TU NE Te JU (fl 1 0 L ; L * = LE sd H : - À # ‘ fs + LR ù 2 l + _ > = or | = æ | Û , 00 “ sut} 4 s | * ñ LE C NE Te CG SN RE ON a RP RE 2 CE ARE FRE pre (9 — € Ge Ce S3 #5 Ÿ e MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE. ke SÉRIE. —— Tome Vi— SAM TOULOUSE, $ IMPRIMERIE DE JEAN-MATTHIEU DOULADOURE ; RUE SAINT-ROME , 41. 1856 185 , Vo L 0 ne: 2 ’ s 4 \ F LA ” = * f - ef N 2 LES } Pen en STEP ES Det LOONEUE DE RER ETES AC TR 2 us ” =, MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE INSCRIPTIONS ET ET DE TOULOUSE. ee 0 — Quatrième Série. TOME VI TOULOUSE, IMPRIMERIE DE JEAN - MATTHIEU DOULADQOURE , rue Saint - Rome , 41. 1836. PER NT > PR Es 9 Ê Li . Cf PF) PRES er NA Lan ( L g + QE à BLOS EE57 nie Fu A TUE 4 f pd " CT LD TR BETE LE ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADEMIE AU 1e JANVIER 1856. - —2860— OFFICIERS DE L'ACADÉMIE. M. FILHOL, Professeur à la Faculté des sciences, Président. M. MOLINS , Professeur et Doyen de la Faculté des sciences, Directeur. M. VITRY (Urbain) #, ex-Ingénieur-Architecte en chef de la ville, Secrétaire perpétuel. M. MOLINIER , Professeur à la Faculté de droit, Secrétaire adjoint. M. LARREY (Auguste) %, Docteur en chirurgie, Trésorier perpétuel. Ô ASSOCIÉS HONORAIRES. Mgr. l’Archevèque de Toulouse. M. le Premier Président de la Cour impériale de Toulouse. M. le Préfet du département de la Haute-Garonne. M. ve Sazvaxpy, G. C. %e, Membre de l’Institut de France. M. Tuexaro, G. O. %, Membre de l'Institut de France. M. »E Beaumont (Elie), C. #£, Sénateur, Secrétaire perpétucl de l’Institut (Classe des sciences), Commandeur de l’ordre du Christ. ASSOCIÉS ÉTRANGERS. M. Liouvice %, Membre de l’Institut de France, à Paris. M. Visconti (le Commandeur), Commissaire des Antiquités à Rome. M. Micugzer #% , Membre de l’Institut de France, à Paris. M. Dumas, C. #£, Sénateur, Membre de l’Institut de France, Inspecteur général de l'enseignement supérieur , à Paris. iv ÉTAT DES MEMBRES ACADÉMICIEN-NÉ. M. le Maire de Toulouse. ASSOCIÉS LIBRES. M. Léon (Joseph), ex-Professeur à la Faculté des sciences. M. Durrourc (Guillaume), Professeur honoraire à l'Ecole de médecine. M. Ducasse (Jean-Marie-Augustin) #, Professeur honoraire à l'Ecole de médecine. ASSOCIES ORDINAIRES. CLASSE DES SCIENCES. PREMIERE SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Brassixxe, Professeur à l'Ecole d'artillerie, rue des Cou- teliers, 53. M. Mons, Professeur et Doyen à la Faculté des sciences , rue du Lycée ; 1. M. Gascurau %, Professeur à la Faculté des sciences, rue des Couteliers , 49. M. Son, Professeur de mathématiques spéciales au Lycée de Toulouse , allée Louis-Napoléon, 27. Mathématiques appliquées. M. Macuës (Jean-Polycarpe), O0.% , ex-Ingénieur en chef des Ponts et chaussées et du Canal du Midi , rue de la Dalbade, 11. M. Ganrier % , ancien Professeur à l'Ecole d'artillerie , rue Saint-Rome, 23. M. Viruy (Urbain) #, ex-Ingénieur-Architecte en chef de la ville, allée Louis-Napoléon, 3. M. Guerzes (Joseph-Auguste), C. 3%, %, Colonel du génie en retraite. M. Guimas (Jules), Ingénieur civil, rue Pargaminières, 71. DE L'ACADÉMIE. Y Physique et Astronomie. M. pe Sacer (Charles) %, propriétaire, rue des Fleurs, 13. M. Perir #, Professeur à la Faculté des sciences , Directeur de l'Observatoire, correspondant de l'Institut de France. M. Laroque , Professeur de Physique au Lycée de Toulouse, rue de l'Echarpe, 12. M. Dacunx , Professeur à la Faculté des sciences, allée Louis- Napoléon , 15. DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Couserax, Pharmacien, rue Cujas, 14. M. Macxes-Lanexs | Charles), Pharmacien, rue des Coute- liers, 24. M. Fnoz (Edouard) , Professeur à la Faculté des sciences, Jardin royal, 8. M. Timpar-Lacrave (Edouard), Pharmacien , rue Parga- minières, 84. Histoire naturelle. M. Frizac (François) #<, ex-Conseiller de préfecture, Bi- bliothécaire de la ville, cloître Saint-Etienne. M. LEvMERIE , Professeur à la Faculté des sciences , rue des Arts, 15. M. Joy , Professeur à la Faculté des sciences, allée Bona- parte, 10. M. Lavocar, Professeur à l'Ecole vétérinaire , à l'Ecole. M. D. CLos, Professeur à la Faculté des sciences, Directeur du Jardin des Plantes, au Jardin des Plantes. Médecine et Chirurgie. M. Larrey (Auguste) %, Docteur en chirurgie, rue du Taur, 17. M. Nourer, Professeur à l'Ecole de médecine, rue du Lycée, 8. * +] ÉTAT DES MEMBRES M. Gaussall , Professeur à l'Ecole de médecine, rue des Pé- nitents-bleus , 1. M. Dessarreaux-BernarD, Docteur en médecine, Biblio- thécaire , rue Deville, 5. M. Dassier (Auguste) %#, Directeur de l'Ecole de médecine, rue des Couteliers, 46. CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. ou Mëce (Alexandre-Louis-Charles-André) #%, ex-Ingé- nieur militaire, l'un des Directeurs du Musée de Toulouse, rue des Lois, 34. M. Packs, Avocat, rue des Récollets, 69. M. Garæx-Annouzr, Professeur à la Faculté des lettrés, boulevard Napoléon , 1. M. CLausoures, Homme de lettres, rue Louis-Napoléon, 1. M. Hamez %e, Professeur à la Faculté des lettres, rue Deville, 3. M. Sauvace #%, Doyen de la Faculté des lettres , à l'hôtel de la Faculté, rue Matabiau, 13. M. pe VAcQuiÉ, Avocat, ancien Magistrat, rue des Fleurs, 13. M. Becnoume, Conservateur des archives du Languedoc, rue du Taur, 89. M Dvcos %, Avocat, ex-Conseiller de préfecture , rue Merlane, 2. M. Barry, Professeur à la Faculté des lettres , allée Saint- Michel, 4. M. Mounier , Professeur à la Faculté de droit, Econome de l'Académie, rue Malaret , 12. M, Dusor (Marcel), Avocat, ancien Magistrat, rue Mage, 20. M. Asrre (Florentin) %, Avocat, ex-Conseiller de Préfec- ture, rue des Fleurs, 18. M. Deraviexe , Professeur à la Faculté des lettres , ruc Ma- tabiau, 56, DE L'ACADÉMIE. vi] ASSOCIES CORRESPONDANTS. CLASSE DES SCIENCES. PREMIÈRE SECTION. SCIENCES MATHÉMATIQUES. Mathématiques pures. M. Tissié, ancien Professeur de mathématiques, à Aont- pellier re M. VassE DE SaxT-OuEx %$ , Insp. d’'Académie en retraite. * M. Borrez % , Ingénieur en chef, à Châteauroux. * M. Desreyrous, Prof. suppl. à la Fac. des sciences, à Paris. M. Sawr-Guicnem %, Ingénieur en chef des Ponts et Chaus- sées, à Perpignan. 5 M. Tior, Professeur de mathématiques, à Castres (Tarn). Mathématiques appliquées. M. Lermier %, Commissaire en chef des poudres et salpé- tres, en retraite, à Dijon. Physique et Astronomie. M. Barsey , Professeur au Lycée de Besancon. M. Soru, Professeur au Lycée de Tournon. M. Caumont % , Officier supérieur du génie maritime, à Cherbourg.” M. n'Homeres-Firmas %, Correspondant de l'institut de France, à Ælais (Gard ). M. DEcuw , Professeur de physique, à Lyon. * M. Rorier , Professeur, à Paris. M. Dauriac (Matthieu), à Toulouse. (1) Les Associés correspondants dont les noms sont suivis d’un astéris- que *, sont ceux qui ont élé Associés ordinaires. vii] ÉTAT DES MEMBRES M. Samuqué (Adolphe), de Poitiers, à Paris. M. le Baron Peer, G. O0. #, Sénateur, Membre de l'Institut de France, Général de division , à Paris. M. »’Agsante (Antoine) #£, de Navarrcins (Base Pyrénées), Correspondant de l’Institut de France, à Parts. M. LauGrer % , Membre de l’Institut et du Bureau des Lon- gitudes , à Paris. M. Lis, Astronome à l'Observatoire de Paris. DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES. Chimie. M. Bouts, Pharmacien , à Perpignan. M. Fraxçois %, Ingénieur en chef des mines, à Paris. M. Foxrax (Amédée) #£ , Docteur en médecine, à Bagnères- de- Luchon. M. Dusarnin, Doyen de la Faculté des sciences de Rennes. * M. Fauré , Pharmacien, à Bordeaux. M. Barizriar, Pharmacien , à Mécon. M. Bowreax, Pharmacien, à Chambéry (Savoie). M. Cnam , Professeur à l'Ecole de Pharmacie, à Paris. Histoire naturelle. M. Joman pe Cuarpexrier , Ingénieur des mines de S. M. le Roi de Saxe, Directeur des mines de Bex, en Suisse. M. Lorsezeur ne Lonccuawes, Docteur en médecine, à Paris. M. TourwaL fils, Pharmacien , à Narbonne. M. Bouée (Nérée), à Paris. M. pe CHESNEL , à Paris.” M. Farines , Pharmacien, à Perpignan. M. Lacrëze-Fossar , Avocat, à Morssac. M. ve Quarreraces %, Membre de l'Institut de France ‘classe des Sciences). * DE L'ACADÉMIE, ix M. Rozcaxn pu Roquax (Oscar), à Carcassonne. M. Sismoxpa (Eugène), Docteur , à Zurin. M. Mermer, Professeur au Lycée de Marseille. M. LeresouLer, Prof. à la Faculté des sciences de Strasbourg. M. Durour (Léon) #%*, Docteur médecin, Correspondant de l'Institut, à Saint-Sever (Landes). M. Scmimrer , Conservateur des collections de la Faculté des sciences de Strasbourg, Correspondant de l'Institut de France. M. Moucror, Docteur en médecine, à Bruyères (Vosges). M. Gassies , Naturaliste, à Agen. M. Larrer (Edouard) #, Avocat , à Seissan par Auch. M. Moquin-Taxnox %, Membre de l'Institut de France , Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. * M. Guiserre DE Narace, Docteur en médecine , à Messine {Deux-Siciles). M. DE Mazsos (Jules), Membre de la Société géologique de France et de plusieurs autres Sociétés savantes , au Chäteau de Saint-Victor par Saint-Ambroix (Gard ). M. Poucuer , Professeur de zoologie au Muséum d'histoire naturelle de Rouen , Correspondant de l'Institut de France, à Rouen. Médecine et Chirurgie. M. ScourerTex % , Docteur en médecine, à Metz. M. Prrqui pe GEmscoux, Inspecteur de l’Académie , à Grenoble. M. Muxarer , Docteur en médecine , à Zyon. M. Hum (Félix), O.%, Chirurgien en chef de l'Hôtel des Invalides, à Paris. M. Barsavez, Docteur en médecine, à Carpentras. M. Payax (Scipion), Chirurgien en chef, à l'hôpital d'Aix. M. le Baron H. Larrey, O. #$ , Chirurgien de S. M. l'Em- pereur, Médecin en chef de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. M. Le Cocur , Professeur à l'Ecole de médecine de Caën. M. Cazexeuve %, Directeur de l'Ecole de médecine, à Lille. x ÉTAT DES MEMBRES M. Bracuer %$, Docteur en médecine, Lauréat de l Acadé- mie, à Lyon. M. Heraro (Hippolyte), Docteur en médecine, à Paris. M. Beaupoiz, Docteur en médecine, à Zngrandes (Indre- et-Loire ). M. Cosres, Professeur à l'Ecole de Médecine, à Bordeaux. M. Armieux, Chirurgien aide-major au 12° régiment d’in- fanterie légère, à Calvi ( Corse). M. BoicEau DE CasTezNau %, Docteur en médecine, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Nîmes. M. Maurerix, Docteur en médecine, à Baurme-les-Messieurs par Voiteur | Jura). M. Mazane, Docteur en médecine , à Ænduse (Gard). CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. M. Dam, Avocat, à Condom (Gers). M. Rexou, C. #, ancien Conseiller au Conseil de l’ins- truction publique , à Paris. M. Cuamrorrion - Ficeac % , à Fontainebleau. M. Weiss, O. % , Bibliothécaire de la ville de Besancon, Correspondant de l’Institut de France. M. Puiccart, ex-Principal du Lycée de Perpignan. M. le Baron Caaupruc pe CRAZANxES, O %<, Correspondant de l'Institut de France, Officier de l'Université, à Castelsarrasin. M. Davezac DE Macaya #%, garde des archives de la marine, à Paris. M. pe Lauore-Laxcox (Léon), membre de plusieurs Ordres, X'Parisn M. Foresr, Sous-préfet d’Oloron. M. Cnarces-Maro % , Homme de lettres, à Paris. M. CHarPENTIER DE SAwT-PREST (Jean-Pierre), Inspecteur d’Académie en retraite, à Paris. M. BerGer De X1vREY ( Jules) %, Membre de l'Institut de France, à Paris. M. Rarx, Professeur royal Danois, à Copenhague. DE L'ACADÉMIE. x] M. Rirauo , Homme de lettres, à Marseille. M. pe Caumoxr %, Correspondant de l’Institut de France , à Caën. M. Nayraz | Magloire), Jage de paix, à Castres. M. Sovquer , Avoué, à Saint-Girons. M. Duraurier (Edouard) % , Professeur à l'Ecole des lan- gues orientales vivantes, à Paris. M. DE Saixt-FELIx-MAUREMONT, #, »X< , ancien Préfet , à Mauremont. M. Mas-Larrie (Louis), de l'Ecole des chartes, à Paris. M. Cros-MayrevieiLze , Docteur en droit, Inspecteur des monuments historiques , à Carcassonne. M. Bresson | Jacques) , Négociant, à Paris. M. Merce , Avocat, à Castelnaudary. M. DE BRiÈRE, à Paris. M. Couses (Anacharsis) #%, à Castres. M. pe Lacuisixe %, Conseiller à la Cour impériale de Dijon. M. Durcor 0e Morras X%, à Paris. M. RicarD ( Adolphe ), Secrétaire général de la Société archéologique , à Montpellier. M. Percer (Auguste) #, Inspecteur des Monuments histo- riques, à Mismes. M. GarriGou (Adolphe), Propriétaire, à Tarascon (Ariége). M. Tmisaurr, Officier de l'Université, principal du Lycée de J’alence (Drôme). M. Forrouz, C. %, Sénateur, Ministre de l'Instruction publique et des Cultes. * M. pe LavErGxE, O. %<, Membre de l'Institut de France, à Pass M. Baron De Moxr8ez %, ancien Ministre. * M. Jacquemin , Homme de lettres, à Ærles ( Bouches-du- Rhône). M. Foxps-LamoTae , Avocat, à Limoux ( Aude). M. Teuwrier, Avoué près le Tribunal civil de Marseille. M. Cos (Léon), Avocat, à Villespy (Aude). xi] ÉTAT DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE. M. Boucuer pe Crevecour , de Perthes #, Président de la Société impériale d'émulation de la Somme, à Abbeville. M. Bascce pe Lacreze, Conseiller à la Cour impériale , à Pau (Basses-P yrénées ). M. Crozes (Hippolyte), Juge au Tribunal d’Æ4/bi (Tarn). M. l'Abbé Cawero, Supérieur du petit Séminaire d' Auch. M. J. L. Dessazues, Correspondant de la Société des Anti- quaires de France, à Paris. M. Germany, Professeur à la Faculté des lettres de Montpellier. M. le Chevalier pe LE BinarT DE Taumaine , Docteur en droit, à Liége. M. 0£ Cuausane, Homme de lettres, à Rabastens (Tarn). M. Barrocomeo Boxa , Professeur à l’Université de Turin. M. Srecxerr , Proviseur du Lycée de Chäteauroux. M. Lapar , Organiste de la Cathédrale de Montauban. M. Burvour , Professeur à la Faculté des lettres, à Nancy. M. pe Barraecemy , Homme de lettres, à Chdlons-sur- Marne. M. Cewac Mowcaur , Homme de lettres , à Mirande (Gers). M. Comarmowr , Conservateur des Musées archéologiques de la ville de Zyon. AVIS ESSENTIEL. L'AcanËmiE déclare que les opinions émises dans ses Mémoires doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et qu’elle n’entend leur donner aueune approba- tion ni improbation. MÉMOIRES L'ACADENIR IMPERIALE DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DS TOULOUSE LE SERMENT DES CAPITULAIRES , ou CAPITOULS DE TOULOUSE, PENDANT LE QUINZIÈME SIÈCLE, et Votes SUR LEURS SCEAUX ET SUR LEUR ADMINISTRATION FINANCIÈRE ; Par M. pu MÈGE. L'misrore municipale de Toulouse est peu connue , et cepen- dant cette ville possédait de précieuses archives, et plusieurs annalistes se sont occupés spécialement de cette capitale de la Languedoc. Bertrandi (1) a beaucoup trop vanté le pouvoir de ses magistrats, mais il n'a point fait connaître leurs origines. Noguier (2) n’a pas été plus explicite. Catel (3), écrivain souvent (1) De Gest. Tol. (2) Histoire Tolosaine. (3) Mémoires de l'Histoire du Languedoc. k° S. — TOME VI. 1 2 MÉMOIRES £ consulté par ceux qui aiment lérudition toute faite, et qui redoutent l'ennui des recherches, a eu raison alors qu'il a établi que le titre distinctif des Capitouls provenail de ce qu'ils formaient un corps, une compagnie, ou chapitre. En effet, on disait de même, autrefois, à Toulouse, en parlant des chapi- tres ecclésiastiques de Saint-Etienne et de Saint-Saturnin, lo Capitol de Sant Estephe, lo Capitol de Sant Sarni. Nos plus anciens écrivains en Langue Romane du Midi, et entre au- tres l’auteur de la Canso dels Eretges d'Albegès (1), ouvrage dont la composition remonte à la fin du douzième et aux pre- mières années du treizième siècle, les nomme Capitoliers ou Capitulaires. C'étaient les membres du Corps ou du Chapitre qui administrait la Cité. Cette dénomination des municipaux n’était pas propre à Toulouse; les Consuls de Montauban fu- rent quelquefois désignés par le même titre (2). À Moissac, on retrouvait les Prud'hommes du chapitre (Los Pros homes del Capitol) (3). Les Consuls de Muret ayant pris la même quali- fication dans leurs actes , une sentence du Sénéchal , en date du 45 juin 1518, leur défendit de le faire à l'avenir (4). L'auteur de ce Mémoire a dit ailleurs (5) que le savant dom Vaissete , né- gligeant de rechercher , par lui-même, les formes de l'adminis- tration de nos villes, avant le douzième siècle, ne retrouve l'établissement des communes ct des magistrats municipaux que vers celte époque; et comme les travaux faits, pour lui, dans les archives , ne lui ont montré rien de plus ancien, il en a conclu que c’est vers ce temps seulement que les municipalités se seraient formées. « Nous n'avons rien , en effet, dit-il, de plus | ancien, poar celles de la province, ct on ne voit qu'en 1107 des bourgeois de Carcassonne; en 1113, des bourgeois de (1) Publiée avec une traduction française, par M. Fauriel. (2) Voir les Recherches de M. Devals aîné. (3) Archives de la ville de Moissac. Du Mège, Voyage archéologique dans le département de Tarn-et-Garonne, pag. 25. (4) Lafaille, Anna. tom. 11. (5) Additions et Notes de l’Histoire générale de Languedoc, nouvelle édilion de cel ouvrage, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 3 Montpellier; en 1121, des bourgeois de Béziers, et en 1131, des Consuls de cette ville; en 11%1, des Consuls de Mont- pellier ; en 11#4, des Consuls de Nîmes ; en 1148, des Con- suls de Narbonne, et en 1160, des bourgeois de Castres. Enfin, nous ne trouvons que vers le milieu du même siècle ce qu'on nommait à Toulouse le commun Conseil, où le Cha- pitre, composé des principaux habitants et des Capitulai- res, où magistrats municipaux, qu'on appelait Consuls dans les autres villes de la province. » Ainsi, selon le savant Béné- dictin , depuis l'établissement des Visigots dans cette partie de la Province Romaine où Toulouse est située (car il ne parle point des temps antérieurs à cette domination), il n’y aurait eu dans cette ville ni corps municipal, ni magistrature popu- laire ; et les habitants, tantôt livrés à unc longue et désastreuse anarchie, tantôt esclaves d’une féodalité tyrannique, se se- raient agités dans des troubles incessants , ou auraient obéi aux volontés arbitraires de chefs sans titres distinctifs, qui n'auraient connu d’autres limites à leur pouvoir que leur propre volonté. Mais rien ne juslific ce système ; il paraît assuré que nos mu- nicipalités étaient une émanalion des institutions romaines, respectées par les nations barbares qui avaient remplacé les conquérants de la Gaule. Nous ne croyons pas à l'étabiisse- ment d’une colonie Romaine à Toulouse, et la médaille de cette colonie , indiquée par Goltz, n'a jamais existé; mais il y avait, sans doute, comme à Lcctoure, un Sénat, des Décu- rions et des Duumvirs, et ce fait paraît suffisamment justifié, Toulouse était un municipe; sous la première race, celle ville avait le litre de Cité sur les monnaies qui y fareant frappées. Il est vrai que si l’on consultait le polonais Lelewel, cette indication n'existerait pas. Dans son livre intitulé la Numismalique du moyen âge (1), il ne place point Zo/osa au nombre des lieux où il y avait, sous les Mérovingiens, des hôtels des monnaies, tandis que l'on trouve cependant plusieurs pièces d'or, de (1) Atlas. h MÉMOIRES l'espèce bien connue sous le nom de monétaires, et frappées à Toulouse pendant cette période de notre histoire , qui com- mence après la bataille de Vouglé, et qui s'étend jusqu'aux Carlovingiens , époque où la C'ité de Toulouse, CIVIF. TOLYSA est souvent indiquée sur les monnaies. La même légende se retrouve sur celles des Comtes de Toulouse jusques au temps de la réunion de leurs domaines à la couronne. La ville était alors divisée en deux parties bien distinctes, la Cité etle Bourg. La Cité se trouvait renfermée dans une enceinte bâtie sous la domination Romaine, et qui avait pour limites, au levant, de hautes murailles, flanquées de tours, qui se prolongeaient vers le midi, aboutissaient au Chäteau Narbon- nais et au fleuve. Au couchant, ce fleuve était bordé d’une épaisse muraille , puis celle-ci, flanquée aussi de tours, continuait cette enceinte jusqu’au point où se termine aujourd'hui la rue dite des Blanchers ; de ce point elle se détournait vers le levant et terminait ainsi le périmètre de la ville. En dehors, les champs, les prairies et de nombreuses habitations formaient le bourg de Saint-Saturnin ct celui de Saint-Pierre, désignés, en genéral, sous la dénomination de Bourg, et réunis par le fait à la ville pendant le quatorzième siècle , à l'époque où les Anglais portaient le ravage dans la Guienne et menaçaient Toulouse. Catel , qu’il faut citer lorsqu'il ne se trompe point , et lorsqu'une saine critique dirige sa plume, dit à ce sujet (4) : « Tolose a esté autrefois divisée en deux parties, quasi esgales, savoir, en Bourg eten Cité, de mesmes que la ville de Carcassonne l'est encores et qu'anciennement Narbonne et Rodez l’estoient. Je ne crois pas que cette séparation ou division soit guieres plus ancienne de six cents ans, car du temps de Charles le Chauve, petit-fils de Charlemaigne, il ne se parloit point du Bourg de Tolose , comme nous pouvons remarquer de plusieurs lettres et privileges par luy octroyés, estant logé au monastere Saint- Sernin de Tolose, à la fin desquelles lettres est escrit qu'elles (1) Mémoires de l'Histoire de Languedoc , pag. 129. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 5 sont octroyées, 7 monasterio Sancti Saturnini prope Tolo- sam, Où bien juxta Tolosam, ou, comme il ya en des lettres de sauvegarde, haud procul ab urbe, sans qu'il soit parlé du Bourg dans lequel l’église de Saint-Sernin se treuve bastie. » Catel ajoute : « la Cité cstoit séparée du Bourg , non seule- ment par ses murailles, mais encore chaque ville avoit ses ma- gistrats , ses officiers et son revenu , ou bourse, entierement sé- parés ; car J'ai remarqué par les actes qui se treuvent aux ar- chifs de la maison de ville de Tolose, que jadis il y avoit douze Capitouls de la ville et douze du Bourg, deux assesseurs de la ville et deux du Bourg, six notaires de la ville et six du Bourg ; un greflier criminel de la ville et un du Bourg, deux juges de la police, ou de la petite cour, de la ville, et deux du Bourg... » Le Bourg et la Cité étaient anciennement divisés en douze régions où parties ; six dans chacune de ces sections. C'était, pour la ville, selon les anciens documents, écrits en latin : Partita Deauratæ. Partita Pons veteris. Partita Beatæ Mariæ Dealbatæ. Partita Sancti Petri, Sanctique Geraldi. Partita Sancti Stephani. Partita Saneti Romani. Les régions ou parties du Bourg , étaient celles qui sont in- diquées ainsi dans nos archives : Partita Sancti Petri de Coquinis. Partita Crosarum. Partita Arnaldi Bernardi. Partita Posumvillæ. Partita Mactabovis. Partita Villæ novæ. Dans les listes de ces magistrats, la place qu'occupaient leurs noms indiquait , pour les douze premiers, qu'ils apparte- naient à la Cité; les autres étaient ceux du Bourg, et par le rang d'inscription de chacun de ces magistrats on reconnais- sait à quelle section de la Cité ou du Bourg chacun appartenait. 6 MÉMOIRES L'époque la plus brillante de l'histoire des Capitouls est, sans aucun doute, celle où ils déployèrent une énergie remarquable en défendant les droits du Comte de Toulouse, et les priviléges du pays, contre les croisés d'Outre-Loire. En même temps, en- couragée par ses magistrats, on vit la Commune, ou l'Université des habitants, s’assembler et délibérer sur les moyens de sauver la patrie. Plus tard, lorsque Foulques réussit à désarmer les Loulousains assemblés à P’illeneuve, lieu qui, ainsi que je crois l'avoir démontré (1), n’étaitautre chose que le Palais commun , le Prélat leur promit qu’ils ne perdraient ni la vie, ni leurs biens, ni les priviléges municipaux héréditaires : Que ja cors ni aver ni terra no perdatz Ni baissamens de Vila ni autras eredatz. On a cru, vu l’absence des noms des magistrats municipaux durant Ja longue tyrannie de Mentfort , que cet usurpateur avait ravi aux oulousains leur magistrature municipale. Mais ce qui est certain , c’est que , dès la rentrée du Comte Raymond Vidans sa capitale, ce prince s’occupa de la réorganisation du Chapi- tre; et, dit le poëte chroniqueur : E los coms saconselha e l’autre capdalers, E en triat Capitol car i a gran mesters Per governar la vila e prendre milhores..…. Dans l’une des assemblées qui ont lieu ensuite, l’un des ma- gistrats, nommé Bernard, s’écrie dans un discours chaleureux : « Tels qui nous assiégent et qui croyent nous exterminer, seront frappés de nos glaives, et mourront de mort douloureuse. Il ne nous faut qu'être constants et braves, car nous avons une ville forte et nous la rendrons plus forte encore. Faisons le guet pendant le jour, faisons le guet pendant la nuit, jusqu'à l'aube; dressons autour des murs des pierriers, des calabres et des trabuquets qui battent les murs, œuvre sarrazine, le château Narbonnoïis, la vedette et la tour. Les Toulousains sont preux et (1) Histoire des Instilulions de Toulouse, 1, pag. 32. LP DR A vom ga Sn Ve 7 a cd DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. T entendus au gouvernement. Moi qui suis du Chapitre , je dé- elare pour moi, pour eux et pour tout le peuple, des plus grands jusqu'aux plus petits, que, pour le Comte, mon seigneur, et pour lui conserver Toulouse et le surplus de son domaine, nous mettrons tout à l'aventure, chair et sang, force et valeur : Tals nos cuidan aucire en son envazidor Quels aucirem ab glazis et murran a dolor Que per so devem estre valent e sufridor Car avem bona vila e farem la milhor E gastem ben lo dea e la noit a lalbor E fassam los peiriers els calabres entor EI trabuquet quel brize el mur sarrazinor El castel Narbones el mirade et la tor Ë car el son prosomes e bon governaaor En qui son de Capitol dic per me e per lor E per tot lautre poble dal maior tro al menor Que la carn et la sanc la forsa et la vigor Metrem en aventur pel comte mo senhor Quel retenya Toloza e tota lautra honor.» …. Dans la suite, lorsque l’un des Comtes dévoués à Raymond VI demanda au Chapitre (Capitol), et à ceux de la Communauté, d'envoyer des maçons, des mariniers, des charpentiers et de bons soldats pour secourir les tours, les membres du Chapitre rassemblent les ouvriers demandés ; ils placent les charpentiers à-la tête du pont, mais ceux-ci redoutent le passage, car plu- sieurs portions de ce pont se sont écroulées. Les Capitoliers font faire alors un pont de cordes, ct jeter des claies en travers. Hugues de la Motte, ce chevalier accompli en toutes choses, s’avance le premier sur le fleuve avec sa compagnie ; il est suivi des Capitoliers où membres du Chapitre. Vaillants et infati- gables , ils s’'aventurent sur l'eau profonde et réussissent à ap- proyisionner la {our : E sai Rotgers Bernats ques bos e plazentiers Mandec tost al Capitol e als dominalers, E als autres pros omes borzes e mercadiers Que ajan los maestres als nautors els brassers E las bonas companhas els sirvens loguadiers Ops de las tors socorrer car i an grans mestiers. 8 MÉMOIRES On sait que l’héroïque résistance des Toulousains triompha de la nombreuse armée des croisés et que leur chef trouva la mort sous les murs de cette ville qu’il voulait détruire. Les membres du Chapitre, ou les Capitoliers, avaient donné l'exemple du courage ct du dévouement. Ils montrèrent aussi une détermi- nation non moins héroïque lorsque le prince Louis vint assiéger Toulouse. « On envoya alors, ditle chroniqueur, des messagers aux barons et aux hommes de guerre, leur enjoignant à tous de venir; et que ni archer, ni preux chevalier, ni servant à la solde, ni faidit des bois (ni faizits de boscatge) ne puissent s'en exempter. [ls se rappelaient que naguëre, lorsque Montfort les assiégeait, ils s'étaient réunis aux Barons du Chapitre (el baron de Capitol). « Par la très sainte Croix ! ou nous mour- rons tous ensemble, ou nous vivrons avec honneur, disent-ils, car mort honorable vaut mieux que lâche existence : 55020 per la crots sanctissima..…... 0 tuit morrem essemps o remandrein ondrats Car mais val morts ondrada que vivre laguiatz. » Ce dévouement absolu au Comte et à la ville ne fut pas un titre de recommandation aux yeux du Gouvernement, alors que la dynastie des Raymonds fut éteinte. Le nombre des Consuls ou Capitoliers parut alors trop grand, et, dès l'année 1272 , on ne voit plus que douze noms sur leur liste annuelle. On pouvait craindre même que nos institutions ne fussent détruites en entier. Déjà, dans la crainte d'un avenir désastreux , Raymond VIL voulut témoigner à ses vassaux de Toulouse sa reconnaissance pour l'amour dont ils lui avaient donné des marques éclatantes, et d’ailleurs, persuadé que ceux qui, dans la suite, gouverneraient Toulouse ne respecteraient pas les vieilles coutumes de cette Cité si un acte solennel ne les y obli- geait, ii avait rassemblé, en 1247, dans le Palais commun de la ville, les Capitoliers et un grand nombre de citoyens, et à il Jeur octroya une charte dans laquelle il reconnut et certifia que la Communauté, où V Université des habitants, tant présents qu’à venir, de la Ville et du Bourg, ou faubourg de Toulouse , DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 9 avaient et devaient avoir à perpétuité la propriété et la posses- sion du Consulat, et que cette communauté pouvait, en ce mo- ment même et toujours, sans demander le conseil ou le consen- tement d'aucune personne, par sa seule autorité propre , et de son libre mouvement, élire, instituer, créer, changer, réduire, faire et maintenir les consuls de la Ville et du Bourg, nommant chaque année vingt-quatre magistrats, la moitié prise dans la Cité, et l’autre dans le Bourg, en choisissant dans chaque région, ou quartier, deux de ces magistrats, parce qu’il y a , dit le Comte, six parties dans la Ville et six autres dans le Bourg : Noverint universi præsentes et futuri, quod dominus Rohan: Dei gratia Comes Tolosæ, marchio Provincie, filius quondam re Reginæ Johanne, gratis et bono suo animo et libera solitater recognovit, dixil et asseruit in verilate, quod totus Consulatus Tolosæ urbis et suburbii erat et esse debebat in perpetuum et in proprietatem et possessio- nem Communitatis et Universitatis Tolosæ Urbis et Suburbii alque future, el quod ipsa sua sola communilas et universitas præsens et futura nunc el in perpetuam nullens viventis et requisilo consilio vel consensu propria auctoritate et voluntate sua poterat et debebat elisere et nominare, institucre , creare, mulare, reducere, facere et tenere Consules in Tolosa Urbe etSuburbio, scilicet annuatim viginti quatuor viros, mediatem de Urbe, et aliammediatem de Suburbio, de qualibet partita, duos viros, cum sex partitæ sunt in Urbe, ct aliæ sex par- titæ sunt in Suburbio. Pour prévenir les troubles et empêcher Ja ville d’être livrée, soit à une aristocratic turbulente, soit à une faction populaire, le Comte prescrivit que douze de ces magistrats fussent pris dans les familles les plus élevées, et les douze autres parmi les personnes d'une qualité inférieure : quorum medietas sit majorum et alia medietas mediorum. Raymond VII mourut deux ans après avoir octroyé cette charte, dont les dernières phrases reconnaissent que le Comte avouait ne point avoir, ni ne devait avoir aucun droit relatif aux ma- gistrats populaires de Toulouse ; que s’il en avait eu, il le remet- tait à la communauté et université des habitants présents et à 10 MÉMOIRES venir, pour en disposer perpétuellement, selon leur volonté , sans requérir ni appeler le seigneur Comte, ni personne après lui, ni en son nom. Alphonse de Poitiers, successeur de Raymond VIF, confirma , en 1251, les priviléges de la ville, mais il viola sa promesse. Après la mort de ce prince et de Jeanne sa femme, fille de Raymond VIE, le comté ayant fait retour à la couronne, les priviléges de la ville furent encore confirmés; mais chaque souverain en détruisit une partie, et dès l’année 1272, époque du saisimentum de la ville et du comté, on ne trouve plus, comme je l'ai dit, que douze Consuls ou Capitoliers. C'était encore une dérogation fla- grante à la charte de Raymond VII. Bientôt même les Capi- touls ne furent plus réellement élus par l'Université, ou la Communauté. Chaque année , à l'instant où ils allaient sortir de charge, ils présentaient une liste de personnes prises dans la Cité et dans le Bourg, et c'était dans cette liste que le Viguier choisissait les magistrats municipaux chargés d’admi- nistrer la ville pendant une année. Le Serment que les nou- veaux Consuls ou Capitouls devaient prêter entre les mains de cet officier explique tout le mécanisme de ces nominations où l'intérêt du pouvoir fut substitué à l'intérêt local et aux vicilles traditions romaines, encore empreintes dans les mœurs et dans les habitudes. Dès la première moitié du quinzième siècle, le Serment prèté par les magistrats populaires avait évidemment été remplacé par un autre. Le texte de cet acte est inscrit dans un précieux volume manuscrit conservé dans nos archives et intitulé : Premier livre des pièces, actes ct reges- tres treuvés confusément en divers armoires, sacs et livres des archifs de la Maison de la Ville, et au présent livre trans- cripls, vidimés et réduits par matières et Rubriques séparées et par bonne forme , suivant l'ordre de leurs dates, et de l'année du Capitole tholozain mil cinq cent cinquante-neuf, finissant mil cinq vent soixante , estans eslus et institués à régir el pollicier icelluy les nobles huit seigneurs Capitols cy dessoubs nommés, el en ce mesme fuelhet tourné, au vif tirez et dépaints. On voit là en effet les images des huits Ca- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 11 pitouls de celte année. C'étaient Guillaume Durand, docteur, seigneur de Montgeard ; Accurse du Bosquet, sieur des Issarts, continué dans cette charge qu'il remplissait déjà en 1558 ; Roger Duprat, seigneur de Gratens qui, de même, avait été capitoul l’année précédente ; Gervais de Nohaut , bourocois ; Jean de Lacges, dit Babut, docteur; Antoine Brun, seigneur de Lassale ; Louis Fabri, licencié et avocat ; Jean de Nos, seigneur de Male- fique. Le Serment est en langue romane, telle qu'on la parlait à Toulouse durant le quinzième siècle, mais l'on y remarque des constructions grammaticales qui proviennent évidemment de l'introduction officielle de la langue française dans la capitale du Languedoc ; le vocabulaire de l’idiome des troubadours avait déjà reçu d'ailleurs de regrettables altérations depuis la réunion du comté à la couronne. Toutes les déterminations du gouver- nement central étaient formulées en francais, et ce Serment, que nous croyons appartenir à la fin du quatorzième siècle, et retou- ché au commencement du quinzième, devait, dans sa contexture, se ressentir de l'influence que l’on éprouvait dans toutes les re- lations publiques et privées. Cependant l’idiome national latta pendant longtemps contre l'introduction d’une langue étran- gère. On n’était francais que par force; et bien que le Corps , ou Compagnie de la Gaie Science ait admis, dès les premières années du seizième siècle, des pièces en vers français concourant avec celles en langue du midi; bien que le Parlement de Tou- louse, installé en 1444, n'ait rendu ses arrêls qu’en français ; malgré qu’une portion des magistrats dont il fut d’abord com- posé ne soit venue qu'à regret dans le Languedoc et ait protesté contre son déplacement, et même que chacun d’eux ait prétendu qu'il ne faisait en venant à Toulouse qu'obéir simplement aux volontés du Roi, sans renoncer aux fonctions qu’il occupait à Paris (1), on a vu cependant la plupart des familles bourgeoises (1) Voici ce qu’on lit à ce sujet dans le premier registre en velin du Par- lement : « Le jeudi quatrième jour de juin (1444) la messe de S. Esprit so- lennellement célébrée , Messieurs sont entrés en la chambre du Parlement, c’est à savoir, Mre Aynard de Bleterens, conseiller du Roy nostre sire en 12 MÉMOIRES et beaucoup d’autres, très-haut placées dans la société, des doc- teurs en droit même, ne contracter les engagements les plus solennels qu'en langue romane, et dans le nombre nous cite- rons particulièrement Adhémar Mandinelli, qui, après avoir occupé ainsi que son père la charge de Capitoul, mourut sur un échafaud, victime des discordes religieuses, après la révolte des Capitouls, en 1561 (1). Le Serment que nous rapportons ici nous paraît antérieur, dans sa rédaction définitive, à l’établisse- ment du Parlement, c’est-à-dire à l’année 1444. Dans le com- mencement on trouve une protestation entière de soumission à la foi catholique et au pouvoir du roi de France. Le texte de ce Ser- ment, inconnu à nos historiens, ou négligé par eux, m'a paru digne d’être rapporté au bas des lignes de ce Mémoire et accom- pagné d’une traduction des passages les plus remarquables. son Parlement de Paris, el premier Président dudit Parlement de Tolose ; Mre Taneguy du Châtel, lieutenant général au gouvernement de Languedoc; Mre Pierre du Moulin , archevesque de Tolose et conseiller député pour as- sister audit Parlement ; Mre Jehan d’Estampes, trésorier de S. Hilaire de Poitiers et Mtre des Requêtes de l’hôtel du Roy, nostre sire, et Jacques Cœur, conseiller et argentier du Roy, commis el envoyé par le Roy en eelte “part; Me Gilles Le Lasseur , conseiller du Roy en son Parlement de Paris ; Me Helie de Pompadour, conseiller du Roy en son Parlement de Paris; Me Jean Gentian ; Me Pierre Barillet, juge du petit scel de Montpellier ; lesquels seigneurs entrés en ladite chambre, avec eux l’avocat et le proen- reur du Roy et greffier des présentations .…. Requis de par le Roy par ledit trésorier el argentier de eux asseoir par ordre en ladite chambre et prendre possession chacun de l'office à quoi le Roy les avait commis en ladite cour de Parlement audit lieu de Tolose instituée, protestation faite premièrement par ledit Mre Aynard de Bleterens , premier Président, Gilles Le Lasseur, Hélie Pompadour, Pierre Barillet, Jehan Dacey et Pierre Damien, et chacun d'eux, que, par acceptation du lieu ou état que le Roy leur ait ordonné avoir et exercer audit Parlement de Tolose, ils n’entendent aucunement renoncer ni préjudicier à leurs lieux , offices el élats que paravant ils avoient Lant audict Parlement de Paris que ailleurs, et en espérance el con- fiance que le Roy leur a réservé par exprès à chacun sondit office , ainsi et par la manière que affirmé leur a esté par ledit trésorier de S. Hilaire et argentier , et qu’ils demeurent en sauf.» Archives du Parlement de Tou- louse , 127 Registre. (1) Voyez Preuves, 1, les Pactes de mariage du marchand Jehan Bonet avec Jeanne de Cosmans, et ceux d’Adhemar Mandinelli, docteur , avec noble damoiselle Catherine Imbert, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 13 Cette traduction sera littérale ; on remarque d’ailleurs, dans le texte, des fautes nombreuses qui proviennent des copistes : « Au nom de Dicu, le Père Tout-Puissant , et du Fils , €t du Saint-Esprit, et de la glorieuse Vierge Mère de Dieu, et de Saint Etienne, et du Bienhcureux Saint Saturnin, martyr, et de tous les fidèles de Dicu et de notre sainte mère l'Eglise; Moi, N. touchant ces saints évangiles, je promets fermement à Monsieur le Viguier que , tant que je serai en cet office de Capitoulat de Toulouse, je garderai la vie et les membres du Roi de France notre seigneur, el de ses fils et de ses collatéraux, et je défen- drai, selon mon pouvoir, leurs causes et leurs droits ; je contre- dirai tous les hérétiques et adversaires de la sainte foi chré- tienne catholique, je les poursuivrai et les arréterai (1). » Le nouveau magistrat, placé ainsi devant le Viguier, et les Le] D mains posées sur le livre des évangiles, ajoutait : « Je serai bon et loyal Capitoul, et chaque vendredi de cette année et les autres jours, quand je le pourrai, je serai dans le lieu du capitoulat, laissant tout autre soin; et là, je ne ferai rien par peur, par audace, par haine, ne cédant ni aux prières ni aux menaces, ni à des dons, ou à des promesses que l'on me ferait; mais j'agirai en tout loyalement et fidèlement, sans fraude et sans tromperie... et je serai juste envers tous ceux qui viendront devant moi. Je n’inclinerai ni à droite ni à gau- che, mais je procéderai en suivant la ligne droite. Je traitcrai les causes communes, (ou de la Communauté), comme les miennes propres, exemples de tous dommages et les garderai selon mon pouvoir. Je garderai aussi les libertés et les coutu- — (1) «A l’honor de Diou lo Payre tot poderos , e del Fil e del Sant Esprit, el de la gloriosa Verge Mayre de Diou, e de Sant Estephe e del bonahurat Sant Cerni martyr e de Los los fizels de Diou e de la Nostra Sancta Maire Gleisa, yeu N.... toqualz aquetz sants avangelis, fermamen prometi ayssi a Mossen lo Viguier, que aytant cum yeu sere en aquest offici de Capitolat de Tholose que hiou (sic) gardare la vide els membres del Rey nostre senhor de França et de sos fils e dels sieus collaterals et lors causas e dreytz e devers gardare e defendre a mon poder. Toutz yretges el adversaris de la sancta catholica fe crestiano persegre empugnare e prendre a mon poder, » 14 MÉMOIRES mes bonnes et louables de la ville de Toulouse, sans diminution et sans aucune inconvenance, je les défendrai ct je ferai lescho- ses qui, selon le droit, doivent être gardées.par ceux qui sont constitués en offices publics et en publiques administrations (1). Le nouveau Capitoul ajoutait encore : « Je promets de don- ner à M. le Viguier et à son licutenant tout aide et bon et loyal conseil toutes les fois que j'en serai requis. Je ne révélerai point les choses secrètes ; je ne recevrai aucun don, sinon ceux qui, selon le droit, sont dus et permis... » On ne pouvait oublier dans ce serment, qui renferme les de- voirs des Capitouls , l'exercice de la justice et le jugement des procès. On y trouve, en effet, le passage suivant : « Je promets de tenir et garder (observer?) selon mon pouvoir, les aultres or- donnances du Roi notre seigneur, faites sur le capitoulat, c’est à savoir que bien qu’anciennementil y eût six Capitouls de la Cité et six Capitouls du Bourg, comme il est assuré que la Cité est plus peuplée, qu’elle est plus riche et a un plus grand nombre de feux que le Bourg, moi, selon mon pouvoir, uni aux au- tres Capitouls mes compagnons de l'une et de l’autre partie, je tiendrai l’audience ordinaire pour les procès et je ferai les di- verses choses qui appartiendront à mes fonctions ; et de cectte manière qu'en prononcant des sentences et en tous autres faits et en jugement, et hors jugement, desquels il était anciennement (1) Bon et leyal Capitol serei, ele... quascun divendres daquest an, els aultres jorns, quan poyre, an los aultres meus compaignos, lo loc del Capi- tolat, layssadas Lotas aultres curas, frequentare, e aqui re non fare per paour, per audacia, per odi, per pregairios, per menaces, per dos ny per promessas que hom me faça, mais que tout so que aqui fare fizelmen e lialmen ses frau , bausia , engan e ses malval engeniech, fare et obser- vare , et a tot celz que davan my vendran lor dreit e plenierayramen et entieyramen servare, A destra ny a senestra no menclinare, mais per la dreila via de tot en tot procedire. Aissi eum plus sauvamen, plus pleniey- ramen et miels pot esse dit el entendut, et las causas communes ayssi cum las mianas proprias de Lot damnatge a mon poder gardare, las libertats et las coustumas de la ville de Tholose bonas et lausables, ses tola diminutio e ses louta inconvenensa defendre, engardare e fare aquelas causas que seson drech devan esser gardadas per aquels que an publica administra- tion e son conslituils en puplies officis et en publicas administrations. DE L'ACAPÉMIE DES SCIENCES. 15 nécessaire d’avoir le consentement de la majeure partie desdits seigucurs du Chapitre, à l’avenir lesdits Capitouls du Bourg, appelés par l’un des serviteurs de la Maison commune, duquel sur ceci doivent tous les quatre (1) ou deux, où au moins un des leurs venir pour tenir l'audience. » Dans la suite de ce Serment on trouve tout ce qui était rela- tif à l'élection des Capitoals, nommés par le Viguier d’après une liste présentée par les magistrats municipaux dont le con- sulat allait finir. On voit, par le texte de ce règlement, que la charte octroyée par le comte Raymond VIT était abolie par l'ef- fet de ces nouvelles dispositions , et l'on acquiert ainsi l’assa- rance que, sous la domination royale, les plus précieuses liber- tés de Toulouse disparaissaient ; et, si l’on recherche dans les historiens de cette ville et surtout dans ce qui reste de ses archi- ves, Si importantes encore sous le rapport historique, on verra que les Capitouls des derniers temps, dans leurs nombreuses ré- clamations aux ministres et au conseil du Roi, se sont seulement occupés du soin de conserver et d'accroître leurs prérogatives personnelles, de faire reconnaître leur noblesse , et presque jamais de ce qui tenait aux anciennes franchises et libertés de la Cité. Dans la pièce que nous analysons, on voit que les ma- gistrats populaires devaient , même à l'époque de leur installa- tion, se soumettre à des formes spoliatrices de nos anciennes coutumes, et renoncer aux priviléges de la population tout entière. Nous donnerons bientôt la traduction du texte relatif à l'élection des Capitouls : « Je promets encore que, à la fin de notre administration, j'élirai des personnes convenables ct dignes à l'office de Capi- (1) On pourrait voir d’abord ici une erreur , car dans le texte même du Serment, on voit que nos magistrats municipaux étaient seulement au nombre de huit, six de la Cité et deux du Bourg , du moins en 1438. Mais précédemment , en 1336, la Cité eut uit magistrats municipaux, et le Bourg quatre. Ceci donnerait une date au texte primilif du Serment, qui remonterait ainsi au 14° siècle, mais qui aurait élé retouché plus lard, sans que l’on s’aperçüt de la contradiction qui se trouve dans sa rédaction relalivement au nombre des Capitouls. 16 MÉMOIRES toulat (1) et de faire registre du texte des jugements. » On déter- mina qu'il serait nommé , comme cela avait lieu anciennement, deux notaires (greffiers?) pour les causes criminelles, l’un élu par les Capitouls de la Cité et l’autre par ceux du Bourg ; et de la même manière on nomma deux personnes pour les procès de la petite cour (2); on détermina que le petit scel de la Cour des seigneurs du Chapitre, serait gardé dans la Cité pendant une année et pendant une autre dans le Bourg. Il fut ordonné aussi qu’il y aurait trois assesseurs en la cour des Capitouls ; deux d’entre eux devaient être nommés par les Capitouls de la Cité et un par ceux du Bourg. Il fut aussi arrêté que si l'on en- voyait quelques-uns des Capilouls à des personnages notables, à la cour du Roi notre seigneur, en France, ou en cour de Rome, ou ailleurs, s’il y en avait deux, l’un serait de la Cité, l’autre du Bourg; s'ils étaient au nombre de trois, deux appartien- draient à la Cité et l’autre au Bourg... On voit plus loin dans le Serment , que des douze bureaux, | Tauliers), qui existaient à l’hôtel de ville pour les causes civiles, huit seraient tenus par les notaires ( grefliers?) institués par les Capitouls de la Cité, et les quatre autres par desofficiers pareils établis par les Capitouls du Bourg ; et en suivant cette forme, les deux tiers des servi- teurs étaient instilués par les Capitouls de Cité ct l’autre par les Capitouls du Bourg. Il fut convenu aussi que lorsque les membres du Chapitre {os senhors de Capitol de Tholosa), feraient ou enverraient en cour de Rome, au Saint-Père, pour solliciter quelques grâces, deux parties des supplications seraient données par ceux de la Cité et les autres par ceux du Bourg... (3) (1) Enquaros promeli que an la fi de nostre administration convenables el sufficiens personnes a mon poder elegire al offici de Capitolat et aisso juri el prometi ; aissi Dious me ajut el aquest sants. (2) C’est ce qu’en langue du pays on nommaîït la Court Pauca; elle avait, durant le 16° siècle, un juge aux appointements de deuze francs par an, et quatre gardes. Voyez Histoire et Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, mon opuscule intitulé : le Budget des Capitouts. (3) «liem , promeli a tenir et gardar à mon poder, las aultras ordenansas del Rey nostre seignour faitas sobre le regimen deldiet Capitolat, so es DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 17 La forme de l’élection qui existait sous nos Comtes du nom de Raymond fut mise en oubli. Déjà Alphonse de Poitiers , bien qu'il eut promis de respecter les coutumes et les libertés de la ville, avait violé à ce sujet sa promesse. Dans des Lettres données à Vincennes il prétendit, en effet, que la nomination des Capitouls n’apparteuait pas à la ville, mais à lui seul; il ajou- assaber que ja sia sion que anliquament foussen sieix Capitols de Cieutat et aultres sieix de Boure , qu'atendut la Cieutat plus abunda en personnas, facullalz, en richessa et en nombre de foez que nou fa le Boure de Tholosa, que en ladila Cieutat seran sieis Capitols et en lo Boarg dos, et hyou, à mon poder, an les aulires Capitols mos compaignos, tant de Cieulal que de Bourg, tendre audiensa ordinere per processes et fare las aultras causas que a mon Capilolat sapartendran , el en aquesla guisa que en accordar sen- tensas el en aultres Lolz el sengles faictz que faran en jutgeamen et foras juigeamen en losquals anliquament era necessaris le consentement de la majour parlida deldits seignours de Capitols, daissi avant lesdits quatre Capitols de Bourc apelat per alcung sirven de ia Maiso communal al sagra- men delqual sobre aysso ham eslam totz quatre an dos ou almens la ung de lour si en aysso ques dict volon esser, en toulas las causas dessudictas deuran consentir, el si estiers ou en aultra maniera se fasie, so que anti- quamen se fasia en las causas criminalz, seran etegitz dos notaris la ung per los Capitols de Cieutat el l’aultre par les Capitols de Borg , el per semblan manieyra seran elegitz et depputatz dos personnes per auser las causas de la Court pelila, et enquaros mays quel petit sagel de la Court dels seignors de Capitol sera gardalz et gouvernatz en Cieutal per ung an et en Bourg per aulire en cas que nou sarende. Seran encara {res assessours en la court dels seignors de Capitol, los dos descals seran elegitz per les Capitols de Cicutat el ung per les Capitols de Bourg et dos scindiz la ung de Cieutat et l’aultre de Bourg. llem si sendevennie que om trameses aulcungs delz seignors de Capitol a aulcunes aultres personnes notables a la Court del Rey nostre seignor, en France, ou en la Court de Roma, ou en aullre loc per expe- dition dalcus negocis, que doux y son trames, la ung de Cieutal et laultre de Bourc, el si tant es que y sian trames tres , les doux seran de Cieutat et la ung de Bourg , et aquesla forma sera gardada segon lo nombre de mais ou de mens, et en los negocis que aurem a far et expedir cels que on trametra aura la ung de Bourg de necéssital a consentir... Ziem, que des douze tauliers que son a la Maiso communal de las causas civiles, les houeyt seran regilz et gouvernalz per los notaris insliluilz per los Capitols de Cieutal, et les quatre per les notaris insliluilz par los Capitols de Bore, et per esta meleyssa forma las douas partz dels sirvens seran instiluitz per los seignors de Capitol de Cieutat et la tersa par les Capitols de Bourc. /tem quan sen- devendra que los seignors de Capitol de Tholosa faran ou trametran commo Capilols aulcunes supplications en court de Roma al Sant Payre empetrar ou ans aulcunas gratias, las dos partz de las supplicalions sera bailladas par aquels de Cieutat et la tersa per aquels de Borg..….. h°S,—TOME VI. 2 “ 18 MÉMOIRES tait que c'était une usurpation d'en user autrement, el il mon- trait ensuite qu'il ne connaissait à cet égard aucun précédent, puisqu'il avançait que c'élait cufreindre l'ancienne coutume gardée au temps de son prédécesseur , el qu'en conséquence il leur ordonnait de renoncer à ce droit qui blessait l'autorité. Ainsi ce prince méconnaissail et niait même l'existence des char- tes octroyées en 1223 et en 1247 par Raymond le jeune, son prédécesseur. Telle est peut-être l'origine du pouvoir exercé par le Viguier, représentant du prinec, en matière d'élection, et si ectie habitude remonte à cette époque, il ne faut voir dans la liste de présentation des Capitouls qu'une sorte de concession , illusoire en quelque sorte, et destructive des deux chartes dont nous venons de rapporter les dates. Voici le passage du Ser- ment des Capitouls, où, par un étrange abus de mots, on leur fait dire qu'ils éliront leurs successeurs, tandis qu’ils devaient se borner à dresser une liste de personnes capables de remplir les fonctions de la magistrature municipale : «Je promets, disait le Capitoul, de tenir et de garder, selon mon pouvoir, la manière et la forme de l'élection du capitoulat, ainsi qu'il est indiqué dans les lettres du Roi notre seigneur. C'est à savoir que pour empêcher toute fraude et collusion qui pourrait se commettre en la nomination ct en la création des nouveaux Capitouls, que le troisième jour avant celui où les noms des nou- veaux magistra{s devront être proclamés et publiés par le Viguier de Toulouse, moi , avec les autres Capitouls mes compagnons, je me transporterai à la Maison commune, et là, je jurerai que cessant, ou en l’absence, de toute fraude, haine, faveur, amour, dons, prix et prières, je désignerai aux aultres Capitouls six personnages de ma partie, ou quartier, selon ma conscience, et chacun des autres Capitouls, mes compagnons, en fera autant, élisant chacun six particuliers de son quartier, ce qui fera en somme quarante-huit personnes nommées. Ensuite, sous ce méme Serment, Je promets que quand on nommera les seize con- seillers que je dois élire ensemble avec les autres mes compa- gnons, ces conseillers seront les prud'hommes les plus dignes que lon pourra trouver en chaque partie ou quartier. Leur DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 19 élection aura lieu, non à la fois, mais l'an après l’autre; et lorsqu'on élira quelqu'un de ma partie, je m’absenterai, et en mon absence il sera élu par les autres Capitouls, et chacun de ceux-ci en fera autant (1). Cette élection terminée, moi, avec les autres Capitouls, nous ferons jurer à ces particuliers que dans le choix des magistrats qu’on devra nouvellement élire, faisant abstraction de tout attachement, amour, fraude, haine, pré- sents et prières , ils nous donneront de bonne foi le meilleur conseil qu'ils pourront ; et après ceci, d'après les avis desdits conseillers, je procéderai, prenant et choisissant de six personnes les trois les plus capables de chaque partie ou quartier, selon ma conscience : et lorsqu'il faudra nommer le nouveau Capitoul de ma section , je me rctirerai, ct en mon absence l'élection sera faite par les autres sept Capitouls mes compagnons; et ceci sera observé par chacun des autres ; de cette façon, par quinze person- nes, c'est-à-dire, par sept Capitouls et par huit conseillers, ilsera procédé à l'élection ; par là, les personnes les plus capables nom- mées seront au nombre de vingt-quatre , dont les noms seront (1) An la f de nostre administration convenables et sufficiens personnes a mon poder elegire al offici de Capitolat, et aisso juri el promeli aissi, Dious en ajut et aquels Sants ! Enquaras prometi a Lener et gardar a mon poder la manieyre et la forma de la election del Capitoulat, ansi que es contengut en las letras del Rey nostre seignour. So es assaber que per esquinar frau et collesion que en la nomination el en la creation dels novels Capitols se poyra commeltre , quel ters dia devan le jorn quels nouvels Capilols deuran esse pronuncials et publicats par le Viguier de Tholosa , hiou am les aultres Capitols mos compagnons, mati islare en la Maison communal, el aqui jurare que cessan tout frau, odi, favour, amatri, dos, prelz, el pregarias, nomunare als aultres Capitols mos campaignens sieix soufficiens personnes de ma partida dreu et drechura amais segon ma concienso (sic)... ayssi fara cascus dels aultres Capilols mos compaignons à mon poder, nomman et eligen cascus singularmen sieix sufficiens personnes de sa partida, el en aissi seran en somma xlviii personnes nominadas, el an aprop soblz aquel meleis sagramen promeli que quan se elegiran les sege conseilliers, que hiou elegire essemps am les aultres mos compaignous, les conseilliers que deure les plus prosomes que on poyra trobar en cascuna partida. Laquella election se fare singularmen et la ung aprep laultre. Et quant om elegira conseiller de ma partida hieu me absentare et en ma absentia sera elegit per los aultres sept Capitols mous compaignous . et ayssi meteich fara cascus singularment , la ang aprep laultre a mon poder… 20 MÉMOIRES donnés au Viguier de loulouse, afin que de ces vingt-quatre personnes il en choisisse huit (1). Je promets encore que je ne ferai connaître à personne cette nomination , ou choix , el avec wesdits compaigauns, je ferai jurer la même chose aux con- seillers jusqu'à ce que cette élection soit publiée par le Viguier , et le lendemain, au lever du soleil, ou environ, quand ce Viguier aara appelé son conseil de juges et d'officiers royaux , je remet- trai avec les autres Capitouls, en présence dudit conseil, au Viguier , les noms de trois personnes de chaque partie, comme il a été dit et par nous choisis. » Ainsi, c'était en définitive le Viguier qui faisait l'élection ; le Viguicr, homme du pouvoir et qui sans doute recevait des ins- tructions, soit pour écarter tout candidat soupçonné d’être hos- tüile à celui-ci, soit pour revêtir de la magistrature populaire ceux que l’on croyait dévoués à l'autorité. C'était d'ailleurs en vertu des Lettres du Roi que l’on suivait les formes indiquées et dont on faisait, comme on l’a vu , jurer l’observance aux Ca- pitouls lors de leur installation. De vingt-quatre magistrats po- pulaires existant sous les Comtes, huit seulement étaient con- servés. La réduction de ce nombre remontait déjà assez loin ; en 1390 , on n'en comptait que quatre ; deux furent ajoutés la même année, et en 1392 il y en eut huit, cinq de la Cité ct trois du Bourg ; en 1401 il yen avait douze, mais bientôt après une (a) « Et faita ladicte election desdits conseilliers, hiou am Îles aultres Ca- pitols, les faren jurar que els en la nomination dels Capilols qu’on deura novellamen elegir, ostada toute affection, amour, frau, odi, dos, presens et pregarias nous daran à bona fe le meilhor conseil que poyran; et aprep aysso de conseilh desditz conseillers hiou am mos compaignous procedere a l'election daquelz prenden et elegem de sies personnes las tres plus suffi- ciens, segon ma consience , de cascune parlida , et quant on deura elegir le Capitol novel de ma partida hieu me absentare , et en ayssi en ma absence sera faila la election del Capitol novel de ma partida per les aultres sept Capitols mos compaignons. Et en aysso fara cascus dels aultres, sin- gularmen et la ung aprep l’aullre a mon poder et en ayssi per quinze per- sonnes so es assaber per sept Capitols et per hueyt Conseilliers sera faita la election prenden et elegen de la sieis personnes las tres plus sufficiantas en caseuna partida eLen ayssi las personnes plus sufficientas elegidas sera xxiiii, lasquals sera bailladas aldit Viguier de Tholosa affin que daquelas vingt quatre personnes clegisca las hueyt plus sufficiens. » Ce nn... DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 91 ordonnance les réduisit de nouveau à huit. En 1438, il y en eut six de la Cité et deux du Bourg. Ce règlement nous donne en quelque sorte la date du Serment jusqu’à ce moment inédit ; car, comme on va le voir, on trouve dans ce Serment qu'il y aura seulement huit Capitouls, dont deux apparliendront au Bourg. Cette pièce remonte donc à la première moitié du 15° siècle et le langage indique parfaitement cette époque. Sous le règne de Louis XIV, l’intendant de la Province rendit un solennel hommage à l'administration financière des Capitouls; ils méritaient depuis longtemps cet éloge. Dès le 15*siècle, on les voit occupés de tout ce qui tend à donner à la ville la jouissance de ses revenus et aussi de ce qui tient à la levée des impôts , le- vée confiée aux Capitouls. A l’époque dont nous nous occupons, on trouve dans le Serment qu'ils prêtent entre les mains du Vi- guier des marques de leur sollicitude à cet égard : « Je promets, dit chacun d’entre eux, qu'aucun habitant de ‘Toulouse ne sera contraint par moi à prêter à la ville, en ontre de sa volonté, pour les besoins de celle-ci, et s'il arrivait que quelqu'un prêtàt volontairement pour les nécessités de celle-ci, ou autre- ment, s'il appartient à mon quartier , je ferai, durant la durée de mon capitoulat , tout ce qui sera possible pour qu'il soit sa- tisfait, et si je ne le faisais pas, je consens qu'il soit exercé sur mes propres biens telle exécution qui sera nécessaire , et il sera fait de même , selon mon pouvoir, par chacun des autres Capi- touls, mes compagnons. Jereconnais que si les contributions qui seront imposées sur les habitants pendant ma magistrature et celle de mes compaignons , n’étaient point loutes perçues , soit par faveur ou par autre cause, Je dois être tenu de payer en entier ce qui n'aura pas été recouvré, et que, pour cela, les contribua- bles ne seront niexemptés ni quittes. » Ensuite il est fait mention de ceux qui, par malice, ou mauvaise volonté, ne paient point les impositions. Dans le Serment il est aussi parlé de la ma- nière de recouvrer les deniers de la ville et de solder les mandats tirés sur les deux trésoriers de celle-ci, et des comptes qu'ils devaient rendre. — On voit ensuite que ces officiers, dont les fonctions étaient annuelles, ne pouvaient être réélus qu'après 22 MÉMOIRES un intervalle de six années. Les mandats de payement n'étaient jamais délivrés que lorsque les personnes devant recevoir des fonds en avaient fait la demande par une pétition adressée aux Capilouls, et comme ces pétitions commençaient toujours par les mots : supplie humblement, on en avait donné le nom à ses actes, et Goudelin en a parlé (1). Les religieux qui chaque année de- mandaient des secours à l'administration , les artistes employés par elle, les ouvriers de toute sorte, étaient obligés d'avoir re- cours à ce moyen (2). Chaque mandat, durant le 15e et le 16° siècle, était revêtu de l’un des sceaux secrels des Capitouls ct de celui qui était propre à chacun d'eux , et qui offrait un signe particulier à chacune des régions ou quartiers de la ville (3). J'ai réuni, dans des notes placées à la fin de ce Mémoire, des modèles de suppliques et de mandats, et les images de l’un des sceaux secrets, et de ceux des capitoulats , toutes choses que nos historiens n'auraient pas dû négliger. Ces indications de- vaient naturellement accompagner le texte, jusqu’à présent ignoré, du Serment des Capitouls. Que si l’on trouvait ces dé- tails trop minutieux, je répondrais que, dans leurs explorations savantes, nos plus célèbres archéologues recucillent avec soin les fragments mêmes des inscriptions relatives aux plus chétives bourgades de la Grèce antique, et que l’on doit, avec plus d’ar- deur encore, mettre en lumière les titres qui tiennent essentiel- lement à nos annales, qui les enrichissent de faits nouveaux, et qui font connaître l’ancienne administration de nos villes, leurs magistrats, les lois qui les régissaient, et tout ce qui se ralta- che à leur existence politique. | (1) Obros, édition in-4°. (2) Voyez note 3, à la fin de ce Mémoire. (3) Voyez note 4 el la planche qui y est jointe, DE L'ACADÉMIZ DES SCIENCES. 23 PREUVES. Langue Romane empliyée dans les Actes durant lu première moilié du 16° siècle. 1521. I. Pasctes de mariage de Jehan Bonet, marchand de Toulouse, et de Jamma Cosmans. (Astorgy, notaire. ) « Au nom de la Sancta Trinitat, del Paire, Filh et Sanct Sperit , et de la Sagrada Verges Maria. Amen. » Siegnen se los pactes et convenensas del mariatge fasedor entre senhen Johan Bonet , merchant de Tholosa , et Jamma de Cosmans mendre de jours , filia legitima et naturela del noble Guilhaumes de Cosmans , Borges de Tholosa , que se acabaran se a Dieu platz. » Et primo , es packe que ledit Bonet pren per molher et per esposa ladila Jamma de Cosmans per paraulas de present , et se solemnisara lodit marialge a temps el a loc anssi que las partidas sen endevendran. » Liem, per supportar las chargias deldit mariatge lodit de Cosmans dona alsditz Bonet et Jamma la soma de quatre cens esculz pelitz, la quaia lour bailara touta contanta dauant la so- lemnisation deldit marialge et moyennant ladila soma losditz Bonet et Jamma quictaran bes paternalz et malernalz et suplemen de legitima, exceplat futura succession. » [tem , es pacte que ladita dot sera agensada de la Lersa part, justa la coustuma de Tholosa. » Ltem , si lo cas era que Dieu fagues plus Lost son plaser deldit Bonet que de ladita Jamma ; que lou dol , agensamens, abilhomens, ornamens et jouyels qualis que seian, seran de ladita Jamma , et aura sur los biens (sic) et la maison deldil Bonet la vida vidualment et duran son veusaige , vivent honestament anssi que se apperle. » tem, parelhament si ladita Jamma mouria plus tost que lodit Bonet , lodit Bonet guasanhara la dot, justa la costuma de Tholosa. » Losquals pactes son estals passalz el signatz per lasditas par- tidas lan mil cinq cens vingt et ung , lo xvii jor del mes de jenier en la presensa dels Messenhors Lestimonis de jots escriplz, el per so se leus dejotz signatz de lours proprias mas et signals manuals… 2% MÉMOIRES Pactes de mariage d'Adhemar Mandinelli et de Catherine Imbert. (Astorgy, notaire. ) Jhs:; Me. «En nom de la Saneta Trinilat et de la gloriusa Verges et maire de Jesus Christ , et de toutz les Sanctz de paradis, sian faictz les pactes et convenenssas del mariatge tractat, per paraula de pre- sent, entre M°. Adhemar Mandinelli , doctour als dreictz, filh na- tural et legitim de noble homme mossen Adhemar Mandinelli , Bourges de Tholose (1), duna part, et nobla damoysella Chata- rina, filha legilima et naturella de noble homme mossen Pons Imbert , marchant et bourges de Tholosa (2) daultra part, en la forma que sensiec. » Et premicrament es pacte que losditz mossen Adhemar el Ca- tharina se fiansaran al premier journ et apres lodit mariatge se solemnisara en sancta maire egleisa de journ en journ quant luna partida requiera laultra. » Plus , es pacteel convention entre lasdites partidas que lodit Moss. Pons Ymbert per supportar las cargas deldit mariatge do- nara et dona en nom de dot à ladita Chatarina sa filha et per ella aldit son marit, la somma de quinze cens livras Lornesas, laqualla somma }y pagara realment davant la solemnpnisation deldit ma- riatge per ne fa las voluntatz deldit espoulx en cas à ladita Cha- tarina , laqualla soma agensara et agensa a ladita Chatarina justa et selon lus et coustuma de Tholosa , laquella soma sera reconeguda per lodit espoulx..…... » Plus es pacte que lodit Moss’ Pons, payre de ladita Chatarina Ja vestira lo journ de sas nopsas de quatre raubos selon lestat et condition delsditz fiansatz , de lestoffa et qualitat que sera dict et accordat per la discression et commun accord de las dos mayres delsditz espoulx , et pareilhament lacoustran de joyels et doruras de tesla que seran necessaris de las nopsas à sos despens, et lodit espoulx ly fornira dos raubos lo journ de las fiansaillas a sos des- pens bonas et sufficientas aldict de lasditas dos mayres. 1\ (4) Ii avait été Capitoul en 1508. (2) Pons Imbert avait élé Capitoul en 41510, et il le fut encore en 1524. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 25 » Plus el pacte que si ladita Chatarina sen anava de vida a tres- pas premierament que lodit son espoulx , ella poira testar per son arma Jjusques à la soma de dos cens libras lornesas , et aussi poira dispausar dels joyels que ella aura per aquel Lemps à sa voluntat. » Plus es pacte que lodit Moss' Adhemar per favor deldit ma- rialge donara et dona de present aldit Adhemar son filh la mitat de touta sa borda an toutas sas terras cultas et incullas, pratz, vinbas , bosc et bastiment , laquella borda es saubuda en la juri- diction del loc de Cunhaulx , apellada la Borda du boys des Dames, franca de toutas oblias saulf que reserve lodit paire et rele los enfruicts de ladita mytat de borda tant que el viura en aquest monde et viuront ensemble en la mayson dudit pere , et an cas que lesditz fianssés ne vouldrent demeurer à La mayson dudict pere, ledit pere leur donnera toutes choses et ustencilles de mayson necessaire pour entretenir leur mesnatge. » Plus es pacle que si lodit Adhemar anava de vida a trespas dabant que ladita Chatarina son espousa , en aquel cas ella aura, surloulz et chascungs sos bes, sa vida, alimentz et entretenement tant que ella tendra vida vidualla el honesta, sens prejudicy de son dot ny agenssament loqual cessare ladita vida et pension sestin- guira. » Los quals pactes et convenenssas dessusdilas son estadas fai- chas et passadas entre lasditas partidas lasqualas an promes et Jurat de las tenir, complir et observar de punet en punet coma dessus es dict. A Tholosa, le journ xxviij del mes de novembre 1537. » IT. Suppliques des Religieux , et Mandats en leur faveur. Première. «A vous, Messieurs les Capitouls de Tholose , » Supplient humblement les pouvres Religieux de la petite Ob- servance qu'il vous plaise en faisant vostre charité avoir pitié d’eulx et leur ordonner quelque somme de deniers et seront lenus prier Dieu pour vous prosperités — sy ferez bien. » La Requête est entérinée, et un mandat de quinze livres est tiré ensuite en faveur des Religieux. Ce mandat est signé par deux 26 MÉMOIRES Capitouls, Nicolas Pellisier et...........,... On voit ensuile le reçu du gardien du Couvent de la petite Observance : c'élait le fameux Melchior de Flavin , et nous avons cru devoir donner ici la signature authographe de ce prédicateur , célèbre par son zèle contre les doctrines de la religion prétendue réformée (1). Les dons faits aux Couvents de Toulouse, par les Capitouls , avaient souvent lieu à l'époque où ces magistrats populaires allaient cesser leurs fonctions et être remplacés. C’est ce que nous appre- nons de la supplique suivante , qui leur fut présentée en 1611. «A vous, Messieurs les Capitouls de Tholouse, » Supplient humblement les Religieux de l'ordre Saint François du grand Convent de l'Observance de Tholouse, disant que chasque an aves acoustumé, Messieurs, sortant de vos charges de Capitouls, de distribuer cerlaines aumosnes aux monaslères el autres qui en ont besoin , et de tant que les supplians, tant pour subvenir à la repparaltion de l'eglise que pour la nécessité des habits , couvertes et autres choses nécessaires, ont grand besoin d'estre secoreus de charité , Vous prient qu’il plaise à vos benignes graces , leur dis- tribuer desdicles aumosnes telle quantité qu’il vous plaira, et ils continueront a prier Dieu pour vos sanctés el prospérilés. » On lit ensuite : « Rapportant ceste requesle et pour les causes contenues en icelle, a esté ordonné qne, pour aulmosne pie, la somme de trente livres sera payée auldits suppliants par nostre Lrésorier , et mandement à ces fins espédié. Fait au Consistoire tenant le sceau vert, ce douzième décembre 1611. — d'Ouvrier, Capitoul. — Boyer, Capitoul. — F. d’Aldeguier, Capitoul , etc. » Voici la supplique de Nicolas Bachelier , et la copie du mandat qui lui fut délivré. J'ai cru devoir joindre ici la signature de ce fameux sculpteur, à celle de Melchior de Flavin, qui fut aussi, comme on l'a vu , l'un des hommes célèbres de Toulouse , durant le 16° siècle. «À Messieurs les Capitouls de Tholouse , » Supplie humblement Nycolas Bachelier, maistre masson (2) de Tholose, disant qu'il a taillé beaucoup de pierres de taille pour (4) Lafaille, Annal. de Toulouse, 1, pag. 208 el suiv. 2) On sait qu'il était élève de Michel-Ange. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. Es le portal ( portail) du grand grefle............... .... etaussi quest prest a meltre en besongne , ledict suppliant veult faire les fondemens et luy est besoing pour achepter chaux et sable et payer lesdits massons que y travalheront , et maintenant qu'il doict aux compaignons plus de cinquante livres, lesquelles il vouldroit payer, et n’ont argent pour vivre , et le suppliant n’a de quoy pour faire la despense necessaire ausdits fondemens, car il y a mys plus de cent livres du sien, voldroit que luy fust delivré la somme de deux cents livres, et que pour faire ce dessus, vu aussi que le suppliant a baillées certaines cautions ; ce que vous plaira or- donner que ladite somme de deux cents livres luy sera déli- MRéeAelC.-.-.0) On voit ensuite que les Capitouls signés au bas de la supplique ( Jehan Pellissier et Pucedre) (1), accordent seulement cent livres à Bachelier , et le mandat est conçu en ces Lermes : « Est mandé à M° Nycolas Totam nostre tresorier , que des desniers ordinaires on extraordinaires de sa recepte , paie et de- livre à Nycolas Bachelier, M° Masson de Tholouse , la somme de cent livres tournois , à luy ordonnée en deduction el pour conti- nuer l'ouvraige du portal de pierre par luy prins a faire à la Maison commune , comme plus a plain est contenu à la requeste icy du present mandat soubs ung de nos cachelz secretz altaché , car en rapportant le present mandement avec quitance suflisant (sic) dudict Bachelier, ladite somme de cent livres tournois sera au- diet tresorier desdicts desniers défalquée et en ses comples allouée. Faict à Tholouse, le vj° jour du mois de septembre lan mil cinq cens cinquante six. » J'ai mis dans la planche jointe à ce Mémoire la signature de Nicolas Bachelier, exactement calquée sur l’original. On a vu que chaque Mandat délivré par les Capitouls était re- vêtu de l’un des sceaux, ou cachets secrets, de ces magistrats. Il nous reste un grand nombre d'empreintes du cachet secret le plus employé ; mais, en général, ces empreintes sont oblitérées. J'en ai cependant retrouvé quelques-unes mieux conservées , et j'en (4) Ce Capitoul étant du nombre de ceux qui, en 1561, prirent les armes dans Tou- louse pour y établir de vive force le calvinisme, il fut condamné à mort par le Parle- ment. Il avait remporté des prix de poésie aux Jeux Floraux. I échappa au supplice par une prompte fuite, mais il fut exécuté en effigie, le 31 juillet 1561, La planche jointe à ce Mémoire offre un fac-simile de sa signature, 28 MÉMOIRES donne la figure dans la planche jointe à ce Mémoire. L'un d'eux représente un belier à longue laine, la Lète nimbée , et portant la croix de Toulouse , vuidée , eléchée et pommetée , inscrite dans un cercle ou une auréole ; c'était le Sceau Verd. On lit autour : S. VIRIDE NOBILIS CAPITOLIT TH LANI... Ce Sceau était celui que l'on nommait le Sceau verd (1); il élait employé dans les actes émanés du Consistoire, ou assemblée des Capitouls : un autre représente la Sainte Vierge , assise , por- tant son divin Fils. Le champ est quelquefois parsemé d’éloiles. On s’en servait simultanément avec celui où se trouve l'agneau , ou le bélier nimbé, supportant la croix surmontée d’une couronne (2). Chaque Capitoul avait un scel, ou cachet particulier ; el ceux de ces magistrats qui étaient présents à la délivrance d’un mandat ou à l’expédilion de lout autre acte, y apposaient ces sceaux. Les emblèmes gravés sur ces objets indiquaient le Capitoulat auquel appartenait le magistrat qui le possédait pendant sa magistrature. On voit la figure de quelques-uns sous les n°* 4, 5,6, etc. , de la planche qui accompagne eet opuscule; ainsi, le scel du Capitoul de Notre-Dame de la Daurade , représente la sainte Vierge assise, tenant sur ses genoux le Christ enfant. Le champ est semé d'étoiles. Un Pont est figuré sur le scel du Capitoul du Pont-Vieux ; l'église de la Dalbade , avec sa haute tour et son clocher pyramidal , parait sur le scel du Capitoul de Notre-Dame de la Dalbade. Le scel où l'on voit l'image de saint Etienne , indique le Capitoulat de ce nom , et ainsi des autres. On chercherait peut-être en vain aujourd’hui ces sceaux , qui auraient dû être religieusement conservés dans lhôtel de ville. Nos études sphragistiques en seraient plus complètes ; mais J'espère que les empreintes de ces objets rempliront une lacune dans la série des inonuments de Toulouse , et j'ai cru devoir en garder le souvenir par le dessin qui accompagne cet opuscule. Dans quel- ques années , il n’existera sans doute plus de traces de ces marques sigillographiques de l'administration de nos vieux Capitouls. (1) Ce nom provenait, ainsi qu’on peut s’en assurer, de la couleur de la cire, ou de celle du pain à cacheter qui recevait l'empreinte. (2) Sur quelques mandats est empreint le Sceau Secret du Consistoire. Sur l’une des empreintes on lil encore : &, SECRETI CONSISTORIT. PAR Sceau verd. Gel Secret du Consistoire. Capt du Pont Vieux. Incertain. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 29 DES CAUSES DE LA DÉSAGRÉGATION DE LA BRIQUE EN PRÉSENCE DU PLATRE GACHÉ ; Par M. COUSERAN. L'ox sait que la brique qui n’a pas subi, lors de sa cuisson, un degré de chaleur assez élevé , est douce au marteau, se laisse diviser facilement, et qu'après un certain temps d'exposition à l’air humide, si elle n'est point revêtue de mortier ou de plâtre, elle se délite et tombe en poussière. Aussi cette qualité de brique est toujours destinée à des constructions d'intérieur, telles que cloisons, cheminées, etc., parce que, enduite de plâtre qui y adhère très-bien, elle se con- serve indéfiniment. Cependart, depuis quelque temps, les ouvriers plätriers de notre ville ont remarqué que certaines de ces briques repous- saient le plâtre, et qu'on n'obviait à cet inconvénient qu'en les trempant dans l'eau. I y a peu de jours, des briquetiers des environs de Toulouse se sont vus condamner par un tribunal de cette ville pour avoir fourni de la brique qui se désagrégeait sous le revêtement du plâtre gâché; fait constaté par le rapport d'un architecte, nommé commissaire par ce tribunal , qui attribue cet effet à du salpêtre que cette brique contiendrait en assez grande quantité. Les fabricants, fournisseurs de cette brique, condamnés à des dommages assez considérables, ont dù s'assurer si réellement leur brique contenait du salpêtre et si ce sel, comme l'indiquait M. l'architecte rapporteur, proyenait de la terre employée dans leur fabrique. 30 MÉMOIRES Consulté à ce sujet, j'ai cru, Messieurs, devoir vous faire connaître le résultat de mon examen , comptant sur votre bien- veillant concours pour éclairer une question qui peut être d’un haut intérêt pour l'industrie plastique. La terre qui sert à la confection de cette brique est extraite d'une tranchée d'environ 1 mètre 50, d’un terrain argilo- sablonneux. On y trouve quelques petits cailloux ct quelques débris de végétaux dus à ce que la couche supérieure de cette terre élait cultivée. Son analyse m'a fourni les caractères suivants : Traitée par l’eau à l’aide de la macération ct de la décoction, les réactifs ont démontré dans les produits de ces deux opéra- üons la présence de l’alumine, de la chaux, du fer et des traces de sulfates, phosphates, et chlorures. Ces mêmes macéré et décocté de la terre, qui auraient dû renfermer le salpêtre si la terre en avait contenu , étant en con- tact avec du cuivre et de l'acide sulfurique, n’ont point fourni la moindre trace de deutoxyde d’azote, ni donné licu à la cou- lcur rouge vineux que produit la solution de proto-sulfate de fer dans l'acide sulfurique, lors qu’on y verse la plus légère fraction d'un nitrate. La terre, épuisée par l’eau froide et bouillante de tous ses sels solables , a été traitée ensuite à chaud par l'acide chlorhydrique étendu. Cette opération, qui a laissé un résidu considérable de silice, a donné une solution contenant une grande quantité d’a- lumine, du fer et un peu de chaux. N'ayant pas trouvé dans cette terre, formée seulement de silice, d’alumine, d’un peu de chaux et de traces de sul- fates, de phosphates et de chlorures , la cause de la désagréga- tion de la brique, j'ai dû procéder à l'analyse de cette dernière, et, ainsi que dans la terre, il ne m'a pas été possible d’y recon- naître la présence de l'acide azotique ; clle ne contient donc point de salpêtre, mais ici le chlorure de barium qui, dans le traitement de la terre n'avait produit qu'un léger trouble, a donné lieu à un précipité très-abondant de sulfate de barite. J'ai dû alors rechercher la cause de cette différence et m'as- or mn DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 31 surer si {outes les parties de la brique donnaient le même résul- lat. À cet effet, j'ai enlevé avec soin de la surface lisse de la brique une couche de %# millimètres environ. J'ai ensuite mis 50 gr. de cette matière préalablement pulvérisée à bouillir dans une suffisante quantité d'eau pure. J'ai encore fait la même opération avec la partie interne de la même brique. J'ai concentré séparément ces deux produits au même point et filtré. Alors 10 centimetres cubes de chacune de ces liqueurs ont élé placés dans deux verres à réactifs et j'ai versé dans chacun des verres 5 centimètres cubes d’une même solution de chlorure de barium. Ce réactif a formé immédiatement dans les deux verres un précipité de sulfate de barite, mais beaucoup plus abondant dans celui contenant le liquide qui provenait des dé- cocté de la surface de la brique. Ce résultat m'ayant démontré que les sulfates se trouvaient en plus grande quantité dans la brique que dans la terre qui avait servi à la faire, j'ai dù voir si la terre ne contiendrait pas des sulfures qui auraient échappé à mes premières investi- galions, ct qui se seraient convertis en sulfates lors de la cuisson de la brique. Une portion de terre mêlée , dans ce but, avec du carbonate de potasse pur et chauffée jusqu'au rouge, n'ayant pas fourni la moindre trace de sulfure de potasse, il faut en conclure que la présence des sulfates dans la brique ne peut point être attri- buée à la terre. Leur source doit être infailliblement( produite par le mode de fabrication et doit se trouver dans l’eau dont on se sert pour préparer la terre et mouler la brique, ou bien dans le combus- tible qui sert à la cuire. L'eau fournie par des puits creusés dans un {errain caillou- feux et marneux, non sulfaté, ou bien par des mares alimen- tées par les eaux pluviales, ne peut point en être la source. D'ailleurs, la quantité desulfate, plus considérable à la surface de la brique que dans son intéricur, semble écarter toute idée que c’est à l'eau qu'il faut en attribuer la cause. 32 MÉMOIRES Voyons si on ne pourrait pas la trouver avec quelque fon- dement dans le combustible employé. Depuis quelque temps certains briquetiers cuisent leurs bri- ques avec de la houilie. Ce combustible, suivant sa qualité, contient toujours plus ou moins de soufre ; et ce pourrait bien être là la source de l'acide sulfurique que l’on retrouverait dans la brique douce. Dans celte brique qui a subi le degré le moins élevé de tem- pérature, son alumine ne s’est-elle pas trouvée dans des condi- tions favorables pour se combiner avec l'acide sulfurique produit par la combustion du soufre contenu dans le charbon, et for- mer du sulfate d’alumine ? Quelques taches noires qui se montrent aussi sur les ouvrages en plâtre faits avec ces briques qui se délitent ainsi, ne scraient- elles pas dues à du sulfure de fer qui se formerait aussi pen- dant les diverses réactions qui doivent avoir lieu lors de la cuite de la brique, en présence du soufre, de la vapeur d'eau, de loxyde de fer, de la chaux, de l’alumine, de la silice et des di- vers produits auquel donne lieu la combustion du charbon mi- néral ? A l'appui de cette opinion, je crois pouvoir avancer qu'on ne trouve pas dans la brique de même qualité cuite avec du bois, Ja même quantité de sulfate. Le sulfate d'alumine, en absorbant trop vite l’eau du plâtre gâché, ne doit-il pas être considéré comme la cause de la non adhérence du plâtre, et par suite de la désagrégalion de la brique ? rs ces sé RSS DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 33 lp nue de nie qu MÉMOIRE SUR UNE OIE MONSTRUEUSE APPARTENANT A LA FAMILLE DES MONSTRES POLYMÉLIENS ; Etablissement, à son sujet, de deux nouveaux genres tératologiques sous les noms d'AGN4THOCÉPHALE et d'IscHrOMÈLE (1) Par le Docteur N. JOLY. Messieurs, Beaucour moins fréquents que les parasitaires , les monstres autositaires ne sont pas tellement rares que je n’aie pu en obser- ver d'assez nombreux exemples depuis quinze ans que je suis à Toulouse. Ainsi, en 1852, j'ai décrit dans vos Mémoires une chatte gastromèle, que j'avais étudiée avec d'autant plus de soin, que ce genre de monstruosité était jusqu'alors peu connu. La même année, nous vous avons parlé d’une vache pygo- mèle (2), dont le parasite était un taureau lactifère, ct nous avons, mon savant collègue M, Filhol et moi, analysé le lait des deux sujets composants. Aujourd'hui j'aurai l'honneur de vous faire connaître le ré- sultat de mes études sur une oïe mort-née , affectée tout à la fois d'ischiomélie et de rhinocéphalie , ou plutôt d’agnathocépha- lie (3), cas unique , je crois, dans les annales de la science. (1) L'Ischiomélie (de irier, ischion, et w£àos, membre), est caraclé- risée par l'implantation de un ou deux membres surnuméraires sur les ischions d’un autre sujet, ordinairement normal. L’'Agnathocéphalie (de «, privatif, yvados, mâchoire, et w£105, mem- bre), désignera l’absence ou l’état rudimentaire des mâchoires, et surtout de la mächoire supérieure. (2) Les mots gastromèle et pygomèle indiquent des monstres doubles polyméliens, dont les membres surnuméraires sont fixés, chez les premiers sur l’abdomen , chez les seconds sur les fesses. (3) Ce monstre m’a été généreusement offert par mon savant ami, le doc- teur Léon Dufour, de l’Institut. k° S. — TOME VI. 3 34 MÉMOIRES En effet, il est généralement admis que les polyméliens for- ment une famille naturelle, essentiellement caractérisée par l'insertion, sx» un sujet bien conformé et viable, d’un ou de plusieurs membres accessoires, accompagnés quelquefois des rudiments de quelques autres parties, et même coexistant avec un second anus (f). Or, chez mon oie monstrueuse, je vois clairement deux membres postérieurs insérés au-dessous de l'anus du sujet principal, mais j'aperçois en même temps chez celui-ci une monstruosité incompatible avec la vie, la rAinocé- phalie ou plutôt l’agnathocéphalie. J'ai beau chercher, je le repète, dans tous les ouvrages de tératologie, un cas semblable à celui que j'ai sous les yeux, c'est- à-dire un monstre tout à la fois polymélien et cyclocéphalien, je n’en trouve pas un seul; tant il est vrai que nos divisions taxonomiques, quelque nettement tranchées qu'elles paraissent, n’ont réellement rien d’absolu. Je suis donc naturellement conduit à me demander si je ne dois pas établir un, et même deux nouveaux genres tératologiques, et je crois pouvoir ré- pondre affirmativement à cette question. En effet, dès qu'il est généralement admis que tous les mons- tres polyméliens naissent bien conformés, au moins en ce qui concerne le sujet principal; dès qu'on sait que tous sont non- seulement viables, mais qu'ils peuvent arriver à l’âge adulte et même donner la vie à des produits normaux, je suis auto- risé, ce me semble, à considérer l'exception qui s'offre à moi comme une particularité assez intéressante pour prendre rang dans nos cadres systématiques , et pour mériter un nom qui la rappelle. Je désignerai donc mon animal sous le nom de Agnathocé- phale ischiomièle, et je le caractériserai ainsi qu'il suit : Mächoire supérieure rudimentaire ou nulle ; face affectée de rhinocéphalie, c'est-à-dire offrant deux orbites et deux yeux réunis, avec existence d’une trompe située sur le front et repré- sentant l'appareil nasal. (1) Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Zératologie, t. 1, p. 262. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 35 Un ou deux membres pelviens surnuméraires; ischions soudés. Reprenons un à un ces divers caractères : Un des plus essentiels, sans contredit, c’est l’atrophic presque complète de la mâchoire supérieure, particularité déjà constatée par Sandifort, chez un jeunc dindon ; par Otto, chez un pigcon ; par Heusner, chez un poulet ; enfin par Huschke, chez une oie. Ces divers cas, dit M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, ne sont tous étudiés que d’une manière très-imparfaite, et il ajoute qu'ils ne rentrent dans aucun des genres actuellement connus. L'autorité d'un pareil maître suffirait donc pour m'engager à créer un genre nouveau, lors même que la polymélie ne serait pas là, en quelque sorte, pour m'y contraindre. Quant à la rhinocéphalie dort mon oie est atteinte, elle est beaucoup plus remarquable chez un oiseau que chez les mam- mifères, surtout que chez les mammifères dont le nez forme une trompe ou un groin (le tapir ou l'éléphant, par exemple), tandis que chez les oiseaux, le développement de l'appareil nasal est peu considérable. La fusion plus ou moins complète des deux yeux en un seul s’observe, au contraire , chez tous les monstres cyclocéphaliens qui n’ont qu’une seule fosse orbitaire, c’est-à-dire chez les rhi- nocéphales, les cyclocéphales et les stomocéphaies, monstres qui réalisent ainsi de tout point, même pour l'espèce humaine, la fable des Cyclopes de la mythologie. Disons maintenant un mot des deux pattes surajoutées aux pattes normales. Parfaitement distinctes, quoique très-rapprochéesà partir du tarse, ces deux pattes sont confondues au delà de ce point. Les doubles tibias et les doubles fémurs sont cachés sous une enve- loppe commune, la peau, et comme noyés dans une épaisse couche graisseuse, qui n’est autre chose que Île résultat de la transformation des muscles en tissu adipeux. Enfin, un bassin très-rudimentaire s'articule avec le bord postérieur du bassin du sujet principal, et constitue ainsi un vrai cas d'ischiomélie. , 36 MÉMOIRES Nous ne devons point passer sous silence une remarque déjà faite par les tératologues ; c'est la grande fréquence de la poly- dactylie chez les individus monstrueux de l'espèce humaine ap- partenant au groupe des cyclocéphaliens, et son extrême rareté ou plutôt son absence complète chez les animaux faisant partie du même groupe, L’oie que nous décrivons confirme l’observa- tion dont il s’agit, car le nombre des doigts est normal à cha- cune de ses pattes, et même aux pattes supplémentaires. Ajoutons enfin que, conformément à ce qui a lieu souvent chez les monstres cyclocéphaliens , le nôtre présente une éven- tration bien marquée. En résumé, réunion sur un même sujet de deux monstruo- sités ordinairement distinctes; l’une, l’agnathocéphalie, ob- servée jusqu'à ce jour uniquement chez les monstres simples ; l’autre, l’ischiomélie, qui ne s’est rencontrée que chez les monstres doubles : telle est, en définitive, le caractère saillant et tout-à-fait exceptionnel de l'oiseau qui vient d’être décrit , et que. je propose d'inscrire dans les cadres tératologiques sous le double nom d’Ægnathocéphale-Ischiomèle (1). (1) L'établissement du genre Agnathocéphale avail été déjà pressent, et celui du genre Zschtomèle , nettement indiqué par notre illustre maitre et ami M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire. (Voy. Tératologie, t. n, p.42 et ur, p. 266); mais ce savant, nous le répélons, n’avait jamais observé la coexistence des deux monstruosilés que nous venons de faire connaître. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Oie Agnathocéphale ischiomèle. (N. Joly.) A mâchoire supérieure. B mâchoire inférieure. C langue. D appareil nasal ou trompe. E les deux yeux contigus. F'aile droite. G Gles deux pattes du sujet autosite. H portion de vitellus non encore rentrée dans l'abdomen. 1 les deux fémurs et les deux tibias du sujet parasite, intimement soudés. J J’ les deux palmes de ce même sujet entièrement distinctes, mais contournées sur elles-mêmes. -H. Joly del. OIE Agnathocéphale is chiomèle.(N.Joly) Lith. Delor. DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 31 SOLUTION D'UN PROBLÈME RELATIF À LA THÉORIE DES NOMBRES , (Lu le 6 mars 1856 ); Par M. J. SORNIN. LE problème que je me propose de résoudre est le suivant: Parmi les diverses séries de poids qui permettent de peser tous les corps, à 1 unité près, trouver la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui, pour un nombre déterminé de poids, conduit à la plus haute limite. Jexaminerai successivement le cas où l’on s’astreint à ne mettre les poids que dans un seul plateau de la balance, et celui où l’on permet de les mettre dans les deux plateaux. 1er Cas. La solution du problème, lorsqu'on ne met les poids que dans un seul plateau, résulte de ce que tout nombre entier peut être représenté par la série : ak2b+4c+...+Lartk dans laquelle a, b, c...k ont les valeurs o ou fr. En effet, tout nombre entier peut être représenté par : N=2p+a, a étant égal à o ou 1 ;sipest > 1, on peut poser p—2p"+0, D étant aussi égal à o ou 1, et il vient : N=4p'+2b+a. En raisonnant sur p’ comme sur p, on obtient la série : N=at2b+{c+...+arik. Cette formule montre qu'en prenant 2 poids cotés : 38 MÉMOIRES 1,2,4...2"-", on pourra peser tous les corps depuis 1 jusqu'à 1 L2+H4+...+# 27, c'est-à-dire jusqu'à 2"— 1. Je vais prouver de plus que ce système de 2 poids est le plus avantageux, ou que tout autre système, propre à peser tous les corps, à r unité près, et composé du même nom- bre de poids, conduira à une limite moins élevée. Pour démontrer cette proposition, je la supposerai vérifiée pour un système de 7 poids, et je dis qu’elle sera encore vraie pour un système de 2+ 1 poids, ou que le 72+ 1° que l’on devra joindre aux précédents : 1,2, 4...2"-", devra être 27. En effet, avec la première suite, on peut peser jusqu’à la limite 2"— 1, et pour peser 1 unité de plus, il faut néces- rairement employer le poids 2” ou un plus faible; done 2” est le poids qu’il faudra joindre à la première suite-pour étendre le plus possible la limite précédente. La proposition se trouve ainsi démontrée d’une manière générale , car elle est évidente pour 7=1r. Ainsi, avec un système de z poids de 1, 2, 4...2 grammes, par exemple, on peut peser tous les corps à 1 gramme près , et ce système est le plus avantageux de tous ceux qui satisferaient à la même condition, en ce sens qu’il permet de peser jusqu’à la limite la plus éloignée, qui est de 2"— 1 grammes. Réciproquement, pour peser jusqu’à la limite 2°— +, le nombre minimum des poids à employer est 7, et on doit les choisir dans la série précédente. Ce nombre 7 est aussi le nombre minimum des poids à employer pour peser jusqu’à une limite N comprise entre 2"—*— ret 2"— 1, car il faut néces- sairement 2 —1 poids pour atteindre la première limite et par conséquent z poids pour la dépasser. Seulement on pourra employer 2 poids autres que ceux de la série, ceux-ci ayant toutefois l’avantage de conduire à une limite plus éloignée. n— 1 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 39 Comme application , considérons les boites de poids que l’on trouve dans le commerce. Celles qui doivent peser tous les corps, à 1 gramme près jusqu’à 1 kilogramme sont com- posées de 12 poids. Or avec 12 poids pris dans la série 1,2, /{...2048, on pourrait peser jusqu'à 4095 grammes ou plus de # kilogrammes. L'avantage sera encore bien plus considérable si on considère les boites de 10 kilogrammes lesquelles contienneut 20 poids, car avec 20 poids de notre série on peut peser jusqu'à 2°— 1 grammes ou plus de 1000 kilogrammes. Pour peser jusqu’à 10 kilogrammes, il ne faudrait em- ployer que 14 poids et même avec ces 14 poids on pourrait atteindre au delà de 16 kilogrammes (*). 2e Cas. Lorsqu'on peut mettre les poids dans les deux plateaux, la solution du problème est différente et se fonde sur cette considération que tous les nombres entiers peuvent être représentés par la suite : at3bLoc+:..+31 'Æ dans laquelle a, db, © auraient pour valeurs o, 1 ou —1. Pour le démontrer, je remarque que tout nombre entier peut être représenté par N—3p+a, a étant égal à o, 1 ou — 1; sip est > 1 on peut poser p==3p'+b, b étant dans les mêmes conditions que a, et il vient N—=9p'+3b+a. En continuant ce raisonnement on obtient la série ci-dessus. Cette formule montre qu’en prenant # poids de valeurs : 1,3,9...3 on pourra peser tous les corps depuis & jusqu'à 1L3+09+...+3 ", c'est-à-dire jusqu’à : La démonstration précédente fait même voir comment on 11 — 1 (*) L'auteur ne propose pas pour cela de changer les boîtes du com- merce , les poids que l’on y emploie étant plus commodes pour l’usage de la balance. I ne faut voir dans ce travail qu'une théorie mathématique. 40 MÉMOIRES devra procéder pour obtenir un poids quelconque N. On le décomposera dans la suite : a+ 3b+oc+ete.; les termes qui auront le signe + indiqueront les poids à mettre dans un plateau et ceux qui auront le signe — indiqueront les poids à mettre dans l’autre plateau avec le corps à peser. Je dis de plus qu'avec z poids placés dans l’un ou l’autre plateau, on ne peut arriver à une limite plus élevée que celle donnée par la série : 1, 3, 9.. ae à Supposons, en effet, la proposition vérifiée pour 2 poids, je vais prouver qu'elle sera vraie pour 7 + 1. Car avec 7 poids, 1/2 3 —1 on ne pourra peser que jusqu’à la limite . Ajoutons 1 cp Te 3° 32 PR unité à cette limite, on aura : dE P: sus: — par conséquent le poids 3° étant mis dans un plateau et tous 3° + 1 DE 2 ns : : re * n plus, on ne saurait l'obtenir avec un poids supérieur à 3 , puisque l'influence du poids 3° a été compensée le plus pos- . . (2 . . sible; donc le poids 3° est le plus fort que l’on puisse ajouter à la série, et la proposition se trouve ainsi démontrée géné- ralement puisqu'elle est d’ailleurs évidente pour 7 = 1. ," 3 —1 les précédents dans l’autre, on obtiendra le poids Réciproquement pour peser jusqu’à , a est le nom- 2 bre minimum des poids à employer. On le voit de la même manière que dans le premier cas. Comme application on trouvera qu'avec 12 poids de 1, 19200: 1 3° grammes on peut peser tous les corps depuis 1 gramme jusqu’à plus de 265 kilogrammes. Avec les 7 poids de 1,3,9-...729 grammes, on pèse jusqu'à 1093 gram- mes, et avec les 9 poids : 1, 3...6561 on pèse jusqu'à 9841 grammes ou près de 10 kilogrammes, résultat bien suffisant pour les usages ordinaires de la balance. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k4 RAPPORT SUR LA MACHINE A FAIRE DES TENONS ET DES MORTAISES DE MM. MAYBON ET BAPTISTE ; Commissaires : MM. BRASSINNE, PETIT, et GUIBAL, Rapporteur. ComxE tous les arts, celui de travailler le bois est arrivé au- jourd’hui à un grand degré de perfection, au point de vue des résultats obtenus ; mais il faut reconnaître que les moyens em- ployés sont loin d'atteindre ceux apportés par le génie de l’in- vention dans le travail des métaux. Il n’est pas rare , en effet, de voir aux centres de populations où l’industrie a reçu quelques développements, des ateliers de construction, plus ou moins importants, dans lesquels fonc- tionnent, comme par enchantement, des multitudes de machines, œuvres créées par l'homme pour amoindrir sa peine et augmen- ter ses produits, mais auprès desquelles il est condamné à jouer, pour ainsi dire, le rôle de serviteur : conséquence obligée de sa puissance imparfaite. Au contraire, les ateliers de menuiserie, de charpente et d'ébénisterie laissent généralement encore au travail des bras la plus grande part dans l’œuvre à produire. Cet état de choses s'explique facilement par la nature essen- tiellement différente des matériaux qui dans ces deux indus- tries sont soumis à l’action des outils. On conçoit, en effet, que la résistance des métaux , considé- rablement plus grande que celle du bois , rende plus nécessaire l'emploi des machines, et que, par conséquent, les inventions et les pérfectionnements aient fait de plus rapides progrès dans la première de ces industries que dans la seconde. Néanmoins, il existe beaucoup de machines à travailler le 7) MÉMOIRES bois, telles que scies et rabots mécaniques, machines à (ourner, à faire des vis, à débiter les feuilles de bois de placage, à dé- couper , etc. Mais il reste encore beaucoup à faire, tant pour le perfectionnement de la plupart de ces machines que pour la création de nouvelles. La partie la plus importante et la plus difficile de l'art du menuisier , charpentier et ébéniste, consiste dans l'assemblage des pièces ; car, de la bonne exécution de ce travail dépend, en grande partie , la solidité et la durée de louvrage. Ces assemblages se font presque toujours par le système de tenon et mortaise. Dès lors on conçoit de quelle utilité peut être une machine servant à faire économiquement ce genre d’assem- blage avec promptitude et précision. Votre Commission a vu fonctionner de la manière la plus sa- tisfaisante cette machine dans les ateliers de MM. Maybon et Baptiste, menuisiers établis dans notre ville. Depuis plusieurs années déjà ces habiles inventeurs avaient reconnu , par suite de leur pratique journalière , tous les avan- tages qu’on pourrait retirer d'un appareil mécanique propre à faire les tenons et les mortaises ; en 1848 ils exécutèrent eux- mêmes leur première machine, dont tous les éléments , à l’ex- ception de l'outil, étaient en bois ; et bien que cette machine fût très-imparfaite encore , ils en obtinrent des résultats encoura- geants. Les modifications suivirent de près la première exécution ; les bois y furent successivement remplacés par le fer et la fonte, et enfin, en 1835, la machine avait atteint le degré de per- fection qu’elle présente aujourd'hui. Sans faire une description complète de cette machine, nous devons dire cependant en quoi elle consiste : l'outil est un ci- seau creux de section carrée et à quatre tranchants ; placé ver- ticalement ; il est mu, dans cette même direction d’un mouve- ment de va et vient ; la pièce qu’il s’agit de mortaiser est placée horizontalement ou en pente sous le ciseau, suivant que la mor- taise doit être droite ou oblique ; au-dessous de la pièce de bois et sur la même verticale que le ciseau se trouve une mèche à DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 43 percer qui fait partie de la machine. Cette mèche monte en tour- nant et ouvre ainsi dans le bois un premier passage au ciseau , elle retombe aussitôt et le ciseau se met en marche; à chaque oscillation de cet outil , la pièce avance d’un cran dans le sens de sa longueur. Tel est le principe de cette machine. Nous ajouterons encore que le ciseau creux, pour pouvoir fonctionner, doit être dé- gorgé des copeaux qu’il emporte avec lui après chaque oscilla- tion ; à cet effet, une baguette de fer fixée verticalement au bâtis de la machine pénètre dans le ciseau toutes les fois qu’il se relève et chasse les copeaux en les repoussant par en bas, tan- dis qu’une petite palette se présente au-dessous pour les rece- voir et les lancer loin de la mortaise dans laquelle il importe qu'ils ne retombent pas. Cette disposition, pour le dégorge- ment de l'outil, aussi ingénicuse que simple , est de la plus grande importance. Lorsqu'il s’agit de faire un tenon, on remplace le ciseau creux par une double bédane dont l’espace entre les deux tranchants est égal à l’épaisseur qu’on veut donner au tenon. Enfin, les organes accessoires de cette machine permettent de faire sur une même pièce des mortaises de différentes lon- gueurs et à des distances déterminées, de telle sorte que, la machine une fois réglée pour un même travail, le manœuvre le moins intelligent peut faire en quelques minutes le travail que l'ouvrier le plus habile ne pourrait pas faire en une journée. Votre Commission a vu, en effet, exécuter sous ses yeux une mortaise de six centimètres de longueur sur un de largeur et onze de profondeur , en cinquante-deux secondes. Une seconde mortaise de quatorze centimètres et demi de longueur sur un de largeur et onze de profondeur a été exécutée en deux minu- tes et neuf secondes. Enfin une troisième mortaise de vingt-sept millimètres de longueur sur un centimètre de largeur et onze de profondeur a été exécutée en vingt-neuf secondes. Les tenons se font à peu près dans le même temps que chaque mortaise cor- respondante. Il importe de remarquer surtout que ces mortaises faites dans du bois de chêne sont fort étroites et très-profondes. hh MÉMOIRES Nous n'avons parlé, encore, que des mortaises qui traver- sent le bois dans toute son épaisseur, mais nous devons dire que la machine de MM. Maybon et Baptiste fait également dans le même temps les mortaises dont nous venons de donner les dimensions, en laissant au fond une épaisseur aussi faible que l’on veut. Ce résultat ne serait évidemment obtenu par un travail manuel qu'avec la plus grande difficulté et en y consa- crant un temps très-long. En résumé, cette machine peut faire avec le plus grand degré de perfection et avec la même facilité des tenons et des mor- taises de toutes dimensions, droits ou obliques. Le même manœuvre qui sert la machine lui communique le mouvement au moyen d'une manivelle, c'est dire que les frais de force ne sont pas considérables. Il avait été fait déjà quelques machines destinées au même genre de travail, mais comme elles laissaient beaucoup à dési- rer, elles n’ont pas été répandues. Quant à celle que vos com- missaires ont eu l’occasion d'apprécier, il n’en est aucune qui réunisse aussi bien que celle de MM. Maybon et Baptiste toutes les conditions de succès. Nous vous proposons , en conséquence, de donner votre approbation à cette machine, qui nous paraît appelée à rendre de grands services dans l'industrie. Nous devons dire en terminant ce rapport que les auteurs de la machine qui en fait l’objet, ne se sont pas bornés seulement à cette invention ; ils ont introduit dans leurs ateliers diverses machines perfectionnées par eux , ainsi que des procédés métho- diques parfaitement bien entendus. De telle sorte que l’établis- sement qu’ils sont en train de créer dans notre ville, consti- tituera sous peu , sans doute, un véritable progrès dans les arts industriels de notre pays. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 45 CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES SUR L'ÉPISCOPAT TOULOUSAIN; Par M. FLORENTIN ASTRE. PREMIÈRE PARTIE, pu IIIe siëcce Au XIE siÈCLE INCLUSIVEMENT. 4. Préambule; différences entre les villes du Nord et du Midi de la France quant à la révolution municipale du xrre siècle. 2. Intervention des Evêques dans le Midi. —— 3. Dans le Nord. 4. Différences et causes. — 5. Sujet du Mémoire, restreint à l'Épiscopat Toulousain. —— 6. Carac- tères particuliers à examiner; points principaux ; division. 7. Fondation de l'Épiscopat à Toulouse. —— 8. Incertitudes jusqu'au vie siècle. —— 9. Faits connus. —— 10. Actes politiques. 11. Institution des défenseurs ; ses effets. —— 12. Légende de saint Exupère. —— 13. Visigoths. —— 44. Franks. ——— 15. Magnulphe;, sa conduite. —— 16. Probabilités d’un épisode raconté par Grégoire de Tours. 17. Analyse des détails ; appré- ciations. —— 18. Conclusion. —— 19. vie et 1xe siècles ; Ducs et Comtes ; position inférieure de l'Évèque. 20, Samuel. —— 21. xe et xi1e siècles ; succession des Évèques. 22. Leur état précaire à l'égard du Comte ; Izarn et Guillaume. —— 23. x11e siècle ; chartes et documents. —— 24. Hiérar- chie métropolitaine. —— 25. Examen des Chartes des Comtes. 26. Énon- ciations qui les terminent. 27. Exception. —— 98. Richesses de l'Évêque. — 29. Règlement de 1188. 30. Déductions et conclusion, juridiction ecclésiastique. —— 31. Tribunal supérieur. —— 32. Ordinaire.— 33. Droit canon; son apparition et son influence. —— 34. Conclusion sur le xrre siècle et par rapport aux Comtes. —— 35. Étendue de la juridiction ecclésiasti- que, etc. —— 36. Position de l'Évèque à l'égard des Consuls et de la Cité. —— 37. Établissements des Consuls. —— 38. Ceux de 1152; citation. 39. Rapprochement avec la Coutume. —— 40. Juridiction civile. —— 41. As- semblées générales. —— 42. Conclusion. —— 43. Résumé sur le xue siècle. —— 44. Transition au XIN°. 1. Des différences nombreuses et sensibles ont été signalées entre les villes du Nord et celles du Midi de la France actuelle, quant à la naissance, à la marche et aux effets de la révolution municipale accomplie du X° au XII: siècle. Il n'est point dans &G MÉMOIRES mes intentions de rappeler et d'analyser les causes, ou naturelles, ou morales, ou politiques, qui amenèrent cette diversité de faits et de conséquences dans des contrées séparées encore par les ins- üncts et les besoins, les coutumes et les institutions. Mais, sans redire ces aperçus généraux que les princes de la moderne école historique nous ont indiqués ; sans retracer quelques-uns de ces incidents multipliés que produisit l’effervescence des villes cher- chant à s’'émanciper et à s'affranchir du joug imposé par la féo- dalité ; il nous est donné de faire ou l'application des principes ou la comparaison des résultats. C’est une manière heureuse et profitable de vérifier l'exactitude et la sûreté des leçons que nous avons reçues ; et quand les maîtres de la science ont découvert la richesse de ses mines, c’est aux disciples, même les moins habiles, qu’il peut revenir d’en poursuivre les plus minces filons. 2. Parmi ces oppositions, il a été remarqué que les com- munes du Nord, où s'établit la commune jurée, s'étaient trou- vées , plus que celles du Midi qui adoptèrent le régime consu- laire, en présence des Evêques devenus seigneurs tout à la fois temporels et spirituels (1), Si dans le Midi les Evêques se mon- trèrent généralement moins hostiles aux libertés communales, et si leur autorité temporelle avait, moins que dans le Nord, perdu le caractère de magistrature, cela tint , il faut le croire, à ce que le Midi recevait toutes les influences de la révolution qui lui venait de l'Italie où ce caractère fut persistant. 3. Dans le Nord, les Evêques, tantôt ligués avec le Roï ou les Barons, seigneurs laïques, tantôt s’accordant mal avec ces puis- sances et ne comptant quesur leurs propres forces, commençaient ou soutenaient de longues luttes , des guerres véritables, contre les bourgcois de leurs villes. Vous connaissez tous ces récits ani- més et si dramatiques, qui nous peignent les Evêques seigneurs, traînant leurs vassaux soulevés devant les cours de justice, pour en obtenir une soumission forcée; octroyant en vrais suzerains, mais souvent de mauvaise grâce, des chartes commu- (1) Voy. Thierry, Lettre xiv sur l’Hëst. de France. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 47 nales, les acceptant faute de pouvoir les refuser ; ou menaçant les cités métropolitaines du haut de leurs châteaux crénelés ; marchant le casque en tête et le fer à la main contre les citoyens révoltés pour la liberté; assiégeant les villes, les prenant, les mettant à feu et à sang; aimant mieux régner sur des ruines que de perdre une part de leur pouvoir. Auxerre, le Mans, Cambrai, Noyon, Laon , etc., ont eu de ces vicissitudes, et l’his- toire communale nous a été révélée par le tableau de ces événe- ments {trop longtemps restés inconnus ou incompris (1). &. Par quelle suite de circonstances ces prélats s'étaient-ils ainsi transformés en seigneurs réclamant des droits et des pri- viléges, ou en guerriers combattant pour les maintenir ou les recouvrer? Comment à l’aide des constilutions impériales un Evêque avait-il pu , en étendant son pouvoir et ses attributions, devenir seigneur féodal, comme celui de Reims; c’est ce que je ne prétends pas découvrir. Je ne recherche pas, en restant dans les généralités, ce qui se passait au loin; je m'attache, tou- jours par ce désir si excité vers les études locales, à étudier ce qui est arrivé à Toulouse: cette ville n’a-t-elle pas droit à toutes nos préférences ? 5. Il m'a semblé qu’il ne serait pas sans intérêt de considérer ce qu'a été l'Episcopat Toulousain depuis son origine jusqu'à la réunion du Comté à la couronne, c’est-à-dire, depuis le milieu du IE: siècle jusqu'à la fin du XHI°. Ce n'est pas une histoire à écrire, ce sont des considérations à émettre, des appréciations à essayer au point de vue spécial où je veux me placer; en ad- mettant comme certaines et incontestables ces considérations ct ces apprécialions que nous avons déjà au point de vue général et d'ensemble, je n’ai à rechercher que les causes secondaires et particulières à la Cité Toulousaine. 6. Il est certainement digne d'attention que l'Evêque Toulou- sain ne soit point parvenu à sortir de sa sphère spirituelle ; qu'il (1) Voy. Thierry, Lettres xur et xxv, et l’Hést. de France par H. Martin, éd, de 1855 , Liv. x1x. …— LS MÉMOIRES soit resté longtemps tout simplement Evêque. C'est incidemment et bien tard, c’est même en s'appuyant sur son caractère reli- gieux, qu'il a pris un rôle politique, par exception et sans arriver à une suprématie quelconque et qui ne lui revint pas naturelle- ment. On pourrait s’en étonner quand il s’agit d'une ville dont le nom est, peut-être avec trop d’insistance, suivi invariable- ment d’épithètes, annonçant autant l'amour et le goût de la science, qu’un attachement vif et profond aux idées religieuses. Examinons quelles ont été les causes probables de cette sorte d'amoindrissement relatif ; quels obstacles les Evêques de Tou- Jouse ont rencontrés devant eux ; ce qu’ils n’ont pas été ; ce qu'ils ont su prendre; ce qu'ils ont voulu pour se dédommager de ce qu'ils ne pouvaient pas obtenir. Ce cadre est immense : je n'ai pas l'ambition de le remplir ; ma seule envie est d'y tracer quel- ques lignes, et d’ébaucher un tableau que d’autres sauront achever. 7. C’est vers la moitié du III: siècle que la foi chrétienne fut apportée à Toulouse, par l'illustre Martyr, dont le sang répandu sur les degrés du Capitole Toulousain, servit à cimenter les fon- dements de la religion du Christ. L'ancienne cité des Tectosages était alors, nous le savons, entièrement romaine ; elle conti- nua à l'être jusqu’à la fin du VI: siècle; tout s'y faisait, tout s’y gouvernait sous la domination des lois romaines , tempérées et modérées par les coutumes et les usages que la grande répu- blique voulait bien tolérer chez les peuples qu'elle s’incorporait. 8. Pendant cet intervalle de trois siècles, l'absence de tout document historique nous laisse livrés à des conjectures tantsur l'administration intérieure de la ville de Toulouse que sur les différentes autorités qui y exercaient les pouvoirs politiques, ci- vils et religieux. 9. Si nous cherchons à déméler dans ces obscurités les actes particuliers de la vieet du pouvoir des Evêques , nous trouvons dans les bistoriens , dans les savants compilateurs , des énoncia- tions qui prouvent que, pour la plupart, les successeurs de saint Saturnin se distinguèrent par leur sainteté, par leurs DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k9 vertus évangéliques, et que plusieurs d’entre eux obünrent, bien- tôt après leur mort, les honneurs de la canonisation (1). Nous voyons que, s'absorbant dans le gouvernement et les intérêts de leur église naissante, ils étaient occupés à bâtir de saints édifices, à combattre les hérésies, à assister à des synodes ou à des conci- les, à fonder des monastères, ete., etc. Enfin, ils s’'efforcaient de consolider et de propager la foi, d'en maintenir la pureté, en défendant les meilleures doctrines, tandis qu’ils donnaient eux- mêmes des exemples soutenus de piété, de zèle, et de courage religieux. 10. Mais de ces actes, de ces souvenirs traditionnels, il n’en est point qui se réfère à la vie politique ou de la Cité ou des Evé- ques. Il est à supposer que cet attachement à leur devoir, que ces saintes pratiques, que cet esprit d’abnégation, conforme aux mœurs des premiers chrétiens, éloignaient ces hommes, dévoués à Dicu seul, des intérêts matériels et des calculs de l'ambition personnelle. 11. Quelle fut pour eux l'influence de cette institution cé- lèbre « des Défenseurs » due à Valentinien vers 365, dont les conséquences ont été étudiées avec tant de soin, et dont l'impor- tance fut le point de départ probable du pouvoir temporel acquis par plusieurs Evêques (2) ? C'est ce qu'il est impossible de sa- voir exactement. En s'appuyant sur ce titre de défenseur, en le combinant avec ses autres fonctions, l'Evêque put ailleurs éten- dre et mêler ses attributions, cumuler les autorités temporelles et spirituelles, se faire ensuite à son choix l'appui ou l’écucil de la démocratie municipale (3) ; mais, à Toulouse, l'Evêque n'eut, il le paraît, ni assez de force, ni assez de résistance pour donner ces secours où pour offrir ces dangers. On peut conjecturer, par l'absence de preuves et par le défaut de résultats, que (1) Voy. Gallia christiana..