendant les deux années 1838, 1839, environ quinze mois d’observa- tions barométriques et thermométriques. Le baromètre dont j'ai fait usage est un baromètre de Gay-Lussac, avec la modification que Bunten a imaginée pour le rendre plus facilement portatif. Le diamètre extérieur du tube est de 6% 75 ; d’où l’on peut admettre que le diamètre interne est d'environ 4" 6. La monture est un tube de laiton, muni de deux verniers , qui permettent d'apprécier l'extrémité des deux colonnes de mercure , avec une précision de 0" {, ou même 0% 05. Voulant examiner son échelle dans une assez grande étendue , j'ai porté l'instrument à différentes hauteurs avec d’autres bons baromètres , et j'ai fait des observations simultanées avec chaque baromètre. Les hauteurs indiquées par les divers instruments n'étaient pas les mêmes , mais elles conservaient tou- jours la même différence. J'ai comparé ainsi le baro- mètre du grand Séminaire avec deux autres baromè- tres, qui paraissaient construits avec soin, d'où j'ai 46 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY conclu que les échelles des trois baromètres ne ren- fermaient pas d'erreurs sensibles, excepté celle qui pouvait dépendre de la position du zéro. J'ai reconnu en effet que le baromètre du grand Séminaire contient une erreur de ce genre. Voici quelle est à très-peu près la quotité de cette erreur. Le baromètre de Bunten du Collége des RR. PP. Jésuites, à Chambéry, a été envoyé à Paris, où il a été comparé par M. Eugène Bouvard, le 1° mars 18#1, avec celui de l'observatoire de cette ville. Le même baromètre du Collége de Chambéry a été comparé avec celui du grand Séminaire immédiate- ment avant et après le voyage de Paris ; il en est ré- sulté qu’il fallait retrancher 0" 9 au baromètre du grand Séminaire pour le rapporter à celui de l'ob- servatoire de Paris. D'un autre côté j'avais déjà déterminé le rapport du baromètre de l’observatoire de Genève avec celui du grand Séminaire de Chambéry. J'ai transporté celui-ci à l’observatoire de Genève le 22 août 1840 ; je l'ai placé à côté du baromètre de cet observa- toire et à la même hauteur , et après un temps suffi- sant pour que le thermomètre fixé au baromètre ait pris la température du lieu, j'ai fait quatre observa- tions, dont la moyenne a fait voir que le baromètre de Chambéry marque 0% 741 de moins que celui de Genève. AU-DESSUS DE LA MER. 47 Le baromètre du grand Séminaire de Chambéry a aussi été comparé avec celui de Mgr Billiet, à Cham- béry en 1837, à St-Jean-de-Maurienne en 1838, et de nouveau à Chambéry en 1841. Je me suis assuré ainsi qu'il n'avait éprouvé aucune altération , ni pen- dant le voyage de Genève, ni pendant la durée des observations qui me serviront à établir la hauteur de Chambéry. 10. S'il n’y a pas eu d'erreur commise dans la dou- ble comparaison du baromètre du grand Séminaire de Chambéry avec ceux de Genève et de Paris, il faut admettre qu'il y a entre les échelles des deux derniers une différence de 0 741 + Omm 9 — um 6x1. Get excès du baromètre de Genève sur celui de Paris m'ayant beaucoup étonné, j'ai cherché quel serait l'effet de cette correction , si, après l'avoir effectuée sur la moyenne barométrique de Genève, je calculais, à l’aide de la moyenne barométrique de Paris, la hauteur de Genève au-dessus de la mer. Avant d'exposer les résultats que j'ai obtenus, voici quelques détails sur les observations météorologiques que l'on fait à Genève ; ils sont extraits en grande partie d'une Notice publiée par M. G. Maurice, dans le cahier de la Bibliothèque universelle du mois d'avril 1837. L'Hypsométrie de M. de Candolle m'a fourni la hauteur des différentes stations dans lesquelles le baromètre a été successivement placé. 48 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY Les observations météorologiques de Genève , que publie chaque mois la Bibliothèque universelle , ont commencé en 1796. On peut les diviser en trois sé- ries : la première comprend les trente années 1796- 1825 , pendant lesquelles la moyenne barométrique annuelle était calculée en prenant la moyenne des observations faites chaque jour au lever du soleil et à deux heures après midi. Le baromètre qui servait aux observations était placé pendant les 26 années 1796-1821 , dans l’ancien jardin botanique, à envi- ron 20 mètres au-dessus du niveau moyen du Rhône, et pendant les # années 1822-1825 , dans le nouveau jardin botanique , à 9" 9 au-dessus du même niveau. Pendant la seconde série, c’est-à-dire pendant les 10 années 1826-1835 , le baromètre était dans la loge du pont des tranchées, à 32" 70 au-dessus du Rhône. Dans cette période, les observations ont été faites à 9 heures du matin, à midi et à 3 heures du soir , et l’on a regardé comme la moyenne de l’année la moyenne des observations de 9 heures du matin et de 3 heures du soir, parce que ce sont à peu près les heures du maximum et du minimum de la journée. Enfin , on rapporte à la troisième série toutes les observations qui datent depuis 1836, époque à la- quelle le lieu des observations a été transféré au nou vel observatoire, situé à 0" 30 plus haut que le lieu des observations de la seconde série , ou à 33 mètres AU-DESSUS DE LA MER. 49 au-dessus du Rhône. On a ajouté les observations de 9 heures du soir à celles que l'on faisait déjà à 9 heures du matin, midi et 3 heures. On a continué de prendre pour la moyenne de l’année la moyenne des observations de 9 heures du matin et de 3 heures du soir. Le baromètre a été changé au commence- ment de cette série ; on a reconnu, après plusieurs observations comparatives, que le baromètre dont on s'était servi jusqu'ici marquait 0"" 70 de moins que le nouveau. Pour rapporter les observations de la première et de la seconde série à celles de la troisième , il fallait donc ajouter 0"" 70 pour corriger la différence de l'échelle des baromètres. Il était nécessaire aussi de faire une autre correction dépendante de la différence de niveau des stations dans lesquelles on a successive- ment observé le baromètre. On a trouvé, après ces deux corrections, que la moyenne barométrique des trente années 1796-1825 , qui composent la première série, et pendant lesquelles les observations ont été faites au lever du soleil et à 2 heures après midi, est 726%" 97. Que la moyenne des treize années 1826- 1838, conclue des observations de 9 heures du matin et 3 heures du soir, est 727" 75 (7). (7) Dans la notice de M. G. Maurice, citée plus haut, la moyenne de l’année 18926 est supposée être de 725" 75; Y P (/ Î 50 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY Pendant toute la première série, le thermomètre à été observé à Genève sur divers emplacements, au lever du soleil et à 2 heures après midi ; la moyenne qui en résulte a été, pour les trente années 1796- 1825 , + 9° 81. Dans les deux séries suivantes, on a adopté pour la moyenne de l’année la moyenne des maximum et des minimum de chaque jour ; on obtient ainsi pour la moyenne des treize années 1826-1838 , + 9° 61. A Paris, on a toujours considéré pour la moyenne barométrique de l’année celle que donnent les obser- vations de midi; elle est égale à 756"" 086, pour les vingt-trois années 1816-1838 ; pour les treize années 1826-1838 , elle est en particulier égale à 756" 188. La température moyenne conclue des observations du maximum et du minimum de chaque jour , s’y trouve de 10° 80. La température moyenne de midi l'emporte sur la température moyenne de l’année , à Paris, de 2° 47, et à Genève de 2° 32 à peu près. 11. Cela posé, il est évident qu'on ne peut em- ployer dans le calcul de la hauteur de Genève au- dessus de Paris, les mesures prises à Genève avant c’est probablement une faute d'impression : elle est de 728" 75. En admettant le nombre 725" 75, la moyenne des treize années 1826-1858 serait seulement 727" 52. | AU-DESSUS DE LA MER. 5 l'année 1826, parce que la moyenne barométrique des observations faites au lever du soleil et à 2 heures après midi, diffère de la moyenne des observations de midi d’une fraction de millimètres que l’on ne peut négliger , et que l’on ne connaît pas assez exactement. J'ai fait le calcul de la hauteur de Genève avec les observations de chacune des 13 années 1826-1838. Pour les dix premières années 1826-1835 , au lieu d'employer les observations faites à midi à Genève, je me suis servi des moyennes annuelles qui résul- tent des observations de 9 heures du matin et de 3 heures du soir. Ces dernières méritent plus de con- fiance, parce qu’elles ont été revues par M. G. Maurice (Bibliot. Univers. , avril 1837), qui y a fait plusieurs corrections ; il s'était glissé quelques erreurs dans les tableaux publiés dans la Bibliothèque Universelle. Il est à regretter que M. Maurice n'ait pas étendu son travail aux observations de midi. Cependant, comme la moyenne barométrique des observations de 9 h. du matin et de 3 heures du soir est inférieure à la moyenne barométrique des observations de midi d'une quantité qui, pour Genève, est à très-peu près égale à 0" 06, j'ai dû ajouter 0"" 06 aux moyen- nes barométriques de Genéve des dix années 1826-— 1835 , afin de pouvoir les comparer avec les moyen- nes annuelles de Paris, qui correspondent à midi. De même, pour obtenir la température moyenne de 52 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY Genève à midi, pendant les mêmes années 1826- 1835 , j'ai ajouté 2° 32 aux températures moyennes annuelles de cette ville. Les légères erreurs qui pour- raient en résulter dans le calcul de la hauteur de Genève au-dessus de Paris, par les seules observa- tions d’une année, disparaissent entièrement dans la moyenne de plusieurs années. Pour les trois années suivantes, j'ai employé les observations faites à midi. Enfin j'ai retranché à la moyenne barométrique de Genève 1" 6%, quantité dont l'échelle du baromètre de Genève est plus forte que celle du baromètre de Paris , si mes comparaisons ont été exactes. Le tableau suivant renferme les éléments du calcul pour chaque année. Toutes les corrections précédem- ment indiquées s'y trouvent faites. La dernière co- lonne donne la hauteur de Genève au-dessus de la mer ; elle a été obtenue en calculant d’abord la hau- teur de Genève au-dessus de Paris, d’après les obser- vations de chaque année, et en ajoutant ensuite à la hauteur de Genève au-dessus de Paris, la hauteur de Paris au-dessus de la mer, hauteur qui est de 65 mètres. Je me suis servi, pour les calculs, de la formule — 18393 (+ ) Le 1000 C’est la formule dont on fait le plus communément usage dans nos latitudes pour la détermination baro- AUF*DESSUS DE LA MER. 23 métrique des hauteurs. Le coefficient constant qu'elle renferme est le résultat des nombreuses observations que Ramond a faites dans le midi de la France. £ HAUTEUR BAROMÈTRE A MIDI. | THERMOM. À MIDI. | Calculée ANNÉES MR de certe ve au-dessus paris. aeneve. Paris. geneve. de la mer. aa | ——"——_— | — ——— | 1826 | 757 27 | 796 69 | 14°50 | 19°0n 1897 | 736 O1 | 725 96 | 15°59 | 19°40 1898 | 756 06 | 796 55 | iuua | 19°89 1899 | 755 45 | 794 50 | 11°77 | 40°56 1850 | 735 84 | 725 89 | 19291 | 41058 1851 | 755 99 | 725 99 | 14°55 | 12255 1852 | 757 55 | 797 45 | 15°79 | 19207 1855 | 755 45 | 795 85 | 15°77 | 12°56 1854 | 758 68 | 750 98 | 1u°u6 | 15°u8 1855 | 756 88 | 726 90 | 15045 | 41068 1856 | 755 05 | 725 77 | 19294 | 11°86 1857 | 756 59 | 726 06 | 12204 | 1191 1858 | 754 47 | 794 99 | 11°67 | 10°74 La hauteur de Genève obtenue en prenant la moyenne des treize résultats contenus dans le tableau précédent , serait égale à 40%" 82, Celle qui résulte des observations de la seule année 1834 s’en éloigne D4 ÉLÉVATION DE CHAMBERY de plus de 18 mètres. Un si: grand écart indique, ou qu'il s’est glissé quelque erreur dans les mesures de cette année , ou que Paris et Genève se sont trouvés pendant cette année dans des circonstances atmosphé- riques très-différentes. Le résultat des observations de l’année 183% doit donc être exclu de la moyenne générale. La moyenne des douze autres résultats donnerait 406% 33 pour la hauteur du baromètre de Genève au-dessus de la mer. La hauteur calculée d’après les observations de l’année 1836, s’écarte encore de 10 mètres de cette moyenne, tandis que les hauteurs calculées avec les observations des au- tres années s’en écartent au plus de 7" 5. Si, pour une plus grande approximation , on rejette encore le résultat de l’année 1836, les onze années restantes donneront en moyenne, pour la hauteur du baro- mètre de Genève au-dessus de la mer , le nombre 407% 27. | Le baromètre de Genève est à 33" 13 au-dessus du niveau moyen du Rhône, sous la machine hydrau- lique , suivant M. Wartmann, cité par M. Alphonse de Candolle. Si l’on retranche donc 33" 13 du nom- bre précédent, on trouvera 374" 1% pour la hauteur du lac de Genève au-dessus de la mer. Or, de toutes les mesures de cette hauteur qui ont été prises jus- qu'ici, celles qui méritent plus de confiance , d'après M. de Candolle , sont les suivantes : AU-DESSUS DE LA MER. 55 {1° Quatre déterminations barométriques ont donné les nombres 375" 12, — 371" 01, — 375" 82, — 375" 00 , dont la moyenne est 374" 23. 2 Trois déterminations géométriques ont donné les nombres 374" 80 ,— 374075, — 374" 0%, dont la moyenne est 374" 53. Cette dernière moyenne est la valeur la plus pro- bable que l'on puisse admettre actuellement pour la hauteur du lac de Genève. Le nombre que j'ai obtenu tout à l'heure en diffère moins qu'aucune des quatre déterminations barométriques que j'ai rapportées ; il s’en approche même plus que la troisième des trois déterminations géométriques. C’est sans doute toute l’approximation qu’on peut espérer avec des observa- tions non choisies, pour des lieux aussi distants que Genève et Paris. Je suis en droit de conclure que la correction négative de 1%" 6%, que j'ai effectuée sur la moyenne barométrique de Genève, avant de commencer les calculs, représente à très-peu près l'excès du baromètre de Genève sur celui de Paris. Si l’on supposait le baromètre de Genève d'accord avec celui de Paris , la hauteur de l'observatoire de Genève au-dessus de la mer que l’on déduirait serait trop faible de 18 à 19 mètres (8). (8) J'avais déjà obtenu tous ces résultats, lorsque, au commencement de cette année, j'ai recu de l’obligeance de 56 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY 12. Je reviens maintenant au caleul de la hauteur du sol du jardin du grand Séminaire de Chambéry au-dessus du niveau de la mer, au moyen des obser. vations barométriques que j'ai faites en 1838 et 1839. Pendant le cours des observations , le baromètre était situé à 5" 55 au-dessus du sol du Séminaire. - La plus grande partie des observations ont été faites à midi; quelques-unes ont été faites entre 9 heures du matin et 3 heures du soir. J'ai corrigé par inter- polation celles de mes mesures qui ne tombaient pas MM. A. Bravais et Ch. Martin, un Mémoire très-intéres- sant, qui comprend les comparaisons que ces savants ont faites de la plupart des baromètres des observatoires du nord de l’Europe. Ces messieurs n’ont trouvé que 0"" 99 pour l’excès du baromètre de Genève sur celui de Paris. Si, au lieu de retrancher 1°” 64 à la hauteur moyenne barométrique de Genève, on ne retranchait que 0"" 99, la hauteur de Genève que l’on en conclurait serait encore inférieure à la hauteur vraie de 7 à 8 mètres. Cette diffé- rence de 7 à 8 mètres doit être attribuée à ce que la cor- rection 0”” 99 est trop faible , et non à l’imperfection de la théorie de la mesure des hauteurs par le baromètre. On verra à la fin de cette Notice que 12 années d’observa- tions barométriques faites à Chambéry, et comparées aux observations faites en même temps à Paris, ont conduit à une valeur très-rapprochée de la vraie hauteur de Cham- béry au-dessus de la mer. AU—DESSUS DE LA MER. 54 précisément à ces heures, qui sont les heures des observations de Paris et de Genève ; il n’en peut ré- sulter que des erreurs très-faibles pour chaque mesure, et ces erreurs changeant souvent de signe, s’effacent entièrement dans la moyenne. . Le tableau du numéro précédent montre qu’une ou deux années d'observations barométriques ne suffisent point pour faire connaître la hauteur exacte de Genève au-dessus de Paris ; il en est sans doute de même pour Chambéry et Paris. Aussi, en comparant les moyennes barométriques mensuelles que j'ai obte- nues à Chambéry avec les moyennes des mêmes mois à Paris, j'ai trouvé, pour la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer, les nombres suivants : 281" 1, — 2297, — 966%9, etc. Quinze nombres aussi divergents que ceux-là , correspondant aux quinze mois d'observations que j'ai faites, donneraient une moyenne sur l'exactitude de laquelle on ne saurait compter. C’est pourquoi j'ai dû me borner à comparer les observations de Chambéry avec celles de Genève, dont la hauteur au-dessus de la mer paraît bien con- nue. D'ailleurs le baromètre de Chambéry a été com- paré directement avec celui de Genève; il ne l’a été avec celui de Paris qu’au moyen d’un troisième baro- mètre. Ces comparaisons indirectes permettent tou- jours quelque doute sur la valeur de la fraction de millimètre qui représente la différence des baromètres comparés. 28 ÉLÉVATION DE CHAMPÉRY Avant d'effectuer aucun calcul, j'ai retranché d'abord 0% 7%1 de la hauteur barométrique de Genève ; c'est la quantité dont j'avais reconnu que l'échelle du baromètre de cette ville est plus forte que l'échelle du baromètre du grand Séminaire de Cham- béry. Pour plus d’exactitude , j'ai encore retranché 0" 9 des deux baromètres de Genève et de Cham- béry, pour ramener autant que possible les indications de ces deux baromètres aux hauteurs barométriques absolues. 412 observations faites pendant quinze mois m'ont donné , toute correction faite , les moyennes suivantes : Barom. à 0° 736% 917. — Température de l'air 14° 587. — Les observations correspondantes de Genève , aussi corrigées , sont en moyenne : Barom. à 0° 724nn 878. — Température de l'air 12° 728. — En calculant ces données avec la formule précédemment cilée, on trouverait que la distance verticale des deux baromètres de Genève et de Cham- béry est de 138" 76. Ce résultat d’une moyenne d'observations non choi- sies pouvait n'avoir pas toute l'exactitude désirable , soit à cause des erreurs qui peuvent s'être glissées dans les observations elles-mêmes , soit à cause des perturbations accidentelles de l’atmosphère, qui peu- vent, à certains jours , avoir été très-différentes dans le ciel de Genève et dans celui de Chambéry. C'est AU-DESSUS DE LA MER. 59 pourquoi je me suis déterminé à faire le calcul de la hauteur de Genève au-dessus de Chambéry avec chacune des 412 observations. J'avais en même temps l'espérance de déduire de la comparaison des résul- tats de chaque observation quelques conséquences relatives à la théorie de la mesure des hauteurs par le baromètre. Les observations du 17 et du 18 mars 1839 ont conduit aux nombres 261 mètres et 251 mètres pour la hauteur du baromètre de Genève au-dessus du baromètre du grand Séminaire de Chambéry : c’est presque le double de la hauteur obtenue tout à l'heure. Ce fait serait très-remarquable s’il ne devait être attribué à quelque erreur dans les observations. Si l'on rejette les observations de ces deux jours, qui sont évidemment mauvais , on obtient pour les moyennes des 410 autres observations : È . HAUTEUR CALCULÉE LIEU DES BAROMÈTRE TEMPÉRATURE du baromètre . de Genève OBSERVATIONS. A 0°. DE L AIR. au-dessus de celui de Chambéry. Chambéry... | 756 912 14° 59 158" 19 Genève 724 9929 12° 75 Ainsi les seuls résultats du 17 et du 18 mars avaient introduit dans la moyenne totale une erreur de 0" 57, 60 ÉLÉVATION DE CHAMBERY Sur les 410 mesures restantes , il y en a 75 , c'est- à-dire un peu moins de 5 du nombre total, qui s’écar- tent de la moyenne de plus de 9 mètres. Si pour une plus grande approximation on veut encore rejeter ces 75 mesures, on aura pour les 339 autres observa- tions les nombres suivants: : : HAUTEUR CALCULÉE| LIEUX DES BAROMETRE TEMPÉRATURE du baromètre 4 de Genève OBSERVATIONS. AMO DE L AIR. au-dessus de celui de Chambéry. Chambéry... | 757 265 158" 99 Genève ...…. 725 279 Tel est le résultat auquel j'ai cru devoir m'arrêter. Du reste il ne diffère que de 0" { de celui que j'ai obtenu en conservant les 75 mesures, qui s’écartent de plus de 9 mètres de la moyenne. Il est digne de remarque que ces 75 mesures, qui s’écartent le plus de la moyenne, oscillent au-dessus et au-dessous de la hauteur vraie dans une telle pro- portion , qu'il y a presque une compensation parfaite. Ces 75 mesures donneraient seules , pour la distance des baromètres de Genève et de Chambéry, le nombre 137% 81, qui ne s’écarte du nombre précédent que de 0" 48. De ces 75 mesures, il y en a 30 qui s’éloignent de AU-DESSUS DE LA MER. 61 la moyenne de plus de 15 mètres, 17 résultats sont plus forts que la moyenne, et 13 sont plus faibles. Il y a 11 de ces mesures dont l'écart est plus grand que 20 mètres, # sont trop élevées et 7 sont trop basses. Enfin il y a eu # mesures dont l'écart a dépassé 25 mètres : ce sont les nombres 170" 19, — 102 96, — 103% 50, — 111" 28. On voit en même temps que sur ces 75 résultats ceux qui sont trop élevés sont un peu plus nombreux que ceux qui sont trop faibles , mais que ceux-ci do- minent parmi les résultats les plus divergents. Les détails qui précèdent donnent une idée des erreurs auxquelles on est exposé lorsqu'on caleule la hauteur de deux stations placées à la distance de Genève à Chambéry , au moyen d’un petit nombre d'observations barométriques non choisies. Je reviendrai sur ce sujet dans un autre Mémoire ; j'ajouterai seu- lement qu'avec un mois d'observations on peut com- mettre encore une erreur de quelques mètres , et que les causes accidentelles qui occasionnent ces erreurs exercent souvent leur influence pendant dix à quinze Jours consécutifs, et quelquefois même pendant un mois entier. - 13. Le baromètre de Genève est donc élevé au- dessus du baromètre du grand Séminaire de Cham- Rénide. 0) 4 20318 85 tale ronde 11382429 62 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY Report. . . 138" 99 Celui-ci est élevé au-dessus du sol du jardin du grand Séminaire, de . . . .. on 59 Le baromètre de l'observatoire de Ge- nève est donc élevé au-dessus du sol du grand Séminaire de. . . . . . ….. . .. 143% 8 Si l'on retranche la hauteur du baromètre de l’observatoire de Genève au-dessus du niveau du lac, hauteur qui est égale à. . . 33" 13 On trouve que le sol du jardin du grand Séminaire de Chambéry est plus bas que le niveau du lac de Genève de. . . . . . . 110" 71 Soustrayant donc ce dernier nombre de la hauteur du lac de Genève au-dessus de la mer, qui est égale à. . . . : . . . . 3742 53 On conclut enfin que le sol du jardin du grand Séminaire de Chambéry est élevé au-dessus du niveau de la mer, de. . . . 263" 82 PRE FDENEECORNEE 1%. La moyenne de 15 mois d'observations baro- métriques ne peut être considérée comme la moyenne barométrique du lieu dans lequel elles ont été faites ; elle peut cependant y conduire d'une manière assez approchée par une méthode indirecte, dont je vais faire l’application à Chambéry. La moyenne des 335 observations de Genève correspondantes aux 335 meilleures observations que j'ai faites à Chambéry , AU-DESSUS DE LA MER. 63 est 725% 279, Elle est inférieure de 0" 830 à la moyenne barométrique de Genève , que l’on déduit des observations des 13 années 1826-1838 , et qui est égale à 726% 109, après qu’on a retranché 1°% 6#1 pour l'excès de son échelle sur l'échelle du baromètre de Paris. On peut supposer , à raison de la proximité de Genève et de Chambéry, que la moyenne des 335 observations de cette dernière ville doit être aussi inférieure à la moyenne barométrique de la pre- mière de la même quantité 0%" 830. La moyenne barométrique de Chambéry est donc, au moins pour les 13 années 1826-1838 , à très-peu près égale à 73700 263 + Om 830 — 7381 093. En effet , la moyenne barométrique de Paris pour les mêmes années est 756"% 188 ; la température de midi a été à Paris, dans le même temps, de 13° 27 ; celle de Chambéry peut être supposée (9), sans grave erreur , égale à 13° 67. On trouve avec ces données que le baromètre du Séminaire de Chambéry est élevé de 203" 86 au-dessus de celui de l'observatoire de Paris. Si l’on retranche de cette valeur 5" 55 pour la hauteur du baromètre du Séminaire au-dessus du sol , et qu’on ajoute ensuite 65 mètres pour la hauteur (9) On verra plus loin ( N° 26 ) que la moyenne ther- mométrique de Chambéry surpasse celle de Paris d’en- viron 0° 4. 6% ÉLÉVATION DE GHAMBÉRY du baromètre de Paris au-dessus de la mer, on ob- tient 263" 27 pour l'élévation du sol du Séminaire de Chambéry au-dessus du niveau de la mer. Cette hauteur est inférieure seulement d’un demi- mètre à celle à laquelle nous sommes parvenus dans le numéro précédent, ce qui prouve que la moyenne barométrique de Chambéry s'éloigne très-peu de 738mm 093. 2e Calcul de la hauteur de Chambéry au-dessus du niveau de la mer. 15. La seconde méthode que j'ai suivie pour trouver la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer, n’exige la comparaison du baromètre du grand Sémi- naire avec aucun baromètre étranger ; elle consiste à chercher quelle est la hauteur au-dessus de Chambéry de deux points très-rapprochés de cette ville, dont la hauteur au-dessus de la mer a été déterminée dans la célèbre mesure d’un arc du parallèle moyen. Ces deux points sont le signal que les ingénieurs austro- sardes ont élevé à Lémenc, près du Calvaire, et le clocher de la Motte. 16. J'ai fait des observations barométriques à trois différents jours, au pied du signal de Lémenc ; comme ce point n’est qu’à dix minutes de Chambéry, il n'était pas nécessaire de faire dans les deux stations des AU-DESSUS DE LA MER. 65 observations simultanées. J'observais d’abord le ba- romètre au Séminaire plusieurs fois avant de partir ; je portais ensuite l'instrument au pied du signal, où je faisais des observations pendant environ une demi- heure ; enfin je revenais aussitôt au Séminaire , où je prenais de nouvelles mesures. J'ai choisi pour ces observations des jours dans lesquels l'atmosphère était tranquille. Je les ai faites aux environs de deux heu- res, vers celte partie de la journée où les variations diurnes , qui vont bientôt changer de signe , sont très- lentes. Il y avait en effet peu de différence entre les hauteurs du baromètre observées avant le départ et au retour , et une interpolation facile donnait immé- diatement la hauteur du baromètre à Chambéry, pour le moment où je faisais les observations au pied du signal de Lémenc. Le tableau suivant renferme les moyennes des observations de ces trois jours , ‘et la hauteur du pied du signal au-dessus du sol du Séminaire , qui résulte des observations de chaque jour. Comme le baromé- tre, pendant que je l’observais au Séminaire , était élevé au-dessus du sol, le premier jour de 6" 50, et les deux autres jours de 5" 55, j'ai ajouté ces nombres aux hauteurs déduites immédiatement du calcul des observations. 66 ÉLÉVATION DE CHAMBERY à HAUTEUR DATE LIEU BAROMÈTRE| TEMPÉRAT. calculée du Signal $ de Lémenc DE L AIR. au-dessus du Séminaire. (OBSERVATIONS | OBSERVATIONS] A 0°. | : mm GiSéminaire.| 753 27 1839 | 24 septemb. Signal deLém.| 729 06 om | \ GiSéminaire.| 758 20 1841 10 février Hyhs : PUR RSS 752 04 1841 (G1 Séminaire.| 757 58 | 10° 50 | 20 février | Ve * (SignaldeLém.| 751 95 | 10° 00 | | L'élévation du pied du signal de Lémenc au-dessus de la mer est, d’après les ingénieurs austro-sardes , égale à 339% 70. Il suffira donc de retrancher de ce nombre la hauteur du même signal au-dessus du grand Séminaire , pour avoir la hauteur du grand Séminaire au-dessus de la mer. Les trois résultats contenus dans le tableau précé- dent donneront pour cette hauteur les trois valeurs 261,36, :.:. 265299 ,1..:..269,48..::Cesitrois valeurs différent aussi peu les unes des autres qu’on peut l’espérer d'observations isolées : leur moyenne est 263" C2. 17. Je n'ai fait qu'un seul jour d'observations AU-DESSUS DE LA MER. 67 barométriques au clocher de la Motte : c'était le 25 février 1841. L'air était calme et froid ; des nuages immobiles couvraient toute l'étendue du ciel et inter- ceptaient les rayons du soleil, de sorte que dans toute la masse d'air comprise depuis la surface de la terre jusqu'aux nuages, il régnait un équilibre parfait de pression et de température. Depuis midi jusqu’au soir, le baromètre n’a éprouvé que des variations extrêmement faibles, dont la plus grande amplitude a à peine atteint 0"m 2, Cet état de l'atmosphère était très-favorable à la mesure des hauteurs par le baromètre ; j'ai fait des observations pendant une bonne partie de l’après- midi. J'en ai fait plusieurs au Séminaire avant et après la promenade de la Motte. Leur comparaison avec celles que le R. P. Fatton, professeur de physique au Collége de cette ville , y avait faites aux mêmes heures, m'a fait connaître la différence qui existe entre la hauteur barométrique mesurée au Collége par le R. P. Fatton, et la hauteur barométrique me- surée par moi au grand Séminaire. En retranchant cette différence des observations que le R. P. Fatton faisait au Collége pendant que j'étais à la Motte, j'obtenais exactement les hauteurs barométriques que j'aurais obtenues moi-même , si j'avais fait des ob- servations au Séminaire aux mêmes heures. Cette manière de comparer des baromètres qui doivent 68 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY servir à la mesure des hauteurs, a l'avantage de réunir dans une même correction les erreurs dues soit à la différence des échelles , soit à la différence du pointé. J'ai d'abord placé le baromètre sur le parapet des fenêtres du clocher de la Motte, au plan des cloches, c'est-à-dire à la hauteur même à laquelle se rappor- tent les mesures des ingénieurs austro-sardes. L'heure moyenne des observations que j'ai faites sur ce point est 3 h.%. Voici les moyennes des observations et le résultat du calcul. LIEUX BAROMÈTRE| TEMPÉRAT. HAUTEUR * DES OBSERVATIONS. A%09° DE L'AIR. Grand Séminaire, à 5" 55 au-dessus du jardin. . . . Parapet des fenêtres du clo- cher de la Motte * C’est la hauteur du parapet des fenêtres du clocher de la Molte au-dessus du jardin du Séminaire. Le parapet des fenêtres du clocher de la Motte, au plan des cloches, étant élevé de 279" 10 au-des- sus de la mer, la hauteur du jardin du Sèminaire ‘au-dessus de la mer sera , d'après la mesure précé- dente , égale à 279% 10 — 14m 78 — 264" 32. — = —— Ù AU-DESSUS DE LA MER. 69 Je trouvai plus commode ensuite de continuer les observations devant la porte même de l’église. J'ai mesuré , soit directement avec un fil, soit au moyen du baromètre , la distance verticale du parapet, sur lequel j'avais placé le baromètre dans les premières observations, au-dessus de la nouvelle position dans laquelle j'allais l'observer. Cette distance s’est trou- vée être de 15" 96. L'heure moyenne de ces observations , faites au niveau du sol de l’église, est # heures 25’. Ce sol est plus bas que le jardin du Séminaire de Chambéry, comme le prouve le tableau suivant. LIEUX BAROMÈTRE| TEMPÉRAT. HAUTEUR * DES OBSERVATIONS. A O0: DE L'AIR. min Sol de l’église de la Motte. | 757 95 0° 2 » . . . _ mt Grand Séminaire , à 5% 55 2 8 au-dessus du jardin . . . | 757 18 0209 * C'est la hauteur du jardin du Séminaire de Chambéry au-dessus du sol de l'église de la Motte, D'après cette mesure , le jardin du Séminaire serait plus élevé que le sol de l’église de la Motte de 2" 81, et par conséquent il serait plus bas que le parapet des fenêtres du clocher au plan des cloches, de 15" 96 — 2% 81, ou de 13% 15, ce qui porte la hauteur du 70 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY jardin du Séminaire de Chambéry au-dessus de la mer à 279 10 — 13" 15 — 265" 95. Cette valeur et la précédente 264" 32, donnent la moyenne 265" 13. 18. Les mesures barométriques prises au signal de Lémenc et à la Motte nous ont fourni les cinq va- leurs suivantes de la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer : 261 56, ... 265" 22, ... 262248, … 26432, ... 26595. — Leur moyenne est 263" 87. Celle-ci ne diffère presque pas du nombre 263" 82 auquel nous sommes arrivé en comparant les 15 mois d'observations barométriques que j'ai faites à Cham- béry, avec les observations correspondantes de Ge- nève. 3e Calcul de la hauteur de Chambéry au-dessus du niveau de la mer. 19. Nous possédons pour Chambéry une série pré- cieuse d'observations barométriques et thermométri- ques comprenant les 12 années 1822-1833. Les observations des # premiéres années ont été faites par Mgr Billiet au grand Séminaire, dont il était alors supérieur. Il les continuait encore dans les premiers mois de l'année 1826 , lorsqu'il fut élevé sur le siége épiscopal de Maurienne. Au commencement de la même année, M. G.-M. Raymond entreprit, dans son AU-DESSUS DE LA MER. #1 habitation, à Nezin, une suite d'observations qu'il poursuivit sans interruption jusqu'au milieu de 1834. Les observations de Mgr Billiet ont été publiées dans les tomes I et II des Mémoires de la Société royale académique de Savoie. Les tomes IIT, IV, V et VI, des mêmes Mémoires renferment les observations de M. Raymond pendant les 6 années 1826-1831 ; elles sont insérées dans les Notices sur la Constitution agricole des mêmes années de M. le docteur Gouvert; mais il s’y est glissé quel- ques erreurs. Les observations des 2 dernières années étaient demeurées inédites : M. l'avocat Raymond a eu l'obligeance de me communiquer les manuscrits de son père, qui m'ont fourni en outre l’occasion de reconnaître les fautes d'impression que je viens d'in- diquer. Ces observations, faites par des hommes d'une science éminente, sont d'une grande impor- tance pour la météorologie du pays en général ; elles m'ont fourni un nouveau moyen de déterminer avec exactitude la hauteur de Chambéry. J'ai dû avant tout chercher les rapports que les échelles des baromètres qui ont servi aux observa- tions de Mgr Billiet et de M. Raymond, ont soit entre elles, soit avec celles des baromètres de Paris et de Genève. Une comparaison était devenue impossible ; les deux baromètres avaient été dérangés et réparés. Je dois exprimer ici ma vive reconnaissance pour la 12 ÉLÉVATION DE CHAMBERY bonté de Mgr Billiet, qui m'a permis de consulter ses manuscrits, et m'a fait connaître plusieurs com- paraisons qui avaient été faites des deux baromètres entre eux et avec des baromètres étrangers. Celui de M. Raymond avait aussi été comparé plusieurs fois avec le baromètre actuel du grand Sé- minaire, avant les accidents qui ont exigé les répara- lions dont j'ai parlé. 20. Le baromètre dont Mgr Billiet faisait usage avait été construit par Lerebours; c’est un baromètre à siphon, dont la courte branche est terminée par une cuvette cylindrique. Le tube est fixé dans une monture en bois, qui porte une échelle en cuivre avec vernier ; cet instrument, qui paraît construit avec soin sous tous les autres rapports , a une cuvette d’un trop petit diamètre ; elle n’a, en effet, que 27 millimètres de diamètre extérieur, ce qui réduit son diamètre intérieur à 24 millim. à très-peu près. è Le diamètre extérieur du tube égale 895, d’où l'on peut conclure aussi que le diamètre intérieur est à très-peu près 6 millimètres. Le diamètre du tube est donc 3 de celui de la cu- vette, et sa section, - de la section de celle-ci ; lorsque le mercure monte ou descend dans le tube, le niveau de la cuvette s’abaisse ou s'élève d’une quan- tité qui est 55 de la variation du mercure dans ce même {ube. AU-DESSUS DE LA MER. 19 Soit h la hauteur que marque le baromètre lorsque le zéro de l'échelle coïncide avec le niveau du mer- cure dans la cuvette ; lorsque la hauteur indiquée par l'instrument sera h', celle-ci sera trop forte ou trop faible , suivant que h’ sera plus petit ou plus grand que h, et il sera nécessaire de lui appliquer une cor- rection égale à mel Le baromètre que M. Raymond Se Nezin est un excellent baromètre de Fortin. Le tube de verre est renfermé dans un tube de cuivre, sur lequel est gravée l'échelle ; il est muni de son vernier. D'après les notes que Mgr Billiet m'a communi- quées , ces deux baromètres ont été comparés à deux époques différentes : la première comparaison a eu lieu en février 1822. Par une moyenne de 16 obser- vations simultanées , on trouve : Bar. Lerebours — 748" 969 à + 9° 5. Bar. Fortin —= 748% 956 à + 9° 9. Pour réduire à 0°, je me suis servi du coefficient 5550 pour le premier, qui a une monture en bois ; et du coefficient 0,000163 pour le baromètre Fortin, dont la monture est en cuivre ; il vient ainsi : Bar. Lerebours — 746" 981 à 0°. Bar. Fortin =" 049) à 07: La seconde comparaison a été faite en mars 1826 ; 10 observations simultanées ont donné en moyenne : à PTT ÉLÉVATION DE CHAMBERY Bar. Lerebours — 746"" 56 à 11° 95 — Zum O5 à 0°. Bar. Fortin — 146 52 à 192 356 — 744 82 à 0°. Suivant la première de ces deux comparaisons, l'échelle du baromètre Lerebours serait plus faible que celle du baromètre Fortin de 0°” 068 ; suivant la seconde , elle serait plus forte de 0®" 130. Par l'effet de la variation du niveau du mercure dans la cuvette du premier baromètre , la différence de ce baromètre avec le baromètre Fortin doit changer sans cesse, à mesure que la comparaison a lieu à des hau- teurs barométriques plus élevées ou plus basses. Ce qu'il nous importe le plus de connaître , c'est la différence moyenne de l'échelle des deux baromètres, ou plutôt celle qui correspond à la hauteur barométri- que moyenne qui résulte des quatre années d'obser- vations de Mgr Billiet, et qui s’est trouvée être de 738mm 384. Les deux comparaisons précédentes nous en fournissent le moyen. Il faut observer, pour la comparaison faite en 1822, qu'en montant de 738%" 384 à 76m 981, dans le tube du baromètre Lerebours, le mercure à dû baisser 74, 6mm 981 — 7380m 384 dans la cuvette de A ——— — gun 537. Il suffira donc d'ajouter 0" 537 à la hauteur 76% 981 et d’en retrancher la hauteur 747% 045, obtenue simultanément avec le baromètre Form , pour trouver l'excès moyen du baromètre Lerebours AU-DESSUS DE LA MER, 19 sur celui-ci. On verra qu'il est égal à 0" 469. Pour la comparaison faite en 1826 , on ajoutera de Tai 950 — 7380 384 16 ou 0% 410 , et il viendra, pour différence moyenne des deux baromètres, 0m 540. Les deux différences 0" 469 et 0" 540 sont presque les mêmes ; le baromètre Lerebours a done même au baromètre Lerebours eu sur le baromètre Fortin, pendant les quatre années 1522-1825 , un excès moyen égal à 0"® 504. 21. Il reste à établir le rapport de chacun de ces deux baromètres avec les baromètres de Paris et de Genève. Je commencerai par le baromètre Fortin, qui servait aux opérations de M. Raymond , parce que j'ai pu recueillir plusieurs comparaisons de ce baromètre avec des baromètres étrangers. 1° Il a été comparé les # et 5 avril 1821 avec le baromètre de M. Nicollet ; une moyenne de quatre observations simultanées a donné (notes manuscrites de Mgr Billiet) : mm Bar. Raymond — 75 Ds, ; ; Différence — 07" 5. 5 In In 5 J ÿl Bar. Nicollet — 757 2° Le 31 octobre 182%, Mgr Billiet a comparé son baromètre Lerebours avec deux baromètres de M. Biot , dont l’un était un baromètre de Fortin et l’autre un baromètre de Gay-Lussac ; il a trouvé : 76 ÉLÉVATION DE CHAMBERY Bar. Fortin de M. Biot....…. 477 OA ASE Bar. Gay-Lussac de M. Biot — 747 55 à 15° 5. Bar /DereDOurS::.1.15...c.cee.e — DT MER ESA En employant le coefficient 0,000163 pour rame- ner à 0° les baromètres de M. Biot, qui étaient montés en cuivre , et le coefficient 3555 pour le baromètre de Mgr Billiet, il vient : Bar. Fortin de M. Biot.....… 0 007 Bar. Gay-Lussac de M. Biot — 745 705. Bar. Lerebours............:... — 145 595: Avant de prendre les différences , il faut ajouter à celui-ci, pour variation du niveau dans la cuvette : Th 5m 595 — 738mm 384 : 3 —_—— ——— , ou 0m 451. Il suit de là que : Bar. Lerebours = Bar. Fortin de M. Biot... — 0%" 09214. Bar. Lerebours — Bar. Gay-Lus. de M. Biot +0 541. Et parce que le baromètre de Mgr Billiet est plus fort que celui de M. Raymond de 0%" 50%, il faut con- clure que : Bar. Fort. de Raym. — Bar. G.-L. de M. Biot — 0°" 165. Bar. Fort. de Raym. — Bar. Fort. de M. Biot — 0 525. 3° Dans les premiers jours d'août 1837, cinq obser- valions faites à midi par M. Raymond à Nezin , dans le lieu ordinaire de ses observations , lui ont donné la moyenne 737% 901. AU-DESSUS DE LA MER. guy! Des observations simultanées faites par moi au Séminaire avec le baromètre du Séminaire ont donné TAO2S 1. Ce dernier baromètre était à 5" 55 au-dessus du sol du Séminaire. Le lieu des observations de M. Ray- mond était élevé de 6" 34 au-dessus du même sol, comme je le montrerai plus tard. Il est donc néces- saire, avant de comparer les observations précéden- tes, d'ajouter à la hauteur barométrique mesurée à Nezin, une correction égale à 0""070 pour la dif- férence des niveaux. On trouve ainsi : Bar. Fortin, Raymond = Bar. Séminaire — 1°" 510. Le baromètre du Séminaire ayant sur celui de Paris un excès de 029, on a : Bar. Fortin, Raymond — Bar. Paris — 0" #0. 4° Le 26 août 1837, M. Raymond a eu la complai- sance de comparer lui-même le baromètre du Sémi- naire avec le sien , il a trouvé celui-ci plus faible de 1®%3; par conséquent , Bar. Fortin, Raymond — Bar. Paris — 0°” 400. Les deux dernières comparaisons font voir que le baromètre de M. Raymond était inférieur à celui de Paris de 0"" 405. Les deux premières montrent que son écart moyen 78 ÉLÉVATION DE CHAMBERY des baromètres de M. Nicollet et de M. Biot était Om 3 + (mm 595 + (um 4{63 _ — Qum 329. 3 Le baromètre Lerebours de Mgr Billiet , qui mar- quait en moyenne 0®%50% de plus que celui de M. Raymond , était donc plus fort que celui de Paris de 0°" 504 — 0°" 405 = 0°" 099. Enfin, si l’on admet ( N°5 10 et 11) que le baromé- tre de Genève soit plus fort que celui de Paris de 1°" 641, on voit qu’il marque 1°" 542 de plus que le baromètre Lerebours de Mgr Billiet, et 2" 046 de plus que le baromètre Fortin de M. Raymond; du moins pour l’époque où ce savant faisait les observa- tions dont nous nous servirons plus tard; car Je me suis assuré, par une moyenne de 25 observations com- paratives faites en même temps sur ce baromètre et sur le baromètre du Séminaire en mars 1841, c'est-à- dire depuis qu'il a été réparé, qu'il n’est actuelle- ment inférieur que de 0679 au baromètre du Séminaire , et qu'il est par conséquent plus fort que celui de Paris de 0" 221. Les comparaisons précédentes ont été faites sans ajouter préalablement aux baromètres de Mgr Billiet et de M. Raymond aucune correction pour la capilla- rilé; ce qui prouve que cette correction était déjà faite en entier dans l’échelle même du baromètre de AU-DESSUS DE LA MER. 79 Mgr Billiet, et en grande partie dans celle du baromè- tre de M. Raymond. Dans les calculs qui vont suivre, il suffira donc de tenir compte des différences trouvées ci-dessus, sans rien ajouter pour la capillarité. M. Raymond, dans son calcul de la hauteur de Chambéry par les observations de Mgr Billiet, avait cru devoir y ajouter 1°" # pour cette correction, qu'il ignorait avoir été déjà faite dans l'échelle. Il a été ainsi conduit à une valeur trop faible pour la hau- teur de Chambéry au-dessus du niveau de la mer. 22. On peut maintenant calculer la hauteur de Chambéry, soit par les observations de Mgr Billiet, soit par celles de M. Raymond. Commencons par les premières. Le baromètre de Mgr Billiet était placé pendant les observations dans la chambre qu'occupe M. le Supé- rieur du Séminaire , à 0" 45 au-dessus de la fenêtre , à 5" 9 au-dessus du niveau du jardin sous la fenêtre, et à 6" 11 au-dessus du point que j'ai déterminé au N°8 , et auquel se rapportent toutes les mesures pré- cédentes. Voici les observations barométriques et thermométriques que nous devons à Mgr Billiet. La moyenne barométrique de chaque année est la moyenne des observations de 9 heures du matin et de 3 heures du soir. La moyenne thermométrique est la moyenne des températures maximum el minimum de chaque jour. s0 ÉLÉVATION DE CHAMBERY MOYENNE BAROMÉTRIQUE NÉS DES OBSERVATIONS DARPERAIURE RAT de 9 heures du matin 4 et 3 h. du soir. ANNE 1822 759" 505 18925 757 070 41° 15 182 758 070 11° 10 1825 759 090 11° 68 Moyennes. 758"" 584 On ne peut obtenir la hauteur exacte de Cham- béry par la comparaison de ces observations avec les observations faites à Genève pendant les mêmes an- nées 1822-1825, parce qu'à cette époque, les observations de Genève avaient lieu au lever du soleil et à 2 heures après midi, et que la hauteur baromé- trique qui en résulte, diffère de la moyenne baromé- trique des observations de 9 heures du matin et de 3 heures du soir d’une quantité que l’on ne connaît pas. On ne pourrait non plus espérer une approxima- tion suffisante en employant la moyenne barométrique des observations faites à Genève après 1825, parce que la moyenne des # années d'observations de Mgr Billiet ne comprend pas un temps assez long pour AU—DESSUS DE LA MER. 81 pouvoir être regardée comme la moyenne barométri- que de Chambéry. Je me bornerai donc à comparer les observations de Mgr Billiet avec les observations correspondantes de Paris; pour cela, il faut 1° retrancher des hau- teurs barométriques de Chambéry 0099, pour l'excès du baromètre Lerebours sur celui de Paris; 2° leur ajouter 0"" 06, pour ramener la moyenne des observations de 9 heures et 3 heures à la moyenne des observations de midi. Je suppose que la différence de ces 2 moyennes est à Chambéry la même qu’à Genève, où elle est de 0"" 06. On pourra ainsi faire le caleul avec les observations de midi, et l’on arrivera à un résultat plus juste que si l’on le faisait avec les obser- vations de 9 heures et 3 heures, parce que c’est pour les observations de midi que le coefficient constant de la formule qui sert au caleul des hauteurs, a été dé- terminé. Je supposerai de plus que la température de Cham- béry à midi l'emporte sur la température moyenne d'environ 2° 5, et j'ajouterai en conséquence 2° ) aux températures données par Mgr Billiet. Toutes ces corrections sont faites dans le tableau qui suit. Après avoir calculé la hauteur du baromètre de Mgr Billiet au-dessus du baromètre de l’observa- toire de Paris, j'ai ajouté à cette hauteur 65 mètres «+ pour la hauteur de l'observatoire de Paris au-dessus 6 82 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY de la mer, et j'en ai retranché 6"01, parce que la cuvelte du baromètre de Mgr était élevée de 6" 01 au-dessus du sol du Séminaire. J'ai obtenu ainsi les hauteurs du sol du Séminaire au-dessus de la mer qui sont contenues dans la dernière colonne. BAROMÈTRE A MIDI. THERMOM. A Mini. | HAUTEUR calculée du sol ANNÉES es POLE UE 72.1} du Séminaire ; au-dessus paris, | Chambéry | paris. chambéry| de la mer. à 6 m. 01. 1899 | 757 a72| 759 266! 1n°90 | 15°95 1893 | 754 969! 737 051| 15°20 | 15°65 189 | 755 750l 758 051| 15°79 | 15° 60 4895 | 757 679] 759 051! 14°69 | 14°18 bien 756 467| 758 545] 14° 15 La hauteur de Chambéry au-dessus de la mer qui vient d'être obtenue par le calcul des observations de Mgr Billiet, ne diffère pas de deux décimètres de celle que nous avons trouvée par les deux méthodes précédentes ; cette coïncidence remarquable prouve évidemment qu'il ne s’est pas glissé d'erreur sensible dans les résultats auxquels nous sommes arrivés dans les deux premiers calculs. { AU-DESSUS DE LA MER. 83 23. La hauteur barométrique obtenue par Mgr Bil- liet par quatre années d'observations, peut nous fournir une valeur très-approchée de la moyenne barométrique de Chambéry : en effet, la moyenne barométrique de Paris pendant ces quatre années a été 756"" 467. Elle surpasse de 0% 381 la moyenne barométrique de Paris qui résulte des observations des 23 années 1816-1838, moyenne qui est 756"%086. On peut supposer, sans trop d'erreur, que la moyenne baro- métrique obtenue à Chambéry pendant les 4 années 1822-1825 a le même excès sur la moyenne baromé- trique de cette ville; on peut donc admettre que celle-ci égale à très-peu près 738 345 — Qnm 381 — 737%%96%, nombre peu différent du nombre 738" 093, que nous avons {rouvé par un procédé analogue dans le N° 1%. Leur moyenne est 738" 03. 24. M. Raymond avait placé son baromètre, pour faire ses observations , à côté d’une des fenêtres de sa maison , qui s'ouvrent sur la rue de Nezin ; la cuvette était à 3% 65 au-dessus du sol de la rue. D’après un nivellement fait par M. Tournier, architecte, elle était à 633 au-dessus du point du sol du grand Séminaire dont nous cherchons la hauteur. Trois mesures barométriques m'ont donné pour cette même hauteur les nombres 7"921 ,...5M%45,... 6% 40, dont la moyenne est 6" 35. On peut donc ad- mettre que la cuvette du baromètre de M. Raymond 84 ÉLÉVATION DE CHAMBERY était à très-peu près élevée de 6" 3% au-dessus du sol du grand Séminaire. M. Raymond observait le baromètre à midi; il déduisait la température moyenne de l’année en faisant la moyenne des maximum et des minimum de chaque jour. Les observations qui sont contenues dans le tableau suivant, sont extraites des manuscrits de M. Raymond. BAROMÈTRE TEMPÉRATURE ANNÉES. A MIDI. MOYENNE. 14° 74 10° 96 9° 65 97-09 40°: 39 10° 95 10° 66 10° 60 Nous ajouterons d'abord 0" 40 aux moyennes barométriques ; c’est, comme on l’a vu au N° 21, la quantité dont le baromètre de M. Raymond était inférieur à celui de Paris. Pour avoir la température de midi, nous supposerons , comme dans le N° 22, AU-DESSUS DE LA MER. 85 que la température de midi est, à Chambéry, plus élevée de 2° 5 que la température moyenne , et nous ajouterons ces 2° 5 aux températures moyennes ob- servées par M. Raymond. Nous pourrons comparer successivement les obser- vations ainsi réduites avec les observations simulta- nées de Genève et de Paris. Le tableau du N° 11 contient celles de Genève toutes corrigées. Voici les éléments du calcul par les observations de Chambéry et de Genève, et les résultats que l’on en déduit. HAUTEUR calculée de l’observat. de Genève au-dessus du Séminaire, BAROMÈTRE À MIDI. THERMOM. A MIDI. chambéry| Genève. 