è MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. ————— DEUXIÈNE SÉRIE. 1er Volume. — 1r'e Livraison. ANGERS, IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE. 4850. y FE, CS. ñ MAEANTEE UE nds SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. DEUXIÈME SÉRIE. 1: VOLUME. ANGERS, IMPRIMERIE COSNIER & LACHÈSE. 1850. MONA ATAEA TH NOAAIDE I DULA EE MINISTÈRE DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS. Enregistré le 6 mai 1833, no 2,188. Paris, le 15 mar 1833. LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français, À tous présents à venir , SALUT. Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d'Etat au département du Gommerce et des Travaux pu- blics, notre Conseil d'Etat entendu, nous avons or- donné et ordonnons : Art. 1%. La Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers (Maine et Loire) , est reconnue comme établissement d'utilité publique; son Règlement est approuvé tel qu’il est annexé à la présente ordonnance. Art. 2. Notre Ministre Secrétaire d’État au département du Commerce et des Travaux publics est chargé de l'exécution de la présente ordonnance. VI Donné au palais des Tuileries Le 5 mai.1833, Signé : LOUIS-PHILIPPE. PAR LE ROI: Le Ministre Secrétaire d'Etat au département du Commerce et des Travaux publics, Signé : À. THIERS. POUR AMPLIATION : Le Maître des requêtes , Secrétaire général du Ministère du Commerce et des Travaux publics. Signé : EDMOND BLANC. RÉGLEMENT INTÉRIEUR DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ET, ARTS D’ANGERS. CHAPITRE PREMIER. De la composition de la Société. ARTICLE PREMIER. La Société se compose de membrestitulaires, asso- ciés, correspondants et honoraires. ART. 2. Les membres titulaires sont ceux qui, quelle que soit leur résidence, participent .aux charges de la Société par une cotisation entière. Ils ont voix délibérative, droit de présentation de candidats.et, d'insertion de leurs ouvrages dans les Mémoires de la Société. Leur nombre est fixé à quatre-vingts. ART. 3. Les membres associés, qu’on ne peut admettre qu’autant que le nombre des titulaires est complet , pe paient que moitié de la cotisation annuelle. VIII Ils prennent néanmoins part aux séances, mais sans avoir voix délibérative, pi droit de présenta- tion ; ils peuvent y lire leurs productions et obtenir place dansles publications de la Société, Le nombre n’en est pas limité, ART. 4. Les membres correspondants, choisis parmi les personnes qui n’habitent.pas la commune d'Angers, ne sont pas teous à la rétribution annuelle. Ils jouissent de tous les droits accordés aux mem- bres associés, et leur nombre est également illimité. ART. 5. Les membres honorairés sont ceux auxquels leur âge ou leurs infirmités ne permettent plus d’assister aux séances, ou que d'importants services rendus aux sciences et aux arts ou bien à la Société en par- ticulier appellent à cette distinction. Ils partagent toutes les prérogatives des membres titulaires. Leur nombre est fixé à dix pour ceux étrangers à la Société ; celui des autres n’est point ge ME ART. 6. L Au commencement de chaque année, un nouveau tableau systématique des différents membres de la Socièté est dressé par les soins de l’administration et placé dans la salle des séances. CHAPITRE IL De l'administration de la Société. ART. 7. L'administration de la Société est confiée à un Président, un Vice-Président, un Secrétaire général, un Secrétaire ordinaire, un Trésorier et un Archi- viste. Elle est chargée des intéréts de la Société et la re- présente en toute occasion. ART. 8. Le Président dirige les séances, nomme les com- missions, signe les procès-verbaux et les lettres adressées au nom de la Socièté, convoque extraor- dinairement et vise les pièces de comptabilité. Il est remplacé au besoin, dans ces différentes fonctions, par le Vice-Président. ART. 9 Le Secréfgire général, suppléé-par le Secrétaire ordinaire, est chargé de la correspondance, des lettres de convocation et des procès-verbaux. ART. 10. Le Trésorier tient état des recettes et des dépenses; il veille à la rentrée des fonds de la Société et à l’ac- X quittement de ses dettes. L’Archiviste est chargè de la garde et de la conservation des archives et de la bi- bliothèque. ART. 11. Le Président et le Vice-Président sont nommés pour un an; le Secrétaire, les Trésoriers et l’Archi- viste pour deux ans : tous sont rééligibles. ART. 12. Le Président et le Secrétaire ‘général. venant à cesser leurs fonctions dans le cours d’nne année, sont suppléés, pour le temps à courir, le premier par le Vice-Président , et le second par le Secrétaire ordi- naire ; les autres fonctionnaires sont remplacés par voie d'élection. ART. 13. Les membres de l’administration sont nommés séparément et à la majorité :absolue. Si le premier scrutin est sans résultat, le ballotage a lieu entre les deux membres qui ont obtenu le plus grand nombre de votes; en cas de partage. le plus âgé est proclamé. ART, 14. Le renouvellement de tout ou partie de l’admi- nistration a lieu dans la séance de décembre : les titulaires entrent en fonctions le 1° janvier sui- vant. XI CHAPITRE III. Des Présentations et des Réceptions des Candidats. ART. 15. Pour être reçu membre titulaire, associé ou cor- respondant, il faut, par l'intermédiaire de trois membres titulaires, présenter, soit un ouvrage im- primé ou manuscrit. soit une observasion, soit un objet d’art, et en outre, d’après un rapport de trois commissaires .i fait à la séance suivante, réunir au scrutin secret les des deux tiers des votes des mem- bres présents. Toutefois, sur l'observation du Bureau, une per- sonne occupant une fonction spéciale, analogue à l’une des branches d'instruction cultivée par la So- ciété, pourra être dispensée de présenter un travail quelconque. ART. 16. Les membres honoraires des deux catégories (art5) ne sont soumis qu’à la formalité du scrutin. ART. 17. Les membres titulaires quittant la commune d’An- gers restent de droit membres correspondants. Les membres correspondants qui viennent à ha- biter la commune d’Angers ont droit aux places va- cantes parmi les membres titulaires et concurrem- XII ment avec les membres associés, suivant toutefois leur rang de première réception. Faute par eux de les remplir, ils cessent de faire partie de la Société. CHAPITRE IV. De la tenue des Séances. ART. 18. Le Président, le Secrétaire général et le Trésorier forment'le Bureau. Dans l’absence du Président, le Vice-Président ; à défaut de celui-ci , le dernier Président élu, enfin le doyen d’âge parmi les membres présents occupe le fauteuil. Le membre qui préside pourvoit au remplacement des autres fonctionnaires qui seraient absents. Le Bureau (el qu’il se trouve constitué est main- tenu pendant la durée de la séance. ART. 19. La séance ouverte, après l’adoption du procès- verbal, le Président annonce la série des objets qui doivent être soumis à l’assemblée, lesquels sont re-. pris dans le même ordre et suivant leur rang d’ins- cription, savoir : 1° la correspondance ; 2° les pré- sentations et réceptions de candidats; 3° les rapports des commissions ; 4° les mémoires ; 5° enfin les autreS objets incidents. XIIE Les membres survenus dans le cours de la séance ne pourront réclamer aucune explication sur les questions résolues ou en discussion. ART. 20. Toute réunion périodique ou spéciale, dûment convoquée, est régulière, et les délibérations sont valables. Toutefois il ne pourra être procédé à la réception d’un candidat, ni volé aucune dépense extraordi- paire de 100 francset au-dessus, sans que les lettres de convocation n’en aient fait mention, et en outre qu'il ne se trouve dix personnes ‘présentes, y com- pris les membres du Bureau. Quant à l’admission de candidats, si, à la séance fixée pour cet objet, l’assemblée u’était pas com- plète, une nouvelle réunion expresse aurait lieu avec les précautions ci-dessus indiquées, dans laquelle on passerait outre à cette réception, quel que fut le nombre des membres présents. ART. 21. Pour toute espèce d’objets, les décisions sont prises au scrutin secret et à la majorité simple, sauf les cas exceptionnels. CHAPITRE V. Des Lectures et des Rapports. ART. 22. L'auteur d’un ouvrage quelconque, qu'il se pro- XIV pose de lire à la Société, en prévient Je Secrétaire général, qui l’inserit sur un registre a ce destiné, sous un numéro qui fixe son rang de lecture. Dans le cas ou l’auteur ne se présenterait pas en &mps utile pour le lire, l’ouvrage serait reporté à la suite du dernier enregistré. Tout ouvrage scientifique , artistique ou littéraire ayant trait au pays, soit par le sujet, soit par le nom de l’auteur, soit par le point de départ de sa pnbli- cation, et déposé avec l’agrément de l’auteur sur le bureau de la Société , sera l’objet d’un rapport fait par une commission nommée au choix du Président et dans la forme usitée pour le compte-rendu des ouvrages sortis du sein de la Société. L’impression de ce rapport sera mis aux voix. Tout ouvrage qui exigerait plus d’uue demi-heure de lecture sera partagé en plusieurs séances, si mieux n’aime l’auteur le présenter par extrait. ART. 23, Après lecture, l’ouvrage est remis au Bureau, signé par l’auteur. Le Président nomme une commis- sion de trois membres, pour en faire un rapport écrit à la séance suivante. Le Secrétaire ordinaire prévient chacun des trois commissaires, et adresse l’ouvrage au premier dé- signé, qui reste chargé de s’en entendre avec ses collègues. Aprés la lecture d’un mémoire ou d’un rapport, l'impression pourra en être votée dans la même séance, si, d’après l’opinion du Bureau, ces ouvrages XV ve doivent pas occuper plus de huit pages dans les publications de la Société. Si toutefois trois membres demandent le renvoi à une commission, il sera fait droit à leur demande. Au-delà du nombre de huit pages, le renvoi à une commission est de rigueur. Les commissions choisissent leurs rapporteurs. ART. 24. Si le rapport n’est pas fait à la séance Suivante, sans raison légitime, le Président nomme une nou- velle commission ; comme aussi, en cas d’empêche- ment ou de refus d’un des membres (qui doit le faire connaître dans les huit jours de sa nomination) , il pourvoit à son remplacement. ART. 25. Le rapport devra indiquer si l’ouvrage soumis à l'examen de la commission lui paraît susceptible d’être imprimé, soit en entier, soit par extrait, soit par analyse, ou simplement d’être déposé aux archives : sauf toutefois l’approbation de l’auteur, .toujours libre de retirer son ouvrage. La décision de la commission, sans aucune dis- cussion préalable , est votée.au serutin secret. ART. 26. Les rapports ne sont pasimprimés, sauf ceux des- criptifs d’objets d'art, qui pourront l'être d’après une proposition formelle appuyée par trois membres, et votée comme à l’ordinaire. XVI Un ouvrage imprimé offert à la Société ne donne pas lieu à un rapport; seulement il en est fait men- tion dans ses publications. ART, 27. Un étranger , et par ce mot on doit entendre celui qui n’habite pas l’arrondissement d'Angers, pourra être admis, sur la présentation d’un membre titulaire et avec l’agrément du Bureau. à lire une production. Mention seulement. est faite de cette lecture au procès-verbal. £ CHAPITRE VI. Des Publications de la Société. ART. 28. La Société fait des publications sous le titre de Mémoires de! la Société d'agriculture, sciences ‘ et arts d’ Angers. Les matériaux qui les forment sont imprimés sui- vant la classe à laquelle ils appartiennent , mais dans l’ordre de leur admission. ART. 29. Dans sa séance de décembre, la Société nomme quatre de ses membres pour, conjointement avec le’ Bureau administratif, composer un comité de rédac- sion , qui demeure chargè de surveiller ces publica- tions. XVIE Toutefois aucun changement ne peut être fait à un article que du consentement de l’auteur. ART. 30. La distribution des Mémoires est faite au nom de la Société, par les soins de son Bureau administratif, aux membres qui 7 ont droit; et quant au surplus, d’après les propositions présentées et admises en séance. Le Secrétaire tient un tableau des personnes et des Sociétés auxquelles il en est adressé. ART. 31. Les membres titulaires, associés et honoraires, ont seuls droit à un exemplaire des Mémoires de la So- ciété, et à partir de l’année de leur réception. Ils pourront toutefois obtenir les livraisons parues antérieurement, en en acquittant le prix. ART. 32. Un certain nombre d'exemplaires des Mémoires est mis à la disposition du Trésorier, pour être ven- dus au bénéfice de la Société. ————————- —"—" " ——" "— " ——" "|" | |-|-—|Î"|"Î|"|- |" ——————— — .— CHAPITRE VII Des Cotisations. ART. 33. La cotisation annuelle est fixée à 15 francs pour les membres titulaires. Le montant en est acquis à 4x XVIN la Société, à partir du 1 janvier de chaque année, même à l’égard des membres reçus dans le cours de l’année. ART. 34. Tout membre qui ne paierait pas son annuité dans le courant de l’année, après deux réquisitions du Trésorier, serait censè démissionnaire, sans que la Société perde ses droits pour l’année échue. Celui qui ne donnera pas sa démission avant le 1® janvier, sera redevable de l’année courante. ART. 35. Un membre titulaire , par le fait de sa démission, renonce à sa part dans le mobilier de la Société, ainsi qu’à tout autre droit. La mort d’un Sociétaire ne transmet à ses héri- tiers aucun droit relatif à la Société. ART. 36. Au mois de novembre, une commission de trois membres nommés par l’assemblée est chargée d’exa- miner les comptes du Trésorier et d'en faire son rapport dans la séance de décembre. Le résultat des- dits comptes est soumis à l’approbation de la Société et porté au procès-verbal. XIX DISPOSITIONS GÉNÉRALES. Dans le cours d’une session, il ne pourra être ap- porté aucun changement, aucune modification au Règlement intérieur. Néanmoins. les propositions à ce sujet, présentées par écrit, par les membres titu- laires, seront remises au Bureau; et à la dernière séance de l’année, une commission de trois membres que désigne l’assemblée fera à la première séance de janvier son rapport, sur lequel il sera statué de la manière ordinaire. Le présent Réglement sera imprimé et distribué aux différents membres de la Société, et de plus affi- ché dans la salle des séances. PRIVILÉGES que donne à la Société Royale d’A- griculiure, Sciences et arts d’ Angers, l’ordon- nance royale du 5 mai 1853. DROITS CIVILS : La Société, en sa qualité d'établissement d'utilité publique, peut contracter et recevoir, par donation entre vifs ou par testament (art. 910 du Code civil). XX DROITS POLITIQUES : La Société, en sa qualité de Société savante, con- fère des droits électoraux à ses Membres. Loi du 21 mars 1831, art. 11. « Font partie de » l’assemblée des électeurs municipaux les Membres » des Sociétés savantes, instituées et autorisées par » le Roi. » Loi du 22 juin 1833, art. 3: « Un Membre du » Conseil général du département est élu dans chaque » canton par une assemblée électorale composée des » électeurs et des citoyens portés sur la lisie du » Jury, » Loi du 2 mai 1827, art. 1%, « Les J'urés sont pris » parmi les Membres des Collèges électoraux , les » Membres de l’Institut et autres Socictés savantes » reconnues par le Roi. » LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES TITULAIRES, HONORAIRES ET CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE, Sciences & Arts d'Angers. MEMBRES TITULAIRES. Messieurs, ALLARD, Capitaine d'état-major. ADVILLE, Capitaine d'artillerie en retraite, bibliothé- caire de la ville. DE BARACÉ, Raoul, propriétaire, naturaliste. BAIN, professeur de peinture. DE BEAUREGARD, président à la Cour d'appel. BÉCLARD, avocal. BELLANGER fils, avocat. BELLIER, conseiller à la Cour d'appel. BERAUD, conseiller à la Cour d’appel. BOREAU, directeur du jardin botanique. BouTTON-LEVÊQUE, propriét., agriculteur et éleveur. CASTONNET , docteur-médecin, professeur à l'École de médecine. CHOYER (l'abbé). CONTADES (le comte Méry de), propriétaire. CorroY, médecin-vétérinaire , au Haras. CosniEr, Léon , imprimeur-libraire. CouLon , professeur à Saumur, XXII CouLON, vicaire à Saint-Maurice. CourTILLER , conseiller à la Cour d'appel. DAINvVILLE, Ernest, architecte. DazI6eny, conseiller à la Cour d'appel. DEBEAUVOYS, médecin. Dumont, docteur-médecin. FALLOUx (vicomte de), représentant. FRANGÇOIS-VILLERS, architecte. GIRAUD (Augustin), représentant. GODARD-F AULTRIER. Guérin, directeur honoraire de l’École de médecine, professeur à ladite école. GUIBERT, avocat près la Cour d'appel. GUINOYSEAU, manufacturier. HENRY, recteur de l’Académie. HossARD , médecin-orthopédiste. Houyau, ingénieur civil. HUNAULT DE LA PELTERIE, docteur-médecin. HUTTEMIN , professeur au Lycée. JANVIER DE LA MOTTE , Elie, conseiller honoraire à la Cour d'appel. LACHÈSE père, directeur honoraire de l'École de méd. LAcHëse, Adolphe, docteur en médecine, impr.-libr. LACHÈSE, Ferdinand, architecte du département. LACHÈSE , Eliacin , substitut du procureur général. LÈBE-GIGUN, receveur des contributions indirectes. LEBRETON, chimiste. XXIIL LECLERC-GUILLORY, négociant. LEGEARD DE LA DyriAys, curé de la Trinité d'Angers. LELIÈVRE (l'abbé), professeur au collège de Combrée. LEROY, André, horticulteur. LoFFiIcrAL, ancien sous-préfet de Baugé. LOGERAIS père, docteur-médecin. MERGIER, Conservateur des musées de peinture et sculpture. MÉTIVIER, avocat général près la Cour d’appeld’Angers. MI£LET, propriétaire. MonraïGu (le comte de), propriétaire. MORDRET, propriétaire. MOREAU-FRESNEAU, propriétaire. NEGRIER, directeur de l’École de médecine. OLLIVIER DE LA LEU, propriétaire. OuvraArD, docteur-médecin, professeur à l'École de médecine. PAVIE père , propriétaire. Pavie (Victor), propriétaire. PLANCHENAULT, président du tribunal de première instance. QUATREBARBES (le comte de), propriétaire. QuELIN, propriétaire. RENOU, médecin. ROLLAND, ingénieur des mines. XXIV SAUDEUR , avoué à Baugé. SENONNES (le marquis de), propriétaire. SOLAND, Aimé de, avocat. TEXTORIS, propriétaire. TureRRy, peintre sur verre. ViBERT, propriétaire-horticulteur. MEMBRES HONORAIRES ET CORRESPONDANTS. Messieurs, | BRESSON. CACARIÉ , ingénieur des mines. DE GAUMONT, directeur de la Société archéologique de France. DAvip, statuaire, membre de l’Institut. Desvaux, ancien directeur du jardin botanique. Dur (le baron Charles), membre de l’Institut. FourIER, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées. GAULTIER, conseiller à la Cour de cassation. LAGRÈZE-FORSAT, avocat à Moissac, botaniste-auteur. RoBErT, Cyprien, professeur de slave au collége de France. ScœauLTz, docteur ès-lettres et sciences, botaniste-au- teur, à Bitche (Moselle). TALON, propriétaire , à Villeder (Finistère). TROTTIER, colon de la Mitidja. DISCOURS PRONONCÉ A LA NOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS, Dans sa séance du 8 février 1850, PAR SON PRÉSIDENT. ME, DE BEAUREG AR D. EE — MESSIEURS, Une circonstance malheureuse m'’ayant privé d'as- sister à votre première séance, qui a suivi la forma- tion du bureau, je n’ai pu vous exprimer mes remer- ciments ; mais comme il n’est pas de prescription contre la reconnaissence, je ne veux pas reprendre le cours des fonctions dans lesquelles votre suffrage a daigné me maintenir , sans vous exprimer combien je suis profondément sensible à cet honorable témoi- gnage de votre confiance. Fier du mandat que vous m'avez confié, en me chargeant de la direction de vos travaux, je dois vous rendre compte de ceux que vous avez accomplis pen- dant l’année qui vient de s’écouler. Persévérant dans votre désir de développer en An- jou l’industrie séricicole, vous avez ordonné une nouvelle exposition de ses produits ; ils ont prouvé que cette industrie est en progrès, mais ce progrès est lent. Plusieurs grandes magnaneries, élevées à grands frais, ont été abandonnées. Une seule s'est 1 (2) maintenue : elle est établie dans la commune des Rosiers et est dirigée par les soins intelligents de M. Tessié. On peut attribuer le peu de succès de ces grands établissements à l'élévation du prix de main-d'œuvre qui absorbe les bénéfices. Et en outre, à ce que les vers à soie, réunis en grande masse, sont exposés à des épidémies que ne peuvent pas toujours écarter les soins que l’on prend de leur procurer un air plus pur par des ventilateurs. Cette industrie réussit mieux, lorsqu'elle est con- duite sur une plus petite échelle. Pendant quelques mois de la belle saison, la mère de famille convertit une chambre de sa maison en magnanerie, ses filles recueillent les feuilles de müûrier , soignent les vers à soie et arrivent à peu de frais à la récolte des cocons. Quelquefois ces produits sont filés par des machines transportées à domicile , plus souvent les cocons sont achetés par des agents de grandes filatures qui par- courent la contrée et épargnent tout embarras au petit producteur. Cette industrie, qui accroît la richesse du pays et contribue à répandre l’aisance sur de nombreuses familles, est digne de vos encouragements. Des mé- dailles d'honneur et des primes en argent seront in- cessamment distribuées en notre nom. Un produit plus important pour notre département est celui de ses vins. On peut dire qu’ils valent mieux que leur réputation: pour être mieux appréciés ils n’ont besoin que d’être mieux connus. Afin de les placer au rang qu'ils méritent et d'agrandir la voie de leur exportation , un appel a été fait aux propriétaires (3) des meilleurs vignobles, leurs vins ont été dégustés et décrits, les qualités qui les distinguent ont été . constatées dans des procès-verbaux qui seront livrés à la publicité. Le cours de chimie que vous avez fondé continue d’avoir un succès mérité sous l’habile professeur qui s’en est généreusement chargé. Les leçons de taille des arbres fruitiers réunissent de nombreux auditeurs, et propagent d’utiles notions . qui manquent à la plupart de nos horticulteurs. Le cours de géologie a été interrompu par le chan- gement de résidence de M. l'ingénieur Cacarié. Nous espérons que l’année prochaine il sera continué par son successeur. Les fouilles pratiquées pour la construction du che- min de fer, ont mis à découvert de nombreux débris des temps anciens : des urnes cinéraires, enfouies au milieu d’un amas de charbons mélangés de cendre et de terre, offrent les restes de ces bûchers funéraires où les corps étaient consumés. Cet usage d’incré- mation, admis chez les Romains, cessa avec le paga nisme ; c’est pourquoi l’on a rencontré, dans le même terrain , des cercueils en plomb qui devaient apparte- nir aux premiers temps du christianisme. Ces objets ont été soigneusement recueillis par votre comité ar- chéologique. Cette multiplicité d’urnes cinéraires, de cercueils, dénote qu’une vaste nécropole existait dans ce lieu et fournit une nouvelle preuve de l'importance de Juliomagus avant l'invasion des barbares. Vous avez, il y a déjà plusieurs années, conçu le généreux projet de rétablir le tombeau du roi René, (#7 détruit pendant les temps orageux de la Révolution, mais la dépense qu’exigeait cette entreprise , dépas- sant vos ressources, vous avez élé contraints d'y renoncer. Pour suppléer à cette manifestation d’une juste reconnaissance envers un prince qui appartient à l’Anjou et a laissé de si beaux souvenirs, vous avez exprimé le vœu que son nom soit inscrit sur une plaque de marbre placée dans le chœur de la cathé- drale ; que sur la même plaque soient rangés les noms des membres de son auguste famille, dont les corps reposent près du sien, dans la même enceinte. Nous serons heureux de satisfaire à vos louables intentions, en apportant tous nos soins pour assurer la prompte exécution de ce monument patriotique. Tels sont, messieurs, les heureux fruits qu'a pro- duits notre société pendant l’année qui vient de s’é- couler. Calmes au milieu des événements politiques qui ont préoccupé et agité tant d’esprits, vous avez continué et continuerez paisiblement vos studieux travaux. Pme. or sr. THEODEGISILE MONÉTAIRE SOUS LES MÉROVINGIENS PU Ve AU VIN SIÈCLE. THEODEGISILE. Ce nom ne nous a point été transmis par les tradi- tions ni par les monuments écrits, nous le devons à la numismatique. Leblanc, dans son traité historique des monnaies de France, page 59 ; Bouterouë, dans celui qu'il publia en 1666; E. Cartier, dans les annales de Didron, T.8, page 194 , ont fait connaître la pièce sur laquelle se trouve le nom de ce personnage qui remplissait les fonctions de monétaire à Angers, sous la race Méro- vingienne. Cette charge était fort délicate, car elle donnait, à ce qu'il semble, mission de garantir le titre de la mon- naie ; la personne qui en était investie avait le privi- lége, en quelque sorte souverain, de mettre, à la ma- nière des rois , son nom autour du revers de la pièce, tandis que nos monarques de la {re race se bornaient souvent à laisser placer leur effigie à l'endroit, sans autre légende que celle du nom de la ville où les es- (6) pèces avaient été frappées. Cet usage de mettre le nom du monétaire au lieu de celui du roi fut propre aux Mérovingiens ; on n’en voit pas de trace sous Charle- magne et ses descendants. Cette charge, à l'égard du monnayage, nous paraît avoir eu de l’analogie avec ce qu'était le mairat du palais, vis-à-vis des affaires politiques. Le monétaire était fermier ou maître de la monnoie ; il remplissait aussi l'office d’essayeur. « En un mot, » dit Leblanc , page 58, il y a beaucoup d'apparence » que luy seul faisait ce que plusieurs officiers font » aujourd’huy dans la fabrication des monnoies. » Parmi les endroits assez nombreux où sous la 1re race on battait monnaie, Angers n'était pas au der- nier rang; Théodégisile n’est point en effet le seul monétaire dont le nom soit arrivé jusqu’à nous, et l'on peut citer d’autres espèces de la même époque sur les- quelles , avec la dénomination de notre ville Andecavi Andecavis, l'on trouve les noms des monétaires sui- vanis : — Leunardus, Sur une pièce publiée dans les anna- les de Didron par E. Cartier, T. VIII, pages 193, etc. — Alligisels, sur une monnaie publiée dans le même recueil; Alligisels mérite d'autant mieux d’être si- gnalé qu'il fonctionnait, non seulement pour la ville d'Angers, mais encore pour l’église cathédrale d’a- lors qui avait sa monnaie (1) ; la médaille porte EC- CLESIE ANDECAVI , et au revers ALLIGISELS avec sa qualité : MONET pour monetarius. (1) L'abbaye de Saint-Florent, près Saumur, avait également sa monnaie, ainsi qu’il résulte de.la découverte J'une pièce qui en porte le nom et que M Lange posséde. (7) == Alloni, sur un triens que M. Boilleau de Tours a publié. __ Enfin Nunnus, sur un tiers de sol d’or. Ces noms suffisent à prouver l'importance des es- pèces angevines sous la re race. Il n’est pas douteux, du reste, que l’on ait battu monnaie en nos murs plus antérieurement encore. Bouterouë, en son Recueil des médailles de peuples et de villes, T. 1°, édit. de 1763, nous a conservé les gravures de deux monnaies gau- loises où se lit très bien le nom d'ANDEC. Au revers de l’une est un cavalier et au revers de l’autre, un cheval libre , «signe non équivoque (écrit » M. F. Grille dans un mémoire publié en 1831), des » immunités et des franchises dont Angers jouissait » après la réduction de la Gaule en province romaine.» Ce savant estimable place en effet ces espèces dans la 3e époque gauloise, c’est-à-dire la plus rapprochée de nous. Je devrais peut-être m'arrêter là, mais comme je suis persuadé que le lecteur sera satisfait d'en savoir plus long sur notre monnayage angevin, je vais pour- suivre cette digression. Nous venons de voir que sous la période Gallo-romaine et la {re race, Angers frappait monnaie ; cette ville continua de le faire sous les Car- lovingiens, nonobstant le silence de l’édit de Piste de Van 854 qui, parmi les villes chargées de battre mon- naie, ne mentionne pas Angers, ce dont il convient de ne point s'étonner, puisque, assure Leblanc page 133, « il faut remarquer que beaucoup d'espèces n'ont » été fabriquées dans aucun des lieux marqués par » cet édit. » Aussi cet auteur ne balance-t-il point, page 149, à (8) (rs classer Angers au nombre des 94 endroits de France, d'Italie et d'Allemagne où l’on monnayait sous la 2° race. D'ailleurs, page 126, il présente la gravure d’une pièce au monogramme de Charles-le-Chauve frappée en notre eité, et plus loin, page 144, deux monnaies du roi Eudes, fils de Robert-le-Fort, également frap- pées à Angers ( Andecavis civitas ). Mais il est bon de faire observer que ces deux pièces portant le mono- gramme de Eudes sont des monnaies royales, c’est- à-dire qu’elles n’ont point été frappées au nom de ce prince, en sa qualité de comte d'Anjou, mais bien en celle de roi de France. Ceci nous mène à poser la question de savoir vers quelle époque les comtes d'Anjou ont commencé à faire fabriquer de la mon- naie en leur propre nom. Sans pouvoir y répondre d'une manière positive, nous oserons cependant avancer que cela dut avoir lieu au commencement de la 3° race, et Leblanc est loin de nous être contraire par cette phrase qui étaye nos conjectures : « Mais depuis , dit-il page 155, que » sur la fin de la 2° race tous les seigneurs du royau- » me un peu considérables, se furent approprié le droït » de battre monnaie, chacun la faisant de poids et de » Joy différents, on fut alors obligé de marquer à quelle » monnaye on stipulait... C'est de à que vient cette » grande diversité de sols ou de deniers Parisis, Tour- » nois, Mansois, Angevins, etc.» Donc ce dut être Foulques-Nerra sous Hugues-Ca- pet, à la fin du X: siècle, qui le premier fit battre la monnaie angevine à son monogramme, en remplace- ment du type royal. Le Musée d’antiquités possède quelques pièces d'argent qui sont attribuées à ce comie, ds (9) ou tout au moins aux deux Foulques, ses successeurs, savoir : Foulques IV, de 1060 à 1098, et Foulques V, de 1109 à 1129. Ces monnaies ont cela de particuliè- rement remarquable qu'à limitation de plusieurs de celles du bas-empire et de nos rois, elles possèdent à leur revers l'alpha et oméga: 2 C'était une habitude assez générale dans les con- trées Byzantines d'exprimer, du reste comme l'Evan- gile, le nom du Seigneur par ces deux lettres grec- ques ; Foulques-Nerra , sans aucun doute, aura rap- porté de ses pèlerinages d'Orient l’idée d’en orner sa monnaie. Le Musée des antiquités est également orné de quel- ques pièces de Geoffroy- Martel, comte d'Anjou, de 1040 à 1060. F Angers, sous ce prince , avait un maître de la mon- naie dans la maison duquel se fit même vers 1057 un acte de ratification de divers objets donnés à l'abbaye de Saint-Nicolas. Ce maître de la monnaie monetarius se nommait Hubert (1), et sa qualité de témoin dans l'acte précité, à côté d’un grand nombre de personnes distinguées , démontre assurément la considération que l’on portait à sa charge. La monnaie d'Angers solidi andegavensis, libræ an- degavensis, suivant Chopin, au livre 1 de la juridic- lion d'Angers, page 64, avait , au XIe siècle notam- ment, cours dans les provinces voisines. Cet auteur nous parle au même endroit d’une mon- naie à l'effigie d’un comte d'Anjou du nom de Charle (1) Breviculum fundationis et series abbatiim , santi Nicolaë Andegavensis, de Laurent Le Tellier, page 11. (10) qui ne peut être que Charles Ier, Charles II dit le Boi- teux, ou Charles IT dit de Valois ; les deux premiers ayant vécu au XII: siècle , et le troisième, au com- mencement du XIVe. L'alliance des arts, dans ses ca- talogues de 1845 et 1848, cite plusieurs pièces de Charles Ier et Charles IL: M. Guillemot, dans son Essai sur quelques monnaies trouvées à La Rochelle, page 19 ,en mentionne une de Charles II dit de Valois. Cette pièce portait au revers une clef avec le mot an- degavensis. D'ailleurs, il est incontestable qu'alors nos comtes battaient encore monnaie dans leur nom. En effet, Louis Hutin, par son ordonnance faite à Lagny-sur- Marne, l'an 1315 vers Noël, pour réformer les mon- naies, réglemente celles de nos comtes d'Anjou. (Le- blanc page 230.) Quatre années plus tard, c'est-à-dire, le 14 mai 1319, Philippe-le-Long achète de Charles III dit de Valois, son oncle, ses monnaies de Chartres et d’Anjou,moyen- nant la somme de cinquante mille livres de bons pe- tits tournois. « Ce roi, dit Leblanc page 235, connais- » sant de quelle importance il était que les monnoyes » fussent bien réglées dans son royaume , et voyant » d’ailleurs qu’on n’en viendrait jamais à bout, tant » qu'il y aurait un si grand nombre de seigneurs qui » en fesaient fabriquer, prit la résolution de réunir ce » droit à sa seule personne, en les remboursant. Il » commença par les plus considérables. » Et en tête du rachat se trouve la monnaie du comte d'Anjou. Il est vrai que notre Louis Ier notamment fit faire de la monnaie en son nom entre 1382 et 1384, mais ce (11) fut comme roi de Naples. (Alliance des arts, catalogue de Morel-Fatio 1845, page 51. ) Nous pouvons donc considérer , je crois, comme finissant vers 1319 sous Charles deValois, le monnayage _angevin dans le nom de nos comtes ; toutefois, il est cer- tain qu'il dut continuer à Angers dans le nom du roi ; ainsi voyons-nous au XV: siècle Jean Falet, qui fut maire en 1491, posséder le titré de Prévost de la mon- noie d'Angers. Quelques années avant lui, Jean Fer- rault avait été garde du monnayage. Ce Ferrault est celui-là même qui devint maire de notre ville vers 1450. D'un autre côté, au commencement du XVIe siècle, Bourdigné s'exprimait de la sorte : « À Angers, » y'a maison de monnoie en laquelle avec son enclos » on tient d'ancienneté qu'elle porte franchise comme » lieu saint et en icelle on forge monnoie d’or et d’ar- » gent et tout autre billon au coing et armoyries de » France, et dedans icelle maison chacun officier d’i- » celle a son logis propre et affecté à chacun desdits » offices (folio 8 v°).» Une ordonnance royale de janvier 1549 est beau coup plus explicite: elle porte que désormais les es- pèces fabriquées à Angers seront distinguées de tou- tes autres par la lettre F qui peut-être aura été choi- sie exprès en raison de ce que les anciennes monnaies des Foulques se faisaient remarquer par cette lettre, la première de leur monogramme. En outre, VF qui a quelque peu la façon d’une clef né se serait-il point métamorphosé sous cette forme dans le blason de notre ville? Je suis d'autant mieux porté à le croire que nous trouvons des pièces de Char- les {tr avec l'F du monogramme Fulco et d’autres de (12) Charles, II et de Charles II avec une clef entre deux fleurs de lys. Quoiqu'il en soit, le 21 juillet 1621 la cour des mon- naies d'Angers donnait encore signe de vie par un arrêt concernant les orfèvres , à l'effet de voir s’il y avait lieu d'en augmenter le nombre. Vers 1662 elle cessa de fonctionner, sans toutefois que son matériel et son personnel fussent mis de côté, car la ville conservait toujours l'espérance d’y rani- mer le iravail. On fitmême destentatives dans ce but, au moyen du rachat d’un droit du dixième que le chapitre de Saint-Laud possédait sur la monnaie d’An- gers. Ce droit lui avait été concédé par Geoffroy Mar- tel vers le milieu du XI- siècle pour l'entretien de chanoines qui, chargés de la garde des reliques de Saint-Laud, résidaient alors au château où elles étaient déposées. Ce rachat fut stipulé le 14 avril 1716 entre le cha- pitre royal d’une part et le corps de ville et les offi- ciers de la monnaie d’autre part ; moyennant la somme de six mille livres, et en outre, à la condition que l’un des monnayeurs ferait offrande , le 3 mai de chaque an, d’un louis d’or à Saint-Laud. La ville espérait par ce sacrifice obtenir de nou- veau le rétablissement du travail des espèces d'or, d'argent el autres malières. Mais nonobstant un édit favorable d'octobre 1716, il arriva que, par suite d’un défaut de je ne sais plus quelle formalité, un arrêt du conseil d'État du 12 avril 1718 intervint, portant dé- fense de travailler. Depuis lors, l'hôtel des monnaies semble n'avoir plus existé que pour mémoire; toutefois, Péan qui (13) écrivait à la fin du XVIII siècle, assure qu'il y avait encore de son temps des officiers monnayeurs, sa- voir : Un juge, un garde en chef, un juge en second, un contre-garde, un procureur du roi, un greffier, un chan- geur et un huissier. Mais tout cela in partibus bien en- tendu ; excepté cependant à l'encontre des jetons de nos maires que l’on continuait de frapper. Il ne reste à cette heure de cet hôtel, situé paroisse de la Trinité, rue Mauvaise, que de méchantes masu- res sans intérêt de style. V. GODARD-F AULTRIER. COUP-D'ŒIE GÉNÉRAL SUR L'ORIGINE DES PRINCIPALES SOCIÉTÉS SAVANTES et sur quelques objets qui sy rattachent. 0m © C-0 me — Ce n’est jamais sans un vif intérêt que l’on remonte le cours des âges pour revivre par la pensée, avec les intelligences d'élite qui nous ont laissé de remarqua- bles témoignages de l'étendue de leur esprit et de l'élévation de leur âme. On recueille toujours quelque fruit du commerce particulier que l’on établit avec ces illustres devanciers, qui ont tracé des voies si précieuses et si multipliées à toutes les explorations de la science. Ce n’a été, on le comprend bien, qu'a- près beaucoup d'efforts, d'essais et de tâtonnements, que l'esprit humain a pu prendre son essor et se dé- velopper. L'on ne peut méconnaître que c’est surtout à la communication de leurs labeurs intellectuels et au mutuel échange de leurs études et de leurs idées, que les hommes ont dû, de tout temps, les perfectionne- _ mentsetles progrès qu'ils ont obtenus en tous les genres, et les résultats avantageux que le monde en a retirés. Les assemblées savantes d'où ont jailli souvent ces lumières, n’ont pas assurément toujours réuni (15) tous les hommes dignes d'y tenir un rang honorable, mais elles n’en méritent pas moins d’avoir une place mémorable dans les annales des peuples et dans l'his- toire de l’humanité. Les considérations que J'ai rassemblées ici sur les fondations d’un certain nombre de Sociétés savantes, ont pour objet de présenter un rapide résumé qui puisse facilement ramener le souvenir aux époques et aux hommes dont la célébrité a été consacrée par les âges, dans les évolutions successives de l'esprit humain. En interrogeant les siècles passés, la plus ancienne Société littéraire que l’on trouve dans l'antiquité, est la société dite des Soixante, qui existait au IVe siècle avant Jésus-Christ. Voici ce que nous en a transmis Athénée (surnommé le Varron des Grecs): « Il y avait » à Athènes, dit-il, des eitoyens qui avaient le talent » de plaisanter. Ils se rassemblaient au nombre de » soixante , dans le temple d'Hercule, à Diomies (bourg » de l’Attique), et on les appelait, dans la ville , les « Soixante. Si l’on venait de leur assemblée, on disait, » je viens des Soixante. Parmi eux, comme le rap- » porte Téléphane dans son livre sur Athènes, on ci- » tait Callimedon, surnommé le Crabe, Deinias, » Muasigéton, Menechnie. Leur réputation d'esprit » était telle, que Philippe de Macédoine, en ayant ».entendu parler, leur envoya un talent, afin qu'ils » lui écrivissent leurs plaisanteries. » (Athénée, Ban- quets des savants, liv. 14, ch. 2.) IL n'est pas douteux que les quatre siècles qui précédèrent la venue du Christ, furent une période de perfectionnement intellectuel pour la Grèce, qui (16) s'éleva à un haut degré de gloire littéraire. Parmi les Grecs, vivait alors une foule d'hommes empressés à répandre l'instruction et à populariser, sous les for- mes les plus ingénieuses, les maximes et les doctrines les plus élevées et les plus utiles à la science de la vie. Les diverses écoles qui se formèrent dans'ces temps, ne furent aussi que des assemblées, des asso- ciations où le maître conversait avec les disciples. Le nom de Platon, ce célèbre disciple de Socrate, et le nom d’Aristote, sont demeurés comme deux types immortels de ce genre d'écoles. Le premier réunissait ses disciples à l'Académie (1) qui est devenue le nom générique des sociétés savantes. C’est au Lycée qu'Aristote répandait sa doctrine. Il est reconnu que les lettres romaines mirent un long temps à s’éveiller; ce ne fut guère qu’au contact des Grecs que les Romains acquirent le goût d'une lit- térature qui conserva toujours l'idéal de son origine, ou une sorte de réverbération du génie grec. Ce- pendant, il suffit de se rappeler Horace et Virgile, Tite- Live et Tacite, Senèque et Cicéron, pour être natu- rellement amené à rendre hommage et honneur à la littérature romaine. — Sous les empereurs, les poètes de Rome avaient formé entre eux une espèce d’Aca- démie qui se réunissait dans un lieu particulier, nommé Schola poetarum , dont les épigrammes de Martial font plusieurs fois mention. Juste Lipse , dans ses lettres sur les Récitations, assure qu'ils y fesaient réciproquement la lecture de leurs ouvrages. (1) On:sait que le jardin où Platon expliquait sa doctrine, prit le uom d’Acadénie, parce que ce jardin avait appartenu à Aca- démus, citoyen d'Athènes. (17) Du reste, l "usage des récitations publiques était, à cette époque, assez général. Ovide dit, dans ses Tristes : « La barbe m'avait élé à peine rasée une ou deux fois, » que je lisais déjà au peuple les poésies de ma jeu- » nesse. » — Pline le Jeune suivait cette même cou- tume, et l’on trouve dans ses lettres plusieurs piquants récits des incidents qui résultaient de ces lectures publiques: Ces diverses réunions littéraires durèrent jusqu’à la chute de l'empire Romain. A l’époque où notre examen nous conduit, les vieil- les erreurs s’écroulent, une ère nouvelle commence; elle date du nouveau-né de Bethléem , qui vient régé- nérer le monde. Après ce sublime passage qui inspira ces pages ineffables, que nulle parole humaine ne peut égaler, l'arène appartient, sans partage, à la société chrétienne. C’est alors que parurent ces géants de la pensée qui se nomment Basile , Jérôme , Grégoire de Nazianze, Ambroise, Chrysostôme, Augustin et tant d’autres, animés du même esprit, qui forment une réunion de génies immortels par le mouvement prodigieux qu'ils imprimèrent au monde, et qui, à “tous les titres, vinrent se poser comme les chefs de la nouvelle civilisation qui se levait avec le christia- nisme, et dont toutes les phases devaient en ressentir les bienfaisantes influences. L’accroissement progres- sif de la société chrétienne fut alors, comme aujour- d'hui, un éclatant témoignage du triomphe de la force morale sur la force physique. Cependant, un assez long temps d'arrêt, permis pour les desseins providentiels et produit par l'invasion des barbares, suivit cette brillante époque. Pendant ce long engourdissement intellectuel qui 5) A (18) survint, c'est en France que nous voyons, dans le moyen âge, poindre les premières lueurs de ces asso- ciations littéraires, qui apparaissent toujours comme un signe du réveil des études. — Charlemagne, dont le vaste génie imprima un si grand mouvement à tous les genres de connaissances, avait formé, autour de lui, une réunion de savants qui ne se donnaient entre eux que des noms grecs ou latins. Alcuin s’ap- pelait Flaccus en souvenir d'Horace ; Théodulphe (1) se nommait Pindare; Eginhard, Calliopeus ; Riculfe, archevêque de Mayence et admirateur passionné de Virgile, voulut s'appeler Damætas, l’un des personna- ges des Eglogues de Virgile. Charlemagne, lui-même, avait choisi le nom de David. dans un sentiment de prédilection pour la littérature sacrée. Aussi, disait-il quelquefois à Riculfe, qu'il aimerait mieux posséder l'esprit des quatre évangiles que celui des douze livres de l'Énéide. Dans ces réunions, instituées par Char- lemagne , et qui avaient pris le nom d'École du Palais, chaque membre devait rendre compte des anciens auteurs qu'il avait lus. — Du reste, Charlemagne institua des écoles partout où il trouvait des lieux et des circonstances favorables aux développements de la science. Arrêtons-nous un instant ici pour rendre en pas- sant un juste hommage à cette puissante individua- lité historique, à Charlemagne, l’un des premiers (4) C’est ce même Théodulfe, évêque d'Orléans, qui vint mou- rir à Angers, en 821, après avoir été compromis dans la conspi- ration de Bernard, roi d'Italie, contre Louis-le-Débonnaïire, successeur de Charlemagne, Il est l’auteur du Gloria, laus , et honor tibi sit, rex Christe redemptor. (19) parmi ces hommes fastiques qui laissent une profonde trace dans le chemin des siècles. Non seulement il sut donner l'unité à tant de parties divergentes de ses états et les relier dans un vaste et imposant empire qu'il organisa et consolida par sa vaillante énergie, mais il porta les pénétrantes investigations de sa vigoureuse et judicieuse activité, sur toutes les bran- cbes de l’entendement humain. I] donna à cette phase du moyen âge, une impulsion intellectuelle et une direction d'idées qui furent d’un immense secours à son siècle, et dont les influences se firent sentir dans les siècles suivants. Dès cette époque, l'élan imprimé aux études suivit un cours sans interruption, quoi- que souvent inaperçu ou imperceptible. En effet, que notre pensée se reporte un moment à ces temps quelquefois si mal appréciés aujourd’hui, parce qu’on ne les juge qu'avec nos idées modernes, et nous nous convaincrons que nous leur devons, en partie, tout ce que nous sommes. Ce sont ces hommes qui por- taient dans des corps de fer ces fortes convictions et ces enthousiasmes énergiques, propres à remuer le monde physique et moral dans toutes ses profon- deurs , ce sont ces devanciers à l’âme si vigoureuse- ment trempée, qui nous ont, pour ainsi dire, légué une seconde fois toutes ces richesses d’érudition, que leur patiente investigation recueillait, réunissait et amassait avec autant de zéle que de désintéressement pour les siècles futurs. Ce sont eux qui nous ont per- mis, par cet opulent héritage, de poursuivre les pro- grès dont nous nous, énorgueillissons à l’heure qu'il est. On ne peut guère se représenter l'ardeur infati- (20) sable qu'on mettait à cette époque, dans les cloîtres , à transcrire les auteurs anciens et modernes. Saint Benoït imposa pour obligation aux religieux de son ordre de s'occuper à ces transcriptions. Des reli- gieuses s’exerçaient aussi à ce travail. Guignes, prieur de la grande Chartreuse, disait dans ses statuts : « L'œuvre du copiste est immortelle ; la transcription » des manuscrits est la tâche la plus convenable pour » les religieux lettrés ; » et il ajoute : «Nous enseignons » à lire à tous ceux que nous recevons parmi nous, » désireux que nous sommes, de conserver les livres » comme l'éternel aliment de âme » Il régnait un ordre admirable parmi ces copistes ; . une salle particulière leur était destinée afin qu'ils fussent plus tranquilles. Cette salle s'appelait scripto- rium. Les copistes devaient travailler en silence; et cette transcription, qui s’opérait avec tant de méthode et avec une sorte de rivalité dans les monastères, était regardée comme œuvre mériloire. C’est ainsi que l'antique littérature fut protégée contre les ravages du temps et de l'oubli, et nous avons de justes actions de grâces à rendre aux religieux du moyen âge, qui nous ont transmis tous ces trésors intellectuels. La religion sanctifiait ces labeurs entrepris pour la con- servation des œuvres de l'antiquité et pour la diffu- sion des lumières. Il y avait dans les monastères des jours destinés à prier pour ceux qui copiaient les livres , et c'était par tous les sentiers de la science que dans ces vastes ateliers de l'intelligence humaine, on s'appliquait à découvrir la voie qui conduit au ciel. Pénétrez maintenant dans ces basiliques monumen- tales, élevées en tous lieux par ces générations suc- cessives, si parfaitement exercées à tous les labeurs Te UT VERT (21) du corps et de l’âme , et à l’aspect de ces religieux té- moignages et de ces majestueuses empreintes du génie de l'époque, vous reconnaîtrez, comme un symbole éclatant et tangible de es mœurs austères et de ces croyances profondes qui enfantaient des merveilles en aspirant à ce mystérieux infini, que l'homme sent instinctivement devoir être un jour son immortelle patrie. En remontant par la pensée à ces phases de no- tre histoire , n'oublions donc jamais, dans l’apprécia- tion de ces hommes, de ces choses et de ces temps, deux principes essentiels en critique : la justice et la vérité. En poursuivant notre examen, nous voyons s'éta- blir durant le cours du moyen âge, dans presque toutes les parties de la France, de nombreuses socié- tés poétiques sous différentes dénominations. C'est ainsi que l'on vit naître les puys (le nom de puy était donné à ces assemblées parce que les poètes y lisaient leurs productions sur un endroit élevé, du mot latin podium, balcon, balustrade), les gieux sous l'ormel (ainsi nommés lorsque les assemblées se te- naient sous un ormeau), les chambres de rhétorique, les cours d'amour, etc., qui toutes avaient de nom- breux sectateurs et de gracieux émules. L'assemblée du puy, à Amiens, formait même une espèce d'académie précoce et régutièrement organisée qui deux fois par an distribuait des prix à la meilleure ballade composée en l'honneur de la Sainte-Vierge. La duchesse d'Angoulême, mère de François I, passant à Amiens, se fit faire une copie du recueil des pièces couronnées. Cette copie a été conservée jusqu'à ce jour à la Bibliothèque nationale de la rue Richelieu. — L'assemblée de Caen s'appelait le Puy. (22) de la Conception, parce qu'elle se tenait le 8 décem-— bre , jour de la Conception de la Vierge, en l'honneur de laquelle toutes les pièces devaient être composées. Cette assemblée datait du onzième siècle. Rouen , Beauvais , Arras , Valenciennes, etc., avaient de pa- reilles sociétés , qui se réunissaient, en général, une fois l’an et couronnaient les meilleures pièces de vers qui leur étaient présentées. — Il ne faut pas être sur- pris de la prééminence qu’avaient alors les sujets reli- gieux ; chacun sait, comme nous l’avons déjà remar- qué, que les clercs tenaient à cette époque le premier rang parmi les lettrés et que les croyances religieu- ses occupaient la première place parmi les laïques. Les chambres de rhétorique étaient des tournois de l'esprit, à peu près comme le furent les cours d’a- mour. Celles-ci qui eurent leur siège principal dans le midi de la France, ne laisseront pas, sous leur forme futile , légère et souvent puérile , de contribuer au progrès de l'intelligence. Ces spectacles avaient alors un grand attrait et les questions subtiles et in- génieuses qui étaient traitées dans ces réunions, où les troubadours jouaient un grand rôle , offraient quelquefois un très piquant intérêt. Ces cours avaient leurs statuts et rendaient des arrêts. Il n’est pas mu- tile de rappeler ici qu'Alphonse, roi d'Aragon et Richard Cœur-de-Lion , ne dédaignèrent pas de prési- der ces assemblées et que le fameux empereur Frédé- ric Barberousse en forma une dans ses états, à l’imi- tation de celles de France. La légèrelé de ces détails ici peut s’abriter sous l’autorité de ces noms impo- sants. Le séjour des papes à Avignon concourut à exciter cette émulalion qui, dès le commencement (23) du douzième siècle , s'était manifestée dans les esprits et il en développa surtout les effets dans tout le midi de la France. Ce fut aussi en 1325 que fut formée à Toulouse la Compagnie de la Gaïe science. Sept trou- badours de cette contrée en furent les fondateurs. Cette société eut longtemps ses réunions régulières, mais, par suite des malheurs de la France , sous les règnes de Charles VI et de Charles VIF, les associés ne se réunirent plus que dans les premiers jours de mai. C’est ainsi que fut instituée la fête des fleurs, où l'on distribuait pour prix aux auteurs des meilleures poèmes, l’églantine et le souci d'argent. Clémence Isaure vint donner un nouvel élan à cette institution, et grâce à la direction qu'elle sut lui imprimer sous son généreux patronage, ces fêtes acquirent un plus grand renom et un plus vif éclat sous le titre de Jeux Floraux. Plus tard enfin, Louis XIV érigea les Jeux Floraux en académie. Une amaranthe d’or, une vio- lette , une églantine et un souci d'argent , étaient les prix ordinaires qui étaient adjugés aux vainqueurs dans la joûte poétique (1). Après toutes ces évolutions multiples et variées des forces intellectuelles durant ces périodes successives, nous ne trouvons plus en arrivant vers la fin du qua- torzième siècle, et durant tout le quinzième , que les savants d'Italie pour protéger les chefs-d'œuvre de l'antiquité. Ce sont eux qui eurent la gloire de conser- ver le feu sacré durant cette nouvelle phase de somno- (1) La fête des fleurs se célèbre encore à Toulouse, et l’on sait que Victorin Fabre prif le surnom d’Eglantine, lorsqu'il eut reçu cette fleur à un concours des Jeux floraux. (24) lence générale. Ils furent doués heureusement d’une intelligente activité, très propre à exciter le réveil ; on les vit accourir avec ardeur partout où brillait un rayon , une lueur, une étincelle , des beaux jours lit- téraires. Ils fouillaient dans tous les monastères et exhumaient de la poussière des bibliothèques , toutes les œuvres qui y étaient ensevelies dans l'oubli. Ce fut à peu près vers cette époque qu'il parut en Italie une multitude innombrable de sociétés de littérature, de sciences et de beaux arts, Il est probable que ces associations nombreuses furent le foyer où vinrent se former et se fortifier beaucoup d'hommes d’une grande science, et parmi lesquels on peut compter comme modèles éminents, ces génies supérieurs qui ont doté le monde de ces œuvres remarquables que nous admirons encore aujourd'hui. Tels furent le Dante, Pétrarque, Boccace, et un peu plus tard l'A- rioste, le Tasse, Machiavel, Bentivoglio, Galilée. Sig Parmi ces académies italiennes on doit mentionner , en première ligne , l’Académie Platonicienne, fondée à Florènce par Cosme de Médicis, en 1474. Elle avait pour but principal l'explication des œuvres de Platon et le perfectionnement de la langue. Machiavel, Pic de la Mirandole, Marsile Ficin, Ange Politien , en fi- rent partie ; c'est là que Machiavel lisait ses immor- tels discours , sur Tite-Live, aux Florentins avides de l'entendre, L'Académie della Crusca (le son), par al- lusion au but de son institution , s’éleva en 1582, dans la même ville. Son but était aussi de purifier la langue , elle avait pour symbole un tamis avec ces mots : {1 più bel fior ne coglie, il en recueille la plus belie farine, comme pour séparer du son, du rebut, (25) la plus belle fleur du style. En 1560, la première académie scientifique fut fondée à Naples, sous le nom d’Academia secretorum naturæ. Un peu plus tard (en 1609) il fut institué à Rome une acadé- mie des sciences, par le prince Frédéric Cesi, sous le nom d’Academia dei Lincei. Porta et Galilée en firent partie; ces deux noms suffisent à son éloge.. L'Académie del cimento , des expériences, des es- sais, fut instituée en 1657 ; à Florence. Elle s’occu- pait spécialement des sciences physiques; ses expé- riences sur le son , sur la lumière , sur la compressi- bilité de l’eau, témoignent des premiers procédés de la science expérimentale. Viviani, Borelli et quel- ques auires illustres auteurs de la physique mo- derne ont fait partie de cette académie. La célèbre Académie des Arcades fut fondée à Rome en 1690, par plusieurs litiérateurs, parmi les- quels se trouvaient Crescimbeni et Zappi. Crescim-. beni fut le premier chef ou custode de cette assemblée, qui se nomma elle-même Arcadie, d’où ses membres furent appelés Arcadiens ou Arcades. Ils prenaient chacun le nom de quelque berger de l'antiquité ; ‘Crescimbeni se nomma Alphesibœus, Zappi, Tirei- -leucasio. Les membres de cette académie témoignè- rent d’abord l'intention de réformer les abus de la litté- rature italienne, en la dégageant du mauvais goût et des bizarreries qui lui nuisaient, mais le but de l'institution dégénéra et les Arcadiens eurent la faiblesse de parta- ger-eux-mêmes les excès qu'ils devaient corriger, et ils oublièrent trop , comme l’oublient en général tous .- les réformateurs, qu'il faut pouvoir se réformer soi- - ( 26 ) même avant d'entreprendre de réformer les autres. Du reste, l’Académie des Arcades, présidée par un custode et deux sous-custodes, subsiste encore au- jourd'huï et tient ses séances solennelles dans le palais des Conservateurs à Rome. (Elle se réunit à la pièce principale de la PROTOMOTECA, sorte de Panthéon fondé par PIE VITE, et où se trouve la collection des bustes des Italiens illustres. Plusieurs des académies italiennes adoptèrent des noms étranges et bizarres. Je me bornerai à citer l’Academia degl Apatici, l'Académie des Indolents, et l'Academia degl Umidi, l'Académie des Humides, dont chaque membre était obligé de prendre le nom d'un poisson. Elles furent fondées à Florence en 1549, par Cosme I:, et ont été incorporées, plus tard, dans l’Académie della Crusca (1 ). Si nous ramenons maintenant nos regards vers la France, qui recevait durant le quinzième siècle le reflet intellectuel de l'Italie, après l'avoir en quelque sorte excité elle-même par les colonies de trouba- dours, qu’elle avait semées peu auparavant dans la (1) Pour compléter autant que possible ce qui se rapporte à YItalie, nous ajouterons qu'’ilexiste à Naples: 1° l’Académie royale des sciences et belles-lettres, en 1779. 2° L'Académie herculané- enne, fondée en 1755!, et qui publie ses mémoires sous le titre de Antichita di Ercolano. Il y a encore des académies à Padoue, à Milan, à Sienne, à Verone et à Gênes qui, toutes, font imprimer des mémoires. L’Académie de Bologne fut fondée en 1690 par le célèbre astro- nome Eustache Manfredi. Elle prit plus tard le nom d’Académie Clèmentine, du Pape Clément XI. L'Académie royale de Turin fut fondée vers le milieu du XVIIIe siècle, par le jeunc Lagrange, âgé alors de 20 ans, et professeur de mathématiques à l’École royale d'artillerie de cette ville. (27) péninsule italique, nous retrouvons cette terre clas- sique des plus nobles inspirations , prête à ressaisir la direction de cette supériorité intellectuelle et mo- rale , qui semble être l’un de ses attributs naturels. La tendance des hommes de lettres à se réunir pour mettre en communauté leurs efforts et leurs lumiè- res, a été manifestée en tout temps dans les diverses phases de la civilisation. Des essais de ce genre se fi- rent de nouveau remarquer en France, vers la fin du quinzième siècle. Il s'établit alors à Lyon une acadé- mie, connue sous le nom d’Académie de Fourvière, parce qu'elle tenait ses séances dans une maison du quartier de ce nom. À peu près vers la même époque (4606) il se forma à Annecy, sous la douce et cha- leureuse impulsion de François de Sales, une acadé- mie florimontane, qui avait pris pour devise : flores fructusque perennes , fleurs et fruits continuels. Cette académie S’occupait de théologie , de philosophie, de mathématiques , de beaux-arts et devint très floris- sante , fructueuse, conformément à sa devise. C’est au milieu de ces capricieuses ondulations du cours de l'esprit humain, que nous traversons le règne de François Er, à qui l’on doit la fondation du Collége de France , spécialement consacré d’abord à la culture des langues savantes. À cette époque flo- rissaient les Du Bellay, dont l’Anjou s’honore, les Budé , les Vivès, les Erasme, bientôt après Malherbe et Montaigne , tous savants recommandables, qui inspirèrent à leur siècle le goût des chefs-d’œuvre de Vantiquité et qui secondèrent puissamment l'élan national que François Ier imprimait à la culture de toutes les sciences. Cette royale protection mérite à (28) François Le, comme à Charlemagne ; un nom im- mortel dans l’immmortelle république des lettres. Vers la fin du seizième siècle (1560), le poète Jean- Antoine Baïf, ami de Ronsard et membre de la pléiade, forma dans une maison de la rue des Fossés-Saint- Victor, une réunion de beaux esprits, qui avaient pour objet les études grammaticales. Charles IX et Henri IIL accordèrent successivement leur patronage à cette réunion, dont firent partie Gui de Pibrac, Pierre de Ronsard, Philippe Despories et plusieurs autres littérateurs distingués de cette époque. Cette petite académie obtint une assez grande célébrité ; plusieurs dissertations philosophiques y furent lues en présence du roi Henri HI. Mais cette société mit un terme à ses réunions durant les troubles civils du royaume , sous Henri IT et Henri IV. Cependant l'échange des idées et le commerce des intelligences à travers le monde , devenaient chaque jour plus mullipliés, et on en appréciait de mieux en mieux les avaniages. Aussi, à l'avènement de Louis XIII, en 1610, quelques liltérateurs renouvelèrent ces formes d’associations, qui prirent un caractère plus positif et mieux prononcé vers 1630 (1), époque où le cardinal de Richelieu informé, par l'abbé de Bois-Robert, l’un de ses protégés, de l’objet de ces ré- unions, offrit sa protection à cette assemblée et lui proposa de la constituer en société publique ; cette proposition ayant été acceptée , la société, d’après les (1) En 1630, Conrart, cpnseiller-secrétaire du roi, forma chez lui une réunion de littérateurs, C’étaient Godeau, Gombault, Géry, Chapelain, Habert, l'abbé de Cerisy, Malleville, Furet, Des- marets, l'abbé de Bois-Robert. (29) ordres de Richelieu , rédigea elle-même ses statuts et prit le titre d’Académie française. Elle avait été dési- gnée jusqu'à ce moment, indifféremment, par les noms d'Académie des beaux esprits et d’Académie de l’éloquence. Ainsi constituée, elle proclama nettement le but principal qu'elle se proposait dans un discours qui renferme plusieurs considérations remarquables sur les destinées de la langue française. Il y était formelle- ment articulé « que les fonctions des académiciens » seraient de nettoyer la langue des ordures qu'elle » avait contractées, ou dans la bouche du peuple , ou » dans la foule du palais et dans les impuretés de la » chicane, ou par les mauvais usages des courlisans » ignorants , ou par l'abus de ceux qui la corrompent » en l'écrivant , etc. » Ce fut le 2 janvier 4635 que les lettres-patentes de la fondation de l’Académie française , furent signées. Leur enregistrement rencontra au Parlemant une grande opposition , et ce ne fut qu'après deux ans et demi de débat , après trois lettres de Jussion et beau- coup de menaces de la part du cardinal, que cet enre- gistrement eut lieu. Il paraît que le Parlement s'était imaginé que la nouvelle académie allait exercer une sorte de souveraineté tyrannique sur les formes du langage, et cette compagnie, par des motifs probable- ment valables , s’effrayait. de ce prétendu contrôle en- vers elle, et duquel, effectivement, elle s’affranchit par une clause particulière dans l'énoncé de l’enregis- trement. L'Académie fut constituée d’une manière plus régu- lière sous Louis XIV. Il en fut le protecteur et lui fit ( 30 ) présent de six cents volumes , qui furent le commen- cement de la bibliothèque actuelle de l’Institut. C’est lui qui y fit porter aussi quarante fauteuils pour les membres de l’Académie (1). Les plus grands person- nages briguèrent bientôt une place à cette compagnie, et par un entraînement très blâmable, on accorda souvent, à des considérations complétement étrangè- res au but de l'institution, une récompense qui n’au- rait dû être décernée qu'au mérite. Cependant on rapporte que Mézerai, qui mettait toujours une boule noire lorsqu'il s'agissait de nommer quelqu'un à l’A- cadémie, interpellé sur le motif qui le portait à agir ainsi, répondit que c'était pour laisser à la postérité un témoignage de l'indépendance de l’Académie dans les élections. Ceci n’empêéchaïit pas que dans les occa- sions favorables les places à l’Académie ne fussent réclamées et quelquefois obtenues par des brigues, souvent hostiles au vrai mérite. Il ressortait quelque- fois un enseignement profitable de ces élections. Un grand seigneur, illettré, se présenta pour succéder à Conrart; Patru dit à ses confrères : « Un ancien Grec » avait une Îyre à laquelle se rompit une corde; » au lieu d'en ajouter une de boyau, ilen voulut une » d'argent; et la lyre perdit son harmonie. » Cet apo- (1) Voici le motif de cet envoi : Le cardinal d’Estrées, devenu rrès infirme, trouvant un adoucissement à son état daus son assi- duité aux assemblées de l’Académie, demanda qu'il lui fut permis de faire apporter un siége plus commode que les chaïses qui étaient alors en usage. Il n’y avait qu’un fauteuil pour le direc- teur. On en rendit comple à Louis XIV qui, voulant éviter les conséquences d’une pareille distinction, ordonna à l’intendant du Garde-meuble, de faire porter quarante fauteuils à l’'Acadé- mie, et confirma par là l'égalité académique. Cr) logue fut compris, et pour cette fois le grand seigneur fut écarté. Mais on ne peut publier qu'un grand nombre d'hommes célèbres, par la science et par le génie, n’ont pas fait partie de cette compagnie illustre et ont su se créer une renommée qui les a dédommagés auprès de la postérité, de l'indifférence, de l'ingratitude et de l’envie de leurs contemporains. Molière, Ménage, La Rochefoucault, Regnard, Lesage, furent de ce nombre. D'un autre côté, l'Académie française fut souvent en butte à des injures, à des calomnies et à des épigrammes très piquantes. Des membres recomman- dables et dignes assurément du rang qu'ils y occu- paient, ne furent pas épargnés el des atiaques très mordantes furent dirigées contre eux. Mais on sait bien que les esprits vulgaires trouvent toujours une sorte de volupté inexprimable à déprimer les supério- rités qui les blessent et les suffoquent. Une particula- rité digne de remarque, c’est que l’Académie fran- gaise a été plusieurs fois tentée de recevoir des fem- mes comme membres de la compagnie. Sous Louis XIV, Charpentier appuyait l'admission de Mesdames Scudéry , Deshoulières et Dacier ; dans le dernier siè- cle, d'Alembert proposa, pour candidats, Mesdames Necker, d'Epinay et de Genlis. Si de nos jours une pensée pareille pouvait renaître, elle trouverait, as- surément , des sujets dignes de la réaliser et de réunir les suffrages. Mais on oublie peut-ètre un peu trop que le génie, la science et la raison n’ont pas de sexe. L'Académie commença dans l'année 1638 à s’occu- per sérieusement du Dictionnaire; plusieurs projets furent présentés : on adopta celui de Chapelain et l’on (32) choisit les auteurs que l’on aurait à consulter et aux- quels on devrait emprunter des exemples pour la prose et la poésie. Ce fut Vaugelas qui fut nommé rédacteur du Dictionnaire, dont la première édition parut en 1694. La dernière édition a été publiée en 1835. L'Académie craignant l’infidélité des copistes aux- quels on confiait les cahiers pour la rédaction du Dic- tionnaire, obtint un privilège qui défendait la publica- lion de tout dictionnaire avant celui de l’Académie. Furetière fut exclu de l’Académie pour avoir violé les prescriptions de ce privilège et pour avoir lancé plusieurs libelles contre ses collègues. L'Académie française fut supprimée par une loi du 8 août 1793, et lorsque l’Institut national des sciences et des arts fut créé par suite d’une nouvelle organisa- tion, l’Académie française forma la deuxième classe de l'Institut et ne reprit son ancien nom qu’en 1816. Elle distribue chaque année un prix de prose ou de poésie et des prix fondés pér M. de Montyon. 