# MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE des Sciences. Agriculture, Commerce, Belles-Lettres et Arts DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME. AMIENS, ImPnimeRte DE Duvaz ET HermENT, MP. DE L'ACADÈMIE, PLACE PÉRIGORD, N.° 1. F MDCCCXLV. . 11 Î h À ! \ : 2 « 4 : = 3 ; ; NE er Î à DEL : NA . . . s = FE H ! N * " ? \ ne à t | # F ? . = À \! L , #2 » . s* be A . . + $ ù l4 ve Cr : “ à 4 QUES s Joe = À 4 r : d i ‘ Ex L CRE æ ‘ MÉMOIRES L’ACADÉMIE DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME. KI EU | + 3 : AP is 22 MÉMOIRES DE L'ACADEMIE des Sciences, Agriculture, Commerce. Belles-Lettres et Arts DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME. AMIENS, ImPrimMeRIS DE Duvaz ET HERMENT, ImP. DE L'ACADÈMIE, PLACE PÉRIGORD, N.° Â. MDCCCXLVII. EU) sos sa Dr. qu vx Javoû sa DISCOURS PRONONCÉ A LA SÉANCE PUBLIQUE DU 3 SEPTEMBRE 1843, Par M. MAROTTE, DIRECTEUR DE L'ACADÉMIE. MEssIEurs, Les statuts de l’Académie imposent au directeur l'obliga- tion de prendre la parole dans la séance publique. C’est un devoir important et bien digne de préoccuper celui d’entre vous à qui vous déférez, chaque année, les honneurs de la présidence. J'avouerai, avec franchise , pour ce qui me concerne, que la prévision de ce devoir m’a ins- piré quelque effroi. Cependant, Messieurs, une pensée me rassure. En exigeant du directeur un discours dans la solen- nité annuelle, a-t-on voulu qu'il exposät un système complet de morale, de science, d’art ou de littérature? A-t-on entendu qu’il soumît à l'attention publique ces aperçus qui changent la face des découvertes humaines, ou apportent, dans les arts industriels, des modifications propres à intéresser la société tout entière? 16 — Je n'hésite point à le dire : tel n’a pu être le but de la disposition réglementaire à laquelle j'obéis en ce mo- ment. En effet, il n'est pas un seul des objets que je viens de rappeler qui n’exigeät un traité volumineux, et par conséquent des années d’études et d'observations. Outre qu’un semblable traité excéderait le cercle de mes connaissances , il s’accorderait mal avec la nécessité où je me trouve de ne point fatiguer l’auditoire par une lecture trop étendue. La partie du programme à laquelle je me conforme n'est définie dans aucun des articles de nos statuts. Ce silence semble donc m'’autoriser à me regarder comme libre du choix de mon sujet; et j'aurai rem- pli, selon moi, toutes les conditions qu'on peut exi- ger, si j'adopte une matière qui puisse être renfermée dans de justes limites. Il me semble, Messieurs, qu'il ne sera pas hors de propos de vous soumettre quelques réflexions sur le de- voir. Loin de moi, la prétention de dire des choses neuves sur un sujet si souvent traité et approfondi par les moralistes les plus distingués; mais, dans un temps où l'esprit humain s'attache à étendre sa sphère d’acti- vité , où l’on s'efforce de multiplier les jouissances de la vie, il peut n'être pas inutile de rappeler quelques- unes des considérations qui enseignent à l'homme à ne point exiger de la société plus qu'il n’est en droit de lui demander. Le devoir m'a paru, d’ailleurs, se lier intimement aux conditions d'existence d’une assemblée scientifique et littéraire ; et il a dù naturellement me venir à la pensée, dans une circonstance où j’accomplis l’une des preserip- tions de notre règlement. GI — L'homme qui n'obéit qu'aux simples lois de la nature est esclave de ses sens, et n’a, pour mobile de ses ac- tions, qu'un instinct irréfléchi qui l’avertit de ses be- soius. Il ne connaît d’autre obligation que celle de veiller à sa propre existence. Il rapporte tout à lui-même ; hors de lui rien ne le préoccupe et n’enchaîne sa volonté. Mais la société s'organise ; la famille en forme le type et les éléments ; dès-lors, l’homme ne vit plus pour lui seul : il se doit à ses semblables. L’intellisence , la rai- son, les affections du cœur se développent en lui et de- viennent autant d'agents qui le maitrisent. Bientôt le sentiment du devoir vient dominer sa pensée et régler sa conduite. Le devoir se subdivise en autant de parties qu'il y a de bases constitutives de l'association humaine. Sous quelque point de vue qu'on l’envisage, il présente des combats. Il comprime les mouvements des passions. Par lui, l’homme conforme ses actions à la position qu'il occupe dans la famille ou dans l’organisation sociale. C'est encore lui qui donne la force de repousser des idées de bien-être et de leur préférer une expectative de souffrances et de dures privations. Un préjugé salutaire retient l'homme dans la voie qui lui est ouverte par le devoir, en lui inspirant la crainte de devenir une charge pour la société. Mais ce n’est point assez que l’homme sache obéir à toutes les exigences du devoir : il faut qu'il se complaise dans les sacrifices que ce devoir lui impose. Dans l'ordre social, il s’arme donc de tout son cou- rage pour vaincre sa propre organisation, et trouve la gloire et la félicité dans la lutte incessante qu'il sou- tient contre ses penchants. Re Spectacle admirable où triomphe la sagesse divine, où l'on découvre la noble mission que l'homme est appelé à remplir! Ainsi, le devoir est le lien général qui consolide les relations humaines. Sans lui, tout se confond et se dis- sout. Son influence se fait sentir dans l’acte le plus humble de la vie intime, comme dans celui qui émane des sommités sociales. L'homme apprend d'abord dans la famille les obligations qu'il aura à remplir plus tard envers l'association dont cette famille fait partie inté- grante. Le devoir envers l’Etat procède du devoir envers nos parents, nos amis, nos concitoyens. Ceux qui rem- plissent le mieux ce dernier devoir sont considérés, avec raison, comme les plus aptes à devenir les gardiens des institutions publiques. Le devoir est commun à tous les hommes. Il com- mande aux uns un travail intellectuel et moral, soit pour appliquer aux affaires particulières ou générales les lois qui forment le droit public, soit pour assurer le bon et sage emploi de la fortune. Il prescrit aux autres un travail matériel pour l'exercice des arts utiles. Ainsi le magistrat contribue au bien général, en main- tenant, entre tous les membres de la société, la ba- lance de la justice, en protégeant le faible contre l'homme puissant, en opposant une barrière aux envahissements de la cupidité. Ainsi l'homme opulent, en améliorant ses biens , en ajoutant à ses richesses, assure l'existence du pauvre. Ainsi, enfin, l'artisan , l'ouvrier produisent les objets qui entrent dans la consommation du riche et lui procurent les jouissances de la vie. De cet accomplissement général et réciproque des obli- gations imposées par le devoir, découle un échange de Eee services qui inspire à l’homme le sentiment de sa di- gnité, et imprime à son existence ce mouvement et cette activité qui la rendent douce et précieuse. L'homme qui s’est affranchi de toute espèce de devoir ressemble à la feuille légère que le vent chasse devant lui et qui obéit à toutes les impulsions qu'elle en recoit. Il offre l’image de la nullité la plus complète, de l'a- bandon le plus déplorable. Dans tout ce qui frappe ses regards ou son imagination, il ne sait rien choisir qui soit profitable à lui-même ou à ses semblables. Il adopte aujourd'hui ce qu'il rejettera demain. Le bien , le mal, la vérité, le mensouge sont pour lui des idées méta- physiques et abstraites entre lesquelles il ne fait aucune distinction. Il les mettra tour-à-tour en pratique, sui- vant son caprice ou son intérêt. S'il possède les trésors de l’opulence , ils serviront d’aliments-à ses passions et deviendront des moyens de corrompre et de nuire. S'il se livre aux spéculations de l'esprit, il se fera le zé- lateur des maximes de désordre. S'il est au nombre de ceux que la Providence condamne à un travail purement matériel , il ne reculera point devant les pernicieuses insinuations de son ame dépravée ; et vous le verrez bientôt exercer , contre la civilisation , des actes d’une aveugle brutalité. J'ai dit que le devoir forme le lien général de l’as- sociation humaine. C’est principalement dans l’ordre in- tellectuel que le sentiment du devoir exerce le plus d'in- fluence. En effet, qui peut calculer la puissance du génie? Ne soumet-il pas tout à son empire ? Si la parole a été définie par le symbole du glaive, ne peut-on pas dire que le génie est le bras qui fait mouvoir cette arme redoutable ? Or, si le génie n’est pas guidé par le sen- 44 timent du devoir, comment mettre la société à l'abri de ses excès? Les nations ont grandi, tant que leur civilisation s’est conservée pure ; et chacune d'elles peut rattacher les diverses phases qu'elle a traversées aux écrits qui sont nés dans son sein. Ces écrits sont l’expression des mœurs publiques et particulières. Les peuples ont brillé de jeu- nesse et d'énergie, tant que le devoir a influé sur leurs productions intellectuelles ; mais ils ont donné des signes de décadence, aussitôt que le sentiment du devoir a cessé de respirer dans ces productions. De tous les écrivains dont l'antiquité et les temps mo- dernes nous ont légué les ouvrages, de tous les auteurs que l’époque contemporaine signale à notre attention, les plus éminents, sans contredit, sont ceux qui joignent à la perfection da langage, à la beauté des formes lit- téraires , l'élévation des sentiments de l'ame ; et nous ne les trouvons que parmi les hommes qui, éclairés par une saine philosophie , en ont fait constamment le prin- cipe de leurs actions. Animés, inspirés par l’amour du devoir, ils ont attaché à leurs écrits le cachet de leurs propres vertus; et les livres immortels dus à leur génie sont les riches et précieux dépôts où l’humanité vient puiser des préceptes et des exemples. De semblables écrivains ne sont pas seulement dignes de notre admiration; ils ont encore des droits à notre reconnaissance. Mais les ouvrages dont je viens de parler sont bien rares de nos jours. Si, à aucune autre époque, on n’a vu plus de talent et de fécondité dans les productions de l'esprit bumain; à aucune autre époque, non plus, la — A1 — plame n'a répandu l'immoralité sous des formes plus variées et plus séduisantes. Si l’on jette les yeux sur les écrits dus à la seule puissance de l'imagination, que de mécomptes pour Île lecteur! Je ne parlerai point des outrages qu'y reçoivent trop souvent la langue et le bon goût; mais je consi- dérerai le pivot sur lequel roulent ces machines litté- raires, les ressorts qui les mettent en jeu, les tristes résultats qu’on en obtient. Qu'on ne cherche point, dans ces écrits, les sages conseils qui conduisent l’homme dans le sentier de la vie, l'éclairent sur ses véritables intérêts, lui donnent la force de se diriger vers ce qui est utile et honnête, lui enseignent la modération dans les désirs. Rien de de tout cela n'est offert à ses regards. Mais, en revanche, quelle profusion dans les tableaux du vice et du crime! Quel excès dans les prétentions ambitieuses! Quelle lassitude dans les mouvements de l'ame! Si l’on en croit les auteurs de ces dangereux écrits, on ne sait point apprécier les services qu'ils rendent à l'humañité. Aussi les voit-on se révolter contre la civilisation, lui jetter, pour ainsi parler, à la face, l'image de leur propre dégradation, comme pour se dé- dommager de leurs espérances déçues. Si ces écrivains étaient hommes de devoir, les verrait- on recourir au sophisme pour exciter les passions , étouffer dans les cœurs toutes semences de vertu, ériger l’é- goïsme en maxime, et comprimer, dans son essor, cette noble et généreuse abnégation de soi-même, sans la- quelle il n’y a point d’honnête homme ni de bon citoyen ? Mais détournons les yeux de ce coupable emploi du se de talent, et cherchons des exemples dans un ordre moins élevé. Voyons quelle est l'influence du devoir sur les classes populaires. Entrons dans l'humble habitation d’une famille qui a su accepter le travail, comme unc condition essentielle d'existence, et qui s'y livre avec courage. Tout respire chez elle le calme d'une satisfaction intérieure. Chaque chose est à sa place. Point de ces interminables re- cherches qui naissent de l’insouciance et de l'abandon. Le chef de la famille, placé devant un métier, pré- pare l’une de ces étoffes qui entrent dans le vêtement du riche ou de l’homme du peuple. Sa femme, entourée de ses plus jeunes enfants, se livre, de son côté, à un travail approprié à son sexe, et fournit, ainsi que son mari, à l'industrie, quelques-uns des aliments qui lui sont nécessaires. Bientôt ceux des enfants à qui leur âge permet de fréquenter les écoles, rentrent au logis, à l'heure mar- quée pour le repos. Ils reçoivent , du père et de la mère, ces douces caresses qui les récompensent de leur do- cilité aux leçons du maitre. Après un repas modeste et frugal, quelques instants sont consacrés au délassement ; puis chacun reprend le cours de son travail. A ce tableau du bonheur domestique, qui pourrait méconnaitre l'empire de la morale? Cette famille si la- borieuse appartient aux classes inférieures; mais comme l'amour du devoir a su l'élever et lui donner des titres à notre vénération ! Près de là demeure une autre famille dont les ha- bitudes contrastent avec celles que je viens de retracer. Un ouvrier habile possède, dans ses talents, les moyens ps de procurer une honnête aisance à ce qui l'entoure. Entrainé par ses mauvais penchants , il se borne à con- sacrer, dans la semaine, quelques jours au travail, et dissipe en folles dépenses le gain qu'il a fait. A peine consent-il à laisser à sa famille le plus strict nécessaire. Un seul regard jeté dans la maison suffit pour dé- couvrir le mal qui ronge la famille, Tout y présente l'aspect du désordre. La femme, après avoir fait de vains efforts pour retenir son mari sur le bord da préei- pice, s’est abandonnée au découragement. Les injustices et les mauvais traitements auxquels elle est en butte l'ont rendue acariâtre ; ses enfants sont les tristes vic- times de son humeur ; elle accoutume leur ame à l’en- durcissement. Il n’est pas difficile de prévoir leur ave- nir: les pernicieux exemples qu'ils reçoivent porteront leurs fruits; et, plus tard, la société les redoutera comme des fléaux. Conséquence nécessaire et terrible de l'oubli du devoir ! Je ne multiplierai pas les exemples. J'en ai dit assez, je pense, pour prouver que le devoir est le lien in- dispensable sans lequel l'association humaine ne peut subsister. La Providence en fait une loi impérieuse. Elle a donné à l'esprit les lumières pour discerner le bien, à l’ame la force pour se déterminer. La raison conseille donc le devoir à tous les hommes, quelle que soit leur position dans le monde. Il n’en est pas un seul qui n’en reconnaisse la nécessité et ne sache en apprécier les bienfaits. Pourquoi done, cependant, est-il nécessaire de rappeler si souvent le devoir à l’at- tention des esprits ? C’est qu'il nous trace presque toujours une route difficile à parcourir ; c'est qu’il nous commande quelquefois des == pa sacrifices douloureux ; mais comme en y soumettant nos pensées et nos actions, nous avons été d’abord utiles à nos semblables, le ciel, par un retour de sa justice, a voulu que nous trouvassions en nous-même la ré- compense des sacrifices que le devoir nous impose. J'ai considéré le devoir, par rapport à chacun des membres de l’association humaine; j'ai fait ressortir l’in- fluence qu'il exerce sur la vie, les avantages qui naissent de son accomplissement, les funestes résultats du mé- pris qu’on en fait. Parler de devoir devant une Académie, c’est reporter naturellement l'attention sur elle. J'ai dit, en commen- çant, que le devoir se lie aux conditions d'existence des assemblées scientifiques et littéraires. En effet , si l’homme, considéré isolément, a des obligations à remplir envers ce qui l'entoure , il en est de même de toute association qui se forme dans la vue de concourir à des travaux collectifs. Il n'y a pas seulement devoir, pour les membres de cette association, d'apporter à la masse commune le tribut de leurs connaissances ; l’accomplissement de ce devoir serait sans objet, s'il se bornait à un simple échange de communications dans l'intimité des réunions particulières. Il faut donc que toute société telle que la nôtre se produise au dehors et exerce son action en pro- pageant des vérités utiles et en fondant des institutions profitables au pays. Ces réflexions conduisent naturellement à se demander si le but qu'on s'est proposé en fondant notre Académie a été atteint. C'est une question grave qu’on ne doit pas hésiter à soulever, dans un temps où se manifeste une impulsion si générale vers les objets d’utilité publique. Il est consolant de pouvoir le dire, Messieurs : vous n'avez manqué à vos devoirs, dans aucune des circons- tances où se sont révélés des besoins importants. C'est ainsi que, dès l'origine , la question des che- mins de fer a fixé votre attention, et que, dans la luite qui s’est engagée entre deux cités rivales, vous avez déployé toute la force du raisonnement pour prouver qu'il ne fallait pas déshériter la ville d'Amiens du pas- sage de la ligne du Nord sur son territoire. C’est ainsi encore que l’embranchement sur Boulogne par la vallée de Somme a été, de votre part, l’objet d'un mémoire dans lequel vous avez établi, par la démonstration la plus concluante, la nécessité d'ouvrir cette voie de com- munication. Giterai-je cet ouvrage dont vous avez confié la ré- daction à la plume et aux connaissances spéciales de l’un de nos collègues les plus distingués, ouvrage qui, sous un titre modeste , est destiné à répandre dans les campa- gnes les bonues méthodes de culture, et à faire sortir de la routine les hommes pratiques à qui est confiée l'é- laboration de nos produits agricoles ? Rappellerai-je les mémoires qui vous ont été lus dans vos séances parti- culières , sur les importantes questions des laines, de l’in- dustrie linière, sur l'importation des bestiaux, sur l'a mélioration des races ovine et chevaline, sur l’adminis- tration des propriétés forestières, mémoires qui ont acquis à leurs auteurs l'autorité que donnent les lumières et l'expérience ? Je n'omettrai point, dans cette énumération, les no- bles efforts qui ont été déployés par l’un de nos collé- gues pour doter le pays d’une nsuvelle branche de ri- chesse, en acclimatant chez nous la culture du mürier nr pe blanc et l'éducation des vers à soie. Cette pensée gé- néreuse que l’Académie à prise sous son patronage, et dont l’administration a secondé l'essor, ne sera point perdue pour nos contrées. Les germes en ont été dé- posés ; ils se développent, pour ainsi dire, à l’ombre et dans le silence, et l'on verra, il faut l’espérer, se résoudre un jour, à notre avantage , un problème qui qui paraissait insoluble. Vous avez voulu contribuer à répandre, dans la ville d'Amiens, quelques branches d’enseignement dont le be- soin se faisait sentir. Le cours de droit commercial , ouvert depuis quel- ques années, est une idée qui à pris naissance parmi vous, et que l'Université s'est empressée de sanctionner par son approbation. Cette institution d’une si grande utilité locale, se soutient, grâce au concours et au dévouement de deux membres de l’Académie qui se sont empressés d’y consacrer le temps dont leurs tra- vaux leur permettent de disposer. La musique, cet art sublime, le premier peut-être de tous les arts, dont les bases reposent dans la na- ture, dont la science à soumis les procédés à ses cal- culs ; la musique qui produit sur l’ame des impres- sions si vives et si profondes , semble destinée à jouer un rôle important dans nos mœurs. Aussi la voit-on figurer dans le programme du haut enseignement , comme dans celui des études élémentaires. L'un de nos collègues qui trouve son bonheur dans un dévouement sans borne pour la jeunesse , a créé une méthode simple pour rendre la musique accessible à toutes les intelligences. Vous avez fondé , d’après cette méthode, un cours de lecture musicale, en fa- NY = veur des jeunes gens qui peuvent, après les travaux de la journée, disposer, le soir, de quelques instants. Vous leur avez ainsi offert les moyens d'employer uti- lement leurs loisirs et de se garantir des dangers de linaction; c'était assurer, Messieurs, une œuvre essen- tielle de moralisation, et ce n’est pas le moindre des devoirs, que vous ayez accomplis. En passant en revue, dans cette enceinte, quelques uns des nombreux travaux auxquels vous vous êtes livrés, je n'ai pas voulu provoquer les éloges, ni faire naître en vous une vaine satisfaction que la raison repousse; mais il est bon quelque fois de jeter un coup d'œil sur ce qu'on a fait de bien, pour y trouver les forces nécessaires à la persévérance. Ce que je viens d'exposer suffira pour vous convaincre que la compa- gnie à laquelle nous avons l'honneur d’appartenir n'est point restée en arrière dans le mouvement général qui pousse les esprits vers les découvertes et les perfection- nements de tout genre. Je puis le garantir d'avance, Messieurs : dans la sphère modeste qu'il lui est donné de parcourir, l’Académie s’efforcera toujours d'atteindre le but de son institu- tion et d'accomplir les devoirs qui lui sont imposés. Pour moi je crois avoir rempli le mien, en signalant ses titres à la bienveillance publique. —+-233-Q Q ©<€ Hamon cr N rot") 2étter hutia COL UT TES OT: CLE rHonttiP es doi \ bre Po: D li di: a. ai pFénieeT it ssh Lite éd 2 ssh MTL TEL EN LUNRS CII) ÉLLER CE 71 ae ke + “opmehes dt Die Bin dk ae Ep PTE ET Di 4 mena A gd! MMA RASBATA LME pAUS as CRETE LT Ha OUT es BE AA "46 de LT F: ÉLUAN UP (TE DSP TT RUE OTIET CE a AECHENON" NT à ON : HoVETE" atfoiv "BI D at tr le “Sénior Bee tofs (2 bbrié RYEE ‘ie MAteg . 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Un jouet d'enfant fut Varme qu'il choisit pour asservir la foudre, et, docile aux lois qu'il lui dictait, la foudre descendit silencieuse et inoffensive le long de la corde d’un cerf-volant, pour se soumettre aux investigations de la science. Une grave question fut ainsi résolue : les traits de feu qui sillonnent l’espace pendant un orage et les effrayantes IR explosions qui les suivent n'eurent plus rien de mysté- rieux : la machine électrique les reproduisait en petit, et comme en miniature. La cause du tonnerre une fois connue, il devint possible d'en éloigner les ravages, et l'homme hardi qui avait, au péril de ses jours, enrichi la physique d’une importante découverte, sut encore la faire tourner au profit de l'humanité: il inventa les paratonnerres. Quand une acquisition d'une haute portée vient agran- dir le domaine de la science, il est assez ordinaire que, la prenant comme point de départ, on ne cherche pen- dant un certain temps qu’à la fertiliser par des applica- tions utiles. Plus tard, des questions qui avaient d’abord échappé à l'attention des observateurs se présentent à l'esprit. On veut pénétrer plus avant dans les secrets de la nature, et, s’il n’est point donné à l’homme de remonter jusqu’à la cause première de chacun des effets qu’il constate, un instinct irrésistible le porte du moins à s’en rapprocher par des efforts persévérants, C'est ainsi que, après s'être contenté pendant un demi- siècle de savoir que les nuages orageux ne sont que des amas de vapeurs électrisées, on se demanda enfin à quelles sources ces vapeurs puisent leur électri- cité. M. Pouillet a résolu ce grand problême avec bon- heur : par une série nombreuse d'expériences habilement dirigées, il a établi les lois suivantes : Toutes les fois que l'oxigène se combine avec un autre corps, il y a dégagement d'électricité : l’oxigène prend toujours le fluide positif, et le corps combusti- ble le fluide négatif. Quand un liquide parfaitement pur se vaporise,. il æe se produit d'électricité, ni dans les vapeurs, ni = dans la masse liquide qu'elles abandonnent. Mais, si le liquide contient en dissolution quelques substances étran- gères, les vapeurs et la masse liquide se chargent d’électricités opposées : dans les solutions alcalines , les vapeurs prennent le fluide négatif ; dans les solu- tions acides ou salines, les vapeurs prennent le fluide positif. Un travail continuel a lieu dans l'intérieur des ani- maux et des plantes : les éléments organiques y éprou- vent des modifications incessantes, dont le résultat final est, du moins en partie, la eombinaison de quelques- uns d’entre eux avec l'oxigène de l'air. En outre, la surface des êtres vivants de l’un et de l'autre règne est le siége d’une immense évaporation s’opérant sur une eau chargée de principes étrangers. Il était donc naturel de supposer que le mouvement nutritif des corps organiques ne peut s'accomplir sans dévelop- per de l'électricité. Cette conclusion a été, de la part de M. Pouillet, l’objet de vérifications directes : il ré- sulte de ses essais que, sur une surface de cent mè- tres carrés, en pleine végétation, il se dégage en un jour plus d'électricité positive qu’il n'en faudrait pour charger la plus forte batterie. Les conséquences de ces principes se présentent d’elles- mêmes. Les vapeurs qu'émet la vaste étendue des fleu- ves et des mers, ou qui s'échappent des êtres organi- sés, s'élèvent chargées de fluides électriques. Quand ces vapeurs, amoncelées dans les régions supérieures de l'atmosphère , se condensent en nuages, chaque mo- lécule apporte à la masse commune le tribut de l'é- lectricité qu'elle possède. La quantité de fluide élec- trique qui, disséminée auparavant dans l'immense éten- NAS due qu'occupaient les globules isolés, n'y exerçait que de faibles influences, se trouve ainsi concentrée dans l'espace restreint qu'embrasse le nuage : elle acquiert par cette condensation une puissance beaucoup plus grande. Mais, avant de se réunir, les vapeurs se dispersent pour un certain temps dans les couches atmosphériques, et elles y répandent les fluides qu’elles ont empruntés à la terre. Par conséquent, toutes les régions de l'air doivent être habituellement électrisées; mais l’état élec- trique doit varier d’une région à l'autre. Ici, l'électricité vitrée se fera sentir; là, ce sera l'électricité résineuse ; à côté, se trouvera peut-être une région privée de toute électricité libre. Sous ce nouveau rapport, Îles indications de la théorie sont pleinement confirmées par l'expérience. Des observations météorologiques se font de nos jours dans un grand nombre de localités. Des tables dressées avec soin par des expérimentateurs habiles reprodui- sent fidèlement les variations de la température, les hauteurs du baromètre, l’état hygrométrique, l’aspect du ciel et la direction du vent. Nulle part, à ma connaissance, on ne s'occupe de constater par des ob- servations régulières et suivies les vicissitudes que peut éprouver l'électricité répandue dans l'atmosphère : on paraît n’accorder à cet agent qu’une importance trop faible pour qu'il devienne l'objet de recherches aussi minutieuses. Si nous possédons quelques données sur la distribution du fluide électrique dans les couches aé- riennes, nous em sommes redevables aux travaux isolés de quelques physiciens, travaux qui sont, à mon avis, beaucoup trop restreints dans leur durée et dans l’es- — 9 — pace qu'ils ont embrassé, pour qu'il soit permis d'en conclure aucune loi générale. Il me semble pourtant que les données acquises par la météorologie demeu- reront toujours insuffisantes pour caractériser d’une manière complète les différents climats, si l’on conti- nue à laisser subsister dans les observations une lacune relative à l'agent le plus varié peut-être dans ses effets et le plus universel dans ses influences. Je ne sais s'il existe un seul homme que t’approche d'un orage ne mette dans un état de malaise difficile à dépeindre. L’atmosphère paraît devenir plus pesante et nous accabler par une pression inaccoutumée ; la respiration est pénible, comme si les mouvements qui dilatent et contractent alternativement la poitrine nous coûtaient plus d'efforts qu'à l'ordinaire ; une chalear insupportable s'insinue dans Îles organes, et on dirait que sa léthargique influence y ralentit la vie; un af- faiblissement extrême , une fatigue générale, un assou- pissement auquel on succombe presque malgré soi, an- noncent que les fonctions ne s'accomplissent pas avec leur énergie normale. L'état de la colonne barométrique, la température de l’air et la quantité d'humidité qu’il renferme , peu- vent sans doute concourir à la production de ces phé- nomènes physiologiques; mais ces causes suffisent-elles pour expliquer l'effet tout entier? Je ne le pense pas. On signalerait aisément, quelquefois dans le cours d’une même année, des jours où, les indications du baromètre, du thermomètre et de Fhygromètre n’of- frant que de faibles différences, la gène et l’accable- ment dont nous parlons atteignent au contraire des de- grés fort inégaux. Cette sorte de ralentissement dans 4. 0 — l’action vitale se manifestant surtout quand la présence de l'électricité devient indubitable par l'apparition des éclairs et l’éclat du tonnerre, il me paraît impossible de refuser au fluide électrique des nuages une influence puissante sur le jeu de nos organes. Les animaux n’y sont pas moins sensibles. Voyez-les au moment où ces convulsions déchirent l'atmosphère. Leur immobilité, leur silence , l'espèce de stupeur dans laquelle ils sont plongés, tout annonce que le principe vital est en eux, sinon latent et suspendu, contrarié du moins par une puissance qui le dissimule en partie. Dans le règne animal, comme vous l’a fait remar- quer un de nos savants collègues (1), la vie trouve les excitations qui lui sont nécessaires, sans avoir besoin de les emprunter au monde extérieur. Les fonctions de l'animal peuvent être modifiées, sans doute, par les circonstances diverses dans lesquelles il est placé; mais ce n'est point dans ces circonstances que réside la cause nécessaire des mouvements qu’exécutent les or- ganes. Dans la plante, au contraire, les excitants ex- térieurs sont indispensables pour faire sortir l’organisa- tion de l’inertie : la plante, avec son organisation complète, a ce qu'il faut pour vivre; un principe vital est en elle; mais ce principe demeure stérile, si des agents étrangers ne le stimulent pour le mettre en jeu et pour le maintenir actif. Si les animaux, dont la vie, procédant en quelque sorte d'elle-même, s’accomplit indépendamment des cau- ses variées qui s’agitent autour d'eux, reçoivent néan- ‘ (1) M. Barbier ; note insérée dans les Mémoires de l'Académie, année 1839, page 175. = — moins de l'électricité atmosphérique une influence vi- sible; s'ils en éprouvent passagèrement une altération telle que, sans l'expérience du passé, on serait tenté de croire leur existence compromise, combien n'est-il pas probable que la vie végétative, dont toute l’acti- vité provient du dehors, subira d’une manière plus complète l'effet salutaire ou funeste de cette même électricité (1)? Quand l'atmosphère , sortant de l'état de calme où son électricité parait anéantie, se trouve su- bitement agitée par de violents orages, quelques mo- difications s’établissent sans doute dans le mouvement nutritif des végétaux. Mais le fluide électrique ordi- nairement répandu dans les couches aériennes éprouve des changements continuels, sans agitation apparente : ae doit-on pas présumer que ces changements exer- cent aussi quelque influence sur la végétation ? Un petit nombre d’expériences donnent à ces idées leur appui. Des plantes (mimosa pudica, mimosa sen- sitiva, mimosa asperata), soumises au courant de la pile, ont éprouvé dans leurs feuilles des mouvements sensibles. Dans beaucoup d'autres, le courant active la végétation, pourvu qu'il ne soit pas lui-même trop énergique; car une décharge violente désorganise les matières végétales, et une série de chocs plus modé- rés, gagnant par leur durée et par leur nombre ce qu'ils perdent individuellement en puissance, est capa- ble des mêmes effets destructeurs. (1) Cela est pourtant loin d’être certain; car il pourrait bien se faire que l’action de l'électricité sur les animaux se portât uniquement sur les nerfs, en sorte qu’elle serait une conséquence de ce qu'ils ont un systéme nerveux. Raison de plus pour que l'on fasse les expé- riences dont il est question plus bas. 4.* =. Ho Au lieu d'essayer l’action de la pile, je voudrais que des observateurs exercés suivissent comparativement plu- sieurs végétations, qui s’accompliraient dans des cir- constances identiques en tous points, mais où l’âction vitale serait pourtant inégalement provoquée par l'élée- tricité répandue dans l'atmosphère ambiante. Ici, l'air serait artificiellement chargé de flaide positif; là, on lui communiquerait du fluide négatif; plus loin, on prendrait toutes les précautions que la sciencé pourrait suggérer pour le maintenir à l’état naturel. Par cette imitation plus fidèle du genre d'influence que réälise la nature, on apprécierait sûrement l'efficacité plus ou moins considérable de l’agent excitateur, que l’on au- rait seul fait varier dans les différentes expériences. Peut-être y aurait-il dans ces recherches le germé d’un grand nombre d'applications fécondes. Tant que la question n'aura pas été éclaircie par des épreuves directes, nous serons réduits à des aper- cus plus ou moins probables. Les plantes versent dans l’air de grandes quantités de fluide positif ,, comme l'ont constaté les travaux de M. Pouillet, que j'ai rappelés au commencement de cetté note. Si elles ont besoin de sé dépouiller sans cesse de ce fluide éléctrique, n'est-il pas vraisemblable qu'elles languiraient dans üne ätmosphère électrisée déjà positivement ? On sait que les molécules d’un même fluide se repoussent: par con- séquent , l'atmosphère dont il s'agit refuserait d admettre l'électricité des plantes, et la refoulerait dans leurs tissus. Que l'air soit, au contraire, chargé de fluide négatif , il appellera le fluide vitré des plantes; il en favorisera le dégagement, en provoquera même la for- mation , et deviendra ainsi pour la vie végétative un ne — excitant salutaire. Telles sont les conséquences des prin- cipes théoriques les plus simples; mais, en physique, la théorie réclame toujours la confirmation de l'expé- rience, surtout lorsque les agents doivent s'appliquer aux êtres organisés, dont la force vitale, par son ac- tion toute mystérieuse, modifie si souyent les résultats de la manière la plus imprévue. C'en est assez, Messieurs, pour justifier l'importance que j'attacherais à des observations régulières et sui- vies sur l'état électrique de l'atmosphère. Supposez que des tables, dressées avec soin dans les localités les plus différentes par leurs productions végétales, résu- ment les variations qu'y ont subies, perdant une longue période de temps, les circonstances capables d'exercer une influence sur la vie organique. En comparant les climats divers, écrits, pour ainsi dire, dans ces tables, on pourra évidemment tirer des inductions fort proba- bles sur la possibilité d'enrichir notre sol de produc- tions que la nature a reléguées dans des contrées plus heureuses. Mais, si l'électricité de l'atmosphère est une des causes qui réagissent sur les plantes, en omettant l'observation des vicissitudes qu'elle éprouve, ne s’'ex- pose-t-on pas à frapper de stérilité les efforts long-temps continués pour obtenir quelque profit de l’obseryation des autres agents? Toutefois, je ne saurais me dispenser de consigner ici les résultats fournis par quelques recherches. Sous un ciel serein, on a constamment trouvé l’at- mosphère chargée d'électricité positive, dans les plaines comme sur les montagnes, par tous les vents et dans toutes les saisons: cette électricité va en croissant, à mesure qu’on s'éloigne de la surface du globe : elle Es = éprouve, chaque jour, des variations analogues à celles de la pression atmosphérique ; elle a deux maxima, l'un de sept à neuf heures du matin, l'autre de sept à neuf heures du soir, et deux minima, le premier vers quatre heures du matin, et le second de deux à cinq heures après midi. En voyant les expérimentateurs formuler ainsi, en termes à peu près identiques, les données qu'ils ont acquises par leurs abservations, on pourrait être porté à considérer le probléme comme résolu complètement, et à révoquer en doute la nécessité d'observations nou- velles. Un examen plus attentif fait pourtant reconnai- tre que, loin d'être parvenus à une solution complète, nous ne possédons encore aucun élément certain. Les résultats que je viens d'énoncer, constatés seu- lement dans quelques localités, n'ont pas recu la sanc- tion de vérifications prolongées ; ils ne sont d’ailleurs relatifs qu'aux jours sereins. Les transformer en lois générales, c’est-a-dire les appliquer à tous les temps et à tous les lieux, ce serait donc manquer aux règles les plus évidentes d’une saine logique. En outre, si quelques physiciens justement célèbres ont appuyé ces résultats de leur autorité, des savants non moins re- nommés en ont aussi contesté l'exactitude. « On croit, » dit M. Pouillet, que sous un ciel serein l'électricité » de l'air est ordinairement positive, et qu’elle aug- » mente d'intensité à mesure que l'on s'élève. Les di- » verses séries d'expériences que j'ai eu occasion de » faire ne conduisent pas à une conséquence aussi ab- » solue. Il se porrait bien, au reste, que l'air serein » füt électrisé positivement dans certaines saisons, et » négalivement dans d’autres; et pent-êltre aussi cet — Do— » état électrique n'est-il pas le même dans tous les » climats. » Admettons enfin, Messieurs, qu'il n’y ait plus d'hé- sitation possible; admeltons, si vous le préférez, que des essais nouveaux, confirmant les premiers, permet- tent d'adopter comme une loi générale et inattaquable l'existence permanente du fluide positif dans un air se- rein. Alors même, il restera une longue série d’élé- ments à recueillir, puisqu'on ne connaîtra rien encore sur l'électricité des jours nuageux dans les différents climats. Les jours les plus beaux offriront aussi un vaste et important sujet à explorer. Dans ces jours, l'électricité de l'air sera constamment positive, nous le supposons; mais, sans changer de nature, cette élec- tricité ne peut-elle point passer par une infinité d'états de grandeur, et ces variations ne suffiront-elles pas pour établir dans la richesse végétale des contrées di- verses une immense. inégalité? L’humidité contenue dans l'air est toujours une humidité de même nature: parce qu'elle résulte de vapeurs constamment identiques , faut-il cesser d'observer la marche de l’hygromètre? Si quelques degrés de froid suffisent pour faire mourir les plantes, et quelques degrés de chaleur pour faire mürir les fruits, quelle raison pourrait-on alléguer pour sou- tenir que de faibles changements dans l'état électrique de l'atmosphère sont incapables de modifier profondé- ment le mouvement vital des végétaux ? Il y a quelques années, Messieurs, une voix élo- quente vous a présenté le tableau des principaux ob- jets que la météorologie embrasse dans son domaine (1). (1) M. Caresme, discours inséré dans les Mémoires de l'Académie, année 1837, page 49. — 56h — Appréciant le haut intérêt de cette branche des seier- ces naturelles, vous avez plus d’une fois exprimé le vœu que des observations fussent accomplies sous vos auspices. Au motsent où ce vœu, qui témoigne de vo- tre sollicitude pour tout ce qui est utile, parait tou- cher à sa réalisation, j'ai pensé qu'il ne serait pas hors de propos d'appeler votre attention sur l'oubli gé- néral dans lequel on laisse l'électricité atmosphérique. Gette lacune dans les observations me paraissant nuisi- ble à la météorologie elle-même, parce qu’elle jetté de l'incertitude dans les conséquences et qu'elle expose au démenti le plus formel des essais qui, dirigés par des données incompiètes, auraient d’abord été jugés infailli- bles, j'ai cru devoir vous prémunir contre une source aussi féconde de déceptions et d'erreurs. J'abandonne maintenant à votre examen les idées que je viens d'ex- poser, persuadé que, si elles ont quelque chose de vrai, elles obtiendront votre approbation et votre en- couragement efficace; que si, au contraire, elles ne trouvent point accueil auprès de vous, c'est qu'elles ne possèdent point l'importance que je m'étais plu à leur ‘attribuer. MÉMOIRE SUR LE DÉFRICHEMENT DES BOIS, Par M. SPINEUX. —6 $É$SÈ ec À voir les nombreux défrichements qui se sont opérés depuis une quarantaine d'années, et notamment depuis 1830 ; A voir les moyens plus ou moins licites, employés pour obtenir la permission de défricher ; À voir ensuite l'empressement des cultivateurs à affer- mer, à louer les terrains défrichés ; ne dirait-on pas que la terre arable va manquer? qu'on se rassure pourtant. Malgré l’accroissement continuel et assez rapide de la population , ce n’est point la surface à cultiver qui nous manquera. À cet égard, nous pouvons être bien tran- quilles. Ce qui manque, et ce qui probablement manquera long-temps encore dans nos campagnes, ce sont les moyens de fertiliser notre sol arable actuel ; Ge qui manque, ce sont les bestiaux qui donnent le fumier et les engrais ; NE — C'est l'argent qui donne les bestiaux ; C’est l'instruction qui procure l'argent, ou qui du moins en conseille le sage et profitable usage, en in- dique le meilleur, le plus utile emploi. Voici une conviction acquise depuis long-temps déjà, chez les cultivateurs éclairés. Nous vous la répéterons, Messieurs, quoique vous l'ayez souvent entendue, tant nous la considérons comme importante à propager. Nos terres pourraient doubler facilement leurs pro- duits, si l'agriculteur pouvait doubler le capital indus- triel qui les fait valoir. Combien nous sommes encore loin en France de saisir les bonnes voies d'amélioration ; De comprendre les assolements favorables à chaque localité, à chaque espèce de terrain. Jugez-en. En Angleterre, et même en Flandre, le fermier em- ploie un capital industriel qui équivaut communément au quart, au tiers de la valeur du sol qu'il afferme. C'est une condition regardée là comme indispensable à la prospérité d'une ferme; c’est une circonstance que le propriétaire prend , et a raison de prendre en grande considération. Chez nous, et partout ailleurs en France du reste, c'est à peine si ce capital s'élève en moyenne au douzième. Dans les contrées à colonage, il est souvent d’un vingtième au plus. Comment raisonnablement espérer de voir prospérer l'agriculture dans de telles conditions, avec d'aussi fai- bles moyens ? x En Angleterre, la jouissance n’est pas bornée à trois, six ou neuf ans. = 59 — Les baux sont à longs termes ; ils ont souvent une durée de plus de vingt ans. Il est rare de ne point voir les enfants succéder à leur père, et avec de bien faibles changements dans les conditions de chaque nouveau bail. Là, il est permis au fermier de rentrer dans toutes les avances qu'il fait à la terre. Là, il a raison d'iden- tifier ses intérêts avec ceux de la propriété. Rien de semblable chez nous; au contraire, nous y voyons d'abord le propriétaire attendant avec impatience la fin d’un court bail, pour demander une augmenta- tion de fermage, et un pot de vin souvent considéra- ble, sans s'inquiéter si le fermier possède un matériel suffisant, et la capacité convenable. Il y a d'heureuses exceptions, nous nous plaisons à le croire, mais elles deviennent de plus en plus rares, et il en restera bientôt à peine de quoi confirmer la règle. Vient à son tour le fermier. Celui-ci guidé par de mauvais exemples, se hâte d'épuiser la terre afin d’en détourner les concurrents. Il l'épuise aussi pour n'être pas exposé à voir un successeur jouir du peu d'engrais qu’il laisserait, si, comme il a toujours raison de le craindre, il ne par- venait pas à s'entendre avec son propriétaire sur les termes d'un nouveau bail. Get antagonisme, il faut en convenir, n’est guère fait pour engager le propriétaire à faire des concessions à son fermier ; et le fermier à son tour, doit étre bien peu disposé à jouir de ses terres en bon père de famille, comme son bail et la loi l'y obligent. Les longs baux pourraient concilier les deux intérèts. — 60 — Leur usage contribuerait puissamment à améliorer le fonds, en ce sens que le fermier assuré d’une longue et paisible jouissance, au lieu de dépenser ses écono- mies en achat de terres qui très-souvent ne lui rap- portent aucun intérêt, consacrerait son argent à acheter du bétail, à augmenter son matériel, à faire des avances de toute espèce à ses champs affermés. Ainsi, les pro- duits s’élèveraient proportionnellement à ces avances, à l'augmentation de son bétail, et alors, fermier, pro- priétaire, consommateur, tout le monde y gagnerait. Maintenant, quelles raisons ont pu engager les pos- sesseurs de bois à en défricher autant, et les culti- vateurs à louer de préférence aux autres terres, les terres provenant de bois défrichés ? Ces raisons, nous allons essayer de les déduire. Beaucoup d'acquéreurs ou possesseurs de bois ont trouvé dans le renchérissemsnt successif de la futaie, les moyens de payer le fonds en détruisant la superficie. C'est-à-dire qu'en vendant le bois pour le raser, ja terre leur restait la plupart du temps en bénéfice, ou presqu'en bénéfice. Ils ont de plus remarqué de l’em- pressement chez les cultivateurs à la leur louer de pré- férence. Ils en ont profité, cela est tout simple, tout naturel. D'autres propriétaires, mieux ou plus mal avisés peut- être , voulant, après avoir défriché, tirer la quintessence de leur affaire, se sont mis à cultiver ou à faire eulti- ver, et à vendre sur pied les récoltes qu'ils ont obte- nues pendant les cinq ou les six premières années qui ont suivi leurs défrichements. Cela s'explique encore, bien que nous pensigns qu'ils se sont trompés. Reste à savoir maintenant, si l'intérêt général a tou- = 0 jours été d'accord avec leur intérêt particulier, ou si le premier n'a pas eu à souffrir du second : c’est ce que nous allons examiner. Le propriétaire qui a cultivé sa terre défrichée pen- dant cinq ou six ans, sans autre frais que les frais de culture, a dù en tirer une belle rente, un bon revenu pendant ce court laps de temps ; on le conçoit. Mais on concoit aussi que par cette méthode, la terre a dû s'appauvrir, et s'est effectivement appauvrie, puis- que toute $a production a été consommée au profit d'autres terres tenues par ceux qui ont acheté les ré- coltes sur pied. Il est donc permis de penser que les défrichements n'ont pas toujours été favorables à l’in- térêt général, tant s’en faut. Le gouvernement croit qu'on les à poussés fort loin; nous partageons cette croyance, et l'expérience démontre chaque jour que les défrichements ont été exagérés. Dans certaines contrées, dans les pays de montagnes surtout, on en est venu à regretter bien amèrement ce qu'on à fait à cet égard. Dans certaines localités, les terres arables ont éprouvé des dégradations fréquentes, désastrenses, inconnues avant les défrichements. Où à remarqué que les récoltes courent là de plus grandes chances de perte qu'autrefois ; car, outre les dégradations de terrain, on a observé quelques chan- gements dans le climat, des variations sensibles dans la température, de longues séchercsses succédant à de grandes pluies, enfin bien des inconvénients qu’on ne remarquait pas jadis. Aujourd'hui , il serait question non seulement d’arré- ter les défrichements, mais d'encourager, de favoriser 7 la replantation des côtes, des montagnes qu'on aurait inconsidérément et maladroitement déboisées. Sans doute, on peut regarder comme une chose fà- cheuse toute mesure tendant à entraver, à gêner la jouissance de la propriété. On sent bien qu'il ne faut employer ce moyen qu’à la dernière extrémité. Cependant , la raison dit aussi que le gouvernement, gardien naturel et permanent des intérêts futurs comme des intérêts présents du pays, quand il voit un abus nuisible à l'intérêt général, a pour devoir d'y porter remède. Les lois sont faites, nous a-t-on dit, pour empêcher les abus de quelque côté de la société qu'ils viennent. Or, les défrichements illimités étant contraires à la ri- chesse publique, il y aurait abus à souffrir de nou- veaux déboisements. C’est l'avis des corps savants, des agronomes. Il faut bien le croire, quand on voit la science et la pratique d'accord aujourd'hui pour le déclarer, pour le signaler à l'attention du gouvernement et du législateur au besoin. Le cultivateur, avons-nous dit tout-à-l’heure, se montre avide des terrains défrichés, tandis qu'il manque déjà du capital et du mobilier industriel nécessaires à la bonne culture des terres arables mises depuis long-temps à sa disposition. Cela paraît singulier, peu rationnel; cela est vrai, et cela s'explique. C’est précisément l'insuffisance du ruobilier, du ma- tériel des cultivateurs, qui cause cette avidité ; et pro- bablement partagerez-vous cette opinion, quand nous vous l’aurons expliquée. Le fait suivant m'est bien connu, et s’est passé sous LS = mes yeux ; il arrive d’ailleurs assez fréquemment ; il vous donnera quelque idée de ce qui se passe à ce sujet. Un propriétaire veut défricher une portion de bais peu considérable, mais placé sur un assez bon sol, ainsi qu'il est partout, du reste, dans le Santerre. Avant de défricher, un fermier offre de lui louer la terre provenant de ce bois, à raison de cinquante francs le journal par an, le double de ce qu'on loue un jour- nal de terre Gôrdinaire, mais pour six ans seulement. Le propriétaire accepte, comme bien vous pensez. Cette location parait exagérée, et on doit se demander pourquoi le cultivateur l'exagère ainsi. Le voici : Observons d'abord qu'il afferme pour six ans, temps après lequel la terre défrichée se lasse et semble tout- à-coup épuisée. On a en effet remarqué que l’humus, cette couche supérieure de la terre des bois, sur laquelle les feuilles, les petites branches, les graines avortées ont pourri, retourné avec ménagement, et mêlé à une faible partie de la terre du sous-sol, produit instantanément une vé- gétation vigoureuse, active, mais de peu de durée. Si, pendant ces six ans, cette terre cultivée sans in- terruption , chargée sans relâche des récoltes les plus épuisantes, ne paraît pas exiger d'engrais pour pro- duire , le cultivateur n'aura pas besoin d'augmenter son matériel, son bétail pour la fumer, et il y fera des récoltes dont les débris seront consommés par ses autres terres arables. Mais à l'expiration de cette courte jouissance, qu’ar- rivera-t-il ? Il arrivera que la terre épuisée sera aban- donnée, et reprise par un autre cultivateur à un doux prix apparent peut-être ; mais par le fait, à un prix — 64 — fort élevé, eu égard à l'état d'épuisement où elle se trouvera. Celai-ci, à l'expiration de son bail, si toutefois il peut aller jusque-là sans ruine, laissera à son tour cette même terre dans un état désastreux de maigreur et de saleté. Admettons maintenant que les récoltes des six pre- mières années qui ont suivi le défrichement, aient été bonnes, aient donné le double si l'on veut d'une ré- colte ordinaire; c'est exagérer sans doute ; admettons-le cependant un instant. Il faudra au moins dix-huit à vingt- sept ans à un cultivateur habile pour remettre cette terre en bon état de production. Or, un cultivateur habile voudra-t-il s'en accommoder? il est permis d'en douter. Si donc pendant la plus grande partie de ce temps, la récolte n’est que la moitié d'une récolte ordinaire, quel profit en sera-t-il résulté pour la société ? Et si un cultivateur trop pauvre se trouve contraint d'abandonner cette terre épuisée, avant d’avoir pu la rétablir, qu'aura gagné le propriétaire lui-même ? Il aura augmenté momentanément sa rente, son re- venu, cela est vrai, maïs au détriment de l'avenir, de ses enfants, de la richesse publique. Il aura pendant six ans perçu un fermage élevé, mais en altérant son fonds et ses revenus pour un temps quatre à cinq fois aussi long et pour bien plus long-temps peut-être; il n’y a vraiment point là de compensation. Voilà les défrichements et leurs conséquences ; ils augmentent la surface cultivable ; mais, comme on Île voit, c'est loin , d’être une cause de prospérité pour l’agriculture. — 09 — Nous ne nions pas qu'ils soient souvent favorables à la spéculation, au contraire; mais le fait est que, si momentanément ils font baisser dans la localité où l’on défriche les prix du bois en grume, ils contribuent par suite à sa rareté et à un renchérissement conti- nuel, et c’est un grand mal. Enfin, après une courte période de cinq à six ans, les terres défrichées viennent demander une part nota- ble d’engrais à un mobilier agricole insuffisant , ré- clamer une portion importante de fumier à des bestiaux trop rares déjà pour les terres arables anciennement mises en culture, et tout cela en somme, ne saurait être considéré comme avantageux. Quelle différence entre la manière de voir des eulti- vateurs flamands, et celle des cultivateurs de nos contrées! Dans le Nord, qu'il faut toujours citer honorablement quand on parle d'agriculture raisonnée et perfectionnée, voici ce qui se passe : Un cultivateur auquel on offre un bois défriché à cultiver (et cette circonstance, notons-le bien, est au- jourd'hui fort rare), enfin quand cela arrive, ce cul- tivatcur demande au propriétaire une réduction assez importante sur le prix du fermage ordinaire. Loin de voir dans le défrichement une cause de fer- tilité extraordinaire, il prétend au contraire que la terre de bois défriché donne d’abord de médiocres ré- coltes, et finirait au bout de quelques années par ne plus rien donner du tont, s'il