14°24 | 19° 04 15°46 | 12°40 | O1 1 D: ER O1 758 492945 | 12°82 | 144 57 756 12°59 | 10°56 | 147 26 758 12°89 | 11°58 | 145 49 757 15°45 | 12°55 | 144 86 759 13°16 | 12°07 | 145 94 757 15°10 | 12°56 | 144 95 Moyen.| 757 * À 6 mètres 34 au-dessus du sol du Séminaire. =— ** À l'Observatoire. 86 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY La hauteur moyenne de l'observatoire de Genève au- dessus du sol du Séminaire serait égale à 1457 12. En retranchant ce nombre de 407" 66, hauteur de l'observatoire au-dessus de la mer, il resterait 262% 54 pour la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer. ; Le résultat des observations de l’année 1829 s’é- carte de la moyenne d’une quantité trop grande. Si on le rejette , on trouvera, par la moyenne des 7 autres années, 144"81 pour la hauteur de Genève au- dessus de Chambéry, et 262" 85 pour la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer. 25. Le tableau qui suit présente la comparaison des observations de M. Raymond avec les observa- tions correspondantes de Paris. La hauteur relative des deux baromètres de Chambéry et de Paris est donnée immédiatement par le calcul; si l'on en retranche 6" 3% pour la hauteur du baromètre de M. Raymond au-dessus du sol du grand Séminaire de Chambéry , et qu’on y ajoute 65 mètres pour la hauteur de Paris au-dessus de la mer, on obtient les nombres contenus dans la dernière colonne pour la hauteur du sol du Séminaire au-dessus de la mer. AU-DESSUS DE LA MER. 87 s — HAUTEUR BAROMÈTRE A MIDI. THERMOM. A MIDI. calculée 7e « du Séminaire ANNÉES. D PR de Chambéry paris. |chambéry.‘| paris. |chambéry| “des 1827 | 756 O1 | 757 56 | 15°59 | 15°46 | 268 88 1828 | 756 06 | 758 40 | A4°44 | 19°45 | 257 49 1829 | 755 15 | 756 76 | 11°77 | 12°59 | 264 88 1850 | 755 84 | 758 05 | 12°91 | 12°89 | 258 74 1851 | 755 99 | 757 55 | 14°55 | 15°45 | 269 16 1832 | 757 55 | 759 17 | 15°79 | 43°16 | 265 43 1855 | 755 45 | 757 95 | 145°77 | 15°10 | 256 17 | | de {à mer, | 1896 | 757 27 | 758 75 | 10°50 | 1u94 | 267 86 Moyen.| 756 16 | 757 15°10 | 263 so | * À 6 mètres 34 au-dessus du sol du Séminaire. | La moyenne de ces huit valeurs de la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer est égale à 263" 59. 26. On peut, comme on l’a fait dans les N°° 14 et 23, chercher, au moyen des observations de M. Raymond, quelle est la pression moyenne de l'atmosphère à Chambéry. La moyenne barométrique à Genève , pendant les 8 années 1826-1833 , est égale à 725" 870. Celle- ei est inférieure de 0""239 à la moyenne des 13 an- nées 1826-1838, qui est 726% {09 ; il faudrait 88 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY donc ajouter 0""939 à la moyenne obtenue par M. Raymond pendant les 8 années 1826-1833 , pour avoir la hauteur barométrique moyenne de Cham- béry ; elle égalerait donc 737"2969 + 0® 239 ou 71382908.. Si l’on voulait résoudre ce problème par comparai- son avec les observations de Paris, on trouverait un résultat différent ; car la moyenne des 8 années 1826- 1833 a été à Paris de 756" 162 ; la moyenne de Paris pour les 23 années 1816-1838 a été 7567" 086. La différence est 0"076, qu'il faudrait retran- cher des observations de M. Raymond. On trouverait ainsi, pour la hauteur barométrique de Chambéry : 73700 969 — Om 076 — 737%" 893. La moyenne des deux résultats précédents est 738" 05. La pression moyenne de l'atmosphère à Chambéry serait donc : Par les 4 années d'observations de Mgr Billiet (N° 23). . . . . . . . . 731700 96% Par les 8 années d'observations de M. Raymond scission ee odlge à 7382 050 Par les 15 mois d'observations que j'ai faites (N°. 14.).. . . . . . .. 7380n 093 Ces trois nombres ne différent pas sensiblement. On s'expose donc à une erreur moindre de 0" 1 en ad- mettant que la hauteur moyenne que marquerait un AU-DESSUS DE LA MER: 89 baromètre élevé d'environ 6 mètres au-dessus du sol du grand Séminaire de Chambéry, est égale à 138, 27. On peut aussi, par le même procédé, se faire une idée assez exacte de la température moyenne de Chambéry. En effet , la température moyenne de cette ville a été, pendant les 12 années 1822-1833, d'a- près les observations de Mgr Billiet et de M. Ray- mond, égale à 10° 96. La température des mêmes années a été, à Genève, de 9° 49. Celle-ci est inférieure seulement de 0° 26 à la température moyenne observée à Genève pendant les 44 années 1796-1839 , pendant lesquelles elle s’est trouvée égale à 9° 75. On obtiendra donc la température moyenne de Chambéry en ajoutant 0° 26 à la température obser- vée dans cette ville pendant les années 1822-1833 ; l'on trouvera ainsi que la température moyenne de Chambéry égale, à très-peu près, 11° 22. La température moyenne de Chambéry est donc supérieure à celle de Genève d'environ {1°5. Elle l'emporte aussi de 0°% sur celle de Paris, qui est égale à 10°8. 90 ÉLÉVATION DE CHAMBÉRY CONCLUSION. 28. L'élévation de Chambéry au-dessus de la mer vient d’être déterminée par plusieurs procédés tout- à-fait indépendants les uns des autres. On a obtenu successivement pour cette hauteur : 1° Par 15 mois d'observations choisies faites à Chambéry, et les observations correspondantes de Genève . . . . . . . 263" 82 2° En mesurant avec le baromètre la hauteur relative de Chambéry et de plu- sieurs points voisins de cette ville, dont l’é- lévation au-dessus de la mer était connue, 263" 87 3° Par les 4 années d'observations baro- métriques de Mgr Billiet, comparées aux observations de Paris. . . . . . . . . . 263" 66 4° Par les 8 années d'observations ba- rométriques de M. Raymond, comparées afcellés ‘defParis.” ? ,2/02800 08 PQ 263 59 5° Enfin par les mêmes observations, comparées aux observations de Genève. . 262" 85 Les différences que l’on remarque entre ces résul- tats sont légères, et l’on doit s'étonner qu'elles ne soient pas plus grandes, lorsqu'on fait attention en particulier aux grandes difficultés que l'on rencontre AU-DESSUS DE LA MER. 91 toujours dans la comparaison des instruments. La complication des moyens par lesquels j'ai pu décou- vrir les rapports des baromètres qui ont servi aux observations de Mgr Billiet et de M. Raymond , avec les baromètres de Paris et de Genève, permettrait quelque doute sur leur exactitude. Mais les divers résultats , par la coïncidence presque pafaite qui existe entre eux, se prêtent un mutuel appui. En prenant la moyenne des cinq résultats, la hauteur du sol du Séminaire de Chambéry au-dessus de la mer, serait 263 56. Le cinquième lui est inférieur de 0" 71. Si on ne l'admet pas dans la moyenne, on trouvera par les quatre premiers, qui sont presque identiques , que la hauteur de Chambéry au-dessus de la mer est, à une petite fraction de mètre près, égale à 263% 74. La ty (a | ais! pt sn Re AUS | “at job QE LES d'\épb ar RATE n | tte x ft A6 dB ls de Aa à " re L'AIR PATES Ci fi SENTE gt: Ron ah. EPACLETAS CH > oSntsd: 1! CET ‘y el syst DH dust 564 0h wifleso débbi io ao loués ns #Yn) Veë: 1 . set LEA MOT LP Le loire [1 1. Yrté G'o4 n? ‘be dr ‘2 "0 Û br é cb" ot. shell fbs pe” LULU AT TS à B.' adi ; 4 xx Rita h. n Ÿ MR POP EU Ms ire obauto)us antnaO sb otethae J L | ve th 071 où | 4 k {} " fl 1 ET CEUS EEE: 12 : pe ] à À 2 RS “ Ve Eu RU | ATV, 4 [I PTEE ". 4 rade FRE L'i LE ne ke tir] DENT DE AT | Y 1 k. "| . fl ù ” CP 4 TT . Ar = fus yat "#4 V7 tre NX + née foin tes, € il Jp : ë : L'ANE #. j ? PE UD LES OU OHDEFHE : ATHQGN cHAup Ù Ne s { ré { OR PE EU à sv RS { "4 “ru ÿñ | Sao HR el affa DA ETS mo us vid ! ES h | , + pË + GA E ne dt, 6 y ” dise it Le Hot nue k , s { ? Ê oi } : k ' Î Ù Na. À VU PT \ [ CN : L4 L A 2 \ [ Fa } ù 1 L (l LL ; \ 1% ; 4 à Fu D QE 4 * 4 # L'È + 0 ? we - | Rats nL À L De 6 2e D 3 \ CG C'AMRAL d EU 1 AA L nr be À F LFP: L k ; . ) LIEN 4 PE q A: + I { "17 re | tre L + k Li ES : FR LE | F \ al : { En | \ ax t | | on 4 | À À de Li | | LONEE ll A j se” \ al Lu M TA | IXPSOMÉTRIE DU DIOCÈSE DE MAURIENNE SOIT DU BASSIN DE L'ARC DEPUIS MONTMÉLIAN JUSQU'AU MONTCENIS Par MM les Chan. J. BILLIET et GRAVIER. D'après un mémoire que vient de publier M. l’abbé Chamousset , professeur de physique au grand Sémi- naire de Chambéry, la hauteur de Chambéry ( sol du jardin du Séminaire) au-dessus de l'Océan, est den) ects Fa riubea 20b So 264" 00 La hauteur de Saint-Jean-de-Maurienne au-dessus de Chambéry est de. . . . . . 3147 00 Ce qui porte la hauteur de Saint-Jean- de-Maurienne (sol de la cour de l'évêché) au-dessus du niveau de la mer à . . . . 578"00 9% HYPSOMÉTRIE Ce point une fois déterminé a ensuite servi de terme de comparaison pour les autres localités du diocèse de Maurienne comprises dans le tableau ci-après. On y a ajouté, à la fin , les hauteurs de quelques localités du bassin de l'Isère. Pour toutes les observations dont il est ici question, on s’est servi de deux baromètres de Gay-Lussac con- struits par le sieur Barbanti, de Turin. On a eu soin de comparer non-seulement les deux baromètres, mais encore leurs thermomètres , ainsi que les thermo- mètres libres, et de tenir compte de toutes les diffé- rences observées dans ces instruments. Les baromètres de Gay-Lussac sont d'un transport assez facile ; ils n’ont pas besoin de correction pour la dépression que produit la capillarité , parce qu'é- tant égale dans les deux branches, il y a compensa- tion; mais ils sont aussi sujets à quelques inconvé- nients. Le mouvement du mercure ne s'y fait pas toujours avec assez de facilité, peut-être parce que l'adhésion est plus grande dans le tube capillaire que dans les deux autres ; il est possible aussi que l'imperfection des soudures ne laisse pas toujours le passage d’un tube à l’autre parfaitement libre. Cet inconvénient ne s'aperçoit pas dans le baromètre por- tatif; le mouvement qu'éprouve le mercure tandis qu'on met l'instrument en observation , suffit pour le détacher du verre , et lui faire prendre sa véritable DE LA MAURIENNE. 95 position. Il n’en est pas de même du baromètre fixe : le mercure y demeure souvent arrêté en dessus ou en dessous de la ligne qu'il devrait occuper. Il faut avoir soin, avant chaque observation, de frapper un petit coup sur la monture, pour agiter le mercure et dé- truire l'effet de la capillarité. Il est même bon de l'incliner plus ou moins pour faire courir le mercure dans le tube , et de le laisser ensuite un moment: en repos, avant de noter sa hauteur ; on est sûr alors qu'il se trouve dans une situation analogue à celle du baromètre portatif. Le baromètre de Gay-Lussac est encore sujet à un autre inconvénient plus grave : dans la branche la plus courte , le mercure se trouve en contact avec l'air atmosphérique ; sa surface s’oxide insensiblement ; cet oxide forme dans l'intérieur du tube une couche, qui en diminue peu à peu la transparence , et qui finit, en deux ou trois ans , par rendre les observations impos- sibles, ou du moins très-difficiles. Toutes les hauteurs ci-après ont été calculées d’a- près les tables de Oltmanns, que l’on trouve dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes. Les observa- tions du baromètre fixe ont êté faites à l’Evêché de Saint-Jean-de-Maurienne ; celles du baromètre por- tatif ont été faites par M. le chanoine Billiet, chance- lier de l'Evèché de Saint-Jean-de-Maurienne , et par M. le chanoine Gravier, professeur de philosophie et préfet du collége de la même ville. 96 HYPSOMÉTRIE TABLEAU HYPSOMÉTRIQUE DU DIOCÈSE DE MAURIENNE. C Au-dessus de l'Océan.) Chambéry (sol de la cour du Séminaire.). mètres 264 Montmélian (pont de l'Isère). . . . . . . 264 Montmélian (église) de nn ne de non Bonrneuf/(échise): LS ea. es 1 282 Goise (hôtel des Balances). , : -:.4, rat nm" 990 Betton (chapelle de l'hospice). . : .. . . . 515 MAAMEROAACEBLSE De A es et elles at ei 000 Chamoux/('éclise)).. 27 eu LPS OEM Agdebelle (église) AMOR DIBRONNIER 2625 Planèse (église). . . CRT TON TENO EE CEST Maltaverne ( hôtel de la AN arc ere ME Betton-Bettonnet ( église }.* . 2, 2111880 Epierre ( auberge du sieur Couchon). . . . . 370 Chteau-Neuf-(église).. 7 : 20 7. . !,1.,9680 ÉDIERFE NÉS) AT ee nee Nr Le 21 1 OUEEU SAR DEBOR VEBIISB ). + we « Dee elle et a SAMI ROM (ÉRISe ) MES ME MEME EEE EatCHapelle (éplise ): 00 AR ALU AR EE ENG LaiChambre (église) 40. ,édusonéthoul ere Lt 190$ 484 Sainte-Marie-de-Cuines ( église ). . . . . . 481 Saint-Etienne-de-Cuines ( église). . . . . . 486 Pontamafrey, ( églises)5r à» ot" kr « +. 4909 Saint-Alban-d’'Hurtières (église). . . . . . 528 Hermillon ( église ). . . . : 7 O1n Saint-Jean-de-Maurienne (cour d l'évêché). . 078 Saint-Martin-sur-la-Chambre (église). . . . . 592 DE LA MAURIENNE. 97 Saint-Georges-d'Hurtières ( église ) . . . mètres 596 Villardgondran (église). . . . Hontir671 Chapelle de Bonnenouvelle (au- disait Be; Saint- Jean-de-Maurienne). . . loves") 01693 Saint-Michel (hôtel de Po) sssile) | 21400488 Saint-Michel (église). "2142, 2,2 (asile Lenryot-2529#49 Saint-Martin-outre-Are (église) . . . . . . 774 Châtel (église). . . … ea a ta(821188 )" 56 Saint-Martin-la-Porte (église). ali) MO) ESA Montvernier (église). . . . ou) an10st-sts:608 Le Bourget-de-l’4iquille ele anal DUANIÉSS Ghatel (a lourde Bérold).. 4 2 {net 1011191869 HéPontet:. (église ): ::(lsmnalo «b slloauds 201880 La Praz ( fonderie de M. Daymonaz). . . * . 947 Orelle (église ). me ele Ces De JUNE )- HA U0S Medmetéslise,) 2 2120 #7. TU Cole er MDvE Môritrelafrey (église). / 2.9 (Loi: Y BsalisiOBE Saint-André (église). . . . D-H00AADE Saint - Colomban-des -Villards Léglise . . + . 4109 Avrieux (église), ue Joie ne ue( 58.) IEEE Saint-Alban-des-Villards (église). . . . . . 4191 mondBimont (église), 2.4 : .. .(0200 } 201454 bdaune : (église)... {he io.ut.amallix) xs at MAG 4 Bourget en Maurienne (église). + . . . . . 14165 Fontcouverte (église) . .{ 012 ut1,800 149) 214496 Villarodin (église) . . . . . ‘4204 Chapelle-de-Grenit ( près de Mont-Denis ), 14 ::14209 Bonvillard-sur-Orelle (église). . . . . . . 4215 Montricher (église jt 510 Os nE le EL .0b 524948 ReheGucheron-(colites MR NN Luxe fecaxe0as6 MARANB(Gg LISE): de. 0e se le V8 1956 98 HYPSOMÉTRIE Sollières} (église). .: ( 4000 ) scan l'mètres) 1295 Termignon (église). . . . Map ecob4296 Notre-Dame-du-Villard (église auennreft 3h 916 Esseillon ( chapelle du fort Victor-Emmanuel). . 1554 Montdenis (église). (as1haot 9% IRON 4488 Albiez-le-Jeune (église). . . . ... . 14584 Yaïloire. (église) . (ii) onh-s11L0-AN1SNAAS DR (éolise) 57 es et AUS USE) PES Montrond (église). .. 7 .1(03n0)x lei 4892 Albiez-le-Jeune (croix du Pessanuet, FR de Saint-Jean), …. … 1 (in) -oMiuÿét 4-0b-15past35 Valmeinier (église). . . . SL 9b “0OT. sl) MATE Modane ( chapelle du Charmet . “Cie ). Doaciires Lanelebourg (éslise).( Etnenecett.. 95 s0biet Lei 9 AUSSDIS ÉGLISE) + > ee + — 1, NU) ESS Sardiéres (église). … + “7 … 4 «1 (08158 DonAb Fanslevillard (église )- 2. : .e (019) yes Saint-Sorlin-d’Arves. ( église). . . . . . : 4519 Saint-Jean-d’Arves (église). . . . . . . . 1548 Montpastal (église). . «+ -. …(Heigà) 2184099 Albiez-le-Vieux (église). . . . . . . .. 14565 Albanne ( église). . . ses Ÿ tros d015 Albiez-le-Vieux (village de Mollard . .( tits ). or6K6 Albiez-le-Vieux ( col du Plan-de-la-Croix ). . . 165 Valloire (col des Trois-Croix). . . . . . . 1656 Bonnenuit ( chapelle du village). . . . . . 14701 Bessans (presbytère)!}-1201: 4% aug.) 10920)21x.9041797 Béssans .(église LU Abe: sfls 1744 Passage de la Magdeleine (entre Lanslevillir et RessAnS), -.. . . 20. (1090040) 410 CAR EV ES Pr ne Te LAON EU ON ART RTS NT 1768 DE LA MAURIENNE. 99 Ronnevali(eglise). 10e !.0 CN ON NN mètres 1805 Montcenis (la Grand'Croix)} 04% CERN ©..." 41887 Montconis (( l’'hospice: )R MARRON 0 2, Rx 14940 Montcenis (les Tavernettes) . . . . . . . 1964 Col de la Magdeleine, sur Montgelafrey (passage). 2025 Montcenis (la Ramasse) point culminant. . . 2098 Chapelle de Notre-Dame-des-Neiges (sur la route de Valmeinier au, Thabor ).4:-. WMV. . 2190 Col du Galibier ( passage de Valloire à Briançon). 2676 Chapelle du mont Thabor (au-dessus de Modane et deValmeinien)- 17. NES RE ner «7. 1 8205 Sommet du mont Thabor (à la pyramide). . . 5212 Hypsométrie de quelques points du bassin de l'Isère depuis Montmélian jusqu'au Mont-Iseran. Montmélian ( pont sur l'Isère). . . . . . . 264 Saint-Jean-la-Porte ( maison Courtois). . . . 520 Albert-Ville (pont sur PArly). . . . . . . 559 Moûtiers (place duiMArehe HE UNE Ji RAT Moûtiers (sol de la cour de l’'Evêché). . . . . 488 Done L'EMUSE I) 2 a 6 4 un in JURA ONZE Bourg-Saint-Maurice (église). . . . . . . 851 Séez (église) au pied du Petit-Saint-Bernard. . . 923 DORMERUSC) RS US MN ta... 4. 027 Ées'Ghapelles (église). "27 PU DO. ENPASOT Petit-Saint-Bernard (hospice). . . . . . . 2172 Mont-Iseran (pointculminant). . . . . . . 2181 N. B. — M. A. de Candolle, dans son Hypsométrie des énvirons de Genève (1839), a donné plusieurs des mesures de ce tableau , qui lui avaient été communiquées par M. le chanoine et chevalier Rendu. Toutes ces mesures, pour être exactes aujourd’hui, doivent être augmentées de 21 mètres. RARIR one orale d {Hga#d) ponetogi Live ,vnssbaeE ef ob se 4 Aou 0 ?S AD Ha de fa y HR | de We A) Fe ter ion: ARE ut of) ail ee LA Ve radeon ratios te is EN abntIE E stiotle Tab ogmmég Yinieur® 4 F8 PERLE mue EE véno Fay Hé 8 St sg ul) | DL SON A ARE CUT 12 Led Eee i pe Vins VE» fl Le sou AT tu6n TH 4 / ndéëe À We (aient les” Dù 1 Hi a as Fra, «4 4, 4 # éisug Le iraamoeq 1 4 Le LR PR ant sn Beta noie quon sis À Le ; 22 MER POUR L 2 PE Menus (érhttno és: Sérbn- étÀ: L' TER | api fre Mat Aer {Her A Li PERTE SE Lie Jo) deibruif 10: | stio-sont Re ; 30%) ECTS "1 1e ui eogtq) eritbté ROBES Ed à se x À ASTRA Bslourttt Lab “yon. si 9Ù fox) ere ‘ 0 ï + DURE Let D CRE + AS JR | CHE "98H" ) api JRIRESX otud | CE pre Rae HER Log un (its) IE eo VE ox dre MS Pre a RUE RCOIPOL S + st ré 7 RENE D slots dun ‘ds V'OMSMeod p Brett nine sels ans ui) tro | TR r0E nos : ñ6à ali h bis so 4 Ad - « hi | ji di EN visit vi Pa À LA + (CET 214250 at oucdo, M M 154 240pisutimunon té Aéis ve EE : eva ich Can 0 ÉTÉ CR OT) LEE CL OUTUNEUT 1 +rubiét 1& st COMENT TEE OBSERVATIONS FAITES SUR LA QUANTITÉ DE PLUIE TOMBÉE À CHAMBÉRY Depuis le commencement de 1839 jusqu'au mois d'août 1842. Par M. l’'Abhé Chamousset PROFESSEUR DE PHYSIQUE AU GRAND SÉMINAIRE DE CETTE VILLL, J'ai exposé, sur la fin de l’année 1838 , un pluvi- mètre dans le jardin du grand Séminaire. Depuis cette époque , j'ai noté, tous les jours , avec soin , combien il était tombé de pluie ou de neige pendant les 2% heu- res. Ce sont les résultats de ces observations qui sont contenus dans les tableaux suivants ; seulement, pour abréger, au lieu des quantités de pluie recueillies chaque jour , je ne donne ici que les sommes des quantités recueillies de 10 en 10 jours. J'ai fait les 102 OBSERVATIONS SUR LA PLUIE observalions à midi ; c’est pourquoi, par la quantité de pluie tombée du 1°" au 11, du 11 au 21, etc., il faut entendre la quantité de pluie tombée depuis le midi du 1°" jusqu’au midi du 11, et ainsi de suite. J'ai toujours mesuré la neige après qu'elle a été ramenée à l’état liquide. I. — Pluie tombée en 1839. DANS TOUT MOIS. pu 1° AU {1|pu 11 AU 21|pu 21 AU 1°" PRE Janvier... ” » mt |--36 0 Février... » » » 69 0 Mars. line 25 0 kA 0 60 5 126 5 Avril... 50 5 26 0 0 5 57 0 Mate en: 53 D 28 0 54 0 95 5 Fine 80 5 00 24 5 102 0 Juillet... 1 0 0 0 5 0 4 0 AGUE. AU 2.7 12 0 28 5 5ù 0 75 © Séptembre.. | 62 0 98 5 5 5 | 204 0 Octobre ..…… 24 0 8 0 15 0 47 0 Novembre. . HO 5 8 9 10 5 54 à Décembre... | 15 0 76 0 21 0 | 110 0 Il est tombé 981""0 de pluie pendant toute l'an- née 4839. Je dois faire observer la longue sécheresse ‘ TOMBÉE A CHAMBERY. 103 qui a suivi les grandes pluies de la fin de mai et du commencement de juin, et qui s’est fait senlir jus- qu'au milieu d'août ; depuis le 10 juin, il n'est tombé que 375 de pluie jusqu'au 16 août, c'est-à-dire pendant plus de deux mois d’été. Septembre ensuite a été remarquable par des pluies abondantes. II, — Pluie tombée en 1849. ER nl me NT 0 US DIU 0. Î MOIS. pu {1° AU 41|pu 11 AU 21|Du 21 AU 1°" ARE LE MOIS. Janvier... 28 5 | 95 0 | 435 5 Février... 4 0 0 0 6 à Mars. 0 0 4 0 4 0 at sl APE 5 0 US) 7 5 À; eee le 75 5 4 5 152 5 TO rene te 2 5 45 5 74 5 Juillet ...... 15 0 78 5 101 5 AUM sers e 95 0 16 5 7275 Septembre. . 96 0 1 0 185 5 Octobre …. 140 [1220 |155 0 Novembre .. 165 5 29 5 266 à Décembre... 1 0 00 1 0 La quantité de pluie tombée en 1840 s'élève à 1160mm5, 10% OBSERVATIONS SUR LA PLUIE Le mois de décembre de l’année précédente avait donné des pluies continuelles; il ne cessa de pleuvoir pendant tout le mois de janvier et le commencement de février. À ces longues pluies succéda une séche- resse plus longue encore; car, depuis le 8 février jusqu'au 5 mai, pendant près de trois mois, il ne tomba que 15%" 5 de pluie. Cette sécheresse fut ter- minée et réparée par les pluies abondantes du mois de mai : c'est un nouvel exemple qui prouve que les époques de grandes pluies sont assez ordinairement suivies par des époques de sécheresse, et vice versa. Aussi le mois de décembre, qui, dans la même an- née, a été extrêmement sec, a-t-il été précédé de trois mois de pluies extraordinaires, qui ont produit de grands désastres à Lyon et sur les bords de la Saône et du Rhône. Le 29 octobre, M. Poulin, Recteur du Trembley, observa le phénomène singulier d’une pluie trouble et fortement colorée en rouge-brun. Il recevait de l'eau d'un toit ; il fut d'autant plus surpris de ne pas la trouver limpide et pure, qu'il pleuvait depuis plu- sieurs jours, et que les toits devaient être parfaite- ment lavés. Il disposa donc loin des toits un vase très-propre, qui ne pouvait recueillir que l'eau qui descendait directement du ciel : cette eau fut trouvée encore aussi trouble et aussi colorée que la première fois. M. le chevalier G. De Morand me fit parvenir FOMBÉE A CHAMBÉRY 105 une fiole pleine de cette eau, en m'invitant à l'exami- ner. M. Poulin m'en adressa, de son côté, une nou- velle quantité. Je la filtrai d’abord. N'ayant pas le loisir de faire immédiatement l'analyse du dépôt, je pliai le filtre et je posai un livre dessus. Lorsque en- suite j'ouvris le filtre, je remarquai que ce dépôt avait produit, sous la pression du livre , une espèce de tissu ou de papier grossier, et qu'il était composé de filaments très-fins et entrelacés ; quelques-uns de ces filaments avaient plusieurs lignes de longueur; ils étaient rouge-brun à leur surface extérieure, mais ils étaient d’un blanc sale à l'intérieur. Je fis ensuite distiller une très-faible partie de ce dépôt dans une petite cornue de verre, fabriquée à la lampe avec un tube d’un petit diamètre ; il se dégagea, sous l’action de la chaleur, une vapeur blanche et nuageuse , qui était probablement de l'acide acétique, une huile empyreumatique, reconnaissable à son odeur péné- trante, et du goudron, qui se déposa dans la partie froide du tube ; il resta au fond de la cornue un peu de charbon. Ces produits sont les mêmes que l’on obtient lorsqu'on distille de la sciure de bois, ou une poussière provenant de débris végétaux. J'ai cru pouvoir conclure de ces expériences que la matière rougeâtre qui troublait la transparence de l’eau de pluie , était une substance de nature végétale, salie par de la poussière ; les vents qui entretenaient 106 OBSERVATIONS SUR LA PLUIE depuis long-temps les pluies dont nous étions alors inondés , l'avaient probablement jetée dans les airs et apportée de contrées peut-être très-éloignées. EI, — Pluie tombée en 1841. DANS TOUT MOIS. Du 4% AU 11|pu 11 Au 21|pu 21 AU 1°" Janvier... 25 501l50 © 0-45 vos" Février... 45 5 0 5 A1 0 105 0 NIANSE PAPA 183 0 Tan) 52 5 58 0 ANT -Se 70 0 5 0 25 0 96 0 Marre Pre 16 5 25 0 14 5 4 0 ihanner sé 18 0 415 5 92 5 125 0 Juillet. HA 5 26 5 22 0 100 0 AOUC= ce ee 25 0 24 20 0 69 0 Septembre... » » » 120 0 Octobre... » » » 199 0 Novembre 0 0 70 0 108 5 178 5 Décembre. 78 0 0 0 174 5 IL est tombé pendant l’année 1841, 1354" de pluie. Cette quantité est extraordinairement grande pour notre pays : les pluies ont été presque continuel- les pendant l’année. TOMBÉE A CHAMBERY. 107 IV, — Pluie tombéc'en 1842. Janvier Février La première moitié de cette année est beaucoup moins pluvieuse que les années précédentes; peut- être faut-il l’attribuer aux pluies excessives de la der- nière moitié de 1841. REMARQUES. Quoique mes observations ne comprennent qu'un très-petit nombre d'années, on peut, en les compa- rantavec les observations de Genève, en tirer quelques conclusions intéressantes. J'ai mis en regard, dans le tableau suivant, les quantités de pluie tombées à Chambéry et à Genève pendant les 3 années 1839- 1841. LA PLUIE OBSERVATIONS SUR 108 PE — NOM 1859 1840 Lou OUT, Edo an. DES MOIS. , 5 ] , à F= =! x "2 7. | x CHAMBÉRY.| GENÈVE. CHAMBÉRY.| GENÈVE. | CHAMBÉRY.| GENÈVE. | CHAMBERY.| GENEVE. Janvier. 560 5126 155°95 65779 750 LUS | g2anm)a han Février. 69: 02:59 94 465). 47 4 0105 “© | -87 8 75 59 1 Mans... 4201 5 SORT H 0 0 7 58 0 56 0 62 8 2 4 AWTAIL ue 57 0 45 29 10 17 0 96 0 78 8 D D 57 0 MAI re. - 95 5 80 0!152 5 84 5 5e O!|104 4 | 94 0 89 6 Juin... | 402 © >5 2 74. 5 53 2 | 195 0 717 8 | 100 5 62 1 Juillet ..…. ER) 50 5 | 101 5 92 6 | 100 0 92 1 68 5 74227 Août... 75 5 68 1 Fax 5 51 5 69 0 9 8 72 5 56 #4 Septembre | 204 O | 206 5 | 185 5 | 241 0 | 120 0 |107 #|169 8 185 0 Octobre .. | 47 0 91 81155 0|154 O0 !|199 O0 | 921 9 |126 53 | 149.0 Novembre | 54 5 63 3 | 266 5 | 175 O0 | 178 5 | 100 8 | 166 5 | 113 0 Décembre | 110 O | 101 0 1S#0 16 4 | 174 5 | 9255 1 95 2/|125 5 Les 6 prem, mois| 4860 | 5259 | 4OOMMS | 58m | 515""0 | 45535 | 4665 | 538°"6 Les 6 dern.-moisl 495 0 | 561 0 | 760 0 |710 5 | 841 O0 | 824 # | 698 6G |-698 6 Dans toute l'ann | 981 O | 884 9 11160 5 | 969 O0 11554 O0 19257 7 11165, 4 |1057 2 TOMBÉE A CHAMBÉRY. 109 La seule inspection de ce tableau montre, 1° Qu'en général il tombe , dans toute l’année, une plus grande quantité de pluie à Chambéry qu’à Genève. Cet excès a été de 96" 1 en 1839, de 191%"5 en 1840 , et de 96%" 3 en 18%1 : c'est, en moyenne, 128% 0 de plus par année. 2° Que, soit à Chambéry, soit à Genève, la quan- tité de pluie tombée dans les six derniers mois de l'année est beaucoup plus considérable que celle qui est tombée dans les six premiers ; les quatre derniers mois surtout sont généralement très-pluvieux. Ce phénomène est plus sensible encore à Genève qu’à Chambéry; car, dans notre ville, la pluie tombée dans la première moitié de l’année est environ les ? de la pluie tombée dans la deuxième , tandis qu’à Genève elle en est à peine la :. Aussi, la quantité de pluie recueillie à Genève dans les 6 derniers mois, est à peu près égale à celle qui est recueillie en même temps à Chambéry, tandis qu'il y a une très-grande diffé- rence dans les quantités de pluie recues dans les 6 premiers mois. Il est très-rare, pendant les 8 premiers mois, que la quantité de pluie qui tombe pendant un mois à Genève, soit plus grande que celle qui tombe en même temps à Chambéry ; elle est même ordinaire- ment beaucoup plus petite , et c'est la, sans doute, ce qui donne à la végétation de nos campagnes une supé- riorité marquée sur la végétation des environs de 110 OBSERVATIONS SUR LA PLUIE Genève. Pendant les quatre mois de janvier, février, mars et avril, il pleut beaucoup plus à Chambéry qu'à Genève ; cet excès diminue pendant les quatre mois suivants ; enfin, dans les quatre derniers mois de l’année, au contraire, il arrive le plus souvent que les pluies mensuelles sont plus considérables à Genève qu'à Chambéry. On le voit clairement dans le tableau suivant, qui montre en outre que les quan- tités de pluie tombée vont en augmentant depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin. 1839-1841. CHAMBÉRY. GENÈVE. DIFFÉRENCES. Janvier, février, mars, avril... 27277 0, | 18627 9 |, 85m 4 Mai, juin, juillet, | __. Fe $ aobtr ie un 589 6 | 279 S8S\<+ 55 5 Septembre, octobre, À novemb. , décem. | 297 8 | 570 5 Trois années ne suffisent pas pour faire connaître la quantité moyenne de pluie qui tombe par année dans un pays. La moyenne des trois dernières années, qui est 1165" 1, est beaucoup plus forte que la moyenne que l’on obtiendrait si l'on avait fait de plus longues observations. En effet, la moyenne des trois dernières années a été pour Genève de 10372" 2 ; elle est supérieure de 234"%3 à la moyenne des 16 années TOMBÉE A CHAMPÉRY. 111 1826-18%1, qui a été pour cette mème ville égale à 802"m9. On peut, à raison de la proximité des deux villes, supposer que la moyenne de ces trois années , à Chambéry, l'emporte aussi à peu près de 234 mill. sur la moyenne qui résulterait des 16 années d'obser- vations ; celle-ci serait donc pour Chambéry égale à peu près à 930 millim. , ou 34 pouce. #, 7 lign. De plus , si l’on compare les quantités de pluie tom- bée à Genève pendant chacune des années 1839, 1840, 1841, avec les quantités de pluie tombée aussi à Genève pendant les 13 années précédentes, on observe que l’année 1839 figure parmi les années les plus pluvieuses de ces 13 années, et que , dans aucune de celles-ci , il n’a plu autant qu'en 1840 et en 1841; il en sera de même pour Chambéry. Ces deux années sont donc, sous ce rapport, des années exceptionnelles , et l’on est en droit d'admettre que la plus grande quantité de pluie qui puisse tomber à Chambéry dans une année , ne dépassera pres- que jamais 1300 à 1400 millimètres, ou environ 90 pouces. L'année 1832 est pour Genève la moins pluvieuse des 16 années 1826-1841. Elle n'a donné que 525% 4 de pluie : c'est 278 millimètres de moins que la moyenne. Si l'on retranche ce même nombre de 931 millimètres , moyenne des pluies annuelles de Chambéry, on en conclura que, dans cette ville, la 112 PLUIE TOMBÉE A CHAMBÉRY. limite mférieure des pluies annuelles ne pourra guère s'abaisser au-dessous de 650 millimètres, ou environ 24 pouces. Enfin, en examinant le tableau des quantités de pluie recueillie chaque jour à Chambéry depuis le commencement de 1839 , il m'a été aisé de reconnai- tre que ce qu’on appelle ordinairement une pluie très- abondante , n’est qu’une pluie de 20 à 30 millimètres, et que les pluies de 40 à 50 millimètres se rencontrent à peine une ou deux fois dans l’année. ES LETTRE DE M. LABBÉ CONSTANCE GAZZERA SECRÉTAIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE TURIN ET MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ A M N° MEMBRE DB L'INSTITUT DE FRANCE SUR LA FAUSSE INTERPRÉTATION D’UNE INSCRIPTION ROMAINE Découverte en Valachie, MoxsIEUR , Le souvenir de votre passage à Turin ne s’effacera pas plus de ma mémoire que les choses intéressantes qui ont fait le sujet de nos entretiens. Il me souvient, Monsieur, que, parmi les connaissances qui ont l’an- tiquité pour objet et qui vous sont si familières, vous placez au premier rang l'épigraphie ,: parce qu’elle 8 114 INSCRIPTION ROMAINE rend les plus grands services à l'archéologie , et qu'elle en est, pour ainsi dire , l'ame. Vosopinions , Monsieur, que je me trouve heureux de partager, me sont reve- nues dans l'esprit en lisant un article publié dans l'Echo du Monde savant (N° 4978 du 7 et du 11 dé- cembre 1839 ). Cet article avait pour titre : Antiqui- tés découvertes en Valachie. Est-il possible , disais-je en moi-même après l'avoir lu, que, dans une des villes les plus savantes, qui se vante d'être le centre du savoir européen, et qui ren- ferme dans son sein MM. Letrone , Raoul-Rochette, Dureau de la Malle, Hase , Lebas, etc., et dans une feuille qui porte le titre fastueux d'Echo du Monde savant, on ait pu interpréter d’une manière si incor- recte et si défectueuse un des monuments les plus pré- cieux de l'antiquité, et en donner une traduction française si pitoyable , et, pardonnez-moi l'expression, si ridicule ! Venons au fait. Il s’agit, Monsieur, de ces tablettes d'airain sur lesquelles , comme vous le savez, on gra- vait au buria l'extrait des diplomes militaires par les- quels les Empereurs romains, dans des occasions données, accordaient aux individus qui avaient fait partie des corps, soit à pied, soit à cheval , et après un cértain nombre d'années de service militaire, un honorable congé /hônesta missio), accompagné de cer- tains privilèges, qui y sont toujours énumérés. Le DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 115 congé dont il est parlé dans l’Echo du Monde savant , a été découvert en Valachie; il est de l'Empereur Adrien , de qui on en connaissait déjà cinq autres. Celui dont il s’agit a été délivré à un soldat de la cava- lerie auxiliaire , appelée Veæillatio , parce qu'elle ne faisait point partie des légions. Les formules propres à ce genre de monuments, d’après les ouvrages de Marini, Vernazza et Cardinali, sont si simples et tellement fixes et déterminées, qu'il n’est plus possible de se méprendre , pour peu qu'on soit versé dans l’étude de l’épigraphie ancienne. Com- ment donc excuser les fautes étranges qui se sont glissées dans la publication du texte du diplome que fait connaître l’Echo ? On aimerait pouvoir les attri- buer à l'impression , si elle n'avaient pas loutes passé dans la traduction française, sans qu'on se soit aperçu le moins du monde des incroyables bévues dont elle était parsemée. Il ne faut que jeter un coup d'œil sur l’une et sur l’autre pour reconnaître à l'instant l'incon- cevable galimatias qui en est résulté. D'abord la phrase equitibus el peditibus qui militave- runt in ala, etc., qui se trouve dans tous les monu- ments de cette espèce , et par laquelle sont indiqués les corps à pied ou à cheval sur qui s'étend la grâce impériale , cette phrase est changée par le non sens de equilis et peditis qui milita Verinalæ et veæillione ; et ce qui n'aurait semblé qu'une simple faute d'écriture, g* 116 INSCRIPTION ROMAINE vient recevoir la sanction du traducteur français : — à plusieurs VerTiLENOIS soldats réformés !!! — et ces Vertilenois sont des chavaliers illyriens, espagnols, numides , etc. Les mots quinis et vicenis pluribusve stipendis emeritis , qui renferment la condition indis- pensable pour jouir du privilége de l'honorable démis- sion du service militaire , celle d’avoir servi pendant l'espace de 25 ans au moins , ces mots sont rapportés ainsi: quint. el vincent. pluribus vestilendis, et, passant dans la langue française, sont métamorphosés en deux nouveaux noms de Plautius Cœæsianus , c’est-à-dire Quintilius et Vincentius. IL faut dire cependant que le pluribus vestilendis ont sans doute paru de mots trop étranges pour être traduits, et on les a sautés à pieds joints. Outre cela , le nombre III des cohortes indiqué dans le texte, et celui de III donné par la traduction, ne sauraient être exacts ni dans l’un ni dans l’autre ; car évidemment les cohortes nommées sont au nom- bre de cinq, savoir: Z prima Hispanorum, II prima Hispanorum veteranorum, LIT secunda Flavia Numi- darum , IV secunda Flavia Bessorum ; V tertia Gallo- rum , si cependant il ne s'est pas glissé quelque faute dans la transcription. Les mots: pourvu cependant que ce ne soit que pour une seule fois, ne rendent pas exactement le sens de la phrase: dumtaxat singuli singulas, laquelle signifie que la grâce n’était faite qu'aux soldats et à leurs fem- DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 147 mes , ou à celles qu'ils prendraient par la suite, s'ils n'étaient pas encore mariés, ainsi qu'aux enfants qui étaient déjà nés ou naïîtraient de celles-ci, mais jamais aux femmes ni aux enfants d’un second mariage; et ceci est si vrai, qu'on le trouve clairement exprimé dans d’autres diplomes: cum singulis et primis uxori- bus ut eliam si peregrini juris fæœminas in matrimonio suo junxerint proinde liberos tollant ac si ex duobus civibus romanis nalos. Privilége immense , ainsi que je l'ai fait voir dans ma Notizia di alcuni nuov diplomi imperiali di congedo militare, page 17. Le soldat vétéran Eupator, fils d'Eumène de Sébas- topol, et ses quatre fils, sont changés par le traduc- teur en chefs de la cavalerie auxiliaire d'Illyrie tirée de la Grèce; et Eupator, Eumène, Thrason et Philopator, fils d'Eupator, deviennent fils d'Eumène et frères de leur père. L'indication de l'emplacement où le monument ori- ginal était placé à Rome in muro post templum Divi Augusti ad Minervam , est traduite de la manière sui- vante : dans la muraille derrière le temple consacré par le divin Auguste à Minerve ; traduction ridicule, s’il en fut jamais, en ce que le temple, qui, dans le texte, serait consacré à Auguste, templum Divi Augusti, aurait été, selon le traducteur, élevé par Auguste lui-même, et cela après sa mort et lorsqu'il avait déjà été honoré de l’apothéose , Divus. Enfin, les 7 indivi- 118 INSCRIPTION ROMAINE dus témoignant la conformité de la copie avec l'origi- nal, sont doublés par ie traducteur et transformés en ces soldats mêmes auxquels le congé honorable avait été accordé, etc. Convenez, Monsieur, qu’on ne sau- rait accumuler plus de bévues en si peu d’espace. Mais voici, du reste, le texte de l’Echo, celui que jai restitué, et la traduction française qui en a été publiée. TEXTE DE L’'ÉCHO. Imp. Caesar. Divi Traiani Parthici F. Divi Nervae nepos. Traianus Hadrianus Aug. Pontif. Max. Trib. potest XIII cos. III PP. Equitis et Peditis qui milita verinalae et vexil- lione equit. illyricor. et coh. II quæ appellant I hispanor. et I hispanor. veteran. et II flav. numidar. et II Flav. Bessor et II gallor. et sunt in Dacia inferiore sub Plautio caesiano quint. et vicent. pluribus vestilendis emeritis demissis honesta missione quorum nomina subscripta sunt ipsis liberis posteris quae eorum civitatem dedit et connubium cum uxoribus quas tune habuissent cum est civitas iis data aut siqui caelibes essent cum ïis quas postea duxissent dumtaxat at singuli singulas. A. D. XIK april. Diuventio celso II q. iulio balbo cos. Vexillatio equitum illyricor. Ex Greciaie Evpatori Eumeni e sebastopol et evpatori f. eius et evpa- tori f. eius et evmeno f. eius et HAOONE fil. eius et phi- lopatrae fil. eius. DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 119 Deriptum et recognitum ex tabula aenea quae fixa est Romae in muro post templum divi Aug. ad Minervam. TRADUCTION DE L'ÉCHO. L'empereur César, fils du divin Trajan le Parthe, petit- fils du divin Nerva, Trajan Adrien Auguste, grand pon- tife, tribun pour la XIII fois, consul pour la IIL°, père de la patrie. A donné à plusieurs Vertilenois, soldats réformés en- voyés en congé honorable (honesta missione), dont les noms sont inscrits ci-dessous, et appartenant aux corps de cavalerie et d'infanterie composés de la cavalerie auxiliaire d’Illyrie et de quatre cohortes, qui se nomment : ["° des Espagnols ou les vétérans espagnols, 2° Flaviana des Numides, 5° Flaviana des Bessères , et 4° des Gaulois, les- quelles se trouvent maintenant dans la Dacie inférieure, sous le commandement de Plautius, Caesianus, Quintilius et Vicentius, le droit de cité, ainsi qu’à leurs enfants, et même à leurs descendants, ainsi que le droit de contrae- ter le mariage légitime (connubium ) avec les femmes qu’ils ont jusqu’à présent. Outre que le droit de cité leur est donné, si quelques-uns d’entre eux étaient célibataires, ils pourraient jouir du droit d'union légitime (connubium ) avec les femmes qu’ils pourraient épouser par la suite, pourvu cependant que ce ne soit que pour une fois seu- lement. Donné le XI° jour après les calendes d’avril, sous le consulat de Piuventius Celsus, consul pour la 2° fois, et de Julius Balbus. 120 INSCRIPTION ROMAINE Les chefs de la cavalerie auxiliaire d’Illyrie tirée de la Grèce, Eupator, Eumène de Sébastopol et ses fils Eupator, Eumène, Thrason et Philopator. - Extrait et revu d’après la table d’airain qui est fixée à Rome dans la muraille derrière le temple consacré par le divin Auguste à Minerve. A la suite de cette inscription, se trouvent écrits les noms suivants, qui désignent les individus admis au congé honorable (missio honesta) : L. Vibi. — Q. Lolli. — L. Pulli. — L. Equiti. — L. Pulli. — Ti. Claudi. — C. Vettieni. — Vibiani. — Festi. — Daphni. — Gemeni. — Anthi. — Meandr. — Hermetis. TEXTE RESTITUÉ. Imp. Caesar Divi Traiani F. Divi Nervae nepos Traianus Adrianus Aug. Pontif. Max. Trib. potest XII Cos III PP. equitibus et peditibus qui militarunt in ala et vexillatione equit. Ilyricor. et coH. V quae appellantur 1 Hispanor. et 4 Hispanor. veteran. et 2 Flav. Numidar. et 2 Flav. Bes- sor. et 5 Gallor. et sunt in Dacia inferiore sub Plautio Cae- siano quinis et vicenis pluribusve stipendiis emeritis dimissis honesta missione quorum nomina subseripta sunt ipsis liberis posterisque eorum ciuitatem dedit et connu- bium cum uxoribus quas tunc habuissent cum est civitas eis data aut si qui caelibes essent cum iis quas postea du- xissent dumtaxat singuli singulas. A. D. XI. K. april D. Ivventio Celso II. Q. Iulio Balbo cos. Vexillatio Equit. Illyricor. Ex Graecia DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 121 Eupatori Eumeni e Sebastopol, et Eupatori f. eius, et Eumeni f. eius, et Thrasoni fil. eius, et Philopatori fil. eius. Descriptum et recognitum ex tabula aenea quae fixa est Romae in muro post templum Divi Aug. ad Minervam. L. Vibi Vibiani. Q. Lolli Festi. L. Pvlli Daphi. L. Equili Gemini. L. Pvili Anthi. Tib. Claudi Menandri. €, Vettieni Hermetis. Il est aisé de voir en premier lieu , Monsieur, que Tribunicia potestate XIII du texte de l'Echo doit être changé en XII. En effet, ce fut le jour même de la mort de Trajan, arrivée le 10 août 117 de l'ère vul- gaire, que, par les soins de l'impératrice Plautine, : Adrien fut proclamé successeur à l'empire ; et c'est de ce jour même qu'on doit commencer à compter le pouvoir tribunicien de l’empereur Adrien, pouvoir qui, tous les ans , se renouvelait le même jour. Ainsi, le 22 mars {XI Kal. april.) de l'année 129 , sous le consulat de P. Juventius Celsus et uon Piuventius de la traduction , et de Quintus Julius Balbus , à laquelle doit se rapporter notre diplome , courait le XII et non le XIII tribunat d’Adrien, ce dernier ne devant com- mencer qu'au 10 août suivant. Et ici, il n'est nulle- 122 INSCRIPTION ROMAINE ment question de dire que le renouvellement du pou- voir tribunicien se fit, non pas le jour anniversaire de l’assomption d’Adrien à l'empire, mais en janvier de l’année suivante, et en comptant pour le premier tribunat la fraction du temps écoulé entre sa procla- mation et le commencement de l’année suivante, d'où se comptaient ensuite les autres tribunats. Dans cette dernière supposition , le chiffre XIIT irait à merveille. Mais cette méthode de compter le tribunat ne se voit adoptée que du temps de l’empereur Septime-Sévère, et le premier exemple qui nous soit connu dans ce genre de monuments, se voit dans le diplome militaire de l’empereur Alexandre-Sévère publié par le che- valier Avellino { Opuscoli, vol. 3, pag. 183, seg. Napoli, 1836, 8° ). A ce diplome , daté du 7 janvier (A. D. VII ID. janv.) et du consulat L. Viru Agri- colæ et Sextr Cati Clementini, 230 de notre ère, est jointe la IX acclamation tribunicienne. Or, si celle-ci se fût renouvelée à l'anniversaire de l’époque de l’élé- vation à l'empire d'Alexandre-Sévère , elle n'aurait dû commencer que le 21 mars de la même année, époque de la mort d'Eliogabale, arrivée ce même jour, l'an 222. Mais au temps dont nous parlons , ce système n'a- vait point encore prévalu. Nous avons, en effet, 6 autres diplomes militaires de l’empereur Adrien , et, dans tous, sans distinction, on suit la manière an- DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 123 cienne de renouveler le tribunat le jour anniversaire de l'élévation à l'empire. Que si le pouvoir tribunicien eût été conféré avant, ainsi que cela s’est pratiqué quelquefois, et surtout lorsque le successeur présumé de l’empereur était déclaré César avec pouvoir tribu- nicien , alors c'était ce jour-là même que celui-ci se renouvelait. Nous connaissons deux concessions d’honorable congé du service militaire de l’empereur Adrien, tou- tes les deux appartenant à cette année 129 et dans le seul intervalle d’un mois à peu près l’une de l’autre, du 18 février au 22 mars, sans que nous sachions quel est l'événement qui peut y avoir donné lieu. En effet, l’histoire ne nous révèle pour cette année aucun motif de réjouissance publique, de victoire éclatante, dre traité de paix ou de triomphe qui ait pu por- ter l'empereur à distribuer le Congiarium à l'armée et au peuple , et à donner aux corps militaires qui en avaient le droit l'honorable démission. Les médailles sur lesquelles ces libéralités successives étaient mar- quées Liberalitas Augusti L.IT . II, etc., ne nous en. indiquent aucune pour l’année 129 , et l'histoire se tait sur les autres événements. Si l’on ne veut donc y voir un motif d'économie à l'effet de soulager le tré- sor, il faudra l’attribuer alors au simple usage, ou, du moins, et c’est mon opinion , les attribuer aux honneurs divins accordés cette année même à l'impé- 12% INSCRIPTION ROMAINE ratrice Plantine , de qui Adrien tenait l'empire, et qu’il loua lui-même pro rostris. Peut-être pourrait-on dire encore que ce fut à l’occasion de ce que le Sénat décerna l'honneur de l’apothéose au bien-aimé de l'empereur, Antinoüs, mort l'an précédent, en Egypte. Les consuls P. Juventius Celsus et Quintus Julius Balbus, sous lesquels le diplome a été signé, étaient connus , soit par l’autre diplome du 18 février de la même année, soit par les Fastes et le Digeste. Celsus était déjà un jurisconsulte célèbre au temps de l'em- pereur Trajan, et un des trois consulaires qui, avec Salvius Julianus et Neratius Marcellus, étaient admis aux conseils et à la familiarité de l'empereur Adrien. Dans ces deux diplomes, Celsus est dit consul pour la seconde fois , quoique les Fastes ne fassent point men- tion de son premier consulat. Ces trois conseillers privés et familiers de l'empe- reur Trajan Salvius Julianus, Neratius Marcellus et Juventius Celsus étant nommés consulaires , il est évi- dent que notre Celsus avait déjà été promu au consu- lat sous Trajan lui-même, quoique l’année de son premier consulat soit incertaine : dans tous les cas, il n'aura pas été consul ordinaire, mais seulement suf- fectus, puisque les fastesne le nomment pas. D'ailleurs on doit bien se garder de confondre notre P. Juven- tius Celsus avec L. Publilius Celsus, dont le nom est DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 125 registré dans les fastes, et qui a été consul pour la deuxiéme fois en 166, puisque ce sont deux person- nages différents. On ne doit pas s'étonner, au reste, de ce que ce premier consulat de notre Celsus ne nous a pas été conservé, car les fastes, dans les dernières années de Trajan, pour ce qui regarde les consuls substituës (suffecti), sont si confus et inexacts, qu'on ne peut assigner avec quelque certitude l’année pré- cise à laquelle ce premier consulat de Celsus doit être rapporté. Heinecius (Exercit. XIII, vol. 1, pag. 470) croit que Celsus peut avoir été consul suffectus dans un des nundini de l’année 98, dans lequel il de- vait avoir accompli l’âge prescrit de 40 ans, et où, par la mort de Nerva, Trajan resta seul au con- sulat, dont il ne tarda pas à se démettre. Quoi qu’il en soit, les marbres et les bronzes sont una- nimes à les nommer P. Juventius Celsus et Quintus Julius Balbus. Les fastographes et les antiquaires , s'étant laissé embarrasser par un Marcellus et par un Marcellinus qui s'y trouvèrent joints dans quelques manuscrits, s'empressèrent à donner pour collègue à Juventius Celsus soit un Marcellinus, soit Neratius Marcellus, à l'exclusion de son véritable collègue Quintus Julius Balbus. Un Marcellin, en effet, doit avoir occupé le siége curule dans un des nundini de l’année 129 , et Caius Neratius Marcellus, dans un 126 INSCRIPTION ROMAINE autre de cette même année 129, et avoir ainsi succédé à Celsus. Il n'y avait donc point lieu de recourir au compromis du Cardinal Noris, qui, pour concilier toutes les opinions, imagina d’affubler d’un nouveau nom le consul Balbus , qu’il appela Quintus Julius Balbus Marcellus. Cet arrangement fut reçu au grand contentement de tous les savants, qui s’en montrèrent satisfaits, quoiqu'il fût contraire au témoignage de l'histoire , du Digeste et des marbres. Il ne faudra donc plus s'étonner, après cela, si le traducteur de notre diplome, ne sachant que faire des mots Quint. et Vincent., qui, dans le texte du diplome publié par l’Echo, suivaient le nom de tribun Plautius Cœsianus, si ce traducteur , dis-je , dressa aussi son compromis , et s’en débarrassa en gratifiant Plautius Cæsianus des deux autres noms Quintilius et Vincentius. Je ne m'arrêterai pas sur la méprise, quoiqu'un peu forte , de notre traducteur, concernant la date du mois et du jour de la concession impériale ; car il n’y a pas d’écolier qui ne sache que antè diem XI Kalendas aprihis doit être rendu par le onzième jour avant les Calendes d'avril (22 mars), et non par le X[I° jour après les Calendes (11 avril). Dans tous les diplomes militaires connus, le nom du soldat vétéran en faveur duquel les tablettes ont été expédiées, est toujours inscrit après celui des consuls, avec ses titres, sa patrie, le corps militaire auquel il DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 127 appartenait, et le nombre de ses fils, s’il en avait à cette époque. Dans notre diplome, le soldat congédié s'appelait Eupator, fils d'Eumène, de Sébastopol en Grèce ; il appartenait à la Vexillatio des cavaliers illy- riens, et il avait quatre fils, Eupator, Eumène, Thra- son et Philopator. C’est donc sans raison qu’on s’est avisé de placer ici les chefs de la cavalerie auxiliaire d'Illyrie, qui n'étant nommés nulle part dans le di- plome , n’ont rien à faire ici , et que Eumène de Sébas- topol, Eumeni père d'Eupator, a été rangé au nombre des prétendus chefs, tandis que le nom d'Eumène n'est placé au génitif que pour indiquer qu'il était père d'Eupator, comme si l’on avait écrit : Eupatori Eumeni fiv. De cette erreur en découle une autre aussi étrange, en ce que le traducteur, comme un magicien avec son coup de baguette , change les fils d'Eupator en fils d'Eumène , leur grand-père. Le traducteur français , une fois mis sur la voie des découvertes, après avoir changé le soldat vétéran, son père et ses fils en chefs de la cavalerie d'Illyrie, devait bien trouver encore les noms de ceux au profit desquels les tablettes avaient été écrites ; et voilà que, sans hésiter, il les découvre dans les 7 témoins qui ont signé pour constater la conformité de la copie avec l'original. Pour que rien ne manque au complé- ment de ses belles découvertes, il ne s’arrête pas là : le nombre de 7 ne lui paraissant pas suffisant, de sa 128 INSCRIPTION ROMAINE propre autorité, il le double et le porte à 14. Ne croyez pas, Monsieur, que je vous fasse un conte à plaisir ; la chose est réelle , et voici comment elle a eu lieu : les noms des témoins sur les tablettes sont écrits en double colonne et de manière à laisser un espace vide entre eux , or, notre antiquaire-traducteur com- mencça par écrire les noms contenus dans la première colonne , c’est-à-dire les prénoms et les noms, en les faisant suivre par leurs surnoms (cognomina), qui formaient la seconde colonne , de sorte que, à la place des 7 noms, il en résulta les 14 suivants : L. Vabi, Q. Lol, L. Poll, L. Equiti, L. Pulli, Tib. Clau, C. Vettieni, Vibiani, Festi, Daphni, Gemini, Anthr, Menandri, Hermetis, dont les 7 premiers sont compo- sés du prénom et du nom, et les 7 derniers du seul surnom. Voici, du reste, comment ils devaient être écrits sur la tablette extérieure : L. Vibi Vibiani. Q. Lalli Festi. L. Pvlli Daphni. L. Equiti Gemini. L. Pvili Anthi. Tib. Claudi Menandri. C. Vettieni Hermetis. Il est bien vrai que les archéologues qui, les pre- miers, avaient eu à s'occuper de ces monuments, DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 129 furent d’avis que ces noms étaient ceux des soldats graciés. Mais après les travaux des Académiciens de Naples , de Morcelli, d'Amaduzzi et de Marini , iln y eut plus qu’une seule opinion là-dessus, et il fut reconnu que c’étaient les noms des 7 témoins dont les lois romaines exigeaient la présence pour la légali- sation de tout acte public. Aussi, ces noms ne se trouvent point écrits au dedans des tablettes, ainsi que cela devrait être si c'étaient ceux des congédiés, mais sur la partie extérieure, en dehors de l'acte même, et écrits de manière à laisser un espace vide entre le nom et le surnom de chacun d'eux. C'est dans cet espace vide que chaque témoin plaçait son sceau, et, sous les sceaux, venaient aboutir les cordons de lin ou les fils de métal que l'on faisait passer par les trous ronds qu’on voit pratiqués aux extrémités des tablet- tes. C’est avec ces cordons qu'on fermait les tablettes de manière à garantir l'écriture intérieure, et sans qu’on füt obligé de les ouvrir pour prendre connais- sance du contenu , répété en entier sur la partie exté- rieure du livret. Il faut, en outre, remarquer que ces noms sont tous écrits au génitif, ce qui ne saurait s'expliquer s'ils appartenaient aux soldats congédiés ; mais ici on doit sous-entendre le mot Signum , Signum Lucii Vibii Vibiani, etc. D'après les lois romaines, pour être admis à témoigner juridiquement dans les actes publics, il fallait être homme libre et jouir du 9 130 INSCRIPTION ROMAINE droit de cité. C’est pour cela que, dans tous ces diplo- mes, on voit les 7 témoins faire parade de leurs trois noms, propres aux Ingénus, et qui, dans les plus anciens , Sont presque (oujours accompagnés du nom de la tribu à laquelle chacun était inserit, par exemp., 11b. Claudi Quirina Fidini, dans le premier de Galba, etc. Nous avons même un de ces actes de la 2° année de Vespasien , où , parmi les témoins , on voit figurer deux chevaliers romains et deux décurions. Des six diplomes de congé militaire qui nous restent de l'em- pereur Adrien, quatre seulement ont conservé les noms des témoins, et, chose remarquable , quelques- uns de ceux qui se trouvent signés au bas de notre diplome , se voient déjà inscrits dans les trois autres : ainsi, dans celui du 11 octobre 127, nous avons les noms de Q. Lolli Fest, L. Pulli Daphni . Tib. Claudi Menandri, dans l’autre du 19 février 129, on voit ceux de T1. Claudi Menandri et C. Vettieni Hermetis, etceux de L. Pulli Daphi, C. Vettieni Hermetis et Tib. Claudi Menandri dans celui du 16 septembre 13%, et, qui plus est, le nom de ce dernier se trouve déjà signé au diplome du 19 janvier 104 de l'empereur Trajan, ce qui donne un espace de 30 ans entre l’un et l’autre. Cette répétition des mêmes noms dans des diplomes différents et de dates assez éloignées, nous prouve, {° que ces noms ne sauraient être ceux des DÉCOUVERTE EN VALACHIE. 