nTET CRE ts 6e F5 : ne Fe Re ; pi ii, * " L } [Às = Le # 42 + — Le 1 : 4 4 1, A (Um \ k f ù + n ; LE d A: \js: | 2 à i MÉMOIRES L'ACADÉMIE des Sciences, Agriculture, Commerces Belles-Lettres et Arts DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME. AMIENS , IMPIIMERIE DE Juvaz ET HERMENT, IMP. DE L'ACADÉMIE, PLACE PÉRIGORD, N.° 4. 1G h | _—— MDCCCXLIHNI. 4 CA = a" ———| FOR AEES k, 4 - ee de D _ hrs : 2. Pr ES “+ © # D NE y r F7 0 Là ED ARTS LES Re Porn e "LA LH mn 7 V 2 OT PA hé PT UT € ” Ne 2 L'' LA 2 NOR ‘ Ph A Fa no | N : €. l de 2 à Lu@ Le %: . A . RL" 30 4 | 2 re à L] m'as ! 0 * | "A auf 4” LAS *h à | . er à "2 L » 1 fun L , \ P : 1e SN L l , … 0n Ê L ll n » 4 site ( | e à AUD Me WT Æ us 0 = LL = Re DUR « Û % en . “jen 4 à ! v ur. LL DE " = : 1 mire h du 0 Eure f ne x … ; AE p fn AE Le ces de Hi ué — 0 1 4 ue = en PA és. R < à À L " ü & - té D. 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C'est lui qui, obéissant au principe d’une admirable providence, fait découler sans-cesse l’ordre et le bien général du développement et de l'extension des facultés de tous. C'est lui qui, déconcertant chaque jour nos timides prévisions, accomplit ce que l’homme ne pouvait ob- tenir de ses efforts précipités; qui entraine dans sa marche nécessaire , irrésistible, des obstacles crus in- vincibles, et ne rétrogradant jamais, prépare les peuples à de nouvelles et plus heureuses destinées. Mais tout en applaudissant à cette progression spon- tanée de la perfectibilité humaine, gardons-nous d’en rester spectateurs oisifs et d'attendre tout du temps et des révolutions de choses et d'idées qu'il amène. Le mouvement social doit finir, saus doute, par fonder partout des institutions et des mœurs qui ré- Rp pondent aux besoins moraux de l'homme civilisé. Mais si l'on n'aide pas à sa marche, chacun sera respon- sable de tout le mal qui se sera prolongé et de tout le bien qui ne se sera pas accompli. D’affreux interrègnes du droit et de la raison sont déjà loin de nous. Les souvenirs et les passions qui naissent des intérêts blessés se mêlent moins aux questions de principes; on commence à savoir différer de sentiments sans se hair, à sentir tout ce qu'une conviction à d’honorable et de sacré; et l’on ne sera bientôt plus à douter que sous des bannières opposées, on puisse avoir également l'intérêt du pays pour devise et pour mobile. Hâtons donc le moment où les mœurs nouvelles re- cevront plus complètement encore le droit de cité parmi nous, et n'oublions pas que c’est à la jeunesse, étrangère aux anciennes luttes, sans souvenir comme sans regret du passé, qu'est réservé le privilège de s'avancer, unanime et compacte, vers l'avenir, d’ac- cord sur les principaux objets d'utilité et de conscience publique. De cet accord naîtra nécessairement l'esprit public; non pas ce patriotisme austère des premiers âges qui s’enfermait dans l’étroite circonscription d'une cité, pour n'en sortir qu'hostile à tous les autres; qui im- posait trop souvent une vie de haines, d’inquiétudes et de combats; mais, au point de vue de la civilisation moderne, cet attachement aux lois, aux principes con- servateurs des libertés publiques, aux éléments de l'économie politique et de la richesse nationale. Mais pour répandre utilement les germes de l'esprit public, il faut imprégner les jeunes générations qui Le sont destinées ou qui aspirent à se mettre à la tête de la société, des lumières pures et des sentiments gé- néreux qui font l'essence de l'esprit public. Il faut les initier à l'étude de la société, des droits et des devoirs publics : « l'éducation dans chaque état, dit Montesquieu, » doit être le développement du principe essentiel de son » gouvernement » il faut d’abord regarder en bas, comme l’homme religieux, parce que là sont les plus grandes plaies, les plus dangereuses maladies physiques et mo- rales de l'humanité. Pendant que les états s’éclairent, se policent, s'en- richissent, comme par enchantement, nous trouvons au sein même de ces états de nombreuses générations que la civilisation eflleure à peine, qu'elle cublie, qu'elle semble dédaigner, et qui, tandis que tout change et se perfectionne au-dessus d'elles; languissent, comme par le passé, dans l'ignorance et dans la misère. Sans doute, ce serait folie que de réclamer pour tous les hommes une somme parfaitement égale de richesses, de bonheur. Nous ne demandons pas aux classes supé- rieures de ralentir leur marche, pour que le reste ait le temps de grandir et de les atteindre. Mais pourquoi ce mouvement si vif, si puissant dans les premiers rangs, devient-il presque insensible dans les derniers ? Il y a dans cette partialité de la Providence bien des périls, non seulement pour ceux qu'elle favorise, mais pour la cause de la civilisation elle-même. Ne nous réjouissons donc pas trop de toutes ces brillantes découvertes, de tous ces prodiges de l’indus- trie qui nous rendent la vie de plus en plus douce, de plus en plus précieuse, si une grande partie de nos semblables demeure dans l’indigence. MT. Le danger dont je parle n’est pas une vaine hypo- thèse. Il en est un exemple frappant, bien près de nous: l'Angleterre, au milieu de sa prospérité, jette un regard inquiet sur sa population toujours croissante et toujours plus misérable ; en vain attire-t-elle dans ses ports, en échange de ses produits industriels, l'or de toutes les nations; cet or se distribue chaque jour, en portions plus petites, aux mains de ceux qui l'ont gagné; la détresse et l'abondance sont également en progrès et semblent croître à l’envi. Voilà pourquoi, en Angleterre, il n’est pas de ques- tions qui préoccupent plus fortement les esprits que celles qui se rapportent à la condition des classes infé- rieures. Si la misère a fait, dans les états britanniques, de si effrayants progrès, ce n’est pas qu'elle y ait rencon- tré chez les classes riches des cœurs moins généreux que dans d’autres pays ; au contraire, la charité n’a cessé d’y être comme un attribut nécessaire de la ri- chesse ; l'Etat lève d’énormes impôts au profit des in- digens et les aumônes les plus abondantes leur sont garanties par la loi. Mais ce sont peut être là les remèdes qui ont aggravé le mal. L'économie politique n'interdit pas la charité; elle ne défend pas aux riches de partager leurs ri- chesses avec le malheur; elle leur conseille de ne les répandre qu'avec discernement; elle leur apprend à être vraiment charitables, à détruire la misère, au lieu de l’encourager, elle laisse à la charité tous ses droits ; c'est toujours à elle qu'appartient la mission divine de réparer l'injustice du sort; mais elle la sollicite et la presse de se soumettre aux lumières de la raison, d’être = prudente et raisonnée au lieu d’agir par instinct et par sentiment En France, où la révolution de 89 a permis aux classes inférieures de devenir propriétaires et d'acquérir ainsi des idées d'économie et d'indépendance, le mal est moins grave, les motifs d'étudier les lois de la charité moins exigeants. Cependant s'il est vrai que notre population ouvrière manque de bien-être et que son état moral est loin d'être satisfaisant, il importe de naturaliser parmi nous toutes les doctrines qui tendent à prévenir l'accroissement de la misère. Parmi les causes si diverses de la misère, on peut signaler principalement l'oisiveté et l'imprévoyance. Il faut aussi faire la part des accidents que l'intelligence ne peut prévoir, que la prudence ne peut éviter. Or, quels sont les moyens de combattre ces causes ? la prévoyance et le travail, la bienfaisance. « Qui ne veut pas travailler, ne mérite pas de vivre », a dit l’apôtre: et sa parole est aujourd’hui celle de toutes les nations. Le citoyen des Etats-Unis s'estimerait mal famé, s'il n'employait sa vie qu’à vivre. Îl travaille , il féconde l'avenir, il place ses espé- rances à long terme, il tire sa force de lui-même, parce qu'il sait que ce qui fait actuellement la princi- pale différence entre les hommes, c’est le travail, c'est l'intelligence, l’ordre et l’économie. Viennent des cala- mités qu'il est impossible de prévoir, alors commence la mission de la charité privée, si les ressources de la charité légale sont insuffisantes. — La charité privée (dit un savant économiste) doit agir à la manière de la providence; soudaine et inattendue, elle tend la main à l’homme tombé dans l’abyme; mais elle ne — 10 — s'engage pas envers lui à l'en tirer de nouveau, s'il s'expose à une nouvelle chûte. Le bien accompli, elle disparait et abandonne l'homme à ses propres forces. Tel se croit peut-être charitable qui, pour obéir à un mouvement de pitié égoïste, pour se délivrer d’une impression pénible, a jeté en passant, quelque argent à l’indigence; offrande trop mesquine, si le mal est vrai, trop généreuse, si c'est la débauche qui doit en profiter. Ce qui est utile, nécessaire, c'est une aumône de dévouement et de sympathie. C'est la visite fré- quente de la maison du pauvre. C'est une enquête bienveillante des causes de sa détresse. C’est le soin qu'on prend de son intelligence et de sa raison. Ce sont les conseils, les habitudes de prévoyance et d’é- conomie qu'on répand autour de lui. De toutes les charités voilà celle qui porte les fruits les plus réels et les plus durables. Et puis la charité intelligente, pour obéir à ses iné- puisables préoccupations, cherchera à créer entre le maître et l’ouvrier un lien salutaire, aflligée de voir que l'intérêt seul les rapproche et les sépare; qu'ils se voient à la fabrique et ne se connaissent pas ail- leurs; que le manufacturier ne demande a l’ouvrier que son travail; que celui-ci n'attend du manufacturier que son salaire. Elle veillera à ce que l’homme ne se dégrade pas à mesure que l'ouvrier se perfectionne. Profondément persuadée qu'il ne peut exister dans le corps social ni un vice, ni une misère qui ne réagisse sur l’ensemble, que l'humanité est une et que nulle partie n’en peut être négligée, sans que l'humanité tout entière ne souffre et ne languisse, elle répondra à l'appel de l'auteur des méditations et s’attachera à dé- — Me — terminer les causes qui rendent les populations manu- facturières généralement moins heureuses et moins mo- rales que les populations agricoles. A un autre degré de l'échelle sociale, la direction à imprimer à la jeunesse, surtout à celle qui aspire à se mettre à la tête de la société, n’exige pas moins de vigilance et de soins. Lorsque la société marchait par classes absolument distinctes, ces classes se partageaient l’empire et étaient solidaires pour s’en assurer l'exploitation. L'église ré- glait les convictions. La noblesse maniait l'épée ou exerçait l'autorité civile. Le tiers état exploitait le tra- vail dans un esprit de monopole non moins exclusif. Dans une société ainsi faite, le sentier était tracé, la vie écrite pour ainsi dire d'avance. L'individu succédait non -seulement au patrimoine, mais encore aux con- victions, aux habitudes morales, aux pratiques civiles, aux priviléges du père qui les empruntait à son tour à la classe dont il relevait. Mais lorsque l’ordre ancien n’a plus de place que dans l’histoire ; lorsqu'une immense concurrence est ouverte à tous; lorsqu'on rencontre dans toutes les con- sciences des sentiments et des instincts nouveaux et puissants, instincts jaloux et soupçonneux, comme l’est une force nouvelle, fiers et exigeants, parce qu'ils sont jeunes et inexpérimentés, c'est par des ressorts nouveaux qu'il faut agir sur les mœurs, sur les con- victions et les lumières. Aux hommes d’expérience, de savoir, aux gouvernants surtout , le devoir de répandre les moyens les plus abondants et les plus judicieux de développement moral et intellectuel. Il est nécessaire sans doute de tenir la Société bien Ut affermie sur les bases de la propriété et de l'intérét ; il ne l’est pas moins de l’asseoir sur des bases morales et de denner aux individualités, récemment émanci- pées, les mœurs de leur nouvelle fortune, les prin- cipes propres à conduire leur jeune indépendance. Il faut donc enseigner chaque jour, pratiquement, que la richesse, la considération, le bonheur, sont le prix du travail; que les grands succès sont placés au bout des longs désirs. Il faut que l'entrée de toutes les car rières exige de pénibles efforts; mais que ces efforts trouvent à tous les degrés d’équitables et d'intelligents appréciateurs; que le mouvement ascensionnel soit ré- glé et légal, sans que le caprice et la faveur n'en puissent jamais écarter le mérite éprouvé et modeste qui est fier par cela même. C’est à ce prix qu'il est possible de rassembler toutes les intelligences, et que tous ces fiers courages, ces esprits indomptés s’attache- ront à la chose publique et lui apporteront le puissant secours de leurs lumières et de leur enthousiasme. Alors nous n’entendrons plus dire à des esprits cha- grins, clairvoyants peut-être, que c'est, non plus de vivre que l'homme civilisé s'inquiète, mais de vivre avec fortune, avec rang et considération acquis sans efforts ; — que chacun semble s'être persuadé qu’il n’est entré dans la Société que pour y chercher son bien- être, repousser tout ce qui est pénible, fuir tout ce qui est dangereux; que c’est le produit des fonctions publiques que l’on envisage et que chacun calcule sa capacité à les remplir, sur les bénéfices qu'il en tire, sans se préoccuper des qualités qu’elles exigent, des devoirs qu’elles imposent, de la responsabilité qui s’y attache. — 135 — Alors se taira cette passion étroite appelée l’ambi- tion qui fait le vide autour d'elle, qui nourrit au cœur de l’homme un désir incessant de s’attirer et de fixer sur lui les regards, d'obtenir les éloges populai- res, sauf à être condamné plus tard à les mériter, et qui ne connaît pas de plus cuisantes douleurs que l'in- différence ou la disgràce. Alors enfin le règne de l'esprit public, parce que le courage civil aura pris place dans nos mœurs. Cette vertu sociale a pour base une âme pure et ferme qui a le sentiment de sa dignité et de ses droits ; aussi lorsqu'elle a pénétré dans les mœurs d’un peuple (croyons-le bien), la modération est dans le pouvoir, la dignité dans l’obéissance, le juste dans tous les rapports, l’utile dans toutes les détermina- tions ; chacun s’affermit dans les principes d'ordre et de liberté. Que si de pernicieuses semences, restées ou jetées dans quelques esprits, entrainent sur la scène politi- que quelques génies dangereux, on voit bientôt, dans toutes les classes de citoyens, le sentiment du devoir former une force compacte contre laquelle la fougue des passions à bientôt épuisé ses vains efforts. S'il est vrai que nul peuple ne puisse espérer d'ar- river à ce point précis, le devoir et l'intérêt de cha- que peuple est d'y tendre de toutes ses forces. Le devoir des hommes éclairés, amis sincères de leur pays, est de propager la morale et les saines doctrines, de diriger la jeunesse dans les voies de son développe- ment, de mettre d'accord les mœurs et les lois, les droits et les sympathies, et d'assurer ainsi le progrès paisible et normal de la civilisation nouvelle. pa 4 A COUR à Moi) l LU z LL af vi files 3Ù Hinesonmt 18) du sanmod'i sh 110 ‘di | | VO VI " “ Cine LE S DOS F1 45 tqqn" ONU :trotéhmig ; à A ne Ne Moon mp ne AN atome oh 0) Nat ! ut dal ai nos sit afro oO sl voauiub dre ER PC ULI ui #9 É Fi sy Smabmon ARE. LU LL “1 sup suibob Ralweaiun us lg ob ei] "Hisen if it ur! (2 RÉTHE que bi vo POTTER Ai TTUE nor d F4 / é x Sup M9 . 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Aussi quel académicien se fut montré alors assez téméraire pour prononcer les mots si grossiers de bestiaux et d'engrais? Mais que les temps sont changés. La société se remue et s'a- gite, elle s’est mise avec ardeur à la poursuite d’inté- rêts matériels sans cesse renaissants. Longtemps négli- gés, ceux-ci ont vu leur importance se révéler et s’accroitre : enfin ils ont tenté de se substituer entière- ER VE ment aux plaisirs de l'imagination. Quand c'est le bien-être que chacun cherche pour soi, c'est à aug- menter le bien-être de tous que les esprits généreux doivent employer leurs facultés. Ainsi, l'académie , toute littéraire à son origine, a dù se transformer peu- à-peu en société scientifique, sans toutefois abandon- ner la gloire qu'elle tient de l’éloquence et de la poésie. Ces nobles sœurs ont dù sinon abdiquer , du moins associer à leur empire, les sciences, l’agricul- ture, le commerce et l’industrie. Cette heureuse al- liance est désormais formée et vous n'avez qu'à vous en féliciter. Messieurs, votre réglement impose au dépositaire de vos archives, l'obligation de les exposer au grand jour, dans cette circonstance solennelle. C’est ce devoir que je vais tàcher de remplir, en conciliant autant que possible , les développements à donner, avec le temps qu'il m'est permis d'y consacrer. M. PorLer, dans un mémoire sur la mesure des tem- pératures, vous a exposé les motifs qui, pour la cons- truction des thermomètres, ont fait rejeter les corps solides comme se dilatant fort peu, les gaz, parce qu'ils sont soumis à une force expansive telle qu'ils exigeraient des appareils trop grands et trop incom- modes , et ont fait adopter le mercure qui ne se con- gèle et n'entre en ébullition qu’à des températures fort éloignées. Toutefois, M. Pollet vous a prouvé que c'était tomber dans un cercle vicieux, que d'admettre à priori l'uniformité des dilatations du mercure, puis- que l’on mesure la dilatation du mercure comparative- ment à cette dilatation elle-même. Par cette prétendue uniformité, on entend que les augmentations de volume 1e du mercure sont proportionnelles aux quantités de chaleur qu'il recoit; mais cette proportionnalité est au moins douteuse, et rien n'autorise à la poser en axiome. Il suit delà que les évaluations des températures au moyen du thermomètre à mercure ne peuvent être con- sidérées que comme purement hypothétiques. Pour dé- couvrir les lois simples et naturelles des phénomènes physiques, il faut rapporter leur développement à l’ex- pansion régulière et continue d’une masse gazeuse , plutôt qu'à la dilatation variable d’un liquide. C'est pourquoi dans les travaux de recherches scientifiques qui exigent une extrêmé précision, on a donné la pré- férence au thermomètre à air. Mais pour obtenir la régularité qui rend ce dernier supérieur à tous les instruments thermométriques, son emploi a besoin d’un double calcul destiné à corriger ses indications. C'est en comparant ensemble les températures respectives données par un thermomètre à mercure et par un thermomètre à air, que M. Pollet est arrivé à décou- vrir une formule préférable à plusieurs égards, à toutes celles dont on s'est servi jusqu'à présent. M. Bor vous a entretenus de l'iode et de quelques- uns de ses composés. Ce corps élémentaire qui n’a servi jusqu'ici que comme réactif dans les laboratoires, ou comme remède dans les maladies scrophuleuses, est susceptible d'être employé dans la teinture. Toutefois les étoffes de coton sont les seules que M. Bor ait réussi à teindre; les essais qu’il a tentés sur celles de soie et de laine ne lui ont pas donné de résultats sa- tisfaisants. Il vous a présenté avec détail les opérations qui l'ont conduit à imprimer des velours de coton à l'iodure rouge de mercure. La couleur rouge orange 2 | de ces étoffes est assez solide pour résister aux eaux acidulées, aux bains alcalins carbonatés, enfin à l’ac- tion très-destructive, pour une nuance aussi délicate, des rayons solaires du mois d’août. Un bain d'’iodure de plomb a donné au velours qu'il y a plongé une couleur d’un jaune très-beau et très-éclatant; mais cette couleur a si peu de stabilité que c’est à peine si elle a résisté aux lavages ordinaires. Dans une seconde notice, M. Bor vous a fait part de ses essais sur une substance qu'il croit propre à remplacer la colle de poisson dans la clarification de la bière. Il admet avec M. Payen que l’action de la colle de poisson sur les liquides à clarifier est toute mécanique; que composée de fibres susceptibles de se ramollir, d'augmenter de volume et de se diviser à l'infini, elle forme une sorte de réseau qui entraine en se précipitant, les corpuscules qui troublent leur transparence. La substance nouvelle que M. Bor nomme Géline et qu'il propose de substituer à l'ichtyocolle est extraite des cornillons de la corne de bœuf débarassés par l'acide hydrocholorique des sels de chaux qu'ils contiennent. Il résulte des expériences de M. Bor qu’un kilogramme de géline suffit à la clarification de cinq hectolitres de bière. Enfin M. Bor vous a présenté une substance qui a été trouvée adhérente aux parois d'un compteur à gaz hydrogène carboné et qu'il a analysée. Cette matière a l'apparence de l’amadou ; elle laisse dégager une odeur très-prononcée quelle perd par la dessication ; vue à la loupe, on reconnait quelle est formée de molécules jointes et superposées semblables à celles de la pâte dont on fait le carton. Soumise à l’action de LEUR = divers réactifs, elle se présente comme formée , en grande partie, de goudron, d'une huile essentielle et de souffre. Quant à sa formation dans le compteur, elle s'explique facilement lorsqu'on se rappelle que le gaz provenant de la houille, peut contenir quelques parcelles de tous ces corps, et que forcé de traverser la couche d’eau mise dans le compteur, il y dépose petit à petit ces mêmes corps qui finissent par tapisser les parois de l'instrument. M. Pauquy vous a exposé ses vues sur l'introduction en chimie, de la méthode naturelle si heureusement appliquée aux corps végétaux. Il entend par méthode naturelle chimique, celle qui aurait pour objet de ré- unir les éléments par groupes, en se fondant sur l'en- semble de leurs caractères étudiés tout à la fois dans les corps simples et dans les corps composés. Ainsi, M. Pauquy distribue les cinquante-deux éléments connus en dix-sept familles, en placant toutefois l’oxigène et l'azote dans des groupes différents. L'oxigène étant de tous les corps celui dont l’action est le mieux connue, les groupes ont été partagés selon que l'union de cha- cun des corps avec l’oxigène pouvait donner lieu soit à un acide, soit à un oxide, soit à un composé in- termédiaire jouissant plus ou moins, dans des circons- tances données, des propriétés de l’un ou de l'autre. De là, une division des groupes en cinq sections ren- fermant les corps acidifiables, oxidables et faux oxi- dables. Mais parmi les acides, les oxides et les faux oxides, il en est que le chlore peut décomposer à l’aide de la chaleur; il en est d’autres au contraire, qui résistent à cet agent. Cela donne lieu à une di- vision plus générale en deux classes, la première con- 5) * “se OÛR tenant les corps oxigénés altérables par le chlore, lesquels se partagent en acidifiables basiques, en faux oxidables et en oxidables proprement dits. La seconde classe, renfermant les composés oxigènes inaltérables par le chlore se subdivise en faux oxidables et en aci- difiables non basiques. M. Pauquy vous a également lu un mémoire sur les herbiers en général, et en particulier sur celui dont il a doté le cabinet d'histoire naturelle d'Amiens. Il y fait ressortir les nombreux avantages que présentent les collections de plantes. Il indique les conditions né- cessaires pour les augmenter et les conserver. La des- cription la plus minutieuse d’une plante, accompagnée des figures les plus parfaites, laisse toujours quelque chose à désirer à celui qui veut la connaitre complète- ment. C'est l'opinion de Linnée et de M. de Candolle. M. Pauquy raconte que Linnée tombé en enfance, par suite de ses immenses travaux, sortait de son anéan- tissement et renaissait à la vie intellectuelle, lorsqu'on plaçait sous ses yeux quelques cahiers de son herbier, tant était puissante la réaction qu'opérait en luile vif amour de la science à laquelle il doit toute sa gloire. M. Anprtu vous à parlé du strabisme, de sa na- ture, de ses causes et de ses effets. Il distingue trois espèces de strabisme ; à la première appartiennent les cas où existe une paralysie du nerf optique, de la rétine , de l’un des muscles de l'œil etc.; à la seconde, ceux où le strabisme est la suite de la portée inégale des veux. Enfin dans la troisième viennent se ranger les dévia- tions produites par la contraction musculaire anormale de ces trois classes de maladies. La première échappe au pouvoir de l'opérateur , il remédie souvent à la I — seconde, son succès est infaillible et instantané dans ia troisième. En examinant les divers effets de la contraction des muscles de l'œil , M. Andrieu est conduit à attribuer, dans bien des cas, les accidents de la myopie, aux tiraille- ments que cette contraction exerce sur le globe de l'œil dont elle affecte plus ou moins la forme. La sec- tion des muscles serait donc aussi, selon lui, un moyen de guérir la myopie. Après quelques détails sur les précautions qu'il a prises pour assurer le succès de ses nombreuses opérations, M. Andrieu termine en faisant remarquer qu'il n’y a pas seulement luxe, mais avantage réel dans la guérison du strabisme; l'œil dévié finit par perdre la faculté de voir, c'est donc surtout pour conserver cette faculté qu'il faut recourir au nouveau moyen offert par la science. M. SPINEUx , dans un mémoire que vous avez cru devoir adresser à la chambre des députés et au ministre de l’agriculture et du commerce, à traité l'importante question de l’introduction en France des bêtes à cornes étrangères. L’abaissement du prix de la viande doit être la conséquence du progrès de notre agriculture, et non pas provenir de la brusque irruption des bestiaux étran- gers; autrement ce serait favoriser quelques localités dans la consommation de leur viande, et faire enché- rir le prix du pain pour tout le monde. M. Spineux, ne veut pas de prohibition, mais il pense que les droits de 50 fr. par bœuf de 350 kilog. et de 25 fr. par vache de 225 kilog. ne sont pas exorbitants et n'ont rien qui justifie les clameurs dont ce tarif est l'objet. La France possède peu de vallées propres aux paturages ; elle doit forcément recourir aux prairies ar- tificielles à l’aide desquelles les animaux engraissés à LD l'étable coûtent plus cher que ceux qu'on engraisse aux paturages. D'un autre côté nos cultivateurs man- quent de fumier, et l’engrais des bestiaux à l’étable peut seul leur en procurer. Si donc ce dernier engrais n’est pas encouragé par un droit un peu élevé, les agri- culteurs cesseront de se livrer à l'engrais, ou du moins le réduiront considérablement. Il en résultera nécessai- rement une diminution notable de fumier , réduction dans les récoltes , et par suite renchèrissement des grains. Le raisonnement par lequel M. Spineux combat l'entrée en franchise, et même avec diminution du tarif, des bestiaux gras qui sont consommés quinze ou vingt jours après leur introduction, et n'ont contribué en rien à l'avantage de l’agriculture à laquelle ils n’ont pas fourni de fumier, il l'applique avec le même suc- cès à l’entrée des bestiaux maigres, bien que ceux-ci ne soient abattus qu'après quatre à cinq mois de sé- jour; ces quatre à cinq mois ne représentent que la dixième et la douzième partie du temps pendant lequel les bestiaux indigènes auraient fait profiter l’agriculture de leurs fumiers. M. Spineux pense qu’autant il im- porte d'empêcher l'introduction d'un trop grand nombre d'animaux gras ou maigres, autant il est convenable de favoriser l'entrée des jeunes bestiaux au-dessous de dix-huit mois. D'abord, ils ne pourront qu'être bien constitués pour supporter les fatigues d’un voyage, et puis il s'écoulera au moins quatre ans avant qu'ils ne soient livrés à la consommation. Leur admission aug- mentera la produetion du fumier, par suite aménera la suppression des jachères, et la création de prairies artificielles, d’où résulteront indispensablement une plus grande abondance de produits agricoles, et une baisse 5)? — D — dans le prix de la viande, sans accroissement du prix du pain. En résumé, M. Spineux conclut au maintien du tarif actuel, quant aux bestiaux étrangers gras et maigres, et à ce qu'on favorise l'entrée des veaux, gè- nisses etc, âgés de moins de dix-huit mois. M. Riquier, sous le titre de manuel d'éducation de vers-à-soie vous a présenté le traité le plus complet qui ait été rèdigé sur cette matière. Dans le premier chapitre il indique avec un soin minutieux depuis l'é- closion des vers-à-soie jusqu’à l’étouffement des cocons et leur dévidage, toutes les précautions à prendre pour les faire arriver heureusement au terme de leur vingt- sept à trente jours d'existence, sous une température uniforme de 18 degrès centigrades. Il démontre que le succès et les produits d’une éducation de vers-à-soie dépendent du choix de la graine, de la simultanéité dans l’éclosion, d’une bonne nourriture, de la régula- rité dans les repas, de la surveillance à maintenir l’air toujours pur et d’une grande et constante pro- preté. Le second chapitre traite de l'éducation hâtive ; celle- ci diffère de l'éducation ordinaire par une température plus élevée de 3 à 4 degrés, par une humidité plus grande, par une alimentation plus fréquente et par une durée moindre de quatre jours environ; elle exige des frais d'établissement plus considérables, elle a besoin de calorifère, de frigorifère, de ventilateurs etc. Mais les avances sont bientôt couvertes tant par des produits plus abondants, que par la facilité qu’elle donne de faire une seconde éducation dans le même atelier, si l’on à des feuilles à sa disposition. M. Riquier ne doute pas que l'éducation ordinaire ne soit complètement 2. OM =. abandonnée , lorsque les avantages de l'éducation hàtive seront plus connus et mieux appréciés. Dans le dernier chapitre, M. Riquier passe en revue les divers procédés qu'on emploie pour faire de la graine; il termine son travail, en déclarant qu'il ne Va entrepris que pour éclairer et guider ceux qui élè- vent, pour la première fois, des vers-à-soie. Il désire que son livre puisse contribuer à propager dans notre département l'industrie séricicole, et à enrichir bientôt nos marchés d’une matière première, indispensable à nos fabriques. Non content de tracer des règles, M. Riquier veut joindre l'exemple au précepte. Dans l’une de vos der- nières séances, vous l'avez entendu vous annoncer que, jaloux de mettre à fin une œuvre qu’il poursuit avec tant de persévérance depuis plus de sept ans, que, tenant à honneur de doter le département et principalement Amiens, d'une industrie si riche d'ave- nir, il était résolu de faire chez lui, à ses frais et risques , les constructions nécessaires pour élever 6 à 8 onces de graine, c'est-à-dire de 250 à 300 mille vers-à-soie, qu'il s'était associé pour cet objet un jeune et intelligent collaborateur , et qu'il avait la pleine con- fiance d’atteindre avant peu d'années le but qu'il s’est toujours proposé. M. Dupois vous a entretenus des ravages que la morve exerce dans notre département, et des dangers qu'elle peut faire naître pour les hommes eux-mêmes, en contact avec les animaux affectés : il considère lac- croissement qu'elle a pris dans les derniers mois de 1840, comme le résultat du systéme adopté par les non-contagionistes. Les expériences faites, les accidents constatés, donnent la démonstration la plus complète que non seulement la morve se communique par le contact, ou la respiration d’animal à animal, mais de cheval à homme et réciproquement. Le principe de la contagion , une fois reconnu, M. Dubois indique comme mesures de précaution : 1.° des visites fréquentes chez les personnes qui reçoivent des chevaux étrangers ou de passage ; 2.° la défense d'envoyer en cantonnemenit des chevaux de garnison qui n'auraient point été visi- tés préalablement par les vétérinaires de la ville, de concert avec ceux des régiments ; 3.° la prohibition de la vente des chevaux de réforme sans visite préalable ; A. la défense expresse de faire coucher des hommes dans les écnries où se trouvent des chevaux infectés ; 5.0 enfin la nécessité d’établir des rapports fréquents et de s'entendre avec les préfets des départements voi- sins, pour rendre communes les mesures proposées, et prévenir les invasions réciproques. M. Dubois vous a rendu compte d'une visite qu'il a faite dans l'établissement agricole de Roville; après de curieux détails sur la nature du sol, sur le mode de culture, il a fait l'éloge le plus flatteur du fonda- teur de l'établissement; c'est un vieillard moins acca- blé par les années que par les souffrances, retenu souvent dans sa chambre pendant une semaine, qui sait jour par jour, heure par heure, tout ce que l’on a fait, tout ce que l’on doit faire, par qui, en com- bien de temps, par combien de chevaux : dont la puis- sante volonté, plus forte que la maladie, embrasse et dirige l'immense travail d'une vaste exploitation. Les élèves, au nombre d’une trentaine, suivent des cours d'agriculture, de médecine vétérinaire, de botanique, =) d'arpentage et de comptabilité agricole. L'instructuon est aussi pratique que théorique, c’est là son plus grand mérite et c'est là ce qui la rend précieuse pour les élèves. Aussi presque tous travaillent avec zèle, et tous, sans exception, même ceux qui profitent le moins des lecons qui leur sont offertes, ne parlent de M. de Dombasle qu'avec vénération. M. Dubois voudrait voir se multiplier des établissements agricoles où des jeunes-gens apprendraient tout ce qu'il faut pour bien conduire une ferme, des écoles simples, peu dispen- dieuses, presqu'entièrement pratiques. Ce serait le moyen le plus efficace pour retenir dans les campagnes une foule de jeunes-gens trop faibles pour ne pas être en- trainés par la corruption des villes. Dans un troisième mémoire, M. Dubois vous a tracé le tableau du mal causé à l’agriculture, par la pro- pagation incessante des insectes les plus nuisibles. La législation actuelle est impuissante à y porter remède. Les illustres professeurs du jardin des plantes ne pour- raient-ils laisser de côté les classifications, les descrip- tions techniques pour s'occuper, dans l'intérêt de l’a- griculture, de: la vie et des mœurs des différents genres d'animaux, pour nous apprendre quels sont cenx qui sont nuisibles, comment ils le sont, et ce qu'il faut faire pour éviter leurs ravages? M. Dubois désigne le hanneton comme l’insecte le plus destructeur et ce- lui qu'on doit poursuivre tout d'abord. Il en fait la biographie complète, et le représente comme plus re- doutable à l'état de larve, qui dure 3 ou 4 ans, qu’à celui d’insecte parfait. Si, comme hanneton, il ronge les feuilles des arbres, les dépouille quelquefois tout à- fait, larve, elle se nourrit de l'écorce qui revêt les DE 0 EU racines des arbres et les racines entières des plantes légumineuses. M. Dubois cite le chiffre prodigieux de 274 millions de hannetons détruits dans une seule campagne, dans le département de la Sarthe, et payés 17 mille fr. à raison de 3 fr. l’hectolitre, contenant AS mille insectes; il cite également ce fait observé cette année d'une zone de hannetons morts tout le long de la dune, entre Cayeux et Dieppe. Cette zone, d'environ 10 lieues de longueur, avait un mètre de largeur, sur une profondeur de 3 à 16 centimètres. M. Dubois attribue en grande partie la multiplication des insectes à la destruction désastreuse des oiseaux qui maintiennent leur développement dans de justes bornes. Il émet le vœu que la loi qui ordonnera la destruction des animaux nuisibles à l’agriculture, mette en même temps un terme à l'extermination des oi- seaux. M. Orry vous a lu la première partie du travail qu'il a entrepris sur le déluge: les découvertes de la géologie attestent que la surface de la terre a été bou- leversée par l’action combinée du feu central et de l'Océan, que le noyau terrestre a été recouvert de diverses couches durant de longues séries de siècles et à de grands intervalles. Au-dessus des terrains primi- tifs, qui ne présentent aucune trace de débris orga- niques s’échelonne avec plus ou moins de régularité, d’abord les terrains de transition , où l’on ne remarque que des zoophytes, des mollusques, des crustacés et des poissons; puis les terrains secondaires, tertiaires et quaternaires, riches de dépouilles d’animaux alternati- vement terrestres et marins. Sans compter l’époque ac- tuelle, il y a eu au moins sept époques successives , — 2 — sept populations animales distinctes, quatre marines et trois terrestres. La première et la dernière des popu- lations éteintes sont des populations marines; la mer est le premier berceau des êtres, la terre n’en est que le second, et même elle doit sa vertu fécondante à l'humidité marine, qui la pénètre autant qu'à la lu- mière solaire qui l’échauffe. M. Obry en conclut que les anciens avaient rencontré juste lorsqu'ils faisaient sortir l'univers du limon, celui-ci de l’eau primordiale, et celle-ci enfin du chaos. Les plus anciens peuples de l'Asie ont tous conservé la mémoire d’un grand cata- clysme; M. Obry se propose de comparer les récits des Hindous, des Chaldéens et des Hébreux; et de dé- montrer que les trois déluges qu'ils racontent ne for- ment qu'un seul et même évênement. Maintenant, Île déluge de l'histoire se confond-il avec le dernier des cataclysmes géologiques, c’est-à-dire avec celui qui, par un double mouvement, a inondé, et ensuite re- mis à sec nos continents actuels, M. Obry répond que la famille humaine, sauvée du déluge, peut très-bien s'être retrouvée, après ce terrible événement, dans la contrée qu’elle habitait auparavant, et que l'absence de l’homme fossile ne suffit pas pour décider que l'espèce huniaine n'existait pas avant la dernière catastrophe géologique. M. GARNIER vous a communiqué le résultat de ses recherches sur l’église de Namps-au-Val, commune de 120 feux, à 20 kilomètres d'Amiens. Cette église, d’une physionomie originale, est d'autant plus inté- ressante à étudier que les diverses parties qui la composent appartiennent évidemment à différents àges, tous antérieurs au x. siècle. C'est un des rares nn |: Je exemples des mélanges qui se sont opérés à l’époque de la transition du style roman au style osival. M. Garnier fait la description la plus détaillée de l'extérieur et de l'intérieur de l’église, dans le but de découvrir la date de sa construction ; c’est ainsi, selon lui, qu'on analyse les organes d’un insecte ou d'un végétal pour reconnaître à quelle famille, à quel genre il appartient. Après un minutieux détail de toutes les parties de l'édifice, M. Garnier ne croit pas trop s'é- loigner de la vérité en disant que l’église de Namps-au- Val fut commencée à la fin du x.”e siècle, et ache- vée dans les premières années du xt. Il cite quelques documents historiques qui viennent confirmer les don- nées de la science archéologique, quand celle-ci place les modifications subies par cette église dans l'inter- valle d’un siéele et demi environ. M. Harpoui vous a présenté en plusieurs séances l'examen du dernier ouvrage de M. Augustin Thierry, intitulé : Récits des temps Mérovingiens. Il l'a fait pré- céder d'une analyse des systèmes historiques qui tour à tour ont dominé en France. Ce n'est que du xvr.® siècle que datent les premières recherches sur l'état politique de la Gaule franque, et c'est un jurisconsulte célèbre, François Hotman, qui le premier composa un traité sur le gouvernement des rois et le droit de succes- sion. Hotman parle avec enthousiasme du gouvernement par assemblées, du pouvoir saint et sacré du grand conseil national qui jugeait les rois, et en déposa plusieurs des deux premières races. Selon lui, les popu- lations gauloises qui avaient cherché un refuge en Germanie, ont fait alliance avec les tribus franques, et l'invasion de la Gaule qui en fut la suite, n’a eu pour — 30 — but que la restauration de l'antique liberté du pays. Dans le siècle suivant, Valois a voulu démontrer l'ori- gine toute gauloise des Francs ; ceux-ci n'étaient plus les libérateurs des Gaulois , mais leurs frères ; les Suèves, les Goths, les Vandales, les Huns, furent admis à l'honneur de fraterniser avec nos ancêtres ; mais les peuples d'outre-Rhin répudièrent notre alliance histo- rique et revendiquèrent au nom de la Germanie la distinction d'origine. Plus tard Fréret posa des principes qui sont devenus des axiômes historiques. Les Francs sont une ligue formée au ni. siècle entre plusieurs peuples de la basse Germanie, et non point une race distincte des Germains, le nom de Franc ne veut pas dire libre. Ainsi tombaient les systèmes qui cherchaient le berceau d’une nation franque, soit en Gaule , soit en Germanie, et celui qui érigeait les Francs en hommes libres par excellence. Un champion de la féo- dalité, Boulainvilliers, dans un manifeste en faveur de la noblesse, vit dans les nobles les rejetons des Francs, et dans le peuple la descendance des Gaulois, esclaves de leurs vainqueurs. L'auteur anonyme des lettres d’un conseiller du parlement de Rouen, indigné de voir avilir la majorité de la nation pour rehausser l’état et la gloire de quelques milliers d'individus , fit descendre les nobles au niveau des citoyens des villes, et leur donna des frères au lieu d'esclaves. C’est avec douleur, dit-il, qu'il pense à ce déluge de barbares francs qui inonda la malheureuse Gaule, qui remplaça les lois romaines, si sages, si humaines, par l'ignorance , l'ava- rice et la cruauté, et substitua, pour exercer la justice, un caporal barbare à un décurion romain. C’est la poésie, vous dit M. Gazorre, lors de sa ré- De — ception , qui lui a valu l'honneur de siéger au milieu de vous, c'est l'influence du sentiment poétique qu'il prendra pour texte de son discours. La poésie dut naître à l'instant où l'homme jetant ses premiers regards sur les splendeurs de la nature, sentit déborder de son âme des flots de reconnaissance et d'amour. Orphée, Amphyon, Moïse, ces hommes dont la voix entrainait les peuples à leur suite et les guidait aux grandes choses, c'était la traduction des sublimes mystères, des hautes vérités jusqu'alors incomprises, c'était Dieu se manifestant à la créature. Quelle n'est pas l'influence de la poésie ! Elle crée de grands peuples comme elle fait de grands hommes. C'est à elle que Rome dut toutes ses gloires et même son principe. L'ode répu- blicaine embrasait d'enthousiasme nos cohortes belli- queuses, l'Europe tremblait au seul nom du poète dont la voix lui criait les stances brülantes de la Marseillaise. Nos soldats victorieux voyaient leurs noms immortalisés par la poésie; même en succombant, ils savaient que, sentinelle vigilante, elle redirait leur gloire à la pos- térité. Si la poésie a des chants pour les victoires, elle en a aussi pour les revers, elle fait palpiter le cœur au récit des actions sublimes, ou fait oublier à tout un peuple les amertumes de l'exil. Telles sont, dit M. Galoppe, les hautes prérogatives de la poésie ; elle est de tous les temps et de tous les âges : comme Dieu elle est partout et commande à tout. M. Galoppe vous à également lu une notice histo- rique sur Raoul de Crespy, qui vivait vers le milieu du xr.° siècle. Ce chevalier, vrai type de la race an- tique des pourfendeurs de géants et de tours, s’empara du comté de Montdidier et fixa sa résidence dans cette OL — ville, comptée alors parmi les places les plus fortes du royaume. Raoul, doué d'une bravoure qui n'avait d'égale que son ambition, persuadé que le plus noble était celui qui, à la tête de plus de vassaux, sou- mettait et ravageait le plus de pays, s'empara de Pé- ronne, des comtés du Vexin et de Bar-sur-Aube, et se révolta contre le roi lui-même, et, après l'avoir dépouillé d'une partie de ses états, épousa sa veuve, quoique sa première femme vécüt encore. Gette union sacrilège le fit excommunier, ce qui n'’empêcha pas qu'il ne füt inhumé dans la chapelle des moines de l'abbaye de Montdidier, qu'il avait comblés de ses lar- gesses et chargés de racheter ses crimes par leurs prières. Son fils, forcé de restituer les domaines usurpés par son devancier et de se retirer à Crespy, ne quitta Montdidier qu'après avoir emporté les restes de son père. Le tombeau, resté vide jusqu à la démolition de la chapelle, en 1793, fut enfin, après plusieurs dé- placements, déposé par les soins de M. Chandon, près de la porte principale de l'église de St-Pierre. Ge monument, dont la conservation est parfaite, est re- marquable par un dessin correct, une grande pureté de travail, et doit être regardé comme l'ouvrage d'un des plus habiles sculpteurs du xr.° siècle. M. Galoppe vous a également rendu compte de l'examen qu'il a fait d'un recueil de poésies, intitulé guerrières et sentimentales, dont Me Fanny Dénoix a fait hommage à l'académie. Le choix du titre à donner à un ouvrage est une chose souvent si diffi- cile, que les grands maitres de nos jours n'ont pas toujours évité l’écueil. Quant à Mr Dénoix, elle a tenu fidèlement ce que promettait son titre. Son livre offre Et — tout à la fois de plaintives élégies et des chants guer- riers ; des vers tout de sentiment , adressés à ses amis à Adolphe Nourrit, à M Tastu ; de nobles et pa- triotiques strophes à Napoléon, aux héros de Mazagran, etc. M.me Dénoix a voulu consacrer son ouvrage au soulagement des victimes des terribles inondations qui ont ravagé le midi de la France, comme pour con- stater qu'une belle œuvre pouvait devenir une bonne œuvre. À beaucoup d'encens, M. Galoppe ôse méler un léger grain de critique; au sujet de quelques rares repétitions de l'auteur, il rappelle que ce n’est qu'aux femmes peu élégantes qu'on permet de se représenter au bal avec la même toilette, quelque brillante que celle-ci ait été trouvée la première fois. M. Boisrez, l'un de vos associés correspondants, a profité de son séjour parmi vous, pour venir vous com- muniquer ses réflexions et ses idées sur les embel- lissements dont Amiens lui paraît susceptible. Il émet le vœu que l’Académie, qu'il qualifie de conseil d'état de la commune, soit consulté sur tout projet d'amé- lioration. À l’Académie, dit-il, la question d'art, l'examen sous le double point de vue de l’utile et du beau; au Conseil municipal , la question d'opportunité, celle des voies et moyens. Ce seraient ainsi des lumières ajoutées à d’autres lumières, et la chose publique ne pourrait que gagner à cette communauté. M. Boistel regrette qu'on ait laissé s’égarer entre le jardin des plantes et la citadelle un canal qu'il espère bien un jour voir ramener au sein de la ville. Il demande qu'au moins, par compensation, on s'occupe de créer de véritables places publiques. Il dé- sire qu'on conserve à la place Périgord sa forme elliptique, et qu’on ouvre enfin la rue qui doit établir une com- 3. — 3h — munication entre cette place et la rue des Cordeliers. Il voudrait que la place St.-Denis reçut des construc- tions uniformes sur ses trois côtés non bâtis, de ma- nière à lui donner une forme rectangulaire, qu'on élevèàt à ses deux extrémités des galeries d’une sim- plicité élégante; il voudrait enfin qu'à deux pas de son immortel monument du x. siècle, Amiens püût aussi s'énorgueillir de sa place monumentale. M. AnwseziN vous a lu un fragment d'un essai ayant pour titre, notions élémentaires sur la peinture à l'huile restreinte au paysage. Il ne s'adresse, dit-il, ni aux artistes, ni aux organisations privilégiées qui devinent les règles et souvent les transgressent avec l’ascendant du génie, mais à cette classe nombreuse placée entre la foule qui regarde et ne voit pas, et les artistes qui créent, à celle des amateurs qu'un goût dominant en- traine vers le culte des beaux-arts. M. Anselin fait res- sortir l'erreur de ceux qui n'attribuent à la peinture du paysage qu’un rang très secondaire, et veulent la présenter comme un genre facile. Il indique les difi- cultés nombreuses, quelquefois insurmontables qu'on rencontre à chaque pas. Ainsi dans le paysage, ce n’est pas seulement la lumière réfléchie par les corps colorés, c’est la lumière elle-même qu'il faut peindre, et combien les moyens sont bornés pour rendre le plus insaisissable des phénomènes de la nature. M. Anselin regarde comme une chose tout-à-la-fois curieuse et désespérante l'étude et la comparaison des écoles. De l'examen des œuvres qu'elles produisent résulte la con- viction que l’art d'imitation par excellence n'est presque qu'un art de convention. La différence entre les écoles consiste principalement dans le coloris et dans la ma: =) — nière de poser les tons. C'est surtout le coloris qui est l'objet des plus grandes dissidences et d’ardentes contro- verses. Il semble qu'il ne puisse y avoir qu'une ma- nière d'exprimer la couleur et pourtant rien nest plus variable que sa traduction en peinture. M. Anselin entre dans de longs détails sur l’art de rendre la cou- leur et celui de poser les tons. Il traite ensuite des eaux qui, en peinture, comme dans la réalité, sont une partie essentielle du paysage, et les considère sous quatre points de vue principaux; réflexion de la lu- mière céleste, reflexion des objets environnants ; trans- parence sur les terrains, coloration et ombres dont elles sont susceptibles. M. DEcaïeu vous a exposé que, par des procédés qui lui sont propres, il a professé, pendant plusieurs mois, un cours de lecture musicale suivi avec un zèle sou- tenu par un grand nombre de jeunes gens. Les résultats qu’il a obtenus l'ayant confirmé dans l'opinion qu'il avait conçue des avantages de sa méthode, il a désiré la placer sous le patronage de l'Académie: pour éviter toutefois que celle-ci ne s'engage trop légèrement dans cette voie d'innovation, il a demandé qu’une commis- sion spéciale fût chargée d'examiner si la méthode doit produire les bons effets qu'il en attend, et si elle offre réellement toutes les conditions d'avenir qui puissent justifier l'intervention de l’Académie. Organe de cette commission, M. Macnarr fils, vous a dit que si le but de toute écriture est de peindre la pensée, l'écriture musicale doit rappeler, non les sons en eux-mêmes, mais les rapports des sons; qu'elle doit représenter, non des notes, mais des intervalles. Dans la notation musicale ordinaire, les signes qu’elle emploie 3.* —130 — correspondent aux touches du clavier, c'est-à-dire qu'ils représentent des sons fixes, mais puisque ces sons chan- gent de valeur dans chaque air, suivant leur rapport avec le son fondamental qui en forme la base, il devient impossible que les signes qui les représentent réveillent l'idée de l'impression musicale qu'ils sont destinés à produire. L'idée mère de la nouvelle méthode consiste à rame- ner la notation musicale à la simplicité de son prin- cipe naturel. Quel que soit le son adopté arbitrairement pour base, dans chaque cas particulier, elle lui donne toujours le même nom, et désigne aussi d'une manière toujours uniforme les sons qui conservent avec le pre- mier les mêmes rapports: elle rétablit ainsi l'accord qui doit régner entre le nom, le signe et l'idée. Après avoir rappelé que l'expérience avait confirmé les prévisions qu'avaient fait naître les premiers essais, M. Machart fils a réclamé en faveur du cours nouveau le double appui de l’Académie, appui moral contre les préventions que pourraient rencontrer une méthode nouvelle , appui matériel par le vote d'une légère sub- vention destinée aux frais de premier établissement. Ce n’est pas, Messieurs, aux seuls mémoires dont je viens d'essayer de tracer l'analyse, ce n’est pas aux vingt autres rapports qui ont rendu vos séances si pleines d'intérêt, que se sont bornés vos travaux pendant l’année qui vient de finir; plusieurs d’entre vous se sont efforcés de justifier ailleurs par des ser- vices plus directs, la noble confiance dont le Conseil général n’a jamais cessé d'honorer l’académie. Ainsi, MM. L. Roussel et Hardouin, ont continué avec le même succès le cours de droit commercial qu'ils ont fondé AT depuis trois ans; M. Andrieu à ouvert gratuitement au jardin des plantes, un cours de zoologie; M. Decaiïeu a consacré ses loisirs à rendre populaire, par un ensei- gnement public, l’art musical dont les abords semblaient entourés de tant de difficultés. M. Riquier s’est occupé avec la même persévérance à propager la culture du murier, et à démontrer la possibilité de produire la soie dans notre département. Telle est, Messieurs, l’énumération des nouveaux titres que vous pouvez présenter à l'appréciation de vos concitoyens, Ils diront si vous avez dignement rem- pli le but de votre institution. Vos devanciers avaient inscrit sur leur drapeau, ces mots: bien dire; vous, sans répudier ce noble héritage, les discours qui vont suivre en feront foi, vous avez ajouté a cette même inscription, ces autres mots : bien faire; avez-vous quelque chose à envier à vos ainés ? . dites] AE de OU. ru di. © : 1 : : vuitbad. 0 aid LL TETE dipl = AjuDn ms _, A credit» rats dites : Me . . iresn Era] hiy habite AT 14 HER VT LEA] don un tiré 12 NOTE SUR LA MESURE DES TEMPÉRATURES, Par M. POLLET. Messieurs , Chacun sait que la chaleur, en s'accumulant dans les corps, y produit deux effets inséparables ; elle mo- difie leurs dimensions et élève leur température. La simultanéité de ces phénomènes a fait choisir l’un d'eux pour mesure de l’autre. Mais, comme tous les corps ne se dilatent pas également, on a dù recourir à ceux qui réunissent à plus de commodité pour la construc- tion des thermomètres, les circonstances les plus favo- rables pour l'évaluation exacte de leur volume. On à rejeté les corps solides qui se dilatent fort peu : ce- pendant Bréguet a, par une ingénieuse combinaison, amplifié les effets de la chaleur sur deux métaux, et construit, avec l’argent et le platine, un thermomètre très-sensible. Les gaz présentent l'inconvénient opposé. En passant de la glace fondante à l’eau boaillante, ils se dilatent des 3/8 de leur volume primitif, en sorte qu'ils exigeraient des appareils trop grands. Ces appa- reils, déjà fort incommodes à cause de leur étendue, le deviendraient plus encore par les calculs qu'ils ren- draient indispensables. Un fluide élastique est doué d'une force expansive, en vertu de laquelle il tend sans cesse à se répandre dans un espace plus considé- rable : il occupe donc, à la même température, un volume d’autant moindre que la pression atmosphérique , à laquelle il est soumis, oppose plus de résistance à son expansion. Les liquides restent seuls, et l'on n’a plus à discuter que les avantages des corps rangés dans cette classe. L'eau qui nous rend, dans beaucoup d’autres cir- constances, de si nombreux services, ne saurait con- venir ici, parce qu'elle éprouve un maximum de den- sité. Lorsqu'on la voit, à partir de ce terme, se dila- ter un peu, on ne peut décider s'il y a eu abaissement ou élévation de température. Il est absolument néces- saire de prendre un liquide qui ne s’échauffe jamais sans se dilater, et qui revienne toujours à son pre- mier état, lorsque la chaleur l’abandonre. Il faut en- core que ce liquide ne se congèle et ne bouille qu’à des températures très-éloignées. Il est bon enfin qu'il ne mouille pas ie verre; ear il serait impossible de calculer le volume de la couche infiniment mince qui, pendant les contractions, demeurerait adhérente aux parois internes de la colonne. Ces conditions n’existent que dans le mercure : par conséquent, il nv a de bons thermomètres que ceux qui sont construits avec ce métal. Dans l'exposé sommaire des motifs qui lui donnent Of) la prééminence , j'ai omis à dessein l’uniformité de ses UN — dilatations qui, dans le plus grand nombre des ou- vrages de physique, est citée comme l’un de ses pre- miers avantages. Le lui accorder à priori, c'est, à mes yeux, tomber dans un cercle vicieux ou énoncer une chose insignifiante. Si j'ouvre untraité, j'y trouve que la dilatation d'un corps est dite uniforme, lors- qu'elle est la même pour chaque degré du thermomè- tre. Il en résulte que cette qualité, regardée comme si précieuse dans le mercure, n'existe réellement que parce qu'on mesure la dilatation du mercure compara- tivement à cette dilatation elle-même. L'uniformité qu’on lui attribue cesserait d'exister, si l’on faisait choix d’uu autre liquide pour la construction des thermomètres, et, si elle était le motif unique qui milität en faveur de ce métal, autant vaudrait adopter l’eau, dont les di- latations, tout irrégulières qu'elles sont, deviendraient uniformes par rapport au thermomètre à colonne d’eau. Lorsque l'on s'appuie sur cette prétendue uniformité, il ne peut s'agir d'une dilatation comparée à celle d’un thermomètre quelconque, puisque, ainsi que je viens de le montrer, la préférence n'aurait alors aucun fon- dement. On entend donc que les augmentations de volume du mercure sont proportionnelles aux quantités de chaleur qu’il reçoit. Mais cette proportionnalité est au moins douteuse, et rien n'autorise à la poser en axiôme. Ce n'est qu'après avoir étudié la marche des dilatations de toutes les substances, et celles des autres effets que la chaleur produit, que lon peut reconnaître s’il existe un genre d’instrument dont les indications croissent en réalité comme l'énergie de l'agent calori- fique. Jusque là, les évaluations des températures au moyen du thermomètre à mercure doivent être consi- —_ 1 — dérées comme purement hypothétiques. Il a été choisi, à cause de la plus grande précision que l’on peut ap- porter dans sa construction, et de la plus grande faci- lité qu'il offre pour obtenir des résultats constans ; mais les lois pourraient bien néanmoins être exprimées, au moyen des mesures conventionnelles qu'il établit, d'une manière beaucoup plus complexe que si l’on employait ùu autre appareil moins maniable ou d’une exécution mo.s facile. Parmi les faits qui peuvent jeter quelque lumière sur cette question importante, ceux qui paraissent les plus propres à dissiper tous les doutes sont consignés dans le travail de MM. Dulong et Petit sur le refroi- dissement. Uniforme depuis 30° jusqu'a 100, la dilata- tion des gaz devient décroissante depuis 100° jusqu'à 360. Mais l'irrégularité peut résulter de deux causes bien différentes. Elle peut être dans le gaz, qui céde- rait effectivement avec moins de facilité à l'influence du calorique, lorsqu'il en serait déjà pénétré; elle peut être aussi dans le mercure employé pour l'évaluation des degrés thermométriques : on conçoit, en effet, que le gaz paraitrait prendre des accroissements de volume de plus en plus petits sous l'influence d’ac- croissements égaux de température, si ces derniers étaient évalués à l'aide d’un liquide dont les dilatations seraient devenues croissantes. Ainsi, on est obligé d'opter entre le mercure et l'air, et pour l’un ou pour l’autre, il faut admettre que les dilatations ne sont point proportionnelles aux quantités de chaleur. Le choix ne saurait être embarrassant. Tous les gaz suivent les mêmes lois, quelle que soit d’ailleurs leur nature et leur origine, en sorte que la force répulsive — 13 — du calorique n'est contrariée, dans ces corps, par an- cune action moléculaire dépendant de la forme, de la composition ou de l’arrangement des atomes. Dans les liquides, au contraire, la cohésion lutte incessamment avec la puissance dilatante : éprouvant un décroissement rapide à mesure qu’elle s'exerce à une distance plus grande, elle oppose à l'augmentation de volume une résistance d'autant moindre que la température est déja plus élevée; d’où il résulte que les dilatations doivent être de plus en plus croissantes , sous l'influence d’im- pulsions calorifiques égales. En outre, l’état gazeux a quelque chose de plus essentiel et de plus permanent que l’état liquide, qui n'est qu’un état passager. Ar- rivé au terme de son ébullition, le liquide absorbe et dissimule toute la chaleur qu’il reçoit. Est-il probable que cette dissimulation, qui est alors si complète, ne commence qu'à l’époque même où elle se fait d'une manière absolue ? N’est-il pas vraisemblable, au con- traire, que la masse fluide s’assimile, long-temps à l'avance , une partie du calorique, pour prédisposer ses molécules à la transformation qui s’opérera quand tes assimilations successives auront suffisamment modifié les lois de leur équilibre ? Ces présomptions sont autorisées par ce résultat général de la marche comparative des dilatations des liquides, qu’elles sont d'autant plus irré- gulières qu'on les envisage à des températures plus rapprochées des points de fusion et des points d’ébul- lition. Il n’y a donc pas de doute que, pour découvrir les lois simples et naturelles des phénomènes physiques, il faut rapporter leur développement à l'expansion ré- gulière et continue d’une masse gazeuse, platôt qu'à la dilatation variable d’un liquide. nr — D'après ces considérations, on adopte, dans les tra- vaux de recherctes scientifiques, le thermomètre à air. Toutefois, ce thermomètre étant d’un emploi peu com- mode, il importerait d'éviter autant que possible les inconvéniens qu'il présente. J'ai déjà rappelé, d’ailleurs, qu'il nécessite un calcul destiné à corriger ses indi- cations des influences variables de la pression de l’at- mosphère. J'ajouterai qu'un autre genre de corrections devient indispensable, si l’on veut obtenir de l'ins- trument la régularité qui le rend supérieur aux autres moyens thermométriques. Ge que l'on cherche à réaliser, c'est un appareil dont les indications soient proportionnelles à l'énergie de la chaleur. En admettant que les dilatations de l'air satisfassent à cette condition, on reconnait que les degrés d’un thermomètre, dans lequel une masse ga- zeuse est entourée d'une enveloppe solide, ne jouiront plus de la même propriété; car ils ne mesurent que les dilatations apparentes du fluide, et ces dilatations ne sont elles-mêmes que les excès des dilatations régu- lières du gaz sur les dilatations variables de l'enveloppe. Le double calcul par lequel on tiendrait compte de ces deux causes d'erreur n’a théoriquement aucune difficulté, mais il conduit à une formule compliquée, dont l'emploi serait très-pénible dans la pratique. MM. Dulong et Petit nous ont laissé, dans leur mémoire, les moyens de l'éviter, et même d'arriver, sans re- noncer au thermomètre à mercure, à des résultats non moins précis que si nous acceptions exclusivement le thermomètre à air. Ces physiciens ont observé direc- tement les indications de ce dernier thermomètre pour des températures distantes de 50 degrés sur le premier, SE et de ces indications, corrigées comme je l'ai dit plus haut, ils vnt formé le tableau suivant : TEMPÉRATURES TEMPÉRATURES indiquées par le indiquées par le THERMOMÈTRE A MERCURE. THERMOMÈTRE A AIR, CORRIGÉES. SD RE RP AOODE men 2 pre 400°. 450 . Méga ous 448,70. 497,05. . 245,05. 292,70. On à plusieurs fois tiré parti de ces données pour former une formule empirique, donnant la température du thermomètre à air, en fonction de celle du ther- momètre à mercure. J'ai obtenu, il y a dix-huit mois environ, une formule différente de celles qui avaient été publiées jusque-là, et qui me parait mériter la préférence à plusieurs égards. Si l'académie veut bien m'en accorder la permission, j'aurai l'honneur de lui soumettre la marche que j'ai suivie. Les nombres insérés dans la première colonne étant en progression arithmétique, il est naturel d'examiner s'il en est de même des nombres de la seconde. Or: en prenant la différence de chacun d'eux au suivant, on trouve : 48,70 ; 48,35, 8,00: 47,65. Ces différences ne sont point égales, mais il est vi- LE — sible qu'elles forment elles-mêmes une progression arith- métique décroissante, dont la raison est 0,35. D'après cela, la température de la première colonne étant 100 + 1.50, celle de la seconde est 100 plus le premier terme de cette progression ; la première deve- nant 100 + 2.50, celle de la seconde est 100 plus les deux premiers termes de la progression, et ainsi de suite. Généralement, si l’on dénote par T la tempéra- ture du thermomètre à mercure, par A celle du ther- momètre à air, et que l’on pose T — 100 + ».50, A sera égale à 100 plus les » premiers termes de la progression, ce qui donne : m (m-A) A = 100 + m0. 48,70 — L'élimination de m entre ces deux égalités est fa- . sn ; T-100 cile. De la première, on tirem— —T—; et cette va- leur, portée dans la seconde relation, conduit à: A = 1,55 + 0,9915T — 0,00007 T°. Sans doute, cette formule ne s'applique rigoureuse- ment que pour Îles valeurs entières de m, ou, en d'autres termes, pour les nombres consignés dans le tableau dont on l'a déduite, mais il en est ainsi de toutes les formules empiriques. Celle-ci du moins reproduit les observations avec l'exactitude la plus parfaite, et c'est ce qui me parait la rendre supé- rieure à toute autre obtenue par un moyen différent d'interpolation: car, à moins de multiplier les termes outre mesure, on n'aurait, par les procédés ordinaires, que trois coefficiens indéterminés pour une forme éga- lement simple; par conséquent, on n’assujettirait l'é- quation qu'à reproduire trois données, au lieu cinq. A NOTE DE L'AUTEUR. Depuis que la note qui précède a été lue à l’Aca- démie, les lois trouvées par M. Gay-Lussac, et con- firmées par MM. Dulong et Petit, sont devenues fort douteuses. M. Regnault, d'une part, et M. Magnus, de l’autre, se sont livrés sur ce sujet à des recherches nouvelles. Ces deux physiciens trouvent la dilatation des gaz un peu moindre qu'on ne l'avait pensé: ils attribuent, d'ailleurs, à chaque fluide un coefficient particulier. Suivant M. Regnault, la dilatation de l'air serait uniforme jusqu’à 250°, et, même à 350°, elle n'aurait éprouvé encore que de faibles irrégularités. M. Magnus ne partage point cette opinion: ses expé- riences l'ont conduit, à peu près exactement, aux irré- gularités signalées par MM. Dulong et Petit. Cet état d'incertitude diminue sans doute l'importance de la for- mule consignée ci-dessus, mais peut-être n’aura-t-elle à subir que de légers changements, lorsque la question aura enfin été décidée par des observations inatta- quables. si “ à notes. miss ma a , D''oheats on a re A L _ (k : . dote iepranhon: Ai 2614 à teur er À à : … 1w: TELE MARIE | : HP AIME TE) , Lie sat MAL EL S : Des ‘ ‘ Û roles, JP Le ge fut, M *ùq D TET TS Ld { he { (nt PA: | ta s " : w + x} Ci re M GLEN | ARE L FIN TU 4 LR " H ve f LARTE CECTT vaur BI LLR È n " té + {i13 19e piirinyée “auoh ta sos rom W "1 pit u LD ES FOIT ELLEN Et Ag b 6 ibn Fe ) : ITTUE 114 L. 1] h d ENT Î nac. .10 116€ Æ ] { f; LEE d { À rt L'RM | . à (1 ' t " n { tiivt , EG: à 0 1 / h 4 , Ü +2 { % [+ MAL } LUI , lt amiatit _ ii vor . ; 1 1 AL, FLN LA 01] à: s : A PONS li, #1 1 19 Hi ME : i AUHNIINES SAT ré Fr \” EN DEL Tu à 12 Te CAR - PEL b F [ ‘ ! t 1 . ( ro put fn L th LU ? L î Kh ‘ 1 cs Lu æ) A \ î À . d 4 DE QUELQUES COMPOSÉS IODÉS ET DE LEUR EMPLOI DANS LES ARTS, Par M. BOR, PHARMACIEN. Mussreurs , La découverte de l'iode remonte à une époque déjà ancienne, quelques chimistes ont prévu qu'un jour il serait employé dans les arts, l’industrie peut nous le fournir en quantité et à bas prix, et sa combinaison avec certains métaux fournit des couleurs très-vives. Ce corps n'a pour ainsi dire, jusqu'à ce jour, été em- ployé qu’en médecine. De l'Iode. L'iode a été découvert, en 1813, par M. Courtois, salpétrier de Paris; mais c'est à M. Gay-Lussac que nous sommes redevables de la connaissance de ses prin- cipales propriétés. Ce corps à été placé par ce chimiste au rang des corps simples. À, nn CT L'iode ne se rencontre pas pur dans la nature. Dé- couvert d'abord dans le plus grand nombre des fucus qui croissent sur le bord de la mer, il a été trouvé depuis dans les éponges, dans quelques eaux salines, dans des minérais argentifères, etc. On extrait l'iode des eaux mères de la soude Varech; il y existe à l'état d'iodure et combiné au potassium. Le procédé pour l'obtenir est simple : verser de l'acide sulfurique sur ces eaux pour décomposer le sulfure et les chlorures qu'elles contiennent, chauffer ce mélange pour expulser l'hydrogène sulfuré et le chlore; ajouter ensuite au liquide une certaine quantité de péroxide de manganèse et d'acide sulfurique concentré ; enfin soumettre le tout à la distillation; l'iode qu'on ob- tient par ce procédé doit être distillé une seconde fois avant d'arriver à l'état de pureté. Pour le livrer au commerce, on le sèche entre des feuilles de papier sans colle. L'iode est solide à la température ordinaire; sa forme est lamelleuse, son éclat métallique, sa couleur bleue grisâtre, son odeur forte et analogue à celle du chlore, sa saveur très-âcre, sa pesenteur spécifique cinq fois environ plus grande que celle de l'eau. Il forme sur la peau des taches d’un jaune brunäâtre qui ne tar- dent point à disparaitre, projeté sur des charbons ar- dents, il répand des vapeurs violettes. L'iode, presque pas soluble dans l’eau, se dissout facilement dans l’al- cool et l'éther ; il a de l'affinité pour l’hydrogène, le carbonne, le phosphore, le souffre, le chlore, Île brome, l'azote et presque tous les métaux. On l'emploie dans les laboratoires comme réactif, dans la médecine contre les maladies scrophuleuses, le les goîtres et à la préparation de quelques iodures dont nous parlerons. Le commerce fournit parfois de l'iode mélangé d'eau et de houille. Cette fraude est facile à reconnaitre par la dessication et la sublimation. Les composés qui nous paraissent pouvoir être em- ployés avantageusement dans les arts, sont les iodures de mercure et de plomb. Leur nuance est très-belle et la solidité du premier incontestable. Frappés depuis longtemps des propriétés très-remarquables de ces deux composés et n'ignorant pas que le chrômate de plomb, le prussiate de fer, qui sont des composés minéraux qu'on peut placer dans la catégorie, sous le double rapport de l'emploi et de la coloration, étaient jour- nellement employés dans la teinture et l'impression sur les étoffes, nous avous cru pouvoir étre utile à l'in- dustrie en cherchant le moyen de les employer aux mêmes usages. L'affinité de certains corps les uns pour les autres a pu porter à croire que ceux qui donnent naissance à l'iodure rouge de mercure et à l’iodure jaune de plomb pouvaient servir à la teinture et à l'impression, par lemploi d'un procédé pareil à celui usité pour fixer sur les tissus le vert de schéelle, le bleu de prusse, le chromate de plomb; quelques essais suffisent pour se convaincre de l'impossibilité de conclure ainsi, mais c'est à cette cause quil faut surtout attribuer le défaut d'emploi dans les arts de ces deux iodures, Nous n'entendons pas parler de l'impression sur étoffe, car Thillaye (manuel du fabricant des indiennes) donne une formule pour impression sur tissus de coton par le bi-iodure de mercure, formule qui nous parait mo- 4.* tiver quelques observations: pour teindre du velours de coton au bi-iodure de mercure, on aurait recours à l’un des procédés suivants : 1.° Le mordancer avec le bi-chlorure de mercurè ou quelqu'autre sel du même métal bi-oxidé; le faire sé- cher et le passer ensuite dans un bain plus ou moins concentré d'iodure de potassium ; 2.° Opérer en sens contraire du procédé qui précède, c'est-a-dire mordancer le velours avec l'iodure et le passer ensuite dans le chlorure. Dans l'un et l'autre cas le succès est imparfait. Le procédé de Thillaye pour impression serait-il plus satis- faisant? Nous pensons qu'il offre aussi des imperfec- tions. Le bi-iodure de mercure est donc resté sans emploi en teinture; quand à l'iodure de plomb qui, a beau- coup près, na pas la solidité du premier, nous sommes portés à croire que des raisons analogues à celles que nous avons exposées en ont empêché l'emploi. Il nous à semblé que le but que nous nous sommes proposés, celui de teindre et d'imprimer des velours de coton aux iodures de mercure et de plomb, ne pouvait être atteint que par l'indication de procédés simples, faciles et surs: voici ceux que nous proposons. Procédés pour teindre et imprimer les étoffes de coton aux iodures rouge de mercure et jaune de plomb. Pour arriver à ce résultat, plusieurs composés nous sont nècessaires : L'iodure de potassium, L'acitale neutre de plomb, Le bi-iodure de mercure, Le sous-carbonate de soude, 9 — L'acide iohydrique, L'acide chlorhydrique, Le bi-chlorure de mercure, L’acide acétique. Ces composés sont trop connus pour que nous ne soyons pas dispensés de parler de leur préparation qui, d’ailleurs, est formulée dans tous les ouvrages de chimie. Procédé pour teindre et imprimer les étoffes de coton a l’iodure rouge de mercure. Trois procédés peuvent être employés, le premier est basé sur la propriété qu'à une étoffe de coton mordan- cée avec le bi-chlorure de mercure de pouvoir être teinte ou imprimée, avec toute garantie de réussite, dans un bain d'iodure de potassium saturé de bi-ivdure de mercure; le secund sur ce que la même étoffe mordancée avec le bi-chlorure de mercure , avant d'être mise en contact avec le bain colorant ci-dessus, mais acidulé avec l'acide chlorhydrique, doit être passée pré- alablement dans une solution de sous-carbonate ie soude afin de convertir ie bi-chlorure de mercure en bi-oxide; enfin le troisième sur ce que cette même étoffe, d'abord mordancée avec le bi-chlorure de mer- cure, ensuite passée dans une solution de sous-carbo- nate de soude, prend parfaitement cette belle couleur rouge-orange, qui est propre au bhi-iodure de mer- cure, en la trempant dans un bain faible d'acide iohv- drique légèrement acidulé d’acide chlorydrique. On don- nera probablement la préférence au premier procédé pour teindre et aux seconds pour imprimer, surtout à plusieurs mains. Avant de revenir sur chacun de ces trois procédés = Mie en particulier, il est indispensable que nous disions comment étaient composés les bains dont nous nous sommes servis, et d'observer qu'ils devront être modi- fiés selon les teintes à obtenir. Bain de bi-chlorure de mercure. Bi-chlorure de mereure......., A kilogramme. net RU ce de eee: ZU IIREE- On fait dissoudre le chlorure de mercure dans l’eau à l’aide de la chaleur, on laisse refroidir et reposer la dissolution, enfin on la décante avant de s’en servir. Bain d'iodure de potassium simple. Iodure de potassium...... .... A kilogramme. UE pee ae: 2 RE M orge A0 litres. Si l'iodure est pur, il peut être dissous dans l'eau froide et employé de suite. Bain d’iodure de potassium acidulé. Bain d’iodure de potassium ci-dessus . q: v : Acide Chlorhydrique #0. ee ue grue el \ Pour que ce bain soit rendu légèrement acide. Bain d'iodure de potassium et de biiodure de mercure simple. Bain d’iodure de potassium simple . . q: v: Bi-iodure de mercure . . . . . . dés. 8 Pour que la saturation soit complète. Bain d'iodure de potassium et de bi-1odure de mercure acidule. Bain d'iodure de potassium saturé de bi-iodure debmercuré «simple2n..# oi eu .0, TOGUupE AtidescHiofiydrique AO, AGREE Bi qui Pour l’aciduler légèrement. Bain d'acide iohydrique acidule. ACIAGMONVOrIQUE ent Re tie RNB re AUS Me An ee or LOEB © LYS SIQRES Acide chlorydrique. . . . . ROME Le bain d'iodure de potassium acidulé peut rempla- cer parfaitement celui-ci. Il est donc présumable que la préférence lui sera donnée à cause du prix élevé de l'acide iohydrique. Bain alcalin. Solution de sous-carbonate de soude à 2 ou 8° q : s: Notre procédé pour teinture ou impression d’étofte de coton au bi-iodure de mercure est fort simple; mordancer ou imprimer un velours blanchi, par exem- ple, avec la solution de bi chlorure de mercure, le laisser sécher, le passer dans le bain d'iodure de po- tassium saturé de bi-iodure de mercure tiède et rincer. Ce bain de bichlorure de mercure est assez con- centré pour donner une teinture rouge-orange passable. Pour impression, on emploiera avec avantage une solution de bi-chlorure plus concentré. 7 pe La teinte rouge - orange peut être augmentée ou réduite, en donnant plus ou moins de force au mor- dant. Quoique nous disions plus haut que pour teinture ou impression d'un velours de coton au bi-iodure de mercure, la préférence doive être donnée au premier procédé, parce qu'il est le plus simple, cependant nous sommes certains qu'on peut également teindre bien uni en se servant des deux derniers. Le bain d'iodure de potassium saturé de bi-iodure de mercure se troublant, se décomposant si l’on veut, dès qu'on commence à y passer le velours mordancé, une partie du bi-iodure de mercure, qui entre dans la composition de ce bain, et qui augmente progressive- ment en continuant le mouillage, se dépose sur cette étoffe sans former corps avec ces parties; nous désire- rions que cette portion de bi-iodure ne fut pas per- due pour être utilisée dans une autre opération. Ce résultat s'obtient en commençant par laver les pièces sortant du bain colorant dans des bacs remplis d’eau et en les rincant ensuite à la rivière. Le bain d'’iodure de potassium saturé de bi-iodure de mercure, lorsqu'il a servi à teindre une pièce ou, ce qui revient au même, lorsqu'il a été troublé par cette opération, peut être rétabli dans son état pri- mitif en saturant l'excès de bi-iodure de mercure, tenu en suspension dans ce liquide, avec une quantité suff- sante d’iodure de potassium. Si ce bain d'iodure de potassium saturé de bi-io- dure de mercure, qui est destiné à teindre une pièce, peut, sans inconvénient, tenir en suspension un excès d'iodure de mercure, il est essentiel qu'il n'en con- = OT — tienne pas lorsqu'il doit servir à imprimer une pièce à fond blanc. Pour finir ce chapitre, nous ajouterons quelques mots au sujet des deux derniers procédés qui peuvent aussi servir à teindre un velours de coton en rouge-orange ou à l'impression de la même étoffe, Le mordançage se fait de même que si l’on voulait suivre le premier procédé; mais une fois que les pièces ont été bien séchées sur mordant, au lieu de les mettre en contact avec le bain colorant, on les passe dans un bain alcalin chauffé à une trentaine de degrés, on les y laisse séjourner pendant une demi- heure afin que le bi-chlorure ait le temps de se dé- composer, on les porte à la rivière pour les rincer, on les passe dans le bain d’iodure de potassium sa- turé de bi-iodure de mercure acidulé ou dans celui d'acide iohydrique chauffés à 30° environ, et on finit par les bien rincer et par les faire sécher. Pour teindre une pièce bien unie où pour l'imprimer bien régulièrement, les deux derniers procédés , quoi- que un peu plus compliqués, l’emportent probablement sur le premier. Ils offrent cependant un inconvénient ; pour obtenir la même intensité de teinte, on est obligé d'employer des mordants plus concentrés, parce qu'il s'en perd une portion dans le bain alcalin. Avant d'en venir à l'iodure de plomb, disons encore un mot sur les étoffes de coton teintes ou imprimées au bi-iodure de mercure. Nous ne parlons que des étoffes de cotan, parce que les essais faits sur celles de soie et de laine ont été pour nous sans résultats satisfaisants. La couleur rouge-orange de ces étoftes peut être considérée comme assez solide, puisqu'elle résiste aux ce ve lavages parfaits, à l'eau ordinaire, aux bains alcalins carbonates, aux eaux acidulées, enfin à l'action très destructive, pour une nuance si délicate, des rayons solaires du mois d’août. Thillaye prétend cependant que cette couleur se ternit au soleil; ainsi, en admettant que nous ne nous soyons trompés ni l’un ni l'autre, il faudrait admettre aussi que le procédé que nous donnons pour imprimer sur velours de coton au bi- iodure de mercure est préférable au sien. Procédé pour teindre et imprimer les étoffes de coton a l'iodure jaune de plomb. De même que pour la couleur rouge-orange, trois procédés peuvent être mis en pratique pour teinture et impression sur coton à l’iodure de plomb. Le pre- mier ‘consiste à mordancer cette étoffe avec l’acétate neutre de plomb, à la faire sécher et la passer en- suite dans un bain colorant d’iodure de potassium additionné d'acide acétique. Quant au second et troi- sième procédé, voici en quoi il diffère du premier. Quand l'étoffe a été mordancée et séchée, on la passe dans un bain alcalin pour convertir l’acétate de plomb en carbonate de la même base , ensuite dans le bain d'iodure de potassium ou dans celui d’acide iohydrique acidulés. Un velours de coton teint ou imprimé à l’iodure de plomb est d'un jaune très-beau et très-éclatant, mais malheureusement cette couleur a si peu de stabilité que c’est a peine si elle résiste aux lavages à l'eau ordinaire. Aussi, si nous en fesons mertion, c’est pour rendre notre travail sur l’iodure de mercure le plus complet possible. Quatre bains sont utiles pour teindre ou imprimer à l'iodure de plomb. Voici comment ils ont été composés Bain d'acétate de plomb. 1 kilog. 30 litres. Acétate de plomb À DEA rte tt ot a On fait dissoudre à l’aide de la chaleur l’acétate de plomb dans l’eau, on laisse refroidir et reposer cette dissolution et on la décante avant de l’employer. Bain d'iodure de potassium acidule. lodure de potassium . . . . . 2 Kilos. Eau 40 litres de e ENCE Acide acétique On fait dissoudre l'iodure dans acidule légèrement le mélange. l’eau froide et on Bain d’acide iohydrique acidulé. Acide iohydrique. ds An ct Le 3 CHÈRE Acide.acétique,. |. 