n'y portait des engrais, des soins, et une attention particulière dans le mode d’assolement. | En conséquence, il compte devoir épandre trois bons fumiers, mettre beaucoup de fourrages, faire de nom- 5. — 00 — breux sarclages, pour remettre cette terre dans un état normal de culture. Et ce raisonnement nous paraît plausible, exact, fondé sur les faits, comme nous allons le voir. Ses autres champs sont montés de longue main de fumiers et d'engrais de toute espèce. Eh bien! c’est sur eux qu'il lui faudra prendre les moyens de fertiliser au même degré une terre vierge de production à la vérité, mais dont la couche d’humus mélée à un sous-sol re- mué profondément donnera en moyenne une terre bien inférieure pour la fécondité à la vieille terre arable. Or celle-ci, privée d'une partie de ses engrais, souf- frira d'autant dans le produit de sa récolte. Le culti- vateur ne doit-il pas en ce cas, nécessairement, équi- tablement, faire entrer en ligne de compte ce désavantage, et demander en conséquence une réduction équivalente dans le fermage des terres défrichées. Ceci, remarquons-le bien, suffirait pour nous donner la mesure de l'état avancé de l'agriculture flamande, si sa perfection, du reste, n'était pas de notoriété pu- blique. Nous voyons qu’une terre considérée partout ailleurs comme d'une fertilité exceptionnelle, est regardée là comme d'une fécondité inférieure à celle des autres terres cultivées. Aussi, l’agriculteur du Nord affermera 12 à 15 francs et même plus, un cent de terre, tandis qu'il n'offrira que 8 ou 10 francs d’un cent de terre provenant de défrichement. En d’autres termes, il loue 44 à 55 francs et plus, un journal de terre ordinaire , tandis qu’il ne veut louer que 30 à 36 francs le journal de bois défriché ; encore A; — exigera-t-il presque toujours un bail de vingt-sept ans en affermant. Comme il laboure profondément, il calcule que les trois fumiers nécessaires à cette terre, pour la mettre en bon état de culture, équivalent à une dépense de 209 à 250 francs par journal. Il faut bien qu'il soit cou- vert de l'intérêt de cette avance, et il s’en couvre par la différence du prix de location. Il comprend ensuite qu'un long baïl lui permettra seul de profiter peudant un certain nombre d'années du fruit de ses avances en engrais, et de ses autres dépenses d'amélioration ; il tient donc à nne jouissance assurée de vingt-sept ans. Nous ne connaissons rien qui peigne mieux la différence existante entre la fertilité des terres du Nord et la ferti- lité des nôtres que cette manière d’apprécier la terre défrichée. Et cela prouve encore d’une manière bien claire, à notre avis, que ce n’est pas précisément la qualité des terres qui donne les grandes récoltes, les plus grands produits, mais qu'ils sont dûs principale- ment aux fumiers, aux engrais, aux sarclages, aux travaux de tout genre qu'une main intelligente y sait répartir. Il nous est maintenant facile de concevoir, combien une petite surface bien cultivée, bien fumée, l'emporte et doit l'emporter sur une grande surface où le bétail manque, où l'agriculteur n’a pas de quoi faire les avances converables. On ne saurait trop insister sur ce point. Plus le cultivateur étend ses faibles moyens sur une grande surface, plus il les affaiblit. Plus il les con- centrera, plus il acquerra de force productive, et LE en moins conséquemment ses produits lui coûüteront cher. La terre à cultiver n’est donc pas près de manquer aux besoins de la population. Ainsi, il n’y a aucune bonne raison à donner selon nous, pour continuer les défrichements. Par là, on rend les bois rares et chers à l’agricul- ture, et on lui offre des terres qui la séduisent, sans profit véritable pour. personne. Pourquoi les spéculateurs ne portent-ils pas leurs vues, leurs capitaux, leur activité vers les dessèchements ? C'est là qu'il serait désirable de voir les spéculations dirigées. Il y aurait avantage pour chacun; le gouvernement leur devrait des encouragements, et le pays de la re- connaissance. Nous avons en France, et notamment dans l'ouest et le centre, de nombreux marais, lieux mal sains, pres- que déserts aujourd’hui, qui n'attendent qu'un travail intelligent pour rendre à l’agriculture des terres natu- rellement fertiles , et pour offrir aux habitants voisins un sol fécond , assaini, doté de communications économiques et faciles. Là, on créerait à peu de frais des paturages propres à l'élève, à l'engraissement des bestiaux qui nous manquent ; là, des eaux maintenant malfaisantes, plus tard heu- reusement dirigées, habilement distribuées, serviraient dans leur cours à mouvoir des usines, à l'irrigation de nouvelles et d'anciennes prairies. Ce genre d'exploitation donnerait lieu à de nouvelles plantations qui vieudraient compenser justement le renchérissement des bois de construction et de chauf- fage, que nous ont valu les défrichements actuels. =. (Du Les terres desséchées, rendues à l’agriculture, loin d’être, comme celles qui proviennent de défrichement , une cause d'épuisement, viendraient au contraire augmen- ter le nombre des bestiaux et leur engraissement ; elles élè- veraient d'autant la somme des fumiers disponibles. Ajou- tons de plus que toujours formés ou chargés de terrains d’alluvion, couverts de débris végétaux, ces champs nouveaux , s'ils n'étaient propres au jardinage, seraient classés du moins parmi nos meilleurs champs à colza, à chanvre, à blé. Les travaux de desséchement amèneraient bien vite une population suffisante dans des contrées à-peu-près désertes à cette heure. L'argent cireulant parmi des habitants pauvres, leur donneraient de nouveaux goûts, de nouvelles habitudes de dépense. L'emploi de machines ingénieuses les aurait bientôt familiarisés avec les instruments aratoires perfectionnés. Enfin, sans beaucoup de peine, on convertirait, il nous semble, de dociles manouvriers en d'habiles et zélés cultivateurs. Si donc on voulait réellement donner à l'agriculture de nouveaux terrains, c’est des terrains à dessécher qu'il faudrait s'occuper. Ceux-ci ne sont pas seulement inutiles dans leur état actuel, ils sont encore nuisibles trés-souvent aux po- pulations qui les avoisinent ; tandis que le défriche- ment des bois devenu un sujet d'inquiétude pour l'a- venir, est une cause de gêne et de déception pour le présent. Du reste, nous le répétons, nous n'avons point à nous préoccuper de la terre arable. Ce que nous en possédons sufhrait à ane population double de la nôtre, A0 si on savait en tirer parti; et d'ici à ce que la popu- lation ait doublé, il est probable que l'instruction et les connaissances se seront répandues. Ge qu'il importe suivant nous de faire à présent, c’est de répandre, d'améliorer l'instruction chez nos campagnards; cest de les familiariser de bonne heure avec les lectures agricoles, afin de les soustraire jeunes aux préjugés de leurs parents. Ge sont des baux à longs termes, de longues jouis- sances quil faudrait leur procurer. Alors , ils comprendraient bien plus facilement qu'ils se- raient plus à l'aise, plus heureux en cultivant à titre seul de fermiers, pendant vingt à trente ans, une quantité raisonnable de terres améliorées par eux, plutôt qu’en continuant à placer de faibles économies au fur et à mesure qu'ils les font, dans l'achat de quelques par- celles de terrain payées d'un prix exorbitant ; et qu'ils perdent, en les achetant, presque toujours l'intérêt de leur argent. Ils achèteraient de préférence du bétail, des engrais, des instruments perfectionnés, tout ce qui fait fructi- fier la terre. Ils vendraient à leur apaisement, achèteraient à leur convenance, sans gêne, sans être forcés de recourir, comme cela arrive si souvent, à des emprunts usu- raires. Ils feraient ainsi un emploi bien plus rationnel, bien plus judicieux des sommes qu'ils économisent avec tant de peine dans les moments prospères, et ils reconnai- traient bientôt qu'il y a là un immense avantage pour eux, comme pour la société. À quoi sert, peut-on leur dire aujourd'hui, de de- —_71à — mander, de rechercher constamment de la terre, quand celle que vous avez déjà, ne rend que la moitié ou le tiers de ce qu'elle pourrait rendre, étant cultivée d’une manière plus intelligente ? Voyez-vous le manufacturier demander un matériel double ou triple de celui qu'il peut utiliser d'une ma- nière convenable ? non. Il demande tout juste le nombre de métiers, de ma- chines, qu’il peut alimenter de matière première. Il exige de chacun d’eux son maximum de production avant de songer à en demander de nouveaux. Pourquoi l’agriculteur, celui de la Flandre excepté, ne fait-il par le même calcul, le même raisonnement ? C'est qu'il est souvent moins instruit, moins éclairé que l'industriel des villes. Sans cela, l'exemple que nous citons est près de lui, se passe sous ses yeux, il l'aurait déjà compris. S'il ne vivait de privations, comment se maintiendrait- il, ce ménager qui demande sans cesse de la terre, c’est-à-dire un établissement toujours plus considérable qu'il ne le lui faut relativement au capital dont il dispose. Comment lui serait-il possible d'établir des produits à bon compte, avec ces conditions onéreuses de pro- duction ? A quoi bon un établissement plus important, quand les outils, l'argent , la matiére première nous manquent ? Or, l’établissement du cultivateur, c'est la terre ; ses outils, ce sont les bestiaux ; sa matière première , qu’on nous passe le nom, c’est son fumier. Qu'il essaie de mettre tout cela en rapport, et bien- tôt il reconnaîtra comme nous, que ce n’est pas la terre qui lui manque, que c'est lui qui manque à la —: AA terre, puisqu'il n’a pas les moyens de la faire valoir. Avec de l'instruction, le villageois résisterait-il tant aux raisonnements qu'on lui fait, aux bons exemples qu'on lui donne quelquefois. Ainsi, chacun d'eux avec de l'instruction ne com- prendrait-il pas tout de suite que, si deux journaux de terre, par exemple, mal fumés, mal nettoyés, mal cultivés, ne donnent qu’une récolte égale à celle d’un journal bien fumé, bien sarclé, bien cultivé, quand mêwe il paierait pour ce journal un fermage beau- coup plus élevé, quand le prix de sa location équivau- drait à celui des deux journaux précédents ; il y aurait avantage pour lui à le préférer. Voici pourquoi : quand on arrive à produire sur un journal une récolte égale à celle de deux journaux, à l'instant, on économise les frais d'impôt, d’'ensemen- cement, d'engrais, de culture et de récolte du journal supprimé. N'y a-til pas là un bénéfice clair, évident, un profit qui frappe toute personne qui raisonne? Si maintenant nous considérons qu’en réduisant sa culture de moitié, le cultivateur peut obtenir la même somme de produit, ses soins personnels ne se trou- vent-il pas plus concentrés, sa surveillance plus facile, ses chances de perte moins grandes ? Si d'un autre côté l'observation nous a fait con- naître, qu'une terre bien tenue, bien fumée, bien la- bourée exige moins de force, souffre moins des chan- gements de température, supporte mieux les grandes pluies, les longues sécheresses , ne sommes-nous pas ramenés naturellement à redire: non, ce n’est pas da terre à cultiver qui nous manque. Ce qui nous man- A, que, et nous manquera probablement long temps, ee sont les bestiaux qui donnent le fumier, c'est l'argent qui donne les bestiaux, c’est surtout l'instruction qui procure l'argent, ou du moins qui indiquerait le bon et profitable emploi qu'on en pourrait faire dans nos campagnes. bob #0 le st cdprnst ” up iolatfi td émotiiie hong ne oe SE que ,. ns de: sèvee, per eiemple, mb. fumée, ml. serifugnét die nt. sains , ME ie aéiirqienc séeoire sole scellé den ER 4 Frurnoi bem fermé ;: Es Lédbie , bien. -eulthté, ! à | mohe A pairs pasr . de espmal ‘un regrets | De. éonp pin éiové, quand le fils dou laention. équins- e drrai à hi “des aux JoÉMx prhéetients ; M LE 5 | aronfage puër lné à te pekiétors. e Hal & Yoisi ponsquei ::quéud a ares À pu — à d jaécsr né ré dm ta à celle, LTA duwx dpurriane,. MALE ment, ee pue # “Frais, CETTE J'esenteg- QUr à eur uËe- d rngraié, d £ L_ule révsl:s du. ÿ ane À : | MUR, © 24 LR | st By mi que li un GOSSRSe, duident, 14 qi pen loue |trs Ce C . + dl ‘HOMSS este de trrint me pertwnnnts nt, is,» ct : c NOTE SUR LA CULTURE DE LA POMME DE TERRE, Par M. Amagze DUBOIS. MESSIEURS, Une question grave a été soulevée au sein du Comice: on s’est demandé s’il était vrai que la pomme de terre fut sujette à des maladies qui, dans un temps donné, pourraient compromettre l'existence de ce précieux tu- bercule; et quels seraient les moyens à employer pour empêcher ces maladies de se propager et de s'étendre. Ces maladies de la pomme de terre avaient, depuis longtemps, fixé mon attention, et l'observation m'avait conduit à les prévenir par des moyens bien simples et très-faciles à mettre en pratique : permettez-moi de vous dire comment j'étais arrivé à ce résultat. Mon père, et moi après lui, nous avons longtemps possédé un jardin assez vaste au Pont-de-Metz. Ce jar- din présentait une pente assez rapide. Le sol d'en haut, conquis par le défoncement sur un sous-sol calcaire, Nora. Cette note a été lue au Comice et à l'Académie d'Amiens, en février 1843; les circonstances actuelles ont paru à l’auteur lui donner quelqu'intérét ; tout ce que l’on a écrit sur la maladie des pommes de terre n'a pas modifié son opinion sur les causes et sur les moyens de la prévenir. 70 était toujours sec, assez aride; mais grâce à des engrais nombreux, et surtout au fumier de vache, sa fertilité était devenue assez remarquable, et si les légumes qu'on y cultivait n'étaient pas très-volumineux ni très-consi- dérables, ils étaient toujours sains et très-savoureux. Le sol d'en bas, au contraire, qui souvent avait été recouvert par les eaux sauvages, et qui reposait sur un sous-sol tourbeux, était très-riche en humus, aug- menté encore par des fumiers abondants et annuels; il était, par conséquent, froid, humide ; les légumes pro- duits étaient très-gros, très-abondants, mais aqueax et presque insipides. Les lésumes du sel d'en haut étaient de bonne garde, ceux du sol d'en bas avaient besoin d’être livrés à une prompte consommation. Les pommes de terre du so! calcaire étaient toujours saines, celles d’en bas offraient des altérations nombreuses, et surtout la formation d’une substance colorée, verdàtre, qui, par la cuisson, de- venait dure, et d’un goût désagréable. Une fois ces observations faites, le remède fut facile à trouver : il consistait à planter en haut et en bas une portion de chaque espèce de pommes de terre. La portion d’en bas était livrée à la vente. Celle d’en hant servait à la consommation du ménage et à la planta- tion de l’année suivante. Par cette méthode, qui était suivie pour toutes les espèces de légumes, on les con- servait en bon état, et les altérations qui auraient pu se former ne pouvaient se propager d’une manière in- quiétante. Un fait remarquable m'a prouvé récemment combien cette méthode était bonne et utile. Mon pére, il y a plus de trente ans, avait obtenu de M. Virgile, com- PR, mandant de la citadelle, une pomme de terre qu'il ap- pelait cornichon noir. Elle était ronde, bosselée, d'un volume moyen, très-productive , et tellement savoureuse, qu’elle se vendait presque toujours trois fois le prix des autres pommes de terre. Il y a quelque temps, mon fer- mier s'imagina, pour augmenter le produit, de mettre cette espèce pendant trois années de suite, non pas dans le même carré, mais toujours dans le terrain d’en bas. La troisième année, la récolte fut encore très- abondante, mais plus de la moitié présentait l’altération dont j'ai parlé plus haut. Tout fut vendu et j'ai perdu l'espèce. Les hommes qui habitent les pays froids et humides sont exposés à une affection mortelle, connue sous le nom de phtysie, et qui consiste dans le développement à l’intérieur de nos organes, de corps étrangers qu'on appelle tubercules. Les animaux domestiques, placés dans les mêmes circonstances hygiéniques, sont atteints d’une affection de même nature ; la morve, le farein, la pom- melière, ne sont que des variétés d’une affection tuber- culeuse. Ÿ aurait-il quelque analogie entre ces affections et l’altération que l’on a souvent signalée dans la pomme de terre? N'oublions pas que presque tous nos animaux do- mestiques, presque tous les végétaux qui ornent nos champs, nos jardins, nos vergers, sont des conqué- tes de notre industrie, des créations de notre intelli- gence : aussi toutes ces espèces ne peuvent vivre et se perpétuer qu'à une condition, c'est que l’homme qui les a modifiées ou créées veillera continuellement sur leur existence; c’est qu'il leur donnera des soins in- cessants; ou sinon, la nature reprendra ses droits; Pa. elles retourneront rapidement à leur organisation pre- mière ; il est même à craindre qu'alors elles perdent les qualités acquises par l’industrie de l’homme, sans pou- voir reconquérir celles qu’elles avaient reçues de la na- ture. Elles seront alors doublement abatardies ; et bientôt elles disparaitront de la surface de la terre. Ces principes sont si vrais que, sans trop s’en rendre compte, ils ont passé dans la pratique : croisement con- tinuel des races pour les animaux , renouvellement par le changement de graines et de sol pour les végétaux, voilà deux faits qui sont devenus vulgaires pour les éle- veurs, pour les jardiniers, pour les cultivateurs. Si nous parcourons l’histoire des nations, nous voyons, chez tous les peuples, la religion imposer des barrières à l'union des familles. Partout où le mariage est réglé par les lois, un certain degré de parenté est un obstacle au mariage. Sans doute il y a là un principe de moralité et un principe de haute politique ; mais croyez-le bien, le législateur a été guidé aussi par une loi d'hygiène publique, par la crainte de voir les vices héréditaires de certaines maladies se perpétuer dans les mêmes familles et bientôt les éteindre. L'histoire est là pour nous prouver que dans tous les pays où il y avait une classe aristocratique, s’alliant entre elle sans se retrempec au dehors, toutes les familles qui recher- chaient moins un sang pur qu'un noble sang, n'ont pas tardé à dégénérer et à disparaitre. Vous savez que pour nos animaux domestiques, toute race qui se perpétue par ses propres produits, sans changer les fanilles, cesse bientôt de s'améliorer, et que ses formes s’altèrent et s’amoindrissent. En Angleterré, pour conserver les sous-races pré- de Etes cieuses qu'ils ont créées , les éleveurs ne négligent pas d'échanger entre eux des étalons qui, quoique prove- nant d'une souche commune, et conservant les mêmes qualités, sont cependant devenus étrangers les uns aux autres par des croisements nombreux et intelligents. Celui de nos cultivateurs qui voudra toujours employer les taureaux, ou les béliers nés dans ses étables pour des génisses ou des brebis provenant de même origine, ne tardera pas à voir les améliorations s'arrêter, et, après quelques géuérations, la race décroître et s’af- faiblir. Dans nos vergers, nous aurions bientôt perdu ces beaux fruits qui font l'admiration et la jouissance des ama- teurs, si par la greffe sur des sujets francs et vigou- reux on n'entretenait la force de la végétation. Et ce- pendant combien d'espèces dégénèrent ! probablement parce que les pépiniéristes greffent indistinctement tous les sujets qu’ils rencontrent sans considérer s'ils ont en eux assez de vigueur pour conserver à la greffe les qualités qui la distinguent. Semez un terrain avec les graines du même arbre, après trois mois d'existence vous verrez, dans les plants qui en proviennent, des différences énormes entre les uns et les autres. D’année en année, cette différence devient plus sensible, jusqu'à ce que les plus forts aient étouffé les plus faibles. Croyez-vous que les greffes im- plantées sur ceux-ci auraient eu les mêmes vertus, les mêmes qualités que les greffes placées sur ceux-là ? Les horticulteurs savent très-bien tous les soins qu'il faut prendre pour ne pas voir dégénérer les tulipes et les jacinthes qui, se multipliant par cayenx, semblent se rapprocher de la manière dont la pomme de terre nt Ne se multiplie; les dhalias qui s'en rapprochent plus en- core seraient bientôt perdus pour nous, si des semis nombreux ne venaient tous les ans remplacer ces belles variétés qui ne font que naître et mourir, quoiqu’on les multiplie par le même tubercule. Les lins de Riga ont bcsoin d’être renouvelés tous les deux ans; la plupart de nos céréales dégénèrent si on ne prend le soin de renouveler la semence, pour- quoi la pomme de terre échapperait-elle seule à cette grande loi de la nature? Qu’avons-nous fait pour elle jusqu’à présent? et si elle tend à dégénérer, ne devons- nous pas nous en attribuer la cause ? D'abord la nature lui avait donné deux voies de re- production , les tubercules et les graines. Nous avons négligé celles-ci, on a même conseillé de retrancher les fleurs pour augmenter la production souterraine , et il est posé en principe aujourd'hui qu'on ne doit semer la pomme de terre que pour rechercher des espèces nouvelles, parce que presque toujours le produit de ces graines est inférieur à la plante mère. Ceci, je la- voue, ne me parait pas prouvé ; les expériences ne sont pas nombreuses , elles ont été faites dans un esprit de nouveauté, non de conservation ; je crois qu'elles seraient toutes à refaire , et que le résultat serait plus en rapport avec ce qui se passe en général pour toutes les autres plantes. Mais j'admets qu'il ne faille pas s'oceu- per des graines, et que toute notre attention doive se porter sur les tubercules. Que faisons-nous pour les con- server ? rien, absolument rien ; nous nous préoecupons du rendement, mais non de la conservation. Presque toujours on choisit pour la pomme de terre un sol ri- che, humide, qu'on charge de fumiers au moment de = Sr la plantation. On coupe en morceaux les tubercules, où butte plusieurs fois la plante, et je n'hésite pas à le dire, il n’y a pas nn de ces faits qui ne soit contraire à la conservation de la pomme de terre. En effet, la pomme de terre est originaire d’un pays plus chaud que le nôtre; le sol est plus sec, plus fa- cilement échauffé par le soleil : transportée dans notre climat, la pomme de terre exigera plutôt un sol cal- caire qu'un sol argileux, plutôt encore un sol sablonneux qu’un sol calcaire : mais nous ne tenons pas compte de cette exigeance parce nous voulons beaucoup et de gros tubercules , et que les térres fortes sont les seules qui peuvent donner ces résultats. La nature prévoyante a amassé autour de la jeane plante une substance qui, plus tard, doit servir à la nourrir. La fécule de la pomme de terre, plus dense et plus pure au centre du tubereule qu'à sa circonfé- rence où elle est enveloppée d’une épiderme et d'une substance fibreuse pius rapprochée, formant en quel- que sorte une écorce, la fécule, dis-je, éprouve, par le fait de la végétation, une fermentation interne qui la convertit en une substance douce et sucrée qui est pour la jeune plante ce qu'est le lait de sa mére pour le jeune animal. Lorsqu'on coupe un tubercule, qu'arrive-t-il? D'abord, plusieurs parties n’ont pas de bourgeon adventif, d'œil comme l'on dit, et sont totalement perdues pour la vé- gétation. Elles pourrissent sans profit pour la plante. Quant aux portions pourvues d'un bourgeon, celui-ci se développe, mais il languit parce qu'il ne rencontre pas toute la nourriture dont il aurait besoin. La fécule mise en contact immédiat avec la terre humide, froide, 6. — et souvent avec des corps en putréfaction , n'éprouve pas, en grande partie du moins, la fermentation su- crée qu'elle devait éprouver : de là , pour la jeune plante, absence ou pénurie de la nourriture première que la providence Jui avait ménagée ; et cette souffrance de sa premiére jeunesse réagit sur toute sa vie végétalive. Lorsque la plante a pris un certain développement, on la butte, c'est-à-dire qu'on exhausse la terre qui la recouvre, et cette opération se répète deux fois au moins. À chaque fois il y a reprise de la végétation, formation de nouvelles racines, de nouvelles tiges, de nouveaux tubercules. Quand vient la déplantation , la vie est éteinte dans les tiges; une partie des tubercules est arrivée à sa maturité ; mais les plus récents n’ont pas acquis tout Ileur développement , les principes qui les composent, la fécule surtout n’a pas toutes ses pro- priétés, et si ces tubercules sont employés à la plan- tation suivante, nul doute que la végétation nouvelle devra s’en ressentir. Ainsi, selon moi, les altérations que l’on remarque dans les pommes de terre, et qui, dans quelques con- trées, deviennent inquiétantes, ont pour cause : d’abord le mauvais choix du terrain ; puis la section des tubercules dont chaque portion est mise en contact avec des fu- miers non consommés , enfin , le buttage trop répété qui fait qu'une grande masse de tubercules n’a point acquis sa maturité à l’époque de l’arrachement. Toutes ces causes peuvent facilement être prévenues. Sans doute le cultivateur qui a un assolement déterminé, ne peut pas choisir pour toute la sole de pommes de terre un terrain toujours convenable; mais il peut, chaque année, mettre dans un terrain spécial ce qui — 239 — Jui est nécessaire pour la plantation de l’année suivante. Il choisira , autant que possible, un terrain frais sans être humide , très-meuble , et s’il a un sol sablonneux mais non aride, c'est là surtout qu’il devra faire :sa plantation de réserve. _ On a prétendu dernièrement que les petits tubercules devaient être réservés pour la plantation; on a même été jusqu’à dire qu'on pouvait impunément enlever pres- que toute la fécule en respectant quelque peu celle qui se trouve au-dessous de chaque œil. Laissons ces ‘pa- radoxes à ceux qui pensent que. la nature agit au ha- sard et qu'il n’y a pas dans ses œuvres une intention providentielle. Puisque la natnre veut que chaque grainé; chaque noyau, chaque fruit se trouve enveloppé d'une substance qui protège quand elle ne nourrit pas, sui- vons aveuglément les lois de sa sagesse, et n'ôtons pas à la jeune plante la nourriture qui lui est réservée. Mais au lieu de prendre de gros tubercules, de les couper en morceaux, et d'exposer ainsi la fécule à une altération que la nature s'est étudiée à empécher, il faut choisir des tubercules moyens que l’on plantera entiers, et qui présenteront des yeux assez nombreux pour assurer une végétation vigoureuse. M. Mathieu de Dombasle a soutenu que le buttage, loin d'être nécessaire, était nuisible à la pomme de terre. Non seulement, selon lui, le buttage a l'incon- vénient de retarder la maturité des tubercules et d'en faire former de tardifs qui ne mürissent pas; mais en- core il en diminue la quantité et le volume. Sans adopter cette opinion qui me paraît trop abso- lue, trop opposée aux usages reçus pour ne pas être fausse en partie, je la crois vraie en cela que les but- 6.* =_NSA— tages sont trop nombreux. Un seul doit suffire pour donner à la plante une terre meuble et abondante , et pour entretenir autour des racines une fraicheur qu'il ne faut pas confondre avec l'humidité toujours nuisible. Ce premier buttage sera suivi de sarclages s'il est né- cessaire pour approprier le sol ; mais cela sera très-rare, si la végétation est vigoureuse. En adoptant ce système de culture, en ayant soin de ne fumer qu'avec des engrais bien consommés, on obtiendra des tubercules nombreux et sains, et les craintes que l’on a pu concevoir cesseront devant des résultats qui seront atteints toutes les fois qu'on vou- dra se donner la peine de les atteindre. RAPPORT SUR PLUSIEURS BROCHURES RELATIVES À LA QUESTION DES SUCRES LU DANS LA SÉANCE DE L'ACADÉMIE D'AMIENS DU SAMEDI 25 MARS 1843, Par M. Amarze DUBOIS, DOCTEUR EN MÉDECINE , MEMBRE TITULAIRE DE L'ACADÈMIE. Messieurs , Dans une de vos dernières séances , vous m'avez chargé de vous faire un rapport sur plusieurs brochures rela- tives à la question des sucres, de vous exposer l’état actuel de cette grave question , en vous énumérant les raisons données en faveur de leur opinion par les deux parties belligérantes. Toutes les brochures que j'ai lues contiennent à-peu près les mêmes arguments ; analyser l’une, c’est dire tout ce qu'on trouverait dans les autres ; j'ai pensé en- trer mieux dans vos intentions en résumant tout ce qui a été dit et écrit depuis l’origine de la lutte, soit pour le sucre de cannes, soit pour le sucre de betteraves ; sur les moyens de les faire prospérer tous les deux, ou sur la nécessité de sacrifier l’un ou l’autre. Pour que vous puissiez vous tenir en garde contre — 86 — une partialité involontaire , je duis vous dire tout d’abord mon opinion personnelle. Je pense que les deux industries peuvent vivre en- semble ; mais que si l’une des deux devait être sacrifice , ce ne devrait pas être l’industrie indigène. Je crois que ceux qui désirent et: demandent sa mort ont une ar- rière-pensée, celle de tuer plus tard l’industrie colo- niale en-faveur des sucres étrangers , dans un prétendu intérêt de nos ports, de notre marine, de nos manu-— factures et surtout du trésor. Maintenant , Messieurs, je crois pouvoir entrer en matière. Avant 1789, nos colonies, plus riches, plus nom- breuses qu'elles ne sont aujourd’hui, fournissaient seules à la consommation du sucre en France ; cette consom- mation était médiocre et ne dépassait pas À kil. 1/2 par tête. Pendant les guerres de la république et de l’empire, nous perdimes nos colonies ; elles passèrent entre Îles mains des Anglais, et, il faut bien le dire, elles y pas- sèrerit sans avoir rien fait pour défendre l'honneur na- tional, et même en allant au-devant du joug étranger. Pendant cette période , la consommation du sucre en France devint extrêmement minime : on ne l'employait guère que pour les malades; tout était fourni par l’é- tranger , et le prix s'était élevé jusqu'à 12 fr. le kil. C'est alors, en 1811, que l'homme aux grandes vues , Napoléon, décréta que 32,000 hectares seraient plantés en betteraves, et qu'il promit des honneurs et un mil- lion de récompense à celui qui perfectionnerait la belle découverte d’Achart. Toute la France se couvrit de fa- briques ; des essais nombreux, multipliés eurent lieu de toutes parts. Maisil'art était dans l'enfance. Beaucoup NO échouèrent , quelques-uns réussirent ; et la chûte de l'empire, en faisant tout-à-coup baisser le prix du su- cre, vint ruiner ceux même qui avaient obtenu un suc- cès trop chèrement acheté, En France, on rit beaucoup de la prétention de con- vertir en sucre la betterave ; en Angleterre , on eut peur. Achart fut sollicité, moyennant une grosse somme, d'écrire qu'il s'était trompé dans ses prévisions, dans ses expériences , et l'illustre Davy n'hésita point, dans l'intérêt de son pays, à compromettre sa gloire de sa- vant, en publiant qu’il y avait folie à chercher le sucre ailleurs que dans la canne. La restauration survint ; de nos belles et nombreuses colonies quatre nous furent rendues; la Gouadeloupe , la Martinique, la Guyane et Bourbon. Le nouveau gou- vernement comprit qu’il devait les protéger : on accorda des primes pour la réexportation des sucres raffinés ; le rendement des sucres étrangers fut plus élevé que pour les sucres français ; un droit de surtaxe, qui s’é- leva jusqu'a b0]|francs, vint empêcher toute concur- rence. Grâce à ces mesures , le sucre colonial prospéra : de 47 millions apportés en France en 1815 , il s'êleva suc- cessivement à 30, 40 , 60 millions. En 1840, les co- lonies fournissaient 75 millions de kil. , 85 en 184, 90 en 1842 : et cependant dès 1833 Ia surtaxe était diminuée de 50 à 40 fr. et de 40 fr. à 20 fr. en 1840; et cependant les primes avaient été abolies, le rende- ment avait été égalisé. Et voulez-vous savoir le résultat de ces mesures impolitiques ? En 1832, nous recevions de l'étranger trois millions 440 mille kil. et nous en exportions plus de 22 millions; en 1841, nous avons on — recu 19,622,000 kil. de sucre anglais, et nous en avons exporté seulement 6,764,C00. De 1815 à 1825, le sucre de betteraves , protégé par les droits qui favorisaient nos colonies, continuait peu à peu ses progrès : la paix avait tourné vers Îles sciences toutes les intelligences ; la culture de la bet- terave fut perfectionnée ; les procédés d’extraction fu- rent modifiés ; on apprit à extraire plus de sucre du jus de la betterave , à l’extraire mieux , plus prompte- ment et avec plus d'économie. Son prix de revient plus élevé que celui de nos colonies était compensé par le non paiement de l'impôt, En 1830, le sucre de bette- raves entrait dans la consommation pour plus de 30 millions, pour 36 millions en 1832, pour 45 millions en 1835, pour 49 millions en 1838. Alors il y avait 600 fabriques. Un premier impôt de 15 fr. fait fermer 160 fabriques, et tomber la production à 22 millions en 1840. Les bruits de guerre font, en 1841, relever les prix, et la production arrive à 27 millions. En 1842, l'espoir de l'indemnité la porte à 32 millions environ, malgré l’augmentation d'impôts et la diminution du nom- bre des fabriques. Que l'indemnité soit rejetée, que le statu quo soit conservé, la production ne dépassera pas 25 millions de kilo. La France consomme environ 110 à 120 millions de kil, ou à-peu-près 3 kil. 1/2 par tête. Pour subvenir à cette consommation , elle recoit de nos colonies 90 millions, de nos fabriques indigènes 30 millions , des colonies anglaises environ 20 millions, en totalité 140 millions, auxquels il faut ajouter à-peu-près 12 mil- lions de sucre de pommes de terre. Supposons qu'il y ait une réexportation en moyenne de 12 millions, il y LL: M aura toujours en France une quantité de 20 à 30 mil- lions de sucre par an, qui ne trouveront pas de con- sommateurs. Voilà donc les termes du problème à ré- soudre : ou trouver le moyen d’augmenter la consom- mation, de manière à ne rien laisser dans les entrepôts ; ou diminuer la production , de manière à ce qu’elle ne dépasse pas la consommation. Quant à augmenter la consommation , le gouverne- ment ne saurait le faire par des lois ou par des or- donnances : cette augmentation tient à une foule de causes , dont quelques-unes peuvent être soumises à l'influence du pouvoir, à la manière dont sont em- ployées toutes les forces actives du pays , mais la plu- part échappent à cette influence. Pour que la con- sommation augmente de 25 pour ‘/,, il ne suffit pas de réduire les taxes : il faut un temps quelquefois bien long pour modifier les habitudes hygiéniques d’un peu- ple, et le mal né de l'encombrement s'aggrave de jour en jour et demande un prompt remède. Aussi est-ce dans la diminution de la fabrication qu'on à cherché ce remède : de là un projet de loi qui pro- pose la suppression totale du sucre indigène , avec in- demnité aux fabricants. Pour appuyer ce projet, on a mis en avant l'intérêt de nos colonies, de notre ma- rine , des villes de port, de nos manufactures, du tré- sor , des consommateurs ; de l’agriculture elle-même ! Nous allons examiner chacun de ces intérêts, et voir si les raisons données sont bien solides et surtout bien franches. La ruine des colonies n’est que trop réelle, mais est-ce le sucre de betteraves qui en est cause ? sa sup- pression leur rendra-t-elle la prospérité qui leur manque? ET Pendant l'occupation anglaise, les colonies avaient souffert. Les Anglais qui, sans doute , calculaient qu’à Ja paix ils devraient les rendre, n'avaient rien fait pour favoriser leur prospérité. Lorsqu'elles furent rendues à la mère-patrie , elles obtinrent du gouvernement une protection efficace ; mais les colons durent faire de nombreux emprunts pour reconstruire leurs hsbitations détruites, pour acheter des esclaves, pour remettre leurs terres en culture, pour défricher de nouveaux terrains. De là des intérêts énormes, qui augmentèrent comme toujours avec la gêne ; qui les livrèrent, pieds et mains liés, aux hommes de la bourse, aux ban- quiers des ports, et qui les mirent dans une position telle que les récoltes de deux années d'avance sont vendues et cédées aux créanciers comme gage de leurs créances. L’appat offert par les primes et par la sur- taxe entraîna les colons dans une faute grave; ils arra- chèrent toutes leurs plantations d'indigo , de café , de roucou , de canelle, ete., ponr y substitner la canne à sucre; c'est ainsi qu'à Bourbon an lieu de 2,500 mille kil. de café, il n’en fut plus livré à la métro- pole que 500 mille; et qu’au lieu de 4 millions de su- cre, la production s'est élevée à 28 millions. Cette manie fut poussée si loin, que même les produits né- cessaires à la consommation de tous les jours furent abandonnés et qu’on préféra les acheter au-dehors. Les colons ont fait comme les propriétaires de nos vigno- bles ; ils ont planté en cannes à sucre des terrains in- fertiles, qui ne produisaient qu'à grande peine de mé- diocres résultats. Un terrain qui, en café, exigeait seulement 30 esclaves en exige 200 pour la canne à sucre. Enfin la concurrence a fait baisser les prix Pr gore les sucres de Porto-Rieo et de Cuba, malgré la sur- taxe , peuvent être livrés en France à 61 fr. 75 €. les 100 kil. Ceux de nos colonies exigent un cours de 62 fr. 50 c. pour que le colon puisse obtenir, non pas un bénéfice, mais le solde de ses dépenses. Tandis qu’à Cuba, un prix rémunérateur de 11 fr. suffit pour le sucre rendu à port, nos colons exigent 23 fr., sans, disent-ils, avoir du bénéfice. Voilà, Messieurs , les vé- ritables eauses de la ruine de nos colonies : et remar- quez bien que je ne parle pas des sucres anglais qui paient plus cher de transport pour venir de l'Inde, mais qui trouvent une large compensation dans le prix de fabrication et de culture ; la main d'œuvre , qui se paie 10 centimes dans l'Inde, revenant à 1 fr. 50 c. dans nos colonies. Le sucre de betteraves n'a aucun in- térêt à faire baisser le cours ; tous ses efforts tendent à amener son prix de revient à celui des colonies; à peine y est-il arrivé , et ce n'est pas lui qui essaiera de produire une baisse dont il serait lui-même la pre- mière victime. On a fait sur la nécessité d'encourager notre marine des amplifications à perte de vue. Il semblait qu’en tuant le sucre de betteraves , la France allait quadru- pler ses vaisseaux , ses marins, ét comme au temps de Louis xtv, disputer aux Anglais le sceptre des mers. Voyons les chiffres. Sur 96,000 marins inscrits, 32,000 sont embarqués tous les ans, et 4,000 suffisent pour le service des colonies. 300 bâtimens apportent tout le sucre colonial. Supprimez le sucre de betteraves et sup- posez que les colonies nous fournissent les 30 millions de kil. nécessaires pour le remplacer , il nous faudra le tiers en plus de ce qui est employé aujcurd'hui en — 92 — hommes et en vaisseaux, c'est-à-dire 400 navires et 1300 marins. Or est-ce pour ce faible résultat qu'il faut sacrifier notre agriculture? mais ce résultat n’est pas même acquis à notre marine. Il est impossible, de l’aveu même des délégués, de faire produire aux colonies plus de sucre qu'elles n’en produisent. Un rendement plus considérable par les progrès de la fabrication suffira tout au plus à couvrir la perte qui va s'augmentant tous les jours dans les produits de la culture. Les 30 millions de kil. exigés par notre consommation seront donc demandés à l'étranger ; et sur les 100 navires et les 1300 marins qui devront les apporter en France, combien y en aura-t-il de français? peut-être le di- xième , c'est-à-dire 10 navires et 130 marins ; car les pays étrangers voudront comme nous favoriser leur ma- rine. Quant à nos villes maritimes, ou plutôt aux arma- teurs et aux banquiers de nos colons, ils ont un intérêt manifeste à la suppression du sucre de betterave. Pen- dant quelques années sa suppression améênera la hausse dans les prix, ils pourront rentrer plus vite dans leurs créances; mais c'est là un avantage tout personnel, restreint à quelques individus , qui ne sont même pas en perte; car prêtant à 15, 20 et 25 p. ‘/, par an, ils ont su toujours se mettre à couvert ; mais après quel- ques années la baisse revenant , les colonies ne pour- ront plus lutter avec les sucres étrangers , elles seront tout aussi pauvres qu'aujourd'hui et nous aurons sacrifié inutilement une industrie admirable. Par compensation du sacrifice qu'on exige, on pre- met à nos manufactures des débouchés plus étendus : ici on est obligé de jeter le masque et d'avouer que Er l’on compte par des traités de commerce échanger les sucres étrangers , du Brésil surtout, contre les produits divers de nos fabriques. J'avoue que je ne crois pas à ce résultat. Je vois que toutes nos industries réclament des droits protecteurs pour se défendre, même chez nous, de l'invasion des manufactures anglaises ; ne trouverons- nous pas tous ces produits étrangers partout où nous présenterons les nôtres? Si nons ne pouvons nous sou- tenir chez nous qu'avec des droits protecteurs, com- ment pourrons-nous au dehors, et sans l’appui de ces droits, faire la concurrence? Et puis, Messieurs, ceux d'entre vous qui ont médité sur la question du paupé- risme , n'ont-ils pas reconnu qu'il naissait surtout de la trop grande extension de l’industrie manufacturière ? Voyez l'Angleterre ; n'est-ce pas à cette exagération de production qu'est dù le malaise qui la travaille? Voyez dans l’histoire ce que sont devenus tous les peuples qui abandonnant l’industrie par excellence, l’agriculture, se sont livrés exclusivement à l'industrie et au com- merce. Tous ont disparu , laissant à peine après eux quelques ruines pour dire que là vivait un grand peu- ple? Non, Messieurs, non, il ne faut pas écouter ces professeurs d'économie politique qui vous disent : « Vous » produisez trop? vous êtes étouffés par le poids de » vos produits? eh bien produisez davantage! » Pour êtes vrais, il faut dire avec les faits, avec l’histoire : la trop grande production amène la concurrence illi- mitée, déloyale; pour vendre, on manque à l'honneur, à la foi des engagemens ; c’est sur le salaire des ou- vriers qu'on veut faire son bénéfice ; l’ouvrier devient plus malheureux que l'esclave; et le paupérisme dans toute sa laileur envahit tout un peuple. — 9% — On a dit que le trésor en percevant, 74 fr. 50,0, au lieu de 27 fr: 50 ce. par 100 kil. qu'il perçoit au- jourd'hui sur les 30 millions de sucre de betteraves , ferait un bénéfice annuel de 43,300,000 francs. Dans l'état précaire de nos finances, 413 millions seraient très bons à percevoir; mais seraient-ils perçus? pas le moins du monde. En effet si vous demandez à l'étran- ger le sucre dont vous avez besoin ; si vous voulez obtenir, des traités de commerce ;, des débouchés. avan- tageux pour nos manufactures , il faut compter dimi- nuer la surtaxe. Or une baisse de 10 fr. seulement vous fait perdre 3,300,000 fr., et vous n'avez plus de bénéfice que 9,900,009 fr. Aujourd'hui le sucre des colonies a besoin de 62 fr. 50 c. pour prix de rému- nération , et le sucre de Cuba ne revient qu'à 61 fr. 50 ©. Au prix actuel, pour donner aux colonies la ré- munération qu'elles réelament, c’est-à-dire 23 fr. au lieu de 17 fr. 50 c. qu’elles obtiennent , il faut baisser les droits de 11 fr. les 400 kil. Sur 90 millions c’est tout juste 9,900,000 fr., où done est le bénéfice ? Et si vous ajoutez que l'agriculture appauvrie paiera moins d'impôts ; que l’ouvrier sans travail consommera moins, et qu'il y aura évidemment baisse sur le pro- duit des contributions de toute naiure ; ne sommes- nous pas en droit de dire que l'opération proposée se- rait. onéreuse ? De plus, Messieurs , si on posait. en principe qu’un gouvernement a le droit de proscrire une industrie quard cette proscription peut donner quelques millions. au trésor, pourquoi ne proscrirait-0n pas SuC- cessenient toutes nos industries? Le blé revient chez nous plus cher que les blés d’'Odessa ou de Trieste; proscrivez le blé, et recevez avec un droit les blés = 95 — étrangers. Toutes nos plantes à graines grasses, toutes nos plantes textiles nous seraient fournies à meilleur compte par la Belgique et la Russie, défendez à nos culti- vateurs de semer des colzas, des lins et des chanvres. — Que dis-je, l'Angleterre, la Belgique et la Suède sont là pour nous fournir nos fers, nos charbons ; proscri- vez nos mines et nos forges ; faites mieux , levez toutes les barrières de douanes, supprimez tous les droits pro- tecteurs , faites fermer toutes nos manufactures ; le tré- sor gagnera... jusqu'au moment où la France ruinée à tout jamais, ne produisant plus rien et ne possédant pas de mines d'or, n'aura plus même les moyens d’a- cheter à l'étranger et d'alimenter ainsi le trésor. Que l’on ne vienne pas dire que l'intérêt du consom- mateur est d'acheter là où le prix lui est le plus favo- rable. Cet axiôme banal de vérité cesse d’être vrai si le consommateur est en même temps producteur. S'il ne vend pas avantageusement ses produits, il est obligé de restreindre sa Consommation. Que lui importe alors que ce qu'il veut acheter soit de quelques centimes à meil- leur marché , si ses produits à lui, restant en Magasin, il est obligé de diminuer sa dépense? Ne vaut-il pas mieux payer le sucre dix centimes de plus au kil., et que le travail de nos fabriques indigènes permette à Vouvrier d'en consommer 6 ou 8 kil. par tête, comme en Suisse et en Angleterre, au lieu des 3 kil. 4/2 de la consommation actuelle ? Et ce cas arrivant , le trésor ne percevra-t-il pas plus sur les 160 millions de sucre in- digène à 27 fr. 50 c. les 100 kil., que sur 30 millions de sucre anglais, fussent-ils portés à 75 fr. de droit? Et l’agriculture, Messieurs, n'a-t-elle pas le droit de faire entendre ses plaintes , quand on veut ainsi la sa- — 96 — crifier ? 26 mille hectares produiront environ 800 millions kil. de betteraves qui donneront environ 40 millions de sucre ; en outre 200 millions de pulpe qui, donnée aux bestiaux, produira 10 millions de viande grasse. Le ministre, en présentant la loi, a dit que les cultivateurs pourraient encore planter la betterave pour nourrir leurs bestiaux. Les cultivateurs lui répondront que la culture de la betterave est trop onéreuse comme simple nourriture , et que la pulpe est infiniment supérieure à la racine elle-même pour pousser à la graisse. Enfin, Messieurs, la fabrication du sucre de bhetteraves con- stitue une industrie précieuse, en ce qu'elle attire dans nos campagnes ce qui y a toujours manqué, l'intelligence et les capitaux : elle donne de l'ouvrage à une époque où les travaux des champs sont suspendus ; elle fait progresser l’agriculture en la forçant à mieux cultiver, et. elle soutient le prix de la main-d'œuvre par les soins multipliés qu'exige cette racine. Certes elle a bien profité des encouragements qui lui avaient été accordés, cette industrie qui, en vingt ans, est parvenue à rivaliser avec la canne à sucre ; qui a pu, en vingt-cinq ans, arriver au point de payer un impôt de 27 fr. 50 e., et faire déclarer à ses adversaires qu'ils ne pouvaient plus lutter contre elle. Peut-on en dire autant de nos colonies , qui, depuis l'enquête , n’ont su faire aucun progrès , qui exigent encore 23 fr. comme prix rému- nérateur, quand les Antilles espagnoles, si voisines d'elles, n’en demandent pas 12 ? Je n'ose, Messieurs, en présence d’un grand désastre (1), demander s’il serait prudent de sacrifier la métropole à des colonies sujettes (1) Le tremblement de terre qui a bouleversé la Gouadeloupe. 07 — à des catastrophes aussi épouvantables, et qui peuvent les anéantir ? En dernière analyse, les colonies peuvent s’attribuer une partie de leurs souffrances : ce n’est pas au sucre de betteraves qu'est dù leur état de gêne : leur véri- table ennemi, c'est le sucre étranger ; la suppression du sucre indigène ne produirait aucun avantage aux colonies, ni à la marine, ni aux ports, quelques indi- vidus exceptés, ni à notre industrie manufacturière , ni au consommateur , ni au trésor : elle serait désastreuse pour notre agriculture. Le projet de loi présenté n'est pas admissible en ce qu’il viole tous les principes d'économie politique ; en ce qu'il produirait le contraire de ce qu'il veut produire ; en ce qu’il cache l’arrière-pensée de recevoir les sucres étrangers , contre lesquels ne sauraient lutter nos co- lonies. Je ne dis rien de ce principe d’indemnité quil a voulu établir : l’accueil défavorable qu'il a reçu par- tout en a fait justice. Mais quels moyens employer pour remédier au mal, pour empêcher la ruine de nos colonies que nous voulons tous conserver? Voici ceux qui ont été présentés et qui pourraient, je crois, avoir un résultat efficace : 4, Diminuer l'impôt sur le sucre de betteraves : en le réduisant à 25 fr., le décime compris , je crois que la plupart des fabriques établies aujourd'hui continue- ront de marcher. 2.° Porter l'impôt non sur le producteur, mais sur le consommateur ; dans un ouvrage spécial, M. Molro- guier a montré tous les avantages de ce mode, et la facilité avec laquelle il serait établi. Par ce mode, on préviendrait bien mieux la fraude qu'avec les 600 mille 7. — 98 — france et les 400 employés qu'on a demandés et vobte- nus l’an denier. 3.° Cesser de favoriser l'ile Bourbon par un droit moins élevé. S'il lui faut plus de temps pour apporter ses pro- duits en France, elle trouve sa compensation dans un sol plus riche, et dans le bas prix de la main-d'œuvre. L.° Supprimer l'élévation de droits sur le sucre brut blanc ; on ne conçoit pas une loi forçant le fabricant à ne faire que de mauvais produits, à laisser dans ses sucres des matières étrangères qui les altèrent et les déprécient sur le marché. 5.° Conserver le rendement des sucres de nos colonies à 70 p. ‘/, , et porter à 75 le rendement des sucres étrangers ; faire comme en Angleterre et ailleurs, ne pas rendre à la réexportation la totalité des droits perçus à l'importation. 6.0 Etablir sur les sucres étrangers uu droit de sur- taxe proportionnel au prix des sucres nationaux, et tel que les premiers ne puissent entrer dans la consomma- tion que si une catastrophe inattendue , un manque de récolte produisaient la rareté du sucre en France. 7. Permettre aux colonies de raffiner chez elles le sucre nécessaire à leur consommation. 8.° Leur permettre l'exportation directe sur bâtiments français, même des sucres raffinés chez eux. 9.0 Voir dans les lois des douanes coloniales s’il n'y aurait pas possibilité de baisser les droits sur les pro- duits non similaires , et d'activer ainsi leur commerce. 10.° Encourager chez elles les cultures autres que celles du sucre, comme le café, l’indigo , la canelle, etc.; on pourrait avec avantage leur abandonner le soin de fournir la France des 8 millions de kil. de = 00! — tabac nécessaires à la consommation. Ce serait an en- couragement de plus à notre marine. 41.° La commission des sucres doit , dit-on , proposer à la chambre de fixer la part respective des colonies dans la cansommation du sucre en France ; ce projet me parait juste et d'une exécution facile. On peut fixer à 90 millions cette part ; c’est le maximum de leur production jusqu’à ce jour, et livrer à l’indus- trie indigène le surplus de la consommation. Si celle- ci produit trop, il sera facile de la restreindre chaque année , en ajoutant un droit proportionnel à cet excé- dent aux 25 fr. qu’elle doit payer. 12.° Enfin, Messieurs, je voudrais que la nouvelle loi fût votée pour un laps de temps déterminé, et qui ne serait pas au-dessous de dix ans. Il est fâcheux pour l'industrie et pour l’agriculture de voir tous les ans voter des lois qu'on réforme l’année suivante, sans avoir eu le temps d’etudier ce qu'elles ont de bon ou de mauvais. Cette instabilité des lois est une des plaies de l’époque. ; ce serait rendre un grand service au pays que d'établir en principe que toute loi votée serait soumise à une révision après une certaine période , dont la durée serait calculée sur son importance. Je ne veux pas abuser de votre patience en développant ce principe qui me parait nécessaire; tous les bons esprits, je crois, tous les amis de l’ordre , de la stabilité , du vrai progrès, en apprécieront les avantages. J'ai terminé ma tâche, Messieurs , et comme vous l'avez vu, je ne me suis pas contenté d'exposer le pour et le contre , comme vous me l'aviez indiqué ; j'ai pris ma part aux débats, et j'ai témoigné de toute ma sympathie pour le sucre indigène. Je le répète, je crois 7 — 100 — fermement à la possibilité de maintenir les deux sucres en proscrivant le sucre étranger, mais s’il m'était dé- montré que l’un des deux dût périr, je ne voudrais pas que cet arrêt fut prononcé contre celui qui porte en lui tous les élémens de prospérité, quand on voudra le laisser libre dans son allure. Il me reste, Messieurs , à vous dire quelques mots sur les brochures que vous m'aviez confiées. L'une émanait de la chambre de commerce de Lille, de cette chambre toute française , si sage et si éclairée, qui sut dire il y a quelques années aux fabricans indigènes, vous pouvez et vous devez payer un impôt ; et qui au- jourd'hui avec autant de loyauté, de franchise, dit aux ministres et aux députés, qu'ils ne peuvent pas, qu'ils ne doivent pas voter la ruine des fabricans et de lagri- culture. Une autre brochure est due à l’un de mes anciens condisciples, à M. Wissocq , de Boulogne, l’un des plus brillans sujets de cette école polytechnique , qui a donné tant d’horumes distingués à la France. Dans sa brochure il y a cette clarté, cette précision qui est le cachet de l'école, et qui se retrouve chez tous ceux qui sont sortis de son sein. La dernière brochure est due à la plume du neveu de l’homme qui a tant fait pour la France, du neveu de ce Napoléon qui de son regard d’aigle a découvert que dans la culture de cette plante jusqu'alors dédaignée, pou- vait se trouver le germe d’une révolution immense que nous voyons s’accomplir. Elle est écrite d’un style ferme et clair, et avec une méthode remarquable. Pour- quoi faut-il ajouter, qu'on retrouve là comme ailleurs des illusions décevantes et une tendance à exploiter au EU) profit d’une dynastie tombée , la gloire et le malheur de celui que la France a proclamé le premier de ses grands hommes ! Je pense, Messieurs, que des remerciemens doivent être adressés à ceux qui nous ont ainsi fait part de leurs travaux : si j'ai pu vous intéresser à une question aussi grave que celle des sucres, c’est à eux qu’en re- vient tout l'honneur ; si je n’ai point réussi c'est qu’en voulant abréger, j'ai altéré leur ouvrage. AMABLE DUBOIS. L'Académie, convaincue par les motifs développés dans le rapport qui précède , de la possibilité de con- server simultanément les deux industries sucrières , et de l’urgence de donner à ce rapport la plus grande publicité, décide qu’il sera immédiatement livré à l’impression , que des exemplaires en seront adressés aux diverses sociétés que cette question peut inté- resser , et notamment à la commission de la Chambre des Députés chargée d'examiner le projet de loi sur les sucres. A Amiens , le 25 Mars 1843. Pour extrait conforme Le Secrétaire-Perpetuel Fréd. Durovyer. 