131 soldats congédiés, qui ne peuvent l'être plusieurs fois; 2° que les témoins étaient le plus souvent choisis entre les personnes employées dans le bureau d'expédition de ces extraits : ces personnes, ainsi que cela se fait encore aujourd'hui , étaient ordinairement des vété- rans attachés au service de l'établissement, et, à défaut de ceux-ci, on les choisissait parmi les citoyens établis aux alentours du lieu où le bureau était placé. De cette manière s'expliquent naturellement toutes ces répétitions des mêmes noms et leur origine étrangère, choses qui avaient tant embarrassé les archéologues. Ainsi, parmi les témoins du diplome de Claude, le plus ancien qui nous soit resté, 6 sont de Durazzo {Dyrrachini) , et le T°, de Thessalonique. Dans le premier de Galba, 5 sont Sardiens, et dans le 2° du même empereur, # sont Antiochiens, un autre, d'Apamée , etc. Quoi qu'il en soit, et malgré les fautes aussi évi- dentes que nombreuses dont fourmillent le texte et la traduction de cet important monument de l’antiquité, on ne doit pas moins être reconnaissant à l’Echo de sa publication. La science y gagne toujours quelque chose; les fastes impériaux d’abord , et les consulaires ensuite, en sont accrus ou corrigés; on apprend à mieux connaître l’armée romaine aux différentes épo- ques de l'empire, son organisation , les corps dont elle était composée , les nations qui, en qualité d’auxiliai- 132 INSCRIPTION ROMAINE. res, lui envoyaient leurs nombreux contingents, et qui, concourant à en accroître le nombre, finirent par former eux seuls toute la force militaire et s'emparer de l'empire. Enfin, il n’y a pas jusqu’à la paléogra- phie ancienne qui ne puisse y gagner quelque chose. Voilà la raison, Monsieur, pour laquelle, sans craindre de vous dérober un temps précieux que vous savez si bien employer au profit des bonnes études, et de l'antiquité en particulier, je me suis permis de vous adresser cette longue épître, que votre amour de la science et votre bonne amitié pour moi vous feront accueillir avec la bienveillance qui vous est ordinaire. Agréez, Monsieur, l'assurance de la sincère estime et de la parfaite considération avec laquelle j'ai l’hon- neur d'être, Monsieur , ConsrancE GAZZERA, Secrétaire de l’Académie. RAPPORT DE M. LE CHEVALIER DE JUGE SUR / LE POÈME ADRESSÉ À LA SOCIÉTÉ POUR LE CONCOURS DE 1842 (1). MESSIEURS , Lors du dernier concours pour le prix de poésie, l'industrie, qui en était le sujet, avait fait vibrer toutes les lyres de notre patrie, et de nombreux concurrents s'étaient présentés pour obtenir l'honneur de vos suf- frages. Malgré la beauté de son site, malgré la richesse de ses souvenirs, Hautecombe n’a pas eu le (1) La commission se composait de M. le Président, du Secrétaire perpétuel et de M. le chevalier de Juge. 134 RAPPORT même bonheur , et un seul auteur est venu vous ap- porter le tribut des vers que lui a inspirés cet antique monument. D'où a pu venir cette notable différence, et pourquoi cette lacune soudaine dans les rangs de nos poètes ? Enfants d’un siècle industriel, n’auraient- ils des chants que pour célébrer les merveilles des arts ? Et serait-il vrai que, même au milieu de nos poétiques vallées , la bruyante usine ait désormais remplacé le mélodieux Parnasse, et que le wagon rapide ait écrasé à jamais le cheval aïié d’Apollon ? A Dieu ne plaise que je veuille me plaindre des hommages rendus à l’industrie , à cette muse des temps modernes , Qui, n’arborant jamais de sanglantes bannières, Se plait au sein du bruit des fourneaux, des chaudières, Et reine au bras nerveux , domptant le fer et l’eau, A pour sceptre une roue, et pour trône un ballot. Mais, si je ne me trompe, c’est surtout dans nos montagnes , si voisines du ciel, que l’homme ne vit pas seulement de pain. Il ne peut s’y absorber tout entier et toujours dans les douceurs du présent ; il a besoin parfois de remonter le passé ou de s’élancer vers l'avenir , et alors il aime à rencontrer sur sa route deux muses bien connues de la Savoie , la Pa- trie et la Religion. Si donc , Messieurs, nos poètes n'ont pas répondu SUR LE PRIX DE POÉSIE. 135 cette année à l'appel de l’Académie , gardons-nous de les accuser. Non, ils n’ont pu rester froids devant cette magnifique abbaye que nous envie l'étranger. Plusieurs , j'en suis sûr, ont murmuré des vers sur ce beau lac qui baigne le rocher où s'élève l'imposant édifice. Mais, avouons-le de bonne foi , le sujet était difficile , le chemin était varié, l'horizon était im- mense. Il fallait unir la harpe de Solyme au clairon des combats ; il fallait gémir sur d'illustres tombeaux ou chanter au pied de majestueux autels. Ne nous étonnons donc pas qu'en face de tant d’exigences , des poèmes soient restés incomplets, et croyons que la modestie a gardé captifs des vers qui auraient rap- pelé des noms dont notre pays s’honore. Maintenant que nous savons pourquoi la lice poé- tique est restée vide cette fois de concurrents, nous allons vous parler du manuscrit que vous avez soumis à notre examen. Notre jugement sera tel que vous l'exigez en pareil cas, consciencieux et sévère. Gar- dienne des saines doctrines en tout genre, l'Académie ne doit ni flatter l’amour-propre, ni se courber de- vant l'opinion du moment. Pour que son action soit forte et durable, il faut qu'elle s'appuie sur les règles du goût et de la vérité. L'auteur a intitulé son ouvrage Station poétique à Hautecombe. Ce titre n’a pas été, comme tant d’autres, choisi au hasard et pour produire de l'effet. Le poète 136 RAPPORT l’a trouvé dans son cœur, que la douleur a visité ; il est venu à Hautecombe , comme un oiseau las des orages , se reposer des fatigues d'une vie agitée. Le poème, divisé en deux parties, est composé en stances variées, d’un nombre indéterminé, et dont un chiffre romain indique la suspension et le repos. Grâces à ces haltes ménagées avec art , le lecteur peut , sans lassitude et sans ennui, parcourir une composition de longue haleine , où l'imagination se livrant à tous ses caprices, s’est plu , sans transition prononcée , à passer d’une idée à l’autre. A son début, le poète est sur les bords du lac du Bourget. Il adresse à un batelier des stances pleines d’une suave harmonie, et qu’on peut même lire après une Méditation de Lamartine. Les voici : Connais-tu, gondolier , cette côte adorée Où l’amandier fleurit sous la neige au printemps ; Où le saule, pareil à la vierge éplorée, Baigne aux flots bleus du lac ses long rameaux flottants ? Compagnon, la soirée est belle, L'oiseau chante dans les halliers ; Laisse dériver ta nacelle Le long de ces verts peupliers. Connais-tu cette rive où le lis des vallées Exhale au fond des bois ses parfums dans les airs ; Où la vierge des monts, dans les nuits étoilées, Au bras de son amant suit les sentiers déserts ? SUR LE PRIX DE POÉSIE. 137 La fauvette et la tourterelle Peuplent ces bords hospitaliers ; Laisse dériver ta nacelle Le long de ces verts peupliers. Connais-tu la montagne où le grand aigle habite, Où la cascade en pleurs tombe du rocher nu, Où l’on entend, la nuit, la voix du cénobite Monter dans les échos vers un monde inconnu ? L’airain tinte dans la tourelle Sur les tombeaux des chevaliers ; Laisse dériver ta nacelle Le long de ees verts peupliers. Connais-tu la chapelle où la foi de nos pères A sculpté dans le marbre un peuple de héros ; Où les rois humblement à genoux sur les pierres, Interrogeaient la mort aux murmures des flots ? Regarde : une lampe fidèle Veille toujours sous les piliers ; Laisse dériver ta nacelle Le long de ces verts peupliers. Connais-tu.... ? Mais la nuit monte avec les étoiles, Le lac semble pleurer le beau jour qui n’est plus, Le pécheur a plié ses filets et ses voiles, La cloche du couvent a sonné l’angelus. Laisse en paix ta rame fidèle, L'oiseau se tait dans les halliers, Et viens amarrer ta nacelle Au pied de ces verts peupliers. 135 RAPPORT Il faut le dire, comme poësie ce morceau peut braver la critique la plas minutieuse ; comme topo- graphie , il manque peut-être de quelques traits carac- téristiques d'Hautecombe. Sa baie gracieuse , son phare élégant, et surtout sa fontaine des merveilles, auraient mérité une de ces strophes qui tombent de la plume du poète comme des gouttes de rosée sur les fleurs. Descendu sur le rivage , l’auteur est auprès HAS LE CEUEE des murs de ce toit solitaire Posé conime un nid d’aigle au penchant du rocher, ’ et il se demande, au bruit des flots qui battent l'an- tique tourelle , ce que sont venus chercher les hôtes mystérieux qui peuplent cette profonde solitude : Ils sont venus au pied de la croix solitaire Déposer devant Dieu leur fardeau de misère. Ils se sont retirés des fêtes des humains ; Ils ont vu l'avenir dans un lointain sublime : Entr’eux et l’univers ils ont mis un abime, Et derrière leurs murs coupé tous les chemins. Ces vers sont de bonne facture et admirablement pensés. C’est bien là le cloître avec ses saintes tris- tesses et ses célestes espérances, avec son silence inspirateur et son infranchissable seuil. Les six vers qui suivent nous ont paru ne pas rendre avec autant de bonheur la pensée de l’auteur : SUR LE PRIX DE POÉSIE. 139 Par des sentiers perdus, par la route suivie, Ils sont venus des bords extrêmes de la vie ; Ceux-ci du désespoir, et ceux-là de l’amour, De la joie et des pleurs, du calme et du délire, Du trône et de l’autel, du glaive et de la lyre, Boire au même calice et vivre au même jour. On ne sait trop comment on peut venir de la joie, des pleurs et surtout du glaive et de la lyre. Le dernier vers est un peu recherché et ne présente pas une image nette et prononcée ; car , si l’on s'attache au sens des mots , il n'est rien d'étonnant que tous les moines se servent du même calice et profitent du même jour. Il ne fallait pas arriver de si loin pour faire une chose si simple et si facile à prévoir. Continuons. Que veulent-ils, Seigneur , ces hommes de mystère, Fiers pélerins qui n’ont pas assez de la terre ? Cherchent-ils le sentier qui mène jusqu’à toi ? Titans audacieux, pour ravir le ciel méme, Ils entassent les monts dans la lutte suprême, Le rocher de l’amour sur celui de la foi. Nous ne querellerons pas le poète sur l’hémistiche du second vers, Fiers pélerins qui n’ont pas assez de la terre; la pensée qu'il renferme est trop belle pour ne pas pardonner à la faute de versification. Mais nous crai- 110 RAPPORT gnons que le lecteur ne puisse, comme le Titan, remuer ces rochers que l’auteur jette un peu brusque- ment sur ses pas. Jusqu'à présent on avait donné des ailes à l'amour et à la foi. Il faudra quelque temps pour s’habituer à les entasser comme des montagnes pour atteindre le ciel. Après quelques strophes peut-être inutiles sur les motifs qui ont poussé dans le cloître les hommes qui l'habitent, l’auteur s'adresse à ceux que le plaisir seul occupe ici-bas , et faisant un retour sur lui-même , il expose ses souffrances, et se jette dans le sein de Dieu, comme un naufragé dans le port : Oh! vous pouvez passer près de cette demeure, Sans que votre œil se mouille et que votre àme pleure, Vous qui posez en bas la tente du bonheur , Qui n’êtes pas montés sur la cime première D'où l’on voit l'infini poindre dans la lumière, Passez, passez plus loin, 6 vous! —Mais moi Seigneur.…..? Passez sans trouble au sein, sans larme à la paupière, Vous qui n’avez jamais pleuré sur une pierre, Héritage funèbre où saigne votre cœur , Vous tous que l’avenir à ses fêtes convie, Vous qui ne savez pas ce que c’est que la vie, Passez, passez encore, Ô vous! — Mais moi, Seigneur, Mais moi qui t’ai cherché jusqu’au sein de l'orage , Moi qui t'ai vu passer derrière le nuage, SUR LE PRIX DE POÉSIE. 141 Moi qui t’ai conjuré par la crainte et l'amour , Par le cri de mon cœur, par toute’ la nature, Trompé par la science et sa haute imposture ; Car elle n’est qu’une ombre , et ton Verbe est le jour ! Moi dont le cœur rompu dans sa forte espérance Ne sait rien d’ici-bas, excepté la souffrance, Moi qui fus convié par la seule douleur, Dont les pieds ont saigné sur les chemins du globe, Dont la ronce sauvage a déchiré la robe, Pélerin sans foyer... — Mais moi, mais moi, Seigneur ! Ah ! comment passerai-je auprès de ta demeure Sans que mon cœur se trouble et que mon àme pleure ? N’es-tu pas mon désir, mon tourment et ma foi ? Tous ceux que j’ai perdus dans ma tristesse amère, Mes frères et mes sœurs et mon père et ma mère, O mon dernier espoir, ne sont-ils pas en toi ? Ah ! chantez! ah ! pleurez l’hymne des funérailles, Le plus sombre qui soit sorti de nos entrailles ; Je m’unis à vos chants, frères de ma douleur ! Dans la même prison nous secouons nos chaînes, Et l’on ne trouve pas dans les langues humaines Un mot qui sonde à fond notre puits de malheur. Il est difficile de ne pas être ému en lisant cette peinture que fait le poète des tortures qui ont déchiré sa vie. Je sais bien que de nos jours des écrivains se sont plu, pour outrager Dieu et insulter la société, à se poser de gaîté de cœur comme des victimes dé- 12 RAPPORT vouées à la fatalité et à l’infortune ; mais si leurs plaintes ne sont que le vain bruit d'un écho men- teur, ici, au contraire, la douleur a un ton de vérité qui saisit ; on sent que le malheur a passé par là, et le pélerin sans foyer à qui …. le monde a tout pris dans son rude voyage, est sûr d'obtenir une larme pour ses maux. Cependant nous engageons l'auteur à ne pas tou- jours compter sur nos pleurs. Une plainte éternelle nous lasse, et souvent nous avons {rop de nos pro- pres misères pour prendre une part bien active à celles d'autrui. Qui le croirait? le malheur a son orgueil ; nous ne pouvons permettre que quelqu'un soit plus infortuné que nous. L'entrée du poète dans le cloître est dramatique. Un moine l’interroge et lui demande ce qu'il veut; il répond : la paix ; car il vient de bien loin, de la mort ; et qu'apporte-t-il pour payer son hospitalité ? Le seul débris qui reste échappé du naufrage. Quel est-il ? l'amour. À ce mot, des voix se font entendre dans le monas- tère ; le voyageur mêle ses chants au chœur des cé- nobites, et pour voler vers ce Dieu dont tout célèbre SUR LE PRIX DE POÉSIE. 113 la bonté et la puissance , une voix lui conseille de prendre L’hirondelle de l'espérance Et le vautour du repentir. Tout ce passage du manuscrit renferme des beautés qui seront appréciées par les gens du métier; mais les lecteurs ordinaires qui veulent passer d’une idée à une autre sans fatigue et comme conduits par la main , laisseront peut-être le poète se perdre seul dans les hauteurs de la pensée, où il ne marche que par bonds, à la manière du daim de nos montagnes. Quant aux deux vers que nous avons cités, nous adop- tons l'image que le premier présente. L'hirondelle de l'espérance a quelque chose de hardi et de gracieux qui éveille l'imagination et l'emporte bien loin de la terre ; mais le vautour ne convient qu’au remords, et le remords ne ressemble en rien au repentir. Celui qui se repent est rentré en grâce auprès de son Dieu , et s'il se souvient de ses fautes, ce n’est que pour y puiser un nouvel élan vers le bien ; car, vous le savez aussi bien que nous, Dieu fit du repentir la vertu des mortels. Après un dialogue animé, où un cénobite et le voyageur planent dans le sein de la métaphysique la 144 RAPPORT - plus transcendante , où l’on trouve ces vers beaux de pensée et de style : Mais il est un fruit d’or, une onde salutaire Pour exalter la vie à l’immortalité : Ce fruit d’or, c’est l’amour; cette eau , la charité. le poète pénètre dans la chapelle où repose la cen- dre des morts, et là, saisi d’une soudaine terreur, et frappé de l’écueil où viennent se briser toutes les gloires humaines, il fait vibrer sa lyre de manière à la rompre, et en tire des accords dignes d'être répétés par l'écho des tombeaux. Ecoutez : Et franchissant le saint portique, D'un pas lent et silencieux, J'entrai dans la chapelle antique Où dort la cendre des aïeux. Aux murs déserts du sanctuaire, Des bords de l’urne funéraire Tombait une pâle lueur ! La mort veillait avec la lampe, Et seul , je sentis sur ma tempe Passer une froide sueur... Et voilà donc où vient la gloire! Et voilà donc où nous venons ! Au néant seul est la victoire , Et la mort a conquis nos noms! SUR LE PRIX DE POÉSIE. 145 Ainsi, passez , Ô tributaires ! Humbles vassaux, grands feudataires, Allez, passez , voici le port ; Moissonneurs aux vastes domaines, Glaneurs des misères humaines , | Portez vos gerbes à la mort. Passez , Ô races condamnées ! C’est là le suzerain jaloux Qui prend les fruits de vos journées, Et pour qui vous moissonnez tous ! Travaillez donc , ardents poètes ! Conquérants allez aux conquêtes, O rois: plantez vos pavillons, Voyagez au loin, hirondelles , Sautez, sautez , à sauterelles! Agitez-vous dans vos sillons ! Ici , le faucheur redoutable Prend l’épi vert et l’épi mür ; C’est le créancier intraitable, C’est le chasseur dont l’arc est sûr. C’est le prince de la victoire; Il règne sur le promontoire Où va sombrer l'humanité, Et son épée inassouvie Garde les portes de la vie Et le seuil de l'éternité. Nous n'hésitons pas à le proclamer : les meilleurs poètes pourraient envier ces pages, qui semblent 10 146 RAPPORT détachées du livre d'Ezéchiel. Deux vers seuls ont éveillé des doutes dans notre esprit; l’auteur nous pardonnera de les lui communiquer. Le vrai talent est de bonne composition et ne se fâche jamais contre la critique ; il a tant de quoi la faire taire. Voici ces vers : Sautez, sautez, Ô sauterelles ! Agitez-vous dans vos sillons. En faisant cet appel à l'insecte des champs, l'au- teur, on le voit , a voulu faire comprendre que devant la mort les grands de la terre ne sont que faiblesse et néant. La pensée est vraie , la comparaison est juste ; mais celte image des sauterelles ne va pas au milieu des cercueils ; elle vous jette brusquement hors de la sphère des sombres idées dans laquelle vous roulez: c’est, lorsque le tonnerre gronde, faire entendre le son d’un chalumeau. Nous voici arrivés à la seconde partie du poème, intitulée Les Tombeaux. Jusqu'ici l'abbaye d'Haute- combe a peut-être été trop effacée par la personne de l’auteur : mais les cercueils, ce sont les véritables richesses du cloître, et il est difficile de penser à soi devant les grands noms inscrits sur les pierres qui couvrent ces glorieux sépulcres. Avant de quitter les funèbres caveaux où il a eu de si étranges visions, le poète rappelle le cénobite et lui demande : | SUR LE PRIX DE POÉSIE. 14 + 0e ss... Dans ces marbres glacés Rois, guerriers, demi-dieux, quels hommes sont passés? Comment ils sont venus dormir au monastère, Quels grands noms les nommait chez les fils de la terre ; À quel fleuve ils ont bu le céleste pardon, Sur quel autel posé le glaive ou le bourdon ? Dis-moi ce qu’ils étaient, et, comme leur épée, Dans quel pur élément leur âme fut trempée, Et pourquoi les enfants de la patrie, en pleurs, Viennent prier ici les mains pleines de fleurs ? Toutes ces questions sont bien naturelles en face des tombeaux de nos princes, et vous pensez que le cicérone des morts va se hâter de satisfaire à votre pressante curiosité. Mais les poètes ont de bizarres caprices : leur catéchisme n'est pas composé de de- mandes et de réponses. Aussi, bien loin de faire de suite l’histoire des preux qui reposent dans l'enceinte sacrée , Le moine s’appuyant au marbre tumulaire, Releva lentement sa têle séculaire ; Je ne sais quel frisson erispa ses cheveux blancs, Et vers les cieux, ému, levant ses bras tremblants . — Mon Dieu, tu confondras la race de l’impie, Car son forfait n’a pas de larme qui l’expie ; Pour tromper la justice et pour bâtir sa tour, Dans tes jours éternels le tyran n’a qu'un jour. 148 RAPPORT Ce début est grand ; il ouvre devant vous une pers- pective immense. C’est une vaste arène où le conqué- rant va s'élever sur des monceaux de cadavres , et tomber ensuite chargé d'opprobres et de malédictions entre les mains d’un Dieu vengeur. Il faut lire en entier dans le poème ce morceau inspiré par une chaleureuse indignation , el qui sans doute, dans la pensée du poète , a été placé là comme l'ombre au tableau touchant qu'il allait faire du règne de nos rois. Ici cependant nous nous permettrons encore de donner un avertissement à l'auteur. Parmi les images qu'il a jetées à profusion pour flétrir les oppresseurs du monde , il en est quelques-unes qui, prises trop bas, sont repoussantes dans leur hideuse nudité. Nous n’aimons pas ce glaive aux flancs des nations, sSussesssssesone Les saignant au baquet des révolutions. Ne croit-on pas lire les affreux détails d'un assas- sinat trop fameux ? Nous répudions aussi ces vers : Re Lassé de vaincre et de proslituer, Il s'arrête (le tyran), il n’a plus un seul homme à tuer. Le mot tuer est trop eru ; cela sent presque l'abat- toir. SUR LE PRIX DE POÉSIE. 119 Que le poète y prenne donc garde... qu'il nous laisse à la fenêtre et ne nous place pas dans la rue, les pieds daus la boue et quelquefois dans le sang. Ce genre n'est malheureusement que trop employé de nos jours , et notre auteur est assez riche de son propre fonds pour ne pas y joindre un alliage impur. Ecoutons-le en effet dans la peinture qu'il trace des vertus et des hauts-faits de nos princes : le style est toujours à la hauteur de la pensée, et chaque vers trempé au feu des Muses, charme le cœur en plaisant à l'esprit. Gloire à ces rois-pasteurs, aimés de ta justice ! Que leur long souvenir dans les temps retentisse, Qu'un cantique d’amour le porte jusqu'aux cieux, Qu'on n’en parle jamais que des pleurs dans les yeux! Que le bien qu’ils ont fait bénisse leur mémoire! Ils ont semé l’amour, qu’ils recueillent la gloire ; Non pas ce cri du sang, triomphe sans honneur, Mais cette gloire où luit l'étoile du bonheur ! Voici les conquérants du pacifique empire, Les pilotes aimés d’un fortuné navire, Ceux dont l’habile main, sur le flot irrité, A conduit le vaisseau vers le port souhaité. Voici les ouvriers de la vigne prospère, Ceux que le peuple a pu nommer du nom de père, Qui marchèrent au but, sous un ciel souvent noir, Par le roide sentier du droit et du devoir : . . . . , . 150 RAPPORT Sur les champs fécondés par leur race bénie, Au cœur des nations où souffla leur génie, Leur histoire est écrite en signes éclatants, Bien mieux que sur ce marbre où passera le temps. Et la main du vieillard , lentement soulevée, Me montrait cette histoire au piédestal gravée, Et les héros debout sur le froid monument , Et je les contemplais avec recueillement. — Ne crois pas cependant, en ton ame trompée, Que leur flanc généreux répugnât à l'épée, Que le glaive d’acier à leurs maias fut trop lourd, . Et pour les grands travaux trop fragile ou trop court. Le vent de la victoire et sa noble poussière Aimaient à se jouer aux plis de leur bannière, L’aigle a détruit la race et le nid des vautours; La Croix blanche a flotté sur d’orgueilleuses tours ; Leur bras a triomphé dans de mâles épreuves ; Leurs coursiers hennissants ont bu dans tous les fleuves ; Le Rhône, l’Eridan, le Nil, l’Ebre et le Rhin, Ont passé tour à tour dans leur casque d’airain. Si je voulais, jeune homme , à ta vue étonnée Dérouler, dans ses fils, toute leur destinée ; Attacher leur histoire à tous ces monuments, De la cause à la fin, du nœud aux dénoùments ; Dire où l'aigle a posé son aile lumineuse, Comment il a conquis sa roche glorieuse ; SUR LE PRIX DE POÉSIE. 151 A quel port est venu le vaisseau radieux, Mis à flot dans l'orage , à la merci des cieux, Il me faudrait la voix d’une cloche sonore, Un luth d’or, et chanter de l’une à l’autre aurore! Un poète viendra sur ces tombes, un jour, Dire les chants de guerre et les doux lais d’amour. A ce peuple de morts il soufflera la vie ; Les siècles renaîtront dans son ame ravie; Les hommes, aux concerts du barde harmonieux, Croiront ressusciter au siècle des aïeux, Et le pécheur du lac, en repliant ses voiles, Redira chaque soir son poème aux étoiles, Et, comme un doux parfum de nos riants déserts, L’antique souvenir montera dans les airs. Aux tombeaux des aïeux inclinons nos genoux, Frère, et prions pour eux ! — Ils ont agi pour nous! Ici, Messieurs, finit le poème. Si, en le parcou- rant, nous avions hésité à juger son auteur, si la balance était restée indécise entre nos mains , le poids de ce remarquable fragment que je viens de lire, l'aurait fait monter jusqu’à la couronne à laquelle le poète a acquis d'incontestables droits. Sans doute, il existe des lacunes dans l'ouvrage; l’auteur nous le dit lui-même dans une note où il annonce qu'il complétera son œuvre. Qu'il se hâte donc, et en célé- 152 RAPPORT SUR LE PRIX DE POÉSIE. brant un des monuments qui honorent notre pays, il verra son nom, gravé sur le frontispice , passer à la postérité. Nota. L'auteur du Poème couronné est M. J.-P. VEyRAT. MATÉRIAUX HISTORIQUES DOCUMENTS INÉDITS EXTRAITS DES ARCHIVES DE LA VILLE DE CHAMBÉRY. Par M. le Marquis Costa de Beauregard. I” MÉMOIRE. Avant l'époque où les princes fondateurs de la monarchie de Savoie prirent un ascendant décidé sur les petites puissances environnantes, le pays qui depuis a formé leur domaine, était partagé entre un grand nombre de seigneurs, de comtes, de barons, tous, dans l’origine , simples officiers des empereurs ou des rois de Bourgogne , puis devenus héréditaires, quelques-uns même vassaux perpétuels et immédiats 154 MATÉRIAUX - de l’empire germanique. Fiers de leur force , jaloux à l'excès de leur indépendance, ces puissants feuda- taires visaient sans cesse à la consolider aux dépens de l'autorité souveraine , et sentirent l'importance de s'assurer des retraites qui pussent les protéger contre la vengeance du suzerain, ou les mettre à l'abri des entreprises belliqueuses de leurs ambitieux rivaux. Ce fat alors que, sur les rochers escarpés qui bordent nos vallées, on vit s'élever ces sombres forteresses dont les ruines parlent aujourd'hui si éloquemment à notre imagination. Souvent les anciennes chroniques nous représentent ces châtelains guerriers s’élançant de leurs donjons comme l'aigle de son aire , pour dépouil- ler le voyageur et semer autour d’eux l'épouvante et la ruine. Mais ces murs furent aussi les muets témoins de nobles actions ; l'honneur, l'hospitalité, la gloire , ont habité leur enceinte, et des faits d’un grand intérêt pour l’histoire s’y sont accomplis. S'il nous était donné de faire parler ces nobles débris que le temps et le van- dalisme des spéculations font chaque jour disparai- tre, quel charme nous offriraient leurs intéressantes révélations! Peu de tâches seraient plus belles, plus véritablement patriotiques que de rechercher dans les documents contemporains Les souvenirs historiques de ces antiques manoirs, et ceux des familles illustres qui les habitèrent; mais malheureusement fort peu de ces litres précieux nous ont été conservés ; beau- HISTORIQUES. 155 coup périrent dans les invasions qui suivirent la Réforme. Les Valaisans et les Bernois dévastèrent alors nos plus belles vallées, portèrent le fer et la flamme dans les monastères et les châteaux du Cha- blais, du Faucigny, des bailliages de Gaillard, de Gex et de Ternier, et anéantirent des documents dont la perte est irréparable pour l'histoire de ces provinces. Toutefois, un grand nombre avait échappé à la barba- rie de ces sauvages novateurs ; car, en 1650 , époque où Charles-Auguste de Sales écrivait son Pourpris his- lorique , il fut à même de compulser les archives des principales familles de Savoie, et plus de cinquante mille titres lui furent alors communiqués (1). Il était ré- servé aux philosophes, à ces protecteurs éclairés des sciences et des lettres , d’anéantir les sources les plus précieuses de l’histoire dans les stupides fureurs de la révolution qui fut leur ouvrage. Que l’on ne m'accuse point ici d’exagération : qui ne sait que, le 19 juin 1792, Condorcet, à la tribune de la Convention na- tionale , fit décréter d'urgence la destruction de tous les titres qui existaient dans les dépôts des départe- ments : « C'est aujourd'hui ( dit-il } que dans la capi- « tale la raison brüle, aux pieds de la statue de « Louis XIV, ces immenses volumes qui attestent la « vanité de la noblesse ; d’autres vestiges en subsistent (4) Pourpris historique, page 26. 156 MATÉRIAUX « « « « « encore dans les bibliothèques publiques, dans les chambres des comptes, dans les chapitres à preu- ves et dans les maisons des généalogistes ; il faut. envelopper ces dépôts dans une destruction com- mune (2); » et cette destruction s’étendit jusques aux trésors de la vaste collection commencée par Colbert et d’Aguesseau , et continuée par les ministres successeurs de ces grands hommes , Bertin, de Mau- repas, d'Ormesson, de Calonne. « Déjà la patience « « et le savoir immense des Bénédictins , assistés du concours des hommes instruits de tous les pays, avaient accumulé et classé un nombre prodigieux de chartes, de diplomes et d'actes de toute espèce, qui servirent de centre à ces grands travaux histo- riques, éternel honneur des lettres françaises. On y venait puiser à la fois pour le recueil des ordon- nances, celui des historiens de France, l'Art de vérifier les dates , la Gallia christiana et la nouvelle collection des conciles. Déjà l’on avait fait pres- sentir que l'ensemble de ces documents pourrait être un jour publié , et le roi en avait donné l’assu- rance au monde savant en 1782 (3). » Mais cette espérance ne devait pas se réaliser : la révolution (2) Châteaubriand, Introduction aux études historiques. (5) Champollion-Figeac, cité par M. de Châteaubriand, Etudes histor. : HISTORIQUES. 157 vint disperser et détruire ces précieux matériaux, et fit brüler sur la place des Piques , le 22 février 1793, 347 volumes et 39 caisses qui faisaient partie de celte inestimable collection (4). Les départements suivirent à l'envi l'exemple de la capitale , et, dans la plupart des villes du royaume, se multiplièrent ces stupides auto-da-fé. La Savoie avait été envahie dans l'automne de 1792, et, quinze jours après sa réunion à la France, elle avait ses clubs de jacobins , sa convention natio- nale allobrogique et ses chants patriotiques. Bientôt aussi elle eut ses Condorcets , et les archives des châ- teaux et des monastères, amoncelées sur les places publiques , furent dévorées par les flammes, aux ap- plaudissements frénétiques d'une populace insensée. C'est ainsi que les titres de l’ancienne maison d’Allin- ges, ses vieux diplomes, ses chartes , concédées par les rois de Bourgogne ou les premiers descendants d'Humbert-aux-Blanches-Mains , furent arrachés des archives de Coudrée et brülés sur la place du Marché de Thonon. Le nombre en était si grand , que quatre bœufs tiraient avec peine le char qui les portait. Ces scènes de vandalisme se répétèrent dans toutes les villes de nos provinces, et l’on peut juger de l'im- mense quantité de documents qui périrent à celte (#) Châteaubriand , Etudes historiques. 158 MATÉRIAUX époque fatale. Si l'on ajoute à ces désastres et à ceux des anciennes guerres une cause de destruction non moins puissante , la coupable incurie des hommes, on pourra s'étonner de rencontrer encore dans notre pays quelques matériaux historiques. Combien de personnes , en effet, dispersent ou anéantissent cha- que jour ces parchemins dont les caractères inconnus les rebutent, et font disparaître avec eux peut-être une illustration pour leur famille , ou les derniers sou- venirs d'une gloire nationale! Il serait temps que des hommes véritablement amis de leur pays se réunissent pour sauver de la destruction les débris qui nous res- tent, et songeassent à les rassembler en un dépôt commun. On pourrait faire encore une heureuse moisson en visitant avec soin les vieux manoirs de nos provinces , et les lieux où s'élevèrent jadis les abbayes célèbres de Talloires, de Tamié , de Filly, d’Aillon, de Contamine et d’Abondance, en s’entourant d’in- formations , et faisant un appel à la générosité des possesseurs ; tel souvent y répondrait avec plaisir, qui livre aujourd'hui sans scrupule à la poussière et aux rats de son grenier des documents dont il ne connaît pas l'importance. Je voudrais que l’Académie de Savoie se chargeât de ce soin, qu’elle nommât dans son sein une Commission historique , et lui adjoignît dans les provinces quelques correspondants zélés ; qu'elle fit disposer un local pour recevoir les pièces HISTORIQUES. 159 qui lui seraient adressées, et qu'après avoir fait un choix de celles qui présenteraient le plus d'intérêt, elle les publiât sousletitre national de Codex Sabaudiæ diplomaticus ; et si l’on nous accuse d’avoir l'esprit municipal et de chercher à nous isoler, nous répon- drons , que nos montagnes furent le berceau de nos princes et le théâtre de leur première gloire ; que c’est au milieu d'elles et s'appuyant sur l'épée de nos pères, qu'a grandi leur illustre race, et que nous croyons remplir un devoir de patriotisme et d'honneur en recueillant, comme un bien qui nous est propre , tout ce qui peut se rattacher à ces nobles souvenirs. Nous devons, à bon droit, nous vanter d’être un des peuples les plus heureux et les mieux gouvernés de l'Europe; mais la grande plaie sociale de notre époque s’est étendue jusqu'à nous; ce fatal système d'unité qui sans cesse affaiblit la circonférence sans ennoblir le centre, comme le dit un brillant éeri- vain (5), la centralisation, dis-je , éteint en nous la force et la vie; elle décourage les hommes de cœur qui veulent le bien de leur pays et en connaissent les besoins ; elle affaiblit l'amour de la patrie, en alté- rant sa physionomie et ses institutions locales; elle éteint le goût des arts, des sciences et des lettres, en (5) Lorrain, Histoire de l’abbaye de Cluny. Introduc., page 4. 160 MATÉRIAUX concentrant les ressources qui peuvent le développer, loin de la portée de presque tous ceux qui voudraient en profiter. A l'époque si glorieuse pour la monarchie, mais si triste pour la Savoie, où Turin, embelli et forti- fié par le vainqueur de Saint-Quentin, devint la | capitale de ses états et sa résidence habituelle, comme il fut depuis celle de ses successeurs, nos anciennes villes, et Chambéry surtout, perdirent leur lustre et leur importance ; aussi, lorsque le fatal traité du 16 janvier 1601 nous enleva la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex, la noblesse et les riches propriétaires de ces provinces , que le souverain ne visitait plus qu’à de longs intervalles, abandonnèrent sans regret la capitale déchue. Sa population dès lors diminua d'une manière effrayante ; elle ne comptait plus que 460 noms inscrits sur les rôles de sa bour- geoisie en l’année 1610 , tandis que ces mêmes rôles comprenaient 1634 chefs de famille cinquante ans auparavant, lorsque Rëné de Challant vint prendre possession de la Savoie pour le duc Emmanuel-Phili- bert, après le traité de Cateau-Cambrésis (6). Charles- Emmanuel I**, pour y ramener des habitants, affran- thit les bourgeois de Chambéry de toutes impositions pour les biens qu'ils possédaient en Savoie; mais les (6) V. Grillet, Dictionn. historique, t. I, p. 49. HISTORIQUES. 161 guerres de 1630 vinrent annuler ce privilége , avee les résultats que ce prince en attendait. En même temps, une peste cruelle ravagea nos provinces, et fit à Chambéry dé nombreuses victimes. Cette ville n'avait point encore perdu le souvenir de tous ses malheurs, lorsque l’édit du 17 janvier 1720 supprima la Chambre des Comptes de Savoie, et lui enleva cette Cour célèbre qui, depuis tant de siècles , était pour elle une source d'illustrations et d'avantages. Avec la Chambre fut transporté à Turin ce qui restait encore de ses pré- cieuses archives (7). Là se trouvaient les immenses (7) Une grande partie des titres de la Chambre des Comptes avait déjà été transportée au-delà des Alpes avant l’Edit de 1720. En 1556, lorsque Francois I”, ce prince que l’on s’est plu à représenter comme le type de l’hon- neur et des vertus chevaleresques , déclara la guerre au duc Charles HI avec autant d'injustice que de déloyauté, on chercha à soustraire au nouveau parlement établi à Chambéry, les titres les plus précieux de la Chambre des Comptes. Quelques-uns furent enlevés par les auditeurs et expédiés à Turin ; d’autres cachés sous le mausolée de la duchesse de Nemours, dans la chapelle du château , d’où le sieur Maistre Carraz les retira solennellement le 16 août 1559. (Capré, Traité hist. de la Ch. des Comptes, p. 84.) Le 21 août 1600, Henri IV s’empara de Chambéry, et Louis XIII à son tour reçut la soumission de cette ville le 16 mai 1650. Dans ces deux circonstances, les syndies {1 162 MATÉRIAUX registres des trésoriers généraux, et ces milliers de rouleaux qui comprenaient les comptes des péagiers et des châtelains de Savoie. Les doctes recherches de MM. Datta et Cibrario nous ont indiqué les richesses que renferment ces documents de notre histoire na- tionale. Honneur à ces savants , qui ont ouvert avec un si brillant succès cette mine ignorée et féconde (8)! Il était naturel de supposer par analogie que les comptes des anciens administrateurs et trésoriers de obtinrent une honorable capitulation, où se trouve repro- duit l’article suivant. £ « Les tittres pappiers et documentz concernant le do- « meyne et patrimoyne des estats deca les monts seront « mis par bon inventayre pour estre retenuz gardez et « conservez ez archiv. de la dicte chambre ou aultres « lieux de la dicte ville en toutte surreté et le surplus « pourra estre librement transporté della les monts dis- « traction faicte d’iceulx tittres et seront expédiez les « passeports requis et nécessayres pour cest effect. » ( Archives de la ville de Chambéry.) Ce qui fat exécuté pour un grand nombre de documents importants. Les archives de la Chambre des Comptes perdirent éga- lement, en 1601, tous les titres qui concernaient les pro- vinces échangées contre le marquisat de Saluces. On en fit remise à la France après la signature du traité de Lyon. (8) V. Cibrario, Delle finanze della monarchia di Sa- voia ; Economia politica del medio evo. — Datta, Storia dei principi d’Acaia; Spedizione in Oriente di Amedeo sesto. HISTORIQUES. 163 la commune de Chambéry pouvaient renfermer aussi quelques indications précieuses. MM. les Syndies ont bien voulu me donner toutes les facilités possibles pour les consulter, et mon attente n’a point été trom- pée : il s'y trouve des détails curieux dont la publica- tion pourrait offrir une collection intéressante de matériaux historiques. J'ai cherché à en réunir quel- ques-uns dans ce Mémoire , qu'a précédé déjà un trop long préambule. Pendant les premiers règnes de la monarchie de Savoie, nos souverains avaient la noble et touchante coutume de présider eux-mêmes à l’administration de la justice. On sait le chêne de Vincennes à l'ombre duquel saint Louis venait s'asseoir pour écouter les réclamations et les plaintes de ses sujets; souvent, comme le bon roi, nos princes, entourés de leurs conseillers, avaient tenu leurs assises en plein air, et rendu maints jugements paternels sur les rochers pittoresques de Charbonnières ou de Chillon. Mais bientôt l’agrandissement de leurs domaines et les guerres continuelles qu'ils eurent à soutenir, les obli- gèrent à des changements de résidence si fréquents, qu'il devint difficile et fort onéreux pour leurs sujets de recourir au conseil ambulatoire qui résidait auprès de leurs personnes (9). (9) Le seul compte d’Aymon de Challant, seigneur de 16% MATÉRIAUX Les comtes de Savoie conçurent alors la pensée d'établir dans la capitale de leurs états un tribunal inamovible, et l'on a long-temps attribué au comte Aymon la création du conseil résidant à Chambéry. Capré dit même que ce prince en régla les ordon- nances le 29 novembre 1329 (10) ; mais les savantes recherches de M. le chevalier Cibrario ont prouvé que cette institution existait déja en 1327, et date au moins du règne d'Edouard-le-Libéral (11). C’est peu Fénix et d’Amaville, châtelain de Chambéry en 1556, fournit les indications suivantes. Le Comte-Vert et son conseil se trouvaient à Evian le 21 février 1556, — à Pont-d’Ain le 48 mars, — à Mont- luel le 21 mars, — à Pont-d’Ain le 8 mai, — à Genève le 22 août, — à Rivoli le 17 novembre. Ce prince était à la fin d’avril au château de St-Martin en Bresse, où les syndics de Chambéry lui envoyèrent une députation , et le 20 juin dela même année, il accompagna Bonne de Bourbon, sa jeune épouse, à la première entrée que cette princesse fit dans sa capitale. ( Compte de Jean Bonivard et Guillaume Ronda, syndics en 1556. ) Les prédécesseurs du Comte-Vert, Amédée V, Edouard, Aymon , sans cesse en guerre avec les Dauphins, furent obligés à des changements de résidence plus fréquents encore. (10) Capré, Traité histor. de la Ch. des Comptes, p. 8. (41) Cibrario , Delle finanze della monarchia di Savoia ( opuscoli ). HISTORIQUES. 165 de temps auparavant que les rois de France avaient rendu sédentaires à Paris les cours souveraines du Parlement et de la Chambre des Comptes. Louis X, en 1315, établit dans le palais royal le siége de ces tribunaux , et Pilippe-le-Long , son successeur, régla leurs attributions , celles des Cours d'enquêtes et de requêtes, et celles des Poursuivans-le-roi. Dans l’an- née 1319 , ces Poursuivans-le-rot n'étaient autre chose que le conseil résidant près de la personne du souverain (12). Les légistes , qui, sous le règne de Philippe V, eurent une immense influence , écartèrent de ce conseil les évêques et les abbés, qui, depuis l'institution des placites généraux, yÿ occupaient le premier rang, et leur substituèrent des cleres et des hommes de loi. Nos princes, en établissant dans leur capitale un tribunal résidant, voulurent suivre peut- être le sage exemple que leur donnaient les rois de France ; mais ils ne les imitèrent point dans leur der- nière innovation : les évêques de Tarentaise , de Mau- rienne , d'Aoste et d'Ivrée, les abbés de Saint-Mau- rice, et parfois les prieurs de quelques autres grandes abbayes , continuèrent à faire partie de leur conseil et à y tenir la première place. Après eux, venaient les seigneurs , qui siégeaient dans l'assemblée en costume militaire ; puis enfin les jurisconsultes. Quelques-uns (12) Martin, Histoire de France, t. VI, p- 126. 166 MATÉRIAUX parmi ces derniers furent de tout temps chargés de faire respecter les intérêts du domaine, de veiller à la perception régulière des tributs qui composaient les revenus de la couronne , et de recevoir les comptes des trésoriers généraux, des châtelains et des mé- traux. Telle fut l'origine de la Chambre des Comptes; aussi ancienne que le conseil résidant près de la per- sonne de nos princes, elle eut, avant cette cour su- prême , un siège permanent dans la capitale de la Savoie. Les comptes des syndics Antoine Ambrois et Guigue Dupont confirment cette assertion par une indication curieuse, et je crois pouvoir avancer, sur leur autorité, que c’est à l’année 1295 et aux sages dispositions d'Amé-le-Grand, que l’on peut rappor- ter l'établissement de la Cour des Comptes et de ses archives dans le château de Chambéry. C'était le 15 mai de l'année 1405. Antoine Am- brois et Guigue Dupont , son collègue , tous deux bourgeois et syndics de Chambéry, après avoir so- lennellement juré sur les saints Evangiles de bien et fidèlement rendre compte de leur administration, exposaient au conseil assemblé, le tableau des recettes et dépenses qu'ils avaient faites pour la commune pen- dant les deux années qu'avait duré leur gestion syn- dicale (du 2 octobre 1396 au 2 octobre 1398 ). Les prud'hommes, qui s'étaient réunis dans le couvent des Frères-Mineurs, au son de la grosse cloche de HISTORIQUES. 167 Saint-Léger, étaient François Marchand , licencié en droit , Antoine Belletruche, Antoine Longuelin , Jac- ques des Charmettes, Georges des Clets, Guigonnet Maréchal, Antoine Pegni, Etienne Rosset, Pierre Rapier, Pierre Arnaud et Etienne Boirel, tous bour- geois etconseillers de la ville de Chambéry. Au nombre des dépenses dontles syndics demandèérent l'allocation, figurent les frais de voyage de Guillemet de Challes et de Guillemet Chabod , damoiseaux {domicelli), dépu- tés par la commune auprès du comte Amédée VIIT, dans une occasion importante. Il s'agissait de déjouer les manœuvres malveillantes d'Antoine Barbier et de Pierre Magnin, maîtres et auditeurs des comptes, qui insistaient auprès du prince pour faire transporter à Bourg le siége et les archives de la Chambre. Les dé- putés partirent le 7 janvier 1397 pour la capitale de la Bresse, où résidait alors le comte de Savoie ; ils portaient au prince l’humble supplique de la ville de Chambéry, qui lui représentait tout l'inconvénient et l’énormité du déplacement projeté (13). Mais, avant de (15) Requête de la ville au comte de Savoie. Vobis illustri principi domino nostro singulari et pre- cipuo domino Amedeo comiti sabaudie exponitur humi- liter pro parte fidelium subditorum vestrorum burgensium et incolarum ville vestre Chamberiaci. nupper ad eorum noliciam pervenisse. quod de mandato aliquorum ex 168 MATÉRIAUX tenter cette démarche , les syndics avaient adressé les plus vives réclamations au conseil résidant à Cham- béry, et en avaient obtenu des lettres d’attestation, vestris consiliariis magistris computcrum vestrorum ore facto ut dicitur. dicti magistri scelicet Anthonius bar- berij et petrus magnini. computos reddituum patrimonij rerum et jurium vestrorum vestri dicti tocius comitatus de castro villa et pertinentiis chambr exträhere et ad loca remota ab eis scelicet ad partes breyssie transferre et ex- portare proponunt. Cumque dicti computi in castro et villa predictis tenuti fuerint immutabiliter permanserint et ex disposicionibus tam sollempnium sapiencium prin- cipum dominorum Comitum sabaudie predecessorum ves- trorum sedes ordinaria ipsos computos audiendi tenendi et recipiendi huc usque ordinata tenuta fuerit et servata ibidem tanti temporis spacio. quod de contrario memoria hominis non existit sie quod et fuit absque eo. quod in mutacione exportacione et translacione faciendis predic- tis. sit aliqua utilitas evidens. quinymo pericula maxima et enormia apparerent. Cum per dictos computos et racio- nes de quibus in eis plurime fuerint menciones. de juribus vestris et magnatum plurium subditorum eciam aliorum plurium principum vicinorum vestrorum mencio fiat et tractetur. item et ex statuto dudum per illustrem domi- num genitorem vestrum. et illustrem dominam bonam de borbonio ejus genitricem facto. ordinatum fuit dictos computos de castro predicto extrahi non debere. quod si interveniat debet vestri evidens utilitas sine fraude HISTORIQUES. 