2 aus Mélez. Bain alcalin. Solution de sous-carbonate de soude à 2 ou 3 q. s. La teinture et l'impression à l'iodure de plomb mo- =" G0r — tiverait plusieurs observations relatives à l'exécution du procédé. Nous les passerons sous silence pour ne pas nous répéter. Les détails dans lesquels nous sommes entrés au sujet des teintures et impressions au bi- iodure de mercure nous en dispensent suffisamment. CONCLUSIONS. Des essais qui précèdent, il résulte 1.0 Que l'iodure de mercure peut être employé à la teinture et à l'impression des étoffes de coton, peut- être même à celles de lin, et que sous le double rapport de la vivacité et de la solidité, ce composé laisse peu de chose à désirer ; 2. Que l'iodure de plomb, quoique moins solide, peut servir aux mêmes usages. NOTICE SUR L'EMPLOI D'UNE SUBSTANCE PROPRE À REMPLACER L'ICHTHYOCOLLE OÙ COLLE DE POISSON DANS LA CLARIFICATION DE LA BIÈRE « Par M. BOR, PHaRMACGIEN. MESSIEURS, La colle de poisson se prépare, surtout en Russie, avec les visicules aériennes de plusieurs espèces de poissons, particulièrement avec celles du grand estur- geon qui est très-commun dans le volga et dans les autres fleuves qui se jettent dans la mer Noire et la mer (Caspienne. Ces visicules sont mises dans l’eau froide pour être ramollies, puis on les nettoie et on en détache les membranes extérieures; l’intérieure est ensuite roulée sur elle-même, blanchie à l'acide sulfu- reux et séchée; vers la fin de la dessication, on leur donne la forme de Ivre, de cœur ou de livret. M) La colle de poisson doit être blanche, demi-trans- parente, sans odeur, soluble dans l’eau bouillante pres- que sans résidu et lui communiqant, par le refroi- dissement, une forte consistance de gelée. Elle est composée de beaucoup de gélatine et d’une petite quan- tité de sous-phosphate et sous-carbonate de chaux. Le commerce nous fournit plusieurs espèces de colle de poisson qui ne diffèrent entre elles que par leur plus ou moins grande solubilité. La colle de poisson sert à plusieurs usages, surtout à la clarification de la bière. Cette substance nous venant de l'étranger et étant, en outre, à un prix passablement élevé, nous avons pensé être utiles à l'industrie en la remplaçant par une autre substance qu'on püt se procurer en quan- tité suffisante pour les besoins du commerce et dort le prix fut bien inférieur. Nous savions, avant d'entreprendre ce travail, que depuis long-temps on cherchait le moyen de remplacer la colle de poisson, surtout pour la clarification de la bière, par une substance moins rare et à bas prix; que des sociétés savantes en France, en Angleterre, en Allemagne, avaient proposé des prix pour la solu- tion de ce problème qui n'est pas encore résolu; que la colle de poisson possède une propriété clarifiante beau- coup plus grande qu'aucune gélatine obtenue par dé- coction de diverses matières animales, même de la colle de poisson elle-même dissoute dans l’eau bouil- lante et convertie en gélatine par ce moyen; qu’en conséquence son action étant mécanique, ainsi que l'a démontré M. Payen, il fallait nécessairement la repor- —_ 03 — ter à sa contexture qui est effectivement formée de fibres qui jouissent, mises en contact avec un liquide, chaud surtout, de la propriété de se ramollir, d'aug- menter de volume, de se diviser à l'infini, de donner de la consistance à la partie gélatineuse , et par suite de former , dans les liqueurs à clarifier, une sorte de réseau qui jouit lui-même de la propriété de se resser- rer, de se contracter sur lui-même, probablement à cause du principe astringent ou fermentessible qu'ils contiennent, et d'entrainer dans sa précipitation tous les corpuscules qui troublaient leur transparence. La géline est la substance que nous proposons pour remplacer la colle de poisson dans la clarification de la bière. M. Dambresville, fabricant à Amiens, est le premier qui l’ait conseillée à des brasseurs qui l’em- ploient avec succès depuis plus de six années. Nous extrayons la géline des cornillons de la corne de bœuf débarrassés, par l'acide muriatique, du sous- phosphate et sous-carbonate de chaux qu'ils contiennent. La corne de bœuf est formée de deux substances bien distinctes et qu'on peut facilement séparer l’une de l'autre; l’extérieure, qui est dure, luisante, transpa- rente lorsqu'elle est réduite en lames minces, cornée, inattaquable par les acides et composée, entr'autres corps, d’une matière analogue aux ongles, sert jour- nellement à faire des peignes et autres objets de ta- bletterie; l'intérieure, appelée cornillon, qui est moins dure que la première, opaque, attaquable par les acides et formée d'un tissu gélatineux dont les cellules fila- menteuses sont remplies en grande partie de sous-phos- phate et de sous-carbonate de calcaire, nous sert à faire la géline. 10/10 — Préparation de la géline. Cornillons de corne de bœuf,...... 400 kilogrammes. Enwsehiah def Ars. 1e Messe 300 id. Acide muriatique à 21°... ...,.... 50 id. Faites le mélange de l’eau et de l’acide dans un bac en bois, mettez-y les cornillons, laissez réagir pendant huit jours et remuez au moins une fois chaque vingt-quatre heures; décantez ensuite le liquide et remplacez-le par le suivant. Eau ee ee ds RS 2200 kilogrammes. Acide muriatique à 21°. 50 id. Mélez. Laissez encore réagir cette eau acidulée sur les cornillons pendant huit autres jours, en ayant le soin de remuer comme il est dit ci-dessus; ensuite décantez de nouveau, remplacez ce liquide par de l’eau ordi- naire, laissez macérer pendant vingt-quatre heures, renouvelez cette eau une seconde et une troisième fois, décantez, laissez égouter, faites sécher et divisez par morceaux. L'expérience nous a appris que cette opération devait être faite sous un hangard et à l'ombre parce que les rayons solaires nuisaient à la bonne confection de cette substance. La réaction de l’acide muriatique sur les cornillons étant plus lente en hiver qu'en été, il faut, dans le premier cas, prolonger les macérations de trois à quatre jours. Emploi de la géline. On la laisse ramollir pendant quelques heures dans que une suffisante quantité d’eau froide. Un kilogramme de géline est plus que suffisant pour la clarification de cinq hectolitres de bière. On ne l’ajoute au brassin que lorsque le houblon a été assez pénétré par le bouillon et qu'il commence à se précipiter. Une demi-heure d'ébullition est plus que suffisante pour la dissoudre. Nous ne nous arrêterons pas à disserter sur la ma- nière d'agir de la géline lorsqu'elle est employée à la clarification de la bière. Nous laisserons ce soin aux savants qui voudront se donner la peine de répéter nos essais. Nous osons cependant avancer que si l’ac- tion de cette substance, dans les liqueurs à clarifier, n'est pas en tout semblable à celle de la colle de pois- son, elle produit du moins le même résultat. Quant à son prix de revient, nous sommes convaincus, sans entrer dans des détails de chiffres, qu’il est de beau- coup inférieur à celui de la colle de poisson. 5 nakres Te | + renaniélei crie eau une secondu et une troisiéate fois, CE Wet L'espérioute svoun » appris, que sème “opéraios derait éco faite box a hangard ACER pren que les. D ce) puitmiont à la pau ML Un den dE ace nl Ra CUT pla lenie on Hiver #14, 58, fau, dans le premier, cos; peulomgue lof manératiage ne CPE Ép DURE aps de ” “di” d 0) KP) il ot | F2 EN PA | td L'ART - 100 a ai romain genres angers. hesrès ace .ù- ANALYSE D'UNE SUBSTANCE TROUVÉE DANS L'INTÉRIEUR COMPTEUR A GAZ PROPRE A L'ÉCLAIRAGE, Par M. BOR, PHARMACIE. 22 0-5-0-—— MESSIEURS , Il nons à été remis, pour être soumis à l'analyse chimique, une substance qui a été trouvée par M. Ferot, directeur de la fabrique à gaz de notre ville, dans l’intérieur de quelques compteurs. Cette substance a une odeur de gaz très prononcée, qu'elle perd cependant par la dessication. On ne sau- rait mieux la comparer qu'à l’amadou. Son organisation est pourtant hien différente; car, en l’examinant à la loupe, on ne tarde point à s'apercevoir qu'elle est formée de molécules superposées et jointes comme celles de la pâte à papier. Cette substance étant très adhérante aux parois du compteur, d’où il a fallu l'arracher, et où l’on pré- sume qu'elle à pris naissance, on est peu surpris d’y apercevoir quelques fragments de soudure. 5. En. Ve Mise sur des charbons ardents, elle se carbonise et répand une odeur résineuse. Bouillie pendant quinze à vingt minutes dans quel- ques grammes d’eau distillée, elle laisse dégager une odeur de gaz mélée de goudron; mais elle ne parait pas changer de nature par cette ébullition. Une solution bouillante de sous-carbonate de soude ne parait pas avoir plus d'action sur elle. Il n’en est pas de même d'une autre solution, même peu concentrée, de potasse caustique; celle-ci la dissout au contraire entièrement, surtout par une ébullition un peu prolongée. Cette dissolution, qui est passablement colorée, précipite en blanc jaunâtre par les acides et dégage de l'hydrogène sulfuré; la présence du soufre a été reconnue dans ce précipité. Cette substance desséchée par la chaleur, si on la met en contact avec l'acide sulfurique concentré et froid, elle ne tarde pas à noircir et à être désorga- nisée; en étendant ce mélange acide d’une certaine quantité d'eau, une matière brune se précipite. Cette matière, lavée avec soin et séchée, si on l’expose à une température un peu élevée, elle fond, et, par le refroidissement, se fige comme le goudron. Projetée sur des charbons ardents, elle répand une odeur analogue à cette dernière substance. Traitée à deux ou trois reprises par l'alcool bouillant, cette substance communique à ce liquide un aspect opalin et une odeur de vernis. En laissant évaporer cet alcool à la température ordinaire, il se dépose sur les parois du vase qui le contient une matière pois- seuse et odorante qui rappelle l'odeur primitive. 60 Cette même substance après avoir été traitée par l'alcool bouillant, conserve encore sa structure quoi- qu’elle ait fourni quelques principes à ce liquide. Elle doit donc être formée d’huile empyreumatique et de quelques huiles essentielles qui accompagnent ordinai- rement le goudron. Traitée, en dernière analyse, par l'acide azotique pur et bouillant, elle commence à jaunir et ne tarde point à se dissoudre en entier. En évaporant cette dissolution à siccité et en traitant ce résidu par l’eau distillée bouillante , une matière jouissant de toutes les pro- priétés du goudron vient nager à la surface de ce li- quide. Cette matière projetée sur des charbons ardens répand une odeur sui generis. Quant à l’eau employée à la séparer de sa dissolution, elle précipite en blanc par les sels de baryte; cette dissolution renfermait donc de l'acide sulfurique qui provient sans doute de la réaction de l'acide azotique sur le soufre que con- tent cette substance. Cette substance trouvée dans les compteurs, diffère done de l’amadou avec lequel on pourrait , au premier aspect, la confondre; ensuite, puisqu'elle est formée de goudron, de soufre , d'huile empyreumatique , de quelques huiles essentielles qui accompagnent toujours le goudron, et probablement de plusieurs autres corps échappée à une analyse rapide, on peut facilement se rendre compte de sa formation en se rappelant que le gaz, propre à l'éclairage , celui qui est surtout extrait de la houille par le feu, est mélangé avec tous ces corps et que, en traversant Îles couches d’eau des compteurs avant d'être brülé, il se débarasse petit à petit de tous ces produits ; lesquels finissent par tapis- +R, jee ser les parois intérieures de ces instruments au point que, si on ne renouvelait pas de temps en temps cette eau, ils finiraient par être obstrués et rendus impro- pres à l'usage auquel ils sont destinés. NOTICE SUR L'INSTITUT AGRICOLE DE ROVILLE, Par M. Awarze DUBOIS. Chacun de vous, Messieurs, a entendu parler de Roville et de l'institut agricole qu'y a fondé M. Ma- thieu de Dombasle : ayant visité deux fois cet établis- sement dans les mois de juillet et août derniers, j'ai pensé que vous acceuilleriez avec plaisir quelques dé- tails sur ce que j'ai pu observer. Deux ans auparavant, j'avais visité l'institut de Grignon, et j'avais été peu flatté de ce que j'avais trouvé; je craignais d'éprou- ver encore un désappointement à Roville, mon attente a été heureusement trompée. À Grignon, tout semblait indiquer l'intention de ne faire que de l’agriculture en grand : tout ce qui s'y faisait ne paraissait pouvoir convenir qu'aux grands pro- priétaires, à ceux qui disposaient d’une ferme et de fonds considérables : à Roville, tout est sur une échelle modeste, il n'est pas de petit cultivateur qui ne puisse imiter et s'approprier toutes les pratiques qu'y a éta- blies son directeur. Les bâtiments de la ferme n'ont rien de remarqua- ble, ou plutôt il n'y a point de ferme : tous les bà- timents sont isolés dans le village ; d’un côté les écu- ries , de l’autre les ateliers de construction ; là, le lieu de travail pour les élèves, ailleurs les hangards, les parcs de moutons; dans la ferme on ne trouve réel- lement qu'une bouverie, une bergerie pour 500 bêtes, et une habitation plus que modeste pour le directeur et sa famille. On conçoit déjà tout ce qu'a de mau- vais un tel état de choses : une surveillance plus dif- ficile, une perte de temps considérable : enfin l'œil du maître qui ne peut être partout en même temps. J'ai été bien plus surpris encore en parcourant les terres en culture. Roville est situé au pied d'un cô- teau escarpé, formant la limite du bassin de la Mo- selle, qui coule ordinairement à 15 hectomètres du village : mais lors de ses débordements qui sont fré.- quents, elle s'approche jusqu'à 7 ou 8 hectomètres, en ratissant les terres cultivées, et en les couvrant de débris de roches, entrainées du haut des Vosges. Les terres de l’établissement sont situées pour un tiers sur le côteau ; pour les deux autres tiers dans la vallée de la Moselle. Les terres du côteau sont formées d’une argile com- pacte. Avant l’arrivée de M. de Dombasle, on les lais- sait en friche: les charrues du pays ne pouvaient les diviser, et la rapidité de la pente rendait le labour trop pénible et la récolte trop difficile. Grâce aux nou- veaux instruments, le labour s’y père très bien, avec — 993 — deux chevaux par charrue seulement: mais il n'est pas rare que les voitures soient culbutées, avec leur charge, au moment de la récolte. — Cette année, tou- tes les terres du côteau étaient occupées par du blé et des prairies artificielles ; celles-ci n’ont presque rien donné en fourage , la faux trouvait difficilement à mordre: les moutons y étaient conduits au pâturage. Quant au blé, il était admirable : nombre de ger- bes considérable, épis longs, gros et bien fournis, grain gros et lourd; M. De Dombasle, après de nom- breux essais, s’est arrêté à une variété de blé du pays : il l’a perfectionné par sa culture, par le choix de la semence : toute sa récolte se vend dans le pays, plusieurs francs de plus à l'hectolitre, pour les se- mailles. Une partie des terres du côteau est consacrée à une houblonnière établie sur deux systémes différents : dans l’un le houblon grimpe contre des perches de 4 à 5 mètres d'élévation; dans l'autre ces perches n'ont que 1 mètre 50 centimètres de hauteur, et se relient en- tr'elles par des fils de fer sur lesquels courent les sar- ments. M. De Dombasle s’applaudit de ce nouveau systéme, dans lequel la récolte, aussi abondante que dans l'ancien système, s'opère plus facilement, et qui présente le grand avantage d'offrir moins de prise aux coups de vent, toujours si redoutables pour nos hou- blonnières : je crois que cette méthode de culture de houblon serait bonne à propager. Les terres de la plaine contre le village sont bonnes et fertiles, blanches et assez compactes, elles ressem- blent à ce que les cultivateurs anglais ont appelé Loam ; malheureusement beaucoup de places sont infertiles, A par la présence du sous-s0l sableux et caillouteux qui se fait jour à la surface : en vain M. De Dombasle a fait couvrir ces places de marne , de chaux et d'engrais de tout genre : l’aridité du sous-sol a tou- jours prédominé. Telle est son influence que là même où il est suffisamment recouvert, il faut des étés hu- mides pour que les récoltes soient avantageuses. À me- sure que l'on descend vers la Moselle, les places in- fertiles sont plus nombreuses, les cailloux et le sable augmentent, et bientôt on arrive à une zône où l'on ne peut obtenir, même dans les années les plus favo- rables, que des moissons chétives, peu en rapport avec les travaux et les frais qu'elles exigent. Cette année les fourrages d'hiver ont succombé aux gelées de printemps. — L'avoine n'offrait pas 45 cen- timêtres dans les points les plus élevés; dans beau- coup d'endroits, elle n'avait pas 20 centimètres, — le millet avait manqué, le maïs seul était assez beau ; — M. De Dombasle le fesait hàcher par morceaux et donner à ses chevaux, mêlé avec de la luzerne hà- chée. Contrairement aux assertions de plusieurs culti- vateurs, j'ai remarqué que les chevaux n'étaient pas fort avides de cette nourriture : ils mangeaient la lu- zerne et laissaient le maïs: le chef d’attelage disait même qu'ils avaient maigri depuis qu'on les avait sou- mis à ce régime; — les terres d'en bas avaient encore quelques champs de lin fort médiocre, de Madia-Sa- tiva peu remarquable , de pavots d'une variété par- ticulière et une grande quantité de betteraves. Pendant plusieurs années, M. De Dombasle s'occu- pait beaucoup de la culture du lin, — il y a renoncé parce que cette culture était trop chanceuse dans des 8 terres aussi arides. Le Madia n'offrait pas plus de 20 centimètres d’élévation : toutes ses branches latérales étaient presque avortées; on ne pouvait avoir de la plante qu'une idée fort incomplète: au surplus M. De Dombasle n'en avait semé que pour la montrer aux élèves, et sans le projet de la faire entrer dans sa culture. Quant aux pavots, la variété cultivée à Roville m'a paru intéressante, en ce que, sous le plateau supé- rieur, il n'y a point d'opercules; — il en résulte que la plante peut être battue par le vent, et rentrée dans la grange à l'état de siccité sans craindre de perdre la graine. À la vérité cette disposition offre plus de difficul- tés pour la récolter, il faut forcément avoir recours au fléau; mais cet inconvénient n'est-il pas compensé par la facilité de ne récolter la graine que pendant l'hiver, quand tous les travaux sont terminés, et surtout par la certitude de la récolter toute entière, sans craindre les ouragans et bien plus encore les voleurs? M. De Dombasle cultive en grand la betterave : il la sème en place, mais surtout il la repique : j ai pu voir les deux systèmes à côté l’un de l’autre; l'avantage était pour les betteraves repiquées. — Ceci est con- traire aux idées reçues chez nous: M. De Dombasle a pour lui une pratique heureuse de 20 années. J'ai vu repiquer chez lui des betteraves par un temps très- sec, qui a persisté plus de huit jeurs après cette opé- ration, et le champ n'en a pas moins été très-bien fourni. Les places vides étaient dues aux ravages d'un ver gris, semblable à la larve du hanneton, mais beau- coup plus petite. [l serait important de savoir à quel Fe insecte appartient cette larve: je ne pense pas que jusqu'à présent nos cultivateurs se soient plaint de sa prèsence ; mais à Roville les désastres qu’elle cause sont souvent fort étendus. M. De Dombasle emploie la betterave à nourrir ses moutons et à faire du sucre. Il trouve la betterave bien préférable à la pomme de terre comme nourri- ture des bêtes ovines; quant an sucre, s'il en ex- trait, c'est seulement pour l'instruction des élèves : il l'extrait par un procédé à lui, dit par macération. J'ai vu ses appareils, ils sont très-simples, et je ne doute pas que, quand une loi meilleure permettra de vivre à une industrie toute indigène, le procédé de M. De Dombasle ne soit appelé à de grandes desti- nées. i J'ai dit plus haut que j'avais été surpris en voyant les terres de Roville : c'est en effet que, selon moi, M. De Dombasle a mal choisi l'emplacement où il vou- lait élever son institut agricole : je conçois très-bien que son but ait été de montrer tout ce que pouvaient la patience, l’ordre, la bonne direction des travaux, le choix des instruments, les procédés de bonne cul- ture : mais si, pour démontrer cela, il était bon de ne point se poser dans des conditions trop favorables, quant au terrein, il fallait aussi ne pas choisir un sol à peine améliorable, ur sol où les travaux les mieux suivis, les frais les plus considérables ne pouvaient: avoir de résultats avantageux quant au fermier : aussi le but de M. De Dombasle a été manqué dans le pays; il n'a pu même faire abandonner le labour en sillons très-bombés, labour si funeste dans un sol déjà fort aride, — qu À propos de ces sillons bombés, je me hâte de con- signer une observation que j'ai faite sur la manière dont M. de Dombasle cultive la pomme de terre. Il n'a point l'habitude de la butter, et il prétend que le buttage est nuisible, en ce qu'il fait pousser trop de tiges, au détriment des racines. M. De Dombasle peut avoir raison quand la pomme de terre est placée dans une terre sablonneuse et légère ; mais, dans un sol bas et humide ou trop compact, je pense que le but- tage sera toujours préférable. M. De Dombasle cultive avec des chevaux, non pas qu'il blâme l'emploi des bœufs, au contraire, mais parce qu'avec les terres de Roville le cheval lui parait pré- férable. Dix-sept chevaux lui suffisent pour faire va- loir 240 hectares. Ce résultat extraordinaire est dù à son mode d’assolement, et surtout à l'ordre miracu- leux qui règne dans l'emploi du temps, soit pour les hommes, soit pour les animaux. Pendant l'hiver, on achète 25 ou 30 bœufs que l’on nourrit avec la pulpe des betteraves : après l’hiver , on les engraisse au grain, et ils sont vendus sur-le-champ. — Les mou- tons sont de race commune, mais de choix, leur laine s'est vendue lavée à dos 4 fr. 50 c. le kilog. M. De Dombasle ne fait point parquer les moutons dans les champs; au milieu du jour et au soir ils sont rame- nés, soit à la bergerie, soit sous des hangards ou- verts de toutes parts: M. De Dombasle prétend obtenir ainsi un engrais plus considérable, et surtout plus durable : je crois aussi que dans les terres compactes du côteau il vaut mieux fumer que parquer. Dans les terres d'en bas, le parcage aurait certainement un ef- fet trop fugace. Ste. Tous les instruments de culture employés par M. De Dombasle sont aujourd’hui connus des cultivateurs : ses charrues, avec ou sans avant-train, simples ou dou- bles; l’extirpateur, le scarificateur, le rouleau sque- lette, si utile dans les terres compactes, les semoirs à cheval ou à brouette sont décrits partout; et ce- pendant tous les jours M. de Dombasle étudie leur emploi, modifie, corrige: tant il est convaincu que l'emploi des bons instruments est pour beaucoup dans le succès du cultivateur! Les fourages sont donnés, cou- pés par un hâche-paille d’une construction fort simple. Les pommes de terre et les betteraves sont coupées par tranche par un coupe-racine; l’avoine elle-même est non pas moulue, mais écrasée par un double cy- lindre, et par là rendue plus accessible à l'action des sues digestifs. M. De Dombasle évalue à un quart la différence que produit cette simple opération sur l’a- voine. Je n'ai point vu agir la machine à battre : elle est décrite dans les annales de Roville. Quant aux fumiers, il est inutile de dire qu'ils ne sont pas épars duns les cours, mais qu'élevés en tas, ils sont sou- vent arrosés avec le purin qui s'écoule , et quelque fois recouverts de terre, pour empêcher l'évaporation des gaz, qui forment peut-être la partie la plus utile des fumiers. Je crains, Messieurs, d'abuser de votre patience, en entrant dans tous ces détails, qui n’ont guère d’at- traits que pour les cultivateurs, aussi ai-je voulu les exposer avant de parler de l’homme remarquable qui a créé cet établissement. A voir l'ordre et l'activité qui règnent de toutes parts, vous croiriez peut-être que celui qui dirige ces mouvements avee tant de pré- — T9 — cision , est un jeune-homme plein de vie et de santé, pouvant tout voir, tout surveiller par lui-même : dé- trompez-vous, M. De Dombasle est un vieillard moins accablé par les années que par les souffrances ; quel- que fois ne sortant point de sa chambre pendant une semaine entière, et cependant il sait tout ce que l'on a fait, tout ce qu'on doit faire. Rien ne lui échappe ; il sait jour par jour, heure par heure, ce que l’on a fait à tel endroit, par qui, en combien de temps, avee combien de chevaux. Sa puissante volonté, plus forte que sa maladie, embrasse et dirige tout cet im- mense travail de détails minutieux : lui seul soutient cet établissement qui retombera dans le néant aussitôt que s’en éloignera son admirable créateur. Souvent, quand on approche ces hommes dont la réputation est si grande, on éprouve un désappointement pénible en les trouvant au-dessous de cette réputation; M. De Dom- basle est digne de la sienne, et à l'estime qu'il ins- pire s ajoute bientôt un sentiment de vénération , quand on le voit si bon au milieu de ses douleurs, si com- plaisant à mettre à votre portée tous les trésors de sa longue expérience. M. De Dombasle n'est pas seule- ment un cultivateur distingué , c’est encore un de nos premiers économistes, et il serait à souhaiter que les législateurs, qui tranchent si facilement les questions d'impôt et de douane, pussent entendre comment il prouve quels coups funestes sont portés à notre agricul- ture et à notre industrie par des mesures qui paraissent tontes simples et sans portée aucune. M. De Dombasle n'a rien gagné dans sa culture : le mauvais choix du terrein, les frais énormes qu'il à fallu faire pour en obtenir des récoltes même médio- BU cres, les expériences nombreuses auxquelles il s'est li- vré dans l'intérêt des élèves, expliquent l’absence des bénéfices : sans la fabrique d'instruments, sans la lé- gère rétribution des élèves, M. De Dombasle n'aurait pu se soutenir. Son bail expire dans deux ans, et les dernières années d'une vie de souffrances et de travail seront consacrées à rédiger un ouvrage général d'agri- culture qu'il appelle son testament! La fabrique d'instruments est toujours très-active : des envois nombreux se font au loin, et propagent ainsi les moyens de mieux préparer la terre, en même temps que l'école forme des jeunes-gens qui sauront employer de meilleurs procédés de culture. L'école est composée d'une trentaine de jeunes-gens venant de tous les points de la France. — Malheu- reusement le local ne permet pas de les loger et de les avoir ainsi sous la main des maitres : ils sont lo- gés dans le village; mais à quelques exceptions près, cette liberté ne leur est point nuisible. Ils ont la con- viction que tout ce qu'ils peuvent dire ou faire est su bientôt de M. De Dombasle, et cette conviction les préserve du danger d'une liberté toujours si dange- reuse à cet âge. Tous les jours à huit heures du matin, ils vont en compagnie de M. De Dombasle visi- ter les travaux faits la veille, et ce qu’on doit faire dans le jour : pendant cette promenade, des questions arrêtées et discutées d'avance entre les élèves sont po- sées au directeur qui les résout, et ces solutions sont transcrites sur un registre ad hoc. Des Cours d’agricul- ture, de médecine vétérinaire, de botanique, d'arpen- tage et surtout de comptabilité agricole ont lieu pen- dant toute l’année et aux époques les plus favorables ET LE pour ces cours: un jardin botanique, un jardin po- tager, sont à la disposition des élèves; chaque jour plusieurs d’entr’eux, sous la direction d’un maitre, la- bourent et manient tous les instruments dont ou leur explique tout le mécanisme; d’autres sont chargés de surveiller les travaux des champs ou de la ferme; la bergerie , la bouverie, l'écurie ont aussi leurs surveil- lants : le soir, à huit heures, ils vont à l'ordre. À ce mo- ment M. De Dombasle réunit tous les chefs de service ; tout ce qui a été fait dans la journée est transcrit sur des registres divers : le nombre de journaliers, de chevaux employés, la quantité de terre labourée, de fumier extrait des étables ou porté dans les champs, les pro- duits rentrés dans la ferme ou sortis soit pour la vente, soit pour la consommation, tout est inscrit avec soin : puis les ordres sont donnés pour les tra- vaux du lendemain: ce moment est un des plus pré- cieux pour les élèves, aussi tous sont-ils fort exacts à s'y rendre. Comme vous le voyez, Messieurs, l'instruction est autant pratique que théorique, c’est là son grand mérite, et ce qui la rend précieuse pour les élèves : aussi presque tous travaillent avec zéle, et tous, sans exception, même ceux qui négligent les sources d'ins- truction qui leur sont offertes, ne parlent de M. De Dombasle qu'avec vénération, j'allais dire avec amour. Nous ne pouvons espérer voir beaucoup de directeurs comme cet homme remarquable, mais 1l serait bien à souhaiter de voir se multiplier ces établissements agri- coles où des jeunes-gens apprendraient tout ce qu'il faut savoir pour bien conduire une ferme. Jusqu'à présent, et dans notre pays surtout, on a pensé qu'on en sa— 6. == na — vait toujours assez pour être cultivatenr, et cela est vrai quand on ne veut que suivre la routine de son père; mais espérons quil n'en sera pas toujours ainsi, que l'art le plus utile, puisqu'il nourrit les hommes, et fournit à notre industrie tous les matériaux qu'elle emploie si bien, finira par être apprécié à sa juste valeur. Le gouvernement alors établira des écoles d’'a- griculture, simples, peu dispendieuses, presqu’entière- ment pratiques. — C'est aux académies, c'est aux co- mices agricoles à réclamer cette mesure importante, qui aurait de plus l'avantage de retenir dans nos cam- pagnes une foule de jeunes-gens trop faibles pour ne pas être entrainés par les vices et par la corruption des villes. (1) Depuis 1838, tout a été changé à Grignon, mode d’ensei- gnement et professeurs : l'instruction des élèves est devenue plus pratique , et un champ d'expérience leur a été exclusivement con- sacré. A. D. 1843. MÉMOIRE SUR L'INTRODUCTION, EN FRANCE, DES BÊTES À CORNES ÉTRANGÈRES , Par M. SPINEUX. Depuis quelques années, Paris et Lyon ne cessent de demander une forte réduction de droits sur l'entrée des bestiaux gras, et la libre entrée des bestiaux mai- gres étrangers. Pour justifier cette demande, ces villes font valoir le haut prix de la viande de boucherie, et le temps d'arrêt que semble éprouver chez elles la consom- mation. Les chambres n'ont point jusqu'ici accueilli cette de- mande , mais si l’on en croit certains bruits, de nouvelles pétitions se préparent, et il est à craindre que cette persistance à demander une mesure funeste à l’agriculture, ne finisse par obtenir du succès. Ce sont ces craintes qui nous engagent aujourd'hui à vous faire part de quelques réflexions. 6.* ot — Il conviendrait peut-être d'examiner avant tout, si le mode de perception par tête, de préférence au poids, si la quotité du droit d'octroi n'ont pas nui à la consommation, si le salaire des ouvriers tendant constamment à descendre, n'y est pas pour quelque chose. Il conviendrait encore de se demander si la cocote, cette épizvotie qui depuis deux ans est venue frapper nos vaches et les rendre stériles; si le manque de fourrages de trois années consécutives, n’ont pas dù fortement influer sur le prix de la viande. En tout cas, l’agriculture ne peut rien sur les deux premières causes; elle n'a qu'à s’en plaindre. Quant aux der- nières, c'est un accident, eêt dans l'intérêt commun, elle est la première à désirer qu'il ne se produise plus. Cependant, nous nous contenterons de traiter la question des droits d'entrée, comme sage protection de douanes et comme intéressant particulièrement nos pro- ductions agricoles. C’est sous ce seul point de vue que nous vous prions de vouloir bien nous prêter quelque attention. La franchise des droits d'entrée sur les bestiaux maigres, et la réduction de ces droits sur les bestiaux gras étraugers est une question complexe beaucoup plus sérieuse qu'on ne le croirait d’abord. Ne la con- sidérer que par rapport à l'hygiène de quelques grands centres de population, c'est lui faire perdre la plus grande partie de son importance; c'est cesser, qu'on nous permette de le dire, de la voir sous le point de vue général. Sans doute, il serait bien désirable que le prix de la viande permit à toutes les classes laborieuses du pays, d'en consommer davantage; c'est surtout pour — 85 — nos ouvriers des campagnes, chez qui l'usage de la viande de boucherie est presque inconnu, que cela se- rait désirable ; mais l’abaissement du prix de la viande n’est pas ce qui les préoccupe. Ge qui les préoccupe, c'est un travail plus suivi, c'est un salaire quelconque pendant l'hiver, alors que les travaux des champs ont cessé, et que leurs besoins ont grandi. L'abaissement du prix de la viande suivant nous, doit être une conséquence toute naturelle de l’amélio- ration de notre agriculture. C’est par la suppression des jachères, par l’intercallation des prairies artificielles, des plantes sarclées, des racines dans nos assolements que nous devons l'obtenir. Le demander à lirruption brusque des bestiaux étrangers, e’est aller contre le but qu'on doit se proposer, c'est agir contre tout progrès agricole; c’est s’exposer enfin, pour favoriser les intérêts de quelques localités dans la consommation de leur viande, à faire enchérir le prix du pain pour tout le monde. Au fond, de quoi se plaint-on? de payer la chair de bœuf un peu cher, d'en manger moins qn'on ne voudrait. C’est un malheur sans doute, mais ce mal- heur nous semble plus supportable que celui de n'en point pouvoir manger du tout. C’est pourtant ce qui arrive aux neuf dixièmes de la population agricole de la France, dont le salaire ne suffit pas toujours à lui procurer du pain. Vous comprenez déjà, Messieurs, de quelle importance peut être une demande simple en apparence, si les conséquences doivent influer aussi malheureusement que nous le prétendons sur les produits de notre agricul- ture, sur Îles céréales, et par contre, sur le bien- On — être de ceux-là même, en faveur de qui on sollicite une mesure peu réfléchie. Dans la demande de faciliter l'entrée des bestiaux étrangers, nous trouvons trois questions bien distinctes. Celle des bestiaux gras, celle des bestiaux maigres, celle des jeunes bestiaux. La première, l'entrée des bestiaux gras, ne doit pas être prohibée sans doute, parce que les prohibitions absolues donnent générale- ment lieu aux monopoles, et ce n’est pas ce que nous demandons. Mais l'entrée doit être permise dans de justes limites, et le tarif actuel suffit au but qu'on a voulu et qu’on doit toujours désirer atteindre, celui d'améliorer l’agriculture, la première des industries de notre pays. Cinquante francs pour un bœuf gras du poids moyen de 350 livres; vingt-cinq francs pour une vache grasse du poids moyen de 225 livres, ne sont pas des droits exorbitants, c'est environ dix centimes par kilogramme, ou le dixième du prix de la viande chez le marchand. Nous ne voyons rien là d’exagéré, ni qui justifie les clameurs qu’on fait entendre. Non, le mal n’est pas tel, qu'il faille y porter remède aux dépens de notre industrie agricole. Entrons maintenant au cœur de la question. La France possède peu de vallées, peu de basses plaines propres aux päturages. Mais elle a beaucoup de plaines hautes, où la culture des prairies artificielles, celle des fourrages, des racines, n’est pas encore ar- rivée à ce qu'elle doit être un jour. C'est donc à l’étable que nos cultivateurs doivent, et devront probablement toujours engraisser une grande partie des animaux nécessaires à la consommation. Or, OU — les animaux engraissés à l’étable coùtent plus cher que ceux eugraissés aux pâturages. Mais le premier genre ‘d'engrais, procure d’abondants et d'excellents fumiers qui servent à fertiliser tous les champs mis en culture, tandis que l'engrais aux pâturages, ne profite qu'aux prairies sur lesquelles les bestiaux sont nourris. Les terres arables n'ont aucune part aux déjections de ces animaux , ou du moins n'y ont qu'une bien faible part. C'est pour cela que, dans l'intérêt bien entendu de l’agriculture, nous voyons nos meilleurs agronomes conseiller la stabulation. De tout ceci que résulte-t-il ? c'est que les cultivateurs qui engraissent à l’étable, ne peuvent soutenir la concurrence des herbagers, qu’en présentant leurs bestiaux à la vente lorsque les pâtu- rages ne permettent plus d’engraisser. Que serait - ce maintenant, si la concurrence des herbagers étrangers, venait se joindre à celle des herbagers du pays? Il deviendrait impossible à nos cultivateurs d'engraisser désormais à l'étable, et l'engrais des bêtes à cornes diminuerait en France de la presque totalité des bes- tiaux étrangers dont on aurait facilité l’entrée. Nos herbagers aussi, auraient peine à soutenir la concurretice, ce serait une branche d industrie en souf- france sans doute, mais les conséquences pour l'agri- culture proprement dite, seraient bien autrement graves. Nos cultivateurs manquent d'engrais, et surtout de fumier, c'est un fait reconnu. Le fumier des bestiaux gras est d’une qualité supérieure à celui des bêtes maigres, c'est encore un fait avéré. Eh bien! si nous cessons d'encourager à l'aide d’un droit un peu élevé l'engrais à l’étable, puisque ce genre d'engrais est plus 22 Qt =" dispendieux que tout autre, nos cultivateurs cesseront d'engraisser, ou ils réduiront du moins considérable- ment leur engrais. Le résultat sera une diminution notable de fumier, alors qu'il est reconnu que nous en manquons déjà, par suite, réduction et faiblesse des récoltes, et finalement renchérissement des grains. On peut n'être pas frappé comme nous de ces con- séquences, on pourrait même les nier, si nous n'avions pour les prouver, le calcul bien simple que voici. Depuis leur entrée à la frontière jusqu'aux lieux où les animaux étrangers doivent être sacrifiés, combien ont-ils de temps à passer? quinze jours au plus. Ad- mettons qu'il aurait fallu quatre à cinq mois pour en- graisser ces animaux dans nos étables; il est évident que c'est un déficit des neuf dixièmes, que l'agricul- ture éprouve dans la production de leur fumier. Re- marquons bien que nous ne comptons pas le temps de Félève, ni celui du développement. Nous prenons le bétail arrivé à l’âge moyen où on a l'habitude de le mettre à lJ’'engrais, c'est-à-dire à l’âge de quatre à cinq ans. Quel serait done le dommage , si nous comp- tions la perte du fumier éprouvée pendant ces quatre à cinq ans? Ainsi, on sera forcé de reconnaître que ce n'est pas, comme on l'a quelquefois insinué en faveur des propriétaires de pâturages, que nous nous opposons à l'entrée des bestianx gras étrangers; non, puisque nous considérons l’engrais à l'herbage comme une branche spéciale d'industrie, n'ayant chez nous qu'un rapport indirect avec l'agriculture; c'est dans l'intérêt de la production agricole seulement, que nos observations sont faites; c’est done dans l'intérêt de tout le monde. me 2 Nous allons maintenant donner les raisons qui s'opposent selon nous à ce qu'il ne soit rien changé au tarif actuel, concernant l'entrée des bestiaux maigres. Reconnaissons d’abord, que l'entrée de ces sortes d'animaux, s’il était possible de la dégager de la fraude à laquelle elle a constamment donné lieu, serait moins nuisible à notre agriculture, que l'entrée des bestiaux gras. Cependant, elle serait encore assez dommageable, pour justifier notre opposition, ainsi que nous espérons vous le démontrer. Supposons un moment l'entrée des bêtes maigres étrangères, à l'exclusion des bêtes grasses; elles ne séjourneraient encore en France que quatre à cinq mois, temps nécessaire à leur engrais. Le dommage serait moindre que celui causé par les bêtes grasses , dont le séjour ne serait que de quinze jours, cela est vrai; mais il serait encore considérable, puisque ces bêtes maigres ayant passé quatre à cinq ans hors de France, nous auraient privé des neuf dixièmes de leur fumier. Convaincu par expérience qu'il n'y a pas d'améliora- tion essentielle à attendre dans l’agriculture, sans aug- mentation d'engrais et de fumier. Pour nous, toute la question de l'entrée des bestiaux est là, et nous ne pouvons croire qu'elle puisse être ailleurs, quand on la considère sous un point de vue général. En franchise de droit avons nous dit, l'entrée des bestiaux maigres donnerait lieu à une fraude impor- tante. Pour justifier cette assertion, il n’y aurait qu'à constater les embarras éprouvés par la douane, alors qu'on lui présentait comme maigres des bestiaux gras, = 2 mais qui par leurs formes défectueuses, la fatigue de la route, l’abstinence qu’on leur fesait garder exprès, arrivaient à la frontière dans un état difficile à constater, qui donnait souvent lieu à de sérieuses contestations, et presque toujours à une fraude considérable. Si nous repoussons tous changemens au tarif actuel sur les bestiaux gras et maigres, est-ce à dire que nous nous opposons absolument à toute espèce d'entrée des bestiaux étrangers? Non, Messieurs, il y aurait dans cette supposition une espèce de contradiction avec ce que nous avons dit d’abord. En effet, nous avons dit que nous manquons de päturages, tandis que nos voisins en sont abondamment pourvus. Or, pour élever avec avantage, il faut des prairies naturelles, et nous en avons peu. Si nous en possédions assez, non-seulement l'élève serait plus générale, moins coùû- teuse, meilleure, mais nous aurions aussi plus de bes- tiaux engraissés au pacage; et les plaintes actuelles n'auraient probablement pas lieu. Nous devons man- quer, et nous manquons effectivement d'élèves. C'est pour y suppléer qu'on élève à l'auge; aussi remarque- t-on avec peine combien dans certaines contrées, chez nous par exemple, l'espèce bovine laisse à désirer sous le rapport des formes et de la taille. C'est pour avoir été privés pour la plupart dans leur jeune âge, de la liberté nécessaire à leur développement, c'est pour avoir manqué de pâturage, pour avoir été saillies trop jeunes, que nous voyons tant de vaches atteintes de la pomme- lière, c’est pour avoir forcé l'élève enfin, que nous voyons nos bêtes à cornes, arrivées à ce degré de dé- générescence que nous déplorons, et auquel nous cher- chons un remède dans un bon choix de jeunes tau- — 91 — raux étrangers. C’est donc l'entrée du jeune bétail que la législation à venir devrait favoriser. Ici, sans doute, nous entendrons nos éleveurs se plaindre, mais comme dans une question aussi com- pliquée, il est difficile de contenter tous les intérêts, les réclamations des éleveurs nous toucheront moins, parce qu’elles ne seront pas comme celles des agricul- teurs, faites dans l'intérêt général. Ainsi, autant il importerait suivant nous, d'empêcher un plus grand nombre de bestiaux gras et maigres étran— gers d'entrer, autant il importerait de favoriser l'entrée des jeunes bestiaux au-dessous de dix-huit mois. Voici pourquoi : d’abord , les jeunes bestiaux demandés à l'é- tranger seront toujours d’un bon choix, parce qu'on ne saurait les faire voyager s'ils n'étaient bien cons- titués, et d'une bonne santé. Cette circonstance déjà, doit contribuer à améliorer nos espèces. Admis chez nous jeunes, ces bestiaux auront au moins quatre ans à y séjourner avant d'arriver à l’âge où ils devront être engraissés. Jls auront donc, avant d'être sacrifiés, fourni à l’agriculture dix fois autant de fumier que les bêtes maigres arrivant de l'étranger à l’âge de quatre ans, et soixante fois autant que les bêtes grasses de même origine. La fraude par rapport aux jeunes bestiaux, ne nous semble plus possible, dès l'instant que la douane n'a qu'à constater leur âge. On sait que les dents et les cornes l'indiquent d'une manière certaine; or, toutes craintes à ce sujet cessent, toutes les difiicultés d’appré- ciation disparaissent, Il y a plus, avec l'entrée des jeunes bestiaux, le vide opéré par les épizooties des dernières années se comble aisémeut. Les bêtes adultes ap qu'on a ètèe forcé d'abattre faute de fourrages pendant nos trois dernières mauvaises campagnes, se trouvent avantageusement remplacées. Sous peu de temps sans doute, le nombre de nos bêtes grasses aura augmenté d'une manière assez sensible, pour ôter toute crainte sur le renchérissement de la viande : avec un peu de patience il est même permis de croire que le prix de la viande de boucherie baissera, et si la baisse s'opère par le seul fait de la concurrence intérieure, seule baisse désirable à notre avis, l'agriculture la supportera plus facilement attendu quelle aura profité des fumiers produits par les jeunes bestiaux, pendant un séjour d’au moins quatre ans. Ges fumiers auront fertilisé ses champs et, par là, le cultivateur se trou- vera indemnisé des sacrifices qu'il est obligé de faire en engraissant à l'étable. Les conséquences de notre demande sont celles-ci, la fertilité du sol permettra de réduire de plus en plus le nombre des jachères. Les jachères supprimées produiront des prairies artificielles, des fourrages, des plantes sarclées qui n’existaient pas. Les récoltes de tout genre augmentant d’une ma- nière sensible , contribueront à nourrir un plus grand nombre de bestiaux. L'augmentation des bestiaux don- nera à son tour une plus grande quantité de fumier. L'abondance des fumiers réagira sur l'élévation des produits agricoles. Alors, nous devrons voir une chose toute naturelle, la baisse du prix de la viande avec la baisse ou du moins sans augmentation du prix du pain. Ces raisons nous font dire: non, il n'y a rien à changer au tarif de douanes actuel concernant l’en- trée des bestiaux gras et maigres étrangers, mais nous F0 Ce font dire aussi, que dans l'intérêt de l'agriculture, d'abord, dans celui des consommateurs de viande de boucherie ensuite; il conviendrait sans doute de favo- riser l'entrée des veaux, génisses, bouvillons et tauril- lons, âgés de moins de 18 mois. HAN v pese CS Asa l'A Arr: + Ê ‘ob ab ( tr 96 TEINTE sb oi nn] DA Suol) Wre LOTS i | , Er rurei Je AN vd * 2100 RU NT de - ‘à, ja fa 5 minte, de go CIE CLR soir ob sai PAS \ ”) MEMOIRE SUR LES RAVAGES DE LA MORVE, DANS LE DÉPARTEMENT DE LA SOMME, Par M. Amagze DUBOIS. Messieurs, Tout ce qui intéresse la richesse du département, tout ce qui se rattache aux progrès de l'agriculture, à la santé de l’homme, est digne de fixer votre at- tention. C'est pour cela que je crois devoir vous com- muniquer un rapport que j'ai eu l’occasion de lire, il y à quinze jours, au comice agricole, rapport ayant trait aux ravages que fait la morve dans notre dépar- tement, et aux dangers qui peuvent naître pour l’homme du contact avec les animaux atteints de cette maladie. Dans ce rapport, j'ai dû presser les faits, réunir seu- lement les conclusions qu'ils amènent. Il n’eut pas été convenable, à moi médecin, de ne parler que le lan- as AN gage technique de la science à des hommes qui lui sont totalement étrangers. Devant vous, Messieurs, je n'aurais pas eu la même crainte, j'aurais surtout trouvé des confrères habitués à l'étude de la médecine com- parée : leurs souvenirs suppléeront facilement à tout ce que j'ai dù supprimer. Voici ce rapport. MESSIEURS , Dans quelques unes de vos dernières séances, votre attention a été appelée sur un objet important, sur la propagation de la morve dans le département de la Somme, et probablement dans les départements circon- voisins. Vous avez entendu l'un de vos membres se plaindre que l'an dernier, des chevaux du régiment de dragons, en garnison à Amiens, avaient été envoyés en cantonnement à Corbie; que la plupart étaient atteints de la morve, et que cependant aucune précaution n'était prise pour empêcher la communication du mal aux chevaux du pays. Un autre membre vous à révélé qu'un commissionnaire de roulage d'Amiens avait été obligé d’abattre dix chevaux de son écurie, et qu'il était à sa connaissance que presque toutes les écuries où séjournent les chevaux de rouliers entre Amiens et Arras, étaient infectées par le virus de la morve. Les deux médecins-vétérinaires de votre ville vous ont dit que depuis un an la morve s'était prodigieusement accrue, et de deux notes qu'ils ont rédigées et que Je dépose sur le bureau, il résulte que dans les derniers mois de 1840, cinquante-et-un chevaux morveux ont été abattus par leurs soins, soit dans les environs d'Amiens, soit dans la ville même. Et dans ces notes, 990 ils n'ont pas tout dit : ils nous racontaient, il y a quelques heures, qn’à Querrieux, 35 chevaux, et 18 à Albert, avaient été abattus depuis trois mois pour cause de morve. Ajoutez à ce nombre tous ceux dont les pro- priétaires se défont sans rien dire, et vous serez ef- frayés des progrès du mal. Un homme habile et bien placé pour le savoir, nous disait aussi que dans les relais de poste, la proportion des chevaux morveux, qui était tout au plus du neuvième il y a douze ans, était maintenant du quart au tiers. Si cette proportion continue de croître, et cela doit arriver, si l’on ne prend des mesures rigoureuses, on peut compter qu'a- vant peu d'années, le département ne sera peuplé que de chevaux atteints de la morve. Des faits aussi graves ont éveillé votre sollicitude. Le premier magistrat du département, justement ému de ces révélations auxquelles il assistait, vous a de- mandé un rapport sur cet objet; c’est ce rapport que je vous présente au nom de la commission que vous avez nommée dans votre séance du 30 janvier dernier. Il ne faut pas vous le dissimuler, Messieurs, si l’on ne se hâte, le mal menace de devenir irréparable. Cela tient à ce que depuis trente ans environ, une doctrine funeste s’est fait jour dans la médecine vété- rinaire. Elle a surtout été préconisée par les médeeins vétérinaires attachés à nos régiments de cavalerie : c’est la doctrine de la non contagion de la morve. En vain tous les anciens auteurs, tous ceux qui ont créé chez nous la science vétérinaire, étaient d'accord sur l’exis- tence de cette contagion, tous les faits réunis par une longue et sage expérience furent regardés comme non avenus, tous furent dédaignés, et l’on proelama hau- 7e 198€ tement que tous les anciens s'étaient trompés, qu'il n’y avait pas le moindre danger à réunir les chevaux sains et les chevaux morveux. L'expérience vint bientôt donner un démenti formel a cette théorie. On voulut alors distinguer deux espèces de morve, l’une aigüe, contagieuse, l’autre chronique, non contagieuse. Celle-ci fut comparée à la phtysie pul- monaire, dite tuberculeuse, qui attaque trop souvent l'espèce humaine. Cette comparaison aurait dù éclairer les auteurs de cette nouvelle doctrine. En effet, si la phtysie pul- monaire existe quelquefois long-temps sans devenir mor- telle, dans d’autres cas elle parcourt en quelques mois, et même en quelques semaines, toutes ses périodes ; mais jamais les médecins n’ont pensé à faire deux ma- ladies distinctes de la phtysie aigüe et de la phtysie chronique. Et qui oserait affirmer que la phtysie n'était pas con- tagieuse, lorsque presque tous ceux qui en étaient atteints étaient recus dans des hôpitaux étroits, malsains, placés sur le cours des rivières ; lorsque les malades étaient entassés pêle-méle dans des salles basses, sans air, sans soleil, couchés sans linge, sans vêtemens sur une paille infecte ? N'est-ce pas dans de telles circon- stances qu'ont été rédigés les réglements qui ont dé- fendu de recevoir les phtysiques dans les hôpitaux ? Et aujourd’hui encore, qui oserait sans crainte revêtir tous les jours les habits d’un phtysique, imprégnés de la sueur fétide qu'ils exhalent ? Qui voudrait déposer sur sa peau dépouillée d’épiderme la matière purulente des crachats d’un pulmonique ? Comparez, Messieurs ; =.199 = ne sont-ce pas là cependant les causes ordinaires de la propagation de la morve ? Je l’avouerai, c’est la médecine humaine qui à fait feire fausse route à l’art vétérinaire. Il y a trente ans que l'illustre Broussais vint proclamer ce grand prin- cipe de la médecine actuelle, que l'inflammation était presque la seule cause de toutes nos maladies. Tel est l'esprit de l’homme, qu'il peut rarement rester dans les bornes de la raison. A côté d'une vérité qu'on pro- clame, surgit presque toujours une erreur qui prend racine dans cette vérité même. Les élèves dépassèrent le maître; l'inflammation fut pour eux la cause unique de toutes nos affections. Toutes les causes spéciales furent niées par eux, tous les virus proscrits dans leurs livres; la contagion des dartres, du cancer, de la syphilis, fut déclarée impossible ; la rage elle-même, la rage n'eut plus pour cause un virus particulier; on ne vit plus en elle qu’une affection nerveuse, produit spontané d'une imagination malade et craintive. L'esprit de corps s'en mêla : M. Broussais était médecin mili- taire, tous les médecins militaires le reconnurent pour chef; les vétérinaires de l’armée soumirent à la même impulsion la médecine hippiatrique. Et chose remarquable ! c'est de la même époque que datent les premiers faits qui constatent le danger de la morve communiquée du cheval à l'homme ! En 1810 et 1811, on parle déjà en Allemagne d'ac- cidens graves, d'abcès, d'ulcères, d’écoulement par les narines, de la mort même survenue après l'inoculation à l’homme du pus formé dans la morve chevaline. En 1817, un médecin de Dusseldorf émet pour la première fois l'opinion que la morve du cheval peut se de — 100 — communiquer à l’homme avec des symptômes identiques. En 1821, M. Schilling, de Berlin, démontre la vé- rité de cette opinion par une observation positive. De 1822 à 1833, cette contagion est constatée en Alle- magne, en Italie, à Londres, à Edimbourpg. Malgré cette multiplicité de faits, la vérité ne pé- nètre point en France. La théorie de la non contagion de la morve de cheval à cheval triomphait, lorsqu'en 1837, le docteur Rayer recut à la Charité un malade chez lequel il constata l’existence de la morve. Dans un excellent mémoire lu à l’Académie royale de mé- decine, M. Rayer relata tous les faits antérieurs de morve, bien dûment communiquée du cheval à l’homme. Il montra tous ces accidens survenant chez des palfre- niets, des artistes vétérinaires, des élèves, des mili- taires mis en contact avec des chevaux morveux. Il prouva que dans tous ou presque tous les cas, la ma- ladie s’était terminée par la mort, et que toujours on avait trouvé les mêmes symptômes pendant la vie, les mêmes lésions sur le cadavre. Tantôt par infection, tantôt par inoculation , la morve passait du cheval à l’homme, soit qu'elle fût aigüe, soit qu'elle fût chro- nique. Le farcin lui-même qui, s’il n’est pas identique a la morve, parait lui tenir de si près, le farein fut retrouvé sur l’homme sous ses deux formes, aigüe et chronique. La lecture de ce mémoire exeita de vifs débats au sein de l’Académie de médecine. Des vétérinaires nièrent l'identité des deux affections, attendu que les symptômes étaient plus graves, les lésions beaucoup plus étendues dans l'espèce humaine : comme si une organisation plus riche en filets nerveux et en vaisseaux sanguins ne rendait — 101 — pas compte de ces différences ! comme si, d'ailleurs, en repoussant l'identité absolue, ce n'était pas une chose digne de l’attention des hommes de l’art, et sur- tout des administrateurs, qu’une affection toujours mor- telle communiquée à l’homme par les chevaux morveux. Les opposans disaient encore qu'avant de vouloir démontrer la contagion de la morve du cheval à l’homme, il fallait la démontrer chez les chevaux eux-mêmes ; que celle-ci étant niée, l’autre n’était pas probable. Une réponse décisive leur fut donnée. Le pus pris sur des hommes qu’on disait atteints du farein ou de la morve, inoculé à des chevaux et à des ânes, leur donna la morve et le farcin. Donc les hommes étaient bien réellement atteints de ces deux affections; donc ils les avaient bien prises par le contact des chevaux qui en étaient malades; donc le farcin et la morve étaient contagieux du cheval à l’homme, et à plus forte raison du cheval au cheval. Dés que l'attention des médecins fut portée sur ce point, les faits arrivèrent de toutes parts. MM. Roux, Breschet, Adelon, Husson et beaucoup d’autres, de 1837 à 1840, donnèrent des soins à des hommes at- teints de la morve, tantôt aigue, tantôt chronique, avec ou sans farcin, éclatant toujours chez des hommes ex- posés au contact d'animaux morveux ou farcineux. L'op- position dût se taire devant cette unanimité des faits. Bientôt même le directeur de l’école d’Alfort, d'abord anti-contagioniste, constata cette contagion, non pas seulement sur l’homme, mais sur des moutons. On expérimenta sur d’autres. animaux avec plus ou moins de succès; mais maintenant peu de séances de l'aca- cadémie de médecine se passent sans que des faits — 102 — nouveaux ne vieunent confirmer Ha doctrine de la con- tagion. Ainsi la morve aigue, quelle que soit la forme qu'elle revête, soit pustuleuse, soit gangrèneuse, soit pustu- leuse et gangrèneuse en méme temps, se communique dans l'espèce chevaline, tantôt par infection, tantôt par inoculation : toujours elle cause la mort. La morve chronique, plus lente dans sa marche, quelquefois s’alliant à l'apparence de la santé, finit toujours par produire la mort. Sa contagion moins évidente, n'est pas moins réelle : souvent la forme aigue succède à la forme chronique. Alors la mort est plus prompte et la contagion plus active. Le farcin aigu accompagne presque toujours la morve, mais il peut exister sans elle. Dans Fun et l’autre cas, il est mortel et toujours contagieux. Le farcin chronique peut guérir ; mais le plus souvent il se complique bientôt de morve chronique, et si la forme aigue se déclare, la mort est inévitable. Le farcin chronique est au moins suspect de contagion. La contagion s'opère par inoculation ou par infection : par inoculation, lorsque le pus des ulcérations ou la matière du jettage sont inis en contact, soit avec la peau ulcérée, soit avec la membrane muqueuse de la bouche, du nez, de l'œil ou des parties génitales. Ce pus, ou la matière du jettage, se collent aux murs, aux rateliers, aux auges, aux harnais, à la litière, etc., et reproduisent la maladie. Par infection, lorsque plusieurs chevaux morveux sont réunis dans la même écurie, ou lorsqu'un seul cheval malade se trouve dans une écurie basse, humide, sans air, sans propreté. — 103 — Par l'inoculation, la contagion est à peu près iné- vitable; par l'infection, elle peut échouer : il faut sans doute admettre dans quelques cas la nécessité d’une prédisposition. Alors la morve parait se rapprocher des virus qui attaquent l’homme. Ainsi la teigne , les dartres, le cancer ne se communiquent pas toujours; ainsi la variole se propage presque inévitablement par inocu- lation ; elle épargne quelques individus dans les cas d’in- fection. Ainsi la syphilis n’atteint pas tous les individus qui s'y exposent; et dans un autre ordre de faits, c'est ainsi que le choléra asiatique, ordinairement non con- tagieux, l’est devenu quelquefois dans certaines rues, dans certaines maisons, tant la nature se joue de nos prévisions, de notre science ! Tant elle semble se complaire par ses caprices à rendre inutiles nos efforts pour arracher le voile qui recouvre ses inystères | Toutes les propositions énoncées ci-dessus auraient pu être appuyées des paroles de tous les maitres de l'art, et surtout de faits nombreux et décisifs : j'ai cru de- voir ne vous donner que les résultats de mes con- sciencieuses recherches. Votre commission conclut que les chevaux morveux doivent être abattus promptement, s'ils ont la morve aigue ; si elle est chronique, aussitôt que le mal est irrévocablement constaté ; qu'il doit en être de même des animaux atteints du farcin aigu. 2. Que les chevaux suspects de morve chronique ou atteints de farcin chronique, doivent être sévèrement sequestrés et tenus loin du contact des autres animaux, dans une écurie isolée, saine, sèche, bien aérée ; qu'on doit les éloigner des abreuvoirs publics et des prairies où paissent des animaux non malades. — 10% — 3.° Que tous les harnais qui ont servi aux chevaux abattus doivent être détruits ou désinfectés avec le plus grand soin; que les couvertures, les brosses, étrilles et autres ustensiles, doivent être détruits ou désin- fectés , mais qu'ils ne doivent jamais servir en même temps à un animal sain et à un animal même seulement suspect. La commission vous propose en même temps de de- mander à M. le Préfet : 1.0 Que MM. les maires soient invités à signaler sur le champ la présence dans leur commune d’un cheval atteint ou suspect d’être atteint de morve ou de farcin. 2.0 Que les vétérinaires soient chargés de visiter aussitôt ces animaux et tous ceux de la même com- mune, de faire abattre instantanément ou séparer ceux qu'ils croiraient devoir être isolés ou abattus; de faire brüler ou désinfecter en leur présence les harnais ou ustensiles qui auraient servi aux chevaux abattus; de désinfecter par tous les movens indiqués les écuries où auraient séjourné, même pendant quelques heures seu- lement, les animaux abattus ou des animaux suspects, lorsque dans ces derniers cas, ces écuries doivent re- cevoir de nouveaux habitants. La commission pense encore qu'il serait urgent de faire procéder à une visite générale dans tout le dé- partement, notamment chez les commissionnaires de roulage , dans les auberges de rouliers, etc.; de ne point souffrir que les chevaux de la garnison soient envoyés en cantonnement sans qu'ils aient été préalablement vi- sités par les vétérinaires de la ville, conjointement. avec les médecins-vétérinaires du régiment. 0 — De ne point tolérer la vente des chevaux de réforme, sans une même visite préalable. De défendre expressément de mettre coucher des hommes dans toute écurie où seraient des chevaux atteints de morve et de farcin, ou même soupconnés d'en être atteints. Enfin la commission vous propose encore de prier M. le Préfet de s'entendre avec MM. ses collègues des départemens circonvoisins pour que les mêmes mesures y soient adoptées et exécutées en quelque sorte simul- tanément. Telles sont, Messieurs , les mesures que nous croyons devoir vous proposer; et, nous ne craignons pas de le dire, la moindre hésitation, le moindre retard, peu- vent être funestes. Le mal est immense, il faut des moyens énergiques pour l'arrêter, et ce ne sera point trop de l’action simultanée de tous ceux que nous avons indiqués, pour borner les ravages qu'une erreur fatale, et l’incurie qu'elle a produite, ont fait éclater dans tout le département. nn à PTE mis ot "Shiov tt: sn share! 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Le pinceau à la main , ils préchent d'exemple, une page ainsi écrite , en dit plus qu’un gros livre; mais cette page il faut savoir la lire et même pour la comprendre il faut des études persévérantes , une longue et patiente cbservation de la nature, rapprochée de ses meilleures imitations. Un goût inné , un esprit porté à comparer et à juger, peuvent à défaut de talent donner une certaine expérience, dont il doit être permis, en toute humilité, — 108 — de transmettre les résultats à de plus novices, et leur abréger ainsi des études déjà si longues lorsque la vie est si courte. Les notions élémentaires que j'ai consignées dans cet essai, ne s'adressent ni aux aux artistes , ni aux organisations privilégiées, qui devinent les règles ,. et souvent les transgressent avec l’ascendant du génie ; mais il est une classe nombreuse entre la foule qui regarde et ne voit pas, et les artistes qui créent. C'est celle des amateurs , qu'un goût dominant entraine vers le culte des Beaux-Arts. Nous savons tout ce qu'on a débité sur cette classe des amateurs des beaux-arts , beaucoup ont mérité d’être stigmatisés par le ridicule. C'est lorsque méconnaissant leur infériorité ils affichent une orgueilleuse présomption, s’érigent en maîtres , et croient avoir pénétré dans le sanctuaire, dont ils n’ont pas franchi le pérystile. Mais il est, surtout à notre époque, une foule de bons esprits, que leurs penchants entrainent vers l’art, qui le cultivent moins avec l'espoir d'y exceller, qu'avec le désir de s'initier à ses secrets, et de lutter avec ses difficultés , non pour les vaincre , mais pour en mesurer l'étendue, et pour payer aux artistes qui les ont vaincues le tribut d'une admiration éclairée. Le jugement de tels hommes ne peut être dédaigné des maitres eux-mêmes, car les jugemens du vulgaire ne sauraient intéresser vivement cet amour-propre , ce sentiment dominant qui les soutient et dont les joies les indemnisent de tant d’études , de privations , et souvent d'amères ou d’injustes critiques. ’ Ce n'est pas à dire que la foule soit aveugle ; non, elle a de grands instincts pour les grandes choses , — 109 — qu'elle sait admirer sans se rendre compte. Mais combien d'œuvres dignes d’une haute estime sont in- comprises , combien de ces détails dus à de longues études à un tact exercé, à une grande finesse d'orga- nisation , passent inapperçus sous les yeux du vul- gaire. C’est presque une erreur accréditée, que celle qui n’ac- corde à la peinture du paysage qu’un rang très-secondaire, et tend à la présenter comme un genre facile. On y ren- contre au contraire des difficultés nombreuses quelque fois insurmontables, d'autant plus invincibles qu'il faut souvent renoncer à imiter exactement a nature, à cause de l'insuffisance des moyens , et même de l'effet misérable que produirait l’imitation servile. Les détails d'observation sont immenses. La perspective linéaire est rigoureuse , la perspective aërienne d'autant plus difficile à observer que ses règles qui paraissent plus arbitraires, exige une organisation plus délicate pour en faire l'appli- cation, que l'étude des lignes-dont l'appréciation est plus absolue. IL faut donc s’habituer à observer non-seulement la silhouette des objets mais ieurs rapports de position , les projections , l'intensité de leurs ombres et de leurs lu- mières. Quand on aura prolongé cette étude on verra qu'il y a peu de couleurs absolues dans l’ensemble d’un paysage et que l'effet des tons y est relatif, c'est- à-dire que lappréciation d’un ton ou d'une couleur dépend presque toujours du ton qui l’avoisine. Ainsi après le tracé des lignes et la mise en pers- pective des objets : connaissance que je suppose acquises pour l'étude du dessin, il faut savoir traduire sur la toile la couleur des corps, et ici se présente la solution — 110 — du plus grand problème. Suivra-t-on ses propres ins- tincts, ou s'attachera-t-on à telle on telle école ? La couleur ! voila la pomme de discorde, le sujet le plus controversé , le texte le plus fécond en opi- nions diverses , et dont l'application ouvre un si vaste champ à l'arbitraire. Toute discussion serait éteinte, tout arbitraire serait bani si le peintre pouvait disposer des mêmes moyens que la noture ; il suffirait de les copier fidèlement. Mais l'insuffisance des moyens rend impossible l’imitation rigoureuse de la nature. Uette imitation dont on peut approcher quelques fois dans les ombres, ne peut-être atteinte dans les lumières. Parce que pour faire la lumière nous n'avons que le blanc. Or, le blanc le plus brillant parait gris et lourd comparé aux plus grands clairs qui sont dans la lumière naturelle. Le coloris le plus puis- sant est assurément celui qui est le moins éloigné de l'éclat des clairs et de la force des ombres de la na- ture. Et comme les couleurs que la couleur employe , ne peuvent y atteindre, ou ne produit d'illusion que par la comparaison et les oppositions des tons des cou- leurs entre’eux. L'impuissance d'atteindre à la lumière contraint le peintre à donner aux ombres plus de force qu’elle n'en ont dans la réalité ; car en partant du blanc qui représente la lumière il est forcé de dégrader dans une exacte pro- portion les tons qui suivent ce premier blanc. On ar- rive donc à des ombres plus forcécs que celles du modèle surtout, si depuis les pius grands clairs jus- qu'aux bruns, on a proportionnellement suivi la dis- tance qui existe entre les pouvoirs de la palette et les tons de la nature — Al — Le succès, au moins le succès vulgaire d’un tableau, à part le choix du sujet où la composition, tient plus à l'effet de la couleur qu’à la pureté du dessin. Aussi voyons nous surtout, les efforts de l’école moderne pour arriver à cet effet par lequel on produit une espèce de fascination. Mais là il arrive ce que doit produire dans un art d'imitation l'absence de règle absolue. Le caprice devient la loi si la nature n'est la règle. Celui-ci fait noir pour être vigoureux. Celui-là fait rouge et ardent pour être chaud. Cet autre est tout violet, qui ne vise qu'à être vaporeux, de là les grands écarts dont chaque exposition nous fournit des exemples ; de là ces dissentimens , ces rivalités d'écoles, embrassées avec plus d'ardeurs par les élèves que par les maitres eux-mêmes ; car l’élève n'arrivant pas à la perfection du genre, l’exagère et s’y passionne d’autaut plus qu’il en fait la caricature. Au surplus l'œil n'est pas si difficile à satisfaire, ni tellement amateur du vrai qu'on ne puisse lui plaire, même en le trompant. Il suffit de le tromper habile- ment par un ensemble harmonieux. Un tableau est un petit monde dans lequel il faut chercher a établir l'harmonie que la nature à mise dans le sien. On re- prochera moins au peintre son éloignement de la na- ture , que le désaccord de son tableau. Jai dit qu'il n’y avait pour ainsi dire pas de ton ou de couleurs absolus; mais bien des effets relatifs entre les tons voisins. Il suffit de faire quelques rap- prochements pour s’en convaincre. Mettez en effet au milieu d’un ciel bleu un nuage lumineux du jaune le plus doré, il paraîtra vert. Si vous n'avez rompu le jaune avec du vermillon ou de — 112 — la laque, au point que sur la patélle il paraisse rouge. Tout le monde connaît l'expérience faite devant un corps savant par le négociant de Lyon, qui résolvait le problême des dessins parfaitement blancs sur un fond donné. Jusqu'alors , quelque blanche qu'’ait été la soie, les broderies paraissaient rousses. Enfin on soumet aux regards de l’assemblée un vase brodé en soie dont l'éclat et la blancheur surprennent l'assemblée. Le tour qui était découpé n'avait été que superposé; on l’en- lève. Quel n’est pas l’étonnement des spectateurs ? cette soie dont la blancheur le disputait à la neige était bleue. Sa blancheur éclatante en apparence n'était due qu'au voisinage du fond. Non seulement les couleurs se modifient par leur rapprochement, mais elles laissent dans nos sens une impression qui se prolonge dans le cerveau, même après qu'on les a soustraites à l'œil; de telle sorte, par exemple, que la vue fatiguée par l'aspect d’un objet écarlatte vivement éclairé , est affectée du spectre de l'objet, mais du spectre vert, si on vient à fermer l'œil. Cette vue intérieure a été singulièrement exploitée par un artiste qui, ayant étudié les effets que produisaient dans l'organe, certaines couleurs long- temps regardées, avait peint un ensemble qui au pre- mier coup-d'œil paraissait, par l’étrangeté des couleurs, le résultat du plus bizarre caprice; mais après l'avoir fait regarder fixement pendant un certain temps, ïl invitait le spectateur à fermer l'œil, et celui-ci s’étonnait de conserver dans le cerveau limpression d'une tête harmonieusement colorée; parce qu'à sa vue réelle avait succédé le spectre qui était la conséquence de chacune des couleurs de l’image primitive. — 115 — Je me garderai bien, Messieurs, de vous fatiguer par la lecture des fragmens de l'essai que je soumets à votre jugement, qui ne renferment que des pro- cédés matériels et des observations techniques. Je me bornerai à vous indiquer quelques apercus généraux sur les parties essentielles qui constituent le paysage. Les ciels, les eaux et les arbres doivent être l’objet d'études constantes. La manière de les traiter exerce la plus grande influence sur le succès d’un tableau. Le ciel l'éclaire, les eaux l'animent, les arbres le parent. Mais par combien de persévérance, d’obser- vations minutieuses et prolongées faut-il acheter un talent, même médiocre, pour représenter ces objets. Toute la lumière d'un tableau procède du ciel; il colore les objets, ïl teint les eaux; il frappe et préoccupe la vue avant tout autre détail. Le choix d'un ciel est donc d’une haute importance. Mais malgré l'admiration qui nous saisit à l’aspect des couleurs pures ct brillantes d'un soleil levant ou des tons ardens et variés dont le ciel se pare au coucher de cet astre; il faut se garder de se laisser séduire par les ravis- santes impressions qui nous pénètrent. Il faut renoncer à l'impossible pour approcher du vrai et bien com- prendre que le sort d’Îcare est réservé à qui veut représenter le soleil. D'ailleurs si vous jetez tout le fracas de la palette dans le ciel, que restera-t-il pour le paysage? comment y ramènerez-vous l'attention ? quels effets pourrez-vous produire qui ne soient com- plètement effacés par le ciel ? Le genre qui admet le ciel le plus brillant est sans contredit la marine, parce que les eaux font contraste ou sont le miroir du ciel, et peuvent lutter avec lui d'éclat et d'accidents. 