1 M “er ie in A ed: que l'un def 40 qe A 2 A jé pi CNT Ait | où di ne: dise 3L Dai sus PTE *fubriénte, me 440 vous -ponvér ei vous dorés gayerfns inenibt ; “4 :"\isenls ji uves auidot du loyauté, de actes PER kfénitres eù nBx dépulée QUE hé :pouvent pas NET ‘we ne Queer una rater da vairñéides Faisriras «tt de. D : ee, PA Mptovst : Aüont #0f 144 y , bimé | We 2nbs 5h x da 51 Der LL: ? DUT. 27 PTE Car x D) 14 la duhesé de va se pitt LE NOTICE SUR LE CÉRÉMONIAL OBSERVÉ AUTREFOIS A AMIENS AUX OBSÈQUES DES ROIS ET DES REINES DE FRANCE, ET SUR LES OBLIGATIONS DE LA VILLE A CE SUJET, Par M. LAVERNIER. —33308 80 cee— MEssiEURS, Un grand écrivain a dit : « l’homme meurt; on lui jette sur la tête une pelletée de terre, et en voilà pour l'éternité. » Cependant avec les rois on fait un peu plus de facon, et c’est cette distinction qui sert de base au travail que j'ai l'honneur de vous soumettre. Les obligations relatives au cérémonial se règlent par l'usage et l'usage est fixé par les monuments qui se trouvent consignés dans les archives publiques : j'ai cherché dans celles d'Amiens quel avait été le céré- monial observé dans cette ville à la mort des rois et des reines de France. L'index ne renseigne à cet égard que le service de Marie-Thérèse d'Autriche , épouse de Louis XV, décédée le 30 juillet 1685. — 104 — Mais j'ai étendu mes recherches à l’époque de la mort de chacun de nos Rois, autant que l'ancienneté et la série des registres de l’échevinage l'ont permis. Les registres ne remontent pas au-delà de 1406. Ils manquent au temps du décès de Charles VI en 1422. On ne trouve rien dans ceux du temps du décès de Charles VII en 1461. On remarque deux délibérations à l’occasion du décès de Louis XI en 1483. Dans la première, du 10 juin de cette même année, il est arrêté de communiquer avec MM. du Chapitre (1). Dans la seconde, du 22 septembre suivant, il est dit que des 96 livres que le luminaire a coûté, il sera demandé 60 livres à Mgr. l'Evêque et à MM. du Chapitre, et que la ville paiera le surplus. Au décès de Charles VIIE, en 1498 (2), on trouve encore deux délibérations. Dans la première, du 3 mai, sur une lettte de Louis XIE adressée aux gens d'église, nobles, bourgeois et habi- tants de la ville touchant les obsèques du feu Roi; il est dit que l’on communiquera avec les députés de Mgr. l'Évêque et du Chapitre; que s'ils ne veulent en- tendre raison, on fera faire un service solennel soit à St.-Martin, soit aux Cordeliers, soit aux Jacobins, soit ailleurs. . La seconde délibération est du 7 du même mois de mai. [l y est arrêté que la ville assistera en corps au service de la cathédrale ; qu'elle partira de l’hôtel-de- ville ; qu’elle enverra trente-six torches armoriées des (1) Reg. 14 F. (2) Reg. 18 F. = ose écussons du roi, et celles des corps de métiers de la ville, pourvu qu'on rapporte le tout. Le registre manque au temps du décès de Louis XIT, en 1515. On ne trouve rien à l’occasion de ceux de François I. en 1547, de Henri II en 1559, de Fran- cois II en 1560, de Charles IX en 1574, de Henri III en 1589. Quant à ce dernier prince, la chose est facile à expliquer. À sa mort, la ville était au pouvoir des ligueurs ; l’autorité royale y était méconnue ; mais, en revanche, les héros des factieux y recevaient les hon- neurs funèbres. En voici la preuve : « Le Samedy quatriesme jour de febvrier mil cineq cens quatre vingtz et noeuf (1) en la chambre du conseil de Thostel commun de la ville d'Amyens ou estoient assem- blez sire Jehan de Collemont maieur, sire Jehan Dip- pre , sire Nicolas Aux Cousteaux, sire Philippe du Beguin ancien maieurs, M.° Jehan Bauduin, Jehan Tancart, M.° Jehan de Berny , Nicolas le Roy, Jehan Boitel, Ro- bert de Sachy, Jehan Lepot, Jehan Sagnier, Guillaume Le Scellier, M.° Nicolas Carette et M.° Nicolas Pastureau eschevins, M.° Nicolas Le Scellier procureur et Charles Delessau greffier. » Sur le mémoire envoie a Messieurs par la Chambre du Conseil des Estatz pour faire faire funerailles de Mes- sieurs Îles Princes Cardinal de Guise et Duc de Guise à este ordonne ce quy senssuiet. » Premieremnet que joeudy prochain sur le midy iront tous les clocheteurs revestuz en doeul avec les armoi- ryes devant et derriere desdits seigneurs deux devant et deux derriere dont celles de Monsieur le Cardinal (1) Reg. 49 F. — 106 — seront à dextre feront la, semonce es lieux ordinaires que ledit jour des Vigilles en la grande Eglise nostre Dame et le lendemain le service. et leurs seront baillez leurs tiltres. » Pour la ceremonie lon se trouvera en la grande Eglise ou Messieurs du corps de ville se trouveront. » Que les vingt quatre sergens de nuict de la ville sy trouveront avec chacun leur torche armoriee des armes desdits deffuntz. » Sera le coeur de leglise tendu de drap. » La chappelle ardente de veloux. » Seront mise deux effigies en deux tableaux en thoille pour la representation du massacre au dessus du por- tail entrant au coeur sur le pepitre. » Que le jour des vigilles sytost quelles auront este dictes toutes les cloches tant de la grande Eglise que les autres sonneront une bonne heure ponr exciter le peuple a prieres. » Lor a son funebre se fera paravant la messe. Et se fera le service au coeur de leglise. » Seront commandees les armoiries et pourtraictz cy dessus au paintre quy fera dilligence de les faire. » Et ne paiera la ville autres fraiz que le drap la cire et le bois qui seront neantmoins retire apres le service. » A la mort de Henri IV, arrivée le 44 mai 1610, on voit que le comte de St.-Pol , gouverneur général, manda les échevins le 46 juin suivant pour leur faire entendre la difficulté que faisaient Mer. l'Evêque et le Chapitre de prendre à leur compte les frais des funérailles, et pour les engager à mettre ces frais à la charge de la ville. Les échevins remontrèrent que la ville n'avait jamais eu à supporter que la dépense des armoiries, mais le — 107 — gouverneur ayant insisté, ils demandèrent qu'il leur füt permis de se retirer à l'hôtel-de-ville. La, ils délibé- rèrent que, sans tirer à conséquence pour l'avenir, la ville ferait la dépense de la tenture. Le registre des délibérations au temps du décès de Louis XIII, en 1643, est perdu. Mais on voit dans le compte du patrimoine de l’année 1642 à 1643, au xxxix.* chapitre de dépenses, trois articles ; l'un de 55 livres pour le prêt de cent onze aulnes de pannes et de velours qui avaient servi à tendre le chœur de l’église Notre-Dame , aux funérailles du roi faites pendant trois jours consécutifs en cette église ; l’autre de 30 livres pour le loyer des draps employés à cette tenture ; et le troisième de 30 livres payées à deux peintres, pour quatre douzaines d'armoiries aux écussons de France. Au décès d'Anne d'Autriche, épouse de Lous XIII et mère de Louis XIV, arrivé le 20 janvier 1666, on ne trouve rien dans le registre des délibérations ; mais dans le compte du patrimoine de 1665 à 1666, au xxxvIn.® chapitre de dépenses, on voit un article de 30 livres pour les armoiries destinées au service fait à la cathédrale. Il n’y a pas d'autre dépense relative à cette cérémonie funèbre. Mais il faut remarquer qu'aujour de son décès, cette princesse n'était plus reine régnante. On trouve plusieurs délibérations au sujet de la mort de Marie-Thérèse d'Autriche, femme de Louis XIV, arrivée le 30 juillet 1683. La première, du lendemain même de la mort, fait seulement mention du bruit de cette nouvelle répandue par un courrier qui passait. On arrête que tous les divertissements publics seront suspendus. — 108 — La seconde du 2 août (1) porte que la nouvelle n'é- tant que trop vraie, puisqu'elle est insérée dans la gazette de France, le corps de ville paraîtra dès le lendemain en habits de deuil, pour donner l'exemple aux autres compagnies. Dans la troisième délibération du 9 septembre sui- vant (2), il est question du service à faire dans la cathédrale, et des obligations de la ville en cette cir- constance. On y rappelle qu'en 1610, la ville ne s’est chargée de la tenture pour le service de Henri IV, que sans tirer à conséquence pour l'avenir, et qu'à cause de la reprise sur les Espagnols dont elle était singuliè- rement redevable à ce prince. On y dit qu'on n’a rien trouvé relativement aux funérailles de Louis XIIL, parce que le registre des délibérations de ce temps manquait déjà ; qu’en ce qui concerne la mort d'Anne d’Au- triche, on ne voit rien dans le registre ; que la ville n'a payé que les frais de blazon. On arrête enfin que quoique la ville n'ait jamais été tenue à la dépense de la tenture aux services des rois et des reines, mais seulement à celle des armoiries ; cependant, attendu le refus du chapitre, et pour marquer l'attachement de la ville au roi et à la maison royale, elle se chargera de faire faire cette tenture, sauf à en répéter le coût contre le chapitre. Il a éte dressé un procès-verbal des cérémonies ob- servées aux service des 19 et 20 septembre (5). On y trouve la description exacte du catafalque, des (4) Reg. 75: E., fol. 58. (2) Fol. 64. (3) Reg. 75 F., fol. 67. — 109 — tentures, des armoiries et des autres décorations funé- bres. La ville a repris ces objets. Il est aussi fait mention dans ce procès-verbal de la séance et du rang des différents corps dans le chœur. Il est principalement question de la séance des offi- ciers municipaux dans les hautes stalles, et du nombre de places qu'ils y devaient occuper. Il y est dit que le peuple fut si indigné de la manière dont on traitait ses chefs, qu'il aurait enfoncé la grille du chœur, sans M. le Premier qui l'en empécha. Les échevins prétendaient occuper dix hautes stalles ; cette contestation fut décidée provisoirement par M. l'In- tendant, le A-'* janvier 1684, pour le Te Deum chanté en action de grâces de la naissance du duc d’Anjou. Il fut réglé que le corps de ville occuperait sept hautes stalles du côté de celle de Mgr. l'Evêque, et immédiatement après; et que les sergents à masse au- raient leur banc au-devant des stalles basses (1) Le decès de Louis XIV arriva le 1. septembre 1745. On ne voit rien au sujet de cet évènement ni dans le registre des délibérations qui paraît avoir été mal tenu alors, ni dans les comptes du patrimoine ; mais comme le patrimoine était presque toujours insuffisant, la dépense extraordinaire relative aux funérailles, si la ville l’a faite, aura probablement été acquittée sur le gros octroi dont les comptes ne sont pas aux archives. La reine Marie Lekzinska, femme de Louis XV, mou- rut le 24 juin 1768. Dans la séance du 5 juillet, M. le Maire a dit que (1) Reg. 75 EF, fol. 82. — 110 — Mgr. l'évêque lui avait écrit la veille au sujet du ser- vice à faire pour le décès de la reine; que, par sa lettre, l’évêque entend que la dépense de la tenture et du catafalque doit être en la charge de la ville ; que par les recherches faites à ce sujet, il paraît que la ville n’a jamais été chargée de la tenture ni du cata- falque, mais seulement des frais d’écussons et d’ar- moiries ; que si la ville a fait cette dépense lors du service pour Henri IV, Louis XIIT, Marie-Thérèse d’Au- triche, ce n'a été qu’au refus. du chapitre, et pour empêcher qu’il n’y eùt manquement de décoration con- venable lors de ces cérémonies , et se réservant à répéter contre le chapitre à ce sujet. Dans cette séance, il a été unanimement arrêté que M. Petyst, échevin et Lalau, notable, commissaires que l’assemhlée nomma en cette partie, communique- raient avec Mgr. l’Evèque et MM. du Chapitre pour con- venir de ce qui était en la charge respective de l'Evèque, du Chapitre, et de la Ville ; que si MM. du Chapitre persistaient à refuser de faire la dépense de la tenture et du catafalque, la ville en ferait la dépense, sans tirer à conséquence pour l'avenir, et en protestant de se pourvoir en répétion contre mesdits sieurs du Chapitre. Je n'ai pas vu d'autre acte concernant ce service. Louis XV termina sa trop longue carrière le 10 mai 1774. Voici les délibérations qui ont été prises dans cette circonstance. Registre des délibérations, folio 66 R.° à 67 Re. « Du samedi quatorze mai mil sept cent soixante-qua- torze, sur les onze heures du matin , en l'assemblée — Mi — tenue, avant l'audience, en la chambre de l'hôtel-de-ville où étaient : M. Jourdain de Thieuloy, maire ; MM. de Saint- Germain, chevalier de l’ordre de St.-Louis ; Boullet de Varennes , avocat ; Haudicquer du Quesnoy, avocat ; De- gand , négociant, échevins ; M. Louis-Francois Janvier, sécrétaire-greffer, » M. le Maire a dit qu'attendu la nouvelle de la mort de Louis XV, dit le Bien-aimé, décédé à Ver- sailles le 40 mai 1774, sur les trois heures d'’a- près midi, qui n’a été sue en cette ville que le jeudi 12 de ce mois, il avait fait hier publier des défenses de danser publiquement ni autrement dans la ville et banlieue. » Le secrétaire a mis sur le bureau un paquet qu'il venait de recevoir à l'instant par la poste, contresigné de Mgr. le duc de la Vrillière, ministre et secrétaire d'état ayant le département de la Province. Ouverture faite du paquet, il s'est trouvé contenir une lettre de Mgr. le duc de la Vrillière, écrite à Versailles le 10 mai, adressée à MM. les maires et officiers municipaux de la ville d'Amiens, par laquelle il envoie une lettre que Sa Majesté nouvellement régnante Louis XVI daigne écrire aux officiers municipaux sur la mort du roi son aïieul. » Lecture faite de la lettre de Sa Majesté. » Il a été arrêté qu'elle serait lue publiquement ce jourd’hui à l'audience, et registrée au présent registre et au registre aux chartres, comme un monument de la tendre piété de Sa Majesté nouvellement régnante envers son illustre et bien-aimé aïeul, comme un gage de l’amour et de l'attachement que ses peuples doivent se promettre des sentiments de son cœur. » = ME = Lettre de Sa Majesté Louis XVI aux Maires et Éche- vins d Amiens. » De par le Roi. « Chers et bien-aimés. Dieu ayant appelé à soi le feu roi notre trés-honoré seigneur et ayeul , nous vous écrivons cette lettre pour vous donner avis de cette perte que la France a faite avec nous. Elle eût eu besoin que sa vie eût été aussi longue qu'elle a été remplie de gloire et de modération, et qu’elle nous eût donné le temps d'acquérir l'expérience nécessaire pour lui succéder. Mais sa divine bonté en a autre- ment disposé, et a voulu lui donner un repos per- pétuel après tant de travaux durant son règne, pour maintenir la monarchie dans le haut point de gloire et de puissance où il l'avait trouvée à son avènement à la couronne et la faire jouir autant qu'il a été en lui des douceurs de la paix. Il a fini sa vie avec la piété et la résignation qu’on devait attendre d’un prince vrai- ment chrétien. Nous pouvons espérer de la même bonté divine qu'elle conserva cette paix à notre royaume ; elle est le fruit des travaux qui ont signalé son rè- gne. Nous la devons attendre aussi de la fidélité de nos sujets, et comme nous nous promettons de la vôtre en particulier et de votre affection au bien de cet état que vous serez soigneux de contenir nos peu- ples dans le devoir et l’obéissance qu'ils nous doivent, nous vous assurons aussi que nous nous souviendrons dans les occasions des services que vous nous rendrez. » Donné à Versailles le 10 mai 1774, signé Louis, et plus bas PuiLiPPEAUX. » Au dos était écrit: À nos chers et bien aimés les officiers municipaux d'Amiens. » t — 113 — Lettre de Mgr. le duc de la Vrillière, ministre et secrétaire d'état, à MM. les Maires et Échevins. « Je joins ici, Messieurs, la lettre que le roi vous » écrit au sujet de la mort du roi son aïeul. » Je suis, Messieurs, votre très-humble serviteur. » Signé le duc de la VRILLIÈRE. » Il a été arrêté aussi qu'il serait fait une réponse à Sa Majesté, que la réponse serait adressé à Mgr. le duc de la Vrillière, ministre et secrétaire d'état. Registre des délibérations, folio 67, V.° à 68 R.° — Cérémonial. « Du mardi dix-sept mai mil sept cent soixante-qua- torze, sur les onze heures du matin. » En la salle d'audience de l’hôtel-de-ville, et l'audience tenante où étaient M. le Maire, MM. de Saint-Germain, Haudicquer Duquesnoy, Degand et Debrai-Lalau, éche- vins, et le secrétaire greffier, est entré le chambellan du chapitre qui a invité MM. de la part du chapitre au service que MM. les Doyen et Chanoïnes doivent cé- lébrer jeudi prochain, quatre heures d’après midi et le vendredi suivant au matin, pour le repos de l’âme de Louis XV. » Jeudi 19 mai 1774, quatre heures d’après midi, MM. les Maire et Echevins s'étant assemblés chez M. le Maire, avec MM. les officiers de la ville et le cortège, se sont rendus à la cathédrale en corps, et ont assisté aux vigiles dites pour le roi Louis XV. » Le chœur était tendu de noir ; le catafalque était placé entre le sanctuaire et le lutrin. » MM. les officiers municipaux ont pris séance dans les hautes stalles, du côté gauche. » Il y avait un banc au devant pour les officiers de la 8. — 114 — ville, et un autre banc sur le pavé du devant des stal- les basses, pour les sergents à masse. » Le lendemain , vendredi 20 mai 1774, dix heures du matin, Messieurs ont été, comme la veille, à la cathé- drale, où ils ont assisté à la messe des morts, et pris séance dans les hautes stalles, comme la veille. » Registre des délibérations, folio 81. F°. Du jeudi 21 juillet 1774, sur les cinq heures de relevée (1). « Sur ce qu'ila été dit qu'il était à propos de ne plus différer le service que la ville dait faire pour feu Sa Majesté Louis XV, dans le chœur de l’église cathédrale ; » Il a été unanimement arrêté que MM. Ogier et De- brai-Lalau, échevins, que la compagnie nomme com- missaires à cet effet, conféreront avec Mgr. l’Evêque et MM. du Chapitre pour convenir du jour du service, et des charges respectives de Mor. l'Evêque, du Cha- pitre et de la ville ; que les commissaires dirigeront les ouvrages nécessaires pour le catafalque ; qu'ils invi- teront les corps au nom de la ville, pour assister au service, qu'ils y inviteront également MM. les comman- dants de l'état-major et officiers militaires; qu'il sera imprimé des billets d'invitation pour être envoyés aux ci- toyens ; qu'ils y inviteront MM. de la Société de musique. » Registre des délibérations des Officiers de la ville d'Amiens du jeudi 18 mars 1775, au jeudi 27 juin 1776. Folio 82. (1774 ). « MM. Ogier et Debrai, échevins, commissaires nom- més pour diriger le catafalque du service à faire pour le roi Louis XV et pour convenir du jour avec Mgr. l'E- véque et MM. du Chapitre, ayant fait rapport que le — 115 — jour avait été fixé à jeudi 28 juillet dix heures pré- cises du matin, le service a eu lieu ledit jour, comme il est constaté ci-après. » Le jeudi vingt-huit juillet mil sept cent soixante - quatorze, sur les dix heures du matin, il a été célé- bré une messe solennelle dans le chœur de l'église cathédrale, suivant l'usage, pour le repos de l'âme de Louis XV le Bien-aimé. » Le chœar était tendu en noir : le catafalque était au-devant du lutrin ; il n’y avait point de tentures dans la nef; le grand portail était tendu en noir avec de grands écussons aux armes de Louis XV. Les officiers municipaux avaient fait inviter les Corps et l'Etat-major par MM. Ogier et Debrai, députés à cet effet. » La messe a été chantée en musique par MM. de la Société de musique de cette ville que les officiers mu- nicipaux y avaient aussi invités. » M. le comte d'Agay, intendant, y a assisté à la tête du Corps de ville ; MM. du Bailliage y ont aussi assisté, ainsi que M. le commandant des gardes du corps, MM. de l'Etat-major et les officiers militaires. » Les officiers municipaux ont pris séance suivant l’usage dans les hautes stalles du côté de l’évangile. M. l’inten- dant était à la tête; M. le Maire, MM. de Saint-Ger- main, Ogier, Lenglier, Gresset de Bussy, Debrai-Lalau, Huart-Duparc, échevins, M.° Janvier, secrétaire-greffier et M. Bernard de Cléry, trésorier-receveur, étaient ensuite, ce qui faisait dix stalles hautes de remplies ; les autres officiers de la ville étaient sur un banc placé au-devant des hautes stalles ; les sergents à masse et l'huissier à verge étaient sur un banc placé sur le pavé au-devant des stalles basses. 8.* — 116 — » MM. du Bailliage étaient dans les hautes stalles à droite, vis-à-vis du corps de ville. » M. le commandant des gardes du corps, MM. de l'état-major et les officiers militaires étaient dans le sanctuaire du côté de l’évangile. » Mgr. &e Machault, évêque d'Amiens , a officié pon- tificalement, il n’y a eu ni vigiles ni oraison funèbre. » MM. de l'hôtel-de-ville avaient été prendre M. l’In- tendant chez lui, ils l’y ont reconduit, quoique ce ne soit point l'usage. » La dépense du catafalque, des tentures et des écus- sons a été faite par la ville ; le luminaire à été payé par Mer. l'évêque, et le chant et la sonnerie en la charge du chapitre. » Quelques années encore, et il devait s’opérer dans l’ordre politique un changement bien propre à faire voir Île néant des grandeurs humaines. Le 21 janvier 4793, un roi meurt, il n'y a point de funérailles : le catafalque est remplacé par l’échafaud. Il en est de même au 16 octobre suivant, jour où le sang d'une reine a été versé. En 1820, nous avons vu passer par cette ville les entrailles d'un prince tombé sous le fer d’un assassin. Au mois de septembre 1823, les obsèques du roi Louis XVIIT ont été célébrées. L'année 1841 a été témoin d’un évènement bien re- marquable. L'empereur est ramené de la terre d’exil, et des honneurs, dignes de lui, sont rendus à sa mé- moire. Sa dépouille mortelle repose aujourd'hui dans ce noble monument consacré à la gloire militaire, et au milieu de ces invalides qu'il avait tant de fois conduits au champ d’honneur. — 117 — Me voilà arrivé au 13 juillet 1842, à ce jour néfaste où toute la France fut plongée dans le deuil et la consternation. Ai-je besoin de vous retracer les senti- ments qui se manifestent à la cérémonie funèbre du 25 du même mois? quels regrets! que de larmes! quelle vive sympathie pour le roi qui perdait son fils aîné, pour cette tendre mère, pour cette épouse dé- solée, pour ces deux orphelins, pour toute cette famille enfin frappée d'un coup si terrible ! Ah! nous serons toujours douloureusemeut émus au souvenir de la cruelle catastrophe qui précipita dans la tombe le jeune prince objet de tant d'amour et de si grandes espérances. Mais telle est l'instabilité des choses de ce monde, que d'exem- ples l'histoire en fournit! Comment ne pas se rappeler ce que disait la duchesse de Bourgogne à l’une de ses dames qu’elle avait fait venir auprès du lit sur lequel elle allait expirer, après une maladie très-courte et à la fleur de son âge : « Adieu, belle duchesse, aujourd’hui » dauphine, et demain rien. » JG JET OL 0) , © NI PTE (LRTE SH NL 4 nl æ KDE 91 6° aboli Qi a) ail C1 È o)bo he ET TTC IEe: ivér oi Fe rl st 4° Vs DNS NA “ 11: TPE NET EE ir PRE Ya Hilrat "68 larg hs Pont of at" | L'atorgt bip Ssions s#b 1h. eg el do diéfndipe ip. fon af ve. Gites Sir sl bp db nha# LIL RE NON nif4 nb "F8 slt 0465 5107 LIT Cnil Te fn L 55 Pod"; énuaseint MA td a Îe LS flo! b OT TE fans oasis at obfhopocs sé vint anmonusstol vob :\S0fut doi Set st dire st anb * RE PP sdjéufiies sl : motte darts PSI ET HG tuR) 36 tds 4 oz Nous p Fohati 1 09 oÛrsds et iii rt Pie SH He défis ie 0 mi store) ! Himaedt 46 eviotaiu"f LUE sk bb dus MA COTE BE HSE st 318" di Hp tua AE aa Pr PDETE dl "dp' air “in ind then Abd ue DETTE ns. 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Ayant consa- cré depuis longtemps tous mes instans au soulagement des malades et à l'enseignement de l’une des branches de la médecine, je ne trouvais pas dans l'assurance que j'avais d’avoir rempli mes devoirs avec zèle et conscience, des motifs suffisans pour justifier une ambition qui n'est permise qu’à des hommes, doués d’un savoir éminent et de connaissances profondes. L'objet constant de mes tra- vaux a été l’étude des sciences et surtout de la science de l’homme, et je dois dire que cette étude a laissé peu de place, dans mes occupations, au culte des arts, de l'agriculture et même des lettres. Lors donc que vos suffrages m'eurent appelé dans cette enceinte, et meurent donné le droit de venir m’as- seoir au milieu de vous, la première préoccupation de mon esprit a dü être et à été réellement, que je n'é- tais pas à la hauteur d’une telle faveur. Cette insuffi- sance de moi-même a nécessairement comprimé ma joie, en me rappelant au sentiment de mes devoirs, et en me montrant dans cette distinction, moins des honneurs à recueillir que des engagemens à remplir. Dès ce mo- ment la route que j'avais à suivre , fut choisie, et je pris, comme je vous l’exprime ici, la résolution de me dévouer tout entier à ces engagemens. Pour vous faire bien comprendre ce qu’a eu de solen- nel et en mêmé temps d’important pour moi cette grande distinction , permettez-moi, Messieurs , d’entrer dans quelques détails sur la manière dont j'envisage l'organi- sation et l'utilité des sociétés en général, et des soeié- tés savantes en particulier. L'homme a pour destination de vivre en société. La société est un moyen de rendre le travail plus étendu, plus facile, et surtout plus complet ; travail au reste toujours dirigé dans la vue d'arriver au bien-être gé- néral. Cette destination de la vie sociale est telle, pour Fhomme , qu’il ne doit jamais la perdre de vue, parce qu'elle lui impose l'obligation d'être utile, quelque soit le rang qu'il occupe, quelques soient les forces phy- siques dont il jouit, quelques soient les facultés intel- lectuelles dont il est doué. Membre d'une nombreuse famille, adopté et protéjé par elle, tont semble lui dire : Ton existence m'est consacrée , tes momens sont à moi, sers la famille qui t’admet au nombre de ses enfans. Il n'est pas de circonstances dans la vie qui n'appren- = 1 — nent à l'homme cette vérité, qu'il naît moins pour lui, que pour transmettre à d’autres , le bien inestimable de l'honneur , le fruit de ses travaux, les avantages de ses découvertes , les résultats de son industrie, Ce n'est que sous ces conditions , Messieurs, que l'homme trouve dans le corps social la protection dont il a besoin pour résister aux usurpations de l'envie et aux embuches de la mauvaise foi. Ce lien de communanté entre tous, met en rapport tous les bonheurs privés pour en composer le bonheur public, met en rapport tous les devoirs afin qu'il en résulte une harmonie générale où chaque homme tient sa parlie. Ne trouvez-vous pas une idée du corps social dans l'organisation humaine , admirable mécanisme , où tous les organes les plus petits comme les plus grands, les plus simples comme les plus compliqués ; où les plus petites fibres , les plus petits nerfs, les plus petits vaisseaux, occupent une place déterminée , remplissent une fonc- tion précise, accomplissent séparément ou par groupes des opérations différentes , à savoir la digestion, la res- piration , la circulation, la nutrition, et cependant concourent et parviennent à un but comme à un ré- sultat identique , à la vie. — N'est-ce pas là en réalité l'image du corps social, vaste mécanique , doué essen- tiellement de la vie, et dont chaque membre représente les ressorts animés qui la font mouvoir ? Tous, Messieurs, nous occupons dans le rouage gé- néral une place déterminée , nous y avons nos mou- vemens , notre manœuvre , et c’est de la précision de nos jeux divers que dépend le: jeu plus ou moins ac- compli de l’ensemble ; partie plus ou moins sujette du — 122 — grand tout, nous concourons à sa perfection. Alors s’é- tablissent ces relations, ces lois d'équilibre qui doivent se trouver entre les hommes réunis; notre existence s'étend jusqu'aux autres. Au milieu de cette grande unité sociale , les hommes qui s'occupent d'études sérieuses , tiennent une place importante. Mais si parmi eux , à de longs intervalles , on en rencontre quelques-uns qui font l'honneur de la race humaine et qui, véritables géans du monde in- telligent , sont insatiables de savoir, étudient tout, pé- nêtrent tout, éclairent et fécondent tout ; il en est un bien plus grand nombre qui n'ont qu'un seul culte, soit le culte des sciences, soit le culte des arts ou de l’industrie, soit le culte de l’agriculture , soit le culte des lettres. Disséminés, ceux-ci forment comme l'échelle des divers entendemens ! Mais vienne la haute pensée des associations , qu'un choix judicieux autant qu'éclairé les rassemble et les réunisse en un seul groupe, il en ré- sultera cette aggrégation d'intelligences d'élite que tout à l'heure nous regardions presque comme une impos- sibilité. Ainsi sont nées les sociétés savantes au milieu du grand rouage de la société générale. Constituées par des élé- mens divers qui agissent chacun dans leur sphère par- ticulière, et qui cependant cherchent à atteindre un but commun, elles marchent à la conquête de toutes les connaissances possibles à l’homme. Par elles, toutes les inventions des arts, toutes les découvertes des sciences sont appliquées à l'utilité générale. Leurs efforts toujours dirigés vers le bien de tous, deviennent par cela même plus profitables. Des encouragemens sont promis au tra- yail, des récompenses sont. accordées aux succès , el de — 49235 — cette manière elles viennent en aide à ceux qui, ani- més par le besoin de se faire connaître , sont doués en même temps de la volonté et du pouvoir d'être utiles par leurs conceptions. Une idée nouvelle est-elle émise? Cette idée porte-t-elle en elle-même le cachet de vastes combinaisons , a-t-elle une portée considéra- ble qui fasse prévoir dans son développement et dans ses applications des motifs d’être utile ou salutaire ; elle est aussitôt accueillie et conservée avec soin ; chaque membre dans sa spécialité , la médite , la travaille ; la société la discute , la corrige, la modifie ou la déve- loppe , puis la propage avec le désintéressement le plus louable. Sages dans leurs mesures les sociétés ont ainsi à la fois, et la puissance qui inspire, et la puissance qui crée, et la puissance qui conserve. Les sociétés scientifiques et littéraires, vous le voyez, Messieurs, ont une belle mission ; leurs résultats ont une grande portée. Aussi partout et toujours elles ont été entourées d’une grande prépondérance et d'une haute considération. De là vient que beaucoup sentent naître l'ambition d’y être admis, ne füt-ce que pour avoir part à leur célébrité et pour partager l'éclat dont on les énvironne. Mais outre cela, un des puissans attraits pour ceux qui aspirent au titre de membre de ces sociétés ! C’est l'union vraiment fraternelle qui s'établit parmi les hom- mes qui les composent. Les rivalités politiques, les riva- lités d'intérêts matériels, excitent souvent la haine, les dissensions et les querelles; dans le domaine des scien- ces et des lettres, les rivalités n’excitent jamais que des discussions calmes qui ont la vérité pour motif et pour — 124 — but. On dirait des membres d’une grande famille où le travail commun, dirigé vers le bien général, entretient l'amour et la concorde. Il fait naître le sentiment ma- gique de l’émulation, sentiment uoble qui donne l'acti- vité pour entreprendre , le courage pour lutter contre les obstacles, et la force pour les surmonter. Ce sentiment de confraternité est plus général que je ne l’exprime ici, Messieurs; comme s'ils appartenaient à la même république , les sages , les savans , les ar- tistes sont de tous les pays. Leur patrie est partout, parce que les talens rendent les hommes concitoyens : aussi l'hospitalité la plus généreuse les attend, la con- fraternité la plus amicale les accueille dans leurs péri- grinations lointaines. Les vaisseaux destinés à des expé- ditions savantes n'ont plus, quelque soit l'état politique de l'Europe , d'autres ennemis à craindre que la tem- pête et les orages. — Les congrès scientifiques qui ont lieu depuis quelques années, tendent à resserrer en- core les liens de cette grande et précieuse union. L'unité qui fait la force , le savoir éminent qui com- mande l'admiration, la confraternité qui attire et qui lie , toutes ces qualités enfin que je préconisais tout à l'heure, je suis heureux, Messieurs , de les trouver réunies dans cette honorable compagnie ; elle qui par un privilége de son organisation primitive a la faculté de s'occuper d'un grand nombre d'objets du plus grand intérêt. Amie et protectrice des sciences exactes, ii n’est pas de question, d'histoire, de morale, de philosophie, de religion, qui soit étrangère à ses travaux , et dans laquelle elle ne porte le flambeau de ses plus infati- gables investigations. Instituée au chef-lieu d'un département dont la fée- — 125 — condité territoriale et providentielle pourrait avec raison lui faire donner, comme à la Beauce, le nom de grenier de la France , elle fait constamment tous ses efforts pour encourager et perfectionner l’agriculture , cette base de la prospérité des empires. Que de soins ne faut-il point en effet pour la faire sortir de l’ornière dans laquelle elle reste arrêtée par une routine aveugle et peut-être par une paresse présomptueuse ! Les assolemens, les en- grais, le choix des plantes et des animaux domestiques, le perfectionnement des instrumens aratoires , les irri- gations des prairies, le desséchement des marwis, les défrichemens, soulèvent autant de questions vitales que l’Académie n'a cessé d'examiner , et dans lesquelles elle se signale tous les jours par d’utiles recherches. Placée dans une cité qui, par son industrie et son commerce , est classée parmi les villes les plus indus- trieuses et les plus commerçantes, l’Académie d'Amiens, par l'institution d'un cours de droit commercial qu’elle a confié à deux de ses membres les plus distingués, a voulu que chaque habitant püût réanir à ses connais- sances pratiques dans les affaires, la connaissance de ses droits et de ses devoirs tels que la loi les consacre. Mais, de toutes les missions que s'est imposées cons- tamment votre compagnie, la plus belle, sans contre- dit , est celle par laquelle elle cherche à conserver le dépôt sacré des lettres et l’amour des nobles études. En parfaite harmonie d'intention et d'idées avec un des plus brillans écrivains de l’Académie francaise, « elle n’ou- » blie pas que le jour où les peuples s’enferment avec » imprévoyance dans le cercle étroit de leurs intérêts, » et où ils aiment mieux soigner leur prospérité ma- » térielle que leur intelligence , ils commencent à dé- — 126 — » cheoir (Mignet). » Fidèle aux véritables traditions de la bonne société française , elle donne tous ses soins à l'élégance et à la pureté du langage , sachant bien que la politesse des expressions est inséparable de la poli- tesse des mœurs. Ce n'est pas à elle qu'il faut ap- prendre que travailler sur une langue, c’est travailler sur les sentimens du peuple qui la parle et qui l'é- crit. Ce dépôt sacré des nobles traditions si bien conser- vé, ces efforts pour épurer et ennoblir le langage, les encouragemens donnés aux lettres, la protection accordée à l’éloquence et à la poésie dans les réunions acadé- miques , sont surtout précieux en ce moment où des novateurs , que je ne puis croire de bonne foi, quoi- qu’ils aient un grand talent, prétendent nous faire répudier la langue des Corneille et des Racine ; où des écrits qui étonnent par leur nonibre et par leur abon- dance , étonnent encore plus par la bizarerie de la con- ception , par l’étrangeté des idées, par l'imprévu des expressions et par la folle hardiesse du style. En raison de cette multiplicité d'objets dans ses oc- cupations , l’Académie d'Amiens appelle dans son sein tout ce que la ville a de plus remarquable dans les différentes branches d'étude , réunissant ainsi toutes les notabilités en une nombreuse famille, qui a pour avan- tage de diriger ses efforts vers un même but et de rendre profitables pour tous, les travaux si divers, les idées si disparates, les systèmes si différens qui doi vent résulter nécessairement de cettte complication d'é- tudes , de cette assemblée de capacités , elles-mêmes différentes. En m'admettant dans cette communauté, j'ai compris, — 127 — Messieurs, toutes les obligations qu’elle impose ; ce sont celles de tout homme de bien qui veut le bien de sa propre famille; ce sont celles de tout homme de travail qui veut augmenter par son travail les ressources de sa famille ; ce sont celles de tout homme d'honneur qui veut concourir par une conduite noble et estimée, à maintenir et à accroître, s'il se peut, l'estime et la considération dont est entourée sa famille. ag; qu arts Siege st de ait 01 10977 49 oil sb “ar ifuroMor 1OMRNESS ornroit 2007 ob Dates : Mis | Ba 0 rod ANA dé « mare ‘ ue A 36° mt f eHBbAHS die 48q | 0 ARE Soir” PAT F pis ne oO Jas mob coisréhianne | spot pas 3 S nobi ze Large e: fer 2 Cette TE v. Care. ft bn robe. fe ragga tn PTIT rt fs matt TR PEL aps 1:00 ie SE Mb ÆÉ LE la FOGUR. dère, Jus ré voionf: # bacs, AMEL au oul pi régions on 6. 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Après une chaude journée d'été, à l’heure où les fa- milles se rassemblent avant de se livrer au repos, une plante est transportée d’une serre dans l’appartement où se trouve la compagnie qui l’attend , et devient aussitôt l'objet d’une attention dont voici la canse Figurez - vous cinq grandes et belles fleurs sortant d'un treillis de verdure en forme d’éventail, trois dans la partie supérieure , rangées sur une même ligne ho- rizontale , comme les trois étoiles des rois mages, et deux dans la partie inférieure , placées parallèlement aux trois autres ; toutés, malgré l'inclinaison de leurs pédoncules, paraissant attachées perpendiculairement à ce treillis qui s'élève dans un sens vertical ; toutes pré- sentant dans leur forme hémisphérique et concave , de six pouces de diamètre environ , l’ensemble des par- ties qui les composent de manière à n’en cacher au- cune ; toutes riches et brillantes comme l'or, éblouis- santes comme la neige , radieuses comme des soleils, 9. — 130 — Les nombreuses folioles du calice forment à chacune de ces fleurs comme une large bordure. Ces folioles, d'un jaune d'or päle , semblables à des lanières étroites et solides, s’élevent en diminuant de largeur et se ter- minent en pointes. On s'aperçoit, à la manière dont elles setcourbent , qu'elles étaient encore 4 il y a peu d'instants , placces les! unes au-dessus des lautres, qu'elles avaient toutes leurs extrémités dirigées vers un même point, qu'elles composaient par leur union une enveloppe préservatrice, let qu’elles renfermaient le tré- sor que leur séparation a fait paraître et que leur pré- sence embellit. Au milieu de ces folioles recourbées, de ces rayons d'or, de ce foyer de lumière , s'élève , grande et ma- jestueuse , une, magnifique .corolle ; , sa, forme, est celle d’une tulipe allongée ; ses pétales , épais, comme ceux de l’aquatique Nénuphar , en forment le tube sans s’in- cliner ; elle.est d’une éclatante blancheur ; rideau. éblouis- sant, elle échauffe et protége ce qu'elle entoure ; an centre , se tient, debout le pistil, couronné de ses stygmates, et surpassant les cCtamines dont les fila- ments nombreux , longs, soyeux et argentés sont in- clinés et tremblants. Ainsi brillante. et, radieuse avec ses blanches corolles et ses calices dorés, la plante, à la clarté des bou- gies qui l'environnent, a quelque chose d’imposant et de solennel. On dirait uue jeune reine étincelante de ses pierres les plus précieuses, et déployant devant sa cour toute la richesse de sa parure. Aussi, les spectateurs, surpris de son éclat, du mouvement de ses étamines , de cette vie plus. que végétale qui semble l’animer, et d’une sorte de pres- \ — 131 — tige dont elle parait entourée, sont pénétrés d’une vive admiration, et forment un demi-cerele devant elle en se tenant à distance comme des courtisans respec- tueux. Mais tandis que chacun se recueille pour mieux jouir de ce spectacle , tandis que l’on présente les nouveaux venus à la fleur, comme à celle qui recoit en ce jour tous les hommages, une foule de pensées se pres- sent dans les esprits, l'imagination prend son essor , 1604 :917, PEINE = en Reg. 0e, i0p ropano tas 12h à ntfuobsn, esgetagrosd, ton. Me PEUT A 18 GMT ie MA ne. td) Oil: gojoltes, ana, ou pes. 4e nr auiagit he, : fie fe, pars age quand 24 AÉN "ii wi DNTIPRENES pb sui conter — Le 4 up, qoupñi «A Aohron esb, nul 1R0 Rene ne LL ch 0 183 #1uS EE 2 29 nn. st AL KA +7 0e 4e spa na. on TE & She 08 ë é ; ETES igslfiad ii ie "È. rs po oi bord. k x ar 29, a a gros ie 12, pure C 1,00 ne AUS L À _ 7" dE : re Ar LU J ] Du de & nr" À pa ; > RUE “eee se da de Mi — UE Ru CR CU "he li J Que Ur. “rome, gr MN CU A) LR LELUT NT hagaex" hogres tons puiemnce de -t'aatré ps Douée d'éltours d'utét fores ‘sbeorhante ;vellér she por eacions, Gt tfaute done law et la. vios grande parus dèée dont elle » boots Hodfrendé ? sunver s0nLêtre ; tPpbue te DE 2 “à os | | le orcisen. nn ;.# LE Pr] ÉLOGE DE M. Naraus DELAMORLIÈRE, Lu dans la Séance publique de l'Académie d'Amiens, le 3 septembre 1843 ; Par M. S'.-A. BERVILLE. MESSIEURS , Nous avons perdu en Natalis Delamorlière, vous un collègue honoré et chéri, moi un de ces amis dont la perte ne peut se réparer ni le souvenir s'éteindre. Chacun de vous, sans doute, eût aimé à lui payer le tribut qu'en votre nom je viens acquitter aujourd'hui: mais vous avez considéré l’intime et long attachement qui nous unissait l’un à l’autre, et vous m'avez per- mis, à moi simple passager parmi vous, d'être votre organe en cette occasion douloureuse. En abordant cette mission désirée, j'ai pu craindre qu'une émotion trop légitime ne trahit mon zèle et ne brisàt mon récit ; mais je me suis promis de la dominer, et le sentiment d'un devoir à remplir envers l’homme du monde qui se montra le plus esclave du devoir m'en donnera la force et le courage. — 138 Presque toujours, chez les hommes d'une certaine va- leur, on remarque un trait saillant qui résume le carac- tère et dessine, en quelque sorte, l'être moral. Ici domine la douceur, là l'austérité ; chez l’un la cons- tance, chez l'autre la promptitude et l'énergie. Ce trait, chez Natalis, c'était cette bienveillance expansive, cette sensibilité généreuse qui, nous associant par la sym- pathie au sort de nos semblables, nous fait un besoin et comme une passion du bonheur d’autrui. Sa vie fut un long dévouement. En cela, Natalis suivait les tra- ditions paternelles. M. Delamorlière, homme aimable, homme d'esprit, homme de bien, maître d'une belle fortune acquise par ses travaux et d'un bel atelier fondé par ses soins, vivait, honoré de tous, au sein d'une nombreuse et charmante famille, qu'il instruisait d’exem- ple aux sentiments affectuenx, aux vertus bienfaisantes. — Enfant, Natalis étudie au collége sous le bon abbé de Lignières. Bientôt le naturel aimant de l'élève a gagné le cœur du maitre, qui se plaît à le nommer son ami. Chose rare, sa faveur n’a point fait de jaloux. Il n’en use qu'au profit des autres, et maintefois les pleurs de l'élève bien-2imé on fait adoucir pour quelque cama- rade en faute les rigueurs du code pénal alors en vi- gueur dans les colléges. Sorti de classes, il étudie les sciences. L'âge d'homme arrivé, il se trouve en face de la Révolution naissante. Il la salue avec transport ; mais il la veut pure. Voit-il des excès la souiller ; il les combat, et déjà l’'émeute a menacé sa vie, Le jeune patriote n'en reste pas moins fidèle à la cause nationale, et quand l'ennemi s'avance, quand Lille est assiégée, il s'offre des premiers pour l'aller secourir. Lille est délivrée, mais l'étranger nous menace encore ; Natalis — 139 — ne déposera point son épée. Il se rend à la frontière, obtient un grade, s’y distingue , refuse un avancement mérité qui le séparerait de ses premiers compagnons d'armes, et brave le couroux de St.-Just pour défendre un innocent qu'on opprime. Dés-lors, il lui faut fuir et se cacher , car le courroux de St.-Just, c’est la mort. Enfin l'horizon s’est éclairci, et Natalis a rejoint ses foyers. Il recommence à vivre sous le toit domestique, aidant son père dans les travaux de la teinture, s'en délassant par la culture des lettres, et semant journel- lement sa vie de bonnes actions, quelquefois de cou- rageux dévouements. Cette vie bonne et paisible düra beaucoup d’années. Le déclin de l'empire arriva. Là, deux grandes douleurs atteudaient Natalis : son père allait succomber ; la France allait être envahie. Atteint d'une infirmité sans remède, M. Delamorlière le père languissait depuis quelques années. En 1812, il mourut. Son fils le pleura vivement, grava des vers touchants sur sa tombe, et, se trouvaut l'ainé de la famille, regarda conime un devoir d'acquérir et de con- tinuer l'établissement paternel. Ici, nous devons le re- connaître , sa piété filiale l'abusa sur sa vocation. Natalis était trop détaché de lui-même pour réussir dans les professions dont le but est la fortune. Faire le com- merce, c'est défendre ses intérêts, et notre ami na jamais su défendre que les intérets d’autrui. Pendant qu'il dépensait beaucoup d'activité, de savoir et de talent pour ne pas prospérer, l'empire touchait à sa ruine. Natalis en fut navré. Il adorait à la fois dans Napoléon et l'organisateur qui avait reconstitué la France, et le héros qui l'avait illustrée. Il souffrait dou- — 140 — blement de nos désastres, et pour la France et pour l'Empereur. Des corps ennemis s’approchaient ; nous vou- lûmes nous armer pour la défense ; il fut un de nos chefs. La reddition de Paris rendit ce zèle inutile ; il se ralluma dans les cent jours. Natalis prit part à la fédération, acte honorable, et alors calomnié, de ci- toyens qui, sans acception de partis, se dévouaient à la sûreté des personnes et des propriétés. Qui croirait qu'il a pu exister une époque où les idées du devoir seraient perverties à ce point que la défense du pavs fût imputée à crime? Natalis fut plus coupable : il accepta, avec l'élite de ses concitoyens, le dange- reux honneur d’être député par sa ville à la chambre des cent jours. Là, il vit avec douleur une majorité loyale, mais abusée, se livrer sans garantie à la foi punique de l'étranger, et presser, prématurément au moins ; l’abdication de l'Empereur. « Quoi! disait-il, » quand l’ennemi s’avance, répudier l’homme le plus » capable de nous défendre ! songeons à vaincre d’abord; » ensuite nous traiterons. Si Paris ne peut tenir, sui- » vons l'armée et le drapeau national jusques sur la » Loire. » L'avis contraire prévalut ; on sait le reste. Exilé à Rouen par la seconde restauration, Natalis y trouva l'hospitalité la plus honorable. Cet accueil et l'étude de la chimie adoucirent son exil. Enfin, la per- sécution s'apaisa, et Natalis put revenir prendre la direction de ses ateliers. Là, d’autres éprenves l'atten- daient. Un désintéressement trop absolu, des contra- riétés qu'il n'avait pas dû prévoir rendirent ses travaux stériles. Il lutta longtemps avec courage ; mais chaque année emportait une part de son patrimoine ; il fallut se résigner. Il vendit son usine, liquida honorablement — A4 — ses affaires, paya tout, et ne conserva rien, rien que l'estime et l'affection universelles. Quelle mauvaise honte m’empécherait de l'avouer ? plus d'un parmi nous n’a-t-il pas subi l'épreuve de l’adversité ? nous n'avons pas la faiblesse d'en rougir pour nous mêmes : en rougirions-nous pour notre ami? Natalis se retira dans l'un des faubourgs d'Amiens, avec la domestique fidèle dont le cœur n'avait pas voulu se séparer de sa mauvaise fortune. Le malheur le trouva digne et résigné : l'amitié elle-même l'ignora longtemps, et pour le connaître elle dut le deviner. Il continua de cultiver les lettres, de fréquenter vos réunions, et ce fut dans son humble asile que vos suffrages allèrent le chercher pour le nommer votre secrétaire-perpétuel. Il est une manière de tomber dans le malheur qui n’abaisse pas ; il est une manière d’en sortir qui élève et qui honore. Natalis a offert les deux exemples. Quand 4830 arriva, il ne demandait rien : tous demandèrent pour lui. Ce fut comme une acclamation unanime, et c'est, pour ainsi dire, par la voix publique qu'il fût appelé au poste réparateur qui, en assurant la tran- quillité de ses derniers ans, lui a permis encore la plus douce des jouissances pour un cœur comme le sien, la bienfaisance. C’est dans ces dernières années que, devenu son hôte durant le loisir des vacances, j'ai pu apprécier, en les voyant de près, tous les trésors de son excellent cœur. Jamais on pe verra réunis plus d'honneur et de loyauté à plus de simplicité et de modestie, plus de rigidité dans les principes à plus d'aménité dans les relations sociales. Nul ne fut plus que lui, jusques dans les moindres choses, l’homme de la conscience et du de- — 142 — voir ; nul ne l'a surpassé en délicatesse, en noblesse de sentiments. Chez lui, pas une pensée qui ne füt bonne, pas une inspiration qui ne füt généreuse. Son âme était toute bienveillance, toute abnégation, Sa crainte de déso- bliger était extrême, son égalité d'humeur inaltérable, sa complaisance infinie. Lui-même il semblait «8 oublier pour les autres, et les souffrances d'autrui l'affectaient plus que les siennes. Rien ne limitait son inépuisable sensibilité : je l'ai vu s'attendrir sur des infortunes. loin- taines, comme s'il les eût eues présentes sous ses yeux, et quelquefois je me disais que, pour que Natalis füt parfaitement heureux, il eût fallut quil n’y eut point de malheureux sur la terre. Ses amusements même étaient encore des actes de bonté. C'étaient des légions d'oi- seaux qu'il se plaisait à voir, libres et confiants, voler à son appel et venir prendre à ses pieds le pain qu'il leur avait préparé: c'étaient des fleurs qu'il eultivait de ses mains et qu'il chérissait (il nous l'a dit ) d’une affection, presque paternelle ; tant son cœur avait besoin d'aimer ! Quelqu'une languissait-elle ? il n'était pas con- tent qu'il ne l'eùt secourue : mourait-elle? il se sentait affligé. Qu'on juge à ces traits s’il chérissait sa ville natale, sil adorait sa patrie, quelle chaleur il portait dans l'amitié ! Souvent, en nombrant toutes les vertus rassemblées dans cette âme d'élite, j'ai pensé qu'il y avait en Natalis l'étoffe de plusieurs hommes de bien. Delà l'heureuse expression de sa physionomie, si candide et si touchante ; delà, cette politesse du cœur, si su- périeure à celle qui n’est que dans les manières, Ti- mide et silencieux dans le monde, Natalis s'épanchait un peu plus dans l'intimité. Seulement une nuance de tristesse rarement effacée altérait, là même encore, non — 143 — la douceur, mais la sérénité de son commerce. Soit disposition native, soit souffrance, soit reflet douloureux de ses épreuves passées, le sourire n'apparaissait qu'à longs intervalles sur son visage, et ce sourire même était encore empreint de mélancolie. La vie ne semblait pas lui être légère, et l’on pouvait croire, en voyant ce nuage sur un front plein d’une bonté si tendre, qu'il. donnait, aux autres plus de bonheur qu'il n'en gardait pour lui-même. Le ciel, qui tient en réserve un secours pour chacun de. nos besoins, un baume pour chacune de nos tris- tesses , avait donné à Natalis un ami dont la gaité, la sève brillante, l'imagination expansive formaient du moins un heureux contre-poids à sa mélancolie. Leur mutuel attachement remontait aux jours de l'adolescence. Ils avaient ensemble traversé la vie, toujours appuyés l’un sur l’autre, et le temps, qui relàäche tant de liens, n'avait fait que resserrer leur intimité, Tous deux étaient nécessaires l’un à l'autre, et l'opposition de leurs hu- meurs ne les rapprochait pas moins que l'accord de leurs sentiments ; car les cœurs s'attirent par. leurs rapports et les esprits par leurs contrastes. C’est quel- que chose de bien respectable et de bien doux que ces amitiés d’une vie tout entière ! Mais il vient un mo- ment affreux, celui où l’un des deux amis se voit sur- vivre à son ami. C'est encore en voulant s'acquitter d'un devoir que Natalis a précipité ce dénouement fatal. Déjà souffrant, il a fait un effort sur lui-même pour assister aux funérailles d’un voisin estimable , subitement frappé sous ses yeux d’un mal pareil au sien. Ses forces n’ont pu suffire à cette épreuve dernière ; il est tombé dans le temple même, à côté du cercueil qu’il était venu honorer. — 14h — L'homme que j'ai peint dans ce récit aurait déjà droit à bien des regrets, et pourtant je n'ai pas ‘tout dit encore. Avec tant de qualités que je viens de retracer, Natalis aurait pu se dispenser de belles actions, et rester encore l’an des hommes les meilleurs qui aient paru sur la terre : mais quelle vie plus que la sienne fut riche en dévouement généreux ? Que de fois ne l’a-t- on pas vu, tantôt, dans quelque rixe entre le peuple et les soldats, arrêter, au péril de sa vie, le sang prêt à couler ; tantôt, au son du tocsin, courir aux incen- dies et s’exposer au milieu des flammes ; tantôt, dans les noires et froides nuits de l'hiver, éveillé par des cris, s'élancer dans les ténèbres et plonger dans l'eau glacée pour sauver quelque malheureux ? Ge sont là de nobles élans de cœur ; il en est d’un autre genre. Durant un rigoureux hiver, et quand déjà sa position person- nelle était loin d’être florissante , l'ouvrage manqua dans les ateliers : les travaux furent partout interrompus. Que fait Natalis? il garde tous ses ouvriers, et les nourrit sans travail durant plusieurs semaines. Si ce n'est pas ainsi qu'on fait fortune, c'est ainsi du moins qu'on se fait révérer et bénir. Mais je parle à une société savante et littéraire ; je lui parle d’un homme qui a cultivé avec succès la science et la littérature, et parvenu presque au terme de mon discours, je n’ai rappelé encore que les qualités de son âme ; tant, avec Natalis, un pareil texte est difficile à épuiser ! Les qualités de son intelligence mériteraient aussi un long éloge, et pourtant je puis être ici sobre de détails : ne l’avez-vous pas loué assez vous- ruêmes en l’appelant parmi vous? Jeune encore, Natalis se sentit attiré vers les études littéraires. Il s'exerça dans A L'ET plusieurs genres de poésie : il eût même, chose en lui singulière, réussi dans la poésie épigrammatique, si son cœur n'eüùt imposé silence à son esprit. Des amis qui partageaient ses goûts, les Léonor Jourdain , les Auguste Machart fondèrent avec lui une société d'émulation. Lorsque plus tard les cendres de notre Gresset furent portées en pompe, de l'étable où elles grondaient pro- fanées, sous les voùtes de notre noble cathédrale, cette ovation fournit à votre académie le sujet d'un concours dont Natalis mérita le prix. J'aime à me souvenir qu’à ur . tot 208 9b mio) où dnivisg up lanis Mod FE “moine gb val 8" PTE D sss8hah ol UE à de, Ma, Po sf tip” RES T Iscistdieiount bis 0 2 adibe eve Mein LUS sailA 0" Lalil née © = Dee: EE br añsb slites do CE -sini noë 1 { à 0 AC ATET sf L 4 ! rh "2 k # PRE à 4. Ft La ‘ = LA L «y e vi fie 4 LE | e ' WE F9 Le PS Re: e t do. Lex $ L | L LA: “ae CRT LA AE , caries à biritié re 21 vie, 2TE 2 à | lobe (M + A = ums , 148 4 { i 1045 44 L L) Sal out VaatesE te, ds l'anhn malieis 17: TRE \grs dx &: nt l'étinare dNRérey : “fn ll dt PU SN d'in, ic te Nos #pË "7 D té: FU sa ses voroles fémidiés., DER ct paint Œ UNE D: série es unis £ æ COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DE L’ACADÉMIE, PENDANT L'ANNÉE 1843-1844, Par LE SECRÉTAIRE-PERPÉTUEL. 