1° pour les acies de vertu ; 2° pour le livre le plus utile aux mœurs. Les choix de l’Académie, il faut bien le dire, ne sont pas toujours ratifiés par le public. L'Académie des sciences fut fondée en 1666, par Colbert, sur l’ordre de Louis XIV. Les savants se ras- semblaient librement sous la présidence de l’un d’eux. Leurs travaux devinrent bientôt assez importants pour mériter à cette nouvelle assemblée une faveur semblable à celle qu'avait reçue l’Académie française. L’ordonnance d'institution , par Louis XIV, ne créa que les sections de géométrie , d'astronomie, de mé- canique, d'anatomie, de chimie et de botanique, mais les progrès rapides que firent ces diverses scien- (33 ) ces, à dater de ceite époque , démontrèrent à la fin du dix-huitième siècle que cette constitution se trouvait déjà en retard avec l’état général des connaissances humaines. Ce qui, dès l’origine, était inaperçu, avait pris depuis un grand développement, et il fallut don- ner à la minéralogie , à l’histoire naturelle, à l’agri- oulture et à la physique, l'attention et le rang qu’elles réclamaient. Lorsque la révolution arriva, l’Académie devint la première classe de l'Institut. Elle continue à occuper aujourd’hui, dans l'estime publique , une position élevée. Son suffrage et ses opinions soné d’une autorité suprême dans toutes les questions scientifiques qui sont soumises à son jugement ou qui sont soulevées dans le monde savant. L'Académie des inscriptions et belles-lettres doit aussi à Louis XIV son premier établissement. Ce fut en 1712 qu'elle fut confirmée par lettres-patentes, sous le nom d’Académie des belles-lettres. Elle reçut sous la régence quelques perfectionnements et elle joignit à son titre de belles-lettres celui des inscrip- tions. Supprimée à la révolution de la fin du siêcle dernier, elle devint la classe d'histoire et de littéra- ture ancienne. Les langues savantes, les antiquités et les monuments, l’histoire, etc., sont les objets de ses recherches et de ses travaux. L'Académie des beaux-arts paraît être la plus an- cienne, car, dès le quatorzième siècle, on remarque une sorte d'association formée par les peintres de cette époque. Mais ce ne fut qu'après la fondation de l’Académie française que cette réunion prit un ca- ractère bien distinct. En 1648 elle reçut une autorisa- : sation royale sous le nom d’Académie de peinture et 3 (34) de sculpture , et en 1615 elle fut définitivement cons- tituée par le cardinal Mazarin. Le développement que Louis XIV donna à l'architecture, fit naître en 1671 une académie d'architecture, qui prit son rang à côté de la première. Ces institutions subirent la loi commune de transformation lors de la révolution et furent incorporées dans la classe des beaux-arts de l'Institut national. La peinture, la sculpture et l’ar- chitecture s’y trouvèrent réunis à la gravure et à la musique. Cette agglomération a continué et a été consacrée sous le nom d’Académie des beaux-arts. Elle décerne chaque année des grands prix, et les ar- tistes qui les obtiennent, les premiers grands prix, reçoivent une pension pendant cinq ans et vont ache- ver leurs études à l’École de France, à Rome. L'Académie des sciences morales et politiques est de création récente ; elle n’est encore, pour ainsi dire, qu’en germe. Mais ce germe recèle des développements immenses pour les progrès de la science sociale et pour les destinées futures de la perfectibilité humaine. Il est bien désirable que des enseignements féconds en résultats puissent émaner de cette institution. L'état actuel de la soéiété a besoin, plus que jamais, d’un régulateur imposant , et les questions qui sont du ressort spécial de cette académie , ont acquis au- jourd’hui un intérêt de premier ordre. Il faudrait donc qu'elle put faire jaillir de son sein et répandre sousune forme à la fois saisissante etsaisisable, dans le milieu des populations, ces vérités-principes qui sont éternel- lement le palladium des peuples et que, pour le bon- beur commun, l’on ne saurait trop leur inculquer de toute la puissance du verbe et du haut de toutes les chaires. (35) Les cinq académies dont nous venons de faire une rapide revue , renferment les hommes les plus distin- gués par les lettres, les sciences etles arts, et forment aujourd’hui l’Institut national. Outre ces académies, qui tiennent le premier rang , il y en a un grand nombre d’autres qui pren- nent le nom de sociétés savantes ou littéraires. Ces as- sociations ont toujours pour objet le progrès des sciences , des lettres et des arts. Elles sont très mul- tipliées à Paris, où, par des travaux variés et spé- ciaux, elles rendent des services très réels, et en sont récompensées par la considération publique qui les entoure. Avant de parler des sociétés académiques de pro- vince, dont l'utilité n’est pas moins appréciée, nous avons à prendre un aperçu des principales académies qui se sont organisées dans les autres contrées de l'Europe. L'Espagne a possédé , dès l’année 1652, une acadé- mie des sciences , sous le nom des Curieux de la Na- ture, à l’imitation de celle qui avait été créée à Naples, dans le siècle précédent, comme nous l’a- vons dit en parlant de l'Italie. Cette académie n'eut pas une longue durée. Celles qui existent aujourd’hui sont : l'Académie royale d'Espagne, formée sur le plan de IA’cadémie française, et l’Académie d'histoire. Elles remontent, chacune, au commencement du dix- huitième siècle. Le Portugal a aussi une académie qui s'occupe des sciences, commerce et beaux-arts. Elle fut instituée par la reine Marie, en 1779. On trouve également à Lisbonne une académie d'histoire et une de géogra- phie , qui a publié une carte du Portugal. (36) L'Allemagne possède à Vienne l’Académie des Curieux de la Nation, qui fut fondée en 1652. Il y a en outre dans cette capitale une académie des scien- ces et des arts, fondée en 1705. Depuis le milieu du dix-huitième siècle, on y a établi une académie spé- ciale pour les langues orientales. Frédéric 1 créa à Berlin, en 1700, l’Académie royale des sciences et belles-lettres , qui fut plus tard perfectionnée par Frédéric-le-Grand. Leibnitz fut son premier président; plus tard Maupertuis l’a auss; présidée ; elle jouit depuis sa fondation d’une réputa- tion méritée. La Société royale de Gœættingue date de 1733. Celle de Manheim, pour le Palatinat, de 1755. — En Bavière, celle de Munich date de 1760. En Suède , l'Académie des sciences remonte à Lin- née, qui l’institua librement en 1739. Elle fut consti- tuée quelques années après. Stockolm possède égale- ment une Académie des belles-lettres, de 1753, et une Académie littéraire fondée en 1786, pour la culture et la pureté de la langue. Il y a encore une académie pour les investigations des antiquités du Nord, établie à Upsal, et qui a publié quelques volumes de mémoires fort curieux. L'Académie des sciences de Copenhague a été fon- dée par le comte de Holstein, en 1742. Ses iransac- tions se publient en danois, mais elles ont été en partie traduites en latin. En Russie , l’Académie impériale de Saint-Péters- bourg, projetée par Pierre-le-Grand, fut constituée en 1725 par l'impératrice Catherine , qui eut le mé- rite de féconder heureusement cetie institution , en attirant à la cour et en Russie les savants étrangers. (37 ) — il fut fondé en 1783 une autre académie , destinée au perfectionnement de la langue nationale, mais elle est actuellement réunie à la première, que ses travaux importants ont rendue célèbre en Europe. Une académie royale a été établie à Varsovie en 1750. La Grande-Bretagne est dotée d’un grand nombre de sociétés scientifiques et littéraires. La plus remar- quable est la société royale de Londres, si renom- mée par la publication de ses transactions philoso- phiques. La plus grande partie des autres sociétés de cette nation date des premières années du siècle actuel. Les unes sont scientifiques comme les Socié- tés astronomique et géologique de Londres, les So- ciétés d'histoire naturelle de Glascow et d'Édimbourg, etc. ; les autres, comme la Société de littérature, la Société asiatique, etc., sont purement littéraires ou historiques. En Suisse, nous trouvons l’Académie de médecine, fondée à Genève en 1715. En Belgique, on doit citer l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, qui publie ses mémoires depuis 1777. L'Institut royal de Hollande, fondé par Louis Bona. parte , est composé de quatre académies sous le titre de classes, sur le modèle exact de l'Institut de France. Après cet aperçu général sur les sociétés académi- ques de l'Europe, il serait injuste d'abandonner ce sujet sans faire mention de quelques autres établisse - ments de ce genre, fondés dans les autres parties du monde. On sait que les états du nord de l'Amérique comptent un certain nombre de sociétés savantes , parmi lesquelles on doit principalement mentionner 4e l'Académie des Américains, des arts et des scien- (38) ces, établie à Boston en 1780 et qui a publié plusieurs volumes de transactions. 2e l’Académie des arts et des sciences du Connecticut, fondée à Newhaven en 1797, et enfin l’Académie des sciences naturelles , fondée à Philadelphie en 1818, et qui a publié aussi plusieurs volumes. — Nous ajouterons ici, pour mé- moire, que la création de l'Institut d'Égypte, qui suivit de près celle de l’Institut de France, n'a eu qu'une courte durée. Ce fut Napoléon qui l’organisa au Caire, avec les savants distingués qui l’avaient ac- compagné dans l'expédition d'Égypte. Monge, Ber- : thollet, Dolomieu, Desgenettes, Larrey, Dubois, Denon et plusieurs autres hommes illustres, furent membres de cette compagnie, qui s’ètait proposée des travaux du plus haut intérêt, que l’on ne put qu'ébaucher à cause de l’abandon précipité de cette contrée célèbre. Dans les autres régions du globe on trouve les académies dans une proportion directe du plus ou moins de contact de ces contrées avec la ci- vilisation européenne. Ainsi, l'Asie en possêde quel- ques-unes, telles que celle de Calcutta, qui , sous une multitude de rapports, a rendu les services les plus signalés à la science, par la nature élevée de ses in- vestigations , dont les résultats ont eu quelquefois un grand retentissement dans l'Europe, qui a profité des lumières jaillies de ce foyer. Il y a aussi une société à Bombay et une autre à Batavia ; toutes fonctionnent avec une régularité et un zèle qui sont couronnés de succès. En considérant cette marche ascendante des con- naissances générales , sur tous les points et sous tous les aspects, il est facile de se convaincre que c’est (39) surtout sous l'impulsion des idées vraiment civilisa- trices de l'Occident, que l'esprit humain doit con- tinuer à reculer les bornes de l'horizon intellectuel. Il appartient à la France d'occuper dans cette mission providentielle le rang principal que doivent lui méri- ter à la fois l’antiquité de son origine, ses labeurs honorables et incessants dans le grand sillon tracé par l'humanité, l'expérience de ses douleurs et sa puissante organisation intellectuelle , morale et reli- gieuse. Elle ne faillira pas à l'œuvre, quelque impo- sante qu'elle soit. Qu'il me soit permis, avant de terminer , de donner un témoignage d'intérêt et de sympathie aux societés académiques, instituées aujourd'hui dans presque tous nos chefs-lieux de département. IL est certain que leur action vivifiante sur l'esprit des po- pulations qui les entourent, doit être de l'influence la plus favorable sur les destinées de la France, si de l’ensemble de leurs travaux surgit cette noble impul- sion vers le bien, le juste et le beau, qui règle les mœurs et élève les âmes. L'heure n’est plus où la nation française n’avait pas de sujet plus important de discussion et de division qu'un sonnet ou une cantate; nos préoccupations sont aujourd'hui plus sérieuses, moins poétiques et beaucoup moins hbar- monieuses. Aussi, je ne balance pas à croire que les sociétés intellectuelles et morales sont appelées à prendre une position nouvelle dans ce milieu social , qui, séduit par une foule de chimères , et tourmenté par une multitude d'erreurs, aspire cependant à la vérité de toute l’ardeur du désir. — C'est aujourd’hui une obligation d'honneur à ces sociétés de recher- cler et de propager tous les moyens de.mettre dans (40) le plus grand accord possible, les conditions tempo- : “relles de bien-être que réclament les besoins maté- riels , avec les lois éternelles de justice et de devoir qui régissent le monde moral. Chercher à satisfaire l'un de ces intérêts sans s'occuper de l’autre, sera toujours une œuvre incomplète autant que stérile. Les exigences de l'âme ne sont pas moins impérieuses que celles du corps, et il n’est permis à personne d'oublier que l’homme ne vit pas sculement de pain. Il appartient sans doute à tous, dans la mesure du possible, de seconder les pouvoirs établis, pour allé- ger, diminuer ou faire disparaître les misères socia- les. Mais, sachons bien que c'est plutôt sur la moralité et les vertus que sur la satisfaction des jouissances matérielles que reposent le bonheur des individus et la stabilité florissante des nations. C’est surtout aux sociétés savantes qui forment l’a- vant-garde de l’'humanité* à pénétrer les peuples de ces vérités essentielles qui les éclairent, les encoura- gent et les régénèrent. Selon nous, le principal usage que l’homme doive faire de ce qu’il sait , de ce &, il sent, c’est de l'employer au bien de tous , non point en gémissant avec faiblesse ou avec les larmes simu- lées d’une fausse philantropie sur les maux insépara- bles de la destinée humaïne, non point en maudis- sant les lois qui gouvehent le monde et les sociétés , mais en cherchant avec soin à porter une consolation à chaque douleur, un baume à chaque plaie, un se- cours à chaque souffrance, en mettant en honneur le respect à l’autorité, en bénissant et faisant bénir ces lois providentielles, qui chaquejour tirent le bien du mal et pourvoient aux besoins de tous. Ce sera CRD .par ce retour aux idées primordiales , à ces principes antiques et d’une immortelle jeunesse, ce sera , en Fr mot , en revenant à la charte divine, que la soci assurera son repos, son bien-être et sa félicité. C’est le droit, et plus encore, c’est le devoir des sociétés savantes , je le répète , de prendre l'initiative pour semer dans les esprits cette nourriture intellec- tuelle et morale , toujours si bienfaisante. L'heure est venue de parler à tous le langage qui convient à tous, un langage de raison et de vérité uni à un grand fond de modération et de charité. Ne différons pas de réunir tous nos efforts pour atteindre ce but honorable. Il est au pouvoir de chacun de faire servir son expérience éclairée à l’affermissement du corps social et au bien commun. Apportons tous notre tri- but, selon la mesure de nos forces ; grands et petits nous nous devons à la société, et c’est peut-être ici l'instant de s’écrier avec le poète : Hoc opus, hoc studium , parvi properemus et ampli, Si patriæ, volumus, si nobis vivere cari. Horace. Epist. Liv. 1. ép. 3. « Voilà l'œuvre, voilà l'étude 1 ons petits et » grands, nous devons entreprendre"avee ardeur si » nous voulons être chers à notre patrie et à nous- » mêmes. » 7 Depuis l'établissement en Anjou, par le savant Ulger , des études générales, dont le mouvement de progression a donné une si grande célébrité à l'Univer- sité d'Angers, c’est à dire depuis environ huit siècles, cette contrée n’a cessé de fournir un grand nombre (#2) d’hommes éminents par leur science et par leurs ver- tus. En ce moment même, cette lignée du haut et vrai mérite se maïntient avec dignité et honneur à l’applaudissement général. En exprimant les pensées et les vœux que je viens d'émettre , dans une cité qui compte tant de souvenirs glorieux et des témoignages actuels si remarquables dans les hautes régions de l’in- telligence, j'ai la ferme espérance que mes expressions trouveront un favorable accueil auprès de toutes ces âmes qui , par inspiration traditionnelle , aspirent au bien , au juste et au vrai, et qui ont conservé le culte mémoratif et filial des hommes illustres , dont cette heureuse province fut le berceau. TEXTORIS. (48) RECHERCHES SUR LE SCULPTEUR BIARDEAU. ee 0 —— A Monsieur Victor Pavie. « Or, si l’auteur du Christ était un homme d'ici, » où mieux que celà encore, un homme venu d’ail- » leurs, et devenu d'ici par l'adoption du sol, et par » le choix de la patrie, serait-ce trop, dites-moi, d’un » siècle de chemin pour restituer le cours de sa mé- » moire délaissée. » Vous souvenez-vous , Monsieur , de ces paroles, qui vous furent inspirées par une des merveilles de la sculpture , par le Christ de Leysener, chef-d'œuvre inconnu que vous avez produit au jour, et dont l’au- teur vous devra d'échapper à l'oubli? Quand vous écriviez ce livre et que vous lui donniez pour titre ces simples mots : un artiste de plus, vous étiez frappé de cette pensée qui m'a toujours poursuivi , que l’Anjou, au quel la France doit aujourd’hui de grands artistes, ne pouvait pas avoir été complètement stérile pen- dant des siècles. Vous vous disiez qu’en cherchant bien on trouverait un jour quelques noms oubliés, et qu'il deviendrait possible de renouer la chaîne qui commence au roi René, et finit à l’immortel statuaire qui nous a donné son bronze. Il est certain que nous avons au tour de nous mille indices , qui révèlent l'existence d’un grand artiste en (4) Anjou , vers le milieu du XVIIe siècle. C'est d’abord, aux portes de notre ville, la chapelle de la Barre, dont les célèbres statues ont obtenu , c’est tout dire, les éloges de David ; c’est, dans l’église de Saint-Jac- ques, le groupe si gracieux qui représente l'enfant Jé- sus jouant avec saint Jean sous les yeux de sa mère ; c'est enfin dans la petite chapelle de Nozé (1), une statue de Vierge, œuvre tout-à-fait magistrale, qui serait irréprochable, si le caractère religieux eût été rendu par l'artiste avec autant de bonheur que le sen- timent maternel. Tous ces ouvrages ont entr'eux une affinité qu'il est impossible de méconnaître. Je n’hésite point à ajouter à cette liste le précieux groupe que vous avez admiré , comme moi, dans le salon de M. Godard-Faultrier, et qui représente le Christ mort entre les bras de sa mère. Quoique le fini de l'exécution semble exclure toute idée d’é- bauche, il est extrêmement probable que c'était, dans la pensée de l’auteur , l’esquisse d'un groupe de grandeur naturelle, qui eût formé le plus magnifique contraste avec la Vierge de Nozé. Entre cette jeune mère qui sourit au nouveau-né endormi sur ses ge- noux , et cette mère désolée pressant un cadavre en- tre ses bras , il y a une opposition saisissante, d'u effet éminemment dramatique, et qu’un artiste d’é- lite n’eût pas laissé échapper. Il me semble d’ailleurs que ce groupe, exéculé en de grandes proportions , (0) Depuis que ces lignes ont été écrites, un artiste qui fait honneur à l’Anjou, M. Maindron, a vu la vierge de Nozé, et a beaucoup admiré le rare mérite d'exécution qui distingue cette belle statue. (45) eût été l’œuvre la plus complète de l’auteur et le der- nier mot de son talent. On pourrait en effet ne voir, dans ses autres ouvrages, qu’une. imitation exacte, trop exacte peut-être , de la nature ; mais dans celui- ci on remarque un haut mérite de composition, et surtout ce caractère religieux qui manque si essen : tiellement aux autres. Vous parlerai-je maintenant de quelques autres œuvres que l'opinion commune attribue à l’auteur, ou, suivant l'expression reçue, aux auteurs des Saints de la Barre? Il faudrait alors citer, en première ligne , l’autel de la chapelle des Ursulines. Mais , sans contester la belle ordonnance de cet autel, sans nier absolument le mérite des statues qui le décorent, et | principalement des quatre Évangélistes, je n’y re- trouve que l'emploi du même procédé par un sculp- teur moins habile; et je cherche en vain , dans cette œuvre froide et souvent incorrecte, la sûreté d’exé- cution et l'apparence de vie qui distinguent à un si haut degré la Vierge de Nozé et le saint Jean de la Barre. | J'ai plus de doute en ce qui concerne le saint Mi- chel, terrassant le démon, qu'on voit dans la jolie église du May. L’archange est admirable ; il réunit au plus haut point, à la délicatesse des formes féminines, la vigueur qui convient au vainqueur de l’ange re- belle; son mouvement est en même temps plein de grâce et d'énergie. Quant au démon , il n’est pas seulement de l'aspect le plus hideux, mais il est contourné d’une façon inexplicable et détruit en par- tie l'effet de l’ensemble. Somme toute, c’est une belle (46) œuvre , qui n’est point indigne de l’origine qu’on lui attribue. On peut dire la même chose d'une figure de moyenne grandeur, qui est à Saint-Serges, et qui représente sainte Anne , ou peut-être une Sibylle. Je n’ai pas besoin de faire remarquer que ces sta- tues ont un double mérite; qu’elles ne sont pas seu- lement l’œuvre d’un modeleur habile, mais encore un curieux spécimen de la sculpture polychrôme , à une époque où elle n’était plus guère en usage, et qu’on ne croie pas que la couleur dont elles sont revêé- tues produise un mauvais effet. Les nuances des chairs surlout, sont rendues avec une vérité qui fait illusion; à Nozé, par exemple, l'enfant endormi semble vivant. En faisant cette énumération d'œuvres sculptura- les , répandues sur la surface de notre département , j'ai voulu montrer, de la façon la plus claire , que nous avions eu, au temps passé , des artistes parmi nous. Je n’ai point cherché à décrire ; tous ces objets sont connus, et depuis longtemps ils préoccupent l’opi- nion publique. Mais l'opinion publique, qui semble prendre à tâche de se fourvoyer, n’a rien trouvé de mieux que de renouveler l'erreur des Bénédictins de Solesmes. Ceux-ci, vous le savez, ont mieux aimé supposer une troupe d'artistes nomades, que de chercher leurs sculpteurs à leurs portes, soit dans la brillante école de Tours, soit dans ie pauvre village de Loué ; de même, à propos de nos statues , on a fait revenir tout exprès, au XVII: siècle, une nouvelle troupe d'artistes italiens, et vous pouvez voir , dans la chapelle de la Barre , un placard imprimé qui attri- Can) bue formellement les Saints à des étrangers inconnus. Mais , plus heureux que les sculpteurs de Solesmes , voici que notre grand artiste, secouant la poussière d'un vieux manuscrit, vient se montrer à nous , et revendiquer son œuvre. Quelques mots sont ici nécessaires pour attribuer à qui de droit cette intéressante découverte. Nous reve- nions précisément de voir la Vierge de Nozé , mon ami le docteur Farge et moi, lorque nous rencontrà- mes M. l'abbé Choyer. Après lui avoir exprimé en quelques motsl’admiration que nous avions éprouvée à la vue de ce chef-d'œuvre, nous manifestions le regret de n’en point connaitre l’auteur et nous insis- tions sur l’analogie frappante qui ne permet point de lui supposer une autre origine qu'aux statues de la Barre. M. Choyer nous répondit que, s’il en était ainsi , notre artiste n'était point inconnu, comme on le croit généralement. Il en avait oublié le nom ; mais il nous indiqua comment nous pourrions le re- trouver, et sur ses indications, j'ai trouvé en effet la note suivante : « De cette abbaye de Saint-Nicolas dépend une des » plus belles chapelles d'Anjou (la chapelle de la » Barre), qu'un ancien religieux , non réformé , fit » faire , il y a environ cinquante ans (1), par un des » plus fameux architectes et sculpteurs de France, » nommé Biardeau , de cette province d'Anjou. On y » voit des statues de terre-cuite, qu'on ne saurait » trop estimer. C’est un Père Éternel qui, voulant (1) L'auteur auquel j'emprunte cette citation écrivait en 1717. (48) ‘ » lancer ses foudres sur le monde, est retenu par son » fils, entre les bras de sa mère , sa croix en main, » un ange à côté, tenant en main une couronne » d’épines et des clous. La Sainte-Vierge, comme » effrayée de cette vision, regarde saint Jacques le » majeur; de l’autre côté est la statue de saint Jean » l’évangéliste, qui sont des statues accomplies. » Et en note : « La statue de saint Jacques est la plus ac- complie , pour ne pas dire inimitable. » Il y a en outre un renvoi ainsi conçu : « Voyez la description nouvelle de ce qu'il y a de plus » remarquable dans la ville de Paris, par M. B... » Tome 1, en 1694: — L'auteur se trompe, parlant » page 203 du fameux Biardeau, qui a fait l’autel » des Agonisants des Petits-Augustins de Paris, le » disant angevin, attendu qu'il était natif de la » ville du Mans ; il est vrai qu’il faisait sa demeure à » Angers , ville où il s’est perfectionné. » Ceci est extrait du manuscrit de Lehoreau, tome 3, livre 5, page 55. Une fois mis sur la voie, je voulus en savoir da- vantage, et d’abord je me rappelai parfaitement avoir vu ce nom de Biardeau, cité parmi les artistes origi- naires du Mans, dans le Musée des monuments français d'Alexandre Lenoir. J'ai retrouvé le passage, mais il ne contient que ces mots : « Biardeau, né au Mans, et élève de Germain La- » barre, a sculpté et modelé plusieurs bons ouvrages. » Les Vierges, placées en 1638 sur les portes de la » villes du Mans, sont de cet artiste; on en voit en- » core une qu'on a iransporiée dans l’église cathé- » drale. » Ÿ " (49) J'ai cherché aussi quel pouvait être l'ouvrage au- quel renvoie Lehoreau ; c’est celui de Germain Brice. Je l’ai feuilleté, ainsi que Piganiol de la Force. La description que ces deux écrivains donnent de l'autel des Petits-Augustins, étant conçue en termes à peu près identiques, il suffira de citer le dernier. « Au milieu du retable, dans l'endroit où l’on met » ordinairement un tableau , il y a ici une niche cin- » trée, où l’on remarque un groupe de terre cuite » blanchie, qui est composé de trois figures et qui » est d’une grande beauté. C’est un agonisant sou- » tenu par un ange, qui lui montre le ciel, et auprès » est saint Nicolas de Tolentin. La tête de l’agonisant » est admirable pour ses expressions vives et tou- » chantes; elle a fait l'admiration de nos plus excel- » lents sculpteurs, à commencer par Varin. Sur les » portes qui sont aux côtés de l'autel, il y a deux » statues de la même nature que le groupe ; celle qui » est du côté de l’évangile , représente sainte Monique, » et celle qui est du côté de l’épître, sainte Claire » de Montefalcone, en Ombrie, religieuse de l'Ordre » des hérmites de Saint-Augustin. Toutes ces statues » sont d'un sculpteur nommé Biardeau, originaire » d'Anjou. » Voilà tout ce que j'ai pu découvrir sur ce grand artiste, oublié depuis bientôt deux siècles. On sait à peine quels sont ses ouvrages ; on ne sait absolument rien de sa vie, qui s’écoulä sans doute tout entière à créer des chefs-d’œuvre dans le silence de l'atelier. Il est permis de conjecturer que Biardeau voulut d’abord se fixer à Paris, etque, n'ayant pas réussi dans cette ville , au gré de ses désirs, il prit le parti de venir en 4 (50) Anjou. Il travaillait à l’autel de la chapelle des Pères- Augustins, près du Ronceray , lorsqu'il mourut, vers la fin du XVIlesiècle. Après lui, cet autel fut continué par un de ses élèves, du nom de Barauderie. Maintenant, Monsieur, vous comprenez pourquoi j'ai reproduit, en commençant, quelques lignes écrites par vous, et je vous le demande , à vous, qui avez vu et admiré les ouvrages que ce sculpteur , inconnu hier encore , a marqués du sceau de son génie , ne di- rez-vous pas de lui comme de Sébastien Leysener : UN ARTISTE DE PLUS ! Px. BÉCLARD. Angers, 25 novembre 1849. —— — Ro A am bDi10) Fe 1 1) _ $ SLA ho ) 3p Ju to | ÿ on ax à 2 Page 51 (51) SIÈGE DE LA ROCHELLE EN 1573. ES D a — Vous croiriez sans doute, Messieurs , oublier une partie de votre mission et porter une regrettable at- teinte à l’une de vos plus nobles prérogatives, si, bor- nant vos soins aux écrits ou aux faits nés dans cette contrée même, vous n'étendiez pas vos regards et votre sollicitude sur les actes que des Angevins ont pu accomplir hors de ces temps et de ce pays. Nous croyons ne pas nous former du but de cette société une idée exagérée , en pensant que ses archives de- vraient emprunter, en l’amoindrissant toutefois, l’é- pigraphe d’un ouvrage célèbre élevé par la science des cloîtres aux grands souvenirs de la patrie, et qu’au lieu du Gesta Dei per Francos; de la Gallia christiana , elle pourrait écrire, en caractères plus modestes, sur ses annales : Gesta Dei per Andegavenses. Si, donc, nous vous disons que le siège lointain sur lequel nous tentons d'attirer un instant votre examen, a été con- duit par celui qui avait alors le gouvernement de l'Anjou, par Henri II, roi de Pologne, puis roi de France, ce prince, dont la maison, dite du roi de Po- logne, retrace chaque jour aux habitants de notre ville le populaire souvenir , n’aurons-nous pas déjà droit de voir notre essai accueilli dans cette enceinte ? Que sera-ce, si nous ajoutons que nous ne venons (52) pas ici raconter par nous-même , mais seulement si- gnaler à votre altention le récit plein d'intérêt que vient de donner, jour par jour, du siége de La Rochelle, M. A. Genest, capitaine du génie, dont le nom, re- vendiqué par l’Anjou, s’unit, par une alliance con- nue de tous, aux noms les plus justement considérés de notre contrée ? Mis à même, par ses fonctions, de puiser à la source des renseignements officiels, M. le capitaine Gerest a donné le récit aussi clair que détaillé, le journal, pourrait-on dire, de cette attaque que huit mois de travaux ne purent rendre fructueuse, mais qui ne faisait que servir de prélude au siége célèbre com- mandé 54 ans plus tard par le cardinal de Richelieu. Sans emprunter ici à la brochure dont nous ren- dons compte une description de fronts et d'enceintes, que nous serions fort mal habile à reproduire, nous ” ne pouvons nous empêcher de remarquer combien La Rochelle ressemblait peu alors à la ville fortifiée par Vauban,, que chacun de vous peut connaître. Nous ne savons trop ce qu'était devenu le petit fort destiné à protéger les habitants groupés autour de l'antique château de Vauclair. Ce fort élait, comme on sait, bâti sur un petit rocher dont le nom latin, Rocca où Rupella ; a fourni celui de la ville actuelle. Deux grosses tours , nommées, l’une, Tour de la Chaîne, l’autre, Tour Saint-Nicolas, défendaient, comme aujourd'hui, l'entrée du port et, de plus, en 4569, un ingénieur italien, Scipion Vergano, avait ajouté quelques ouvrages importants aux murs anti- ques avec tours rondes, aux bastions à orillons et autres moyens de défense qui, par leur structure , fe- (53) raient aujourd'hui sourire notre génie. Mais, ce qui double la force des remparts , le courage et la disci- pline des habitants , ne manquait pas aux braves Ro- chellais. La paix de Saint-Germain-en-Laye, accordée aux calvinistes le 2 août 1570, par Catherine de Médi- cis et Charles IX, commençait à mériter son double sobriquet de botteuse et de mal-assise. Malgré les pro- testations que leur prodiguait la cour, les hugue- nots ne pouvaient voir sans défiance des troupes et des vaisseaux se concentrer sans cesse autour de La Rochelle, à Brouage , notamment , sous le com- mandement du colonel-général Strozzi, gouverneur de l’Aunis, et de l'amiral baron de Lagarde. Vaine- ment on répandait le bruit que ces préparatifs étaient destinés à la conquête de la Floride , les calvinistes doutaient plus fortement chaque jour. Bientôt , ils ne doutèrent plus : le 24 août 1572 sonna et leurs frères , fuyant les massacres de la Saint-Barthélemy , accou- rurent , au nombre de 1,500 , demander à La Rochelle un refuge à la sécurité duquel devaient contribuer leur bras même et leur dévouement. Les choses en étaient venues à un point tel de dé- fiance et de haine , que la cour essaya vainement de négocier au cours du mois de septembre. Le maré- chal de Biron , protestant , que les Rochellais avaient eux-mêmes demandé auirefois pour gouverneur , qui avait failli succomber sous les poignards de la Saint- Barthélemy et qui, dans ces journées sanglanties , avait donné asile à plusieurs huguenots signalés , vit ses propositions repoussées. Un de ses envoyés, le sieur du Vigean, ne put, un peu plus tard , se faire admettre dans la ville et fut même attaqué et blessé (54) par les habitants , malgré le sauf-conduit dont il était porteur. C'était évidemment la guerre. — Déjà, La Rochelle s’y prépare : Les fortifications sont réparées ; les moulins et les maisons qui les peuvent dominer , sont démolis : on fait entrer dans la ville tous les ap- provisionnements que peut fournir la campagne et on livre ensuite aux flammes les hameaux environnants. Quant à l’organisation de la défense intérieure, on voit tout d’abord briller le dévouement et l’indompta- ble énergie de Jacques Henry, l’un de ces maires de La Rochelle auxquels devait, 55 ans plus tard, en présence de Richelieu menaçant , succéder Jean Guiton ; Guiton qui déclarait n’accepter ses fonctions que sous la condition de poignarder le premier qui parlerait de se rendre et qui répondait à la population affamée par le siège : « Il suffit qu’il en reste un pour fermer les portes! » Jacques Henry fait faire le dénombrement des ha- bitants capables de porter les armes : neuf compa: gnies, huit de 200 hommes et une de 150 , sont for- mées ; il commande la dernière; les autres sont mises sous les ordres de huit capitaines, dont l’un, Gar- gouillaud , a laissé son nom à l’une des rues de La Rochelle et à l'hôtel même qu'habite encore peut-être l’ancien payeur de notre département, M. Thomasson. Ces apprêts se poursuivent avec persévérance , lors - qu'au cours du mois de novembre 1592, un fait d’ar- mes fortuit achève de faire éclater les dissentimenis. Deux galères, commandées pour le roi par Tosin- ghi, Florentin , et Fiesque, Génois, ayant quitté le port de Brouage sous prétexte de venir porter aux Ro- chellais de nouvelles propositions d’arrangement, mais (55) en réalité, pour sonder la rade, sont poursuivies par des navires et des barques qui sortaient et allaient oc- cuper l’île de Ré. Tosinghi s'échappe à grande peine : mais Fiesque, blessé et fait prisonnier, voit sa galère conduite triomphalement dans le port de la ville. Comment, après une telle journée, espérer encore un rapprochement? La cour ne l’aurail pu, sans doute, si elle n’avait pas obtenu l'intervention d'un de ces hommes dont le nom est synonime de courage et de vertu, et dont la parole loyale et sage inspire une confiance égale à tous les partis ; nous avons presque nommé François de la Noue, dit Bras--de-Fer, ce ca- pitaine qui, selon Henri IV, était « un très grand homme » de guerre, mais un plus grand homme de bien. » Et ici, Messieurs, notre analyse convient sous un nou- veau rapport à un auditoire angevin, car une sœur de La Noue a épousé un seigneur de l’Anjou, dont le nom ne paraîtra nouveau à nul d’entre vous, M. le marquis de Vézins. Tel fut l'intermédiaire choisi. La Noue , calviniste zélé , n’accepta cette mission qu'afin de sauver les Rochellais des malheurs dont il les voyait menacés, el, accompagné de l’abbé Guadagne, entra dans cette ville, où, laissez-nous le remarquer en passant , fut fabriqué le bras de fer qui lui fournit son surnom, et qu'une blessure, reçue au siège de Fon- tenay, avait rendu nécessaire. Des cris de haïneet d’in- dignation l’accueillirent d’abord; mais la fermeté de ses paroles, la noblesse de son caractère , changèrent bientôt les esprits et on lui offrit le commandement de la cité. Il accepta , et se trouva alors dans une po- - Sition telle que sa haute et pure renommée pouvait seule, en cette circonstance, le sauver de tout soup- (56) çon. Après avoir prêté serment au roi, il devenait le chef de ses adversaires : préposé à la guerre, il vou- lait ne pas trahir sa mission et pourtant , autant que possible, n’agir qu'en vue de la paix. Telle était la situation des choses et des esprits, quand, au mois de décembre , les troupes royales en- trèrent dans l’Aunis, prirent Marans, et, comman- dées par Biron, vinrent serrer de près La Rochelle. C’est alors que Biron préluda à l’œuvre que Richelieu devait accomplir en 1628, œuvre qui, on le sait, n’a rien de commun avec la jetée longitudinale qui s’é- tend aujourd’hui au Nord-Est de la rade. Il construi- sit, non comme ce ministre, une chaussée complète qui, barrant toute l’entrée de cette rade, moins un passage pour les eaux et les vaisseaux admis, empé- cherait complétement arrivée des secours maritimes étrangers, mais, du moins, plusieurs forts qui croi- saient leurs feux sur cette entrée même, et au milieu desquels il fit échouer, comme un fort supplémen- taire, une carraque, ou bâtiment de charge de 800 tonneaux, que les calvinistes avaient autrefois pris sur les Vénitiens , et dont les catholiques s'étaient empa- rés à leur tour. Il faut voir dans le récit de M. Genest tous les périls bravés par les assiégés pour empêcher la construction de ces forts : tous les efforts des hommes , des femmes, des enfants même, pour in- cendier la carraque hérissée de canons, qui venait achever leur investissement. Mais ces ‘efforts furent vains. Au moment où leur impuissance était recon- nue , on annonça l’arrivée du duc d’Anjou, et, loin d’hésiter, les Rochellais sentirent redoubler leur ar- deur. L'ensemble de leurs ressources, habitants et: (57) étrangers réfugiés, montait alors à 3,000'hommes de guerre environ. - C’est le 12 février 1573 que notre duc d'Anjou ar- riva devant La Rochelle. L’élite de la noblesse fran- çaise l’accompagnait : nous citerons les noms de François, duc d'Alençon , frère du roi ; du roi de Na- varre, depuis Henri IV; Henri de Lorraine, duc de Guise, tué à Blois, avec le cardinal son frère ; Char- les de Lorraine, duc de Mayenne, plus tard chef de la Ligue ; Arthur de Cossé, maréchal de Brissac, et Albert de Gondi, comte de Retz, depuis maréchal de "france. ‘29 coups de canon annoncèrent la venue de ce no- ble cortége : ce signal faisant penser à La Noue qu’en ce moment les catholiques songeraient plus au céré- monial qu’à leur défense, il fondit sur leur camp à la tête de vingt-cinq chevaux et de 200 fantassins, fit quelques prisonniers, et faillit s'emparer du duc d’An- jou lui-même, ce qui, sans doute, eût terminé la guerre avant qu'elle ne fût réellement commencée. Dès ce premier jour, les opérations de l’armée royale semblent frappées de défaveur, tandis que l’heu- reuse audace du marin Miraut , qui, sous le feu des forts et de la carraque , amène dans le port quatre bâ- üiments catholiques, pris par lui dans une course, exalte encore le courage et la confiance des habi- tanis. Les apprêts formidables n’en continuent pas moins, et, dans la nuit du 26 au 27 février, le duc d'Anjou ouvre la tranchée, ayant à ses ordres 10,000 combat- lants et 60 pièces de canon, artillerie de siége consi- rable pour cette époque. (58) Ici nous ne pourrions, sans reproduire en entier la brochure de M. le capitaine Genest, raconter les atta- ques ou les sorties qui, jusqu’au mois de juillet, se succédèrent presque chaque jour. Seulement, nous prendrons note de quelques circonstances qui carac- térisent ce siége, ou lui servent d'épisodes. Ainsi, nous remarquons d’abord que, l'épée à la main, La Noue ne cessait de désirer un accommodement, pré- chaïit la paix, et les deux premiers jours de mars, après la tranchée ouverte, assemblait le peuple dans l’église St-Yon, pour tenter encore la voie de la con- ciliation. Ces démarches, on le comprend. devaient, malgré tout l'éclat de son passé, le rendre suspect à la foule : aussi, ce chef, injurié, poursuivi jusque dans sa maison et souffleté même par un ministre auquel, pour toute vengeance, il sauva la vie quelques instants plus tard, renonça à la double et impossible tâche qu'il avait assumée, et le 11 mars, quitta La Ro- chelle. Un conseil des armes fut nommé pour rempla- cer sa direction. Déjà, le 3 mars, le duc d'Aumale, ennemi acharné des protestants, avait été tué dans la tranchée par la charge d’une couleuvrine qui, depuis, porta son nom. Les troupes royales , augmentées d’un renfort de 10,000 hommes, avaient déjà tiré 13,000 coups environ de leur artillerie, quand, le 4er avril, les fonctions du brave Jacques Henry expirant, Jean Morisson , magistrat non moins intrépide , fut appelé à lui succéder. Il entrait à peine en exercice lorsque , le sept avril, fut donné, par le duc d'Anjou, le pre- mier assaut, qui vit les femmes de La Rochelle com- battre, comme en 1809, combattirent celles de Sar- ragosse , et coûta 300 morts aux catholiques , sans leur (59) procurer aucun avantage marqué. Sept fois ces as- sauts , précédés et suivis de coups de main divers , de- vaient se renouveler. Le 18 avril, un coup d’arque- buse tue l'ingénieur Scipion Vergano qui, après avoir, nous l’avons dit, fortifié La Rochelle, par les ordres de Condé et de Coligny, avait passé dans le camp royal , et était regardé par tous les habitants comme un traître. Cette mort, où l’on vit le doigt de Dieu, exalta encore la confiance que tant de revers éprou- vés par l’armée royale inspiraient aux assiégés. Pourtant plusieurs causes auraient pu attiédir leur courage. Le comte de Montgommery, celui qui avait si fatalement, en 1559, causé la mort du roi Henri Il dans un tournoi, avait , avec beaucoup de peine, levé en Angleterre , une flotte, dont le secours était attendu par les Rochellais, ses co-religionnaires. Le 19 avril, cette escadre avait été signalée au large; mais, après avoir reçu quelques volées de canon, Montgommery s’élait retiré, se bornant à s'emparer de Belle-Ile, et ravissant aussi aux calvinisites un secours sur lequel ils avaient si fermement compté. D'un autre côté, la famine commençait à peser sur la ville, et il fallait que , sous le feu des arquebuses , les habitants se ré- pandissent sur la plage pour y recueillir les coquil- lages que la marée basse y laissait. .…. Mais il aurait fallu de bien autres causes pour faire faiblir ces ci- toyens héroïques dont le chef, au milieu d’une disette bien plus cruelle, devait offrir, en 1628, de se laisser tuer pour que sa chair nourrit les assiégés ! Du côté des catholiques, tout annonçait le décou- ragement et présageait le désordre.—Leurs assauts, si meurtriers pour eux, n'avaient que peu avancé le ( 60 ) siége : une mine considérable, préparée le 14 avril, avait, par sa mauyaise construction, tué où mutilé 200 des leurs. Un pareil nombre d'hommes avait péri le 23 mai, par une surprise. Biron avait été blessé dans une escarmouche. La fièvre, la dyssenterie s’é- taient emparées de l’armée. Un septième assaut est donné le 26 mai, un huitième le 12 juin ; mais enfin, il faut reconnaître l'impossibilité d’une réussite, et, d’après les ordres du roi, reprendre les négociations au sujet de la paix. Cette obligation était-elle conforme aux secrets dé- sirs de Henri? L'auteur de la brochure que nous ana- lysons semble penser que le duc d'Anjou avait hâte d'aller prendre possession du royaume de Pologne, qui lui avait été dévolu par la voie de l'élection , après la mort de Sigismond-Auguste, le 9 mai 1573. Si ce dernier point était en question, nous croirions devoir rappeler l'opinion de la pluralité des historiens, de l’abbé Millot, entre autres, qui nous représentent le duc d'Anjou comme très attristé d’un départ qui l’éloi- gnait, non-seulement de la France, mais aussi d'un trône autrement enviable que celui de la Pologne, trône brillant dont la maladie de son frère Charles IX, lui faisait prévoir la vacance prochaine, Mais nous le répétons, il ne s’agit ici que de la levée du siége, et, à l'exemple de sa cour, le prince dut avoir hâte de terminer aussi honorablement que possible un inévi- table arrangement. Le maire Morisson venait de mourir, enseveli dans son triomphe. Son successeur, Mignonneau, eut l’hon- neur de présider à la reconnaissance officielle par la royauté vaincue , des droits et des priviléges de la re- ligion réformée. (61) C’est le 10 juillet que Biron fit son entrée à La Ro- chelle. Le nouveau roi de Pologne était déjà parti pour Nantes , accompagné du duc d'Alençon, du roi de Navarre et de plusieurs seigneurs. Ce n'était plus, on le conçoit, la marche fière et joyeuse de cette cour faisant, six mois auparavant , comme une partie de plaisir d’aller réduire la capitale de l'Aunis. A quelques mois de là aussi, on ne re- trouvait plus dans Henri , les nobles qualités du com- battant de Jarnac et de Moncontour. Déjà commen- çait la triste réalisation de la pensée écrite pour ce prince, par Voltaire : « Tel brille au second rang, qui s’éclipse au premier. » Le nom de notre province, lié à sa dignité pre- mière , était-il donc pour lui une sauvegarde , un ta- lisman, une éfoile ? comme aurait dit ou pensé Napo- léon. Nous ne savons : mais le roi de Pologne devint bientôt le roi de France, dont nous connaissons tous les fautes et les hontes. Nous avons déjà cité une sen- tence bien sévère pour un prince dont le courage était renommé et , pourtant, ce vers sanglant qui lui sert de rime : « Il devint lâche roi d’intrépide guerrier » put bientôt être écrit légitimement par le poète. Le siége de 1573 a coûté à l’armée royale près de 20,000 hommes , morts par le fer et le feu de l'ennemi ou moissonnés par les maladies de l’armée. Les habi- tants perdirent, outre les malades et les blessés, 500 d’entr’eux, l'élite de leur jeunesse, et environ 800 ré- fugiés. (62) L'importance et les souvenirs de ce fait historique obtiendront-ils grâce pour la longueur de cette ana- lyse ? L'auteur de la brochure sera peut-être , du reste, assez bienveillant pour vous donner lieu d'oublier prochainement ce compte-rendu si incomplet, en mettant notre bibliothèque en possession de son inté- ressant travail. Des observations insérées à la suite du récit ou plutôt du journal du siége , achèvent de montrer tout ce que l'instruction de M. le capitaine Genest pré- sente de complet , tout ce que son style a de précision et de clarté. ÉLIACIN LACHÈSE. - sn 0 D 0 sèm— ( 63 ) NOTICE SUR UN GaLics ÀAPPARTENANT A LA FABRIQUE DE THOUARCÉ. De tous les objéts archéologiques que nous a légués le moyen-âge et la renaissance , Ceux qui sans con- tredit sont les plus rares de nos jours , sont les vases sacrés. La cause est facile à expliquer : La tour- mente révolutionnaire , la guerre civile, dont l’An- jou fut victime, firent que tout ce qui servait au culte fut caché, dispersé, vendu, brisé et jeté à la fonte. Puis une cause qui a pris naissance à notre époque , est venue achever l’œuvre des dévastateurs de l’art réligieux. Ce mal, qu'il est grand temps de poursui- vre avec constance et énergie , à pris sa source dans la manie de tout moderniser, et d'abandonner à vil prix les objets les plus rares ei d’une exécution par- faite, pour substituer le travail le plus grossier. Croix, ostensoirs , calices , ciboriums , bannières , tout disparaît du moment où ils sont honorés de la qualification de gothique. Au milieu du vandalisme dont nous som- mes entourés , je suis heureux de pouvoir signaler une fabrique possédant un vase sacré de la plus grande beauté, afin d'engager celles qui seraient dans la inême position à ne pas se défaire, comme tant d’au- (64) tres, de vases si précieux , rappelant au culte ses tra- ditions et à l'artiste les beautés du moyen-âge. Le calice dont je présente ici le dessin appartient à la fabrique de l’église de Thouarcé (1). Quel en fut le donateur , ce calice fut-il toujours dans cette église, ou bien seulement depuis le Con- cordat ? C’est ce que nous ignorons absolument. Il nous a été impossible , malgré toutes nos recherches, de découvrir la vérité à ce sujet. Toujours est-il, que parmi les archéologues qui ont été à même de voir, soit le dessin, soit l'original , les avis sont assez pré- cis; ainsi, les uns lui assignent pour date le com- mencement du XVe siècle; d’autres penchent à croire sa date plus reculée , c’est-à-dire à la fin du XVe. La reproduction mathématique que nous donnons ici de ce calice, dont nous devons le dessin à M. Édouard Heulin, architecte à Angers, le rétablit tel qu’il fut originairement. Sa hauteur primitive était de 211 millimètres. Son peu d'élévation le rendant incommode pour célébrer la messe , le velarium , en usage de nos jours , se prêtant mal à le couvrir , tout (1) Autrefois le bourg de Thouarcé (Maine et Loire) était riche en monuments archéologiques. L'église Saint-Pierre, la paroisse actuelle, possède un beau chœur du XI° siècle et une: belle masse de clocher de la même époque, retouchée au XVI: siècle. Quant à la flèche, elle fut détruite pendant la révolution de 1793. Thouarcé comptait aussi une chapelle du XIIe siècle sous le vocable de saint Lumen. Cette chapelle sert aujourd'hui de grange. 1 Le prieuré Saint-Jean, église du XII° siècle. Il ne reste plus que le chœur. L'hôpital. On ne voit aujourd’hui de cet édifice que deux ar- ceaux et une piscine du XVIe siècle. (65) cela fut malheureusement cause , il y a quelques an- nées, d'une augmentation de la tige et de l’annexe- ment d'un nœud. Cependant cette mutilation n’est point un mal irréparable , rien n'est plus facile que de faire disparaître cette addition , d'une exécution gros- sière ; aussi sommes-nous persuadés qu’on ne tardera pas à en faire justice. La matière qui compose ce vase est en argent doré. La coupe, légèrement évasée à son orifice , repose sur une tige à huit pans, divisée par un très beau nœud et terminé par un large support, formant une corolle à huit lobes. Chaque partie de la tige , qui repose sur le nœud, présente huit lobes dans son contour. Les lobes de la partie supérieure sont baissés , ceux de la partie in- férieure sont relevés, le nœud orné de feuillages enroulé de l’AcANTHUS mois. Cette belle plante ; si célèbre dans l'histoire des beaux-arts et dont, Virgile fait dans l’Enéide la broderie de la robe d'Hélène (1), contient huit petits nœuds saillants , sur lesquels on voit : EL Le Christ à la longue barbe et chevelure flot- tante. Le nimbe est formé de deux gerbes lu- mineuses, resserrées à la base, larges et diffuses à leurs extrémités et placées de cha- que côté de la tête. (1) Munera præterea Iliacis erepta ruinis Ferre jubet, pallam signis auroque rigentem, »1110Et circontextum croceo velamen acantho. "A (Æueid. Lib. 1.) ‘Observatio Maurii Servii Honorati : “Achantoherba Achanto id est flexibili virgulto, in cujus.imis tationem arte vestis ornatur et conficitur. Hinc vestimenta acanthina appellata. 5 (66) IL Le fer de la lance avec lequel un soldat, qui plus tard devint saint Longin, perça le côté droit du Christ. Le fond de ce nœud est formé de losanges, au milieu desquels se trouvent de petits points: Cette ornementation rappelle l'appareil reticulé. UT. Deux fouets opposés. IV. La colonne de la flagellation est également sur un fond losangé et ponctué. V. Les clous du crucifiement ; ils sont au nombre de trois. VI. La croix grecque, telle que nous la voyons assez généralement représentée de nos jours sur le velarium, et ornée de rayons partant de cha- que interstice. VII. La couronne d’épines. VIII. La lettre N fleuronnée. Rien n’est plus ravissant que ces détails d’une exé- cution parfaite , et qui sont préférables aux pierreries dont quelques calices furent ornés à cette époque. Le support du calice présente , sur une de ses faces, une croix , dont les branches sont terminées par une trilo- bure ; le pied de la croix, formé de trois gradins, repose sur un champ de verdure ; et le périmètre du support est orné de losanges. Si on lève le calice, l’on voit, sous la corolle qui lui sert de base , un fond en plomb, sur lequel est une couronne de lettres avec abréviations. Chaque lobe de la corolle du support contient soit un groupe de lettres, soit une lettre isolée, placée entre deux pelites croix, à l'exception de la lettre P, qui est au milieu de deux fleurs. Ces lettres correspondent avec les petits nœuds dont nous venons de donner le détail. (67) Que signifie cette inscription ? Est-ce une sentence sacrée ou le nom du donateur, ou bien encore une application relative à chaque attribut. de la passion ? Quoiqu'il en soit, nous n'osons nous prononcer à cet égard et nous soumettons la question à des personnes plus érudites. Enfin, pour terminer la description de ce calice, nous dirons qu’une marque de métal, pla- cée entre le commencement et la fin de la phrase, est divisée en deux compartiments ; sur l’un est un quatrefeuille, sur l’autre une clé, dont la poignée forme la croix. Je finirai cet article par une observation ; ce vase sacré, qui sert tous les jours au culte, est déposé dans Ja sacristie, et quoique le pays me soit connu depuis très longtemps, j'aurais probablement ignoré l'existence de ce calice, sans la complaisance de M. Papin, alors curé de cette paroisse , et qui s'est plu à m'en faire admirer les détails. Aussi je ne sau- rais trop engager les archéologues et amis des arts, à visiter les fabriques des paroisses. Outre qu'ils pour- ront faire connaître le prix des vases et ornements les plus précieux pour l’art, ils pourront encore y décou- vrir des titres concernant des dénominations de lieux et une foule de documents fort intéressants pour l'histoire locale. Une visite que j'ai faite dernièrement à l'église d'Étiau, canton de Thouarcé, Maine et Loire , m'a fait voir une très belle croix , qui est lais- sée dans un coin à l’abandon, ainsi qu'un coffre rempli de vieux ornements du XIV: siècle. Pour en citer un autre exemple, dans la commune de Mürs, Maine et Loire, près les Ponts-de-Cé, il existe un Champ, nommé le champ des Cordes. Ce nom lui vient, (68) d’après les titres déposés dans les archives de la fa- brique, de ce que chaque fidèle, possesseur d’une partie du champ, était obligé de concourir à l’entre- tien des câbles servant à mettre les cloches en mou- vement (1). Puis, peut-être, remédierait-on à un si grand mal de notre époque et qu’on peut considérer comme un vandalisme , c’est la manie de ces person- nes qui, se disant amies des arts, ne craignent point, à prix d'argent, de détourner de leur destination pri- mitive des objets religieux, pour augmenter leurs collections ou orner leurs salons. L'œuvre d’un artiste est toujours belle, quelle que soit sa place; maïs‘en la détournant de sa destination première , c’est porter atteinte au respect dû aux choses saintes, et anéantir les souvenirs qu’elles rappellent. Avril 1844. AIMÉ DE SOLAND. (1) Cet usage est très ancien. En 1630, les propriétaires du champ des Cordes refusèrent de fournir les câbles. 11 y eut un procès qu'ils perdirent. (69) SUR LE CHOLÉRA. PHYSIOLOGIE. 