…. D. Vaisselle et les historiens. (2) Voy. M Guizot, Civ. en France, lom. 15. — H. Martin, Hise. de France, liv. vr. (3) Voy. Æist. de France par H. Martin, liv. xx; et M. Guizot, Cie. en Lrance, 1h. 4° S, — TOME Vi. A 50 MÉMOIRES l'organisation , ignorée mais puissante, de la Cité Toulousaine, telle qu'elle existait alors, dut s'opposer aux tentatives de l'Evé- que, s'il en essaya , pour se rendre le défenseur, le protecteur politique et légal de ceux qu'il guidait de son bâton pastoral. Les citoyens de Toulouse se trouvèrent sans doute assez forts, assez défendus et protégés par l'exercice de leurs droits et de leurs coutumes, par leurs anciennes institutions, enfin par ces instincts d'esprit municipal qui devaient se réveiller ou du moins se ma- pifester à tous, plus vite et plus fortement dans le Midi que dans le Nord (1). 12. Aussi une fradition, même incertaine et fondée sur des citations obscures d’auteurs contemporains, nous représente-t- elle, dans le V* siècle (406 à #12), saint Exupère, non comme un magistrat élu, qui, chargé de défendre les intérêts de la po- pulation (2), sait aussi , aux jours du danger, se mettre à sa tête et repousser les barbares, mais comme un saint inspiré, qui, revêtu de ses ornements pontificaux et monté sur les murailles de la ville, n’est armé que de la croix pour repousser et chasser des assiégeants impies et hérétiques (3). 13. Pendant la durée assez restreinte du royaume des Visi- goths (415-507), une nouvelle cause vint s'élever contre la prépondérance politique que les Evêques auraient pu désirer. Les Visigoths étaient entachés d’arianisme; leurs rois soutenaient cette hérésie ; ils se plaisaient plutôt à rabaisser qu'à élever les Evêques orthodoxes, lors même que par calcul ils ne laissaient pas vacant le siége de Toulouse. 1%. Puis, avec les rois Franks arrivèrent le tumulte et les invasions sanglantes. Pourtant les Evêques se sentirent portés vers ces nouveaux conquérants, qui, à l'exemple de leur roi Clovis, avaient embrassé et professaient la foi catholique. — Un passage de l’histoire écrite par Grégoire de Tours nous montre (1) Thierry, leltre xue. (2) Guizot, ibid. (3) Voy. Catel, Mémoires sur le Languedoc, pag. 83. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 51 (vers 585) l'évêque Magnulphe, assemblant les principaux ci- toyens, les exhortant avec vigueur à ne pas reconnaître celui qu'il considérait comme un usurpateur du royaume des Fraoks, prêt à attenter à leur foi autant qu’à l'ordre légitime de la suc- cession royale (1). 45. Mais si, dans cette assemblée qu'il avait convoquée, l'Evé- que rencontra de vives sympathices, des adhérents chaleureux : les moyens de défense qu'il entreprit d'organiser ne répondirent pas aux désirs; Toulouse se reconnut sans force pour résister à Gondewald et au duc Didier (Desiderius) l’un des plus puis- San(s soutiens du parti de l’usurpateur. Magnalphe, conservant ses préférences et son courage devant le vainqueur éphémère et violent, en recucillit le prix trop ordinaire, c’est-à-dire des inju- res, le plus sanglant des outrages, enfin l'exil. 16. Le récit d’un historien aussi estimé, aussi recomman- dable que Grégoire de Tours, reproduit avec quelques variantes par Aymond le Moyne (2), a tous les caractères servant à établir la vérité historique, telle que nous l’acceptons des témoins ocu- laires. Nous sommes , il est vrai, bien souvent en position de juger combien il est difficile de connaître avec exactitude ce qui se passe de nos jours ; les versions les plus contradictoires nous parviennent de la part de ceux qui ont vu en même temps ; elles vont même jusqu'à combattre le témoignage de nos propres yeux. Mais il vaut mieux ne pas s'arrêter à des comparaisons qui nous conduiraient à un scepticisme général ; bornons-nons aux réflexions que suggère le récit tenu pour véridique , et sur lequel je crois devoir insister. 17. C'est en l'absence du duc Didier, c’est contre le prélen- dant soutenu par ce grand vassal du suzerain que l'évêque Mag- nulphe se déclare. Mais bien que nommé sans doute, suivant l'usage du temps, par l'élection populaire ; bien qu’il pût s'ap- (1) Voy. Grégoire de Tours, Liv. 7, ch. xxvir. — Catel, bid., pag. 837. — D. Vaisselle, tom. 1. — H. Martin, liv. x. (2) Aymon ou Aimoni vivait de 950 à 1000. Voy. sa Chronique, p. 128. 52 MÉMOIRES puyer sur elle, Magnulphe n’impose point son autorité à ses concitoyens; il ne leur commande point ce qu’ils ont à faire, mais il les réunit en assemblée du peuple pour leur communi- quer les propositions des envoyés de Gondewald; et là , par des considérations prises du droit légitime, de leurs intérêts, des souvenirs de leurs souffrances passées, par des exhortations fon- dées sur ses propres préférences ou sur ses principes politiques, il les excite à se séparer de leur Duc, à se-révolter contre lui, et à refuser de reconnaître pour roi un usurpaleur inconnu. Les Toulousains se laissent persuader ; ils se mettent en dé- fense ; bientôt se croyant trop faibles ils ouvrent les portes de la ville et se soumettent ; l'Evêque s'incline aussi devant le fait accompli ; il honore même dans un repas le souverain illégitime à ses yeux. Mais ce n’est pas là un exemple de ces variations qui, toujours pratiquées, ont micux que la constance et la fermeté suivi la loi souvent douteuse du progrès et du perfectionnement. Mägnulphe conserve sa dignité personnelle, son indépendance. Il n’abjure pas ses sentiments , il subit le vainqueur et ne l'ac- cepte qu’à contre-cœur, sous le bénéfice de ses opinions ; il les exprime tout haut; il est puni de ce qui aurait dù le rendre respectable et honoré. 18. Les particularités de cet épisode nous servent à détermi- ner par des inductions , et la position de l'Evêque à Toulouse à cette époque du VII siècle (1), et sa part apparente mais res- treinte dans l’organisation intérieure de la ville. Dans des cir- constances si importantes, l'Evêque ne prescrit rien, il persuade ; le peuple délibère et agit ; le Duc reparaît, ressaisit le pouvoir, surmonte la résistance ; il comprime par la force l’action popu- laire et municipale. La scène ainsi décrite et développée, assigne à chacun des per- sonnages le rôle qu'il y a joué (2). (1) Magnulphe mourut en 625.— Voy. M. du Mège : « Institutions Tou- lousaines , tom. 1, pag. 51. — Erembert , qui est connu après lui, vivait en 665. Voy. Catel, Mémoires, pag. 839. (a) Les récits de Grégoire de Tours , ou d’Aimon le Moine, n’ont été re- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 53 19. Au VII siècle, si les Comtes créés par Charlemagne (768-778) n'eurent pas un pouvoir plus stable et moins révoca- ble que les Ducs leurs prédécesseurs, ils étaient les représentants d'un gouvernement mieux organisé, d'une action plus forte. Sous les indignes successeurs du grand Empereur, avant la fin du IX° siècle, les Comtes, se substituant à leur suzcrain et rangés parmi les grands vassaux de la couronne, se contentaient de rendre un hommage qui ne les empêchait point de travailler à leur indépendance absolue. Dès lors l'Evêque de Toulouse, même avant la reconnaissance ou l'établissement des grands fiefs, transmissibles par héritage (877), fut naturellement dominé par le représentant ou fidèle ou émanripé du suzerain. 11 ne pouvait plus aspirer à la première place temporelle ; il dut se résigner pour jamais à n'être que le chef spirituel, en abandonnant à d’autres tout ce qui n’était pas les droits, les priviléges, les de- voirs de son ministère sacré. 20. A cet égard , s’il faut s'en rapporter à des faits qui n'ont été admis qu'avec beaucoup de réserve (1), l'Evêque contempo- rain de Charles-le-Chauve aurait été à la hauteur de sa mission. On a raconté que Samuel avait obtenu de l'Empereur, pendant le siége de Toulouse, en 844, des privilèges et des exemptions pour les églises et monastères de Saint-Saturnin et de Sainte- Marie (2). Mais Charles, ayant traîtreusement tué de sa main Bernard , duc de Septimanie, attiré sous le prétexte de signer la paix, Samuel fit relever le cadavre ensanglanté et abandonné sur la voie publique ct le fit honorablement ensevelir : noble et courageuse conduite qui lui valut une injuste disgrâce. Ces faits sont-ils certains? Samuel n'y paraît que comme prêtre, comme Evêque recevant d’abord des faveurs pour son produits en entier par aucun des historiens plus modernes; tous les termes ont pourtant leur valeur. Il est bon de consulter les textes, que je ne transcris pas à cause de leur étendue, el parce qu’il n’est pas difficile de les retrouver. Voy. les historiens de la France, collection dite de D. Bou- quet, elc. £ (1) Voy. D. Vaissette, Lom. 1°r. (2) Voy. Catel, Mémoires , pag. 850. 54 MÉMOIRES église, puis bravant la colère du monarque pour rendre les der- niers devoirs à un chrétien assassiné dans un sanctuaire, dans un lieu d'asile, violé malgré toutes les lois humaines et divines. Mais l'homme politique n’a point de part à de pareils actes, ou de soumission ou de résistance. 21. Si le nom, l'ordre chronologique, le nombre et l'histoire des Comtes offrent, jusqu’à la fin du XF siècle, des sujets de doute et de controverse, la succession et l’histoire des Evêques Toulou- sains, pendant la même période de temps, présentent le même genre de difficultés (1). Toutefois , des chartes, des actes et les conciles ont transmis des noms et des faits qui ne sortent pas du cercle religieux. L'élection , le pouvoir des Evêques étaient contestés et sujets à des variations. 22. Les Comtes usurpaient parfois les biens de l'évêché (2); ils s’arrogeaient le pouvoir de nommer l’Evêque, car le Comte Guillaume IV, par affection, par vénération pour Izarn, voulut bien se départir de ce droit que ses ancêtres avaient exercé; il permit aux chanoines d’élire celui qu'ils voudraient (3). D'un autre côté, à cette même époque, Izarn, avec l'assistance d’autres Evêques, jugeait un différend élevé entre les églises de Saint-Etienne et de Saint-Sernin, relatif aux sépultures (4), tan- dis que le Pape intervenait d’une manière bien décidée dans les affaires ecclésiastiques de Toulouse (5)et prenait à partie l'Evé- que et le Comte. En effet, Izarn ayant donné, sous certaines ré- serves, l'église de Saint-Sernin aux abbés de Cluny et de Moissac afin d’y tenir des religieux , le comte Guillaume « qui affection- noit grandement les moynes »,en considération de cette donation, promit à Izarn qu’il nele chasserait ni ne l'ôterait de son siége, à cause de F'excommunication du Pape ou de son légat; il lui promit d’ailleurs qu'il ne prendrait point connaissance des (1) Voy. Gallia christiana ; Catel , D. Vaissette, M du Mège. (2) Voy. Catel, Hist. des Comtes, pag. 118. (3) Ib. pag. 123. (4) Voy. Mémoires, pag. 867. (5) Catel, Hist. des Comtes, pag. 125, 126. EE RE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. ss) causes des clercs de Toulouse et du Bourg, « depuis qu'ils au- roient leur couronne à leur teste, etc., etc.; » mais le Comte ayant voulu exécuter cette donation , chasser les chanoines pour introduire les méines, fut grandement repris par le légat du pape Grégoire, et fut réduit à désavouer, à condamner la dona- tion faite, à y renoncer (1083) par un acte solennel (1). Tous ces faits démontrent assez dans quelle subordination du Comte l'Evêque était alors placé. 23. D’autres indices de ce que les Evêques avaient été pen- dant ces longs intervalles, sous les rapports politiques ou reli- gieux, nous sont encore fournis par ce que nous voyons qu'ils étaient au XIE siècle, Nous n'avons qu’à consulter les chartes et les documents de cette époque importante, où la révolution communale , peut-être antérieurement accomplie en fait pour Toulouse, y était constatée en droit par les actes les plus au- thentiques (2). 24. Observons auparavant que dans la hiérarchie ccclésias- tique, l’'Evêque de Toulouse avait été tour à tour et était resté le suffragant des Archevêques de Narbonne et de Bourges qui confirmaient son élection et venaient le visiter dans son diocèse. La raison de cette dépendance variable tint , suivant les savants auteurs de la Gallia christiana , à ce que Narbonne resta soumise aux Goths, tandis que Toulouse fut conquise par les Franks. L'Evêque eut à recourir au siége supérieur le plus rap- proché; et, quand Narbonne se délivra des Goths ariens et ennemis des Franks, Toulouse fut replacée sous son premier métropolitain jusqu’à ce que Jean XXII eut érigé son siége en archevéché (1317) (3). 25. Maintenant, sans insister sur les donations à l’église de Saint-Sernin en 1126 et 1127 (4), actes d’une catégorie toute (1) Voy. Catel, Mémoires, pag. 872 et suiv. (2) Voy. H. Martin, liv. xix. (3) Voy. Gallia christiana, tom. xur, pag. 2, etc. — Voy. Fleury, Hést. ecclés., liv. xon, 27. (4) Voy. Catel , Hist. des Comtes, pag. 186. 56 MÉMOIRES spéciale, prenons ces chartes portant concession, abandon, re- connaissance de la part du Comte en faveur des Toulousains, depuis l'instrumentum sulis et vini (1141), jusqu’à l'avéne- ment de Jeanne et d'Alphonse en 1249, date où la royauté s'annonce. Nous pourrons juger quelle était, dans l'ordre poli- tique, la position que le temps avait faite aux Evêques. 26. A la fin de toutes ces chartes, le nom de l'Evêque est mentionné après celui du Roi et du Comte; c'était une simple formule ajoutée à la date de l’année, et dont l’usage s'était in- troduit, on assure, vers la fin du siècle précédent (1). Ces énonciations sont même répétées deux fois quand la charte a été transcrite au registre sur un titre ancien (2). 27. Il ÿ eut peut-être à cette règle invariable une exception qui s'explique d'elle-même dans le fait particulier de la charte de 1138, que Catel avait vue, commetant d’autres litres, « dans les archifs de l’église métropolitaine » que nous ne pouvons plus consulter ; ils ont eu le sort d’une foule de trésors his- toriques à jamais regrettables. Par cette concession à l'Evèque, Alphonse Jourdain se départ, lui aussi, comme le dit Catel, « de cette mauvaise coutume que les Comtes avoient de se saisir des biens ct des dépouilles de l'Evêque », et veut qu'ils appar- tiennent à l’église et au successeur. Il est évident que le Comte qui obéissait à sa conscience et aux conseils « multorum viro- rum »; qui fit cette renonciation « coram populo Tolosano » dans l’église de Saint-Etienne, un dimanche , àla messe matuti- nale, en présence de plusieurs autres Comtes ou Seigneurs, n’avail pas à écrire au bas de la concession le nom du prélat alors « episcopans » (3); mais aussi l'abandon réitéré d'un pareil droit déjà délaissé, repris et ressuscité, plus ou moins exercé jusque-là, démontre assez que l'Evêque n'avait pas (1) Voy. Catel, Mémoires, pag. 867. (2) Consulter toutes les Chartes et titres insérés dans le registre dit l’Z/de- phonsus, aux archives communales de Toulouse. (3) Voy. Catel, Hist, du Lang, pag. 195. — Catel, Mém. , pag. 858. tn tan us DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 57 échappé aux caprices arbitraires du Comte. Sans doute il arriva qu'après ces spoliations qu'inspiraient la vengeance ou la cupi- dité , tel de ces princes, calmant sa colère, plus libéral ou ra- mené à des sentiments religieux , manifesta du repentir, rendit à l'Evêque une partie de ce qu'il avait pris, reconnut , en se frappant la poitrine , qu'il avait gravement péché, promit de ne plus retomber dans ces fautes ; mais bientôt des circonstances analogues produisirent les mêmes effets , et l’Evèque eut à souf- frir les mêmes entreprises parce qu’il n'était pas le plus fort. 28. Toutefois, dans ces alternatives de sécurité el de spotia- tion, l'Evêque rassemblait les débris dispersés des richesses précédemment acquises ou en formait de nouvelles. Hugues (930 à 935), est cité comme ayant augmenté par ses libéralités les revenus de l’église Saint-Etienne; et les dispositions de son testament attestent à la fois son humilité chrétienne et sa for- tune : propterea recognoscens, dit-il, me graviter deliquisse, pro remissione meorum facinorum, ideo brevem divisionalem facio de omnibus rebus meis acquisitis tam de alodibus quam de rebus mobilibus fidejussoribus meis (1). Et la liste en est assez longue. Izarn se montra également généreux, parce qu'il était riche et parce qu'il sut profiter des concessions et du bon vouloir du comte Guillaume (2). Leurs successeurs furent fidèles à ces exemples tout en ne s’affranchissant pas mieux de l'autorité et de l'arbitraire du Comte. 29. En revenant aux deux règlements de 1188, concédés aux habitants, nous voyons que l’'Evêque y figure d’une manière plus importante et tout aussi explicable, quoique son nom re- vienne à la date. Dans le premier de ces règlements, prononcé au peuple as- semblé dans l’église de Saint-Pierre-des-Cuisines , le jour des Rois 1188, le Comte déclare qu'il ne souffrira pius les désor- (1) Voy. tbid., pag. 856 et suiv. (2) Voy. ibid. , pag. 867. 58 MÉMOIRES dres, les rixes et les méfaits : qu'il sera désormais « fidelis dominus et bonus Justiliator. » U ajoute : « et faciam indè illam justitiam quam comes Tolosæ judicaverit, vel alii probi homines si consules ibi non fuerint, et faciam ct tenebo et observabo firmiter illam concordiam et districtionem (1) et pœnam quam Episcopus et consules et Toletus de Tolosa et Aimericus de Castronovo statuent de seditionibus et rixis et J'actis hujus ville. » Le Comte jure sur les saints Evangiles de maintenir le règlement ; les Consuls et autres hommes probes jurent de l’observer, de n’y soustraire personne. « Salwis et retentis omnibus corum Jjuribus et consuetudinibus et af- franquimentis sicut habent et debere habent (2). » Dans le second de ces règlements, du même jour et au même lieu, le Comte remet au peuple tout ce qu’il aurait eu le droit de réclamer par suite des désordres antérieurs. Aussitôt l'Evêque et les Consuls disent en jugement, « judicando dixerunt, » que tous les serments, pactes et traités, faits à l’occasion de ces rixes et séditions, étaient annulés et non avenus , Comme étant sans cause et sans droit. Les titres, s’il en existait, étaient res- tituables dans les trois jours ; et au surplus déclarés sans force et sans valeur. Enfin l’Evêque prononça l'excommunication contre ceux qui n'obéiraient pas. Le règlement se termine par ces mots : «hujus rei sunt testes idem dominus Fulcrandus Epis- copus et Aimericus de Castronovo et Consules civitatis To- losæ et suburbii (3). 30. Ces textes précieux se prêteraient à une infinité de commentaires, qu'il faut seulement indiquer, malgré mon désir de mettre en tout son jour la question que j'essaie de traiter. En présence du Comte, avec son consentement, sa tolérance (1) « Compulsio ad aliquid faciendum per mulctam pæram, vel capto pignore. » Du Cange , au mot nisrniNcere. (2) Voy. Catel, Hist. du Lang., pag. 216 et 217. (3) Voy. Catel, ibidem. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 59 où sa résignation , se voit , d’une part, la juridiction civile et criminelle des Consuls, dont il a été assez traité ailleurs (1), et d'autre part est établie et fonctionne la juridiction canonique de l'Evêque que nous avons déjà vu statuer sur des matières purement religieuses ; qui, en cette occasion , va poursuivre et punir les coupables (ombant sous sa compétence. Il est plus que vraisemblable que les limites respectives de ces juridictions n'étaient pas absolument définies ; que des prétentions rivales s’élevaient en plus d’une circonstance, comme elles parurent dans des temps plus modernes. Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que le tribunal ecclésiastique, l’officialité , destinée à grandir si fort (2), était organisée et jugeait ; que cette organi- sation n'était pas nouvelle, se présentait sous diverses formes et pour des degrés différents ; que des matières de plus d’une espèce étaient soumises à la justice épiscopale. 31. Ainsi, en 918, lors de ce plaid dont le personnel est si remarquable déjà pour la nationalité des juges, l’évêque Armannus : « placitum habuit XVT calendarum junii, anno duo Carolis simplicis, in quo cum aliis Episcopis, Abbatibus, Præsbyteris, etc., etc., controversiam inter Raimundum co- mitem et Marchionem et Arifonsum abbatem sancti Johannis valli Ligerii diremit (3). H y fut agité une question de pro- priété. 32. Mais si nous apercevons là une sorte de tribunal supé- rieur ecclésiastique, composé d'Evêques et d'Abbés, etc. , nous avons des preuves d’une juridiction plus ordinaire, statuant sur des faits particuliers et jugeant pour les réprimer. Ainsi, comme il a été dit plus haut, Izarn, après avoir assuré la liberté de l'élection, obtenait encore du Comte l'abandon de toute justice sur les clercs, « de nullo clerico accipiam justi- (1) Voy. Mémoires sur la Coutume de Toulouse , au Recueil de l’Aca- démie. (2) Voy. Catel, Mémoires, pag. 184. (3) Voy. Gallia christ. , &. xim, pag. 10; D. Vaisselte, ele. 60 MÉMOIRES tiam »; amenait (en 1093) la paix entre les chanoines de Saint- Etienne et ceux de Saint-Sernin par une transaction sur les sépultures (1). En 1181, Fulcrand , assisté de son archidiacre, jugeait, sur plaidoirie, un procès entre le sacrislain de Saint- Etienne et les juifs, au sujet d'une redevance annuelle de cire (2). Ce sont là autant de témoignages de la juridiction ecclésiasti- que, traitant et jugeant les matières de sa compétence, sachant intervenir sur les contestations de son ressort, usant tour à tour de son influence et de son pouvoir. Etce n'était point sans fondement. 33. Quelles qu’eussent été les destinées du droit canonique, il est certain que, vers le milieu du XIE siècle , ce droit acquit une action immense. Aux collections parues dès le V® et le VI° siècle (3) succéda tout à coup (en 1151) le recueil connu sous le nom de décret de Gratien. Ce fut un secours des plus puis- sants à la juridiction ecclésiastique qui s'était formée dès longtemps et s'était déjà bien agrandie. Ce fut une excitation énergique vers l'étude du Droit Canon qui marcha de pair avec celle du Droit Romain, réapparu dans tout son éclat quelques années auparavant. Le décret de Gratien devint comme un ar- senal où les nombreux tribunaux ecclésiastiques vinrent pren- dre les armes dont ils entendaient se servir, et les Papes ne négligèrent pas d'augmenter un dépôt si utile à leurs vues (#). (1) Voy. Catel, Mémoires, pag. 874. (2) Catel , zb., pag. 890. (3) Voy. Durand de Maillane , Dict. de D. Can. (4) « Bien que destilué de toute autorité publique, n'ayant été sanctionné par aucun Pape , ce Recueil fut partout accueilli avec applaudissement , expliqué dans les écoles , invoqué devant les tribunaux et presque univer- sellement suivi.» Encyclopédie nouvelle, tom. x1, pag. 724. — Voy. aussi M. Laferrière, Hist. du Droit français , tom. 127, 219 à 247. — M. Giraud, Hist. du Droit français. — La collection du Pape Grégoire est de 1234. — La suite des Décrétales fut publiée au commencement du x siècle. Le texte du Pape Boniface est de 1298. — En 1280, on se plaignait de la mul- tiplicité des tribunaux ecclésiastiques. Voy. Fleury, lv. xevir. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 61 34. Nous pouvons conclure de ce qui précède que dans la première moilié et jusqu’à la fin du XI! siècle, l'Evêque de Toulouse avait été le plus souvent livré, pour son élection et pour son temporel, aux capricieuses fantaisies du Comte; qu'il avait été successivement riche ct pauvre, enrichi et dépouillé ; qu'il restait en dehors des actes politiques du Comte, mais qu'il était appelé à y concourir pour sa part, dans les circonstances où sa juridiction ecclésiastique, reconnue, admise, agissante dans la limite de ses droits, de ses attributions, de ses privilé- ges, avait à intervenir. Alors elle aidait à sanctionner, en quel- que sorte, et pour ce qui la concernait, les concessions faites ou les décisions rendues; elle en atténuait ou assurait l'exécution, quant aux personnes à qui elle distribuait sa justice propre. 33. Resterait encore à déterminer l’étendue, la force, la compétence de celte juridiction exceptionnelle qui donnait lieu à tant de conflits. S'appuyant sur le Droit Romain ancien, ou même sur le Droit de Justinien (1), sur une prétendue loi de Charlemagne (2), ete., etc., la juridiction ecclésiastique tendait sans cesse à lutter contre toutes les résistances et à les surmon- ter (3). Mais ce n’est point ici le licu de poursuivre un ordre d'idées étrangères à mon sujet. 36. Après avoir examiné quelle était, au XI! siècle, la post- tion de l'Evêque à l'égard du Comte, j'ai à étudier ce qu'elle était à l'égard du grand Conseil, des Consuls, de la Cité ou Universalité des Toulousains (4). 37. À l'exemple des Comtes et suivant l'usage établi, le grand Conseil et les Consuls, faisant ensemble des Etablisse- ments publics, mentionnaient aussi, après la date de l'année de (1) Dans a Movelle 123. — Voy. Fleury, Liv. xxx, n° 5. (2) Ibid. , Liv. xivi, n°19, et liv. Lxvi, n° 23. (3) Voy. ce qui se passa au Concile de Latran. Fleury, liv. Lxxvir, n° 44 el suiv.; et Liv. Lxxx , n°4. (4) M. H. Martin traduit universilas par université. Voy. édit. de 1855, liv. xx, pag. 290 et suiv. 62 MÉMOIRES l'Incarnation, les noms du Roi, Regnans, du Comte, Comitans, de l'Evéque, £piscopans. C'était toujours la même formule adoptée, sans aucune importance réelle pour le fond des cho- ses (1). Ce qui le rend bien sensible, c’est que cette sorte d'hon- neur était rendu à l'Evêque quand, par des nécessités adminis- tratives, le grand Conseil et les Consuls ne craignaient pas, dans leurs Etablissements, d’empiéter sur les matières ecclésiasti- ques ou tenant de bien près el sous plusieurs rapports à la com- pétence épiscopale qui s’en était occupée dans des cas plus ou moins analogues (2). 38. Avant d'en venir aux deux règlements de 120% et 1207, se rapportant à une époque où se préparaient de grands événe- ments, nous lisons dans les deux Etablissements si considérables de 1152 (3), qui n’omettent aucune des énoncialions accoulu- mées, la suppression, en certains cas, du droit d'asile dans les églises et les couvents ; la suppression de la sauveté, salvitas (4), ce qui touchait autant aux droits du Comte qu'à ceux de l’'Evé- que ; et tandis que ces règlements sont constitués « salva fi- delitate Comitis, » aucune expression pareille ne vient atténuer ce qu'ils ont de contraire aux priviléges ecclésiastiques que l'Evêque devait tenir à faire respecter et à sauvegarder. Voici le texte : « Liem qui scienter occidet hominem injuria non defendat eum Ecclesia neque claustrum neque salvitas ; similiter, qui clam nocte intravit domum alicujus et ibi furtum vel aliud malum faciet et indè fugiet in Ecclesiam vel in claustrum vel in salvitatem , non defendat eum Ecclesianeque claustrum neque salvitas (5). (1) Voy. au petit registre Z/dephonsus, ou dans les historiens , la Charte si souvent citée. (2) Voy. ce qui a été dit plus haut. (3) Voy. Catel , qui le rapporte en entier, Hist. du Lang., p.229 el suiv. (4) S'alvitas id est immunitas data loco vel ecclesiæ aut monasterio à principibus. Du Cange. (5) Voy. Catel, Hist. du Lang., pag. 218; il donne le texte entier. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 63 39. Nous savons comment la Coutume de Toulouse, se sou- venant de cette charte et de la loi des XIL Tables, avait trans- formé et perpétué le sens de cette dernière disposition (1), alors que le respect dû au droit d'asile commençait à perdre de son prestige (2). 50. Ecarté ainsi des affaires politiques et administratives, réglées parfois à son préjudice par le grand Conseil et par les Consuls, l'Evêque demeurait, à plus forte raison, étranger aux affaires purement civiles ou aux débats criminels , jugés par les Consuls et dans leur cour de justice. La décision judiciaire de 1175, sur la plainte portée par Forton de Molis contre sa femme ; les sentences de 118% sur les rentes et les oblies ; de 1192, relative à des moulins sur la rivière; de 1199, sur la contestation entre le comte Raymond et le prieur du couvent de la Daurade; enfin, celle de 1246 sur l’ordre des successions, n'émanent et ne devaient émaner que de la juridiction appelée à prononcer sans le concours, sans l'intervention possible de l'Evêque , dont le nom n'en cest pas moins rappelé à la date (3). 41. Pour terminer sur ce point, les assemblées générales et populaires nous offrent une circonstance essentiellement re- marquable et qu'il suffira d’énoncer pour en faire sentir toute la portée. Dans les occasions les plus solennelles, lors des réunions du peuple tout entier, #7 audientia totius populi (4), lors des Parlements (5), lors des convocations communes et gé- (1) Voy. art. 4er, tit. xxur , Liv. 197, de /a Coutume , el mon 2° Mémoire, pag. 141, vol. 4 du Recueil de l’Académie (1v° série, 1854). (2) Voy. Fleury, au liv. xuv, et l'Encyclopédie nouvelle, au mot Asie (droit d’). (3) Voy. pour ces divers litres l’Z/dephonsus et les historiens, et pour celui de 1246, l’Hist. du Droit français par M. Giraud, qui l’a découvert au Zrésor des Chartes, tom. 1, pag. 113. (4) Ces différentes expressions sont prises dans les Chartes, Voy. celle de 1222 et 1223. (5) Voy. Henri Marlin, liv. xx, loc. cit. 6% MÉMOIRES nérales; «x communi et generali colloquio (1), se tenant ou à la porte Villeneuve (2) ou dans le pré dit de Carbonel (3), ou dans les églises de Saint-Quintin et de Saint-Pierre-des- Cuisines (#\, la présence de l'Evêque n'est point constatée, sauf le cas unique ci-dessus rapporté, où sa juridiction était en quelque sorte requise (5). Tandis que son nom est toujours mentionné, sa personne, ou respectée ou respectable, n’est point invitée à venir dans ces séances de l'Universalité des citoyens. L'Evêque n’est point prié d’en être le témoin , encore moins d'y présider, d'y maintenir l'ordre par l'autorité de son caractère, de ses fonctions sacrées ; il n’y était seulement pas appelé pour y apporter le secours de ses prières, pour faire descendre sur les délibérations du peuple l'Esprit divin et créateur qui eût éclairé les âmes de sa vive lumière, dirigé les consciences, éloigné les dangers et dissipé les obscurités (6). 42. Il ressort donc de toutes les observations précédentes que l'Evêque Toulousain fut écarté, par tous, des affaires poli- tiques, municipales et civiles de la Cité; que son influence y fut nulle ou bien faible, que son intervention n’y fut point désirée ou réclamée; et que même, au contraire, sa part légi- time d'autorité, de droits, sans être niée, y fut sujette à des contestations, à des envabhissements, à une sorte de dédaigneuse négligence. 43. Tel était donc l’état des choses à la fin du XIT siècle, à ce moment où le Comte montait au comble de sa puissance et de sa grandeur , où la Cité restait fortement et complétement 1) Charte de 1147, au registre, et celle de 1226. Voy. Mém. de l’Acad., 47 ESS ) y lom. vi, pag. 78, 3° série. (2) Chartes de 1222 et 1223. (3) Charte de 1226. 4) Voy. les Chartes de 1188. Catel, Hést. des Comtes, pag. 216 et suiv. ï, y ; pas (5) Voy. ces mêmes Chartes el ce qui en a été dit plus haut. 6) Veni, creator Spirilus… Afflante quo mentes sacris /: q ce Accende lumen sensibus… Lucent et ardent ignibus. Vitemus omne noxium… DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 65 organisée; où la Commune avait conquis toutes ses libertés, toutes ses prérogatives. La distinction entre les pouvoirs, entre les attributions, entre les juridictions, était admise et réelle en droit, mais en fait et dans les applications elle suscitait et pou- vait susciter des conflits, des tiraillements, sans que jamais ces débats missent en question les principes fondamentaux de l'or- ganisalion politique, civile, municipale et religicuse de la Cité Toulousaine. k4. Mais avec le XIE siècle commencèrent des événements qui, (out en ne changeant pas la condition politique de l'Epis- copat Toulousain, transportèrent l'un de ses membres sur un théâtre agité par les passions les plus violentes et les plus féroces qui affligent l'humanité : l'ambition et le fanatisme. Re S, —TOME vi. 5 66 MÉMOIRES EEE ———————— DE LA SIGNIFICATION DES ÉPINES ET DES RÉCEPTACLES DES FLEURS FEMELLES CHEZ LES XANTHIUM ; Par le Pocteur D. CLOS. Si est, dans le vaste groupe des végétaux, quelques plantes qui méritent de fixer plus spécialement l'attention des morpho- logistes, il en est peu, sans doute, qui en soient plus dignes que les Xanthium. Placés par Ventenat dans les Urticées , par Beichenbach dans les Cucurbitacées, par de Candolle et Endli- cher dans les Composées , les N'anthium, réunis à deux autres genres, sont devenus pour quelques auteurs modernes, un des types d’une petite famille naturelle proposée sous le nom d’Am- brosiacées. Ce fait seul ne semble-t-il pas témoigner de l'intérêt qui se rattache à ce genre? Il convient d'ajouter qu'une des espèces , le X'anthium spinosum L., ou la Lampourde épi- neuse, compte au nombre des plantes les plus communes dans plusieurs localités du midi de la France , et en particulier à Toulouse, et qu’elle se fait remarquer par un port tout spécial] ; c'est elle aussi qui fixera principalement notre attention dans ce travail. Voici les particularités d'organisation que décèle son étude. Le Xanthium spinosum L., plante monoïque , a presque toutes ses feuilles accompagnées latéralement d’une ou plus ha- bitucllement de deux épines tripartites situées sur le même plan horizontalque le bourgeon axillaire, et par conséquent pla- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 67 cées au-dessus du niveau d'insertion de la feuille adjacente (1). On reconnaît en outre que les capitules femelles ont une posi- tion identique à celle des épines ou quelquefois à celle des bour- geons atillaires, et voici les divers modes d’agencements de ces organes : 1° lorsqu'une feuille n’est accompagnée que d’un seul capitule, celui-ci occupe fréquemment la place d’une épine , l’autre côté du bourgeon étant pris par l’épine (2); 2° quand il ÿ a deux capitules femelles, un de chaque côté du bourgeon axillaire, les deux épines font défaut ; 3° Celles-ci manquent également si la place du bourgcon axillaire est occupée par un capitule femelle, ou (cas plus rare encore) par deux capitules femelles collatéraux (3). Ces faits sont évidemment l'indice d'une corrélation intime entre les épines, les capitules femelles et les bourgeons axillaires chez le Xanthium spinosum. Cher- chons-en l'explication. On vient de voir que chez le X. spino- sum, bourgeons, épines et capitules peuvent occuper la même place relativement à la feuille ; et dès lors de deux choses l’une : il faut déclarer faux , ou tout au moins sujet à exceptions, le (1) Les termes employés par de Candolle ( Prodr. v. 323) et Endlicher (Gener. n° 2480), pour indiquer la position de ces épines sont inexacts : Spinæ ad basim foliorum validæ. Voyez pour ces diverses dispositions , planche, fig. 2 bis. (2) Ce fait a élé constaté par MM. Grenier et Godron (Æore de France, 1i, pag. 393); mais leur description du X. spinosum laisse quelque chose à désirer lorsqu'ils disent : les épines « placées deux à deux, une de chaque côté de l'insertion des feuilles, et simulant par leur position deux sti- pules. » (3) IL est fort remarquable que dans ces deux derniers cas, la feuille à Paisselle de laquelle se trouvent ces capitules est simple et entière, tandis que les feuilles inférieures el supérieures à elles sont trilobées et dentées. l'explication de celte singulière coïncidence nous échappe, Faudrait-il donc admettre qu'avec un développement moindre des organes produits, coexiste un développement analogue de l’organe producteur ; comme si le bourgeon à feuilles communiquait une partie de sa vitalité à la feuille qui l’abrite. 1 y aurait là une nouvelle prenve à l’appui de Popinion qui considère les organes floraux comme résultant d’un affaiblissement. C’est peut-être ici le cas de rappeler que si le X. spirosum possède avec des épines triparlites des feuilles trilobées, le X. parvifolium DC. à , d’après les descriptions, ses fenilles el ses épines également indivises. 68 MÉMOIRES principe d’après lequel l'identité de position de deux ou plu- sieurs organes en apparence différents, témoigne de leur iden- tité de nature : où dans le X, spinosum, épines, capitules ét bourgeons axillaires ont la même essence, ne sont que des modifications d'un même type (1). Si, sans tenir compte des observations qui précèdent, on voulait déterminer la signilication des épines de ‘cette espèce , on pourrait se demander d'abord si ces organes représentent des stipules. Mais, outre qu'il serait assez étrange, pour ne pas dire même anormal, de voir des stipules dans quelques espèces du genre Xanthium , alors qu'elles manquent abso- lument dans d’autres (À. sérumarium L., À. macrocar- pum DC. ), on sait combien il est rare que les stipules pren- nent leur origine sur un point de la tige plus élevé que celui d'où naît la feuille qu'elles accompagnent; et, dans ce cas même elles sont axillaires. Tout semble au contraire nous dé- voiler dans les épines des bourgeons avortés : 1° Si on exa- mine les jeunes bourgeons du À. spirosum, on y distingue d’abord trois feuilles extérieures dressées, les autres étant im- briquées et étroitement appliquées l’une sur l'autre; ces trois feuilles sont inégales comme le sont les trois branches de l’épine ; 2° ces épines développent leur pointe bien avant leur support ou base, comme c'est le cas pour les organes d’origine eppendiculaire (2); 3° j'ai vu, deux fois seulement il est vrai, une des épines latérales et normales ayant conservé sa position, mais placée à l’aisselle d’une petite feuille supplémentaire. (Voir planche, fig. 1 f. s.); 4° enfin, ces épines offrent dans leur orga- (1) Etienne Geoffroy Saint-Hilaire a été, je crois, le premier à formuler hardiment, pour le règne animal , cette loi qui parait s'appliquer aussi bien au règne végélal : un organe est plutôt diminué, anéanti, transposé, que déplacé. (Philos. anat., pag. 405.) C’est faire une bien large part aux caractères tirés de la position, caractères dont Linné avait déjà pro- clamé la valeur : Sciant nullam partem universalem magis valere quam illam a situ. (Class. plant.). (2) l'accroissement des épines est bien plus rapide et se termine bien plutôt que celui des feuilles auprès desquelles elles se trouvent : les épines inférieures sont généralement moins fortes que les supérieures. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 69 nisation des ébauches de vaisseaux spiraux (Voir planche, lig. 5). Les épines représentant des bourgeons, trois interprétations peuvent encore être données de ces organes : ou ce sont des bourgeons adventifs où accessoires (brikeime &es botanistes allemands) : la régularité de leur position n’est guère favorable à cette opinion : ou bien des bourgeons de seconde génération, de même génération que les bourgeons axiilaires normaux du X. spinosum, lesquels, dans ce cas, naîtraient ternés, et les latéraux seraient considérés comme des organes de dédouble- les bourgeons de troisième généra- ment du médian : ou enfin « tion nés à l’aisselle de deux feuilles inférieures avortées du bourgeon axillaire et normal. Le fait cité plus haut d'une épine placée à l'aisselle d'une feuille supplémentaire, semble étayer celte dernière opinion. (Noir planche , fig. 1, f.s.). Quelle est maintenant la nature des capitules de fleurs fe- melles ? Is consistent en une boîte allongée, à deux compartiments, contenant chacun une fleur femelle dressée, et cctte boîte est, à l'extérieur, toute hérissée d’aiguillons crochus. Henri de Cas- sini, le célèbre monographe de la famille des Composées, a ju- dicieusement énoncé qu'on pouvait considérer cette enveloppe des fleurs femelles d’une triple manière : ou comme formée de deux squames (bractées) enveloppantes, bifies au sommet, greffées chacune par ses bords et de plus greffées ensemble : ou comme formée de quatre, chacune des fleurs femelles contenues dans la boîte étant entourée de deux squames soudées : — et dans ces deux cas les aigaïllons qui recouvrent la capsule ne se- raient que de simples excroissances soudées ; — ou enfin comme résultant de la soudure de deux calathides (capitules) uniflores greffées par leurs périclines { involucres), les aiguiilons cro- chus étantles extrémités de plusieurs squames analogues à celles des Lappa : c'est à cctte dernière explication que ce savant a donné la préférence (1). Si nous cherchons dans les auteurs (1) Dictionn. des sciences nalur. xx\, pag. 203 et 204. 70 MÉMOIRES d'ouvrages descriptifs le sentiment qui domine aujourd'hui touchant ces enveloppes, nous verrons que Reichenbach (1) et Meigen (2) considèrent, à l'exemple de Lamarck (3), l'invo- lucre ( Blumenhülle) comme diphylle, tandis que MM. Cosson et Germain (4), Grenier et Godron (5) admettent dans les Xanthium un involucre formé de folioles imbriquées (les ai- guillons) soudées en une enveloppe capsulaire. L'opinion de ces quatre derniers botanistes ne diffère de celle de Cassini qu’en ce que pour eux ces boîtes ne sont formées que par un capitule unique. Cependant plusieurs faits témoignent de sa fausseté et prouvent que les aïguillons ne sont en aucune façon des feuilles modifiées. En effet, les capitules femelles de quelques espèces de Xanthiuim offrent vers leur point d'insertion des bractées linéaires au nombre de cinq à six, dont la base se soude avec celle de la boîte florifère ; elles sont fort différentes des aiguil- lons, et jamais on n'observe la transition des unes aux autres. Au contraire, dans les capitules des Zappa, où les appendices crochus auxquels Cassini compare ceux des Xanthium repré- sentent bien évidemment des feuilles, on voit sur un même in- volucre plusieurs de ces appendices s’élargir à la base et offrir un moyen terme entre la feuille et la bractée. De nombreuses plantes nous présentent des aiguillons analo- gues à ceux des boîtes des Xanthium, et nul n’a considéré ces organes comme des feuilles : témoins ceux qui recouvrent les péricarpes chez toutes les espèces ou la plupart d’entreelles dans les genres Bira, Echinocarpus, Datura, Daucus, Caucalis, Gallium, etc. Les deux autres interprétations proposées par Cassini et d’après lesquelles ces sortes de boîtes seraient formées par deux (1) Flora German. excurs., pag. 293. (2) Deuisch. Flora, n, pag. 5. (3) Ercyclop. méthod. Botan. 1, pag. 412; Lamarck donne aux fleurs femelles une co/!erette biflore , formée de deux folioles opposées, trilobées, à lobes pointus dont celur du milieu est le plus allongé. (4) Flore des environs de Paris, pag: 444. (5) Flore de France, nu, pag. 393. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 71 ou quatre feuilles soudées ne paraît pas plus exacte. car ces _ feuilles n'auraient pas la moindre analogie avec les bractées dont la base serait dans ce cas soudée avec la leur. Lorsqu'on examine ces boîtes très-jeunes du X, sp'rosum, on les voit sous forme de petits mamelons globuleux ou ovoïdes, tout couverts de poils blanchâtres apprimés {qui cachent les aiguillons encore à l’état rudimentaire), el terminés par une, deux, très-rarement trois épines. Dans ces derniers cas, l’une est loujours plus forte que l’autre ou que les deux autres. Le tissu de la boite se prolonge pour former ces épines. Or celles- ci sont à l’état complet au nombre de trois, c'est-à-dire en même nombre que les divisions des épines tripartites qui ac- compagnent les feuilles, en même nombre aussi que les feuilles d'un bourgcon de Aanthiim en voie de développement. Ajou- tops enfin, comme derniers traits d’analogie entre les épines et les conceptacles de fleurs femelles : 1° qu’un des rameaux de À. spinosum nous à offert des capitules femelles à demi avor- tés et terminés par trois longues épines en tout semblables aux trois branches des épines normales ; 2° qu’une épine présentait accidentellement entre ses trois branches trois aiguillons crochus en tout semblables à ceux qui recouvrent les boîtes, et une autre épine à deux branches deux aiguillons. (Voir planche, lig. 9 et 10.) 3° Que si la plupart des épines situées de chaque côté du bourgeon axillaire sont trifurquées , il n’est pas très- rare néanmoins d'en rencontrer de bifurquées , soit parmi les supérieures , soit et plus souvent parmi celles du bas de la tige, Serail-il donc si déraisonnable de voir dans ces épines qui terminent les boites, trois folioles, ou deux, ou une: dans ces deux derniers cas, l’une d'elles ou toutes deux ayant avorté? Et quant à la base ou boîte indurée qui les supporte, elle nous paraîl d’origine axile et analogue à la base simple des épines latérales et tripartites, analogue aussi à l'axe du bourgeon axil- laire ; en un mot, ce conceptacie représente la partie de l'axe qui, dans la figue, renferme les fleurs (1). Si nous sommes dans (1) Cette conclusion nous parait forcée, si, avec la plupart des morpho- 72 MÉMOIRES le vrai, le nom d’involucre appliqué à ecs boîtes par la plupart des auteurs descriptifs (de Candolle, Endlicher, Reichenbach , Boreau , Cosson et Germain, Grenier et Godron, Lloyd, etc.) ne saurait leur convenir et devrait être remplacé par celui @e réceptacle. La comparaison des résuitats obtenus chez le X. spinosum avec ceux que fournit l'observation des mêmes parties chez Ics Xanthium strumarium V. et macrocarpum DC., apporte de nouvelles preuves à l'appui de notre manière de voir. ci Ja- mais d’épines latérales sur la tige ; ici les conceptacles des fleurs femelles se terminent toujours par deux becs presque égaux ; ici, enfin, les bourgeons ne sont entourés que par deux feuilles ; et pas plus ici que chez le X. spinosum, on n'observe un pas- sage gradué entre les bractées qui entourent les capitules fe- melles et les processus crochus qui les recouvrent. Toutefois, ceux-ci montrent, dans ces deux espèces, la plus grande analo- gie avec les deux becs qui terminent la boîte ; il est donc à croire que ceux-ci ne sont pas de nature appendiculaire. D'après cette interprétation, la boîte florale du X. spinosum différe- rait de celle des À. strumariwm et macrocarpum en ce que celles-ci seraient uniquement formées par l'axe, tandis que la première, tout en étant aussi formée par l'axe, serait surmon- tée par des organes de nature appendiculaire. De Candolle a divisé le genre Xanthium en deux sections naturelles, lune comprenant les X. spinosum , catharticum Kû in H. et B. et parvifolium DC., espèces caractérisées surtout par la présence d’épines ; l'autre les À. macrocarpum BC., in- dicum Roxb., strumarium L., inœquilaterum DC., qui en sont dépourvus. H est probable que les considérations précédentes relatives, soit aux À. spinosum , soit aux À. macrocarpum et logistes on n’admet dans la plante que deux sortes d’organes-types axes et feuilles ; elle est au contraire sujette à quelques objections, si avec Crüger (voir son article intitulé Axe und Blatt dans le Botan, Zeilung. 1851, pag. 497) et C. H. Schultz. ( Weues Syst. der Morphol.) On rejette cette large synthèse, celte distinction des organes composés de la plante en axiles et appendiculaires. DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 73 strumarium sont également applicables aux autres espèces de chacune de ces sections. Les boîtes uniflores femelles de lÆmbrosia sont de même na- ture que celles de ces deux dernières espèces de A'anthium ; et les cirq ou six tubercules disposés en cercle qu'elles présentent vers leur milieu ne sauraient être considérés comme des indices de feuilles. Par leur diclinisme , par la nature de leur réceptacle si ana- logue à celui des genres Mithridatea et Ficus, par l'absence fréquente de corolle, les Ambrosiacées semblent se rapprocher des Urticées ; elles s'éloignent des Composées par ces caractères, et aussi par les étamines libres et sans appendice aux anthères, formant ainsi un lien d’anion entre ces deux familles si éloi- gnées l’une de l’autre. En résumé : 1° chez le Xanthium spinosum , épines, boîte des fleurs femelles et bourgeons foliaires ont même nature originelle, ce dont témoignent et l'identité de position de ces organes et les considérations morphologiques ; 2° cette boîte est dans les trois genres de la familie des Ambrosiacées (Xanthium, Franseria, Ambrosia) de nature tigellaire : chez les X'anthium pourvus d’épines , elle paraît correspondre à la partie basilaire et indivise de celles-ci, tandis que les pointes terminales de la boîte représentent les branches de l’épine : à leur tour, ces pointes et ces branches trouvent leurs analogues dans les feuilles des bourgeons axillaires. 3° Ces boîtes, par cela même qu'elles sont de nature axile , ne doivent plus porter le nom d'involucre, mais bien celui de réceptacle (4). Ajoutons que la culture ne modifie en rien les caractères que nous venons de signaler chez le Xanthium spinosum. (1) Si le mot assez barbare d’hypanthodium, créé pour représenter un réceptacle charnu , creux el supportant des fleurs sessiles devait être adopté, il conviendrait aussi peut-être de créer un nouveau terme pour les récep- tacles des fleurs femelles, dans la famille des Ambrosiacées. Mais le premier nous parait inutile et le second ne le serait pas moins. 74 MEMOIRES Appendice : Avant de terminer ce travail, nous avons natu- rellement dû nous demander s’il existait déjà dans les Annales de l'Organographie végétale, des faits analogues à ceux que nous venons de signaler dans le Xanthium spinosum ? Kau- drait-il, par exemple, comparer aux épines de cette plante la vrille des Cucurbitacées? Oui, peut-être (1) si, avec MM. Nau- din (2) et Fabre (3), on considère cette vrille comme étant, du moins en partie, de nature axile ; non, sans doute, si, comme nous avons cherché à le démontrer ailleurs (4) la vrille est un simple dédoublement latéral de la feuille, et nullement un ra- meau, soit foliaire soit floral. S'il était démontré que chez les Xanthium épineux les bour- geons naissent par trois, les deux latéraux se changeant en épines, on pourrait trouver un terme de comparaison à ce mode de développement dans le Divera arvensis Forsk, et dans les espèces du genre Cyathula, plantes de la famille des Amaran- tacées. Dans ces deux genres, les fleurs naissent ternées, ct M. Moquin-Tandon nous apprend que les deux latérales stéri- les se transforment dans le Disera en une crète horizontale et à & branches, dans les Cyathula en arêtes crochues (5). M. D. Hooker a même pu suivre dans le Cyathula prostrata Blume, dont les fleurs sont au nombre de sept au moins pour chaque fascicule, toutes les dégradations de la fleur centrale parfaite à la glochidie, qui n'offre plus la moindre trace d'organes flo- raux (6). — Enfin, on sait que chez les espèces du genre V’ail- lantia, les fleurs naissent ternées, la médiane étant seule fertile (1) Celte restriction est nécessaire, car /e plus souvent chez les Cueurbi- tacées vrille et feuille s’insèrent au même niveau sur l'axe, landis que l’é- pine des Xanthium est sur le même plan horizontal que le bourgeon axil- laire. (2) Voy. Comptes rendus de l’Institut, L. x\, pag. 720. (3) Bulletin de la Société bot. de France, 1. n, pag. 512. (4) Voy. Comptes rendus de l’Institut, L. x1, pag. 839. (5) Voir Moquin-Tandon, ër de Candolle Prodromus regni vegetabilis , t. xur, sect. post. pag. 324 et 325. (6) Flora nigriliana. = DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 15 et que le fruit tricorne résulte de la soudure des trois, les deux latérales formant deux des pointes du fruit. Tous ces cas trouvent des analogues chez le Xanthium spi- nosum, tant sont variées les manifestations de la vie des plantes, tant l’organisation végétale est féconde en modifi- cations. —DEXZ=— EXPLICATION DE LA PLANCHE. 1 Partie inférieure d'une tige de Xanthium spinosum portant les deux cotylédons et une petite feuille supplémentaire f. s. à l'aisselle de laquelle est une des quatre épines. 2 Portion de la tige de Xanthium spinosum portant trois feuilles, les feuilles inférieure et supérieure ont chacune un bourgeon à leur aisselle ; mais le bourgeon inférieur a de chaque côté une épine , tandis que le supérieur a d’un côté une épine, de l’autre un récep- tacle de fleurs femelles : la feuille intermédiaire aux deux autres à un réceptacle à son aisselle sans bourgeon ni épines latérales ; cette feuille est indivise, 2 bis. Figure idéale montrant une portion de tige ou de rameau qui offre les quatre sortes de groupement des épines et des conceptacles femelles disposés de bas en haut dans leur ordre de fréquence re- lative ; la feuille, dont l'insertion est toujours inférieure à celle de ces organes qu'elle accompagne , a près d'elle, en « deux épines ; en b une épine et un réceptacle femelle; en c deux de ces récep- tacles : en d un seul d’entre eux, mais situé à son aisselle et rem- plaçant le bourgeon. Abstraction faite de la superposition des quatre feuilles qui, chez les Xanfhium comme chez les autres plantes , sont en spirale , cette figure pourrait être réalisée par la nature. 3 Epine jeune. 4 Epine adulte. 5 Fragment d’une des branches d’épine vu au microscope. 6 Jeune réceptacle femelle de Xanthium strumarium entouré de bractées. 7 Jeune réceptacle femelle de X. spinosum. 8 Ce dernier ouvert dans sa longueur. 9 Epine de X. spinosum présentant accidentellement entre ses rois branches, trois aiguillons en tout semblables à ceux des réceptacles femelles. 10 Autre épine du même à deux branches et deux aiguillons. - 76 MÉMOIRES - RECIHERCHES LES POLYGONES SPUÉRIQUES RÉGULIERS, (Lu le 14 février 1856 ) ; Par M. J.. SORNIN. Sommaire. 1. Définition des Polygoncs sphériques réguliers et théorèmes identiques à ceux sur les Polygones plans réguliers. 19 . Relations entre les divers éléments d’un Polygone sphérique régulier. Théo- rèmes analogues à ceux sur les Polygones plans. 3. Polygones sphériques réguliers qui conduisent aux Polygones plans homo- thétiques. Théorème correspondant à la propriété des Polygones plans homothétiques. 4. Rapport entre la longueur du côté et le rayon sphérique d’un Polygone sphérique régulier. Problèmes qui s’y rapportent. Qt . Considérations sur les Polygones sphériques réguliers dont l'aire est plus grande que l'aire de la demi-sphère sur laquelle ils sont tracés. $ 1. On appelle Polygone sphérique réqulier celui qui à ses côtés égaux et ses angles égaux. C’est la même définition que pour les polygones plans, mais l'angle du polygone sphérique régulier n’est pas déterminé, comme il arrive pour le polygone plan, par le nombre seul de ses côtés. Toutelois cet angle est compris entre certaines limites. En effet, st 7 désigne le nombre des côtés du polygone sphérique et A Ta mesure de son angle, évaluée en parties du rayon, on aura pour laire S du polygone (lunité de surface étant le earré du rayon ) : DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. Er S—nA—(n—a2)mou S=2r—1(r— A); d'où il résulte, pour que S soit positif, Or on sait que 7— 22 est l'angle du polygone plan régu- sait que 7—— est lang polyg plan rég lier de 7 côtés; done : l'angle d'un polygone sphérique ré- qulier est toujours plus grand que l'angle du polygone plan correspondant. L'angle du polygone sphérique tend vers cette limite inférieure, soit lorsque le rayon de la sphère aug- mente indéfiniment , soit lorsque les côtés du polygone sphérique diminuent de plus en plus, la surface tendant alors vers zéro. Quant à la limite supérieure, nous supposerons A + . L , . ll . d'ailleurs , puisque -a est < bp et aussi sin-a < sins , et 2 p 2 po sin x C l à est une fonction décrois- , A: , =! d'après ce que l’on sait que a s F7 sante quand x croit de o à Sr 0na: CE ACL sin —a 5 2 sin —a 2 Sin ? £ a a * >—— donc : >— ou enfin :- < 2sin- , 1 p Si 9 (] p / —4a 2 ce qu'il fallait démontrer. : a 4 : } : Si l’on se donne 7 et ce l’équation (1) déterminera 9 et : T 2 ; : si sa valeur est < ie elle sera admissible, et l’on construira le polygone sphérique correspondant. poiys . «a . Si l’on se donne seulement -, on pourra attribuer d’abord (4 s ch er MI NG à n toutes les valeurs entières telles que lon ait Eee P mais il faudra de plus que l’équation (1) donne pour p des . FT je . valeurs plus petites que —, ce qui limitera encore les valeurs 2 admissibles de 7. Cherchons, d’après ces remarques, quels sont les poly- gones sphériques dans lesquels on a : a =p. n devra d’abord être inférieur à 6, mais de plus, en fai- sant ap dans l'équation (1) qui devient : DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, s3 D F 2 sin — ñ ll COS -p — SP à 2 I es 7 : è on voit, puisque —p doit être < A que lon doit avoir : v? «1 : sin— <-— d’où 2 > 4. 1 2 La seule valeur possible de 7 est done 2 —5. L'angle de ce pentagone régulier peut se calculer sans recourir aux formules de la trigonométrie, car dans ce cas le triangle qui a pour sommet le centre du polygone et pour » 7 h) , À pt NP m1 2% base l’ur de ses côtés étant équiläiéral, on a: -A=— où 2 2 ai Gi angle est égal à celui da décagone plan régulier. Done: le seul Abe régulier sphérique var le côté soit égal au rayvn sphérique du cercle circonscrit est le pentagone dont l'angle est égal à celui du décagone plan régulier. C'est ce polygone qui correspond, eu égard à la relation entre le côlé et le rayon, ! l'hexagone plan régulier. Si lon fait NES — dans lexpression de la surface du pentagone due régulier on trouve : S=7 ; c’est-à-dire ue son aire est égale au quart de l'aire de la sphère. 1 1 $ 5. Nous n'avons considéré, dans ce qui précède , que les polygones sphériques dont l'aire est moindre que la demi-sphère ; mais, avec les mêmes côtés, se trouve cons- uit un polygone sphérique dont l'aire fait avec celle du premier la sphère entière. Les éléments de ce nouveau polygone , c'est-à-dire son angle, les rayons sphériques des cercles circonserits et inscrits et sa surface sont liés aux éléments similaires du premier par les relations : ! C ,» 4 Mar hp ir eup) item np, Sfr —S. 8} MÉMOIRES Les relations (1) (2) (3) (4, ne sont pas altérées quand on substitue aux quantités À , p, e, les nouveaux éléments A',9°,9°,; on en lire donc les mêmes conséquences que celles présentées dans les paragraphes 2 et 3. Pour les considérations du paragraphe #, elles doivent être modi- fiées, mais toute relation entre & et p’ équivalant à une re- lation entre à et p, on peut toujours opérer sur le polygone sphérique dont l'aire est moindre qu’une demi-sphère. Soit demandé, par exemple, de déterminer les polygones sphériques réguliers, comprenant une surface plus grande qu'une demi-sphère, tels que leur côté soit égal à leur rayon sphérique. On fera dans la formule (4) : a=r—6. Elle donne alors : F seul CT: . * mais - p est < +, donc sin - doit être plus 2 4 ñ QU SIN —0=—= 28 à T°? 2 Sin — 72 V2 . 7 . RUES et par suite 7 est < 4. I n’y a done que le triangle équilaléral qui puisse sa- hisfaire à la condition proposée. On voit par des moyens semblables à ceux déjà employés, dans le problème du pa- + grand que ragrapl récédent son angle RE On tr ragraphe précédent , que so gle est égal à — On trouve aussi que l'aire de ce polygone est égale à x, de sorte que le triangle équilatéral, dont l'angle est égal à celui de l'hexagone régulier plan, divise, comme le pentagone déjà © L> LE déterminé, la surface de la sphère dans le rapport de 1 à 3. " DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES, 85 OBSERVATIONS CRITIQUES ET SYNONYMIQUES SUR L'HERBIER CHAINX ; Par Ed. TIMBAL-LAGRAVE, Pharmacien. INTROBTCTION. Les batanistes phytographes savent la part active que l'abbé Chaix prit à la recherche et à la détermination des plantes qui servirent de base à Villars, pour la rédaction et la publication de son Histoire des plantes du Dauphiné, dont le premier volume parut en 1786 et le dernier en 1789. Dans cel ouvrage remarqua- ble, Villars ne manqua pas d'indiquer les nombreuses observa- lions qu'il devait à son ami ; dans la préface du premier et du dernier volume , il rendit un juste hommage au savoir et aux qualités de cœur qui distinguaient l'abbé Chaïix. Chaix et Villars, unis ensemble par les liens de la science et de l'amitié, parcoururent ensemble plusieurs localités très- importantes du Dauphiné; ils récoltèrent des graines et des plantes : Chaix cultiva dans son jardin les espèces douteuses ou critiques ; il les compara vivantes avec d’autres espèces avec lesquelles ces plantes étaient confondues avant lui. Ils se com- muniquèrent mutuellement leurs observations, et se firent part, avec une rare abnégation , de leurs découvertes. Ainsi leurs deux noms sont incontestablement liés pour toujours dans l'histoire des plantes du Dauphiné. Il était donc très-important de connaître l'Herbier de ce bota- niste, d'autant plus que dans celui de Villars, que possède la ville de Grenoble, il y a plusieurs espèces criliques qui ont dis- paru ou qui, peut-être, n'y ont jamais été. 86 MÉMOIRES k L'herbier Chaix fut vendu à Lapeyrouse par l'intermédiaire de Villars; les détails de cette vente se trouvent consignés dans la correspondance très-suivie que ces deux botanistes eurent entreeux ; nous en citerons quelques passages afin de faire res- sortir limportance que Villars attribuait à cet Herbier , pour l'étude et la synonymie des plantes &u Dauphiné. Dans une lettre datée du 7 juin 1799, Villars annonce la mort de Chaix à Lapeyrouse en ces termes : « Ia! quel amer » souvenir ! J'ai perdu mon ami Chaix, mort d'une attaque en » disant la messe: ses parents m'ont fait prier de reprendreses » livres de botanique ; là, se trouve Bellardi, Allioni, Seguier, » Dalechamp, avec les nomsdes Linné. Un Herbier de trois mille » plantes; si quelques curieux voulaient le prendre, je le ferai » livrer » Dans une seconde lettre du 12 août 1799, Villars engageaït Lapeyrouse à acheter cet Herbier. 1 lui disait : « 1 manque à » l’Herbier très peu de mes espèces, excepté les mousses et les » lichens ; mon respectable ami n'était pas aussi fort pour ces » deux parties; mais il est peu d'Herbiers aussi bien traités ; » s’il vous parvient, je reverrai les étiquettes; mais elles ont » déjà été vérifiées; il était franc, loyal, modeste, mais bon » observateur. » I! me lègue un manuscrit d'observata, qui, sans être de » première force, est précieux, étant fait pas à pas, sur des ob- » servations annuelles et journalières, tant dans son jardin » que dans des relations, ele. » Dans sa lettre du 8 mars 1800, Villars, en envoyant l'Her- bier de Chaix à Lapeyrouse, ajoute : « J'ai revu l'Herbier , j'y » ai même corrigé quelqus noms, en laissant subsister ceux de » Chaix sous un trait de plume. » Enfin , dans une lettre du 21 mai 1809, c'est-à-dire neuf ans après l'envoi de l'Herbier à Lapeyrouse, Villars se félicite que L Herbier Chaïx soit dans les mains de notre compatriote ; il dit : « Je me suis aidé à le confectionner et à le corriger ; son » respectable auteur y mit des plantes que je n'ai pas ; mais il » m'en reste qu'il n'a pas, en petit nombre à la vérité. » DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 87 Lapeyrouse, dans la préface de l'Histoire abrégée des Plantes des Pyrén., page x1v, adresse des remerciments aux différents botanistes de son époque, qui lui fournirent des matériaux pour son ouvrage ; il fait une mention spéciale pour Villars « dont le » savoir, dit-il, les conseils, la profonde connaissance des plan- » tes alpines m'ont été si profitables. » Il ajoute : « C’est à son » amitié que je dois la possession du bel Herbier de son digne a« ami Chaix, ce botaniste des Alpes, aussi savant que vertueux, » que J'ai souvent comparé avec le mien, et dans lequel j'ai » puisé de si grands secours dans les cas difficiles. » Il nous parait inutile de multiplier les citations pour confir- mer ce que nous avons dit sur l'importance de l'Herbier que nous allons étudier ; celles qui précèdent suffisent pour nous en démontrer la valeur; et nous faire comprendre tout ’intérêt qu'il peut offrir aux botanistes qui étudient la Flore française, el particulièrement les départements compris dans l’ancien Dauphiné. Nous terminerons celte introduction en indiquant quelle est la marche que nous avons suivie dans cette étude , et le but que nous nous sommes proposé. Dans l'Herbier de Chaix, ainsi que le dit Villars, il manque quelques plantes qu'il serait très-utile de connaître ; d’autres ont disparu; tandis qu'il en est un bon nombre qui ont été détruites par les insectes ; ces lacunes regretlables diminuent un peu l'intérêt qu'aurait offert l’Herbier Chaix, si une étude cri- tique avait été faite plus tôt; mais enfin, tel qu'il est, il pré- sente encore un bon nombre d'espèces très-curicuses. Nous avons étudié une à une toutes les espèces qui compo- sent cette collection , en les comparant à la description et aux figures de Villars que Chaix , comme il le dit lui-même dans la préface de son Herbier, a suivi pas à pas, cette étude minu- tieuse, nous a conduit à établir quelques synonymes nouveaux, à réformer ceux qui nous ont paru mauvais, enfin, à confirmer ceux connus depuis longtemps par les botanistes ; nous avons pensé que, quoique ces derniers soient adoptés par eux, il était important de vérifier leur exactitude avec les plantes de 88 MÉMOIRES l'Herbier Chaix, pour leur donner une nouvelle consécration. Nous avous surtout porté une grande attention aux espèces critiques, aux plantes Villarsiennes contenues dans cet Herbicr; nous avons formulé, dans des observations, le résultat de nos recherches. Si nous n'avons pu élucider compiètement ees plantes critiques, et lever les doutes et les indécisions qui les entourent, nous espérons avoir apporté quelques lumières sur quelques-unes d'entre elles. I est vivement à regretter qu'un bon nombre soient représentées dans F'Herbier Chaix, par des échantillons incomplets, où dans un tel état de vétusté, qu'il ne nous à pas été permis d'établir une détermination parfaitement assurée. Nous m'avons pas pu, dans notre travail, nous écarter de la classification de Villars suivie par Chaix, malgré son imper- fection ; Chaix, comme il nous le dira lui-même, a cru devoir, par égard pour l'auteur, suivre de point en point FHistoire abré- cée des plantes du Dauphiné; il a calqué son Herbier sur cetou- vrage, et renvoie le lecteur à ce livre pour la description, les localités de ees plantes. Il nous a semblé nécessaire de suivre la méme marche que lui, afin de mettre notre travail en harmonie avec l’Herbier et l'ouvrage de ces deux célèbres botanistes, et rendre ainsi la vérification de nos recherches plus faciles. Les plantes de F'Herbier Chaix portent ordinairement {e nom de Villars: vient ensuite le nom d'auteur : d’autres fois le nom d'auteur manque. Dans notre travail, nous avens placé en pre- mière ligne le nom donné par Chaix, et nous l'avons fail sui- vre du nom que la plaute doit porter d’après le droit de priorité, comme l’entendent les auteurs moderses. Il nous a paru inutile de multiplier la synonymie; car, les deux noms étant connus, celui éonné par Villars ou Chaïx, et celui que la plante doit porter d’après les règles adoptées, les autres syno- nymes se trouvent dans tous les ouvrages descriptifs. Dans le travail que nous allons faire connaître, il a été quel- quefvis nécessaire de faire intervenir quelques espèces étrangé- res au Dauphiné; nous nous sommes quelquefois très-étendu sur ces plantes ; mais chaque fois l'iatroduction de ces espèces était DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 89 utile pour dissiper le vague qui entoure quelques espèces Vil- larsiennes, ou rentraient dans un groupe où leur étude était né- cessaire pour mieux faire ressortir celles que les célèbres au- teurs de la Flore du Dauphiné avaient en vue. Il nous à été quelquefois impossible, faute de livres et d'é- chantillons plus complets, de présenter nos observations d'une manière affirmative; nous le regrettons vivement : d’autres fois aussi, nous ayons fait certaines réserves quand nous n'avons pas pu conclure avec les matériaux que nous avions à notre dispo- silion ; nous nous sommes contenté alors d'indiquer notre opi- pion , et d'appeler sur ces plantes l'attention des botanistes lo- caux, persuadé qu'il n'y a que les botanistes sédentaires qui puissent lever les doutes qui restent encore à dissiper sur les plantes qu'ont étudiées avec tant de soin ces deux botanistes. Il a été aussi nécessaire de comparer les plantes de Chaix avec celles des auteurs modernes ; nous avons eu recours, pour cet objet, à des plantes qu'a bien voulu nous communiquer M. l'abbé David, botaniste très-distingué, continuateur de la Flore du Dauphiné de Mutel, à qui on doit aussi la découverte de plu- sieurs espèces rares pour la Flore du Dauphiné. M. Verlot, dont ou connait le savoir, nous a signalé quelques formes sur les- quelles devait porter spécialement notre atiention; il nous a fourni quelques renseignements qui nous ont été très-utiles. Nous ne terminerons pas cette préface sans témoigner notre vive reconnaissance à M le docteur Judan, qui a bien voulu, sur l'intervention amicale de M. le docteur Idrac, mettre à notre disposition l'herbier de l'abbé Chaix, qui fait partie des riches collections de feu le colonel Dupuy, son oncle, dont on connaissait, à Toulouse, le zèle et l'amour pour les sciences naturelles. M. Judan a compris que des richesses scientifiques aussi précieuses ne devaient pas être perdues pour la science, et qu'il pouvait encore la servir en confiant à d’au- tres des matériaux qu'il aurait pu utiliser lui-même, si des tra- vaux plus importants et d’un autre genre n'absorbaiïent tout son temps. Nous prions donc ces messieurs de recevoir nos sincères remerciments. 90 MÉMOIRES Nous avons cru, avant de commencer ce travail, qu'il ne se- rait pas saus intérêl de citer textuellement la note écrite par Chaix lui-même, en tête du premier volume de son Herbicr. C'est une page remarquable qui nous dépeint ce savant et modeste botaniste, ses affections, ses relations, ses voyages, ses travaux, en un mot, les éléments qui lui ont servi de guide dans ses études botaniques, et qui lui en ont inspiré le goût. HERBIER DE M. DOMINIQUE CHAIX, CURÉ DES BEAUX, PRÈS GAP. AVIS. « Etabli curé de la petite paroisse des Beaux, mandement de la Roche-des-Arnauds, en 1748, âgé seulement de 28 ans, je crus pouvoir concilier aux études et aux devoirs de mon état, une honnête occupation isolée du sacré ministère, pour exer- cer le corps en donnant de l’éncrgie à lesprit. La Providence me ménagea ce moyen. Madame de Calvin, supérieure de la maison de charité de Gap, dont le mérite sera longtemps en vénération dans cette ville, aimoit singulièrement les plantes ; elle en cultivoit les plus usuelles dans un petit coin de la basse- cour de cette pieuse maison; en me les montrant cet me les nommant plusieurs fois, elle m'inspira son goût. «Je me livrai tout de bon à l'étude de cette partie de l'his- toire naturelle. D'abord sans maître et presque sans livres, je ne fis des progrès que fort lents; m’étant ensuite procuré le Philosophia botanica, le Genera , et le Species de Linné , je saisis la méthode de ce grand maître de botanique, et à force de comparaisons des objets avec les principes de la science, je me vis dans peu en état de faire quelque chemin. » Alors M. Villars, jeune citoyen du Noyer en Campsaur, commençoit aussi à s'initier dans la même carrière, et à jeter les fondements de l'édifice qu'il a élevé avec une célébrité DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 91 connue non-seulement en France, mais peut-être dans tous les états de l'Europe. » Mes fréquentes excursions au fond de nos vallées, sur le sommet de nos montagnes, dans les opacités de nos forêts, me procurèrent d’amples moissons, mes herborisations, dont le sou- venir m’affecte encore tous les jours, avec mon cher émule , dans le Campsaur, à Grenoble, dans le Briançonnois et lEm- brunnois, et nos relations non interrompues avec lui pendant nos absences, dissipèrent des doutes inévitables dans une ma- tière si étendue, Un voyage au Buis, avec M. Martin, euré de Faix, vrai amateur des sciences, me fournit bien des plautes qui croissent dans ce climat plus chaud. » Je ne pourrois taire, sans une noire ingratitude, les autres secours que j'ai reçus d’un grand nombre de célèbres botanistes, qui, en m'accordant leur correspondance, m'ont fait part de leurs lumières, m'ont envoyé des graines et des plantes en na- ture indigènes chez eux , ou exotiques, tels que MM. Thouin, à Paris; Pourret, à Narbonne; de la Tourrette, à Lyon; Danthoine , à Manosque ; de Leuze, à Sisteron, Liotard, à Grenoble ; Meyer, curé de Lachamp, dans les Baronnics ; Dom Grangier , chartreux en Provence; Blanc , professeur à Em- brun , etc. »Toutes les espèces de plantes qui sont venues à ma disposi- tion, je les ai arrangées selon la méthode de M° Villars, mé- thode qui m'a toujours plu depuis qu’elle a été publiée, par sa simplicité, par sa marche plus naturelle, et surtout par la con- sidération particalière que je dois à son autear, et que le Dau- phiné lui doit aussi, comme à l'illustrateur de sa Flore. »Ma collection, en 4 grands volumes in-folio, papier de Hol- lande, bien reliés, et un 5°, séparément fait pour les Cynaro- céphales, qui auroient défiguré, par l’äpreté de leurs tissus ct par la grosseur de leurs têtes, les autres plantes voisines, renfer- mant environ trois mille individus, presque tous espèces dis- tinctes ; je n’ai ajouté que quelques variétés intéressantes. »Les noms de mes étiquettes sont ceux de Linné, adoptés par 92 MÉMOIRES M. Villars, ou consacrés par lui à nos plantes nouvelles, tous latins; je renvoie à l'ouvrage botanique de notre auteur pour les français, pour la description, les propriétés et les usages. Si je n'ai pas dans mes cahiers tous les végétaux indiqués par ce célèbre investigateur du Dauphiné, je ne crois pas en avoir guère omis de ceux qui naissent spontanément dans notre dé- partement des Hautes-Alpes, à l'exception néanmoins de quel- ques cryptogames, mousses ou algues ; quant aux champignons, leur nature fugace putréfiante m'a dispensé de les insérer dans un Herbier en papier. » Pour la facilité de l'inspection des objets y contenus , j'ai dressé, dans un cahier séparé, une table générale indi- quant les pages de chaque volume , selon l'ordre de la méthode adoptée. » Cur paucos arbusta juvant humilesque myrice. Vin. Écl, 4. Mucus et alga juvant Flore alumnum. Ingravescente jam ævo nalus qu ippe 61 annos per amæœnos Floræ campos desero , aliis firmiore pede , vegetiore oculo lustrandos , feliciore sato excolendos. Baucii in jurisdictione Vapincensis d. 8 juni A791. Domimicus CHAIX, parochus. DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 93 HERBIER CHAIX. GENRE VERONICA, — Tournefortii. Vic CH. Herb. v.1, fol. 9, —V. Allionii B vestita. GREn. et Gon. FL. Fr. 2, p.v004? Obs. Représentée dans l'Herbier Chaix par une seule tige, celle plante semble tenir le milieu et servir d’inter- médiaire au V. Allionii Vizz. et V. officinalis L. dont elle est peut-être une hybride ; elle se distingue de ces deux plantes par ses feuilles elliptiques, allongées, velues , moins épaisses , à dents égales , celles du bas plus arrondies, enfin par ses Liges Lrès-velues plus allongées. — tenella. Azz. n. 272, tab 92 , f. 1. Caux Herb. v. 1, fol. 9. — V. Alpina. L' Sp. 15. — Forme naine. — dubia. Cuaix Herb. V.1, fol. 9. — V. Teucrium L. Sp. 16; V. Teucrium £ normalis Grex. et Goo. F1. Fr. 2 p- 587. ’ Obs. Cette variété du F. teusrium est bien commune, elle est quelquefois confondue avec le }”. prostrata L. parce qu'on prend la forme des lieux ombragés pour le . teu- crium \ype; elle se distingue du #”. #ucrium et prostrata par ses Liges ascendantes , ses feuilles étroites lancéolées , atténuées en petiole, velues, dentées, dents très-prononcées, obtuses ; par ses pédoncules courts, ses calices hérissés : enfin par ses liges plus courtes , plus trapues que celles du ”. teucrium ordinaire et plus longues que celles du F”. prostrata L. 3 Le F”. dubiu de de Candolle serait aussi la même plante d’après MM. Gren. et God. FL Fr. 2, p. 623. — _triphyllos. Cu. Herb. v. 1, fol 13. — V. præcox ALL, ducs PH fie 9% MÉMOIRES ZE" yerna, L. Cx. Heérb. v. 1, (ol. 452 —"V: Triphyllos. L. Sp. 19. — Romana. Acc. 289. Ca. Herb. v. 1, fol. 15. — V. Perc- grina. L. Sp. 20. et V. Verna. L. Sp. 19. Obs. y a dans l'Herbier Chaix trois plantes sous le nom de F. romana. L'une le F. romana de Linné, parfaitement connue de Chaix qui a ajouté à l'étiquette : L. Sp. Les deux autres sont synonymes de f”. verna. L. Mutel, F1. Dauph. p. 474, dit que le F°. romana de Villars est synonyme du l’eronica arinifolia. L. Sp. 19: Tandis que Koch. (syn. FI. Germ. el Helv. ed. 2, p. 609.) pense que le l. romana ALL. doit être rapporté au V. tri- phytlos L. Les plantes de l'Herbier Chaix viennent confir- ner les observations de MM. Moris et de Notaris qui réu- nissent les F. romuna ALL. au V.verna L., opinion qui a été adoptée par MM. Gren. et God. FL. Fr. 2, p. 596. Villars (HisL. pl Dauph.) ne fait pas mention du IE: præcox ALL, quoiqu'il croisse en Dauphiné et qu'il soit dans l'Herbier Chaix ; c’est sans doute la confusion de cette plante avec ses voisines qui a entrainé ces auteurs dans les erreurs de détermination que nous venons de signaler. G. ORcHIS. __ ensifolia. Vaiz. Cu. Herb. v. 1, fol. 17. — O. palustris. Jaco. CoL. 1, p. 75. Obs. La description de Villars (fist. pl. Dauph. V.2, p. 29)se rapporte à l'Orchis laxiflora La., tandis que la plante de Chaix est certainement l'O. palustris JACQ.; cela tend à prouver que ces deux botanistes confondaient ces deux plantes comme on l'a fait pendant longtemps. — militeris. Vizc. CH. Herb. v. 1, fol.119. — ©. fusca. Jaco. aust. #, p. 307. — O. purpurea. Hups. FI. Angl. éd. 1, p. 339. — simia. Vrec. Ca. Herb. v. 1, fol. 19. —- Orchis rivino- fusca. Timsaz, Mem. hyb. d Orch. p. 16.— Orchis super- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 05 purpureo-militaris. Timeaz in Grex. et Con F1. Fr. 3, p. 290. — fusca. Vizz. Cu. Herb. v. 1, fol. 20.— Orchis militaris. L. FI. Suec. ed.2, p. 310. — O. Rivini. Gouan. — O. cincrea. Scu. Nora. L'Orchis te, }rosanthos ViLL. n’est pas dans l’'Her- bier Chaix. — Jatifolia, var. angustifolia. Ca Herb. v. 1, fol. 20. — O. incarnala. L. FI. Suec. 312 et Sp. 1335. — O. divari- cata. Mur. FL Dauph. p. 594. G. Orarys. — Alpina. Ca Herb. v. 1, fol. 24. — O0. pseudo-speculum. DC. FI. Fr. 5, p 332: G. SERAPIAS. — alba. Ca. Herb. v. 1, fol. 25. —$. nivea. Vic. Dauph. v.2, p. 52; et Cu. v. 1, p. 310. — Cephalenthera gran- diflora. Bres. mem. 296. — C. pallens. Rcus. orch. d'Europ. 38. G. PHLEuM. — Phalarideum. Vizz. Cu. Herb. v. 1, fol. 30. — P. Bœh- meri. Vis. Obs. Mutel, FI. Dauph. 673 , rapporte le P. Phalari- deum de Villars au Ph. Micheli ALL. et M. Verlot, bota- niste distingué de Grenoble, croyant celte réunion fondée el ayant reconnu que le Phleum Michelii des Alpes n’est pas le mème que celui de la Toscane , propose dans une note qui suit le calalogue des graines du Jardin botanique de Grenoble, de conserver le nom de PAleum Micheli à la plante de Toscane , et celui de PA. Phalaridrum à celle de nos Alpes. Mais la plante de Villars étant le Phleum Boelhmeri de Viborg , espèce parfaitement déterminée, cet arrangement 96 MÉMOIRES ne peut avoir lieu ; si la plante de nos Alpes doit être dis- tinguée, comme le pense M. Verlot, il faut lui donner un nom nouveau, celui de Phleum V'erloti, par exemple ; nom qui rappellera celui qui le premier l’a distinguée. G. Paxicuu. — Reclinatum. Vie, Cu. Herb. v. 1, fol. 64. Obs. Cette espèce manque dans l'Herbier Chaix; la plante que nous a communiquée sous ce nom M. l'abbé David , botaniste de Grenoble, est le setaria glaura PAL, de Bauv. G. AGROSTIS. — capillaris. Cu. Herb. v. 1, fol. 39 et 40. — A. vulga- ris. Wir. Arrang. p. 132. — villosa. Vizz, CH. Herb. v. 1, fol. 42. — Calamagrostis lanccolata. DC. FT. Fr. v. 5, p. 253. — arundinacea. Vice. Cu. Herb. v.1, fol. 42. — Calama- grostis montana. Hosr. gram. 4, t. h6. — pumila. CH. Herb. v. 1, fol. 39. — Agrostis vulgaris. Wir. arrang. p. 132. Forme naine. — sylvatica. Pocc. Cu. Herb. v. 1, fol. #0. — Agrostis vulgaris. Wit.? Arrang. p. 132. Obs. Cette forme est remarquable par les fleurs brunà- tres el ramassées en têle, quoique cela elle ne nous à pas paru distincte de l'A. ou/saris. — setacea. Vizz. Ca. Herb. v. 1, fol. 41. — Agrostis ru- pestris. ALL. ped. 2, p. 237. — festucoïdes. Vice. Cu. Herb. v. 1, fol. #1. — Agrostis alpina. Scop. carn. 1, p. 60. Obs. L’Agrostis festucoïdes de Villars et de Chaix est bien l’ulpina à fleurs pâles el jaunâtres; la panicule est étalée, les fleurs ont une arèêle insérée à la base de la glu- melle ainsi que lous les caractéres attribués à cette espèce. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 97 Mais l’Agrostis Alpina des Pyrénées diffère notablement de celui des Alpes ; voici sa description : AGROSTIS PYRENÆA. Nob. A. alpina Auct. pler. non Scop. carn. 1. 60. Racine vivace cespiteuse, tiges de deux à quatre décim., grèles , flexueuses, faibles , ascendantes ; feuilles inférieu- res rnroulées ;, fines el tenues ; celles de la tige courtes arquées ; gaines enflées ; ligule longue, un peu déchirée ; panicule resserrée longue ; pédicelles #2#gaux multiflores : fleurs très nombreuses péles , blanchätres ; glumes lancéo- lées entières, un peu scabres sur le dos, égales ; glumelles à deux nervures noirâtres dépassant le sommet ; arête dépas- sant la fleur, se genouillant un peu avant sa sortie de la glume. IL fleurit en août, il habile les Pyrénées Occidenta- les ; nous l'avons reçu de M. Loret, botaniste distingné d’Urdos, de Sarrance et de Gavarni. M. PBubani nous a communiqué notre Azrostis Pyrenæa sous le nom d’Agros- tis Alpina Scor. Ce savant botaniste réunissait sa plante à L Agrostis filiformis Vie. espèce litigieuse qui manque dans l'Herbier Chaix. L’Agrostis Pyrenæa N. diffère de lAgrostis Alpina Scor. par les Liges plus longues, flexueuses, ses feuilles plus fines, plus tenues, celles de la tige très-courtes, arqnées ; par ses gaines sensiblement enflées; par sa panicule res- serrée bien plus allongée, à fleurs plus nombreuses, tou- jours pâles et blanchätires, devenant jaunätres après l’an- thèse ; par ses glumes égales, chargées d’aspérités sur le dos ; par ses glumelles à pointe plus courte ; enfin par son arêle genouillée plus haut, près de sa sortie de la glume ; cette espèce a le port de l Agrostis interrupta L. Pourret (Act. Acad. de Toul. v. 3, p. 306) a donné le nom d’Agrostis Pyrenaïica à V Agrostis rupestris. ALL. M in- dique cette plante à Madres et au Laurenti où l'on trouve encore ceile espèce ; elle abonde aussi dans les Pyrénées centrales où manque le Pyrenæœa Non. — smiliacea. Vic. Cu. Herb. v. 4, fol 4. — Glyceria dis- tans. WauLz. FI. Ups. p. 30. Obs. Mutel (FL Daup. p. 717) avait déjà établi ce sy- nonyme, mais de Candolle (FL Fr. 5 p. 273) Pavait rap- k°S.— TOME VI. 7 98 MÉMOIRES porté au Poa coarctata (Sen. exsie. 20.) qui n’est, d'après quelques floristes, qu'une forme du Pou nemoralis L. Ces deux botanistes ajoutent encore comme synonyme l'Air brigantiaca CHAIX qui manque dans son Herbier. G. MELica. — Lobeli. Vic. Co. Herb. v. 1, fol. #7. — Melica Bauhini. ALL. auct. p. 43. Obs. Tous les auteurs rapportent le Melira Lobeli de Villars au Welica uniflora Rerz. En eflet, la description de Villars ne laisse aucun doute à cet égard , mais l'examen de la plante de l'Herbier Chaix qui est certainement le M. Bauhini ALL. nous donne à penser que Chaix et peut- être Villars confondaient, les M. uniflora ReTz. el Bau- hini ALL, G. FEsTucA. — fusca. Vice. Cu. Herb. v. 1, fol. 58. — Festuca durius- cula. Hosr. GraM. 2, p.83. Forme naine et rabougrie. — sylvatica. Vic. Cn. Herb.v.1, fol. 56. — Bromus com- mutatus. Scurap. Germ. 1, p. 353. — gigantea. Viic. Cu. Herb. v. 1, fol. 65. — Bromus se- calinus. L. Sp. 112. Qbs. 1 est possible que dans le Festuca syloatica et gi- gantea ii. il y ait transposition d’éliquette ou d’échan- tillon. L'erreur est trop grossière pour être attribuée à Chaix. G. BROMLS. — maximus. Davra. 1791. Cu. Herb. v. 1, fol. 58. — B. grandiglumis. Cu. Herb.—B.maximus Desr.arz.1798. — dumosus. Vizz. Cu. Herb. v. 4, fol. 59. — Brachypo- dium sylvaticum. Roeu et Sem. 2, p. 7#1. — perennis. Vizs. FI. Dauph. 2, p. 123. — B. Pratensis. Cu. Herb. v. 1, fol. 59.—B. Erectus Hups. Angl. #9. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 99 — giganteus. Cu. Herb. v.1, fol. 59. — B. Asper Mure. PROD. FL. Goett. Suner, 120. G. Poa. — monilifera. Daxru. Cu. Herb. v. 1, fol. 64. — Poa ne- moralis. L. Sp. forme gréle, — littoralis. Gocax, Ca. Herb. v. 1, fol. G4.— Dactylis his- panica, Roeu. Obs. Ces deux plantes n’appartiennent pas à la Flore du Dauphiné. — Sylvatica. Vic. Cm. Herb. v. 1, p. 63. — Poa sudetica. Hoexck. Sud. 120. — cinerea. Vic. Cu. Herb. v. 1, p. 62. — Calamagrostis tenella. Hosr. var. mutica Kocu. Syn. FI Germ. et Helv. ed. 2, v. 2, p. 906. G. Briza. — eragrostis, Cn. Herb. v. 1, fol. 65. — Eragrostis pœoi- des. Pa. DE Bauv. Agrost. 71. — uncialis. Barr. 1214. Icon. 744. B. sexagentiflora. Cw. Herb. v. 1, fol. 66. — Eragrostis megastachya. Lixx. Hort. Berol. 1, p. 187. Forme des lieux cultivée, à épillets très-nombreux. G. AVENA. — {riarislala. Vitc: Cn. Herb. y: 1, fol. 71: = Avena te- nuis. Moexcn, Meth. p. 195. — Calyeina. Vizz. Cu. Herb. v. 1, fol. 70. — Danthonia provincialis. DC, FL Fr. 3, p. 33. 100 MÉMOIRES G. CAREX. — dioica. Vizz. Cu. Herb. v.1, fol. 89. —C. Davalliana. Suira Brit. 3, p. 964. — myosuroïdes. Vizc. CH. Herb. v. 1, fol. 89. — Carex Bellardi. DC. FL. Fr. 3, p. 03.—Elyna spicata. Scnrap. FI. Germ. 1, p. 155. — Jobata. Vice. Cu. Herb. v.1, fol. 89. — C. fœtida. Arr. Ped. 2, p. 265. — humilis. Cu. Herb. v. 1, fol. 92. — Carex nigra Arc. Ped. 2, p. 267. — C. atrata $ minor. Mur. FI. Dauph. p. 657. — argentea. Vie. Cu. Herb. v. 1, fol. 92, — Carex hu- milis. Leyss. FI. Hal. p. 175. — arenaria. Vice. Ca. Herb. v. 1, fol. 90. — C. interme- dia. Goop. -— C. disticha. Hups. FI. Angl. #03. — acuta nigra. Vizz. Cu. Herb. v. 1, fol. 99. — Carex stricta. Goop. Trans. lin. v. 2. — acuta rufa. Vic. Cu. Herb. v. 1, fol. 99. — Carex pa- ludosa. Goop. Trans. lin. v. 2. — patula. Vizz. Cn. Herb. v. 1, fol. 95. — Carex sylva- tica. Hups. Fi. Angl. ed. 2, p. 353. G. Juxcus. — sylvaticus. Vic. Cu. Herb. v. 1, fol. 135. — Juncus lamprocarpus. Cocum. n° 125. — articulatus. Vizz. Cu. Herb. v. 1, fol. 135. — Juncus obtusiflorus. Eura. Beit. 6, p. 83. — alpinus. Vizz, Ca. Herb. v. 1, fol. 135. Obs. Forme à fleurs très-noires réunies en tête Lrès-ser- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 101 rées. Celte plante, dans cet état, est bien différente de celle de la plaine que les floristes considérent comme étant la même espèce ; dans les Pyrénées, le Juncus alpinus ViLL. est très-commun sur loules les montagnes, près des sources et des cours d’eau ; il est conforme à celui de l'Herbier Chaix. — campestris. Vicz, Cn. Herb. v. 1, fol. 137. — Luzula mulüflora. Les. FI. Sp. 1,p. 169. — pilosus. Vic. Cu. Herb. v. 1, fol. 135. — Luzula syl- vatica. Gaup. Hely. 2, p- 568. — Jluzulinus. Vie. Cu. Herb. y. 1 , fol. 135. — Luzula flavescens. Gaun. Helv. 9, p- 564. Obs. Les auteurs rapportent le Junrus luzulinus Vis. au Luzula pilosa Wup. la plante de l'Herbier Chaix prouve que ce botaniste confondait le pilosa et le flavescens , que Gaudin, L. c. fit connaitre plus tard. G. ORNITHOGALUM. — Jlacteum. Vic. Cu. Herb. v. 4, 100195. Ornithoga- lum narbonense. L. Sp. 410. G. ALrIUM. — narcissifolium. Vi. Cu. Herb. v.1, fol. 131. — Allium fallax. Dox. Monog. 61. —.pallens. Vic. Ca. Herb. v. 1, fol. 129. — Allium /fla’ vum. L. Sp. 428. Oës. Echantillon pauciflore el en fruit , mais très-facile- ment reconnaissable. — Sphærocephalum. Vic. Cu. Herb. v. 1, fol. 129. — descendens. Vizz. Cn. Herb. v. 1, fol. 129. Obs. Ces deux plantes sont réunies sous le nom de sphæ- rocephalum par les botanistes modernes ; la première a les fleurs longuement pédicellées , les pédicelles égaux formant MÉMOIRES un sertule très-régulier ; celle-ci est plus grèle, ses tiges sont plus fines, plus effilées, ainsi que les feuilles ; la se- conde forme est plus robuste , s'élève davantage , ses fleurs sont très-nombreuses, celles du centre sont longuement pé- dicellées, tandis que celles des bords le sont beaucoup moins , ce qui donne la forme globuleuse ou ovoide au ser- tule. I nous semble que ces deux plantes ne peuvent pas être réunies ; nous n'avons pas pu voir si les feuilles de ces deux espèces étaient canaliculées en dessus ou simplement sillonnées , caractères essentiels pour une bonne délermi- nation ; nous pensons cependant que ni l’une ni l'autre ne peuvent être rapportées à l'4/ium eminens GREN. mais peut-être à l'opproximatum et spherorephalum de Ya Flore de France de MM. Grenier et Godron. G. Liu. G. — croceum. Cu. Herb. v. 1, fol. 106. Obs. Comme l’a très-bien observé Villars, cette plante est dépourvue de bulbilles à l’aiselle des feuilles, l’échantil- lon de l'Herbier Chaix n’a qu'une fleur supportée par un pédoneule court, velu ; ses feuilles sont épaisses, lancéo- lées à trois ou cinq nervures saillantes, un peu glauques en dessous et enroulées sur les bords ; il n’y a pas la cap-. sule ni le bulbe. Nota. La plupart des plantes de cetle famille des iridées et des amaryllidées sont dévorées par les insec!les. VALERIANA. — rotundifolia. Vizz. Cn. Herb. v. 1, fol. 144. Obs. De Candolle , FI. Fr. 4, p. 235, considère cette plante comme une variété 8 du l’aleriana montana L. qu'il caractérise par ses feuilles caulinaires plus grandes et ses fleurs plus ramassées; Mutel, FI. du Danph. p. 283, comme de Candelle en fail une variété à feuilles cauli- naires en cœur. MM. Grenier et Godron, FI. Fr., ne voient dans celte plante qu'un lusus sans importance du F’uleriana montana L. et le réunissent à celle espèce. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 103 Tel n’est pas notre avis, il est probable que ces auteurs n’ont pas connu la plante de Villars, et qu'ils n’ont pas tenu compte de la bonne description qu'il en donne dans l'Histoire des plantes du Dauphiné (vol. 2, p. 183). Villars insiste surtout sur les feuilles comme de Candolle et Mutel ; il dit : « Les premières sont rondes et entières, les secon- » des portées sur un long pétiole, en cœur, dentées, pres- » que sinuées , très-pen pointues, les tiges hautes de huit » à dix pouces n'ayant qu’une ou deux paires de feuilles , » dont l’une à la base cachée par les feuilles radicales , et » les autres sessiles cordiformes , ressemblantes à celle de » l'Alsine media C. B.» D'après cette description , qui est parfaitement conforme à la plante de l'Herbier Chaix, il est évident que les feuilles supérieures ne sont pas gran- des orbiculaires en cœur, comme le veulent ces éminents florisles. Chaix, dans son Herbier, semble avoir prévu les objec- tions qu’on pourrait faire à l’élablissement de celte espèce; il donne dans le même folio (144) les F. montana L. type, une variélé à feuilles supérieures, grandes, en cœur à la base, qui est le J”. rotundi/olia des auteurs, non de Villars ; une seconde variété à feuilles caulinaires à trois lobes dont le terminal est très-grand , c’est là probablement la variété foliis ternis de Ramond ( DC. FI. Fr. 4, p. 235). Enfin, il place à côté de ses trois formes du Faleriana montana À. le l’aleriana rotundifolia Virrars. Aux détails nombreux et exacts que donne Villars de celle plante, voici la description aussi minutieuse que pas- sible de la plante de l’flerbier Chaix : Plante de vingt-deux centimètres, souche paraissant vi- vace , une seule Lige , feuillée à la base , et n’offrant qu’une seule paire de feuilles aux trois quarts supérieurs de la tige ; les feuiiles radicales, arrondies, entières, courlement pé- tiolées , les suivantes ovales en cœur à la base ; aiguës, si- nuées , denlées aux bords; les caulinaires opposées, en cœur à la base, aiguës au sommet, un peu dentées , lon- gues de deux centimètres sur six millim. de large au milicu du limbe; les fleurs sont en cyme assez écartées; toute la plante (desséchée) est d’un vert noirâtre ayant un peu le port du 7, tripteris plutôt que du F, montana. 10% MÉMOIRES La confusion qui existe sur celle plante est due au nom que Villars lui a le premier imposé, nom qui indique comme caractère fondamental la forme des feuilles qui dans ce genre esL très-variable ; il serait done convenable de changer le nom de ceïle plante qui, mieux connue, se retrouvera en Dauphiné ; on pourrait l'appeler /”. l’illarsii afin d’éviler cet inconvénient el rappeler celui qui Fa signalée le premier. Nous appelons l’attenlion des botanistes sédentaires sur celle plante litigieuse , sur laquelle nous manquons de dé- tails, n'ayant à notre disposition que l'échantillon de FBerbier Chaix. Ne pourrait-il pas se faire que le Faleriana rotundifolia VuL. ne fût une hybride du 77. montana et tripteris, dont il semble tenir le milieu ; ce sont les bola- nistes locaux qui peuvent éclairer cetle question. G. SCARIOSA. — ochroleuca. Vizz. Ca. Herb. v. 1, fol. 155. — Scabiosa maritima. Vie. Dauph. 2, p. 295. Forme à fleurs päles et jaunâtres des liéux vagues. F # # F G. PLANTAGO. — Alpina: Viec. Cn.yHerb al: 464:5— Plantago montana. Lam. Ill. no 1670. — ovina. Vie. Cu. Herb. v. 1, fol. 161. — Plantago al- pina. L. Sp. 165. — argentcea. Cn. Herb. v. 1, fol. 161. — Plantago vic{o- rialis. Por. Dict. 5, p. 165. G. SANGUISORBA. — officinalis. Vice. Cn. Herb. v. 1, fol. 164. — Sangui- sorba montana. Jon». — poterium. Visz. Cn. Herb. v. 1, fol. 164. — Sangui- sorba officinalis. L. Sp. 169? DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 105 Ob2. Ces deux plantes appartiennent au genre sungui- sorba et non la dernière au genre poterium. La première nous a été communiquée par M. Jordan sous le nom de S. montana ; nous rapportons, quoique avec doute, la se- conde au Sunguisorba officinalis du mème auteur ; Linné a dû confondre ces diverses formes en une seule sous le nom d'officinalis; cependant elles méritent d’être distinguées; celle-ci a les capitules moitié plus petits, ainsi que toute la plante ; les feuilles sont moins allongées, plus arrondies ; elle est en trop mauvais élat pour ètre bien étudiée. G. GALIUM. — album. Vice. Cr. Herb. v. 1, fol. 172. — Galium crec- tum. Hups. FI. 68. — sylvaticum, Vic. Cu. Herb. v. 1, fol. 172. — Galium elatum. Tauizz. FI, Paris. 76. — rigidum. Vicc. Cu. Herb. v. 1. fol. 173. Obs. Quelques botanistes considèrent cette espèce comme synonyme de G. corrudæfolium ViiL. qui se distingue du rigidum par ses fleurs en panicules plus compactes, par ses feuilles plus fines, plus arquées , noircissant par la dessic- cation ; ces deux Galium méritent d'être distingués, comme l'a pensé M. Jordan dans son Pugillas ; le Galium risidum est très-commun dans le midi de la France; nous l'avons vu à Narbonne et aux environs de Perpignan ; il a été aussi quelquefois confondu avec le Galium lucidum d’AMioni. — obliquum. Vi. Cu. Herb. v. 1, p. 178. — Galium brachypodum. Jon». Obs. pl. critiq. fragm. 3, p. 130. — obliquum. Vizz, obliquum. var. glabrius. Cu. Herb. v.1, p- 173. — Galium alpicola. Joro. Obs. pl. eritiq. frag. 3, p. 131. — montanum. Cu. Herb. v. 1,p. 174. — Galium myrian- thum. Jorp. |. c. Obs. Le nom de Galium montarum ViL. que porte Féli- 106 MÉMOIRES quette de cette plante a élé rayé par un trait de plume et par dessous il y a : Galium tenue Vi. Cette correction est due sans doute à Villars; quand il visita pour la dernière fois l'Herbier Chaix , il ne recon- nut pas dans cette espèce son Galium montanum ; n'ayant pas alors le Lemps d'étudier cetle plante qui avait dû l'em- barrasser, il la rapprocha d’une des formes voisines ; mal- gré son port et sa taille plus élevée, il choisit le Galium tenue. Chaix avec raison dislinguait son montanum du tenue de Villars qu'il place à la page suivante; mais il parail qu'il ne connaissait pas le vérilable montamnm ViLs. Depuis , le Gulium montanum CnaAïx non ViLLARSs a été décrit par M. Jordan sous le nom de Galium myrianthum. — criospermum. Cu. Herb. v. 1, fol. 178. — Galium se- taceum. Lau. Dict. 2, p. 584. — pusyllum. Ca. Herb. v.1, p. 12#. Obs. I y a trois plantes sous cette étiquette, d’abord le Galium anisophyllum Nix. le Galium Feloeticum Gacp. et une troisième forme en très-mauvais élat, très-diffcile à déterminer. Les autres formes ne nous ont pas paru offrir d’observa- tions critiques; leur détermination est très-exacte. G. Urrica. — Dodarti. L. Sp. 1395. Cu. Herb. v. 1, fol. 187. Obs. On rencontre assez communément ça el là l'Urtira pilulifera aux environs de Toulouse ; on la trouve quelque- fois accidentellement à feuilles parfaitement entières comme l'Urtica Dodarti de YHerbier Chaix ; dans cel état ses feuilles ressemblent aux feuilles de pariétaire et justi- fient le nom que Dodoneus donnait à cet état particulier de l'Urtica pilulifera. U. altera pilulifera parietariæ foliis. (Don. Mem. 4, p. 323.) Nous profitons de la plante de l'Herbier Chaix pour publier le résultat de nos observa- tions personnelles. L'Urtica Dodarti de YHerbier de l'abbé Chaix est exacle- ment la même plante que celle de Toulouse ; elles offrent DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 107 l'une et l’autre des fleurs moins nombreuses que l'Urtica pi- lulifera L. en glomérules plus âches, plus petits, des tiges plus faibles, plus allongées, plus gréles, à entre-nœuds plus longs ; des feuilles ovales, obtuses, dont le limbe est tantôt sans dents et parfaitement entier, tantôt avec une ou deux dents. Ce sont ordinairement les feuilles de la base qui offrent celle dernière forme ; les supérieures sont en- lières. Il est facile de se rendre compte de cel état particulier de l'Urtica piluli/era , si on remarque que le limbe n’est pas, dans ce cas, parfailement uni el aplali comme dans les feuilles entières ordinaires, mais qu’au contraire il est ondulé ou concave, quelquefois si fortement que la feuille simule grossièrement une cuillère; il est hors de doute que cetle forme est le résultat de la soudure des dents du limbe des feuilles très-grandes et très-écarlées dans l'Ur- lica pilulijera développé normalement. La morphologie végétale el quelques faits tératologiques viennent nous offrir l'explication de cet état anormal et passager de celle curieuse plante. Geoffroy Saint-Hilaire, dans ses leçons de Botanique, dit en plusieurs endroits que la découpare des feuilles est d'autant plus grande que le sujet est plus vigoureux. Les premières feuilles , les colylédonaires et souvent les primordiales sont entières ou faiblement dentées comparativement aux autres ; à me- sure que le végétal grandit, il acquiert de la force, les feuilles qui couvrent la Lige et ses divisions se découpent da- vantage ; mais arrivée à une cerlaine élévation , la plante devient plus faible par épuisement , les feuilles supérieu- res reviennent entières ou faiblement lobées ou dentées, comme on peut l'observer dans un grand nombre d’es- pèces à feuilles découpées qui ont les feuilles florales et les bractées entières. Il est parfaitement démontré que des espèces à feuilles profondément découpées deviennent à feuilles entières quand elles sont chétives ou languissantes, ce qui peut ar- river par des causes nombreuses, mais surtout quand les éléments utiles à leur développement viennent à leur man- quer. Il en est de même pour les fleurs; les espèces mulli- flores deviennent uniflores ou pauciflores quand la nourri- lure, la chaleur, etc., leur font défaut. 108 MÉMOIRES Les horticulteurs savent par expérience qu'en affaiblis- sant la force végélative de certains terrains par des pro- cédés particuliers, on arrive à faire perdre aux feuilles leurs découpures et même leurs épines : on peut aussi de la même manière varier de vert et de jaune les feuilles de quelques espèces, faire ce que les jardiniers appellent des panachures, comme le houx nous en offre un exemple re- marquable. L'effet inverse a lieu aussi quand , par d’autres procédés, on augmente la vigueur des plantes; les feuilles se découpent plus profondément si elles offrent normale- ment quelques découpures, comme le sureau Sambucus nigra qui nous donne alors le Samburus laciniata de Miller ; des plantes à feuilles même simplement dentées peuvent ainsi devenir laciniées, comme le Betula alba et V'Alnus incana qui donnent chacun une variélé pinnatifide. L'Urtica pilulifera L. est assez répandu , comme nous le disions, aux environs de Toulouse; il y a deux ans, on avait recouvert de cailloux un espace assez étendu où celle plante abondait ; les tiges de l'Urtica pilulifera ainsi re- couvertes ne pouvant pas se développer convenablement , s'étaient fail un passage dans les interstices des cailloux en se conlournant et en s’allongeant démesurément ; elles fleurissaient dès quelles arrivaient au-dessus du tas de pierres ; mais ce qu’il y avait de très-remarquable, c'est que toutes les feuilles étaient entières et concaves comme nous les avons décrites, et les fleurs en glomérules plus lâches, exactement comme l’Urtiea Dodarti de Y'Herbier de Chaix ; dans un fossé tout à côté on rencontrait V'Urtica pilulifera normalement développée à feuilles largement dentées, con- forme à la description des auteurs. Les tiges de l'Urtica pilulifera qui élaient parmi les pier- res avaient besoin , pour arriver à la lumière et épanouir leur fleur, de traverser une couche de cailloux d’un mètre et plus, taille que n’atleint pas ordinairement cette plante ; arrivée là, la force lui a manqué, les fleurs sont devenues moins nombreuses, plus lâches par conséquent, el les feuilles affaiblies se sont soudées, sous celte fâcheuse in- fluence, l'Urtica pilulifera L. s'est changé en Urtica Dodarti L. Il reste maintenant à savoir si la plante que nous ve- nons d'étudier est bien celle de Linné ; L. Sp. P/antarum , DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 109 page 1393, donne la diagnose suivante de l'Urtica Dodurti : Joliis oppositis ovatis sub-integerrimis amentis Jructijeris globosis ; il ajoute les Synonymes suivants de Dodoneus et Morisson : Urtica altero pilulifera partetariæ foliis Von. Mem. 4, p. 323. — Urtica Pilulifera parietariæ Jacie ; se- mine Lini Moriss, hist. 3, p. 16. Linné termine par l'ob- servation suivante; affinis nimium pPræcedentibus ducbus (Pilulifera et Balearica) etiam Jloribus mascu/is inferne lo- catis, sed foliu vix serrata. Cette diagnose comparée à celle de l'Urtica pilulifera ne présente qu’une seule différence dans les feuilles. Linné dit pour celle dernière; fois oppositis ovatis amentis fructieris globosis; il n’y a donc de changé que le mot serratis qui est sub-serratis pour l'Urtica Dodarti. Reichard (systema pl. veg. 1v. Pp- 129.) Murray (syst. veg. p. 697.) Vilidenow (Sp. pl.) disciples de LINNE rap- portent la diagnose et les synonymes de leur maitre sans changement; aucun de ces auteurs, Linné lui-même, ne Connaissail la patrie de l'Urtica Doderti , et ne V'avait pro- bablement jamais vu. Depuis ces auleurs nous n'avons pu trouver aucun ren- scignement sur l’Urtica Dodarti; les floristes modernes n’en font pas mention, soit que cette forme ne leur fut pas con- nue, soit qu'ils la prennent comme nous Pour un élat ma- ladif de l'Urtica pilulifera L. Îleût été à désirer que nos recherches se fussent élen- dues sur un plus grand nombre d'auteurs ; Miller et Blackwel, par exemple , cités par Reichard ; mais nous avons dù nous renfermer dans le cercle étroit de notre bi- bliothèque personnelle et dans celle d’une ville de pro- vince. Quoique cela, nous croyons pouvoir conclure de nosob- servations que la plante de l'Herbier Chaix, celle de Tou- louse , et l'Urtica Dodarti LiNNÉ sont la même plante ; que les différences caractéristiques qu’on observe sont le ré- sultat d’une maladie de l'Urtica pilulifera L. causée par l'absence d'éléments nécessaires au développement de cette plante ; occasionnant la faiblesse du sujet , et comme con- séquence , la soudure des dents des feuilles et l'avortement de quelques fleurs. 110 MÉMOIRES G. AIuGA. — Alpina. Vice. Cu. Herb. v. 1, fol. 191. —— A. reptans. L.. Sp. 785. Forme sans stolons. G. MENTHA. sylvestris. L. Cu. Herb. v. 1, fol. 198. — Mentha can- dicans. Cranrz austr. 330. insignis. Vizc. Cu. Herb. v. 1, fol. 189. — Mentha ne- morosa. Wizzp Sp. 3, p. 75. nigrior. Daxre. Cu. Herb. 1, fol. 199. —- Mentha ru- gosa. Lam. FI. Fr. 2, p. #20. dubia. Vizz. Cs. Herb. v. 1, fol. 201. Obs. Le WMentha dubia Vis. a été réuni par tous les flo- risles au Mentha hirsuta L. qui, pour un grand nombre, n'est à son tour qu'une variélé du Mentha aquatica du même auteur. On ne peut contester an Mentha aquatica L. la propriélé de varier beaucoup, de présenter plusieurs formes qui certainement ne sont que de légères déviations du type primilif; mais nous ne pouvons admettre que le Mentha dubia Virx. soit une de ses variations ; la quantité plus ou moins grande d’eau des fossés aux bords desquels ces plantes aiment à vivre, ainsi que le soleil et l’ombre, peuvent influer d’une manière notable sur leur développe- ment , changer leur port, allonger ou raccourcir quelques- unes de leurs parties ; mais, quelle que soit la bonne volonté qu'on y melte, on ne pourra jamais y réunir la plante Vil- larsienne, qui se dislinguera très-bien par sa laiïlle très-éle- vée (un mètre ou un mètre cinquante centimètres), sa tige d’abord simple se ramifiant au sommet, les rameaux su- périeurs et celui qui termine l'axe central élant seuls fleu- ris; par les fleurs disposées en deux glomérules, un termi- nal globuleux et un axiilaire; par le calice ovale lancéolé rétréci, à sépales aigus ciliés; par la corolle très-peu saillante hors du calice; par les étamines parfaitement incluses ; par les feuilles d’un vert sombre, pelites, den- tées à dents très-aiguës ; loute la plante est couverte de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 111 poils très-nombreux , blancs, laineux , le plus souvent diri- gés en bas ou étalés; elle fleurit en août, landis que l'aquatica ne fleurit qu'en septembre. — arvensis. Vizc. CH: Herb: v.'4, fol. 203! 22 AVec cette note, staminibus occultatis. — Mentha agrestis. SOLE. — sarvensis. Nigc. Ca. Herb. v: 1, fol. 203. — Avec cette note, var. Ê v. staminibus exertis. — Mentha procum- bens. TuuiLz. Os. Le Mentha procumbens TauiLz. est pour quelques botanistes une hybride du Mentha arvensis et gentilis de Linné. — sativa. Cr. Herb. v. 1, fol. 203. Obs. Probablement hybride du Mentha rotundifolia et arvensis L., celle plante offre encore la trace de la der- nière visile faile par Villars à l'Herbier de l'abbé Chaix ; sous le nom donné par Chaix à cette plante (Wentha sativa) Villars a écrit de sa main , non ; mais il ne put déterminer à quelle espèce connue elle pouvait se rapporter ; il la laissa sans la nommer. G. LavanouLa. — officinalis. Ca. Herb. v. 2, fol. 1. — Lavandula spica. L. Sp. 800. G. NEPETA. — violacea. Vire. Cn. Herb. v. 2, fol. 7. — Nepcta nuda. L. Sp. 797. A . SIDERITIS. — alpina. Vic. Cu. Herb. v. 2, fol. 7. — Sideritis hysso- pifolia. L. Sp. 803. G. GLEcoma. — marubiastrum. Vi. Cu. Herb. y. 2, fol. 8. — Stachys arvensis. L. Sp. 814. 112 MÉMOIRES G. GALEOPSIS. — ladanum. Vic. Ca. Herb. v. 2, fol. 15. — Galcopsis angustifolia. Enrar. Herb. 137. G. SaLvra. — clandestina. Vicz. Cu. Herb. v. 2, fol. #0. — Salvia pallidiflora. Sr-Am. FI. Ag. 10. — vycerbenaca L. Ce. Herb. v. 2, fol. #0. — Salvia hormi- noides Pourr. Mém. acad. in-4° 3, p. 327, et pallidi- flora. Sr-Am. |. c. Obs. Un seul exemplaire représente le Sal/via horminoides dans l'Herbier Chaix. Il ne porte que le nom spécifique que nous venons de citer ; c’est l'échantillon que M. le pro- fesseur Noulet a eu en vue, comme il nous en a averti, dans son observation sur le Sa/ia horminoides Pourr. FI. Anal. de Toulouse , p. 120. Notre savant ami, dont la bonne foi ne peut être suspectée, nous prie de faire con- naître que ses souvenirs l'ont trompé en écrivant que cet exemplaire de l'Herbier Chaix portait le nom de Sa/oia horminoides écrit de la main de Pourrel. — verbenaca var. albo cærulescens. Cu. Herb. v. 2, fol. 40. — Salvia pallidiflora. Sr-Am. [. c. G. Euvrarisra. — officinalis. Vic. Cu. Herb. v. 2, fol. 49. — Euphrasia montana. Jorn. — officinalis. Avec cette note 2i/loro cœruleo purpureo CB. — Euphrasia Salisburgensis. Fuxx. Koch. syn.'628. G. RHINANTAUS. — cristagalli. Vic. Cu. Herb. v. 2, fol. 51. — Rhinan- thus minor. Enrn. beit. 6, p. 14%. — alectorolophus. Vice. Cu. Herb. v. 2, p. 51. — Rhinan- thus major. Enr. beit. 6, p. 114. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 113 G. PEDICULARIS. — hirsuta. Cu. Herb. v. 2, fol. 59. — Pedicularis rosca. Wezr. in Jaco.. coll. 2, p. 57. G. ANTIRRHINUM. — dubium. Vicz. Cu. Herb. v. 2, fol. 63. — Linaria striato-vulgaris. Nor. diag. 1853. Obs. Cette plante se trouve très-souvent à Toulouse ; elle fleurit à la fin de l'automne, elle est certainement une hy- bride des Linuria striata L. et vulsaris L. Le striata en est toujours le père. On peut réunir à cetle hybride, comme synonyme, les Linaria ochroleuca BRrÉéB. FI. Norm. L. striata B. ochro- leuca BorEAU F1. Centr. ed. 2, p. 379. et le L. sériata B grandiflora Gop. F1. Lorr. 2, p. 146. Déjà MM. Grenier et Godron, FI. de Fr. avaient supposé la nature hybride de cette plante ; nos observations nous permettent de l'af- firmer aujourd'hui. — arvense. Vicz. Cu. Herb. v. 2, fol. 63. — Linaria sim- plex. DC. FL. Fr. 3, p. 588. — majus vulgare. Cu. Herb. v. 2, fol. 65. — Antirrhinum latifolium. DC. FL Fr. 5, p. #11. — majus flore albo et rubro. Cu. Herb. v. 2, fol. 66. — Antirrhinum majus. L. Sp. p. 859. — genistifolia. Vizz. Ca. Herb. v. 2, fol. 65. — Linaria italica. Trev. Act. Leop. Car. 13, p. 188. G. LiTHOSPERMUM. — arvense. CH. Herb. v. 2, fol. 74. — Lithospermum per- mixtum Jorp. in B:LLor. Arch. exsice. FI. Fr. et Allem. p. 344. G. Puzmoxanra. — officinalis. Vizz. Cn. Herb. v. 2, fol. 75. — Pulinona- ria aflinis. Jor». Ada. cat. hort. Div. 1848. k°S,— TOME vi. 8 11% MÉMOIRES — angustifolia. Ca. Herb. v. 2, fol. 87. — Pulmonaria (u- berosa. ScHrax. in. act. nat. cur. 9, p. 97. G. Mvosoris. — montana. Cu. Herb. v. 2, fol. 82. — Myosotis alpestris. Scamint Bob. 3, p. 96. G. SOLDANELLA. — Alpina. Cu. Herb. v. 2, fol. 87. — Soldanella montana. Wie. in hort. ber. 1, p. 192. G. PRIMULA. — auricula. Vicz. Cu. Herb. v. 2, fol. 88. — Primula mar- ginata. Cur. Bot. maga. t. 191. — Jutea. Vizc. Cn. Herb. v. 2, fol. 88. — Primula auri- cula. L. Sp. 205. G. ANDROSACE. — diapensia. Vicz. Cu. Herb. v. 2, fol. 89. — Androsace helvetica. Gauv. helv. 2, p. 105. — lactea. Vic. Cu. Herb. v. 2, fol. 89. — Androsace ob- tusifolia. ALL. ped. p. 90, tab. 48, f. 1. — brevifolia. Vizc. Cn. Herb. v. 2, fol. 89. —— Androsace septentrionalis. L. Sp. 203. — aretia. Vize. a. b. c. — A. hirsuta. Cu. Herb. v.2, fol. 89, — Androsace pubesceus. DC. FI. Fr. 3, p. 89. — elongata. Vi. Cu. Herb. v. 2, fol. 89. — Certè. Observation générale. Les synonymes que nous venons de rapporter sont déjà connus, l’Androsace aretia, variélés a. b. c., ne sont que des formes plus ou moins grandes, of- frant plus ou moins de poils ; Chaix lui avait donné le nom d'hirsuta ; Y Androsace elongata n’est pas indiqué par Vil- lars en Dauphiné, et Chaix ne donne pas la localité où DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 115 il à Lrouvé celle espèce, de manière qu'il est difficile de rechercher cette plante exclue de la Flore de France ; elle a quelques analogies avec l’4. Chaïri GREx. et Gob. dont elle se distingue par ses feuilles involucrales plus grandes, ovales, lancéolées , ses rameaux plusnombreux , plus épais, enfin par ses fleurs plus grandes. Nous avons étudié cette plante dans Koch. syn. et comparée avec des échantillons de Saxe venant de Reichenbach, de Vienne, de M. Hu- gnenin , et de Turingen de M. Mirisch. G. Drapexsra. — Pyrenaica. Pourr. Cu. Herb. v. 2, fol. 89. — Andro- sace imbricata. Law. Dict. 1, p. 162. G. VERBASCEM. — Phlomoides. Cu. Herb. v. 2, fol. 111. —Verbascum floc- cosum. Wazp. et Krr. PL. Rar. Hung. 1, p. 81. — thapsus. Cn. Herb. v. 2, fol. 118. — Verbascum phlo- moides. L. Sp. 253. — pulverulentum. Ce. Herb. v. 2, fol. 117. — Verbascum thapsus. L. Fi. Succ. 69. Obs. Pour ces trois espèces les auteurs ont adopté une synonymie opposée à celle-ci ; nous avons porté une scru- puleuse attention à la détermination de ces trois plantes, nous devons dire cependant que nous n'avons pas eu des fleurs en parfait état; quoique cela nous n’hésitons pas à adopter la synonymie que nous avons établie plus haut. — Meyeri. Ca. Herb. v. 2, fol. 108. — Verbascum nigro- Chaixi. Nos. Obs. Hybride entre les l’erbascum nisrum Chaïxt ; elle a les fleurs petites et réunies en épi compacte comme dans le nisrum ; les feuilles ovales et crénelées comme dans le Chaivi; celles du haut de la tige sont sessiles; la tige est simple, feuillée de la base au sommet. — Bocrhaavii. Vie. Cu. Herb. v. 2, p. 109. — Verbascum sinuato-blattaria. Nos. 116 MÉMOIRES Obs. Hybride? dn sénuatum el du blattaria dont il sem- ble Lenir le milieu. G. CAMPANELA. _— Bocconi. Vic. Cu. Herb. v. 2, fol. 120. — Campanula rotundifolia. L. Sp. 232. Obs. Cette plante Villarsienne , longtemps controversée , est identique avec le Campanula rotundifolia, de laquelle Villars la rapprochait. Pour confirmer celte opinion , nous ne saurions mieux faire que de décrire l'échantillon con- servé dans l'Herbier Chaix : Campanula Boccani, Vux. Dauph. 2, p. 502. Plante de dix centimètres, paraissant vivace, Car on re- marque sous les feuilles inférieures une espèce de souche comme un prolongement de la racine qui présente de nom- breuses cicatrices laissées par les feuilles des années pré- cédentes. Cette souche se Lermine par un groupe de feuil- les : à l’aisselle de ces feuilles poussent plusieurs Liges , écar- tées, dressées, portant des feuilles et des fleurs au sommet. Les fleurs sont inelinées et renversées , placées à l’aiselle des feuilles supérieures ; pédicelle court, calice el sépales lancéolés , aigus, égalant les 3/1 de la corolle (sur le sec) glabre ; corolle oblongue ventrue au milieu ; feuilles tou- tes égales, linéaires, lancéolées, aiguës, sessiles. Nous n'avons pas vu dans cel échantillon les feuilles ar- rondies en cœur que présente le C. rotundi/olia, maisilest probable qu’elles ont dù exister; les nombreuses cicatrices de la souche appartiennent peut-être à celte forme de feuil- les. Nous sommes portés à croire que la plante de l'Herbier Chaix est un Campanula rotundi ‘olia, broulé plusieurs fois, ce qui a fait disparaitre la tige centrale el produit les cinq tiges qu'offre cet échantillon ; les animaux auront opéré une espèce de pincement comme on le pralique souvent dans l'horticulture ; mais en aucun cas cette plante ne peut être réunie au C. cæspitosa de Scopoli, comme l'ont fait les savants auteurs de la Flore de France et de Corse. — Alpiva. Cu: Herb. v. 2, fol. 120. — Campanula Matho- neti. Jorp. in Grex. et Go. F1. Fr. 2, p. #18. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. ré — cespitosa. Cn. Herb. v. 2, fol. 120. — Campanrula te- nella. Jorp. in Guex. et Goo. FI Fr. 2, p. #17. — linifolia. Cu. Herb. v. 2, fol. 120. — Campanula ro- tundifolia. L. Sp. 232. — hononiensis. Cu. Herb. v. 2, fol. 134. — Campanula rapuneuloides. L. Sp. 23%? an Campanula simplex. DC: FT Fr. 3, p. 730. Obs. Nous avons comparé l'échantillon de l'Herbier Chaix avec les exemplaires du Campanula bononiensis vé- coltés par M. Loret, à Saint-Valier dans le Var, localité cilée par MM. Grenier et Godron; notre plante du Dau- phiné est bien différente, par ses fleurs grandes , ses ca- lices hérissés, ses feuilles exactement lancéolées. attenuées en petiole, non embrassantes, parsemées en dessous de poils rudes, et non pas molles et tomenteuses comme la plante du Midi, Nous avons quelques scrupules pour la réunir au Cam- panula simplex DC., que nous ne connaissons que par la description qu’en donne cet auteur dans sa Flore française. Il dit que sa plante a une tige grèle, des feuilles couvertes de poils courts et serrés; ce qui ne convient pas du tout à la plante de l'Herbier Chaix. Elle se rapproche davantage du Campanula rapuneuloï- des L. d’une forme très-luxuriante, car, quoique l’échan- tillon de Chaix ne présente que le haut de la plante, cet échantillon a trois décim. de hauteur ; ses fleurs sont plus petites, plus nombreuses, disposées sur deux rangs de chaque côté de la tige; ses feuilles sont plus grandes, moins dentées, moins rudes , quoique l’étant un peu, sur- toul sur les nervures. G. PHYTEUMA. — Pyrenaica. Cuarx avec cette note missa a. d. POURRET sub nomine P. pauciflora. Cu. Herb. v. 2, fol. 138. — Jasione perennis B pygmea. Grenier el Goprox. FI. Fr..2, p. 399. 