169 Aicteras testimoniales , qui devaient constater leur oppo- sition et mettre à l'abri leur responsabilité person- nelle (1#). quibusvis veraciter apparere. sint que alie juste ardue et legitime raciones loco et tempore congruis et debitis declarande quare ad remocionem et exportacionem dic- torum computorum predictas procedi non debeatur quo- vismodo quatenus excelse dominacioni vestre predicte placeat. dictum vestrum et consiliariorum vestrorum as- sertum mandatis si factum fuerit quod non creditur con- trario imperio revocare. magistris vestrorum computorum predictis et ceteris vestris omnibus subditis inhibendo ne ad remocionem et exportacionem predictas quomodolibet procedant ipsas que minime faciant vel actemptent. quidem vestra dominacio sic faciens animos fidelium vestrorum supplicancium predictorum conquieseet qui aliter pre- missis aclentis et de jurium vestrorum ennunciacione dubitantes turbati non modicum remanebunt. (14) Requêéle des syndics au vénérable conseil résidant à Chambéry. Vobis venerabili consilio illustris principis dni nostri Sabaudie Comitis residenti exponunt. Anth. ambrosij et guigo de ponte sindici et syndicario nomine ville et uni- versitatis chambr. de mandato consiliariorum dicte com- munilatis quod nupper ad eorum noticiam pervenerit. quod Anth. barberij et petrus magninj voluerunt et pro- Posuerunt computos seu libros et raciones computorum dicli dni nostri comilis in suis archivis publicis solitis et 170 MATÉRIAUX Les membres du conseil qui se trouvaient alors à Chambéry étaient : Guillaume Marchand, Jean de Sauvage, Guillaume Beczon, Lambert Oddinet, avo- cat fiscal, et François Calod, qui, dans cette circon- stance , remplaçait Antoine Barbier, l'adversaire des syndics. L'’auguste tribunal ne voulut donner sa dé- claration qu'après avoir entendu toutes les raisons que les maîtres des comptes et les chefs de la commune avaient à faire valoir, et cita les parties à comparai- tre devant lui le 3 janvier 1397. Les débats furent orageux , et Guigue Dupont et son collègue y brillè- ad hoc specialiter et sollempniter per predecessores dieti dni nostri comitis ordinatis et in castro chambr. repositis. extra dictum locum et archivos quinymo extra provinciam Sabaudie transportare. Quam obrem novam et insolitam. dicti syndici ac quamplurimi nobiles burgenses dicte ville chambr. non immerito admirati ad dictos anth. et petrum de mandato dictorum consiliariorum personaliter accesse- runt et ab eis siscitarunt. an super hoc haberent licteras de mandato a dicto dno nostro comite vel ejus consilio eos que rogaverunt ut eas exhiberent. ut cessaret materia de re tam miranda et insolita contra eos murmurandi. qui se nullas super hæc licteras habere dicere voluerunt. nec aliquas ostendere voluerunt. Ea propter cum talis transportacio sit contra morem solitum et contra consuetudinem et stil- lum per majores et predecessores dicti dni comitis ab anliquo sic quod de contrario memoria non existit invio- HISTORIQUES. 17î rent par la bonté de leur droit plutôt que par l'éclat de leur éloquence, si l’on en juge par l'expression plaisante qu'emploie le vénérable conseil dans son attestation. Constitutis hodie coram nobis dicto consilio anthonio ambrosii alias bernardet et quigone de ponte, syndicis chambr., etc., ex unû parte, elc., et anthonio bar- berii et petro magnini de chamberiaco, magistris et auditoribus computorum , ete., ex alterà. Dicti quidem anthonius et quigo syndici et syndicario nomine plura coram nobis berbothentes proposuerunt, ad que ipsi labiliter observata. Et ex multis causis capitibus et modis possit esse prejudicialis et dampnosa dicto dno nostro comiti. et ejus honoribus ac eciam sue ville chambr. quam plurimum detractura. super hoc ad vos tanquam supe- riores presides recurrunt. et predicta vobis nunciant et cum instancia magna supplicant et requirunt quatenus providere velitis ne dicta transportacio fiat sic orrupte et sine speciali mandato dicti Dni nostri et sollempni maturo que et digesto consilio emanato. nec enim hec est res supra quam cuique credi debeat oraculo vive vocis. Sed exigit sollempnem fidem juxta rei magnitudinem et quan- titatem. de quibus omnibus petunt vobis licteras testimo- niales aut publica documenta ad omnem effectum et cau- telam quod sortiri poterunt et debebunt. — Comptes rendus par Ant. Ambroise et Guigue Dupont, syndics. (Arch. de la ville de Chambéry.) 172 MATÉRIAUX magistré el auditores computorum plura responderunt petentes et requirentes hinc et inde. — Berbothentes avait déjà la signification que lui conserve encore le langage familier, quand il veut exprimer une manière de parler diffuse et inintelligible. Les députés employè- rent dix jours à faire le voyage de Bresse, et leur mission eut le plus heureux résultat : ils rap- portèrent l'ordre du prince aux maîtres et auditeurs de la Chambre de n’envoyer à Bourg que le dernier compte arrêté dans chacun de ses dicastères , quod de quolibet computo apportaretur ultimus computus. Les syndics de Chambéry n’eurent point, en 1720, l’énergique fermeté d'Antoine Ambrois et de Guigue Dupont, de sage et honorable mémoire. Sans doute, ils n’osèrent pas contrarier par leurs observations la volonté absolue du roi Victor-Amédée If, qui venait de supprimer la Chambre des Comptes de Savoie par un édit laconique , promulgué en ces termes le 27 jan- vier : Volendo noi che una sola sia la nostra Camera dei Conti, la quale eserciti le incumbenze di sua qruris- dizione in tuttr à nostri stati : abbiamo suppressa la Camera dei Conti di Savoia (15). Les syndics devaient représenter au roi combien une pareille mesure était contraire aux intérêts de leur ville ; ils pouvaient remettre sous ses yeux les (15) Galli, Cariche del Piemonte, 1. 1, p. 322. HISTORIQUES. 173 sages ordonnances d'Emmanuel-Philibert, qui enten- dit rétablir à perpétuité dans la éapitale de la Savoie une Chambre des Comptes , dont il confirma et éten- dit les attributions. Mais les registres des délibérations et arrêtés de la commune ne renferment l'indication d'aucune démarche tentée pour s'opposer à cette sup- pression funeste. Du reste, il faut convenir que MM. Vibert, Munery, Thiollier et Pacoret, qui rem- plissaient alors les fonctions syndicales, avaient peu de chances d'obtenir une modification aux volontés royales si positivement exprimées. Le prince est qualifié d’excelsa dominatio, et son conseil, de vénérable, dans les requêtes de la com- mune, où l’on doit remarquer les passages suivants : Ezxponunt, Quod anthonius barberit et petrus magnini propo- suerunt et volunt computos seu libros et raciones compu- torum dicli dni nostri comatis in suis archivis solitis ad hoc specrialiter et sollempniter per predecessores dicti di comitis ordinalis , et in castro chamb. repositis extra dictum locum et archivos quinymo extra Sabaudie pro- vinciam lrasportare. Cumque dicli computi in castro et villa predictis tenuti sint, ammutabiliter permanserint, et ex disposi- cionibus tam sollempnium sapiencium principum prede- cessorum veslrorum sedes ordinaria ipsos computos audiendi tenendi et recipiendi huc usque ordinata 174 MATÉRIAUX tenuta sint el servala ibidem tanti temporis spacio quod de contrario memoria hominis non existit. Ces observations des syndics prouvent que Cham- béry était le lieu ordinaire où les maîtres et auditeurs de la Chambre procédaient à la réception des comp- tes, qu'ils déposaient ensuite dans les archives du château , et que ces archives avaient été solennellement disposées pour cet usage par les prédécesseurs d'Amé- dée VIE. Or, le dépôt de ces titres importants ne put être fait dans ce local avant qu'il fût devenu la propriété du prince, et chacun sait que le château de Cham- béry, après avoir appartenu long-temps aux vicomtes de ce nom, fut cédé par Berlion, l'un d’entre eux, à Ottomar Allamand, et parvint ensuite à François de la Rochette et à Béatrix , sa femme , qui le vendi- rent au comte Amédée V le G février 1295. Obser- vons qu'il s’écoula cent deux ans depuis cette époque jusqu’à l’année 1397, où les syndics présentaient leur requête au jeune comte Amédée VIIT; et, pour qu'ils aient pu dire que les archives existaient dans le château ab antiquo sic quod de contrario memoria homa- nis non eæistit, il faut admettre qu’elles ne subirent aucun déplacement pendant cet intervalle. Ce n’est pas accorder trop de latitude aux souvenirs et à la tradition orale , que d’en limiter la durée à l’étendue d'un siècle. Cette période de cent deux ans comprend les règnes HISTORIQUES. 175 d'Amédée VIE, d'Amédée VI, d'Aymon, du comte Edouard, et nous conduit jusqu'à la dixième année de celui d'Amédée V. Nous ne pouvons remonter au- delà , puisque la date de l'acquisition du château doit être notre limite. C’est donc avec vraisemblance que l'on peut avancer qu'Amédée V le premier établit les archives et le siége ordinaire de la Chambre des Comptes dans le château de Chambéry vers l’an- née 1295. Je dois à l'obligeance de mon savant collègue , M. Ménabréa , une note intéressante qui vient con- firmer cette assertion ; elle contient l’intitulation et la date d’une série de comptes rendus par les péagiers et châtelains de Seyssel et de Chanaz depuis l’an- née 1286 jusqu'en 1397. J'y remarque, que le compte de J'uvin , châtelain de Seyssel en 1286, que ceux d'Hugue de la Rochette, qui remplissait les mêmes fonctions en 1287, 1288 et 1289, ne contien- nent point l'indication du lieu où ils furent recus, mais qu'à partir de celui de Guillaume de Sallenove, receveur du chemin neuf de Seyssel en 1295, on trouve en tête des rouleaux, à une seule exception près, receplus apud Camberiacum ; or, c'est précisé- ment à l'année 1295 que j'ai rapporté l'établissement de la Chambre des Comptes dans le château de Cham- béry, et ce rapprochement me paraît assez remar- quable. Je ne prétends pas cependant lui donner une 176 MATÉRIAUX valeur décisive ; car les conseillers du prince qui rem- plissaient les fonctions de maîtres et auditeurs, pou- vaient avoir reçu des comptes à Chambéry long-temps avant que le château de cette ville eût été désigné par Amédée V pour le siége fixe de leurs séances. Il serait nécessaire de consulter une suite nombreuse de comptes rendus par les trésoriers et châtelains de Savoie antérieurement à l’année 1295, pour établir à cet égard une opinion motivée. Je n'ai point eu la pensée de traiter dans ce Mémoire un sujet déterminé, mais celle de réanir quelques-uns des documents les plus intéressants que présentent les comptes de nos anciens syndics. Malheureusement, il y existe de nombreuses lacunes, et l’on doit déplorer le laconisme habituel de leur rédaction. Souvent ils four- nissent de précieuses indications ; mais au moment où le lecteur intéressé croit arriver à des détails impatiem- ment attendus , il rencontre la formule banale : et allocaverunt de mandalo quo supra, etc., qui termine chacun des articles , et le replonge dans sa première incertitude. Ce fut pendant qu'Antoine Ambrois et Guigue Dupont exerçaient à Chambéry les fonctions syndica- les, qu’eut lieu, dans la capitale de la Bresse, le fameux duel en champ clos d'Othon, seigneur de Grandson, et de Gérard d’'Estavayer. La cause et les circonstances de ce combat ont été souvent retracées 1 HISTORIQUES. 177 par des plames habiles (16) ; je n’essaierai de les rap- peler ici que pour y rattacher quelques détails ignorés que nous ont conservés les comptes des syndics. Le 1° novembre 1391, mourait à Ripailles , dans la trente-unième année de son âge, Amédée VIF, dit le Comte-Rouge (17). Ce prince, dont la sagesse , la force et la valeur, annonçaient à son peuple un long règne de bonheur et de gloire , succombait à des dou- leurs sans nom, victime de la funeste ignorance de son médecin, Jean de Grandville (18). Des soupçons (16) V. Guichenon, Hist. généalogiq. de la maison de Sasoie, t. I, p.447. — Olivier de la Marche, Collect. des Mém. relatifs à l'Hist. de France, vol. X , L'° série. — Machanée, Monumenta historiæ patriæ, t. 1 script., p. 745. — Muller, Hist. de la Confédérat. suisse, t. IV, p. 9 et 10. V. aussi le Sanglier de la forêt de Lompnes, charmant opuscule publié par M. Jacques Replat, et les Recherches de M. le chev. Cibrario, qui ont servi de base au récit de M. Georges Arandas. (Chroniques du départ. de l'Ain, p. 1 et suivantes. ) (417) Cibrario, Econom. pol. del medio evo, p. 267. (18) M. le chev. Cibrario a trouvé dans les comptes du trésorier Ducis, la description du cortége funèbre qui accompagna le corps d’Amédée VII de Ripailles à Haute- combe. Il décrit à la page 267 de son Econom. polit., la marche du convoi, que conduisait le patriarche de Jéru- salem , puis la cérémonie des funérailles célébrées dans 12 178 MATÉRIAUX d'empoisonnement s'élevèrent de toutes parts contre le mauvais physicien. On avait vu des taches livides se former sur le corps du malheureux prince au moment où il expirait , et lui-même, en mourant , avait signalé Grandville comme son assassin, et commandé son arrestation. Aussi fut-ce avec étonnement que l’on vit le seigneur de Grandson arracher l'accusé des mains des fidèles serviteurs du comte de Savoie , le couvrir ouvertement de sa protection et lui donner un asyle. l'église d'Hautecombe le 2 avril 1592. Le compte de Guil- lemet Chabod et Jean Richerand , syndics de Chambéry à celte époque, peut ajouter à ces détails ceux du service solennel qu’ordonna la ville dans les premiers jours de mars de la même année, pour le repos de l’âme de l’illustre défunt. Les syndics dépéchèrent leurs messagers Robert- zon et François Taillefer aux abbés d'Hautecombe et de Tamié, pour les inviter à venir assister à la sépulture de monsseigneur. Is convoquèrent en même temps les prieurs d’Aiïguebelle , de Bissy, de Clarafons et de... 19% cha- pelains y assistèrent, y compris, dit le texte, 55 sires ménoirets et 17 ménotrettes. Sire Dieu le Fils Bonivard fit l'office dans l’église des Frères mineurs (aujourd’hui St- François), et le discours funèbre fut prononcé par frère Trolliet, qui recut 12 deniers gros pour avoir prégié à la dicte sépulture. Le loyet du cendal et la fuczon des dix escuciaulx coûtèrent 9 s. VI d. Enfin le poids des cierges qui brülèrent dans cette cérémonie fut de 3 quirtaux et 97 liv., et la dépense totale s’éleva à 8 L. 41 s. V d. gros. HISTORIQUES. 179 Bientôt une enquête fut ordonnée par Bonne de Bourbon, pour découvrir les instigateurs du crime auquel on attribuait la mort de son fils. Amédée 3 prince d’Achaïe , et le seigneur de Cossonay, qui diri- geaient les recherches, firent arrêter d'abord et appli- quer à la torture Pierre de Lompnes, apothicaire , de- puis long-temps attaché à la maison des comtes de Sa- voie. Ce malheureux, accusé d’avoir fait prendre à son maître des médicaments empoisonnés , confessa dans des tourments atroces , le crime dont il était innocent, et ses juges le condamnèrent au supplice des parrici- des. L’exécution eut lieu au mois de juillet 1392, sur la butte de Leschaux apud calces, où s’élevaient alors les fourches patibulaires de la ville de Chambéry (19). (49) Dans le courant de janvier 1587, Rodolphe de Chissé , archevêque de Tarentaise , fut assassiné dans le château de Saint-Jacques avec tous ses domestiques. Les meurtriers parvinrent à se soustraire à l’action de la jus- tice , à l'exception d’un seul , sur qui s’appesantit toute sa rigueur. Ce misérable se nommait Pierre dit Ralion, de la paroisse de Comblou , et l’on frémit aux détails de l’horrible supplice auquel le condamna Pierre Godard, grand-juge de Savoie. Ils se trouveront dans une Notice généalogique sur la maison de Chissé , dont je m'occupe en ce moment. Le document qui les rapporte est le compte de Boniface de Challant, châtelain de Chambéry en 1587 et 1588 ; il dit en parlant des dépenses relatives à celte 180 MATÉRIAUX Son corps brisé par la torture, fut ensuite coupé en trois quartiers , que le bourreau sala soigneusement, et qui furent aussitôt expédiés aux villes de Moudon, d'Aveillane et d’Ivrée ; la tête du trayteur fut réservée pour la ville de Bourg, et le messager Tarentaise reçut, pour l'y porter, onze florins de petit poids {20). Cependant cette hideuse exécution n'avait point atteint le coupable. Grandville, arrêté en Bourgogne et mis à la question en présence des ducs de Berry, d'Orléans et de Philippe-le-Hardi, avait fait des révélations étranges. Il avait dit que Bonne de Bour- bon, mère de l'infortuné prince, n'était pas étrangère au crime , et le public avait accueilli avec empresse- ment celte accusation monstrueuse. On pouvait re- marquer à la vérité que l'enquête ordonnée par la régente marchait avec lenteur et n’amenait aucun résultat. Bientôt il fut dit ouvertement que l'ambition de cette princesse, et son désir immodéré de conduire les affaires de l’état pendant la longue minorité de son exécution, pro uno chaffallo fiendo apud calces prope fur- chas. La butte de Leschaux ( calces) est distante d’un mille environ de Chambéry, sur l’ancienne route de Mont- mélian. (20) Compte de la trésorerie générale de Savoie, de 1592 à 1394, cité par M. Cibrario, et d'apres lui par M. Georges Arandas. HISTORIQUES. 181 petit-fils, lui avaient fait concevoir et exécuter le plus horrible des forfaits (21); et les soupçons devinrent si graves, que le roi de France écrivit lui-même à Bonne de Bourbon pour l’engager à faire tomber ces bruits injurieux, par la prompte recherche des coupa- bles et l’éclatante justice qu'elle devait en tirer. Les lettres de Charles VI sont empreintes d'une singulière (21) Il n’est pas besoin de faire ressortir ce qu'avait d’odieux et d’absurde une semblable calomnie : tous les actes de Bonne de Bourbon respirent la grandeur d’âme et la générosité ( Sismondi, Biogr. univers.) ; les docu- ments contemporains nous ont conservé des preuves tou- chantes de la bonté de son cœur ( Comptes des châtelains de Chambéry, règnes d’ Amédée VI et d' Amédée VIT ), et les dernières dispositions du Comte-Rouge prouvent l’af- fection et la confiance que ce prince avait en sa mère ; d’ailleurs il est certain que la mort tragique d’Amédée VII ne fut point le résultat d’un crime. Les remèdes violents et barbares employés par Grandville précipitèrent une catastrophe que M. Replat suppose avec raison avoir été le résultat du tétanos. * La médecine ignorait sans doute alors les symptômes de ce mal terrible , et la déchirure profonde que le prince reçut à la cuisse en tombant de cheval sur les aspérités d’un tronc d’arbre desséché , était éminemment de nature à développer celle redoutable maladie. * Voy. le Sanglier de la forét de Lompnes. 182 MATÉRIAUX méfiance , et prouvent que ce prince avait reçu l'in- fluence de l'opinion générale. Ces documents curieux furent connus de Guichenon, qui n’osa point les pu- blier ; ils faisaient partie des immenses archives de la maison de Montrevel, que l’historiographe de Savoie eut long-temps à sa disposition. C’est là que M. de la Teyssonière en a retrouvé l'indication il y a quelques mois , avec le catalogue des pièces qui figurèrent au procès de Grandville. Il doit insérer ces fragments dans le 4e volume de ses savantes recherches sur le département de l’Ain. Uu certain Bernard de la Roche, Gascon d’origine, avait été aussi impliqué dans ce lugubre procès (22). Au milieu des horreurs de la question, il déclara que le comte des Vertus ( Galeas Visconti, duc de Milan), l’avait chargé de porter en France un poison subtil destiné à faire périr le roi et les cardinaux de Turenne et d'Amiens, et qu'Amédée, prince d’Achaïe, et le seigneur de Beaujeu s’en étaient également pro- curé par son moyen, pour le faire administrer au comte de Savoie. Bernard périt sur l’échafaud ; mais avant de faire tomber sa tête, le bourreau , s'adressant aux nombreux spectateurs qu'avait attiré le hideux spectacle de la torture, les pria de ne point être sur- pris de l’adoucissement de la peine que devait subir (22) Datta, Storia dei principi d'Acaia, L. A, p. 280. HISTORIQUES. 183 le condamné. Bernard avait rétracté ses aveux, et ne mourait que pour avoir calomnieusement accusé le duc de Milan, le prince d’Achaïe et le seigneur de Beaujeu (23). De son côté, Grandville avait contredit ses premières dépositions , et déclaré que la violence seule des douleurs avait pu le contraindre à aceuser la régente. Peu de temps après, se trouvant au lit de mort, il démontra la complète innocence de l'infortuné Pierre de Lompnes. Amédée VIIT, alors, fit casser la sentence qui avait condamné ce malheu- reux, et réhabilita sa mémoire (2#). Cependant les soupçons qui planèrent un instant sur la régente et le prince de la Morée, s'étaient appesantis sur le seigneur de Grandson ; on se rappe- lait la protection qu'Othon avait accordée à Grandville au moment de son arrestation; on savait qu'il pouvait avoir des raisons de haïr le comte ou son conseil (25); (25) Datta, loco citato, p. 282. (24) Georges Arandas, Chr. du départ. de l'Ain, p. 55. (25) Muller, Hist. de Suisse, liv. 2, ch. 7. J'ai trouvé dans l’Histoire de Bresse, de M. Gacon , ouvrage qui n’a point été publié, et dont le manuscrit original m'a été obligeamment communiqué par M. le chanoine Depéry, le passage suivant, qui explique celui de Muller : « Les ducs de Bourgogne n'avaient jamais formé de * « prétentions sur nos contrées ; il arriva cependant , en 184 MATÉRIAUX et Gérard d'Estavayer, son implacable ennemi, en. venimait et répandait, avec l'adresse de la haine la l’année 1589, que Hugues , seigneur de Grandson , * soit pour flatter le duc de Bourgogne, soit pour se sous- traire aux hommages qu’il devait, répandit de faux titres, dont l’un, daté à Montbars de l’année 1588, donnait à Philippe, duc de Bourgogne , un droit de protection sur la seigneurie de Grandson, contre le comte de Montbéliard et le comte de Savoie. Par un autre daté du règne d’Aymon, le comte de Savoie s’était reconnu homme-lige d'Eude de Bourgogne , à cause de ses villes et châteaux de Chambéry, Bourg et Montmé- lian, Seyssel, Montfalcon , Montluel , Pont-de-Veaux , Pont-de-Veise, St-Trivier et Baugé, ensorte que, suivant ce titre, Amé était feudataire du duc de Bourgogne pour ses états de Bresse et de Bugey. La surprise fut d'autant plus grande que l’on ne s’occupa pas à exa- miner ces titres. Le comte fil arrêter et constituer pri- sonnier le seigneur de Grandson , et le fit interroger sur leur fabrication. Grandson avoua son crime en présence des plus grands seigneurs de Savoie et de ses juges, qui le condamnèrent à mort; mais il trouva le secret d'éviter l’exécution de ce jugement. » * Gacon commet ici une erreur : Hugues ne pouvait être seigneur de Grandson en 1389, puisque ce fief, à cette époque, était la propriété d'Othon; mais quelque juste que füt la sentence qui punis- sait la félonie de son parent, Othon, chef de la puissante famille de Grandson, put éprouver un profond ressentiment contre les auteurs d'une condamnation qui imprimait à son nom une ineffaçable tache. HISTORIQUES. 185 plus inventive, tous les bruits de la calomnie. Bientôt ils acquirent un tel degré de consistance et d’au- thenticité, que le prince d’Achaïe fit occuper de vive force le château de Grandson, et qu'Othon lui-même fut appelé à comparaître devant le roi de France et les ducs de Bourgogne et de Berry, pour y répondre à un interrogatoire rigoureux. Ce tribunal auguste reconnut son innocence, et Gérard d'Estavayer ne put dissimuler sa rage en l'entendant proclamer. Quelle pouvait être la cause de cette haine immense qui arma l’un contre l'autre les chefs des deux plus puissantes familles de la patrie de Vaud? L'histoire nous la fait connaître. Grandson s'était épris d’un fatal amour pour Catherine de Belp, épouse de Gé- rard d'Estavayer, et l’une des plus belles femmes de son époque. Sa passion fut satisfaite (26), et Gérard ne voulant point révéler la tache qui souillait son nom, nourrissait contre son rival le ressentiment le plus implacable , et calcula avec une joie féroce les consé- quences de la terrible accusation qu'il dirigeait contre lui. Mais lorsque sa vengeance fut trompée par la (26) Avec ou sans le consentement de cette dame, ajoute Muller (Hist. de Suisse, t. IV, p. 10.) Machanée affirme qu'Othon employa la violence pour arriver à ses coupables fins. Terrore obstinalam vicit pu- diciliam. (M. H. P., script., L. 1, p. 745.) 186 MATÉRIAUX déclaration des princes, Gérard d'Estavayer cessa de se contraindre, et se présenta devant le bailli de Gex, Louis de Joinville, seigneur de Divonne , pour accuser Grandson du crime de haute trahison au premier chef, et faute de meilleure preuve, dit Muller , il offrit de soutenir son accusation en loyal duel dans la lice de Moudon. Louis de Joinville fit aussitôt connaître cet étrange défi au jeune comte Amédée VIIT, et à son conseil. Les avis y furent long-temps partagés; mais enfin , le respect que l'on conservait encore pour ces épreuves où Dieu devait manifester la vérité en frappant le coupable , détermina le prince à accorder le combat. Othon et Gérard, cités à comparaître devant le comte de Savoie, se jetèrent sous ses yeux le gant du défi : Grandson parla avec la noblesse de l'inno- cence et du droit; d'Estavayer, avec l'émotion et la rudesse de la haine (27). Le prince enfin fixa le jour du combat ; les deux ennemis jurèrent de se retrouver à Bourg le 7 août 1397, et leur foi fut garantie par d'illustres eautions (28). Dès la veille, (27) V. Guichenon , Muller, et MM. Cibrario, Replat et Arandas. (28) Les noms des gentilshommes qui servirent de cau- lion aux combattants se trouvent rapportés dans l’ordon- nance de gage de messire Gérard d’Estavayer et de messire HISTORIQUES. 187 ils parurent entourés de leurs nombreux adhérents; ceux d'Othon, pour se reconnaître , portaient des aiguillettes nouées sur leurs souliers , et ceux de Gérard, la figure d’un rateau brodé sur l'épaule droite. La capitale de la Bresse put à peine contenir alors la fière noblesse du pays de Vaud, du Bugey et de la Savoie qui encombrait les abords de la lice. Divisée en deux grandes factions, chacune d'elles était prête à soutenir à main armée le chef qu’elle avait choisi (29). 11 fallut toute la prudence d'Oddon de Villars, gou- verneur du jeune prince , et de Boniface de Challans, maréchal de Savoie, pour prévenir les suites fu- nestes de leur haineuse rivalité. Les bonnes villes furent requises d'envoyer, à leurs frais, un certain nombre de clients, d'hommes d’armes et d’arbalé- triers , pour faire la garde des barrières; et j'ai trouvé dans le compte d'Antoine Ambrois et de son collègue , les noms des gentilshommes et des bour- Othe de Grandson, chevalier. (Guichenon, Preuses, page 245 et suiv.) (29) Parmi les partisans d’Estavayer figuraient les sei- gneurs de Blonay , Jean de Clermont, Antoine Maréchal et François de la Frasse. Ceux d’Othon étaient plus nom- breux ; l’antique et puissante maison de Grandson comp- tait déjà dans sa clientelle, avant la fin du X{° siècle, 40 chevaliers, milites. (Mém. sur le rectorat de Bourgogne, par M. de Gingins, p. 55.) 188 MATÉRIAUX geois de Chambéry que la commune choisit pour se rendre à Bourg dans cette occasion solennelle. Il s'y rencontre aussi quelques détails piquants, entre autres l'exposé des moyens que la ville employa dans sa détresse pour payer ses hommes d'armes. Le texte de ces passages établit d'une manière positive que le com- bat eut lieu le 7 août 1397, et non le 7 août 1398, comme quelques écrivains l'ont cru et répété jusqu'ict. Il nous apprend en effet que le # juillet 1397 ( après une absence de sept jours), Antoine Ambrois et Hu- gues Dupont rentraient à Chambéry , accompagnés de Pierre Chabod et de Hugonard son frère, docteurs ès-lois, de Claude de Candie, de Pierre de Boni- vard et de Philippe Garel, clerc et secrétaire de la commune. Ils revenaient de Bourg, où le prince les avait mandés pour régler avec son conseil les condi- tions du duel dont l'exécution avait été fixée au 7 août suivant. Et assignata dies executionis dicti duelli martrs septima mensis augusli tune proxime sequentis. Cette date rapprochée de celle du # juillet ne peut laisser aucun doute. Le conseil du prince intima l'ordre aux syndies de se retrouver à Bourg au jour fixé, pour être témoins du combat personaliter. Il leur fut enjoint d'amener avec eux dix gentilshommes com- plètement armés, vingt-cinq archers ou arbalétriers sufficienter munitos, et cinquante nobles ou bourgeois, pour faire la garde des barrières et se trouver prêts à HISTORIQUES. 159 obéir aux ordres du prince ou du maréchal de Savoie. Tous devaient être de la ville ou du mandement de Chambéry ; et afin d'éviter une trop grande affluence, les syndics devaient en arrivant faire publier (credarr) que nul ne pourrait se rendre à Bourg, s'il n'était spécialement désigné pour faire partie de l'expé- dition (30). (50) Librar. De mandato dni nostri Sabaud. comitis per ejus licteram clausam datam. mellionacij die xxvirr mensis maij.ad expensas inferius nominatorum factas eundo de chamberiaco apud burgum in breyssia ubi dnus et ejus hospicium tune temporis residebant. Pro declara- cione et consilio habendis super adjudicacione duelli tune fiendi inter dominum Girardum de Estueyaco appellantem ex una parte. et dom octhonem de grandissono appellatum ex alia. videlicet dni hugonardi chabodi legum doctoris. guilleti chabodi ejus fratris petri bonivardi glaudii candie domicellorum. Petri Raperij dictorum domino- rum syndicorum et philippi garelli de chamberiaco clerici dicte communitalis ministrantis et scribentis expensas adque vacaverunt. tam eundo. stando. quam inde redeundo apud chambr. spacio septem dierum finitorum die quarta mensis julij Anno dni miilesimo nonagesimo septimo. cum quindecim personis et totidem equis inclusis expensis plurium nobilium et aliorum superveniencium. tam apud burgum quam per viam. et fuit adjudicatum dictum duellum die sabbati penultima julij anno predicto. et assi- gnata dies execucionis dicti duellij martis septima mensis 190 MATÉRIAUX Les dix gentilshommes choisis furent Amédée Bo- nivard, Pierre de la Grange, Claude de Candie, Guillaume Chabod, de Chambéry, Guillemet Chabod, de Jacob, Jean de Chignin, dit Boveyron, Guigue de La Ravoire , dit Bauderet, Aymon de Poysac, dit la Boîte, Dieu le Fils Bonivard, de Vimines, et Jean Basin. Mais au lieu de vingt-cinq archers, la com- mune n'en fournit que quinze {incluso trompeta) (31), augusti tune proxime sequentis. Quibus syndicis aliis no- bilibus et burgensibus superius nominatis secum. dnus et ejus consilium ordinaverunt quod dicta die duelli ve- nirent apud Burgum personaliter et adducerent decem nobiles de villa et mandamento chambr. armatos per inte- grum. item viginti balisterios seu archerios armatos et munitos sufficienter. et quinquaginta tam nobiles quam burgenses dicte ville chambr pro eustodiendis liciis. et aliis fiendis quo per dominum et ejus marescallum forent eisdem ordinata. et ulterius quod cridari facerent apud chambr. quod nullus alter a predictis veniret ad dictum duellum de dictis villa et mandamento chambr preter- quam ut premictitur elegendi. (51) Les quinze arbalétriers envoyés à Bourg par la ville de Chambéry, à l’occasion du duel, se nommaient Jean (de Seyssel), Jean Bochin , Chimichidi , Follat, maitre Guillaume, charpentier ; un nommé Pet, un autre dit Ambride, Antoine Aubin, Jean Paillard, Peyret, au- bergiste ; maitre Boniface, boulanger ; Pierre Brassier, Jean Vespres, Jacquin et Stephanet, tanneurs (escofferii ). HISTORIQUES. 191 et n'envoya que neuf de ses bourgeois, au lieu de cinquante que le maréchal de Savoie avait demandés pour la garde des barrières (32). Elle jugea même nécessaire de députer Guigue Maréchal, l’un d’entre eux, auprès du prince, pour le supplier de décharger les envoyés de l'obligation de faire à leurs frais le voyage de Bresse; mais cette faveur ne leur fut point accordée, et les syndics se virent contraints de recourir à un expédient ruineux pour subvenir aux frais de la chevauchée de Bourg. Les ressources de la ville de Chambéry étaient à cette époque singulièrement restreintes : elles consis- taient dans les revenus de la ferme da vin {communis vin). C'était le droit qu'avait la commune de perce- voir un impôt de quatre deniers sur chaque setier de vin qui se vendait en détail dans les trois paroisses, de Lémenc, de St-Léger et de St-Pierre de Maché. Elle avait le produit de la location de ses fours banaux et des tourelles (tornellarum) qui s’élevaient sur ses murs d'enceinte, la pêche de ses fossés, et le (52) Les neuf bourgeois étaient Guigues Maréchal , Pierre Rapier, Jacques Rapier, Guillaume Pollien, Pierre Arnaud, Antoine de l'Epée (de Ense), Jean des Charmet- tes, Jean Richerand et Philippe Garel, clerc et secrétaire de la commune, chargé de régler et d'enregistrer les dépenses. 192 MATÉRIAUX profit des offrandes qui se recueillaient le vendredi- saint à la porte de l’église de St-Léger et à l'entrée de la petite chapelle de Ste-Marie, sur le pont du Reclus (33); enfin quelques entrées extraordinaires que l'on classait dans les comptes sous le titre de forisseca. Toutes ces receltes arrivaient à peine à la somme de 650 florins de bon poids, qui équivalaient environ à neuf mille huit cents francs de notre monnaie. Les charges ordinaires absorbaient rapidement ces revenus modestes ; car la commune payait cha- que année une lourde redevance à l'abbé d'Hau- tecombe, qui possédait la moitié du domaine utile de ses fours banaux (34). Elle employait une somme considérable à l'entretien de ses ponts, de ses canaux, de ses digues, et rétribuait ses syndics et un mé- tral (35). De plus, elle avait un médecin et un avocat (55) Comptes de tous les syndics de Chambéry. (V. aux Recettes. ) (54) Par donation d’Amédée IV à Humbert de Seyssel , abbé d’'Hautecombe, faite au château de Montmélian le 40 mai 4255, confirmée par Amédée VI, et successivement par Amédée VII, le 4 juillet 4425. ( Archives de la ville de Chambéry. ) (55) Les syndics recevaient chacun 25 solds gros an- nuellement (viginti quinque solidos grossos ), soit 565 liv. HISTORIQUES. 193 en titre, un conservateur pour l'horloge publique, des gardes pour ses trois portes, et une vigie (gaythia } qui, chaque soir , sonnait le couvre-feu et passait la nuit sur la haute tour de St-Léèger, prêt à donner l'alarme à l’aide d’un cornet de terre dans les cas d'incendie ou de tout autre danger. Libr. in uno cornelo terre pro gaythia in clocherio sancti Leodegart cornanda xx den. gross. (36). Aussi, lorsque surve- nait une dépense inattendue, la caisse publique était épuisée. Pour lors, les bons hommes se réunissaient tristement dans le couvent des Frères Mineurs, et là, le riche aidant le pauvre, divite pauperem adju- vante, ils frappaient le plus équitablement que faire se pouvait une contribution générale sur les feux de la ville et de son mandement. Ces impositions extraordinaires se renouvelaient fréquemment, et apparaissent dans la plupart des comptes de nos an- 25 e. environ ; le traitement du médecin (salarium physici), était fixé à 40 fl. p. p., soit 571 liv. 20 c.; l'avocat de la ville touchait 20 florins , et le métral 40. Chaque florin de p. p. représentait alors (1397), 42 deniers gros tournois , et la valeur du denier équivalait à 4 franc 19 c. de notre monnaie. ( Cibrario , Econ. polit. del medio evo, tables comparatives. ) (56) Comptes de Pierre Tissot et de Pierre Bète, synd. en 1553. 15 194 MATÉRIAUX ciens syndics, sous les noms variés de dons , de subsi- des où de tailles. Les dons étaient des offrandes volontaires que faisait la commune au comte, à la comtesse de Savoie , ou au prince héréditaire qui vi- sitait Chambéry pour la première fois. Ils consistaient, pour l'ordinaire , en quelques pièces d’argenterie richement ciselées (37), ou bien en beaux et bons (57) Librav. domino aymoni de challant dno feneti et aymaville castell. chambr. recuperatum nomine domine comitisse pro una navi seu cadriga eum quatuor rolis argenti et quibusdam aliis jocalibus argenti donatis per comunitatem dicte ville domine comitisse in ejus primo adventu apud chambr. que valere debebant quater cen- tum florenos incluso operagio. Lorsque Bonne de Bourbon, femme du Comte-Vert, fit, au mois de juin 1556, sa première entrée à Chambéry, les syndics Bonivard , Vianes et Ronda lui présentèrent, au nom de la commune, un char (navis seu cadriga ) avec ses quatre roues d'argent, de la valeur de 400 florins. Cet ouvrage fut exécuté par un orfèvre de Chambéry nommé Poncet de Flacy. {Comptes de 1556. Archiv. de la ville.) Sur la table des princes et des seigneurs figurait d’ordi- naire, au moyen-àge, une grande pièce d’argenterie richement ornée de pierreries et élégamment ciselée , que l’on nommait la nef. Ce meuble précieux avait habituellement la forme allongée d’un navire, et quel- quefois d’une vaste conque portée sur des roues. On le plaçait devant le noble amphytrion , et c’était dans la HISTORIQUES. 195 florins auxquels on adjoignait des dragées et de la cire; ces ofrandes avaient naturellement moins d'im- portance lorsqu'elles étaient présentées à un prince étranger ou à quelque autre voyageur de distinction. C'était alors des productions indigènes, des lavarets, des vacherins, du vin, de l'hypocras, quelquefoismème un mouton gras (38). Dans le courant de l’année 1391, Philippe-le-Hardi, duc de Bourgogne, se rendant à Milan , fit un séjour à Chambéry. Jean Richerand et Guillemet Chabod, alors syndics de la ville, lui offrirent en son nom vingt-deux setiers de vin (39) nef que l’échanson déposait les vases de cristal ou d’argent qui contenaient les vins et les liqueurs les plus estimés. Quelquefois la nef sortait de ses proportions et de son usage ordinaires, et figurait au centre de la table comme entre- mets ou entrenier.— Voy. l’ancienne acception de ces mots dans le Glossaire de Ducange, et surtout dans la descrip- tion du banquet donné à Lille par Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne , en 4453. ( Mém. d'Olivier de la Marche, t. X, p. 160 et suiv.) (58) Librav. Induabus somatis vini et duabus duodenis vacherinorum presentatis dno Johanni de Haucourt ex parte domini. (Compte de R. Barralis, châtel. de Chamb. en 4501. Arch. de la Ch. des Comptes de Turin. ) (59) Il est difficile de préciser la mesure exacte du setier. On voit par le texte de Ducange combien elle variait dans chaque localité : à Beaujeu, le setier équivalait à trois chopines. | 196 | MATÉRIAUX et deux aiguières d'étain, vingt-cinq livres de con- fitures et trente-six torches de cire, du poids de cent quarante livres, que fournit l'apothicaire maître Béli- gny (40). Les dons , entendus dans leur acception véritable , se payèrent toujours avec empressement par les bour- geois de Chambéry. De tous temps, cette ville fidèle fut (40) Libr. Petro Beligny appothecario habitatori Chamb. in emptione triginta sex torchiarum cere ponderancium unum quintale et quadraginta libras. et viginti quin- que librarum confiture incluso precio duarum Aygueria- rum stagni in quibus vinum inferius descriptum fuit presentatum. ( Ex computo nobilis Guillemeti Chabodi in annis 1590 et 4391. — Arch. de la ville de Chambéry.) La profession d’apothicaire était, au moyen-âge , assez considérée et fort lucrative ; elle cumulait alors tous les genres de commerce. Les apothicaires vendaient également des drogues médicinales, du vin, de la cire, des dragées, du sucre et jusqu’à des livres ; ils fabriquaient tour à tour des flambeaux pour l’église, ou le nectar et l’hypocras, liqueurs précieuses , dans la composition desquelles en- traient l’ambre, le musc , la canelle, le gingembre et les stimulants les plus énergiques. « Item pour l'hypocras , suivant l’advis de l’apothicaire « de Lons-le-Saunier, lequel conviendra mander tant pour « ouvrer la cire du luminaire comme pour faire les poul- « dres des espices. » (Dubouchet, Hist. de la maison de Coligny, p. 175.) HISTORIQUES. 197 heureuse de recevoir ses souverains et de leur mani- fester ses sentiments profonds de respect et d'amour ; mais les tailles et les subsides, frappés sur les habi- tants pour répondre aux besoins imprévus de la ville ou aux demandes du prince, se répétaient trop fré- quemment pour ne pas être extrêmement onéreux. Ces impôts se multiplièrent surtout d’une manière accablante pendant la durée du XIV® et du XV siè- cle : tantôt les comtes de Savoie requéraient un aide (aydam) pour une chevauchée, la formation d’une nouvelle armée {pro milicia nova) (#1), l'achat de quelque terre (42) ou la conclusion d’un traité avan- (41) Compte de Pierre Bète, syndic en 1355. (Archi. de Chambéry. ) (42) Là chronique de Savoie nous apprend que lorsque le comte de Namur vendit la baronie de Vaud, qu'il tenait de dame Katelline fille de Louis baron de Vaud , son épouse , le comte de Savoie dépêcha Guillaume de la Bau- me , son féal conseiller , pour traiter de cette importante acquisition. La Baume paya le prix de l’achat « tout comp- iant à Nameurs car monsseigneur Guillaume avoit porté ses finances avecques ly et plus largement car le comte de Nameurs ne savait que la terre vallait à cause des hofficiers qui tout mangioyent et pour ce il en fist bon marchié. » ( Chr. de Suvoie, 291, M. H. P.) La baronie de Vaud fut payée 60,000 florins, et les bonnes villes de Savoie complétèrent cette somme. (Compte = 2 = = = 2 = = = 7 198 MATÉRIAUX tageux; tantôt à leur avénement à la couronne, ils exigeaient un lourd tribut pour confirmer ces fran- chises municipales, dont les bourgeois de nos bonnes villes étaient alors si jaloux ; et lorsque pendant la durée de leur règne, ils accordaient quelque aug mentation de privilége, le fisc ne manquait pas de recevoir en correspectif une somme considérable. Je ne parle point de ces cadeaux {druellia) (43) que recevaient dans ces occasions les employés de la mai- son du prince, et même ses conseillers et ses ministres. d’Aymon de Provane, chätelain de Maurienne, cité par Capré, p. 180.) La ville de Chambéry paya mille florins d’or de bon poids, in exoneracione quantitatum pecunie in quibus do- minus tenebatur regi francorum pro compositione facta cum heredibus duchisse Brictanie. (Compte du châtelain de Solier, de 1548 à 1549. — Arch. de la Ch. des Comptes de Turin.) In solucione mille florenorum sibi concessorum per dic- tam villam in subsidium solucionis concordie duchisse Bric- tanie. (Compte de Jean Bonivard, syndic de Chambéry, de 1548 à 1549. — Arch. de Chambéry.) J'ai inséré dans un autre Mémoire les particularités de cet accord. (45) Ces druellia, draulia ou druaylix, donnent l’éty- mologie des redevances en nature qui figurent sous le nom de drolets parmi les conditions accessoires des baux à ferme dans quelques provinces. HISTORIQUES. 199 Le compte du syndic Tissot présente un exemple curieux de ce honteux usage. Lorsque en 1353, le Comte - Verd augmenta les libertés de la ville en se désistant du droit de confiscation sur les biens des usuriers, Jean du Chätellard , Jacques Bouczan, Guil- laume des Clets et Jean Chabod, députés de la com- mune, dans la satisfaction que leur faisait éprouver celte importante concession, étendirent leurs libé- ralités depuis le valet de chambre et le cuisinier du prince, jusqu'à Jean Ravais, grand chancelier de Savoie, qui reçut pour ses bons offices vingt florins de bon poids. Amédée VI habitait alors son château de St-Genix-d'Aoste (44). (44) On lira peut-être avec intérêt le détail des sommes payées par les députés pour obtenir du Comte-Vert la déclaration et l'extension des priviléges de leur ville. Librav dno comiti pro declaracione dicte @ franchisie. . . . JU f. D. p. It. Consiliariis domini comitis pro druelliis factis pro ipsis in concordia declara- cionis dicte franchisie . . . UD BED. It. D. Johanni Ravaysii cancellario Sata die pro se pro eadem concordia . . XX id. id It. D. Jobanni Mistrali pro eodem. . . XX id. id. It. In pergameno de velino pro dicta fran- chisia scribenda et fuit ter scripta et habent duas licteras dicte franchisie. Vid.gr.tur. 2090 MATÉRIAUX Quelques pesantes que pussent paraître ces impo- sitions multipliées, jamais elles ne furent refusées par le vote général; j'ajouterai même que les documents qui nous en ont conservé le souvenir, témoignent du respectueux empressement que les prud'hommes, It. It. It. It. It. It. It, It. It. It. It. It. It. Bonifacio de Motta pro scriptura licte- rarum franchisie quarum prima non sufficiente alia sufficiens fuit . Pro magno sigillo comitis in lictera dicte declaracionis . l Pro parvo sigillo dni comitis in alia lictera facta pro eodem. Per lignoletis de sirico in dictis sigillis et pro una libra cere Guichardo de Burgo castellano Cane pro druelliis . he Pire, à Camerario dni comitis in dono sibi facto in occasione dicte concordie. Johanni de Bellavilla coquo dni comitis ex dono sibi facto pro una tunica. Ejus valleto pro caligis . Lau Familiaribus dni Johännis Ravaysii. . Pernodo boticulario dni comitis Johanni valleto suo Porcerio dni comitis et ejus a Panaterio dni comitis. XX 1. b. p. VI SL. b. p. VII d.gr.tur. VHId.gr.tur. X fl. b. p. XI 11. b. p. IV fl. 5 b. p. VI d. gr. tur. I 1. b. p. I 1. b. p. VI d. gr. tur. VIII d.gr.tur. VI d. gr. tur. (Compte de Pierre Tissot et Pierre Bète, syndics pendant les années 1352, 1555 el 1554. — Arch. de Chamb. ) HISTORIQUES. 201 conseillers de la commune , mettaient à les accorder. Mais il se rencontrait parfois des résistances indivi- duelles ; il arrivait que les bourgeois refusaient de payer la capitation , et fermaient leur porte au métral. Alors intervenait le châtelain avec ses exacteurs, qui se chargeaient de la perception forcée : ils pénétraient chez les récalcitrants et s’emparaient , à force ouverte, des meubles, des coupes, des gobelets d'argent que chacun conservait, suivant l’usage, pour servir de gage aux prêteurs ; car dans ces temps où l'argent était rare, l’industrie nulle, les taxes énormes et les besoins nombreux, sans cesse les bourgeois et la noblesse recouraient aux usuriers, et ceux-ci ne prêtaient jamais sans être nantis d’un dépôt. Si l’exac- teur, trompé dans son attente, ne rencontrait dans la maison du coupable aucun objet précieux, il faisait aussitôt main basse sur les ustensiles du ménage et les meubles qui pouvaient représenter une valeur légère; ils enlevaient la huche (olla) où se préparait le pain de la famille, et l’on appelait pignorare cette façon de procéder passablement tyrannique. Les ga- ges saisis étaient ensuite portés chez les juifs, qui livraient en échange au châtelain les sommes qu’on lui avait refusées. J'ai trouvé la note suivante dans le compte rendu par Pierre Tissot et Pierre Bète , syn- dics en 1353. Receperunt sub pignoribus personarum infrascriptarum , et 1° supra una olla stephani mar- 202 MATÉRIAUX queli debentis unum florenum; supra uno morterio ferri domini guigonis de ravoyria debentis sex flo- renos, una conchia et una olla petri de Dorchia debentis unum. florenum. supra uno landerio (45) et quibusdam bridis domini petri de castellione debentis duos flore- nos. Supra quibusdam estivallis et quadam penna alba (46) domini humberti de claromonte debentis seæ flor. elc., et supra quibus pignoribus plus ha- bere non potuerunt a Vinando judeo qui dicta pignora habuit ab ipsis syndicis in pignore pro tanto die se- cunda mensis junij anno 1358. Cette fois ce furent les syndics qui firent opérer la perception forcée , et porter chez le juif Vinand le mortier de fer de Guigue de la Ravoire, les brides de Pierre de Chà- tillon , les bottes et la blanche fourrure d'Humbert , seigneur de Clermont. Dans cette occasion, la mau- vaise volonté de ces hauts et puissants personnages était évidente : ils’agissait d’opposer une barrière aux (45) Landerium, lander, retrofocilium, landier en vieux français ; ancienne dénomination de certains gros chenets en fer ou en cuivre, qui s’employaient dans la cuisine et servaient à la fois, dit Ducange, à couvrir le feu pendant la nuit, et le jour à soutenir Le bois qui brülait dans l’âtre. (46) Penna pour panna, fourrures ; penna agnina vel pellicia , penne de scuralliis (écureuils), mnantellus hones- tus penna forratus. ( Ducange, Gloss., in verbo Pannus.) | HISTORIQUES. 