8. — 114 — Les eaux, par leur brillant et leur transparence en opposition avec l'opacité des terreins, sont destinées à jouer un grand rôle dans les compositions des paysages ; elles sont ou stagnantes ou précipitées en cascades, ou agitées par les vents. De toutes les eaux qui peuvent orner le paysage de terre ferme, celles qui demandent le plus de soin sont les cascades, tant par la courbe qu'elles décrivent que par les tons brillans, pleins ou vaporeux qu'elles présentent dans leur chûte. Le mouvement de chüte doit être bien étudié. La longueur , la masse, la vitesse du jet, la hauteur dont il tombe, sa force de projection au moment où il se précipite dans l’espace sont autant de causes qui mo- difient la courbe décrite. Et comme indépendamment des notions scientifiques , il y a chez les bonnes orga- nisations un instinct des lois de la nature; on s'aper- coit au premier coup-d'œil si l’eau tombe naturelle - ment. Plus le jet tombe de haut, plus il blanchit, plus aussi le blanc doit dominer dans les parties qui s’é- loignent du seuil de la chute. Si cette chute a lieu sur un plan incliné, l’eau conservera, suivant l’épais- seur de la nappe, la teinte de la masse, c'est à-dire un vert transparent, jusque presque au pied du saut parcouru. Mais là, l'eau brisée éclatera en masses blanches et bondissantes, ou en jets brillants formés des parties superficielles détachées par des obstacles fortuits; ces mouvements sont d'autant plus difficiles à rendre qu'ils sont fugitifs et rapides. Le ton fonda- mental doit être conservé presque partout et le blanc des bouillonnements touché à la brosse ferme et re- — 15 — haussé de petites retouches fines sur les parties qui refléchissent plus vivement la lumière. La partie bru- meuse, quand la chute est assez haute pour produire, cet effet, doit être un frottis leger, dégradé et affaibli sur les objets voisins, peints d'abord dans leur ton naturel, après la première résistance du sol horisontal, et tout le fracas causé par le poids des obstacles in- vincibles. L'eau long-temps émue et troublée encore prend un cours qui doit conserver un mouvement bien senti de la direction qu'elle adopte, ou que les obstacles qu'elle a franchi lui ont imposée. Cette pro- jection doit être bien sentie, et si, dans sa nouvelle course , elle rencontre quelque rive qui la repousse et la renvoie pour ainsi dire sur elle-même, il faut en profiter et ne pas négliger cet heureux hasard. Mais quelles que soient les difficultés qu'offre une cascade monotone dans sa direction constante qui, mue par la même force et la même cause doit reproduire si sou- vent les mêmes accidents qu'on finit par les apprendre? que sont, disons-nous, ces difficultés, auprès de l’é- tude décourageante des mille caprices de la vague océanique aux prises avec la tempête? et peut-être encore les plus grandes fureurs de la mer ne sont- elles pas les plus difficiles à exprimer. La vague qui s'arrondit et se brise sur la grève, tient de la cascade par la même forme qu'elle affecte, par les longs filets circulaires, dont est strié son dos voté. Mais où la patience des peintres doit être sans bornes, c'est dans l'étude de ces nappes miroitantes, de ces résaux bril- lants et capricieux qui s'étendent entre les vagues sous l'influence d’une brise moyenne; quand celle-ci, jouant pour ainsi dire avec la molle élasticité de l'élément 8 — 116 — liquide, semble ne la soulever un moment, que pour l'abandonner ensuite à sa pesanteur naturelle, et ces découpures légères et variées, ces pointes aiguës, ces échancrures profondes, ces lames tranchantes, toujours transparentes vers leur sommet, et transparentes en- core , mais d’une autre transparence dans leurs bases, sillonnées le long de leurs flancs par des filets noirs ou lumineux. Une telle nature frappée d'immobilité se- rait déjà une étude redoutable, mais animée de la vie, du mouvement, de la turbulance, c'est à y re- noncer, et cependant sous les pinceaux habiles des Ver- net, des Gudin, des Tanneur, des Garnerey, des Perrot, nous avons vu ces formes capricieuses et fugitives, ces effets imprévus, ces scintillements lumineux et rapides qui semblaient jeter un défi aux artistes, en se fixant sur la toile, comme si un froid intense les eut tout- à-coup solidifiés, attester le triomphe de l'étude et la puissance de l’art. SOUVENIRS DU THÉATRE - FRANÇAIS, Par M. COUTURE, Père. € D — M.'': Mars. Mademuiselle Mars, dont la retraite a eu lieu au mois d'avril 1841, a été pendant quarante ans l’ac- trice la plus parfaite qui ait paru sur le Théâtre- Français. Je ne crains pas d’embrasser le passé tout entier dans mon jugement, et pour cette actrice seule, seule, je me permets cette assurance et cette tran- chante affirmation. Quel autre acteur fut sans défaut quelconque? Quel défaut eut mademoiselle Mars, pen- dant cette période de succès et de supériorité? Sa taille était justement ce qu'elle devait être pour son emploi soit d’ingénuité, soit de jeune premiére, soit de jeune femme, soit de jeune veuve. Pour les grandes coquettes seulement, l'ampleur manquait au corps et aux moyens; et pour que les amateurs TS se confirmassent dans cette opinion, il a suffi que leur favorite essayat, après mademoiselle Contat, quelques uns de ses grands rôles; et encore couvenaient-ils que dans la Célimène du Misanthrope, son talent était si plein et si complet, surtout dans sa scène avec Arsi- noé, que par autre personne au monde le rôle n'au- rait pu être mieux joué. La tête de mademoiselle Mars, qui n'eùt pas été moins bien sur le col d’une femme plus grande, rece- vait une singulière lumière de l'éclat de son grand œil et de la blancheur des dents qui ornaient une bouche bien conformée, ni grande, ce qui eùt été facheux, ni petite, ce qui eût été un inconvénient, car rien ne nuit à l'expression de la physionomie comme une bouche en bouton, quand tout le reste du vi- sage est richement épanoui. Or, mademoiselle Mars a le front, les yeux, le nez et les joues dans les pro- portions d’un dessin large et régulier. On sait quelle grâce a toujours accompagné ses mouvements, ses poses, toute son action, et que cette grace était d'autant plus légère et fine que son charme se répandait purement et naturellement, comme l’eau limpide sort de sa source, s'écoule sans guide et s'épanche sans bruit. Mais le don de nature par excellence qui commu- niqua une valeur inexprimable à tous les autres dons accordés à mademoiselle Mars, ce fut sa voix, ce fut son organe enchanteur. Get organe était, est encore plein, doux, flexible, harmonieux. De là d’abord cette prononciation si chère au public. Cet instrument a rendu d'immenses services à l'actrice elle-même : celle-ci s'est montrée envers Jui sensible et reconnaissante, car elle — 119 — le ménage et le caresse pour ainsi dire, en en usant avec une discrétion admirable; ne se forçant jamais, jamais, même sous le feu des passions, et n'en atten- dant que ce qu'il peut produire sans se nuire et même se fatiguer. Dans cet organe, mademoiselle Mars trouve de l'âme pour émouvoir parce qu'il a de l'accent qui est une puissance; elle y trouve de la fermeté et de la précision quand elle en a besoin; de la candeur et de la naïveté parce qu'il est frais, jeune et doux, et cependant elle en tire aussi le trait et la blessure qu'il fait, quand il s’agit de se défendre d'une atta- que et de renvoyer vertement à l'ennemi l'injure qu'elle en reçoit. Demandez-le à Arsinoé. C'est à cet organe, à l'emploi de ses sons et in- flexions ; c'est à la liaison intime de la voix avec les intentions que mademoiselle Mars doit cette diction, qui est aussi juste et aussi suave que le chant de ma- dame Cinti-Damoreau. Mais ces intentions elles-mêmes viennent de quelque part, et c'est par elles que se révèlent son inteiligence dramatique, son aptitude à saisir le rôle et tout ce qu'il y a dans le rôle; son tact pour être dans les situations au degré de leur température, si je puis parler ainsi, ni en decà, ni au-delà ; et encore le goùt exquis qui lui fait éviter soit les saillies, suit les écarts d'une imagination mal disciplinée, et règle son action selon les convenances de position et d'éducation du personnage qu'elle re- présente. C'est ainsi qu'elle charmait dans les ingé- nuités par son innocence, dans les amoureuses par sa décence, et dans les jeunes femmes par sa délicatesse dans le sentiment et sa pudique mesure dans les ma- nières. A ce dernier égard il est encore temps d'aller ad- mirer mademoiselle Mars dans la comédie du Tartufe. Certes Molière a été loin, même pour son temps, quand il a placé madame Orgon dans la situation que l’on sait, sous les yeux du public. Qui ne l’éprouve à la représentation? Il est vrai que madame Orgon se prête à un stratagème ; que le piége tendu à Tar- tufe a été concerté avec Orgon ; que celui-ci est là, et que s’il ne voit, il entend; mais ce qui n'est pas moins vrai, c'est que par la scène entière, l'honnêteté de la femme est assez tourmentée, et la dignité de l'épouse assez abaissée pour qu'une mère ne puisse al- ler, accompagnée de sa fille, à un pareil spectacle. Quelles que soient les libertés du jour, il y a gêne et ma- laise dans le public, et lorsque Tartufe va prendre ses süretés en explorant les dehors de l'appartement, il est peu de spectatrices qui ne songent pas à se ré- fugier sous l'éventail. Le rôle est donc une difficulté réelle et mademoi- selle Mars ne l'ignorait pas, puisqu'elle appelait à son aide toutes les ressources de son talent. Elle ne né- gligeait rien pour sa défense : elle marquait sa répugnance pour l'emploi du moyen; la résolution étant acceptée par elle comme une dure nécessité, on voyait tout l'embarras qu'elle lui causait; elle se montrait violentée et humiliée. Le moment ar- rivait pour elle, d'être seule volontairement avec Île pervers qu'elle évitait avant si chastement : elle était là, la pauvre dame! pour redonner confiance à une convoitise que l’impétuosité de son beau-fils avait dé- concertée. C'était dans ses mains qu'était remis le soin de substituer l’amorce au dédain et de conduire per- — 121 — fidement le traitre à sa perte... . Quelle besogne pour une femme à qui l'honneur et la bonne foi sont chers! Mademoiselle Mars exprimait son embarras et son dégoût de mille manières différentes; et puis, quand arrivait l'audace qu'elle avait encourue, et le risque imminent de sa personne après l'abandon si- mulé de sa vertu, son tourment était dans sa voix, sa détresse dans ses regards vers la table au tapis vert; et sur son front pàle de frayeur, on voyait monter la rougeur de la colère, parce qu'Orgon ne son- nait mot, quelque chose qu'il entendit; et aussi Îles chaleurs de lindignation, parce qu'il était affreux pour elle qu’un mari demeurât tapis et immobile tandis qu'il était tenu au courant, seconde par seconde, du danger que son incurable prévention pour un misérable faisait courir à sa femme. Qu’elle était amère, mademoiselle Mars, au moment où Orgon, se montrant enfin, elle lui disait, les lè- vres frémissantes : Quoi! vous sortez si tôt! Vous vous moquez des gens : Rentrez sous le tapis, il n’est pas encor temps. Attendez jusqu’au bout, pour voir les choses sûres, Et ne vous fiez pas aux simples conjectures. Je ferais une folie si je me donnais la tâche de rap- peler notre charmante artiste dans tous ses roles. Qui ne la sait par cœur dans Suzanne du Mariage de Fi- garo, où elle péchait par plus de déceuce que n'en comportait l'ouvrage ; dans l'Épreuve Nouvelle, je crois; dans les Fausses Confidences, la Feinte par Amour, les Fausses Infidélites, le Jeu de l'Amour et du Hasard, — 122 — le Legs, la Gageure Imprévue, etc.; et au nouveau répertoire, la Jeunesse de Henri VW, l'École des Vieil- lards, Valérie, le Bal Masqué, et plusieurs autres dont les destinées lui ont été si heureusement confiées ! Mais pour moi qui puis, par cette longue chaine de brillants succès, remonter jusques aux premiers an- neaux qui datent de sa jeunesse et de la mienne, je demanderai à mademoiselle Mars si elle se souvient d'elle-même. dans le Bourru Bienfaisant, scène var du premier acte : « Approchez. — Monsieur. — Com- ment voulez-vous que je vous entende si vous êtes à une lieue de moi. — Excusez, Monsieur. — Qu'’avez- vous à me dire? — Marton ne vous a-t-elle pas dit quelque chose! — Venez ici: ne voudriez- vous pas vous marier? — Monsieur. — Oui ou non. — Si vous vouliez... — Oui ou non? — Mais... oui. » Comme tout cela était tremblé, bien simple, et dans la na- ture d’une bonne petite fille! Et dans le drame du Philosophe sans le savoir, ne suivait—on pas cette pièce de Sedaine pour Victorine, pour la fille d'Antoine, pour mademoiselle Mars toute seule? Quelle scène pour elle et pour ses enfantillages où, sans qu'elle s'en doutàt, son cœur était intéressé, quand Vanderck fils lui confiait sa montre à répéti- tion, enrichie de diamants, vraiment! pour vingt-quatre heures, mais sous la condition qu’elle ne la rendrait qu'à lui! La chère petite n'entendait rien à cela, car Île fils de la maison, en lui donnant ce témoignage de con- fiance ou plutot de tendre affection, ne la mettait pas dans le secret d'une absence qu'un duel rendait né- cessaire, et rendrait peut-être éternelle. — 123 — Mais arrive le moment où Victorine à l'oreille frap- pée de ces mots échappés à son père : « Mort! mort! — Mort! s'écrie-t-elle, eh! qui donc? qui donc? — Que voulez-vous, Victorine? dit M. Vanderck père. — Monsieur, on va servir. — Faites, Victorine, que ma- dame ne s’aperçoive pas de mon absence, je serai peut-être... Mais vous pleurez. -— Mort! Et qui donc? — Monsieur votre fils? — Victorine? — J'y vais, Mon- sieur. Non, je ne pleurerai pas, je ne pleurerai pas... » Pauvre enfant, quelle était sa souffrance, et quelle était son obéissance ! Je n'ai jamais vu rien de plus pathétique que cette huitième scène du dernier acte. pas un cri pour cela, pas un geste; c'était quelques mots brisés par la douleur dans la bouche d'une ingé- nue. C'était peu de chose, c'était deux minutes, un éclair traversant un nuage pendant un orage de fa- mille. «Je ne pleurerai pas, je ne pleurerai pas ..» Mais, mon Dieu, c'était cent fois plus déchirant que des pleurs , cette promesse poignante de n’en pas verser. Au reste, le public n'entrait pour rien dans cet engagement, car tous les visages étaient baignés de larmes. La belle chose qu'un aussi beau talent! J'écris ces lignes le 15 novembre 1840, et hier 14, je voyais mademoiselle Mars pour la dernière fois peut-être , dans le Misanthrope et dans la Gageure Imprévue. Cé- limêne était couverte de diamants de la tête aux pieds ; ce ne fut pas l'habit qui jeta le plus d'éclat; dans la Gageure, elle me parut ce qu'elle y fut toujours, ac- trice accomplie. Il y eut bien du mérite en elle, car pour ces mille riens que le bon goût et les belles manières font valoir, elle avait, trente ans plus tôt, — 124 — l’aide d’un accord et d’un ensemble de talents qui, n'en déplaise à qui que ce soit, lui font défaut au- jourd'hui. J'étais placé à l'orchestre, entre deux mes- sieurs de fort bonne mine. L'un me disait qu'il arri- vait de Suisse, pour ny pas mourir sans avoir vu mademoiselle Mars; l’autre, qu'il était temps, car, née en 1775, mademoiselle Mars, à l'heure qu'il est, à plus de soixante-deux ans. Eh bien! que les jeunes actrices n'oublient pas que c'était en parlant comme on parle dans un salon, que mademoiselle Mars produisait ces effets. Jamais de dé- clamation , de eris, d'efforts, d'affectation : la nature, soignée dans ses œuvres sans doute, mais toujours la nature, c'est à dire le premier et le dernier terme de l’art de limitation. Il faudrait plus de science et une autre plume pour rendre à mademoiselle Mars une complète justice. Mon article servira-t-il à quelqae chose? plus tard, peut- être. .... Mais, pour le monde d'aujourd'hui, je ne dis que ce qu'il sait comme moi, si ce nest mieux que moi. T'alma. Pendant les vingt dernières années de sa vie d'acteur. TazmAa a été l'objet de l'admiration des nationaux et des étrangers. Il ÿ a maintenant un bien petit nom- bre d'amateurs qui puissent, comme moi, remonter par leurs souvenirs aux débuts de Talma. La première fois que je le vis, il y a de cela près de cinquante ans , il jouait le jeune rôte de Gusman dans — 1925 — Alzire , et, si ma mémoire me sert bien, c'était Gra- mont de Rozelli qui était chargé du personnage de Za- more. La voix sourde de Talma se trainait assez pesamment alors ; il était déclamateur à la manière de cette époque , et surtout monotone dans les longues tirades ; son organe avait besoin d'être allégé et assoupli par l'exercice incessant qu'il lui opposa comme le moyen de le réduire à une docilité qui ne lui était pas natu- relle. Je remarquai dès-lors que tandis que le péru- vien Zamore était ridiculement empanaché , Talma portait avec goût un habit espagnol riche, mais simple et favorable à sa taille moyenne. Je remarquai aussi que la voix de Gusman , qui m'avait fatigué pendant les fureurs de sa jalousie, m'avait flaitté l'oreille ct touché le cœur , lorsque, frappé par Zamore et excité à la vengeance, ou plutôt à faire justice, car il était gouverneur , ce prince tournait son regard mourant vers la clémence, et offrait avec douceur à son assas- sin le pardon du chrétien. J'ai dit alors que ce jeune homme était tout-à-fait dans le vrai quand il se bornait à parler ; qu'il aper- cevrait cet effet là, et que le jour n'était pas éloigné où il parlerait comme le fait un roi dans son palais ou un général dans son camp , et laisserait là la dé- pouille du comédien s’eloignant de la nature pour enfler ses poumons sur un théâtre. Je revis Talma à quelque temps de là, c'était au mois de janvier 1795. De l’armée du Nord je me ren- dais à Rennes avec le général dont j'étais l’aide-de- camp. Passant quelques jours à Paris, j'allai au spec- tacle, ct c'était le Timoléon de Chénier que l’on jouoit. Je me tromperais sur le titre si dans Timoléon il n'y — 126 — a pas une délibération, car ce fut dans une scène de ce genre que Talma , parlant à son tour, fixa mon at- tention et me surprit par l'étrangeté de sa manière ; c'était comme une protestation brusque et heurtée contre l'affectation des préopinans ; et quant à la ques- tion controversée , sa discussion fut vive, libre et évi- demment républicaine. Lorsque cet acteur se fut assis après s'être rapidement drapé, je demandai à un mi- litaire qui était près de moi: « Citoyen, quel est cet acteur? — Comment, » me répondit-il en haussant l’é- paule , tu ne le connais pas ? c'est Talma... Qui veux- tu done que ce soit?...» Oh! c'était du progrès déjà, et j'emportai de Paris, en m'en éloignant le lendemain, la conviction qu'il y avait tout un grand avenir dans la boutade que je venais d'entendre. Deux ans plus tard, l'estime du public avait grandi avec le talent de l’actenr; il avait tenu les promesses de Charles IX! Dans cette tragédie, Talma avait révélé pour la pre- mière fois le don tout particulier qu'il avait recu de la nature, de reproduire avec une étonnante vérité les caractères faibles et irrésolus qui font le bien ou le mal selon l'impulsion qui leur est donnée. Tel était bien dans cette pièce le fils de Henri Il, nourri par sa mère dans la crainte des protestants, et familiarisé par le cardinal de Lorraine avec la pensée que sil n'abattait d’un seul coup les ennemis de sa religion , sa foi, tout l'Etat, sa famille et lui-même périraient par eux; le jeune roi croit à la réalité et à l'immi- nence du danger, mais l'horreur du moyen d'y échap- per le retient sur le bord de l'abime. C'est dans ce combat que Talma , heurté de ça et de là par des — 127 — émotions contraires , les faisait si intimement partager par le public, qu'objet misérable de la haine du spec- tateur, mais aussi de sa pitié , il mourait dans la tra- gédie, comme daus l'histoire, en expiation d'une cruauté qui n'avait pas été évidemment la sienne. Il fallait, comme je l'ai dit, un talent tout particulier pour exciter ces mouvemens divers, et ce talent était extraordinaire dans Talma. C'est au inême point de vue quil était admiré dans Macbeth et dans Manlius-Capitolinus. Dans le premier de ces drames , l’amour du pouvoir, l'espérance de réguer sont inspirés à Macbeth par son ambitieuse épouse. On voyait l'acteur fléchir progressivement sous la main forte qui pesait sur sa faiblesse. Cependant il se haissait parce qu'il était ingrat, avide d’un reste de sang royal , lui sujet! Sa femme, le menaçant, le pousse au crime; la victime, lui souriant sous son propre toit, ce jour, comme la veille, comme ton- jours , l’arrête , et il lui semble qu’une main défail- lante cherche la sienne pour en faire tomber un poignard... Cette lutte entière et ses divers accidens étaient en action sur la figure de Talma : les alterna- tives du combat s'y démélaient sans peine et sans qu'il dit un mot; seulement pendant l'attention qu'il prétait à Frédégonde , sa contention d'esprit était si forte, ses nerfs si tendus, et sa puissance physique si évidem- ment excédée par l'épreuve à laquelle son triste cœur était soumis, que son cou était gonflé, ses yeux pleins de sang , et que la sueur inondait son visage. Dans Manhus , c'était encore de la faiblesse, mais une autre faiblesse, celle de l'amitié. — 128 — Talma, bien moins accablé par les reproches de Rutile, encore quil se füt envers lui porté le garant de Servilius, que par l'ignominie encourue par l'objet de sa tendre affection , entrait en scène, au quatrième acte, dans un état déplorable : tout son corps était affaissé sous le poids de cette simple lettre dont il était armé ; arrivé péniblement à peu de distance de Ser- vilius, les veux baissés vers cette terre qui les porte encore l’un et l’autre , il lui tend la main qui tient la preuve, et lui dit : Lis : l’'observe en frémissant , et lui dit encore : Qu’en dis-tu ? Il n'était pas un cœur de spectateur que les traits de l'acteur ne perçassent; mais ce qui pouvait échap- per à quelques-uns, ce qui, pour d'autres, comme pour moi, était le sublime de ce peintre des cœurs faibles et subjugués, c'était le mouvement machinal de Manlius vers son ami d'hier ; cette prière, hautaine sur les lèvres, mais suppliante dans les regards, qu'il lui adressait d'essayer une justification quelconque ; cette main caressante qu'il portait d’abord sur ses vé- temens, après sur son bras, enfin sur sa poitrine, comme s'il voulait s'assurer que le cœur du malheu- reux battait autant que son propre cœur gémissait pour leur ancienne et impérissable amitié. Que cela était beau ! C'était dans ces admirables momens que Talma dé- — 129 — ployait ce talent qui, dans cette partie de son art, en à fait l'acteur le plus complet et le plus vrai que l’on ait jamais vu. Les personnes qu'il a ættachées à ses représentations ont sans doute remarqué que si le langage de l'amour ng était une difficulté pour lui, rien ne lui était naturel, doux et facile comme celui de l'amitié. de viens de citer Manlius , mais qui ne se souvient d'Oreste près de Pilade , d'Horace pour ses frères, du Grand-Maitre au milieu de ses templiers ? Dans Talma , l'héroïisme proprement dit manquait de l'élan et de l'éclat qui lui sont propres. Les hommes au coup-d’œil juste ont aperçu cela quand il joua l’Achille de Racine et le Cid de Corneille, La franchise chevaleresque n'était pas plus favorable à ses moyens, surtout quand la vaillance protégeait une femme ado- rée. Cette insouciance pour sa propre vie avec cet at- tachement à l'existence d’une amante ; ce gai courage avec cette tendresse et ces langueurs ; enfin cette de- vise : « Tout honneur et tout amour : » tout cela n'é- tait qu'illusion pour cet acteur, né avec la révolution française, aguerri aux réalités de ce temps , et avide d'éprouver et de transmettre sur la scène les émotions qui avaient assailli son âme de vingt ans. C'était pour Shakespeare, pour Ducis, pour Crébillon , que Talma était appelé. Il se jugea, retrancha successivement de son répertoire les deux héros déjà nommés , Bayard, Vendôme, Tancrède, Orosmane et aussi le Mahomet de Voltaire, l’un des grands rôles de Lekain , encore que ce personnage füt composé dans des conditions qui parussent convenir à Talma. Les tragédies qu'il faut nommer à sa gloire sont : 4 180 — Britannicus, Épicharis et Néron, Agamemnon , Andro- maque, les Horaces , Nicomède , Cinna , Venceslas, la Mort d'Abel, les Templiers, Athalie, Radamiste et Zénobie, Hamlet, Othello, Macbeth , Coriolan, Manlius, et, pour l'honneur de ses dernières années, Sylla, Léonidas, et Charles VI. Loin de moi la vaine prétention de réveiller les sen- timents excités par Talma dans tant de rôles divers. Je hasarde beaucoup en me permettant de parler en- core de quelques-uns de ses succès. Quelques personnes , et parmi elles Napoléon, ont pensé que Talma était trop impératif lors de son entrée en scène dans la tragédie de Britannicus , donnant pour raison qu'à cette première époque de son règne , Néron dissimulait encore ; mais d'autres per- sonnes , et je suis de celles-ci, ont trouvé cet em- portement naturel dans Néron, méme alors, parce qu'il est jeune, parce qu'il a le despotisme au cœur, parce qu'il est amoureux, parce qu'il est jaloux , parce qu'il est irrité et poussé à bout par les prétentions de sa mére et ses intellisences avec Pallas, parce qu'il est nature qu’un caractère violent éclate et que la passion rompe les digues de la prudence lorsque tant de causes impulsives y concourent à la fois. Du reste, le role entier était supérieurement joué, et l’on attendra long-temps un acteur qui sache écou- ter Agrippine comme l’écoutait Talma ; qui secoue le joug de la contrainte aussi àprement qu'il le faisait dans ses scènes avec Burrhus ; qui écrase Britannicus d'autant de jalousie dans leur querelle pour Junie , et dans le fameux Souhaitez-la... C'est tout ce que je vous puis dire, — 131 — et qui s'empare avec une joie aussi horrible du poison qui lui est préparé par Narcisse dans ses affreux con- seils. Dans Oreste, soit en Tauride , soit en Epire, Talma était la personnification du malheur inévitable, de la fatalité des anciens au plus haut degré. Comme son sort déplorable était écrit dans tous ses traits, lorsque, dans Îa première de ces tragédies, il faisait son entrée , essayant de se fuir et agitant les chaînes dont il était chargé! Comme, dans Andromaque , il glaçait le public d'effroi, lorsque , repoussé par Hermione pour le meurtre qu'elle vient de lui faire commettre , il de- vient fou de surprise, cherche à s’affermir sur le sol qui tremble sous ses pieds, s'affaisse sous lui-même parce que le coup est trop imprévu, trop rude pour ses forces ; et , dans cette attitude que je ne sais comment peindre, il laisse tomber une à une ces paroles : Quoi ! ne m'avez vous pas Vous même, ici... tantôt... ordonné son trepas ? Talma n'était-1l pas déchirant quand il dechirait ces vers Et quand je l’ai servie, Elle mé redemande et son sang et sa vie ? N'était-il pas effrayant comme un être maudit, quand il disait au ciel qu'il lui rendait sa grâce de sa per- sévérance; comme un spectre lorsque , descendant aux enfers, 1l s’'écriait : Mt Eh quoi ! Pyrrhus, je te rencontre encore : Trouverai-je partout un rival que j’abhorre. 97 — 132 — Quel désespoir dans ce partout! et dans quel état étaient ses nerfs (et les miens) après cette scène, dite des Fureurs d’Oreste ! Tous ces grands effets dans ces diverses pièces, aux- quelles j'ajouterai Hamlet et Rhadamiste où Talma était à la même hauteur (qui ne frémit encore en se rap- pelant le cinquième acte d'Hamlet ? ) ce tragédien les avait produits dans la verdeur et la virilité de son talent ; mais plus tard, et dans sa maturité, il se montra supérieur à lui-même par une espèce de transformation qui n'échappa point au public, que ce grand acteur éclaira lui-même sur les progrès dont son art était susceptible , progrès dont la marche ascendante s'est appuyée sur une énergie inépuisable pour arriver à une simplicité inimitable. C'était, pour parler à la manière de Pascal, fenir les deux bouts et remplir tout l'intertalle de l’un à l’autre. Talma , je l'ai vu , a essayé son œuvre de progrès dans les rôles qui étaient de l’emploi des pères nobles : Auguste de Cinna, le Grand-Maitre des Templiers, Joad dans Athalie. Cette œuvre, ainsi essayée d’abord, a été atteinte dans Sylla, et surtout dans Charles VT; et il a été écrit quelque part, qu'au jugement porté par Talma, peu de temps avant sa mort, il lui eut fallu quelques années encore pour la perfection qu'il désirait, parce que, disait-il, le fruit recueilli de ses dernières études vers son but , lui avait donné la con- fiance de ce qu'il lui était possible d'acquérir encore. A son génie seul pouvait apparaître une conquête à faire. Dans le rôle de Jacques de Molai, il restait au sein de l'orage , maitre de la position qui lui était faite ; — 133 — défendant son ordre contre Philippe, avec calme et noblesse ; protégeant ses chevaliers sans qu'il parût que le danger füt pour lui comme pour eux; faisant tête au pouvoir qui est conseillé de les écraser tous ; résis- tant à ce qu'il appelle une oppression, mais ne bra- vant pas ses ennemis ; ne prétendant se montrer supé- rieur qu'à la crainte du supplice ; tendre pour Marigny, affectueux pour tous ses autres camarades, fier de les commander encore en marchant à la mort, simple pendant toute l’action, sublime par cette simplicité. Dans Joad, l'acteur rayonnait des élans divins qu'il puisait dans sa foi et dans sa mission. Lorsque Dieu , par la bouche du grand-prêtre, an- nonçait sa volonté sainte, tout le corps de l'acteur tremblait, et à cette agitation universelle on voyait que ses forces ne suflisaient pas pour recevoir , sans ébranlement , l'inspiration qui le remplissait de courage et de reconnaissance. Discrétion et bonté pour Abner, mépris et réprobation pour Mathan, résistance aux ordres d’Athalie , et résolution de la combattre au besoin ; ses lévites, sa famille , sa vie à son roi, sa religion et son Dieu : tout cela était dans le magni- fique caractère de Joad, et tout Joad était dans Talma, dans sa force, dans sa vérité. Ce rôle, par cela même que l’auteur doit le rendre comme il plait au Dieu qui l'inspire, n'avait pas été calculé par Talma , il avait renoncé , disait-il, à convenir de son exécution avec lui-même ; aussi, à chaque représen- tation , je l’atteste , car j'en ai vu trois, c'était une autre œuvre, des eflets inattendus , et des applaudis- semens enlevés par des éclairs de génie, frappant, pour la première fois, l'œil, l'oreille et le cœur ; c'é- — 131 — tait encore saisissant, mais autrement que la veille. Que dirais-je de Sylla et de Charles VI? ou plutôt qui eroira que moi, habitant de Paris, et avide, comme on le sait maintenant , de ce genre de jouissance, je n'ai vu ni l’une ni l'autre de ces tragédies! Pour Charles VIT, j'attendais, j'attendais, je croyais avoir du temps devant moi, et ne m'imaginais pas qu'avec autant de génie on püt être malade et mourir comme un autre homme. Voici donc, ne sachant rien autre chose, ce qu'il y a trois mois (août 1840) racontait madame Paradol , sur ja dernière représentation de Charles VIT, par Talma. « Cet acteur venait de perdre une personne à laquelle il était fort attaché, il se trouvait donc, en jouant Charles VI, disposé à l’attendrissement : blessure nou- velle saigne aisément. Au moment où un accès de sa folie saisissant ce malheureux roi, il demande ses enfans, le cœur et la voix de Talma se brisèrent de telle sorte , que la raison des spectateurs ne put tenir ferme en présence des égaremens de la sienne. Les personnes en scène avec lui se trouvèrent incapables de mou- vement, de se rappeler quoi que ce soit, de dire un mot. Nous nous regardämes, disait madame Paradol , nous ne vimes que des larmes dans nos yeux ; et pen- sant que le public était aussi peu en état de nous entendre que nous l’étions de parler devant lui, nous le saluàmes en silence et nous retiràämes de même. » Quelle couronne sur le front du grand acteur, lui eût valu ce respect du silence ? Avant de terminer cet article, trop long peut-être, je dois dire pour les lecieurs qui n'ont pas vu Talma, que cet acteur était d’une taille moyenne, que ses — 135 — membres étaient bien attachés , sa tête belle, héroïque et étonnamment tragique ; qu'il y avait dans ses yeux, à vue courte, je ne sais quel vague qui ajoutait au désordre de ses traits qaand la passion les altérait. Ses poses étaient remarquables, ses jambes un peu arquées et son pied assis en dedans ; ses gestes étaient courts, rares , jamais inutiles, et il y avait un inexprimable langage dans le jeu des lèvres et de la bouche. Il faut savoir aussi que ce fut Talma qui introduisit la vérité historique des vêtemens, qu'ils favorisassent ou non sa taille ou sa figure, et qu'enfin de tout ce que je viens de dire sur cet artiste, dont le nom restera au théâtre , comme le nom de Lekain, c'est que sa vie entière fut une démonstration en action de l'excellence du talent quand il a pour but la vérité, et pour objet d’étude et de perfection , la nature. M.ll: Raucourt. Mademoiselle RAucouRT s’est présentée à la scène francaise avec des garanties de succés. Je ne l'y ai pas connue dans sa jeunesse; quand je la vis, cette actrice était dans la force de l’âge et du talent, et, jusques à sa retraite, elle conserva sa haute stature, ce beau corps plein, sans pesanteur, auquel étaient attachés des bras ronds et une main petite et légère, tandis que, sous la tunique et ornés du cothurne, se faisaient remarquer une jambe grà- cieuse et un pied presque mignon, support trop délicat peut-être d’un ensemble mâle et majestueux. — 136 — Sur un col bien détaché des épaules, mademoiselle Raucourt portait haute, mais sans affectation ni raideur, une tête expressive, héroïque, à laquelle on eüt dé- siré un œil plus grand et moins enchàässé sous le sourcil, si l’on eùt ignoré que dans un visage con- formé comme le sien, la coupe antique qui s’y recon- naissait, n'admettait guëères d’autres yeux. Sa voix n'était ni légère ni timbrée. Celle qu’elle tenait de son organisation était sans doute dure et rauque, car malgré l’assouplissement qu'un long travail avait dù faire acquérir à cet organe, instrument de l'art où a excellé mademoiselle Raucourt, celui-ci con- serva toujours une rudesse un peu gutturale qui ne disparaissait que lorsque le vent impétueux des passions dispersait cà et la ses énergiques paroles. Mademoiselle Raucourt ne laissait rien à désirer pour l'illusion ou l'imagination quand elle représentait une impératrice, une reine; quand elle portait une cou- ronne, combattait pour la défendre, ou conspirait pour l’usurper; quand elle avait une ambition à satisfaire, un outrage a venger , ses enfans à proteger. Il fallait la voir dans Mérope défendant Egiste, dans Sémiramis couronnant Arsace, dans Clytemnestre cou- vrant de ses ailes de mère sa chère Iphigénie. Les roles du grand répertoire dans lesquels on citera toujours mademoiselle Raucourt, sont principalement l'Agrippine de Britannicus, la Cléopätre de Rodogune, Sémiramis, la Jocaste d'OŒEdipe, la Frédégonde de Macbeth, Athalie et Médée. Qui ne se rappelle Britannicus et la magnifique exé- cution de ce chef-d'œuvre quand elle était confiée à — 137 — Talma, à Saint-Prix, à Michelot, à mademoiselle Rau- court et à mademoiselle Bourgoin. C'était à mes yeux le triomphe de mademoiselle Raucourt. Toutes les parties de son talent se déve- loppaient largement dans cet admirable drame. L’au- torité souveraine, pour la possession de laquelle elle n'avait rien épargné, va lui échapper : Néron veut porter seul la couronne et secouer le joug de la mère qui la lui a fait placer sur la tête par une intrigue ha- bile, persévérante, audacieuse, ayant pour but d'épouser Claude , de lui donner pour gendre le fils qu'elle a eu d'Enobardus, son premier mari, d’arracher à Britan- nicus son légitime héritage, et de demeurer, sous l'usurpateur qui lui devra l'empire et la vie, maitresse de Rome, comme elle l'avait été sous Claudius. L'ambition de Néron s'allume au foyer de l'amour violent qu'il éprouve pour Junie : il veut être maitre parce qu'il vent être satisfait; et c'est comme rival bien plus que comme compétiteur que Britannicus périra. Burrhus le gêne, Agrippine l'importune, et e’est sur cette situation nouvelle que celle-ci a ses combinaisons à faire, un orage à calmer, une victoire de femme politique et ambitieuse à remporter. C'est cette femme toute entière qu'était mademoiselle Raucourt à la scène. Son caractère était empreint sur son front altier et soucieux. Avant d'engager sa lutte avec Néron, elle disposait les esprits à la cour en dé- fendant les droits d'Octavie, en encourageant la résis- tance de Junie à Néron, et l'amour de cette jeune fille pour Britannicus, en plaignant celui-ci, qu’elle avait dépouillé de ses droits, pour ce Néron qui de- venait un ennemi commun pour leurs intérêts et se Es — détachait de la direction de sa mère pour ne plus prendre de conseils que de Narcisse, son affranchi et son confident. S’étant ainsi rendue nécessaire à ces prince et princesse infortunés qu'elle attirait à elle par un langage extrêmement affectueux, mademoi- selle Raucourt s’attaquait impérieusement à Burrhus, lui reprochait sa faiblesse pour son élève et ses passions, et travaillait soit à l’ébranler par la menace, soit à le gagner en le flattant, soit à l'intéresser à son auto- rité en lui en promettant les faveurs. Arrivait enfin sa grande explication avec Néron qu'elle regardait d'abord assez long-temps fixement et en si- lence ; qu’elle accusait vivement d'indifférence, d’hosti- lité et d'ingratitude ; entrant, pour le prouver, dans le récit de tout ce qu'elle avait fait pour lui, et op- posant à ce tableau, qu’elle animait par une action inimitable, celui de tout ce que Néron avait fait, faisait ou méditait contre elle. Cette scène est la deuxième du quatrième acte Approchez-vous, Néron, et prenez votre place. On veut sur vos soupçons que je vous satisfasse ; J'ignore de quel crime on a pu me noircir; De tous ceux que j'ai faits je vais vous éclaircir. Vous régnez !..... Que de choses dans ces deux mots ! Agrippine ; sa politique, ses crimes, son succès; l'indignité de la conduite de son fils envers elle, au moment où ils sont proférés; tout cela était dans ces mots : Vous régnez, tant il y avait d’amertume et d'accusation dans la signification que par sa voix, sa pose et sa — 139 — profondeur d'expression ,; mademoiselle Raucourt y attachait. En réponse à cette imputation de Néron Vous voulez présenter mon rival à l’armée ; Déjà jusques au camp le bruit en à couru. Comme elle répondait Moi le faire, empereur ! ingrat ! l’avez-vous cru ? ls oeil let, le APTE Pis) Me) : jte; » DROIT URL CHINA AE, A. 'aitidétoumnétmapyue Des malheurs qui, dès-lors, me furent annoncés. J'ai fait ce que j'ai pu : vous régnez | c'est assez. Et enfin, comme la couronne qu'il lui semblait avoir reprise, rayonnait sur son front orgueilleux, quand, ayant quitté son fauteuil, debout, de toute sa hau- teur, aussitôt que Néron, plus lassé que ramené, finissait ce vers : Hé bien donc, prononcez : que voulez-vous qu’on fasse ? Mademoiselle Raucourt se hâtait de répondre : De mes accusateurs qu'on punisse l’audace ; Que de Britannicus on calme le courroux; Que Junie à son choix puisse prendre un époux ; Qu'ils soient libres tous deux, et que Pallas demeure ; Que vous me permettiez de vous voir à toute heure ; Que ce même Burrhus, qui nous vient écouter, A votre porte, enfin, n’ose plus nrarrêter. Je m'arrête, moi, car il faudrait écrire tout le rôle — 140 — d’Agrippine pour y citer les constantes beautés du ta- lent qu'y faisait admirer mademoiselle Raucourt. Et dans Rodogune , trouvait-on dans l'actrice cette Clévpâtre, reine de Syrie, s'annoncant par cette entrée si connue : Sermens fallacieux, salutaire contrainte, Etc. débarrassant son chemin au pouvoir suprême en faisant périr son époux, en enfonçant un poignard dans le sein de l’un de ses fils, et en présentant à l’autre et à la princesse à laquelle il s'unit, une coupe empoi- sonnée, que la révélation de ses crimes, au moment même, la force de reprendre et de vider ! Elle se tue en buvant; elle le sait, l'horrible femme ! pour- tant elle se croit plus puissante que son poison : elle le recèle, le domine d’abord; puis, viennent la lutte, les déchiremens, les mouvemens convulsifs...Mais elle ne veut mourir que dans la fureur d’une imprécation contre le seul enfant qu'elle laisse à regret, et cette imprécation, avec sa vie, finit par ces vers dignes d'elle et de Corneille Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble, Puisse naître de vous un fils qui me ressemble ! ‘ai vu mademoiselle Raucourt deux fois dans ce rôle J ; il était bien impossible qne j'en perdisse le souvenir. onore que le cinquième acte de Rodoqune Personne n'is q est considéré comme une merveille de eréation et de génie; qu'il faut, en son honneur, ne pas se montrer rigoureux sur le surplus de l'ouvrage, et même garder — 141 — pour soi, quand on a assez le goùt de ces compo- sitions pour s’en apercevoir, la réflexion que le grand Corneille s’est mis au-dessus des règles devenues depuis communes , en faisant cette reine de Syrie toute horrible, et en ne laissant rien trouver en elle qui puisse adoucir la haine qu'on lui porte. Je n’entrerai pas dans pius de détails sur mademoi- selle Raucourt. Les amateurs de son époque la trou- vaient parfaite dans Jocaste et dans la scène des con- fidences qu'elle faisait à Œdipe en recevant les siennes, et en voyant s'élever entr'eux l'inceste du fils avec la mère, secouant les dépouilles sanglantes de Laïus. Les spectateurs n'étaient pas moins frappés de terreur par cette grande femme qui, dans Macbeth, allait d'une chambre à l’autre pour assassiner son fils. Mais cet effet, qui était dans la situation, n'était rien à côté de la vigueur de talent que déployait l'actrice pour faire prévaloir sa cruelle ambition sur l'horreur dont son époux était rempli, quand, arrêté devant l’énormité du crime à la consommation duquel il est poussé, il mesure l'abime, la bouche béante, Îles cheveux hérissés, le front couvert de sueur, et s’écrie: « C'est de mon roi, de mon maitre, de mon bien- faiteur que l’on me demande le sang ..Oh ! Dieu, si toute autre main l'attaquait, son premier cri serait : à moi, Macbeth ! » Je ne rappellerai pas mademoiselle Raucourt dans Athalie ; ses questions à l’enfant-roi, son songe, ses pressentimens , ses terreurs; et j'aurais trop à dire pour complèter un simple article sur elle, si j'entreprenais de la peindre, ressemblante et telle quelle était, ou- — 142 — tragée , jalouse , vindicative , terrible, et enfin bourreau de ses enfans et d’elle-même dans Médee. Jai consacré bien des pages à cette grande tragé- dienne; je l'ai fait parce qu’elle fut digne de cet hommage; et j'ai dù le faire pour que l'on sût bien, plus tard, à quelle distance sont démeurées au-dessous de ce talent les actrices qui sont entrées dans la même carrière après elle. À mademoiselle Raucourt succédèrent mademoiselle Georges et mademoiselle Duchesnois. M.!: Contat. La vie de mademoiselle Conrar fut un règne, et personne ne crat la flatter en lui disant : Je salue Vo- tre Majesté. C'est dans la comédie que cette grande actrice ré- gnait ainsi, et c'est assez faire remarquer que son droit au trône était tout entier dans elle - même, sur son beau front, dans son grand œil, dans sa pose, dans sa voix haute et timbrée , et dans sa diction ferme et imposante. L'étranger arrivé à Paris la veille de la représenta- tion, savait à l'heure même aussi bien que tous les Parisiens, quel était l'emploi de mademoiselle Contat. Au fond de la scène , les deux battans du salon s'ou- vraient, une femme paraissait : c'était la grande co- quette dans tout l'éclat de ses charmes, dans toute la puissance de ses séductions , et déjà cet étranger n'é- tait plus pour cette femme qu'un adorateur de plus. Je n'ai pas besoin de dire que les grâces de la figure — 143 — n’ont jamais suffi à la plus belle actrice pour faire sur le public une semblable impression, et que mademoi- selle Contat ne parvenait à donner d'elle, à son aspect seul, une si haute opinion que parce que son âme élevée et forte animait et anoblissait toute sa personne. Je me rappelle mademoiselle Contat dans Florise du Méchant, la baronne de Turcaret, Céliante du Philo- sophe Marié, la comtesse Almaviva dans le Mariage de Figaro et dans la Mère Coupable, la comtesse du Legs, la marquise de la Gageure, la Julie du Dissipateur , et l'autre Julie de la Coquette corrigée , et encore dans la madame Evrard du Vieux Célibataire. Etre parfaite dans tous ces rôles, c'était donner une grande preuve de Ja variété , des ressources et de la flexibilité de son talent, puisque pour les jouer ainsi il fallait réunir la tenue du beau monde, le goût dé- licat de la société française à cette époque, la vigueur de l'esprit dans certaines situations, la vivacité du ea- price avec la frivolité de la fantaisie dans d’autres ; la tendresse du cœar, et pourtant la faiblesse de l'amour ; mais aussi l’énergique désespoir de la défaite à la suite d'une fière mais impuissante résistance. Dans la Coquette corrigée de Lanoue , il fallait bien estimer et louer cette femme charmante , quand, en effet, elle était corrigée; mais n’était-ce pas grand dommage de voir se convertir ainsi, et devenir raisonnable, cette Julie fantasque, bizarre , légère, tendre , impétueuse , et indéfinissable ! N'y avait-il pas un mérite üumense à surpasser l'at- tente du public dans les vicissitudes rapides de ce ca- ractère , et à élever vigoureusement l'original au-dessus de la copie, quand, dès la septième scène du premier — Ali — acte, celte copie était donnée par le marquis de la ma- nière que voici Clitandre dit au marquis : Son éducation Vous donne un peu de soin et à cela le marquis répond : Non, sa vocation L'emporte. La nature en a fait un chef-d'œuvre, C’est le meilleur esprit, qui tracasse, manœuvre, Médit, sème le trouble, aime à tout diviser; Qui brouillerait l'Etat; le tout pour s'amuser. De révolutions, de conquêtes avide ; Qui voudrait envahir tout l'empire du Guide. Son âme est tout à jour; son cœur est un miroir, Dont l’amour disparaît dès qu’il s’est laissé voir. Petit monstre charmant, lutin indéchiffrable Qu'il faudrait étouffer, s’il n’était adorable; Qui, blämant, approuvant, raisonnant au hasard, Vous étonne, vous force à suivre son écart, Avant qu’il soit deux mois, et sous ma discipline, De nos cercles brillans ce sera l'héroïne. Cette peinture jetée là est évidemment un écueil pour les actrices ordinaires : pour mademoiselle Contat ce n'é- tait qu'une esquisse incomplète de sa flexibilité dans le personnage de Julie, où elle passait de l'une de ces nuances à l’autre, avec la vivacité et la hardiesse d’un célèbre pianiste parcourant les touches de son instru- ment. Fallait-il de l’aplomb, de la gravité, c'était encore 115 — du succès pour mademoiselle Contat : elle avait cela dans la Julie du Düissipateur , où la prudence, la dis- crétion la contrainte, mettaient son triste cœur à la gêne jusqu'à ce que la ruine de Cléon étant consommée, elle se trouvait heureuse de lui prouver son attache- ment en l’arrachant à son désespoir par le don de sa main et la restitution d'une fortune qu'elle augmentait de la sienne. Quant au trait d'esprit mordant. sans cesser d’être gracieux et de bonne compagnie ; elle le lançait à dé- sespérer les blessés, dans le Méchant, dans Turcaret, dans Le Philosophe marié, harcelant ce mari honteux de l'être, et mettant en lamière, par la simplicité de sa droite raison, les ridicules prétentions et la fausse vanité d’un savant enflé de son égoïsme et de ses pré- jugés. Pour l'habileté que doit déployer l'actrice dans les situations complexes et dangereuses où l’honneur d’une femme est compromis par sa légèreté ou par sa passion, il était impossible d'en montrer plus que mademoiselle Contat dans la Gageure imprévue et dans la comtesse Almaviva. Dans la Mère coupable, elle remuait les âmes les plus indolentes et faisait couler d’abondantes larmes; et puis, à peu de jours de là, ce n'était plus que la bour- geoise qui, de l'étage fort inférieur de gouvernante, s'élevait à la domination du Wieux célibataire. Quelle admirable adresse dans ses manœuvres pour inspirer d'abord de la confiance à son maitre! Quelle étude du caractère de ce bonhomme nonchalant pour s'en assurer la direction ! Quelle souplesse aujourd’hui , qu'elle tyrannie demain ! Et enfin quel art d’insinuation ! de mé- 10. — 146 — disance et de dénigrement pour faire mourir dans ce cœur subjugué les affections de famille, pour en arra- cher les racines si profondes de la parenté ! et encore quelle audace pour chasser les héritiers de la place, après s’en être rendue maitresse par la mine, la brèche et l'assaut ! Avoir vu le Vieux célibataire par Molé, madame Evrard par mademoiselle Contat, c'est avoir assisté au specta- cle le plus parfait que l'art, à son apogée, püt offrir au public. Je ne peux passer sous silence l'une des créations les plus vigoureuses de mademoiselle Contat, le rèle de Suzanne dans la pièce déjà nommée du Mariage de Figaro. Ce n'était pas, en effet, le talent”d'une soubrette, telle distinguée qu'elle füt, qui pouvait suffire jiour un personnage aussi marquant dans une comédie hardie, destinée à seconder, si ce n'était à faire, une insur- rection contre les mœurs d’une certaine classe de la société. Il fallait une femme gracieuse, fine, forte, de bonne compagnie ; faisant comprendre à la fuis le caprice d’un comte pour elle et les confidences de la comtesse ; ma- nœuvrant pour que l’'infidélité qu'elle seconde devienne le châtiment de l'infidélité qu’elle feint d’accepter ; glissant légèrement entre ces trahisons croisées pour garder à Figaro une foi de toutes parts compromise , et pour se sauver , corps et biens surtout, dans le nau- frage où périssent deshonorés les intrigans qui l’entou- rent, la convoitent ou l’emploient ; maitresse-femme que rien ne déconcerte, qui a réponse et remède à tout ; qui commande aux maitres qu’elle semble servir ; se RTL 7 débarrasse des importuns comme des incidens, et se marie, enfin, malgré tout le monde, en chargeant le seigneur , qu’elle dupe , des honneurs de la cérémonie. Mademoiselle Contat a joué ce rôle plus de cent fois de suite, et le charme un peu reprochable, qu'elle y répandait, croissait à chaque représentation. Cette femme, célèbre dans son art, tenait chez elle cercle de gens d'esprit et de condition. Il y eut de la bonne fortune pour elle à paraître sur la sène à une époque d'éclat pour le Théâtre-Français; à jouer avec Molé, Fleury, mademoiselle Mars, et à donner ses ordres à Dazincourt, et à mademoiselle Devienne qui, dans l’emploi des suubrettes, n’était pas moins applaudie que ses maitres et maitresses dans le leur. Il n’y avait pas de place alors pour les médiocrités. 10.° LR | PONS , HR: | | ai 14 0 Mn ds tata sofa PAR oÙ re DANSE 16 SAC 8 ar$ PE San. ETN ANNE tr. oi # 189 FPof MADONNA RON" , def sé , dupe. A tes" NU ab ati b GETUNT A REY Us Forte baboc halte nique A ne net APS haies 4 toi dre qe 1 supatio ‘à Méssins , Holurmqi OÙ ant Mets JE NON nn NBI, DT 0 A A'60 208 % oies 6 9 AG TELE A HIS “1 # uv ; er Lin d : = : QUE 61 JOUR UN Dh DC «ty SUR VE CTCP CEST 7 SCT FUUEE ol avog tefoé"b otpogi TRUE LL EPL: : BA vbs le CPR TER É F 7 14 ire Q a E 1 e UD" DRAMIOETEN HOT EI SLT EURE" À EFINTIN ibn AMEONE 5 Jar vider dei tolq#if Etrab" MaVO Pa Ù .suol 9! Wonh mintant to Sent 4 suip MN ITE L RAPPORT SUR LE CONCOURS POUR LE PRIX DE POÉSIE, Par M. CRETON. ER os MéssiEurs , Dans un temps où la civilisation, en dirigeant vers le bien-être matériel toutes les forces de l'homme , celles même de l'intelligence, parvient quelque fois à des- sécher la pensée et à priver l'âme de ses plus nobles, de ses plus douces inspirations; où l'utilité de chaque chose ne semble consister qu’en ce qui peut ètre soumis au calcul ; où les passions elles-mêmes se trans- forment, non pour s'épurer, mais pour subir la loi des intérêts positifs; c’est un devoir pour les sociétés qui comprennent linflueuce des lettres sur l'existence morale de l’homme, de rallumer, s'il est possible, le feu sacré, et d'appeler à des combats littéraires les imaginalions jeunes encore, celles que les aspérités de la vie n'ont pas dépouillées de leur souplesse et de leur fraicheur. — 150 — Cest dans ce but que vous proposez des prix de littérature et surtout de poésie. Vous avez, depuis quelques années, promis la cou- ronne à l’auteur de la meilleure pièce, ode, épitre ou élégie, sans déterminer le sujet. En laissant aux jeunes poètes une libre carrière, vous aviez pensé que l’ima- gination, dégagée d'entraves, produirait des œuvres plus élevées et plus dignes d'un concours de poésie. Votre attente n'a pas toujours été remplie; des envois nombreux ont été faits sans doute, mais trop souvent nous avons eu à regretter que des pièces fugitives eussent été en quelque sorte prises au hasard; non pour être soumises à une épreuve sérieuse, mais comme si l'on voulait tenter la loterie dont les chances favorables augmentent dans la proportion du nombre des billets que prend le joueur. La fortune à rarement souri à cette spéculation innocente; et, pendant plusieurs années, vous avez reconnu que la récompense promise n'avait pas été méritée. Vous avez été d'avis, Messieurs, que si la désignation du sujet a quelques inconvénients, ils sont balancés par des avantages; qu'un travail spécial pour le con- cours, et la difficulté vaincue ont aussi leur prix; que l'imagination trouve sa part dans la manière d'envisager uu sujet donné; qu'enfin, le but étant connu et la matière choisie, le juge peut avec plus de confiance se livrer à l’appréciation du mérite relatif des concurrents. Pour l’année prochaine, vous avez fait choix d'un sujet : L'influence de la musique sur la civilisation. Cette année, onze pièces ont été envoyées au con- cours. Plusieurs de ces poèmes présentent dans la fac- ture des vers certaines analogies qui nous ont portés à — 151 — penser que nous les devions a un seul auteur. Dans cette famille poétique, trois sœurs ont été distinguées Mab, ou la reine des songes, Les étrennes d'une mou- rante, et La conception. Les autres ne se recommandent que par la facilité du stile. La linote et la jeune mère n’est pas un sujet heureusement choisi. La jeune fille innocente qui surprend un nid d'oiseau, mérite-t-elle, pour châtiment, le plus grand malheur qui puisse frapper une femme? Dans Le baptéme du comte de Paris, l’auteur s'arrête trop à la censure des opinivns nouvelles, et présente trop peu de ces pensées généreuses que doit inspirer une dy- nastie appelée par le vœu national à régner sur Île peuple qui règne lui-même par le courage et par le génie. Une strophe cependant nous parait digne d’être citée : Seigneur ! veillez sur lui; protégez son enfance ; Gardez qu'un soufile destructeur Ne vienne briser l’existence De cette jeune et tendre fleur. Et toi, du haut des cieux, ta nouvelle patrie, Fille de St.-Louis, notre étoile, 6 Marie, Entre cet enfant et le tien Partage ton amour : couvre-le de tes ailes; Du céleste séjour des sphères immortelles Descends, et désormais sois leur ange-gardien. Dans l’ode intitulée : Mazagran , on cherche vai- nement les mouvements poétiques et les inspirations soudaines qui distinguent l'épopée d'un simple récit. Quelques autres pièces dont nous omettons les titres ont paru navoir de valeur que pour les personnes auxquelles l’auteur les a destinées. — 152 — Mais dans la pièce intitulée La Conception, nous trouvons une paraphrase assez heureuse de plusieurs passages de notre liturgie. Voici quelques strophes de ce petit poème : Son nom ? — Avec amour l'univers le prononce ; Le ciel, en s’inclinant, à la terre l’annonce; — C’est le nom le plus grand après celui de Dieu. Jusqu'au fond de l’abime il porte l’espérance ; Et, quand les séraphins exaltent sa puissance, C’est en voilant leur front de leurs aîles de feu! — C'est lui qui fait, aux jours d’orage, (1) Tomber le noir courroux des flots ; — C’est lui qui sauve du naufrage Et la nef et les matelots. — Lorsque, dans sa juste colère, Dieu se lève et, de son tonnerre, Arme soudain son bras vengeur, — C'est lui qui détourne la foudre Dont les coups réduiraient en poudre Le front endurci du pécheur ! — C’est lui que la mère éplorée Invoque , à l’heure où le cercueil S’ouvre pour la fille adorée Qui fait sa joie et son orgueil. (2) — Aux jours d'abandon et d’épreuve, C'est lui qui console la veuve, C’est lui que l’orphelin bénit; — C'est lui que toute larme implore (A) Ave Maris Stella. (2) Consolatriz afflictorum. C’est lui que toute bouche adore, Quand nait le jour, — quand il finit! (4) Les étrennes d'une mourante sont le tableau le plus douloureux et en même temps le plus doux. Une jeune fille, à ses derniers moments, distribue à ses pieuses compagnes les prix décernés à ses talents et à ses vertus naissantes, perdues, hélas ! pour la terre. C'est le parfum qu'exhale encore la tendre fleur que l'orage a brisée. Les dernières stances de cette élégie sont un modèle de simplicité. Alors , après avoir, — quelques instants, émue Contemplé tristement ces objets dont la vue Lui rappelait de si beaux jours; — Soulevant, avec peine, une frèle couronne, Et la main vers sa mère : — « à vous!.. je vous la donne; » C’est ma première... oh! gardez-la toujours ! » Puis, reportant sur nous ses yeux noyés de larmes, Ses yeux naguère encore si vifs, si pleins de charmes : «— J’ai pour vous, quelque chose aussi... » Amis! vous le savez ; — c’est demain les étrennes ! » Moi!..les anges...au ciel.,.me donneront les miennes ; » Les vôtres !... prenez!... — les voici! !.. » — Et puis la jeune infortunée Entre nous partagea ses prix de chaque année ; Et, pressant de sa main la nôtre avec effroi, Comme si de la mort elle eût senti l’étreinte , Sa bouche murmura d’une voix presque éteinte , Ces mots, ces derniers mots : — Souvenez-vous de moi !.. A) À vespere usque ad noctem ; à matutino usque ad vesperum. — 154 — — De l’an renouvelé quand l'aurore première Vint éclairer les cieux de sa pâle lumière , Près de son lit de mort, — 6 regrets superflus ! Nous pleurions tous.,... — Parmi les célestes phalanges , Elle était remontée, et les concerts des anges Comptaient une lyre de plus !!. . Mab ou la reine des songes est un sujet fantastique traité avec une délicatesse de style et un bonheur de rythme qui rappellent les poésies gracieuses de M. Victor Hugo. On ne peut, en lisant ces jolis petits vers, contester l'alliance intime de la musique avec la poésie. L'introduction est peut-être un peu négligée ; elle aurait besoin d'être revue; mais voici ce que chante le bon génie, la fée harmonieuse qui nous envoie des songes de bonheur : « Nuit! prends ta robe d’étoiles » Que tes voiles [4 Resplendissent de clartés ; » Voix du ciel et de la terre » Faites taire » Vos doux soupirs... Ecoutez : » Je suis la reine des songes, » Mab! dont les riants mensonges » Des mortels sèchent les pleurs ; Y Et répandent, dans leur âme, » Le dictame » Qui soulage les douleurs. » Aussi, lorsque la nuit sombre » De son ombre » Vient envelopper les cieux, — 155 — Pour consoler la souffrance » Je m’élance Sur mon char mystérieux... Nuit ! prends ta robe d'étoiles » Que tes voiles Resplendissent de clartés ; Voix du ciel et de la terre, » Faire taire Vos doux soupirs.... écoutez... Du jeune enfant qui sommeille Parmi les fleurs où l’abeille Le prendrait pour une fleur, Si, par hasard , quelque alarme. » une larme Vient effleurer le bonheur ; De mon aile enchanteresse » Je caresse Son front et, pour l’apaiser, Je prends les traits de sa mère » Qui, légère, Lui sourit dans un baiser. Nuit ! prends ta robe d'étoiles, » Que tes voiles Resplendissent de clartés ; Voix du ciel et de la terre, » Faites taire Vos doux soupirs.... écoutez... À l’épouse inconsolable Que la mort inexorable D'un tendre époux sépara , re J’offre , dans un doux mirage, » Le visage De celui qu’elle adora ; — Puis au proscrit, — sur la terre » Étrangère, Regrettant le sol natal, Je parle de la patrie » Si chérie D'où l’exile un sort fatal... Nuit ! prends ta robe d'étoiles, » Que tes voiles Resplendissent de clartés ; Voix du ciel et de la terre, » Faites taire Vos doux soupirs.... écoutez.... Vous tous qui, dans cette vie, Souffrez.... — Je suis votre amie !.… Pauvres , — riches, — jeunes, — vieux, Mortels, lorsque la nuit sombre » De son ombre Vient envelopper les cieux, Reine des riants mensonges » Mes doux songes Dans vos yeux sèchent les pleurs, Et répandent , dans votre âme, » Le dictame Qui soulage les douleurs... Nuit! prends ta robe d'étoiles » Que tes voiles Resplendissent de clartés ; be EN 2e » Voix du ciel et de la terre » Faites taire » Vos doux soupirs.,.. écoutez.....» La voix disait toujours, et mon âme bercée Par son chant doux et pur s’assoupit mollement ; Et puis un songe d’or caressa ma pensée : — Les étoiles dansaient dans le bleu firmament ; Couché dans un bosquet , sur un doux lit de roses, Je rêvais qu’un bel ange, assis à mes côtés, Effeuillait sur mon front leurs pétales écloses ; Oh ! que j'étais heureux dans ces lieux enchantés ! — Tout-à-coup je sentis la bouche parfumée De l’ange qui semblait sourire à mon sommeil ; Je m’èveillai.... — C'était ma mère bien-aimée, Ma mère qui venait, sur ma couche embaumée , Me donner, en riant , le baiser du réveil !! Un petit ouvrage qui ne parait pas être du même auteur renferme aussi des stances pleines de fraicheur et de grace. Cette pièce fugitive, dans le genre pas- toral, établit des relations touchantes entre une jeune fille et une fleur. Elle est intitulée : La fleur favorite ; son peu d’étendue nous permet de Ia lire en entier. La terre à revêtu sa robe de verdure : Le saule aux vents plus doux livre sa chevelure Que reflètent les eaux ; L'oiseau reprend son chant, l’onde sa transparence, Et des fleurs du printemps la riante espérance De l’homme vient voiier les maux. Oh ! voyez donc là-bas, traversant la prairie, Sylphide aux bonds légers, la folâtre Marie — 158 — Aux zéphirs caressans livrant ses cheveux blonds. Qu'elle est jolie à voir courir, la jeune fille ! La brise mollement agite sa mantille Comme l'aile des papillons. Mais qu’a-t-elle aujourd’hui ? triste comme une veuve, Près du flot qui gémit, va-t-elle aux bords du fleuve Porter ses pas rêveurs ? Ou bien sur les gazons avec grâce penchée, Va-t-elle, tendre fleur, parmi les fleurs couchée , Dormir au milieu de ses sœurs ? Non, non, dans la prairie elle n’est pas errante, Et ne s’égare pas dans sa course inconstante Pour voir des papillons les mouvantes couleurs. Sous un haut peuplier , à l'ombre, elle s’abrite, Et, courbée, elle conte à sa fleur favorite Et ses plaisirs et ses douleurs. « O ma petite fleur ! modeste et solitaire » Tu w’iras point languir dans un pompeux parterre ; » La nature est ta loi, » Tes jours vont s’écouler riants dans la prairie : » Loin d’un monde méchant, ah ! que ne peut Marie » Vivre isolée ainsi que toi ! » Tes plaisirs sont les miens : le frais sous la feuillée , » Le chant du rossignol, l’écho dans la vallée, » Le murmure de l’onde et le calme de l’air. » Ensemble nous tremblons quand gronde le tonnerre, » Quand les vents orageux mugissent sur la terre, » Quand dans le ciel luit un éclair, » Et la fleur favorite, immobile , attentive, De la charmante enfant semble éconter , pensive, Un — 159 — L'accent tendre et flatteur ; EU, comme expression de sa reconnaissance , De ses parfums plus purs elle exhale l’essence , Seule éloquence d’une fleur. De la vierge à la fleur mystérieux échange, Pieux épanchement ! l’âme seule d’un ange, Seule, peut bien sentir ce qu’il est de douceurs A mêler tout le jour ainsi sa pure flamme , Ses amoureux pensers, les parfums de son âme Aux suaves parfums des fleurs. Fidèle à son amour, dans la verte prairie, Marie, au jour naissant, près de sa fleur chérie, Rêveuse vient s’asseoir ; Et, quand la lune au ciel monte limpide et blanche, Sur la fleur tendrement son chaste front se penche Pour lui donner l’adieu du soir. Quand au soleil du jour la pauvre fleur fanée Voit sa lige tomber vers la terre inclinée, Et sa couronne d’or plus pâle se ternir, Soudain la jeune fille accourt, elle s’empresse, Lui verse une onde pure, et puis avec ivresse La conlemple s'épanouir. Et quand viendra le jour où pour jamais flétrie La fleur s’effeuillera, sur ses restes Marie Versera de longs pleurs ; Triste, recueillera sa dépouille mortelle, En songeant qu’ici-bas tout s’effeuille comme elle : Jeunesse, amours, plaisirs et fleurs. poème qui, par son titre et son étendue, se —"1160 — distinguait de tous les autres, a dù être soumis par vous au plus scrupuleux examen : je veux parler de la pièce intitulée : Une mère au mariage de sa fille. Des sentiments passionnés , exprimés avec énergie, do- minent dans cet ouvrage, où le désordre du dithy- rambe se fait plus souvent sentir qne la douce tristesse et la mélodieuse simplicité de l’élégie. Vous avez re- marqué des vers heureux, des strophes entières qui décèlent un véritable talent poétique ; mais vous eussiez désiré que le plan du poëme für mieux ordonné, et que l’auteur eût plus souvent eu recours à de touchantes inspirations qu'à des émotions violentes. Dès le com- mencement de l'ouvrage, il semble que déjà la fille a quitté la mère, et c'est toutefois dans le cours de la pièce que l’on trouve la demande et les apprêts du mariage . Ces imperfections, et quelques vers que des amis éclairés devront signaler à l'auteur, vous ont empêchés de décerner un prix à cet ouvrage que vous avez néanmoins trouvé digne d’être mentionné très-honora-- blement. Voici des strophes qui peignent noblement le cœur d'une mère , et qui feront juger du mérite de l’auteur : Je m'adresse inquiète à la verte colline, A l'oiseau gracieux jaloux de te chanter, A la brise légère , à l’onde cristalline Qui passe hélas ! sans m'écouter. Je n’avance en pleurant vers le temple rustique , Où pour toi je priais, où tu priais pour moi; Il résonne toujours de ton pieux cantique Mais ne calme point mon émoi. — 161 — Je répète ton nom à l'arbitre suprême Qui donne et qui reprend le bonheur à son choix ; À genoux je l’implore, et le Très-Haut lui-même, Demeure insensible à ma voix ! Pour embellir mes jours, Dieu me l'avait donnée, De ses dons précieux il l'avait couronnée ; La divine candeur plus que tout la parait. Elle semblait un ange oublié sur la terre ; Avec toute son âme elle adorait sa mère , Et sa mère l’idolâtrait. Elle aidait mon courage, elle séchait mes larmes ; Son regard caressant apaisait mes alarmes, Sa parole versait du baume sur mon cœur ; Son souffle était pour moi l’haleine du zéphire ; Ses élans ingénus réveillaient mon sourire Et me faisaient croire au bonheur. Hier elle était là, sa main pressait la mienne, Ma tête se posait doucement sur la sienne, Et devant nous le ciel était prêt à s’ouvrir. L’extase m’enchainait, de bonheur j'étais ivre, Je disais follement: près d’elle je veux vivre, Avec elle je veux mourir ! Mais quel étrange mot retentil dans mon âme? Ai-je bien entendu?.... Non, je ne comprends pas. Est-ce donc un complot qui cuntre nous se trâme, Ou serait-ce déja le signal du trépas ! Un inconnu s’avance et réclame ma fille ; On dirait que sa voix me présage un adieu : I veut que je le nomme enfant de ma famille ; Pourquoi donc ? À quel titre? Et de quel droit, mon Dieul LS = (46 — Du droit de l’hyménée ! — Et j'irais de sa chaine Te faire un joug, ma fille, et promettre ta foi! De cet hymen jaloux, oui, la puissance est vaine; Chère part de mon sang, n’es-lu pas tout à moi ? Qu'ai-je dit? Je nrégare en ma peine cruelle; Pour ma fille étouffons ce trop coupable élan ; Je dois et m’oublier et m'immoler pour elle : Non, l’amour maternel n’est jamais un tyran. Je ne pourrai toujours l’abriter sous mon aîle ; Il faudra la quitter à l’appel du trépas: M'endormirai-Je en paix dans la couche éternelle Si nul ne l’accompagne aux sentiers d’ici bas? Seule, aux émotions pourrait-elle suffire ? Au jour de la douleur qui la consolerait ? Dans la prospérité qui viendrait lui sourire, Et, contre le méchant qui la protégerait ? Quand à son œil éteint palira la lumière, Des ans qui l’aiderait à trainer le fardeau? L'impassible étranger fermerait sa paupière Et l'herbe de l'oubli couvrirait son tombeau. Aux plus doux sentiments la verrai-je étrangère Et, sans but, sans espoir, nser ses tristes jours ? Elle doit être aimée , elle doit être mère Et revivre au milieu des fruits de ses amours. Contre l'arrêt commun vainement je m’obstine ; Sous un poids de souffrance en vain mon front s'incline , Il le fant, ô devoir, tu seras triomphant! Mais je n’ose achever.... Mou courage décline ; Mon âme sans ressort déserte ma poitrine : Mon âme, c'était mon enfant. Mais tu pleures toi-même et tu veux que je vive. Au désert de ce monde hélas je resterai : Tu seras le lien de mon âme captive; C’est seulement pour toi que je respirerai. Déja cet étranger va devenir ton maitre, Tu vas à son destin C’enchaîner pour jamais : Près de lui tu verras l'univers disparaitre, Et tu le chériras, plus que tu ne nraimais! Des mères, 6 mon Dieu! Voilà donc ie partage! Sous un calme apparent cachons notre douleur. Oui, pour toi, mon enfant, je reprendrai courage , Pourvu que le sourire anime ton visage Et que la douce paix habite dans ton cœur. Ecoute! .,.. Au loin j'entends des signaux d’allégresse. Ma fille! Sur mon sein que longtemps je te presse. Voici l’heure fatale où tu dois me quitter! Que je te presse encor! Demain plus de caresse ; Plus rien que des soupirs, des vœux que ma tendresse Et partout et toujours ira te répéter ! Savoure le bonheur et qu’il te soit fidèle : De grâce , d’innocence offre un touchant medèle; Que les roses d’hymen et le myrte d'amour Se changent sur ton front en couronne immortelle ; Que la vertu surtout l’en donne une plus belle Que tu puisses porter au céleste séjour. Sur le rapport qui vous a été fait, vous avez été d'avis, Messieurs, qu'aucune des piéces soumises à votre examen ne réunissait les qualités nécessaires pour que le prix fût accordé tel qu'il a été proposé; mais, Le — 164 — ayant acquis la certitude que les trois pièces qui ont pour titre : La reine des songes, Les étrennes d'une mourante et La conception sont du même auteur, l'aca- démie a décidé qu'une médaille d'or de la valeur de 150 fr. serait offerte à l’auteur comme témoignage d’es- time et d'approbation. Une mention honorable est accordée à la pièce in- titulée : Une mère au mariage de sw fillo. La fleur favorite est aussi mentionnée honorablement. Espérons, Messieurs, qu'au prochain concours nous retrouverons les poètes au talent desquels nous applau- dissons aujourd'hui. Ils engageront une lutte généreuse; et, avec plus d’élévation et de portée dans la pensée, plus de vérité dans les sentiments, plus de soin et de correction dans les détails, ils se rendront tout-à- fait dignes du prix auquel le feu qui les anime leur donne le droit d’aspirer. CIC D ETES Des CE 86è8 UNE VISITE L'ATELIER DE M. FOYATIER, Par M. S.t-A. BERVILLE. Souvent, dans ce jardin que ton bel art décore, J'admirai, Foyatier, les œuvres de tes mains: Spartacus , échappant aux maîtres qu’il abhorre, Et sur ses fers brisés jurant haine aux romains ; Cincinnatus, tranquille au sein de sa victoire, Heureux de retourner au champ qu’il a quitté, Et sous un toit de chaume allant cacher sa gloire, Moins grand par ses lauriers que par sa pauvreté. Mais j'ignorais encor qu’à ta fierté romaine Tant de charme , d'amour , de grâce vint s’unir, Un don seul du talent peut borner le domaine; Un seul fait vivre un nom qu'il lègue à lavenir. Corneille n’eût créé ni Phèdre ni Monime ; Boileau n’eût point du Cid exprimé les transports , Et le chantre d’Alceste , au Inth mâle et sublime , N’eût point pour Desdémone attendri ses accords. — 166 — Un jour je pénétrai sous ces voules savantes , Par ton génie heuréux sanctuaire habité Ton art l’avait peuplé d'images ravissantes ; J’allais chercher la force , et je vis la beauté. Ainsi le voyageur qui, debout sur leurs cîmes, Des Alpes en tremblant admira les horreurs, Joyeux, voit apparaître, à côté des abymes, D'une fraiche oasis la verdure et les fleurs. Emu , je parcourais ton riant Gynécée, D'un spectacle si doux repaissant mon regard , D'un double enchantement énivrant ma pensée , L’attrait de la beauté, le prestige de l’art. Partout s’offrait à moi quelque forme divine ; J'étais comme ces preux , dont les yeux fascinés, Dans le palais magique ou d’Armide ou d’Alcine, De fantômes charmans exraieat environnés. Ici, sur un gazon mollement étendue, Libre du lin jaloux qui voilait ses appas, Cette jeune bacchante étale à votre vue Le charme adolescent de ses traits délicats. Sa taille des roseaux surpasse la souplesse, La grâce a de son corps dessiné les contours, Et ses jeux caressans disent que son ivresse Est moins celle du vin que celle des amours. Plus loin j'ai salué cette vierge touchante Qui, muette, immobile , et fermant ses beaux yeux, Semble en secret goûter, céleste et pure amante, D'un ineffable hymen les dons mystérieux. Un doux recueillement l’absorbe toute entière : Mais d’un Dieu cependant s’accomplit le dessein ; — 167 — L'époux divin s’unit à l’épouse en prière, Et le salut du monde a germé dans son sein. Combien j'aime surtout cette beauté pensive Qui, couchée et le front enceint d’un filet d'or, Distraite, a détaché sa vue inattentive Da livre que sa main soutient à peine encor ! Cherchez-vous quel penser la rend ainsi rêveuse ? Voyez de ce regard l’expressive langueur, Cette bouche, à demi s’ouvrant voluptueuse..... Ce livre... Ah! c’est d'amour qu’il parlait à son cœur. On dit qu’en la voyant et si belle et si tendre, D'un doux ravissement l'artiste transporté Adora son ouvrage , et ne put se défendre D'imprimer un baiser sur ce front enchanté. Oh! Je le crois... Mais non ; si la céleste flamme Qui l'inspira, sculpteur, ce chef-d'œuvre si beau, Fut jaillie en baisers, ce marbre eût pris une âme, Et ta bouche achevait l’œuvre de ton ciseau. Va, poursuis, Foyatier, ta brillante carrière : Toi, qui sais et sentir et créer la beauté, Venge-nous de l’école impuissante et grossière Qui veut dans la laideur chercher la vérité. Toi, tu cherches un vrai digne de notre hommage ; L'art, chez toi, se souvient qu’il est enfant du ciel. L’ignoble , fut-il vrai, déshonore un ouvrage ; C’est l’empreinte du beau qui le rend immortel. 4 vend ie sprus'h et #3, niqluse. ue in) MUR ON Se D D EULICE TS Liltvs, penstée mad of apré Lafi vatto iifiisaut CEA Ce bacthaute. Male à mien. one, y CHA MERS UE RE er D hp tn 18 Te HOT LAiiléronn ds sréndiiet SMSE fn sidi ges v 20 ar HD Abd GE cl Me, wg. } priaamenk set 0h sdb Hais oh Mrotee tes tra Honisatt Su pepe A D RU ON Otairaumniobnsaiotiipe nat éttrsteohgne s T à Seolblesen ‘sant Eolther, détre &t pure sané dre Hastate LR dons mel UN a Bi: ad ggeb té Pééins opte “wtidrtss) Male Grée De elbpedaAet te dpi Ve Mit Et COMPTE-RENDU TRAVAUX DE L’ACADÈMIE, PENDANT L'ANNÉE 1841—1842, Par LE SEERÉTAIRE-PERPÉTUEL. EP) LD) + — ——— M. Pozrer vous a présenté dans deux mémoires l’en- semble des faits qu'embrasse aujourd'hui l'électricité dynamique. Jusqu'en 41820, l'électricité et le magné- tisme avaient été considérés comme des objets tout-à- fait distincts ; on avait pensé que lorsqu'un fil conduc- teur réunit les deux pôles de la pile voltaïque, l'électricité ne se manifestait plus par aucun signe extérieur, que tout au-dedans était en activité et en mouvement, mais qu’au dehors tout était immobile et inerte. Œrstedt, physicien danois , remarqua le premier que ce même fil conducteur dévie une aiguille aimantée , et lui im- prime une foule d’oscillations quila portent à la fin dans une direction différente de celle que lui donnait auparavant le magnétisme terrestre. Par cette seule observation une carrière immense fut ouverte aux savants de tous les — 170 — pays , jamais en ne vit, dans une si courte période , la science prendre de si rapides développements et s'en- richir de si merveilleux phénomènes. Ainsi , d'un côté l’on est parvenu à l’aide seule de la pile de Volta, à réaliser dans le fer une puissance magnétique supérieure à celle des aimants naturels les plus énergiques , à ce point qu'un électro-aimant à pu supporter un poids de mille kilogrammes au moins D'un autre côté, l'on à constaté dans les aimants l'existence d’une source inta- rissable d'électricité, source dont quelques appareils habilement combinés servent à manifester toute fa force. Il est aujourd'hui démontré, et le travail de M. Pollet tend à l'établir , qu'il existe entre le magnétisme et l’é- lectricité l’analogie la plus intime ; eette analogie est même tellement frappante qu'on est contraint de recon- naitre l'identité des deux agents, dont l'an n’est qu'un état particulier de l'autre. Tout est encore conjectural sur le rôle auquel les antennes sont destinées chez les insectes. On en a fait successivement le siéve du goût, de l'odorat, de l'ouïe et du toucher. M. Garnier dans un mémoire qu'il à consacré à la recherche des fonctions des antennes, a examiné les divers systêmes qui ont été produits, et indiqué les difficultés que ces systèmes sont impuissants a résoudre. Pour lui, il pense avec Cuvier que les antennes donnent naissance à quelque genre de sen- sation dont nous n'avons pas didée, qui pourrait se rapporter à l’état de l'atmosphère. C'est là, selon lui, la fonction primaire de cet organe, le toucher ne sera dès lors qu'un acte secondaire; c'est ainsi que Ja trompe de l'éléphant lui sert de bras sans cesser d'être l'organe de l'odorat. Le but des antennes serait donc NA de palper et de sonder l'air. M. Garnier expose des faits qui tendent à justifier cette opinion ; les précau- tions que prennent les insectes pour éviter les intem- péries de l'air, le soin quils mettent à se tenir ren- fermés lorsqu'il survient quelque changement dans l'atmosphère , les mouvements qu'ils impriment à leurs antennes , soit qu'ils marchent, soit qu'ils reposent. Les antennes plus fortes, plus étendues chez les mâles que chez les femelles, sont encore un argument à l'appui de sa proposition ; le mâle est plus voyageur, la femelle plus sédentaire. M. Garnier qualifie son opinion de paradoxale, mais les conjectures ont été souvent mères des expériences , ce sont elles qui en font naître l'idée , qui en donnent les moyens, qui y conduisent. M. Barger vous a entretenus des préparations exhi- larantes des orientaux. De tout temps l’homme a re- cherché les moyens qui peuvent stimuler ses organes , lui faire éprouver des perceptions fausses, mais agréables, lui donner enfin une vie morale et artificielle dans laquelle il se complaît. La mélisse , la sauge, la men- the, le thym, le romarin, la marjolaine employés par les anciens, ont cédé la place au thé et au café dont l'influence n'est guère différente de celle que produi- sent les preinières plantes. C'est toujours la même exei- tation sur les organes, c'est une activité plus grande qu'elles impriment à toutes les fonctions. Le café toute- fois obtient la préférence, parce qu'il à lheureux pri- vilége de faire sentir sa puissance à l'organe de lin- telligence, de donner une aptitude bien constatée aux travaux de l'esprit. Le vin et les liqueurs alcooliques sont les excitants les plus habituels : leurs principes pénètrent dans le sang ; sous leur impression , toutes — 172 — les fibres de nos organes prennent une coloration plus prononcée ; une température plus élevée, des mou- vements plus rapides ; c'est surtout le moral de l'homme qui est le plus puissamment affecté. M. Barbier expli- que le lien sympathique qui semble réunir à la fin d'un repas de nombreux convives, souvent fort diffé- rents de goûts et d'opinions, par la condition orga- nique dans laquelle tous se sont mis en même temps. Ils ont bu le même vin, ils ressentent les mêmes im- pressions , les battements du cœur ont le même rhythme, leur cerveau est échauffé au même degré. I y a là une communauté de sentiments intimes, une affinité corporelle à laquelle chacun obéit. Il n’y a aucun danger réel à user, à des doses modérées, de tous ces excitants; leur action n'est redoutable que quand elle va jusqu'a changer l’état naturel des centres de vitalité, jusqu'à causer la congestion sanguine du cerveau qui ca- ractérise l'ivresse. Les préparations dont se servent les orientaux ont pour base, les unes l'opium , les autres la poudre de feuilles de chanvre. Elles occasionnent dans le cerveau un changement d'état dont la nature est encore un mystère, mais dont les effets sont une mo- dification dans les sensations, une provocation de per- ceptions fausses ou d’hallucinations d’où dérivent les illusions, Îles ravissements qu'on éprouve après leur emploi. M. Barbier vous a enfin parlé d'une prépa- ration propre aux Aloériens connue sous le nom de haschis ; et composée de feuilles de chanvre , de mus- cade, de cannelle et autres plantes aromatiques. La dose varie depuis la grosseur d'une noisette jusqu’à celle d’une noix. Le haschis fait éprouver un vif besoin de manger , il porte irrésistiblement à marcher, à s’a- — M8, — giter ; à se livrer à toutes sortes d’extravagances. Toutes ces préparations, vous a dit M. Barbier, sont dangereures , malfaisantes ; leur usage journalier cause un décroissement des forces, une dégradation très-sé- rieuse du physique et du moral de l’homme. Chaque année, lorsque en pareille occasion, il s’agis- sait d'agriculture, c'était un bonheur de prononcer le nom de M. RiQuier, de signaler ses progrès dans la voie qu'il a si hardiement ouverte, et qu'il poursuivait avec tant de zèle et de dévoüment. Il n’est plus : Mais rassurez-vous, Messieurs, sa pensée, ses projets lui ont survécu. Cette ferme volonté de doter le dé- partement et la ville, d'un produit nouveau, d’une industrie nouvelle , il l’a transmise tout entière au jeune collaborateur qu'il s’est choisi. Déjà, M. Michel Jean s’est livré avec la plus louable ardeur à l'accom- plissement de l’œuvre qu'il a entreprise, et à laquelle il a voué son avenir et son existence. Il réclame votre bienveillant appui, votre utile patronage. L'un et l’autre ne peuvent lui manquer ; l'Académie qui à vu naitre dans son sein l’idée de demander à notre sol la soie nécessaire à nos manufactures, secondera toujours, de tout son pouvoir, toute tentative qui aura pour objet la réalisation de son vœu le plus cher. À plus d'un titre le successeur de M. Riquier à droit à ses sympathies. Dans l’un des rapports qu'il vous a présentés sur divers ouvrages d'agriculture, M. Dugois ayant à traiter des difficultés qui s'opposent à la propagation et à l’a- mélioration des chevaux, vous a fait connaître son opinion , et le systéme qu'il propose d'adopter : 1.° Plus d'étalons pur sang que l'on paie 50 mille francs et qui ne produisent que des chevaux de course SN 7/1 qu'il faut préparer trois mois avant, et réparer trois mois après chaque épreuve. Avec cet argent on aura 16 étalons moins beaux, mais jeunes, vigoureux qui donneront chaque année , non pas 59 poulains à peine, mais 800 poulains et pouliches de bonne race , propres au trait et à la selle ; dans dix ans cent mille francs auraient suffi pour produire 8 mille chevaux , c'est plus qu'il n'en faut pour notre remonte ; 2.° Un seul haras pour les chevaux surfins : tous les autres étalons placés chez des propriétaires cul- tivateurs ; 3.° Diminution de nos régiments de cavalerie , ou des hommes sous les armes; mais augmentation de la gen- darmerie à cheval, qui serait chargée de former des chevaux de guerre ; 4. Achats de chevaux francais de quatre ans au moins, auprix moyen de 800 francs , par les soins des officiers de gendarmerie qui peuvent facilement savoir où se trouvent les chevaux propres au service militaire ; 5. Enfin prime accordée au gendarme qui, après dix-huit mois , présenterait à la remonte un cheval do- cile , bien dressé , vigoureux et capable alors d’un service de huit ans au moins. Une question d'un haut intérêt pour notre départe- ment, essentiellement agricole, celle des sucres, a été traitée par M, SriNEUX et envisagée par lui sous toutes ses faces. Il à fait ressortir les avantages qui sont ré- sultés de la culture en grand de la betterave. Des ja- chères ont été supprimées, des sarclages se sont pro- pagés, des prairies artificielles ont été créées et les assolements se sont améliorés. Une fabrique de sucre est devenue pour le pays qui l'entoure une véritable —VA7— ferme modèle. Mais les frais d'établissement sont tels que les produits des trois premières années suffisent à peine pour couvrir ces frais dans les sucreries les mieux conduites. Aussi le premier effet de l'impôt de 10 fr. et de 15 fr. a été de détruire, en 1837, parmi les 600 fabriques existantes, les 150 plus nouvellement établies, celles-là qui faisaient leur double apprentissage en agriculture comme en industrie; quand, sur les réclamations des colonies , l'impôt fut élevé à 27 fr. 50 e., cent nouvelles fabriques tombèrent sous cette ag- gravation, et toujours les petites et moyennes sucre- ries, celles qui étaient si profitables à l'agriculture. Quant à la co-existence des deux sucres, M. Spineux la déclare absolument impossible : les colonies qui pro- duisent aujourd’hui 80 millions de kilog de sucre peuvent, par des procédés mieux entendus, sans cultiver un seul hectare de plus, doubler et tripler cette produc- tion La différence entre les 6 p. 0/g qu'ils retirent an- nuellement, et les 14 p. 0/6 qu'ils pourraient obtenir, serait presque toute entière un bénéfice; ainsi, à elles seules, elles suffiraient à l'approvisionnement de la France. Il serait également facile à la France conti- nentale de produire 200 millions de kilog. Il ne fau- drait consacrer à la culture de la betterave que 120 à 150 mille hectares de terre, c’est-à-dire moins que le 20.‘ des terres qui restent annuellement en jachère. Le prix du sucre de betterave n'en serait pas plus cher parceque le fabricant peut se contenter de 45 fr. net des 50 kilog. ou 90 c. le kilog., prix assurément peu élevé pour le consommateur. Si l’on considère les in- térêts agricoles, on optera, pour la sucrerie de bet- teraves; mais alors il faut accorder l'émancipation aux — 176 — colonies, et de plus il faut porter l'impôt du sucre indigène à la consommation; si l'on se range du côté du fisc, des colonies, du commerce des ports, il faut positivement renoncer à la fabrication du sucre indi- gène; la question ne présente pas de solution en de- hors de ces deux termes; tous les palliatifs qu’on ima- ginerait ne tendraient qu'à ruiner l’une ou l’autre industrie, et peut-être même toutes les deux à la fois. M. MarOTTE à porté ses investigations sur un système de répartition de l'impôt que M. Mallet de Chilly, l’un de nos associés correspondants, voudrait voir substituer à l'assiette actuelle des contributions directes. On ne peut nier, ditil, que la population ne soit, pour un grand nombre de localités, l'expression de la richesse du sol et de l’industrie. Mais combien de communes agricoles peu populeuses, dans lesquelles les produits de la terre sont recueillis à l’aide de bras étrangers, et trou- vent un écoulement aussi facile qu'avantageux en pro- curant aisance et richesse aux habitants? N'existe-til vas des coinmunes très-populeuses, mais en même temps peu favorisées sous le rapport du sol ou de l'indus- trie, dont la population va chercher au dehors un pé- cule dont elle revient consommer les produits dans les lieux qui l'ont vu naître, sans que pour cela la for- tune publique y gagne? Et pourtant dans le système de M. Mallet, les premières communes seraient ménagées lors- que les dernières seraient surchargées, et d’ailleurs que d'événements peuvent influer sur la population, sans que les ressources du pays éprouvent un changement notable. N'est-ce pas un fait incontestable, que dans les communes où une nombreuse population se lie à la prospérité agricole ou industrielle, cette population de- vient elle-même une charge qui contrcbalance cette prospérité? dans de semblabbles conjonctures, la po- pulation ne peut exprimer la véritable position, la vé- ritable richesse du pays; la prendre pour base de l'assiette de l'impôt, ce serait s'exposer à des erreurs plus graves que celles que l'on veut éviter; ce serait déplacer les inégalités de répartition ; mais non les faire disparaitre. Dans l’état actuel des choses, le re- venu étant la base du premier et du second degré de la répartition de l'impôt, les inégalités peuvent se rectifier en se servant des résultats du cadastre; si ce moyen est insuffisant, on peut recourir à la voie des dé- grévements ouverte en 1821. Une loi de Moïse a fourni à M. Osry le snjet d’un grand travail sur le mariage du frère avec la veuve de son frère, décédée sans enfant ; cette loi, connue sous le nom de lévirat, parait avoir été en vigueur chez tous les anciens peuples. Obligatoire pour les frères, le lévirat était seulement facultatif pour les parents plus éloi- gnés. M. Obry rattache à cette institution l'obligation imposée aux filles héritières de se marier à des hommes de leur tribu et de leur famille pour susciter le nom de leur père défunt, de même que, dans le lévirat, on se propose de susciter le nom du frère mort. M. Obry fait voir que le lévirat indien se liait à un sys- têème général qui avait pour base l'immortalité de l'âme, il prouve que ce système partait du principe que les hommes ne peuvent parvenir à la béatitude céleste, s'ils n'ont laissé sur cette terre un enfant mâle qui accomplisse en leur honneur les devoirs funèbres, non seulement à leur décès et dans l’année qui le suit, 12: — 178 —- mais encore tous les ans au jour de l'anniversaire. Enfin, M. Obry s’est proposé d'établir que les Israé- lites furent guidés par les mêmes vues que les Perses et les Hindous. Il en tire une nouvelle preuve de la croyance constante des Juifs en l’immortalité de l’âme, non seulement à l'époque où ce peuple fut mis en rapport avec les grandes nations de l'Asie, soit après la captivité de Babylone, soit même dans des temps beaucoup plus reculés que M. Obry fait remonter jus- qu'au siècle d'Abraham ; à l'appui de cette thèse, M. Obry fait remarquer que le lévirat était constitué chez les Hébreux avant la descente de Jacob et de ses en- fants en Egvpte. Dans un second mémoire, M. Obry a recherché l'o- rigine et la signification du mot Jehovah. Continuant ses recherches sur les origines du droit français , M. Harpouix à traversé l'état politique et social des Gaules pendant les six siècles qui ont pré- cédé sa conquête. Il a distingué dans cet intervalle trois périodes ; des courses aventureuses occupent la première, c'est celle de l’état nomade ; dans la seconde, les Gaulois se livrent à une vie sédentaire et d'organi- sation. La troisième est signalée par des luttes natio- nales. Il à fait remarquer qu’au même instant où les Gaulois, gravissant les Alpes, allaient porter la terreur dans lPOrient, quelques proscrits d’Ionie venaient dans l'Occident, fonder Marseille sur une plage déserte. Il est entré dans de grands détails sur l’organisation ei- vile de cette république que Cicéron qualifiait d’admi- rable ,.et qu'il trouvait plus facile de louer que d’imiter ; un conseil suprême de 600 magistrats exercait la sou- veraineté ; un second conseil de 15 membres était dé- — 179 — légué pour expédier les affaires courantes; enfin un troisième était dépositaire du pouvoir exécütif. De très rares applications de la peine de mort, proscription des spectacles et des arts de luxe, interdiction des fu- nérailles privées, autorisation du suicide dans certains cas, tels sont quelques-uns des traits les plus saillants des institutions marseillaises. Celles-ci furent le premier mo- dèle offert aux populations gauloises. M. Hardouin a porté ensuite son attention sur l'inégalité de civilisation entre les diverses nations qui couvraient la Gaule, sur la fédération qui les unissait, sur la caste sacerdotale dé- positaire de l’autorité religieuse et si redoutable par ses mystiques décrets dont des rites sanglants assuraient par- tout l'exécution. En dehors de la population servile on comptait trois classes principales, les Druides environ- nés de respect et d’un immense pouvoir ; les cheva- liers ou citvyens que distinguaient leur puissance , leurs richesses ou leur valeur. Enfin ceux qui n'étaient ni prêtres ni guerriers, étaient maintenus dans une con- dition presque voisine de l'esclavage. La justice était presque exclusivement exercée par les Druides; un cérémonial solennel présidait aux sacri- fices humains, qui avaient lieu au son de la musique des Bardes, et aux acclamations de la foule. L'oppres- sive unité de l'organisation romaine succéda à la di- versité de la civilisation gauloise; les amphithéâtres , les temples remplacèrent les ombrages des forêts druidi- ques, jusqu'au jour où le colosse romain s’écroula à son tour sous le coup de nouveaux conquérants. Depositaire des archives communales, M. LAvERNIER y a puisé les éléments du travail qu'il nous a présenté sur l’organisation municipale de la ville d'Amiens, de- 12.