118 MÉMOIRES G. GENTIANA. — pumila. Cn. Herb. v. 2, fol 132. — Gentiana æstiva. Ron et Scn. 6. syst. p. 156. — amarella. Cu. Herb. v. 2, fol. 134%. — Gentiana ger- manica. Wizup. Sp. 1,p. 136. — minima. Vic. Cu. Herb. v. 2, fol. 133. — Gentiana tenella. Rorre. hafn. 10, p. #36. €. 2, f. 6. — ramosissima. Cu. Herb. v. 2, fol. 133. — Erythrea pul- chella. Hoex. FI. Dan. t. 1637. G. Loxicera. — caprifolium. Cu. Herb. v.2 , fol. 135. — Lonicera ctrusca. Saxri. viagg. 4, p. 113, tab. 1. G. Lun. — alpinüm. Cu. Herb. v. 9, fol. 461. — Linum montanum Scu. cat. 1815. G. ATRIPLEX. — oppositifolia. Cu. Herb. v. 2, fol. 166. — Atriplex pa- tula. L. Sp. 149% Obs. Echantillon rabougri ou maladif , ou bien, comme le pensait Villars, une hybride : mais le mauvais élat de l'échantillon de Chaix ne nous permel pas de porter un ju- sement assuré sur cette espèce douteuse. AÂMARANTHUS. — panieulatus. Cr. Herb. v. 2, fol. 170.— A. retroflexus. L'Sp- Tr0T. — blitum. Cu. Herb. v. 2, fol. 169. — A. blitum. L. FE Suec. — Amaranthus ascendens. Lois Not. p. 141. — viridis. Cm. Herb. v. 2, fol. 168. — Ainaranthus syl- vestris, Tourner. pl. env. de Paris, 1741. — A. syl- vestris. Desr. cat. 1804. k 3 DE L ACADÉMIE DES SCIENCES. 119 Oës. L'étiquette de cette espèceest ainsi conçue : Ama- ranthus viridis ? plus bas : an Amaranthus sybestris TOURNEr. Paris. Au folio 170 il y a un second échantillon porlant l’étiquelle suivante : Amaranthus sylvestris TOURNEF. Paris. Elle est écrite sur papier gris, tandis que celles des autres plantes de l'Herbier sont sur papier blanc, ce qui prouve que ce dernier échantillon est venu plus tard; son étude a modifié sans doute la première détermination et changé sa synonymie. G. BuUPLEURU». — angulosum. Vizz. Cu. Herb. v. 2, fol. 172 , avec cette note : « ex natali solo at caulis non est anguloso. — Bupleurum ranunculoides. L. Sp. 342. — odontites. Vizz. Cu. Herb. y. 2, fol. 173. — Bupleurum aristatum. Barr. in Rechb. Icon. 2, p. 70, tab. 178. G. SESELT. —" dioicum. Vizc. Cu. Herb. v. 2, fol. 177. — Trinia vul garis. DC. Prod. 4, p. 103. — annuum. Vizc. Cu. Herb. v. 2; fol. 179. — Seseli co- loratum. Eurn. Herb. 113. — bunius. Vi. Cu. Herb. v. 2, fol. 182. — Ptychotis heterophylla. Kocu. umb. 124. — carvi. Vic. Cu. Herb. v. 2, fl. 182. — Carum carvi. Bies. FL. Taur. cauc. 1, P- 24. G. Liccsricuu. — Gmelini. Vic. Cu. Herb. v. 3, fol. 2. — Pleurosper- mum austriacum. Horr. umb. præf. p. 9. :— Peloponense. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 3. — Molopos- permum cicutarium. DC. Prod. 4, p. 230. — cicutæfolium. Vic. Ca. Herb. v. 3, fol. 4. — Cnidium apioïdes. Srrex6. Umb. prod. p. 40. 120 MÉMOIRES — Seguieri. Vie. Cu. Herb. v. 3, fol. 5. — Ligusticum ferulaccum ALz. Ped. 2, p. 13, f. 60. Obs. Chaix ou Villars ont écrit par dessous : zon est planta Sesuierr. G. LaserPirit mr. — Halleri. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 9. —— Laserpitium panas. Gou. Il. p. 13. G. HERACLEUN. — anguslifolium. Vizz. Cu. Herb. vol. 3, fol. 25. Os. Cette plante litigieuse est représentée dans cet Her- bier par une seule feuille ; il est donc très-diflicile de dé- terminer à quelle espèce on peut la rapporter, el nous n’en parlons que parce qu’elle nous a paru bien différente de celles des eracleum spondilium L. æstivum et pratense Jor- Dax. Cette feuille est à trois lobes profonds, comme pinna- lifide , les deux inférieurs sont plus petits, et le terminal se divise en Lrois, ce qui porte les lobes à cinq; le terminal est dressé et les autres sont arqués en faulx, tous sont den- Lés et les dents sont longuement découvertes. Obs. générale sur les ombel'ifères de l'Herbier Claix. La plupart des plantes de celte famille sont dévorées par les insectes, et n’offrent pas de fruits mürs , organes indis- pensables pour une bonne détermination ; cela nous a privé d'étendre nos observalions sur plusieurs espèces de celte famille qui sont encore litigieuses. G. ANPRHEA. — incäana. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 57. — Andriala in- tegrifolia. L. Sp. 1334? Obs. Les feuilles de cette plante sont lancéolées , longues, dressées , entières et très-tomenteuses sur les deux faces ; celles de l'éxtegrifolia L. sont plus recourbées, plus minces, et les pédoncules plus divariqués; celle plante mérite d’être recherchée en Dauphiné el être étudiée sur le vif. = DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 121 — Pontana. Vizc. Cu. Herb. y. 3, fol. 36. — Soycria mon- tana. Monx. Ess. 74. G. TroGcorocox. — dubium. Vice. CH. Herb. v. Au10L 57. O6s. Les fleurs de cette plante, longlemps liligieuse , ont élé mangées par les insectes, mais il y à encore le pédon- cule et un reste de l’involucre qui nous permettent d'a- Jouter aux caractères donnés par Villars à son dubium , que le pédoncule est légèremeat renflé au sommet. G. Hirraciuw. — dubium. Vic. Cu. Herb. v. 3, fol. 64%. — Hieracium auricula. L. Sp. 1126. — auricula. Cu. Herb. v. 3, fol. 64. — Hieracium pilosel- loides. Vizz. Daup. 3, p. 100. — H. Florentinum. AL. Fl:n°775; — hybridum. Ca. Herb. y. 3, p. 65. —_ Ilicracium auri- culo-alpinum. Fr. Scu. arch. F1. p. 10. Obs. 1 y a dans l'Herbier Chaix deux autres plantes qui portent une étiquette commune ainsi conçue : Hieracit spe- cies varians inter auricula el cymosurn. La première de ces deux plantes est celle dont parle Villars (Hist. PI Daup. 3, p. 182) ; il la considère comme une variété c. de l’Hieracium Cymosum ViiL. qui est le co/inum de Gocn. I cite la dia- gnose suivante de Chaix : Hieracit spurium foliis ovato oblongis pilosis caule sub nudo pedunculis sparsis inwquali- bus. CHA1x Mss. Quant à la seconde, nous en trouvons l'o- rigine dans la correspondance de Villars avec Lapeyrouse ; il lui dit : « Nous avons encore un Iieracium, né chez M. Chaix de l’{Zieracium pélosella et aurantiacum.» Ces deux plantes sont des hybrides, comme Villars l'a écril à Lapeyrouse ; la première serait l’{ieracium collino- auricula de Fr. Sch. et la seconde l'aurantiaco-pilosella Nob. Villars, dans son histoire des plantes du Dauphiné , n'ose pas considérer quelques espèces douteuses et insoli- 192 MÉMOIRES Les comme des hybrides ; il se contente de les signaler va- guement ; mais nous trouvons au contraire dans ses lettres des notes très-curieuses sur ces plantes anormales. — cymosum. CH. Herb. v. 3,p. 66. — Hicracium collinum. Gocux. Diss. 1. 1. — ccrinthoides. Cm. Herb.v. 3, p. 65. — Hieracium pseu- do-cerinthe et Hieracium cydoniæfolium f calvescens. Grex. et Gopn. FI. Fr.2, p. 370. — scorzoncrifolium. Cu. Herb. v. 3, fol. 68. — Hicracium glaucum. ALL. Ped. 1, p. 214. — Lawsonii. Vizz. Ch. Herb. v. 2, fol. 69. — Hieracium saxalile. Vizz, Dauph. v. p. Obs. Celte plante , Lantôt réunie, tantôt séparée del’{ie- racium saxatile de Villars nous semble être la même plante ; nous n'avons pu saisir aucune différence, si ce n'est que ses feuilles sont plus étroites el plus hérissées. — Janceolatum. Vice. Cu. Herb. v. 3, fol. 72. Obs. MM. Gren. et God. FI. Fr. 2, p. 380, réunissent celte plante à l'Héeracium elatum de Fries (Monog. 167.) Nous ne connaissons pas l'espèce de Fries , mais nous pou- vons assurer que le /unceolatum ne peut se rapporter à un Ilieracium elatum du Mont-d’or que nous devons à l’obli- seance de M. Grenier. Mutel, FL. du Dauphiné, p. 402, réunit le /anceolatum de Villars à l’Hieracium sabaudum de Linné ; mais, outre que celle réunion ne serait pas fondée, la descriplion que cet auteur en donne ne convient pas à la plante Villarsienne ; il est probable que Mutel a une au- ire plante en vue. L'Hlieracium lanceolatum NiLLARS nous parail constituer une bonne espèce bien caractérisée ; il a quelque analogie avec l'Hieracium prenanthoïdes Visr. et avec l'Eieracium sabaudum de Lapeyrouse (non Linné) dont nous parlerons plus bas; il se distingue Lrès-bien du prenanthoides , par sa taille bien plus basse , ses feuilles lancéolées, jamais pan- duræformes, en cœur à la base, embrassanles, dentées, dents inégales, aiguës ; par ses calathides moins nombreuses ne nt mil à me tte oi es nat 2 ete mine PP EEE o DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 123 en corymbe ramassé; par son péricline ovoide, court ; bérissé, dépourvu de poils glanduleux ; par ses pédoncu- les courts, élalés, mais non divariqués ni flexueux ; par sa lige simple , moins feuillée , glabrescente. La figure que donne Villars, tab. XXX, de cette espèce convient très-bien à celle de l'Herbier Chaix ; cependant nous devons observer que les feuilles sont différentes : dans la plante de Chaix ; elles sont plus longues, arquées en de- hors, moins régulièrement dentées , à dents inégales ; toute la plante est glabrescente, Elle a beaucoup plus de rapports avec l'Hierarium sabau- dum de l'Herbier de Lapeyrouse, qui, quoique cela , nous parait devoir être distingué. Voici la descriplion de ce dernier : [ieracium controversum Nos. H. sabaudum Lar. Herb.ron L, Souche vivace, oblique, grosse , à fibres fortes ; longues el dures, donnant une ou deux Ligss florifères et autant de non florifères ; calathides en corymbe ramassé en 1é le, sou- cent uniflores , pédoncules ceurts ; épais , hérissés de poils simples et de poils noirs glanduleux , offrant des bractéoles l'néaires et quelques fleurs avortées : péricline oblong à fo- lioles extérieures hérissées de poils noirâtres, formant un calicule non appliqué ; les intérieures Lérissées sur Le dos, glabres et scarieuses aux bords, linéaires, lancéolées, obtu- ses ; corolles à dents non ciliées : style ne brunissant pas en séchant ; akènes striés, égalant l'aigrette, colorés en rouge orangé très-vif, devenant rouge foncé en séchant ; feuilles inférieures ovales, lancéolées , obtuses, atlénuées en pétiole aile, détruites à la floraison : les moyennes el les supérieu- res alternes décroissantes vers le haut, ovales , elliptiques, embrassantes en cœur à la base, arquées en dehors, héris- sées sur les deux faces de gros poils isolés, dentées aux bords , dents inégales ; nervures et nervilles très-saillantes en dessous ; tige de deux à quatre décim. hérissée de poils simples, glanduleux au sommet ; la tige est en outre lon- guement nue à sa base. Elle fleurit en septembre ; elle est très-commune dans les montagnes moyennes des Pyrénées centrales, notam- ment à Fsquierry, à Médassolles , dans les päturages. 124 MÉMOIRES Celle plante Pyrénéenne se trouve dans l'Herbier de La- peyrouse sous le nom d’flier arium sabaudum ; nous avons dit qu'elle ne peut se rapporter à l'espèce Linnéenne, ni au prenunthoides Viis. ni à l'elatum de MM. Grenier el Go- dron. F1. Fr. 2, p. 582. Elle a plus d’analogie avec l'Hiiero- cum lénceolatum Vis. dont on peut la distinguer par ses calathides moins nombreuses ; par ses pédoncules courts et ramassés ; hérissés de poils glanduleux ; par son péricline à folioles scarieuses aux bords ; par ses corolles non ciliées ; par son style ne brunissant pas en séchant; par ses akènes d’un ronge vif; par ses feuilles plus larges , plus arrondies , hérissées sur les deux faces, décroissantes vers le hant; enfin, par ses tiges plus basses, plus hérissées ; l’{lreracium controversum N. devient jaune en séchant, tandis que le lancevlatum V. est noirâtre. __ sabaudum. Cn. Herb. v. 3, fol. 72. — Hicracium rigens. Jorp. Cat. Gren. p. 30. — porrifolium. Cu. Herb. v. 3, p. 69. — Crepis tectorum. L. Sp..1835. — pappoleucum. Cu. Herb. v. 3, p. 65. — Crepis grandi- flora. Tauscn. Zeit. 11, p. 8. Hicracium grandiflorum. ALc. Ped. t. 29, fol. 2. G. Creris. — Dioscoridis. Cu. Herb. v. 3, fol. 77. — Crepis virens. Vic. 3, p. 142. Obs. La forme petite multicaule était le Creprs virens de Chaix, tandis qu'il appelait Crepis dioscoridis la forme grande à tige simple et dressée des lieux herbeux qu’on a pris aussi quelquefois pour le Crepis agrestis. W. et Kit. __ tectorum. Cu. Herb. v. 3, p. 78. — Crepis taraxacifolia. Tauiz. FL. Par. p. #09. G. Picris. __ nova. Cu. Herb. v. 3, fol. 84. — Picris pyrenaica. L. Sp. ed.1,p. 792. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 125 — Pyrenaica. Vicz. Cu. Herb. v. 3, fol. 82. — Picris Vil. larsit. Jorp. cat. Dijon 1848, p. 29. Obs. C’est avec raison que M. Jordan (1. c.) a distingué celle plante du Picris pyrenuivca de Linné. Le passage sui- vant d’une lettre écrile par Villars à Lapeyrouse , le 12 dé- cembre 1808, nous fait connaitre en ces Lermes que l'illus- tre auteur de la Flore du Dauphiné l'avait distingué : « Moi aussi j'ai consulté les herbiers du Muséum, et il » élail Llemps ; un seul échantillon du Picris pyrenaiva (4. » Sp. ed. 1, p. 792, ed. 2. 1114. GOERTN. 11, 367, f. 1, » L. 1x.) existe dans l'herbier de Vaillant ; Jussieu ni Des- » fontaines ne l'ont pas ; de Candolile que vous ne connais- » sez pas assez, Car vous ne lui rendez pas assez toute la » justice qu'il mérite, J'a confondu avec le sprengeriana » qui est annuel, tandis que le pyrenaica est vivace; la » plante que j'ai prise pour elle (Hist. pl. Dauph. 3, » p. 130) est une belle variété du Pris hieracioides ; » droite, élevée en bouquet , que vous avez dans l'Herbier » Chaix. » Quand Chaix fil son Herbier, il ne pouvait savoir ce que les recherches de Villars lui apprirent plus tard sur le Pécris pyrenaica ; mais ayant les deux espèces sous la main, il con- serva pour la plante du Dauphiné le nom de Picris Pyre- naïca et donna au véritable Picris Pyrenaica qu'il avait ré- collé ou qu'on lui avait donné , le nom de Picris nova ; si Chaix avait donné ce nom au licris Pyrenaïca de Villars il était dans le vrai ; mais cela ne prouve pas moins que ce botaniste connaissail et distinguait les deux plantes. G. Cacazra. — glabra. Vizc. Ca. Herb. v. 3, fol. 100. — Aderostyles alpina. Bcurr. in Fing. comm. FI. Germ. 2 , p. 329. — Kocu. syn. ed. 2 , p. 382. — hirsuta. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 101. — Adenostyles albifrons. Reus. FI. excurs. p. 278. — {omentosa. Vic. Cu. Herb. v. 3, fol. 102. — Adenos- tyles lencophylla. Rens. FL. excurs. p. 278. 126 MÉMOIRES G. TussiLaGo. — frigida. Vie. Ca. Herb. v. 3, fol. 102. — Petasites ni- veus. BaumG. FI. Trans. 3. — Gmelini. Cu. Herb. v. 3, fol. 103. — Petasites albus. Gaozr. fruct. 2, p. 406. Plante femelle. — officinalis. Vic. Cu. Herb. v. 3, fol. 103. — Petasites officinalis. Mogxcn. Plante mâle. G. Microrts. — supinus Gouax. Cn. Herb. v. 3, fol. 106. — Certè. Os. Celle plante ne se trouve plus en France d’après les auteurs modernes. G. IxurA. — oculus Christi. L. Vic. Ca. Herb. v. 3, fol. 123. Obs. Cette plante, exclue de la Flore française, comparée avec un échantillon de la même espèce venant de Vienne (Autriche) est moins velue, simplement hérissée ; les cala- thides sont plus nombreuses, les feuilles plus courtes, plus arrondies; la plante est plus élevée, plus robusle; nous inclinons pour croire que cet échantillon provient de quelque sujet cullivé dans le jardin de l'abbé Chaix. — hirta. var. glabrior. Cu. Herb. v. 3, fol. 125. — Inula hirlo-salicina. Jo». exsice. Herb. Timb. 1852. Obs. M. Jordan nous a donné , en 1852, celte plante sous le nom d’hérto-salicina ; il Va considérait comme une hy- bride. G. CINERARIA. — integrifolia. Cu. Herb. v. 3, fol. 130. — Cincraria ca- pitata. Kocu syn. ed. 2. 381. Obs. Forme ou variété du Crineraria aurunliuca de Hoppe Taschenb. p. 121. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 127 G. SENEGIO. — erucæfolius. Cu. Herb, v. 3, fol. 131. — Senccio bra- chyatus. Jorp. in de Martrins not. bot. Obs. M. Jordan réservant le nom de Senecio erurifolius au Senccio lenuifolius JACQ. qui est le véritable eruci/olius de Linné FI. Sueci., d’après Fries, a donné le nom de Senecio brachyatus à espèce commune en France (de Mar- trins Mss.) — jacobea. Cn. Herb. v. 3, fol. 131. — Senecio nemoro- sus. Joro. Adn. hort. Div. 1848. — abrotanifolius. Ca. Herb. v. 3, fol. 132. — Senccio adonidifolius. Lois gall. ed. 1, p. 566. G. ERIGERON. — atticum. Vicz. Cu. Herb. v. 3, fol. 136. — Erigeron Villarsii. Becc. app. ad. FI. Ped. 38. €. 9. G. ARTEMISIA. — campestris. Cm. Herb. v. 3, fol. 141. — Artemisia cam- pestris $ alpina. Grex. et Go. FI. Fr. 2, p. 133. — rupestris. Vizz. Cu. Herb. v.3, fol. 141. — Artemisia Villarsii. GREx, et Go». F1. Fr. 2, p. 130. G. XERANTHEMUM. — annuum vuigare. Cu. Herb. v. 3, fol. 159. — Xcran- themum inapertum. Wizco. Sp. 3, p. 4902. G. Myacrum. — perenne.Cx. Herb.v. 3, fol. 170.— Camelina sylvestre. Wazcr. Schæ. 347. — crucæfolium. Vic. Cu. Herh. v. 3, fol. 171. — Cale- pina corvini. Desv. Journ. bot. 3, p. 158. 128 MÉMOIRES G. DrABa. — hirta. Cu. Herb. v. 3, fol. 172. — Draba frigida. Savr. bot. Zeit. 1825, p. 72. G. IBEris. — Jinifolia. Ca. Herb. v. 3, fol. 175. — Iberis Villarsiana. Joro. cat. Gren. 1849.f. 9. G. ALYSSUM. — minimum. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 177. — Clypecola Jonthlaspi. L. Sp. 910. Obs. Dans la plante de l'Herbier Chaix, les silicules sont à peine fermées ; il y a, à la page 180, le C/ypeola jonthlaspi à silicules müres ; on peut très-bien se rendre compte com- ment Villars et Chaix confondaient le C/ypeola à silicules jeunes avec l’A/yssum minimum NViLLp. espèce bien carac- térisée. Dans le C/;peola, quand la silicule est jeune , les poils qui la bordent sont appliqués et simulent une aile membraneuse ; mais à mesure que le fruit grandit, les poils s'écartent, se relèvent et la silicule est régulièrement ciliée, les poils qui recouvrent sa surface sont aussi plus appa- rents, et de glabre qu’elle paraissait d’abord, la silicule devient pubescente avec l’âge. Villars insistait, dans son Histoire des plantes du Dau- phiné , pour réunir lA/yssum minimum WiiLv. avec le Clypeola. W aurait eu raison, si la plante qu’il avait en vue eût été l’A/yssum minimum de Willd. Mais cet Alyssum , qui n'appartient pas à la Flore de France, est une espèce bien différente; la ressemblance n’est qu’apparente, comme nous l'avons dit. G. TuLaspt. — hirtum. Vice. Cu. Herb. v. 3, fol. 183. — Ecpidium pratense. Serres in Bill. exsic. — L. heterophyllum. Mure. FL. Dauph. p. 55. Obs. Mutel, 1. ce. a confondu cette espèce, bien distinguée DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 129 par le colonel Serres, avec le Lepidium heterophyllum de Benth , plante différente au pratense. — montanum. Vic. Cu. Herb. v. 3, fol. 183. — Thlaspi brachypetalum. Jorp. obs. pl. critiq. frag. 3, p. 5? Obs. Les silicules de cet échantillon ne sont pas assez avancées pour élablir un jugement définitif; mais nous pouvons dire que ce n’est pas le ontanum qu’on trouve en Dauphiné, d’après M. Verlot, Mss. — alpestre. Vicc. Cn. Herb. v. 3, fol. 183. — Thlaspi syl- vestre. Jorp. obs. pl. criliq. frag. 3, p. 7. Obs. Celle-ci, comme la précédente, n’a pas les silicules müres ; mais les feuilles, les fleurs, la forme de la grappe sonL exactement celles du 7°, sybestre décrit et figuré par M. Jordan, L. c. Nous avons comparé la plante de Chaix avec des échantillons que nous a communiqués M. Jordan ; nous n'avons pu constaler aucune différence sensible; la plante à laquelle M. Jordan a donné le nom de T’Alaspi Fil larsianum n'existe pas dans l'Herbier de l'abbé Chaix. G. BISCUTELLA. — auriculata. L. Vic. Dauph. v. 3, p. 303. — Ca. Herb. v. 3,.fol. 185. Oës. Cette espèce Linnéenne, signalée en Dauphiné par Villars, ne se retrouve pas dans les localités indiquées ; quelques botanisles ont même pensé que Villars avait con- fondu celte plante avec le Liseutella hispidu DEC. qui n’est qu'une variété du B. chicori/oliu Lois. La plante de l'Her- bier Chaix vient lever ces incertitudes. Elle diffère du B. hispida DC. par sa grappe courte, ne s’allongeant pas aprés l’anthèse, ses fleurs serrées , par ses pédoncules plus courts, par ses silicules grandes et décur- rentes sur le style, enfin par ses graines plus petites , fine- ment ponctuées. Cet échantillon n’a pas de feuilles infé- rieures ni de fleurs ; les rameaux sont courts et très-ramas- sés ; celle plante se retrouvera sans doute en Dauphiné. — didyma. Vic. Cu. Herb. v. 3,p. 185. — Biscutella læ- vigata. L. Mant. k° $. — TOME VI. 9 130 MÉMOIRES G. Ervsmum. — barbarea. À et B. Vie. v. 3, p. 311. — Cu. Herb. v. 3, fol. 193. Oës. Les deux échantillons de l'Herbier Chaix sont sans siliques ; il sera donc très-difficile, sinon impossible , d'établir une déterminalion exacle de ces deux plantes, puisque c’estsur la silique et sur sa direction que sont basés les caractères spécifiques de ces plantes affines. La variété À offre des feuilles inféricures très-grandes , avec le lobe terminal aussi très-grand , arrondi en cœur à la base ; les lobes inférieurs , au nombre de cinq à six , sont très-petits, obtus ; les feuilles supérieures sont pinnatifides, ayant le lobe moyen plus grand, ovale, lancéolé. Nous avons cru reconnaitre dans cette plante le Barbarea vulga- ris R. Brown. Kew. ed. 2, v. 4, p. 109. La variété B est plus petite, plus effilée ; les feuilles in- férieures sont petites , ayant le lobe moyen arrondi ; les lo- bes, au nombre de trois, sont aussi Lrès-petits, les supé- rieures presque simples, dentées. Nous rapportons cette forme au Barbarea rivularis dE Marr. Fi, du Tarn. (ined.) Barbarea stricta DEsu. supp. cal. Dord. p. 22, non Andrez. Dans le quatrième volume, à la page 7, sous le nom de Sisymbrium barbarea , nous trouvons encore une troisième plante de ce genre ; celle-ci est complétement en fruit, elle a les siliques mûres; d’après leur forme et leur direction nous pouvons la rapporter au Barbarea arcuata. Ras. bol. Zeit. 1820. — cheiranthoides. Vizz. Ca. Herb. v. 3, fol. 19%. Plante sans fleurs ni fruit. G, CHEIRANTRUS. — erysimoides. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 194. — Erysi- mum virgatum. Rorn. cat. 75. — alpinus. Vic. Cu. Herb. v. 3, fol. 194. Obs. Ce Cheiranthus diffère de l’ocroleucum et lanceolu- tum DC. par ses feuilles obovales, plus courtes et plus lar- D RE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 131 ses, arquées en dehors, dentées , par ses fleurs plus gran- des, par les onglets des pétales dépassant le calice , et par le limbe plus grand , plus arrondi : nous n'avons pas vu la silique. — alpinus avec celte note : in montanis. Cn. Herb. v. 3, fol. 19%. Oës. Celle plante a les feuilles linéaires lancéolées , ses fleurs petites ; toute la plante est blanchâtre ; nous la rap- portons à l'Erysimum australe. GAY. crysim. p. 6. Observations générales sur Le genre Cheirantbus et Erysi- mum. Toutes les espèces de ce groupe ont vivement embarrassé Villars; longtemps après la publication de son ouvrage, écrivant à Lapeyrouse pour lui demander son avis, il lui disait, dans sa lettre du 11 mars 1800 : «Les Cheiranthus, erysimoides alpinus et l'Erysimum » hieracifoltum m’embarrassent furieusement ; je me verrai » obligé d'abandonner ce grand homme (Linné) pour ces » trois plantes. Smith. F1. Lap. ed. 1792, vient d'imprimer » errala que le Cheiranthus ulpinus de Linné a ses poils étoi- » lés; cette observation me fait craindre que Linné n'ait » pris pour Cherranthus alpinus , erysimoides et hieracifo- » lium, des variétés da Cherranthus helveticus JacQ. Chei- » ranthus Bocconi ALL. le seul avec l'Erysimum cheiranthoi- . _» des dont les poils soient à trois branches, les autres les » ont'en navette; cette plante est commune aux Alpes et » dans le Nord, car OEder l’a fait graver trois fois, » n°731, 759 et 923, si je ne me trompe , el peut-être une » quatrième, n° 229? elle a trompé Haller, n° 450, Je l'ai » prise pour Erysimum cheiranthoides dans mon ouvrage ; » mais ayant cueilli, aux environs de Langres, l'automne » dernière, le vrai E. hieracifolium commun en Allemagne » aux environs de Gottingue et à Paris, beau Cheiranthus » ramifié à fenilles lancéolées et dentées. fleurs grandes , » jaune pâle, siliques de deux Pouces au moins ; j'ai ap- » pris à le connaitre ; j'avais Par erreur donné son nom à » une variélé du Cherranthus alpinus flore suavissimo de Jox- » QUET. Ce dernier est une plante glabre, charnue, en gazon » Sur nos Alpes ; l’autre est velue, cendrée avec une ou deux 1532 MÉMOIRES » tiges seulement ; voilà du verbiage de convalescent , don- » nez-moi votre avis sur ces trois plantes. Ch. heracifolius, » erysimoides et alpinus ; VErysinum cheiranthoides plante » annuelle est très-connue, mais sa voisine Ch. Bocconi très- » peu, parce que tous l'ont confondue avec la précédente » ou avec le Ch. alpinus. » Lapeyrouse , embarrassé sans doute comme Villars, ne lui répondait pas; ce dernier, dans une lettre, huit ans après, le9 juin 1808, lui demande encore son avis. Il est facile aujourd’hui d'établir sûrement la détermi- nation que désirait Villars ; ainsi nous avons l'Érysi- mum cheiranthoides bien connu de Villars ; l’£rysimum vir- satum RoTu. qui est son Ch. erysimoides, VE. canescens Gay. Ch. Bocconi ALL. que Villars, d'après cette note, dis- tinguait; il connaissait aussi l'Erysimum cheirantiflorum Wazir. qu'il nommait avec Jacq. hieraci/olium. Cette dernière espèce ne vient pas en Dauphiné. Il reste maintenant le Ch. alpinus sur lequel les auteurs ne sont pas encore d’accord ; mais soit que les formes con- nues soient des espèces ou-des variétés , le Chetranthus alpi- nus de Villars est très-voisin del’£rysimum ochroleucum DC. £. ochroleucum varia genuina GREN. et Gop. FL Fr. 1. p. 59. G. ARABIS. __ nova. Cu. Herb. v. 3, fol. 200. — Arabis saxatilis. ALL. Ped. n° 973. — recta. Vis. Cu. Herb. v. 3, fol. 200. — Arabis auricu- lata. Lam. Dict. 1, p. 919. __ ‘Fhaliana. Vice. Forme A et B. Cn. Herb. v. 3, fol. 202. Obs. La forme A est une forme grèle, effilée; les feuil- les radicales sont péliolées, elliptiques, entières ; la tige, haute de vingt centimètres, est simple, peu feuillée. La forme B est une plante grosse, trapue; la tige cen- trale se ramifie dans toute sa longueur; de la base de cette tige poussent d’autres tiges plus petites ascendantes qui at- teignent celle du milieu ; les feuilles sont légèrement den- tées. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 133 Nous ne pensons pas que ces deux plantes , malgré leur différence de port, puissent constituer deux espèces ni deux variétés, mais bien un lusus qu'on rencontre assez fréquemment dans les cultures et les Jardins polagers. G. Turrirss. — hirsuta. Vic. var. a. Ca. Herb. v. 3, fol. 202. —. Arabis ciliata. Kocn. Deutch. FI. 4 » p- 623. — Var. E. Viic. Turritis saxatilis. Cn. Herb. v. 3, fol. 202. — Arabis muralis Bgrr. Stal. 2) Duo. Oës. T1 ne reste de ces deux plantes que le bas des tiges el la rosette de feuilles radicales ; les fleurs et les siliques ont été détruites ; mais ces dernières ont laissé sur le papier une empreinte qui nous a permis de voir leur direction. G. Sisymsritu. — amphibium. Cu. Herb. v. 4. fol. 1. — Roripa nastur- tioides. SPacH. veg. phan. 6, p- 506. Oës. Villars (Hist. pl. Dauph.) semble avoir en vue le véritable Sésymbrium amphibium ; maïs il est probable que, comme Chaix, il le confondait avec le Roripa nasturtioides, comme semble l'indiquer la plante suivante. — pusyllum Viic. Cn. Herb. v. kdl == Roripa nas- turtioides Sracm. |. c. O6s. La plante de l'abbé Chaix est parfaitement sem- blable à la figure XX XIV de Villars; c’est un Rcripa nas- turtivides des rochers humides, de très-pelite taille ; Vil- lars et Chaix ne distinguant pas cette dernière plante , ont élé entrainés à ces deux erreurs. — erucastrum. Cu. Herb. v. 4, fol. 2. — Erucastrum po- lichii Srex. FI. Frib. 946. — neglectum. Cu. Herb. v. 4, fol. 2. — Erucastrum obtus- angulum. Rens. Fl. exc. p. 693. — bursifolium. Cx. Herb. v. Hsfol: 8322 Sisymbrium pin- natifidum. DC. FI. Fr. 4, p.345. 4531 MÉMOIRES — Loœselii. Cu. Herb. v. 4, fol. 6. — Sisymbrium irio. L. Amæn. p. 270. Forme des lieux cultivés. — Irio. Vic. Cu. Herb. v. #, fol. 6. Certè. Formes des lieux secs. G. HESPERIS. — Sjiberica. Vizz. CH. Herb. v. 3, fol. 198. — Hesperis matronalis. L. Sp. 927. Forme robuste qui semble avoir été cultivée. __ hieracifolia. Vizz. Cu. Herb. v. 3, fol. 199. — Hesperis laciniata. ALL. Ped. n° 995. Variété à fleurs purpurines. G. CaRDAMINE. — parviflora. Cu. Herb. v. 4, fol. 9. — Cardamine im- patiens. L. Sp. 91h. Obs. Forme des rochers humides; feuilles minces , assez grandes, entières ou légèrement dentées avec deux oreil- leltes à leur base; tige peu rameuse, fleurs avec des péta- les, siliques redressées sur le pédoncule. L'étiquette de Chaix est ainsi Conçue : C. parviflora ; par dessous se trouve le mot varietus ; el entre deux guille- mets une main étrangère, celle de Villars, a mis « C. im- patiens ; » ilest donc très-probable que le C. parviflora. XL. ne vient pas en Dauphiné , comme le veulent les botanistes modernes , à l'exception de Mutel (F1. Dauph. p. 41.) qui l'indique dans les prés humides du bas Dauphiné. G. DENTARIA. — heptaphylla. Cu. Herb. v. 4, fol. 10. | é: Dentaria pinnala — pentaphylla. Cu. Herb. v. #, fol. 10. | Lam. Dict. 2, p.268. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 135 G. GEraxIuM. — purpureum. Vic. Cu. Herb. v. 4, fol. 19. Obs. IL est probable que Villars confondit cette plante avec loutes celles à petites fleurs, voisines du G. rober- lianum de LAINE ; de là sont venues deux opinions, celle de M. Jordan qui pense que le G. purpureum Wix. est une espèce distincte d’une autre qui vient aussi en Dauphiné, nommée par lui G. modestum (Jorb. cat. Dijo. 1848); Lan- dis que M. Godron (not. s. la Flor. Montp.) considère le G. modestum Jorb. comme étant la plante que Villars a eue en vue en décrivant son Geranium purpureum. L'étude de la plante qui est sous ce nom dans l'Herbier Chaix, pourra apporter dans cette question des éléments à l'appui de l’une d'elles; voici la description aussi exacte que possible de cet échantillon : Plante annuelle? lige de vingl-cinq centim. droite, feuilles radicales à cinq lobes, inégalement #ncisées , lobes obtus, mucronés, écartés; lige présentant d’abord deux feuilles semblables aux radicales , longuemeut pétiolées , ayant à l’aiselle de l’une d'elles un long pédoncule à une seule fleur ; l’autre feuille donne un rameau qui à son tour donne deux feuilles, dont une donne aussi un nouveau ra- meau et un pédoncule; la tige principale se continuant ainsi donne les mêmes modifications, mais les pédoncules sont à deux fleurs, la base des pédoncules offre de longs poils glanduleux ; toute la plante est d’un vert noirâtre ; le calice est oouïde , couvert de poils glanduleux , sépales ovales , lancéolés, terminés par une pointe obtuse au som- mel et membraneuse aux bords; les nervures sont peu vi- sibles ; graines finement réticulées en dessus ; réticulalions plus prononcées sur le dos et lisses à la parlie amincie ; co- rolle dépassant peu le calice, étamines? pistil? Cette plante comparée au Geranium modestum Jor». que son auteur nous a communiqué, diffère sensiblement par les lobes des feuilles plus étroits, plus écartés, par les ca- lices plus globuleux , moins allongés , recouverts d’une pu- bescence glanduleuse qui cache les nervures ; par sa corolle plus petite, à onglet, n’égalant par les sépales ; la plante est plus grèle , ses pédoncules sont plus longs. 136 MÉMOIRES Dans le Geranium modestum J. au contraire , les feuilles sont plus grandes, les lobes sont rapprochés , se recou- vrant un peu sur les bords; ses fleurs sont plus grandes , les onglets des pétales égalent les sépales ; les calices sont moins hérissés, les nervures sont très-visibles ; le calice est en outre plus allongé , plus ovoïde, Ces divers caractères changent le facies de ces deux plan- tes qui doivent être distinguées. — planipetalum. Cx. Herb. v. 4, fol. 17. — Geranium phœum. L. Sp. 953. — rivulare. Vicz Cu. Herb. v. 4, fol. 18. — Geranium aconitifolium. L’Herr. Germ. t. 40. G. COoRONILLA. — coronala. Vicz. Cu. Herb. v. 4, fol. 41. — Coronilla montana. Scop. carn. 2, p. 72. G. Menicaco. — Muricata. Vice. Cu. Herb. v. 4, fol. 48. — Medicago Timeroyi. Jorb. Adn. Hort. Div. 1848. — hirsuta. Vic. Cu. Herb: v. 4, fol. 48. — Medicago api- culata. Wizzp. Sp. 2, 1414. — orbicularis. Vic. Cu. Herb. v. 4, fol. 48. — Medicago ambigua. Jorp. in Noul. FI. Anal. Toul. p. 37. — M. marginata. Bor. F1. cent. ed. 2, p. 122, an Wurup. GENISTA. — scoparia. Cu. Herb. v. 4, fol. 64. — Genisla cinerca. DC. FI. Fr. 4, p. 44. — tinctoria. Cu. Herb. v. k4, fol. 64. — Cytisus decum- bens. Wap. rep. 5, p. 504. — capensis. Cu. Herb. v. 4, fol. 65. — Genista tinctoria. L. Sp. 998. — humifusa. Vizz. Genista verrucosa. Cu. Herb. v. k, fol. 65. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 137 Obs. Avant ces synonymes Chaix donne à celte plante le nom de Genisla pungens CHAB. nom qui est peut-être an- térieur au deux premiers ; et à celui de G. Pulchella VizxaN adopté par MM. Gren. et God. FI. Fr, 1, p. 351. Cna- BREUS a fait un livre intitulé : /cones stirpium et sriugraphiu, publié à Genève en 1666. Cet ouvrage, quoique peu estimé, est rare; nous n’avons pu nous le procurer pour savoir si cette plante y a été décrite. G. Oxonss. — antiquorum. Vicz. Cu. Herb. v. 4, fol. — Ononis pro- currens. Wa. Sched. 381. — spinosa. Vic. Ca. Herb. v. 4, fol. 68. — Ononis cam- pestris. Kocx et Z1z. cat. pal. 22. — caduca. Vice. Cu. Herb. v. k, fol. 68. Obs. Espèce ou variété remarquable de l'Ononis procur- rens WaALL. dont elle se distingue par ses tiges couchées, tortueuses en zigzac, portant des rameaux épineux ; par ses feuilles caduques, petites , obovales, dentées, dents aiguës profondes ; par ses fleurs petites , toutes au sommet des rameaux ; calice hérissé de poils glanduleux ; sépales plus longs que le tube , linéaires aigus, légume? MM. Gren. et God. F1. Fr. 1, p. 373 et 374, rappor- tent l'Ononis spinosa Vic. en synonyme de l'Ononïs pro- currens W ALLR. ; et V'Antiquorum Vizc. à V'Ononis campes- tris Kocn. Nous ne pouvons adopter celte opinion avec les plantes de l'Herbier Chaix ; la forme des feuilles, la lon- geur et la forme du calice et des sépales nous ont guidé dans notre appréciation ; et nous avons considéré la pu- bescence et le nombre d’épines comme secondaires , faciles a varier ; l'Ononis caduca nous a paru être une espèce bien distincte des autres. G. Ervin. — Soloniense. Vizz. Cu. Herb. v. &, fol. 53. — Ervum gracile. DC. Hort. Monsp. p. 109. — tetraspermum. Cu. Herb. v. 4, fol. 54. — Ervum mo- nanthos. L. Sp. 1040. 138 MÉMOIRES G. OroBus. — anguslifolius. Vizz. Herb. v. 4, fol. 77. — Orobus ca- nescens. L. Fiz. Supp. p. 327. G. LarTavrus. — coccineus. ALL. Cn. Herb. v. 4, fol. 82. — Lathyrus sphæricus. Rerz, Obs. 3, p. 39. G. Vicra. — incana. Vie. Cu. Herb. v. 4, fol. 90. — Vicia Gerardi. DC. Cracca Gerardi. GREN. et Gop. FL Fr. 1, p. 469. — anguslifolia. Cu. Herb. v. 4, fol. 90. — Ervum tetras- permum. L. Sp. 1039. G. ASTRAGALUS. — helminthocarpos. Vic. Cu. Herb. v. 4, fol. 96. Obs. Il n’y a que les légumes plus courts, plus enflés , et ses liges moins couchées qui distinguent l Astragalus hel- minthocarpos deV Astragalus depressus. L. Sp. 1073. — glaux. Vie. Cu. Herb. v. 4, fol. 100. — Astragalus pur- pureus. Lam. Dict. 1, p. 314. — exilis. Ca. Herb. v. 4, fol. 100 et 101. Obs. Trois plantes distinctes portent ce nom dans l'Her- bier Chaix ; la première est l'Astragulus onobrychis (L. Sp. 1070) , la seconde est l'Oxytropis lapporica (GauD. Helv.), enfin la troisième est l’Astragalus leontinus. (JAcQ. Misc. 2, p. 59.) Il est probable , d’après ce que nous venons d'exposer , que cette plante n'était pas encore bien déterminée par Chaix puisqu'il a fait une telle confusion ; longtemps après, Villars, dans une lettre à Lapeyrouse, lui dit : «J'ai à vous prévenir que l’Astragalus exilis de Chaix m'a été en- voyé sous le nom d’Astragalus leontinus JAcQ. Mise. 59. Icon. var. L. 15. ALL. Auct. 22. Je le crois en effet d’après » la descriplion de Wulfen. » DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 139 ge tragacantha nostra. Cu. Klerb. v. 4, fol. 104. — Astra- galus aristatus. L'Her. stirp. 170. Os. À côté de cette plante se trouve un échantillon de l’Astragalus tragacantha L. Sp. 1073, avec cette étiquette : A. tragacantha Narbonnæ. Ce qui prouve que Chaix distin- guait ces deux plantes. — alpinus. Cu. Herb. v. 4, fol. 101. — Phaca astragalina. DC. Astrag. n° 9. G. Trirozitu. — flexuosum. Vic. Cu. Herb. v. 4, fol. 114. — Trifolium medium. L. FI. Sueci. ed. 2, p- 558. — glomeratum. Vic. Cu. Herb. v. 4, fol. 118. — Trifo- lium suffocatum. L. Mant. 276. — striatum. Cu. Herb. v. 4, fol. 118. — Trifolium sub- terraneum. L. avec cette étiquette écrite par DaNTRoInE. Trifolium striatum Daru. Pedunculis axillaribus, subquadrifloris; florigeris erectis, fructiferis reflexis, calicem dentibus sub œqualibus longis papposis. G. HyrEricum. — delphinense. Vizz. Cu. Herb. v. 4, fol. 122. — Hype- ricum quadrangulum. L. FI. Suec. 679. — Liottardi. Vic. Ca. Herb. v. 4, fol. 24. Obs. Espèce ou variété, cette plante est bien distincte par sa lige dressée, a trois ou quatre rameaux étalés , ter- minés par une fleur solitaire; fleurs tétrapétales ; elle pré- fère les terres légères argileuses ; tandis que lAumi'usum aime les pélouses herbeuses et les berges des bois. G. Pozyconum. — aviculare. Cu. Herb. v. 4, fol. 138. — Polygonum avi- culare 6 erectum. Grex. et Gon. FI. Fr. 3, p. 53. 140 MÉMOIRES G. EriLoBitu. J — Dodonei. Vi. Cn. Herb. v. 4, fol. 128. — Epilobium rosmarinifolium. Hozwk. in Jacq. Coll. 2, p. 50. — Gesneri. Vice. Cn. Herb. v. 4, fol. 128. — Epilobium spicatum. Lau. FI. Fr. 3, p. 482. — tetragonum, Cn. Herb. v. 4, fol. 130. — Epilobium trigonum. ScHraxk. baïer. FI. 1. p. 644. G. Sorgus. — aria Ê Vicz. Cu. Herb. v. 4, fol. 148. — Sorbus scan- dica. FRies. p. 63. G. Rosa. L'Herbier de Chaix contient lrès-peu d'espèces de ce genre; elles sont toutes en très-mauvais état; cependant nous avons pu distinguer les Rosa montana Cu. et rubri- Julia Vize. qui sont exactement les espèces décrites par les auteurs modernes. Villars savait très-bien qu’il n'avait pas suffisamment étudié ce genre ; il écrivait un jour à La- peyrouse : « Autant j'ai bien étudié les Hieracium , les As- … tragale et les Gramens , autant j'ai négligé les Rosiers » et les Ronces. » G. POTENTILLA. — rubens. Vizz. CH. Herb. v. 4, fol. 159. — Potentilla Al- pestris. Hazz. Fil. in Mus. Helv. p. 53. Obs. Cette espèce est bien distincte du Potentilla ru- bens ST-Amaxs FI. Agen. que quelques botanistes ont réuni mal à propos avec le Potentilla verna de Linné ; la plante d'Agen se distingue du rubens de Villars par ses tiges rouges hérissées, par ses pédoncules couverts de poils appliqués, par ses fleurs plus petites ; enfin par ses feuilles hérissées de longs poils. Du verna de Linné et des auteurs ; par sa pubescence plus courte, surtout sur les pédoncules et les calices dont les poils sont appliqués et non pas étalées ; par ses Liges toujours rougeâtres, longuement étalées , se redressant aux DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 141 extrémités, mais ne s’enracinant pas ; par ses fleurs quatre fois plus grandes, d’un jaune doré , plus foncé ; par ses feuilles bien moins hérissées , rougeâtres en séchant ; en- fin, toute la plante est moins hérissée ; elle fleurit quinze Jours ou un mois plus tard que le P. vrna. Nous proposons pour celle nouvelle espèce le nom de Potentilla Chaubar- diana , nom qui rappelle un des hommes éminents qui tra- vaillèrent à la Flore Agenaise, qui fut une des bonnes Flores locales de cette époque. — sub-acaulis. Vizz. Cx. Herb. v. 4, fol. 158. — Poten- tilla Clementi. Jorn. Pug., p. 70. — intermedia. Vic. Ca. Herb. v. 4, fol. 160. — Poten- ülla Mathoneti. Jorp. ad. cat. Grenob., p. 10, 1849. — Opaca. Vie. P. cinerea. Cu. Herb. v. 4, fol. 15. Obs. Le Potentilla cinerea Cu. diffère du Potentilla ci- nerra de l'Alsace et du Palatinat, comme l'a très-bien ob- servé M. Jordan. Nous avons comparé ces deux plantes, et nous avons pu nous convaincre de la justesse de ses obser- valions. Le Potentilla vestita Jorv. n’est pas dans l'Herbier Chaix ; il y manque aussi les P. filiformis Vic, serotina ViiL. et rotundifolia Vis. , toutes plantes douteuses qu'il aurait élé très-utile de faire connaître. G. Dianraus. — vaginatus. Cu. Herb. v. 4, fol. 176. — Dianthus atro- rubens. Azz. Ped. 2, p. 75. — Carthusianorum. Vizc. Cu. Herb. v. 4, fol. 177. — Dian- thus Liburnicus. Barrz. und. wendl. beitr. 2, p. 52. — plumarius. Cu. Herb. v. 4, fol. 178. — Dianthus al- pestris. Hope et SrErxs. — alpinus. Vizc. Cu. Herb. v. #4, fol. 180. — Dianthus neglectus. Lois. not. 65. G. SILENE. — Anglica. Ca. Herb. v. 4, fol. 185. — Silene annulata. THore. Chl. des Landes, 137. 142 MÉMOIRES — behen £ Alpina. Cn. Herb. v. 4, fol. 189. — Silene alpina. Taom. cat. 1837. G. CucupaLus. — silenoïdes. Vicz. Cu. Herb. v. 4, fol. 190. — Silene ita- lica. Pers. Syn. 1,p. 498. G. CERASTIUM. — semi-decandrum. Cu. Herb. v. 4, fol. 200. — Ceras- tium brachypetalum. Dese. in Pers. syn. 320. — vulgatum. Cu. Herb. v. 4, fol. 120.— Stellaria neglecta. War in Bluff. et Sing. comp. Germ. 1, p. 560. — viscosum. Cu. Herb. v. 4, fol. 200. — Cerastium glu- Linosum. FRries. nov. ed. 2, p. 132. — alpinum. Cu. Herb. v. k, fol. 201. — Ccrastium lana- tum. Lam. Enc. 1, p. 680. — strictum. Cu. Herb. v. 4, fol, 201.— Cerastium arvense. L. Sp. 628. — molle. Vizz. Cn. Herb. v. 4, fol. 201. — Cerastium ar- vense. L. Sp. 628. G. STELLARIA. — uliginosa. Viiz. Cu. Herb. v. 4, fol. 192. — Stellaria apetala. Ucrra. G. ARENARIA. — triflora. Cu. Herb. v. 4, fol. 193. — Arenaria Villarsii. Bars. misc. 21. —- triquetra. Cn. Herb. v. #4, fol. 193. — Arenaria recurva. WazuenB. Helv. 87. — saxatilis. Cu. Herb. v. 4, fol. 194. — Arenaria mucro- nata. DC. FI. Fr. k, p. 791. — juniperifolia. Vizz. Ca. Herb. v. #, fol. 194. — Arena- ria grandiflora. ALL. Ped. p. 13, &. 10, f. 1. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 143 — Striala. L. Herb. A. laricifolia. Vu. Ca. Herb. v. k, fol. 19%. — Alsine Bauhinorum. Gay. in GREx. et Gop. FL Fr. 1, p. 253. — liniflora. L. Herb. Ar. striata. Vizz. Cu. Herb. v. 4, fol. 19%. Alsine striata GRex. Mem. soc. du Doubs. p. 33. Oës. La synonymie de ces deux plantes, telle qu’elle est élablie dans l'Herbier Chaix , est en opposition avec celle publiée par MM. Gay et Grenier dans la Flore de France. Ces deux savants botanistes pensent que l’Arenaria striata Vie. est la plante appelée par M. Gay Alsine Bauhinorum, qui serait sans nom dans l’'Herbier de Linné, d’après ces botanistes; et l'Arenaria lariifolia Vu. serait l A/sine striata de M. Grenier. Les figures publiées par Villars prêtent leur appui à l'o- pinion formulée par ces deux botanistes , et d’après Mutel, Flore du Dauph., p. 91. L'Herbier de Villars a, sous le nom d’Arenaria striata ViLz. V Alsine Bauhinorum de M. Gay, et sous celui de A/aricifolia, V 4lsine striata de M, Grenier. D'où vient cette divergence d'opinions? Chaix place avant le nom de Villars celui de Linné : il ne dit pas; Linné Species ou lout autre ouvrage de cet illustre botaniste ; il dit au contraire : Linné, Herbier ; ilest donc probable que depuis la publication de l'Histoire des Plantes du Dau- phiné, Chaix et Villars cherchèrent à lever quelques dou- tes sur les plantes qu’ils savaient litigieuses , et qu'ils con- sultèrent l'Herbier de Linné. Dans la correspondance de Villars avec Lapeyrouse, nous trouvons que Villars avait prié Viborg de comparer quel- ques-unes de ses plantes avec cet Herbier classique, Ce fut sans doute après cet examen que Chaix formula l'éliquette que nous avons rapportée. Il y a dans tout cela une chose digne de remarque, c’est que M. Gay fonde son opinion sur l'examen de l'Her- bier de Linné, qui l’a amené à un résultat opposé ; quant à nous, nous n'avons pas les matériaux nécessaires pour élucider complétement celte question, nous nous conten- ton d'élever quelques doutes, afin d'appeler sur ces deux plantes l'attention des botanistes. Nous croyons utile d'ajouter encore un renseignement ; 144 MÉMOIRES Nous avons reçu de M. Jordan, l'Arenaria linifloræ L. Arenaria striata Viix. avec cette étiquette : « Arenaria liniflora L. Fil. À, striata. GREN. el Gop. FI. Fr. non L. Ce qui semblerait dire que M. Jordan , qui a étudié avec tant de succès les plantes douteuses du Dauphiné , s'éloigne de la manière de voir de MM. Gay et Grenier, tandis qn'il semble partager celle de l'Herbier Chaix. G. SCLERANTHES. — polycarpos. Vic. Cu. Herb. v. #, fol. 203. — Scleran- thus Delorti. GRex. Arch. FI. Fr. et Allem. p. G. SAXIFRAGA. — cotyledon. Ca. Herb. y. 4, fol. 207.— Saxifraga Aïzoon. JacQ. Aust. 5 p. et tab. 438. — Petrea (Ponæ). Cu. Herb. v. 4, fol. 208. — Saxifraga aquatica. Lar. Hist. PI. Pyr. p. 28 et 29. — mulüflora. Acc. Ped. S. cotyledon Vizc. v. e. Cu. Herb. v. 4, fol. 207. Saxifraga cotyledon L. Sp. 570. — hybrida. Vice. in Litt. Lapey. 1793. — Saxifraga hir- suta hybrida. SERINGE. DC. Prod. 1837. Obs. Ne se trouve pas dans l'Herbier de Chaix. G. SEMPERVIVUM. — tectorum. Vi. Cu. Herb. v. 4, fol. 219. — Semper- vivum philiferum. Jorp. Obs. PI. crit. frag. 6. SEDUM. — ochroleucum. Vizz. Cn. Herb. v. 4, fol. 210. — Sedum anopetalum. DC. rapp. 2, p. 80. Obs. Le nom de Villars a la priorité sur celui de de Candolle. — rupestre. Vizz. Cm. Herb. v. 4, fol. 210. — Sedum at- tissimum. Por. Enc. 1,p. 63#. — aristatum. Vizc. Cu. Herb. v. 4, fol. 210. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 145 Obs, Bien caractérisé par Villars , dans l'échantillon de l'Herbier Chaix, les fleurs sont comme celles du Sedum cepea L. Mais formant deux épis subscorpioides , les feuil- les- qu'on ne peut pas bien apprécier sur le sec paraissent elliptiques , spirales; la tige a dix centim. de hauteur, il n'ya pas de rejets stériles ; cette plante parait bien dis- lincte. G. Papaver. — dubium. L. Cu. Herb. v. 5, fol. 2. — Papaver Lecoqü. Lam. Not. bot. Obs. Cette plante est accompagnée de la note suivante : Caulis sæpius bipedalis erectis, pedonculi longissimi, 3, 4. in caule setæ in pedonculos appressæ capsula oblonza ur- ciam lonza glaberrima, folia pianitifida , foliolis incisis omnine. P. argemone productæ. [abitat iu aroi montes Gaches , videtur hybrida à Rheas et argemcne producta. Obs. Chaix distinguail cette plante du véritable dubium de Linné ; mais 1l croyait que sa plante était une hybride, ne connaissant aucune description qui püt lui convenir ; hybride formée par le Papaver rhœus d’une part, et de l'autre par le Papaver argemone L. dont elle Lient en effet le milieu. Depuis celte époque, celle espèce a été décrite par M. Lamotte sous le nom de Papaver Lecoqü. Mais cela ne prouve pas moins que Chaix la distinguait très- bien , seulement il se trompait sur sa nature. M. Verlot a constaté que le véritable Papaver dubium X.. ne vient pas aux environs de Grenoble , tandis que le Papa- ver Lecogü est très-commun ; nous avons observé ce dernier à Collioures, et à Cases de Pena, près Perpignan, tou- jours isolément; il se trouve aussi à Toulouse sous Pech- David, mais il est assez rare; nous n’avons jamais trouvé d’hybrides de cette espèce , soit avec le Rheas, soil avec l'argemone , landis qu’au contraire on en rencontre sou- vent entrele À /œas et le dubium. L. P. dubio Rhæus. Nob. G. Cisrus. — hirsutus. Vizz. Ca. Herb. v. 5, fol. 7. — Helianthemum canum. Dex. in DC. Prod. 1, p. 277. k°S.— TOME vi. 10 146 MÉMOIRES — corridifolius. Vizz. Ca. Herb. v. 5, p. 18. — Helian- themum procumbens. Dux. in DC. p. 277. G. THALICTRUM. — saxatile. Vizz. Cu. Herb. v. 5, fol. 24. — Thalictrum fœtidum. L. Sp. 768. G. ANEMONE. — pulsatilla. Vic. Cu. Herb. v. 5, fol. 89. — Ancmone Halleri. AzLz. Ped. n° 1922. — myrrhidifolia 6 FI. Flavo. Vice. Ca. Herb. v. 5, fol. 29. — Anemone sulfurea L. Manr. 78. G. RANUNCULUS. — nivalis. Vizz. Ca. Herb. v. 5, fol. 33. — Ranunculus auricomus L. Sp. 775. — auricomus. Cu. Herb. v. 5, fol. 35. — Ranuneulus syl- vaücus. Tavizz. FI. Par. 276. — polyanthemos. Vizz. Cu. Herb. v. 5, fol. — Ranunculus Fricsanus. Jorp. Obs. PL. critiq. frag. 6. — Illyricus. Vizz. Cu. Herb, v. 5, fol. 36. — Ranunculus Monspelliacus. L. Sp. 778. — Monspelliacus. Vic. Ca. Herb. v. 5, fol. 36. — Ranun- culus lanuginosus. L. Sp. 779. — pallidior. Vice. Cn. Herb. v. 5, fol. 36. — Ranunculus sardous. CRANTZ. Obs. Les Ranunculus montanus L., Lapponicus Viiz. , Gouant V., aduncus G. et lacerus BEL. manquent dans l'Herbier Chaix, mais dans la correspondance de Villars et de Lapeyrouse on trouve quelques notes sur cette der- nière espèce qui trouveront place ici. Villars considérait cetle plante comme une hybride ; il disait dans une lettre datée du 1° juin 1796 : « Nous » avons un Ranunculus trifurcatus, né dans notre jardin DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 147 » du R. platanifolius et R. Pyrenæœus probablement ; il se » multiplie grandement et se ramilie , fleurit sans repro- » duire de graines. » L'année suivante, le 12 Juillet 1797 , Villars revient à » Son Éanunculus trifurcatus : il s'exprime ainsi : Bellardi » a Envoyé son appendix à la Flore du Piémont où se » trouvent quelques plantes rares, entr’autres un fianun- » culus lacerus que je nomme trifurcatus : né hybride de- » puis neuf ans dans mon Jardin ; il le nomme /acerus et » l'a trouvé sur les montagnes ; elle est belle et se mulliplie » de racines, jamais de semences ; elle est à fleurs blanches » comme le Ranunrulus aconitifolius L. et le Ranunculus » Pyrenœus L. ses pères et mères, à Ce que je crois ; voici » un croquis de ces feuilles, mais les graines ont avorté, » ce qui me fait croire que c’est une hybride ; Bellardi n’en » parle, à ce qu’il parait, que comme espèce. » Un échantillon de cette plante est conservé dans l’'Her- bier de Villars el un second dans celui de Mutel provenant du jardin de Grenoble; ce dernier auteur le considère malgré cela comme espèce dans sa Flore du Dauphiné, tandis que MM. Grenier et Godron. F1. FRE: 90 sin clinent pour le considérer comme une hybride ; c’est une plante très-rare ; comme les hybrides, on n’en trouve que quelques individus isolés; on devra done donner à celle plante le nom de PYreræo-aconitifolius en lai appliquant la nomenclature de Scheide. G. SaLix. — pontederæ. Vic. Cn. Herb wv. 5, fol, — Salix hastata. L. Sp. 1443 — appendiculata. Vice. Cu. Herb, y. 9, fol: 47:— Salix grandiflora. Sr. Sal. Helv. p. 20. Oës. L’échantillon conservé dans l'Herbier représente un individu sans fleurs et sans fruits ; les feuilles sont ellip- tiques, obtuses, longues de huit centim. sur trois de lirge, dentées ; nervures saillantes en dessous , discolores; sti- pules grandes , reniformes , sessiles. — hastata, Vic. Cu. Herb. v. S,1#0l. k7..— Salix nigri- cans. SuirH. Trans. Lin. Soc. 6 » Pp. 120. 148 MÉMOIRES ulmifolia. Vice. Cn. Uerb. v. 5, fol. #7. — Salix nigri- cans. Sir. À. €. spadicea. Vic. Cu. Herb. v. 5, fol. #7. — Salix aurita. L. Sp. 1446. lanata. Vie. Ca. Herb. v. 5, fol. #8. — Salix cincrea,. L. Sp. 1446. sericca. Cn. Herb. v. 5, fol. #8. — Salix glauca. L. Sp. 1446. Lapponum. Ca. Herb. v. 5, fol. #8. — Salix myrsinites B villosa. GREN. et Gon. FI. Fr, 3, p. 145. Obs. Cette plante pourrait bien être plus qu'une variélé du Salix myrsinites ; elle mérite l'attention des botanistes du Dauphiné. lautaretica. CH. Herb. v. 5, fol. #8. — Salix pentendra. L. Sp. 1442. Helvetica. Vic. Cu. Herb. v. 5, fol. #8. — Salix Lap- ponum. L. Sp. 1447. arenaria. Vic. non L.Cn. Herb. v. 5, fol. 48. — Salix arbuscula. L. Lapp. n° 352, t. 8, f. 1. Oës. U y a encore dans l'Herbier Chaix un autre échan- tillon du Salix arenaria avec une éliquelte ainsi conçue : S. arenaria L. VisorG! S. Helvetica NiLL.; ce saule doit être rapporté au Sulir repens L. à la variété argentea de Koch qui répond au Sa/ix arenaria de Linné FI. Sue, ; ici encore cette plante nous semble mériter le titre d'espèce. Dans la correspondance de Villars et de Lapeyrouse nous trouvons l’origine de ces deux étiquettes, et l'assurance de la visile de Viborg à l'Herbier de Linné : « Oserai-je vous » avouer, dit Villars, à quarante-sept ans , que vos Salix » Lapponica et arenaria Y,. que j'ai sous les noms de Sa/ix » sericea CLS. Helvetica HaLz. 782, n° 27 et 27! (Viborg, » jeune Danois, m'avait donné d’après lui-même et d’a- » près l’'Herbier de Linné que possède Smith les mêmes » assertions) ; oserai-je vous avouer que la vue de ces deux » espèces , m'a fait éprouver un trémoussement de chaleur » picotante dans lous mes membres; c’est une étincelle DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 149 » électrique, qui a frappé mes nerfs ; elle a élé causée par » le souvenir des peines infinies que je m'étais donné inu- » Lilement pour les déterminer. » — virescens. Vizz. Cu. Herb. v. 5, p. #9.— Salix viminalis. L. Sp. 1448. — viminalis. Vizz. Ca. Herb. v. D, p. #9. — Salix incana. ScHraxx. baier. F1. 1, p. 230. — oleifolia. Vizz. Cn. Herb. v. 5, p. 49. Oës. L'échantillon unique de cette espèce liligieuse que nous offre l'Herbier de l'abbé Chaix, est sans fleurs et sans fruits ; les feuilles sont elliptiques , lancéolées, obtu- ses, blanchâtres en dessous , et glabres en dessus, un peu enroulées aux bords ; les rameaux sont blancs, tomenteux. Un semblable échantillon se trouve ; d’après M. Grenier, dans lEerbier de Pourret au Muséum , il est aussi sans fleurs ni fruit; depuis celte plante n’a pas élé retrouvée en Dauphiné, ou lout au moins distinguée, quoiqu’elle nous paraisse remarquable par ses feuilles qui ressemblent assez bien à celles de l'olivier par la forme, la couleur et leur enroulement, ainsi que la couleur et le tomentum blanc et appliqué des rameaux. G. ErneprA. — distachia, Vic. Cn. Hlerb. v. 5, fol. 64. — Ephedra Villarsii. GRex. et Goo. FL Fr. 3, p. 161. (plante mâle.) G. EupnorBia. — leptophylla. Vie. Cu. Herb. v. 5, fol. 70. — Euphorbia. tenuifolia. Lam. Dict. 2, p. #28. — terracina. Vizz. Ca. Herb. v. 5, fol. 70. — Euphorbia Taurinensis. ALL. Ped. 1, p. 287, tab. 83, f. 2. — Gerardi. CH. Herb. v. 5, fol. 72. Euphorbia Seguieri. Vic. Euph. Gerardiana. Jaco. FL. aust. D. 17, (4b. 436. — esula. Pourr. Cn. Herb. v. Ba fol: ie + Euphorbia flavicoma. DC. Cat. Hort. Monsp. 110. 150 MÉMOIRES — ventosica. Cu, Herb. v. 5, fol. T4. — Euphorbia Gerar- diana y minor. Duorv. Bot. Gal. #15. Euph. saxatilis. Lois. non Jaco. — sylvatica. — Cu. Herb. v. 5, fol. 75. — L. Sp. 662. Jaco. Aust. k, p. 39, t. 375. amygdaloïdes. auct. plerumq. An L. — amygdaloides. Cn. Herb. v. 5, fol. 75. — An L. Eu- phorbia Chaïixiana. Nob. Cbs. Nous avons cru reconnaitre dans les débris de l'Euphorbia amygdalcides contenus dans l'Herbier Chaix, une plante que nous considérons comme espèce dislincle, et qui peut-être est l'£uphorbia amy gdaloides de Linné, tandis que l'£uphorbia amyeduloides des auteurs modernes serait l'Euph. sylcatira de Linné et de Jacquin. Linné dans ses divers ouvrages décrit l'£uphorbia syl- vali:a, comme ayant une lige épaisse, frutescente, proli- fère, des feuilles entières lancéolées, velues, des pétales lunulés , érosés ; il compare sa plante à l'Euphorbia cha- racius, tandis qu’il donne pour caractère à l'Ewphorbiu amygdaloides des tiges herbacées non ligneuses, des feuilles écarlées, allernes, minces, non coriaces, roides el des om- belles latérales, Linné dans le Mantissa et Reichard dans le Srs/ema disent que Vaillant était d'avis de réunir ces deux plantes, et ces auteurs ne s'opposent pas à celte réunion. Etudions maintenant les synonymes et les figures cités par Linné: nous pourrons en Lirer quelques preuves à l'appui de l'opinion que nous cherchons à faire prévaloir. La figure de Columna citée par l'illustre botaniste Suédois pour son Euphorbia syloativa se rapporte exactement à la plante que les auteurs modernes prennent pour l£uphorbia amys- daloides de Linné ; Syloatica YACQ. Mais la figure de Mo- risson, citée encore par Linné, se rapproche davantage de notre plante de Narbonne pour le port, mais elle ne peut lui être rapportée pour les glandes caliciformes qui ont une forme différente. En 1779, Reichard, dans le Systema veget. 1. 10. frag. 457, ajoute aux synonymes cilés par Linné, celui de Bau- hin qui caractérise d’une manière remarquable la plante DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 151 qne nous avons en vue. T#hymalus toto anno joliv retinens (Bauh. hist. 3, p. 7.671), ainsi que l’£su/a raule crasso de Rivin ne laissent aucun doute à cet égard. Malheureuse- ment l'Herbier de Linné ne peut pas nous venir en aide dans celte question controversée , car Smith nous apprend que l'Euphorbia syloatica de V'Herbier de Linné est une plante grèle qu'il rapporte à l'Euph. segelulis ; il y a là une transposition d’étiquette ou d’échanlillon comme on en a souvent signalé dans cette collection, Les recherches que nous avons pu faire dans les auteurs modernes que nous avions à notre disposition, n’ont fait qu'embrouiller encore l’étude de ces deux plantes ; ainsi le plus grand nombre ont réuni , l'Euph. amyzgduloides L. au sy/oatica JAcQ. et ont laissé dans le doute l'Euph. sylvatica de Linné , se fondant sans doute sur l’herbier de Linné , qui a, sous le nom d’amygdaloides , la plante commune en France et en Allemagne ; mais qui, comme nous l'avons dit, ne peut être celle du Speries ni des figu- res el des synonymes cités ; Gussone partageant cette idée pense que le sybatica de Linné est l'Euph. melopetala de Gasparini, el il admet un Evph. syloatica qu'il assure n'être pas celui de Linné. Tenore reconnait un £vphorbia amyg- daloïdes qui ne parait pas être celui des auteurs françaiset allemands, qui pourrait bien être celui de Narbonne et de Chaix ; il admet aussi un ÆEuphorbia sybatica L. auquel il rapporte le synonyme de Bauhin qui caractérise parfaite- ment celle espèce , mais qui est opposé à la plante de Nar- bonne qui perd ses feuilles après l'été. Les localités indiquées par Linné et par les auteurs, qui l'ont suivi pour leurs Euph. umygdaloides ei syloatica vien- nent encore jeter une grande confusion dans la détermina- tion de ces deux plantes; Linné indique pour son Euph. amygdaloides, la France et l'Allemagne et les provinces mé- ridionales pour son sylvatica ; d’après cela notre plante de Narbonne serait le syzatica, et la plante commune l'a- mygdaluides. Morisson a trouvé sa plante en Italie, et Tenore indique les deux espèces aux environs de Naples et formule une opinion semblable à la nôtre. Enfin , si l'Evphorhia commun en France est l'Euphorbia amygdaloides de Linné comme on l’admet ; où l'Euph. 152 MÉMOIRES sylvatica de Linné comme nous le pensons, il faut tou- jours distinguer la plante du Midi qu'on ne peut rappor- ter sûrement ni à lune ni à l’autre, mais qui se rap- proche plus de la description de lEuph. amygduloïdes que du sybvatica de Linné. Nous proposons pour celte espéce que nous allons décrire le nom d'Euphorbia Chaïviana, comme un hommage rendu à l’homme verlueux , savant el modeste , dont nous venons d'étudier les travaux scien- tifiques. EUPHORBIA CHAIXIANA. Nob. Ombelle a cinq rayons allongés (10 ou 12 centim.), bifur- qués; feuilles du verticille ombellaire arrondies au som- met ; bractées jaunes pendant et après l’'anthèse, semi-orbi- culaires, soudées base à base dans le quart de leur élendue ; glandes de l'involucre caliciformes jaunes en croissant, à pointes très-longues, aiguës el peu convergentes, formant dans la partie évasée deux angles presque aigus el non une courbe parfaite comme dans la plante commune où les deux points se rapprochent beaucoup : capsule , 0; feuilles de deux sortes, celles de la base d’un vert jaunâtre, coria- ces, elliptiques, atténuées en pétiole, à Lords repliés en des- sous, mais non enroulées ; celles placées au-dessus sont obo- vées , spatulées , plus molles que les inférieures ; tiges gréles sous-frulescentes, foules florifères, pourvues d’une ombelle et de longs pédoncules latéraux bifarqués ; plante vivace, parfaitement glabre. Elle fleurit vers le milieu de mai; elle esl commune à Fondfroide , près Narbonne, où nous l'avons récoltée le 15 mai 1851, avec mon ami Delort Mialhe. Quoique voisine de l'Euphorbia sylvatica YACQ. amysda- loides des auteurs, cette plante en diffère sensiblement par les rayons de l’ombelle beaucoup plus longs , par ses feuil- les ombellaires plus petites, ondulées aux bords, par ses bractées moins grandes, moins soudées à la base, par les glandes caliciformes jaune foncé à pointe, non conver- gente , et formant une carré plutôt qu'un rond au milieu ; par ses feuilles glabres, coriaces, un peu révolutées, plus petites et plus régulièrement elliptiques; se desséchant et lombant toutes en automne lors dela dispersion des graines, el ne reparaissant qu'au printemps suivant. L'Æuphorbia DE L’ACADÈMIE DES SCIENCES. 153 Chaiviana diffère encore par ses tiges glabres. moins épais- sées, plus eflilées , toutes florifères , enfin par sa floraison plus tardive d’un mois au moins, quoique habitant une contrée bien plus chaude. Nous n'avons pu observer cette plante assez longtemps dans son lieu natal pour étudier d’une manière complète son mode d'évolution. Mais, d’après ce que nous avons vu, nous croyons pouvoir dire qne le développement des Liges, des feuilles et des fleurs est tout à fail différent de celui de l’Euphorbia sylvatica JAcQ. amygdaloides Atcr. Dans celle dernière espèce, les tiges stériles de l'année conservent les feuilles pour l’année suivante et donnent les tiges flori- fères, tandis que dans notre Euphorbia Chaïxiana, les tiges donnent la même année les feuilles et les fleurs qui tom- bent ensuite au commencement de l'automne, au lieu de passer Khiver, comme l’a observé mon ami Delort-Mislhe. Outre l'Euphorbia amygdaloides dont nons venons de parler, l'Abbé Chaix et Villars distinguaient une outre plante à laquelle ils donnaient, comme nous , le nom d’Æu- phorbia syloatica ; celte espèce est celle que l'on prend, comme nous le disions, pour l’Euphorbia am; gdaloïdes : elle répond parfaitement à la figure de l'Euphorbia syloatica de Jacq. 1. c. Ici se Lermine la partie phanérogamique de l'Herbier Chaix ; il y a ensuite quelques fougères qui ne nous ont of- fert aucun intérêt, et des lichens et des mousses que Chaix ne connaissait pas beaucoup. Pour notre part, nous ne sommes pas assez versé dans les études cryptogamiques pour apprécier convenablemement celte partie de l'Her- bier Chaix. On peut conclure de ce travail que si Chaix et Villars ont très-souvent appliqué à quelques espèces des noms qui appartenaient à d'autres plantes , ils auront toujours le mé- rite très-grand à nos yeux de les avoir très-bien distin- guées , de les avoir décrites et étudiées avec le savoir et l’abnégation qui conviennent aux véritables savants. Nous lerminerons ces observations en transcrivant l'o- pinion de Lapeyrouse et de Villars sur les études syno- nymiques , comme conclusion de cette parlie de notre travail. 154 MÉMOIRES L'illustre auteur de l'Histoire des Plantes du Dauphiné écrivait à Lapeyrouse : « Vous avez atteint le vrai point de vue pour apprécier les synonymes, et peut-être moi- même, aulant qu’un autre, vous aurai-je mis dans le cas de prononcer que les synonymes qui exigeroient une dissertation pour les justifier sont plutôt nuisibles qu'utiles dans un ou- vrage. J'en conviens et vous remercie de votre sentence ; elle est digne de vous ; permettez seulement que je lui op- pose celle autre , que je crois vraie aussi ; le nom et la des- criplion des plantes qui ne relateroïent pas avec les connais- sances arquises dans d’autres temps et d'autres pays, ne pré- senteroient qu'une demi-connäissance en botanique. C’est à vous, citoyen très-éclairé dans cetle parlie, à juger el à prendre nn parti entre ces deux extrêmes. (Lettre du 15 mars 1793.) Toulouse , 24 avril 1856. De DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 155 A ————_—_————— RAPPORT SUR LE MÉMOIRE PRÉSENTÉ AU CONCOURS DU PRIX EXTRAORDINAIRE DE 1856; Par M. GUIBAL , Ingénieur de la ville. L'ACADÈMIE avait proposé la question suivante : Etablir, par la théorie, des règles pratiques pour la construction des voûtes cylindriques en maconnerie , droites ou biaises; on déterminera l'épaisseur qu'il convient de donner à la clef, celle des pieds-droits et la forme de l'ex- trados lorsque l’intrados est connu. Les principes de la stabilité des voûtes ont depuis longtemps fait l’objet des études des plus habiles ingénieurs; ces princi- pes reposent sur les théories de la mécanique rationnelle aidée, comme dans tous les arts, de l’observation des phénomènes physiques. Mais, l'usage des voutes est si répandu dans les constructions, que tous ceux qui les établissent n’ont ni le temps, ni quelque- fois les connaissances nécessaires pour résoudre le problème au moyen des éléments dont nous venons de parler. D'un autre côté, ce système de construction présentant, plus que tous les autres, des chances d’instabilité, beaucoup de constructeurs sont portés à exagérer les dimensions de ces ouvrages pour en as- surer la solidité, ou, quelquefois, à les réduire inconsidérément pour satisfaire à des dispositions particulières. La nécessité d'arriver à des règles simples et exactes qui per- mettent à tous les constructeurs de déterminer facilement les dimensions qui assurent la stabilité des voütes, à porté plu- sieurs ingénieurs, mathématiciens aussi bien que constructeurs, à chercher ces règles, en s'appuyant toutefois sur les princi- pes de la théorie. 156 MÉMOIRES C'est ainsi que M. Petit, ingénieur des Ponts et chaussées, a dressé des tableaux au moyen desquels on peut résoudre les problèmes de la construction des voûtes. Mais, il faut le dire, ces tableaux sont nombreux, l'usage en est assez compliqué, et exige de la part de celui qui veut s’en servir, certaines connais- sances algébriques. M. Méry, également ingénieur des Ponts et chaussées , a ré- solu la question au moyen d’un tracé graphique très-simple, au- quel il a donné le nom de Courbe des pressions. Mais nous devons dire encore ici que ce tracé, tout simple qu'il est, finit par être fort long, à cause des tâtonnements obligés auxquels il donne lieu. Dans ces derniers temps, l'Académie, pénétrée de la grande importance de celte question, l'avait mise au concours de l’an- née 185%. Un seul Mémoire a été présenté sous l’épigraphe : Labor improbus omnia vincil. Le Bureau général et la Commission qui avaient été chargés de l'examen de ce travail, l’a lu avec la plus grande attention, espérant y trouver la solution d’un intéresant et utile problème ; mais ces espérances ont été déçues. L'auteur du Mémoire ne s’est pas conformé à la condition expresse que les règles pratiques devaient être établies sur les principes de la théorie; il donne des tracés géométriques em- piriques, et ne les appuie ni sur aucune expérience, ni sur au- cune démonstration théorique. En conséquence, ce Mémoire ne répondant pas à la question mise au concours, l'avis de la Commission et du bureau géné- ral est qu'il n’y a pas lieu de décerner le prix. Ces conclusions ayant été adoptées par l'Académie dans sa séance du 30 avril 1856, le billet cacheté, renfermant le nom de l’auteur, a été immédiatement brûlé. æ * $ dr ulouse en 1835. SEPTEMBRE. 745,694 741,585 743,237 Thk,479 745,189 744,094 742,944 744,085 744,474 740 7640 742,610 743,535 744,448 740,978 742,776 743,970 745,129 744,374 143,378 344,219 19,149 14,32 7,81 3,43 22,47 16,80 10,15 2,77 22.61 47,45 10,14 0,89 19,77 414,38 8,24 3,97 17,30 43,09 7,47 3,72 23,04 17:50 6.57 13,86 10,44 1,1% 79,75 89,97 92 91,06 67,30 77,90 82,85 52,52 TT 80,10 70,62 sC,Sl 89,62 80,18 87,69 93,53 457.10.11.48.18/4.5.6.7.0. 14.45.48/1.2.3.4.5.0.11.12. 19.20.27.29.30. 19-94.27.98 99, 17.20.22.26.27. sl S—13 jours. | S—14 jours. | S—14 jours. | S—14 jours. 53 20.22.93.94.95.96.16.7.10.11.12.13.1911.7.16.18,22.93.20! 20.23.94.30 34 JQ S—1 ATOM OCTOBRE. S—6 jours. NOVEMBRE. DÉCEMBRE. S=S8 jours. 1.4.5.10.11.192.13 14.15.17. ANNÉE, 8,0338 83,4 1342 73,5650 70,197 75,1267 83,0883 — S= 167 jou rs. S=—=39 jours. l HEURES. 9h matin midi... 3h soir. - Ghsoir. « ghsoir. . ANNÉE 18: Hauteurs moyennes du baro- mèêtre métrique JANVIER. TABLE AU général des Observations météorologiques faites à l'Observatoire de Toulouse en 4855. FÉVRIER. MARS. 735,809 786,027 739,705 739,#10 738,841 9,196 739,470 9ù matin | midi... s\ 3hsoir. . ..06bsor.. De SOIC « marin. W MINE « Températures moyennes ! degrés centigrades 7,14 10,20 T4:837 746,6 746,457 746,106 746,475 T6 ,83 JUILLET. AOÛT. QE 74,189 744,874 This 745,129 SEPTEMBRE. 741,585 OCTOBRE. 74,091 740, 640 13, 60 17,70 19,86 20,66 419,01 15,62 9 matin midi... 3h soin Gisotr.. fu soir.. Jndicalions moyennes l'hygromêtre Jours de pluie 1.5.0, 18.10.23.25 S—1b jours. 19,19 NOVEMBRE. 744,479 DÉCEMBRE. 743,0 743,970 210 3,83 3,77 5,80 3,97 3,72 ANNÉE. 743,8073 | ENT | 742,8726 742,9957 | en | 734714 12,627 | 15,205 15,621 13,522 11,415 10,65 5,0! 0.07 1,14 87,60 92,28 82,85 80,40 \ > 01,06 S2,61 S3,21 S7,87 | S—AS$ jours 15.1ü}2 —l#jours. 19,24.27.28 90,41 AG T EAU AN S=—14 jours. Jours de brouillard =1A jour, » Jours de gelée 9.10,11.22.30.51 S=—6 jours. s—2 jours S—2Jours. Jours de ncige.. 11.31 : S=—2 jours. Jours de grêle ou de grésil..... Jours d'éclairs, ...... S=2 jours. » 10.14,12.29. S=# jours. G.8.10,15,17. S=7 jours. 18.310,12, S=—6 jours. Jours de tonnerre, .........,s..ss S—1 jour, 21 S—1 jour. S—1A jour, Jours d'aurores boréales. ......,..... » » » H.44. S=—2 jours. Quantité de pluie exprimée en millimèt, jorm 48 2.4.40,19,20,22, 12.13.19 93,24.30, 11 jours, 10,41, 2 jours, 45um 00 EHUOUN E 4132mm 70 2 min 48 Jours où le ciel à été gé ralement nuageux. 7.8.9.185.16 17.20, jours 149 S=1 jour. 19. S=1 jour. —=8 jours. S—=16 jours. S—10 jours. S=—5 jours. 10.12. —=10 jours. 1.6,14.15.16.147.18/19.16.20, 24.27. jours. Gén, 15 41.42 S=3 jours. couvert... a 3.6,10,11.42 JET 20 jours. 3,5,6.7,8.40:11 13.15.10,2t 22 jours. 13.4/5:6-8-9-10211e S=S jours. 8.9,10.14.12 : 16.17.20 6.293031. S—20 jours. 11.13.1445 18.19.20 .21.23 45 jours. S=—1 jour, 2.14,14.19/1-2:3.4.0,7 26.28.30, 11,14,145,1 S—13 jours. 20.21.29. 2i jours. S—16 jours. 6 jours. S ot SSO S0 et 0S0 0 et ONO NO et NN N et NNI NEelE : LTEUIESE:0r SÉCLSSE Jours où le veuta eu les directions moyennes, { 3 jours. 3 Jours. 3 Jours, 2 jours. 2 jours. | jour. 2 jours, » Jours, variable, Jours où le vent a calme, nulou faible été généralement. {c 10 jours. 22 Jours. | jour. » 2 jours. ÿ jours » 1 jour. » 10 jours. 10 jours. 10 jours. » f jour, 13 jours # jours. » 2 jours, 11 jours. 8 jours » 8 jours. 10 jours. » » » 9 jours. 3 jours. k jours. » jour. 15 jours. 3 jours. » » 4 jour, S jours. 3 jours. 8 jours. » \ jour. 7 jours. 9 Jours. » 1 jour. 4 jour. # jours. 7 jours. 43 jours { jour, » 8 jours. 9 jours, 2 Jours. » n 3 jours. 8 jours, 43 jours. | jour, D 3 jours, 10 jours. 5 jours, { jour. » 5 jours. 3 jours, 5 Jours. 12 jours. =1 jours. 3 jours, k jours. # jours. ä jours. | jour. » | jour, 7 jours, .20,91. 20,22.23,95. S=11 jours, 1 jour, 3 jours. 6 jours. 5 Jours, 2 jours. » 1 jour. 8 jou 40 jours. 6 jours, j 13 Jours. 16 jours. 6 jours. 16 jours. Hauteurs HU nn du baromètre pour les mois et pour l'année......... 736,1198 739,336 744 9062 7H,57906 | Températi ires moy. pourles mois etpour l'année (déd. des maxim. et des min.). Indications moyenses de lhygromètre pour les mois et pour l’année....... 2,042 89,000 7,560 71,028 64,934 12,200 76,420 746,4332 16,504 745,182 74,1936 2 401 64,264 14,068 82,348 4 jours. 20 jours. 87,736 1.11.12.19.14.15.40/4,12 24 30! =$ jours. 5.10,11.12,44 1 5.17. 4. 14. S=—10 jours. 2 jours. 1 jour. 250,30 10.13,44,15,20, S=—10 jours. 1 jour. 2 Jours. 6 Jours, { jours. 10 jours. 3 jours. 16 jours. 3,855 30, 1473 à 751267 808$ 167 jours. S=39 jours. S=#3 jours. S=—6 jours. S=6 jours. S=31 jours. S=21 jours. Bagum, 94 0 jours, 34 jours A1 jours. 15 Jours. 78 jours. 75 jours. 12 jours. 4 jours. 6 jours. 83 jours. Si jours. 159 jours. 743,31297 86,980 17.0823 DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 157 DISCOURS D'OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE DU 18 Mat 1856; Par M. FILHOL , Président. MESSIEURS , Dire que Toulouse est une ville où la culture des lettres, des beaux-arts et desisciences fut toujours en honneur, c’est expri- mer un fait si bien établi, si généralement reconnu , que toute tentative qui aurait pour but d'en démontrer l'exactitude serait, surtout dans cette enceinte , inutile et presqu'inopportune. N'y a-t-il pas en effet au milieu de nous des hommes qui nous rappelleraient , si nous avions pu l'oublier, qu’une aca- démie dont le passé constitue l’un des plus beaux titres de gloire pour notre ville et dont les travaux actuels attirent encore l’at- tention de tous les vrais amis des belles-lettres, veille avec un soin religieux au maintien des nobles traditions dont Toulouse s’enorgueillit à bon droit. Comment douter du goût prononcé de la population pour les beaux-arts dans une ville qui peut citer, parmi ses sculpteurs, Bachelier, l’un des élèves de Michel-Ange ; Lucas, dont les gra- cieuses productions ornent encore quelques-uns de nos monu- ments ; et parmi ses peintres, Rivals, Subleyras et l’un des plus grands artistes de l’époque actuelle, Ingres, que notre École des Arts est fière de compter au nombre des élèves qu’elle a formés. I serait tout aussi superflu de chercher à établir qu’un goût traditionnel pour les études scientifiques ne cessa jamais d’exis- ter dans une ville où la science du droit fut représentée par Cujas dont la gloire rejaillit sur la France tout entière ; où les mathématiques ont eu pour interprète Fermat, l’un des plus grands géomètres des temps modernes ; où l’astronomie fut cul- &° $. — TOME vi. 11 158 MÉMOIRES tivée par Vidal, Darquier et Garipuy; l'histoire naturelle, par Lapeyrouse ; où toutes les branches de la science, en un mot, durent à des hommes d’une valeur considérable une partie de leurs progrès. Mais je n'ai pas, Messieurs, le projet d'appeler votre atten- tion sur ces glorieux souvenirs. Je sens trop mon insuffisance pour oser aborder un sujet de ce genre, qui exigerait, pour être traité d’une manière digne de l’Académie des Sciences de Toulouse, une érudition considérable et une foule de qualités que je suis loin de posséder. La question dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir, sans être moins importante ni moins difficile, sera plus en har- monie avec mes études habituelles, et je risquerai moins, en l’abordant, de rester au-dessous de ma tâche. Je me propose de jeter avec vous un coup d'œil sur l’état de l’industrie à Tou- louse ; de comparer ce qu'il est aujourd’hui avec ce qu'il fut autrefois , et de rechercher ce qu’il pourra devenir si tous les hommes de cœur et d'intelligence réunissent leurs efforts pour améliorer l’état actuel des choses. Je me propose aussi de re- chercher quelle a été dans le passé et quelle doit être dans l’a- venir l'influence de notre Académie sur les progrès de l'indus- trie toulousaine. Comme chacun de vous l’a certainement pressenti, je ne prétends pas traiter à fond une question d’une aussi vaste éten- due; les limites dans lesquelles je dois me restreindre s’y op- poseraient déjà, si d’ailleurs l’imperfection de mes connaissances sur beaucoup de points n’était de nature à m'en empêcher. C’est donc un simple coup d'œil que je désire jeter avec vous sur ce sujet si digne d'appeler votre attention et si plein d'actualité. Toulouse ne fut jamais une ville florissante par son indus- trie ; c'est un fait tellement évident que je ne crois pas devoir essayer de le démontrer. À côté de cette ardeur que manifesta toujours la population de notre ville pour tout ce qui affecte un caractère artistique ou scientifique , on a de tout temps remarqué la plus grande indif- férence pour ce qui concerne la création de ces vastes établisse- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 159 men(s qui ont changé la face de tant d’autres cités et leur ont apporté en même temps la vie, le mouvement et la richesse. Placée au centre d’une région dont elle est en quelque sorte la reine, Toulouse s’est contentée pendant plusieurs siècles de régner protégeant les lettres, les sciences et les beaux-arts. On dirait qu’elle a toujours craint de déroger en détournant ses regards des gracieuses conceptions du poëte, des élégantes pro- ductions du peintre ou du sculpteur pour les porter sur des œuvres dont le caractère est moins attrayant, il est vrai, mais qui pourtant ne sont pas moins utiles. Aujourd’hui même elle s'engage timidement , je dirai pres- que à regret, dans la voie nouvelle où l’entraîne le mouvement général qui s'opère dans toutes les parties du monde civilisé, Toulouse voit à côté d'elle des villes d’une moindre impor- tance rivaliser avec les cités les plus renommées pour la perfec- tion des produits de leurs manufactures. Castres, Mazamet ; Car- cassonne, Bédaricux... ete., sont déjà des centres considérables où le mouvement industriel est organisé sur des bases larges et solides, tandis que c’est à peine s'il commence à se produire chez nous. Il serait pourtant injuste de méconnaître que des progrès considérables ont été réalisés à Toulouse, surtout depuis quelques années. Jetons un coup d'œil rapide sur ce qui a été fait, afin de me- surer l'étendue de ce qui nous reste à faire. Le travail des métaux s’effectue à Toulouse sur une échelle assez large. Nous possédons de vastes et belles fonderies où l'on fabrique , sous la direction d’hommes habiles, des objets d’une importance considérable : machines à vapeur, métiers pour fila- tures , laminoirs, turbines, presses hydrauliques, pompes. etc., ainsi qu'uue foule d'objets de moindres dimensions. Une usine dirigée par l’un des hommes les plus honorables de notre cité fournit au commerce des quantités considérables de cuivre laminé. Nous ayons une importante manufacture de faux et de limes, dont les produits sont généralement estimés. La fabrication des objets en bronze, en cuivre ,en élain, en zinc, en plomb, en lailon.. etc., destinés aux divers besoins 160 MÉMOIRES de l’économie domestique , occupe chez nous un nombre consi- dérable d'ouvriers. IL existe à Toulouse plusieurs établissements consacrés au travail des marbres si riches et si variés que nous retirons soit de nos montagnes, soit de l'étranger. La carrosserie constitue chez nous une grande industrie, pour laquelle nous ne sommes dépassés dans aucune des grandes villes de province. Nous possédons deux belles usines pour la fabrication du gaz de l'éclairage ; l’une d'elles a joint à la préparation du gaz celle du coke métallurgique ; c’est une bonne et heureuse innovation. Nous avons aussi de belles fabriques de papier, d’autres fabri- ques de carton et d'importantes manufactures de papiers peints. D'habiles industriels ont importé chez nous le métier à la Jac- quart et préparent des étoffes qui ne le cèdent en rien à celles du même genre qu’on prépare à Lyon. Une industrie nouvelle s’est implantée depuis quelques an- nées sur notre sol, je veux parler de la fabrication du crin d'Afrique, qui consiste, comme chacun de vous le sait, dans la désagrégation des fibres tenaces et filamenteuses des feuilles du chamæreps humilis. L'art du tanneur a fait à Toulouse de grands et rapides pro- grès. Les produits de nos fabriques peuvent subir avec ceux des meilleures manufactures françaises une comparaison dont nous p'aurions pas à rougir. La teinture et l'impression sur tissus sont pratiqués dans notre ville par des hommes pleins d'intelligence et d'activité. La (cinture des cotons en rouge d’Andrinople constitue depuis longtemps la spécialité de l’un de nos fabricants. Le blanchiment des fils et des tissus au moyen des hypochlo- rites a été récemment introduit dans nos ateliers où il a pris une assez grande extension. La préparation des produits céramiques à depuis longtemps, dans le département de la Haute-Garonne, et dans Toulouse en particulier, une très-grande importance. Les poteries communes sont fabriquées en quantité considérable à Cox, à Martres , à DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 161 Toulouse même et sur plusieurs points du département. Le bas prix auquel ces poteries sont livrées exclut une fabrication soi- gnée, mais, tels qu'ils sont, les produits de ces fabriques sa- tisfont aux besoins de l'économie domestique. D’habiles industriels, que dis-je, des artistes distingués ont depuis longtemps fondé au milieu de nous un établissement re- marquable dans lequel le travail de l'argile semble avoir atteint l’extrême limite de la perfection. Le portique d'église en terre cuite, sorti de la fabrique de MM. Virebent frères, constituait sans contredit la pièce la plus remarquable dans ce genre parmi celles qui figuraient cette année à l'Exposition universelle. Il serait injuste de ne pas citer aussi l'établissement des ou- vriers réunis, qui fournit à l'architecture des objets remar- quables par leur bas prix, par leur solidité et par le bon goût qui préside au choix des dessins. Il'existe dans notre département une grande fabrique de por- celaine qui a prospéré longtemps sous la direction d’un homme doué d’un talent supérieur , M. Léon Arnoux , que les événe- ments de 1848 obligèrent malheureusement à quitter Valentine pour aller en Angleterre prêter le secours de son expérience à l’une des plus importantes manufactures, celle de M. Minton, qui a obtenu des médailles d'honneur de 1°° classe aux exposi- tions universelles de Londres et de Paris. Aujourd'hui encore la fabrique de Valentine occupe un rang distingué parmi les grandes manufactures de ce genre qui exis- tent en France. Nous devons à un habile boulanger l'introduction dans nos contrées des procédés nouveaux auxquels la science a conduit pour la préparation de l’amidon. Le gluten, cette substance précieuse dont la valeur alimentaire est sensiblement égale à celle de la viande, n’est plus un embarras pour le fabricant qui devait le laisser putréfier pour le rendre soluble et isoler la subs- tance amylacée; il devient au contraire un produit utile dont on tire un excellent parti. La panification du gluten a été portée par M. Durand à un degré de perfection qu’on n'avait atteint nulle part. 162 MÉMOIRES Après bien des vicissitudes, inévitables partout où s'établit une industrie nouvelle , la fabrique de bougies stéariques, fon - dée à Toulouse depuis plusieurs années , a définitivement pris racine sur notre sol , et tout lui promet une prospérité durable. La fabrication des instruments de physique est représentée chez nous par un homme habile, dont le nom est depuis long- temps honorablement connu , et qui rend tous les jours aux établissements d'instruction publique des services signalés. Voilà, Messieurs , une énumération bien longue, et pourtant j'aurais encore beaucoup à dire si je voulais seulement mention- ner tous les établissements industriels un peu remarquables qui existent dans notre contrée : mais j'en ai dit assez pour montrer que la tendance générale qui entraîne toutes les grandes villes vers le mouvement industriel se fait sentir chez nous comme ail- leurs. Il ne faudrait pourtant pas conclure de ce que je viens de dire que tout est pour le mieux dans l’état actuel des choses, et que nous avons tiré le meilleur parti possible de nos ressources. Parmi les nombreuses industries que j'ai signalées, il en est peu qui s’exercent sur une grande échelle et dont l'importance soit en rapport avec l'étendue et la population de notre ville. Il faut aussi convenir que les procédés employés dans nos fa- briques ne sont pas partout en harmonie avec les données de la science autant qu’on pourrait le désirer. C’est ainsi, par exemple, que les belles machines dont on se sert ailleurs pour l'impression des tissus sont inconnues dans nos ateliers. Un jeune chimiste me disait, il y a quelques années, en venant de visiter nos manufactures de tissus imprimés : « Je n’avais pas la moindre idée de la manière dont on procède à Toulouse : c’est l’enfance de l’art. Je me demande encore s’il est bien vrai que je n’ai pas rencontré une seule Perrotine dans les grands établissements que je viens de parcourir et que tout le travail s'y fait à la main. » Qu'il y a loin des ressources dont on dispose dans les modestes ateliers où s'effectue chez nous le travail du marbre, à celles que possède le bel établissement de M. Géruzet, à Bagnères deBigorre! . DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 163 N'est-il pas regrettable que dans une ville où les briques sont employées à peu près exclusivement à la construction de tous les édifices, nous ne possédions encore aucune de ces ingénieu- ses machines qui malaxent la terre et peuvent fabriquer en une beure un nombre de briques bien supérieur à celui que le mcil- leur de nos ouvriers pourrait fabriquer en une journée ? Les machines outils, cette précieuse conquête de l’industrie moderne, sont à peine connues à Toulouse ; aussi l’Académie des Sciences a-t-elle été heureuse d'encourager par son approba- tion les efforts intelligents de MM. Maybon et Baptiste qui ont soumis à son examen une excellente machine à fabriquer les te- nors et les mortaises. Si, sortant du domaine de l’industrie manufacturière, je voulais appeler votre attention sur l’état où se trouvent dans nos contrées les industries qui se rattachent à l'agriculiure, j'aurais le regret de vous montrer qu’elles sont dans un état dé- plorable d'infériorité. Je pourrais vous signaler des moulins à moudre le blé, où l’on est toujours au milieu d’un nuage de poussière et où la farine sort brülante de sous les meules. Je vous signalerais encore l'imperfection de nos procédés pour préparer et conserver les vins, imperfection qui est telle, que peu d'agriculteurs peuvent conserver les produits de leurs récoltes pendant une ou deux années. Rien ne saurait donner une idée plus nette de l’activité des babitants du Nord et de notre indifférence, que ce qui se passe depuis quelque temps. Jetez les yeux sur les produitsétalés dans les magasins de nos marchands de comestibles, et vous y verrez une foule de légumes secs, admirablement conservés, que les agriculteurs du Nord nous envoient, comme si nous n’étions pas abondamment pourvus de légumes et de fruits plus savoureux, qu'il serait si facile de dessécher et de conserver pour les en- voyer au contralre dans les pays où ces produits du sol sont moins abondants ou de moins bonne qualité. Les considérations dans lesquelles je viens d'entrer suffisent pour démontrer que, s’il est vrai qu'il existe chez nous un ger- me d'industrie, nous ayons encore beaucoup à faire pour at- 164 MÉMOIRES teindre, dans ce genre, au degré de perfection que d’autres villes ont atteint depuis longtemps. IL est vrai que Toulouse a été placée, jusqu’à ce jour, dans des conditions peu favorables au développement de son industrie. Dépourvue de ces moyens de communication qui rendent les échanges faciles et économiques, qui abrégent la durée des né- gociations et multiplient les chances du succès , elle ne pouvait pas prospérer à légal de ses rivales du Nord, mieux partagées sous tant de rapports. Mais cette cause d’inégalité va cesser. Dans quelques mois, une voie ferrée nous reliera aux principales villes de France ; bientôt aussi, sans doute, un deuxième chemin de fer nous fera communiquer avec les riches mines de houille de Cramaux, et alors rien ne s’opposera plus, dans notre ville, au succès des grandes entreprises. Cependant, ces nouveaux éléwients de prospérité pourraient rester longtemps improductifs, si une impulsion puissante et longtemps soutenue ne venait réveiller chez notre population cette ardeur pour le travail, et cette activité industrieuse et fé- conde qui produit tous les jours ailleurs de véritables merveil- les. Cette impulsion salutaire, nous la trouvons partout aujour- d'hui, et tout concourt à rendre le progrès facile et rapide. En chargeant, il y a quelques mois à peine, une Commission, dont la bienveillance de l’Académie m'a valu l'honneur de faire partie, d'aller visiter l'Exposition universelle de Paris, et de re- chercher avec un soin tout particulier ce qui pourrait contri- buer au développement de l’industrie dans notre département, notre Préfet, M. West, n’a-t-il pas donné une preuve de la solli- citude avec laquelle le Gouvernement se préoccupe du bien-être de nos contrées ? M. le Ministre de l'instruction publique, dont le regard s’ar- rôte souvent avec bienveillance sur Toulouse, n’a-t-il pas lui- même voulu augmenter ses droits à notre reconnaissance, en instituant au sein de nos Facultés des cours de sciences appli- quées. dont le but principal est de vulgariser les découvertes importantes de notre époque, de mettre à la portée de tous les DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 165 données scientifiques sur lesquelles reposent le perfectionnement de l’industrie moderne, de donner enfin cette impulsion si né- cessaire dont je parlais tout à l'heure ? Vous rappellerai-je les généreux et incessants efforts de M. l'inspecteur général Lafcerrière , pour assurer le succès de ce nouvel enseignement, qui peut produire de si heureux résultats? C'est surtout par des moyens de ce genre qu'on peut espérer de vaincre l'indifférence de nos industriels, et de leur commu- niquer cette ardeur qui deviendra pour eux une source inépui- sable de richesses. Rien ne prouve mieux la vérité de ce qui précède que l'in- fluence heureuse qu'a exercée et qu’exerce encore sur la popula- tion ouvrière de notre ville l'École des Arts de Toulouse. Qui ne sait que c'est dans cette école, où. des professeurs pleins de ta- lent distribuent largement, dans leurs leçons, les connaissances les plus utiles aux progrès des arts et de l’industrie , que se sont formés presque tousles artistes de quelque mérite qui vivent au milieu de nous? L'Académie des Sciences de Toulouse a, de son côté, fait les plus grands efforts pour provoquer ou favoriser autour d’elle les découvertes utiles. Pouvait-elle oublier, en effet, que tel avait été le but que ses fondateurs s'étaient proposé ? Ces cours de sciences appliquées que nous considérons aujourd’hui comme une innovation si heureuse , l’Académie des Sciences les avait depuis longtemps institués ! Nous la voyons, dès les premiers temps deson existence, créer un jardin de botanique où elle rassembla un grand nombre de plantes, tant indigènes qu'exotiques. Ce jardin était ouvert aux pauvres, qui allaient y chercher des remèdes, et on y faisait un cours de botanique dans l'intérêt des étudiants en médecine. Un des projets des premiers membres de l’Académie, projet qui fut malheureusement abandonné, à cause de l'insuffisance des ressources dont ils pouvaient disposer, était de créer auscin de leur compagnie une classe d’agriculture, arts et commerce, dont les travaux auraient eu pour but de diriger les esprits vers des connaissances plus solides que brillantes, mais qui sont la source de l’aisance et de la félicité publique. 166 MÉMOIRES L'Académie voulait aussi établir, dans son hôtel, un cours de minéralogie, où seraient enseignés les divers modes d'exploi- tation des mines, enseignement précieux dans un pays riche en minéraux de (oute sorte qu’il néglige. Elle voulait enfin acquérir un cabinet de physique expéri- mentale et un laboratoire de chimie, où l’on pourrait répéter les expériences déjà faites, et en tenter de nouvelles. Telles furent, au début, les intentions des fondateurs de l’A- cadémie des Sciences de Toulouse. Des circonstances nombreu- ses ne leur permirent pas de réaliser tout le bien qu’ils voulaient faire ; mais il ne reste pas moins avéré que le but principal qu'ils s'étaient proposé, consistait dans l’étude des sciences et des arts, surtout en vue de leur application. L'Académie est restée fidèle à ces traditions : quand on par- court la liste des sujets de prix proposés jusqu’à ce jour par la Classe des Sciences, on voit que tous ont eu trait à des questions dont la solution devait amener un progrès réel et immédiate- ment applicable soit aux arts, soit à l’industrie. Souvent même, ainsi que vous le faisait remarquer, l’an der- nier, votre Président, M. Hamel, dans son remarquable discours, ces questions, tout en conservant un caractère scientifique bien tranché, présentèrent un intérêt local parfaitement caractérisé. Parcourez la liste des travaux publiés jusqu’à ce jour dans notre Recueil, et vous verrez que presque toutes les questions qui intéressent notre industrie locale y sont traitées d'une ma- nière plus où moins approfondie. L'énumération de ces travaux serait trop longue pour qu'il me soit permis de l’entreprendre; mais je ne puis résister au désir de vous rappeler la noble émulation qui s’'empara de tous les membres de l’Académie de Toulouse, quand il fut question de doter notre ville des nombreuses fontaines qui distribuent aujourd'hui dans nos rues une eau claire et limpide. Alors M. Garipuy nivela entièrement le sol de Toulouse et fit une étude approfondie des terrains qui l'entourent. MM. de Saget, Laupies, Virebent, Magués..., ete. publièrent sur ce sujet des mémoires ou des projets remarquables; vinrent DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 167 enfin les beaux travaux de MM. d’Aubuisson et Abadie qui cou- ronnèrent dignement cette œuvre importante. L'Académie concourut, dans une large mesure, à la création des fontainesdont nous jouissons aujourd'hui.Disons aussi qu’elle avait provoqué cette création ; car elle avait décidé, en 1780, qu'elle accorderait, en 1783, un prix de 1,000 fr. à l’auteur du meilleur ouvrage sur Ics moyens de conduire dans Toulouse une quantité d’eau suffisante « pour fournir en tout temps , dans les » différents quartiers, aux besoins domestiques, aux incendies, à » l’arrosement des rues, des places, des quais et des promenades. » Peu d'années après, M. Lagane laissait à la ville un legs de 50,000 francs pour subvenir aux frais de l'établissement des fontaines publiques. La délibération de l’Académie avait certainement préparé les voies, et ilest bien probable qu’elle ne fut pas étrangère à cet heureux événement. Voilà, Messieurs, ce qu'ont fait ceux qui nous ont précédés. Continuons l’œuvre qu'ils ont si heureusement entreprise. Les conditions nouvelles danslesquelles va se trouver notre pays nous y engagent, et notre passé nous en fait un devoir. Ne restons pas étrangers au mouvement qui va s’accomplir autour de nous, cherchons au contraire à diriger ce mouvement et à le mainte- nir par nos conseils et par notre influence dans les limites hors desquelles il ne saurait réussir. Tout nous vient en aide aujourd'hui ; un enseignement litté- raire scientifique et artistique fortement organisé, un sol fertile, qui permettrait de fournir un large développement à plusieurs industries se rattachant aux progrès de l’agriculture, des che- mins de fer, des canaux, une rivière dont les eaux peuvent faire mouvoir de puissantes machines, des communications fa- ciles avec des mines de houille qui sont presque inépuisables : voilà des éléments de succès bien précieux qui ne resteront pas improductifs si chacun se met à l’œuvre pour faire apprécier à notre population tout le parti qu’elle en pourrait tirer. Mais qu'ai-je besoin, Messieurs, d’insister, alors que, devan- ant une proposition que j'avais le projet de vous soumettre, vous venez de vous engager par un vote récent dans la voie 168 MÉMOIRES nouvelle que vous avait ouverte, l’an dernier, votre honorable président M. Hamel, et de décider que vos récompenses , plus nombreuses que par le passé , seront distribuées à ceux qui au- ront importé dans nos contrées une industrie nouvelle, ou qui auront apporté des perfectionnements notables dans une indus- trie déjà existante. Je m'arrête, Messieurs, pour ne pas abuser de votre bien- veillante attention. Permettez-moi, cependant, d'ajouter encore un mot. En vous entretenant de l'influence que notre Académie doit exercer autour d'elle, j'ai semblé oublier qu'une classe de Belles- Lettres existe dans notre Compagnie. Je ne voudrais pourtant pas encourir le reproche d’avoir voulu entraîner l’Académie à consacrer tous ses efforts à la culture des sciences ou de leurs applications, et à ne laisser qu'un rang secondaire à la culture des arts ou des lettres. Loin de moi une pareille pensée. Comment pourrais-je ou- blier, surtout au milieu de vous, que la culture des lettres pro- voque chez l’homme les sentiments les plus nobles et les plus généreux ; qu’elle vivifie, qu'elle féconde l'esprit et qu’elle est la source des jouissances les plus pures et les plus élevées ? Mais ce n’est pas dans une villecomme Toulouse, dans une Académie comme la nôtre, qu'on peut craindre de voir l'étude des lettres occuper un rang inférieur. Nos devanciers nous ont légué, sous ce rapport, un héritage dont nous sommes trop fiers pour le ré- pudier; aussi, tout en tenant compte des circonstances nouvel- les qui lui font un devoir impérieux d'exercer son influence sur le mouvement industriel qui va s’opérer, notre Académie saura, comme par le passé, se montrer digne d’une ville qui fut de tout temps jalouse de sa vicille réputation littéraire, et qui mérita, par son goût pour les beaux arts, le nom glorieux de Cité palladienne. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 169 ÉLOGE DU DOCTEUR CHARLES VIGUERIE ; Par M. DESBARREAUX-BERNARD. Messieurs, L'Académie nous a fait l'honneur de nous confier l'éloge du docteur Vigucrie. Quelque difficile que fàt la tâche qui nous était imposée, nous nous sowumes senti heureux d'être choisi pour l’accomplir. Pourtant un scrupule nous a fait hésiter, nous l’avouons. A son lit de mort, M. Viguerie avait défendu, avec insistance, qu'on prononcàt des discours sur sa tombe. Les vœux d’un mourant sont sacrés ; aussi, pendant ces funérailles , qui met- taient toute une ville en deuil, l’oraison funèbre de l’illustre mort ne se traduisit-elle que par un silence respectueux et par les larmes des amis et des pauvres qui venaient de faire une perte irréparable. Et maintenant, prêt à prendre la parole pour louer le collé- gue qui laisse un si grand vide dans nos rangs, nous nous demandons si nous n'allons pas transgresser ses volontés der- nières. Nous ne le pensons pas. Nous ne parlons pas ici sur une (ombe ; nous sommes dans le sein d’une compagnie savante qui jamais n'a négligé de pro- noncer l'éloge de ses morts. Cette tradition était connue du con- frère que nous venons de perdre, comme elle l’est de nous tous; 170 MÉMOIRES et en interdisant les manifestations publiques et bruyantes qui auraient pu se produire à ses obsèques , M. Viguerie n'a point songé, nous en sommes sûr, à soustraire sa mémoire au juste tribut d'admiration et de regrets, qu’à l'exemple des anciens, les membres de nos Académies payent à ceux de leurs collègues qui ne sont plus. Au moment où elle confiait à la terre la cendre d'un mort illustre, la poétique antiquité regardait l'éloge funèbre comme la partie la plus importante de cette touchante cérémonie. Les Sociétés savantes ont été unanimes pour conserver reli- gieusement cet usage des éloges funèbres, et, en l'inscrivant dans leurs codes, elles ont continué les traditions antiques ct perpétué dans leur sein le culte des souvenirs, Ce dernier acte de confraternité, auquel, hélas ! nul de nous n’échappera, cet adieu suprême qui retentit dans le sanctuaire témoin de nos travaux, c’est l'hymne pieux de la science glori- fiant ses enfants, c'est la traduction de cette pensée de Montai- gne : « Le soing des morts nous est en recommandation. » Depuis plus de deux cents ans l’Académie n’a jamais failli à ce devoir, elle ne saurait y faillir aujourd'hui. Vous pressentez, Messieurs, qu'en esquissant la vie d’un homme qui, pendant plus de cinquante années, avait tenu le sceptre de la médecine et de la chirurgie dans Toulouse, nous devions rencontrer à chaque pas des sujets d'étude du plus haut intérêt pour la science. Ayant à rechercher l'influence qu’un grand praticien avait exercée dans nos provinces sur les pro- grès et le perfectionnement de l’art de guérir, nous n'avions plus à entreprendre une simple biographie, mais, pour ainsi dire, l'histoire de l’art parmi nous depuis le commencement de ce siècle. Les rares facultés dont était doué M. Viguerie suffiraient, sans doute, pour expliquer sa haute fortune scientifique ; cepen- pendant diverses circonstances favorisèrent singulièrement ses heureuses dispositions. Nous allons vous les faire connaître, en ayant soin de négliger certains détails devenus vulgaires, et en signalant à votre attention des faits moins connus, qui jettent DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 171 une grande lumière sur une époque importante des études de M. Viguerie, c'est-à-dire sur son séjour à Paris. M. Viguerie n'est pas tout-à-fait, comme on pourrait le pen- ser, le fils de ses œuvres. Il y a des races privilégiées où les ver- tus comme les talenis sont héréditaires. La famille Viguerie en est un exemple. Qu'il nous soit permis de vous dire, en peu de mots, l’origine de son illustration. Vers le milieu du siècle dernier, un jeune homme, nommé Jean Viguerie, quitta la vallée d’Aure où il était né. Après avoir quelque temps voyagé de bourgade en bourgade, il arriva un beau jour à Montpellier, ayant appris tout seul à lire et à écrire, et sachant {ant bien que mal pratiquer une saignée. Au sein de cette ville, illustre par sa Faculté, il se livra, pendant dix ans, avec une ardeur sans égale, à l'étude de l’ana- tomie et de la chirurgie. Par son travail et sa persévérance, il sut se concilier l'estime et l'amitié de ses maîtres, cette se- conde famille que l’on rencontre au seuil de la science, et bien- tôt il se sentit assez fort pour suivre la carrière des con- cours. Après avoir honorablement succombé à Aix en Provence, il arriva à Toulouse et rentra de nouveau dans la lice. Une vic- toire noblement disputée lui valut le titre et la place de chi- rurgien-major de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques de cette dernière ville. C'était en 1776. Parmi les concurrents qui lui disputè- rent le prix, nous retrouvons quelques-uns des hommes qui nous ont enseigné les premiers éléments de l’art, et c'est avec un pro- fond sentiment de respect que nous inscrivons ici les noms des docteurs Tarboché, Larrey et Ducasse (1). Plongée, pendant le seizième et le dix-septième siècle, dans les ténèbres de l’Alchimie, courbée sous le joug tyrannique du Spagyrisme, la médecine, dans nos contrées, voyait ses plus no- bles interprètes user les ressorts de leur intelligence dans les vaines spéculations de l’astrologie judiciaire; et pour ne citer (1) Ils étaient six concurrents, et aux noms déjà cités nous devons ajouter ceux de MM. Lappare et Camvy. 172 MÉMOIRES à l'appui de ce fait qu'un exemple mémorable, nous vous rap- pellerons qu'Auger Ferrier, cet homme si éminent par son sa- voir, publiait, peu de temps avant sa mort, un Traité des ju- gements astronomiques sur les nativités (1). Aussi les progrès de l’art, ceux de l’anatomie surtout, furent- ils lents à Toulouse. Déjà, depuis le temps de la renaissance jusqu'au dix-huitième siècle, les Riolan, les Habicot, les Winslow, les Duverney avaient porté en France l'étude de l'anatomie à un très-haut degré de perfection , et cependant cette science n'avait encore fait chez nous que quelques pas timides. Plusieurs causes contribuèrent à perpétuer dans le Midi ce déplorable état de choses. La première et la plus puissante de toutes, ce fut cette superstition commune à tous les peuples, — mais plus enracinée dans les pays qui avaient subi l'influence de l'inquisition, — superstition qui consistait à regarder comme impur et sacrilége l'homme qui osait porter la main sur la dé- pouille mortelle de son semblable. A Toulouse particulièrement, ce préjugé était tout-puissant ; si puissant, qu’on lit dans le règlement de l'Hôtel-Dieu de 1723: Le chirurgien ne fera aucune anatomie d'aucun cadavre sans la permission de MM. les intendants de semaine ; l'a- nalomie ne sera faite que rarement, elc., elc. (2); si puissant, qu’à l’époque où nous vivons, en plein dix-neuvième siècle, nous le verrions reparaître , sans la haute intelligence et la sagesse éclairée des administrateurs des hôpitaux qui viennent heureu- sement contrebalancer de funestes tendances. C’est que, malgré ses prétentions à la science, malgré l’épithète de sedes scholæ que lui donne un ancien, Toulouse, je le dis à regret, n'a ja- mais su se débarrasser entièrement de la rouille du moyen âge. A ces causes d’obscurantisme vinrent s'ajouter les querelles a —————— (1) Lyon, J. de Tournes , 1582, in-16. — Auger Ferrier allachait une si grande importance à cet ouvrage qu'il le dédia : À très-illustre et très- vertueuse Princesse Madame Catherine, Royne de France. (2) Pag. 251. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 173 de prééminence entre les médecins et les chirurgiens, entre les Facultés de médecine et les Colléges de chirurgie, querelles qui ne finirent qu'en 1789. Cette lutte entre les deux branches de l'art de guérir prit souvent des proportions telles que le Parle- ment fut quelquefois obligé d'intervenir (1). On le comprend, ces tristes débats ne faisaient pas avancer la science. Mais si ces raisons ne suffisaient pas pour démontrer la faiblesse des études anatomiques dans le Midi, à l'époque dont nous parlons, il nous serait facile de convaincre les plus incré- dules, en leur montrant les manuscrits relatifs à l'anatomie que renferment les archives de notre Académie. Les nombreux mé- noires que nous possédons sur ce sujet roulent presque exclu- sivement sur une grossière description des différentes parties du squelette, et pourtant ces travaux qui, par la forme et par le fond, attestent l'enfance de l’art, obtirrent les honneurs de la lecture et une mention au procès-verbal (2). De tels abus devaient bientôt cesser, et pour diminuer ou dé- truire les obstacles què nous venons de signaler, il fallait un homme qui forçàt, en quelque sorte, la position, et fitentrevoir aux esprits incertains le vaste horizon que l’Académie royale de Chirurgie venait de découvrir. Cet homme fut Jean Vigucrie, le père de notre défunt collègue. Nous ne nous étendrons pas sur les améliorations qu'il fit subir au service de santé de l'Hôtel-Dieu, mais nous ferons remarquer que, dans le contrat passé entre le sieur Vi- guerie et le corps d'administration de celte maison, figure, pour la première fois, parmi les clauses importantes de cet acte, (1) Il existe , à la date de l’année 1670, un arrêt du Parlement qui ordonne aux écoliers en médecine de remettre , sans délai, le cadavre par eux en- levé , faute de quoy il permet à l’abbé des écoliers en chirurgie de faire enfoncer le Collége de médecine et de faire porter le cadavre au Collége de chirurgie, ce qui fut fait le même jour. (2) Cependant quelques hommes supérieurs firent de nobles efforts pour donner, à Toulouse , de l’impulsion aux études anatomiques. François Bayle, entre autres, a laissé sur la physiologie du cœur des pages qui décèlent l'habitude des plus minulieuses dissections. k°S.—TOME VI. 12 17% MÉMOIRES l'obligation pour le chirurgien-major de faire les démonstra- tions d'anatomie ainsi que loules les ouvertures de cadavre. Grâce à l'infatigable activité de Jean Viguerie, les leçons d'anatomie devinrent plus régulières et plus continues. On per- mit aux élèves de disséquer dans les hôpitaux, et, depuis lors, ils allèrent moins souvent violer les sépultures, et ravir à la tombe des cadavres qu'ils se disputaient ensuite entre eux (1). C'est seulement à cette époque que l'hexamètre latin de Ve- nance (2), gravé au fronton de nos amphithtâtres, cessa d’être une exagération poétique pour entrer dans le domaine des réalités. Les études chirurgicales prirent nécessairement, sous la di- rection éclairée de Jean Viguerie, un développement remar- quable. Des découvertes en anatomie pathologique, des perfec- tionnements apportés dans certains procédés opératoires, de grands travaux sur la nécrose, sur l’hydrocèle congénitale, les fractures compliquées, etc., lui valurent les récompenses de l'Académie royale de Chirurgie, et [üi conquirent l'amitié des princes de la science, Louis et Sabatier. L’intimité de no- tre compatriote avec ces grands hommes serait encore igncrée si, en fouillant dans les manuscrits que le père avait légués à son fils, uous n'avions trouvé deux liasses portant pour sus- cription : Correspondance de Louis, Correspondance de Sa- batier. Avec quel recacillement nous avons inventorié ces pré- cieuses reliques ! Avec quelle avidité nous avons parcouru ces pages où la science éclate dans tout son Jour, et où les ques- tions les plus élevées sont discutées et approfondies ! (1) « Saint François de Sales ful altaqué, à Padoue, d’une maladie dan- » gereuse qui faillit Penlever dans toute la fleur de la jeunesse. Son précep- » Leur demanda au malade ce qu'il voulait qu’on fil de son corps après sa » mort. Qu'on le donne, dit-il, aux écoliers de médecine pour être dis- » séqué. Je m’estimerai heureux si, après avoir été inutile pendant ma vie, » je suis de quelque utilité après ma mort. Par là j’empêcherai encore quel- » ques-unes des disputes qui s'élèvent entre les étudiants en médecine elles » parents des morts qu’ils déterrent, » ( Vie des Saints, par l’abbé Rohrba- » cher. Paris, 1853, L. 1, p. 243.) (2) Hie locus est ubi mors gaudet succurrere vitæ. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 175 Ces correspondances, que la modestie des Vigucrie avait laissées dans l'ombre , parlent plus haut que tous nos éloges, et ce sont des titres qui, selon nous, valent bien une généalogie dressée par d'Hozier. Vous nous pardonnerez ces détails, Messieurs, nous les avons crus utiles ; car la biographie du père explique tout à la fois la précocité du fils, ses succès en chirurgie et son amour pour une science qu'il suca pour ainsi dire avec le lait. C'était, d’ailleurs, la pensée constante de Charles Vigucrie, que ce qu'il était il le devait certainement à son père. Comme Galien, il répétait souvent à ses amis : Je fais honneur de mes connaissances au savoir de mon père, à l'attention qu'il avait eue de minstruire dans l’âge propre à l'instruction, enfin aux dépenses qu'il avait faites pour me procurer les meil- leurs maîtres (1). CrarLes-MarGUERITE-GuirLatme VIGUERIE naquit à Toulouse le k novembre 1779. Il cut pour mère Louise-Margucrite Casa - bon, fille de Guillaume Casabon, maître en chirurgie et lieu- tenant de M. le premier Chirurgien du Roi. On le voit, les instinets de la science lui furent doublement transmis par le sang. Jean Viguerie, n'ayant eu dans son enfance d'autre institu- teur que lui-même, connaissant, par une rude expérience, tout ce que peuvent pour l'avenir d’un homme les bienfaits de l’é- ducation, mit de bonne heure son fils au collége, et les succès de l'enfant ne tardèrent pas à répondre aux espérances du père. Oubliant les heures de récréation, négligeant les jeux de son âge, Charles Viguerie travaillait le jour, travaillait la nuit, et plus d’une fois la sollicitude maternelle eut à lui rappeler que depuis longtemps l’heure était venue de se livrer au repos. Ses succès furent nombreux au collége ; ils sont tradition- nels dans la famille. Sa vieille mère, que le fils reconnaissant (1) Meth. med. , lib. vu, cap. nr. 176 MÉMOIRES entoura de tant de respect et de soins, aimait à redire combien les récompenses universitaires le trouvaient timide et modeste. Lui-même se plaisait souvent à raconter son embarras et sa contrainte quand, chargé de couronnes, poudré à blanc et ha- billé de velours, il était ramené triomphalement en chaise au logis paternel. En supprimant les colléges, la révolution vint interrompre les classes du jeune Vigucrie. Nous verrons tout-à-l’heure com- ment il répara le temps perdu. L'aptitude de Charles Vigucrie pour les études sérieuses dé- cida Jean Vigucrie à lui faire embrasser la carrière médicale. Ce point arrêté, le père se chargea d’initier son fils aux mystè- tères de la science. Jean Viguerie pensait cemme Platon, qui dit dans sa Répu- blique : « Les médecins seraient très-habiles, s'ils commen- » aient dès l'enfance à s'appliquer à l'étude de l'art, et s'ils se » familiarisaient le plus possible avec les malades. » , Peut-être avait-il puisé cette même idée dans Hippocrate qui la rend d'une façon bien autrement poétique : « Ce qu'on ob- » serve dans la culture des plantes, dit le vieillard de Cos, » s'applique également à l'étude de l'art de guérir : notre na- » ture, c'est le champ; le précepte du maître, c'est la semence ; » l'étude commencée dès le jeune âge rappelle la saison où la » semence doit être confiée à la terre; le séjour dans un lieu » favorable à l'enseignement, c'est l'air ambiant qui nourrit » les plantes; l’assiduité à l'étude, c’est le labourage (1).» Quoi qu'il en soit, lenéophyteavait à peine quatorze ans qu'il apprenait de son père — rudement comme il nous l’a souvent répété lui-même,—les principes de Part dont la langueluidevint bientôt familière. 