23-0800 cee— MESSIEURS , Fidèles au mandat que tous vous avez accepté, avec tant d’empressement, vous vous êtes efforcés, dans l’an- née qui finit, comme toujours, de rendre la science accessible au plus grand nombre, de porter quelque lu- mière dans les questions ardues d'économie politique, de signaler l'importance de l’agriculture, de fournir votre contingent aux découvertes qui surgissent de toutes parts, de jeter enfin quelques fleurs au milieu des tra- vaux sérieux, objet principal de vos réunions. Vous avez trouvé dans le Conseil général la bien- veillance à laquelle il vous a depuis longtemps accou- tumés. La subvention départementale de 1845 vous per- mettra de publier prochainement un nouveau volume de mémoires. Le cours de droit commercial fondé par l’Académie et professé par deux de nos collègues, a continué de — 168 — réunir une jeunesse studieuse qui vient y puiser Îles connaissances dont elle a besoin dans les diverses pro- fessions auxquelles elle est destinée. Le cours de lecture musicale, également fondé par vous, a constamment offert ses délassements du soir aux jeunes gens qui, tout le jour, se sont livrés à de graves occupations. Ce cours a recu sa consécration dé— finitive : la munificenee du Conseil municipal a inscrit la subvention qu'elle lui accorde au nombre des dé- penses ordinaires de la ville. Enfin , les mémoires dont je vais tâcher de présenter l'ensemble et d’esquisser l'analyse, vous démontreront que cette année n’a point été moins féconde que celles qui l’ont précédée. De tout temps, vous à dit M. TAVERNIER, on a vu les physiciens hasarder des conjectures sur l’origine et la localisation des facultés de l’entendement. Un attrait puissant les a tous subjugués, et s'ils n’ont pas fait de déccuvertes dans le monde intellectuel , ils ont souvent signalé leur passage par d'heureux progrès dans les sciences anatomiques. M. Tavernier vous a entrete- nus du vice de conformation qu'il a eu occasion d’exa- miner dans le crâne d'une petite fille de trois ans, née à Amiens, de parents sains, et maintenant à Paris. H a reconnu qu'il y a, chez cette enfant , arrêt de développe ment, tant de la voûte du crâne, que des hémisphères cérébraux qui doivent manquer en grande partie. S'il faut en croire M. Flourens, de quelque manière que soit opérée l'ablation des lobes cérébraux, dès qu'une perception est perdue, toutes le sont également ; dès qu'une faculté disparaît, toutes disparaissent, et con- séquemment toutes ces facultés, toutes ces perceptions — 169 — ne constituent qu'une faculté, essentiellement une, et résidant dans un seul organe. M. Tavernier oppose à cette théorie l'état sensorial de l'enfant en question ; elle a des perceptions, puisqu'elle entend, puisqu'elle crie, qu'elle s’agite, qu'elle prend librement les ali- ments qu'on lui présente ; elle n’est pas assoupie : il y a chez elle alternative de veille et de sommeil. Selon M. Tavernier , elle marcherait même si ses membres étaient assez forts : mais elle est idiote, elle est aveugle, et ses facultés intellectuelles paraissent bornées à quel- ques manifestations instinctives. M. Tavernier aperçoit là un défaut de concordance évident avec les expé- riences si habilement dirigées de M Flourens. Toute- fois, il est loin de sa pensée qu'on doive perdre con- fiance dans les résultats obtenus par cet habile expéri- mentateur. Il considère les sciences comme un vaste monument à élever, où il est permis à chacun d’ap- porter une parcelle de matériaux; celle-là s’est trouvée sous sa main, il l’a ramassée. M. Porrer vous a présenté quelques considérations sur lx théorie de la pile voltaïque. Si l’utilité des hy- pothèses en physique, vons a-t-il dit, s’est jamais ma- nifestée d’une manière éclatante, c'est à coup sûr dans l'électricité dynamique; c’est une hypothèse qui a con- duit Volta à la découverte la plus brillante peut-être qu'ait jamais faite le génie de l'homme; c’est une hyÿ- pothèse qui a conduit Ampère à une théorie des effets magnétiques qui a doublé la puissance des aimants et multiplié les moyens de les produire; c'est encore une hypothèse qui a régularisé le jeu de l’apppareil vol- taïque , et introduit des améliorations non moins pré- cieuses que rapides. Volta avait été conduit à penser — 170 — que le fluide électrique se développe par le simple con- tact des substances métalliques. Les expériences four- virent des preuves tellement séduisantes, que le dé- veloppement de l'électricité par le contact fut admis comme l'une des vérités les plus incontestables de la philosophie naturelle. De nouvelles expériences, faites dans ces derniers temps, ne tendent à rien moins qu’à démontrer la fausseté du système voltaique. Aussi uné grande question s'agite en ce moment, c'est de savoir si le contact suffit pour que les fluides électriques se séparent, ou bien si quelque autre influence est indis- pensable. Après avoir discuté les opinions opposées (et représentées par M. de la Rive et M. de Pfaff.) M. Pollet se trouve porté, par l'examen des faits, à donner gain de cause à l’un et à l’autre systèmes qu'il croit vrais, malgré leur contradiction apparente, et vous a déduit les raisons qui lui font regarder comme très-probable le système mixte adopté par plusieurs physiciens. Ainsi, le contact de deux métaux, même sans ac- ton chimique, suffit pour donner à ces métaux les fluides électriques opposés; mais, en général, cette force electro-motrice disparait dans la pile devant les effets supérieurs de deux autres puissances. Un liquide qui touche un rétal ui donne une électricité, en même temps qu'il conserve l'électricité contraire ; en outre, les actions chimiques s’exerçant entre les élements mé- talliques de la pile et les conducteurs qui les baignent, développent les fluides électriques. Ces deux causes oc- casionnent tous les effets de l'appareil voltaique, par leurs influences plus ou moins concordantes, et le plus souvent simultanées. Quelquefois pourtant, l'action du contact précède l’action chimique , elle est ainsi la — 171 — cause première. Les fluides développés par cette cause mettent en jeu, ou du moins, activent l’action chimi- que, et celle-ci, devenant, à son tour, une source puissante, joint son effet à celui du contact, Il s'opère ainsi quelque chose d’analogue à ce que nous présen- tent plusieurs combinaisons : la chaleur est nécessaire pour qu'elles commencent à se faire, et, quand elles s’accomplissent , elles développent elles-mêmes une cha- leur beaucoup plus intense que celle qu'elles ont d’abord exigée. M. RousseL a soumis à votre examen le nouveau système de propulsion atmosphérique dont il est l'inventeur. Tout le monde sait, vous a dit M. MacarT rixs, organe d’une commission spéciale, que sur les chemins de fer atmosphé- riques le mouvement est imprimé au convoi par l'intermé- diaire d'un piston glissant dans un tube où l'air a été préa- lablement raréfié, au moyen d’une machine à vapeur Dans un pareil système , la principale difficulté consiste à lier le convoi au piston moteur. Cette difficulté, sérieuse lorsqu'il s’agit d’une ligne de quelque étendue, dispa- raitrait entièrement si le convoi n'avait à parcourir que quelque mètres. Il suffirait alors d’accrocher le premier wagon du convoi à l'extrémité d’une tige fixée au pis- ton , pour qu'il fût forcé de suivre ce piston lorsqu'il s’avancerait dans le tube où le vide a été opéré. Main- tenant, si l’on conçoit qu'arrivé à l'extrémité de l'es- pace qu'il pourrait ainsi parcourir, le wagon conducteur. soit instantanément accroché à l’extrémité d’une seconde. tige disposée comme la première ; si l’on conçoit encore. qu'au moyen d'une détente convenablement préparée, cette tige jusque-là retenue fixe, soit mise en liberté et commence à être entrainée par le piston, au moment du — 172 — passage du convoi, celui-ci se trouvera forcé de continner sa marche , et en reproduisant la même combinaison, d'intervalle en intervalle, on pourra le conduire aussi loin que l’on voudra. Telle est l'idée mère du système de M. Roussel. Ce système, fort simple en principe, donnait cependant lieu, même sous le point de vue théorique , à plusieurs graves difficultés que l'inventeur est parvenu à surmonter heureusement. Comparé au sys- tème anglais de MM. Samuda et Clegg, le système de M. Roussel a sur lui l'avantage de pouvoir, selon les accidents du terrain, augmenter , diminuer et même supprimer entièrement la force qui entraîne le convoi, de pouvoir l’abandonner ou le reprendre à volonté. Dans ce système, les passages à niveau, les croisements, les changements de voie, etc., etc., s’exécutent comme dans le système à locomotives. De plus, un accident, quelqu'il soit, ne peut affecter qu'une très-faible por- tion de la ligne, sans interruption pour le service. M. Machart se demande , en terminant son rapport, si, en l'absence de toute donnée expérimentale, on ve- nait, pour la première fois, proposer les deux systè- mes, lequel des deux semblerait le plus susceptible d’une application pratique. Il n'hésite pas à se prononcer en faveur de celui de M. Roussel. Adoptant, Messieurs , les conclusions de votre commission , vous avez prié M. le Préfet de solliciter, du gouvernement, l'essai du systéme de M. Roussel aux frais de l'Etat. M. Henrior vous a présenté l’analyse du travail que la Société d'émulation du département de l'Ain, à la demande de l’administration municipale de Bourg, a entre- pris sur le meilleur mode à adopter pour arriver à une taxe équitable du pain. On admet généralement l'utilité — 173 — de la taxe, qui garantit les boulangers contre une folle concurrence, et empêche qu'en abuse de l'ignorance ou de la gêne des consommateurs. La taxe est établie par la combinaison 1.° du poids du blé, tel qu'il est déter- miné, tous les ans au mois de décembre, et 2.° du prix de chaque marché. A Bourg, on évalue à 76 p. 0/0 le rendement da blé en farine, et à 141 p. 0/0 le ren- dement de la farine en pain; l’on fixe enfin à 4 fr. 50 par hectolitre l'indemnité due aux boulangers pour tous frais de fabrication. La Société d'émulation de l'Ain propose de ne rendre obligatoire que la fabrica- tion du pain blanc et du pain bis-blanc. Il ÿ aurait une taxe élevée pour le pain de luxe, et une taxe plus modérée pour le pain bis, sans toutefois abaisser cette dernière au point que le boulanger soit obligé de faire de mauvais pain ou de n'en pas faire du tout. La fa- brication de ces dernières sortes de pain serait facul- tative. M. Henriot a terminé son examen par la com- paraison des règles qui servent à établir la taxe à Amiens, avec celles qui sont proposées pour la ville de Bourg. Le prix et le poids sont fixés de la même manière dans les deux villes. Le rendement moyen qui est de 76 p. 0/0 à Bourg, est de 80 p. 0/0 à Amiens; mais, comme compensation, le rendement en pain est de 434 k. 1/2 dans cette derniére ville, tandis quil est de 441 dans la première. Quant à l'indemnité de fa- brication , elle est par kilogramme pour le pain blanc, le pain bis-blanc et le pain bis, de 5,62; de 5° et 4° à Bourg et de 5:,20 de 3,82 et 3°,44 à Amiens. M. Henriot conclut, de cette comparaison, que si nos boulan- gers sont traités un peu moins favorablement qu'a Bourg pour le rendement en farine et pour l'indemnité, ils — 174 — èn sont convenablement dédommagés par un rendement moindre de farine en pain. M. Maruieu vous a lu, dans plusieurs séances, un volumineux travail qu'il a consacré à l'examen de cette question : le sens actuel du mouvement commercial est- il ou n'est-il pas favorable aux intérêts de la France? Après avoir prouvé, dans la première partie, que le commerce extérieur a besoin d'être dirigé ; après avoir indiqué, dans la seconde, les caractères d’une bonne direction commerciale, il recherche, dans la troisième, quelle est notre situation actuelle, tant à l’intérieur qu'à l'extérieur. À l’intérieur, il voit la plupart des agricul- teurs, des industriels et des commerçants, se plaindre du présent et redouter l'avenir ; réclamer, les uns et les autres, des moyens de protection dont les effets se- raient parfois diamétralement opposés. Ce qui manque à toutes ces industries, ce sont des débouchés, la plus indispensable condition de leur existence. Loin de four- nir le dehors, l’agriculture et l'industrie étrangères versent à flots leurs produits sur notre sol; ainsi, l'im- portation des fruits oléagineux s'est élevée, de 1836 à 1842, de 24 millions à 57 1/2; celle du tabac de 7 mil- lions à 31. Il fait remarquer l'avantage que la graine de sésame a sur l'olive dont le rendement en huile n'est que de 25 p. 0/0 de son poids, tandis que le sé- same rend 50 p. 0/0 et fournit une huile qui se méle parfaitement à l'huile et sert aux mêmes usages. Rela- tivement aux balances commerciales, M. Mathieu établit qu'en 1842 et par le commerce spécial, sur douze puissan- ces , trois seulement nous donnent des balances favorables, les neuf autres des balances défavorables qui varient entre 60 et 87 millions. Il prouve que les treize années de 1827 — 175 — à 1839 inclusivement ont présenté une balance moyenne favorable de 25 millions 700 mille fr., et que les trois années 1840, 1841 et 1842 ont offert une balance moyenne défavorable de plus de 99 ‘millions par année. Ce sont là des mouvements bien opposés. Après avoir discuté l'opinion qui partage les économistes sur la question de savoir lequel de ces deux mouvements vaut mieux pour l'intérêt national, M. Mathieu regrette d'a- voir à déclarer que le sens actuel du mouvement com- mercial ne lui paraît pas favorable à la France. Il ne voit de remède à ce mal, que dans une direction tou- jours unie dans son but et rationnelle dans ses moyens; qui serve en même temps l'intérêt de conservation et l'intérêt du progrès ; qui tende sans cesse à conserver en pleine activité le travail national; qui réserve le plus possible à ce travail les besoins nationaux; une direction, en un mot, dont la salutaire influence soit capable de faire prendre un nouvel essor à toutes les branches du travail national. Simple passager sur le na- vire de l'Etat, mais intéressé, comme tous ceux qui le montent, au bon succès de la manœuvre, M. Mathieu a jeté les yeux sur le journal du bord, et s'apercevant qu’on changeait de route , le but restant le même, il a pensé qu'il était dans l'intérêt commun de signaler ce changement à des hommes plus éclairés que lui, afin que les deux routes fussent comparées et la meilleure dis- cernée. Tout le monde convient que l’agriculture eët la plus importante , la plus salubre, la plus indispensable , la plus morale des industries ; dès-lors quelle peut étre, s’est demandé M. SPrinEux, la cause de la faible part de considération que la société lui accorde? Ne se- — 176 — rait-ce pas que le cultivateur vit isolé, loin des lieux où l’on puise la science et le secret des arts; qu'il est généralement dépourvu d'argent et de crédit si néces- saires aux améliorations agricoles. Défenseur de l’agri- culture, M. Spineux emprunte la forme du dialogue pour exposer ses idées. Ses interlocuteurs, un cultiva- teur et un notaire retiré, s’entretiennent de l'état de l'industrie et du commerce, sous l’ancien régime, et de leur position actuelle; du système protecteur des douanes adopté et conservé par l’Angteterre, aussi longtemps qu’elle put le croire utile à ses intérêts; de la tendance de cha- que peuple à prohiber à peu près tout ce qu'il recevait de l'étranger; des expédients employés pour soutenir la concurrence qui se fait sur tous les marchés; de l'in- troduction en France de matières qui coûtent moins cher à produire au dehors que chez nous; de la ré- duction des droits sur ces matières demandée par les manufacturiers, en même temps qu'ils réclament des droits très-élevés à l'entrée des produits semblables à ceux que nous fabriquons, ct que l'étranger pourrait livrer à l'agriculture qui en a besoin, à bien meilleur marché. Le commerce et l'industrie, dit le notaire re- tiré, se sont toujours montrés d'accord, chaque fois qu'il s’est agi de réductions de droits à l'entrée des productions agricoles étrangères, ou du maintien des droits exorbitants mis à l'entrée des objets manufactu- riers. C'est pour sortir de l'embarras où le jetaient les demandes continuelles de réductions de droits, que le gouvernement a organisé un conseil général des trois branches principales de la richesse publique, à savoir, l'agricalture , le commerce et l’industrie ;. mais la composition de ce conseil est telle que l'agriculture — 177 — na quune voix sur trois, bien que cette industrie concerne spécialement 28 millions d'habitants sur 35. On conçoit, d’après cela, comment les questions qui intéres- sent les cultivateurs, telles que celles des sucres et des bestiaux étrangers, peuvent y être discutées et réso— lues. Le conseil supérieur du commerce, devant lequel le ministre peut appeler des décisions du Conseil gé- néral, n’est pas plus favorablement composé ; les mem- bres en sont nommés sans règle; ils sont pris parmi les notabilités du pays, mais l’agriculture n'y est que fai- blement représentée. Pour conclusion, le notaire fait remarquer que le commerce et les manufactures ont leurs chambres consultatives et de commerce, consu- iats, tribunaux, conseils de prud'hommes, comités des arts, de l’industrie, etc. ; enfin, un système d'élection spécial à peu près complet, tandis que tout manque à l’agriculture. Il y a donc justice à régulariser les co- mices agricoles et à leur donner une existence légale; à doter promptement le pays d’un code rural et d'un système de crédit agricole : à instituer des chambres consultatives d'agriculture ; à prendre ses représentants aux conseils généraux ou supérieurs dans des comices et des chambres consultatives légalement organisés; si alors elle n’a encore qu'une voix sur trois, cette voix du moins sera véritablement la sienne. Rien ne saurait justifier l'augmentation du droit sur les laines étrangères, vous a dit M. Davecuy ; et cette mesure , si elle était adoptée, ne serait pas moins préjudiciable à l’agriculture qu'à l'industrie. L’indus- trie lainière, plus que toute autre, sert merveilleusement l'intérêt général ; elle est de beaucoup préférable à celle des cotons, dont la matière première ne provient pas 12. — 178 — du sol français; elle l’est même à celle des soies qui est en très-grande partie tributaire de l'étranger, et à celle des lins qui est à peu près dans la même con- dition. Le marché de France donne, pour la laine, le cours le plus élevé du monde entier. M. Daveluy rap- pelle, avec chagrin, que l’agriculture à eu limpru- dence de demander en 41817, et le malheur d'obtenir l'autorisation d'exporter, non seulement les laines fran- çaises, mais l'animal qui les produit. Notre industrie seule aurait dû travailler ces laines, uniques dans leur genre, et envahir tous les marchés où nul n'aurait pu présenter des produits aussi variés et aussi élégants. Si l’agriculture s'est trompée alors sur ses véritables in- térêts, ne pourrait-il pas en être encore de même aujourd'hui, quand elle demande une augmentation de 41 p. 0/0? Comment se fait-il que les producteurs de laines ne voient que la laine dans le mouton, et qu'ils ne tiennent compte ni de la viande dont le prix augmente sans cesse, ni du meilleur et du plus fécondant des engrais? M. Daveluy prouve que l’aug- mentation de 11 pour 0/0 aurait pour effet de forcer l’industrie allemande à employer toutes ses laines qui lui reviennent à meilleur marché; elle ferait bientôt de rapides progrès et finirait par l'emporter sur l'in- dustrie lainière française. L'agriculture a souvent formé des plaintes très-légitimes ; la betterave, le lin, ont trouvé très-peu de sympathie ; l'introduction de la graine de sésame a porté un coup terrible à l'olivier dans le Midi , à l'œillette dans le Nord; le système hypothé- caire attend encore son organisation; mais M. Daveluy ne croit pas que ses doléances sur la dépréciation de ses laines soient aussi fondées. Il remarque qu’en Bel- — 179 — gique, la production de la laine n'est qu accessoire, que le but principal est la production de la viande et des engrais ; c'est le contraire en France; et certes, l’agri- culture belge est en grande prospérité. M: Daveluy est conduit à conclure qu’un droit de 22 p. 0/0 est assez élevé pour protéger notre agriculture contre la concur- rence étrangère, puisqu'en y ajoutant les frais de trans- port et autres, il équivaut à prés de 50 p. 0/0, en fa- veur des produits français. Enfin, de bien graves incon- vénients sont encore à craindre : d’un côté, les répré- sailles qu'un droit de 11 p. 0/9 pourrait provoquer contre nous; de l’autre, l'accroissement du nombre des pau- vres qu'améncrait nécessairement l’anéantissement de l'in- dustrie lainière. M. Dugors vous a rendu compte de ia tenue du con- grès central d'agriculture qui a eu lieu à Paris, au mois de mars dernier. Sa session ne dura que huit jours, lorsque six mois auraient à peine sufk pour discuter con- venablement toutes les questions qui lui furent sou- mises. Composée de trois cents personnes étrangères les unes aux autres , celte assemblée était venue pour ex- poser au gouvernement les souffrances de l’agriculture et les moyens d'y mettre un terme ; mais il paraît que l'on a craint ses manifestations , et l’on s’est attaché à ne lui faire exprimer que les vœux les plus inoffensifs. Le faible ré-ultat que les discussions auront produit, a fait mieux ressortir encore la nécessité d'organiser l’a griculture. Les fautes commises auront profité pour l'a- venir ; l'an prochain, les pouvoirs des délégués des comices ou des sociétés d'agriculture seront mieux dé- finis; on ne se laissera plus entraîner à effleurer toutes les questions au lieu d'en discater à fond quelques- | — 180 — unes. Au premier rang des objets sur lesquels le con- grès a été appelé à délibérer, est la création des chambres consultatives. La population agricole est à la population manufacturière comme 2 est à 1; son ca- pital s'élève à plus de 100 milliards , et son revenu à 7 milliards. Elle paie les deux tiers de l'impôt et fait vivre vingt-cinq millions de travailleurs. Toute amélio- ration agricole, s’opérant sur une échelle immense, produit nécessairement d'immenses résultats ; le seul bé- néfice d'un dixième sur les récoltes, donnerait un bénéfice de 350 millions. Cette force réelle de l’agri- culture commande impérieusement qu’elle soit traitée à légal du commerce. Aussi le congrès centrai a émis le vœu , que le gouvernement soit prié d'organiser , par voie d'élection , les chambres consultatives d’agricul- ture , et d’accorder à l'agriculture dans la nomination au conseil supérieur , une part d'influence égale à celle de l’industrie ou du commerce. Abordant ensuite la question de l’enseignement agricole, M. Dubois dit que trois séances ont été consacrées à la discuter, et qu'un vœu a été émis pour quil soit le plus promptement possible organisé, par les moyens qui paraitront les plus rationnels et les plus complets. Au nombre de ces moyens, on a proposé une académie centrale, un institut normal, une école polytechnique destinée à former des ingénieurs agricoles , des instituts agricoles par départements , par zônes , par régions, des fermes- modèles , des professeurs ambulants, des cours d’agri- culture dans les colléges, dans les écoles normales, dans les régiments , dans les séminaires , etc. Entre des propositions si'diverses, M. Dubois se prononce, en ce qui concerne la grande culture, en faveur des instituts — 181 — agricoles par régions, c’est-à-dire huit au plus pour la France, comprenant l'enseignement théorique et pra- tique, aussi complet que possible ; il voudrait, en ou- tre , pour la moyenne culture , une ferme-modèle par département , où toutes les bonnes pratiques seraient employées , avec des cours très-simples et peu nom- breux, expliquant, par la théorie, tout ce qu'il y a de certain aujourd’hui dans la science ; enfin, pour la pe- tite culture , des comices agricoles ayant quelques hec- tares de terre, où seraient cultivées, par les meilleurs procédés et avec les meilleurs instruments, les plantes généralement admises dans l’assolement de la circons- criptinn du comice. M. CrETON à porté ses investigations sur la nécessité de pourvoir à la reproduction des arbres d'essence dure dans les départements du Nord de la France. L’agri- culture et l’horticulture sont en progrès ; des hommes dévoués à l'intérêt publie et à la science, propagent les bonnes méthodes par leurs écrits et leurs exemples : on peut se préoccuper de leur avenir, mais on n’a point à s’en inquiéter. La culture des arbres forestiers n'est pas dans ces conditions favorables : ici l'intérêt public est en lutte permanente avec l'intérêt privé, et, malgré les avertissements donnés par les amis du pays et de l'humanité, des millions d’arbres durs sont tom- bés sous la hache et n'ont point de postérité. M. Creton passe en revue les diverses essences d'arbres qu’on a substituées aux chênes, aux hêtres, et cite le pom- mier, le blanc de Hollande, le peuplier. Il justifie, sans l’approuver , la préférence donnée à ce dernier arbre sur le chêne, en établissant que le peuplier acquiert en vingt-cinq ans les dimensions qu'un chêne — 182 — g’atteindrait pas dans un temps cinq fois plus long , et bien que les valeurs spécifiques de ces bois soient dans la proportion de 1 à 5, les intérêts, successivement réa- lisés , donneraient encore au planteur de peupliers un avantage énorme. Il démontre ainsi que, lorsqu'après cent vingt-cinq ans, un chêne ne vaudra que 100 fr., les générations de peupliers auront produit 580 francs. Cependant, à côté de cet intèrêt particulier , un intérêt de conservation, le salut du pays, réclame aussi sa part ; il est prouvé que le déboisement des montagnes, outre qu'il frappe à jamais de stérilité des espaces im- menses , exerce la plus funeste influence sur la tem- pérature , sur la salubrité de l'air, et notamment sur le régime des eaux. M. Creton croit que la loi devra intervenir ; pour lui, il voudrait concilier, autant que possible, les intérêts du moment, avec ceux de la postérité ; il voudrait que le sol sur lequel nous aurons vécu, demeurât fertile et prospère jusqu'à la fin des siècles, Lorsque dans nos départements du Nord, la rente de la terre, c’est-à-dire le revenu attaché au titre de propriété seul n'atteint pas 30 fr. par hectare, M. Creton trouve qu’il est avantageux de planter des bois , des bosquets et des remises ; si les semis et les plantations sont faits avec soin et dirigés avec intelli- gence, il ne craint pas d'affirmer que des terrains d’une valeur actuelle de 800 fr. l’heetare , représen- teraient, dans trente ans, un capital de plus de 1,500 fr., et que les produits, répartis sur toutes les années, représenteraient un revenu moyen de 45 fr., et cela en maintenant des réserves qui feraient l'admiration de nos descendants. Après de grands détails sur le mode à suivre dans la réalisation de ses projets, M. Creton == 188 — exprime le vœu que ces notions se propagent et soient bien comprises , car les spéculations éphémères exploi- tent, au profit du présent, les ressources de l'avenir, quand l’amour du pays doit tendre à féconder le ter- ritoire, non-seulement pour aujourd’hui, mais à jamais. Un collègue doué de la plus haute intelligence, plein de savoir et d'activité, que nous regrettons tüus si vivement de ne plus voir dans cet Hôtel- de-Ville qu'il habita pendant de si longues années, M. Lavernier vous entretenait, il y a trois mois à peine, de la création de la juridiction consulaire à Amiens. C'est en 1567, c'est-à-dire quatre ans après Paris, que les maire et échevins obtinrent des lettres-patentes qui leur permirent de nommer un juge et trois consuls pour juger tous différends entre mar- chands. Membres du corps municipal , les juges et con- suls avaient - naturellement leur siége dans l'Hôtel-de- Ville , et continuèrent d'y tenir leurs séances jusqu’en 1650. À cette époque, ils voulurent former un corps distinct, et demandèrent à être nommés par les mar- chands, et non plus par les échevins, ce qui leur fut accordé. Ne tenant plus, dès-lors, au corps municipal que par leur chef, ils n’osèrent plus se servir des lo- caux de l'Hôtel-de-Ville qu'avec une permission ex- presse des maire et échevins ; et ces permissions se trouvent consignées, chaque année , de 1650 à 1738, dans les registres des délibérations. C’est dans cette dernière année qu'ils rompirent le dernier lien qui les rattachait à la magistrature municipale , en obtenant qu’à l’avenir le juge serait choisi uniquement entre les anciens consuls , et non plus parmi les échevins. Tou- tefois, ils ne quittèrent pas leur auditoire que la ville — 184 — leur Jaissa à titre gratuit, malgré leur peu de recon- naissance. Enfin, en 1756, lorsqu'on voulut agrandir l’hôtel-de-ville, la juridiction consulaire acquit, à la suite de négociations entre le corps municipal et les communautés intéressées au consulat, et moyennant une subvention de 20,000 fr., l’usage d’un auditoire , d’une chambre de conseil et d’une antichambre entre l’audi- toire et la grande salle. Tel est encore aujourd’hui l'état des choses. En terminant son exposé, M. Lavernier fait remarquer que la juridiction consulaire ne fut établie à Amiens que sur la demande du corps municipal, qu'elle ne fut exercée pendant un grand nombre d’an- nées que par des échevins en charge, et que lors- qu'enfin elle se trouva suffisamment graude et forte, elle se sépara de sa mère. M. Huserr vous a lu un rapport sur l'exposé de la méthode d'éducation de Pestalozzi, par M. Jullien, as- socié correspondant de l’Académie. Il vous a tracé l’es- quisse du grand institut d'Yverdun, qu'il considère comme institut de garcons, institut de jeunes filles, institut normal , institut expérimental et institut industriel. M. Hubert pense que l’auteur est souvent entraîné malgré lui par un sentnuent plus bienveillant qu’impartial, et regrette que la critique ne se soit pas mêlée un peu moins rarement à la louange. Il entre dans quelques détails sur la base donnée par Pestalozzi à l'instruction élémentaire, l'intuition , c’est-à-dire l’impression reçue par les sens extérieurs , et principalement par la vue, et communiquée aussitôt à l’âme, qui acquiert par là le sentiment où la conscience de l’objet. Ainsi, l’ins- truction intuitive est celle qui fait toucher à l'enfant, au doigt et à l'œil, ce qu'on lui enseigne, même les — 185 — objets les plus compliqués , auxquels on n'arrive gra- duellement, qu'après être parti des notions les plus élé- mentaires. M. Hubert signale de l’exagération dans un pareil système d'éducation qui, en s’attachant aux connaissances que fournissent les sens, doit nécessaire- ment négliger un peu les facultés morales qui deman- dent un autre ordre d'enseignement et d'idées. M. Hu- bert aurait voulu que M. Pestalozzi se fit moins illusion sur certains abus, certaines conséquences gravés qui peuvent résulter de la réunion de garçons et de filles dans un même institut. Il trouve fort pen concluantes les observations par lesquelles on cherche à prévenir les craintes que cette réunion peut faire concevoir. Il combat également l’usage de ne jamais décerner aux enfants , ni prix, ni récompenses; il y a là encore exagération de principes. L'expérience démontre, tous les jours , que l’un des plus puissants aiguillons du travail, c’est l'espoir, l'ambition d'obtenir des récompenses ho- norifiques. Loin d’altérer le sentiment moral, de nour- rir les prétentions de l’orgueil, d’èveiller les inimitiés , l'émulation apprend ce que la supériorité a d'instable et d'éphémère, puisqu'en aspirant à vaincre , l'élève n'ignore pas qu'il peut être vaincu ; qu'il doit donc triompher avec modération, et se préparer dans la jeu- nesse aux chances de succès et de revers qui l’atten- dent dans le monde. Enfin, M. Hubert termine en rendant hommage à la pureté et à l’élégance de la diction de l’auteur, que sa sensibilité recommande comme son talent, et dont les erreurs même honcrent le caractère. Dans un mémoire intitulé : de la Philosophie he- braique, M. Orry, vous a offert une analyse com- — 186 — plète du livre de Job, qui lui semble un véri- table drame oriental. Il examine et réfute les opi- nions récemment émises sur ce sujet par M. Edgar Quinet , auteur du Génie des religions. Il établit que cette grande composition est le plus magnifique plai- doyer qu’on ait jamais écrit en aucune langue, en fa- veur du dogme de l’immortalité de l'âme. Aux yeux de M. Obry, Job représente l'humanité gravissant avec effort, dans sa voie douloureuse , les pénibles degrés qui conduisent à un monde meilleur ; et son rétablis- sement à la fin du poème, dans sa fortune et ses hon- neurs, est un symbole de la résurrection des justes à la fin des temps. M. Ricorcor a lu une notice sur Giotto, que l’on regarde comme le fondateur de la peinture moderne en Italie ; il a cherché à indiquer le véritable carautère de la révolution que cet homme célèbre a opérée dans les beaux-arts; il a montré ce qu'il y a d’exa- géré dans les louanges qui lui ont été prodiguées, et surtout que ce qu’on appelle l’art chrétien, a plutôt perdu que gagné aux innovations qui lui sont dues. Je pourrais prolonger encore cette imparfaite analyse des travaux d’une année; je pourrais, je devrais même parler des épitres en vers, fables, etc. , que vous ont lues MM. Marotte, Henriot et Damay ; d’une comédie en vers, imitée de l'allemand, de M. Breuil; d’un mémoire de M. Boistel, associé correspondant, sur les hommes et les choses qui font l'honneur de la Pi- cardie et de la ville d'Amiens; du nouveau travail de M. Hardouin sur la question du chemin de fer d'Amiens à Boulogne; des nombreux rapports qui ont si complètement ôceupé vos séances ; mais je ne dois — 187 — pas oublier que les moments me sont comptés, et Je vais finir par un dernier mot sur le concours que vous avez ouvert. Deux prix étaient offerts par vous, l'un aux hommes qui consacrent leurs talents aux questions d'agriculture et d'économie politique ; l'autre aux poètes, à l'imagination desquels vous laissiez le choix du sujet. Les poètes seuls se sont présentés. L'un d'eux, ici présent, s’est heureusement inspiré du grand nom de Napoléon ; vous lui avez décerné une médaille d’or. Vous deviez en même temps régler le concours de l’année prochaine. Aux premières nouvelles venues d'Afrique, vous avez pensé que l’éclatante victoire d’Isly offrirait un magnifique sujet de composition poé- tique. Espérons que ce nouvel appel sera entendu ; que dans un an , à pareil jour, de nobles accents reten- tiront dans cette enceinte, espérons qu'un poète cha- leureux et patriote, dira, dans de beaux vers, que les soldats de notre France d’aujourd’hui sont toujours les glorieux héritiers des soldats de la république et de l'empire , et que la bataille d'Isiy est la sœur immor- telle de la bataille des Pyramides. TA = étre Pabdjame dnosloin,, stitlnbni strdàg de, COTE safp Mouvsnos ol de M aies TUE TTRRTTT EE TUE oh. 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VONME RE M. Marthe , Mémrict. el Damay ; d' ue convidie. mms, faiitée de. Pallemant Le? M. Brouilà due méateriqus. de. Bois ARE ner pod à eur : ar hrmmes et: 1os elitucs qui Eonk l'hocnaee de LR 12 | el ct da. ls ah d'Ainienas du HOUreA;, Hapail : 1 Harék ue. Sat de question do -chemit: ré LT VAS Boul EE $ des wombruux ranports qui. ch ; lbtement.. Me . vous téanées sù note get E “4 à ‘ MEMOIRE SUR LA THÉORIE DE LA PILE VOLTAIQUE, Par M. POLLET. MESSIEURS , Si l'utilité des hypothèses en physique s'est jamais ma- nifestée d’une manière éclatante, c’est, à coup sûr, dans la partie de cette science que l'on désigne aujourd'hui sous le nom d'électricité dynamique. Une hypothèse a conduit le célèbre Volta à la découverte la plus bril- lante peut-être qu’ait jamais faite le génie de l’homme, si l'on en juge par la fécondité merveilleuse et par l'inépuisable variété des résultats. Une hypothèse a con- duit Ampère à une théorie des effets magnétiques qui, par son utile réaction, a doublé la puissance des ai- mans et multiplié les moyens de les reproduire. Une hypothèse encore a, dans ces dernières années , régu- larisé le jeu de l'appareil voltaïque , et introduit dans cet admirable instrument des améliorations non moins précieuses que rapides. TOUR Il y a deux ans, j'ai eu l'honneur de vous esquisser à grands traits la théorie d'Ampère sur les phénomènes électro-magnétiques. L'accueil favorable que vous avez accordé à mon travail m'encourage à vous offrir aujour- d'hui la discussion d’un point de doctrine qui touche de plas près aux causes des effets électriques. Deux sys- tèmes opposés sont en présence ; chacun d’eux compte des partisans parmi les savants les plus renommés. II y aurait témérité de ma part à me méler à ces débats, si vous ne m'y aviez autorisé par votre attention dans une circonstance pareille. Cette attention , du reste, je suis loin de la revendiquer comme le fruit de mon trop faible mérite. La philosophie naturelle marche à pas de géant. Quicenque ne la suit pas incessamment dans son progrès rapide se trouve bientôt arriéré au point de la perdre complètement de vue. Et cependant, un irrésistible attrait de curiosité nous porte tous au désir de pénétrer dans les secrets de la nature : nous saisissons avec empressement l’occasion de recueillir à cet égard quelques enseignements , sous quelque forme qu'ils se présentent. C'est ainsi que s'explique pour moi la bienveillance que vous m'avez toujours témoignée, et à laquelle je ne puis me reconnaître aucun titre réel. L'histoire de la découverte et des premiers progrès du galvanisme est connue de tout le monde. En 1789, Galvani faisait des recherches sur l'irritabilité des orga- nes musculaires par l'électricité. Il employait dans ses expériences des grenouilles dépouillées, dont il coupait la colonne dorsale pour isoler et mettre à nu les nerfs lombaires. Pour les manier plus aisément , il passait entre les nerfs et les vertèbres un crochet de cuivre. = fi — Un jour, il suspendit au balcon d’une terrasse plusieurs grenouilles ainsi préparées. A l'instant , les jambes qui posaient en partie sur le fer du balcon entrèrent en convulsions. On sait quel retentissement ce phénomène eut dans l'Europe entière , quelle ardeur les savants de tous les pays mirent à répéter , à varier les observations, dans l'espoir de trouver quelque agent nouveau ou de saisir le principe même de la vie. On sait aussi que, de tant d’expérimentateurs également habiles, le plus heureux fut Volta. Une circonstance importante avait appelé l'attention de ce physicien. Les convulsions ne se produisent jamais, lorsqu'on établit la communication entre les nerfs et les muscles au moyen d’un corps non conducteur de l’élec- tricité. Volta conclut de cette simple analogie que la cause des convulsions de la grenouille n'était autre chose que le fluide électrique. Mais d’où venait ce fluide ? En considérant que les convulsions ont une énergie beaucoup plus sensible, quand l’are conducteur qui unit les muscles aux nerfs est formé de deux mé- taux, Volta fut conduit à penser que le fluide élec- trique se développe par le simple contact des substances métalliques. Des expériences directes fournirent, à l’ap- pui de cette opinion, des preuves tellement séduisantes , que le développement de l'électricité par le contact fut admis comme l’une des vérités les plus incontestables de la philosophie naturelle. Guidé par quelques idées purement hypothétiques sur la manière d'agir de la force électro-motrice dont il avait découvert l'existence , Volta fit une colonne de disques en cuivre et en zinc, avec la précaution de er = superposer toujours ces métaux dans le même ordre , et de séparer chaque couple du couple suivant par une rondelle de drap mouillé. Cette pile, en apparence inerte, devint, comme l'avait prévu le savant Italien, une source intarissable de fluide électrique. L’électrieité positive s’accumule à l’une des extrémités de la colonne, l'électricité négative à l’autre extrémité : la puissance qui les y porte répare par une action instantanée Îles charges des deux pôles, quand on cherche à les dé- charger par un moyen quelconque. Dans ces derniers temps, la pile voltaïque a été l’ob- jet de travaux nombreux. L'infatigable activité des phy- siciens s’est exercée à rechercher les véritables lois de l’action électro-motrice : des efforts multipliés ont été faits pour substituer à la théorie primitive une théorie plus exacte ou plus sûre. Les données de l’ex- périence ne fournissent point encore d'explication plei- nement satisfaisante et portant ce caractère de vérité qui force les convictions ; mais elles suffisent au moins pour démontrer la fausseté du système voltaique. D'abord, la pile, mise en communication avec un condensateur, lui donne une charge bien différente de celle qu'’annoncerait la théorie. En outre, le liquide interposé entre les couples métalliques n’agit pas comme simple conducteur, ainsi que le supposait Volta : ce liquide, au contraire, prend une part considérable à la production des fluides électriques ; car une pile, formée de disques en cuivre et en zinc, possède à son extrémité zinc l'électricité positive ou l'électricité néga- tive, suivant que les rondelles placées entre les cou- ples ont été mouillées avec de l’eau salée ou bien avec de l’eau alcaline. — 193 — Ces différences des résultats théoriques et des résultats observés , pour être également opposées au système de Volta, sont loin pourtant d'offrir une égale importance. Que la charge acquise par la pile et communiquée par elle au condensateur qui la touche ne soit plus con- forme aux indications de la théorie : il en résulte sans doute que la théorie est inexacte , au moins dans ses détails ; mais il ne s’en suit pas qu'elle soit fausse dans son principe. Que le liquide interposé entre les métaux contribue à la production de l'électricité : il en résulte que le développement des fluides par le contact des substances métalliques n’est pas la cause , ou du moins, n’est pas la cause unique des effets de la pile. Dès- lors, l'incertitude s'élève jusqu’au principe même de la théorie , puisque la puissance électro-motrice devient, à son tour, incertaine. Ainsi est née la grande question qui s’agite en ce moment. Le contact suffit-il pour que les fluides élec- triques se séparent, ou bien quelque autre influence est-elle indispensable ? Tels sont véritablement les ter- mes dans lesquels se présente le problème. Car il ne s’agit plus de décider si l’action électro-motrice due au simple contact , supposé qu'elle existät, serait soumise aux lois posées par Volta. Contredite par l'expérience , la théorie de Volta ne saurait être vraie dans ses dé- tails : là-dessus , point de contestations. Mais cette ac- tion électro-motrice est-elle réelle? C'est ici que les upinions se partagent. Vous comprenez, Messieurs , tout l'intérêt qui s’atta- che, sous le rapport scientifique , à cette grande dis- cussion. Il s'agit, non-seulement d'éclairer la théorie de la pile en la fondant sur une base solide, mais 13. — 194 — encore d'en perfectionner les dispositions et l'emploi pour en modérer ou en augmenter les effets. Pour apprécier la valeur des objections que l’on op- pose aux -expériences de Volta, il est nécessaire d'avoir présente à l'esprit la marche de ces expériences. Un condensateur , formé de deux plateaux en cuivre que sépare une double couche de vernis isolant, est fixé à la partie supérieure d'un électroscope à lames d'or. On prend deux disques, l’un de zinc, l’autre de cui- vre, armés de manches en verre. On les met en con- tact; puis on les sépare , en les retirant parallèlement , et l’on porte le disque de cuivre sur le plateau supé- rieur du condensateur : en même temps, on touche le platean inférieur avec le doigt mouillé. On retire le disque de cuivre; on le met, ainsi que le disque de zinc, en communication avec le sol; on les reprend par leurs manches de verre, et, après avoir renouvelé le contact entre eux , on les sépare, et l’ou transmet, comme la première fois, au plateau supérienr du con- densateur l'électricité présumée du disque de cuivre. Par la répétition de ces opérations, on finit par char- ger le condensateur d'une manière sensible : car, si l'on enlève le plateau supérieur, les lames d'or éprou- vent une divergence. Le disque de cuivre a donc vé- ritablement apporté de l'électricité dans le plateau su- périeur : cette électricité s’est, dans les contacts suc- cessifs , accumulée en se dissimulant : le fluide con- traire qu'elle avait, par son influence, développé et dissimulé dans l’autre plateau s’est manifesté par la divergence des lames d'or, quand on l’a rendu libre par l'éloignement du plateau supérieur. Jusqu'ici les faits sont incontestables Mais est-il per- — 195 — mis den conclure, avec Volta, que le disque de cuivre avait pris l'électricité dans son contact avec le zinc et saus aucune influence étrangère? C’est ce que bon nom- bre de physiciens contestent. Il est vrai, disent-ils, que le disque de zinc communique au disque de cuivre du fluide électrique, mais ce fluide ne prend point nais- sance à l'instant du contact. Entouré d’un air humide, le zinc éprouve une oxidation lente, mais continuelle, et c’est à cette action chimique quil doit l'électricité dont il est incessamment charge. Les défenseurs de cette opinion se sont attachés à faire voir que toute action chimique est une source d'é- lectricité , et que deux métaux en contact ne s'élec- trisent pas , s'ils sont à l'abri de toutes les causes qui pourraient altérer au moins l'un d’entre eux. Je ne saurais indiquer ici tous les essais qu'ils ont entrepris dans ce double but, mais il sera bon de décrire som- mairement quelques-unes de leurs expériences. L'un des rhéophores d'un galvanomètre est attaché à une cuiller en platine dans laquelle on verse un acide. Une pince de platine, attachée à l’autre rhéophore , saisit un corps solide et sert à le plonger dans l'acide. Par cette immersion , le circuit est fermé, et , si l’a- cide exerce quelque action chimique sur le corps solide, l'aiguille du galvanomètre annonce , par sa déviation, qu'un courant parcourt les sinuosités du fil conducteur. On peut, en substituant à l'acide un autre liquide, examiner de la même manière les effets électriques des liquides de toute nature sur les corps solides. Le pro- cédé s'applique également à deux substances liquides : l'une de ces substauces étant versée dans la cuilier, on y plonge une simple lame de platine attachée au 13.