* Aie (90 — puis son érection en commune, en 1209, jusqu'en 1382. Le maïeur était choisi par les maïeurs de bannières, entre les trois candidats que leur désignait l’échevinage sortant d'exercice. Des 24 échevins , 12 étaient nommés par les maïeurs de bannières; les 12 autres étaient nommés le lendemain par le maïeur et les 12 premiers échevins. Ainsi, dans la première opération, dominait le principe germanique , élection des supérieurs par les inférieurs ; dans la seconde , le principe romain , le choix des inférieurs, par les supérieurs. Les comptables de la ville étaient au nombre de quatre ; le grand comp- teur , le receveur des rentes, le payeur des présents et le maitre des cauchies et des ouvrages. Les maïeurs de bannières, en nombre variable (il ÿ en avait 24 en 1360); étaient les chefs d’un certain nombre de cor- porations privilégiées. Tous les citoyens étaient repartis entre les différents corps de marchands et de métiers, de sorte qu'il fallait appartenir à l’un d’eux pour par- üciper à la nomination des officiers municipaux. Les maieurs de bannières étaient de véritables magistrats, s'occupant des intérêts des corps qui les avaient élus, dans leurs rapports avec le gouvernement de la cité. Ils participaient encore au commandement militaire, sous l'autorité de l'échevinage et du capitaine de la ville. La corporation des Taverniers partageait avec celle des Waidiers, ou marchands de guède , les honneurs du premier rang. C'est à ces deux corps que s’affiliaient es bourgeois qui n'exercaient aucune profession mé- canique , tels que les avocats , les notaires , les médecins et ceux qui jouissaient d'une fortune indépendante. Dans les temps reculés, le commerce de vin était ,à Amiens, très-considérabhle ; tout le monde s’en mélait, même les — 181 — ecclésiastiques. On a compté jusqu à 97 Taverniers , non pas dans les proportions de nos cabarets et de nos ca- fés, mais de vastes entrepôts ayant des caves immenses. Leurs propriétaires étaient au sommet de l'échelle so- ciale. Indépendamment des 97 tavernes, il y avait en 1386, 84 hotelleries et 423 maisons où se faisait une grande consommation de vin. La ville elle-même faisait annuellement de fortes dépenses en présents de vin; le vin de ville était porté en cérémonie aux grands per- sonnages qui venaient à Amiens ; il était distribué aux corps de métiers pour la célébration de la fête de leurs patrons ; aux ordres mendiants, et l'évêque lui-même en exigeait deux quênes au mariage et au décès de cha- que bourgeois. C’est là l’origine de la prospérité tou- jours croissante du commerce de vin, et par suite de l'importance des taverniers. Le Gorgias de Platon a été l'objet de deux mémoi- res, l’un de M. Husertr, l'autre de M. Hardouin. Quelque admiration que M. Hubert professe pour le Gor- gias, elle ne va pas jusqu'à l'empêcher de trouver dans ce dialogue des sophismes, des erreurs assez graves, des contradictions même. Ainsi Platon parait confondre habituellement la vraie et la fausse rhétorique; de ce que tel ou tel orateur n’a pas rendu meilleurs ceux à qui il s’adressait, il conclut que la rhétorique n’a pas pour objet de rendre les hommes meilleurs; c'est, dit M. Hubert, nier la cause parce qu'elle n’a pas toujours produit son effet. M. Hubert se hasarde à blàmer Pla- ton d’avoir fait dire à Socrate que le juste ne peut et ne doit pas se servir de l’art oratoire. Il y a là beau- coup de grandeur, mais pourquoi l'homme juste n’use- rait-il pas dans l'intérêt de sa conservation d’une arme que l'homme injuste rend seule meurtrière. M. Hubert se demande la cause de cette haine apparente de l’art oratoire chez un écrivain qui en a tracé les règles les plus sures ; il la trouve dans la séparation alors accomplie, entre les rhéteurs et les sophistes, ou autrement entre la parole et la pensée. Les sophistes n'étaient occupés que d'arguties et de subtilités; chez les rhéteurs, la parole était sans force et sans vie, parce qu'elle n'était plus l’auxiliaire de la pensée. Delà les légitimes dédains de Platon pour les uns et pour les autres. M. Hardouin regarde le Gorgias comme l'un des plus magnifiques triomphes que la parole humaine ait obtenus à la raison, à la morale, à la justice , sur l’er- reur , le vice et les doctrines de l'iniquité. Platon re- fute d’abord le rhéteur Gorgias, homme de goût, ora- teur éminent, plus tôt par la forme que par le fond, car il soutient le pour et le contre sur toutes choses, et s'en fait gloire. IL prouve à son second adversaire, Polus, autre rhéteur, qui n’honore qu'une chose, les richesses, que sa rhétorique toute mercenaire ne lui à fourni aueune notion sur l'autorité des lois, le gouver- nement des états, conditions essentielles de toute s0- ciété, et de toute participation utile à l'administration de la chose publique. Le troisième interlocuteur, Calli- clès, riche citoyen, flatteur des penchants de la mul- titude, eselave d’une popularité corrompue, est refuté par Socrate, dans ses attaques contre la philosophie dont il niait l'utilité pratique. M. Hardouin rappellant la prière de Platon, Dieux, donnez-moi la bonté inté- rieure de l'âme, dit que la providence exauça ce vœu pour le bien de l'humanité. Ses immortels écrits furent une sorte de promulgation première de la morale que — 183 — le christianisme vint plus tard fonder plus pure et plus divine encore. Les accents que fit entendre la philoso- phie platonicienne sont du nombre de ceux dont ne retentissent jamais qu'une fois les échos de notre sphère terrestre. Dans son discours de réception , M. Daupix a établi que l’homme est né pour aimer, et que le cercle de ses affections tend sans cesse à s'agrandir. Il distingue l’amour de la famille, celui du clocher, puis ceux de la cité, de la patrie et de l'humanité: M. Dauphin définit l’amour du clocher, le sentiment qui nous fait chérir notre lieu natal, notre village, la ville même où nous avons recu le jour. Cet amour diffère de celui de la cité, autant que l'instinct diffère de la réflexion, autant que le sentiment se distingue du devoir. Le pre- mier s'attache presque exclusivement aux objets maté- riels ; le second est tout à la fois physique et moral. Quant à l’amour de la patrie, c'est un sentiment com- plexe qui est surtout le résultat de l'éducation, de l'étude, des exemples fournis par l'histoire. Aimer la patrie, ce n'est pas seulement aimer le sol, ou telle portion du territoire , c'est encore aimer ses institutions et ses lois, c’est vivre de la vie qui anime la nation toute entière. Au moyen-àge , la religion fut presque le seul mobile du patriotisme local ; la fondation des éta- blissements charitables avait alors pour but le salut; la charité envers les citoyens n’en était que le moyen; un autre principe domine aujourd'hui c’est l'idée gé- nérale de progrès et de perfectibilité qui s’est emparée des esprits, moins préoceupés de la vie future. M. Dau- phin indique les alternatives de force et de langueur auxquelles est soumis l'amour de la cité. Il remarque — 151 — par l’exemple de Calais, que cet amour brille du plus vif éclat dans les temps où sa liberté est le moins ga- rantie; au contraire, il parait diminuer, s'éteindre même à mesure qu'il y a plus d'unité , plus de liberté po- litique dans uue nation. M. Dauphin tout en faisant ressortir Jes biens qui découlent du patriotisme local bien dirigé , signale le seul abus qui soit à prévoir; c'est l'excès dans ce sentiment , excès qui peut faire perdre de vue les intérêts généraux, amortir Famour de la patrie, étouffer enfin cet esprit généreux qui doit animer tous les enfants de la France. Nouvellement admis au sein de l'Académie, M. BRrEuIE a cru devoir faire une sorte de profession de foi litté- raire, en vous présentant des observations sur la litté- rature allemande. Une nouvelle école d'écrivains reje- tant les anciennes règles classiques, réelamant pour les ouvrages de l'esprit une espèce de liberté de couscience, a inscrit sur son drapeau, à coté des noms de Shakespeare et de Byron , ceux de Gœthe et de Schiller. Mais ces novateurs firent biontôt le plus étrange abus de leurs conquêtes ; ce fut peu pour eux de renier le bon goût, ils renièrent encore tout patriotisme, en insultant les gloires de notre pays, en les immolant à celles de l'é- tranger. Le bon sens public a fait justice de tant de critiques dénigrantes ; l'Allemagne elle-même a pris en pitié l’engouement subit dont elle était l'objet; et Gœthe qui appelait Racine le demi-dieu de la scène francaise, a dùü condamner les impiétés du romantisme, et dé- daigner son grossier encens. Sans décider si les règles qui président à la composition du drame allemand, sont préférables à celles de la tragédie française, nos dramatistes les plus sages cherchent prudemment à con- — 185 — eilier les deux svstèmes, à combiner leurs avantages , et tout en dérogeant à l'étiquette génante de l’ancien théâtre , savent conserver la noblesse et la dignité. Les romantiques ont habilement profité des immenses richesses kyriques que leur offraient l'Angleterre et l'Allemagne; qui pourrait nier l'influence exercée sur le talent de Lamartine et de Victor Hugo par les poètes anglais et allemands ? Malheureusement l'un et l'autre, en s’ap- propriant les qualités de leurs modèles, ont en même temps pris leurs défauts. Lamartine est doux et mélo- dieux, mais aussi quelque fois obseur et monotone ; Victor Hugo , toujours vigoureux, souvent sublime, n'a point su éviter la rudesse et la boursoufilure ; en recherchant le raturel, il est tombé dans le trivial, et la prétention continuelle à l'originalité lui a fait rencontrer l'éeueil du grotesque et du ridicule. S'il nous est utile, dit en terminant M. Breuil, d'étudier les littératures étrangères , il nous faut apporter dans cette étude beaucoup de circonspection , et ne jamais perdre de vue les mœurs particulières, l'esprit distinctif, les lois de la langue de notre pays. En un mot, nous devons rester écrivains français, en imitant les étrangers. Les mémoires dont je viens d'essayer de vous présenter l'analyse ne sont pas les seuls travaux qui aient occupé vos séances. Il faut y joindre de nom- breux rapports sur des questions d'agriculture , de sciences et de belles-lettres, des discours de réception, des réponses du directeur aux récipiendaires : bien plus, vos travaux ne se sont pas tous renfermés uniquement dans l'enceinte affectée à vos réunions. Des cours de droit commercial , de lecture musicale , dont l'initiative — 186 — appartient à vous seuls, ont été professés avec le même succès par leurs honorables fondateurs MM. L. Roussel et Hardouin, et M. Decaïeu. Voilà, Messieurs, par quels services vous vous efforcez chaque jour de mé- riter l'estime de vos concitoyens, et d'accomplir la noble tâche que vous vous êtes imposée. Messivurs , pour vos devauciers, l'édifice assis sur un roc escarpé qui sert d’emblème au sceau de l’Aca- démie , c'était le temple de l'Immortalité. C'est par des travaux purement littéraires, que fidèles à leur devise , ils essayaient d'y parvenir. Mais l’étroit sentier qui mène au temple est ardu, et si parfois l'un d'eux réussissait à vaincre les obstacles, il ne pouvait prêter sa force, ni tendre unc main secourable à ceux qui trébuchaient en chemin. Il n’est pas d'association humaine qui puisse y conduire. Pour vous, sous l’em- pire des idées nouvelles, ce palais de l'imagination est devenu le séjour du bien-être. Et toute fois l'accès en est encore défendu au plus grand nombre; c'est par les arts, l'industrie et le commerce qu’on en peut sû- rement pénétrer l'enceinte. Aplanir la route à ceux qui s’y engagent avec une légitime ardeur ; prouver à tous qu'ils peuvent atteindre ce but si digne de leurs efforts, voilà la noble tâche que vous vous êtes im- posée, c'est ainsi, Messieurs, que vous voulez con- courir au bonheur de la cité , à la gloire de la France. ù ESQUISSE GÉOLOGIQUE DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME. Par M. BUTEUX. D ———— CE OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Bien que la partie observable de l'écorce du globe dans le département de la Somme n'offrit pas autant d'intérêt que dans la plupart des autres contrées, elle me parut cependant mériter d’être étudiée. L'expérience me confirma pleinement dans cette opinion. Je fis eonnaître en 1834 les résultats de mes recherches sur un certain nombre de points. Bientôt après, M. Ravin publia un mémoire sur tout le département et une partie plus ou moins grande des départements voisins, donnant à cette étendue de pays le nom de bassin d'Amiens. Je viens aujourd’hui présenter mon mémoire revu et beaucoup plus complet, ayant exploré à peu près le département entier. J'ai lieu de croire que bien peu des communes que je n'ai pas visitées, contiennent -- 185 — soit des lambeaux de terrains tertiaires, soit des terrains clysmiens dont la disposition eût pu contribuer à faire mieux connaître l'époque de la formation de ces terrains. Je resterai dans Îles limites de mon sujet. Je me contenterai, après avoir donné la coupe des terrains les plus intéressants et la liste des roches et des fossiles, d’énoncer des considérations générales sur la formation des terrains du département, évitant d'entrer, à l'occasion de la description d'une localité aussi res- treinte, dans des détails que doit seul comprendre un traité de géologie. Les indications que m'ont données MM. Garnier et Rigollot sur quelques points intéressans de l’arrondis- sement d'Amiens, ainsi que la liste des mammifères fossiles recueillis dans les mêmes lieux par ce dernier et nommés par lui, les recherches de M. Baillon sur les mammifères fossiles des environs d’Abbeville, et celles de M. Ravin sur le canton de St-Valery surtout, m'ont été d’un grand secours. Je prie leurs auteurs de recevoir ici le témoignage de ma reconnaissance. L'intérêt que trouva M. Elie de Beaumont aux coupes de quelques uns de nos terrains tertiaires dont je lui donnai communication, fut un puissant encouragement pour la continuation de mon travail. CHAPITRE PREMIER. TERRAIN CRÉTACÉ. 1. Pendant long-temps le terrain le plus ancien que l'on connût était l’épaisse couche de craie existant — 189 — parfois à jour, le plus souvent sous les terrains plus modernes, et qui s'étend dans les départements voisins. Mais il y a une cinquantaine d'années, des spécu- lateurs pensèrent que la dépression dans laquelle se trouvaient des débris des végétations primitives du globe converties en houille, et qui se dirigeait de Liège par Namur vers Valenciennes, pouvait se pro- longer au-delà. Ils firent des fouilles en suivant cette direction près d'Arras et près de Doullens à Bouquemaison. Dans cette dernière localité, l'impuissance de leurs ma- chines pour épuiser l’eau les forçea de renoncer à leur entreprise. Il résulte d’un rapport en date du 18 août 1793, de M. Laverrier, ingénieur des mines (1), que les terrains inférieurs à la craie dont l'épaisseur est de 342 p. 6. p., furent traversés l'espace de 345 pieds 6 pouces. Ils se composaient des roches suivantes dont les dénominations, an reste, ne sont guères in- telligibles. 1 pied, » pouces, faux bleu à 15 pieds au-dessous des eaux. A. —, 6 — pierre dure. 17, —,,., — terre ordinaire. bO — » —— bon bleu. 80 — » — les roques avec fleurs pareilles à celles du Hainaut. D > — les verts avec un banc de roc 60 — , — terre ordinaire renfermant 12 pieds de tourtia. ETS — terre fort dure mélangée de mar- cassin , au-dessous de laquelle (1) Archives da département de la Somme. Je dois ce rensei- gnement à l’obligeance de M. Dorbis, archiviste. — 190 — était un banc de coirelle, selon les uns, de sable luisant selon d'autres. JS MEN — terre noire. À cette profondeur, les eaux ont empêché la con- tinuation des travaux. Tout récemment les fouilles ont été reprises, mais je n'ai pu savoir quels terrains on avait rencontrés. J’ai vu seulement du fourtia qu'on disait trouvé au-dessous de la craie. Le tourtia est, comme l’on sait, un con- glomerat composé de sable, d'argile, de coquilles brisés, de morceaux de quartz et de silex roulés, avec de petits. fragments de houille. A Valenciennes, il an- nonce le voisinage du terrain houiller. 2. Près d’Abbeville, à Neuilly-l'Hôpital, toujours dans la même direction, on se livra à des fouilles, mais on s'arrêta à la profondeur de 214 m. 3 décimètres (660 pieds) dans la craie blanche légèrement bleuûtre. 3. M. Dumoulin, architecte à Doulleus, m'a dit qu'en 1817, ayant fait forer chez lui un puits artésien ; on atteignit à la profondeur de 70 pieds, une nappe d'eau qui s’est élevée à 10 pieds au-dessous de la sur- face du sel. A 30 pieds on avait rencontré une couche assez épaisse d’une terre blanche compacte, semblable à la terre de pipe, puis des cailloux et différentes espèces de terre. Malheureusement ces renseignemens ne permettent pas d'apprécier la nature des roches et de déterminer les terrains auxquels elles appartiennent, bien qu'ils paraissent inférieurs à la craie et dépendants des grès verts ou du gault. 4. Près Senarpont, au-delà de la Bresle, qui forme la limite du département, le forage d'un puits artésien PT ve dans la vallée fit cennaître qu'après 21 m. 7 décim. (75 pieds), la craie était remplacée par la glauconie crayeuse jusqu'a 65 m. (200 pieds) au-dessous de la surface du sol, où cessèrent les travaux. 5. A Meignelay, département de l'Oise, à peu de distance du département de la Somme, M. de la Ro- chefoueaud à fait forer un puits artésien jusqu'à la profondeur de 136 m. 35 cent. (420 pieds), où l’on trouvait encore la craie. 6. Au bas de St.-Quentin, près le canal, dépar- tement de l'Aisne, la craie cesse à 42 mètres au- dessous de la surface du sol et les sables et les grès verts lui succèdent (M. d'Archiac, bulletin géol. t. 10, ps50;retuts 12, p: 244). 7. A Belloy, canton de Chaulnes, M. le baron de Foucaucourt fit percer un puits artésien jusqu'à 65 mètres sans avoir rencontré une nappe d'eau jaillissante. A cette profondeur, la craie légèrement bleuâtre était un peu marneuse. 8. Bouquemaison est à 141 mètres au-dessus du ni- veau de la mer, Doullens à 53 mètres, Neuilly-l'Hô- pital à 28 m., Senarpont à 76 m., Meignelay à 123 m., St.-Quentin, près le canal, à S0 m., Belloy à 84 m. On sait que la craie cesse à Vissant à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, et qu'on aperçoit les sables et les grès verts. Nous verrons plus bas que l’on a rencontré seulement des sables et des galets d'alluvion marine au Château-Neuf, près l'embouchure de l'Authie, commune de Quend, en forant un puits jusqu'à 28 mètres, environ 26 mètres au-dessous du niveau de la mer, tant la craie est profonde, si toutefois elle existe encore là et n'a pas == 199 — &té détruite lors du soulèvement du bas Boulonnais. résulte de ces faits que son épaisseur est très-variable. L'inégalité du sol sur lequel clle a été déposée et celle de sa partie supérieure due aux courants d'eau auxquels elle a été soumise, en sont les causes. La différence est très-considérable, puisqu'à Neuilly-lHô- pital on trouve encore la craie à 160 mètres au- dessous du niveau de la mer, tandis qu'à Bou- quemaison, les sables et les grès verts paraissent à 26 mêtres au-dessus de ce même niveau, et à St.-Quentin, à 40 mètres, sinon les sables et les grès verts, au moins les glaises qui appartiennent à la même formation. 9. La craie du nord-ouest de la France ayant été décrite dans plusieurs ouvrages, je ne répéterai pas ce qui a été déjà dit, je me contenterai de peu de mots. A0. La craie blanche , tendre et friable est en petits fragments inégaux, rectangulaires à Îla partie tout-a- fait supérieure , et des silex généralement de peu de grosseur s'y trouvent disséminés. Parfois elle se présente avec une épaisseur de plusieurs mètres, en fragments de un, deux et même trois décimètres de diamètre, formant une sorte de brèche sans cohésion de morceaux d’un volume inégal et ne présentant pas de strates distinctes. Dans plusieurs lieux tels que le bois de Guerbigny. le bord de la route de Montdidier vers cette ville en sortant de Pierrepont, mais surtout à Villers- Carbonnel, la craie bien que dure, jaunâtre, ‘offre la même disposition , due , sans doute , pour celle-ci comme pour la craie blanche , à un remaniement ou au moins à la pénétration par les eaux avant le dépôt des ter- rains supérieurs et même lorsqu'il eut lieu, car dans — 193 — plusieurs endroits la partie supérieure de la craie a été sou- levée par elles de manière à ce que les terrains clysmiens qui la recouvrent s’y soient introduits même à plusieurs mètres de profondeur et aient formé des lits appro- chant plus ou moins de la direction horizontale. On en voit des exemples au chaufour de St.-Sauflieu sur la route de Paris, à St.-Valery dans la Falaise contre le chemin qui lie La Ferté à la ville, au Bipont à deux kil. de Nesle, etc. C'est à la même époque qu'eurent lieu dans la craie ces ouvertures en forme de cônes irréguliers renversés, dans une direction verticale ou peu oblique , remplis de terrains clysmiens et de sables ter- tiaires ou au moins enlevés aux terrains tertiaires et que l'on voit presque partout sur les hauteurs où la craie est à jour. Il est possible, mais il ne me parait pas évident que les perforations parfois assez profon- des , en forme de puits , qui existent dans la craie et sont assez rares d'ailleurs , soient dues à la méme cause. Peut-être un obstacle arrêtant le cours des eaux et les faisant tourbillonner , les a-t-il occasionnées. Toujours est-il certain que ce n'est pas avant le dépôt des terrains tertiaires , car ces sortes de puits seraient comblés non par des terrains clysmiens mais par des terrains tertiaires , ce qui n'est pas. Les eaux siliceuses ont dùü précéder ce comblement puisque la craie des bords et da fond du puits ou trou vertical que l’on voit aux monts de Caubert près la porte de Rome , est silicifiée. A1. La craie blanche apparait sur le bord droit de la vallée à Guerbigny et à droite de la route à Pier- repont vers Montdidier, en face de la craie jaunâtre (10) et au même niveau. 33. — 194 — 12. Sauf dans le haut, comme je l'ai dit ci-dessus, la craie est partout stratifiée. La direction est horizon- tale, cependant, je connais une exception purement accidentelle et qui ne provient évidemment d'aucun soulèvement. Dans le coteau à droite de la vallée de la Noye près Aïlly, il y a une carrière où horizontale à peu de distance de la partie supérieure qui est com- posée de fragments , la craie cesse de l'être à huit mètres environ de profondeur et forme une double courbe dans le sens de la vallée, s'abaissant de chaque côté de cinq décimètres sur une étendue de quinze mètres. 13. À quelques mètres de profondeur , les silex sont disposés en lits peu épais, généralement à une dis- tance de deux ou trois mètres les uns des autres et dans une direction horizontale. Mais plus bas lorsque la craie est moins tendre , ils sont disséminés irrégu- lièrement , plus abondants cependant entre les strates d'environ un mètre d’épaisseur de celle-ci , lesquels présentent alors des blocs formés par des fissures qui coupent ces strates en s'écartant rarement beaucoup de la perpendiculaire ; ces fissures sans doute sont dues à la même cause que celles de la craie supé- rieure, à la dessication. « Les fentes qui se font dans l'argile et dans l’empois lorsqu'une fois ils sont secs, présentent sur une petite échelle des formes semblables. » (Lyell, Nouv. élém. de Geol., p. 269.) Souvent les silex sont aussi épars dans la craie lorsque celle-ci est dure quoi qu'au niveau de la craie blan- che, tendre, qui l’avoisine. A Villers-Carbonnel , ils sont extrêmement rares, il faut de longues recherches pour en trouver. __ 495 le 14. A St.-Maurice près Amiens, les silex en rognons sont maculés de violet et de blanc. Ceux en plaquette offrent ces mêmes couleurs disposées par couches ou lignes horizontales. 15. À Abbeville, à la côte en sortant par la porte Marcadée , les intervalles des silex qui forment des hits sont remplis de petits morceaux de craie roulée et d'argile jaunûtre. 16. Les lits de silex ont très-probablement été for- més par des eaux qui outre le carbonate de chaux tenaient beaucoup de silice en dissolution. 17. Dans les caves de Montdidier et dans quelques autres lieux où la craie blanche a beaucoup d'épais- seur , on observe des silex dans une direction verticale et presque tous en contact. [ls sont fort larges, mais ils n'ont qu'environ deux décimètres d'épaisseur. J'en ai vu dans plusieurs endroits qui s’écartaient de la per- pendiculaire, prenant une direction plus ou moins obli- que , mais dans ce cas comme dans le précédent on ne les rencontre que dans la craie blanche supérieure. Ne pourrait-on pas attribuer la formation de ces silex plats à l'introduction d'une eau tenant une grande quantité de silice en dissolution, dans des fentes occa- sionnées par la dessication résultant du retrait des eaux? Le petit nombre de lignes verticales et obliques de silex plats, pourrait provenir de ce que l'eau qui remplissait les fentes contenait presque toujours une plus grande abondance de carbonate de chaux ou de ce qu'il ne sera pas arrivé souvent que la craie après avoir été déposée sera restée assez long-temps à découvert pour donner lieu à la formation de fentes. On voit aussi, illest vrai, mais raremeñt et pas dans la partie tout-à-fait 13.* — 196 — supérieure de la craie des lits horizontaux de silex plats, plus épais en général que ceux dont je viens de parler. Leur aplatissement peut être dù à la consistance que commençait à prendre la craie lorsque les eaux siliceuses sont arrivées et à la rapidité avec laquelle la craie supé- rieure se sera déposée de manière que son poids fut assez considérable pour aplatir les silex encore mous. C'est aussi l'opinion de M. d’Aubuisson de Voisin (Cours de Géologie.) L’aplatissement de quelques tests d’échinodermes est dù à la même cause. Les lits de silex plats dans une direction oblique peu différente de la ligne horizontale et atteignant rarement une ving- taine de mètres d’étendue, peuvent devoir cette di- rection à l’arrivée d’eaux siliceuses sur la craie récem- ment déposée et dont un léger mouvement des eaux avait détruit l’horizontalité , comme on en voit des exemples dans les lieux soumis à l'influence des eaux de la mer ou des cours d’eau fluviatiles. 18. La craie contient disseminés, des pyrites glo- buleuses et des nodules de fer sulfuré. Des traces de fer oxidé pulvérulent se remarquent parfois dans la séparation des blocs de la craie dure. Assez souvent les parois offrent des points noirs très-rapprochés qui forment des espèces de dendrites. 19. À Caix , à Etinehem , à Falvy , à Villers-Car- bonnel, dans la craie peu dure de Mézières, etc. On voit fréquemment des géodes ou cavités vers le centre desquelles se dirigent de toutes les parties de la cir- conférence des cônes auxquels l'effet du retrait qui les a occasionnés donne une ressemblance avec les écailles des pommes de pin. Elles sont très-abondantes à Villers- Carbonnel , plus sans comparaison que partout ailleurs, — 197 — L'intérieur du test converti en spath calcaire des échinodermes épars dans la craie de Caix, est parfois rempli par ces cônes ou du calcaire friable. À une car- rière sur le bord droit de la Noye vis-à-vis Epagny, presque tous ces cônes sont recouverts d’une couche de silice ou plutôt de quartz byalin. Il s’en trouve, mais en petit nombre, de semblables à Caix et à Vil- lers-Carbonnel. 20. Aux carrières ouvertes dans les côteaux de Ja vallée de la Noye, depuis le Rosoy jusqu’à Ailly, on appercoit après plusieurs mêtres de craie blanche, de la craie grise, dure, d'un grain inégal renfermant des silex pyromaques noirs en rognons , des silex pyroma- ques noirs en plaquette qui souvent ne sont pas dans une direction horizontale mais légèrement oblique, et outre les spatangues et les ananchites qu'on rencontre presque partout dans la craie, les géodes dont je viens de parler et qui sont assez rares. Les strates excepté dans le haut comme cela arrive toujours sont distinctes et horizontales. Cependant il y a une des carrières sur la droite où les strates ne sont pas appercevables, mais où la craie offre une brèche sans cohésion formée de fragmens de toutes grosseurs. Il faut encore excepter la carrière où j'ai signalé une assise suivant une ligne courbe. Il existe à la carrière d'Epagny à dix mètres environ de la surface du sol, un lit de deux décimètres d'épaisseur de craie assez friable principalement composée de craie feuilletée celluleuse ; elle est très -légère, et ressemble à certains calcaires concrétionnés. A Pic- quigny il s’en trouve aussi à peu près dans la même position, mais plus dure et légèrement brillante. A la carrière d'Epagnv et à plusieurs autres de la val- — 198 — lée, la craie présente parfois des lits assez épais dont les blocs sont perforés, aux faces verticales, de petits trous comme s'ils avaient été soumis aux influences at- mosphériques. 21. Les carrières de Caix sont situées dans le bas d'un ceôûteau. Au point où l'exploitation est parvenue, après huit à neuf mètres de craie blanche dont Îles fragmens augmentent de grosseur et prennent une teinte jaunâtre en descendant, il y a jusqu'à l'eau trois mètres environ de craie jaunâtre, qui va en dur- cissant vers le bas et dont la couleur devient en même temps plus foncée. Les assises sont plus épais- ses que dans la craie blanche. Des blocs sont perforés sur les faces supérieures et latérales, de petits trous peu profonds, circulaires ou ovales, comme à Epagny. Tout à fait dans le bas la craie est ça et là légèrement chloritée. Le grain de cette craie jaunàtre est d'une dureté très-inégale. Les parties les plus dures sont dues à la pénétration, à la diffusion de la silice et forment des espèces de veines spathiques. Les silex en rognons sont généralement disséminés, mais suivent cependant le plus souvent une ligne horizontale. Des plaquettes de silex ont la même direction. J'en ai vu de très-peu étendues n'ayant pas plus d’un millimètre d'épaisseur. Les ouvriers les appellent caillasses et les redoutent pour leurs outils. 22. A Villers-Carbonnel, la craie dure, jaunâtre est par fois légèrement chloritée dans les assises inférieures. 23. À la hauteur de Bray, dans les coteaux à droite et à gauche de la Somme, la craie inférieure, dure, jau- nàtre est assez souvent légèrement chloritée. Les par- ties des blocs qui n'étaient pas en contact immédiat = (99 avec les voisins offrent quelque fois des concrétions de quelques millimètres de hauteur. 24. La craie jaune et dure n’est pas rare dans l'Est du département, elle se montre par fois ainsi dès le haut où elle est en général seulement un peu moins jaune, et à peu de distance elle est blanche et ten- tre, précisément à la même hauteur. Il en est de même dans l'intérieur de cette roche. Ainsi en creu- sant un puits près de Rethonvillers afin d'extraire de la craie pour la construction de la route de Rouen à la Capelle, on a rencontré au milieu de la craie blan- che une veine épaisse ou couche de craie jaunûtre, d'un grain très-inégal, mais sénéralement dure, avec des rognons de silex pyromaques noirs disséminés. Elle paraissait se diriger vers Marché-Allouarde, On en a en- core trouvé depuis peu de temps, en beaucoup d'au- tres endroits, à côté de craie blanche, par suite de l'extraction de craie pour la fondation des nombreux chemins actuellement en construction. 25. À Etinehem et à Falvy la craie est dure et jau nâtre presque dès le haut. 26. À Conty, à Pont-de-Remi, la craie la plus in- férieure que l'on ait atteinte, est assez blanche, géné- ralement dure, et d'un grain égal. Il en est de même à Corbie où elle est quelquefois, mais assez rarement, jaunûtre. 27. À Abbeville on rencontre la craie dure et jau- nâtre à 27 mêtres de la surface du sol, profondeur la plus grande des puits artésiens. 28. Lors de l’adoucissement de la rampe de Beauval, du côté d'Amiens, la partie supérieure de la craie étant découverte, on l’a trouvée vers le haut de la côte, à — 200 — l'état arenacé, puis à celui d'aggrégation, s'effritant d'abord assez facilement sous les doigts, et ensuite plns dure à mesure que l'on descendait. On n'alla pas au-delà de sept mètres de profondeur Cette craie un peu sa- bleuse surtout dans la partie incohérente renferme de petits fragments de celle inférieure avec des bélemnites , des huîtres, des serpules et surtout des dents de squale. 29. A Mont-Didier la craie contient des bélemnites ; mais en petit nombre. Les habitans leur donnent le nom de pierres de bonheur. Je ne connais qu'un de ces fossiles trouvé ailleurs dans la craie blanche, à Nesle derrière la ferme de M. Quenescourt. Il y a extrème- ment peu de fossiles dans notre craie. Quelques espèces seulement des genres ananchite et spatangue et des fragments de catillus ne sont pas rares. À Forma- noir (M. Garnier) près Boves, on trouve assez faci- lement des terébratules, mais elles tombent en pous- sière lorsqu'on les touche. Elles ne sont pas très-rares à Doullens, à S.t-Maurice près Amiens et à Liomer. 30. Le volume des blocs de la craie augmente suc- cessivement en descendant, et en général cette roche de blanche et tendre qu'elle était, devient grise ou jaunâtre et plus dure. Elle résiste passablement à la gelée lorsqu'elle est employée bien sèche. La distinc- tion en craie blanche , craie tuffeau, craie chloritée , exacte dans quelques localités, a cessé d'être généra- lisée lorsque cette formation a été mieux connue. Les fossiles ne l'appuyent pas d’ailleurs d’une manière tranchée. La division par M. Passy (descrip. géol. du département de la Seine-Inférieure ) en craie supérieure et en craie inférieure qui se distingue de celle-ci parce qu’elle contient du mica et pas de grains verts — 201 — me parait bien préférable. C'est d’après des motifs semblables que M. Leymerie (Ball. géol. t. 9) partage la craie, en craie blanche et en craie tuffeau la- quelle contient des nautiles et des ammonites qu'on ne rencontre jamais dans les assises supérieures. M. de la Béche (Manuel de géologie p. 338) est d'avis que : «en France on doit se contenter de partager le groupe cré- tracé en deux divisions, la craie proprement dite et les grès et les sables verts ». Ainsi il ne fait qu'une division de nos diverses craies. Il distingue (p. 337) le terrain crétacé, en partie supérieure crétacée et en partie inférieure erétacée ou argileuse, considérant les autres distinctions comme locales. M. Lyell, (Nouv. élé. de géol. p. 366) le divise également en craie et grês verts, subdivisant ensuite, il est vrai, la craie en craie blanche et craie tuffeau. 31. La craie est très-souvent dure, grise ou jaunà- tre et n’est cependant pas marneuse ; elle est fréquem- ment au même niveau que la craie blanche qui l'avoi- sine et ses strates se lient avec ceux de celle-ci, sans offrir la moindre trace de soulèvements qui l’au- raient mise à jour. Îl en est de même de la craie blanche dans les endroits où elle surmonte la eraie dure , elle est toujours horizonjgale et en stratification concordante. Une autre preuve de l'identité de forma- tion résulte des mêmes espèces de fossiles que l’on trouve dans les diverses sortes de craie que j'ai pu observer dans le département. La différence de dureté et assez ordinairement en même temps de couleur , est un de ces effets que présentent tous les terrains de sé- diment. Il tient à des combinaisons chimiques qui ne nous sont pas encore bien connues, quoiqu'on sache — 202 — que beaucoup d’entre elles ont pour cause des oxides métalliques plus ou moins abondants. Les silex de la craie dure et jaunâtre ne sont ni cornés ni même blonds, mais plus 6uù moins noirâtres, comme ceux de ja craie blanche. La dénomination de craie tuf- feau ne peut lui convenir si lon à égard à la des- cription qu'en donnent MM. de Humbolt, Cuvier et Brongniart. Selon ces deux derniers savants dans leur description du bassin de Paris, la craie tuffeau (nom dù à M. Omalius d'Halloy) est : « généralement gri- sâtre et sableuse et au lieu de silex pyromaques ren- ferme plus ordinairement des silex cornés. » Selon M. de Humbolt (essai sur le gisement des roches dans les deux hémisphères, p. 285,) qui s'appuye sur les recherches de MM. Omalius d'Halloy et Brongniart, la craie tuffeau ou craie grossière est sableuse, renferme des marnes et au lieu de silex pyromaques des silex cornés d’une couleur peu foncée. 32. D’après les analyses de M. Reynard, que donne M. Ravin, de la craie blanche , elle contient près de Doullens 90 parties de chaux carbonatée, 9 de silice et d'alumine et À de fer. La craie grise sous Amiens contient en général à 84 pieds de la surface du sol, de 93 à 95 parties de choux carbonatée ; cependant ces proportions dit M. Ravin variaient singulièrement à divers points de la masse perforée. Ainsi aprés un banc de craie argileuse bleuâtre com- mencait : La craie grise à 84 pieds 58 33 de chaux carbonatée. 114 — 86 00 141 — 63 36 148 — 91 66 — 203 — La craie grise à 174 pieds 75 00 de chaux carbonatée. 210 — 93 05 230 — 76 38 260 — 95 83 On voit que la craie presque pure a succédé plu- sieurs fois à de la craie grise marneuse qu'on pourrait appeler craie tuffeau , si l’on avait seulemeut égard à sa composition. 33. Je reppelerai (3) qu'à 214 mètres 3 décimètres de profondeur on trouve la craie blanche légèrement bleuâtre , à Neuilly l'hôpital, bien au-dessous par con- séquent de toutes les craies jaunâtres que nous connais- sons, mais je n'en tirerai aucun argument parce que cette craie me-parait pouvoir être rapportée à la craie chloritée, 34. C'est un fait déjà observé que l’existence dans la craie blanche de bandes d’une épaisseur plus ou moins grande, d’une couleur grise, jaunâtre ou rougeàtre, tantôt très-dures, tantôt très-friables. M. Passy (L. CG.) a signalé une bande de craie dont la dureté est remar- quable , qui apparait au milieu de la craie blanche dans la Falaise entre Dieppe et le Tréport. Il cite aussi à S.t-Etienne du Rouvroy, la craie subcristalline qui offre une dixaine de bancs peu inclinés vers l'Ouest, séparés par des lits de silex pyromaques. Ils sont com- posés de craie dure, jaune, compacte, subcristalline et reposent sur la craie blanche compacte qui ressemble par fois à la craie blanche supérieure. M. Brongniart parle de « la craie blanche , tantôt seule, tantôt accompagnée, de la craie tuffeau (1) ou (4) M. Brongniart appelle ici craie tuffeau, une craie marneuse , sans fossiles différents de ceux de la craie blanche. 1001 même remplacée par elle » dans les départemens au- tour de Paris, (D. géol. du bassin de Paris). M. Graves (notice géol. du canton de Ressons) décrit une craie jaune , dure, dans la vallée d’Aronde qui « ne peut- être considérée comme représentant la partie basse du calcaire crayeux, car elle a au plus 15 mêtres de puis- sance et l’on trouve au-dessus une masse de craie blanche tendre. » Il cite encore à Campreny et à Farivillers, de la craie jaune, dure, entre de la blanche, et à Troissereux une craie jaunàätre dure avec points noirs ou verdâtres, appartenant selon lui à la craie moyenne et qui se trouve placée entre de la craie blan- che. « L'observation a prouvé (M. Omalius d'Halloy, éléments de géologie) qu’une même assise change quel- que fois de nature selon les lieux, on ne doit pas mettre trop d'importance à cet arrangement (les trois divisions de la craie) et surtout ne pas le considérer comme exclusif... ces roches se lient tellement en- tre elles et présentent si souvent des alternatives, qu'il est bien diflicile d’y établir un ordre constant de su- perposition : cependant il parait que la craie bianche forme généralement le premier terme de la série en allant de haut en bas... la craie blanche que l’on voit, nettement sous le tuffeau a Maëstricht... passe quel- que fois à l’état arenacé, d’autres fois plus rarement elle devient assez cohérente pour donner de bons maté- riaux de construction. » 35. D'après tout ce qui précède, je me crois auto- risé à dire que les masses ou bandes de craie dure, jaune, grise, que l’on trouve à la surface du sol, en- tourée de craie blanche ou recouverte seulement de quelques mètres de celle-ci, ne peuvent être rappor- = 405 = iées à la craie tuffeeu considérée comme partie 1n- férieure de la craie, parce qu'il faudrait supposer des soulèvements partiels, ce qui ne peut s’accorder avec l'horizontalité des strates, après quelques mètres de craie fragmentée dans le haut. Elle est minéralogiquement, sauf cependant l'absence de silex blonds et cornés, absolument semblable à la craie tuffeau inférieure, mais elle n'est, pour ainsi dire, melangée à la craie blanche qu'accidentellement, par suite de la présence des mé- mes matières, qui ont formé la craie généralement dure, que l’on a nommé tuffeau, espèce de tuf, parce qu’elle est d'un tissu grossier, d'un grain inégal, comme la caractérise très-bien M. De Bonnard, ( Ar- ticle terrains du dict. d’hist. nat. de Déterville, pag. 200 de l'article. ) Elle renferme d'ailleurs les mêmes fosciles que la craie blanche. Si l'aspect et la composition élémentaire de notre craie dure et de la véritable craie tuffeau sont les mêmes, sauf toujours l'absence de silex cornés, ce n'est pas une raison pour les regarder comme ap- partenant au même étage, lorsque les caractères pa- léontologiques diffèrent. Ainsi, nous ne possédons pas la craie tuffeau, au moins elle n'est pas à jour, con- sidérée comme partie inférieure de la craie, mais elle est assez commune si nous ne nous arrêtons qu'à son caractère minéralogique , à son tissu d'une dureté iné- gale et à sa couleur jaunätre ou grise. 36. J'ai parlé de l'introduction de terrains clysmiens dans la craie, au bipont, à St.-Sauflieu, à St.-Va- lery, je vais entrer dans quelques détails sur la dis- position de la craie dans ces lieux. 37. La colline près le bipont est composée de craie — 206 — jaunàtre, assez dure, en fragments de grosseurs di- verses, et contient des silex pyromaques noirs épars. Elle à été pénétrée par des eaux siliceuses qui en ont fait dans la partie supérieure une brêche solide. Dans quelques endroits , elle a été traversée jus- qu'à près de deux mètres par les eaux qui ont en- trainé dans ses interstices, ici du sable verdâtre , là de l'argile brune, provenant tous deux de terrains ter- tiaires, et dont l'introduction s'est faite sans doute en même temps que celle des terrains clysmiens, en d’au- tres places dans la même localité, et par consé- quent lors du dépôt de ceux-ci, car tout annonce que les terrains tertiaires ont été déposés pendant une période de tranquillité. Il en a été de même pour les deux cas suivants. En effet, à St.-Valery, ici des sables tertiaires, là des terrains clysmiens remplissent les cônes renversés, formés lors du ravinement de la craie par les eaux, ainsi que les vides également oc- casionnés par celles qui ont soulevé la partie supé- rieure ; de là les bandes presq'horizontales de sable, etc., qui ont pénétré jusqu'à une profondeur de six mètres. Il pouvait, au reste, se faire, et cela lorsque les sables sont purs, qu'ils aient été déposés dans quelques cônes renversés lors de la période tertiaire. À St.-Sau- fieu, il y a deux bandes de petits amas anguleux de limon roux, d’un à deux décimétres d'épaisseur, à peu près à un mèêtre de distance l’une de l'autre. La plus élevée se trouve à un mêtre du sommet de la craie, son inclinaison est de 6 degrès du côté de Pa- ris, celle de l'autre est de dix degrès (1). (1) Des paquets d'argile où de sable, qui paraissent entourés — 207 — 33. Dans plusieurs lieux, on trouve vers le som- met de la craie certaines parties de cette roche qui ont été pénétrées d'eaux siliceuses. La craie silici- fiée se voit aux monts de Caubert, à Cambron, à Ca- hon, à Pendé (M. Ravin}), à Ault, derrière l’église sur le chemin d’Eu par Lamotte Croix-au-Bailly, où elle forme dans la partie supérieure de la craie, une bande de six décimètres au plus d'épaisseur et de 29 mètres de longueur (M. Ravin ); à Aiïlly-sur-Somme, elle a un mètre d'épaisseur; au-dessus se trouve un mêtre d'épaisseur de poudingue brechoïde ou plutôt un con glomerat composé de silex roulés, ayant en général une croûte jaunâtre comme ceux des bords de la val- lée, d'autres qui n'ont pas été roulés et d'une infinite de petits silex blanchätres , presque tous anguleux et pres- que microscopiques , puis un mètre de terrain clysmien. La craie du bord droit du chemin creux qui descend de Namps-au-Mont à Namps-au-Val a été silicifiée dans le haut, l'épaisseur de deux décimèêtres et forme une bréche réu- nie par un ciment siliceux calcaire. À Buny , commune de Voyenne, la côte est formée d'une craie jaunâtre, en fragments généralement de peu de grosseur ; à la par- tie supérieure est une brèche calcaire ou craie blan- che, silicifiée de l'épaisseur d’un mêtre; ïl est des morceaux qui ne sont pas silicifiés au centre. A la sortie de Ham, entre les routes de St.-Quentin et de Péronne, une craie jaune, dure, contenant des silex pyromaques noirs, et disposée en blocs de diverses grosseurs, presque tous composés de plusieurs frag- de craie, appartiennent peut-être tous à des conduits sinueux for- més par les eaux, et dont ils forment l'extrémité. (M. Lyell. } ments réunis par un ciment siliceux très-visible, of- frant parfois une concrétion mammelonée, forme une brèche siliceuse. Lors du dépôt du terrain clysmien, qui la surmonte, elle a été, si toutefots la silification avait eu lieu et ne datait pas de ce moment, comme il est très-probable, plus ou moins ravinée par les eaux siliceuses, de sorte que ce terrain supérieur, composés d'argile légèrement sableuse, variant de cou- leur et de ténacité, et accompagnée de silex, la pé- nètre à différentes profondeurs, parfois jusqu'à trois mètres et dans d’autres endroits la surmonte#t d'un demi-mêtre. Parmi les blocs de craie, il en est qui sont formés d'un ‘seul fragment, sont très-durs et d’un jaune foncé d’un côté, et de l'autre de craie blanche et tendre. La brèche siliceuse est à peu de profondeur remplacée, au dire des ouvriers, par de la craie plas ou moins dure, mais qui n'est pas sili- cifiée. Il est aussi à remarquer qu'à cent mètres de là, on exploite, au même niveau, de la craie blanche, tendre, fragmentée, pour faire de la chaux. Ravinée comme la précédente, on voit eutre les parties qui sont restées, du sable glauconieux avec des silex à croûte verdatre qui l'accompagnaient ou de l'argile sa- bleuse et crayeuse avec des silex. 39. Mais c'est à Neuilly-l'Hôpital, au nord ouest de ce village, qu'on touve la craie silicifiée sur une plus grande étendue , d'une centaine de mètres environ de diamètre et de plus de deux mètres d'épaisseur. La craie blanche, légèrement grisätre, fragmentée et réu- nie en bloc par un ciment siliceux, est dure, com- pacte. Il se trouve parfois des fragments dont une des faces présente une concrétion de plusieurs millimètres 22-70 2 «le hauteur. La disposition horizontale de cette craie silicifiée à une profondeur peu considérable, les silex py- romaques noirs et des catillus ne laissent pas de daute sur sa dépendance de la craie. 40. J'ai cité plus haut la craie silicifiée au fond et sur les côtés d’une de ces perforations qui ressemblent à des puits, aux monts de Caubert, à lextrémité du faubourg de Rouvroy, près la porte de Rome. Ai. Au côté sud d’un vallon qui, du milieu d’ar- rest, va de l’est à l’ouest, Îa craie blanche est silici- fiée jusqu'à plusieurs mètres de profondeur en partant du sommet de ce vallon. Absolument semblable à celle de Neuilly-l'Hôpital, elle forme une brèche dont les fragments sont réunis en blocs de diverses grosseurs par un ciment siliceux. Elle est dure, compacte, sub cristalline. Dans le bas les morceaux de craie ne sont silicifiés qu'au centre, parfois ils le sont d’un seul côté, ce qui au surplas se remarque dans {outes nos craies silicifiées. Dans la même commune, sur le côté opposé à celui où se trouve le calcaire d’eau douce tertiaire dont je parlerai dans le chapitre suivant, M. Ravin m'a fait remarquer dans le haut de la craie blanche une bande silicifiée d’un mètre environ d'é- paisseur et de peu d’étendue, 42. On observera que la craie silifiée se trouve seu- lement sur le haut ou sur le penchant des coteaux; à Neuilly-l'Hôpital, elle est vers le bas du côteau. Roches de la Craie. À. Craie blanche tendre (presque partout. ) 14. — 210 — 2. Craie blanche légèrement bleutre ( Neuilly-l'Hô- pital, à 214,30 de profondeur. ) 3. Craie jaunâtre, dure, mais d'un grain inégal (taCarxs ele:) &. Craie jaunâtre, dure, mais d'un grain inégal, lé- gèrement chloritée ( Gaix, Proyart.) 9. Craie jaunâtre, dure, concrétionnée sur une des faces ( Proyart. ) 6. Craie grise, dure ( Conty, Chaussoy-Epagny. ) 7. Craie grise, dure, feuilletée, celluleuse , ressem- blant à certains calcaires concrétionnés et légèrement teinte de fer oxidé (Chaussoy-Epagny. ) S. Craie feuilletée, celluleuse, présentant une tex- ture compacte, légèrement brillante ( Picquigny. ÿ 9. Craie grise, dure, perforée (Chaussoy-Epagny , Caix. ) 10. Craie jaunâtre, dure, avec des lignes concen- triques parallèles, rapprochées, plus foncées et plus dures que les intervalles ( Villers-Carbonnel. ) 11. Chaux carbonatée compacte concrétionnée multitu- buliforme ( Picquigny. ) 42. Craie grumeleuse, d'un grain grossier (Beauval.) 13. Craie silicifiée incohérente ( Ailly-sur-Somme. } 1%. Craie silicifiée bréchoïde ( Neuilly-l'Hôpital, Aïlly- sur-Somme, etc.) 15.° Craie silicifiée concrétionnée (Neuilly-l'Hôpital.) 16. Craie silicifiée bréchoïde avec ciment siliceux cal- cedonieux ( Ham. ) 17. Craie géodique , avec cônes dirigés vers le cen- tre et auxquels l'effet du retrait donne une ressem- blance avec les écailles des pommes de pin ( Villers- Carbonnel surtout. ) — 211 — 18. La même avee les cônes recouverts de cristaux de quartz-hyalin (Villers-Carbonnel, le côteau opposé au Chaussoy-Epagny. ) 19. Petits fragments de craie roulée dans les inter- valles des silex en ligne (Abbeville, à la porte Mar- cadée. }) 20. Argile jaunâtre dans les intervalles des silex en lignes ( Abbeville à la porte Marcadée. ) 21. Silex pyromaques noirs en rognons (partout. ) 22. Silex pyromaques noirs en plaquettes ( presque partout. ) 23. Silex pyromaques noirs ayant une bande vio- lette près de la surface ( Abbeville à la porte Mar- cadée. ) 24. Silex pyromaques en rognons et plaquettes, ma- culés de blanc et de violet dans les premiers et pré- sentant dans les seconds des bandes horizontales de ces couleurs (St.-Maurice, près Amiens. ) 25. Tests de mollusques et d'échinodermes en spath calcaire (partout. ) 26. Pyrites globuleuses de fer sulfuré blanc, formées de cristaux de fer octaédrique groupés (presque par- tout. ) 27. Pyrites de fer sulfuré blanc noduleuses (presque partout, plus rares que les précédentes). 28. Pyrites globuleuses de fer sulfuré epigène, vul- gairement fer hepatique, formées de cristaux de fer octaédriques grouppés (très-communes ). 29. Pyrites de fer sulfuré epigène, noduleuses (partout). 30, Fer oxidé pulvérulent (partout). Ie — 212 — Fossiles de la craie. A. Dents de squales (Beauval, à fa surface de la craie grumeleuse ). 2. Dents de squales de 25 mill. de longueur (Pic- quiqny, collect. de M. Douchet; St.-Valery, Abbeville à 16 mètres de profondeur. ). 3. Palais de Diodon {St.-Valery, dans le haut de la craie ). A. Empreinte de poisson ? (Recueillie par M. La- bour, (Doullens.) 5, Pholadomia . Se . L * k Environs d’Abbeville, 6. Cardium...(empreinte de); » | . À \ musée de cette ville. 7. Catillus lamarkii 8. Catillus cuvieri (partout). 9. Pecten. . . . . . . . | Environs d’Abbeville, 10. Pecten quinquecostatus) musée de cette ville. 1%. Pachytes spinosa (de M, Defrance) plagiostoma spinosa (de sowersbi) , empreinte de (St.-Sauflieu, Abbe- ville, Beaucourt près Mailly). 12. Pachytes spinosa, en silex (faubourg d'Amiens). 43, Fragment d’une coquille de pachytes spinosa, sili- cifiée, dans un silex ( Abbeville, à la porte Marcadé, Villers-Tournelle). 44. Dianchora striata (Abbeville, musée de cette ville). 15. Ostrea vesicularis ( Montdidier , rare ( trouvée par M. Graves). 16. Ostrea...espèce nouvelle voisine de l’ostrea cor- nucopia de Lamarck (Beauval). A7. Terebratula subglobosa (Abbeville, musée de cette ville ). — 213 — 18. Terebratula Are St. Val 19. Terebratula plicatilis MCE TE 20. Terebratula ovata (Caubert, Amiens, Doullens, Liomer ). 21. Terebratula carnea (Douliens, Amiens, Abbeville). 22. Trochus rhodani (moule intérieur de) (Abbeville, près Thuison ). 23. Belemnites mucronatus (Nesle, Liomer, Mont- didier, Beauval ). 24. Belemnitella quadrata, de M. d'Orbigny (Montdidier) 25. Serpula....(Beauval). 26. Galerites albogalerus rempli de craie (St.-Valery). 27. Galerites pyramidalis rempli de eraie (Abbeville). 28. Spatangus elevatus (Abbeville, musée). 29. Spatangus coranguinum, rempli de craie (partout). 30. Spatangus compressus (Abbeville ou environs). 31. Ananchites gibba ( Abbeville, musée ). 32. Ananchites ovata, en silex ou rempli de craie (partout). 33. Ananchites ovata, variété approchant de l'hes- mipherica, rempli de craie ou en silex (partout ). 34. Ananchites carinata (Montdidier ). 35. Ananchytes hemispherica (Abbeville, musée). 36. Cidaris variolaris ( Abbeville, musée). 37. Cidaris saxatilis ( Abbeville, musée). 38. Pointes d’échinus ou de cidaris (St.-Valery). 39. Cidaris pseudo diadema, rempli de eraie. (Abbe- ville ). A0. Holaster rostratus, de M. Agassiz (Villers-Tournelle). A1. Holaster altus ? de M. Agassiz (Villers-Tournelle). — 214 — 472. Tragos pisiforme (Fouquescourt, St.-Maurice près Amiens). 43. Ventriculites... .. (Mantell), corps lenticulaire enveloppé d’une feuille mince de silex pyromaque (Montdidier ). 4h. Apiocrinites., paraissant spathifiée, sortant d’un silex (environs d'Abbeville ). 45. Polypier non silicifié, cylindrique, plus gros à l'une de ses extrémités, du genre éponge, au milieu d'un silex (Abbeville, à la porte Marcadé). 46. Poiypier réduit en matière crétacée pulvérulente dans un silex formant un tube de 3 à 4 mill. de diamètre (Abbeville, à la porte Marcadé). 47. Polypier presque réduit en matière crétacée pul- vérulente, au centre d’un silex sphérique (St.-Maurice près Amiens, etc.) AS. Empreinte de polypier rameux (Doullens, re- cueilli par M. Labour ). IL faudrait encore ajouter à ces fossiles les forami- uifères, animaux microscopiques qui abondent dans la craie, et dont M. Alcide d'Orbigny, qui en a fait une étude particulière, forme une nouvelle classe qu’il place entre les polypes et les radiaires. CHAPITRE SECOND. DES TARRAINS TERTIAIRES OU SUPRACRÉTACÉS. A3. Au-dessus de la craie on trouve çà et là des lambeaux de terrains tertiaires appartenant, à l'exception peut-être de deux, au groupe argilo-sableux des ter- — 215 — rains thalassiques de M. Brongniart. Ces lambeaux sont rarement assez étendus pour former des plaines; parfois ils sont entourés de terrains plus récens, ou constituent des tertres, position dans laquelle on les rencontre assez souvent. Je vais les faire successivement connaitre. A4. Un monticule d'environ 1 kilomètre de diamètre, appelé le Mont-Soufllard, et dont la plus grande partie est dans) le département de l'Oise, et le reste dans la commune de Villers-Tournelle, est ainsi composé en allant du haut en bas : (maximum d'épaisseur) 7 mètres 50 cent. galets de silex enveloppés dans une argile plastique grise. Il y en de gris et de noirs, mais ces der- niers dominent. Leur grosseur est en général celle d'une noix; cepen- dant il s'en trouve une certaine quantité de plus gros et en plus grand nombre d’aussi petits que des Epaisseur moyenne. pois. 1 — 30 — argile plastique grise et jaunâtre avec de rares débris de coquilles. 1 — 30 — argile sableuse de couleur gris-bleu. 2 - 00 — lignites. 1 — 50 — argile plastique bleuitre. 5 — 00 — sable blanchâtre, puis verdûtre. — — argile plastique. Toutes ces couches sont horizontales, à l'exception de celles de silex qui ont bien cette disposition, mais moins régulièrement. Des flancs dn mort Soufllard, vers le nord-ouest, des sables blancs, jJaunâtres, puis verdätres, appa- raissent. Ces derniers offrent, dans la partie supérieure, une bande de 20 cent. d'épaisseur de ealcaire sableux peu dur, avec des tests d’huitres et des empreintes de bucardes, et je crois de corbeilles lamelleuses, A 300 mètres à l'ouest du village de Villers-Tournelle, gros nodules de grès entourés de diluvium ou terrain clysmien. 45. Le monticule dont le sommet est en partie oc- cupé par le bois de St.-Martin près Folleville, est formé 1.° de 3 mètres de sable blanchâtre et principa- lement rougetre, rempli de petits galets de silex ; 2.° sable pur, blanchâtre et rougeàtre entremélés ; à 11 mètres de profondeur , il y a des traces de lignites. A6. À Fontaine, près Montdidier, presque contre la route de Rouen à la Capelle, sous À mètre environ de diluvium, est un amas assez considérable de sable jaune clair. 47. Près Pierrepont, vers Montdidier, sur le bord de la route, 66 cent. de diluvium; soixante cent. à À m. d’argile plastique grise remaniée maculée de taches rougeàtres allongées verticalement et stratifiée horizon- talement (diluvium), puis sable pgrisàtre. AS. En face du bois d'Haille, de l’autre côté de la route de Montdidier à Amiens, à 2 kilomètres de la première de ces villes, on a trouvé et on trouve encore des grès dans la diluvium (4). (1) Dans ce cas comme dans plusieurs autres semblables qui se présenteront (84-87-104-117-118-119-120-121-129) j'aurais pu parler de ces grès aussi bien dans le ch, du terrain elysmien, cependant A9. Il existe aux limites du département une émi- nence dont l'étendue est de 4 kilomètres du sud-ouest au nord-est, et de 2 kilomètres du sud-est au nord- ouest. Le village de Rollot en occupe une grande partie. L’extraction de lignites dans trois endroits dif- férents m'a permis de voir la composition du terrain. D'abord à droite et hors du village, vers Compiègne 0 pieds 30 pouces diluvium formé de limon roux, ar- gilo-sableux , contenant quelques silex et des galets de silex peu nombreux. » — 30 — débris d’huîtres, de cerithes et de cyrènes. 22 1307 — : aroite lastique crise alternant # Ù arg p'e (e g S 3 ü avec des couches très-minces de sable jaune et avec plusieurs couches de lignites de quelques centimètres d’é- paisseur. Di — »» — lignites. Ailleurs, du même côté, mais plus près du village et un peu plus loin de la route : » — 90 — limon roux argilo-sableux, appar- tenant au diluviam. » D=Du30 20), limon argileux rougeâtre contenant des silex et quelques galets de silex, appartenant aussi au diluvium. j'ai cru devoir les mettre avec ceux appartenant incontestablement aux terrains tertiaires, lorsqu'ils sont un peu gros ou assez nombreux, parcequ’alors il y a tout lieu de croire qu'ils n’ont pas êté déplacés, mais que le sable qui les entourait a été enlevé. »” — Puis. . — 21S — débris d’huîtres, de cerithes et de cyrènes. argile plastique grisâtre. lignites par couches de 2 à 3 déeci- mètres et quelquefois plus d'épaisseur, alternant avec de l'argile plastique grisâtre. . argile bleuûtre. Ailleurs encore, vers Montdidier, à gauche en venant de cette ville » — » = 30 60 60 » » limon roux argilo-sableux (diluvium). limon argilo-sableux et silex dans la partie supérieure. Les angles de la plupart de ces silex sont à peine assez usés pour qu'ils puissent être considérés comme des galets (dilu- vium.) sable blanchâtre avec veines rou- geûtres. argile rougeätre et débris de co- quilles indéterminables, par couches horizontales très-minces et de peu d’étendue. argile plastique grise avec quelques débris de coquilles dans le bas. lignites avec quelques couches minces de sable d’un violet pale, inter- posées. argile plastique bleuûtre. 99. Au hameau de Regibaye, commune de Rollot, après plusieurs mètres d'argile plastique, lignites, puis sable. — 219 — 51. Le sol occupé par le bois du Houssoy, commune de Remaugie, forme une eminence. Lors de fouilles pour la recherche de lignites, on a trouvé, d’après ce que mont assuré des personnes dignes de foi, de la terre glaise, c'est-à-dire de l'argile plastique et du sable blanchâtre. 52. Entre Onviilers, Fécamp , et le bois de Remaugie, on trouve » — 16 — limon argilo-sableux renfermant des galets de silex, des fragments de marne calcaire durcie et de calcaire à nummulites (diluvium). » — À16 — bande d'argile plastique grise ren- fermant en abondance des huîtres, des cerithes et des cyrènes. Au-dessous, on aperçoit des traces de lignites. Plus bas il y a sans-doute du sable, car ce lieu est plus élevé que le sol voisin occupé par le village de Remaugie, et les terres labourables qui l'entourent, lequel sol est composé de sable blanchâtre d'enviren 10 mètres d'épaisseur jusqu'à la craie. Le sable du bois est dans beancoup de parties recouvert par une couche d’ar- gile plastique grisätre renfermant de petits galets de silex peu nombreux, de très-petits nodules de fer peu consistant et presque pisiformes, et des fragments de marne grise assez dure, d'environ 2 cent. d'épaisseur. Le fer pisi- forme ou oolitiforme a été signalé également dans l'argile plastique de Vanvres, par M. Ch. d'Orbigny Gbal:sdesla Soc-aséolht 42, p:1374 ). 53. Le sol occupé par les bois de Fécamp et de Bus — 220 — est formé d’un sable blanchâtre recouvert dans plusieurs endroits par une couche d'argile plastique grisâtre. 54. Entre Bus et fécamp, vers le nord : » — 33 — diluvium argilo-sableux, contenant de petits galets de silex et des fragments de marne calcaire durcie. 2? — 50 — argile plastique grise et violette. Son épaisseur n’atteint pas un mèêtre à Bus, et en acquiert jusqu'à A près de Fécamp, où elle finit laissant à découvert le sable dont la puissance est de 10 mètres. On trouve dans le haut de cette argile des galets de silex et des morceaux de marne calcaire très-dure. 50. Une étendue d'environ les deux tiers de l’em- placement occupé par le village de Tilloloy, vers Paris, et une grande partie du terroir à droite et à gauche de la route, sont composées de sable blanchâtre jusqu’à la craie. Après le village, vers Paris, le sol est plus élevé. À 66 cent. d'argile plastique mêlée au diluvium et ren- fermant des huitres , des cerithes ct des cyrènes, et quel- ques galets de silex dont la plupart sont en deux ou trois morceaux, succède le sable. Dans le bois qui est proche de là, sur la droite, on voit : 1 — A0 — bandes de marnes grises entremélées de lignites. 2? — »» — argile plastique jaune et légèrement brune. LT I MAMA WSablenblanchatre! 56, Une partie du village de Beuvraine et quelques hectares de terres labourables vers l’est, sont com- posées de A mètres environ de sable gris légèrement rougeñtre, micacé, renfermant à la distance de 5 à 13 décimètres de la surface du sol, des grès quarzeux d'une grosseur considérable et dont quelques parties offrent, par couches horizontales, une multitude d’em- preintes de coquilles marines appartenant aux genres cardium, pholada, ostrea, natica , cytherea? pectunculus , trochus et cerithium dont il y a deux espèces. Au- dessus de ces grès il en existe de petits, disséminés dans le sable, et qui contiennent aussi quelques em- preintes des mêmes fossiles; plus bas, m'a-t-on dit, on trouve du sable blanchâtre, puis du verdàtre , puis la craie. Des sables blanchâtres occupent la plaine jusque vers Crapeau-Mesnil. 57. Près des Loges, commune de Beuvraine, vers Crapeaumesnil, une petite éminence est composée de lignites, d'argile plastique, de bois silicifiés offrant des cristaux de quarz hyalin brunûtre, d'huîtres, de cerithes et de cyrènes, puis de sable. Un peu plus loin, à la paneterie 2? — »» — d'argile plastique grisatre, bleuatre, avec de petits galets de silex dans la partie supérieure, et parfois des bandes de marne tendre, argileuse, grisâtre, puis sable blanchâtre. L'argile plastique gri- sâtre pure de ce lieu est précieuse par sa qualité refractaire. 58. Entre Tilloloy et Beuvraine, vers Paris, il pa- rait quil y a de l'argile smectique, dont les habi- tans on fait usawe sous l'empire, en place de savon, — 222 — lorsque cette denrée était chère. Au Sud-Ouest de Beu- vraine, de l'argile plastique et une couche de peu d'épaisseur de lignites recouvrent le sable. 59. Contre et sous la route de Paris à Bruxelle, en face de Laucourt et dans ce village, il existe de gros nodules de grès un peu moins de 2 mètres au-des- sous de la surface du sol. 60. Près Verpillières dans une étendue de quelques 100 mètres vers Roye, la plaine est composée de sa- ble blanchätre de plusieurs mètres d'épaisseur jusqu'à la craie. 61. À Ercheu, 10 mètres environ de sable blanchà- tre sous le bois et dans une étendue de quelques déca- mètres autour de ce bois du côté du village, puis craie. Vers le Nord du même village, la butte sur laquelle sont placés trois moulins est formée de sable blan- châtre. 62. Le village d'Emerv, au Sud de la route de Nesle à Ham, occupe un tertre d'environ 2 kilomètres de diamètre , entouré d'une plaine de limon roux argilo- sableux. L’extraction de terre glaise, de sable et de lignites m'a permis d'observer la composition du ter- rain dans les endroits ci-après désignés. Presque par- tout la terre végétale de ce monticule à de 2 à 3 décimêtre d'épaisseur, est principalement argileuse et renferme quelques galets de silex et quelques petits silex. Au nord du village 0 — 25 -“— Terre végétale, 3 — 0 — Argile plastique grise, jaunûtre , entremélée de quelques traces de Puis . Puis. — 223 — lignites et contenant quelques ga- lets de silex et de petits fragments de silex. Ces couches ont été évi- demment déplacées, sans doute par les eaux qui ont déposé les terrains clysmiens, et parfois avec assez de violence , car les stratifications de certaines parties ne se rapportent pas avec les autres qui sont à peu près horizontales. Elles présentent mème quelquefois des fragments dont les strafications sont verticales. sable d'un banc verdàtre, la partie supérieure offrant quelques couches de sable jaunâtre entremélé avec le précédent. Ailleurs vers le Sud Terre végétale. Argile plastique grise et jaunâtre eutremélée de quelques traces de lignites. Sable en partie blanc en partie d'un beau rouge, par masses irré- gulières, mais à peu près arrondies. Sable d’un blanc verdàtre. Près du même lieu. Terre végétale sans silex ni galets. Limon argilo-sableux. Sable en partie blanc, en partie d'un beau rouge, par masses irré— gulières à peu près arrondies. Sable d'un blane verdâtre contenant, = OL = d'après le dire des habitans, bean- coup de pyrites de fer sulfuré. Ailleurs à l'Est du village : 9 — 25 — Terre végétale. & à 10 O0 — Bandes horizontales de peu d’épais- seur de terre argileuse grise et jaunàtre entremélée de bandes très - minces de petits morceaux de craie et de traces de lignites ça et là ; le tout renfermant de petits ga- lets de silex peu nombreux, quel- ques fragmens de silex et parfois des bancs, de petits galets de silex, de 10 à 15 centimètres d’épaisseur. Q — 30 à 60— Lignites. Puis. . . . . argile plastique bleuûtre. 63. La terre de la Petite Vallée occupée en grande partie par le bois d'Emery est noire et plus ou moins compacte selon les endroits. Elle est formée de sable, d'argile plastique et de détritus végétaux. N'ayant pu bien voir la disposition de ce terrain, je le mets ici avec doute, car il pourrait se faire qu'il appartint au terrain clysmien. 64. La petite élévation sur laquelle est bati Bonneuil et s'étend jusqu’à la source qui bout, est composée en partie de sable blanchâtre. Plusieurs habitans m'ont dit que lors du percement des puits, on en rencontre perfois. 65. Le sol du bois de Bonneuil à présent presqu'en- tièrement défriché , est composé de sable d’abord gris blanc, puis verdàtre, contenant à fleur de terre, dans les lieux les plus élevés, d'énormes grès. Dans la par- — 225 — ïe vers Golencourt et dans la terre limitrophe ancien: nement cultivée, un diluvium ayant à peine 1 mètre d'épaisseur, recouvre les sables légèrement rougeûtres dans la partie supérieure, où se trouvent çà et là de petits grès mammelonés sur la surface supérieure et souvent sur l'inférieure. Plus bas le sable est d'un blane verdâtre. 66. La petite éminence entre Ham et Muile est formée de sable verdätre recouvert de limon argilo-sableux d'environ 1 mètre d'épaisseur. 67. La butte sur laquelle est Bronchy, se compose, sous le diluvium, de 2 à 3 mètres de sable verdûtre, puis on trouve la craie. 68. À la sortie de Ham vers Chauny, au-dessous de 1 mètre 50 centimètres de diluvium argilo-sableux contenant des silex non-roulés verdâtres ct d’autres cou- leurs, des silex en galets, des silex calcédonieux et du bois pétrifié en silex, il existe un amas de sable verdatre d’une épaisseur de plusieurs mètres. 69. À 2 kilomètres de Ham vers Péronne sur la route de Châteauthierry , un tertre présente 0 — 33 — Diluvium argilo-sableux. 2? — 0 — Sable rougeñtre avec des veines plus ou moins horizontales de sable blanc verdätre et contenant des grès avec des empreintes de végétaux as- sez nombreuses mais petites. Il est impossible de distinguer les espèces dont elles proviennent. O0 — 50 — Bande de sable d’un beau blanc, jaune, et d'argile plastique violette. Puis, . . . . . Sable verdâtre mélé de jaunûtre 15. d'abord dominant. à l'Ouest de ce tertre, le sable a été enlevé et remplacé par du limon argilo-sableux d'une épaisseur de 3 mètres, dans lequel sont dissé- minés des nodules cylindroïques d'argile marneuse dur- cie. Dans le bas sont des grès qui se trouvaient sans doute dans la partie supérieure des sables. Tous ces grès offrent des empreintes végétales. 70. Vis-à-vis de Canisy, à gauche de la Somme près le village, butte de sable verdàätre, un peu rou- geâtre dans le haut et contenant alors des grès. 71. En face d'Offoy, sur la rive gauche de la Somme, contre les arbres près le village, butte de sable verdûtre. 72. À Hombleux vers Offoy, sable verdàtre recou- vert par À mètre de diluvium argilo-sableux. Dans la même commune entre la route royale et le village, du côté de Nesle, sable verdätre sous 1 mè- tre de diluvium argilo - sableux. Tout près de là, la craie est plus élevée que le sable qui se trouve sur Île penchant du coteau. 73. Le village de Breuil est sur un tertre qui con- tient : 4 — 0 — Sable rougeatre avec des grès férru- gineux dans le haut. 8a10—0 — Sable verditre. Puis ar CMiCraLe 74. Au bas du village de Landevoisin, vers Nesle, on voit un amas peu étendu de sable jaunâtre, puis verdâtre jusqu'à la craie. 75. A la sortie de Nesle vers Ham, sable verdatre sous moins de À mêtre de diluvium argilo-sableux. Il EN) 4 y en a dans le voisinage plusieurs amas, mais qui paraissent peu considérables. 76. Les petites collines au Sud et au Sud-Est de Nesle contiennent au-dessous de la terre végétale des amas irréguliers d'un peu plus de À mètre d'épaisseur de silex, enveloppés dans un sable verdätre et dur au toucher, dont ïls ont la couleur à l'extérieur. Parfois ce sable est pur. 77. À Vaucourt contre la route de Rouen à la Ca- pelle, en creusant un puits, on a trouvé quelques mètres cubes de sable rougeâtre très pur, entouré par le diluvium et reposant sur la craie. 78. En sortant d'Etalon , avant d'entrer dans la cavée vers le Sud, on appercoit dans le diluvium des dé- bris des terrains tertiaires, formés de petits amas soit d'argile plastique grise, soit de sable légèrement rou- geàtre avec de petits grès, soit de sable verdàtre avec des silex dont la croûte est de même couleur. Dans la cavée on voit : À — 50 — Argile sabloneuse rougeûtre. 1 — 30 — Limon argilo-sabicux. A. — 30 — [HLiunon mêlé de silex. 2 — 0 — Sable verdâtre pur parfois contre du sable verdàtre renfermant de nombreux silex à croûte verdâtre. 79. Près des bois de Liancourt-Fosse vers Nesle, le diluvium contient dans plusieurs endroits des amas de silex verdàätres dans du sable de même couleur, super- posés à du sable verdätre pur qui les touche parfois sur les côtés. Puis viennent des silex verdätres Jusqu'à la craie. — 228 — 80. Entre les villages d’Etalon et de Liancourt-Fosse , la surface du sol est inégale ; une des parties les plus élevées et sur laquelle se trouvent l'extrémité des bois de Liancourt-Fosse et des terres labourables, est com- posée des couches suivantes assez régulièrement ho- rizontales : 0 — 33 — Limon argilo-sableux. À — O0 — Sable rougeûtre dans lequel il y a quelques grès et de petits nodules ochreux qu’on trouve aussi dans la couche suivante. À — 33 — (Couches alternaiives de sable rou- geatre et blanchatre. Puis.t -1peSable verdatre: Une des éminences voisines n’a au-dessus de la craie que 30 à 60 centimètres d’un diluvium argilo-sableux avec des silex. La craie s’y trouve donc au niveau et au-dessus du sable voisin. A Liancourt-Fosse près du Bosquet, vers Hatten- court : 0 — 33 — Diluvium argilo-s:bleux. & — O0 — Quelques grès dans la partie supé- rieure d’un sable jaunâtre qui prend une teinte verdàätre en descendant. & — O0 — Sable verdâtre. A — O0 — Silex vert clair, vert foncé ou bru- nis par l’oxide de fer, à zône jaunà- tre, assez petits, parmi lesquels il y a quelques galets. 41 22 ut ro craie. En creusant des puits dans le village, on a aussi parfois rencontré du sable verdâtre. > 81. Au bois de la Bruyère, commune de Damery, situé sur une petite élévation : 0 — 30 — Terre végétale sableuse. 5 — 50 — Sable gris rougeâtre dans lequel on trouve de petites aggrégations de sable férrugineux et des grès dans le haut. À — 50 — sable verditre. À y — banc de silex vert foncé, vert clair à zone jaunâtre , parmi lesquels on a trouvé une bélemnites mucronatus et une alvéole, en silex, de la même espèce de belemnite. » — 10 — argile ocheuse très-pure. Buise - - : < Crale: Au bois d'argile même commune, le tertre est formé ainsi : » — 60 — limon argilo-sableux. » — 60 — sable grossier rougeàtre et grès dans la partie supérieure. ... + + + + « + sable gris, blanchâtre , rougeûtre, puis verdàtre. 82. Dans la plaine entre Davenescourt et Hangest, au milieu de la plaine, le limon argilo-sableux en- toure et couvre à peine, un amas de : » — 60 — sable gris, renfermant de très-petits grès disposés horizontalement. 2 — » — sable rougeàtre dans lequel sont disseminés de très-petites aggre- gations ferrugineuses, minces et con- tournées, — 230 — 3 — » — sable verdàtre de deux nuances par petites couches, dont la masse est horizontale, quoi qu'elles forment des ondulations irrégulières. ste rmsablemblanchatre: 83. On trouve de petits amas de sable danse Îles lieux suivans : 4. A Fransart, on traverse quelque fois en creu- sant des puits, plusieurs mètres de sable jaune ver- dâtre ; 2. Entre Fransart et Chillv, on appercevait encore il y a peu de temps entre le diluvium et la craie quelques mètres eubes de sable verdàtre qui ent eté exploités, dans un des côtés de la cavée près ce der. aier village : 3.2 A Meharicourt à l'entrée, vers Fouquescourt, après deux ou trois mètres d'argile sableuse renfer- mant des morceaux de craie et des silex parmi lesquels il y en a de verdâtres, on trouve jusqu’à la craie plu- sieurs mèêtres de sable jaune blanchatre ; 4. Entre Rouvroy et Vrely, contre le chemin de Roye à Albert, sous le diluvium, on a extrait quelques mètres cubes de sable verdätre subordonné à du sable gris rougeàtre renfermant des grés ; 5. Entre Vrely et Rosières contre le chemin de Roye à Albert, on aperçoit quelques mètres cubes de sable verdätre avant la craie ; 6. Entre Beaufort et Caix à 60 cent. au-dessous de la surface du sol, il v a un petit amas de sable ver- dâtre. 84. À Fransart ct à Fouquescourt, dans le bas du — 251 — diluvium argilo -sableux qui recouvre la craie, on trouve parfois, de gros grès. 85. A Caix vers Harbonnières, un petit tertre con- tient : 1àa2— » — sable légèrement rougeitre. 233— » — sable d'un blanc jaunitre. 86. Au sud de Marché-le-Cave, sous environ un mèêtre de diluvium , existe un amas de sable jounûtre d'une assez grande épaisseur. 87. Dans le bois, près et au nord de Lamotte, Îles grès sont assez communs ; le diluvium les entoure. 88. Près de Guillaucourt dans la direction de Har- bonnières : 2à3— » —- sable rougeûtre contenant des grès surtout dans la partie supérieure. 8 —%,» =" sablevblanc verdatre. Dans le village on rencontre aussi parfois du sable à peu de distance de la surface du soi, 89. Au nord d'Enguillaucourt. x — 33 — diluvium argilo-sableux. 2à3— » — sable rougeûtre avec des grès. A MN TE sable blanchâtre. 90. Les communes de Lihons et de Ghaulnes for- ment une colline qui se prolonge du nord-ouest au sud-est. Sa longueur est de quatre kil. et sa largeur de un kil,; elle se compose des terrains suivants, savoir : A Lihons , près la panneterie située dans le haut de la colline. » — 33 — diluvium argilo-sableux. — 232 — T — » — argile plastique grise: dans le haut elle contient un très-orand nombre de petits galets de silex. Dans le bas , elle alterne avec des bandes très-minces de lignites et quelques- unes de sable presque insaisissables. 3 — » —. sable blanchâtre. 10 — » — sable un peu rougeitre. À — » — sable verdûtre. Puis. sul son Craie; Toutes ces couches sont horizontales, cependant l'ar- gile plastique pure est légèrement ondulée dans la partie supérieure. Les cavités ont sans doute été formées par les eaux qui ont déposé les galets , car ce sont ceux-ci qui marquent les ondulations. Les mêmes re- marques s'appliquent aux coupes suivantes prises à Chaulues : A l'entrée vers Hallu , » — 33 — diluvium argilo-sableux. 1 — 33 — argile rougeâtre qui devient vers le bas légèrement sableuse et renferme çà et là dans le haut de petits no- dules cylindroïques de formes irré- gulières d'argile calcaire durcie , cette couche appartient aussi au diluvium. » — 33 — argile plastique grise avec petits galets de silex par masses irrégu- lières. » — 66 — argile plastique grise légèrement marneuse. A: — NES A M7 Puis. . » » » — 233 — bandes de lignites tres-minces, entre mélées avec plusieurs bandes d’ar- gile plastique , grise, jaunâtre et blanchâtre dont les trois principales ont environ un décimèêtre d'épaisseur. Les bandes de lignites les plus minces et les plus terreuses sont dans le haut. La bande d'argile plas- tique placée aux deux tiers de la hauteur contient des nodules d'argile calcaire durcie géodiques par re- trait. sable blanc et verdâtre alternant en- semble par couches peu régulières d'environ deux décimètres et offrant ça et là des tâches légèrement rou- geatres. sable rougeûtre avec des points de sable verdätre gros comme des pois, contenant des empreintes de co- quilles et quelques fragments de tests de cythérées et de cerithes. sable verdâtre. craie. À l'entrée de Chaulnes vers Hyancourt-le-Grand. D — » 66 » — diluvium argilo-sableux. petits galets de silex avec argile plastique grise. argile plastique grise légèrement marneuse,. bandes minces de lignites et d’ar- —. 234 — gile plastique, La plus basse bande d'argile plastique de couleur vio- lette, a seize centimètres d'épais- seur , celle vers le milieu, de cou- leur jaune grisätre, a douze cent: les autres sont d'un gris plus ou moins blanchâtre et peu épaisse. ste mi 42. als sable-blané verdûtre. + . «+ . sable rougeûtre renfermant des em- preintres et quelques parties de tests de coquilles de cythérées, de cerithes. =. + : + * sable verdafne: 91. La petite éminence au nord-est du village de Marché-le-Pot ; est ainsi composée : À — » — diluvium argilo-sableux. » — 66 — argile plastique rougeûtre. » — 66 — argile plastique avec galets. « —- 66 — argile plastique rougeûtre. Aà3— » — argile plastique d’un gris blanc. À — » — lignites avec bandes d'argile vio- lette , grisâtre. RAILS sable blanc. 