203 torrents de la Leisse et de l’Albane qui menaçaient la ville, et les syndics ne devaient pas souffrir que ses premiers citoyens cherchassent à se soustraire à une dépense qui avait pour cause l'utilité générale. Ce passage curieux prouve la puissance dont étaient revêtus les chefs de la commune. Une preuve plus convaincante encore de la considération dont ils étaient entourés, c’est leur admission au conseil du prince , lorsqu'on devait y délibérer sur quelque ques- tion d’une haute importance. Nous avons vu les syn- dics de Chambéry appelés par le duc Amédée VIII à siéger au milieu de ses conseillers , lorsqu'il s’agit de décider si le duel judiciaire pouvait être accordé aux seigneurs de Grandson et d'Estavayer. (V. note 30 ). Indépendamment des dons, des tailles, des aides et des subsides, qui, malgré leur fréquence, pouvaient être considérés comme des charges extraordinaires, les habitants de Chambéry et de son mandement avaient à supporter encore les taxes féodales , qui, se multipliant sous toutes les formes, frappant tous les genres de commerce et de propriétés, se percevaient par le châtelain à des époques fixes ou dans des circonstances déterminées : tels étaient le droit d’échute ou de deshérence, qui attribuait au prince les biens de toutes personnes décédées ab intestat et sans héritier \ 20% MATÉRIAUX direct (47); le plait, qui se payait à la mort du tenan- cier ou du seigneur (48) ; le lod {laudemium) , que ce dernier percevait lorsque le fonds sur lequel repo- sait son domaine utile venait à changer de posses- seur (49); le trézain, qui donnait au prince le trei- zième de la valeur de chaque maison qui se vendait dans la ville ou dans son mandement (50); le toisage, (47) On en trouve plusieurs applications dans les comp- tes des châtelains de Chambéry ; mais le prince se conten- tait pour l’ordinaire de percevoir une simple taxe, ou de faire payer une amende, si les ayant-droit se mettaient en possession des biens du défunt sans son autorisation. Reddit computum de decem libris viennensium receptis de aussermeto de verdon eo quia uxore sua mortua sine prole dictus aussermetus intraverat possessionem dictorum bonorum dicte uxoris sine licentia dni. (Compte de Pierre d’'Honcieu , métral de Chambéry en 1270. — Arch. de la Ch. des Comptes.) (48) Ce droit était arbitraire, comme l'indique son nom ad placitum domini. (49) Ce droit équivalait parfois au sixième de l'objet vendu ; mais je ne sais si cette proportion exhorbitante était constante et régulière. On trouve dans le compte de Barthélemi Barralis, châtelain de Chambéry en 1515 et * 4516 : Recepit a Johanne Regis pro vinea empta a Rupho _Chamberti precio sexaginta solidorum forcium escucella- torum decem solidos fortes escucellatos. (50) Le droit de trezain dont jouissaient les comtes de HISTORIQUES. 205 qui se calculait à Chambéry à raison de sept deniers forts par toise de muraille, à mesurer sur la façade principale de chaque habitation (51); les péages, qui alteignaient les marchandises importées dans le ressort de la châtellenie, sans exception pour les objets de nécessité première. Il y avait un impôt sur le sel qui parfois se donnait à ferme, mais dont le châtelain partageait le plus souvent le produit en nature avec le seigneur de St-Alban, le prieur du Bourget et l'abbesse du Bettonnet (52). Le prince avait aussi la dîime du chanvre et celle des agneaux : ce dernier Savoie prédécesseurs d'Amédée VI, n’avait pas été réglé d’une manière précise ; le prince fit, avec les syndics de Chambéry , une transaction à ce sujet au château du Bourget, le 46 janvier 1566, (Arch. de Chambéry.) (51) De 96 libris 14 solid 410 den. obl. receplis de tey- siis domorum Chamberiaci hoc anno ubi leventur pro qualibet teysia cujuscumque casalis domus a parte introïtus septem den. fort. in paschale per annum. ( Compte de Ro- dolphe Barralis, châtel. de Chamb., de 1500 à 1501. — Arch. de la Ch. des Comptes.) (52) Levatur una quarta salis pro leyda in qua quarta dominus capit unam mannatam et dei filius de sancto albano capit de residuo qualibet septimana unam quartam. et residui , abbatissa bituminis capit medietatem et prior Burgeti aliam medietatem. ({ Compte de Rodolphe Barralis, châtelain de Chambéry, de 4501 à 1502.) 206 MATÉRIAUX droit, connu sous le nom d’aignelage, attribuait au châtelain un agneau sur trente , et se percevait dans la semaine de Pâques (53). À la même époque, cha- que feu devait une poule au seigneur (54); puis venaient les droits de langue de bœuf et de filets de pores, enfin celui des sabots, leyda socularium. Le jour de la fête de tous les Saints , le délégué du comte (nuncius comitis) se rendait sur la place du marché et choisissait une paire de sabots sur l’étal de chaque cordonnier ; il avait droit d'en exiger deux paires , s’il prenait le tribut dans sa boutique ; mais alors le choix était fait par le marchand sabotier (55). Ces dernières redevances étaient certainement moins oné- reuses que bizarres; mais il n’en était pas de même (55) De decima agnorum nichil. quia non levatur ante pascha. In exitu Aignelagii quod levatur apud Motam apud Bellam Combettam , apud Montagnolam nichil hoc anno quia non fuerunt ibi oves, et levatur de quolibet trente- nario uaus agnus. (Compte de Rodolphe Barralis, 1501 à 1502.) (54) De viginti gallinis receptis apud Chanaz Barberaz et apud Villettam pro chaponis (sic) et levatur in quolibet foco una gallina semel in anno. (Compte de R. Barralis, châtel. de Chambéry, de 1500 à 1501.) (55) Compte de Guillaume Cellier , châätelain , de 1272 à 1275. HISTORIQUES. 207 des taxes sur le vin et le bois, et des droits de lod, de plait, de toisage, de trézain et d'échute, dont nous avons précédemment parlé. Si l'on ajoute à cette énumération les tailles et subsides extraordinaires, et les amendes pécuniaires, dont l'application fré- quente dénotait pour l'ordinaire plus de fiscalité que de justice, on aura la mesure de la misère publique, que venaient augmenter encore les extorsions arbitrai- res des châtelains et des métraux. Après cette longue digression, quipeutrendreraison de la détresse pécuniaire où se trouvait habituellement à cette époque le peuple des communes, il est temps de revenir aux syndics de Chambéry, et nous jugerons moins sévèrement le monstrueux emprunt qu'ils consen- tirent au nom de leurs administrés, pour subvenir aux frais de l'expédition de Bourg. La caisse de la ville était vide, et le conseil d'Amédée VIII n'avait point écouté la requête de Guigue Marchand; cependant le jour du duel approchait, et la chevauchée devait se mettre en route. Alors les syndics réunirent le grand conseil des bourgeois dans le réfectoire des Frères Mineurs, et y exposèrent l'urgence de se procurer soixante et dix écus d'or. Il fut reconnu qu'il était moins contraire aux intérêts de la ville, dans cette pénible extrémité , d'emprunter à usure, recipere ad usuras , que d'engager d'avance la ferme du vin au - dessous de deux cents florins, comme plusieurs membres du 208 MATÉRIAUX conseil l’avaient proposé (56). Mais les syndics cher- chèrent envain dans la ville quelqu'un qui voulût ou püût prêter les soixante et dix écus d’or ; ils furent réduits à s'adresser à un juif nommé Jacson, qui d’abord exigea le dépôt de quelques objets précieux pour sa garantie. On s’empressa de lui confier un gobelet de vermeil et six coupes d'argent, plus le couvercle d'une autre coupe émaillée et dorée, que l’on rem- placa quelque temps après par une ceinture tissée d'argent. Habuit postea dictus jaczonus unam corregiam argent albi loco cujus cohopertori). Ainsi nanti, le digne israélite prêta la somme demandée, mais sous l'ex- presse condition qu'il lui serait alloué, pro interesse (56) Les membres du conseil à cette époque étaient : Pierre de la Grange, Pierre Bonivard , Claude de Candie, messire Hugonard Chabod , Jean des Charmettes, Guil- laume Pollien, Etienne (mistralis basterij), Pierre Rapier, Guigonet de Trivier, Jean Laviz dit Fontanel, Pierre de Revel, Antoine Pelestort, Jean Pain-et-Vin, Georges Grassot, Jean Perdut, Jean Pegnet, Jacques Villard, Amédée du Bard, Jacques Hémelin, Antoine Malliet, Jean de Lyon, Jean Grivel, Pierre Arnaud, Huguelin Sellier, Guigue Vionet, Girard Chambon , Jean Guerra, Jean Meynier , Jacques (de Ense), Eynard Gandra, Jean Lan- celot, Jean Parcillat, messire Hugues Beczon, Guigues Maréchal, Guillaume Chamousset, Jean Pétion, Guillaume Tissot et Georges des Clets. HISTORIQUES. 209 seu rubiz, un denier gros tournois par semaine pour chacun de ses écus d’or, qui valaient à cette époque dix-huit deniers gros tournois (57). Malgré les prières (57) Librav. Jaczono judeo pro interesse seu rubiz sep- tuaginta scutorum auri. ad racionem decem octo denario- rum obl. gross pro quolibet. manu dicti Jaczonis recepto- rum per eosdem syndicos. supra sex ciphis argenti ponde- rantibus quatuor marchas cum dimidio uno cohopertorio ciphi exmalliato et deaurato ponderante tres marchas. loco cujus cohopertorij habuit postea dictus Jaczonus unam corregiam argenti albi ponderantem circa tres marchas. item supra una gobelleria et uno gobelletto deaurato pon- derantibus sex marchas et sex oncias pro expensis supra dicti duelis solvendis. Et quia eisdem syndicis et certis ex consiliaribus supra dictis clarius apparet dictis ville et communitati Chambr. fore minus dampnosum dictos septuaginta seutos recipere ad usuras quam firmam communis vini dicte ville tra- dere sub minori firma de ducentis florenis quam fuisset computatum pro uno anno proxime preterito. propter consequenciam. quia alter non reperiebatur qui pro tune traddere vellet pecunias mutuo supra dicta firma neque aliter. solverunt eidem judeo interesse predictum ad racionem unius denarii fortis pro quolibet scuto auri per septimanam. facta convencione cum dicto judeo die se- cunda mensis augusti anno domini millesimo tercentesimo nonagesimo septimo. (Comptes des syndics Ambroïs et Du- pont. — Arch. de Chambéry.) 14 216 MATÉRIAUX des syndics, Jacson fut impitoyable ; il fallut consentir le monstrueux intérêt de 289 pour cent, et le stipuler en faveur de l'infâme usurier par les mains du notaire de la commune ; ensuite les syndics, hommes d'armes, arbalétriers et bourgeois, tous à cheval, prirent la route de Bourg le 5 août 1397. On sait quelle fut l'issue du duel de Grandson et de Gérard d'Estavayer. Frappé mortellement au premier choc, Othon , renversé dans la poussière de l'arène , tendit au vainqueur ses mains supplian- tes pour demander merci ou avouer sa défaite , sui- vant les conditions du combat ; mais d'Estavayer, n’écoutant que sa haine, les abbatit d’un seul coup de sa pesante épée. On dit qu'elles furent ramas- sées par le bourreau et brülées le jour même, comme étant les mains d’un traître (58). Le corps d'Othon fut déposé dans la cathédrale de Lausanne, où l’on voit encore son tombeau, et ses seigneuries de Grandson, de Montagny-le-Corbe, de Belmont et de Ste-Croix, immédiament séquestrées au profit de la couronne, furent données par le comte de Savoie à Louis de Morée, son beau-frère (59). Plus tard, l'innocence de Grandson fut reconnue, et le sage Amédée VIIT, plein du douloureux souvenir de sa (58) Georges Arandas, Revue du dépt. de l'Ain, p. 69. (59) Muller, Hist. de Suisse, t. IV, p. 16. HISTORIQUES. PV À mort, abolit pour toujours dans ses états la barbare coutume du jugement de Dieu. Sous le règne d'Amé- dée IX , Jean de Sales, exilé des états de Savoie pour avoir tué de sa propre main le meurtrier de son frère, supplia le prince de lui accorder l'épreuve du combat pour confondre ses accusateurs, et leur prouver qu'il n'avait fait oncques chose qui put fortfaire à l'honneur. Mais le pieux Amédée IX n'écouta point sa prière (60). En France, le dernier duel judiciaire eut lieu sous le règne de Henri II, le 10 juillet 1547. Ce fut le combat célèbre de Guy de Chabot - Jarnac, contre François de Vivonne, seigneur de la Châtaigneraie. On peut en trouver les causes et le récit dans tous les Mémoires du temps, Brantome, Vieilleville, Montluc, etc. Ce fut dans le parc du château de St-Germain- en-Laye, en présence du roi et de toute la cour, que Jarnac blessa mortellement son adversaire par un coup adroit et inusité dans l'escrime, qui, de nos jours encore, est demeuré proverbial. (60) Le récit de cet événement se trouvera consigné dans l’Histoire de la seigneurie de Thorens, successivement possédée par les maisons de Compey et de Sales. Ce travail doit paraitre inçessamment. Sr Éabt e1cte 208 mépapiles at) ed | bp: “ouf : abado8 VastRsb Momie) HS emués ;# NA 078 ob ef eh élire ,ealne af nos, X ob Réal mot obtalene Luis ago DAT ous + iso db o'rohghtulrio)ss iso nant of igqce lrupeng dre nssbte à emoläernus à eg s1b 100 WT usstaoi Ra CE Dirt Bigard heposso Go Has air sai civosd' a AE ad Do xuoie o ET LA s oil 149 avisisibui buh agiarob sf Losterit fi Mifbon-MiGthollisi) 0 ;0t HE incall ob appel | ds aBmast + to dx ob yudoh sad! 42: 1: dm0® isrenÿintéd ET CHE LE ares: “! ounoiVoäBielogeert ah enolansh diablo 852069 a 10m 201308 0 | “eubcobM 7. 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Si en effet je me suis réjoui de vous voir appelé au siége qu'occupa jadis saint Fran- cois de Sales ( cet aimable saint dont vos vertus rap- pelleront plus d’une fois le souvenir), je n'ai pu me défendre d’un mouvement profond de tristesse en réfléchissant à la perte que la Société royale acadé- mique de Savoie allait faire par votre départ, et au vide que vous deviez laisser dans son sein. A moi surtout, Monseigneur , à moi qui fus votre élève et que vous aviez daigné recevoir au nombre de vos amis, il m'appartenait de saisir ici l’occasion de vous témoigner ma reconnaissance. C’est à ce titre que je dépose aux pieds de Votre Grandeur le faible produit de mes recherches et de ce goût pour l'étude que je dois en grande partie à vos encouragements et à votre exemple. Un autre motif m'engage à vous dédier mon travail : les ruines de l’abbaye d’Aulps , ces ruines autour desquelles viennent se grouper tant de noms: révérés, tant de drames vivaces , et qui, semblables à des veuves éplorées , réclament aujourd’hui un bras protecteur ; ces ruines, dis-je, sont dans votre diocèse ; vous les visiterez, Monseigneur, vous les consolerez d’un long abandon , et ferez luire enfin une auréole d’avenir sur ce monument mutilé que réclament à la fois et la religion et les arts. Veuillez agréer, Monseigneur , l'hommage du pro- fond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, de Votre Grandeur, le très-humble et tres-obéissant serviteur, LÉON MÉNABRÉA. AVANT-PROPOS. Ayant eu , pendant l’été de 4840, l’occasion de parcou- rir, avec mon savant ami, M. le chevalier Cibrario , les magnifiques paysages du Chablais, la plus belle et la plus pittoresque de nos provinces, qui se déroule sur les bords du lac de Genève , à l’opposite du Pays de Vaud, je ne voulus point quitter cette plage vraiment enchantée, sans pousser mon pélerinage , à travers les torrents fougueux , les noires forêts , les ravines abruptes , jusqu’aux débris d’une abbaye antique, Sainte-Marie-d’Aulps (Sancta Maria Alpensis). Lorsque mon compagnon et moi arrivàames en face de ce monastère, retraite chérie du comte Humbert I, nous fûmes frappés de la majesté des ruines qui se dres- saient vis-à-vis de nous. Nous pümes alors contempler un de ces rares monuments qui appartiennent à la période initiale du style gothique , et où l’on voit l'architecture romane essayer un dernier effort contre la toute-puissance du système ogival ; nous nous arrêtèmes long-temps à interroger ces décombres, et à réfléchir sur les étranges vicissitudes des siècles ; le soleil déclinait à l'horizon ; la nature muette semblait favoriser l’émotion que nous éprouvions en présence de ces vestiges de la foi des anciens âges. Je ne parlerai pas de l’accueil qu’une famille aux mœurs patriarchales nous fit à St-Jean-d’Aulps , village charmant , situé au haut d’un montieule, à un quart d'heure de l’abbaye : de là , mesurant de l'œil les vastes pâturages qui tapissaient le penchant des montagnes, et sur lesquels s’échelonnaient de nombreux chalets, nous pümes nous convaincre que ce n’élait pas sans raison que la vallée qui serpentait devant nous avait été nommée la Vallée d’Aulps, c’est-à-dire la Vallée des Alpes par excel- lence ; car ici, comme en Suisse et en d’autres lieux en- 218 AVANT-PROPOS. core, Alpes est synonyme de pâturages. Nous fûmes bientôt rejoints par un jeune ecclésiastique , M. l'abbé Buttet, qui eut la bonté de satisfaire ma curiosité et de me donner une infinité de renseignements sur les choses que je dé- sirais connaître ; il se chargea même de recueillir ce qu'il pourrait des chartes du monastère d’Aulps éparses, depuis l'invasion de 1792, chez divers individus des environs. Et de fait, un ou deux mois après, je recus de sa part un coffret plein de parchemins d’où j'ai extrait les documents qui m'ont paru offrir quelque intérêt historique. Plus tard, une nouvelle masse de chartes relatives au même monastère, et appartenant à M. le curé de la Sainte-Maison de Thonon , me tomba entre les mains : ces chartes con- cernaient principalement les rapports existant jadis entre les religieux d’Aulps et les sires de Salins en Bourgogne. L’Inventaire général des titres de l'abbaye, que je trouvai dans les archives de la paroisse de St-Jean-d’Aulps, m'a également fourni plusieurs indications très-utiles. Enfin, un de mes bons amis , M. Bonnefoy, notaire à Sallanches, membre de la Commission royale d'Histoire, dont la riche collection paléographique est assez connue, a eu la com- plaisance de me communiquer une chronique manuscrite de l’abbaye d’Aulps, rédigée au dernier siècle d’après les titres mêmes du monastère , et intitulée : Abrégé histori- que et éclaircissements sur la fondation de l’abbaye d’Aulps et la succession de ses abbés. Le lecteur verra que j'ai sou- vent cité cet excellent recueil. Les ruines de l’abbaye d’Aulps sont maintenant la propriété de M. le chanoine Buttet, curé de Saint-Maurice d'Annecy, oncle du jeune ecclésiastique dont j'ai déjà parlé : M. Buttet en se ren- dant acquéreur de ces pieux débris, a fait preuve d’un désintéressement qui l’honore ; il a pu ainsi arracher ce monument à une prochaine et entière destruction. L'ABBAYE D'AULPS, De tout temps il y a eu des âmes ardentes qui, s’efforçant de briser les liens qui les attachaient à la terre, ont cru pouvoir arriver à la sainteté par la seule contemplation des choses de Dieu. Si vous voulez être parfait, a dit Jésus-Christ, allez , vendez vos biens, distribuez-en le prix aux pauvres , et vous aurez un trésor au ciel (1). Ces paroles interprétées dans un sens absolu et rigide, furent le germe d’une institution qui, née au fond des déserts de la Thé- (4) Matt., XIX, 21. 290 L'ABBAYE D'AULPS. baïde , avec les macérations des Paul, des Antoine, des Pacôme, des Macaire, des Siméon, des Hilarion, reçut, sous la règle de saint Basile, un caractère fixe, puis, se propageant d'Egypte en Syrie , en Arménie et en Cappadoce, ne tarda pas à s’introduire en Occident, et à se naturaliser en France , par les soins de saint Martin, évêque de Tours, et de saint Marcellin, archevêque d'Embrun. Toutefois la règle de saint Basile, empreinte encore des pieuses exagérations de l'Afrique et de l'Asie, ne pouvait convenir ni au climat plus tempéré , ni aux esprits plus calmes de l'Europe. En vain un Sé- noch, un Patrocle, un Caluppa , un Hospitius , un Wulfilaïck essayèrent de transplanter , au milieu de nos contrées , les étonnantes austérités des anacho- rètes orientaux : le haut clergé ne fit rien pour favo- riser leurs tentatives (2). Au reste, à cette époque, saint Benoît venait de fonder la célèbre abbaye du Mont-Cassin en Italie , et de formuler une nouvelle règle cénobitique destinée à se répandre par le monde comme un fleuve d’où devait découler un jour la gloire de la chrétienté. L'intervalle compris entre le milieu du XI° siècle et la fin du siècle suivant fut pour la vie monastique (2) Grégoire de Tours, Hist, Francor,, V, 7, 9 et 40; VI, 6; VII, 45. __S re L'ABBAYE D'AULPS. 291 une période pleme de ferveur et de retentissement. Déjà alors nos Alpes possédaient plusieurs monastères fondés ou accrus par les anciens rois burgundes ou par les empereurs de la race carlovingienne : je ne citerai ici que l’abbaye de St-Maurice-d’'Agaune , au pied du Mont-Joux, et celle de la Novalaise , au pied du Mont-Cenis, du côté de Suse. Mais vers le temps dont je parle, l'institution des ordres religieux prit un développement extraordinaire : chaque jour les abbayes-mères lançaient au loin de nouveaux essaims qui allaient peupler les vastes solitudes de nos mon- tagnes. Il faut le dire pourtant, cette force d'expan- sion ne fut pas constamment le résultat d'un excès de population danis les réservoirs primitifs de l'existence cénobitique ; il arriva souvent que le relâchement des mœurs et l'abandon de la discipline , au sein des grands monastères , contraignirent des hommes sé- vères et purs à se chercher une autre patrie et à se choisir un lieu reculé et sauvage , où ils espéraïent pouvoir accomplir sans obstacles leur mission de prière et de pénitence. C'est ainsi qu’en 1098, saint Robert , accompagné de quelques religieux , quitta l’abbaye de Molème en Champagne, et vint se réfu- gier non loin de Dijon, dans la forêt de Citeaux , où il fonda le fameux couvent de ce nom ; c’est ainsi encore que naquirent les nombreuses réformes de l'ordre de Saint-Benoît , telles que les Chartreux , / 223 L'ABBAYE D'AULPS. Valombreuse , les Silvestrins , les Célestins , les Hu- miliés, etc. Peu d'années avant que saint Robert se détachät de Molême , d’autres moines sortis de la même abbaye, on ne sait précisément pour quel motif, s'étaient acheminés vers le lac Léman , et ayant touché la rive du Chablais , s’étaient engagés le long d’une vallée étroite , appelée Alpes ou Aulps à cause des riches pâturages qui en tapissaient les versants. Les ancien- nes chroniques manuscrites de Savoie , dont on con- serve de précieux exemplaires à la bibliothèque du ’ Roi et à celle de l’Université de Turin , mentionnent traditionnellement ce voyage pieux, quoique le rap- portant à une date postérieure. « En‘iceulx jours, « disent-elles, deux prudhommes moynes se partirent « de l’abbaye de Molesmes par liscence de leur abbé, « pour aler en hermitaige en lieu plus solitaire que « n’estait leur abbaye , affin qu'ilz fussent hors du « monde; et errhèrent plusieurs marches contre « orient, ains qu'ilz trouvassent place convenable ; « à la parfin passèrent le lac de Lausanne, et ten- « dirent contre les haultes montaignes, en ung lieu « que on appeloit les Arpes, qui leur sembla dévo- « tieulx ; etilleuc, près d’ung petit ruysselet, firent « deux petis habitacles, l'ung pour dire leurs messes, « et l’autre pour leur mansion ; et menèrent si bonne « et sainte vie que leur renommée s’espandit par les | L'ABBAYE D'AULPS. 293 « environs, car , à leurs déprécations, Dieu mons- « troyt miracles apers. » Ces bons moines et ceux qui vinrent successivement se grouper autour d'eux, n'eurent point la prétention d'ériger de suite en ab- baye la nouvelle communauté ; ils se contentèrent de former , durant quelques années , une simple cella , soumise à la juridiction temporelle et spirituelle du monastère de Molême. Il paraît même , d’après les lettres de saint Bernard , qu'ils habitaient, deux par deux ou trois par trois, des huttes éparses sur les flancs de la montagne, vivant plutôt à la manière des anachorètes que selon la stricte observance de l’ordre auquel ils appartenaient (3). En ce temps-là régnait en Savoie le comte Hum- bert II. Ce prince dont nos traditions nationales pro- clament les hauts gestes , et dont le souvenir se marie à celui des seigneurs farouches qui pillaient et déso- laient notre pays, ce prince, dis-je, ne se montra pas moins pieux que vaillant : en 1094 environ , il fit aux moines d'Aulps donation d’une terre franche ou allo- diale, comprenant les deux pendants de la vallée, sur un trait d'une lieue de long ; les sires d’Alinge et de Rovoré , noms devenus plus tard célèbres dans les annales de la contrée, intervinrent à cet acte et y donnèrent leur consentement à raison des fiefs qu'ils (5) Sancti Bernardi Epistolæ, n° 254. 294 L'ABBAYE D AULPS. possédaient au même endroit ; l'évêque d'Aoste, le baron de Faucigny et plusieurs autres personnages y figurèrent également pour sa plus grande solennité ; bref , le monastère d’Aulps prit dès lors titre et rang d'abbaye sous le vocable de sainte Marie , Sancta Maria Alpensis, et sous la direction de Guy son pre- mier abbé (#). Ce que je vais maintenant écrire au sujet de l’ab- baye d’Aulps est presque en entier fondé sur des documents inédits. Les vicissitudes de ce monastère, tout en constituant une simple monographie, appar- tiennent néanmoins, on peut le dire, à l'histoire générale des institutions cénobitiques, et ne sont pas d’un intérêt aussi restreint qu'on pourrait d’abord le croire, parce que les événements particuliers ont eu ici des causes dominantes, et que partout ont été produits des effets identiques. L'abbaye de Molème, jalouse de la suprématie qu’elle exerçait sur ses nombreuses filles (c’est ainsi que l’on appelait les colonies jetées çà et là par les abbayes-mères ), n'avait consenti à l'accroissement subit et quasi inespéré de la cella des Alpes, qu'à condition expresse que cette cella, transformée en communauté régulière, continuerait à vivre sous sa dépendance et à recevoir des abbés de sa main : tel (4) Voyez ci-après, Documents, n° I. L'ABBAYE D 'AULPS. 295 fut l’objet d'une convention passée en 1097 entre les deux monastères (5). Mais une réaction contre les exigences d'une mère superbe ne devait pas tarder à s'opérer, et la fille, oublieuse de son propre sang, allait bientôt aspirer ouvertement à une complète indépendance. Guy, premier abbé d'Aulps, était mort et avait été remplacé par Guérin, vieillard aux mœurs austères, puissant de foi et de doctrine. Les lettres de saint Bernard , que j'ai déjà eu l’occasion de citer, nous apprennent que le nouvel abbé employa d'abord ses soins à supprimer les cellules éparses dont j'ai parlé plus haut, lesquelles , suivant l’expres- sion de ce grand thaumaturge , favorisaient le relä- chement de la discipline , et pouvaient être considérées comme des synagogues de Satan { synagogas Satanæ) et de véritables antres de perdition; les cellules furent donc abolies , et les femmes , éloignées du lieu qu'ha- bitaient les moines (6). Cela fait, Guérin sollicita, en 1120 , du pape Calixte IT, une bulle qui annula la convention de 1097, et rendit l’abbaye d’Aulps libre de la suzeraineté de Molème : immédiatement après, 1l embrassa la réforme de Citeaux (7). Les vertus de Guérin, sa fermeté, sa science, (5) Documents, n° IT. (6) Sancti Bernardi Epist., n° 254. (7) Chronique manuscrite de l'abbaye d'Aulps. 15 296 L'ABBAYE D'AULPS. l'amitié que lui accordait saint Bernard , le mirent en si haute vénération, que le peuple et le clergé, du Valais ( le peuple et le clergé, clerus et populus , nom- maient encore alors les évêques , en conformité des canons de l'Eglise primitive), ne crurent pouvoir porter que sur lui le choix du successeur d'Edmond, dernier évêque de Sion. En vain le saint abbé épuisa les ressources de son humilité afin de se soustraire à un pareil honneur, les Valaisans insistèrent, et le pape Innocent II le contraignit d'accepter l’épisco- pat (8). Ce fut à cette occasion que saint Bernard écrivit au monastère d’Aulps une de ces lettres cha- leureuses , pleines d'images , où son génie se peint en traits vifs, colorés, énergiques et parfois étranges. « Votre bon père, dit-il, vient d'être promu par la « volonté de Dieu à un grade plus élevé ; répétons , « Ô mes.très-chers ! les paroles du prophète : Le soleil « a surgit et & entraîné la lune dans son orbite. Le soleil «_est cet homme par qui la Congrégation des Alpes « a été rendue brillante et illustre , et celle-ci est la « lune, recevant tout son éclat du soleil (9). » Guérin s’efforça d'apporter au sein de son diocèse des réformes analogues à celles qu’il avait introduites (8) Voyez la Légende de saint Guérin, réimprimée ci- après, Documents, n° HI. (9) Sancti Bernardi Epist., n° 442. L'ABBAYE D'AULPS. 297 à Aulps. Souvent il allait se délasser de ses travaux auprès de ses anciennes brebis, au milieu des pieux exercices de la vie claustrale ; or, un jour que , sur sa modeste monture (c'était une mule), il cheminait en aval de l’abbaye et retournait à Sion, voilà qu'un mal subit s'empare de lui ;'il veut poursuivre sa route, mais les forces lui manquent ; on le ramène au monas- tère, où la maladie ayant fait des progrès rapides, il expira peu de temps après (10). Les habitants de la vallée montrent encore aujourd’hui avec un saint res- pect la pierre tout proche de laquelle Guérin et sa mule s’arrêtèrent. Lorsque mourut cet homme de Dieu (en 1150 en- viron ), le comte de Savoie Humbert IIT avait succédé au comte Amé IIT, son père , décédé deux ans aupa- ravant à Nicosie, capitale de l’île de Chypre, où il s'était laissé entraîner par le torrent des Croisades. Si Humbert n'eût consulté que ses goûts, il se fût volontiers consacré au cloître ; nous savons tradition- nellement qu'il faisait de longs et fréquents séjours , soit à Aulps , soit à Hautecombe, autre abbaye célè- bre qu'Amé III fonda, en 1125, sur les bords du lac du Bourget. Il faut tenir, sinon comme historique- ment établi, du moins comme plus que probable , que c'est aux libéralités d'Humbert que ces deux monas- (10) Légende de saint Guérin. 298 L'ABBAYE D'AULPS. tères durent en majeure partie les somptueuses basi- liques dont les restes s’offrent à notre admiration. En voici les motifs : nos chroniques nationales, qui se sont attachées surtout à reproduire les traditions po- pulaires , ont signalé Humbert pour être le fondateur de Hautecombe et d'Aulps ; en jetant les yeux sur les chartes contenant l'institution de ces abbayes , on est tenté de s’écrier que Ja tradition se trompe , que les chroniques sont menteuses ; mais il n’en est rien : aux regards du peuple , celui qui fonde , qui institue, n’est pas celui qui accorde une charte obscure, une charte dont le texte, écrit en langue non vulgaire, ne peut passer de bouche en bouche ni se propager au loin ; le fondateur, l'instituteur, c’est celui qui bâtit, c'est celui qui élève des masses de pierres, et qui parle ainsi le langage toujours éloquent des sens. D'autre part et en examinant la question sous le rapport archéologiqie, nous arrivons à des consé- quences parfaitement concordantes avec les inductions tirées des chroniques. Les ruines de l’abbaye d’Aulps appartiennent évidemment au style du XIT° siècle , au style appelé romano-bysantin-tertiaire ou de transi- tion. À cette époque, l'usage de l’arc en tiers-point ou ogive , destiné à imprimer aux constructions reli- gieuses un caractère si noble, si mystérieux, avait commencé à s’'introduire parmi les architectes de l'Europe ; mais le style roman ou romano-bysaptin, L'ABBAYE D'AULPS. 229 espèce de système hybride né du mélange de divers principes et notamment de ceux de l’école grecque et de l’école latine, continuait à figurer à côté des essais plus ou moins hardis du genre gothique. L'église du monastère d'Aulps , bâtie en tuf calcaire d’une blan- cheur éblouissante , très-fin et très-dur, sauf toutefois les assisses inférieures et quelques parties d'ornement, qui sont en pierre argileuse rouge foncé, présente à un degré frappant le cachet de la période de transition que je viens d'indiquer. Cette église, qui, en 1820, subsistait encore en entier, et qu’un inconcevable van- dalisme a ruinée depuis , était disposée sur trois nefs : celle du milieu est la seule dont les tristes restes de- meurent aujourd'hui debout. La porte maîtresse du temple , taillée en ogive , avait son ceintre orné de dix colonnettes, du haut desquelles s’élançaient autant de nervures de pareille grosseur. Les chapiteaux de ces colonnettes offrent une imitation ébauchée des chapiteaux corinthiens ; on y voit se dérouler de lar- ges feuilles sans dentelures , qui donnent à ce système d'ornementation une apparence de lourdeur propre au style roman. Au-dessus de la porte, s'ouvre une rose de médiocre grandeur, accostée de deux colon- nes semblables à celles du cintre; le système romano- bysantin se montre également ici dans ce qu'il a de saillant et de caractéristique. On s'aperçoit que ce genre d'architecture a présidé aussi à la disposition 230 L'ABBAYE D AULPS. des fenêtres géminées qui éclairent la nef principale : chacune de ces fenêtres jumelles est séparée de sa sœur par deux colonnettes posées suivant l'épaisseur du mur. Enfin, on retrouve que le même style a mar- qué de son sceau les piliers intérieurs , piliers carrés et massifs, qui ne cherchent par aucun art à déguiser leur solidité. C’est un intéressant spectacle que celui des ruines resplendissantes de l’abbaye d’Aulps au milieu d’une vallée silencieuse toute tapissée de ver- dure, et où s’échelonnent çà et là des chaumières brunes, entremêlées de noirs sapins. Les libéralités d'Humbert III, de ce prince qui, pendant ses fréquentes retraites à Aulps, aimait, dit- on, à se revêtir du froc de l’ordre de Citeaux et à suivre les pieuses pratiques de la vie cénobitique, ne se bornèrent pas à aider à la construction du monas- tère dont je retrace l’histoire : une tradition constante lui attribue des donations considérables, telles que celle de la terre d'Habère-Poches, en Chablais, et des dimes du mandement de Boëge (11). Ces actes de générosité ne devaient point étonner à l’époque où ils furent faits, car la foi se maintenait alors fervente au milieu des désordres de la société ; si l’on voyait de grands crimes , on voyait , tout à côté, de grands exemples de vertu, d’abnégation chrétienne ou de (11) Chronique manuscrite de l'abbaye d'Aulps. L'ABBAYE D AULPS. 231 repentir, et l'on pouvait répéter ce que le chroniqueur de la Novalaise disait cent cinquante ans auparavant : « IL y a des comtes et de hauts seigneurs qui se sont « volontairement dépouillés des honneurs et des biens « du monde, et qui aujourd’hui, se conformant aux « préceptes de saint Benoît, exercent l'humilité et « s'occupent même, le croirait-on? à soigner les « pourceaux et à préparer, de leurs propres mains, « les herbes et la farine destinées à la pâture de ces « animaux (12). » Les donations d'Humbert II et d'Humbert III ne sont pas les seules qui contribuèrent à rendre puis- sante l'abbaye des Alpes. Déjà, en 1113, Guido, évêque de Genève , lui avait donné l’église de Saint- Cergue et le mont Grépon, avec faculté d’y construire un nouveau couvent ; car alors l'esprit de prosélytisme s'était emparé, à un degré étrange , de tout ce qui se rattachait de près ou de loin à l'existence monasti- que (13). En 1140, Aymon, baron de Faucigny, conféra gratuitement à la même abbaye la paroisse de Mégevette et la montagne de Dionnaz ; plusieurs des vassaux de ce prince se déterminèrent à suivre ce pieux antécédent , et amplifièrent en divers lieux les (12) Chronicon Novaliciense, V, 18. (15) Besson, Mémoires pour servir à l’histoire ecclés. de la Savoie, preuves, n° 14. 232 L'ABBAYE D'AULPS. possessions de notre monastère ; on voit figurer parmi eux les seigneurs de la Tour et de Montfalcon (1#). En 118%, la cession faite par Aymon fut accrue de la montagne de Frêterullaz par Henri, son fils et son successeur (15). En 1190, Walcher ou Gaucher, sire de Salins en Bourgogne, au pied du Jura, confirma aux religieux d'Aulps la donation d’un demi-mas situé à Salins, donation faite quatorze ans auparavant par Girard Nigridoldus , son aïeul (16); deux ans après, il commua cet acte de libéralité en une certaine quan- tité de muire ou eau salée à prendre dans son puits de Salins, et à laquelle il ajouta, en 1200, trois bouillons {tres bulliones), prenables dans le même puits, la moitié le jour de Noël , et la moitié le jour de Pâques, le tout pour le salut de son ame et des ames de ses ancêtres (17). Les droits que le monastère d’Aulps acquit sur le puits de Salins, soit à raison des titres que je viens d'indiquer, soit à raison de quel- ques autres contrats (18), furent réglés, en 1248, par un compromis passé entre ce monastère et Jean, (44) Chronique manuscrite. (15) Chronique munuscrite. (16) Documents, n° V et XXXVI, article 2. (47) Documents, n° VI et VIE. (18) Documents, n° VIE et XIE. L'ABBAYE D'AULPS. 334 comte de Bourgogne, héritier des anciens sires de Salins (19). A ces concessions, s’en adjoignirent successive- ment une infinité d’autres, qui témoignent de la piété de ces temps-là, et où se font remarquer les sei- gneurs de Blonay, d'Alinge, de Fées-Ternes, de Lullins, de Ballayson, de Bracorans, de Rovoré, familles illustres, dont quelques-unes subsistent encore aujourd’hui. Souvent ces donations n'étaient pas pures et simples ; les donateurs y stipulaient diverses condi- tions, comme de faire célébrer des messes, des anni- versaires, ou de pouvoir élire sépulture dans le cime- tière de l’abbaye, ainsi que se le réservèrent un Turumbert de Ballayson et sa femme Ambrosie, dans un acte de 1236 (20). Souvent encore ils disposaient de certaines sommes, de certains revenus, pour les appliquer à des pratiques ascétiques ou à des objets d'utilité déterminés, savoir , réciter des prières en intercession de tel ou tel saint, brüler des cierges devant l’image de la mère du Sauveur, donner aux membres de la communauté des repas appelés pitan- ces ({pianciæ ), repas où les moines, en sortant de l’austérité du régime habituel, consacraient naturelle- ment une pensée au bienfaiteur. (19) Documents, n° XII. (20) Documents , n° XI. 234 L'ABBAYE D'AULPS. Ces legs de pitances en faveur des congrégations religieuses devinrent très-fréquents aux XII et XIV® siècles : les testaments des comtes, des prélats, des barons, des riches bourgeois, en contenaient pres- que toujours. Par exemple, en 1235, une Pétronille de Rovoré, épouse d'Amédée de Saxuns , transférait, en vue du salut de son ame, à l’abbaye d’Aulps la propriété d’un esclave, serf de glèbe ou taillable, appelé dol'Crest ou Ducrêt, pro una pitancia annua- Lim facienda (21). En 1270, Rodolphe I°", archevé- que de Tarentaise, léguait à la prévôté du Mont-Joux ( Grand-Saint-Bernard }, dix sols de Vienne, destinés à une pitance annuelle le jour commémoratif de sa mort (22). Les pitances étaient si nombreuses à Moû- tiers, qu’elles donnèrent lieu à d’assez longs débats entre les chanoines de cette antique cathédrale et le chapelain de Notre-Dame, chacune ‘des parties pré- tendant y avoir des droits exclusifs (23). On n’a qu'à ouvrir le livre des anniversaires de l'évêché d’Aoste pour se convaincre que là aussi les grosses pitances ne manquaient pas (24). Les pitances se montraient de temps en temps accompagnées de dones ou aumônes (21) Documents, n° X. (22) Besson , Mémoires, etc., preuves, n° 65. (25) Besson, Mémoires, preuves, n° 50. (24) Documenti, sigilli e monete, p. 554. L'ABBAYE D AULPS. 235 générales. Pierre IIF, successeur de Rodolphe I°' au siége archiépiscopal de Tarentaise, fit, en 1283, un testament par lequel il ordonnait qu'après une pitance par lui fondée dans le chapitre de son diocèse , on dis- tribuât plusieurs sextiers de seigle aux pauvres (25). Les Frères-Mineurs de Chambéry faisaient, chaque année , en vertu des dernières dispositions d'Aymon, comte de Savoie, une done de quatre deniers de Vienne à tous les pauvres qui se présentaient, jusqu’au nombre de quatre mille (26). IL arrivait également ; il faut le dire, que les mai- sons religieuses n’attendaient pas la volonté d’un testateur pour répandre des aumônes et soulager les malheureux. Une charte de 1314 nous apprend que les lépreux de Douvaine s’étaient habitués si impé- rieusement , et dès une époque si ancienne, à recevoir des secours de l’abbaye d’Aulps , que celle-ci jugea à propos de requérir d'eux une déclaration portant que ces secours ne dérivaient d'aucun engagement , et n'avaient jamais eu d'autre motif qu’un pur senti- ment de charité (27). Et en ceci, les moines agissaient prudemment , car souvent des actes réitérés et spon- tanés , ou même de simples inductions pouvaient se (25) Besson, Mémoires, preuves, n° 66. (26) Comptes des châtelains de Chambéry. (27) Documents , n° XVII. 236 L'ABBAYE D 'AULPS. convertir à leur égard en des obligations véritables. Ainsi, comme au XII° siècle on attachait l’idée d’un privilége précieux à être inhumé dans les cimetières ou dans les charniers des couvents , on voyait une infinité de personnes croire ne pas acheter trop cher ce privilége, en laissant tout ce qu’elles possédaient à tel ou tel monastère, qui alors , en tant qu'héritier, payait les dettes du défunt. Or, sur la présomption de pareilles dispositions de la part de ceux à qui l'abbaye d’Aulps accordait la sépulture claustrale , un usage avait prévalu d'exiger de cette congrégation le paiement des dettes de chacun des individus inhumés de la sorte, bien qu'ils ne lui eussent rien laissé, ni par codicille ni par testament ; mais le pape Inno- cent VI falmina, en 1357, une bulle, afin d’abolir un semblable abus , contre lequel , selon la formule ordinaire , il appelle l'indignation de Dieu et des saints (28). Avant de terminer l’énumération des divers genres de donations qui, pendant le moyen-âge, furent conférés au monastère d’Aulps, je dois dire que les princes de la maison de Savoie , et notamment Amé surnommé le Grand , et Edouard son fils, non con- tents de confirmer les anciennes libéralités d'Hum- bert IL et d'Humbert IT, les augmentérent tellement (28) Documents, n° XXIX. L'ABBAYE D'AULPS. 237 que, suivant une déclaration du Comte-Vert, sous date du 22 juillet 1365, ce monastère, outre plusieurs terres dans le Faucigny , le Genevois , le bas Chablais et la Bourgogne jurane , possédait la vallée entière d'Aulps , depuis le confluent des deux Dranses jus- qu'aux glaciers de Taneverges et du Mont-Buet (29). (29) Voici un extrait de cette déclaration : CRE Videlicet ab aqua de beuron fluente subtus vernam et lunagium et ab aqua de habundancia fluente subtus bellum montem parrochie de la forclaz ascendendo superius et infra vallem de alpibus per summitates seu syatas montium ab utraque parte dicte vallis sive hine et inde usque à summitatem montium de petra miaux de antenes de col et de rancone usque ad summitatem mon- tium parrochiarum sive vallium habundancie et de samoin e a summitate montium supra vernam et lunagium des- cendendo inferius per inter vernam et lunagium usque ad aquam de beuron ita quod locus de lunagio nobis et nostris remaneat cum ipsius mero mixtoimperio et juridictione omnimoda extra limites et territoria predicta dictorum religiosorum juridictioneque nobilium et aliarum perso- narum et aliis ipsorum juribus infra vallem et limitationes predictas eisdem semper salvis et nobis superioritate et ressorto prout infra volentes et eisdem religiosis pro se et suis successoribus ut supra concedentes quod infra con- fines predictos plures furchas et alia instrumenta neces- saria ad exercitium meri mixti imperii juridictionis omni- mode facere erigere levare erectas tenere inquisitiones et 338 L'ABBAYE D'AULPS. Un auteur célèbre a très-ingénieusement remarqué que l’une des pensées les plus caractéristiques du ré- gime féodal était la fusion de la souveraineté et de la propriété, c'est-à-dire l'attribution au propriétaire du sol de tout ou presque tout ce qui constitue le pouvoir public. Ce principe , auquel j'ai cru pourtant devoir apporter quelques restrictions dans un travail récem- ment publié (30), trouve ici son application. Les moines de l’abbaye d’Aulps, en devenant les maîtres féodaux d'une vallée de quelques lieues de long, purent, par le fait même , s’en considérer comme souverains, et y exercer les actes dérivant de cette qualité. Et en effet, on les voit dès lors nommer des juges, des vidômes , des familiers, etc. , administrer, par l'intermédiaire de ces officiers , la justice civile et la justice criminelle , appliquer des peines tant cor- porelles que pécuniaires, tenir des assises , ordonner processus contra delinquintes ibidem facere causas civiles et communales audire et examinare super ipsis cognoscere determinare sententias pecuniarias et corporales proferre ipsarum exequeiones facere assisas tenere per se et per suos familiares seu vicedognos et judices cridas et procla- mationes et omnia alia et singula facere et exercere que ad merum mixtum imperium juridictionem omnimodum pertinere noscuntur , etc. » (50) Montmélian et les Alpes, I part., chap. 5. L'ABBAYE D'AULPS. 239 des criées, des proclamations, planter des fourches patibulaires sur les confins de leurs terres, et faire en un mot {out ce qui ressortissait de ce qu'on appelait, en ce temps-là, le pouvoir pur et mixte ou l'omnimode juridiction , quæ ad merum et mixtum imperium et om- nimodam juridictionem pertinere noscuntur. La puis- sance temporelle de l’abbaye d’Aulps fut constamment reconnue , soit par les comtes de Savoie, soit par les barons de Faucigny, soit par les dauphins de Viennois, successeurs de ces derniers , ainsi que le démontrent plusieurs documents (31) ; le sénat de Chambéry lui- même , tout éloigné qu'il se montra , dès l’origine de son institution, de favoriser les juridictions indépen- dantes de la sienne , et surtout la juridiction territo- riale des évêques et des monastères , fut obligé, en 1579 , de renvoyer au juge d’Aulps un malfaiteur , justiciable de l'abbaye, que le procureur-général (51) Documents, n° XVIII, XX, XXI, XXII, XXHIT, XXIV et XXXVIT, article 8. — D’après une déclaration d’Edouard, comte de Savoie, faite en 1526, la juridiction de l’abbaye d’Aulps s’étendait depuis la croix de Tey jus- qu’à celle du Bornel à droite et à gauche, et depuis ladite croix du Bornel jusqu’au château de Châtillon en Fauci- gny. Quant à l’exercice de cette juridiction, voyez les Documents, n° XXXVIE, articles 45, 14, 15, 17, 21, 22, 25, 25 et 28. 210 L'ABBAYE D'AULPS. s'obstinait à retenir prisonnier et à vouloir poursuivre devant les tribunaux ordinaires (32). Mais le régime féodal, régime capricieux, bizarre, où la volonté individuelle et la force brutale jouent sans cesse le principal rôle , ne se prêtait pas à une libre et paisible jouissance des droits acquis ; la nature des choses suscita au monastère dont j'esquisse l’his- toire, des ennemis âpres et infatigables : les châtelains d'Alinge. Les châtelains, au moyen-âge , étaient les gardiens des châteaux ; ils exerçaient tout à la fois des attributions financières , judiciaires et militaires ; ils percevaient les revenus du prince ; ils appliquaient les bans condamnés , banna condemnata , amendes imposées à de certains délits ; ils acceptaient les bans concordés , banna concordata, compositions ou trans- actions intervenues sur de certains autres délits ; ils publiaient le mandement, mandamentum, c’est-à-dire l'injonction de se rassembler en armes ; ils levaient bannière et marchaient à la tête des combattants. Au commencement du XIV* siècle , la maison de Savoie possédait soixante et onze châtellenies , réparties en huit bailliages, et au nombre desquelles on remarquait celle d’Alinge. Les châtelains avaient un double intérêt à étendre indéfiniment , per fas et nefas, le cercle de leur juri- (52) Documents, n° XXXVL. L'ABBAYE D'AULPS. 241 diction : un intérêt d'opinion d’abord , puis un intérêt matériel. La plupart des châtelains , outre un traite- ment fixe , prélevaient annuellement une portion des sommes qu'ils exigeaient dans le ressort de la châtellenie (33); cet usage les rendait comme autant d'oiseaux de proie cherchant à dévorer la substance du pauvre peuple. Souvent l’amour du gain, joint à cet incessant besoin d'émotions naturel aux hommes d'alors , les incitait à faire la guerre aux seigneurs et aux princes limitrophes, ou pour le moins à continuer les hostilités nonobstant la publication des traités. En nous reportant au sein de la vallée d’Aulps, nous y retrouvons la féodalité tout aussi violente , tout aussi fougueuse qu'ailleurs : les châtelains d'Almge , de qui le territoire bornait au couchant celui durmonastère , ne laissaient échapper aucune occasion d’inquiéter et de molester leurs voisins; le moyen qu'ils employaient le plus fréquemment en tant que le plus facile , était de se ruer sur les sujets de l'abbaye , d'exiger d’eux, sous un prétexte de légalité , des sommes d'argent ou des denrées , et de lever des gages en cas de refus. Les comtes de Savoie avaient beau ordonner à ces avides châtelains de respecter les droits des moines ; ils n'obtenaient jamais qu'une soumission passagère , (55) Comptes des châtelains de Chambéry. — Comptes des châtelains de Seyssel. 16 242 L'ABBAYE D'AULPS. un simple répit (3#). En 1320, le châtelain d’Alinge, qui régissait également la châtellenie de Thonon, non content d'opprimer les habitants de la vallée , ima- gina de faire arracher et détruire la potence perma- nente que le monastère entretenait à la croix du Test ou de Tey, en signe de juridiction : plainte des reli- gieux au comte Amédée ; ordre du juge de Chablais audit châtelain de cesser ses vexations , de rétablir la potence, et de ne pas s'opposer à ce que dorénavant les moines y fassent pendre les malfaiteurs (35). 11 paraît que les injonctions du comie servirent de peu ; l’année suivante , le damné châtelain renouvela ses poursuites ; la potence fut de rechef abattue ; il y a plus, un homme atteint de folie ayant terminé ses jours par un suicide , les moines jugèrent que le cas ne présentait pas les caractères d’un crime, et con- sentirent à l’inhumation de ce malheureux ; mais le châtelain d'Alinge survient, il déterre le cadavre et le fait traîner ignominieusement aux fourches de sa châtellenie (36). En 134%, ce système persistait, et le juge de Chablais reprochait encore au châtelain d'avoir dirigé des inquisitions , c’est-à-dire des pro- cédures criminelles contre certains vassaux nobles de (55) Documents, n° XVII. (55) Documents , n° XXI. (56) Documents, n° XXII et XXII. L'ABBAYE D'AULPS. 243 l’abbaye , et de les avoir condamnés à des amen- des (37). Ce que le monastère d’Aulps éprouvait à l’une des extrémités de sa terre, se reproduisait, quoique moins âprement, à l'extrémité opposée : ainsi, en 136% , le bailli , le juge et le procureur-fiscal de Faucigny res- tituèrent à cette congrégation le fief de Mégevette dont on la privait injustement (38). IL faut avouer toutefois que l’abbaye usait à son tour de représailles, et que souvent elle cherchait à venger ses injures en usurpant la juridiction d'autrui : c'est ce qui explique comment , en 1326 , elle se vit forcée de payer au comte Edouard , à titre de composition, cent sols gros tournois d'argent, pour avoir fait saisir , frapper et incarcérer un nommé Lombardat de Giez , sujet dudit comte , et l'avoir retenu en chartre privée (39). Rien ne donne mieux que de pareils détails l’idée de l’or- ganisation intime du régime féodal ; chaque jour ajoutait quelque scène nouvelle à ce drame inextri- cable. À la fin du XIV® siècle, les événements de la vallée continuaient à offrir le même caractère et à s'enrichir des mêmes péripélies ; les moines d'Aulps toujours attaqués, se défendaient unguibus et rostro. (37) Documents, n° XXVIL. (58) Chronique manuscrite. (59) Documents, n° XXVI. 244 L'ABBAYE D AULPS. Parmi les nombreuses chartes de protection accordées à ces religieux par les princes de la maison de Savoie, il en est une de 1392, où Bonne de Bourbon, mère du Comte-Rouge, en recommandant à ses baillis, châtelains, métraux et autres officiers , de ne pas in- quiéter les hommes du monastère qui se rendaient en divers lieux, exerçant un commerce ou une industrie, fait allusion à l’étymologie populaire du mot Savoie sauve-vote , « désirant , dit-elle, que cet heureux nom « de Savoie, qui est interprété sauve-voie, salva va, « obtienne à l'avenir son incorruptible effet » (40). Enfin, s’attachant à toutes les branches, dans l'espoir de sauver du naufrage leur juridiction chancelante , les moines d’Aulps recouraient au St-Siége , sollier- taient bulle sur bulle, invoquaient même l'excommu- nication, comme le prouve une lettre d’Innocent IV à l'évêque de Sion, l’autorisant à écraser par l'anathème l'audace des usurpateurs , raptorum , predonum et an vasorum audaciam (41). Mais si l’abbaye d’Aulps éprouvait de grandes fati- gues à repousser les attaques du dehors, il ne lui était (40) Ce passage cité dans la Chronique manuscrite de l’abbaye d’Aulps, est ainsi conçu : Cupientes felix illud nomen Sabaudia quod interpretatur salea via suum incor- ruptibiliter effectum suboriri, etc. (41) Documents, n° XXX. L'ABBAYE D'AULPS. 