1 <———— Sans parler ici des tourmentes sociales qui ne me- nacent rien moins que l’Europe entière, ne nous trouvons-nous pas aujourd'hui à une de ces époques de calamité où , le ciel déchaînant sa colère , le roi de la création semblerait déchu de sa gloire, dès-lors qu'il n’a plus rien de la puissance qui lui permettait de commander aux maladies, d'arrêter leur cours et de soustraire l'humanité à leur empire ? Dix-sept années avaient permis à la médecine d’é- tudier le choléra , et cependant la médecine , pas plus qu'en 1832, ne peut aujourd’hui arrêter les ravages de cette affreuse épidémie , devenue d'autant plus terrible, qu'elle est précédée d’une espèce de panique générale due à la médication incertaine qu'on lui op- pose, et qui jusqu'ici n’a permis à qui que ce soit d'assurer de prime-abord le rétablissement de tout homme fortement frappé et déjà arrivé à l’état de cyanose ; car , disons-le , après les moyens généraux pour rappeler la circulation capillaire et par là la chaleur à la peau, du moment que le nombre des remèdes est à l'infini et que chaque médecin a pour ainsi dire le sien, nous marchons évidemment dansle faux , parce que dès-lors que la cause du mal est uni- (70 ) que , de même aussi il ne peut y avoir qu'une seule médication pour le combattre. Sans vouloir ici traiter la question médicale ni combattre l'opinion de certains praticiens , qui pré- tendent reconnaître là une affection exanthémateuse interne , lorsque tout le siége du mal est évidemment dans le sang ou dans le système circulatoire , je dirai seulement, sous le rapport physiologique , que nous resterons toujours dans le vague tant que nous ne connaîtrons pas la cause de cette singulière maladie ; et, cette cause , il faut la chercher dans le réservoir commun qui nous environne et qui, conjointement avec l'air propre à la respiration, nous apporte par- fois des gaz délétères, où prennent leur source certaines épidémies ou fièvres de saison. On sait que l’oxigène qui nous donne la vie et la chaleur, qui entretiént la circulation , compose, à quelque chose près , la cin- quième partie de l’air atmosphérique. Ne se pourrait- il pas que ce gaz, qui rend au sang sa couleur rosée et sa fluidité, ne se trouvât pas aujourd'hui dans les conditions nécessaires pour notre respiration, où plutôt que son action fût, sinon neutralisée, dû moins dénaturée en partie par la présence de miasmes étran- gers, de telle sorte que l’hématose ne se fît pas bien dans nos poumons, où se trouve, nous le savons, le foyer de la chaleur animale? Toujours est-il que le cholérique meurt d’asphyxie, que chez lui tout le sang prend la couleur de sang veineux, comme s’il cessait d’être oxigéné, et que les personnes qui se trouvent au centre de l'infection et qu’une constitu- tion plus forte a pu garantir de ses ‘atteintes mortelles, n’en ressentent pas moins une sorte de gêne dans la (71) respiration, avec accablement et céphalalgie ou pé- santeur de tête, tous prodrômes que combat avanta- geusement l'inspiration de l’oxigène pur , qui arrête presqu'instantanémentaussi les douleurs d’entrailles, ainsi que je l'ai éprouvé sur moi-même et l'ai. vu réussir tout dernièrement à Paris sur plusieurs per- sonnes prises de cholérines. L'oxigène est le principe de la vie; il la double pour ainsi dire en activant la circulation et multipliant nos forces , comme il est toujours facile de s’en convain- cre en respirant consécutivement plusieurs litres de ce gaz entièrement pur ; il est à remarquer surtout, combien s’anime alors la physionomie. Ne pourrait-il donc pas causer une réaction des plus favorables chez les individus dont le choléra vient éteindre l'existence, car c’est le mot dont on peut ici se servir, tandis que l'oxigène , au contraire, l’allume chez tous les êtres ? Le gouvernement peut-il reculer devant aucun sa- crifice pour encourager les recherches et essayer , par tous les moyens possibles, à arrêter le fléau des- tructeur , et serait-il donc si dispendieux de disposer, dans les hôpitaux , une pièce bien elose où l’on place- rait les cholériques et où l’on dégagerait incessam- ment de l’oxigène, à l’aide d’un tuyau partant d’une cornue chauffée au dehors, pour ne pas consommer par le brâsier tout ce qu’on produirait (l’on sait que l’oxigène s’obtient avec le chloraie de potasse , autre- fois muriate sur-oxigéné de potasse, soumis à une chaleur graduelle ) ? Ces expériences m'ont conduit aussi à regarder comme puissant anti-cholérique , le sucre ordinaire , dans la composition duquel l’oxigène entre pour plus {.72) de moitié, ce qui détermine cette chaleur qu'il cause à la muqueuse , lorsque nous en mangéons ,:et qui détruit la crudité de certains fruits trop froids, qu’il empêche d'être indigestes. On peut employer seul ou uni en grande abondance à un véhicule stimulant. C'est encore d’après des essais que je raisonne ainsi, ayant, en consommant force sucre , réussi à calmer, à chaque fois qu’elles se sont reproduites , les douleurs d’entrailles que j'ai éprouvées à Paris, comme l'ontreconnupourelles-mêmes nombre deper- sonnes qui, se trouvant sous la même influence, sont parvenues avec la même substance à suspendre tout dérangement. Je serais porté même à croire que de l'eau sucrée, à son maximum de saturation, et ad- ministrée par le tube intestinal (pour ne pas me. ser- vir ici du mot technique), pourrait bien, dans les cas dont nous parlons, arrêter les coliques et les éva: cuations alvines. Le sucre en effet, étant mêlé à du sang veineux, a la propriété , ainsi que l’oxigène, de lui rendre la couleur rouge, vermeille, du sang arté- riel , et de l'empêcher de se coaguler. Toutes ces réflexions sont basées sur des expérien:, ces que j'ai faites moi-même ; et on devra les accueil- lir avec d'autant plus d’indulgence, que ce ne seraient jamais que des remèdes fort doux, auxquels j'aurais conseillé de recourir. Angers, 14 juin 1849. J. HOSSARD. (73) NÉCROLOGIE. M. HENRI AUBIN DE NERBONNE. MESSIEURS , Votre silence à l'égard du confrère qui nous man- que est un appel tacite à l’amitié de celui qu’on eût : pu appeler son frère. Croyez qu'il l'a compris et qu'il l'eût relevé plus tôt, s’il n’eût craint d’absorber , au profit de sa douleur propre, l'expression du regret commun. Il est si difficile de supprimer d’une mé- moire , même après cinq mois accomplis , ce qui bat de notre cœur en elle, pour n'y laisser survivre que les notions essentielles à l'estime et à la reconnais- sance de tous ? Du moins, dans le cercle étroit que l'exigence du point de vue trace autour de l'affection, une pensée nous met à l’aise. Dépositaire des pages dont M. Henri de Nerbonne a remis la publication en- tre nos mains, nous trouverons prochainement , dans leur intimité même , une source naturelle d’épanche- ment. Grâce à cette espérance, la ligne de démarca- tion sera plus rigoureusement observée. Et quand il nous arriverait, par mégarde, d'empiéter aujour- d'hui, sur le domaine de demain, qui de vous s’en plaindrait, qui songerait ici à lui mesurer le souve- nir,, à Jui qui ne sut jamais mesurer sa part dans votre œuvre ? (74) I était fils d’un père qui n’entendait rien à jouir seul, et dont l'antique physionomie , si familière à cetie enceinte, y résumait déjà tout un monde éva- noui. L’hospitalité libre, vivante , inépuisable, dont l’idée ne saurait se détacher de son nom dans la fa- mille des ‘artistes, ne serait plus de mise de notre temps. L'art musical régnait : le piano sec et égoïste n'avait pas fractionné l'exécution en autant de cen- tres qu’il y a de foyers domestiques. IL n’avait point encore licencié de ses dix doigts la bruyante armée de l'orchestre, ni changé les exécutants en touches d'ivoire et d’ébène. C’est chez M. de Nerbonme que venaient se combiner et s'unir , sous des conditions de succès variables, mais toujours sur le piéd d’une franche cordialité, les éléments d’un art plus capri- cieux que tous les autres par l’étrangeté des caractè- res , la variété des origines, le renouvellement des personnages, par le choc des rencontres et par l'im- prévision des résultats. Là , dans ce conflit curieux de natures ét de talents, dont la maison paternelle était le théâtre, l'enfant se laissait aller à l'observation d’un contraste qui devint la préoccupation constante de sa vie : à savoir qu'il y a dans la société deux ra- ces dont la distinction prévaut et prévaudra sur les communautés de patrie, de naissance, d'opinion et de fortune : l'artiste, que ni la paix la plus inaltérable du foyer , ni les affections les plus régulières de la fa- mille; ni l'importance d’un emploi , ni les loisirs de l’opulence , n’arracheront jamais à l’insomnie de l'i- déal ; — le bourgeois, que ni la fréquentation des chefs-d'œuvre, ni les voyages lointains , ni les péri- péties de l'existence, ni la notion des choses , ni la (75) solution des problèmes , n’élèveront jamais d’une ligne au-dessus de l'horizon réel. * Il débuta lui-même de manière à donner le change aux augures. Doué d’une vigueur physique à laquelle ne sauraient croire ceux qui ne l’ont connu qu’à sa période d'épuisement , il en fit jouer les ressorts avec une prodigalité peu compatible au programme uni- versitaire. Coureur infatigable, grimpeur souple , bardi nageur, les collines giboyeuses, les hauts chê- nes couronnés de nids, les sinueuses rivières qu'em- brasse le vol du héron , eurent la meilleure part de sa verte et chaste jeunesse. Toutefois, sous ces dehors d’oisiveté vagabonde, un travail remarquable s'accom- plissait en lui, celui d’un esprit avisé et subtil aux prises avec les phénomènes de la nature , et S'en assimilant à son insu tous les secrets. Effets contradictoires d'une même cause dans ses rapports avec les tendan- ces et les goûts! Là où les compagnons de ses courses ont Stérilement dispersé les facultés de leur avenir, 1à où ils sont restés , là où blanchiront leurs cheveux ‘dan$ le cercle des confortabilités terriennes , lui aspi- rait la sève des choses invisibles, et contractait les germes de l'infini. Que de fois , sans les reconnaître, il conversa sur le chemin avec ces Grecs haïs, ces La- ‘ins ignorés dont ses pieux condisciples feuilletaient et refeuilletaient les pages! C’est que la nature n’a vraiment de signification pour l’homme qu'à raison de la physionomie primitive dont il rassemble les li- néaments effacés sous les progrès d’une civilisation ‘énvahissante, point de vue où se retrouvent, à toutes les distances possibles de lieu , de temps, de génie ou de condition , tous ceux qui cherchent elle en elle. (76) Au don de l'observation, nous dirions plutôt de l'instinct, tant l'expérience pratique y tenait peu de place, se joignait chez notre collègue une adresse native, étrangère aux traditions du métier. A l’œuvre il étonnait et défait l’ouvrier ; les instruments sem- blaient le connaître. — Si la Loire eût recelé quelque roche escarpée et nue au milieu de ses îles de saules, de moissons et de fleurs, si le rapide canot , construit tout entier de ses mains, depuis la quille jusqu’à Ja voilure , y avait jamais fait naufrage , il y eût déployé toutes les ressources de Robinson. Ainsi, allant et venant en dehors des centres académiques, il n’en vivait pas moins dans les fréquentations du modèleet dans les ébauches de l'atelier. Loin de nous, Messieurs, le système de la super- fluité de l’enseignement , en fait d’art comme en fait de lettres. Entre les inspirations-du cœur le plus élevé et les intentions de l'esprit le plus ouvert et le plus rapide , proclamons une lacune qui ne se peut com- bler que par l'intervention des maîtres. Ils résument le. passé qu’ils rattachent à l'avenir sous des condi- tions d'ordre et dè liberté, puisées dans les développe- ments des siècles. Ils sont les grands courants des traditions sociales contre lesquels nul homme, si puis- sant qu'il naisse, ne peut impunément s’insurger. Sans eux le talent s’épuise dans le désert de la solitude, ou s’aigrit et fermente dans le vertige de l'isolement. Par eux il se renouvelle, il entre en relation et en concours avec le foyer de l'intelligence. Les quelques rares génies dont on alléguerait l'exception ont été moins soustraits qu'on ne le croit communément à l'influence de l’école. L'école, elle existait pour eux (71) dans ce concert d'opinions, dans cetle unité de mœurs et de croyances à laquelle ils buvaient, comme à une coupe vermeille , le génie de l'humanité. Loin de notre ami, surtout, la moindre prétention à ce sujet. Il s'étonnerait de l'importance d’une thèse soulevée à propos de ces facultés instinctives, dont nul ne se prévalut moins que lui. À nous toute la res- ponsabilité, Messieurs , de cette signification donnée aux excursions inquiètes, aux pressentiments confus d’une jeunesse à demi-perdue dans les buissons et les roseaux. Elle ne s'explique que trop par le besoin de retrouver sous la pierre d'autrui toute cette portion de sentiments et d'idées déjà morte au dedans de nous- même. A: Paris, en face d’une révolution littéraire , à la- quelle ses prédilections le rattachaient, il se prit à regretter l'insuffisance de ses études , et souffrit du trop plein d’une pensée qui ne trouvait pas son con- trepoids dans l'expression. Ce que lui refusaient les exigences de la prose, il le demanda souvent, avec un succès inespéré, aux elliptiques inversions du rhythme. Ceux que la forme occupe suivront avec plaisir le progrès constant de la sienne dans la série des strophes que nous avons à publier. Nous dirons dès ce moment , sous réserve d’une appréciation plus complète , qu’à défaut des ressources plastiques dont l’école moderne semble avoir épuisé le secret, elles se recommandent au cœur par une fleur de virginité qu'aucune adresse ne supplée. Mais il était peintre avant tout , et les souplesses de son crayon le dédommageaient amplement des insu- bordinations de sa plume. David, son premier guide, (78) notre ami , notre initiateur à nous ; David. se plaît à redire avec quelle naïveté pleine de finesse il repro- duisait le modèle. Le paysage l’attira parmi les pein- tures du Louvre.On devine vers quelles toiles il se.pré- cipita tout d’abord. Les moulins ne tournaient pas dans les plaines grises de Ruysdaël, les chênes d'Hob- bema n'éclataient pas sous la cognée, Winants: n'é- gayait pas de buissons et de halliers les sentiers de ses maigres collines, sans lui remettre en mémoire les ciels, les eaux, les pâturages, les motifs familiers de son Anjou demi-flamand. Toutefois, là n’était pas le dernier mot de sespré- férences. IL faut qu'il y ait en nous un exemplaire caché, supérieur à toutes les séductions du berceau comme à toutes les fréquentations de l'habitude, et qui pour luire n'attend que, le rayon. Car: sitôt qu'Aligny eut paru, soufflant l'esprit moderne dansles ordonnances majestueuses du Poussin, il courut droit à lui et l’alla saluer pour maître; et c’est dans l’ate- lier, inséparable pour lui du foyer de ce grandartiste que sa vocation se décida. Un plus chaud soleil en se: levant sur sa tête ouvrit à-ses regards des perspectives: inconnues. Cette harmonieuse mature, il la voulut: toucher et saisir au travers de la toile où il:en. élabo- rait, les contours. Il part. Rome est son but. Pise: ni Sienne , ni Florence n'auront un regard de lui et n’at- ténueront sur le chemin l'émotion du coup suprême. I n’ouvrira les yeux que du haut du Colysée en face: de cet autre Colysée de montagnes dont un:compa- triote illustre lui dénombre les horizons (1). (1) Commune à tous ceux de nous qui ont visité Rome, l’hos- pitalité du palaîs Albäni eut pour M. de Nerbonne unc valeur ( 7 ÿ 4 Messieurs, ce n’est point ici le lieu de toucher aux révélations d’un autre ordre dont notre pieux ami fut décidément illuminé. Cette histoire est écrite sur le meilleur côté de sa tombe; ce qu'il importe de dire c’est à quel point il comprit et aima ces ruines, ce forum, cette mâle beauté des Transtevères, ces tron- çons d’aqueducs qui se recherchent sous les ronces comme un serpent coupé par la faucille du moisson- neur, cette campagne remise en friche par les siècles. Deux fois il y alla, deux fois il en revint un pied dans Rome et en proie à cette obsession du souvenir qui estcomme la nostalgie des artistes. Nous voilà bien loin , Messieurs, de Winants et d'Hobbema. Pourtant telle est l'influence du style des grands pays privilégiés, que leur cachet s’empreint sur les pays les moins aptes en apparence à le recevoir. La nature, œuvre d'une même main, est fertile en mys- térieuses analogies, qui se révèlent tôt ou tard entre les points les plus divers, sous l'empire d’une même pensée. À sept lieues de notre ville, lorsque l’on monte sur Vihiers, au sortir des humides bocages de Chava- gnes, tout-à-coup la scène change, le champ de l’ho- rizon s'agrandit, une plaine osseuse s'étend et gonfle ses mamelons des rives de la Loire aux Alpes vendéen- nes , derrière lesquelles il semble qu’on entende bruire la mer. Des cimes de chataîgniers dont le soleil fait tourner les ombres sur des champs de sainfoin et d'a- voine , distraient l'œil de lariche monotonie des mois- sons. On dirait que les villages sortent entiers de la singulière, celle des hautes traditions unies à la profonde expé- rience locale chrez l’auteur des deux Angelus. (80 ) carrière, à voir la teinte ardente de la pierre coquil- lière s'unir dans leurs murailles avec celle du ciment. Ce ne sont que vieux châteaux , drapés de lierre!, ta- chetés de lichens, aiguisant dans le ciel bleu l'angle coupant de leurs arètes. IL n’est pas jusqu’au pâtre, accoudéau parapet d'un pont, dont le teint plus hâlé, dont l’expression plus calme et la pose plus fière ; me participe de la force de l’air et. de la chaleur du soleil: — Nous ne peignons pas, Messieurs , nous traduisons avec la plume un de ces croquis épiques où son crayon ferme et serein poursuit la ligne d'Italie... Faut-il qu'une défiance inguérissable de lui-même ,:compli- quée d’une série de devoirs et de douleurs aient en- foui deux renommées, celle de l'homme et du pays, dans le secret d’un portefeuille. Assez de lui, Messieurs ; il est temps de revenir.à vous en ne le séparant plus de vous-mêmes. Si jamais il y eut illusion de jeunessse, c'est celle qui coïncida, chez la jeune génération d'alors, avec les espérances du siècle. Tout renaissait, arts et lettres. Il n’yavait aucun de nous qui ne rentrât dans sa province avec- une étincelle empruntée au foyer de Paris. M: Henri de Nerbonne, avec cette expansion d'idées qu'on dis cernait bien vite sous la réserve de:sa personne , m'é- tait pas homme à se soustraire aux tentations du mo- ment. En arrivant ici, il vit écrit sur cette porte: Agriculture, sciences'et arts, il y frappa. Une fois ad- mis , il prit au sérieux d’abord sa participation à votre œuvre, ensuite les termes dans lesquels elle‘ devait efficacement s'exercer. Il résigna la science aux mains des érudits austères, chez qui l'intuition des causes n’a rien à démêler avec l’indigestion des faïts. De l’a- (81) griculture, il ne prit, ainsi que vous le verrez plus bas, qué la part afférente aux préoccupâtions du paysagiste. L'art, il le vit partout et le convia de tous les points ; quelle que fût la matière, quelque fût l’ins- trument suivant lesquels l’idée prend couleur, forme ou vie; tout comme il poursuivit avec un zèle impi- toyable, sous quelque dénomination insidieuse qu'il leur convint de s’'embusquer, toutes les spéculations du métier et de l’industrie. Nous ne saurions assez rendre l’aversion qu'il ressentait pour ces succès de trompe-l'œil, pour ces triomphes d'imitation servile dont le daguerréotype résumait à ses yeux l’expres- sion. Souvenons-nous en, Messieurs, mettons sous l'inviolabilité de sa mémoire cette pudeur de l’art dont il fut le chevalier. Dans un siècle de prestige où cha- que génie a sa fabrique, chaque forme sa facture, chaque inspiration sa récette, où l’idole s’insinue dans le cœur des plus fervents , où le vrai, traqué de toutes parts, nous demande asile et main-forte, veil- plus que jamais à la virginité de son drapeau, et fotre ami mort, ce flot montant de charlatanisme quil à conjuré tant de fois, venait battre notre “orte , que du moins son nom resie ici comme une protestation vivante pour le maintien de l'idéal. N'est-ce pas à lui, Messieurs , que revient l'honneur d'une mesure organisée par vous , et qui, partie d'ici, a bientôt fait le tour de la France. En explorant les œuvres, tableaux, vases, meubles, statues, légués par le hasard, ou recueillis par ie goût dans le sanc- tuaire des familles, il s’atitrista de leur ombre, et rêva de les mettre en lumière. Un appel fait par vous, dans toutes les circonscriptions du ressort, aux pos- 6 (82) sesseurs d'œuvres anciennes, lui parut riche en con- séquences, dont la moindre , sans doute, était l’hon- neur qui vous en reviendrait. Il tirait de poussière des trésors enfouis. Il coupait court aux derniers efforts des Iconoclastes par cet éveil donné au pays sur ses valeurs. Il stimulaït aux recherches, provoquait aux comparaisons , fertilisait du même coup le champ de l'art et de l’histoire, mettait trois départements sur un pied de résurrection fraternelle. Enfin par les maté- riaux accumulés au service de la statistique, il rentrait dans le cercle de vosplus chères attributions. Vousvous rappelez, Messieurs, si une seule de ces espérances fut trompée. Au bruit de votre appel, comme au son du cor d'autrefois, châteaux, couvents, églises s’ébran- lèrent. Du fond des sanctuaires , du fond des galeries partirent de symboliques échos. On eût dit autant de délivrances. Des légions de figures, les unes enfu- mées par le temps, les autres mutilées par les guer- res , quelques-unes rayonnantes d’un culte exclusif etjaloux, se pressèrent à pas muets sous les voûtes du cloître dont les arceaux romans s'étaient démasqués pour les voir. Il y avait je ne sais quoi de surnaturel dans cette arène où les morts s’escrimaient devant un aréo- page de vivants. Une palme déposée sur le front des vainqueurs dans la personne de leurs œuvres, com- plétait l'illusion et faisait tressaillir les vieux athlètes dans leur poussière... Toutefois, Messieurs, croyez que notre ami ne s’abusa ni sur les vulgarisations in- séparables de toute mesure qui tend à propager le dogme du beau, ni sur cette fièvre d’attributions apo- cryphes que l'étude des origines ne manque jamais d'allumer. Puis, en pareille matière, on ne saurait (83) guères convoquer le ban que l'arrière-ban ne s'élève et ne suive. De là, mille occurrences où les considéra- tions personnelles font déroger d'autant à la rigueur de l’absolu. Oh! qu'elles ont à souffrir, les organisa= tions de cette susceptibilité et de cette finesse, à voir flotter aux vents des plus folles interprétations l’idée la mieux conçue et la plus discrétement appliquée. Qu’au lieu de s'étonner des fréquentes irritations qu’une telle responsabilité justifie , on ferait mieux de les comprendre et d'y sympathiser. Quoi qu'il en soit, lorsque , trois ans plus tard, un second appel fut fait dans des combinaisons nouvelles, le succès dépassa attente; où l’on eroyait n'avoir plus qu’à glaner, l'on moissonna, preuve de la vigoureuse impulsion donnée. A côté de ee projet vient s’en placer un autre, non moins ingénieux , plus original peut-être , et auquel, à raison de l’immensité de son cadre, il ne fut pas donné de réussir. Nous l’avons mentionné implicite- ment plus haut en parlant de la transition qui lie l’a- griculture au paysage. Quand la charrue , trainée par son robuste attelage, creuse son sillon dansun champ, que le poète et le laboureur viennent àla considérer à la fois, il en naîtra deux ordres d’impressions dis- tinctes. Le second plongera dans les considérations de force , de profondeur et de vitesse qui ont l’économie pour objet. Le premier flottera dans les capricieuses images qu'évoquera pour lui le jeu des couleurs et des formes. Eh bien! tel est le thème dont M. Henri de Nerbonne voulait multiplier les variations à l’infini. Pour cela, il proposait de rassembler sous vos auspi- ces , non plus ici, Messieurs, mais à Paris, seul théâtre ( 84) possible d’un aussi gigantesque rendez-vous, tous les instruments aratoires usités sur le sol de la France. Là seraient venus se ranger, comme dans un'arsénal rustique, et les harnais du midi semés de grelots et de panaches, et les charriots sages du nord; la bèche des montagnes en face de la herse des plaines. 'L’es- prit se fût complu dans ces corrélations sans nombre entre le génie des peuples et les configurations du sol, que la courbe d’une houlette suffit à articuler quel- quefois. Des binious, des musettes, des trompes et des tambourins , liés en manière de panoplies sur des sayons de pâtre et des houzaux de labour eussenit re- levé l’aspect de ce pittoresque ensemble, et par mo- ments l'Espagne, la Suisse ou l'Italie, pressenties dans des perspectives nouvelles, eussent apparu à travers les montagnes ou la mer; tandis que l’homme pra- tique , étudiant les systèmes, s’appropriant les roua- ges, les ressorts, les leviers, les agents de ces diver- ses contrées, eût agrandi ses ressources et multiplié ses produits. C’est ainsi que nous passons, Messieurs , du texté de vos annales aux manuscrits de vos cartons, pour y suivre la trace du dévouement de M. de Nerbonne à votre œuvre. Malheureusement, vous le savez, il en est de la société comme de l’homme: chez elle comme lui pour une action, mille projets. Projets d'acquisi- lion , aux frais de la ville, des collections privées d’ob- jets d'art, collections viagères, destinées à s’éparpiller un jour entre les mille mains d’où elles sont sorties. C'était sur une moindre échelle et dans les limites du possible, la réalisation permanente du musée éphé- mère de 1840.— Projet d’une commission chargée de ( 85) signaler à la sollicitude communale les derniers édi- fices. pittoresques auxquels Angers doit son vieux re- nom , et de requérir pour eux le bénéfice de l’expro- priation contre le vandalisme de leurs maîtres.—Rêves que tout cela, Messieurs, chimères d’un esprit exilé dans les mercantiles insouciances du siècle. Qu'est devenu Saint-Martin, ce dernier soupir d'Hermen- garde ? que sont devenues les arabesques semées par une main de fée sur la façade du Palais des Mar- chands? qu'est devenu le Cromlech de Pocé? Vous vous rappelez son texte et ses dessins sur ce monu- ment druidique, inconnu jusqu'à lui, si ce n’est dela lande et de la forêt; avec quel vif coup-d’œil , quelle patiente investigation il en avait rapproché les vesti- ges ?.... Allez-y voir, Messieurs, allez redemander ces pierres aux bataillons de Mac-Adam ! Plus heureux que les matériaux d’un édifice, les matériaux d’une langue n’ont point de martean qui les broie. Inapplicables par nature aux destinations grossières qui pervertissent le sens des plus nobles souvenirs, elles n’ont rien à redouter de la cupidité des hommes. Leur ennemi est ailleurs, il est impal- pable comme eux , ilest dans la désuétude des signes, conséquence directe du renouvellement des mœurs. Pour conjurer cette disparution progressive, plus in- fluente qu'on ne le pense sur les conditions de la langue usuelle, il faudrait les poursuivre au fond des localités oubliées où le mouvement des, centres tend àles refouler de plus en plus. L'emploi des abstrac- tions , l'abus des terminologies techniques, l'invasion des tournureset des expressions étrangères , {rois ma- ladies de notre langue dont on ne la saurait guérir ( 86) qu'en la retrempant aux vieilles sources. Mais le temps passe , les sources tarissent; la mort ferme les lèvres dont les traditions gauloises avaient faït leur dernier abri. Quoi de plus urgent que de fixer sur les pages d'un vocabulaire les locutions naîves de l’idiôme pro- vincial? Vous l’aurez quelque jour, Messieurs, ce vocabulaire, objet des plus ardentes recherches de notre ami. Ici on ne peut, sans injustice, séparer de son nom ceux de plusieurs de nos collègues épris de la même pensée, et travaillant de leur côté à la réali- sation du même but. C’est à eux que reviennent les documents considérables auxquels leurs travaux pro- pres devaient s’incorporer et s’unir. Aujourd'hui que la tâche qu'ils s'étaient imposée se complique d’un devoir pieux, ils n’en seront que plus empressés de la clore. Le promoteur de l'exposition d'œuvres anciennes ne pouvait avoir pour notre petit Louvre un regard indifférent et distrait. Au talent et au zèle que notre intelligent collègue déployait dans sa direction, M: de Nerbonne sentit plus vivement encore l’opiniâtreté des obstacles contre lesquels les efforts d’un seul ont à lutter dans les conflits de l’art avec les habitudes lo- cales. Disons-le hardiment,, l’art en province est relé- gué trop loin et trop étroitement resserré. Cela tient, selon nous, à un déplacement de point de vue. Au lieu de l’apprécier dans sa réalité intime , on s’obstine à le considérer dans le petit nombre de ses adeptes. C’est faire d’un accident la règle sociale ; c’est main- tenir à l’état de fantaisie et de caprice une des facultés les plus vitales de l’esprit humain. Quand se persuade- ra-t-on que l'atmosphère du beau est aussi essentielle (87) que l’autre à la respiration d’un peuple? De là, Mes- sieurs , l'adjonction au directeur du Musée d’un con- seil de neuf membres chargé de fortifier son action et d’abriter sa responsabilité dans les mesures graves où elle eût hésité à s'engager. Non , rien ne ressemblait à la religieuse sollicitude de M. de Nerbonne pour les maîtres qui ne sont plus, Elle se formait chez lui de l'admiration pour le fort unie à la tendresse et à la commisération pour le fai- ble. Il s’en portait le champion avec une invincible opiniâtreté. Cette pensée qu’ils ne sont plus là pour se défendre , qu'il y a des zèles funestes, et que le temps après tout, est peut-être le plus clément de leurs en- nemis, lui suggérait parfois des vivacités excusables au point de vue d’une si chère tutelle Il nous tarde de relire dans vos mémoires les observations consi- gnées par lui sur la restauration des tableaux. C’est un vrai traité de la matière. Ici, comme en toutes choses , il dégage l’art du procédé, et n’hésite nulle- ment , grâce à ce qu'il exige de lui, à affilier le res- taurateur à la grande famille des artistes. Rarement l'humilité de la démonstration pratique se rehausse d'un aussi vif sentiment de l'idéal. C’est qu'il s’y entendait. Ses petits voyages comme ses grands n'avaient été qu'une longue et studieuse pérégrination à travers les écoles et les genres. Le tact et le flair du vrai étaient en jui. Le même instinct qui recomposait pour lui la nature primitive sous les altérations de la charrue lui revélait le maître sous les retouches du pinceau. On citerait de singuliers exemples de sa divination à cet égard. Que de pan- neaux vermoulus, que de toiles éteintes ou craquelées (88) ont retrouvé sur ses genoux, nous allions dire enire ses bras, l'éclat de leur première jeunesse. Et ce n’est pas son moindre titre à nos souvenirs que l'unité de grand goût qui présidait au choix de sa galerie. Le mouvement de ses tableaux s’opérait dans le sens des préoccupations croissantes de sa vie. Revenu de plus en plus de l’exécution et de l’effet, il remontait les âges et se réfugiait de préférence dans le sein des chastes écoles où le sentiment s’empreint du carac- tère de la foi. La demeure destinée à l'appropriation de ces ri- chesses réfléchissait au plus haut point la physiono- mie de son hôte. Elle était grave et un peu morne, au centre de la ville et isolée pourtant, presque inacces- sible à ceux qui n’en connaissaient qu’une porte. L'intérieur regorgeait d'hospitalité et d’épanchement. Le peintre y venait chercher un délassement et un exemple. Le musicien en sortait une partition sous le bras. Ce que l’on ne donnait pas ici on le prêtait; l’hé- ritage paternel était passé aux mains du fils grévé de cette douce servitude. Rien à soi, tout à tous. Honneur à ceux qui, comme lui, tiennent sous l'herbe toujours, sous la ronce quelquefois, la source jaillissante et cachée. Tant de gens coulent au dehors avec l’aridité au dedans! De pareilles natures, en n’attirant que par le fonds, excluent toute hypothèse de relations banales. Ceux qui se paient de formules sont repoussés tout d’abord etn’y reviennent plus. Elles ont d’ailleurs cela de bon que leurs accès de franchise gardent en retour pour le lendemain ce que certaines réserves gardent d’ini- mitiés et de rancunes. Serait-ce provoquer un démenti ( 89 ) dans cette enceinte que d'affirmer, Messieurs, qu'il ne compte pas de meilleurs amis parmi vous que ceux qui ont eu à essuyer le feu de ses dissidences. C'est là, Messieurs, dans cette immense maison, récemment étrennée par un cercueil, que se concen- trait toute l’activité d’une vie naguères si remuante, Là qu'il étudiait et créait avec une énergie inverse de l’affaiblissement progressif de son corps. Là que la mort l’est venu prendre dans les achèvements d’une installation pleine de goût à laquelle nul d’ailleurs n’attachait moins de prix que lui-même. Aussi n’eut- elle pas besoin de heurter deux fois à sa porte. Tant de pertes essuyées jointes au pressentiment de la sienne le tenaient éveillé depuis longtemps. Il lui ou- vrit comme à un hôte, et l’étonna par la sérénité de son accueil. Il parla de foi d’abord, d'art ensuite, de foi encore, pour ne rien trahir ici des chères sollici- tudes du foyer, puis s’en alla sur les ailes des archan- ges et des chérubins rangés autour de sa galerie. VICTOR PAVIE. Angers, 15 janvier 1550. (90) Des souffrances de l'Agriculture. RECHERCHES Des moyens propres à prévenir l’avilissement ou l'exagération du prix des céréales, l’encombrement du marché, ‘etila disette factice ou réelle. = — 0 —— Les sociétés savantes qui ont pour mission de diri- ger et de soutenir l’agriculture dans la voie des amé- liorationset du progrès, ne peuvent qu'être vivément émués de ses cris de détresse, ét doivent s'imposer le devoir, par une exploration sérieuse de la situation anormale où elle languit, d’en bien préciser les causes et de rechercher s’il est des moyens d'en pré- venir le retour ou d’en atténuer les effets. Ce devoir est d'autant plus grave et impérieux, que les souf- frances de l’agriculture ont cela de particulier que, par une corrélation fatale, elles impliquent celles de toutes les autres positions sociales ; l’appauvrissement de l’agriculteur entraînant celui du propriétaire, et la coïncidence de ces deux grandes misêres amenant forcément l’anéantissement de l’industrie vers laquelle cessent d’affluer, comme éléments de vitalité, les valeurs surabondantes qui proviennent de la vente des produits de la terre, lorsqu'elle s'effectue dans ses conditions habituelles. Nos pères, avec leur expérience du dernier siècle, (91) disaient , il y a 60 ans : « Pour que le fermier, le maître » et l’ouvrier vivent dans l'aisance, il faut que le prix » du blé oscille autour de trois francs le boisseau » (dix-huit francs l'hectolitre). Si au de-là de ce prix » l’ouvrier souffre ; en deçà, la détresse est générale, » Car le fermier ne paie plus le maître, n'emploie pas » de journaliers , ménage sur les domestiques et éco- » nomise le plus possible... le propriétaire suspend » ses achats... le marchand cesse de vendre et la » fabrique chôme, faute de commandes. » Ce chiffre, considéré alors comme normal dans nos contrées , était généralement celui de l'évaluation donnée au froment dans les baux où le fermier avait la faculté de se redimer en nature d’une partie de son prix de ferme. Que nous sommes loin en ce moment de ces condi- tions de produit qui sauvegardaient les intérêts com- plexes du producteur et du consommateur! Le fermier, cette année, a vendu difficilement l'hectolitre 12 à 14 francs et il paie cependant ses domestiques etjour- paliers, ses instruments de labourage, le loyer de sa terre, du tiers au double de ce qu'il les payait alors, différence énorme pour établir le revenu net de l’exploitation, et que ne peuvent balancer ni la perfec- tion, ni l'économie des nouvelles méthodes de culture. Aussi est-il reconnu qu'avec les prix actuels, le blé ne couvre plus ses frais de production, et que si cette situation ne vient à changer, il n’est pas de fermier qui puisse continuer de remplir vis-à-vis du maître les engagements qu'il avait contractés avant la révo- lution de février. Aussi chacun, ouvrier comme cul- tivateur, marchand comme propriétaire , commen- (92) ce-t-il à comprendre que l’abaissement excessif du prix du pain est loin d’être un gage de prospérité publique ; l'inquiétude gagne partout, et l’on se demande ce qu'il adviendra d’un tel état de choses pour peu qu'il se prolonge. Si nous recherchons les véritables causes du:dis- crédit inoui des céréales, nous ne tarderons: pas à reconnaître qu'il est dû, bien plus encore à la stagna- tion des affaires en grains qu'à la surabondance de la dernière récolte, ainsi qu'on le pense trop générale- ment; car à diverses fois il a suffi que l’on ait entrevu l'espoir de demandes faites par l'étranger pour que les cours se soient instantanément raffermis sinon élevés. Et , disons-le en passant, cette croyance que l’avilissement du cours provient d’une production surabondante peut avoir des suites fâcheuses; car avec cette conviction que la mévente tient à un excès de production, les fermiers sont naturellement en- clins à restreindre leurs ensemencés et, s’il advenait une récolte qui autrement n’eût élé que médiocre, le rendeinent général, à raison de la réduction de la culture des céréales , serait si sensiblement affaibli, que nous aurions alors une récolte réellement,insuf- fisante. | Nous pensons donc que l’on doit chercher ailleurs que dans un excès de production, sinon la cause unique de la dépréciation , au moins celle qui ya le plus de part , et qu'elle consiste dans l’absence absolue de la spéculation, soit pour l'exportation, soit pour les besoins mêmes du pays. Cette absence de la spécula- tion, ceemanque d'achat est arrivé à ce point que parmi nos meuniers on en citerait peu à avoir en ce (93) moment le quart de ce qu'ils possédaient les autres années dans leurs greniers; et que les boulangers, spécialement dans notre ville depuis un an, ont à peine devant eux quelques semaines de farine. Toutes les affaires en grains et farine se font au jour le jour, au fur et mesure des besoins de la consommation locale , et partant , d’une façon si régulière et si calme, que les prix ne peuvent éprouver aucune fluctuation sensible. Ce w’est pas cependant qu'en plusieurs occasions, on n’eût pû avec quelque avantage expédier du grain pour l'étranger. Une maison de notre département a fait plusieurs envois sur lesquels elle a, dit-on, réalisé des bénéfices ; mais pour de semblables opéra- tions, au temps où nous sommes il faut posséder, par devers soi, de grands capitaux ou présenter des sûretés que peuvent rarement offrir les négociants qui avaient habituellement recours au crédit. Le commerce des grains ne ressemble, en effet, à nul autre de ceux qui ont pour objet l'achat et la re- vente en nature. Dans ceux-ci, le négociant achète le plus ordinairement pour ne payer qu'à des termes plus où moins reculés, avec lesquels il peut faire coïincider où dont il rapproche le plus possible la li- quidation de ses reventes. Le spéculateur en grains se trouvé, au contraire, obligé de payer tout ce qu'il achète au comptant, espèces sonnantes, et ne peut souvent effectuer et toujours réaliser la valeur de ses reventes qu’à de longs délais. Il lui faut donc , pour pouvoir agir, de longs crédits chez les capitalistes auxquels il est obligé d’avoir recours pour ses achats; et, ànotre époque, où les trouvera-1'il, avec l’expecta- (94) tive d’une liquidation éloignée et les incertitudes de l'avenir. Du reste, quelle que soit l'influence quelles éventua- lités politiques peuvent avoir, on ne peut douter que, n'existassent-elles pas, la spéculation n’en serait pas moins demeurée inactive comme nous la voyons. Il ne suffit pas, en effet, pour qu'elle agisse que nos cours soient dépréciés , il faut encore que ceux du marché extérieur soient relativement assez surélevés pour qu'ils promettent des bénéfices notables. Chaque fois que, comme dans ces deux dernières années , les dif- férences de prix sont trop peu considérables, elle sera d'autant moins portée à agir qu'il lui faudra remuer des capitaux et des masses de grains énormes. Cette année, où la différence du prix entre le marché in- térieur et extérieur a été moindre qu’en aucune autre depuis longtemps, pour réaliser un gain pareil à celui d'une opération faite dans les années précédentes , il faudrait employer un capital double au moins et, par contre-coup, manier des masses de grains'quadruples. Or, comme ces conditions désavantageuses qui con- damnent le spéculation à l’inaction se reproduisent inévitablement chaque fois que , par une abondance à peu près générale, les prix tendent à s’équilibrer en Europe, il s'ensuit que c’est précisément dans’ les temps où l’avilissement du prix est le plus à craindre, qu'on a moins à espérer du concours de la spécula- tion pour diminuer l'encombrement du marché et le relever de la dépréciation. C’est donc ailleurs que dans l'exportation et dans la spéculation qui l’opère, qu’il faut chercher un moyen d'améliorer les cours. Pour peu qu'on ait étudié les vicissitudes de la pro- (95) duction des céréales, on sait que si les années d’abon- dance ne sont pas rares, du moins elles ne se suivent pas à des intervalles assez rapprochés pour que si à une année moyenne succède une mauvaise, l’inquié- tude ne s'empare aussitôt des esprits et qu’une disette au moins factice ne menace le pays; et cependant il est également incontestable que dans un temps don- né , il s'établit entre les années abondantes et insuffi- santes uue compensation dont la moyenne pourrait couvrir et au-delà les besoins de la France, et ceux même d'une exportation maintenue dans de justes bornes. Le problème qui se pose ainsi naturellement, con- sisterait donc à soustraire, dans les années de plé- thore, une portion notable de l’excédant de la pro- duction sur la consommation actuelle ; pour la tenir en réserve, de manière à la reverser dans la circula- tion quand viennent les années mauvaises , et à pré- venir par ces actions contraires l’avilissement excessif des prix au temps d’abondance, leur élévation exa- gérée et la disette factice ou réelle dans d’autres temps. Longtemps on a cru qu’une solution satisfaisante de ce problème auquel se rattachent de graves inté- rêts humanitaires, sociaux et politiques, se trouvait exclusivement et toute entière dans la création des greniers d'abondance. Sans vouloir, en aucune facon, nier. le bien qu'ils pourraient produire , j'y entrevois de si grands dangers que, bien que je n’aie ni le désir, ni la volonté de discuter à fond leur valeur et leur portée d'action, je ne puis m'empêcher de présenter brièvement quelques objections que je crois d'une ac- tualité saisissante. (96 ) Je n'objecterai pas à ceux qui les préconisent comme une, panacée infaillible ‘pour prévenir les maux qu'entraîne la disette, les capitaux énormes que réclamerait leur établissement pour leur donner les proportions colossales avec lesquelles leur action pourrait seulement devenir efficace ; la construction et l'entretien dispendieux des vastes locaux destinés à contenir des réserves pour la France, mis ; sans compensation, à la charge de l'Etat; l’organisation et les frais d’un nombreux personnel d'employés ; les difficultés inhérentes à la conservation, pendant un temps indéfini, de blés destinés à reparaître en nature sur le marché ; celles qui se rattachent aux conditions d'achat et de revente; les fraudes faciles et ruinéuses auxquelles ces diverses opérations peuvent donner lieu , etc., etc. Je veux me borner à envisager la por- iée de ce système de réserves au seul point de vue politique , à celui de la tranquillité publique , et je dirai que si les greniers d’abondance placés aux maïns d’un gouvernement peuvent, sans danger de com- promettre sa stabilité ou son autorité , fonctionner, soit sous l’autocratie russe et la dictature d’un vice- roi d'Égypte, voire même dans tout autre Etat où le principe gouvernemental serait incontesté etrespecté, x cela pouvait être en Autriche il y a 50 ans, il n’en pourrait.être ainsi en France où le peuple, fron- deur, impatient detout frein, jaloux de toute autorité, dès}qu'’elle se montre et quelle qu’en puisse être la source , s'est habitué à chercher en elle un ennemi plutôt qu'un protecteur, contrôlant avec prévention et dénaturanti tous ses actes. Qu'on se rappelle tout ce qui se disait contre le gouvernement et les classes (97) aisées en 1847, aussitôt que le tocsin d'alarme fut sonné par la presse encore plus effrayée que malveil- lante , alors à ce moment où l'Etat payaïit à l’étran- ger pour 400 millions de blé, et que la charité pu- blique et privée s'épuisait en sacrifices de toutes sortes, et que l'on dise s’il serait prudent, si même il serait possible pour que les greniers d’abondance fonc- tionnassent librement, de placer le gouvernement d’une manière aussi ostensible à la têle des sub- sistances. Le peuple, excité par toutes les passions mauvaises, serait infailliblement poussé à ne voir en lui qu'un marchand de grains spéculant sur la misère publique, marchandant à la faim le morceau de pain ‘destiné à l’appaiser, achetant et revendant selon ses caprices et surtout suivant les gains qu'il convoiterait. Sur le gouvernement on verrait se concentrer alors cette réprobation invétérée et irréfléchie que le peuple a vouée à tout ce qui porte la main sur les subsistances, cette haine qui, dans la disette, devient une rage aveugle qu’il éparpille, en quelque sorte , maintenant sur tous ceux qui font le commerce des céréales et qui lui rendent cependant dans les moments de dé- tresse l'immense service de niveler les moyens de subsistance. Chaque fois que les cours varieraient, ce serait l’occasion de nouvelles clameurs , de nouvelles calomnies : tantôt le reproche de favoriser la hausse pour réaliser des bénéfices illicites, tantôt celui de choisir tel moment plutôt que {el autre pour écouler ses réserves. Quand les cours seraient avilis, on lui im- puterait à grief de ne pas assez hâter ses achats ou de les opérer à un taux trop peu élevé; enfin, il serait sans cesse blâmé, selon que dans leurs intérêts eon- 7 ‘ (98) traires, le producteur désirerait la hausse, ou que le consommateur appellerait la baisse. La certitude de ces récriminations incessantes qui offriraient à l’'émeute, il le faut bien avouer, non seulement des excitations toujours renaissantes, mais encore, ce qui est pire, les prétextes les plus spécieux et les plus facilement irritants qui puissent égarer les masses, suffit, je crois, pour persuader combien il serait dangereux et imprudent de faire intervenir, par une action directe, le gouvernement dans une ma- tière aussi délicate que celle des subsistances, et dé le placer ainsi au milieu de questions brûlantes comme un point de mire pour les passions populaires. Est-ce à dire, cependant, que si nous n’avons rien à attendre de satisfaisant de l’action intermittente et capricieuse de l’exportation et que nous devions ré- pudier en outre le secours des greniers d’abondance, il soit impossible de rien faire pour compenser les inégalités dans les produits annuels des céréales, et prévenir les suites fâcheuses d’une abondance rui- neuse ou d'une pénurie pleine de périls? Je ne le crois pas et je n'aurais, en effet, pas pris la plume si je n'avais eu qu'à constater une conséquence si désolante. Je suis, au contraire, porté à croire qu'il existe une solution satisfaisante pour tous les intérêts et un moyen tout pratique d'y atteindre, moyen d’une ap- plication facile et si simple que, si l’on n’a pas cher- ché jusqu'ici à le faire adopter, c’est péut-être uni- quement parce que sa simplicité n’offrait rien qui fût de nature à flatter l'amour-propre de celui qui eût voulu le faire prévaloir; moyen qui laisserait à l’in- (99 ) dustrie privée l’action et qui aurait tous les avantages que l’on pourrait attendre des greniers d’abondance , sans avoir aucun des dangers et des difficultés d’exé- cution qui leur sont inhérents. C’est ce que je vais essayer d'exposer. Cherchons d’abord en quelles maïns nous devons confier cette action salutaire, et pour cela, voyons comment se répartit la masse des subsistances entre les différentes parties de la population. La masse des consommateurs nous apparaît tout d’abord comme deux fractions distinctes , l'une pure- ment agricole, produisant les céréales, l’autre les consommant sans les produire. La première classe prélève , dans presque toutes les situations agricoles, et quelles que puissent être les variations subies par la production, le grain nécessaire à sa subsistance ; nous n'avons pas à nous occuper d'elle : elle ne con- naît, en ce qui la concerne, ni abondance, ni disette, et n’agit pas d’une manière sensible par la concur- rence sur le prix du blé-marchandise. Reste donc, pour le marché, la partie dela popula- tion qui consomme exclusivement. Celle-ci se subdi- vise encore en deux classes : l’une qui achète le grain ou la farine pour fabriquer son pain; l’autre qui le reçoit tout fabriqué des mains du boulanger. La pre- mière parait sur le marché; l’autre y est seulement représentée par le boulanger.C’est seulemententr’elles deux que, quant à l'achat, la véritable concurrence s'établit pour la consommation locale, et c’est surtout de cet antagonisme que naissent les fluctuations des cours: Si dans les années de disette ou de suréléva- tion des prix, on pouvait annuler cet antagonisme ou ( 100 } le resserrer dans de certaines proportions , quel seraït le résultat immédiat, sinon une baisse de prix ou au moins un temps d'arrêt plus ou moins prononcé. Si au contraire dans les temps d’abondance on pouvait exciter cet antagonisme en contraignant la boulangerie à acheter, n'est-il pas évident qu'on.par- viendrait à améliorer les cours, ou au moins àdes rendre sensiblement moins lourds. Quant à la puissance avec laquelle la boulangerie pourrait agir sur le marché, elle est nécessairement subordonnéeetrelative au nombre des bouches qu'elle nourrit; or, sans pouvoir en ce moment en fixer le chiffre, nous devons admettre qu'il est du moins très- considérable et qu'elle représente la très grande majorité des consommateurs non producteurs. Si l'on considère en effet qu'à très peu d’exceptions, la bou- langerie alimente les villes, les populations agglo- mérées des campagnes, Ja popuiation industrielle, une grande partie des marchands et des ouvriers agricoles ; qu’il n’est pas de commune rurale, de petit bourg, qui n'ait un boulanger, on est conduit à reconnaître que la portion la plus notable du blé-mar- chandise passe entre ses mains pour se transformer en pain. Cela est si vrai que dans les années où l’on craint la disette, ce que l’on cherche avant tout, ce qui rassure les esprits alarmés, ce qui atténue les effets désastreux de la panique publique, c’est un approvisionnement suffisant de la boulangerie. Si, avec ces habitudes d'alimentation, la boulan- gerie vient à éprouver des besoins d'achats, il est naturel qu’à elle seule elle pèse plus que tous les consommateurs isolés sur les cours , et que, en pré- there (101) sence de ses vastes exigences qui la provoquent sans cesse à reparaître sur le marché, les prix s'élèvent et atteignent une proportion qui n’est plus en rapport avec les existences qui sont encore dans les greniers. Qu'au contraire elle vienne à se retirer du marché ou à ne s’y montrer que pour de faibles demandes, les prix baisseront ou pour le moins resteront station- naires. C’est donc dans la boulangerie que nous nous trou- vons naturellement conduits à chercher ce lévier qui doit agir si puissamment sur les cours ; cette action, qui , abandonnée comme elle l’est à elle-même, porte la perturbation ou contribue à empirer le désordre dans les prix, et qui, régularisée et contenue dans des limites rationnelles, pourrait devenir salutaire soit en créant dans les temps d’abondance une con- currence qui enlèverait une partie de l’excédant qui embarrasse la place, et raffermirait le cours, soit en conservant pour les mauvaises années des ressources toutes prêtes et Loujours assurées qui auraient en outre l'avantage de la dispenser de paraître sur le marché. Ce que je viens de dire indique assez que, dans mon opinion, il ne s'agirait que d'imposer à toute la boulangerie de France, soit des villes soit des cam- pagnes, l'obligation d’avoir une réserve en grains qui pût parer à toutes les éventualités des mauvaises récoltes. Le chiffre de cette réserve, pour êtreefficace, devrait être calculé sur deux éléments différents : d’une part sur la différence de production entre les années d’a- bondance , les moyennes et les mauvaises, et la pro- portion dans laquelle elles se succèdent; d’une autre, (102) sur le chiffre des consommateurs nourris par la bou- langerie, comparé à celui des personnes qui se nourrissent du pain de ménage. Ce dernier élément pourrait être facilement déterminé. Quant au premier, l’on ne peut guère espérer de l’avoir d’une exactitude aussi certaine, mais on a néanmoins des données qui paraissent généralement admises par les personnes qui se livrent au commerce des grains et qui pour cela ont dû étudier les besoins qu'elles avaient à sa- tisfaire. On regarde que dans les années d’abondance la France produit quatorze mois de blé , dix mois dans les plus mauvaises. C’est seulement par ce que les années d’abondance l'emportent en fréquence sur les | plus mauvaises, que l’on peut généralement et le plus souvent exporter au lieu de recourir à l'étranger. En acceptant ces bases comme approchant de la vérité, une réserve de deux mois ou d’un sixième de récolte devrait donc parer aux besoins des mau- vaises années qui nese rencontrent jamais où presque jamais, comme nous l'avons dit, à la suite les unes des autres. Toutefois il nous paraïtrait peu raison- nable de se borner à une réserve aussi minime. D’a- bord , bien que deux années de disette ne s’accollent guères , au moins une année semblable peut avoir'été précédée d'une autre où la production a à peine atteint les besoins, et s’il y a eu des exportations dans les années précédentes, il ne se trouve plus, dans les greniers des particuliers , de vieux grain, pour com- bler le déficit. Deux mois seraient alors insuffisants ; d'autant qu'au moment où le prix du blé vient à s’é- lever , naissent les inquiétudes, que dès lors ceux qui avaient du blé pour leur ménage, le conserventet vont » (103) acheter le pain. Le boulanger a donc à faire face à ces praliques improvisées qui augmentent sa fabri- cation d’un tiers au moins. Exiger que la réserve soit portée à trois mois, paraît donc indispensable , et ce chiffre a cela de remarquable qu'il se trouve être pré- cisément celui que les règlements prescrivent à la boulangerie parisienne. Ainsi, en cherchant les moyens de prévenir ou d’atténuer les effets désastreux de l'abondance, de la mévente et de la disette, nous nous sommes trouvés conduits à ne demander que l'extension à toute la France de ce qui a été fait pour Paris, C’est une forte présomption. que nous n'avons pas fait fausse roule, que nous sommes dans le vrai. Ainsi encore, j'avais eu raison de dire que le moyen qui m'apparaissait comme le plus efficace était aussi le plus facile pour l'application, puisque sa mise en pratique n’a jamais souffert de difficultés pour satis- faire aux exigences d'une population d'un million d'hommes, et que pour lui faire produire , sur l'en semble général des marchés de la France, des effets qu'ainsi restreinte à un seul point elle ne peut avoir, il ne s'agirait que de donner à cette mesure des pro- portions vingt fois plus vastes, en mettant, d’ailleurs à profit tout ce que l'expérience faite avec la boulan- gerie: de Paris a pu apprendre pour en perfectionner la mise à exécution. Nul doute qu'’ainsi généralisée, cette mesure dût produire les résultats heureux qu’on a attribués jusqu'ici aux greniers d'abondance les mieux organisés, sans qu'il en pût surgir aucun des inconvénients et des dangers que nous avons Si- gnalés. ( 104 ) Nous savons déjà tout ce que le gouvernement au- rait à gagner en ne se compromettant pas, par une ac- tion patente et personnelle, si je puis m’'exprimer ainsi, dans le maniement des subsistances, et nous pouvons ajouter, comme nouvelle considération, que l’inter- vention de la boulangerie aurait cet autre avantage qu'elle ne se poseraïit jamais, de même que les greniers d’abondance, comme un obstacle menaçant pour la spéculation privée , quand celle-ci s’efforce de répar- tir plus également et proportionnellement aux besoins locaux, essentiellement variables, les approvisionne- ments en blé, sur la surface du pays. Avec les greniers d’abondance, le commerce est toujours sous la menace de voir les prix qui ont servi de point de dé- part à ses opérations , éprouver tout-à-coup, par l’ap- parition inopinée sur le marché des réserves de l'État, une diminution dont il ne peut apprécier la rapidité, ni la portée. Lorsque la police se borneraït à permettre aux boulangers d'entamer leurs réserves, l'usage de cette faculté ne pourrait jamais provoquer ces retours subits, ces secousses brusques, qui déjouent et ané- antissent les combinaisons et les espérances qui sont la base et le mobile de Ha spéculation. S'il était besoin, du reste, de justifier par des exem- ples, combien l’immixtion directe de l'administration sur le marché dans de certaines conditions peut de- venir fâcheuse, nous en trouverions un bien instrüc- tif, dans ce qui se passa en 1847, à Nantes, lorsque l'administration municipale voulut se mettre à la tête d'opérations ayant pour but l’approvisionnement de la ville. Dès qu'on la sût décidée à acheter des blés pour les conduire au marché, ou même les revendre ( 105 ) aux boulangers, les négociants effrayés d’une concur- rence qui allait leur être faïte, dans des conditions qui ne pouvaient être celles de leur commerce, puisque la ville n'avait aucun bénéfice à réaliser, cessèrent aus- sitôt d'agir et s’effacèrent complètement. Et, comme la somme totale des transactions privées est toujours de beaucoup supérieure au chiffre que peut atteindre Faction isolée d’une administration, si puissante qu'on la suppose, il s’en suivit que de ce moment Vapprovisionnement de la ville se trouva gravement compromis, et qu'au lieu de conjurer la disette et d'arrêter l'élévation des cours on les avait rendues plus imminentes. Quant à la création de ces réserves de la part des boulangers, cette exigence ne dépasserait pas leurs ressources. Dans la ville d'Angers, par exemple, les fours les mieux achalandés ne consomment pas par mois en temps ordinaire plus de 96 hectolitres, ce qui pour trois mois donnerait 288 hectolitres, valant dans les années abondantes de 3,600 à 4,000 fr. On n'aurait donc pas à craindre d'imposer à la boulangerie une charge trop lourde, charge qui d’ailleurs serait tou- jours proportionnée à ses affaires annuelles, comme nous l’avons indiqué. | Au surplus, quand je donne à cette obligation le nom de charge, ce terme rend imparfaitement ma pensée, car cette obligation ne serait pour la boulan- gerie qu’un avantage, une occasion permanente de profits qui, sans doute , pourraient quelquefois ne se réaliser qu'à des époques éloignées, mais qui n’en se- raient pas moins certains. Comment en effet agirait la police vis-à-vis du boulanger? Elle lui dirait à un ( 106 ) temps donné : le blé ne vaut que tant, établissez votre réserve de trois mois. Les trois ou quatre années sui- vantes les prix s'élèvent peu, conservez le chiffre de votre réserve intact, en remplaçant toutefois au fur et à mesure le blé vieux par le blé nouveau pour les besoins de votre fabrication (1); mais que la récolte vienne à manquer, aussitôt vous entamez votre réserve dans les proportions qui vous seront indiquées, et ce mo- ment de la réalisation n’aura guère lieu que lorsque les prix auront atteint un chiffre très élevé, moitié au moins du prix d'achat originaire. L'opération sera donc profitable, puisque si vous avez perdu quelques années d'intérêt, vous aurez augmenté le capital au moins de moitié, et quelquefois à des intervalles très rapprochés. Et d’ailleurs en supposant que quelques boulangers éprouvassent de la gêne pour former leur réserve, ne Se trouverait-il pas des tiers qui pourraient la fournir moyennant un privilége sur le prix de revient qü’elle produirait au moment de son emploi? Rien sans doute ne serait plus facile à règlementer que les droits affé- rents aux tiers qui interviendraient dans l’établisse- ment des réserves. Quant au mode à suivre pour constater l’état des (1) C'est encore un avantage considérable en faveur du systême des réserves de la boulangerie; avec cette substitution conti- nuelle du blé nouveau au blé vieux, il n’y a pas de perte possi- ble sur la qualité et la quantité, pas de soins extraordinaires à donner à la conservation du blé. Avec les greniers d'abondance, la conservation du blé pendant un temps indéfini, conservation dispendieuse et toujours plus ou moins imparfaite, est wne néces- sité, car autrement l’état serait obligé chaque année de vendre et de racheter et se jérait commerçant. ( 107 } réserves, il ne présenterait aucune difficulté. D’abord pour les grandes villes on pourrait avoir des greniers publics, servant de lieu de dépôt, et un service spé- cial comme à Paris. Pour les centres moins impor- tants, de même que pour les campagnes, ce service d'inspection pourrait être confié aux employés des contributions indirectes. Il serait peu pénible et ren- trerait par sa nature dans les habitudes d'ordre et de vérification de cette administration. Si enfin, l’on ajoutait à cette organisation des ré- serves de la boulangerie un récolement annuel des produits des récoltes de céréales, opéré à peu près de la manière qui a été déjà proposée et discutée au sein de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, dans sa séance du 23 novembre 1848 (1), le gouver- nement aurait toujours par devers lui les renseigne- ments nécessaires pour se précautionner contre les éventualités résultant de l'abondance ou de la pénurie de la récolte, et les moyens de faire face à ces der- nières. Le récolement des récoltes, que je ne fais qu’indi- quer ici, pourrait être opéré dans chaque commune par le percepteur ou par tout autre agent de l'État, assisté du maire et du garde-champèêtre. Ce travail consisterait : 1° A classer par corps de ferme les terres arables, (1) A l’une des séances de la Société industrielle de 1849 ou 1850, on à aussi indiqué ce |moyen de procéder à une statistique annuelle des récoltes, mais l'on a omis de mentionner que cette question avait été agitée, plus d'un an auparavant devant la Société d'agriculture, dont l'initiative se trouverait constatée par la publication des procès-verbaux de 1848. (108 ) d’après les données du cadastre, en indiquant leur étendue et leur classe; 2 À vérifier au printemps de chaque année, pour chaque parcelle, la nature de la semence qu'elle a reçue, blé, seigle, orge ou avoine. Dans les pays de Sarrazin , on indiquera les parcelles destinées à le recevoir. 3° À établir, avec l’adjonction de prud'hommes ruraux, pris dans chaque commune, une moyenne de rendement par classe de terre au moment de la récolte. 4° À additionner les résultats de ces opérations de telle sorte que, chaque année, l’on sût qu’en chaque commune il a été ensemencé en telle et telle nature de grain , tant d'hectares de Are, 2 ou 3: classe. dont la moyenne de rendement a été évaluée à:tant: d’hec- tolitres par hectare.et par classe. Ces renseignements pourraient au besoin étre con- trolés pour plus de certitude par un agent spécial nommé par le sous-préfet de l'arrondissement et en tous cas seraient coordonnés au chef-lieu. En adoptant ce système le gouvernement possède- rait un mois à peine après la récolte une statistique complète et la moins érronée possible de: l’état des subsistances de chacun des départements. Aidé par ces documents, ayant sous sa main les réserves de la boulangerie, il ne pourrait plus être pris au dépourvu et saisi à l’improviste comme il le fut d’une façon si malheureuse pour la population.et les finances de l’État dans l’année 1847. Espérons donc qu'il ne reculera pas devant l’adoption de mesures rassuranties pour tous les esprits, qui ne froissent ( 109 ) aucun intérêt privé, si simples d'exécution et d’appli- cation , d'une si grande portée dans leur ensemble, et qui n’imposent à l'état aucun sacrifice financier. (Lu à la séance de la Société nationale d'agriculture d'Angers, le 16 août 1850.) T.