92. Auprès delà, le terrain tertiaire sur lequel est situé la plus grande partie du bois de Licourt est composé de même. Seulement après quelques mètres de sable blanc, il y a une bande de sable jaunâtre de peu d'épaisseur , suivi de sable blanchâtre, puis ver- dûtre. À l'extrémité du bois de Licourt vers Epenancourt, on voit : sam 3m pr diluviumes » — 66 — argile glaiscuse. »y — 20 — bande de galets de silex. — 30 — sable rouge. A — 50 — sable blanc avec des veines de sable rougeatre. sable jaunûtre. 93. Sur le terroir de la commune de Belloy, au nord-est du village, un monticule d'une étendue d’'en- viron dix hectares, est composé , savoir : » — 66 — sable avec débris végétaux princi- palement de bruyères. Tà8— » — sable grisâtre, puis blanchâtre. Dans le haut se trouvent de gros nodu- les de grés extrêmement durs, ma- mmelonés en général sur la face supérieure seulement, comme on en voit parmi les grès soit des sables tertiaires , soit des terrains clysmiens. »y — 33 — sable verdtre. » — » — argile plastique grise et jauntre. 94. En face de Villers-Carbonnel, vers l'ouest, à l'endroit qui forme une légère élévation sur laquelle est le moulin, il y a m'a-t-on assuré d'énormes grès très- durs, à peu de distance de la surface du sol ; au-des- sous se trouve du sable. On a extrait anciennement des grès dans cette commune. 95. Au Catelet, à Mesnil-Bruntel , à Brie, à Estrée, à Monchy, à Santin, à Mons-en-Chaussée surtout, aussi à Prusle et à Athies, il existe un banc, parfois deux, de grès , à deux à trois mètres de profondeur ,. dans le limon argilo-sableux. Assez rarement ces grès sont superposés au sable. Leur épaisseur est de deux à trois décimètres ; ils sont mammelonés sur les faces, parfois à peu près ronds et tuberculés. Il paraît qu'il en existait autrefois à Mons et à Santin de plus gros qui ont d’abord été exploités. Une grande partie du village de Mons est bâtie sur une butte de sable jaune verdâtre. 96. Au bois de Rocagne près Péronne, il y a d'é- normes grès très-durs. Ils font saillie hors de terre, enveloppés dans leur partie inférieure par une argile rougeatre et brunûtre. 97. Vis-à-vis le moulin de Longavesne sur le chemin de ce village à Villers-Faucon , une sablière ouverte dans le monticule, laisse voir : » — 20 — diluvium argilo-sableux. » — 66 — argile plastique remaniée, grise, maculée de tâches verticales d’argile jaune, ayant dans le bas une bande mince de silex verdàtres. Cette couche fait partie du diluvium. 6à10— » — sable jaune rougeûtre. + - -- - -_. . sable blanc verdotre. 98. Sur les bords de la route de Bruxelles on aper- çoit en plusieurs endroits des amas de sable blanchûâtre et jaunâtre purs. 99. A Combles et dans les environs on rencontre assez fréquemment de petits amas de sable blanc ver- dâtre qn'on exploite alors. 100. On a, m'a-t-on dit, extrait autrefois des grès à Suzanne. — 237 — A01. À l'ouest de Bray sur la hauteur à droite de la Somme , il existe un amas de sable rougeûtre , puis jauntre que je n'ai pu voir qu'imparfaitement à cause du comblement presqu'entier de l'ouverture. Cependant je crois pouvoir le rapporter à la période tertiaire, d'autant plus que des grès mammelonés sur les faces qui étaient là, avaient été trouvés selon le dire des ouvriers, dans les assises supérieures. 102. Gros nodules de grès à la Houssoye , vers Bonnay , dans le diluvium. 103. Entre Bonnay et Franvillers près d’un petit bois , sable rougeûtre et blanchâtre , puis verdûtre. 104. A Tnézy, près la route d'Amiens à Roye est le Champ des grès, nom dù aux grès trouvés en assez grande quantité en cet endroit. On en rencontre en- core mais assez rarement avec le soc de la charrue. 105. A Beizieux vers Varloy , À — » — diluvium argilo-sableux avec une bande non continue , à décimètres du bas, de petits galets de silex. À — » — sable rougeätre dans lequel se trou- vent épars des grès tuberculeux. 2? — » — sable verdätre et jaunâtre mélés. Une LUBADIEN VOrdALre. 106. À Mailly en sortant du village vers Amiens on aperçoit quelques petits amas de sable blanc pur dans le diluvium. 107. A Beaussart du côté opposé à Mailly, / — ao — Î 28 » — argile fimoneuse ,; vers Île milieu et parfois dans le bas de laquelle est un banc de galets de silex, très-mince , n'ayant souvent qu'une rangée où il y a même des inter- valles de distance en distance. Ce banc dont la direction est à peu près horizontale forme de légères ondulations. sables blanchâtre et jaunàtre entre- mélés. She NE CE SEEN sable blanc. 108. À Touttencourt, nombreux et gros blocs de grès qui dans plusieurs endroits affleurert la terre.- 109. Le village d'Herissart est bâti sur un mètre de diluvium argilo-sableux , auquel succèdent un mètre d'argile plastique remaniée, puis plusieurs rangées de gros nodules de grès avec du sable rougeûtre, puis du blanc. Ne-orer terrain du bois de Bavelincourt près le dolmen appelé la pierre d'Oblicamp, et quelques hec- tares de terre au-dessus, du côté opposé au village, sont formés de plusieurs mètres de sable jaunûâtre et grisâtre, un peu rougeñtie dans la partie supérieure qui contient des grès. On aperçoit quelques petits ga- lets de silex dans les terres labourables et la partie du bois qui en est voisine. 411. Grès peu nombreux à Pierregot, à Harponville et à Beaucourt, communs à Contay, à Bavelincourt, à Molliens au bois vers St.-Gratien et vers Renneville. On les trouve sur les hauteurs et dans les vallons à deux on trois mètres de profondeur, dans les endroits où existe du limon argilo-sableux. 112. A Renneville, gros nodules de grès, surtout vers Villers-Bocage. En descendant le chemin d'Amiens à Pas, sous plusieurs mètres de diluvium argilo-sa- bleux , etc. On aperçoit du sable rougeatre , puis du blanchatre. 113. À Rubempré, vers Mirvaux et du côté opposé à ce village, à Villers-Bocage, à Bertangle, dans les terres labourables au nord-est du parc, à Talma, sur- tout au nord, à Vignacourt, à Montonvillers vers Fles- selles , à Flesselles , il existe encore de gros blocs de grès. Il y en a assez souvent deux ou trois lits l’un sur l’autre. Ces grès sont dans le diluvium et reposent parfois sur du sable jaunâtre et blanchûtre. Vignacourt , Herissart et Molliens-au-Bois sont les lieux où l’on en a extrait le plus. 114. Dans le pare du château de Bertangles, » — 33 — argile sablonncuse ferrugineuse avec silex la plupart à croûte verdätre. À — 30 — argile plastique remaniée avec gros silex à croûte blanchâtre. Les silex de la couche précédente ont pénétré dans le haut de celle-ci. Dans Île bas on a trouvé un bloc de 0 40 centimètres de diamètre de calcaire grossier , qui a été roulé. On l'a- vait extrait, lorsque le propriétaire, M. de Clermont-Tonnerre, me l'a montré, au bord de la sablière. (Di- luvium. ) 7 et plus.. , . sable jaune verdàtre. ! — 240 — 115. Il y a à Beauquesne d'énormes nodules de grès superposés à du sable rougeûtre. Ils étaient très-com- muns autrefois. Les principales rues de ce village en avaient été pavées. Dans plusieurs endroits , l’adminis- tration communale les a dtés pour les vendre. 116. Entre Montigny-les-Jongleurs et Grimont s'étend du sud-ouest au nord-est une colline moins élevée que ses voisines parallèles composées de craie, tandis qu’elle est formée de sable micacé un peu verdätre. Auprès de cette colline on rencontre des silex à croûte verdûtre et à zûne jaunâtre, mélés aux silex à croûte blanchâtre les seuls qui existent dans la contrée avec quelques- uns dont la croûte est blanchâtre même sur les frac- tures. 117. À l'est et à l'ouest de Brucamp, grès disse- minés dans un diluvium argileux rougeûtre. 118. Grès assez gros, disseminés dans le diluvium à Villers-sous-Ailly , vers Bouchon. 419. À la sortie au nord-est de Neuville vers Bussu, grès disseminés dans le diluvium. 120. Grès d'une grosseur moyenne assez nombreux, dans le diluvium entre Etrées-les-Crecy et Dompierre. 121. A Bernay, entre la route royale et les bois, grès dans le diluvinm à quelques décimètres de la sur- face du sol. 122 Entre Sailly-le-Sec et Sailly-Bray , et aussi dans la partie du bois de Cantätre près le village, il existe de gros nodules de grès dans le diluvium. Parfois , au- dessous de ceux placés à peu de distance de la sur- face du sol, on en trouve encore à la profondeur même de quatre à cinq mètres. — 241 — 123. La butte de St.-Valery, est composée près du moulin d'un mètre environ de diluvium , puis d'un banc peu épais contenant des huîtres, des cyrè- nes, et des melanies et des cerithes en petit nombre, puis d’un mètre d'argile plastique dans laquelle est un lit d’huîtres et des débris de coquilles indétermi- nables. Vers l'ouest l'épaisseur de la couche d'argile plastique est plus grande et la colline a aussi plus d'é- lévation. Au-dessous de l'argile sont des sables et des grès ferrugineux qui renferment des cyrènes, des cy- thérées, des melanies et des cerithes (M. Ravin. } Comme dans les couches supérieures ces deux dernières espèces sont rares. 12%. La Falaise de St.-Valery contre la mer pré- sente, 2 — » — diluvium terreux avec des silex et contenant dans le milieu et dans le bas de nombreuses coquilles de bu- cardes sourdon. À — » — argile plastique jaune et grise. 2? — » — sable blanchître. Gisele ‘ose: Près de la ville, elle se compose de : 2à3— » — diluvium toujours avec de nombreu- ses coquilles de bucardes sourdon. 8 — » — sable blanc, jaune et verditre. Puis. . aa Craie. 125. Après Neuville vers Arrest , il existe une butte d'argile plastique et de sable. Aucune tranchée ne permet de voir la succession des couches. 126. M. Ravin a bien voulu me montrer un calcaire 16. pe J8 pipe d'eau douce à Arrest. Très-dur, compacte , bien que présentant de petites cavités tubuleuses dues au déga- gement du gaz, comme toutes les roches de ce genre, et contenant des bulimes , des clausilies, des agathines et plusieurs espèces d'hélices en abondance. Il forme une partie assez considérable d’un coteau dirigé de l'est à l'ouest, à l'ouest du village, Le reste du co- teau fait partie de la formation crétacée. On voit la craie avec ses rangées de silex pyromaques noirs, le joindre bout à bout. 127. Entre Ault et Mers une petite élévation est, selon M. C. Prevost, formée d’un calcaire d’eau douce contenant des Ilymnées. Toutes les recherches que j'ai faites pour le trouver, ont été vaines. 128. Entre Croisette et Baisnat, des deux côtés de la route d’Abbeville à Blangy, on a extrait de gros nodules de grès disseminés dans le diluvium , mais cependant assez rapprochés. 129. Grès vis-à-vis le village de Tilloy, à droite et à gauche du chemin d'Amiens à Conty. Ils ne sont pas nombreux. 150. Entre St.-Saulieu et Oresmaux, gros nodules de grès assez nombreux dans le diluvium. 131. À Essertaux près la route de Paris, grès sous un mètre de diluvium. Roches du terrain tertiaire. 1. Sables quarzeux, micacé , verdâtre ou glauconieux, rougeâtre , rouge, blanc, blanchâtre. 2. Nodules souvent géodiques de sable ferrugineux {Damery, Davenescourt, Liancourt-Fosse } <= 3. Grès quarzeux coquillers, gris blanc, peu durs (Beuvraines ). 4. Grès quarzeux, gris-blanc, à écorce rougeûtre, anguleux, mammelonnés sur les faces (ce sont les plus communs ). 5. Grès quarzeux gris-blanc, à écorce rougeatre , anguleux, mammelonés sur les faces, avec empreintes végétales (près Ham ). 6. Grès ferrugineux coquillers (St.-Valery). 7. Bois silicifié avec quartz hyalin brunâtre ( Beu- vraines ). 8. Galets de silex, noirs, gris, à écorce rougeûtre (Villers-Tournelle, Lihons ). 9. Silex non roulés, à croûte verdätre, avec une zone jaunâtre de 2 à A millimètres d'épaisseur contre cette croute. 10. Petits nodules d'argile calcaire, parfois géodiques par retrait (Chaulnes). 11. Argile plastique grise, jaunûtre, rougeàtre , bleuâtre, maculée de violet (Villers-Tournelle, Rollot, Fécamp, etc.) 12. Argile smectique (Tilloloy, Beuvraines ). 13. Marne calcaire durcie, légèrement feuilletée (Remaugie, Fécamp). 14. Calcaire gris-blanc d'eau-douce, à helices (Arrest) 15. Pyrites de fer sulfuré blanc, en grains (dans les lignites ). 16. Lignites. 17. Fer hydroxidé pisiforme (Remaugie ). 16.* — 244 — Fossiles du terrain tertiaire 1. Cyrena cuneïformis ee Villers-Tournelle Remaupie, Tilloloy, St- 2. Ostrea bellovacina | Valery. 3. Cytherea incrassata (moule de) (Chaulnes). L. Cerithium papale (Deshayes) Rollot, Remaugie, 5. = variabile id. Tilloloy, Beuvraine. 6. — mutabile id. 7. Alveole de belemnites mucronatus, en silex, avec la superficie vert foncé (Damery ). 8. Belemnites mucronatus (Damery ). JAMPhOlAd A EUR: 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 47. 18. A9: 20. 21. 22. 23. 24. 25. Cardium?. 0" moule Pectunculus..... Beuvraines. Ostrea ei met Cerithium. ..... Cyrena antiqua ...... \ Cyrena trigona....... Gythereas ses Mu der Melania inquinata.... St.-Valery. Melania striata....... Cerithium asperum... (M. Ravin). Cerithium funatum... Cerithium conoïdum.. 26: Buolimusterdes. 0. 27. Agathina lubrica..... - L (2 Re éd calcaire d’eau douce 20: Clausiliae se dARret 29. Helix nemoralis...... 30. Helix rotundata...... La détermination de cer a HelislUtansd fossiles est due à M. Pi- NS Ur. GRAS Te cart, que les sciences 32. Helix 'lapicida........ viennent de perdre. 33 Hô .mititas. 2.440 | 34. Lymnea... (calcaire d’eau douce d'Ault (M. C. Prevost). Ajoutez les foraminifères que contiennent les sables. Addition. 90 sis. J'apprends, mais trop tard pour l'aller exa- miner , qu'on a découvert dans le parc d'Omiécourt un amas de sable assez considérable et bien probablement tertiaire. CHAPITRE TROISIÈME. TERRAIN CLYSMIEN. 132. Le nom de terrain clysmien est dù à M. A. Brongniat. Il renferme le diluvium de M. Bukland, le terrain diluvien de M. Omalius d'Halloy, et répond au terrain de transport ancien ou d’alluvion ancienne d’autres géologues. Il est dù aux dernières grandes alluvions, à des cours d’eau beaucoup plus puissants (4) Je n’ai pas fait mention, dans la liste des fossiles tertiaires , de silex de formes symétriques paraissant être des pétrifications d’animaux appartenant aux rudistes , à cause de l’incertitude qui règne à cet égard. On trouve souvent aussi de ces silex dans le terrain clysmien, mais ils sont rares dans la craie. — 246 — que ceux actuels. Il n'a pas de cohérence et se com- pose en général de limon et de dépôts arenacés et caillouteux. 133. Près le pont d'Allemagne , sur les côtés de la route de Nesle à Ham, et près de cette dernière ville, on voit la craie ravinée et l'introduction du sable verdätre avec des silex à croûte blanchatre. 134. Près du grand Rouy, au sud de cette com- mune, sur le haut de la côte, est un amas de silex tantôt dans du sable verdàtre, pur en certains endroits, et paraissant s'étendre au-dessous de la masse de silex, tantôt dans une argile plus ou moins brune et diver- sement mélée de sable et de craie, le tout irréguliè- rement. Le sable verdätre pourrait être en place, et appartiendrait alors au terrain tertiaire. 135. Au bas de Ha côte, près Voyenne, à gauche de la Somme, au-dessous de 1 mètre de diluvium ar- gileux, contenant des silex dans lesquels j'ai trouvé des silex calcedonieux géodiques et un fragment de be- lemnite, est un sable rougeatre de quelques decimètres d'épaisseur, puis un sable gris-blanc offrant des on- dulations en sens divers dans la partie supérieure, où l'on rencontre quelques petits silex non roulés et des traces de débris végétaux sous la forme de poussière noire. 136. À Breuil, au fond de la vallée, immédiatement après la tourbe, on a recueilli la tête d’un ours, ursus spelœus ? 137. En sortant de Nesle, vers Landevoisin, silex à croûte verdâtre dans Ja craie mise à jour sur les côtés du chemin. Leur introduction a sans-doute eu heu lors du dépôt des terrains clysmiens. — 247 — 138. Entre Curchy et la route de Paris à Bruxelles, à environ À mètre de la surface du sol, fer hydroxidé, argileux compacte entourant des silex. 139. Entre Curchy et Manicourt, sur la côte, amas de silex à croûte verdàtre. Il s'en trouve aussi dont la croûte est blanche et qui furent arrachés de la craie peu avant d’être mélés à ceux-ci, avec lesquels ils ont été déposés Ja. 140. À Buny, commune de Voyenne, il existe sur la côte un amas de silex assez considérable, princi- palement composé de silex verdàtres et renfermant quel- ques silex calcedonieux géodiques. 141. À Beuvraine, près la Panneterie , on trouve dans le diluvium, mais en trés-petit nombre, des roches de marne d’eau douce durcie avec lymnées et gyro- gonites, analogue à celle du mont Bernon ( dépar- tement de la Marne). 141 bis. Dans la plaine, entre Laucourt et St-Marc, des belemnites ne sont pas rares à la surface du sol. Elles appartiennent aux belemnitella mucronata et quadrata de M. d'Orbigny. 442. À Andechy, sur les bords de la vallée, on voit au milieu des silex la plupart verdàtres , quelques roches d'aggregation peu tenace de fer hydroxidé, de petits fragments de grès siliceux bleuûtres, et d’autres fer- rugineux, des morceaux de marne calcaire durcie. Là et au sud d’Arvillers où il y a aussi, à quelques dé- cimètres de la surface du sol, beaucoup de silex mélés avec de petits fragments de grès quarzeux, on trouve quelques silex pyromaques blancs généralement gros. — 218 — Ces silex sont plus nombreux dans les amas sur les coteaux du Chaussoy, près Davenescourt. 143. En sortant de Lechelle, sur le bord du chemin de Marquivillers, au-dessous de 4 mètres de limon argilo-sableux pur, il y a 7 décimètres de sable rou- geatre un peu argileux avec des silex, puis vient la craie. 144. De St.-Marc près Roye à Marquivillers, le limon argilo-sableux pur a beaucoup d'épaisseur : je n'ai pu voir la partie qui touche la craie. 445. Dans le bois, au fond du vallon, entre Le- chelle et Marquivillers, il y a 2 ou 3 mètres de limon argilo-sableux. 146. Au côté droit du vallon, vers Montdidier, après Laboissière, le long de l’ancienne route de Rouen à la Capelle, on apercoit sous deux mètres de limon argilo-sableux, un mélange de sable, d’ar- gile et de silex, puis la craie. 147. Dans le diluvium près la place de l’ancien vil- lage de Boiteau, roches de marne calcaire feuilletée, mélés avec de nombreux petits silex presque tou$ verdâtres. 148. Contre les haies de Fécamp, dans la direction de Laboissière, après 7 décimètres de limon argilo- sableux, sable argileux avec silex. 149. Après le bois de Guerbigny jusqu'au bois vers Montdidier , le sol est composé de ! mètre en- viron d'argile plastique remaniée, renfermant des silex assez gros, à croûte blanchâtre, 150. On observe dans le limon à l'entrée d'On- villers, vers Fécamp, quelques petits galets de silex, — 249 — des silex non roulés, de petits morceaux de craie et du fer pisiforme provenant sans doute des argiles plastiques détruites dans les environs (52). 151. A droite, à 25 mètres de la route de Com- piègne, après avoir traversé le vallon en sortant de Montdidier , il y a plusieurs mètres de limon presque pur, puis du sable argileux grossier avec des silex, puis la craie. 152. Un peu plus loin, tout contre la route, se succèdent par couches qui suivent l’inclinaison du terrain 1. Limon avec des lits de petits silex et de petits morceaux de craie; 2.° Sable argileux avec silex noirâtres ; 3.° Limon contenant moins de silex, si ce n’est tou- tefois dans le bas où ils sont plus gros ; 4. Sable argilcux noirâtre avec silex ; 5.° Craie. 153. Ce terrain est encore à découvert à une ter- rière à gauche de la route, sur le bord opposé du vallon, au bas du jardin de M.m° Cousin. 154. Au hameau de Regibaye, commune de Rollot, des galets de silex de différentes grosseurs, dont la croûte grisätre a un millimètre d'épaisseur et présente sur les cassures des bandes ferrugineuses, des plaquettes de même nature ayant les faces verdàätres, avec des empreintes de végétaux et des morceaux de marne cal- caire feuilletée, sont épars à la surface du sol. 155. Le côté nord de la vallée, à Montdidier, est dénudé, la craie est à jour. Au côté sud, le limon — 2b0 — argilo-sableux existe dans la partie movenne et infé- rieure de la vallée. 156. A Pierrepont, la craie jaunâtre est recouverte par un limon ferrugineux contenant quelques silex, et qui, vers le nord, acquiert de l'épaisseur, devient assez pur et assez fin pour être exploité par les ha- bitans qui en font des pains d’ocre jaune en les pé- trissant comme la craie blanche, dont ils fabriquent tout près de là de la boule blanche. 457. A la sortie de Montdidier, vers Breteuil, dans le diluvium, sur le bord de la route de la Capelle, aux silex non roulés sont mêlés de nombreux galets de silex de diverses grosseurs. 158. En sortant de Fontaine, vers Cantigny, il y a dans le diluvium un grand nombre de galets de silex de différentes grosseurs, mélés aux silex non roulés. 159. Galets de silex dans le diluviam de la plus grande partie de la commune de Villers-Tournelle. 160. Après le village de Grivesne, vers Aïlly-sur- Noye, la craie est à jour au nord. Au sud, il existe au moins 2 mêtres d'épaisseur de limon argilo- sableux. 161. La plaine entre Sourdon et Ailly-sur-Noye est formée d’un limon argilo-sableux de plusieurs mètres d'épaisseur, renfermant de petits morceaux de craie rou- lée et quelques silex. La stratification est visible mais irrégulière. 162. Le côté de la vallée de la Noye vers Amiens, en face d’Aïlly, offre un diluvium composé d'argile rougeatre de plusieurs mêtres d'épaisseur, de 80 me- tres de largeur et s'étendant, mais en variant de na- — 251 — ture, Jusque près de la Faloise d'un côté, et jusqu'à environ un kil. de l’autre. Il renferme des silex non roulés et beaucoup de galets de silex de toutes gros- seurs, et qui entrent en plusieurs endroits dans la craie. 163. En sortant d'Epagny vers la Faloise, un poudin- gue bréchoïde, composé de morceaux anguleux de craie, de silex non roulés et de galets, parait sur les bords et au fond du chemin. 164. Entre Epagny et la Faloise, quelques rares frag- ments de calcaire compacte tuberculé sont épars dans le diluvium. 165. On en rencontre encore près de Guerbigny, de Domart-sur-la-Luce et de Gentelles. 166. Sur le terroir de Plessier Rosainvillers, vers la Neuville et vers Frenoy-en-Chaussée, parmi les silex du diluvium il y a quelques galets dont la croûte est d’un gris blanchâtre, même sur les fractures. 167. À Villers-aux-Erables et à Thènes surtout, grès calcaires à nummulites dans le diluvium. 168. À gauche de la route d'Amiens à Noyon, vis-à-vis Villers-anux-Erables, sur le haut de la côte vers Amiens, nombreux silex à croûte verdâtre dans le diluvium épais d’un mètre. 169. Au sommet de la cote près Hourge, au-des- sus de la craie, un mètre environ d'argile rougeâtre ferrugineuse renfermant quelques silex verdâtres, parmi des silex plus nombreux dont la croûte souvent est blanchätre , même sur les fractures. 170. A Thènes, amas de silex à croûte jaunâtre et à angles un peu émoussés. Il s’y trouve des fragments de grès bleuàtres à grains fins et roulés. — 252 — 471. A Thézy, dans le bas du village, au-dessous de la terre végétale, il y a environ deux mètres de craie, de sable et d'un peu d'argile renfermant des silex et des galets assez nombreux. À mi-côte sont des cou- ches de sable blanchâtre terreux et crayeux et d’autres de sable semblable mélangé dans lesquels se trouvent des bandes irrégulièrement stratifiées de silex à croûte jaunâtre et légèrement roulés avec de petits morceaux de craie roulée. 172. À Boves, sur le côté de la route opposé à la vallée, banc assez épais de silex, la plupart légèrement roulés avec des galets de différentes grosseurs assez nombreux et des morceaux de craie roulée. 173. Entre Sains et St.-Fuscien, argile plastique rou- geûtre remaniée, de plusieurs mêtres d'épaisseur, ren- fermant tantôt de gros silex blancs à l'extérieur, peu nombreux, tantôt seulement de très-petits silex. 174. Entre St.-Acheul et la vallée de Longueau, si- lex en galets assez nombreux, mêlés aux silex non rou- lés plus nombreux encore. 175. Aux briqueteries entre St.-Acheul et le Blamont : À — » — Limon argilo-sableux. À — 50 — Limon grisatre avec des morceaux de craie et des silex en petite quan- tité. » — 20 — Galets et silex non roulés. A — 50 — : Argile sableuse d’un jaune brun, avec silex et très-petits morceaux de lignites assez durs. 2à3— » — Sable blanchâtre contenant de pe- tits morceaux de craie, des héli- lices et des succinées. — 253 — 2à3— » — Sable blanchatre et jaunâtre avec moins de morceaux de craie et con- tenant aussi des hélices et des suc- cinées. Dans un autre endroit, à peu de distance, le banc de silex et de galets à six décimèêtres d'épaisseur et la couche inférieure est formée, ici d’un sable brun et rougeûtre, passant au blanchâtre et au jaunètre , là de limon avec des silex à croûte blanche et de beaucoup de petits morceaux de craie. 176. Il y dans le côteau de St.-Roch, derrière bi- cêtre à Amiens, à quelques décimètres au-dessous de la surface du sol, un amas de 6 à 7 mètres de silex ayant la plupart été un peu roulés et qui sont disposés horizontalement. Leur couleur en quelques places est noirâtre à la surface, rarement plus profondément, et cela lorsqu'ils sont en contact avec une poussière noire, provenant de débris végétaux et plus souvent avec du fer hydroxidé. Ailleurs elle est blanchàtre lorsqu'une argile marneuse remplit les intervalles, mais alors aussi, à l’exception de la surface ils ont la couleur jaunâtre de la plus grande partie des silex de cette carrière, au moins de leur croûte. On trouve ecà et là quelques silex en galets, parmi lesquels on en voit, mais très-peu, ayant la croûte jaunâtre; il y a aussi des grès, des ossements de mammifères ante diluviens, un moule intérieur de bucarde en calcaire, des fragments de ca- tillus en spath calcaire sont les fossiles qu'on y a rencontrés. Entre cet endroit et St.-Acheul, autour de la ville au sud, on a découvert aussi des ossements de mammifères ante diluviens , appartenant, ainsi que les précédents, aux espèces suivantes: elephas pri- —195l4— migenus, rhinoceros trichorinus, bos bombifrons, equus..…. plus petit que le cheval ordinaire cervus somonensis ? 177. A Montières, le côteau présente plusieurs mè- tres de limon argilo-sableux, mélé de petits silex et de petits morceaux de craie roulée. Au-dessous est une bande de plaquettes de grès calcaires peu durs, puis un banc de silex de quatre mètres d'épaisseur. Ces silex ont en général la croûte jaunâtre, quelques- uns l'ont blanchâtre, même sur les fractures. 178. Au faubourg de Beauvais, derrière le bastion de Longueville, sous un mètre de terre de remblai, Ye" 2 — 50 — Limon argilo-sableux. 2a3— » — Sable grisàtre un peu argileux, con- tenant quelques petits fragments de silex et de craie. » — 10 — Grès grossiers calcaires en nodules ou rognons un peu aplatis, très- petits, reposant sur la craie. 179. Après Dury, vers Paris, il existe presqu'à la surface du sol, environ un mètre d'épaisseur d’argile plastique remaniée, contenant des silex à croûte blan- châtre. 180. À Namps-au-Mont, en descendant vers Namps- au-Val, lit de plaquettes de silex, dans une argile brune, à A0 centimètres au-dessus de la craie. 181. Entre pont-de-vert et la vallée, bancs de silex jaunâtre légèrement roulés. 182. A Montières, au bas de la côte et à Dreuil, vers le haut de la côte, banc de silex jaunâtres un peu roulés. — 254) = 183. A Breilly, vers Amiens, vallon contenant de la tourbe à quelques mètres au-dessus du niveau de la vallée et à plus de 100 mètres au sud de la route. 184. Limon du côté sud du vallon de Tilloy à Amiens. 185. limon du côte sud du vallon de St.-Sauflieu , vers Amiens. 186. Entre St.-Sauflieu et Oresmaux, argile plastique remaniée contenant des silex à croûte blanchâtre, son épaisseur est d'un mètre. 187. À 200 mètres environ au sud du moulin de Bussu, à 6 mètres au-dessus de la craie et à deux mètres de la surface du sol, git dans le diluvium un très-gros bloc de grès empâtant de nombreux silex, la plupart non roulés et formant ainsi un poudingue bréchoïde. Sur les fractures, les silex ont parfois une croûte blanchâtre. Une roche de semblable nature qui sert de borne à une maison de la rue des Teintu- riers à Abbeville vient, dit-on, du même lieu, ce qui est très-probable, car l’ancien propriétaire était originaire d’Aillyÿ-le-haut-Clocher, village voisin de Bussu. f À la surface du sol on trouve quelques petits frag- ments de grès très-ferrugineux , -mélés aux- silex. "488. À Menchecourt, près Abbeville, on a recueili- des ossements de nombreux mammifères ante dilüviens mélés à des coquilies marines, fluviatiles et terrestres. Les premiers ossements étaient à Ja profondeur de 3 mètres 50 centimètres, à 4 mètres et le plus grand nombre à 6 ou 7 mètres. Voici la coupe du terrain et la liste des mammifères telles que les donne M. Ravin (L. c. pag 198), d’après M, Baillon et la liste — 250 — des coquilles nommées par M. Picart. Aux mammifères il faut ajouter le rhenne d'Etampes dont M. Baillon à aussi recueilli des ossements. .... « Au-dessous de la terre végétale, épaisse d’en- proie se nl. SN DE has N6s 5 f pied. On, trouve : 1. Une terre argileuse brune, au bas de laquelle est de la craie fragmentéelsrld older, 5.184460 INRA JET 2. Un banc de cailloux roulés et bri- sés.. 011401 Mod AS. D MOMNHO.. ROUOUNT, FES St 3. Une couche de bief peu épaisse . 1/4 à 1/2 — » L.° Une couche de marne caleaire , contenant beaucoup de cailloux brisés 4 à 6 — » 5.° Les sables marneux, traversés à di- verses hauteurs par des lits obliques de sable blanc de rivage, épais d’un pied environ, et par des veines argileuses . 25 =, 6.° Au fond, une couche de sable blane de rivage, reposant sur un lit de sex rOnlES RS. 20 DEP UE Mammiféres : Elephas /primigenus , rhinoceros tricho- rinus, ï , GC. somonensis, 08-bOmbr fcons, b. urus, ie-, ursus spelæus, earnis spelæwe, felis .. Une/ dent appartenant à une grande espèce voisine du tigre royal, equus, espèce plus pe- tite que le cheval ofdinaire. LE Mollusques et Couchifères : Buccinum undatum, pur- pura lapillus, cardium edule, tellina solidula, valvata piscinalis, v. planorbis, paludina impura, planorbis carinatus, pl. marginatus, Uymnea auricularia, L. UT ovata, L. peregra, L. stagnalis, L. palustris, L. minuta, cyclas palustris; helix rotundata, H. pulchella ; H. ar- bustorum, H. nemoralis, H. hispida, H. striata, H. carthusia (Baillon }, H cristallina, pupa marginata, succinea amphibia, deux variétés, eyclostoma elegans. 189. On trouve aussi des ossements fossiles dans le vallon avant le bois de St.-Riquier, du côté d'Ab- beville. 190. À Abbeville à la porte du Bois et à Menche- court, dans le bas du côteau, beaucoup de silex ont la croûte jaunâtre et ont été un peu roulés. D'Abbe- beville à Bellancourt, beaucoup de silex ont une eroûte blanchâtre, même sur les cassures. 191. Au sud, au nord et à l'est de Millencourt, au-dessus de la craie, le terrain dilavien renferme des amas de petits grès ferrugineux et de fer hy- droxidé argileux, dans une argile ferrugineuse, parfois dans un sable ferrugineux. Ces amas sont trop peu considérables pour donner lieu à une exploitation. Il serait possible qu’ils appartinssent à des terrains ter- tiaires dont ils seraient des restes que le diluvium aurait entourés , en dispersant à l'entour seulement quelques débris. Il en serait de même de ceux de Gouy, de Miannay et des petits grès ferrugineux , épars dans le diluvium à Cambron, dont je parlerai plus bas (194). 192. Entre Ouvillers et Ouville, amas ou plutôt banc de silex presque tous verdâtres, à quelques dé- cimètres de la surface du sol. 195. Sur les monts de Caubert, galets de silex, si- lex à croûte jaunâtre, même sur les fractures, légè- 17 rs rement roulés avec des silex non roulés, fragments de roches de grès calcaires à empreintes coquillères, globules de fer hydraté et fragments de grès ferru- gineux ( M. Picart), ces derniers sont très-communs entre Cambron et le faubourg Rouvroy (M. De Cler- mont }, géodes de sable roussâtre, irrégulièrement ar- rondies, renfermant du carbonate de chaux en poudre. 194. À Gouy, à Miannay surtout, on trouve sur les hauteurs, beaucoup de petits grès ferrugineux et du minerai de fer semblable à celui de Millencourt (191). | 195. À Moyenneville, près le chemin de Gamache, petits fragments assez nombreux de grès très-ferrugi- neux, disseminés dans le diluvium. 196. Sur la partie ouest du département, on ren- contre presque partout, généralement en petite quan- tité, des fragments de grès ferrugineux. 497. À Port, fragments de grès calcaires à nummulites (M. Picart.) 198. Sur les hauteurs de Cambron, vers Abbeville, argile plastique remaniée, de diverses couleurs, pres- que sans silex. 199. A Saigneville, vers Abbeville, près de la val- lée , banc de silex, la plupart un peu roulés. Des vei. nes de sable blanchâtres et roussâtres y sont en- tremélées. 200. En descendant le vallon, après Saigneville, du côté de St.-Valery, limon argilo-sableux de 2 à 3 mètres d'épaisseur , recouvert de À mètre 50 centime- tres de sable argileux avec silex, suivant tous deux la pente du côteau. 0 at, 0e 201. Avant le vallon qui précède Pinchevalise, et dans ce hameau même près de la route, ïl y a sous la terre cultivée plusieurs mètres d'argile plastique grise et jaunâtre remaniée , contenant quelques silex à croûte blanchitre. 202. A Visse-les-Maisnières , dans une veine de lignites. à l’état pulvérulent, M. Ravin, (|. c. pag. 193 ), a trouvé des fragments de catillus ni silicifiés ni spathifiés , dont la texture assez molle paraissait cornée, et dont les fibres pouvaient encore se détacher par filaments. 203. En face du bourg d’Ault, il existe des tourbes couvertes seulement de 3 à 4 décimètres d’eau à marée- basse. Elles sont formées de débris d’arbres et de plantes aquatiques. Près d'Etaples département du Pas -de- Calais, dans le voisinage de celui de la Somme, elles recèlent des graines du genre génista et des débris d'insectes. (M. Ravin L. C.) leur épaisseur est de 60 centimètres. 204. À Bourseville et à Franleu, à une assez grande profondeur , on apperçoit des bandes de débris végétaux ou lignites de 33 centimètres d'épaisseur (M. Ravin L. C.), ils ne sont pas sans doute purs dans toute cette épaisseur ; au reste, par lignites M. Ravin en- tend une poussière noire provenant de débris de végé- taux. 205. Dans le Vallon de Bretel, on a trouvé des os- semens de mammifères antédiluviens (M. Ravin L. C.) 296. À Arry, à Retracoulou et dans plusieurs au- tres endroits de la commune de Bernay, amas de sable roussatre plus ou moins mélée de silex. Il s’en trouve encore dans plusieurs communes de la partie Nord de l'arrondissement d'Abbeville. re — 260 — 207. Piès la ferme de la Maotteleitte, commune de Forestmontier, vers la Bonde, au bord du marais, amas de silex un peu roulés, à 30 centimètres de la surface du sol. C'est le bord de l’ancien rivage. 208. Dans les cantons de Rue et de Nouvion, sur les coteaux où le sol est crayeux , les silex ont générale- ment la croûte blanchâtre même sur les fractures. Il en est de même des silex de la plupart des coteaux crayeux des autres parties du département. 209. De Poix jusque près de S.t-Valery, le diluvium contient avec des silex blancs en rognons et en pla- quettes , dont les factures sont quelquefois blanches, couleur assez tranchée avec l'intérieur de ces silex, car bien qu'appelés ordinairement blancs par opposi- tion aux noirs, ils sont réellement gris blancs. 210. À partir de Senarpont jusqu'à la ville d'Eu, dans le bas du coteau le long de la Bresle, on voit dans le diluvium et parfois assez nombreux, des silex légè- rement ruulés dont la croûte est jaunâtre. 211. Au Sud de Montigny à l'entrée du village, il y a au-dessus de la craie près de 2? mètres de bief très-rouge contenant beaucoup de silex à croûte blan- châtre comme presque tous ceux de la contrée. 212. Sur la partie supérieure des coteaux à droite et à gauche de Bagneux et de Gezaincourt, de nombreux petits galets de silex sont mèlés aux silex non roulés dans le diluvium à la surface du sol. Au sommet de ces mêmes coteaux à l'extrémité Nord de Gezaincourt, on a trouvé a environ À mètre de profondeur des amas de sable jaune rougeatre. N'ayant pu voir que quelques pelle- tées de ce qu'on avait extrait, les trous ayant été bou- chés, je ne puis apprécier d'une manière certaine le — 261 — terrain auquel il appartient. Cependant, d’après sa cou- leur, la disposition des lieux, celle de ces amas et celle du diluvium environnant, je suis disposé à le ranger dans le terrain clysmien. Le voisinage de galets abon - dants donne lieu de présumer qu'il provient comme ceux-ci de terrains tertiaires peu éloignés et qui ont été enlevés. 215. Contre la route d’Auxi-le- Château presqu’en face de Rouval, limon argilo-sableux de plusieurs mè- tres d'épaisseur , et contenant quelques rares silex et de petits morceaux de craie. Il suit la déclivité du terrain. 214. Entre Bouquemaison et Haute-Visée, plusieurs mètres d'argile plastique rougeâtre remaniée, avec des silex à croûte blanchâtre. 215. De Marieux à Doullens limon argilo-sableux à droite sur le penchant de la vallée; Dénudation du côté opposé (1). 216. À Léalvillers limon argilo-sableux , épais sur la partie haute du village et au moulin. 217. De Bavelincourt à Harponville , limon argilo- sa- bleux sur la gauche et dans la vallée, Dénudation sur la droite. 218. À Allonville et vers Beaucourt , les plaquettes de silex et les petits fragmens de grès sont communs dans le diluvium. 219. Depuis Amiens jusqu'à Beaucourt , le côté Sud des (1) Le limon est interrompu vis-à-vis Sarton , commune du départe- ment du Pas-de-Calais enclavé dans celui de la Somme, par une éléva- tion peu étendue sur le penchant de la vallée , et composée de sable ar gileux , bieffeux , rempli de silex. vallous , offre toujours du limon argilo - sableux. Sous celui du dernier c'est-à-dire avant le vallon qui précède Beaucourt , il y a 3 — 0 — limon, argilo-sableux. 1 — O0 — terre noire. À, y 50 255086 Hmon. Puis. . . . . terre noire encore dont je n'ai pu voir l'épaisseur au-delà de 80 centimètres. 220. Le terrain où se trouvent les grès sur le pla- teau de Beaucourt est ainsi composé : (Dame TN, Limon et sable rougeâtre avec si- lex À — 0 — Limon argilo -sableux presque pur. Te O0 — Limon avec petits morceaux de craie roulée, dans le bas duquel sont les grès. 221. En sortant de Beauquesne vers Pulchevillers, en sortant de Pulchevillers sur un des côtés du che- min de grande communication, avant Rubempré du côté d'Hérissart, en sortant de Renneville vers Amiens, li- mon dans le bas des coteaux. 222. Près du bois d’'Hérissant vers Pulchevillers et à Beauval contre la route, argile plastique remaniée de diverses couleurs par amas plus ou moins petits et contenant quelques silex. 223. À Bavelincourt dans le bas du coteau entre le village et le bois près la pierre d'Oblicamp, à 4 mètres de profondeur dans un terrain légèrement arpi- leux contenant des silex, sous des grès de À mètre au plus de longueur, on a trouvé un fragment de ma- choire d'éléphant. — 265 — 224. À Beaussart en descendant vers Mailly, nom- breux galets de silex noiràtes de diverses grosseurs, parmi lesquels il y en a dont l'écorce est rougeûtre. 225. A Mailly vers Vittermont, près des dernières maisons, nombreux petits galets de silex dans le dilu- vium. 226. À Querieux vers Amiens à mi-côte, limon ar- gilo-sableux contenant quelques petits morceaux de craie mais stratifié horizontalement. Il est subordonné à une rangée de silex qui forme la partie inférieure d'une couche de plus de 1 mètre d'épaisseur de sable noi- râtre argileux contenant des silex épars, laquelle suit la déclivité du coteau. Dans le bas du village le limon est pur. 227. Entre un petit bois au-dessus de Bonnay et Franvillers, amas de silex généralement gros et à croute verdâtre. 228, Entre Albert et la côte avant Bray, limon argilo-sableux de plusieurs mètres d'épaisseur. Il ren- ferme quelques petits silex et beaucoup de petits mor- ceaux de craie roulée , généralement en bandes irrégu- lières, mais marquant la stratification. 229. Entre Albert et Bray, grès calcaires avec em- preintes de coquilles et grès quarteux dont les angles sont un peu émoussés. 250. Entre Bray et Capy dans le bas de la côte, il y a : ES 08 = Limon argilo-sableux. 0 — 50 — Sable rougeñtre terreux. DANS 0 — Sable blanc par lits onduleux et renfermant des silex, de la craie — SG roulée et des fragmens de catil- lus. 251. Sur les coteaux à droite de la Somme dans les envirous de Bray, on appercoit beaucoup de silex, la plupart à croûte verdàtre à la surface de la terre. 232. Sur le haut de la côte, à gauche de la Somme entre l'Écluse près la Neuville et Capy, il y a un amas de 2? mètres 50 centimètres d'épaisseur et d'une grande étendue, de silex presque tout à croûte verdâtre sous 0 50 de dilavium. 233. Prés de Proyart du côté de Bray, amas de silex la plupart à croûte verdûtre. 234. Dans les amas de silex dont quelques-uns sont verdâtres , sur les coteaux de la commune de CGerisy , entre Bray et Corbie, on trouve de petits fragmens de grès quarzeux et des grès calcaires offrant des em- preintes de coquilles. 235. Entre Lamotte et Villers-Bretonneux vers Mar- ché-le-Cave, dans une dépression de la plaine, existe un amas de silex à croûte verdâtre, en général assez gros. 236. Petits fragmens de grès au Carnoy. 237. À Fricourt, fragmens de grès un peu calcaires avec de rares empreintes coquillères, méêlés aux silex dans le diluvium. 238. À Combles en y descendant du côté du Nord, 1 mètre et plus de sable argileux rougeûtre et de glaise brune avec des silex sous plusieurs mètres de limon argilo-sableux. 239. Au bord de la vallée à Péronne, amas de si- lex jaunâtres un peu roulés avec des grès caleaires à empreintes coquillères. = 1065 240. Dans le faubourg de Péronne, au Quinconce, et vers la Somme on trouve du limon. 241. Grès calcaires à nummulites et offrant des em- preintes d’autres coquilles à Leforêt. J'ai aussi trouvé là, parmi les silex, un fragment de poudingue roulé. 242. Sur les côtés de la route d'Albert à Péronne près Maricourt, du chemin de Combles à Péronne sur la commune de Rancourt, de Bapeaume à Péronne sur Bouchavesne, de Péronne à Roisel au bois de Rocagne, etc., Amas en forme de cônes renversés dans la craie, de sable parfois pur, parfois avec silex ct argile brune ou rougeâtre plus ou moins mélangée elle-même de silex. 243. Petits fragments de grès quarzeux mélés avec les silex à croûte verdàtre, au coteau au Sud du che- min de Péronne à Roisel. 244. Entre Villers Faucon et Roisel, sur la hauteur, il y a sous deux mèêtres et plus de limon argilo-sa- bleux pur, un mêtre environ d'argile sableuse rougeà- tre, noirètre, grisâtre mélée avec des silex la plupart ayant la croûte verdâtre, et quelques galets de silex, très-rares ailleurs dans les environs de Péronne. 245. De Villers Faucon à Péronne, les coteaux sur la droite sont en général recouverts d'un limon argilo- sableux de plusieurs mêtres d'épaisseur. 246. Les silex à croûte verdatre sont en général très- communs dans les arrondissements de Péronne et de Montdidier. Dans quelques communes des autres arron- dissements on en trouve assez abondamment , mais dans la plupart ils sont en petite quantité et même dans plu- sieurs je n'en ai pas appereu. 247. A Péronne, à Etrépigny, à Villers-Carbonnel , à Marché-le-Pot, à Fonche, à Roye près la fabrique de sucre au Nord de la ville, limon argilo-sableux sur le coteau Sud, dénudation de l’autre coteau où la craie est même parfois à jour. 248. Dans la cavée de Chilly, à peu de distance de l'amas de sable tertiaire que j'ai signalé (83) et qui a été extrait, il en existe de plus petits qui touchent également à la craie fragmentée, mais dans lesquels les eaux elysmiennes ont introduit des silex dans le bas du diluvium. A côté du sable remanié, on trouve çà et là des nodules geodiques de marne argileuse de forme oblongue et au plus gros comme une poire. 249. A Rouvroy deux ou trois mètres de limon ar- gilo-sableux , puis autant de sable argileux rougeûtre grossier, puis autant d'argile glaiseuse tirant sur le brun contenant des silex à croûte verdàtre et blan- chàtre , puis la craie. 250. A l'entrée de Caix du côté de Rosières, on voit des silex à croûte verdâtre mélée à la craie supérieure. A Fransart il s'en trouve également. 251. Les amas ou bancs de silex sont ordinairement dans les dépressions du sol et surtout sur les coteaux qui bordent les vallées. Parfois ils sont disposés par lits assez distincts quoique peu réguliers, parallèlement à la surface du sol, c’est-à-dire qu'ils sont tantôt à peu près horizontaux, tantôt inclinés. Il en existe plusieurs d'une régularité remarquable. de citerai seulement celui qu'on appercoit dans la partie inférieure de l'argile au-dessus du limon argilo-sableux à Damery ; il est très- mince, 2 une étendue assez considérable et forme une ligne parfaitement droite et presqu'horizontale comme la surface du sol, toutes circonstances qui annoncent un dépôt tranquille et non tumultueux comme Ja plu part de ceux dont il vient d'être question. 252. A l'exception du limon argilo-sableux lorsqu'il est pur, les couches du terrain elysmien sont super- posées les unes aux autres, d'une manière irrégulière sans former de strates d'une épaisseur uniforme et horizon- tales. 253. Sur les hauteurs et près des bois de Villers-aux- Erables, de Mezières, d'Hourge et de Domart, on rencontre des dépôts d'argile glaiseuse rougeâtre sans stratification régulière, renfermant de petits silex. Ces dépôts reposent souvent sur la craie. Il y en a aussi entre Guerbigny et Marquivillers, près de Proyart et dans beaucoup d'autres lieux presque toujours sur les hau- teurs. On wi donne le nom de bief lorsqu'elle est fer- rugineuse , dure. Ce nom s’applique encore à la couche d'argile rougeâtre, compacte par suite de l'oxide de fer qu'elle contient & ayant de quatre à huit déci- mètres d'épaisseur sous laquelle se trouve le limon ar- gilo-sableux qui recouvre en grande partie les plaines du Santerre, du Vimeu et du Ponthieu, quelques coteaux et plus rarement le fond des vallons. Cette argile et les précédentes u’ont pas la tenacité nécessaire pour faire de la poterie, ni même des tuiles. Le limon argilo-sableux est roux , quelque fois grisâtre , très-fin au toucher, déposé horizontalement comme l'argile qui le précède. Il se conserve pur la profondeur de deux ou trois mèêtres et se trouve en suite mélangé avec de petits morceaux de craie et des silex. A Fransart derrière l'écurie du château cette dernière couche contient de nombreuses coquilles terrestres et fluviatiles, savoir : Succinea araphibia , planorbis vortex, — 7268 — P, marginatus, puppa dolium, paludina impura, P. muriatica ? Lymnea palustris, L. auricularia. Plus bas on rencontre parfois des bancs où trainées de sable verdâtre de peu d’étendue et plus souvent des bancs de silex de six à huit décimètres d'épaisseur. Sous une partie du village de Fouquescourt il y en a un de silex vert foncé et vert clair , de deux mètres de puissance sous un mètre quarante centimètres de limon argilo-sableux et reposant sur la craie. Dans le bas, les interstices des silex sont remplis par de l'argile grise et dans le haut par du sable verdâtre. Mais je crois que ce banc appartient au terrain tertiaire. 254. Les tourbières contiennent dans le fond de gros arbres et desibranches dont je parle dans ce chapitre parce que comme je le dirai plus loin, ils ont sans doute entrainés dans les vallées lors du dépôt du terrain clysmien , comme les végétaux accumulés qui forment les tourbes du littoral. Ce sont des chênes , des bou- leaux, des coudriers, des sapins, des ifs. M. Ravin ( L. ec.) cite un if énorme trouvé il y a peu d'années au fond du canal de St.-Valery. Le bois en est tout vif, il a conservé sa couleur rougeâtre; on en voit un morceau travaillé au musée d’Abbeville. Il existe au fond de la vallée de Somme au-dessus de la craie un lit généralement de peu d'épaisseur de silex un peu roulés et de sable. 255. Les sables et les galets noirs et blonds infé- rieurs du marquenterre , appartiennent au terrain celys” mien ou plutôt ils sont postérieurs à la formation ter- tiaire et ont précédé le terrain clysmien , comme Je l’expliquerai plus bas. On a rencontré plusieurs bancs de galets dans les sables jusqu'à la profondeur de vingt- — 269 — huit mètres, où l'on s'est arrêté, au chäteau neuf, lors du forage d'un puits artésien. Roches du terrain clysmien. 1. Grès quarzeux gris blanc, assez durs, à écorce rougeâtre , mammeloné sur les faces, anguleux sur les côtés qui sont rarement arrondis ( presque partout. ) 2. Grés quarzeux gris bleuûtre à grain très-fin ( Andechy. ) 3. Le même roulé (Thènes.) A. Grès calcaire coquiller très-dur (Bray , Leforèt, plus rares à Caubert et à St.-Gilles, près Abbeville. 5. Grès quarzeux caverneux ( Le Carnoy, Fricourt.) 6. Grès calcaire à numimulites (Mézières, Thènes.) 7. Grès calcaire coquiller avec nummulites ( Abbeville, Port.) 8. Nodules ou petits rognons un peu aplatis de grès calcaires renfermant parfois de petits morceaux de silex ou de craie (Amiens au faubours de Beauvais.» 9. Poudingue siliceux roulé ( Leforêt.) 10. Poudingue formé de petits galets de silex liés par un ciment sableux très-épais ( Fransart, Abbeville. ) 11. Brèche siliceuse de très-petits fragments de silex principalement blanchâtres ( Amiens. ) 12. Cristaux de quart hyalin sur des silex (presque partout. ) 13. Quart opaque mammeloné sur un silex (St.- Valery.) 14. Silex calcedonieux sphériques et géodiques (Ham, Vovenne, Bunv.) 21680 — 15. Silex pyromaque noir (presque partout. ) 16. Silex pyromaque blanc ( Le Plessier-Rosainvillers , Mers. ) 17. Silex brisés généralement et blanchâtres même sur les faces fracturées , mais seulement à la super- ficie (sur les coteaux crayeux. ) 18. Silex avec une croûte verdätre, ayant souvent une zûne jaune foncé d'un à deux millimètres de lar- geur et près de la croûte, en général un peu roulés (les arrondissements de Montdidier et Péronne surtout.) 19. Silex avec une croûte jaune foncé , même sur les fractures , en général un peu roulés ( Amiens, fau- bourg de Beauvais, Thènes, Pont-de-Vers, Abbe- ville, Serarpont, etc.) 20. Silex en galets généralement petits, noirs, gris, (Villers-Tournelle, Ailly-sur-Noye, Beaussart, Gezaincourt.) 24. Silex en galets plus ou moins petits ayant une zène blanchätre de deux ou trois millimètres d'épaisseur recouverte d’une pellicule rougeätre ( Beaussart. ) 22. Silex en galets à croûte blanchàtre de grosseur au plus moyenne, contenant dans l'intérieur des traces ferrugineuses (Regibaye. ) 23. Silex en galets à croûte blanchâtre , même sur les fractures ( Leplessier-Rosainvillers. } 2h. Silex en galets à croûte verdâtre et à zone jau- nâtre au dessous ( Fransart, très-rare.) 25. Silex en plaquettes jaunàâtres avec écorce ver- dâtre de quelques millimètres d'épaisseur, offrant sur les faces des traces ferrugineuses et des empreintes végétales ( Regibave. ) = TE 26. Silex en plaquettes à croùte verdätre même sur les fractures ( Beauval.) 27. Silex en plaquettes à croûte blanche sur les faces et les fractures ( Renneville. ) 28. Silex en plaquettes à croûte blanchâtre sur les faces seulement ( Namps-au-Mont.) 29. Silex en plaquettes à croûte jaunâtre même sur les fractures (St-Roch , près Amiens. } 30. Sable roussätre (Bernay, Arry , Gezaincourt.) 31. Sable coquiller jaunàtre et blanchätre ( Amiens, près St.-Acheul. ) 32. Sable gris blanc d'alluvion marine (le Mar- quenterre. ) 33. Tourbe marine (le Littoral.) 34. Arogile prise , rougeûtre , noirâtre , remaniée ( Sains , Pierrepont, Guerbigny. ) 35. Argile ferrugineuse d’un ronge brun, presque glaiseuse, appelée bief dans le pays ( généralement sur les hauteurs.) 36. Limon argilo-sableux jaunâtre rarement coquiller (les plaines du Santerre, du Vimeux, du Ponthieu et parfois les coteaux. ) 37. Limon argilo-sableux jaunâtre avec de rares silex et de petits fragments de craie roulés (près Albert, Louvrechy , St.-Roch et Montières, près Amiens. ) 38. Nodules cylindroïques d'argile ( près Ham , Chaulnes. 39. Marne argileuse d'un blanc jaunàtre (Bernay, ete.) A0. Craie roulée mélée par petites couches irrégu- lières avec les silex (St.-Roch, près Amiens.) AA. Craie en amas, en petits fragments plus ou moins arrondis, appelée thuin dans le pays (vallée de Somme, surtout entre Ham et Amiens , du Doing , etc. 42. Calcaire siliceux et tuberculeux ( Gentelles, La- faloise. ) 43. Marne calcaire durcie compacte , de couleur gris blanc , avec de rares empreintes végétales ( Andechy. } 4h. Marne durcie d'eau douce avec lymnées et gvrogonites ( Beuvraines, près la panneterie. ) 45. Marne calcaire durcie, feuilletée ( Boiteau. ) A6. Calcaire siliceux très-dur, avec tubulures si- nueuses ( Bray.) 57. Fer hydroxidé unissant ça et là les silex (Amiens , etc. ) 48. Rognons ferrugineux entourant ur silex (environs d'Abbeville ( musée de cette ville. ) 49. Fer hydroxidé argilleux compacte (Curchy.) 50, Agglomération peu tenace de fer hydroxidé (An- dechy. 51, Fer hydroxidé pisiforme (Onvillers. } 52. Globules de fer hydraté ( Caubert ( M. Picart.) 53. Pyrites globuleuses de fer sulfuré blane , for- mées de cristaux octaëdriques groupés. b4. Pyrites globuleuses de fer sulfuré blanc épigène, formées de cristaux octaëdriques groupés. Fossiles du terrain clysmien. A. Éléphas primigenus (autour d'Amiens ‘entre St.- Roch et St.-Acheul, Menchecourt près Abbeville, Ba- velincourt. ) = FR = Cervus somonensis ( Abbeville, Amiens. ) . Rhinoceros trichorinus ( Abbeville , Amiens. ) . Bos bombifrons (Abbeville, Amiens. ) 5. Equus... plus petit que le cheval ordinaire ( Ab- beville, Amiens. } 6. Cervus giganteus ( Abbeville. ) 7. Bos urus ( Abbeville, Amiens. ) 8. Aurochs ( Abbeville, Fontaine-sur-Somme. } 9. Ursus spelæus (Abbeville, Breuil. ) 10. Felis,.. une dent appartenant à une grande espéce voisine du tigre royal ( Abbeville. ) 11. Tarandus... (rhenne d'Etampes ( Abbeville. ) 12. Dents de gymnodontes (St.-Valery (M. Ravin. ) 13: Empreinte de poisson sur un silex ( Abbeville , ce à = Dury, près Amiens.) 14. Tellina solidula ( Menchecourt. ) 15. Donax (empreinte dans le grès calcaire de Bray.) 16. Cyclas palustris ( Menchecourt , près Abbeville. ) 17. Venus? (empreinte dans le grès calcaire de Bray.) 18. Cardium .. en silex (St.-Valery. ) 19. Cardium edule (St.-Valery , Abbeville, Menche- court , près Abbeville.) 20, Cardium... (moule intérieur en calcaire (St- Roch , près Amiens.) 21. Mytilus en silex (St.-Valery. ) 22. Catillus cuvieri (fragments de) (St.-Roch, près Amiens , St.-Valery , Bray.) 25. Catillus cuvieri (fragments de) texture apparente cornée ( Visse-les-Maisnières (M. Ravin.) 24. Catillus cuvieri ( moule intérieur de )‘ en silex ( Abbeville, musée de cette ville.) 18. — 274 — 25. Pecten... en silex (St. Valery.) 26. Pachytes spinosa, en silex (St.-Valery ( M. Ravin. ) 27. Pachytes spinosa, en silex verdâtre ( Andechy: ) 28. Plagiostoma mantelli, dans un galet de silex (Le Murel, près Quend.) 29. Pachytes spinosa (empreinte de} sur un silex à croûte jaunâtre ( Thézy. ) 30. Ostrea... en silex........... 31. Ostrea spondyloïdes , en silex. SNA 32. Terebratula.. avec stries longitudinales, en silex (St.-Valery, Longuevillette. ) 33. Terebratula... allongée, en silex ( Dury, près Amiens , coll. de M. Douchez. 34. Terebratula... silicifiée dans un silex ( environ d’Abbeville, musée de cette ville.) 35. Valvata priscinalis. | Menchecourt près Ab- 36, Valvata planorbis. beville. 37. Lymnea ( Beuviaine, dans la marne calcaire durcie. ) 38. Lymnea palustris (Menchecourt, Fransart. ) 39. — Auricularia (Menchecourt, Fransart. ) 40. — Ovata. | SLR RPreErs Menchecourt. 42. — Stagnalis. A3. — Minuta. GA. Paludina muriatica? lamarck ( Fransart. } 45. — Impura. 46. Planorbis marginatus. Fransart, Menchecourt. A7. — Carinatus. A8. — Vortex ( Fransart. ) — 275 — 49. Puppa dolium ( Fransart. ) 50. Puppa marginata. b1. Fusus dans le grès calcaire de Bray. 52. Buccinum undatum. | Menchecourt, près Ab- 53. Purpura lapillus. 54. Helix Pulchella \ beville. 55. — Arbustorum. 56. — Nemoralis. 57. — Hispida. Menchecourt, près Ab- 58. — Striata. beville. 59. — Carthusia(bail- lon. 60. — Cristallina. 61. — rotundata ( Menchecourt, près Abbeville, St.-Achenl, près Amiens. 62. Succinea amphibia, deux variétés à Menchecourt, une seule à Fransart. 63. Cyclostoma elegans. 64. Belemnitella quadrata d’Orbigny ( Laucourt. } 65. Bellemnites mucronatus ( Montdidier, Laucourt, Voyenne, Villers-les-Roye. ) 66. Alveole de belemnites mucrunatus en silex ver- dâtre ( Andechy. ) 67. Hamites... en silex ( Abbeville, St.-Roch, près Amiens, Dury.) 68. Hamites rotundus en silex ( Abbeville. ) 69. Numnnulites lœvigata, dans le grès calcaire de Thènes, de Port. 70. Ananchites spatangus en silex ( Bernay.) 71. Ananchites ovata en silex ( partout.) € %# Ce — 276 — 72. Ananchites ovata, approchant de l'hemisphéerica en silex ( partout. ) 73. Ananchites carinata (agasiz) en silex ( Domart sur la Luce. ) 74. Ananchites ovata, en silex à croüte verdàtre ( Nesle, Andechy. ) 75. Ananchites spatangus en silex à croute jaunâtre ( St.-Roch ,- faub. d'Amiens. ) 76. Spatangus cor anguinum, en silex. 77. Spatangus cor testudinarium, en silex. 78. Nucleolites ou ananchites de la grosseur d’un pois en silex (environs d'Abbeville, musée de cette ville. ) 79. Nucleolites en silex (St.- Valery, Abbeville. ) | 80. Echinus... en silex ( Domart sur la Luce. ) 81. Empreintes de pointes d’echinus sur un silex (musées d'Amiens et d’Abbeville, coll. de M. Veret, à Doullens, venant des environs de ces villes.) 82. Galerites vulgaris, en silex. 83. Galerites albogalerus, en silex (Bernay, Aülly- le-haut-Clocher. ) 84. Cidaris coronata ( Goldfuss), en silex (Vron, Abbeville. } 85. Cidaris elevatus ( Abbeville, musée. ) 86. Gidaris..... en silex (Abbeville, Villers-Tour- nelle. ) 87. Cidaris saxatilis ( Abbeville musée. ) 88. Millepora digitata ( St.-Valery, M. Ravin.) 89. Chaonites pyriformis, environs de St.-Valery (M. Ravin ), Montigny-les-Jonglenrs. — 277 — 90. Spongia (St.-Valery ), (M. Ravin.) 91. Alcyonum globulosum (M. de France), Thezy. 92. Tragos pisiforme Thezy. 93. Debris de polype enveloppé d'une croûte peu épaise en silex (Fransart.) 94. Polypier spherique en silex ( Abbeville, musée de cette ville. ) 95. Graines de chara} medicaginula ou gyrogonites, dans la marne calcaire durcie (Beuvraine, près la panneterie. } 96. Bois pétrifié en silex ( Ham.) 97. Ocellaria inclusa ( Lamarck )}, en silex ( Ge- zaincourt. ) 98. Divers polypiers , en silex, voisins du genre si- phonia (partout. ) Les vestiges de la craie et des sables tertiaire, épars dans le diluvium, sont naturellement accom- pagnés de foraminifères que renferment ces deux terrains. CHAPITRE QUATRIÈME. TERRAIN ALLUVIEN OU MODERNE. 256. Toutes nos vallées contiennent de la tourbe. Elle est quelquefois pyriteuse et fournit alors un mau- vais combustible ; son épaisseur est très variable, elle atteint huit mètres en quelques endroits. Partout on y trouve des tests des mollusques actuellement vi- vants dans la vallée. Elle est composée des detritus des plantes aquatiques, dont les plus dures, les plus li- — 278 — gueuses sont les mieux et même à peu près les seules conservées, car les conferves, les sphaigues et autres plantes délicates qui en sont les principaux éléments sont décomposées même généralement dans la partie supérieure des tourbières. Dans la partie moyenne on trouve moins de végétaux reconnaissables. Dans le fond la tourbe en offre rarement des traces, elle con- siste seulement en une pâte molle et prend le nom de bocageuse lorsqu'elle est composée au moins en partie de troncs et de branches d'arbres. Des ra- cines de joncs et de roseaux entrelacés forment dans les marais fangeux de la haute Somme des espèces d'îles flottantes qui produisent un mauvais combusti- ble appelé bouzin. On trouve dans la tourbe des os- sements d'animaux qui existaient pendant qu'ellé se formait, tels que de grue, de cigogne , de l’urus des anciens qui est notre bœuf , d’aurochs, de castor, de loup, de chien, de renard, de sanglier, de cheval, qui ont été recueillis aux environs d’Abbeville par M. Bail- lon, et déterminés par ce savant naturaliste. M. Traullé possédait des ossements de cerf, de chevreuil, de daim, provenant des mêmes lieux. Il y a peu d’années, on a découvert sur le bord du canal, près le pont de Sursomme, un radius de baleine franche, à deux mé- tres de profondeur, dans une couche de sable et de coquilles brisées de bucardes sourdon , et en creusant le canal de transit dans les jardins de St.-Jean-des- Prés, une vertébre d'un grand cétacé dans une couche de sable et de gravier, sous un banc de tourbe. A Etrebœuf on a trouvé au fond de la tourbe une pi- rogue faite avec un seul arbre; elle est déposée au musée d'Abbeville. Près d’Ailly-sur-Noye, une partie — 279 — de la tête d’un castor a été receuillie dans une tourbière. 258. Des ossements provenant des tourbières d'A- miens et des environs ont été déterminés par M. Ri- gollot, ils appartiennent au castor, au sanglier, au bœuf, au cerf et au cheval. 259. La tourbe alterne, souvent avec des sables dans le Marquenterre et dans les marais de Cambron. Des bancs de craie meuble terreuse sont intercallés dans la tourbe en certains endroits, dans d’autres ils la recouvrent, atteignant parfois une épaisseur de deux à trois mêtres, comme dans la vallée de la Noye près d’Ailly. On y rencontre presque toujours des concre- tions calcaires mammelonnées, grumeleuses , en forme de chou-fleur, dont quelques-unes allongées et creuses se sont évidemment formées autour de jones et de ro- seaux. Après l’incrustation de la matière calcaire, les tiges des végétaux ont été détruites et leur place est restée vide. J'en ai vu ainsi dans les vallées de la Somme, de la Noye, du Doingt, de l’Ancre, etc. Dans cette dernière les concretions constituent des masses considérables, à Aveluy et surtout à Albert, sous un dépôt assez mince , sablo-argileux et tourbeux, dû à des avalanches et à des débris végétaux. Ce calcaire tuf- facé n'offre pas de stratification bien nette, n'est pas compacte, mais il a un grain grossier. Dans cette ville on voit une grotte d’une vingtaine de mètres d'étendue, d'environ un mètre de largeur et de deux mètres de hauteur. La rivière forme sur cette roche une cascade de sept mètres de hauteur, près de l’ex- trémité de la ville vers Amiens. 260. Dans la vallée de l’Authie, près de Doullens, — 280 — et parfois dans les caves de cette ville on rencontre du calcaire semblable à celui autrefois employé aux fortifications, puis, après la démolition de celles-ci, à des constructions privées. Il est tendre dans la par- tie supérieure et dur dans le bas. A la différence des précédents calcaires concretionnés, il est un peu sili- ceux , d’un grain inégal en dureté et présentant de plus de petites cavités, il fournit aussi des matériaux plus so- lides. C'est un véritable tuf dû aux mêmes causes que celui d'Albert. A Doullens comme à Albert le gra- vier terreux qui le recouvre a été amené par les eaux pluviales ou par celles provenant de la fonte des neiges. 261. Le fond des rivières contient en plus ou moins grande quantité un gravier de silex roulés et en général petits. Les rivières forment aussi principa- lement sur leurs bords , des dépôts marneux et plus souvent marneux ou limoneux, mélés de débris végétaux. 262. A Abbeville, on trouve sous les maisons de la rue de la Pointe des tests de bucardes plus ou moins entières à 2 mètres 50 centimètres de profondeur et à 5 mûtres des coquilles de ces mêmes animaux en place. 263. Dans la partie de la vallée de la Somme où est situé Abbeville, sous un ou deux mêtres de terre ap- portée par les avalanches ou de sable jetté par la rivière, on trouve en général : De la tourbe. Du sable bleuûtre. De la tourbe. Du sable bleuatre — 7251 — Des silex un peu roulés formant parfois un banc de plusieurs mètres d'épaisseur. Puis la craie. 264. Ce sont les débris d'animaux et de végétaux qui donnent lieu à la formation de l'humus qui re- couvre la terre des bois et des praieries. 265. La mer rejette des galets de silex sur le lit- toral entre Ault et la pointe du Hourdel et forme ainsi des bancs qui à Gailleux ont une vingtaine de mêtres au moins de largeur et cinq mètres de hauteur. Elle pousse également vers le continent les sables provenant des par- ties usées des galets. Ils couvrent le littoral et s’amas- sent a l'entrée de la baie d’Authie et de la baie de Somme, ainsi qu’à celles des petites rivières qui se dé- chargent dans celle-ci. Comme ils contiennent des débris de végétaux et d'animaux, des plantes peuvent alors y croître et y former, par suite de l'établissement de digues, qui les mettent à l'abri des invasions de la mer, des pâturages appelés molières, que l'on finit par cultiver. Les sables purs chassés vers la terre par les vents donnent naissance aux dunes de S.t-Quentin- en-Tourmont. 266. Le Marquenterre présente plusieurs élévations entièrement composées de sables et de galets de silex avec des débris de coquilles de bucardes sourdon. Le reste du pays et c'est la plus grande partie est formée de sables et assez fréquemment de couches d’argile blanche ayant parfois plusieurs mêtres d'épaisseur. Au- près des cours d’eau jusqu'à une certaine distance de la mer, il existe des tourbes. 267. Les morceaux de fer tombés dans la mer et dans les rivières produisent par la désagrégation de — 282 — leurs parties au moyen de l’oxidation et de l’adjonction de sable et de coquilles, des roches qui acquièrent une assez grande dureté. 268. Il y a des sources ferrugineuses à Roye, à Abbeville, à Miannay, à Péronne, à S.t-Christ. Elles attestent ainsi que les traces de fer qu’on appercçoit dans la craie, dans le sable, dans l'argile et dans la tourbe , la présence de ce métal presque partout. 269. Le terrain alluvien est le seul terrain qui re- cèle des objets de l'industrie humaine, au moins on n’en à pas trouvé dans les outres. Roches du terrain Alluvien. 1. Calcaire siliceux celluleux, coquiller et avec em- preintes végétales (Doullens). 2. Calcaire concrétionné incrustant, grumeleux en chou-fleur, coquiller avec empreintes végétales (Al- bert, Aveluy, vallée de Somme etc). 3. Calcaire terreux meuble, parfois mélé avee Île précédent, (vallée de la Noye, du Doingt etc). h. Tourbe (presque toutes les vallées ). 5. Tourbe pyriteuses ( presque toutes les vallées). 6. Tourbe bocageuse (principalement la vallée de Somme ). 7. Bouzin, ou tourbe récente dont les débris vé- gétaux qui la forment, commencent seulement à se dé- composer (la vallée de la haute somme surtout). 8. Dépôt d’alluvion fluviatile , sabloneux, argileux » marneux, avec des débris végétaux (les vallées). 9. Gravier de silex (fond des rivières ). 10. Bancs de sable et de galets d’alluvion marine (le littoral ). — 283 — 11. Dunes de sable (S.t-Quentin-en-Tourmont ). 12. Sable coquiller marin congloméré par le fer. (Ri vage de la mer, fond des rivières ). 13. Fer hydroxidé des marais. 14. Humus des bois et des prairies. Fossiles du terrain Alluvien. À. Urus des anciens (Abbeville, Amiens ?) 2. Aurochs ( Abbeville ). 3. Castor (Abbeville Aïlly-sur-Noye, Amiens). h. Loup (Abbeville). 5. Chien (Abbeville). 6. Renard (Abbeville). 7. Sanglier (Amiens). 8. Cheval (Amiens). 9. Cerf (Amiens, Abbeville où l'on a trouvé en outre des ossements appartenant à des individus plus grands que ceux existant actuellement en France). 10. Daim (Abbeville). 11. Chevreuil (Abbeville). 12. Baleine Franche (Abbeville). 15. Vertèbre de grand cetacé (Abbeville). 14. Gruc (Abbeville). 15. Cigogne (Abbeville). 16. Cardium edule (Abbeville). A7. Paludina impura......\ Albert, Aillv sur-Noye, 18. Planorbis marginatus..{vallée de Somme, etc. 19. Lymnea pulustris..... dans les calcaires con- 20. Lymnea ovata, mich./cretionnés. — 284 — 21. Succinea amphibia ?... | échantillons ‘ 22. Lymnea palustris ..... Ÿ incomplets } Doullens, 23. Planorbis marginatus........ “as ; 2h. Helix nitida ... ........ Re ÉpREe 2b-#Helixerotundata.- em 0 À tuffacé. 20. Helix nemoralies 242 MP À ces mollusques il faudra sans doute ajouter, lors que de nouvelles recherches auront été faites, tous ceux qu'on trouve dans la tourbe et qui vivent ac- tuellement dans les vallées. CHAPITRE CINQUIÈME. DES COUCHES AQUIFÈRES OU NAPPES D'EAU. 270. Plusieurs nappes d’eau ont été atteintes lors du percement des puits ordinaires et artésiens. J'ai cru devoir pour plus de clarté réunir dans un chapitre particulier ce que j'avais à en dire. 271 Terrain moderne. L'eau de pluie qui tombe di- rectement dans les vallées et celle qui s’y rend des coteaux, jointes à l'eau qui s'échappe de la craie, s'a- massent dans le terrain moderne qui remplit les vallées et fournit l’eau des puits qu'on y trouve à quelques mètres de profondeur. 272 Terrain clysmien. Je ne connais aucune nappe d'eau dans ce terrain. 273 Terrain tertiaire. La seule nappe d’eau que ren- ferme ce terrain se trouve au-dessus de l'argile plas- üque à 12 mètres de la surface du sol au Mont-Souf- flard, à 11 mètres à Rollot, et 2 mètres et plus à Lihons. — 38 — 274 Terrain cretucé. Il y a des nappes d’eau dans la craie, dans les sables et grès verts. 275 Craie. Dans la craie le niveau de la nappe d’eau la plus élevée varie de 55 à 78 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il paraitrait cependant qu'il en exis- terait une plus haute, à 117 mètres. Elle se manifeste à Hornoy et aux environs, lieux les plus élevés du dé- partement. Une nappe d'eau plus basse que ces deux là a eté rencontrée à Belloy à 19 mètres après avoir tra- versé la seconde à 54 mètres. C’est sans doute la même qui alimente les puits de Villers-Bretonneux à 7 mé- tres, ceux d’Agenvilliers à 19 mètres, celle du Moulin de Bellevue près Villers-Bocage à 29 mètres, et peut- être aussi celle rencontrée à Bouquemaison lors des premières recherches pour le charbon de terre à 28 mètres ; il est au moins très-probable quelle est la même que celle atteinte dans la vallée de Somme à Happlin- court chez M. Jallu où deux puits artésiens distants de moins de 1 kilomètre ont procuré de l’eau venant l'un de 15 mètres de profondeur et l’autre de 30 mè- tres. Elle arrive du premier à 1 mètre de la surface du sol et du second à la surface même du sol plus bas de 1 mètre. La nappe d'eau est dans le premier à 36 mètres au-dessus du niveau de la mer et dans le second à 20 mètres. A Manancourt près Moislains, quatre puits artésiens ayant de 18 à 22 mètres de profondeur, fournissent de l’eau avec assez d'abondance pour faire tourner un moulin. Le sol est élevé de 57 mètres au-dessus du niveau de la mer. À Péronne des puits artésiens amènent l’eau d’une srofondeur de 33 à 36 mètres à la distance de 2 — 286 — a 9 mètres de la surface du sol plus ou moins exhaussé par des remblais, comme dans toutes les villes, car dans les fossés des fortifications à la porte du Nord, l’eau d'un puits artésien jaillit de 0 50 centimètres. A Abbeville une autre nappe d’eau s'élève dans les puits artésiens, presqu'à la surface du sol, d'une pro- fondeur de 26 mètres au-dessous du niveau de la mer. Dans les plus proches de la rivière, l'eau monte et baisse avec la marée. Il en est de même de celui foré à une profondeur semblable à Noyelle sur mer. M. Arago, (annuaire du bureau des longitudes, année 1835, page 231 à 233) explique ce phénomène par la différence de pression sur les points où s'échappe l’eau qui alimente les puits. 276 Grès et sables verts. À Doullens situé à 57 mè- tres au-dessus du niveau de la mer, de 52 mètres de profondeur une nappe d'eau s'est élevée jus- qu'à 3 mètres 33° au-dessus de la surface du sol. A Rouval, a peu de distance de là, où le sol est plus bas de 3 mètres 33 centimètres, l'eau arrive de 29 mètres de profondeur à la surface du sol. À Bouquemaison, une nappe d'eau força comme je l'ai dit plus haut €'xbandonner les travaux pour la re- cherche du charbon de terre, a 79 mètres au-dessous du niveau de la mer. 277. A peu de distance des vallées profondes, les nappes les plus basses fournissent plus d’eau et sans disconstinuation dans les puits, parce qu’elles ne la perdent pas, comme les nappes supérieures, dans ces vallées; mais les nappes ayant une certaine épaisseur , il suffit d'atteindre la partie supérieure pour obtenir de 947 l'eau. Ainsi lorsqu'a Happlaincourt, M. Jallu en creu- sant un fossé rencontra des sources abondantes à 1 mètre de la surface du sol de la vallée et à 50 mè- tres au-dessus du niveau de la mer, on fut obligé de creuser davantage les puits de Villers - Carbonnel, vil- lage situé près delà à 90 mètres au-dessus de la mer et dont les jpuits ont 33 mètres environ de profon- deur. 278. Lorsque les eaux sont hautes, on voit l’eau s’é- chapper des flancs d’un coteau à Bagneux commune de Gezaincourt. Ce jet d’eau, appelé du pied de bœuf, sort à À mètre du fond du vallon et a un diamètre de 6 centimètres. À peu de distance delà, à 1 mètre au-dessous de la surface du sol des sources forment un ruisseau. Des jets d’eau s’échappent, m'a-t-on dit, aussi quelquefois des coteaux de Canaples. Le vallon de Bagneux est à 60 mètres au-dessus du uiveau de la mer , et celui de Canaples d’un peu moins, de 53 mè- tres. Si l’eau ne s'échappe pas des coteaux de quelques autres vallées profondes, cela vient de ce que la craie est moins perméable sur leurs bords et surtout de la moindre puissance de la nappe d'eau qui peut d’ail- leurs se perdre en partie par les fissures de la craie ou parce que celle-ci est peu marneuse. 279. Les différences de hauteur de chacune des nap- pes d’eau qui alimentent nos puits, me paraissent pro- venir de ce que les couches de craie plus marneuse qui les retiennent ne sont pas toujours au même niveau. La craie comme tous les autres terrains de sédiment n’est pas identiquement la même partout. Dans une GR certaine étendue les eaux la contenaient pure, un peu plus loin au même moment, les matières argileuses s'y étaient mélées ; delà la différence de nature de cette roche à un niveau semblable. Il en résulte qu'une masse de craie marneuse force une nappe d’eau à se diviser, qu’en percant à l'endroit où se trouve cette masse, on ne rencontre pas l’eau de cette nappe et que pour en obtenir, il faut aller jusqu'à la nappe inférieure. 280. Les détails dans lesquels je viens d'entrer suf- fisent pour faire voir que dans les lieux élevés et dans plusieurs de nos vallées, on serait obligé de per- cer à une profondeur considérable pour pouvoir peut- ètre rencontrer une eau jaillissante, mais que dans le fond de plusieurs autres vallées, il y a lieu d’espérer d'en obtenir à peu de frais, parce qu'on n'irait pas au-delà de 30 à 35 mètres. Appendice. Pour compléter la géologie de la Somme quatre points me paraissent les principaux et presque les seuls qui doivent attirer l'attention : 1° les fossiles probablement assez nombreux qu'on n'a pas encore recueillis; 2° les coteaux recouverts par le limon argilo-sableux ; 3° la cause, qu'il appartient à la chimie de résoudre , de la croute jaunâtre ou blanchätre, même sur les frac- tures, de deux des sortes de silex dont j'ai parlé; 4° une étude plus entière, des nappes d’eau , que je ne l’ai pu faire. Ces recherches demandent beaucoup de temps, mais les résultats pourront être fort utiles pour la sicence. = 468 — CHAPITRE SIXIÈME CONSÉQUENCES GÉOGENIQUES DES FAITS PRÉCÉDENTS. J'ai essayé de faire connaitre dans les chapitres pré- cédents la nature et la disposition des terrains qui composent l'écorce du globe dans le département , je vais maintenant expliquer comment je suppose qu'ils se sont formés. La craie déposée dans une mer tranquille comme l’annoncent la disposition horizontale de ses strates et des bandes de rognons de silex, fut modifiée à sa sur- face par des courants et par des mouvements violents imprimés à la masse des eaux qui la ravinèrent, la bosselèrent de manière à produire une différence de plus de 150 mètres de hauteur entre divers points Lors de ce vaste magna , selon l’expression de M. Elie de Beaumont ( Bull. de la soc. géol., t. 7, p. 292) qui eut lieu avant la formation tertiaire , le carbonate de chaux moins pesant que les silex, et peut-être d'ail- leurs encore mou, comme il l’est même à présent, sur les bords du Mississipi ( M. Passy, L. c.) dont les eaux l’entament continuellement, le carbonate de chaux fut emporté au loin. Les silex s'amassèrent en certains endroits ( 79-81 ), dans ceux au-dessous des sables de Damery , on a trouvé des belemnites et des alvéoles de ce cephalapode, provenant de [a craie. Selon M. d’Ar- chiac ( Bull. de la soc. geol. t. 10, p. 173) dans le nord de la France , ils séparent la craie des sables verdâtres ou chlorités qu'il appelle glauconieux pour ne pas préjuger la nature de la substance à laquélle ile 19; — 290 — doivent cette couleur, et qui parait cependant être un silicate de fer, d’après une analyse de M. Berthier des sables glauconieux de la partie immédiatement in- u férieure au calcaire grossier qui sont absolument sem- blables. Les sables ne tardèrent pas à être déposés sur les silex auxquels ils donnèrent la couleur verte plus ou moins foncée de leur superficie. Si ceux-ci eussent été quelque temps agités par les eaux , leurs angles eus- sent disparu. Les rares silex en galets qu'on rencontre parmi eux, ont pu être amenés d'assez loin. Ils ont sans doute été mêlés avec les autres silex après l'en- lèvement des sables qui couvraient d’abord ceux-ci et furent bientôt remplacés par d’autres sables. Quelques galets ont aussi la croùte rugueuse et verdâtre ; en les cassant on voit la zône jaunâtre qui y touche et n’a guère qu'un millimètre d'épaisseur. Des sables marias et non l'argile plastique recou- vrent donc communément la craie dans le dépar- tement. , Si la craie a été soulevée , elle l’a été en masse, sans produire des failles qui auraient pu donner nais- sance aux vallées, de sorte que l'erosion par les eaux au lieu d’avoir entièrement formé celles-ci, aurait seu- lement achevé de les mettre dans l’état où nous les voyons aujourd’hui, présentant une correspondance ré- gulière des angles rentrants avec les angles sortants. Mais il n’a pu en être ainsi, car si nos vallées étaient le résultat de failles, on n’observerait pas l'horizon- talité des strates de la craie dans une direction perpen- diculaire au plan de ces vallées et leur rapport entre les deux côtés. La vallée de la Somme présente ce que MM. Cuvier et Brongniart ont remarqué dans les vallées — TON — du Bassin de Paris qu'ils ont décrites, des caps ar- rondis correspondant presque toujours à un sinus à bord escarpé qui forme l’autre rive , disposition occa- sionnée par la direction des eaux qui ont creusé les vallées. Les bords escarpés se trouvent toujours du côté de l'incidence. La stratification horizontale des sables qui recouvrent la craie, leur pureté, annoncent un dépôt pendant une période de tranquillité. Assez souvent ils se sont agglutinés dans la partie supérieure et ont ainsi formé des grès. Ce dépôt doit son origine à la mer, tandis que les lignites et l'argile plastique sont des terrains d'eau douce. (*) Les inégalités de la craie font parfois paraître les sables en stratification discordante avec cette roche. (47-72.) (*) A Amy, département de VPOise, à la limite de celui de la Somme , les lignites qu’on exploite ont une épaisseur de près de 2 mètres. On y a recueilli des carapaces de trionix ou tortue d’eau douce, des dents de crocodile, des fragmens, 1.° de ma- choire appartenant à un canis, 2.° de femur et de peroné de crocodile, 3.° de canon de ruminant, 4.° de mammifères indéter- terminables, 5.