* — 4196 — second rhéophore du galvanomètre, et préalablement plongée dans l’autre liquide. M. Becquerel a soumis un très-grand nombre de corps à ce genre d'épreuves, et il a formulé dans cette loi générale les résultats de ses expériences : quand deux corps agissent chimiquement l'un sur l’autre, celui qui joue le rôle d'acide prend toujours l'électricité positive et celui qui joue le rôle de base l'électricité négative. Pour démontrer l'impuissance du simple contact, M. de la Rive a repris avec quelques modifications l’expé- rience fondamentale de Volta. On tient à la main un disque de zinc, et on le pose sur le plateau supérieur d'un condensateur : de cette manière , on obtient en un instant et par an seul contact un effet électrique fort sensible , effet qui égale, s’il ne surpasse celui que réalisaient les contacts successifs dans la méthode précédemment décrite. Ce fait est facile à expliquer dans la théorie de Volta : le contact ne développe sur les métaux l'électricité qu'en séparant leurs fluides na- turels. L’électricité positive est refoulée sur le zinc, l'électricité négative se réfugie sur le cuivre. Mais, si le zinc est en communication avec le sol, il ne con- serve rien de sa charge , qui se dissémine dans le ré- servoir commun. Le cuivre garde la sienne; mais, puisqu'il fait partie d’un condensateur, cette charge se dissimule et se trouve comme anéantie. Les deux mé- taux revenus ainsi à l’état naturel subissent de nouveau l’action de la force électro - motrice, et, par cette multiplication instantanée d'effets, le cuivre arrive bien- tôt à une charge fort intense. Si l'on tient, la plaque de zinc, non plus avec la main , mais avec une pince en bois très-sec ; si l’on ide enferme , d'ailleurs, l'électromètre condensateur dans un récipient rempli d'azote ou d'hydrogène bien dessé- ché , l’on n'obtient plus aucun signe électrique. Or, suivant M. de la Rive, la plaque de zinc est en com- munication parfaite avec le sol par la tige de bois. Une seule circonstance est donc changée ; c'est qu'à l’at- mosphère humide et oxigénée a succédé une atmos- phère sèche et incapable d'action chimique sur le zinc. L'action chimique est donc indispensable pour que l’é- lectricité se produise, puisqu'on n’en obtient plus les moindres traces, lorsque l’action chimique est impos- sible. De leur côté , les partisans de la force électo-motrice ont varié les expériences, pour charger le condensa- teur dans des circonstances où l’action chimique füt évidemment nulle. M. Pfaff a fait usage d’un électro- mètre condensateur dont les plateaux, l’un en cuivre, l’autre en zinc, étaient endnits d’une couche mince de vernis à la gomme-laque. La communication était éta- blie entre eux à l’aide d’un fil métallique soutenu par un manche de verre. Après avoir éloigné ce fil, on obtenait dans les lames d’or la même divergence que si l’on avait touché le plateau supérieur avec une plaque du même métal que le plateau inférieur , et que l’on aurait tenue à la main. L'expérience fut répétée dans l'air sec ou humide, dans les gaz azote , acide carbo- nique, hydrogèue carboné, et rien ne fut changé dans les résultats. « On concoit bien, dit M. Pfaff, qu'il est » impossible d’alléguer encore des circonstances exté- S » rieures et étrangères au contact, comme causes de » l'électricité produite; car, comme toutes ces circons- » tances variaient, l'effet restant toujours le même, — 198 — » ue saine philosophie nous apprend qu'aucune autre » circonstance ne pouvait être la cause que celle qui » n'avait point varié, c’est-à-dire le contact réciproque » des métaux entre eux. » M. de la Rive ne regarde point ces expériences com- me décisives, parce qu'il est impossible de s'assurer que les gaz ne conservaient aucune trace d'humidité. Dans une pareille complication, comment trouver un guide sûr et se former une opinion probable? L'exa- men attentif des faits me porte, quant à moi, à don- ner gain de cause à l’un et à l’autre système : je les crois vrais, malgré leur contradiction apparente. Et d'abord, je le demande , les partisans de l’action électro-chimique sont-ils fondés à rejeter les conclu- sions de M. Pfaff? Les gaz pouvaient conserver quel- que humidité, dit-on. Mais, si l'on refuse à M. Pfaff le pouvoir d'opérer une dessiccation eompiète et cer- taine , pour quel motif l’accordera-t-on à ses adver- saires ? Or, si dans l'expérience de M. de la Rive, la dessiccation n'était point absolue, l'humidité devait in- fluer sur le zine , tout aussi bien que dans celles de de M. Pfaff. Et pourtant, cette influence est demeurée sans effet. Pourquoi donc aurait-elle conservé dans un cas une puissance qui se serait complètement anéantie dans un autre? Que M. de la Rive n'ait communiqué à son conden- sateur aucune charge sensible, c’est ce qui ne pouvait manquer d'arriver. Le bois sec est un conducteur furt imparfait, de sorte que le disque de zinc employé par ce physicien était à peu près isolé. Ce disque ne de- vait donc faire passer sur le plateau du condensateur dt que la quantité de fluide infiniment petite qui se dé- veloppe par le simple contact de deux métaux isolés. Ainsi , les résultats obtenus par M. Pfaff conservent toute leur valeur : les résultats opposés de M. de la Rive ne conduisent qu'à une eonséquence pour le moins incertaine. Et, d’ailleurs, en admettant l'influence d'une faible quantité d'humidité dans les travuux de M. Pfaff, comment comprendrait-on l'égalité d'action chimique de la part de gaz aussi différents que l’oxigène et l'azote ou l'hydrogène ? Je trouve dans les mémoires de M. Becquerel quel- ques autres faits qui me paraissent confirmer d’une ma- nière irrécusahle l’idée d’une force électro-motrice due au simple contact. Par exemple, un fil de platine ou d’or et un morceau de peroxide de manganèse sont at- tachés aux deux rhéophores d’un galvanomètre : on les plonge simultanément dans un vase rempli d’eau pure. A l'instant même, l'aiguille aimantée s’agite et annonce qu'un courant parcourt le circuit. Où est ici l'action chimique ? Mais, en admettant ure puissance électro-motrice entre deux métaux en contact, je suis loin de consi- dérer cette puissance comme étant suffisante pour ex- pliquer les effets de la pile. La nature da liquide in- terposé ayant une influence sur l’espèce d'électricité qui se produit à chaque extrémité de la colonne, il faut bien reconnaître que l'électricité résulte surtout de l’ac- tion de ce liquide. Il ne saurait, d’ailleurs , y avoir aucun doute à cet égard, puisqu'on parvient à cons- truire des piles fort énergiques, en n’employant qu’un seul métal. Maintenant , en quoi consiste l’action du liquide ? — 200 — Produit-il l'électricité par le fait de son contact avec tes éléments métalliques, ou bien faut-il qu'il soit le siége d’une action chimique? Dans mon opinion, les deux eauses agissent simultanément , du moins dans le plus grand nombre des cas. Dans un vase de verre ou de porcelaine, on fait une cloison avec une membrane de vessie : d’un côté, lon met une lame de zinc et une dissolution de sulfate de zinc; de l'autre, une lame de cuivre et une disso- lution de sulfate de cuivre. Les deux lames étant réu- nies aux rhéophores d'un galvanomètre , un courant énergique est annoncé par l'aiguille : aussi, ne pos- sédons-nous peut-être aucune pile plus puissante que celles qui résultent de l'assemblage de pareils couples. Entre chaque lame et le liquide où elle est plongée, je ne vois aucune action chimique possible : il en est de raême entre les liquides. Effectivement, aucune action de ce genre ne se manifeste, tant que le circuit n’est pas fermé par l'application du galvanomètre. Mais, dès que le circuit est fermé, une vive décomposition commence : le zinc se dissout avec rapidité, tandis que la lame de cuivre se couvre d’un dépôt de cuivre réduit. N'est-il pas évident que, dans ce cas, le courant a été néces- saire pour provoquer l’action chimique? S'il a dù la provoquer , il l’a donc précédée ; par conséquent, l’é- lectricité a été l'effet d’un simple contact. D'un autre côté, les phénomènes obtenus dans la pile ont une énergie bien différente lorsque l’action chimi- que est au moins douteuse et lorsque cette action s'exerce d'une manière certaine. De l’eau pure, interposée entre les couples métalliques, fournit une pile infiniment moins puissante que l’ean salée ou acidulée. Volta s’en — 201 —- rendait compte en admettant que les acides et les sels augmentent la conductibilité de l’eau ; mais on ne peut nier qu'ils exercent sar les métaux une action chimique bien supérieure à celle de l’eau dépouillée de principes étrangers, M. Biot à, d’ailleurs, reconnu que les mé- taux qui donnent les phénomènes électriques les plus marqués , lorsque la pile formée de leur accouplement est placée dans l'air, ne donnent plus que des signes incertains d'électricité, quand l'appareil est entouré d’hy- drogène ou d'azote. Une pile exposée à l'air ne marche bien que si les bords des couples métalliques sont par- faitement décapés; mais, quand leur surface latérale s'est recouverte d'oxide , la pile a perdu presque toute sa puissance. En présence de pareils faits, il est im- possible de ne point accorder à l’action chimique une immense supériorité sur la force électro-motrice due au simple contact. En résumé, l’ensemble des observations me porte à regarder comme très-probable le système mixte que plu- sieurs physiciens ont adopté. Le contact de deux mé- taux, même sans action chimique, suffit pour donner à ces métaux les fluides électriques opposés; mais, en général, cette puissance électro-motrice disparaît dans la pile devant les effets supérieurs de deux autres puis- sances. Un liquide qui touche un métal lui donne une électricité, en même temps qu’il conserve l'électricité contraire : en outre, les actions chimiques s’exerçant entre les éléments métalliques de la pile et les conduc- teurs humides qui les baignent, développent les fluides électriques. Ces deux causes occasionnent tous les effets de l'appareil voltaïque , par leurs influences plus ou moins concordantes et le plus souvent simultanées. Quel- — 202 — quefois, pourtant , l'action du contact précède l'action chimique; elle est ainsi la cause première : les fluides développés par cette cause mettent en jeu, ou du moins activent l'action chimique; ét celle-ci, devenant à son tour une source puissante , joint son effet à celui du contact. Il s'opère ainsi quelque chose d'analogue à ce que nous présentent plusieurs combinaisons : la chaleur est nécessaire pour qu'elles commencent à se faire, et, quand elles s'accomplissent, elles développent elles-mêmes une chaleur beaucoup plus intense que celle qu’elles ont d’abord exigée. J'aurais voulu, Messieurs, vous donner lecture d'une théorie de la pile fondée sur ces principes, et y ajou- ter la description rapide et l’explication des piles nouvelles que cette théorie a créées. Mais des détails aussi éten- dus auraient dépassé les limites que le temps nous im- pose : ils auraient pu, d’ailleurs, fatiguer votre atten- tion. Malheureusement, la remise à une autre séance m'est elle-même interdite, puisque, en déposant au- jourd'hui sur votre bureau le second volume de mes lecons de physique, je vous livre un texte dont mon nouveau mémoire ne serait que la copie. CHEMINS DE FER ATMOSPHÉRIQUES. Her = S ECS NOUVEAU SYSTÈME PROPULSEUR, Par M. MarrTiaz ROUSSEL. 530030 Messreurs , Depuis quelque temps, non seulement les hommes spé- ciaux, mais je pourrais presque dire l'opinion publique, se sont vivement préoccupés de l’emploi de la pression atmosphérique comme moyen de propulsion sur les che- mins de fer. Quelques essais ont été faits, en Angleterre et en Irlande, sur des parcours plus ou moins étendus. Deux ingénieurs français, MM. Edouard Teisserene et Mallet, ce dernier ayant mission spéciale du gouvernement, se sont rendus sur les lieux pour voir les effets du nou- veau système. Tous deux ont adressé au gouvernement français des rapports, dans lesquels sont consignés les résultats des observations et des expériences auxquelles ils se sont livrés, dans le but de déterminer les avan- tages ou les inconvénients absolus et relatifs du nou- veau système. Absolus, en le considérant isolément — 204 — comme moyen de propulsion; relatifs, en le comparant aux moyens locomoteurs actuellement en usage sur les chemins de fer. Sans prendre autrement part à la polémique, déjà fort animée, qu'a fait naître, parmi les hommes les plus compétents, l'apparition du nouveau sytème, je me bornerai à vous mettre sous les yeux les paroles par lesquelles M. Mallet termine son rapport. « Sur un pareil chemin, dit cet ingénieur, la sécu- » rité peut être regardée comme complète... » Il résulte de ce qui précède , c'est toujours M. Mallet » qui parle, que le problème est résolu pour un chemin » de 2,800 mètres... La première question qui vient à l’es- » prit, est celle de savoir si ce procédé pourra s'appliquer à » des chemins plus étendus. Je n’affirmerai rien à l'égard » de cette question; toutefois, je crois pouvoir dire, » sans sortir d’une sage réserve, que les conversations » que j'ai eues, à ce sujet, avec M. Jacob Samuda , à » Qui j'ai reconnu un esprit remarquable d'invention » et une grande loyauté de caractère, ainsi que les » réflexions que j'ai faites moi-même, me portent à » penser que le problème peut être résolu pour une » Jongue ligne comme pour une courte. » Depuis la rédaction de ce rapport, des ingénieurs dis- tingués, en France et en Angleterre, se sont emparé de la question des chemins de fer atmosphériques, ils l'ont soumise à l’analyse et au calcul. Comme toutes les inventions nouvelles de quelque importance, le sys- tème atmosphérique a ses admirateurs enthousiastes et ses détracteurs passionnés. Ainsi, tandis que les premiers donnent une préférence exclusive aux chemins atmos- phériques , sous le rapport de la sécurité et de l’éco- nomie , les autres prétendent que le nouvean système présente autant de dangers ou d'’inconvénients que l'an- cien, et qu'il coùte beaucoup plus cher. Je n'ai pas, Messieurs, à m'occuper dans ce moment de la question de savoir auxquels des partisans ou des adversaires du système atmosphérique il convient de donner gain de cause; je me bornerai à vous dire : qu’en Angleterre, où le système a été appliqué ; on annonce l'établissement de nouveaux chemins de fer sur lesquels il recevra son application, uniquement, parce qu'on le considère comme plus économique que l’ancien. Ces faits me suffisent, Messieurs, pour établir ce point unique de la question, sur lequel je voulais, avant tout, appeler votre attention ; à savoir : que quelque soit l'avenir du système atmosphérique , il se présente, dans ce moment , avec des chances de succès et d'utilité assez plausibles, pour qu'il puisse être l’objet de l'attention et de l'étude des hommes sérieux. Quant à l'appareil qui coustitue ce nouveau système, vous le connaïssez tous, aussi n’en dirai-je que quel- ques mots. Un tube de 30 ou A0 centimètres de diamètre est placé au milieu de la voie, entre les deux rails, dans toute la longueur du chemin. Ainsi, sur le chemin de Kingstown à Dalkey, ce tube a, comme le che- min lui-même, 2,800 mètres. Une pompe pneumatique, mue par une machine à vapeur de la force de 100 che- vaux, est placée à l'une des extrémités de ce tube ; à l’autre extrémité, s'engage un piston qui peut se mou- voir à frottement doux, comme le piston de la pompe ordinaire, dans toute la longueur du tube. — 206 — Si l'on raréfie l'air du tuyau, à l’aide de la machine pneumatique , la pression de l'atmosphère qui s'exerce sur la surface extérieure du piston, l'emporte bientôt sur celle que l'air raréfié du tuyau exerce sur sa sur- face intérieure, le piston doit se mouvoir, et il se meut, en effet, en s’enfonçcant dans le tube, avec la puis- sance qui résulte de la différence de densité entre l’air intérieur et l'air extérieur, Dans les expériences faites par M. Mallet, l’excédant de la pression exercée par lPat- mosphère sur la surface externe du piston était de 1,000 kilogrammes, poids qui représente la force de traction du piston. Quant à la vitesse de son mouvement, elle est déterminée par la vitesse même avec laquelle la pompe pneumatique exerce son action. Ceci entendu , il est clair que si l’on attache le pis- ton à un convoi de wagons, celui-ci suivra la marche de ce piston, et se trouvera transporté avec lui d’une extrémité à l’autre du tuyau, ayant ainsi parcouru, sur le chemin de fer, toute la distance mesurée par la lon- eueur du tuyau. Pour résoudre cette partie du problème, MM. Samuda et Cleeg, inventeurs du système anglais, ont imaginé de fendre leur tuyau d’un bout à l’autre, dans la partie supérieure. Par cette fente, de quelques centimètres de large, ils font passer une tige en fer qui fait corps avec le piston, et qui vient, par son extrémité supé- rieure, en dehors du tube, s'attacher au premier wa- gon. On comprend, dès-lors, qué le piston ne peut se mouvoir sans entrainer avec lui ce premier wagon, et, par celui-ci, tout le convoi. Toutefois , Messieurs, il est à remarquer que si le tuyau restait ainsi ouvert dans toute sa longueur, il se- — 207 — rait impossible d'y raréfier l'air. Il était donc nécessaire de fermer la fente, dans toute la partie du tuyau com- prise entre le piston et la machine pneumatique; ou, ce qui revient au même, dans toute la longueur du tuyau, lorsque le piston se trouve à l’autre extrémité du tuyau, par rapport à la machine. C’est ce qu'ont fait ces inven- teurs, au moyen d'une soupape longitudinale en cuir portant des armures en fer. Cette soupape ne s'ouvre que pour laisser passer la tige qui attache le piston au convoi, et comme cette tige est placée sur un appendice du piston, une sorte de queue, passez-moi le mot, qui le suit et qui a quelques mètres de longueur, il arrive que lorsque la tige se présente à la soupape qui doit s'ouvrir pour lui livrer passage, le piston a déjà passé sous cette soupape. De cette manière, toutes les soupapes restent fermées en avant du piston, et le vide peut se faire dans le tuyau. Lorsque la tige est passée la soupape se referme, et une roue pesante tourne dessus et la force à joindre avec le tube, Pour rendre l’obturation plus complète encore, un mélange de cire et de graisse, mis en fu- sion par un fer fortement chauffé, vient, à chaque pas- sage, souder, pour ainsi dire, la soupape avec le tube. Malgré cette précaution, il paraît que cette soupape, ainsi disposée, ne ferme pas si hermétiquement qu'elle ne laisse passer encore une assez grande quantité d'air; et il résulte du rapport de M. Teisserenc, que, sur une force de 81 chevaux nécessaire pour faire le vide, 36 chevaux sont employés à absorber l'air que laisse ren- trer la soupape. Si donc il était possible de mieux fer- mer cette soupape, ou de donner à l'appareil une dis- position de nature à en faire disparaître les inconvé- — 208 — nients, on obtiendrait une économie de force de près de moitié. Les effets de la machine seraient plus sùrs et plus durables. A la première annonce de la découverte de MM. Sa- muda et Cleeg, j'ai été frappé, comme tout le monde, de l'effet singulier de leur soupape et des inconvénients de toute espèce que pouvait présenter une pareille cons- truction. Je me suis préoccupé des moyens de corriger les défauts que j'entrevoyais. Une fois entré dans cette voie, je me suis trouvé conduit, pour ainsi dire malgré moi, à chercher à priori la solution du problème. Je ne sais, Messieurs, si j'ai réussi, mais je suis arrivé a modifier le système des ingénieurs anglais, de ma- nière à faire disparaitre les nombreux défauts de la soupape, telle qu'ils l'ont imaginée. Il ne suffit pas, toutefois, Messieurs , d’avoir une idée, fut-elle même bonne, il faut encore ne point se faire illusion sur sa valeur; il faut surtout, et c’est là peut- ètre ce qu'il y a de plus difficile, il faut, dis-je, pour la rendre féconde, la produire sous les auspices d’une autorité assez imposante pour qu'elle puisse exciter l'attention et obtenir, si je puis parler ainsi, les égards et la considération qu’elle mérite. J'ai souvent entendu proclamer, dans cette enceinte, l’utilité des académies, considérées comme une réunion d'intelligences qui se prêtent un mutuel appui. J'ai pensé, Messieurs, que, pour moi, le moment était venu de faire appel à cette force qui résulte de l'association, j'ai pensé que mon travail, s’il a quelque valeur, appar- tenait, jusqu'à un certain point, à la compagnie dont j'ai l'honneur de faire partie, j'ai pensé enfin que, fort de votre appui, je me présenterais plus hardiment dans — 209 — la lice, pour soutenir et faire triompher une idée que vous auriez trouvé bonne. Je viens donc, Messieurs, veus demander de vou- loir bien nommer aujourd'hui une commission qui puisse prendre connaissance de mon travail, constater l'exis- tence de ma découverte et en déterminer la valeur. Plus tard, si le rapport qui vous sera fait par votre commission était favorable, j'aurai l'honneur de vous demander de vouloir bien me prêter votre appui pour obtenir de l'administration départementale qu’elle me ménage, auprès du gouvernement, les moyens de pré- senter mon système, et de le faire participer aux essais auxquels il se propose, dit-on, de soumettre le pro- cédé des ingénieurs anglais. 14. : DT Dir ab Rat in et a anse RL Di | 2e mudtib. Lee Gate de ln ii sn TOR Le UE Bts b miov sevoissoM oaob sasir sl: F- sut ap Red Se d'enéqier “rnb Ma siot 26181 “ohéiélon j,Habtés Fraire 015 | sostéatathds SD ART de 2 mdrr sb Étanss | OUT PRET pate ep iéqusrrsbris pires. | 3 We hatted lines Goisiige Ur bof fran oiioé np déit Hivtoer sb tstasmeb Ja ne D niet PET be déininint She Mage 1 La 8h el dUE ASnbn Apr bles ebiPaedin | | | nd nd SEP eg bots rotibrdte 1h nine ep RES dendmitnionencntrtien demers:! vitre à fnire diparditre ls sitgtiermisitigéiteobléble 1 hante, tee qu'ils l'imf FF agree” LM en" > : Ft dit pas, trmrwiabf, Megicète d'avoir séaidér, =. fur-eclle méme bogne, 1 fau: entre 8 pois sé fair. HiaMe. Me sn. ME 4 ner suriünt, et c'e Hpéut- T5. ce en uit + à de plis difoilé;s3t fout dis je ppour À a reiuise féuoide, da fuôduire ous les avsgicet | "ous muorit nes. impodènté : pour els" puisse sétèiior ‘1 nés périnr ainsi, es gaie ; #15 LES x res Falumnican et” nbteusr, Ab: Enr + ste caneriératton. gé'elidi Pet sonreut entoidu pren; dans celté euoditite s l'atrlire des scadéavit, vondééréés enmnr vu réntios: | d'intoltigénents qui sépéétants Mn sufiert-nnprai. J'ai pété, Messieurs, que, pape, le moment idee VOS faire A ‘appel 47 0er forgé qnirésute de l'asacathtioh }Eÿ'a. N nl pensé queen ramait, wi à qoolque valant appar- Ru, A tenoft, joué uit "Yertéin pts à ta compagaie doit”: ». j'ei VLdrôdue a fl parc; j'ai pensé eut 0 AR de votre appui + jo @_présonterais plus ba bt RAPPORT SUR UN NOUVEAU SYSTÈME PROPULSEUR , PROPOSÉ PAR M. MARTIAL ROUSSEL, POUR LES CHEMINS DE FER ATMOSPHÉRIQUES, Par M. MACHART, Fiss, INGÉNIEUR DES PONTS-ET-CHAUSSÉES. —— 4400—— Dans une de vos dernières séances, notre collègue, M. Martial Roussel, vous a entretenus d’un nouveau procédé qu'il à imaginé pour appliquer la pression atmosphérique, comme force motrice, à la marche des wagons sur les chemins de fer. La commission que vous avez nommée (1), sur la demande de M. Roussel, pour vous rendre compte des détails de son système, m'a chargé de vous apporter les résultats de l'examen auquel elle s’est livrée. Tout le monde sait maintenant que, dans les che- mins de fer atmosphériques, le mouvement est imprimé (4) Gette commission était composée de MM. Obry, directéur de l’a- cadémie, Marotte, secrétaire-général de la préfecture ; Pollet, professeur de physique ; Decaïeu, conseiller à la cour royale; Lebreton , ingénieur en chef du département et Machart, ingénieur ordinaire. 14.% — 212 — au convoi, par l'intermédiaire d'un piston se mouvant dans un tube, où l’on a préalablement raréfié l'air, au moyen d’une machine à vapeur. La production d'un vide plus ou moins complet, exigeant que toute la partie du tube comprise entre le piston et la machine, soit hermétiquement fermée, la principale difficulté consiste à trouver le moyen de lier le convoi au piston moteur. Avant la solution, sinon entièrement satisfaisante, du moins fort ingénieuse, qui lui a été donnée par MM. Cleggs et Samuda, cette difficulté pouvait paraitre tout à fait insoluble, pour une ligne de quelque étendue ; mais il est clair qu'elle disparaîtrait au contraire entiè- rement, s’il ne s'agissait de faire parcourir au convoi qu'un intervalle de quelques mètres. Il suffirait, alors, d’accrocher le premier wagon du convoi à l'extrémité d’une tige fixée au piston, pour qu'il fût forcé de suivre celui-ci dans son mouvement, lorsqu'il s’enfoncerait dans le tuyau. Si l'on concoit qu'arrivé à l'extrémité de l’espace qu'il pourrait ainsi parcourir, le wagon conducteur soit, instantanément , accroché à l'extrémité d’une seconde tige disposée de même que la première, et que, au moyen d'une détente convenablement préparée, cette tige qui aurait été jusques-là retenue fixe, soit mise en liberté et commence à être entrainée par le piston , au moment même du passage du convoi, celui-ci se trouvera forcé de continuer sa marche, et, en reproduisant le même appareil, d'intervalle en intervalle, on pourra, par une suite d’impulsions successives , le conduire aussi loin qu’on le voudra. Telle est, Messieurs, l'idée-mère du système proposé par M. Roussel. — 213 — Sur l’axe du chemin de fer, il dispose une série de tuyaux moteurs avant chacun 10 ®. de longueur, et espacés d’une quantité à peu près égale, de manière à laisser entre deux un espace suffisant pour la tige con- ductrice. Chacun de ces tuyaux est en communication, par un court embranchement placé à l'extrémité fermée, avec un tube aspirateur qui règne sur toute l'étendue de la ligne, et qui est en rapport avec la machine des- tinée à produire le vide. Lorsque l'appareil est disposé pour attendre le convoi, le piston de chaque tuyau moteur est repoussé contre l'extrémité ouverte. La tige conductrice s'étend dans l'intervalle compris entre Îles deux tuyaux, et son extrémité est retenue par un talon, placé en dessous, et portant contre un arrêt horizontal. Enfin, le vide est fait dons le tube aspirateur et, par son intermédiaire, dans les tuyaux moteurs. Le wagon, placé en tête du convoi, porte devant lui, à l'extrémité d’une barre rigide, une cheville sail- lante sur le côté qui, en passant au dessus de l’extré- mité de la tige conductrice, frappe un bras vertical fixé contre la barre horizontale qui servait d’arrèt, fait tourner celle-ci et, dans ce mouvement, dégage le talon de la tige. Le piston n'étant plus retenu s'enfonce dans le tube, entraînant avec lui la tige dont l’extrémité est garnie d’un crochet disposé au-dessus du talon d'arrêt, lequel vient s'engager dans une boucle en métal placée sur le devant du wagon conducteur. La liaison se trouve ainsi établie entre le convoi et le piston. Lorsque celui-ci est arrivé £u fond du tuyau mo- teur, le crochet de la tige, que rien ne retient en arrière , abandonne la boucle, et le convoi continue sa marche , en vertu de la vitesse acquise, dans l'étendue — 214 — occupée par le tuyau. Arrivé à l'extrémité, il est repris, de la même manière, par la tige du tuyau suivant. Lorsque le convoi a pareouru toute la portion de la ligne , sur laquelle agit une même machine à vapeur, celle-ci continue de fonctionner, mais en sens inverse. Elle refoule l'air dans le tube aspirateur et repousse ainsi les pistons jusqu’à l'orifice de chaque tuyau mo- teur. Les tiges viennent d'elles-méêmes se replacer sur leurs arrêts, et l'appareil se trouve préparé pour le passage d’un nouveau convoi. Ce système, fort simple en principe, donnait cependant licu, même sous le point de vue théorique, à plu- sieurs difficultés sérieuses. Et d'abord, le choc produit par le piston lorsqu'il arriverait au fond du tube, avec une vitesse égale à celle du convoi, ne suffrait-il pas pour désorganiser promptement l'appareil ? M. Roussel répond à cette objection, en proposant de garnir le piston de deux clapets disposés de telle sorte, qu’en approchant du fond du tube, l'un vienne fermer lorifice du tuyau d'aspiration, tandis que l’autre s'ouvre pour laisser rentrer l'air à travers le piston. On se débarrasse ainsi de la force motrice et l’on amortit le choc au moyen d’un ressort à boudin placé devant le piston. Un autre procédé consisterait à fermer simple- ment le tube d'aspiration lorsque le piston arriverait près du fond du tuyau. Il se trouverait alors arrêté par l'action de l’air qu'il comprimerait devant lui. En théorie, ces moyens sont certainement suffisants, mais en sera-t-il de même en pratique ? Vu le peu de longueur des tuyaux, il importe que l’action du piston ne soit point supprimée sur une étendue considérable. — 215 — Or, si l'on réduit, par exemple, à 4 ". 00 l’espace ac- cordé pour en détruire le mouvement, en supposant que la vitesse soit de 10 lieues à l'heure, le calcul montre qu'il faudra lui opposer une force retardatrice égale à six fois au moins le poids dû piston lui-même et de la tige conductrice. Pourra-t-on facilement cons- truire des ressorts d’un aussi grand développement et d'une aussi grande résistance ? Si l'on se borne à amortir le choc sans le détruire entièrement, quel sera l'effet produit sur l'appareil? Ce sont :à des questions dont il ne paraît guère possible d'entreprendre la solution autrement que par expérience. Quoiqu'il en soit, l'ob- jection ne paraît pas insoluble, et il est à remarquer sur- tout, que le choc, quels qu'en soient les effets, n’affecte en rien le convoi, puis qu'il n'aura lieu qu'après un premier ralentissement de la marche du piston, ralen- tissement qui suflira pour qu'il soit déjà séparé de la boucle du wagon conducteur. Un autre choc plus à craindre, parce qu'il aurait lieu contre le convoi lui-même, pourrait se produire au départ du piston. Au moment ou la tige est mise en liberté par le passage du convoi qui fait jouer la dé- tente de l'arrêt, elle ne peut prendre subitement une vitesse égale à celle du convoi. Gelui-ci doit donc la dépasser, dans le premier instant, et il ne sera atteint que quand la vitesse du piston, qui d’abord était nulle, se sera accrue jusqu’à devenir double de celle du convoi. Delà un choc équivalent à celui que produirait la tige, si elle venait frapper le convoi en repos, avec une vitesse égale à celle dont il est lui-même animé. On peut s’en former une idée en considérant que, pour une vitesse de 10 lieues à l'heure, ce choc serait celui d'une masse — 216 — égale à celle réunies de la tige et du piston, tombant d’ane hauteur de plus de 6 ®. Ü0. Le moyen proposé par M. Roussel, pour répondre à cette difficulté, consiste à disposer l'appareil d'arrêt de la tige, de manière que l’extrémité de celle-ci, au lieu de se mouvoir en ligne droite, dans les premiers instants de sa course, soit forcée de se mouvoir suivant un arc de cercle, avant de venir accrocher la boucle du wagon conducteur. Dans ce mouvement, la vitesse ho- rizontale de la tige s’augmente un peu moins vite qu’elle ne tendrait à le faire naturellement. Il y a donc pres- sion sur l’appareil d'arrêt, et cette pression est utilisée pour pousser le convoi, au moyen de tiges qui vien- nent presser des chevilles fixées à la barre saillante du wagon conducteur. L'appareil peut ainsi être combiné de telle sorte, que le crochet, arrivé dans la verticale, vienne saisir la boucle, avec une vitesse précisément égale à celle du convoi, et sans aucun choc. Les difficultés dont nous venons de parler, la pre- mière surtout, seraient d'autant plus graves, que le poids de la tige conductrice serait plus considérable. M. Roussel la compose seulement d'un cable, auquel il donne la rigidité strictement nécessaire pour le mouvement de retour du piston, soit en l’enfermant dans un tube en tôle, soit en le soutenant au moyen d’ares en fer, le tout roulant sur des galets placés le long de l'inter- valle compris entre deux tuyaux. Mais une tige ainsi composée ne peut évidemment exercer de traction qu’en ligne droite ; d'ou la nécessité de savoir si, dans les courbes, la direction ne s'écarterait pas de l'axe de la voie, d'une quantité plus grande que le rayon du tuyau moteur , déterminé, comme il doit l'être, par la seule — 217 — considération de la force nécessaire. Dans ce cas, en effet, on serait obligé d'augmenter inutilement ce rayon, et, indépendamment de la dépense qui en résulterait , il pourrait arriver que le tube (qui doit toujours être droit) ne püt plus être contenu entre les rails. Le calcul répond à cette question. Il fait voir : 1° que les tubes de 10 “. que M. Roussel propose d'employer pourraient facilement se placer sur une courbe de 100 =. seulement de rayon, alors même que leur diamètre serait porté à 0m, 50 ; 2.° que ce diamètre pourrait être ré- duit à 0 ®.08, sans que la tige touchàt le bord du tube. Nous n’essaierons point, Messieurs , d'établir ici la com- paraison des avantages et des inconvéniens du mode de propulsion proposé par M. Roussel, avec ceux que peut offrir l'emploi des locomotives. De quelque manière qu'on les puisse modifier, les chemins atmosphériques ne se- ront jamais qu'un retour à l'idée qui avait d’abord été conçue , lors des premiers essais de chemins de fer; Eu appelant L ia longueur du tube, d son diamètre, R le rayon moyen de la courbe, e l’espacement des voies; Supposant que l’axe du tube soit dirigé suivant la tangente à la courbe, on a pour déterminer la plus grande longueur du tube qui peut être placé entre les voies, sans toucher le rail exté- c, / \8 DO PE nt nf re ie Le) \ e) / \ 2 L Approximativement . IL =R ( e—d ) La condition récessaire pour que la tige puisse entrer dans ce tube eee C 274 R sans en toucher le bord intérieur est L = 5 — 2 Ce sont là deux limites de L dont on devra prendre la plus petite, 21 idée qui consiste à employer une machine fixe pour la production de la force , et un appareil étendu sur toute la longueur du chemin pour la transmission de cette force au convoi. Le mode actuellement suivi substitue à la machine fixe un moteur mobile, et supprime tout appareil intermédiaire. Entre deux systèmes que sépare une différence aussi radicale, toute comparaison théoriqne des détails serait à-peu-près impossible, puisque ces détails n’ont pres- que rien de commun. Tout ce que l’on peut faire est de mettre en regard des chiffres de dépense, qu'il fau- drait nécessairement demander à la pratique. Mais cette comparaison n'est heureusement point nécessaire pour le but que nous devons ici nous proposer. M. Roussel ne demande pas à l'académie de se pro- noncer sur la valeur absolue de son système. Il lui sou- met seulement la question de savoir si les chances de succès paraissent, en théorie, suffisantes pour qu'il y ait lieu de passer à un essai pratique. Or il existe dejà un autre mode d'emploi de la pression atmosphérique, pour lequet cette question a été résolue affirmativement en Angleterre, et parait devoir l'être aussi en France. C'est celui inventé par M. Samuda, et dont l'idée gé- nérale n'est maintenant inconnue de personne. Nous pouvons donc laisser entièrement de côté la question de préférence par rapport au système locomotif, ou plu- tôt celle de savoir s’il existe des cas où l’un de ces systèmes pourrait être avantageusement substitué à l’autre. Ce qu'il s’agit de savoir se réduit à ceci: Le système proposé par M. Roussel, présente-t-il des chances de succès et des avantages comparables à ceux du système Samuda. = 68 = Ici, Messieurs, l’analogie devient assez grande pour permettre au moins une comparaison théorique. L'un des principaux avantages , si ce n’est absolument le plus grand, que l’on fasse valoir en faveur du sys- tème atmosphérique, est la possibilité de franchir des rampes qui seraint inaccessibles aux machines locomotives et, par là, de diminuer, dans une proportion que l'on croit être très-forte, les frais de premier établissement. Cet avantage existe dans le système de M. Roussel ; il y existe même à un degré supérieur. Dans le pro- cédé anglais, en effet, le diamètre du tube est inva- riable et la force motrice déterminée par ce diamètre et par le degré de vide que l’on peut obtenir ne peut pas être augmentée ; il y a donc une limite d'inclinai- son que l’on ne peut dépasser. M. Roussel pouvant faire varier le diamètre de ses tuyaux moteurs, peut aussi augmenter à volonté la force motrice. Il n'y a done plus de rampe théoriquement infranchissable. Par suite du même principe, il peut supprimer les tubes et éco- nomiser à la fois la dépense de premier établissement et la force motrice dans les descentes. En un mot, quels que soient les accidents du chemin, il peut toujours n'employer qu'une quantité d'action proportionnelle à la distance parcourue et à la résistance moyenne. Dans le système anglais, au contraire, la quantité d'action est toujours proportionnelle à la distance parcourue et à la résistance mavimum. Dans les courbes dont on se propose de diminuer autant que possible le rayon, ou invoque, en faveur du procédé anglais, l'avantage de lier en quelque sorte à la voie le wagon conducteur. Le système de M. Roussel offre un avantage du même genre, sinon tout à fait 1890 = égal, en dirigeant la force de traction obliquement, pendant les intervalles d’accélération de la vitesse, de manière à rappeler le wagon conducteur vers le centre de la courbe. Par l'augmentation des pentes et la diminution du rayon des courbes, on teud à se rapprocher des con- ditions d'établissement des routes ordinaires, et par là même on se rapproche des terrains sur lesquels ces routes sont communément établies. De-làa, si l’on ne veut augmenter outre mesure la dépense, la nécessité de nombreux passages à niveau. Il ne paraît pas que l’on ait encore trouvé le moyen de faire franchir aux voitures l'espèce de barrière formée par le tuyau con- tinu que M. Samuda place tout le long de la voie (1). M. Roussel n’a qu’à augmenter un peu l'écartement de ses tubes moteurs pour laisser aux voitures, entre l’ex- trémité d’un de ces tubes et le commencement de la tige suivante, un passage aussi commode qu'elles le trou- vent maintenant. L'impossibilité de tout choc entre les convois qui se suivent, en marchant dans le même sens, est évidemment le même dans les deux systèmes. Pour les convois qui marchent en sens contraire, ; Æ URI on a prétendu que l'impossibilité absolue de tout choc permettrait d'en établir la circulation au moyen d’une seule voie. S'il en était ainsi, l’avantage d'économie dans (1) Cette difficulté paraît avoir été résolue, depuis l'époque de la rédaction de ce rapport; mais il n’est pas moins vrai que la sup- pression de tout obstacle serait toujours préférable au moyen le plus ingénieux de franchir un obstacle existant. — 221 — les frais de premier établissement pourrait rester pro- bablement au système anglais ; car les tiges conduc- trices de M. Roussel ne pouvant agir que dans un seul sens, deux voies ou du moins un double appareil avec une seule voie lui seront toujours nécessaires. Mais si, comme on peut à peine en douter, deux voies sont toujours indispensables à l'exploitation d’une grande ligne, l’avantoge d’une moindre dépense s'établit en sens in- verse. Le développement total des tubes moteurs est en effet réduit à moitié. Le tube aspirateur qui peut être de dimensions moindres et d’un travail bien moins soigné n équivaut pas à beaucoup près à la partie sup- primée , et les pistons, avec leurs tiges et leurs arrêts, ne remplaceraient probablement pas la soupape conti- nue dont le prix est évalué à 16 fr. 30 c. par mètre courant. Si, des considérations relatives à l'établissement du chemin, on passe aux questions d'exploitation, on se demande ce qui arriverait, dans le sytème anglais, si une fissure venait à se produire en an point quelcon- que du tube, ce qui suspendrait toute circulation jus- qu'à ce qu'on l’eùt découverte et réparée ; si la tige qui attache le convoi au piston, venant à se rompre, laissait celui-ci partir seul avec une rapidité qui dé- sorganiserait infailliblement tout l'appareil; si au con- traire, dans le cas d’un accident, tel que ia rupture d’un essieu, l’on ne pouvait ouvrir la soupape destinée à laisser rentrer l'air à travers le piston, et que l’on se trouvât ainsi trainé par une force, dont on ne pour- rait ni détruire ni même diminuer l'action. Aucun de ces dangers, aucune de ces difficultés n’exis- tent dans le système de M. Roussel, et les moyens de — 222 — répondre à toutes ces questions sont trop facile à con- cevoir, pour qu'il soit nécessaire d'entrer ici dans aucun détail à ce sujet. Pour les croisements, les changements de voie, les mouvements de recul nécessaires dans les stations, ils paraissent complétement impossibles dans le système auglais dont les voies sont, comme nous l'avons déjà dit, garnies d’une sorte de barrière continue. Il y aurait donc nécessité d'arrêter les convois à quelque distance des stations, dans l'intérieur desquels tout mouvement devrait s'exécnter à l'aide de chevaux ou de machines. Dans le système de M. Roussel, au contraire, il serait possible de continuer l’emploi de la force atmosphéri- que jusqu'au point même d'embarquement. L'écartement des tubes permettant de traverser la voie, avec des croisements disposés à la manière ordinaire, les mou- vements variés du service intérienr réclameraient seul l'emploi de moteurs spéciaux ; la marche des convois arrivant ou partant n’en serait point affectée. Concluerons-nous de cette comparaison que la préfé- rence doive nécessairement être accordée au système de M. Roussel? Cette affirmation, Messieurs, serait peut-être hazardée, Quels que soient les avantages qu'il présente, bien des difficultés restent encore à résou - dre. Quel sera, par exemple, l'effet du choc du convoi sur l'apparéil d'arrêt des tiges conductrices à qui il devra imprimer subitement une vitesse de rotation de 10 à 12 %. par seconde ? Cet appareil ne dévra-t-il pas être fait avec une précision impossible à obtenir en pra- tique? Les pistons au nombre de deux cents, sur une seule voie, et pour une étendue de 4,000 w., n’offri- rait encore de longueur imperméable à l'air que 4/10 au plus de celle de la soupape du système anglais ; cepen- dant fermeront -ils assez hermétiquement les tuyaux pour maintenir le vide nécessaire? À ces questions que la pratique seule peut résoudre, il faut ajouter toutes celles que la pratique elle-même ne manquera pas de sou- lever. Malgré les nombreuses objections auxquelles il donne lieu , le système Samuda a été reconnu, par expérience, applicable, au moins dans les principales parties. Celui de M. Roussel n’est encore qu à l'état de projet. Gette raison suffit pour que l'on doive s'abstenir d'émettre une opinion absolue qui serait une sorte de jugement entre le fait et la théorie. Mais, si eette différence n'existait pas ; si, en l'absence de toute donnée expé- rimentale, on venait, pour la première fois, proposer les deux systèmes, et qu'on demandät lequel des deux semble le plus susceptible d’une application pratique : dans cette hypothèse, l’avantage nous semblerait devoir rester à celui de M. Roussel. Enoncer cette opinion, c'est assez dire que, si des essais doivent être faits par les soins de l'administration, nous pensons qu'il serait utile et convenable de l’v comprendre. En résumé, Messieurs, sans se prononcer d'une ma- nière absolne sur le mérite intrinsèque du mode de propulsion proposé par M. Roussel, votre commission pense que ce système, comparé à celui de M. Samuda, présente des chanses suffisantes de succès, et promet, s'il est définitivement reconnu applicable en pratique, des avantages d’une incontestable importance. Elle vous propose d'appuyer, par un vote favorable , la demande que M. Roussel à l'intention d'adresser à l’administra- tion, afin que son système soit compris dans les essais — 224 — qui pourraient être faits des chemins de fer atmosphé- riques. Depuis la rédaction de ce rapport, M. Roussel a ré- pondu, par l'expérience , à la plus grave des difficultés qui y étaient soulevées : celle de savoir s’il serait pos- sible, au passage d’un tube à l'autre, d’accrocher le convoi instantanément et sans choc. Dans l'appareil fort ingénieux qu'il a fait construire à cet effet, an petit modèle de wagon se meut, d’un mouvement continu, sur un cercle de 1", 20 de diamètre. A chaque tour, il est saisi par un crochet mis lui-même en mouve- ment, au moyen d’une manivelle et d’un engrenage. Ce crochet le conduit sur une partie seulement du dé- veloppement de la circorférence, après quoi il s'arrête et laisse le wagon marcher seul, en vertu de la vitesse acquise. Pendant que ce dernier achève son tour, un autre crochet vient se placer sur l'arrêt où était d’abord le premier, pour y attendre le wagon qu'il reprend à son passage. Il est à son tour remplacé par le pre- mier crochet et le mouvement se continue ainsi indé- finiment. Une personne exercée à tourner la manivelle avec régularité peut facilement obtenir, avec cet appa- reil, une vitesse de six à huit mètres par seconde. Contrairement à ce qui a lieu d'ordinaire dans les expériences en petit, les difficultés sont beaucoup plus grandes ici qu’elles ne le seraient en pratique. Il fant un mécanisme assez compliqué pour arrêter et faire repartir les crochets moteurs qui doivent se remplacer à chaque tour. La détente sur laquelle ils viennent se placer doit jouer deux fois en moins d'une seconde et ep. les détails de sa construction sont fort imparfaits. Le succès obtenu, malgré ces causes de non réussite, ne paraît pas laisser de doute sur celui qui pourrait être obtenu en pratique. Il est à remarquer que, si l'emploi d'un appareil pour changer de tube moteur, sans arrêter le convoi, n’est absoinment indispensable que dans le procédé de M. Rous- sel, il n'offrirait pas moins de très-grands avantages dans tout autre système de chemin de fer atmosphé- rique, quel qu'il pût être. Pouvoir, à volonté, suppri- mer les tubes, en augmenter ou diminuer le diamètre, est tout à la fois le moyen de diminuer notablement la dépense de premier établissement , celle de production de la force motrice et de faire disparaitre les difficultés et, en certain cas même, les dangers qui peuvent naître de l'emploi d'une force coustante opposée à une résistance variable. Si le système proposé par M. Roussel ne peut être essayé dans son ensemble, du moins serait- il bien à désirer que ce détail füt expérimenté sur un des chemins de fer existants. ( Note du Rapporteur.) 15. ai LE à EE AR "1 ia dard anne AORRMANEE “88: D cos M liaaubt nor sb 20e 00 dralèor -, wwstdo” ed fier iup turbo, 1 #1p0t ob ‘1nesiél 28 TC ’ ouphetq- 10 resto RAR lie rouporospienthautsatoalhé jus o, ioumon etésiénns arndu,é010grcadisticohaiéigebete poof Moh dbhsobpétanchadip shlssepibit ous loue ségatpere shwnuy-16hiesbutaaionct : eng: sipriNoïnodlier 1e _rbdaqsona nat ahricredntih enexéta CORAN CN TE hagquaudigolar di frioenedisoué 26 hp lonpen api 1 _ aeméensih. ab roumiaub mien. 1 01 | tuomoldmoæcogaiqih 9h merommunlréion aliré D soïsphongiolhalios. et éEunnl ET 1 4 : iaraogh dou: ion sé, res Mgr «°c gs | À: enmgehroqamustasinnnr polo p-iolqrueit beam lasendit.…. 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Pendant l’année 1841, le commerce français a fait mouvoir, par terre et par mer, une masse de marchandises évaluée deux mil- hards cent quatre-vingt-sept millions de francs; total qui surpasse de cent vingt-quatre millions celui de l’année 1840, de cent cinq millions, celui de l’année 1842, et d'environ sept cent vingt millions le chiffre moyen fourni par les treize années antérieures à l’an- née 1840. Un semblable mouvement , en changeant un grand nom- bre des éléments qui composent la fortune nationale , ne peut la laisser immobile; il l’augmente ou la diminue, puisque les changements si variés qu'il opère sans cesse ne pourraient avoir pour résultat une égalité parfaite 15.* — 228 — entre les éléments reçus et les éléments donnés, sans la réalisation d’une chance tout-à-fait extraordinaire. Si de l'augmentation du mouvement produit par le commerce extérieur résultait nécessairement l’augmen- tation de la fortune nationale, l’état de cette fortune serait devenu plus prospère, puisque le prix d'évalua- tion des marchandises transportées, pendant chacune des années 1840, 1841 et 1842, a dépassé deux mil- liards, total annuel qu'il n’avait pas atteint pendant les treize années précédentes ; mais le contraire peut avoir lieu, car s'il faut se mouvoir quand on s'élève, il faut se mouvoir aussi pour descendre, et plus vite encore pour tomber. Ce qu’il importe surtout de connaître est done le sens dans lequel le mouvement se fait. Suit-il ou ne suit-il pas une direction favorable aux intérêts de la France? Telle est la question que doit s'adresser tout citoyen capable d’en apprécier l'impor- tance, et qui prend sincèrement à cœur les intérêts de son pays. A cette question les réponses ne manquent pas; mais les unes sont affirmatives, les autres négatives; plu- sieurs ne sont que l'expression vague du doute même dont on veut sortir ; toutes sont appuyées sur des ar- guments, sinon solides, au moins très-spécieux ; toutes sont les conséquences des rapports sous lesquels on en- visage successivement un sujet aussi vaste ; de manière que la vérité, malgré tons les raisonnements que l'on s'efforce d'enchainer étroitement pour Ja rendre cap- tive, paraît fair quand on s’en approche, prendre de nouvelles formes quand on veut la saisir, et s'évanouir enfin quand on croit la posséder. = 659 — Qu'est-ce à dire? Fant-il done cesser de poursuivre, et déclarer insaisissable ce nouveau Protée ? Eblouis par ses prestiges , et forcés cependant de marcher tou- jours, devons-nous fermer les veux pour ne pas voir le chemin que nous suivons, düt-il même nous mener dans un abîime? Loin de nous un semblable découra- gement ; mieux vaut la lutte ; mieux vaut examiner avec persévérance si notre mouvement a lieu dans un sens favorable au développement d’un heureux avenir. Pour le savoir, examinons d’abord si le commerce extérieur doit être dirigé ; puis, dans quel sens il doit l'être, et notre examen, suivi d’un rapide coup d'œil sur la situation présente, nous fournira peut-être la solution qu'il est indispensable de chercher. S'il ne nous est pas donné de la trouver, nous ne regarderons pas cependant nos recherches comme inu- tiles, car appeler seulement l'attention des hommes éclairés sur une question d’une aussi grande impor- tance, n'est-ce pas avoir pris déjà le moyen de la ré- soudre ? Qu'il soit nécessaire de diriger le commerce extérieur pour le rendre avantageux et pour l'empêcher d’être nuisible , c'est une vérité qui se présenterait assez clai- rement à tout esprit juste pour n'avoir besoin d’au- cune preuve, si les nuages dont on s’est plu depuis quelque temps à l’envelopper, ne la plaçaient pas main- tenant dans une obseurité dont il faut la faire sortir. Pour la nier, il faudrait admettre que l'intérêt parti- culier, en agissant pour lui-même , agit toujours néces- sairement pour l'intérêt national, que légalité des prix des substances échangées entraine toujours, pour ces mêmes substances, l'égalité de valeur relativement à la — 230 — société qui les reçoit, et qu'une liberté absolue, dans les transactions du eommerce extérieur, ne présente aucun sujet de crainte pour le bonheur des nations ; trois suppositions dont quelques réflexions nous feront voir la fausseté. Pendant que l'intérêt de tous exige la conservation et l'accroissement de la fortune nationale, l'intérêt privé qui n’a qu'un but, l'augmentation d’un capital parti- culier, qui ne voit qu'une cause ordinaire et détermi- nante pour ses achats, la différence des prix, ne con- sidère son action que par: rapport à lui-même, sans apercevoir l'effet que cette action peut produire sur la société dont il fait partie. S'il augmente par une opé- ration commerciale le capital qu'il emploie pour la faire, son but se trouve atteint ; mais pendant que ce ca- pital reçoit une augmentation, si les autres fractions dont se compose la fortune nationale diminuent, par un autre effet de la même cause, d’une quantité su- périeure à cette augmentation, cette fortune elle-même diminue , et la même opération qui sert un intérêt par- ticulier, devient, pour l'intérêt général, une cause de souffrance. Ces mouvements en sens contraires d’une ou de plu- sieurs fortunes particulières et de la fortune nationale, mouvements dont une saine théorie nous fait concevoir la possibilité, se réalisent souvent dans la pratique, quoique l'essence du contrat dans lequel se résument toutes les opérations du commerce extérieur, ne paraisse pas au premier coup d'œil devoir amener un semblable résultat. La: pensée qui, résulte du nom que donnent à ce contrat la plupart des économistes modernes semble en — 231 — effet contraire à l'existence des mouvements opposés dont nous venons de parler, puisque l'échange, en prenant ici ce mot, non dans son sens ordinaire et restreint, mais dans son acception la plus étendue, suppose non seulement qu'il existe entre les substances échangées.une égalité de valeur, sinon parfaite, au moins approxima- tive, mais eucore que chacune des deux parties con- tractantes regarde ce qu'elle reçoit comme préférable à ce qu’elle donne. Une semblable convention, loin de pouvoir nuire , soit à l’une, soit à l’autre de ces parties, ne devrait-elle pas dans tous les cas procurer à toutes les deux des avantages incontestables ? En supposant qu'il en soit ainsi, ce qui n'arrive ce- pendant pas toujours, pour l'intérêt particulier de chaque partie contractante, il ne s’en suit pas qu'il en serait de même pour les nations auxquelles ces parties appar- tiennent ; car les matières transportées par le commerce ne doivent pas être considérées par la nation qui les reçoit ou qui les donne seulement sous le rapport de leurs prix. Pour le marchand qui n’achète que pour revendre, qui ne reçoit la marchandise comme une valeur en cours de transport que pour la livrer plus tard, qui n’en considère pas autant le degré d'utilité que l'importance du prix, pour le marchand, dis-je, au point de vue de son intérêt particulier, ce qui vaut plus, vaut mieux. Mais pour la pation qui consomme ce que l'intérêt particulier a fait arriver sur son territoire, qui a payé par la main de l’un ce que l’autre détruit , qui se trouve souvent le dernier terme auquel aboutissent les matières importées, c’est la valeur et non le prix qu'elle doit principalement considérer. es Car, il ne faut pas l'oublier, valeur et prix, deux mots employés souvent dans le même sens, ne sont pas toujours synonimes. Parler du mérite des choses, de l'usage plus ou moins important que l'on en peut faire , c’est parler de leur valeur ; parler de leur prix, c'est parler d’un moyen de les obtenir, d'un moyen de s'en défaire, en indiquant leur rapport avec d’autres substances considérées dans des proportions déterminées. La valeur est plus dans les choses ; c’est une consé- quence de leur nature, de leurs qualités ; en dehors se trouve le prix qui dépend davantage de l'opinion et des circonstances. À l’idée de prix se rattache vrdinairement l'idée de vente et d'achat, à l’idée de valeur, celle d’u- tilité, connexion qui place la valeur d’un objet plutôt dans les services qu'il rend, que dans les travaux qu'il exige, que dans le prix qu’il obtient, que dans l'éclat dont il brille. Trèés-souvent les plus grands services sont rendus à l'humanité par les êtres les plus obscurs et les plus faibles. Témoin les graminées, ces utiles plébéiens du règne végétal, dont l'existence n’est environnée d'aucun éclat, dont la fleur passe inaperçue, que la moindre agitation de l'air fait onduler comme des vagues, et qui cepen- dant balancent sur leurs fréles chalumeaux la nourri- ture de tout un peuple, que dis-je? la nourriture d'une grande partie du genre humain. Témoin l’'humble pomme de terre, auxiliaire puissante des graminées, qui cache dans le sein de la terre son précieux tubercule, comme pour le préserver de l'in- tempérie des saisons, et subvenir ainsi plus sürement à la nourriture de l’homme. Valeur importante et loug- — 933 — temps méconnue que nous a fait apprécier l’homme distingué dont vous voulez à si juste titre honorer la mémoire. Non, Messieurs, permettez-moi de le dire en passant, vous ne vous êtes pas trompés en vous associant à la généreuse pensée de rendre des honneurs publics à celui qui les mérita par un bienfait envers l'humanité ; vous ne vous êtes pas trompés, en voulant contri- buer à perpétuer dans sa ville natale, et transmettre aux âges futurs le souvenir du service qu'il a rendu. Récompenser, honorer le passé, c’est encourager le pré- sent, c'est préparer l'avenir, c’est diriger vers un but excellent cette ardeur qui tourmente l’esprit de l’homme et le pousse incessamment vers la conquête de l’utile et du vrai. Heureuse et précieuse conquête que celle dont nous parlons, conquête pacifique, qui ne fait pas couler de larmes, mais qui les tarit, qui ne fait pas mourir l'homme, mais qui