-C. BERAUD, Conseiller à la Cour d’appel d’Angers, Secrétaire général de la Société d’agriculture, etc., de la même ville. Obs. La suppression des manutentions qui paraît devoir être adoptée dans les conseils du ministère de la guerre, rendra encore plus insdispensable la créa- tion des réserves de la boulangerie, qui devra tou- jours, au cas de mouvements inopinés des divers corps de troupes, se trouver en état de faire face à des besoins qu'évidemment dans l'état actuel de son orga- nisation , elle ne pourrait satisfaire. Je dois ajouter qu’en 1847 les approvisionnements de la guerre (qui en définitive ne différaient pas des réserves de la boulangerie, quant au mode de con- sommation des blés, c’est-à-dire en ce que les grains nouveaux s’y substituaient sans cesse aux grains vieux), rendirent d'immenses services aux populations en divers endroits et présentent un argument de plus en faveur de notre système. P. S. Encouragé par l’accueil que la Société natio- nale d'agriculture, sciences et arts d'Angers avait fait à ce mémoire , l’auteur crut devoir le soumettre à M. le premier président Desmazières , qui en sa qualité de membre du conseil général de Maine-et-Loire, le (110) communiqua à la. section chargée d'examiner. les questions qui se raltachaient plus spécialement à l’a- griculture, et sur les conelusions de M; Cesbron-La- vau, représentant du département et rapporteur de cette section, l’Assemblée vota des remerciments à l’auteur. (111) MARIE D’ANJOU. Si nous envisageons un instant le règne de Char- les VII, nous sommes frappés de voir l'amour de la France sans cesse animé dans l'esprit d’un mo- narque découragé par la présence et l'énergie de trois femmes , qui furent à cette époque la trinité tu- télaire de notre patrie. Ces trois femmes sont : Agnès Sorel, dite la demoiselle de Fromentau, qui avant de venir à la cour de Charles VII fut attachée au service de la duchesse Isabeau de Lorraine , femme de René d'Anjou, l’une des princesses les plus distinguées de son temps. Agnès, par ses conseils, tira Charles de sa léthar- gie, fit perdre aux Anglais le fruit des victoires de Poitiers et d’'Azincourt. Aussi, François Ier a-t-il composé à sa louange le quatrain suivant : Gentille Agnès , plus d'honneur tu mérites, La cause étant de France recouvrer ;, Que ce que peut dedans un cloître ouvrer, Close nonaïin ou bien dévot hermite. Vint ensuite cette jeune bergère qui gardait les bre- bis et champs, cette noble vierge de Vaucouleurs , qui eut le bonheur de croire en Dieu et à la France, et dont la foi sauva la nationalité française. La troisième femme dont nous voulons parler, quoi- que placée sur le trône, joua un rôle plus modeste. Peu d’historiens s’en sont occupés. Il semble qu’elle (112) doit passer inapperçue au milieu des grands évène- ments qu’elle a traversés , et cependant cette femme était remarquable par sa piété et sa vertu. Son nom se rattachant à l’histoire de notre pays, me fait un de- voir de retracer sa vie, et de parler de son séjour à Angers. Marie d'Anjou, fille aînée de Louis IF, roi de Sicile, duc d'Anjou, et d'Yolande d'Aragon, naquit le 14 oc- tobre 1404. Elle fut promise à l’âge de cinq ans à Jean de Beaux, prince de Tarente. Mais quatre ans après on la fiança à Charles, alors comte de Ponthieu. Ces fiançailles eurent lieu au château de Tours, le 18 dé- cembre 1413. Charles VIT qui était né en 1402, n’a- yait à cette époque que onze ans; aussi on différa ce mariage, et il ne fut célébré qu'en 1422, c’est-à-dire dans l’année de la mort du roi Charles VF. Ce mariage eut pour résultat d'assurer à Louis IT d'Anjou l'appui de la maison de France, contre Jean, duc de Bourgogne , qui l'avait gravement offensé en lui renvoyant sa fille Catherine , après l'avoir deman- dée pour Louis, son fils aîné, et d’attacher la maison d'Anjou au parti du roi, qui commençait à faiblir. Charles et Marie d'Anjou firent plusieurs voyages dans notre province. La première fois qu'ils y vinrent ce fut en 1423, c’est-à-dire un an après leur mariage. Pour signaler leur présence à Angers, ils donnèrent à la cathédrale Saint-Maurice deux magnifiques ten- tures ,:qu'on vit longtemps -appendues aux, murs de l'église, et qui représentaient l’ancien et le nouveau Testament. Voici à ce sujet le récit du chroniqueur : « En ce temps-là, le roy Charles septième du nom, » (113) à la requête de royne Marie d'Anjou, sa très aymée épouse, voulut bien, en l'absence du roy de Sicile, son beau-frère, visiter son pays d'Anjou pour sa- voir si tout étoit bien gouverné et en bon ordre. Premier, vint à Saulmur où il séjourna par trois ou quatre jours, et de là à Angiers, où, par le com- mandement de la royne Yolande d’Arragon (de la- quelle il avoit épousé la fille), luy fut faicte une magnifique et somptueuse entrée, laquelle il eut agréable , et requist les citoyens et habitants de la ville de estre toujours loyaux et fidèles à la cou- ronne de France , ainsi que en tout temps avoient esté; et ce, pendant qu'il résidoit à Angiers , fut logé au château et grandement festoyé de la royne Yolande et de Monseigneur Charles d'Anjou, son fils, et alloit tous les jours icelluy roy Charles, ouvrir le service en l’église cathédrale de Monseigneur Sainct- Maurice , prenant plaisir à voir l’église si solennelle- ment servie, et aussi pour certain en France une église où le service de Notre-Seigneur soit célébré en plus grant révérence et les hymnes , antiphones et pseaumes etautres choses qu’on chante à l'église, plus gravement pensées et accentuées , el les ecclé- siastiques , cérimonies , exercées en plus grand triomphe qu’en icelle; et pour ce, quant le roy fut en son partement, il fit présent à icelle église d'Angiers d’une tapisserie contenant l’ancien et le nouveau Testament, laquelle l’on peut encore de présent voir céans (1529), tendue entre le granit autel et celluy de Monseigneur Sainct René; et esl très ri- che et saumptueux ouvrage. » J * En 1496, le roi Charles VII et Marie revinrent en 8 ( 114 ) Anjou , ils étaient à Saumur lorsque le duc de Breta- gne et le comie de Foix vinrent : le premier, pour faire hommage du duché de Bretagne , le second pour lui amener des secours contre l'Anglais. La reine en femme chrétienne supporta patiem- ment toutes les infidélités de son mari; elle ne voulut jamais suivre le dauphin lorsqu'il se retira de la cour. « On la voyait, nous dit Mezerai, avec peu de suite, » simplement vêtue, sans autres ornements que sa » pudeur, aller d'église en église, shumilier devant » Dieu, verser des larmes et ensuite porter ses vœux » devant tous les autels, et presser par ses soupirset ».ses prières toutes les puissances célestes d’interpo- » ser leur faveur envers la divinité suprême , afin » qu'il lui plût d’adoucir sa colère et détourner les » fléaux de dessus la France. Pour ce sujet , elle en- » voya des prêtres avec des offrandes par toutes les » célèbres églises du royaume , entr'auires , à Saint- » Yves , en Bretagne , dont l’intercession se signalaït » en ce temps-là par uue quantité de miracles (un » ancien et naïf auteur dit que c’est le seul praticieu » qui soit entré en paradis), afin que, comme il avait » été l'avocat des pauvres et des orphelins, il voulût » prendre en main la cause presque abandonnée du » pauvre roi Charles, que les Anglais et les mauvais » Français disaient être bâtard et indigne de la cou- » ronne. » Cependant , malgré le caractère frivole du roi, elle conserva toujours sur lui un ascendant salutaire. A force d’exhortations, elle le détourna d’une fâcheuse pensée qui, si elle eût été mise à exécution, eût amené la ruine complète de la France. (145) C'était en 1429, le duc de Bedfort était devant Or- léans et poussait activement le siége ; les passages pour les convois devenaient de jour en jour plus diffici- les; les Anglais, depuis que la saison leur avait per- mis de remuer plus facilement la terre, avaient achevé leur circonvallation et joint leurs bastilles les unes aux autres par de doubles fossés, qu'il fallait combler pour faire passer les charriots. Les assiégés furent ré- duits à une telle position , qu’on délibéra dans le con- seil du roi pour savoir si le prince ne devait pas, non seulement abandonner l’Orléanais, mais encore le Berry et la Touraine, pour se retirer à l'extrémité du royaume , s’y retrancher, et là rassembler ses forces afin de pouvoir défendre l'Auvergne , le Languedoc, le Lyonnais et le Dauphiné. Charles espérait sur le se- cours de Louis d'Anjou, son beau-frère, qui pouvait aisément le soutenir avec les milices de son comté de Provence , jointes à celles du duc de Savoye et du comte d'Armagnac. Marie fit observer à Charles VII que c'était trop aisé- ment abandonner la partie, que cette fuite ferait un tort immense à la gloire de son nom, et ensuite que son départ découragerait la vaillante noblesse, qui, se voyant abandonnée de lui, le laisserait livré à son malheureux sort et passerait dans l’armée anglaise. Les observations de Marie d'Anjou furent vivement senties. On décida que le royaume serait défendu pied à pied, et que, si l’Orléanais était emporté d'assaut , on tâcherait de défendre le Berry et la Bretagne. Charles VIT mourut en 1461. La reine fonda, sa vie durant, 12 chapelles ardentes , dans chacune des- quelles il y avait 12 prêtres entretenus pour prier (116) Dieu pour le roi à toutes les heures du jour. Tous les mois elle se transportait à Saint-Denis pour y faire cé- lébrer un service à la même intention. Elle se tint très souvent à Bourges, où elle fit trois fondations ; savoir : un hôpital pour les malades, un autre pour les passants, et un collége pour les pauvres orphelins. Elle ne survécut environ que dix-huit mois au roi, son mari, et mourut le 29 novembre 1163, à l’abbaye de Chastelberi, en Poitou, au retour d’un pèlerinage de Saint-Jacques en Galicie, où l'avait conduite sa piété. Voici en quels termes Enguerrand de Monstrelet parle de sa mort : « En même temps trépassa de ce monde Marie » d'Anjou... laquelle tout son temps eut bonne re- » nommée d'être très bonne et très dévote dame, et » moult aumônière et paliente. » Lorsqu’en 1391 un servant d'armes réforma le jeu de cartes, quatre dames furent substituées aux quatre vertus des Tarots, et Marie d'Anjou, sous l’anagramme d’Argine, remplaça la Tempérance. Marie d'Anjou eut douze enfants, quatre princes et huit filles : I. Louis XI, successeur de Charles VII son père. IL. Jacques de France, né en 1432, mort à Toursle 2 mars 1437. II. Philippe de France, né au château de Chinon, le 4 février 1436 , mort au commencement de juin suivant. IV. Charles, d’abord duc de Berry, puis duc de Nor- mandie , et enfin duc de Guyenne, né au Montils-les-Tours, le 28 décembre 1446, et PLIS (147) empoisonné à Bordeaux par l’abbé de Saint- Jean-d’Angély, son aumônier, le 12 mai 1472. .V. Radegonde de France, née à Poitiers, morte le 22 juillet 1430. VI. Catherine , première femme de Charles, comte de Charolais, fils de Philippe de Bourgogne, morte à Bruxelles en 1446, âgée de 18 ans. VIL Yolande de France , née à Tours, le 23 septem- bre 1434, mariée à Amé IX, duc de Savoye, mère du duc Philibert, morte le 29 août 1478. NIIL. Jeanne de France, duchesse de Bourbon, morte le 4 mai 1482, sans postérité. IX. Marguerite de France, née au mois de mai 1437, morte le 24 juillet 1438. X. Jeanne de France, née le 7 septembre 1438, morte le 26 décembre 1446. XI. Marie, sœur jumelle de Jeanne, morte le 14 février 1439. XII. Madeleine, née le 1e décembre 1443, femme de Gaston de Foix, vicomte de Castelbon , prince de Vianne, morte en 1486. Puisque nous sommes à parler du règne du roi Charles VII, nous ne terminerons point cet article sans dire un mot de la Praguerie. Une partie des événements de cette célèbre conspiration s’est passée au sein même de notre ville, et je suis étonné d’être le premier narrateur angevin qui traite cette matière. En 1439, Charles VII était à Angers, ce fut dans cette ville qu'il apprit la levée du siége d’Avranches, cette nouvelle lui causa un grand chagrin, surtout lorsqu'il sut que le connétable s'était laissé honteuse- (118) ment surprendre par les Anglais; il eût désiré qu'il réparât cet affront par quelqu'autre entreprise, mais l'armée élait congédiée, et on lui dit qu'il serait difficile d'engager les troupes à se rassembler. Ainsi, n'ayant alors rién de mieux à faire, il tint dans la bonne ville d'Angers divers conseils avec le connéta- table et les principaux capilaines qui s'y étaient rendus, pour aviser à ce que les troupes fussent moins à charge aux peuples. Il fut décidé que les hommes retrancheraient une partie du traïn qu'ils menaient avec eux à la guerre, la plupart, nous dit le père Daniel, « avaient jusqu'à dix chevaux de bagages; il » s'y joignait des femmes, des goujats, et d’autres » semblables gens qui n'étaient bons qu’à piller et » à consommer les vivres. Le roi régla que désormais » chaque homme d'armes ne pourrait mener que » trois chevaux, que les archers s'accomoderaient » ensemble, et qu'ils ne pourraient avoir que trois » chevaux à deux, que la solde des uns et des autres » serait payée sur ce pied-là, que le roi leur assigne- » rait à tous leurs quartiers sur les frontières. Il en- » voya ses ordres là-dessus partout, et l’on commença » à les payer, à leur fournir des armes et à partager » Vartillerie sur les frontières. » Pendant que le réglement se faisait à Angers, les ducs de Bourbon et d'Alençon, le comte de Damp- martin et autres, se retirèrent à Blois, et là, nous apprend Nicolas Gilles, « ils firent un conseil secret » entr'eux et conspirèrent contre le roy tendans » afin qu'ilz peussent avoir le gouvernement du » royaume. » Hs résolurent de mettre à la tête du complot le (419) Dauphin qui, plus tard, fut Louis XI. Les seigneurs de Chaumont, Boucicault, Sanglier et le ‘bâtard de Bourbon , se chargèrent d’avoir un entretien avec lui et de lui faire accepter leur plan, ce qui ne fut nulle- ment difficile. Le Dauphin venait d'entrer dans sa dix-huitième année, le joug d'un gouverneur commençait à lui peser, et il ne pouvait plus supporter l’inactivité à laquelle il était condamné. Le roi était à Angers lorsqu'il apprit cette nouvelle par le comte de La Marche, gouverneur du Dauphin, et de plus, que les seigneurs Chabannes, de Blanche- fort , le bâtard de Bourbon et plusieurs autres avaient quitté les frontières, où les factieux accouraient de toutes parts pour entrer de là dans le Berry et la Pologne, et faire soulever ces provinces. La lutte contre la puissance royale ne fut pas de longue durée, le brave Dunois qui s'était laissé en- traîner dans cette conspiration et à qui l'État était plus redevable qu’à tout autre de n'avoir pas tombé sous le joug des Anglais. Cédant aux remords qui l’acca- blaient , il vint se jeter aux genoux du roi et obtint aisément son pardon. Le Dauphin, lui-même, fut obligé de céder à la force. Il vint à Cusset, où le roi s'était retiré, implo- rer la bonté de son père qui voulut bien se montrer clément à son égard. Ainsi finit cette conspiration qui ne dura que six mois : elle fut nommée Praguerie et les révoltés Pragons. Cet aheurtement du Dauphin ne produisit aucun résultat, sinon que tous les offi- ciers de sa maison furent cassés, à l'exception de son confesseur et de son cuisinier. La ( 120 }) Le roi, pour apaiser les mouvements que cette révolte avait causés en divers lieux, donna avis de la soumission du Dauphin à toutes les provinces du royaume , par lettres-patentes, datées de Cusset, le 24e de juillet l’an 1440. Tels sont les faits que j'avais à présenter. Ces récits sont peu connus, il faut aller les chercher dans les vieux chroniqueurs, ils ont échappé aux historiens du pays, et à notre époque, les raconter, dénudés de tout commentaire, c’est presque écrire une nouvelle histoire. À. DE SOLAND. (121) QUATRIÈME REVUE. MARS 1850. —— ss 2 — MESSIEURS , Lorsque l'hiver, ramenant chacun à la ville, va augmenter l'attrait de vos réunions en les rendant plus nombreuses; lorsque , par un échange plus fré- quent du résultat de vos études, vous allez périodique- ment enrichir notre histoire locale de l’élucidation ou de la constatation de faits obscurs ou ignorés, je m’es- saierai de nouveau à ma tâche d’annaliste; mais ces miscellanées toutes locales de la science et de l’art ne peuvent acquérir l'intérêt qui s'attache aux travaux originaux, qu'autant que vous m'en aurez fourni les matériaux et que vous ne m’aurez laissé, en quelque sorte, que le mérite d’une narration fidèle et impar- tiale. Si du reste jusqu'ici divers motifs, qu'il ne nous appartient pas d'apprécier, ont pu empêcher quelques-uns de vous de présenter leurs observations sous forme de mémoire, rien ne pourrait plus justi- fier ceux qui négligeraient de nous mettre à même de constater les faits dont ils peuvent doter la science: rien , disons-nous, pas même l’excuse d’un amour- propre qui craindrait de redire ce qui déjà aurait pu être dit, de signaler ce que d’autres auraient déjà vu, car il y a toujours dans les sciences un intérêt réel ( 122) à multiplier les observations , ne fût-ce que pour pro- téger la logique des faits contre la tendance qu'ont tous les esprits à raisonner du particulier au général, et à s’exposer par suite d'observations trop restreintes à prendre l'exception pour la règle. Que personne ne soit donc arrêté par la crainte des redites, et que l’on reste certain de nous trouver toujours prêt à enregis- trer les faits qui nous seront indiqués. Dans les revues antérieures , nous vous avons fait l’histoire du Jardin des plantes et commencé celle du Cabinet d'histoire naturelle. Nous n'avons aujourd'hui que peu de chose à vous dire de ces deux établisse- ments. Quant au Cabinet, nous reporterons naturel- lement à la seconde partie de la notice qui le con- cerne , les acquisitions qu'il a faites depuis 1848, et dont les plus remarquables , en fait de sujets préparés sur le frais par M. Deloche, proviennent d'animaux qui vivaient au Jardin des plantes au commencement de cette année . un raton laveur, un aigle leucocéphale femelle, un vautonr d'Afrique jeune, etc. Le Jardin des plantes, en effet, et j'avais omis d'en parler dans ma nolice , a toujours possédé quelques animaux vi- vants. Outre ceux que je viens de nommer, on y voit encore un coati brun du Brésil, une biche , un aïgle pygargue, deux cygnes sauvages , un goëland à man- teau noir, des faisans, une tortue d'eau douce apportée du Berry. A voir l'empressement que met le public à visiter ces animaux, on doit croire que ce (se- rait ajouter grandement aux plaisirs des habitués de ce beau jardin que de les y multiplier. La création d'un jardin zoologique, soït comme dépendance du Jardin des plantes, soit, ce qui serait préférable, ( 123 ) comme annexe au Cabinet d'histoire naturelle, et placé, par exemple, dans le jardin fruitier, est, du reste, un projet que j'aborderai sans doute un jour, et sur lequel je pourrai appeler , au point de vue agri- cole, votre attention et Yotre initiative. Dirigée dans un certain esprit, on pourrait faire tourner cette in- novation au profit de l’agriculture et de l’économie domestique autant que de la zoologie pure, en met- tant sous les yeux des personnes qui s’en occupent, des sujets modèles des races les plus précieuses et les plus propres à concourir, soit au peuplement de nos basses-cours , soit à l'agrément et à l'animation de nos demeures par la présence d'hôtes nouveaux. Nous ne quitterons pas le Jardin sans parler des serres-chaudes qui sont terminées. {Un mode nouveau de chauffage a été installé par M. Trottier et suffit amplement au chauffage alternatif ou simultané des diverses parties de la serre. Lorsqu’au mois dernier le thermomètre s’est tenu à 5° au-dessous de zéro Réaumur, la température de la serre du couchant, qui est la moins propre à alieindre une grande cha- leur, se maintint cependant à 12 ou 14° au-dessus de zéro. Le Jardin n'a donc, sous ce rapport, plus rien à désirer. Du reste, avec les moyens imparfaits dont il pouvait disposer l’an dernier, M. Nant était déjà par- venu à développer dans cette serre du couchant une végétation vigoureuse qui a été un objet d'étonne- ment pour tous les praticiens étrangers. En deux ou trois années, des bananiers, des mimosas, des malva- cées y ont atteint des dimensions inusitées pour des individus élevés dans des serres. On à vu une chétive bouture de Bougainvillia spectabilis, obtenue sans ra- (48e cine du jardin de Nantes, où cette plante n’avait ja- mais fleufi, tapisser, en moins de deux années, une étendue de 30 mètres carrés du fond de la serre , et se couvrir littéralement de myriades de fleurs d’un rose diaphane d’une teinte Sdmirable, Nous n’avons donc, pour le Jardin des plantes, qu’à reproduire le vœu que nous avons déjà émis dans notre revue.de février de 1848, c’est que la ville se décide à compléter l’ensemble des cultures artifi- cielles par la construction d’une petite serre exclusi- vement consacrée à la reproduction. On aurait ainsi la facilité de multiplier les sujets d'espèces rares et de créer des moyens d'échange qui rendraient possible l'acquisition de végétaux précieux et coûteux, à la possession desquels le Jardin ne pourrait autrement prétendre. Après cette courte excursion dans le domaine de l’histoire naturelle, ne trouverez-vous pas convenable de pénétrer un moment dans le sanctuaire que notre ville a élevé au culte des beaux-arts, afin de nous en- quérir des richesses dont cette année a pu le doter. Bientôt, comme hommage à la triple devise sous la- quelle s’est placée notre société, je vous raconterai sans doute l’origine et les progrès de nos musées de peinture et de sculpture. Mais, en attendant ce tra- vail qui exige des recherches et prendra quelque déve- loppement, c’est, je crois, satisfaire un intérêt d’ac- tualité que de jeter un rapide coup d'œil sur les œuvres nouvelles qui ont pris place dans les ga- leries. Une chose vous frappera sans doute tout d’abord, c'est de rencontrer, dans le petit salon carré de (125) l'entrée, la statue de l'Histoire de M. Taluet, pen- sionnaire de la ville, à Paris, statue qui & trouvait auparavant dans la salle des grands tableaux d’his- toire, où sa présence était mofivée par la destination même de la salle qu’elle ornait. Cette œuvre, par le sentiment poétique, l'élégance de la pose, la pureté des contours , l'heureux agencement des draperies et des accessoires, dénote, dans le jeune artiste, la pen- sée, l'étude et une vive aspiration vers le beau idéal. C’est déjà bien plus que l’œuvre d’un élève, quoique l’on y rencontre encore, si je puis ainsi parler, cette verdeur d'inspiration qui, malheureusement, trop sou- vent s’efface au lieu de se modifier sous l'influence des fortes études. Voilà bien la muse, telle qu’on la conçoit, nue comme la vérité et ne retenant de voiles que ceux qui la doivent conserver chaste et pure de- vant les profanes regards. Ses traits sont empreints de la réflexion qui décèle le travail du souvenir, tan- dis que son œil investigateur plonge dans l'avenir. L'artiste a saisi le moment où elle s'arrête les ailes à demi éployées pour tracer un nom sur les tablettes qui donnent limmortalité, et ce nom c’est celui d'un fils de l’Anjou , d’un sculpteur célèbre, de David... Après en avoir gravé la première letire sur l’airain, elle paraît hésiter... une longue carrière reste encore ouverte devant l'artiste; carrière de glorieux labeur, sans doute, mais achèvera-t-il de la parcourir ? Qui eût osé douter il y a trois ans à peine (1)? Mais, hélas! depuis l'ouragan a soufflé et a jeté la confusion et le décou- ragement dans l'atelier comme dans le palais, et ce (1) Cette statue fut faite en 1846. ( 126 ) qui ne fut, dans l’mtention de l'élève , qu'une louange délicatement exprimée , se formule aujourd'hui en une question suprême que la muse anxieuse semble poser fatalement au grand artiste... Pour nous, ses concitoyens, ses admirateurs, qui voudrions que celte gloire, dont l'éclat doit rejaillir sur la ville qui a accolé son nom au sien, se complétât par de nou- veaux chefs-d’œuvre, faisons tout haut des vœux pour qu'il redevienne ce qu’il n’eût dû jamais cesser d’être , et qu'il ressaisisse le ciseau puissant et fécond qui ressuscita les Condé, les Bonchamp , les Fénélon, les Riquet , etc., ete. Au reste, Messieurs, ne trouvez-vous pas que ce fut, de la part de M. Mercier, une idée ingénieuse et touchante à la fois que d'asseoir le monument élevé à la gloire du fils sur ce vieil autel de la patrie, magni- fique piédestal en bois de chêne que le ciseau léger du père de David avait couvert de festons et de guir- landes? Je ne dissimulerai donc pas que j'ai vu avec peine qu’on exilât cette statue de la grande salle, d'autant que , par sa grandeur , ellene faisait pas dis- parate avec les objets environnants et que ses formes sveltes et arrondies n’arrêtaient pas l’œil qui cherchait à pénétrer jusqu’au fond de la galerie. La statue qui l’a supplantée produit malheureuse- ment un effet tout contraire. D'une dimension colos- sale , elle atteint à la moîïtié dela hauteur de la nef. Large demésurément, surchargée de draperies lourdes et raides, formant de larges plans avec un grand angle saillant en avant, elle attire et fixe les regards en même temps qu'elle réfléchit une lumière crue et vive. Par sa taille, elle réduit à de mesquines propor- (127) tions les personnages des grands tableaux ; par le blanc criard de son plâtre poli, elle anéantit tous les effets de lumière dans les toiles voisines. Il n’est pas, au contact visuel de cette énorme masse blanche, un tableau dont les parties lumineuses ne s’éteignent ou ne se salissent , dont l'harmonie ne soit profondément altérée. C’est qu'en effet, dans la peinture, les clairs et les ombres n'ont rien d’absolu, qu'ils ne sont que les points extrêmes de la gamme des tons, qui varie dans chaque tableau, selon le point de départ qu'a choisi le peintre, dans les limites des moyens matériels que l’art met à sa disposition, et qui ex- cluent toujours l'emploi du blanc pur. Aussi regardez maintenant les tableaux environnants, et voyez ce que sont devenus les draperies blanches et lumineu- ses du char d'Hector , les soieries chatoyantes, les pierreries scintillantes, l'éclat métallique des vases de la tente de Darius, la robe virginale de Jeanne d'Arc! Tout cela s’est terni, jauni, enfumé, à l'apparition du colosse de plâtre. J'avouerai franchement du reste que le regret que j'en éprouve n'est pas tempéré par la valeur artistique de la statue préférée. Je ne parle du reste que de mes impressions personnelles. Il me semble que pour avoir voulu imprimer à cette grande figure un certain ca- ractère de force et de stabilité, l'artiste a négligé la partie intellectuelle du sujet. Ce n’est pas la figure symbolique, allégorique si l’on veut, telle que l’enfan- taient les siècles de croyance, et il paraîtrait que l’au- teur l'aurait senti, à en juger par le soin qu'il a mis à l’entourer d'accessoires allégoriques et significatifs. Mais a-t-il été bien heureux dans ce choix? Le niveau # (198) est-il l’attribut exclusif de la République s’il ne veut dire autre chose que l'égalité devant la loi? La presse, comme droit, sous les monarchies représentatives, n’a-t-elle pas été consacrée comme puissance, sous tous les gouvernements n’a-t-elle pas miné le sol pour le couvrir de leurs débris? La ruche, n’y a-t-il pas déjà comme 2000 ans, queVirgile y voyaitune royauté absolue entourée d’une légion de courtisans nourrie par un peuple d'eunuques , singulier symbolisme, il faut l'avouer, pour une République ! Heureusement M. Taluet est encore à cet âge heu- reux et en possession d’une somme de talent avec les- quels une revanche n’est qu’une question de temps. Mais laissons la sculpture et arrêtons-nous devant cette petite toile qui, par la vigueur du coloris, se dé- tache de tout ce qui l'entoure. C’est l’alchimiste de Vetter. Vous le surprenez au milieu de la nuit, veillant en face de sa lampe cachée derrière un in-folio ouvert devant lui. Son œil profond et ardent est di- rigé vers le fourneau où rougit la coupelle qui con- lient les éléments du Grand-œuvre. Quelle ténacité, quelle énergie ardente et patiente à la fois, quel mé- lange de désir, d'espoir, d’angoisses dans ce visage aux traits accentués et amaigri par les veilles! Qu’elles sont admirablement dessinées et touchées avec fer- meté ces mains osseuses et décharnées dont on croit voir saillir et trembler les tendons, surtout dans celle qui se crispe en étreignant ce petit livre qui l'aura guidé vers le succès ou un échec mortel! Comme la lu- mière de la lampe illumine cette figure et s’en va, di- minuant d'intensité dans son rayonnement, se reflé- ter d’abord sur cet aide au regard curieux et inquiet { 129) qui se penche au-dessus de l'épaule du maître, puis s'absorber et se perdre dans les ténèbres opaques du fond du laboratoire! Sur la droite apparaît un autre centre lumineux, c’est le fourneau incandescent dont la lueur éclaire les découpures de la silhouette de ce grand personnage en robe de moine qui tourne le dos au spectateur et tient le soufflet, tandis que, dominant toute cette scène, une autre clarté, celle de la lune, pâle et froide, blanchit les vitraux d’une lucarne et vient opposer l’image du calme éternel de la nature à cette soif immodérée de savoir qui ne laisse à l’hom- me ni repos, ni trève , et le fait consumer son exis- tence dans les vaines recherches d’un but insaisissa- ble. Dessin pur et correct, composition adroite autant que savante , peinture solide dans sa facture, mais transparente dans ses effets , posée dans ces minia- tures de têtes d’une façon aussi magistrale que dans les grands sujets de Murillo, touche grave et ferme, franche et fine à la fois; telles sont les qualités prin- cipales qui me frappent dans ce petit tableau, où ap- paraît du reste une entente admirable du clair-obscur, et où il existe une singulière harmonie entre trois centres lumineux tout différents d’origine et d'effets. La ville est redevable de ce tableau hors rang à M. A: Giraud, alors qu'il était maire. I1 fut donné dès 1847 au Musée, bien qu'il ne nous soit arrivé que cet été. C'est que l’auteur qui avait obtenu de le faire graver alléguait qu'il ne l'avait vendu que sous la con- dition qu'il serait placé au Luxembourg. Heureuse- ment pour notre Musée que cette prétention qu’eût pu justifier le mérite de l'ouvrage n'était appuyéesur aucune pièce. Si aujourd'hui l'artiste visitait notre 9 (130 ) Musée, je ne doute pas qu’en voyant son œuvre en- châssée comme un joyau entre ces deux délicieux Lancret si ravissants d'esprit et de grâce facile, au milieu d’une galerie où la peinture française est re- présentée par des œuvres capitales de Mignard, des Vanloo, Lagrenée aîné, Coypel, Vien , Barthélemy, Gérard, Mauzaizze, etc.,ilne reconnût qu'ilaurait mau- vaise grâce à se plaindre, et qu'il ne pourrait que re- mercier notre directeur de cette nouvelle preuve de goût qu'il a donné dans le placement de ce tableau. Je passe maintenant à la seconde salle où nous trou- verons encore trois nouveaux paysages. Le premier, de Francesco , fut donné à la villeen même temps que le précédent : c’est une grande toile de 60 qui représente la vallée de Vaucluse et la Sor- gue à quelque distance de la Fontaine. Les arbres, particulièrement le groupe principal de droite, quoi- que un peu symétrique, et le chêne qui se penche sur la gauche, sont bien dessinés. Les grandes herbes fleuries des devants sont étudiées avec cette fidélité botanique à laquelle les peintres modernes nous ont habitués et qui laisse loin en arrière le feuillé mamiéré et de convention de l’école de Bertin. Aussi trouvé- je fâcheux que, par suite d’un parti pris, l'artiste, au lieu de mettre les devants dans la demi-teinte , n’y eût pas laissé venir un rayon de soleil qui eût mis en relief ces jolis et consciencieux détails. La perspective aé- rienne des plans y eût d’ailleurs gagné. Mais il faut reconnaître que ce qui fait tort à ce tableau, ce sont les personnages obligés de Laure et Pétrarque. Le groupe de femmes manque de grâce et est mollement touché : Pétrarque avec sa robe écarlate fait tache et (131) paraît colossal ; il a surtout un œil de profil qui vaut presque un œil de trois quarts. Ces critiques n'ôtent rien dureste à la valeur de ce tableau comme paysage; et l'artiste a un nom parmi nos paysagistes qui a étc honorablement cité dans le ompiesenqu de la der- nière exposition. Nous arrivons enfin aux tableaux qui nous sont venus de la dernière exposition de Paris. Celui devant lequel nous nous arrêtons d'abord et qui est signé Lecointe , a pour légende le héron, mais à ce bec et à ces longues jambes de corail , à ce blanc plumage aux aîles d’ébène , on reconnaît la sentinelle vigilante des clochers du nord. Notre eigogne, le bec incliné sur la poitrine , se tient dans l'attitude de l'attente résignée et patiente au bord d’une petite crique abritée des vents, dont le cristal à peine ridé est couvert des feuilles larges et luisantes du nénuphar et d’où s'élancent, en longs rubans verts, d’autres plantes aquatiques. Tout cela est dessiné avec une grâce par- faite et peint avec un goût à satisfaire les plus dif- ficiles, Mais pourquoi a-t-on ravalé le titre du ta- bleau au nom d’un oiseau? Le sujet dominant Ja grande scène naturelle, dont il représente un épisode, c'est un grain, uu coup de vent impétueux sorti d’un amas de nuages et qui s’en va tordant sur son passage les cimes touffues d’un groupe de grands chênes aux troncs pitioresquement enlacés, et qui ne résistent qu'en cramponnant aux flanes du rocher gris les griffes de leurs puissantes racines. À leur droite, on entrevoit un lointain de terrains qui, s'enfonce bien; sur la gauche, une vaste étendue d’eau , un lac bleu, sur lequel de petites embarcations aux voiles blan- ( 192.) ches s’enfuient éparpillées comme une volée de mouettes devant les coups de la raffale? Voilà de la péinture nerveuse et solide qui , par la couleur, rap- pelle un peu Cabat , et qui tient, par ses empâtements puissants , à l’école dont Jules Dupré et Flers sont les maîtres. Il y a dans t6ute la partie supérieure de celte composition, une étreinte si convulsive des beaux arbres qui la dominent, qu’à voir le calme re- latif qui règne aux bords herbeux de l’humble érique qui se cache à leurs pieds, on serait tenté de eroire que cette fois le peintre a dit: ef moi aussije suis poète, et qu'il a entrepris de nous redire avec le pin- ceau ce que le fabuliste avait si bien peint avec sa plume. l'Eb Je ne m'élonnerais pas toutefois d'entendre repro- cher à cette toile une certaine monotonie dans la couleur, et qu'on se demandât comment la lumière qui peut bien donner l'ombre des troncs sur le sol, ne les éclaire pas plus vivement du côté où elle s'é- panche sur le paysage. Mais on sentira bientôt qu’a- vec la donnée qu'il s'était posée, l'artiste ne pouvait faire plus. Lorsque, sous les efforts du vent , les nua- ges se déchirent pour donner passage à un rayon de soleil, il n’en jaillit qu'une lumière blafarde qui ne peut rien changer au ton grisâtre et poudreux qui ternit la verdure sous le souffle d’un vent violent. Puis, comment rendre ces effets de lumière surles trones et les cîmes des arbres, sans recourir ‘à des tons clairs ou dorés qui eussent produit des disso- nances dans l'harmonie générale? Ce paysage restera certainement comme un des meilleurs de notre gale- rie, et le meilleur surtout de ceux dont le gouver- (133) nement à jusqu'ici gratifié notre ville. Nous devons donc des remerciements tout particuliers à, M, le maire de la Tousche, qui en a fait la demande, et à M. Mercier, directeur de notre musée, qui l'avait compris , avec la sûreté de goût qu’on lui connaît, dans une liste de desiderata pour le Musée. Nous trouvons , à peu de distance, l’autre paysage qui provient de la même exposition. Celui-ci est un véritable tableau d'animaux; ils en sont le sujet prin- cipal. C’est une large mare placée au premier plan, où, à la chute du jour et sous un ciel menaçant, vient, en s’entrechoquant , s’abreuver un troupeau de bœufs fatigués , à forte ossature. Le dessin en est cor- rect el plein d'énergie; la composition a du mouve- ment, est bien ordonnée et variée sans désordre. Ce sont là des qualités réelles: Mais, quelle peinture sourde , lourde, revenue péniblement, sans franchise réelle et sans transparence; quel abus du chic et des ficelles! Comment, quand il fallait faire de la peinture, l'artiste n’a-t-il trouvé sur sa palette que la réminis- cence d’un dessin d'encre de chine refletée froide- ment çà et là de terre de Sienne ou de sépia! Quel triste parti pris, par un artiste de ce mérite, contre le coloris, comme si la couleur n'était pas dans la na- ture ! Comme si celle-ci ne nous donnait les eaux, le - ciel , lesterrains, la verdure, que badigeonnés de noir de fumée et sans indication de teintes spéciales! Qui donc à jamais vu ainsi la nature, à moins que, pour la contempler , il n’ait choisi le verre le plus opaque à travers lequel on puisse regarder le soleil? Ber- ghem, O’Meghan , Paul Potter, Brascassat , Rosa Bonheur, etc., est-ce donc que votre vérité n’est plus (134) vraie; que votre nature toute variée des couleurs que le prisme magique de la lumière répand sur tous les êtres, que cette nature que vous avez faïte si bril- lante et si suave, n’est plus la nôtre, n’est pas celle qui émerveille nos yeux par la richesse et la variété inépuisable de ses teintes et fournit au poète ses plus ravissantes inspirations? Heureusement pour l’art, le génie a depuis longtemps répondu, et le goût, par un assentiment général , a ratifié ses arrêts. Espérons donc que si la grisaille du dernier siècle a bien pu être refoulée quand elle a voulu faire irruption dans le domaine du peintre, les champions de la sépia et de l’encre de Chine ne feront pas plus école au temps présent, et que, sous prétexte d'exclure un coloris de convention, on ne parviendra pas à substituér à la couleur locale une monochronie qui serait pire que celui-ci, en ce que non seulement elle est encore plus éloignée du vrai, mais surtout en ce qu'elle est une négation absolue de la poésie de la couleur. Je m'arrête ici, Messieurs, et je m’efforcerai de rassembler, pour une Revue prochaine, des maté- riaux qui la rendraient sans doute plus intéressante que celle-ci, si vous vouliez me imetire à même d'y joindre les résultats de vos observations. C'est à cette revue que je reporterai les éphémérides de l’histoire naturelle du département. Ls Secrétaire général, T. C. BERAUD. (135) PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ED ARTS D'ANGERS. ANNÉE 1849. = —— ME HO Procès-verbal de 1a Séance du 19 janvier. Présidence de M. DE BEAUREGARD. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD. Le secrétaire donné lecture du procès-verbal de la séance mensuelle de décembre 1848, qui est adopté. Les diverses publications, adressées à la Société par ses correspondants, sont mises sous les yeux de l’assemblée. M. le président prend la parole pour exprimer combien il a élé touché du nouveau témoignage de confiance que lui a donné la Société en lé maintenant à la tête du bureau, et présente un résumé rapide des travaux qu’elle a accomplis pendant l’année qui vient de s’écouler. Il parle du cours de géologie dont l'intérêt et le succès ont toujours été crois- sant; du cours de laïlle qui a été suivi par de nombreux auditeurs de toutes les classes; des travaux de la section archéologique; des explorations auxquelles ont donné lieu les fouilles faites pour l'établissement du chemin de fer, soit dans l’ancien enclos de la Visitation, soit dans le voisinage des Châteliers de Frémur, et qui ont amené la découverte de (136) plusieurs tombeaux gallo-romains, dont l’un était renfermé dans un crypte; des poteries, des ustensiles de verre, de bronze, des médailles de la même période, et enfin une sec- tion des voies romaines qui traversaient l’intérieur du camp romain de Frémur. M. le président annonce que le cours de {aille se continuera cette année, et sera professé par M. Au- dusson ainé. Il rend compte de l'exposition des fruits qui a eu lieu à la Saint-Martin, et signale l'extension que la culture fruitière est appelée à prendre par la mise en activité du chemin de fer de Tours à Nantes. L’Anjou, qui occupe déjà le premier rang par ses pépinières, doit inévitablement un jour, à raison de la fertilité de son sol et de la douceur de son climat qui permettent .en grand la culture de toutes les espèces fruitières, jouir du privilége de fournir au plus bas prix, et dans les meilleures qualités, les fruits destinés à la consommalion de Paris. Des encouragements spéciaux seront demandés à la Société, en vue de diriger vers ce but les efforts de nos horticulteurs. M. Ollivier de Laleu obtient ensuite la parole pour rendre compte des études et démarches faites par la commission que la Société a nommée pour rechercher, de concert avec celle désignée par la Société industrielle, un lieu convenable pour établir une ferme-modèle. Elle a déjà demandé des rensei- gnements sur les exploitations qui, dans chaque arrondisse- ment, paraîtraient pouvoir être converties le plus économi- quement en fermes-écoles, et qui, en même temps, pourraient exercer le plus d'influence sur les parties où l’agriculture demande à être stimulée. M. Ollivier de Laleu aura soin de tenir la Société au courant des travaux de la commission- mixte dont il a été élu président. M. Huttemin fait, au nom de la commission du Ab un rapport sur lès comples présentés par M. le trésorier. I (137) conclut à ce qu’ils soient arrêtés tels qu’ils ont été établis, et à ce que l’assemblée vote des remerciements à M. Lèbe-Gigun. Ces conclusions sont adoptées. M. le président présente ensuite le projet de budget pour 4849, préparé par la commission chargée de ce travail, et dressé de concert avec le bureau. Les allocations ordinaires ne provoquent aucune réclama- tion. Quant aux dépenses extraordinaires, le président ayant annoncé qu’elles comprenaient un crédit de 1450 fr. pour primes destinées à l’industrie séricicole, M. Ollivier de Laleu demande à présenter quelques observations sur la portée que peuvent avoir les encouragements proposés, et par suite la direction qu'il lui paraîtrait plus convenable de leur donner. Selon cet habile agriculteur, on ne peut guère conserver l'espoir de voir surgir de grandes magnaneries dans nos contrées où les cultures, extrêmement variées de nature, donnent au sol une grande valeur toutes les fois qu’elles sont dirigées d’une manière intelligente. De tels établissements, établis sur une grande échelle, nécessitent des frais d’instal- lation, de plantation, d’avances de salaires et de loyers de terrain trop considérables, pour qu’en vue d’un excédant de bénéfice éventuel, et souvent très minime, nos propriélaires se déterminent facilement à se créer tous les embarras d’une gestion qu'ils ne trouveraient pas à confier à des agents spé- ciaux si elle venait à leur paraître trop pesante. Le mürier, pour prospérer dans nos contrées, demande d’ailleurs géné- ralement les meilleurs sols, c’est-à-dire les plus doux, les plus aisés à cultiver, et l’agronome ne se décidera pas faci- lement à les détourner de son assolement, dans l’expectative d’avantages éloignés et plus où moins incertains. Là n’est donc pas l’avenir de la sériciculture en Anjou. Où elle,en a un possible, c’est chez le fermier, chez le pelit propriétaire (138 ) qui cultive par ses mains, dans ces petites éducations qu’on a appelées mobiles et auxquelles il suffit de quelques échel- les garnies de claies ou de vieux filets, de quelques müriers plantés en bordure dans la haie qui clôt l’héritage, pour en faire tous les frais, et fournir le logement et la nourriture aux vers. Là, on peut dire qu’il n’y a pas de revenu brut, tout est profit, car les femmes el les enfants de la ferme, qui ne trouveraient pas autrement à employer leurs loisirs d’une façon lucrative, suffisent le plus souvent pour une éducation qui ne dure pas plus de 40 à 50 jours. C’est sur ces éduca- tions sans luxe, mais qui, par leur nombre toujours croissant, peuvent produire les résultats les plus importants, que doi- vent à peu près exclusivement s’arrêler les récompenses que pourra décerner la Société d'agriculture. Le bureau accueille, avec tout l'intérêt qu’elles méritent, ces observations dont plusieurs de ses membres, et notam- ment M. le président de Beauregard, avaient déjà pu recon- naître la justesse. Elles seront donc prises en considération dans la prochaine distribution des primes et des médailles. M. le président justifie la proposition faite par la commis- sion du budget pour l'affectation d'une somme de 450 fr: à l'encouragement de la culture des fruits destinés à la table et pour l’organisation des expositions de fruits et légumes, avec distribution de primes et médailles aux horticulteurs qui se seront distingués par la beauté ou la nouveauté de leurs produits, et par l’extension donnée à leurs plantations d'espèces fruitières. L'assemblée admet ce crédit. M. Dainville prend ensuite la parole pour demander que Ja Société, dans sa sollicitude pour les beaux-arts dont elle a toujours, fidèle à sa devise, cherché à propager le goût par lous les moyens qu'elle pouvait employer dans sa sphère (139) d'action, s’oceupe dès ce moment de rassembler les fonds nécessaires pour une exposition quinquennale de peinture et de sculpture. Les frais en sont sans doute très lourds, eu égard aux ressources financières que la Société a à sa dispo- sition; mais ne serait-ce pas un motif pour que, par une affectation annuelle et spéciale des sommes qui peuvent être disponibles dans chaque budget, on préparât ainsi peu à peu la possibilité de faire face à des dépenses qui, autre- ment, seraient disproportionnées avec les ressources d’une seule année, et qui rendraient une exposition impossible à Pavenir. M. Béclard appuie fortement cette proposition. La Société, sans vouloir rien préjuger, décide qu’à raison dé son importance, elle devra être mise à l’ordre du jour de là prochaine séance. On procède ensuite au vote d’ensemble, et le budget est adopté. M. Béclard demande à présenter quelques observations sur une circulaire du dernier ministre de l'instruction publique (M: Freslon), prescrivant la fondation, dans chaque arron- dissement, de tableaux d'honneur où devraient être inscrits les noms et même un court exposé des actions des hommes qui, nés dans l’arrondissement, auraient mérité d’être dis- tingués. 11 s’informe si le bureau a reçu à ce sujet quelque communication de la part de M. le préfet, èt demande si elle ne voudrait pas prendre l'initiative d’un pareil travail. Une discussion $’engage sur cette proposition : MM. Boreau, Beraud, Ollivier de Laleu, Hunault, de Beauregard, de Se- nonnés , Dainville, Chanlouineau, y prennent une part plus ou moins vive. L'opinion qui domine, est que l'élaboration dun tableau d'hommes, tel qu'il est conçu, ne pourrait que soulever des questions extrêmement délicates, des discus- ( 440 ) sions singulièrement irritantes, dans un pays qui, comme le nôtre, a été si longtemps déchiré, par les dissensions politi- ques; qu’il ne, s’agirait pas seulement, en effet, de cataloguer les noms et les actions des hommes, qui, à un titre quelcon- que, ont acquis une célébrité souvent plus. ou moins contes- table, mais que l'intitulé même du tableau indique qu’on.les voudrait. présenter au respect et.à l’admiration de: leurs concitoyens, ce qui emporterait nécessairement, de la part de ceux qui le rédigeraient, une. appréciation des actions qui ont dû faire distinguer ces notabilités locales, et leur ont donné le droit de poser comme des modèles qu’on doit s’efforcer d’imiter. Qu’à ce point de, vue cet examen .desac- tions, cette appréciation du mobile qui a dirigé ‘leurs au- teurs, sort du domaine de l’histoire impartiale qui raconte, pour rentrer dans celui plus intime de la conscience qui juge. Vainement ceux qui entreprendraient cette, tâche, voudraient-ils se placer en dehors de leurs opinions person- nelles, politiques ou religieuses, ils n’y réussiraient pas; et comment pourrait-on demander à qui a réglé sa vie sur certains principes, parce qu’il avait foi dans leur vérité, de s’en dépouiller instantanément comme d’un vêtement de pa- rade, pour juger une existence qu’il devra proposer. comme exemple à imiter. Un tel tableau, exécuté dans-le but qu’on a voulu lui donner, est moralement impossible à notre épo- que, et son exécution compromettrait peut-être cet esprit élevé de conciliation que la Société. d'agriculture, à, toutes les époques, a mis un soin si extrême à maintenir en dehors de toute atteinte, au milieu. des éléments si variés qui la composent. Des motifs analogues Jui avaient déjà fait repous- ser, il y a peu, d'années, la proposition de créer dans son sein une commission spéciale de biographie angevine, .et:ils n'ont pu qu’acquérir plus de poids dans les récentes etigra- (141) ves épreuves que nous traversons. Les Mémoires de la Société n’en resteront pas moins ouverts à tous ceux de ses membres qui voudront faire la biographie des Angevins célèbres et de ceux qui méritent de le devenir. La Société recevra toujours avec un empressement égal les travaux qui auront été entre- pris dans ce but, et cela à quelque: point. de vue que l'éloge ou le blâme:soient départis, lorsqu'elle aura jugé qu’ils ne dépassent pas les bornes d’une sage convenance. Elle saif, d’ailleurs, qu'il est impossible que les opinions personnelles d’un auteur ne déteignent pas plus ou moins sur le récit de la vie dont il retrace les phases principales ; mais alors qu'importe à la Société qui prononce l'impression, puisque l’auteur assume seul, en la signant, la responsabilité de son œuvre. Pourrait-il, d’ailleurs, regretter de se trouver ainsi isolé dans son individualité, quand il conserve par cela même tout le mérite du jugement qu’il formule, et qu’il peut se mouvoir dans une liberté d'appréciation qu'aucune exigence d’opinions contraires à la science ne viendra circonscrire? L'assemblée, consultée par le président, déclare done qu’il pe sera pas donné suite à la proposition de M. Béclard. Cet incident devient d’ailleurs une occasion, pour le bureau, d'inviter M. Béclard à faire part à la Société de ses recher- ches sur quelques-unes des anciennes familles de l’Anjou, et notamment sur celles qui ont fourni à la marine française plusieurs de ses illustrations. M. de Soland aîné donne lecture d’une suite d’extraits de la cosmographie d'André Thevet, de 4575, en ce qui con- cernait l’ancienne géographie de l’Anjou au /xvie siècle. Cet ouvrage, qui existe à la bibliothèque d’Angers, fournit des indications sur les circonscriptions territoriale, politique, administrative et judiciaire du vieil Anjou, l'étendue de ses villes, leur population, leurs monuments, les productions (14) agricoles à cette époque reculée, etc. La Société vote l’im- pression de l’analyse qu’en a faite M. l’archiviste. M. le secrétaire général annonce qu’il fera désormais, à plusieurs époques de l’année, un exposé des découvertes en histoire naturelle qui auront été faites dans le département de Maine et Loire. Il invite done tous les naturalistes qui voudront coopérer, par leurs communications, au perfec- tionnement de la Statistique naturelle de nos contrées, à lui faire part de leurs observalions personnelles qui trouveront ainsi un enregistrement immédiat qui leur assurera une date de priorité incontestable, et conservera irrévocablement tout le mérite de la découverte à son auteur. Gette Revue con- tiendra l'indication, et, au besoin, une analyse des travaux les plus intéressants, compris dans les publications adressées à la Société. Le secrétaire général y retracera successivement l’histoire de tous les établissements scientifiques et artistiques du département, en donnera une description détaillée, et, après avoir constaté leur état actuel, s’efforcera, à l’avenir, de tenir la Société au courant des innovations qu’on in{ro- duira dans leur tenue, des richesses nouvelles qw’ils viendront à acquérir. M. le secrétaire lit alors la première Revue de l'année: Elle contient la première partie d’une notice sur le Jardin des plantes d’Angers, qui comprend le temps écoulé à partir de sa fondation, inclusivement, jusqu’à l’année 1846, où il cessa d’être dirigé par M. le docteur Bâtard. Cette Revuerest terminée par quelques observations sur la marche insolite qu'a suivie la végétation pendant les mois de décembre et janvier, par des réflexions sur l’acclimatation prétendue des végétaux dans Le sens qu’on atfachait autrefois à ce mot, et par quelques autres observations sur Pornithologie locale, (143) La Société vote l'impression de ce travail. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le secrétaire général. T. C. BERAUD. Procès-verbal de la Séance du 23 février. Présidence de M. De SENONNES, vice-président. La séance est ouverte à six heures et demie, sous la pré- sidence de M. de Senonnes, vice-président. Le secrétaire-général donne lecture du pocès-berbal de la dernière séance, qui est adopté, et présente à l’assemblée les ouvrages et publications qui ont été adressés par les cor- respondants de la Société, pendant le dernier mois. Le secrétaire -général lit ensuite un compte-rendu des travaux, et des découvertes scientifiques du mois précédent, dans lequel doit rentrer l’histoire des collections, tant pu- bliques que privées, qui existent dans le département. Il achève, cette fois, l’histoire du jardin Botanique d’Angers, et signale les améliorations considérables que cet établissement a reçues sous le double rapport de la tenue matérielle et de l'intérêt scientifique, surtout depuis qu'il est passé sous la direction de M. Boreau. Il fait particulièrement connaître le développement qu'ont pris les cultures de pleine terre dans l’école botanique, et celles des serres chaudes et des serres froides. Il indique la nécessité de les compléter par une serre de multiplication, qui pourrait en même temps servir pour les Orchidées, et par une serre tempérée, sans laquelle la culture des plantes du Cap, et notamment des Bruyères, ve peut faire les progrès désirables. Il parle ensuite du pro- jet d’agrandissement du jardin, qui avait été adopté par le conseil municipal de 4847, et dont l'acquisition déjà opérée (144) de l'hôtel Raïmbault, avait fait regarder alors comme pro- chaine la complète réalisalion. Par suite de cette augmen- tation de terrain, le jardin eût acquis toute l’étendue néces- saire pour devenir la promenade publique la plus agréable de la ville, et eût offert l’espace nécessaire pour y cultiver tous les arbres et arbrisseaux exotiques, dont on ne rencon- tre que de jeunes sujets dans les pépinières. A cette école forestière et des arbres d’agrément, on eu joindrait une au- tre qui comprendrait toutes les espèces fourragères, potagères, céréales, médicinales, etc., qui y prendraient place au fur et à mesure qu’elles sont indiquées dans les catalogues ou les bulletins des sociétés d’agriculture, d’horticulture, etc., et y seraient mises en expérience, ce qui serait d’un im- mense intérêt pour les progrès de l’horticulture économique. Il annonce en outre; que M. Boreau, aurait le désir de fon- der au jardin des plantes, un musée ou conservatiore botani- que, comme il en existe un à Genève, où seraient placées les divers herbiers, des collections dé bois, de graines, despar- ties de végétaux! employées dans les arts ou dans la médecine, et une bibliothèque spéciale , toutes choses dont il a déjà com- mencé à rassembler les éléments. Cette institution, aussi in- téressante qu’utile, et sans précédents dans les départements, ne demanderaït, pour être developpée, qu’une appropriation peu coûteuse ‘de la maison actuelle du Directeur, lorsqu’il irait habiter l’hôtel Raïmbault. L'assemblée donne de la manière la plus formelle son as- sentiment à des projets qu’elle considère comme pouvant avoir une influence heureuse sur les progrès de l’arboricul- ture, de l’horticullure et de la science botanique, et vote impression de ce numéro de la Revue qui est terminé par un analyse des mémoires de la société des sciences des Py- rénées-Orientales. Parmi les sujets traités dans ce numéro, ( 145 ) le secrétaire-général appelle l'attention de la Société sur l'emploi de l’éther comme agent thérapeutique. Il résulte d’un rapport de deux docteurs médecins de Perpignan que, dans une épidémie de fièvres pernicieuses qui, en 4847, at- teignit 500 personnes sur les 4,200 âmes qui forment toute la population de la ville de Salces en Roussillon, de tous ces malades atteints de ces fièvres avec des symptômes les plus effrayants, 296 furent sauvés par l'injection de l’éther, plus ou moins étendu d’eau, dans le tube digestif, tandis que trois malades seulement qui ne purent être soumis à cette mé- dication, succombèrent. On fait observer que quelques-unes de ces fièvres prirent le caractère de fièvres cholériques, et que lors de l’invasion dernière du choléra en Angleterre, les journaux ont rapporté que la simple inhalation de l’éther avait eu les plus heureux résultats pour combattre la mala- die à son début, ce qui pourrait faire espérer qu’en l’admi- nistrant selon le mode adopté à Salces, il pourrait devenir un agent encore plus énergique et plus sûr de guérison. M. Godard-Faultrier lit ensuite une notice sur deux tom- beaux gallo-romains qui ont été découverts depuis la der- nière séance, dans les terrains de la Visitation. Il présente des dessins coloriés de ces monuments et des objets qu’ils renfermaient au moment où ils ont été ouverts. Ces dessins au lavis sont l’œuvre de M. Walewski, l’un des employés du chemin de fer, qui a mis un zèle extrême à surveiller toutes les découvertes d’antiquités, que pouvaient amener les fouilles faites pour niveler emplacement destiné à l’embar- cadère, et qui a mis un empressement non moins digne d’é- loges à rassembler tous les objets ainsi découverts pour en enrichir notre musée d’antiquités, où ils figurent en grand nombre. La Société vote l’impression de la notice et la lithographie 10 ( 146 ) des dessins, et charge spécialement M. Godard d’être l’inter- prète de -la gratitude de tous les archéologues de la Société, vis-à-vis de M. Walewski, en le remerciant de communica- tions qui ont un si grand intérêt local. Les autres lectures annoncées ont été ajournées à une pro- chaine réunion, et la séance est levée. Le secrétaire-général , T. C. BERAUD. Procès-verbal de la Séance du 7 mars 1849. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Le secrétaire donne lecture du procès-verbal de la der- nière séance, qui est adopté, et présente ensuite la nomencla- ture des publications qui ont été reçues des correspondants de la Société. M. le président communique à l’assemblée une lettre qui lui a été adressée par M. Constant, chimiste, qui aurait dé- couvert un moyen certain pour désinfecter instantanément toutes les matières animales et végétales en putréfaction, ainsi que les fosses d’aisances. Cette lettre est accompagnée de nombreux certificats et procès-verbaux d'hommes compé- tents, dont l’un émane d’un membre de la commission sa- nitaire de Nantes, et rend compte d’expériences éminemment concluantes auxquelles s’est livrée cette commission. Suivant cette pièce, il ne serait pas permis de douter des avantages immenses que l’agriculture, dans la fabrication des engrais, ainsi que la salubrité publique, ont à attendre de l’applica- tion du nouveau procédé de désinfection. M. Adolphe Lachèse fait connaître qu’une semblable com- munication a été faite à l’administration municipale, qui a ( 147) chargé le conseil de salubrité de constater les résultats que Von pourraitobtenir, par le nouveau procédé, pour l’assainis- sement des divers foyers d’infection que renferment la ville et ses abords. M. Lachèse promet de rendre compte, en temps opportun, à la Société, des expériences auxquelles se livrera la commission nommée par le conseil de salubrité. M. le docteur Hunault fait remarquer qu’on a déjà cons- taté la grande puissance des chlorures comme agents désin- fectants; qu’à diverses époques on a recommandé et préco- nisé leur emploi sur une grande échelle; qu’il serait donc utile d'étudier leur action, bien connue d’ailleurs, compa- ralivement à celle du nouveau procédé, et de rechercher au- quel doit être donnée la préférence, soit sous le rapport de l'énergie, soit sous celui de la facilité de l'emploi et de l’é- conomie, soit sous celui encore du degré de vertu fertilisante que lun ou l’autre laisserait aux substances soumises à leur action ct destinées à servir d’engrais. M. Godard-Faultrier lit une notice sur un tombeau an- tique, récemment découvert dans l'enceinte du camp de César, en Frémur. Il était construit en pierres brutes que ne liait aucun ciment. Il renfermait, outre les débris d’un sque- lette, un instrument en fer long de 50 cent. environ, en forme de hache ou plutôt de doloire. Ce tombeau a paru, à notre savant confrère, se rapporter à l’ère gallo-romaine. A peu de distance s’est trouvée une médaille en moyen bronze de Trajan. Il trouve que la forme de l’instrument en fer, renfermé dans ce monument funéraire, rappelle celle de l'arme que tient la sirène des bas-reliefs du XIIIe siècle, de St-Aubin, et dont elle va frapper Vicéus. L'assemblée vote l'impression de cette notice et la lithogra- graphie de l’instrument qu’a dessiné M. Godard. Un membre saisit le momentoù M. Godard vient d’achever 3 ( 148 ) cette intéressante communication, pour demander que les membres adjoints de la commission archéologique soient admis à faire personnellement la lecture de leurs travaux aux séances de la Société-mère, lorsque la commission a dé- cidé que cette lecture doit avoir lieu. L'assemblée, consultée à ce sujet, donne son adhésion à cette proposition, et charge M. Godard d’en donner connaissance à la commission ar- chéologique. M. Godard est spécialement invité à manifester à M. l'abbé Coulon, le vif désir qu’aurait la Société d’en- tendre , à la prochaine séance, la lecture de la notice si re- marquable qu'il a rédigée sur Notre-Dame de Chemillé. L'Assemblée, cousultée par le président relativement à l'exposition séricicole , décide qu’elle aura lieu à l’époque la plus rapprochée possible; et désigne MM. Olivier de la Leu, Millet, Lebreton, Hunault et Chanlouineau pour l’organiser et préparer le rapport sur les progrès de cette industrie et les récompenses à décerner. M. Textoris prend ensuite la parole, pour annoncer que la Société industrielle s’occupe en ce moment de rechercher les moyens d'établir, dans notre ville, des lectures publiques du soir, et demande s’il ne conviendrait pas que la Société d’agriculture désignât, pour le même objet, une commission qui se réunirait à celle de la Société Industrielle. MM. Ollivier de la Leu et de Senonnes font ressortir les inconvénients que peut entraîner celte innovation; les diffi- cultés que présentera le choix des ouvrages qui devraient, tout à la fois, être attachants, instructifs et moraux ; le dan- ger qu'il y aurait à provoquer ainsi des réunions rivales qui pourraient donner à une œuvre, originairement entreprise dans un but de moralisalion, un tout autre caractère, ame- ner de fâcheux dissentiments, remuer les passions et com- promettre plus ou moins gravement la cause de l’ordre et du véritable progrès. (449) M. Hunault fait observer que les préopinants se sont oc- cupés du fond de la question, tandis qu’il ne s’agit encore que de savoir s’il convient de nommer une commission pour la meltre à l’étude , l’examiner sous ses divers aspects, et émettre un avis sur l'influence quelconque que pourraient avoir ces lectures publiques, et partant sur l'opportunité qui qu’il pourrait y avoir à en fonder dans notre ville. 11 pense, que par cela seul, que cetle question a été soulevée et réso- lue affirmativemeut par un ministre de l'instruction publique, elle mérile un examen sérieux et approfondi, et il croit, par ces molifs, devoir se joindre à M. Textoris pour la nomina- tion d’une commission, mais avec cette restriction, qu’elle devra agir isolément de celle de la Société industrielle, et ne devra ainsi rendre compte à la Société que de ses propres convictions. Cet avis ayant prévalu, M. le président dit que cette com- mission sera composée de MM. de la Leu, Hunault, de Sé- nonnes , E. Lachèse et Textoris. Le secrétaire lit ensuite la première partie d’une notice sur le cabinet d’histoire naturelle d’Angers. Il jette, d’abord , un coup d’œil rapide sur la marche si longtemps hésitante des études qui avaient la connaissance de la nature pour objet, et fait voir qu’elles ne sont arrivées à l’état de science , n'ayant pu formuler de corps de doc- trine qui leur fussent propres, et fonder des méthodes na- turelles de classification, que vers la moilié du dernier siècle. Il fait voir que le principal obstacle qui entravait leurs pro- grès, c’était l'ignorance où l’on resta longtemps des moyens de conserver les objets d’histoire naturelle, l’absence ou l’in- suffisance de collections scientifiques qui permissent des ob- servations comparatives faites sur une vaste échelle. Après avoir donc démontré, par l'essor rapide que prirent les (150) sciences au XIX° siècle, l’influence et l'importance des éla- blissements qui leur sont consacrés, l’auteur de la notice ra- conte les commencements et les progrès de notre musée. Il montre que sa fondation fut contemporaine le celle de V’E- cole centrale, et rappelle à la reconnaissance des naturalistes le nom de Larevellière-Lépeaux qui en dota notre ville. C’est sous la direction du professeur d'histoire naturelle, Renou, que Larevellière avait fait venir à Paris, que notre musée se forma avec les collections que le musée national lui céda, et qu’ilse trouva aïnsi, dès le début, placé au pre- mier rang des musées départementaux. Après M. Renou, le musée resta longtemps stationnaire ct passa sous la même direction que le jardin des plantes. Ce ne fut que lorsque M. Desvaux en prit la direction réelle, que cet établissement acquit l'étendue qu’on lui connaît. Après l’avoir décrit dans son état primitif et lavoir suivi dans les diverses phases de ses progrès jusqu’au moment où M. Desvaux cessa de le diriger, la noticese plait à reconnaître le zèle que mit ce dernier à enrichir le cabinet, et indique les travaux considérables qui ont marqué la trace de son passage dans l’administration du cabinet. Elle fait surtout remarquer extension que prirent les collections ornithologiques et mi- néralogiques, et n'oublie pas de noter que c’est à M. Des- vaux qu'est due l'initiative de la collection, si intéressante, de la minéralogie départementale, qui est le fruit de recher- ches longues et pénibles, exécutées sur un grand nombre de points du département. L’assemblée vote l’impression de cette première partie de là notice sur le musée d'histoire naturelle. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le secrétaire-général , T. C. BERAUD. (151) Procès-verbal de la Séance du 18 mai 1849. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur , M. BERAUD , Secrét.