1 grandissait dans ses études, lorsque la ré- quisilion de l’an VII l'éloigna de Toulouse. Cette circonstance, considérée d'abord par sa famille comme un grand malheur, devint, on va le voir, l’une des causes, — peut-être la plus puissante, — de sa future renommée. (1) Hip., La loi : DF L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 177 En compagnie de Cayrel, Pointis et Gineste, ses compatrio- tes, il se rendit à Perpignan. Ils n'y séjournèrent pas, car, incorporés dans la 14° demi-brigade, ils durent suivre leur régiment qui allait tenir garnison à Paris. Cayrel, Gineste et Pointis, par la protection des chirurgiens du Val-de-Grâce, entrèrent danscet hôpital et trouvèrent moyen, au bout de peu de temps, de se faire réformer ; ils revinrent à Toulouse. Charles Viguerie ne fut réformé que plus tard et ne quitta point Paris. Ces faits, que nous ignorions, nous ont été révélés par plu- sieurs lettres que Charles Viguerie adressait à son père et que nous avons trouvées parmi des papiers de famille. Elles por- tent la date de l'an VI et de l'an VII, ce qui prouve, contrai- rement à de fausses allégations, qu'il resta près de deux ans à Paris. Du reste, avant la découverte de ces lettres, nous étions déjà convaincu que le jeune Vigucrie avait dû séjourner dans la ca- pitale ; car, en dépouillant, avec MM. Laforgue et Vigucrie ne- veu, les manuscrits légués à ce dernier par son oncle, notre étonnement avait été grand en reconnaissant, écrits de la main de M. Viguerie, de nombreux cahiers renfermant les lecons cli- niques de Boyer, celles de Pinel et une quantité prodigieuse d'observations recucillies dans les hôpitaux que dirigeaient alors ces éminents professeurs. Les leçons de Boyer, ou plutôt les Cahiers de Boyer, comme les désigne M. Viguerie dans ses lettres à son père, renferment, à peu de chose près, l’œuvre complète du grand maître, œuvre qui ne fut publiée, on le sait, qu'en 1810. Ce qu'il a fait pour la clinique de Boyer, il l’a fait égale- ment pour celle de Pinel. On peut, d'après cet immense tra- vail, accompli en deux années seulement , juger de la nature des semences que son père avait fait germer en lui, et apprécier à quel point les secrets de l’art étaient déjà familiers au jeune Viguerie, lorsqu'il arriva à Paris, Sans cela, on ne pourrait comprendre comment, en si peu de temps, ct quelque grandes que fussent, d'ailleurs, l'étendue de son intelligence et son ar- 178 MÉMOIRES deur pour le travail, il eût pu saisir, avec tant de facilité et pour aiusi dire au vol, les principes de l’art et leurs développe- men(s successifs. On le voit, c'est en quelque sorte sous la tutelle de deux hom- mes de génie, Pinel, l'Hippocrate moderne, comme on l'ap- pelait alors , el Boyer , le vulgarisateur des travaux immortels de l’Académie royale de Chirurgie, que Charles Vigucrie ter- mina ct perfectionna ses études. C'est à l'école de Pinel qu’il puisa cette sûreté de diagnostic et cette sagesse d’expectation que nous admirions en lui. Ïl acquit, au contact de Boyer, cette prudence excessive et cette dextérité remarquable qui firent de lui l'habile opérateur que nous avons connu. Deux hommes célèbres , ses amis , tous deux nos compatriotes, ses aînés sur les bancs de l’école, l’associèrent à leurs études et contribuèrent puissamment , par leurs conseils et leur exemple, aux progrès de son éducation médicale. Ces deux hommes étaient Double et Esquirol, deux de nos gloires, Messieurs! Charles Viguerie revint à Toulouse. Peu de temps après son arrivée, le 10 vendémiaire de l'an IX (3 octobre 1800), il fut nommé adjoint de son père dans le service de chirurgie de l'Hôtel-Dieu. Il est dans la carrière da médecin une époque critique, sou- vent épineuse, toujours difficile, c'est le passage de la vie d'étudiant à la vie de praticien; on pourrait l’appeler le stage du doctorat. Heureux celui qui traverse ce noviciat sous Île patronage affectueux d’un sage et savant mentor! Charles Viguerie eut ce bonheur. Il trouva chez son père ce guide sûr, ce conseiller attentif que le médecin est si heureux de rencontrer à l'heure des tâtonnements et des premières hési- tations. Sous cette vigilante tutelle , et fort de la science qu'il venait de récolter à Paris, il fit ses premières armes , et ses succès comme opérateur ne tardèrent pas à faire sensation. Cela se comprend ; il arrivait de Paris où il avait vu à l’œuvre des hommes de génie, et cet avantage, rare en province à celle DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 179 époque , devail être, aux yeux du public, une puissante re- commandation. En l'an X, et après de brillants examens, il obtint, à Mont- pellier, le titre de docteur en chirurgie. Peu de temps après, il perdit sou père. L'administration des hospices, voulant reconnaître les services éminents rendus aux hôpitaux par Jean Viguerie, crut devoir, pour honorer la mé- moire du défunt, rendre publics, dans leur teneur, les consi- dérants honorables de la délibération qui, en 1802, appela le fils à remplacer le père dans le poste de chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques. Alors commença pour Charles Viguerie cette vie de travail sans repos dont on trouverait diflicilement des exemples dans les annales de la science. Toutes les branches de l'art de guérir lui devinrent familières, et il excella dans toutes : médecine pratique, haute chirurgie, accouchements, son activité suffit à tout , et son espril n’est point accablé sous le poids de ce triple fardeau. Aussi sa réputation grandit-elle en peu de temps ; elle dépassa bientôt l’enccinte de la cité, et, gagnant de proche en proche, ne tarda pas à se répandre dans tout le Midi. C'est pendant ces premières années qu'il effectua dans le ser- vice de l'Hôtel-Dicu les réformes commencées par son père, et que commandaient à la fois les besoins de la science et les pro- grès de la civilisation. Mais en même temps que ses travaux pratiques prenaient un développement considérable, Charles Viguerie, voulant justi- fier la confiance que l’on avait en lui, se livrait avec ardeur à l'étude de son art, et cherchait, en s’appropriant les éléments d'instruction qui lui manquaient , à élargir le cercle de ses con- naissances et à perfectionner une éducation que les événements politiques avaient si brusquement interrompue. Cette seconde éducation qu'il se donna lui-même explique l'étendue de son savoir dans les différentes branches des sciences et des lettres. Désireux de connaître les travaux des chirurgiens étrangers , mais voulant les lire dans le texte original, 11 se mit en mesure de connaître , en peu de temps, l'anglais et l'italien. Il faisait 180 MÉMOIRES de ce genre d'étude son délassement favori. Nous vous dirons tout à l'heure ce qu’enfantèrent des loisirs si bien employés. Pendant les dernières années de cette vie si active, nous avons {ous entendu répéter, nous avons eu peut-être le tort de répéter nous-même cette phrase banale : «M. Viguerie mort , » il ne restera rien de lui.» Nous nous inscrivons en faux contre cette prédiction faite trop à la légère , et nous affirmons, après examen , qu’il restera beaucoup de M. Vigucrie. Et d'abord, jetons un coup d'œil rapide sur ses travaux scientifiques. Les manuscrits de M. Viguerie sont nombreux , et à mesure qu'ils passaient sous nos yeux , notre étonnement égalait notre Joie; ear, quelle que fût notre admiration pour l’illustre maître, nous étions loin de nous attendre à d’aussi précieuses décou- vertes. Malheureusement quelques-uns de ces travaux ne sont pas terminés, el plusieurs, dont nous ne connaissons que le titre, ont disparu. En revanche, plusieurs études importantes nous restent et sont entièrement achevées. Après avoir parcouru les différents mémoires dont nous allons vous entretenir, on se demande pourquoi M. Viguerie ne les a pas publiés. Scraït-ce qu’il les jugcät au-dessous de sa réputa- tion? C'est possible. Nous retrouvons encore ici un des carac- tères de cette nature d'élite; M. Viguerie s’effarouchait à l’idée de livrer à la publicité des travaux auxquels sa modestie n’ac- cordait qu'une mince valeur. Mais si, comme on l’a dit, n'y a de vruie modestie que dans les fortes ttes, &’est ici le cas de répéter avec Jean-Jacques que, de même que l'orgueil , la modestie extrême a ses dangers. Un premier mémoire est intitulé : Recherches sur différents . points, tant anatomiques que physiologiques et pathologi- ques ; par moi Viguerie fils. 1795, 3° année républicaine. Ce manuscrit, malheureusement incomplet , renferme une sa- vante discussion sur la formation des os. Les systèmes de Haller et de Duhamel y sont analysés avec clarté, avec méthode. Con- vaincu par les expériences de ces hommes célèbres, l’imberbe physiologiste admet la régénération des os et combat victorieu- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 181 sement les objections faites par quelques contemporains contre une doctrine tout-à-fait admise aujourd'hui. Le critique qui se prononçait avec tant d'assurance sur une question difficile était à peine âgé de seize ans. Un second mémoire a pour sujet le sarcocèle. Ce mémoire fut d’abord destiné à servir de thèse ënaugurale; mais à cet essai , écrit à Paris, M. Viguerie préféra plus tard son travail sur /a taille, que nous vous ferons connaître. Ce mémoire sur le sarcocèle laisse peu de chose à désirer pour l'histoire de ce genre de maladies. Il est écrit avec mé- thode , et l’auteur , dans ce long travail, étudie tour à tour l'histoire des différents états pathologiques des organes qui font l’objet de ses recherches. Il indique clairement les phases diver- ses qui ont signalé les progrès de l’art sur cette maladie, depuis Gui de Chauliac jusqu'à nos jours. Les causes, le diagnostic différentiel , le pronostic, le traitement médical et chirurgical du sarcocèle y sont examinés , décrits avec une clarté qui alteste des connaissances (héoriques et pratiques du premier ordre. Un troisième mémoire traite de la fistule stercorale. mérite de fixer notre attention d’une manière toute particulière. Une note volante, de la main de M. Viguerie, prouve évidemment qu'avant de prendre pour sujet de sa thèse, soit le sarcocèle , soit l'opération de la taille, il avait songé aussi à l’histoire de la fistule anale. Dans cette note, qui devait servir de dernicr paragraphe à son œuvre, il s'excuse ainsi de ce qu’il appelle la faiblesse de son travail : « Je termine ici, Messienrs, cette dis- » serlation, el Je vous prie de remarquer , après l'avoir lue, » que les idées les plus saines que j'ai pu avoir sur cette ma- » tière ont été jetées à la hâte sur le papier... Je n’ai pu faire » preuve d'érudition , les bons préceptes que j'ai puisés dans les » auteurs se sont quelquefois confondus dans mon esprit, et je » serais en peine de rappeler aujourd’hui à qui je les dois. » Après avoir parcouru ce travail ; nous ferons observer que les paroles que nous venons de citer n’étaient qu’une précaution ora- toire , derrière laquelle M. Viguerie abritait, comme de cou- 182 MÉMOIRES tume, son extrême modestie. En effet, la dissertation qui nous occupe n’est inférieure en rien à la dissertation sur le sarcocèle. Dans ce mémoire, M. Viguerie a dessiné à grands traits et avec vigueur l'histoire d'une maladie qui, pendant longtemps, mit en défaut la sagacité des plus grands chirurgiens , et dont une fatalité inconcevable et des théories erronées avaient, pendant plusieurs siècles, exagéré la gravité. Ecrite depuis plus de cinquante ans, cette dissertation est encore à la hauteur de la science, et il faudrait peu de chose pour en faire une monographie complète de ce genre de fistules. Aperçus philosophiques, étiologie, description anatomique , procédés opératoires , rien ne manque à cette œuvre, dont la concision et la clarté rehaussent le mérite. Après ce mémoire, nous devons , pour suivre l'ordre chrono- logique, vous parler de la thèse de M. Vigucrie. Elle a pour titre : Quelques considérations sur la taille latéralisée. C'est un travail complet sur l'histoire de cette grave opération , et en même temps une appréciation à la fois théorique et pratique des méthodes et des procédés concernant l'extraction de la pierre. On reconnaît, en la lisant, que M. Viguerie avait fait une étude particulière des maladies des voies urinaires. Elle atteste aussi ses vastes connaissances en anatomie, et lon voit qu’il fut un des premiers à comprendre de quelle importance devaitêtre, pour l'opérateur, l'étude de l'anatomie topogra- phique. Aussi, la description du périnée et des parties que les instruments doivent parcourir est-elle, dans ce travail, un mo- dèle de ce genre d'anatomie qu'on a, depuis Béclard et Blan- din, appelé anatomie des régions. Cette thèse nous explique, en outre, le talent avec lequel Charles Vigucrie pratiquait la taille, et ses succès comme litho- tomiste , succès si remarquables que, plus d’une fois, les chi- rurgiens de la capitale les mirent en doute (1). (a) Les personnes qui , comme nous, ont vu M. Viguerie pratiquer cette opération difficile n’ont pas oublié à coup sûr la certitude constante de sa première incision. D'un seul coup de bistouri il arrivail Loujours, avec une précision incroyable , dans la cannelure du cathéter. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 183 Nous avons dit qu'ayant l'ambition de lire dans leur langue les auteurs étrangers, M. Vigucrie s'était mis à apprendre l'an- glais et l'italien (4). I ne tarda pas à mettre en œuvre les nou- velles connaissances qu'il venait d'acquérir et fit passer dans notre idiome un ouvrage qui, vers la fin du siècle dernier, eut un grand retentissement. Nous voulons parler du 7raité des rétrécissements de l'urèthre , par Evrard Home. Après avoir parcouru la traduction de M. Viguerie , écrite en entier de sa main, nous nous sommes demandé pourquoi cette version , qui date de 1805 ou de 1806 , est restée inédite (2) ? Evrard Home, qui eut l’incontestable mérite de publier le premier l’histoire complète des rétrécissements de l’urèthre, de les décrire avec méthode et d'employer pour les combattre un traitement nouveau, Evrard Home, qui, en un mot, a ouvert un nouvel horizon pour l'étude de ce genre de maladies , n'est plus aujourd’hui à la hauteur de la science. Les immenses tra- vaux publiés depuis cinquante ans sur celte matière rendent désormais inutile la traduction de M. Viguerie, qui, par son exactitude et son élégance , aurait offert un grand intérêt si elle avait été publiée en (temps opportun. Ce que nous avons dit des travaux que nous venons de passer en revue, peut s'appliquer également à un excellent mémoire sur les avantages de l'eau froide employée comme topique. Il porte pour épigraphe : S'il était un remède universel, ce serait sûrement l'eau froide. Nous ignorons à quel tribunal scientifique M. Viguerie pré- senta ce travail. Voici le point de vue sous lequel l’auteur en- visage la question. Nous le laisserons parler : « Le mémoire » que je vous soumets , citoyens, contient quelques faits assez » importants qui n’ont pas été suflisamment observés par les (x) Il conserva toute sa vie, pour les hommes qui l’initièrent à ce genre d'étude, MM. Fitzimon et Brueys de Saint-André , une reconnaissance qui ne s’affaiblit jamais. Pendant leur longue vie, ces deux respectables vieil-- lards avaient toujours leur couvert mis chez leur ancien élève. (2) La traduction de M. Viguerie a été faite sur la deuxième édition d’Evrard Home, publié à Londres en 1795. 18% MÉMOIRES » auteurs, et qui serviront à prouver de plus en plus que l'eau » peut être employée, dans une infinité de cas, avec le plus » grand succès. » Puis il termine son préambule par cette bizarre conclusion : « Si ce mémoire est jugé par vous, citoyens, capable d’aug- » menter la somme des connaissances chirurgicales , j'en serai » salisfait; sinon il rentrera dans le néant. » : Ce mémoire est divisé en quatre paragraphes : 1° De /a nature de l'eau d'après les anciens et les modernes ; 2 ses proprilés ; 3 indication des ouvrages qui traitent de Peau au point de vue thérapeutique ; &° son emploi et sa manière d'agir. Ce cadre a été parfaitement rempli ; et, de même que pour ses autres études, c’est à l’aide de faits nombreux tirés de sa pratique que M. Viguerie sanctionne les principes divers servant de base à cet excellent opuscule. J'arrive maintenant, Messieurs, à des travaux qui ont pour l'Académie un intérêt de famille; ce sont les mémoires que M. Vigucrie a présentés et lus à la Compagnie en 1811 et 1812. Le premier de ces mémoires, dont le manuscrit a disparu , était intitulé : Traitement médical des blessures. Je ne mw'’éten- drai pas sur ce travail; car vos annales en contiennent une analyse qui n’a pas moins de trois pages (1). Je me contenterai de faire ressortir le point de vue philosophique et pratique dé- veloppé par M. Viguerie dans cette intéressante production. Il pose en principe que dans le traitement des blessures, panser les plaies et pratiquer les opérations nécessaires, ne sont que la moindre partie de la tâche du chirurgien , et que celui-là seul remplit bien sa mission, qui étudie l'état intérieur du corps , prévient par un traitement convenable les accidents qui menacent le malade, et les combat lorsqu'il n’a pu les empé- cher de se déclarer. Grands principes , Messieurs, que les plus célèbres chirurgiens n’ont pas toujours mis en pratique, ct dont M. Vigueric ne s’est jamais écarté dans sa longue et bril- lante carrière d’opérateur. (1) 22 série, &. 1, 2° partie, p. 247 et suiv. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 185 Le second mémoire, intitulé : Essai pratique sur la cicatri- sation séparée des bouts osseux fracturés, manque aussi dans nos archives. Il fut lu dans une séance de l’année 1812, et nos recueils imprimés (1) en contiennent une courte analyse que vous me permettrez de rapporter ici. « L'auteur expose les » idées généralement adsptées sur la formation du cal ; il re- » trace les causes qui s'opposent à celte opération de la nature, » et il indique la différence de la non-consolidation des frac- tures et de la cicatrisation de chacun des bouts osseux séparé- ment. Il prouve ensuite combien les dénominations de fausses articulations et d’articulations contre nature sont vicieuses a el il leur substitue celle de cicatrisation séparée des bouts os- seux fracturés. Parmi les moyens curalifs, il s’arrête au pro- cédé du séton, qui lui sert à porter sur les surfaces du bout de l'os fracturé les substances médicamenteuses capables d'y dé- velopper l'inflammation et d'en opérer la guérison. Il rap- porte ensuite deux observations qui lui sont propres , et qui démontrent évidemment les avantages du mode de traitement qu il a adopté. » Nous avons eu le bonheur de retrouver ce mémoire dans les manuscrits de l'auteur. Après l'avoir lu et relu plusieurs fois , nous n'hésitons pas à dire que les trente-six pages qui le cons- tituent suffiraient à elles seules pour fonder la réputation d’un chirurgien. Dans ce travail, écrit avec une rare concision, et où sont discutés avec une étonnante sagacité les questions les plus ar- dues de la haute chirurgie, on retrouve toutes les qualités , tous les mérites qui distinguèrent M. Vigueric. Les deux observations qu'il renferme , l’une de résection du fémur, l'autre de fracture non consolidée de l'humérus traitée par le séton , et toutes deux terminées par la guérison, outre leur valeur intrinsèque, ont encore le rare mérite d’avoir été publiées à une époque où la science comptait à peine quelques exemples de résection couronnés de succès, et où l'on ne con- S © ww: ND M. wi NS ut 1 ————_—_—_—_— (1) 2€ série, L. 1, 2€ partie, p. 250. 186 MÉMOIRES naissait en France aucun eas de cicatrisation des bouts d'os fracturés, traitée par le séton. Quand il écrivit son mémoire, M. Viguerie savait que l’au- teur de la méthode da séton était un chirurgien d'Amérique dont il ignorait alors le nom ; c’était Physick, de Philadelphie. Il dit à ce propos « avoir appris de M. Percy que ce moÿen » avait été employé avec succès par un des élèves de ce grand » chirurgien et sous ses yeux; que M. Rigal, très-habile chi- » rurgien de Gaillac, l’a également mis en usage; mais qu'il a » toutes les raisons de croire que l'observation qui lui est per- » sonnelle a été faite à une époque antérieure à celles publiées » par ces deux docteurs. » Là se termine, Messieurs, l'inventaire des manascrits de M. Viguerie; et, vous le voyez, je n'avais pas tort d'affirmer qu'il nous resterait quelque chose de lui. Les travaux que nous venons d’énumérer, réunis à la tra- duction d'Evrard Home, formeraient un volume qui tiendrait une place honorable dans la bibliothèque de tout chirurgien instruit. La publication de ces différents manuscrits, de ces œuvres posthumes, serait un dernier et durable hommage rendu à la mémoire de Charles Vigucrie. Le mausolée le plus fastueux ne tarde pas à tomber en ruines, mais le temps n’a point de prise sur les œuvres de l'intelligence. Les tomheaux d'Hippocrate, de Platon, d’Aristote ont disparu depuis longtemps, et cependant leurs œuvres , que les générations se lèguent d'âge en âge et par un testament tacite, seront pendant bien des siècles encore l’or- nement et la gloire de l'esprit Bumain. Qui sait même si M. Viguerie, dépouillant enfin toute fausse modestie, n’exprima pas indirectement, en léguant par testa- ment ses manuscrits à son neveu, le désir de voir publier des travaux auxquels, au moment de mourir, il reconnaissait une valeur, une portée qu’il leur avait déniées jusqu'alors ? L'héritier de ce précieux dépôt, fils par la science de l’homme dont nous étudions la vie, M. Charles Viguerie, notre confrère, qui porte si dignement le lourd fardeau d’un nom deux fois PR RDS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 187 illustré, s'empressera, nous l'espérons, d'accomplir le vœu que nous formons ici, et transmettra religicusement à des dis- ciples respectueux ce qui reste des travaux d’un maïtre re- gretté. C'est pendant les dix premières années de sa pratique que M. Viguerie écrivit les différents mémoires que nous venons d'analyser. Bientôt aux exigences d’une clientèle considérable , aux obligations que lui imposait le service de l'Hôtel-Dicu Saint-Jacques, théätre de ses brillants succès, vinrent se joindre les fatigues du professorat, Nommé, par le décret impérial du 1% mai 1806 (1), professeur de clinique externe à l'Ecole im- périale de médecine de Toulouse , il apporta dans l’accomplis- sement de cette nouvelle tâche , toutes les brillantes qualités qui le distinguaient, et que l'on retrouve à chacune des pages sa- vantes que nous vous avons fait connaître. Pour nous, nous u'oublierous jamais avec quelle méthode, quelle lucidité, il déroulait à nos yeux les principes de la science , que son style sobre , simple ct précis, toujours à la hauteur de nos jeunes intelligences , gravait facilement dans notre esprit. M. Vigucrie a professé durant près de quarante ans. Ses ac- cablantes occupations rendirent, pendant les dernières années de son séjour à l'Hôtel-Dicu, ses conférences cliniques très- rares, et ce fut un malheur pour tous. On doit vivement regret- ter qu'aucun auditeur n'ait recueilli les leçons de M. Viguerie, comme M. Viguerie avait recueilli les leçons de Pinel et de Boyer ; qu'aucun de ses élèves favoris n'ait pensé à fixer par la slénographie cette parole si nourrie d'idées pratiques et de science profonde. C'est une perte irréparable que nous ne sau- rions trop déplorer. En effet , soit dans ses lecons cliniques, soit dans ses consultations, soit dans ses entretiens journaliers, semblable à ce personnage qui, dans les contes de fées, laisse tomber des perles lorsqu'il parle, M. Viguerie formulait à cha- que parole ces axiomes pratiques, ces aphorismes cliniques, ces points de vue particuliers et originaux , qui sont l’apanage (1) L'Ecole ne fut installée que le 7 mai 1807. 188 MÉMOIRES des esprits supérieurs , et que l’on chercherait en vain dans les écrits dogmatiques , ou dans les enseignements de l'Ecole voués exclusivement aux aperçus généraux. C'eùt été, nous le comprenons, une rude tâche, une œuvre difficile, que de noter une à une, et pour ainsi dire en cou- rant, ces nuances insaisissables, ces aspects divers qui frappent l'esprit des grands praticiens en présence de l'infinie variété des maladies soumises à leur examen. Eux seuls, par une étude patiente et de tous les instants, pourraient traduire fidèlement et rendre appréciable à tous le travail de leur pensée ; mais mal- heureusement, et on l'a dit bien souvent, les médecins prati- ciens n’écrivent pas ou n'écrivent que fort rarement. Nous avons exprimé le regret qu'aucun auditeur de M. Vi- guerie n'ait recueilli la parole de l'habile professeur. Soyons justes cependant, et rappelons ici que l’un de ses élèves, aussi instruit que modeste, publia, en 184%, dans le Journal de médecine et de chirurgie de Toulouse (1), les dernières leçons de M. Viguerie ; et c'est en relisant le travail de M. Laforgue que, retrempant nos souvenirs, nous avons pu caractériser ce que nous appellerons la manière du maître. Nous passerons sous silence, Messieurs, les quelques perfec- tionnements que M. Viguerie apporta à certains procédés opéra- toires. Nous ne citerons même pas ces cas particuliers, ces mo- ments d'à-propos , fréquents dans la vie des grands opérateurs, moments dans lesquels les règles de l’art font défaut, cas ex- trêmes où le chirurgien doit à l'instant et sans hésitation trou- ver en lui-même les ressources que l’art lui refuse. Il serait aussi trop long , vous le comprenez, d'examiner ici les opinions de M. Viguerie et ses préférences relativement à tel ou tel procédé opératoire. Tous ces détails , du reste, sont consignés dans les thèses de ses nombreux élèves; c’est encore une quantité de science à ajouter à la somme de ses travaux. Après avoir retracé les circonstances diverses qui ont pré- Q) TT, vu, p. 65. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 189 paré, déterminé, agrandi la réputation de M. Vigucrie, es- sayons de rechercher maintenant les causes qui en légitiment la longue durée. Ce n’est pas, Messieurs, sur le terrain mouvant de la mode ou de l'engouement que se fondent les grandes réputations mé- dicales. Pour qu'elles soient longtemps stables, pour qu’elles brillent d’un éclat toujours pur, il faut qu'un consentement unanime leur ait donné sa lente consécration. Différant en cela du conquérant et du poëte, qu'une seule victoire ou qu’une seule couronne immortalise , c’est lentement , après des succts incontestés, ou par des ouvrages, fruits d'une longue expé- rience , que le médecin acquiert des titres aux hommages de ses contemporains et de la postérité. Nous l'avons vu, M. Vigucrie grandit rapidement dans l’o- pinion publique, et l’on pourrait, sans exagération , donner pour épigraphe à son éloge cette pensée du poëte : Vires ac- quirit eundo. Nous l'avons dit aussi , les circonstances le servi- rent et lui aplanirent la route. Mais ces considérations ne sont que secondaires ; les principales trouvent leur raison d’être dans les appréciations d’un ordre plus élevé. Aux brillantes qualités de l'esprit, à une profonde instruc- tion médicale, puisée aux sources vives de la science, M. Vi- guerie joignail un sens droit, un jugement prompt et sûr; il possédait au suprême degré cet ensemble de facultés exquises qu'on ne peut rigoureusement définir, que l’on désigne sous le nom de tact médical, et qui, chez certains praticiens, acquiert un tel degré de délicatesse et de précision, qu'on pourrait l’ap- peler à bon droit la seconde vue du médecin. On le devine sans peine , avec un esprit aussi philosophique et aussi pratique que celui de M. Viguerie, les systèmes, ces dangereux météores qui sillonnent de leur éclat trompeur les horizons de la science, le trouvèrent toujours calme et patient. Aussi vit-il passer sans s'émouvoir, et malgré leurs dangereuses séductions, tous ces dogmes nouveaux qu’un ardent prosély- tisme impose quelquefois aux plus froides imaginations. Et certes, Messieurs, l’homme qui sut résister à l'entraîne- 4° S. — TOME Vi. 13 190 MÉMOIRES | ment des principales écoles que le dix-neuvième siècle vit éclore, {it preuve d'une haute raison. En effet, soit que Brown, pro- duisant sous des noms nouveaux la théorie des méthodistes, re- garde l'iscitabililé comme le principe de la vie ; soit que Ra- sori , après avoir propagé en Italie le système de Brown, refonde dans le moule de sa fougueuse imagination , et sous le nom de Contre-stimulisme , la doctrine du médecin anglais; soit, en- fin, que Broussais, reprenant à son tour les mêmes données, crée sous le nom de Médecine physiologique une théorie sé- duisante à force de simplicité, M. Viguerie laisse passer l'heure de l’enthousiasme , suit avec attention les tentatives qui se pro- duisent autour de lui, n’arbore aucun drapeau ; mais dès qu'une vérité sort brillante et radieuse de ces aventureuses innovations, il s'en empare et la propage en la sanctionnant par sa vaste ex- périence. Chez M. Viguerie, comme chez tous les hommes éminents, le désir d'apprendre augmentait en raison directe de la somme des connaissances acquises. C’est sans doute à cette soif, toujours inassouvie, de découvertes et de conquêtes, que M. Viguerie dut d'échapper au doute énervant, au désolant scepticisme qui envahissent trop souvent l'esprit des vieux praticiens ; car la plupart, soit lassitude , soit amour du passé, arrêtent à un temps donné le bilan de leur savoir , et n’apprenant plus rien, nient le progrès , semblables au paralytique qui nierait le mou- vement. Voilà comment M. Vigucrie demeura pendant cinquante ans le. propagateur des saines doctrines médicales, et nous devons le dire pour l'honneur de sa mémoire, si l’on fait de bonne mé- decine à Toulouse, si nous nous trouvons constamment à la hauteur des progrès de l’art, c'est que nous suivons les exem- ples du maitre, et que son influence se fait encore sentir parmi ses disciples. Il eut quelques émules, — nous nous plaisons à le recon- naître, — mais aucun d'eux n’exerça au même degré sur l’es- prit des jeunes médecins cette domination entrainante , irrésis- lible et feconde. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 191 M. Viguerie eut un génie qui lui fut propre, le génie de la pratique, génie qu'il subit en quelque sorte. S'il n'avait pas dépensé sa puissante organisation au service d’une clientèle sans limites, on ne saurait en douter, il eût fait beaucoup pour la science. Tout prouve qu’il a manqué de ces loisirs qui permet- tent aux savants de coordonner, d'analyser leurs idées et de les présenter sous un jour favorable. En un mot, si M. Vigucrie eût moins donné à ses contemporains , il aurait Jaissé davantage à la postérité. Et pourtant, qui oscrait dire qu'il n’a rien fait pour l'art? Seraient-ce ces nombreuses générations de praticiens qui sont fiers de l'avoir eu pour maître ? Seraient-ce ses élèves , qui, de- venus à leur lour professeurs, transmettent de main en main, comme les flambeaux dont parle le poëte, les lecons qu'ils avaient reçues de lui ? Ami passionné du progrès, M. Viguerie se faisait le propa- gateur de toute découverte utile. I lisait beaucoup, mais il ré- fléchissait davantage. Nous croyons même qu’il a beaucoup plus réfléchi que lu ; semblable en cela au célèbre Hobbes, qui di- sait que s'i/ avait donné autant de temps à la lecture que les autres hommes de lettres, il aurait été aussi tonorant qu'eux (4). Dans les différentes assemblées dont il fit partie, sans cesse à jour, — passez-moi celte locution, — sur les ques- tions du moment, soit qu'il s’agit de médecine, de finances, d'administration où d'agriculture, il était toujours l'écho des meilleures doctrines et des plus récentes découvertes. Nous avons parlé d'agriculture, Messieurs; vous compren- drez qu'après avoir lu le remarquable travail que notre con- frère, M. Noulet (2), a publié sur les connaissances agricoles de M. Viguerie, nous n’ajouterons rien à ce qui a été dit beau- coup mieux que nous ne saurions le faire. Cette aptitude à tout apprendre, à tout savoir, à tout dis- (1) Bayle, art. Hobbes, remarq. C. (2) Notice sur M. Viguerie , par le Docteur Noulet (Journal d'Agricult- ture ; juilleL 1855). 192 MÉMOIRES cuter, forca M. Vigucrieà faire bien des infidélités à la médecine. Heureusement, son ambition , à bon droit satisfaite, contreba- lança puissamment les entraînements de la politique à une épo- que où, devenu Fun des chefs du parti libéral à Toulouse, il eüt pu si facilement occuper dans nos grandes assemblées cons- titutionnelles un poste à la hauteur de son savoir et de son pa- triouisme. A l'encontre des médiocrités qui recherchent par tous les moyens des titres , des places et des honneurs, M. Viguerie était de ces hommes que les honneurs, les places et les titres vien- nent chercher. Il devint ainsi, et presque à son insu, édile du département et de la cité, membre correspondant de l’Aca- démie impériale de Médecine et d’un grand nombre de sociétés savantes. Il fut fait successivement chevalier, puis officier de la Légion d'Honneur, chevalier de l'ordre de Charles HI; mais ce fut seulement à ses obsèques, en voyant briller sur son cer- cucil les insignes des ordres auxquels il appartenait, que l’on connut les distinctions qu'il avait si bien méritées. Si M. Vigucrie s’est toujours modestement dérobé aux mani- festations de la reconnaissance publique, elles ont pu se pro- duire, da moins, en toute liberté après sa mort, et rendre à sa mémoire les honneurs qu'il avait obstinément déclinés pendant sa vie. Par une mesure (out exceptionnelle, l'administration des hospices a placé le portrait en pied de l’illustre opérateur dans le lieu même où , pendant quarante-quatre ans, il avait rendu de si éminents services à l'humanité. Une plaque de marbre désigne au passant la maison où M. Viguerie a recu le jour, et la rue où s'élève cette maison porte le nom de rue Viguerie. Nous venons de faire passer sous vos veux les titres de M. Vi- gucrie à la reconnaissance du monde savant. Complétons notre tableau en retraçant ici les sentiments généreux dont il était animé; car chez lui les qualités de l'esprit n’amoindrissaient en rien les qualités du cœur. Nous nous bornerons, dans cette dernière partie de notre DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 193 travail, à raconter quelques faits qui, mieux que tous les éloges, caractériseront l’homme de bien. Parmi les faits nombreux que nous pourrions citer , nous choi- sirons à dessein ceux qui se rapportent à la profession médicale ; ce sera, nous le croyons, la meilleure manière de montrer à la fois l'intérêt que M. Viguerie portait aux étudiants malheureux et le noble usage qu'il faisait de sa fortune. Peu de temps après la mort de M. Viguerie, le docteur Nilo publiait, dans un journal portugais, la Revolucao de Setem- bre, un article inspiré par la reconnaissance et qui fait autant d'honneur au bienfaiteur qu’à l’obligé. Simple sous-aide dans l’armée portugaise, entièrement dépourvu de moyens pécu- niaires, — ce sont les termes dont se sert l'écrivain portugais, — M. Nilo fit part de sa position à M. Viguerie, qui le prit en amitié , le garda pendant six ans près de lui , et ne le laissa re- tourner à Lisbonne que muni du titre de docteur. M. Nilo ajoute que son fils Charles doit, lui aussi, à la bonté inépuisable de M. Vigucrie , une position honorable dans le corps médical fran- cais. Un jeune étudiant, compromis dans les troubles politiques qui, en 1822, agitèrent notre Faculté de Droit, se trouva frappé par une décision du Conseil de l'instruction publique et exclu pour deux ans de toutes les facultés de France. Son avenir était menacé, sa famille désolée. Le docteur Vigucrie, instruit de la position fâcheuse où se trouvait ce jeune homme, l’appela près de lui, l'engagea à entreprendre l'étude de la mé- decine, et pendant dix-sept ans le garda sous sa tutelle, ne cessant de s'occuper de l'instruction et des intérêts de son pro- tégé. Ce jeune homme est aujourd’hui l’un des médecins les plus estimés de Toulouse : c’est le docteur Vignes , qui nous a donné lui-même ces détails avec l’accent d’une reconnaissance bien sentie. Nous demandions dernièrement à M. Delaye s’il connaissait quelques traits qui pussent honorer la mémoire de M. Vigueric. « J'en connais plusieurs, nous répondit-il ; je ne vous en cite- 19% MÉMOIRES rai qu'un seul qui me concerne. La reconnaissance ne me pèse pas, et je suis heureux de rendre hommage à la générosité dont M. Vigucrie a usé envers moi. J'avais, — c'est M Delaye qui parle, — j'avais l'idée de fonder à Toulouse une maison de santé pour les aliénés ; je soumis mon projet à M. Viguerie, qui l'approuva et m'engagea à en presser l’exécution. Il me fallait beaucoup d'argent pour arriver d'emblée à créer un établisse- ment convenable, et mes ressources personnelles étaient insuffi- santes pour aller vite. Je fis part de mon embarras à M. Vigue- rie, qui, à l'instant même, m'ouvrit un crédit illimité. Peu à peu je me suis acquitté pécuniairement, et M. Viguerie se mit fort en colère lorsque je voulus lui payer l'intérêt de son argent. — J'en ai fait davantage pour bien d’autres, me dit-il ; laissez- moi le plaisir de vous obliger gratuitement. — En un mot, ajouta M. Delaye, il m'a obligé autant que je Pai voulu.» Un jeune Toulousain, interne dans les hôpitaux de Paris, tombe au sort. Le désespoir dans l’âme, il va faire ses adieux à M. Viguerie : — « Il faut acheter un homme, lui dit le doc- » leur. -— Impossible; les ressources de ma mère sont épuisées. » — Combien te faut-il? — Tant... — Voilà la somme, re- » tourne à Paris , travaille bien et sois sage. » Le jeune homme, ému jusqu'aux larmes, écrivit en tremblant, et malgré son bienfaiteur, un billet, dont un créancier moins accommodant ne se serait pas contenté. Longtemps après, la pauvre mère put s'acquitter ; et M. Vi- guerie, déchirant en deux la lettre de change de l'étudiant, dit avec émotion : « En voici la moitié, je garde l’autre. » — Ce jeune étudiant, Messieurs , n’est autre que l’homme qui a l'hon- neur de parler devant vous; il a retrouvé dernièrement, parmi de vieux papiers, et il conserve, comme une relique, cette moilié de billet, rappelant un de ces services que les mères n’ou- blient jamais. Nous ne devrions rien ajouter à ces traits ; car ils épanouis- sent le cœur. C’est le bagage de bonnes actions que le juste em- porte avec lui pour se présenter devant son dernier Juge. Et pourtant, si nous nous taisons , que diront les hôtes de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 195 l'hôpital de Toulouse, qu’il soulagea , pendant quarante-quatre ans, de son talent et de sa bourse ; les familles, dont il fut l'ange tutélaire; les clients nomades, auxquels il prodiguait ses soins et que le titre seul d'artiste ajoutait à la liste de ses pauvres? que diraient enfin les médecins, ses confrères, qu'il soignait avec tant de zèle et d'affection, et qui éveillaient à un si baut degré sa sollicitude? Ils ne nous pardonneraient pas, nous en sommes sûr, de les avoir oubliés. La perte que Toulouse déplore, sans être irréparable, — nous ne croyons pas à la nécessité absolue de l'individu , — se fera sentir longtemps encore, et il serait difficile de prévoir à qui reviendra l'héritage d'Alexandre que ses lieutenants se sont partagé. Par un privilége bien rare, cette intelligence si active et si nette a conservé toute son énergie jusqu'à la dernière heure. Jusqu'à la dernière heure les sens de M. Viguerie ont conservé de même toute leur intégrité ; en sorte que l’on pourrait dire que, par une faveur toute spéciale, M. Vigucric a échappé à cette condition de l'humanité qui nous condamne à mourir en détail. Pendant le cours de sa lente maladie, qui l’a tenu plusieurs mois séparé du monde et de ses clients, les quelques intimes qui ont pu l’approcher l'ont vu avec étonnement prendre part aux événements qui se préparaient en Europe, et s’occuper des pro- grès scientifiques et industriels qui intéressaient le pays ; c'était même avec une ardeur juvénile qu'il les appréciait et les discu- tait. Enfin, lorsque les progrès du mal ne lui ont plus laissé d’il- lusion sur son état, il s’est, nous l'avons vu, replié sur lui- même avec un calme stoïque , et s'est préparé, sans faiblesse comme sans jactance, à une séparation bien cruelle, on le sent, pour un homme que de si puissants liens d'affection rattachaient à la vie. ; Si, depuis ce moment, il se montra sérieux et recueilli, c’est que son cœur était calme et son esprit serein. Après un aussi long labeur, cet homme, qui ne s’était jamais donné un instant 196 MÉMOIRES de repos, entrevoyait sans effroi le sommeil de la tombe , bien sûr de trouver, au delà du trépas, la récompense de ses méri- tes et de ses vertus. À cette heure suprême, il n’oublia aucun devoir. Il embrassa et bénit ses enfants, confondit ses amis dans un adieu solennel, et avec cette sérénité qui n’abandonne ja- mais Îles consciences pures, il rendit son âme au Créateur. Nous avons exprimé, en abordant notre tâche, la crainte de désobéir aux dernières volontés de l’homme dont nous avions à retracer la vie. Si, comme le rapportent les anciennes légen- des, l’âme du juste vient errer quelquefois aux lieux de son exil terrestre , espérons que notre vénéré maître nous aura en- tendu sans colère , et qu'il se dira, en regagnant son éternelle demeure : « Pardonnons-leur , ils ne m'ont pas tout-à-fait ou- » blié. » DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 197 RAPPORT SUR LES MÉDAILLES D'ENCOURAGEMENT DÈCERNÉES PAR L'ACADÈMIE EN 1856; Par M. U. VITRY, Secrétaire perpétuel. MESSIEURS , Les médailles d'encouragement offertes par l’Académie aux auteurs de découvertes d'objets d’antiquité ou de géologie ont amené encore une fois diverses communications : comme l’an- née dernière, la Faune fossile occupe le premier rang tant par le nombre que par l’importance de ses produits. Nous devons nous en féliciter, car l'anatomie comparée peut être considérée comme l’un des faits les plus saillants de notre époque ; c’est elle qui a permis de soulever un coin du voile qui couvre les mystères de la création en assignant aux diverses parties qui composent les êtres leurs rapports et leurs attribu- tions; c'est elle qui donne en quelque sorte à l’homme cette double vue qui le guide pour déterminer sur les plus petits fragments, l’ordre, le genre, l’espèce et la taille de ces êtres dont la plupart ont entièrement disparu! C’est elle qui fournit les moyens de décider quelquefois, d’après l'inspection d’une seule dent ou même d’un os quelconque , si l'animal dont pro- vient ce débris se nourrissait de végétaux oa de chair! Ces résultats merveilleux font comprendre tout ce qu’il y a de vérités cachées et de faits historiques dans les restes fossiles dis- séminés au fond des entrailles de la terre ; on éprouve un sen- timent d'admiration pour la science qui peut exhumer ainsi des générations entières , rapprocher des débris sans nom, et créer, avec ces éléments réunis , des quadrupèdes et des reptiles dont 198 MÉMOIRES les dimensions colossales ou les formes bizarres rappellent les créations fantastiques des poëtes et de l'antiquité. Quant à moi, que mes études et mesoccupations spéciales ont tenu éloigné de cette science si attrayante, je m'incline devant un spectacle que je contemple avec respect, et si je viens vous entretenir des découvertes signalées à l’Académie, c’est unique- ment pour accomplir un devoir, et seulement comme le simple sténographe de chacun de mes savants confrères qui ont été chargés de les examiner ; leurs rapports si précis et si succincts, n'étant point d’ailleurs susceptibles d'analyse, me font un devoir, lors même que mon insuffisance ne m'en ferait pas une loi, de m'effacer entièrement et de leur laisser la parole. Au mois de juin 4855, M. le baron du Périer, membre du Conseil général de la Haute-Garonne, adressa à l'Académie des débris d’'ossements fossiles découverts dans le vallon de Gardi- gcol, près Monestrol , arrondissement de Villefranche. Ces ossements, dit M. Noulet dans son rapport, étaient fixés dans une argile molassique dont il a fallu les dégager pour les apprécier. Les pièces les plus nombreuses se rapportent à des fragments de carapace et de plastron d’une tortue de taille assez forte qui paraissent revenir au groupe des {ortues paludines et au genre Emyde (Emyr.) On y a trouvé deux portions de mâchoire inférieure d’un petit ruminant , à peine de la taille de l'isard ou chamois des Pyrénées , et qui, par les tubercules placés entre les collines des molaires, à la base du fût, semble rentrer dans le groupe du cerf. De plus, trois couronnes de dents coniques appartenant à un crocodilien. L'état fort incomplet de ces différents morceaux n’a pas per- mis d'arriver actuellement à des déterminations plus précises ; néanmoins, tels que sont ces restes d'animaux aujourd'hui éteints, ils offrent un incontestable intérêt, et nul doute qu'ils ne puissent être rigoureusement déterminés lorsqu'on aura suf- fisamment étudié un grand nombre de débris identiques et variés provenant de quelque gisement des environs de Toulouse. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 199 Sur les conclusions de M. Noulet, l'Académie, en donnant une médaille d'argent à M. du Périer pour sa découverte importante, l’engage à faire recueillir avec soin les débris fossiles qui pour- ront être découverts sur son domaine, dans le but de compléter cette première communication. Le même rapporteur avait été chargé d'examiner divers os- sements récemment découverts au roc de Lunel et recucillis avec un frès-grand soin par M. Parayre, pharmacien à Castres, qui a déjà été lauréat de l’Académie , en 1855, pour une com- munication analogue. M. Noulet s'exprime ainsi : «M. Parayre nous ayant confié ces objets encore empâtés dans la gangue, nous nous sommes appliqués à les isoler de la pierre calcaire qui les enveloppait en grande partie, ce qui nous a permis de les apprécier convenablement. » Ils consistent en des débris de deux mâchoires de Zophiodon de Lautrec { Lophiodon Lautrecensis Noccer), ayant fait partie d’une même tête appartenant à un individu adulte, mais jeune encore. » Nous y avons distingué : 1° la portion antérieure des deux branches de la mâchoire inférieure, offrant en place cinq des racines des dents incisives et un espace vide qu'avait occupé la sixième , les racines en place des deux canines et les six molai- res de chaque côté. Malheureusement la plupart de celles-ci ont leur couronne fracturée et souvent incomplète ; néanmoins nous sommes parvenus à en détacher les quatrième ct cinquième d'une bonne conservation. » 2 Plusieurs dents molaires supérieures en série, mais d’une difficile extraction ; nous en avons détaché deux dont la couronne est en bon état. » Si l’on veut bien se rappeler que nous avonsétabli, en 1851, le Lophiodon de Lautrec sur une mandibule offerte à la ville de Toulouse par M. le comte de Foucaud, par l'intermédiaire de notre confrère M. Belhomme , et que cette partie était fort in- complète, on comprendra toute l'importance qu'offrent les mor- ceaux recueillis par M. Parayre, qui non-sculement sont venus 200 MÉMOIRES confirmer nos premières appréciations, mais qui nous permet- tent d'ajouter des caractères tirés des dents supérieures. » Decelles-ci nous n’en connaissons que trois isolées et prove- nant des grès molassiques des environs de Castres , que M. l'in- génicur Alby nous avait données. » Les molaires offertes par les nouveaux ossements sont con- formes à celles-ci et ne peuvent laisser aucun doute sur leur provenance spécifique , puisqu'elles faisaient partie de la même tête que les inférieures, encore fixées à la mandibule. » Ce quenous venons dire suffira pour faire comprendre l’im- portance paléontologique des ossements présentés à l'Académie par M. Parayre, et justificra, nous l’espérons, la proposition que nous soumettons d'accorder, à ce savant recommandable, une nouvelle médaille d'argent. » Ces conclusions ayant été adoptées, l'Académie a décerné à M. Parayre une nouvelle médaille d'argent. M. Leymerie est venu à son tour communiquer son rapport sur une suite de fossiles recueillis par M. Abadie, pharmacien au Fousseret, dans les couches supérieures du terrain tertiaire des cantons du Fousseret, d’Aurignac et de l’Isle-en-Dodon. « J'ai recherché, dit M. Leymerie, à rapporter chacun de ces fossiles à son genre , quelquefois à son espèce , et j'en ai dressé l’état suivant : Mastodonte. Dent à huit pointes coniques........... Riolas (l'Isle-en-Dodon). Fragment d’une dent.................. Jdem. Dent molaire à six mamelons........... Castelnau-Picampeau. Fragment de dent. ....... SR se cms LUE (WUUSNCTEL)e Fragment de défense................. . Benque (Aurignac ). Dinotherium. Deux fragments de dents. ............. Cazac (l'Isle-en-Dodon). KRhinoceros. Rh. tetradactylus. Cinq molaires dont une très-grande. .. ses... Cazac (YIsle-en-Dodon). Un fragment de fémur. ............... dem. La partie supérieure d’un tibia......... Fousserel. [ne dents... rte doucrecpes.ntsddém. Une grande incisive cassée à la pointe... dem. ns DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 201 Chœrotherium (Larter). Espèce nouvelle. Deux demi-mâchoires privées de leur portion antérieure..... Fousseret. Deux belles dents canines dont la forme donne à notre animal uu caractère par- MCULERS = senc mrerertniondecsere.se) APN. » À cet envoi, qui se compose de vingt pièces principales , il est juste d'ajouter la mentien de plusieurs molaires de Dino- therium et des portions de mächoires de Dicrocerus elegans , précédemment envoyées à Toulouse. » Les découvertes successives de M. Abadie viennent confirmer l'existence, signalée par M. Lartet, d’une bande fossilifère qui s’étendrait dans la direction de l’est à l’ouest, au bord du grand dépôt miocène qui a comblé le bassin sous-pyrénéen et qui suit à peu près le pied des montagnes. Cette bande est principale- ment caractérisée par la présence de nombreux débris du Dino- therium. » La partie de cet habitat, qui appartient au département de la Haute-Garonne , comprise entre Rieux et Boulogne , n'avait été signalée au Fousseret et dans les environs que par de rares dé- bris ; cette lacune se trouve comblée par les soins de M. Abadie, et nous connaissons maintenant des localités fossilifères dans toute l'étendue de cette zone; nous citerons particulièrement Rieux , Fousseret, Castelnau-Picampeau, Francon, Ben- que, Alan, Bachas, Saint-André, Cassagnabère, Esca- necrabe, Ciadoux , Boulogne. » Le Dinotherium, ordinairement accompagné du Mastodonte et souvent même d'une ou deux espèces de Rhinocéros , occupe en général dans cette bande les points les plus élevés des collines, et semble caractériser la partie la plus moderne de nos dépôts tertiaires. » Les fossiles envoyés par M. Abadie ont donc une grande im- portance géologique. Sous le rapport paléontologique, nous signalerons comme particulièrement intéressants, les débris de Chærotherium (animal voisin des cochons) trouvés au Fousseret même. Ils consistent en deux demi-mächoires un peu incom- 202 MÉMOIRES plètes à leur partie antérieure et en deux canines en très-bon état. » Ces pièces constituent par leur ensemble les plus beaux spé- cimens de ce genre qui aient été trouvés jusqu’à ce jour, si l’on en juge par la description des parties dont M. Lartet a pu dis- poser pour constituer le genre et les espèces. » Relativement à la Haute-Garonne, la présence de cet animal ‘est un fait presque nouveau, car jusqu'ici on ne l’a cité qu’une fois à Bonrepos. L'espèce du Fousseret est évidemment diffé- rente et très-probablement inédite. » L'ensemble des résultats obtenus par M. Abadie constituant un titre sérieux à l'approbation et aux encouragements de l'Académie, une médaille d'argent avec éloges lui a été dé- cernée. Après l'examen de ces monuments sur lesquels repose la chronologie des temps primitifs de notre planète, et qui sont pour le géologue ce que sont les médailles pour l'historien , l'Académie a eu à s'occuper de nouvelles découvertes d’archéo- logie faites à Saint-Jean-de-Verges. M. du Mège, au nom de la Commission nommée par M. le Président, a pris la parole en ces termes : « Vous avez, en 1855, distingué, par l'octroi de l’une de vos médailles, le zèle éclairé de M. Grat; cet explorateur, stimulé par le désir de mériter de plus en plus votre approbation en travaillant à l’accroissement des sciences historiques, vous a fait, cette année, un nouvel envoi de restes antiques. » Ces objets sont en petit nombre; ils se composent de mé- dailles et de quelques fragments de vases en terre cuite et en verre. » Les médailles se divisent en trois catégories : médailles ou monnaies de la péninsule hispanique, médailles présumées grecques, médailles impériales romaines. » Dans la première série, on trouve un moyen bronze offrant d'un côté une tête et de l’autre un taureau, au-dessus une couronne , à l’exergue une légende en caractères celtibériens très-frustes ; une autre médaille de la péninsule offrant d’un DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 203 côté une tête casquée et de l'autre un cheval ailé et la légende EMPORITON , appartient à la ville d'Empourias. » On remarque parmi les médailles romaines : » Un Auguste petit bronze, ayant au revers l'autel de Lyon entre deux Victoires; » Un Antonin Pie ; » Un Probus, en revers Jupiter Conservateur , IOVI CON- SERVATORI ; » Un Constantin petit bronze ; » Hélène, mère de Constantin ; » Un moyen bronze de Flavius Magnantius, ayant au revers le monogramme da Christ entre l'alpha et l'omega ; » Etenfin quelques petits bronzes peu importants. Cette série de médailles de peuples divers et d'époques différentes, aux- quelles il faut en ajouter deux autres de fabrique grecque, mais peu reconnaissables, sembleraient annoncer qu'il y eut à Saint- Jean-de-Verges , depuis une époque très-reculée jusqu’au temps du Bas-empire, une réunion d’habitans où peut-être un Empo- rium ou marché, comme on peut le présumer pour Vieille- Toulouse et pour une foule d’endroits qui se trouvaient placés sur les routes suivies autrefois par le commerce. » Des fragments de vases ont été trouvés dans la même loca- lité; l'un percé de trous, comme le serait un filtre, a eu des ana- logues dans l’ancienne Climberis Augusta, aujourd'hui Auch, » Quelques autres sont en verre, ayant des ornements teints de vives couleurs. » Vous connaissez, Messieurs, ce que dit Pline sur l'inventeur des verres. Il est bien permis de révoquer en doute l’anecdote qu'il raconte à ce sujet. On peut douter aussi de ce que dit Fla- vius Josèphe, auteur des Antiquités judaïques et de l’histoire de la guerre de sa nation contre les Romains. Mais ce qui est hors de doute, c’est l'emploi du verre, en Egypte, à une époque très-reculée. Parmi les auteurs grecs, Aristote et Aristophane sont cités comme ayant parlé du verre. Parmi les poëtes latins, Lucrèce a le premier parlé du verre. 20% MÉMOIRES » L'art avait embelli les vases de verre, et de bas-reliefs et de couleurs très-vives ; aussi recommandait-on de ne pas se servir de ces objets dans des réunions trop animées. »Winkelmann , qui nous a si bien fait connaître les arts chez les anciens , s’est spécialement occupé de leurs ouvrages de verre; suivant lui, les peuples auxquels nous avons succédé en faisaient un usage plus fréquent que nous, quelquefois les cou- pes avaient un ornement saillant qui tenait au verre au moyen de la soudure. A l'égard des verres composés et colorés, l’indus- trie des anciens, selon Winkelmann, a de quoi nous étonner. Il rapporte qu'il a vu des morceaux de cette substance offrant des figures sur un fond obscur et colorié. Lecontour des figures était parfaitement arrêté ; les couleurs belles et d’un effet très- doux, paree que l'artiste y avait pratiqué tour à tour, suivant l'exigence des cas, les verres opaques et les verres transpa- rents. C’est ce que l’on remarque aussi dans les fragments découverts à Saint-Jean-de-Verges par M. Grat, et ces morceaux, ainsi que d'autres trouvés en divers points de l’Aquitaine et de la Narbonnaise, nous montrent que le goût des verres co- loriés existait aussi dans nos contrées. Winkelmann n'avait guère vu que des fragments ainsi façonnés , et il en concluait avec raison des idées générales sur l'emploi de ces sortes de vases. Les restes que l’on a présentés à l’Académie n'offrent pas moins d'intérêt et ils seraient parfaitement placés dans un Musée d’antiquités. » M. Grat s'étant montré, par cette communication, digne des encouragements qu'il a déjà reçus en 1855, l'Académie lui dé- cerne cette année le rappel, avec éloges, de la médaille d’ar- gent qui lui a été accordée à cette époque. Tels sont les résultats obtenus en 14856, à la suite de l'appel qui avait été fait par l'Académie; probablement un grand nom- bre de débris fossiles ou d'objets d'archéologie amenés en lu- mière par le hasard, sont tombés entre des mains incapables ou indifférentes, qui les ont rejetés avec dédain; mais DOS eEnCOUura- gements éveilleront sans doute l'attention publique, et peu à peu une hospitalité, bien peu coûteuse assurément, s'ouvrira DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 205 pour ces gages précieux de l'antiquité de notre globe ou de notre histoire nationale. Ces encouragements vont prendre encore une nouvelle exten- sion, grâce à l'initiative due à notre ancien président, M. Hamel, qui, dans son discours d'ouverture de la séance publique de 1855, proposa de les étendre à tousles objets desétudes de l’Aca- démic. Notre président actuel, M, Filhol, vient de proposer à son tour d'y faire participer la découverte ou l'introduction de nouveaux procédés ayant pour but de développer ou d'améliorer l’indus- trie méridionale. Ces propositions ont été adoptées dans laséance du 8 mai, et désormais nos médailles, ainsi que la publicité de notre Recueil, sont offertes à toutes les communications scienti- fiques, littéraires ou industrielles se rapportant aux travaux de l’Académie. Ainsi « les divers modes d'action de notre Compagnie pren- dront un accroissement, pour ainsi dire, indéfini ; l'accès ouvert auprès d'elle, multiplicra de jour en jour le nombre deses cor- respondants, et, par ses efforts, elle s'associcra de plus en plus aux tendances de notre époque, dont le but est d'élargir toujours davantage les portes de la science, en rendant nos prix acces- sibles aux plus modestes ambitions (1). » (1) Discours de M. Hamel, Mémoires de l Académie des Sciences de Tou-. louse , 4° série, Lom. v, pag. 247. k°S,— TOME Vi. 14 206 MÉMOIRES — —— - —— ÉLOGE D'ÉTIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE ( ; Par le D' N. JOLY, Professeur de Zoologie el d'Anatomie comparée à la Faculté des Sciences de Toulouse. (Lu à L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, le 42 juin 1856.) Messieurs , Un de nos Confrères en qui l'esprit brille à côté du cœur (2), vous retraçait naguères en termes chaleureux la vie d’un de ces hommes qui font l’orgueil de la cité qui les a vus naître, et dont la mémoire , bénie de tous , survit à leurs bienfaits (3). Obscur disciple d’un maître illustre et vénéré, je viens à mon tour acquitter la dette de la reconnaissance , remplir le vœu, si honorable pour moi, d’une famille dont l’affliction survit au temps et à la mort, et vous raconter une de ces existences consacrées tout entières à la science et à l'humanité. Tr (1} La Notice qu'on va lire a été écrite pour la Biographie univer- selle Michaud, dont la 2° édition se publie maintenant à Paris. Nous nous empressons de déclarer que nous avons puisé les éléments de cette Etude dans les Motes qu'a bien voulu nous remettre M. le professeur Is. Geoffroy Saint-Hilaire , el surlout dans le livre si remarquable, au double point de vue de l'esprit et du cœur , que ce savant a publié sous le titre de Vie, Travaux et Doctrine scientifique d'Elienne Geoffroy Saint-Hilaire. 1 vol. in-12. Paris 1847. Un pareil ouvrage est un bel et touchant hommage rendu au père; mais, à mon sens, il honore encore plus son digne fils. NV. B. À moins d’indicalion contraire, loute expression, lout passage entre deux guillemets, sera emprunté à l’auteur de ce livre. Nous en prévenons le lecteur une fois pour toutes. (2) Le Docteur Desbarreaux-Bernard. (3) Le Docteur Viguerie. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 207 Vous parler d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire d’une manière digne de vous et de lui, c’est là une tâche qui, je l'avoue sans peine, accable d'avance sinon ma bonne volonté, du moins mes forces ou plutôt ma faiblesse. Mais il est des posi- tions qui obligent : la mienne est de ce nombre, et l’amour- propre doit se (aire. Je me consolerai donc si, succombant sous ce fardeau pesant et doux tout ensemble, je vous vois disposés à ne pas rejeter sur mon cœur les défaillances de mon esprit. ETIENXE GEOFFROY SAINT-HILAIRE naquit à Etampes le 15 avril 1772. Peu favorisé de la fortune et chargé d’une nom- ‘breuse famille, Gérard Geoffroy, alors simple procureur, et plus tard juge au tribunal d'Etampes , prit un soin tout particulier de l'éducation du jeune Etienne, son fils, et il eut le rare et inappréciable bonheur de trouver dans sa femme , et surtout dans sa mère, des auxiliaires aussi dévoués qu'intelligents. « Les femmes nous font ce qu’elles sont », a dit un médecin philoso- phe ( Réveillé Parise) ; or, l’aïeule paternelle d'Etienne Geof- froy avait un caractère sérieux , et les livres les plus graves étaient ceux qu'elle mettait de préférence entre les mains de son petit-fils, qui lui en faisait la lecture à haute voix. A onze ans il connaissait tous les chefs-d'œuvre du grand siècle et de l'antiquité; à onze ans il avait lu les Vies des Hommes illustres de Plutarque, et cette lecture avait fait sur son jeune cœur une impression si profonde, qu’elle ne s’effaca plus. En étudiant ces beaux modèles, l’enfant se préparait sans doute à devenir lui-même un grand homme. Entré comme boursier au collége de Navarre, et destiné d’abord à l'état ecclésiastique, Etienne Geoffroy obtenait, quel- que temps après (1788) un des canonicats du chapitre de Sainte- Croix d'Etampes. Il pouvait, s’il se décidait à entrer dans les ordres, viser à un avenir des plus brillants. Mais la Science profane avait déjà pour lui plus d’attraits que la Théologie, et au sortir du collége de Navarre, où sa bonne étoile lui avait fait trouver dans Brisson un maître qui lui avait révélé sa vocation 208 MÉMOIRES véritable , il supplia son père de lui permettre de rester à Paris et de s'inscrire parmi les élèves du Collége de France et du Jar- din des plantes. Gérard Geoffroy se laissa fléchir, et il autorisa, non sans quelque répugnarce, notre futur savant à entrer en qualité de pensionnaire libre au collége de Navarre, à condition qu'il sui- vrai les cours de droit en même temps que les cours plus spé- cialement scientifiques. Mais les arides commencements de l'é- tude des lois ne pouvaient convenir à ce cœur plein de feu, à cet esprit actif qui déjà se sentait irrésistiblement entrainé vers l'étude bien autrement attrayante de l'homme, de la nature et de ses lois. Aussi, à peine recu bachelier en droit, renouvela-t- il ses instances auprès de sa famille, et cette fois on décida qu'il serait médecin. De la médecine à la science pure, il n’y a qu’un pas ; Geoffroy Saint-Hilaire le franchit. Au nombre des professeurs du collége Lemoine, se trouvait le bon et savant Haüy, ancien élève de Brisson , bien digne à tous égards d’un pareil maître. Malgré la différence des âges et des positions ( Haüy était déjà l’un des membres les plus dis- tingués de l’Académie des sciences }, le souvenir de Brisson, le bonbeur de parler de la science que l’un aimait et que l’autre avait illustrée, et, par dessus tout, cette mutuelle attraction de deux cœurs qui se devinent, c'en était assez pour établir entre ilaüy et le jeune pensionnaire du Cardinal Lemoine une de ces affections que le dévouement grandit, que la reconnaissance rend éternelles. Guidé par un tel ami, Geoffroy Saint-Hilaire devint de plus en plus assidu aux cours publics : il assistait aux leçons de Fourcroy, recucillait avidement celles de Daubenton et gagnait l'estime et la confiance du Berger naturaliste (4) au point (1) C’est le nom que pril Daubenton lorsque, dénoncé au tribunal ré- volutionnaire , il voulut obtenir et obtint en effet le certificat de civisme. On sait que c’est à Daubenton que l’on doit l’introduction en France du mouton mérinos, el qu’à celte occasion il rédigea ses Znstructions sur les troupeaux. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 209 d’être chargé par lui des travaux relatifs au cours de Minéralo- gie, que ce dernier faisait alors au collége de France. Mais en ce moment, comme le dit si bien M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, « il ne s'agissait pas d'écouter ses maîtres, il s’agis- sait de les sauver. » Arrêté le 12 ou 13 août 1792, Haüy est jeté en prison avec la plupart des professeurs du cardinal Lemoine et du collége de Navarre. N'écoutant que son affection et sa re- connaissance, l'élève d'Haüy met tout en œuvre pour délivrer ce maître vénéré. Il court chez Daubenton , sollicite tous les hommes influents qu'il connaît, intéresse tous ceux qu’il ne connaît pas, et, après bien des démarches et bien des angoisses, il obtient enfin l'ordre de délivrance si ardemment, si pieuse- ment sollicité. Sans perdre un seul instant, il vole, à dix beures du soir, dans la prison de Saint-Firmin, annonce à Haüy qu'il est libre, et veut l’entraîner avec lui sans retard. Calme comme sa conscience, bien que profondément touché d’un si beau dévouement, l'abbé Haüy répond qu'il est tard ; que ses chers minéraux, transportés avec lui dans la prison, et mis en désordre par la visite domiciliaire qu’il a subie, ont besoin d'être arrangés ; enfin, que le lendemain étant un jour fété par l’'Eglise,il veut, avant de sortir, remplir les devoirs que la Reli- gion lui commande. Qui doit-on le plus admirer ? le disciple ou le maître? Je ne sais. Mais Je conçois très-bien l'enthousiasme affectueux du gé- néral Foy, lorsqu'entendant G. Cuvier raconter ce beau trait dans son £loge d'Haüy, il courut se précipiter dans les bras de Geoffroy Saint-Hilaire en lui disant : « Cher ami, cœur, esprit, talent, vous avez tout. » Heureux celui qui reçoit de pareils éloges sortis d'une pareille bouche! On va voir s'ils étaient mérités. Haüy était sauvé, mais ses amis du Cardinal Lemoine et de Navarre étaient restés sous les verrous ; toutes les démarches tentécs en leur faveur avaient été sans résultat, et l’on touchait au 2 septembre. Déjà le tocsin a sonné. Le massacre commence. Puisant toutes ses inspirations dans son cœur, E. Geoffroy Saint- 210 MÉMOIRES Hilaire gagne, à force d’or, un employé de la prison Saint- Firmin, se procure les insignes d’un pouvoir qu'il usurpe un moment, et le voilà suppliant ses maîtres de le suivre à l'instant dans un asile sûr. Tous refusèrent pour ne pas compromettre leurs compagnons d’infortune. Le noble jeune homme sort, le désespoir dans l'âme, plein d'horreur pour Les bourreaux, mais toujours plein de dévouement pour leurs victimes. La nuit venue, il dresse une échelle à l'angle d'un mur qu'il avait, le matin même, afin de tout prévoir, indiqué à l'abbé de Kéran- ran, proviseur du collége de Navarre et à ses compagnons. Il resta huit heures sur ce mur, reçut un coup de feu dans ses vêtements, et arracha douze innocents à la mort; mais il eut la douleur dene voir parmi eux aucun de ses maîtres; « au pieux rendez-vous convenu entre le libérateur et les victimes, le libérateur seul s'était rendu. » Tant d'émotions de tous genres avaient brisé cette orga- nisation délicate et impressionnable ; l'énergie morale avait été surexcitée, les forces physiques succombèrent. Mais quel- ques mois passés à Etampes, au milieu des champs, en pré- sence de la nature, lui rendirent le calme et la santé. Au commencement de l'hiver de 1792 à 1793, nous le retrouvons à Paris, chez son père, auprès de ses chers maitres. Aimez , aidez, adoptez mon jeune libérateur , avait dit Haüy à Daubenton ; et celui-ci était devenu pour le jeune protégé de son ami un autre protecteur, on pourrait dire un père. La retraite de Lacépède, laissait vacantes les fonctions de garde et de sous-démonstrateur du cabinet d'histoire naturelle. Sur la recommandation de Daubenton, l’auteur de Paul et Virginie, alors intendant-général du Jardin des plantes, nomma Geoffroy-Saint-Hilaire adjoint de son illustre maître ; trois mois après, un décret de la Convention le nommait son collègue. En vain Fourcroy s'éleva-t-il au sein du Comité d'instruction publique contre une mesure qui confiait lune des chaires les plus importantes du Muséum à un jeune komme à peine âgé de 21 ans. L’illustre chimiste fut réduit au silence par la fer- : 2 DE L ACADEMIE DES SCIENCES. 211 meté de Lakanal, et par l’ardeur avec laquelle Daubenton se porta garant de la science et de la capacité de son jeune ami. Mais, moins sûr de lui-même, et se trouvant en effet trop jeune et trop peu préparé pour remplir dignement les fonctions délicates dont il venait d’être investi, obéissant d’ailleurs à un sentiment d’exquise délicatesse, peut-être un peu trop rare de nos jours, Geoffroy Saint-Hilaire écrivit à Lacépède pour lui offrir sa chaire, dans le cas où celui-ci pourrait ou voudrait la remplir. Lacépède refusa, et le jeune professeur « vaincu dans sa modestie, vaincu dans sa délicatesse, prit place au milieu de ses maîtres. » Des difficultés de plus d'un genre l’attendaient au début. De minéralogiste qu'il était d'abord, devenu professeur de Zoologie, créateur d’un enseignement nouveau, l'élève d'Haüy n'avait ni les livres, ni les objets d'étude nécessaires pour donner à cet en- seignement les développements qu’il pouvait exiger. Cependant, fort de son zèle et de sa bonne volonté, plein de confiance dans l'avenir, Geoffroy Saint-Hilaire ouvre son cours, le 6 mai 1794, et par sa fougue juvénile, autant que par sa modestie, se conci- lie tout d’abord les sympathies de son auditoire. Grâce à lui, les collections s’enrichissent ; la Ménagerie, vainement demandée à la Convention ( en 1792 ) par Bernardin de Saint-Pierre, est créée comme par enchantement, et dès-lors se trouve réalisé le vœu que Bacon émettait dès 1630, au nom de la Science et de la Philosophie. La Convention, qui venait de proscrire les Girondins, vou- lait et demandait d’autres victimes. Le poëte Roucher, Lacépède, Daubenton lui-même avaient été dénoncés au tribunal révolu- tionnaire. Cette fois encore, Geoffroy Saint-Hilaire interrompt ses paisibles travaux. Ami dévoué d’un homme qu'il connaît à peine, bravant la mort qui l'attend si son dévouement vient à être découvert, il recueille chez lui l'infortuné poëte, veille sur Lacépède proscrit et sauve Daubenton. Peu de temps après, le vénérable Tessier lui écrit qu'il vient de faire la meilleure de ses découvertes. M parlait de Georges Cuvier, alors simple précepteur dans une riche maison de Nor- 212 MÉMOIRES mandie {1}, et le recommandait à Geoffroy Saint-Hilaire. Après avoir lu quelques manuscrits du jeune naturaliste de Fiquain- ville : « Venez, lui disait Geoffroy, venez jouer parmi nous le rôle de Linnée, d'un autre législateur de l'histoire naturelle.» Heureux de se rendre à un appel aussi flatteur, Cuvier arrivait à Paris au commencement de l’année 1795. Inutile de dire qu’il reçut de la part de Geoffroy Saint-Hilaire l'accueil le plus amical et le plus empressé. Trois mois après, les deux futurs rivaux de gloire et de doctrines vivaient comme deux frères, travaillaient en commun, et partageaient la même demeure (A). L'expédition d'Egypte vint arracher Geoffroy Saint-Hilaire à sa famille, à son ami et à leurs communs travaux. « Venez, avait dit Bertholet à Geoffroy Saint-Hilaire : Monge et moi se- rons vos compagnons, el Bonaparte notre général. » Et, plein de confiance dans de pareils noms, mais ignorant où on le conduisait, le jeune professeur quittait le Jardin des plantes pour aller exylorer la patrie des Ibis et des Bœufs sacrés. On sait quels furent les résultats de cette expédition, envelop- pée d’abord d’un si profond mystère. Rappeler le nom des soldats lettrés (2) qui en faisaient partie, c’est rappeler le magnifique monument qu'ils ont élevé à la science et à la gloire de leur pays (3). On n'aura pas de peine à comprendre avec quel enthousiasme un homme de cœur et d'imagination comme Geoffroy Saint-Hi- laire dat étudier cette nature africaine, si variée et quelquefois si bizarre dans ses formes ; ces contrées si riches en souvenirs, ces monuments si grandioses et d’une si haute antiquité. Aussi le voyons-nous, tantôt sur les bords du Nil, disséquant le cro- (1) Celle du comte d’Héricey, qui habitait ordinairement le château de Fiquainville , près d’Yvelot. (2) Expression de Geoffroy Saint-Hilaire. (3) Voici quelques-uns des plus fameux : Berthollet, Cordier, Delile, Fourrier , Jomard, Desgenettes, Larrey , Monge, Redouté, Savigny, etc. , etc. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 213 codile et ce merveilleux poisson (le Polyptère Bichir ) qui, à lui seul, disait Cuvier, eût valu le voyage d'Egypte ; tantôt perdu dans le désert, ou contemplant les Pyramides ; tantôt chassant dans le Delta, ou interrogeant les ruines de Memphis ou d’Héliopolis; tantôt enfermé dans les hypogées de Thèbes, étudiant les animaux sacrés qui dorment depuis des milliers d'années dans ces grottes sépulcrales ; tantôt, enfin, communi- quant à l’Institut du Caire le résultat de ses ingénieux travaux, deses riches conquêtes, ou bien s’entretenant deses projets scien- tifiques avec le général en chef, dans le palais d'Esbékich (B). Nous n'avons ni le dessein ni le temps de faire connaître ici tous les travaux exécutés ou conçus en Egypte par Geoffroy Saint-Hilaire (1). Qu'il nous suffise de dire que cestravaux l’ab- sorbaient tellement, que ni les horreurs du siége d'Alexandrie, ni les tourments de la faim, ni le besoin impérieux du som- meil, ni l'instinct de sa propre conservation ne purent l'en dis- traire. On eüt dit réellement un autre Archimède dans une Sy- racuse africaine ; il est vrai qu'il tenait alors sous son scalpel un Malaptérure du Nil et une Torpille électrique , ces deux tonnerres vivants ( Râad ou Raasch } comme disent les Arabes, qui nous rappellent si bien la foudre et ses effets (C). Puis nous le voyons étudiant les poissons de la Mer Rouge, puis quittant tout à coup le scalpel pour défendre, les armes à la main , sa vie et celle de ses compagnons, menacées par les Turcs. Cependant ses amis s’alarmaient sur une santé qui leur était chère et plus précieuse encore à la Science. Son frère Marc-An- toine, oubliant que lui-même, attaqué de la peste, avait répondu au chirurgien qui lui conseillait de prendre du repos : « J'y son- gerai » ct n’en avait pas moins continué, en sa qualité de chef de bataillon du génie, sa vie de dévouement et d'activité (2); Sa- vigny, Delile, Larrey, tous ses collègues les plus dévoués, vou- (1) On trouvera la liste complète des travaux d’E. Geoffroy Saint-Hilaire dans le livre de son fils, que nous avons cité dès la première page de cette Votice l é (2) Marc-Antoine Geoffroy mourut colonel du génie à Austerlitz, 21% MÉMOIRES laient arrêter ce fiévreux élan, qui menaçait de lui devenir fatal. Geoffroy Saint-Hilaire ferma l'oreille à leurs avertisse- ments, et même à leurs supplications. Mais un événement imprévu vint l’arracher enfin à ses tra- vaux. À peine a-t-il appris que le général Menou a capitulé, et que, par l'article 16 de la capitulation, cet indigne successeur de Bonaparte et de Kléber a livré aux Anglais les trésors de la Commission scientifique, Geoffroy Saint-Hilaire, accompagné de ses collègues Delile et Savigny, se rend au camp du général Hutchinson, et réclame, au nom de la Science et de la justice, la radiation da fatal article qui les dépossédait. « J'aviserai, » reprend Hutchinson, et, le jour même, ilenvoyait, pour porter sa réponse , l'homme qui avait rêvé et conseillé cet odieux pla- giat : « Le général est inflexible, dit Hamilton, d’un air de triomphe, toute démarche nouvelle auprès de lui est inutile ; elle n’aboutirait qu'à des rigueurs. » Alors, saisi d’une patriotique et courageuse indignation : a Nous n’obéirons pas, s'écria Geoffroy Saint-Hilaire; votre armée entre dans deux jours dans la place, eh bien! d’ici- là, le sacrifice sera consommé. Nous brülerons nous-mêmes nos richesses, et vous disposerez ensuile de nos personnes comme bon vous semblera. » Hamilton, pâle, silencieux, semblait frappé de stupeur. « Oui, nous le ferons, ajoute le défenseur d’une si noble cause, bien sûr de trouver de l'écho dans le cœur de ses collè- gues : Nous le ferons. C’est à la célébrité que vous visez. Eh bien ! comptez sur les souvenirs de l’histoire : vous aurez aussi brûlé une bibliothèque dans Alexandrie. » Ces paroles énergiques produisirent l'effet qu'on en pouvait attendre. Hamilton comprit toute la déloyauté de sa conduite, et devint dès ce moment même l'avocat des Français auprès du général Hutchinson. L'article 16 de la capitulation fut annulé, et la France con- serva ces riches collections acquises au prix de tant de périls, de tant de fatigues et de tant de dévouement : seul, mais impé- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 215 rissable trophée d’une expédition si poétique au début, si na- vrante à la fin! Dans les derniers jours du mois de janvier 1801, Geoffroy Saint-Hilaire revoyait enfia sa famille , ses amis ct le Muséum , ce théâtre de ses premiers succès, vers lequel, de la terre d'Egypte, se reportaient bien souvent son cœur et sa pensée, Il revenait chargé des dépouilles de tous les àges, la tête meu- blée de souvenirs, l'esprit müri par le travail, l'âme fortifiée par le péril, le dévouement et le sacrifice. On sait comment fut reçue du public cette commission de savants, si habilement choisie par Bonaparte : on n'a pas non plus oublié l'enthousiasme qu’excitèrent parmi les archéologues el les naturalistes ces hommes de l'antique Egypte, enveloppés dans leurs bandelettes; ces animaux-dieux si bien conservés, qu'on les eût dits embaumés de la veille; ces papyrus mysté- rieux que déchiffra depuis Champollion ; ces objets d'art, d’un dessin si bizarre et si raide; enfin, tous ces monuments d’une civilisation qui n’est plus. Mais ces ruines mêmes ont fait naître un monument qui ne périra pas. Le grand ouvrage sur l'Egypte, où les travaux de Geoffroy Saint-Hilaire occupent une place si importante, assure l'immortalité à ceux qui l'ont concu presque au même titre qu'à ceux qui l'ont exécuté (D). Revenu à sa vie calme et heureuse d'autrefois, rendu à ses chères et paisibles études, Geoffroy Saint-Hilaire revoit et com- plète ses travaux commencés en Egypte. IL s'associe à Cuvier et à Lacépède, pour continuer avec eux la savante Æistoire des animaux de la Ménagerie ; il rédige un Catalogue des Mam- mifères du Muséum national; enfin, il entreprend, sur cette classe d'animaux, cette série de Monographies, dont chacune passe, à bon droit, pour un chef-d'œuvre. « Partout, en effet, on y retrouve le raisonnement à côté de l'observation, l’idée à côté du fait, et, tour à tour, c’est le fait qui conduit à l'idée, et l'idée qui fait découvrir le fait. » On le voit, celui qui devra être appelé plus tard le chef de l'Ecole des idées, ne néglige pas les faits : au contraire, il les 216 MÉMOIRES étudie scrupuleusement, les enregistre avec soin ; mais, en même temps, il leur demande ce qu'ils signifient, il raisonne et conclut, et pose ainsi les fondements d’une Ecole philoso- phique, directement opposée à celle de l'observation exclusive, à l'Ecole de Cuvier. C’est surtout dans les Mémoires publiés en 1806 ct 1807, ou plutôt en 1795, que nous voyons les pre- miers germes de cette Théorie des analogues, dont le nom, il est vrai, n’a pas encore été prononcé par son auteur, mais dont les principes généraux, déjà nettement formulés, ont servi de base à une science toute nouvelle, et nous pouvons dire toute francaise. On conçoit que nous voulons parler de lÆnatomie philosophique, ce vrai diamant de ia couronne scientifique d'E. Geoffroy Saint-Hilaire. Saisir des analogies là ou l’on n'avait voulu voir que des différences; montrer que dans la création des animaux la nature a constamment travaillé d’après un plan toujours identique au fond, bien qu'infiniment varié dans les détails, suivre et recon- naître un même organe à travers ses mille usages et ses mille transformations ; expliquer pourquoi il est libre ici, là, soudé à un autre; lui assigner sa place, et, s’il se dérobe, le retrou- ver à coup sûr au moyen d'un fil conducteur : telle est, en quelques mots, la Méthode des analogues, méthode qui devait conduire comme forcément son auteur à la Zhéorie de l'Unité de plan et de composition organique ; méthode qui nous per- met aujourd'hui de saisir l’organisation tout entière dans sa vaste et majestueuse unité ; boussole qui doit nous guider dans la recherche des analogies restées encore mystérieuses. Envisagée à ce point de vue, l'Histoire naturelle n'est-elle pas, comme l’a si bien dit M.Villemain, la première des philo- sophies ? Et GeoïTroy Saint-Hilaire ne mérite-t-il pas le nom de Législateur de la science, au même titre qu’Aristote, Ba- con, Descartes, Newton, Képler et Lavoisier ? Cette idée grandiose de l'Unité de composition organique, cette magnifique conception à priori, qu'il exposait dès 1795, en termes clairs et précis, Geoffroy Saint-Hilaire ne la perd plus un seul instant de vue. Tous ses travaux n’ont plus qu'un but, 1 L2 DE L ACADEMIE DES SCIENCES. 217 c'est d'arriver à la démonstration définitive et désormais inatta- quable (1) de cette théorie. Pour y parvenir, il s'attache d'abord à résoudre les questions les plus neuves, les plus hardies, les plus difficiles, et souvent les plus contestées. Ainsi, par exemple, il cherche à démontrer, en dépit de Vicq- d'Azyr et de Cuvier, l’analogie des pièces osseuses des nagcoi- res peclorales des poissons, avec les os de l'extrémité inférieure des animaux à vertèbres ; il étudie sous le même point de vue les autres parties de leur squelette, y compris la tête, cette car- rière de stalactites calcaires, comme l'appelle l'ingénieux Oken; il y-retrouveles mêmes os, cten même nombreque dans le crane humain, «et ilramène ainsi à une loi commune , des conformations que la première apparence pourrait faire juger extrêmement diverses (2). » Deux ans plus tard, il aborde une question plus difficile en- core. Il se demande quelle est la signification des os de l’oper- cule : puis, comme illuminé par une inspiration soudaine, il déclare à Cuvier lui-même que ces os ne sont autre chose que les osselets de l'oreille, portés au maximum de developpement. « C’est impossible , lui répond d’abord le grand anatomiste. Quelques mois après, il disait en pleine Académie : Que « La détermination de Geoffroy Saint-Hilaire, très-hardie sans doute, était peut-être dans toute sa théorie celle quil serait le plus difficile d'attaquer (E). Les vues philosophiques les plus élevées dominent aussi dans les travaux de Geoffroy Saint-Hilaire relatifs aux organes de la reproduction. — Il les étudie surtout chez les oiseaux , les monotrèmes et les marsupiaux , et partout il fait voir une analogie de composition aujourd’hui incontestée , soit que l’on compare entre eux les appareils sexuels des divers embranche- ments des vertébrés, soit qu’on se borne à mettre en parallèle chez une seule et même espèce, les organes mâles et les orga- nes femelles. Re (1) Au moins en ce qui concerne les animaux vertébrés. (2) Expressions de G. Cuvier. 218 MÉMOIRES Nous ne parlerons qu’en passant de la découverte inattendue d’un système dentaire chez les fœtus de baleine, et, qui plus est, chez les oiscaux ; car nous avons hâte d’arriver à cette époque où Geoffroy Saint-Hilaire se trouva de nouveau mêlé à de grands événements politiques, exposé même à de grands dan- gers, tout en croyant n'avoir à s'occuper que des paisibles con- quêtes de la science, qu'il cultivait avec un amour si vrai, avec un zèle si désintéressé. Le 30 novembre 1807, une armée française commandée par Ju- not s’'emparait de Lisbonne. Le 20 mars, l'Empereur, qui avait déjà récompensé les services d'E. Geoffroy Saint-Hilaire, en lui décernantdesa propre main lacroix, alors sienviée, de laLégion d'honneur, l'Empereur lui accordait une nouvelle marque de son estime; il l’envoyait visiter les Musées du Portugal, avec des pouvoirs, en quelque sorte, illimités, et le chargeait de faire transporter à Paris tous les objets qu'il jugerait propres à enrichir nos collections. Mission délicate, dont Geoffroy s’ac- quitta au grand contentement des deux peuples intéressés ; car sa douceur et sa modération firent, cette fois encore, ce que n'aurait pu ni force, ni violence, niorgueil. En n’exigeant rien des établissements qu'il visitait, il obtint tout ce qu'il voulut, et trouva même le moyen de se montrer généreux en leur donnant une foule d'objets en double , qu'il avait tout exprès apportés de Paris, et en déterminant, d’après les règles scientifiques , une bonne partie de ceux dont ils étaient déjà possesseurs. Peu s’en fallut pourtant que ces trésors, enlevés au Brésil , et, par conséquent, très-précicux alors pour la France, ne pussent pas arriver jusqu’à la capitale. Vaineu à Vimeiro par l’armée de Wellington, près de trois fois plus nombreuse que la sienne, Junot fut obligé d’évacuer le Portugal. Les Anglais réclamèrent les collections de Geoffroy Saint-Hilaire. Vainement l’Académie de Lisbonne intercéda-t-elle en sa faveur; tout ce qu'elle put obtenir, ce fut que le Commissaire impérial prendrait pour lui, et non pour son gouvernement, le tiers des objets recueil- lis. Geoffroy Saint-Hilaire négocia, ct, après des difficultés sans nombre, il parvint à tout conserver pour la France. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 219 A quoi bon dire qu'un homme si passionné pour la science se montra le protecteur et l'ami des savants? Grâce à lui, le professeur Brotero, botaniste distingué de l'Université de Coïm- bre, fut réintégré dans sa chaire. Un exilé politique, Verdier, membre de l’Académie des Sciences de Lisbonne et membre correspondant de l'Institut de France, lui dut le bonheur de revoir sa famille. Enfin, l'archevêque d'Evora, à qui ses vertus avaient mérité le glorieux surnom de Fénélon du Portugal, fut arraché , grâce à Geoffroy Saint-Hilaire, aux fureurs de l'insurrection. Est-il donc étonnant que le Commissaire impérial , après une conduite aussi digne et aussi loyale, ait emporté l'estime et le respect de la nation portugaise (4)? Et ne s'expliquet-on pas facilement pourquoi, quand la France, une seconde fois en- vabie (1815), se voyait dépouillée par ses vainqueurs, le mi- nistre portugais vint déclarer, au nom de son gouvernement, qu'il ne réclamait rien, et n'avait rien à réclamer ? Avant de terminer ce qui a trait à la mission de Geoffroy Saint-Hilaire en Portugal, nous ne pouvons passer sous silence les grands dangers qu’il courut en traversant l'Espagne insur- gée; les souffrances qu'il endura dans la prison, en se voyant confondu avec de vils assassins; les cris de mort qui retenti- rent plus d’une fois à son oreille ; sa constance héroïque en face d'un supplice imminent, enfin, sa merveilleuse délivrance par une dame de Hérida, à laquelle il avait rendu, quelques jours auparavant, un service en quelque sorte de simple po- litesse. Cette dame s'était légèrement blessée en versant sur la route : Geoffroy Saint-Hilaire lui avait offert ses soins, l'avait obligée à monter dans sa propre voiture, et l’avait accompagnée à picd jusqu'à la ville voisine. Qui aurait jamais pu prévoir qu’un événement aussi simple contribuerait à sauver la vie à deux hommes de cœur ; que ces deux hommes seraient E. Gcoffroy (1) Expressions de Verdier lui-même , dans sa relalion des services rendus au Portugal par Geoffroy Saint-Hilaire. 220 MÉMOIRES Saint-Hilaire et Delalande, son aide, son secrétaire et son com- pagnon de captivité? Décoré par l'Empereur lui-même, lors de la création de la Légion d'honneur ,; nommé quelques années après (14 sep- tembre 1807 ) membre de l'Institut (1), heureux de son union avec une femme digne en tout de le comprendre et de l’appré- cier (2); entouré de l'estime et de la considération générales, Geoffroy Saint-Hilaire n'avait, pour ainsi dire, plus qu’un vœu à former : c'était de pouvoir développer ses idées philosophi- ques sur un théâtre, je ne dirai pas moins restreint, mais bien moins spécial que ne l'était sa chaire du Muséum (3). Ce vœu fut bientôt accompli. En 1808, un décret impérial créait la Faculté des Sciences de Paris. En 1809, E. Geoffroy Saint- Hilaire y était nommé professeur de Zoologie et d'Anatomie comparée, en récompense de sa généreuse conduite en Portu- gal. Cette fois encore, par un sentiment de délicatesse qui ne doit plus nous étonner, il ne voulut occuper sa nouvelle chaire qu'après l'avoir offerte à Lamarck, son ancien et son collègue au Muséum. Pauvre, mais fier, Lamarck refusa, en serrant cordialement la main à son généreux ami. Une fois installé dans ses nouvelles fonctions, libre de donner à son programme toute l'extension dont il était susceptible, le professeur de la Faculté put aborder les questions les plus neuves et les plus élevées de la science, et se livrer sans contrainte aux spéculations ingénieuses , aux tendances éminemment synthé- tiques de son génie, tout à la fois si fécond et si original. En (1) En le félicitant de sa nominalion , Cuvier s’exprimait ainsi : « Je suis d’autant plus heureux que je me reprochaïs d’occuper une place qui vous élait due. » Il m’étonna beaucoup, disait E. Geoffroy Saint-Hilaire, en ra- contant ce fait qu’il se plaisait à rappeler, il m’étonna beaucoup, car je n’avais jamais pensé que je pusse arriver avant lui. » Voir l’£loge historique de E. Geoffroy Saint-Hilaire, par M. Flourens, secrélaire perpétuel de l’Académie des sciences, etc. (2) Il avait épousé la fille de M. Brière de Mondétour , receveur général des économats sous Louis XVI. (3) II y était chargé du cours d'histoire naturelle des Mammifères et des Oiseaux. © DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 221 même temps ilrevoyait ses collections d'Egypte et de Portagal, et livrait à la publicité une série de monographies, non moins importantes que leurs ainées, et empreintes du même esprit. Années de calme et de bonheur qui s'écoulaient entre les joies de l'étude et celles de la famille, et qui semblaient loin de présa- ger les luttes ardentes dont son cœur affectueux devait avoir bientôt à souffrir si cruellement. Mais il l’a dit lui-même : « /a couronne du novateur a toujours été comme celle du Christ , une couronne d’épines. » Triste pressentiment que les événe- ments ne tardèrent pas à justifier, même au delà de toutes ses prévisions. A ces années , si douces pour lui, si fructueuses pour lascience, succédèrent les années désastreuses de 1814 et 1815. Fidèle au malheur comme il l'était à l'amitié, dévoué à son pays plus en- core qu'à la science, il accepta le dangereux honneur que lui offrirent les électeurs d'Etampes, et, comme l’on pouvait s’y attendre, toujours il vota selon sa conscience. Puis , lorsque les derniers coups de canon de Waterloo eurent annoncé la chute de l'Empereur , et le deuil de la patrie, veuve de ses nobles dé- fenseurs , il rentra dans le sanctuaire de la science, reprit ses livres, « ces consolateurs muets qui ont des baumes pour lou- tes les blessures (Lamartine), » et ne les quitta plus (1). L'année 1818 vit paraître la Z’hilosophie anatomique, ce code de lois d’abord si mal comprises (F), et maintenant adop- tées, ou peu s’en faut, par tout le monde savant. Nous aime- rions à donner ici une idée complète de cet ouvrage si remar- quable : nous voudrions pouvoir apprécier l'influence qu'il a exercée et qu'il exerce encore tous les jours, non-seulement sur les progrès des sciences naturelles, mais encore sur ceux des sciences physiques et médicales. Qu'il nous suffise, pour le moment, de citer le jagement (1) « A chacun sa position, à moi la culture des sciences , » avait-il ré- pondu à Napoléon , premier Consul , lui offrant une préfecture. Telle fut aussi la réponse qu'il fit aux électeurs d’Etampes, qui, sous la Reslauralion, lui offrirent l'honneur de les représenter. &° S. — TOME VI. 15 222 MÉMOIRES qu'ont déjà porté sur ce beau livre deux des zoologistes les plus éminents de notre époque, G. Cuvier et M. Flourens. Voici comment ce dernier sexprimait en 1819 : « C'est au milieu de cette hésitation même qu’a paru la Ph- losophie anatomique , ouvrage étonnant et destiné à faire par- tager désormais à l'anatomie comparée , le titre, si honorable pour nous, de Science française, que la chimie reçut du génie de Lavoisier, que Bernard de Jussieu mérita peut-être à la bo- tanique et que Cuvier a depuis longtemps conquis à la zoologie. » Ecoutons maintenant Cuvier, traçant de sa main ferme et vigoureuse Le tableau des progrès accomplis par Geoffroy Saint- Hilaire, progrès dont il pouvait aussi revendiquer sa part. « L'anatomie comparative rendue à sa dignité par l'esprit philosophique; un grand mouvement imprimé à la science; les rapports les plus délicats saisis ; une extrême hardiesse dans les conceptions , justifiée par des découvertes imprévues et en quel- que sorte merveilleuses ; le crâne des animaux vertébrés i2con- testablement ramené à une structure uniforme et ses varia- tions à des lois (G) : » voilà ce que disait Cuvier au commence- ment de 1821. Ajoutons, pour être vrai, que, quelques années plus tard, G. Cuvier jugeait bien différemment les travaux philosophi- ques de son rival de gloire. « Ceux qui ont voulu, disait-il, re- trouver dans les os de l’opercule les quatre osselets de l'oreille de l'homme , subitement et prodigieusement développés, n’ont conçu une pareille idée que d’après le système très-hasardé que les pièces osseuses doivent se retrouver en même nombre dans toutes les têtes, et en effet, ils ne peuvent alléguer aucune au- tre raison en leur faveur : ni la forme, ni les rapports, ni les fonctions de ces os, ni les muscles qui s’y attachent, ni les nerfs qui s’y rendent, ne peuvent se prêter à la comparaison. Or, cette identité du nombre des pièces souffre tant d’exceptions, qu'elle ne peut, en bonne logique, servir à elle seule de preuve à une autre proposition, elle-même tout aussi douteuse (1). » (1) G. Cuvier, Histoire naturelle des Poissons, tom. 1, p. 462. Paris, 1828. F DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 223 Nous nous contentons de signaler cette contradiction flagrante : d'autres cherchcront peut-être à en découvrir les motifs. C'était beaucoup d’avoir ramené à la loi de l'Unité de com- position ious les animaux vertébrés : mais cel important résul- tat, aujourd hui, je crois, définitivement acquis à la Science, ne suffisait pas à l’activité d'esprit, nous allions dire à l’auda- cieuse témérité de Geoffroy Saint-Hilaire. Après le succès de sa première tentative, il en espère, il en veut un plus brillant encore, Appuyé sur les beaux travaux de Savigny et d’Audouin, et sur ses propres recherches, il entreprend de démontrer que les articulés sont réductibles à un même type parfaitement com- parable à celui des vertébrés ; seulement , i{s vivent au dedans de leurs vertèbres, et ils ont, par rapport au sol, #ne attitude inverse de celle des animaux supérieurs (H). fl va plus loin en- core, et c'est vraiment là le triomphe de sa doctrine, il pose en principe que les monstres ne sont pas des jeux de la nature, un échantillon de ces lois du hasard qui, selon les athées, doivent avoir enfanté l'univers (Châteaubriand) ; puis il prouve que leur organisation est soumise à des règles aussi précises, aussi rigoureuses que celles qui régissent les êtres réputés les. plus réguliers, et il établit parmi eux des groupes aussi naturels que les familles désignées sous ce nom par Bernard de Jussieu. Enfin, après sept ans de travaux (1820-1827), en grande partie consacrés à la Tératologie , il ose s’écrier : « l'ordre est dans le désordre; il ny a pas de monstres et la nature est une (1. Après avoir créé la Philosophie anatomique et la Tératologie, ces deux sciences qui, avant lui, n'avaient pas même de nom, Geoffroy Saint-Hilaire reprend , en 1828 , ces travaux de Zoolo- gie descriptive, qui avaient occupé déjà plus de vingt-cinq an- nées de sa laborieuse existence : matériaux précieux, mis en œuvre aussitôt que taillés, assises solides du monument philo- sophique qu’il a construit. Nous arrivons à ce fameux débat, qui éclata en 1830 , au sein de l'Institut, véritable lutteentre deux géants, qui eut pour témoin l'Europe entière attentive, et pour historien un grand poële, qui fut aussi un grand anatomiste (Goethe). 92%, MÉMOIRES x D'an côté, Cuvier, recommandant l'observation exclusive, n'attribuant de valeur qu'aux faits, proclamant la suprême au- torité de l’analyse et se méfiant de la synthèse, finaliste exa- géré , et, par cela même, partisan de l'ixvariabulité absolue des espèces; ne S'atlachant qu'à trouver des différences, voyant dans les classifications l'idéal auquel l’histoire naturelle doit tendre, et, dans cet idéal une fois réalisée, la science elle-même tout entière ; Cuvier enfin n’admettant d’autres lois que des lois de coexistence où d'harmonie dans les organes. D'un autre côté, Geoffroy Saint-Hilaire, partisan de l'obser- valion raisonnée et synthétique, usant de toutes les puissances intellectuelles que la nature a mises en nous et dont elle l'avait si richement doté (J); Geoffroy Saint-Hilaire ne donnant aux clas- sifications qu'une valeur secondaire et souvent même arbitraire, proclamant la variabilité limiée des espèces sous l'influence des milieux ambiants (K), répondant à l'axiome des finalistes : telle est la fonction, tel sera l'organe, par cet axiome tout opposé : el est l'organe , telle sera la fonction ; admettant des harmonies acquises et non originelles, contingentes et non né- cessaires, créant enfin ces grandes et belles lois d'unité et d'a- nalogie qui constituent ie fond de sa doctrine, et en établissent à mes yeux l’incontestable supériorité. Tels étaient les deux kommes immenses (Michelet) que 1830 devait mettre en présence dans le champ clos de la première académie du monde. L'un paraît devant la docte assemblée avec son regard fascinateur, sa raison lumineuse et froide, avec l'immense prestige de son talent d'exposition, entouré, com- pris, admiré de ses nombreux disciples. De son propre aveu, moins habile, mais plus enthousiaste, l’autre se présente dans la lice, comme ces preux chevaliers tout bardés de fer, ayant foi en leur Dieu et leur dame, tout prêts à mourir pour les défendre, mais dont la main, peu exercée à manier la lance ou le glaive, trahissait parfois leurs convictions et leur courage. Qu'importe après tout? La vérité combat pour lui, les sympathies de ceux qui l'aiment assure- ront son triomphe, et un grand poëte (Goethe), se chargera de chanter la victoire (L). DE L'ACADÉMIE DFS SCIENCES. 225 Tel fut, en effet, le résultat final de la lutte mémorable en- gagée devant l'Académie, le 22 février 1830. L'admirable ins- tinet du public comprit dès lors et pour la première fois peut- être, tout ce qu'il y avait d'avenir dans la doctrine de Geoffroy Saint-Hilaire; il comprit, selon l'expression d’un illustre chi- miste (M. Dumas), « que l'esprit humain allait faire un grand pas, » et Goethe lui-même déclara que « la question était euro- péenne , et que les débats dont elle avait été l’objet étaient tels, que l’histoire des sciences n’en présentera jamais peut-être un second exemple. » Ainsi s'explique la sensation profonde que produisit cette ré- volution scientifique , sensation qui durait encore à la veilie de celte autre révolution’ qui devait renverser une dynastie, et changer les institutions de la France. Cependant, retiré dans son cabinet, et renonçant, disait-il, à une nouvelle plaidoirie, Geoffroy Saint-Hilaire rédigeait ses Principes de philosophie zoologique. Ce livre eut l'insigne honneur d’être analysé et commenté par Goethe, presque à son lit de mort. Comme on le pense bien, il n'eut pas l'approbation de Cuvier. Mais, malgré ces dissentiments, malgré cette ani- mosité presque inévitable dans un débat où deux doctrines op- posées sont en présence, les deux adversaires conservèrent l’un pour Pautre, non pas cette amitié que Montaigne a si bien dé- finie, et qu'il était si digne de sentir, mais bien cctte affection sérieuse et solide, fondée sur l'estime et les vieux souvenirs (1). On en jugera par ce qui suit. Au moment même où Geoffroy Saint-Hilaire, triomphant aux yeux de l'Europe savante, pouvait enfin goûter les plus vives salisfactions de l'esprit, son cœur de père était déchiré par une de ces douleurs qui tuent, mais qu’on ne peut dépeindre : il perdit une fille de vingt ans! Cuvier, qui, deux ans auparavant , avait eu l'âme brisée par (1) « La lutte qui s’'engagea en 1830 , a dit E. Geoffroy lui-même, m’af- fligea profondément. Aussitôt que je l’ai pu, sans paraître abandonner le combat, je le fis cesser. » (Comptes-rendus de l'Institut, L1v, p. 540. 1837). 226 MÉMOIRES un semblable coup, Cuvier accourt auprès de son ancien ami; il le console, il fait mieux encore, car il pleure avec lui. Con- fondues en un pareil moment , ces larmes-là ne devaient-elles pas être bien moins amères? ne devaient-elles même pas avoir quelque douceur ? Mais le canon de juillet se fait entendre, le trône s'écroule; un roi part pour l'exil, la révolution triomphe. Geoffroy Saint- Hilaire la salue comme « le rétablissement de notre indépen- dance au dehors et de l’action jusque-là interrompue de nos li- bertés nationales (1). » Mais plus il lui est sympathique, plus il la veut généreuse et pure de tout excès. Aussi, dès que la vie de l'archevêque de Paris est menacée par le peuple en colère, E. Geoffroy oublie les misérables arguties et les accusations pas- sionnées dont sa doctrine avait été l’objet de la part de quel- ques théologiens, se disant philosophes ; et, n’écoutant que le fanatisme de humanité (2) qui brülait dans son âme , il donne dans sa propre demeure un asile au prélat proserit et le sauve, comme il avait sauvé Haüy, Daubenton et larchevêque d'Evora (3). Malgré tant d'émotions diverses, tant de distractions forcées , Geoffroy Saint-Hilaire avait conservé le calme d'esprit néces- saire pour se livrer à ses travaux de prédilection. Le # et le 11 octobre 1830 , il communique à l’Académie des Sciences deux mémoires importants sur deux grands Sauwriens fossiles , dont il a lui-même recueilli les restes en Normandie , el à cette occa- sion il soulève de nouveau la question de la variabilité des êtres et de leur apparition successive à la surface du globe (M). C’était jeter le gant à Cuvier , celui-ci le ramassa. Mais cette fois ce ne fut pas au sein de l'Institut, c’est au Collége de France que l'illustre champion de la fixité absolue des espè- (1) Expressions de E. Geoffroy Saint-Hilaire. (2) Expression de M. Pariset , secrétaire perpétuel de l’Académie de Mé- decine. (3) Passez-moi encore celui-là, disail-1l avec nne simplicité toute pleine de cœur, à son ami M. Serres, qui lui-même avait en vain essayé de sauver M. de Quélen : passez-le-moi, vous savez que je suis coutumier du fait. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 227 ces réfuta, toujours avec le même talent, mais, hélas! aussi toujours avec la même passion, les idées hardies de son anta- goniste. Le 8 mai 1832, Cuvier fit de l'Unité de composition le sujet d’une de ses leçons les plus brillantes et l'objet d’une de ses attaques les plus vives. Cinq jours après , il n’était plus, ct Geoffroy Saint-Hilaire , incliné sur sa tombe, le proclamait le maître à tous, en lui adressant un suprême et affectucux adieu , et, le premier, proposant de lui élever une statue. Après la mort de Cuvier, mu par un rare sentiment de déli- catesse , il abandonna ses travaux d'anatomie philosophique et de paléontologie, et ne s’occupa plus que d’études relatives à la physiologie (N) et à l'anatomie comparée. C’est alors qu'il fit paraître ses recherches sur la reproduc- tion et la lactation des Cétacés, des Monotrèmes et des Marsu- piaux ; puis il publia les Etudes progressives d'un natura- liste (1835), et là, confondant ce qu'il appelait les deux espèces de Physique, c'est-à-dire la Physique générale et la Physiolo- gie, il formula cette pensée qui l'avait occupé dans sa jeunesse, tourmenté dans son âge mûr, et qui lui apparaissait dans sa vieillesse, comme une de ces vérités lumineuses qui se dévoi- lent enfin à celui qui les cherche en y songeant toujours. Newton de la physiologie ou plutôt de la nature entière, il voulut soumettre à une loi universelle non-seulement l'organi- sation des êtres vivants, mais la matière en général. Cette loi, dont il était fier, il la nomma : Loi d'attraction de soi pour soi, où Loi de l'affinité des éléments similaires (O). Malheureusement pour le repos de sa vieillesse, cette idée demeura incomprise, ainsi que tant d'autres qui depuis se sont fait jour et ont illuminé la science d’un vif et durable éclat. On lui reprochait surtout d'être poëte, comme si ce nom de poëte n'était pas « le plus beau des noms de l’homme dans la région des âmes » (1); comme si, en étudiant les merveilles de la créalion et se reportant sans cesse vers son Auteur , le natura- - liste devait fermer son âme à toute émotion, c’est-à-dire à toute (1; Lamartine, Cours familier de littérature, 4° entretien , pag. 265. 228 MÉMOIRES poésie; comme si Tacite, Buffon, Képler, Arago, Cuvier lui- même n'étaient pas, eux aussi, de grands et vrais poëles. Ce n’est pas tout encore : des disciples de Cuvier, égarés par un zèle inintelligent, osèrent attaquer les anciens travaux de Geoffroy. On alla même jusqu’à prétendre qu'à l’auteur du Règue animal seul devait être attribué « l'honneur d’avoir in- troduit dans la science le principe de l Unité de plan, de l'avoir établi sur des bases solides, et de plus sagement limité. » Enfin, non content d’abaisser la valeur de ses travaux, on eut le triste courage, disons le mot, la lâcheté d’accuser ses intentions en- vers la mémoire de Cuvier. Tant que ses adversaires ou ses ennemis n'avaient attaqué que ses travaux, il avait gardé un digne et dédaigneux si- lence ; quand il entendit accuser son cœur, il protesta avec cette énergie que donne une conscience honnête et pure. Mais ce fut là son dernier effort ; il retomba brisé. « C’est à la postérité, dit-il alors, si elle daigne s'occuper des luttes de cet äge, à faire leur part à mes adversaires et à moi : J'ai le corps inclinant vers la tombe : je n'attendrai pas long- temps (1). » IL n’attendit pas longtemps, en effet ; mais, avant de quitter la terre, il lui fallut boire jusqu’à la lie le calice d'amertume. La direction de cette Ménagerie qu'il avait créée, puis agrandie et illustrée, lui fut enlevée brusquement. Celui qui en devenait le directeur avait été choisi par lui pour l'aider dans sa tâche ; c'était le frère de G. Cuvier. Mais Frédéric Cuvier ne jouit pas longtemps de cette faveur, qui devait être plus qu'inespérée pour lui : six mois après, la mort vint la lui ravir, et l'admi- nistration du Muséum s'empressa de rendre à Geoffroy Saint- Hilaire un poste qu'il avait si dignement occupé de 179% à 1828. Il apprit cette nouvelle au retour d’un voyage en Allemagne, qu’il avait entrepris dans un but de santé, mais qui fut réelle- ment pour lui une ovation continuelle. La patrie de Gocthe, (1 Comptes rendus de l'Institut, lom. v, pag. 366. 1837. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 229 tout en pleurant un de ses enfants les plus illustres, aimait à re- trouver dans notre grand anatomiste le génie de son grand poëte. Mais, comme si le génie lui-même devait s'expier ici-bas, comme si la Providence voulait nous rappeler sans cesse que toute royauté dépend d'elle, Geoffroy Saint-Hilaire s’aper- ut un jour qu’il ne pouvait plus lire. Selon la prédiction qu’il en avait faite lui-même dans sa jeunesse, il était devenu aveu- gle. Cette cécité, triste fruit de longues fatigues et d’un travail excessif, ne l’empêchait pourtant pas absolument d'écrire. La piété d’un fils a recueilli ces lignes tracées d’une main incer- taine et défaillante. En voici quelques-unes, où se peignent l’âme et les espérances du grand naturaliste. « Que ne doit-on pas faire et entreprendre pour conquérir un principe à la pensée publique ? C’est prendre à Dieu et sur Dieu. » «O mes chers disciples! la Zoologie générale est aperçue par mes yeux qui ne voient plus. O chers disciples ! que de bonheur vous apportez à votre vieux prédécesseur !» Rien n’altérait la sérénité de son âme : « Je suis aveugle , disait-il, mais je suis heureux. » Cependant ses forces s’affaiblissaient de jour en jour ; l’illu- sion n'était plus possible ; il le comprit et se résigna. Quelque temps auparavant, il avait offert sa démission au Ministre, dans une lettre où respire un vrai parfum de noblesse antique, et que nous vous demandons la permission de vous citer. La voici ; « Sous des régimes bien divers, parfois au milieu de circons- tances difficiles , j'ai occupé, durant quarante-huit années, la position que je quitte aujourd’hui. Depuis 1833, époque de la mort du vénérable Desfontaines, je suis le doyen des professeurs du Muséum, et le seul qui ait fait partie de l’organisation pri- mitive de l'établissement. » Vous verrez, Monsieur le Ministre, dans le parti que je prends, une preuve nouvelle, et ce n’est pas la moindre, de mon dévouement à l'établissement que j’ai si longtemps administré. Je ne saurais quitter, sans un sentiment pénible, une position 230 MÉMOIRES que j'occupe depuis près d’un demi-siècle, et que j'ai préférée, à mon retour d'Egypte, et plus tard encore, à des offres brillantes, plus propres à satisfaire mon ambition que mon amour pour la science. Aujourd'hui, mes soixante-neuf ans, mes yeux ca- taractés et les fatigues de mes longues recherches, me font sen- tir que je dois réserver, pour quelques travaux particuliers, ce qui me reste de force. » Iustruit de ce qui se passait, M. Dumas, depuis peu doyen de la Faculté des sciences de Paris , vint supplier Geoffroy Saint- Hilaire de conserver à cet établissement le prestige de sa gloire et de son nom. Touché de cette démarche, qui honorait le jeune doyen et le vieux professeur, celui-ci consentit à garder sa chaire de la K'a- culté, mais il quitta (1841) celle du Muséum, où, 47 ans au- paravant, il avait inauguré l’enseignement de la Zoologie. Dès lors il ne songea plus qu’à mourir comme il avait vécu. Résigné dans ses souffrances, entouré des soins les plus doux et les plus dévoués de la part de sa famille, de ses amis (1)et de ses disciples, qui se disputaient à l'envi l'honneur de veiller à son chevet; heureux de tant d’affections si vraies et si touchantes, il consola les siens, qu'il aimait tant et dont il était si tendre- ment aimé, et le 19 juin 1844, à l’âge de 72 ans et deux mois, calme et rempli d'espérance, ilrendit son âme à celui qui l'avait envoyé sur la terre pour en faire l’ornement et l'orgueil. Mais, on l’a dit avec raison, le génie ne meurt jamais, il se survit par ses œuvres. Or, Gcoffroy Saint-Hilaire eut le rare bonheur de laisser après lui, non-seulement des œuvres immor- telles, mais encore un fils qui porte dignement un nom illustre et en continue la gloire; une fille, ou plutôt un ange, qui a hérité du cœur de son père; enfin , des disciples pleins de vénération (1) Au nombre de ces amis si dévoués, nous aimons à citer surtout M. Serres de l’Institut , M. le docteur Pucheran, neveu de ce célèbre pro- fesseur et auteur d’une excellente analyse des travaux d’E. Geoffroy Saint- Hilaire ; enfin, M. le docteur Auzias-Turenne, qu’il se plaisait à appeler son fidèle. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 231 pour sa mémoire, d'admiration pour son génie, de zèle pour la propagation de ses doctrines. - La mort de Gcoffroy Saint-Hilaire fat un vrai deuil public. Plus de deux mille personnes l’accompagnèrent à sa dernière de- meure. Des discours ou plutôt de touchants adieux furent pro- noncés sur sa tombe par MM. Duméril, Pariset, Serres, Che- vreul, Dumas, Villemain, Edgar Quinet. Enfin , le vénérable Lakanal , alors plus qu'octogénaire , vint rappeler d’une voix émue que, presque à pareil jour, à cinquante ans de date, Geoffroy Saint-Hilaire, nommé sur sa proposition professeur au Muséum , inaugurait en France l’enseignement de la Zoologie, que son jeune protégé devait tant illustrer. Dans toutes les bouches, m'écrivait, quelque temps après, le fils du si regrettable défunt, « dans toutes les bouches on en- tendait l'éloge de l’homme en même temps que celui du savant. Il devait en être ainsi aux obsèques de celui que j'ai entendu dire si souvent qu'il y a quelque chose de bien supérieur à lil- lustration scientifique, les sympathies qui s'adressent à l'homme de bien. » Tel fut, Messieurs , E. Geoffroy Saint-Hilaire, un vrai carac- tèreantique. Désintéressement porté jusqu’à l'oubli de soi-même; saint amour des hommes et de l'humanité; fidélité, constance dans ses affections; dévouement sans bornes à l’amitié ; bien- veillance toute paternelle pour la jeunesse ; modestie exempte d'affectation ; courage civique et loyauté à toute épreuve ; calme stoïque en face du péril; cœur simple et bon, ouvert à toutes les joies de la famille et de la nature; imagination riche et mo- bile ; esprit fécond et hardi ; passion de connaître ; génie puis- sant et synthétique; nature ardente et infatigable au travail ; art d'observer en grand (1): il eut tous les dons et toutes les vertus en partage. « Sa vie, a dit sur sa tombe un spirituel écrivain, sa vie est toute formée de bonnes actions. Nous pen- sons, avec M. Pariset, que reproduire le récitdeces bonnes ac- (1) Expression de M. Serres. 232 MÉMOIRES tions, c'est les multiplier elles-mêmes; c’est en semer les ger- mes dans les âmes; c'est en préparer pour l'avenir. » Et maintenant, Messieurs, jetons un dernier regard sur ce vaste et bel ensemble de travaux dont je n'ai pu donner ici qu'une idée extrêmement imparfaite. Créateur d'un enseignement nouveau, E. Geoffroy Saint- Hilaire, à peine âgé de 21 ans, pose d’une main ferme et sûre les nouvelles bases de la Zoologie : il la développe, il lenrichit chaque jour, il lui trace la voie : il en fait une science toute française, et réalise ainsi le vœu prophétique de son excellent maître et ami Daubenton. En niant l'existence des séries con- linues, non-seulement il détruit une erreur capitale, mais en- core il indique cette idée du parallélisme, dont son fils devait faire, quelques années plus tard, un emploi si heureux pour la taxonomie. Enfin, ses vues relatives à la variabilité limitée des espèces, sous l'influence des milieux ambiants, permetteut de comprendre, et les changements opérés par la domestication sur nos races actuelles, et les modifications qu'a subies notre espèce avant de former les diverses variétés qui composent le genre humain, peut-être même la filiation qui ferait remonter aux espèces anciennement détruites, l’origine des êtres aujour- d’hui nos contemporains. Au nombre des services rendus par E. Geoffroy Saint-Hilaire à la Zoologie, pouvons-nous oublier la création de cette Ména- gerie naguère vainement sollicitée par Bernardin de Saint-Pierre? pouvons-nous ne pas être fiers de ces riches collections qui, maintenant disposées avec ordre, dans ce majestueux édifice, qu'on a si justement nommé Le plus beau temple que l’homme ait élevé à la nature, sont interrogées et admirées par les sa- vants du monde entier ? Nous avons vu la paléontologie, l'anatomie et la physiologie comparées, trouver dans Geoffroy Saint-Hilaire un interprète ingénieux, un penseur profond et habitué aux spéculations les plus abstraites, Un homme de génie seul pouvait créer la phi- losophie anatomique et la tératologie. Par l'une, la pensée, trop longtemps enchaînée à la suite des faits et de l’observa- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 233 tion, est enfin émancipée. Alors, la synthèse s'unit à l’ana- lyse, et de ectte union résulte une science complète et vrai- ment digne de ce nom, La Zératologie, à son tour, vient mettre l’ordre dans le désordre, ou plutôt elle nous apprend qu'il n'y a pas de mons- tres, c'est-à-dire, pas d'êtres en dehors des lois de la nature. Elle parvient à les réduire à un petit nombre de types nette- ment déterminés ; elle les classe aussi facilement, aussi natu- rellement que la Zoologie classe les êtres normaux : bien plus, souvent elle les explique et les produit à volonté, apportant ainsi à la théorie de l’£pigénèse une de ses plus brillantes confirmations. Vous l’avez vu, Messieurs; loin de suivre les sentiers battus, Geoffroy Saint-Hilaire s'ouvre hardiment et partout des voies nouvelles, et, marcheur infatigable, il découvre sans cesse de nouveaux horizons. Nulle difficulté ne l’arrête; nul sarcasme ne l'intimide; nulle considération humaine ne lui fait perdre un seul instant de vue le noble but vers lequel il a, dès son en- trée dans la carrière, dirigé ses regards investigateurs. L'organisation des animaux peut-elle être ramenée à un type uniforme? se demande-t-il d'abord; et, après des recherches opiniâtres et sagement conduites, il s’écrie enfin : « La nature travaille constamment avec les mêmes matériaux ; clle n’est in- génieuse qu’à en varier les formes. » Le temps n'est pas encore venu pour juger quelques-unes de ces conceptions, téméraires peut-être à force de hardicsse, que l’on rencontre çà et là dans la doctrine de Geoffroy Saint-Hi- laire. Mal comprise lors de son apparition, cette doctrine, il faut bien le dire, n’a pas encore rallié tous les naturalistes. L'école de Cuvier compte toujours, et c’est justice, de nombreux disci- ples et des plus distingués. Mais celle de Geoffroy Saint-Hilaire s'accroît et grandit tous les jours ; car nous sommes, Dieu merci, déjà loin de cette époque où le silence universel pouvait faire croire « que les efforts du maître étaient perdus pour la science, et que, comme le laboureur de l’évangile, il avait semé sur le roc. » L'Allemagne, cette séricuse et forte nourrice des pen- 234 MÉMOIRES seurs, fut la première à le comprendre et à lui donner son as- sentiment. Blumenbach et, plus tard , le savant Meckel s’élancèrent sur ses traces ;enfin, Goethe lui-même termina sa glorieuse car- rière, en se déclarant le champion zélé de la nouvelle théorie. Aujourd'hui que, chez nous, les rivalités s'éteignent, que les petites passions commencent à se taire, les idées du maître pé- nètrent de plus en plus dans nos écoles, et y rencontrent par- tout de nombreuses et chaudes sympathies ; les travailleurs s’en inspirent à l'envi, et guidée par ce flambeau, la Science, déjà riche du présent, marche à la conquête d’un glorieux avenir. Eufn, l'homme de génie, le bon citoyen, pleuré de tous lors- qu'il mourut, reçoit, en ce moment même, une de ces récom- penses (1) que la Patrie ne décerne qu’à ceux de ses enfants qu'elle veut rendre immortels. (1) Grâce à la généreuse initiative de la commune d’Etampes , et au con- cours empressé des savants de tous les pays, une statue de marbre, œuvre de M. Elias Robert, va être érigée en l’honneur de Geoffroy Saint-Hilaire, dans la ville méme où il naquit. 