245 pas moins difficile de comprimer les fréquentes ré- voltes de ses propres sujets. Afin d'apprécier les cou- ditions de cette lutte , il faut que je remonte un peu haut. Lorsque d'humbles anachorètes vinrent pour la première fois se fixer au sein des vastes prairies de la vallée d’Aulps, cette vallée contenait encore des restes de l’ancienne population barbare , population libre qui occupa nos contrées au VI° siècle. Des documents aussi curieux qu'irréfragables (je les publierai un jour ), prouvent que , dans une vallée adjacente (la vallée d’Abondance) les descendants des Burgundes se maintinrent , jusqu’à la fin du XV° siècle, exempts de toute espèce d’assujettissement politique , vivant et se gouvernant d’après des coutumes particulières évi- demment empreintes d'éléments importés de la Ger- manie. Quoique les preuves de l'existence d’une po- pulation de ce genre, en ce qui concerne la vallée d’Aulps , ne soient pas directes , les inductions y sup- pléent. Une discussion purement scientifique serait peut-être déplacée ici : je me contenterai de dire qu’à une époque où la féodalité avait dévoré l'antique liberté des peuples , une partie des habitants du ter- ritoire d'Aulps adressaient à l'abbé de ce monastère une série de demandes où l’on voit se réveiller le sou- venir traditionnel d’une indépendance long - temps défendue. Parmi ces demandes , une surtout est pro- 246 L'ABBAYE D'AULPS. fondément significative : « Nous demandons, disent- «ils, qu'aucun ban (peine pécuniaire, amende) ne « puisse être perçu par les officiers de l'abbaye, sans « que préalablement nous ayons pris connaissance de « la cause, et ayons prononcé notre sentence. » — « Une pareille exigence , répond l’abbé, est repous- « sée comme inique ; il appartient au monastère de « juger de la justice ou de l'injustice des bans » (42). Je remarquais donc qu’à l’époque où la vie céno- bitique vint s'implanter dans la vallée d’Aulps, la population des montagnes qui en forment les pendants devait conserver son indépendance primitive , son caractère original. Antérieurement à cet établisse- ment, les sires d'Alinge et de Rovoré avaient bien accepté de la part des comtes de Savoie une portion de ces montagnes à titre de fief; mais il paraît que, pour eux, ces concessions demeurèrent simplement nominales , et que les feudataires ne purent jamais obtenir dans ces lieux une véritable juridiction. Or, deux moyens s'offraient aux moines d'acquérir, dans leurs domaines, une juridiction temporelle pro- prement dite : s’entourer d’une population nouvelle de serfs et de mainmortables ; faire la guerre aux libertés de l’ancienne population. Chacun sait que le (42) Documents, n° XV. L'ABBAYE D'AULPS. 247 X° siècle fat une époque où la servitude étreignit l'Europe de toute la force de son bras d’airain. On distinguait la servitude de glèbe de la servitude de corps ; la première, qui se modifiait de mille façons, depuis le taillable à miséricorde jusqu'au simple censier , identifiait lé serf avec le fonds cultif, et le rendait immeuble par destination ; la seconde livrait le serf au caprice absolu du maître : il ne faudrait cependant pas exagérer les conséquences de cette définition, au point d'adopter en entier ce que d’igno- rants déclamateurs se sont amusés à débiter sur les intolérables misères de la servitude. Bien qu’on s'imagine communément que la servitude de corps ait bientôt disparu , pour ne laisser subsister que la taillabilité foncière , il est certain qu'aux XIE et XIHI° siècles on la retrouve encore en plusieurs lieux (43). Quoi qu'il en soit, un certain nombre de chartes rela- tives à des cessions d'esclaves en faveur de l'abbaye d'Aulps , semblent prouver que ce monastère eut re- cours à des acquisitions de ce genre , à l'effet de peu- pler les parties désertes de la vallée, et y introduire les bienfaits de l’agriculture ; les serfs de corps em- ployës à cet usage auraient alors été transformés en serfs de glèbe, et seraient devenus le noyau d'une population de taillables assujettis au sol, sous des (45) Journal des Savants, mai 1859. 218 L'ABBAYE D AULPS. conditions plus ou moins dures, plus ou moins dou- ces (44). D'autre part , des documents authentiques nous montrent les anciens habitants , poursuivis sans relâche dans leurs libertés, et obligés de se soumettre au joug féodal , soit en laissant établir sur les héri- tages libres des tributs de nature diverse, soit en recevant des terres déjà soumises à ces mêmes char- ges. Je ne fais qu’indiquer ici les résultats de cette œuvre d'assimilation , à l'examen de laquelle je me propose de donner un jour d’amples développements. On conçoit que ce ne fut pas sans de vives luttes que les monastères (car ces considérations ne sont pas exclusivement applicables à celui dont j'écris l'histoire } parvinrent à s’entourer d'une population telle qu'ils la désiraient : si les hommes libres défen- daient pied à pied une indépendance chère , sainte, immémoriale , les serfs d’origine cherchaient inces- samment à se soustraire aux rigueurs d’une position qui privait chacun d’eux du fruit de ses travaux, de ses peines , de ses sueurs. L'abbaye d’Aulps nous initie par ses chartes à de certains faits qui démon- trent que la lutte que j'ai signalée ne fut pas moins violente chez elle qu'ailleurs : ainsi en 1311, on voit l'abbé de ce monastère , entouré de toute la pompe (44) Documents , n° IV, IX, X, XI et XXXVI , art. 1,5,6,9, 10, 11 et 12. L'ABBAYE D'AULPS, 249 de sa dignité, faire grâce à cinquante malheureux, humblement agenouillés devant lui, de la peine qu'ils avaient encourue pour avoir formé, contre son auto- rité, un complot accompagné de serment (45); ainsi encore , à la même époque , les habitants de la mes- tralie de Chéravaux se détachèrent de la juridiction 7 des moines , et se placèrent sous la sauvegarde des barons de Faucigny (46); quelques années après, les hommes de la commune de St-Jean-d’Aulps se révol- tèrent ; ils attaquèrent le couvent ; mais l'émeute fut comprimée , et les coupables payëérent une amende de 960 florins d'or (47) ; plus tard , les religieux s'étant aperçus des dispositions hostiles de plusieurs censitaires , de qui ils voulaient exiger des reconnais- sances de tributs , s’adressèrent au comte de Savoie, et demandèrent assistance ; le comte ordonna au bailli de Faucigny et aux châtelains de Fées-Ternes , d'E- vian , d'Alinge, de Thonon, de Bonne, de Châtillon, de Cluses , de réduire les rénitents (48). Au commencement du XV° siècle la lutte durait encore. Par sentence du 27 février 1410 , le duc Amédée VIII, en vertu de son droit de suzeraineté, (45) Documents, n° XVI. (46) Chronique manuscrite. (47) Chronique manuscrite. (48) Chronique manuscrite. 250 L'ABBAYE D AULPS. ramena à la condition de taillables à miséricorde .et exploitables haut et bas, un grand nombre d’indivi- dus qui refusaient de s’avouer tels et de payer les servis d'usage ; ce qui, ajoute naïvement la chronique, ne contribua pas peu à la gloire de l'abbaye. Une con- damnation de ce genre frappa en 1437 les commu- niers de Morzinette. Enfin l’année suivante, un boute- feu nommé Pierre Gay, ayant insulté à la justice du monastère , fut attaché au pilori avec diverses marques d'ignominie , lesquelles , fait observer l’auteur de la chronique précitée, à! n’est besoin de circonstancier ic, lesdites marques n'étant pas honnestes (49). La punition de ce Pierre Gay eut lieu sans doute selon les statuts que le prieur d’Aulps, secondé par l’abbé de Balerne, et par celui de Haut-Crêt, dressa en 1239 touchant les homicides , les voleurs, les rebelles, les incen- diaires, et où se trouve défense aux femmes de se marier à l'étranger sans la permission du couvent , et différents articles relatifs aux censes , aux servis , à l'alpéage , au cours des eaux, etc. (50). Mais ce n'était pas seulement avec son système d'extension indéfinie que l’abbaye d’Aulps fournissait aux habitants de la vallée des occasions de révolte , (49) Voyez le sommaire de cette condamnation dans les Documents, n° XXXVITI, art. 28. (50) Chronique manuscrite. L'ABBAYE D'AULPS. 254 de mutinerie , d'émeute : l'élection des abbés était en même temps et une source de dissensions claustrales, et un prétexte de troubles extérieurs ; deux abbés, savoir , Hudry de Balmes et Rodolphe de Blonay, paraissent avoir coexisté de 1368 à 1369 , et s'être disputé le pouvoir ; quoi qu’il en soit , il est certain que la nomination de Rodolphe fut singulièrement troublée par une bande de séditieux, à la tête desquels on remarquait un noble Mermet d’Aulps ou de Ro- voré, qui, suivi de ses satellites, violenta gravement le nouvel abbé, et chassa le bailli de Chablais, sur- venu pour protéger l'élection (51). Cette famille de Rovoré, qui, dans le XI° siècle , figurait au nombre des bienfaiteurs de l’abbaye , avait fini par s’en dé- clarer l’ennemie acharnée ; on voit, en 1390 , un Guillaume , petit-fils dudit Mermet , faire amende honorable , et se rétracter d’une accusation odieuse , accusation de meurtre, intentée aux moines , à propos de la mort d’une dame Alix, vieille femme capricieuse à laquelle on attribuait plusieurs donations contradic- toires (52). Si les monastères étaient constamment en lutte, ou avec les seigneurs laïques, ou avec les châtelains des comtes de Savoie et des barons de Faucigny , ou avec (51) Documents, n° XXXII. (52) Chronique manuscrite. 252 L'ABBAYE D AULPS. les populations , ils ne guerroyaient pas moins vive- ment les uns contre les autres quand l'occasion s’en présentait. Les querelles de ce dernier genre , nées la plupart du temps de quelque divergence d'intérêt matériel, n'auraient presque jamais été suivies de ré- sultats fâcheux en les abandonnant à leurs phases naturelles ; mais il arrivait que les habitants de chaque juridiction, toujours avides de mouvement , et soumis d’ailleurs à l'influence des haines et des préjugés lo- caux , intervenaient souvent à la contestation , et y portaient la violence, le pillage, la dévastation. Ainsi, en 1296 environ , tandis que l’abbaye d’Aulps et les chanoines réguliers d'Abondance plaidaient ensemble au sujet des pâturages de Chaufleuriaz , une troupe d'hommes armés, venus d’Abondance , se dirigèrent vers les montagnes de Haut-Côtier et des Ardents , y détruisirent quatre fermes appartenant aux moines d'Aulps, en enmenèrent deux cents vaches, et allè- rent arracher du sanctuaire de l’église de St-Jean- de-la-Moussière un gardien qui s’y tenait caché : le monastère attaqué se hâla d'envoyer son sacristain aux perturbateurs, afin de les apaiser ; ceux-ci, loin de se calmer, s’emparèrent de ce religieux et le tuè- rent (53). En 1343, il y eut encore une collision par rapport à ces mêmes päturages , entre les habitants (5) Chronique manuscrite. L'ABBAYE D AULPS. 253 des deux vallées (54). On trouve que , l'année sui- vante , l'abbaye d’Aulps fit enjoindre à ses hommes du Biot de ne rien entreprendre, ni contre le couvent d'Abondance , ni contre les justiciables de ce cou- vent (55). Enfin en 1382, le monastère de Bellerive, monastère de cistériennes , sur les bords du lac de Genève, ayant eu des difficultés avec les moines d'Aulps touchant quelques terres situées au village de Neydens , l’abbesse de ce monastère, deux sœurs tourières et plusieurs gens armés, se rendirent de nuit dans les vastes greniers que lesdits moines pos- sédaient en ce lieu-là , et y prirent quarante octaves de froment , à raison de quoi le chapitre général de Ciîteaux ordonna que l’on procéderait à informations contre l'abbesse et ses fauteurs, et qu’on les poursui- vrait en réparation de dommages (56). L'âpreté que les communautés religieuses mettaient ‘ à la défense de leurs droits n’empêcha pas que, dès le XIV° siècle , elles n'aient commencé à éprouver des pertes considérables , soit par l’effet d’une admi- nistration vicieuse , soit par l'effet de la négligence ou des prodigalités de certains abbés. Déjà en 1336, l'abbaye d’Aulps était dans ce cas : à cette époque, (54) Chronique manuscrite. (55) Documents, n° XXVIH. (56) Chronique manuscrite. 25% L'ABBAYE D'AULPS. deux délégués de Ciîteaux prenaient acte de ses reve- nus , et réduisaient son personnel à trente-deux pères et cinq frères convers (57). Dix-sept ans auparavant, le pape Jean XXII avait fulminé deux bulles , adres- sées , l'une à l’évêque de Genève, l’autre à l’évêque de Sion, en vertu desquelles ces prélats devaient faire ensorte, en employant au besoin l’excommunication, que les biens usurpés ou illégalement aliénés fussent reslitués au monastère (58) ; en 1325 , le comte de Savoie envoyait au Biot un de ses métraux pour inhi- ber à quiconque de toucher à ces mêmes biens , soit ouvertement ou de bonne guerre , soit occultement , sive fuerit de guerra sive-non (59). Malgré ces expé- dients , François de la Balme , élu abbé en 1370 , eut à payer , lors de son avénement , plus de 6600 florins d’or de dettes ; il trouva en outre une infinité de terres entre des mains étrangères , sans qu'on püt connaître le motif de ces étonnantes aliénations (60). Il est vrai que le chapitre de l’ordre interposait parfois son au- torité, et annulait les conventions préjudiciables aux abbayes placées sous sa dépendance (61); mais ces (57) Chronique manuscrite. (58) Documents, n° XIX. (59) Documents, n° XXV. (60) Chronique manuscrite. (61) Documents, n° XXXHIT. L'ABBAYE D'AULPS. 955 grands coups ne se pouvaient frapper que très-rare- ment ; quant aux monitoires ef aux anathèmes que la cour de Rome lançait, selon l'usage , contre les usur- pateurs et les débiteurs rénitents , on n'y faisait mal- heureusement pas attention. Ce qu'il y a de significa- tif, c'est qu'en 1396, l'archevêque de Narbonne, camerlingue du pape (le Saint-Siége résidait alors à Avignon), touché des embarras financiers de l’abbaye d'Aulps, antellecta mole gravaminum, etc. , lui accorda un terme pour le paiement des impositions que la chambre apostolique percevait alors sur différentes congrégations (62). Parmi les causes qui contribuèrent à ébranler la puissance temporelle des monastères , causes intimes et indépendantes de l’affaissement graduel du régime féodal , et de l’extention corrélative du principe mo- narchique, on doit compter la tolérance qui permettait à un seul religieux d’être investi de deux abbayes, quoiqu'il ne pût matériellement vaquer à une surveil- lance multiple. C’est ainsi qu’en 1368 , Rodolphe de Blonay, abbé de Hauterive, fut nommé abbé d’Aulps, et qu'en 1426 , on donna cette même abbaye à Jean de l'Hoste , déja abbé de Chesery (63). Ce Jean de l'Hoste, qui mourut en 1468 environ , clôt la série (62) Documents, n° XXXIV. (65) Inventaire des titres de l'abbaye d'Aulps. 256 L'ABBAYE D'AULPS. des abbés réguliers de notre monastère. Un abus bien aufrement grave allait achever de détruire l'antique splendeur des institutions cénobitiques. Il n’est point de vérité sainte et éclatante que la logique syllogisti- que, armée de ses distinctions aiguës , ne puisse ternir et rendre douteuse : comme, d’après les canons de l'église , nul ne devait occuper simultanément plu- sieurs bénéfices , surtout lorsque ces bénéfices com- portaient la charge des âmes, on imagina de distinguer le titre d’avec l’émolument, et d'enseigner que les règles sacrées des conciles concernaiïent exclusivement le titre, et que le démon pouvait faire son profit du reste. On vit done les titulaires de tel ou tel bénéfice percevoir les revenus de deux ou trois abbayes, en qualité d'administrateurs ou abbés commendataires , et prétendre s’assimiler de la sorte aux évêques des premiers siècles, qui, chaque fois qu'un siège voisin devenait vacant, s’en constituaient les tuteurs , sous l'égide de la religion et de la justice. On ne saurait croire à combien de conséquences fächeuses les mo- nastères furent dès lors entraînés : leurs mœurs se corrompirent, leurs traditions s’effacèrent, leurs biens s'en allèrent en dispersion. À dater de cette ère, l'his- toire des couvents perd toute noblesse ; on n’y voit guère plus que de pauvres cénobites luttant contre l'avarice des commendataires , et adressant des plain- tes à ces pompeuses idoles, qui avaient des oreilles et n'entendaient pas. L'ABBAYE D'AULPS. 257 Les annales d’Aulps nous offrent l'exemple d’un de ces inexorables abbés dont l’avidité spéculait sur la nourriture des religieux, et les privait du néces- saire. Il serait inutile de raconter les humiliations étranges que ceux-ci eurent à souffrir de sa part; je dirai seulement que cet abbé, qui s'appelait Angelin de Richard, fut obligé à la fin de souscrire une trans- action qui réglait la subsistance et l'entretien des moines de la manière suivante : à chaque religieux six petites miches et deux pots de vin blanc par jour ; une livre de viande fraîche ou salée les dimanches, lundis, mardis et jeudis ; un œuf à la coque, un potage et deux œufs fricassés , ou à défaut d'œufs , un quart de livre de fromage , les mercredis , vendredis et sa- medis, et autres jours maigres ; quatorze petits florins par tête pour les vêtements ; les religieux mangeaiïent en commun ; six chandelles éclairaient le réfectoire 3: le prieur retirait portion double ; il pouvait se servir d'un bout de chandelle pour se faire reconduire à sa cellule ; les autres s’en allaient à tâtons (64). Quoique cette transaction n’eût pas été faite sur des bases bien larges et bien libérales, elle ne fut pas entretenue ; un nommé François Maradin , procureur d’Angelin de Richard, et sordide exécuteur des ordres de son maître , réduisit les moines à un tel état de détresse, (64) Inventaire , etc. 17 258 L'ABBAYE D AULPS. que le bailli de Chablais s'étant rendu à Aulps , en juin 1526 , et ayant pénétré au réfectoire à l'heure du diné, les trouva sans pain et sans pitance , et reçut immédiatement leurs protestations. Ces protestations transmises au chapitre général de Citeaux , l'abbé de ce monastère fit, en 1528 , une ordonnance par la- quelle il enjoignit au commandataire de respecter les conventions ci-dessus énoncées ; mais cela eut peu d'effet , et les choses continuèrent à se traîner de la sorte jusqu'en 1530, époque où le cardinal de Trivulce obtint la commande (65). En 1536 eut lieu, comme on sait, l'occupation de la Savoie par les Français, les Bernois et les Valaisans. Ces derniers s’emparèrent du haut Chablais , dont la vallée d’Aulps fait partie ; ils maintinrent religieuse- ment l’abbaye, et se contentèrent de lui imposer un administrateur. Les Bernois , qui possédaient le bas Chablais, et qui venaient d'y introduire l’hérésie de Luther , essayèrent vainement d'importer jusqu'à Aulps les nouvelles doctrines ; la population indignée barricada l'entrée de la vallée , proche du village de la Verne , dans un endroit appelé la Garde, et y placa une immense croix, avec l'inscription DEO VERO ; c’est ce qui fait qu'aujourd'hui encore l’on donne aux habitants de cette agreste contrée le sobriquet de Véro (65) Chronique manuscrite. L'ABBAYE D AULPS. 259 (un Véro, les Véros ), qui perpétue le souvenir de l'héroïque fidélité de leurs ancêtres. L'abbaye d’Aulps a subsisté paisiblement jusqu’à l'invasion de 1792 ; elle jouissait de plusieurs droits spirituels , tels que celui d'institution aux cures du Biot et de Saxel. Par une bulle de la douzième année du pontificat de Benoît XIV, les abbés d’Aulps furent confirmés dans la prérogative d’officier pontificale- ment dans leur monastère et dans les églises qui en dépendaient, avec la mitre , la crosse et l'anneau, pourvu qu'il ne s’y rencontrât aucun évêque ou nonce apostolique (66). Voici la série de ces abbés, autant qu'il m'a été possible de la bien composer , soit à l’aide de la chro- nique manuscrite que j'ai si souvent citée, soit à l’aide de l’Inventaire des titres de l’abbaye, soit à l’aide des chartes que j'ai eues entre les mains ; cette série est bien différente de celle qu'a donnée Besson, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des diocèses de Genève, Tarentaise, Aoste et Maurienne. (66) Documents, n° XXXVII, art. 32. 260 L'ABBAYE D'AULPS. SÉRIE DES ABBÉS D'AULPS. Guy ou Wuy fut élu premier abbé d’Aulps en 109% environ ; la commémoraison de cet abbé se faisait le 11 janvier de chaque année. Guérin était abbé d’Aulps en 1120, époque à la- quelle il rendit cette abbaye indépendante de celle de Molême. Saint Bernard écrivait en 1138 une lettre à l’abbaye d’Aulps pour la féliciter sur la récente pro- motion de Guérin à l'évêché de Sion. Guillaume I°* était abbé d’Aulps en 1140, époque à laquelle il accepta , au nom de l'abbaye, une dona- tion faite par Aymon, baron de Faucigny. Geoffroy était abbé en 1172. Thomas I°' était abbé en 1176. Isard était abbé en 1180 et 1186. Thomas II fut élu abbé en 1188 environ. Guillaume II fut élu abbé en 1191 environ. Guillaume III était abbé en 1201 et 1225. Guillaume IV mourut le 29 janvier 1231. Pierre était abbé en 1233 et 1242. Thomas III était abbé en 1249 et 1250. Pierre de Greysier (Pierre IL) était abbé en 1255. Jean était abbé en 1268 ; il mourut la même année. . Humbert de Rovoré fut élu abbé en 1268. L'ABBAYE D AULPS. 261 Pierre II fut éla abbé en 1270. Jean II était abbé 1272. Comme la durée de son administration fut très-longue , quelques-uns ont sup- posé qu'il y avait eu deux Jean consécutifs. Pierre du Freney ( Pierre IV ) fut abbé pendant les années 1307 et 1308. Guillaume de Rovoré (Guillaume V) fut élu en 1309. Jean de Vernier (Jean III) fut élu en 1333 environ. Guillaume du Rouvenoz ( Guillaume VI) fut élu en 1339 environ. Jacques d’Aulps ou de Rovoré fut élu en 1348, et mourut au commencement de 1350. Aymon de Rovoré fut élu en 1350 , et mourut en 1352. Jean de Troches ( Jean IV ) fut élu en 1352, et donna sa démission en 1368 environ. Hudry de la Balme succéda à Jean de Troches ; mais le comte de Savoie lui suscita un compétiteur en la personne de Rodolphe de Blonay , déjà abbé de Hauterive , qui parvint aussi à se faire élire abbé d'Aulps, et accomplit divers actes de juridiction. Hudry se démit de la dignité abbatiale le 28 juillet 1369. François de la Balme fut élu abbé le jour même de la démission d'Hudry. François de Bonne (François IT) fut confirmé abbé 262 L'ABBAYE D AULPS. d’Aulps par décret de l'abbé de Clairvaux, du 19 juillet 1395 ; il mourut en 1426. Berthet de Charrière vit son élection long-temps contrariée par celle de Jean de l'Hoste , déjà abbé de Chezery , qui, pour soutenir ses prétentions devant la cour de Rome , dépensa plus de 2000 écus d’or qu'il avait empruntés de Guillaume de Decioz, marchand de Genève, et à raison desquels il avait mis en gage deux mitres, une crosse et plusieurs autres joyaux appartenant à l’abbaye d’Aulps. Berthet de Charrière donna sa démission au commencement de l’année 143%. Jean de l'Hoste succéda à Berthet de Charrière en vertu d’une bulle pontificale du 14 février 1434. Jean-Louis, fils de Louis duc de Savoie , premier abbé commendataire de l’abbaye d’Aulps, obtint cette dignité en 1468 environ. Bernard, évêque de Tusculum (Frascati), cardinal du titre de Sainte-Marie ën porticu, fut nommé abbé commendataire d'Aulps en 1479. Zénon, noble vénitien, cardinal du titre de Sainte- Marie én porticu , était abbé commendataire d’Aulps en l’année 1500. Jacques, cardinal du titre de Saint-Clément , était abbé commendataire en 1503. François della Rovere, évêque de Turin, était abbé commendataire en 191#. L'ABBAYE D AULPS. 263 Bernard de Bienna, cardinal de Pérouse , était abbé commendataire en 1516 et 1517. Angelin de Divitiis ou de Richard, était abbé commendataire en 152% et 1528. Antoine , frère du précédent, était abbé commen- dataire en 1528. Le cardinal Augustin de Trivulce était abbé com- mendataire en 1530 et 1532. Fleury de Roverella était abbé commendataire en 1535. Les Valaisans ayant occupé le Chablais en 1536, Jean Troillet fut élu, quelques années après , abbé régulier du monastère d’Aulps. Jacques Tornéry fut élu abbé régulier en 1553. Le Chablais ayant été restituëé aux ducs de Savoie , Pierre de Maillard fut nommé abbé d’Aulps vers 156%. Pierre de Lambert, évêque de Maurienne , était abbé commendataire en 1579. Philibert Milliet , évêque de Maurienne , était abbé commendataire en 1599. Le cardinal Maurice de Savoie, Dom Gabriel de Savoie, Dom Antoine de Savoie , — furent successivement abbés commendataires d'Aulps. Pierre Gioffredo , auteur de la Storia delle Alpi ma- 264 L'ABBAYE D AULPS. rittime et précepteur du duc Victor-Amédée , obtint vers 1685 l’abbaye d’Aulps en commande. Jean - Thomas Provana consentit, vers 1689 , à recevoir le titre de Pierre Gioffredo en échange de l'abbaye de St-Ponce, dont il était, jeune encore, abbé commendataire ; il mourut en 1734. Après une vacance de seize ans, c'est-à-dire en 1750 , M. de Blonay fut nommé abbé. DOCUMENTS, Fondation de l’abbaye d'Aulps par le comte Humbert (1). (1094 environ. ) In nomine Sancte et Individue Trinitatis . Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod ego Umbertus comes et marchio ad promerendem Dei misericordiam servorum Xpi precibus cupiens adjuvari Vuidoni primo Alpensis cenobii abbati et monachis ejus eorumque suc- cessoribus inperpetuum dono allodium meum loci in quo idem cenobium fundatum est annuente Giraldo Alingiensi et Gillione de Roverea quorum feudum est quod jacet in pago Genevensi in valle que dicitur Alpis . Illud eis dono (1) Cet acte et le suivant ont déjà été imprimés par Besson . Mémoires pour servir à l'histoire des diocèses de Genève, Tarentaise, Aoste et Maurienne, preuves, n° 10 et 12. 266 L'ABBAYE D AULPS. cum vallicula adjacenti a summitate collis que dicitur Testus usque ad locum qui vocatur Bordel ad dexteram , vero partem et in sinistram utrobique quantum tenet spatium unius leuce in agris pratis pascuis sylvis montibus aquis aquarum decursibus et omnium rerum usibus ita ut inperpetuum libere habeant utantur sine omnium homi- num inquietatione vel cujuslibet debiti exactione servitii . Preterea quidquid exterius longe vel prope juste et ratio- nabiliter jam acquisiverunt vel imposterum poterunt adi- pisci confirmamus eis quiete possidendum . Si quis autem contra hanc nostre donationis cartam supradictum ceno- bium temerariis vexationibus fatigare vel pertubare pre- sumpserit centum libras argenti persolvat et dampnum in quadruplum restituat . Hujus vero donationis et carte testis est Boso Augustensis episcopus . Giraldus Alingiensis testis . Rodulfus de Fulciniaco testis. Udricus comes testis. Anselmus testis . Vullielmus testis, Amedeus filius ejus- dem Giraldi testis. IL. Accord fait entre l’abbaye de Molèéme et l'abbaye d’Aulps. (1097.) Notum fieri volumus universis ecclesie filiis tam futuris quam presentibus inter nos Molismensis cenobii fratres locumque Alpensem super ejusdem loci abbatis ordinatione et subjectione taliter definitum fuisse . Cum scilicet fundus ille olim ecclesie nostre collatus et per omnia subditus ut cella fuerit ipsius loci fratres domino inspirante saneti DOCUMENTS. 267 patris nostri Benedicti preceptis arctius inherentes quo- rumdam religiosorum consilio animati ipsius etiam regule auctoritate edocti abbatem sibi a nobis dari petierunt in qua petitione suppliciter in nostro capitulo perseveran- tibus . Sic tandem annuimus ut ejusdem loci abbates sicuti primus ita omnes ejus successores a nostro loco expetiti atque collati suscipientes illius loci curam a nostro abbate ibidem instituantur eumdem quoque abbatem Molismen- sem scilicet dum illue venire contigerit omnis ei reverentia tam in sede quam in justitiis regulariter tamen peragendis exhibebitur . Si vero quod absit inter illos fratres ac suum abbatem discordie malum irrepserit ad hoc examinandum vel pacificandum noster abbas non alia quelibet persona advocabitur . Id quoque statutum est ut frater quilibet loci illius in aliquo scandalisatus ad nos confugerit vel de nostris quispiam ad eos ibidem facere pertentaverit sine proprii abbatis permissu minime suscipiatur . Quod si forte illi fratres quod Deus avertat ab ipsa quam abripue- rint districtione ad usus secularium revertentes apostata- verint pristino more nobis ut cella locus ille restituatur . Definitum est hoc a domino Roberto Molismensium abbate primo in presentia subscriptorum domini scilicet Widonis in eodem loco primitus in abbatem constituti . Alberici Molismensis prioris . Ade monachi . Walterii monachi . Hescelini monachi . Stephani quoque monachi per cujus manum scriptum est . Confirmatum est autem a domino Roberto Lingonensium episcopo . presentibus domino Amaldrico decano . Herigaldo archidiacono . Hugone ar- chidiacono . Sed et Wido Genevensis episcopus idem con- firmavit presentibus Victore decano . Bernardo canonico . Alberto de Lanciaco . Id etiam concesserunt Umbertus 268 L'ABBAYE D AULPS. comes et Girardus de Alingio et Gislo milites a quibus nobis est ille locus attributus . Actum est hoc anno ab incarnatione Domini m°. nonagesimo vij°. indictione quarta . Pontificatus Urbani secundi pape anno nono. Signum domini Roberti Lingonensis episcopi . Signum domini Widonis Genevensis episcopi . Ur. Légende de saint Guérin, fondée en partie sur les épîtres de saint Bernard et en partie sur la tradition. Guarinus, qui et Guerinus , Mussiponte in Lotharingià nobili loco natus , spretis ab adolescentia sæculi volupta- tibus et illecebris , Deo in religiosà familià , Molismi , ut vulgo creditur, se dicavit . Alpense monasterium recens fundèrat Humbertus Sabaudiæ comes. Ad illud se contulit Guarinus, ibique Deo, sub regulà sancti Benedicti, totus militans, exemplar fuit absolutissimum humilitatis, pœni- tentiæ, obedientiæ et religiosæ pietatis . Cænobio præfectus abbas, cæteris sancti monachi virtutibus singularem ad- junxit in tractandis ingeniis solertiam , et indefessam in regularem disciplinam promovendam studium . Præter morem suum, suorumque prædecessorum traditiones , ecclesias et ecclesiastica beneficia reliquit , cellulas extrà cœnobium , in quibus tres vel quatuor fratres sine ordine, sine disciplina habitare solebant , destruxit, fœminas à monasterio arcuit ; quque tutiorem ad perfectionem viam sibi munirent , fratribus suasit ut se divi Bernardi disci- plinæ traderent , et Claravallensibus adhærerent . Cum DOCUMENTS. 269 jam seni requies, jam corona debebatur emerito, ait beatus abbas Claravallensis , tanquam novus in Christo miles Guarinus nova iterum sibi excitabat bella, provocabat ad- versarium , et rem fortium præsumebat ; vincebat annos animus , et. frigente jam corpore fervebat adhue sanctum in corde desiderium , nec sentiebat rugosa carnis spiritus promptus . Magis magisque in dies crebrescente sanctitatis et sapientiæ Guarini famà , ad regendam Sedunensem ec- clesiam, in locum defuncti Edmondi episcopi, communibus cleri et populi votis assumptus est, anno supra millesimum centesimo trigesimo octavo . Munus ultrd oblatum , suis ipse oculis vilis et abjectus, ut susciperet, non nisi semel et iterum jubente Innocentio secundo, pontifice maximo, adduci potuit . Ea in dignitate constitutus , consuetà vi- vendi ratione prope nihil immutatà , incredibili zelo, ætate licet provectiori, quæcumque sunt, episcopalis sol- licitudinis partes exegit, collapsam instaurans cleri disci- plinam, corruptos plebis mores emendans, bonis operibus, sermone, doctrina, cunctos erudiens ad salutem . In Alpensi monasterio , quo spiritualibus exercitiis liberius ut juxtà priscam vitæ normam vacaret, identidem secedebat ; in- commodà valetudine tentatus, instante jam ad urbem epis- copalem reditu , nihilhominus , gregis revisendi studio vires sufficiente, in viam se dedit . Ubi ad montem haud ità procul dissitum pervenit , ultrà progredi non valens, iter retrà vertit et ægrè admodum cœnobium repetiit, ibique ingravescente morbo, paucos intra dies, extremum diem clausit, anuo circiter millesimo centesimo quadra- gesimo secundo . Corpus ejus ibidem marmoreo tumulo reconditum , frequenti accessu et religione, reverantur indigenæ et vicini populi . 19 = S L'ABBAYE D'AULPS. IV. Acte de concorde entre Amédée de Lieu et l’abbaye dAulps, par lequel ledit Amédée ratifie les donations et aumônes faites par ses prédécesseurs aux religieux de ce monastère, et consent entre autres à ce qu’ils conservent la propriété de deux serfs ou hommes de qlèbe, appelés Jean et Falcon. (1180 ). Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod donnus Amedeus filius donni Amaldrici de locum quam- dam querimoniam erga domum alpensem habebat proqui- busdam donis atque elemosinis quas olim antecessores sui domui alpensi fecerant . Que tandem domino annuente taliter sedata est quodisdem Amedeus predicta dona et elemosinas laudante Wilielmo comite et filio ejus umberto domui alpensi inpace perpetuum possidendas dimisit . concessit . confirmavit insuper duos homines videlicet Johannem de nanso et falconem de pistilingio et uxorem ejus eum omni posteritate . et possessione atque substantia eorum sive habens heredem . sive non habens deo et beate marie et alpensis ecclesie pro anima sua et omnium pa- rentum suorum libere et absque ulla retentione in elemo- sinam dedit . ita tamen ut predictos homines quamdiu vixerit afratribus alpensibus in feodo habeat et ipsi pro vestitura annuatim xij nummos ecclesie eui donati sunf reddant . Post obitum vero ejus ipsos et sua omnia cum pace et quiete prefata domus possideat . Addidit etiam et DOCUMENTS. TA hoc quod si ipse sine legitimo herede ex hac vita migra- verit quicquid inparrochia sancti cirici jure hereditario possidebat sive inhominibus sive in decimis seu in terris cultis vel incultis cum omnibus usitamentis suis . totum deo et beate marie et omnibus ibidem deo servientibus ac servituris in elemosinam dedit . nullo contradicente . et pro hoc de bonis ecclesie septuaginta et v. solidos accepit. et Hugo minister ejus vi. solidos habuit . Si quis autem horum donorum calumpniator vel contradictor extiterit . et per violentiam illis aliquid de his abstulerit se pro posse defendere et dampnum restituere fideliter promisit , Hane supra dictam elemosinam tam sollenpniter. et tam legitime factam secundum sanum intellectum eorum qui presentes adderant manu ad manum cum osculo pacis . in manum Wilielmi prioris . laudavit. confirmavit . et cartam fieri precepit et sigillo donni Arducii episcopi . atque comitis ut muniretur rogavit . Hujus rei testes sunt Wilielmus comes testis advocatus et defensor . umbertus testis advo- catus et defensor . donnus Poncius de bodio . donnus Petrus F.... donnus umbertus de baleisone . donnus Tu- rumbertus senescaldus . Wilielmus de curnilo . donnus albertus sacerdos de ripa . donnus Robertus sacerdos de laie . hugo de vileta . Hoc placitum factum est in elaustro sancti petri . Anno Ab incarnatione domini Millesimo . centesimo . Octogesimo . L'ABBAYE D'AULPS. ho a © Ve Gaucher ou Walcher , sire de Salins, dans le comté de Bourgogne, et fils du comte Girard, confirme une dona- tion faite par Girard Nigridold en faseur de l’abbaye d'Aulps. (1190.) In nomine sancte et individue trinitatis . Tam futuro- rnm quam presentium . memorie tradere curavimus quod girardus nigridoldus et domina de romanay . prima uxor ejusdem girardi pro animabus suis et antecessorum suo- rum dederunt deo et sancte marie de alpibus in manu thome ejusdem ecclesie abbatis medietatem mansi unius in burgo domini Walcherii salinis ad censum quindecim denariorum et unius petavine per illas septimanas in quibus census redduntur . ipso domino laudante et sigilli sui municione confirmante laudante filio ejusdem girardi . Raynaldo et filiabus guielina petronilla in presentia tes- tium quorum ista . Johannes bonimontis abbas hugo sancti anatorii canonicus . Milo francigena . divio. magister odo. Petrus conversus bonimontis . Hoc donum avi mei ego Walcherius dominus salinis filius comitis girardi predicte ecclesie de alpibus laudo et sigilli mei impressione con- firmo . et testes idoneos pono . Witbertum capellanum meum . Rotgerium de musnet et Rodulfum fratrem ejus . et Petrum de molliprato . et Willelmum de layet . et fra- trem ejus hubertum . Senebruc et hubertum fratrem ejus. et Lambertum filium rodulphi . Anno domini . m°. €”. nonagesimo . DOCUMENTS. 27a VI. Gaucher, sire de Salins, fait donation à l’abbaye d’Aulps d'une certaine quantité d’eau salée, à prendre chaque année dans le puits de Salins, sans aucune redevance. (4492.) In nomine sancte et individue trinitatis . Quum patrum antiquorum res b. . . .. (rongé) . . . . bare sepius consuevit . ad hoc melius evitandum . presentibus et fu- turis presenti pagina designamus . quod . . . . (rongé) . . . . ney . prima uxor ejusdem Girardi pro suis atque parentum suorum animabus dederunt deo et beate marie de... (rongé) . . . Thome ejusdem ecclesie abbatis medietatem mansi unius in burgo domini Walcherii Sa- linis . ad censum quindecim denariorum et unius pecta- vine . ipso domino laudante . et sigilli sui munitione fir- mante . laudante etiam filio ejusdem Girardi Raynaldo . et filiabus suis Guielma et Petronilla . Hunc prescriptum mansum . Ego Gaucherius dominus de Salinis Girardi comitis filius . hoc donum avi mei quia censualis erat . rogatu fratrum de Alpibus pro mea et parentum meorum salute . prescriptis fratribus commutavi . taliter ut in puteo meo medietatem mansi unius in pace et quiete abs- que ullo censuali redditu eternaliter possideant . liberam- que habeant potestatem ubicumque voluerunt decoquendi nil propter hoc alicui dantes . Hanc permutationem ego Galcherius dominus de salinis feci per manum Willelmi tunc cellerarii . postea vero ejusdem domni abbatis . lau- 18 274 L'ABBAYE D 'AULPS. dante filia mea domina de Salinis . et mei sigilli impres- sione munivi . Rei hujus testes sunt . Humbertus li refor- ciel. Rogerius de Monneto . et Rodulfus frater ejus . Willelmus castellanus de lay . Bernardus et Hubertus fratres ejus. Willelmus etiam de Paseuo . et alii quam- plurimi . Sane helemosinam quam mater mea Comitissa Vienne prescripte ecclesie fecit. vel in reliquum facere voluerit . laudo atque concedo . Factum est autem hoc anno ab incarnatione domini . Millesimo . Centesimo . Nonagesimo . secundo . AMEn. VI. Gaucher ou Wacher, fils du comte Girard, donne à l'ab- baye d'Aulps trois bouillons de sel à prendre chaque année dans le puits de Salins. (4200. ) In nomine patris et filii et spiritus sancti . Ego Wache- rius filius comitis girardi dono deo et beate Marie et alpensi ecclesie servitoribusque ejus presentibus et futuris pro remedio anime mee et pro anima patrui mei Wacherii et aliorum predecessorum meorum animabus imperpetuum tres bulliones in puteo meo inferro et muria . singulis annis persolvendos . his videlicet terminis . in nativitate domini primum . et in pascha secundum . in pentechoste tercium . hoc donum tali consuetudine facio sicut et ceteris ecclesiis feci . quatinus sal non vendatur sed ad abbatiam deferatur ad usum precipuum abbatie vel grangiarum et etiam tali conditione quod singulis annis in assumptione DOCUMENTS. 27à beate virginis marie anniversarium domini Wacherii et antecessorum ejus celebrentur . et ne helemosyna ista pravorum perturbatione turbetur sigilli mei pressione confirmo . et testes idoneos pono . Widonem abbatem de balerna . et petrum boiar monachum . Bernardum mona- chum de castro caroli . Tyebaudum conversum de balerna. hugonem sacerdotem de bauma . Petrum de molli prato militem . hubertam militem de frauxino . hubertum de laye militem . petrum de tyliey . Bernardum filium rodulfi motarium . Anno ab incarnatione domini actum est . m°. Ces VIE. Gaucher , sire de Salins , fils du comte Girard , restitue à l’abbaye d’'Aulps ce que Gellebert, surnommé li Flamens, sergent de son aïeul, avait donné à ce monastère. (1208. ) Quedam hominum facta redegi sub scriptura . decrevit providentia modernorum . quatenus extantibus scripture testimoniis : plenissime veritas transactorum perpetuo vigeat sub osculis posterorum . Ego Galcherius dominus salinis . filius comitis Girardi . notum facio presentibus et futuris . quod Gillebertus li flamens serviens avi mei vide- licet Galcherii se reddiderit domui de alpibus . conferens eidem domui in helemosinam libere et integre medietatem mansi unius quam eidem Gelleberto dederat avus meus . quo concedente pariter et laudante . eadem mansi me- dietas . collata jamdicte domui declaratur fuisse . Unde 276 L'ABBAYE D'AULPS. cum supradieta domus alpium prefata helemosina faciente malicia homiaum . per longum tempus caruerit . tandem veritate rei patencius intellecta . nolensque in hoc venire contra salutem anime mee jamdictam helemosinam in integrum restitui domui superius nominate . Hanc resti- tutionem meam atque laudationem insuper et confirma- tionem : laudavit uxor mea . aliz . presenti carte sigillum suum apponens . nostro sigillo simul . in fortissimum tes- timonium rei geste a foris dependente . Testes . Radulfus abbas boni montis . Henricus primus abbas montis sancte marie . Hurmbertus abbas de goyle . Hugo de Balmis . sacerdos . Poncius presbiter . Petrus de molli prato . et Bernardus motarius . Actum anno ab incarnatione domini millesimo ducentesimo octavo. IX. Compromis entre Pierre de Lulins, chevalier, et l’abbaye d'Aulps, au sujet de certaines terres et de la propriété d’un serf appelé dol Crest. (1298. ) Aymo divina permissione gebennensis episcopus . Uni- versis presentem cartam videntibus salutem in domino . Noverit universitas vestra quod cum inter domum alpen- sem ex una parte . et Petrum militem de Lulins ex altera . questio moveretur super quibusdam rebus scilicet super quadam vineola que interjacet vineis de alpibus apud castellionem in territorio quod dicitur de franeis . et super quadam domo que erat cujusdam hominis dicti Petri . DOCUMENTS. 277 quia dicebat per culpam cujusdam conversi alpensis fuisse combustam . et super quodam homine de alta sisera . Pe- trum videlicet dol crest . quem cum omni posteritate sua dicebat ad jus suum pertinere . Tandem querela fuit in hunc moëdum terminata . quod in amicos utraque pars compromisit . videlicet in Willelmum quondam abbatem alpensem . et Lodovicum cellerarium . hos duos posuit pars alpensis . Petrus vero supradictus posuit Petrum de alingio milite . et Petrum filium suum . Hii quatuor taliter decreverunt . quod memoratus Petrus miles de lulins et filii ejus scilicet Petrus . et Giroldus . et Henricus . darent et concederent et solverint omnes querelas omnes calump- nias . et omnes investituras quibus prefata domus in pre- senti fuerat investita . et facerent solvi ab omnibus quos eisdem requireret dicta domus . Domus vero alpensis daret eis pro bono pacis quinquaginta sol . et quicquid acceperant in hominibus de monte herboso . Hoc fuit tractatum apud Tonons . deinde apud Lulins ubi fuit ple- pius exequtum in presentia duorum monachorum alpen- sium Aymonis scilicet filii ejusdem Petri de lulins . et Nicholai in eujus manum idem Petrus et filii ejus superius nominati et uxor ejus nomine Beatrix . et Ambrosia . uxor Petri junioris donationem et solutionem de rebus supra- dictis fecerunt libere et quiete . Hujus rei testes sunt W . quondam abbas alpensis . Lodovicus cellerarius . Aymo . Nicholaus monachi alpenses . Petrus capellanus de Lulins. Petrus miles de alingio . Giroldus miles de lulins et Hum- bertus . et Petrus fratres ejus . Ut autem ista permaneant illibata et quieta ad preces utriusque partis presentem cartam sigilli nostri impressione decrevimus roborare . Actum est hoc anno domini m°. ce”. xxviij°. 278 L'ABBAYE D'AULPS. X. Pétronille , femme d’ Amédée de Saxuns , fait donation de plusieurs serfs au monastère d'Aulps, avec toute leur postérité : l’un d'eux, nommé Pierre dol Crest, est donné audit monastère pro una pittancia annuatim facienda. (1255.) Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod Petronilla uxor Amedei de Saxuns dedit deo et beate marie et domui alpensi pro remedio anime sue et antecessorum suorum Nicholet et maynerium carpentarium de umbres et los bechez quos antea tenebat dicta domus pro quadam questa quam mater donni Petri de Roveria patris videlicet ejusdem Petronille dederat domui supradicte . Dedit etiam Petrum dol Crest pro una pittancia facienda alpensi con- ventui annuatim . et Anselmum de la plani et fratres ejus . et martinum de umbres . et Johannem bubuleum de Gye. ita tamen quod quinque tricenaria redat annuatim unum domui alpensi pro cereis faciendis qui ardeant in missa beate marie . et alterum domui habundantie . alterum domui de Syz . alterum domui repausatorii . alterum domui de Valons . vel si dicta domus alpensis voluerit capiat in prefato Johanne quod ei placuerit et dicta tri- cennaria reddat. Preterea dedit Johannem tabarlet qui antea tenebat terram de la moli a domo supradicta . Hos prefatos homines dedit dicta Petronilla cum omni poste- ritate et tenementis eorum libere et quiete sine aliqua prorsus retentione . et hoc de consensu et voluntate mariti DOCUMENTS. 279 sui Amedei . et de his investiunt uterque dictam domum in presenti in manu Nicholai prioris alpensis et Willielmi quondam abbatis ejusdem domus . Dedit etiam eodem voto portarie alpensi ad usus pauperum tertiam partem alpagii de layz . Auctum est hoc anno domini m°. cc°. xxxv°. KI. augusti . apud Gye coram testibus quorum ista sunt nomina. Nicholaus prior . Willielmus quondam abbas . Giroldus fisicus . monachi alpenses . Raymundus capellanus dol byol . Petrus diaconus . Raynaldus clericus. Uldricus senex . Johannes castellanus de Gye . Johannes filius ejus. Petrus litricos . Garinus filius Willielmi de Gye. Petrus dol Crest . Johannes tabarlez . Radulphus et Petrus de la moli . Maynerius li gerba . et etiam in hujus rei testimonium ut res firmior habeatur voiuerunt alpenses et dicta Petronilla et Amedeus maritus ejus cartam fieri et sigilli Giroldi officialis Gebenn . et decani alingii mu- nimine roborari. XL. Turumbert de Baleyson , chevalier, avec le consentement de Willelme son frère et d’Ambrosie son épouse , fait donation de divers biens à l’abbaye d’Aulps; il lui donne en outre un Serf appelé Turumbert dol Borial, avec toute sa postérilé : les donateurs se réservent leur sépulture dans le cimetière du couvent. (1256.) Sciant universi presentes et posleri presentem cartam inspecturi quod ego Turumbertus miles de Baleyson ad laudem et concessum fratris mei Willelmi et uxoris mee 280 L'ABBAYE D AULPS. Ambrosie dedi deo et beate marie et Alpensi ecclesie in meram et perpetuam helemosinam quicquid habebam in parrochia de Alberis . in nemoribus scilicet terris pascuis . et omnium rerum usibus pariter et in pratiS. Hoc donum feci libere et absque ulla penitus retentione ut dicta domus de Alpibus istud donum quod meum erat alodium habeat possideat imperpetuum libere et utatur . Preterea dedi solvi et concessi memorate domui de Alpibus ad laudem et concessum predictorum fratris mei et uxoris mee quem- dam hominem Turumbertum nomine dol Borial de Noy- denz cum omni posteritate sua libere et quiete . Pro istis scilicet helemosinis ego prefatus T. de Baleyson undecim libras habui de bonis ecclesie memorate . Addito quod in omnibus bonis spiritualibus que de cetero in eadem domo fierent asociati essemus et quod nos in suo cymiterio reci- perent decedentes si more bonorum christianorum ibi vellemus nostram eligere sepulturam . Ut autem hoc fir- mum imperpetuum sit et-stabile . ad preces meas . et fratris mei . et uxoris mee . Giroldus decanus alingii et officialis Gebennensis sigillum suum apposuit huic carte et jussu nostro eandem tradidit fratribus ecclesie supra- dicte . Ego nichillominus Turumbertus de Baleyson sepe- dictus feci homagium Abbati de Alpibus et unum casa- mentum quod habebam apud Masungie casamentum scili- cet trabic quod meum est alodium recepi ad vitam meam nomine feodi ab eodem . post decessum vero meum dictum casamentum libere redibit cum suis cultoribus ad domum de Alpibus memoratam . Actum Anno Domini Millesimo . Ducentesimo . Tricesimo . Sexto : DOCUMENTS. 281 XIT. Girard, sire de Salins, chevalier, surnominé Serjanz, vend à l'abbaye d’Aulps deux mesures de muire ou eau salée, à prendre chaque année dans le puits de Sulins. (1258 ). Seiant omnes quos scire oportuerit quod dominus Gi- rardus miles salinis dictus serjanz . Domina Belyssænt uxore sua et liberis suis laudantibus vendidit et concessit in perpetuum Abbati et conventui de Alpibus duos celors murie liberos de puteo domini salinis . pro duodecim libris stephaniensibus . de quibus confessus est suum re- cepisse plenarie pagamentum . Sciendum est autem quod dictus dominus G . tenetur bona fide dictos duos celors supradictis Abbati et conventui contra omnes legitime garantire . Si vero quod absit idem G. dictos duos celors garantire libere non posset . sepedictus G. assignavit et concessit sepedictis Abbati et conventui de laude supra- dictorum uxoris sue et liberorum supra muriam suam in eodem puteo sitam viginti solidos censuales . In hujus rei testimonium Capitulum saneti Anatholii Salinis. Ad preces dictarum partium presens seriptum sigilli sui munimine reddidit roboratum . Actum Salinis . Anno domini . m°. 