-général. Lecture est donnée du procès-verbal de la dernière séance, par M. A. de Solaud, qui y remplaçait le secrétaire général absent. La rédaction en est adoptée. Il est ensuite procédé au dépouillement de la correspon- dance. Une lettre de M. Bordillon, Préfet de Maine et Loire, accompagne l’envoi qu'il fait à la Société d’un rapport sur les vins d'Anjou, rédigé par M. Camille Desvarannes, au nom de la chambre de commerce d’Angers. M. le Préfet demande à la Société de lui faire connaître son opinion sur plusieurs questions soulevées dans ce rapport, et qui intéressent au plus haut point l’agriculture et le commerce local. M. le président donne lecture immédiate de ce rapport, et ses conclusions deviennent aussitôt l’objet d’une vive con- troverse de la part de plusieurs membres. Tous sont d’accord pour reconnaitre que si l'exportation de nos vins blancs pour la Belgique et la Hollande, a cessé de se faire dans les mé- mes proportions qu'en 4789, on doit l’attribuer à des causes très complexes qui doivent être placées en dehors de la qua- lité de ces vins, qu'avec une légèreté qu’on a peine à com- -prendre de la part d’un corps chargé de représenter les in- térêts commerciaux et agricoles de nos contrées, le rapport n’a pas craint de qualifier de malfaisants , en même temps qu’il s'efforce de préconiser les produits des vignobles rouges et les vins champanisés dont la fabrication est concentrée en certaines mains. Pour faire tout d’abord justice de cette épi- thète dont on a voulu flétrir les vins blancs d'Anjou, M. le docteur Hunault rapporte, qu’au congrès scientifique de (152) Bruxelles, la section médicale qui s’occupait de rechercher d’où provenait la progression, toujours croissante, du Lem- pérament lymphatique parmi les populations des parties basses de la Belgique et de la Hollande , les médecins du pays admirent unanimement que la consommation, deve- . nue presque nulle, du vin d'Anjou, n’y était pas étrangère. Son usage était, selon eux, l’auxiliaire le plus puissant, qu’ils regardaient même comme indispensable, de toutes les mé- dications, qui, en redonnant une énergie normale aux tissus, pouvaient combattre les progrès de cette fâcheuse constitu- tion. Les vins blancs d'Anjou sont capiteux, mais ils ont toutes les qualités éminemment salubres des vins généreux, c’est-à-dire, de ceux où la partie spiritueuse abonde naturel- lement. Sous ce rapport hygiénique, ils l’emportent sur la plus grande partie des vins du Midi, et surtout sur ceux du Bordelais qui se consomment à l’étranger et qui ne s’expé: dient qu’après avoir reçu une quantité notable d’alcool, et ne peuvent jamais, à la suite de ce mélange, avoir pour l'estomac l’innocuité des vins naturels. Ce n’était done pas dans Jeurs qualités qu’il fallait chercher le motif pour lequel la consommation en avait diminué à l’étranger. C’était bien plutôt dans des habitudes nouvelles contractées à la suite de la révolution de 89 , et dans la chûte des grandes maisons qui faisaient exclusivement ce commerce dans notre pays. De 1789 à la Restauration, les transports par mer étaient de- venus impossibles ; ceux par terre, si lents et coûteux qu’ils étaient à peu près nuls, et la Hollande et la Belgique, sur- tout, furent réduites, pendant ce temps, aux petits vins rou- ges des frontières de l'Est. Lorsque, à la Restauration, les mers furent redevenues libres, les vins rouges de Bordeaux qui s’étaient accumulés et qui ne purent s’écouler suffisam- ment en Angleterre, se rabattirent sur la Belgique et, en se (153) substituant aux pelits vins rouges de l'Est dans les habitudes du pays, y prirent la place que nos vins blancs y occupaient jadis. Tout concourait d’ailleurs à en maintenir l'exportation, car, tandis que les maisons Decubroux , Claveau et quelques autres, entre les mains desquelles ce vaste commerce était concentré dans notre pays, avaient été emportées par l’oura- gan révolutionnaire, le commerce deBordeaux, pour les vins, continuait d’avoir à sa tête des maisons riches, entrepre- nantes, et dont les relations, au dehors, n’avaient jamais en- tièrement cessé. Toutefois, bien que les conditions ne soient plus les mêmes pour l’Anjou, on ne peut méconnaître que si Ja spéculation trouvait sur les marchés Belges ou Hollandais, des avantages à réaliser, ce qui arriverait si un abaissement des droits de douanes rendait les vins accessibles à un plus grand nombre de consommateurs, elle prendrait bientôt cette direction , et nos vins, à raison de leurs qualités parti- culières, ne tarderaient pas à redevenir d’un usage plus gé- néral dans des pays où ils tenaient autrefois le premier rang. M. Hunaultdemande qu’une commission soit nommée pour étudier les causes du discrédit où , suivant la chambre de commerce , seraient tombés les vins d'Anjou à l'étranger, et rédiger la réponse que demande M. le Préfet. MM. Ollivier de la Leu, Planchenault, Hunault, Lèbe-Gigun et Castonnet sont indiqués pour en faire partie. M. le président s’informe d’où en sont les travaux de la commission mixte, chargée de donner un avis sur le choix d’un domaine propre à l'installation d’une ferme-modèle. M. de la Leu donne lecture du rapport qu'il a dressé au nom de cette commission. Six domaines différents ont été offerts. La commission s'est transportée sur chacun. d’eux, afin d’en mieux étudier les inconvénients ou les avantages. (454) La commission a exposé, dans son rapport, le résultai de ses observations, de manière à ce que l’autorité püt être par- faitement éclairée dans la préférence qu’elle accordera à l’un ou à l’autre. La Société a émis le vœu, à plusieurs reprises, que l’an- cienne église Toussaint fût mise en communication immé- diate avec le Jardin Fruitier, au moyen de la concession à la ville, d’unelisière de terrain dépendant du jardin de la Mu- nilionnaire qui maintenant sépare l’église du Jardin Fruitier. Ce dernier jardin élant destiné, sans doute, à devenir plus tard une entrée pour le Musée, par la construction d’un esca- lier au devant de la terrasse de la Galerie David , église Toussaint, dont les ruines sont unintéressant monument ar- chéologique, et qui recoit le dépôt de toutes les sculptures et monuments qui ne peuvent trouver place dans le Musée d’antiquités, serait ainsi reliée à l’ensemble de tous nos Musées. ji M. Ernest Dainville a dressé un plan des lieux, et l’assem- blée, après avoir donné son approbation, charge le bureau de faire les démarches nécessaires pour qu’il soit donné suite à ce projet. M. le président annonce que M. Cacarrié qui s’était char- gé du cours de Géologie, ne réside plus dans notre départe- ment, mais qu’il y a tout lieu d’espérer que M. Lamé-Fleury, qui le remplace dans les fonctions d'ingénieur des mines pour notre département, consentira à donner un cours de Géologie l’année prochaine sous les auspices de la Société. M. le président communique une lettre de la commission chargée d'organiser le congrès central agricole, qui invite Ja Société à s’y faire représenter. MM. Ollivier de la Leu, Théo- dore de Quatrebarbes , Boutton-Lévêque , Hunault et de Las Cases sont choisis pour délégués. (155) M. l’abbé Coulon lit une notice sur Notre-Dame de Che- millé. Il trouve dans le corps de l'édifice la simplicité grave du roman, unie à la grâce et aux richesses du style fleuri dans la décoration de la tour. Cette tour, haute de 35 à 40 mètres, est analogue , tout à la fois, à celle de Fontevrault, mais avec plus d’ornements encore; et à celle de Cunault, mais avec plus de légéreté et de régularité. Cette église, dans son ensemble, appartient aux Xe et XIe siècles. La tra- dition du pays fait hommage d’une partie de ces travaux à Pétronille, comtesse de Craon , fille de Robert d’Arbrissel. Cette notice, remarquable par l'élégance soutenue du style même dans les parties techniques de la description que donne l’auteur de cet antique édifice, qui a le rare privilége de se conserver vierge des outrages du temps ct de ceux plus re- doutables des restaurateurs, sera imprimée avec le plan de l’église qui y est joint , dans le Recueil des Mémoires de la Société. M. Godard rend compte de la découverte des fondations de plusieurs monuments anciens qui a été faite en mars der- nier (1849), par suite de travaux de nivellement exécutés dans l’ancien cimetière du tertre Saint-Laurent. Ce sont les restes d’une chapelle octogonale, peut-être une lanterne des morts, et d’une chaire à prêcher à côté de laquelle s’est trouvé un tombeau. Il résulte des traditions recueillies par notre confrère, que cette chaire qui existait encore avant 4795, était en plein air et élevée de deux mètres. Les chroniques écrites racontent qu’elle fut bâtie par Pierre Dufay en 1409. La tradition locale veut encore que le tertre Saint-Laurent fût le premier théâtre des prédications hérétiques de Béran- ger en 1041, que c’estpour cela que la procession de la Fête- Dieu, fondée en expiation de ses doctrines, venait faire halte en cet endroit : à celte époque on y préchait en plein air, ( 156 ) coutume qui aura sans doute molivé l'érection de cette chaire. L'assemblée vote l’impression de la nolice de M. Godard. M. Coulon avait élé admis à lire le mémoire sur Notre- Dame de Chemillé, en sa qualité de membre adjoint de Ja commission archéologique de la Société : il est présenté comme membre titulaire. Le rapport exigé par le règlement sera fait par une commission composée de MM. Béclard, Godard et Dainville. ù La commission nommée pour s'expliquer sur la candida- ture de M. l'abbé Allaume, donne un avis favorable; le seru- tin a lieu et M. Allaume est proclamé membre titulaire. M. Dainville présente à l’assemblée le dessin qu’il a fait d’une crosse d’abbé du XIe siècle, conservée au Musée d’an- tiquités d'Angers, et trouvée dans les fouilles que la Société a fait faire dans l’intérieur de l’église Toussaint. La Société en vote la lithographie. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le secrétaire-général , T. C. BERAUD. Procès-verbal de la Séance du 22 juin 1849. . Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. Le secrélaire-général présente à la Société les ouvrages et publications qui lui ont été adressées depuis la dernière réunion. M. le président fait observer que le jour où doit ouvrir (157) l'exposition séricicole n’a pas encore été fixé; qu’il serait à désirer qu’elle eût lieu à l’époque où les courses vont rame- ner à la ville une grande partie des personnes qui passent la belle saison à la campagne, et demande s’il ne paraîtrait pas convenable de fixer cette exposition au 42 juillet prochain et jours suivants. L'assemblée adopte cette fixation, et autorise le bureau à préparer l'exposition. M. Godard lit des extraits d’un ouvrage manuscrit par lui trouvé dans la bibliothèque de l'évêché d’Angers, dont la date remonte à l’épiscopat de M. Lorry. La liste des prélats qui y sont indiqués comme élant sortis du sein de notre clergé, est considérable, ainsi que l'on en peut juger par l’énumération suivante : Papes 2, Cardinaux 20, Archevêques 10, dont furent auparavant évêques d’Angers 5; Evêques 57. La Société vote l'impression de ce travail. M. Hunault fait observer que la Société ne peut prendre, par ce vote, la responsabilité des dates contenues dans le manuscrit précité. M. Hossard lit ensuite quelques observations physiologi- ques sur le choléra. En considérant la nature des phéno- mènes symptomatiques qui accompagnent celte maladie, et spécialement la cyanose qui lui est propre , notre collègue en induit qu’elle doit avoir sa source dans une altération du gaz oxigène, qui, par son mélange, peut-être, avec des efflu- ves délétères, deviendrait impropre à l’hémathose. Ce pour- rait donc être, selon lui, une chose salutaire que de sou- mettre le malade à une aspiration de gaz oxigène dans un ( 158 ) état de pureté irréprochable, tel qu’il peut être obtenu par son dégagement du chloratce de potasse. M. Hossard, par cette considération que cegazest contenu en excès dans le sucre cris- tallisé, pense aussi que l’emploi de cette substance pourrait avoir des résultats avantageux dans le traitement des choléri- nes, voire même du choléra. Il cite, à cet égard, des expérien- ces directes, faites dans les cholérines ct qui ont été couron- nées de succès. M. Hossard déclare, du reste, qu’il n’est pas de ceux qui voient dans le choléra, une affection exenthéma- teuse interne, mais qu’il considère que le siége du mal est dans le sang et le système circulatoire. M. Hunault demande aussitôt la parole pour revendiquer, comme sicune, l’opinion repoussée par M. Hossard. C’est lui, qui, dans un congrès scientifique, développa le premier cette thèse, que le choléra n’était qu’une maladie exenthé- mateuse interne, à très courtes périodes, et parmi plusieurs faits cités à l’appui de cette opinion, il cite l'apparition, lors des épidémies cholériques, d’autres maladies éruptives, tel- les que varioies, varioloïdes, etc. Le secrétaire-général fait observer que la contrariété qui se produit entre les opinions des préopinants, était plus appa- rente que réelle, puisque l’on pourrait admettre l’exenthème comme symplomathique en quelque sorte, en considérant l’oxigénation imparfaite ou défectueuse du sang, comme cause efficiente. L'assemblée ordonne l’impression du mémoire de M. Hos- sard.. M. Thierry invite la Société à venir visiter, dans ses ate- liers, des vitraux en style du XIIE siècle qu'il vient de faire exécuter. L'assemblée se rendra à celte invitation. L'ordre du jour est épuisé, et la séance est levée. Le secrétaire général, T. C. BERAUD. | iv Procès-verbal de la Séance du 17 août 1849. Présidence de M. COURTILLER , vice-président. Secrétaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. M. l’archiviste, qui tenait la plume dans la dernière séance, donne lecture du procès-verbal qu’il en a rédigé et qui est adopté. Des membres ayant exprimé le désir que les procès-ver- baux des séances de la Société parussent régulièrement dans le Journal de Haïne et Loire, \e bureau a dû en conférer avec l'administration de ce journal. Celle-ci ayant renoncé au projet qu’elle avait eu d'augmenter son format, ne peut dé- sormais, à raison de l'abondance de matières politiques et de la place qu’occupent les débats de la Chambre législative, donner accès dans ses colonnes aux procès-verbaux des So- ciétés savantes du chef-lieu. Le bureau aurait done pensé à faire imprimer à part les procès-verbaux de la Société-mère et ceux de la section archéologique , à des intervalles régu- liers et rapprochés, pour les distribuer, von-sculement aux sociétaires , mais encore aux personnes abonnées au journal pour lesquelles les nouvelles scientifiques locales offriraient quelque intérêt, et qui, moyennant une augmentation insi- gnifiante dans le prix de leur abonnement, pourraient les recevoir. M. Godard qui , ainsi que d’autres membres du bu- reau de la commission archéologique, avait pris part aux dé- marches tentées pour arriver à obtenir un moyen d’étendre, de propager la connaissance des travaux de la Société, fait part de ses idées. L'assemblée ,sans rien préjuger, arrête qu'il lui sera présenté sur cet objet un projet de règlement aussitôt la rentrée, ainsi que les bases du traité qui pourrait interve- nir entre elle et MM. Cosnier et Lachèse, imprimeurs de la Société. ( 160 ) M. Ollivier de la Leu lit ensuite le rapport qu'il a rédigé au nom de la commission chargée d’examiner les questions qui, au point de vue de l’agriculture et du commerce, se rattachent aux vins d'Anjou. Il combat victorfeusement les allégations et les conclusions contenues dans le mémoire que la chambre du commerce d’Angers a transmis au ministère sur ce même sujet. Ce rapport a été approuvé par la Société, qui a décidé qu'il serait adressé à M. le préfet de Maine et Loire. La séance est levée, et la Société ajourne au mois de no- vembre prochain sa séance de rentrée. Le secrélaire-général, T. C. BErAuD. Procès-verbal de la Séance du 23 novembre 1849. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. La séance est ouverte à 6 heures et demie. Le procès-ver- bal de la séance précédente n’est pas lu à cause de l’absence de M. le secrétaire-général Beraud qui, retenu chez lui par une indisposition , n’a pas communiqué le registre. M. de Soland énumère et désigne les divers ouvrages'qui ont été adressés à la Société durant la saison des vacances. M. le. président lit la correspondance qui lui est parvenue depuis la dernière séance; on remarque une lettre d’un in- térêt important, c’est celle de M. le préfet de Maine et Loire, qui invite la Société à lui adresser un rapport sur la situa- tion des récoltes en grains et autres farineux dans le dépar- tement, . conformément à la demande qui lui en est faite chaque année par M. le ministre de l’agriculture et du com- merce. M. le président propose la nomination d’une com- mission pour procéder aux investigations diverses dont le Lt e > (161) résultat doit: former les bases du rapport demandé. M. Hu- nault fait observer que la commission appelée à formuler cette opinion devrait renfermer dans son sein des membres appartenant à chaque arrondissement du département. Une commission est nommée à cet effet, et, conformément à cette observation , elle est composée de MM. Hunault, deQua- trebarbes, Ollivier de la Leu, de Soland, Boutton-l’Evêque, de Beauregard, Méry de Contades, Gontard, Millet, Boreau, Planchenault, Lofficial, de Baracé. M. le président Dies aussi connaissance d’une lettre d’en- voi qui lui a été adressée pour inviter la Société à examiner un pressoir mécanique, par M. Dezaunay (Al- fred), ingénieur - mécanicien à Nantes. Cet ouvrage d’art paraît digne d’un examen attentif. MM. de Beauregard , Hu- nault, Béclard, Godard, Ollivier de la Leu sont désignés pour y procéder. M. le président propose ensuite la réintégration, comme membre titulaire de la Société, de M. Debeauvoys, qui en a déjà fait partie, et qui est unanimement admis. — IL est nommé une commission, composée de MM. Lachèse, Hunault et Béclard, pour examiner les titres de M. Larcher de Lavernade , à prendre rang parmi les membres corres- pondants. Il est aussi désigné une commission pour exa- miner les comptes financiers de la Société pendant l’année 4849, elle se compose de MM. Godard, Coulon et Béclard. M: de Lens, qui a changé de résidence, écrit pour donner sa démission de membre de Ja Société. Conformément à l’ordre du jour de la séance, la parole est donnée à M. Godard, qui lit un mémoire sur les mon- naies angevines. Il ressort de la découverte et des remarques faites par Théodecisile, personnage qui remplissait les fone- tions de monétaire à Angers, sous la race mérovingienne, que les monétaires à Angers , sous la première race, avaient 11 (462) le privilége, à la manière des rois, de mettre lèur nof’au- tour du revers de la ‘pièce; qui portaità Fendroit l'effigie du roi, sans aufre légende:que celle, du nom dé lacvillecoüiles espèces avaieut été frappées: Cet, usage paraît in'avoirJété suivi que sous la première race.Les détails fortintéressants dans lesquels: entre M: Godard à ce ‘sujet, témoïgnent)de l'antiquité des droits de battre monnaie que:possédaitlawille d'Angers, puisque non:seulement on trouve une série ‘de monétaires qui ont frappé des: pièces à:Angers , pourlpré- mière race ; du v® au -viue siècle; mais: il paraît. demontré, d’après les aulorités ! citées: paronotre: savant collègues) que l'on avait frappé monnaie à Angers durant: las période gallo- romaine.Ce droit lui fut maîntenw, selowtouteslesapparences, sous la deuxième race, et M: Godard'en fournit ‘des preuves multipliées et puisées dans les pièces trouvées monnayéés à Angers sous plusieurs Carlovingiens. Delà;| l’auteur dw'mé- moire est amené à présenter ses conjectures sur l’époquetoù les comtes d'Anjou ont commencé à faire fabriquer monnaie en leur propre nom, ce qui /paraît:avoir ‘eu: lieu:/°d’après M: Godard, au commencement de lavènement de Hwy:troi- sième race, et à continué jusque vers l'année 4549 /:sous Charles de Valois, oùle monnayage angevin dans lernom des comtes d'Anjou fut remplacé par le monnayagedans!le nom du roi régnant; il semblerait ainsi que ce privilége de, frap- per monnaie à Angers ne s’est éteint que peu à peu, et la ville a conservé, jusqu’à la fin du xvime siècle les vestiges apparents de ce droit. Les investigations éclairées de notre collègue, appuyées surles: hautes autorités qu’il invoque; don- nent à ces considérations savantes et profondes un intérêt et un prix qui a été vivement senti par toute assemblée, dont le vote a unanimement sanctionné limpression de ee mé- moire. Cette communication a donné lieu à plusieurs obser- robes id (163: ) vations: faites successivement par: MM. Béclard et Hunauit, quisviennent appôrteriletribut dé leurs lumières sur la Loi tion traitée: par M: Godard: oMaPextoris lit'ensuiterun essai sur l’origine des sociétés savantes: (1llatpour objetde présenter dans ce rapide précis, le!tableaulanimé des diverses assemblées littéraires et scien- tifiques qui secsont formées:et établies depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Cet examen le conduit à es- quisser‘lesdévéloppeménts variés et multiples de l’espèce hütmaïné dans diverses phases de son évolution à travers les siècles: L'assemblée a approuvé ce travail et en a voté l’im- pression: dans'ses publications. M. Béclard, sous forme de lettre à M. Victor Pavie et en rappelant l'ouvrage de ce dernier intitulé : Un artiste de plus ; présente une série d'observations d’un puissant attrait sur les monuments sculpturaux répandus dans le départe- ment,,et-notamment sur les célèbres statues de la chapelle dela Barre, surle petitigroupe de l’églisé Saint-Jacques et sur la statue de la: Vierge de la petite chapelle de Nozé, il luisparaît évident que tous ces'ouvrages ont entre eux une affinité incontestable qui: $emble :décéler partout un même auteur: Après une sorte! dé revue artistique de quelques au- tres œuvres sculpturales situées’ soit à Angers , soit dans le départément!} ML Béclard'exprime avoir eu le dessein de dé- montrer clairement qu'un artiste supérieuf a éxisté en An- jou; dans le cours dwxvire siècle. /Ses recherches et les in- vestigalions où'il arété conduit par une rencontre heureuse lupont révélétle véritableuteur des monuments sculpturaux de lAnjou qu'il vient d’éiumérer. Cet artiste, généralement ighoré jusqu’à cejour, se nommait Biardeau, nalif, paraît- il, du Mans ; mais il vin! fixer son séjour à Angers, y per- feclionna son talent et y créa, dans la seconde moilié du (164) xvue siècle, ces chefs-d’œuvre longtemps admirés anonvy- mes ; mais l'admiration qu’ils ont inspirée doit remonter au- jourd’hui de l’œuvre à l’auteur oublié pendant deux siècles, et dont il est juste d’entourer la mémoire d’un‘hommage qui, bien que tardif, n’en sera ni moins profond ni moins durable. L'assemblée vote l'impression de cétte intéressante notice, qui est une heureuse réhabilitation pour un artiste longtemps ignoré. , | M. l'abbé Coulon demande la parole pour donner connais- sance à l'assemblée que, par décision du conseil municipal de la ville de Paris, l'hôtel de Sens, si riche en souvenirs illustres, doit être sacrifié à des projets d’alignement de la voie publique, il demande si la Société ne pourrait pas prendre l'initiative d’une protestation contre cette sorte de vandalisme, et faire un appel à une délibération mieux ré- fléchie, pour conserver ce monument précieux. " M. Hunault présente quelques observations à-cersujeti;ret exprime le yœu que l’on se melte en relation: avec les diver- ses Sociétés archéologiques, pour leur exprimer le sentiment pénible qu’a fait naître cette nouvelle, et appeler une com- munauté d'efforts pour empêcher l'exécution du projet énon-: cé. M. Godard propose et promet à la Société :d’écrire Jui-: même à M. Mérimée dans le sens de la proposition de M. l’abbé Coulon, ce qui est accepté avec gratitude: Il est décidé, en outre, que l’on tâchera de coordonner les efforts de con- servation qui seront employés par la Société avec ceux que l’on invoquera des Sociétés de la capitale et des départe- ments. — M. Hunault présente à la Société une collection de froments 1847 et 4848 qui est déposée sur le bureau. L'ordre du jour éfant épuisé, la séance est levée à 9 heures. (165) ! Procès-verbal de la Séance du 14 décembre 1849. «Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. M. le secrétaire-général fait lecture des procès-verbaux arriérés des séances de juin et 17 août 1849. Ils sont adop- tés, M. Texloris lit le procès-verbal de la dernière séance (novembre), rédigé par lui à raison de l'absence du secrétaire- général. Ce procès-verbal est également adopté. M. l'archiviste fait connaître ensuite les titres des publica- tions que la Société a reçues de ses correspondants. Il pré- sente une gravure dont M. Didron, l’un de ses membres correspondants, fait hommage à la Société. Elle représente un encensoir remarquable par l’excessive délicatesse du travail et l'élégance de la forme et des ornements. L'Assemblée vote des remerciements à M: Didron ,et décide que cette grayure sera encadrée et exposée We la salle de ses réunions: ' La parole est donnée à M. Béclard pour exposer l'opinion de la commission nommée pour la candidature de M. de La- vernade } à une place de membre correspondant. Le rapporteur indique les titres de M. de Lavernade et spécialement l’his- toire de la ville de Sens, dont il est auteur, et dans laquelle se {rouye, une foule de documents archéologiques sCrupu- leusement étudiés. Parmi les monuments remarquables qui y. sont décrits, figure la- basilique de Sens, du XV: siècle, illustrée par ses vitraux de Jean Cousin. La Société apprend avec intérêt, que la restauration ornementale et celle des statues qui doivent la décorer, est confiée à un de ses correspondants, M. Maindron, sfatuaire, qui a commencé, (166 ) ainsi que, David, les premières études de son art.dans notre ville. La commission ayant conélu à Punänimité à admission de M:'ideLavèrnade;) le scrutin est ouvért,-et M: leprési- dent, après en avoir consulté le résultat, proclame ce candi- dat membre correspondant. “UN, Beraud présénte comme candidat, au titré de membre titulaire, M. Bellier, conseiller à la Cour d’appel. Une com- mission COMposée de MM. Éliacin Lachèse , de Soland, et Lèbe-Gigun, est nommée pour donner son avis sur cette can- didature. Le Secrétaire. -ténéral dans une revue, constate l’état du Jardin des Plantes et des améliorations introduites dans les serres chaudes. 11 jette un coup-d’œil rapide sur le cabinet d'histoire hätur elle et apprécie les ‘dons récents en tableaux ét statues, qui ont été faits au Muséum de: peinturé et de SAUT de la ville. Er. ° L'impression de ce travail st votée. 4 “M Victoi Pavie fait parvenir ses excuses à Ja Société. Ne supposant pas la séance si prochaine, il n’a pas encore ter- miné K notice commencée de M. de Nerbonne, et est obligé d’ajournér cet hommage de l'amitié à un collègue dont ja perte à été si vivément senlié par tous ceux qui ont été à même d'apprécier ce qu ‘il y avait en lui d élévation d'esprit et dé Caractère, ainsi que de loyauté naturelle. “M. Téxtoris commence la lecture d’un vaste travail d’en- dérhble sur lé mouvement littéraire et l’état des études au mÔyen-àge , que: son étendue ne lui permet pas dé teriiner et dont la suite est reportée à la prochaine séance. Nous rén - verrons égalément à ce moment, l'analyse de ce travail d'é- rudition pour lequel l’auteur à dû consulter un grand nom- bre d’ouvragés étrangers, à peu près inconnus en France, ef ( 467 ) qui par conséquent présentent des renseignements qu'on chercherait souvent vainement ailleurs. ‘M. le président de Beauregard prend alors la-parole. Il rappelle que dans le volume de Ja statistique-archéologique qu'il a publiée , se trouve exprimé qu’un: monument quel- conque soit élevé dans l’église de Saint-Maurice à lamémoire du prince dont les restes y reposent. Ce vœu, de.M. de Beau- regard, fut renouvelé à la dernière, séance, du, Congrès ar- chéologique dont il reçut l’approbation formelle. M. de Beau- regard pense qué le moment est venu de lé réaliser! La So- ciété voit s'éloigner indéfiniment le moment où elle pourra exécuter la restauration qn’elle avait projetée du tombeau du roi René, une grande parlie des fonds qui avaient reçu cette première destination, a été absorbée dans les études prépa- ratoires, modèles en plâtre pour la restitution des orne- ments, etc. Le faible reliquat qui se trouve encore entre les mains de la Société, ne pourrait être sans doute employé d’une manière plus rapprochée de la destination première de ces fonds, que dans l'érection d’une simple table de marbre destinée à recevoir les noms des princes d'Anjou enterrés à Saint-Maurice. M. de Bauregard propose de nommer une commission pour rechercher quel serait dans Saint-Maurice l'endroit le plus convenable pour élever ce simple monu- ment; cette commission en référerait avec M. le Préfet et avec Monseigneur l’Evêque et présenterait à la Société un projet. Cette proposition est accueillie favorablement. La com- mission sera composée du Bureau de la Société-Mère, de celui la Société archéologique, et de trois autres mem- bres, MM. Elie Janvier de la Mothe, Hunault et Ernest Dainville. La Société procède au renouvellement des membres du bureau soumis à l'élection annuelle. Tous sont réélus. ( 168 ) Le bureau reste donc composé comme suil ; MM: de BEAUREGARD, président. de SENoNNES vice-président BERAUD | secrétaire-général. TExToRIs, vice-secrétaire. Lèpe-GIGUN, trésorier. de SocanD, archiviste. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. PAGES, ORDONNANCE qui reconnaît la Société comme établisse- ment d'utilité publique.......................... RAA CALE RÉGLEMENT intérieur de la Société. ...:............... VIE. LISTE GÉNÉRALE des membres titulaires, honoraires et correspondants de la Société........... Ada nn ave XXI Discours prononfé à la Société, pars son Président, M. de Beauregard.....,.................. OUR EE te THEODEGISILE monétaire, par M. Godard-Faultrier.... Covur-D'ŒïiL général sur l'origine des PHRCRaIes sociétés savantes, par M. Textoris..:.,...,........:......... 14 RECHERCHES sur le sculpteur Biardeau, par M. Béclard. 43 SIÈGE DE LA ROCHELLE en 1573, par M. E. Lachèse. ,.. 51. Norrica sur un Calice, par M. A. de Soland...,....... 62 Sur LE CHOLÉRA. — Physiologie, par M. S. Hossard.. 69 NÉCROLOGIE. — M. Henri Aubin de Nerbonne », par Cr, æ M. V.Pavie..........:..... Jégoetatoe ÉPÉPRAAURS HE DES SOUFFRANCES de a ne par M. Beraud.. 90 MARIE D'ANJOU, par M. A. de Soland........ END 111 QuATRIÈME REVUE. — Mars 1850, par M. Beraud..... 121 + ProcÈs-WERBAUX des Séances de la Société d’agricul- ture, sciences et arts. — 1849. Séance du 19 janvier... 135 Séance du 23 février ....,......:............... UT AS Séance du 7 mars..... ST Re pate ne lot LUN de et ee AU 146 Séance du 18 mai. SR SU SUN SEE OR AE Ce LA EPR AA 151 SÉangefdu 22 juin. SU 0 RARE AR 156 Séance du 17 août. ........ M PE ARRET 1139 Séance du 23 novembre. .... SR SE Ra RER LE : 169 Séance du jy décembre......................,....... 165 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. DEUXIÈME SÉRIE. 1 Volume. — 2e Livraison. ANGERS, IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE. —— 1850. @ © (169) REVUE DE MARS 1849. -—— 1— CABINET D'HISTOIRE NATURELLE D'ANGERS, SON ORIGINE ET SES PROGRÈS. Première partie se terminant à l’année 1838. re GO ereie— — Si, voulant se rendre compte des évolutions di- verses qui ont signalé la marche et les progrès des sciences naturelles, on parcourt leur histoire, l’on voit apparaître, de loin en loin d’abord, puis à des inter- valles de plus en plus rapprochés, de hautes intelli- gences qui, après avoir eu la prétention de découvrir, ‘par la seule puissance de la pensée, les lois sous lesquelles se meut la force mystérieuse qui organise la matière, en sont venues à reconnaître ce qu'il y a de vain et de présomptueux dans une telle tentative, et ont ramené leurs études vers l'observation des êtres et des faits physiques. Quoi de plus logique , en effet, que de penser à pénétrer dans la connaissance des causes par l'examen de leurs résultats? Quoi de plus ra- tionnel que de chercher à bien préciser la valeur des caractères qui constituent les entités spécifiques, dans 12 ( 170 }) l'espoir de remonter ensuite jusqu'aux lois qui régis- sent l’organisation plastique des êtres ? Bien que circonscrites à ce rôle investigateur et ra- menées ainsi vers un but plus positif et mieux déter- miné, ces études n’en demeurèrent pas moins long- temps stationnaires, sans principes ni corps de doctrine qui leur fussent propres , et leur horizon était encore si borné , il y a un siècle à peine, qu’il ne permettait guère d’entrevoir que les premiers linéaments des mé- thodes de classification qui, depuis , ont été adoptées. C’est que ces méthodes ne consistent pas, ainsi que des esprits superficiels le voudraient dire, dans des distributions empiriques et arbitraires des êtres , par- tant stériles au point de vue philosophique , mais que toutes , quelle que puisse être leur véritable valeur, reposent sur l'importance relative, sur la prédomi- nance que l'observation a crureconnaître à certains ordres d'organes , à certaines fonctions vitales, et im- pliquent conséquemment une étude comparative et approfondie de l'organisme et de ses phénomènes. - Ce fut un obstacle tout matériel, mais des plus puissants, qui entrava si longtemps ces études et en retarda là marche en rendant à peu près impossible la généralisation des idées qui ne peut naître que du rap- prochement d’un nombre suffisant de faits, et cet obstacle n’était autre que l'ignorance des moyens de conserver les objets d'histoire naturelle, ceux sur- tout appartenant au règne animal, afin de les avoir constamment à portée pour les examiner sous tous les aspects et en saisir les caractères différentiels où les affinités. Si, dans ces derniers temps, si surtout à partir de (12) la fin du dernier siècle, les études qui embrassent les phénomènes de la nature ont pu s'élever à la hauteur d’une science, il faut, sans aucun doute, l’attribuer au développement prodigieux qu'ont pris les collec- tions scientifiques. La botanique, par exemple , a eu ses jardins , ses serres, ses herbiers, etc. ; la zoologie, ses préparations d'anatomie comparée, l’art de la taxidermie, les collections paléontologiques, et au- tres, tant privées que publiques, qui ont surgi de toutes parts, et sont venues suppléer à tout ce que l'étude sur place a de précaire et d’incomplet enfin tout ce qui constitue ce qu’on est convenu d'appeler le Cabinet d'histoire naturelle. I est permis de croire que , sans ces secours matériels tout modernes, sans ces moyens d'étude permanents, multipliés et com- paratifs, les Buffon, les Jussieu, les Adanson, les La- marck, les Cuvier, les Latreille , les Lacepède, n’eus- sent pu jamais ni analyser, ni scruter les détails infinis de l’immense ensemble du règne organique, pour ensuite, par une synthèse quasi-divine, élever le vaste édifice de cette méthode naturelle appliquée à tous les êtres vivants, qui demeurera à jamais l’une des plus grandes gloires scientifiques de la France. Si nous cherchons quelle fut, dans les départe- ments, l'origine des musées d'histoire naturelle, nous la trouvons, pour les plus anciens, contemporaine des écoles centrales créées sous le Directoire. Ce furent ces nouveaux centres d'enseignement, avec leurs chaires spéciales pour les sciences physiques, qui imprimèrent à l'étude de l'histoirenaturelle cette large impulsion qui ne put s’éteindre lorsque l'Université, reparaissant sous l'Empire, avec ses antipathies, ses (173 ) vieux préjugés et son amour exclusif des lettres grec- ques el romaines, ne lui laissa plus qu’une place insignifiante dans son programme. Au moment où ; pour la première fois , les sciences naturelles allaient être professées dans les départements, on voulut, pour en assurer les progrès et en répandre le goût, que des Cabinets d'histoire naturelle fussent créés dans chaque chef-lieu où se trouvait une école centrale. Telle est l’origine du Cabinet d'histoire naturelle d'Angers. M. Renou, que la révolution de 89 avait trouvé ‘in- génieur des mines et directeur de la houillère de Mont- jean, fut nommé professeur d'histoire naturelle à l’école centrale d'Angers. Il possédait des notions gé- nérales sur la science , mais il s'était adonné plus spé- cialement à la minéralogie. Il fit don à la ville de la ma- jeure partie de ses collections; ce qui forma, avec quel- ques objets, polypiers pierreux, grands sauriens, pois- sons osseux , gros mollusques , recueillis çà et là dans les maisons religieuses, lepremier fonds du Cabinet, as- semblage bien incomplet du reste et bien insuffisant. Notre Cabinet ne mérita ce nom et ne fut réellement . constitué que lorsque Larevellière-Lépeaux voulut nous laisser cette nouvelle preuve de l'amour qu'il portait à sa ville natale. La sollicitude généreuse de cette haute intelligence , s'étendant indistinctement à tous nos établissements scientifiques et artistiques , appela à Paris en même temps que le bibliothécaire dom Braud et le professeur de dessin Marchand, le pro- fesseur d'histoire naturelle, et, sur ses ordres impéra- tifs, toutes les réserves des musées leur furent libérale- ment ouvertes. Ce n’est pas ici le lieu d'examiner ( 125 ) quelles richesses notre bibliothèque, et surtout notre musée de peinture, virent s'ajouter à celles qu'ils avaient déjà pu conquérir à divers titres; nous ne voulons traiter ici que du Cabinet d’histoirenaturelle. M. Renou, sous les auspices d’un si puissant et si bien- veillant patronage, s’attacha surtout à rassembler, pour son musée , des suites d’objeis qui pussent y re- présenter toutes les grandes divisions des êtres telles qu'on les concevait alors. Chaque sérieétait loin d’être nombreuse, mais au moins les familles principales y figuraient, et cet ensemble suffisait à l’enseigne- ment. C’est par suite des choix faits dans les dou- bles du Cabinet de Paris, que le nôtre vintà posséder un zèbre, un axis, deux panthères, un margay, un fourmilier, un castor, des tatous, un pangolin et la majeure partie des singes qu'on y voit encore. Renou rapporta en outre un nombre considérable pour cette époque d'oiseaux exotiques , les uns empaillés, le plus grand nombre en peau; les meilleures espèces de la collection de coquilles , notamment le marteau ordi- naire , la cythérée (concha Veneris), etc., espèces qui alors étaient considérées comme précieuses et fort chères; dans les minéraux, les fers natifs de l'île d'Elbe, les cuivres de Chézy, des mines d’or et d’ar- gent, de beaux groupes de cristal de roche, etc. Les animaux furent montés par le sieur Guilloteau et par un-peintre en bâtiments nommé Cottin, qui avait été employé dans le Cabinet de l'abbé Mauduyt, ‘dont le nom est souvent cité pour les oiseaux exo- tiques par Buffon. Tout le temps que Cottin fut atta- ché à l'établissement , c’est-à-dire tant que dura l’école centrale, lacollection s’augmenta d’un certain nombre (174) d'oiseaux indigènes choisis à peu près exclusivement parmi les échassiers , les palmipèdes:et les rapaces. On se ferait difficilement une idée de l'importance que pouvait avoir alors notre Musée, si l’on croyait pouvoir l’apprécier d’après l’état où nous l'avons vu depuis , même avant les développements qu'ont reçus certaines collections dans ces dernières années. Le local qui était originairement affecté à cet éta- blissement lui suffit longtemps, et il ne comprenait cependant alors que la seconde des deux salles qui le composent actuellement, salle qui est devenue trop pétite désormais pour contenir les seuls animaux ver- tébrés. Dix des grandes armoires que nous y voyons pouvaient renfermer alors toutes les collections. Les quatre grandes niches de droite n'étaientpas vitrées et les petites armoires des deux extrémités de la salle n’existaient pas. Seulement on voyait, au milieu de la salle, des tables qui supportaient quelques caisses vitrées où se trouvaient des arbres artificiels sur les- quels étaient groupés des oiseaux exotiques de petite taille , grimpercaux , colibris, oiseaux mouches , tan- garas , etc. Toutefois, si restreintes que fussent encore ses pro- portions, cet établissement avait, pour l’époque, une grande importance relative et un grand intérêt de cu- riosité, qui lui avait valu une sorte de célébrité et le faisaitplacer aupremier rang des institutions analogues qu'offraient les autres départements. Mais aussitôt que les lycées eurent remplacé les écoles centrales, il fut atteint dans ses progrès de la manière la plus fâcheuse et fut , sinon frappé de mort, au moins d’une immobilité complète. Sa direction était passée dans (175) les attributions du directeur du Jardin botanique, et le docteur Bâtard, absorbé par les soins incessants qu'exigeait cet établissement, et les travaux d'étude et d'exploration qui devaient préparer, puis compléter plus tard son Essai sur la flore de Maine et Loire , aban- donna entièrement la surveillance du Cabinet à l’aide- naturaliste Guilloteau , qui y apporta une indifférence et une négligence si grandes, qu’en 1819, lorsque M. Desvaux en pritla direction en même temps que celle du Jardin botanique , le Musée se fût exactement retrouvé, quant aux espèces, au même état où l'avait laissé M. Renou, si ce n’eussent été les vides que le temps avait déjà occasionnés dans la collection ornithologique et que n’avait pas comblés l'entrée de quelques individus indigènes, montés d’une façon plus ou moins malheureuse. M. Desvaux avait là un vaste champ ouvert à son activité, et ne tarda pas à prendre au sérieux cette partie des fonctions qu'il tenait de la ville. Il imprima à la direction du Cabinet une impulsion forte et intel- ligente qui rappela parfois les efforts heureux du fon- dateur. Sa sollicitude s’étendit d'une manière à peu près égale aux divers ordres de collections qui prirent successivement une extension considérable. On con- goit qu'il nous serait d’ailleurs impossible de présenter l’historique du développement graduel des collections, et il suffira sans doute de constater les résultats obte- aus quand vint le moment où M. Desvaux résigna ses fonctions de directeur , en 1838. Le changement le plus saillant opéré dans la distri- bution des salles, et qui nous frappera tout d’abord, c’est la création d’une grande salle d'entrée, qui vint (176) à elle seule plus que doubler l'étendue du local. Elle fut formée par la suppression des cloisons qui la divi- saient en divers appartements où étaient conservés les échantillons destinés spécialement au cours d’his- toire naturelle ; maïs traversons rapidement cette pre- mière salle pour y revenir plus tard, et ne nous occu- pons d’abord que de la deuxième, qui fut longtemps le seul et unique emplacement ouvert au public. Les augmentations particulières que recut celle-ci consistent dans le vitrage des quatre grandes niches de droite, pour y placer les grands oiseaux de rivage et les palmipèdes. Quatre autres armoires vitrées peu profondes furent placées une de chaque côté de la porte d'entrée , et les autres aux deux côtés des glaces encadrées de colonnes et de pilastres qui terminent l'extrémité opposée à la.porte. Les deux armoires, ainsi établies aux côtés de la porte, furent garnies d'oiseaux exotiques de petite taille. Voici, au-reste, quelle était la répartition des animaux que contenait cette salle, telle qu’elle existait encore il y a un an à peine (en février 1848 ). Dans les cinq armoires de gauche, alternant avec les quatre fenêtres ouvertes sur le jardin, étaient dans toute la hauteur , rangés les mammifères de pe- tite et moyenne taille. Venaïitensuite la petite armoire de gauche du bout de la salle, qu’occupaient quelques rongeurs et les chéiroptères. La petite armoire! de droite, qui lui fait pendant, avait reçu quelques genres de passereaux., les merles, les martins, etc., puis , à partir de là, commençait la collection des oi- seaux de Maine et Loire , entremêlée de quelques es- pèces d'Europe étrangères au département. Trois (177) grandes niches qui avaient été vitrées reçurent les gallinacés, les grands échassiers et les gros palmi- pèdes. L’ornithologie européenne s’arrètait à la qua- trième armoire; la quatrième niche, la dernière ar- moire et celles des côtés de la porte d'entrée étaient occupées par les exotiques. Le centre de la salle, dont la solidité du plancher était fort équivoque, fut entouré d’une balustrade en bois plus que simple, au dedans de laquelle furent exposés à l’air libre les grands quadrupèdes et les cé- tacés. Un énorme phoque à trompe, récemment ac- quis en échange d’un meuble précieux , y prit place. Si ce n'eût été cet assemblage d'animaux hétérogènes, la plupart montés ou plutôt estropiés de la façon la plus grotesque, mélange bizarre de peaux à demi-dé- nudées et de membres tordus ou cassés, tout un grouillement de chats plus ou moins obèses et dégoü- tants, et en revanche un cerf, une gazelle d’une mai- greur et d’une longueur incroyables, tout cela gisant ainsi, dans un affreux pêle-mêle, sur un parquet gris de poussière, il n’y aurait eu sans doute que des éloges à donner à la disposition générale de cette galerie. On doit louer M. Desvaux des soins qu'il avait mis à compléter le plus possible l’ornithologie départe- mentale, qui comprenait la presque totalité des espèces signalées dans la Faune de M. Millet, entreprise dans laquelle il fut puissamment secondé par ce dernier, -en compagnie de qui il fit de fréquentes excursions dans les diverses parties du département. C’est grâce . à leurs communs efforts que l’on vit apparaître sur les tablettes certains becs-fins, petits échassiers et petits palmipèdes qui, jusque-là, avaient été négligés. (178 ) Je ne dois peut-être point ometire, en. faisant l'his- toire des accroissements de la collection ornitholo- gique, qu’au moment où elle passait sous la direction de M. Desvaux, je venais de donner à la ville près de cent individus montés et en parfaite conservation et que, peu d'années après , M. l’amiral d'Oysonville don- nait un pareil nombre d'espèces exotiques, outrès rares ou très belles. M. Renaud entra au Cabinet ,en qualité de sous-directeur , peu après que M. Desvaux en eut pris la direction , et fut chargé de préparer les animaux. Retournons maintenant à la salle d'entrée, que nous appellerons la grande salle, car si celle que nous ve- nons de visiter a 20 mètres de long sur 7 de large, celle-ci compte 25 mètres de long sur 8 de large, ce qui donne, pour le développement des deux salles placées à la suite l’une de l’autre, une longueur to- tale de 45 mètres, et présente un aspect d'autant plus imposant que les grandes glaces qui garnissent le fond de la seconde salle, du parquet au plafond, semblent en doubler l’étendue. Cette grande salle a été particulièrement consacrée au règne inorganique, mais néanmoins on y a‘fait rentrer lesclasses inférieures du règne animal, àsavoir: les reptiles, poissons, insectes, mollusques et :z00- phytes. La suppression d’un premier plancher a donné à l'étage une élévation proportionnée à sa grandeur, et fait qu’elle se trouve éclairée par une rangée de fe- nêtres qui règne au-dessus de l’entablement des ar- moires, indépendamment de six autres fenêires à hauteur d'appui. C’est un superbe vaisseau, mais on ne peut trop regretter que, par une économie mal ( 479 ) entendue , on ait laissé subsister un carrelage dont il s'élève une poussière préjudiciable aux collections, et que l’on n’ait pas caché sous un plancher les soliveset les poutres irrégulières de son plafond qui laissent pleuvoir sans cesse des parcelles de badigeon dont ila été blanchi. Mais si cette salle réclame des réparations indispensables pour lui donner un aspect plus mo- numental, elle n’est pas moins digne d'arrêter le savant qui vient la visiter. C’est là même, on peut le dire , la partie du Musée où M. Desvaux a laissé les ixaces les plus sensibles de son passage et celles qui lui mériteront toujours la reconnaissance desnaturalistes. L'une de ces collections , ia minéralogie départemen- tale, peut même être regardée comme une création qui lui est entièrement propre. Si mes allures de cicérone ne vous semblent pas trop présomptueuses, je vous inviterai donc, Mes- sieurs, à vous joindre à moi pour parcourir cette salle en jetant un coup-d’œil rapide sur les richesses qu’elle renferme. Nous remarquons d’abord qu'elle est entièrement garnie dans son pourtour de grandes armoires vitrées à deux battants, dontlacontinuitén’est interrompue du côté nord que par la porte d'entrée. Je ne vous explique- rai pas comment il s’est fait que l’ancien architecte- voyer, lorsqu'il avait sous les yeux la menuiserie aussi légère qu'élégante de l’ancienne salle, ait surchargé celle-ci de darges et lourds pilastres qui ont perdu un espace précieux , je ne veux que vous signaler ce que contiennent ces armoires, qui sont au nombre de 24. Ellessontencore,àquelquesexceptionsprès, quantaux objets qu'elles renferment, dans l’état où M. Desvaux ( 480 ) les, a laissées. Nous pénétrons dans cette galerie après avoir franchi la dernière marche de l'escalier spiral du logis Barrault, à l’endroit où son axe s’épanouit en une gerbe légère denervures prismatiques que connaissent tous nos antiquaires. : Entrés ici, nous avons sur la même ligne, à droite, 8 armoires, à gauche, 4 ar- moires , et de plus une plus vaste, faisant retour vers la croisée du bout : c’est dans tous ces meubles que se trouve classée la minéralogie générale, au nombre de 3,400 échantillons. Tous les genres à peu près, toutes les espèces minérales remarquables, y sont re- présentés par des échantillons, la plupart très beaux ; et toujours suffisants. On y remarque de belles suites du cuivre, du fer, et des autres métaux, des cristaux, des divers composés de la chaux, et une collection des plus nombreuses des roches simples et eom- posées. Parmi les curiosités qui s’y rencontrent se trouveune des pierres météoriques tombées ensi grand nombre à Laigle, le 26 avril 1803, et l’une des aérolithes tom- bées à Angers le 3 juin 1822 à 8 heures du soir. Cette dérnière est remarquable par son volume qui excède là grosseur du poing et par l'écorce noire qui la re- couvre ; il est d'autant plus singulier que cet enduit d’un noir foncé et luisant, épais d’un à deux milli- mètres , en recouvre ainsi toute la surface, qu’il de- vient évident , par l'examen de sa forme, qu’elle n’est qu'unfragment d'une masse sphéroïdale qui, àenjuger par le peu de convexité que forme la courbe de son côté lisse, devait être très volumineuse. Ne pourrait-on in- férer de là, que l’aérolithe dut éclater à une immense. élévation dans l'atmosphère, puisqu'il a fallu que (181) cette croûte se formât après sa rupture et dans le temps qui s'est écoulé pendant le trajet si rapide de ce fragment vers la terre. On. se rappelle, du-reste, que d’autres fragmenis de moindre dimension furent recueillis dans les lieux environnants. J'ai cru devoir consigner ici ces observations que je ne crois pas sans intérêt. :* Au lieu de disposer les échantillons sur des gradins en retraite vers les fonds d’armoire , ils ont été placés sur. d'étroites tablettes superposées et rapprochées du vitrage . Ils sont fixés sur des socles en bois noir, vernis, au devant desquels sont des étiquettes très lisibles et uniformes. C’est un fort bel ensemble. Nous verrons plus tard que c’est M. Boreau qui a fait pro- céder à l'étiquetage actuel. Après avoir visité celles des armoires de la minéra- logie générale qui sont à gauche de la porte d'entrée , nous passons devant la fenêtre du bout, non sans avoir remarqué dans son embrasure un nautile colos- salet des blocs de grès du département chargés d’em- preintes de feuilles et de tiges de plantes dicotyledones et monocotyledones, d’une si admirable pureté qu'on peut suivre les traces des fibres les plus délicates : l’as- pect de cette végétation rappelle plus particulièrement celle de la Nouvelle-Hollande. On y distingue des feuilles analogues , si elles ne sont pas‘identiques , à celles de certaines mimeuses, des Banksia, du lau- rus sassafras, etc. L'armoire qui suit est consacrée à certains fossiles. On y voit des calymènes et ogygies de nos ardoisières, des ossements de notre molasse coquillère, etc. C’est dans ce meuble que sont des échantillons des pois- ( 182 ) sons pétrifiés du Monte-Bolca auxquels se rattache un souvenir historique. Bonaparte, général de l’armée d'Italie , avait acquis un cabinet d'histoire naturelle de Vérone et avait fait hommage de ces beaux échan- üllons au Directoire. C’est donc encore à Larévellière- Lépeaux que nous les devons. Nous passerons sans nous arrêter devant l'armoire suivante qui renferme des préparations anatomiques et des fœtus humains monstrueux qui seraient tous bien mieux placés à l'Ecole de médecine, et qu’on ferait mieux de remplacer par la collection très nom- breuse des ossements fossiles de mammifères , de la caverne du calcaire marbre de Chaudefonds, collec- tion d'autant plus intéressante , que cctte caverne est la seule qui jusqu'ici ait élé découverte dans notre département. Nous arrivons alors devant deux vastes armoires remplies de polypiers qui offrent une assez grande quantité de genres et d'espèces, parmi lesquelles on remarque quelques beaux échantillons , mais il faut le dire, tous plus ou moins gâtés par la poussière. C'est à partir de là que commence la minéralogie dé- partementale qui occupe cinq armoires, alternant avec les fenêtres basses. Elle aété classée par M. Des- vaux, d’après un système dont il a fait l'exposition dans les mémoires de la Société d'Agriculture d’An- gers. On regrette qne l’on n'ait pas mentionné sur les étiquettes les lieux de gisement. Ces annotations ser- vent tout à la fois de direction pour les recherches et de moyen de vérification. On doit aussi faire remar- quer que généralement les échantillons sont, surtout pour les roches, trop peu volumineux. Mais à part ces (183) observations, les personnes qui s’attachent à connaître surtout la constitution minéralogique du pays qu’elles habitent, doivent savoir un gré infini à M. Desvaux d’avoir ainsi disposé une minéralogie départementale. Le nombre des échantillons s'élève à 1,102. ‘Arrivés à l'extrémité de la galerie qui touche à la galerie zoologique, nous trouvons encore deux ar- moires, l'une à gauche de la porte de communication des deux salles renfermait une suite géologique du bassin parisien, avec des copies en relicf de certains mammifères du plâtre de Montmartre, données par le Musée de Paris , et une collection des empreintes de fougères de nos houillères, troncs de palmier, etc., Celle de droite contenait des reptiles chéloniens et serpents exotiques, une collection très incomplète des reptiles d'Anjou, eten revanche une collection fort intéressante de poissons de la Méditerranée, don d’un Angevin, M. de Joannis, alors officier de la ma- rine de l'Etat. Après avoir ainsi achevé de parcourir le périmètre de la salle, si nous revenons au milieu, nous le trou- vons occupé par un assemblage de meubles vitrés dans lesquels sont déposés : {° une collection de co- quilles fossiles d'origines diverses; 2° une petite col- lection de fossiles de Grignon, donnée par Mr: Ranté, née Menière, et déterminée sur la collection de M. Defrance, le Nestor de la Paléontologie; 3° une collection générale des mollusques vivants. On re- marque parmi les fossiles une assez belle suite d’our- sins, mais sauf les espèces de Grignon, les fossiles ne sont pas nommés, ne contiennent pas d’indica- tion de localité et ne sont même pas convenablement (184) classés par genres. Les mollusques vivants ne se pré- sentent pas non plus d’une manière digne de figurer avec le reste de la galerie. La collection est bornée aux vieilles espèces devenues la plupart des plus vul- gaires, et qui ne sont le plus souvent représentées que par des individus incomplets. La négligence que l’on a mise à couvrir les meubles vitrés qui les renferment, pour les soustraire à l’action de la lumière, a altéré leurs couleurs et a rendu certaines espèces presque méconnaissables. La détermination fourmille d’ail- leurs d'erreurs souvent grossières. Je ne parle pas des débris d’'unecollection d'insectes, ceci est par trop misérable; mais je ne dois pas omettre que les murailles au-dessus des armoires ont été garnies d’un triple rang de grands saurienset de serpents exotiques, de poissons osseux, de requins, etc., qu'on fut forcé d'y reléguer par le manque d’es- pace. Telle était la disposition générale de notre Musée d'histoire naturelle à la fin de la seconde phase de son existence, et lorsque M.Boreau en prit la direction en 1838. Nous nous arrêterons ici pour examiner dansune revue subséquente les changements qui y ontété in- troduits depuis et dont le principal, sans doute, con- siste dans le renouvellement à peu près intégral des collections ornithologiques et dans une épuration, devenue nécessaire, de la cellection mammalogique. Ce sera pour nous une occasion d'appeler votre atten- tion sur d'autres améliorations, soit scientifiques, soit purement matérielles , que nous devons désirer voir s’introduire dans le reste des collections; nous essaierons même à cet égard, de bien préciser nos (185) vœux, afin que s'ils obtenaient votre assentiment, ils pussent plus tard être présentés à l'examen de la commission instituée près du Musée et dont j'ai l’hon- neur de faire partie. 13 (186) REVUE SCIENTIFIQUE N° 6, LUE À LA SÉANCE DU 16 AOUT 1850. Suite de la Notice sur le Cabinet d'Histoire naturelle d'Angers. — 20-000 e— La première partie de la notice sur le Cabinet d’his- toire naturelle de la ville d'Angers, que j'ai lue à la So- ciété, s'arrête à l’année 1838, époque où cet établis- sement passa comme annexe sous la direction de M. Boreau, qui succédait à M. Desvaux dans la place de directeur du Jardin Botanique. M. Boreau, ainsi que nous l’avons vu en parcourant l'histoire de ce jardin, eut d'immenses choses à exé- cuter, des améliorations de toute espèce à introduire, et cependant par un excès de zèle que peuvent seuls expliquer un ardent amour pour la science et la reli- gion du devoir, il put donner encore à la surveillance du Cabinet des soins qui font honneur à son initiative et à son savoir. Nous avons déjà parlé de la collection de la miné- ralogie générale, dont la classification n'était pas celle adoptée dans les autres établissements publics ; M. Boreau lui substitua celle de Beudant. Ce fut toute une étude de synonymie qui prit souvent sur les veil- les du directeur et amena un remaniement radical des échantillons ; travail long et important, puisqu'il (87) ne S’agissait pas moins que de fixer d’une manière définitive la détermination de plus de 3,400 échaniil- lons, de les classer à nouveau, sans qu'aucun dût res- ter placé tel qu'il l’avait été originairement, et qui entraîna une refonte radicale des étiquettes. Mainte- nant, sous tous les rapports : précision dans la déter- mination scientifique , ordre , exquise propreté, élé- gance même dans l'étiquetage, cette vaste collection ne laïsse plus rien à désirer. Les collections zoologiques taxidermiques sont res- tées plus longtemps stationnaires; car pour celles-ci, il ne suffit pas de la science et du bon vouloir d’un directeur , il faut qu'en outre il soit secondé par un naturaliste préparateur, qui aime son art, joigne à l'esprit d'observation le talent du-copiste et l'adresse de la main , et ait, par dessus tout cela, la vigilance toujours active qui peut seule assurer la conservation des animaux en conjurant les ravages des insectes destructeurs, qualité inappréciable et bien peu com- mune, ce qui faisait dire à Mouton-Fontenille, que si en histoire naturelle les collecteurs sont nombreux, les conservateurs sont rares. L'aide naturaliste que le nouveau directeur trouva attaché au cabinet ne remplissait malheureusement aucune de ces conditions. Le zèle, l’activité dont il avait fait preuve au début , s’éteignaient chaque jour de plus en plus, et les collections s’en ressentirent pro- fondément. Vainement M. Boreau avait-il acquis et fait entrer au Musée une collection de plus de cent oiseaux du département , montés avec soin et intelli- gence par un amateur de Saumur, quelques années s'étaient à peine écoulées que, par leur contact avec (188). les individus gâtés de l’ancien fond, elle se trouvait presque complétement perdue. Les choses en étaient là, en 1847, lorsque M. Raoul de Baracé, amateur ornithologiste, et membre de notre Société, et M. Deloche, artiste préparateur, of- frirent simultanément leurs belles collections d’oi- seaux d'Europe à la ville, avec cette condition qu'elles resteraient exclusivement confiées à la surveillance de M. Deloche. Un autre amateur, notre confrère, M. Millet, joignit à ces premiers dons, celui de sa collection particulière qui renfermait plusieurs es- pèces rares, tant européennes qu'exotiques. Ce qui rendait surtout précieuse l’acquisition de ces collec- tions, c’est que, si elles différaient entre elles d’impor- tance quant au nombre des sujets, celle de M. Delo- che l’emportant sous ce rapport de beaucoup sur les deux autres réunies, elles étaient toutes remarqua- bles par la grande fraîcheur des sujets, leur bonne conservation et leur préparation irréprochable au point de vue artistique; ce qui fait que, pour les es- pèces d'Europe, il n'existe pas peut-être en France, une suite qui puisse rivaliser avec la nôtre. Des difficultés administratives de diverses sortes reculèrent jusqu’en 1849 l'entrée au Musée des collec- tions nouvelles, et jusqu’à la fin de la même année, la nomination de M. Deloche en remplacement de M. Renaud qui était décédé. Ce fut au moment où l’on eut placé en regard les collections nouvelles avec l’ancienne, qu'on reconnut tout ce qu'il y avait à réformer parmi ces dernières. Le résultat fut tel qu’on ne put guère conserver qu’une trentaine d'individus, et encore ne dut-on les admettre ( 189) qu'après avoir été épurés, réparés et remamiés de manière à ne pas présenter de disparate trop cho- quante avec les nouveaux venus. L'on trouvera à la fin de cette notice le catalogue complet des espèces européennes du cabinet. Mais je ne puis m'empêcher de signaler d’une façon spéciale, parmi les suites qu'il possède, l’étonnante série de variétés du bécasseau combattant (tringa pugnax) en plumage de prin- temps, toutes très tranchées de couleurs et compre- nant près de cinquante individus , dont il n’en est pas deux qui soient identiques : assemblage admirable et tel, qu’au dire de tous les connaisseurs, aucun cabi- net public en Europe n’en possède de semblable. Au Musée de Paris, ce genre est représenté par cinq individus, dont un ou deux à peine mériteraient de fi- gurer près des nôtres. Disons même que pour les autres espèces européennes des deux établissements , le cabinet d'Angers l'emporte généralement par le choix et la fraîcheur des sujets, ainsi que par la variété et l'élégance de la pose. Il est surtout une addition à la collection ornitho- logique qui, quand elle sera terminée, lui donnera un intérêt qu'on chercherait vainement dans aucun autre. On veut que chaque espèce indigène y soit, autant que faire se pourra, représentée non pas seu- lement comme partout ailleurs, par le mâle et la fe- melle adultes, mais encore par les œufs, les petits, en du- vet et les livrées diverses du jeune âge. On prévoit assez tout ce qu'une collection ainsi complétée aura de curieux et d’instructif. M. Deloche a déjà commencé à exécuter ce projet, etle public s'arrête avec surprise et admiration devant ses petites couvées de perdreaux, (190 ) de cailles, de canetons, etc. ; de sternes, de foulques, de gallinules, de vanneaux, éperviers, chouettes, etc. Déjà ce rapprochement des divers états de quelques espèces m'a donné occasion de faire une observation que je crois devoir consigner ici : c’est que si, dans certains oiseaux, l’on ne trouve nulle analogie entre la coloration et le genre de maeulation de l'œuf et celle du plumage des adultes, ces rapports existent d’une manière frappante entre l’œuf et les jeunes en duvet. Ainsi, prenons pour exemple deux oiseaux d'ordres différents, dont les adultes n’ont même entre eux au- cune analogie de forme ni de plumage, le vanneau huppé et le sterne épouvantail. Ils présentent dans les petits en duvet une similitude si complète qu'il est impossible de les distinguer alors, à moins de recourir à l'examen des tarses, tous deux en duvet étant d’un jaunâtre verdâtre, chargés de macules noires dispo- sées d’une façon symétrique analogue. Eh bien! les œufs de ces deux espèces, s'ils diffèrent de grosseur, sont de la même couleur jaune verdâtre , et chargés de macules noires disposées aussi d’une manière sem- blable. L’analogie pour chaque espèce entre l'œuf et le petit en duvet est la même : il semble que la. colo- ration de l’un s’explique par celle de l’autre. J'espère étendre plus tard l'examen de ces curieux rapports de coloration entre l'œuf et le petit en duvet aux autres espèces du pays : j'ai déjà rassemblé un certain nombre d'observations sur ce sujet. Aussitôt qu'elles seront assez multipliées pour que lon en puisse induire quelques lois générales, je m'empres- serai de vous les soumettre. Depuis que M. Deloche est au cabinet. ik a préparé (191) plusieurs bonnes espèces. Je citerai plus particulière- ment l'aigle leucocephale qui a vécu pendant 20 ans au Jardin des Plantes, un vautour Arrian, plusieurs faisans, un cormoran femelle, divers échassiers , une grue cendrée, un crabier, etc.; un jeune axis, plusieurs singes, un coati, un raton laveur, etc. tous animaux qui ont été montés sur le frais. Ces nouveaux arrivés, plus de cent peaux qui atten- dent dans les tiroirs, les promesses des amateurs émerveillés de l'accroissement qu'ont pris les collec- tions, ont démontré que la seconde salle toute entière suffirait à peine à contenir l'ornithologie. M. Boreau s’est donc décidé à en exclure les mammifères qui oc- cupaient six armoires des dix-huit de cette salle. Il a fait construire à cet effet dans la première salle deux armoires , et en retirant les fossiles et les reptiles de celles des côtés de la porte de communication des deux salles, il a eu quatre vastes armoires disponibles pour recevoir les quadrupèdes de petite et moyenne taille. M. Boreau avait fait en même temps débarrasser le milieu de la salle de zoologie de ce ramassis de qua- drupèdes qui l’encombraient , et dont nous avons eu occasion de vous parler plus haut. Un choix a été fait parmi ceux qui n'étaient pas entièrement gâtés, et après qu’on les a eu purifiés, on les a placés sur la frise des armoires de la grande salle, de manière à servir à sa décoration, s'ils ne peuvent plus être em- ployés utilement pour l'étude. Tel était l'état du cabinet il y a un mois à peine. Tout ce qu'il renfermaït était brossé, lissé, peigné, brillant d'ordre et de propreté , lorsque l’administra- (192 ) tion municipale, dans une sollicitude qu’on ne peut trop apprécier, a cru devoir faire visiter le plancher de la seconde salle dont la solidité était depuis long- temps suspecte. Le parquet levé, l’on a pu recon- naître que toutes les poutres étaient ou brisées ou fa- tiguées à tel point, que l’on a peine à concevoir com- ment le plancher ne s’est pas affaissé sous les pieds des visiteurs qui depuis plusieurs mois y affluent et deviennent de plus en plus nombreux. On frémit à la pensée de l’effroyable catastrophe qui eût précipité de plus de 10 mètres de hauteur sur des dalles de pierres, cette foule composée en grande partie de nos concitoyens , et des ravages que cette avalanche hu- maine eût faits dans la galerie des grands tableaux d'histoire placée sous le cabinet. Ajoutons que si à l’époque de la Fête-Dieu dernière, notre ville n’a pas eu ainsi un jour néfaste à ajouter à la suite du dé- sastre de la Basse-Chaîne, onle doit surtout à l’éner- gie et à la force physique avec lesquelles M. Deloche a lutté pendant plus de trois heures contre le flot compact de curieux qui se ruait sans relâche pour envahir la seconde salle, où, grâce à des efforts inouïs, il parvint à ne pas admettre plus de 50 à 60 personnes à la fois. Inutile est de dire qu’en ce moment toutes les ar- moires et la collection d'oiseaux sont enlevées. Comment va s’opérer cette réparation importante ? c’est une question, qu’en notre qualité de membre de la commission instituée par la Mairie près du cabinet, nous avons dû nous poser. On sait que cette salle n’est qu’une mansarde , dont les côtés sont revêtus d’un blanc-en-bourre, et que (193 ) par conséquent, à raison dejce mode de construction, la conservation des oiseaux se trouve dans les plus mauvaises conditions , l’intérieur des armoires étant accessible à l'humidité du dehors et à toutes les va- riations de la température extérieure. ‘On a dit que les poutres se trouvant engagées dans les fermes et les sablières de la mansarde, on trouvait des difficultés à leur en substituer de neuves, et qu'on pensait à placer au-dessous de chacune des anciennes une voussure ou arceau en charpente, portant à sa retombée sur des piliers saillants le long des murailles de la salle des grands tableaux. Nous avons peine à croire que ce projet, s’il a été conçu , soitaccepté par l'administration. Ses moindres inconvénients seraientd’exhausser encore leparquetde la salle d’ornithologie déjà élevé de six marches au- dessus de la première salle, et de gâter entièrement la salle des tableaux, en masquant par la saillie des ar- ceaux le jour des fenêtres et en rendant par la saillie des piliers de support la distribution des tableaux sur les murailles, très difficile et peu gracieuse. Nous croyons qu’il serait préférable de supprimer entièrement la mansarde et de lui substituer un ex- haussement du mur, ne füt-il qu'en parpain, de 4 mètres de hauteur. On aurait alors toute facilité pour établir un plancher à neuf, avec des poutres en- tièrement neuves qui formeraient, pour la salle des grands tableaux , un plafond plat divisé en plusieurs cartouches. Voici du reste les principaux avantages qu'on trou- verait : 1° Solidité plus assurée du plancher ; ( 194 ) 2 Economié de l'entretien et des grosses répara- tions de 400 mètres environ de toiture des côtés de la mansarde. supprimée ; 3° Moindre épaisseur du plancher, ce qui permet- trait de mettre de niveau, ou à peu près, les deux salles séparées maintenant par un escalier de:six marches ; 4° La suppression des quatre fenêtres qui donnent sur le jardin et n’éclairent suffisamment qu'un côté de la salle, pour les remplacer par des jours ménagés au-dessus des armoires, comme au cabinet de Paris, ce qui donnerait une lumière plus favorable et une augmentation de façade des armoires, de 8 mètres; >° Augmentation de la largeur de la salle par la substitution du mur à la mansarde, de deux mètres trente centimètres. 