le conserve, qui n’est pas en même temps un sujet de joie pour les uns et de douleur pour les au- tres, mais un avantage permanent pour tous, conquête enfin dont le fruit impérissable l'emporte, par la réalité de sa valeur, sur une foule d'objets du plus grand prix! Dans ce sens, vous le voyez, autre chose est le prix, autre chose est la valeur. La valeur d’un objet, relativement à la nation dont il compose en partie la fortune, nous parait donc consister principalement dans la puissance que cet objet possède à un certain degré d'entretenir, de développer ou de défendre l'existence de cette nation. Mais cette puis- sance agit rarement d'elle-même, comme celle de la lumière ou de l'air; ordinairement il lui faut, pour — 234 — exercer son action , le concours de l homme, et ce con- cours, elle ne peut l'obtenir qu'autant qu'elle est con- nue. Facile à reconnaître dans beaucoup de substances , elle ne se découvre daus plusieurs que par les décom- positions et les combinaisons qui la font sortir de l’état latent où elle s'y trouve, et où elle resterait toujours, si l'intelligence humaine , armée de l'expérience, ne ve- nait pas l’y chercher. Maintenant encore nous foulons peut-être aux pieds un grand nombre de substances qui seraient pour nous d’une grande valeur, si nous connaissions bien tous les services qu'il serait possible d'en obtenir. La racine de la betterave, tirée par la science de sa profonde obscurité, et devenant, par une transfor- mation merveilleuse, un produit alimentaire de la plus haute importance, nous prouve que la valeur relative d’un même être peut changer à proportion que mous connaissons mieux les éléments qui le composent. A cette preuve, d’autres viendront s’ajouter encore ; car la nature, comme un champ fécond, a toujours pour le travail intelligent de nouveaux dons à présenter. Que la science continue de cultiver ce vaste champ toujours ouvert devant elle, et bientôt, sous son re- gard vivifiant, sous sa main laborieuse, naîtront de nouvelles valeurs, des valeurs capables d’exercer sur la position des peuples une influence considérable ; car à quoi tiennent les plus grands effets? à quoi tient la prospérité des empires ? Quelquefois aux causes les plus légères, à un fil, à un rien. Que dans l'écorce de nos arbres, que dans les tissus de nos plantes, la ,science découvre la matière d'un fil nouveau, et ce fil, s'il obtenait une préférence mé- — 235 — ritée, pourrait devenir un obstacle insurmontable aux développements excessifs des plus formidables puissances, rendre inutile toute la violence de leurs efforts, et les entrainer même dans de nouvelles voies, où les sui- vrait, mieux pondéré peut-être dans ses mouvements, le système tout entier du monde commercial. Qu'elle continue ses investigations, et bientôt, vous le savez, une plante qui croit facilement sur notre sol pourra nous affranchir en grande partie d’un tribut an- nuel d’une vingtaine de millions que nous payons aux Indes anglaises pour en recevoir l'indigo. Qu'elle continue , car dans cette voie la science peut toujours avancer, sans pouvoir parvenir à déterminer la valeur absolue d'un objet, ce qui supposerait qu’elle en connaît parfaitement la substance et le degré d’u- tilité. Malgré l'impossibilité d'arriver à connaitre la valeur absolue, conséquence nécessaire de notre intelligence limitée, malgré les changements possibles des valeurs relatives > nous pouvons cependant remarquer entre ces valeurs des différences qui les distinguent au point de vue de l'intérêt national, et qui peuvent servir, sinon à les classer méthodiquement, ce qui ne nous paraît pas impossible, au moins à donner à plusieurs d’entre elles la préférence qu’elles méritent. Toutes répondent à nos besoins comme toutes en sup- posent l'existence ; mais les unes v répondent médiate- ment , les autres immédiatement ; les unes nous sont utiles sans cesser d’exister, d’autres ne peuvent être employées sans disparaitre; les unes , en subissant lac- tion d’une force, produisent une foule d’autres valeurs et répondent par conséquent à un très-pgrand nombre — 236 — de besoins; d’autres ne répondent qu'à l'un de ceux auxquels l’homme est soumis; toutes enfin se distin- guent par plusieurs caractères très-propres à donner aux valeurs qui les ont, le véritable rang qu'elles de- vraieut occuper dans l'estime des peuples. Rang qui ne peut être le même pour toutes, puisque toutes ne rendent pas les mêmes services; et si l’uti- lité des valeurs immédiates ou de consommation frappé d’abord les esprits, la réflexion fait voir bien vite que dans la plupart des positions où se trouvent les socié- tés, les valeurs médiates, productives et durables mé- ritent la préférence, et que ce sont principalement ces valeurs qui constituent les richesses nationales. L'une des premières , assurément, c'est la terre; et s'il nous était permis de supposer un instant que des portions de terre limitrophes, possedées par des parti- culiers, pussent être données par eux en échange contre des marchandises dans Îles transactions du commerce extérieur , et de manière à devenir parties intégrantes du royaume d'où viendraient ces marchandises, on aper- cevrait avec la dernière évidence qu’un individu peut gagner en faisant des échanges qui sont une perte pour la nation dont il fait partie. Il faut cependant que des échanges aient lieu ; mais dans l'obligation où l’homme se trouve de faire conti- nuellement des conventions de ce genre pour subvenir à l'extrême variété de ses besoins, comment pourra- t-il apprécier toutes les valeurs qu’il recoit ou qu'il donne ? quel sera son terme de comparaison? quelle sera sa mesure ? Vous connaissez tous les travaux auxquels s'est livré notre illustre concitoyen Delambre pour déterminer la — 237 — mesure de longueur, et par elle, toutes les autres, et vous savez dans quel but il les a entrepris. Il voulait pour sa mesure l’unité, l’invariabilité, comprenant que dans ces caractères cousisterait tout son mérite. Ce qu'il était si difficile d'obtenir pour une manière d’être n'a pu se trouver atteint pour les êtres eux- mêmes, pour leur valeur. L'argent, que l’on a choisi comme terme de com- paraison, étant lui-même d’une valeur variable , ne peut pas être considéré comme une véritable mesure des au- tres valeurs. Il indique ces dernières comme des de- grés, mobiles eux-mêmes, indiqueraient les mouvements du mercure dans un baromètre. Bien plus, en même temps quil mesure les autres valeurs, il mesure la sienne propre, de manière que ses variations sous ce rapport passent inaperçues sans être pour cela moins réelles. Après la découverte de l'Amérique, quand l'or et l'argent devinrent plus abondants en Europe, le nom- bre des pièces que l’on faisait avec une quantité dé- terminée de ces métaux ne pouvait pas varier; ces pièces représentaient toujours une ou plusieurs unités des monnaies alors en usage; en perdant plus de la moitié de leur vaieur, ces unités conservaient leurs noms ; les prix étaient doublés, quand la valeur de la marchandise restait la même ; et ce changement dans les prix des différentes valeurs avait pour cause un changement dans la valeur des prix. Cette cause n'est pas la seule qui les fasse varier. Non-seulement le numéraire se déplace, non-seulement les marchandises sont plus ou moins rares, mais l’homme lui-même , qui détermine le prix, c’est-à-dire le rap- — 238 — port qui existe entre deux termes variables , la mar- chandise et l'argent , compare auparavant avec chacun de ces deux termes le besoin qu’il en a, et ce besoin forme un troisième terme qui varie et fait varier les deux autres ; de manière que tout change , les subs- tances comparées comme la position de celui qui com- pare. En présence de toutes ces causes incessantes de va- riation, comment donc considérer la différence des prix comme devant être le seul motif déterminant pour une nation dans les opérations de son commerce extérieur ? comment considérer les unités dont ces prix se compo- sent comme de véritables mesures, quand elles n’en ont pas le caractère essentiel, je veux dire la fixité? Remarquons cependant que, sans pouvoir devenir une véritable mesure, l'argent, et par ce mot j'entends l'argent et l'or, et surtout ce dernier métal, n’en tient pas moins le premier raug parmi les matières échan- gées par le commerce extérieur. Pas une nation civili- sée qui le refuse; pas une barrière qui ne soit impuis- sante pour l'arrêter; sous ce rapport on peut dire que sa valeur est universelle. Ce n’est pas tout : d’une grande valeur sous un petit volume, d’une masse en même temps divisible et so- lide , il est d'un transport facile et résiste à l'action du temps; son emploi devient spécial quand il est fa- conné par l'industrie; mais s’il se partage en portions d'un poids, d’une dimension et d'un titre déterminés , s'il recoit les empreintes que lui donne le pouvoir, alors il est comme revêtu d’une force publique , d’un caractère national ; par la certitude , par la fixation au- thentique de sa valeur nominale ; devient, non pas — 239 — seulement signe d'échange, signe presque entièrement local comme le papier-monnaie, mais substance émi- nemment échangeable , à ce point qu'il sert à l’acquisi- tion de toutes les valeurs, et qu'il peut, sous ce rap- port, être regardé comme possédant une valeur géné- rale, Sans nourrir, sans vêtir, sans défendre lui-même, il procure les matières et le travail qui répondent à ces divers besoins ; il facilite le transport , la circulation et la division de toutes les denrées, en fait arriver les quantités nécessaires, non-seulement là où s'en fait sentir le besoin, mais dans l'instant où ce besoin se manifeste et dans chaqne moment où il renaît; c’est un véhi- cule puissant qui porte sur tous les points du corps politique ce qu'il lui faut pour l'entretien de la vie. Seul, sans le travail, il ne suffirait pas pour for- mer la richesse d’un royaume, et bientôt, dans cette situation , il s’échapperait comme l’eau des mains qui le possèdent, malgré tous les efforts qu’elles feraient pour le retenir; mais avec un territoire suffisamment étendu, avec un approvisionnement varié de matières de consommation, il devient pour un peuple laborieux un élément nécessaire de la richesse nationale, une cause de prospérité pour le présent et pour l'avenir. Car, il faut l’observer, et cette considération est de la plus haute importance, les besoins à venir sont plus nombreux que les besoins présents ; plusieurs sont inconnus ; On ne peut réserver à ces derniers des va- leurs spéciales qui pourraient ne pas être celles qu'ils exigeront ; contre l’imprévu , les ressources ne se trou- vent que dans une valeur générale dont la possession devient absolument nécessaire. — 20 — Disons-le donc en conséquence des observations qui précèdent : pour que les valeurs possédées par une na- tion répondent à ce qu’exigent ses besoins généraux de conservation, de développement et de défense, il ne suffit pas que les approvisionnements de denrées soient proportionnés aux besoins de la consommation intérieure, aux besoins sagement appréciés du commerce d'expor- tation , il faut encore qu'un numéraire abondant puisse toujours présenter une ressource puissante pour toutes les éventualités de l'avenir , sans cesser d'être ur moyen continuel d'action pour toutes les entreprises du pré- sent. Au point de vue de l'intérêt national, et dans les circonstances ordinaires, son entrée dans le royaume est done préférable à sa sortie. Mais, remarquez-le, quand nous parlons de son en- trée, nous n'entendons pas son entrée causée par un emprunt au-dehors, dont la réalisation ne serait pas un moyen d'obtenir de l'étranger, par d’autres opérations, des bénéfices supérieurs aux intérêts qu’on lui paye, entrée qui doit être suivie tôt ou tard d’une sortie plus importante ; quand nous parlons de sa sortie, nous n'en- tendons pas une sortie qui doit être bientôt suivie d'une entrée plus considérable, par suite d'achats au comp- tant et de reventes à l'étranger; dans ces deux cas, et dans d'autres semblables, si le numéraire se dé- place, c'est pour voyager, pour ainsi dire, et non pour changer de domicile politique ; nous parlons d'une sor- tie d'espèces livrées comme prix de marchandises étran- gères consommées à l'intérieur sans compensation, sor- tie qui n'est pas cause nécessaire d'une entrée ; nous parlons d'une entrée comme résultat final des ventes — 241 — effectuées à l'étranger, déduction faite de ses ventes, des transports opérés pour son compte, déduction faite de ses transports, entrée qui n’est pas cause nécessaire d'une sortie. Nous parlons enfin de circonstances ordinaires ; car il peut arriver des cas, celui de disette, par exemple, où l'entrée des vivres, et surtout du blé, vaudra mieux que la conservation du numéraire; mais cette excep- üon, loin de détruire notre règle, la confirme, car elle prouve ce que peut le nuwéraire pour la conservation d'une nation, puisqu'il obtient, daus ce cas, de l'étran- ger ce que souvent n'obtiendraient pas une foule d’au- tres matières offertes en échange ; l'intérêt national alors en approuve la sortie, parce que, pour cet intérêt , la population vaut mieux que l'or, et parce que la patrie peut dire, en montrant ses enfants : Voilà ce que j'ai de plus précieux. La plus grande valeur nationale doit donc être le motif déterminant pour une nation dans ses échanges, non-seulement quant au numéraire, qui possède cette valeur à un très-haut degré, comme nous l'avons vu, mais encore quant à d’autres matières qui la possèdent aussi dans des degrés différents. C'est dans la supériorité des matières entrées sur les matières sorties, considérées sous ce rapport, que peut consister en partie le bénéfice national; et, pour ne citer qu'un exemp'e, tout le monde comprendra qu'il y aurait un bénéfice de ce genre dans l’échange d’une cargaison de tabac en feuilles, de plumes d'oiseaux et de chapeaux de paille destinés à la parure des dames contre une cargaison de chevaux, de métaux précieux, de plants d'arbres et de semenees; avec la première, 16. — 242 — vaine fumée, futile éclat, prompte disparition; avec la seconde, nourriture et vêtement, durée et multiplica- tion, moyen puissant de travaux, de circulation et de défense. Nous ne pousserons pas plus loin ces détails. Qu'il nous suffise de dire que s'il faut donner et te- cevoir pour faire le commerce extérieur, il faut choi- sir et surtout comparer ce que l’on reçoit et ce que l'on donne; que si le particulier fait son commerce, la nation doit aussi faire le sien, non pas toujours immédiatement, mais médiatement; non pas toujours en achetant et en vendant, mais en fournissant aux achats et aux ventes des individus plusieurs causes ad- ditionnelles qui souvent les déterminent sans les forcer. Qu'il nous suffise de dire, ce que d’ailleurs nous avions eutrepris de prouver, que l'intérêt particulier, dans ses échanges, peut agir contre l'intérêt de tous, puisqu'il peut faire entrer des valeurs d'un ordre infé- rieur et sortir des valeurs d’un ordre supérieur, de ma- nière à diminuer la fortune nationale. Il devient donc nécessaire de placer cet intérêt dans des conditions telles, qu'en agissant pour lui-même, il agisse en même temps pour l'intérêt commun, et de poser des limites à la liberté absolue dé son action. Que résulterait-il d’ailleurs de cette liberté absolue que l’on regarde comme capable de nous ramener l'age d'or? Une immense perturbation; l'étranger traversant nos frontières de plain-pied, multipliant ses comptoirs daris nos villes, inondant nos provinces de ses produits, faisant fermer nos manufactures, décourageant nos en- treprises agricoles, et nous enlevant nos capitaux ; le bénéfice du commerce devenant le prix de la course; présentant d’abord des chances favorables à fa nation =: 563 — qui possède le plus de moyens de transport, la plus grande force industrielle; les prix de toutes les den- rées tendant à se niveler; les marchandises formant di- vers courants ayant leur source aux licux où elles sont à bon marché, et leur embouchure là où leurs prix sont élevés; des courants de capitaux s’établissant en sens contraire; les mines les plus abondantes faisant cesser l'exploitation des autres mines; les terres les moins chè- res, les moins imposées, les plus fertiles faisant né- gliger la culture des autres terres; l'esprit de natio- nalité s’éteignant, au moins sous le rapport commercial ; des populations ruinées trouvant la servitude au lieu de la liberté; d'autres se déplaçant et cherchant des climats plus heureux; les industries des différentes na- tions ne pouvant lutter entre elles à armes égales, puisque la Providence ne les a pas mises dans des con- ditions égales, et l'intérêt du genre humain lui-même ne pouvant que perdre à l'application d’un principe qui ne tend pas à disséminer les hommes sur toute la surface du globe, condition nécessaire pour que la culture en soit possible, à rendre partout cette culture avantageuse à celui qui la fait, condition nécessaire pour qu'elle ait lieu, et qui ne peut enfin, par con- séquent, favoriser sur tous les points de cette surface la production et la population autant qu'il est possible de le faire. Qui pourrait assigner le terme et prévoir l'issue de cette lutte irrégulière de tous les intérêts, de cette confuse mélée de toutes les forces commerciales? Sup- posera-t-on, ce qui d'ailleurs pourrait être contesté, que l'ordre succédera nécessairement et de lui-même au désordre, et qu'après l'ébranlement, la force même 16.* a des choses établira, maintiendra l’équilibre? Mais avant que cette supposition ne devienne une réalité, que de maisons de commerce écroulées les unes sur les au- tres ! que d'établissements industriels ruinés ! que de fortunes particulières, et même que de fortunes publi- ques renversées! Voilà done ce qu'il faudrait accepter et subir pour un avenir incertain ; voilà ce qu'il faudrait faire ac- cepter et subir, de gré ou de force, à toutes les na- tions. Car un gouvernement ne peut abandonner toute action sur son commerce extérieur, à moins que les autres gouvernements n’abandonnent celle qu'ils exer- cent eux-mêmes. Il faudrait, ou que cette action füt abandonnée partout en même temps, ou que toutes les nations fissent en même temps vers cet abandon un pas égal. Ayant des intérêts différents à défendre, il faudrait cependant qu'elles fussent sur ce point d'un avis unanime ; qu'elles s’engageassent pour elles et pour les générations futures à ne pas changer tout à coup de système; il faudrait enfin la paix générale garantie partout et pour toujours. Plüt à Dieu qu'il en fût ainsi! Mais vous le savez, messieurs, la nature humaine n'est pas changée, et quoique la guerre soit un terrible fléau, quoique l’on sache bien maintenant ce que coù- tent les lauriers, qui d'entre vous oserait prétendre que la possibilité d'une guerre ne doit pas être prise en considération, quand il s’agit de décider une question qui peut devenir pour tout un royaume une question de vie ou de mort? Nous n’exagérons pas; d’une solution erronée de cette question pourrait surgir un danger de mort, non seu- lement de cette mort violente que produit la conquête, — 245 — mais encore d’une mort lente, amenée par un mal progressif qui, pour être caché d’abord sous l’appa- rence d'un bien, n’en est pas moins redoutable. Tel serait bientôt le mal de la nation qui, sans certitude d'être imitée, prendrait la première le parti d'abandonner toute action sur les mouvements de son commerce extérieur , pratiquant à la lettre cette maxime d’indolence et d'inertie : laissez faire, laissez passer ; c'est-à-dire, laissez faire à votre pays tout le mal que pourra lui causer une invasion de produits étrangers. Laissez passer, laissez sortir; il le faut bien alors, car qui laisse arriver la cause, est forcé d’en subir l'effet ; laissez sortir, sans retoar peut-être, un des principaux éléments de la fortune nationale, un de vos princi- paux moyens de travail et de défense, le numéraire. Eh! que ne laissez-vous passer pour toujours, pour l'avantage et le service des autres puissances, votre jeunesse et vos braves? Que ne laissez-vons faire par l'étranger, dans vos villes et vos campagnes, des en- rôlements volontaires? Que ne déclarez-vous chaque citoyen libre de vendre au plus offrant le sang qu'il doit à la patrie?... Laissez faire, laissez passer, maxime funeste, et dont un peuple sage devrait laisser faire l’ap- plication à l'étranger qui viendrait en vanter l’excel- lence, uniquement sans doute pour le bien de l’hu- manité. En agissant ainsi, que peut-il craindre? Mais la nation qui se soumet à l'empire d’un tel principe, que n'a-t-elle pas à redouter ! Pour elle, que de dan- gers, même dans l'abondance ! Ne parlons que d’un seul. Semblable au général d'armée qui , en présence d'en- nemis disciplinés et formidables, donnerait à ses soldats la liberté de se battre en partisans, sans autre règle — 246 — que la volonté de chacun, déclarant qu'il s'en repose, pour le succès de la guerre, surle soin que tout homme prend toujours de défendre sa vie, cette nation aban- donne ses intérêts généraux à la merci des intérêts privés, confiante d’ailleurs, pour le progrès de la pros- périté nationale, dans le soin que chacun est intéressé de prendre à l'accroissement de sa fortune particulière. Bientôt arrive de toutes parts sur son territoire tout ce que la différence des prix fait regarder comme avan- tageux d'y transporter; et pendant que ses frontières livrent passage aux produits bruts et aux produits fa- briqués des royaumes voisins, des marchandises de tout genre, venant des cinq parties du monde, arrivent en masse dans ses ports, sous tous les pavillons. Toutes les matières propres à servir d'’aliment, de vêtement, de combustible, encombrent ses magasins; de nombreux troupeaux couvrent ses campagnes; rien ne lui manque, ni pour les besoins ordinaires de la vie, ni même pour les jouissances du luxe ; elle nage dans l'abondance, et, savourant toute la douceur de ce nouvel état, elle ne trouve plus que des paroles de blâme pour ceux dont la vaine prudence voulait la priver d’un si grand bien. Mais attendons. En même temps que s'accroit rapidement l’importance des arrivages, celle des sorties n'augmente pas dans la même proportion, parce que, pour ces dernières, tout obstacle n'est pas levé. Le mouvement du numéraire alors se fait en sens inverse de celui des marchandises. Beaucoup de denrées baissent de prix par suite de ces mouvements contraires qui fournissent à la baisse une double cause ; le produits de l’agriculture trouvent difficilement à se vendre, et pourrissent dans les gre- — 9247 — niers ; les fermiers demandent à leurs propriétaires une réduction sur le prix de leurs baux; la carapagne, ap- provisionnée qu’elle est de produits étrangers, n'achète plus aux industriels des villes; ceux-ci diminuent les salaires ou renvoient les ouvriers ; les négociants ne peuvent plus acheter aux industriels de produits fa- briqués ; les uns et les autres rendent aux capitalistes des fonds dont iïls n’ont plus besoin, quand toutefois la banqueroute ne les enlève pas; le travail cesse; la misère se montre avec son triste cortége , et bien- tôt s'annonce par des signes trop certains, dans tout le corps social, un marasme profond, funeste précur- seur de la mort. Laissons aux économistes d’une nouvelle école le soin de consoler cette nation dans son malheur, en lui prou- vant qu'elle doit s’estimer heureuse, puisqu'elle a des vêtements et des vivres à bon marché. Mais, que dis-je? des vêtements et des vivres? Déjà cette ressource diminue et lui manquera bientôt peut- être , lorsque le numéraire sera parti, et que l'étranger dédaigneux la délaissera comme un fruit dont il aura exprimé le suc; si mieux il n'aime toutefois acheter ses mines les plus riches, ses vignobles les plus renom- més, ses chutes d'eau les plus puissantes , ponr les ex- ploiter à son profit ; si mieux il n'aime toutefois profi- ter de sa faiblesse pour lui déclarer la guerre. Que ferait alors cette nation infortunée en présence d’adversaires enrichis de ses dépouilles, élevés par elle- méme à toute la hauteur dont elle est descendue? En vain peut-être prodigüerait-elle pour sa défense le sang le plus pur de ses enfants. Asservissement ou lutte désespérée, il faudrait cependant choisir. — 248 — Tel est le précipice où peut conduire le prestige trompeur qu'exerce souvent sur les intelligences, même les plus sages, le mot de liberté quand il est mal com- pris. Il serait bien temps cependant de ne plus se lais- ser faire illusion par des mots... La liberté ne doit s'exercer que dans l’ordre ; et si la loï, quand elle est la fidèie expression de l’ordre, laisse à l’individu toute la liberté qu'il est possible de lui laisser sans nuire à l'intérêt commun, la liberté sans limite, telle que plu- sieurs la demandent, serait le désordre et l'injustice. Cette liberté sans limite des individus serait injuste, en ce sens qu'elle détruirait la liberté qu'une nation doit toujours se réserver, de prendre touies les mesu- res qui seront exigées pour la défense de ses intérêts généraux, pour la conservation du travail, sans le- quel tout périt. Ce travail d’ailleurs, si nécessaire à la vie comme au progrès des nations, ce genre de travail dont nous parlons en ce moment , qu'est-il autre chose que l’action de l’homme sur la matière, l'action de son intelligence dont la science étend la portée, l'action de son corps dont les machines augmentent la puis- sance ; mais la matière n’est pas la même pour tous, n'est pas égale pour tous, n’est pas soumise partout aux mêmes influences, ne subit pas les mêmes char- ges, ne s'obtient pas aux mêmes conditions; il faut donc , pour faire exister partout le travail, que la di- rection du commerce vienne, par les conditions qu’elle impose, réparer cette inégalité, et rende plus utile encore à ses habitants la terre de la patrie, si puis- sante déjà par l'attrait des souvenirs. Peu jaloux alors d'imiter les anciens Gaulois qui, selon le rapport de Pline, se jetèrent sur l'Italie pour — 249 — avoir des figues, des raisins et des olives, et ces hor- des barbares que les vents du Nord semblaient pousser comme des ouragans furieux sur les plus belles contrées de l'empire romain, un peuple dont le travail est suf- fisamment protégé, s'estime heureux de pouvoir culti- ver avec succès le sol cenltivé par ses pères, et ne songe pas à faire des conquêtes en échangeant son la- borieux et profitable repos contre les chances des com- bats. Ainsi, dangers évités pour le bonheur des peuples , choix des valeurs dans l'intérêt national, concours des intérêts particuliers au bien commun, tels sont les avantages que ne peut garantir la liberté absolue du commerce extérieur. Une direction est donc nécessaire, et cette conclusion est le premier résultat de l’examen que nous avons entrepris. Cet examen nous conduit à rechercher quelle doit être cette direction; car si l'intérêt national en demande l'existence, il n'en demande pas moins la bonté. Mais avant de dire seulement quelques mots néces- saires à notre dessein sur un sujet qu'il serait trop long de développer en ce moment avec plus d’éten- due, nous devons faire une observation qui se présente tout d’abord. Le mouvement commercial ayant avec d’autres mou- vements des rapports nécessaires, ne peut pas, surtout quand il s’agit de sa direction, être considéré d’une manière complètement isolée. Il faut absolument tenir compte de l'influence qu'il exerce et de celle qu’il subit; car dans un corps politique comme dans une machine composée tout se tient; et vouloir envisager isolément dans une nation un mouvement de ce genre — 250 — pour en déterminer Je sens, serait aussi déraisonnable que de vouloir, pour la même fin, considérer. isolé- ment dans une machine le jeu d’un rouage, sans faire attention aux autres rouages dont il recoit ou dont il cause en partie le mouvement. Nous sommes donc forcés, tout en cousidérant prin- cipalement la direction du commerce extérieur, de con- sidérer en même temps d'autres genres de trayaux dont l'existence tient par des liens sans nombre à la nature du mouvement commercial. Ceci posé, nons disons : Si la direction du commerce, par l'impulsion qu'elle donne aux mouvements commerciaux, tend à son vé- ritable but, si ses effets sont de nature à faire sans cesse approcher de ce but, si ses moyens sont ca- pables de produire des effets de ce genre, elle est bonne, car alors elle répond au besoin qui la rend nécessaire. Sa cause nous montre son but; son but, ses effets, et ses effets indiquent ses moyens. Sa cause comme son but, c'est la vie nationale. Quel autre but préférable, en effet, pourrait-on Jui donner? Un intérêt particulier? Ce serait un étrange renversement. L'intérêt d’une minorité? un injuste pri- vilége. Un intérêt étranger? Ce serait une trahison. La liberté illimitée du commerce ?.. Autant vaudrait donner pour but à la direction dun commerce la néces- sité de se détruire elle-même. Les partisans de la li- berté commerciale sans limite ne reconnaissent pas à tou tes les parties intéressées dans le contrat formant l’es- sence du commerce extérieur le droit d'intervenir dans l'exécution de ce contrat, comme le veulent la justice — 251 — et la vérité ; ils n'admettent que le droit des indivi- dns; ils repoussent celui que possèdent les êtres col- lectifs, les nations, de protéger leurs intérêts engagés dans ce commerce, et prétendent qu'en principe, deux ont le droit d'exécuter seuls un contrat qui intéresse quatre! ce qui ne sera jamais, ni vrai, ni juste. Serait-ce l'intérêt du Trésor? Mais le Trésor, élé- ment de prospérité quand ce qu'il possède est employé pour le bien commun, est cependant inférieur à la réu- nion de toutes les sources qui l’alimentent. Serait-ce, enfin , l'intérêt du genre humain, supé- rieur à celui d'une nation ?... Mais en travaillant pour elle-même, une nation travaille en même temps pour le genre humain dont elle fait partie, et sa marche en ce sens ne serait pas condamnée par un pouvoir central chargé de veiller aux intérêts de l'humanité tout entière. Ce dernier ne proscrirait que les mesures con- traires à la justice, et trouverait dans l’ordre que chaque nation cherchât, par une sage direction de son travail, à s'assurer de toutes les ressources dont elle a besoin pour exister. La vie nationale est donc à la direction du com- mere ce qu'est l'heure à l'aiguille du cadran, ce que sont les pôles à la boussole. Elle est même en général à la direction de chacune des autres parties du travail national ce qu'elle est à celle du commerce en parti- culier, et doit par conséquent, comme but commun de toutes, leur donner sous ce rapport un caraetère d'unité. Dans ce but unique se trouvent compris trois intérêts qui en forment comme les divisions naturelles : les intérêts de la défense, de l’entretien et du progrès de la vie. — 252 — La vie nationale, en effet, n'est pas inamissible : une nation peut être subjuguée; souvent la paix pour elle dépend de la puissance qu’elle aurait de résister ; elle doit donc ètre constamment en état de se défen- dre, soit sur la terre, soit sur la mer, selon que sa position le demande. De plus, les besoins auxquels l’homme est soumis sont continuels; toujours il faut subvenir à ce qu’exi- gent la nourriture, le vêtement et le logement. Enfin, l’immobilité constante n’est pas dans la na- ture des êtres vivants; qui ne croît plus re demeure pas longtemps sans décroître. Le but dont nous avons parlé contient donc aussi l'intérêt du progrès, et du progrès régulier, car un progrès désordonné d’une partie aa détriment d’une autre partie nécessaire, ou bien un progrès rapide, mais peu stable, serait con- traire à la vie nationale. De ces trois intérêts compris dans le but auquel tend une bonne direction commerciale, résulte la nature des effets que cette direction doit produire. Comme le premier de ces intérêts exige la possession constante des matières nécessaires à la défense, de l’ar- gent, des armes, des vaisseaux et des chevaux, il s'ensuit que l'accroissement ou du moins que le main- tien de cette possession doit être l’un des effets d’une bonne direction. Cette direction doit assurer en outre, autant qu'il est possible, dans la fortune nationale le remplacement suc- cessif des aliments, des bois et des matières textiles, et dans ce but empêcher de tarir les sources qui les donnent, parce que les sources constamment productives de matières corruptibles sont plus précieuses encore que 2 pie des quantités déterminées de ces mêmes matiéres, quel- que considérables qu'elles soient. Eufin, les industries qui produisent et qui élaborent les matières propres à la défense et à l'entretien de la vie nationale doivent être proportionnées aux besoins qu'elles sont chargées de satisfaire et à l'importance de la population dont elles entretiennent l’activité, et l’ef- fet d’une boune direction doit être de les développer d'une manière régulière dans les proportions les plus favorables à la conservation et au progrès de la vie du corps politique. Hâtons-nous d'ajouter que chacun de ces effets doit être obtenu de manière à ne pas détruire les deux autres, et qu'ils doivent être coordonnés entre eux dans un même but, comme le sont les trois intérêts dans lesquels ce but a été divisé. C'est pour obtenir ces effets, et pour les obtenir de cette manière, qu'une bonne direction du commerce emploie des moyens efficaces dont nous ne ferons pas le détail, mais dont nous signalerons seulement le plus important , parce qu'il est le plus vivement attaqué par la plupart des économistes modernes, Il consiste dans l’action des douanes; et l'existence de ce moyen est une conséquence de l'existence shuul- tanée de corps politiques distincts. Comme toute dis- tinction exclut nécessairement la confusion, tout inté— rêt distinct suppose des limites; et s'il est de l'intérêt particulier d'entourer d’une haie la surface d’un jar- din, il n'est pas moins de l'intérêt national d’entourer d'un cordon de douanes la surface d’un royaume. Intelligent et mobile, puisqu'il sert de limite à des substances mobiles et variées, et puisque son ac- pe tion, résultat d'un discernement, ne doit pas être la même sur toutes, ce cordon est le moyen le plus im- portant, et même le seul moyen efficace, que puisse employer un peuple pour connaître l'entrée et la sortie présumées du numéraire, la nature, les avantages et les désavantages de ses relations avec les différentes puissances du globe ; pour juger enfin, le mieux qu’il est possible de le faire, de sa situation commerciale , afin de pouvoir prendre en connaissance de cause les mesures capables de l'améliorer. L'existence de ce cordon est donc un état normal ; et quand toutes les nations du globe reconnaîtraient un pouvoir supérieur à tous les autres, à moins de cesser d'être ce qu'elles sont , c'est- à-dire des associations différentes, ayant chacune un intérêt distinct, elles seraient ou devraient être encore luitées par des douanes. Pour les faire disparaître en- tièrement , il ne faudrait rieu moins qu’une fusion gé- nérale sous un seul pouvoir, fusion que l'imagination peut ranger parmi ses rêves, plutôt que la direction du commerce parmi les probabilités dont elle doit tenir compte. Au moyen des droits qu’elle élève ou qu’elle abaisse suivant des formes dont nous n'avons pas à faire l’exa- men, au moyen de primes ou de restitutions de droits accordées à propos, cette direction favorise ou ralentit, précipite ou suspend, svit l'entrée, soit la sortie des marchandises indiquées à son action par les besoins de la vie nationale, et produit ainsi sur l'existence du corps politique des effets multipliés de la plus baute importance. Par l'entrée considérable et sans compensation de den- rées étrangères destinées à la consommation du pays, — 256— elle tendrait à nécessiter la sortie du numéraire, ré- serve si précieuse pour l'avenir, agent si puissant pour faire mouvoir à l'intérieur toute la machine industrielle; elle ralentirait, elle arrêterait d’ailleurs les mouvements de cette machine, puisqu'elle enlèverait la force de son premier moteur, les besoins nationaux, sans lui donner en compensation des besoins étrangers; elle décourage- rait l’agriculture, dont les produits ne pourraient plus se vendre avantageusement, et causerait une détresse générale, par suite de mesures prises cependant en ap- parence dans l'intérêt de l'industriel, dans l'intérêt du consommateur, dans l'intérêt du grand nombre, comme si le grand nombre n'avait qu'à consommer et rien à vendre; comme si la plupart des consommateurs ne vendaient pas, l’un son travail, soit intellectuel, soit manuel, l’autre l’usage de son argent, de ses terres, de ses maisons ; et comme si tous, vendeurs et acheteurs, loin d’avoir en réalité des intérêts opposés, n'étaient pas liés entre eux par des intérêts communs. En modérant les achats, au contraire, et favorisant les ventes avec la mesure et le discernement dans les- quels consiste son art, non seulement elle entretien- drait à l'intérieur une activité continuelle, mais elle angmenterait la richesse, la population et l’indépen- dance ; la richesse, parce qu’elle multiplierait les ca- pitaux en même temps que les produits agricoles, industriels et maritimes ; la population, parce que la statistique prouve que les départements les plus productifs sont aussi les plus peuplés ; l'indépendance, parce que ce précieux avantage appartient à la nation la plus capable de subvenir elle-même à ses besoins et à ceux des autres, la plus prète à faire face à 2,9 5 toutes les éventualités par ses hommes, son argent et ses vaisseaux. A mesure qu'elle étendrait sar tous les points du globe les diverses branches de l’industrie nationale, elle fortifierait en même temps le tronc qui les sou- tient ; elle les attacherait à celui-ci par une continuelle réciprocité de bons services ; elle maintiendrait entre toutes une telle proportion que même les plus faibles pourraient fleurir, et dirigerait la végétation de ma- nière que l'arbre iout entier, par des racines profon- dément fixées dans ie sol, par des échanges avantageux avec l'atmosphère extérieure, serait capable de résister aux orages et de répandre dans toutes les parties qui le composent le bien-être et la vie. Tel doit être selon nous le sens, tels doivent être les caractères d’une bonne direction commerciale, et c'est ainsi que toujours une dans son but, salutaire dans ses effets, efficace dans ses moyens, cette direc- tion pent produire constamment ce double et précieux résultat : conservation et progrès. Pouvous-nous espérer que le sens actuel de notre mouvement commercial conduit à ce résultat? Les effets qu'il produit vont nous répondre; s'ils sont bons, ils prouveront la bonté de leur cause. La plupart des agriculteurs, des industriels et des commerçants se plaignent du présent, redoutent l’ave- nir, et demandent au pouvoir des mesures de protec- tion qui leur sont indispensables ; quelques-uns, en- trainés par des sophismes et de trompeuses espéran- ces, déclarent indigne de vivre toute industrie qui ne peut exister sans protection; d’autres trouvent exagé- rées et les plaintes des uns et les prétentions des au- =, HR — tres; et pendant que ces diverses opinions se combat- tent, on dirait que toutes les forces du travail national se poussent et se repoussent, luttant les unes contre les autres, au lieu de prendre par la tendance vers un même but, le moyen de lutter ensemble contre les forces toujours croissantes du travail étranger. En vain chercherait-on l'unité et l'harmonie dans cette espèce de chaos; en vain y chercherait-on l’ap- plication d’une loi générale, soumettant à son empire ces intérêts divers , les dirigeant avec l'ordre dont ils ont besoin, chacun dans leur orbite, les empéchant de se nuire, et les faisant au contraire s’entr'aider, et graviter vers un centre commun, vers la prospérité na- tionale. Au lieu de cet utile concert, de ces mouvements réguliers, ce qui se montre, c'est une confuse agita- tion , triste symptôme d'un malaise général , d’une souf- france réelle. Car en admettant que plusieurs plaintes soient exa- gérées, toutes sont loin de l'être, et si beaucoup d’in- dustries ne se sentaient pas atteintes d’un mal profond, elles ne feraient pas tant d'efforts pour s'en délivrer. Les débouchés leur manquent, et, pour elles, nous l’a- vons vu, les débouchés sont une condition d'existence; c'est l'air indispensable à la vie; privées peu à peu de cet élément nécessaire à l’action régulière de leurs for- ces, elles s’agitent comme l'oiseau sur le point d'expi- rer sous le récipient de la machine pneumatique. Comment n'en serait-il pas ainsi? Depuis quelques années, l'agriculture et l'industrie étrangères versent à flots leurs produits sur notre sol ; et, sans énumérer tous les produits exotiques dont l'importation a considérable- 17. — 258 — ment augmenté, il nous suflira d'en considérer seule- ment quelques-uns, pour reconnaitre déjà, sous plu- sieurs rapports, toute l'importance de ce mouvement. L'importation des fils de lin et des fils de chanvre, pour le commerce spécial, étcit : En 1836 , de 11 millions 800 mille francs. 4837, — 4% — 00 bus 1858, LA Ne 8 in 1850006 NP PTO0 1840, — 27 2 1 300 das 4841, — A0 — 100 DE Leo A 00) Be L'importation des fils de lin de l'Angleterre en France n'était, en 1832, que de 306 quintaux ; elle fut de 3,255 quintaux en 1833, augmenta ensuite sans inter- ruption d'année en année, et finit par atteindre en 1841 le chiffre de 91,885 quintaux, équivalent à 37 millions de francs. À cette importation de fils, il faut joindre celle des tissus de même nature, importation de 21 millions 900,000 francs en 1836, de 23 millions 500 mille francs en 1842, s’élevant, année moyenne, pendant cette période de sept années, à 21 millions 200 mille francs. Ce n'est pas tout. L’étranger, il n'y a pas long- temps, nous achetait du lin brut, en tiges, en étou- pes et peigné, et maintenant il nous en vend plus qu'il ne nous en achète; ses ventes, en 1842, se sont élevées à 3 millions 900 mille francs, tandis que ses achats n'ont pas dépassé 900 mille francs. Ce changemènt est considérable; sommes-nous donc — 259 — forcés de l’accepter comme une invincible nécessité? Nul doute que ce ne soit une ambition déraisonna- ble chez un peuple de vouloir soutenir la concurrence avec tous les autres, sur tous les points du globe et pour toutes les matières; mais quand il s’agit de pro- duits que son sol peut fournir, quand il s’agit d’une industrie dans laquelle il s’est montré d’une habileté remarquable, quand il s’agit surtout de sa propre con- sommation, jamais ce peuple ne doit abandonner la lutte, car alors il y aurait non seulement de la perte, mais même de la honte à succomber. Le gouvernement l’a compris. Une ordonnance royale du 26 juin 1842 augmente les droits d'importation sur les fils de lin et les fils de chanvre, et le tarif pré- senté récemment aux Chambres maintient cette augmen- tation; mais cette mesure, toute sage qu'elle est, ne suffit pas pour protéger les fils français autant qu'il est indispensable de le faire. Nous voyons, en effet, que, malgré cette augmentation de droits, 15,367 quintaux de ces fils étrangers sont entrés en France pendant les deux premiers mois de 1843, et 16,795 quintaux pendant les deux premiers - mois de 184, quantités inférieures, chacune séparé- ment, aux 20,749 quintaux entrés pendant les deux premiers mois de 1842, mais égales au moins, toutes deux ensemble, à la quantité totale des fils entrés pen- dant tout le cours de l’année 1836, et suffisantes déjà pour faire prévoir une importation d'environ 30 à 35 millions de francs pour chacune des deux années 1843 et 184. Pensez-vous qu’une semblable importation ne se fait pas aux dépens du travail national, qui pourrait IA. — 260 — faire sortir de la terre, filer, blanchir et tisser ces fils que nous achetons à l'étranger, sans que notre commerce d'exportation l'exige? car en 1836, lorsque l'importation des fils était de 11 millions 800 mille francs, notre exportation de tissus s'élevait à 31 mil- lions 100 mille francs ; tandis qu’en 1842, lorsque l’im- portation des fils seulement s'élève à 45 millions 900 mille francs, notre exportation de tissus n’est que de 20 millions, inférieure même à ce que nous avons reçu en tissus de même espèce pendant le coars de cette année. (C’est donc la France qui consomme la plus grande partie de ces fils étrangers, au préjudice de son industrie, au préjudice de son agriculture, si souf- frante déjà de l'introduction des fruits oléagineux. Après avoir présenté pendant cinq années, de 1836 à 1810, une valeur moyenne de 24 millions 200 mille francs, l'importation de ces fruits atteignit 49 millions 500 mille francs en 1841, et 57 millions 500 mille francs en 1842, indépendamment d’une importation annuelle et moyenne, pendant ces sept années, de 27 millions 100 mille francs d'huile d’olive. L'importation de l’huile et des fruits, pour 1842 seu- lement, est de 83 millions 200 mille francs. Et sur cette masse nous avons exporté : En graines oléagineuses, 2 millions 500 mille francs, En huile d'olive........ 4 — 700 _ Reste 79 millions. Certainement l'industrie fait sortir sous d’autres for- mes une partie de cette huile; certainement l’agricul- ture emploie pour ses semailles une partie de ces graines ; . . \ . mais ces parties ne sont pas assez importantes pour “à — 261 — produire dans l'importation dont il s’agit un semblable accroissement. La graine de sésame, d’ailleurs, entre pour beau- coup dans cet accroissement, et fait un tort considé- rable à la culture de l'olivier dans plusieurs départe- ments du Midi, comme à la culture de l’œillette et du colza dans les départements du Nord. Résultat qui ne doit pas surprendre, si l’on consi- dère que l'olive ne rend que 25 p. 0/0 de son poids, tandis que la graine de sésame rend 50 p. 0/0, et four- nit une huile qui se méle parfaitement avec celle d’o- live, et sert pour la table, pour l'éclairage et pour la fabrication du savon. Aux fruits oléagineux , aux fils de lin et aux fils de chanvre nous pourrions ajouter d’autres matières dont l'importation a considérablement augmenté, et dont quelques-unes mêmes, très-importantes par leur prix, ne sont, par l'usage que l'on en fait, que d’une bien faible utilité; mais sans nous engager dans un détail qui ne nous parait pas nécessaire, nous rechercherons de suite ce qu'obtient la France en compensation de cette importation progressive , ce que devient sa posi- tion vis-à-vis des principales puissances, et ce que nous indiquent, par conséquent, touchant cette position, les balances commerciales, tout éloignées qu'elles sont de la vérité. Nous disons, tout éloignées qu'elles sont de la verité, parce que ces balances sont établies d'aprés des prix officiels, toujours les mêmes, et non d’après les prix réels, et parce qu’en les supposant parfaite- ment exactes par rapport aux prix et aux quantités, elles ne seraient encore que des éléments à combiner — 262 — avec d’autres pour former la balance vraie, balance dont on peut résumer l'avantage ou le désavantage, dont on peut approcher plus ou moins selon le soin que l’on prend de ne rien omettre dans ses calculs, mais dont il est impossible de déterminer l'importance avec une précision rigourense. En ne considérant que les balances de 10 millions et au-dessus pour le commerce spécial et pour l’année 1842, nous trouvons que sur douze puissances, trois seulement nous donnent des balances favorables, et neuf des balances défavorables. Les premières sont : Les villes hanséatiques .. 10 millions 400 mille francs, La-Sütése.. ......, sus TO ee SU — l'Espagne... > 27 — » — Et les secondes : L'association allemande.. 10 — » = La Suède et la Norwège.. 16 — » — La Turquie.........….. 49 — 500 — Les Etats Sardes....... 20 — » — L’Angleterre....... UN AUS » — Les Indes anglaises. .... 22 — 400 — DAPRNBBIE. «6 ee deu je » — La Belgique......... .. 44 — » — Les Etats-Unis. ......., 87 — » _ Balances considérables, surtout pour ces deux der- nières puissances. Les Etats-Unis, qui nous présentent pour 1842 une balance défavorable de 87 millions, nous offraient, pour les cinq années précédentes, une balance moyenne — 263 — défavorable de 2 millions 500 mille francs, et pour 1836, une balance favorable de 79 milllons, ce qui donne 166 millions pour la différence entre les deux années 1836 et 1842, différence que l’on ne peut attribuer unique- ment au tarif américain de 1842. De son côté, la Belgique qui aurait plus à souffrir que nous de l'interruption de nos rapports commer- ciaux , la Belgique que nous favorisons par nos tarifs d’une manière exceptionnelle, non contente de son em- pressement à faciliter l'entrée des soieries de Prusse et des vins du Rhin, après une convention récente , a doublé, l'année dernière, ses droits d'entrée sur nos mérinos, nos stoffs et nos mousselines de laine. Vous voyez que notre situation vis-à-vis des princi- pales puissances s'accorde avec l'importation croissante de plusieurs matières, pour nous fournir déjà sur le sens du mouvement commercial de très-fortes probabi- lités; probabilités dont on pourrait même se contenter pour la solution de notre problème, s'il n'existait pas un moyen d'arriver à la certitude en considérant notre situation d’une manière plus générale. La tendance à généraliser que l'on a blämée dans plusieurs économistes , devrait au contraire, ce nous semble, leur attirer de justes éloges. Il nous paraît impossible en effet de bien juger de la situation finan- cière et commerciale d’un peuple, si l'on ne prend le parti de la considérer dans son ensemble et d’après les documents les moins incomplets qu'il soit possible d’ob- tenir, rien n'étant plus capable d'induire en erreur que des fragments de compte et d'inventaire. Pour qu'un inventaire füt parfait, il faudrait qu'il représentât fidélement toutes choses considérées dans — 264 — un même moment. Sans l'unité d'époque, tous les rap- ports disparaissent, et le tableau que lon fornie n'offre plus que confusion. Mais si la perfection dans un tableau si vaste ne peut jamais se réaliser, elle doit cependant se montrer à la pensée comme un but dont il faut s'approcher autant qu'il est possible ; et tout en rendant justice à l'ordre qui règne dans les tableaux publiés chaque année par l'administration des douanes, rous voudrions néanmoins les voir plus près de l'état complet , surtout en ce qui concerne les comptes coloniaux. Les documents fournis par ces tableaux peuvent ce- pendant conduire à la vérité que nous cherchons. Ils nous apprennent que les exportations du com- merce général effectuées pendant treize années, du 34 décembre 1826 au 31 décembre 1339, se sont élevées HALO LAINE EU ........ 