° des corps qui sont peut-être des coprolites (*#, du bois de palmier ou d'autre monocotyledon et du sucein.. MM. Croizet et Jobert indiquent aussi un os de canis trouvé dans les terrains tertiaires de la limagne avec des os de tortues, de cro- codiles etc. à quelques kilométres d’Amy, dans le bois du fond Tramblay, commune du Plessis de Roye, on a trouvé en ex- trayant des matériaux pour la route un fruit de palmier ou de cucurbitacée pétrifié en grès; il est en la possession du proprié- taive du terrain, M. Senarmont. (*#) Je dois la détermination de ces ossemens à l'obligeance de M: Laurillard. — 292 — Les courants ou les vagues de la mer tertiaire ont amoncelé en certains endroits des galets provenant des silex de la craie dont ils faisaient disparaître les angles en les roulant dans les eaux les uns contre les autres. Leurs débris donnaient naissance à du sable. Il y a tout lieu de croire que les terrains tertiaires ont couvert le département entier et les départements voisins ou au moins une grande partie de l'espace qu'ils occupent. Les terrains tertiaires que j'ai décrits annoncent par leur disposition que ce sont des lambeaux appartenant aux mêmes terrains entraînés presqu'entiè- rement par les eaux. On en voit un grand nombre absolument semblables par la composition , l'aspect etc., et contenant les mêmes fossiles, dans la Seine- Inférieure , l'Oise , l’Aisne , le Pas-de-Calais, le Nord. Dans la plupart des lieux où il y a des lignites et de l'argile plastique, on trouve ces lits de coquilles que M. Graves ( Geol. du canton de Ressons sur le Matz), a observé, former dans le département de l'Oise, près de celui de la Somme , un horizon géognostique , au- dessus des marnes dépendantes des lignites. Ces coquilles appartiennent toujours aux mêmes espèces marines et d’eau douce. Les sables et les grès offrent également un aspect tout-à-fait semblable, Ces faits se réunissent à ceux sur lesquels M. Elie de Beaumont à établi lhy- pothèse d’ane mer tertiaire qui occupait les lieux où sont situés Paris, Londres et Bruxelles. Le mélange de coquilles marines et d'eau douce qu'on observe en général dans la partie supérieure de l'argile plastique provient du contact des différentes eaux où vivaient les Mollusques qui les habitaient, c'est- à-dire , que les unes étaient amenées par la mer, Îles autres par les eaux des rivières. — 293 — Lors du soulèvement du bas Boulonnais et de la mise à jour des terrains jurassiques , la craie qui les recou- vrait fut détruite. La rupture , le déchirement des ter- rains qui ont disparu ou l'affaissement du sol furent l'origine du détroit du Pas-de-Calais. La même force causa probablement les deux phénomènes, si toute fois la dénudation du bas Boulonnais n’a pas eu lieu avant la période tertiaire. On sait que la mer est moins pro- fonde de chaque côté près des bords du détroit qu’au milieu où elle l’est plus qu'au nord et au sud et qu'il y a identité entre les terrains des deux côtés du détroit. La mer qui couvrait les terrains tertiaires, emporta, lors de la formation du Pas-de-Calais, en se précipitant dans l'Océan, ces terrains vu au moins une partie qui fut d'autant plus grande qu'elle se trouvait plus près de cet océan , parce que la masse d’eau était là plus impétueuse qu'ailleurs par suite de la différence de niveau. Il en fut de même lors de la grande alluvion qui vint plus tard, de sorte qu'il n'y a dans le dé- partement que des restes des plus inférieurs, plus rares à mesure qu'on approche du littoral. On ne peut ce- pendant affirmer que toute ou presque toute la série des terrains tertiaires des environs de Paris ait existé dans le département ; il y a seulement quelque pro- babilité , car le calcaire grossier se montre près de Noyon, ses premiers rudiments àVillers-Tournelle et ses équivalents à Cassel et dans le sud-est de l'Angleterre, mais il n’y à pas de vestiges de l'étage supérieur , si ce n'est peut-être le calcaire à helix d'Arrest (126). C'est par suite aussi du mouvement qui occasionna l'ouverture du Pas-de-Calais qu'à l'entrée de la vallée — 294 — d'Authie, la craie est à une distance considérable de la surface du sol, puisqu'on a rencontré des sables en- tremélés de plusieurs bancs de galets, au Château- Neuf, jusqu'à la profondeur de vingt-huit mètres, au- dessous du niveau de la mer, où l’on s'est arrêté. Si le calcaire d'eau douce d'Arrest n'appartient pas aux terrains tertiaires inférieurs, c'est vers cette époque qu'il faudrait en placer la formation ; sans doute, comme à l'ordinaire au moyen de sources. Elle à pu avoir lieu dans des bassins que les sources et les eaux pluviales alimentaient et dont les bords qui les rete- naient auront été enlevés ensuite par des eaux puis- santes. La vallée de la Somme et celles où coulent les petites rivières qui portent leurs eaux dans celle-ci furent alors creusées, c'est-à-dire lors de la disparution de la mer tertiaire. Les sables et les galets inférieurs du marquenterre furent déposés immédiatement après cette époque. Lorsqu'on examine la direction des petites rivières vers la Somme et celle de cette dernière vers la mer , lorsqu'on réfléchit à la force immense d’une grande masse d'eau augmentée par l'éloignement de son point de départ , le creusement des vallées dans la craie, qui est d'ailleurs fragmentée et offre ainsi peu de résistance, parait tout simple, d'autant plus que leur profondeur est bien peu considérable. En effet, de Ham à St.-Valery il y a 120 kilom. repré- sentés par À m. 50 sur la carte de France de l'état- major. Or, d'après la proportion de cette carte, 12 mill. et demi équivalent à 1 kilom , et le bord de la vallée de la Somme pris à une distance assez rappro- chée quoique cependant élevée de plusieurs mêtres au- dessus du bord même à Bray est de 53 mêtres au-dessous du sol de la vallée, auxquels il faut ajouter la puis- sance de la tourbe et autres roches qui en occupent le fond , soit 7 m., ce qui fait 60 m., c’est à-dire 1/2 millim. 1/4 de profondeur. Le moulin de Cambron près Abbeville est à 79 m. au-dessus du nivean de la mer. La différence d’élévation du point où il est du bord même du coteau pouvant se compenser par le terrain moderne qui remplit le fond de la vallée, nous comp- terons 79 m., ou une profondeur de un millim. et comme on doit croire que les eaux se sont creusé un lit là où la craie avait moins d’élévation par suite du bosselage qu'elle avait éprouvé, et la sinuosité du cours de la Somme dispose à le penser, la profon- deur du creusement n’a pas été d'un millim. et il faut remarquer que presque partout ailleurs la hauteur des bords est moindre qu'aux deux endroits que je viens de citer. Arriva ensuite le soulèvement des Alpes qui envoya dans l'Océan une masse d’eau provenant de lacs situés à la place de ces montagnes et du lac de la Bresse, acheva presque Île balayage des terrains tertiaires , amena sur nos plaines, dans nos vallées, le terrain clysmien ou diluvium alpin mêlé de silex en galets enlevés aux terrains tertiaires, de ceux couverts par les sables glauconieux et même d’autres enlevés à la craie dont la surface fut encore modifiée. Peut-être la profondeur et la largeur des vallées furent-elles alors augmentées, ce qui réduirait encore le creusement opéré par l'écoulement de la mer tertiaire. Il est pro- bable qu'alors eut lieu, au moins en grande partie, la formation du thuin au moyen de la craie détrempée et remaniée par les eaux. — 296 — C'est au moins à cette époque que la craio sous Îa bande de silex plats de Namps-Aumont (180) fut en- levée et remplacée par le diluvium. Les grès qu'à cause de leur pesanteur , la violence des eaux de la mer tertiaire ou des lacs alpins, avaient laissés en place ou seulement transportés à peu de distance furent en- veloppés par le diluvium. De là ceux épars quoiqu'en petit nombre dans presque toutes les communes, comme l’attestent l'existence des bornes en grès pour délimiter les propriétés et celles de ces pierres employées dans les solins ou soubassements des bâtiments en charpente. La position oblique ou même verticale de quelques grès de petite dimension au milieu du diluvium ne permet pas de douter qu'ils ont été dérangés de leur situation primitive. La quantité des grès tertiaires était considé- sidérable ; il suffit pour en juger d'ajouter à ceux encore en place , ceux en bien plus grand nombre qui ont été enlevés pour le pavage des villes et bourgs et pour la maconnerie. Je dois observer cependant que ceux-ci ne proviennent pas tous du département. A Doullens on en a tiré quelque fois des carrières de Frévent ( Pas-de-Calais, ) Celles de Thiescourt , Escri- soles, etc. (Oise) en fournissent beaucoup pour les routes de Paris à Bruxelles et de Roye à Noyon; celles de la Herelle et de Gannes (Oise) pour Montdidier et celle de Villers-St.-Christophe ( Aisne ) pour Ham. La belle feuille de palmier que possède M. Cordier, membre de l'Institut a été découverte à Abbeville dans un grès placé depuis long-temps dans le fond d'un ruisseau, par les ouvriers qui l'otèrent de là et le cassèrent. Ce grès venait des grès du départemeet, sans doute de Vignacourt ou des environs , car c'était autre fois —,997 = de ces lieux qu'on tirait les grès pour le pavage de cette ville. M. Baillon a vu sur des grès venant de Vigna- court ou de Baisnat des feuilles de dyeotyledons. Tous ces grès me paraissent appartenir au groupe tertiaire inférieur. En effet, à Beuvraines ils sont au- dessous des argiles plastiques et des lignites qui ont été en partie enlevés, et renferment des coquilles ma- rines qui aident encore à déterminer leur àge géolo- gique. Mais parfois aussi d'énormes nodules de ces grès n'en contiennent pas plus que ceux des environs de Péronne, d'Amiens, de Doullens, dont le grain et la couleur sont absolument semblables et dont la situation d’ailleurs n'est guère à un niveau plus élevé, d'une trentaine de mêtres environ, queà plusieurs lieux entre Amiens et Doullens. Ainsi ceux très-durs de Belloy, de Villers-Carbonnel, du bois de Rocagne, ne sont pas d’un äge différent. Leur position est la même et tout près et au milieu de moins durs. La différence de dureté dans les roches du même âge est d’ailleurs un fait extréme- ment commun. Les grès contenus dans la partie supé- rieure des sables qui appartiennent évidemment au groupe argilo-sableux de M. Brongniart, ceux qui sont épars dans le diluvium et devaient être originairement aussi au milieu ou au-dessus du sable sont par conséquent de la même formation. Les grès au fond du limon con- tre la butte de sable près Sancourt (69) absolument semblables à ceux qui se trouvent dans le haut de ce sable, ne peuvent laisser en doute qu'ils étaient dans la même position. Les eaux ont entrainé le sable et les grès sont alors descendus jusqu'à la craie et ont en- suite été recouverts par le limon. Il en est de même de ceux de Molliens au Bois, de Beaucourt, de Mons-en- Chaussée, de Santin etc. — 298 — Suivant M. Leymerie (Bull. géol. t. 12 p. 22 et 23) les grès inférieurs se distinguent généralement par leur dureté : ceux de Fontainebleau sont plus purs et plus blancs. M. d'Archiac (id. t. 7. p. 71) observe que tous les grès supérieurs et moyens ont en général un carac- tère ruiniforme, offrent des masses énormes de blocs rou- lés sur les pentes ou accumulés au sommet des collines. Les grès inférieurs du Nord de Ia France étant à la base des sables, reposant même quelquefois sur la craie, ne peuvent offrir cet aspect. Dans la Picardie, ce sont, dit-il, les grès et poudingues de l'étage inférieur qui servent au pavayge des routes. « On s’'exposerait, continue ce savant, à tomber dans de graves erreurs si lon cherchait à établir le parallélisme des couches ter- tiaires du Nord de la France par des altitudes compa- rées. » (P. 73) il en est de même des autres étages de grès, du calcaire grossier et du calcaire siliceux. J’a- jouterai que l'horizon géognostique si bien marqué par le banc de coquilles des argiles plastiques dépendantes des lignites offre égalememt des différences de hauteur de près de 100 mètres. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet très- important, je me contenterai de renvoyer aux observa- tions de M. Elie de Beaumont sur les terrains tertiaires du Nord de la France (Mém. de la Soc. géol. t. 4.2 p-. 107 et suiv.) On y verra démontré que les sables, les grès et les argiles à lignites du département appar- tiennent au terrain tertiaire inférieur. On rencontre à S.t-Acheul près Amiens et au milieu du diluvium du Nord-Est du département, de petits amas de sable jaunâtre tirant tantôt sur le rougeûtre, tantôt sur le gris blanc et contenant toujours des silex =-9992 en petite quantité. On voit encore des dépôts de sable de la même époque à Bray, à Voyenne, à Gezaincourt etc. Ils proviennent des sables tertiaires qui ont été enlevés par les eaux diluviennes qui les entraînèrent, en for- mérent des amas, mais le plus souvent les mélèrent avec les autres matières qui composent le diluvium. Sur beaucoup de hauteurs et sur les pentes qui les avoisinent, mais presqu'exclusivement où la craie est ravinée , il y a des traces d'argile rougeatre ou bru- nâtre mêlée de silex de diverses sortes. Elle est formée du mélange de l'argile plastique avec l'oxide de fer. Dans certains lieux , toujours sur des hauteurs on trouve des amas de 0,60 à 1 mètre d'épaisseur d'argile plas- tique remaaiée par les eaux diluviennes et mêlée alors de silex avant presque toujours la croute blanchâtre, ce qui annonce leur récente extraction de la craie, c'est-à dire lors de l’époque diluvienne Le limon roux argilo-sableux plus ou moins pur et le terrain détritique ou gravier composé d'argile, de sable , de craie et de silex en diverses proportions, qui couvrent généralement la surface du département, me paraissent contemporains et par conséquent composer le diluvium. Comme l’a fait judicieusement observer M. Des- noyers (annales des S. vol. p. 49, année 1829) on ne trouve plus de corps marins, vers les terres habitables méêlés aux ossements des terrains meubles, ce qui affai- Hit un des plus forts argumens dont on avait appuyé l'origine marine du diluvium. Les tourbes marines que l'on trouve le long des côtes et dont l'épaisseur est peu considérable provien- nent des végétaux, principalement d'arbres dycotyledons que la débacle alpine à entrainés dans la mer et que — 300 — le flux à rejetté sur la côte. Parmi les géologues, les uns ont attribué l'origine de ces tourbes marines à leur arrivée dans la mer par glissement du haut des côtes comme entre Dieppe et Ault, ce qui ne parait guère possible, surtout ces côtes n'en offrant aucune trace ; les autres à un affaissement lent au même lieu, ce qui aurait dù déranger les strates de la craie placée à peu de distance; d’autres encore à l’envahissement par la mer des lieux où on les rencontre comme près d’Etaples, hypothèse toute gratuite à laquelle il n’est pas nécessaire de recourir. Les tourbes près de Boulogne, qui sont la continuation de celles de l’embouchüre de l’Authie appartiennent selon les uns à l’époque des grès verts (Bull. géol. t. 4. p. 349), selon M. Rozet à celle du diluvium, opinion conforme à la nôtre. C’est aussi alors que les arbres et les branches en plus ou moins grande quantité qui gissent au fond de nos vallées, ont été entrainés et déposés. On en trouve également au fond des tourbières des marais de Villers-sur-Authie. Divers faits ont donné lieu de penser aux géologues que la plage a été soulevée (la bêche, manuel de géol. p. 119 Desnoyers 1. c. 203 etc.) Et que les co- quilles observées sur le littoral à un niveau plus ou moins élevé au-dessus de la mer, amenées par celle-ci ont été mélées aux matières des alluvions anciennes. Les bucardes enveloppées dans le diluvium sur la butte de S.t-Valery seraient donc de l’époque diluvienne. En attribuant toujours à la même époque leur dépôt dans ce lieu, il ne me semble pas nécessaire de recourir à un soulévement qui aurait dù au reste laisser des traces semblables sur les coteaux voisins des deux côtés de la vallée. La baie de Somme nourissait sans doute des bu- — 301 — cardes lors de l’alluvion diluvienne et recelait au moins des amas de coquilles de ces animaux. Lors de la lutte des eaux de la mer contre les eaux diluviennes qui for- maient un volume puissant, les matières contenues dans celles-ci ont dû se méler aux coquilles des bucardes. Déposé également sur les hauteurs voisines, ce dilu- vium est resté seulement à l'Ouest au-dessus des sables tertiaires plus bas que le sommet de la butte de S.t-Va- lery, parce que la violence des eaux était moindre que dans les environs, était faible même , le sommet de cette butte abritant ce dépôt diluvien ainsi que les sables. L'élévation considérable des eaux pour produire cet effet est facile à concevoir. Personne n'ignore qu'il y a des points sur les côtes où les marées par suite des obs- tacles quelles rencontrent atteignent 100 mètres et au- delà de hauteur. Les bucardes de S.t- Valery ne peu- vent être comprises parmi les dépôts marins qu'on trouve en {plusieurs endroits près des côtes, car elles sont mé- lées avec des silex en rognons et non en galets. Il n’y a d’ailleurs avec elles aucun fossile marin. C'est ici le lieu d'examiner si les rideaux ont été, comme on l’a dit, formés par les eaux au moyen d’une espèce de flux. Pour cela, il faudrait qu'ils fussent horizon- taux et cependant ce cas est le plus rare, car ils sui- vent en général, une direction inclinée vers le côté de la vallée le plus bas. Aussi quand le terrain forme une sorte de promontoire , les rideaux s’abaissent de chaque côté à droite et à gauche suivant la direction de cha- que vallée, Il me paraît évident qu'ils sont dûs aux derniers courants des eaux diluviennes qui rejettaient sur les côtés les matières terreuses dont elles étaient chargées et ainsi successivement à mesure de l’abaisse- RE ER ment de ces eaux. L'intervalle entre deux rideaux an- nonce une augmentation dans la rapidité des courants. Jamais on n'a trouvé dans les rideaux de fossiles ma- rins. Le rideau en ligne droite, à peu de distance de la mer depais Ault, jusqu'au cap Hornu, n’est pas dù à la même cause que ceux de l’intérieur des terres , c'est la mer qui le créa, le régularisa avant de s'éloigner, après avoir chassé les sables et les galets qui consti- tuent les bas champs de Cayeux et ses digues de ga- lets. C’est évidemment le bord de l'ancien rivage. J'ai dit plus haut que le limon pur argilo-sableux et dont la stratification horizontale est assez distincte me paraissait avoir été formé simultanément avec le terrain détritique étendu par couches manifestes, quoi- que plus ou moins irrégulières par suite de la violence des eaux et de la surface plane ou inclinée sur la- quelle elles coulaient, car sur les coteaux les couches suivent toujours la déclivité de ceux-ci. Cette con- séquence résulte des faits que j'ai rapportés et qui constatent la position tantôt supérieure, tantôt infé- rieure de chacun de ces deux terrains relativement à l’autre. A l'appui de cette opinion viennent les faits suivants rapportés par M. Graves. Ce savant cite : 1.0 Dans le canton de Nivillers, un limon argilo-sableux de 4 à 30 mètres d'épaisseur, avec silex brisés, par couches dans la partie inférieure, lequel n’existe pas dans les vallons : ceux-ci offrent des silex en abon- dance. 2.° Des bancs de silex, en général dans une marne brune, sous le limon argilo-sableux, dans le canton. d'Auneuil. Les faits que j'ai constatés à Querrieux et à Saigne- ville (200, 226), les deux seuls. de ce genre, au — 303 — reste, que je connaisse, peuvent aussi s'expliquer faci- lement dans l'hypothèse de simultanéité de formation, car le passage de l'immense cours d'eau qui traversa alors le pays dura quelque temps, et les matières n'étaient pas toujours absolument les mêmes, comme on le conçoit facilement, et comme le prouvent surtout deux faits signalés ci-dessus (152, 219). D'ailleurs les courants ont pu changer de place, et cela a du même être, puisque par les creusements qu'ils faisaient d'un côté, les matières qu'ils rejetaient de l’autre, la disposition de la surface n'était plus la même et devait conséquemment modifier ensuite leur direction. Ils tran- sportaient de plus gros matériaux où ils en avaient d’abord déposé de très-légers ef vice versd. Lorsque le cours des eaux fut moins violent par suite de la di- minution de leur volume, en descendant vers le fond des vallées et en achevant de les former, il dut rendre plus raide la pente de leurs bords. La butte de ter- rain detritique de sarton (215) semblerait un reste d'une plus grande étendue de terrain épargné par les eaux qui ont déposé le limon qui l'entoure actuellement. Cela est probable, et ce cas est absolument le même que celui du limon superposé au terrain ditritique dont jai cité de nombreux exemples (78, 83, 143, 146, 148 ,.1454,,.175,.178, 238,:.244,. 249, 253)... Ils ne sont pas le produit de deux époques géologiques dis- tinctes ; il a seulement fallu des transports de matières différentes pendant la durée de la méme alluvion. Au-dessus de la craie, le limon contient quelques morceaux de craie et des silex, puis il devient très- pur et est terminé par un lit de 30 à 60 cent. d'ar- gile ferrugineuse dont il est quelquefois séparé par une — 304 — bande de silex où l’on remarque quelques solutions de continuité. Il s'y trouve accidentellement des lambeaux de sable verdätre, des trainées de silex de plusieurs décimètres d'épaisseur et des coquilles de mollusques terrestres et d’eau douce, vivant encore dans Île pays, parmi lesquelles une est extrêmement rare, le puppa dolium. C'est ainsi que les coquilles du lehm sont identiques à celles qui vivent aujourd'hui dans la vallée du Rhin (Deshayes, t. 4, p. 211 du bul. géol.) Il en est aussi de même de celles recueillies par M. Dubois de Montpereux dans les 3 m. d'argile limoneuse d'alluvion , entre Czaherin et Kief, dans l'Ukraine; ce sont de petites lymnées, des puppes, des helices. Dans le département de l'Aube, M. Leymerie a observé quen beaucoup de points la terre jaune limoneuse contenant des helices et des ambrettes , recouvrait le terrain de gravier (Bull. géol., t. 13, p. 67, 68). Le limon suit assez souvent la direction des pentes, des collines, mais alors il n’est pas pur, et des bandes de petits morceaux de craie ou de silex marquent une stratification irrégulière en suivant l’inclinaison des terrains qu’il recouvre. Je ne saurais expliquer le fait remarquable que du limon pur se trouve seulement d’un côté des vallées de celui opposé au cours général de la Somme, que par la vio- lence des eaux qui se précipitaient vers le principal cours d’eau, c’est. -à- dire vers cette rivière, et enlevaient par suite le limon déposé de ce côté ou le déposaient peut-être de l’autre. Le limon moins pur, qui n’est qu'une modification du limon pur, se voit aussi parfois d’un seul côté des vallées par masses très-épaisses; tel il est entre Albert et Bray et à Lou- —— 305 — vrechy. Quant aux vallées à peu près perpendiculaires à celles de la Somme , et aux petites perpendiculaires re- lativement à elles, d'autres causes telles que l'élévation des plateaux voisins, leur inclinaison plus ou moins étendue, leurs formes, leurs dispositions sur les bords de ces vallées, ont déterminé le cours des eaux, et par conséquent ont été la cause de la dénudation d’un côté et de l'existence de limon de l’autre. Comme on l'a vu, le limon repose sur la craie, autour des lambeaux de terrain tertiaire qu'il surmonte, et alors il a rarement plus de 40 cent. d'épaisseur. Pour être rangé parmi les terrrains tertiaires, sa plus - grande épaisseur ne devrait pas toujours être ni au- tour de leurs lambeaux, ni dans les lieux où ils ont disparu, car les traces qu'il renferme de ceux- ci prouvent qu'ils occupaient la place avant qu'il fût déposé. La disposition des deux principales sortes de terrains clysmiens est facile à expliquer. En effet, la différence du limon avec le terrain détritique me parait vemr de ce que là où les courants étaient moins rapides, ou plutôt dans les lieux situés entre les principaux cou- rants, il y avait un refoulement, un remou, effet connu de tout le monde (voir M. Omalius d’Halloy, élém. de géol., p. 450); les dépôts se faisaient paisi- blement de matières tenues, légères, cause toute na- turelle de la pureté générale du limon et de sa stra- tification régulière. La violence des courants, leur marche tumultueuse à au contraire entrainé au fond ou sur les pentes des vallées toutes les matières plus pesantes. Le terrain clysmien appartient, suivant plusieurs géo- 20. — 306 - logues, à deux époques. Selon les uns, le limon est antérieur au terrain détritique; selon les autres, il est postérieur. D’après les faits que j'ai observés (78, 83, 143, 146, 148, 151, 175, 178, 238, 244, 249, 253), je suis induit à penser avec MM. Cuvier et Brongniart (Desc. géol. du bassin de Paris, édition in- 4, p. 64) que ces deux espèces de terrains sont contemporains. C'est aussi l'opinion de M. Graves. La profondeur où sont les fossiles à Fransart, et leur situation au milieu d’un plateau, l’horizontalité visible du limon qui les renferme, ne permettent pas de penser qu'ils aient pu avoir été déposés par les eaux à la suite d’un orage, d'autant plus que la plu- part appartiennent à des espèces fluviatiles. Les ossements d’éléphants et des autres mammifères se trouvent seu- lement dans le terrain détritique, et encore dans le bas des côteaux, surtout dans les anfractuosités où les eaux les amoncelaient. Le cours des eaux qui déposaient le limon était trop faible pour les entrainer. Les élé- phants, les rhinocéros vivaient à l’époque de l’alluvion diluvienne qui les détruisit. « La forme général des vallées et des colliues étant alors peu différentes de la forme actuelle. » (M. Labêche, manuel de géol., p. 199). Le Jlimon contient par fois, comme le lehm, des nodules cylindroïques concretionnés d'argile. Selon M. Graves, il est pur sur les surfaces planes, et mélé de silex dans celles tourmentées, faits qui appuient l'opinion que je viens d'émettre. Le balayage des terrains tertiaires ayant dü être moins destructif dans les arrondissements de Péronne et de Montdidier que près de la mer, où la force des — 307 — eaux était plus grande, ces arrondissements doivent renfermer plus de restes de ces terrains et de silex à croûte verdâtre que recouvraient les sables inférieurs de cette formation, et qui ont été mis à jour , et eu général entrainés par l'écoulement de la mer tertiaire et par les eaux diluviennes. C’est en effet ce qui a lieu. Il se trouve ailleurs de ces silex, mais en moindre quantité, souvent même ïls sont très-rares. Lorsqu'ils ont été ensuite enveloppés dans le diluvium un peu argileux ou crayeux, ils paraissent en avoir la couleur, mais en les lavant, la couleur verte re- parait bien conservée au-dessous. Leur introduction dans la craie a eu lieu soit lors de la disparition de la mer tertiaire, soit plus probablement lors de la dé- bâcle des lacs alpins, parce que l’action de leurs eaux n’a pas eu à déplacer d’abord une aussi grande masse de terrains tertiaires, et a été facilitée par l’amollis- sement des couches supérieures. On ne les trouve en effet qu'a très-peu de distance de la surface (137, 250 ). Les autres silex ont été arrachés à la craie surtout à l’époque diluvienne. Dans les départements de la Seine, de Seine-et-Oise, de l'Oise, les silex sont quelque fois roulés ou au moins leurs angles sont émoussés, dans les vallées. Dans celui de la Somme, on en trouve dont les aspérités sont émoussés, dans les coteaux sur les bords de la Somme, dans ceux des principales rivières qui dèchargent leurs eaux dans celle-ci, mais seulement dans les parties qui en sont proches, et dans la vallée de la Bresle. La masse d’eau dans laquelle ils tombaient les a laissé à mi-côte ou sur les parties inférieures, par fois sur la hauteur tout contre la vallée 20.* — 308 — (193), mais ce n'est qu'à une faible distance de la mer, la masse d'eau étant plus considérable à pu dé- border d'avantage et les entrainer. Ces silex avant d'être déposés ont été roulés quelque temps après avoir été enlevés à la craie , soit lors du dépôt du terrain elys. mien, ce qui fournirait une preuve nouvelle d'une certaine durée de ce phénomène , soit avant celui des jerrains tertiaires et dans ce dernier cas ils auraient fait partie de ces silex déposés sous les sables inférieurs seulement un peu verdätres comme ceux de Tilloloy, de Fécamp, etc. et ils auraient été roulés lors du dépôt du terrain clysmien et non dans la mer tertiaire car alors ils seraient devenus galets. Ces silex à croûte jaunâtre et un peu roulés sont tout-à-fait semblables à ceux qui entrent daus la composition du terrain détritique de M. Brongniart, à Passy et à Boulogne près Paris. Le mélange des galets de silex avec des silex non roulés a eu lieu lors du dépôt des terrains clysmiens- Les silex non roulés annoncent qu'ils ont été peu de temps entraînés par les eaux. Lorsqu'ils sont tous intacts, le dépôt a suivi de près leur enlèvement de la craie. On en voit dans celle-ci qui sont brisés en une ou deux parties, c'est un fait connu dont la cause est assez difficile à imaginer, beaucoup plus cependant encore , lorsque les silex sont fractionnés en beaucoup de parties comme on l'observe seulement hors de la craie et dans quelques lieux. Je ne crois pas que la différence de couleur de la croûte de nos silex puisse être due à un phénomène épigénique postérieur à leur dernier dépôt. Car si je suis disposé à admettre l'épigénie comme la cause de — 309 — la couleur verdâtre des silex qu'on sait avoir séjourné long-temps sous les sables verts ou au milieu d'eux, je ne saurais présenter une explication du même genre pour les silex à croûte jaunâtre ou blanchâtre même sur les fractures. Les silex de la roche de poudingue brechoïde de Bussu (187) ne le permettent pas. Quelle que soit celle que l'on puisse trouver un jour, tou- jours est-il constant : 1. que les silex verdâtres sont plus abondans dans les lieux voisins des lambeaux les plus nombreux des terrains tertiaires sous quelques-uns desquels on Les voit encore placés aujourd'hui; 2.° que les silex à croûte blanchâtre même sur les fractures ne se rencontrent guère et presque seuls que sur les coteaux crayeux et dans les rideaux qui s'y trouvent, même à quelques décimêtres de profondeur ; 3.° que les silex à croûte jaunâtre et dont les aspérités sont en général légèrement émoussés , absolument semblables à ceux de Passy et de Boulogne, qui forment le type de ceux du terrain détritique de M. Brongniart, se rencontrent seu- lement sur le penchant des coteaux ou au bas des vallées de la Bresle , de la Somme et des principales rivières qui déchargent leurs eaux dans celle-ci et en- core à peu de distance des points de jonction ; 4.° que les galets de silex mélés aux silex non roulés dans le diluvium sont plus abondants dans l'arrondissement de Montdidier et aux environs, parce que c'est la partie du département où les terrains tertiaires ont été moins détruits et la plus proche du département de l'Oise où ces terrains sont assez communs. La vallée de Somme présente généralement une forme concave. Au fond, au-dessus de Ja craie est un lit par fois de plusieurs mètres d'épaisseur de silex légè- — 310 — rement roulés avec du sable et de l'argile d’un blanc bleuâtre eouleur due à Foxide de fer et au mélange de débris végétaux qui produisirent un lit de tourbe, puis par fois dans les parties supérieures de la vallée où la mer ne montait pas, un ou plusieurs lits de cal- caire terreux entrainé des coteaux voisins par les ava- Janches dont l'effet était autre fois plus puissant parce que le sol n'étant pas cultivé, l’eau ne s’imbibait pas aussi facilement. Dans la vallée vers la mer, des lits de sable sont presque toujours intercallés dans la tourbe au lieu de la terre des coteaux. Les arbres qui avaient été entrainés par les eaux diluviennes et qu’on retrouve au fond de nus tour- bières, mais qu'il ne faut pas confondre avec ceux tombés des coteaux ou ayant vécu sur le terrain mo derne de la vallée solidifiée , même lorsqu'ils seraient à plusieurs mètres de profondeur, car ils appartiennent alors à l’époque actuelle, des roseaux et toutes les herbes un peu élevées furent le premier obstacle à l'écoulement des eaux; puis les racines de joncs et de roseaux entrelacées. Ges-plantes. avant. une espèce de chevelure épaisse, en créèrent d’autres. À ees diffé- rentes causes se joignait vers l'embouchure, le flux qui ayant dù , effet très-ordinaire , élever des digues de chaque côté de la rivière, forca les eaux pluviales de rester stagnantes et facilita ainsi la formation de la tourbe que des sables amenés par les fortes marées augmentées encore par des vents d'ouest violents, ve- naient recouvrir. La mer éleva alors en outre comme il arrive souvent vers l'embouchure des rivières , des barres qui empéchèrent la Somme d’écouler entièrement ses eaux. Telle était celle qui existait à Laviers avant — 311 — le barrage construit à Rouvroy ou au moins il y a quarante ans. Parfois encore le cours des rivières est détourné à leur embouchure par des bancs dûs à l’action des vents et des brisans et leur lit n’est plus au milieu de la vallée, mais se porte sur un des côtés. Plus tard des causes de même nature changent encore le lit en le creusant du côté opposé. Delà’ la différence des dépôts formés à la même hauteur dans les parties des vallées peu éloignées de l'embouchure. Le vallon de Breilly (183) qui contient de la tourbe a une hauteur un peu supérieure à celle de la vallée a dû sans doute pour que cette matière püt se former être barré du côté de celle-ci par des terres entrainées par les avalanches, car il est probable que l’eau n'a pu rester slagnante dans la vallée à cette hauteur, autrement ce fait ne serait pas le seul, les vallons des deux côtés en montreraient des traces et la tourbe de la vallée aurait elle-même plus de hauteur. À Menchecourt près Abbeville, les ossemens de rhino- céros, d'éléphants, etc., sont placés dans une couche de sable marneux traversée, dit M. Baillon, par des lits obliques de sable blanc de rivage épais d’un pied environ, et par des veines argileuses. Ils sont mêlés à des coquilles terrestres et fluviatiles. Il ne faut pas croire que les unes aient été amenées-là par des cours d'eau fluviatiles et les autres par la mer, comme pareille chose a lieu maintenant à peu de distance de l'embouchure de la rivière de Somme au point de contact, car le terrain où gissent les fossiles de Menchecourt est entièrement diluvien et les couches de sable marin qui, il faut le remarquer , sont non pas à-peu-près horizontales, mais obliques annoncent un dépôt tumultueux. Les coquilles 2 Bi — marines et les sables amenés par la mer, plus haut dans la vallée qui existait avant l'arrivée de l'alluvion diluvienne, furent ramenées par celle-ci avec les marnes, jes argiles qu'elle entrainait. La mer ne pouvait lutter contre une pareille force surtout dans le commencement de l’irruption. Le fait que les couches diluviennes su- périeures autgit des ossemens contiennent des maté- riaux purement diluviens sans traces de fossiles marins, vieut appuyer cette opinion. Plus tard la mer faisait vivre des bucardes à la place où est maintenant Abbeville (262) et il y en avait sans doute aussi avant l’alluvion clysmienne. Plus tard encore elle jetait seulement sur le rivage au même lieu des coquilles de ces mêmes animaux. Pendant ce temps l'épaisseur et la hauteur des rives de la Somme augmen- taient. Ses débordements y amenaient du sable, les ava- lanches des graviers des coteaux voisins. Dans le mar- quenterre comme dans les marais de Cambron, on rencontre des lits alternatifs de sable et de tourbe. Le dessèchement des marais du marquenterre est dù d’abord à l'exhaussement de l'embouchure de la Somme et de l'Authie ou plutôt de leurs rives, puis aux travaux récemment exécutés. Les galets, les sables et l'argile qui constituent le marquenterre sont donc peu anciens, c’est-à-dire de l'époque actuelle et recouvrent les sables et les galets inférieurs ou au moins ceux à une cer- taine distance de la côte que je crois avoir été amassés entre l'écoulement de la mer tertiaire et l'alluvion di- luvienne. L'argile provient sans doute des argiles ju- rassiques de Boulogne. Les bas champs entre Ault et St.-Valery sont d’au- tant plus bas qu'ils sont plus éloignés de la mer qui exhausse sans cesse ses dépôts. — 313 — La rivière en certains lieux se divisait en plusieurs bras diversément dirigés, par suite des obstacles acci- dentels que les eaux rencontraient, et déposait sous les eaux vives, lorsque la vallée était à peu près en- tièrement submergée, des tufs calcaires appelés croupes dans le pays, et qu'un regard peu attentif a fait con- sidérer comme des chaussées, des digues dont elles ont en effet maintenant l'apparence, bien que la di- rection de la plupart ne puisse indiquer aucun motif d'utilité. Il y a sans doute dans la vallée quelques chaussées, ouvrage des hommes, mais elles ne sont pas formées de tufs, au moins de tufs en place. Si ces tufs étaient düs à des sources existant à l'endroit même, la tourbe ne serait pas presque toujours pure au-dessous , le passage des eaux chargées de carbonate de chaux au- rait laissé des traces. Leur élévation en général au- dessus de la tourbe vient de l’affaissement de celle-ci, de sa condensation, après la retraite des eaux qui couvraient la vallée. Les tufs contiennent les mêmes fossiles que la tourbe. Je rapporterai à la même époque et aux mêmes causes Îles tufs calcaires concrétionnés d’Albert et au- tres lieux de la vallée de l’Encre ou Miraumont, de l'Authie à Doullens, du Doixfgt, de la Noye, de la Bresle, etc. Ils contiennent tous des coquilles d’es- pêces encore vivantes dans ces mêmes vallées. Ces tufs se forment encore tous les jours dans certains endroits, mais en petite quantité. La grotte d'Albert à sans doute été—formée“par la filtration de l’eau qui, en dis- solvant le tuf, a augmenté la dimension de son pas- sage. Je ne puis séparer les tufs d'Albert etc. de ceux de la Somme, or, si ces derniers eussent été anté- — 314 - rieurs à l'époque diluvienne , les croupes eussent êéte entrainées avec tout ce que contenait la vallée, d’au- tant plus qu’elles sont souvent disposées transversalle- ment à la direction de celle-ci ou dans une direction oblique. Les vallées sont bien desséchées de mémoire d'homme et cependant une partie considérable est encore sous l’eau chaque année pendant plusieurs mois. Maintenant même sans des travaux et des curages continuels la plupart des vallées resteraient couvertes d'eau. Dans la haute Somme , la vallée l'est encore en partie toute l'année. A Thievres, dans la vallée d’Authie, une étendue de marais appelée les grands viviers, dessé- chée par le propriétaire actuel, était, il y a 25 ans, six mois sous l'eau. ( M. Labour, mém. de la Soc. des Ant. de Picardie, tom. 1v, pag. 301.) A Fresche- villers, un lieu nommé le vivier a été desséché depuis A5 ans (id. ib., pag. 302. ) La portion de la vallée de l’Authie entre les remparts de Doullens et la val- lée de St.-Sulpice était couverte d’eau il y a 45 ans (id. ib. pag. 303.) L’étang de Rue a été mis à sec dans les dernières années du siècle dernier, Le flux de la mer qui, avant la canalisation de la Somme, ne se faisait pas sentir au delà de pont de Remi, allait, dit-on, autrefois jusqu'à Bouchon (chro- niques du Ponthieu par Rumet., ) La mer montait au xit1.* siècle à St.-Riquier, selon le père Ignace, chose toute simple s’il n'y avait pas encore d'obstacles, comme les moulins, les digues que l'on a établis depuis. Avant le 1x.° siècle (Rumet, chron. du pont,), il y avait des marais salans à Sallenelle et à Noyelle. Les comtes de Ponthieu faisaient des donations du sel qu'on y re- — 315 — cucillait. On donnait encore le nom de salines aux molières de sallenelle en 1483 (ibid.) L'existence de salines au x. siècle à Verton, village du départe- ment du Pas-de-Calais, à quelque distance de l'em bouchure de l'Authie, les renclotures considérables qu'on a faites à des époques très récentes, annoncent l'exhaussement du sol de nos côtes par les sables dans des temps peu éloignés, mais cependant plus qu'on parait disposé à le penser. Ainsi, on a prétendu à tort, je crois, que la mer venait jusqu'a Rue au x.* siècle. On s'est fondé sur ce que Guillaume, comte de Pon- thieu , s'était réservé un droit sur les navires qui y aborderaient, on ne dit pas de quel côté. La charte communale de Rue du mois de mai 1210, publiée par M. Ch. Louandre, dans les mémoires de la So- ciété d'Emulation d’Abbeville, années 1836-1837, est le seul document qui parle de ce droit. Elle fait men- tion de Quent, de Villers, de Moncheaux, du Cro- toy, de Mayoc, de Favières, de Becquerel et autres lieux qui entourent Rue. Il est donc très-probable que si la mer montait à cette ville, c'était par une ri- vière , la Maye ou l’Authie, bien suffisantes alors, l'une ou l’autre pour la navigation, car le petit cabotage existait à peu près seul à cette époque. Ce ne doit pas être l’Authie , la preuve en est dans des lettres du comte de Ponthieu par lesquelles il accorde à ceux de Rue de faire venir le cours de la rivière d'Authie au- dit lieu de Rue (folio vi. xxv du livre rouge du comté de Ponthieu, à la bibl. royale, sous le n.° 312 au cab. des Ms.), et dans d’autres lettres de 1277, par lesquelles il accorde à ceux de Rue de non faire ve- nir le cours de ladite rivière ainsi que dit est, si ils — 316 — ne pouvaient (folio vu.) Cependant, d'après la tradition, des navires seraient arrivés à Rue dans un bassin de l’Authie, situé près du moulin alimenté par la rivière dite de bas, lequel lieu s'appelle encore au- jourd'hui /a morte Authie. Ce serait donc antérieure- ment aux lettres que je viens de citer , et alors l’Au-- thie, éloignée aujourd’hui de 6 kilom. environ, au- rait fait un détour ayant à droite les bancs de galets de Quent, du Murel et du Blanc-Pigeonnier, et à gauche Villers, Vercourt et Cantraine, puis aurait pris la direction dn château neuf pour se rendre à la mer. Mais on est réduit aux hypothèses à cet égard. Je se- rais plus disposé à croire que l'espace entre Rue et le lit actuel de l’Authie était plus bas dans un en- droit, ce qui existe au moins à présent et que lors des fortes marées ou des grandes crues d’eau de la rivière , l'eau s'échappait vers Rue, s’arrêtait et res- tait en partie dans le bassin de la morte Authie, l'ex- cédent retournant dans l’Authie Ce fait renouvelé de temps en temps, et il l'a été encore, si je ne me trompe, il y a peu d'années, se confondant dans l'es- prit de la postérité avec les espérances annoncées an- ciennement , de voir arriver des navires à Rue, aura été l’origine de la tradition. Mais si l’Authie ne ve- nait à Rue que postérieurement à 1277, ce ne pouvait être qu'entre cette époque et 1455, car on n'aurait pas eu besoin de chercher à y faire venir des navires par la Maye, comme cela résulte des faits suivants que M. Louandre père a eu l’obligeance de m'indi- quer. Le 12 avril 1455 le duc de Bourgogne accorda des lettres à la commune de Rue pour qu'elle put faire des digues, fossés, ete., en la rivière de Maye — 317 — qui traversait cette ville, pour qu'elle descendit en droit cours dans la mer, chargeant ceux de Rue d'in- demniser les propriétaires de moulins. Le 26 novembre 1463, Louis xr confirma ces lettres espérant que des navires pourraient venir à Rue et que l'on parvien- drait en même temps à garantir une centaine de jour- naux de terre des irruptions de la mer (recueil des ordon., tom. xvi, pag. 112.) Mais on précise le xtr1.* siècle comme une époque à laquelle les navires ve- naient à Rue. Ce n’a pu être, comme on le voit, que par la Maye avant la construction des moulins, si le fait a toutefois eu lieu, et que dans sa charte le comte de Ponthieu n'ait pas parlé d’un fait qui pou- vait arriver et non pas qui arrivait. Le remplissage de la vallée de Somme par les tour- bes et le cours actuel de la rivière existaient, je crois, du temps de Jules-César. Ce conquérant, selon M. d’Allonville (desc. des camps rom. du dép. de la Somme, pag. 48 et 49), ramena de la Bretagne, sous le camp de l'étoile, sa flotte quil tira à terre, ce qui n'annonce pas des vaisseaux de grande dimen- sion et que les eaux de la Somme telles qu'elles sont pourraient très-bien soutenir. Les croupes sont certaine- nement antérieurs aussi à cette époque. Cependant l'assertion que dans le fond on a trouvé des objets provenant des celtes et au-dessus des armes ou usten- siles et des monnaies de l'époque romaine, donnerait à croire le contraire. Mais les faits sur lesquels elle repose ne sont pas suffisamment constatés pour qu'on ne puisse la contester. Et d’ailleurs les eaux, lors- qu'elles coavraient la vallée, par suite des grandes pluies ou des fontes de neige, ne pouvaient-elles pas entrai- — 318 — ner divers objets dans les interstices nombreux de ces tufs? Les terrains se forment des débris enlevés à ceux qui existent déjà. Ces débris se mêlent de ma- nière à composer des combinaisons nouvelles. Ainsi no tre terrain clysmien est composé de sable, d'argile, de silex, de craie, etc., qui proviennent des terrains tertiaires et cretacés. On trouve dans les terrains ter- tiaires du département des fossiles du terrain cretacé, dans le terrain clysmien des fossiles des terrains ter- tiaire et cretacé. Les listes que je donne s'augmente- raient sans doute au moyen de quelques années de recherches. Les nombreux tas de silex déposés sur les bords de nos routes et destinés à l'entretien de celles- ci, pourraient en fournir beaucoup. J'engage les col- lecteurs à ne pas les négliger. On peut suivre au moyen des fragments des roches que renferme le terrain clysmien, la marche des eaux venues du sud-est. Selon M. Brongniart (desc. géol. du bas de Paris), dans le bois de Boulogne, la plaine de Nanterre, certaines parties de la forêt de St.-Ger- main, il y a des blocs de quarz et des morceaux roulé de granit et des roches primitives. « Ainsi les grandes alluviens qui existent dans la vallée de la Seine et dont la largeur atteint plus d’une lieue (St.- Germain, Boulogne, Sablonville, etc.), se composent de sable et de cailloux roulés, principalement quar - zeux dans lesquels se trouvent des blocs de calcaire siliceux, de grès de Fontainebleau. En étudiant le dé- pôt plus en détail, on distingue des noyaux de cal- caire lithographique, qui vient évidemment des dépôts jurassiques de la Bourgogne, puis des pailletes de Mica, des noyaux de feldspth, de granit et de — 319 — syenite, que M. Elie de Beaumont a signalés comme identiques aux roches analogues du Morvan. Ces dé- bris mettent, dit-il, en connexion avec la débacle des lacs qui devaient encore exister au pied des Alpes et dans la Bresse, ainsi que l'indiquent de vastes dépôts arenacés. » (Burat, résumé de géologie, 135.) Entre bicêtre et la barrière d'Italie, M. Duval de Gentilly a trouvé des fragments de porphyre petro-siliceux quar- zifères et une prodigieuse quantité de grains et de galets de granit rouge. ( Bul. de la Soc. géolog., tom. XI, pag. 9304.) A Mortemer, prés Montdidier, la couche superfi- cielle du limon contient, « cà et là des bocs de grès quarzeux, des moellons roulés du même grès, des si- lex pyromaques de la craie arrondis, des galets de meulières et des plaquettes de silex jaunâtres ana- logues à la meulière, chargées d'empreintes de feuilles et de tiges. » (M. Graves, Statis. du canton de Res- sons-sur-Matz. ) On a vu les roches que j'ai trouvées dans le terrain clysmieu, et qui viennent du département de l'Oise, des poudingues (187) (1), du calcaire grossier (114), des grès calcaires à mummulites, des grès calcaires (4) À moins, ce que leur volume autoriserait peut-être à penser, qu'ils n’aient été que peu déplacés. Cependant, d’après ce que j'ai dit de ces blocs à M. Graves, ils ont paru, à ce savant, ana- logues à ceux épars en quelques endroits dans le diluvium de l'Oise, et dont on voit les pareils en place à Grenevillers, dans la forêt de la Herelle, etc. Les petits fragments de grès quarzeux empatant des galets trouvés à Fransart, à Leforet et à Abbeville, ont sans doute aussi la même origine. M. Graves regarde ces bancs de poudingues comme subordonnés des dépôts de lignites. — 320 — coquillers, des calcaires à mummulites, des calcaires siliceux tuberculés, des calcaires compactes, un moule intérieur de cardium hippopœum, des hamites du dé- partement de l'Oise, ou de celui de l'Aisne (1), et des marnes calcaires avec lymnées et graines de chara medicaginulu, dont les analogues existent dans le dé- partement de la Marne. Je finis. Peut-être aurais-je dû me contenter de l'exposition exacte des faits que jai scrupuleusement recueillis. Mais on me pardonnera, j'espère , de n’avoir pu résister au désir, si naturel à l’homme, de péné- trer dans des temps si loin de nous, dans cette his- toire ancienne du globe, que la géologie, résumé sublime de toutes les sciences naturelles, peut seule faire connaître, si toutefois il est permis à l’homme d'y parvenir. (1) Dans lOise, le grès vert est visible au-dessus de Torzy, près d’Hevecourt, de Renicourt, à Hauvoile, au midi de Gla- tigny, etc. (canton de Songeons) (M. Graves), et à Houdent-en- Bray (M. Graves). Entre Auberton et Folienort (Aisne) il existe un lambeau de l'étage supérieur du grès vert (M. Thorent, Desc. de la partie nord du département de l'Aisne). Mais la craie renferme aussi des hamites. M. Ch. d’Orbigny a trouvé plusieurs hamites rotundus dans la craie blanche supérieure de Meudon. (Bul. de la Soc. géol., t. 7, p. 282). — 321 — Coupe des terrains du département. Bancs de galets de Cayeux, dunes de St.-Quentin-en-Tourmont, sables et galets supérieurs du Marquenterre et du Hourdel, terrain al- Vargile blanche du Marquenterre, vase ; dépcsée par les rivières dans les vallées, EHNIER CU sables déposés par la Somme sur ses bords moderne jusque vers Abbeville, craie, terre et gravier déposés dans les vallées par les avalanches, tufs et concretions calcaires | incrustantes des vallées, tourbe des vallées: | Terre composée en diverses proportions | de sable, d'argile, de craie et de silex non roulés seuls, de silex non roulés et en galets mélés, ou de silex un peu roulés; amas et bancs de silex; argile ferrugineuse ou bief avec silex; argile can plastique remaniée avec silex; amas de sable roussâtre avec de rares silex et de clysmien ]petits morceaux de craie; limon argilo- sableux avec quelques silex et de petits morceaux de craie; limon argilo-sableux pur; amas de silex du fond de la vallée | de Somme; arbres du fond des princi- | pales vallées, et tourbes du littorale ; sables ‘et galets inférieurs du Marquenterre. terrain 21. — 322 — Calcaire à helix d'Arrest ; argile plas- tique, galets de silex, lignites, sables terrain duarzeux minacés blancs, rouges jaunâtres, tertiaire gineux ; bancs de silex glauconieux , sables | grès quarzeux gris-blanc, grès ferru- glauconieux, argile plastique bleuâtre, ar- \gile ochreuse. / Craie blanche, craie silicifiée, craie terrain jaunâtre , craie grise, craie jaunètre, craie blanche; craie jaunâtre chloritée, craie à J ' cretacé blanche légèrement bleuätre ; sables et ‘grès verts; gault ? tourtia ? MÉMOIRE L’ÉLECTRICITÉ DYNAMIQUE, Par M. POLLET. 353-080 Ee ee MESSIEURS, Si les découvertes dont s'enrichit chaque jour la phi- losophie naturelle manifestent des anaïogies imprévues, et conduisent à des notions plus exactes sur la manière d'être et l'essence des agents que la nature met en jeu, il arrive pourtant des époques où les progrès de la science ne semblent qu'envelopper les causes des phénomènes d’une obscurité profonde. C'est ainsi que l'électricité dynamique a véritablement renversé toutes les théories admises jusque là pour expliquer les effets des fluides électriques et magnétiques, sans que les faits nombreux qui composent le vaste domaine de cette branche des sciences physiques , si jeune encore et ce- pendant déjà si riche, aient pu substituer aux anciens systèmes un système plus rationnel et plus vraisemblable. L'hypothèse d’un double fluide électrique a long-temps 210" — 324 — été suffisante. La facilité avec laquelle elle s’accom- modait aux phénomènes observés, la rigueur avec la- quelle elle les représentait, pouvaient la faire consi- dérer comme l'expression de la plus exacte vérité. Volta parut : il inventa cet instrument qui surpasse, au ju- gement de M. Arago, toutes les inventions de l’in- dustrie humaine par les merveilles de ses effets, et la pile vint donner une pleine confirmation à l'hypothèse admise, en montrant aux deux extrémités d’une co- lonne les deux fluides nettement séparés et jouissant d’attributs entièrement distincts. La pile devait cependant jeter, trente ans plus tard, l'embarras et le doute dans une théorie aussi séduisante, sinon lui donner un dé- menti formel. Lorsqu'un fil conducteur sans interruption réunit les deux pôles de cet appareil, l'électricité ne se mani- feste plus par aucun signe extérieur. Les fluides se développent encore entre tous les éléments métalliques et ne cessent de venir se recomposer dans tous les points du fil conducteur. Une personne placée dans le circuit se sent agitée par des commotions incessantes ; un fil métallique s’échauffe et rougit; l’eau se décom- pose en ses deux principes. Tous ces faits démontrent que tout au-dedans est en activité et en mouvement; mais au dehors tout paraît immobile et inerte. Si cette opposition se réalisait dans tous les cas, l'hypothèse des deux fluides conserverait toute sa pro- babilité. Affluant des deux pôles en quantités égales dans le fil conducteur, les électricités positive et néga- tive doivent occasionner des agitations violentes dans les atèmes pondérables qui se trouvent sur leur pas- sage ; mais puisque l’une attire ce que l’autre repousse, — 225 — elles ne sauraient exercer à distance aucune action sen- sible. S'il est, au contraire, des circonstances où le mouvement intérieur se propage et se‘manifeste au dehors, il deviendra tout au moins fort difficile de concilier de pareils faits avec l'opposition constante des fluides qui les produiraient. Or, tel est effectivement le genre d'embarras dans lequel l'électro-magnétisme est venu plonger les physiciens. En 1820, Œrsted, professeur à Copenhague, s'aperçut qu'un fil réunissant les deux pôles d'une pile dévie une aiguille aimantée, et lui imprime une foule d'os- cillations qui la portent à la fin dans une direction différente de celle que lui donnait auparavant le ma- guétisme terrestre. Par cette seule observation, une immense carrière fut ouverte aux savants de tous les pays, et jamais peut-être on ne vit, dans une si courte période, la science augmenter son domaine de tant d'acquisitions nouvelles. Durant une époque féconde comme celle à laquelle nous assistons, époque où les découvertes semblent se presser les unes à la suite des autres, on ne peut guère suivre les rapides dévelop- pements de la science que lorsqu'on est, par sa pro- fession, appelé à l’étudier constamment. Cependant, les phénomènes de l'électro-magnétisme offrent, sous plus d'un rapport, un attrait puissant à la curiosité. Pleins d'intérêt en eux-mêmes, ils ne paraissent point des- tinés à demeurer stériles en applications ingénieuses ou utiles : je ne doute point d’ailleurs qu'ils ne conduisent, a une époque peu éloignée peut-être, à une théorie plus logique des deux agents auxquels ils se rapportent. J'ai pensé qu'il serait agréable à l’Académie d’en- tendre un exposé succinct des principaux faits que l'é- — 326 — lectro-magnétisme embrasse aujourd hui. Si elle veut bien m’honorer de son attention et de cette bienveillance à laquelle elle m'a habitué, je développerai successivement ce qui me paraîtra capable de lui offrir quelque intérêt. Reprenons d'abord la déviation observée par Œrsted , et comme cette déviation doit devenir un principe fon- damental, cherchons à en définir les lois avec précision. Les rapports de position du fil conjonctif et de l'aiguille aimantée se compliquant de mille manières, on éprou- vait, dans les premiers temps , de grands embarras pour les exprimer en peu de paroles; mais Ampére a fait disparaître toute difficulté par le moyen d'une comparaison qui vous paraîtra peut-être aussi bizarre qu'elle est commode. Il est hors de doute qu’un mouvement incessant s'opère dans le fil qui unit les deux pôles de la pile, et dans la pile elle-même, mais quelle est la nature et la direction de ce mouvement ? L'électricité voyage- t-elle d’un pôle à l’autre, ou bien les deux fluides s’avancent-ils en sens opposés pour aller se rejoindre et se recomposer autour de tous les atômes pondérables et dans tous les intervalles qui les séparent ? C’est une question que l'on ne saurait encore résoudre avec les données de la science. Mais, pour caractériser les phé- nomènes, Ampère admet dans le courant une direction déterminée, et la définit en disant qu’il va toujours du pôle positif au pôle négatif dans le fil conducteur, da pôle négatif au pôle positif dans la pile. Ampère ne se contente pas de donner au courant une direction, il lui donne encore une tête, des pieds, une droite, une gauche; il en fait un homme. Concevons dans une portion quelconque du fil conjonctif une petite figure — 327 — d'homme couchée dans le sens de la longueur, les pieds du côté du pôle zinc et la tête du côté du pôle cuivre, de telle manière que, recevant le courant par les pieds, elle le rende par la tête; concevons que, poussée par un instinct de curiosité, cette figure tourne toujours Ha face vers le milieu de Paiguille sur laquelle agit le courant : la droite et la gauche de la figure ainsi placée seront la droite et la gauche du courant lui-même. A l'aide de cette supposition, les effets variés qu'éprouve l'aiguille aimantée se résument avec facilité dans un principe unique : l'aiguille se met en croix avec le courant, le pôle austral à gauche. Cette espèce de formule singulière offre une image qui supplée à beaucoup de paroles, et quand on veut l'appliquer, on n’a pas besoin d’un long exercice pour reconnaître qu'elle est en même temps très-commode et très-fidèle. A peine la découverte d'Œrsted s’était-elle répandue, qu'elle trouva une utile application dans le galvano- mètre ou rhéomètre multiplicateur. Cet instrument, qui est d'une sensibilité merveilleuse pour découvrir les moindres traces de l'électricité en mouvement, repose sur ce fait qu'un courant rectangulaire agit par tous ses points pour diriger, dans le même sens, une ai- guille aimantée qu'il enveloppe de toutes parts, et ce fait est une conséquence de la proposition générale que nous venons de formuler. Imaginez que cent rec- tangles placés les uns a côté des autres soient tra- versés par des courans de même sens, et qu'une ai- guille aimantée soit librement suspendue dans le cadre qu'ils constitueront ; l’aiguille tournera sous leur in- fluence avec une énergie à peu près centuple de celle — 328 — qui la dévierait si un contour unique agissait sur elle. Tel est le principe de la multiplication de la force élec- tro-magnétique réalisée dans le galvanomètre. Un fil de cuivre de 415 ou 20 mètres de longueur, revêtu d'un fil de soie dont les tours sont très-serrés, s’enroule sur un petit cadre en bois : seulement on laisse libres à chaque extrémité un ou deux mètres de longueur ; c'est ce que l’on appelle les rhéophores du galvano- mètre. Un fil de soie tient une aiguille aimantée sus- pendue dans le cadre, et tout l'appareil est recouvert d’une cloche qui le garantit des agitations de l'air. Pour faire une expérience, on tourne le cadre paral- lèlement à la direction que prend l'aiguille par l'effet du magnétisme terrestre : on établit les communications avec les sources d'électricité de manière que le courant entre par l’un des rhéophores et qu'il sorte par l’autre- Aussitôt l'aiguille est déviée d’un angle plus ou moins grand, mais qui atteint rarement sa limite, à cause de la force magnétique de la terre qui, agissant toujours pour ramener l'aiguille, combat la puissance éleetro- magnétique. Pour prendre une idée de la sensibilité du galva- nomètre , il suffit de voir avec quelle facilité cet ins- trument manifeste le développement de l'électricité par le contact. On sépare deux plaques, l’une en zinc, l'autre en cuivre, par un disque de papier mouillé ; puis on touche les deux plaques avec les extrémités des rhéophores. Aus- sitôt, l'aiguille aimantée se dévie assez fortement, mais le courant qui la fait tourner devient beauccup plus énergique si l’on mouille le papier avec de l’eau légè- rement acide ou légèrement alcaline. Ge courant a-t-il — 329 — été produit par le simple contact de l’un des rhéophores avec le disque de zinc, ou bien résulte-t-il, comme le pensent beaucoup de physiciens, de l’action chimique en- tre les métaux et l’eau qui les touche? c’est une ques- tion qui fait, depuis quelques années, l’objet de nom- breuses recherches et de discussions fort animées : mais, à mon avis, les preuves qu'invoquent les partisans de l’un et de l’autre système ne sont point revêtues de ce carac- tère de solidité qui ne permet aucun doute. S'il fallait formuler une opinion à cet égard, j'adopterais celle de M. Péclet : comme lui, je pense que le contact est une source d'électricité, mais que cette source est infiniment trop faible pour réaliser les charges puissantes de l’ap- pareil voltaïque; que, par conséquent , l’action chimique est, dans cet appareil, la causé la plus influente, puis- que l'effet inseusible de la première s'efface et se dis- simule , en quelque sorte. En voyant les courans distinguer les pôles des aimans et exercer sur eux des actions opposées, on devait être conduit à penser qu'ils seraient capables de séparer les fluides magnétiques, et d’aimanter le fer passagèrement, l'acier d'une manière permanente. L'expérience a réa- lisé ces prévisions. M. Arago reconnut le premier que, si lon met une partie du fil conjonctif en contact avec de la limaille de fer, cette limaille s’y attache comme à un aimant , tant que le fil est traversé par le courant, mais qu'elle se détache et tombe aussitôt que le circuit est rompu. Ainsi la limaille s’aimante sous l'influence de l'électricité, mais elle ne conserve son magnétisme que pendant la durée de l'influence. Rien de plus aisé que de réaliser une aimantation du- — 330 — rable : à la limaille de fer, il faut substituer un barreau d'acier. Si l’on enroule un fil de cuivre en hélice au- tour d'un tube de verre, que l’on place longitudinalement dans celui - ci une aiguille en acier et que l'on fasse passer le courant de la pile à travers l’hélice métallique, l'aiguille qu’elle entoure prend la puissance magnétique. Un instant suffit pour que la décomposition des fluides soit opérée, et il y a, selon moi, quelque chose de prodigieux dans la facilité avec laquelle le courant élec- trique crée le magnétisme que le magnétisme lui-même ne développe que si péniblement. Les pôles de l’aimant qui prend ainsi naissance sont toujours placés comme on peut le prévoir en suppo- sant un observateur couché dans une spire du fil con- ducteur , regardant l’axe du tube sur lequel cette spire est enroulée, et ayant les pieds à l'entrée du courant : le pôle austral se forme à la gauche , le pôle boréal à la droite de l'observateur ainsi placé. On a coutume de distinguer deux sortes d'hélices. Si l’on suppose que, le tube étant vertical, un homme placé dans l'axe examine la manière dont le fil s’en- roule de la base au sommet, il le verra monter de gau- che à droite ou de droite à gauche. Si le mouvement a lieu de gauche à droite, l’hélice est dite sinistrorsum ; s'il a lieu dans le sens opposé, l'hélice est dextrorsum, En appliquant à ces deux genres d'hélices la règle pré- cédente , on reconnaît aisément que, lorsqu'une aiguille d'acier est aimantée par une hélice dextrorsüm , le pôle boréal est toujours à l’extrémité voisine de l'entrée du courant : le contraire a lieu pour les hélices sinis- trorsüum. Il résulte de cette différence que l’on peut multi- ==. 89h plier à volonté les pôles de l'aiguille, et produire des centres d'action magnétique partout où l’on veut dans sa longueur. Il suffit d’enrouler le fil autour du tube de manière que, se repliant sur lui-même pour prendre un mouvement opposé, il forme successivement des hé- lices de l’un et de l’autre genre. Un pôle se produira à chaque changement de direction. Vous comprenez, Messieurs, tout l'avantage que doit offrir pour l’aimantation un courant en hélice dont les spires, entourant le barreau d'acier, multiplient l’ac- tion décomposante et l’appliquent immédiatement à cha- cune des sections de ce barreau, En tirant profit de cette utile influence, M. Pouillet a réalisé dans le fer une puissance magnétique supérieure à celle des aimans les plus énergiques. L’électro-aimant de ce savant phy- sicien est un fer à cheval en fer doux : un fil de cui- vre entouré de soie est enroulé sur l’une des extré- mités, et son prolongement vient former sur l'autre extrémité un pareil nombre de spires. Les deux bouts libres du fil sont mis en commanication avec les deux pôles d'une pile : aussitôt, le fer devient capable de supporter une armure et des poids considérables. L'un des électro-aimans qu'à fait exécuter M. Pouillet est capable de tenir ainsi suspendus mille kilogrammes au moins. Préoccupé de cette idée que, si les courans posse- dent la faculté de développer le magnétisme , récipro- quement les aimans doivent reproduire les phénomènes électriques, Faraday fut conduit à chercher si l'influence d'un aimant pouvait faire naître un courant dans un conducteur. Voici les conséquences ‘ auxquelles ses re- cherches l’ont conduit. 35008 Lorsqu'un aimant s'approche ou s'éloigne d'un con- ducteur métallique , il y détermine des courans. Lorsque la distance de l’aimant au conducteur diminue, les cou- rans sont inverses, c'est à dire opposés à ceux qui ten- draient à donner à l’aimant la position qu'il occupe; le contraire a lieu quand la distance de l’aimant au con- ducteur augmente. Si la distance de l’aimant et du con- ducteur demeure invariable, les courans disparaissent. La démonstration de ces principes se fait aisément au moyen du rhéomètre. On enroule un fil de cuivre entouré de soie sur deux bobines creuses successive- ment, puis on attache les deux bouts de ce fil aux deux rhéophores d’un galvanomètre. Les bobines sont soutenues par un support de telle façon que les deux pôles d'un aimant en fer à cheval peuvent s’introduire dans leurs cavités. Dès que l’on approche cet aimant, l'aiguille du multiplicateur se dévie; puis, si l’on tient l’aimant immobile dans les bobines, la déviation cesse et l'aiguille retourne, par une suite d’oscillations , à sa position d'équilibre ; mais une déviation nouvelle , en sens contraire de la première, prend naissance, dès que l'on éloigne l’aimant. En substituant aux bobines creuses un fer à cheval en fer doux , on constate de la même manière les vérités suivantes, découvertes également par Faraday : Un morceau de fer, entouré d'un fil conducteur, y détermine des courans lorsque son état magnétique aug- mente ou diminue par l'influence croissante ou décrois- sante d’un aimant qui s'approche ou s'éloigne : quand le magnétisme se développe , le courant est inverse , c'est-à-dire opposé à celui qui pourrait donner au fer la polarité qu'il prend sous l'influence de l'aimant:; le — 333 — contraire a lieu, quand le magnétisme se perd. Si l’état magnétique du fer demeure constant par le repos de l'aimant , tout courant cesse dans le fil conducteur. Ainsi, le magnétisme développe les courans, de même que les courans développent le magnétisme. Cette réci- procité présente cependant une différence notable : l'ai- mantation par les courans a lieu quand le conducteur et le corps soumis à son influence sont en repos relatif, ou quand le courant conserve une intensité constante ; un aimant, au contraire, ne peut faire naître un cou- rant que s’il est en mouvement par ‘rapport au conduc- teur, ou si son état magnétique varie. À l'aide de ces principes, Faraday a donné une expli- cation satisfaisante et complète des phénomènes du ma- gnétisme en mouvement que M. Arago avait observés en 1822, mais qui étaient demeurés inexpliqués jus- qu'en 1831. Imaginez un axe vertical, animé par un moteur quelconque d’un mouvement rapide de rotation , et entraînant avec lui un disque de cuivre fixé horizon- talement au-dessus de son extrémité. Supposez le disque recouvert par une feuille de parchemin fortement ten- due sur un cadre à un millimètre environ de la surface du métal. Admettez enfin qu’une aiguille aimantée re- pose sur un pivot, placé lui-même sur la feuille de par- chemin et dans le prolongement direct de l’axe de ro- tation. Tout étant d’abord en repos et l'aiguille dirigée par le magnétisme terrestre , on met le disque de cui- vre en mouvement : bientôt l'aiguille est déviée , comme si elle tendait à suivre le disque dans ses révolutions successives. Cependant, la force qui l’entraine est ba- lancée en partie par la force magnétique de la terre qui rappelle l'aiguille dans sa direction première, de — 334 — sorte que le rapport de ces forces détermine la position d'é- quilibre. La force entrainante du disque croit avec sa vitesse de rotation : par conséquent, pour une faible vitesse, l'aiguille s'arrête, par exemple, à 10° de déviation ; pour une vitesse plus grande à 20°; et l’on peut ainsi, en modifiant les vitesses, arrêter l'aiguille dans toutes les positions obliques à l'égard de celle que lui donnait auparavant l'action terrestre, depuis 0 jusqu’à 90°. Mais, dès que la vitesse est assez grande pour entrai- ner l'aiguille au-delà de cette déviation de 90°, il n'y a plus de point de repos : l'aiguille tourne avec le disque et tend à prendre elle-même toute la vitesse de rotation dont il est animé. Telle est la force magné- tique toujours croissante que prennent les métaux en mouvement. Je me trouve contraint à ne point indiquer ici l’expli- cation des effets singuliers que je viens de décrire. En vain , je me suis efforcé de résumer clairement celle qu'en a donnée Faraday; j'aurais eu besoin de figures et de considérations analytiques. Ne pouvant me dé- cider à parler pour n'être compris que de moi, je me bornerai à vous dire que l'entrainement de l'aiguille aimantée par le disque métallique provient des cou- rans qui s’établissent dans celui-ci, courans qui sont inverses dans la partie du disque que la rotation rap- proche de l'aiguille, directs dans celle qui s’en éloigne. C'est ce que confirme la diminution de la force en- trainante , lorsque le disque offre des solutions de con- tinuité ou des fentes dans le sens de ses rayons: la diminution qui s'opère alors peut devenir telle que l'aiguille demeure immobile, quand les fentes sont éten- dues et nombreuses. — Les courans produits par le magnétisme ont été uti- lisés par M. Pixü fils, dans la construction d'un ap- pareil capable de remplacer la pile de Volta. Un aimant artificiel en fer à cheval est mobile autour l'un axe vertical; ce mouvement lui est donné par une manivelle et par des engrenages convenables. Au-dessus st placé un fer à cheval en fer doux disposé de facon que ses bouts inférieurs soient très-près des pôles de ‘aimant, sans toutefois les toucher ,: lorsque celui-ci, ‘ans son mouvement, se trouve directement au-dessous lu fer. Un fil de cuivre, entouré de soie et ayant ses leux extrémités libres, s'enroule successivement autour les deux branches verticales du fer où il forme un grand nombre de spires. D'après cette disposition, l'influence de l’aimant dé- eloppe du magnétisme dans le fer doux, mais le sens ie l’aimantation se trouve changé à chaque demi révo- ution. L'état magnétique de larc en fer varie donc ns cesse : il atteint son maximum, lorsque les pôles e l’aimant passent immédiatement au-dessous de ses xtrémités. Sa force décroît par l'éloignement des pôles, evient nulle quand le plan vertical de l’aimant devient erpendiculaire à celui du fer; enfin s’accroit, en chan- eant de sens, quand, par suite du mouvement de ro- ntion , les pôles de l’aimant s'approchent des extré- iités opposées à celles qu'ils viennent de quitter. Ainsi : magnétisme du fer oscille continuellement entre deux axima pour lesquels sa polarité est contraire. Le cou- int que cette variation non interrompue entretient ans le fil conducteur doit donc changer de sens à naque demi-révolution de l’aimant. L'existence du courant dans le fil et ses renverse- — 336 — mens alternatifs peuvent être aisément constatés. Si l'on attache les deux bouts du fil aux deux rhéophores d'un galvanomètre et que l’on fasse faire à l'aimant deux demi-révolutions dans le même sens, on observe deux déviations opposées de l'aiguille indicatrice du multiplicateur. Si l’on approche les mêmes bouts à une petite distance, et que l’on mette l’aimant en mou- vement rapide , on apercoit entre eux une série de pe- tites étincelles. Si on les tient dans les mains, on éprouve des commotions, que l'on rend plus sensibles en plon- geant les deux mains dans un liquide acidulé contenu dans deux vases distincts où l’on fait également plonger les deux fils. Cet appareil avait le grave inconvénient de ne pou- voir pas produire d'effets chimiques bien nets, à cause du changement continuel de la direction du courant. Mais par une ingénieuse combinaison empruntée aux appareils électro-dynamiques d'Ampère et que je regrette de ne pouvoir point décrire ici, M. Pixü a rendu la direction du courant invariable. Commotions, incan- descence des fils, décompositions chimiques , tous les effets de la pile, en un mot, se réalisent alors dans l'appareil électro-magnétique. D’autres constructeurs ont, depuis, établi des ap- pareils plus portatifs: le plus remarquable est celui de Clarke , qui a l'avantage de produire de grands effets, quoique très-réduit dans ses dimensions. Un aimant en fer à cheval est solidement fixé contre un support vertical. Devant lui tourne un électro- aimant dont les extrémités sont fort peu éloignées de la surface de l’aimant fixe. La rotation de cet électro- aimant se fait autour d’un axe horizontal mis en mou- — 337 — vement par le moyen d’une corde, qui passe d’une part sur une poulie fixée à l'axe, de l’autre sur une grande roue portant une manivelle. L'une des extrémités du fil de l’électro-aimant est attachée à l'axe, l’autre aboutit à un cercle de cuivre fixé au même axe, mais isolé par une substance non conductrice de l'électricité. Dés lors, l'influence de l’ai- mant produit, comme dans l'appareil de Pixü, des courans continuels dans les contours du fil, et celui- ci devient une véritable pile dont les pôles sont l'axe de rotation et le cercle de cuivre dont j'ai parlé tout à l’heure. Une disposition dont il serait impossible de donner sans dessin une idée fort exacte permet d'établir entre les deux pôles une communication qui s'interrompt à chaque demi-révolution , en sorte que le courant conserve une direction constante dans le conducteur qui sert à cette communication: la rapidité du mouvement rend d’ail- leurs insensibles les interruptions périodiques que le courant éprouve. Si le fil conjonctif est de deux bouts séparés par un court intervalle, on voit briller entre eux, à chaque demi-révolution , une vive étincelle. Cette étincelle devient plus éclatante, si on la fait sortir de la sur- face d’une petite masse mercurielle. Un fil de platine très-fin et très-court rougit quand le courant le tra- verse. L'eau est décomposée. Un électro-aimant prend la faculté de supporter une charge sensible. Mais ce qui me paraît le plus remarquable dans l'appareil de Clarke , c'est la force des commotions qu'il produit. Je suis assez heureux pour pouvoir mettre cet appareil soûs les yeux de l’Académie, Chacun de vous pourra, Mes- 22. — 338 — sieurs , s'assurer que les commotions deviennent vé- ritablement insupportables quand le mouvement de ro- tation est assez rapide. Je m'arrête dans cette énumération que j'ai déjà, peut-être, prolongée outre mesure. J'ose espérer que vous aurez entendu sans ennui l'exposé sommaire des faits qui démontrent la possibilité de créer le magné- tisme au moyen de l'électricité et l'électricité au moyen du magnétisme. Mais, si je voulais compléter trop tôt la tâche que je me suis imposée, j'aurais lien de craindre que votre attention ne se fatiguàt, et que vous ne me privassiez, parce que j'en aurais abusé, d'une bienveillance qui m'est trop précieuse pour que je m'expose à la perdre. Daxs une première lecture sur les phénomènes élec- tro-dynamiques, j'ai eu l'honneur de vous exposer quelques faits qui établissent entre l'électricité et le magnétisme une affinité manifeste. Le mouvement des fluides électriques dans un fil conducteur, réunissant les deux pôles d’une pile voltaïique, se trahit au dehors par la déviation que ce fil imprime à l'aiguille ai- mantée, En multipliant ce genre d’actions dans les nombreux contours d’un même fil sur le périmètre d’un rectangle, on a pu rendre sensibles les plus faibles traces d'électricité. Comme les influences d’un courant sur les deux pôles d’un aimant étaient contraires dans leurs résultats, et portaient invinciblement le pôle austral à la gauche, le pôle boréal à la droite de ce courant, nous nous sommes demandé si elles ne seraient point capables de séparer les fluides magnétiques du — 339 — fer et de l'acier. Nous avons vu que les coarans peu- vent en effet communiquer à ces deux substances les propriétés magnétiques avec une promptitude et une énergie véritablement surprenantes. Mais dans tous les faits que présente la nature, une action exercée par un corps sur un autre est accompagnée d'une réaction du second sur le premier. Nous avons, en consé- quence, été conduits à examiner si les aimans auraient la puissance d'agir sur les courans. Deux principes éta- blis par Faraday nous ont montré dans les aimans une source intarissable d'électricité, source dont quelques appareils habilement combinés nous ont manifesté l’é- nergie. Dans cette seconde partie, Messieurs, je vous mon- trerai l’analogie plus intime du magnétisme et de l'é- lectricité, analogie tellement frappante que nous serons contraints à reconnaitre l'identité des deux agents, dont Jun n'est qu'un état particulier de l'autre. Et d’abord, si le magnétisme développe l'électricité des conducteurs soumis à son influence, à plus forte raison doit-il mouvoir de différentes manières les fils que traversent des courans déjà déterminés par d’autres causes. De tous les aimans, celui qui se présentait comme le plus curieux à étudier sous ce rapport, c'était l’ai- mant terrestre. Aussi la découverte de l’électro-magné- tisme provoqua-t-elle bientôt de nombreux essais pour disposer des courans mobiles et observer les mouvemens qu'ils éprouveraient , lorsqu'ils seraient abandonnés comme des boussoles à l'influence de la terre. Les premières tentatives ne donnèrent point de résultats sa tisfaisants, parce qu'il était difficile alors de laisser au 22.