6° Facilité pour établir au milieu de la salle, quand le besoin se fera sentir, un meuble vitré large de 1 mètre et demi , qui alors ne jetterait pas d'ombre sur les armoires des côtés, et laisserait pour les visiteurs un espace libre, large de 3 mètres et demi au moins de chaque côté; 7° Certitude qu’ainsi restaurée, cette salle suffirait à tous les besoins à venir de la galerie ornithologique, avec les augmentations en meubles vitrés que lon vient d'indiquer, de telle sorte que l'augmentation de dépense qui pourrait résulter de ce mode de restau- ration, constituerait, avec le temps, une économie réelle. Souhaitons, Messieurs, que l'administration muni- cipale acccueille un projet qui aurait la plus heureuse influence sur l’avenir du cabinet. On ne peut guère (195) douter, du reste, que s’il recevait l'approbation d’une Société qui , comme la vôtre, compte dans son sein tous ceux de nos compatriotes qui portent un nom dans les sciences naturelles, et font, par leurs travaux, l'honneur de la cité angevine, il aurait une chance de plus de réussite. Le secrétaire-général de la Société d'Agriculture , Sciences et Arts d'Angers . T. C. BERAUD. Nota. — S'appuyant sur l'approbation que la Société d’agri- culture donna à ses idées sur la reconstruction de la salle d’Ornithologie , le secrétaire-général les soumit successivement à M. C. de la Tousche, maire d'Angers, et à M. Delestre, membre d'une commission ad hoc, nommée par le Conseil municipal. Accueillies favorablement par ces Messieurs, elles furent bientôt formulées en un projet qui fut présenté au Conseil municipal et adopté par lui, dans sa session de septembre dernier. — Les tra- vaux adjugés , dès la fin d'octobre, vont immédiatement com- mencer. 10 zovembre 1350. (196 ) CATALOGUE DES OISEAUX D'EUROPE du Cabinet d'Histoire naturelle d'Angers, DRESSÉ LE 1° AOUT 1850. Les Geures & Espèces sont ceux du Manuel de Temminck, 2° édition. Abbréviations : ©. Indique les espèces dont le Cabinet possède les œufs ; SÉD. Les oiseaux sédentaires en Anjou ; PASS. PÉR. Ceux de passage périodique n’y nichant pas ; PASS. PÉR. NICHANT. Ceux de passage qui y nichent ; PASS. ACCID. Ceux de passage accidentel. DS ———— N. des genr. N. des genr. 4. VAUTOUR Arrian ? Emérillon, pass, pér. Griffon. Cresserelle, o. séd. Chassefiente. Cresserellette. 2. CATHARTHE Alimoche. 3. GYPABTE Barbu. 2e Section. — Aigles. 4. FAUCON. Royal. re Section. — Faucons Bonelli. Proprement dits. Jeandle-Blanc , séd. Pèlerin, pass. pér. Balbuzard, pass. pér. Hobereau, pass, pér. ni- Pygargue, pass. accid. chant. Leucocéphale, 0. ( 197) N.desgenr. 3e Section. — Autours. N.desgenr. 6. CorBeau Noir, 0. séd. Corneille, o. séd. Ordinaire, sed. Epervier, 0. séd. | 4e Section. — Milans. Royal, 0. séd. Noir, pass. accid. 5e Section. — Elanion. Blac. 6e Section. — Buzes. Commune , 0. séd. Pattue , sed? Bondrée, pass. pér. ni- chant. 7° Section. — Buzards. Harpaye , 0. séd. Saint-Martin , pass. pér. Montaign, pass. pér. ni- chant. Noir. Blafard. 5. CHOUETTE Harfang. Nébuleuse. Hulotte, 0. séd. Effraye , 0. sed. Chevêche, o. séd. Brachyôte, o. pass. pér. Grand-Duc. « Moyen-Duc , séd. Petit-Duc, o.séd. 47. Mantelée, pass. pér. Freux, pass. pér. Choucas, pass. pér. . Pr Commune, o. séd. Buissonnière. Glandivore, 0. séd. CASsENOIX. Vulgaire. . PyrROcORAXx Choquard. Corocias. : JASEUR de Bohème. . ROLLIER vulgaire. . Lorior Vulgaire, o. pass. pér. nichant. . ÉTOURNEAU,, 0. séd. Unicolore. . Marmin Roselin, pass. accid. . PrE-GRIÈCHE Grise, 0. séd. A poitrine rose, 0. pass. pér. nichant. Rousse, 0. pass. pér. nichant. Ecorcheur, 0. pass. pér. nichant. . GOBEMOUCHE Gris, 0. pass. pér. nichant. A collier, pass. pér. Bec-figue. MERLE Draine, o. sed. Litorne, pass. pér. Grive, 0. séd. Mauvis, pass. pér. A plastron, o. pass. pér. nichant. Noir, o. séd. Erratique. De roche. Bleu. 18. CINELE Plongeur. (198 ) N. des genr. 49. BEC-FIN. 4re Section. Rousserolle , o. pass, pér. mchant. Rubigineux. Locustelle ,o. pass.pér. nichant. Phragmites , 0. pass. pér. nichant. Aquatique, o. passe pér. nichané. Effarvate, pass. pér.ni- chant. Verderolle, 0. pass. pér. nichant. Cisticole. 2e Section. Philomèle, 0. pass. pér. nichant. Orphée, o. pass. pér. nichant. À iête noire, O0. pass. pér. nichant. Mélanocéphale. Des jardins, 0. pass. pér. nichant. 8e Section. Grisette,, 0, pass. pér. nichant. Babillarde. Pitchou, séd? Passerinette. Subalpine, Rouge-Gorge, 0. séd. Gorge-Bleue , 0. pass. pér. nichant. N. des genr. Rouge-Queue , o. pass. pér. De murailles, 0. pass. pér.nichant. 4° Section. À poitrine jaune, 0. pass. pér. nichant. Siffleur, pass. pér. ni- chant. Fifis, o. pass. pér. ni- chant. Véloce, o. pass. pér nichant. Nattérer, o, pass. pér. nichant. 20. ROITELET ordinaire , pass. pér.. Triple - Bandeau , pass. pér: 21. TROGLODYTE Ordinaire , o. séd. 22. TRAQUET Rieur. Motteux, 0. pass. pér. nichant. Stapazin, pass. accid.? Oreillard, séd.? Tarier, o. pass. pér. nichant. Pâtre, o. pass. pér. nichant. 23. ACCENTEUR Pégot, pass. accid. Mouchet, 0. séd. 24. BERGERONNETTE Lugubre,pass pér. Griso, 0. pass. pér. ni- chant: Jaune, pass. pér. Citrine. Priatannière, 0. pass. pér. nichant. ( 199 ) N. des genr. Flavéole, pass. accid. 95. Prpr1 Richard, pass. accid. Spioncelle, 0. pass. pér. Obscur. Rousseline, pass. pér. nichant. Farlouse, o. sed. des Buissons, o. pass. pér. nichant. 96. ALOUETTE des Champs, 0. séd. Lulu, o. séd. Cochevis, 0. séd. Calandrelle,0.pass.pér. nichant. Isabelline? Calandre. 271. MÉSANGE Charbonnière, o. séd. petite Charbonnière,pass pér. Bleue, 0. séd. Huppée, séd. Nonette, 0, sed. à longue queue, 0. séd. Moustache, 0. pass. pér. nichant. Remiz. 98. BRUANT Jaune, 0. séd. Fou. Proyer, 0. pass: pér. nichant. de Roseaux, 0. pass. pér. nichant. des Marais ? Ortolan, 0. pass. pér. ni- chant. Zizi, 0. séd. de neige, pass. accid. 29. BEC-CROISÉ Perroquet. des pins, pass. accid. 30. BouvreuIL Pallas. Commun, 0.séd. N. des genr. 31. GROS-BEC. 4re Section. Vulgaire, séd. Verdier, o. séd. Soulcie, séd. Moineau, 0. séd. Friquet, o. sed. Serin, 0. Pinson, ©. séd. d’Ardennes, pass. per. Niverolles. 2e Section. Linotie, o. séd. Varin, pass. pér. Sizerin, pass. accid. Chardonneret, o. séd. 32. Coucou Gris, 0. pass. pér. nichant. Roux, 0. pass. pér. ni- chant. 33. Pic Noir. Vert, 0. séd. Cendré, séd. Epeiche, o. séd. Pic-mar, séd. Epeichette, 0. séd. Tridactyle. 34. TorcOL Ordinaire, o. pass. pér. nichant. 35. SITELLE Torchepot, 0. séd. 36, GRIMPEREAU Familier, 0. séd. 51. TicaopRoME Echelette , pass. pér. 38. Huppe Puput, 0. pass. pér. nichant. ( 200 ) N. des genr. 39. 40. 41. 41 45. A4. A5. 46. 41. 48. Guépier Vulgaire MARTIN-PÉCHEUR Pie. Alcÿon, .0.séd. HIRONDELLE de cheminée , o. pass. pér. nichant. De fenêtre, o.pass. per. nichant. De rivage, o. pass. pér. nichant. De rocher, pass. pér. . MARTINET à ventre blanc. De muraille, o. pass. pér. nichant. ENGOULEVENT Ordinaire, o. pass.)pér.nichant. A collier. PiGEoN Ramier, 0. séd. Colombin. Biset. Tourterelle, o. pass.pér. nichant. Dinnon Domestique, o. FalsAN Vulgaire, o. Doré, o. Argenté. d'Algérie. TÉTRAS Auerhan, 0. Birkhan. Gélinotte. Rouge. Ptarmigan. Des saules. OANGA Unibande. Cata: N. des genr. 49. FRANCOLIN dre Section. — Francolin proprement dit. à collier. 2e Section. — Perdrix. Bartavelle. Rouge, o. séd. Gambra. Grise, 0. séd. 3e Section. — Caïlles. Ordinaire , 0. pass. pér. nichant. 4e Section. — Colin. Colenicui, o. . TurNIx Tachydrôme. . GLARÉOLE à collier. . OUTARDE Barbue, pass. accid. Canepetière, o. pass. pér. nichant. Hubara (mâle et femelle). . COUREVITE Isabelle. . ŒpicNÈME Criard, o, pass. pér.nichant. . SANDERLING Variable. . EcHAssE à manteau noir, pass. accid. . HUITRIER Pie, 0. pass. accid. - PLUVIER Doré, pass. pér. Armé. Guignari. Grand à collier, o. pass. pér. nichant. Petit à collier, o. pass. pér. nichant. Collierinterrompu, pass. pére ( 201, N.desgenr. 59. VANNEAU Pluvier, pass. pér. Huppé, 0. séd. 60. ToURNEPIERRE à collier, pass. accid. 61. GRUE Cendrée, pass. pér. 62. Cicocne Maguari. 3 Blanche, pass. pér. Noire. 63. Héron Cendré, séd. Pourpré, pass. pér.ni- chant. Aigrette. Garzelte, pass. accid. Aigrette dorée. Vérany. Grand Putor, o. séd. Lentigineux. Crabier, pass. accid. Blongios, 0. pass. pér. nichant. 66. BIHOREAU à manteau noir, pass. accid. 65. FLAMMANT Rose, 0. 66. AVOCETTE à nuque noire, pass. pér. 68. Iris Falcinelle, pass. accid. 69. Couruis Cendré, pass. pér. Corlieu, pass. accid. A bec grêle. 10. Bécasseau Cocorli, pass. accid. Brunette, pass. pér. Violet. Temmia, pass. accid. nichant. Echasse, pass. pér. Canut, pass, accid. 71. COoMBATTANT Variable,o. pass. pér. 12. CHEVALLIER semi-palmé. Arlequin, pass. pér. Gambelte, 0. pass. pér. N. des genr. Cul-blanc, pass. pér. nichant. Sylvain. Guignette, pass. pér. nichant. Aboyeur, pass. accid. 13. BARGE Rousse, pass. accid. Queue-noire, pass. pér. De Meyer. 14. BÉCASSE, ire Section. — Bécasse. Ordinaire, 0. pass. pér. id.? Var.? 2e Section. — Bécassines. Double , 0. Ordinaire, 0. pass. pér. nichant. Sourdo, pass. per. ni- chant. 13. RALE-d'Eau vulgaire, 0. pass. pér. nichant. 14. Poure-D'EAu de genêt, o. pass. pér. nichant. Marouette, 0. pass. pér. nichant. Poussin, pass. pér. ni- chant. Baillon, pass. pér. ni- chant. Ordinaire, 0. séd. 17. THALÈVE Porphyrion. 18. FouLQuE Macroule, o. séd. 19. PHALAROPE hyperboré. 80. GRÈBE, 0. pass. pér. Jou-Gris, pass. accid. Cornu, pass. accid. 14 ( 202 ) N. des genr. N. des genr. Oreillard , pass. accid. Vulgaire, 0. pass. pér. Castagneux, 0. accid. Rieuse , pass. pér. 81. STERNE Tschegrava. Bernache, pass. accid. Gaugek. Cravant, pass. accid. Dougall, o. pass. accid. Du Canada. Pierre-Garin, 0. pass. 88. CYGNE à bec jaune, o. pass. pér. nichant. accid. Hansel. Tuberculé. Noddy. 89. CANARD Musqué (domestique). Leucoptère. Tadorne, pass. accid. Epouvantail, 0. pass. Sauvage, O. pass. pér. pér. nichant. nichant. Petite hirondelle de mer, Chipeau, pass. accid. 0. pass. pér. ni- Piet, pass. pér. chants. Siffleur, pass. pér. 82. MOUETTE Burgmeisire. Sponas. Doneutiepenne Sarcelle d'été, 0. pass. A as : pér. nichant. PE He Sarcelle d'hiver, pass. de : pér. : PL A Souchet, pass. per. j Eider. À pieds bleus ss. DE a A têle grise. Tridactyle, pass. pér. Double-macreuse, pass. A capuchon noir. accid. Rieuse, 0. pass. pér. Macreuse, pass. accid. Sabine Siflleur huppé, pass. , accid. Pygmée, pass. pér. 83. STERCORAIRE Cataracte. Pomarin, pass, accid. Milouinen, pass. accid. Milouin, pass. pér. Nyroca, pass. accid. Richardson. à 6 Morillon, pass. pér. Labbe. : 5 À collier. 84. PÉTREL Fulmar. : ; Garrot, pass. pér. 85. PurriN Cendré. À Mank De Miclon. FR Couronné. Dar 90. HARLE Grand, pass. accid. 86. THALASSIDRÔME de Leach, Huppé, pass. accid. pass. accid. É è À Piette, pass. accid. De Wilson. 7 à 91. PÉLICAN Blanc. Tempête, pass. accid. Le Frisé. 81. O1E Cendrée, pass. pér. ( 203 ) N. des genr. N. des genr. 92. Cormoran Grand, pass. pér. Catumarin, pass. accid. Nigadd. 95. GuiLLEMOT à capuchon. Largup. A miroir blanc. Pygmée. Nain. 93. Fou Blanc. 96. Macareux Glacial. 94. PLONGEON Imbrim, pass. Moine. accid. 97. PinGoiN Macroptère, o. Se —— OBSERVATIONS. 1° Toutes les espèces de ce Catalogue à la suite desquelles est indiqué l'habitation par les abréviations séd. et pass., constituent la faune de Maine et Loire, y étant été observées. Toutes les espèces indiquées dans l'ouvrage de M. Millet sur l’ornithologie de Maine et Loire, et quelques autres découvertes depuis, se trouvent dans la collection, sauf les quatre suivantes : AIGLE BOTTÉ, de passage périodique ; AIGLE CRIARD, de passage accidentel ; CORBEAU CHOUC, sédentaire ou de passage périodique ; FAUVETTE À VENTRE JAUNE, de passage périodri- que et nichant en Anjou. 2 Notre Cabinet ne possède pas les OEUFS des espèces suivantes de la faune d'Anjou : Espèces y nichant. Faucon hobereau. BECFIN affarvate. Prpr rousseline. autour pitte-chou. MÉSANGE huppée. bondré. siflleur. moustache moyen-duc. TRAQUET oreillard. GROSBEC commun. soulcie. Coucou roux. ( 204 ) Pic cendré. pic-mar. GALLINULE poussin. baillon. HÉRON cendré. Espèces qui n’y nichent pas. FAUCON pèlerin. noir. pygmée. émérillon. PLUVIER doré. STERCORAIRE pomarin. balbuzard. VANNEAU pluvier. THALASSIDROME de pygargue. TOURNEPIERRE à Col- Leach. milan noir. lier. tempête. buzard St-Mar- | GRUE cendrée. O1 cendrée. tin. CIGOGNE blanche. rieuse. CoRBEAU mantelé. HÉRON grezetie. bemache. GOBEMOUCHE à collier. crabier. cravant. MreLE litorne. SPATULE blanche. CanarD tadorne double mauvis, IB1s falcinelle. PL 2e RoITELET ordinaire. Cours cendré. EAU triple bandeau. | coriieu. pilet sifleur ACCENTEUR pégot. BÉCASSEAU cocorli. huppé. BERGERONNETTE lugu- brunette. siffleur miloui- bre. échasses. nan. jaune. canut. sarcelle d’hiver Pret Richard. CHEVALLIER arlequin. milouin. MÉSANGE petite-char- aboyeur. souchet nyroca. bonnière. BARGE rousse. morillon. BRUANT de neige. queue noire. larrot. BEGCroISÉ des sapins. | BécassiNE sourde. HARLE grand. GROS-BEC d'Ardennes. GRÊBE jougris. huppé. iarin. cornu. piette. sizerIm. oreillard. CORNORAN grand. Coucou roux. MouerTTe à manteau | PLONGEON imbrien. HIRONDELLE de rocher. noir. cat-morin. OUTARDE barbue. à pieds bleus. ECHASSE à manteau tridactyle. Ainsi, sur 136 espèces d'oiseaux qui nichent en Anjou, il nous manque seulement les œufs de 19 espèces. — Sur 98 espèces, tant de passage périodique qui n’y nichent pas que de passage accidentel, nous avons les œufs de 18 espèces. ( 205 ) 3° Le Cabinet possède tous les genres d'oiseaux d'Europe indiqués dans la seconde édition du Manuel de Temminck, sauf le genre Turdoïde qui figure dans le supplément seulement. 4 Les espèces européennes, décrites par Tem- minck, s'élèvent à 500 environ, sur lesquelles le Cabinet en possède 364. Dans les 136 qu'il n’a pas, plus des deux tiers sont plutôt propres à l’Asie et à l'Amérique boréale qu'à l'Europe, et n’ont trouvé place dans le Manuel que par suite de passages accidentels, bornés souvent à quelques individus isolés, ou dont les apparitions ne sont signalées que dans les contrées d'Europe les plus reculées vers l'Asie ou le Pôle arctique. be Les espèces européennes du Cabinet y sont représentées par environ 1200 individus en excellent état. Le Secrétaire-général de la Société , T.-C. BERAUD. ( 206 ) A M. DE FALLOUX, représentant du peuple , ANCIEN MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES. SENONNES Alexandre (Vicomte de ). Alexandre de la Mote-Baracé, vicomte de Senonnes, naquit au château de Senonnes, ancien Anjou, près de Pouancé, le 3 juillet 1781. Sa famille, noble et an- cienne , était originaire de Bretagne; mais elle s’éta- blit en Anjou au xrr° siècle. Cette maison compte , au nombre de ses illustra- tions, 1° Sichel de la Mote , lequel, en qualité de che- valier, avaitaccompagné Philippe-Auguste et Richard- Cœur-de-Lion à la croisade de 1190. On voit à Versailles son nom et ses armes. 20 Jéhan VIII, marquis de la Mote-Baracé et de Se- nonnes , qui fut nommé commandant de la noblesse d'Anjou et du Saumurois le 24 mai 1693, par l'assemblée de la noblesse des deux pays, convoquée et réunie pour le ban, à Angers (1). Son commandement dura de 1693 à 1695, inclusivement. (1) Le procès-verbal de cette honorable nomination a été remis au chef actuel de la famille de Senonnes, par M. Naintré, avoué à Angers. ( 207 j En divers romans historiques, il est fait mention de plusieurs membres de cette famille, qui eut de fort belles alliances, entr’autres avec la maison de Sales, par Pierre de la Mote, époux d’Adrienne, fille du marquis de Sales ct nièce de saint François, évèque de Genêve. Un René de la Mote fut écuyer de la célèbre reine de Navarre, Marguerite de Valois, sœur de Fran- çois Ler. Au xvie siècle, cette famille paraît avoir penché, au moins politiquement, du côté de la réforme. Mes- sire Jean V de la Mote, seigneur de Senonnes , d’Au- bigné, etc., entra dans la conspiration d’Amboise et tenta même contre cette ville un assaut qui ne laissa pas que d’inquiéter les Guise. Son fils Jean VI se tint toujours dans le parti d'Henri IV, et reçut du maréchal de -Boisdauphin l’ordre de tenir garnison dans la ville de Sablé pour s'opposer aux ennemis du Béarnais. La culture des beaux-arts n’a point été étrangère non plus à cette maison. En somme, le milieu dans lequel on la surprend vivre à diverses époques était libéral, doux et distin- gué , et répondant du reste très bien à sa devise : Leni- tati fortitudo comes. Ses armes étaient primitivement d'argent à la fusée de gueules fleurdelysée et contrefleurdelysée de six fleurs de lys de même, au pied fiché dans lu fasce. Mais Désiré de la Mote, en 1263, par suite de son mariage avec Mile de Fougerolle, consentit à joindre à ses armoiries celles de sa femme ; depuis lors les armes de la Mote ont été d'argent au lion rampant de sable, cantonné de ( 208 ) quatre merlettes de même et portant au cœur les armoi- ries primitives. D'où suit qu’elles sont armes d’enquère. Nous verrons tout à l'heure que ce milieu dans le- quel Alexandre de la Mote fut éduqué influa beaucoup sur la direction de sesétudes littéraires et lanature de ses travaux d'artiste. Son père, Pierre-François de la Mote-Baracé, mar- quis de Senonnes , né en avril 1758 et mort honora- blement sur l'échafaud en 1793, quitta de bonne heure le régiment de Rohan-Soubise pour se livrer, avec un remarquable talent d'’amateur , à la culture des lettres et des arls. Ses études d'animaux ont été jugées dignes de recevoir un commencement de publication. Plu- sieurs furent lithographiées par Hippolyte Lecomte. En outre, à l'exposition angevine de 1639, une douzaine de paysages d'une grâce incontestable, té- moignèrent suffisamment de son aptitude à la pein- ture. Cette aptitude , comme un précieux héritage, s’est transmise à ses deux fils. L’aîné, le marquis actuel, aujourd’hui vice-président de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers , sans atteindre à la hauteur de son frère cadet, eut l’insigne mérite de lui être de quelque utilité par ses excellents conseils, de telle facon qu'Alexandre de Senonnes doit , en de certaines limites, l’éclosion de son talent aux œuvres de son père et au goût délicat de son frère. Charmante union ! et comme elle dût tempérer l'amertume des temps difficiles qu'ils traversèrent tous les deux, privés de leurs parents qui, le même jour et à la même heure, périrent sur l’échafaud ! ( 209 ) Nos deux orphelins trouvèrent, dans la tendresse d'amis dévoués, les moyens de continuer une éduca- tion qui manquait, en ces temps difficiles, à la plu- part des enfants. Gardiens scrupuleux de leurs tradi- tions de famille , ils n’entrèrent ni l’un ni l’autre dans là voie ouverte par l'Empire, à l'ambition de la jeu- nesse. - Alexandre, le seul désormais qui va nous occuper, eut la passion des voyages ; il parcourt la Suisse , l'Ita- lie et l'Espagne , glane encore après tant d’autres dans ces pays si souvent moissonnés et forme de belles gerbes avec les épis négligés. Et quand il les avait bien liés, surtout bien choisis , il rentrait en France, écri- vait dans les journaux, jusqu’à de nouvelles courses au sein de ses Alpes chéries. L'année 1814 et sa fidélité constante à la cause des Bourbons le ramenèrent en France, où il fut tout d'abord secrétaire de la chambre du roi et employé dans la maison militaire. Revenu de Gand dans les mousque- taires avec le grade de lieutenant , il obtint successive- ment les titres de secrétaire général de la direction des musées royaux, de secrétaire général du ministère de la maison du roi, de conseiller d'Etat, de commandeur de l'ordre royal de la légion d'honneur et de membre de l’Ins- titut de France. Des titres pareils ne peuvent s’acquérir que par un incontestable mérite, et c’est avec un juste sentiment d’orgueil angevin que nous allons, au point de vue ar- tistique et littéraire, apprécier les œuvres qui l'ont élevé à de si notables emplois. Le plus souvent, notre investigation sera une agréable promenade dans les plus charmantes contrées. «Il se fit d’abord connaître, (210) » écrit M. Lamoureux dans le tome 82 (supplément) » de la Biographie universelle, art. Senonnes, par » quelques paysages anonymes qu'il exposa aux diffé- » rents salons ; et en même temps il travailla dans les » journaux, particulièrement à la Gazette de France, » Où il défendit avec beaucoup de zèle les doctrines » monarchiques et religieuses ; il a fourni quelques ar- » ticles à la Biographie universelle. » On lui doit, ajoute-t-il, une belle édition des » OEuvres dramatiques de Destouches , précédées d'une » notice sur la vie et les ouvrages de l’auteur. Paris, » 1811-1820-1822, 6 vol in-8° avec fig. » Cette notice , de trente-six pages, est semée d’aper- çus ingénieux, qui nous font dire du style de l’au- teur qu'il a, suivant l'expression du cardinal de Retz, le tour et le fin. Mais passons rapidement sur ces productions, afin d'arriver à de plus remarquables. En 1814 il traduit et publie les Lettres de Jacopo Ortis, écrites en italien par Foscolo. Cette traduction reparaît la même année sous le titre du Proscrit, et en 1520 sous celui d'Amour et Suicide ou le Werther de Venise, ouvrage très étrange en 1814 et qui l’est fort peu en 1850, tant les idées ont reçu de modifications depuis quarante années. C’est dire assez que l’on trouve dans ce roman le germe de la plupart des don- nées socialistes qui présentement agitent l'humanité. Mais n’esi-il pas étrange aussi que la traduction en soit due à la plume d’un fidèle représentant de l’ordre ancien des choses? Ceci me révèle, à certain point de vue psycologique, comme de secrets tourments, (211) comme de généreuses inquiétudes et comme une prescience de l’avenir dans l’âme du traducteur. On ne rend guère avec passion que ce que l’on aime, et il est aisé de voir, au ton de la phrase , que M. de Se- nonnes ne fut point étranger à ces rapides courants d'idées qui emportent quelques hommes d’abord, et souvent ensuite les sociétés sur des rives inconnues et fatales. Sans doute , par son éducation et ses traditions de famille, il sut éviter ces abîmes que le scepticisme présente à nos regards avec le vertige, le désespoir et le suicide. Quoiqu'il en soit, on peut dire que par l'esprit il était de l’école de Byron, mais fort heureu- sement chrétien par le cœur. Ce double courant continue de se manifester dans ses délicieuses descriptions de montagnes et de mœurs alpestres; les sites les plus doux ne sont pas ceux qu'il préfère : il se plaît davantage à nous peindre les anfractuosités des rochers, à nous faire descendre au fond des abimes et monter au sommet des glaciers. Il secoue sur nos têtes les neiges brillantes des pics et des melèses. C’est moins par le côté du soleil que par celui des orages qu'il aime la nature. Les grands as- pects, les vastes lacs, les forêts ombrées saisissent ses esprits et maîtrisent ses sens infiniment plus que les tranquilles étangs et que les bois taillis. Comme in- souciant , il gravit les collines, mais il court avec au- dace , avec amour, de crètes en crètes, d’escarpements en escarpements; il passe sans les voir, devant les hommes de la plaine et s'arrête avec bonheur en re- gard du pâtre solitaire. Il prête une médiocre at- tention aux beautés symétriques d’un jardin royal, mais il ne s'ennuie pas d'admirer la grâce d’une fleur (212) sauvage et le vol anguleux d’un oiseau de la mon- tagne. Il n’a de goût que pour ce qui n’est pas vulgaire. Sans cesser d'être élégant , il se pénètre du charme de ces agrestes beautés qui n’ôtent rien à l'heureuse distinction de sa phrase. Coloriste dans le style , il ne l'est pas moins dans le burin. Homme de cour par le ton et les manières de sa diction, il est plus encore homme d'élite par le sentiment et les idées. Paysagiste dans la contrée des Grisons, il est artiste dans la Ro- magne. Les monuments de l’antiquité ont pour lui de mystérieuses révélations par leur côté poétique , mieux encore que par celui de la science généralement froide et souvent vulgaire. Mais rien n’égale son amour pour les mœurs et les coutumes du pays des Grisons, et c’est là ce qui nous explique pourquoi nous le trou- vons plus écrivain dans les récits qu’il nous en a faits, que dans ceux néanmoins si séduisants des con- trées de l'Italie. Ces détails , il nous semble, ne sont pas inutiles, puisqu'ils font connaître, non-seulement le talent de M. de Senonnes , mais aussi quelque chose de son ca- ractère et de la nature de son esprit. Il est rare, en effet, que l’on ne puisse pas pénétrer fort avant dans le sens intime d'un auteur, lorsque ses œuvres ont un cachet spécial d'originalité. Après sa traduction de Jacopo Ortis, les œuvres de M. de Senonnes qui nous ont le plus initié à ses goûts et à sa nature, sont d’abord un magnifique travail intitulé : Choix de vues pittoresques d'Italie, de Suisse, de France et d'Espagne, dédié à Madame la duchesse de Berri. À Paris, de l'imprimerie de Firmin Didot père et fils , 1820 et non 1821. (213) Cet ouvrage, in-folio grand format, avec texte et gravures , s’est arrêté au n° 7 de ses livraisons. Il de- vait en avoir trente. Cette partie ne renferme que des vues concernant l'Italie. Elles ont non-seulement été dessinées, mais encore gravées à l’eau-forte par M. de Senonnes. La première livraison contient les dessins suivants : porte Saint-Ambroise, vue de Rivoli, bords du P6 près de Plaisance, vue prise dans les Apennins, une porte de Florence, village degli Scopeti, près Florenee, Sienne, vue de Radicofani , vue de Ronciglione, l'auberge de Bac- cono, mont Marius. — La deuxième livraison ren- ferme : maison dans le faubourg du peuple, église de Saint-André, la Porte du peuple, vue de l'église de Saint- Pierre et du pont Saint - Ange, la villa Man- dosi, dehors des jardins Barberini, couvent de Saint- Onufre, couvent de Sainte-Sabine, clocher du Capitole, une des portes de Rome, mont Aventin et fabriques de Ripa-Grande.— La troisième livraison : Vue de la porte Majeure, temple de Minerva medica, vue prise près d’une porte de Rome, couvent de Sainte-Catherine de Sienne. palais Rospigliosi, bords du Tibre, cour d’une maison, palais Barberini, Saint-Jean de Latran.—La quatrième livraison : Ruines du temple du Soleil, temple de Vesta, couvent de Santa-Francesca Romana, église St-Giorgio n Velabro , colonnes du temple de Jupiter Stator , ruines du temple de la Concorde, couvent de Saint-Bonaventure, tombeau de Caius Sestus , couvent de Santi-Quattro, vue intérieure d'une partie du Colisée. — La cinquième livraison : Casin de Raphaël, villa Madama, diverses vues de la villa Borghèse, la fontaine Egérie, jardin de la villa Panfili, ruines près de l'église de Sainte-Cons- ( 214) tance, Saint-Laurent hors des murs, vue de Torre nuo- va, pont Salaro. — La sixième livraison : entrée de Frascati, écuries de la villa Falconini, vue de Pa- lestrine, villa Mandrigone, la Ruffinella, villa Bor- ghèse, vues diverses, couvent des Capucins à Fras- cati, lavoir de Monte Compatri, couvent de Camaldules, près de Frascati, lavoir de Grotta Ferrata.—La septième livraison : Saint-Roch, près de Marino, fontaine route de Marino,vues diverses de Marino, casin près du lac d Alba- no, grotte à Palazzola, vue près du Couvent des Réformés, castel Gandolfo, nymphes d’Albano, vue de l'émissaire du lac, vue près des Capucins d’Albano , ermitage d'Albano. Par cette énumération d’au moins 72 gravures pré- cédées de textes, vous voyez combien il est regret- table que cet ouvrage soit demeuré inachevé. Tou- jours est-il que la haute valeur artistique des premières livraisons ouvrit à l’auteur les portes de l’Institut. En parcourant ces vues de l'Italie, on est frappé de l'absence complète de l’arc en tiers-point, sur les édi- fices, d'où suit, à nos yeux, que si le dogme catho- lique a pris naissance à Rome, il n’a trouvé sa poésie, sa légende, sa forme artistique que dans les monuments du Nord. Dans la Romagne , il n’a pu se dégager des étreintes puissantes de l’architecture païenne, qui s’est comme identifiée avec le sol, à la manière des roches et des granits. Mais tout en restant, par l'esprit, maître de cette nature monumentale, le doux Verbe du Sauveur, pareil à ces semences que le vent emporte au désert, est allé sous les ombrages du Nord, dans les Gaules et la rêveuse Allemagne, former cette corolle renversée que nous appelons l’ogive dont la pointe mystérieuse tourne vers le ciel, semble s’imbiber des rosées d'en (215) haut, pour ensuite les verser goutte à goutte du fond de son calice sur nos sens, sur nos cœurs, dans nos âmes. — Et quelle figure géométrique , en effet, pou- vait mieux convenir au catholicisme que l’arc en tiers-point? L’ogive n’a-t-elle pas à la fois la forme d’une cloche, d’un calice et d’une fleur? C’est dire assez qu’elle rappelle tout ce que le culte ad’harmonieux, de suave, d'odorant, et que nous trouvons en elle comme le symbole des sens les plus exquis : l’ouie, le goût et l'odorat, se spiritualisant dans les profondeurs du temple , au contact du sacerdoce et de la sainteté. C'est, voyez-vous, que l’ogive est le sens poétique du Christianisme en matière d'architecture. Mais pardon de me laisser emporter ainsi hors de mon sujet. Quittons Rome et traversons les Alpes pour nous aller reposer un instant sur les montagnes sau- vages de l’'Oberland. M. de Senonnes, sous le titre de Promenades au pays des Grisons, a publié, en 1827, un in-folio com- posé de cinq livraisons de texte servant d'explication à des vues dessinées d'après nature et lithographiées par Ed. Pingret. On visite agréablement avec ces auteurs : Coire, Reicheneau, les ruines du château de Rothembrun , la vallée de Domlesch, et mais surtout la Roche percée, Viamala, le pont sur le Rhin Viamala, la vallée de l'enfer à Hinterrheim , la Source du Rhin, le défilé de St- ein, le glacier de Roseg, les moulins de Trins, la cas- cade de Signoa, le lac de Walenstadt, enfin la gorge de la Tamiva, dont la lithographie, pourtant si loin encore de la réalité, donne comme un com- mencement de vertige. Je le répète ici, ces as- (216) pects désolés d’une nature inculte et puissante vont au genre d'esprit de M. dè Senonnes; il les courtise, il s’en pénètre, il s'identifie avec eux et les traduit sur de belles proportions en un style sobre dans sa richesse, élégant dans son impéluosité, et sage dans ce qu'il a de soudain et de primesautier. La mort surprit cet écrivain en pleine traduction italienne d’un ouvrage que lui avait confié le comte de Balbe, gentilhomme sarde. « La connaissance parfaite, nous écrit-on, qu'avait » le vicomte de Senonnes de la langue italienne, et » la supériorité avec laquelle il maniait la sienne, » garantissaient le succès de cette entreprise littéraire, » restée malheureusement à son début. » Alexandre de Senonnes, après avoir, lors de larévo- lution de 1830, perdu tous ses emplois, est décédé à Paris, le 21 mars 1840, et a été inhumé dans le cime- tière du Père Lachaise où l’on peut voir son tombeau. M. J. Lamoureux a tracé sur la vie de M. de Senon- nes, dans le supplément de la Biographie universelle, t. 82, 1849, quelques lignes qui ne sont pas, à ce qu'il paraît, exemptes d'erreurs, et que M.le marquis de Senonnes, frère du défunt, relève ainsi dans les extraits d’une lettre datée de Sautré, 4 avril 1850, à l'adresse de M. Michaud jeune, directeur de la Biogra- phie universelle. « Monsieur, « J'ai lu sur mon frère.…, le vicomte de Senonnes.., » un article dans lequel on lui reproche Les airs de » fatuité qu'il se donnait en exerçant ses fonctions. (247 ) » Je ne crois pas qu'il soit possible de trouver une » accusation plus injuste... Il est connu de tout le » monde que mon frère, pendant qu'il était secrétaire- » général des Musées royaux, avait, par l’aménité de » ses manières, acquis au plus haut degré l'affection » et l'estime des artistes. » Quant à ce qu’il aurait provoqué la destitution de » M. Barbier (savant bibliographe), je n’ai aucune » donnée à ce sujet; cette destitulion a pu venir de » plus haut. Ce que je sais bien, c’est que mon frère » a professé toute Sa vie une grande ivflexibilité pour » les principes, mais une grande tolérance pour les » individus. Pourquoi se serait-il écarté une fois seu- » ment de la règle invariable de sa conduite ? » Le rédacteur de l’article n’est pas mieux rensei- » gné lorsqu'il dit que mon frère a dû sa nomination » de conseiller d'État à M. le maréchal de Lauriston qui » le protégeait spécialement ; à moins d’être tout à fait » étranger à un certain monde, il n’était pas permis » d'ignorer la froideur extrême qui régnait entre M. » le maréchal et mon frère, vers la fin de ses fonctions » de secrétaire-général du ministère de la maison du » Roi; on me dispensera d’en faire connaître les motifs » qui n’ont rien d’ailleurs que d’honorable pour le » vicomte de Senonnes ; il est tout simple de penser » qu’il a dû son avancement à un mérite qui n’a été » contesté par personne. » de signale deux autres erreurs peu importantes, » si l’on veut, mais qui prouvent l'inexactitude des » notions de M. Lamoureux : mon frère a succombé » à Paris, et l’auteur écrit que Senonnes ayant perdu 15 (218) » tous ses emplois par la révolution de 1880 , se retira » dans sa patrie, où il mourut... Li l » Ensuite le château de Senonnes où il naquit est » situé en Anjou et non en Bretagne. Recevez, elc. G. DE SENONNES. Ici s'arrête ma tâche, Hat pas à discuiér et moins encore à juger. En ces matières, mon rôle ne doit être que celui d’un rapporteur impartial. V. GODARD-FAULTRIER. 15. avril. 1850. (219) ÉTUDE SUR L'ANJOU. ÉGLISE ABBATIALE DE SAINT-SERGE ET SAINT-BACH. SL -<—— Le touriste qui passe sur la levée Besnardière, ra- lentit sa marche et s'arrête un moment, pour admi- rer le magnifique tableau qui s’offre à sa vue. Sur le premier plan , sont posées de vastes prairies bordées par ia Maine; au fond, le petit village de Reculée, avec ses maisons si pittoresquement groupées, et les fertiles coteaux qui les dominent; à gauche la cité angevine , se présentant divisée en deux villes, d’un côté la Doutre, peuplée d’édifices en torchis, aux pi- gnons irréguliers , aux toits élevés, et sa vieille église enduite d'une couleur sombre, peinture intelligente du temps qui s'attache à conserver ce que chaque jour l’homme essaye de mutiler ou de détruire; sur la rive opposée, l’autre partie d'Angers répudiant sa forme primitive, apparaît comme un échiquier de maisons blanches et noires que domine l’église cathé- dralé, magnifique et imposant monument, malheu- reusement coiffé de tristes et chétifs clochers, sans caractère ni siyle. A droite du tableau, la flèche d'Écouflant se montre dans'un lointain , au milieu de ( 220 ) prairies divisées par le sinueux contour de la rivière ; à côté, des massifs de peupliers balancent sans cesse leurs cimes, supplice perpétuel imposé à cet arbre altier, nous dit la légende, pour n'avoir pas voulu se courber devant le passage de Jésus-Christ. Le paysage que nous venons d’esquisser , sera pour l'artiste d’un tout autre attrait que cette vieille façade de Saint- Serge et Saint-Bach, tout éraillée, rongée par le salpêtre, et. indiquant à peine les caractères de sa construction. La tour qui lui est accolée ne sera guère plus susceptible de fixer son attention. Construite sans ornements, portant encore les trous des échafaudages qui servirent à l’élever , elle ne conserve rien dans ses assises de schiste brut, tachées de lichen., et dont le ciment se confond avec la pierre,, rien dans son exté- rieur tout entier, qui puisse indiquer les-beautés ar- chitecturales que renferme l'antique. église abbatiale. Jusqu'à présent l’église de Saint-Serge et Saint-Bach n’a point été étudiée d’une manière sérieuse. Bodin, ce consciencieux auteur, qui semble avoir pris pour devise, vitami impendere vero, a: été forcé par le cadre de son ouvrage, de n'envisager que d’une façon gé- nérale cette religieuse architecture. Pour nous), après avoir étudié dans toutes ses parties cette église abba- tiale , nous allons essayer d’entrer.dans plus de détails, et de consigner dans notre récit quelques faits nou- veaux, tant sous le rapport historique, que sous.lé rapport iconographique. En feuilletant nos vieux annalistes, nous trouvons dans Jehan de Bourdigné que : « Un jour comme le » roy Clovis fut venu: visiter sa ville d'Angiers, il se » trouva tant vexé de maladie que sa santé recouvrer (221) » l'on estoit presque au desespoir ; parquoy fut envoyé » querir le benoïst saint Severin, lequel par ses prie- » res en brief, lui obtint vers Dieu garison ainsi que » en fasciculus temporum est escript. Et en memoire » de ce, Clovis, se voyant guary, fonda ung monas- » tere près la ville d’Agiers , que l’on appelle Sainct- » Serge, duquel fut sainct Severin premier abbé et y » ordonna regle et vie monachalle. » Cette fondation par le roi Clovis Il, eut lieu vers V’an 654; des lettres patentes du roi Childebert con- firmèrent cette nouvelle abbaye. (1) (1) CHILDEBERTUS rex Francorum, ,vir, illustris, omnibus agentibus, tam presentibus quam futuris. Quid quid. pro cœlesti amore, vel pro æterna retributione ad loca sanctorum àb ante- cessoribus principibus parentibusque nostris fuct indultum , si hoc nostris oraculis affirmamus retributorè dominum, exinde habere confidimus. Igitur cognoscat magnitudoseu utilitas vestra, quod venerabilis vir Theodebertus abbas de monasterio, quod est in honore pecularis patroni nostræ S.-Sergii et domini Me- dardi episcopi in suburbio Andegavis urbis constructum, ad nostram accessit presentiam, et clementiæ regni nostri suggessit quèd de curabus prædictæ S.-Basilicæ, qui nominantur Maren- cius, Silviacus, Canuncus, Pouliacus, Senona et Genefronus annis singulis inferend solidos vi. Inferendales et alios vi. De remis- saria auri Pagensis inferendo in fisci ditiones reddebant , et tale beneficium bonæ memoriæ avus noster Clodoveus et genitor noster Theodericus quondam reges per eorum auctoritatem ad ipsum monasterium suæ manus sub scriptionibus pro mercedis eorum augmento concesserunt, ut nullus judex publicus in-ipsis cures ad agendum nec ad freda exigendum, nec ad mansiones faciendum, nec ad causas audiendum, nec ad fide jussores tol- lendum, nec ad pascos, nec ad paratas intrare, nec judicarjà potestate ullà redibitionem penitus exinde requirendum, nisi quod inferendum indè abbas per se ipsum suos annis singulis in sacellum publicum reddere deberet, etc., etc. Ut bæc authoritas ( 222 ) Dans les anciens.titres , l’abbaye de Saint-Serge est quelquefois désignée sous le nom de Saint-Bach et. de Saint-Médard. Bourdigné l'appelle Notre-Dame du Verger. Au XVIIe siècle, on connaissait cette abbaye.sous le nom de Saint-Serge le Noble. Nous lisons dans la table générale de l’état des a ar- chevêchés, évêchés, abbayes et prieurés de nomina- tion et collation nr , avec la taxe en cour de Rome, le revenu, le nom des titulaires et la date de leur nomination, le passage suivant : | M DCC XLIII. — Abbaye.) Abbé. Saint-Serge d'Angers. SS. Sergü et Bacchü. Andegavensis, 0. S. B. M..DE ROCHECHOUART,, Cong.. ee M. taxée 526 évêque de Laon 1732. HU 3 vaut 6500 à 7000 l livres. Louis-le-Débonnaire venait de mourir. Un seigneur breton du nom de Nomenoë, gouverneur de Bretagne, profitant des troubles qui signalèrent l'avénement du roi Charles-le-Chauve, voulut secouer la domination de ce prince, et se maintenir dans l'indépendance. La tentative eut un plein triomphe. Nomenoë battit à diverses reprises les armées envoyées contre Jui. pleniorem obtineat yigorem, vel ut ipsam congregationem ju- giter, delectet, pro stabilitate regni nostri misericordiam, fre- quentiùs deprecari, manus nostræ subscriptionibus subter eam ecrevimus roborare. Signé, Childebertus rex. (223) Ses succès l’enhardirent au point de vouloir ceindre sur son front la couronne de Bretagne, et pour justi- fier cette usurpation, il se fit sacrer roi dans l'église de Dol. Nomenoë désormais affermi sur son trône, poursuivit ses conquêtes et vint vers 849 mettre le siége devant la ville d'Angers. Le naïf chroniqueur angevin raconte ainsi la bataille du farouche Breton. « À Nomenius, tenant le siége devant la ville d’An- »giers, apparut Monsieur saint Maurille, jadis evé- » que d’Angiers, vestu en habit pontifical , et le » frappa de son baston pastoral, en la teste, dont il » fut si attainct de mal, qu’il accoucha malade, et » peu de temps après trespassa. Ainsi eurent les An- ».gevins protecteurs leur glorieux evesque Monsei- » gneur saint Maurille, qui par la grace de Notre- » Seigneur , en leur grande nécessité, bien cinq cens » ans après son trespas, les vint défendre et secourir. » Et pour eux combatant, leur acquist la victoire et »pour s’en donnent garde, ceux qui vouldront assail- »-lir-ou faire dommage au pays d'Anjou, qu'ils ne » sentent la fureur divine : car Dieu et Monseigneur » saint Maurille sont aussi puissants qu'ils étoient ».pour lors. Ainsi leverent les Bretons leur siege de » devant Angiers à leur grant confusion et y perdi- » rent leur roy. » Cette légende est jolie, mais elle n’est malheureu- sement pas vraie ; Nomenoë se rendit maître d'Angers et de toute la province d'Anjou. Pendant son séjour dans notre cité, il fit reconstruire l’abbaye et l'église de Saint-Serge et Saint-Bach, et à l'exemple du fier Si- cambre converti par saint Rémy, Nomenoë, à Angers comme Clovis à Rheïms, vint adorer ce que tant de ( 224 ) fois‘ il avait profané et brûlé. Puis continuant le cours de ses luttes contre Charles-le-Chauve, il reprit les villes de Rennes, de Nantes, s’empara de Vendôme, et se disposait à faire le siége de Chartres, lorsque la mort arrêla ses exploits. Son fils Erispoé lui succéda vers l'an 851; la jeu- nesse de ce prince fit croire au roi de France que le moment était venu de se venger des affronts qu'il avait reçus de Nomenoë ; Charles livra bataille sur le territoire de Redon, et perdit un grand nombre de vaillants chevaliers. Cette défaite engagea leroi à faire un traité avec Erispoé. La paix fut conclue et ratifiée à Angers. Le prince breton y reçut l'investiture du comté de Nantes et du pays de Raïz; Charles lui con- firma aussi la propriété de la ville de Rennes, et de tout ce que son père avait couquis dans le Maine et dans l’Anjou, jusqu’à la rivière de Maine, et en outre le droit de paraître en public avec les insignes de la royauté, ce qu'Erispoé regardait comme le comble de ses faveurs. De son côté le fils de Nomenoë s’en- gagea à rendre hommage de ses états à Charles-le- Chauve, à reconnaître les tenir de luiet de ‘ses successeurs, roi à titre de féodalité, à hommage:sim- ple. Après la lecture du traité, Erispoé donna les mains au roi. Il ne se mit point à genoux et ne quitta point son épée comme cela se pratiquait dans l’hom- mage lige. Mais debout, l’épée à la ceinture, il fitau roi de France une reconnaissance d'honneur, de su- périorité et de puissance. La Maine ne régla pas tel- lement les limites de la Bretagne, qu'Erispoé ne demeura maître de l’abbaye de Saint-Serge et Saint- Bach, retraite qu'il affectionnait beaucoup. A cette (225) époque les Normands commencèrent leur invasion en Bretagne; partout ils ne laissaient sur leurs pas victorieux , que la désolation et la mort. Erispoé in- quiet pour les reliques de saint Brieuc qui reposaient dans l’église de Saint-Etienne en Saint-Brieuc de Vaux, les fit mettre dans un sac de cuir de cerf, et transporter dans l'église abbatiale de Saint-Serge d'Angers. En 1166, le corps de ce Saint fut exhumé et exposé à l’adoration des fidèles ; la cérémonie fut très célèbre ; elle fut faite par Geoffroy-le-Mouche, évêque d'Angers, assisté de Guillaume , abbé de Saint-Serge, Guillaume, abbé de Saint-Maur-sur-Loire, Guillaume, abbé de Toussaint d'Angers, Conan , comte de Breta- sne, et Henri Il, roi d'Angleterre, comme le témoi- gne une charte tirée de l’abbaye de Saint-Serge (1). Dans le tombeau on trouva l'inscription suivante : « Hic jacet corpus beatissimi confessoris Brioci epis- copi Britanniæ, quod detulit ad Basilicam istam, quæ tunc temporis erat suæ capellæ, YIlispodinæ rex Bri- tannorum. » En 1210, Pierre, évêque de Saint-Brieuc, surnom- mé de Mauclerc, ayant appris par son clergé que les (1) Henricus rex Anglorum et dux Normannorum et Aquitaniæ et Comes Andegaviæ omnibus sanctæ ecclesiæ Dei filiis, salutem, noverit universitas vestra quod anno ab incarnatione Domini MCLXYIet regni nostri X pridie Kalendas Augusti Luna XXX die dominica, me presente, translatum corpus sanctissimi Briocci confessoris episcopi, in eccllesia B. Sergii, quæ ést Andegaviæ, et honorificè repositum inteâdem ecclesià, officium præbente, Guillelmo, ejusdem ecclesiæ abbate, Guillelmo, B. Aldini abbate, Hugone S. Nicolai abbate, Guillelmo B. Mauri abbate, cum mul- 10 cleri populique tripudio, Guillelmus omnium sanctorum abbas huic translationi interfuit, et Conanus comes Britanniæ. L ( 226 ) reliques du patron de son évêché reposaient dans l’é- glise abbatiale de Saïnt-Serge et Saint-Bach d'Angers, résolut de les faire revenir à leur première demeure. A cet effet il se rendit à Angers. Ayant rassemblé dans l'église de Saint-Serge, les moines de l’abbaye, leur abbé et l’évêque d'Angers, il leur exposa le: but.de son voyage, et employa, nous dit Lobineau dans son histoire des saints de Bretagne, à la satisfaction de l'as- semblée une éloquence insinuante, nourrie du suc des bel- les-lettres.: Ce n’était pas facile à Pierre de Mauclerc d'arriver aux fins qu’il s'était proposées, car le corps de saint Brieuc opérait un grand nombre de miracles, et la foule des pèlerins se pressaient dans l’église, pour prier le saint évêque breton d’être leur intercesseur auprès de Dieu. Chaque jour l’abbaye s’enrichissait de pieuses offrandes, et les moines de Saint-Serge et Saint-Bach avaient le plus grand intérêt à conserver le précieux trésor que le roi Erispoé avait déposé dans leur abbaye. Cependant l’abbé de Saint-Serge con- sentit à se dessaisir d’une partie des reliques siconvoi- tées. Pour éviter toute discussion sur le partage, l’évêque de Saint-Brieuc en Vaux et l'abbé de Saint- Serge, choisirent le moment où les religieux prenaient du repos, après l'office de nuit; un orfèvre ouvrit la . Châsse, et l'abbé donna à l’évêque breton, deux côtes, un bras et une partie de la tête. Pierre de Mauclere mit ces reliques dans un vase précieux, et le donna à garder au trésorier de l’église d'Angers. Pendant que l'évêque breton sommeillait, saint Brieuc lui apparut en songe et lui dit : « Hâte-toi, mon » fils , et fais en sorte que cette partie de mon corps » que tu emportes, soit reçue dans mon église avec ( 227 ) » l'honneur qui lui est dû. » L'évêque s’empressa donc de quitter Angers, il fut conduit hors de la ville par l’évêque d'Angers, accompagné de tout son clergé qui célébrait par des hymnes, la gloire du bienheu- reux confesseur. L'abbaye de Saint-Serge resta la possession des princes de Bretagne jusque sous Alain Rebré, qui la donna à Rainon, évêque d'Angers, et à ses succes- seurs (1). (1). Voici la teneur de la lettre de donation qui se trouvait aux chartres et fondations de l’abbaye de Saint-Serge. Exemplar præcepti Alani Regis Britannorum de abbatia sancti Sergii sub Rainone episcopo. IN NOMINE summi omnipotentis Dei, et domini nostri ego Alanus GRATIA DET PIUS ET PACIFICUS REX BRITANNIE, si justis et rationalibüs fidelium nobis petitionibus, altitudinis nostræ au- rem accommodamus, easque ad effectum perducimus regiæ cel- situdinis, opera frequentamus : et ob id eos in nostræ amicitiæ ac fidelitatis obsequiis promptiores efficimus. Comperiat igitur omnium Britonum, fidelium sanctæ Dei ecclesiæ. nostrorumque præsentium, ac futurorum solertia quia dilectus amicus nobis, Venerabilis, Raino andegavensis Ecclesiæ humilis episcopus, ad nostram .accedens celsitudinem, postulavil ut nostra munifi- centia quondam Abbatiam nuncupatam sancti Sergii in pago Andepavensi propè civitatem ei cunctis vitæ suæ diebus et suc- cessoribus suis beato Mauricio militantibus, firmiter hahendam ac securè, possidendam per auctoritatis nostræ præceptum lar- giremur, ac largiendo confirmaremus cujus rationabili petitioni pro ejus -benè meritis famulantibus assensum præbuimus, et hoc magnitudinis nostræ præceptum fieri, illique dari jussimus , pro remedio animæ Caroli et PAsCuITEn et animæ meæ et filio- rum, meorum per. quod præfatam abbatiam cum omni. integri- tate,. id est, cum campis vineis, sylvis, pratis, pascuis et etiam villis justè et legaliter ibi pertinentibus,. ei et omnibus successo- ribus suis cunctis vitæ suæ temporibus habendam concedimus- atque confirmamus, ita ut post hanc-diem, si aliquis vel ego, (228 ) L'église de Saint-Serge devint trop petite pour con- tenir les nombreux fidèles venant chaque jour, de tous les points de la France, implorer la puissance divine auprès du tombeau de saint Brieuc ; les offrandes qui ne cessaient d'abonder, permirent d'entreprendre une réédification. Elle fut commencée en 1050, et en 1059, le 3 novembre, Eusèbe Bruno, évêque d'Angers, fai- sait la dédicace de la nouvelle église. Cette construc- tion fut dirigée d’après les ordres et le plan du célèbre vel quisquam de succedentibus meis (quod minime credo) , ülli calumniam generare præsumpserit :iram, Dei omnipotentis-et omnium sanctorum suorum incurrat, et:sub.anathemate mana- NATHA, in seculorum secula damnetur. Ut autem hoc largitionis præceptum .firmum maneat et.inconyulsum annulo nostro insi- gaori jussimus et à filiis ac fidelibus mcis roborari decrevimus- S'Alani gloriosissimi regis S Budich. C Salmotenus sacerdos rogatus scripsit S Conualo data sesto cal. decemb. indicit S Camraladen regnante Alanoïn Britannia * S TVRIMACADER actum seio castro in die nomine feliciter S BLEVLINET S Orgaim uxoris suæ S Laurentii S Billi episcopi : S HERLVINI S'Fulgeric episcopi S CVRBRETH S VVereche filii Alani S RIAUAL S PASCVITEN fratris sui S Salomonis. (D’Ar- gentré, hist. de Bret. 1.1V p. 197.) On lisait aussi dans le catalogue des abbés de Saint-Serge : Raïno, sancti Martini Turonensis tunc canonicus, ac deindè Andegavorum episcopus ordinatus, abbatiam Sancti Sergii a Normanis destructam ac monachis viduatam , cum omnibus præ- diis et juribus occupavit; ejusdemque postmodüm concessio- nem àb. Alano Britannorum Rege sibi et successoribus Suis B. Mauritio militantibus obtinuit, charta data suo castro X anno circiter 905, obiit anno 906. = ( 229 ) Vulgrin (1), qui de soldat devint moine, de moine (1) Vulgrinétait natif de la ville de Vendôme, et en son jeuneâge il suivit quelque tempsles armes, mais voyant que cetle profession n’était pas le chemin du ciel, il embrassa la vie monastique dans abbaye de Marmoustier-les-Tours, ou était abbé pour lors un nommé Albert, qui lui donna l’habit et le reçut à profession. Les déportements et la sainte conservation de Vulgrin, firent concevoir à son abbé de grandes espérances de sa vertu et bonne conduite, de sorte qu'il le fit prieur de-son monastère, auquel em- ploiVulgrin montra par effet que les espérances qu’on avaitconçues de lui n'étaient pas vaines. Sa réputation se répandant partout, Geoffroy Martel, comte d’Anjou, en eut la connaissance, et apprit qu'outre ses autres bonnes qualités, il était fort versé en l’archi- tecture ; il le demanda à son supérieur avec tant d'instance , qu’Albert ne pouvant lui dénier, attendu son importunité et son autorité, le lui accorda, il le fit aussitôt abbé du monastère de Saint-Serge lès Angers qui était pour lors vacant, tout en ruine et en telle désolation qu’à grand peine était il suffisant de nour- rir douze religieux. Vulgrin entreprit courageusement cette commission ruineuse, et fit si bien qu’en peu d’années il rebâtit ce monastère, le fit plus beau et plus grand qu'il n’était aupa- ravant,le meubla d’ornements et de tout ce qui était nécessaire, retira les terres aliénées, désengagea les autres , et en acquêta de nouvelles, de sorte que les revenus de ce monastère se trou- vèrent suffisants pour entretenir aisément soixante-dix religieux dont il le peupla. Il leur apprit, tant.par ses instructions que par son exemple, à suivre la perfection de la vie monastique , car le mavuscrit témoigne: que c'était un personnage d’une, sainteté éminente,. 227 fuit non aspernandæ sanctitatis. Geoffroy Martel, qui était alors le plus grand maître en notre province, ayant appris que Gervais était pourvu à l’archevêché de Rheims, convyoqua une assembiée du clergé et du peuple, pour faire élection d’ux, évêque qui remplit dignement la chaire du Mans, alors vacante. Et parce que l’église cathédrale, rmenagçait ruine.et qu'on parlait de la rebâtir, ils, eleurent l’abbé Vulgrin, grand homme de bien, et qui venait d'achever les bâtiments de son abbaye , afin qu’il reparât le temple matériel, édifiât leurs âmes par la sainteté de ses actions, et les guidât par sa sage con- duite. Voilà donc Vulgrin installé évêque du Mans où il com- ( 230 ) prieur, de prieur abbé de Saint-Serge ; et d'abbé évêque du Mans. On a beaucoup discuté dans ces derniers temps pour savoir si le chœur de Saint-Serge et les transepts actuels étaient de l’abbé Vulgrin ,; on s’en est surtout pris à ce qu’en ont dit Ménage et Bodim. D'abord je ne vois nulle part dans l’histoire de Sablé, l'affirmation que Vulgrin ait construit le chœur et les transepts de Saint-Serge; cet auteur parle de l’abbaye, voici le texte, page 78 : « Ce Vulgrin était un grand » architecte, c’est lui qui jeta les fondements de l’é- ».glise cathédrale du Mans, étant évêque... et, qui. fit » rebâtir l’abbaye de Saint-Serge, étant abbé de cette » abbaye. » Ce passage ne peut faire discussion ; il ne peut y avoir. équivoque sur le mot abbaye, car il'est certain mence aussitôt à faire ce qu’on attendait de lui. 11 amasse les matériaux nécessaires pour la structure d’une nouvelle église cathédrale, en fait le dessin, et dans sa cinquième année entjeta les fondements qu’il continua et éleva durant quatre ans , après lesquels la mort l’empécha de poursuivre ses desseins, en CONBART le fil de sa vie. Les évêques suivants ont tant fait qu'ils ont achevé cette! fa- brique, qui serait uue des plus belles et'des plus magnifiques du royaume, si la nef était d’une paréille conduite quelle reste, que nous voyons aujourd'hui, qui ravit nos yeux et nous fait recon- naître la sagesse et la grandeur du courage de l'entrepreneur. Il fut évêque huit ans neuf mois onze jours, lesquels ajoutés à mil cinquante-cinq, nous donnent mil soixante-quatre pour l’année de son décès, et fut enterré dans le chapitre del’abbayedeSaint- Vincent. Il a vu les cinq années dernières de Henri qui mourut le quatrième jour d’août de l’an mil soixante, et les quatre pre- mières de Philippe. (Extrait de la vie des évêques du Mans par dom Jean Bondonnet). (231) qu'au temps de Vulgrin l’abbaye de Saint-Serge tom- baït en ruine, qu'il la fit reconstruire de nouveau et augmenter considérablement. Sed destructum valdë que redactum ad nihilum magnum ex novo constituit et ornamentis varüs decoravit. (Vetera Analecta). Quant à Bodin, il est fort excusable d’avoir confondu le style du xrr° siècle avec celui du xr:; l’archéologie est une science toute nouvelle, les caractères archi- tectoniques à l’aide desquels on détermine un monu- ment, comme le botaniste détermine une plante à l'aide d’une flore, n'étaient point vulgarisés au temps où le savant historien publiaït son ouvrage. L'opinion générale à cette époque attribuait l'honneur de la re- construction de Saint-Serge à Vulgrin, et personne, il y a vingt ans, n’eût osé émettre un avis contraire ; cette opinion était fondée sur d'anciens chroniqueurs : uu passage tiré de la collection de Dom Housseau vient à l'appui de l’assertion émise par Bodin (1). (4) Vulgrin XIV, abbé de Saint-Serge, Eee du Mans en 1056, abbé de saint Serge en 1036. Incæpta monasterii ædificia absolivit Basilicam elegante struc- tura construxit præbendam in ecclesià Andegavensi accepit, ec- clesias decimas possessionesque varias partim dono et munifi- centià ejus Huberti et Goffridi et aliarum illustrium personarum obtinuit, partim è laïcorum manibus qui eas invaserant pretio vel prece recuperavit, monasteriumque pristinæ libertati reddidit, jus suum cedentibus episcopi Andegav. LXX monachos in con- ventu congregavyit, quibus paternä sollicitudine sub quâ in majori monasterio militaverat præfuit.: Post annos regiminis Wulgrinus noster ad insulas cenomañen- sis ecclesiæ opera Goffridi (cum Andeg.) ascitus fzrdamenta ma- joris basilicæ ampliora inchoavit, mediamque chort partem magnificta nedum eleganti structura œdificavit. (232) Pour nous, nous ne craignons point d'affirmer que le chœur de Saint-Serge n’est point l’œuvre de ce moine artiste; le chœur et les transepts, sont. posté- rieurs au temps où vivait Vulgrin, c’est une création du milieu du, xx siècle; quant à l'architecte, ilen sera pour Saint-Serge ce qu'il en est pour la plupart des monuments du moyen âge, son nom: ne nous sera probablement jamais connu; mais son œuvre restera comme, une pieuse et admirable conception d’un de ces cénobites qui, éloignés du monde, pui- saient dans l'étude et la prière leurs saintes inspira- tions et léguaient en mourant, ignorés des hommes, des chefs-d’œuvre qui, après six siècles d'existence, devaient exciter l'admiration, sans pouvoir encore trouver d'imilateurs. Ce que nous venons d'avancer n’a point pour but de porter atteinte à la gloire de Vulgrin ; cet évêque n’en est pas moins un: très grand artiste , c'est seule- ment une erreur de siècle que nous avons voulu rele- ver, et l’abbaye de Saint-Serge et Saint-Bach d’An- gers comptera toujours parmi ses plus grandes illus- trations Vulgrin et Philibert Delorme (1). Et post VIII annos cum IX ,mensibus pontificatus vir non aspernandæ sanctitatis sæculum deserens in capitulo S. Vincen- til Cenomann. reconditus est anno D.1066 ut necrol. habet S.Ser- gii die vero X mai. Coll. H. vol. xvr. Communication de M. Paul Marchegay, archiviste du départe- ment de Maine et Loire. (1) En 1555, Catherine de Médicis nomma Philibert Delorme abbé de Saint-Serge et Saint-Bach d'Angers, quoiqu'il ne fût que tonsuré. ‘ (233) Le clocher est une masse sans caractères architecto- niques; nous ne lui assignerons pas de date positive; la forme brute de ses assises pourrait cependant donner lieu à penser qu'il aurait pu être reconstruit à l’épo- que où Vulgrin rebâtit l’église de Nomenoë. En 1793, lors du siége d'Angers, la phalange vendéenne avait monté dans le clocher une pièce d'artillerie qui cau- sait de grands désordres dans le camp des assiégés ; aussi tous les efforts des canonniers républicains ten- daient-ils à faire débusquer les Vendéens de cette position avantageuse ; il en résulta que le clocher qui, à cette époque , était couronné d’un cornet orné de fenêtres ogivales, fut gravement endommagé, et qu'après le siége on fut obligé de le démolir. Nous ne dirons rien de l’abbaye actuelle, édifice du xvIIe siècle (1) qui, en 1793 servit à entasser les fem- mes, enfants et vieillards faits prisonniers à la suite des désastres de l’armée vendéenne; en l’an 1v de la République, les professeurs de l'Ecole de médecine vinrent y donner leurs cours (2); actuellement ce vaste bâtiment est occupé par le séminaire; sa façade, constellée de balles et de boulets, est un triste souve- nir de la guerre civile qui ensanglanta l'Ouest de la France. Au moyen âge, les évêques d'Angers descendaient à l’abbaye de Saint-Serge la veille de leur sacre ; ainsi nous lisons dans la Vie de Guillaume le Maire : (1) En 1694, le 29 juillet, Dom Germain, prieur de Saint-Serge, posa la première pierre de ce bâtiment. (2) Ges professeurs étaient MM. Casimir Lachèse, Garnier, Esnault, Pantin du Plessis, Maillocheau, Guérin , Berger , Che- vreul, Hossard et Merlet de la Boulare. 