9 milliards 700 millions, et les importations à........ 9 — 366 — Différenee.... ..... » — 334 millions. Ce qui donne, pour chacune de ces treize années, une balance moyenne favorable de 25 millions 700 mille francs. Certainement, dans cet intervalle, la lutte commer- ciale n’a pas eu lieu sans une alternative de succès et de revers; mais les balances défavorables ont tou- jours été surpassées; rarement elles se sout présentées deux fois, et jamais trois fois de suite. Pendant les trois années suivantes, au contraire, les balances ont été constamment défavorables. — 265 — Les importations du commerce général ont été de......... ... à milliards 345 millions, et les exportations de..... .., 3 — 17 — Différence Les ni » — 298 millions. EE Ce qui donne, pour chacune de ces trois années, une balance moyenne défavorable de 99 millions 300 mille francs. Un changement dans le même sens, et cela devait être, s’est manifesté à la même époque dans le mouvement du commerce spécial; car de 1836 à 1839 , nous avons pour ce commerce une balance moyenne favorable de 9 millions 800 mille francs, et de 1840 à 1842 une ba- lance moyenne défavorable de 99 millions 600 mille francs. Résultat qui serait plus défavorable encore si l’on retranchait du montant des exportations ce que le tré- sor public a dû payer pour les envois en Algérie d’ob- jets destinés à l’approvisionnement de l'armée. Vous le voyez, il ne s’agit plus ici d’un simple mou- vement d'oscillation excité peut-être par le cours du change ; il s'agit d'une déviation, d'une espèce de ré- volution dans le mouvement commercial , révolution trop récente pour que nous en cherchions la cause dans la teneur d’anciens traités. En présence de deux mouvements s’opérant de la sorte en sens contraire, n'est-il pas raisonnable de demander lequel vaut mieux pour l'intérêt national? Si l’un est avantageux, l’autre ne l’est pas, il faut choisir. Prétendra-t-on que l'un et l’autre sont bons, et qu'ils ne différent dans leurs degrés de bonté qu’en raison de leurs degrés d'importance? — 266 — S'il en est ainsi, qu'on cesse de se livrer sur la fixa- tion des droits à de longues dissertations, que l'on brûle les tarifs, que l’on supprime les bureaux de douane, et que l’on congédie cette armée d’employés qui veillent sur nos frontières; alors l'importance du mouvement quel qu'il soit, l'unique mesure du succès commercial, augmentera de telle sorte que l'on verra bientôt parvenir à son apogée ce que l'on appelle la prospérité publique. Nous savons trop ce que deviendrait une prospérité de ce genre pour ne pas la redouter. Dira-t-on que l'abondance du numéraire et la baisse du taux de l'intérêt sont incompatibles avec l'existence d’un mouvement commercial défavorable ? La question n’est pas résolue. Nous n’examinons pas, en effet, si l’état plèthorique dans lequel semble actuellement se trouver la France par rapport au numéraire est apparent ou réel, géné- ral ou local; si, pendant que plusieurs villes regor- gent de fonds, d’autres n’en éprouvent pas le besoin; si les capitaux dont on paraît embarrassé nous appar- tiennent tous; si la stagnation de plusieurs industries ne tend pas à multiplier les capitaux oisifs; nous sup- posons cette abondance réelle et générale ; nous sup- posons même qu'elle est en partie l'effet du commerce, et nous reprenons notre dilemne. Cette abondance ne peut pas être en même temps l'effet des années antérieures et l'effet des années pos- térieures à 4840, puisque, depuis cette époque, le mouvement commercial qui se faisait dans un sens s'est fait en sens contraire. On ne concoit pas comment elle pourrait être l'effet — 167 — des dernières années; car alors il faudrait admettre que les premières ont produit dans le numéraire une ra- reté progressive, ce que l'expérience dément; il fau- drait admettre que cette rareté, si toutefois elle avait eu lieu, a trouvé tont à coup une compensation plus que suffisante dans l'effet des dernières années, com- pensation qui ne pouvait avoir ni cette promptitude, ni cette surabondance ; il faudrait admettre enfin que nous sommes devenus pauvres de capitaux en vendant, et d'autant plus riches en espèces que nous avons plus acheté de marchandises, conséquence repoussée par le bon sens, ce maître des affaires selon Bossuet. Ce serait, par conséquent, au mouvement antérieur à 1840 qu'il faudrait atribuer en partie l’abondance des capitaux, comme l'existence du travail et de la pro- duction intérieure avant cette époque, travail et pro- duction qui sont des conditions d'existence. Le sens du mouvement actuel, qui tend à diminuer ces con- ditions , en même temps que l'avantage des échanges, nest donc pas favorable aux intérêts français. Triste vérité, nous l’avouons! mais ne pas la recon- naître serait plus triste encore; car comment guérir un mal, si l'on ne croit pas qu'il existe, et si, loin de croire à son existence, on prend au contraire les symptômes qui l’annoncent pour des signes de force et de santé ? Au reste, Messieurs, qu’il nous soit permis en finis- sant de réduire à sa plus simple expression la question qui nous occupe. l Qu'a-t-on dit du mouvement commercial? Qu’avez- vous entendu dire, vous-mêmes ? Que dit-on encore tous les jours? N'est-ce pas: — Nous faisons beaucoup d’af- — 268 — faires; nous faisons des affaires de plus en plus im- portantes ; donc, nous sommes dans une voie de prospérité. Que sommes-nous venu dire? — Pour être dans une voie de prospérité , il ne suffit pas de faire beaucoup d’affaires, il faut encore que ces affaires soient bonnes ; examinons si celles que nous faisons présentent ce caractère. Simple passager sur le navire de l'Etat, mais inté- ressé comme tous ceux qui sy trouvent au bon succès de la manœuvre, nous avons jeté les yeux sur le jour- nal du bord, et, nous apercevant que l’on changeait de route, le but du mouvement restant le même, nous avons pensé quil était dans l'intérêt commun de signa- ler ce changement à des hommes plus éclairés que nous, afin que les deux routes fussent comparées et la meilleure discernée. Vous connaissez notre choix et nos motifs. Sommes- nous dans la vérité? sommes-nous dans l'erreur ? .. Vous jugerez. Si notre travail n'obtient pas vos suffrages, (les réu- nir tous sur un travail de ce genre nous paraît pres- que impossible ,) il n'en sera pas de même, nous l’es- pérons, de l'intention qui nous l’a fait entreprendre. Cette intention prend sa source dans ur sentiment que vous partagez tous, dans un sentiment dont l'expres- sion ne peut manquer de rencontrer un écho dans vos âmes, dans l'amour de notre pays, dans le désir de voir toujours grande, heureuse et florissante, aussi tranquille au dedans que respectable au dehors, une nation généreuse accoatumée depuis longtemps à mar- cher la première à la tète du monde civilisé. MÉMOIRE SUR LES LAINES, Par M. DAVELUY. Messieurs, L'un de nos plus laborieux collègues vous a fait, il y a quinze jours, une lecture à l’occasion du congrès tenu à Senlis par les producteurs de laine, et a posé diverses questions qu'il importe de ne pas laisser sans réponse, puisqu'elles soulèvent un des plus importants problèmes d'agriculture et d'industrie, et que la solu- tion qu'on lui donnera peut porter un grave préjudice à l’une ou à l’autre de ces deux nourrices de la France. On regarde trop souvent, selon moi, ces questions comme un procès à juger entre deux parties conten- dantes, et on cherche un principe de justice à appli- quer. Ce point de vue me paraît faux. Ici, selon moi, tout est licite. Dans la question des laines qui nous occupe le gouvernement peut augmenter le droit, il peut le diminuer, dans l’un comme dans l’autre cas, la justice ne sera pas blessée, Mais de graves intérêts — 270 — peuvent être, par la mesure adoptée, gravement com- promis, il faut donc distinguer, dans la complication des intérêts particuliers, ce que l'intérêt général, c’est- à-dire , l'intérêt bien entendu, l'intérêt à venir, et non l'intérêt du moment, réclame pour la prospérité future de l’agriculture ‘ét de l’industrie. Car, il ne faut pas se le dissimuler, la mesure à prendre peut froisser l’in- térêt présent, soit de l’industrie, soit de l’agriculture ; mais il faut que le dommage porté ne soit pas fait en pure perte, il faut servir un intérêt plus puissant ou plus durable. C’est de ce point de vue que je crois de- voir envisager la question. Disons d’abord que l’industrie lainière, est, suivant tous les économistes, une industrie placée dans les con- ditions les plus favorables en France pour la prospérité générale. Elle emploie un produit du sol français, ce sont des mains françaises qui le transforment, ce sont des Français qui le consomment, au moins pour la plus grande partie. Cette indastrie est donc bien précieuse pour la France, puisqu'elle sert merveilleusement l'in- térêt général. Je crois que cette proposition est par elle- même tellement évidente, qu’il est absolument inutile de la prouver. Cette industrie est incomparablement pré- férable à celle des cotons, dont la matière première ne peut pousser sur le sol français, elle est même pré- férable à celle des soies qui est en très-grande partie tributaire de l'étranger, elle est même, par son impor- tance, au-dessus de celle des lius qui est à peu près dans la même condition. Je ne parle pas du sucre de betteraves qui en est à se débattre sous le coup de massue qui lui ,causera la mort, au moins dans tous les pays qui ne sont pas dans une condition très-favo- rable de production. L'industrie lainière méritait donc bien, qu’au besoin l’ou fit pour elle quelques sacrifices, car si elle dégénérait, si jamais elle périssait, ce se- rait pour tout le pays, pour l’agriculture elle-même, un immense préjudice. Le inarché de France donne, pour la laine, le cours le plus élevé du monde entier. Le producteur de laine fançais a donc le plus grand intérêt à se conserver un débouché aussi précieux. Jetons maintenant un coup d'œil sur ce qui s'est passé en agriculture et en industrie re'ativement à la laine. C'est en 1786, à l’époque du fameux traité de com- merce avec l'Angleterre, que Louis XVI forma, avec des brebis obtenues du Roi d'Espagne, le troupeau-mo- dèle de Rambouillet. En 1799, lors du traité de Bâle, un nouvel envoi de troupeaux espagnols permit de fonder six succur- sales de cet établissement, et Napoléon, qui suivit la même idée et se trouva dans des circonstances encore plus favorables pour en tirer partie en faveur de la France, porta, en 1811, jusqu’à 60 le nombre de ces succursales. C’est à la même époque de 1786 que l'Elec- teur de Saxe a formé le magnifique troupeau électoral dont les laines sont, à juste titre, si renommées dans le commerce. Quant à la France, elle possédait, en 1813, une très-grande quantité de laine de la plus belle qualité, elle n'avait pas alors de rivale. C'est à partir de cette époque que les laines ont commencé à jouer un grand rôle et dans l’agriculture et dans l'in- dustrie. Alors on élevait des troupeaux uniquement pour les avantages que donnait la vente des laines, et j'ai connu des fermiers qui payaient la presque totalité de = 9 = leur fermage avec le prix de leurs laines. Cet état de choses ne fut que momentané. En 1814, l’agriculture sollicita l'autorisation de faire sortir de France non seulement les laines, maïs l’ani- mal qui la produit. Le gouvernement l’accorda. Aussi- tôt l'Allemagne , la Belgique, l'Angleterre , profitèrent de cette mesure, et introduisirent chez eux les races mérinos et les races croisées qui font aujourd’hui une si redoutable concurrence à notre agriculture, que M. de Turenne n’a pas craint de dire à Senlis que ce serait une folie de chercher à la soutenir. J'avoue que je ne pus alors m'empêcher de gémir pro- fondément de l'imprudence avec laquelle la France se dépouillait en faveur de nos voisins du précieux trésor de ses laines. Ce n’était certes pas dans un sentiment d'hostilité contre l’agriculture, maïs il me semblait déjà voir notre industrie s'emparant de ces laines uniques dans leur genre, en former des tissus nouveaux, en- vahir tous les marchés où nul ne pourrait présenter au luxe des étrangers des produits aussi variés et aussi élé- gants. Si à cette époque le gouvernement se fut refusé au vœu des agriculteurs, ils auraient jeté les hauts cris, ils auraient dit qu'ils ne pouvaient rien obtenir dans leur intérêt et qu’on préparait leur ruine. Il est cependant bien évident aujourd’hui que l'intérêt de l’a- griculture et de l’industrie qu’on regardait alors comme opposé, était au fond et dans la réalité le même, et qu'on sacrifiait à l'intérêt du moment l’avenir de l'in- dustrie et de l’agriculture. Je suis bien loin de vouloir récriminer contre les producteurs de laines, mais quand ils viennent aujourd'hui demander une augmentation de droit de 11 p. 0/0, je ne puis m'empêcher de leur ER dire : vous n'avez pas toujours été fort celair-voyants, même dans votre intérêt, les mesures que vous avez provoquées ont quelquefois tourné contre vous, ne pour- rait-il pas en être encore de même aujourd'hui? Ne vous étonnez pas si nous croyons prudent d'examiner. Les producteurs de laines, reunis à Compiègne en 1842, à Senlis en 1843, ont réclamé ce droit de 14 p- 0/0 comme leur étant absolument nécessaire, sans lui la race ovine va s'épuiser en France, les engrais vont subir une notable diminution, l'avenir de l'agri- culture est compromis, et partant celui de la France. La première chose qui me frappe ici, c’est que MM. les producteurs de laine sont encore dans les iné- mes idées qu'avant 1814. Ils ne voient que la laine dans le mouton, tons les autres produits leur parais- sent peu de chose. Cependant, depuis 1814, le sol à considérablement augmenté de valeur, les fermages son beaucoup plus élevés, ce n'est pas la laine qui a donné ces valeurs, ce sont tous les autres produits de la terre obtenus par les engrais. Donc, les engrais ont beau- coup augmenté de prix. La viande aussi est plas chère qu'à cette époque. Ainsi, comme le mouton ne produit pas seulement de la laine, mais bien aussi de la viande, et le meilleur, le plus fécondant des engrais, il faut que ces deux produits entrent dans la balance, non plus pour le prix ancien, mais bien pour le nouveau. D'un autre côté, tandis que ces produits angmentaient de valeur, la laine perdait de la sienne parce que la production en est devenue beaucoup plus considérable. L'Allemagne, au commencement de ce siècle, n'ex- portait que 5,000,000 de livres de laine environ, en 1836 elle a fonrni, au commerce extérieur, 32,000,000 ÿ 18. C) — 274 — de livres, depuis, le chiffre s’est encore élevé. L'Arr- gleterre qui, pendant plus de 150 ans avait empêché la sortie de ses laines, a, depuis 1825, abaissé la bar- rière que ses douanes avaient élevée, et aujourd’hui notre industrie peut s'emparer des avantages que pré- sentent les toisons anglaises. Partout, sauf peut-être en Espagne, les troupeaux se sont multipliés, mais nulle part avec une aussi grande rapidité que dans les colonies anglaises de l'Australie ; là le succès a été vraiment prodigieux. En 1836 elles fournissaient déjà 6,000,000 de livres de laine, ct aujourd'hui elle a de beaucoup dépassé ce chiffre. L'industrie lainière n’est pas restée en arrière dans ce mouvement, elle a su prendre ses avantages sur d’autres industries rivales, et a fait sur le coton de véritables et heureuses conquêtes. La consommation de la laine a par suite considérablement augmenté , et cer- tes, l’agriculture française ne peut que s’en applaudir. Mais aussi en présenee de cette production de la laine, les prix peuvent-ils se maintenir à leur ancien taux? La chose me paraît impossible. La baisse de la laine se trouve compensée , chez le cultivateur, par d'autres avan- tages, mais s’il voulait, forçant le cours naturel des choses, maintenir le cours de la laine en France à un taux exagéré par des moyens factices , il perdrait bientôt les avantages obtenus; et celui qu'il poursuit s'échap- perait de ses mains comme une ombre. En effet, le droit de 11 p. 0/0 d'augmentation qu'on sollicite ne peut avoir, au moment même, que deux résultats, la hausse du prix de la laine, ou le sfatu quo. Mais il peut avoir dans un avenir, qui ne serait pas fort éloigné, un résultat bien autrement funeste, — 275 — ce serait la baisse de la laine en France, dont le mar- ché perdrait son taux élevé et ne laisserait au produc- teur français que les cours du marché étranger. Je m'explique. Le cours de la laine en France est le plus élevé du monde connu; nous l'avons dit et c’est vrai. Les grandes consommations de laine sont aujourd'hui en Angleterre et en France. L’Angleterre n'importe pas moins de 20,000,000 de kilogrammes de laine dont 18 millions de de l’Allemagne. Ses colonies d'Australie peuvent en très- peu d'années lui fournir, sinon la totalité, du moins la plus grande partie, les projets de M. Gladstone, développés nouvellement, ne nous laissent guères au- cun doute à cet égard. Supposons donc que ce qui est probable arrive. L'Allemagne n'aura d'autre emploi de ses laines que sa propre consommation et le marché fran- çais. Le droit de 33 p. 0/0 fera done baisser la laine en Allemagne à un taux qui lui permettra la vente en France. Ainsi, pas de bénéfice pour les producteurs de laine. Mais aussi quel immense avantage pour l’indus- trie allemande qui va trouver sous sa main une matière première à bas prix. De là, des progrès qui peuvent être très-rapides, aux dépens de qui? de l’industrie fran- caise. Elle luttera, mais c'est à forces inégales, sa ri- vale remportera sur elle chaque jour de nouveaux avan- tages. Les anciens établissements français redoubleront d'efforts, ils sacrifieront leurs anciens bénéfices, mais quand la carrière ne mène plus à la fortune, la foule se porte bientôt sur une autre route. Il ne se formera plus de nouveaux établissements. Ceux existant dépé- riront et l'industrie lainière en France aura fait son temps. 18.* __ 26 — Ce n'est pas là, Messieurs, un tableau d’imagina- tion. C’est l’histoire du commerce dans les divers pays qu'il a successivement parcourus et enrichis, ne hàtons pas le moment où la France doit perdre les avantages qu'il ne manque jamais d'apporter avec lui. L'Allemagne, dans la situation nouvelle où l’union de ses douanes la place, va nous faire déjà une assez redoutable con- currence, sans que nous venions lui donner des armes contre nous. Cherchons à nous défendre des attaques que va nous livrer son industrie naissante, mais pleine de vigueur, de celles que l'Angleterre, notre plus an- cienne et notre plus terrible rivale, continuera de nous faire, et si nous ne pouvons avoir dans la lutte un avantage marqué, tàchons au moins de conserver notre position. Ce sera déjà assez difficile, car tout change autour de nous, et dans cette vicissitude des choses hu- maines il faut aussi soi-même changer. Voyons donc ce que fait l’agriculture dans les pays voisins, cet examen nous conduira à apprécier ce que la nôtre aussi doit faire pour ne pas se trouver tout à fait en dehors du mouvement, cette position n'est pas tenable. Je commencerai par avouer que l’agriculture a sou- vent formé des plaintes très-légitimes auxquelles on n'a pas fait droit, et que, selon moi, le gouvernement au- rait dù satisfaire. Ainsi, elle a été frappée dans la cul- ture de la betterave, peu protégée dans celle des lins, -et tout récemment encore ses doléances sur l'introduc- tion de la graine dans le Midi, introduction faite presque sans droit, qui porte un coup terrible dans les con- trées méridionales à la culture de l’olive, comme à celle de l’œillette dans le Nord, sont on ne peut plus jus- tes et dignes d'être écoutées. Je sais encore que notre — 277 — système hypothécaire lui est très-défavorable, qu'elle ne peut emprunter qu'à des taux ruineux, et certes, si j'y pouvais quelque chose, je remédierais de tout mon pou- voir à ses souffrances, je m'efforcerais de lui fournir les moyens de perfectionner ses méthodes et d'arriver à un état plus prospère. Mais ses plaintes sur la dé- préciation de ses laines sont elles aussi dignes de l’at- tention du gouvernement? Telle est la question qui nous occupe aujourd'hui et à laquelle je dois répondre au moins en général, mes connaissances ne me per- mettant pas de descendre dans un grand détail , et en- core je ne vous présente mes idées qu'avec défiance puisque je marche dans un pays qui m'est peu connu. Je remarque d’abord que dans la Belgique, suivant M. Moll, la production de la laine n'est qu'accessoire, le but principal, dit-il, est la production de la viande et des engrais. C'est pour atteindre ces deux buts qu'on élève des bestiaux. Cependant, ajoute“t-il, quelques propriétaires ont tenté d'améliorer leurs laines pour ven- dre leurs élèves en France où l'amélioration est payée. Ici, Messieurs, deux remarques à faire. D'un côté le producteur belge poursuit un autre but que le cultiva- teur francais, il fait l’accessoire de ce que l’autre re- garde comme principal, et de l’autre il trouve que l'amé- lioration est payée en France, lorsque nos producteurs se plaignent qu'elle est totalement dépréciée. Ainsi, en- tre eux opposition complète. Ce qu'il y a de certain, c'est que l’agriculture belge est dans un état de pros- périté, je désire de tout mon cœur que la route suivie par nos agriculteurs ne les conduise pas à des résultats également opposés. Dans le Wurtemberg, c'est toujours le même M. Moll — 278 — qui parle, on a reconnu l'avantage des croisements de béliers anglais avec des mériaos et des métisses. Les produits en laine sont les mêmes , et sous le rapport de la boucherie il y a grand avantage. Les possesseurs de troupeaux fins n'hésitent pas à sacrifier nn peu de la finesse de la laine pour arriver à un plus grand poids des toisons et à un aggrandissement de la taille. Ecoutons maintenant le président du Comice agricole de Péronne, M. Dermigny, il vous dira, qu'il n’est guères partisan du croisement du bélier anglais avec la brebis espagnole, qu'il vaut mieux chercher à perfec- tionner les laines fines que de nombreux sacrifices et des soins de 40 ans nous ont données. Il serait diffi- cile, ce me semble, de trouver une contradiction plus parfaite. D’où peut-elle venir? La position de nos agri- culteurs est-elle donc toute différente de celle de nos voisins. Ecoutons encore M. Moll. Voici les conclusions qu'il tire de ce qu'il a vu dans un voyage entrepris par ordre du gouvernement en Suisse, en Allemagne et en Belgique. Il tronve que ie prix de la viande est dans ces pays de 1/6 à A/5% environ plus bas qu’en France; et le prix du fourrage de 1/8 à 1/7, Quand au prix de la laine à qualité égale, il est inférieur et même de beaucoup. Cependant, surtout en Allemagne, le nombre des troupeaux augmente. Comment peut-il se faire qu'avec une protection de 22 p. 0/0 sur la laine, une plus value de 15 à 20 p. 0/0 sur la viande, nos agriculteurs ne puissent pas compenser 12 à 14 p. 0/0 de plus que leur coûte le fourrage ? Si maintenant j'examine ce qui se passe en Angle- terre; j'y trouverai une culture plus dispendieuse, à coup sûr, que la culture française. De 1660 à 1825, — 279 — l'exportation de la laine a été prohibée, jusqu’en 1802, aucun droit n'a empêché les laines étrangères de venir faire concurrence aux laines du pays, après plusieurs droits plus ou moins forts établis à l'entrée, depuis 1825 les laines au-dessous d'un schilling paient 4/2 denier par livre, et 1 denier sur celles au-dessus d’un schil- ling. A entendre nos producteurs de laine, un tel état de choses serait intolérable, et la race ovine aurait du être complètement détruite en Angleterre. Cependant en 4829 on y comptait 32 millions de moutons ; la France en 1840 en avait, suivant M. Moll, 32,151,430 ; sui- vant d’autres, 36 millions. L’Angleterre a de superficie 90,950 milles carrées et la France 154,000 milles. Les toisons, en Angleterre, pèsent de 1 k.5à 3 k. 5, en moyenne 2 k. 5. Elles valent de 1 fr. 50 c. à 3 fr. 50 c. le kilogramme, en moyenne 2 fr. 50 c. Elles rappor- tent donc aussi en moyenne 6 fr. 25 c. au cultivateur. Cependant en Angleterre tout est généralement plus cher qu'en France, mais la laine y fait exception. Son prix u’est guères que la moitié de celui de France, et cet état de choses n’est pas nouveau. Nous voyons qu’en 4786, lors du famenx traité de commerce, les fabri- cants français se plaignent de ne pouvoir soutenir la concurrence des Anglais, qui ont une laine meilleure que la leur et à moitié prix, alors 15 sols en Angle- terre, 30 sols en France. A Senlis, on a avancé que le mouton produisant 7 fr. par toison mettait l’éleveur en perte au moins de 2 fr. 50 c. par an. De tout ce qui précède, et sans entrer, comme Je vous l'ai dit, dans un détail où je pourrais fort bien m'égarer, vu mes faibles connaissances en agriculture, ne peut-on pas conclure, avec quelque apparence de — 2860 — raison, que nos producteurs de laine font erreur dans leurs caleuls, puisqu'ils se trouvent en contradiction avec tous les producteurs de laine qui nous environ- nent, qu'ils marchent très-probablement dans une autre route que celle suivie par nos voisins. Et comme nos voisins réussissent, tandis qu'eux jettent des cris de détresse, ne doit-on pas naturellement conclure qu’ils ne suivent pas une bonne direction; car je ne voudrais pas dire qu’ils se plaignent à tort. Ces réflexions que j’abrège, car je ne veux pas abu- ser trop long-temps de votre indulgence, nous con- duisent à conclure qu'un droit de 22 p. 0/0 est assez élevé pour protéger notre agriculture contre la concur- rence de l'étranger. Oui, dira-t-on, mais ce droit est illusoire , on ne le paie pas, la fausseté des déclara- tions l'élude, et l'administration des douanes n’a dans le droit de préemption qu'une arme inutile, puisqu'elle ne saurait en faire usage sans se mettre elle-même en perte. Voici ce qui a été dit de plus positif à Senlis sur ce sujet. Sur les fausses déclarations, on a dit, qu'une valeur déclarée de 46 millions était en réalité de 70 millions, qu'on avait déclaré une valeur de 34 p. 0/0 au-dessous de ce qu'on aurait dù. C'est le dire de M. Cordier. M. Dommier ajoute que la préemption ne peut se faire que lorsqu'il existe sur les valeurs dé- clarées par les importateurs, des différences d’au moins 30 p. 0/0 de la valeur réelle. Tout le monde veut que la préemption soit efficace, dit-il, et par le mode ac- tuellement suivi, elle ne l’est pas. Or, il me semble qu'il y à une contradiction manifeste entre ces deux opinions. Car si en moyenne les déclarations sont de 34 p. 0/0 == 98h — au-dessous de la valeur, on peut préempter, sans crainte, puisqu'on peut le faire quand il y a 30 p. 0/0 de dif- férence. Mais, s'il faut dire la vérité, je pense qu'il y a erreur dans les deux opinions. Les déclarations ne sont pas de 34 p. 0/0 au-dessous de la valeur réelle, et il ne faut pas à la douane une différence de 30 p. (0 pour préempter. Le même M. Cordier dit que les im- portateurs ont une marge de la moitié de la valeur réelle des laines importées, latitude provenant de l'o- bligation imposée aux douanes de payer 10 p. 0/0 au- dessus de la valeur déclarée, et de payer comptant. Vous voyez, Messieurs , comme toutes ces opinons se heurtent et combien il faut qu'elles s’éloignent de la vérité. Tous ces calculs, au surplus, sont pour en re- venir à démontrer que le droit de 22 p. 0/0 est insuf- fisant. Cependant ce droit est l’équivalent de 50 p. 0/0 en faveur du producteur français, et pour le prouver, je me servirai des allégations de M. Cordier lui-même. Si on excepte quelques laines très-fines et en petite quantité qui nous viennent de l'Allemagne, celles que nos fabriques d'Amiens et environs font venir sont gé- néralement en moyenne du prix de 5 fr. à 6 fr. le ki- logramme sur notre marché. Ces laines peuvent valoir 3 fr. 40 c. à 4 fr. aux foires de Berlin ou autres d’Al- lemagne. Ces laines, suivant M. Cordier, paient 60 c. au kilogrammes de Leipsick à Sedan , pour venir jus- qu'à Amiens il couùterait encore 10 c. environ. Joignez a cela la commission d’achat dans le pays , l'emballage, la main-d'œuvre , la toile, la commission à la fron- tière , les frais de toute espèce pour la réception, vé- rification en douane ,: permis, etc., vous aurez bientôt atteint plus de 7 à 8 p. 0/0 de la valeur. — 282 — Ainsi, pour les droits de douane . . 22 p 0/0 Transport, 15 à 20 p. 0/0 . . . . 20 rain 10 20 el on 42 EN 8 Total has ris--abir D ———— Sur les laines fines, j'avoue que les frais sont beaucoup moins considérables, mais je parle pour ma localité, et il me semble que l’agriculture française ne doit pas être en perte pour donner à 6 fr. ce que les Alle- mands ne vendent que 4 fr. chez eux, il ne peut y avoir cette différence dans les frais de production. Il faut convenir cependant que les 50 p. 0/0 dont je faisais tout à l’heuse le calcul, ne se trouvent pas souvent en totalité, parce que les déclarations se font en effet au-dessous de la valeur; mais quand il y au- rait pour l'importateur 4 à 5 p. 0/0 de benéfice, la inarge de 50 p. 0/0 me paraît assez belle pour que le producteur français ne se trouve pas en fausse po- sition. Comme l'a très-bien dit notre collègue, il a y quinze jours, si on augmente le droit, il faut aussi augmen- ter le drawback. Nouvel embarras. Ce droit est déclaré trop fort par les uus, trop faible par les autres. Je ne m'en étonne pas, cela doit être. Ce droit est né- cessairement une moyenne ; or, quand on fait une moyenne on suppose qu'il y a plus et moins, il n’y aurait pas lieu sans cela à faire une moyenne. Ceux qui y trou- vent ayantage profitent du drawback , les autres le né- gligent. De là, création d'intérêts nouveaux, intérêts particuliers, en dehors de l'intérêt général , souvent con- traire à l'intérêt général, et qui, dans la discussion, 30 viennent la compliquer et rendre la position de celui qui est chargé de décider beaucoup plus difficile. Le drawback est une emplâtre appliquée sur la plaie que le tarif a faite à l’industrie. Comme les tarifs sont né- cessaires et aussi le drawback, car je ne partage pas du tout l’avis de ceux qui disent qu'il faut que l’industrie française cesse de faire la concurrence aux autres in- dustries sur les marchés étrangers, si cela était, notre industrie serait bien malade. Il lui faut le stimulant des autres industries pour qu'elle se soutienne. Cette latte est leur vie à toutes. Il faut anssi à notre in- dustrie des laines étrangères, leur propriété particu- lière est nécessaire pour la confection de certaines étoffes, et si notre industrie ne fournissait pas au luxe fran- çais, la rigueur des douanes n'empêcherait pas les tis- sus étrangers de pénétrer en France, de donner un ali- ment aux modes et de venir faire l’ornement de nos salons. Je ne fais qu'effleurer ces questions , votre péné- tration fera le reste. Maintenant, faut-il discuter le délai de trois jours qu’on voudrait porter à six? Cela me paraît vraiment inutile. Faut-il que les employés de la douane aient le temps de colporter les échantillons des laines qui ar- rivent, pour savoir s'ils ne pourront pas trouver un léger bénéfice sur la déclaration? Non, sans doute. Per- sonne ne doit le désirer, car il faut aussi que l'impor- tateur puisse jouir de sa marchandise. Dans le com- merce , on a vingt-quatre heures pour reconnaître et vérifier une marchandise qui est livrée. En portant à trois jours pour la douane, c’est-à-dire en triplant le délai ordinaire, on a fait, à mon avis, tout ce que la jus- tice demande, étendre plus loin la faveur serait, pour — 28h — le commerce, de nouvelles entraves qu'il faudrait tà- cher d'éviter. Je n’entrerai pas dans la discussion des réprésailles qu’un droit de 11 p. 0/0 sur les laines, pourrait faire exercer contre nous. Chacun le conçoit assez. Je ne parlerai pas non plus du paupèrisme, qui demanderait à lui seul un ouvrage. Je ne vous répéterai pas ce que je vous disais l’année dernière, des avantages de la laine peignée sur la laine cardée , sur ceux que le cultivateur trouverait en produisant des laines longues, plutôt que des laines courtes. Je n'entrerai pas non plus en lice avec M. Dermigny, qui veut nous détourner de suivre la même voie que l'Angleterre. J'avoue que je ne le conseillerais pas non plus à la France, mais autre chose est d’a- voir une industrie, et il en faut une pour notre pays, et de tout sacrifier à son industrie, autre chose est de la laisser vivre, ou de lui laisser tout envahir. Je finis. Je crois avoir éclairé la question autant qu'il était en mon pouvoir, je crois avoir soutenu des principes qui sont en harmonie avec les véritables intérêts de mon pays; si je me suis trompé, je l’ai fait de bonne foi; vous rectifierez, Messieurs , ce qu'il pourrait y avoir d’erroné dans ce que j'ai avancé; si je n'ai pas répondu à votre attente, j'ai fait mes efforts pour la satisfaire, et si vous n'avez pas à me tenir compte du succés, j'espère au moins que vous me saurez gré de ma bonne volonté. MÉMOIRE SUR LA REPRODUCTION DES BOIS, D'ESSENCE DURE, Par M. CRETON. Messieurs, L'agriculture est en progrès. D'utiles- expériences se multiplient sous uos yeux; des hommes dévoués à l’in- térêt publie et à la science propagent les bonnes mé- thodes par leurs études et par leurs exemples. L'intérêt privé s’empare avidement des résultats et des conseils de l'expérience ; car, en agriculture, les améliorations conduisent en peu de temps à des bénéfices certains : celui qui travaille et qui dépense recueille par lui- même et assure à ses enfants le fruit de ses efforts et de ses sacrifices. La voie est donc ouverte; et comme la protection de tous les gouvernements est assurée à la plus féconde de toutes les industries, l'erreur et la routine seront facilement vaincues par la science et par le bon sens, ayant pour auxiliaire un intérêt matériel évident et presque immédiat. Ainsi, pour l’agriculture — 286 — proprement dite, il faut se préoccuper et non s’imquié- ter de l'avenir. L'horticulture est dans les mêmes conditions; les pro- duits et les jouissances qu'elle promet ne se font pas attendre. Chaque jour de la belle saison, l’horticultenr jouit de ses fleurs, de ses légumes et de ses fruits. Le pépiniériste lui-même, par l'habile direction qu'il denne à son industrie, obtient des avantages semblables à ceux des récoltes annuelles. Le bien-être général, l'intérêt de l'avenir, est donc encore garanti par l'intérêt par- ticulier. Mais à l'égard de certaines productions de la terre, l'intérêt des nations, dont l’existence n’est point limitée, se trouve en lutte permanente avec l'intérêt privé; et c’est l'intérêt du moment qui l’a constamment emporté. Pour tout ce que la nature ne produit qu'avec une excessive lenteur, l'aménagement annuel ne donne qu’un revenu d'une excessive modicité ; l’intérêt actuel du pos- eesseur est donc d'anticiper l'exploitation et par conséquent de détruire. Malgré les avertissements donnés depuis plu- sieurs siècles par les amis du pays et de l’humanité, des millions d’arbres durs sont tombés sous la hache et n'ont pas eu de postérité. Il est vrai que, depuis lors, et surtout de nos jours, d’admirables plantations de pommiers ont été faites dans les plaines, et que les lieux humides se sont couverts d'innombrables peupliers. Ce sont là des améliorations véritables, et l'intérêt public y trouve son avantage aussi bien que les propriétaires eux-mêmes; mais il ne peut s'opérer de compensation exacte entre des produits de nature tout-àa-fait différente , destinés à satisfaire des besoins qui ne sont pas les mêmes. Les bois tendres sont — 287 — . assurément utiles ; il y a de nombreux usages auxquels ils satisfont mieux que les autres; il en est aussi dans lesquels ils peuvent être employés sans inconvénients réels ; mais, pour les constructions navales, la char- pente, les ponts, et même pour la menuiserie solide et durable, les plantations modernes ne remédieront pas au déboisement de la France. Dans nos départements, il n'existe pas, au moins en grand , de pépinières de chênes ou de hétres; les ar- bres résineux ne sont, pour presque tous les proprié- taires, qu'un objet d'agrément ; l’orme n'existe sur nos chemins qu'en vertu d'ordres supérieurs, et peut-être aussi parce que, entre tous les arbres, il est celui qui observe le mieux la loi du pardon des injures. Si nous le trouvons encore dans quelques plaines fertiles, autour des herbages et dans les terres profondes, c'est qu'alors la rapidité de son accroissement le fait rentrer dans les conditions voulues par les calculs de progres- sion et d'intérêts composés qui servent de base aux spéculations des planteurs. Enfin, l'ypréau lui-même, connu sous le nom de blanc de Hollande, cet arbre au tronc vigoureux, à la cime élégante, honneur de nos vallées et de nos plaines, devient de plus en plus rare, quoiqu'il appartienne à la même famille que les peu- pliers ; et cependant son bois est le plus propre aux ouvrages de menuiserie, et le meilleur de tous peut- être pour les boiseries que l'humidité ne doit pas at- teindre. La seule cause de la défaveur dans laquelle il paraît tomber, c'est qu’il lui faut ciuqante ans environ pour atteindre son accroissement complet, tandis que vingt à vingt-cinq ans suffisent aux autres peupliers. La valeur vénale de son bois n’excédant pas le double es de celle des peupliers, il y a perte d'intérêts pendant , vingt-cinq ans sur la moitié du capital. Le peuplier, arbre à la fibre molle, au tissu lâche et poreux, après quelques années de plantation , décom- pose et s’approprie, avec une activité prodigieuse , l’hu- mus qui l’environne dans un rayon de 8 à 10 mètres. Cette voracité, redoutable aux cultures voisines, le fait promptement arriver à sa maturité complète. Véritable symbole des sociétés modernes, làches et avides, qui vivent au jour le jour, impatientes de jouir, ce n’est point pour l'avenir qu’il élève dans les airs sa tige uni- forme balancée par les brises; car la génération qui le plante peut voir sa décrépitude et sa mort. Dans des conditions moyennes, il atteint, en vingt-cinq ans, les dimensions qu’un chêne n'atteindrait que dans un temps cinq fois plus long; de sorte qu'en supposant que les valeurs spécifiques de ces bois soient dans la proportion de À à 5, les intérêts successivement réali- sés donneraient encore, au planteur de peupliers, un avantage énorme. Prenons, par exemple, 100 fr. comme valeur d’un chêne de 125 ans, 20 fr. pour la valeur d’un peuplier de 25, après la première période de 25 ans, un capital de 20 fr. sera réalisé; quelque mo- dique que soit l'intérêt, ce capital sera doublé après la seconde période de 25 ans, par conséquent, qua- druplé après la troisième, huit fois plus grand après la quatrième, seize fois plus grand après la cinquième. Après 125 ans, le premier peuplier représentera donc une valeur de 320 fr.; un second, planté après la pre- miére période donnera 160 fr. à l'expiration des 125 ans; un troisième 80 fr.; un quatrième 40; un cinquième 20. Total, 580 fr. au lieu de 400 francs., — 289 — Ces résultats pourront varier; la rareté des bois durs fera successivement augmenter leur valeur vénale; et, plus les bois tendres seront multipliés, plus ils se dé- précieront. Le temps est d’ailleurs peu éloigné où l'on reconnaitra que certaines essences ne peuvent, sans in- convénients graves , être employés comme pièces prin- cipales dans les constructions destinées à l'habitation des hommes. Mais, quelles que soient les modifications que puissent subir les chiffres que nous avons posés, l'avantage pécuniaire restera toujours au planteur de bois tendres. Cependant, à côté de cet intérêt, un intérêt de con- servation, le salut du pays réclame aussi sa part. Notre postérité doit-elle être exclusivement tributaire des na- tions lointaines; et ces nations elles-mêmes n’avancent elles pas aussi vers la destruction de leurs bois? Des hommes politiques, des savants, des amis de l’humanité, se sont élevés avec l'énergie de la vérité contre ces inprévoyantes dévastations. Il est prouvé que le déboi- sement des montagnes, outre qu'il frappe à jamais des espaces immenses d'une stérilité presque complète, exerce la plus funeste influence sur la température, sur la salubrité de l'air, et principalement sur le ré- gime des eaux. Sans doute la législature interviendra, et des principes fixes seront substitués à l'arbitraire ad- ministratif, source de tant d'erreurs irréparables et quel- quefois de déplorables scandales. Mais notre but n'est pas aujourd’hui de faire appel à la puissance des lois. La tâche à laquelle nous vou- lons concourir est plus modeste et plus simple : nous pensons que, dans les sphères les moins élevées, d’u- tiles conseils, et surtout de bons exemples, peuvent être 19. — 290 — donnés pour multiplier les chènes et les autres essences de bois dur. Cette amélioration lentement progressive de certaines parties du territoire ne peut pas être pro- posée comme appât à la spéculation; mais c'est une bonne action que de travailler pour ses arrières-neveux et pour son pays, en augmentant d’ailleurs la valeur foncière de son terrain. Et quelles jouissances pures et véritables l’homme ne prépare-t-il pas à ses vieux jours, quand il a concouru à revêtir la terre de ses plus beaux, de ses plus précieux ornements? Lorsque l'âge amortit les passions et les besoins, l’âme ne trouve un bien- être sans mélange que dans la contemplation de la na- ture et de son auteur. Un charme inexprimable s’atta- che aux idées de conservation et de durée. A l'ombre du chêne antique qui nous a préeédés dans la vie et qui nous verra mourir, nous contemplons avec un innocent orgueil le jet vigoureux sorti du gland que nos mains ont semé. Pour moi, la vue de quelques ba- liveaux à l'écorce claire me réjouit bien plus qu’une longue avenue de peupliers qui, dans quelques années, vont se convertir en or. Ce n’est point que je veuille proscrire le peuplier; je me pleins seulement de son invasion sans limites. des conséquences de sa multiplieation excessive , et de l'abus de sa victoire. Les rives des cours d’eau, la ceinture des prairies, les digues industrieusement éle- vées dans les marécages, voilà son domaine. C'est là quil faut le préférer aux autres essences; c’est là qu'il doit régner. Je n’espère même pas qu'on le bannisse des grandes plantations formées sur les bords des terres substantielles et profondes. Dans tous les lieux où son accroissement doit être rapide , il faut se résigner à le "a — voir dominer. Mais, sauf quelques exceptions, il ne faudrait pas que dans les terrains secs, sur des rideaux, sur des collines et dans beacoup de vallons, il occu- pât la place des essences dures que nous pourrions lé- guer à l'avenir. Nous voudrions , autant que possible, concilier les intérêts du moment avec ceux de la postérité; nous voudrions que le sol sur lequel nous aurons vécu de- meurât fertile et prospère jusqu'à la fin des siècles. Il n'est pour ainsi dire pas de propriétaires qui ne pos- sèdent quelques hectares dont la pente trop rapide ou l'éloignement des habitations ne rende la culture dis- pendieuse et diflicile, Suivant l’état actuel des choses dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Aisne, de l'Oise, de la Seine - Infé- rieure et de l'Eure, et probablement dans beaucoup d’autres, lorsque la rente de la terre , c'est-à-dire le revenu attaché au titre de propriété seul, n’atteint pus trente francs par hectare, il est avantageux de former des bois, des bosquets et des remises. Gar, si les plan- tations et les semis sont faits avec soin et dirigés avec intelligence, l'exploitation périodique des taillis, puis des baliveaux, puis enfin de la haute futaie finira par donner des produits de beaucoup supérieurs aux reve- nus annuels cumulés avec leurs intérêts. J’oserais affir- mer que des terrains dont la valeur actuelle n'est pas de 700 fr. l’hectare représenteraient, dans trente ans, un capital de plus de 1,500 fr., et que les produits, répartis sur toutes les années, représenteraient un re- venu moyen de A5 fr.; et cela, en ruaintenant des réserves qui feraient l'admiration de nos descendants. Sur les terrains où le labour est praticable , il con- por — 292 — viendrait d’ameublir la terre par une culture qui don- nerait des céréales pendant une ou deux années. Si l'on ne pouvait, par soi-même, se livrer à cette cul- ture, sans avoir à craindre de trop grandes dépenses, on pourrait concéder gratuitement la jouissance du ter- rain à des cultivateurs du pays pendant un triennal, à la condition de diriger les labours de manière à em- pêcher les eaux d’entrainer, vers la partie inférieure, la terre végétale et les gazons convertis en engrais. Lors du dernier ensemencement, on mélerait à la se- mence, des graines d’aulne, de saule marsault, de bou- leau et de charme. Dés la fin de l'automne, on aurait à s'occuper de la création d'une futaie. S'il était pos- sible d'environner le bosquet d’une haie d’épine, ce serait une précaution salutaire, car la présence même accidentelle et momentanée d’un troupeau pourrait dé- truire bien des espérances : la dent du mouton porte aux jeunes brins des coups mortels. Je composerais la futaie d’essences propres à la construction, à la menui- serie et aux arts, et je choisirais celles qui peuvent s’accommoder de toute espèce de terrain. Les arbres qui me paraissent devoir être choisis dans nos dépar- tements du Nord sont le chêne, le hêtre, le frêne, le cerisier, le mélèze et l’épicéa ou sapin de Norwège. Je planterais les arbres à la distance de dix mètres Îles uns des autres ; il n’y aurait ainsi que cent arbres par hectare ; le taillis et les baliveaux pourraient facile- ment se développer dans les intervalles. Il n’y aurait, au surplus, aucun inconvénient à planter aa milieu de chaque carré, et de manière à former quinconce, un pied de charme de l’âge de cinq à six ans. Les terrains sur lesquels on fera ces plantations étant — 293 — nécesssirement de très-médiocre qualité, le succès dé- pend du soin avec lequel le travail sera exécuté. Les sujets devant être très-jeunes , des trous de cinquante à soixante centimètres dans tous les sens pourront suf- fire. Il faudra respecter toutes les racines et leur che- velu ainsi que les parcelles de terre qui y seront adhé- rentes. On préparera, pour recouvrir et environner ces racines , quelques pelletées de terre bien substantielle et bien ameublie, mêlée cependant, en proportions égales, avec le sol dans lequel l'arbre doit s'élever ; et quand, après avoir secoué la plante par un monvement d’ascen- sion, on aura foulé la terre meuble avec les pieds, de manière à empêcher le contact de l'air, on rapportera autour du jeune arbre les gazons pourris, la terre en- levée à la surface, et enfin ce qui aura été extrait du fond du trou. Une petite butte devra ensuite être formée au-dessous de chaque plant, dans le sens op- posé à l'inclinaison du sol pour retenir l'humidité et les débris des végétaux provenant des terrains supé- rieurs. Le chêne de nos pays est le bois le plus dur et le plus robuste qui soit employé dans les usages ordinai- res. Pour assurer le succès de sa transplantation et lui préparer un bel avenir, il est indispensable de conser- ver toutes ses racines. On doit s'empresser de mettre le plant en place dès qu'il a dépassé la hauteur d'un mètre, à moins qu'il ne doive être planté dans une terre profonde et substantielle. Les mêmes préceptes sont à peu près applicables au hêtre, arbre moins nécessaire sans doute, mais d’un effet admirable, et dont la conservation ne peut être trop recommandée. — 39% — Le frêne souffre très-bien la transplantation lorsqu'l n'a que trois mètres de hauteur et le diamètre moyen de quatre à cinq centimètres. Le cerisièr sauvage peut être transplanté dans les mêmes conditions. Le mélèze, lors mêmé qu’il n'offrirait pas tous les avantages dont parle l'illustre Malesherbes, lors même que son bois ne serait pas aussi incorruptible qu'on l'a prétendu , lors même qu'il ne pourrait acquérir dans nos pays les dimensions et la qualité qu'il possède dans les Alpes ; le mélèze serait encore pour nous le meil- leur des arbres résineux et pourrait présenter de gran- dés ressources à une époque peu éloignée. Je possède plusieurs de ces arbres qui n’ont pas encore quinze ans de plantation, et qui joignent à l'élégance des formes l'apparence de la vigueur et d'une énergique vitalité. Comme arbre d'ornement, le mélèze a un mérite in- contestable. Il perd sa verdure pendant l'hiver; mais, vers le miliéu d'avril, ses rameaux se revêtent de pe- tites houpes du vert le plus doux. Dès son adolescence, il se couvre d’une multitude de cônes de moyenne grôs- seur ; les écailles dont ils sont composés recouvrent les graines, On assure que cet arbre peut procurer de so- lides charpentes ét d’admirables parquets. Comme les autrés arbres résineux, il ne doit être soumis à la transplantation que dans le courant d'avril, lorsque le mouvement de la sève commence à se faire sentir. Je pense qu'il ne faut pas attendre que le sujet ait dé- passé la hauteur de deux mètres; il souffre au surplus l’élagage des couronnes inférieures, pourvu qu'on y pro- cède successivement et avec précaution. L'épicéa est depuis long-temps en possession de nos = 098 jardins paysagers ; on en rencontre aussi dans les bois et dans les forêts. Ceux qui ont été placés dans le cime- tière de la Madeleine annoncent une végétatiou vigon- reuse ; il y a certitude que cette espèce de sapin peut prospérer dans les craies et dans les terrains les plus arides, pourvu que la première plantation soit faite avec les soins convenables. Ces travaux effectués, il faudra, à l'automne de la seconde année, vérifier les résultats des semis, arra- cher tous les plants qui pourraient gêner la croissance de leurs voisins, et peupler les espaces vides. On peut laisser entre chaque plant la distance d'un mètre. A l’âge de quatre ou cinq ans, le taillis pourra être recepé; il conviendra ensuite de ne le couper que tous les dix ans, à moins que les essences tendres n'aient pris tout- à-fait le dessus. S'il s'agit de pentes inaccessibles à la charrue, il fau- dra respecter le gazon et tous les végétaux dont la pré- sence assure la conservation d'une couche végétale et de l'humidité. Tous les efforts devront tendre à la créa- tion d’une futaie. On pourrait planter au sommet et sur- tout au pied de la pente: et, de distance en distance, former des banquettes horizontales qui retiendraient sur les racines des arbres les principes nécessaires à leur accroissement. Mais cette méthode, très-praticable dans les rideaux de peu d'étendue, serait trop dispendieuse si on l’appliquait à des pentes considérables. Sur ces terrains, il convient de former de petits encaissements ou pots dans lesquels on raménera la terre végétale pour y planter des ormes, ou, si le sol ne le permet pas, des arbres qui puissent s'élever dans les terres arides et crayeuses. Au pied des arbres, le terrain sera — 296 — foulé horizontalement. Par ce procédé, un demi-siécle suffira pour qu'il n’y ait plus, dans nos pays, de co- teaux arides et incultes. C’est avec un plaisir mélé d’ad- miration que le voyageur contemplera nos campagnes parsemées de bocages et de superbes futaies ; et les siècles, en passant sur le sol, respecteront notre pos- térité. Je viens de rappeler plasieurs préceptes qui ont été donnés depuis long-temps, mais peu pratiqués; j'y ai jrint le fruit de mes observations et de ma propre ex- périence. Je désire que ces notions se propagent et soient bien comprises; car les spéculations éphémères escomptent, au profit du présent, les ressources de l'avenir, quand l’amour du pays doit tendre à féconder: le territoire, non seulement pour aujourd'hui, mais à jamais. NOTICE SUR M. SAUVAGE, INVENTEUR DE L'HÉLICE, Par M. ANSELIN. Messieurs, Entre le sic vos non vobis d'un poëte qui ne faisait pas profession de philosophie, et Bertrand et Ratton, eette charmante mise en scène du célèbre hémistiche ; entre Virgile et le bon Lafontaine, enfin, il s’est passé bien des siècles, dont pas un, j'en suis convaincu, n’a démenti le vers devenu proverbe; mais dont au- eun, j'en ai la triste conviction, ne fournit d'aussi fréquentes et pénibles applications que le nôtre. Est-ce un vice de notre civilisation avancée? ou ne serait-ce pas plutôt que dans notre nature il y a le génie de l'invention et le génie de l'exploitation? Le premier, méditatif, ardent pour la recherche , indolent pour le profit, demande à la nature ses secrets, et la force quelquefois à répondre. Satisfait de sa victoire, il en abandonne les fruits pour courir à d’autres succès. Le second, au contraire, recueille l’étincelle dérobée par l’antre, il la couve mystérieusement, car il a vu — 298 — la fortune où l'inventeur a vu la gloire, et met au- tant de sagacité à développer le germe précieux que le premier en avait mis à le découvrir. Il en est peut-être des nations comme des hommes : les unes découvrent , les autres profitent. Combien no- tre siècle n'en a-t-il pas fourni d'exemples? A la France est due la première pensée de l'emploi de la vapeur, comme force ; à l'Angleterre la première application utile. C'est un Français qui, plus tard, propose d’en doter notre marine. Accueilli avec tiédeur , il s'adresse à nos rivaux d'outre-mer, et le premier pyroscaphe qui sil- lonne les flots en devancant la rapidité des vents, dont il dédaigne la puissance, est parti du rivage anglais. Mais, jusqu’à l'emploi de l’hélice, il faut reconnaitre que , malgré les avantages immenses de la vapeur, comme propulseur, malgré les services signalés déjà rendus par ce nouveau mode de navigation, les batcaux à vapeur, soit comme moyen de transport, soit comme machines de guerre, présentaient de graves inconvénients que l'emploi de l'hélice, substitué aux roues à palettes, fait disparaître presque entièrement. C'est encore à l’un de nos compatriotes que notre marine Sera redevable de cette substitution, dont l’An- gleterre et l'Amérique se sont empressées de s'emparer ; dont nous-mêmes, après douze années de tiédeur et d'indifférence , nous paraissons comprendre les avanta- ges. Mais, comme nous l'avons dit, le premier, le vé- ritable inventeur n'est pas celui qui à vu son nom dé- corer la première carène qui porte son invention. Pendant qu'épuisé par de nombreux sacrifices qu'on lui imposait pour matérialiser sa pensée et en faire recon- naître l'utilité par une heureuse application, il perdait AP = sa fortune et sa liberté, un navire construit par un rival plus heureux s'élancait des chantiers du Havre daus la mer, salué par l'artillerie du port, dont les échos retentissaient au cœur de l'inventeur dans Ja cellule où, confiné pour dettes, il expiait une grande pensée, cause de sa ruine. Vous vous rappelez sans doute, messieurs, comment une plume véridique autant qu’acérée a révélé cette triste réalité. C'est à la persévérance de l'écrivain des Guépes que Sauvage a dùü sa liberté, et qu’une tardive justice fut rendue à celui qui avait droit à un triomphe. Nous n’entendons ici, messieurs, rejeter sur personne la responsabilité des circonstances qui, en écartant pen- dant plus de douze ans les sollicitations de l'inventeur de l’hélice, et en neutralisant ses essais, l'ont fait se consumer en efforts infructueux. Notre but, en vous soumettant cette notice, est de consacrer le nom d'un compatriote auteur de plusieurs inventions dont une seule suffirait à préserver ce nom de l'oubli. Il n’est personne qui ne connaisse le mécanisme, au moins celui extérieur, qui fait mouvoir nos bateaux à vapeur : deux roues latérales dont les palettes font office de rames, en sont les propulsenrs. Mais cet appareil a de graves inconvénients. La moindre inclinaison du bà- timent annule presque l'effet de l’une des roues, tandis que l’autre, agissant plus puissamment, imprimerait une marche oblique si elle n’était combattue par un effort constant du gouvernail. La largeur que l’addi- tion dés tambours donne aux flancs du bateau, l'agi- tation de l'eau qui résulte du jeu des roues, rendent difficile, dans nos rivières canalisées , l'emploi du pyros- caphe; vérité dont nous avons pu nous convaincre par — 300 — nos propres yeux. Comme navire de guerre, les in- convénients se multiplient et peuvent se prédire, bien qu'heureusement l'expérience ne soit pas encore venue les constater. L'effet de l'artillerie sur l'appareil exté- rieur des roues serait fatal à la marche d’un bâtiment dont la voilure n’est qu'un accessoire très-secondaire. Enfin, il résulte du clapottement des aubes un ébran- lement aussi nuisible qu'incommode. Ajoutons qu'il y a une grande perte de force employée à vaincre la résistance de l'eau soulevée par les aubes des roues, quand elles se relèvent après avoir plongé. Frappé de ces inconvénients, le sieur Frédéric Sau- vage, né Picard, alors constructeur à Boulogne, fit, en 1831, ses premiers essais, et dès 1832 obtint un brevet de quinze ans. Ses premières expériences se fi- rent à Paris, sur un bateau de dix-sept pieds qui n'é- tait armé que d’une seule hélice ( ce fait mérite d’être constaté, car on a prétendu être inventeur en rédui- sant le propulseur à une hélice). Mais Sauvage aban- donna ce système, comme insuffisant à produire un mouvement rapide, et revint à l'emploi de deux héli- ces latérales. L'hélice, vous le savez, messieurs, est un plan cir- culaire fixé en spirale autour d’un axe, comme dans certaius {ire-bouchons modernes, ou comme les vis sans fin de nos tourne-broches ( qu'on me passe ces com- paraisons , que je risque pour me faire comprendre). Cet axe, qui sort des flancs du uavire à son arrière et parallèlement à sa quille, est mis en communication avec la machine à vapeur, qui lui imprime un mou- vement rapide de rotation; dans ce monvement , le plan de l’hélice tend à avancer obliquement dans l’eau à — 901 — chaque révolution ; et comme l'eau, par sa masse, of. fre plus de résistance que le navire sur lequel l’hé- lice prend son point d'appui, c’est ce dernier qui cède et fuit de toute la vitesse de la rotation, et cela par un mouvement uniforme, sans secousse, qui fait glis- ser la carène sur l’eau On saisit au premier apercu les avantages de ce mode de propulsion, substitué à celui des tambours et des rames à palettes. Ils furent constatés dès le 15 janvier 1832 à Boulogne, par une commission de douze membres appartenant au corps du génie, de l'artillerie et de la marine. Ce rapport assez curieux fait connai- tre qu'à cette époque l'inventeur était arrivé à la forme la plus satisfaisante, celle qui remplit le mieux les conditions de Îa vitesse et du bon emploi de la force. Plus tard, en 1842, lorsqu'on eut adopté officielle- ment un autre emploi de l'hélice, en la divisant en deux ou trois segments, Sauvage voulut démontrer que l'hélice simple était la meilleure. De nouvelles expé- riences furent faites et consignées dans le rapport d'une commission dont il suffit de dire que M. Poncelet, l’un des hommes qui a rendu le plus de services à la mé- canique industrielle, était le rapporteur, et qui ren- dunt pleine justice au système de Sauvage, restituait à notre compatriote sa véritable place comme Inventeur du meilleur procédé ; procédé, hâtons-nous de le dire, qu'on a cherché à lui ravir en amoindrissant ses effets sous le titre de perfectionnement. Aussi sommes-nous heureux de rendre à Frédéric Sauvage ce tribut d'hon- neur, en dédommagement du profit qu'il n’a pu tirer de son brevet de 1832. Revendiquons en son nom la priorité d'une invention destinée à rendre de si grands — 302 — services à la marine, que le contre-amiral anglais Dun- donald disait, dans un rapport sur ce sujet : « Dans » trois ans on s’étonnera qu'un système d'une aussi bar- » bare invention que les roues à palettes ait pu pré- » valoir. » Mais, Messieurs, l'application de l’hélice comme pro- pulseur n’est pas la seule invention dont Frédéric Sau- vage nous ait enrichi : nous lui devons la machine à scier le marbre, dont les Anglais se sont promptement emparés, N'est-il pas encore l'inventeur du physiono- type et de la machine à réduire les statues ? La première de ces inventions reproduit instantané— ment, avec fidélité, le masque humain, ou telle autre forme du bas-relief, et fait disparaître, pour le modèle sur le vif, les inconvénients des coulées de plâtre, toujours si fatiguantes. La seconde est peut-être plus précieuse encore. Depuis longtemps la reproduction des chefs-d'œuvre antiques laissait beaucoup à désirer, surtout lorsqu'il s'agissait de figures réduites, Nos meilleurs sculpteurs avouaient leur insuffisance, et les vrais amateurs , dé- pourvus de grandes galeries, n’admettaient qu’à regret au nombre des chefs-d'œuvre dont ils s’entourent, au mi- lieu desquels ils aiment à vivre et à s’inspirer, ces copies réduites auxquelles manquaient le souffle divin, ce je ne sais quoi d’indéfinissable, cette ligne imper- ceptible, abyme immense entre le bien, le parfait. Voyez maintenant les réductions de la Vénus de Milo, de l’Apollon et de tant de chefs-d’œuvre : l'imitation est telle, que yous croyez contempler les grands mo- dèles à travers ces verres taillés pour réduire Ja f- gure humaine aux proportions de la miniature. — 303 — Je ne nie pas que Colasse ne se soit emparé de l'in- vention en la perfectionnant; que de stérile qu’elle fut pour Sauvage, elle ne fut productive pour lui... Sic vos. Pardon , Messieurs, le proverbe arrivait encore sur mes lèvres.... J'espère, Messieurs, que vous accueillerez avec in- dulgence cette notice dictée par l'amour du pays, le désir de rendre à notre compatriote ce qui lui appar- tient, et de l’indemniser, par un juste hommage rendu à son génie des pertes réellee que son désintéressement et de fatales circonstances lui ont imposées. N'en dou- tons pas, le temps qui assure le triomphe de la vérité, proclamera l'hélice simple comme le propulseur le plus efficace, et Frédéric Sauvage comme l'inventeur de cet admirable perfectionnement de la navigation à vapeur. Les artistes aussi lui paieront un tribut de reconnais- sance ; il aura bien mérité des beaux-arts et de l’in- dustrie. JE « — 0h. 