19 co ©: DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. NOTES SCIENTIFIQUES. D D D D>— Note (A), page 212. Le premier travail zoologique d'E. Geoffroy Saint-Hilaire fut Ju à la Société d'Histoire Naturelle, le 4° décembre 4794, et publié en janvier 1795, dans la Décade philosophique. H avait pour objet la détermination des rapports de l'Aye-Aye, animal singulier de Madagascar qui, par ses caractères, se rapproche tout à la fois des rongeurs et des quadrumanes, Un second travail, qui fut composé avec la collaboration de G. Cuvier, avait pour ütre : Mémoire sur une nouvelle division des mammifères el sur les principes qui doivent servir de base dans cette sorte de tra- vail (4795). Marqué an coin du génie, ce Mémoire restera dans la science comme un de ses plus beaux monuments , comme l'exposé le plus logique et le plus lucide des principes qui doivent guider le naturaliste dans l'appli- cation de la méthode naturelle à la taxonomie. La même année (1795) E. Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier publièrent en commun leur Mémoire sur les rapports naturels du Tarsier, genre alors très-mal connu, auquel ils assignèrent une place définitive à côté des Makis. Puis ils s’occupèrent ensemble des caractères qui peuvent servir à diviser les singes, sujet important que Geoffroy reprit seul en 1812, et qu'il sut traiter avec cette supériorité de vues que Cuvier lui- même n’a jamais dépassée. Personne n'ignore que, avec ce coup d'œil pénétrant du génie, qui souvent découvre une loi là où le vulgaire ne voit pas même un fait, Buffon avait divisé les Singes en deux catégories, les Singes de l'Ancien Continent et ceux du Nouveau-Monde. Pour établir ces deux grandes di- visions, Buffon avait fondé sa caractéristique sur le nombre des dents, sur la présence ou l'absence d’abajoues, de callosités aux fesses, sur la faculté préhensile ou non préhensile de la queue, enfin sur la position latérale ou inférieure des narines. La considération de l'angle facial fournit à E. Geoffroy Saint-Hilaire un moyen précieux de perfectionnement taxonomique. Il fixa, on peut dire d’une manière à peu près irrévocable, la disposition des types de l'ancien Continent. Quant aux singes américains, tout le monde sait maintenant qu'en partant des données fournies par son illustre père, M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire a prouvé qu'ils offrent des formes et des types analogues à deux de leurs congénères d'Asie et d'Afrique, et qu'ils peuvent être disposés sur une ligne exactemeut parallèle à celle de ces 236 MÉMOIRES derniers. De sorte que, suivant la juste remarque de M. le Docteur Pu- cheran, «on peut dire hardiment et avec fierté que la voie du progrès et des découvertes dans cette longue suite de recherches et de vues re- latives à la zooclassie des singes, et toutes si pleines de vérité, a tou- jours été ouverte et déterminée par l'initiative de savants appartenant à notre nation : Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire ayant continué la tradi- tion des idées françaises inaugurées par Brisson et par Buffon (4). » On conçoit qu’il nous est impossible de citer et encore moins d’ana- lyser tous les travaux zoologiques d'E. Geoffroy Saint-Hilaire (2). Aussi, nous bornerons-nous à dire que non-seulement il a classé les quadru- manes mieux qu'on ne l'avait fait avant lui, mais encore qu'il a établi parmi eux plusieurs espèces et plusieurs genres nouveaux. Tels sont surtout les genres Atèle et Galago. I à distribué les cHeiroPrÈREs en familles naturelles, et on lui doit l'établissement des genres Molosse , Rhinolophe, Mégaderme , Nyctère, etc. Il a enrichi la science d’une foule de faits curieux relatifs à l'histoire naturelle et à l'anatomie des MARSUPIAUX : il a créé l’ordre des moxoTrÈèmes ; établi la différence géné- rique du Fourmilier de l'Ancien et du Nouveau Monde; distingué les trois espèces d'éléphants , dont deux vivantes et une fossile , etc. En étu- diant les prolongements frontaux des RuMINANTS, il à fourni à la classifi- cation actuelle de ces animaux une de ses bases les plus solides. Enfin, il a puissamment contribué à détruire l'idée erronée qu'on s'était faite des prolongements frontaux de la girafe. En effet, l’auteur de l'Onomas- ticon zoïcon (Gualterus Charleton) imprimé à Londres, en 1668, niait l'existence de ces prolongements. Buffon, après avoir avoué son igno- rance sur la nature de ces cornes, finit par les comparer à celles des bœufs. C’élait aussi, à peu de chose près, l'opinion de Levaillant, Geof- froy déclare, au contraire, que ce sont des cornes épiphysaires , analo- gues au bois des cerfs etautres ruminants branchus. Nos propres recher- ches sur ce sujet (3) nous ont permis de constater la justesse des idées du maître, idées dont il faut toutefois rapporter la propriété à Pander et d’Alton, qui, les premiers, les ont émises dans leur beau travail inti- tulé : Die Skelete der Wiederküuer, abgebildet und verglichen von Dr Chr. Pander und Dr E. d’Alton. (PL. À et2. Bonn. 1825, in-folio.) L'histoire naturelle et la classification des oiseaux, des reptiles et des ——— (4) Voy. Analyse des travaux de Geoffroy Saint-Hilaire, par le D° Pucheran (extrait de la Revue indépendante , août et septembre 1845, p.8). (2) Ou trouvera l'indication complète des travaux d’Etienne Geoffroy Saint-Hilaire dans l'ouvrage de son fils, déjà cité, Vie, travaux, etc. (3) Voir aussi le travail qui m'est commun avec M. le professeur A. Lavocat, et qui a pour ütre : Recherches historiques, zoologiques, anatomiques et paléontologiques sur la girafe (vol. in-4°, avec atlas de 47 pl. lithographiées par moi , Strasbourg 1845) , et Le rapport fait à lnstitut, sur cet ouvrage, par une commission composée de MM. Serres, Flourens et 1s. Geoffroy Saint-Hilaire. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 237 poissons doivent aussi d'importantes acquisitions aux recherches d’E. Geoffroy Saint-Hilaire. Qu'il nous suffise de citer le Mémoire intitulé : De la place à occuper par les oiseaux dans les classifications z00l0- giques ; l'établissement des genres Cephalopterus, Gymnoderus, Gym- nocephalus, et Microdactylus ; le Mémoire sur les Tortues molles ou Tryonix; l'histoire naturelle et la descriplion anatomique d'un nou- veau genre de poisson du Nil, nommé Polyptère (1802); les obser- valions sur les habitudes attribuées par Hérodote aux Crocodiles du Nil ; celles qui sont relatives à l'affection mutuelle de quelques animaux el particulièrement sur les services rendus au Requin par le Pilote; celles qui ont pour objet le sac branchial de la Baudroie, et sur les parties de son organisalion que la Baudroie emploie comme instrument de péche ; le Mémoire sur deux espèces d'animaux nommés Trochilus et Bdella, par Hérodote , leur guerre et la part qu'y prend le Crocodile ; enfin les recherches historiques sur les animaux connus des anciens, et notamment sur les animaux du Nil, considéres dans leurs rapports avec la théogonie des anciens Egyptiens. Nous reviendrons sur quelques-uns de ces travaux. Est-il besoin de dire que dans tous on reconnait la main du maître, et qu'on y trouve, au milieu d’une foule d'observations intéressantes, de larges vues d'ensemble qui dominent et fécondent les détails ? Note (B), page 215. Hérodote avait dit qu'il existe sur les bords du Nil un petit oiseau ap- pelé trochilos, qui s’introduit impunément dans la gueule du crocodile, et le débarrasse des insectes qui la remplissent. Témoin de ce fait, si souvent traité de fable par les zoologistes etles commentateurs, Geoffroy Saint-Hilaire non-seulement le confirme par son précieux témoignage, mais encore il parvient à déterminer cet oiseau, entièrement fabuleux , selon les uns, armé d’épines imaginaires par d’autres , et il nous apprend que cet ami du crocodile n’est rien autre chose qu’un petit échassier du genre Pluvier, déjà désigné par Hasselquist sous le nom de Charadrius Ægyptius. Un oiseau d'une autre espèce, le todier, rend à Saint- Domingue, un service analogue au crocodilus acutus, enle débarrassant des maringouins qui le tourmentent. C'est aussi en comparant la nature avec les textes et les monuments de l'antiquité que Geoffroy Saint-Hilaire put se convaincre de l'identité du Chenalopez , ce symbole sacré de la piété filiale chez les Egyptiens, avec la Bernache armée , espèce d’oie très-élégante, aujourd’hui presque na- turalisée sous le ciel de Paris. Enfin, nous savons maintenant, grâce à Geoffroy Saint-Hilaire , que le Lépidote de Strabon et d’Athénée est le Binny actuel des Arabes , et que l'Oxyrhynque , cet autre poisson sacré qui avait eu l'insigne honneur de donner son nom à une ville et à un uome de l'Heptanomide est le Mormyre des ichthyologistes. 4° $. — TOME vi. 16 238 MÉMOIRES Une des découvertes les plus curieuses et les plus inattendues qu'ait jamais faites un naturaliste, c’est, sans contredit, celle de la prétendue momie de singe que Geoffroy Saint-Hilaire trouva dans la riche collection d'antiquités de M. Passalacqua. Dès qu'il leut débarrassée de ses ban- delettes, il déclara, sans hésiter, que cette momie n’était autre chose qu'un monstre humain anencéphale , que les superstitieux Egyptens, si habiles «dans l’art d’éterniser la mort», avaient assimilé à un animal, el placé, à ce titre, dans les hypogées d'Hermopolis, sépulture ordi- naire des singes et des ibis. Qu'il nous soit permis de rappeler , à cette occasion, que l'anencé- phalie, regardée jusqu'en ces derniers temps comme une monstruosité exclusivement propre à l'espèce humaine, vient d'être observée par nous sur un veau né à terme, qui avait élé mis généreusement à notre disposition par M. le professeur Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Voir les Comptes rendus de l'Institut. séance du 16 avril 1855, et dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions el Belles- Lettres de Toulouse , L. v, p. 107, année 1855, le travail inütulé ; Etu- des tératologiques sur un Anencéphale anoure appartenant à l'espèce bovine, par MM. N. Joly et A. Lavocat. Note (C), page 213. Composé au milieu des horreurs d’un siége, ce travail est cependant un des plus importants qui soient sortis de la plume de Geoffroy Saint- Hilaire. On y trouve, en effet, décrit très-exactement et pour la première fois, le singulier appareil au moyen duquel le Malaplérure du Nil étourdit ou foudroie ses victimes. À ces observations si précieuses au point de vue de l’anatomie, joignez la comparaison de l'appareil électri- que du Malaptérure avec celui de la Torpille et du Gymnole ; les ré- sultats, également comparatifs, obtenus dans les expériences qui avaient si fort absorhé leur auteur; l’idée très-hardie, trop hardie peut-être, de la non spécialité d'action des nerfs, nettement exprimée à celle occa- sion; enfin, et par dessus tout, l'Unité de composilion organique opi- niâtrément poursuivie, même au sujet des organes électriques; et vous concevrez facilement l'accueil flatteur et empressé que les zootomistes et les physiciens firent à celte belle étude. Note (D), page 215. Qui ne connait les beaux Mémoires d'E. Geoffroy Saint-Hilaire, sur l'Ichneumon où Rat de Pharaon, sur les Crocodiles, sur les Hétéro- branches , ces singuliers poissons auxquels leurs branchies surnumérai- res permettent de quitter le Nil et de s’avancer en rampant dans le limon des canaux qui aboutissent au fleuve? Nous ne parlerons pas ici de cette foule d'espèces Egyptiennes encore inédites qui, grâce à Geoffroy Saint- Ililaire, constituent maintenant une des richesses les plus précieuses peut- DE L'ACANÈMIE DES SCIENCES. | 239 ètre, mais sans contredit les plus glorieuses de notre Muséum. Nous ne pouvons pourtant ne pas signaler encore le Polyptère bichir, ce poisson paradoxal comme l'Ornithorhynque, en ce qu'il rappelle tout à la fois les Serpents par sa forme allongée et la nature de ses écailles ; les Pho- ques par ses nageoires antérieures ; enfin les Célacés souffleurs par les ouvertures cräniennes d’où s'échappe l’eau portée sur les branchies. Note (£E), page 217. L'opercule correspond à l’étrier ; l’interopercule, au marteau; le subo- pereule , formé de deux pièces, au lenticulaire et à l’enclume; enfin, le préopercule au cadre du tympan. Note (F), page 221. Nous devons ici mettre en garde le lecteur contre une méprise que les savants de profession n’ont pas toujours évitée, méprise qui consiste à confondre la Méthode des analogues de Geoffroy Saint-Hilaire avec sa Théorie de l'Unité de plan et de Composilion organique. La Théorie se fonde sur celte idée capitale : {ous les animaux sont formés des mêmes éléments, en même nombre et avec les mêmes con- nerions : vraie ou fausse, celte théorie est complétement indépendante de la Méthode des analogues. En effet, celle-ci n’est qu'un ensemble de principes à l'aide desquels on procède à la recherche des analogies, on parvient à les constater. Ces principes sont les suivants : Lo Principe DES GoNNExIONS. « Un organe est plutôt diminué, effacé , anéanti que transposé, c'est-à-dire qu'un organe quelconque, une pièce quelconque de l’admirable machiue conserve toujours avec le reste de système les mêmes relations mutuelles, les mêmes rapports de con- nexion.» (Æ. Geoffroy Saint-Hilaire.) 20 BALANCEMENT ORGANIQUE. (Loi de compensation, Flourens.) «J'ap- pelle ainsi , dit Geoffroy Saint-Hilaire, cette loi de la nature vivante, en vertu de laquelle un organe normal ou pathologique n'acquiert jamais une prospérité extraordinaire qu'un autre de son système ou de ses rela- tions n’en souffre dans la même raison.» (Jd.) C’est celte même loi que le génie de Goethe avait formulée d’une ma- nière peut-être plus originale encore, en disant : « La prévoyante nature s’est fixé un budget, un état de dépense bien arrêté. Dans les chapitres particuliers elle agit arbitrairement : mais la somme générale reste tou- jours la même , de sorte que si elle dépense trop d’un côté, elle retranche de l’autre. » 3° RESTITUTION DES ORGANES ÉLÉMENTAIRES. Mal compris ou négligés jus- qu'au moment où parut la Philosophie analomique, les organes élémen- taires reprennent alors toute leur importance, et deviennent, selon 210 MÉMOIRES Fheureuse expression de l'auteur, «autant de rudiments qui témoignent ; en quelque sorte, de la permanence du plan général. » Et ailleurs : « La nature ne marche jamais par sauts rapides : elle laisse toujours des vestiges d’un organe, lors même qu'il est tout à fait superflu , si cet organe a joué un rôle important dans les autres espèces de Ja même fa- mille. » 4° AFFINITÉ ÉLECTIVE DES ÉLÉMENTS ORGANIQUES. «Les matériaux de l’or- ganisation, dit Geoffroy Saint-Hilaire, se groupent entre eux pour for- mer un organe, comme des maisons s’agglomérent pour former une cité. Cette nécessité qui contraint les éléments qui se touchent à ac- cepter les effets d’une convenance réciproque, eette sorte d'attraction intime comparable aux attractions moléculaires des physiciens , aux affi- nités électives des chimistes , il l'appelle affinité élective des éléments organiques. Plus tard, il a donné à cette loi une extension plus grande encore, et alors il l’a désignée sous le nom d’Affinité ou d'Attraction de Soi pour Soi. Loi d'Union similaire. Une autre loi, ou plutôt un simple corollaire de la loi d'Affinité de Soi pour Soi, sert, comme nous le verrons bientôt, à expliquer la for- mation des monstres doubles. Arrêts de développement. Enfin, au moyen des arréls ou plutôt des inégalités de développe- ment, Geoffroy nous rend compte de la plupart des monstruosités uni- taires, eLil nous fait voir que les monstres, en général, reproduisent le plus souvent des particularités d'organisation que l'on retrouve seu- lement chez les types inférieurs à celui de la classe à laquelle ils appar- tiennent. Quelquefois cependant la monstruosité n’est réellement qu'un retour à l’état normal. Qu'on nous permette d’en citer ici un curieux exemple : Valère Maxime nous apprend que le cheval de Jules César était poly- dactyle. Cette anomalie, ou plutôt ce retour au type, s’est présentée deux fois à l'observation d'E. Geoffroy Saint-Hilaire , qui en a tiré cette conclusion importante , à savoir que la monstruosité d’une espèce re- produit , dans certains cas, l’état normal d’une autre. Dans un travail qui nous est commun avec notre ami, M. le professeur A.Lavocat, nous avons eu l’occasion, non-seulement de confirmer cette vue philosophi- que, mais encore de donner sur la structure du pied, chez le cheval, des idées fort différentes de celles qui sont généralement admises. Nous croyons avoir prouvé, entre autres choses, que le doigt, en apparence unique, des prétendus monodactyles est en réalité formé de deux doigts intimement unis l’un à l’autre (l'annulaire et le médius), et que les deux os désignés par les vétérinaires sous le nom de s{ylets, ne sont rien autre chose que l’auriculaire et l'index demeurés à l’état rudimentaire. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 241 Quant au pouce, il serait, selon nous, représenté par la petite saillie cornée, connue vulgairement sous le nom de chdtaigne. Voir dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, tom. 11, pag. 358, année 1852, notre tra- vail intitulé : Eludes d'anatomie philosophique sur la main el le pied de l'homme, et sur les extrémilés des mammifères ramenées au type pentadactyle. Noir aussi, dans le même Recueil, tom. m1, pag. 36%, année 1853, les Eludes anatomiques et lératologiques sur une mule lissipède aux pieds antérieurs, par MM. A. Lavocat et Joly. Note (G), page 222. Quand on examine un squelette de serpent boa, et mieux encore un squelette de raie ou de turbot, on s'étonne de voir apparaitre si tardive- ment dans la science, l'idée de la composition vertébrale du crâne , for- mulée pour la première fois, en 1807, par le professeur Oken, à Brême, et en 1808, par M. le professeur Duméril , à Paris. Fort mal accueillie à son entrée dans le monde scientifique, cette idée, aujourd'hui généralement admise comme vraie, faillit être étouflée à sa naissance. Mais , malgré l’expression de vertèbre pensanle, malicieuse- ment proférée au sein de l’Institut, pour désigner le crâne et condamner la théorie de M. Duméril , Geoffroy Saint-Hilaire n’en vit pas moins sous celte plaisanterie une idée philosophique et sérieuse, une idée pleine d'avenir, et c’est à la développer, à l’étayer, qu’il consacra, il nous le dit lui-même , vingt années de sa vie. Sans se laisser décourager par l'échec de son collègue, M. Duméril , sans admettre les bizarres conceptions de Spix, auteur d’un livre qui venait de paraître sous le titre de Cephalogenesis ; sans se laisser rebu- ter par les difficultés du sujet, Geoffroy Saint-Hilaire fait d'abord une longue et consciencieuse étude de la vertèbre, qu'il considère sous un point de vue tout-à-fait neuf. Puis , après avoir soigneusement déterminé les pièces qui composent le crâne des crocodiles (1807) et des oiseaux (1808), il entreprend un travail d'ensemble (1824) sur la composition de la tête osseuse de l’homme et des animaux, et il poursuit pendant plu- sieurs années encore (de 1824 à 1852) ce grand travail, soit pour le compléter , soit pour le modifier dans quelques-unes de ses parties. En- fin, après tous ces labeurs si patients et si ingénieux tout à la fois, il arrive à conclure que le crâne est, chez tous les animaux du premier embranchement , formé de sept vertèbres , et il donne la concordance de sa nomenclature et de ses déterminations avec celles de Cuvier. Dans un travail très-remarquable qui fait parte de la Cyclopædia of anatomy and physiology, Maclise a étendu au squelette tout entier l'idée de la composition vertébrale du crâne, el il a élayé sa thèse, sinon sur des faits toujours incontestables , du moins sur des idées tou- Jours ingénieuses. 212 MÉMOIRES Note (H), page 228. Les savantes recherches de Savigny sur la bouche des insectes ; les tra- vaux d’Audouin sur le {horax de ces mêmes animaux ; ceux de Milne- Edwards sur le squelette entier des Crustacés ; les vues de Dugès sur la conformité organique; les observations de Hérold sur le développe- ment des araignées ; les nôtres sur l’'embryogénie de la Caridina Des- mareslu ; enfin les curieuses expériences de Newport sur le système nerveux des insectes en général, ont apporté de nouvelles preuves à l'appui de l'Unité de composilion, et mis hors de doute la station inverse des animaux articulés. Note (1), page 223. Pour avoir le droit de substituer ce langage à celui des siècles passés, Geoffroy Saint-Hilaire a dû prouver d’abord que la plupart, si ce n’est Ja totalité des monstres unilaires ne sont que des êtres dont le dé- veloppement, régulièrement commencé , a été ou modifié ou entravé, et finalement s’est arrêté en deçà des limites qu'il devait atteindre. C’est là ce qu'il nomme un arrét de développement. En ce qui concerne les monstres doubles, l’auteur de la Philosophie anatomique à démontré que l'union des deux sujets composants s'opère loujours par les parties homoloques , et cela non-seulement à l’exté- rieur , mais encore à l'intérieur. Chaque organe , chaque viscère de l’un va trouver le viscère , l'organe similaire de l’autre, et se soude avec lui en vertu de la loi d'attraction de Soi pour Soi, devenue ici loi d'Union similaire. La soudure des monstres doubles expliquée, celle des monstres triples s'explique aussi facilement et d’après la même loi. En effet, dit M. Is. Geof- froy Sant-Hilaire. « Toute monstruosité triple se ramène de la manière Ja plus simple à deux monstruosités doubles, l’une résultant de l’union du premier jumeau avec le second, l’autre du second, ou de l’intermé- diaire, avec le troisième (1).» On admettait, 1l n’y a pas longtemps encore, des germes origimaire- ment monstrueux. Haller et Winslow avaient défendu cette erreur ; Meckel lui-même la partageait, quand Geoffroy Saint-Hilaire vint la com- battre, en demandant à l'expérience directe la solution de la difficulté. Il soumet à l’incubation artificielle des œufs de poule, les laisse subir un commencement de développement régulier : puis il entrave la marche de ce développement , en secouant les œufs, en les tenant dans une po- sition verticale , tantôt sur le gros, tantôt sur le petit bout, en les en- duisant d’un vernis à la cire sur une partie de leur surface, etc, et il crée ainsi des monstres à volonté. L'argument était sans réplique : la (1) Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Téralologie, lom. nt, pag. 535. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 243 vieille hypothèse des germes originairement monstrueux fut renversée à tout jamais , à tout jamais reléguée dans l’histoire, hélas ! trop volumi- neuse des erreurs de l’esprit humain (1). Les curieuses expériences de Geoffroy Saint-Hilaire ont été reprises et confirmées tout récemment par M. Camille Dareste (Voir les Ann. des sciences naturelles, tom. 1v, pag. 119, 4e série, 1855), qui a même ajouté quelques faits très-intéressants aux résultats obtenus par notre grand anatomiste. Quant aux causes de la monstruosité, est-il besoin de rappeler que des auteurs , d’ailleurs très-sérieux, l'attribuaient à l'influence des astres, à l'opération du démon, à la colère de Dieu, et souvent même à l'union adultère d'un être humain avec un animal. Tirant de ses expériences et de l'observation attentive des faits les conséquences qui en découlent, Geoffroy Saint-Hilaire affirme que, dans l'immense majorité des cas, la cause de la monstruosité est purement accidentelle : un coup, une chute, une violence extérieure, une émotion morale, vive ou long- temps prolongée , une lésion des membranes, ou bien leur soudure avec un ou plusieurs organes de l'embryon, en voilà plus qu'il n’en faut, selon Geoffroy Saint-Hilaire , pour se rendre compte du trouble survenu dans le développement embryonnaire, et, par suite, de la monstruosité qui en a été la conséquence. Avant de terminer cette note, relative aux monstruosités, peut-être n'est-il pas inutile de consigner ici ce qu’en pensait E. Geoffroy Saint- Hilaire lui-même , avant qu'il en eût fait l’objet de ses travaux. « Quand, à mon début, dit-il, je fus frappé du spectacle de monstruo- silés si nombreuses et bizarres jusqu’au degré de l’extravagance , il me sembla que je contemplais l’organisation dans ses jonrs de Salurnales , fatiguée à ce moment d’avoir trop longtemps ingénieusement produit, et cherchant du délassemeut en s’abandonnant à ses caprices. » (Mémoires du Muséum , t. 1x, p, 252. Lorsque E. Geoffroy eut donné la clé de ces prétendues extravagances, son ami Corréa da Serra lui écrivait : « Je me plais et m'instruis avec vos monstres ; ce sont d’aimables et francs bavards, qui racontent sa- vamment les merveilles de l’organisation , disant toujours fort à propos el ce qui estet ce qui ne saurait être.» Note (3), page 224. Persuadé , quoi qu'en ait dit Cuvier, « qu'observer, décrire et clas- ser » ne constitue pas toute la science , que ce n’en est même pas la par- ——_—_—_—_—_— (41) Outre le 2 volume de la Philosophie anatomique , tout entier consacré aux monstruosités , consultez les articles Monstres et ANExcÉPIALE du Diclionnaire clas- sique d'Histoire naturelle, et le Journal complémentaire des sciences médicales , tom. xxiv, pag. 256 ; 1826. 244 MÉMOIRES üe la plus essentielle, Geoffroy Saint-Hilaire ne se borne pas à enregis- trer des faits : il songe surtout à les interpréter, et dans ses interpréta- tions mêmes se révèle toute la sagacité de sa logique , toute la puissance de son génie. Non, s’éerie-t-1l, «nos plus nobles facultés, le jugement et la saga- cité comparalive ne doivent point être bannis de la science ; après l'éta- blissement des faits, il faut bien qu'adviennent leurs conséquences scientifiques, tout comme après la taille des pierres , il faut bien qu’ar- rive leur mise en œuvre. » « Ces faits, dit-il ailleurs, bons à rechercher comme les règles de la syntaxe dans l’art oratoire, qu'on ne nous les donne plus comme l’ulli- malum du savoir du naturaliste. » Note (K), page 224. Quand on étudie, même superficiellement, l'histoire de cette terre dont nous sommes les plus nouveaux habitants; quand on considère les débris de tant de races enfouies dans ses entrailles, il est impossible de ne pas se demander si ces races n’ontlaissè après elles aucune postérité, si elles sont ou ne sont pas les souches primitives de nos animaux et de nos vé- gétaux actuels. G. Cuvier, partisan déclaré de l'immutabilité absolue de l'espèce, s'était, comme tant d’autres, posé cette question, et il l'avait résolue négativement. Geoffroy, au contraire, se prononça pour l’affir- malive, «Il est décidément démontré, dit-il, que les races actuelles sont le produit de la même création, continuellement successive et progres- sive, et qu’elles sont réellement démontrées par une filiation non inter- rompue des anciennes races aujourd'hui perdues (4). » Idée hardie, qui aurait besoin, pour être définitivement admise dans la science, d’une démonstration plus rigoureuse et appuyée de plus de faits que n’en a pu recueillir son auteur. Cependant, l'histoire des Helmin- thes ou vers intestinaux semble apporter de nouvelles preuves à l'appui du système de la variabilité limilée des espèces. En effet, le docteur Kuechenmeister, de Zittau (Saxe), a démontré, par ses curieuses expériences sur une femme condamnée à mort, quele Cys- ticerque cellulaire (Cysticercus cellulosæ) qui produit la ladrerie du cochon, donne naissance, Torsqu'il est ingéré avec les aliments dans l'intestin de l'homme, au Ver si improprement appelé solilaire, ou Tæ- nia solium des naturalistes (2). D'un autre côté, d’après le docteur C. T. Von Siebold, le Cysticercus pisiformis, qui vit dans le foie et dans le mésentère du lapin et du lièvre; le €. tenuicollis, qui est très-commun dans nos animaux de boucherie ; le C. cellulosæ qui se trouve quelquefois en si grand nombre dans fa (1) Etudes progressives d'un naturaliste, p. 117. (2) Voir Ann. des sciences natur. , t. 1, p. 377, 4° série. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 245 chair du porc, et même dans les muscles et les viscères de l'homme; enfin, le Cœnurus cerebralis, qui occasionne le tournis du mouton, ne sont que les embryons dégénérés d’une seule et même espèce, le Tœnia solium. Bien plus, le Tœnia solium lui-même, le T. serrala, du chien; le T. marginala du loup; le T. crassipes du renard ; enfin, le T. crassicollis de la martre et du putois devraient être aussi rapportés à une seule et même espèce, parce qu'ils ne sont en effet « que des variétés produites par les différences du sol où ces animaux se sont développés, suivant que, dans le jeune âge, (c’est-à-dire à l’état de vers vésiculaires ou Cysticer- ques ) ils ont été transportés dans l'intestin de l'homme , du loup , du renard, ou d’un carnivore de la famille des martres (1).» Note (L), page 224. L'extrait suivant des Gespräche mit Goethe in den letzten Jahren seines Lebens, par Eckermann , (Magdebourg, 1848), suffira pour don- ner une idée de l'impression que produisit sur Goethe la discussion entre Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire. Nous traduisons : «Eh bien ! s'é- cria Goethe en venant à ma rencontre, que pensez-vous de ce grand évé- nement? Le volcan a fait éruption : tout est en flammes, et désormais il ne s’agit plus d’un débat à huis clos! — C’est une terrible histoire, répondis-je. Mais dans les circonstances que nous savons et avec un Lel ministère, pouvait-on ne pas s’attendre à ce que tout cela finirait par l'expulsion de la famille royale. Il paraît que nous ne nous entendons pas, mon bon, répliqua Goethe. Je ne parle pas de ces gens-là, il s’agit pour moi de tout autre chose ; je parle du débat entre Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, débat si important pour la science, qui vient d’éclater en pleine Académie.— Cette réponse de Goethe était pour moi tellement inat- tendue, que je ne sus plus que dire , et que pendant quelques minutes je sentis une suspension complète dans ma pensée. La chose est d’une très- haute importance, continua Goethe, et vous ne sauriez vous faire une idée de ce qne j’éprouve à cette nouvelle de la séance du 19 juillet. Nous avons pour toujours en Geoffroy Saint-Hilaire un allié puissant. Mais je vois en même temps, par là, quel vif intérêt le public scientifique de la France a dû prendre à cet événement, puisque, malgré d’effrayantes 1r- ritations politiques, à la séance du 19 juillet , la salle était entièrement remplie. Mais ce qu'il y a de mieux, c’est que la manière synthétique d'envisager la Nature, introduite en France par Geoffroy, ne peut plus maintenant rétrograder. » (1) Voy. le curieux travail de C. T. Siebold, intitulé : Mémoire sur les vers rubanés el vésiculaires de l’homme et des animaux, et sur la production des helminthes en gé- néral, Ann. des scienc. nat, t. 1v, p. 200, 4° série. 246 MÉMOIRES Note (M), page 226. La Paléontologie doit à Geoffroy Saint-Hilaire l'établissement de plu- sieurs genres nouveaux de Mammifères (Sivatherium, Thylacotherium. Dremotherium , etc., elc.) et de reptiles Sauriens ( S{eneosaurus , Teleosaurus, etc.) Les grands Sauriens de la Normandie surtout furent pour notre anatomiste philosophe un sujet favori d'études pendant plu- sieurs années. Mais des tracasseries jalouses, et surtout l'accusation odieuse autant que ridicule d’avoir attenté à la gloire de Guvier, engagè- rent E. Geoffroy à dire un éternel adieu à cette paléontologie que le gé- nie de son émule avait créée, que lui-même avait enrichie, et dont les grands problèmes avaient lant d’attraits pour son esprit investi- gateur. Note (N), page 227. Les Mémoires de Geoffroy Saint-Hilaire sur la Physiologie, sont un peu moins nombreux que ceux d’Anatomie. Science encore incertaine sur une foule de points, variable dans ses théories selon les idées actuellement régnantes, la Physiologie ne pouvait captiver l'attention de notre grand penseur au même degré que l’Anatomie, plus facile à interroger, bien qu’au moins aussi réservée dans ses réponses. Aussi , quelques observations ingénieuses sur l'audition, l'olfaction, et les usages de la vessie aérienne des poissons ; quelques idées, aujour- d’hui fort contestables, sur la respirafon dans le fœtus, et une série d'expériences sur les différents états de pesanteur des œufs, au com- mencement et à la fin de l’incubation ; plusieurs Mémoires sur le mode de génération des animaux à bourse et des Monotrèmes; enfin, des re- cherches sur les glandes mamillaires et sur la lactation des Cétacés, tel est, à peu de chose près, le contingent physiologique dont la science est redevable à Geoffroy Saint-Hilaire. Nous nous bornerons à dire un mot de ses idées sur le mode de géné- ration des Marsupiaux et des Monotrèmes, et à faire connaître sa ma- nière de voir sur l'allaitement des Cétacés. On se rappelle encore les fameux débats qui éclatèrent en octobre 1834 , au sein de l’Institut de France , lorsque M. Richard Owen vint déclarer, contrairement à l'opinion d’abord soutenue par Geoffroy Saint- Hilaire, que les Monotrèmes ne sont point ovipares, et qu'ils nourris- sent leurs petits avec du lait sécrété par des glandes mammaires, Meckel, en Allemagne , avait pensé de même. Enfin , M. de Blainville regardait l'Ornithorhynque comme un mammifère vivipare, dont l'œuf, plus gros que de coutume , ne se grefferait point à la matrice par le moyen d'un placenta. Convaincu par les arguments de ses adversaires, Geoffroy Saint-Hilaire finit par se ranger de leur avis, et il vint le déclarer avec franchise , avec cette loyauté scientifique dont il ne se départit jamais. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 247 C'est encore celte mème probité, ce même amour vrai de la science qui le fit revenir, en 1834, sur l’idée erronée qu'il avait émise au sujet de la lactation des Cétacés. Il reconnait, avec Aristote, qu’ils se nourris- sent de lait, et non, comme il l'avait avancé d’abord , d’une sorte de mucus hydruté, d'une espèce de blanc-manger, sécrété par des glan- des mamillaires d'une nature spéciale. Mais en même temps qu'il désavoue une erreur , il nous apprend plusieurs particularités intéres- santes sur la structure des mamelles , et sur le jeu de ces organes chez tous les Cétacés. Partant de ce fait , que les petits de ces animaux ne peuvent extraire eux-mêmes le lait destiné à les nourrir , il cherche et trouve chez leurs mères des muscles propres à comprimer les mamelles, et il voit l’appa- reil lactifère lui-même «{ransformé en une seringue qui lance le lait avec autant de puissance que de prestesse :» admirable harmonie, qui nous rappelle les faits analogues déjà constatés par le même savant sur les femelles des Marsupiaux , et par Richard Owen, sur celles des Ho- notrèmes. Note (0), page 227. Adversaire déclaré du vitalisme , Geoffroy Saint-Hilaire cherche à ra- mener à des lois communes les phénomènes de la physiologie et ceux de la physique générale. C’est là , on peut le dire, avec l'Unité de compo- silion organique , la pensée de presque toute sa vie, son œuvre de vraie prédilection. Seul contre tous, il n'ose d’abord énoncer ces vues qui, pendant trente-trois ans «lui firent éprouver , dit-il, le supplice de Tantale.» Mais enfin, convaincu de plus en plus par l'étude des mons- tres doubles , chez lesquels chaque organe, chaque partie, chaque subs- tance de l’un s’unit à son semblable chez l’autre, il s’écrie : «La nature ne peut faillir , » et proclame enfin ce fameux principe , cette loi de Soi pour Soi, qu'il regarde comme « une clef bonne aux deux physiques ,» c'est-à-dire à la physique proprement dite et à la physiologie. C’est, suivant lui , la loi de Newton appliquée aux sciences naturelles et véri- fiée dans ses moindres détails. 248 MÉMOIRES NOTE SUR L'ÉCOLE DU PALAIS AU TEMPS DE CHARLEMAGNE, el sur la pièce intitulée : Disputatio regalis et nobilissimi juvenis Pippini cum Albino scholastico , Par M. GATIEN-ARNOULT. M. Guizot, dont l'autorité est si respectée et si respectable, dit (en son Cours d'histoire de la civilisation en France, 23° leçon) que l'Ecole du Palais fut une institution de Charlema- gne; qu'elle était une espèce d’Académie ; que l’on y parlait un peu au hasard et de toutes choses; que la pièce intitulée Dis- putatio regalis et nobilissimi juvenis Pippini cum Albino scholastico est un échantillon de ce qui s’y passait fort sou- vent ; et que cette pièce est un symptôme du mouvement intel- lectuel de la France en ce temps. —M. Ampère (en son His- toire littéraire de France, t. 3, p. 78) regarde cette même pièce comme une réminiscence et un fragment de la vieille poésie Anglo-Saxonne. Toutes ces propositions me semblent erronées ou inexactes ; je veux le montrer brièvement en cette note. Il n'y a guère d'erreurs insignifiantes ; et celles qui s’autorisent des plus grands noms sont aussi celles qu’on doit le plus combattre. 1°. L'Ecole du Palais fut-elle une institution de Charlemagne ? En fait, aucun historien ni aucun écrivain du temps de Charlemagne, ou voisin de cette époque, ne lui rapportent cette institution comme à son auteur. Ceux qui le font aujourd'hui ne peuyent donc que conjecturer. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 249 Or celte conjecture ne paraît pas très-solide, d’abord, si l’on réfléchit que Charlemagne a généralement fort peu inventé. Son époque recoit bien souvent le nom de renaissance. En effet, il n'a guère cherché qu’à faire renaître ; il a été ou voulu être restaurateur, réformateur, nullement inventeur. Ensuite cette conjecture est contredite par des textes positifs. En effet, 14° Ardon rapporte que Benoît d’Aniane, né vers l’an 150, fut élevé parmi les écoliers de la cour du roi Pepin : .… pucriles gerentem annos filium suum in aula gloriosi Pip- pini regis tradidit inter scholares nutriendum. 2° Paschase Radbert en dit autant de Wala, neveu de Pepin et cousin ger- main de Charlemagne : Fuit a puero inter tirocinia Palatii liberalibus mancipatus studiis. — Ces deux faits seuls prou- vent que l'Ecole du Palais existait avant Charlemagne, sous Pepin-le-Bref. Il y a plus ; les biographes de Vandregisile, de Dadon (Saint- Ouen), de Filibert nous en disent autant, rapportant qu'ils fu- rent élevés à la cour du roi Clotaire Il : awlicis disciplinis no- biliter educatus.—Va même mention est faite encore pour la cour d’autres rois. Des abbés appelés palatini, quand ils ne quiltaient pas le Palais, et castrenses, quand ils suivaient le camp, étaient chargés de cette discipline et de la direction de ces études et d’autres fonctions analogues. — Il suit de là que l'Ecole du Palais existait sous les rois Mérovingiens. lei se présente la question : D'où les rois Mérovingiens eu- rent-ils cette institution ? Et nous n'y voyons que quatre répon- ses possibles. Ou quelqu'un de ces rois en fut l’auteur ; — ou c’é- tait une institution franque ; — ou une institution gauloise ; — ou une institution romaine. Pour cette dernière réponse, nous avons un passage remar- quable de Symmaque. ( Voir la lettre 32° du neuvième livre, écrite dans les dernières années du quatrième siècle.) La conclusion de ce passage et d’autres est que, sous la do- mination des Romains en Gaule, il y avait une Ecole du Pa- lais. — Alors, comme aujourd'hui, ce mot d'Ecole avait une double signification, matérielle et morale. Matériellement , il 250 MÉMOIRES désignait un lieu spécial du Palais où l'Empereur, quand il y résidait, et dans son absence, le principal personnage de la Gaule tenait son conscil particulier ; et tout autre lieu semblable où l'on tenait les assemblées, les conférences, etc. Ainsi nous don- nons le nom d'Ecole à certains bâtiments. Moralement, il dési- gnait les leçons que recevaient, en ce lieu, ceux qu'on y ad- mettait d’une manière particulière et qui étaient en quelque sorte autorisés à suivre les cours d'instruction sur l’adminis- tration des affaires qu'on y traitait. Ainsi nous avons des au- diteurs au Conseil d'Etat, des attachés aux Parquets, etc. Cette Ecole était une voie propre pour parvenir aux honneurs et aux dignités. — Elle fut longtemps dans la ville de Trèves : sous Julien, qui aimait la résidence de Lutèce, elle y fut avec lui : plus tard elle fat établie à Arles. Toutefois, et quoique cette institution paraisse ainsi d'origine romaine, elle pouvait avoir son analogue dans quelque usage national de la Gaule. Il est si naturel qu’en certains lieux, autour de certains hommes, s’en réunissent d’autres plus jeunes, ame- nés par le désir de se former à leur exemple et par leurs le- cons. La maison de plus d'un chef Gaulois put devenir une école; et dans quelques grandes familles, ce put être une babitude sé- culaire, élevée presque à la bauteur d’une institution. — Ainsi, dans le moyen âge, la cour de certains seigneurs était une Ecole de chevalerie. Ce que nous disons là des chefs Gaulois est applicable aux chefs Germains et Francs. Le camp du commandant guerrier, dux, put être souvent une Ecole de l’art militaire ; et la maison du gouverneur civil, rex, une autre École pour y apprendre les vicilles lois, les anciens usages et les règles de la vie à l’état de paix. — Mais ce ne sont là que des conjectures. Neus devons nous borner et nous nous bornons en effet à affirmer comme certains ces trois points : l'Ecole du Palais était une institution existant en Gaule sous les Romains: elle existait sous les rois Mérovingiens : elle existait sous Pepin-le-Bref. — Charlemagne n’en fat done pas le fondateur ; il n’en put être qu’un réformateur, l’agrandissant peut-être, et lui donnant cer- tains caractères. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 251 Avant d'aller plus loin, aurions-nous besoin de faire obser- ver que, dans notre pensée, pas plus que dans la réalité, cette existence continue de l'Ecole du Palais , depuis les Romains jusqu’à Charlemagne, n'implique pas qu'elle ait toujours été la même à toutes les époques? Assurément ce qu'elle avait été à l'époque où Symmaque en parlait, sous l'Empereur romain, Gratien, elle ne l'était plus sous le roi Mérovingien, Clotaire IT, ni sous le Carlovingien , Pepin-le-Bref. S 2. L'Ecole du Palais sous Charlemagne fut-elle une espèce d' Académie ? Premièrement, une anecdote racontée par le moine de Saint- Gall, cttrop souvent répétée pour que nous ne nous bornions pas à la rappeler, prouve incontestablement que, sous Charle- magne comme sous ses prédécesseurs, l'Ecole du Palais était d'abord un coilége véritable pour l'instruction des jeunes gens qu'on destinait et qui aspiraient aux fonctions publiques. À ceux qui travaillaient bien, il disait en les placant à sa droite : Courage, si vous conlinuez, vous serez gens considéra- bles à mes yeux ; je vous donnerai bonnes abbayes, riches évêchés, etc. À ceux qui étaient négligents et paresseux, les met- tant à sa gauche, il disait : Par le roi des cicux, si vous ne réparez pas votre négligence passée par une constante applica- cation, vous n’obticndrez jamais rien de Charles. Secondement, d’autres anecdotes et des textes divers montrent Charlemagne s'occupant beaucoup du chant en l'Ecole du Pa- lais, voulant y introduire le rite grégorien et par elle dé- sirant le répandre dans tout son royaume. Il ne négligeait rien pour y avoir des chantres habiles et des maîtres capa- bles d'en former d’autres. Lui-même il semblait parfois s’ériger en maître de lutrin.— Il suit delà que cette Ecole du Palais était encore un collége spécial pour l'instruction des jeunes clercs que l’on destinait au service des chapelles et des églises, pour la célébration des offices où le chant occupait une si grande place. Mais nous sayons aussi, troisièmement, que Charlemagne, 252 MÉMOIRES les princes et les princesses de sa famille, divers scigneurs de sa cour et des savants, outre leur nom propre, avaient un petit nom de fantaisie. Charlemagne était David; Gisla et Gundrade, sa fille et sa petite-fille, étaient Lucie et Eulalie; Angilbert, Homère ; Alcuin , Flaccus, etc. Ils prenaient ces noms quand ils se réunissaient ou se formaient en une sorte de comité, de société ou d’assemblée qui était encore l'Ecole du Palais. — C’est avec ce troisième caractère ou sous cet as- pect que l'Ecole du Palais était une espèce d’Académie. Ce caractère est incontestable ; mais il ne doit pas faire ou- blier ou nier les deux autres. $ 3. Que faisait-on dans l'Ecole du Palais-Académie, sous Charlemagne ? Amené à se poser cette question, M. Guizot déclare qu’il est difficile de répondre : il serait tenté de croire qu’on y parlait un peu au hasard et de toutes choses : et parmi ces choses, il met en première ligne des curiosités frivoles et ces étranges pué- rilités dont il voit un échantillon dans la Disputalio entre Al- cuin et Pepin, Ce ne sont là que des conjectures. Nous avons toujours voulu mettre des faits à la place; et après les avoir cherchés, nous en avons trouvé plusieurs, presque tous dans les lettres d’Alcuin. Nous allons en citer les principaux, et tirer successivement les conclusions qu’ils renferment. 1° La lettre 27° d’Alcuin-Flaceus est adressée à Angilbert- Homère, et contient la réponse à deux demandes que celui-ci lui avait faites. À cette époque, Alcuin n’était pas au Palais, et dans son absence, parmi les questions qu’on y avait agitées, queæstiones palatinæ, se trouvaient ces deux : Quel est le genre du mot rubus? Faut-il dire dispexeris ou despexeris ? Alcuin consulté répond. Il suit évidemment de là que, dans l’Ecole-Académie du Pa- lais, on s’occupait de discussions grammaticales : celles-ci étaient au nombre des questions palatines. La lettre 16e d’Alcuin à Charlemagne-David a le même ca- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 253 ractère : c'est une dissertation philologique sur la valeur des mois ælcrnum, sempilernum, immortale, perpeluum, s@cu- lum, œvum, tempus, finis. Rien , il est vrai, n'indique positivement que cette question ait été agitée dans l’Académie; mais l’analogie qu’elle offre avec l’autre, et toutes les circonstances autorisent à le con- jecturer. La conclusion précédente en est confirmée. 2° La lettre 2° d'Alcuin à Charlemagne est pour lui soumet- tre la réponse à une question, que des écoliers lui avaient adres- sée, sur les noms de septuagésime , sexagésime, quinquagé- sime , et le prier de consulter l'Ecole palatine sur la valeur de celte réponse. Charlemagne le fit ct transmit l'avis de l'Ecole, comme Al- cuin le désirait : Quoniam tuæ carilati placuit nostram rega- lem aulam de hac re consuliare , lui dit-il. Cette question n'est pas purement grammaticale, et elle indi- que une nouvelle matière des discussions de l’Académie. 3° Les lettres 6° et 106° d’Alcuin à Charlemagne contien- nent des explications demandées : la première, sur une contra- diction apparente de l’évangile concernant l'usage de l'épée ; la deuxième, sur l’omission de l'hymne que Jésus et ses disci- ples chantèrent le jour de la Cène. Celle-ci venait de Charle- magne lui-même qui voulait soumettre la réponse à la discus- sion de ses académiciens, quæstiones academicis vestris enu- cleandas, lui dit Alcuin. Il ne s'exprime pas aussi positivement sur la première ; mais ce qu'il dit est suffisant pour que nous lui assignions le même caractère. L'une et l'autre sont des questions d’exégèse évangélique, comme on dirait aujourd hui. L'Académie les comprenait donc encore parmi ses travaux. &° Plusieurs lettres d’Alcuin à Charlemagne (n°5 3,4,5,8, 9,10,14,25,26 ) traitent de l'astronomie. Nous savons d’ail- leurs que ces questions occupaient beaucoup Charlemagne lui- même et loute sa cour , et qu’elles jetaient la division parmi les savants. L'anglais Alcuin était souvent contredit par Clément lécossais. &° S.— TOME Vi. 17 25% MÉMOIRES C'était incontestablement une autre branche des travaux de l'Académie. 5° Un jour, pendant qu’Alcuin était absent, un savant Grec vint à la cour de Charlemagne. Il entra aussitôt en rapports avec les savants de l'Ecole, et assista à quelques-unes de leurs séances ou conférences : il y traita lui-même diverses questions. L'une, qui fut remarquée plus que toutes les autres, se résu- mait en ceci : Le Christ est le rédempteur des hommes. Tout rédempteur est un acheteur. Tout acheteur suppose un vendeur et une chose quelconque, plus un prix moyennant lequel le vendeur cède à l'acheteur ce qui lui appartient en droit et propriété. Dans la rédemption, l'acheteur, c’est le Christ; le prix c’est la passion du Christ; la chose achetée à ce prix, c’est l’homme; mais le vendeur qui a recu ce prix et cédé cette chose, quel est- il? La mort : la mort qui a été la reine du monde depuis Adam jusqu’à Moyse, suivant la parole de l'Apôtre. Cette thèse du savant Grec piqua beaucoup l'attention des fils de la science catholique dans l'Ecole du Palais, comme Alcuin les nomme ici, catholicæ eruditionis filii in Palatio : elle intéressa aussi Charlemagne qui en écrivit à Alcuin, lui demandant son avis. Et Alcuin lui écrivit une longue lettre (la 4" parmi celles que Baluze a publiées }, qu'on ne peut mieux caractériser qu’en la nommant un Mémoire présenté à l’Ecole- Académie du Palais. Ces questions, mêlées de théologie et de philosophie, entraient dans le cercle de ses travaux ordinaires. 6° Une autre fois, pendant qu’Alcuin était encore absent et peut-être déjà retiré dans son abbaye de Tours, les membres de l'Ecole du Palais agitèrent diverses questions sur l’âme hu- maine, Gundrade, la petite-fille de Charlemagne, dont le nom dans l'Ecole était Eulalie, en rendit compte à Alcuin, le priant de lui envoyer ses solutions. Il accueillit sa demande; et telle fut l’origine du livre intitulé : de ratione anime. L'auteur in- dique assez clairement qu'il était destiné à être lu et discuté par les membres de l'Ecole, dans leurs conférences : inquisi- tiones inter vos ventilatas. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 255 il désigne aussi par là une espèce de leurs travaux. — Une lettre d’Alcuin à Fridugise-Nathanael (la 3° de celles qui ont été publiées par d'Achery } présente le méme caractère de dissertation philosophique ou psychologique. Elle traite de trois modes de vision ou de perception dans l'âme humaine; la vision corporelle ou perception des sens, la vision spirituelle ou imagination , la vision inteliectuelle ou conceplion pure. Quoique rien n'indique positivement que celte lettre ou ce petit traité était destiné à l’Académie, on peut le conjecturer avec beaucoup de vraisemblance. — Fridugise-Nathanael, qui consultait Alcuin et en recevait des lettres ou traités, en composait lui-même, qu'il adressait ou soumel{ait à ses collègues de l’Académie, Nous en avons un, avec ce titre : 4 tous les fidèles siégeant dans le sacré Palais de notre seigneur et sérénissime Prince, Charles, F riduoise diacre. I y traite du néant et des ténèbres, se demandant s'ils Sont ou ne sont pas quelque chose, et faisant une réponse af- firmative. Ces faits, dont on pourrait peut-être augmenter le nombre, donnent donc cette conclusion incontestable que, dans l’Ecole- Académie du Palais, sous Charlemagne, on s’occupait de ques- tions de grammaire, de philologie, d'exégèse, de sciences phy- siques, de théologie et de philosophie, telles que les compre- naient les esprits les plus cultivés à cette époque. On peut joindre à cette conclusion, ou plutôt cette conclusion implique elle-même que toutes les questions théologiques qui furent alors discutées et résolues dans les Conciles gallicans, ou qui donnèrent lieu à des négociations avec le Pape, étaient d’abord examinées dans cette Ecole du Palais. Ainsi, en parti- culier, la question de l’'Adoptianisme ou de la nature de Jésus, celle du F'ilioque ou de la nature da Saint-Esprit, et celle du culte des images, ces trois grandes affaires de l'Eglise galli- cane, sous Charlemagne, devinrent aussi trois grands travaux de l'Ecole ; et rien n'empêche de supposer que celte Académie eut une part considérable dans l'œuvre des Livres carolins. 256 MÉMOIRES il duten être de même pour tout le reste; et spécialement pour les affaires d'enseignement et d'école ; pour la révision, la correction et la multiplication des manuscrits ; pour la composi- tion de certains livres, etc. Peut-être est-il permis de dire aussi qu’un grand nombre des hommes les plus distingués dans le pays se rattachaient à cette Ecole-Académie : ils étaient en correspondance avec elle. Et Charlemagne l’appelait sans doute à juger les ouvrages qu'il demandait souvent à plusieurs écrivains à la fois sur la même question, — Mais nous sommes ici dans le champ des conjec- tures, où nous ne voulons pas nous engager. En se bornant aux faits certains et en résumé, l'Ecole du Palais,sous Charlemagne, qui fut incontestablement un Collége pour l'instruction générale des jeunes gens qui aspiraient aux fonctions publiques, et un autre Collége pour l'instruction spé- ciale de ceux qui se destinaient à être chantres et maîtres de chant, fut, comme Académie, un établissement où, loin de s’in- téresser à des puérilités plus ou moins étranges, on agitait les questions les plus dignes d'occuper les esprits à cette époque ct dans ce pays. Je ne remarque pas ( parce que la remarque me paraît être snperflue } que les jeunes gens du premier collége étaient ins- truits dans l’art militaire. C'était vraisemblable, à ne considé- rer que la nature des choses : et des textes positifs l’établissent de la manière la plus certaine. $S 4. De la pièce intitulée : Disputatio regalis et nobilissimi juvenis Pippipi cum Albino scholastico. C’est la pièce que M. Guizot donne à la fois comme un échan- tillon de ce qu'on faisait le plus souvent dans l'Ecole-Académie de Charlemagne , et comme un symptôme du mouvement intel- lectuel de la France en ce temps : M. Ampère la considère comme une réminiscence et un fragment de la vieille poésie anglo-saxonne. Mais, avant d'en parler, il faut la connaître ou se la rappeler. C’est pourquoi nous jugeons utile d’en mettre d’abord ici la traduction tout entière. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 257 Cette pièce est divisée en deux parties, ou plutôt elle comprend deux dialogues. PREMIER DIALOGUE. C'est Pepin qui interroge ; Albin, qui est le même qu’Alcuin , lui répond, Pepin. Qu'est-ce que l'écriture? — Afcuin. La gardienne de l'histoire. Qu'est-ce que la parole ?— L'expression de la pensée. Qu'est-ce qui engendre la parole ? — La langue. Qu'est-ce que la langue? — Le fouet de l'air. Qu'est-ce que l'air? — La garde de la vie. Qu'est-ce que la vie ? — La joie des heureux, la tristesse des malheu- reux, l’altente de la mort, Qu'est-ce que la mort? — Un événement inévitable, un voyage incer- tain, une douleur des vivants, l’irrévocabilité des testaments, le voleur des hommes. Qu'est-ce que l’homme ? — L'esclave de la mort, un voyageur passant , l'hôte d’un lieu. A quoi l'homme ressemble-t-il ?— À un fruit. Comment l’homme est-il posé ? — Comme une lanterne au vent. Où l’homme est-il posé? — Entre six murs. Quels sont-ils? — Le dessus, le dessous , le devant , le derrière, la droite, la gauche. Combien l’homme a-t-il de compagnons ? — Quatre. Quels sont ils? — Le chaud , le froid, le sec, l’humide. Combien l’homme a-t-il d'états successifs ? — Six. Quels sont-ils ? — La faim, la satiété, le travail, le repos, la veille, le sommeil. Qu'est-ce que le sommeil?— L'image de la mort. Qu'est-ce que la liberté de l'homme ? —L'innocence. Qu'est-ce que la tête? — Le faite du corps. Qu'est-ce que le corps? — Le domicile de l’âme. Que sont les cheveux? — Le vêtement de la tète. Qu'est-ce que la barbe? — La distinction des sexes, la décoration de l’âge. Qu'est-ce que le cerveau ? — Le dépositaire de la mémoire. Que sont les yeux ? — Les guides du corps, les vases de la lumière , les indicateurs de l’âme. Que sont les narines? —L'attraction des odeurs. Que sont les oreilles ? — Les collecteurs des sons. Qu'est-ce que le front? — L'image de l'intelligence. Qu'est-ce que la bouche ?— La nourrice du corps. Que sont les dents ? La meule des mangeurs. Que sont les lèvres? — Les battants de la bouche. 258 MÉMOIRES Qu'est-ce que le gosier? — L’absorbant des aliments. Que sont les mains? — Les ouvriers du corps. Que sont les doigts? — Les archets des cordes. Qu'est-ce que le poumon? — Le conservateur de l'air. Qu'est-ce que le cœur ? — Le réservoir de la vie. Qu'est-ce que le foie ? —La garde de la chaleur. Qu'est-ce que le fiel ? —L'excitant de la colère. Qu'est-ce que la rate? —Le magasin des ris et de la joie. Qu'est-ce que l'estomac ? — La cuisson des aliments. Qu'est-ce que le ventre ? — Le protecteur des fragiles. Que sont les os ? — La forteresse du corps. Que sont les côtes ? — Des épistyles (architraves) de colonnes. Que sont les jambes? — Les colonnes du corps. Que sont les pieds? — Un fondement mobile. Qu'est-ce que le sang ?— L’humeur des veines, l'aliment de la vie. Que sont les veines ? — Les fontaines de la chair. Qu'est-ce que le ciel?— Une sphère tournante. Qu'est-ce que la lumière ? —Le flambeau de l'univers. Qu'est-ce que le jour?— L'appel au travail. Qu'est-ce que le soleil? — La splendeur de l'univers, Ja beauté du ciel, le charme de la nature, la gloire du jour, le distributeur des heures. Qu'est-ce que la lune? — L’æil de la nuit, la prodigue de rosée, la prophétesse des tempêtes. Que sont les étoiles?— Les peintures du dôme, les guides des navi- gateurs, les décors de la nuit. Qu'est-ce que la pluie ?— La conception de la terre, l’engendrement des fruits. Qu'est-ce qu’un nuage ?— La nuit dans le jour, une éclipse des yeux. Qu'est-ce que le vent? — La perturbation de l'air, Fagitation des eaux, la sécheresse de la terre. Qu'est-ce que la terre ? — La mère de tout ce qui croît, la nourrice de tout ce qui vit, le grenier de la vie, la grande dévorante. Qu'est-ce que la mer ? — Le chemin de l'audace, la limite de la terre, la division des pays , l'hôtellerie des fleuves, la fontaine des pluies, un refuge dans les dangers, un attrait dans les plaisirs. Que sont les fleuves? — Des coureurs infatigables, l'alimentation du soleil, l'irrigation de la terre. Qu'est-ce que l’eau ? — Le secours de la vie, la laveuse de saletés. Qu'est-ce que le feu ? — Un excès de chaleur, la couveuse de tout ce qui naît, la maturité des fruits. Qu'est-ce que le froid ?—La fièvre des membres. Qu'est-ce que la gelée ? — La persécution des herbes, la perdition des feuilles, l'enchainement de la terre, une source d’eau. Qu'est-ce que la neige? —De l’eau sèche. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 259 Qu'est-ce que l'hiver? — L'exilé de l'été. Qu'est-ce que le printemps ? — Le peintre de la terre, Qu'est-ce que l'été? — Celui qui vêtit la terre et mürit les fruits. Qu'est-ce que l’automne? — Le grenier de l’année. Qu'est-ce que l’année ? — Le quadrige du monde. Qui le traine ? — La nuit, le jour, le froid, le chaud. Qui le conduit ? — Le soleil et la lune. Combien a-t-il de palais ? — Douze. Quels sont les préteurs des palais ? — Le Belier, le Taureau , les Gé- meaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance , le Scorpion, le Sa- gitlaire, le Capricorne, le Verseau, les Poissons. Combien de temps habite-t-il dans chaque palais ? — Le soleil y habite trente jours et une demi-heure: la lune deux jours, huit heures et la moitié d’une heure. SECOND DIALOGUE, Après quelques questions , il est en sens inverse du précédent ; c’est-à-dire qu’Alcuin interroge et Pepin lui répond. Pepin. Maître, je crains d'aller en pleine mer. Alcuin. Qui t'a conduit sur la mer ?— Pepin. La curiosité. Alcuin. Si tu as peur, je descendrai, et je te suivrai partout où tu iras. Pepin. Si je savais ce que c’est qu’un vaisseau, je t'en préparerais un, afin que tu vinsses avec moi. — Alcuin. Un vaisseau est une maison errante, une hôtellerie qu'on transporte à volonté, un voyageur qui ne laisse pas de traces, un voisin de la grève, Qu'est-ce que la grève? — Le mur de la terre. Qu'est-ce que l’herbe ? — Le vêtement de la terre. Que sont les légumes? — Les amis des médecins, la gloire des cui- siniers. Qu'est-ce qui rend douces les choses amères ? — La faim. Qu'est-ce qui ne lasse jamais l'homme? — Le gain. Quel est le sommeil de l'homme éveillé ? — L’espérance. Qu'est-ce que l'espérance ? — Le rafraichissement du travail. Qu'est-ce que l'amitié ? — L'égalité des amis. Qu'est-ce que la foi? — La certitude de l'inconnu et du merveilleux. Qu'est-ce que le merveilleux ? Alcuin. Dernièrement j'ai vu debout un homme mort , étmarchant, un homme qui n’a jamais été. — Pepin. Comment cela peut-il être? Expli- que-le moi. — Alcuin. Une image dans Veau. — Pepin. Comment ne l'ai-je pas compris de moi-même , l'ayant vu si souvent ? Alcuin. Comme tu es un jeune homme d'intelligence et d'esprit natu- rel, je te proposerai quelques autres exemples de choses merveilleuses , 260 MÉMOIRES si tu peux les deviner de toi-même. — Pepin. Je le ferai : mais si je me trompe, redresse-mol. Alcuin. Je le ferai comme tu le désires. Un inconnu a conversé avec moi sans langue et sans voix; 1l n’était pas auparavant; il ne sera pas après : Je ne l'ai ni entendu, ni vu.— Pepin. C'était un rêve qui te fati- guait, maitre. Alcuin. C’est cela, mon fils. En voici un autre. J'ai vu deux morts engendrer un vivant, et le souffle du vivant a consumé les morts. — Pepin. C'est le feu, qui naît du frottement de deux morceaux de bois et qui les consume. Alcuin. C'est vrai. J'ai entendu des morts qui disaient beaucoup de choses. — Tu ne les entendrais pas, s'ils n'étaient pas suspendus en l'air. Alcuin. Bien. J'ai vu au fond de l’eau un feu inextinguible. — Un caillou. Alcuin. C'est comme tu dis. J'ai vu un mort assis sur un vivant et le vivant est mort dans le rire du mort, — Nos cuisiniers connaissent cela. Alcuin. Maintenant mets ton doigt sur La bouche pour que les enfants ne sachent pas ce que c’est. J’ai été à la chasse avec d’autres : ce que nous avons pris, nous ne l'avons pas apporté avec nous, et ce que nous n'avons pas pu prendre, nous l'avons apporté. — C’est là la chasse des rustres. Alcuin. Oui. J'ai vu quelqu'un qui était né avant d’avoir été conçu. — Tu l'as vu et peut-être mangé, Alcuin. Je Y'ai mangé. Quel est celui qui n’est pas, qui a pourtant un nom et qui répond à la voix. — Interroge Biblos dans la forêt. Alcuin. J'ai vu un hôte qui courait avec sa maison : il se taisait, mais sa maison faisait du bruit. — Prépare-moi un filet et je te le montreral. Alcuin. Quel est celui que tu ne peux voir sans fermer les yeux ? — Celui qui ronfle te le montre. Alcuin, J'ai vu un homme tenant huit dans sa main, il en ôta sept et six restèrent. — Les enfants savent cela dans les écoles. Alcuin. Quel est celui qui se relève plus grand, quand on lui coupe la tête. — Regarde à ton lit et tu le trouveras. Alcuin. Quels sont ces trois. Le premier... Le second n’est jamais né, et il est mort une fois. Le troisième est né une fois et est mort deux. — Pepin. Le premier a le même nom que la terre; le second a celui de mon Dieu; et le troisième celui d’un pauvre homme. — Alcuin. Dis pourtant les premières lettres. Alcuin. J'ai vu une femme volant, ayant un bec de fer , un corps de bois, une queue de plume, et elle portait la mort.— C'est la compagne des soldats. Alcuin. Qu'est-ce qu'un soldat? — Le mur de l'Empire, la terreur des ennemis, un noble esclave. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 261 Alcuin. Qu'est-ce qui est et n’est pas ? — Le néant. Alcuin. Comment se fait-il qu'il est et n’est pas?— Il est de nom ; il n’est pas en réalité. Alcuin. Qu'est-ce qu'un messager muet? — Celui que je tiens à Ja main. — Alcuin. Que liens-tu à la main ? — Ma lettre, — Alcuin. Lis et sois heureux, mon fils. Telle est la pièce en deux parties ou dialogues que (je le ré- pète) M. Guizot donne à la fois comme un échantillon de ce qu'on faisait le plus souvent dans l’Ecole-Académie du Palais, et comme un symptôme du mouvement intellectuel de la France en ce temps; et que M. Ampère considère comme une réminis- cence et un fragment de la vicille poésie anglo-saxonne. A côté ou en face de ces deux appréciations conjecturales et qui se contredisent {ant soit peu (comment la même pièce peut- elle être un symptôme du mouvement intellectuel français au VIII siècle, et un fragment de poésie anglo-saxonne très- vieille?), nous voulons nous borner à énoncer deux faits de bibliographie. 1° Dans les ouvrages de Bède (à la page #80 du tome n°), on trouve une pièce qui, entre plusieurs titres, a celui de Queæs- tiones et Parabolæ. La partie de cette pièce, à laquelle ce titre se rapporte , est absolument du genre de la Disputatio d’Alcuin. Ce sont aussi des demandes et des réponses : et parmi ces questions, quelques-unes sont les mêmes que celles d’Alcuin ; les autres sont semblables. En voici quelques traits comme preuve. D. Quel homme est mort deux fois et est né une ? — R. Lazare. D. Dis-moi ce qui ne lasse jamais l’homme ? — R. Le gain. D. J'ai vu un mort assis sur un vivant , et le vivant est mort dans le rire du mort. D. Il est sur terre une maison qui retentit bruyamment; la maison fait du bruit, mais l'hôte muet se tait; cependant l'hôte et la maison courent ensemble. Ces quatre questions sont textuellement dans Alcuin. — D'autres ne sont que semblables. D. Dis-moi, je Le prie, quelle est la femime qui offre ses mamelles à 262 MÉMOIRES des fils innombrables, et qui donne d'autant plus de lait qu'on la suce davantage ? — R. Cette femme est la science. D. Dis-moi quels sont les fils qui ont vengé leur père dans le sein de leur mère ? — À. Les fils de la vipère. D. Dis-moi quelle est la terre que ni le soleil, ni le vent n’ont jamais visitée, excepté pendant une heure, jamais avant, ni jamais après ? — BR. La terre que le peuple d'Israël a parcourue dans la Mer rouge... D. Quels sont les trois amis et les trois ennemis sans lesquels l'homme ne peut vivre ? — R. Le feu, l’eau et le fer. D. Trois choses sont insatiables, et une quatrième ne dit jamais , 1l suffit? — R. L'enfer, os vulvæ et la terre (ou l’eau , qui n'est jamais rassasiée d’eau }) : le feu ne dit jamais, il suffit... D. Quelle est la pierre plus belle que le soleil et plus dure ? —R. Celle que les maçons ont repoussée ( c’est-à-dire le Christ). D. Qu'est-ce que la paix ? — R. La paix est la protection de la patrie, l'immunité du peuple, la forteresse du roi, le remède des langueurs, la joie de l’homme, la douceur de la température, le calme de la mer, la fécondité de la terre, la consolation des pauvres, l’hérédité des fils... D. Dis-moi quel est l’homme qui n’est pas né, qui est mort, et qui a été baptisé dans le sein de sa mère, après sa mort. — R. Adam. D. Qu'est-ce que l'or? — R. L’esclavage de la mort. D. Qu'est-ce que l'argent? — R. La matière de l'envie. D. Quelle est la chose la plus longue? — R. L’espérance. D. Qu'est-ce qui est commun au roi et au pauvre ? — R, Naïtre et mourir. D. Quelle est la chose la meilleure et la pire ? — R. La parole (ou la langue). Le grand rapport de la Dispulatio d’Alcuin avec les Queæs- tiones et Parabolæ de Bède est le premier fait que nous vou- lions constater (A). — Voici le second. 2° Lactance composa dans sa jeunesse un opuscule intitulé : Symposium ou le Banquet, et nous avons sous ce litre, im- primée parmi ses œuvres, une pièce de vers, qui n’est qu'un re- cueil de cent énigmes , dont une est le texte même de Bède : plu- sieurs ont le même sujet que dans Bède et dans Aleuin, et toutes sont du même genre. L'éuigme qui est textuellement la même dans Lactance et Bède est celle du Poisson et du Ruisseau, en trois vers, Flumen et Prscis. Est domus in terris clarä quæ voce resultat ; Ipsa domus resonat , lacitus sed non sonat hospes : Amnbo tamen currunt, hospes simul et domus una. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 263 On la retrouve en prose dans Alcuin. Les énigmes dont le su- jet est le même, sont celles sur la pluie, le nuage, la gelée, la neige , le vaisseau, les pous, l'écho, le sommeil, la flèche, la vipère, et qui de 8 Ôte 7, reste 6. Ces deux faits étant constatés , nous pouvons laisser à chacun le soin d'en tirer la conclusion, qui est la ruine des deux ap- préciations conjecturales de MM. Guizot et Ampère. Car, évi- demment, une pièce dont on retrouve tous les éléments dans un auteur écrivant en Afrique vers l’an 280 , ne peut devenir, en 780 (cinq siècles après), un fragment de vieille poésie anglo- saxonne, comme le dit M. Ampère. Et une pièce qui a été évi- demment copiée des livres d’un auteur anglais, mourant en 735, ne peut être un symptôme du mouvement intellectuel français en 780, comme le dit M. Guizot. Quelques personnes trouveront peut-être que ces erreurs sont légères, et qu'elles ne méritaient pas qu’on en fit la matière d'une note. Pour nous , plus nous y pensons et plus nous recon- naissons qu'elles sont graves , moins encore en fait qu’en prin- cipe. En tout cas, nous ne pouvons mieux finir qu’en répétant notre phrase du commencement : QI n’y a guère d'erreurs insignifiantes ; et celles qui s’au- » orisent des plus grands noms sont aussi celles qu’on doit le » plus combattre. » (A) Note de la page 262. Ces énigmes pour ainsi dire littéraires sont, dans les livres de Bède, le véritable pendant d’autres énigmes scientifiques ou de problèmes d’arithmétique. On devait les employer au même usage dans les Ecoles d'enfants. Cet usage est d’ailleurs indiqué dans le titre même de la pièce d'Alcuin : Disputatio regalis et nobilissimi JurENIs Pippini cum Albino scholastico ; c’est l'entretien d’un maître avec son écolier tout jeune, à qui il propose de petites difficultés. Ce spectacle est celui dont nous sommes encore tous les jours les spectateurs où même les acteurs : et en cherchant l’on trouverait peut- 26% MÉMOIRES être que certaines de ces énigmes n’ont pas cessé d'être du domaine public en quelques lieux. Pour ma part, je me souviens que, dans mon enfance , me trouvant avec de jeunes séminaristes, je les entendis souvent chanter en chœur une espèce de Dialogue où l’on demandait ce qu'était une longue série de numéros depuis À, et où chaque demande était suivie d’une réponse ; de cette manière : D. Die mihi quid unus ? — À. Unus est Deus qui regnat in cœlis. D. Die mihi quid duo ? — R. Duo sunt Testamenta. D. Dic mihi quid tres? — AR. Tres sunt magni Patriarchæ ; Abraham , Isaac et Jacob. D. Die mihi quid quatuor ? — R. Quatuor Evangelistæ. D. Die mibi quid quinque ? — À. Quinque sunt hydriæ plenæ positæ in Cani Galilææ , etc. Une règle de ce chant était qu'après avoir répondu à la demande faite , on reprenait toutes les réponses antérieures. Ainsi, à la demande Quid duo ? après avoir répondu , Duo sunt Testamenta, on ajoutait Unus est Deüs ; à la demande Quid tres ? après avoir répondu, Tres sunt magni Patriarchæ , on ajoutait Duo sunt Testamenta, Unus est Deus... et ainsi de suite. C’est évidemment là une composition dans le genre de celles de Bède et d’Alcuin ; et celles-ci avaient certainement un usage peu différent, Je les regarde comme un échantillon de ce qu’on faisait bien souvent dans la petite Ecole du Palais où l’on instruisait les enfants et les jeunes gens, plutôt que dans la grande Ecole, qui était l’Académie : et il est impossible que ces étranges puérilités aient pu faire la grande joie de Charlemagne et de ses nobles amis. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 265 NOTICE HISTORIQUE LA VIE ET LES TRAVAUX DE M. BENECH; Par M. MOLINIER. M. Raymoxp-Osuix BENECH naquit à Bardigues près Castel- sarrasin, le 20 juillet 1807. Son enfance se passa dans ces lieux, où son éducation fut confiée à un ecclésiastique qui lui fit faire ses études classiques. Doué par la nature d’une précoce intelligence, le jeune élève profita si bien des leçons du maître, qu'il put obtenir, à l’âge de seize ans, le grade de bachelier ès lettres. Il commença immédiatement ses études en Droit, et it n'avait que dix-neuf ans lorsque la Faculté de Toulouse lui conféra la licence. M. Benech fit ses débuts au barreau de Castelsarrasin, où ses plaidoiries furent bientôt remarquées. Une imagination riche, une pénétration vive, une élocution facile et abondante aux- quelles se joignaient une grande ardeur pour le travail, Jui auraient assuré des succès brillants dans l'honorable carrièrequ'il avait commencée : les événements vinrent lui donner une nou- velle direction. En 1830, deux chaires et deux suppléances se trouvaient à la fois vacantes à la Faculté de Droit de Toulouse. Le jeune Licencié dont nous parlons avait obtenu, pendant le cours de ses études, les sympathies de ses professeurs. Des sentiments d'affection s’établissent entre les maîtres et les disciples atten- 266 MÉMOIRES tifs à leur enseignement ; M. Malpel, investi des doubles fonc- tions de Doyen de notre Faculté de Droit et de Recteur , se montra bienvcillant pour son ancien élève, et lui fit conférer, le 30 novembre 1830, les fonctions de suppléant provisoire. At- taché ainsi à l’école dont il venait naguère de sortir, M. Benech s’empressa de prendre le grade de Docteur. Il lui futconféré le 5 février 1831, et le nouveau gradué s’inscrivit aussitôt au nombre des candidats qui devaient concourir pour les chaires et pour les suppléances vacantes. Les épreuves diverses du concours firent connaître combien les travaux du jeune candidat avaient été féconds. Elles mani- festèrent, en même temps, la rectitude de ses facultés intellec- tuelles, le talent d'initiation dont il était doué, son aptitude pour le professorat. Le jury le nomma au premier tour de scru- tin et presque à l'unanimité, à l’une des deux chaires vacantes, celle de Droit romain (1). Il avait alors vingt-quatre ans seule- ment; il dut demander des dispenses d'âge; elles lui furent accordées, et à suite de l'institution définitive qu'il obtint du Ministre, son installation dans sa chaire eut lieu le 12 novem- bre 1831. Cette chaire, dans laquelle venait de le placer si jeune l'é- preuve d’un concours et les suffrages d’un jury composé de Professeurs et de Magistrats, était, avant lui, occupée par un homme aimé et respecté de la jeunesse de nos écoles, qui fut aussi membre de cette Académie, par le vénérable M. Raffat, dont nous nous honorons d’avoir été le disciple. Chargé, lors du rétablissement des Facultés, de l’enseignement du Droit ro- main que son père avait fait avec distinction pendant #2 ans dans notre ancienne Université, M. Ruffat avait naturellement dû suivre les traditions du passé. Sa méthode d'enseignement ne pouvait être autre que celle de l'Ecole pratique du XVIII‘ siècle que la Loi organique du 22 ventôse an XII semblait même indiquer dans ses dispositions relatives à l’enseignement du (1) Le jury était composé de six membres ; M. Benech fut nommé Profes- seur de Droit romain à la majorité de cinq voix. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 267 Droit romain (1). Cependant la direction donnée en Allemagne à l'étude de la législation romaine par l'Ecole historique en téte de laquelle figuraient les noms de M. de Savigny et de M. Hugo, avaient fixé l'attention de la France. La Faculté de Paris possédait des professeurs iniliés aux travaux publiés au delà du Rhin, et les méthodes nouvelles, vulgarisées par la publica- tion du jourual /« Thémis (2), pénétraient parmi nous. Un heureux retour aux bonnes traditions de l'Ecole historique du XVI siècle, en tête de laquelle avait resplendi la grande figure de Cujas, venait de s’accomplir en France. La découverte du Palimpseste de Vérone, renfermant les Institutes de Gaius qui florissait sous Marc-Aurèle, nous livrait le Droit romain dans toute sa pureté, et mettait à l'étude des textes nouveaux pleins de documents historiques précieux, et dont l’enseignement devait s'emparer dans les Ecoles. C'est après ces événements intéressants pour la science que M. Bencch arrivait à sa chaire. Il dut, sans hésiter, rompre avec les traditions du passé et intro- duire dans notre cité l'enseignement qui sefaisait à Paris. Doué d’une faculté puissante d'initiative et se guidant d’ailleurs par les exemples et les travaux que lui fournissaient ses collègues, qui enseignaient ailleurs le Droit romain, il introduisit dans notre Ecole trois changements profonds : l'emploi de la langue française, à la place de la langue latine dont M. Ruffat, son prédécesseur, s'était toujours servi; la Méthode historique qui remonte à l’origine des institutions pour en suivre les développe- ments à travers le temps et les événements ; l'explication des textes nouvellement découverts, à laquelleilfitune large part. Pour ini- tier plus sûrement les élèves à ces innovations, M. Benech ré- (1) L'art. 2 de cette loi porte qu’on enseignera dans les écoles : « le Droit romain dansses rapports avec le Droit français. » La méthode d’enseignement de M. Ruffat est retracée dans un écrit qu’il a laissé et qui a pour titre : In quatuor libros Institutionum commentarius academicus. 1 vol. in-8°, Toulouse , 1832. (2) Thémis ou la Bibliothèque du Jurisconsulle, recueil périodique, dont la publication, commencée en 1819, continua avec le concours de plusieurs professeurs de la Faculté de Droit de Paris et des Universités alle- mandes , jusqu’en 1830, 268 MÉMOIRES digea et fit imprimer un programme de son cours. La pablica- tion de ce travail utile fat bien accueillie ct vint fortifier l’in- troduction des méthodes nouvelles. Cet ouvrage exprimait assez bien, sous un style plein de chaleur, l'état de la science. On y trouve des divisions nettes et bien tracées, une exposition ha- bile des éléments du Droit romain, et des données historiques précieuses pour la jeunesse. Voué, désormais, tout entier à la culture du Droit, le jeune professeur ne demeurait étranger à aucune des parties de cette science, et à rien de ce qui pouvait toucher à ses progrès. Ses travaux ne se concentrèrent pas sur les monuments de la lé- gislation romaine ; placé au sein de la vic actuelle, notre Droit français fut l’objet constant de ses études. Les données de la science pure n'étaient pour lui qu'une voie qui le dirigeait vers l'application. J'arrive à une époque de sa vie à laquelle les fruits de ses travaux vont se produire dans des publications nombreuses et très-diverses. 11 scrait long de les énumerer toutes; pour abréger, en généralisant, je les rangerai dans trois catégories. La première doit comprendre les ouvrages étendus, qui consistent dans de riches monographies sur des matières im- portantes. 1] est à remarquer que M. Bencch étudiait sans cesse le courant des idées et savait saisir le sujet qui pouvait, à cha- que époque, offrir un intérêt actuel. Il s’emparait de ce sujet, et avec une facilité de rédaction excitée par une ardeur fébrile que secondaicnt de vastes connaissances , il savait le traiter sous toutes ses faces, dans un livre qui semblait improvisé quoiqu'il fut le résultat de profondes méditations. C'est en 1838 que notre collègue commença cette suite de publications importantes qui sont souvent citées dans les débats judiciaires, et qui devaient le poser comme jurisconsulte. Deux lois en date des 11 avril et 25 mai venaient d'introduire des règles nouvelles et des changements importants dans les attri- butions des Tribunaux civils et des Juges de paix. Il fallait indiquer les modifications que ces lois apportaient à l'état de choses préexistant, exposer les théories qu’elles consacraient, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 269 en mesurer la portée d'application et résoudre les difficultés qu'elles pouvaient soulever. Aussitôt M. Benech, qui avait pu suivre l'élaboration, au sein des chambres, de ces deux lois, s'en empara, et les commenta avec une profonde science, dans deux volumes publiés en 1838 et en 1839 sous ce titre : Des Justi- ces de paix et des Tribunaux de première instance, d'après des lois des 11 avril et 25 mai 1838. Peu après, une question pleine d'intérêt pour notre Midi ct qui touchait aux usages et aux droits des familles, était sou- levée par la jurisprudence de la Cour de cassation. Les époux avaient assez généralement parmi nous l'habitude qui tend ac- tuellement à changer, d'adopter le régime dotal et de se faire, dans leur contrat de mariage, des dons en usufruit représen- tant les gains de survie établis par les anciennes coutumes. On venait de décider à la Cour de cassation que l'époux qui à fait don à son conjoint de la demie en jouissance, peut avoir, par là, épuisé tout le disponible et se trouver privé de la faculté de faire toutes autres libéralités même en nuc propriété (1). Cette jurisprudence blessait profondément de nombreux intérêts et mettait en émoi beaucoup de familles. Des pères et des mères, en mariant leurs enfants, les avaient gratifiés, hors part, d’une partie de la nue propriété des biens grevés de l'usufruit de leurs conjoints, et la validité de ces dispositions, faites sur la foi de ce qui était généralement admis dans la pratique, se trouvait mise en question. M. Benech comprit toute la portée de la doc- trine consacrée par la décision de la Cour suprême. II l’étudia, et il constata que les principes sur lesquels elle reposait, n'é- taient pas inattaquables. 11 se fit aussitôt l'avocat des pères de famille, et, pour mieux établir leurs droits, il envisagea ce sujet sous {outes ses faces dans un volume de 500 pages, qu'il publia en {8%1, sous ce titre : De la quotité disponible entre époux, (1) Arrêt du 24 juillet 1839, qui décide qu’un père qui a trois enfants et qui a donné à son épouse, par son contrat de mariage , la demie en usufruit des biens qu’il laissera à son décès, n’a pas pu valablement léguer, par son testament, le quart en nue propriété à l’un de ses enfants à titre de préciput. h°S,— TOME vi. 18 270 MÉMOIRES d'après l'art. 109% du Code civil. Ce travail produisit une certaine sensation parmi les jurisconsultes. Il obtint partout, et notamment au sein de l’Ecole de Droit de Paris, de précieuses adhésions (1). Si les doctrines émises par notre collègue n’ont pas fait faire encore un beureux retour à la jurisprudence, elles ont du moins conservé pour beaucoup d'hommes judicieux, une grande autorilé basée sur les travaux préparatoires du Code Napoléon, sur les traditions de la législation ancienne et sur une exposition savante des principes consacrés par les textes. On a pu sans doute reprocher à ce livre, qui a eu le mérite d'obtenir des critiques, d'indiquer des procédés plus ingénieux que sûrs, pour obvier, dans les transactions futures, aux incon- vénients de la jurisprudence, mais sa valeur n’a guère été par là amoindrie , et il n'en est pas moins demeuré en possession d’uncestime méritée. Uu autre écrit de M. Benech, qui a eu deux éditions, et qui parut en 1843, a pour titre : De l'illégalité de l'adoption des enfants nalurels. On y trouve tous les éléments d’une question vivement controversée et sur laquelle la jurisprudence de la Cour de cassation venait de varier. Les intérêts de la famille legitime sont défendus, dans ce travail, avec chaleur, sans que la position faite par la loi à l'enfant naturel y soit méconnue. Ce livre est assurément ce qu'il y a de plus complet sur un point de Droit d’une haute importance. Encouragé par les succès que ces écrits avaient obtenus, et toujours guidé par le désir louable de porter la lumière sur les matières de notre Droit qui ont une grande importance d’appli- cation, notre collègue publiait encore, en 1847, un 7raité de l'emploi et du remploi de la dot sous le régime dotal. En 1853, il faisait encore paraître une monographie sur le Droit de pré- férence en matière de purge d'hypothèques légales dispen- sées d'inscription. L'année dernière, sa plume infatigable pro- duisait un nouvel écrit, dans lequel il proposait un mode ingé- (1) Voir dans le journal Ze Droit, du 11 mars 1846, au bulletin de Droit civil, un article de notre savant collègue à la Faculté de Paris, M. Valette. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 271 nieux de procurer du crédit aux époux, sans que la femme eût à faire ces renonciations compromettantes à ses droits hypo-' thécaires , qui lui sont habituellement imposées. Ce dernier travail a pour titre: Ze nantissement appliqué aux droits , créances et reprises de la femme sur les biens du mari. Toute cette première partie des travaux de M. Benech se fait remarquer, comme on vient de le voir, par la diversité ct par l'importance des sujets qui se rattachent tous aux matières les plus intéressantes de notre droit privé. Je passe maintenant à une série de travaux d’une autre na- ture qui n'ont plus pour objet le Droit appliqué, et qui se rat- tachent à l’histoire de cette science. J'ai ici à vous entretenir d’un assez grand nombre d'écrits qui offrent pour nous un intérêt particulier parce qu'ils se réfèrent au passé de notre ville de Toulouse. Je commencerai par la polémique qui s'engagea entre notre collègue et un professeur érudit de la Faculté de Paris sur une question souvent agitée, diversement résolue, mais qui a toujours excité un vif intérêt dans notre cité, parce qu’elle touche à sa réputation de ville savante, et parce qu'elle con- cerne un de ses plus glorieux enfants. En 1820, M. Jacques Berriat-Saint-Prix, professeur à la Fa- culté de Droit de Paris, avait communiqué à la Société royale des Antiquaires de France, une dissertation sur une question ainsi posée : « Cujas fut-il refusé dans la demande qu'il fit d’une chaire de professeur à Toulouse? » La réponse était affir- mative, ct la dissertation sur laquelle elle était appuyée pou- vait blesser la juste susceptibilité de notre ville pour tout ce qui touche à sa gloire scientifique. Ce travail, inséré d’abord dans la Thémis (1) et publié aussi séparément, fut ensuite placé dans une His{oire de Cujas, que son auteur mit à la suite d’une autre Histoire du Droit romain, dont elle forme un appen- dice (2). (1) Tome 1er, p. 297. (2) Histoire du Droit Romain suivie d'une histoire de Cujas , par M. Ber- 272 MÉMOIRES Cet écrit, sous plusieurs rapports remarquables, attira en * Allemagne l'attention de M. de Savigny qui adressa, en 1822, sur ce sujel, aux rédacteurs de la T'hémis, une lettre qu’ils insé- rèrent dans leur Recueil (1). Le savant et judicieux professeur de Berlin fut moins aflirmatif que son collègue de Paris. Sa let- tre contient un document précieux. C’est le discours pro- noncé par Cujas, lors de sa réception à Bourges, dans lequel il parle de l’enseignement privé et publie qu'il avait fait à Foulouse, et de son départ pour Cahors, dans des termes qui semblent ne pas confirmer les assertions de M. Berriat-Saint- Prix. Aussi, après avoir transcrit dans sa lettre une partie de cette pièce inédite, M. de Savigny, usant d’une réserve pleine de prudence, finit par déclarer que pour ce qui concerne l'affaire de Toulouse, il y a toujours de l'obscurité (2). riat-Saint-Prix, Professeur de Procédure civile et de Droit criminel à Îa Faculté de Droit de Paris. 1 vol. in-8°, Paris , 1821. Il existe dans l’ancien recueil des Mémoires de l’Académie des Sciences Inscriplions et Belles-Lettres de Toulouse , au tome 1°, p. 1, année 1782, un écrit de M. Pabbé d’'Héliot qui a pour titre : Réfutation du préjugé lit- téraire qui impute & l'Université de Toulouse d’avoir donné à Forcadet la préférence sur Cujas dans la nomination à une chaire de Droit civil. (1) Au tome 1v, p. 198. (2) Le discours de Cujas a été pris par M. de Savigny dans le recueil de Delamarre. 11 est écrit de la main de Jean Bræ , Professeur à Bourges. Dans le passage que rapporte l’illustre savant de Berlin, Cujas, après avoir parlé avec un grand respect d’Arnauld du Ferrier son maitre, continue ainsi : « Porro, Schola eo decedente in senatum, quodam mihi veluti sole erepto, » aliquandiu memoria repetens ea quæ a præceptore didiceram, privalo » loco post demum emersi et publice Jus civile profiteri cœpi ; qua in parte » cum, ita faciente et dante Domino , bonam de me in fulurum spem com- » movissem, evocor inde illustribus quibusdam viris interiori e concilio re- » gis assidentibus ; el certis de causis apud eos aliqnandiu in aula principis » commoratus, adjunelis quibusdam ex evrum familia nobilibus viris, To- » losam redeo, ibique, cum privalim tum publice jus civile interpretando, » quadriennio pene consumplo, rursus in principis aulam revertor, ubi » etsi mullorum variis sermonibusnec simulalis pollicilationibus non exiguo- » rum mihi commodorum spem injecerint, malui tamen ipse scholam re- » petere quam vilæ aulicæ genus conseclari. llaque Tolosam reversus, ma- » jore quam antea contentione animi ad Juris civilis interpretationem ag- » gredior, nec multo post eliam erudissimi Juris eivilis professoris Corby- » randi Fabri nominalione in professorum publicorum collegium cooptatus » sum. Quod tamen, nihil enim astuliæ relicebo, ex eo ordine quidam Juris DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 273 La question était donc dans cette position qu'il y avait dans le travail de M. Berriat-Saint-Prix , affirmation positive d’un refus éprouvé par Cujas, et dans l'esprit de M. de Savigny, doute sur l'existence de ce fait. Un document nouveau vint plus tard raviver cette polémi- que, qui n'avait abouti qu’à des avis divers et partagés. En 1841, un de nos collègues, M. Belhomme, trouva, en parcourant les archives administratives de Toulouse, un écrit dans lequel il était question du départ deCujas. C'était une délibération du Con- seil général de la ville, intervenue en 1598, à suite d’une requête verbale de MM. les Docteurs régents, Professeurs de Droit civil et de Droit canonique de l’ancienne Université. Dans cette pièce, se trouvait un discours du Recteur Vincent Cabot, qui expo- sait les besoins de l'Université et qui se plaignait de ce que la ville n’assurait pas des émoluments suffisants à ses profes- seurs. Pour mieux faire ressortir les inconvénients de cette position, Cabot rappelait comme des faits notoires, que Cujas et Grégoire, tous deux célèbres, avec des mérites différents, n’a- vaient abandonné leur ville natale pour aller enseigner ailleurs, que parce qu’elle ne leur offrait pas les avantages pécuniaires qu’on leur assurait dans d’autres lieux (1). Ce document, com- » canonici professor, cum cedente Fabro professione Juris civilis, eam sibi » funclionem , sua derelicta , et jus esse optandi contenderet, atque ideo rem » omnem perturbaret atque distraheret; opportune Antonius Goveanus , » summus amicus meus qui per idem tempus Cadurcorum ducehat Scholam , » accersilus a Valentinis, me, approbanlibus Cadurcis, successorem sibi » delegitatque designavil. » Ilya, comme on le voit dans ce passage , des détails parfaitement précisés sur {out ce qui avait précédé le départ de Cujas pour Cahors. Rien de ce qu'il rapporte n’autorise à admettre les épreuves d’un concours universi- taire, suivi d’un échec. (1) « Qu'on se resovienne que deux des premiers hommes de ce temps fai - » sans profession de Droict, MM. Curas et Grécoine , enfants de ceste ville ne » se sont arreslés en cesle université pour le peu d’emolument, et que lung » d’eux y estant regent la quitta pour aller à Pont a Mousson université de » nouveau fondée par le Duc de Loraine où il avait mil escuts de gaiges, que » c’est principalement l’intérest de la ville. » Mémoires de l’Académie, tome vr, 2€ part. p. 151. Catel rapporte aussi : « que les Professeurs n’eurent pendant longtemps 274 | MÉMOIRES muniqué à l’Académie par M. Bclhomme (1), semblait donner l'explication de cet éloignement de Cujas de sa ville natale dont les causes avaient été le sujet d’une polémique qui m'avait abouti qu'à l'incertitude. M. Benech conçut de suite la pensée de reprendre l'examen de cette question historique qui avait recu, dans l'écrit de M. Berriat-Saint-Prix , une solu- üion contre laquelle Toulouse avait , dans tous les temps, pro- testé. Il s’agissait maintenant d'apprécier la pièce produite et les raisons déduites dans ce débat, au nouveau point de vue qui résultait du document fourni par M. Belhomme. C’est ce que fit M. Benech, dans un écrit qu’il publia en 1842, sous cetitre, Curas ET TouLouse, ou Documents nouveaux, constatant que Cujas n'a jamais échoué dans la dispute d'une régence de Droit civil à l'Université de Toulouse, accompagnés dapercus historiques sur cette université. Ce travail opposait une né- gation à l'affirmation de M. Berriat-Saint-Prix. M. Benech engageant avec son collègue de Paris une polémique vigou- reuse, prenait une à une ses raisons de décider, les appréciait, et s’efforcait de les réfuter. Cette attaque ne resta pas sans ré- ponse. M. Berriat-Saint-Prix publia bientôt, dans la Revucétran- gère ct Française de Législation et de Jurisprudence (2), une lettre dans laquelle il déclara persister dans l'opinion qu'il aucuns appointements payés par le public. Et tout ainsi que les Professeurs n’avoient point de gages, continue-t-il, de mème n’avoient-ils point de salle publique pour interpréter le Droit... J’ai bien noté que l’on lisoit an- ciennement les Institutes au lieu où esl maintenant la salle de la médecine (dans la rue des Lois), et que messire Bernard du Roziers, archevêque de Tolose, qui estoit docteur régent, a lu les Institutes dans la dite salle : depuis, la ville recognoissant ce défaut de salles publiques, en l’Univer- sité, pour interpréter le Droit civil et canon, fit bastir, en l’an 1518, ces trois grandes salles que nons appellons aujourd’hui les études ; dans les- quelles les Professeurs, tant en Droit civil que canon, font leurs lectures... » Mémoires de l'Histoire du Languedoc, p. 231. Les trois salles dont parle Catel sont encore aujourd’hui celles dans lesquelles les Professeurs font leurs leçons, et forment une dépendance des locaux qu’occupe la Faculté de Droit dans la rue des Etudes. (1) Documents historiques inédils concernant le jurisconsulle Cujas; par M. Belhomme. Mémoires de l’Académie, lome v1, 2 partie, p. 145. (2) Au tome 1v, année 1842, p. 329. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 275 avait émise en 1820. Ïl soutint que le passage du discours de Vincent Cabot devait se référer aux démarches qui avaient été faites auprès de Cujas pour le ramener à Toulouse, quelques années après qu'il eut échoué au concours, démarches qui fu- rent toujours, comme on le sait, infructucuses. La réponse de M. Berriat-Saint-Prix fut suivie d’une réplique de M. Benech, publiée aussi dans le même Recueil (1). En parcourant les documents produits dans ce débat et les raisons invoquées de part et d'autre, on voudrait bien attein- dre l'évidence et on n'arrive qu'à des probabilités. Malheureu- sement les pièces officielles manquent, et les écrits sur lesquels on s'appuie ne fournissent que des inductions qui ne conduisent un appréciateur impartial qu'au doute de M. de Savigny. Quant aux faits constants et évidemment établis, ils sont peu nombreux. Que l’Académie veuille bien me permettre de les rappeler dans une courte digression qui ne m’écartera pas beaucoup de mon sujet puisqu'elle résumera les résultats des travaux de notre collègue. En l’année 1553, sous le règne de Henri II, un arrêt du Parlement, portant la date du 21 juin, mit au concours une chaire de Droit civil, devenue vacante dans l’Université de Tou- louse, par la renonciation du professeur qui l’occupait, Arbay- ran, ou Corbayran Fabry, dit de Massabrat. Cinq candidats s'inscrivirent pour prendre part aux épreuves. Leurs noms sont ainsi relatés dans un second arrêt du Parlement, en date du 29 mars 155%, qui arrête la liste des candidats « admis à dis- cuter pour le faict de la régence en Droit civil alors vacante : En premier lieu , M° Martin Rossel, docteur régent en faculté de Droict canon. En second lieu, M° Etienne Forcatel. En troisième lieu, M° Jacques Cujas. En quatrième lieu, M° Pomisson , eten dernier lieu, Me Costa (2). » nn (1) Revue étrangère et française de Législation, de Jurisprudence et d'économie politique , tom. 1v, année 1842, p. 673 et 839. (2) Voici la copie littérale de cet arrêt que M. Berriat Saint-Prix a fait prendre sur les registres du Parlement : « Aujourd’hui vingt-neuvième 276 MÉMOIRES Six à sept mois après la date de cet arrêt, en octobre 1554, nous voyons Cujas quitter Toulouse, accompagné de plusieurs disciples, pour aller enseigner le Droit à Cahors, de là à Bour- ges et dans les autres Universités qui eurent l’avantage de le posséder (1). Que s’était-il passé entre le mois de mars et le mois d’octo- bre 1554? Y avait-il eu des épreuves dans lesquelles Cujas au- rail éprouvé un échec? Tel est le problème historique qu'il s’agit de résoudre et qui vient se compliquer par cette circonstance que Forcatel ne prit possession de la chaire discutée, que le 8 f6- vric 1556 (2). A cette époque, Cujas avait quitté Toulouse de- puis plus d’une année et faisait son enseignement dans l’Uni- versité de Bourges. Malheureusement on ne possède aucun docu- ment officiel constatant les opérations du concours qui eut le résultat connu, la nomination de Forcatel. Ce qu'il y a de certain, c’est que le nom de Cujas figure dans l'arrêt du 29 mars 4554, parmi ceux des candidats inscrits, et que ce savant jurisconsulte n’était plus à Toulouse bien avant l'époque à laquelle eut licu la nomination de l’un de ses compétiteurs. En présence de ces faits, M. Berriat-Saint-Prix, pour soutenir la thèse qu'il défend, prétend qu'il y aurait eu deux concours, » de mars 1554, après Pasques. Veues certaines requestes haillées tant par » le Procureur général du Roi, Scindic de l’Université de Tolose et que » autres particuliers touchant le faict d’icelle université et régence en Droict » civil à présent vaccant, ensemble les arrests sur ce donnés, la Court, les » Chambres assemblées, a ordonné et ordonne que nonobstant les dites re- » questes et quelque chose dicte et alléguée au contraire, suivant les dits » arresls et précédentes délibérations, seront reçus à disputer pour le faict de » la dite régence en Faculté de Droit civil vaccant, savoir est : en premier » lieu Me Martin Rossel, Docteur-régent en Faculté de Droit canon. En se- » cond lieu Me Etienne Forcatel. En troisième lieu Me Jacques Cujas. En qua- » trième lieu Me Pomisson;et en dernier lieu Me de Costa , auxquels seront » baillés les poinets par les commissaires à ce députés. » Signé : ne Mensencac, premier président. (1) Voy. Berriat-Saint-Prix, Histoire de Cujas , p. 508, note 69. (2) Forcatel donne lui même pour date à sa promotion le 9 février 1556 dans son Henrico tertio, au f° 79. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 277 l’un qui aurait eu lieu l’année 155%, à suite duquel Cujas se serait retiré ou aurait été écarté, et qui n'aurait pas produit de nomination; l’autre qui se reporterait à l’année 1556, dans lequel Forcatel l'aurait emporté sur Rossel et sur les autres compétiteurs (1). Cette distinction de deux concours est ingé- nieuse; mais comme elle ne repose sur aucun document pro- bant, elle n’a que la valeur d’une simple conjecture. Au reste, la conclusion de M. Berriat-Saint-Prix est bonne à recueillir. Voici à quoi elle se résume : « Nous serions, dit-il, portés à pré- sumer que, pendant quelques-unes des séances du concours, les juges, mus par les intrigues de Bodin (l’un des plus ardents antagonistes de Cujas ), ou entraînés par les signes désapproba- teurs de ses partisans, manifestèrent assez clairement leur opi- nion pour que Cujas ne püt douter qu'il échouerait, et qu’en conséquence, il se décida à abandonner le concours, et à ac- cepter la chaire qu’on lui offrait à Cahors (2). » M. Benech, au contraire, prétend que Cujas, après s'être inscrit pour le concours, abandonna spontanément et avant toutes épreuves ses prétentions à la chaire vacante, pour accep- ter les offres qui lui furent faites par l'Université de Cahors. IL aurait ainsi laissé le champ libre à ses compétiteurs et en se reti- rant de la lutte, il n’aurait pas eu à subir un refus. Les motifs de cette détermination de Cujas se trouveraient dans les mal- heurs du temps; dans les dissensions religieuses qu’il abhorrait et qui agitaient alors Toulouse ; dans la position de l'Université de cette ville, qui n’offrait à ses régents, à cette époque, que de minces avantages pécuniaires, ainsi que l’atteste le discours de Vincent Cabot. Toutes ces circonstances l’auraient décidé à accepter les offres qui lui étaient faites de la part des habitants de Cahors, et au moyen desquelles une chaire s’ouvrait à son enseignement sans qu’il eût à subir les chances et les épreu- ves d’un concours. Le désaccord entre M. Berriat-Saint-Prix et M. Benech se réduit (1) Histoire de Cujas , p. 507, note 68. (2) Histoire de Cujas, p. 508. 278 MÉMOIRES ainsi à quelque chose de simple. L'un soutient qu'il y eut des épreuves entre le mois de mars et le mois d'octobre 155%, que Cujas y prit part sans succès, et se retira avant la fin des opé- rations qui furent suivies de la nomination ; l’autre nie qu'il y ait eu des épreuves, et maintient que la retraite de Cujas ne fut pas déterminée par le fait des juges. Cette dernière opinion paraît rationnelle, car rien n’est plus logique que de ne pas admettre les faits qui ne sont pas établis. Il ya, d’ailleurs, dans les événements humains, à tenir compte des circonstances au sein desquelles ils se produisent ct de l’action des faits extérieurs. Peut-être est-il vrai de dire que Cujas ne resta pas à Toulouse, quelle qu’ait été la cause de son départ, parce qu'il y était impossible. Cujas avait à accomplir une grande mission commencée par Alciat, continuée par Arnauld du Ferrier, et qu'il s'agissait de réaliser avec éclat, celle de reconstituer la science du Droit ro- main à l’aide du libre examen, en s’aidant des données de la Philosophie, de la Philologie et de l'Histoire. Il y avait à faire accepter de grandes nouveautés dans l'exposition d’une législa- tion qui était alors appliquée. Il fallait, en mettant au jour le sens véritable des lois romaines, renverser des erreurs d’inter- prétation généralement admises et sur lesquelles étaient, tous les jours, basés les jugements. C'était opérer une véritable ré- volution scientifique et judiciaire pour le succès de laquelle des appuis puissants, ct le concours de l'opinion publique de- venaient nécessaires. Or ces appuis, ce concours de l'opinion publique, Cujas ne pouvait pas les trouver à Toulouse. L'Université de cette ville était essentiellement Bartholiste et la Glose y formait la base de l'enseignement (1). Sun parlement appliquait la loi romaine en (1) Voy. Berrial-Saint-Prix, Histoire de Cujas, 6 xx, p. 581. Forcatel, V’élu heureux du concours de 1556, qualifie les Bartholistes de Patriciens et donne l’épithète méprisante de Plébéiens à ceux qui s’écartent de leur école : Parricios appello eos qui sunt de Bartoli familia; reliquos Prexrios. Sphera legalis, n° 71. DE L ACADÉMIE DES SCIENCES. 279 suivant les interprétations données par les Glossateurs dont les opinions avaient même une autorité supérieure à celle des tex- tes (1). Cujas, en restituant , à l’aide de l’histoire et des litté- ratures grecque et latine , le véritable Droit qui avait été en vigueur à Rome, introduisait dans la science une réforme aussi profonde que celle que Luther venait d'opérer dans l’ordre reli- gieux. Il y a dans le champ des doctrines des sentiments et des idées générales qui ramènent dans un courant commun des choses diverses, car l'esprit humain aime à synthétiser. À Toulouse, dans la seconde moitié du XVI siècle, le principe de l’autorité prédominait dans les matières religieuses et devait, par la même raison, prédominer dans l’enseignement du Droit. Les no- vateurs ne pouvaient pas trouver un sol fécond dans cette ville, car les doctrines nonorthodoxes y étaient proscrites et le Droit avait aussi son orthodoxie. Si nous ouvrons les chroniques de cette époque, si nous consultons les documents les plus authenti- ques, nous voyons que tous les esprits repoussaient à Toulouse la Réforme, et queson Parlement se considérait comme le gardien de la Foi. Il montrait une grande sévérité envers les nouveaux héretiques ct il leur appliquait, dans toute leur étendue, les ri- gueurs terribles des ordonnances de Henri II (2). A cette action vive de la justice laïque, se joignait celle de l’inquisition, qui avait toujours existé à Toulouse, et qui y déployait sa puis- sance occulte et redoutable contre les sectes dissidentes (3). (1) On connaît la maxime : vo/o entm pro me polius glossatorem quam textum. Voy. Bayle au mot Aceurse, note 6. (2) Voir l'Histoire générale du Languedoc , au tome vtr, p. 319 de l’édi- tion publiée par M. du Mège et aux additions et notes de cet auteur, p. 52. « Le Parlement de Toulouse, dit-il, toujours cruel, toujours impolitique, observait ayec une ponctualité désespérante les lois et les ordonnances ren- dues contre les hérétiques. » Note 17. (3) Voir dans les anciens Mémoires de l’Académie des Sciences de Tou- louse , au tome 1, p. 14, un écrit de M, l’abbé Magi, sur l’inquisition de Toulouse. Elle exista au moins nominalemeat jusque dans les dernierstemps. Les gages du grand inquisiteur de Toulouse figuraient encore sur l’état du Roi au xvine siècle. Ils en furent rayés, selon M. l’abbé Magi, sur la de- mande du marquis d’Orbessan , membre de cette Académie. 280 MÉMOIRES Sans doute, la nouvelle méthode adoptée par Cujas pour l'interprétation des lois romaines , ne touchait en rien aux dogmes religieux et s’adaptait à la foi catholique. Mais c'était une nouveauté, et une nouveauté qui avait aussi la prétention de rétablir dans toute sa sincérité un état de choses primitif, en renversant les traditions du moyen âge. Cette réforme juri- dique, expression de la renaissance, quoiqu'elle fût totalement indépendante de la réforme religieuse, procédait aussi du libre examen, et devait naturellement rencontrer peu de sympathie dans un lieu où le principe de l'autorité se défendait si vive- ment, en matière de religion, contre les attaques qui lui étaient livrées. Aussi, si nous recherchons les pensées de Cujas, et si nous nous reportons au concours ouvert au sein de l'Université de Toulouse en 1554, pour une régence de Droit civil, nous ver- rons que les faits seront en rapport avec ces données, La chaire est accordée à Forcatel, qui l'emporte sur ses com- péliteurs. Qu'était-ce que ce Forcatel? C'était un homme qui possé- dait la science de son époque, avec ses préjugés et ses défauts, mais qui était loin d’être dépourvu d'intelligence (1). Ses écrits, d’une originalité quelquefois bizarre, sont cités par le grave Dumoulin. Que fit-il pour obtenir sa chaire? il le dit lui-même, et on ne peut disconvenir qu’il eut l’habileté de prendre la voie qui était la plus propre à le conduire au but qu’il se proposait d’atteindre. « Je n’avançai rien, dit-il dans un de ses écrits où il parle de l’éclatant succès qu'il obtint à ce concours, je n’a- vançai rien qui ne füt étayé sur l'autorité des jurisconsultes {c’est-à-dire des Glossateurs ) ; je sus me préserver de l’ambi- (1) M. Ch. Truinet, avocat, a donné, dans la Revue bibliographique et critique de Droit français et étranger, année 1853-1854, p. 185, la liste nombreuse des ouvrages publiés par Forcatel avec l’indication des édilions,. — Je remarque sur cette liste l’ouvrage suivant que je n’ai pas encore pu avoir : Pro Caroli regis adventu jura Tolosæ profitentium plausus, sive somnium ad Michaelem hospitalem Galliæ cancellarium. Tolosæ, ap. Jac. Colomerium, 1565, in-40. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 281 tion de me poser comme chef d'école, et au lieu d'exprimer des opinions qui ne sont pleines que de vanité, l’ensemble de mes doctrines fut toujours inattaquable et conforme à ce qui est généralement admis (1). » Vous voyez par là que son système consista à se fonder sur des décisions, sans s'élever à la re- cherche de la raison de la loi et sans rectifier les fausses in- terprélations que les Glossateurs avaientsisouvent rattachées aux textes qu'ils avaient mal compris par suite de leur ignorance en histoire et en philologie. Ce même procédé a été aussi pratiqué dans une certaine mesure, de nos jours, dans les concours ; on évite, en général, d'y produire des nouveautés, lorsqu'elles pourraient rester incomprises et heurter lesopinions connues des juges. On espère arriver plussürement au but en se tenant dans les voies connues et frayées. Forcatel avait un avantage ; il ne se proposait qu’une chose, l'obtention de la chaire, et il pouvait librement employer tous les moyens propres à l’obtenir. Cujas, s’il concourait, avait une tâche beaucoup plus laborieuse et plus difficile. Il avait à faire accepler à des juges prévenus, ct au sein d’une ville peu sym- pathique pour les nouveautés, toute une réforme de l'enseigne- ment ct une méthode d'interprétation nouvelle. En venant se poser devant un jury composé de professeurs régents qui appar- tenaient à l’école des Glossateurs, et de Parlementaires qui avaient toujours suivi, dans leurs jugements, les décisions de la Glose, il avait à leur dire : Jusqu'à présent vous avez été en de- hors de la réalité ; le Droit que vous enseignez et que vous ap- pliquez est un droit factice, basé sur des erreurs évidentes d’in- terprétation et sur des déductions logiques qui reposent sur une fausse entente des lois romaines. Votre éducation est à refaire avec le secours de la Philologie, qui vous fournira l’intelli- gence exacte du langage des jurisconsultes de l'antiquité, et (1)... « Nihil afferens non fultum jurisprudentum testimonio.. Ne novitalis studio , dux viderer potius opinionum vanissimarum, quam assecla inte- gerrimæ et usilalæ doctrinæ. » De gratiarum actione Henrico IIL, Fr. et Pol, regi. f. 48 et 85. 282 MÉMOIRES avec l’aide de l'histoire et des littératures latine et grecque que vous connaissez fort peu. L'histoire et la littérature peuvent seules vous montrer les mœurs romaines et vous conduire à la connaissance exacte de la législation, qui n’en est que l’expres- sion. Par elles, vous pourrez aussi vous défaire du langage bar- bare qu’on emploie dans vos écoles, ct revêtir la langue latine d’une certaine pureté qui captivera et qui charmera vos au- diteurs (1). Ajouterai-je à ces considérations que les opinions religieuses de ce novateur ont été suspectées d'hérésie. Lorsqu'on discutait devant lui sur ces questions brülantes qui agitaient si profon- dément les esprits, on sait quelle était sa réponse, hoc non per- tinet ad edictum prætoris. Cela manifeste au moins de l'indif- férence. Ce qu'il y a de très-certain, c'est que Cujas eut des paroles bienveillantes pour des ministres ardents propaga- teurs de la réforme (2) et voua aux Jésuites une profonde haine peut-être transmise à Antoine Arnaud, le restaurateur de Port-Royal, qu’il compta au nombre de ses disciples. Dans un testament fait le jour de sa mort, il conseille à sa femme et à sa fille de prendre pour règle de conduite religieuse, le texte pur et sans commentaire des écritures; il établit des disposi- tions pour que ses livres ne tombent pas dans les mains des Jé- suites, les adversaires redoutables de la Réforme (3). On sait encore, et cela est pour lui très-honorable, qu’il refusa aux li- gueurs le concours de sa science pour soutenir les prétentions à la couronne de France du cardinal Charles de Bourbon. En présence de tous ces faits, je crois pouvoir dire qu’il était naturel que Cujas abandonnät le concours ouvert au sein de (1) La barbarie du langage des Glossateurs et des Bartolistes à fait dire à Heineccius que Papinien aurait à apprendre une nouvelle langue s’il revenait à la vie et s’il voulait lire les commentaires qu’ils ont faits sur ses textes. Préface des commentaires de Vinnius, p. vu. — Voir aussi des détails pi- quants dans l’Héstoire du Droit romain, de M. Berriat-Saint-Prix, p. 309 et suivantes. (2) Voy. Berriat-Saint-Prix, Vie de Cujas, p. 530 el suiv. (3) On trouve ce testament dans LA Tnuuassière, Histoire du Berri, p.66. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 283 l'Université de Toulouse en 1554 et acceptât les offres qui lui étaient faites de Cahors. Si j'avais à porter à cet égard un juge- ment, j'affirmerais qu'il agit avec légèreté en s'inscrivant au nombre des candidats, et qu'après avoir fait cefaux pas, s’il se retira avant les épreuves, comme le soutient M. Benecb, il fit en cela preuve de sagesse. Cujas ne pouvait pas arriver à une chaire par un concours. Il lui fallait, pour introduire son en- scignement dans l'Université, une nomination du Roi, ou un traité avec une ville. Il lui fallait encore l'appui des grands personnages de son époque qui, au reste, ne lui fit pas défaut, et dans ces conditions, sa mission était même périlleuse; on sait qu'il courut, dans plusieurs circonstances, notamment à Bourges, de grands dangers. Quant à la question si vivement débattue entre M. Berriat- Saint-Prix et M. Benech, quelle que soit l'opinion que l’on adopte, on ne peut avoir à déplorer que la fatalité des circons- tances et les malheurs des temps. La position de Toulouse était celle de presque toutes les villes de France à travers nos dissen- sions civiles ct religieuses. Cujas ne trouva pas toujours ailleurs ce repos qu’il désirait si vivement et qui lui était si nécessaire pour l’exécution de sa noble entreprise et de ses doctes travaux. 11 mourut à Bourges, le 4 octobre 1590, accablé de tristesse ct de chagrin, à l’âge de 68 ans. Les épitaphes que ses admirateurs lui firent, luî donnent cet éloge délicat, qu'il ne put supporter la vie au sein des discordes et de l’anéantissement des lois, partout méconnues en France. Je me suis un peu étendu, à raison de l'intérêt que présen- tait le sujet, sur celui des travaux dans lequel notre col- lègue a le plus déployé, sous les formes d’un plaidoyer, la fé- condité de son talent pour la polémique. Cet écrit sur Cujas et Toulouse, avait reporté ses idées vers l'antique Université de notre ville et l'avait amené à faire des recherches dont il pro- fita pour publier, en 1847, un autre travail qui a pour titre : De l'Enseignement du Droit français dans la Faculté de Droit civil et canonique de Toulouse. Ce petit livre, de 117 pages, a pour sujet un épisode des fastes de notre ancienne 284 MÉMOIRES Université, organisée, comme on le sait, en 1233 par le pape Grégoire IX, qui lui accorda tous les priviléges dont jouissait celle de Paris (1). Avant le règne de Louis XIV on n’enseignait, à la Faculté de Droit de cette Université, que le Droit civil ( le Droit romain} et le Droit canonique. L'une des gloires du siècle de ce prince fut, sans contredit, d’avoir produit ces ordonnances justement célèbres, qui offrent des Codes complets et méthodiques dans lesquels les parties im- portantes de la législation française, susceptibles de recevoir l'unité, se trouvent formulées avec une remarquable netteté. Pour faire pénétrer dans les esprits le Droit consacré par ses or- donnances, Louis XIV voulut qu'il füt enseigné dans les Uni- versités, et ce fut là une profonde pensée. Un édit du mois d'avril 4679 établit des chaires spéciales de Droit français dans les Facultés du royaume (2). C'est l'histoire intéressante de ce professorat au sein de l'Université de Toulouse, que M. Benech a tracée , à l’aide des documents officiels qu'il a pu recueillir et qui existent encore dans nos archives. II lui a été possible de constituer, sans aucune lacune, la suite des dix professeurs, tous nommés par le Roi, et pris parmi les avocats les plus dis- tingués du barreau, qui occupèrent à Toulouse cette chaire de Droit français, depuis la première nomination, qui eut lieu en 1682, jusqu’à la suppression de l'Université, en 1793. Les noms de ces dix professeurs sont ceux de MM. Antoine de Mar- tres ; Jean Duval ; François de Boutaric ; Anne-Louis d’Astruc ; Simon-Dominique de Bastard ; Jean Carrière ; Bernard Pomma- rède de Lavigucrie, père du vénérable jurisconsulte qui mou- rut à l’âge de 93 ans, en 1829 ; Jean-Marie Delort; Pierre-Théo- dore Delort, son fils ; Jacques-Marie Rouzet, député à la Con- vention nationale par les électeurs de Rieux, qui fit preuve d'une noble fermeté et d’un grand courage civique dans le procès (1) Pasquier, Recherches sur la France, liv.ix, ch. 36, p. G8f. — His- toire générale du Languedoc, liv. xxiw, chap. 51 el 98.