16 (234) « L'an 1291, le samedi après l’Ascension, veille du » jour qui avait été indiqué pour mon sacre, je partis » de grand matin de Villevêque, pour me rendre à » l’abbaye de Saint-Serge; je trouvai sur ma route » l'abbé et les personnes les plus considérables de » l'Eglise d'Angers, qui étaient venues au-devani de « moi. À mon arrivée à l’abbaye, je reçus les visites » tant du clergé que de la noblesse, et quelque temps » après le dîner, je me ‘retirai dans l’appartement de » l'abbé. Là on me fit la barbe et la couronne, et je » me mis dans le baïn sur les 7 heures du soir, temps » auquel on sonne ce qu’on appelle le couvre-feu ; » j'entrai dans l’église de l’abbaye, et devant l'autel » de la sainte Vierge (1). je récitai à basse voix tout » le Psautier, après quoi je psalmodiai matines et « laudes avec mes aumôniers ; il était minuit lorsque » j'allai me reposer (2). » (1) Le vandalisme a converti cette chapelle en décharge de sacristie; une affreuse boiserie la sépare du chœur. (2) Vigilia nostræ consecrationts. Die sabbati post Ascensionem Domini videlicet in vigilia conse- crationis nostræ, de villa episcopi bene mane surgentes versus Andegavis iter nostrum direximus : occurrentibusque nobis fratre Johanne abbate monasterii beati Sergii Andegay, et aliis venerabilibus personis de ecclesia andegav. in via ad monaste- rium S. Sergii prædicti more prædecessorum nostrorum ac- cessimus ; ibidemque comedimus , et provisi fuimus expensis Abbatiæ et ibidem a quam pluribus nobilibus aliisque personis ecclesiasticis et sæcularibus fuimus visitati. Dictis autem per nos vesperis et completorio dicta die recepimus nos in camera abbatis, ibidemque rasa barba et corona ablutoque capite, ibi- dem dicta die fuimus balneati. Quo facto nocte sequentelcirca enitegium iptravimus majorem ecclesiam ipsius monasterii, et ibidem ante altare Beatæ Mariæ totum psalterium perlegimus (235) Rentrons un moment dans l’église, et occupons- nous de son architecture et de son imagerie. Le chœur, soutenu par six élégantes colonnes d'une légèreté inconcevable, est divisé en trois comparti- ments, contenant chacun quatre voûtes à nervures en boudins. À la clef de chaque voûte sont des mé- daillons représentant , autant que le badigeon peut le laisser apercevoir, dans les deux côtés, les apôtres te- nant leurs symboles. Dans la partie centrale, les tail- leurs de pierres, ou ciseleurs de bas siècles, comme l'T- talie les désigne, ont sculpté Abraham nimbé comme un saint du Nouveau-Testament, tenant dans les plis de son manteau deux petites âmes nues qui lèvent les yeux au cieletprient à mainsjointes. « Au moyen âge, » dit M. Didron, on entre dans la vie éternelle comme » dans la vie terrestre, on y vient petit et nu, mais » avec la pleine conscience du passé. » L'artiste a voulu montrer dans cette scène, l'égalité de la mort, en donnant le même âge aux deux élus qu’Abraham presse sur son sein (1). Après ce tableau, on voit Jésus-Christ montrant sa singulariter et submisse quo perlecto matulinas incepimus et complevimus, sociis et capellanis nostris nos juvantibus , quibus actis circa mediam noctem ad nostram cameram redeuntes, lec- tum intravimus, et ibidem requievimus usque mane.{Gesta Guil- lelmt majoris episcopi ab ipsomet conscripta spicilegium Lucæ Achert e congregatione S. Maurti iomus decimus). (1) Factum est autem ut moreretur mendicus et portaretur ab angelis in sinum Abrahæ , mortuus est autem et diyves et se- pultus est in inferno. (Saint Luc XVI — 22.) Dans l’église de Saint-Pierre de Saumur, on voit à la clef de la première voûte, en entrant, une sculpture représentant Abraham tenant dans les plis de son manteau trois petites âmes nues. (236 ) poitrine toute sanglante encore d’une blessure qu'il reçut sur la croix de la lance de Longin. Au fond du chœur se trouve la chapelle de la Vierge, métamor- phosée en une décharge de sacristie; à la voûte, l’A- gneau de Dieu , portant le nimbe crucifère , tient avec une de ses pattes de devant, une croix ornée d’un éten- dard. Au moyen-âge, on a souvent représenté, sculpté sur les portes et chapiteaux, aux voûtes des églises et peint sur les verrières, Jésus-Christ, le principe de vie, sous la figure d’un agneau, conformément aux paroles de saint Jean : Ecce agnus Dei. L’apôtre saint Jean ne raconte-t-il pas dans l'Apocalypse la vision qu'il eut de Jésus-Christ sous la forme d'un agneau blessé à la gorge, et qui lui ouvrit le livre des sept- sceaux : ef vidi...... agnum stantum tanquam occi- sum, habentem cornua septem et oculos septem. La re- présentation de Dieu en agneau se trouve encore dans le transept droit de l'église.—Auxretombéesdesvoütes, sont des saints en prières, des anges jouant des ins- truments , êtres aériens qui semblent venus un ins- tant se reposer sur la paroi du temple, pour chanter les louanges du Seigneur et prendre ensuite leur es- sor et remonter vers les cieux. | L’arc triomphal, reconstruit au xv: siècle, présente à sa base des rudiments de l’époque carlovingienne; les deux transepis sont ornés de belles roses du xrr° siècle, malheureusement dépourvues de verrières ; dans le transept gauche, Jésus-Christ tenant la croix bénit de la main droite le monde, à ses pieds sont deux démons ayant des têtes d'animaux , l’un d'eux porte un livre fermé; il lance des regards furieux à celui qui dompte leur puissance; ces deux démons , type as- (2) sez rare, et dont je ne connais pas d'exemple en An- jou, portent le nimbe. « En Orient (nous dit l'auteur de l'Iconographie » chrétienne) le nimbe est l’attribut de la puissance, » bonne ou mauvaise, qu'on soit diable ou archange, » qu'on soit criminel ou vertueux ; qu’on soit grand » traître ou dieu, on est fameuxet, à ce titre, nimbé: » cette idée s’est infiltrée chez nous, surtout aux épo- » ques de nos relations avec Constantinople; mais » elle n’a pu prendre racine, et la tendance à ne dé- « Corer du nimbe que la sainteté, que la vertu mo- » rale, a fini par prévaloir. » Les guerres qui tourmentaient l’Anjou depuis lon- gues années avaient porté une grave atteinte aux édi- fices religieux. Beaucoup tombaient en ruine, et de ce nombre était la nef de Saint-Serge. Le pape Pie II publia une bulle par laquelle il accorda indulgences plénières aux fidèles qui viendraient chaque année en pèlerinage à St-Serge, apporter leurs offrandes pour la reconstruction de l’église, depuis le lundi après la Pentecôte jusqu’au soir du mardi suivant (1). La nef actuelle, construite à la fin du xve siècle, date de cette époque. (1) Pius episcopus servus servorum dei. universis… cuin sicut accepimus, monasterium S. Sergii ct Bacchi propter guerra- rum turbines et diversas alias calamitates in suis redditibus valde attenuatum existat, adeo quod ad perfectionem et repara- tionem edificiorum ipsius monasterii et potissime ecclesiæ ejus- dem, quæ dudum fere ruinæ totali subjacebant, licet post modum cun fuffragio fidelium fuerint aliquater reparata, præ- dicti monasterii facultates minime sufficiant, ipsæque structuræ et edificia, quæ miro et egregio quodam opere inchoata sunt, nisi cum maximis sumptibus ac adjutorio fidelium nullatenus ( 238 ) Sur les piliers du transept droit, on voit une sirène, symbole de l'Eglise, et des monstres dévorant un homme , image des martyrs. Dans la chapelle du fond se trouve une sainte Anne due au ciseau de l’école de Pierre Biardeau, si toutefois elle n’est pas du maître lui- même. Le coloris et les draperies sont d’une entente parfaite. Comme toutes les belles choses reléguée à l'abandon dans un coin obscur, cette belle page de la statuaire du xvirre siècle serait restée jusqu’à ce jour inconnue, sans M. Béclard, qui , dernièrement, l’a signalée à l’admiration des connaisseurs. La voûte de la nef est ornée de trois médaillons qui forment un arbre de Jessé. Je ne connais dans aucune autre église du département une sculpture représentant l'arbre généalogique. Sur le premier médaillon, Jessé est couché ; une longue barbe couvre son menton, et il est revêtu du manteau royal; de perfici possunt, nos felicis recordationis Eugenii IV et Nicolai V Romanorum Pontificum prædecessorum nostrorum vestigiis inhærentes , de omnipotentis Dei misericordia confisi , omnibus acre pœnitentibns, et confessis in regno Franciæ comprehensis, qui ecclesiam prædicti monasterii die Lunæ post festum Pente- costes usque ad vesperas diei Martis sequentis devote visitave- rint annuatim, ac ad hujus-modi reparationem manus porrexe- rint adjutrices Plenariam Indulgentiam concedimus.... Præsen- tibus post quinquennium minime Valituris cameræ apostolicæ deputandum custodiatur, et teneatur claudendam in tres partes equales dividendam, et pro duabus monasterio hujus-modi ac tertia partibus præfatæ cameræ dumtaxat distribuendum repo- nant, alioquin indulgentiæ hujus modi eis minime suffragentur. Datum Romæ apud Sanctum Petrum anno 1477 Kalendas Aprilis pontificatus nostri anno tertio. (Communication de M. P. Marchegay, archiviste du départe- ment de Maine et Loire). (239) son flanc sort un arbre qui porte sur un de ses ra- meaux le roi David, conformément aux paroles d'Isaïe : Etegredietur Virga deradice Jessæ et Flos de radice ascendet, et requiescet super eum spiritus Dei; spiritus sapientiæ et intellectüs, spiritus consilii et fortitudinis, spiritus scientiæ et pietatis replebit eum ; spiritus timoris Domini nunc secundum gloriam judicabit, neque juxta sermonem arguet. « Un rameau sortira de la tige de Jessé, de la racine remontera une fleur , et l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de piété, l'esprit de la crainte le remplira. » Sur le second se trouve un rameau avec deux pro- phètes de chaque côté; ils tiennent à la main un philactère. Sur le troisième médaillon, la Sainte Vierge au milieu d’une branche. Dans le dernier médaillon on voit Jésus-Christ au sommet de l'arbre; sur sa tête descend le Saint-Es- prit sous la forme d’une colombe. Le fond de la nef est orné de deux pendentifs re- produisant tout ce que la capricieuse imagination des artistes du xv: siècle a pu enfanter. Ici c’est un per- sonnage jouant du chalumeau ; là un autre dans une position grotesque frappe sur un tambourin ; puis une chèvre broutant une vigne ; plus loin un animal fan- tastique dévorant un oiseau, etc. Toute cette ima- gerie est développée au milieu de rinceaux et d’entre- lacs d’une légèreté et d’un fouillé ravissants. La flore murale de Saint-Serge se compose de choux frisés, de vignes avec des raisins, de chênes por- tant des glands et des cupules dépourvus de leurs ( 240 ) fruits. Le voisinage de la Maine a inspiré au sculpteur l’idée de représenter des plantes aquatiques, et près du chêne se trouve la sagittaire. A l’exceplion de quelques grisailles du chœur et de deux panneaux d’une fenêtre du transept gauche, qui sont du commencement du xrrre siècle, les verrières de St-Serge datent du xv*. La fenêtre du fond dela nefre- présente des saints qu'il est impossible de connaître, vu l’état de mutilation où cette fenêtre se trouve. Dernièrement, feuilletant un travail sur les évêques d'Angers, travail écrit, sans contredit, par la plume la plus féconde de l'Anjou, je vis le passage suivant : « À Saint-Serge furent enterrés saints Godebert et » Agilbert dans une châsse d'argent; le dernier est » encore représenté dans le vitrail d’une chapelle, à » gauche. » | La première partie de cette citation m'était bien connue, mais j'ignorais la seconde, et pour m'en assurer j'escaladai d’un pas peu sûr la galerie gauche, qui est, comme on sait, dépourvue de balustrade. Quelle ne fut pas ma surprise ! au lieu de reconnaître le portrait du saint évêque dont Saint-Serge s’honora longtemps de posséder le corps, je lus le mot Jéré- mias. Toutes les fenêtres de ce côté renferment: des prophètes tenant des rouleaux déployés, sur lesquels sont écrits les passages relatifs à leurs prédictions. + Les apôtres, avant de se séparer pour prêcher le ‘ christianisme aux infidèles, se réunirent et compo- sèrent le Credo, symbole de leur foi commune. Sur les fenêtres de droite, le peintre verrier nous a repro- duit cette scène. Il nous montre chaque apôtre dérou- lant une banderole où est retracée la partie du Credo (241) qui lui est attribuée. Toutes les verrières de la nef, quoique mutilées, offrent encore des personnages d’un très beau galbe. Ces peintures sont d’un vif colo- ris, et lorsque le soleil vient les éclairer, elles ré- pandent dans la nef un clair-obscur qui s’harmonise parfaitement avec le mysticisme du caractère ogival. Nous venons d'étudier les beautés architecturales que renferme cette église. Parlons un instant de celles que le vandalismerévolutionnaire nous a empêchés de connaître. Laissons parler Lehoreau : « L'église de Saint-Serge et Saint-Bach est une des » plus belles de cette ville, assez riante et claire en » entrant ; seulement la nef est grande et spacieuse. » De chaque côté d’icelle sont quatre chapelles sépa- » rées les unes des autres par quatre piliers qui sou- » tiennent les arcs de la voûte. Du côté du couvent il » n’y a que trois chapelles, quoiqu'il y aît quatre ar- » Cades , parce que la dernière arcade ne peut avoir » d'ouverture, à cause des cloîtres qui sont à main » droite en entrant dans l’église. À la porte d'entrée » pour le chœur, est un riche jubé quant à l'archi- » tecture, enrichi de communes statues, le tout en » pierre de tuf. Le chœur, des deux côtés, quoiqu'assez » sombre, est renfermé d’un mur de tuf très propre. » Le chœur est d’une belle et commune grandeur. » Les chaises sont si antiques et si simples, qu’elles » ne méritent pas d'en parler, le bois en étant pourri. » La voûte dudit chœur est soutenue par six piliers » ronds fort propres, et même deux sont hors l’en- » clos du chœur. Le chœur est très propre quant » à l'architecture, et à côtè d'iceluy sont deux autels, » dont l’un construit en 1597, et qui est proche la (242) » sacristie, du côté de l’épître, représente sous une » arcade , Joseph d’Arimathie et Nicomède, qui ense- » velissent Notre Seigneur, accompagné de ses apô- » tres, d’une Madeleine aux côtés de Notre Seigneur, » et d’un ancien religieux à genoux aux pieds de Notre » Seigneur, qui a fait faire cet autel (1). » Les statues sont de terre cuite, eton peut dire que » toutes sont autant de chefs-d’œuvre. » L'autre autel, 1593, du côté del’évangileen entrant » dans l’église, représente sous une arcade, le trépas de » la Sainte Vierge ensevelie par les douze apôtres. Cette » pièce n’est guère moins bonne que l’autre, et aussi » admirable. Les figures sont de terre cuite et de di- » vers ouvriers. L’orgue est sur la grande porte, au » bas de la nef; le buffet ou la montre en est trèspetit ; » les tuyaux en sont si clairs qu’on les croit d'argent, » et le son en est très harmonieux. A côté de l’orgue, (1) Péan dela Thuilerie dit, dans sa description de la ville d’An- gers, à l’article Saint-Serge, qu’en 1490, Jean Tillon, abbé de St- Serge, fit rebâtir le grand autel qui représentait l’histoire de la Passion. Ce même Jean Tillon fit aussi construirele jubé qu’il orna de plusieurs statues, parmi lesquelles on considérait celle de No- tre-Dame de Pitié. Jean Tillon mourut en 1501; il fut enterré dans le transept de droite. On voit encore maintenant son épita- phe gravée sur le mur. Nous la reproduisons en entier : Sous cette lampe est le corps inhumé De Jean Tillon, prélat moult estimé, Qui cette abbaye droictement gouverna Seïze ans entiers qu’en icelle regna. Issu estoit de dame et chevalier, Parquoy d'église fut un ferme pilier, En observant la sainte religion Et les frères tenant en union, Le pupitre et grant autel côstruire Fist et des biens cy obmis à écrire, (243) » du côté gauche en entrant dans l’église, est une » tour carrée qui ne paraît point au dedans, mais » bien au dehors bâtie. Quoique assez haute, sans » ornements d'architecture en icelle, trois grosses » cloches qui sont sorties de la tour Saint-Nicolas, « l'an environ 1685. En entrant dans l’église, il y a » deux statues en pierre, qui sont de Plouvier, Ange- » vin; elles représentent saint Sébastien et saint » Roch. » Le premier comité de surveillance et révolutionnaire d'Angers, après avoir pillé toutes les églises de la ville, publia un compte-rendu de ses opérations, dédié aux patriotes du département de Maine et Loire. Voici un passage de ce rapport, en ce qui concerne Saint- Serge (1) : « On ne nous traitera pas de vandalistes, lorsqu'on » saura que partout où nous avons rencontré des » chefs-d'œuvre des arts nous les avons respectés ; » qu'au ci-devant Saint-Serge nous laissâmes in- » tactes les statues de saint Roch et de saint Sébas- » tien, la Cène et autres monuments, et que ce furent » les ouvriers employés à la salpêtrière révolution- » naire établie en cette maison qui les brisèrent en » thermidor. » (1j Les objets pris à Saint-Serge le 30 avril 1790, se composaient d’une baleine, deux bassins, un bâton, un bénitier, une boîte, deux bras , quatre burettes , deux bustes, quatre calices , deux bras, un ciboire, seize couverts, deux grandes cuillères, quatre croix, deux encensoirs, deux textes, une lampe, deux paix et un soleil. (Extrait de la lettre de Louis-Françors-Sébastien Viger à ses commettants.) ( 241) Tous les ans, au premier jour de mai, le maire de la ville d'Angers, accompagné de toute la maison de ville, précédé des tambours, des fifres et des trom- petles, se rendait à l'abbaye de Saint-Serge et Saint- Bach. Pendant la marche de la municipalité, le canon se faisait entendre. Arrivé à l’église, le maire se ren- dait à la chapelle de Saint-Brieuc où Briomagle. Il était reçu à son entrée, par le prieur de l’abbaye accom- pagné du diacre et sous-diacre en dalmaliques, por- tant la croix et le texte sacré ; puis il embrassait, ainsi que toute sa suite, la patène et l'anneau de saint Brieuc, et jurait sur les saints évangiles, de conserver les priviléges de l’abbaye. L'origine de cetie cérémonie venait de ce que la maison de ville était construite sur un terrain dépen- dant du fief de Saint-Serge. Bede et Adon, dans leur martyrologe, en parlant de la procession de la Saint-Marc, disent qu’elle fut instituée en mémoire de la grande inondation qui eut lieu en Italie. Lors de ce désastre , une multitude de serpents précédés d’un dragon monstrueux, descendi- rent le Tibre, furent rejetés sur la terre et infestèrent Rome et ses environs. Plusieurs habitants périrent de cette peste qu'on nomma inguinaria pestis, et qui occasionna la mort du pape Gelase. Saint Grégoire, dit le Grand, son successeur, ins- titua une procession pour apaiser la colère divine. Les moines de Saint-Serge , en mémoire de cet évé- nement, faisaient, le jour de la Saint-Marc, précéder leur procession, qui allait à l’abbaye du Ronceray, d’un formidable dragon à la bouche béante, le dard allongé et les aïles éployées, afin , nous dit le chroni- (245) queur , que Dieu , qui fit autrefois cesser dans Rome le fléau, délivrât aussi l'Anjou des mouches et insectes nuisibles à l'homme et aux biens de la terre. Dans diverses parties de notre récit, nous avons signalé les personnes remarquables enterrées à Saint- Serge. Nous dirons ici que, sous la tour du clocher, est enterré Geoffroy de Briolay, qui fut fait prisonnier par les Normands en 1097, lorsque Foulques-le-Ré- chin assiégea Balon. Nous indiquerons encore une autre sépulture : on lit sur le mur d’un pilier du transept droit : « Maître Pier Jehan dit Maugendie gist » ŸY cy endroit licencié ès droit » Et pretre aussi natif comme l'on dist » De l’éveché qu'on appelle Nantois » De Morigné curé qui trépassa » XVI jour de juillet l'an compté » Mil xt soixante cinq et a » Ung sollennel service y cy fondé » À célébrer pour lui le propre jour » De saint Pie que sans faillir chacun an » Et une messe en outre sans secour » Pour ung chûn vendredi mais ouan » Pour le salut de luy et ses amis » Priez Dieu qu'il leur doint paradis. » Le trésor de l’abbaye renfermait de pieuses reliques contenues dans de magnifiques reliquaires. Voici celles parvenues à notre connaissance : Une parcelle de la vraie croix. Trois épines de la sainte couronne. Un fragment de la sainte couronne. Un fragment dela colonne où Jésus-Christ futflagellé. Ca ( 246) Le bras et le chef de saint Serge contenus dans un reliquaire d'argent, un os de la jambe de saint Bach. Chartres et Saint-Serge d'Angers étaient les seules églises qui possédaient les reliques de saint Serge et saint Bach. Les corps de saint Godebert et de saint Agilbert, évèques d'Angers, renfermés dans une châsse de vermeil. Le corps de sainte Gertrude, abbesse de Nivelle. Un os de la jambe gauche de St Guanolé ou Guinolé. Très probablement les reliques de ce saint, qui est Breton, furent données à Saint-Serge, lors de la pos- session de cette abbaye par les princes de Bretagne. Après avoir donné une courte analyse des beautés artistiques que nos pères ont connues dans toute leur splendeur, examinons rapidement et en terminant ce que le xixe siècle a fait pour Sainit-Serge. Hélas ! nous sommes forcés de l’avouer, le mauvais goût et le vandalisme, qui ne cessent de régner dans cette église, nous ont forcés d’être vieillards avant l’âge. Nous pouvons dire à la génération qui nous suit : Cette ancienne abbaye que vous admirez, nous l'avons vue flanquée de gracieuses chapelles qui ont été défoncées pour faire les irréguliers bas-côtés ac- tuels. Ces saints, placés aux pendentifs des voûtes, ont été baptisés de nouveau et badigeonnés en cou- leur digne de figurer sur la devanture d’un coiffeur de village; le sacrarium, qui, presque toujours, est placé dans le fond de l’église afin d’être moins en vue et pour la plus grande sûreté des richesses qu’il ren- ferme, a été déplacé et accolé d’une façon étrange, à l’un des piliers des transepts ; les murs, les voûtes, (247) toute l’église , en un mot, a été transformée en un immense damier. Enfin, pour porter le dernier coup, une boiserie de l’ordre ionique est venue séparer la chapelle de la Vierge du chœur, et détruire l'effet de sa mystérieuse perspective. Voilà ce que l'amour du style grec et du badigeon ont produit à Saint- Serge. La fausse entente du gothique a enfanté la lourde chaire actuelle et le colossal buffet d'orgue. Aïmez- vous le gothique? on en a mis partout, vous dira-t-on. Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami, Mieux vaut un sage ennemi, A dit aussi Lafontaine. Cet espèce de retour vers le style ogival n’est point d’un heureux augure, car l'exécution démontre qu’on a voulu plutôt satisfaire les tendances du jour que puiser aux sources de l’art véritable. Pour faire de l'art religieux , il ne suffit pas de simples aperçus, il faut de grandes études, tant théoriques que pratiques ; il faut surtout se livrer à un examen approfondi des textes sacrés et ne négliger aucun détail. Rien dans l'art chrétien n'était sans signification. Les person- nages représentés tenant un livre à la main ne sont point les mêmes que ceux déployant le volumen, le livre des Evangiles n'avait point au moyen âge la même forme que la Bible; les apôtres étaient distin- gués par leur costume des prophètes, etc., etc. Aussi l'ignorance complète de l’art au moyen âge a fait représenter sur le pendentif de la chaire de Saint- Serge les anges ‘portant le nimbe crucifère, attribut réservé à Dieu seul. (248) Dieu est plein de miséricorde pour les pécheurs; aussi , à Son exemple, ne condamnons pas à tout ja- mais les fauteurs de ces anachronismes. Espérons que, dans un temps qui n’est peut-être pas très éloi- gné, l'antique église de Saint-Serge et Saint-Bach, dénudée de toutes ces décorations étranges et rétablie dans son style primitif, présenteraencore , dans toute sa pureté, aux artistes et aux fidèles, les beautés et les inspirations de l’art chrétien. Angers, 15 mai 1850. AIMÉ DE SOLAND. NOTA. — Ce travail était entièrement terminé et composé, lorsque M. Godard trouva dans les papiers de M. Grille, ancien bibligthécaire de la ville d'Angers, un obituaire d’Hubert de Vendôme , 41° évêque d'Angers, mort en 1047, ‘indiquant que ce prélat avait été enterré dans l’abbaye de Saint-Serge et Saint- Bach. : Ce fut Hubert de Vendôme et son père qui entreprirent à leurs frais de reconstruire l’église Saint-Maurice, mais ils ne purent achever que les murs de la nef qui furent couverts de grosses poutres pour soutenir le toît; néanmoins l’état où cette église fut laissée permit de pouvoir y célébrer l'office divin. Hubert de Vendôme en fit la dédicacele 16 août 1030. ( 249 ) À M. LÈBE-GIGUN, auteur de plusieurs gravures insérées dans le grand ouvrage de l'Ésypte FORGET (ANSELME), (XVIII® SIÈCLE). M. Baugé, curé de Candé, auquel nous devons la plupart des renseignements qui suivent, découvrit dans le vieil hôpital de sa paroisse une tombe primi- tivement située dans la chapelle de l'aumônerie de St- Jean , et qu’il a eu l'attention d’y faire replacer. Cette aumônerie , embellie de nouvelles constructions, sert aujourd'hui de nouvel hôpital, l’ancien ayant été ven- du audit sieur curé. La restitution de la tombe de Forget à sa première place est d'autant plus convenable , que ce bon prêtre avait eu soin de réunir l’aumônerie de Saint-Jean dont il était titulaire, à l'hôpital primitif de Candé. Par suite de cet acte , ce beau bénéfice de l’aumônerie n’a pas été vendu à la révolution, aussi est-il entré dans le,patrimoine des pauvres. La tombe de Forget se trouve bien au milieu d’eux. On y lit : « Cy git Messire Anselme Forget, prêtre 17 ( 250 ) » et docteur de Sorbonne, de la maison et société » royalefde Navarre, censeur royal et vicaire général » et official du diocèse de Meaux , cy-devant vicaire- » général, chanoïne, grand archidiacre et official de » celui de Langres, ancien professeur de philosophie » au Collége des Grassins, à Paris, aumônier du con- » seil et de Mgr le chancelier, titulaire du bénéfice de » l’aumônerie de Saint-Jean 1èz Candé, autheur (sic) » de plusieurs ouvrages , né à Candé le 21 novembre » 1725, mort au même lieu, le 5 octobre 1788. » Ses talents l’ont élevé aux dignités de l'Eglise; son » corps est ici, son esprit est à la postérité. » Requiescat in pace. Amen. » Cette épitaphe omet ses qualités de chanoine de la noble et insigne Eglise de Saint-Martin de Tours, et fait défaut sur le mois de son décès ;. il résulte en effet, d’une lettre de Paris en date du 29 juillet 1788, adres- sée à Mile Quittebeuf d'Angers, par dame Bergeret- Hocquart, dont les armes sont ornées d'une couronne de comte, que la mort de Forget eût lieu certaine- ment avant le 29 juillet ; voici en effet les termes de la lettre : » Mademoiselle, » Je recois dans le moment la letire par laquelle » vous me faites part de la perte de M. l'abbé Forget.» Son décès eut donc lieu vraisemblement au mois de juillet. Quoiqu'il en soit, Forget était fils d'un bourrelier, et avait été élevé avec Jacques-François, son frère, prêtre du diocèse d'Angers, vicaire-général de Québec, avait (251) été élevé, dis-je, par les soins d’une famille noble du pays. I a beaucoup écrit, el nous avons sous les yeux trois ouvrages, imprimés à Langres, qui lui sont at- tribués , et dont nous allons rendre compte le plus brièvement possible. L'un, intitulé Abrégé de logique, et l'autre Abrégé d'astronomie , furent composés à l'usage du pensionnat des dames Ursulines de Châtillon-sur-Seine, etimprimés en 1777. Forget lui-même développait oralement ces matières aux élèves , et il nous apprend quelque part qu'il est également auteur d’un Abrégé de géographie. Le troisième ouvrage renferme cinq volumes in-19, qui ont pour titre : Traité des grands-vicaires et des offi- ciaux. Tous ces livres sont didactiques mais sans trop sen- tir l’école. Le style en est facile, net et précis; il a même parfois de l'élévation et de l'agrément. La pen- sée s’y trouve toujours ferme, bien conduite et pleine de mesure : sa discussion a de la chaleur, du nerf j mais jamais rien de dédaigneux ni de personnel. Elle se lient toujours à la hauteur des principes et ne s’a- baisse jamais jusqu'à mendier un trait à l'ironie pour combattre des opinions adverses. Il expose avec dou- ceur et simplicité , c’est-à-dire sans fatigue, et vous ne pouvez le lire sans fruit. Ses deux abrégés n’ont qu'un mérite d'exposition , mais ce talent est-il done si commun ? Quant à son traité, c’est autre chose! vous n'y rencontrez plus seulement de l’érudition de seconde main, mais un travail ex professo. Il entre au Nif dans la jurisprudence et l'administration. Les ma- tières civiles et canoniques Ini sont familières, on (252 ) éprouve de la sécurité à le suivre dans ses interpréta- tions. Est-il ultramontain? est-il gallican? je n’en sais rien ; mais il est avant tout catholique et homme de raison. En philosophie, il me paraît se rattacher à l'é- cole de Descartes. Absolu comme un dogme dans les choses invariables de sa foi, il fuit les extrêmes lors- qu'il s’agit de questions douteuses. Ses livres, en ou- tre , sont pleins de curiosités attachantes et précieu- ses pour l’archéologue, ainsi nous apprend-il qu'il n’y avait qu'un autel dans chaque église avant le vr: siècle et que jusqu'au 1x°, on n’y plaçait point les reliques ; enfin que c'est un usage récent d'y mettre des chan- deliers , des bouquets de fleurs, et d’y avoir des gradins. Il nous fait savoir encore, qu'avant Eude de Sul- ly, au xrrre siècle, il n’est pas fait mention de ta- bernacle; que le pape Léon IV a commencé par dé- fendre les calices de verre et de bois, et que ceux de cuivre et d'étain ont été plus tard prohibés; qu’au temps de saint Mesmin, mort en 520, on parlaït déjà du baptême des cloches, etc., etc. Dans un autre ordre d'idées, il enseigne que l’E- glise a été la première qui ait ordonné de tenir des registres de naissances, mariages et décès, « on en fait » mention , dit-il, dès le temps d'Hincmar ei plus ré- » cemment, en 1524, dans le synode de Sens , au lieu » que les premières ordonnances de nos Rois qui les » ont prescrites sont celles de 1539, de 1579 et de » 1667, et enfin celles du 9 avril 1736. » Ce n’est pas le seul exemple à citer des emprunts faits par l’autorité civile à l'autorité ecclésiastique, et si les bornes d’une simple biographie n’y mettaient (258) obstacle, nous pourrions en trouver beaucoup d'au- tres dans Forget; toutefois, nous ne nous dispense- rons pas ici de citer ce que cet auteur nous dit d'une sorte d'impôt progressif établi longtemps avant la ré- volution, sur tous les membres du clergé de France, qui étaient, en certaines circonstances, tenus de payer au souverain des décimes. » » « Toute imposition , écrit Forget... doit être ré- partie en proportion des forces respectives de cha- que Bénéfice, qui se tirent du revenu et de la desti- nation de ce revenu, combinés l’un avec l’autre. Ainsi, plus le revenu est modique et son emploi né- cessaire, moins il doit supporter d'imposition. Un évêché à revenu égal doit être moins imposé qu'une abbaye... Ces nuances de plus ou de moins de fa- veur aperçues dans les bénéfices, et tendant à les soumettre par gradation, à une moindre imposi- tion, ont déterminé l'Assemblée de 1760 à les dis- tribuer en huit classes... La première, composée des bénéfices simples (c'est-à-dire sans charges d’à- mes et sans obligation de résidence), est imposée à l'égard de la totalité des revenus ; dans la deuxième on soustrait 1/3 du revenu à l'imposition; dans la troisième, on soustrait 2/5 ; dans la quatrième , la’ diminution est de la moitié; dans la cinquième classe, elle est de 3/5; dans la sixième, on sous- trait les 23; dans la septième, on ne laisse que le 4/4 sujet à l'imposition ; et dans la huitième, on n'y soumet qu'un sixiènie. » Après ce retranchement graduel fictice, ce qui reste. est la matière imposable sur laquelle seule est assise la taxe , et en proportion égale dans toutes les classes. (T. 1v, p. 48 et 49). » (254) Ce principe, exceptionnel dans le clergé, que l'on payait d'autant moins d'impôts que l’on avait moins de revenu et plus de charge, n’a donc rien de nouveau, et ne permet pas au socialisme d’en revendiquer la dé- couverte; seulement dans le clergé, il ne s’appliquait qu'à des bénéfices toujours révocables , tandis que les socialistes prétendent l’asseoir sur la propriété elle- même. Mais laissons parler Forget, qui en critique l'application : « Quelqu’ingénieux et facile que soit ce système » (assure-t-il), il faut pourtant convenir que les con- » séquences sont en contradiction avec les princi- DAPES AU , Car On commence par établir avec raison » qu'un canonicat et une cure de même revenu ne » doivent dans aucun cas être également imposés ; » néanmoins, cet inconvénient arrive nécessaire- » ment et on ne peut y remédier qu'en subdivisant » les classes... C'est encore un défaut qu'une eure » de 1,200 livres et une autre de 1,201 livres, étant » de différente classe, présentent à l'imposition des » formes très disparates.….… » L'assemblée de 1765... a donné un modèle pour .» établir ces nuances graduelles et adoucir le passage » d’une classe à l’autre, en les subdivisant et les fai- » Sant Communiquer par une pente presque insen- » Sible. » A entendre Forget traiter ainsi, de son temps , une question si palpitante d'intérêt dans le nôtre, on croi- rait lire une dissertation récente. Ses ouvrages sont pleins de faits non moins inté- ressants qui, en raison de notre ignorance du passé, (Us )) nous paraïtront comme des révélations inattendues. Le publiciste, le prêtre, le magistrat, le philosophe, ne pourront que profiter en les lisant. Le littérateur même y trouvera du plaisir, et sou- vent des pages comme celle-ci : (l’auteur, dans son abrégé d'astronomie, expose le systême de la plura- lité des mondes). » » « L’immobilité sensible des étoiles, écrit-il, et la vivacité de leur lumière fait conjecturer qu’elles sont autant de soleils destinés, chacune à être le centre et le principe du mouvement de plusieurs pla- D] nètes et comètes habitables. CARE Dans cette hypothèse, on doit admettre la pluralité des mondes... Et pourquoi n’en se- rait-il pas ainsi? dans un grain de sable , dans une goutte d’eau, nous apercevons des habitants... En- core nos meilleurs microscopes ne nous en mon- trent-ils que les baleines... ils sont bien éloignés d'atteindre jusqu'aux insectes... » N’est-il pas plus digne du Créateur de supposer que partout il existe des êtres qui peuvent célébrer sa gloire, que de dépeupler l'Univers à l’exception de la terre... Qui pourra croire que Dieu ait été si prodigue d'êtres matériels et qu'il n'ait créé qu'avec épargne les esprits... » Le déplacement du centre du soleil remarqué par les astronomes, fait conjecturer que cet astre et toutes les étoiles ont un mouvement autour d’un corps central qui sera le centre des centres et comme le trône de la nature. » Mais de quelle substance est le corps central pour (256) être digne du poste honorable que le Créateur lui a confié , et tenir en respect ces mondes innombra- bles qui lui sont assujettis de manière qu'il n’en » On objectera contre la population de l'Univers que certaines planètes, et surtout les comètes, ne sont pas habitables. SD) Mais, répond Forget, où est la nécessité que tous les êtres vivants soient faits comme nous? n'est-il pas infiniment plus vraisemblable qu'il y ait, de globe en globe, une variété d’organisation et de complexion relative aux besoins des peuples qui les habitent... » N’est-on pas revenu du préjugé, qui longtemps, avait fait regarder la zone torride et la zone glaciale comme inhabitables ? » N'y a-til done que des hommes sur la terre même , et sinous n’eussions jamais vu ni poissons ni oiseaux , ne serions-nous pas également fondés à regarder les eaux et les airs comme dépeuplés; sommes-nous bien sûrs que le feu n'ait pas ses ha- bitants invisibles? Disons que la nature des êtres qui peuplent les comètes nous est inconnue, mais ne nions pas leur possibilité. Ainsi raisonnent les partisans de la pluralité des mondes, qui, en aug- mentant jusqu’à l'infini l'étendue de la nature vi- vante et intelligente, peuvent chanter en hymne à la louange du Créateur et élever à sa gloire le plus grand des monuments. » On peut faire une exposition plus brillante, mais difficilement plus ferme et plus large. Toutes ces citations suffisent pour indiquer, au ( 257 ) point de vue littéraire, les qualités essentielles de notre auteur, sur le compte duquel nous ne dirons plus que deux mots : c’est à savoir qu'aucune biogra- phie, à notre connaissance , ne le mentionne , et que ce silence doit n'être pas attribué au dédain de ses contemporains, mais à son éloignement de l’Anjou où il n’a fait, pour ainsi dire, que de naître et de mourir. Ses œuvres , en outre , calmes et modestes, publiées peu d'années avant la grande révolution, se sont trouvées comme anéanties dans les bruits pré- curseurs de l'ouragan , et enfin sa tombe, qui ne date que de 1788, a été découverte par hasard et comme une sorte de monument antique, tant l'oubli court vite sur les morts. Ce croquis , concernant Forget, est donc une res- titution qui doit s'ajouter à celles faites, notamment par MM. Guillory, Béclard et V. Pavie. Vous n'avez pas perdu de vue, en effet, les notices sur Turbilly, Biardeau, Létenduère et Leisner ; pour mon compte, je ne les Oublie pas et leurs auteurs me permettront, sans aucun doute, de mettre un jour leurs travaux à profit. Deux mots maintenant relatifs à quelques-uns des renseignements qui nous ont servi dans cette notice. Ils nous furent communiqués par notre collègue et ami M. Béclard, et consistent 1° dans une lettre sus- énoncée ; 2° dans un acte de notoriété, en date à Pa- ris du 6 septembre 1770, passé devant Me Giraudot, notaire, acte qui établit qu’en cette année 1770 , les deux frères Forget demeuraient à l'hôtel de M. lechan- celier de France, place Vendôme, paroisse de St-Roch. La troisième pièce est une lettre d’Anselme-Marie ( 258 ) Forget lui-même, par l'interprétation de laquelle se révèle la parenté de cet abbé avec la famille de M. le docteur Guépin, famille qui compte au nombre de ses membre des hommes si distingués dans les sciences et la médecine. V. GODARD-FAULTRIER. ( 259 ) PRÉCIS HISTORIQUE SUR LES ÉTUDES GÉNÉRALES AU MOYEN-AGE EN OCCIDENT. —— Q ——— On se figure communément que le moyen âge a été une époque d’ignorance à peu près absolue et une période tout à fait inutile ou contraire même au per- fectionnement de l'esprit humain. C'est là , il faut le dire, une idée fâcheuse et très fausse contre laquelle doivent se mettre en garde tous ceux qui aiment à se former une juste opinion des choses. Il n’est pas pos- sible de supposer que l’activité d'intelligence dont on fit preuve , à la renaissance des lettres , ait pu surgir tout à coup comme un effet sans cause ; un fait pa- reil n'arrive pas complet et soudain. L’on doit néces- sairement admettre que bien que le progrès intellec- tuel ait été latent, insensible ou inaperçu durant un certain nombre de siècles , il n’en est pas moins cer- tain que , malgré quelques pauses , sa marche ascen- dante n’a point discontinué et a souvent été témoi- gnée par ces individualités prodigieuses qui apparais- saient , il est vrai, comme des météores isolés et en avaient l'éclat et la rapidité. Leur passage successif peut cependant nous servir à jalonner les mouve- ments graduels de l'intelligence humaine dans le ( 260 ) cours de ces dix siècles qui forment le moyen âge, dont la longue période commence à la chute de l’em- pire d'Occident, -en 476, et finit à la prise de Constan- tinople par Mahomet Il, empereur des Turcs, en 1453. Au milieu de tous les événements considérables qui ont rempli cette période, notre intention, dans cet essai , est uniquement de dégager et de faire ressortir le fait dominant pour tout homme éclairé; ce fait c’est le progrès intellectuel de l'humanité. Arrêtons d’abord un moment notre attention sur la situation des esprits dans les temps qui précédèrent immédiatement la chute de l'empire d'Occident , et. assistons par un retour de la pensée au spectacle que nous offre cette grande phase historique. C’est alors que nous voyons en scène , et au principal plan, ces hommes dont le génie inspiré a jeté un si vif éclat sur les premiers siècles qui suivirent l'établissement du christianisme ; c’est au lever de cette ère nouvelle que nous sommes appelés à admirer ces âmes pleines à la fois de sentiments héroïques et de sublimes pensées et ces esprits éminents dont les inspirations entraî- nantes viennent régénérer un monde qui s’affaissait chaque jour sous le poids du débordement invétéré de toutes les corruptions. La divine et puissante voix du Christ se perpétua, pour ainsi dire, dans les nom- breux disciples qui propagèrent sa doctrine et qui furent loujours animés de son souffle évangéli- que. Aussi quels magnifiques, quels suaves et tou- chants accenis firent entendre tous ces dignes suc- cesseurs des apôtres, qui, voisins de l’origine du christianisme, semblaient être encore sous l'influence des Jangues de feu du Cénacle, dont un ordre céleste ( 261) avait prescrit la descente, pour instruire les apôtres à transformer le monde en l’arrachant à l'erreur, en le rendant à la vraie lumière et à la vraie vérité qui avaient lui dès les premiers temps et dont on avait depuis méconnu et obseurei la clarté. C'est dans ces premiers siècles , si fervemment reli- gieux , que la littérature chrétienne s’éleva à ce haut degré de splendeur tandis que la littérature païenne s'éteignait chaque jour. Au Ille siècle , cependant , la Gaule romaine possédait encore de grandes écoles ci- viles ; les principales étaient celles de Trèves , Bor- deaux , Autun, Toulouse, Poitiers, Lyon, Narbonne, Arles, Marseille, Besançon, etc. Quelques-unes étaient assez anciennes; celles de Marseille et d’Autun da- taient du I« siècle ; on y enseignait la philosophie, la médecine, la jurisprudence, les belles-lettres, la gram- maire , toutes les sciences du temps. La plupart de ces écoles étaient très nombreuses ; on comptait à Autun, par exemple, près de 40,000 étudiants, d’a- près le témoignage de Suétone et d’Ausone. Mais par le saccagement que firent de cette villeles Bagaudes vérs la fin du Ile siècle, Autun fut frappé d’un coup ter- rible et ses écoles renommées ne purent se relever. Les empereurs romains prenaient sans cesse des dis- positions nouvelles en faveur de ces établissements. Cependant tout atteste qu'aux IVe et Ve siècles, les écoles civiles étaient en pleine décadence, l'esprit chrétien prévalait partout et venait éclipser l’ensei- gnement païen ; des écoles épiscopales se fondent sur plusieurs points dès le IVe siècle et se multiplient dans les siècles suivants. C'est de ce moment que la vie intellectuelle appartient exclusivement à l'Eglise ( 262 ) qui la répandit et la distribua à tous’ ceux qui voulu- rent y participer. C’est ainsi que l’on voit passer suc- cessivement comme illustrations mémorables de la science chrétienne du Ie au IVe siècles saint Denis l’aréopagite , qui avait été sénateur de l’aréopage à Athènes et qui fut converti par saint Paul, saint Justin , saint Irénée , Clément d'Alexandrie, Tertul- lien, Origène, saint Cyprien, Lactance, saint Bazile, saint Grégoire de Nazianze, saint Ambroise, saint Jérôme , saint Paulin, Eusèbe qui fut l'historien de l'époque , et une foule d’autres qu'il sefaït trop long d'énumérer ici. Tous ces hommes font entendre la plus pure morale unie à la plus haute éloquence. Les lettres aimeront toujours à s’honorer de l'éclat qu'ils ont répandu sur leur siècle, et leurs noms seront transmis d'âge en âge avec leur brillante auréole de- puis l’origine du Christianisme jusqu'aux dernières générations. C'est aussi un peu avant le commencement de l’é- poque qui a pris le nom de moyen âge que paraissent les Augustin, les Chrysostôme, les Ambroise, les Jérôme, les Grégoire de Nazianze. Personne n’ignore les, trésors de science littéraire, religieuse et philoso- phique qui jaillirent, de ces sources fécondes et illus- tres , et les effets prodigieux que les œuvres de ces hommes produisirent dans les esprits. On sait avec quelle puissance de raison et de logique les opinions erronées et les hérésies naïissantes, furent combattues et terrassées par ces intrépideset vigoureux défenseurs athlètes de la vérité. Un philosophe platonicien peu connu et qui mérite de l’être, Némésius, évêque phé- nicien, a écrit, à celle même époque, c'est-à-dire (263) dans le cours du Ve siècle, un ouvrage très remar- quable sur la nature de l’homme, et qui peut être mis à côté de celui de saint Augustin sur le même sujet. Cet ouvrage qui porte le cachet d’un profond penseur a traversé le moyen âge et les temps modernes sans exciter l'attention dont il est digne. Il est rempli des réflexions les plus judicieuses, sur la philosophie des Anciens el il présente un résumé rapide et lumineux de leurs opinions sur les facultés de l’âme et sur les questions importantes qui s’y rattachent. Cependant, à mesure que la lutte contre le chris- lianisme et le paganisme vint à diminuer et à cesser, les écrivains orthodoxes eurent moins de motifs et d'occasions de cultiver les lettres et de s'exercer à ces hauies controverses d'où se dégageaient toujours quelques rayons de lumière. Ce fut là, peut-être, une première cause de décadence de la puissance intel- lectuelle qui ne fut plus stimulée par le mobile qui l'avait précédemment animée et entretenue. Après les Pères de l'Eglise on observe , en effet, un déclin sen- sible dans les études, mais bien que ralenties elles ne furent jamais totalement abandonnées par les clercs. Il est, facile de comprendre que la première période du moyen âge devait présenter ce caractère sémi- barbare qu'on y remarque. La société était effective- ment alors, depuis l'invasion des peuples du Nord, dans une sorte d’ébullition où devaient se combiner et s’assimiler les divers éléments qui la composaient, c'est-à-dire l'élément gallo-romain , l'élément chré- tien et l'élément germain ou barbare qui sont les principes fondamentaux de la société moderne. Il était impossible qu'il ne survint pas, durant cet al- ( 264) liage laborieux, un temps d'arrêt dans la marche de l'esprit humain. Il fallait que la fusion s’accomplit pour que les études intellectuelles reprissent leur cours. C’est pendant ce travail d’incubation et d’agré. gation que s’étendit sur le monde cette épaisse couche d'ignorance qui dérivait de la situation des choses. Mais au milieu de ces ténèbres apparentes, veillait le flambeau du christianisme , et c’est lui qui conserva l’étincelle sacrée qui devait rallumer le feu des intelligences dans les périoces suivantes du moyen âge, surtout au siècle de Charlemagne et no- tamment aux XI: et XII: siècles , car c’est principale- ment à dater du XIe siècle que les nations nouvelles, ayant assuré leur place et délimité leurs possessions territoriales , tournèrent leur attention et tous leurs efforts à retrouver le fil rompu ou égaré de la science et à renouer la trame des connaissances humaines en reliant le passé au présent et à l’avenir. Il ne faut donc considérer la décadence intellectuelle qui si- gnala le commencement du moyen âge, que comme une condition inhérente à toute société qui se recom- pose et qui est en travail de combinaison et d’amal- game avec tant d'éléments différents. Ce qui est alors survenu arriverait encore aujourd'hui même, si des circonstances analogues pouvaient se reproduire, et si de nouvelles peuplades sauvages menaçaient de faire irruption et de se fondre dans nos états civilisés qui contiennent eux-mèmes , il faut bien le dire, des éléments assez hétérogènes et même des ferments d’hérésies anti-sociales dont l’anta- gonisme hostile est souvent déplorable et bien fu- neste. Les peuples de l'antiquité étaient sortis de ( 265 ) l'enfance pour marcher d’un pas progressif vers la civilisation, mais il ne pouvait en être de même en Europe au commencement du moyen-âge ; l'invasion des barbares et ce mélange confus d’une société neuve avec une société énervée et décrépite, de peuples grossiers et féroces avec d’autres peuples cultivés et amollis par une civilisation corrompue , amenèrent une situation bizarre et indéfinissable d’où il fallut nécessairement partir pour se diriger vers une civili- sation nouvelle. Cependant , nous devons le remarquer ici, au mi- lieu de ce pêle-mêle, de cet enchevêtrement de races et de peuples, toutes ces fractions diverses apportaient, chacune de leur côté, des usages, des mœurs, des ca- ractères qui avaient leur raison dans leur existence antérieure et qui, dansune certaine mesure, offraient une valeur originelle et des conséquences utiles en se modifiant les uns les autres. Du reste , toutes ces dif- férences caractéristiques furent façonnées et réfor- mées au moule régénérateur de l'Evangile, et ce fut cette loi divine qui prévalut sur toutes les lois , sur toutes les coutumes, et qui redressa toutes les erreurs qui en émanaient. Le Christianisme vint cimenter ainsi l'union des peuples du Nord et du Midi, il assi- mila en quelque sorte des mœurs opposées, il assem- bla et ajusta des caractères qui s’adoucirent ou se fortifièrent par leur mutuel contact. L'énergique na- ture des hommes du Nord vient retremper l'esprit cultivé des peuples du Midi, dont les lumières déve- loppèrent , à leur tour, l'intelligence de ces hommes incultes et à sève vigoureuse. Cet amalgame ne s’est faitique peu à peu, il est vrai, mais Mr il s’est ( 266 ) opéré et il a fondu les divers caractèrestet les diverses mœurs pour ne former plus qu’un seul peuple dans les différentes régions politiques de l'Europe; et, pour quiconque veut ouvrir les yeux et le cœur à l’action des voies providentielles ; il est clair, comme la lumière du jour , que la religion chrétienne a été l'agent principal de cette combinaison sociale qui a fondé le repos et la félicité des nations modernes, re- pos et félicité qu'elles ne peuvent maintenir qu’en demeurant fidèles à ce principe régénérateur: Toute- fois ; en se reportant par la pensée à l’époque où les invasions successives des peuples du Nord venaient troubler incessamment la stabilité des nations méri- dionales en Occident , on conçoit facilement le boule- versement qui devait en résulter pour la direction et la sécurité des études générales. Ce fut cependant au milieu de ce chaos intellectuel que saint Augustin, un peu plus tard, et Cassiodore, dressèrent et arré- tèrent successivement le plan des études qui fat suivi pendant longtemps après eux. On en fit deux cours : dans l'un , nommé Trivium , on enseignait la gram- maire , la réthorique et la dialectique; dans l’autre, nommé Quadrivium, on enseignaït la musique, l’arithmétique , la géométrie et l’astronomie ; c'est ce qu'on appelait les sept arts libéraux; les traités qui furent faits sur ces diverses sciences renfermaient alors beaucoup d’obscurité. Cependant des hommes qui occupèrent, em ces temps, un rang distingné dans l'Etat ou dans l'Eglise, nous ont laissé de pré- cieux et authentiques témoignages de tous les déve- loppements que l’on s’efforçait de donner aux nobles facultés de l'esprit et de l'âme. Le plus grand'intérêt s'attache aux écrits de Boèce, de Symmaque , de saint ( 267 } Grégoire-le-Grand, qui ont des droits à la mémoire de la postérité. Boèce eut une grande réputation et devint ministre de Théodoric , premier roi des Goths en lialie ; mais sur quelques soupçons qui s’élevèrent contre Jui, par les menées des adulateurs du prince, Boèce fut emprisonné avec Symmaque, son beau-père, et tous deux expièrent de leur vie la supériorité qui les avait mis en buite aux jalouses passions de la médiocrité, C'est dans sa prison que Boèce composa son beau livre de la Consolation de la philosophie, où se trouvent d'excellentes pensées sur la Providence et sur la pre- science de Dieu ; on a de lui quelques autres ouyrages qui témoignent de l'éclat de sa poétique imagination. Cassiodere, qui fut aussi principalministre de Théo- doric, se retira ensuite dans une sainte solitude où il publiasuccessivementson Commentaire sur les Psaumes et plusieurs traités philosophiques, parmi lesquels on remarque celui de l'âme. Il y rédigea aussi un recueil de rescrits et d'ordonnances sous Théodoric et sous Athalaric, Théodat et Vitigès ses successeurs. Cet ou- yrage jette une grande lumière sur l’histoire de l’'Ita- lie sous l'empire des Goths. Si les événements historiques étaient ainsi conser- vés , le dogme chrétien ne l'était pas moins , et nous avons ici à rendre hommage à la mémoire du pape saint Léon, dont la parole puissante parvint à arrêter de- vant Rome, le terrible conquérant Attila, et dont les fermes enseignements puisés dans la: doctrine im- muable et suprême , étouffèrent l'hérésie d'Eutychès qui avait envahi l'Orient , ainsi que les erreurs qui tentèrent de se produire en Occident. Ces: bienfaits méritent à leur auteur un souvenir fidèle dans les ( 268 ) annales des mouvements intellectuels des peuples. Ce fut peu après qu’il parut un autre souverain pon- tife qui rendit aussi de grands services au monde en- tier, en amenant les nations diverses à reconnaître tous les bienfaits et toute la puissance du Christia- nisme. Nous voulons désigner saint Grégoire-le- Grand, qui dans son Pastoral ou Traité des devoirs des Pasteurs, sut si bien éclairer le clergé, et qui, par ses homélies , ses lettres et ses traités de morale , parvint à répandre en tous lieux les enseignements les plus précieux et les idées les plus civilisatrices, puisque tous ces doctes écrits émanaient de la science ris gélique et de l’inspiration divine. Nous ne pouvons oublier ici Isidore de Séville, qui a été aussi une des lumières de la fin du VIe siècle ; il fut le consolateur du malheureux, le père des pau- vres et l'oracle de l'Espagne. On le vit présider, de son temps, à un grand nombre de conciles, et il a laissé plusieurs traités fort intéressants où une vaste érudition se trouve unie à une profonde piété. On lui a attribué longtemps une collection de canons qui renfermait les fausses décrétales d’un grand nombre de Papes, depuis saint Clément (91) jusqu'au pape Sirice (384) ; mais il a été reconnu que ces fausses décrétales étaient l’œuvre d’Isidore Mercator ; après avoir conservé, grâce à l'ignorance de la critique , un caractère authentique durant plusieurs siècles , elles ont été enfin arguées de faux et rejetées par l’auto- rité ecclésiastique. Ce fut le cardinal de Cusa qui, par sés savantes investigations, ouvritla voie à LP: im- portante rectification. Parmi les esprits d'élite qui avaient paru en France ( 269 ) pew avant les hommes éminents que nous venons de «citer, on peut à bon droit nommer : Salvien, à Marseille, 440; Sidoine-Apollinaire, à Clermont, en Auvergne , 488; Ausone, qui, dans des genres dif- férents, furent les derniers représentants de la litté- rature gallo-romaine. On ne peut lire, surtout les ouvrages des deux premiers sans être frappé et pro- fondément impressionné du désordre et de l'agitation orageuse de cette époque dont le tableau se réfléchit dans leurs écrits. Salvien, dans son livre du Gouver- nement de Dieu (de Gubernatione Dei), s’attache à dé” montrer, comme saint Augustin dans sa Cité de Dieu, la haute manifestation de la justice divine dans tous les événements qui arriveut dans le monde. Censeur des vices et des désordres de son époque, il leur at- tribue les succès des Barbares, qui ne lui semblent que les ministres des punitions infligées par la loi di- vine. Ses véhémentes admonitions l'ont fait surnom- mer le Jérémie de son siècle. La morale, au v: siècle, n'eut pas, en effet, de plus chaleureux défenseur. Il a été le premier à reconnaître et à proclamer que la chute de l'empire qui s’écroulait sous ses yeux , deviendrait le principe d’une civilisation nouvelle fondée snr le Christianisme, c’est-à-dire ‘sur la vérité, la liberté et la Charité. C’est du milieu des ravages qu'il déplo- rait. chaque jour, que Salvien laissait parfois s’em- porter sa pensée vers l'avenir, pour la consoler des douleurs du moment présent. Aïnsi faisait Sidoine Appollinaire, dont les lettres sont une image pleine de vie et d'intérêt des événements et des homuues de son siècle. On ne peut trouver un récit plus saisissant de l’étrangeté de cette vie nouvelle et ( 270 ) sauvage jetée au milieu de la civilisation. Malgré cette terrible instabilité des choses du moment, on se mit à faire l'étude simultanée de la Bible , des écrits des Saints Pères, du droit civil et canonique, et même des ouvrages d’Aristote, qui, bien qn’on J’ait dit et répété, n’ont pas attendu pour nous parvenir de mous être communiqués par les Arabes. Ceux-ci, il est vrai, les ont connus et commentés de bonne heure, car ils eu- rent, durant les siècles dont nous nous occupons, de grands centres d'étude scientifique à Bagdad, à Damas, à Cordoue , à Tolède, à Séville. El faut se rappeler que la doctrine de Mahomet s'établit en 622;, et donna une activité nouvelle à la, direction des esprits chez ce peuple aventureux et si éminemment impression- nable. | Sur ces entrefaites, en Occident,, on absorbaiït.donc tout à la fois, sans pouvoir précisément rien digérer complétement; on commençait néanmoins à disserier, à disputer même sur tout avecardeur; mais à côté des erreurs et des aberrations. inhérentes à. cet état, de choses, se mêlaient les divers germes de perfectionne- ment qui tendaient à adoucir les mœurs et à polir les esprits. Ces temps sont imparfaits , sans doute, mais c’est une imperfection qui ne se flatte pas, qui se juge elle-même et qui s'empresse vers le savoir. Les hommes de cette époque cherchent avecune inquiète sollicitude tous les moyens d'arriver à la lumière ils emploient tous leurs. efforts à faire un pas dans la voie de la civilisation, et ils luttent corps à corps avec tous les éléments contraires ou hostilesà ce but. Chez ces hommes l’ardeur et le courage ne défaillent ja- mais , parce que. le principe chrétien vit en eux et, (271) les. anime et ranime sans cesse. Entendez, par exemple, retentir au milieu de ce monde mouvant et.avide d'instruction, la puissante parole de saint Césaire, évêque d’Arles, dont l’éloquence à la fois sa- vante, rude et populaire, saisissait les esprits , les ra- vissait par les images les plus gracieuses et les en- traînait à la vérité avec cette verve simple et tou- chante qui agit toujours victorieusement sur les âmes. Ecoutez un peu plus loin saint Colomban, évêque de Luxeuil, type, ini aussi, d’un autre genre d'éloquence, de cette éloquence abrupte, hardie, bon- dissante, qui en fit le Bridaine de la fin du vr: siècle. Un peu avant cette époque vivait saint Avit, évêque de Vienne (Dauphiné), dont un poème en trois chants intitulés : la Création , le Péché originel , le Jugement de Dieu, mérite d'être comparé, dans plusieurs de ses parties , au Paradis Perdu de Milton , auquel il n'aura peut-être pas nui. Un auire évêque, Fortunat, poète du vre siècle et heureux auteur du Vexilla Regis, a cé- lébré , dans un de ses poèmes, la beauté du palais des Thermes, à Paris, ét ses jardins balancés dans les airs. Les débris de ce palais, qui fut élevé par Julien et. habité par quelques rois Mérovingiens, forment aujourd'hui la Sorbonne , une partie de la rue Saint- Jacques , la rue des Mathurins et l'hôtel de Cluny. Grégoire de Tours, notre premier historien national, écrivit alors son histoire ecclésiastique des Francs, qui est encore bonne à consulter , et qui fut continuée avec moins de succès par Frédégaire. Après les hommes que nous venons de citer, et qui doivent conserver une place honorable dans les annales littéraires de la nation, il survint, du moins ( 272) en apparence, une assez longue époque de stérilité (de la fin du 7e siècle à la fin du 8° (1). Cette intermi- tence était due, comme nous l’avons reconnu en prin- Cipe, à ces migrations, à ces incursions constantes qui venaient souvent troubler les sources intellec- tuelles auxquelles accouraient à l’envi étancher leur soif, les esprits aïguillonnés par le besoin et le désir de savoir. Il fallait un assez long temps et quelque repos, pour rendre ces sources pures et limpides. Les circonstances néfastes qui précédèrent et amenèrent la chûte des Mérovingiens , contribuèrent sans doute à cette sorte de léthargie intellectuelle. Cependant à l'apparition de Charlemagne, un nou- vel essor se prononce, une haute et puissante impul- sion est donnée aux études, et la direction habile imprimée par ce grand homme à toutes les branches de connaissances , l'encouragement , l'émulation qu’il sut donner à tout, ramenèrent le goût et la culture des lettres à un degré remarquable. On sait que l’é- cole du palais, présidée par Charlemagne, et. com- posée d’Alcuin, qui en était le chef réel, d'Eginhard,, de Paul Diacre et Pierre de Pise, propagea partout le goût des études et'en donna l'exemple. Parmi les sa- vants réunis par Charlemagne, Alcuin et Eginhard ont été, à juste titre, les deux principaux représentants de cette phase intellectuelle. L'activité de Charlemagne (1) Ce fut aussi dans le vi‘ siècle que tomba l’école d’Alexan- drie, qui avait été jusqu’à ce moment, le dernier foyer de l’an- tique’philosophie (Potamon, Plotin!, Proclus)- Les philosophes de' cette époque tentèérent une œuvre impossible; ilstse piquaient de tout concilier; ils faisaient profession d’éclectisme , mais il ne purent pas parvenir à mettre d'accord Platon, Aristote € Zénon. (273) était infatigable, elle s’étendait à tous les sujets. Son coup d’œil d’aigle planait sur son vaste empire, et en ordonnait et réglait tousles ressorts avec une souplesse et une énergie qui doivent encore faire l'admiration de nos temps modernes. Tandis que sa puissance redou- table tenait en respect tous les ennemis au dehors , son amour des lettres le faisait descendre aux moindres détails, pour les encourager et les propager. L’instruc- tion du peuple était aussi l’objet de ses soins éclairés. Il aimait à se délasser des fatigues de la guerre par les charmes de l'étude, et la poursuivait dans ses degrés les plus infimes. Le moine de Saint-Gall, auteur des gestes de Charlemagne, raconte que cet illustre empe- reur faisait réciter lui-même les clercs de sa chapelle, après leur avoir indiqué les leçons qu'ils avaient à apprendre. Ces détails qui peuvent sembler puérils, n’en démontrent que mieux l’étonnante et prodigieuse activité d'esprit de cet homme supérieur, qui parais- sait toucher à toutes les extrémités à la fois. IL est certain qu'alors commença une ère nouvelle pour le mouvement général de l'esprit humain. Le règne de Charlemagne délimite le point où s’accomplit entiè- rement la dissolution de l’ancien monde romain et barbare, et où se forment les éléments constitutifs de l'Europe moderne, dn monde nouveau. Ce fut aussi l'instant d'une renaissance générale à l’activité intel- lectuelle; de cette époque datent la plupart des écoles qui acquirent bientôt une grande célébrité, et d’où sortirent les hommes les plus distingués du siècle sui- vant. Les écoles principales furent : celles de Fer- rières en Gâtinois, d’Aniane en Languedoc, de Fon- tenelle ou Saint-Wandrille en Normandie, etc., etc. Le (274) but que voulait atteindre Charlemagne:dans l'institu- tion de ces écoles, était digne de.sa grande âme :.c’é- tait la fusion des races romaine et germanique. en imprégnant des populations différentes de mœurs; de lois et d'intérêts, des mêmes doctrines, du. même esprit, en. les, éclairant toutes de la même lumière: C’est ainsi que cet. homme illustre s’attachaït à har- monier sous l’action d'un mobile sublime ; tout ce qu'ily avait de discordant et d’hétérogène das: les éléments de sa prodigieuse puissance. La plupart des historiens modernes ont éntne ment jugé. l'époque de Charlemagne. Ils ont déclaré qu'il n’y:avait que peu de lumière à acquérir dans un pareil siècle, et à une telle époque de barbarie. Cependant c'est de. Charlemagne que date le monde moderne; c’est à ce monarque infatigable qu'est:due l'origine de cet. état d'unité dans les gouvernements, qui fait leur prineipale force. Il a été'en quelque sorte, l’habile chimiste qui.a:su-combiner «et allier tous les éléments multiples et divers qui bouillonmaient alors comme dans une. ardente fournaise. Après Charlemagne, le mouvement intellectuel auquel.il avait donné une si forte impulsion, se pro- longea sous Louis-le-Débonnaire et surtout sous Char- les-le-Chauve,, qui appela aussi des savants étrangers à sa cour, IL favorisa à-un tel point les lettres dont il avait le goût, et il fitireprendre à l’école du Palais un si grand éclat, qu’on ne lappela plus que le: Palais de l'école, Palatium Scholæ, au lieu de l’école du:Palais, Schola Palatü. Jean Seot-Erigène était le chef de eette école; il partageaavec.Hincmar, archevêque de Reims, la gloire de donner un favorable élan à la culture intel- ( 275) lectuelle de cette époque; ils furent alors les deux repré- sentants éminents de la science européenne. Scot Eri- gène jouissait d'une grande faveur auprès de Charles-le- Chauve, et le fait suivant prouve qu’il la poussait.quel- quefoisjusqu'à la familiarité.