* — 340) — courant toute la mobilité désirable. Mais Ampère, dont le nom s'associe à tous les perfectionnements qui ont fait avancer la science de l'électricité dynamique, ne tarda point à lever toutes les difficultés par un mode de suspension qui permet aux conducteurs de cèder sans résistance aux impulsions les plus faibles. L'idée une fois conçue, on a modifié les appareils de mille manières; on en a imaginé même qui reposent sur un principe différent et sur un tout autre mécanisme. Je ferai choix de ceux de M. Pinaud , professeur à la faculté des sciences de Toulouse. Ils sont loin d'être les plus sensibles, mais ils sont extrêmement simples, et c’est un avantage que je ne puis négliger dans un travail où je me suis proposé de faire comprendre sans dessins la marche des expériences. Sur une plaque de liége est fixée perpendiculairement une lame de zinc. Une lame de cuivre l'entoure de tous côtés, sans la toucher en aucun point. Chacune de ces lames est soudée à un fil de cuivre qui, tra- versant le liège, va se terminer du côté opposé par uue pince. Si l'on met ce système à la surface d'une eau acidulée, de manière que les lames métalliques plongent dans le liquide, le fluide positif se répandra du zinc sur l'eau, et de l'eau sur le cuivre; en sorte que les deux pinces qui se présenteront au-dessus de la plaque devront être considérées comme les deux pôles de l'appareil. Si l'on fixe dans ces pinces les extrémités d'un fil métallique contourné comme on voudra, le courant s’é- tablira dans toutes les circonvolutions de ce fil, en allant de la pince positive, c’est-à-dire de celle qui aboutit à la lame de cuivre, à la pince négative qui — 341 — est soudée à la lame de zinc. Le système pouvant d’ailleurs flotter librement sur le niveau du liquide , se dirigera suivant les influences diverses qui le solli- teront. Le courant a-t-il d'abord la forme d’un rectangle ? On le voit osciller des qu'on l’abandonne. Ces oscil- lations sont bientôt arrêtées par la résistance que l’eau acidulée oppose aux plaques métalliques. Quand l’équi- libre est établi, l’on reconnait que le plan du rec- tangle est perpendiculaire à la direction que prend une aiguille aimantée posée sur un pivot, direction qui est désignée sous le nom de méridien magnétique. On peut s'assurer d’ailleurs que, dans le coté inférieur, le cou- rant va de l’est à l’ouest. L'expérience conduit aux mêmes résultats, lorsque l’on substitue un courant circulaire au courant rec- tangulaire. Supposons qu’une série de courans circulaires, égaux et de même sens, soient fixés à un même axe perpen- diculaire à leurs plans et joignant leurs centres : un pareil assemblage recevra le nom de solénoïde ou de cylindre électro-dynamique. Admettons que l'axe soit mo- bile dans un plan horizontal. Tous les courans tendront alors à se placer perpendiculairement au méridien ma- gnétique, et de telle sorte que, dans leurs parties in- férieures, le mouvement de l'électricité se fasse de l’est à l’ouest. Or, ils ne pourront prendre cette position sans que l’axe lui-même, qui leur est perpendiculaire, se dirige parallèlement à l'aiguille aimantée. Ce n’est pas tout : le sens du mouvement étant déterminé pour les cercles constitutifs, les deux extrémités de l'axe ne pourront pas se tourner indifféremment vers le nord ou ni vers le sud, mais l’une d'elles se portera inévitablement vers le nord. Un instant de réflexion suffit pour re- connaître qu’un observateur, couché dans une des parties des cercles et regardant l'axe, aurait cette ex- trémité à sa gauche. Les conceptions que nous venons de formuler ne sont pas difficiles à réaliser. Un fil de cuivre entouré de soie part d’abord dans une direction verticale, puis il se recourbe horizontalement jusqu'à une distance de deux ou trois pouces. Là il se relève de nouveau pour s’enrouler en spires verticales formant par leur ensemble un cylindre auquel la partie horizontale du fil sert d’axe. Ces spires se continuent au-delà de la première courbure du fil, de manière à doubler la longueur du cylindre. Ensuite le fil revient suivant l'axe de cette seconde moitié pour se terminer, au milieu de la lon- gueur totale, par une petite portion verticale. Les deux bouts libres et verticaux du système sont attachés dans les pinces de l'appareil flotteur de Pinaud. Le courant s'établit alors dans toutes les spires qui, différant fort peu des cercles parallèles dont je parlais tout-à-l'heure, réalisent très-approximativement le solé- noïde. Des considérations statiques, dont le dévelop- pement serait en dehors des limites que je me suis imposées, démontrent que la faible différence qui existe entre les courans spiraux et les courans circulaires est compensée par Le courant qui se propage suivant les deux portions horizontales , formant l'axe du système. Dès que le solénoïde mobile est abandonné à lui- même, il se met à tourner, à osciller, et il s'arrête à la fin dans la position que nous Jui avons précé- demment assignée. La conséquence de la théorie reçoit de l'expérience une pleine et entière confirmation. — 343 — Ainsi, les rapports que nous avions déjà trouvés entre le magnétisme et l'électricité deviennent plus pro- fonds. Ces deux agents ne montrent plus seulement leur affinité par une influence réciproque ou en se développant l’un l’autre ; mais une analogie frappante entre leurs effets commence à nous laisser entrevoir l'identité des causes. L'aiguille aimantée posée sur un pivot dirige son pôle austral vers le nord, son pôle boréal vers le sud : et telle est la puissance qui l’a- nime que, déviée du plan vertical du méridien ma- gnétique où elle s'était placée d’abord, elle y revient aussitôt qu’on l'abandonne, quelques soins que l’on prenne pour la laisser en repos dans une autre position. Ce qu’elle éprouve, un solénoïde l'éprouve comme elle : il dirige son axe dans le plan du méridien magnétique, et l’une de ses extrémités se porte nécessairement vers le nord. N'est-il pas très-probable que le magnétisme de l'aiguille n'est pas autre chose que l'électricité du cylindre électro-dynamique, et qu’un aimant n'est qu'un solénoïde ? Les aimans s’'attirent par leurs pôles contraires; ils se repoussent par leurs pôles de même nature. Si les aimans ne sont que des solénoïdes , les solénoïdes de- vront posséder aussi la faculté de s’attirer ou de se repousser mutuellement. C'est ainsi que l’illustre Am- père fut conduit à soumettre des courans mobiles à l'influence de courans fixes, afin de s'élever de cir- constances fort simples, pour les quelles les actions des courans auraient été découvertes par l'expérience, au cas plus complexe qui les transforme en cylindres électro-dynamiques. Les actions élémentaires dont il s'agit peuvent se — 344 — ramener à deux grandes classes : actions des courans parallèles, actions des courans angulaires. Pour observer l’action mutuelle des courans parallèles entre eux, on fixe dans les pinces du flotteur de Pinaud les deux bouts d'un fil métallique contourné en rectan- gle. Comme nous l'avons vu, l’appareil se dirige sous l'influence terrestre et se place dans un plan perpen- diculaire au méridien magnétique. On lui présente alors, à la hauteur du côté supérieur du rectangle, un fil horizontal et parallèle à ce côté. La pile, aux pôles de laquelle le fil est attaché, est mise en activité. Aus- sitôt, le flotteur s’avance vers le fil ou s'en éloigne, mais sans tourner sur lui-même. Il est donc soumis à une puissance qui l'attire ou le repousse, et par ce moyen , On arrive aux deux principes suivans : Deux courans parallèles et de même sens s’attirent. Deux courans parallèles et de sens opposés se re- poussent. Une modification légère dans la manière d'opérer conduit aux lois des actions qu'exercent l’un sur l’autre deux courans angulaires. Le fil conducteur qui unit les deux pôles de la pile est placé horizontalement au- dessus du côté supérieur du rectangle mobile, mais de manière à faire avec ce côté un angle plus ou moins ouvert. On voit alors le rectangle s'agiter, quitter la position que lui avait donnée le magnétisme terrestre, et, après quelques oscillations, s'arrêter dans une po- sition parallèle au fil conjonctif. On reconnait ainsi que deux courans angulaires tendent toujours à devenir parallèles pour marcher dans le même sens, ou ,*en d’autres termes, qu'il y a attraction entre les parties qui vont l’une et l’autre en s'approchant ou l'une et — 345 — l’autre en s'éloignant du sommet de l’angle , et répulsion entre les parties qui vont l'une en s’approchant, l’autre en s’éloignant de ce même sommet. Admettons actuellement que deux cercles parallèles soient traversés par des courans de même sens. Sup- posons que, l’un d'eux étant immobile, l'autre puisse glisser le long d’un axe passant par son centre et perpen- diculaire à son plan. Les courans étant parallèles et de même sens dans les parties des deux cercles les plus voisines les unes des autres, il y aura attraction entre les deux cercles, et le système mobile se rapprochera du système fixe. Il s'en éloignerait , au contraire, si les courans circulaires étaient de sens opposés. D'après ce que nous avons vu précédemment , les courans sont dans le même sens pour les pôles de même nature de deux solénoïdes, lorsque ces pôles sont dirigés vers le même poiut de l’espace. Et, comme dans un solénoïde, tous les courans vont dans un seul et même sens, il s’en suit que, s1 l'on met bout à bout deux solénoïdes tournant leurs pôles contraires l’un vers l’autre, ou, ce qui revient au même, lears pôles identiques vers le même point de l’espace, on aura véritablement en regard des cercles parallèles et traversés par des courans de même sens. Il y aura done attraction comme entre les poles contraires de deux aimans. Mais, pour rapprocher les poles de même nature, il faudra laisser l’un des solénoïdes dans sa position ac- tuelle, et faire décrire à l’autre une demi-circonférence. Par ce retournement, on aura changé le sens de ses courans , c'est-à-dire que, s'ils allaient primitivement de l’est à l’ouest, ils iront ensuite de l'ouest à l’est. — 346 — Ils se trouveront donc opposés à ceux du solénoïde -que l’on aura maintenu dans sa première direction. Ainsi, dans les cercles en regard , les courans seront de sens contraires. Donc, les pôles identiques de deux solénoïdes doivent se repousser comme ceux de deux aimans. Ces conséquences de la théorie sont faciles à vérifier par l'expérience. Au solénoïde flottant de Pinaud on présente un solénoïde que l’on tient à la main, et que traverse le courant d’une pile en activité. Les actions attractives ou répulsives ont lieu conformément aux indications qui précèdent. De pareilles analogies ne donnent-elles pas une très- grande probabilité à un système où les aimans ne sont considérés que comme des cylindres électro-dynamiques ? Des courans existeraient incessamment dans tous les corps sensibles au magnétisme. Ils auraient lieu dans toutes les directions autour d'une même particule. L'effet de l’aimantation serait de donner à tous ces courans des directions parallèles, et de constituer ainsi des solé- noïdes. Par exemple, l'influence d’un courant voltaïque, perpendiculaire à une aiguille d'acier, ferait tourner les courans élémentaires, de manière à rendre leurs plans parallèles au courant extérieur influent, ou perpen- diculaires à l'axe de l'aiguille. Une force coercitive s’opposerait cependant à cette rotation des courans, comme aussi à leur retour dans leurs anciennes direc- tions , de sorte que l'aimantation de l'acier serait toujours limitée, mais durable. Dans le fer doux, cette force coercitive n'existant pas, les courans reprendraient leurs directions variées, après la suspension des forces extérieures, et le corps rentrerait dans l'état naturel. Si l'on adopte ces idées, on doit considérer le globe — 347 — terrestre, non plus comme un aimant, mais comme un solénoïde sillonné par des courans intérieurs parallèles à l'équateur magnétique. Mais, dans chaque lieu, on pourra toujours concevoir que l’ensemble des actions de tous ces courans se réduise à l’action d’un courant unique , auquel il faadra attribuer une énergie et une position convenables pour représenter tous les effets. Ces conditions seront faciles à remplir. Si vous sup- posez le courant terrestre perpendiculaire au méridien magnétique et se mouvant de l'est à l’ouest, la direc- tion des conducteurs traversés par l'électricité de la pile, la déclinaison et l’inclinaison de l'aiguille aimantée seront des conséquences rigoureuses des principes que nous nous sommes efforcé d'établir dans le cours de ce mémoire. En un mot, l'hypothèse par laquelle les fluides ma- gnétiques anéantis viennent se confondre avec l'électri- cité en mouvement soutient de la manière la plus complète l'analyse et la confrontation avec les faits. J'aurais désiré vous en convaincre en l’appliquant à quelques phénomènes dont les anciennes théories ne donneraient qu'une explication obscure et pénible. Le temps m'a manqué pour ces nouveaux essais. J’ignore s'il me sera possible d'exprimer les explications que je voudrais vous soumettre en termes assez clairs pour qu’elles ne soient pas indignes de vous être présentées. En tout cas, Messieurs, je réclamerai une fois encore votre bienveillante attention, et, à défaut d'explications, je vous exposerai du moins quelques-uns des faits inté- ressans qui confirment les idées émises par Ampère. | Pesqu a r was ob, j SuÊde sigauns-euse-Tobbdisbéticte bi: Merpire à, smpifigr MoBtol of 0 aan 9 asie ac dalles 08: mnitisnug humoristique duel . ntorss éadaitibee ad apihéstes ape ohinlusibangsd user Huron volé saubq. mel snlitastieil dns d pote Smsvimu site cadipititgment alosbo-iisiatantitnite cotavens, suroisubios “ss ot abtbeatsellhagins dt noninaitaité bts noterifrb Léo Jef prabdipemiqh db, munenayeineonôu és as aonast Bfncmitidmceluecn bot air le + isbite emo sonenrauen VE Tes courace edideeniontincemannéht dus Londres one -nrnraplainr Re h-athsamqel-cse cg ionblicugeent 1 sonate" Aie soon teanes. rabeohiroé ox joséosir rein doi phrbrege thon cd mes! deb amenée tonninetaonnnnes brie As nb novel ehisns soabe cab tn conne desleimite er téemplqeebonementon hiadimnrcnn ans ciémielit véhant, opeépoinbind sruéinoe safe à enrtériciraaiy trance nca diitiéens uiséiene dis noisales : rares einiemsmlobe om Business creuuatne teurs none uposer sta page céFostpremoiesitins sdb wacpqnhh dJlesoipransac taie Aogamaht soma renier pins ecrbte géerfimer | aébinartepets eur ebicemrgihoi togrinoius-agcsatfifhe mous, 6 enucrinigenio ete anaiees ds, Hontcsosrt soofenbe th dati à jui déoapee natlinréott ovtte tres er sôfv enr oo flo jy rmeuirionr wboiaree pes ebmreq Caneé qe té smoméeiéne ae bi ais) raser ofu pleerbates ro érienean 04 a dempe. peñtrsentt dibiEl dhie EN hi Una béopln éd des, 1 dit countdtrér ne RAPPORT SUR L’OUVRAGE DE M. BELLIN, INTITULÉ : EXPOSITION DES PRINCIPES DE RHÉTO- RIQUE CONTENUS DANS LE GORGIAS DE PLATON ET DANS LES DIALOGUES SUR L'ÉLOQUENCE DE FÉNÉLON. Par M. HUBERT. Les œuvres philosophiques de Platon, ces dogmes si sublimes et si purs, qu'on a appelés la Préface chré- tienne de l'évangile, ne sont pas les seuls titres de gloire de ce célébre écrivain : Platon fut grand poëte comme grand moraliste. Il composa des dithyrambes em- preints des couleurs de son imagination forte et brillante. Il fit des vers épiques qu'il brüla, il est vrai, après les avoir comparés à ceux d'Homère, mais qui ne mé- ritaient point, dit-on, cet excès d'injuste sévérité, dont après lui voulut s’armer de même contre son propre ouvrage l'auteur de l'Enéide. En employant dans sa prose la plus belle de toutes les langues, il l'embellit encore par les grâces, la douceur et l'harmonie irré- sistible de sa diction. Non content de mettre en pra- tique l'art de persuader, il éerivit sur le légitime emploi qu'on peut faire de sa puissance et de ses ressources, comme le firent après lui Cicéron et Fé- — 390 — nélon , guidés en grande partie par ses inspirations et son exemple. Suus la forme piquante du dialogue, il composa deux traités appartenant au double domaine de la morale et de l'art oratoire, moins connus à la vérité et moins populaires que la rhétorique d’Aristote, son élève, mais non moins dignes de la méditation de quiconque aspire aux palmes de l'éloquence et à la mission de l'enseigner. Ces deux traités sont le Gorgias et Phèdre. Le premier a été traduit par l’auteur recommandable de l'Entendement de la raison, M. Thurot, professeur au collége de France. Il l'a été ensuite par l'éloquent professeur qui s’est approprié Platon tout entier, et dont le nom, devenu européen, est lié pour jamais à la philosophie de notre époque, par M. Cousin. Plus récemment, Messieurs, M. Bellin, docteur en droit, avocat à la cour royale de Lyon, a publié un discours où il expose les principes con- tenus dans cet ouvrage, et il vous en a adresé un exemplaire. Vous m'avez fait l'honneur de me charger de vous rendre compte de sa publication. C'est de cette tâche, Messieurs, que je viens m'acquitter au- jourd'hui. Le discours de M. Bellin a été prenoncé à Lyon, le 5 septembre 1841, devant la 5.° section du congrès scientifique, qui en a ordonné l'impression. Le sujet du Gorgias, comme vous le savez, Messieurs, est une conversation que Platon suppose entre des philo- sophes et des rhéteurs, à la sortie d’un gymnase où ils étaient allés entendre pérorer le sophiste Gorgias de Léontium. Calliclès, Chéréphon, Pollus, Gorgias lui- même discutent sur les principes et l'utilité de la rhé- torique, recherchent s’il est utile à l’homme de s’aban- — 391 — donner à ses penchans, et si c'est servir ses intérêts que de le flatter et chercher à lui plaire. Telle est la question que Platon avait à résoudre. Sa doctrine en résumé est que l’homme doit faire, non ce qui lui plaît, mais ce qui est bien; qu'on doit non favoriser ses penchans , mais le porter à remplir ses devoirs; or la, rhétorique s'occupe de ce qui plait à l’homme ; il faut donc la rejeter et la proscrire. Cette solution donnée par Platon, M. Bellin parait ne point balancer à l’adopter sans restriction et sans réserve. 11 exprime d’abord avec chaleur et en des termes nobles et pom- peux l'admiration dont il est transporté pour les doc- trines du philosophe de l’Académie. « Vingt siècles et » plus, dit-il, se sont écoulés depuis que la grave » parole de Socrate, stigmatisant les rhéteurs et les » sophistes, a fait entendre à la Grèce étonnée un » anathème terrible contre l'abus du talent oratoire ; » et aujourd'hui, lorsque nous voulons rappeler les » règles morales de l’éloquence, c’est à cette même » parole, depuis si longtemps éteinte, que nous de- » vons demander des enseignements et des préceptes. » Un pareil fait, Messieurs, n'est-il pas la plus solide » apologie que l’on puisse imaginer de l’excellence et » de la vérité des doctrines esthétiques de Socrate ? » Aussi à ce magnifique dialogue du Gorgias, qui » renferme ces doctrines, nous emprunterons les règles » qui doivent présider à la conduite morale de l’o- » rateur, qui doivent inspirer ses résolutions et décider » de tous ses actes. » Définissant ensuite, d'après l’étymologie du mot, la rhétorique, l'art de la parole, abstraction faite de son application et de son usage, l’auteur la regarde BD comme essentiellement indifférente à la vérité, comme une force aveugle et rien de plus. De même qu'un courant d’eau, qui fait mouvoir une usine dans cer- taines conditions artificielles, peut en briser tous les rouages, si l’on n’y prend garde, de même la rhé- torique peut forcer les ressorts de l’état, si une pensée morale, éclairée et surtout patriotique ne préside à son action. Telles sont les conséquences que M. Bellin tire avec Socrate de la définition généralement donnée de la rhétorique. Mais Socrate ne s'arrête pas là, il conclut que la rhétorique, cherchant à persuader, doit s’at- tacher avant tout à plaire, et que par suite elle tombe dans la classe des arts serviles, tels que la cuisine, dont elle ne diffère que par le matériel, mais avec laquelle elle converge vers un but commun, la flatterie. Cette comparaison, dans sa naïve exactitude, res- semble assez à un paradoxe satirique. Cependant, trou- vant qu'il est impossible de nier la rigueur logique du philosophe athénien, M. Bellin juge qu'il ne reste plus qu'un parti à prendre , pour relever la rhétorique de cette humiliante assimilation ; c’est de dérouler les im- menses avantages qu'elle procure aux hommes qui savent faire mouvoir avec habileté les ressorts de l’é- loquence. À eux la réputation, les honneurs, la ri- chesse, le gouvernement de l'Etat, et toutes les jouis- sances en un mot de l’amour-propre et de la sensualité. Voilà les résultats merveilleux que produisait la rhé- torique dans la société athénienne. Aujourd'hui encore le talent de la parole mène à la fortune, à la gloire et aux postes les plus élevés. M. Bellin n’admet pas néanmoins que l'usage en soit légitime, toutes les fois — 353 — qu'elle atteint à un but aussi brillant, et que la raison morale soit toujours satisfaite, alors que l'ambition s'est contentée. La rhétorique, dit-il, pour ne pas en- courir l'anathème de la raison, ne doit jamais se rendre l'anxiliaire de l'injustice et l'adversaire des lois. Or, le premier précepte de la loi morale recommande à l'homme la justice; et toutes les fois que l'homme s'écartera de cetie règle immuable, il se précipitera invinciblement dans le malheur, quelque brillante que paraisse sa condition sociale aux yeux du vulgaire. Vérité consolante et sublime, dont la démonstration rigoureuse est un des plus beaux titres de Socrate à la reconnaissance de l'humanité. Le malheur n'est pas d’éprouver une injustice, mais de la commettre; et l'impunité, dont jouit quelquefois l'orateur coupable, loin de constituer en sa faveur un privilège digne d'envie, est la punition la plus sûre du mauvais usage qu'il peut faire de ses forces; car cette impu- nité lui interdit tout moyen de retour à la vertu. C'est la conviction profonde de cette grande vérité qui faisait dire à Socrate ces paroles mémorables : » Votre ennemi a-t-il commis une injustice et voulez- » vous lui nuire, faites tout pour l'empêcher d'être » cité devant un tribunal. Ne pouvez-vous l'empêcher, » il faut le tirer d'affaire à tout prix; de sorte que, » si, par exemple, il a volé de l'argent, à ne le » rende pas, mais le garde ou l’emploie en dépenses » criminelles; si son crime mérite la mort, qu'il ne » la subisse pas, et, s'il se peut, qu'il ne meure » jamais et soit immortel dans le crime. S'agit-il, au » contraire, d'uu de vos amis, ou de vos proches, ou » de vous-même, hätez-vous d'exposer le erime au 23. — 904 — » grand jour; présentez-vous de bon cœur à la justice, » comme au médecin, pour souffrir les incisions et les » brülures sans regarder à la douleur ; il ne faut penser » qu'à ce qu'on à mérité. Sont-ce des fers ? IL fau » leur tendre les mains ; une amende, la payer; l'exil, » s’y condamner; la mort, la subir; enfin il faut dé- » poser contre soi-même et mettre en œuvre toutes les » ressources de la rhétorique , afin que, par la manifes- » tation et la correction de son crime, on se délivre du » plus grand des maux, qui est l'injustice. » à Le fondement de la justice, dit M. Bellin d'après Platon , la condition de son existence et de sa conser- vation, c'est la tempérance; c'est à elle que l'homme juste demande un utile concours, parce qu'elle le met à l'abri de tout désir, de toute tyrannie, et de la sorte le rend inaccessible à la passion, source unique de l’in- justice. Ici, Messieurs, écoutons un instant Platon lui- même : car la finesse ingénieuse de son dialogue prête un charme de plus à l'expression de Ia vérité. Voici comment il parle des devoirs d’un orateur digne de ce nom. « SOCRATE. Comment namme-t-on l’état d’un corps » bien constitué et soumis à un régime convenable ? Ne » pourrait-on l'appeler force et santé ? — Carricrës. » Assurément, — Socr. Eh bien, maintenant, cherche » un nom également exact pour l'état de l'âme qui ré- » sulte d'une bonne constitution morale, d'un régime » moral bien ordonné. — Gaz. Qui t'empêche, Socrate, » de dire ce nom toi-même ? — Soc. Puisque tu le » préfères, j'y consens. Si tu trouves que je dis vrai, » approuve-moi; dans le cas contraire, combats mon » avis, et ne me fais pas grâce. Ou je me trompe, ou » il y a dans un corps bien constitué un principe sain, »>p — 59h — d'où résultent pour lui la santé et la force. En est-il ainsi, oui ou non ? — Ca. Oui. — Soc. L'âme bien constituée et bien réglée a également son principe moral , sa loi, et c'est ce qui fait les hommes moraux, soumis à des règles légitimes : je veux parler de la justice et de la tempérance ; qu'en penses-tu ? — Gaz. D'accord. — Socr. Que fera donc cet orateur habile, cet homme de bien de qui nous parlons ? N'aura-t-il pas ces dispositions sans cesse devant les yeux, pour agir sur les âmes, soit par ses discours, soit par sa conduite ? Qu'il accorde, qu'il refuse, ne sera-t-il pas toujours occupé du soin d'inculquer à ses compa- triotes le sentiment de la justice, et de bannir l'in- justice de leurs cœurs; de leur inspirer la tempé- rance et de les préserver de l'intempérance, de les pénétrer de toutes les autres vertus et de les puri- fier de tous les vices ? M'accordestu ce que je viens de dire ? — Carr. Soit. — Socr. Que sert, mon cher Calliclès, de présenter à un homme, dont le corps est malade et souffrant, des aliments en grande quantité, des mets succulents, des boissons, ou quoi que ce soit de contraire à la juste mesure, de trop considérable ou d'insuffisant, et, par conséquent, de peu salutaire ? Que penses-tu de cela ? —- Cazr. Tu as raison..— Soc. Il n'est pas utile à un homme, ce me semble, de vivre avec un corps souffrant; une telle vie est nécessairement elle-même une grande souffrance ; n'est-il pas vrai ? — Car. Oui. — Soc. Les médecins permettent ordinairement aux gens qui se portent bien de satisfaire leurs désirs ; à l'homme qui à faim, de -manger, à celui qui a soif, de boire , autaut qu'ils veulent; mais le malade, ils ne 28.* HR » lui permettent de satisfaire aucun appétit, M'accordes- » tu encore ce point ? — Car. Je l'accorde. — Soc. » Eh bien, » pour l'âme ? Lorsqu'elle est perverse, égarée, in- mon cher ami, n'en est-il pas de même » tempérante, injuste et impie, il faut enchainer ses » passions par un frein, et ne lui permettre que les » actions qui peuvent la rendre meilleure. Approuves- » tu ma pensée © — Carr. Je l’approuve. — Soc. Et » c’est dans l'intérêt même de l'âme. — Cazz. Sans » aucun doute. — Soc. Enchaïiner les passions de l'âme, » c'est la tempérer par un frein ? — Carr. Oui. — » Soc. Ainsi la tempérance vaut mieux pour l'âme que » l'intempérance, de ton aveu ? Après avoir montré que la tempérance préserve les hommes supérieurs de l'abus qu'ils pourraient faire de leur suprématie légitime, l'auteur montre qu'en par- ticulier l’orateur ne doit jamais employer son éloquence à l'asservissement de ses concitoyens , ni même la faire servir à leur procurer un plaisir momentané, mais inutile, dût-il retirer une influence sans bornes d'une complaisance passagère. Pour que la rhétorique échappe au reproche malheureusement trop fondé, dit-il, de s'efforcer uniquement de plaire au peuple, il veut qu'elle n'emploie l'agréable que sous la condition expresse qu'il se rapporte au bien. C'est là le caractère qu'il assigne à la véritable rhétorique, et ce qui la distingue de la fausse. Il fait ensuite quelques réflexions sur les difficultés et les périls dont est semée la carrière de l'orateur, et après avoir jeté un coup d'œil sur le but et l’ensemble du Gorgias, il paie un dernier tribut d'admiration à cet ouvrage. « Telles étaient, dit-il, les » règles que Platon à tracées à l’orateur pour présider — 357 — » à l'exercice de son ministère. Plusieurs siècles se sont » écoulés depuis l'époque où le magnifique dialogue, » auquel nous les empruntons, à été composé par Île » chef de l’Académie, et l'œuvre de Platon est restée » comme le plus pur, le plus excellent recueil de pré- » ceptes et de conseils que la philosophie, que la » raison aient jamais pu donner à l’éloquence. En vain » la déloyauté et l’empirisme s'efforceut-ils chaque jour » de transgresser ces règles imprescriptibles, l’homme » de bien ne choisira jamais d'autre guide, pour peu » qu'il soit soucieux de conserver son ame toujours » tranquille, et de se tenir prêt à comparaître, non » plus devant les juges que Socrate place à l'entrée » des enfers, au point qui sépare la route du Tartare » du chemin qui mène aux iles fortunées, mais devant » la justice inévitable de Dieu. » Ainsi que vous le voyez, Messieurs, le Gorgias de Platon a dans son interprète un admirateur zélé et méme un éloquent panégyriste. Mais, tout en par- tagcant nous-mêmes cette juste admiration, nous au- rions désiré, nous lavouerons, que M. Bellin se placat à un point de vue plus élevé et plus indé- pendant; nous aurions voulu que, dégagé des pré- ventions et de la faveur auxquelles dans son rôle et sa situation on échappe, il est vrai, dificilement, il fit un examen plus approfondi et plus sévère de son modèle, en un mot qu'il mélat à l'éloge quelque cri- tique, que nous semble comporter la matière. Sans doute le Gorgias est un des plus beaux dialogues de Platon, c'est peut-être même celui où il y a le plus d'originalité ; mais ce n'est pas le plus large, le plus com- plet, le mieux conduit, et où triomphe le plus la lo- — 358 — gique du philosophe. D'abord Platon ne combat point toujours son adversaire par des moyens loyaux et gé- néreux. Il abuse parfois contre lui des avantages du dialogue; il lui prête une complaisance parfois un peu excessive, et il n'arrive point toujours au but par le plus court chemin. Certes, dit M. de Pongerville en parlant de ce dialogue, le grand écrivain, lingénieux et sublime réveur se montre toujours brillant dans la lutte; il glisse à travers les difficultés avec une ad- mirable souplesse, et lorsqu'il semble terrassé , il se relève victorieux, il vous inspire de l’étonnement; on le suit maloré soi même dans les détours de sa dialec- tique; mais, il faut l'avouer, ces interminables luttes où la raison et le sophisme se prennent corps à corps, finissent par diminuer l'intérêt. On éprouve un pénible mécompte, lorsqu’après avoir erré long-temps dans le labyrinthe de la métaphysique, on s'aperçoit qu'on avait à deux pas de soi le but qu'on est allé chercher si loin. Ajoutons qu'il se trouve dans ce dialogue des so- phismes, des erreurs assez graves, des contradictions même. La première erreur qu'on y rencontre, c'est que Platon parait confondre habituellement la vraie et la fausse réthorique. On (1) croirait qu'il fait la guerre a l’art oratoire en général, et à la fin de l'ouvrage, il reconnait les caractères de la science que doit étu- dier l’orateur. Ainsi, selon lui, la rhétorique n'a pas pour objet de rendre les hommes meilleurs; et il est conduit à cette conclusion par l'exemple de tel ou tel orateur qui n'a pas rendu meilleurs ceux à qui 1l s'adressait. C'est partir d’un résultat accidentel pour (1) M. Théry, des méthodes d'enseignement. de accuser un principe qui doit en être indépendant, c’est nier la cause parce qu'elle n'a pas toujours produit son effet. Un autre sophisme, non moins réel que le premier, est celui-ci : quiconque a étudié tout ce qui se rat- tache aux principes de la justice est juste; or, si la rhétorique roule sur le juste et sur l’injuste, l’orateur formé par la rhétorique ne peut jamais être injuste ; dans le cas contraire, il doit l’être. Telle est la subs- tance d'un raisonnement très-faux auquel Gorgias a tort de céder, après avoir dit avec beaucoup de bon sens qu'il peut se trouver des hommes injustes qui fassent de l’art oratoire une arme dangereuse, mais que les maîtres en éloquence et l’art lui-même ne peuvent en être accusés. Enfin, Messieurs, j'oserai blämer encore Platon d'avoir fait dire à Socrate que le juste ne peut et ne doit pas se servir de l’art oratoire. S'il est accusé, dit-il, il ne pourra répondre devant les juges de la terre; mais il sera prêt à répondre devant les juges des enfers. Il y a beaucoup de grandeur dans cette allusion, et ehacun sent la portée d’une telle parole dans la bouche du sage qui devait boire la cigüe ; mais, à considérer sérieusement la question, pourquoi l'homme juste n’userait-il pas, dans l'intérêt de sa con- servation, d’une arme que l’homme injuste rend seul meurtrière ? Il a été prouvé cent fois jusqu'à l’évi- dence que l’éloquence n’est pas un mal, mais que son caractère dépend de l’usage qu'on en peut faire. Pourquoi done cette haine apparente de l'art ora- toire chez un écrivain que nous voyons en tracer les règles les plus sûres dans un autre dialogue, dans Île — 360 — Phèdre fort supérieur selon nous au Gorgias. M. Bellin aurait pu nous l'expliquer. C'est que déjà du temps de Platon une séparation mal entendue entre les rhé- teurs et les sophistes, ou, si j'ose le dire, entre la parole et la pensée, était accomplie. La pensée né- anmoins jouait un bien faible rôle dans les écoles des sophistes, occupés des arguties et des subtilités que Socrate le premier battit en ruines. Quant aux rhé- teurs, c'était bien la parole qu'ils cultivaient; mais la parole sans force et sans vie, puisqu'elle n’était plus l’auxiliaire de la pensée. Le mépris du disciple de So- crate n'était donc pas moins acquis aux rhéteurs qu'aux sophistes ; et la rhétorique, enseignée ou pratiquée par de tels hommes, restait enveloppée dans le légitime dédain qu'ils lui inspiraient. Après avoir traité la question sous le rapport moral, M. Bellin la traite sous le rapport de Fart. Il expose rapidement quelques préceptes destinés à diriger l’ora- teur, non plus dans le choix de l’usage qu'il doit faire de ses forces, mais dans le choix des procédés qu'il doit employer pour doubler leur puissance. Il montre en premier lieu qu'il ne suffit pas à l’o- rateur de convaincre l'esprit, qu'il lui faut encore peindre et toucher ; que les ornemens futiles, les jeux de mots, les jeux de pensées dégraderaient son minis- tère et nuiraient à son succès; qu'il doit dissimuler sa personnalité derrière le sujet qu'il traite, et faire toujours croire au public qu'il parle pour l'instruction de l'auditoire , et non pour s’attirer à lui-même des applaudissements et des éloges. Il indique ensuite les secours que la rhétorique peut trouver ailleurs que dans la pensée, c’est-à-dire dans — 361 — l'action et le débit. Il conseille à l’orateur , comme le meilieur moyen de réussir par l’action, l'étude de la nature. Il l'engage à bien observer ce qu'elle fait quand elle s’abandonne à elle-même, quand elle se livre sans contrainte à ses propres inspirations. Il verra que l'uniformité de la voix, que l'absence du geste ne se montrent jamais dans la nature, pour peu que les passions soient en jeu; que l'émotion la plus légère se traduit presque toujours à la fois dans la parole, dans la physionomie, dans l'attitude du corps. Mais , en lui recommandant d'éviter l’uniformité, il lui recommande aussi de ne pas se jeter dans un défaut contraire, de ne pas aller, comme un énergumène, enfler sa voix, faire grimacer sa face et s'agiter les bras à tous propos, à l’occasion des choses les plus simples, comme à l'occasion des passages Îles plus passionnés et les plus éclatans; qu'il craigne, dit-il, de produire l'hila- rité, comme ce prédicateur ridicule dont parle Fénélon, qui, après avoir laissé sommeiller son auditoire pen- dant toute la durée d’un sermon débité sans chaleur et sans intelligence, le réveille en sursaut, pour l'avertir, avec une voix de tonnerre, que le dimanche suivant il prêchera sur la pénitence. Ce n'est pas ainsi que procède la nature; elle ne fait rien à contre- sens, elle est calme quand rien ne l'excite; elle s'a- nime, elle éclate en transports lorsque les passions la font tressaillir. M. Bellin signale rapidement et en peu de mots les avantages et les écueils de l'improvisation, sur laquelle nous regrettons qu'il ne donne aucun précepte, lors- qu'il aurait pu analyser brièvement ce qui a été écrit sur cette importante matière par Quintilien, par M. Delamalle dans ses institutions oratoires , par M. Dupin, dans son discours de réception à l'Académie française et par M. de Cormenin. Il parle ensuite de la méthode des préparations et de la disposition du dis- cours; ii ne veut pas que l’orateur s'assujettisse à des divisions , et s'entoure de faciices entraves. Dévoiler à l'auditoire, dans un programme indiscret, l’ordre qu’on suivra dens sa marche, c'est affaiblir les coups qu'on lui portera, c’est le mettre en défiance contre des artifices qu'il ne doit point soupçonner. Telle était l'opinion de Fénélon à cet égard; et M. Bellin n’a fait que reproduire sous une autre forme noble et bril- lante les règles et les principes de rhétorique tracés par ce grand maitre dans ses dialogues sur l’éloquence. L'auteur termine son livre par quelques considé- rations déjà présentées précédemment sur l'emploi que l'orateur doit faire de son talent. La défense et le triomphe de la vérité et de la justice, voilà les objets auxquels il doit constamment l'appliquer. Tous les secours de l’art oratoire, tout cet accroissement qu'il donne aux forces naturelles de l'éloquence seraient, dit-il, un dangereux présent, si l’orateur mettait sa parole au service des passions populaires, s'il re- cherchait son intérêt particulier avant toutes choses, en un mot s'il perdait jamais de vue cette règle qui doit dominer toute sa conduite politique, savoir que l'orateur ne doit jamais employer son talent qu'à ins- pirer à ses concitoyens l'amour de la vertu et le res- pect des lois. Règle difficile à observer pour celui que l'ambition domine et qui veut arriver au pouvoir, sans trop s'inquiéter des moyens qu'il emploie et de la légitimité du résultat qu'il poursuit, qui ne dit jamais re la vérité à la foule, toutes les fois qu'elle pourrait nuire à sa popularité et compromettre le succès de ses brigues, règle souvent et presque toujours violée, mais qui n'en est pas moins obligatoire pour être à chaque instant méconnue. En résumé, Messieurs, il y a sans doute des pensées neuves et originales dans l'ouvrage de M. Bellin, Il aurait pu toutefois méler aux réflexions des deux au- teurs dont il est l'interprète, plus de réflexions per- sonnelles pour faire prévaloir ce qu’il y a de bon et d'estimable dans leurs théories et leurs doctrines ; il aurait pu exposer et combattre les doctrines et les principes professés par plusieurs adversaires de ces grands maitres, et, dominant de plus haut son sujet, l'enrichir par des recherches savantes, et l'éclaircir parune discussion plus lumineuse et plus approfondie. Mais tel n’est point le but qu'il s'était proposé et qu'il eùt atteint sans peine, nous en sommes persuadés, si sa modestie ne leùt aveuglé sur ses propres forces. Son œuvre n'en est pas moins recommandable par une diction constamment noble et élevée, souvent même brillante, et par le profond sentiment d'amour de l'or- dre et du bien public dont elle porte partout l'em- preinte. Plusieurs journaux, notamment le Moniteur Universel du 13 septembre 1831, en ont rendu un compte sommaire, mais très-favorable. Par le résultat comme par le but de ses efforts, M. Bellin me paraît avoir mérité cet encouragement, et je pense que par la communication qu'i a bien voulu nous faire de son travail, il a droit non seulement à la gratitude, mais aux remerciments de l’Académie. U Put ; dE LÉ TEL = TT RTE CCR à 2 pre eomne 21e: 48 dtisatigen #4 aan satlobn evvures aegerr, donna pm tobainnrentde - odagenlen. 5 (MAS ae mniquemells ailes: AR e VAE DT PAL CURE er 070 “ego end piuebman: ce Li arapigilés opmmenile à Mpétletf Mi ob, anathor ke mines albeginn : dei ee EP Mg apal ob semences, etui dre mu tee. 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FTYCTÉ ris LAIT DLL: iuhbnsél 2h. elite an. PARU UP TUUTL PL DUO Le tés ne GPS QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LES PRÉPARATIONS EXHILARANTES DES ORIENTAUX ° Par M. BARBIER. MEssrEURS , Le sujet sur lequel je viens appeler quelques ins- tants votre attention tient une grande place dans l’his- toire de l’homme. Toujours et partout on le voit recher- cher avec avidité les moyens de multiplier ses sensations, de se procurer des perceptions, de se donner des émo- tions qu'il n'éprouverait pas dans la condition naturelle de sa vie. Je ne veux pas parler ici des secousses morales qu'il attend de la représentation d’un drame, de récits ef- frayants, de la vue des exécutions judiciaires. Je veux seulement vous entretenir des préparations qu'il consent à introduire dans son corps, et qui ont pour effet de provoquer dans son système sensitif un trouble profond, des mouvements désordonnés , pendant lesquels il éprouve des perceptions fausses, mais agréables, pendant lesquels — 306 — une série de sentiments intimes se succèdent, et lui donnent une vie morale artificielle dans laquelle il se complait, et qu'il reproduit toujours avec l'irrésistible besoin de ressentir le même bonheur. Dès la plus haute antiquité, on voit l'homme courir après les moyens qui avaient la faculté de stimuler ses organes. Îl ne se contente pas des productions natu-— relles qui peuvent le nourrir, qui lui fournissent Îles matériaux propres à l'entretien de son corps : Il ajoute à ses alimens des assaisonnements, des épices. L'eau des sources ne lui suffit pas pour boisson ; il fait fermen- ter le jus du raisin; il le convertit en une liqueur éni- vrante. Les plus anciens auteurs de matière médicale par- lent de la mélisse, de la sauge, de la menthe, du thim , du romarin, de la marjolaine, comme de plantes dont l'usage était journalier, habituel. Pour eux lem- ploi d'une ou de deux tasses de linfusion des feuilles ou des fleurs de ces plantes, de deux ou trois cuil- lérées de leur eau distillée, est nn moyen sûr de re- créer les esprits, d’éveiller l'intelligence, de chasser la mélancolie, de procurer des inspirations de gaieté, de bonheur. Ces boissons, qui ont une odeur agréable, un goût qui plait, étaient alors en faveur. En animant les grands centres de l'innervation , elles augmentent les sour- ces de la vie; elles donnent la conscience d'une.énergie nouvelle , inaccoutumée, qui se percoit toujours avec plaisir. Plus tard ces productions indigènes ont perdu leur crédit, on leur a préféré le café et le thé. Toutefois la boisson que l’on compose avec la graine torréfiée du café, celle que nous fournit la feuille du thé, n’exer- cent sur nous qu'une influence stimulante. Cette in- fluence n'est pas au fond différente de celle qui appar- tient aux plantes que nous venons de citer. C’est toujours une excitation que tous ces produits de la végétation portent sur les organes du corps : c'est une activité plus grande qu'elles impriment à toutes les fonctions. Ce développement de la vie organique amène comme conséquence un développement agréable, satisfaisant de la vie sensitive et intellectuelle. Il n'y aura donc dans l’action générale de la mélisse, de la menthe, et des autres plantes aromatiques qui ne sont point amères, comme dans l’action générale du thé, du café, que des nuances à distinguer, que des degrés à établir. Dans cette sorte de concours entre les productions excitantes, le café obtiendra toujours la pré- férence, parce qu'il a l'heureux privilége de faire sen- ir sa puissance à l'organe de l'intellisence, de donner une aptitude bien constatée aux travaux de l'esprit. Parmi les excitants dont l'homme fait un usage ha- bituel, je dois encore signaler le vin et les liqueurs alcoholiques. Quand on se représente le pouvoir de ces boissons sur l’organisation animale, on concoit facile- ment le plaisir que nous trouvons à les prendre. Des agents qui ont la faculté de nous faire vivre plus vite, d'éveilier en nous le sentiment d’une existence plus complette, de multiplier nos rapports avec tout ce qui nous entoure , devaient avoir de l'attrait pour nous, de- vaient bientôt créer le sentiment d’un appétit, d'un be- soin. Je ne veux pas exposer ici avec détail tous les change- ments que produit dans l’état actuel du corps l'usage du vin et des liqueurs alcoholiques. Je dirai seulement — 368 — que les principes de ces boissons pénétrent dans le sang , que ce dernier les répand sur tous les points du système animal, que toutes les fibres de nos organes prennent sous leur impression une coloration plus pro- * noncée, une température plus élevée, des mouvements plus rapides, que les molécules de la pulpe médullaire du cerveau, de la moëlle épinière, des plexus nerveux, éprouvent une agitation inaccoutumée et que ces centres fournissent avec surabondance des principes vivi- fiants que les nerfs conduisent partout. Je dois surtout signaler la puissance des liqueurs vi- neuses et alcoholiques sur le moral de l’homme. Celui qui s'est mis sous l'influence de ces liqueurs devient un sujet curieux d'observation. Qui n'a pas étudié les dif- férences qui se montrent dans le caractère, dans les habitudes, dans les facultés, après l'usage du vin et des compositions alcoholiques. L'homme sérieux devient jovial : l’homme réfléchi indiseret; l'homme défiant laisse échapper les secrets de son cœur, l'homme d'un com- merce doux est querelleur. Ce ne sont plus les mêmes qualités morales, le vin en a fait d'autres individus. Horace dans sa cinquième épitre exprime ainsi Îles effets moraux du vin : Operta recludit, Spes jubet esse ratas, in prælia trudit inertem , Sollicitis animis onus eximit, addocet artes. Fæcundi calices quem non fecère disertum ? Contractâ quem non in paupertate solutum ? A la fin d'un grand repas considérez cette réunion d'hommes parmi lesquels il y aura quelques amis, des connaissances , des étrangers, même des individus qui ent des motifs d'éloignement, que des intérêts opposés — 1369 — séparent. Examinez avec attention ce qui se passe, et vous reconnaitrez qu'un lien sympathique agit sur eux et tend à les rapprocher. Je me suis souvent demandé quelle était la cause de ect effet, et j'ai cru la trouver dans l’analogie de condition organique où s'étaient mis en même temps tous ces individus. Ils ont bu le même vin, leur sang recèle les mêmes principes, ils ressen- tent les mêmes impressions intérieures ; les battermiens du cœur ont chez tous le même rhvythme ; leur cerveau est échauflé au même degré. Il y a là une communauté de sentimens intimes dont la puissance ne peut être contestée ; il y a là une affinité corporeile à laquelle chacun obéit. Cette force secrète et raystérieuse a sou- vent amené des raccommodements, éteint des querelles, produit des alliances. C’est encore cette puissance occulte qui répand une sorte de gaiété électrique parmi les con- vives. Les saillies se succèdent, elles sont toujours bien ac- cueillies, elles obtiennent toujours des succès; elles tombent sur des fibres montées au même degré de ten- sion. Jusqu'ici nous supposons les excitants pris avec dis- crétion, à des doses modérées ; leurs effets restent doux , agréables à ressentir. Ils n’ont rien de fatigants pour l'organisation. Les mouvements de la vie s'accé- lèrent, mais ils ne se troublent pas ; l’état du cerveau ne devient point un état maladif, il v a exaltation et non point désordre dans l’exercice des facultès de l'intelligence. Aux doses que nous avons ici en vue, les effets du vin et des liqueurs alcoholiques sont acceptables ; mais de l'usage à l'abus, la distance est courte. Que la dose de ces boissons soit plus élevée, que l’on continue d'en prendre, et tout va changer. Le cerveau recevra une 24. — 970 — plus grande abondance de sang : la pulpe médullaire éprouvera un gonflement que la voüte du crâne con- vertira en une compression. Cette congestion sanguine amènera presque subitement un ensemble de phénomè- nes bien différents de ceux que nous signalions tout à l'heure. Les paupières deviennent pesantes, les yeux perdent leur expression , la physionomie prend un air d'hébètude ; il y a délire, assoupissement, vertiges, la station est impossible. En un mot l'ivresse avec son hi- deux cortège de symptômes s’est réalisée. Nous arrivons assez naturellement à vous parler des préparations dont se servent les Turcs, les Persans, les Chinois, parce qu'il y a si non identité, au moins analogie entre leurs effets et ceux du vin à haute dose. C’est aussi sur le cerveau que ces préparations portent principalement leur opération : elles modifient l’état naturel de ce viscère ; elles le mettent dans une condition nouvelle qui donne lieu à des perceptions, à des sentimens, à un mode spécial d'existence morale qui est tout artificiel, mais plein de charme, de délices pour les peuples que nous venons de citer. Ces préparations paraissent être de deux sortes. Les unes contiennent pour base l’opium, les autres se com- posent principalement de la poudre des feuilles de chan- vre cannabis sativa. On y associe toujours plusieurs autres substances aromatiques , comme le macis, la mus- cade , la canelle, le galanga, etc. Si comme on l'assure la jusquiame blanche en fait partie, son pouvoir sur l'organe des perceptions est bien constaté. Au fond la manière de faire ces compositions , la formule exacte de la proportion des ingrédients, nous sont tout à fait inconnues. — 971 -— L'opium du commerce, celui que l’on extrait de nos pavots, agissent fortement sur les centres nerveux. Leur emploi modifie toujours la condition actuelle du cerveau ; il affaiblit le sentiment, cause une pesanteur générale, un engourdissement plus ou moins prononcé, et amène le sommeil; mais il n'y a rien d’agréable dans les effets de cette substance. G'est seulement quand il calme une douleur, qu'il fait cesser un état de malaise, que l'opium nous plait. Bien des personnes ont essayé l'o- pium sur elles mémes. J'en ai pris, étant élève en mé- decine, une dose assez forte pour en bien juger l’action. Je n'ai ressenti qu'un accablement pénible, une pesan- teur de tête, une inaptitude complette aux travaux de l'esprit, un besoin de dormir, une insouciance singu- lière, qui faisait que sept à huit heures après allant au collége de France, je me détournais à peine des voitures qui me menacaient. En un mot je n’ai eu que des effets désagréables, et rien n’a pu me donner une idée du charme que les orientaux trouvent dans l'usage de l'opium. La poudre des feuilles du chanvre, administrée seule, est loin de susciter les phénomènes que l'on attribue à l'action des préparations orientales. Il est constant que l'odeur résineuse qui s’exhale des champs où l’on cul- tive le chanvre lorsqu'il est en fleurs, porte à la tête ; j'ai même connu des personnes qui ne pouvaient passer près d’une chénevière sans éprouver une sorte de mi- graine, des vertiges, un embarras cérébral. J'ai eu la pensée d'essayer cette poudre dans des fièvres intermii- tentea. Ces maladies laissent de longs intervalles où la santé est rétablie : je pouvais pendant ce tems observer sans aucun danger pour les malades les effets des feuilles du 24° EP chanvre. J'en ai donné avec précaution des doses assez éle- vées ; les malades ont éprouvé quelques coliques , des chaleurs dans l'épigastre : niais en même temps un travail dans la région du front, quelques vertiges, des bouffées de chaleur vers la tête, révelaient bien une im- pression sur le centre des perceptions, conduisaient à s'expliquer les propriétés que l’on attribue aux compo- sitions dont le chanvre fait partie. Les effets de ces préparations nous feraient suppo- ser une opération complexe qu'aucun de leurs ingré- diens ne peut produire, lorsqu'il est donné seul. C’est sur le cerveau, c'est sur l'organe des perceptions que ces compositions concentrent leur puissance. Leur opé- ration ne parait pas débuter par une excitation gé- nérale de l’organisation, comme celle du vin et des li- queurs alcoholiques. On ne remarque pas aussitôt après leur emploi, cette accélération de la circulation du sang, ce développement de la vie qui suit toujours l'administration de nos excitants. Les préparations orien- tales mettent le cerveau dans une condition spéciale, mystérieuse, pendant laquelle toutes les fonctions qui se rapportent au sentiment et aux perceptions prennent un exercice nouveau, un exercice anormal. On croirait le corps tout entier dans une profonde inertie ; quelques mouvements des membres seulement se remarquent de temps en temps; et pendant cette appa- rence de torpeur, le centre des perceptions est dans une activité singulière. Les organes des sens semblent enri- chir les objets qui les frappent ; les matériaux des idées arrivent avec des qualités illusionnantes ; une musique monotone devient délicieuse ; un tableau grossier est enchanteur. Mais il y a plus; des perceptions fausses , — 373 — qui ne sont plus le produit de sensations que trans- mettraient la vue, l'ouie, le goût, le toucher, mettent l'homme qui a pris une composition orientale dans un état d’extase, de béatitude. Il voit des scènes ravis- santes , il entend des concerts énivrants, il éprouve des plaisirs indicibles, un bonheur incomparable. Tons les genres de plaisirs le flattent en même tems; il est en- tré dans un mode d'existence qui ne peut se déerire, qui ne peut s'exprimer. Ces plaisirs sont imaginaires ; ce sont comme on le dit des hallucinations ; mot qui vient du verbe allucinari, se méprendre, se tromper , s’abuser ; mais l'homme qui les ressent, en a la conscience : pour lui cette illusion vaut la réalité. Pour bien apprécier le charme que recèlent ces com- positions, il faut vous rappeler que c'est par leur pou- voir que le vieux de la montagne, prince souverain de Syrie qui régnait au tems des croisades, parvenait à fasciner des jeunes gens qui obéissaient d'une ma- nière si absolue , si aveugle à ses commandements, que la menace des supplices, la certitude de la mort ne les ébranlaient pas. Que se passe-t-il dans l'intérieur du cerveau pour procurer ces perceptions ineffables, ces jouissances in- times, nous ne le savons pas. Nous voyons bien que tous les effets partent de l’encéphale et qu'ils s'y for- ment. Mais quel est le changement d'état qui les fait naître ? on ne peut supposer ces effets avec l'état naturel ou normal du cerveau. Quelle modification éprouve la pulpe médullaire dans sa coloration, dans sa chaleur, dans les mouvements de ses molécules, pour fournir les produits fonctionnels qui nous occu- pent? quelle part le sang par son abondance dans le — 374 — crane prend-t-il à ces effets? voilà ce qui restera long- temps pour nous un mystère. J'ai l'opinion que les plexus nerveux qui enveloppent l'estomac et les autres viscères concourent à produire les perceptions qui suivent l'usage des préparations orientales : nous ressentons souvent des inspirations de bien être qui s'élèvent de l’épigastre, qui montent à la tête. Ces inspirations se répêtent, se multiplient, ac- quièrent une grande force après l'ingestion des prépa- rations orientales. Mais quel est le changement d'état que subissent les plexus, quand l’action de ces prépa- rations s'étend jusqu'a eux. Nous ne pouvons le dire. Nous espérions toujours que les savants Européens qui ont pareouru la Turquie, et la Perse, nous au- raient fait connaître ke seeret des compositions exhila- rantes dont les peuples de ces contrées font un si grand usage, et qu'ils auraient étudié avec soin le mode d’ac- tion de ces compositions sur l’organisation animale. Il aurait été nécessaire de noter les doses diverses de ces préparations que les Turcs et les Persans prennent, et d'attacher à chacune de ces doses le groupe de phé- nomènes qu'elle a coutume de provoquer. Il faudrait de plus avoir égard à l’habitude de leur emploi. En- suite l'étude de leur opération devrait porter sur cha- cun des appareils organiques du corps. Pour ce qui se rapporte au cerveau, il conviendrait de rechercher si les effets moraux de ces préparations ne varient pas selon les caractères des individus: si les perceptions dé- licieuses, les ravissements d'esprit dont on nous parle n'exigent pas une aptitude intellectuelle spéciale, une disposition psychique particulière. Car ces préparations ne font pas naître en nous ce que ressentent les orien- taux, comme nous le verrons tout-à-l'heure. — 375 — Les personnes qui ont jusqu'ici visité l'Orieut ne se sont guères occupé que de l'abus des compositions opiacées. Ils nous parlent des ivrognes d'opium, du décroissement rapide des facultés de l'intelligence que l'on observe chez eux; ce qui prouve que dans l'espèce d'ivresse qu'ils se donnent, le cerveau devient le siége d'un travail violent, qu'il est agité de mouvements or- ganiques forcés et désordonnés , qu'alors la texture comme les fonctions de la pulpe médullaire sout menacées. Il sera toujours facile de distinguer par la nature de leurs effets les compositions qui contiennent de lo- pium de celles dont la feuille de chanvre fait la base. Ainsi ce que raconte le baron de Tott dans ses mémoi- res sur les Tures et les Tartares se rapporte bien à une confection opiacée : « Ces hommes ditil sont surtout curieux à voir lorsqu'ils sont réunis dans un endroit de Constantinople qu'on nomme le Marché- des-Mongeurs d'opium. » C'est là que vers le soir on voit arriver par tou- tes les rues ces amateurs. Une longue file de petites boutiques est adossée à un des murs qui servent d'en- ceinte à la place. Ces boutiques sont ombragées par une ftreille qui communique de l’une à l'autre, et sous laquelle chaque marchand a soin de placer un petit sopha. Les chalands arrivent et s’y placent suc- cessivement pour recevoir la dose qui convient au degré d'habitude et de besoin qu'ils ont coutracté. Bientôt les pilules sont distribuéés. Les plus aguerris en avalent jusqu’à quatre plus grosses que des olives, et chacun buvant un grand verre d'eau fraiche par des- sus, attend dans son attitude particulière une rêverie agréable qui au bout de trois quart d'heure ou d'une — Én— heure au plus ne manque jamais d'animer ces auto- mates. Elle les fait gesticuler de cent manières diffé- rentes, mais toujours bizarres et toujours gaies. C'est le moment où la scène intéresse d'avantage. Tous les acteurs sont heureux. Chacun d’eux retourne à son lo- gis dans un état de déraison totale. Mais aussi dans la pleine et entière jouissance d’un bonheur que la rai- son ne saurait procurer. » Il y à les fumeurs d'opium à Constantinople et en Chine. Lord Jocelyn attaché en qualité de secré- taire à la mission diplomatique qui a accompagné la flotte anglaise dans les mers de la Chine a publié le récit suivant. « Un des objets que j'eus la curiosité de visiter à Singapore, ce fût le fumeur d'opium dans son ciel... Une rue située au milieu de la ville est complètement envahie par les boutiques destinées à la vente de l'o- pium, et là le soir, lorsque les labeurs du jour sont terminés, on voit une foule de malheureux Chinois ac- courir pour satisfaire leur passion ; les chambres où ils s'asseoient et fument sont entourées de canapés... » La drogue se prépare avec une conserve parfu- mée : (Nous ferons remarquer que ce n'est pas ici de l’opium pur) il en faut très-peu pour charger une pipe qui ne produit pas plus d'une ou deux bouffées, et la fumée s'attire fortement dans les poumons... A neuf heures du soir... on peut voir ces tristes victimes plongées dans tous les états qui résultent de l'ivresse de l’opium; les uns entrent à moitié fous, les autres rient et parlent sans raison , tandis que sur les canapés voisins gisent d'autres malheureux immobiles et languissants, avec un sourire ‘idiot sur la face, trop + — 311 — accablés pour faire attention à ce qui se passe autour d'eux, absorbés complétement dans leur affreuse volupté ». Les préparations où les feuilles de chanvre domi- nent, ne causent plus cet engourdissement, cet assou- pissement. Je serais porté a croire que le nepenthès d'Homère, était une de ces dernières préparations, qu'il ne contenait pas d'opium ou n'en contenait que très-peu. Cette liqueur dont la composition était le secret de la belle Hélène avait la propriété de faire oublier tous les chagrins. Mélé dans un breuvage, dit Homère, celui qui en boit ne versera pas une larme tout le Jour. Nos relations avec l'Algerie ont jeté quelque lumière sur le sujet qui nous occupe. On emploie fréquemment dans ce pays diverses sortes de compositions que l'on prépare avec la poudre de feuilles de notre chanvre, de la muscade, de la canelle et autres substances aro- matiques , et que l'on connaît sous le nom commun de haschis. D'après une notice que M. Guyon a adressée à l'a- cadémie des sciences, ces préparations se conservent dans des vases. Les Arabes qui en font le commerce les débitent dans des morceaux de papier. La dose varie depuis la grosseur d'une noisette jusqu’a celle d’une noix selon l'âge et le sexe de la personne qui en fait usage et l'habitude qu’elle en a contractée. On en use le plus ordinairement au repas du soir où elle fait généralement partie du premier service. Une tasse de café prise immédiatement après favorise son action. Peu après l'ingestion d'une dose de haschis, on éprouve un vif besoin de manger, après quoi on se sent une légèreté extraordinaire : une force irrésistible — 378 — vous porte à marcher, à vous agiter et à vous livrer à des extravagances de toute nature. Les choses les plus extraordinaires , les plus bizarres, les plus fantastiques vous apparaissent en même tems. A Constantine et sur d'autres points de l'Algérie les femmes préparent aussi avec le cannabis diverses con- fitures et autres sucreries qu'elles mangent dans leurs soirées avec leurs amies, non-seulement comme choses agréables par elles-mêmes, mais encore dans le but de dissiper leurs soucis, de se procurer du plaisir, de se faire rire, ainsi qu'elles le disent. Un médecin francais, M. Moreau, qui a long-tems voyagé sous le ciel oriental a fait provision de haschis, et en a rapporté à Paris une certaine quantité. Cet observateur a voulu étudier sur lui-même le pouvoir de cette composition : il raconte ce qu'il a éprouvé avec détail, nous citerons seulement ce qui suit « L'action du haschis s'exerce sur toutes les facultés à la fois. Elle se signale par un surcroît d'énergie in- tellectuelle , la vivacité des souvenirs, une conception plus rapide. Insensiblement elle arrive à produire dans la volonté, dans les instincts, un tel relàächement que nous devenons le jouet des impressions les plus diverses, de telle sorte qu'il dépendra entièrement des circons-- tances dans lesquelles nous nous trouvons placé, des objets qui fraperont nos yeux, des paroles qui arrive- ront à notre oreille etc, de faire naitre en nous les plus vifs sentiments de gaieté ou de tristesse... « Tout en conservant la conscience la plus parfaite de soi-même , le pouvoir d'analyser jusqu'à ses moin- dres sensations, on se sent comme emporté dans une révasserie pleine de charme, et à laquelle on aime à — 379 — s’abandonner. Une nouvelle existence vous pénètre, pour ainsi dire, vous enveloppe de toutes parts. Les rèves, les fantômes de l'imagination vous arrachent à vous même; vous sentez que vous passez du monde réel dans un monde fictif, imaginaire, et si j'osais m'exprimer ainsi, dans l'impuissance où je me trouve de rendre ma pensée, je dirais que l'on s'endort, sans cesser d'être éveillé... « À cette période de l'intoxication , alors qu’une effervescence incroyable s'empare de toutes les facultés morales, un phénomène physique se manifeste , le plus curieux de tous peut-être, et que je désespère de ca- ractériser convenablement. C'est un sentiment de bien- être physique et moral, de contentement intérieur, de joies indéfinissables..….. Vous vous sentez heureux , vous le dites, vous le proclamez avec exaltation, vous cherchez à l'exprimer par tous les moyens qui sont en votre pouvoir ; vous le rcpétez à satiété... Me trou- vant un jour dans cette situation, et désespérant de me faire comprendre par des mots, je poussais des cris, ou plutôt de véritales hurlemens. Insensiblement à ce bonheur si agité, nerveux, qui ébranle convul- sivement toute votre sensibilité, succède un doux sen- timent de lassitude physique et morale, une sorte d'a- pathie , d’insouciance , un calme complet , absolu, auquel votre esprit se laisse aller avec délice. Il sem- ble que rien ne saurait porter atteinte a cette tran- quillité d'âme, que vous êtes inaccessible à toute af- fection triste. Je doute que la nouvelle la plus fâcheuse puisse vous tirer de cet état de béatitude imaginaire, dont il est vraiment impossible de se faire idée si on ne l'a pas éprouvé. (gazette médicale 9 octobre 1841.) » — 380 — M. Moreuu a voulu partager avec ses confrères de Paris sa provision de bonheur. Il en a invité un cer- tain nombre à venir prendre chez lui le haschis. Le feuilleton du journal intitulé, l'Examinateur Médical (47 octobre 1841) nous fait d'une de ces réunions un récit dont nous ne vous donnerons que les faits principaux. « Enfin mon tour est venu, et nous nous sommes réunis le Jeudi 14, au nombre de douze, dans une vaste salle , où une ample provision de haschis et un excellent déjeuner nous attendaient. On était arrivé à 10 heures. Le haschis se mange à la cuillère comme une confiture. On le prend en alternant avec du café, et en aspirant de tems en tems la fumée d’un ci- garre quand on n’a pas de pipe orientale, et qu'on est en France. Chacun des expérimentateurs du haschis en a pris a peu près trente grammes. Le narrateur s’est abstenu d'en prendre, pour conserver son sang froid. Les effets ont commencé par un accès de manie furieuse chez un jeune médecin qui avait partagé avec un autre sa dose de haschis. Il a crié, menacé, sa figure est devenue vultueuse, en une ou deux minutes cette physionomie avait pris une expression effrayante : l'accès a duré quelques instants avec la même inten- sité : il a diminué du moment où reconnaissant son état, notre convive s'est écrié qu'il devenait fou, qu'on le sauvât de la position dans laquelle il était. » Un élève interne füt le second qui attira notre attention. Celui-ci ne débuta pas par un accès de ma- nie. Il avait au contraire une gaieté fort douce et très-agréable. Il étzit qu'on me passe l'expression orien- talisé. Il éprouva des sensations extrêmement curieuses. — 381 — Sa tête était très- lourde, inais sans battements aux tempes, et sans vive rougeur à la face. Ses yeux voyaient les objets illuminés d'une vive lumière. Ce- pendant il voyait mal, car sans se tromper sur ce qu'il prenait où touchait, il s'emparait quelquefois de deux verres ou de deux cuilléres, en croyant ne prendre qu'un seul des ces instruments gastronomiques. » Un événement qui vint développer la situation füt le passage d'un joueur de vieille organisée. Ce musicien ambulant fut appelé. Il joua des airs gaies et vifs qui mirent sous les manpeurs de haschis dans une furie de danse vraiment alarmante. Ils gambadaient sur des chaises, des tables, sur le chambranle de la cheminée, sans perdre un instant l'équilibre. Certainement ce n'était pas le délire de l'ivresse alcoholique , puisque je n'ai pas vu dans les mouvements la moindre tituba- tion. Le joueur de vielle passa bientôt au mode triste et mélancolique. Alors les danses cessérent , et le joueur et l'instrument devinrent en quelque sorte des sirènes pour nos mangeurs de haschis, car ils allèrent se met- tre a côté de l'artiste, se courber même sous l'ins- trument. Ils auraient je crois essayé d'entrer dans la caisse de la vielle pour peu que la maladie eut con- tinué. Un accident vint interrompre le concert. Un de nos convives se mit à crier, en furieux qu'il était le mai- tre, que tout le monde devait lui obéir, qu'il nous écraserait si nous ne voulions pas nous courber en es- claves. Le repos, l'eau froide, puis le grand air furent em- ployés, et les effets du haschis se dissipèrent peu à peu ;: à trois heures tout fut fini. 288 — L'auteur du recit dit qu'il n'y avait rien de très- voluptueux dans les effets provoqués par le haschis, et que les orientaux ont de bien mauvaises habitudes, je dirai comme lui. De tout ce qui précède, nous concluons 1.° Que l'homme est partout avide des impressions qui excitent ses organes, qui avivent ses sensations, qui multiplient ses perceptions. 2. Que les moyens qu’il emploie pour s'en procurer varient selon les époques et selon les pays. 3.° Qu'il n'y a pas en général de danger réel à user à des doses modérées de nos excitants, comme la mélisse, la sauge, le thim, le café, le thé, le vin, même les liqueurs alcoholiques. 4. Que l'organisation souffre, quand l'opération exei- tante de ces agents devient trop longue, trop forte, trop répêtée. En pressant les mouvemens des organes, en les violentant , les excitants fatiguent le corps. 5. Que l'action de ces agents se montre surtout re- doutable, quand elle va jusqu'à changer l'état naturel des centres de la vitalité, jusqu’à causer la congestion sanguine du cerveau qui caractérise l'ivresse. 6.° Que Jes compositions dont les Orientaux font usage sont de plusieurs sortes, qu'il en est qui ne contiennent point d'opium , que les plus fortes et les plus dangereuses sont celles duns lesquelles entre cette substance. 7.° Que les préparations dont on se sert en Tur- quie , en Perse, en Chine, contiennent une forte pro- portion d’opium, que cette substance y est associée à d'autres ingrédients, que l'action de ces composés pro- dait dans le cerveau un changement d'état dont la na- — 383 — ture nous est inconnue , mais dont les suites sont une modification dans les sensations, une provocation de perceptions fausses ou d’hallucinations, d'où dérivent les sentiments de plaisirs, de bonheur, les illusions, les ravissements que l'on remarque après leur emploi. 8.° Que le haschis des Algériens ne contient pas d'opium, que la feuille de notre chanvre en fait la bâse, que son action se porte aussi sur le cerveau, mais que le changement d'état qu’il fait éprouver à ce viscère n'est pas de la même nature que celui qui suit l'emploi des compositions wopiacées. 9.° Enfin que toutes ces préparations sont dangereu- ses, malfaisantes, et qu'il est facile de concevoir, en se représentant les effets organiques quelles font nai- tre, comment leur usage journalier cause un décrois- sement des forces, un amaigrissement rapide, une dé- gradation très - sérieuse du physique et du moral de l'homme. ne) 1€ Ban 5) 7 7 MRoñiaus Alto do piloter foesmian sstalueral la pq iss à abesir Be Qu'U n'y + passshosiguasmtiiangmen gel. inlqeil maoragénb. dans enobtiing son mue ie aRalotee moiiovaonepb, sliostique, Hope: aamirlie vase mans tout éalinop magique sante #91 2antosiqs1 8 “abrobbeo tmp) coilaasnud voeu aurdl dames -; 0% rhçonir ahiquaiaaunetaienne pu jan) aol spams | shpimanieebEtn pampierdqierbipaseinbs raiuh, coitéberg vañsé vitlontant, des. otcitknis fokigraent Le cm d' 1. 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On n’y voit pas comment ils sont élevés à ces importantes fonctions. La charte de confirmation de 1225 et celle d’éclair- cissement de juillet 1317, ne fournissent pas non plus lé moindre renseignement sur un point si dione d’attention. Mais l’ancien Coutumier de Picardie, publié par M. Marnier en 1840, nous fait connaitre , p. 159-141, l'élément d'où sortaient les officiers chargés de l’admi- nistration de la cité et ceux à qui les soins de la 25. — 386 — comptabilité étaient remis. Ce coutumier nous donne les qualifications et le nombre de ces différents ofli- ciers. Tous les documents qui se trouvent dans Îles pages déjà citées de cet ouvrage sont confirmés par le registre F des archives communales qui reproduit abso- lument le même état de choses de 1345 à 1582, époque où le système municipal éprouva la plus grave modification. C'est en effet à partir de cette dernière année que les maieurs de bannières, c'est-à-dire les chefs élus des corporations de marchands, d'ouvriers et de laboureurs, cessèrent de concourir à la nomi- nation des magistrats ct des comptables de la commune. Quelques années après ils furent définitivement suppri- més par l'autorité royale, qui surtout cherchait son point d'appui dans la centralisation ; elle ne se faisait pas scrupule de rompre le faisceau des associations qui donnaient tant de force aux citoyens , d'énerver à son profit, par tous les moyens possibles , l'élément muni- cipal et de le renfermer dans les plus étroites limites. L'examen du registre F me fit concevoir le pro- jet d'établir la liste de tous les bourgeois qui, dans la période de 4345 à 1382, ont rempli les fonc- tions de maieurs d'Amiens, d'échevins du jour , d'é- chevins du lendemain , de prevôts, de comptables et de maieurs de bannières. J'ai l'honneur de mettre cette liste sous vos yeux. Elle est accompagnée de deux tables l'une dressée par fonctions et par noms, et l'autre par noms seu- lement. Mais il me semble, Messieurs, que pour jeter de la clarté et un peu d'intérêt sur l'ouvrage que j'ai en- trepris , il est indispénsable d’entrer dans quelques — 387 — détails, 4.2 sur l’organisation municipale ; 2° sur Îles corporations qui avaient des mairies de bannières ; 3.° sur l'abolition de ces mairies ; 4.9 et sur les faits qui se rattachent à cette abolition. Je terminerai par les observations que m'a sugpérées la formation de mon tableau. 1. Organisation municipale. A.° MAIEUR D'AMIENS. Son élection avait lieu le jour de St.-Simon-St.-Jude. Ce magistrat ne pouvait exercer deux années de suite : il était choisi par les maieurs de bannières dans les trois candidats que leur désignait l'échevinage sortant de fonctions. Dans ce mode de nomination nous voyons se reflèter Pimage de ce qui se passait en Afrique sous l'empire romain. Le magistrat présentait le candidat, ensuite l'élection, au lieu d’appartenir aux décurions seuls, était l'ouvrage du peuple tout entier, c’est-à-dire des corporations , du sénat et des tribus. Chaque corpo- ration avait une voix et les deux tiers au moins de ses memhres devaient avoir assisté à la délibération. À Amiens, les corporations dans la nomination du maire avaient chacune deux voix, mais le nombre des votants se trouvait restreint à celui des maieurs de bannières , qui n'étaient que deux par corporation comme je l’expliquerai plus tard. 2.° ÉCHEVINS. Leur nombre était de 24: Douze d’entre eux étaient nommés par les maieurs de bannières en même temps que Île grand maieur. — 388 — l'est la manifestation du principe germanique, l'élection des supérieurs par les inférieurs. Les douze autres échevins étaient élus le lendemain par le grand maieur et par les douze premiers éche- vins. Dans cette deuxième opération , dominait le principe romain, le choix des inférieurs par les supérieurs. Les premiers échevins s’appelaient échevins du jour. Les seconds , échevins du lendemain. On voit sur les élections municipales des détails très-curieux dans le Livre noir publié par l’échevinage en seize cent-cinquante-trois et dans un mémoire de l'hôtel-de-ville , dressé le 27 septembre 1764, en exé- cution de l’article 10 de l'édit du mois d'août pré- cédent. 3.° PREVOT. Dans le principe les maire et échevins n'avaient connaissance que des faits de police et des causes .cri- minelles et civiles en première instance. Au mois de mai 1292 , ils oblinrent une charte portant la conces- sion par bail à cens de la prevôté royale d'Amiens. Ils administrèrent cette prevôté jusqu'à l'édit du 25 novembre 1597, par lequel Henri IV Ja réunit à son domaine et créa un prevôt royal en titre d'office. Aussitôt après la composition du nouveau corps mu- nicipal pour l’année qui allait courir, chaque membre de l’échevinage désignait par bulletin trois de ses collé- gues pour l’exercice de la prevôté. Cette fonction de- meurait au plus nommé ou à celui que le maire pré- férait en cas d'égalité de voix. A.° COMPTABLES. Ils étaient au nombre de 4: — 389 — Le grant compteur. Le receveur des rentes. Le payeur des présents et des rentes à vie. Le maitre des cauchies (chaussées) et des ouvrages. Les maieurs de bannières les élisaient. Afin que vous puissiez apprécier les attributions de ces comptables, je vous donne par extrait l’état des recettes et des dépenses de 1418 à 1419. Comparez ce budget avec celui que la ville publie chaque année aux termes de la loi du 45 mai 1818. C'est là que vous verrez mieux que partout ailleurs les prodigieux changements amenés dans l'administration municipale par le temps sans cesse occupé à tout dé- truire, pour tout réédifier sur de nouvelles bases. 5.2 MAIEURS DE BANNIÈRES. Les corporations de métiers sont d’origine romaine. Plus tard l’élément germanique s'y est mélé. Ces cor- porations sont les mères des communes et non leurs sœurs jumelles comme le prétend M. Granier de Cas- sagnac ( Histoire des classes bourgeoises ). Elles avaient des chefs connus sous la dénomination de consuls de métiers à Montpellier, sous celle de maieurs de ban- nières à Amiens, à Abbeville, à Doullens, à St.- Quentin ,; à Novon. Pareille organisation existait dans les villes du Nord. En Ecosse ces chefs s’appelaient diacres. A Amiens tous les citoyens étaient répartis dans les différents corps de marchands et de métiers , de sorte que pour avoir le droit de participer à la nomination des officiers municipaux , il fallait être admis dans un de ces corps, comme cela se pratique encore à Londres. — 590 — Dans cette dernière ville où les institutions du moyen- àge ont conservé leur empire, le premier ordre est formé par les marchands et artisans partagés en corporations ou communautés pourvues de priviléges qu'elles ont eu soin d'assurer et d'étendre à chaque révolution. Ces corporations au nombre de 72, ont chacune des officiers pris dans le eorps dont ils maintiennent la police, elles ont à leur tête les douze corps qui sont à Londres ce qu'étaient les six corps à Paris. C’est d'un de ces douze corps que se tire chaque année le lord-maire , c’est-à-dire le roi de Londres. La considération dont ces communautés jouissent est très-grande , leur influence très-étendue. Les citoyens les plus éminents entrent dans ces corporations. L'amour de la popularité les y conduit: les rois eux-mêmes quelque fois n'ont pas dédaigné de s'y faire recevoir. Le roi Guillaume n'étant que prince d'Orange fut ag- grégé au corps des drapiers. À Amiens, comme à Londres, les corporations avaient une action toute puissante sur le gouvernement de la cité. Mais c'est surtout dans celles des taverniers et des waidiers, c'est-à-dire des marchands de vin et de guède, que se manifeste la force de la bourgeoisie enrichie par le travail et les heureuses spéculations du commerce. Le nombre de nos mairies de bannières n'est pas constant. Leur maximum est de 24. Les voici dans l'ordre de leur inseription sur l'état de l« ville en 1360, un des plus réguliers du registre F. Maicurs des : 1.0 Taverniers, . } faits par le grand maieur et les 2.0 Waïidiers n\ échevins. —#M — Maieurs élus par les corporations suivantes ; savoir : 4.0 Taneurs. 2. Bouchers. 3.2 Fevres. 4.0 Merchiers. -5.° Boulenosiers. 6.° Fourniers. 7.0 Poissonniers de mer. 8.° Drappiers. 9. Cerdouaniers. 10.0 Cambiers (ou brasscurs. ) A1. Machons. 12.2 Pelletiers. 13. Poissonniers de doulche vaue 14.2 Vicsiers. 15. Pareurs. A6.° Tisserans. 47.2 Tainturiers. 18.° Sueurs (savetiers. ) 19.9 Waigniers ( laboureurs , vignerons. ) 20.2 Carpentiers, 21.0 Porteurs. 22. Telliers tisserans de linge. Ces mairies de bannières étaient renouvelées chaque année en même temps que le maire, les échevins et les comptables. Chaque bannière élisait deux maieurs , sauf les corps des taverniers et des waidiers dont les chefs étaient nommés par l’échevinage. C'est là une exception qui mérite l'attention la plus sérieuse, et je ne crois pas qu'on püt trouver un élément semblable dans l'organisation municipale d'aucune autre ville. Il faut ici que je développe bien ma pensée : Je ne prétends pas dire — 392 — que nulle part les chefs des métiers et des marchands ue fussent nommés par les maitres de la cité; l’his- toire serait là pour me démentir : Mais je veux parler de ce système mixte qui donne à l’échevinage l’élec- uon des maieurs de deux bannières en laissant aux vingt-deux autres bannières la nomination directe et sans partage de ces mêmes officiers: ce point demande quelques explications : je les réserve pour le moment où je traiterai en particulier de ces deux classes de citoyens, qui, sous les dénominations de taverniers et de wai- diers , figurent avec tant de distinction dans la société du moyen-âge. Maintenant , Messieurs, recherchons quelles pouvaient être les attributions des maieurs de bannières. Nous connaissons d'une manière positive leur privilége le plus précieux sans contredit, celui de nommer la plus grande et la plus importante partie des administrateurs de la commune. Le caractère des fonctions de ces maieurs était, je le dirai, essentiellement politique. Ces magistrats, car je n'hésite pas à les nommer ainsi, S'occupaient des intérèts génèraux des corps qui les avaient élus, dans leurs rapports avec le gouver- nement de la cité, avec la chose publique. Dans les circonstances solennelles, ils convoquaieut les bannières au commandement du grand maieur. C'était en leur présence et en celle de l’échevinage que les comptes de la ville étaient rendus , comme on le voit par une ordonnance de Charles VI, du 7 décembre 1405 , in- sérée à la fin du compte 12.° Y 3 pour l’année 1403- 1404. Une pareille intervention était bien uaturelle, puisque les principaux revenus de la commune consistaient : 1° en aides payées par les corps de métiers, de mar- Pay l ( = #08 chands et de laboureurs sur le vin, les menus breu- vages, la guêde et autres denrées consommés dans la ville; 2.° et en droits perçus sur les diverses corporations, à savoir pour location d'étaux et pour l’aide sur les marchandises , comme il est établi ci-après, la ferme des draps, cordouan , fer en baril, bareng , laines » poids , viéserie, Pelleterie, toile, mercerie, mairien (ou bois), sueurs, sellerie, bonneterie, ete. Les maieurs régissaient les biens de leurs bannières qui avaient en propre de grandes richesses. J'expliquerai ce point quand je parlerai de la confiscation de ces mairics au petit pied , prononcée au profit du roi en 1385. C'était sur les propositions des maieurs, que les statuts des corps de métiers étaient faits ou modifiés par le pouvoir municipal, qui avait, à cette époque, le droit de réglementer l'industrie. Il ne faut pas confondre les maieurs de bannières avec les eswars ou examinateurs qui existaient simulta- nément dans les différents corps de métiers. Sous l’au- torité du maire et assistés d’un conseil, les premiers rendaient la justice sur les méfaits du métier. A Paris les métiers avaient aussi une juridiction qui attirait à elle tous les délits commis au mépris des règlements de chaque corporation. Le droit de correction et de répression appartenait à nos maieurs de bannières les eswars n'avaient que le droit de dénonciation. Ceux-ci étaient chargés de signaler la mauvaise con- fection de la marchandise et la mauvaise qualité de la denrée livrée au public. Très probablement ils étaient eux-mêmes surveillés par les maieurs de bañnières qui concouraient à leur élection, lors même qu'ils n'étaient pas de la même subdivision de métier. — 394 — La fonction de ces eswars qui s’exerçait par des actes bornés à des individualités, ne s'élevait pas au-dessus de ce que pouvait exiger l'intérêt de la bonne foi et de la loyauté qui doivent régner dans le commerce. C’était-là sans doute encore une belle et honorable mission : mais que celle des maieurs de bannières était supérieure! rappelez-vous, Messieurs, ce que je viens de dire à leur sujet, et remarquez de plus que leur action n'était pas circonscrite dans une seule corpora- tion comme celle des eswars. Ordinairement autour d’une bannière se groupaient plusieurs professions dont chacune avait ses examina- teurs élus par elle-même. Ici le pouvoir grandit en raison du nombre et de l'importance des intérêts dont il est le centre et qu'il est appelé à faire prospérer par une sage direction. Nous venons de voir, Messieurs, le rdle considérable que les maieurs de bannières remplissaient dans les af- faires de la cité. Mais leur influence n’allait-elle pas plus loin? oui, sans doute et tout porte à croire qu'ils participaient au commandement militaire sous l'autorité de l'échevinage et du capitaine de la ville. M. Louandre, dans son histoire d'Abbeville p. 443, dit que les gardes et maieurs de bannières de cette ville toisaient tous les jeunes-gens appelés au service militaire, et présentaient ensuite au maire la liste de leurs noms. Mais quelle était au moyen-âge la force qui protégeait les communes , ces communes fondées par le paysan et l'ou- vrier, ces communes sorties du sillon comme une belle serbe, et de la boutique comme un véritable chef-d'œuvre? w'étaient-ce pas ces bourgeois, artisans, marchands et la ee boureurs, qui ne quittaient jamais les armes par lesquelles ils s'étaient affranchis ? et ces soldats-citoyens à qui devaient-ils obéir? à qui, si ce n'est à ceux qu'ils avaient déjà investis de leur confiance, pour Fad- ministration des intérêts de leurs communautés ? On remarque dans l'inventaire de l'artillerie et des munitions de guerre de la ville d'Amiens, renouvelé en janvier et février 1588, que des batardes avaient été fournies par les boulangers, pâtissiers, chaussetiers et merciers. Les noms et les emblèmes de ces cor- porations étaient gravés sur ces pièces d'artillerie, La main qui livrait l'arme, était aussi la main qui la di- rigeait contre l'ennemi. Et quand les bourgeois payaient ainsi de leur bourse et de leur personne, comment v’auraient-ils pas eu le droit d’avoir pour chefs, dans les opérations militaires, les mêmes hommes qu'ils avaient trouvés dignes d’être placés à la tête de leurs corporations? ce droit dérivant de la nature même des choses, eh bien! une sage politique aurait dû leur en assurer la possession, si déjà ils n'en avaient joui. Y avait-il rien de plus propre à exciter le patriotisme, à enflammer le courage, à rendre plus faciles l'obéis- sance et l’action de la discipline, ressorts si nécessaires dans les corps armés? D'ailleurs la bannière, qu'était- ce qu'un véritable drapeau qu'on devait suivre dans tous les hasards de la guerre ? et ce drapeau, on l’au- rait arraché des mains des maieurs, précisément au moment du danger, dans les circonstances qui promet- taient le plus de gloire : Non, cela n'etait pas possi- ble. Au reste, Messieurs, la réunion du pouvoir civil et du commandement militaire, c'est le principe général de la constitution germanique, et l'on sait que cet — 396 — élément est entré pour beaucoup dans notre système municipal. Ainsi les maieurs de bannières doivent être considérés comme Îles quartiniers, tout - à - la fois ca- pitaines de la milice bourgeoise et véritables of- ficiers municipaux. Aussi ces derniers furent-ils sup- primés à Paris en même temps que la prevôté des marchands et l'échevinage de cette ville, par des lettres de Charles VI, du 27 janvier 1382. Sans doute, Messieurs, vous partagerez mon opinion, si vous considérez que les maieurs de bannières, faisaient par- tie comme Îles quartiniers de l'organisation municipale , et qu'ils devaient comme eux appartenir à l’organisa- tion militaire qui se confordait avec la première. Un dernier trait d'analogie, c'est qu'ils furent atteints du même coup qui frappa en 13582 la prevôté des mar- chands et l’échevinage de Paris, puisqu'ils remplirent cette année pour la dernière fois les importantes fonc- tions qui leur étaient confiées. Je vas à présent, Messieurs, faire passer devant vous ces vénérables bannières, ces bannières auxanel- les se rattachent de si grands souvenirs. A.