— De Savigny, Hés- toire du Droit romain au moyen âge, tom.u, p. 290 de la traduction fran- çaise de M. Guenoux.— Du Mège, Histoire de Toulouse, Lom.1v, p.618. (2) Isambert, Xecueil des anciennes lois françaises, Lom. xix, p. 195. L DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 285 de Louis XVI (1). Tous ces hommes, dont les noms figurent aussi honorablement parmi ceux des Capitouls, remplirent ‘avec zèle et avec succès la mission qui leur était confiée. Il en est plusieurs qui ont laissé des travaux qu’on cite encore, et il est certain qu'ils fécondèrent, dans notre ville, un enseignement nouveau, qui y produisit des fruits précieux. « C’est à ce foyer scientifi- que, dit M. Benech, que sont venus s'inspirer Furgole, le légis- lateur suprême des testaments ; Soulatges, le savant interprète de nos coutumes locales ; Rodier, habile commentateur de l’or- donnance sur la Procédure civile; Ferrière, auteur d’une ex- cellente Monographie des tutelles; Fonmaur, l'un des feudis- tes les plus distingués du dernier siècle ; tous nos concitoyens, tous avocats au Parlement de Toulouse (2). » D’autres travaux, sortis de la plume féconde ct infatigable de notre collègue, se rattachent encore au passé de notre pays. Il communiquait à cette Académie, en 1853, un travail plein d'érudition sur le Droit de Latinité dont avait joui Toulouse sous la domination romaine (3). En 1854, il publiait danse Re- cueil de l'Académie de législation, un autreécrit sur le Bréviaire d'Alaric (Lex Romana Wisigothorum) promulgué à Toulouse, alors capitale de l'empire des Visigoths, le 4 des Nones de février del’année506. A la même époqueil lisait aussi dans cettcenceinte un Mémoire inséré dans notre Recueil, sur un épisode des trou- bles de la ligue, sur la Cour du Parlement de Toulouse sié- geant à Castelsarrasin. Ce travail, assez étendu, contient beaucoup de documents inédits qui ont de la valeur pour l’his- toire des temps auxquels ils se rapportent. Je pourrais encore parler d’un grand nombre de travaux moins étendus , qui figurent convenablement dans notre Re- cucil et dans ceux des autres Académies de notre ville, ou que (1) 11 fut du très-petit nombre de ceux qui se récusèrent en déclarant leur incompétence et l’incompatibilité des fonctions de législateurs et de juges. Voy. Lamartine, Histoire des Girondins, , liv. xxxiv CH 27. (2) Pag. 112 et 113. (3) Toulouse cité Latine , ou du Droit de Latinité dans la Narbonnaise et dans les Provinces romaines en général, Recucil de VA cadémie, 4€ série, Lu, p. 197. 4° S. — TOME vi. 19 286 MÉMOIRES M. Bencch avait publiés dans diverses revues consacrées à Îa science du Droit et auxquelles il fournissait sa collaboration. Une de nos Sociétés savantes, l’Académie de Législation, se propose de les réunir et d'en former un volume dont la publi- calion sera, assurément, bien accucillie. Je ne parlerai dans celte simple notice, que d’un seul de ces travaux, le dernier que M. Benech a lu dans cette enceinte, et qui a pour titre : Pierre de Belloy, conseiller du Roi et avocat général au Parle- ment de Toulouse. Peu de Biographies sont aussi intéressantes et aussi instructives. Notre collègue y a tracé, d'une manière heureuse, le portrait d’un de ces nobles caractères qu’offrit notre ancienne magistrature au sein des trouble civils et religieux du XVI: siècle. Ce travail, remarquable par la forme ct par l’éléva- tion des idées, contient encore des documents inédits précieux pour l’histoire, et qui figurent bien dans notre Recueil (1). Jusqu'ici je n’ai parlé que des travaux ct des publications de M. Benech. Ce que j'ai dit, atteste qu'il était doué d’une na- ture féconde, d’une ardeur persévérante pour le travail, d'un dévouement constant pour tout ce qui pouvait contribuer à faire progresser la science du Droit. LeDroit, c'était, en effet, sa vie entière, l’objet incessant de ses pensées, la base sur laquelle reposait tout son passé et toutes les espérances de son avenir. Il appartenait à celui en qui cette science était aussi compléte- ment incarnée, d’avoir, le premier, l’idée de fonder dans notre ville une nouvelle Académie qui lui serait consacrée. Je fus le confident de cette pensée, et je puis attester le zèle et la per- sévérance avec lesquels M. Benech en poursuivit la réalisation et en assura le succès. Le concours empressé des hommes les plus recommandables de notre ville ne lui fit pas défaut. La nouvelle Académie vint compléter l’ensemble des nombreux corps savants que possède notre ville de Toulouse et les adhé- sions des hommes les plus éminents de l'Europe cimentèrent bientôt cette nouvelle création. Voilà la vie de M. Benech. On ne peut s'empêcher de recon- {1) Mémoires de l Académie , 11e série, L. v, p. 39, année 1555. _ naître qu'elle fut, pendant toute sa durée, féconde en tra- vaux utiles. Nos écoles lui durent l'introduction dans l’ensei- gnement du Droit romain, des méthodes suivies en Allemagne et à Paris. Le Barreau invoque fréquemment l'autorité de ses opinions sur les matières de notre Droit, qui ont la plus grande importance pratique. Notre ville a été dotée, par ses labeurs, du nouveau corps scientifique dont il était le Secrétaire perpé- tuel, et qui concourt, avec les autres, à étendre au loin cette antique renommée qui lui a valu le titre de Cité palladienne. Tous ces efforts de M.Benech avaient réussi et l'avaient posé ho- norablement. II leur devait la Croix de la Légion d'honneur dont il avait été décoré en 1844 ; son entrée en qualité de Mainte- neur dans l’Académie des Jeux Floraux, et en qualité d’Associé ordinaire dans celle devant laquelle j'ai l'honneur de parler. Il leur devait encore la présidence du Conseil général du départe- ment de Tarn-et-Garonne qui lui avait été déférée dans ces der- niers temps, sa promotion aux fonctions de premier adjoint de la ville de Toulouse, et enfin son élévation à d’autres dignités dont il ne devait pas jouir... Un jour, c'était le 10 novembre 1855, une nouvelle pleine de tristesse se répandit dans notre ville et y causa de profondes émotions... M. Benech venait de mou- Pig 5.2 Cette existence si remplie, et pour laquelle s’ouvrait un horizon nouveau, était éteinte !..... Il est, Messieurs, des douleurs qui restent muettes , et telle est celle que j’éprouve en présence d’un événement aussi plein d’affliction qu’inattendu! Vous avez bien voulu reporter votre choix sur moi pour laccomplissement de la tâche prescrite par nos Statuts. Cette tâche difficile je l’ai remplie dans la mesure de mes forces. N'exigez pas davantage de moi, car mon âme est en ce mo- ment atristée et il m'est impossible d'aller au delà de ce que je viens de vous dire. Heureux si en vous racontant, dans cette enceinte, consacrée au culte des sciences, une vie qui leur fut vouée, j'ai pu, sans jamais m'écarter de la vérité, et sans méconnaître tout ce qui doit être respecté, acquitter con- venablement le tribut que nous devions à celui dont les veilles laborieuses ont fourni tant de travaux ! DE L ACADÉMIE DES SCIENCES. 287 1 (ee) #2) MÉMOIRES SUR UN NOUVEAU THÉORÈME RELATIF AUX MOMENTS DES FORCES PAR RAPPORT A UN POINT; Par M. H. MOLINS. Voafi ' Prorosons-Nous la question suivante : YŸ a-t-il des points tels que, par rapport à chacun d'eux , la somme des carrés des *} moments de deux forces concourantes soit égale au carré du moment de leur résul- tante? S'il en existe, quel est le lieu de a de tous ces points ? Le théorème auquel nous arrivons consiste en ce que ce lieu géométrique est un cône du second degré ayant pour sommet le point de rencontre des forces, passant par leurs directions dont le plan forme un plan diamétral principal, ayant enfin deux systèmes de sec- üons circulaires dont les plans sont respectivement perpen- diculaires aux deux forces. Ou bien encore plus simplement, si dans l’angle des forces on inscrit perpendiculairement à l’une d’elles une série de droites , et que sur chacune de ces droites comme diamètre on décrive une circonférence dans un plan perpendiculaire à celui des forces , le lieu de toutes ces circonférences forme une surface conique du second de- gré dont chaque point possède la propriété énoncée. Soient P et Q les deux forces données qui se rencontrent en O, R leur résultante, O «76 le parallélogramme des forces. Je prends un point quelconque K dans l’espace , et de ce DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 289 point j'abaisse K M perpendiculaire sur le plan POQ; de son pied M je mène des perpendiculaires MN, MT, MU aux directions des trois forces, puis je joins KN, KT, KU, qui sont les distances du point K à ces mêmes directions. Il faut déterminer le point K de telle manière que lon ait CAR CRU —=PXEN FORT: Pour cela je mène , dans le plan des forces, O y perpendieu- laire à OP x, puis Oz perpendiculaire à ce même plan, et je rapporte le point K aux trois axes rectangulaires O x, Or, Oz : on aura ON=x, MN=7y, KM=—z. On a d’ailleurs évidemment RN=pi bep Reg LRU ere en désignant par p,g, r les trois distances, MN,MT, MU; ces expressions substituées dans l'équation (4) donnent : @). RP+z)=P(p +2) +0 (+7). Mais, en vertu du parallélogramme des forces, on a la formule R'=P:+0:+2PQcosb, 8 étant l'angle POQ; de plus le théorème des moments fournit la relation Rr=Pp—Q3, d’où R: r=P°p +7 —2 PQpg. Portant cette expression de R° r° dans l'équation (2), et fai- sant les réductions , on trouve R°z:—2PQpqg=z(P°+Q); mettant pour R° sa valeur, cette équation devient (3) z°Cos0 —pq=0. Si au lieu de supposer que le point M, pied de la perpendicu- 290 MÉMOIRES laire abaissée du point K surle plan des forces , füt dans l'angle POQ ou dans son opposé par le sommet, on avait supposé que ce point tombât en dehors de ces angles, l'é- quation des moments aurait été Rr=Pp+0Q, et on aurait trouvé (4) z° cos 0 + p 40. Dès lors il faut distinguer deux cas, selon que 6 est aigu ou obtus : si 0 est aigu, l'équation (4) n’est pas possible, puisque pq et cos 8 sont positifs, par conséquent les points tels que K qui possèdent la propriété énoncée ont leurs projections sur le plan des forces dans l'angle POQ ou son opposé par le sommet; c’est donc l’équation (3) qui a lieu dans ce cas. Si 6 est obtus, cos 8 étant négatif, c’est l’équation (4) qu'il faut prendre. Pour fixer les idées, supposons 6 aigu , et transformons l'équation (3). On à d’abord p=—7; en second lieu, les pro- jections sur MT des deux lignes brisées MT+TO, MN+ NO, terminées aux mêmes extrémités M et O, sont égales : celle de MT-+TO est égale à MT ou 9, celle de MN+NO est égale visiblement à T I—1IM (le point I étant la projection du point N sur MT prolongé) ou bien à NOsin4—MN cos = x sin 4 — 7° cos 0. On a donc q=xsinmé— y cos 0. 2 Portant ces valeurs de p et g dans l’équation (5), on trouve pour l’équation du lieu demandé (D) z°cos6—xysin6 +y*cosô—=0o ou bien (6) JF +3 —xy tang 0—0. On voit tout d’abord que cette équation représente un cône DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, 29T du second degré ayant pour sommet le point O, et pour plan diamétral principal le plan des x y. Si l'on y fait z=0, on y sausfait en posant y—0, ce qui représente l'axe des x ou O P, ou bien en posant y = x tang 4, équation qui représente la droite O À ; ce cône passe done par les directions des forces Pet Q. Coûpons-le par un plan perpendiculaire à O0 x, ayant pour équation x —=« , a désignant la ligne ON : la section est un cercle qui se projette en vraie grandeur sur le plan des y'z; équation de cette projection est J° +3 — a y tang0—= 0. Le cercle qu’elle représente a son centre sur O y à une dis- eue NE Ë tance du point O égale à=tang 6 ; si donc je prends sur 07, Ur son rayon. Menant CG parallèle à O x ou perpendiculaire à MN qui est la trace du plan sécant sur le plan des xy, le 1e suite point G sera le centre de la section circulaire dans l’espace , et GN sera son rayon. Or le triangle rectangle NOL donne CES tang 6, le point C sera le centre de ce cercle, et GC NL=ONtang0—= a tangé; done NG=— : NL, c’est-à-dire que le point G est le milieu de NL. Ainsi, la section est un cercle situé dans un plan mené suivant la droite NL perpendiculairement à ON, ce cercle étant décrit sur NL comme diamètre. On en conclut que le cône qui répond à la question est le lieu de tous les cercles perpendiculaires à Ox et ayant pour diamètres toutes les droites telles que NL perpendiculaires à cette même droite Ox et inscrites dans l'angle PO Q. On remarquera que MT étant perpendiculaire à OT, l’an- gle que fait MT avec OP est égal à l'angle de NL avec OQ, de sorte que TD est la trace sur le plan POQ de la deuxième section circulaire passant par le point M. Le cône est done 292 MÉMOIRES aussi le lieu de tous les cercles tels que celui qui serait décrit sur T D comme diamètre dans un plan perpendiculaire à 0. On remarquera encore que le lieu géométrique ne dépend que de l'angle 0 des forces P et Q , et nullement de leur rapport. On peut vérifier très-simplement que la circonférence dé- crite sur NL comme diamètre, dans un plan perpendiculaire à OP, possède la propriété exprimée par l'équation (3). En effet, cette équation peut se mettre sous la forme q Z = ca” or p=MN, et l’on a Aie ndE cos9 snMLT —ME? de sorte que l'équation (3) revient à MK =MNXML, équation qui a visiblement lieu pour chaque point de la cir- conférence dont il s’agit. Si l’angle 0 était droit, l'équation (5) deviendrait 70: et elle représente deux plans menés par le point O perpendi- culairement à OP et à OQ. C'est donc le système de ces deux plans qui résout la question. Si l'angle 6 était obtus , il faudrait prendre l’équation (4), etle point M se trouverait dans le supplément de l'angle POQ. On mènerait toujours NL perpendiculaire à OP, et sur cette droite comme @ ‘diamètre on décrirait une cir- conférence dans un plan per- pendiculaire au plan POQ. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 293 Soit K un point quelconque de cette circonférence, on à MT Pq. KM'ouz* =NMXML=pX = | vos# d’où z°coS0+pq—=0o, de sorte que l’équation (4) se trouve satisfaite. Ainsi , le cône qui répond à la question est le lieu de tous les cercles décrits , dans un plan perpendiculaire à OP sur des droites telles que NL perpendiculaires à cette même droite O P et inscrites dans le supplément de l'angle POQ. Considérons une force P’ égale et contraire à P, et soit R’ la résultante de Q et de P’: O8 représentant la force Q, et Ox ou y$ la force P, si l’on prolonge y$ d’une quantité By’ égale à elle-même, il est clair qu’en menant Oy/, on aura la résultante R’ en grandeur et en direction. Dès lors en appliquant ce qui précède aux forces Q et P’, on en conclura que c’est le même cône qui résout la question, tant pour les forces Q, P’ que pour les forces Q, P. Et comme la somme des carrés des moments, par rapport à un point quelconque K de cette surface conique, est la même pour ces deux systèmes de forces, il en résulte que les carrés des moments des résul- tantes R, R’ sont égaux , et par conséquent ces moments eux- mêmes le sont aussi. Donc la surface conique dont il s’agit est telle que, par rapport à un quelconque de ses points, les moments des deux forces R, R’ sont égaux. SiR, R’ étaient deux forces données, on construirait le cône possédant cette propriété, en prenant Oy, Oy' pour re- présenter ces forces, on joindrait y’ qu'on diviserait en deux parties égales en 6, on joindrait O6, et on mènerait OP” parallèle à yy’. Le cône serait le lieu des cercles décrits dans des plans perpendieulaires à O P’ sur des droites inserites dans l'angle P'OQ prises pour diamètres. On remarquera encore que la propriété exprimée par l'équation (1) revient à dire que le earré du triangle K y 0 est 29% MÉMOIRES égal à la somme des carrés des deux triangles KO, KO. Or si l’on prend pour base de ces triangles le côté commun OK, on en conclura que le carré de la distance du point y à la ligne O K est égal à la somme des carrés des distances des points « et $ à la même ligne , de sorte qu'avec ces trois per- pendiculaires on pourrait former un triangle rectangle. Ce résultat permettrait de donner un nouvel énoncé très-simple de la propriété dont nous venons de nous occuper. On pourrait demander le lieu des points tels que, par rap- port à chacun d’eux, le carré du moment de la résultante fût égal à la différence des carrés des moments des composantes. La solution de ce nouveau problème se déduit immédiate- ment de ce qui précède. En effet, si Rest une force égale et opposée à R, les trois forces P, Q, R’ se feront équilibre, et la force Q , par exemple, fera équilibre aux forces P, R”, de sorte qu’une force Q égale et contraire à Q est la résul- tante de P et de R/’. Dès lors on construirait, comme on l’a vu , le lieu des points tels que, par rapport à chacun d’eux , le carré du moment de la force Q/ fût égal à la somme des carrés des moments des forces P, R”’; ce lieu serait donc un cône du second degré ayant le point O pour sommet et le plan POR pour plan diamétral principal, les sections cireu- laires étant perpendiculaires les unes à O P, les autres à OR. Mais on voit en même temps que par rapport à chaque point de ce lieu, le carré du moment de R” ou de R est égal au carré du moment de Q/ ou de Q moins le carré du moment de la force P ; ce lieu géométrique répond donc à la question. On aurait une autre solution en construisant un autre cône du se- cond degré ayant pour sommet le point O , le plan QOR pour plan diamétral principal, et dont les sections circulaires se- raient perpendiculaires les unes à 0 Q, les autres à OR ; c’est- à-dire que par rapport à chaque point de cette surface coni- que , le carré du moment de la force R serait égal au carré du moment de la force P moins le carré du moment de la force Q. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 295 E—_—_———… …….…….…_"….…".…"."—""_."—.—.—"——"—"——————————]_—_—_— LITTÉRATURE ANCIENNE. JUGEMENT DE DENYS D HALICARNASSE SUR THUCYDIDE; COMPARAISON DE THUCYDIDE ET D HÉRODOTE ; Par M. E. HAMEL. Dass un travail fort remarquable sur Thucydide, M. Lermi- nier apprécie à la fois en ces termes l'historien et l’un de ses critiques : « Thucydide est artiste consommé, et, pour l’in- » dustrie de l’art, ni l'histoire antique ni la moderne n’ont » à lui opposer, je ne dis pas un vainqueur, mais un égal. » Denys d'Halicarnasse accuse Thucydide d’avoir mal choisi » son sujet. — Il ne fait, dit-il, que l’histoire d’une seule » guerre qui ne fut ni belle ni heureuse; guerre qu'il serait à » soubaïter qui ne fût jamais arrivée, et qu’il aurait fallu con- » damner du moins au silence et à l'oubli. — Que répondre à » un pareil homme et à une pareille objection? L’antiquité a » donc eu ses prodiges de bêtise comme de grandeur (1). » Le mot est dur, appliqué à l’un des plus célèbres représentants de la critique ancienne; on regrette de le voir écrit; et pour- tant on conçoit qu'il ait pu échapper à la juste impatience d’un homme qui vient de lire, d'étudier , d'admirer Thucydide, et qui de là retombe sur la critique de Denys, si dénuée de sens historique et souvent même, il faut bien le dire, de sens litté- raire. Le jugement porté par Denys sur Thucydide est presque aussi injuste et tout aussi faux que celui de Plutarque sur Hé- (1) Revue des deux Mondes, mars 1834. 296 MÉMOIRES rodote (1). Plutarque cut au moins pour excuse son patriotisme ; il voulut venger sa patrie des sévérités méritées de l'historien qui avait flétri la conduite des Béotiens dans la guerre contre les Perses. Dans les critiques du rhéteur d'Halicarnasse, il n’est guère permis de voir que des erreurs de goût ; car, si, en rap- prochant Hérodote et Thucydide, il sacrifice! presque constam- ment le second au premier, j'ai peine à croire qu'il se soit préoccupé d'assurer à sa ville natale la gloire d’avoir produit le plus grand historien de l’antiquité. 11 est vrai qu'historien lui- même comme son compatriote, Denys trouvait son compte à entourer celui-ci d’une gloire qui rejaillissait sur lui-même; mais les préoccupations de la rhétorique me semblent avoir chez lui dominé les autres, et c’est là que je vois la source de tous ses jugements. Denys est revenu à plusieurs reprises sur Thucydide. D'abord, dans une lettre adressée à un certain Cn. Pompée, affranchi du grand Pompée et portant le même nom, il l’apprécie en le comparant à Hérodote; puis, dans un traité spécial, composé plus tard , il examine longuement chez lui le fond et la forme, signalant les qualités et les défauts, ceux-ci principalement ; enfin, dans sa seconde lettre à Ammæus, il reprend, pour le développer et l’appuyer par des exemples, ce qui dans le traité précédent se rattachait à la langue et à la grammaire. Ce n’est pas tout encore; ses dissertations sur les divers orateurs et son traité de l’Arrangement des mots contiennent plusieurs passages importants sur le style de Thucydide, sur le mécanisme ct l’har- monie de sa phrase. Les critiques de Denys ne sont pas restées sans réponse. Elles ont été pour la plupart réfutées une à une dans des notes, des mémoires et des dissertations qui laissent bien peu à faire pour la défense de Thucydide. Peut-être même le zèle a-t-il dépassé le but; dans l’auteur injustement attaqué on n’a plus voulu voir aucun défaut, aucune {ache , et une admiration imprudente a pu compromettre une cause gagnée d'avance. Je ne prétends (1) Plut. de Herodoti malignitate. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 29% point passer ici en revue toutes les pièces de ce procès; le détail en serait trop long ct peut-être fastidieux. Je voudrais seule- ment, par quelques exemples, donner unc idée de la critique de Denys et du point de vue où il s’est placé. On peut lui accorder en partie ce qu’il avance au sujet de l'obscurité de Thucydide , du tour un peu subtil et sophistique donné quelquefois par l'historien à l'expression de ses idées. Mais il lui reproche l'emploi de mots poétiques , des archaïsmes, des tournures inusitées, des irrégularités de syntaxe, des so- lécismes en un mot (1). De quel droit Denys veut-il refaire la langue et la grammaire de Thucydide? Quels grands monuments, avant l’histoire de la guerre du Péloponèse , avaient fixé la prose attique? Ce n’est pas seulement la langue, c'est le style même de Thucydide que le critique veut refaire. 11 prend une de scs phrases ; il remarque avec justesse que le tour en est vif et éner- gique ; mais la phrase aurait plus de clarté et de grâce, dit-il, si elle était construite autrement, puis il propose sa correc- tion (2). Encore uncfois, pourquoi d’un Thucydide veut-il faire un Denys? Ce qu'il lui reproche surtout et avec le plus d'’insistance, c'est que sa diction ne convient ni dans les assemblées délibé- ran(es, ni au barreau, ni dans les entretiens familiers (3). Denys est avant tout rhéteur ; il ne peut se résoudre à voir dans Thu- cydide un historien, qui a composé ses discours, non pour la place publique, mais pour être lus et médités. Cicéron , qui joi- gnait la pratique de l’éloquence à la théorie , a eu le sentiment de cette différence. Lui aussi est plusieurs fois revenu sur Thu- cydide. Il a parlé aussi de l'obscurité de ses harangues, où, dit-il, la pensée se cache et s’enveloppe si souvent qu’on a peine à la saisir. Il remarque qu'on ne peut rien tirer de lui pour (1) Denys d’Halic. Jugement sur Thucydide , ©. 24; cf. 9me Lettre à Ammæus , el passim. Les renvois se rapportent à l'édition des ouvrages critiques de Denys d’Halicarnasse , donnée par M. E. Gros. Paris, 1826. (2) Den. d'Hal. Jugem. sur Thucyd. e. 25. (3) Zd, ibid, ce. 50. 298 MÉMOIRES l'usage de la tribune et pour les discours publics : Nihil ab eo transferré potest ad forensem usum et publicum (1). Ailleurs il dit encore : Æoc forense , concertalorium el judiciale non tractavit genus (2). Mais songe-t-il à le blâmer de n'être ni orateur de tribune‘ni orateur de barreau? Nullement ; il loue et admire ses harangues , seulement il ajoute : « Je ne pourrais » pas les imiter, si je voulais, et je ne le voudrais peut-être » pas, si je pouvais : » Jmitari neque possim , si velim , neque velim fortasse, si possim (3). Fortasse vient ici pour l'harmo- nie de la phrase ; c’est aussi une expression de modestie. Bien certainement Cicéron n'aurait pas voulu imiter les discours de Thucydide; mais il voit en lui un modèle du geure historique, même dans ces discours. Pourquoi Denys ne s'est-il pas inspiré des jugements de Cicéron? Denys semble ne pas comprendre non plus ce qu'exige la vérité dramatique, et les formes diver- ses qu’elle doit imprimer au style. Il a dans l'esprit un certain type du discours oratoire, et il voudrait tout y ramener. Ainsi, examinant le dernier discours que Thucydide met dans la bou- che de Périclès , il ne trouve pas l’exorde à son gré. Il aurait voulu que Périclès se conformât aux préceptes de la rhétorique, qu’il prit un ton insinuant, humble, modeste, comme doit le faire un orateur en pareille circonstance. Il ne tient aucun compte du caractère de Périclès, de sa position vis-à-vis des Athéniens. Il ne s'inquiète pas de ce qui a été, mais de ce qui devrait être, selon les règles. D’un autre côté, tout habile rhé- teur qu'il est , il ne voit pas, dans le discours funèbre prononcé par Périclès , la raison de ces antithèses , de ces phrases symé- tiques , de ces artifices de langage qu’on y rencontre plus que partout ailleurs, et par lesquels Thucydide a imité le style de convention des panégyriques. C’est là le cachet du genre, telle- ment que Platon a cru devoir parer de ces ornements le discours (4) Jugem. sur Thucyd. ec. 44-47. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 299 qu'il offre dans le Ménexène comme modèle du discours funèbre. Il est permis de croire aussi que Thucydide a voulu représenter jusqu'à un certain point le caractère de l’éloquence sicilienne dans quelques passages des discours d'Hermocrate, dont Denys blâme la recherche et l'affectation (1). En effet, tout en impri- mant à ses harangues le cachet de son propre génie, l'historien a conservé à chaque orateur sa physionomie propre. Cette phy- sionomie varie même suivant les circonstances , et c’est là ce qui donne aux personnages un air de vie et de vérité. Les person- nages de Denys seraient tous jetés dans le même moule ; il re- proche à Thucydide sa monotonie; Thucydide serait bien plus monotcne, s'il eut composé son histoire suivant les idées de Denys. C’est done sur les discours que portent particulièrement les critiques du rhéteur d'ilalicarnasse, et l’on a pu reconnaître combien peu elles sont fondées. Il faut cependant ajouter, pour être juste, qu'ici même Denys n’a pas toujours des paroles de blâme ; qu’il admire non-seulement certains passages, mais des discours entiers , et que son admiration, aussi vive qu'éclairée, se porte en général sur ceux où l'élévation de la pensée se joint à la clarté de l'expression (2). « Quant à la narration, dit-il, » je déclare qu’à part quelques exceptions, elle est admirable, » et peut servir de modèle dans toutes les circonstances (3). » En effet , la narration de Thucydide est partout rapide, animée et pittoresque, sans que la concision y nuise presque jamais à la clarté. La critique recommence à propos des réflexions qui, de temps en temps, viennent interrompre la narration. Ainsi, Denys attaque phrase par phrase ce morceau fameux du troi- sième livre, dans lequel Thucydide fait le tableau des dissensions de la Grèce, en décrit les caractères , en recherche les causes, en indique les résultats (4). Là, en effet, l'historien entasse et condense les idées ; il y en a presque autant que de mots; c’est (1) Jugem. sur Thucyd. c. 48. (2) Zbid. V. particulièrement les chapitres 36, 43, 48. (3) Zbid. ce. 55, (4) Zbid. ce. 29-33. 300 MÉMOIRES toute une théorie des révolutions en moins de deux pages. On conçoit qu'une pareille concision ne puisse être achetée qu'aux dépens de la clarté ; mais l’obscurité n’est que relative; elle dis- paraît devant une attention souienue, pour faire place à une vive lumière qui jaillit de ces expressions si justes et si précises , de ces oppositions de mots et d'idées aussi ingénieuses que pro- fondes. Dans ces réflexions, c’est la pensée toute seule de l’his- torien qui apparaît ; c'est là aussi, par conséquent, que se fait reconnaître surtout le style qui lui est propre. « Il ressemble à » l’homme qui l'a tiré hors de lui, dit M. Lerminier ; nous con- » seillons , continue-t-il, aux rhéteurs anciens et modernes de » s'y résigner; ou plutôt qui les oblige à s'occuper de Fhucy- » dide? » Si le ton de ce conseil rappelle un peu, avec la différence des temps, celui de Scaliger , gourmandant les demi-savants qui ne craignaient pas de s'attaquer à Hérodote (1), M. Lerminier n’en a pas moins raison contre Denys. Nous trouverions chez Denys lui-même la condamnation de ses propres critiques. Je ne parle pas seulement des endroits particuliers où il loue dans Thucydide les qualités que celui-ci n’a que par exception, la clarté, la simplicité des expressions , la douceur de l'harmonie, la grâce et la vivacité du tour; j'ai surtout en vue ceux où il rend hommage aux qualités spéciales qui caractérisent l’histo- rien de la guerre du Péloponèse. On pourrait, en réunissant plu- sieurs de ces passages, donner une idée juste et complète des divers mérites du style de Thucydide. En voici un d’ailleurs qui résume à peu près tout : « Quatre organes pour ainsi dire cons- » tituent le style de Thucydide : le caractère poétique des mots, » la variété des figures , la rudesse des sons, la brièveté de l’ex- » pression. Ses traits distinctifs , c’est d'être âpre, serré, mor- » dant, austère, grave, véhément, terrible et surtout pathéti- » que (2). » Dans son traité De l’arrangement des mots, Denys (1) Herodotus.... auctor est a doclis nunquam deponendus, a semidoctis et pædagogis el séniolis nunquam traclandus. Scaliger, ad Euseb. Chron. (2) Jugem. sur Thucyd. ce. 24; cf, 2e Leltre à Ammæus. DE L'ACADÉMIE DES SCLENCES. 301 cite Thucydide en compagnie de Pindare et d'Eschyle, comme modèle de ce qu'il appelle la composition austère. Ailleurs, le comparant à Hérodote, il caractérise le style de l'un et de l'au- tre, en lui donnant le nom de poésie, et il dit que cette poésie est belle chez tous les deux, xahai pèv ai mouioex duporesa, « mais, ajoute-t-il, la beauté d'Hérodote est gracieuse et riante, celle de Thucydide est terrible : » +ù pèv Hpoddrou x#Nd0s lapév Zort, oofepv de rù Eouxudidou (1). C'est la beauté de Vénus op- posée à celle de Minerve. Comment Denys , qui appréciait si bien d’une manière géné- rale les qualités du style de Thucydide, l'a-tl critiqué si vive- ment dans les détails? C’est que d’abord il a regardé comme des défauts ce qui, dans ces qualités, dépassait les bornes étroi- tes où il eût voulu les contenir ; c'est que, plus souvent encore, il a été aveuglé par certains préjugés, qui lui faisaient pour- suivre un type de perfection imaginaire, et ne lui permettaient pas de rechercher , comme pour le discours funèbre ou les dis- cours d'Hermocrate , la raison des prétendues imperfections qui choquaient son goût. La critique de Denys est, il faut bien le dire, encore plus malheureuse lorsqu'elle s'attaque au fond même et à la composi- tion de l’œuvre de Thucydide. Pourtant elle n’est pas sans uti- lité. Elle sert à faire mieux ressortir l’art de l'historien ; elle attire l'attention sur des mérites qui semblent, au premier abord , si naturels qu'on ne les eût peut-être pas remarqués. Denys, en les méconnaissant , nous apprend à en tenir compte, Ainsi , il reproche à Thucydide d’avoir développé certains faits qui, selon lui, exigeaient de la concisior , et réciproquement d’avoir été trop bref sur quelques autres. Il cite pour exemple le long récit du combat naval dans lequel, au commencement de la guerre, vingt vaisseaux athéniens triomphèrent de qua- rante-sept vaisseaux péloponésiens, l'opposant aux quelques lignes où est relatée l'importante victoire de Cimon sur les Per- (1) Lettre à Cr. Pompée , 1. k° S. — TOME VI. 20 302 MÉMOIRES ses près de l'Eurymédon (1). Denys s'étonne de cette différence ; l'explication en est fort simple. La bataille de l'Eurymédon n’ap- partient pas à l'histoire de la guerre du Péloponèse , mais à l'in- troduction. Elle a son rang parmi les causes de l’accroissement de la puissance d'Athènes, et cette partie ne devait qu'être indi- quée, non développée. Le combat naval du second livre, au contraire , est le premier où se rencontrent sur mer les Athéniens et leurs adversaires. 11 offrait à Thucydide une occasion bril- lante de montrer la supériorité de tactique des premiers ; car c'est par la tactique, par la connaissance des choses de la mer, qu'ils triomphent alors; et, d'après cela, il sera facile de voir plus tard ce que leurs adversaires auront gagné de ce côté. Bien que les forces ne fussent pas considérables de part et d’autre, qu'il y ait eu ensuite des engagements plus importants, aucun ne pouvait offrir le même intérêt. C'est ce que Thucydide a senti et ce que n’a pas compris Denys d'Halicarnasse. Les autres observations du critique sont du même genre. Pourquoi Thucy- dide a-t-il représenté avec les plus vives couleurs les malheurs de Platée, de Mitylène, de Lesbos , et n’a-t-il raconté qu’en peu de mots la ruine de Scione, d'Egine, d'Histiée (2)? Pourquoi a-t-il supprimé tels discours, a-t-il rapporté tels autres (3)? Et au sujet du plan, de l'ordonnance des parties, pourquoi Thu- cydide a-t-il interverti l’ordre des événements, raconté les dé- mélés de Corcyre et de Corinthe avant le développement de la puissance d'Athènes, les prétextes de la guerre avant les causes éloignées (4)? Acacius, Krüger, Lévesque, Poppo, ont repris tour à tour chaque reproche, sauf peut-être ce qui regarde le plan du premier livre, dont j'ai cru devoir faire ailleurs l’objet d’un travail particulier. Ils ont prouvé que tout chez Thucydide, choix des faits et développements, était parfaitement motivé, et que son critique n'avait rien saisi de l’art savant qui avait (1) Jugem. sur Thucyd. c. 13. (2) Ibid. ce. 15. (3) Zbid. ce. 17. (4) Ibid, ce. 10-11; cf. 19-20. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 303 réglé toutes les parties de son œuvre. —1l y a même plus qu’un défaut de sens ; il y a de l'injustice dans certaines attaques de Denys. Ainsi il accuse Thucydide pour n'avoir pas rempli sa promesse et pour s'être arrêté à la vingt-unième année de la guerre (1); c'est lui faire un crime d’être mort trop tôt. On sait, en effet, que Thucydide, qui, dans le cinquième livre de son histoire, annonce que la guerre du Péloponèse a duré vingt-sept ans, et qu'il l’a écrite tout entière (2), n’est pourtant pas allé au delà de la vingt-unième année ; qu’il n’a pas même mis la dernière main à ce qui forme pour nous maintenant la fin de son ouvrage ; il a été surpris par la mort, et voilà ce que lai reproche Denys. Mais voici qui est plus grave, parce que les qualités fonda- mentales de l'historien y sont mises en cause. Thucydide, on le sait, est généralement renommé pour sa véracité, son impar- tialité ; 1l est également exempt d’envie et de flatterie ; tous le reconnaissent , dit Denys d'Halicarnasse, et lui-même proclame que c’est là son mérite spécial (3). Mais il arrive souvent à Denys de blämer en détail ce qu'il a d’abord loué en général. C’est ce qu'il fait encore là. En dépit donc de cette concession faite au sentiment de tous, il accuse plus loin l'historien d’avoir nourri des dispositions malveillantes contre ses concitoyens, fait ressortir leurs fautes , dissimulé leurs qualités, et cela par esprit de vengeance, à cause de l'exil auquel ils l'avaient con- damné (4). Hâtons-nous de le dire, l’accusation est injuste. Thucydide parle au contraire de son exil sans récrimination, sans amertume. C’est un fait qu’il raconte comme les autres faits, avec tout le calme de l'historien , et seulement pour ex- pliquer comment il a pu être instruit de tous les événements de la guerre. « Il m'est arrivé, dit-il, d’être exilé de ma patrie pen- » dant vingt ans, après mon généralat d'Amphipolis, et, comme (1) Jugem, sur Thucyd. e. 12. (2) Thuc. 1. v, c. 26. (3) Jugem. sur Thucyd. c. 8. (4) Ibid. ce. 41; cf. Lettre à Cr. Pomp. 11. 304% MÉMOIRES » j'ai assisté aux événements chez les deux peuples, autant » chez les Péloponésiens que chez les autres, à cause de mon » exil, j'ai connu plus à loisir le véritable état des choses (1). » Thucydide ne se plaint done pas de sa disgrâce; ce n’est pas par esprit de vengeance qu'il a représenté les travers, ra- conté les fautes de ses concitoyens. Il agit de même pour les Lacédémoniens. Les portraits des deux peuples ne sont pas plus flattés l’un que l’autre. A bien y regarder, si l’un des deux se présente sous des couleurs plus favorables, c’est celui des Athéniens. Ils ont du moins le mérite de la franchise et quelque- fois celui d'un élan généreux. Mais là même l'historien n’a été que vrai; son impartialité ne s’est pas démentie. Que voudrait Denys? il le dit ailleurs. Il voudrait que Thucydide eût présenté son sujet d'une manière avantageuse pour les Athéniens. « Il ne » devait pas, dit-il, montrer au grand jour, en les rejetant sur » sa patrie, les motifs évidents de la guerre, lorsqu'il avait le » moyen de la ramener à d’autres causes. » —— « Il devait, » ajoule-t-il encore , faire voir que les Lacédémoniens , cédant > tout à la fois à la jalousie et à la crainte, mais alléguant d’au- » tres prétexles, entreprirent la guerre (2). » En un mot, il fallait que Thucydide, suivant Denys, fit un plaidoyer ou un panégyrique, non pas une histoire. Le rhéteur perce toujours. Enfin, pour conclure, rappelons la phrase que j'ai citée en com- mençant , où Denys reproche à Thucydide le choix de son sujet, cette phrase qui a excité si vivement l’indignation de M. Ler- minier ; elle résume à elle seule tout le mauvais côté de cette cri- tique. Parmi les habitudes de rhéteur, auxquelles il faut attribuer, en grande partie, les jugements erronés de Denys d’Halicar- nasse, il en est une qui tient sans contredit la première place ; c'est celle de juger les écrivains par comparaison, pour sacri- fier l’un à l’autre, comme il l’a fait ici en rapprochant Thucy- dide d'Hérodote. Ce rapprochement lui a suggéré quelques re- C4 (1) Thuc. L. v, c. 26. (2) Lettre à Cn. Pomp. ww. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 305 marques justes et ingénicuses sur leur style, mais elle l’a bien plus souvent égaré, en l’entraînant à exiger de Thucydide des qualités qu'il ne pouvait pas avoir, que ne comportaient ni son but, ni son génie, ni les faits qu’il racontait. Il faut te- nir comple pour chaque écrivain et de la nature de son esprit, et des circonstances diverses au milieu desquelles il s’est déve- loppé. Si l’on veut en comparer plusieurs entre eux , pour que cette comparaison soit utile, pour qu'elle éclaire le jugement au lieu de l’aveugler, il faut qu’elle soit faite, non dans le but d’exalter l’un aux dépens de l’autre, mais de manière à faire ressortir les mérites propres de chacun d’eux et à les expliquer. Sans avoir la prétention de réaliser complétement ce pro- gramme pour Hérodote et Thucydide, je voudrais au moins en indiquer les principaux traits : ce sera l’objet de la seconde partie de ce mémoire. Hérodote est en Grèce le dernier des logographes et le pre- mier des historiens ; en même temps c’est un poëte : voilà le triple caractère sous lequel il s'offre à nos yeux. Comme logographe, il résume en lui Hécatée de Milet et Hel- lanicus de Lesbos, qui eux-mêmes représentent les deux grandes classes de logographes, ceux qui décrivaient les pays, et ceux qui rassemblaient et classaient dans des généalogics les faits tant mythologiques qu'historiques. Hécatée a recu des anciens le nom de rouThavis, l'homme qui a beaucoup voyagé, Hel- lanicus celui de rolvicrwp, l'homme qui a beaucoup recher- ché (1). Hérodote a voyagé comme Hécatée, recherché comme Hellanicus, et son livre est le résultat de ses recherches et de ses investigations. Ainsi que les logographes , Hérodote prend pour fondement de ses récits les monuments, les poëmes et surtout les traditions locales. Ce sont les seules sources auxquelles il ait pu s'adresser pour les faits déjà antiques de son lemps ; et pour ceux même qui étaient plus voisins de l’épo- que où il écrivait, la plupart des détails ne pouvaient lui être (1) Agathem. I, 1. 306 MÉMOIRES connus que par des relations orales, par des témoignages par- üculiers et sans contrôle, par des bruits publics et incertains. Si donc l’on considère l'ensemble des connaissances et la ma- nière de les recueillir, c'est-à-dire la matière première de l’œu- vre, Hérodote est un vrai logographe. En même temps il est déjà historien par la critique, quoi que l’on ait pu dire à di- verses époques de sa crédulité. En effet, d’abord il distingue soigneusement ce qu'il a vu par lui-même et ce qu'il tient des autres. On en peut citer des preuves nombreuses tirées des di- verses parties de son livre (1). Il discute les traditions locales, les contredit ou les explique. Il raconte tout ce qu'il a appris, mais il n’y a pas toujours foi. Quelquefois il le dit explicite- ment ; plus souvent la manière dont il raconte certains faits, la place qu’ils occupent dans son récit suffisent pour prémunir le lecteur et le prévenir du peu d'importance qu’y attache l'his- torien. S'il y a dans sa géographie une partie fabuleuse, elle est reléguée aux bornes du monde connu de lui; ce qu'il a vu est décrit avec une exactitude remarquable. Dans ses recherches sur les divers peuples, particulièrement sur ceux de la Grèce, il dégage judicieusement leur origine de son enveloppe my- thologique et de ses fables. S’il se montre en général plein de respect pour les traditions religieuses qui se rapportent à son pays, il a plus de liberté à l'égard de celles des autres peu- ples. Il ne se gêne pas pour contredire les prêtres égyptiens et babyloniens au sujet de certaines fables qu’ils débitaient sur eux-mêmes et sur leurs dieux. Ainsi Hérodote possède déjà, dans un degré assez élevé, une des qualités fondamentales de l'his- torien , l'esprit de critique. Hérodote se distingue encore de ses devanciers par la compo- sition de son livre et par le style, et de ce côté on pourrait dire aussi qu'il a créé l’histoire, si cetle composition et ce style n'étaient pas plutôt d’un poëte que d’un historien. L'unité qu'il (1) Je m’abstiendrai ici de tout renvoi et de toute citation , me proposant de rassembler dans un autre mémoire les preuves de lesprit critique d’Hé- rodole. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 307 a donnée à son histoire est celle d’un poëme. Comme Homère, il chante le triomphe de la Grèce sur l'Asie. I! reprend l'œuvre de l'antique poële, avec la différence des temps. Dans ses deux poëmes, Homère avait ressemblé tout ce que savaient, tout ce que sentaient les Grecs d’alors ; c'était le tableau complet de la vie grecque aux époques héroïques. Hérodote offre le tableau de la vie grecque aux premiers temps historiques, lorsque la Grèce est encore sur les limites de la fable, et vient en quelque sorte d'entrer dans l'histoire. Cette vie est bien plus complexe, bien moins simple que celle des héros ; les connaissances sont bien plus étendues, bien plas nombreuses, les besoins de l’es- prit plus difficiles à satisfaire ; Hérodote suffit à tout par la com- position de son histoire. Il à pris pour centre de son œuvre la lutte des Grecs ct des Barbares, et autour de ce grand fait qu’il va chercher aux épo- ques mythologiques, pour er suivre le développement dans les temps historiques, et le faire aboutir aux batailles décisives de Salamine et de Platée, il groupe les principaux faits histori- ques ou géographiques qu’il a pu rassembler, conduit {tantôt par l'ordre des temps, tantôt par celui des lieux, tantôt par des différences ou des ressemblances accidentelles, que saisit en courant son imagination. À travers ces nombreux épisodes, qui sont eux-mêmes une partie de son sujet, il fait circuler le fil cent fois brisé, cent fois renoué, de la narration, qui doit être couronnée par le magnifique tableau de cette lutte suprême, où la Grèce triomphe des Barbares. C’est alors surtout, au moment où, soulevée par Xerxès, l'Asie entière s’ébranle pour tomber sur la Grèce, c’est alors que l'historien a toutes les allures du poëte épique. L'action se passe à la fois sur la terre et dans le ciel. Un songe de Xerxès fait intervenir dès le début, comme dans l'Iliade, une divinité jalouse, qui le pousse à sa perte. Cette double action se retrouve du côté des Grecs; la scène est là aussi transportée de la terre dans le ciel, par l’in- tervention des oracles. Ce n'est pas, en effet, le jeu des combi- naisons humaines qu'Hérodote se plaît à nous montrer dans l'histoire , mais les coups d’une fatalité dont les dieux sont les 308 MÉMOIRES ministres, ct dont ils nous dévoilent les immuables décrets par des oracles, des songes et des présages de toute sorte. De là en- core l'unité et le caractère poétique de cette œuvre. Que dire maintenant du style d'Hérodote ? Il est comme celui d'Homère ; il a toutes les qualités. Pour les mots, Hérodote ne trouve rien de trop bas, rien de trop noble; il dit tout dans les termes qui conviennent à l’expression de chaqueidée. Les tours sont d'une variété infinie, se pliant à tous les besoins de l'es- prit, aux caprices de l'imagination, aux mouvements de la pas- sion, à la suite naturelle des idées et des faits. Ce qui favorise cette souplesse de la langue d'Hérodote, c’est l'absence de règles précises, qui laisse alors au langage de la prose toute la liberté du langage parlé, et qui permet à l'écrivain de hasarder, sans hardiesse calculée, les tournures les plus diverses, les plus pro- pres à suivre les mouvements de sa pensée. Quant aux qualités proprement dites du style, je le répète, Hérodote les a toutes, la gravité, la vivacité, la force, l'éléva- tion. Ce qui le distingue toutefois spécialement, c’est la naïveté et la simplicité. Mais il ne faut pas s’y tromper, la naïveté d'Hérodote est relevée de grâce, de poésie, d’une sorte de ma- Jesté tout antique. Sa simplicité est comme celle des héros d'Homère, qui apprêtaient eux-mêmes leurs repas, mais qui buvaient dans des coupes d’or, et auxquels on versait de l’eau d’une aïiguière d’or dans un bassin d’argent. Le style d'Hérodote est-il, du reste, aussi peu étudié que l’affirme Louis Courrier, sa phrase aussi nue qu’on a bien voulu le dire? Je ne le crois guère, et je suis en cela de l’avis des anciens critiques. Une absence complète d'étude chez un écri- vain venant après les recherches infinies de la poésie lyrique, à l’époque de Gorgias et des rhéteurs Siciliens; tant d’art dans la composition générale ; aucun art dans le style d’un ouvrage si longtemps travaillé, fait pour plaire, pour le charme de l’o- reille, comme dit Thucydide, tout autant que pour instruire, voilà ce qui ne pourrait guère s'accorder. Toute la différence entre l’art d'Hérodote et celui de Platon, c’est que le premier est plus voisin de la nature que le second, qu’il subit davan- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 309 tage l'influence des circonstances extérieures, la recherche de l'harmonie et du pittoresque. Quant à la nudité du style d'Héro- dote, elle n'est pas non plus absolue; il laisse parfois flotter négligemment l'expression autour de la pensée. Le style d'Hé- rodote est nu comme ces belles statues antiques, où tantôt le nu se montre sans voiles, et tantôt se laisse seulement accuser sous les draperies qui l’enveloppent. Hérodote a été merveilleusement doué par la nature ; c’est un esprit varié, facile, aimable, plein d’éclat et de sérénité ; mais les circonstances ont aussi facilité chez lui le développement des dons naturels. Il naquit sous le beau ciel de l'Asie Mineure, à l’époque la plus brillante de la Grèce; son enfance fut bercée au récit des triomphes des Grecs sur les Barbares; la poésie était de tradition dans sa famille; il avait pour oncle Panyasis , le plus célèbre poëte épique du temps. N6 d’une famille illustre et riche, il put, dès sa jeunesse, satisfaire son goût pour les voyages ; de retour dans sa patrie, il en fut peu après, il est vrai, chassé par des discordes civiles, mais cet exil presque volontaire ne troubla pas la sérénité de son âme. Ils’était fait une patrie de la Grèce entière qu'il avait parcourue, visitée, explorée dans tous les sens, et qui bientôt le salua de ses acclamations aux jeux Olympiques, lorsque, montant sur les degrés du temple de Jupiter , il ÿ chanta son histoire, comme dit Lucien. On le vit ensuite de ville en ville, à Corinthe, à Athènes, récitant dans les fêtes publiques des fragments de son livre comme des rhap- sodies d'Homère. « Son nom, dit encore Lucien, retentissait » dans les jeux et sur les chemins, et sitôt qu'il paraissait, cha- » cun se ie montrait, en disant : Le voilà, celui qui adécrit en » dialecte ionique les défaites des Perses et chanté nos triom- » phes (1). Est-ce là un historien ou bien un poëte? Lorsqu’ar- riva pour lui l'âge mûr, et pour la Grèce le temps des discor- des qui devaient amener sa décadence, il était retiré à Thurii, où il avait suivi une colonie d’Athéniens, et là, calme et tran- quille, détournant ses yeux des maux qui les auraient affligés, (1) Lucian. Herodotus, sive Aetion, $$ 1 et 2. 310 MÉMOIRES il retoucha et polit, pendant tout le reste de sa vie (1), le magnifique monument qu'il avait élevé à la gloire de sa patrie. Voilà Hérodote, tel que l'ont fait la nature et les circonstan- ces ; voyons, maintenant , ce qu’elles ont fait de Thucydide, Thucydide n’est que de douze ans plus jeune qu'Hérodote. Comme Hérodote, par conséquent, il a vu sa patrie dans toute la force et tout l'éclat de sa prospérité; il est né comme lui d’une fa- mille ancienne et riche; comme lui il a véeu une partie de sa vie dans l'exil; il a voyagé, consulté, recherché comme lui pour rassembler les matériaux de son histoire; mais là s’arrê- tent les ressemblances, et elles ne sont que superficielles. Les différences, au contraire, sont fondamentales. Il n’y a que douze ans entre Hérodote et Thucydide ; mais il y a presque un siècle entre leurs livres. Hérodote a sans cesse les yeux tournés vers le brillant passé, la jeunesse et les triomphes de la Grèce ; Thu- cydide vit dans le présent, qui ne lui offre qu'un sombre et dou- loureux spectacle, celui de sa patrie se déchirant elle-même, détruisant de ses propres mains l'édifice de sa grandeur, et il a devant les yeux un avenir plus triste encore, l’humiliation de la défaite et de la servitude. Les deux historiens pouvaient-ils peindre leurs tableaux avec les mêmes couleurs? Denys d'Hali- carnasse voudrait pourtant que Thucydide fût aussi agréable qu'Hérodote, Mais Thucydide lui-même l’a dit, il a fait son livre pour être un monument à jamais, et non pour flatter agréable- ment l'oreille. Thucydide avait dû recevoir de la nature un esprit grave et réfléchi. L'éducation développa chez lui ces dispositions. On ne sait pas quels avaient été les maîtres d'Hérodote ; il s’inspira des poëtes et surtout d'Homère. Les maîtres de Thucydide furent le (1) On a cru longtemps qu'Hérodote avait prolongé sa vie au delà de l’année 408, parce qu’on rapportait à une révolle des Mèdes contre Darius Nothus, arrivée cette année-là, le passage (1. 1, 130) où l’historien dit, sans indicalion précise, que les Mèdes se révoltèrent sous Darius. La lecture de l’Inscription de Bisoutoun a montré qu’il s’agissait là d’une révolle qui eut lieu sous Darius [tr. Revue archéologique, décembre 1846. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 311 philosophe Anaxagore et l’orateur Antiphon. A l’école d'Anaxa- goreileut pour condisciple Périclès, plusâgé que lui, mais dont il put cependant cultiver l'amitié. Ces trois hommes durent exercer sur lui une grande influence. D'Anaxagore, lui-même ne nous a rien dit; mais on sait assez quel était le caractère de la phi- losophie, à la fois élevée et subtile, de celui qui mérita d’être appelé 6 voùs, l'intelligence. Quant à Périclès et à Antiphon, Thucydide leur a payé à tous les deux, dans son livre, l'hom- mage de son admiration et de sa reconnaissance. La page qu'il a consacrée à Périclès est une de ses plus belles, et montre qu'il avait su apprécier le grand homme dont la main puissante pouvait seule arrêter la démocratie sur le penchant de ses excès et de sa ruine (1). D'Antiphon, il rappelle la vertu sévère, la modestie grave, qui, malgré son talent à concevoir et à expri- mer ses pensées, lui faisait fuir le grand jour de la place publi- que; il vante l'excellence de ses conseils, qui faisaient de lui l'âme du parti oligarchique, et, lorsqu’après la défaite de ce parti, il fut lui-même condamné à mort, sa magnifique dé- fense, qui le plaça au-dessus de tous les orateurs de son temps (2). Voilà les maîtres auprès desquels s’instruisit Thucy- dide dans la philosophie, dans la politique et dans l’art oratoire. Il y a dans la vie de Thucydide deux faits à remarquer. C'est d’abord l'enthousiasme qu'il fit éclater, tout jeune encore, à la lecture de l'histoire d'Hérodote ; c’est ensuite la résolution qu'il prit, dès le commencement de la guerre du Péloponèse, d'en écrire l’histoire, jugeant, comme il le dit, qu'elle devait avoir la plus grande importance. Par ces deux faits se révèle le génie de l'historien. Ce n’est pas à une curiosité frivole, à un caprice d’art que se laisse aller Thucydide ; il obéit à une sorte de vo- cation. Les circonstances le poussent encore où l’appelle son génie. Il est d’abord mélé aux affaires jusqu’à la huitième année de la guerre. A cette époque, il se trouvait même chargé d'un (1) Thuc. I. n, ce. 65. (2) Thue. L. vin, ec. 68. 312 MÉMOIRES commandement , lorsque , frappé d’une sentence d'exil pour n'avoir pas réussi à empêcher la prise d’Amphipolis, il forme la résolution de se consacrer tout entier à la grande tâche qu’il s'était imposée. Il parcourt alors toute la Grèce, de l'Asie Mineure à la Sicile, visite l’une après l’autre, et à plusieurs reprises, les différentes parties du théâtre de la guerre, consulte amis et ennemis, re- cueille partout les documents, et les compare pour en faire sor- tir la vérité pleine et entière. Sa fortune, augmentée encore par un riche mariage, facilite ses recherches. C’est là une circons- tance indifférente en apparence pour le mérite de l'historien ; en réalité cependant elle est importante, puisqu'il arriva par elle à une plus grande certitude. Quelles sont donc les qualités que déjà nous pouvons pres- sentir chez Thucydide? L'amour de la vérité, la sûreté du coup d'œil qui juge l'importance des faits et va en saisir les conséquences jusque dans l'avenir, l'esprit philosophique qui recherche les causes sous les effets, l'esprit politique qui appré- cie la valeur des hommes, la force des circonstances et les mo- difications que les choses doivent subir suivant les temps ; c’est encore le talent de l'écrivain fortifié par de sévères études: c’est enfin la passion de la gloire qui anime tout. En face de l’homme ainsi préparé, que trouvons-nous? l'é- poque la plus décisive dans la vie de la Grèce, entre les deux glo- rieuses guerres qu'elle soutint contre les Barbares, d’abord pour repousser leur joug, puis, plus tard, pour renverser leur em- pire. C’est lorsqu'elle est arrivée au plus haut point de sa grandeur et de sa force, que s'arment les uns contre les autres, représentés par les deux puissantes cités de Sparte et d'Athènes, les éléments et les principes opposés qui s’y disputent la domination. De là ce grand drame intérieur que l’on appelle la guerre du Péloponèse, et dans lequel, comme dans la tragédie antique des deux frères Thébains, la Grèce tout entière apporte le tribut de son sang. L'importance de cette guerre tenait à la grandeur même des causes qui l'avaient amenée. Il y en avait quatre prin- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 313 cipales : d’un côté, la lutte des instincts de race, l'opposition originelle des Doriens et des loniens ; de l’autre, dans les gou- vernements, l'opposition des deux principes aristocratique et démocratique; en troisième lieu, l'accroissement de la puis- sance athénienne, observée depuis longtemps avec jalousie par les Lacédémoniens ; enfin les griefs des alliés contre Athènes, dont la tyrannie s’appesantissait tous les jours davantage sur cux. Thucydide dévoile ces diverses causes, les met en lumière et les fait ressortir tantôt par des tableaux, tantôt par des dis- cours, tantôt par de courtes et profondes réflexions. Il les dis- tingue des causes secondaires ct rapprochées, et même des sim- ples prétextes. Il les dégage aussi des causes éloignées et mysté- rieuses que l’homme ne peut que soupconner sans les compren- dre. A la place de cette fatalité qu'Hérodote nous montre pré- sidant à tous les événements, et dont les décrets n’ont qu'un rapport vague et confus avec les passions humaines, Thucydide nous offre le jeu de ces mêmes passions, la lutte des inté- rêts opposés, les résultats expliqués par les vices et les vertus des hommes, par les talents et l'expérience ou l'ignorance et les fautes, quelquefois aussi par les chances hasardeu- ses des combats. C’est là ce qui fait l'historien. Aussi l’histoire de Thucydide, il le sait et il le dit, doit être un enseignement pour la postérité. On y apprendra à prévoir les événements; car, d’après la nature humaine, les circonstances semblables ou analogues doivent amener des événements semblables ou ana- logues (1). « Dans le développement de la pensée grecque, dit » M. Lerminier, Thucydide vient établir la politique ; il peint » et représente la société grecque comme Machiavel a peint et > représenté l'Italie du quinzième siècle. » L'histoire, considérée comme œuvre d’art, a aussi reçu de Thucydide sa forme particulière. Chez Hérodote, elle se confond encore avec l'épopée; chez le fils d'Olorus, elle a sa vie propre et indépendante. Du reste, elle est encore poétique dans le sens (n)Thue 11e: 22; 31% MÉMOIRES le plus large du mot. Elle est en cffet composée pour être une expression idéale de la réalité tout entière, les faits, les hom- mes et l'esprit qui les juge. A ces trois choses, répondent dans l’histoire de Thucydide trois éléments divers qui s'unissent en- tre eux pour en varier le tissu. — C’est d’abord ce qu'on peut appeler la partie pittoresque, la vive représentation des faits. À travers une exposition rapide se détachent, choisis avec art, de brillants tableaux, batailles, siéges, destructions de villes, peste et famine, tous les grands événements qui frappent l’ima- gination. Puis viennent de nombreux discours, qui, jetés dans la narration, transportent le lecteur sur la place publique, le font vivre au milieu de ces républiques grecques, où tout se fai- sait par la parole, mettent en scène les partis et les individus, avec leurs passions, leurs intérêts, leur caractère. Cette exposi- tion dramatique de l'histoire a son expression la plus vive dans le dialogue, unique en son genre, des magistrats de Mélos et des députés d'Athènes (1). Enfin, la pensée de l'historien, par- tout présente, intervient encore d’une façon plus particulière dans certains passages, où il semble se recueillir pour résumer ses jugements sur les hommes et sur les choses. Ces réflexions, tout abstraites qu’elles peuvent être, participent cependant, soit par la forme vivante où les a jetées Thucydide, soit par la manière dont elles sont groupées, au caractère poétique du reste de l’ouvra- ge. Tels sont ici les portraits de Thémistocle et de Périclès; là, le tableau des dissensions de la Grèce, dont j'ai déjà parlé. Cesdi- verses parties, du reste, sont habilement fondues, et les discours marquent la transition de la première à la troisième. En effet, pendant que d’un côté ils complètent la partie descriptive par la peinture animée des caractères au moyen de la parole; de l’autre, ils reproduisent la pensée de l'historien par cesréflexions toutes personnelles dont il les a semés. Composés, suivant l’ex- pression de Thucydide, d’après ce que chaque orateur lui sem- ble avoir pu dire de plus convenable dans les diverses circons- tances (2), ces discours, on le sait, en même temps qu'ils ont (1) Thue. 1. v, ce. 85 seqq. (CIN NERO TE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 319 une part de réalité, sont aussi un artifice de l'écrivain pour présenter dramatiquement la situalion et les opinions des par- tis, les causes des grands événements, le résultat des études po- litiques et morales de l'historien. C’est par cette conception de la partie oratoire que se distingue surtout et se caractérise l'his- toire de Thucydide. On en trouve bien le germe dans Hérodote ; mais elle a dans Thucydide seul son plein développement. Pour le plan général et la division de l'œuvre, Denys d'Hali- carnasse admire Hérodote, qui, ayant rassemblé un'grand nom- bre de faits différents, a su en former un seul corps dont tous les membres se tiennent harmonicusement ; quant à Thucydide, qui s’est borné à un seul sujet, il a divisé, dit-il, un seul corps en un grand nombre de membres (1). J'applaudis de grand cœur à l'éloge que Denys fait de l'ordonnance du sujet dans Hérodote ; j'ai cherché à faire voir plus haut comment cette or- donnance unit la variété à la simplicité, l'agrément à la gran- deur. Mais en comparant les deux historiens, le critique est en- core injuste. Et d'abord il oublie la belle introduction qui remplit tout le premier livre de Thucydide, ct dans laquelle celui-ci s'est montré le digne rival de l’art d'Hérodote, en fai- sant graviter autour de la guerre du Péloponèse les principaux faits de l’histoire de la Grèce, depuis ses origines jusqu'aux événements qui ont précédé immédiatement cette guerre et qui l'ont amenée. Si ailleurs Denys se souvient de cette introduc- tion, c'est seulement pour montrer, nous l'avons déjà dit, qu'il n'en ayait pas saisi la savante disposition. Mais de plus, quand il accuse Thucydide d’avoir jeté de la confusion dans son récit, en le divisant par étés et par hivers, il n’a pas voulu voir que celte division était en quelque sorte imposée à l'historien par le sujet même, ainsi qu'on l’a dit quelque part : « Thucydide fait » l’histoire d'une guerre, et il la divise par campagnes, comme » cela est assez naturel ; » d'autant plus naturel, peut-on ajou- ter, que, d’après les usages des anciens, cette guerre finissait chaque année pour recommencer l’année suivante. S'il y a (1) Den. d’'Halic. Lettre à Cr. Pomp. wi. 316 MÉMOIRES quelques inconvénients attachés à cette division, toute autre en eût peut-être entraîné de plus grands. Thucydide, après avoir dé- ployé dans $on introduction toutes les ressources de son art, a su ensuite accepter, pour le reste de son histoire, une forme pour ainsi dire nécessaire. Il me reste à ajouter quelques mots sur le style de Thucydide. Je hasarderai d’abord une légère critique, malgré l’anathème lancé par M. Lerminier contre les rhéteurs assez mal avisés pour ne pas accepter et admirer l'historien tout d'une pièce. Du reste, le défaut que l’on peut signaler chez lui ne lui est pas purement personnel; il appartient à l’esprit grec, et c’est l’ex- cès d'une qualité, la finesse poussée jusqu’à la subtilité. De là ces distinctions, ces divisions, ces oppositions dont est parfois encombrée dans son cours l’éloquence de Thucydide, ct que l’on retrouve jusqu'à un certain point chez la plupart des écri- vains grecs, depuis les philosophes jusqu'aux poëtes (1). Peut- être les analyses de pensée et de langage, auxquelles il dut se livrer sous ses maîtres Anaxagore et Antiphon , contribuèrent- elles à développer en lui cette disposition, Quant aux diverses qualités de son style dont nous avons déjà parlé, elles réfléchis- sent à la fois les qualités naturelles de son esprit grave et pro- fond, et les impressions qu'avaient dû y laisser la grandeur des événements qu’il raconte, le triste aspect des divisions qui dé- chiraient la Grèce, et ses études sévères du cœur humain. Ce style témoigne de l'effort constant de l'écrivain pour le mainte- nir à la hauteur et des choses, et de sa pensée, et de sa concep- tion idéale de l'histoire; mais en même temps on y voit l’inten- tion formelle de rejeter toute parure, tout ornement qui ne serait qn'un divertissement pour loreille. Cela va jusqu'à l'affectation d’une certaine rudesse, dédaigneuse de l’euphonie. Thucydide voulait que ce style si élevé, si travaillé, ne parût que naturel. De là, dans les tours, ces constructions irrégu- lières, ces anacoluthes et ces hyperbates audacieuses, si bien (a) J’ai reproduit ici les idées et en partie les expressions de M. E. Havet, dans sa thèse sur la rhétorique d’Aristote , p. 70. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 317 appréciées par l’auteur du traité du Sublime , à l'occasion de Démosthènes, et rapportées par lui « au désir qu'a l’écri- » vain de faire paraître que tout ce qu'il dit est dit sur le » champ (1). » De là, enfin, tous ces caractères que Denys ana- lyse miratieusement dans son traité de l’Arrangement des mots, et qui sont ceux de ce qu'il appelle la composition aus- tère : l'inégalité des membres de phrase correspondants, la chute abrupte des périodes, les mots épais et volumineux, le choc des consonnes et des voyelles durement accouplées. « La » composition austère, dit Denys, imite l'architecte qui jette » dans les fondations de l'édifice les pierres brutes, telles qu’e!- » les sont, sans étre taillées ni polies (2). » Appliquant la compa- raison à Thucydide, on peut dire que c'est en blocs de granit qu'il a jeté les fondements et élevé les assises de son impérissa- ble monument. (1) Longin. de Sublimitale, sect. xx. (2) Den. d’Hal. de l'Arrangement des mots, traduction Balleux, €. xxtt. RS, — "TOME vI. 21 318 MÉMOIRES RAPPORT DE LA COMMISSION CHARGÉE D'EXAMINER LA MACHINE À TAILLER LA BRIQUE DE M. GALINIÉ ( BERTRAND). Membres de la Commission : MM. PETIT, SORNIN, BRASSINNE. La brique cuite est employée presque exclusivement dans notre cité, et dans plusieurs villes du Midi, pour la construc- tion des édifices, des murs de quai, des aqueducs, ete... Son importance et son prix élevé font depuis longtemps désirer que des modifications utiles apportées à sa fabrication la rendent plus parfaite et surtout plus économique. Des avantages réels seraient peut-être obtenus , si les fours et les chantiers étaient placés loin des grandes villes, dans des localités où la main- d'œuvre, la matière première et le combustible seraient d’un prix peu élevé. —- L'aceroissement et la facilité des voies de com- munication, par les canaux et les chemins de fer, rendront sans doute possible et sans inconvénient l'éloignement des fabriques de brique des centres de population où elles sont principale- ment employées. Après leur fabrication, un grand nombre de briques livrées aux constructeurs doivent subir, avant d’être utiisées , un tra- vail de taille qui a pour objet de rendre rectangulaires les faces concourantes , de redresser celles qui font parement, d’amincir en figure cunéiforme celles qui doivent servir de claveaux , en- fin de donner aux lancis des profils déterminés. db. dm DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 319 M. Galinier a pensé qu'il serait utile de remplacer les opéra- tions manuelles de la taille, par l’action de machines mucs par l'eau. En conséquence, il a employé une force de dix chevaux vapeur, empruntée à la chute du Bazacle, pour mettre en mou- vement : 1° Une scie circulaire qui trace un trait profond dans la brique, et commence (sans le terminer cependant ) le profil du lancis ; 2° une meule portée sur un axe horizontal autour duquel elle tourne rapidement, et dont une face verticale dresse par un frottement vif les briques de parement ; quatre briques dressées simultanément sont placées de champ sur un espèce de chariot oscillant parallèlement à la face de la meule; ce chariot est solidement maintenu dans son plan d'oscillation par son mode de suspension, et par deux boulons garnis de manchons mobiles, glissant dans des coulisses fixes. Les bri- ques placées sur le chariot sont fixées dans une position invariable par la pression d’un levier du second genre. Le Sys- tème imaginé , et successivement perfectionné par M. Galinicr, nous à paru bien conçu , suffisamment simple et solide, suivant les données fournies par M. Galinié. La meule dresse à angle droit 2,000 briques par jour, quelle que soit leur dureté, lors même que des fragments de silex se trouvent dans leur terre ; cette meule peut d’ailleurs dresser 80,00€ briques sans être mise au rebut. L'évaluation précédente des frais de la fabrica- tion mécanique, en faisant entrer en compte la location de la chute d’eau , et l’usure des diverses parties dela machine, donne en résultat une économie de près de 90 pour 0/0, comparati- vement au travail manuel, qui est estimé à raison de 6 fr. pour le cent de briques taillées à angle droit. Les lancis présen- tent une économie analogue. Votre Commission a reconnu que l’action mécanique donnait à la taille un fini et une exacti- tude irréprochables ; elle se plait d’ailleurs à reconnaître que le nouveau procédé permettra d'éviter, dans les édifices en cons- truction , l'encombrement provenant des chantiers réservés pour la taille des briques à la main. En résumé, votre Commission pense que M. Galinié a réa- lisé avec succès l'exécution d’une idée utile pour nos contrées ; 320 MÉMOIRES elle ne doute pas que la nouvelle fabrication ne prenne plus d'extension à l'avenir , et que le système de M. Galinié ne soit complété par une machine à amincir les briques pour claveaux. De plus, le développement croissant des travaux de construc- tion , provoqué par l'établissement des chemins de fer, nous fait penser que l'application d’une machine à la taille des matériaux de construction , ne saurait nuire à la classe des ouvriers cons- tructeurs, qui peuvent à peine suffire à l'exécution des travaux entrepris. Votre Commission , en donnant son approbation aux appareils mécaniques de M. Galinié, vous propose de décerner à cet intelligent industriel une médaille d'argent. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 324 —————————————————— EE ——————— NOTE SUR UN HISTORIEN DE LA CROISADE CONTRE LES HÉRÉTIQUES ALBIGEOIS ; Par M. FL. DUCOS. J'ai formé le dessein de tracer un tableau général des écri- vains du 13° et du {4° siècle qui ont raconté cette lutte san- glante du moyen âge dont nos contrées ont été le théâtre. Dans cette pensée , j'ai examiné avec attention le petit volume que nous a laissé celui des historiens de cette époque que l’on consulte et que l’on cite le plus souvent ; je veux parler de l’his- toire des Albigeois par l’historiographe de Simon de Montfort, Pierre Vaux-Sernay. C’est le résultat de cet examen que je viens vous communiquer aujourd'hui, en appelant toute votre indul- gence sur celte note. Les anciens avaient dit : Aistoria quocumque modo scripla , placet ; Vhistoire, de quelque manière qu'elle soit écrite, plaît toujours. L'on a aussi beaucoup vanté le mérite des récits his- toriques faits par des auteurs contemporains, parce que l’on croit pouvoir attacher beaucoup de prix aux narrations de ce que l'on appelle des témoins oculaires. Ce sont là des maximes ou des préjugés contre lesquels je m'inscris et dont il est facile de démontrer l’inexactitude. Sans doute la narration des faits historiques qui nous révè- lent les actes ct les mœurs des peuples , offre un grand attrait à l'esprit humain. Mais, pour que la lecture en soit attachante, il est nécessaire que cette narration réunisse quelques conditions qui la recommandent à l'intérêt du lecteur. Il faut que le nar- ralcur mette un peu d'ordre dans ses récits ; qu’il n’embrasse 322 MÉMOIRES aucun parti entre les peuples dont il retrace les luttes, où que tout au moins il n'affiche pas une trop grande partialité ; qu’il applique avec modération , et surtout avec justice, léloge ou le blâme aux personnages qui figurent dans ses tableaux ; enfin, qu'il s'enquière avec soin de l’exactitude des faits, et qu’il pre- fesse un grand respect pour la vérité. La qualité de témoin oculaire est facilement accordée aux au- teurs contemporains , et presque toujours à tort. Il est très-rare que Fhistorien ait été véritablement témoin oculaire du fait, c'est-à-dire qu'il ait vu de ses yeux le fait qu'il raconte. Le fait s’est passé de son temps ; il était dans le voisinage du lieu de la scène ; il a entendu le récit des personnes qui se sont trou- vées sur le lieu même : voilà presque toujours tout ce que l’on peut dire de plus favorable pour l'historien. Mais cet écrivain n'a-t-il pas entendu plusieurs versions peu concordantes sortir de la bouche des assistants ? N’a-t-il pas été obligé de choisir entre des récits quelquefois contradictoires , surtout pour la moralité des faits? N’a-t-il pas subi, à son insu, les impressions et quelquefois les passions des personnes interposées entre lui ct le fait? N'a-t-il pas eu ses passions personnelles? Et, si nous l'en supposons affranchi pour son compte, a-t-il pu s’isoler de manière à échapper au courant des passions ou des préjugés qui remplissent toujours le milieu où il a vécu ? L’historien placé à une certaine distance des faits, les saisit mieux dans leur en- semble ; il peut mienx apprécier les éléments que les récits con- temporains lui fournissent ; il les compare, il les juge beaucoup plus sainement ; il est libre de toute passion , il conserve son indépendance. Cette position nous paraît de beaucoup préféra- ble, et elle commande beaucoup plus notre confiance. L’historien contemporain n’est bien souvent que l'avocat d'une cause; avocat quelquefois maladroit, nous en avons un exemple frappant dans les écrits de l'historien que l’on cite le plus souvent, à l’occasion de la croisade contre les hérétiques Albigcois ; je veux parler de Pierre de Vaux-Sernay. Cet écri- vain n’a été autre chose que le panégyriste outré de Simon de Montfort , le détracteur révoltant des Comtes de Toulouse et de DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 323 loix, et en général de‘tous les adversaires que le chef des croisés eut à combattre. Vaux-Sernay commence par dire qu’il a vu les faits qu'il ra- conte, ou que tout au moins il les tient de personnages dignes de foi qui les ont vus. C'est là, de sa part, une précaution ora- toire dont il use fort habilement pour commander la confiance de ses lecteurs ; mais il est facile de vérifier l'incxactitude de cette assertion, et nous verrons dans plus d’une circonstance importante qu'il a négligé les moyens qu'il avait sous sa main pour donner plus de précision aux événements qu'il décrit et dont il cherche à amoindrir la gravité lorsqu'elle doit être défavorable aux croisés. Commençons d’abord par réduire à sa juste valeur la qua- lité de témoin oculaire qu'il s’attribue et qu’on lui a accordée sans {rop d'examen. L'histoire écrite par Pierre de Vaux-Sernay commence à la légation de Pierre de Castelnau, dont plus tard il raconte le meurtre au chapitre 9 de son livre. C’est seulement au chapitre 95e que l'historien parle de son arrivée sur le théâtre de la croisade (1). I raconte qu’il accom- pagna son oncle Guy , abbé de Vaux-Sernay, lequel venait d'être élu évêque de Carcassonne; le prélat ameua son neveu afin de ne pas se {rouver isolé sur une terre étrangère. Mais alors, les premiers , les plus tragiqnes événements de la croisade s'étaient accomplis : le sac de Béziers avait eu licu , Carcassonne avait été prise, Montfort avait été élu chef des armées de la croisade ; il avait enlevé les châteaux de Minerve, de Thermes , de Casser, de Lavaur et plusieurs autres places. Il s'était écoulé près de quatre ans depuis le commencement de l'expédition. Voilà done une foule d'événements que Pierre de Vaux-Sernay n’a pas pu voir, puisqu'il n'était pas encore venu sur les lieux; il faut (1) J’adopte les divisions que j'ai trouvées dans la traduction en vieux français de l’abbé Sornin ; comme aussi j’ai adopté le texte de cekle tra- duction pour quelques citations que j'aurai à faire : elle se rapproche beau- coup, pour la physionomie, du latin de loriginal. 324 MÉMOIRES donc retrancher sa qualité de témoin oculaire pour une bonne moitié de l’histoire qu'il a écrite ; il n’a fait, pour cette partie, que {transmettre ce qui lui a été raconté par d’autres. Mais, du moins, notre historien a-t-il consciencieusement recherché la vérité? A-t-il recueilli soigneusement les docu- ments qu'il avait sous la main pour transmettre les faits avec toute l'exactitude désirable? Je crois pouvoir dire qu'il a man- qué plus d’une fois à ce devoir, et je vais en citer un exemple frappant. L'on connaît la catastrophe ct les malheurs du sac de Béziers. Le révérend père Lacordaire, dans son histoire de Saint-Domi- nique, a lui-même écrit que la fureur du soldat n'épargna rien. — L'on a cherché à connaître quel fut le nombre des victi- mes : évaluation fort difficile à faire dans une aussi épouvan- table confusion. L'abbé de Citeaux, Arnaud, qui fut, dans la première campagne, généralissime des croisés , a écrit au Pape Innocent I une lettre dans laqueile il raconte la prise de Bé- ziers, de Carcassonne , et les événements de la croisade jusqu’à l'élection de Montfort. Dans cette lettre il porte à vingt mille le nombre des victimes qui furent immolées dans cet horrible sac, nostrique, dit-il, non parcentes ordini, sexni, vel œætali, fore viginti millia hominum in ore gladii peremerunt. W ne faut pas croire qu’Arnaud ait exagéré le nombre des victimes ; il aura plutôt cherché à l’amoindrir. L'on ne doit pas perdre de vue que les habitants des campagnes fuyaient devant cette avalanche de croisés , et que toute cette population s'était Jetée dans Béziers comme dans un lieu de refuge. Pierre de Vaux- Sernay raconte la prise de Béziers; il parle de cette horrible boucherie; mais au lieu de rapporter l'évaluation d’Arnaud, qu’il lui était facile de connaître, il se contente de dire que sept mille habitants furent égorgés dans l'église de la Magdelaine, et comme il ne dit rien de plus, l’on pourrait croire que le nom- bre des victimes n’a pas dépassé ce chiffre. Dans son premier chapitre, qui n’est qu'une longue et fas- tidieuSe diatribe contre Toulouse, il raconte qu'un de ses rois du nom d’Alaric, fut couvert de honte ct pendu à un gibet DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 325 aux portes de la ville. Il aurait dû au moins indiquer d'où il avait tiré ce mensonge , s’il ne voulait pas passer pour en être l'auteur. Il raconte au chap. 42 le voyage du Comte de Toulouse à Rome, lorsque Raymond allait auprès du pape se disculper des calomnies dont l’évêque Foulque l'avait noirci. Il ne craint pas de dire qu'Innocent IE laccueillit fort mal et l’accabla de vio- lents reproches, tandis qu’au contraire il est constant que le souverain Pontife honora le Comte de ses caresses et de ses ca- deaux , et qu’il lui accorda ce que Raymond sollicitait depuis longtemps, des juges. Vaux-Sernay n’a aucun blâme pour la conduite de Baudouin, lorsque celui-ci rend à Montfort le château de Montferrand dont son frère lui avait confié la défense. Ce sont au contraire des éloges qu’il prodigue à la trahison qui, de ministre du diable, fit de Baudouin un serviteur de Jésus-Christ. La querelle qui éclata plus tard entre les deux chefs de la croisade, Simon de Montfort et Arnaud , devenu archevêque de Narbonne , au sujet du duché de cette ville que chacun d'eux voulait s’arroger, embarrasse beaucoup notre historien. Il ne raconte pas les faits ; il se contente d'adresser un léger blâme au prélat qui , en s'op- posant aux prétentions de Montfort, s'oppose évidemment au bien et au progrès de l’église. « A cette cause, dit Vaux-Sernay » (nous emprüntons la version de son traducteur, Arnaud For- » bin), ne servirait de rien de rafraîchir la controverse qui, » pour celte occasion et aultre , s’estoit intervenue entre l’Arche- » vesque et le Comte de Montfort : car il y avoit presque celuy » à qui ne sembloit avis que, touchant les choses susdictes, » l’Archevesque ne prevoioyt pas bien pour l'avenir. » (Edition » de 1568 à Toulouse.) Quant à l’impartialité, Vaux-Sernay a manqué d'une ma- nière indécente à ce devoir important de l'historien. Son livre est une diatribe continuelle, un tissu d’injures contre la ville de Toulouse, contre le Comte Raymond et contre le Comte de Foix qui, dans cette longue et terrible lutte, se montra son conslant allié et son plus fidèle défenseur. C’est de la ville de 326 MÉMOIRES Toulouse qu'est issu (d’après lui) principalement le venin empoisonnant les peuples. Souvent et beaucoup a élé suadé aux Tolosains dabjurer les hérésies et bannir les héré- tiques, suadé leur a été souvent, mais jamais persuadé ; tant étoient amorcés à la mort, ceux qui s'estoient séparés de la vie, affectés ct infectés d'une autre sagesse terrienne et diabolique, et vuide de celle sagesse qui est d'en haut, suasible, consentant aux bons. L'auteur et le traducteur ne se refusent pas les jeux de mots. — Nous lisons plus bas : Ceste Tolose, mais toute dolose dès sa première fondation, ainsin qu'on affèrme, peu souvent où jamais n'a esté nette d'este peste ou détestable pestilence , d’este hérétique pravité, es- pandue successivement par le venin d'infidélité superstitieuse des pères aux enfants... C’est le grain et naturel germe de vipères de la dicte cité de Tolose , non encore en ma saison distraicte d'icelle impiété ; ains qui ayant en soi enduré une hérétique nature et une hérésie naturelle, chassé par la four- che digne ultion de tels crimes , encore & soif de simboliser à ses pères, ete. L'anteur fait allusion à l’époque où Toulouse fut le siége des rois visigoths qui étaient Ariens ; il fait semblant d'ignorer que la population ne partageait pas l'hérésie de ces souverains que la conquête lui avait imposés. Sans tenir compte des nécessités de la guerre, Vaux-Sernayÿ reproche à Toulouse l'encombrement des cloîtres et des monas- tères. — « Ores étoit la ville de Tolose pleine , oultre mesure, du peuple de Béziers et de Carcassonne , d'où les hérétiques routiers et fauteurs d'iceux ; aïant perdu leurs terres el sei- gneries, s’esloient retirés là-dedans et l’'avoient tellement rem- plie que mesmes les cloistres et monastères, les chanoines chassés , estoient employez à estables et parcz de chevaux et de brebis. » Tout cela est raconté pour amener cette belle apos- trophe : O Tolose mère d'hérétiques ô tabernacle de larrons! Telles sont les aménités que le moine de Vaux-Sernay prodigue à Toulouse dans son 1°* et dans son 108° chapitre. Le Comte de Toulouse n’est pas mieux traité que la ville; l’auteur redouble d’acrimonie contre lui ; il épuise , pour ainsi DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 327 parler, le vocabulaire de l'injure. Le Comte Toulousain , ou, pour mieux dire, dolosain , obtient les honneurs d’un chapitre tout entier, de cinq pages, qui est le sixième. L'auteur fait le tableau le plus dégoütant et le plus exagéré de ses mœurs ; il l’accuse d’avoir recherché les concubines de son père ; el cou- chait volontiers quant à elles : à peine y avait celle qui lui plut, si premier n'avait eu acointance avec son père ; il l’ac- cuse aussi d'avoir entretenu un commerce incestueux avec sa sœur. Quant à ses opinions religieuses , il les travestit de la ma- uière la plas invraisemblable ; son récit n’est qu'un tissu de mensonges et d’exagérations ; Raymond n'aurait vécu, n’au- rait voulu vivre qu'avec les ministres alhigeois ; il se serail as- socié à des profanations , à des actes impies et sacriléges : un seul trait va donner la mesure de la confiance que ce tableau doit inspirer : « 12 (le Comte) solait souvent dire : je sçai que je serai exhérédé pour l'amour de ces bons hommes , par- lant des hérétiques , mais je suis prest, non-seulement à être exhérédé, ains endurer de bailler ma teste pour eux... Le Comte dit aussi au mesme évesque Tolosair, qu'il vint la nuit en son palais, pour ouyr la préche des hérétiques. Qu'on se figure Raymond invitant Foulque à venir chez lui au prêche des Albigoois! quelle invraisemblance ! — Le chapitre finit par ces mots : A/e suffise d’avoir dictes ces choses de l'in- crédulité et malice dudit misérable. » Ces passages permettent de juger l'exactitude des autres : ab uno disce omnes. Au chapitre 108°, Vaux-Sernay revient à la charge ; il accuse Raymond non-seulement d’avoir fait assassiner le légat Pierre de Castelnau , mais encore d’avoir entretenu dans sa familiarité et récompensé, honoré même le meurtrier : « Voici donc que ce misérable Comte qui, aiant faict mourir ce très-saint homme, parce qu'il le reprenoit au visage des impiétés qu'il avoit commises , pensoit , par sa mort, estre eschappé et avoir recouvré sa vie... Et est aussi à noter diligemment, que le dit misérable Comte aimoit grandement et avoit receu fami- lièrement le meurtrier de cest homme de Dieu ; de manière que l'amenant par les citez et chasteaux comme par admiration 328 MÉMOIRES et grande singularité, disoit à chacun: cestui-ci seul m'aime, seul s’acorde à mes voix. Cestuy-ci me délivra de lennemy ; eslevant cest homme icy très-cruel que mesme les bestes muct- tes avoient en horreur, ainsin qu'avons entendu au raport véritable de plusieurs chanoines de l'église de Tolose; car, depuis le j Jour qu “il feil ce meurtre-là , en détestation de si très- grand crime, jamais chien ne daigna prendre pain de sa main. O chose admirable! que j'ai voulu insérer icy pour monstrer combien justement le Comte de Tolose a esté exhé- rédé. » Telle est la part du Comte de Toulouse, sans omettre que, dans le cours de son livre, Vaux-Sernay injurie ce prince chaque fois qu’il en trouve l’occasion. Le Comte de Foix partage aussi le fiel et l'injure que Vaux- Sernay répand sur les adversaires de son héros. — Ici (ch. 30) c'est le très-méchant Comte de Foix ; ailleurs (ch. 38) nous li- sons : © le méchant homme ! O le très-mauvais proditeur ; au chap. 61 il est traité de grand ennemi et cruel persécuteur de l'église catholique ; il laccuse d’avoir enfermé sous clé, pendant trois jours, les moines du monastère de Pamiers, sans leur donner de quoi pourvoir aux besoins naturels les plus pressants de toute espèce, tandis qu'il allait, lui, dans leur dortoir se couc'er tranquillement avec ses maitresses. Au ch. 65, c’est un redoublement d'injures : O quel homme est le Comte de Foix! mais di-je homme le plus misérable de tous les misérables ! O la beste la plus félonne de toutes ! Et plus loin (ch. 66): Afin que je taise beaucoup d'autres maux que ce chien très-cruel a commis contre Dieu et son église , et tels que si je les voulois raconter par ordre, il me seroit impossible, et qui plus est, n'i a celuy qui voulust adjouter foy à ma pa- rolle , attendu que sa malice excede toute médiocrité ; il a volé des monastères, dissipé les églises, et, plus cruel que tout autre, la gueulle ouverte, demeuroit toujours altéré du sang des chrestiens , se défiant de chacun et rendu beste brute et non homme , imiloit la férocité des bestes. Ces choses brieve- ment déduites de sa malice , revenons à ce qu'avons délaissé. Enfin , il n'est pas jusqu'aux prélats que Raymond députa à DE L'ACADÉMIE DÉS SCIENCES. 329 Rome pour présenter sa défense au Saint-Père, qui n'encourent ceux aussi le courroux et les injures de notre historien. 2/ y en- voya (dit-il) certains hommes exécrables et malings, l’arche- vesque d'Aux et Raymond de Rabastens, qui quelquefois avait été évesque de Tolose. Mais quand Pierre de Vaux-Scrnay en vient à Simon de Mont- fort, à son héros de prédilection, à son idole, alors le style change de couleur et de ton ; plus d'injure, plus de critique, pas même le plus léger bläme. Conduite, paroles, actions, tout est digne d’éloge; c’est un concert intarissable de louanges. Son héros réunit toutes les beautés, toutes les perfections phy- siques et morales. Ce n’est pas que Montfort n'eût de grandes qualités, un caractère fortement trempé, un courage à toute épreuve, l'intelligence du champ de bataille. Mais des actes de cruauté ternissaient l'éclat de ses brillantes qualités. Vaux-Ser- nay trouve tout admirable; la férocité du conquérant ne lui arrache pas un regret. Enfin, lorsqu'il est obligé de raconter sa mort, il ne se contente pas des plaintes et des gémissements que son dévouement et son affection légitiment, il en fait un Saint, il l'élève presque au rang de la divinité. Je transcris le passage : « Voici une pierre jetée par le mangonnel des enne- mis, qui frappa le gendarme de Jésus-Christ en la tête ; le- quel ayant receu le coup mortel, frappa deux fois sa poi- trine, se recommandant à Dieu et à la benoicte Vierge Marie; se rendant imitateur de la mort de Sainct Estienne , lapidé comme lui en son pays, s’endormit. Et n'est à laiser que ce très-fort gendarme de notre Seigneur (mais afin que ne soyons deceus très-glorieux martyr de Jésus-Christ) avant avoir receu le coup mortel de la pierre, avoit esté blessé , à la similitude de son Sauveur, pour lequel il enduroit patiem- ment la mort, de cinq coups de flèches ; à cause de quoy nous le croions regner heureusement avec lui. En voilà suffisamment pour savoir ce qu'il faut penser de l'impartialité de l'historien. — Passons à ses sentiments hu- mains. L'écrivain condamné à raconter les excès des guerres de reli- 330 MÉMOIRES gion , à retracer ces tableaux sanglants et déplorables, cède de temps en temps au besoin d'exprimer un regret, d’exhaler un gémissement qui viennent protester en faveur des droits saints et imprescriptibles de l'humanité. Le lecteur, dont la sensibilité est émue, dont le cœur est quelquefois soulevé, éprouve une sorte de soulagement et de bien-être , en retrouvant dans les pa- ges qu'il parcourt une douce sympathie, une association entre les sentiments qu’il éprouve et ceux de l’auteur. Ici, n’attendez rien de semblable; le moine de Vaux-Sernay est pour les Albi- geois un ennemi sans pitié ; il insulte au malheur, il foule aux pieds les vaineus, il outrageles victimes ; les plus grandes calas- trophes , les exécutions sanglantes , les auto-da-fé n'excitent en lui que les sercasmes et les accents de la joie. — Voici comment il raconte l'exécution qui suivit la prise du château de Lavaur (après l'égorgement des chevaliers qui le défendaient et de leur chef Aimeric) : « La maîtresse du fort qui était sœur d’'Aimeric, hérétique très-mauvaise, par le commandement du Comte, fut jetée dans un puys ct couverte de pierres, et nos pèlerins bruslèrent INNUMÉRABLES HÉRÉTIQUES AVEC FORT GRANDE ALÉ- eresse… À la prise du château de Casser : {es nostres donc en- trèrent dans le chasteau et saïsirent les hérétiques , s'estudiant à les dissuader de leurs opinions ; mais n'aiant moien d'en réduire un seul, furent prins par les pelerins qui les tirèrent hors de la ville , où, AVEC GRANDE ALÉGRESSE , EN BRULÈRENT EN- vimox sorxanre. A la prise de Moissac : Cependant nos pelerins prindrent les routiers el les firent mourir D'UNE GRANDE AFFEC- row. » C’est assez de citations sur ce point. Si du fond des choses nous passons à la forme, nous ne sc- rons pas plus satisfaits. Dans une histoire renfermant une série de faits qui le plus souvent naissent les uns des autres, l'observation de l'ordre chronologique dans la narration est un agrément pour le lecteur et presque une nécessité pour l'écrivain. Chez Vaux-Sernay, cette règle si simple n’est pas même observée. Ainsi le chapitre 7 qui raconte l'assaut du château de Minerve, indique la date de la Saint-Jean de 1240, et le chapitre 68, quarante pages DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 331 plus bas, rapporte un événement antérieur, la prise du château de Cabaret qui est fixée à la mi-carème de la même année 1210. Au chapitre 110 , nous voyons Montfort assembler en novembre de l’année 1212, des prélats et des gentilshonmes en colloque général, pour travailler à la réforme des coutumes de Pamiers, et au chap. 119, 24 pages plus bas, Vaux-Sernay raconte que Louis, fils du roi de France, prit la croix au mois de février de la même année, événement antérieur de neuf mois : voilà done deux circonstances où, par le simple rapprochement des da- tes, nous surprenons Vaux-Sernay en flagrant délit d'infraction à l'ordre chronologique des faits. Maintenant, Messieurs , vous parlerai-je du style de l’auteur? ct par là, je n’entends pas apprécier la pureté où la manière plus ou moins barbare dont il a écrit la langue latine; je ne veux parler que de la forme, du mouvement du style. — Eh bien! Je dois dire que cette forme donnée à la narration m’a paru une des parties les plus défectueuses de l'ouvrage. — L’au- teur aime beaucoup les apostrophes et les exclamations. Il les prodigue à sajiété. Dans ces chapitres qui, en moyenne, ont à peu près deux pages, on trouve très-souvent deux ou trois ex- clamations qui se suivent. Ces mouvements oratoires, qui peu- vent être d’un grand effet dans le discours public, sont inter- dits à l'historien , dont l'allure doit être austère et sans emphase. La raison en est simple : l'historien ne fait que raconter ; or, celui qui raconte est calme et ne doit pas s’emporter. lei je pourrais multiplier les citations ; je n’ai que l'embarras du choix. Ainsi, au chap. 19, prise de Carcassonne , nous lisons : O con- seil prophane! 6 munition desmunie ! Au chap. 73, au sujet de l'élection de Montfort : © prudente élection! 6 sage cri des pelerins ! Au chap. 38, au sujet de la mort d’un abbé de Ci- teaux : O vilaine guerre! 6 victoire confuse ! deux lignes plus bas : O homme catholique ! 6 loyal Prince! quelques lignes après : © le méchant homme! 6 le très-mauvais proditeur ! et enfin toujours au même chapitre, tout à côté : © jugement justel 6égale mesure derémunération! Jusqu'ici, nous n’avons vu les exclamations que par deux. Voici un passage où elles 332 MÉMOIRES sont entassées jusqu’au nombre de sept. C’est dans le chap. 67 qui a pour titre: Des violences et sacriléges du Comte de Foix. Après avoir parlé des rigueurs que souffrirent les chanoines d'Urgel pendant qu’ils étaient assiégés par le Comte de Foix, Vaux-Sernay s’écrie : © très cruels bourreaux! 6 mauvais moqueurs! 6 plus cruels que ceux qui crucifièrent Jésus- Christ et plus félons que ceux qui le crachaient! 6 nouvelle industrie de cruauté! 6 indices de cruauté non ouiel 6 quel homme est le Comte de Foix , mais, di-je, homme le plus mi- sérabie de tous les misérables! 6 la beste la plus félonne de toutes! » Je ne reviens pas sur les jeux de mots déjà signalés de Zolose Dolose et du Comte Z'olosain, Dolosain ; à quoi il faut en ajouter un autre tout aussi aimable et tout aussi spirituel sur le nom de Montfort, dont l’auteur fait une montagne forte. En somme, le style de cet écrit, comme forme de la pense, est dé- testable. Maintenant je reviens à mon point de départ, à ma double thèse. Il faut retrancher à Pierre de Vaux-Sernay la qua- lité de témoin oculaire pour une bonne moitié de son histoire, et disputer encore sur une partie du reste. Le livre qu'il a écrit peut instruire, mais il ne saurait plaire; celui qui en aura commencé la lecture, l’achèvera pour son instruction, mais non pas pour son plaisir. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 333 COURSES DE CHEVAUX A TOULOUSE; Par M. U. VITRY, Secrétaire perpétuel. Ic y a déjà près de quatorze ans que je communiquai à l’Aca- démie quelques notes succinctes sur les courses de chevaux qui venaient alors d’être inaugurées à Toulouse. Aujourd’hui que ces courses sont définitivement constituées, je crois devoir présenter quelques nouveaux aperçus et quelques nouveaux développements, relativement à l'influence que cette institution peut exercer sur l'amélioration de la race chevaline, au point de vue scientifique et mécanique. Un mot d’abord sur l’origine des courses de chevaux. Ce n’est que vers le commencement du 18° siècle que l’An- gleterre institua les siennes, du moins celles qui avaient un but utile pour la remonte de la cavalerie et les besoins du luxe, On sait combien, de nos jours, les Anglais se sont passionnés pour ce genre de luttes, qui sont devenues une véritable fureur, par l'élévation des paris auxquels elles donnent lieu : cette passion, ils éprouvent l'irrésistible besoin de la satisfaire sur quelque point du globe qu'ils se trouvent , et jusques au milicu des pé- ripéties et des privations de la guerre la plus terrible, car, naguère encore , les journaux anglais et francais retentissaient des noms des vainqueurs aux courses qui avaient été organisées dans les camps de la Crimée. En France, les premiers essais furent faits par Napoléon I"; cependant des établissements sérieux ne se fondèrent que sous R°S,— TOME vi. 22 33% MÉMOIRES Louis XVII; de cette époque datent les haras de Meudon et l'introduction d’un corps de doctrines dans l'élevage des chevaux de course. Ces heureux essais fureat complétés sous Char- les X, par des mesures intelligentes et progressives ; mais ce fut sous le règne de Louis-Philippe que l’on vit se produire une organisation complète et féconde par la création du Stud- Book, ce registre matricule de la généalogie des chevaux. Une société d'encouragement pour les races chevalines , le Jockey- Club, imitation anglaise, ainsi que l'annonce et son nom et les nombreux néologismes qu'elle a introduits dansla languequ’elle parle, se fonda, en 1833, à Paris, afin de donner une unité aux systèmes, aux méthodes, aux fantaisies contradictoires qui pré- valaient avant elle dans l'élevage et dans les courses. L’exem- ple gagna les départements, où des sociétés se fondèrent à l’ins- tar de celle de la capitale. Sous le premier empire, de 1808 à 1809, on comptait trois réunions de courses en France; en 4811 huit; en 1822, sous la Restauration, il y en avait dix. En 1834, le Jockey-Club de Paris était seul dans tout le royaume; mais en 1847 trente- deux réunions hippiques formaient autant de satellites de cette célèbre société, cet apportaient leur concours sur autant d’hip- podromes départementaux. Aujourd’hui il y en a cinquante- trois. Les courses ayant été créées pour arriver à l'amélioration des races, leur institution offre une variété d'épreuves ayant pour but la réalisation de cette œuvre. Ainsi, il y a des prix pour les poulains de trois ans, /e Derby, d'autres pour les pouliches du même âge, Oc«ks, ou prix de Diane. — Des prix pour poulains et pouliches luttant ensem- ble, le Saint-Leger. — Des prix pour le dressage à la voiture à un ou à deux chevaux, et à la selle. — Enfin des prix pour chevaux de quatre ans et au-dessus. Les handicaps constituent un genre de course où tous les chevaux sont admis à prendre part, moyennant un poids qui leur est assigné en raison des qualités qu’on leur suppose; ce genre de prix, en laissant des chances à des chevaux d’un ordre DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 335 médiocre, appelle la concurrence et stimule l'émulation de tous. On pense généralement qu’en ce moment, en France, les courses occupent environ cinquante-huit entraîneurs et qua- ranle-six Jokeys, et que la liste des chevaux de pur sang et de sleeple-chase en entraînement , s'élève à quatre cent vingt en- viron. La première pensée de l'établissement des courses de Tou- louse se trouve à l'état rudimentaire dans le devis et le pro- gramme que je présentai, le 29 juin 1833, étant alors ingé- nieur - architecte en chef de la ville, pour la célébration des fêtes que ramenait , chaque année, l'anniversaire des trois jour- nées, 27, 28 et 29 juillet 1830 (1). Je crois devoir en rappeler le texte, car, ainsi que la dit M. Villemain : « Le monde va vite de nos jours, et la fuite des » années qui nous changent est démesurément hâtéc par le » choc des révolutions qui nous emportent (2). » De là, ce ca- ractère essentiellement oublieux de notre époque, et l’incerti- tude qui règne sur la création ou l'établissement d’une foule de monuments, d'institutions ou d’usages qui sont cependant con- temporains. Voici un extrait de ce programme, qui fut approuvé et exé- cuté. « Le 29, à sept heures du soir, Courses de chevaux au- » tour du Grand-Rond. Les concurrents seront divisés en sé- » ries de cinq à six chevaux ; suivant le nombre des inscrip- » tions, il sera fait six ou sept courses préparatoires. Les che- » vaux qui auront fait deux tours du Grand-Rond dans le » temps le plus court, concourront ensemble pour le prix ; » cette dernière course sera de trois fois le tour du Grand- » Rond ; des siéges seront établis dans une enceinte réservée (1) Archives du bureau du génie , au Capitole, registre n° 1 des devis des années 1831-1834. (2) M. de Feletz et quelques salons de son temps, var M. Villemain, 3306 MÉMOIRES » sur le Jardin Roÿal pour les autorités et les juges de la » course; les cavaliers devront être habillés de blanc avec une » ceinture rouge, ete. » La course eut lieu en effet, et le prix fut gagné par le cheval de M. Lacaux. On ne sauraitdisconvenir qu'ily a bien loin de cette lutte, qui nc fut qu'un jeu, qu'un spectacle, aux brillantes courses qui existent aujourd'hui ; mais on ne saurait disconvenir aussi que ce fut Ià la pensée première, la pensée créatrice qui, plus tard, germa dans les esprits. Une Commission permanente avait été établie à la suite des réunions si animées, si palpitantes d'intérêt qu'amena le con- grès méridional assemblé à Toulouse en 183% et 1835. On n’a pas oublié les poétiques fêtes musicales instituées par elle. En 1837, celte Commission voulut agrandir le programme qu’elle s'était donné; elle voulut créer des courses annuelles à l'instar de celles existantes dans les hippodromes du Gouvernement : elle en fit la proposition, par sa lettre du 25 mars 1839, adres- sée à M. le Maire de Toulouse. Le Conseil municipal s’empressa de s'associer à cette pensée, et le 29 avril suivant il vota 3,000 francs pour concourir aux fêtes musicales et à l'essai des cour- ses de chevaux ; d’un autre côté, la Commission permanente (1) du congrès avait appelé, sur cette question, l'attention du Con- seil d'arrondissement et da Conseil général. Ce dernier, par sa délibération du 27 août 1837, alloua 1,000 francs pour le même objet. La Commission ayant ainsi obtenu l’assentiment et le con- cours des représentants des intérêts locaux, organisa les courses qui fureut inaugurées le 24 juin 1838. Depuis cette époque, chaque année fut marquée par un progrès; chaque année fu- rent fondés de nouveaux prix: chaque année les concurrents (1) La Commission permanente était composée de MM. Ozanneaux, Du- casse, Cany, Borrel, Hamel , Benech, Paya, U. Vitry, de Brucq, auxquels étaient adjoints de droit MM. les secrétaires généraux de Lavergne en 1834, el Fossé en 1835. (Voir la brochure intitulée : Congrès méridionat, p.32.) m4 a Sn éme DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 337 furent plus nombreux; chaque année, enfin, nos courses acqui- rent plus d'importance. Tantôt c'était l'infortuné duc d’Or- léans qui, voulant s'associer à nos efforts, établissait le prix du Prince Royal ; tantôt c'était la Société du Jockey-Club qui s'organisait et appelait ainsi tous les citoyens à concourir à l'éclat et au maintien de ces fêtes ; plus tard c'était le Comte de Paris, au nom duquel on continuait la munificence de son père, et enfin le Ministre du commerce et de l'agriculture vint donner Ja sanction gouvernementale, par la création d’un prix de 3,000 francs : alors la ville de Toulouse fut définitivement en pos- session de celle institution. Sous le point de vue industriel et social, l’heureuse influen- ce des courses dans nos contrées ne saurait être contestée ; mais il n’en est peut-être pas de même sous le rapport de l'amé- lioration de la race chevaline, et les résultats excessifs qu'on en avait espéré ont été mis en doute; la question fut, dans le temps, vivement débattue à la Tribune nationale. M. le géné- ral Oudinot, notamment, a souvent attaqué l'institution et a développé une série d'arguments et de faits qui n’ont pas tous été réfutés avec succès par l'honorable M. Fould, aujourd'hui ministre de la maison de l'Empereur, et l’un des membres du Jockey-Club de Paris le plus instruit sur la matière. C’est que réellement, en examinant la question sous l'aspect purement scientifique, le calcul amène à cette conclusion, que lencouragement exclusif donné aux courses au détriment des primes d'encouragement locales données aux juments et aux produits, ne pourrait amener l'amélioration des races, alors que l'on considère le cheval comme moteur. En effet , le travail de tous les moteurs en général , et par conséquent aussi des moteurs zoologiques, est régi par quelques lois élémentaires , que je crois devoir rappeler d’une manière succincte. On entend par travail mécanique, non pas une résistance une fois vaincue, un effet produit dans un instant donné ; mais une résistance constamment détruite le long d’un chemin parcouru et dans la direction propre de ce chemin : ainsi, par cela seul 338 MÉMOIRES qu'un homme, qu'un cheval, sans charge, marcheraient plus ou moins longtemps et avec une vitesse plus ou moins grande, on ne peut pas dire qu'ils travaillent, puisqu'ils ne produisent aucun ouvrage ; il en serait de même si cet homme ou ce che- val soutenaient, au repos, un poids plus ou moins considéra- ble ; car on pourrait, dans ce cas, les remplacer par un corps inerte {el qu'un support, une colonne, etc. Le travail mécanique est et ne peut être donc qu’un produit e v, résultant de la multiplication d’un effort constant e exercé par le moteur avec une certaine vitesse v, c'est-à-dire le long d’un chemin parcouru dans un certain temps et suivant la projection de l'effort. Pour tous les moteurs animés il existe un effort, une vitesse, et une durée d’action qui donnent la plus grande valeur possi- ble du travail journalier ; c’est le travail maximum. En effet, si l'effort e était nul, l'équation o X v = 0 indique que le travail le serait aussi; le moteur marcherait sans rien faire d’utile. Si l'effort est tellement grand que le moteur ne puisse se mouvoir, v—0 et l'équation e X o— 0 indiquerait encore que le travail serait nul, car le moteur ne travaillerait pas plus qu’un poids au repos sur une table ou un plancher, etc. Si l'effort passe graduellement de la première valeur à la seconde, le travail augmentera d'abord, mais au bout d’un cer- tain temps, il diminuera puisqu'il doit finir par redevenir nul ; donc, il y a un degré d'effort qui donne un travail maxi- mumn. Il en est de même de la vitesse, si elle est nulle, le moteur ne bougerait pas le travail — 0. Si la vitesse est tellement grande que le moteur ne puisse exercer aucun effort, le travail sera encore — 0. Nous voyons de plus, qu’en faisant passer graduellement la vitesse de la première valeur à la seconde, on augmentera d’a- bord le travail, et qu’ensuite on le diminuera ; d’où il résulte, qu'un certain degré de vitesse doit également donner un tra- vail maximum. 3 DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 339 Donc, enfin, le plus grand travail journalier que puisse faire un moteur animé, correspond à un effort et à une vitesse dé- terminés. Il en résulte que, lorsqu'on fait sortir un moteur animé des circonstances propres au travail maximum, on perd plus en chemin parcouru , qu'on ne gagne en effort produit ; on perd plus en effort qu'on ne gagne en chemin, on perd plus sur la durée d’action qu’on ne gagne sur le travail par seconde, et l'on perd plus sur ce travail qu’on ne gagne sur la durée d'action. Enfin, en vertu de l’inertie de la matière, c’est-à-dire de son indifférence au repos ou au mouvement, le mouvement une fois acquis, se continuerait indéfiniment et sans perte, si l'ac- tion de la gravité ct la résistance de l'air ne tendaient pas à le ralentir et à le modifier. L'expérience apprend que cette résistance de l'air varie selon l'étendue ct Ja forme de la surface extérieure des corps, mais surtout selon la rapidité plus ou moins grande du mouvement ; ainsi, en frappant l'air avec une palette plane et mince, la ré- sistance qu'on éprouve est d'autant plus grande que la vitesse du mouvement est d'autant plus considérable, tandis qu'elle est à peine sensible quand le mouvement s'opère avec lenteur. Si, au lieu de frapper l'air avec toute la surface du plan de la pa- lette on fait mouvoir cette palette de biais, la résistance est moindre à vitesse égale, elle est la plus petite possible quand on oppose tout à fait le chan, ou le côté mince de la palette à l’action de l'air. Les causes qui modifient la résistance de l’air sont donc : 1° L’étendue de la surface antérieure du corps, c'est-à-dire la surface perpendiculaire à la direction du mouvement; 2° la fa- cilité qu'éprouve l'air à glisser le long de cette surface; 3° la grandeur de la vitesse que possède le corps, et cela dans un rap- port qui croit beaucoup plus rapidement que cette grandeur, et qui est égale à son carré. Tels sont les principes applicables aux courses de che- vaux. 340 MÉMOIRES Ces animaux ne présentent pas, à l’action directe de l'air, une surface beaucoup plus grande que celle de homme, et, comme leur forme est plus allongée , mieux disposée en tout point , la résistance, d'après la formule donnée par M. Poncelet (1), est au plus égale 0,02 V? kilog., et à 0,03 V? en y comprenant l'écuyer qui les monte. Or, cette quantité, avec une vitesse de 16 mètres par seconde, limite qui a été atteinte dans les courses de Newmarquet en An- gleterre, et du Champ-de-Mars à Paris, donne lieu à une résis- tance de 7 * 68, et nécessite de la part de l'animal, à chaque seconde, l'énorme dépense de travail de 122 kil. 88 pour vain- cre seulement la résistance de l'air, c’est-à-dire presque le double de celle que fournissent les chevaux de rouliers ordinaires, en transportant, au pas, des fardeaux sur une voiture, et dont le travail, par seconde, n’est cependant que de 63 kil. Aussi ces chevaux de rouliers cheminent huit à dix heures par jour, tandis que c’est à peine si les coursiers les plus fins peuvent soutenir leur allure pendant quatre ou cinq minutes et parcourir une seconde fois leur carrière après un certain temps de repos. A Toulouse, les courses n'ont point encore atteint le degré de vitesse qui a été obtenu en Angleterre et à Paris. Cependant un progrès très-sensible a été réalisé depuis une douzaine d'années, et pour l’apprécier, il suffit de comparer les deux tableaux suivants, qui font connaître les résultats prin- cipaux des courses de 1843 et de celles qui viennent d’avoir licu en 1856. (1) Introduction à la mécanique industrielle, pag. 633. D Rs A, DE. 341 DE L ACADEMIE DES SCIENCES. £ *00 «6 9p 0850714 oun nb onjisu09 où mb 00 ‘4,68 € uo,nb ‘oysid eg sudo aroae soude ‘aorur IC'YE |’ "9CST 9P 59SIN09 Sap AUUPAOU 9SS9)TA =041d Of AE JS, IN ‘IN 9P [UA9U9 O[ 70 ‘ TUOUOAISSODONS S9(O nb XNEAOUO XNOP sf avo ‘oJdu109 op ousif 9 domquo sed juoworesg quad où os1n09 97109 (7) 60°YI Jr «CY 0007 l'oqoueu ,z) ‘ooi] oned uo ouo1poddrq,p ‘oJJopiY |SJUOUO(TV,99"1| 0007 “a[[lA PI 9 "wap Gt Y} Sr «Cr y 0007 l'oqouvur,,p) sanoj xno( 0C'YF y «61 0008 “oan94do opnos ouf | ‘urof-1S 0p'K | ‘XNvAu0A 9 00€ l'moxwoduy]0( “ap q ‘(assero .C) ST'YI FDGRC 000€ “oanoud9 ojnos ouf | ‘uvog-1S 9p' | ‘XNCAJU9A 97 000€ lredound xHq “uapr (g) 0008 “2An91d9 opnos ouf "J[OPUOTITI UC 0007 l'ramomaredo oypol y GL'YI Ur LOT 0008 “OqOUr ,3) ‘o91f onaed wo “oS00[n0F 9 awoipoddiq,p “oyorty [suowog:v.97| 0008 lomoipodduap|"908r um yz ICT | Se cLr& 0008 J'oquem.,p} anoy un : “uojex juout 9G'CTI **CYST 2P S2SIN09 S9pP QUU9AOUX 9SS9)TA —O[{UIQPISUOD CANOAJ 9$ XNCAO? 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En examinant ces deux tableaux, on remarque que leurs ré- sultats sont d'accord avec les principes que nous avons posés ; ainsi, le 3 juillet 1843, la vitesse la plus grande, celle de Nestor, qui fut de 13" 97 se produisit dans la première manche et pour un espace parcouru de 2,000 mètres seulement , tandis que la vitesse de Ben-Tim, le même jour, ne fut que de 13m 63 pour une seule épreuve de 4,000 mètres de longueur. Le 20 juin 1856 la vitesse de 14"79, à laquelle est arrivée Arlette , a été aussi obtenue pour un espace parcouru de 2,000 mètres seulement , tandis que le même cheval n’est arrivé qu'à une vitesse de 14" 12 quand il a eu à fournir, le 6 juillet sui- vant une carrière de 4,000 mètres. En appliquant la formule 0,03 V? kilog. on voitqu'en 1843 la dépense de travail mécanique employée à vaincre la résistance de l'air fut pour Nestor de 81* 72 et pour Ben- Tim, seulement 16: 3). En 1856, la résistance de l'air, dans la course du 29 juin, a été de 0,03 xX°14,79° = 6" 56 et le cheval 47 lette a dù pour la vaincre, développer par seconde un travail mécanique de 6556 X 14,79 — 96% 99. La différence entre Arlette et Nes- tor est donc de 17* 20 , c’est-à-dire environ un cinquième de de plus en faveur des courses de 1856. Ces résistances considérables, bien au-dessous cependant de celles des courses d'Angleterre et de Paris, expliquent comment une différence de quelques secondes, ou même de quelques frac- tions de seconde, exerce une énorme influence sur l'appréciation de la valeur des chevaux de course. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 343 On conçoit qu’en présence de semblables résultats les mathé- maliciens aient critiqué l'institution des courses sous le rapport de l'amélioration générale de la race chevaline. « Aussi , dit » M. Poncelet (1), quand on réfléchit à l'énorme influence que » peuvent exercer sur ces vitesses excessives , la délicatesse, je » dirai presque la débilité des formes de l'animal , son ajuste- » ment et celui du maigre écuyer ou du léger groom qui le » monte, enfin l'adresse de celui-ci à se dérober à l’action de » l’air , les encouragements accordés à un exercice où l'art, » objet d’un vain luxe, triomphe bien plus qu'une vigoureuse » nature, on demeurera, dis-je, convaincu que de pareilles jou- » tes, de pareils amusements sont bien peu propres à perfec- » tionner la race chevaline dans nos contrées , où le Gouverne- » ment devrait, avant tout, tenir à se procurer des animaux » assez robustes pour soutenir les plus rudes fatigues de la » guerre sous une charge qui dépasse quelquefois 120 k. » Cette critique , fondée sous le point de vue scientifique , n’est cependant pas assez concluante pour faire proscrire , sous le rap- port de l'amélioration de la race, l'institution des courses de chevaux, même abstraction faite de la question industrielle et sociale. Il parait à peu près démontré aujourd'hui que dans la gé- nération des animaux, si la mère joue le principal rôle dans tout ce qui tient à la formation de la charpente osseuse , le père influe principalement sur la forme et sur les qualités dépen- dant du système encéphalique dont il a constitué la première trame (2). Le mulet en est la preuve la plus évidente. Ainsi, c’est à son père que le poulain doit les qualités qui constituent ce qu’on appelle un cheval de sang, l'intelligence et la volonté , c’est-à- dire l’ardeur, le courage et l'énergie. Ce sont ces qualités que lui donne ce qu’on appelle l'entrainement , qui n’est qu'une (1) Ouvrage déjà cité, pag. 633. (2) Mémoire de M. de Romanet, Comptes rendus de l'Académie des Sciences, lom. xv1, pag. 1353. 