0 ce°. xxx°, octavo . mense octobris . 282 L'ABBAYE D AULPS. XIE. Accord entre Jean, comte de Bourgogne, sire de Salins, et l’abbaye d’Aulps , au sujet des droits que ce monastère avait acquis sur les puits salés de Salins et de Bracon. (4248. ) Nos Johannes Comes burgundie et dominus Salinensis . Notum facimus omnibus presentes litteras inspecturis . Quod inter nos ex una parte . et religiosos viros Abbatem et conventum de Alpibus Cisteriensis ordinis ex altera . bona et spontanea voluntate nostre convenimus et concor- davimus In hunc modum . videlicet quod de quatuor quarteriis murie que libere habent et possident dicti Abbas et conventus de alpibus in puteo nostro majori et antiquo et muria de Salins qui est de dominio castri nostri braconis . percipient et habebunt in qualibet septimana Libere in qua Calderie nostre bullient pro qualibet quar- terio suo viginti et duos celors . Et sciendum quod de muriis que trahentur de puteo nostro predicto per cuvas in septimana Nativitatis domini vel pasce vel pentecostes vel aliis septimanis vel diebus feriatis . a Nativitate domini usque ad nativitatem domini Predicti Abbas et conventus de alpibus Habebunt firmiter et libere percipient de pre- dicta muria partem suam per omnia integre sicut aliis temporibus . Quantum pro predictis quatuor quarteriis recipere consueverunt . Solutis tamen prius elemosinis jam factis tempore et die hujus compositionis de muria que de dicto puteo extrahetur . Que videlicet elemosine DOCUMENTS. 283 consueverunt reddi tantummodo his temporibus his ter- minis scilicet septimanis nativitatis domini . Pasce et pen- tecostes . Et etiam concordavimus quod li Celors qui erunt in predicto puteo nostro de salinis erunt justa mensura ab ista die compositionis facte et in perpetuum ad opus ipsorum de decem et septem dimidio quarterone justo . legaliter mensurato . Secundum mensuram et cursum qui currebat et erat in predicto puteo nostro sito in burgo braconis tempore bone memorie Galcherii domini de salins . Et si forte contingeret nos vel heredes nostros habere guerram propter quam non possemus bullire vel vendere in Puteo supradicto . Concessimus et concedimus quod dicti Abbas et conventus de Alpibus possint libere de muria predicti putei quantum ad ipsos pertinet pro qualibet septimana trahere bullire vendere uti extra bur- gum nostrum sicut tempore hujus compositionis facte vendere consueverant et ex toto jure suo quantum ad predicta quatuor quarteria suam facere voluntatem . Ra- tione autem hujusmodi compositionis facte de viginti et duobus Celors in qualibet septimana sicut supra dictum est a dictis abbate et conventu pro quolibet quarterio suo recipiendis iidem Abbas et conventus de Alpibus quicta- verunt nobis et heredibus nostris totum jus quod habebant vel habere possent in muria Putei supradicti majoris et antiqui quantumque murie de ipso puteo extrahatur . Exceptis bullionibus de elemosinis sibi debitis et reddendis certis temporibus et exceptis aliis que deo dante juste ac- quirere poterunt in muria putei supradicti et aliorum puteorum jam inventorum et etiam inveniendorum in ipso burgo . Mensuram vero antedictam videlicet de viginti duobus celors pro uno quoque quarterio suo habebunt 28/4 L'ABBAYE D AULPS. dicti Abbas et conventus de alpibus et recipient ipsi vel mandatum ipsorum in qualibet septimana sicut supradic- tum est de muria et antiquo puteo nostro majori de salins fideliter et integraliter . et libere et absque impedimento nostri vel nostrorum deducent muriam predietam de sepe- dicto puteo nostro ad bernam suam per suos canales . pro quibus canalibus faciendis seu etiam reparandis et aliis negociis suis requirendis et agendis concessimus et Con- cedimus ut liceat nunciis dictorum abbatis et conventus vel corum ministris clausuram putei nostri per portam ingredi quotienscumque visum fuerit expedire . Que omnia supradicta promisimus bona fide firmavimus et juravimus per sancta dei evangelia per nos et heredes nostros firmiter et integraliter inperpetuum observare . Si vero quod absit nos vel heredes nostri contra predicta aliquo tempore veniremus vel faceremus . Omnia dampna propter hoc habita eisdem restituere integraliter et sine dilatione aliqua teneremur . Et ad hec omnia firmiter observanda nos et heredes nostros obligavimus et obliga- mus sub religione predicti juramenti . Actum anno domini m°. cc°. xl°. viij°. mense januarii apud Saleres. XIV. Jean, comte de Bourgogne et sire de Salins, accorde à l'abbaye d Aulps exemption de tous péages pour le trans- port du sel. (1256.) Nos Jehans Cuens de borgoigne et sires de Salins facons savoir à ces qui verrunt ces lettres que por le remide de DOCUMENTS. 285 notre ame et da lame Ysabel la Contesse notre femme et de nos peres et de nos meres et de Nos ancessors avons done et outroie em pure et perpetual amonne deu et a notre dame et a labbe et as freres daz de lordre de Cytial que de la rente de sel que li diz abbas et li dit frere : hunt a Salins puissent delivrement et sen contredil et sen paaige paier en notre terre . passer et faire porter a lor bestes tant de sel com mestiers lor est a lor salaige senz vendre atrepart . chascon an et en tesmoignaige de ce avuns mis notre sael pendant en ces letres Ce fu fait ou mois de jan- vier lan notre segnor qui corroit par mil . et dous cenz et cinquante et syx. XV. Plaintes et remontrances des habitants de la vallée d’Aulps au sujet de certains droits que percevait l’abbaye. — Réponses de l'abbé. (de 1250 à 1500 environ. ) Coram vobis domino ab- bate alpensi vel curia vestra proponit et petit universitas hominum vestrorum ligio- rum vallis alpensis a colle Testus supra quod non debe- tis nec potestis dare ad fir- mam decimas vestras seu redditus alios vobis debitos ab eisdem. Hec prima petitio repel- lenda est tanquam injusta nam jus scriptum est et om- nibus commune quod qui- cumque habent jus perci- piendi decimas seu redditus alios ipsas et ipsos possunt dare ad firmam. 286 Item petunt dicti homines quod predicti census vel red- ditus exigantur et leventur ad mensuram antiquam. L'ABBAYE Item petunt quod de rebus cessis vel exchetis . emptis . vel venditis . non teneantur solvere seu dare introgia seu laudes. Item petunt quod dotes solute redeant ad paremptes liberis non astantibus non autemad vosdominumsuum abbatem. Item petunt quod non compellatur quisque ascen- dere cum animalibus ad usum alpium si non potest vel non habet unde faciat unam eminam lactis vel am- plius et quod occasione pre- U D'AULPS. Ad istam respondet do- minus abbas quod ejusdem predecessores abbates pro tempore consueverunt ab antiquo predictos census et redditus levare et determi- nare semper ad mensuram dou Byol cui consuetudini derogare non vult nec in- tendit. Respondet dominus abbas et dicit quod preüecessores sui abbates de hujusmodi per longa tempora consueverunt percipere terciam partem precii pro laudis introgiis et vendis contra quam consue- tudinem facere non vult nec debet. ( La réponse à cet article manque dans l'original. ) Respondet dominus abbas quod eidem tota utilitassuo- rum montium vel alpium ab ipsis hominibus dimittatur vel si dictam utilitatem et usum gaudere voluerint fa- ciant et solvant prout hac- a Ç DOCUMENTS. dicta non possit levari ban- num. Item petunt quod cause vel sententie non redigantur in scriptlis sed verbo tenus explicentur. Item petunt quod non te- neantur exequare decimas animalium a decem infra. Item petunt quod in emp- tionibus . vel aliis contrac- tibus factis per litteras vel instrumenta nullus audiatur vel admittatur contra pro- prium juramentum. Item petunt quod banna non possit levare familia predicti domini abbatis nisi prius cognoscantur et judi- centur ab hominibus supra- dictis. Item petunt quod tallie non fiant dictis hominibus nisi de consilio duorum ho- minum eujuslibet decimarie Item petunt quod tallie non fiant in terris venditis vel etiam albergatis et pig- nori vel gagerie traditis. 287 tenus consuetum est ab an- tiquo — De bannis vult do- minus abbas quod leventur ex causa quacumque legi- time tamen interposita. ( La réponse à cet article manque dans l'original. ) Repellitur ut injusta cum teneantur solvere decimam omnium bonorum secun- dum communem veram es- timationem. Concedit hoc dominus ab- bas si dicta juramenta repe- riantur legitime facta. Repellitur tanquam ini- qua . vult tamen quod cog- noscatur per suam Curiam utram juste vel injuste fue- runt imposita. Repellitur maxime secun- dun statuta. ( La réponse à cet article manque dans l'original. ) 288 L'ABBAYE D'AULPS. XVI. Cinquante individus , à genoux devant l'abbé d’Aulps, en présence de Rodolphe de Montmayeur et de plusieurs autres personnages, sont absous des peines par eux en- courues pour avoir formé une conspiration contre le monastère, et s'être engagés par serment à l’exécuter. (1541.) Anno Domini m°. cec°. undecimo . die lune crastina pasce juxta abbatiam de alpibus . presentibus Domino Rodulpho de montemajore ballivo domini comitis . Domino Johanne de lingino . domino P . balli . Hugone dardeli . Jaqueto albi . Guillelmo de castellione . P. de alpibus . Humberto de gresye . Girodo de cervenz . testibus et cete- ris . homines infra scripti quitaverunt flexis genibus in presentia domini G. abbatis de alpibus et penitus remise- runt quasdam jurationes . juramenta . pacta et conventus . que et quas inter se fecerant elapso tempore . petentes veniam a dicto domino abbate et ejus fidelitatem recog- noscentes. Vullielmus dou gerdil . — filius ejus. — Aymo pitez de exerto . — Martinus dou putey . — Jo . murga . — Johannes rosaz . — Richardus chanterez . — P . dictus plagny . — brocardus dou truc. — Roz gerlaz . — Mer- metus sinfreys . — Oliverius dou cresat . — P. de sala . — Jo. de sala. — P. sinfreys. — Aymo maruglers. — Oliverius pacoz. — Jaquetus de grangiis . — Rodulphus lorete . — jaquetus ejus frater . — P . de thouveria. — DOCUMENTS. 289 P . dou lavanchier . — Jo . murgat. — Jo . dou lavan- chier. — P.Cadoz. — Richardus dou putey. — Ri- chardus ros . — Jo . regar. — Serguiers. — Oliverius aymonis . — Jo. ros. — jobannes filius lumbar de exerto petre. — Johannes grivaz . — johannes vespers promisit quod non fecit juramentum . — Aymo mayniers. — G. dou lavanchier . — Vuillelmus guilez. — P. charmillons . — Jo. pytez dou putey. — Jaquetus clementis. —P. esperons . — Mourys des romans. — Menerius de la boveri. — Mermetus de campis , — Richardus dou lavan- chier. — W. burdilliaz. — Jo. filius blanche. — Jo- hannes filius p . dou gerdil. — Hugo filius bruni de mon- trion . — nicholaus dou truc . Johannes dou chesal renunciavit juramento postea in presentia domini abbatis . XVII. Les lépreux de la maladrerie de Douvaine en Chablais déclarent que ce qu'ils ont reçu en divers temps, de l’abbaye d’Aulps, leur a été donné en pure aumône , et seulement pour l’amour de Dieu. (1544 ). Nos officialis curie gebennensis notum facimus universis presentes litteras inspecturis quod in presentia nicholeti de bachelar clerici curie predicte jurati cui quantum ad hoc commisimus et commilimus vices nostras in ipsius clerici presentia personaliter constituti leprosi de dovenos videlicet rupha de chavancy . jaquetus de hermencia . li 19 290 L'ABBAYE D'AULPS. gay . bruna ejus soror . perrodus de siez . brosia dou jocer . mariona de burdagnu . hugonetus de quaralz . alexxia de masingi . franceysia de nernier . et stephanus de espanier . pro se et successoribus suis sibique servien- tibus et servituris confitentur et in veritate recognoseunt religiosos viros dominum abbatem et conventum de alpi- bus cisteriensis ordinis dyocesis gebennensis sibi minime teneri ad aliquam elemosinam de fructibus animalium suorum faciendam vel frugum suarum ex aliquo debito . nec propter hoc ipsi vel predecessores sui unquam a dictis religiosis aliquid pecierunt sibi dari nec requirent seu petent in futurum asserentes et dicentes dictos religiosos sibi et suis predecessoribus ea que sibi dederunt gratis et ex pura elemosina solo ex intuitu divine misericordie contulisse que supradicta esse vera testificantur dicti le- prosi per juramenta sua super sancta dei evangelia corpo- raliter data in cujus rei testimonium nos predictus officialis ad preces et requisitionem dictorum leprosorum nobis per dictum juratum allatas sigillum eurie predicte presentibus litteris duximus apponendum . Datum apud maladeriam de dovenos anno domini m°, cec°. xiiij”. Ita est expeditum coram me predicto jurato. DOCUMENTS. É 291 X VIIL Le bailli et le juge du Genevois et du Chablais, ainsi que le prévôt du Mont-Joux, enjoignent au châtelain d’Alinge de respecter la juridiction de l'abbaye d’Aulps ; ils énon- cent quelques-unes des violations dont ledit châtelain s’est rendu coupable. (4315.) Guillermus condominus chastellionis in michallia miles baillivus gebennesii et chablaysii pro illustri viro domino A. comite sabaudie . Johannes prepositus umilis montis jovis . et Berlio de la marz judex terre predicte pro eodem domino comite Castellano Alingii novi vel ejus locum te- nenti salutem et sinceram dilectionem . Querelam religio- sorum virorum domini abbatis de alpibus et ejus conventus recepimus continentem . Quod cum ipsi . donationes liber- tates et franchesias quamplurimas atque juridictionem habeant teneant et possideant tenuerint habuerint et pos- sederint diu est . in castellania alingii novi et alibi . que quidem donationes libertates et franchesie atque juri- dictio . abbatie de alpibus et religiosis habitantibus in eadem . per predecessores domini nostri comitis et quam- plurimarum aliarum personarum fuerint concesse et con- firmate . Quod cum in ipsorum abbatie et religiosorum grande prejudicium dampnum non modicum et gravamen. contra ipsas donationes libertates et franchesias atque juri- dictionem . facis et facere permictis ac procuras . pignora ipsorum religiosorum et hominum suorum infra dictas 9292 L'ABBAYE D'AULPS. donationes libertates et franchesias existentia capiendo . saysinas imponendo . et alia dampna atque gravamina faciendo et juridictionem ipsorum perturbando . Idcirco ex parte dicti domini nostri comitis et nostra tibi preci- pimus et mandamus . quatenus ipsis religiosis et ipsis hominibus . de donationibus suis libertatibus et franche- siis ac juridictione uti et gaudere facias et permictas ac procures prout actenus uti et gaudere consueverunt . nec eisdem religiosis vel hominibus suis . in ipsis donationibus liberatibus franchesiis et juridictionibus aliquid dampnum injuriam violentiam sive prejudicium facias vel fieri per- mictas aut procures . Et si alique saysine vel pignorationes facte fuerint per te vel per noncios sive familiares tuos in rebus et bonis hominum taillabilium abbatie et religioso- rum predictorum recepta prius ydonea cautione . a dictis religiosis de stando juri in euria dicti domini comitis ipsas saysinas amoveas et amoveri facias et pignora ipsorum religiosorum seu hominum suorum taillabilium sub cau- tione predicta reddas et restituas indilate . si vero alique saysine vel pignorationes facte fuerint per te sive fami- liares aut noncios tuos in rebus et bonis ipsorum religio- sorum aut hominum franchorum abbatie et religiosorum predictorum . recepta prius cautione ydonea ab ipsis de stando juri in Curia dicti domini nostri comitis saysinam ipsam similiter amoveas et pignora si qua capta fuerint reddas et restituas eisdem . Datum apud Villam novam chillionis cum appositione sigilli eurie dicti domini comitis et sigillorum nostrorum Baillivi et prepositi predictorum . v*. die mensis aprilis anno domini me. ccc°. xv°. DOCUMENTS. 293 XIX. Bulle du pape Jean XXII, portant commission à l'évêque de Genève de procurer à l’abbaye d'Aulps la restitution des biens usurpés ou mal aliénés. (4519.) Johannes episcopus servus servorum dei . Venerabili fratri . Episcopo Gebennensi salutem et apostolicam bene- dictionem . Dilectorum filiorum . Abbatis et Conventus monasterii de Alpibus Cisteriensis ordinis Gebennensis diocesis precibus inelinati presentium tibi auctoritate mandamus quatinus ea que de bonis ipsius monasterii alienata invenies illicite vel distracta ad jus et proprieta- tem ejusdem monasterii legitime revocare procures . Con- tradictores per censuram ecelesiasticam appellatione post- posita compescendo. Testes autem qui fuerint nominati si se gratia odio vel timore subtraxerint censura simili ap- pellatione cessante compellas veritati testimonium perhi- bere . Datum Avinione iiij nonas octobris . Pontificatus nostri anno quarto. Il existe une autre bulle conçue dans des termes iden- tiques, adressée la mème année et Le méme jour à l'évêque de Sion. 29% L'ABBAYE D AULPS. Lettre d' Amédée, comte de Savoie, au chätelain d'Alinge, pour empêcher que cet officier ne continue à faire cer- tuines exactions au préjudice des sujets de l’abbaye d'Aulps. (1519.) Amedeus comes Sabaudie . dilectis fidelibus suis . Cas- tellano Alingii novi et Aquiani totisque officialibus nostris ipsarum castellaniarum qui nunc sunt et pro tempore fuerint . salutem et dilectionem sinceram . Querelam Re- ligiosorum virorum Abbatis et conventus monasterii de Alpibus recepimus continentem quod cum quidam homi- nes ipsorum in nostra garda se posuerint quiquidem homines vendunt et alienant aliquoties terras suas seu etiam ab intestato nullis relictis heredibus decedunt . vos emptores dictarum terrarum dictorum hominum sic dece - dentium compellitis ad solvendum ipsam gardam nomine defuncti licet non reliquerit heredes in nostra garda exis- tentes ut asserunt minus juste . Quocirca vobis et vestrum cuilibet tenore presentium precipimus et mandamus qua- tenus super garda dictorum hominum decedentium vel terras suas alienantium diligenter videatis et vos infor- metis utrum garda sit ad vitam garderii . si sit ad vitam post mortem ipsius gardam non recipietis . et si bona garderii obligata sint et garda fuerit perpetua emptores ipsarum rerum compellatis ad solvendum gardam predie- {am . quoniam res cum honore suo transit . Taliter in DOCUMENTS. 293 predictis agentes quod ad nos amplius dicti abbas et con- ventus propter hoc non recurrant . Datum chamberiaci . die xj° madii , anno domini m°. ccc°. xix°. XXI. Le juge du Genevois et du Chablais censure le chätelain d’Alinge , pour avoir fait arracher et emporter les four- ches palibulaires que l'abbaye d'Aulps tenait sur les confins de ses terres en signe de juridiction ; il déclare en quoi consiste et jusqu'où s'étend ladite juridiction. (1520.) Berlio de la marz judex gebennesii et chablasii pre illustrissimo viro domino Amédeo comite sabaudie . Dilecto suo castellano Alingii et thononis salutem et sinceram dilectionem . Ex parte Religiosorum virorum abbatis et conventus abbatie de Alpibus nobis extitit conquerendo monstratum . quod vos per familiares vestros quasdam fulcas quas dicti religiosi erexerant infra loca sibi desi- gnata . videlicet infra crucem de testu et abbatiam pre- dietam ubi habent merum et mixtum imperium et omni- modam jurisdictionem eum exercitio jurisdictionis fecistis evelli . et etiam amoveri quod cedit in prejudicium ipso- rum religiosorum non modicum et gravamen . Quare petierunt nobis dicti religiosi in predicüs sibi provideri de remedio oportuno . Nos vero visis concessianibus dictis religiosis olim factis visis etiam lilteris domini nostri comitis sigillo magno ipsius domini comitis sigillatis super declaratione juridictione ipsorum religiosorum donatione 296 L'ABBAYE D AULPS. et concessione de novo factis eisdem per predictum domi- num comitem in quibus litteris continetur quod dicti religiosi habent et habere debeant in futurum a cruce de testu usque ad crucem de bornello et a cruce de bornello in quantum tenditur baronia domini comitis versus fouci- niacum merum et mixtum imperium et omnimodam juri- dictionem . cum exercitio juridictionis in hominibus fu- rantibus ac delinquintibus infra limitationes predictas et a dextris et a sinistris cirea dictam abbatiam per spatium unius leuce . retento in predictis resorto domini comitis . Deliberatione etiam habita super predictis eum domino Johanne albi procuratore domini comitis in eadem terra vobis precipimus et mandamus ex parte predicti domini comitis et nostri quatinus dictos religiosos non turbetis nec impediatis . quominus fulcas infra dictas limitationes erigere et habere possint in loco competenti . Ad hoc quod si contingeret aliquem vel aliquos de hominibus suis . commorantibus infra dictas limitationes delinquere propter quod suspendi debeant possint ibi juridictionem suam exercere maxime cum illi cui concessa est juridictio ea concessa esse videntur sine quibus juridietio explicari non potest . predicta enim facimus sequendo tenorem et for- mam litterarum dicti domini comitis concessarum eisdem religiosis super dicta declaratione quas vobis precipimus et mandamus inviolabiliter observandas . Datum in assisis {hononis die jovis ante festum beati nycholai . Anno do- mini m°. cec°. vicesimo . DOCUMENTS. 297 XXII. Amédée, comte de Savoie, reproche au châtelain d’Alinge les troubles que cet officier apporte chaque jour à l’exer- cice de la juridiction civile du monastère d’Aulps ; il le censure entre autres de ce qu’il a fait arracher les four- ches patibulaires de l’abbaye, et exhumer le cadavre d’un des sujets de ladite abbaye, qui, s’étant tué dans un accès de folie, avait recu la sépulture chrétienne, et d’avoir ensuite fait traîner ce cadavre à l’une des potences de sa chätellenie, le tout au préjudice de la juridiction précitée. (1521.) Amedeus comes Sabaudie . Dilecto et fideli nostro do- mino Aymaro gresi castellano alingii et tononis . Salutem et dilectionem sinceram . Querimoniam religiosorum viro- rum abbatis et conventus de alpibus recepimus continen- tem . quod vos contra tenorem privilegiorum nostrorum et litterarum quas a nobis dicuntur habere super juris- dictione omnimoda mero et mixto imperio turbationes et impedimenta plurima dedistis eisdem religiosis videlicet furcas et suspensum eorum diruendo quemdam hominem ipsorum qui se infra terminos quos eisdem assignavimus et in nostris literis designatos suspenderat pro furore quo tunc et antea laborabat de terra ubi sepultus fuerat fecistis extrahi et ad furcas dou biol in eorum prejudicium sus- pendi . nec non per graves et sumptuosas pignorationes quamvis leviter posset alias fieri sepius gravavistis . unde super premissis scribimus judici et baïllivo nostris cha- 298 L'ABBAYE D AULPS. blasii et gebennesii . vobis mandantes et precipientes quatenus mandatis dictorum judicis et baillivi nostrorum que super hiis vobis fieri continget efficaciter et fideliter pareatis . Dictosque religioses contra tenorem literarum nostrarum de quibus vobis constiterit impedimentis tur- bationibus seu vexationibus nullatenus molestetis Datum Burgeti ultima die mensis decembris . Anno a nativitate domini m°. cec°. xx° primo. XXII, Lettre d’ Amédée, comte de Savoie, au bailli et au juge du Chablais et du Genevois , au sujet des violences que le châtelain d'Alinge se permet au préjudice de l’abbaye d'Aulps. (1521.) Amedeus comes Sabaudie Dilectis et fidelibus nostris . Baillivo et Judici Chablasii et Gebennesii . Salutem et dilectionem . Supplicationem religiosorum virorum ab- batis et conventus de alpibus recepimus hic annexam . Quocirca vobis precipiendo mandamus quatenus visis et inspectis diligenter litteris quas dicti religiosi a nobis super premissis asserunt se habere earum tenorem faciatis efficaciter observare . Et si que impedimenta contra hoc fuerint eis facta ad statum debitum ea faciatis reduci . Et si constiterit vobis dictos -eligiosos fuisse in deffectu fa- ciendi justiciam de illo homine quem castellanus noster alingii exhumavit et ad furcas dou biol suspendio tradidit . ipsumque infra terminos dictorum religiosorum se sus- pendisse . quod ratione resorlis nostri per dictum castella- DOCUMENTS. 299 num nostrum circa hoc bene factum est stabile perseveret. Alioquin fiat restitutio eisdem religiosis de suspenso jam dicto . Super eo autem quod de furchis dictorum religio- sorum et suspenso in eis quodam fure diruptis et evulsis per eumdem castellanum dum tamen dictus fur infra ter- minos in dictis nostris litteris designatos deliquerit ita quod ex hoc ad suspendium legitime fuerit judicatum dictarum furcarum et suspensi in eis restitutionem et erectionem fieri faciatis secundum quod dictis religiosis competit juxta tenorem dictarum litterarum nostrarum . Damus autem dicto castellano nostro tenore presentium in mandatis ut in premissis omnibus et singulis mandata vestra fideliter exequatur . quantum ad hunc casum . Datum apud Burgetum . ultima die decembris . Anno a nativitate domini . mill° ccc°. xx°. primo. XXIV. Le bailli du Genevois et du Chablais ordonne au métral du comte de Sasoie dans la vallée d’Aulps de faire faire des criées portant qu’il est inhibé à quiconque d’ensahir les possessions de l'abbaye ou de ses sujets, soit par des voies occultes, soit à querre ouverte ; il lui donne encore d’autres instructions. (1595.) Galesius de balma miles ballivus in gebennensio et chablaysio et castellanus alingii et thononis pro illustri viro domino Eduardo comite sabaudie . Dilecto suo petro barberii de thonone mistrali in valle alpensi pro dicto 300 L'ABBAYE D AULPS. domino eomite salutem et dilectionem sinceram . Ad nos venientes viri Religiosi abbas et conventus de alpibus seu eorum procuratores . Et nobis graviter exponentes con- querendo . quod quidam homines de parrochia dou bioul . capiunt et depredant minus juste et sine causa rationabili res et bona hominum dictorum religiosorum contra volun- tatem et inhibitionem eorumdem . Et cum nos viderimus plura rescripta et mandata dicti domini comitis et ejus predecessorum . inter cetera continentia . quod bona dic- torum religiosorum et hominum suorum ubicumque exis- tentia ab omni vi et violentia per gentes dicti domini comitis deffenderemus et deffendi faceremus justilia me- diante . Idcirco ex parte dicti domini comitis et nostra tibi precipiendo .mandamus quatenus preconisari facias in pleno foro dou bioul sub pena corporis et carceris ne ali- quis cujuscumque conditionis existat res et bona dictorum religiosorum vel hominum suorum in domibus vel extra . sive sit de guerra sive non . palam vel occulte . capiat vel depredat . nisi de nostra processerit voluntate . de qua possit fidem facere per nostram litteram sigillatam . quod si forte scienter vel inscienter aliquis contra predicta fecerit . volumus quod ad requisitionem dictorum reli- giosorum vel hominum suorum aut alterius eorumdem . illud quod eis ablatum vel depredatum fuerit . facta super hoc fide summaria prout decet . eisdem statim restituatur ad plenum . absque pastu aliquo vel expensis . Item man- damus tibi nomine quo supra quatenus dictos religiosos nec homines dictorum religiosorum non pignores nec pignorari facias per aliquod delictum nisi prius dictos re- ligiosos requisieritis per quatuor dies ante pignorationem supradictam . Datum cum appositione sigilli nostri die vicesima quinta mensi may Anno domini m°. €cc°. XXV°. DOCUMENTS. 301 XXV. Les religieux de l’abbaye d’'Aulps ayant saisi, blessé et incarcéré le nommé Lombardat, de Gyez, sujet d'E- douard , comte de Savoie, et, pour ce fait, ayant été obligés de venir à composition avec ledit comte, celui-ci déclare avoir reçu d’eux la somme de cent sols en gros tournois, montant de cette composition. (41526. ) Nos Edduardus Comes Sabaudie . Notum facimus uni- versis presentes litteras inspecturis . Quod cum Religiosi de Alpibus nobiscum hodie concordaverint convenerint et satisffecerint super captione vulneratione et incarceratione dicti lombardat de gyez quem lombardat dicti Religiosi per se vel per alium fecerant detineri offensam privati carceris commitendo prout predictum factum et concordia supradicta in littera nostra dicte concordie plenius con- tinetur pro certa pecunie quantitate que non exprimitur in littera eadem certis occasionibus et de causis . Ideo confitemur manifeste quod summa concordie supradicte est et fuit Centum solidi grossorum turonensium argenti quos ab ipsis Religiosis ex causa predicta habuimus et recepimus et nos habuisse et recepisse confitemur per manum Guillermi de Castellione familiari nostri dilecti in pecunia numerata . Ita quod inde dictos Religiosos et bona ipsorum solvimus penitus et quittamus . In quorum om- nium robur et testimonium sigillum nostrum presentibus duximus apponendum . Datum et actum Auguste die nona mensis Novembris . Anno domini mill°. ccc°. vicesimo sexto . 302 L'ABBAYE D'AULPS. XXVI. Humbert, dauphin de Viennois', enjoint à ses baillis, juges, procureurs-fiscaux , châtelains, métraux et autres offi- ciers, de maintenir et défendre, envers et contre tous, les biens et les hommes de l’abbaye d’Aulps, et il leur inhibe de toucher en rien à la juridiction de ladite abbaye. (1554.) Humbertus dalphinus viennensis Vieune et Albonis comes ac palatinus dominusque fucigniaci dilectis nostris fidelibus Bayllivo judici procuratori Castellanis mistralibus justiciariis officialibus subditis et amicis quibuscumque terre nostre fucigniaci presentibus et futuris et eorum loca tenantibus salutem et dilectionis affectum domui conventus seu monasterii de alpibus quam caram habemus et debe- mus Res et bona universa et singula domus ejusdem et dominorum ipsius Volumus et vobis et singulis vestrum harum tenore ut forcius possumus districte injungendo Mandamus quatenus una cum hominibus dicte domus et bonis eorum quibuslibet Manuteneatis et deffendatis ab omnibus et contra omnes et a molestiis oppressionibus angariis perangariis injuriis vel offensionibus illicitis ne sibi infferantur modo aliquo custodiatis juxta et secundum tenorem privilegiorum et libertatum que seu quas domini ipsius domus de alpibus a predecessoribus nostris et nobis retroactis temporibus oblinuerunt que privilegia et liber- tates in omnibus et per omnia per quoscumque jubemus inviolabiliter et volumus in antea observari Inhibentes DOCUMENTS. 303 vobis et vestrum cuilibet et sub pena indignationis nostre quatenus dictos religiosos vel ecrum homines pro quibusvis racionibus de cetero non pignoretis vel per quenquam pignorari permictatis nisi prius fuerint per judicem nos- trum convicti vel sententialiter comdempnati . datum balme per nobilem Amblardum de bello monte juris civilis professorem prothonotarium delphinatus. Anno nativitatis domini m°. cec°. xxxiiij°. die xxj°. marcii . XX VII. Le chätelain dAlinge ayant de nouveau inquiété les religieux de l’abbaye d’Aulps dans leur juridiction , en molestant quelques-uns des hommes-liges de ladite abbaye, le juge du Chablais et du Genevois lui enjoint de s'abstenir de toutes poursuites, jusqu’à ce que la cause d'appel portée à ce sujet devant le comte de Savoie soit vidée. (1544.) - Johannes Ravaysii legum professor Judex in chablaisio et gebennesio pro illustri et magnifico principe domino nostro Amedeo comite sabaudie dilecto nostro castellano alingii et thononis aut ejus locum tenenti salutem et dilec- tionem . Cum vos aut familiares vestri certas penas seu mulctas imposueritis mermeto et janino fratribus filiisque quondam domini Nichodi de alpibus et contra eosdem inquisitiones feceritis ut ipsorum nobis gravi querela no- mine extitit monstratum Et venerabiles et Religiosi viri domini . Abbas et conventus de Alpibus asserant dictos fratres infra juridiclionem suam de alpibus quam se di- 30% L'ABBAYE D'AULPS. cunt habere ibidem . existere moram tralere et in eos juridictionem habere cognitionemque inquisitionum con- tra ipsos fratres factarum ad ipsos Religiosos pertinere cum sint homines eorumdem ligii et infra parrochiam de biollo commorentur in qua dicti Religiosi merum et mix- tum imperium asserunt se habere . unde viso tenore privilegiorum et informationum dictorum Religiosorum super dicta juridictione per eos allegata Attento etiam quod iidem fratres de premissis coram nobis ad quem devolvi debet appellatio appellarunt adhucque pendeat dicta appellatio coram nobis . vobis mandamus quatenus contra dictos nobiles et fratres nichil novi faciatis sed si quid factum fuerit in statum pristinum reducatis seu reduci faciatis donec de causa per nos plenarie extiterit . ordinatum . datum die xxj° junii . Anno domini m°. ecc°. xliij°. XXVII. Udric ou Udriset, familier de l'abbaye d’'Aulps, publie, dans l’église du Biol, des inhibitions tendantes à empé- cher que les sujets de ladite abbaye ne fassent la querre et ne causent du dommage aux religieux d’ Abondance , non plus qu'aux hommes de ce dernier lieu. (1544. ) In nomine domini amen . Anno a nativitate ejusdem m°. cec°. quadragesimo quarto indictione . xxij*. die de- cima mensis octobris in presentia mei notarii et testium infrascriptorum . personaliter constitutus . Udrisetus de \ DOCUMENTS. 305 carli dou biol . famulus Religiosorum virorum dominorunt abbatis et conventus de alpibus . apud lu byol . Idem Udrisetus tanquam famulus et nomine et ex parte . pre- dictorum dominorum abbatis et conventus de alpibus prout asserit . et de mandato predictorum Religiosorum . preconizavit . inhibendo in ecclesia de byollo . populo existente ad divina ne aliquis. hominum predictorum Religiosorum de Alpibus offenderet nec etiam forisfaceret contra religiosos viros dominos de abundancia ac etiam res et bona hominum ipsorum Religiosorum de abundan- cia . Et hoc sub pena amissionis omnium rerum quas tenent . predicti homines Religiosorum de alpibus ab ipsis de qua quidem preconizatione superius facta idem Udricus nomine et ex parte predictorum domini abbatis et con- ventus de alpibus precepit mihi notario infrascripto . nomine et ad opus omnium quorum interest et interesse poterit in futurum per me fieri publicum instrumentum . Et ad hec fuerunt . testes vocati et rogati videlicet dognus stephanus curatus sancti nycholai de alpibus videlicet dou byol . dognus nychodus de nicuiday ejus vicarius jaquetus de nicuiday clericus jhoannes gres dou biol et plures alii . Et ego johannes de byollo clericus . auctoritate imperiali publicus notarius . hanc cartam rogatus scripsi signavi et tradidi intestimonium veritatis . Datum et actum in dicta ecclesia dou byol ut supra . 20 306 L'ABBAYE D'AULPS. XXIX. Le pape Innocent VI déclare que l'abbaye d’Aulps n'est pas tenue de payer les dettes de ceux qui se font enterrer dans son cimetière. (4557.) Innocentius episcopus servus servorum dei. Dilectis filiis . Abbati et Conventui monasterii de Alpibus Ciste- riensis ordinis Gebennensis diocesis . Salutem et aposto- licam benedictionem . Ne aliqua indigne nos inquietudo ,perturbet illius provisionis debemus adhibere subsidium quod fore ad hoc dinoscitur oportunum . Sane coqueren- tibus nobis accepimus quod cum aliquos vestri cimiterii sepulture traditis quam ipsi ex pie devotionis affectu duxerant eligendam . nonnulli clerici et laici civitatis ef diocesis Gebennensis licet ad vos bona non perveniant hujusmodi defunctorum vos ut debita persolvatis quibus illi dum viverent tenebantur pro sua temere voluntate compellunt . Cum itaque indignum sit vos injuriis affici quos pie religionis optentu decet benigni favoris gratia confoveri. nos vestre devotionis precibus annuentes ut nullus super hujusmodi debitis vos ulterius molestare presumat . auctoritale presentium districtius inhibemus . non ostante consuetudine contraria que dici debet potius corruptela . Nulli ergo omnino hominum liceat hanc pa- ginam nostre inhibitionis infringere vel ei ausu temerario contraire . Siquis autem hoc attemptare presumpserit indignalionem omnipotentis dei et beatorum Petri et Pauli DOCUMENTS. 307 apostolorum ejus se noverit incursuram . Datum Lugduni Kal . septembris pontificatus nostri anno quarto . XXX. Bulle du pape Innocent VI, portant commission à l’évêque de Sion de réprimer l'audace de ceux qui envahissent les biens du monastère d'Aupls. (4561.) Innocentius servus servorum dei . Venerabili fratri . Episcopo Sedunensi . Salutem et apostolicam benedictio- nem . Pium esse dinoscitur ut gloriantibus in malicia per nos taliter obsistatur . quod repressis eorum insultibus vacantes divino cultui liberius possint in observantia mandatorum domini delectari . Cum igitur dilecti filii . Abbas et Conventus de Alpibus Cisteriensis ordinis Geben- nensis diocesis sicut accepimus diversis affligantur injuriis et jacturis . fraternitati tue per apostolica scripta manda- mus qualinus eisdem contra raptorum predonum et inva- sorum audaciam efficaciter assistens . non permittas cos in bonis et personis ipsorum contra indulta privilegiorum sedis apostolice ab aliquibus indebite molestari . Molesta- tores hujusmodi per censuram ecclesiasticam appellatione post posita compescendo . Datum Lugduni , nonis Julii . Pontificatus nostri anno octavo . 308 L'ABBAYE D'AULPS. XXXI. Amédée, comte de Savoie , déclare que c’est gratuitement et par grâce spéciale que les religieux d'Aulps lui ont accordé la faculté de lever, en 1563, un subside sur chacun des feux de leur territoire. (1564. ) Nos Amedeus Comes Sabaudie . Notum facimus uni- versis quod cum Reverendus in Xpo pater . dominus abbas de alpibus ad postulationem et requisitionem nostram anno proxime preterilo nobis graciose concesserit super singulis focis hominum suorum et abbatie sue predicte certum subsidium . hine est . quod nos nollentes quod ex hujusmodi gratia et largitione dicto domino abbati abbatie vel hominibus valeat in posterum aliquod prejudicium . gnari . attestamur et in veritate confitemur . ipsum sub- sidium fuisse et esse nobis concessum ad nostri instantiam et requisitionem per dictum dominum abbatem de gratia speciali . datum chamberiaci die penultima decembris . Anno domini mill°. cec°. Ixiiij°. DOCUMENTS. 309 fl. XXXIL Amédée , comte de Savoie, fait grâce à certains hommes de la vallée d'Aulps, moyennant la somme de sept cents florins d'or, des peines qu'ils avaient encourues pour avoir troublé, par leurs violences , l'élection d'un abbé, et pour avoir, en celle occasion, maltraité Jean de Blonay , bailli du Chablais. (1568). Nos Amedeus Comes Sabaudie . Notum facimus uni- versis . Quod cum nuper abbatia de alpibus gebennensis diocesis vacante pastore dum eidem ecclesie presente di- lecto fideli domino Johanne de blonay baillivo nostro chablaisii provideretur de reverendo patre domino Ro- dulpho abbate alterippe homines ejusdem monasterii pre- fatis domino rodulpho et baillivo nostro graves intulerunt violentias injurias et offensas una cum mermeto de alpibus ad hoc prefatis hominibus auxilium et juvamen prebente. Hinc est quod nos qui dictos homines nobis remitti pete- bamus pro justitia exibenda de injuriis officiariis nostris illatis volentes dictos homines factis nobis supplicationibus benigniter pertractare dietos homines mermetum et sin- gulos ipsorum de prefatis injuriis violentiis et offensis dependentiisque et emergentibus ex eisdem presentium tenore solvimus penitus et quiltamus . Penasque et banna que sibi predictorum ratione vel causa infligi poterant et debebant dictis hominibus de speciali gratia quantum uobis offendere potucrunt totaliter remittimus . Et hoc 310 L'ABBAYE D'AULPS. pro . septies centum florenis auri boni ponderis quos ab ipsis manu dilecti fidelis nostri Anthonii champion ha- buisse et recepisse confitemur de quibus dictos homines etsingulos ipsorum ex inde solvimus penitus et quittamus . Datum auguste die iiij® decembris Anno domini mill’. ceclxviij”. XXXIII. L'abbé de Clairvaux casse et annule un contrat onéreux pour l’abbaye d'Aulps. (1591. ) Universis presentes litteras inspecturis Frater Stephanus Abbas clarevallis . Salutem in domino sempiternam . Cum tractatus nuper factus fuerit inter Abbatem et Conventum de alpibus ex una parte et priorem de pellonay ex altera parle super una grangia nuncupata altarippa videlicet quod dictus prior tenere et possidere debebat dictam gran- giam ad vitam suam duntaxat tali nichilominus conditione quod dictam grangiam reparare debebat molendinumque reficere et multa alia dicte grangie restaurare necnon du- centos florenos boni auri et justi ponderis in prompla peeunia solvere dictis abbati et conventui tenebatur . Nos invenimus in nostra ultima visilatione noviter in dicto monasterio de alpibus nobis immediate subjecto facla dictum tractatum dieto monasterio dampnosum et contra nostra statuta tam papalia quam etiam nostri generalis capituli fore factum . Idcirco predictis Abbati et conventui inhibemus sub pena excommunicationis quod predictum {raclatum et conventiones in eodem factas revocent el ad- DOCUMENTS. 311 nullent indilate quas conventiones una cum toto tractatu per presentes ex certa scientia auctorilate paterna ac eliam nostri generalis capituli totaliter revocamus . In cujus rei testimonium sigillum nostrum presentibus lit- teris duximus apponendum . Datum in dicto monasterio de alpibus anno domini m°. cec°. nonogesimo primo die undecima novembris tempore visilationis . XXXIV. Le camerlingue de Sa Sainteté accorde à l'abbaye d’Aulps une prorogation de terme pour le paiement des contribu- tions qu'elle doit à la chambre apostolique. (1596. ) Universis presentes litteras inspecturis . Franciscus mi- seratione divina Archiepiseopus Narbonensis . domini pape Camerarius in domino . Ad universitatis vestre no- ticiam deducimus quod venerandus in Xpo pater dominus frater franciseus Abbas monasterii de Alpibus Cisteriensis ordinis Gebennensis dyocesis pro parte partis sui commu nis servilii in quo est Camere apostolice obligatus . Quin- quaginta florenos auri de camera ipsi camere . Nec non pro parte partis quatuor servitiorum familiarium et offi- ciariorum ipsius domini pape Octo florenos auri etiam de camera.et quindecim solidos monete Avinionensis Clericis dicte Camere pro ipsis familiaribus et officiariis recipien- tibus per manus Symonis de Bona germani sui die date presentium et tempore debito juxta dilationem sibi super hoc concessam solvi fecit de quibus sic solutis eumdem dominum Abbatem monasterium suum et successoros 312 L'ABBAYE D'AULPS, ipsius suaque et eorum bona tenore presentium absolvi- mus et quitamus . Verum intellecta mole gravaminum pro parte ipsius domini Abbatis coram nobis exposita que ipsum ad solvendum sui communis et quatuor servitiorum predictorum restas quas sub certis penis et sententiis ac termino nondum elapso solvere tenebantur reddebant et adhuc reddunt verisimiliter impotentem . Auctoritate nobis in hac parte commissa usque ad festum nativitatis beati johannis baptiste proxime venturum terminum sibi duximus prorogandum . Ita tamen quod nisi in dicto sibi prorogato termino satisffecerit de premissis sententiis et penis quibus antea tenebatur sit astrictus . In quorum testimonium presentes litteras fieri et sigilli nostri Came- rariatus Officii fecimus appensione muniri . Datum Ave- nione die ultima mensis februarii Anno a nativitate domini mill°. trecent° . nonages° . sexto . Inditione iiij . Pontifi- catus domini nostri Benedicti pape xüij . Anno secundo. XXXV. Jaquet Espollier, Aymonet son fils et Mermet Fornan, à genoux devant l'abbé d’Aulps, composent et transigent avec lui, moyennant vingt florins d’or de petit poids, sur la peine par eux encourue pour avoir maltraité An- nexonne, veuve d'Aymon Guédon, et Jaquette sa fille, el pour avoir entre autres cassé une dent à la première et arraché les cheveux à la seconde. (1597.) In nomine domini amen . Anno ejusdem mill°. ecc°. nonagesimo septimo inditione quinta cum eodem anno - DOCUMENTS. 313 sumpta et die secunda mensis januarii apud abbatiam de alpibus in camera Reverendi in Xpo patris et domini francisci abbatis humilis monasterii de alpibus . Coram nobili nycoleto eschaqueti de noedens domicello . Johanne bachelerii clerico . et. ... perroneto . bertheto cholerii . perronete balli de seytroux . mermeto filio johannis wil- lerii de mosseria habitatore de saxo . et petro balli de seytroux pro testibus evocatis meque subscripto notario constituti . Jaquetus espolerii de seytroux habitator de larmant . Aymonetus ejus filius ex una parte . Et pretensus dominus abbas ex alia parte . Cum quedam inquisitio facta fuerit ex officio eurie ipsius domini abbatis et sui Con- ventus per me notarium subscriptum ad denunciationem et clamam annexone relicte aymonis gueydon de biollo Contra patrem et filios antedictos ac mermetum filium johannis fornan de seytroux per quam inculpabantur ad domum dicte annexone certa die post nativitatem domini nuper lapsam accessisse ipsamque domum cum duobus venabulis in eorum manibus defferentibus introisse . ibi- demque invenisse annexonam relictam ipsius aymonis gueydon et jaquetam ejus filiam solas nulli injuriam infe- rentes . et in eadem domo eamdem annexonam nulli vim vel injuriam inferendo ut supra verberasse cassasse et maletractasse de pugnis et pedibus specialiter unum den- tem sibi rupisse taliter quod sibi exinde magna sanguinis effusio emanavit . dictamque jaquetam per crines arri- puisse et treynasse per ipsam domum violenter ejusque crines extraxisse quemadmodum sic plus vel minus in dicta inquisitione dicitur contineri . Inde est quod in hac die hodierna prefati jaquetus espolerii aimonetus ejus filius et mermetus fornan ad presentiam ejusdem domini 314 L'ABBAYE D'AULPS. abbatis videlicet in camera sua antedicta accesserunt . et flexis genibus coram ipso domino abbate existentes . de et super contentis in eadem inquisitione dependentiisque et emergentibus ex eadem misericordie ejusdem domini ab- batis se totaliter submiserunt . agnoscentes primitus inter- rogati per ipsum dominum abbatem si predicta in eadem inquisitione contenta commiserint injuriam atque damp- num dicte annessone denuntianti intulisse et fecisse . scilicet loquendo idem jaquetus et dicendo . inter omnes fecerunt omne . bene credo quod auxilio mei mediante aymonetus filius meus injuriam fecit denuncianti ante- dicte . et unasimul rumorem habendo de muliere dicti aymonis percussit denunciantem antedictam . nescit si credebat percutere uxorem suam vel non . tamen id lo- quens non percussit denunciantem antedictam sieut dicit . Quibus sic dictis dominus abbas eosdem patrem et filium et mermetum ad sui misericordiam petitam recepit tal forma quod primitus eidem denuncianti emendam condi- gnam facerent aut facere promittent et fidemberent cum offensa . qui pater et filius illico eorum juramentis cor- poralibus promiserunt emendam condignam facere eum offensa denuncianti antedicta nec non tractatu amicabili pro premissis offensis et delictis cum prelibato domino abbate ad viginti florenos auri parvi ponderis similiter transigendo composuerunt et componendo transigerunt et ex inde pro premissis omnibus et singulis fidejussores constituerunt sub jurameuto et obligationibus antedictis . de quibus premissis pretensus dominus abbas a me notario subscripto scriptum ad opus quorum interesse poterit infuturum presentem instrumentum fieri postulavit . Ac- tum anno die loco et inditione quibus supra . \ DOCUMENTS. 315 XXXVII. Décret du Sénat de Savoie, ordonnant qu'un prisonnier qui se trouvait être sujet de l’abbaye d’Aulps sera ren- voyé au juge ordinaire de cette abbaye pour être jugé. (1579. ) Sur la requeste presentee le dixiesme fevrier dernier par Reverend messire Pierre Jherosnime de Lambert sei- gneur et abbe d’Aulx tendant a fin que Nycolas Le Serny prisonnier en la conciergerie de ceans soit ranvoye par devant le juge ordinaire de ladicte abbaye d’Aulx d’une part . Et le procureur general de Monseigneur defendeur a ladicte requeste d’aultre . Leu ladicte requeste decret au pied signe Dacquin la response dudict procureur gene- ral au dos d’icelle du xi° duäict mois de fevrier signe Canet . Aultres requestes presentees par ledict Le Serny a fin de ranvoy decretz au pied responses dudict procureur general des xxvj° et xxvij° fevrier dernier et treiziesme present mois de mars aultre requeste decret au pied du seziesme dudit mois de mars transaction faite entre feu reverendissime Jehan de Troches abbe ée ladicte abbaye et le seigneur Humbert de Ferniz du xx° fevrier mil trois cenz soixante cinq l’acte de commission de l’an mil trois cenz soixante cinq et du xxv° dudict fevrier signe par Jean de Chastillon le contract de remission faict a Jehan Pivoct en ladicte annee mil trois cenz soixante cinq et le xx° fevrier signe par François Richard aultre acte de re- mission de l’an mil trois cenz et cinq au mois de juing 316 L'ABBAYE D AULPS. faict par le seigneur Jocelins de Grolee lors baïlly de Fou- cigny arrest de ceans du xxj de fevrier ensemble les pieces designees au veu d’icelluy Et tout considere . Le Senat en enterinant ladite requeste a ranvoye et ranvoye ledict Le Serny pardevant le juge ordinaire de l’abbaye d’Aulx auquel est enjoinct de proceder diligemment à la formalite et jugement du proces et d’advertir le Senat de la justice administree dans le mois sans despens de ceste instance et pour cause . Faict a Chambery audict Senat et prononce au sieur advocat general le vingt ungiesme de mars mil cinq cens septante neuf . Par le Senat : Dacquin . XXX VII. Indication de divers titres curieux mentionnés dans l’In- ventaire de l’abbaye d’Aulps , et dont les originaux n'ont pu encore être relrouvés. 4. Donation, sans date, faite à l’abbaye d’Aulps, par Aimon, baron de Faucigny , d’un serf nommé Pierre Blanc, de Tanninges , avec toute sa postérité : cette dona- tion doit être placée entre les années 4145 et 1150. 2. Donation faite en 1176 à l’abbaye d’Aulps, par le seigneur Girard Nigridold et la dame Romanay, son épouse , de la moitié d’une muire de sel, à prendre chaque année dans le puits de Salins , laquelle moitié rendait à Walcher, sire de Salins, quinze deniers poitevins de cens annuel. 3. Bulle du 2 des calendes de septembre 41186, par DOCUMENTS. 317 laquelle l'empereur Frédéric exempte l’abbaye d’Aulps du péage de Mirval, établi vers le château de Joux , près de Pontarlier. 4. Lettres de l’année 1955, par lesquelles Amé, baron de Faucigny, déclare qu’à la réquisitior de Pierre , abbé d’Aulps , il a fait entièrement détruire le château qu'il avait construit dans le lieu dit Cuard , avec promesse de n’en construire aucun à l'avenir sur les terres de l’abbaye. à. Acte de l’année 1259, par lequel Pierre , sacristain de Contamine , vend à l’abbaye d’Aulps, pour le prix de 50 sols de Genève, un homme appelé Baux de Nant-Cruez, avec toute sa postérité. 