° TAVERNIERS. Ceux qui faisaient le commerce de vin vint suscep- tores, étaient placés au nombre des principales eorpo- rations marchandes sous l'empire romain. A Amiens cette corporation portant la dénomination de taverniers, figure souvent la première dans l’ordre des mairies de bannières. D'autres fois les waidiers sont admis au même honneur. C'était dans ces deux corps que se répartissaient les bourgeois, qui n'avaient pas besoin pour vivre d'exercer un art mécanique. — 397 — Les avocats, les procureurs, les notaires, les méde- cins, et tous ceux qui avaient une fortune indépen- dante, se faisaient marchands de vin ou de guëde. Heureuse combinaison sans laquelle les principaux de la cité n'auraient point eu accès dans le collége élec- toral, formé par les corps de métiers, et n'auraient pu parvenir aux dignités municipales au grand détri- ment de la chose publique! Mais pour quelles raisons les maieurs des taverniers et des waïdiers étaient-ils les seuls qui fussent nommés par l’échevinage? Ici, Messieurs, on est réduit aux conjectures. Permettez-moi de vous exposer mon opi- nion. Je le ferai avec toute la circonspection qu'exige une matière si délicate. Ces deux communautés étaient importantes par le nombre que rien ne limitait, par des richesses s’ac- croissant chaque jour et par les lumières qui suivaient le progrès de ces richesses. Les administrateurs de la cité ne pouvaient avoir une action trop décisive sur des corps aussi puissants, n'ayant point d'eswars, affranchis de tout contrôle journalier, payant de fortes aides à la ville, la secou- rant de leurs propres deniers dans ses besoins pécu- niaires , prenant sur elle des rentes constituées à vie, et fournissant le plus grand nombre de membres à l'échevinage. Ces magistrats avaient bien senti combien ce mode de nomination directe leur donnait de force. Aussi quand ils sollicitèrent le rétablissement des mairies de bannières, demandaient-ils le droit de les élire toutes, comme ils avaient fait toujours avant l'abolition , pour celles des taverniers et des waidiers. — 398 — Les maieurs de ces deux communautés formaient un véritable corps d’éligibles pour les premiers emplois municipaux et voila peut-être pourquoi le choix de ces maieurs était réglé par le même esprit qui avait voulu qne des candidats à la place de niaire d'A- miens, fussent présentés aux suffrages des bannières par l’échevinage sortant de fonction. C'était l'aristocratie qui se recrutait par l'aristocratie. Déjà l’organisation municipale présentait un exemple analogue dans l'élection de la seconde série des éche- vins, faite directement par la première. Telle est l'explication que je hasarde : les esprits éclairés comme les vôtres, lui donneront la valeur qu'elle peut avoir. Dans ces temps reculés, le commerce de vin à Amiens était très-considérable. Tout le monde s’en mélait. Les sens d'église ne dédaignaient pas de prendre part à ce com- merce. Le corps municipal les classait au nombre de taver- niers publics , notamment les jacobins et les cordeliers qui vendaient dans leurs propres monastères du vin à bro- que, c’est-à-dire en détail, sans vouloir payer l’aide de la ville. C'était une sorte de ban vin par lequel on cherchait, autant que possible, à remplacer celui dont l’évêque et le seigneur de Vignacourt, avaient joui dans cette ville, à une époque très-éloignée , sous les comtes, alternativement chacun durant quinze jours par année. Cependant Guillaume de Rheims, cardinal de la sainte- église romaine du titre de Sainte -Sabine, légat du siège apostolique, par une charte insérée au folio 5. recto du registre À appartenant à la mairie, avait dé- fendu sous peine d’excommunication aux cleres de la — (ao ville d'Amiens d’avoir des tavernes communes, tant qu'ils voudraient jouir du privilège clérical. Cette charte n'a point de date. Mais l’histoire nous apprend que Guillaume fut cardinal au mois de mars 1179 et qu’il mourut en 1202. L'abus qu'il voulait déraciner persista, malgré l’anathème dont il était frappé. On voit en effet dans le compte 6 Y. 3. à l'article des plais d’assise de parlement et d'ailleurs, qu'on à payé le 17 septembre 1389 la somme de cinq sols : « A » Thumas de Pucheviller tabellion pour se peine et » traveil de avoir fait et escript un vidimus tabellionne » des lettres de feu Guillaume jadiz archevesque de » Rains et cardinal qui defend que aucuns clers faiche » fait de taverne ». A cette époque il existait à Amiens, seulement dans le burgus 97 tavernes, toutes décorées d’enseignes dont les sujets annoncent que nos bons ayeux n'étaient pas tellement absorbés dans leurs pensées pieuses, que Îles idées gaies et galantes ne pussent aussi avoir accès dans leur esprit. Il ne faut pas réduire ces tavernes aux proportions de nos cabarets et même de nos cafés modernes. C'é- taient de vastes entrepôts. Elles avaient des caves im- menses comme on peut en juger par celles de l'orfe- vresse qui existe encore aujourd'hui. Les propriétaires de ces grands établissements occupaient le sommet de l'échelle sociale. Ils se faisaient même gloire de join- dre à leurs noms le titre de leurs tavernes. Je citerai entre autres Jehan Dippre du Doffin, Jehan Le Caron du Double-Cherele, Jehan St.-Fuscien- de-Laguillier ( Aiguière )}, Jehan de St.-Fuscien-des- Pourcellés, Jehan de St.-Fuscien-des-Rouges-Caperons , resque tous appartenant à des familles échevinales, P — 100 — L'aide sur le vin fournissait à la caisse communale des sommes considérables. Le tonneau de vin vendu en gros pavait. A0 5. P. A broque. A AMEORS P: A despence , c'est-à-dire pour la consommation domestique. 30 s. P Du 4 janvier 1388 à pareil jour de 1389, [a ville a perçu : 1. pour les vins vendus à broque es tavernes estans en le terre et juridicion de hono- rables hommes et sages Îles maieur et échevins ; 3,887 |. 4 s. 6 d. p. 2.0 Pour les vins vendus et. bus a despence en plusieurs hosteux et maisons portans en- seignes en le terre et juridicion de l'échevinage ( ces maisons au nombre de 84.) 150 1. 10 s. p. 3. Pour les vins bus et des- pences es hosteux et maisons des bourgeois et habitans de le ville d'Amiens en la même terre et juridicion , ces bourgeois au nombre de 443. 1,800 1.5 8. 2 à. p. Total 44: 216,862: 91s5181dp: Afin d’avoir la valeur actuelle de cette somme il faut la décupler. Soit 58,670 fr. environ. Et remarquez-le bien, Messieurs, dans le Burgus qui contenait à peu près 1800 maisons comme on le voit — A01 — par le rèle de la taille insérée au compte de 1386, ïi y avait 97 tavernes , 84 maisons et hosteux portant en- seigne et 423 maisons de bourgeois où l'on faisait, à quelques exceptions près, une grande consommation de vin. En tout 624 tavernes et maisons. De son côté la ville faisait annuellement une forte dépense en présents de vin : Elle à consacré à cette destination du 1.% octobre 1388 au 30 septembre de l'année suivante , une somme de 327 1. 19 s. A1 d. p. qui donnerait 3,270 francs environ de notre monnaie. Je n'ai pas besoin de dire que cette branche de l'administration municipale offrait un service parfaite - ment organisé et qu'elle n'était pas à beaucoup près, celle qui fit le moins d'honneur à la sagesse de nos ancêtres. Aussi avait-on établi un maitre des présents qui avait quatre sergents de cannes sous ses ordres. Le vin était porté en cérémonie aux grands person- nages qui venaient dans la ville. La quantité et la qualité étaient réglées en raison de l'importance du rang. Le rang déterminait aussi la matière des vases destinés à recevoir le précieux liquide. La marche qu’on suivait alors n’était pas inférieure à celle qui est tracée par le décret sur les préséances. Un ponchon et même une canne de vin valait bien un coup de canon. Quand le maire dinait ou soupait daus des maisons particulières ou dans des tavernes, par exemple pour des noces, des baptêmes, des relevailles, une pre- miére messe , on lui présentait le vin de la ville. Nos seigneurs de l'échevinage en buvaient aussi as cloquiers et à le malemaison à des collations pendant l'examen des affaires et des procès de la commune, aux bo- 26. = 1e 2 hourdis au retour de la cholle et du 7» de Dieu , au dimanche de la violette, à la mi-carême en mangeant des bâtons de fromages. Enfin ils se faisaient quelque fois apporter du vin, seulement pour ensayer. N'é- taient-ce pas là, je vous le demande , des hommes consciencieux , de dignes magistrats? On aime à les voir animés de tant de sollicitude pour une si bonne chose. On aime à rendre hommage à leur goût si bien exercé. Qui n’est heureux d’apprendre qu'ils ne pouvaient souffrir rien de médiocre ni pour eux, ni pour les autres ? Du vin était distribué aux corps de métiers pour la célébration de la fête de leurs patrons, aux gardiens des portes, aux ordres mendiants , aux confesseurs des condamnés au dernier supplice , aux agents qui assis- taient aux exécutions judiciaires , aux descarqueurs qui sonnaient la grosse cloche du beffroi pendant ces exé- cutions, aux personnes qui donnaient la première nou- velle d’un événement heureux pour la ville , par exemple la mort d’un rentier à vie. Même libéralité était faite aux sergents pour leur cuignet de Noël , à la fête de leur royaume, proba- blement aux rois, pour leur flan de Pâques, aux au- vriers quand on posait des premières pierres et dans le cours des travaux communaux. Les filles publiques n'étaient même pas exclues de ces distributions quand elles rendaient quelque service à la cité, ce qui pouvait leur arriver dans les incendies auxquels elles devaient se trouver. J'écarte beaucoup d’autres circonstances qui ralen- tiraient la marche de mon récit. Semblable au naviga- teur assailli par la tempête, ou poursuivi par l'ennemi — 103 — (et mon ennemi à moi, c'est l’ennui qui pourrait à bon droit vous surprendre), je fais ce que prescrit la Joi commerciale. Je n'hésite pas à jeter une partie de mon chargement, pour le salut du vaisseau qui m'est confié. On pense bien que les occasions ne manquaient pas pour les festins publics. A la plus grande des solennités municipales , au re- nouvellement de la loi, repas pour l'installation de l’échevinage , repas pour l'installation du prevôt; repas avec les grands personnages , avec le bailli , l'é- vèque, etc., enfin repas après l’accomplissement des devoirs les plus rigoureux , au retour des exécutions capitales. A Pâques le maire dinait avec ses paroissiens. Dans un tel mouvement les corporations ne restaient pas en arrière. Pour ne citer que les circonstances les plus ordinaires, c'étaient des repas de bienvenue , de noces , de baptêmes et d’obsèques. C’étaient l'installation des maieurs de bannières , celle des eswars. Enfin c'était la grande fête du patron: Restes long - temps vivaces de cette ghilde si bien décrite par lillustre anteur des récits Mérovingiens, qui à répandu sur ce sujet toutes les richesses de son érudition et de son style. A toutes les causes dont je vous ai donné l’'énumé- ration comme provoquant sans cesse une grande con- sommation de vin dans cette ville, je dois ajouter que jusqu’en 1391, l'évêque en exigeait deux quènes au mariage et au décès de chaque bourgeois. Cherchant tous les moyens de favoriser les réu- nions particulières, l’échevinage faisait la remise de 26.* —"h00w— l’aide pour le vin bu à des noces ou dans d’autres circonstances solennelles de la vie sociale. Que dirai-je de plus? Ne voyez vous pas que dans le temps où florissaient nos aïeux, on ne pouvait trop souvent vider la coupe du festin, cette coupe destinée aux réjouissances publiques, aux joies de la famille, à la manifestation des sentiments de la confraternité ? Delà, Messieurs , cette prospérité toujours croissante du commerce de vin ; delà cette importance des ta- verniers. J'aurais dit leur prééminence, si les waidiers n’a- vaient pas été plus encore que les taverniers , la pé- pinière du sénat municipal. J'aurai l'honneur de continuer cette communication dans une de vos prochaines séances. ÉLOGE DE M. RIQUIER, Par M. ANSELIN. MESSIEURS , Une volonté forte et persévérante est une qualite précieuse dans l'homme de bien. Tant d'obstacles s'op- posent à l’accomplissement des pensées généreuses ou des projets les plus utiles! L'influence des préjugers, la force de l'habitude , la défiance même qui s'attache à toute innovation , ont étouffé dans leur principe Îles germes Îles plus féconds de la prospérité. Grâces soient done rendues à ces esprits ténaces et persévérants qui, müs par une profonde conviction, s'avancent d’un pas ferme et assuré vers le but qu'ils se sont proposé et finissent par attacher à leurs noms un souvenir de gra- ütude ; récompense tardive , tribut payé à la mémoire, et que rarement le bienfaiteur recueille Tui même. C'est avec empressement, Messieurs, que j'ai accepté l'honneur que vous m'avez fait de me charger de la notice biographique sur M. Riquier. Privé de la con- solation d'adresser sur sa tombe un dernier adieu au collègue qui m'était cher à plus d’un titre, j'ai ac- — 1406 — cepté comme un dédommagement la mission de vous retracer sa vie et de vous rappeller ses services et ses travaux. Né en 1768, M. Riquier, fit ses études à Amiens. Au moment de choisir une profession ; à cette époque pénible de doutes , d'incertitudes et d'espérance où le jeune homme inquiet cherche sa place dans la société, M. Riquier tourna ses regards vers la médecine, mais, maitrisé par les circonstances et docile aux vœux de ses parens, il entra dans la carrière commerciale. Doué , d'un esprit d'ordre et d'une grande rectitude de jugement, il sut se rendre favorable les chances incertaines du commerce. Pour lui le travail était un besoin ; aussi ne borna-t-il pas ses soins à la seule branche qui faisait l’objet de ses spéculations ; il ne négligea aucune occasion d'étudier les rapports com- merciaux de son pays avec le dehors , et les lois qui règlent ces rapports; il ne négligea pas non plus la jurisprudence consulaire , et long-temps avant que le suffrage de ses concitoyens l’eut appellé à siéger au Tribunal de commerce, on ïe voyait fréquemment, choisi comme arbitre, par ceux qui plus tard , lui dé- cernèrent deux fois les honneurs de la présidence. Ainsi pendant vingt-cinq ans on vit M. Riquier tenir un rang distingué parmi les notabilités commerciales de notre cité. Simple dans ses goüts, exempt d'ambition il se retira des affaires lorsqu'il vit le fruit de ses travaux lui promettre une existence douce et modeste, mais l’époque de sa retraite ne fut pas pour lui celle du repos. Le reste de sa carrière devait se partager entre les travaux administratifs , et la solution des questions d'un haut intérêt pour l’industrie. — 107 — En 1830, M. Riquier dont les principes libéraux et constitutionnels ne s'étaient jamais démentis, fut ap- pellé à faire partie du conseil de préfecture qu'il pré- sida depuis 1839 jusqu’à sa mort. C'est là surtout qu'il nous fût donné d'apprécier son amour pour le travail, la droiture de son jugement, la rigide équité qui fai- saient la base de son caractère. Etranger par ses anté- cédents à plusieurs branches de la jurisprudence admi- nistrative , il consacra, je ne dirai pas ses loisirs, mais ses veilles à acquérir ce qui lui manquait. Compilateur infatigable de la masse compacte d’une législation incomplète , toute énorme qu’elle est , il se rendit toutes les questions familières. Doué d'une excellente mémoire , il lui fut bientôt permis d’invoquer dans les discussions les textes et leurs applications nom- breuses. Maintenant en toute occasion la dignité et l'indépendance du conseil, ami et collègue dévoué nous trouvames en lui le plus précieux des collabo- rateurs. Cette nouvelle existence ne lui fit pas oublier la carrière qu'il avait long-temps parcourue ; les intérêts du commerce , toujours chers à ses yeux, l’occupaient sans cesse, et sa spécialité était tellement reconnue qu’en 1830 il fat nommé membre de la chambre de com- merce que bientôt il fut appellé à présider , et dont à sa mort il était encore le vice-président. Jamais membre plas assidu ne justifia mieux le choix de ses commettants. Sans perdre de vue les intérêts généraux, il sut en toute circonstance défendre avec chaleur ceux de la localité qu'il représentait. Les nombreux mémoires qui reposent aux archives de la chambre attestent son érudition commerciale , et la sagesse de ses vues, sur — 108 — les questions accessoires de la navigation intérieure, du commerce , maritime, des douanes, de l’entrepôt; en un mot de tout ce qui peut intéresser la prospérite in- dustrielle ou lui faire obstacle. Il recut en 1832 la décoration de la Légion-d'Honneur et loin que cette distinction ralentit ses efforts, il re- doubla de zèle pour justifier, disait-il, une distinction que sa modestie repoussait presque. Appellé à prendre place parmi vous, Messieurs, vous savez si vous dûtes vous applaudir de le voir se classer dans Ja section commerciale. Rapporteur judicieux de tous les ouvrages dont l’examen lui était confié, jamais il ne fut en retard de payer son tribut, et vous fit hommage de ses nombreux travaux, sur une question objet de tous ses soins et d’un haut intérêt pour l'in- dustrie locale. M. Riquier occupé long temps du commerce des étoffes d'Amiens , avait murement réfléchi sur la source et l'emploi des matières premières. Il voyait à regret nos fabriques tributaires des autres contrées , pour leurs approvisionnements de soie. Il avait pu reconnaitre que la nature de nos fabrications n'exigeait pas une matière aussi parfaite que celle des étofles de Lyon encou- ragé d'ailleurs par l'exemple des pays situés sous la même zône, il pensa que notre département pouvait admettre la culture des müriers et que dès lors rien ne s'opposerait à ce que l'industrie séricicole se dévelop- pat autour de nous et devint une nouvelle souree de prospérité pour nos manufactures. Plein de cette pensée; études , soins, démarches, dépenses, rien ne lui coûta pour réaliser un projet, dont tous les avantages étaient pour ses concitovens, et dont — 109 — à peine son àge lui permettait de recueillir le fruit. Avide de tous les ouvrages qui pouvaient l'éclairer, M. Riquier les consulte, rapproche la différence des elimats, les compare et arrive à une théorie qui l'autorise à tenter des applications. Nos procès-verbaux attestent comme vous l'avez vu, Messieurs, par l'intéressant exposé de vos travaux, que peu de séances se sont écoulées, sans que M. Riquier nous ait communiqué le résultat de ses observations. Mais en étudiant il a bientôt conquis le droit d'en- seigner, et nous le voyons dès 1836, obtenir de la so- ciété d'Arras dont il est devenu memb:° correspondant, une médaille d'or, récompense d'un xémoire qu'il lui adressa sur la Culture du marier et £'education des vers à soie dans les départements du No ä de la France. Les études sérieuses de M. Riquier sur la culture du maürier, ses succès, les encouragements que lui donne l’Académie, inspirent une juste confiance au conseil général, des fonds sont votés et bientôt la ville voit s'élever autour d'elle une triple enceinte de ces arbres précieux, qui viennent implanter leurs racines sur l'emplacement des murailles jadis élevées pour les événemens de la guerre et maintenant destinées a seconder l'industrie, fille de la paix. Quelques hivers rigoureux viennent retarder la marche des essais ; mais sans ébranler la résolution et la con- fiance de notre dévoué collègue. Il ne voit dans ces contrariétés qu'un avertissement et un motif d'étudier des procédés nouveaux, des cultures variées. Enfin le règne végétal docile à ses soins va le seconder , de tous côtés des arbres vigoureux , une végétation abon- dante et acelimatée vont offrir des approvisionnements — MO — certains. Îl faut recueillir l'insecte qui file avant le fila_ teur. L'hospitalité ne se fait point attendre ; une partie de la demeure de M. Riquier est érigée en magnanerie. Il touche au terme de ses vœux ; la grande question objet de ses iméditations va se résoudre, un Manuel d'éducation des vers à soie paraît en 1841; il est l’ou- vrage de notre collège et l'année 1842 si favorable par sa température, va réaliser ses vœux et payer tant de persévérance. Vain espoir ! Cruelle déception ! En vain cette acti- vité, ce zèle, attribut de la jeunesse, animaient notre collègue ; en vain le temps paraissait-il à peine l'avoir effleuré ; sous cette verte enveloppe, une maladie s'était glissée , qui, terrible, mortelle , allait après de longues souffrances, nous le ravir. Mais cette redoutable épreuve devait mettre dans tout son jour le courage de M. Riquier; jamais le soin de sa santé, jamais ces souf- frances aiguës qui abattent Île corps et l'ame ne triomphèrent de sa constance, ne lui firent oublier l’utile projet, si prêt de s’accomplir. Disons-le même, le seul allèsement à ses maux était de s'occuper de son entreprise favorite. La Providence lui devait un dé- dommagement pour tant de dévoument , elle le lui donna. S'il est une pensée cruelle pour l’homme qui, pé- nétré d'une profonde conviction a l'espoir de léguer un bienfait à son pays, c'est l'impuissance de l’accom- plir, et le tourment de le laisser inachevé, devenir la proie de loubli; tant de chagrins n'étaient pas re- servés à M. Riquier. Près de lui, s’est trouvé un jeune homme , un ami, qui reconnaissant d'une affection tu- télaire, la payée du sacrifice de ses penchants et de — M — sa vocation. M. Michel Jean entrainé par son goût pour les beaux-arts, était passionné pour la peinture. Ses succès attestaient une vocation prononcée, son at- telier de Paris est déserté , il a promis à M. Riquier d'être son continuateur , il ne faillira point à sa parole. Il dirige les travaux du nouvel établissement, s'enrichit de toute l'expérience de l’auteur du Manuel, y joint le fruit de ses propres observations et cette consolation est donnée au courageux malade, que son projet ne périra point abandonné. Remarquant que le soin de sa magnanerie a Je pouvoir de Île distraire de ses douleurs , une ingénieuse amitié lui soumet des doutes véritables ou simulés. Le malade se relève alors, il sort de son abattement, toute sa présence d'esprit lui revient , il discute avec logique et fermeté, le mal paraît endormi quand l'intelligence se réveille , et quelques instants sont dérobés à la douleur. Enfin la nature reprend ses droits, le mal augmente, l’agonie arrive et lorsqu’environné des ombres de la mort notre collègue parait n'avoir plus la conscience de ce qui l'environne, la persévérance de sa volonté se révèle par ces mots qui sont les derniers: » N’en puissiez vous faire que VINGT faites les. » C'est en les profé- rant qu'il expira le 27 avril 1842 R® “agde de PR ii GR. rca qits made brmmoiéady HR intestinal ist data dot dipobadaoi Mate astro rhpiainisel fe aan eoé Casibrpith 46 Mensonge efè btashls } ag ranifl TBE CII CT chglérsty aoû dstéenilin sen li, rmdsiréinoss 08 demadtts Midoiensia Anoreeaildéiè dov gouréot mrbtet dl csprvid fl véto, de admet ésfne D cree e vaiciflotronr. ets do M dément Lditer thon pat téiurouns o8p "bals EEE TO Wa, phrrab hs più éb nignscolt Spa dbnu pésupeS dr Gbrbredn LITE OTENE rés, oi 2Sipuitet vo dat Lo ripnénonp. ce svt état sergaere EOREETTS us vf (tin) gavatnbghil seine Mfroliot ini: acabelner cn débliminias woaidarinlé ésitah datsèrques wadhie srmetiède nilont abrogé Trçasste bre icogpigohosrs ‘étinoetic fi Fhhsisahtéut ;Horfuer D deal vite soäpétlétni Lee gp: onto bite met dar BaBnèt-r1palush ai dim roue oui ghani isesnphrp fe feataagn hi satenrget lot, san b (nombre aruitisu:ost Ldpbnonn alesbissntatiiants Sosenitue" pernl 10 08tinr \répe asobke vnojonoateel euh aire déaintp “séghlion tentbran ot pinalor bremb sonnetäväérogc sh'ypenporivnde’| commentent rest us coesinRaté Peut dard ir dtont. #50 Ada Mradlonpi eat: ns pin Lait esFerethn Rate Huy lbmene dès dantia T0 GB fre. 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Ingres, et surtout, Messieurs son dernier chef- d'œuvre, le portrait du prince que pleure la France, et dont un habile pinceau venait, quand uous l'avons perdu, de nous conserver du moins la fidèle image. Je n'avais encore vu , à mon grand regret, aucune œuvre du peintre d'Homère et de Stratonmice. Etran- gement méconnu , à l’époque où la peinture en se précipitant dans des voies nouvelles, avait franchi ses barrières , — l’élève de David, fidèle à la loi du beau, qu'il avait complétée par celle du vrai, n'avait eu besoin, pour obtenir son rang, que de persister et d’attendre. Il y a quinze ans seulement, déclaré convaincu d’im- 29. — 450 — puissance à la fois et d'orgueil, il avait recu quelques années après, le sceptre de notre école à Rome. II revenait, sa mission dignement remplie, objet du culte de ses élèves, et chacun sait quelle ovation accueillait son retour à Paris. Vous avez lu les descriptions enthou- siastes, qui publiaient les merveilles de cet atelier de l'institut où deux ou trois productions rivalisaient avec les expositions du Louvre. C'était la vierge adorant l'eucharistie, peinte pour le prince russe, où Ingres avait suivi de si près la trace de Raphaël. C'était le portrait du duc d'Orléans, tant vanté déjà, avant que la mort en eut fait une si précieuse relique..... C'é- tait le portrait de Chérubini, cette autre illustration qui devait bientôt aussi s'en aller de ce monde , comme si ce füt le privilège d'Ingres d'attirer à leur inscu les mourants illustres vers la main douée du pouvoir d’im- mortaliser. Le Ghérubini surtout alors (avant le 13 juillet, Mes- sieurs) excitait le plus vivement mon désir, à cause de l’énorme difficulté d'exécution qu'imposait au peintre la composition qu'il avait imaginée. Un vieillard, usé par l’âge, pâle, mélancolique, déjà marqué du signe fatal; plus simplement vêtu, encore, que le costume moderne n'y contraint, couvert du naïf carrik et te- nant sa canne; un portrait vous Île voyez, dans ce qu'il y a ce semble, de plus prosaïquement réel; et sur la même toile, au même plan, le touchant pres- que, étendant le bras sur lui, une apparition fabu- leuse, une müse payenne , la Terpsicore antique, dans son aérien costume, et toute éclatante de sa divine beauté, qui vient inspirer son favori, ou plutôt (ce que le peintre ignorait lui-même) qui vient l'appeler — 51 — pour les concerts au ciel! Par quel artifice unir dans le même càdre, sans qu'elle s'y heurtent, de vulgaires et tristes réalités à l'idéal le plus fantastique et le plus riant? comment sauver le désaccord entre cette belle fille des poêtes, aux formes pures, à la carnation brillante et fine, que la jeunesse toute seule ferait déesse, ne fut-elle pas Terpsicore, et cette ruine d'un homme , les rides d'un vieillard décoloré ? Quelle transition trouver entre ces contrastes? Ceux qui l'ont vu attestent qu'un tel prodige Ingres a su Île faire : que devant une pareille composition, on ne sent pourtant que charme et harmonie que le vieillard soutient, sans désavantage , le parallèle avec la déesse ; et pour expliquer ce miracle, ils indiquent, outre la magie du pinceau, qui, comme un style habile peut poétiser toute chose, — la pureté remarquable des traits de Chérubini, — la beauté profonde de son re- gard qui illumine la physionomie et y fait resplendir la pensée, si claire qu'on la voit. C'est là, disent-ils tout le mystère : la jeune Déité est un beau corps; mais dans les yeux du vieillard, sur son front, brille une âme — une âme toute pleine de suàves harmo- nies. La transition c'est le génie, légal au moins, n'est-ce pas, Messieurs, de la beauté. Quand il me fut donné d'entrer dans ce sanctuaire , Le Chérubini n'y était plus. La vierge à l'hostie voyageait vers son heureux propriétaire. Mais il y avait chez Ingres sa nouvelle odalisque et le portrait du duc d'Or- léans. Devant ce bel ouvrage, on oubliait bientot son es- poir déçu tant cette vive représentation d’une belle nature s'emparait de l'attention. Qui n'a va que le croquis 29.* — 452 — de Calamatta, tout parfait quil est, n'en à pas l'idée. — La toile voisine, malgré la séduction du sujet, n’exerçait pas le même empire. C'est assurément une délicieuse peinture à voir, quoique jaye dit de la beauté tout-à-l'heure, — couleur suàve — ligne ravis- sante. Mais si le regard se détournait un moment pour a suivre, le portrait nous ramenait et nous fixait in- vinciblement. — Messieurs nos regrets d’aujourd’hui n'étaient pour rien dans cette puissance. L'événement fatal n'avait pas eu lieu. — Ce n'était pas non plus le brillant des accessoires : il n’y en a point; ni la ri- chesse royale du costume , simple uniforme militaire , habit bleu boutonné , pantalon garance. — Qu était-ce donc? — comme dans l'Apothéose de Chérubini. C'était la victoire de l'esprit sur les formes visibles, l’ascen- dant de la pensée qui sait tout idéaliser. C'était. que dirai-je? notre duc lui-même, objet de tant d’affections, de tant d'espérances , digne (je ne sais pas de plus bel éloge) de ce trône populaire éelos au soleil d'un autre juillet... lui, dans sa physionomie expressive de bons et beaux sentimens, il était-là, sur la toile, hors de la toile, vivant... quel mot aujour- d'hui! mais qui alors résumait dans toutes les bouches l'effet saillant du tableau. Ingres entra. Comment ne pas lui payer notre tribut d’éloges ? il les accueillit avec sa bonhomie gra- cieuse et modeste, sans dédain pour nos louanges d'i- gnorans, mais sans avidité, un peu froidement même comme si sa modestie put admettre que la politesse y eut sa part. Un connaisseur motivant l'admiration de tous, signala l’exquise pureté des lignes, l'éclat et la vigueur du coloris, la transparence du clair-obscur , — 153 — la puissance du modelé , louant toute l'œuvre, détails et ensemble. Une dame jolie, vraiment, ce qui ne gà- tait pas la louange, dit son mot, avec mesure et bon- heur et tout cet encens fumait sans émouvoir le dieu du temple. Nul énivrement dans cet artiste exceptionnel. Et, tout amour-propre à part, nous regrettions notre im- puissance à lui faire comprendre que le plaisir qu'il nous procurait allait, intus et in cute, jusqu'à la gratitude. Ce fut un enfant qui paya notre dette, et le toucha au cœur; car, m'en voici, Messieurs à ce que j'avais à dire : pardonnez ce qui précède. Une petite fille, de cet âge encore sans malice, je crois, cinq ans à peu près, point de Paris, était à avec nous, regar- dant sur la toile curieusement, avec plaisir, mais sans surprise aucune, comme elle eut regardé le prince en personne , ou plutôt, car il n’y a point de prince pour cet âge, tout militaire de belle prestance et d'at- trayante physionomie. Que croyait-elle voir ? un portrait? Messieurs , l'enfant contemplait avec calme, pendant no- tre admiration muette. Mais quand Ingres survient, qu'elle entend parler de l’auteur, du peintre, de des- sin, de couleur, d'illusion complète, il eut fallu la voir dans l’étonnement, l'embarras, l'incertitude qui se peignaient en elle, tandis que lui arrivait l'idée que devant elle il n'y avait rien qu'une image — et, tirant à elle sa mère par la main, lui dire, dans son anxiété naïve, comment, maman, est-ce que c'est de la peinture, ce beau soldat P... à cette fois, Ingres com- prit la louange. D'un accent plein de simplicité, mais sorti de l'âme, bonne petite fille, lui dit-il en allant à elle, et en effleurant de ses lèvres le front de l'enfant , qui ne savait pas avoir si bien dit. — 154 — En sortant, la belle dame lui disait avec un peu d'envie, je crois, malgré les 60 ans du grand peintre, c’est là un beau souvenir, mon enfant à mettre en ta mémoire, et moi, je ne me défendais pas du su- perstitieux espoir que Je toucher de lillustre artiste aurait inoculé à ce jeune front l'amour des beaux arts qui nous sont une si précieuse ressource dans la vie. Car si l’on peut s'y passer de gloire, on y a bien souvent besoin de consolation. RAPPORT SUR LE CONCOURS DE POÉSIE, (1842 ). Par M. CLéon Garopre R'ONQuAIRE. —2829 es — Messieurs , Votre commission en me chargeant de vous rendre compte des différentes pièces qui ont été envoyées à l'académie pour le concours de poésie, a sans doute voulu me punir d'avoir été un de ceux qui, l'an der- nier, ont le plus appuyé dans vos délibérations le choix du sujet proposé aux concurrens. En effet, Messieurs, je considère comme une peine l'obligation où je suis de faire plus de critique que d'éloges et ce n'est pas sans quelque répugnance que je me vois forcé de remplir ici une sévère mission qui, à bien des titres n’est pas la mienne. Le sujet du concours, vous le savez, Messieurs, était formulé ainsi : Influence de la musique sur la civilisation. J'avoue tout le premier, avec ma bien faible expé- rience en matière poétique, qu'une telle question à — 456 — traiter en vers présentait de nombreux et graves obs- tacles : Dans un passé aussi vaste que celui de la ci- vilisation , c’est-à-dire, dans ce cercle immense , infini, qui enveloppe toute l’histoire antique et moderne des peuples, il était difficile sans doute de rechercher et découvrir par quels rapports intellectuels , non pas l’art mu- sical, comme l'ont compris tous les concurrens, mais la musique , elle même se liait à la vie morale des na- tions. C’est là une de ces questions complexes, dont la solution est tout à-la fois du domaine de la philoso- phie, de la politique, de l'art et de la science. C'était pourtant dans cette complication de difficultés que nous puisions nos plus forts argumens pour sou- tenir le maintien de la question proposée; nous nous rappelions alors que la poésie qui s'irrite des obsta- cles, les franchit toujours , car Dieu lui a donné des ailes et le poéte n'admet pas plus que le guerrier que le mot impossible soit français. Et puis, Messieurs , la musique et la poésie ne sont elles pas deux sœurs, nées toutes deux de cette mère commune qu'on nomme Âarmonie?..… toutes deux ne parlent-elles pas à l'âme, au cœur et à l'oreille, et l’admirable fiction de l'Orphée antique ne résume t'elle pas à elle seule l’ingénieuse allégorie de sa dou- ble personnification poétique et musicale? le sujet n’est donc pas anti-poétique. Il y avait là aucontraire une large carrière ouverte à l'imagination, de hauts enseisnemens à demander à l’histoire et dans ce vaste champ du passé des âges, une main exercée eut pu trouver encore de nobles et brillantes fleurs à cueillir. J'ai lu dans je ne sais plus quel poéte allemand, une délicieuse et suave réverie sur la musique : il la — 157 — présentait dans sa fiction toute germanique, comme pré- sidant à toutes les destinées d'ici bas et, de son in- fluence omnipotente , il faisait découler tout le bien ou le mal qui advenait chez les hommes. Dans le pa- radis terrestre, disait-il, Dieu avait confié l'innocence du premier homme aux petits oiseaux qui, dans leurs chants d'amour , lui rappelaient sans cesse les bienfaits de son créateur et si Éve notre première mère pécha, c'est que le serpent vint la tenter pendant la nuit et que, la nuit, les petits oiseaux ne chantaient pas. Ce poéte ingénu descendait ainsi dans sa naïveté le long fleuve des âges, bordé de saules et de peupliers dont le feuillage touffu abritait les petits oiseaux tou- jours gazouiliant et versant leurs torrens d’harmonie protectrice sur la barque passagère que le courant emportait vers cet Océan qu'il appelait : l’Éternité. Eh! bien, Messieurs, ce que ce poéte a fait avec de la fiction , nous demandions qu'on le fit avec de l’histoire et certes, pour bâtir un tel édifice, les matériaux de toutes sortes ne manquaient pas; car, la musique est liée intimement à l'histoire générale et particulière des peuples et depuis les cantiques admirables renfermant les fastes du peuple hébreu; depuis ces lois que Ly- curgue fit mettre en musique pour qu'elles se graväs- sent plus facilement dans la mémoire de ses spartiates, jusqu'aux compositions les plus modernes, on verrait aisément que la musique porte évidemment le cachet du siècle qui lui donna naissance et sur lequel elle fit rejaillir tous les rayons de son influence : forte et vé- hémente dans les tems de rudesse et d'enfance des sociétés; inolle, trainante pour exprimer les pas- sions amoureuses des troubadours et des trouvères du = BB: 4 moyen age; papillotée, festonnée , chargée d'ornemens superflus comme les productions du siècle de Louis xv ; mâle, rude, élevée comme la poésie dythirambique de notre révolution; enfin, comme elle est de nos jours, imitant l'esprit du siècle, cherchant une ère nouvelle, tourmentée, doutant de tout et manquant de con- fiance dans l'avenir comme de croyance dans le passé ; toujours et partout, l’histoire musicale est là qui se dresse devant le philosophe comme un éloquent et fidèle miroir où viennent se refléter la grande ombre du passé, la triste ou consolante image de la civilisation ! Chez les Francs, voyez quelle fut l'influence de la uusique sur toutes ces peuplades gucrrières qui s’en- ivraient au bruit de la bataille ! Leurs chants de guerre jetaient l’effroi dans les rangs ennemis , en même temps qu'ils entrainaient au combat ces mille phalanges hur- lant d'enthousiasme et d’ardeur : on appelait ces chants la chanson des gestes, parce qu'ils célèbraient les beaux faits des preux, et, lorsqu'un chef s’apercevait que ses hommes d'armes commençaient à se rallentir au carnage, alors, d’un signe, il ordonnait le chant de guerre, et ses soldats, chantant en chœur, se préci- pitaient tête baissée dans la mêlée, emportés dans ce tourbillon d'harmonie belliqueuse qui, alors, engendrait des beaux faits et des gloires..... Sidoine Apollinaire raconte que la chanson de Clotaire IL était chantée partout et à pleine voix ( magné vociferatione), et que le récit de ses victoires sur les Saxons engendra bien d’autres victoires aussi éclatantes. Qui n'a pas entendu parler de la fameuse chanson de Rolland, ce héros si célèbre qui a fourni le sujet des poésies de l’Arioste 9 et du Boyardo ? Ce chant héroïque n'a jamais cessé — 459 — d'enflammer nos cohortes francaises et de présider à leurs exploits, et Philippe-Auguste fut le premier qui, à ia bataille de Bouvines, osa substituer la psalhwuodie catholique aux stances adoptées par les compagnons de Charlemagne à Ronceveaux ! Robert Wace, auteur du Roman du Row, dit que lorsque Guillaume , à la tête de ses Normands, envahit l'Angleterre, Tuillefer, son ménestrel, entonna les chansons de Charlemagne, d'Olivier et de Roland ; qu'ensuite, s’avancant vers l'ennemi , il tua un de leurs porte-étendards, s’élanca sur un second cavalier qu'il terrassa, puis, qu'à sa voix modulant toujours l'hymne ouerrière, ses hardis Normands, courant sus à l’An- glais, entamèrent cette célèbre balaille d'Hastings qui décida du sort de l'Angleterre. Nous sommes fiers, Messieurs, d’avoir à constater de tels faits, et, comme poête et comme citoyen, nous nous rappelons avec orgueil que la patrie doit à l’alliance de ja poésie et de la musique les plus nobles pages de ses annales militaires : car, si ce fut à cette alliance merveilleuse que Guillaume dut alors son titre de Conquérant, c'est à elle aussi que la France doit cette consolation : de n'avoir jamais rompu devant l'Angleterre, quand l’An- gleterre l'a combattue seule. Qui de nous ne se rappelle avec délices cette époque fleurie de l'existence, que les poètes ont appelée l’avril de la vie, temps si doux où le jeune homme, avide de l'étrange et du merveilleux, berce les vagues inquiétudes de son imagination avec cette pittoresque et harmonieuse lecture des chants si poétiques d'Ossian ?.….. Qui de uous n'a pas compris, en les murmurant de la voix et de l’âme, qu’à de tels entrainemens lyriques 00 nul cœur de guerrier ne pouvait demeurer froid, nul pied d'homme ne pouvait rester attaché au sol ?.... Eh ! bien, ces hymnes éclatantes, ces ardentes évo- cations, ces élans irrésistibles des héros de Morven, ne sont pas de vaines et stériles conceptions d’un cer- veau poétique : non l'ils ont réellement jeté les hommes du Nord au milieu des hasards de la bataille, et les Bardes les ont criés aux fils de Fingal dans tout le septentrion, alors qu'à leur voix, ses peuples avides d'harmonie accouraient avec leurs boucliers de fer, avec leur courage de fer. Voilà bien, si nous ne nous trompons, de la véri- table influence exercée sur les peuples primitifs de nos contrées ; influence purement héroïque, purement guer- rière : si nous voulons maintenant constater cette in- fluence sur les mœurs proprement dites, l'histoire encore sera là pour nous fournir tant d'argumens, que l'analyse se trouvera bientôt dans la difficile al- ternative de choisir, dans ce riche trésor de preuves abondantes. Nous n’en citerons qu'une seule qui résume toutes les autres : Chaque siècle, on le sait, reçoit l'impulsion morale directement de ceux qui occupent le sommet de l’é- chelle sociale: ainsi, sous la première race, le peuple était guerrier; plus tard, il devint religieux; plus tard encore, il se fit artiste ou philosophe, comme il est devenu aujourd’hai politique, ambitieux et remuant: or, au xvi.* siècle, cette époque de transition et de progrès naissant qui influa tant sur l'avenir; au xvr.f siècle, l'Italie courbée toute entière sous le joug de la puissance religieuse que St.-Pierre n'avait peut-être pas — 61 — léguée à ses successeurs, l'Italie empruntait ses mœurs au clergé dont elle acceptait servilement et les lois et les exemples: nous n'avons pas, certes, l'intention de refaire ici un tableau critique qui a été peint déjà par tous les historiens de cette période de la renaissance et nous nous contenterons de rappeler que le clergé d'alors était loin d'édifier ses ouailles et de ressembler à celui dont le catholicisme s’honore aujourd'hui:.... Celui donc qui, à cette époque, fut venu changer et réformer les mœurs du clergé, eut évidemment par le fait même, changé et réformé les mœurs de la na- tion. Eh! bien, ce que la philosophie et le pouvoir auraient envain tenté d'accomplir, la musique l'en- treprit,..... et réussit. La musique d'église alors était dégénérée à un tel point et d'une manière si étrange que nulle dignité ne présidait aux saints mystères, nulle gravité ne se mon- trait dans les cérémonies, nul recueillement ne venait élever à Dieu ces âmes pour lesquelles la prière refusait de déployer ses ailes de séraphin: on ne chantait dans les temples que des espèces de madrigaux, d'hymnes burlesques où chacun ne s’occupait que du soin de faire briller l'étendue de sa voix ou la bizarrerie de son génie. De là, cette foule de désordre et de scandale qui corrompaient d'autant plus facilement le peuple, que l'exemple partait de plus près de l'autel et sem- blait plus autorisé de Dieu lui-même. Le pape Marcel IT, las des plaintes qu'excitaient le fracas et l’incon- venance de ce bruit confus, de ces orgies monacales, avait pensé à réduire cette étrange musique au simple plain-chant. Il y avait, à Rome, un jeune homme peu connu qui avait compris l'étendue de la fausse route — 62 — où s'était engagée la musique religieuse, et il résolut une réforme générale. Ce jeune homme était l’illustre Palestrina dont le vaste génie musical triompha de la vieille et scandaleuse routine ou s'était égaré le clergé d'Italie. Dès lors , les saints mystères furent célébrés avec une pompe grave et sévère: les églises se revêtirent de cette sérieuse solennité qui ne les a jamais quittées depuis; le sacerdoce ne fut plus un vain titre; le prêtre fut véritablement le ministre du Dieu de majesté et, sa gravité fut telle dans l'intérieur du sanctuaire, qu'il fut forcé de la conserver encore au dehors. Le peuple imita ses pasteurs et si l'on admet que l'influence morale découlait à cette époque de l'autorité sacer- dotale, on ne pourra nier que la réforme des mœurs populaires qui s'effectua vers le milieu du xvr.° siècle, ne soit due, en principe, à l'influence de la musique sur la civilisation. Dès le règne de Henry VII, les ménestrels et les rhapsodes illettrés, les rustiques improvisateurs des temps barbares disparurent et ce prince cruel offrit aux Anglais le même phœnomène qui consola parfois les Romains sous l'empire de Néron , le spectacle d'un tyran sanguinaire aimant et exerçant lui-même la musique, celui de tous les arts le mieux fait pour adoucir le cœur humain: aussi, au rapport des annales de l’université d'Oxfort, ses courtisans connaissaient si bien le pouvoir de l'harmonie sur le cœur de ce prince sauvage, qu'ils choisissaient toujours pour solliciter ses faveurs l'instant où il mélait ses chants aux instrumens qu'il faisait venir à grands frais d’ltalie. Ce goût, devenu général et étendant son in fluence sous le règne suivant’, on vit la reine Elisabeth protéger la musique et la AO cultiver elle-même, comme l'avait cultivée son père et il est remarquable que cet art divin ne fut jamais plus en honneur chez le peuple Anglais que dans ce siècle qui fut le plus beau siècle de son histoire. Guillaume Bird , Tho- mas Morley, Witome et Lüca Marenzio furent les orphées de l'Angleterre : ils vinrent, comme l’orphée des anciens jours, adoucir par leur suave harmonie, le caractère rude et sauvage des vieux Bretons; changer leurs mœurs en perfectionnant leurs théâtres et hâter leur civilisa- tion en moralisant leur musique et leur langage. Sha- kespeare et Miltou, ces deux grandes gloires de l’An- gleterre, avaient compris que l'on ne peut séparer la musique de la poësie et tous deux, comme Eschyle l'avait fait chez les Grecs, tous deux, s'inspirant aux accords de l'harmonie matérialisée , laissaient alors cou- ler de leur génie des torrens d'harmonie poëtique, qui, plus tard ont formé ces deux grands fleuves où vinrent s'abreuver toutes les autres inspirations humaines. La Grèce, puis Rome connaissaient si bien le pouvoir de la musique sur les peuples, que, de ces deux nations, nous avons bien peu de poëmes scéniques qui ne soient ornés d’odes et de chœurs intermédiaires; Racine qui les a imitées n’a rien créé, sans contredit, de plus touchant et de plus poëtique qu Esther et Athalie, chefs-d'œuvre tragiques dont il s'est fait ses deux plus belles couronnes et où son génie enchasse, comme des diamans, les stances étincellantes de ses chœurs. Mais à quoi bon multiplier ainsi les exemples ?... l'histoire; Messieurs, n'a pas une page qui ne vienne appuyer nos assertions et le poëte pouvait y puiser des argumens toujours justes, toujours poëtiques et cela, sans tomber dans le spécieux ni le paradoxal. "HO Dans la nécessité où nous nous trouvons d’effleurer et d'analyser et tout en regrettant d'avoir été déja si long, nous nous contenterons de citer un effet bien récent de cette sublime influence sur les masses. Est- il une seule gloire de la patrie, dans les jours si di- versement appréciés de notre première révolution, qui n'ait dû son plus bel éclat au reflet qu'elle empruntait à l'harmonie dythirambique ? A ses mâles accens, les citoyens réveillés volaient à la bataille: l'hymne sacré de la république fit bondir d'ivresse et de délire nos phalanges belliqueuses et quand ce chant d’un nouveau tyrthée entrainait nos cohortes intrépides, l'Europe en- tière tremblait à la parole du poëte, à l'écho de ces notes frémissantes qui portaient jusqu’au bout du monde étonné les stances brülantes de la Marseillaise? Nos soldats victorieux voyaient leur nom immortalisé par la poësie et la musique; par elles et pour elles, ils triomplfaiant, et, si le fer ennemi venait interrompre sur leurs lèvres l'ode suprême de la liberté, du moins, en mourant, ils savaient que sentinelles vigilan- tes, la poësie soutenue par sa sœur, apprendrait ces noms à la postérité: de là, tant de chants populaires ct patriotiques dont nos mères ont bercé notre enfance et où, tous, nous avons puisé les incroyables récits de nos gloires et nos triomphes ; récits que nous n'oublie- rons jamais, Car la chanson les perpétue et la chan- son, c'est l’histoire à la portée de tous. Cette histoire, nous l'avons bégayée tous au berceau, lorsque répé- tant sans les comprendre encore, les poëtiques refrains de ce roi des chansunniers qui fut tout à la fois notre Horace et notre Pindare, tout enfans encore, nous écou- tions avec ivresse les chants si harmonieux de notre bon =" 168 — Béranger : oh ! lui aussi exerça une haute influence sur les peuples ! Car sa gaîté porta la consolation sous Île chaume; sa vigueur jeta l'enthousiasme aux opprimés . comme elle jeta l'épouvante aux oppresseurs; et pour- tant, Messieurs, si la musique n'était venu en aide à la poësie, si ces beaux vers n’eussent été chantés, qui peut affirmer que toutes ces odes magnifiques n'eussent pas eu le sort commun, l'oubli qui va tout dévorant?.... C’est donc à la musique, toujours à elle que nous devons la conservation de nos plus beaux chefs-d'œuvre poëtiques et cela est si vrai que, jadis, dans les écoles, on chantait les vers de Virgile et d'Homére qu'on ne sait même plus lire aujourd’hui. Vous parlerai-je, Messieurs, de cette autre influence musicale dont tout le monde connaît les effets extraor- dinaires ? de cet air si touchant des montagnes de la Suisse qui rappelle à l’exilé les si douces souvenances de la patrie? Le Ranz des Vaches pour l'enfant de la Suisse, c'est l'image du pays, c'est la patrie elle- même ; c'est la montagne avec sa luxueuse verdure et ses glaciers étincelans, avec ses troupeaux et ses chà- lets; c'est la voix du vieux père qu’on à laissé de l’autre côté du torrent; c'est aussi le baiser d'adieu de cette vieille mère qui, là bas, prie chaque jour Notre- Dame de Constance pour le pauvre enfant qui a quitté le toit natal ; avec de tels souvenirs, l'exilé se sent fort contre le mal sur la terre étrangère et c'est encore la musique qui vient le protéger, et le conso- ler... Mais, un jour, ce noble chant fit bien plus encore: car, à ses magiques accens que Guillaume- Tell” lançait à tous les échos de la vieille Helvétie, l'Helvétie toute entière entendit la grande voix qui 30. — 466 — l'appelait et, comme la France le fit plus tard avec sa Marseillaise, la Suisse, ce jour là, conquit avec son Ranz le premier droit des peuples : la liberté, qu'elle a su conserver !!.. Le bon Chérubini, ce musicien célébre que la mort vient de faire illustre, avait coutume de répéter sou - vent dans son langage franco-romain si doux et si naïf: — « Trouvez moi un malhonnête homme qui « chante juste et je consens à chanter faux...,» Kalkbrenner dit dans son histoire de la musique; — « Lorsque, dans mes voyages, je passe, le soir, à tra- « vers un de nos beaux hameaux d'Allemagne et que « j'entends sortir de quelque chaumière les chants » joyeux de la veillée, cela me fait bien au cœur; car » je me dis: ces gens là doivent être bons et pour « moi, leur musique grossière vaut mieux qu'un cer- « tificat de moralité signé du Bourgmestre. ... » En effet, Messieurs, c'est surtout comme moyen de moralisation que nous voulions qu'on envisageàt la mu- sique: c'est sous ce rapport surtout que nous la re- gardons comme un puissant levier destiné à soulever l'âme des peuples et à l’entrainer dans cette voie de progrés où nul siècle, dès à présent, ne peut rester stationnaire, sans s’exposer à reculer bientôt: c’est dans ce but que votre académie a proposé le sujet qui nous occupe; car elle savait que le point de départ vers les grandes choses doit toujours être marqué par l'intention du bon et de l'utile et que la musique, ce premier langage de la nature, prédispôse infaillible- ment à l'accomplissement du bien, seul but où les peuples doivent tendre: aussi, Platon ne craint-il point de dire que l’on ne peut faire de changement dans la — 67 — musique, qui n’en soit un dans la constitution de l'é- tat; et Aristote qui semble n'avoir fait sa politique que pour opposer ses sentimens à ceux de Platon est pourtant d’ac- cord avec lui touchant la puissance de la musique sur les mœurs. Théophraste, Plutarque et Strabon ont pensé de même et Montesquieu les a tous approuvés dans son Esprit des Lois. Maintenant, Messieurs , que nous croyons avoir, bien imparfaitement et trop longuement sans doute, esquissé ce caractère marqué d'influence musicale, il faut bien que nous arrivions à un aveu pénible : c'est qu'aucun des concurrens qui sont aujourd'hui entrés en lice, n'a compris les termes de la question; aucun n’a su se placer au point de vue moral sous lequel nous avions, nous, considéré le sujet: tous sont tombés dans le même défaut et ont parlé des musiciens sans presque parler de la musique elle-même, ni de ses efforts, ni de son influence. Effrayés sans doute par l’immensité du labeur qui demandait de rombreuses re- cherches bhibliographiques , ils ont reculé devant ce gouffre profond où üïl fallait aller puiser l'érudition sèche et aride, pour la revêtir ensuite des brillantes couleurs de la poësie : ils ont fait alors l’histoire de l’art musicale, tandis que nous leur demandions ce qui était résulté de cette histoire elle-même. Pourtant, Messieurs, nous devons remercier les concurrens des efforts qu'ils ont faits pour accomplir leur tâche et pour combattre le fantôme qu'ils s'étaient créé à eux- même: car, c’est bien un fantôme , puisqu'ils se sont attachés à l’ombre du sujet, sans s'appercevoir que tout à côté, se trouvait le sujet qu'ils n'ont pas vu. Nous citerons en première ligne le poème qui a pour 30.* — 468 — épigraphe : La musique est le langage de l'âme et des sensations. L'auteur est, sans contredit, celui qui à le plus approché du succès et a le moins mal compris les termes de la question. Plus que les autres, il a su donner souvent une couleur poétique à son œuvre, et c’est beaucoup dans un tel sujet; de bons vers appa- raissent de temps à autre comme des étincelles qu'on regrette de voir trop vite obscurcies par d’autres vers que le poéte, dans le but de paraître plus clair, à laissé subsister dans toute leur prosaïque simplicité. Vient ensuite un autre travail, et je me sers à dessein de cette expression ; car c’est un énorme tra- vail que celui qui a entrainé l’auteur à expliquer toute la complication de son système musical dans une pré- face plus développée que l’œuvre elle-même. Il a pris pour épigraphe ce conseil d'Horace que beaucoup devraient suivre : CD AIRE MER ER DAME RTE tIQUE a Desperat tractata nitescere posse, relinquit. » La préface, étant en prose, ne rentre pas dans le domaine d’une commission déléguée à l'effet de juger des vers; pourtant nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer à son auteur que son petit poème, ainsi précédé de ce gigantesque avant-propos, ressemble beaucoup à une étroite chaumière à laquelle on au- rait donné pour porte d'entrée quelque chose comme l'arc de triomphe de l'Etoile. Néanmoins, et nous nous hàtons de le dire, tout en critiquant cette sorte d'exhu- bérance d’érudition psychologique, nous rendons justice, nous ne disons point au poëèle, mais à l'auteur, qui a dù se livrer à d’immenses recherches pour exécuter son plan. Quant aux vers, il a cru devoir les empreindre — 469 — d’une teinte scientifique qui malheureusement €n à fait de la prose ornée de la rime et de la mesure. Il ne s’est point assez rappelé que le genre didactique n'est point ennemi de la poésie, et que Delille, dans son poème de l'imagination, Boileau dans son art poétique, Voltaire dans ses stances philosophiques, et Lucrèce dans son poème tout métaphysique, ont su couvrir de fleurs les plus désespérantes aridités du champ que leur muse avait à exploiter. Quant aux autres poèmes, je n'ai pas mission de les mentionner. Nous aurions été heureux, Messieurs, d’avoir à vous rendre compte d'un succès, comme nous l'avons fait l'an dernier ; mais votre commission a dû reculer devant l'imperfection du travail, et nous sommes forcés de traduire ici fidèlement l'expression de sa décision, dont elle nous a chargé d’être l'interprète. Mais, tout en déclarant qu’il n’y a pas lieu à décerner de prix, cette année , j'avoue personnellement que la rapide esquisse que je viens de vous soumettre , tout poétique qu'en soit le fond, ne me paraît pas en effet chose facile à réduire sous forme de vers et à soumettre au joug si pesant de la césure et de la rime; aussi Gresset, ce poète si facile pourtant, s'est-il bien gardé de rimer son admirable discours sur l'harmonie !... Cette déclaration, de quelque bouche qu'elle sorte en cet instant, pourra peut-être consoler les vaincus d'aujourd'hui et leur prouver que nous avons compris et apprécié tout le mérite de leurs efforts, et que ce n'est qu'à regret que nous avons persisté à penser que ce qui est difficile n'est pas impossible. pe rep qe ve, éd pop nier “ais .sféngetat"l OT Sginds ñh atom 16 oHep!, «2hg db"ronr098b 4 woïf skq° à » rasialobh ET Le ours A PAIN . dtlégéest À om rh Tr dh oi-dhnn ont DEA has dE | hésucoup 1 otre bars ddhtnel 10b ie DUT IP ETC CU ANSE RSS | M rte 86 Biline ds hétrgioh Endét subir org bésritifprl ne mu à se Mas ñ a He SPA ME 008 4b FAÿ#i has sc d'in mp lé Tu plan. ‘Qatit dus réa semer ç-* n ven. devoir. inetonipn À JEANNE-HACHETTE,, Par M.“ Fanny DENOIX. —233)0<€ce— Oui, nous avons un nom que le monde proclame , Qui jadis de l'honneur illustra le tournoi ; Dans les fastes du temps il brille en traits de flamme, Et pas un noble cœur ne l'entend sans émoi. Cet héroïque nom, c’est le nom d’une femme... O Jeanne , gloire à toi! Jusqu'au pied de nos murs, Charles-le-Téméraire S’avançait fièrement, sur un noir palefroi ; On comptait, sur ses pas, cent mille hommes de œuerre. De la faible cité, pälissante d’effroi , Qui pouvait défier le terrible adversaire ? O Jeanne , gloire à toi ! Beauvais avait perdu sa dernière espérance ; Déjà de l'étranger il subissait la loi, Jeanne , le glaive en main, court à sa délivrance ; De ses braves aïeux elle sauve la foi, L'honneur de son pays et le trône de France, O Jeanne , gloire à toi! Ces beaux champs , l'ennemi jamais ne les profane , Il semble que le ciel prononce son renvoi, — 172 — Et qu'à de longs affronts tout ici le condamne. D'où vient que loin de nous il fuit en désarroi ? C'est qu'il croit voir errer le fantome de Jeanne. O Jeanne , gloire à toi! Du tombeau séculaire on dit qu’elle se lève , A l'heure où de minuit résonne le beffroi ; Que , du haut des remparts protégés par son glaive, Elle nous garde encor... dans l’ombre je la voi, N’en doutez pas, mes sœurs, non, ce n’est point un rêve. O Jeanne , gloire à toi! A retrouver ses traits vainement je m’obstine : Où sont-ils ? Nulle part je ne les apercoi ! Viens donc, amant des arts, ciseler l'héroïne , A sa vieille cité fais ce pieux octroi, Puis , au pied du granit que ton ciseau burine : O Jeanne , gloire à toi! » N'est-il point assez d’or pour créer son image : Courons de nos joyaux lui consacrer l'emploi ; Rien ne nous parera comme ce noble hommage. Puisse chacun la voir ravonner devant soi, Et, tout brülant d'amour, répéter d'âge en âge : O Jeanne , gloire à toi. CAQE] 5 ÉPITRE A M. DE PONGERVILLE, Par M. s'.-A. Benvizze. De Lucrèce et d'Ovide éloquent interprète, Esprit solide et vrai, non moins que vrai poète, Pourquoi , las de parler le langage des dieux, Laisses-tu sommeiller ton luth mélodieux ? J'applaudis à ta prose élégante et sonore , Où de Milton éteint le feu revit encore : Mais pourquoi , déserteur des domaines du ciel, Le Dieu veut-il descendre à n'être qu’un mortel ? Car ne t’abuse point ; quelque soin qu'on s'impose, La prose la meilleure est toujours de la prose. La tienne offre au lecteur cent mérites divers ; Je l'aime : mais pourtant j'aime encor mieux tes vers. Ce langage éclatant d'images, d'harmonie, Que pour l'âme et l'oreille inventa le génie, Qui de ta jeune ivresse exprima les transports , En as-tu, Pongerville , oublié les accords ? Fils ainé de Lucrèce , élève de Racine, Ne te souvient-il plus de ta haute origine ? — 7h — Contre le mauvais goût prompt à nous inonder , Quel défenseur pourtant viendra te succéder ? Vois : ceux dont les pinceaux, à la raison fidèles , De l’art vrai, chaste , pur nous tracaient les modèles ’ Ou vaincus par le tems , ou las de leurs travaux , Vont laissant le champ libre à d'étranges rivaux, Et ce culte du beau, qui fut la poésie, Sans prêtres, sans autels s'éteint sous l’hérésie. Béranger , dont la voix , au jour de nos malheurs , De la patrie en deuil consola les douleurs , De son siècle aveuglé déplorant le délire, A la voûte du temple a suspendu sa lyre : D’Hortense et de Bonnard le peintre ingénieux Repose trop souvent ses crayons gracieux : À ses rhythmes touchans Lamartine infidèle Veut cueillir au forum une palme nouvelle : Où sont leurs hériers ? Sur le trépied sacré Quel mortel après eux va monter inspiré ? Je ne vois qu’avortons ou que monstres bizarres , Que faux pensers traduits en des jargons barbares, Que novateurs à froid , qui, vains de leurs travers , Font , pour se distinguer , du génie à l'envers. L'un, pensant rajeunir l’art , qu'il ne connaît guère, Croit que pour être vrai l’on doit être vulgaire. L'art veut de la nature imiter les beautés ; Lui , se plaît à la voir par les plus laids côtés. Il vous dira les cris de la foule incongrue , De nectar à six sous s’abreuvant dans la rue ; Ou bien il vous peindra la beauté ses amours , Toussant les nuits, lavant sa lessive les jours. (1) (1) Historique. — A75 — Son style est digne en tout de ces nobles peintures , Vrai trésor des mots bas et des basses tournures. Etre poète , aux yeux de cet original, C'est parler comme on parle , alors qu'on parle mal. De tout ce qu'on évite il fleurit son langage : S'il est un tour sans grâce , un terme hors d'usage , Une image qui choque et qu'il faille écarter , C'est là ce que son goût s’empresse d'adopter. Surtout il a grand soin de briser la mesure ; Il disloque le rhythme, égare la césure, Et son vers, en un mot, c'est la prose, excepté Les graces de la prose et sa facilité. L'autre arrive au mauvais sans prendre tant de peine : Il vous livre tous bruts les produits de sa veine, Et ne se permet pas, tant ses momens sont chers, D'attendre sa pensée et de finir ses vers. C'est en vain que Boileau lui crie : « allons, courage! » Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ». Sottise! ce Boileau, qu’était-ce? un polisson (1). Puis, avec le public faut-il tant de façon? Jadis on respectait sa majesté sévère ; C'est à force de soins qu’on cherchait à lui plaire ; On tremblait à son nom; quel abus! aujourd’hui La plus informe ébauche est bonne assez pour lui; On dédaigne à présent le rabot et l’enclume, Et c’est à la vapeur qu’on fabrique un volume. Des vers, qu'à peine encore avait conçus l’auteur, À l'état d'embryon sont jetés au lecteur De la fleur à venir c’est le germe inodore ; C’est la grappe qu'aoùt n'a point mürie encore. ü (4) Historique. — 176 — Quelquefois du nouveau linsatiable amour Doune un succès d'une heure à ces travaux d’un jour : Mais le retour est prompt; d'un frivole caprice Le dégoût et l'ennui bientôt ont fait justice, Et bientôt au panier le chef-d'œuvre jeté À vécu moins de tems encor qu'il n’a coûté. Celui-là pourrait mieux; le ciel à son génie Donna le sentiment, la grâce et l'harmonie ; Mais un fàacheux travers égare son esprit : Quand il parle, il est bon; cruel quand il écrit. Sa muse avec amour brüle, égorge, empoisonne ; Le viol, sous sa plume, et l'inceste foisonne : Pourtant le parricide est encor mieux son fait. Un loup, dans son système, est un héros parfait ; Ou, si dans notre espèce il prend ses personnages , C’est le bourreau surtout qui recoit ses hommages. Mais non; le bourreau même est trop pâle à son gré : Le bourreau ! parlez-moi du tourmenteur-juré! Sur la grève à toute heure il vous force à descendre : Les gens favorisés sont ceux qu'il daigne pendre. Il dresse l'échafaud où râle l'innocent, Compte et les coups de fouet et les gouttes de sang, Et par d'’affreux tableaux révoltant la nature, Ainsi que ses héros vous met à la torture. Celui-ci, plus bénin, non plus récréatif, À trouvé le niais en cherchant le naïf. Tout son livre n’est plein que de berceaux, de langes, Que de petits enfans, qui sont de petits anges, Et qui vont, bégayant de petites chansons, Ramasser des cailloux et des colimaçons. De sa petite poche il tire à chaque page — 477 — De petits sous qu'il donne aux pauvres du village, Ou que ses petits doigts glissent de tems en tems Aux petits savoyards, qui s'en vont bien contents. Il vous racontera comment, chaque dimanche, Sa maman lui passait une chemise blanche ; Comme ensuite avec elle il allait au saint lieu Faire, sa bonne aidant, sa prière au bon Dieu; Comment, bien sage alors, il élevait croisées Ses deux petites mains blanchettes et rosées, Et comment , de retour , il jouait aux cerceaux, Ou répandait du grain pour les petits oiseaux. Vois par mode et par ton cette muse mystique, Qui d’un jargon pieux affadit son distique, Suit la procession, accompagne au lutrin, Et fait le catéchisme en rhythme alexandrin ; Qui peuple son recueil d’anges, de saints, de vierges, Se pame au seul penser des aubes et des cierges, Ecoute avec bonheur le bourdon résonner, L'enfant de chœur glapir, les chantres détonner ; Dont la feuille bénoite, en missel convertie, De loin vous porte au nez l’odeur de sacristie; Dont les accens béats et les soupirs dévôts Vous montent à la tête en vapeur de pavôts. Regarde celle-ci, qui, bacchante éhontée, Sàlissant ton esprit d'une image effrontée, Egare le lecteur trop lent à s'alarmer, En ces lieux que Boileau n’a point osé nommer. Dirai-je cet auteur prétendu moyen-dge , Lardant de vieux jurons son moderne langage ; Dans son grossier pastiche alliant au hasard La langue de Delille et celle de Froissard, — 478 — Des lambeaux mal cousus des poudreuses chroniques Habillant à bas prix ses chefs-d'œuvre scéniques ; N'oubliant rien , habits, décors, armes, blason, Rien, hormis l'intérêt, l'esprit et la raison ? Dirai-je encor celui dont l'étrange purisme N'est pas content d'un mot, s’il n’est un barbarisme ? Celui qui, des beaux vers fuyant trop le clinquant, Croit dire le mot propre, et dit le mot choquant? Honte !.. et toi, qu'ennoblit cet art qu’on déshonore, Au bruit de ses affronts tu peux dormir encore! Réveille-toi : fais voir à ces jongleurs divers Comme on pense en poète et comme on parle en vers. Décrier les faux dieux, et leur culte, et leurs temples, Par tes discours, c’est bien ; c’est mieux par tes exemples. Ami, c’est aux bons vers, à ceux que tu nous fais, A redoubler en nous le dégoût des mauvais. Oui, crois-moi, qu’au milieu des fanges de notre âge, Fils de l’art et du tems surgisse un bel ouvrage, Et tous ces faux talens, dont on fait tant de bruit, Vaincus par son éclat, vont rentrer dans la nuit. Ainsi, quand de Macbecth les immondes sorcières De leur rauque sabbat consternent les bruvyères , Dansent aux aigres cris des chouettes, des corbeaux, Mèlent le fiel des boucs au venin des crapauds, Et, sous l'œil des démons, de leurs lèvres avides Sucent le sang glacé des cadavres livides ; L'’aube luit; tout se tait, tout fuit, et le soleil, Seul, brille, calme et pur, à l'horizon vermeil, LISTE DES MEMBRES DE LA COMPAGNIE. x LES tra RE | 08 sl ot es À pr VEN | MES, fhatillans à: Das prix sos +bafe-d'œuvre: lsientes. 2 Nimbliqué. pisn . Mbits décors, sarmess:basois sv: 5 Ken, borné, l'insésée, demprite, nb dt: ratnanx F: Dirai-js encoe calui du. l'étrange parasite À N. Mest parut. dan, sat, 4% s'o88 ans bacharisite” À Calul qui, dos bevuxsvore fayout trop be clinquaut, | Ft dite de mubiprigne., ch dit ds ot dhpquanse, se MN... ‘ec toi, qu'onenblié eut er qu'en déshonire: Au” brûe de sta affrvnite &u (pet. decmiie encore fe ‘ Révéillwstoi :, fais voie, à ous: jongleurs diras à COST UEN A5 _puDte" én_podt® et cûrame eut parle. on vétr. Débhidr latex, dre: #6 tete ailes, at fours tormples ! PO vpn etant * Cain arañuinis quad milièn dés Pres: de notre bé, Es ta te OAMMON AE HG: Eu Ga ss Mio tiens)" dons on fat nat 46) rit EU URL PAST rogisr das Fa toit, Ant à quant tds Macbbcih toi D Li RS D De fur raugon sbbat com NE eur brüyéres", O0 Éliisent ant 'nfgro evis dl He torbcans, Donnée Le Hé den borien "+ don Crégomws *! > Et à mous Mél. deu dunnt) a are! midlie Sncent. le sang ginebl dense lvyidés; L'anba uit; Lot 1e nf: out EL lo shit} #8 Soul ,, brille, cale et pur :.à l'honotipeñmel, 1 7 LME VV PC MEMBRES TITULAIRES. MM. BarBiER % , médecin en chef de l'Hôtel-Dieu , directeur de l’école préparatoire de médecine et de pharmacie , membre associé de l’Académie royale de médecine de Paris, etc., etc. RiGoLLOT , médecin ordinaire de l'Hôtel-Dieu , professeur à l’école préparatoire de médecine et de pharmacie, etc. MacnarT (Auguste) père # , conseiller à la Cour royale. ANSELIN , avocat à la Cour rovale, doven du conseil de Préfecture. CHeussey #, architecte de la ville et du département. Hugerr , inspecteur de l'Académie universitaire. CRETON , avocat à la Cour royale. 31. — A8? — Ogry , ancien avoué, avocat à la Cour royale. Pauquy , docteur en médecine , professeur à l'école pré- paratoire de médecine et de pharmacie. DEcaïeu, conseiller à la Cour royale. Marotre , secrétaire-général de la Préfecture , Directeur. Duroyer % , Maire d'Amiens, Secretaire-Perpétuel. Bouzzer %# , I." président de la Cour royale. DAvELuUY , négociant , président du tribunal et de la cham- bre de commerce. QuexoBLE %, président du tribunal civil. Dewaïzzy , ancien propriétaire-cultivateur à Cagny. Roussez (Louis), conseiller à la Cour royale. Macxarr (Auguste) fils, ingénieur des ponts-et-chaussées. Garnier , professeur, bibliothécaire-adjoint. SPINEUX , aîné %, propriétaire, etc. Harpouix, docteur en droit, avoué à la Cour royale, etc. TAvERNIER %, docteur en médecine , professeur à l'école préparatoire de médecine et de pharmacie. Damayx 3%, avocat-général près la Cour royale. Rousse (Martial), directeur de la maison de correction, Chancelier. PoLLer, professeur de physique et de chimie au£collége roval , etc. Bor , pharmacien , etc. Dupois (Amable) , docteur en médecine , etc. ANDRIEU, docteur en-médecine ,®etc. LEBRETON % , ingénieur en chef des ponts-et-chaussées. — 4583 — GaLoPPE-D'ONQuAIRE, homme de lettres. LAVERNIER , secrétaire-général de la mairie d'Amiens Daupuin, conseiller à la Cour royale. BreutL ( Auguste }, avocat. MATHIEU, ancien négociant. Févez (Ferdinand), docteur en médecine, ete Hexrior ( Alphonse ), ancien négociant. oRLPIPENSE a Te À SE > 3 a = S 7 à MEMBRES HONORAIRES. MM. Le premier Présinexr de la Cour Royale. Le PRÉFET de la Somme. L'Évèque d'Amiens. Le Maine d'Amiens. Le PRoCUREUR-GÉNÉRAL près la Cour Royale. Le Recteur de l'Académie Universitaire d'Amiens. L'abbé ViNcENr, ancien professeur de Seconde au Col- lége royal. LEMERCHIER #, docteur en médecine, médecin en chef des hospices St.-Charles et des incurables. Jourpaix ( Léonor ), professeur de belles-lettres et de langues vivantes, Mazzer-DEsprez # , négociant, membre du Conseil gé- néral d u commerce. ASSOCIÉS CORRESPONDANTS. MM. DuméÉriz, membre de l'institut, à Paris. LapBouisse, membre de la société des belles-lettres. Nonier (Charles), membre de l'institut, à Paris, DENEux , médecin, à Paris. BERvILLE, 1. avocat général près la cour royale de Paris. HErPiN, secrétaire de la société académique de Metz. Juziex, directeur de la revue encyclopédique, à Paris. LrapiEres, chef de bataillon du génie, officier d’ordon- nance du Roi, à Paris. DELEAU, médecin, à St.-Mihiel. Desean, lieutenant-général, pair de France, à Paris. Macon DE LALANDE, ancien directeur des domaines , à Falaise. Duronr , colonel du génie, à Abbeville. MourGuEs , ancien préfet. Morin, médecin, à Rouen. 3 — 186 — PONGERVILLE (Sanson de), membre de l'institut, à Paris. ALBI (Adrien), géographe, à Paris. JACQuEMYYS , médecin. Boucuer DE PERTHES, directeur des douanes , à Abbeville DAUVERGNE , pharmacien, à Hesdin. Mazo (Charles), homme de lettres, à Paris. Moreau (César), à Paris. D'Hexpecourr , ancien conseiller à la Cour rovale d’A- miens, ancien membre titulaire. De Lacosre (Aristide), préfet des Bouches-du-Rhône. LouaxDrE, bibliothécaire et archiviste de la ville d'Abbeville. Le Gray, archiviste du département du Nord, à Lille. Bureux, membre du conseil général et maire de Fransart. PascALIS, ancien procureur général à Amiens. DurAnp , ancien recteur , ancien membre titulaire, à Paris Hiver , avocat, membre du conseil général, à Péronne Burxour , membre de l'institut, à Paris. Beucnor , littérateur, à Paris. PaicipparT , professeur d'agriculture à Grignon. FumERroN D'ARDEUIL, ancien préfet, conseiller d'état, à Paris. VIvVIEN, ancien membre titulaire, ancien ministre de la justicer,* etc. SOULACROIX, ancien recteur à Amiens, recteur de l'aca- démie de Lyon. GEORGE, secrétaire de l'académie de Nancy. MerCIER, médecin, à Arras. — A87 — BRÉGEAUT , pharmacien, à Arras. BoisreL , professeur de seconde au collége Rollin, à Paris. DE GayroOL , ancien membre titulaire , à Compiègne. RAVENEL , sous-bibliothécaire de la ville de Paris. Dusois, sous-préfet, à Vitré. GÉNIN , professeur de la faculté des lettres de Strabourg. MEAUME , ancien membre titulaire , ancien inspecteur de l'académie universitaire. BosQuiILLON pE FoNTExAY , ancien avocat général à Amiens, ancien membre titulaire, à Paris. Mazrer pe CHiziy, propriétaire, à Orléans. COUTURE père, ancien avocat, à Paris. Moxxier , professeur de seconde, à Gap. Gresser , l'aîné , à Abbeville. Mazver (Charles), professeur de philosophie , à Versailles. Parras, médecin militaire, à St.-Omer Micnez-Brer, membre de la société philotechniqne , à Paris. BRESSEAU, propriétaire, à Poix. La Doucerre (baron de), secrétaire-perpétuel de la société philotechnique. Iexox, secrétaire-perpétuel de la société académique de Mende. Ravix, docteur en médecine , correspondant de l'académie royale de médecine , à St.-Valery-sur-Somme. Duraxp, professeur au collége Louis-le-Grand, à Paris. BazenxerY (Frédéric), procureur du Roi, à Compiègne, — ASS — Duriez, ancien membre titulaire, propriétaire, à Vers. Jourpaix (Louis), ancien membre titulaire, inspecteur de l'académie de Toulouse. M.me Dénoix (Fanny), à Beauvais. GiRARDIN, professeur de chimie, à Rouen. DE MonTÉMoxT (Albert), homme de lettres, à Paris. TiLLETTE DE CLERMONT-TONNERRE , propriétaire , à Cam- bron. BouCHiTTÉ, professeur au collége royal de Versailles. DELORME, ancien membre titulaire, professeur au col- lége Charlemagne, à Paris. CAHEN, traducteur de la Bible, à Paris. DE Morrex (Charles), à Liége. Du Souicx, ingénieur des mines, à Arras. De SanNTAREM , ancien ministre en Portugal, à Paris. LECANU, pharmacien, à Paris. Cozsox, chirurgien en chef des hôpitaux de Noyon. Lagourt, ancien procureur du Roi, à Doullens. CARESME, ancien membre titulaire, recteur de l'aca- démie de Bourges. 2 * Æ Æ R2EEES ÉRITIL #4 À * LE à FABLE \ A 4 DES MATIÈRES. DISCOURS prononcé à la séance publique d’août 1841, par M. QuENoBLE, président de lAca- démie D UN RER ca MORT COMPTE-RENDU des travaux de l’Académie, pendant l'année 1840—1841 , par le SECRÉ- TAIRE-PERPÉTUEL. NOTE sur la Mesure des températures, par M. PorLrer. DE QUELQUES Composés iodés et de leur emploi dans les arts, par M. Bor, Pharmacien. NOTICE sur l'emploi d'une substance propre à remplacer l'Ichthyocolle ou Colle de poisson dans la clarification de la bière, par M. Born, Pharmacien. ANALYSE d'une substance trouvée dans l’inté- rieur d’un Compteur à gaz propre à l'éclai- rage, par M. Bor, Pharmacien. NOTICE sur Flinstitut agricole de Roville, par M. Aimable Dupois. PAGES. n9% 61. 67. — 190 - AHÉMOIRE sur l'introduction en France, des bêtes à cornes étrangères, par M. SPINEUX . MÉMOIRE sur les ravages de la morve, dans le département de la Somme , par M. Amable Dusois. EXTRAIT d’un essai avant pour titre : Notions élémentaires sur la peinture à l'huile restreinte au paysage , par M. ANSELIN SOUVENIRS du Théâtre-Français, par M. Cou- TURE , père. RAPPORT sur le concours pour le prix de Poésie, par M. CRETON. UNE VISITE à l'atelier de M. Foyatier, par M. S.'-A. BERVILLE. COMPTE -RENDU des travaux de l’Académie , pendant l'année 1841—1842, par le Secré- TAIRE-PERPÉTUEL. ESQUISSE GÉOLOGIQUE da PRES de la Somme, par M. Bureux.. MÉMOIRE sur l'électricité re par M. PocLet: RAPPORT sur l'ouvrage de M. Bellin, intitulé : Exposition des principes de rhétorique contenus dans le Gorgias de Platon et dans Îles Dialo- gues sur l’éloquence de Fénélon , par M. HUBERT QUELQUES RÉFLEXIONS sur Îles préparations exhilarantes des Orientaux, par M. Barvier. . PAGEs. 83. 95. 149. 165. 169 186. 349. 369 — A9 — ESSAI sur l’organisation municipale de la ville d'Amiens, depuis son érection en commune en 1209 jusqu'en 1382, époque de la suppres- sion des maïeurs de bannières, par M. La- VERNIER, . PR RS NE TE OR ÉLOGE de M. Riquier , par M. ANsELin. DISCOURS sur l'amour de la Cité, par M. Dau- pHiN, Conseiller à la Cour royale. (Séance du 16 juillet 1842) NOTICE sur M. Caumartin , lue dans la séance publique du 4 septembre 1842, par M. Crexow, Avocat à la Cour royale.. UNE VISITE à l'atelier d’Ingres , par M. Damay. RAPPORT sur le concours de Poésie (1842), par M. CLÉON GALOPPE D'ONQUAIRE. 6 A JEANNE-HACHETTE, par M.re Ur DÉxoix. ÉPITRE à M. De Pongerville, par M. S.'-A. BERVILLE. FIN. AMIENS, IMP. DE DUVAL ET HERMENT. PAGES, 399. A05 . A13. 427. AA. 455. A7A. UYER — Woo — 544 | d : f Lich 7 nn NANCY suel lire mivipeingse) véves FASEN # on. , : . . : RM CN AS ‘or Hogab ,ensin AG 4 slt sn ee tel 7" 4 ; , . à NT UE Let , 40, pont : + SELLE ue muéirb, QC! L ‘ 41, 1 va ONU 90..siwnieu « aub sois : tu. : (Ur : 1 ICRLT x, | . LAIRANE : 4 jo caué À "Re su To ' : à " à M | MAN EP, 4 te 0 à TARA AE oh HODOMS Ÿ Fe dr ; ; 3 AA Mi Me : bd al È shottee, be LME CAL [E RAGE FOURS | AARTE und: :d $ 1olhissnmo) , vi A CPP (SAGE folliuf OP ) LA . LTPSE ane sui (LE Je | ua 1L'O7 de OTSAT ME na LABE srdiusiast à 66 béton 1 | a T : L LE \s4 in 44 \? | f [ t 4 1” ’ v AMALS ME PRE JATRUTEE nou) & III Y AU 11! ( LM Airoug Wa dons 0! £ 3 TONI A ”. f INMAUUALE CO 49340 At) O8.) fe | + « L . À RAC Par ot NE ATTAROANTMAMAAL. À ïq V19ÿR0T 90 M ITA | XI * : : | 4 or ” e r ! -Q CA RE SES SRE AU do tlinte dope pianmmat- alt ndttionmntimeipeth native SR n M il MATE é r',# r " LL LA d | & à L] e L . , “ d L. LA ! À ERRATA. 189, ligne 14, dont l'épaisseur est, lisez : épaisse. 490, 191, 197, 203, 21, après atteignit, mettez : , 21, 55, ses : 57. 6, byalin, lisez : hyalin. 14, me paraît pouvoir, lisez : pourrait paraitre devoir. 7, au-dessus, lises : au-dessous. RSC terrain-supérienr, lisez : ces terrainsasu- périeurs. 10%-pénétre; lisez pénétrent. 5, après plastique, ajoutez , 23, paneterie, lisez : panneterie. 25, sa longueur est de 4 kilom. et sa largeur, 4i- sez : et dont la longueur est de 4 kil, et la largeur. 24, mettez : 40, savoir, lisez : ainsi. 29 , sable, Lisez : sables. 11, ajoutez : (1). 26, supprimez : , 46, il y a aussi des grès, des, lisez : il y à aussi des grès. Des 2, ordinaire cervus, lisez : ordinaire, cervus. 27, Pont-de-Vers et la vallée, lisez : entre Vers et Pont-de-Metz. le n° 83 appartient au chapitre suivant. 28, onvillers, Lisez : hautvillers. 45, après comme, ajoutez : il s’en tronve aussi. 28, retracoulon, Zisez : Retz-à-Coulon. 29, enclavé, lisez : enclavée. — 194 — 267 , ligne 45, lui donne, Lisez : ou donne à cette argile. 48, contient et, lisez : contient, 49, d'épaisseur sans, lisez: d'épaisseur et sans. 16 , entraînés, lisez : été entrainés. 24 et 26, quart, Lisez : quartz. 43, Pont-de-Vers, lisez : vers Hebecourt. 26, argile, ajoutez : calcaire durcie. 23; cardium..., lisez : cardium hippopæum. 24, mytilus en silex, lisez : mytilus.... en silex. 19, lymnea , lisez : lymnea..... 2, ajoutez : Menchecourt. 3, fusus, dans, lisez : fusus..... dans 3, agasix, lisez : Agassiz. 16, tertiaire, lisez : tertiaires. 14, mammelonnées , lisez : manimelonées. 18, marneux, lisez : sableux. 15, après celle-ci, ajoutez : près de l’embou- chure. 2070 181) tises (79/2810): 22, cephalapode , lisez : cephalopode 9, supprimez : de chaque côté. 4, crio, lisez : craie. 2, Namps aumont, lisez : Nampsaumont. 23, ditritique, lisez : détritique. 24, d'un côté des vallées de celui, lisez : d dinaire d’un côté des vallées, de celui..... 24, mettez: ; 28, supprimez: el. 30 , de nos silex , lisez : de tous nos silex. 41 , on les voit placés, lisez: on en voit. 21, entrelacées , ces plantes ayant, lisez : entre- lacées qui forment. 23 , encre, lisez : Ancre. 22, roulé, lisez : roulés. 10, PA ® Tr PL 7 C4 æ