344 MÉMOIRES hygiène composée d’une nourriture substantielle et excitante, combinée avec une suite de marches et de courses qui, d’abord modérées, arrivent graduellement jusqu'àun exercicecxcessive- ment violent qui expulse en quelque sorte toute la graisse du corps de l'animal pour ne laisser que les muscles. Mais autant cette pratique est favorable à l'amélioration des chevaux , au- tant elle est contraire à celle des juments, chez lesquelles il ne faut que de la taille, de l’étolfe, des membres solides et bien établis , joints à une construction régulière ; toutes ces qualités sont appréciables à l'œil et dès-lors la raison indique que c’est le système des primes locales qui convient à l’encouragement de l’éleve des juments : par les combinaisons des deux systèmes, l’un pour les chevaux, l’autre pour les juments, on obtiendra évidemment tous les avantages attachés à chacun de ces genres d'encouragement. Mais on devrait interdire l'accès de l'hippo- drome aux juments, et surtout hâter l'amélioration des races daus les communes rurales au moyen de saillies gratuites faites par les étalons du Gouvernement; ces étalons de pur sang appar- tenant à l'Administration des haras impériaux sont au nombre de 365, ct, d’après le tableau de répartition, sur ce nombre on compte 201 étalons anglais, 70 anglo-arabes ct 84 arabes purs. Il suffit d'indiquer ces divers systèmes d'encouragement et d'amélioration : de plus grands développements s’éloigneraient trop du sujet que j'ai voulu traiter et qui avait uniquement pour but d'insister sur la quantité considérable de travail mécanique dépensé en pure perte sur les hippodromes. Je ne voudrais pas cependant que l’on püt conclure de mes ob- servations et de mes calculs que dans mon opinion les courses de chevaux doivent être abandonnées, car, je ne saurais trop le répéter, sous le rapport industriel agricole et social, la ques- tion au contraire ne me paraît pas de nature à pouvoir être con- troversée. Qui de nous n’a été frappé du spectacle magnifique que présentaient nos dernières courses ; qui ne se rappelle cette foule d’équipages élégants dans lesquels se faisaient remarquer ces toilettes à la fois si riches et si gracieuses ; qui ne se rappelle ces cinq cents voitures , parmi lesquelles se trouvaient les voi- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 345 tures de place et jusqu'aux modestes jardinières, ce véhicule da peuple ; enfin , qui de nous n’a été frappé de cette bizarre va- riété , de ce mélange de toutes les fortunes et de toutes les con- ditions qui donnent à ces fêtes le type caractéristique de notre époque? Tout ce luxe, tout ce mouvement, toute cette activité rejaillissent dans les ateliers, sur toutes les professions, et con- courent puissamment à cette diffusion de la richesse qui fait l’ai- sance et la petite fortune des classes laborieuses, but vers le- quel doivent tendre tous les efforts des économistes , par le dé- veloppement successif et pacifique de l’industrie et des principes humanitaires. 346 MÉMOIRES RAPPORT SUR LA MACHINE A DÉBITS DE M. CUNQ; Par M. SORNIN. Messieurs , M. L. Cunq, ancien élève de l’école des Arts de Toulouse, employé au chemin de fer du Midi, a adressé à l’Académie une machine à calcul, qu'il appelle machine à débits, parce qu’elle permet de calculer rapidement la quantité d’eau que débite un orifice déterminé , sous une pression et dans un temps donné. La machine de M. Cunq est fondée sur le même principe que la règle à calcul logarithmique ; mais les divisions, au lieu d’être tracées en ligne droite comme sur la règle, sont tracées sur des couronnes circulaires concentriques. Ces couronnes sont au nombre de quatre. L'une A reste immobile, les trois autres B, B',V peuvent tourner autour de leur centre commun. Les couronnes A, B, B’ sont divisées de la même manière, c'est-à-dire, de facon que les mêmes intervalles correspondent au même angle au centre. Ces divisions, à partir de leur ori- gine, sont proportionnelles, pour les divisions principales, aux logarithmes des nombres 1, 2, 3... 10, la longueur de la cir- conférence étant l'unité. Les divisions intermédiaires représen- tent, comme dans la règle à calcul ordinaire, les logarithmes des nombres 1,1, 1,2, 1,3... 1,01, 1,02... De plus, les échelles B et B' sont graduées dans un sens inverse de l’é- chelle A. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 347 I résulte immédiatement de cette disposition, qu'il suffit de lire le maltiplicande sur A, le multiplicateur sur B ou B’, et de faire coïncider leurs extrémités; la position de l'index de B, indique sur l'échelle A le produit cherché. Un mouvement iaverse donne le quotient de deux nombres. L'existence de la double échelle B,B' a pour objet de per- mettre d'obtenir le produit de plusieurs nombres successifs, en lisant alternativement les divers facteurs sur les deux échelles, et portant leurs logarithmes à la suite les uns des autres. C'est là l'avantage capital de la machine à calcul de M. Cunq sur la règle à calcul ordinaire; il a réalisé, par une conception très- simple, la règle d’une longueur indéfinie. La quatrième couronne V e:t divisée en deux échelles, de 1 à 10, placées à la suite l’une de l’autre. C’est la même gradua- tion que les précédentes, mais l'unité est ici la demi-circonfé- rence. Il en résulte que les arcs pris sur l'échelle V, et de même grandeur que sur l'échelle A, sont les logarithmes des carrés des nombres inscrits sur cette dernière échelle, et par consé- quent la couronne À contient les racines carrées des nombres correspondants de la couronne V. On comprend , d’après cette disposition, comment on peut calculer rapidement une expression telle que V29H, qui donne la vitesse théorique de l'écoulement d'un liquide sous la pres- sion H. V2g —#,429 est marqué sur l'échelle À, on lit H sur l'échelle V, et si on place l'indicateur de cette dernière échelle à l'extrémité de V23, le logarithme de VH se trouve ajouté au logarithme de 29 , et sur A on lit le produit ÿ29 H. C’est cette quantité qui, multipliée par trois autres facteurs, donne le débit d'un orifice. Enfin, une dernière échelle, divisée en millièmes de la cir- conférence fait connaître les valeurs numériques des logarith- mes, comme dans la règle droite. L'auteur a songé en outre à rendre sa machine aussi porta- tive que la règle à calcal qu’elle doit remplacer. L'appareil qui 348 MÉMOIRES est sous les yeux de l’Académie n’est qu'un premier essai des- tiné à faire comprendre le principe. L'instrument perfectionné pourra se plier en deux à l’aide de charnières intérieures, de facon que cet assemblage ne gêne pas le mouvement des coulisses quand on l'ouvrira pour s’en servir. Le tout encaissé dans un rectangle sur le verso duquel seront écrites les formules usuelles, formera un petit livre de 15 millimètres d'épaisseur, sur 16 centimètres de longueur et 8 de largeur. Dans ces conditions, je pense que cette machine pourrait remplacer la règle à calcul droite , sur laquelle elle présente des avantages certains. Il est à désirer que son prix de revient ne vienne pas s'opposer à cette substitution , et que sa bonne exécution en assure cependant le succès. Je propose à l’Académie de donner son approbation au prin- cipe qui a guidé M. Cunq dans la conception de sa machine à calculer, en l’engageant à en perfectionner l’exécution. Ce 8 mai 1856. (Les conclusions du rapport ont été adoptées par l’Académie. ) DE L’ACADÉMIE DES SCIENCFS, 349 COUP D'OEIL, AU MOYEN DE CHARTES INÉDITES, SCR L'ANCIENNE CONSTITUTION JUDICIAIRE DANS LA VILLE DE TOULOUSE AVANT L'ÉTABLISSEMENT DU PARLEMENT , Notamment pendant la domination de Simon de Montfort ; Par M. BELHOMME. Daxs la séance publique de l'Académie, ii a été fait lecture d’un mémoire ayant pour objet l'histoire de l’ancien Parlement de Toulouse, et invitant à la recherche des actes et documents pouvant servir à la constituer (1). Le projet de mettre en lumière la vie trop peu connue de la seconde Cour souveraine du Royaume ne pouvait être que favorablement accucilli, et l'excellence des vues développées dans le mémoire précité, ont dù facilement lui concilier les suffrages. Mais l’histoire de l’ancien Parlement de Toulouse ne sau- rait être brusquement introduite. L'existence monumentale qu’elle est appelée à consacrer réclame des développements qui paraissent indispensables, et qu’il faut puiser dans les épo- ques antérieures à l'établissement définitif du Parlement dans ladite ville. Ainsi tout ce qui se rattache à l'exercice des juridictions qui, dans la ville de Toulouse, ont précédé la Cour souveraine, doit être l'objet des investigations et fournir, pour son histoire, tous les éléments de préliminaires et d’avant-propos. Cet examen (1) Mémoire de M. FI. Astre , année 1855, Lome 5, 4° série , page 278. Re S.—TOME VI. 23 250 MÉMOIRES rétrospectif sur la marche judiciaire plaçant dans une voie fé- conde en aperçus et observations, il en surgira des docu- ments importants qui ne sauraient être perdus pour l’histoire des populations, des enseignements dont la saine morale ne peut que retirer avantage et profit. Et d’abord, il est de toute nécessité de ne pas oublier qu’a- vant qu’un Parlement eùt été définitivement constitué et établi sédentaire à Toulouse avec un ressort spécial, le vieux Parle- ment, cette Cour unique pour tout le royaume, était venu plus d’une fois siéger dans notre ville et y rendre des arrêts. Les circonstances, les divers motifs qui de temps à autre donnèrent lieu dans la ville de Toulouse, aux séances de la Cour souveraine, doivent être soigneusement recherchés; c’est en les étudiant avec un esprit sage et vrai que se montrera évi- demment la nécessité qu'il y avait de coordonner sous la puis- sante influence d’un pouvoir supérieur la marche des juridic- tions qui existaient auparavant et qui, presque toujours en lutte les unes contre les autres, offraient aux populations éton- nées le scandaleux spectacle d’incroyables débats entre les di- vers sanctuaires de la justice. Que de fois le Sénéchal et le Viguier de Toulouse, franchis- sant toutes limites, comme aussi les Capitouls s'appuyant arbi- trairement sur leur qualité de jages et lui subordonnant toutes les causes, notamment celles qui ne devaient ressortir que de la Cour judiciaire ecclésiastique, donnèrent lieu à de lamentables conflits! Alors lancés dans une voie déplorable d’abus de pou- voir, ils se portèrent à des actes de telle exagération, qu’il ne faut rien moins, pour y croire, que l’autorité des lettres paten- tes des Souverains qui, ordonnant leur répression, les signa- laient à la justice future du Parlement , au nombre des diverses causes qui devaient lui être soumises pendant la séance tem- poraire qu'il aurait à remplir à Toulouse, où ils le convo- quaient. Pour certifier l'exactitude et faire ressortir la justice de ces observations, il est essentiel, ce semble, de citer ici quelques- unes de ces lettres patentes, dignes d’ailleurs d’être appréciées DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 351 en leur qualité de documents inédits. L'une d'elles, datée de Paris, le lendemain de la fête de saint Vincent, année 1295, ct adressée à Pierre, évêque de Carcassonne, porte : que Guilhau- me de Latour, Sous-Viguier de Toulouse, ayant opéré avec vio- lence le bris des portes des prisons de l'évêché, en fit sortir un prêtre nommé Jean Lobe, recteur de Scalquens, qui, à tous égards, était sujet et justiciable de l'Evêque, ct qu'il le mit en liberté; qu'à suite de ce, ayant arrêté, de son chef, dans la rue, Arnald de Vaure, official de la Cour intérieure de l'évêque de Toulouse et Recteur de l'église de Vaure , il le conduisit ou fit conduire ignominieusement dans le château Narbonnais , où il l’incarcéra. Qu’ayant arrêté de même, sur la voie publique, Raymond de Pierre , Clerc-Prieur de Bon- villar et de Daups, Procureur-général en toute la temporalité dudit évêque , il le fit conduire et iucarcérer aussi dans le château Narbonnais. Qu’après de tels actes , n'étant plus re- tenu par la crainte de Dieu, timore Dei postposito, il se serait rendu au Palais épiscopal et aurait mis la main sur le Procu- reur-général de l'Evêque pour le spirituel, Guilhaume de Foris- . que, Recteur de Saint-Anian, qui se trouvait alors à table avec les familiers de l'évêché, et, le tenant saisi, il l'aurait ainsi ar- raché de la manière la plus inconvenante dudit Palais et traîné au château Narbonnais où il l’incarcéra. Et comme pendant cette course forcée ledit Procureur épiscopal représentait au Viguier qu'opérer l'arrestation des gens de l'Evêque avec telle injustice, était une injure qui allait directement au Prélat lui- même, le Sous-Viguier lui aurait répondu que ce n'était pas as- surément par un motif particulier contre lui, Guilhaume, qu'il agissait ainsi, mais bien par mépris pour l'Evêque. Zdem Jo- hannes dixit, respondendo quod non faciebat in vituperium ipsius Guillelmi, sedin despectu ipsius Episcopi. Ajoutant qu'il aurait pris l'Evêque en personne, et lui eût fait subir le même traitement, s’ill’avaittrouvé.Æt quodipsum Episcopum cepisset, et idem de ipso Episcopo fecisset, si ipsum invenisset. Ne se bornant pas à ces excès, ledit Sous-Viguier placa garnison dans le Palais épiscopal, dont il emporta les clefs. « Aussi, disent les 352 MÉMOIRES lettres patentes, comme de tels actes ne sauraient rester impu- nis, nous vous mandons el ordonnons qu'après avoir appelé ceux que vous jugerez devoir l'être, vous fassiez enquête en toute diligence pour découvrir la vérité au sujet des faits énon- cés el de tout ce qui s'y rapporte, nous renvoyant expressément, sous votre sceau, ce que vous aurez découvert à ce sujet, afin que, tout aussi bien envers nous qu'envers ceux qui ont souf- fert l'injure, nous fassions fairetoutes réparalionset entier amen- dement, faisant injonction de notre part, audit Sous-Viguicr, qu'au jour fixé pour le prochain Parlement à Toulouse, de- vant nous comparaissent les parties pour les ouïr, et aviser ce que de raison. » Déjà , en l’année 1290, par lettres patentes adressées aux of- ficiers supérieurs de son Parlement à Toulouse , fidelibus suis magistris Parlamenti Tholose, le roi Philippe leur avait donné mandement de faire justice à l'égard des Sénéchaux, Viguiers et autres Officiers royaux, pour les diverses atteintes dont ils avaient pu se rendre coupables au sujet de la juridic- tion de l'Evêque ; de faire faire réparations convenables pour tout ce en quoi elle aurait été lésée, de la rétablir dans le rang qui lui est dû, in debilum statum reduci, et d'ordonner aux mêmes Justiciers, qu'ils aient à observer et à faire observer avec zèle, par leurs subordonnés, les divers jugements et ar- rêts émanés de sa Cour, en faveur dudit Evêque (1). Ces lettres patentes sont la preuve évidente que l'intervention souveraine était devenue indispensable pour arrêter les entreprises et les graves excès dont la juridiction de l'Evêque était l’objet ou l’occasion, de la part du Sénéchal et du Viguier de Toulouse. Mais les Capitouls à leur tour, s’arrogeant un pouvoir illi- mité sur les justiciables de l'Evêque, se livraient parfois, con- tre eux, à des actes de teile exagération, qu'il faut, afin d'y croire, que les lettres patentes du même Souverain en fassent aussi formellement mention. Pour l’entier témoignagede la vérité historique, nous citerons une de ces lettres, adressée au Viguier (1) Voir les textes à la fin du Mémoire. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 353 de Toulouse, en l’année 1292, et que nous avons littéralement traduite du texte latin. « Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Français, au Viguier de Toulouse, ou son Lieutenant, salut. Nous a fait savoir le Procureur de notre amé et fidèle l’Evêque de Toulouse, que les Capitouls ou Consuls de Toulouse se saisissent, sans faire aucuns discernements, des Cleres justiciables dudit Evêque; qu'ils les retjennent longtemps prisonniers injustement et con- trairement aux arrêts de nos gens du Parlement de Toulouse; qu'ils refusent de les rendre à l’Evêque ou à sesofficiers, même après en avoir été plusieurs fois requis, et non contents de ce, au mépris de la juridiction ecclésiastique, lesdits Cleres ainsi tenus par eux en prison, ils les soumettent aux questions ct tortures, et ensuite, par un acte bien plus horrible encore, profitant des ténèbres de la nuit, ils ont la criminelle audace de les précipiter ou du moins d’en précipiter plusieurs, pour les noyer, dans le fleuve de la Garonne. C’est pourquoi nous vous mandons que, faisant appeler ceux qui doivent l'être, si la vérité du fait vous est dévoilée, vous punissiez et fassiez punir, selon qu'ils l’auront mérité par le degré de criminalité, ceux que vous trouverez coupables à cet égard; que vous for- ciez, par les voies de justice, lesdits Consuls à éviter désormais de se rendre coupables de tels ou semblables excès, et que vous fassiez exécuter fidèlement, selon que vous en aurez connais- sance, les arrêts du Parlement de Toulouse, et ceux de notre Cour de Paris, en faveur dudit Evêque. Fait à Réginalbe, en Fannée du Seigneur 1292. » Ainsi, comme on le voit, la juridiction temporelle de l'Evêque de Toulouse était en butte aux plus violentes attaques de la part des Officiers royaux et des Magistrats municipaux de ladite ville, usant contre clle des moyens les plus monstrueux, comme le prou- vent les lettres patentes que nous avons citées, et comme le témoi- gnent bon nombre d’autres que nous ne mentionnons pas. T'antôt le Sénéchal , tantôt le Viguier et les Capitouls se rendaient cou- pables de tels actes, malgré les arrêts du Parlement, et c'était à ces mêmes Officiers que s’adressaient les lettres patentes pour 354 MÉMOIRES poursuivre judiciairement, les uns contre les autres, dans une voic où ils avaient également marqué leur passage par des excès. De cette situation, que pouvait-il résulter, si ce n’est confu- sion et désordre ? Ainsi devait de plus en plus ressortir la néces- sité d’une juridiction supérieure permanente dans la seconde ville du royaume; car, comme il est facile d'en juger par les lettres patentes, les assises volantes du Parlement à Toulouse ou dans d’autres villes du pays Toulousain ne remédiaient pas aux désordres, et les arrêts, privés de la vigueur que leur eût donné la stabilité de la Cour souveraine, n’avaient plus, après son départ, qu’une force d’inertie dont savaient trop facilement s'affranchir les officiers juridictionnels que dominait la tenta- tion de l’abus du pouvoir. Plus d’une fois, les Mémoires que nous avons lus à l’Académie ont rappelé de vieux actes judiciaires des Capitouls ou Consuls de Toulouse. On sait que les circonstances solennelles qui mo- tivaient la réunion de ces magistrats municipaux dans quelques églises de Toulouse étaient ordinairement saisies par ceux que des affaires importantes forcaient à recourir à leur intervention. Aïnsi, c’est dans l’église de Saint-Quintin où , en l’année 1175, les Capitouls se trouvaient un jour réunis, qu’ils reçurent l’appel et firent jugement pour le nommé Fort de Molles-Vernette, récla- mant Îeur justice contre sa femme Babiloune, laquelle , au mé- pris de la foi conjugale, s'était enfuie avec un suborneur, em- portant de la maison de son mari tout ce qu’elle avait pu “d'argent, le vestiaire, et même une excellente cuirasse à laquelle il tenait beaucoup, e£ suam loricam per oplimam. Dans les Recuciis de l’Académie sont aussi consignées les diverses scènes auxquelles donnèrent lieu, dans la voie judiciaire, les vives réclamations qu'adressèrent aux Capitouls, en l’année 1295, les parents et amis de Pierre de Fleurant et de Bernard de Vacquicrs, (rouvés morts dans les environs de Toulouse, et dont les corps, couverts de blessures et mutilés, avaient été portés et déposés dans la Maison commune, où ils restaient exposés pour exciter l'indignation publique et provoquer la sévérité d’une sentence. Enfin, dans un Mémoire précédent , DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 355 nous avons pu citer textuellement plusieurs chartes inédites se rapportant aussi à l'exercice judiciaire des Capitouls et au pou- voir que leur donnait le Comte Raymond de vendre au profit du Trésor public les biens et domaines de ceux qui, dans la guerre avec Simon de Montfort, avaient pris parti pour lui contre ledit Comte de Toulouse. Marchant encore dans la voie judi- ciaire et nous ratlachant à cette dernière époque de la guerre contre les Albigcois, nous allons, conformément à ce qui est annoncé dans le titre de ce Mémoire , citer une charte inédite, document, il est vrai, d'intérêt simple et privé, mais que rend très-appréciable la connaissance qu'il donne de l’organisation judiciaire et de son personnel à Toulouse pendant que la ville était au pouvoir de Simon de Montfort. Les agitations et les troubles qui règnent ordinairement pen- dant les guerres avaient dû , sans doute, occasionner, pendant le cours de celles que la ville de Toulouse eut à soutenir, de nombreux retards pour les affaires à juger. I est probable que cet arriéré dut ensuite être distribué en diverses catégories par les juges, qui nommèrent des commissions (emporaires devant, selon la nature des affaires, ou se borner à des rapports à suite d'informations préliminaires, ou rendre des jugements définitifs : c'est là du moins ce que porterait à croire la charte judiciaire que nous citons, et qui a pour objet une somme à constituer sur un immeuble pour la garantie du créancier. Quoi qu'il en soit, voici la traduction littérale de cette charte : « Sachent tous ceux qui liront ou entendront lire le présent public instrument que Gaillarde vint en présence de Guillem Pons Maschalque de Ber- nard-Picrre, fils de Bernard Ortolan ; d'Arnaud de Samatan, de Pons-Astron, de Guillem-Emeric de Peguilhan et de Raymond de Fumel , lesquels avaient recu commission et plein pouvoir du seigneur Gervais de Chameniac, Sénéchal de Toulouse, ainsi que des hommes de la Cour, savoir : Bernard Raymond, de Toulouse; Bernard de Caraban, de Pons-Bérenger, Bernard- Arnald de la Porterie, Raymond de Robert, Pons de Capdenier, Pélegrin Signaireet Pons Guitard, juges établis par le seigneur Simon, Comte de Toulouse, pour entendre et terminer les di- 3956 MÉMOIRES verses causes et procès de Toulouse, et pour assigner des fonds de terre pour dettes qui avaient été adjugées ou devaient l'être aux créanciers par les hommes de la Cour ou les seigneurs claustraux , si, après sentence portée et serment recu des débi- teurs, ces derniers affirmaient être dans l'impossibilité de satis- faire à leurs créanciers au moyen de leurs biens meubles, et pour assigner des immeubles pour cause de dot aux dames et à toutes femmes ayant mari, si les dettes de ceux-ci donnaient lieu à des questions et débats judiciaires, et qu’il füt prouvé, moyennant serment prêté par eux, qu'ils ne pouvaient satis- faire à ces dettes au moyen de leurs objets mobiliers, avec ré- serve toutefois aux créanciers de leur droit sur ces mêmes biens fonds assignés aux femmes ayant leur mari. Et là, ladite Gaillarde exposa devant eux que Picrre-Arnald Savène et Dominique, sa femme, lui devaient cent soixante et dix sols tolosains moins douze deniers, reliquat d’une somme capitale de trois cents sols tou- lousains qu'ils lui devaient primitivement , de laquelle dette elle leur montra l'acte publie, lesquels cent soixante-dix sols moins douze deniers les hommes de la susdite Cour avaient déclaré devoir lui être payés, et elle voulait qu’ils les lui fissent payer des fonds meubles desdits débiteurs ou qu’ils lui en donnassent la valeur sur les biens fonds desdits Pierre-Arnald et de Domi- nique qui, pour cette dette, avaient impignoré à elle-même Gaillarde, leur Maillol et tous leurs autres biens meubles et immeubles, comme le portait une clause dudit acte; ce qu'ayant entendu lesdits prud'hommes, ils firent comparaître devant eux ledit Pierre-Arnald et sa femme Dominique, et leur firent de- mande s'ils avaient du mobilier au moyen duquel ils pussent satisfaire à ladite dette, et, après avoir prêté serment, ils répon- dirent qu'ils n’en avaient point suffisamment pour la payer, mais qu'ils possédaient des fonds de terre dont ils voulaient donner à ladite Gaillarde à la connaissance d’eux juges. Alors, lesdits prud'hommes, à savoir Pons et Bernard, Pierre-Arnaud de Samatan, Pons Astron, Guillem-Emeric et Raymond de Fumel ayant pris toutes informations dues sur la valeur desdits fonds de terre, comme il ne se trouvait là aucun objet meuble au DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 397 moyen duquel, selon leur connaissance ou leur croyance, ladite- dette püt être acquittée, ils assignèrent à ladite Gaillarde et à ses ayant-cause un arpent et quarante-huit escats de Maillol dudit Pierre-Arnald , situé entre les possessions de Raymond Robert, de Guillem de Venerque, de Raymond Gérald, Vital d'Hugues Camarade, et de Benoît Arnald pour cent cinquante- deux sols toulousains moins quatre deniers de ladite dette de cent soixante ct dix sols moins douze deniers pour être à jamais à la volonté de ladite Gaillarde et de ses ayant-cause avec ré- serve des droits de ladite Gaillarde sur les autres biens des débi- teurs pour le restant de ladite somme, sauf aussi la taille à payer au Comte sur ledit Maillol, et sauf aussi le droit de tout autre qui peut en avoir là à quelque titre. Cette assiguation fut faite l’avant-dernier jour du mois de mai, troisième férie, régnant Philippe, roi des Français, et Simon, comte de Tou- Jouse , et Foulques , évêque, l’an douze cent dix-sept de l'Incar- nation du Seigneur. De cette assignation sont témoins les pru- d'hommes sus-nommés, savoir : Pons ct Bernard, Pierre-Arnaud de Samatan, Pons-Astron, Guillem-Aimeric et Raymond de Fumel, et sont aussi témoins Raymond François Peyrote, Pierre Vital, affacheur, Bernard Pons de Venerque et Pierre Raymond, qui a écrit cette Charte. » Il serait facile de démontrer l'immense intérêt que présentent ces diverses chartes, et les précieux enseignements qu'elles ren- ferment pour la philosophie de l'histoire toulousaine ; mais notre dessein n’a pas été de les faire ressortir ici, vu les limites que nous impose ce Mémoire. Qu'il suffise donc de dire en pas- sant que la connaissance approfondie de certaines, eût évité à nos historiens et annalistes ces grandes incertitudes qu'ils expri- ment souvent au sujet des motifs de mésintelligence qui régnaient entre le pouvoir civil et ecclésiastique; ils en auraient vu la source et les conséquences dans ces violents conflits qu'avait occasionnés l'exercice de la juridiction temporelle, et qui, selon le témoignage des lettres patentes que nous avons citées, ren- dirent fréquemment l'intervention de l'autorité souveraine in- dispensable. 358 MÉMOIRES Philippus Dei gracia Francorum rex dilecto ct fideli suo Petro episcopo Carcassonensi salutem et dilectionem. Signifi- cavit nobis procurator dilecti et fidelis nostri Episcopi Tholosani quod Johannes de Turre, subvicarius Tholose, in illusionem discipline et libertatis ecclesiastice sacrorumque canonum et in diminutionem juridictionis prefati Episcopi et in scandalum plurimorum ausu sacrilego et temeritate propria fregit oslia carcerum memorati Episcopi et abinde temcre abstraxit pres- bitcrum quemdam nomine Johannem Loba rectorem ecelesie de Scalquensis subditum ct justiciabilem notorium dicti Epis- copi et ipsum sibi ipsi dimittendo a dicto carcere liberavit. In- super mala malis accumulando idem Johannes subvicarius cepit aut capi fecit viliter palam cet publice sine cujuscumque supe- rioris mandato et in curris careria publice discretum virum Arnaldum de Vauro officialem curie interne Episcopi tholosaai rectoremque ecclesie de Vauro et eum sic captum irreverenter duxit seu duci fecit ad Castrum Narbonensem ibidem eumdem officialem incarcerans seu incarcerari faciens, idem etiam Johan- nes cepit in carreria publica Ramundum Petri clericum priorem de Bono vilari et de Dalpes procuratorem generalem in tota tem- poralitate dicti Episcopi et ipsum duxit seu duci fecit ad dictum Castrum Narbonensem et ibi eundem Ramundum incarceravit posteaque timore Dei postposito veniens ad aulam Episcopi me- morati Guillelmum de Farisco rectorem ecelesie sancti Aniani ct procuratorem generalem in spiritualibus ejusdem Episcopi in cena ibi existentem cum familia episcopali cepit et captum manu propria detinendo extraxit turpiter de dicta aula et captum duxit ad dictum Castrum et ibi eundem incarceravit, et maligne dum dictum Guillelmum ut supra dictum est sic duceret captum et idem Guillelmus ipsi subvicario dicerit quod actum erat vitupe- ratum ipsi Episcopo quod gentes sue sic indebite capiebantur, idem Johannes dixit respondendo quod non faciebat in vitupe- rium ipsius Guillelmi sed in despectu ipsius Episcopi et quod ipsum Episcopum cepisset et idem de ipso Episcopo fecisset si ipsum invenisset, ex hoc ipsi Episcopo et speciali dignitati re et verboinjuriam inferens idem Johannes predictus subyicarius non DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 399 contentus predietis contra libertatem ecclesiasticam et contra lit- teras et mandata nostra in dicta aula episcopali Tholose garnisio- nem ponendo quatuor servientes seu nuncios posuit clavem etiam dicte aule recepit in premissis et acta premissa et in aliis plurimis multipliciter aggravatis delinquendo. Unde cum talia facta sint mali exempli et remanere non debeant impunita, mandamus et committtimus vobis quatenus vocatis qui fuerint evocandi ut ratio dictabit super premissis et premissa langentibus inqui- ratis cum diligentia veritatem nobis quidquid super hoc inve- neritis sub vestro sigillo remittentes inclusum ut tam nobis quam dictis injuriam passis facta predicta faciamus competen- ter emendari ac ex parte nostra predicto subvicario injugentes ut ad diem Tholose proximi faturi Parlamenti coran nobis com- pareant partes auditurus, et recepturus super hoc quod fuerit rationis. Actum Parisiis die lune post festum beati Vincentii anno Dominÿ millesimo ducentesimo nonagesimo quinto. Philippus Dei gracia Francorum rex dilectis et fidelibus suis magistris Parlamenti Tholose salutem et dilectionem. Mandamus vobis quatenus ea que invenietis per Senescallos vicarios et alios justiciarios nostros contra Tholosani Episcopi juridictio- nem et gentes suas indebite attemptata faciatis pro ut rationa- bile fucrit in debitum statum redaci precipientes eisdem justi- ciariis nostris ut ipsi pro ut ad cos pertinet judicata et arresta per curiam nostram facta pro Episcopo predicto diligenter ob- servent et a suis faciant subditis observari. Et si aliquid con- tra ea fuerit attemptatum illud faciatis pro ut rationabile fuerit emendaris. Actum Parisiis die lune post festum beati Andree apostoli anno Domini millesimo ducentesimo nonagesimo. Philippus Dei gracia Francorum rex vicario Tholose vel ejus locum tenenti salutem. Significavit nobis procurator di- lecti et fidelis nostri Episcopi Tholosani quod Capitularit seu Consules Tholose indifferenter capiunt clericos justiciabiles ejusdem Episcopi et eos tenent longo tempore captus minus juste et contra arresta gentium nostrarum Parlamenti Tholose eos recusant restituere dicto Episcopo et gentibus suis pluries 360 MÉMOIRES super hoc requisiti et biis non contenti in contemptum eccle- sistiace juridictionis dictos clericos sic captos ponunt in ques- tionibus et tormentis et postca, quod est deterius, ipsos vel ali- quos ex eisdem de nocte in flumine Garumne submergi non for- midant. Quare mandamus vobis quatenus vocalis evocandis si vobis constitit de predictis ipsos quos in eis invenietis deliquisse puniatis aut puniri faciatis secundum eorum merila et delicto- rum qualitates justicia mediante dictosque Consules a predic- tis et similibas desistere compellatis aut compelli faciatis, ar- resta que pro dicto Episcopo facta in Parlamento Tholose et in nostra Curia Parisiis pro ut de eis vobis constiterit executioni debite faciatis demandari. Acium Regale Albiam beate M... ineled die lune post Inventionem sanete Crucis anno Domini millesimo ducentesimo nonagesimo secundo. Noverint universi presens publicum instrumentum lecturi sive audiluri quod Gailarda venit ante presentiam Wuillelmi Poncii Maschalqui et Bernardi Petri filii Bernardi Ortolani et Arnaldi de Samatano et Poncii Astronis et Vuillelmi Aimerici de Pegulano et Ramundi de Famello qui a domino Gervasio de Chameniaco Seneschalis Tholosani et a viris de curia videlicet a Bernardo Ramundo de Tolosa et Bernardo de Caraborda et Poncio Beren- gario et Bernardo Arnaldo de Portaria et Ramundo Rotberto et Poncio de Capite Denario et Pelegrino Signario et Poncio Gui- rardo qui a domino Symone comite Tholosano ad audiendas ct terminandas causas et controversias Tholose erant judices cons- tituti commissionem et plenam receperant potestatem super as- signandis honoribus pro debitis qui ab ipsis viris de curia vel a Dominis claustrorum adjudicata erant vel adjudicanda creditoribus. Si post sentenciam latam recepto prius super hoc a debitoribus juramento debitores eisdem creditoribus se non posse satisfacere de mobilibus aflirmarent et super assignan- dis honoribus pro sponsalicio dominabus et aliis quibuslibet mulieribus maritos habentibus si causa vel questio fuerit pro debitis maritoritorum quod debita persolvere non possint de mobilibus post juramentum preslitum ab eisdem reser- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 361 valo famen creditoribus jure suo in cisdem honoribus qui mulieribus maritos habentibus fucrint assignati. Et ibi dicta Gailarda proposuit coram eis quod Petrus Arnaldus Savenius ejusque uxor Dominica debebant ei CLXX solidos Tholosanos minus XII denarios de quodam debito de CCC solidos Tholosa- nos quos ei debuerant de quo debito publicum instrumentum eis ostendit quos CLXX"solidos minus XII denarios viri de pre- dicla curia sibi adjudicaverant soluturos et volebat ut illos sibi persolvi facerent de rebus mobilibus eorum vel darent ei de honoribus ipsius Petri Arnaldi et Dominice pro quo debito ipsi impignorayerant cidem Gailarde eorum Maillolem et om- nia eorum bona mobilia et immobilia sicut in predicto instru- mento continebatur. Quo audito dicti probi homines fecerunt venire ante corum presentiam dictum Petrum Arnaldum ct Do- minicam uxorem suam et quesierunt ab cis si habebant res mobiles unde predictum debitum persolverent ei et ipsi prestito juramento dixerunt quod non habehant res mobiles unde pre- dictum debitum persolvi posset sed hahebant honores de qui- bus volebant cidem Gailarde dare eorum cognitione. Tunc dicti probi homines scilicet Wuillelmus Poncius et Bernardus Petrus et Arnaldus de Samatano ct Poncius Astro et Wuillel- mus Aimericus et Ramundus de Famello facta inquisitione legitima super precio honorum cam nulla ihi erant mobilia ipsis scientibus vel credentibus de quibus predictum debitum persolvi posset, assignaverunt ipsi Gailarde et suo ordinio unum aripentum ct XLVIIT escacos Maïlloli cum terra in qua esset dicti Petri Arnaldi qui est inter honorem Ramundi Rotberti et ho- norem Wuillelmi de Venerca et hororem Ramundi Geraldi Vi- tal et inter honorem Ugonis de Camarado et honorem Benedieti Arnaldi pro CL solidos tholosanos minus Nil denarios de pre- dicto debito CLXX solidos minus XII denarios ad omnem volun- tatem ipsius Gailarde et sui ordinis in perpetuo faciendam salvo jareipsius Gailardein aliis bonis et honoribus ipsorum debitorum pro residua summa dicti debiti et salya taila domini Comitisin predicto Maillole et salvo jure suo omnibus hominibus qui jus vel rationem ibi haberent. Hec assignatio fuit facta in die exi- 362 MÉMOIRES tus mensis madii feria Hfregnante Philippo Francoram rege et Simone Tholosano Comite et Fulcone Episcopo anno M.CC.XVII ab Incarnatione Domini. Hujus assignationis sunt testes idem prenominali probi homines Wuillelmus Poncius scilicet et Ber- nardus Petrus et Arnaldus de Samatano et Poncius Astro et Willelmus Aimericus et Ramundus de Fumello. Et sunt inde similiter testes Raimundus Bernardus"Peirota et Petrus Vital Assitator et Bernardus Poncius de Venerca et Petrus Raimun- dus qui hanc chartam scripsit. DE L'ACADEMIE DES SCIENCES. 363 CHARTE INÉDITE DU XV: SIÈCLE , PORTANT DONATION D'UN JEUNE GARÇON A UN CURÉ ; Par M. BELHOMME. Maires rois à élé agitée une question ayant pour objet un acte de la vie civile, l'adoption. L'intimité des rapports que cet acte établit entre son auteur et celui qui en est le sujet, le point de vue où il les place aux yeux de la société, ont porté à demander si l'adoption qui, de plein droit, est permise à tous ceux qui ne se trouvent dans aucun des cas exceptionnels prévus par la loi, peut être envisagée de la même manière pour les ecclésiastiques, au sujet desquels le législateur n’a fait aucune observation. Nous n'entrerons pas dans le détail des débats soulevés par cette question , ni des opinions qui en sont résultées ; nous dirons seulement que la plus précise , celle qui, étant le plus géné- ralement reçue, a obtenu force de loi pour la pratique, c’est que les ecclésiastiques ne doivent pas s'engager dans des actes de cette nature. En effet, on comprend aisément que la sainteté du caractère du prêtre, l'abnégation obligée de sa vie, même au milieu du monde, sous l'influence des vœux solennels qu'il prononça quand les portes du sanctuaire lui furent ouvertes, ces diverses considérations sont autant de motifs puissants qui doi- vent le tenir à l’écart de tout ce qui, dans le ministère auguste dont il est revêtu, pourrait apporter quelque obstacle, donner lieu à la plus légère suspicion. Mais, ayant retrouvé une charte où est constaté un acte d'adoption ou d'acceptation adoptive de la part d’un prêtre, 36% MÉMOIRES nous avons pensé qu'il était utile de signaler cet acte inédit, soit à cause de sa spécialité ou de l'extrême rareté de ses ana- logues. Aussi, sans entrer dans les détails auxquels il pourrait donner lieu, nous nous bornerons à en présenter la traduction, en la raccordant le plus littéralement possible avec le texte latin dont la copie, qui doit servir de pièce justificative à ce Mémoire, peut offrir plus d’un point de vue intéressant quant à la forme et quant à l'objet (1). Au nom du Seigneur. Ainsi soit-il. Sachent tous présents et futurs, qu’étant personnellement constitué en présence de moi, notaire , et des témoins souscrits, Raymond Gasc, laboureur , habitant du lieu de Montesquieu-Lauraguais, au diocèse de Toulouse, il a dit qu'il est avancé en âge et dans un tel état d’infirmité et de pauvreté, à ne pouvoir rien diriger par lui- même, ni, vu la mort de son fils Raymondet, avoir personne qui supplée celui-ci dans la direction dont il s’occupait auparavant, et qu'enfin lui dit Raymond , ayant survécu , est resté avec un jeune enfant âgé de six ans. Cet enfant, fils du défunt Raymondet, se trouve privé de toute espèce de moyen de conduite, son père élant mort dans un état de dénuement presque complet, tanquam annihilatus in omnibus. De là vient que ledit enfant va cà et là, demandant l’'aumône, nu ou presque nu, et que, de nuit et de jonr, on le trouve ou on l'a trouvé couché dans les rues de Montesquieu, abandonné à lui-même. Mais lui, Raymond Gase, plein de confiance en Dieu, cherche quelque moyen de venir au secours dudit garçon, par le concours de vénérable et sage homme, le seigneur Daniel Damel, recteur de l’église paroissiale de Montesquieu-Laura- guais, attendu que c’est un homme plein de probité, d’une admirable charité, d’une vie irréprochable et d’une réputation bien acquise. C’est pourquoi ledit Raymond Gasc, procédant de propos délibéré pour l’accomplissement de ce qui est écrit ci- dessous, n’y étant forcé par aucune contrainte, fraude, dol, (1) Voir à la fin du Mémoire la citation textuelle. DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES. 365 tromperie ou pusillanimité, mais agissant de science certaine , de son propre mouvement, de sa libre volonté et détermina- tion, comme il l’a dit, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs universels, a donné, cédé , remis, concédé, laissé, abandonné, fait délaissement complet par donation pure, simple “etirrévocable, en un mot, pour l'amour de Dieu et dans une vue de piété, entre vifs par cet acte public maintenant et à jamais valable, à vénérable homme et seigneur Daniel Damel, recteur de l’église paroissiale de Montesquieu-Lauraguais, ici présent , stipulant et acceptant, tant pour lui comme personne privée qu'à autre titre, éanquam persona privala quam aliter, et pour tous ses successeurs, à savoir certain jeune en- fant âgé de six ans, qui porte le nom ct est fils de feu Raymondet Gasc, pour en faire à jamais toutes et chacunes ses volontés, pro omnibus suis voluntatibus ibidem penitus et perpetuo faciendis. De même a voulu ledit Raymond Gasc que Jean, qui est cet enfant, fils dudit Raymondet Gasc, défunt, serve et soit dans l'obligation de servir ledit seigneur Recteur , qu'il l'aime, l'honore, conserve ct garde ses biens meubles et immeubles pré- sents et futurs de toute nature, qu'il lui évite et soit tenu de lui éviter de tout son pouvoir les désagréments quels qu'ils soient ; que, de même, ledit enfant reste et fasse demeure avec ledit Recteur d'ores et déjà et dans l'avenir tout le temps de sa vie. Et aussi que ledit seigneur Recteur du lieu de Montesquieu soit tenu et reste dans l'obligation de bien et convenablement ali- menter ledit enfant, tant en santé qu'en maladie, aussi bien pour la nourriture substantielle que pour le breuvage , et de le pourvoir de vêtements, de chaussures, et des autres objets de nécessité ; de plus, a été convenu et arrêté que ledit Raymond Gase n'aura en aucune manière à soustraire ledit enfant au pouvoir dudit Recteur, soit par insinuation, conseils, aide, protection , ou en favorisant d'une manière quelconque l'envie qu'il aurait lui-même de se soustraire, ou au moyen de per- sonnes intermédiaires, s’il y en avait, de quelque facon que ce soit, en aucun temps à venir. Au surplus, a voulu ledit Ray- mond Gasc que Barrave, veuve dudit Raymondet Gasc et mére k° S, — TOME VI. 24 366 MÉMOIRES de l'enfant dont s’agit, ici présente, ait approuvé par sa volonté et consentement comme elle le fait en ce qui la concerne tout ce qui à été dit, à savoir que le seigneur Recteur de Montesquieu, ici présent, ait pouvoir et faculté de faire dudit enfant qui est aussi présent, toutes et chacunes ses volontés dès aujourd'hui, et à l'avenir comme il l'entendra , et qu’en toutes manières il fasse de lui ce qu'il conviendrait à un père de famille de faire de son propre et légitime fils pendant sa vie seulement , et quovis modo faciat quod facere decesset patri de suo proprio legitimo filio ad vitam duntaxat. Wa ÉLÉ aussi accordé et convenu qu’à l'avenir ledit enfant ne devra faire, ni ne sera tenu en aucune manière de faire rien en faveur desdits donateurs, si ce n’estavec l'agrément et la volonté dudit seigneur Recteur à tous égards. Et se sont obligés à ce sujet lesdits donateurs, à savoir : Ray- mond et Barrave, mère dudit enfant, par obligation hypothé- caire sur tous et chacuns leurs meubles et immeubles présents et faturs, et ils ont mis ledit Recteur en la possession réelle et actuelle dudit enfant présent, qu'ils tenaient alors par la main en le lui livrant. Ainsi ledit Raymond Gase, et Barrave mère duditenfant, en ont fait délaissement et abandon en tout ce qui les concerne l'un et l’autre. Alors ledit Recteur du lieu de Montesquieu , pré- sent et stipulint pour lui et ses héritiers et successeurs univer- sels et comme personne privée, tant en son nom de sieur Daniel Damel que autrement, a reçu ledit enfant et l'a pris par sa main droite à titre gratuit pour l'amour de Dieu, non autrement ni en d’autres vues, predictum puerum recepit el per manum suam dexteram accepit contemplatione gralis pro Deo ct non aliter nec alias , et peu après il lui a fait le premier don, con- sistant en un morceau de pain qu’il lui a donné à l'entrée de sa maison , afin que reste désormais constante et conclue ladite donation ainsi faite, et qu'elle ait autant de farce, valeur cet fermeté que si elle avait eu lieu successivement et à divers intervalles voulus, et paulo post ipsum strenavit, dedit et dona- vit quandam buccellawm paris in introitu sue domus ut sic remaneat el etiam concludatur predicta donatio sic facta tot et tantum valoris et roboris obtineat firmitatem ac si divisim DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 367 ac successive et per debita temporum intervalla facta esset ac etiam concessa. a été expressément convenu, ledit Raymond, donateur, étant là récllement présent et faisant hautement - accord avec Barrave, mère dudit enfant, en identifiant leurs volontés en faveur dudit Recteur de Montesquieu , et solemne Jaciens dictus Raymundus donator ad voluntutem et con- sensum Barrave, matris dicti pucri domino Rectore de Mon- tesquino, âe ne plus demander ce qui a été donné ci-dessus, ct il en a fait cession en tout et en partie, et cessit in solum et in parte, tant pour lui que pour toute autre personne intermé- diaire, pro se nec non pro alia interposita persona. Bien plus, a promis et stipulé ledit donateur, par expresse et positive con- vention en faveur dudit Recteur présent el acceptant au nom que dessus contre {out ravisseur et recéleur de la famille d’icelui donateur, de ses hériticrs et successeurs quelconques, que la donation est bonne et stable, qu'il lui en fournira toujours bonne, ferme et légitime garantie comme de droit, le tout sous l'expresse obligation et hypothèque de tous ses biens meubles ct immeubles présents et futurs, et sous tout abandon de droit et de fait à ce nécessaire, et contre toute espèce de ruse ou arrière- pensée. Ainsi, se dépouillant et se dénudant ledit donateur, à cet égard, de volonté et consentement de ladite Barrave ici présente, mère dudit enfant , relativement à tout ce qui le touche en ce qui à été dit ci-devant au sujet du sus-donné, il en a revêtu verbalement, réellement et de fait, en tant qu’il en a eu le pou- voir, le susdit seigneur Recteur, et par son adhésion au présent instrument , il a donné audit donataire entière faculté et plein pouvoir, renonçant à {oute démarche faite par quelque personne que ce soit qui agirait au nom des susdits après en avoir fait la demande ou l'avoir obtenue. Ainsi a renoncé ledit donateur à toate exception de ladite donation et concession des choses susdites de la manière sus écrite qui se trouveraient ne pas avoir été faites et accordées au- dit donataire et à l'exception desdites évocations, étant garanti de tout ce dessus par manière de pacte non exprimé et de tout ce qui touche à l'exception de tous autres points qui se trou- 368 MÉMOIRES vent contenus dant le préseut instrument ou qui auraient lieu autrement au sujet de ce qui précède, et à l'exception du dol du mauvais for et de la fraude de la condition indue et sans molif, et à toute action du libelle obligatoire de la copie du préseut instrument ct à toute intervention de droits et de lois disant que les donations qui excèdent peuvent être révoquées pour cause d'ingratitude si le donataire est ingrat envers le do- nateur el aux autres lois et droits tant canoniques que civils au moyen desquels il se pourrait faire, ou dire quelque chose contre ce qui a été dit ou quelqu'un des articles qui ont été arrêtés ci- dessus , en changer le sens en quelque manière, s’élever ou se prémunir contre, en quelque temps que ce soit dans l'avenir. Et pour plus grande force ct fermeté de tout ce qui a été dit, les parties sus nommées et chacune d'elles en particulier ont juré sur les quatre saints Evangiles de Dieu touchés de la main droite de chacune d'elles en même temps, de garder ct accom- plir toutes et chacune des clauses ci-dessus, de ne jamais rien faire, dire, ou entreprendre contre en aucune manière, pour aucun motif. en aucun temps à venir, de toutes et chacune ces conventions. Lesdites parties et chacune d’eiles en particulier ont demandé et requis qu'il füt dressé ct retenu instrument par moi notaire public soussigné , en présence dudit donateur. Ceci a été fait au lieu susdit de Montesquieu , le 25 du mois de juillet de l’année du Seigneur mille quatre cent quarante, ré- gnant très illustre prince et seigneur Charles par la grâce de Dieu roi des Français et en présence d’Etienne de Saint-Thomas docteur en decrets chanoine de l’église de Toulouse, de Bertrand Montguilhan chanoine aussi de ladite église, de Pierre Raymond Auriol et de Guilhem Auriol habitants du lieu de Montesquieu pour ce expressément appelés et priés, et de moi Pierre Fabre clerc habitant dudit lieu de Montesquieu de présent notaire d'autorité royale qui ai retenu le dit acte et me suis signé de ma propre main avec mon seing accoutumé en témoignage de la vérité de tous et chacun des articles ci-dessus. P. FABre. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 369 Telle est ia traduction de cette charte, écrite sur parchemin, en caractères cursifs de l’époque qu’elle annonce ; nous avons tâché de la rendre le plus littéralement possible; mais non sans éprouver la fächeuse nécessité de forcer parfois la langue aux tournures d'une phraséologie latine, vicieuse et incorrecte. En considérant cet acte sous le point de vue moral, ne sem- ble-t-il pas signaler, pour les ecclésiastiques, une manière d’ac- ceptation adoptive toute spéciale et de charité? Comme on le voit, c'est au nom de cette vertu et du motif qu’elle inspire, que les portes de la maison d’un prêtre, chef de paroisse, s’ou- vrent devant un malheureux enfant délaissé et lui garantissent, pour l'avenir, l’existence et l’appui qui lui faisaient défaut, ceux-là qui, dans l’ordre de la nature, eussent dü et voulu, sans doute, les lui prodiguer n'en ayant pas eu les premiers moyens. Mais, selon que nous l’avons annoncé au commencement de ce Mémoire, n'ayant eu en vue que de retirer de loubli un docu- ment inédit, nous laissons à ceux qui pourraient en avoir en- vie, le soin de disserter à son sujet. Toutcfois, en rendant l'hommage qui est dû à la pureté de la vie, à l'excellence de la vertu du prêtre, n'est-il pas naturel de penser et de dire que, loin de les assombrir de quelque nuage, des actes de la nature de celui que nous venons de signaler, sembleraient ne devoir que les faire briller d’un plus vif éclat aux yeux de tous. In nomine Domini, amen. Noverintuniversi presentes pariter ctfuturi quodexistenset personaliter constitutus in mei notariiet testium infra scriptorum presencia, videlicet Raymundus Gasc laborator et habitator loci de Montesquino Lauraguesi diæcesis Tholose dicens cum ipse sit homo senex, delitatus, pauper, sine bonis, non potest per se ipsum gubernare nec habet qui gubernet post decessum Raymundeti filii sui qui gubernare solebat, et de cetero predictus remansit et est cum quodam puero ctatis sex annorum absque gubernacione aliqua eum dicto puero filio quondam Raymundeti Gase defuncti tanquam anibilatus in omni- 310 MÉMOIRES bus. Hinc est quod idem puer querit elcemosinas , hine et inde vadit petendo, tanquam nudus vel quasi jacet seu jaccbat in carreriis loci de Montesquino die atque nocte sine consilium aliquod. Sperans in Domino predictus Raymundus Gasc querit idem puerum ubi eum potest providere per venerabilem et dis- cretum viram dominum Daniel Damel Rectorem ecclesie parro- chialis de Montesquino Lauraguesi cum ipse sit honestus homo, honorabilis, caritatis vite bone et honeste conversationis et fame ; igitur Raymundus Gase gratis non vi, metu, dolo fraude deceptione nec aliqua alia mala mackinatione inductus ad infra scripta facienda, sed cjus certa scientia considerato et benigno animo, motu proprio et voluntate libera, pro ut dixit pro se suis- que heredibus et successoribus universis dedit, cessit, remisit, donavit, derelinquit, quitavit, absolvit, desemparavit, donando concessit donatione pura et simplici ac irrevocabili, sive amore Dei et intuitu pietatis quidem inter vivos facta cum hoc pre- senti publico instrumento nunc et in perpetuum similiter va- lituro, venerabili viro domino Daniel Damelis Rectori ecclesie parrochialis de Montesquino Lauraguesi, ibidem presenti, pro se suisque heredibus tanquam privata persona quam aliter suc- cessoribus universis stipulanti et recipienti, videlicet quemdam puerum juvenem etatis sex annorum qui est nomen el filius quondam Raymundeti Gase, deffuncti pro omnibus suis volun- tatibus ibidem penitus et perpetuo faciendis voluit dictus Ray- mundus Gase quod ipse Johannes puer filius predieti Raymun- deti Gasc deffuneti serviat et teneatur servire eundem dictum dominum Rectorem, ipsum diliget et honoret bona sua mobilia et etiam immobilia , presentia pariter et futura predictus que- cumque servet et eustodiat et etiam omnia inconvenientia eidem evitet et tencatur evitare juxta suum posse, item maneat et mo- ram faciat dictus puer cum dicto domino Rectore nunc et in perpetuum dum vitam duxerit in humanis, et etiam quod pre- fatus dominus Rector dicti loei de Montesquino debeat et te- neatur predictum puerum bene et decenter alimentare sanum ct egrum in cibo potu vestitu pariter et calceatu et in aliis sibi ne- cessariis. Item fuit pactum et concordatum quod idem Ray- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 371 mundus Gase non habeat neque teneatur subtrahere dictum puerum prefato domino Rectori dando seu dandi consilium auxilium ingenium juvamen favorem ipsum amoyendi seu sub- trahendi per eum seu per alias interpositas personas si que sint ullo modo ullo tempore ullis temporibus, ulterius voluit dictus Raymundus Gase quod sit de voluntate ct consensu Barrave uxor que fuit quondam Raymundeti Gasc ibidem presente ct maitre predicti pueri quod premissa laudare et approbare vo- luerit super dicuus et voluit Raymundus Gasc et Barrave mater predicti pucri ibidem presentis quod quilibet et quelibet tangit quod ipse dominus Rector de Montesquino ibidem presente ha- beat ct teneatur facere de dicto puero ibidem presenti suas pro- prias omnimodas volunfates a cetero in perpetuum et quovis modo faciat quod facere decesset patri de suo proprio legitimo filio de eodem puero ad vitam duntaxat, et eliam fuit concorda- tum et pactum quod a cetero dictus puer pro ipsis donatoribus debeat neque teneatur aliquid pro eis facere preter et contra vo- luntatem dicti domini Rectoris neque sine sui licentia quacum- que qui super hoc se obligaverunt dicti donatores Raymundus et Barrave mater predicti pueri et hypothecaverunt sub hypo- thecaria obligatione omnium bonorum suorum seu ipsorum mo- bilium et immobilium presentium pariter et futurorum et de cadem investierunt realiter et de facto per traditionem dicti pueri ibidem presentlis quem tune per manibus tenebant supra dictus Raymundus Gasc et Barrave mater dicti pueri quittave- runt et renunciaverunt quatenus quemlibet et quoslibet tangit qui prefatus dominus Rector dicti loci de Montesquino ibidem presenti scilicet et recipienti pro se suisque heredibus videlicet et successoribus universis {anquam persona privala ut et do- minus Daniel Damelis qui aliter predictum puerum recepit et per manum suam dexteram accepit contemplatione gratis pro Deo et non aliter nec alias, et paulo post ipsum strenavit dedit ct donavit quandam bucellam panis in introitu sui domus ut sic remaneat et etiam concludatur predicta donatio sic facta tot et lantum valoris et roboris obtineat firmitatem ac si divisim ac successive et per debila temporum intervalla facta esset ac etiam 372 MÉMOIRES concessa factum expresse ibidem presente realiter ct solemne faciens dictus Raymundus donator ad voluntatem et consensum Barrave matris dicti pucri, pro dieto domino Rectore de Mon- tesquino de nôn plus petendo superius dato et cessit in solum et pro parte pro se nec non pro alia interposita persona imo promisit et convenit dictus donator pactum validum et expres- sum predicto domino Rectori ibidem presenti prout superius scripli et recipienti de predicto puero superius dato ab omnibus imparatoribus et conditoribus universis ex parle ipsius dona- toris et suorum heredum et successorum duntaxat esse bona et firma donatio ac guirum facere semper et portare bonam et firmam guirentiam et legitimam juris et hoc sub hypotheca obligatione omnium bonorum suorum mobilium et immobilium presentium et futurorum et sub omni juris et facti recusatione ad hoc necessaria et qualibet pariter cauthela et exuens et di- vestiens se dictus donator et sic de voluntate et consensu predite Barrave ibidem presente matris supradicti pueri qualiter eum tangit de predictis superius dato et prefatum dominum Recto- rem verbo in quantum potuit realiter et de facto et per conces- sionem presentis publici instrumenti investivit de ecdem dedit dictus donator dicto donatori plenam licenciam et liberam po- testatem quacumque persone seu superiorum nomine petita vel obtenta renuntians inde dictus donator exceptioni diete dona- tionis et cessionis de premissis pro modo prediclo dicto dona- torio non facte et non concesse et execptioni dictarum evocatio- num ct guirens de premissis per modum pactum non premissum et exceptioni omnium aliorum superius in presenli instrumento contentorum modo premisso non factorum et exceptioni doli mali fori fraudis conditionis indebiti sine causa et in facto actione libelli obligatorii copia presentis instrumenti et omni inter posi- tione de juribus et legibus dicentibus donationes excedentes re- vocari posse propter ingratitudinem si donatori donatorius fuerit ingralus et aliis legibus et juribus tam canonicis quam civilibus quibus mediantibus contra premissum aut premissorum aliquid possel facere, dicere seu venire aut aliquo sensu inovare, deffen- dere vel tucre aliquibus temporibus in futurum et ad majorem DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 313 omnium premissorum robur firmitatem habendam et obtinen- dam prenominate partes et quelibet ipsarum juravit ad et super sancta quatuor Dei Evangelia earum et cujuslibet ipsarum manibus dextris gratis corporaliter tacta premissa omnia uni- versa et singula prout superivs sunt expressala {encre ac com- plere et nunquam contra faccre, dicere sen venire ullo modo, aliqua ratione, aliquo tempore in futurum ; de quibus omnibus universis et singulis dicte partes et eorum quelibet petierunt et requisierunt eis et cuilibet fieri ac retineri publicum instrumen- tum per me notarium publicum infra scriptum et presente dictu donatore. Acta fuerunt hec apud locum predictum de Montes- quino, die XXV mensis julii anno Domini millesimo cccc qua- dragesimo. Regnante illustrissimo principe domino Karolo Dei gratia Francorum rege, presentibus Stephanus de Sancto Thoma, doctor in decretis canonieus ecclesie tholosane ; Bertrandus de Monteguilhano, canonicus ecclesie predicte; Petrus Raymundus Auriol et Guilhelmus Auriol, habitatores loci de Montesquino ad hæc vocatis et rogatis et me Petrus Fabri habitator loci predicti de Montesquino clerico autoritate regia presente notario qui pre- missi vadi requisitus dicta auctoritate recepi ibique manu mea propria me subscripsi ac signo meo consueto signavi in (esli- monium veritatis omnium premissorum et singulorum. P. Fasri. 374 MÉMOIRES NOTE SUR LA VAPEUR VÉSICULAIRE ET SUR LA FORMATION DES NUAGES ; Par M. P. A. DAGUIN. Pour expliquer la suspension dans l'air des particules qui composent les brouillards et les nuages, on a admis, il y a très-longtemps, que ces particules sont formées de globules creux d'une petitesse extrême , remplis d’air saturé d’humidité, et assez légers pour flotter dans l’atmosphère. On a considéré ces globules comme formant un état intermédiaire entre l'état liquide et l'état gazeux, et on leur a donné le nom de va- peur vésiculaire. Le système de la vapeur vésiculaire est abandonné de nos jours par quelques physiciens et météorologistes. Mais il est encore généralement admis et, on peut dire, presque universel- lement adopté dans l’enseignement. Non-seulement ce système est développé dans une foule d'ouvrages sur la météorologie et sur la physique, mais encore il y est présenté comme admis sans contrôle, et il n’est pas fait mention des divers auteurs qui l'ont combattu à différentes époques. Je citerai à cet égard les leçons de météorologie de M. Kaemtz, le traité de météorologie de M. Garnier, le cours de physique de M. Pouillet, et pres- que tous les ouvrages élémentaires destinés aux commençants ; ce qui est beaucoup plus grave, puisqu’un système, suivant nous erroné, se trouve ainsi propagé dans des conditions malheureu- sement {rop favorables. Si l'hypothèse de la vapeur vésiculaire n'avait soulevé au- cune opposition, si l’on n'avait fait aucune tentative pour rem- DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 379 placer les explications qu’elle fournit par d’autres explications, on concevrait que, faute d’autres, et appuyé sur cette espèce de consensus omnium, clle cüt réuni tous les suffrages, Mais, en faisant des recherches historiques sur ce sujet, j'ai été assez sur- pris de trouver que la vapeur vésiculaire avait été repoussée par plusieurs physiciens, il y a déjà très-longtemps. Il faut, en effet remonter jusqu'à Désaguilliers, pour trouver le premier opposant ou du moins l’un des premiers. Ce célèbre membre de l'ancienne Académie des sciences de Paris combattit l'hypothèse dont il s’agit, par divers arguments qui ont été reproduits de- puis; el il pensait qu'elle était au moins inutile pour l'explication des phénomènes. Plus tard , de Saussure, dans son Zygromé- trie, a remis la vapeur vésiculaire en faveur, et a cherché à en prouver l'existence par de nombreuses considérations , et des expériences spécieuses formant un ensemble assez imposant pour que, Joint à l'autorité de son nom , il pût faire oublier complétement le travail de Désaguilliers et entraîner pendant quelque temps tous les esprits. Monge est venu depuis remettre en question l'hypothèse des vésicules, et malgré la confiance accor- dée généralement aux travaux de ce savant illustre, malgré la solidité des arguments qu'il mit en avant, c’est à peine si quel- ques esprits sévères se rangèrent à son opinion. Ce fait aurait lieu de surprendre, si l’histoire de la science n’en montrait de trop fréquents exemples ; n’avons-nous pas vu le système des tourbillons de Descartes être préféré à la gravitation pendant plus de quarante ans, le phlogistique résister pendant plusieurs années à l'évidence des résultats proclamés par Lavoisier, et aujour- d’hui la théorie électro-chimique de la pile avoir encore à lutter contre les partisans de plus en plus rares de l'hypothèse de Volta, Les systèmes que nous venons de citer ont du moinseu l'avantage de provoquer des expériences nombreuses qui ont enrichi la science de faits inattendus et l’ont fait sortir, de ces discussions savantes et souvent passionnées, plusriche qu’elle n’était d’abord ; tandis que le système de la vapeur vésiculaire est resté stérile , ct n'a fait en réalité qu’entraver la marche de la météoro- logie. 376 MÉMOIRES La préoccupation constante des partisans de la vapeur vésiculaire était l'explication de la formation et de la sus- pension des nuages ; on élail embarrassé pour expliquer comment la vapeur montait jusqu'aux plus hautes régions de l'atmosphère ; alors on imagina ces vésicules creuses, remplies d'air humide et que l’on s'évertuait à faire plus légères que l'air, afin de pouvoir les comparer à de petits ballons, qui s’éle- vaient à travers l'atmosphère, jusqu’à ce qu’elles eussent trouvé des couches de même densité moyenne. Il s'agissait ensuite d'expliquer la pluie, et ce n’était pas chose facile; cependant les explications ne manquèrent pas; mais elles ne parvenaient à convaincre que ceux qui, ayant admis l'hypothèse de la vapear vésiculaire, étaient disposés d'avance à adopter tous les fruits qu’elle pourrait porter. Voyons d’abord sur quelles considérations on s'appuie pour prouver l'existence des vésicules. C’est à Saussure qu’on em- pruntait les arguments les plus plausibles. Cet illustre voyageur ayant fait bouillir une infusion de café, vit, au moyen d’une loupe, une foule de petits globules s'élever au-dessus de la sur- face , les uns montaient très-vite, les autres retombaient sur le liquide et roulaient sur sa surface pour être soulevés de nouveau un instant après. Il n’y a qu'à les voir, s’écrie Saussure, pour être persuadé qu'ils sont creux. Cependant Monge et beaucoup d’autres les ont vus sans être convaincus. On a fait remarquer ensuite que les particules qui composent les brouillards et les nuages rebondissent sur les corps secs et même à la surface de l’eau, comme des vessies remplies d'air. Enfin, la réflexion des rayons solaires sur les nuages ne produit pas le phénomène de l’arc-en-ciel, comme dans les gouttes de pluie. IL est facile de renverser les prétendues preuves que nous venons de rappeler. D'abord , dans l'expérience de Saussure, les gouttelettes qui s'élèvent à la surface du liquide bouilt- lant ne doivent leur ascension qu'au courant d'air chaud et dilaté qui monte au-dessus. Ces gouttelettes proviennent de la condensation de la vapeur qui arrive dans un milieu dont la température est plus basse que celle du liquide ; si l'air était DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 377 calme, les gouttelcettes resteraient en suspension, comme les fines poussières qui ne tombent qu'avec une lenteur extrême, quoique beaucoup plus denses que l'air. Cepencant, celles qui sont plus grosses que les autres retombent et viennent rouler à la surface du liquide. Ïl n’est pas plus difficile, du reste, de con- cevoir pourquoi elles ne s’y mêlent pas, quand elles sont pleines quelorsqu’elles sont creuses. Ii suftit d'observer que des gouttes liquides beaucoup plus grosses peuvent présenter le même phé- nomène : vient-on, par exemple, à frapper d'un bäton dans l’eau, on voit souvent des gouttes retomber à la surface et y flotter sans se mêler au liquide. Les rames produisent souvent ce résultat. En projetant des gouttelettes d'alcool avec une fine pipette , dans un vase rempli du même liquide, on les voit souvent sur- nager. Il y a là un effet capillaire dû à la couche d'air qui adhère aux gouttes liquides, et analogue à celui qui se mani- feste quand on fait surnager un fil d'acier poli à la surface de l’eau. L'absence d’arc-en-ciel, dans les nuages , ne prouve pas da- vantage que les globules sont creux. On sait, en effet, que les gouttelettes, creuses ou non , qui composent les nuages , sont extrêmement petites; les faisccaux efficaces sont donc trop minces pour poavoir faire impression sur l'organe de la vue, surtout au devant d'un fond éclatant, comme celui que présen- tent ordinairement les nuages. Les arguments que l’on invoque en faveur de la vapeur vé- siculaire n’est donc rien de sérieux. On peut, d'un autre côté, présenter plusieurs objections. D’abord, quand on arrête les particules des brouillards, aux extrémités de corps déliés, on reconnaît qu'elles rassemblent les rayons du soleil comme le feraient de très-petites lentilles sphériques. En second lieu, la cohésion du liquide qui formerait l'enveloppe de chaque vési- cule, l'aurait bientôt transformée en une gouttelette pleine, l'air intérieur passant au dehors après s'être dissous dans la pellicule d’eau excessivement mince qui forme l'enveloppe, et cela par un mécanisme familier à tous ceux qui ont étudié les lois du mélange des gaz entre eux et avec les liquides. Du reste, 378 MÉMOIRES cet effet de cohésion se voit sur des bulles de savon qui dimi- nuent rapidement de volume, quand l'air qu’elles contiennent peut s'échapper par le tube qui a servi à les souffler. On voit donc que l'existence de la vapeur vésiculaire n’est prouvée par aucune expérience concluante, et qu’elle est même en opposition avec des principes bien établis et des observations directes. Il nous reste à montrer maintenant que cette hypothèse n'est pas nécessaire pour expliquer la formation et la suspension des nuages. Ces phénomènes s'expliquent en effet beaucoup plus simplement sans la vapeur vésiculaire qu’on ne pouvait le faire en s'appuyant sur cet état chimérique de l’eau. Rappelons d’abord que toutes les fois que l’air renfermant de la vapeur se refroidi, celte vapeur suffit, au bout d’un certain temps, pour le saturer , et qu'elle passe à l’état liquide pour peu que le refroitissement continue. C’est ce qui arrive quand Pair humide se trouve en contact avec un corps froid , et c’est par un mécanisme semblable qu'on explique la rosée. Quand le refroidissement à lieu dans toute la masse de l'air, la précipi- tation de la vapeur se fait au milieu de cette masse, et l’on voit apparaître une multitude de gouttelettes très-fines qui en troublent la transparence. C’est ce qui a lieu quand on re- froidit brusquement de l'air humide en le raréfiant dans le récipient de la machine pneumatique. Les gouttelettes dispa- raissen{ souvent en s'évaporant ; quand elles sont assez grosses pour tomber, on a une bruine ; quand elles grossissent encore plus par condensation de nouvelles vapeurs, on a de la pluie. I reste à expliquer comment la vapeur peut parvenir dans les couches supérieures de l'atmosphère pour s’y condenser et for- mer les nuages. C'est ce qu'a fait M. Saigey de la manière la plus heureuse. Les vapeurs qui se forment à la surface de la terre tendent, par leur force expansive, à se répandre en tous sens , notam- ment de bas en haut, et à former une atmosphère de vapeur de densité décroissant avec la hauteur, et indépendante de celle que forme l’air. La présence de ce dernier gaz ne fait que ralen- tir la diffusion de la vapeur. Si la température était la même à DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 379 toute bauteur, et si l'air était en repos, il finirait par s'établir un état d'équilibre dans lequel chaque couche de vapeur aurait une force élastique égale au poids des couches supérieures, et la pression dans chaque couche pourrait se calculer par une for- mule logarithmique très-simple. Mais comme la température s'abaisse à mesure qu’on s'élève, il pourra se faire que la pres- sion correspondan:e à une certaine hauteur soit supérieure à la lension maximum de la vapeur à la température qui règne à cette hauteur. C’est précisément ce qui a lieu avec la loi du décroissement de la température telle que l'observation l'a éta- blie. La vapeur se précipitera donc en gouttelettes à mesure qu'elle parviendra dans les régions élevées de l'atmosphère. De nouvelles vapeurs arriveront alors des parties inférieures, puis- que la vapeur qui s'y trouve ne supportera plus un poids suffi- sant pour faire équilibre à la force élastique, et il se formera un nuage. Onvoit qu'il n’y a pas lieu de chercher comment les particules des nuages ont pu monter, paisqu’elles ne se sont formées qu'après que l'eau qui les compose s’est élevée à l’état de vapeur invisible, par la force expansive propre à tous les fluides élastiques. Cette cause de la formation des nuages n’est pas la seule. Les vapeurs terrestres peuvent encore être transportées à de grandes hauteurs par les courants d'air ascendants que provoque l’échauf- fement du sol, Ces courants donnent naissance ordinairement à des cumulus, et souvent le ciel, pur le matin, est peuplé de nuages à midi. Saussure explique les formes arrondies des cu- mulus à leur partie supérieure, par la pénétration à travers les couches élevées, de la colonne d'air ascendante, dont ces nuages dessinent alors la limite supérieure. On s’est préoccupé de tout temps d'expliquer comment les nuages se soutiennent dans l'air, et c'est dans ce but qu'on avait imaginé la vapeur vésiculaire. La suspension des nuages est due à plusieurs causes : d’abord aux courants d'air ascendants qui règnent pendant le jour. En effet, on remarque que les cu- mulus qu'ils produisent s'élèvent vers midi et s’abaissent le soir quand ces courants diminuent. Le fait est bien connu de tous 380 MÉMOIRES ceux qui ont voyagé dans les montagnes. Il faut remarquer, en second lieu, que les gouttelettes qui composent les nuages tom- bent souvent réellement ; mais une fois arrivées dans des cou- ches d’air plus chaudes et non saturées, elles s’évaporent ; de sorte que le nuage s’use, pour ainsi dire, par sa partie infé- rieure, et finit souvent par disparaître complétement ; de là, la base horizontale qui termine les cumulus, et les changements continuels de forme que présentent les nuages. IL résulte de ce mode de formation des nuages un fait qui, je crois, n'a jamais encore été formulé nettement ; c'est que la pluie ne vient pas des nuages, ou du moins des nuages que l'on voit flotter dans l'air. La pluie tombe au moment même de la précipitation de la vapeur en quantité considérable et formant alors ce qu’on appelle un imbus. Cette précipitation de gran- des quantités de vapeur a lieu quand deux courants d'air de températures très-différentes viennent à se mêler, comme cela a lieu quand le vent change brusquement, ou bien quand un courant d’air rencontre des obstacles contre lesquels il se heurte, de manière à se relever et à pénétrer dans les hautes régions de l'atmosphère , où il se refroidit et précipite la vapeur. C'est à M. Babinet qu’est due la découverte de cette dernière cause de la pluie. On peut expliquer par cette théorie les pluies abondantes qui tombent dans certaines localités où les vents de mer ren- contrent des chaînes de montagnes. Nous pensons pouvoir conclure de ce qui précède que l'hypo- thèse de la vapeur vésiculaire n’est pas nécessaire à l'explication des phénomènes qu’elle était destinée à éclairer ; que son exis- tence n’est prouvée par aucune expérience concluante, et que même les propriétés qu’on lui prête seraient en opposition formelle avec certaines lois de la physique, parfaitement démontrées. II est donc à désirer qu’on renonce unanimement à une hypothèse gratuite qui ne peut qu'entraver la marche de la science. DE L’'ACADÉMIE DES SCIENCES. 381 NOTES SUR PLUSIEURS INSCRIPTIONS GALLO-ROMAINES, INÉDITES ; Par M. pu MÈGE. Les monuments des contrées pyrénéennes n’ont fixé les re- gards des savants que depuis la seconde moitié du xvi' siècle. Les écrivains qui, jadis, s’occupaient de notre histoire, demeuraient indifférents alors que le hasard leur procurait la découverte de quelques-uns de ces objets, qu'ils se gardaient bien de recueillir. L'un d’entre eux, que l’on a beaucoup trop vanté, Guillaume de Catel, en parlant du Château Narbonnais, où siégeait le Parle- ment, et où, comme membre de cette Cour souveraine, il allait chaque jour, n'y a rien vu, en ce genre, digne de fournir à ses investigations que l'on a cru si profundes. Cependant Scaliger avait déjà publié une curieuse inscription qui existait dans l’une des parties de cet édifice (1). Nous devons au même, et au P.Sir- mond, la connaissance du plus grand nombre de nos antiques monuments. Oserons-nous avancer que nous avons beaucoup ajouté aux découvertes en ce genre, et que si nous avons re- trouvé une grande partie des inscriptions fournies à Gruter pour son Thesaurus , nous avons, trop rarement aidé par des amis dévoués, essayé de reconstituer en quelque sorte la mytho- logie pyrénaïque (2) ? Aujourd’hui, des monuments , arrachés à (1) Thesaur. Corpus Absolutiss., pag. mLxxtv, n° 11. (2) Voir notre livre intitulé : Monuments Religieux des Volces Tecto- sages, des Garumni et des Convenæ ; les Mémoires de l’Académie des Scrences de Toulouse ; les Mémoires de la Sociélé Archéologique du Midi . de la France ; la Mythologie Pyrénaïque, dans ia Revue du Midi, ele., etc.; toules nos découvertes dans la chaine des Pyrénées , dans l’Aquitaine et dans la Première Narbonnaise sont rassemblées en corps dans l’Archéologie Pyrénéenne , ouvrage actuellement sous presse. 4° S, — TOME VI. 25 382 MÉMOIRES la destruction et à l'oubli, viennent nous entretenir encore de ces déités qu'adoraient les habitants d’une partie des Pyrénées, déités dont les noms n'avaient pas été recueillis par les écri- vains de l'antiquité, et qui nous rendent quelques pages de l’histoire religieuse des peuples auxquels nous avons succédé. Le P. Sirmond nous a fait connaître le dieu Zeherennus. I découvrit, dans le village d’Ardiége , deux autels dédiés à cet être mythique. Si l’on faisait des recherches sur le nom de celui-ci, on ne trouverait sans doute que des étymologies peu admissibles, comme le plus grand nombre de celles que l'on hasarde, trop souvent, avec une confiance, qui ne saurait se concilier ni avec les règles d'une saine crilique, ni avec ce qu'indique la raison. Nous ne pen- sons pas que l’on puisse trouver cette étymologie dans la langue celtique, bien que l'Aquitaine offre, dans des dénominations de lieux (1), des preuves non équivoques que la langue de l’Armo- rique n'y était pas inconnue. Il est vrai qu’un savant, M. Bau- douin de Maison-Blanche, disait en parlant de Zeherennus : « L'Encyclopédie rapporte des inscriptions Leherenno Deo ; elles sont évidemment romaines ; mais cette divinité fut certainement empruntée aux Gaulois, car Leich er en n’est que le lieu de la conduite, la pierre conductrice. C'est ce Dieu que César a pris pour Mercure, protecteur des voyageurs et du commerce : Aujus sunt plurima simulachra hune viarum atque itinerum ducem arbitrantur. » Celle opinion a été réfutée victorieusement par M. Eloi Johanneau (2), qui remarque, avec raison, que « Lehe- ren ne peut pas être composé de Leich er en, lieu, ou pierre de conduite, car ce nom ne convient nullement à un dieu. » En retrouvera-t-on l'étymologie dans l’une des langues parlées dans la Péninsule hispanique ? Cela ne serait pas impossible. Dans l’idiomce Æscuara , on exprime l'idée d’une première chose par le mot Lehenbicicoric ; un premier être est nommé ——— (1) Verdun, Montelugdunum, Lugdunum, etce., sont des noms de lieux bien connus dans l’Aquitaine. (2) Mémoires de l’Académie Celtique, tom. 3, pag. 223 et pag. 234. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 383 Lehenbicicoa (1). 1 y a loin de là, sans doute , au nom du dicu Leherennus ; néanmoins, on le sait, les étymologistes ne sont pas toujours très-difficiles. En substituant une lettre à une autre, en suppléant à l’absence d’une voyelle, ils obtiennent des résultats qu'ils proclament souvent comme de grandes vé- rités. Mais, dans cette occasion, vouloir retrouver dans le Bas- que, ou l’Escuara, l'étymologie du nom du dieu Leherennus, serait peut-être s’éxposer à des contradictions fondées ; quel- ques-unes viendraient peut-être d’au-delà des anciennes limites de la Gaule. Le savant Keysler indique (2), en effet, dans la Thu- ringe, ce même dieu , mais avec quelques changements dans la dénomination ; et, pour lui, le Lehkeren de nos contrées est le Lahran de la Germanie. Un autre écrivain , plus heureux sans doute, M. Mérimée, a retrouvé le dieu qui nous occupe , jadis adoré sur les bords du Rhin (3). Nous nous occuperons bientôt de cette intéressante observation. Remarquons que, dans les deux inscriptions publiées par Gruter, d'après Sirmond (4) on ne trouve rien qui puisse faire connaître les fonctions et les attributs de ce dieu dans la hiérar- chie céleste. Les voici : - LEHERENNO DOMESTICVS RVFI.F V.S.L.M (5). LEHERENNO DEO TERTVLLVS V.S.L.M (6). (1) Grammatica Escuara ela Francesez, pag. 408. (2) Antiquil, septentrion., pag. 275. (3) Revue archéologique, tom. 1. (4) Page mexxiv, n°5 6 et 7. (5) 4 Leherennus. Domesticus, fils de Rufus, a volontairement acquitté le vœu qu'il avait fait. (G) Au Dieu Leherennus, Tertullus s’est acquitté volontairement du vœu qu’il avait fait. 38% MÉMOIRES Ces deux inscriptions étaient placées dans le mur de face d’une chapelle bâtie, dit-on , à Ardiége par les chevaliers de la milice du Temple. C’est dans le même lieu qu'a été découvert l'autel votif dont voici l'inscriplion, et que j'ai déposé , ainsi que le suivant, dans le Musée des antiques de la ville de Toulouse : LEHERENNO DEG MANDATVS MASVETI. F V.S.L.M (). Mais un autre monument , découvert dans le même lieu, nous apprend que, pour les peuples qui ont été connus sous les noms de Garumni et de Convenæ , le dieu Leherennus n’était pas différent du Hars des Latins. On lit sur la face principale de ce monument : MARTI LEHERENNI INGENVS SIRICCONI . F V.S.L.M(2). Ainsi Mars Leherennus était adoré à Ardiége, confondu tantôt avec le dieu dela guerre, tantôt désigné sous son nom seu- lement. Dans cette inscription , le mot Zeherenni pourrait bien n'être regardé que comme une épithète. L'inscription sui- vante, découverte dans le même lieu, ne présentait le mot marTI qu'après celui de LERERENNI. Il est évident , pour moi, qu'il ne (1) 1l a été donné au Musée, par M. Dulac, habitant d’Ardiége. Voyez : Du Mège, Monuments Religieux des Volces-Tectosages , des Garumni et des Convenæ , pag. 350 (année 1814); et Description du Musée des anti- ques de Toulouse, pag. 41 (année 1835). (2) Zbid. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 385 faut voir dans ce dieu que le mars des peuplades pyrénéennes. Voici l'inscription : DEO LEHEREN MARTI BAMBIX PVBL. LI8 | RCE LE Cette inscription peut être traduite ainsi : Æu Dieu Lehe- rennus-Mars, Bambix, affranchi de Publius, a, volontai- rement, acquitté le vœu qu'il avait fait. Un monument, conservé dans la bibliothèque de Strasbourg, représente un guerrier, Île casque en tête, s'appuyant sur un bouclier et tenant une lance dans sa main droite. M. Mérimée a lu au-dessus de cette image le mot LEHEREN.... et ce dicu serait vraiment le dieu adoré à Ardiége, non-seulement sous le nom de Zeherennus, mais aussi sous celui de Mars. Ainsi, le culte de cet être mythique se serait étendu des bords du Rhin Jusques au pied des Pyrénées. Je viens d'annoncer que Leherennus était adoré particulière- ment dans le lieu d’Ardiége. Il paraît, d’après les monuments que Sirmond y avait découverts, par ceux que j'y ai retrouvés et par ceux que l’on vient d’en retirer, que ce point de l’ancien Comminges, ou du pays des Convenæ , était le sanctuaire où il était révéré. Nous n’avons pas retrouvé d’autres monuments consacrés à Leherennus dans d’autres localités , et c’est encore de ce point que M. Victor Cazes a voulu retirer les autres monuments dont je vais rapporter les inscriptions, et qui, nous l'espérons du moins, resteront parmi nous, pour l'honneur des sciences historiques, et comme de très-importants documents de nos annales antiques (1). (1) Lettre de M. le Curé de cette localité. 586 MÉMOIRES Des démolitions exécutées naguère à Ardiége ont fourni de nouvelles preuves du culte qui y était rendu à Zeherennus ; là, on a retiré des décombres plusieurs autels votifs. L'un fut consacré au Dieu Leherennus par un particulier nommé Bam- bix, nom que nous avons déjà trouvé sur un autel élevé à cet être surhumain : LEHERENO DEC BAMBIX SORI FM: 1 LM. C'est-à-dire : Au Dieu Leherennus, Bambix, Fils de Sorus, a volontairement acquitté le vœu qu'il avait fait. Un autre a été élevé au même dieu par Marcus Seranus : LEHEREN NO MAR SERANVS Un troisième autel trouvé à Ardiége est très-mutilé; mais, à la première ligne, on voit sans difficulté le mot LEnER..…. puis les noms du particulier qui a fait le vœu ont été inscrits, mais ils ont souffert, et on ne lit plus que : Un autre autel dont la corniche a été brisée nous offre le nom de Mandatus, que nous avons déjà retrouvé sur l’un des monu- ments précédents. lei, c’est Maximus, fils de Mandatus, qui a accompli son vœu au dieu Leherennus : LEHERNN DEO MAXIMVS MANDATI. SE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 387 La formule ordinaire (1) annonçant l'accomplissement du vœu est gravée sur la base de l'autel. D’autres fragments antiques ont été découverts récemment à Ardiége (2). Qu'il me soit permis, en finissant ces notes, de prier l’Académie d'adresser des remerciements à M. Cazes , in- vestigateur zélé , dont le père fut distingué, par ses principes et par son courage, à l’Assemblée législative, qui succéda à l’As- semblée constituante, et dont le fils, élève de M. Ingres, vient d’embellir les thermes de Bagnères-de-Luchon de belles composi- tions pittoresques. Qu'il me soit permis aussi de placer sous la protection immédiate de l’Académie nos collections archéologi- ques, qui s’enrichiront un jour des découvertes que M. Cazes et ses émules feront dans nos vallées ; collections qui seront sans doute tout ce qui restera de nos vicux souvenirs, et de ces temps , déjà si loin de nous , où d’autres croyances , el une autre civilisation régnaient dans la Novempopulanie et dans la Gaule Narbonnaise. (1) Votum Solvit Lubens Merito. (2) Là existe encore , sur le sol même , une vaste mosaique ; et l’on a trouvé , près des autels dont nous venons de rapporter les inscriptions, un torse , fragment d’une statue complétement nue. (Lettre de M. le Curé d’Ardiége.) 388 MÉMOIRES BULLETIN DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE PENDANT L'ANNÉE 1856. L 2 Séance M. le Secrétaire perpétuel donne connaissance des nombreux du 3 janvier. : 04 ET Fes ,e ouvrages qui ont été adressés à l'Académie pendant l’interrup- tion des travaux. Plusieurs de ces ouvrages ont été envoyés d'Angleterre, des Etats-Unis , de la Nouvelle-Grenade, de l’Ita- lie , etc. M. Le Jolis, Secrétaire de la Société des Sciences naturelles de Cherbourg , adresse une nouvelle brochure et sollicite le ti- tre de Correspondant. — Renvoyé à une Commission composée de MM. Clos, Joly et Timbal. MM. Maybon et Baptiste ayant établi dans l’île du Ramier, à Toulouse, diverses machines de leur invention , destinées à ra- boter et à varloper le bois, à faire des vis, des tenons et des mortaises, prient l'Académie de vouloir bien nommer une Com- mission afin d'examiner leur invention. M. le Président désigne pour Commissaires MM. Brassinne, Petit et Guibal, auxquels s’adjoindra le Bureau. M. le Secrétaire perpétuel annonce qu’un seul Mémoire pour le concours extraordinaire est parvenu à l’Académie ; mais au- cun autre n’a été reçu pour le concours ordinaire. Le Bureau général sera convoqué pour l'examen du Mémoire relatif au concours extraordinaire. M. le Président rend compte des principaux faits intéressant l'Académie qui se sont accomplis pendant les vacances. Il an- nonce que le récolement du médailler déposé au Musée de la ville a été fait le 28 décembre par M le Trésorier, avec l'assistance du Délégué de M. le Maire et de M. le Directeur du Musée. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 389 Au nom de M. de Malbois, Correspondant, M. Petit lit un mémoire sur les terrains lacustres de l’Ardèche et du Gard. L'auteur fait remarquer que lorsque la mer se retira, après avoir déposé les dernières couches du terrain crétacé , des lacs remplirent la plupart des dépressions et des grandes vallées. Un de ces grands amas d’eau s’étendait des montagnes néoco- miennes de la Sere de Barjac jusqu'à Montpellier. M. de Malbos en a déterminé les limites, et il rend compte des observations et des découvertes qu’il a faites dans ce terrain lacustre; il cite notamment les belles empreintes de végétaux qu’il a rencontrées dans les strates supérieures de la carrière de la commune de Saint-Jean. L'une d'elles surtout s’écarte des formes des végétaux connus; c’est une feuille très-longue , res- semblant assez à celle de certains roseaux ; elle est finement striée dans le sens de sa longueur, mais au delà de deux ner- vures très-prononcées qui semblent terminer la feuille des deux côtés, court une frange élégante dispersant ses lanières et se terminant vers l'extrémité de la feuille en panache ondoyant. M. de Humblot a décrit les feuilles d’un palmier de l'Amérique qui ressemblent beaucoup à ce végétal fossile. M. de Malbos cite également une feuille de chamærops qui avait un mètre quarante centimètres de longueur, et il ajoute que c'est dans les marnes feuilletées que l’on peut faire une ré- colte abondante de feuilles de la plus belle conservation. Enfin, il termine son Mémoire par des considérations géné- rales sur le peu de probabilité du renouvellement de ces pertur- bations profondes qui , aux époques géologiques, ont modifié si profondément la surface du globe. Après la lecture de la correspondance, M. Jocx, appelé par l'ordre du travail, communique à l’Académie un Mémoire , in- titulé : Sur quelques diplogénèses ow monstruosités doubles observées chez nos animaux domestiques, notamment chez nos oiseaux de basse-cour ; établissement de deux nouveaux genres tératolog'iques désignés sous les noms d'Ischiomèle et d'Agnathocéphale, (Imprimé, page 33.) 10 janvier. 390 MÉMOIRES Cette communication donne lieu à de nombreuses observa- tions présentées par divers membres. M. Lavocat fait remarquer d’abord toute l'importance des études suivies déjà depuis longtemps par M. Joly, en continua- tion des travaux célèbres de Geoffroy Saint-Hilaire. Ces travaux, tant sur l'homme que sur les animaux, prou- vent jusqu’à l'évidence que la formation des prétendus mons- tres rentre dans le système général de la création ; ils sont suu- mis à des lois uniformes, et l’on peut établir parmi eux des fa- milles tout aussi naturelles que celles qui ont servi à classer les êtres réguliers. Ainsi, les monstres doubles sont toujours formés de deux su- jets distincts. Dans quelques cas, ces deux sujets sont presque identiques ; dans d’autres cas, l’un des sujets, plus petit, plus imparfait que l’autre, se nourrit aux dépens de celui-ci, et n'en est pour ainsi dire qu'un simple appendice. La science a enregistré plu- sieurs exemples très-connus de diplogénèses , ou monstres dou- bles, même dans l'espèce humaine. Ainsi, les deux frères Sia- mois réunis par le sternum, et qui se sont mariés, dit-on, en Amérique; les deux sœurs Rita et Christiana , qui offraient deux têtes, deux poitrines et quatre bras, mais qui n'avaient qu'un seul bassin et deux jambes seulement ; les deux filles hongroises connues sous les noms d'Hélène et de Judith, etc. M. Sauvage exprime , à son tour, tout l'intérêt que lui a ins- piré le Mémoire de M. Joly. Toutefois , et relativement au dou- ble cerveau, qui doit exister, selon cet académicien, dans la tête de l’un des animaux expérimentés, M. Sauvage eût préféré, sous le rapport scientifique, que l’autopsie en eût été faite pour bien constater ce fait, au lieu de conserver le sujet intact, uni- quement pour le placer dans son entier sur les rayons de quel- que collection tératologique. Sous le point de vue du droit , M. Molinier trouve que le tra- vail de M. Joly soulève de graves questions, relativement à l'existence des monstres et à leur viabilité. Les classifications de M. Geoffroy Saint-Hilaire et les recherches de M. Joly peu- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 391 vent amener à des applications et à des solutions très-re- marquables de quelques difficultés de médecine légale, sur- tout en ce qui concerne les successions et l'aptitude à hériter. IL appelle sur ces questions les méditations de l’auteur du Mé- moire. M. Dassier donne quelques détails sur l'existence et la mort de Rita et de Christiana , dont le nom a été rappelé dans la dis- cussion , et qu'il eut l’occasion d'observer à Paris, chez M. Geof- froy Saint-Hilaire. Rita fut malade une première fois ; déjà elle était devenue pâle , froide et presque sans pouls ; Christiana , au contraire, conservait sa gaîté et sa fraicheur; peu après, la mourante se colora de nouveau, la chaleur revint avec le sang que lui renvoyait sa sœur, et la vie triompha de la mort; mais, quelque temps après , Rita tomba de nouveau grièvement ma- lade , et l'existence s’éteignit en elle. Sa sœur était encore gaie et pleine de sänté; mais bientôt elle pälit, s’affaissa à son tour, et cette fois, la mort triompha de toutes deux. M. Dassier rappelle ensuite le fait récemment observé à Tou- louse, et dont tous les journaux ont parlé; c’est celui de cet homme mort à l'hôpital militaire, et dont le corps a présenté à l’autopsie le cœur à droite, le foie à gauche , enfin le renverse- ment complet des viscères. Cependant cet individu , âgé de 22 à 24 ans, était fort, très-bien portant, et sa conformation inté- rieure n’a nullement contribué à sa mort, qui a été amenée uniquement par une affection gangréneuse au bras. M. Astre croit que le fameux passage du Médecin malgré lui prouve que Molière devait avoir eu connaissance de quelque cas analogue à celui qui a été observé à Toulouse. M. Joly con- firme cette remarque en rappelant que le fait consigné par Mo- lière fut constaté à cette époque sur un invalide ; il ajoute que d’ailleurs l'inversion des viscères n'offre aucune influence sur le système osseux , ainsi que l’a reconnu le docteur Charvet, à la suite de nombreuses observations relatées dans les ouvrages publiés par ce médecin. A l'appui de cette opinion, M. Lavocat cite les nombreuses dissemblances que met en lumière l'anatomie comparée. La po- 17 janvier. 392 MÉMOIRES sition des viscères , surtout chez les mammifères, peut varier et varie fréquemment sans que la vie soit intéressée. Après avoir prononcé la clôture de la discussion , M. le Pré- sident remercie M. Joly de son importante communication. La séance est terminée par un rapport de M. Astre, au nom du Comité, sur le règlement des comptes de l’année 1855. L’Aca- démie approuve ces comptes ct vote des remerciments à M. le Trésorier. M. Jocv communique à l’Académie une note intitulée : Un mot sur la question des subsistances, à propos d'un diner d'hippophages. Après avoir rappelé et prouvé par des chiffres les funestes ef- fets de la misère , et par suite ceux d’une nourriture insuffisante ou plus animalisée sur le développement physique, intellectuel et moral des populations, M. Joly se demande si, en présence de la cherté et de la rareté des subsistances, il est sage et pru- dent de laisser sans usage les 40 ou 50 millions de kilogram- mes de viande de cheval qui chaque année se perdent sans au- cun profit pour l'alimentation générale. Cette viande, qu’il s’a- girait d'utiliser, excite, il est vrai, des répugnances à peu près générales ; mais ces répugnances ne reposent que sur un préjugé qu'il faut combattre et détruire, si la chose est possible. Or, MM. Renault, à Alfort, L Gcoffroy Saint-Hilaire, de l'Institut, à Paris, et tout récemment M. le professeur Lavocat, à Tou- louse, ont démontré, ipso facto, que la chair du cheval, non- seulement n’est pas nuisible à la santé, mais encore qu’elle donne un bouillon nourrissant et d’une saveur très-agréable. Le célèbre chimiste Liebig lui-même a constaté que ce bouillon, en raison de la grande quantité de créatine qu’il contient, pos- sède des qualités nutritives bien supérieures à celles des bouil- lons de bœuf ou de mouton. De son côté, M. Joly vante, sans restriction , le filet légère- ment mariné et finement piqué et les succulents Lorsesteacks qui figuraient au diner hippophagique donné, il y a quelques semaines, par M. le professeur Lavocat, Enfin, l’auteur de fa DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 393 note termine par celle conclusion : les ressources que la viande de cheval peut fournir à l'alimentation publique n’éprouvent d'autre obstacle que celui provenant d’un préjugé très-répandu , mais sans fondement. C’est une erreur préjudicielle qui doit être combattue par la science et par tous les moyens. M. Lavocat félicite M. Joly d’avoir appelé l'attention de l’Aca- démie sur une question aussi utile au point de vue économique des subsistances. A l'appui de la communication de son confrère , et pour faire ressortir tout l'intérêt qui s'attache à cette question, dont Fim- portance n’est pas généralement appréciée, M. Lavocat expose les considérations suivantes : La population chevaline est actacllement en France d’envi- ron # millions. La mortalité annuelle est à peu près d’un dou- zième, soit de 350 mille. Sur ce nombre, environ 50 mille animaux meurent de diverses maladies et ne peuvent pas être utilisés. Reste donc 300,000 chevaux, ânes et mulets qui, abattus à la fin de leur service ou par suite d'accidents, peuvent être uti- lisés par la consommation. Or, on sait qu'en moyenne un cheval, pesant #00 kilos, donnera en viande débitée comme celle de boucherie une somme d'au moins 150 kilog. C'est donc la masse énorme de #5 millions de kil. de viande qui, chaque année, pourrait être livrée à la consommatien. En conséquence , dit M. Lavocat, dans ces temps difficiles , lorsque tant de gens se nourrissent mal, ne serait-ce pas une utile ressource, un véritable bienfait pour la partie souffrante de la population , que de livrer, au prix de 25 à 30 centimes, la viande de cheval à peu près perdue aujourd'hui et qui en - réalité fournit un aliment sain et agréable. M. Gatien-Arnoult fait observer que la chair du cheval n’est pas un mets nouveau , et que nos soldats et bien souvent aussi les étudiants pauvres en ont fait usage, soit sciemment , soit subrepticement. Là n’est pas la question : elle est tout entière dans le préjugé qui existe et qui doit avoir sa raison d’être. 391 MÉMOIRES Pour le combattre, il faudrait démontrer victorieusement et contrairement à l'opinion populaire que cette viande est bonne, tendre ct agréable à manger. Selon M. Astre, on aurait établi en Suède, il y a une vingtaine d'années, des boucheries de viande de cheval ; mais elles n’ont pas pu se soutenir, et on a dü les fermer, sans doute parce que le goût des populations s’est trouvé en désaccord avec les affirmations de la science; il existe d’ailleurs un argument bien puissant contre ce genre d’aliment, c'est que, depuis des milliers d'années, l'homme a utilisé tout ce qui pourrait servir à sa subsistance, et que cependant il n’a eu recours à la viande du cheval qu’à la derntère extrémité, par exemple dans les sié- ges prolongés ou dans les terribles famines , alors que les rats et les animaux les plus immondes étaient aussi mis à contribu- tion et dévorés. Enfin , sous le rapport social, et considéré , par conséquent, sous un point de vue beaucoup plus sérieux, la vente publique du cheval pourrait avoir de graves dangers par les sentiments de jalousie qu’elle susciterait de la part de ceux qui en feraient usage contre les classes qui, au contraire, ne consommeront que les produits de haute boucherie, c’est-à-dire le bœuf, le veau et le mouton. M. Gaussail pense que l’hippophagie a excité depuis quelque temps un enthousiasme irréfléchi, et qu'il y a lieu de croire que {out ce bruit ne produira aucun résultat sérieux ; il trouve même que cette discussion est peu académique , et il aurait pré- féré qu’elle n’eùt pas été soulevée. M. Molinier examine la question sous le point de vue éco- nomique ; il ne pense pas qu’on puisse admettre à priori le prix de 23 à 30 centimes le kilog., indiqué par M. Lavocat. Il est un principe constant en économie politique, c’est que le prix est toujours en rapport avec la demande. Or du jour où la viande de cheval, aujourd’hui à peu près sans emploi , serait recherchée , sa valeur s’élèverait en raison même du dévelop- pement que prendrait la consommation. De son côté, M. Dassier pense que les données statistiques “ DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 395 présentées par M. Lavocat n'offrent peut-être pas un caractère incontestable d'authenticité , car rien n’est difficile comme cette constatation du nombre exact des bestiaux; il trouve surtout très élevé le chiffre de 300,000 animaux qui pourraient être utilisés, alors que l’on n'en compte que 50,000 morts de ma- ladie, et cependant les chevaux vieux, maigres, étiques ne paraissent pas pouvoir être livrés à la consommation ; il serait donc utile de compléter les recherches par de nouveaux docu- ments. M. Vitry fait observer que la question se réduit à un fait qui n'est contesté par personne , à savoir que la viande de cheval est saine et qu'elle peut être consommée. Tout le monde est d'accord à ce sujet ; par conséquent, dans l'état actuel des choses et quelle que soit la plus ou moins grande quantité de viande qu'on peut retirer, il y a là un élément de richesse à peu près totalement perdu aujourd’hui , car tout ce qui n'est pas utilisé est un appauvrissement de la richesse sociale. L'introduction d'un nouvel élément propre à animaliser la nourriture des clas- ses inférieures serait donc un bien, sous le rapport humani- taire. Quant aux abus et aux dangers que pourrait offrir cette nouvelle branche de commerce , il serait facile de la réglemen- ter administrativement , ainsi que cela se fait aujourd’hui pour la brebis, pour la vache et pour tout ce qui se rapporte à ce que l’on appelle la basse boucherie. Enfin, M. Lavocat demande la parole pour répondre aux di- verses objections qui ont été soulevées. Il croit que tout ce qui se rapporte à l'alimentation publique offre un intérêt assez majeur pour que les corps savants aient à s’en occuper ; il affirme que la vente officielle de la viande de cheval ferait disparaître beaucoup d'abus existants; il cite no- tamment un aubergiste de Toulouse qui a été convaincu de l'avoir employée longtemps et illicitement à la confection de ses ragoüts. Du reste, les ouvriers de l'Ecole Vétérinaire et ceux de l'Ecole d’Alfort en mangent très-souvent. Il affirme que lui- même en a fait un fréquent usage, et qu'il est très-difficile de la distinguer de celle du bœuf. Il ajoute qu'il n’est pas néces- 24 janvier. 396 MÉMOIRES saire que le cheval soit jeune et gras, car tout le monde sait que la graisse renferme proportionnellement très-peu de subs- tance nutritive ; que le cheval qui a été servi dans le repas qui a donné lieu à la note de M. Joly était âgé de dix-huit ans; qu'il était tout à fait hors de service, et que cependant tous les con- vives n’ont trouvé la chair ni dure ni filandreuse; enfin que, pour combattre le préjugé injuste dont le cheval est l'objet, ses partisans et les savants eux-mêmes emploient le meilleur moyen : c'est de prêcher par l’exemple. Après cette réfutation, M. le Président clot la discussion , ct la séance est levée. L'ordre du jour appelle M. For à donner lecture de lun de ses travaux. Il communique à l’Académie une partie du travail qu'il a exécuté en commun avec son collègue M. Joly, professeur à la Faculté des sciences, sur la composition chimi- que et les propriétés du lait. (Ce travail a été couronné, il y a quelque temps, par l’Académie de médecine de Bruxelles. ) Le Mémoire de MM. Joly et Filhol est divisé en cinq parties. Dans la première, intitulée : Partie historique, les auteurs citent et discutent les travaux des savants qui se sont occupés ayant eux de recherches scientifiques sur le lait. La deuxième partie est consacrée à l'exposé des propriétés physiques et chimiques du lait. Elle renferme , en outre, une discussion approfondie de la valeur des procédés employés par les chimistes pour analyser ce liquide, et elle est terminée par des tableaux dans lesquels sont consignés les résultats des nom- breuses analyses que MM. Joly et Filhol ont faites pour établir la composition des laits de femme, de vache, de chèvre, de brebis, d’ânesse, de jument, de chienne et de truie. L'influence de la nature et de la quantité des aliments sur les qualités du lait, celle des maladies, des médicaments, de la fatigue, des émotions vives, etc., fait l’objet de la troisième partie. Un chapitre spécial est consacré à la description des proprié- tés du lait sécrété dans des cas anormaux. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 397 Dans la quatrième partie, les auteurs traitent avec détail de l'alimentation artificielle des nouveau-nés. Enfin, la cinquième partie est consacrée à l'examen comparé de la composition chimique du jait, des œufs et des graines ali- menlaires. La communication de M. Filhol consiste seulement dans la partie chimique de ce travail. Voici les principaux faits consi- gnés dans cette partie : Aucun des procédés chimiques employés jusqu'à ce jour pour doser le beurre contenu dans le lait ne fournit des résul- tats d’une exactitude irréprochable. Presque toujours, le chiffre du beurre indiqué par les analyses est trop faible ; au contraire, celui de la caséine est trop fort. MM. Joly et Filhol obtiennent des résultats plus précis en substituant aux procédés ordinai- res un procédé qui consiste à jeter sur un triple filtre de pa- pier un poids déterminé de lait, à laisser la filtration s’opérer, et à épuiser par l'éther les filtres coupés en petits morceaux. L'évaporation de l'éther fournit le beurre. Le dosage du beurre étant fait avec plus d’exactitude, celui de la caséine présente aussi plus de précision, car le beurre que les procédés ordinaires ne permettent pas d'atteindre est retenu par la caséine. MM. Joly et Filhol ont déterminé la proportion du sucre con- tenu dans le lait par la méthode de Bareswil. La matière ex- tractive et les sels ont été dosés aussi avec soin. Les auteurs du Mémoire ont déterminé la densité des divers laits ; ils ont mesuré leur opacité à l’aide du lactoscope de M. Donné, et leurs recher- ches, d'accord avec celles de plusieurs auteurs, les ont portés à regarder les instruments destinés à faire évaluer la qualité du lait d'après la densité qu'il possède comme susceptibles de faire commettre les erreurs les plus grossières. Divers auteurs ont admis que le lait contient toujours une quantité plus ou moins forte d’albumine ; l’un d'eux, M. Doyè- re, croit que lait de femme contient plus d'albumine que de caséine, ce qui lui communiquerait des propriétés toutes spé- ciales, et porterait à considérer comme fâcheuse la substitution he S.— TOME VI. 26 398 MÉMOIRES des laits de vache, de chèvre, d’ânesse, ete. à celui de femme dans l'alimentation des nouveau-nés. MM. Joly ct Filhol n’ad- mettent pas qu'il existe de l’albumine dans le lait normal; ils démontrent que ce qui a été pris pour de l’albumine est un produit qui ne préexiste pas dans le lait et qui se forme pendant l’analyse, sous l'influence de la présure, à l’action de laquelle ont eu recours tous ceux qui ont prétendu qu'il y a de l’albu- mine dans le lait. Le lait des animaux nourris exclusivement de viande contient de l’albumine, et renferme à peine des traces de caséine. MM. Joly et Filhol ont pu produire à volonté de l'albumine dans le lait de chienne, en soumettant les animaux, objets de leurs expériences, au régime de la viande. M. Quevenne avait admis que le lait contient de la caséine suspendue et de la caséine dissoute. La caséine suspendue n’est pas visible au microscope, lorsqu'on examine du lait pur ; mais elle devient visible quand on mêle le lait avec un peu de pré- sure; elle apparaît alors sous la forme de petits granules qui ne ardent pas à se rassembler en affectant la formule de petites plaques membrancuses. MM. Joly et Filhol prouvent que le lait ne contient pas de caséine suspendue ; que les granules apercus par M. Quevenne sont formés de caséine coagulée par la présure, et qu'on peut les produire en mêlant le lait avec des traces d'alcool, d'acide acétique, d'acide phosphorique, etc. L'analyse du lait de femme porte MM. Joly et Filhol à con- sidérer ce lait comme remarquable par la faible proportion de caséine et par la quantité notable de beurre et de sucre qu'il renferme. L'analyse du lait de vache a fourni aux auteurs de ce Mé- moire l’occasion de rectifier une erreur qui s’est introduite dans le travail de M. Quevenne. Ce chimiste affirme, en effet, que le lait fourni par les vaches de Paris est plus riche que partout ailleurs. Le lait fourni par les vaches de nos contrées est au moins égal et quelquefois supérieur à celui des vaches de la capitale. Le contraire a lieu pour le lait chèvre qui est plus DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 399 pauvre chez nous qu'il ne l’est à Paris. MM. Joly et Filhol croient que cette différence dépend du peu de soin avec lequel les chèvres sont nourries à Toulouse. Le lait de brebis est beaucoup plus riche que les précédents ; il est surtout remarquable par la quantité de beurre et de ca- séine qu'il renferme. Ce lait ne contient pas plus de sucre que celui de la vache; il doit être très-nourrissant, mais difficile à digérer ; il convient surtout pour la fabrication du fromage. On dit généralement que le lait d'ânesse est celui qui se rap- proche le plus du lait de femme. En effet, il ressemble à ce der- nier par la faible proportion de caséine qu’il renferme ; mais il en diffère en ce qu’il contient beaucoup moins de beurre, beaucoup moins de matériaux solides. Ce lait doit être léger et peu nour- rissant. Le lait de jument tient le milieu entre celui de vache et celui d’ânesse. Enfin , les laits de vache ct de truie sont ceux qui contien- nent la proportion la plus considérable de matières nutritives. A la suite de cette lecture, M. Sauvage demande si les au- teurs du Mémoire ont pu établir par des expériences le rapport direct et parfait entre la femelle et le nourrisson, en un mot, si les diverses qualités de lait ont une cause d’être, et si cha- cun d'eux est susceptible de communiquer telles ou telles pro- priétés ; ainsi, par exemple, il demande ce qu'il y aurait de vrai dans cette opinion populaire et ancienne que certains hom- mes, nourris par des chèvres ou autres femelles d'animaux, ont eu des qualités ou des passions en rapport avec le lait qu'ils avaient sucé. M. Filhol répond que le lait de chaque espèce est incontesta- blement composé des éléments les plus propres à son alimenta- tion, mais que rien dans la science n’a prouvé jusqu’à ce jour l'influence dont a parlé M. Sauvage. M. Petit demande à son tour si le lait d'ânesse, dont on fait un usage si fréquent dans les maladies de poitrine, justifie par sa constitution la vogue dont il jouit. De son côté, M. Clos signale, à propos de la présare, l'emploi qui pourrait être fait de la plante appelée le caille-lait. 31 janvier. 409 MÉMOIRES A propos de cette observation, M. Timbal ajoute que la fleur d'artichaut a beaucoup plus d’action au moment de la floraison que lorsque les fleurs ont été fécondées. M. Kilhol répond, quant au lait d’änesse, que son emploi a sa raison d'être, moins dans ses propriétés que dans sa composi- lion, qui est telle que, renfermant proportionnellement une: plus petite quantité de matière solide, sa digestion et son assi- milation sont plus faciles ; que, du reste, il y a toujours dans la rature des corps quelque chose que la chimie ne peut ni pro- duire ni expliquer : c’est cette combinaison des éléments consti- tutifs qui fait varier à l'infini l'état physique des corps. Quant au caille-lait, il n’a pas cru devoir l'employer dans ses expé- riences, parce que M. Parmentier, qui en avait fait usage, n’a- vait pas obtenu de coagulation satisfaisante. M. Ccos fait, au nom d’une Commission , un rapport favo- rable sur quelques nouveaux Mémoires de botanique, envoyés par M. Le Jolis, à l'appui de sa demande du titre de correspon- dant. Déjà l’Académie avait reçu, il ÿ a quelques années, plu- sieurs ouvrages du même auteur. M. du Mège avait fait un rap- port sur ceux de ces ouvrages qui étaient relatifs à des recher- ches archéologiques, et M. Joly avait également rendu compte de ceux qui traitaient d'histoire naturelle. Ces divers travaux constituent, selon la Commission dont M. Clos est l'organe, des titres suffisants pour mériter à M. Le Jolis le titre de corres- pondant. Après ce rapport, le scrutin sur cette candidature est ren- voyé, conformément au règlement , à l'une des prochaines séances , pour laquelle il y aura des convocations spéciales par billet motivé. M. Desparreaux-BERNarD communique l'éloge de feu M. le docteur Vigucrie, associé libre de l'Académie. ( Imprimé , page 169.) Cette lecture a été suivie de quelques observations de M. Gaus- sail, qui ont principalement porté sur l'habileté avec laquelle M. Viguerie pratiquait la lithotomie ; de M. Dassier, sur l'état DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. ROA des études anatomiques à Toulouse dans les temps anciens ; de M. Larrey, sur une des dissertations manuscrites dont a parlé M. Desbarreaux-Bernard dans son éloge, et de M. Ducos, qui a exprimé des souvenirs de reconnaissance envers la mémoire du docteur Viguerie. L'ordre du jour appelle ensuite FAcadémie à voter sur une candidature pour le titre de Membre correspondant. M Le Jo- lis, archiviste perpétuel de la Société des sciences naturelles de Cherbourg, ayant obtenu au scrutin secret le nombre de suf- frages prescrit par le règlement , est nommé Associé correspon- dant dans la classe des Sciences, section d'Histoire naturelle. M. Lavocar, désigné par le tableau du travail. communique à l’Académie un Mémoire ayant pour Utre : Considérntions g'é- nérales sur les êtres communément appelés monstres. L'auteur établit que lés faits tératologiques simples ou wnitaires se ré- duisent en général à un arrêt de développement atteignant une ou plusieurs parties , et que le dernier terme de ces imperfec- tions, graduées et variées, se voit lorsque l'être, à peine ébau- ché, se présente à l’état de mâle. Quant aux diplogenèses, dit M. Lavocat, elles résultent tou- jours de deux ovules qui, par des causes accidentelles, au lieu de se développer isolément, se sont plus ou moins réunis. Mais la soudure n’a jamais lieu qu'entre les parties correspondantes des deux sujets, qui s'unissent l’un à l’autre exactement comme sur un être normal et d’après les mêmes lois embryogéniques : remarquable conformité, qui est bien loin de justifier, pour les êtres tératologiques, le titre de monstres sous lequel on les dé- signe, et surtout les idées qu'on y attache généralement. A la suite de ces généralités, M. Lavocat s'occupe de la fa- mille des sysomiens et plus particulièrement du genre déro- dyme. De différentes observations, il déduit les conclusions sui- vantes ; 1° dans les diplogenèses où il y a communauté du tho- rax et de l'abdomen, les organes similaires de la partie sous- ombilicale ont une tendance à se réunir ; 2° lorsque la réunion de deux organcs n’a pas lieu, c’est que l’un d'eux, arrêté dans 7 février. 14 février. 402 MÉMOIRES son développement, cest resté rudimentaire ou a disparu com- plétement ; 3° enfin, au lieu de ces désordres aveugles que l’on suppose chez tous les êtres frappés d'anomalie, il y a, au con- traire, comme dans les organisations normales , une régularité constante et une admirable symétrie. Après celte lecture, M. Joly ayant obtenu la parole, rapporte qu'il a eu en sa possession un agneau dérodyme, dont la con- formation venait confirmer ce qu'a dit M. Lavocat. Il pense aussi que les êtres appelés improprement monstres sont soumis à des lois invariables qui peuvent être déterminées. M. Sauvage déclare qu’il a leregret denepouvoir pas admettre les conclusions de MM. Lavocat et Joly. Selon lui, la nature ne saurait ètre normale dans ses écarts. On rencontre, sans doute, la conformité à ses lois dans les parties régulières des mons- tres; mais là où elle s’écarte de ces mêmes lois par l'effet de circonstances accidentelles et diverses, il ne peut plus y avoir l'unité et la régularité. L'ordre ne saurait exister là où il n’y a que le désordre et la déviation des règles préétablies. M. Timbal-Lagrave invoque à l’appui des idées émises par M. Lavocat ce qui a lieu dans le règne végétal. Les plantes ont aussi leur tératologie offrant des phénomènes soumis à des règles fixes. M. Lavocat et M. Joly répondent aux observations de M. Sau- vage en invoquant les faits qui ont été constatés, Ils pensent que l’action des circonstances accidentelles qui déterminent la forma- tion des monstres ne peut se produire que dans des conditions données et est elle-même soumise à des lois. De là cette unifor- mité des faits qui a permis de former des espèces et de faire des classements. C’est ainsi qu’on a pu constater sur un sujet présenté à l'Académie aux séances précédentes , nne monstruo- sité double sur laquelle était établie une autre monstruosité simple. M. ou Mëce communique l'éloge de feu M. Manavit, membre résidant. ( À imprimer.) M. Dessarreaux-Bervarp dépose sur le bureau cinq Mémoires DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 4:03 manuscrits ayant appartenu à l’Académie et trouvés dans les papiers de feu M. Vigucrie. En outre, il fait don de trois volumes du Recueil des Jeux Floraux qui manquaient à la collection de la bibliothèque. Après le dépouillement de la correspondance, et comme corollaire, M. Joy donne connaissance d'une lettre qui lui a été adressée par M. Geoffroy Saint-Hilaire pour l'encourager à continuer ses efforts relatifs à la défense et à la propagation de l'hippophagie. Dans cette lettre, le célèbre professeur du Muséum d'histoire naturelle insiste sur la nécessité de combattre, par tous les moyens, le préjugé qui pèse si injustement sur la viande de cheval, considérée au point de vue de l'alimentation. M. Sornix , appelé par l’ordre du travail, lit un Mémoire sur les polyg'ones sphériques réguliers. (Imprimé , page 76.) M. Brassinne félicite M. Sornin d’avoir choisi pour objet de ses études la polygonométrie sphérique, et de continuer les {ra- vaux des géomètres qui s’en sont occupés, tels que Kepler, Cognoli, Ociani, Legendre, Puissant, etc., aujourd'hui surtout que celte partie des mathématiques est en grand honneur parmi les savants allemands. 