6. Acte du 12 des calendes de juin 1240, par lequel noble Henri de Sciez vend à l’abbaye d’Aulps tous ses droits sur la personne et les biens d’un homme appelé Pierre Trichet. 7. Pouvoir donné, le dimanche de la Passion 1255, au chapelain du Biol, par l’évêque de Genève, d’excommu- nier Girod de Rovoré et ses aidants, au sujet des cons- tructions que ce seigneur prétendait faire , au Biol , sur les terres de l’abbaye. 8. Acte daté de Versoy, le premier mardi avant la fête de la sainte Vierge 1266, par lequel Pierre, comte de Savoie, et Agnès de Faucigny, sa femme, confirment et ratifient , moyennant la somme de 1520 livres, les ces- sions faites par leurs prédécesseurs à l’abbaye d’Aulps ; lui assurent les droits de bans, criées , lois, port d'armes, etc. ; avec explication que lorsque ladite abbaye négligera de faire justice des crimes emportant la peine de mort ou la mutilation des membres , le comte pourra poursuivre la répression de ces crimes , après trois avertissements , à 318 L'ABBAYE D 'AULPS. dix jours d'intervalle , donnés à l’abbé ; qu’il en sera de même pour les causes civiles ressortissant de la juridiction du monastère ; qu’enfin, relativement aux cavalcades, les religieux seront tenus de fournir audit comte ou à ses : officiers, vingt hommes de guerre toutes les fois que les mandements d’Alinge-le-Vieux , de Bonne ou de Châtillon seront attaqués. 9. Donation faite le 31 avril 1986, par Girard de Fées- ternes, à l’abbaye d’Aulps, de deux hommes taillables , avec toute leur postérité et tous leurs avoirs. 10. Donation faite le jour de la Madelaine 1292, par Girard et Jacques de Féesternes , à l’abbaye d’Aulps , de quatre hommes taillables , nommés Bozon, Nicolas, Pierre et Pierre, enfants de feu Bron, du lieu de Nicodes, avec toute leur postérité et tous leurs avoirs. 11. Acte du 6 décembre 1295, par lequel Rérinbnd et Rodolphe de Vachères vendent à l’abbaye d’Aulps certains hommes taillables pour le prix de 42 livres. 12. Acte du mercredi après la Toussaint 4297, par lequel Pierre de Lulins vend à l’abbaye d’Aulps un homme taillable, nommé Jean, pour le prix de 18 livres genevoises. 15. Informations prises en 1299, à la requête de frère Thomas , syndic de l’abbaye d’Aulps, à l'effet de contre- dire les prétentions de Guillaume de Rovoré, et d'établir que ladite abbaye ayait le droit d'imposer des peines à tous les hommes de la paroisse du Biol qui contrevenaient aux bans , ou se rendraient coupables de quelques crimes : ces informations contiennent les dépositions de dix-huit témoins. 41. Sentence rendue au mois de juin 4505 , par Jocelin DOCUMENTS. 319 de Grolée, bailli de Faucigny, portant que le nommé Etienne de Reculafol , qui avait été pendu à Bonneville pour divers délits, serait restitué à l’abbaye d’Aulps, par le motif que ce criminel était sujet de ladite abbaye, qui seule aurait eu juridiction pour le condamner. 45. Acte du lundi après la conversion de saint Paul 1510, par lequel révérend Vuillerme, abbé d’Aulps, proteste ne vouloir préjudicier en rien à la haute , basse et moyenne juridiction que l’abbaye exerce sur le terri- toire d'Habère-Poche , en remettant au procureur fiscal de Hugues Dauphin, baron de Faucigny, l'effigie du nommé Jacques de les Mouilles , pendu en exécution de sentence rendue contre lui par le juge de l’abbaye susdite, pour crime commis dans le territoire précité, avec expli- cation qu’Amé, comte de Savoie, en priant les religieux d’Aulps de consentir à la remission de l'effigie dont il s’agit, n'avait point entendu déroger à leur juridiction, mais donner simplement au Dauphin une marque de dé- férence et d'honneur. 16. Plaintes et représentations faites par divers indi- vidus, le jeudi de l’octave de la saint Barthélemi 1319, entre les mains de Girard de Nicod , siégeant juridique- ment devant la porte de l’abbaye d’Aulps , par lesquelles ces individus exposent que la mesure dont l'abbé se sert pour recueillir les redevances excède la capacité accou- tumée ; que ledit abbé prétend mal à propos les soumettre à de certaines peines et à de certains servis ; qu'il leur prohibe l’usage de plusieurs montagnes, leur interdit la pêche, les empêche de vendre du vin dans leurs maisons, et va même jusqu’à exiger qu'aucune fille ne se marie sans son consentement, / 520 L'ABBAYE D 'AULPS. 17. Ordre donné , le 5 février 1516 , par le juge du Chablais, au châtelain d’Alinge, de rendre à l’abbaye d’Aulps trois criminels , pour être jugés et punis par les officiers du monastère. 18. Procès-verbaux de diverses visites faites à l’abbaye d’Aulps par les abbés de Clairvaux ou leurs députés, pour la surveillance ou la réforme tant spirituelle que tempo- relle de ladite abbaye , dans les années 1356 , 71, 72, 75, 74, 77. — Il résulte de la première des visites précitées que les revenus du monastère s’élevaient alors à 2000 florins. 49. Amende honorable faite le 10 février 1370 , par dom Hudry de la Balme , religieux d’Aulps, pour avoir proféré des paroles injurieuses contre révérend François, son abbé, l'appelant voleur , et disant que c’était par simonie qu’il était entré dans le monastère. 20. Amende honorable faite le 5 mars 14571, par dom Jean Demonne , religieux d’Aulps , touchant les libelles diffamatoires qu'il avait répandus contre révérend Fran- çois , son abbé. 21. Ordre donné par le juge de l’abbaye d’Aulps, le 11 décembre 1377 , aux châtelains et curiaux de ladite ab- baye, de pendre à un arbre le nommé Jacques Kadaux, qui s'était pendu et étranglé dans une grange. 22. Sentence rendue le 10 mai 4591, par Etienne d’Orsaire , juge de l’abbaye d’Aulps, en vertu de laquelle Jacques Chanal , de la paroisse d'Habère-Poche , taillable de ladite abbaye , fut pendu à la potence de Mégevette, avec la jument d’Etienne Velliet, pour crime de bestialité. 23. Informations prises à la réquisition du procureur fiscal de l'abbaye d’Aulps, contre divers individus accusés DOCUMENTS. aai d’assassinat sur la personne d’un nommé Henri de Lar- mant : lesdites informations contiennent les dépositions de quarante-deux témoins. 24. Ordre adressé en 1594 , à l'abbé d’Aulps, par celui de Clairvaux, pour déposer le prieur d’Aulps , convaincu d’être un perturbateur. 25. Requête présentée au comte de Savoie par la com- mune de Nande, à l’effet d’obtenir l'élargissement d’un Jean Coudurier , détenu par le châtelain de Contay pour crime d’homicide , ladite commune alléguant certains priviléges en vertu desquels on ne pouvait saisir sur son territoire aucun criminel. Commission donnée par ledit comte au juge du Chablais , le 5 octobre 1402, afin de prendre connaissance du mérite de cette requête. Instan- ces faites par le procureur fiscal de l’abbaye d’Aulps, le 4 novembre de la même année, pour que le prisonnier susdit fût remis ès mains de la justice du monastère. Sen- tence du juge du Chablais conforme aux réquisitions dudit procureur , et fondée entre autres sur ce que le crime avait été commis rière la juridiction de l’abbaye. 26. Sentence rendue à Chambéry , par Amé, comte de Savoie, le 22 juin 1416, par laquelle l’abbaye d’Aulps fut condamnée à remettre deux meurtriers et larrons à la justice du Faucigny. 27. Bulle du concile général de Bâle, du 8 des calendes de juin 4440, par laquelle ce concile accorde à Jean , abbé d’Aulps , la faculté d’avoir un autel portatif où il puisse célébrer ou faire célébrer la messe partout où il le jugera convenable. 28. Sentence rendue par le juge de l’abbaye d’Aulps, le 8 juillet 1458, par laquelle un nommé Pierre Gay, de 21 322 L'ABBAYE D AULPS. Morsine, qui avait montré le cul audit juge, fut condamné à demeurer, pendant deux heures , attaché au pilori, nu dès le nombril en haut, après quoi il devait être conduit devant le grand portail de l’église abbatiale , la torche en main, pour faire amende honorable à la justice , et aller ensuite déposer ladite torche sur le maître-autel. 29. Procès-verbal de la visite faite à l’abbaye d’Aulps, le 29 mars 1488, par révérend Philippe de Compey, protonotaire apostolique et doyen de Savoie, commis à cet effet par le pape Innocent VIIT, duquel il résulte que ledit commissaire , après avoir constaté le relâchement dans lequel étaient tombés les religieux de ce monastère, et la vie peu édifiante qu’ils avaient menée, leur donna l’absolulion , moyennant la promesse qu’ils firent de s’a- mender et de se mieux régler à l’avenir. 50. Accord fait le 28 août 1519, par-devant Jean de Sacconnex, abbé de Mont - Rond , entre révérend Jean Trolliet, religieux sacristain de l’abbaye d’Aulps, d’une part, et révérend Jean de l’Oste, prieur, et les autres reli- gieux de ladite abbaye, de l’autre, touchant les offrandes qui se font à l’autel de Saint-Guérin , portant que toutes celles qui auront lieu les jours de Saint-Guérin et de Saint- Loup se partageront également entre lui et les religieux , à la réserve de la cire, qui sera appliquée au luminaire de l’église, et que toutes celles qui auront lieu les autres jours , de même que celles qui proviennent de la clef de saint Guérin, appartiendront entièrement audit sacristain, moyennant un florin qu’il sera tenu de donner chaque année à chaque religieux faisant sa résidence dans l’ab- baye. 51. Absolution donnée , le 5 juillet 41595, par Guil- DOCUMENTS. 323 laume, abbé de Citaux, à Jean Ros, religieux de l’abbaye d’Aulps, qui, ayant jeté le froc aux orties , avait mené, à l'étranger, vie déréglée et vagabonde. 52. Bulle datée de la 19° année du pontificat de Be- noît XIV, par laquelle ce pape confirme aux abbés d’Aulps le droit de donner solennellement la bénédiction après la messe, les vêpres et les matines, avec la mitre, l'anneau et les autres marques de la dignité pontificale , dans le monastère et dans les églises qui en dépendent , pourvu qu'il ne s’y rencontre aucun évêque ou nonce apostolique. ALCUX es UNION Te À 69, PSE LESC VIE Nr A Hate HS ro proie AUNTE AS É ne ï tas sad, Fa “is Re Fa PEN Là HF TUE ds Fey e à a: ; miqns 14 #e EtRE ty rer 4& os HAN ALT NES CR, Û AT HA DUE #e 14 MX pire dry ss Éà Es tél 4 LL 4 Mi ‘hs gi AMEN Fétartét) d'OS TR FA NN) 1° ra Ah L VU LUE ‘g fé 2 FRUITS Ans on ÿ AUS Fes Fe SAT Me t$ NUL ES 1 PNR à Hs # &à ladite eut DEN Ai Faur CES sets Len: AN 20 3% à are RE RCA afp 4 is OU a D PEnd AT.5 L Vi 8 enf SRE FaéaeiA Le LC AAA FO EN RnB 4 Pr AM gl éer rte Lis Lo RUE AIMENT CIE to 7 CU His TAN AU vf té. ÿ Nr ATEN Hors DUAL RU Era à sx ans QUE ir qui DreViganabt ia a 1 (ee AE AR Er 2'anifaiebn entiere QUE tra LC NOM ACTA AePtté ‘#4 ns CEE CONTTRRSS drone EE pti k: fete» #1 dit { He Vi an D QUE der = ni À EEE 1% NA "à, Hibr tes We Re as / TRE NS , ” lg À " : x i X Le k £ , Li dsl 1 y f e ñ ] Je È Ÿ ton L (! M & : 4 ve j 7 ARS \ 12e SUP un à Jean } , 1) " À Fe Le ÿ TABLEAU DES TREUBLEMENTS DE TERRE OBSERVÉS À SAINT-JEAN- DE -MAURIENNE EN 1839. Par M. le D' Mottard MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ , ETC. DATE INSTANT PRÉCIS A Z [MUTATIONS DES du soir! £ z S ST 2 | = = e - ou 5 E = Æ e SECOUSSES. matin.| © | £ 2 Z |PHÉRIQUES 1e 27 février | soir 3 | 30 | faible beau acrot id. id. 8 | 55 id. F id. 3e.htn id. id. 8 | 57 id. 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DATE INSTANT PRÉCIS de Z [MUTATIONS EEE = = DES : & 2 = ATMOS- = el = = = Æ - SECOUSSES. = cd & PHÉRIQUES. 97° 11 décem 52 | faible beau 98 » id. 11 |médiocre id. 99e 12 id. 29 | faible nébuleux 100€ » id. 6] id. id. 101°: 13 id. 15 id. pluvieux 102 » id, 11 |médiocre = id. 1032 » id. 9 id. id. 104° 14% id. 22 | id. = id. 1052+ =» Lid, a faible S id. 106° » id. 39 id. æ, id. 101 m6) Mid: 55 |médiocre! id. 108° 15 id. 36 id. id. 109 » id. 40 | faible = id. 440% » did: 43 |médiocre| id. 111° » id. 45 faible id. 112% » id. 46 id. id. 113° » id. 5% id. id. 114° » id. 55 id. id. 115° 16 id. 3 id. nébuleux 116° 22 id. 32 id. id. 147627 0id: 20 |médiocre id. A18°1%%» Vad. 33 forte id. 119° » id. 34 | faible id. 120° » id. 33 id. id. 1212095 cid. 8 id. pluvieux 122° 28 id. 10 id. id. NOTICE SUR LES VOIES ROMAINES QUI CONDUISAIENT DE LEMINCUM À AUGUSTUM. Par [MI le Comte de Vignet PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ, ce Les itinéraires romains ne font mention, comme on le sait, que de trois routes traversant la partie de l'Allobrogie qui correspond à la Savoie actuelle : 1° la grande voie militaire de Milan à Lyon, qui traversait l’Alpis graiïa , et entrait en Dauphiné près d’Augustum ; 2° l'embranchement de cette voie, qui conduisait de Darantasia à Genève , par Cesvaria et Bautas, 3° enfin une portion peu étendue de la voie de Genève à Vienne , qui passait à Condate , près de l'embouchure du Fier. Il paraît que la première de 25 324 VOIES ROMAINES ces voies romaines ne présente aucune incertitude dès le sommet des Alpes grecques jasqu’à la station de Lemincum , et que les géographes sont d'accord qu'elle suivait la direction de la grande route qui conduit actuellement du Petit-St-Bernard à Cham- béry. Si un seul d’entre eux a pensé que de Mantala jusqu’à Lemincum la voie romaine traversait en ligne directe les montagnes des Bauges, il est aisé de voir qu'il connaissait peu cette partie de la Savoie. Mais les auteurs modernes sont loin d’être d'accord sur la direction de la voie romaine depuis Zemincum jusqu'à Augustum , ni sur la route de Darantasia à Genève. Les uns placent Cesvaria à Chevron , et tra- cent la route par le col de Tamié, tandis que d’Anville place cette station au col des Essourioux , entre les vallées d'Ugines et de Thônes. Il en est de même de la partie de la voie romaine entre Lemincum et Augus- tum ; car d'Anville place la station intermédiaire de Lavisco à Novalaise , tandis que M. Pillet la veut retrouver à Choisel, au-dessus d'Yenne , et que M. Deluc , ainsi que ceux qui suivent son opinion sur la marche d'Annibal , placent Lavisco à Chevelu , au pied du Mont-du-Chat. Quant à la route de Genève à Condate, je ne crois pas que personne ait cherché à retrouver la direction qu’elle suivait sur le territoire de Savoie ; il paraît seulement que l'opinion de d'An- ville, qui place Condate au confluent du Rhône et du >] DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 399 Fier , n’a été contredite par aucun auteur de quelque importance , et qu'il est probable que la voie suivait la vallée des Usses , qui renferme plusieurs vestiges des Romains. Le dissentiment des géographes sur les deux por- tions de route dont nous venons de parler, doit être attribué à ce qu'ils n'ont pas eu connaissance de plu- sieurs routes secondaires qui ne sont point mention- nées dans les itinéraires ; mais dont l’existence est prouvée par les vestiges deces chemins, qui se voient encore, soit à travers la grande chaîne des Alpes, soit sur divers points de la Savoie, tels que les col- lines des Bornes et de Montmayeur, les gorges du Fier , la vallée de Thône , etc. Comme quelques-uns de ces vestiges se rencontraient à peu de distance des grandes voies romaines, les géographes en ont conclu qu’elles avaient dû passer dans leur voisinage immé- diat. C’est ainsi que le pont St-Clair et l'inscription de Tincius Paculus, les ont persuadés que la route de Darantasia à Genève devait passer par l'entrée de la vallée de Thônes. L’antiquité de quelques souvenirs de Chevron leur a de même fait croire que c'était le Casuaria ou Cesvaria des itinéraires, sans qu'aucun ait songé que le village de Césarches , qui se trouve entre Conflans et Ugine , présentait bien plus d'ana- logie dans le nom et correspondait bien mieux à la distance des itinéraires romains. 326 VOIES ROMAINES On ne peut blâmer ces auteurs d’avoir supposé que les traces d’antiquités romaines dont nous avons con- naissance , étaient placées dans le voisinage des voies romaines ; mais ils ont eu tort d'en tirer même la simple présomption que ces voies étaient les routes militaires dont les itinéraires nous ont conservé Ja direction ; car les routes secondaires étaient bien plus multipliées que les voies de premier ordre. Il est digne de remarque que les vestiges de ces voies de seconde importance n'existent presque plus que sur les som- mets ou plateaux des collines , et qu'ils aient disparu en général sur les flancs des montagnes , sauf en quel- ques points , où le chemin a été taillé dans le roc vif. Cette circonstance s'explique facilement par le mou- vement continuel de descente, qui entraîne les terrains inclinés. Il n’est presque pas de vieillard dans nos campagnes qui n'ait conservé le souvenir de quelque éboulement considérable ou de la formation de quel- que ravin profond. Il est donc très-peu surprenant que pendant la succession de 50 à 60 générations , la plus grande partie des routes romaines tracées sur les pentes des monts et des collines, se soit éboulée sur le sol inférieur , ou ait été recouverte par la chute des terrains supérieurs. La chaîne de montagnes qui borne au couchant la vallée de Chambéry, et se trouve placée entre Lemin- cum el Augustum , n’a guère que 22,000 toises , ou 9 DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 327 à 10 lieues communes de longueur entre le canal de Savière et la gorge des Echelles , et cependant elle était très-vraisemblablement traversée par plusieurs voies de construction romaine. Maintenant on y compte quatre passages accessibles ou aux voitures ou aux bêtes de somme. Le premier de ees passages est le Mont-du-Chat, connu dans les chartes du moyen-âge sous le nom de Mons Munni. Quelle que soit l'étymologie de ce nom (question que je ne veux pas aborder, pour ne pas avoir à discuter toutes les absurdités qui ont été écrites à ce sujet), on ne peut révoquer en doute l'existence d'une route romaine à travers cette montagne. Les restes d'antiquités trouvés sur la route de Chambéry au sommet du col, c’est-à-dire à Servolex , à Etrem- bray , au Bourget et sur la sommité du passage , ne peuvent laisser aucun doute à cet ‘égard ; il faut encore leur ajouter l'existence, attestée par plusieurs personnes , des vestiges d'une ancienne route qui s'élève sur le flane oriental du Mont-du-Chat, beau- coup au-dessus des contours ou fourniquets actuels , dont la pente était beaucoup moins rapide que le che- min qui existait il y a 20 ans, et dont la direction ferait supposer que la montée commençait vers le Bourget, et traversait des pentes et des éboulis , qui sont maintenant trop escarpés pour qu'il füt possible d'y tracer un grand chemin , ni même un simple 38 VOIES ROMAINES sentier. Il est avéré que pendant les travaux de la route actuelle , les ouvriers qui y étaient employés trouvèrent une pierre chargée d’une inscription , qui n’a pu être lue par personne , car ceux qui l'avaient trouvée la précipitérent dans le lac aussitôt après. Quant aux ruines d’édifice qu’on voit au bord du chemin qui traverse le col, que MM. Wickam et Cra- mer (1) ont pris pour les restes d’un ancien temple, il paraît, d’après des fouilles récentes , que ce n’était qu’une chapelle du moyen-âge , qui a vraisemblable- ment donné son nom à la petite commune appelée Chapelle-du-Mont-du-Chat , quoique son église ac- tuelle soit bien au nord du passage. Le second chemin qui traverse la même chaîne de montagnes est celui d'Espine ou de l’Espine. Celui-ci est beaucoup plus élevé que le Mont-du-Chat, et sa hauteur au-dessus du niveau de la mer est bien supé- rieure à celle qui lui a été attribuée dans les tables hypsométriques de M. de Candolle ; ce qui n’a pas empêché d’Anville d’y placer la grande voie romaine, et de retrouver la station de Lavisco dans le bourg de Novalaise. Outre l'autorité du premier des géographes français, on peut dire en faveur de cette opinion, que la distance de 14 milles que donnent les itinéraires (1) Dissertation sur la route d’Annibal, etc. DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 329 entre Lavisco et les deux stations voisines , est à peu près celle qui sépare Novalaise d'Aoste et de Cham- béry , et ce n'est que par une erreur très-notable que MM. Wickam et Cramer ont voulu attaquer le système de d’Anville , en affirmant qu'il n'y à que 10 milles romains entre Chambéry et Novalaise. On peut ajouter à ces considérations l'inscription portant le nombre HT, dont il est fait mention dans les Mémoires de cette Société ( tome IX , p. 22 }, inseription qui se trouve assez exactement à 3 milles romains de Novalaise. Quelque impraticable que soit cette route dans ce moment, on doit reconnaître qu'elle a été considéra- blement dégradée depuis un demi-siècle ; car, vers l'année 1750, on passait encore la montagne d'Espine avec des chariots trainés par des bœufs. On voit même, par la largeur que la route conserve encore sur quelques points et par la construction des ponts qui la traversent, qu'avant la révolution cette route était regardée comme plus importante que celle du Mont- du-Chat. IL paraît que la partie supérieure de ce chemin , du côté de Chambéry, a été détruite par des éboulements comme sur la montagne d’Aiguebelette, et qu’on y a pratiqué en remplacement des contours très-rapprochés , qui sont beaucoup plus étroits et escarpés que la partie inférieure de la route. Au sur- plus , ce passage étant continuellement dégradé par les eaux, et n'étant jamais réparé, deviendra bientôt 360 VOIES ROMAINES iupraticable , et il sera toujours plus difficile de se persuader qu'il ait pu jadis être un chemin très-fré- quenté , et peut-être même une route romaine de second ordre. Le troisième passage n’est situé qu’à une demi- lieue au sud du précédent ; il est peut-être un peu plus fréquenté , mais les éboulements qui ont eu lieu dès 1792, dans la partie inférieure appelée vers le Bois-Noir, et le défaut d’entretien, l’ont rendu d’un accès tout aussi difficile. Avant l'ouverture de la Grotte , sous le duc Charles-Emmanuel IT, il était considéré comme la grande route de France en Italie. Il présente même quelques traces d’une plus haute antiquité , car on a trouvé plusieurs vestiges romains à Lépin et à Verel-de-Montbel. Outre cela , il existe une trace d’ancienne route sur la pente orientale de cette montagne, qui se sépare du chemin actuel vers la chapelle dite du Crucifix, c’est-à-dire au pied de la partie la plus rapide de la montée , et qui se dirige vers le sud en s’élevant par une pente assez douce. Cette trace se voit très-distinctement quand la mon- tagne est frappée obliquement par les rayons du soleil, et comme elle ne correspond point à la stratification des rochers , elle ne peut être attribuée qu’au travail des hommes ; elle se termine à une pente très-rapide, où elle disparaît entièrement. 11 est impossible de conjecturer si la route continuait dans la même direc- DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 361 tion , ou si un retour la ramenait vers une échanerure profonde que présente la crête de la montagne près de l'emplacement de l’ancien télégraphe. L’inclinaison de cette route est assez faible pour qu'elle fût acces- sible aux voitures. Cette portion de chemin est certai- nement antérieure par conséquent à la route actuelle , qui n'est accessible qu'aux bêtes de somme, et qui date de plusieurs siècles ; et comme il n’est pas aisé de trouver , pendant le moyen-âge, une époque où l'on ait pu songer à ouvrir une route à voitures au travers de nos montagnes, il est permis, non pas d'affirmer, mais de conjecturer que le passage d’Ai- guebelette était une voie secondaire dès le temps des Romains. Il me reste à parler du quatrième passage , c’est- à-dire de celui des Echelles, qui ne s'élève pas, comme les autres, jusque sur le sommet de la chaîne dont nous venons de parler, mais qui traverse l’ou- verture que la nature a formée entre cette chaîne et celle des montagnes de la Grande-Chartreuse et du Mont-Grenier. Jusqu'ici cette route a été regardée comme très-moderne , et comme ayant été ouverte par le duc Charles - Emmanuel en 1670 ; mais ceci demande quelques explications. Charles - Emmanuel a rendu le chemin des Echelles praticable pour les voitures et pour les bêtes de somme chargées, mais ce chemin existait déjà avant cette opération , et les 362 VOIES ROMAINES bêtes de somme pouvaient même le traverser , mais non avec leur charge. 1l fallait les décharger et faire monter ou descendre leur charge le long des rochers, au moyen de machines disposées exprès, tandis que les mulets descendaient dans la plaine ou en remon- taient par un sentier très-escarpé. On peut d'ailleurs se convaincre aisément , en examinant les lieux avec attention , que la grande coupure que présentent les rochers de la Grotte dès l’entrée orientale du chemin couvert ou percé actuel, jusqu’à l'inscription , est presque entièrement l'ouvrage de la nature ; la main de l'homme n’a fait que désobstruer ce passage et l'élargir sur quelques points. Il paraît que le plus con- sidérable des travaux exécutés en 1670 est la création du chemin en corniche, qui descendait dès l'inscription jusqu’au fond de la vallée. Quelque difficile que fût ce passage: avant cette époque , il a dû être très-fréquenté dès le 11° siècle jusqu’au milieu du 14°, c’est-à-dire lorsque toute la partie du Viennois, qui est à l’ouest des Echelles , ap- partenait au comte de Savoie. Mais cette route a-t-elle été connue des Romains ? l'inscription de Tesauro dit bien que non : Romanis intentatam ; mais Tesauro n’en savait pas plus que nous sur ce point. On ne peut guère supposer , à la vérité, que les Romains s'en soient servis dans l’état où elle était avant le 17° siècle, et que les maîtres du monde n'aient pas cher- DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 363 ché à se frayer un passage plus commode à travers une ouverture que la nature avait formée entre deux chaînes élevées , et qu'elle avait abaissée presque jusqu’au niveau de la plaine. Il faut donc opter entre deux suppositions : l’une que les Romains n’ont pas eu connaissance de ce passage ; l’autre, qu'ils l'ont élargi et rendu praticable. La première est certaine- ment la plus aisée au premier coup-d’œil. Cependant, si l’on fait attention qu’au-dessus de l'entrée orientale de la Grotte, la route suit pendant près d’un mille une allée de largeur presque uniforme entre les rochers qui la bordent à droite et à gauche; que cette route est parfaitement unie et d’une pente si égale, qu’elle semble tracée au niveau et au compas ; que cependant les rochers qui semblent se reculer des deux côtés pour lui livrer passage , ne présentent aucune trace de l’action de la poudre, on est fortement porté à voir dans cette partie du chemin, un ouvrage d’art pré- existant aux travaux exécutés en 1670. La vraisem- blance de la supposition que la route des Echelles ait été fréquentée par les Romains , devient encore plus forte lorsqu'on contemple les rochers de la Grotte du côté du couchant , et qu’on réfléchit sur leur faible élévation comparée à celle des trois autres chemins qui traversent la même chaîne. Il est difficile de croire qu'un peuple qui a fondé tant de grandes routes au travers des obstacles les plus grands, ait été effrayé 36% VOIES ROMAINES de la difficulté d'ouvrir un chemin à travers des ro- chers aussi peu élevés, pour profiter de la seule ouverture que la nature ait formée entre le Rhône et Grenoble. S'ils n'avaient pas cru possible d'ouvrir un passage sur le même point que le duc Charles-Emma- nuel , ils auraient sûrement cherché à s'élever au- dessus des rochers, soit en traçant une route au-dessus de St-Pierre-de-Genebroz, soit en déviant au midi de la Grotte, où l’on voit un chemin à mulet tracé dans la carte des Alpes, de Raymond, qui part des bords du Guiers vers le village du Chatelard , et vient re- joindre la grande route à # ou 500 toises au-dessus de l'ouverture supérieure du percé de la Grotte. D'après toutes ces considérations , je n'avais jamais traversé le passage de la Grotte sans être pénétré de la persuasion qu'une voie romaine avait dû passer dans cette gorge ; mais aucun indice positif ne me donnait le droit d'affirmer qu’elle y eût effectivement passé, lorsqu'enfin la charte d'Humbert-aux-blanches- Mains, en faveur de l’église de St-Laurent, qu'on voit dans l'ouvrage de Guichenon, et une autre charte du même prince, inédite jusqu'ici, el que notre con- frère, M. Léon Ménabréa , a recueillie dans le car- tulaire de Saint-Hugues , m'ont fourni une base suffisante pour étayer mon opinion. On voit par ces chartes qu'il existait jadis dans le pays (pagus) ou dans le lieu {locus) qui s'appelait ad Scalas au moment = DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 365 de la donation, mais qui, dans l'antiquité (antiquitüs), s'appelait Lavaserone ou Lavascrone , plusieurs églises qui avaient été détruites et n'étaient pas encore re- construites. Ces énonciations prouvent deux circons- tances de fait très-remarquables : l'une , qu'il avait existé jadis , dans la vallée des Echelles , un bourg assez considérable pour renfermer plusieurs églises, et que le nom de ce lieu avait disparu pour faire place à celui de ad Scalas ; l’autre , que ce dernier nom était une désignation nouvelle qui devait sa naissance à une circonstance locale , c’est-à-dire à l'existence d'un chemin à échelles ou à escaliers dans le voisi- nage , ce qui forme une bien forte présomption que l'existence de ces scalæ n'était pas plus ancienne que ie changement de nom qu'avait éprouvé l’ancien pagus ou l'ancien lieu de Lavascrone. Enfin il apparaît évidemment, par ces deux chartes, qu'un événement quelconque avait occasionné la destruction des églises qui y existaient jadis. Malheureusement les expres- sions de ces chartes ne nous apprennent point si cette destruction fut l'ouvrage des hommes ou celui de la nature. Mais ce que nous connaissons de l'histoire de notre pays pendant les 8°, 9° et 10° siècles , suffit pour écarter la première de ces hypothèses , tandis que la géologie de cette contrée nous fournit une puissante présomption en faveur de la seconde. En effet, les termes necdum reedificatis semblent 3066 VOIES ROMAINES annoncer que la destruction de ces églises ne se per- dait pas encore dans la nuit des temps. Outre cela, leur nombre nous prouve qu'elles n'avaient pu être construites que dans le temps où le christianisme était florissant , c’est-à-dire après le 6° siècle. Or, toutes les guerres postérieures ayant eu lieu entre des nations chrétiennes , on peut difficilement supposer qu'elles eussent causé la destruction de foutes les églises d'un pays. Les invasions des Sarrazins , dans le 10° siècle, seraient la seule guerre qui püt rendre probable cette destruction : mais il n’existe aucune trace, même dans les traditions populaires qui placent des Sarra- zins partout, que ces peuples aient envahi cette partie de la Savoie , tandis que les chartes font mention de leurs dévastations à St-Jean-de-Maurienne , à Moù- tiers, à Saint-Maurice-en-Valais. Quant au passage cité par saint François de Sales : Extabat olim apud Allobroges civitas Bovis a Gothis fundelus eversa , les invasions des Goths se rapportent à des temps anté- rieurs. D'un autre côté, on sait que la stratification de la chaîne de montagnes qui s’élève au midi de la Grotte est telle, que la chute des rochers de cette chaîne est un événement très-présumable : la ruine du mont Grenier , en 1248 , en est une preuve trop mémora- ble, et un géologue anglais, Bakewell, qui a par- couru ces montagnes il y à une vingtaine d'années DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 367 { Travels in Tarantasia }, dit que la partie occidentale de ce massif est menacée d'une catastrophe semblable. En effet, on voit au-dessus du chemin en corniche qui descendait de l’ancien défilé de la Grotte jusque daus la plaine des Echelles, un énorme rocher per- pendiculaire nommé le Polon de la Grotte, qui est entièrement détaché du massif , et menace le village de ce nom d’une destruction plus ou moins éloignée. L'interstice qui sépare ce rocher du reste de la mon- tagne s’augmente graduellement par la dilatation des glaces qui s’y forment en hiver, et j'ai entendu des vieillards assurer que cet intervalle s'était augmenté de plusieurs pieds dès le temps de leur jeunesse. IL est certain, au reste, que le danger prévoyable de la chute de ce rocher dans un avenir assez rappro- ché, a été un des motifs qui engagèrent le gou- vernement français à entreprendre le funnel ou percé actuel. Mais ces conjectures ne sont pas la seule induction qu'on puisse tirer des chartes d'Humbert-aux-blan- ches-Mains , dont nous avons parlé; il y a une analogie frappante entre les mots de Lavaserone et Lavascrone, et celui de Laviscone , puisque des neuf lettres qui composent ce dernier mot, sept se rencontrent dans Lavaserone et huit dans Lavascrone. Outre cela , le nom de cet endroit y est conservé à l’ablatif comme dans la table de Peutinger ; car la charte ne dit pas 368 VOIES ROMAINES quod vocabatur olim Lavascro, mais quod vocabatur Lavaserone , ce qui est un barbarisme (1). Il ne faut pas omettre que la position de Lavascrone correspond parfaitement à la distance donnée par les itinéraires. La distance actuelle du bourg des Echelles à Chambéry est de trois postes ou 12,000 toises par le nouveau chemin , ce qui fait 15 milles et demi; mais elle est plus courte par l’ancignne route , de (4) Il n’est personne qui n'ait remarqué que dans les itinéraires romains quelques noms sont mis à l’ablatif et non au nominatif , tels qu'Ursolis, Segusione, Vitricio ; il paraît que cette locution , qui se retrouve en français dans beaucoup d'anciennes cartes géographiques, où l'on voit les noms au Plot, à l’Eluiset, au Puits , au lieu de le Plot, l’Eluiset , etc., il paraît, dis-je, que ce mode de dénomination n'était pas fixé dans les 2° et 5° siècles, puisqu'on voit dans les itinéraires des noms de station tantôt au nominatif, tantôt à l’ablatif; mais dans les siècles suivants il y eut moins de variations, car les anciennes chartes placent toujours ces noms à l’ablatif, et les langues modernes mêmes se les sont appropriés avec la désinence de l’ablatif. Par exemple, les villes où existaient des eaux minérales sont toujours nommées Aquis : locus qui dicitur Aquis. On voit même une charte contenir cette singulière locution : qui vocatur ad Aquis. On voit d’ailleurs que les noms modernes d'Aix, Acqui, Aquisgrana, sont formés sur le mot 4quis, et non sur celui d’Aquæ. DE LEMINCUM A AUGUSTUM. 369 manière qu'en admettant que cette station fût placée près des rochers de la Grotte, c'est-à-dire près des Scale, il y aurait un peu moins de 14 milles romains, et un peu moins de 15 milles en la supposant placée près du bourg actuel des Echelles. Mais on sait que les mesures des itinéraires ne donnent jamais des fractions de milles, de manière que la distance qu'ils indiquent entre deux stations n’est point l'intervalle exact entre le centre des habitations de chacune d’el- les, mais la distance qui existait entre les pierres milliaires les plus rapprochées. Ainsi, en supposant que la première pierre milliaire , à partir de Lenun- cum , fût placée à un tiers de mille sur le chemin de Lavisco , et que la 14° fût placée à un tiers de mille sur le même chemin de Lavisco à Lemincum , il y aurait eu effectivement 14 milles deux tiers entre ces deux stations. Quant à l'intervalle entre Lavisco et Augustum , il y a également 14 milles de distance par la route qui suit le cours du Guiers , et 12 milles seulement en suivant un chemin communal tracé dans la carte de Raymond , qui passe par St-Pierre , St- Franc, St-Beron et Domessin, de manière qu'on retrouve les distances voulues , soit qu'on suive l'iti- néraire d'Antonin ou celui des tables de Peutinger. Je ne dois pas omettre de dire que le point de la lisière du Guaiers et du Rhône où l’on rencontre le plus de vestiges remarquables d'antiquités romaines, 24 370 -__ VOIES ROMAINES est la commune de Belmont, et que ce lieu se trouve précisément sur la route des Echelles à Aouste. Après avoir énuméré toutes les probabilités qui se réunissent pour faire croire que l’ancienne station de Lavisco ne peut être ailleurs qu'aux Echelles, je dois dire que la question me paraît maintenant entièrement décidée par la vérification que M. Léon Ménabréa a bien voulu faire de la charte donnée par Guichenon , vérification de laquelle il résulte que dans les cartu- laires de St-Hugues il est écrit qui antiquitüs vocatur Lavascone. Il n'existe done plus qu'une seule lettre qui soit différente dans les deux noms, et si l’on réflé- chit qu’il y a une grande quantité de noms de lieux qui ont changé d'orthographe ou de prononciation depuis l’époque peu éloignée où la carte de Borgonio a paru , jusqu'à nos jours, on ne trouvera pas éton- pant qu'un bourg, qui s'appelait Laviscone dans les 2e et 3° siècles, ait été nommé Lavascone dans des chartes du 11°. Je pourrais même ajouter que dans quelques alphabets d'écriture gothique on trouve la lettre ? formant deux branches, de manière à pou- voir facilement se confondre avec la lettre a ; mais cette discussion serait superflue , car on ne peut pas raisonnablement soutenir qu'il ait pu exister à la fois à une distance précise de 14 milles de Lemincum et d'Augustum , deux endroits dont l’un se serait appelé Laviscone et l'autre Lavascone. DE LEMINCUM À AUGUSTUM. 25 4 | Je crois donc qu'on peut regarder comme pleine- ment établi et prouvé que la station de Lavisco ou Laviscone était placée dans la vallée des Echelles. Quant à sa position dans cette vallée, j'avoue que ce n'est que par conjectures qu'on peut croire qu’elle était voisine des rochers de la Grotte, et qu'elle a été engloutie par leur chute ou par un éboulement. J’ob- serverai seulement que cette hypothèse explique d’une manière satisfaisante pourquoi le nom et les vestiges de cette station ont entièrement disparu , tandis que les stations dont la position géographique est incon- testée , tels que Lemincum, Augustum , Axima , ren- ferment toutes des vestiges d’antiquité. Il serait maintenant superflu de réfuter en détail l'opinion de d’Anville et celle de MM. Deluc et Pillet. Je me bornerai à dire qu'il est bien peu probable que les Romains eussent choisi le col le plus élevé de la chaîne qui borde au couchant la vallée de Chambéry, pour y tracer une voie romaine par Novalaise, et au travers des hautes collines qui se rencontrent de là jusqu'au Guiers (1). Quant aux systèmes qui placent Lavisoo à Chevelu ou à Choisel , ils présentent le dé- faut très-grave d'un excédent de plusieurs milles entre (1) Les mêmes considérations excluent la supposition que le col d’Aiguebelette ait été une voie militaire de pre- mier ordre. 372 VOIES ROMAINES DE LEMINCUM A AUGUSTUM. cette station et celle d'Augustum. En mesurant sur les cartes de Raymond et de Chaix la distance de Chevelu à Aouste, on trouve plus de 14,000 toises ou 18 milles romains et demi, à quoi il faut ajouter au moins un dixième pour les sinuosités non indiquées dans les cartes d’une échelle semblable, et pour les pentes fortement inclinées. Il est vrai que MM. Wic- kam et Cramer ont essayé d’écarter cette objection en conduisant la route de Chevelu à St-Genis à travers les communes de Treize et de St-Maurice-de-Rothe- rens ; mais, outre que la distance mesurée sur les cartes serait encore de 13,000 toises, ces auteurs n'ont pas pris garde que la vallée qui court entre Chevelu et Novalaise est séparée de celle du Rhône par une colline fort élevée, qu’on appelle la montagne de ‘Glaize , et que cette route serait tout aussi longue et plus difficile que celle qui suit le cours du Rhône. D'un autre côté, il n’est pas sûr que les rochers de la Balme ne formassent pas à cette époque une bar- rière insurmontable; de manière qu'à tout considérer, il n’est point certain que le chemin romain du Mont- du-Chat fût dirigé vers Augustum, à partir du sommet du col , et qu'il est tout aussi vraisemblable qu'il était destiné à rejoindre la route de Genève à Vienne, par Lucey et la Chautagne. “bé LE En) x VA ‘ ; : dr D A abs l'usélèes, dv For L'HtEaey à "Ne ne + Fe Lu “ras Fa de Fiibiyr Mes PTT \ PE à ri 4 M Mie 3 % M NOR VE MP î jt UT FA D Gé 0 It SUITE DES DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ ROYALE ACADÉHWIQUE DE SAVOIE DEPUIS LA PUBLICATION DU 1X° VOLUME, + Oraison funèbre de Mgr Martinet, archevêque de Chambéry , par M. le chanoine Rendu. — Envoi de l’auteur. Envoyé par M. le chev. Mathieu Bonafous : 1° Comizio agrario toscano tenuto à Meleto in Val- d'Elsa, etc. 2° Sul’ antroduzione di una nuova pranta indigo- fera (polygonum tinetorium}, memoria del cavaliere Bonafous. 3° Eloge historique de Vincent Dandolo , par Ma- thieu Bonafous. 4° Descrizione di un tagliaradice ridotto alla mag- giore semplieità , del cavaliere Bonafous. 876 SUITE DES DONS 9° Nuovo sistema di ventilasione applicato alle bigat- terie, discorso del cavaliere Bonafous , letto alla reale Società agraria di Torino. 6° Avis aux cultivateurs sur une espèce de vers à soie à trois récoltes, nommés en Toscane trevoltint. Par M. Mathieu Bonafous. De la vérité sur les événements de Lyon au mois d'avril 183%, avec cette épigraphe : I n'y a bête sauvage au monde si cruelle que l'homme quand il trouve en main la licence et le moyen d'exécuter sa pas- sion. ( Plutarque, Vre de Cicéron. ) — Envoyé par M. Paul Allut, directeur du journal le Réparateur de Lyon. Traité élémentaire du Contrat de Mariage et de ses effets civils. Par M. C.-M. Raymond , avocat au Sénat de Savoie, et professeur de Droit à l’école uni- versitaire de Chambéry. — Envoyé par l'auteur. Lettres sur la Savoie , suivies d’une Ode sur le pont Charles-Albert, à l'occasion du voyage de S. M. em 1839. — Envoyées par M. l'abbé Sallavuard, chanoine de la cathédrale d'Annecy. Observations de Médecine pratique , faites aux bains d’Aix-en-Savoie, par M. Ch. H. A. Despine, médecin-directeur de l'établissement thermal, et ins- pecteur des eaux. — Données par l’auteur. FAITS A LA SOCIÉTÉ. 371 Lecons sur les Mesures et Poids métriques , etc. , suivies de la comparaison des mesures et poids usités dans le nord de l'Afrique , l'île de Sardaigne, le duché de Gênes , le Piémont, la Savoie et Genève, par J.-P. Ducroz ( de Sixt), avocat à la cour royale de Paris. — Envoi de l'auteur. Fisica de’ corpi ponderabili ossia Trattato della costi- tuzione generale de’ corpi. Del cavaliere A. Avogadro. — Envoyée par l'auteur. Mémoire sur la peste qui a régné épidémiquement à Constantinople en 183%, par M. le docteur Chollet. — Envoi de l’auteur. Memorie della reale Società Agraria di Torino. — 11e vol. Calendario georgico della stessa Società. — Envoyés par elle. Informaziont statistiche raccolte dalla regia commis- sione superiore per gli stati di S. M. — Censimento della popolazione. — Envoi de S. Exc. le Ministre de l'in- térieur. La Papauté considérée dans son origine et dans son développement au moyen-âge, etc., par M. l'abbé C.-M. Maguin, docteur en théologie. — Envoyé par l'auteur. 378 SUITE DES DONS Théorie de la Grêle, ou moyens assurés de la pré- venir, par J.-P. Genevois. — Envoyée par l’auteur. Trois Mémoires relatifs à l’histoire ecclésiastique des premiers siècles, etc., par M. J.-G.-H. Greppo, vicaire-général de Belley, correspondant de l’Ins- titut , etc. — Envoyés par l’auteur. Lettre sur la guerre des Suisses contre le duc Charles-le-Hardi, par M. le baron de Gingins de Lasarraz , correspondant de l’Académie royale de Turin , etc. — Envoyée par l’auteur. Mémoire sur le Rectorat de Bourgogne , par M. Frédéric de Gingins. — Envoyé par l’auteur. Tome II de la seconde série des Memorie della reale Academia delle Scienze di Torino. Theoria della grandine et mezzi sperimentati di pre- venirla. Dell babate J. P. Genevois. — Envoyée par l'auteur. Eloge historique de Jacquard , par M. le comte de Fortis. — Envoyé par l’auteur. Historiæ patriæ monumenta. — Scriptores. Tom. 1. — Envoi de S. Exc. le Ministre de l'intérieur. Conférences ecclésiastiques du diocèse d'Annecy, pour l'an 1839 ; idem pour 1840.— Envoyées par M. le chanoine Poncet. dr pig FAITS À LA SOCIÉTÉ. 379 Coup d'œil sur le progrès , ou réponse à la lettre que M. le docteur Calligé a publiée récemment à l'occasion de la Bibliothèque et de la Caisse d'épar- gnes établies à Annecy, par M. l'abbé Favre. — Envoyé par lui-même. Annuaire d'observations faites à St-Jean-de-Mau- rienne en 1840 ; 6° année. — Envoyé par l’auteur, M. le docteur Mottard. Description des Cancellaires fossiles des terrains tertiaires du Piémont, par Louis Bellardi, membre de la Société géologique de France, de la Société royale d'Agriculture , Sciences naturelles et Arts utiles de Lyon, de la Société des Sciences naturelles de Neuchâtel , etc. — Envoyée par l'auteur. Bulletin des eaux minérales de Salins près Moûtiers (Savoie), par le docteur Louis Savoyen, inspecteur des eaux de Salins. — Envoi de l’auteur. Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève. Tome IX, 1'° partie. — En- voyés par la Société. Opuscoli del cavaliere Luigi Cibrario , autore dell Economia politica del medio evo. — Envoyés par l'au- teur. La Coupe de l'exil, par J.-P. Veyrat. — Envoyée par l’auteur. 380 SUITE DES DONS Précis historique sur les Couvents du canton d’Ar- govie supprimés par le décret du grand conseil de ce canton , le 13 janvier 1841, par M. Frédéric de Gingins de Lasarraz. — Envoyé par l’auteur. Chronica Lausannensis chartularü. Primum edidit €. A. Matile. — Offert à la Société par M. de Gingins. Istruzione sui Parafulmini , lettera del signor Fer- dinando Elice, dottore in filosofia, etc. — Envoyée par l’auteur. Discorso di Cesare Cantù premesso all VII libro della sua Storia universale. — Il medio evo. — Offert par l’auteur. Coup d'œil sur l’état actuel de nos connaissances en électricité, par M. A. de la Rive, prof. de physique à l’Académie de Genève. — Envoyé par l’auteur. Atti della seconda riunione degli scienziati italianr , tenuta in Torino nel settembre del 1840. — Envoi de S. Exc. M. le comte Alexandre de Saluces. Osservaziont geologiche sulle Alpi Marittime e sugh Appenini Liguri, di Angelo Sismonda , professore di mineralogia. — Envoi de l’auteur. Dieu vous bénira (romance), paroles de M. Joseph Dessaix, et musique de M. l'avocat Raymond. — Envoi des auteurs. & FAITS A LA SOCIÉTÉ. 381 Mémoire sur les Roches asphaltiques de la chaîne du Jura, par M. Jules Itier. — Envoyé par l’auteur. Trattato di Architettura civile e militare di Francesco di Giorgio Martini, architetto senese del secolo XV, per la prima volta pubblicato per cura del cavaliere Cesare Saluzzo, etc. — Envoyé par S. Exc. M. le chevalier de Saluces. Examen critique de l'esprit et des propositions principales de l'ouvrage intitulé : Leçons sur les phé- nomènes physiques de la vie, par Grandvoinet, docteur en médecine à Montpellier. — Envoi de l’auteur. Oraison funèbre de Mgr Rey , évêque d'Annecy, par M. le chanoine Sallavuard. — Envoyée par l’au- teur. Mémoire concernant le projet d'établissement d’un chemin de fer sur la frontière occidentale du duché de Savoie, etc. — Envoyé par M. le marq. de Silans. Annuaire d'observations faites à St-Jean-de-Mau- rienne en 18#1, par M. le docteur Mottard. — En- voyé par l'auteur. Erreurs des astronomes et des géomètres sur l’ac- célération séculaire de la lune, par M. J.B.P.Marcoz. Astronomie ancienne discutée et rétablie dans les principaux points, pour assurer les déterminations de l'astronomie moderne, par le même. 382 SUITE DES DONS Astronomie solaire simplifiée, fondée sur les ob- servations tant anciennes que du moyen-âge, par le même. — Ces trois ouvrages ont été donnés à l’Aca- démie par la ville de Chambéry. Histoire de Malte, précédée de la statistique de Malte et de ses dépendances , par M. Miége , ancien consul de France à Malte. — Envoyée par l’auteur. Mémoires et Documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, 1°" volume. — Envoyé par le président de ladite Société , membre correspondant de l'Académie. Memorie intorno all industria serigend. Lettre sur l'institution agricole du marquis Ridolphi à Meleto (Toscane), à M. F. Burdin aîné, par M. Michel St-Martin, Membre de la Société. — Ces deux ouvrages ont été envoyés par M. St-Martin. De la littérature aux deux premiers siècles de l'ère chrétienne. Lettres de M. le comte Balbe à M. Peyron, ouvrage traduit de l'italien et augmenté d’une préface , par M. l'abbé Martigny, du diocèse de Belley. — En- voyé par l’auteur. IX° vol. des Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève. — Envoyé par elle-même. FAITS A LA SOCIÉTÉ. 383 Jardin expérimental d'agriculture , créé à St-Jean- de-Maurienne par M. le chevalier Bonafous , et dirigé par M. le docteur Motiard. — Brochure envoyée par ce dernier. Annali della reale Società Agraria di Torino. Vol. secondo. — Envoyé par la même Société. Art de traduire le latin, ou Principes d'analyse logique appliqués à la construction , à la version et à la traduction, par Cyrille Buffet, professeur au Collége royal de Bonneville. — Envoyé par l’auteur. Histoire physiologique , chimique, toxicologique et médicale du Seigle ergoté , ouvrage couronné par la Société royale de Pharmacie de Paris, qui a dé- cerné une médaille d’or à son auteur, dans sa séance publique du 22 décembre 1841, par Joseph Bonjean. — Offert par l’auteur. Le guide du Catéchumène Vaudois, ou Cours * d'instructions destinées à lui faire connaître la vérité de la religion catholique ; en 3 volumes, ouvrage utile à tous les dissidents, par Mgr Charvaz, évêque de Pignerol. — Offert par lui-même. Essai sur la constitution géognostique du départe- ment des Bouches-du-Rhône , par M. Matheron. Recueil d'observations de physique et de météoro- logie , par M. le baron d'Ombres-Firmaz. — Offert par lui-même. 384 SUITE DES DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. Traité de Médecine légale, par M. Fleuret, doct' médecin d'Annecy. — Envoyé par lui-même. Eloge historique de M. l'abbé Favre. Etudes littéraires sur l’Ecriture- Sainte, suivies d'une dissertation sur le romantisme , par M. l'abbé Gondran, professeur de rhétorique au petit Séminaire de St-Louis- du- Mont. — Ces deux ouvrages du même auteur ont été offerts à l'Académie par lui- même. Vie de saint Pierre de Tarentaise, par M. le chan. Chevray. — Envoyé par lui-même. FIN DU TOME XI. Ah EN psc A ARE » 1 | Fo |, ie