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S.r-A. BER VILLE. MESSIEURS , Chacun ici connaît le jeu de vingt et un, ce beau jeu où l'esprit se déploie, et qui partage avec l'oie et le loto l'honneur d’amuser dans les longues soirées nos enfants et leurs grand’mères. Quoique vingt et un y soit le point par extellence, on peut gagner à vingt, à dix-neuf, à dix-huit, à moins encore. Mais que, par malheur, on amène un seul point de trop, qu'on tire seulement vingt-deux , plus de chance ; on crève, et tout est dit. Il n’en est pas autrement dans les arts. Là aussi , passer la mesure est le plus sûr moyen de tout gâter : là aussi, la faiblesse et l'insuffisance sont moins à fuir encore que l’exagération. En deçà du marimum d'effet que l'art peut atteindre, dans les limites du vrai et du beau, il est encore des effets à produire et des succès à espérer. Le spectateur intelligent et sensible complète en lui-même l'expression que vous avez lais- 20. — 306 — sée imparfaite; il n’est pas aussi ému qu'il pourrait l'être, mais enfin il est ému : tandis que l'excès le rassasie et le révolte. En fait d'art comme en fait d’hy- giène , la diète affaiblit moins que l’indigestion. Et pourtant de tous côtés on se précipite dans l’exa- gération. Regardez dans le monde artiste ; c’est à qui sera plus outré, à qui s’'éloignera plus de la nature. Pourquoi? c’est que la plupart ont plus de prétentions que de véritable sensibilité, plus d'envie d’être loués que d'intelligence de ce qui est louable. On veut pro- duire de l'effet à tout prix; chacun veut aller au delà de ce que comportent sun genre, son sujet, ses moyens. Plus de nuances, plus de demi-teintes, plus de proportions; partout et toujours le superlatif. Dans les salons, on vous chante une romance comme on pourrait faire une scène de grand opéra; au théâtre , on vous joue un vaudeville un peu touchant du ton de la tra- gédie, voire même du mélodrame. Ce compositeur fait gronder le trombone et l'ophicléide dans une ouverture d'opéra comique, et accompagne une chanson avec la timbale et la trompette ; ces acteurs d'Italie se donnent des convulsions dans le finale d'un drame pastoral. Faut-il dire : Vous m'affligez? votre accent dit : Tu m'arraches le cœur. Vous me serres les doigts se hurle du même ton que Aw meurtre , on m'assassine. Partout des atlhètes qui se roidissent les muscies pour lever un paquet de plumes; partout l’homme de La Fontaine, qui, pour tuer un insecte, emprunte aux dieux leur foudre et leur massue. J'ai voulu rechercher les causes de ce penchant à l'extrême en tout genre, et 1l m'a semblé qu’on pou- vait distinguer trois sortes d’exagération. La première — 307 — est la plus excusable ; c'est celle de l'artiste jeune et sensible , que l'expérience n’a point encore éclairé. Il ne connait pas les nuances des passions, les conve- nances des situations diverses : il confond tout, et son ardeur , qui brüle de s'épancher, se dépense tout en- tière en chaque occasion. À ce mal, il y a du re- mêde, car, sous cette erreur , il y a un fond de vé- rité. Si l’artiste n'est pas vrai, du moins il est sincère : l'émotion qu'il exprime , il la sent : il dit plus qu'il ne doit dire, mais il croit ce qu'il dit. Avec celui-là, sachons attendre. Peut être l'age et l'étnde, sans lui ravir ses riches facultés, sauront en éclairer et en régler l’usage. Le Kain, Clairon, Talma, ont commencé par être outrés; ils ont fini par être sublimes. Il est une seconde espèce d’exagération, plus com- mune et plus fàcheuse , qui n'offre ni les mêmes com- pensations ni les mêmes ressources. C'est celle de la médiocrité froide et impuissante , qui voudrait exprimer quelque chose, et qui ne sent rien. Elle fat trop, faute de savoir faire assez ; elle dépasse le but, parce qu'elle ne l'aperçoit pas. De celle-là, nous en avons par-dessus les yeux : mais qu'y faire? Elle est incu- rable. On ne se donne pas du goût, de l'intelligence et de l'imagination. N’en parlons donc plus. Reste la troisième , pour laquelle on ne saurait être, à mon sens, trop sévère. C’est celle de quelques ar- tistes de. talent, qui, pour flatter la partie grossière de leur public , s’enflent outre mesure , et corrompent par là les belles facultés que le ciel leur avait dépar- ties. Pourquoi cet écrivain, que la nature avait fait tendre et gracieux, se condamne-t-il à être forcé, bizarre et gigantesque? pourquoi cet excellent chanteur, 20.* — 308 — qui me charme quand il veut bien être lui-même, gâte-t-il à plaisir sa voix pure et moelleuse à lutter de bruit avec son confrère, dont le timbre est formi- dable? Hélas! pour être applaudis des sots, c'est-à-dire du grand nombre. Car il faut bien’ l'avouer , dans tout public, même dans le plus choisi, les bons juges sont rares. Partout se trouvent en nombre ces natures béo- tiennes , aux organes d'acier, qu'on ne remue qu'avec du canon. Ce sont ces gens-là qui trouvaient Racine faible et Raphaël mou, qui mettaient l’auteur d’Atrée au-dessus de l’auteur de Zaïre, et qu'on voit aujour- d’hui préférer aux mélodies de Guillaume Tell l'assour- dissante mélopée de quelque chef-d'œuvre infernal. Ce sont eux qui naguère, en écoutant la plus parfaite de de nos cantatrices, vous disaient dédaigneusement : Elle est bien froide! sans se douter, pauvres gens, que c'étaient eux qui étaient bien froids! Malheureu- sement , plusieurs n'ont pas le courage de préférer aux applaudissements du vulgaire le suffrage quelquefois moins retentissant du public éclairé : de bons qu’ils pourraient être, ils se font mauvais pour plaire aux gens de mauvais goût. Point d'indulgence pour ce genre d'écarts! l'erreur est ici volontaire et calculée : puis, elle est de dangereux exemple; et de plus, elle profane et dégrade une chose sacrée, le talent. L’exagération , il faut aussi le reconnaître, est la maladie des sociétés qui vieillissent, Quand l’art a passé par tous les degrés de l'expression vraie, les ar- tistes n’ont plus qu’un moyen d'enchérir sur leurs de- vanciers, c’est d'aller au delà du vrai. Les uns avaient touché la limite; les autres, pour faire plus, sont obligés de la franchir. De son côté, le public se and: de de à — 309 — blase ; c'est un convive à la fin du repas; tout lui pa- raît fade s'il n’est rudement assaisonné. De ce penchant du siècle à l’exagération est né Le genre violent, autre sorte d'excès, et de tous peut- être le plus contraire au but que l’art doit se proposer. Le but des beaux-arts (j'ai quelque honte d’avoir à le rappeler) est de nous donner des jouissances. Ils ont été créés pour nous reposer des fatigues de la vie, pour nous consoler de ses peines. Ce que nous leur demandons , ce sont quelques instants de bonheur, d’enchantement , de douce illusion dans notre carrière agitée et laborieuse. Les impressions qu'ils nous causent ne doivent donc pas dépasser une certaine mesure : il faut qu'elles s'arrêtent au point où elles cesseraient d'être un plaisir. Lorsqu'Aristote enseignait que le théâtre doit exciter en nous des impressions purgées de ce qu’elles auraient de trop amer dans la vie réelle, il posait le vrai fondement de la théorie des arts. Rien de plus facile que de produire des émotions fortes : sous ce rapport, les procès-verbaux du supplice de Damiens ou de la question donnée à Ravaillac laissent bien loin derrière eux toutes les inventions de nos ar- tistes. Mais ce ne sont pas ces émotions-là que je de- mande à l'art. Si je vais voir un tableau, ce n’est pas pour être ému comme je le serais en entrant à l'amphithéâtre de dissection : si je loue une place au théâtre, ce n’est pas pour sentir ce que je sentirais en regardant faire l'opération de la pierre. En un mot, jaime le feu qui m'échauffe, je hais le feu qui me brûle : je savoure le breuvage qui chatouille ou pique mon palais, je rejette la liqueur corrosive qui m'emporte la bouche. — 310 — Ceci me remet en mémoire la mésaventure d'un mien ami de province. Il aimait les arts avec passion ; mais, vivant à la campagne, à deux cents lieues de Paris, dans un canton fort arriéré sous plus d’un rapport, il épronvait le besoin de revoir la capitale pour s'y remettre au courant des belles choses. Toute la route, il ne cessa de se remémorer tout ce que les anciens et les modernes ont écrit de plus magnifique à l’hon- neur des lettres et des arts. C'est le charme de la vie, la consolation de nos suuffrances, le ressort qui re- monte notre âme abattue ou flétrie. Ïls nous bercent d'illusions aimables, flattent délicieusement notre ima- gination , adoucissent nos penchants et nos mœurs. Leur attrait embellit nos loisirs, repose nos fatigues, apaise uos chagrins, égaie nos ennuis, tempère nos douleurs. Ils veillent, ils voyagent avec nous ; ils peuplent notre solitude, ils dorent nos songes et sourient à notre ré- veil. Plein de ces idées, notre provincial débarque, et sans perdre de temps, veut se délasser du voyage, en lisant, au coin d’un bon feu, quelque roman d'élite : car vous pensez bien qu'il arrivait peu de romans nou- veaux dans son désert. Le voila chez le libraire, au- quel il demande ce qu'il a de mieux. « Prenez, dit le » marchand , ces deux volumes ; vous m'en direz des » nouvelles. C'est l'aventure d’une belle et pure jeune » fille, qui donne rendez-vous à un officier en des » lieux qu’on ne nomme pas. Un prêtre, jaloux de » l'officier, dénonce la jeune fille comme sorcière. On » la met à la question. Les tourments lui arrachent » l’aveu d’un crime qu'elle n’a pas commis, et on la » pend. C'est une agréable histoire. » — « N'auriez-vous pas quelque autre chose? de- — 311 — » manda mon ami? — Oh! que si fait! voici les actes » d’un fidèle serviteur qui empoisonne successivement » toute une famille innocente, et auquel, pour sa » peine, l’Académie décerne un prix de vertu. — Et » puis? — Ceci, c'est un seigneur accusé de conspira- » tion , à qui des bourreaux brisent les os et brülent » les deux mains, et qui, ensuite, écrit le tout à sa » fille dans le plus grand détail, pour le divertissement » du lecteur. » Mon voyageur passa ainsi eu revue toute la boutique du libraire, et sa conclusion fut de ne pas lire de roman ce soir-là. « J'irai, dit-il, au spectacle. Le théâtre est une des gloires de la France. Je rirai franchement avec quelque nouveau Molière, ou je serai délicieusement attendri par quelque héritier de Racine. » Au premier acte, il n'entendit parler que de meurtre et de poison. Au second acte, le héros de la pièce fut empoisonné. Au troisième acte, on apporta sur la scène une demi-douzaine de cercueils, et on chanta l'Office des morts. Mon pauvre ami erut avoir le cauchemar, et tandis qu'il s’agitait pour s’éveiller, il entendit que la mère empoisonnait son fils, que le fils voulait égorger sa mère, et, par amendement, se contentait de la maudire. Il sortit avec la migraine, dormit mal, fit des rêves épouvantables , et fut malade une partie du jour suivant. « Voilà, se disait-il, une étrange facon de s'amuser! » si Ceux qui composent de pareils divertissements sont, » comme on le dit, des hommes de talent, il faut » avouer que voilà du talent basrbarement employé. Au » demeurant, si la littérature m'a rendu malade, la » peinture va me rétablir, La peinture est caime et » reposée de sa nature : c'est le beau traduit sur la — 319 — » toile. Voyez Titien, Raphael, Guido Reni! que de » douceur et de charme! quel heureux choix d'images! » quelle suavité d'impressions! » Tout en raisonnant de la sorte, mon homme s’acheminait au salon. Il perce la foule, il monte, et la première toile qui frappe ses regards lui montre un malheureux subissant la torture dans les cachots de l’inquisition. Lui, de fermer les yeux et de passer vite : mais c’est pour voir, deux pas plus loin, dans une barque , des malheureux per- dus sur l'Océan, affamés, et près de s’entredévorer. « Qu'est-ce ceci? s’écria-t-il, les cercueils d'hier étaient » une noce auprès des peintures d'aujourd'hui. Hâtons- » nous de chasser de telles images. Courons à l'Opéra. » L’harmonie est mère des douces sensations; autre- »“ ment, elle ne serait plus l’harmonie. C’est le baume » qui va me guérir de ma comédie et de mon salon. » Cela dit, il prend place dans une stalle, prêt à bien écouter. Pendant assez longtemps, il ne sut trop ce qu'il entendait. Des gens criaient et s’agitaient sur la scène, mais cela ne ressemblait point à du chant :il se faisait beaucoup de bruit dans l'orchestre, mais cela ne ressemblait point à de l'harmonie. Mon homme pre- nait patience toutefois, espérant qu'enfin la musique allait commencer : quand tout à coup éclatèrent trois décharges d’arquebuses. À cette musique d’un nouveau genre, le pauvre diable s’enfuit en se bouchant Îles ureilles, et courut vitement reprendre la diiigence. Je n'ai pas appris, jusqu'à présent, qu'il soit revenu encore à Paris. À Vous avez beau faire, messieurs les fabricants d'é- motions violentes ; je sais, dans votre genre , un artiste que vous n'égalerez jamais; qui, sans cfforts, sans re- — 313 — cherche, sans combinaisons laborieuses, ne manque pas une fois de produire sur son public une impression profonde ; qui compte ses représentations par des succès, toujours sûr d'attirer la foule, toujours sûr de remplir l'attente qu'il a fait naître. Et tout cela, sans an- nonces à trente sous la ligne, sans réclames, sans billets donnés, sans claqueurs, sans amis au parterre, sans feuilletons officieux; qui ne recherche personne, et que tout le monde connaît ; dont le nom seul fait frémir, dont la présence apporte l’épouvante. Cet artiste, ce maître, ce prodige, c’est .. c’est le bourreau. ea es RAA PEER, soimanguei com vide À rropicient abus 4 cbhpothes 20 nur sétinpéainget sui ohparos Trprpab Qu chenp] hangen À Pete PTT #14 M high. line. rose sub, Mhdecriqu LUCPRPE UT LEE POSER SORT TOC GCOT TTC onto is no Late Énaranonhrpmtee.: Mein re oi di pda arr is hen FREE le he wrd rat, Le LE à Mu : she je’ «%, ba COOP NS Ne luN M ou “ent CL | Age fout Wie. | lsaedeses Fi (ve MONTS 1 fronts route ile LR GS deg ay vo SH in 4 vued mac, aheatalls. : oi Liuñer Pasta = act Aug tongs M} “ts SUÈEE y putondent Lie. pen #r he Lou RL nêrre.… ; Mate .xfà Jai r'imto) st Met, lssporru p ên heu dans da ë 40 DA LS Pi ar 5 Ms FT TE pale 1 fl à Éaicsen hat ti AfFad, nier eue. t LA ut ue : érlriäcs dédliinis dr: gate NME pe reg À RAPPORT SUR LE CONCOURS POUR LE PRIX DE POÉSIE, Par M. MACHART, Père. —— #5 > 1 853€ 4-4 —— Messieurs , Il fut un temps où notre littérature naissante avait besoin d'encouragement. La France, qui, depuis, s'est placée au-dessus des autres peuples par l'éloquence et la poésie, n'avait alors que quelques écrivains dont les rares où faibles productions ne pouvaient suffire aux besoins d’un peuple chez qui la civilisation avait produit l'amour des beaux-arts. Ce temps est celui où quelques lettres maintenant oubliées faisaient la réputation de l’un de nos beaux-esprits, où une balade occupait les soirées d'un hôtel illustre, où un sonnet valait à son auteur un évêché, où telle beauté dont la vertu ré- sistait aux séductions du rang ou de la fortune, cédait à la force invincible d'un madrigal ou d’un couplet. Ce fut dans ce siècle et peu de temps après la fon- dation de l'académie française, que l’on conçut lheu- reuse idée d'encourager par des récompenses publiques — 316 — ceux que les compagnies littéraires , fidèles conserva- trices des traditions mythologiques, décoraæient alors du titre de favoris des muses ou d'Enfants d’Apollon. il faut l'avouer, Messieurs, ces enfants ne furent pas toujours dociles aux lecons de leur père ; si à la disette succéda l’abondance, on put craindre pendant longtemps les résultats de cette abondance elle-même ; la digue une fois rompue, on vit le sacré valon, (style du temps,) inondé d’un torrent de vers de toate espèce, stances et rondeaux, épigrammes et madrigaux, idylles, élé- gies, lais, virelais, sonnets et triolets. Ce fut le temps des pastorales et des couplets galants, des bergères et des bergers, des iris en l'air et des bouquets à chloé. C'était l'abus. Mais l’usage des prix se conserva et il dure encore parce qu'il est utile ; utile, non pour ajouter à notre trésor littéraire désormais suffisant à nos besoins, mais pour préserver notre littérature des invasions de la barbarie et lui conserver les qualités qui ont fait dn français une langue européenne. Il est utile, non pour géner la liberté de notre poésie en la soumettant à la sévérité des jugements académi- ques, mais pour en diriger l'élan, pour empêcher que la rudesse ne soit substituée à la force, la bizarrerie à l'originalité. Il est utile, non pour appeler dans la carrière des talents qui s’y portent d'eux-mêmes quand la nature les y invite, mais pour les encourager contre les obstacles qui les y attendent, pour les armer contre un ennemi plus redoutable que l'envie, plus inquiétant que la critique, je veux parler de ces esprits de nos jours qui ne voient de richesse réeile que celle de l’or et d'art véritable que le talent d'en amasser. — 317 — Il est utile enfin pour inviter le poète à propager, en les célébrant les nobles sentiments , les pensées élevées et à immortaliser la gloire des hommes illustres par le patriotisme , le génie ou la vertu. Telles sont, Messieurs , les idées qui vous ont dès longs-temps déterminés à proposer des prix de poésie. Cette année, quinze pièces vous ont été adressées. Toutes, il faut l'avouer, n'ont pas le mérite de l’ac- tualité. Mais si, dans le nombre, nous trouvons un Essai sur Gresset, un Adieu galant, une Elégie sur le passé, un Voyage et le Sommeil d'un Enfant, valeurs de porte-feuille qui ne datent d'aucun tems, nous avons , en revanche, la Suppression des tours, les élections en pro- vince, une Epitre à Molière sur l'inauguration de son monument et une Ode à Napoléon, œuvres contemporaines dont l’époque actuelle peut s'emparer. Pourquoi n’ajou- terais-je pas wne Hymne à la gloire, l'Elégie sur la mort d’une mère , le Retour au tombeau d'un ami? La gloire en France ne cessera d'être à l'ordre du jour, et l'amitié, la piété filiale, douces inspirations de la nature, con- viennent à tous les tems. Mais, laissant de côté l'avantage de l’à-propos, je me hâte, Messieurs, d'en venir à l'examen comparé des dif- férens poèmes que vous avez reçus. Quelques mots sur chacun d’eux, des citations rares et courtes, enfin la lecture de la pièce que vous avez couronnée, justifie- ront, je l'espére, votre décision. Un Essai sur Gresset. — Tout est dit sur l’auteur de Ver Vert et du Méchant, et, pour avoir droit de le louer , il faudrait avoir mis dans son éloge un peu de sa finesse et de sa légéreté, de sa morale sans ennui, de son esprit satyrique sans malignité ; il faudrait avoir — 318 — rappelé ces périodes dont l'abondance harmouieuse offre une création presque nouvelle dans la manière perfec- tionnée d'Hamilton et de Chaulieu. Mais l’essai sur Gresset n’est, en effet, qu’un essai. La Suppression des Tours était un sujet éminemment poétique, car il abonde en sentimens. Mais plus le sujet est beau, plus il exige, et l’on est forcé de reconnaître que si l’auteur l’a entrevu, il ne l'a pas suffisamment senti. On cherche en vain dans son ouvrage la touchante peinture d'une mère placée entre la tendresse et l'hon- neur, pleurant sur l'enfant que la nature attache à son sein et que la misère en éloigne. À ce tableau il eût fallu savoir opposer la charité qui veille, le recoit et va lui offrir une autre mère. Cette image est, ilest vrai, dans le tableau de l'auteur ; mais ce tableau n’est qu'une ébauche. Les Elections en province offraient un cadre bien dif- férent. Là sans doute la gaieté était à sa place. Il fallait nous révéler des mystères qu’heureusement notre ville ne connait pas, nous tracer des portraits, des stratagé- mes, des combats, prodiguer sans fiel la malice et l’épi- gramme. Mais, au lieu de ces jeux de l'esprit, l’auteur nous a donné des jeux de mots C'est le ZLafitte des libéraux opposé au Bordeaux du carlisme, l’homme de droite qui se trouve un peu gauche, et beaucoup de gen- tillesses de ce genre qui n'ont rien d’académique. Dans une sphère plus élevée se présentent !’Hymne à la gloire, le Retour au tombeau d'un ami et l’Elégie sur la mort d’une mère, toutes œuvres où, malgré la difté- rence de l'écriture, le inême talent et les mêmes défauts semblent révéler la même main (M."° F. Dénoix). J'ai dit le même talent ; il se manifeste, Messieurs, dans l’hymne — 319 — à la gloire par une imagination brillante et dans les deux élégies par une sensibilité vive et profonde. Considérés dans leur ensemble, les trois poèmes offrent à un très- haut dégré de la fécondité, de la verve, de la chaleur et ce que les gens de l’art nomment le jet poétique. Mais on ne remarque aussi que trop souvent de la surabon- dance, de l'inégalité, une fréquente reproduction de la même forme, une hardiesse portée jusqu’à la témérité. L'auteur s’est arrêté à la première création, celle qui produit ; il n’a point attendu celle qui corrige. Permettez- nous quelques citations. ÉLÉGIE SUR LA MORT D'UNE MÈRE. Le printemps renaissait: il comblait notre envie ; Ensemble nous goûtions ses plus pures faveurs, Et nos sens enchantés et notre ame ravie, Respiraient à longs flots l'espérance et la vie, Dans les zéphyrs et dans les fleurs. Quelles plaintes soudain s’échappent de sa bouche ? Pourquoi ses traits si beaux sont-ils décomposés ? Son regard devient terne ou livide ou farouche; Son pas s'arrête; il faut le repos de la couche A ses organes épuisés ! A cette heure si fraîche où l'aurore étincelle, Je vis son front mourant soudain se relever : « Enfant, quel beau soleil! Qu'il est beau ! disait-elle ; « Va, cette heure demain ne sera pas si belle... » Et sa voix ne put achever ! Tout bas je l’achevai cette amère parole... ! Les doutes, murmurai-je, hélas ! sont résolus. Ma mère! c’en est fait; tout prestige s'envole : Ce soleil, de la vie ineffable symbole, Demain... tu ne le verras plus ! — 320 — Ce tableau déchirant, qui donc l’oserait peindre ? Et la plume et la voix là viennent se tarir ; Là plus de sentiment, de force pour se plaindre : Au fond de la poitrine on sent l’âme s’éteindre ; On meurt... et l’on ne peut mourir ! Est-ce donc pour toujours que tu viens de te taire ? Ma mère ! à mon appel, de grâce éveille-toi ; Tu ne peux ici-bas me laisser solitaire ! Je t'en supplie ! encore une fois sur la terre, Ma bonne mère, réponds moi ! Par l'ange de la paix elle semble bercée ; De son teint rejaillit un éclat surhumain. D'où vient donc, ô secret qui confond la pensée, Que le trépas ainsi pare sa fiancée Pour consommer son noir hymen ? Voici mille témoins de sa bonté parfaite, Le blanc tissu de lin de ses larmes trempé, Son aïguille immobile et ses habits de fête, Ses fuseaux délaissés, sa montre qui s'arrête Et son fauteuil inoccupé ! HYMNE A LA GLOIRE. Que ce doit être doux de se. créer soi-même A l'estime, aux honneurs d'irrécusables droits, De se montrer partout assise au rang suprême, De pouvoir sur son front poser un diadême Qu'on ne céderait pas pour la pourpre des rois! Vous, amants du plaisir, voltigez dans les fêtes, Ambitieux, briguez les titres, la splendeur ; Guerriers, de votre sang achetez des conquêtes ; Vous, joyeuses beautés, de fleurs parez vos têtes, Tous selon vos désirs savourez le bonheur ! Moi, je me sens le cœur épris d'une autre ivresse ; Moi, j'aspire à fouler de plus larges sentiers. Autour de ses faux dieux que le monde s’empresse ; A lui, les vains atours, la fougueuse allégresse ; A moi, les champs bénis ou croissent les lauriers ! O gloire! ta couronne, afin que de ma mère Le front trop chargé d’ans se puisse rajeunir Et rendre à mes souhaits un emblême prospère; Afin que je la porte au tombeau de mon pére; Que par lui dans le ciel je me sente bénir! O gloire! ta couronne, afin que mes compagnes, Répètent mon triomphe aux échos d'alentour, Que le chant des oiseaux, les enfants des campagnes, Les hôtes des forêts, les brises des montagnes M'entourent à la fois d'harmonie et d'amour! O gloire! ta couronne, afin que de ma race, Plus qu'un blason stérile, elle excite l’orgueil, Afin que mes neveux engagés sur ma trace, Pour leur muse naissante à tes pieds trouvent grâce Et préservent mon nom de l'oubli du cercueil ! Je ne parlerai pas de l’Adieu, pièce qui, sortant par la nature du sujet, du cercle que vous avez tracé, ne peut trouver dans le mérite de l'exécution le privilège d'y rentrer; cest une épitre à une jeune dame, belle, spirituelle et gracieuse, mais en même tems légère et inconstante , comme on dit que les jeunes dames le sont quelquefois. L'Epitre à Molière sur l’inauguration de son monument a un mérite d'à-propos. Il est fâcheux que ce soit le seul. L'auteur a pris trop à la lettre ce que dit le bon bourgeois de Molière; il a cru que son œuvre n'étant 21. point de la prose, puisqu'il y a rime et mesure, c'était nécessairement des vers, et, qui plus est, de la poésie, double erreur que l’un de nous vous a signalée dans une séance semblable à celle d'aujourd'hui. LA pièce intitulée le Voyage n'offre pas l’une de ces courses sans but et sans utilité que font, sous le nom de touristes, les gens qui n'aiment point à rester chez eux. Ce ne sont pas non plus de ces impressions de voyage que l’on veut communiquer au public qui ne les partage pas. Ce n’est pas même, quoiqu'en dise le titre, une élégie. En effet, ces petits poèmes, quand ils ont trait à l'amour, ne contiennent pour l'ordinaire que les plaintes d’un amant qui gémit de la cruauté , de l'in- constance ou de la mort d’un objet adoré. Ici l’amante n'est ni morte, ni inconstante. Elle n’est surtout pas cruelle, et l'amant, qui de son côté, n’est point ingrat, est assez délicat pour le fui dire : En ces lieux ma prière 6 beauté virginale, A vaincu tes soupirs, tes regrets sans retour , Et tu laissas tomber la robe de vestale Pour prendre dans mes bras la robe de l’amour. On voit qu'il n’y a pas là matière à gémir. Maïs la vierge a été obligée de quitter son ami ; elle a pris sa robe de voyage, et là se produisent naturellement les conditions ordinaires de l'élégie ; c’est une absence. Heu- reusement elle dure peu; l'amanté revient et l’ami salue son retour par le quatrain que voici : . . . C'est sa voix, sa voix tendre. L'amour abuse-t-il comme un miroir terni ? Uu frôlement soyeux tout près s’est fait entendre, C'est elle !.. Ô Dieu, soyez béni, — 9323 — Si cette pièce n’a d'élégiaque que le titre, votre com- mission a cependant reconnu que l'auteur ne manque ni d'imagination ni de facilité. Dans l'Errrre À L'AcADÉMrr, Messieurs, vous avez trouvé des idées saines, un style coulant et naturel, en général ; ce qui annonce un bon esprit et une plume exercée. Vous avez particulièrement remarqué ce passage : Quand l’Europe jouit d’uné solide paix, Que la paix règne donc parmi tous les Français. Jamais la royauté ne cesse d’être auguste ; L'opinion doit être à la fois libre et juste. Plaignons les rois tombés victimes de l’Erreur ; De pitié, de respects entourons le malheur. Mais ne les poussons pas jusques à la démence. Osez-vous, insensés, juger la providence ?... Le droit divin! Mais Dieu peut il perdre ses droits ? N'est-ce pas lui qui fait et qui défait les rois? Des trônes, des états la volonté divine Elève la splendeur ou permet la ruine. Qui proclame les rois en tout temps en tout lieu ? Si c’est la voix du peuple, elle est la voix de Dieu. Les Adieux à la lyre que vous avez jugés dignes d’une mention très-honorable, se font remarquer par un pro- fond sentiment de mélancolie, une sensibilité vive et tou- chante ; il y a beaucoup d'art et de variété dans la facture du poème ; le rythme suit avec une heureuse facilité les divers mouvements dont l'âme du poète est agitée. Malheureusement , les règles fondamentales de la versifi- cation n’y sont pas toujours observées; la rime est insuf- fisante et quelquefois méme elle manque tout à fait. Ce- 21.7 — 92h — pendant nous aurions passé sur ces défauts, si la pièce n'of- frait pas des inégalités et de la rédondance. Boileau a dit : Ajoutez quelquefois et souvent effacez. Malheureusement nos auteurs ont renversé cette règle ; Ils ajoutent souvent et n'effacent jamais. Toutefois, Messieurs, l'œuvre en question renferme une foule de passages dignes d’être cités. Je regrette de n’en pouvoir rappeler que quelques uns. Un jeune homme dont toute la vie a été en butte au malheur, n’a trouvé de consolation que dans sa lyre et il est cbligé de l’abandonner. La pièce a pour titre: ADIEUX A LA LYRE. I. A O Ilyre, de mon cœur écho pur et sonore, Adieu ! ta corde à peine a frémi sous mes doigs! Je te quitte, et pourtant tu peux vibrer encore ; Adieu, ma lyre, adieu pour la dernière fois ! Ah! comme il a passé mon bean rêve d’enfance, Doux ruisseau dans sa source en naissant arrêté, Quand brisant dans mes dents la coupe d'espérance, Je vins heurter du front contre la vérité ! Né sous un humble toit, je crus dans mon délire Que , libres dans leurs chants, bercés d’un même essor, Et le riche et le pauvre avaient droit à la lyre; Insensé! pour chanter il faut avoir de l'or! Hélas! mon luth est pauvre, et ma muse ignorée Na point pour se vêtir la pourpre des palais , Point de brillans atours, point de robe dorée ; Pourtant sa voix est pure, et ne trompa jamais ! — 325 — Ma muse sur mon sein viens reployer tes ailes, Et toi silence, 6 luth, obéis aux destins; Il n’est point d'avenir pour les œuvres mortelles Quand l’aveugle fortune a refermé ses mains ! N Quoi ! l’onde du ruisseau coule en paix dans la plaine, Le zéphir à son gré dans les cieux peut voler, A l'écho des forêts l’oiseau redit sa peine, Et moi, moi seul, 6 Dieu! je ne pourrais chanter ! Mourons , car c’est mourir que de quitter la lyre! Mourons, d’un sort injuste il faut subir la loi. O mort! quand viendra l’heure où tout mortel expire, Tu ne trouveras plus rien de vivant en moi. Ah! qu'il me soit permis, à mon heure dernière, De jeter en pleurant un hymne vers les cieux! Ma lyre, en te brisant, fais entendre à la terre Un adieu solennel triste et mélodieux ! II. Hélas ! quels souvenirs m’a laissés mon aurore ! Un funèbre cyprès ombragea mon bercean ; Le malheur m’a ployé comme un faible roseau ! Et ma bouche novice en bégayant encore Ensemble apprit les noms de Père et de tombeau ! Nul ami ne guida mes pas sur cette terre; J’avais perdu mon tout, mon espoir, mon soutien ! Quand je voyais le fils se pendre au cou d’un père, Des larmes en secret inondaient ma paupière, Et parmi des tombeaux j'allais chercher ie mien ! — 326 — Et puis, lorsque la nuit ramenait la veillée, Une place était vide au foyer maternel ! Point de joyeux récits à l’âme émerveillée, Point de baiser du soir, point d’adieu paternel! III. Oh! l’amour d’une mère Ici bas c’est le ciel! C’est tout ce qu’on espère, C’est la douce prière, C’est la nuit solitaire, C'est le joyeux réveil ! Souvenirs de l’enfance, Doux rêves que j'aimais! O mère, Ô vigilance ! © divine espérance, La seule providence Qui ne trompa jamais ! Mon âme est une lyre Où chante la douleur, Jamais dans son délire On ne la vit sourire ! Toute âme qui soupire Trouve en elle une sœur. Quoi! lorsque la barrière Est fermée à mes chants, D’autres dans la carrière, Entourés de lumière, De l’obscure poussière Sortiraient triomphans ! Et moi, moi que la gloire a nourri d'espérance, Moi, dévorant mes pleurs dans un morne silence — 321 — J’entendrais leurs concerts sans répondre à leur voix: A travers les barreaux de son étroite cage, Tel un aigle caplif, de nuage en nuage, Suit, d’un regard jaloux, ses frères d’autrefois ! 2 Lo] , Ah! quand notre espérance Heurte contre le sort! Lorsque l’âme qui pense Au sein de l’indigence Garde un triste silence, Ce silence est la mort ! J'arrive enfin, Messieurs, à l’ode que vous avez cou- ronnée. Elle n’est point parfaite sans doute; les œuvres de l’homme ne le sont jamais. Mais il vous a paru qu'ici les beautés l'emportent sur les défauts, et ces défauts eux-mêmes trouvent une excuse dans le sujet; il fallait de la rapidité, de la chaleur, de l'audace, de la grandeur surtout pour célébrer un homme chez lequel tout fut grand en effet, le génie, la fortune, et le malheur. Vous devinez Napoléon. C’est le titre de l’ode. Ce n'est pas par le détail qu'une œuvre semblable doit être jugée ; c’est par l’idée principale, le dessein , la rapidité de la marche, la hardiesse des tours et l'éclat des images. Ce que l’on y peut trouver de heurté ne sera point un défaut s’il rappelle la manière du grand homme. Voici l'ode: NAPOLÉON. Naroréon touchait à ce moment suprême Où le fort, seul debout , n’a plus foi qu’en lui-même ; Bien loin derrière lui, prix de tant de combats, Moscow fumait encor, surpris de tant d’audace ; Et , vaincus par l’hiver , sous un manteau de glace Dormaient tous ses soldats. — 328 — Seul debout ! Seul rêvant d’ardentes représailles ? Rebaplisant sa gloire au feu de cent batailles ; Heurtant du pied les rois et broyant leurs palais... Tandis qu'à deux genoux sa France bien-aimée , Comme une reine en deuil de sa brillante armée, Lui demandait la paix. La paix !... Oh ! vois plutôt ces champs de Moscovie. Que mes vieux grenadiers ont semés de leur vie ! Vois leurs corps mutilés.... vois leurs membres épars... Ce n’était pas en vain qu’ils me criaient: vengeance ! Vous qui m'’étiez si chers, soldats morts pour la France, » Réveillez-vous ! Je pars. Je veux rendre le vol à toutes mes abeilles, À mon aigle surtout ! enfanter des merveilles. ..…. Je veux fondre l’airain en milliers de canons; Je veux, lorsqne du pied j’avertirai la terre, Voir jaïllir par torrents une eau qui désaltère » Cent mille bataillons ! Je veux remettre au joug cette foule échappée: De princes et de rois parqués sous mon épée: A leurs bercails dorés qu’ils retournent demain ! C’est assez de repos.... le travail seul féconde ! Je veux savoir encor ce que pèse le monde » Dans ma puissante main. À moi, jeunes guerriers ! Accours, ma vieille garde ! L'Europe est dans l'attente , et le ciel nous regarde : Au vent mes étendards ! En mer tous mes vaisseaux ! De mortiers, de canons hérissez mes falaises : Fondez, forgez, trempez; centuplez mes fournaises, » Quvrez mes arsenaux ! » — 329 — Il dit, et déjà l’œuvre éclosait grande, immense, Au souffle créateur de sa vaste puissance : Déjà pour le venger son peuple était debout, L’étreignait dans ses bras, hurlait des cris de joie, Et, de son aire d’or couvant des yeux sa proie, L’aigle planait partout. Paris était béant ; chacune de nos villes Y versait des guerriers en innombrables files ; Tout marchait, tout roulait ; ses coursiers fendaient l’air ; Et ses canons joyeux, la hampe emprisonnée , Sur leur axe brûlant et la bouche inclinée, Volaient comme léclair. Et lui!... toujours pensif, fier d’un si noble esclave, Ecoutait froidement bouillonner cette lave ; Laissait battre fa vague, et le volcan mugir.... Le géant calculait combien de pas encore Il voudrait accorder, du couchant à l’aurore Pour vaincre et conquérir. Mais voyez ! Ecoutez ! Paris ouvre ses portes : Les tambours, les clairons, à ses mille cohortes Disent leurs chants de guerre et de gloire, et d’amour ; Là-bas, c’est le canon qui tonne d’allégresse : Là haut, e’est le bourdon de l’antique Lutèce Qui gronde dans sa tour. I pat... Oh! Qui pourrait circonscrire un espace Au souffle du Seigneur, à l’aquilon qui passe, À lui, Napoléon, dont la gloire est l’enjeu ! Le monde anéanti sommeillait"de la veille... Sa foudre impériale un matin le réveille... Le soir il est en feu ! Précipitant son aigle au plus fort du carnage, Comme un prédestiné qui joue avec l’orage, Sur le bord du cratère il se plait à pencher : Dans ce chaos sanglant où chacun a sa date, La bombe au sillon d’or part, siffle, tombe, éclate, Et n'ose le toucher. Napoléon arrête ! Oh ! Vois donc cette brume Qu'un géant roule à toi si grosse d’amertume : Là, le point culminant ; là, le pas dangereux ; Tes canons mutilés commencent à se taire : Invincible à son tour, sous un morne suaire Elle a couché tes preux. Rappelle tes drapeaux, il en est temps encore ; Ne les tourmente plas au feu qui les dévore ; C’est un signe infaillible, un sinistre témoin : C’est la voix qui d’en haut crie au plus indomptable : « Retourne ! Je le veux... J’ai soufllé sur le sable ; » Tu n’iras pas plus loin. » La guerre a des écueils dont la pente est rapide; Elle a des jours de gloire et de faveur perfide : N’es-lu pas assez fier de Lutzen et Bautzen ? D'avoir, à flots de sang, lavé la foi saxonne ? Quel fleuron manque donc à ta riche couronne Après Dresde et Wurchen ? Trop long-temps ébranlé par d’horribles tempêtes, Le monde s’est tordu dans tes brülantes fêtes : Qu'il repose ! ou demain ton astre pâlira ; Car Leipsick n’est pas lom.... Vois le destin te gagne ! Il y court détacher le grain de la montagne Dont le choc te broiera. Quelle est donc , réponds tu, cette folle espérance Qui prétend ici-bas enrayer ma puissance, Et retirer la main quand je lève un tribut ? Que d’autres sur leurs pas regardent en arrière ! Puisque Dieu sans relâche agrandit la carrière J’en atteindrai le but!!!,... Il l’a touché ce but, sans sceptre et sans couronne ; Sur un roc escarpé que la mer environne, Et pour lui tout exprès enfanté d’un volcan ; Par des ongles de fer déchiré sur la braise ; Loin des baisers d’un fils ; dans une cage anglaise ; Au bout de l’Océan.... Oh! Va, repose en paix dans nos cœurs, dans ta gloire! Que te fait Waterloo ? Qu'importe à ta mémoire Que sur ta page d’or quelques noms soient inscrits ! Dans un ordre immuable ici-bas tout s’enchaîne : Lutzen, Bautzen, Leipsick ; Champ-Aubert, S.t--Hélène ; Le Martyre.... et Paris ! < SELS A seat qe à M érn éuv spsdndtrt ie Ninon Bqiisytnur na fe, ie RE Mie ere t'amathiernntts Étaatitn “aies tinmteret so si de Me L | ë œ Le Ÿ LEUR 68 20 er Le r Toro ataut née us SRE Are tin ant À AÉ À | FA Je MO ns énnd À Le | “160 Céleste seat iii À" ML 2 bn /gdreré a 6 octets Me 1x tien did re 4e dite et LR Te RP Mnsatt es : DR TL CE LOS LISTE DES MEMBRES RÉSIDANTS DE L’ACADEMIE. se PC MEMBRES HONORAIRES. MM. Le premier PrésiDenr de la Cour royale. Le PRÉFET de la Somme. L'Évèque d'Amiens. Le Marre d'Amiens. Le ProcurEur-GÉNÉRAL près la Cour royale. Le Recreur de l'Académie universitaire d'Amiens. LemercuiEer % , docteur en médecine, médecin en chef des hospices St.-Charles et des incurables. Jourpainx (Léonor }, professeur de belles-lettres et de langues vivantes Mazzer-Desprez % , négociant, membre du Conseil gé- néral du commerce. — 334 — MEMBRES TITULAIRES. MM. Bargier % , médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, directeur de l’école préparatoire de médecine et de pharmacie, membre associé de l’Académie royale de médecine de Paris, etc., etc. RicozLoT , médecin ordinaire de l'Hôtel-Dieu , professeur à l’école préparatoire de médecine et de pharmacie, etc. Macuart (Auguste) père #, conseiller à la Cour royale. ANSELIN , avocat à la Cour royale, doyen dn conseil de Préfecture. Cueussey %, architecte de la ville et du département. Busertr %, inspecteur de l’Académie universitaire. CRETON , avocat à la Cour royale. Ory, ancien avoué, avocat à la Cour royale. Pauquy, docteur en médecine ; professeur à l’école pré- paratoire de médecine et de pharmacie. Decaïeu, conseiller à la Cour royale. MARoTTE %, secrétaire-général de la Préfecture. Duroyer %, Maire d'Amiens, Secrétaire-Perpétuel. Bouzzer %, L.°' président de la Cour royale. DaveLzuy 3%, négociant, président du tribunal et de la chambre de commerce. QuENoBE %, président de chambre à la Cour royale. Dewaizzy, ancien propriétaire-cultivateur à Cagny. Roussez (Louis }, ‘conseiller à la Cour royale. MacarT ( Auguste ) fils, ingénieur des ponts-et-chaussées. Garnier, professeur, conservateur de la bibliothèque communale. SPINEUX %# , aîné, propriétaire, secrétaire du comice agricole. Harpouin (Henri), docteur en droit, avoué à la Cour royale, etc. TAVERNIER docteur en médecine, professeur à l’école 1 9 préparatoire de médecine et de pharmacie. Damax %, avocat-général près la Cour royale. Roussez ( Martial), directeur de la maison de correction. PozLer , professeur de physique et de chimie au collége royal, etc. Bor, pharmacien, etc. Dugois (Amable), docieur en médecine, etc. ANDRIEU , docteur en médecine, etc. LEBRETON %, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées. GaLoPpPE-D'ONQUAIRE, homme de lettres. LAvVERNIER, secrétaire-général de la mairie d'Amiens. DauPuin, conseiller à la Cour royale. BreuiL (Auguste), juge-de-paix. Maruieu, ancien négociant. Févez (Ferdinand), docteur en médecine, etc. HexrioT ( Alphonse), ancien négociant. —2333-Q0 € €E-— j NT 0 snpadto Ta é i sinon pa 4 COTE EC LE RE ses N 56 ER k déiré, CE ur, ho Ne À pe mn hi hi Rares 5° st mi: “y of He 7 Del panetlre. à SET 2e lee ee Dsl COTE Horde pré pe res PAUL LAURE “ ÿ Morvoers Aux» « ( aegatiét sr FT SRE Re : LISTE DES ASSOCIÉS-CORRESPONDANTS DE L’ACADÉMIE. #8 0——— MM. Dumériz, membre de l'Institut, à Paris. LABOUISSE, membre de la société des belles-lettres. Nonter (Charles), membre de l'Institut, à Paris. Deneux, médecin à Paris. BEnvizze, 1. avocat-général près la Cour royale de Paris. Herrin, secrétaire de la société académique de Metz. Juzien, directeur de la Revue encyclopédique, à Paris. Lrapières, chef de bataillon du génie, officier d'ordon- nance du Roi, à Paris. DeLEau, médecin, à St.-Mihiel. Drsean, lieutenant-général, pair de France, à Paris. Mancon DE LALANDE, ancien directeur des domaines, à Paris. Dupont, colonel du génie, à Abbeville. MoureuEs, ancien préfet. 22. — 35 = Morin, médecin, à Rouen. PoxeERviLLE (Sanson de), membre de l'Institut, à Paris. Bazer ( Adrien), géographe, à Paris. Jacquemyns, médecin. Boucaer DE PERTHES, directeur des douanes, à Abbeville. DaAuvERGNE, pharmacien, à Hesdin. Mao ( Charles), homme de lettres, à Paris. Moreau (César), à Paris. D'Henpecourr , ancien conseiller à la Cour royale d'A- miens, ancien membre titulaire. DE Lacoste ( Aristide), préfet des Bouches-du-Rhône. Louanre, bibliothécaire et archiviste de la ville d’Abbe- ville. Le Gzay, archiviste du département du Nord, à Lille. Bureux , membre du Conseil général et maire de Fransart. Pascais, ancien procureur-général à Amiens. Duranp , ancien recteur, ancien membre titulaire, à Paris. Hiver, avocat, membre du Conseil général , à Péronne. Burnour, membre de l'Institut, à Paris. Beucuor, littérateur, à Paris. PrizrrparT , professeur d'agriculture, à Grignon. FumEroN D'ARDEUIL, ancien préfet, conseiller d'état, à Paris. Vivien , ancien membre titulaire, ancien ministre de la justice, etc. SouLacroix, ancien recteur à Amiens , recteur de l’Aca- démie de Lyon. Grorce, secrétaire de l'Académie de Naney. — 339 — Mercier , médecin, à Arras. BRÉGEAUT , pharmacien, à Arras. Boistez , professeur de seconde au collége Rollin, à Paris. De Gayroz, ancien membre titulaire, à Compiègne. RAveneL, sous-bibliothécaire de la ville de Paris. Dusois, sous-préfet, à Vitré. GÉxix, professeur de la faculté des lettres de Strasbourg. MEAUME, ancien membre titulaire , ancien inspecteur de l’Académie universitaire. BosquicLon DE FonrExAY , ancien avocat général à Amiens, ancien membre titulaire, conseiller à la Cour royale , à Paris. Maizer DE CKiLLy, propriétaire, à Orléans, COUTURE, père, conseiller à la Cour royale, à Douay. Monnier, professeur de seconde à Gap. GRESSET , l'aîné, à Abbeville, Mazzer (Charles), professeur de philosophie, à Versailles. Parras, médecin niilitaire , à St.-Omer. Micuez-Berr, membre de la société philotechnique, à Paris Bresseau, propriétaire, à Poix. La DoucerTe (baron de), secrétaire-perpétuel de la société philotechnique. Iexox, secrétaire-perpétuel de la société académique de Mende. Ravin, docteur en médecine , correspondant de l'académie royale de médecine, à St.-Valerv-sur-Somme, ; — 340 — Duran, professeur au collége Louis-le Grand , à Paris. Bazenxery (Frédéric), procureur du Roi, à Compiègne. Jourpain (Louis), ancien membre titulaire, proviseur du collége royal de Toulouse. M.me DéÉnoix (Fanny), à Beauvais. Grrarnin, professeur de chimie, à Rouen. De Mowrémoxr ( Albert ), homme de lettres, à Paris. TizzerTE DE CLERMONT-TONNERRE, propriétaire, à Cambron. Bovcmrré , inspecteur de l'Académie de Paris, à Versailles. DELORME, ancien membre titulaire, professeur au eol- lége Charlemagne, à Paris. Caen , traducteur de la Bible, à Paris. De Morren (Charles), à Liège. Du Souicx, ingénieur des mines, à Arras. DE SANTAREM , ancien ministre en Portugal, à Paris. Lecanu , pharmacien, à Paris. Cozsox, chirurgien en chef des hôpitanx de Noyon. Lasourr, ancien procureur du Roï, à Doullens. CaresME, ancien membre titulaire, recteur de l’Aca- démie de Bourges. Fozrer , chirurgien militaire à l’armée d'Afrique. 22-33-26 D<€EE— TABLE DES MATIÈRES. PAGES. DISCOURS prononcé à la séance publique du 3 sep- tembre 1843, par M. MaroTtTE, Directeur de l'Acadèmie. . . A TN ET Me Le nt EEE RAPPORT des travaux de l'Académie , pendant l’an- née 1842—1843, par le SECRÉTAIRE-PERPÉTUEL. OBSERVATION de morve aiguë transmise du cheval à l'homme par contagion, par M. le D." AnDRIEU. DE LA NÉCESSITÉ de soumettre l'état électrique de l'atmosphère à des observations suivies, par M. PorLer. NE 1 CO RP AT ÊTr MÉMOIRE sur le défrichement des bois, par M. SPINEUX. NOTE sur la culture de la pomme de terre, par M. Amable Dupois . RAPPORT sur plusieurs brochures relatives à la question des sucres, ln dans la séance du samedi 25 mars 1843, par M. Amable Dusois. NOTICE sur le cérémonial observé autrefois à Amiens aux obsèques des Rois et des Reines de France, et sur les obligations de la ville à ce sujet, par M. LaAvEeRNIER 19 o7 75 103 — 342 — PAGes, DISCOURS sur l’organisation et l'utilité des asso- ciations, par M. le D." Févez LA FLORAISON d'un cactus, par M. MarTuieu ELOGE de M. Natalis DeLamMorLiÈRE , lu à Ja séance pablique du 3 septembre 1843, par M. SM OBERVLLREMRRE Tes TU, à TRE LE CHEMIN de fer, par M. St.-A. BERvILLE. ESQUISSE sur la Poésie indienne , lue à la séance publique du dimanche 1.‘ septembre 1844, par M. Fr-B:-PrOiar mercsaMs fus COMPTE-RENDU des travaux de l’Académie, pen- dant l’année 1843—184h, par le SECRÉTAIRE- PERPÉTIIEL. ie 200 PURE MÉMOIRE sur la thévrie de la pile voltaïque, par M. PoLer CHEMINS de fer atmosphériques. — Nouveau système propulseur, par M. Martial Roussez . RAPPORT sur un nouveau système propulseur, proposé par M. Martial Roussez, pour jes che- mins de fer atmosphériques, par M. Macnarr, fils, ingénieur des ponts-et-chaussées MÉMOIRE sur le sens du mouvement commercial, lu le 25 mai 4844, par M. Martuieu. MÉMOIRE sur les laines, par M. Daveruy MÉMOIRE sur la reproduction des bois, d'essence dure, pa M Less, à dial ul boul NOTICE sur M. Sauvage, inventeur de l'hélice, par M. Aneezin 0. | 119 129 137 4147 — 343 — PAces. DE L'EXAGÉRATION DANS LES ARTS, par M. St.-A. BERVILLE 305 RAPPORT sur le concours pour le prix de poésie, Dar (MA NMACHART père, + + 315 LISTE des Membres résidants de l'Académie 333 337 LISTE des Associés-Correspondants de l’Académie . Qsa9001© FIN É x j SI TTTTTE a Amiens, — Imp. de Duvar et HERMENT. mnt, Mae a 15 34 on Er TEA ns Fa car à 4 4 ie ñ QUE HT Fe dus ï er AE) RTE Fi RME ke PLIS FR ES sur VE ERA FAT fs à de 168 plu qu. inabbine #3 bise D te. Me D Dire pre Se" 4 OWET MT dut CARTES EE ŸAttéin ot dant Fanitid a SAM ce1 SAR \ nf RATE | Pr CC PORTES Ù | AL EE LHEMOQ rot: 11 ÉNLE #. Peur LOMSEONS M Les “hp prof Hubieët, PAR LE NM PAPLOËT dur.» n$ ee pres US LEE #: 4 st HOEEY mèr Va: LU © pi Jai SE pero ci, | TÉMAONE r ds rs re Lu #1 BoTGr. rs Ma 3 v 4 k É D : à ASS d : - | Fe 4) à “ se PNR MC i : : ü : : 2 . ... L r ® L … $ *