11 invite l’auteur du Mémoire à recher- cher aussi les relations et les propriétés des polygones sphériques construits au moyen des petits cercles de la sphère; lui-même s'était occupé de ces questions, et il était arrivé à trouver quel- ques relations fort curieuses, qu’il n’a pas fait imprimer parce qu'il a pensé qu’elles avaient été peut-être publiées en Alle- magne. M. Molins se joint à M. Brassinne pour applaudir ce Mémoire, qui lui paraît présenter plusieurs nouvelles propositions de géométrie sphérique ; il signale à M. Sornin un travail de M. Steiner, inséré dans le journal de M. Liouville, et il l'invite à étudier ce que deviennent les surfaces et les angles dans la comparaison des polygones plans et des polygones sphériques à périmètres égaux. M. Sornin remercie les préopinants de leur approbation , et il fait remarquer que, du Mémoire qui vient d’être lu, il résulte 40% MÉMOIRES qu’en comparant les polygones plans aux polygones sphériques, l'angle de ces derniers est toujours plus petit. Un membre propose de déclarer une place vacante dans la classe des inscriptions et belles-lettres. Cette proposition est prise en considération. Dépositaire des manuscrits et de la correspondance du profes- seur Allire-Raffineau-Delille, dont il a été l'élève, M. Jocx commu- nique à l’Académie une lettre, datée de la Malmaison, 7 germinal an x1n1, et adressée par Joséphine Bonaparte au citoyen Delille, alors Sous-commissaire du Gouvernemant français près les Etats-Unis, plus tard, membre de l'Institut d'Egypte, corres- pondant de l’Institut de France et Professeur de botanique à la Faculté de Médecine de Montpellier. A l’appui des observations qu’il avait présentées dans la der- nière séance, et en réponse aux objections soulevées par M. Sau- vage, relativement aux lois qui régissent les prétendus mons- tres, M. Lavocar met sous les yeux de l’Académie 1° un fœtus de chat double appartenant au genre opodyme (Geoffroy Saint- Hilaire) ; 2° les têtes osseuses d’un agneau double, du genre iniodyme. Ces faits tératologiques, sans être très-rares, sont fort inté- ressants, en ce qu'ils démontrent jusqu’à quel point les deux corps d’un être double peuvent s’unir et se confondre. En effet, dans la famille des monosomiens, à laquelle appartiennent les deux genres dont il est question , les deux corps sont si complé- tement réunis en un seul, que, même à la dissection, il n'ya plus de trace de dualité. Quant aux têtes, elles sont à occiput commun dans l’agneau iniodiyme ; mais dans le chat opodyme, la fusion plus avancée a réuni en une scule les deux têtes crà- niennes, et la dualité n’est plus indiquée que par les deux faces contiguës et divergentes. Cette union si simple et presque entière, chez les monoso- miens, est déjà bien remarquable par sa symétrie et sa grande régularité. En outre, dit M. Lavocat, elle peut être complétée par la pensée, si l’on considère que, dans la famille des mon0- DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. 105 céphaliens, les deux boîtes sont parfaitement confondues en une seule. De cet ensemble de faits, n'est-il pas permis de conclure qu’en réunissant si intimement certains êtres doubles, la nature dévoile ses tendances constantes à revenir vers sa loi fonda- mentale, qui est l'unité ? M. Joly exprime le regret que M. Sauvage n’assiste pas à la séance, car cette nouvelle communication l'aurait convaincu de l'existence de la loi de symétrie, qui régit la formation des êtres doubles. M. Lavocar demande de nouveau la parole pour entretenir l'Académie de quelques données historiques relatives à l'origine du préjugé contraire à l'emploi de la viande du cheval pour l'alimentation. Ces documents ont été développés, l’année der- nière , dans les leçons de M. Geoffroy Saint-Hilaire, de Paris. Il en résulte que les anciens peuples du Nord, et notamment les Scandinaves et les Germains, voués au culte d’Odin, immo- laient à leurs dieux des chevaux blancs élevés avec le plus grand soin dans des pâturages sacrés, Après le sacrifice , ils faisaient cuire la chair de ces animaux cet la servaient dans des festins. Cette coutume, qui faisait partie des mœurs nationales, se conserva dans les peuples du Nord jusqu’à ce que le christia- nisme, pénétrant parmi eux, dut employer tous ses efforts pour la détruire, ainsi que tout ce qui était de nature à entre- tenir les croyances ou les souvenirs du paganisme. L'interdiction de la viande de cheval fut prononcée de bonne heure par les papes. Plusieurs lettres en font foi, entre autres celle de Grégoire III à saint Boniface, archevêque de Mayence, dans le vin® siècle. C’est ainsi qu'avec les progrès du christianisme , l’usage de la viande de cheval finit par être abandonnée. Au désir qui faisait rechercher cette substance alimentaire fut substitué un éloignement qui, peu à peu, s’enracina dans les mœurs, se répandit et devint une aversion générale. Telle est l’origine du préjugé qui existe encore de nos jours. 21 février, 406 MÉMOIRES Utile autrefois chez des peuples barbares, voués aux pratiques du paganisme, il a fait son temps. Aujourd’hui, il est inutile et, de plus, nuisible aux intérêts de l'humanité. Aussi, com- mence-t-il à se dissiper chez les nations chrétiennes et civilisées de l’Europe moderne. M. Gatien-Arnoult rappelle que c'est lui qui, à l’occasion de la première communication de M. Lavocat, avait signalé la nécessité de rechercher les causes du préjugé relatif à la viande de cheval ; il voit avec plaisir que M. Gcoffroy Saint-Hilaire est entré dans cette voie. Cependant, le mot de preuves histo- riques lui paraît un peu ambitieux relativement au fait signalé. Certes , la lettre de Grégoire I est un document curieux, mais il doute que cette interdiction de la part du Saint-Siége soit la seule et unique cause d’un préjugé si généralement répandu. A ces considérations, M. Astre ajoute que depuis longtemps ces peuples scandinaves se sont soustraits à la domination papale par la réformation ; ce motif les aurait portés à revenir à l'usage de la viande de cheval s’il n’y avait pas d’autres rai- sons pour la repousser de l'alimentation. M. Joly fait observer que lorsque les préjugés se sont enracinés , il est bien difficile de les extirper. IL cite comme argument en faveur de la puis- sance des idées religieuses , l'horreur que les Juifs et les Turcs manifestent contre la viande de pore, dont les peuples chrétiens font au contraire une si grande consommation. La discussion ayant été close par M. le Président, la séance est levé . M. Sorxix commun'cue verbalement à l'Académie des recher- ches sur la question suivante, qui se rattache à la théorie des nombres : « Combien doit-on employer de poids au minimum pour pouvoir peser, à un gramme près, tous les corps, jusqu’à une limite donnée, (Imprimé, page 37.) M. Brassinne fait observer que l’une des formules employées par M. Sornin a été déjà donnée par Lagrange dans ses lecons à l'Ecole normale, mais que la partie vive de cette communication DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k07 est le résultat obtenu à l’aide de la seconde formule, qui indique que l’on peut peser, avec 14 poids seulement, 2,391 kil. Ce résultat est très-remarquable. M. Brassinne désirerait de plus que l’auteur prouvât la question minimum en la démon- trant d’une manière générale. M. Sornin réplique que telle est son intention alors qu'il déposcra sur le bureau la rédaction définitive de la communi- cation qu’il vient de faire. M. Perir lit, pour son tribut académique, une notice histo- rique sur la fondation du nouvel Observatoire de Toulouse. Après avoir donné un apercu sommaire des travanx de ses prédécesseurs, il rappelle qu'en 1839, ayant été appelé à pren- dre la direction de cet établiss n ent, il ne tarda pas à recon- naître les inconvénients qe j résentait l’ancien Observatoire, consiruit autrefois par Garipuy au sommet de sa propre maison, située dans la rue des Fleurs. Cet Observatoire, qui était devenu la propriété de la ville, était « evé sur des murs d’une hauteur prodigieuse, exposés par conséquent aux dilatations produites par les rayons solaires, et surtout aux oscillations et ébranle- ments du sol, résultant de la circulation considérable des voi- tures sur la route impériale qui longe l'allée Saint-Michel, Secondé, dit-il, par le concours énergique de M. U. Vitry, alors architecte en chef de la ville, M. Petit obtint la rédaction du projet d'un nouvel Observatoire tel que le monument füt établi sur un point éloigné des voies de communication du roulage, et cependant assez élevé pour dominer toutes les constructions urbaines, tout en ne donnant qu’une très-faible hauteur aux massifs de maçonnerie sur lesquels devaient reposer les instru- ments. C’est ainsi que fut choisi le coteau dit des Redoutes, sur lequel a été construit, en 1841, et sur les plans de M. Vitry, celte utile création, qai est l’une de celles qui, selon M. Petit, doivent faire le plus d'honneur à la ville de Toulouse. Il raconte les nombreuses difficultés qu’il a dû surmonter, après la retraite de cet architecte, de la direction des travaux de la ville, pour amener l'entreprise à bonne fin, résultat qu'il n’a obtenu qu'au :08 MÉMOIRES prix de mille tourments, et qui a été complété par un legs de 15,000 fr., fait par M. Bousquet, pour être employé par M. Petit, seul, dans l'intérêt de l'Observatoire et de l’astro- nommic, Il passe ensuite à l'énumération des richesses du nouvel éta- blissement, pour lequel la ville a dépensé près de 200,000 fr. Il montre avec quel soin les instruments ont été établis ; il cite notamment le plus important et le meilleur de tous, la lunette méridienne, qui fut construite de 1787 à 1802, sur la demande de Cassini, par Zamsdow, artiste anglais, le plus célèbre cons- tracteur de l’époque, et qui a été donnée à la ville par le bureau des longitudes, ainsi que le quart de cercle devenu aujourd'hui historique, avec lequel Lalande éleva à la gloire de notre pays, l'un des plus beaux monuments astronomiques; l’AÆistoire Céleste Française donnant les positions exactes de 50,000 étoiles ; l'appareil de Bord, l'équatorial avec son toit tournant, la construction du cercle mural commencée depuis dix ans et à laquelle le Gouvernement concourt pour une somme de 10,000 fr.; enfin, les divers autres instruments sont succes- sivement mentionnés et décrits dans la notice de M. Petit. M. Molins regrette que l’auteur, encore sous l'influence de l'irritation qu'ont naturellement amenée les difficultés qu'il a dû surmonter, ait donné trop de développement à cette partie de son travail, et qu'il n’ait pas, au contraire, donné plus d’étendue à l'analyse des travaux de Garipuy, de Vidal et de ses autres prédécesseurs ; il y avait là des recherches curieuses à faire pour l'histoire de la science astronomique à Toulouse. M. Filhol ajoute qu'aux instruments déjà existants, il serait à désirer qu'on püt joindre ceux qui ont été nouvellement inventés et qui observent tout seuls, en les enregistrant, les phénomènes atmosphériques. M. Petit répond que, lors de son prochain voyage à Paris, il examinera ceux de ces instruments qui peuvent être introduits à l'Observatoire de Toulouse, et quant à la remarque de M. Molins, il fait observer que les travaux de ses prédécesseurs DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 4:09 ont été insérés dans la première série des Mémoires de l’ancienne Académie des sciences de Toulouse. Après quelques renseignements fournis par M. Vitry sur la construction et la disposition du nouvel Observatoire, dont les plans et les détails ont été gravés dans le recueil intitulé : Choix des édifices construits en France, M. le Président accorde la parole à M. Guieaz, pour un rapport relatif à la machine à faire les mortaises , soumise à l’Académie par MM. Maybon et Bap- tiste. (Imprimé, page #1.) M. Vitry appuie les conclusions du rapport, en faisant obser- ver que la machine des sieurs Maybon et Baptiste lui a paru supérieure à celles qu'il avait eu l'occasion de voir à l'Exposi- lion universelle, et cette supériorité tient à la faculté du dégor- gement de l'outil, et surtout à la palette, si ingénieusement disposée pour rejeter les copeaux au dehors. Les efforts de ces ouvriers intelligents et laborieux lui paraissent devoir être encouragés, surtout en présence des circonstances nouvelles que l'Exposition universelle a signalées. En effet, dans les tro- phées du Canada, on remarquait des échantillons de magnifi- ques bois d'Amérique d'espèces variées, mais surtout des portes, des croisées et des persiennes fabriquées au Canada même, qui ne reviendront , rendues en France, qu'à un prix inférieur à 15 ou 20 pour cent à celui que l’on paie aujourd'hui pour les objets de tenture analogues. Ces Canadiens, presque tous d’origine française, ont su ainsi tirer le parti le plus avanta- geux de leurs bois magnifiques, en les débitant et les façonnant avec des machines qui leur permettent d'établir cette fabrication sur une grande échelle et d'opérer d'énormes économies sur la main-d'œuvre, qui constitue l'élément principal des objets de menuiserie. Ce fait important doit être pris en grande consi- dération , car tout cela est le progrès fatal qu’il faut accepter de gré ou de force. M. Ducos remet sur le bureau une ancienne clef en fer d’un travail curieux , trouvée dans sa propriété de Clermont, et dont la fabrication paraît remonter au xrr° siècle. 28 février. L10 MÉMOIRES Appelé par l'ordre du travail, M. Asrre lit un Mémoire inti- tulé : Considérations historiques sur l'épiscopat toulousain. (Imprimé, page 45.) Vu l'heure avancée, M. Astre renvoie la lecture de la deuxième partie de son Mémoire à une des prochaines séances. M. Belhomme demande la parole pour faire observer que, dans plusieurs documents, on trouve que le Comte donnait à l'Evêque le titre de senior, et cette qualification paraît devoir atténuer cette position d’infériorité qui semblerait résulter du travail dont il vient d'être donné lecture; il ne conteste pas que les Comtes ne s’emparassent souvent des richesses et des revenus de l'évêché; mais, en montant au pouvoir, le fils rendait tou- jours ce que le père avait pris, et reconnaissait même qu’il avail gravement péché, gravier peccavit. Quant au droit d'asile, quelque profonds que fussent les abus que les autorités ecclésiastiques cherchaient du reste à réprimer, il existait encore au xv° siècle : car il a eu l’occasion de voir dans les archives plusieurs actes qui établissent que ce droit ayant été violé à cette époque dans le couvent des Augustins, les Capitouls furent vivement admonestés par le Pape. M. Barry demande également la parole et dit qu’il a écouté avec intérêt le Mémoire de M. Astre, et qu'après cette lecture il se demande encore s’il existe chez nous des matériaux suffi- sants pour faire une histoire des évêques. On ne peut guère tirer que quelques inductions très-vagues des renseignements qui existent encore ; du reste, cette histoire des évêques est presque impossible dans la plupart des diocèses, car, ainsi que les Béné- dictins l'avaient reconnu, les documents historiques ont com- plétement disparu. Quelques rares localités possèdent encore des pièces impor- tantes : ainsi, on a trente à trente-cinq lettres d’un évêque de Cahors, du vu° siècle, ainsi que sa biographie écrite par un clerc. On y voit des détails qui soulèvent un petit coin du voile qui enveloppe ces époques barbares et reculées. Ainsi, cet évêé- que, du nom de Desiderius, fait le commerce; il vend des DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h11 cochons, du vin, et il meurt assassiné dans l'église, par l'association des bouchers, au moment même où il officiait. M. Brassinne, en rappelant que Gibon dit qu'un roi visigoth entendait tous les jours la messe d’un évêque arien, désirerait qu'on püt préciser l’époque où l'arianisme a cessé à Toulouse. M. du Mège répond que la liste des évêques ariens n'existe pas, mais que la position des évêques de Toulouse était bien celle indiquée par M. Astre, tandis que d’autres évêques des environs avaient, au contraire, un pouvoir beaucoup plus étendu : ainsi, celui de Rodez était comte de Rodez , et l’ar- chevêque d'Albi était, avec le roi, co-seigneur de cette ville. M. Astre discute les diverses observations qui ont été pré- sentées ; il insiste sur celle particularité qu'il n’a pas voulu faire une histoire des évêques, mais seulement rapprocher les quelques documents épars dans les diverses chartes conservées jusqu’à ce jour, et tirer de ces rapprochements quelques induc- tions propres à jeter un peu de lumière sur la nature et l'éten- due de l'autorité des prélats toulousains et sur leur position envers les pouvoirs politiques qui gouvernèrent la cité. M. Barry fait un rapport sur le précis des travaux de l’Aca- démie de Rouen; il signale un travail très-curieux relatif à la demande adressée par Colbert aux magistrats de cette ville ten- dant à obtenir des ouvrages et des manuscrits qui lui sont en effet accordés pour la bibliothèque particulière qu'il formait dans son hôtel à Paris. Ce fait n’a certainement pas été signalé, dit M. Barry, par les panégyristes qui ont écrit la biographie du célèbre ministre. Selon M. Belhomme, ce n’est pas seulement la bibliothèque municipale de Rouen qui a été dépouillée par des ministres et par le gouvernement ; ainsi, à Toulouse, la riche collection formée par le cardinal de Foix, dans le collége qui portait son nom, perdit 400 volumes de manuscrits sur vélin, qui furent enlevés par M. d’Aguesseau ; il existe dans les archives les races de ces spoliations. M. Desbarreaux-Bernard trouve dans ce que dit M. Belhomme 6 mars. 45 mars. k12 MÉMOIRES un fait bibliographique très-important, qui cependant n'avait jamais été consigné. M. da Mège fait remarquer qu'il l’a publié dans ses notes, à la suite de l’Æistoire du Languedoc. Après cette observation , la séance est levée. M. Lemeyre, appelé par l'ordre du jour, a entretenu l'Académie de deux travaux qu'il vient de terminer. L'un a pour titre : Considérations géognostiques sur les échino- dermes des Pyrénées. L'autre est intitulé : Mémoire sur le terrain jurassique des Pyrénées françaises. Enfin, M. Lemeyrie rend compte verbalement à l’Académie d'un voyage géologique qu’il a fait en octobre dernier dans le département des Basses-Pyrénées (arrondissement de Bayonne). M. SorxiN dépose sur le bureau la rédaction de la commu- nication verbale qu'il a faite dans la séance du 21 février dernier, sur un problème relatif à la théorie des nombres. Cette rédaction contient la solution de la question de minimum sur laquelle M. Brassinne avait appelé, à cette occasion, l'attention de l’Académie. M. Barry donne lecture d’un essai sur la géographie histo- rique et politique de l'Espagne. Il s'attache dans ce travail à faire ressortir les traits distinctifs de la Péninsule Ibérique, sous le double rapport du chef et du contour, et à mettre ensuite en évidence les individualités de versant, de bassins et de pro- vinces qui s’y sont maintenues de tout temps et s’y maintien- nent encore, grâce à la configuration caractéristique du sol, avec une persistance très-remarquable. M. Vitry présente quelques observations relativement à l’ana- logie qui existe entre le profil général de l'Espagne et celui de l'Amérique méridionale. Ainsi, comme en Amérique, les pentes sont extrêmement douces et prolongées à l'Est, tandis que les points les plus élevés sont tout près de l'Océan, vers lequel les pentes sont rapides et abruptes. La vallée de l'Ebre s'étend jus- que près de la limite occidentale, de même que le fleuve des Amazones en Amérique; tandis que les provinces de Guipuscoa, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 413 de Santarem, de la Galice, cte., présentent ces inelinaisons rapides vers la mer que l’on retrouve dans le Pérou et le Chili. M. Mounier fait un rapport verbal sur un ouvrage envoyé par M. Fabre, avocat à Toulouse. Cet ouvrage, intitulé De la prospérité publique, a pour base essentielle la création d'une banque territoriale qui émettrait du papier pour une valeur de dix miilions. M. Molinier discute la proposition de l’auteur en insistant sur le danger résultant de la création d’une masse aussi considérable de papier-monnaie, dont l'émission entrai- nerait infailliblement une profonde perturbation. Cette idée n'est pas neuve; elle aurait été déjà produite par le célèbre Law. Toutefois, M. Molinier propose d'adresser un écrit à M. Fabre pour lui annoncer que son ouvrage sera déposé dans la bibliothèque de l’Académie. Ces conclusions sont adoptées. L'Académie déclare ensuite une place vacante dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres ; et fixe au 24 avril prochain le jour où la nomination aura lieu. Les candidats pourront déposer leur demande et leurs travaux à l'appui jusqu’au 10 avril inclusivement. Conformément au règlement, M. le Président désigne M. Mo- linier pour rédiger une notice sur M. Benech, dont l'Académie a eu naguère à déplorer la perte. M. le Ministre de l'instruction publique annonce qu'il a mis à la disposition de l'Académie un exemplaire des œuvres du baron de Stassart. M. Grat envoie plusieurs médailles et quelques objets trouvés à Saint-Jean de Verges. Renvoyé à une commission composée de MM. Barry, du Mège, Belhomme. M. Decaviexe , appelé par l’ordre du travail, communique à l’Académie une étude historique et littéraire sur le théâtre français au xim° siècle. Il a voulu surtout marquer ce point précis où, dans les lettres comme dans le jeu dramatique, H® S, — TOME vi. 27 3 avril. n1% MÉMOIRES l’idiome moderne se dégage du latin. Parmi les plus lointains essais de notre théâtre, empruntés encore aux sujets sacrés, mais éerits pour la première fois en langue vulgaire, il en a choisi un, et de beaucoup le plus important, le jeu de Saint- Nicolas par Jehan Bodel. Après avoir retracé la vie de Bodel à l'aide de ses poésies et surtout de son congé, M. Delavigne indique son triple rôle comme ménestrel, trouvère ct auteur de jeux dramatiques. Mais avant de faire l'analyse et l’appré- ciation de la pièce, il étudie d’abord l’histoire de la légende. Il en trouve les diverses aventures comme répétées à l’envi par les imagiers, les peintres verriers, les sculpteurs sur ivoire. Elles étaient le sujet de ces miracles en langue latine que les écoliers jouaient la veille de la fête du saint leur patron, et dont trois ont été conservés avec des refrains en langue romane, sous le nom d'Hilarius, disciple d'Abélard. Par une analyse exacte de la pièce, M. Delavigne montre comment un fait nu, livré par la légende, s'est enrichi sous l'imagination pieuse et chevaleresque de Jean Bodel. Il détache surtout une scène vraiment épique, qu’eût applaudie le vieux Corneille, et où revit la pieuse vaillance qui animait le poëte croisé. Après l'appréciation du jeu, il termine en embrassant , dans un tableau rapide , le mouvement des lettres et des arts au xue siècle, et montre le drame participant à ce mouvement universel et prêt à entrer dans une époque nouvelle, où non- seulement la langue sacrée, mais encore les sujets sacrés dispa- raîtront devant les sujets profanes. Adam de la Halle, surnommé le Bossu d'Arras, son jeu de la Feuillée, sa pastorale de Robin et Marion, marqueront les points principaux de cette nouvelle étude. M. Belhomme demande la parole et félicite l’auteur d’avoir, par ses intéressantes recherches sur l'art dramatique, apporté une nouvelle preuve à l’appui de ce fait aujourd'hui incontes- table, à savoir que c’est du sein de l’église qu’a surgi la renais- sance de tous les arts ct de toutes les sciences. Quant à la sécu- larisation de l’art dramatique , il ne pense pas qu'on puisse l’attribuer, comme l’a fait l’auteur, à ce que les confréries se DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 415 détachèrent successivement des influences religieuses, car, jus- qu'à la révolution de 1789, toutes les corporations générale- ment quelconques avaient une chapelle dans l'église; elles étaient toujours placées sous le patronage d’un saint dont la fête était célébrée avec pompe, et cette coutume picuse s’est continuée jusqu'à ce jour. M. Sauvage fait remarquer que ce n’est pas en France seule- ment, et dans les temps relativement modernes, que les croyan- ces religieuses ont enfanté l’art dramatique, car dans l'antiquité c'est aussi la religion qui a donné naissance à cet art. M. Dubor soumet quelques observations relativement à l’in- troduction de la langue vulgaire dans la représentation des mystères, introduction que M. Delavigne place au xnr siècle, tandis qu'elle paraîtrait devoir être fixée vers le x° siècle, d'après les manuscrits de Saint-Martial, cités par M. Fauriel ét dans lesquels Dieu et les Saints s'expriment toujours en latin, tandis que le clerc et le peuple parlent la langue vulgaire. M. Delavigne, répondant aux préopinants, déclare qu’il n’a pas pu dire que les confréries s’étaient soustraites au giron de l'église, mais que l’art dramatique, qui s'était borné primitive- ment à mettre en scène la légende chrétienne, s'était sécularisé peu à peu, en introduisant d’abord des personnages étrangers, et puis en traitant des sujets tout-à-fait en dehors de la légende. Quant à la langue farcie, ainsi qu’on la nommait, c’est-à-dire au latin et au roman parlés par les divers personnages suivant leurs conditions, il croit qu'il est très-difficile de préciser exac- tement l'époque où elle a commencé à être employée ; ses sou- venirs ne lui permettent pas cependant de penser qu’on puisse la faire remonter jusqu’au x° siècle, ainsi que le pense M. Du- bor ; c’est, du reste, un fait à vérifier. M. CLos, appelé aussi par l’ordre du travail, communique un mémoire d'organographie végétale au sujet de l’une des plantes les plus communes dans le midi de la France et en par- ticulier à Toulouse, la Lampourde épinense, Xanthium spino- sum. Linn. (Imprimé, page 66.) CL 40 avril. 4:16 MÉMOIRES Après cette lecture, M. Sauvage fait observer que les Acadé- mies de province forment en quelque sorte une réunion ency- clopédique dont les divers membres s'occupent spécialement de sciences {out-à-fait différentes ; que dès lors le langage techno- logique de chacune d'elles est peu accessible à la généralité des auditeurs ; il désirerait donc qu'après la partie scientifique , chaque auteur résumât, dans un langage vulgaire, les consé- quences principales et philosophiques qui résultent de la com- munication qu'il vient de faire à l’Académie. Cette observation ne s'applique pas seulement au mémoire dont M. Clos vient de donner lecture, et dans lequel ce professeur a donné des preuves de beaucoup d’érudition, mais à tous ceux qui n’ont pour objet que l'examen des questions parement scientifiques ; car, à part sa technologie particulière, chaque science a sa philosophie propré. M. Filhol, président, fait observer qu’en général les lecteurs ont soin de présenter d'une manière succincte les conclusions de leurs ouvrages ; ainsi, du travail de M. Clos, par exemple, il résulte évidemment que d’un seul et même élément la nature peut faire naître dans la lampourde trois organes distincts : la fleur, la feuille et l’épine. M. Desbarreaux-Bernard demande si la culture ne modifierait pas cette plante en faisant disparaître les épines, ainsi qu'il est arrivé pour l’oranger. M. Clos répond négativement, car elle est cultivée depuis plusieurs années au Jardin des plantes sans que sa constitution ail éprouvé de changement. M. Vert écrit à l’Académie pour annoncer qu'il se présente pour concourir à la place vacante dans la classe des Belles- Lettres , et il envoie deux ouvrages à l'appui de sa candidature. M. Caze adresse une semblable demande avec un Mémoire manuscrit el plusieurs ouvrages imprimés. L'Académie renvoie l'examen de ces candidatures à une Commission composée de MM. Astre, Hamel et Dubor. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. ELA M. Noucer annonce qu'il a reçu de M. Parayre, de Castres, pour être présentés à l’Académie, des fossiles qu'il a trouvés au rocher de Lunel. M. Noulet est invité à faire un rapport sur cet envoi. M. BRassixxE , désigné par l’ordre du travail, communique à l’Académie la première partie d’un Mémoire sur les mouve- ments d’une masse liquide peu profonde, comprise entre deux wméridiens terrestres. Ïl pense que la solution de cette question théorique peut éclairer les phénomènes nombreux et complexes des marées de l'océan Atlantique. Dans cette première partie, dont il donne verbalement Fana- lyse, l’auteur examine les équations du mouvement d’une masse liquide données par Laplace, et il discute les grandeurs relatives des quantités qui entrent dans leur composition. Il démontre ensuite : {° que la relation remarquable donnée dans le tome 2 de la Mécanique céleste (livre 3, n° 10) s'applique aussi bien à an onglet sphéroïdal qu’au sphéroïde tout entier ; 2° que les fonctions qui expriment lélévation de la couche du sphéroïce au-dessus de la sphère, combinées par multiplication avec les termes du développement du potentiel de l'onglet sphérique, donnent des produits qui sont coefficients des puissances inverses du rayon de la sphère, lesquels satisfont à l’équation fonda- mentale, aux différences partielles de Laplace. Au sujet de cette équation aux différences partielles du second ordre à trois termes, M. Brassinne examine les solutions ana- logues relatives aux équations de mème forme, à quatre, cinq termes, etc. Après ces préparalions analytiques, l’auteur traite des oscil- lations de la mer, de première espèce, c’est-à-dire de celles qui sont dues aux actions combinées de la lune et du soleil, indé- pendamment du mouvement diurne de la terre. L'auteur a demandé à l’Académie un délai pour compléter cette première partie de son travail par des applications numé- riques. En applaudissant à la clarté avec laquelle M. Brassinne a fait 17 avril. 418 MÉMOIRES l'exposé verbal de son Mémoire, M. Gascheau fait observer qu'un travail qui traite des questions d’un ordre aussi élevé, ne peut être convenablement apprécié sur une première audi- tion ; il exprime le vœu que ce Mémoire soit imprimé au plus tôt, afin qu’il soit possible de l’étudier avec fruit. M. Sornin se félicite de voir M. Brassinne entreprendre un commentaire très-intéressant et très-utile de la Mécanique céleste de Laplace. Cette entreprise, dont il a pu apprécier les diffi- cultés par sa propre expérience, ayant eu l’occasion de déve- lopper l’un des chapitres de ce livre, est appelée à rendre les plus grands services aux sciences mathématiques. M. AsrRe lit une suite à ses précédentes notices sur l'Insti- tution smithsonienne de Washington ; il rend compte du sep- tième volume publié par cet institut, ainsi que des huitième et neuvième rapports annuels de ses directeurs. M. Astre analyse les quatre mémoires contenus dans le sep- tième volume, et dont un surtout, relatif aux antiquités abori- gènes du Wisconsin, offre beaucoup d'intérêt. Il résulte des indications fournies par les deux rapports, que l'Institution est en pleine prospérité, que toutes ses collections scientifiques et sa bibliothèque , dans laquelle les Mémoires de l’Académie des Sciences de Toalouse occupent une place honorable , augmen- tent rapidement d'année en année ; que les généreuses intentions du fondateur sont en tout remplies. Ainsi, dans un pays où l'impulsion du gouvernement général se fait peu ou point sentir, où l'instruction publique n’est pas organisée comme elle l’est en France, l’Institut fait faire par des hommes savants et habiles des cours publics et gratuits sur les sciences et les belles-lettres , tels que ceux que nous devons aux professeurs de nos facultés. M. Cunq, de Bordeaux, adresse à l’Académie une machine à calculer. L'examen en est renvoyé à M. Sornin. M. Nouzer fait hommage d’un exemplaire de l’Æssai sur Fhistoire littéraire des patois dans le midi de la France. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 19 M. Gamiex-Arvoucr, appelé par l’ordre du travail, lit une note sur l'Ecole du Palais , au temps de Charlemagne, et sur la pièce d'Alcuin intitulée : Disputatio regalis et nobilissimi Juvenis Pippini cum Albino scholastico. (Iniprimé, page 248.) Après quelques observations succinctes de MM. Belhomme, Dubor et Barry sur cette communication , la parole est donnée à M. Novzer pour un rapport sur plusieurs fossiles adressés à l’Académie, les uns par M. le baron du Périer, membre du Con- seil général de la Haute-Garonne, les autres par M. Parayre, pharmacien à Castres. Les débris d’ossements fossiles découverts par M. du Périer dans le vallon de Gardigeol , près de Monestrol, arrondissement de Villefranche , consistent dans des fragments de carapace et de plastron d’une {ortue du genre eucyde, et des portions de mo- laire inférieure d’un animal du genre cerf. L'intérêt incontes- table que présente cette communication justifie la proposition que fait M. Noulet de décerner une médaille d'encouragement à M. le baron du Périer. L'envoi de M. Parayre renferme des débris de deux mâchoires de Laphiodon-Lautricensis (Noulet}, ayant fait partie d'une même (êle appartenant à un individu adulte, mais jeune encore. Ces débris ne peuvent plus laisser aucun doute sur la provenance spécifique des spécimens précédemment examinés et classés par M. Noulet, et, sous ce rapport, ils offrent une grande impor- tance paléontologique. En conséquence, M. Noulet propose d'accorder à M. Parayre un nouveau témoignage de l'intérêt qu'inspirent ses recherches et ses travaux. Ces propositions ayant été discutées , l'Académie décide que des médailles d'argent seront décernées, en séance publique, à M. le baron du Périer et à M. Parayre. M. Tillol, correspondant , adresse une note sur la théorie générale de l’involution; elle est renvoyée à l'examen de M. Brassinne, qui fera un rapport à l'Académie. M. Catalan sollicite une place de correspondant, et il transmet 24 avril. k20 MÉMOIRES plusieurs travaux à l'appui de sa demande. M. le Président désigne M. Brassinne pour examiner les titres de M. Catalan. M. Timsar-LaGrave , appelé par l’ordre du travail, commu- nique un Mémoire ayant pour titre : Observations critiques et synonymiques sur lherbier de l'abbé Chaix. (Imprimé, page 85.) 4 Suivant l'ordre du jour, il doit être procédé à la nomination d’un membre résidant. M. Dusor annonce que M. Vert se désiste de sa candidature. M. AsrRe fait un rapport sur les‘travaux et les titres de M. Caze, conseiller à la Cour impériale, et à la suite du scrutin, ce candidat est proclamé membre de l’Académie, dans la classe des Inscriptions et Belles-Lettres. M. Jorv, délégué de la Société impériale zoologique d'accli- malalion, annonce à l'Académie qu'il vient de recevoir de cette Société un envoi de graines provenant de la Chine, de la Loui- siane , de la Floride et de l'Italie. Les graines qui sont venues de Chine portent les noms qui suivent : 1° Gou-tong-chou , 2° Ta-teou, 3° Ouang-teou ou Man-teou, 4° Tong-tsé, 5° Lo-teou, 6° Qui-ma-tsé, 7° Lo-ou-sen, 8° Arbre à suif. Du Canada proviennent : 1° une espèce d'orge, 2° du blé très-beau, 3e des pois des champs , 4° des pois des jardins. De la Louisiane, deux espèces de melons, dont l’un à chair verte. Enfin, le sorgho à sucre, vulgairement le millet de Ca- frérie , et le blé de Toscane , dont la paille sert à confectionner les chapeaux. Des renseignements fournis par l'extrait d’une lettre datée de Ning-Po , 1° janvier 1856, il résulte que : 1° le Gou-tong-chou est un arbre dont le port ressemble à celui de notre platane ; les fleurs sont de la couleur du gui; eïles forment de très-gros bouquets qui sèchent sur l'arbre et ne tombent qu'avec les feuilles, en automne. 2e Le Ta-teou est une espèce de haricots, à très-longues gousses, qui donnent abondamment et sont excellents à manger. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k21 3° On désigne en Chine sous le nom d'Ouang-teou, ou man- teau, des haricots jaunes dont on se sert pour faire de l'huile. Les Chinois plantent ces haricots dans des terres presque incul- tes, à une très-faible profondeur ; ils les recouvrent, lorsqu'ils le peuvent, avec des cendres, puis ils les arrosent avec de la poudrette allongée d'urine. Plus tard, ils réitèrent cet arrosage deux ou trois fois, à un mois d'intervalle à peu près, L° Les Tong-tsé sont les graines d'une espèce de stryènos dont on fait un grand usage dans tout l'empire chinois. Les peintres en bâtiment n’en emploient pas d'autre. Complétement recuite, elle donne un vernis passable ; légèrement recuite, elle sert dans les peintures ordinaires ; non recuite, elle est employée à faire du mastic et à calfater les embarcations, jonques, etc. 5° Le Teou, pois verts qu'on mange en purée, et qui sont regardés comme très-rafraîchissants. 6° Gui-ma-tSé. Ce sont les graines de l’ortie blanche (Urtica japonia. Linn.) Cette ortie équivaut à notre lin ; elle est vivace à Ning-Po; ses tiges se coupent trois fois par an. La première coupe est la meilleure. Il faut les semer dans une terre de dé- combres , et, de préférence, dans une terre à chanvre, et avoir soin de recouvrir chaque année les racines qui tendent toujours à sortir de la terre. On la fait rouir comme le chanvre. 7° Les mots Lo-ou-sen servent à désigner des pistaches de terre qui donnent une huile très-abondante et bonne à manger. On doit les planter dans un terrain très-léger, les espacer de quatre pieds, et tenir la terre toujours meuble, afin qu’elles puissent tracer et se développer facilement. 8° L'usage des graines de l'arbre à suif est indiqué par le nom même. Les chandelles de ce suif coulent un peu; mais, pour remédier à cet inconvénient, on les trempe dans la cire ou dans le blanc de baleine fondu. L'arbre à suif, après avoir végété quatre ou six ans, doit être tondu comme un saule, une fois pour toutes. Cette opération rend les fruits plus beaux, par conséquent plus propres aux usages auxquels on les destine. Quant aux autres graines adressées par la Société d’acclimatation, nous manquons, dit M. Joly, de renseignements à leur égard ; 30 avril. 422 MÉMOIRES mais nous savons de source certaine que le sorgho à sucre a parfaitement réussi en Algérie et même dans le midi de la France, où il est appelé à rendre de grands services, soit comme fourrage , soit même comme plante alimentaire. Des échantillons de toutes ces graines ont été distribués à plusieurs membres de l'Académie des Sciences et de la Société d'agriculture de Toulouse. Sur la proposition de M. Joly, une Commission a été nommée au sein de cette dernière compagnie afin de suivre les expériences dont les graines envoyées par la Société impériale d’acclimatation devront être l'objet. M. Virry donne lecture d’un rapport rédigé par M. Guibal, sur le Mémoire envoyé au concours pour le prix extraordinaire de l’année, et dont le sujet était la question suivante : « Etablir par la théorie des règles pratiques pour la construction des voûtes cylindriques en maconnerie, droites ou biaises ; on déter- minera l'épaisseur qu’il convient de donner à la clef, celle des pied-droits, et la forme de l’extrados , lorsque l'intrados est connu. » Le bureau général, dont M. Guibal est l'organe, propose de ne pas accorder le prix, et ces conclusions sont adoptées. M. Mouxs donne communication à l’Académie du sujet de prix p'oposé par la classe des Inscriptions et Belles-Lettres pour l’année 1859. La rédaction en est adoptée en ces termes : « Faire l'histoire de l'organisation judiciaire, civile, cri- minelle et ecclésiastique dans le Languedoc et la Provence, depuis la publication du bréviaire d’Alaric jusqu'à l'établisse- ment fixe du Parlement de Toulouse, en 1444. » M. LeMEYRIE fait un rapport sur plusieurs fossiles recueillis par M. Abadie, pharmacien au Fousseret, dans la partie supé- vieure du terrain tertiaire de la Haute-Garonne (cantons du Fousseret , d’Aurignac et de l'Isle-en-Dodon). L'ensemble des découvertes et des communications faites par M. Abadie étant très-important , l’Académie délibère qu'il lui sera décerné une médaille d’argent avec éloges, dans la séance publique du 18 mai. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. LS 19 3 M. le Ministre de l'instruction publique réclame la coopéra- tion de l’Académie dans le grand travail relatif à la recherche et à la description des antiquités de la France. M. Sornix présente à l’Académie, de la part de M. Lago, maître des travaux graphiques et professeur du cours industriel au lycée d'Auch, de nouveaux reliefs de géométrie, propres à faciliter l'intelligence de la géométrie élémentaire et de la géo- métrie descriptive. Renvoyé à l'examen de MM. Sornin, Gascheau et Brassinne. M. Mouns, appelé par l’ordre du travail, communique un nouveau théorème relatif aux moments des forces par rapport à un point. (Imprimé, page 288.) MM. Gascheau, Brassinne et Sornin prennent successivement la parole pour approuver le travail de M. Molins et l'engager à poursuivre ses recherches dans cette direction, afin de décou- vrir de nouveaux résultats auxquels pourrait amener ce théo- rème. M. le Secrétaire perpétuel rappelle que, dans son discours d'ouverture de la séance publique de l’année dernière, M. Ha- mel, alors président, avait proposé d'étendre aux diverses branches des études qui font l’objet des travaux de l’Aca- démie , les médailles d'encouragement distribuées aux au- teurs des découvertes relatives à l'archéologie et à la géolo- gie. Le moment étant venu de rédiger le programme des sujets de prix, M. Vitry a cru devoir soumettre une nouvelle rédac- tion au Comité d'impression, dans le sein duquel M. Filhol, aujourd'hui président, à émis le vœu que ces médailles d’en- couragement fussent également décernées aux inventions in- dustrielles ; en conséquence, M. Vitry donne communication du programmesuivant, dont la rédaction est approuvée : «Dans sa séance publique annuelle , l’Académie décernera des prix d'encouragement , » 1° Aux personnes qui lui signaleront ct lui adresseront des objets d’antiquité ( monnaies , médailles, sculptures, vases, 8 mai. 424 MÉMOIRES armes, etc.) , et de géologie ( échantillons de roches et de mi- néraux ; fossiles d'animaux, de végétaux, ete. ), ou du moins qui lui en transmettront des descriptions détaillées, accompa- gnées de figures ; » 2° Aux auteurs qui lui adresseront quelquedissertation, ou observation, ou Mémoire important inédit sur un des sujets scientifiques ou littéraires qui font l’objet des travaux de l’Aca- démie ; » 3° Auxinventeurs qui soumettrent à son examen des machi- nes ou des procédés nouveaux introduits dans l'industrie, et particulièrement dans l’industrie méridionale. » Ces encouragements consisteront en médailles de bronze, d'argent ou de vermeil, avec mention au procès-verbal, selon l'importance scientifique des communications. Dans tous les cas, les objets soumis à l'examen de l’Académie seront rendus aux auteurs ou inventeurs, s'ils en manifestent le désir. » Les communications devront être adressées à M. Urbain Vitry, Secrétaire perpétuel, allée Louis-Napoléon, 3, ou à l'hôtel de l’Académie, rue Louis-Napoléon, 12, à Toulouse, avant le 15 avril de chaque année. » M. Sornix fait un rapport sur une machine à calculer, de l'invention de M. Cunq, ancien élève de l'Ecole des Arts, à Tou- louse. (Imprimé, page 346.) M. Vitry et M. Molins prennent successivement la parole, et, tout en approuvant la simplicité, l'idée heureuse qui a pré- sidé à la conception de cette machine, ils craignent que les avantages mêmes de la forme circulaire, sous le rapport de l'extension des calculs, n’offrent, dans l'exécution et dans la pratique, des difficultés qui ne se retrouvent pas dans la règle à calcul rectiligne, dont la commodité dans les chantiers est incontestée. Toutefois, l’Académie décide qu'il sera écrit à M. Cunq, pour Jui annoncer qu'elle a accueilli avec intérêt la communication qui lui a été faite, et qui mérite des encouragements ; mais qu'ayant de se prononcer définitivement, elle désire voir fonc- DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k25 tionner sous ses yeux l'appareil avec les modifications que l'au- teur se propose d'y apporter. M. Basse fait un rapport sur lestravaux de mathématiques adressés de Paris par M. Catalan. IL propose d'accorder à ce candidat le titre de correspondant. Conformément au règle- ment, il sera statué sur cette proposition dans la prochaine séance , après convocation sur billets motivés. M. Fmoc communique le discours qu’il doit prononcer dans cette séance. M. le Secrétaire perpétuel donne lecture du rapport sur les objets de géologie et d'archéologie , adressés à l’Académie. Conformément aux convocations , il est procédé au scrutin pour la nomination d’un correspondant, et M. Catalan ayant obtenu la majufité, est proclamé Associé correspondant dans la classe des Mathématiques pures. MAL. Piou, premier Président ; Policarpe, Maire de Toulouse; Esmenjaud , Secrétaire général de la Préfecture remplissant les fonctions de Préfet de la Haute-Garonne; Gastambide, Procureur- général ; Laferrière, Inspecteur général de l'Université, chargé de l’administration de l’Académie de Toulouse ; M. Ozenne, Ad- joint au maire, assistent à la séance. M. Fimor prononce le discours d'ouverture. (Imprimé, page 157. ) M. Desparreaux-BerxarD lit l'éloge de M. Viguerie. ( Im- primé, page 160.) M: Virry donne lecture du rapport de M. Guibal sur le concours du prix extraordinaire de 1856. (Imprimé, page 155.) M. ou Méce lit l'éloge de M. Manavit. (A imprimer. ) M. Vrrry communique le rapport sur les médailles d’encou- ragement. (Imprimé, page 197. ) 45 mai. Séance publique du 18 mai. 22 mai. 29 mai. 426 MÉMOIRES Ces diverses lectures avaient été approuvées dans diverses séances précédentes et particulières. M. le Président appelle successivement les diverses personnes auxquelles l’Académie a décerné des encouragements. Aucune d'elles n'étant présente, les médailles sont réservées pour être remises par M. le Trésorier perpétuel aux mandataires qui se présenteront pour les retirer. M. Viry donne lecture du programme des sujets de prix proposés pour les années 1857, 1858 et 1859. ( Imprimé, page #44.) M. le Ministre de l'instruction publique adresse une circu- laire relative à la Correspondance du cardinal Mazarin, M. Galinier demande que l’Académie fasse examiner sa ma- chine à tailler les briques. — Renvoyé à une Commission com- posée de MM. Petit, Brassinne et Soruin. L'ordre du jour appelle les élections annuelles des membres du bureau et des Comités pour 1857. Le dépouillemeut des divers scrutins a donné les résultats suivants. Président. M. Filhol. Directeur. M. Molins. Secrétaire adjoint. M. Molinier. Comité d'impression. MM. Sornin, Hamel, Couseran. Comité économique. MM. Gascheau, Barry, Laroque. M. le Président charge M. Joly de remplir les fonctions d'Econome. L'Académie royale des Sciences d'Amsterdam sollicite l'é- change des publications. Cette proposition est acceptée. M. Catalan remercie l’Académie du titre de correspondant qui lui a été décerné. M. Fonvieille, pasteur à Saint-Afrique, adresse divers mé- moires sur la linguistique et le système métrique. — Renvoyé à l'examen de MM. Brassinne et Hamel. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 27 M. Gaussaiz, désigné par l’ordre du tableau, rappelle qu'il a lu, l'an dernier, à l’Académie l'introduction à l'examen ana- lytique de trois dissertations médicales, soutenues par Fran- çois Bayle, dans un concours pour une chaire vacante à notre ancienne Faculté de médecine, et il annonce que sa lecture de ce jour a pour objet la première de ces dissertations, intitulée : Des causes du flux menstruel des femmes. ( À imprimer. } Après quelques observations présentées par M. Joly et aux- quelles répond M. Gaussail, M. Sorix, au nom d’une Commis- sion composée de MM. Brassinne Gascheau et Molins, fait un rapport sur les reliefs géométriques de M. Lago. La Commis- sion pense que l'introduction de ces nouveaux reliéfs dans les écoles primaires ou secondaires, aussi bien que dans les écoles industrielles, peut faciliter l'étude de la géométrie à trois di- mensions et de la géométrie descriptive; que cette collection, par son prix peu élevé, est à la portée de toutes les bourses ; en outre, les nouveaux reliefs ont cet avantage sur les autres déjà conaus, que chaque élève peut conf:ctionner lui-même sa col- lection. En conséquence, la Commission propose à l’Académie de donner son approbation à l'invention de M. Lago. Ces con- clusions sont adoptées. M. ou Mëce entretient l’Académie des découvertes de monu- ments antiques qui ont eu lieu, depuis peu de temps, sur plu- sieurs points de la Novempopuianie et de la Narbonnaise. Ces objets appartiennent tous à l’époque romaine. On distingue dans le nombre quatre autels votifs consacrés au dieu Lehe- rennus ; deux inscriptions sépulcrales, deux autres objets décou- verts dans des fouilles, offrent des symboles qui indiquent qu'ils ont été placés sur des sépultures chrétiennes durant le IV° et le V‘siècle de notreère. M. du Mège, en prenant date pour ses découvertes , s'engage à présenter à l'Académie , dans sa prochaine séance, un travail spécial sur ces divers monuments. L'ouvrage intitulé : Des enfants dans les prisons, adressé à l’Académie par M. le docteur Vingtrinier, est renvoyé à l’exa- men de M. Molinier. ù juin. 12 juin. 19 juin. 26 juin. 428 MÉMOIRES M. ou Mëce annonce que M. le baron de Franclieu lui a écrit pour offrir de céder en échange, à la ville, un manuscrit et plusieurs chartes concernant l’ancienne Université de Tou- louse. Une Commission composée de MM. du Mège, Dubor, Barry et Belhomme , est chargée de présenter un rapport sur cette proposilion. M. MouxEr , désigné par l’ordre du travail, lit une notice historique sur la vie et les travaux de M. Benech. { Imprimé, page 265.) M. Joy communique à l’Académie une notice sur la vie et les travaux d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, membre de l’Ins- titut. ( Imprimé, page 206.) M. Terssié communique à l'Académie une machine à cal- culer. Renvoyé à l’examen d’une Commission composée de MM. Gas- cheau, Sornin et Brassinne. M. Hamez, appelé par l’ordre du travail, lit un Mémoire in- titulé : Jugement de Denys d'Halicarnasse sur Thucydide ; comparaison d Hérodote et de Thucydide. (Imprimé, page 295. ) Au nom d'une Commission, M. Asrre fait un rapport sur l'ouvrage de M. Vert, relatif à l’auteur de l’Zmitation de Jésus-Christ. La Commission propose d’adresser des remerci- ments à M. Vert pour cette communication , en l’engageant à continuer ses intéressantes recherches. Ces conclusions sont adoptées. M. Sorxix fait, au nom d’une Commission, un rapport sur Ja machine à calcul de M. Terssié. Les conclusions du rapport sont que cette machine ne réalise pas un perfectionnement as- sez notable du compteur à boules, employé déjà dans les salles d’asile et les écoles primaires , pour qu’il y ait lieu de la substi- tuer à celui-ci. Ces conclusions sont adoptées. Een Le ue DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h29 M. Sorxix lit, au nom de M. Brassinne, le rapport de la Commission chargée d'examiner la machine à tailler la brique, de M. Galinier. Commissaires : MM. Petit, Sornin et Brassinne, rapporteur. (Imprimé, page 346.) M. Sornin rappelle encore qu'il a fait, il y a quelque temps, un rapport, approuvé par l'Académie, sur des reliefs géométriques dus à M. Lago , professeur au lycée €’ Auch. 11 complète aujourd'hui ce rapport en demandant que M. Lago soit aussi admis comme candidat à la médaille d'argent. Cette demande est également adoptée par l'Académie. A l’occasion du rapport de M. Sornin et sur la proposi- tion de M. Gaussail , l’Académie délibère qu'un mois avant la séance publique, il sera nommé, au scrutin secret, une Commis- sion chargée de classer les demandes qui auront été faites par les divers Rapporteurs concernant les récompenses à accorder aux auteurs ou inventeurs dont les œuvres auront été soumises à l'examen de l’Académie, en dehors des questions de prix et con- formément au programme proclamé dans la séance publique. Cette Commission proposera le nombre et la nature des récom- penses à accorder, et l'Académie prononcera en dernier res- sort dans l'avant-dernière séance qui précédera celle de la distri- bution des prix. Après la lecture de la correspondance et avant de passer à l’ordre du jour, M. Mouns , remplissant les fonctions de prési- dent, communique officiellement la mort de M. le Ministre de l'instruction publique. Il rappelle en peu de mots les droits qu'avait M. Fourtoul à l'estime et à la reconnaissance de l’Aca- démie, à laquelle il a donné de nombreux témoignages d'intérêt, après lui avoir appartenu à titre de membre résidant, et dont il était encore correspondant. M. Molins propose que l'expression des regrets qu'inspire la perte de cet éminent confrère soit ins- crite au procès-verbal. Cette proposition est adoptée. M. Asrre lit, pour M. Ducos, absent et appelé par l’ordre du travail, une notice de ce dernier sur un historien de la croisade 4° S. — TOME vi. 28 10 juillet. 47 juillet. 130 MÉMOIRES contre les hérétiques albigeois, Pierre de Vaux-Sernay. (Im- primé, page 321.) M. Belhomme réclame la parole pour faire remarquer que dans cette guerre des Albigeois, si funeste pour le Midi , le Pape fat évidemment trompé par ses légats, qui cherchaient à couvrir du manteau de la religion une question purement politique ; que cette conviction résulte chez lui de la lecture de plusieurs documents qu’il a retrouvés dans les archives départementales ; en sorte que la plupart des auteurs ont eu {ort, selon lui, d’attri- buer au fanatisme religieux les atrocités qui furent la suite d’une crise toute politique. M. Caze prend à son tour la parole. Il regrette l'absence de M. Ducos, qui aurait pu répondre à quelques objections que soulève l'audition du Mémoire dont il vient d’être donné com- munication , et qui a été écouté avec intérêt. Ainsi, selon M. Caze, l’auteur du travail n’a peut-être pas . assez tenu compte de l’effervescence qui régnait dans tous les esprits au douzième siècle, alors que se continuait la guerre du Nord contre le Midi. Le Nord voulait faire prévaloir les idées de ces races germaniques dont la violence était le principal élé- ment, tandis que les races du Midi représentaient la civilisation romaine, c'est-à-dire la domination de l'esprit et de l'intelligence sur la force brutale; et, employant le langage moderne pour faire comprendre toute sa pensée, il dira que c'était un principe social qui était la cause première ou principale de cette grande guerre. Les lettrés, les hommes instruits étaient en quelque sorte les libéraux de l'époque, tandis que leurs adversaires les considéraient comme des anarchistes, et nous pouvons dès lors comprendre la profonde scission qui régnait dans les esprits ; c'est cette scission dont M. Ducos n’a peut-être pas assez {enu compte, car il y aurait trouvé l'explication, sinon naturelle, du moins rationnelle, des exagérations de Pierre de Vaax-Sernay. M. Fonvieille, ancien pasteur, envoie des notes et des dessins pour être joints aux divers Mémoires qu'il a soumis à l’Acadé- mie. Ces documents seront transmis à la Commission chargée d'examiner ces travaux. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, 431 M. Jouy annonce que la Société zoologique d’acclimatation va introduire dans les Pyrénées un troupeau de chèvres d'An- gora, ct que le département de l’Ariége a été choisi pour cet essai, conformément à l'avis émis dans le temps par l’Aca- démie. Pour acquitter son tribut académique, M. Vrrry donne lecture d'un travail intitulé : Observations sur Les courses de chevaux. (Imprimé, page 333.) M. Gascheau dit qu'il s'associe avec d’autant plus d'empres- sement aux principes développés par l’auteur du Mémoire qui vient d’être lu, que lui-même avait traité naguère la question relative au travail des moteurs animés, dans l’une des dernières leçons qu'il a faites à la Faculté des Sciences. M. Lavocat pense que les courses de chevaux sont une sorte d'expérience pour juger du degré de force et d'énergie d’un animal, et que, sous ce rapport, elles pourraient être très-utiles ( mais, malheureusement , elles ont été détournées de ce bat, et ne sont devenues qu’un objet de spéculation, pour arriver à gagner des prix s’élevant à des sommes plus ou moins considé- rables. Il en résulte que, pour obtenir des vitesses excessives et anormales, on est parvenu à une véritable déformation des chevaux pour les rapprocher de la classe des animaux sauteurs , soit en raccourcissant les jambes de devant, soit en provoquant l'allongement des jambes de derrière. Il est donc de toute nécessité que les conditions des prix soient modifiées de manière à ce que la régularité ct la beauté de la conformation entrent aussi, et pour une grande part, dans l’appréciation du concours. Il a, du reste, fait bien souvent la remarque que, dans un grand nombre de courses, le cheval qui n’était arrivé que le second était de beaucoup supérieur à celui qui enlevait le prix. Sans vouloir discuter la question au point de vue scientifi- que, M. Astre ne cache pas qu'il verrait la suppression des courses sans regret, ne füt-ce que pour délivrer notre belle lan- gue française de ces horribles néologismes que les sociétés hip- piques se font gloire de parler presque exclusivement, tels que : 24 juillet 432 MÉMOIRES le turf, le sport, le stud-book, le handicaps, et cent autres tout aussi inintelligibles pour l'immense majorité des Français, travers contre lequel M. Astre s'est déjà élevé dans une lecture faite cette année dans le sein de l’Académie. M. Gaussail réclame à son tour la parole pour faire observer que les qualités morales, telles que la volonté, l'énergie, le cou- rage, elc., se propagent par la génération moins fréquemment que les déformations physiques, qui.se reproduisent d’une ma- nière à peu près certaine, et peuvent amener la modification des espèces. Or, les faits signalés par M. Lavocat prouvent évidemment que les courses ont pour résultat d'amener des vices de conformation. M, Molinier croit qu’il faut cependant tenir compte du rôle considérable que ces fêtes jouent dans le développement et la diffusion de la richesse ; que, sous le point de vue d'économie politique, il serait très-regrettable que le beau spectacle que présentent les courses füt abandonné, et il ne peut qu'approu- ver les observations présentées en ce sens par l’auteur du Mémoire. M. Vitry, répondant aux divers préopinants, fait remarquer que la longue discussion à laquelle son travail a donné lieu prouve qu'il y a quelque chose à faire relativement à la question des courses, et qu'il s’applaudit d’avoir fourni l'occasion de la discuter. M. BELHOMME , appelé par l'ordre du travail, lit un Mémoire sur une charte inédite du XP? siècle, portant donation d'un jeune garcon à un curé. (Imprimé, page 363.) M. Sauvage pense que ce document offre un très-grand intérêt, tant par la qualité du donataire que par les formes qui sont employées. Il espère que M. Molinier aura quelques explications à donner à l’Académie sur la relation qui peut exister entre cette adoption et celle qai était codifiée par les lois romaines. Il ajoute que cette adoption d’un enfant par un prêtre lui paraît extrêmement curieuse, et que, dans la traduction de cette charte, M. Belhomme a fait preuve d’une grande patience, ainsi que DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k33 d'une rare connaissance du vocabulaire et de la phraséologie du notariat. M. Molinier ayant demandé la parole, fait ressortir toute l'importance que présente ce document pour l’histoire du droit privé de nos contrées. Cet acte, dont il importe de noter la date (1440), ne lui paraît pas avoir pour objet de soumettre à un servage quelconque le jeune enfant qui y est dénommé. II s'agit plutôt de le donner en adoption, en transférant au dona- taire, en retour des aliments et des soins qu'il promet, les droits de puissance qui appartiennent à la famille. Il est à remarquer que l’adoption, telle qu'elle était consacrée par les lois romaines, n’était pas passée dans les mœurs et n’était pas pratiquée autrefois en France. L'acte que vient de lire M. Belhomme rappelle certaines institutions exceptionnelles , en vertu desquelles des établissements charitables pouvaient , dans quelques pays, adopter des orphelins en bas âge, que leur famille ne pouvait pas nourrir. Dans ces cas, les droits de puis- sance paternelle étaient transférés aux patrons ou administra- teurs, qui les exercaient sur ces enfants. Peut-être existait-t-il quelque usage semblable à Montesquieu en Lauraguais ; l'acte qui vient d'être lu paraîtrait l’établir, et il y aurait à tenter des recherches sur ce point. M. Molinier présente encore quelques observations sur la tradition de l'enfant faite par les parents en le prenant par la main el en le livrant au donataire , et sur le don d’un morceau de pain fait par ee dernier au même enfant. Ces actes symbo- liques constituent la mise en possession du donataire et l'exécu- tion des engagements qu’il vient de contracter. Ils rentrent dans les principes du Droit romain ; ils ont pour objet d'établir les droits du donataire et de lui transférer la puissance sur la per- sonne de l'enfant, de la même manière qu’on transmet un droit de propriété. Quant aux hypothèques et aux garanties que les donateurs eoncèdent sur leurs biens, elles ne contredisent en rien leur état de pauvreté. Les clauses qui les contiennent peuvent être con- 31 juillet. 43% MÉMOIRES sidérées comme étant de pur style et comme n'ayan{ pour objet que de micux lier les parties. En envisageant cet acte comme une adoption, il y a encore à remarquer qu'elle serait faite par un prêtre. On sait qu'on a vivement agité de nos jours, devant les tribunaux, la question de savoir si la paternité fictive qu'offre l'adoption est conci- liable avec le sacerdoce. L'acte communiqué par M. Belhomme pourrait offrir un précédent d'autant plus précieux que le droit canonique ne contient aucune disposition expresse qui autorise ou qui défende l'adoption de la part d'un prêtre. Cet acte eût certainement été invoqué dans les débats auxquels cette question a donné lieu, s’il eût été connu. M. Astre fait observer à son tour que dans le document im- portant dont il s'agit, il ne peut être question de faire du jeune Jean Gasc un serf ou un esclave, car déjà, au quinzième siècle, le scrvage avait été profondément modifié, La donation n’a eu pour objet que d'assurer son avenir, et le prêtre a voulu avoir des droits pour exercer sur lui une influence toute charitable ; aussi cet acte lui paraît devoir être considéré comme une adop- tion charitable, car l'adoption proprement dite, l'adoption civile n'existait pas en France sous l'empire des anciennes lois. M. Paque, professeur à l’Athénée royal de Liége, sollicite le titre de correspondant. Il envoie à l'appui de sa candidature, un Traité de topographie. Renvoyé à l’exawuen de M. Sornin. M. GazË annonce qu'il est parvenu à tailler mécanique- ment la brique pour claveaux de voûte, selon les indications données par l’Académie. Il envoie plusieurs de ces échantillons de ces briques. Ces produits seront soumis à l'appréciation de la Commission qui a précédemment visité l’usine de M. Ga- linié. M. Gascheau, appelé par l’ordre du travail, lit une note sur les lois du mouvement des machines. L'auteur fait observer que nous avons d'excellents ouvrages de mécanique industrielle, dans lesquels le principe des forces DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 435 vives est appliqué avec succès à tout ce qui concerne l’écono- mie du (ravail ; mais que la détermination des lois du mouve- ment, renfermée dans le même principe, n’y est peut-être pas traitée aussi complétement. Le but de son travail est de déve- lopper la partie théorique de cette question, et surtout d’en présenter quelques applications. Toutefois il ne dissimule pas que ces applications exigent des restrictions et admettent des hypothèses qui les placent plutôt dans le cadre de la mécanique rationnelle que dans celui de la mécanique industrielle. Voici l’analyse de cette note ; Au moyen du principe des forces vives et des équations qui expriment les liaisons du système, le problème ne dépend que de la résolution d’une équation différentielle réduite à deux va- riables, dont l’une est le temps. Cette formule conduit à la con- dition du régime de la machine, c’est-à-dire de l’état qui con- vient à une opération mécanique exécutée régulièrement. L’au- teur examine comment ce régime peut se produire quand la machine est soumise à l’action de divers moteurs employés dans l'industrie. Le régime établi, la machine , selon la nature du moteur et la disposition géométrique de ses organes, peut pren- dre un mouvement uniforme où un mouvement périodique. M. Gascheau étudie le premier et il applique la formule du mouvement uniforme au cas d’un moulin hydraulique. Après avoir exposé la théorie et les propriétés générales du mouvement périodique, l’auteur en présente deux applications , l’une à la meule du remouleur , l’autre à un appareil de rotation sollicité par une puissance et une résistance constantes et parallèles entre elles. Enfin, en supposant le même appareil soumis à l'action de deux puissances et de deux résistances , on déter- mine les conditions nécessaires pour que son mouvement soit uniforme. MM. Vitry, Sornin et Molins, en prenant successivement la parole, sont unanimes pour engager M. Gascheau à publier les recherches qu’il a faites et qu’il a développées dans son cours de la Faculté des Sciences, sur la mécanique appliquée, ou tout au moins à les faire autographier comme ses intéressan- 7 août, k36 MÉMOIRES tes leçons de mécanique rationnelle. L’utilité de ces nouvelles recherches serait vivement appréciée par les mathématiciens, les ingénieurs et les consiructeurs de machines. Sans prendre un engagement formel à cet égard, M. Gas- cheau annonce qu'il dirigera ses études vers la réalisation du vœu qui vient d’être exprimé par ses confrères. M. l'abbé Duvivier de Streel envoie de Liége deux volumes de chansons en langue wallonne et un ouvrage intitulé : la Ci- néide. Ces travaux seront examinés par M. Hamel. M. Sorxix fait un rapport très-favorable sur un traité de to- pographie par M. Paque, de Liége. Le rapporteur exprime le désir que, dans l'intérêt des jeunes gens qui étudient la géomé- trie, ce traité de topographie soit livré à l'impression. Il conclut à ce que le titre de correspondant soit accordé à l’auteur qui a précédemment transmis à l’Académie d’autres travaux mathé- matiques. M. Vitry appuie la proposition, et l’Académie décide qu'il sera statué dans la prochaine séance. M. Fiuoc communique les résultats de ses nouvelles recher- ches sur les matières colorantes des fleurs. Déjà, dans un tra- vail antérieur, M. Filhol avait démontré que les fleurs rouges, roses ou bleues renferment, mêlé à la matière colorante, un suc incolore qui a la propriété de jaunir au contact des alcalis. Il avait démontré, en outre, que la matière colorante rouge, rose ou bleue ne prend pas , comme l'ont annoncé MM. Fremy et Cloez , une teinte verte au contact des substances alcalines , mais qu'elle devient ou qu’elle reste bleue. La teinte verte que prennent les fleurs, quand on les soumet à l’action des subs- tances alcalines, dépend du mélange de la substance jaune pro- venant du suc primitivement incolore avec la substance qui est restée ou qui cst devenue bleue. M. Filhol 4 constaté qu'on peut aisément se procurer la subs- tance incolore qui a la propriété de prendre une belle couleur jaune sous l'influence des alcalis, en traitant des fleurs de roses rouges, d'iris, de pensées, etc., par de l'éther, et faisant en- suite évaporer à siccité le liquide éthéré. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. #37 Cette substance prend une magnifique couleur jaune quand on la mêle avec de l'acide chlorhydrique concentré ; mais cette couleur disparaît sur-le-champ quand on ét : d le mélange avec une grande quantité d’eau. Il résulte des expériences de M. Filhol que la matière dont nous venons de parler est identi- que avec la substance qui se trouve dans la plante employée par les teinturiers sous le nom de g'aude , pour teindre en jaune , substance à laquelle les chimistes ont donné le nom de /w- téoline. La lutéoline se trouve aussi, d’après M. Filhol, dans les renon- cules, les genêts, les cylises ct dans presque toutes les fleurs jaunes ; on la trouve encore dans les feuilles qui commen- cent à jaunir , dans les tiges de presque toutes les plantes, au moment où elles commencent à se dessécher et à jau- nir;en un mot, c'est une des substances les plus répandues dans le règne végétal. M. Filhol a constaté , en outre , que la matière colorante de presque toutes les fleurs jaunes devient d’un beau vert sous l’in- fluence de l'acide chlorhydrique, et d'un bl u magnifique sous l'influence de l'acide azotique; mais le plus léger excès de ce dernier acide fait disparaître la couleur bleue. M. Firnoz fait à l'Académie une deuxième communication relative à l'existence de l’ammoniaque dans certaines eaux sul- fureuses. M. Bouïs ayant annoncé, il y a peu de temps, que certaines eaux sulfureuses des Pyréné s conteuaient de l’ammoniaque tandis que d’autres n’en contenaicent pas, M. Filhol a cru devoir examiner, sous ce rapport, l'eau de Cadéac, et il y a constaté sans peine la présence de l’ammoniaque. Il'est à remarquer que les eaux sulfureuces dans lesquelles M. Bouïs a trouvé de l’ammoniaque ( Bonnes et Labassère ) avaient été signalées depuis longtemps par M. Filhol ccmme devant posséder une composition différente de celle des autres eaux sulfureuses. 14 août. 438 MÉMOIRES M. Dacui, utilisant le tour de lecture qui lui avait été ré- servé, donne communication d’un travail sur la formation et la composition des nuages. (Imprimé, page 374.) M. Mounier, ayant obtenu la parole, fait à l’Académie un rapport verbal sur un écrit à elle adressé par M. Vingtrinier, médecin en chef des prisons de Rouen. Cet écrit a pour titre : Des enfants dans les prisons et devant la justice, ou des ré- formes à faire dans les lois pénales et disciplinaires qui leur sont appliquées. (Statistique de 1837 à 1854.) Avant d'entreprendre l'examen des réformes principales pro- posées par M. Vingtrinier, le rapporteur présente à l’Académie quelques aperçus sur la position des mineurs détenus dans les divers établissements où ils sont actuellement placés, en vertu de la législation en vigueur, notamment de la loi du 5 août 1850. M. Molinier les range dans trois classes : la première comprend ceux qui n'ont été l’objet d'aucune poursuite devant les tribu- naux de répression et qui sont détenus civilement par mesure de correction paternelle, en vertu des pouvoirs que le code Napoléon reconnaît aux pères et à la famille. La seconde classe comprend ceux qui ont été poursuivis en justice pour des délits, mais qui ont été acquittés parce qu'ils avaient agi sans discernement. La loi permet de les placer dans des établisse- ments pénitentiaires industriels ou agricoles pour un temps qui peut s'étendre jusqu'à l’époque à laquelle ils auront accompli leur vingtième année. Enfin, une troisième classe comprend les individus reconnus coupables d’un crime ou d’un délit qu'ils ont commis avec discernement avant d’avoir l’âge de seize ans. Ces derniers ont été l’objet d’une condamnation pénale qu'ils doivent subir, suivant sa gravité, dans un établissement péni- tentiaire ou dans une colonie correctionnelle, en exécution du Code pénal et de la loi du 5 août 1850 sur l'éducation et le patronage des jeunes détenus. D'après les dernières statistiques publiées par M. le Ministre de la justice, le nombre des mineurs de la deuxième et de la troisième classe, détenus en vertu de jugements rendus par les tribunaux et placés dans 46 établissements publics ou privés, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. k39 était, au 31 décembre 1854, de 7,011 garçons et de 900 filles, en tout 7,911. Leur nombre ne se portait qu'à 5,500 à la fin de 1851. Il y avait donc cu une augmentation de 2,411 dans un espace de trois années. Cette proportion croissante paraît devoir se maintenir; elle a attiré l'attention du Gouvernement. M. Vingtrinier en recherche la cause et propose, pour y remé- dier, des moyens qu’il croit propres à les modifier. La cause de cette augmentation du personnel des jeunes détenus doit évidemment être attribuée à l'usage plus fréquent que font les tribunaux, depuis la création des établissements pénitentiaires, de la faculté dont ils sont investis d’ordonner, par mesure pré- ventive, la détention des jeunes prévenus, et à la prolongation de la durée de cette détention, afin que ceux qui la subissent soient en position d'exercer un état en sortant des établissements dans lesquels ils sont actuellement placés. Les moyens proposés par M. Vingtrinier pour mettre un terme à cet état de choses onéreux pour l'Etat, et qu'il ne trouve pas adapté à la position de ceux auxquels on l’applique, consisterait dans une réforme de la législation pénale, des usages judiciaires et des mesures disciplinaires concernant les enfants. M. Molinier s'occupe principalement des réformes que M. Vingtrinier propose d'introduire dans la loi pénale. La principale consisterait dans l'admission d’un âge jusques auquel le mineur serait réputé incapable de discernement, et échappe- rait à toutes poursuites répressives. L'auteur fixerait cet âge à treize ans et demi. M. Molinier entre dans des détails sur cette réforme proposée par M. Vingtrinier, et rapporte les dispositions de plusieurs codes étrangers. Il y a, sur ce point, à opter entre deux systèmes, celui du code criminel français, qui laisse aux jurés et aux juges l'appréciation de l'existence du discer- nement chez celui qui n'avait pas seize ans accomplis au temps du délit; celui des législations, qui déterminent un âge avant lequel le discernement est réputé impossible. M. Molinier a le regret de ne pas pouvoir adopter les idées de M, Vingtrinier sur ce point. Il fait observer que le développement des facultés intellectuelles se produit chez les enfants d’une manière très- AT MÉMOIRES inégale, qui ne permet pas de généraliser et de déterminer d’une manière sûre la période de temps pendant laquelle il y au- rait toujours absence de discernement. Dans tous les cas, l'age de treize ans et d mi, | roposé par M, Vingtrinier, serait trop avancé. Au sein de notre civilisation, et dans l’état des mœurs actuelles de la France, il ne serait pas exact et il pourrait être dangereux d'établir en principe que jusqu’à treize ans et demi les mineurs seraient réputés incapables de discernement et ne pourraient avoir à craindre aucune poursuite Judiciaire à rai- son des délits qu’ils viendraient à commettre, Passant ensuite au régime que M. Vingtrinier propose d’éta- blir à l'égard des mineurs dont la position et les penchants pervers menacent la société et qui ont commis des actes coupa- bles, le rapporteur ne perse pas qu’on doive substituer le Sys- tème des maisons de préservation et le placement dans les hospices , à celui des établissements pénitentiaires, des colonies correctionnelles et des sociétés de patronage qui est consacré par Ja loi du 5 août 1850. IL estime qu'il convient seulement de développer plus largement les institutions qui sont dans le vœu de cette loi. Les réformes proposées par M. Vingtrinier auraient l'inconvénient de n'établir qu'une distinction très-peu marquée entre les enfants abandonnés dont la conduite est exemple de reproche et ceux qui ont manifesté des penchants vicieux ou qui ont exécuté des actes coupables. 11 importe cependant beau- coup, et il est juste de ne pas les confondre. Au reste, le régime exposé par cet auteur ne serait pas de nature à diminuer Je nombre des enfants qui se trouvent à la charge de l'Etat ; il ne ferait que les déplacer, en les transférant des établissements où ils sont actuellement, dans des maisons de préservation et dans des hospices. M. Molinier pense que l'augmentation du nombre des mineurs actuellement détenus n’est que la conséquence nécessaire et prévue des améliorations introduites dans le ré- gime auquel ils sont soumis. Cette augmentation n’a rien d’ef- frayant, et les sacrifices pécuniaires qu’elle peut nécessiter de la part de l'Etat sont bien compensés par les résultats salutaires et moralisateurs qu’en obtient la société DE L'ACADÉMIE BES SCIENCES. h41 Quant aux réformes à introduire dans les usages judiciaires, M. Molinier partage les idées de M Vingtrinier, et pense avec lui qu'il serait convenable et conforme aux principes que les mi- neurs ne fussent jamais dans un état d'isolement lorsqu'ils sont traduits devant les tribunaux correctionnels. La loi devrait, par des dispositions expresses, prescrire d'appeler leur père ou leur tuteur, ou, lorsqu'ils seraient dans un état d'abandon, leur faire donner un curateur. Sans doute, on a dit avec raison que les rè- gles de procédure et la présence du ministère public leur offrent des garanties ; mais ils peuvent avoir à exercer le droit d’ap- peler du jugement qui les frappe, et il serait bien qu'ils fussent dirigés pour l'exercice de ce droit. M. Vingtrinier fait observer avec raison combien il est peu rationnel qu'un enfant souvent en bas âge, ait à décider par lui-même s'il fera un appel et un pourvoi en cassalion , comparaisse à cet effet devant un officier publié et fasse des actes judiciaires qui ont de l’im- portance. M. Molinier termine son rapport en faisant remarquer toute la valeur des documents que contient le travail d: M. Vingtri- nier. Cet auteur s'est fait connaître par de nombreux travaux, dans lesquels on rencontre des idées utiles, fruit de ses obser- vations Judicieuses et de ses études approfondies. Il propose à l’Académie de lui adresser des remerciments pour l'envoi qu'il lui a fait. M. Caze, ayant obtenu la parole, fait aussi remarquer que l'écrit de M. Vingtrinier dont on vient d'entretenir l'Académie a pour objet une question sociale d’une haute portée. Il s’agit de toute une classe de détenus en bas âge et qu'on voudrait ra- mener dans les voies du bien. Le problème est à l’étude et livré aux méditations de tous ceux qui peuvent fournir le fruit de leurs lumières. Avant la loi du 5 août 1850, des hommes éclairés et charitables s'étaient mis à l’œuvre et avaient fondé des établissements privés pour préserver les jeunes détenus du contact nuisible quls subissaient dans les prisons, et pour leur procurer une éducation propre à leur assurer des ressources au moyen du travail. La loi n’a fait à peu près que 21 août. 28 août. 442 MÉMOIRES consacrer et réglementer ce qui était déjà établi. M. Caze entre dans des détails sur la création et le régime des établissements pénitentiaires, sur les services qu'ils ont déjà rendus et sur ceux qu’ils peuvent rendre. ll parle, à ce sujet, de la colonie agricole et de l'établissement d'apprentissage que possède notre ville, et qui est dirigé, avec un dévouement si honorable, par un respectable ecclésiastique. Il entretient aussi l'Académie sur les sociétés de patronage et sur l'extension qu'il conviendrait de leur donner. M. Caze partage l'avis de M. Molinier relativement au prin- cipal changement que M. Vingtrinier propose d'introduire dans la législation pénale. 11 lui paraît qu’il n’y a pas à déterminer un âge jusques auquel le mineur serait réputé incapable de dis- cernement. L'état de notre législation est, sur ce point, satis- faisant. 11 ne pense même pas qu'il soit nécessaire de procurer aux mineurs l’assistance d’un tuteur lorsqu'ils sont traduits de- vant ies tribunaux de répression. Il s’agit ordinairement de malheureux enfants abandonnés auxquels leur famille n’est d'aucun secours ; dans les autres cas, les parents se présentent sans qu'il soit nécessaire de les appeler. M. Paque, professenr à l’Athénée de Liége, est nommé cor- respondant de l’Académie. Il appartiendra à la section des Ma- thématiques appliquées. M. pu Mëce lit un Mémoire sur plusieurs inscriptions anti- ques découvertes, depuis peu de temps, dans l’arrondissement de Saint-Gaudens. ( Imprimé, page 381.) M. Larrey, appelé par l’ordre du travail, fait une commu- nication verbale sur un effet de canitie assez singulier. Un sol- dat ayant passé une partie de la nuit qui suivit la prise de la tour de Malakoff dans un fossé jonché de cadavres, fut tellement impressionné, que la moitié de sa barbe et de sa chevelure devint complétement blanche, tandis que l’autre moitié (le côté gauche) est restée toute noire. M. Larrey se propose de rédiger une note sur ce fait assez remarquable, mais qui n’est pas unique dans la science. nm dot. corde sn. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, kk3 Le même académicien dépose sur le bureau la table générale des matières contenues dans les six volumes de la 4° série des Mémoires publiés par l’Académie, et dans laquelle il s’est efforcé d'introduire plusieurs améliorations qui n’existent pas dans la table des seize premiers volumes, que M. Larrey a rédigée en 1854. L'Académie, par l'organe de son Président, remercie M, Lar- rey des soins qu’il apporte à la rédaction d’un pareil travail. M. ou Mëce fait un rapport verbal sur l’ouvrage intitulé Saint-Jean-de-Luz, par M. Léonce Goyetche. Il entre dans quelques développements pour prouver que l’auteur de cet ouvrage a réuni une foule de faits, de noms, de documents des plus intéressants; et, d'après le mérite de ce livre, M. du Mège demande que M. Goyetche soit rangé parmi ceux qui pourront obtenir une des-médailles décernées par l’Académie. Cette proposition est adoptée. AAA MÉMOIRES SUJETS DE PRIX POUR LES ANNÉES 1857, 1838 Er 1859. L’ACADËMIE rappelle que le sujet du prix à accorder en 1837, est la question suivante : Faire connaître, à l’aide de bonnes descriptions et de figures, les mousses et les lichens qui croissent dans un des départements du bassin sous-pyrénéen. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. L'Académie propose pour sujet de prix de l’année 1838 , la question suivante : Recherches sur l'électricité atmosphérique. Observations. L'Académie, en posant la question dans ces termes généraux et en laissant ainsi un libre et vaste champ aux recherches, croit néanmoins utile d'attirer particulière- ment l'attention des concurrents sur les questions secondaires suivantes : 1° Discuter les observations desquelles on a déduit l'existence de l'électricité atmosphérique et les lois de sa tension ; 2° Déterminer , en s’appuyant sur l'expérience, les sources de l’électricité atmosphérique ; 3° Reconnaître si l'espèce d'électricité qui charge un nuage orageux exerce une influence sur sa constitution physique ; k° Rechercher quel est le degré d'influence de l’état électri- que des nuages orageux sur la formation de la grêle ; 5° Etablir sur des documents authentiques la fréquence relative de la grêle dans les régions du bassin sous-pyrénéen , et rechercher les circonstances qui peuvent, dans ces mêmes régions , influer sur la répartition inégale de ce météore. Nota. Quelles que soient les questions traitées , l’Académie , dans l'appréciation des Mémoires qui lui seront présentés , DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 445 üendra compte surtout de la nouveauté et de la fécondité des observations personnelles ; elle attachera cependant une grande importance aux recherches relatives à la dernière question. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. L'Académie propose pour sujet de prix de l’année 1839, la question suivante : Faire Flistoire de lPorganisation judiciaire , civile , criminelle et ecclésiastique dans le Languedoc et la Pro- vence, depuis la publication du Bréviaire & Alaric Jusqu'à l'établissement Jixe du Parlement de Toulouse, en 1h44. Le prix sera une médaille d’or de la valeur de 500 fr. L'Académie n’a point décerné le prix de 1856, dont le sujet était la question suivante : Rechercher quels sont, en dehors du latin , les éléments qui ont concouru à la formation de la langue romane. în conséquence , et conformément à l’art. 32 de ses règle- ments , l’Académie a décidé qu’elle accordera un prix extraor- dinaire à l'auteur d’un mémoire qui lui serait adressé avant le 1°: janvier 1857. Ce prix extraordinaire sera une médaille d’or de 300 fr. Les savants de tous les pays sont invités à travailler sur les sujets proposés. Les membres résidants de l’Académie sont seuls exclus du concours. Les auteurs sont priés d'écrire en français ou en latin, et de faire remettre une copie bien lisible de leurs ouvrages. Ils écriront au bas une sentence ou devise; la même sen- tence sera inscrite dans ua billet séparé et cacheté, renfermant leur nom , leurs qualités et leur demeure. Ils adresseront les lettres et paquets, franc de port, à M. Urbain Virry, ex-Ingénieur-Architecte en chef de la ville , Secrétaire perpétuel de l’Académie, allée Louis-Napoléon , n° 3, R°S.— TOME vi. 29 khG MÉMOIRES où les lui feront remettre par quelque personne domiciliée à Toulouse. Les Mémoires ne seront reçus que jusqu’au premier janvier de chacune des années pour lesquelles le concours est ouvert. Ce terme est de rigueur. Les Mémoires dont les auteurs se seront fait connaître avant le jugement de l’Académie, ne pourront être admis au concours. Les noms des lauréats seront proclamés en séance publi- que, le premier dimanche après la Pentecôte. Si les auteurs ne se présentent pas eux-mêmes, M. le Docteur Larrey , Trésorier perpétuel, ne délivrera le prix qu'au porteur d’une procuration de leur part. L'Académie, qui ne prescrit aucun système, déclare aussi qu'elle n'entend pas adopter tous les principes des ouvrages qu'elle couronnera. Dans sa Séance publique annuelle, l'Académie décernera aussi des prix d'encouragement, {1° aux personnes qui lui signaleront el lui adresseront des objets d’Antiquité (monnaies , médailles, sculp- tures , vases , armes , ele. ), et de Géologie (échantillons de roches et de minéraux , fossiles d'animaux, de végétaux , etc.) , ou qui lui en transmettront des descriptions détaillées | accompagnées de figures ; 2 Aux auteurs qui lui adresseront quelque dissertation , ou ob- servation. ou mémoire importants et inédits sur un des sujets scien- tifiques ou littéraires qui font l'objet des travaux de l’Académie ; 3 Aux inventeurs qui soumeltront à son examen des machines ou des procédés nouveaux introduits dans l'industrie, et particuliè- rement dans l’industrie méridionale. Ces encouragements consisteront en médailles de bronze , d’ar- gent ou de vermeil avec mention au procès-verbal, selon limpor- Lance scientifique des communications. Dans tous les cas , les objets soumis à l'examen de l'Académie seront rendus aux auteurs ou in- venteurs’, s'ils en manifestent le désir. Les communications devront être adressées, franco, à M. le Secrétaire perpétuel, avant le quinze avril de chaque année. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. k47 EEEEEEZEE—— OUVRAGES IMPRIMÉS ADRESSÉS A L'ACADÉMIE PENDANT L'ANNÉE 1855-1856. Comptes rendus hebdomadaires des Séances de l'Académie des Sciences de Paris, t. xLn et xunr, 14856. In-4°. Journal des Savants. Paris, 1856. In-4°. Annuaire du Bureau des longitudes. Paris, 1856. In-18. Brevets d'invention expirés, t. LxxxIn et Lxxx1v. Paris, 1856. In-4°, fig. Brevets d'invention pris sous le régime de la loi de 1844, (Sd > Ps D xxr et xxir, Paris » 1855. In-4e, fig. Catalogue des brevets d'invention pris du 4% janvier au 31 décembre 1854. Paris, 1855. In-8°. Revue Archéologique, 12° année. Paris, 1856. In-8°, fig. Annales de Chimie et de Physique, t. xLvi et xzvnr. Paris, 1856. In-8°, fig. Journal d'Agriculture pratique et d'Economie rurale pour le Midi de la France, 3° série, t. vn. Toulouse, 1836. In-S°. Journal de Médecine , Chirurgie et Pharmacie de Toulouse, nouvelle série, t. var. 1856. In-S°. Journal des Vétérinaires du Midi, 2° série, t. 1x. Toulouse, 1856. In-8°. Mémoires de l’Académie de Stanislas, année 1854. Nancy, 1855. In-8°. Mémoires de la Société Impériale des Sciences , de l'Agricul- ture et des Arts de Lille, années 1850 et 1854. In-8°, fig. Sup- plément à l'année 1853 et table générale de la 1°° série. Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, t. 1v. Amiens, 1855. In-4°, fig. Mémoires de la Société des Antiquaires de France, 3° série, t. 1. Paris, 1855. In-8°, fig. kAS MÉMOIRES Annuaire de la Société des Antiquaires de France. Paris, 1855. In-18. Annales agricoles , scientifiques et industrielles du départe- tement de l'Aisne, 2° série, t. x. Saint-Quentin, 1855. In-S°, fig, Annales de l’Académie d'Archéologie de Belgique, t. x et xnr. Bulletin de la Société d’émulation de l'Allier. Moalins, avril 1855. In-$°. Bulletin de la Société Archéologique de Béziers. 14° livrai- son. 1855. In-8°. Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de la Moselle. Metz, 1855. In-8°, fig. Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, €. v et vr. 1856, n° 1. Amiens, 1855. In-8°. Bulletin de la Société des Antiquaires de la Morinie. Saint- Omer, 1855. in-8°. Bulletin de la Société d'Agriculture, Industrie, Sciences et Arts du département de la Lozère, t. vi. Mende, 1855. in-8°. Travaux de la Société d'Emulation du département du Jura, année 185#%. Lons-le-Saulnier, 1855. In-8°. Journal de la Société de la Morale chrétienne, t. v, n°° 5, 6; t. vi, n°% 1, 2. Paris, 1855. Compte rendu des travaux de l'Académie du Gard. Nîmes, 1855. Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, années 1830,31, 34,39; 1843-44, 1845--:6, 1847- &8 et 1855. In-8°, fig. Comptes rendus de la même Académie, 1805, 1849, 1843. In-8° Mémoires de l’Académie du Gard, 1854-1855. Nimes, 1855. In-8°. Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest (3° et 4° trim. 4855, 1% trim. 1856 ). Poitiers. In-8°. Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, 2° série, t. ur, 11° vol. de la collection, année 1855. Le Mans, 1855. In-8°. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. #49 Procès-verbal de la Séance du 20 décembre 1855 de la So- ciété d'Emulation et de Prévoyance des Pharmaciens de la Haute-Garonne. Toulouse, 1836. In-8°. tecueil des Actes de l’Académie Impériale des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, 17° année. 1855. In-8°. Mémoires de la Société Impériale des Sciences naturelles de Cherbourg, 3° vol. 1855. In-8°, fig. Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève, t. xiv, 1r° partie. 1855. In-4°, fig. Travaux du Comice Horticole de Maine-et-Loire, 5° vol., n° 41. Angers , 1856. In-8°. Bulletin de la Société Industrielle d'Angers et du départe- ment de Maine-et-Loire, 26° année , 6° de la 2° série. 1835. In-8°, fig. Précis analytique des travaux de l'Académie des Sciences , Belles-Lettres et Arts de Rouen, années 1854-55. In-8°. Mémoires de la Société d'Agriculture et de Commerce de Caen, t. vi. 1855. In-8°, fig. Mémoires de la Société d'Agriculture , des Sciences , Arts et Belles-Lettres du département de l'Aube. t. vi, 2° série, n°° 35, H0,31138;: Troyes. In-$°, fig. Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées Orientales. 9° vol. Perpignan, 1854. In-8o, fig. Séance semestrielle de la Société d'Agriculture , des Sciences et des Arts de Boulogne-sur-Mer, 10 novembre 1855 et 29 mars 1856. In-8°. Comice Agricole de Castres ( Tarn ). Séance solennelle du & février 1856. In-8°. Mémoires de l’Académie Impériale de Metz, 36° année, 1854- 1855. 1855. In-8°. fig. Travaux de la Société d'Agriculture, des Belles-Lettres, Scien- ces et Arts de Rochefort, année 1854-55, 1855. In-8°. Mémoires de la Société Impériale d'Agriculture, Sciences ct Arts séant à Douai, centrale da département du Nord, 2° série, t. 10, 1854-55. Douai, 1856. In-8°, fig. R50 MÉMOIRES Travaux de la Société d'Agriculture , Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne, année 1855. Châlons, 1856. In-8°. Recueil de l’Académie de Législation de Toulouse, t. 1 à 1v. In-8°. Annales de la Société Académique de Nantes, 1854 et 1855. In-8°. Annales scientifiques , littéraires et industrielles de l’Auver- gne, année 1855, t. xxvin. Clermont-Ferrand. In-8°, fig. Compte rendu des travaux de la Société Impériale de Méde- cine, Chirurgie et Pharmacie de Toulouse, du 13 mai 1855 au 11 mai 1856. Publications de la Société Archéologique de Montpellier, n° 22 et 23. In-#°. Annales de la Société d'Agriculture, Arts et Commerce du département de la Charente, t. xxxvir. Angoulême, 1855. In-8°. Mémoires de l’Académie Impériale des Sciences, Belles-Let- tres et Arts de Lyon. — Classe des Sciences, t. nr, 1v, v et vr. — Classe des Lettres, t. nr et 1v. In-8’, fig. Annales des Sciences Physiques et Naturelles, d'Agriculture et d'Industrie, publiées par la Societé Impériale d'Agriculture de Lyon, 2° série, t. vrett. vi, 1'° partie. In-8°, fig. Annales de la Société Linnéenne de Lyon, nouvelle série, t. 11. In-8°, fig. Recueil des travaux de la Société Médicale d’Indre-et-Loire (2e sem. 1854 ). Tours. In-8°. Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, année 185%. Poitiers, 1855. In-8°, fig. Smithsonian contributions to Knowledge, vol. vu. Washington (Etats-Unis d'Amérique }, 1855. In-4°, fig. Eighth annual Report of the board of regents of the Smith- sonian Institution. Washington, 1854. In-8°. Ninth annual Report of the board of regents of the Smith- sonian Institution. Washington, 1855. In-8°. On the construction of Catalogues of libraries and of a gene- ral Catalogue, by Charles Jewett. Washington, 1855. In-8°. DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. h51 Report to the Directors of the proprietors of the locks and canals on merrimack river, by Francis and Baldwin. Boston, 1853. In-4°. Lowell hydraulic experiments, being a selection from expc- riments on hydraulic motors, by James Francis. Boston, 1855, In-4°, fig. The geographical and commercial Gazette, january - june, 1855. In-f°, fig. List of Works published by the Smithsonian Institution , Washington, 1855. In-4°. Jabrburch der Kaïserlich Kôniglichen geologischen Reisch- sanstalt, 1851-1854. I1—V. Wien. In-4° fig. De la Taxe unique sur les Boissons, par M. Caze. Toulouse, In-8°. Enseignement pratique de l'Agriculture, Commissariats de police, Statistique cantonale, par le même. Toulouse. In-8°. Des Gardes champêtres , par le même. Toulouse. In-8°. Exposé des travaux de la Société de Patronage de Toulouse, par le même. In-8°. De l’Endiguement et de l'entretien des Cours d’eau, par le même. Toulouse. In-8°. Rapport au nom de la Commission chargée d'examiner le projet de loi relatif au régime pénitentiaire, par le même. Tou- louse. In-8° Des Comices agricoles et des Chambres d'Agriculture, par le même. Toulouse. In-8°. Rapport sur le projet de substituer un Chemin de fer au Ca- nal latéral, par le même. Toulouse. In-8°. Desrigolesd'Ecoulement, nauses ou fossés-mères, parlemême. Toulouse. In-8°. Remerciment de M. Caze, nommé Mainteneur des Jeux Flo- raux. Toulouse. In-8°. Semonce prononcée en Séance publique de l'Académie des Jeux Floraux, par le même. Toulouse, 1852. In-8°. De la Réforme pénitentiaire, par le même. Toulouse, 1855. In-8°. k52 MÉMOIRES Aperçus historiques et pratiques sur le Jury en matière cri- minelle, par le même. Toulouse, 1853. In-8°. Rapport relatif au mode d'élections municipales dans les com- munes de plus de vingt mille âmes, par le même. Toulouse, In-° Rapport sur le projet de cession à la ville, de l'église et de l'ancien monastère des Jacobins, par le même.Toulouse. In-4°. figures. Essai sur l'Histoire littéraire des patois du Midi de la France, par le docteur Noulet. Toulouse, 1836. In-8e. Lettre inédite de l’Impératrice Joséphine, du 7 germinal an XII, adressée au professeur Delille, alors sous-commissaire du Gouvernement Francais près les Etats-Unis ; par M. N. Joly. Toulouse, 1856. In-8°. Note tendant à réfuter les assertions de Richard Owen, sur le système digital des Equidés, improprement appelés Monodac- tyles, par MM. Joly et Lavocat. Toulouse. In-8°. Un mot sur la question des subsistances, à propos d’un dîner d'hippophages, par M. Joly. Toulouse, 1855. In-8°. Traité élémentaire de Physique théorique et expérimentale, avec les applications à la Météorologie et aux Arts industriels, par P.-A. Daguin, t. 1, 2° partie. Toutouse. In-8°, fig. Les Arrêtistes du Parlement de Toulouse, par M. Astre. Tou- louse, 1856. In-8°, fig. Sur les foyers des courbes d'intersection, par E. Catalan. Paris. In-8. Note sur le problème de Malfatti, par le même. Paris. In-8°, figures. Note sur la formule de Simpson et sur une autre formule de quadratures, par le même. Paris. In-8°. Mémoire sur les Déterminants , par le même. Bruxelles. In-8°. Théorie des Fractions continues, par le même. Paris. In-8°. Sur le problème de la Sphère tangente à & plans donnés, par le même. Paris. In-8°, fig. Sur les Normales aux Coniques, par le même. Paris. In-8°. DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 453 Théorème de Statique, par le même. Paris. In-8°, fig. Note sur la théorie des Roulettes, par le même. Paris. In-8°, figures. Note sur la sommation de quelques séries, par le même. Pa- ris. In-4°. Note sur un problème de mécanique, par le même. Paris. In-4°. Sur les Trajectoires orthogonales des sections circulaires d’un ellipsoïde, par le même. Paris. In-4°. Note sur la Projection stéréographique, par le même. Paris. In-4°. Note sur une formule relative aux Intégrales multiples, par le même. Paris. In-4°, Note sur la Théorie des solutions singulières, par le même. Paris, 1847. In-4e. Note sur la somme des puissances semblables des nombres naturels, par le même. Paris. In-8°. Quelques Remarques sur la Nomenclature générique des Algues, par M. Auguste Le Jolis. Cherbourg. In-8°. Examen des espèces confondues sous le nom de Zaminaria digitata auct. suivi de quelques Observations sur le genre La- minaria, par M. Auguste Le Jolis, 2° édition. Cherbourg, 1855. In-8°. Essai d’un Cours élémentaire de Topographie, autogr., par A. Paque. Liége, 1856, fig. Etudes sur la Rage, par le docteur J. Le Cœur. Caen, 1856. In-8°. Secours aux noyés, précédé de quelques Considérations sur les accidents déterminés par la submersion, par le même. Caen, 1856. In-18. Discours prononcé aux obsèques de M. Amussat, le 16 mai 1856, par M. H. baron Larrey. Paris, 1856. In-8°. De l’occlusion des paupières dans le traitement des ophthal- mies et des maladies des yeux ; discours de M. H. Larrey à l’Académie impériale de Médecine. Paris, 1856. In-8°. Essai sur les Monuments du Roussillon, par M. de Barthélemy. Paris, 1856. In-&. 454 MÉMOIRES Rapport sur les travaux de l'Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie de Lille, pendant l’année scolaire 1854-1855, par M. le docteur Cazeneuve, directeur de l'Ecole. Lille, 1855. In-8°. Notice sur les travaux scientifiques de M. Antoine d’Abbadie, Paris. In-4°. Voyage à Constantinople par l'Italie, la Sicile et la Grèce, re- tour par la Mer Noire, la Roumelie, la Bulgarie, la Bessarabie russe , les provinces Danubiennes, la Hongrie , l'Autriche et la Prusse, en 1853, par M. Boucher de Perthes. Paris, 1855.92 vol. in-18. Hommes et Choses, Alphabet des passions et des sensations, par le même. Paris, 1851, 4 vol. in-18. Sujets dramatiques, par le même. Paris, 1852. 2 vol. in-18. Petites solutions de grands mots, par le même. Paris, 1848. 4 vol. in-18. Romances , Ballades et Légendes, par le même , 2° édition. Paris, 1849 , 1 vol. in-18. Emma, ou quelques lettres de femme, par le même. Paris, 1852. 1 vol. in-18. De l’unité de la Médecine, par le docteur Brachet. Lyon, 1550. In-8°. Rapport fait à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres au nom de la Commission des Antiquités de la France, par M. Ber- ger de Xivrey. Paris, 1855. In-4°. De la Reconvention , par M. Tempier, correspondant. Mar- seille , 1853. In-8°. Note sur le froid exceptionnel observé à Montpellier en janvier 1855, par M. le baron d'Hombres Firmas. Alais, 1855. In-8°. Mémoire sur la maladie des feuilles de mürier, par le même. Alais, 1853. In-8°. Mémoire sur la Fraudocite, par lemême. Alais, 1854. In-8°. Sur le pain mixte de blé et de riz; valeur du riz comme ali- ment et réflexions générales sur l'alimentation, par J. Girar- din. Rouen, 1855. In-8°. Rapport fait à la Société libre d'Emulation, du Commerce et DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. 455 de l'Industrie de la Seine-Inférieure, sur les viandessalées d’Amé- rique, par le même. Rouen, 1855. In-8°. Projet d'une Hagiographie diocésaine. — Discours d’installa- tion prononcé par l'abbé Corblet. président de la Société des An- tiquaires de Picardie. Amiens, 1856. In-8o. Notice historique sur la foire de la Saint-Jean à Amiens, par l'Abbé Corblet. Amiens, 1856. In-8°. Mémoires sur l’if et sur ses propriétés toxiques, par MM. Che- valier, Duchesne et Raynal. Paris. In-8°. Mémoire sur un enfant à deux têtes, par le docteur Laforgue, Toulouse, 1856. In-8e, fig. Discours d'ouverture de la Séance publique d’hiver de la So- ciété Linnéenne de Bordeaux ( Ecole forestière de M. Ivoy au Pran), par M. Ch. Des Moulins, président. Bordeaux, 1856. In-8°. La Cinéïde, 6u la vache reconquise, poëme national héroi- comique en vingt-quatre chants, par l'abbé Ch. Du Vivier de Streel. Bruxelles 185%. In-8°. Poésies Wallonnes, par le même. Liége, 1842, 2 vol. in-18. Réflexions sur la vie et le caractère de Montaigne, par le vi- comte Alexis de Gourgues. Bordeaux, 1856. In-8°. Coup d'œil géologique sur les mines de la monarchie autri- chienne, rédigé par ordre de l’Institut impérial et royal de Géo- logie, par le chevalier de Haüer et Fætterle, avec une introduc- tion, par Guillaume Haïdinger. — Traduit de l'Allemand , par le comte Auguste Marschall. Vienne, 1853. In-4°. Des applications de la Botanique à la Pharmacie, par le doc- teur Soubeiran, Paris, 1855. In-8°. De la Vipère, de son venin et de sa morsure, par le même. Paris, 1855. In-8°, fig. Sur l’âge des formations d’eau douce de la portion d’Aqui- taine située à l’est de la Garonne , par Victor Raulin. Bordeaux. In-8°. Memoria sobre las Antigüedades neo-granadinas, por Ezequiel Uricoechea. Berlin, 185%. In-4°, fig. Uber das iridium und Seine verbindungen. — Inaugural dis- k56 MÉMOIRES sertation zur erlangung der philosophischen doctorwürde von Ezequiel Uricoechea. Gôttingen , 1854. In-8°. Chemical examinations of the oloba and of a new Body, olobile, contained in it by Ezequiel Uricoechea. In-8°. Esquisse historique sur la Médecine légale. — Discours pro- noncé à l'ouverture du cours de Médecine légale, le 7 avril 1856, par le docteur Gérard Marchant. Toulouse, 1856. In-8°. Considérations sur la paralysie générale progressive. — Let- tre à M. le docteur Parchappe, par le même. Toulouse, 1856. In-8°. De l’origine des diverses variétés ou espèces d’arbres fruitiers, par Alexis Jordans. Paris, 1853. In-8°. Mémoiressurl’Ægilops Triticoïdes, par le même. Paris, 1856. In-8°. Voyage archéologique et historique dans l’ancien comté de Bigorre, par M. Cenac Moncaut. Tarbes, 1856. In-18. Lecons de Chimie élémentaire appliquée aux Arts industriels et faites aux ouvriers du 12° arrondissement, par M. Doré fils. Paris, 1855. In-8° fig. Dictionnaire raisonné d’Escrime, ou principes de l'Art des armes, par Embry. Toulouse, 1857. In-8°. Saint-Jean-de-Luz historique et pittoresque. Annales et chro- nique depuis l’époque de sa fondation présumée jusqu à nos jours, par Léonce Goyetche. Bayonne, 1856. In-18. Etudes sur l’Apiculture, par Buzairies. Limoux, 1856. In-8°. Etudes historiques et critiques sur l’Imitation de J.-C., con- sidérée dans ses origines, ses textes, son auteur, par M. Vert. Toulouse, 1856. In-32. L’éternelle Consolacion ou l’Imitacion de Jhesucrist, éditée pour la première fois, par M. Vert. Toulouse, 1854. In-32. Rapport fait au congrès des délégués des Sociétés savantes sur les travaux de la Société académique de l’Aube en 1855, par le baron Doyen. Paris. In-8°. Biographie de Pierre-André Pourret, par L. Galibert. Nar- bonne, 1856. In-8°. Correspondance de Bernard de Monifaucon, bénédictin, avec DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. h5T le baron G. de Cracicer, archéologue Liégcois, publiée par Ulysse Capitaine. Liége, 1855, In-8°, fig. Histoire de Montauban , par Devals aîné, t. 1. 1855. In-8°, figures. Recherches sur la vision binoculaire simple et double et sur les conditions physiologiques du relief, par le docteur Serre, d’Uzès. Paris. In-8°, fig. Thèse de Boissié de Sauvages, Dissertatio medica atque lu- drica. — De amore. Alais, 1854. In-8° Observation sur le coloris, le dessin et les beaux airs des têtes que l’on remarque dans les tableaux des peintres célèbres, par Rocamir de la Torre. Toulouse, 1855. In-8°. Musée botanique de M. Benjamin Delessert ; Notices sur les collections de plantes et la Bibliothèque qui le composent, par A. Lasègue. Paris, 1845. In-8°. De la prospérité publique, ou décentralisation du capital et influence de cette opération sur l’ordre social, par Fabre. Paris, 1855. In-8°. Observations physiques sur le poulpe de l’Argonauta argo, commencées en 1832, et terminées en 1845, par M”° Jean- nette Power, née de Villepreux. Paris, 1856. In-8°. Rapport à la Société impériale d'Agriculture de la Haute- Garonne sur le concours du 2 mai 4855, pour la distribution des primes d'encouragement à l'élève des espèces bovine et ovine , par M. Prince. Toulouse, 1855. In-8°. Rapport fait à l’Académie des Sciences de Paris sur les recher- ches expérimentales sur la végétation de M. George Ville. Paris, 1855. In-8°. On two new crystalline compounds of zinc and antimony and on the cause of the variation of composition observed in their crystals by Josiah P. Cooke. Ir. Cambridge, 1855. In-4°, figures. Biographie du comte de Guibert, maréchal de camp, membre de l'Académie Francaise, par Forestier neveu. Montauban, 1855. In-8°, fig. Essai sur l’invraisemblance du règne commun et simultané 458 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE. de Louis IT et Carloman, pendant l'année 879, parE. Choussy. Clermont, 1856. In-8°. Traité théorique et pratique sur l'épuisement pur et simple de l’économie humaine , et sur les maladies chroniques qui ont cette origine, par le docteur Sallenave. Bordeaux, 1855. In-8°. Le Cicl. Première partie : Astronomie spéculative et reli- gieuse, par M. de La Codre. Paris, 1856. In-8°. Mémoires sur le Valisneria spiralis L. considéré dans son organographie, sa végétation, son organogénie, son anatomie, sa tératologie et sa physiologie, par M. le professeur Ad. Chatin. Paris, 1855. In-4° fig. 459 TABLE DES MATIÈRES. ETAT des Membres de l'Académie au 1° janvier 1856... Le serment des Capitulaires ou des Capitouls de ee pen- dant le xv° siècle, et notes sur leur administration finan- pére: par M DU MEGEE.........0...---c.c ce ie à Des causes de la désagrégation de la brique en présence du plâtre gàché ; par M. COUSERAN.. ........ ere . Mémoire sur une Oie monstrueuse appartenant à la famille des monstres Polyméliens ; établissement , à son sujet, de deux nouveaux genres tératologiques sous les noms d’Ag- nathocéphale et d'Ischiomèle ; ; par le Docteur N. Jocv..... Solution d’un problème relatif à la théorie des nombres ; par MER ORNIN SR LC EP RNNEnEREt nbciaoéodHon nie Rapport sur la machine à faire des tenons et des mortaises de MM. Maybon et Baptiste ; par M. GuiBaz. ............ . Considérations historiques sur l’'Episcopat Toulousain (1'° par- üe)kpar M. Florentin ASTRE: 5.100. RER : CCR De la signification des épines et des réceptacles des fleurs femelles chez les Xanthium ; par le Docteur D. CLos.... Recherches sur les polygones sphériques réguliers ; par M. J. SORNIN- OUR 2 MAS SIREN ANR HORAIRES IEEE Observations critiques et synonymiques sur l'Herbier Chaix ; par M. Ed. TIMBAL-LAGRAVE. - .-0............. SE Tableau général des observations météorologiques faites à l'Observatoire de Toulouse en 1855 ; par M. Perir. Discours d'ouverture de la Séance publique; par M. FiznoL. Eloge du Docteur Charles Viguerie ; par M. DESBARREAUX- BERNARD. .... C PPT SERA RARE RES AR dre . Rapport sur les médailles d'encouragement décernées par d. cadémie en 1856 ; par M. VITRY. ......... ES sister Eloge d’Etienne GUY Saint-Hilaire ; par le Docteur N. JOLY..... Re Ce: cru Pages. ii 29 &60 TABLE DES MATIÈRES. Note sur l'Ecole du Palais au temps de Charlemagne; par MGR T EN ARNO SE Ve Tee crc ue AD Notice historique sur la vie et les travaux de M. Benech ; par * M. MoLiNtER SAME LAS A. COUR LAURE 2. Le 1200 Sur un nouveau théorème relatif aux moments des forces par rapport à un point; par M. H. MoziNs.............,.... 288 Littérature ancienne. — Jugement de ne a Halicarnasse sur Thucydide; comparaison de AREA te et d'Hérodote ; par M. E. HmRL TU, Hé Mb A A0 ONE er” 295 Rapport de la Commission chargée d'examiner la machine à tailler la brique de M. Galinié (Bertrand); par M. Bras- SINNE: Hesse F Va a Be naine series ene saone ere O0 Nole sur un historien de la Croisade contre les Hérétiques Albirens par MEL, Docos es RER EE ER ol Courses de chevaux à Toulouse ; par M. U. Virry.......... 333 Rapport sur la machine à débits de M. Cunq ; par M. Sornix. 346 Coup d'œil, au moyen de chartes inédites, sur l’ancienne constitution ‘judiciaire dans la ville de Toulouse avant l’é- tablissement du Parlement , notamment pendant la domina- tion de Simon de Montfort ; par M. BELHOMME.......... 319 Charte inédite du xv°siècle, portant donation d’un jeune garçon à un Curé ; par M. BELHOMME. ................ 363 Note sur la vapeur vésiculaire et sur la formation des nuages ; Pan Me PA DAGOIN 0-2 Les - che cd Note sur plusieurs inscriptions Gallo-Romaines inédites; par 1 PT TE CO NO IT CODE CARO SES 1! Bulletin des travaux de l’Académie pendant l'année 1856.... 388 Jaxvien. — Rentrée de l’Académie et dépouillement de la correspon- dance. — Mémoire sur les terrains lacustres de l'Ardèche et du Gard; par M. de Malbos. — Sur quelques diplogenèses ou mons-- truosités doubles, etc. ; par M. Joly. — Un mot sur la question des subsistances à propos d’un diner d'hippophages ; par le même. — Sur la composition chimique et les propriétés du lait; par MM. Filhol et Joly. — Rapport de M. Clos sur les ouvrages de botanique de M. Le Jolis. — Eloge de feu M. le docteur Viguerie; par M. Desbarreaux- { Bernard. — M. le Jolis nommé correspondant. Février. — Considérations générales sur les êtres communément ap- pelés monstres; par M. Lavocat. — Eloge de feu M. Manavit; par M. du Mège. — Dépôt par M. Desbarreaux-Bernard de manuscrits trouvés chez feu M. Viguerie. — Sur les polygones sphériques ré- TABLE DES MATIÈRES. k 61 Suliers; par M. Sornin. — Proposition de déclarer une place va- cante. — Lettre de l’Impératrice Joséphine au professeur Delille. — Observations de M. Lavocal sur les monstres. — Données historiques sur l’hippophagie, par le mème. — Question relative à la théorie des nombres ; par M. Sornin. — Note historique sur la fondation du nouvel observatoire de Toulouse ; par M. Petil. — Rapport de M. Guibal sur une machine à faire les tenons et les mortaises, in- ventée par MM. Maybon el Baptiste. — Dépôt par M. Ducos d’une ancienne clef en fer. — Considérations historiques sur lépiscopat toulousain ; par M. Astre. — Rapport de M. Barry sur le précis des travaux de l’Académie de Rouen. Mars. — Considéralions géognostiques sur les échinodermes des Py- rénves ; par M. Leymgrie. — Mémoire sur le terrain jurassique des Pyrénées françaises, par le même. — Voyage géologique à Bayonne, par le mème. — Zssaë sur la gcographie historique et politique de l'Espagne; par M. Barry. — Rapport de M. Molinier sur un ouvrage intitulé : De la prospérité publique ; par M. Fabre. — Déclaration de vacance d’une place. Aveiz. — M. le Ministre de l’instruction publique adresse les œuvres du baron dé Stassart. — M. Grat envoie des médailles antiques. — Etude historique et littéraire sur le théätre français au 13e siècle ; par M. Delavigne. — Organographie végétale, Mémoire sur la lampourde épineuse ( Xanthium spinosum. Linn.); par M. Clos. — Fossiles communiqués par M. Paraire., — A/ouvements d'une masse liquide peu profonde comprise entre deux méridiens terrestres ; par M. Brassinne. — Notice sur l'inslilution smithsonienne de Washington; par M. Astre. — Note sur l'école du Palais au temps de Charlemagne ; par M. Galien-Arnoull, — Rapport de M. Noulet sur les fossiles communiqués par MM. le baron du Perier et Parayre. — Observations critiques et synonymiques sur l'herbier de l'abbé Chaix ; par M. Timbal-Lagrave. — Rapport de M, Astre sur les travaux de M.Caze. —M. Caze, nommé membre résidant, — Don de graines exotiques, par M. Joly. — Rapport de M. Guibal sur le con- cours relalif au prix extraordinaire. — Sujet de prix proposé pour 1859. — Rapport de M. Leymerie sur les fossiles de M. Abadie. Mar. — Théorème relatif aux moments des forces; par M. Molins. — Encouragements proposés par l’Académie pour les découvertes utiles et les mémoires scientifiques. — Rapport de M. Sornin sur la n:a- chine à calculer, inventée par M. Cunq. — Rappert de M. Brassinne sur les travaux de M. Catalan. — Discours de M. le président Filhol. — Rapport de M. le Secrétaire perpétuel sur les objets de géologie el d'archéologie. — M. Catalan, nommé correspondant. — Elections annuelles. -— Examen analytique d’une dissertation de Bayle sur les causes du flux menstruel des femmes; par M. Gaussail. — Rapport de M. Soruin sur les nouveaux reliefs géométriques de M, Lago. — Découvertes antiques ; par M. du Mège. 4° S. — TOME vi. 30 u Juis. — Motice historique sur la vie et les non de à. Benechi; M Molinier. — Notice sur la vie et les travaux d’Etienne Geoffro: Saënt-Hilaire; par M. Joly. — Jugement de Denys d’Halicarnasse sur Thucydide ; par M. Hamel. — Rapport de M, Astre sur l'ouvrage de M. Vert, relatif à l’auteur de limitation de Jésus Christ. — Rap- port de M. Sornin sur la machine à numéralion de M. Terssié. Juirer, — Rapport de M. Sornin sur la machine à lailler la brique, inventée par M. Galinié. — Décision de l’Académie à l’occasion des médailles d'encouragement à décerner. — M. Molins communique officiellement la mort de M. Fortoul, Ministre de l'instruction pu- blique. — Notice sur un historien de La croisade contre les héré- tiques albigeois, Pierre de Vaux-Sernay ; par M. Ducos. — Chèvres d’Angora dans les Pyrénées. — Observations sur les courses de che- vaux ; par M. Vitry. — Charte inédite du XV® siècle, portant do- nalion d’un jeune garçon à un curé; par M. Bellomme. — Brique pour claveaux. — Note sur Les lois du mouvement des machines ; par M. Gascheau. ‘ Aour. — Rapport de M. Sornin sur un traité de topographie de M. Pa- que. — Recherches sur les malières colorantes des fleurs; par M. Filhol. — De l’existence de l’ammoniaque dans certaines eaux sulfureuses, par le même. — Sur la formation et la composition des 4 nuages ; par M. Daguin, — Rapport de M. Molinier sur un ouvrage de M. Vingtrinier, intitulé : Des enfants dans les prisons et devant la justice. — M. Paque , nommé correspondant. — Mémoire sur plu- sieurs inscriplions antiques découvertes dans l’arrondissement de Saint-Gaudens ; par M. du Mège. — Communication verbale de M. Larrey sur un effet de canitie assez singulier. — Table générale de la 4€ série , par le même. — Rapport de M. du Mège sur un ou- vrage de M. Goyetche, intitulé : Saënt-Jean-de-Luz. Sujets de prix pour les années 1857, 1858 et 1859......... 44% Ouvrages imprimés adressés à l’Académie. ............... 447 a cééaane s cd bon me ve et 71 n . + CAR « en La ar d CE .