« Un jour, Jean setrouvant à table en face du roiet de l’autre côté de la table, Charles, le front gai et après quelques plaisanteries adaptées au moment, voyant Jean Scot faire quelque chose qui choquait la politesse gauloise, le tança dou- cement en lui disant : » Quelle distance y at-il entre un sot et un Scot? (Quid distat inter sottum.et Sco- tum?)— Rien que la table, « répondit Scot, en ren- voyant l’injure à son auteur. Cette liberté de langage a été souvent tolérée ou autorisée par les rois, qui trouvaient quelquefois dans une franche réplique, une admonition salutaire. On sait notamment que Henri IV sut en tirer plus d’un fruit. Mais bientôt au milieu des troubles civils, toujours si funestes aux lettres qui s’éloignent de toute atmosphère orageuse, les lu- mières déclinèrent. L'engourdissement des esprits ne fut pas cependant si général, qu'on ne püût apercevoir les traces persistantes d’un travail intérieur, d’une part dans les hommes qui étaient placés à la tête des affaires, et d'autre part chez ceux qui se vouaient ex- clusivement à l'étude des sciences et des lettres. On distingue ainsi une chaîne non interrompue qui , bien que faible, fut toujours bien tenue par une suite de laborieux penseurs très souvent inconnus, mais tou- jours utiles à cette filiation des études. Vers la fin du ixe siècle (1), Alfred-le-Grand, en. Angleterre, cul- (1) Dans ce même temps, au rx° siècle, Photius en Orient avait (276) tiva les lettres avec succès et concourut puissamment à entretenir la marche progressive des labeurs intel- lectuels que Charlemagne avait inaugurés avec tant d'honneur et de bonheur, au commencement du même siècle. Alfred s’appliqua surtout à perfection- nér l’école d'Oxford, dont l'éclat scientifique rayon- nait sur les autres écoles de l’Angleterre et de la France même. Au nom d'Alfred vient se lier celui du vénérable Bède. Les lettres latines furent cultivées avec soin dans les monastères anglais , et la théologie servit à ranimer le goût des études. La science n'était pas alors circonscrite dans l'enceinte d’une capitale, elle essaimait sur tous les points; elle irradiait dans le’sein des forêts, au milieu des solitudes les plus profondes ; elle avait même une sorte de prédilection pour le calme des campagnes et le silence des bois. L’abbaye de Jumièges (1) et celle du Bec furent succes- sivement, par exemple, des pépinières florissantes d’où Sortirent en grand nombre les plus vigoureux jets de la pensée humaine. Ce fut au milieu des transes que la société éprouvait par suite de la croyance gé- néralement répandue de la prochaine fin du monde rétabli l’enseignement classique. Photius est célèbre dans l’his- toire ecclésiastique et dans l’histoire littéraire du Bas-Empire, parle schisme , (dont il fut l’ardent promoteur. (1) Mabillon, fait observer que,, jusqu'aux: siècle , les moines ne furent pas distingués en différents ordres, maïs considérés tous comme formant un seul institut, Il y avait dans cette unité qui, pour ainsi dire, faisait de tous les monastères une seule famil: , quelque chose de beau. ais il faut reconnaître que Ja diversité des ordres introduits dans la suite fut essentiellement propre à faire atteindre les buts divers et nombreux qui appel- lent successivement l'attention des instituts religieux. (977) au x: siècle, qu'une multitude de pieux cénobites continuèrent à travailler pour la postérité, en fouillant dans la poudre du passé et en transcrivant les chefs- d'œuvre de l'antique littérature. Les monuments du génie n’eurent pas de plus vigilants gardiens que ces siècles, qui, souvent aujourd’hui, sont taxés d’igno- rance. Agobard, archevêque de Lyon et savant éclairé, concourt aux efforts qui furent faits dans cette période pour favoriser les progrès intellectuels et en conserver les traditions. Loup, abbé de Ferrières, dont le nom doit demeurer célèbre dans l’histoire littéraire de cette époque, fit transcrire des ouvrages de Suétone, de Sal- luste, de Cicéron et de Tite Live , qu’il avait découverts dans les monastères de France et d'Italie. Le pape Be- noît III lui avait donnéletraité de Cicéron, de Oratore ; les 12 livres des institutions de Quintilien et les Com- mentaires de Donatsur Térence.Dans d’autres abbayes on s’appliquait à faire renaître au jour les œuvres de Virgile, de Lucain, de Pline, d’'Horace , de Jules César, de Salluste, de Perse et de Juvénal. On le voit, il se conserve sans cesse, pendant les jours nuageux et obscurs du moyen-âge, une société intelligente ‘et active qui entretient le feu sacré. Cette société se composa successivement des hommes qui consa- craient leurs veilles à la recherche de tous les glo- rieux vestiges de l’antiquité, à laquelle il faut sou- vent revenir quand on veut retremper son esprit à une source de force et de vigueur. Ainsi done, les siècles que: l’on considère ordinairement , avec nos idées modernes et par une sorte de préjugé et de lieu commun, comme les plus obscurs et les plus mal- heureux , ne le furent pas autant qu'on se l’imagine , ( 278 ) et n’ont été dépourvus surtout ni:de science ni de vertu. Dans ces temps, comme toujours, il faût savoir trouver l'esprit religieux.et scientifique là oùilest placé et ne pas trop s'étonner: de voir le vice.et l'ignorance se rencontrer de compagnie: el parallèlement avec ce qui.est le plus sacré dans un monde où la déchéänce originelle ne permet pas d'atteindre à ‘une perfection absolue. D'ailleurs, nous Favons déjà dit, pour:se former une idée juste et vraie d’une époque ; il faut nécessairement sé transporter en pensée à cette époqué même, afin de vivre et dé converser , pour ainsi dire, avec les honimes de ces temps écoulés. Ces hommes avaient probablement des idées! et une manière-de voir et de sentir différentes des nôtres. Ce qui leur semblait fort naturel notis paraît très étrange. ILest pourtant essentiel: de savoir comprendre les 'auitres dans leurs situations diverses , et pour ‘bien: les com prendre; nous devonslongtemps tourner autour d'eux pour les examiner complétement; car ils ont'une infi- nité de: faces. à présenter à notre observation: Nous nous dépouillerons ainsi de la singulière prétention qui nous porte à croire qu’il nous suffit d'être arrivé sur celte terre quelques siècles après nos devanciers; pour être incomparablement supérieurs à eux:entout: Accoutumons-nous donc à juger toujours les chôses à leur véritable place. Voyons! les temps, les mœurs et les hommes à l'heure même de leur passage, alors seulement nos appréciations pourront être justes et vraies, car l'examen le plus attentif et le plus impat- tial est et sera: toujours le eg devoir de: touté saine critiqué. De ces évolutions silencieuses de l'esprit humain , (279) que nous nous attachons à découvrir et à faire remar- quer , il Se dégagea un nouveau mouvement de régé- naration intellectuelle vers la fin du x° siècle. Ce.fut l'Allemagne qui en donna le signal sous l'inspiration d'Othon-le-Grand. Cet empereur fit dans son empire ce qu’ayait fait Charlemagne en Europe et Alfred-le- Grand en Angleterre , dans le siècle précédent : il mit en honneur les lettres, en élevant et en récompensant les savants qui travaillaient à la diffusion et au pro- grès des lumières. Cet exemple fut imité, et la France fui la première à féconder ces nouveaux germes intel- lectuels, en reprenant avec un redoublement d’ardeur le cours un peu ralenti des études et des recherches littéraires. À cette époque, le prix des livres était de- venu exorbitant; pour s’en former une idée, on n’a qu'à se rappeler qu’un recueil d'homélies coûta à Agnès, femme de Geoffroy, comte d'Anjou, deux cents brebis, un muid de froment, un muid de seigle, un muid de millet, deux livres en argent et un cer- tain nombre de peaux de martre. Antoine de Palerme vendit une métairie assez considérable et en donna le prix pour avoir la copie d’un manuscrit de Tite-Live. Un libraire de Milan demandait dix ducats d’or pour la copie d’un manuscrit des épîtres familières de Cicé- ron. On'cite un certain Andréolo de Ochis, de Bres- cia, qui aurait vendu terres, maisons, sa femme et lui-même: pour ajouter de nouveaux livres à ceux qu’il possédait déjà. Cependant cette cherté énorme ne fut que passagère. De nombreuses écoles s’éle- vèrent, et parmi elles se firent distinguer l’abbaye de Cluny et celle de Fleury. Plusieurs hommes émi- nents parurent et vinrent illustrer cette époque par ( 280 ) leur savoir ; mais au-dessus de tous apparaît Gerber, qui fut promu, en 999; à la chaire de saint Pierre, sous le nom de Sylvestre IT: Ce fut le premier pape français. Ce savant célèbre avait parcouru l'Espagne pour s’instruire de la science des Arabes, et unissaït à un haut savoir religieux, les connaissances profanes les plus étendueset les plus variées. Il peut être consi- déré comme l’un des hommes les plus éminents et les plus érudits de son siècle. Les vastes développe- ments qu'il sut donner à la culture des esprits furent les premiers éléments de cette grande rénovation! in- tellectuelle qui fit la gloire des xr°, xrr° et xuire siècles, dont les progrès furent témoignés par des travaux si variés, par des productions si remarquables... C’est surtout dans cette période que la grandeur scientifique du moyen âge parvient à son apogée. Cette supériorité fut merveilleusement préparée par l’activité intellec- tuelle qui saisit les esprits dans lecours du xre'siècle. Alors s’ouvrirent de tous côtés, comme nousivenons de le dire, des écoles renommées qui, profitant de toutes les données antérieures et de ious:les pro- duïts de l'expérience et du savoir, légués:par les siècles précédents, s’élancèrent à l’envi dans: des ex- plorations nouvelles et firent profiter à leur tour les âges suivants de tous les fruits qui furent recueillis et amoncelés dans leur. illustre sanctuaire: Parmi ces écoles recommandables, l’on doit donner uu premier rang à celle de Reims, oùse trouvait Gerbert lui-même, et qui fut présidée plus tard par saint Bruno, le fonda- teur des chartreux; celle du Bec', en Normandie; qui eut pour chefs successifs Lanfranc'et saint Anselme, hommes qui ont fait preuve d’une grande. étendue (281) d'esprit et qui ont tenu un rang distingué dans la hié- rarchie intellectuelle; ils furent tous deux plus tard, successivement, archevêques de Cantorbéry; celle enfin de Clairvaux, qui eut pour chef l’illustre saint Bernard, cet esprit éminent qui remplit le monde de son nom, qui l’entraina par son éloquence sublime et le domina par sa puissante influence. IL appa- rait dans son siècle comme un heureux trait d’u- nion entre l’époque de saint Jérôme et de saint Au- gustin, et celle de Bossuet et de Fénélon. C'est lui qui, enflammant de sa brülante parole les peuples, les grands et les souverains, les arrache de leurs foyers, de leur famille, de leur patrie, et les transforme tous en soldats pour la conquête du saint Sépulcre. Après lui, Pierre-le-Vénérable, Pierre de Blois et Yves de Chartres exercèrent une très grande in-. fluence sur la société. Nous arrivonsiei à l’époque des Croisades ; elles avaient été d’abord méditées par Gré- goire VII, ce puissant génie dont l’action salutaire sur son siècle (xr°) a été si injustement calommiée et beaucoup trop méconnue. Ce ne fut pourtant que plu- sieurs années après que s’accomplit la première croi- sade à la voix d'Urbain II (1) et sous le bouillant en- traînement de Pierre l'Ermite. Cette grande entreprise prit à la fois une force et une formenouvelles à l’éner- gique inspiration de saint Bernard, promoteur de la 2e croisade , et qui ne pouvait en prévoir lamalheureuse issue (2). Comme il appartient à notre sujet de ne (1) En 1075, Urbain II avait passé les Alpes et vint tenir, à Clermont, en Auvergne, le célèbre concile où les croisades furent décidées. (2) Le pape Eugène III confia ses pouvoirs apostoliques à saint 19 (282) considérer les croisades qu’au point de vue littéraire et philosophique, nous n'’hésitons pas à dire qu’elles imprimèrent un mouvement favorable au développe- ment des esprits, en les mettant en contact avec des populations nouvelles, avec des usages presque igno- rés jusqu'alors en Occident, et en leur faisant explorer les monuments divers de contrées curieuses et pleines de grands souvenirs. Ces expéditions, qui ont été tant critiquées et si vivement blâmées, doivent être enfin considérées et jugées sous leur véritable aspect. Nul doute d’abord qu’elles furent conformes à l’état des es- prits; elles jetèrent dans le monde des éléments nou- veaux de perfectionnement pour les industries di- verses; elles grandirent la nation en commençant la décadence de la féodalité ; elles signalèrent enfin l’au- rore du jour qui vit naître le tiers-état. Elles ont donc servi au progrès de l'humanité sous touslesrapports, et assurément la cause souverainement juste et noble, qui poussait l'Occident vers l’Asie dans un but d’af- franchissement général du joug mahométan, eut de bienfaisants effets pour les peuples, conformément à cette loi providentielle qui veut que les actions méri- toires et honorables ne soient jamais sans rémunéra- tion, comme elle ordonne aussi que toute faute ait toujours une expiation, soit pour les sociétés, soit Bernard, abbé de Clairvaux, pour prêcher la seconde croisade en France. D'un concile tenu à Vézclai, à Pâques, 1146, surgit le si- gnal de cette seconde expédition , aux cris unanimes : Dieu le veut, à la Croix ! à la Croix ! après un discours de saint Bernard et de Louis-le-Jeune (Louis VIl;, qui assistait à ce concile, Saint Bernard se rendit ensuite en Allemagne pour généraliser l’idée de la croisade, qui commenca, en effet, en 1147. nain ds (283) pour les individus; c’est, pour le dire en passant , ce qui démontre un ordre admirable dans les désordres apparents que Dieu permet dans le monde. Une grande émancipation des esprits fut donc le principal effet des croisades ; aussi voit-on, dès cette époque, que ce n’est plus dans l’intérieur des écoles que se circonscrivent les lumières. Elles deviennent géné- rales, elles viennent éclairer les masses.— Les études prennent, dès-lors, une direction toute pratique, et c'est ce que Îa critique moderne, à part quelques ex- ceptions, a trop dédaigné de voir et de constater, L'histoire et les chroniques devinrent alors un besoin plein d’atirait pour ces intelligences neuves, dévo- rées du désir de savoir et d'apprendre. Parmi les écri- vains de ce genre qui parurent durant ces temps, on peut distinguer Orderic Vital, Guillaume de Tyr, Jacques de Vitry , Sigebert de Gembloux, Guibert de Nogent, etc. Ce fut pendent ces phases chevaleresques qui forment l'époque héroïque du moyen âge (1), que les troubadours vinrent aviver et célébrer de leur poétique langage (2) toutes les aventures et tous les évènements du jour, auxquels ils se mélaient en toute occasion par leurs chants, par la plume et par la lance. Lorsque les troubadours étonnaient par leurs , Prouesses chevaleresques et charmaient de leurs doux (1) Ge serait ici le moment de donner, dans cette revue, un place aux Puys, aux Gieux sous l’ormel , aux chambres de rhéto- rique et aux cours d'amour ; mais nous avons dit ailleurs, dans un essai consacré aux sociétés littéraires, l’origine et l'historique de ces diverses assemblées. (2) Voir les poésies de Thibaut, comte de Champagne, et plus tard roi de Navarre. (281) accents tout le Midi de la France et une partie de l'Italie, les trouvères , au Nord, répondaient des bords de la Loire aux chants des rives de la Durance. Les trouvères se firent surtout remarquer par leurs contes et leurs fabliaux, qui, toujours gais et narquois, ont souvent inspiré les poètes des siècles suivants. Les poèmes chevaleresques, les chansons de Gestes et les fabliaux tenaient alors une grande place dans la curiosité publique, ét étaient le principal délasse- ment littéraire de nos bons et malins aïeux (1). Vers la même époque, les minnesingers, en Alle- magne , à l'instar des trouvères et des troubadours, célébraient dans leurs chants, la chevalerie, les an- ciens héros et les traditions nationales. Les noms cé- èbres d’Hermanrich, d’Attila et de Théodoric, ins- pirèrent l'épopée nationale des Nibelungen, poème du xrrre siècle. — De même alors, en Espagne, le nom du Cid fut le sujet de la grande œuvre nationale qui s’intitula : Poema del Cid il Campeador. — Le poème du Cid le Batailleur. L'Angleterre vit, à cette même époque, succéder à ses scaldes saxons et à ses bardes gallois, poètes (1). Le roman du Renard entre autres eut un si prodigieux suc- cès et une telle vogue que lés épisodes de ce fabliau se trouvè- rent représentés presque partout. On en vit se glisser sur le dossier des fauteuils, sur les chambranles des portes et des cheminées, sur la poignée des épées; d’autresse posèrent aux chapiteaux des colonnes, aux façades des maisons- En un mot, ce roman obtint une popularité fabuleuse Les rues du Renard que l'on trouveen- core à Paris et dans plusieurs villes prirent leur nom de cet en- gouémerñt général pour ce fabliau à la mode, qui de nos jours, à été le sujet de beaucoup de dissertations ct de mémuires acadé- miques. ( 285 ) qui avaient précédé la conquête normande, les mé- nestrels anglais, semblables, à peu de chose près, à nos trouvères, et qui, comme eux, chantaient bal- lades, lais, sirventes et fabliaux. Mais ces poètes in- sulaires eurent, en outre, dans le genre grave, le Cycle d’Arthus et des Chevaliers de la Table ronde, comme dans le mode grandiose et sévère, les Fran- çais avaient le Cycle national de Charlemagne et de ses preux. Chaucer et Cower furent alors les deux principaux poètes qui imprimèrent les premiers développements à la poésie anglaise. L'Italie, en ce même temps, écou- tait nos troubadours, se modelait sur eux, et était à la veille de voir éclater la gloire du Dante. Cependant, tout en se livrant à ces ébats littéraires et aux études pratiques, on poursuivait aussi active- ment les sciences spéculatives; et dans tous les genres, sous tous les aspects, on peut considérer les xtr° et xure siècles , comme la plus belle et la plus glorieuse époque du moyen-âge. C’est alors que parurent suc- cessivement dans la lice intellectuelle, saint Anselme, Abeilard, Guillaume de Champeaux, Gilbert de la Po- rée , Gauthier de Mortagne, Pierre le Lombard et saint Bernard dont nous avons déjà dit la gloire. Abeilard, plus célèbre aujourd’hui par ses amours et par ses malheurs que par sa philosophie, eut cepen- dant de nombreux disciples. Ils se distinguèrent, en général, par la pureté du style et la hardiesse des opinions ; ils ont été les libres penseurs du moyen- âge. Les troubadours et les trouvères qui furent, d’un autre côté, les créateurs d’une poésie hardie et sou- vent mordante, qui était la liberté de la presse d'alors. ( 286 ) avaient ouvert une nouvelle voie à l'intelligence. ‘C’est de ce moment que la littérature française revêtit, à la fois, son caractère national et une forme mieux dessinée. Alors, Guillaume de Lorris, écrivit le fa- mieux roman de la Rose, qui fut continué ensuite par Jean de Meung, surnommé Clopinel, parce qu'il était boîteux. Cet ouvrage est l’un des plus anciens qui ait pris rang dans notre littérature poétique avec ceux de Chrétien, de Troyes. C'était une sorte de glose de l’art d'aimer d'Ovide, et une élucubration pleine de subti- lités scolastiques et semées de mille traits spirituels et malicieux; elle donne une idée des tendances in- tellectuelles et sociales de l’époque , maïs au point de vue trivial et grivois. On pourrait citer beaucoup d’autres ouvrages moïns connus, qui ont aussi leur mérite ; parmi ceux-ci, je me bornerai à nommer le poème religieux le plus remarquable du moyen-âge qui a pour titre : les miracles de la Vierge. C'est un vaste et curieux répertoire dans lequel , le pieux au- teur, Gautier de Coïincy , a consigné les prodiges les plus divers et les récits les plus intéressanis. Il ne faut pas perdre de vue quela religion au, moyen-âge, était la grande affaire; l'on Ss’occupait, alors, des choses du ciel avec la même chaleur que l’on met, aujourd'hui, à s'occuper des choses de la terre; il faut de sages limites à tout, mais dans cet insatiable et ardent besoin de sensations nouvelles, qui agite incessamment la grande famille humaine, les vrais et solides penseurs donneront toujours, avec juste raison , la préférence à celles qui ont trait à la patrie céleste. Disons aussi un mot du Pèlerinage de la vie hu- ( 287) maine, par Guillaume de Guilleville ; cette œuvre est d’une contexture supérieure à celle du roman de la Rose , et cependant elle est loin d’être aussi connue. Le plan de cet ouvrage est précisément celui de l’é- popée du Dante. Les Commentaires du célèbre poète italien, pourraient mettre à profit la lecture de ce Pè- lerinage de la vie humaine qui mérite une étude sé- rieuse. Il n’est pas douteux que si l’on s’attachait à explorer, avec plus de soin et d'attention, les produc- tions de cette époque, dont nous signalons les princi- pales , on trouverait matière à apprécier, avec plus de justesse et d'équité, ces temps et les écrivains labo- rieux et érudits qui les traversèrent. Une des causes qui contribuèrent le plus au déve- loppement de l'intelligence humaine , fut la création de grands centres d'enseignement, réunissant tout ce que le talent et la science avaient de plus considé- rable, et versant ensuite des flots de lumière de tous côtés. Telle fut la mission des universités qui fu- rent établies dans toute l'Europe, aux xure et xrv° siècles ; on compte parmi les plus anciennes univer- sités, celles de Paris, de Boulogne, d'Oxford, de Tou- louse, d'Orléans et d'Angers (1). Dans ces temps de dé- (1) Bien que l’Université d'Angers ne prenne date que du x1v- siècle, sa fondation paraît avoir eu lieu au x1n1°. Les lettres patentes de Charles V, en 1364, qui donnent les mêmes priviléges à l'Université d'Angers qu’à celle d'Orléans, attestent déjà : « Que la ville d'Angers, source intarissable de toutes sortes de » sciences, produit depuis longtemps, par une fécondité natu- » relle, des hommes d'’excellent conseil qui se sont répandus » dans les différentes parties du monde. » Il suit évidemment, de ce témoignage honorable, que l’Université, qui avait fourni tant d'hommes supérieurs, devait subsister depuis longtemps. (288) vouement à l'étude, le même écolier, afin d'éembras- ser les diverses branches des sciences , venait étudier successivement à Paris , à Oxford , à Mäyencc} à Pa- doue, à Salamanque, à Coïmbre ; on peut à peine se représenter cette activité infatigable qui, pour attein- dre un but scientifique , excitait ainsi à franchir les distances les plus longues et les plus difficiles dans ces temps d'organisation sociale encore incomplète et inachevée. Les institutions universitaires don- nèrent, sans nul doute, le plus grand essor aux es- prits, elles accrurent considérablement le domaine général de l'intelligence. Ces universités et les divers collèges qui furent établis, joignant leurs efforts à ceux qui étaient constamment continués dans tous les monastères pour exhumer et mettre en œuvre les précieux trésors de la pensée humaine , s'offrent à la postérité comme des phares lumineux vers lesquels l'esprit humain viendra toujours demander ses meil- leures voies d'investigation. Ces époques trop dédaignées, parce qu'elles sont peu connues, contenaient cependant en germe, dans leur immense et silencieux travail, cette fertilité luxuriante qui, entrant plus tard dans le domaine pu- blic; a fait l’orgucil et l'éclat des âges suivants. Le savoir littéraire, moderne, tient presque tout de ces laborieux et savants devanciers ; nous devrions être pénétrés {d’une profonde reconnaissance envers des hommes qui, non seulement nous ont initiés à D’après ces considérations, plusieurs auteurs angevins soutien- nent que l'Université d'Angers doit son établissement à Charles de France, frère du roi saint Louis, comte d'Anjou et roi de Naples et de Sicile, au milieu du xxrr° siècle. (289 ) la connaissance des événements de leur siècle , dans des chroniques d’une gracieuse et intéressante naïve- té , mais qui nous ont conservé, en outre, au prix de tant d'efforts et de labeurs, les beaux monuments littéraires de la Grèce et de Rome. Comment louer assez dignement saint Thomas-d'Aquin, l’une des intelligences les plus lumineuses, les plus profondes, les plus étendues dont puisse se glorifier le genre hu- main ? Ce docteur, vraiment angélique, a été comme le centre d’un grand système autour duquel vinrent graviter tous les esprits les plus éclairés. Ila embrassé dans une vaste synthèse tout ce qui, pris à cette source, a été délayé, depuis, par cette foule de génies à la suite, dont le monde est encombré. À la même époque, le docteur Séraphique, Saint-Bonaventure, Albert-le-Grand, Vincent de Beauvais, auteur du Miroir universel, Duns Scott, surnommé le docteur subtil, Roger Bacon, le génie peut-être le plus in- ventif qui fut jamais, Raymond Lulle qui, par la sin- gularité de sa vie diverse et nomade comme par Jimmensité de ses travaux, mérite aussi une place parmi ces penseurs célèbres ; tous ces hommes émi- nents formaient des écoles où leur érudition im- mense trouvait un écho retentissant ; les disciples affluaient et venaient de toutes parts aspirer à longs iraits dans ces puits de science; alors on fouillait le passé avec ardeur et on sondait l'avenir avec un pro- phétique enthousiasme. Un mouvement extraordi- naire agitait ces esprits à sève juvénile et robuste, ils n'étaient point encore blasés sur tout, et ne se trou- yaient pas dans cette morne satiété des choses de la vie qui désenchante de toute découverte nouvelle; ( 290 ; mais on était, au contraire , plein d’une énergie favo- rable à la recherche du vrai et du bien, et imprégné de croyance l'on marchait, avec assurance et avec une espérance instinctive, vers des destinées meil- leures, que l’on préparait aux générations futures en accumulant , pour elles, ces richesses intellectuelles dont nous profitons aujourd'hui. Sous un autre rap- port, nous pouvons relater ici, pour ramener quel- ques suffrages encore indécis à ces temps intermé- diaires, que l'esprit de libre examen s’est nettement révélé au moyen-âge et se réflète, effectivement , dans les idées philosophiques du xvrrre siècle, dont l’action indépendante remonte, évidemment, au xvre et a ses premières racines dans la scolastigne. Ce mouvement, commencé par Scott Erigène, Abeilard, fut poursuivi par Rabelais, Joachim du Bellay, Mon- taigne, Charron, la Boetie ; continué bientôt par Des- cartes, Leibnitz et Bayle, il atteignit son plus haut développement par Voltaire, Diderot, Jean-Jacques Rousseau et Montesquieu. Nous constatons le fait, sa marche et sa forme suc- cessive ; mais nous n'avons pas ici, à entrer dans le fond de ces systèmes idéologiques qui pullulent et qui ne finissent jamais de se succéder les uns aux autres ; preuve évidente, on peut le dire en passant, qu'aucun de ces systèmes ne possède la vérité. Tout en reconnaissant donc, que l'indépendance de la pen- sée peut être un élément fécond en grands et beaux résultats intellectuels , nous ne pouvons nous empé- cher de dire que ce n’est pourtant qu’à la condition qu'il soit réglé par le jugement et par l'esprit d'ordre, qui sont les associés naturels et indispensables d’une (291) véritable science. L'erreur et la vérité se disputent le monde depuis son origine, et cette lutte durera, pro- bablement , autant que le monde lui-même , les chances de l’une et de l’autre varient selon les siècles, et il arrive, assez souvent , que c’est au nom d’un progrès idéal que l’on aboutit aux aberrations les plus réelles ; toujours l’exagération de l’idée la plus juste, conduit et entraîne à une idée fausse. Le xvirre siècle , par exemple , avec son libre examen sur tout et son doute méthodique en tout, ne nous a laissé de croyance sur rien et en rien. Quel nom peut-on véri- tablement donner à un pareil progrès ?.… Il est pré- sumable que la fin du x1x° siècle se chargera d'’infli- ger ce nom , lorsque la raison publique en aura référé enfin à la raison supérieure et universelle qui régit souverainement hommes et choses ; il faut se sou- venir qu'il ne peut jamais y avoir prescription envers les lois éternelles. Nous venons d’être naturellement amenés à parler, ici, de la philosophie scolastique , dont le nom dérive de scolasticus, titre donné, parmi les Bénédictins , au moine chargé de l’enseignement. Disons , d’abord, que cette méthode de raisonner, employée, au moyen- âge , ne fut pas sans utilité lorsqu'elle fut appliquée à des questions sérieuses. On a reconnu, par exemple, de nos jours, que la célèbre querelle des réalistes et des nominaux méritait beaucoup d'attention, et elle a excité , en effet, l'intérêt de plusieurs philosophes de l'école moderne. Il n’est peut-être pas inutile de rap- peler ici, puisque nous parlons des exercices intellec- tuels du moyen-âge, que les nominaux reçurent ce titre, parce que, avares de choses, prodigues de noms ( 292 ) et de notions , il paraïissaient n'’attribuer de force qu'aux termes seuls; ils étaient ainsi opposés aux réalistes qni s’attachaient à l’idée et qui faisaient pro- fession de croire que les idées ont une existence propre, sont de véritables entités, et leur accordaient une réalité en dehors de l'esprit. Cette question divi- sait les doctes et a agité, à plusieurs reprises, les écoles dans le cours du moyen-âge; en général, les jeunes gens firent presque toujours partie de la secte des no- minaux, parce que c'était l'opinion nouvelle et que c’est, dans toute question , le penchant irrésistible de la jeunesse de se ranger sous les enseignes de la nou- veauté, quelque étrange qu'elle soit , quel que soit le degré de son excentricité ; cette inclination est, d’ail- leurs , très concevable , elle a sa racine dans le cœur humain, c’est qu'en embrassant des doctrines nou- velles, les jeunes gens munis de peu d’expérience s’imaginent , d’un seul coup et sans effort , se mettre à côté et même au-dessus de ceux qui les ont précé- dés dans la science de la vie et qui, plus expérimen- tés, peuvent aussi les surpasser en talent. Ilest toujours flatteur de se hisser, parfois sans étude , au niveau de ceux qui ont le plus étudié. Quoi qu'il en soit, les hommes âgés restèrent généralement dans le rang des réalistes, parce qu'ils l'avaient été jusqu’à ce moment, et, à vrai dire, ce n’est point là non plus, la meilleure raison, parce que les épreuves, le temps et le courant des idées peuventnécessiter , en toutes choses, des ré- visions , des rectifications et des réformes qui , faites avec mesure et avec sagesse, amènent un perfec- tionnement : du reste, dans la controverse dont il s’agit ici, il y avait force obscurité des deux côtés, et (23) assurément au milieu de quelques vérités , beaucoup d'erreurs mutuelles se mêlèrent dans cette querelle; les uns et les autres poussèrent quelquefois leurs ab s tractions jusqu'à l'inintelligible ; dans l'espèce, on peut se dispenser de les suivre jusque-là ; néanmoins, à cette époque, malgré quelques écarts isolés et excep- tionnels , la philosophie s’agite hardiment dans le cercle de la foi, mais elle ne le franchit pas et con- serve constamment le caractère religieux. Il ne faut pas, même aujourd'hui , trop dédaigner ces luttes in- cessantes qui aiguisaient les esprits en les exerçant, et, bien qu'il puisse sembler extraordinaire de dire que l'erreur peut servir parfois à la recherche de la vérité , il n’en paraît pas moins démontré que c’est par cette gymnastique favorable aux facultés pen- santes et à travers ces détours obscurs et sinueux, que l’on se préparait à saisir mieux le rapport des idées et des choses, et que l’on se traçait par ces investigations, souvent incomplètes ou erronées, une voie, qui, mieux explorée et plus éclairée, pourrait conduire à la vraie science. C’est le devoir de l'observateur judi- cieux de démêler la vérité au milieu de cette con- fusion formée par les passions des hommes , par les intérêts des différents partis et par l’obstination quel- quefois si peu fondée à une opinion ou à une doctrine. On peut trouver ainsi de grandes leçons dans tous les siècles, et beaucoup plus qu’on né le pense générale- ment dans ceux du moyen-âge, qui conservent des situations neuves et un type original toujours bons et fructueux à consulter. Je ne crains pas de m'écarter ici de l'opinion qui a été trop répandue par des hommes éminents en talent, en érudition et en saga- (292). cité, mais qui n’ont voulu entrevoir cette époque qu'à travers le prisme d’étroites passions ou celui des an- tipathies de secte. Je voudrais pouvoir être dispensé de faire remarquer que Voltaire, Gibbon, Botta, Ro- bertson et Sismondi, ont formulé, sur la physiono- mie de cette période historique ,des jugements légers, inexacts et très faux; maïs j'aime mieux m'incliner de- vant la vérité que devant un nom, quelque haut porté qu’il soit, et de quelque prestige qu’ils’environne lors- qu'il peut servir d'autorité et d'appui à l'erreur, et mal- gré tout le respect que je fais profession d’avoir pour les dons précieux de l'intelligence et du génie, je pré- fère de beaucoup , à la fascination de leurs brillants sophismes , les humbles accents de la bonne foi et de la sincérité éclairée par un savoir consciencieux. Ainsi, Voltaire, esprit supérieur en tant de genres, mais qui oublia trop que la poésie de l’imagination est une mauvaise conseïllère et un guide trompeur, dans l'appréciation des faits historiques et des situa- tions sociales ; de même les célèbres écrivains anglais et italiens que je viens de nommer, avec notre illustre poète, et qui n’ont pas une pareille cause justificative dans la froide partialité de leur récit; tous, en un mot, immolèrent trop souvent les faits à l'exigence de leurs doctrines absolues, ils durent donc s'attendre à la protestation solennelle de la postérité qui , dans sa justice impartiale, ne partage , ni les enthousiasmes, ni les répulsions des contemporains , et sait mettre chaque homme et chaque chose à sa véritable place. Aujourd’hui déjà, tous les critiques judicieux ont fait justice des déclamations et des assertions de ces his- ioriens, qui ont eu le tort grave de prendre , et sur- (295 ) tout de donner leurs préjugés personnels pour des réalités. Qu'il nous soit permis d'ajouter que ceux qui avaient proclamé si haut le droit de libre examen, l’ont souvent dédaigné , ont été précisément les pre- miers à mettre leurs propres idées à la place des faits et ont quelquefois réussi à aveugler les autres en vou- lant les dispenser d'examiner eux-mêmes. Il est temps de s'affranchir de ces données infidèles ; pour tou- cher au vrai , il faut puiser, soi-même, aux sources premières et en consulter d’origine diverse; c’est en suivant cette méthode rationnelle ; qu’il appartient à chacun de juger que, dans une foule de questions, ce qui, hier encore était bafoué par l'esprit sceptique, est aujourd'hui confirmé, éclairé et honoré par les pro- grès de l'étude et de la science. Fouillons donc, avec une ardeur infatigable, dans ces mines obscures, mais précieuses, où nous pourrons nous représenter, sous leur véritable aspect, hommes et choses, et où nous retrouverons les trésorstrop oubliés de notre ancienne littérature nationale. Si nous recherchons, si nous exhumons avec un si vif empressement et avec une curiosité insatiable tous les monuments cinéraires, tumulaires et toutes les œuvres sculpturales des temps reculés ; si, à la vue de ces vestiges froids, in- sensibles et muets, mais toujours investis de ce ca- ractère immortel qui appartient au chef-d'œuvre du goût et de l’art; si, à cette vie pleine d’attraits , nous aimons tant à nous figurer les mœurs, les coutumes, les usages de ces antiques époques; avec quel charme ne devons-nous pas saisir et savourer ces productions d’un si puissant intérêt, dont les pages animées nous mettent en possession d’un passé auquel nous avons ( 296 ) une sorte de droit, et qui nous font, pour ainsi dire , aspirer la pensée intime de ces hommes heureuse- ment doués, de ces génies extraordinaires qui ont eu une influence si propice sur le progrès incessant de l'humanité , et qui ont légué au monde les admi- rables fruits de leurs veilles durant ces premières étapes de la marche de l'esprit humain ! A quelque bannière que nous appartenions, nous devons des ac- tions de grâces à ces illustres devanciers dont les exemples , les vertus et les talents, dont les fautes, même , et les erreurs, ont servi au perfectionnement de la société moderne. N’hésitons pas à confondre, dans une même pensée reconnaissante , les œuvres admirables qui nous sont ainsi révélées par la pierre , par le bronze, par le marbre , par le style et par la presse; ne les entendons-nous pas toutes nous dire, dans un langage analogue, le haut prix que leurs au- teurs attachèrent à nos suffrages ? Ne comprenons- nous pas tous les enseignements qui découlent de ces multiples productions du génie, exprimés sous toutes les formes , et dont l’imposant faisceau compose la plus vaste, la plus magnifique et la plus glorieuse épopée nationale ! Après avoir traversé ainsi plus de deux siècles dont la carrière a été si bien fournie par les études et par les talents qui s'y développèrent , nous trouvons, en arrivant au x1v° siècle, un nouvel engourdissement qui semble saisir encorele monde intellectuel. Comme les mêmes causes amènent souvent les mêmes effets, ce retour de somnolence apparente dans le xrve siè- cle et une grande partie du xv°, s'explique parles luttes intérieures , par les guerres multipliées qui en- (297) vahirent l’Europe durant cette période, et par les bérésies qui survinrent de nouveau et qui furent si souvent le principe de tous ces désordres. Ce fut prin- cipalement en Angleterre , en Allemagne , en France et en Espagne, que ces agitations diverses et si con- traires à la prospérité des nations se produisirent. L'Italie parvint, sinon à se garantir tout-à-fait de cette déplorable contagion, du moins à la dominer par ses hautes tendances scientifiques. Cependant elle éprou- va dans le cours du xive siècle une redoutable crise par l'insurrection d’une secte d’hérétiques nommés Gazzarri, qui prêchaient ouvertement la commu- nauté des biens et des femmes et les voluptés les plus grossières ; mais heureusement ces sauvages sectaires qui avaient à leur tête le fameux hérésiarque Novarais Dulcino, accompagné de sa belle maîtresse Margue- rite, furent cernés et entièrement défaïts dans une bataille rangée, où ils présentèrent plus de cinq mille combattants, et cette barbare hérésie fut ainsi promp- tement étouffée. Qu'il nous soit permis de rappeler ici incidemment , et comme un fait assez curieux , que bien antérieurement et dans le cours du rxe siè- cle un nommé Babek-Khorremi avait été déjà le pro- moteur, en Perse et dans une grande partie de l’'O- rient, d’une doctrine qui prêchait l'indifférence des actions humaines, la communauté des biens, le ni- vellement radical. Il eut de nombreux sectateurs ; on conçoit que c’est une facile manière d'attirer à soi cette portion d'hommes que l’on trouve, en tous lieux, disposés à embrasser toutes les théories qui flattent et favorisent leurs instincts grossiers {et corrompus. C’est la dissolution de toute société civile, politique et 20 (298 ) religieuse, qu'appellent de tous leurs efforts ces sec- taires qui apparaissent périodiquement sous diverses formes, sous différentes dénominations et qui n’ont jamais qu'un même but : anéaniir le bien, déifier Je mal. Nous ne voudrions pas être accusé de nous arrêter trop sur ces questions , mais elles accourent d'elles mêmes sur le terrain où nous nous trouvons placés, elles tiennent à l’époque dont nous nous occupons, comme le lierre tient à l’arbre qu’il embrasse pour l'étouffer. L'examen ‘que nous faisons ici du travail intellectuel des esprits dans le cours du moyen âge, conduit ainsi à donner passagèrement quelque atten- tion à ces hérésies et à ces sectes qui n'étaient pas sans influence et qui abritaient toujours artificieuse- ment leurs théories subversives sous le patronage d’un point de doctrine religieux ou d’une branche d'’é- rudition morale, éléments sacrés sans doute, mais sans cesse mal interprétés, faussement appliqués, hi- deusement défigurés et profanés par les plus abjectes passions et les hallucinations les plus immoralcs.: Depuis le commencement de l’Ere chrétienne les hérésies ont revêtu successivement une infinité de formes, et sur un thême vermoulu, ont continuelle- ment affiché des formules nouvelles. Les Pauliciens, vieux résidu du Manichéisme, ont été, par exemple, le tronc principal d’une foule de sectes quiapparurent tour-à-tour en Occident. Ces Pauliciens prirent leur origine en Arménie dans le vrie siècle; chassés de l'Asie par les empereurs Grecs, ils se répandirent en Europe, et c’est d'eux que descendirent en ligne di- recte les Cathares . les Pétrobrussiens, les Pâturius, ( 299 ) les Pastoureau, les Lollards , les Vaudois, les Albi- geois et tant d'autres sectes de cette même trempe. Les historiens ne s’accordent pas sur le fond précis de leurs doctrines, mais en recueillant les opinions, on est amené à induire que tous avaient pour base la communauté des biens et le mépris de l'autorité. On les résumait quelquefois par le nom général de Bul- gares , parce que tous reconnaissaient un patriarche ou primat en Bulgarie, c’est de ces sectaires, dont saint Bernard savait supérieurement combattre les menées démagogiques, qu'il disait : « Ces prétendus » prédicateurs sans mission prennent les apparences » de la vertu et de la piété, quoiqu'ils en soient dé- » pourvus, et ils s'étudient à cacher leurs erreurs sous » l'écorce flatteuse et mielleuse des mots nouveaux » et des expressions presque célestes. » — A la vérité, toutes ces sectes ont été la cause de beaucoup de col- lisions déplorables où les défenseurs de l'orthodoxie poussaient souvent trop loin, il faut le dire, les ri- gueurs de la force matérielle, par un condamnable entraînement de représailles qui devraient être ef- facées du code moral des nations civilisées. Cepen- dant ceux qui voudront méditer sérieusement ces questions pourront se convaincre, contrairement aux diatribes si passionnées de la philosophie du xvrire siècle, que ces affligeantes et tristes vengeances eu- rent toujours pour principal et impérieux motif la défense de la société qui, envahie et attaquée par ces aberrations hostiles et leurs sectateurs armés, se ré- unissait sous une même bannière pour protéger et maintenir tous les eléments d'ordre de justice de ci- vilisation et de progrès. ( 300 ) Au xive siècle vint le tour des Wiclétistes ( de Jean Wiclef anglais) d’une part, etdes Hussites (Jean Huss) de l’autre ; ces nouvelles sectes menacèrent d’envahir l’Europe qui devait nécessairement se ressentir de la désolation répandue par toutes ces doctrines; aux douleurs des guerres étrangères et des calamités qui les signalèrent à cette époque , la France eut la mauvaise fortune d'ajouter les dissensions civiles et la jacquerie qui vinrent la tourmenter par leur hi- deuse perturbation. La pensée se repose avec consola- tion, durant cette triste période, sur le beau nom de Bertrand du Guesclin, qui soutint par sa valeur et son génie la dignité de la nation française, et qui en fit respecter les nobles traditions militaires par l'exemple de ses hautes vertus. Cependant ces sectes multiples qui tendaient à la dissolution sociale, furent repous- sées au moyen âge dont la foi énergique a triomphé de toutes ces funestes aberrations de l'esprit humain. Plus tard, au xvrre siècle, ces tentatives insensées re- culèrent devant le génie protecteur et les saines doc- trines de tous les hommes supérieurs de cette bril- lante époque, qui a pris le nom de siècle de Louis x1v et de rve âge littéraire. Ensuite le xvrrre siècle, malgré sa profession d’incrédulité, ou, si l'on veuf, à cause de cette profession même, fut opposé à toutes ces ré- véries qui ne reprirent faveur que vers les dernières années de ce siècle , lorsque les bas fonds de la société, poussèrent à la surface leur sale et bouillonnante écu- mé. Jusque-là l'esprit frondeur des spirituels écrivains de cette période avait mis obstacle . par son persifflage acéré, à la reproduction des têtes de l’hydre. Elles se sont redressées, dans ces derniers temps, enhardies par (301) une atonie apparente de l'esprit public ; mais, avec la meilleure volonté du monde, il n’est pas possible de reconnaître à aucune de ces sectes, le moindre mé- rite d’une seule idée nouvelle. Tout ce qui se dit, tout ce qui s'écrit en faveur de ces jeunes vieilles, qui apparaissent comme des ombres odieuses des siècles passés, a été dit, a été écrit longtemps avant nous, et tous les hérésiarques modernes qui s’érigent en su- perbes novateurs n’ont, en vérité , de moderne que le nomdont ils s’affublent; ils sont tous d’ailleurs d’une désolante stérilité cérébrale et la plupart d’un ridicule fabuleux. Néanmoins, avec ce replâtrage de fausses doctrines et de systèmes vermoulus où l’orgueil des mots est en raison directe du vide et du décousu des idées, on parvient encore à faire des dupes, parce que souvent rien ne paraît plus neuf à la multitude que ce qui est décrépit depuis des siècles. Ainsi les mêmes passions, les mêmes erreurs se perpétuent dans le monde, les dissidences les plus déplorables continuent à traverser les générations avec les mêmes instincts et la même ardeur, bien que les dénominations chan- gent et que les termes varient selon les temps et sui- vant les lieux. Espérons pourtaut que les hommes n'i- ront pas continnellement échouer sur les mêmes écueils, en cédant aveuglément au despotisme impi- toyable des théories, et que les erreurs des pères se- ront enfin mises à profit par les enfants! N'oublions pas surtout que les malheurs qui labourent les peuples sont toujours l’expiation de l'oubli ou du mépris de la vérité. Si nous voulons maintenant nous représenter sous un véritable aspect ce xive siècle et cette première ( 302) partie du xv° qui furent en butte à tant de luttes di- verses et à de si grandes calamités publiques, nous trouverons aisément dans ces violentes commotions les causes naturelles de ce refroidissement nouveau qui se manifesta dans les études. Les hommes distin- gués devinrent plus rares, et les œuvres du génie beaucoup moins nombreuses. Cependant c’est dans cette période que Guillaume d’Ockam, élève de Duns Scott, vintencore réveiller la querelle assoupie des nominaux et des réalistes, en modifiant le nominalisme et en s’en déclarant le chef; il fut alors combattu par les thomistes et les scottis- tes qui divisés dans leurs opinions, se réunirent uni- quement sur cette question. On saït que les thomis- tes étaient les disciples de saint Thomas et les scot- tistes ceux de Duns-Scot, parce que les uns et les autres s'étaient rangés, chacun de leur côté, sous l'enseignement magistral de ces deux grands doc- teurs qui différaient en quelques points. À côté des réalistes et des nominaux ou, en d’autres termes, du réalisme et de l'empirisme, s’élèvait lemysticisme qui, professé déjà avec beaucoup de succès par saint Bo- naventure, se manifesta avec éclat au x1v° siècle dans Gerson (Jean), élève du célèbre Pierre d’Aiïlly et son successeur dans la place de chancelier de l’université. La méthode logique n’était aux yeuxde Gerson qu'une sorte de préparation pour atteindre à une région d'i- dées et de connaissances supérieures. Ainsi, on le voit, dans les périodes que nous venons de traverser, le champ intellectuel avait été sillonné en tous sens par ces intelligences d'élite qui fortifiaient leuresprit dans les habitudes sévères d’une dialectique serrée et par la ( 303 ) contemplation rationnelle des lois de l’univers et de son suprême auteur. Nous arrivons ici à l’époque d’où date le déclin de la philosophie scolastique; toutes les controverses de l’école tombèrent peu à peu dans le discrédit. Un nouvel horizon commençait à poindre pour la science. Bientôt aussi, sous l’immobilité appa- rente des esprits, durant cette dernière phase, l’ob- servateur put se convaincre que de grands progrès s'étaient accomplis. On en vit éclater un insigne té- moignage dans une œuvre sublime qui surgit tout-à- coup sans nom d’auteur et sans date, et qui résume à elle seule tout ce qui a été dit et écrit de plus pur, de plus élevé et de plus suave depuis l'apparition de Y'E- vangile. J'ai nommé le livre incomparable de l’Imita- tion de Jésus-Christ; cet ouvrage sera toujours l’objet de l'admiration, de l'étude et de la reconnaissance des âmes qui, recherchant leur perfectionnement moral, aiment à se nourrir des sentiments élevés qui dévelop- pent et ennoblissent les affections religieuses, ces douces et précieuses compagnes de la vie. A lui donc tous nos hommages! Il a le mérite et le haut privi- lége de suppléer à la pénurie et aux émotions orageu- ses de ces temps et d’en compenser les douleurs. En nous séparant des études philosophiques du moyen-âge , nous aimons à répéter qu'on ne peut re- fuser à la scolastique le mérite d’avoir exercé et as- soupli les facultés de la pensée, et d’avoir agrandi le domaine de ces investigations ontologiques , qui ont préparé la voie à Descartes, Malebranche, Newton, Leibnitz, Montesquieu et Bacon de Verulam. C’est peut-être aussi à la scolastique, qu'il serait juste d'attribuer le caractère correct et analytique des lan- ( 304 ) gues modernes, qui doivent leur perfectionnement et l’exacte précision observéeentre les mots et les choses, à la direction rationelle qui fut imprimée par la mé- thode logique de l’école moyen âge. Pour donner à cette observation l’appui d’un nom recommandable et d’une grande autorité dans les questions de linguis- tique et de critique archéologique, j'ajoute que M. Barthélemy Saint-Hilaire a démontré, avec succès, . dans un mémoire publié en 1840, que la forme par- faitement régulière de la langue française, est princi- palemeni due aux longs et fructueux exercices logi- ques de la scolastique ; du reste, toutes les études modernes, faites à un point de vue impartial et cons- ciencieux, tendent à habituer l'esprit à ne plus consi- dérer le moyen âge avec les préjugés étroits et dédai- gneux du siècle passé. On sent chaque jour davantage, le besoin de s'affranchir de la tyrannie des systèmes exclusifs et de donner une place honorable, au grand banquet de l'intelligence , à toutes les idées vraies et justes ; à toutes les pensées grandes , belles et géné- reuses , de quelque côté qu'elles viennent, quel que soit le point infime d'où elles jaillissent. Si nous voulons jeter, maintenant, un rapide regard sur le côté des beaux arts, à l’époque dont nous venons de signaler le dernier sommeil , nous remarquerons que ce fut, surtout, du x1Ir° au XIVe siècle , que s’élevèrent les principaux monuments, églises , palais, hôtels-de-ville, ponts, tous ces ou- yrages d'art et d'utilité publique dont on étudie, aujourd'hui, les détails avec tant d'intérêt. Ces majes- tueux édifices qui ont surpassé les constructions des xre et xx siècles, et un grand nombre de ( 305 ) celles qui les ont suivies n’ont pas été, pourtant, l’ou- yrage d'une seule génération (1). Ces travaux gigan- tesques étaient transmis d'âge en âge et étaient con- tinués, sur le même plan, avec cette ardeur et ce zèle religieux que l’on apportait alors, principalement aux œuvres monumentales consacrées à l'Éternel ; c'é- tait la foi qui remuait et animait toutes ces pierres, chacun venait à l’envi apporter son grain de sable à l'édification du palais du Roi des Rois ; ainsi cette so- ciété, à la fois religieuse et artistique , dont le génie chrétien progressait depuis le commencement du x1° siècle, se perpétuait; elle poursuivait sans relâche ses grandes entreprises, et fesait preuve, enfin, dans ces . labeurs prodigieux et intelligents , de cette puissance d'art et de ce goût d’ornementation qui ‘s'élevèrent à leur apogée au xure siècle ; c'est à ce moment que le génie chrétien vola de ses propres aîles, après avoir mis à profit les divers emprunts étrangers; ce fut alors que s’accomplirent ces sublimes créations qui, avec leurs ogives originales, leurs élégantes dentelures et leurs flèches élancées, semblaient entraîner avec elles, vers le ciel où elles montaient, toutes les pen- sées du cœur et de l'esprit, et tous les plus mysté- rieux recueillements de l’âme. L’analogie frappante que l’on remarque en Europe dans l'architecture comparée de cette période historique, semble accuser - (1) Au xre siècle, c’est le style romano bysantin qui domine. — Au x1r°, l’art chrétien trouve l’ogive, le mêle au plein-cintre et prend son élan. — Au xrrr° siècle, l’art se dégage de toute entrave; les aiguilles, les flèches s'élancent vers le ciel. L'église prend une forme svelte et majestueuse à la fois. L’esthétique et l’ornementation se rencontrent et se combinent. ( 306 ) un dessin uniforme dans la touche générale de l’es- thélique et de la symbolique , et paraît témoigner d'une correspondance, assez intime, entre les auteurs des plans divers, pour permettre de considérer, comme très probable, une sorte de communauté d'entraînement et de d'inspiration propre à imprimer, à ces œuvres éparses , le cachet similaire et grandiose qui caractérise l’ensemble et les détails des belles constructions de cette époque. Aussi peut-on réunir, comme appartenant à la même famille et à la même expression architectonique, Notre-Dame de Paris, les cathédrales de Strasbourg, de Rheïms et de Toul s celles de Westminster, de Cantorbéry et d'York, celles de Magdebourg et de Cologne ; et enfin ; en Espagne, , les églises de Burgos et de Tolède , qui restent toutes comme des types précieux et admirables , et comme des imposantes reliques de l'architecture chrétienne des x1re et xxrre siècles. Après le xrrre siècle , l’art dé- cline , et le style fleuri ou flamboyant qui consiste à multiplier les ornements outre mesure, demeura infé- rieur au précédent qui, d’une forme neuve et originale, puisait dans de plus hautes inspirations. L'histoire générale de l’art à cette époque, ne man- quera pas de mentionner les progrès que firent la sculpture et la peinture. Cimabuès, Giotto, son habile élève , et quelques heureux émules furent, en Italie, les précurseurs de Raphaël , Michel Ange et Léonard de Vinci, que le xvr:e siècle verra briller. L'école fla- mande, commença alors l'essai de ses créations origi- nales , que Rubens devait élever à un si éminent de- gré. L'Allemagne qui attendait Albert-Durer et Hol- bein, préludait aussi à des œuvres qui annonçaient ces grands maîtres. (307) Les autres contrées de l’Europe sont alors moins favorisées de ce côté; cependant la France ne tar- dera pas à entrer honorablement dans cette lice, lorsque les expéditions de Charles VIII, en [ialie, auront fourni aux artistes, par leur contact avec l’é- cole Italienne, l’occasion et les moyens d'améliorer leur méthode et leur style, qui arriveront à la plus haute et à la plus suave expression avec Claude Lo- rain, Poussin, Lebrun, Mignard, Lesueur et tant d’autres illustres artistes, qui les ont accompagnés et suivis. Cette excursion rapide sur le domaine des beaux- arts, qui ne peut être considérée ici comme une digression, nous permet de faire observer ,en ce mo- ment, que les arts parurent suivre dans leur dévelop- pement, une marche parallèle à celle des sciences et des lettres. À des témoignages pareils et si variés, les amis du beau , du bien et du grand trouveront, sans doute, que le moyen âge n'était dépourvu d'aucun de ces caractères significatifs, qui indiquent le progrès de l'esprit humain et qui le prouvent. En reprenant maintenant le cours de notre examen littéraire , nous devons signaler la fin du xrve siècle comme l'époque de l’origine des mystères. des mora- lités et des sotties qui ont été, en France, les pre- mières représentations scéniques ; de même que l’on avait vu, avant et pendant les croisades, les trouvères et les troubadours donner des sortes de spectacles méêlés des chants des paladins et des prouesses et des tours des jongleurs ; de même, après les croi- sades, on vit dans un autre ordre d'idées, des pèle- rins, revenant de l'Orient, qui représentèrent des (308 ) mystères de la religion, des scènes de martyrs, et les aventures les plus remarquables arrivées aux croisés. L'invention perfectionnée, amena la formation d’une société permanente, qui s'établit à Paris , et qui prit le nom de confrères de la Passion. Ce fut par cette société que fut représenté le mystère de la passion de Notre-Seigneur-Jésus-Christ, qui est l’un des plus an- ciens mystères connus, et qui donna lieu à l’établisse- ment du premier théâtre. Bientôt, à limitation des confrères de la Passion, parurent les clercs de la ba- zoche , qui mélèrent des scènes gaies et parfois bur- lesques aux pièces qui ressortaient , en quelque ma- nière, de l’ordre liturgique : on donna à ce genre , le nom de moralités. Les basochiens, il faut le recon- naître, ne respectèrent pas toujours la morale dans leurs moralités. Vinrent ensuite les Enfants Sans- Souci, qni donnèrent, à la Halle, leurs premières représentations, qu'ils nommèrent sotties, et dont les scènes avaient beaucoup de rapport avec les morali tés. Ils s'étaient donné la mission de reprendre la sottise des hommes et des choses de leur temps; ils poussèrent, souvent très loin , leurs libertés aristo- phaniques. Ces diverses sociétés finirent par se réu- nir. Tels furent, en France, les premiers bégaiements de l’art dramatique, qui devait montergraduellement et s'élever si haut dans le xvure siècle (1). (1) Hem’est pas superflu de remarquer icl, que les mystères, tels qu’ils ont été joués aumoyen-âge, se sout conservés au pays basque. On joue encore aujourd’hui , dans cette contrée, des pastorales qui ont la facture et la mise en scéne des anciens mystères. ( 309 ) En fésant ressortir de la situation de ces essais in- formes, quelques inductions admissibles, au point de vue philosophique et littéraire, il nous semble permis d’assigner les mystères et les imitations classiques, comme les sources où vinrent puiser leurs premières inspirations, l’auteur de Polyeucte et celui d’Athalie ; et de considérer les moralités et les sotties comme des éléments bruts, qui furent quelquefois consultés par l’auteur du Misanthrope et du Bourgeois-Gentil- homme. Ainsi la civilisation, lente et inaperçue, progressait néanmoins avec constance au milieu des orages poli- tiques et dans le tumulte des factions. Cette poésie musicale pour laquelle avait tant de penchant le moyen âge eut alors (au commencement du xv:® siècle) pour principal interprète Charles d'Orléans, petit-fils du roi Charles V. Ce fut ce prince poète qui, pris à la fameuse bataille d’Azincourt (1415), demeura pendant 25 ans captif en Angleterre. Ses stances élégantes et gracieuses ont un charme élégiaque qui pénètre, at- tendrit et séduit. Il en a paru une nouvelle édition en 1843. On peut encore citer ici Christine de Pisan, au- teur de plusieurs ouvrages en vers et en prose, et, dans un autre genre, les Ballades de Villon qui ne manquent pas d’un certain goût piquant, mais qui se teignent toujours d’une couleur bouffonne qui les dé- pare. Tout le monde connaît la faconde surannée d'Alain Chartier, qui concourut en effet au perfec- tionnement de la langue française, et à quiadvint, en dormant, cette faveur princière qui tirait son plus haut prix des lèvres de rose qui l’accordèrent. On sait aussi que Marguerite d'Ecosse , en l'en gratifiant, dit : ( 310) « qu'elle en voulait non à l’homme, mais à la pré- » cieuse bouche de laquelle étaient issus et sortis tant » de bons mots et vertueuses paroles. » Ce qui doit aujourd'hui conserver surtout le souvenir d'Alain Chartier, est le vrai patriotisme dont il fit preuve dans ses ouvrages et dans ses actions; ce fut pour ramener les Français à une même foi religieuse et à une méme opinion politique qu'il écrivit le livre des trois vertus et le quadrilogue iuvectif, où il se déchaîne contre les abus; il contribua de toute l'énergie de son pouvoir à l'expulsion des Anglais et au retour de Charles vir. C’est ici le lieu de mentionner les œuvres de Clotilde de: Surville qui ont été retrouvées et publiées dans le pre- mier quart de cesiècle. Ces poétiques accents d’épouse et de mère ontun charme suave et bien pénétrantsans doute, mais leur origine est encore enveloppée d’un doute qui fait supposer à ces gracieuses productions une vieillesse moins avancée que celle qu’elles simu- lent. Toutefois la question demeuraitindécise d'abord. Mais M. Villemain, dont l'opinion est d’une grave au- torité, a déclaré qu’elle ne pouvait plus l'être. Nous ne pouvons toucher aux limites qui séparent le moyen âge des temps de renaissance, sans adresser de toutes les pensées du cœur un gracieux souvenir à cette illustre héroïne française qui apparut dans la pre- mière moitié du xve siècle , et qui, après quatre cents ans, resplendit encore de toute la pureté de sa pudique auréole et du charme de sa mystérieuse poésie. C’est assez rappeler et indiquer Jeanne d’Arc ou la Pucelle d'Orléans, qui, dans les diverses phases de sa sublime mission, fut le type caractéristique et l'emblème fidèle de la puissance populaire venant en aide et secours (311) au trône et à la patrie confondus alors dans un même sentiment religieux, la foi. Les immortels lauriers cueillis par la main de la bergère de Vaucouleurs qui, sous une inspiration cé- leste, fit tant pour le salut de la nation française, nous rappellent que, peu après cette mémorable apparition, une princesse douée d’une grande force d'esprit et de volonté , Marguerite d'Anjou, fille du bon René, de- venue femme de Henri vr et reine d'Angleterre, se montra aussi très supérieure à son sexe au milieu des traverses qui lui furent suscitées dans ce royaume lors de la guerre des deux roses. Elle combattit vaillamant, pour soutenir les droits des Lancastres au trône, et apporta, dans toutes les rencontres, le courage, la fer- merté et cette éminence de vues qui distinguent les âmes nées pour les grandes actions. Ses hautes infor- tunes furent à l’égal de son courage; mais ne l’abat- tirent jamais. Une iliade de ces revers qui précipitent d’un trône, soutenus avec une constance héroïque, lui mérite dans les souvenirs historiques de la littérature une place qu’elle a su conquérir si noblement et que l’on doit, surtout ici, donner si volontiers à l’illustre fille de ce bon duc d'Anjou, de si douce mémoire, qui, comme le prouvent les vieux balladiers (1) , cultivait avec succès, lui aussi, les lettres et les beaux arts, et, par dessus tout , se fit toujours honorer et chérir par ses hautes vertus. (1j On trouve à la bibliothèque nationale un vieux balladier , qui renferme à la fois des pièces poétiques de Charles d'Orléans, de Jean, duc de Bourbon, de Philippe, duc de Bourgogne, de Jean, duc de Lorraine, de René d'Anjou, etc. (312) - Dans la série des aperçus intellectuels que nous traçons du moyen-âge, l’ordre des temps nous presse de mentionner ici, que c’est dans la période du xrve au xve siècle, que Joinville, Froissart et Commines , esprits aventureux et voyageurs infatigables, écrivirent leurs intéressanteset piquantes chroniques; ils avaient été précédés dans cette voie par Villehardoin , dont la chronique est à la fois un précieux monument de notre histoirenationale, et l’une des plus anciennes produc- wons en langue vulgaire. Tous ont attaché un certain charme à leur narration , par le tableau mouvant des événements de l’époque et de la curieuse activité de leur vie qu'ils présentaient sous une forme saisissante: et dramatique. Villehardoin nous fait assister, avec lui , à la dernière croisade dont il fut un des princi- paux acteurs. Avec Joinville, peintre naïf d’un excel- lent prince , nous vivons presque dans l'intimité de saint Louis. Froissart, ce type du joyeux touriste, nous convie à toutes les fêtes des cours de France et d'Angleterre et aux parfums poétiques de tous les châteaux. Enfin , Commines, précurseur de l’histoire moderne, nous initie à tous les détails principaux des règnes de Louis XI et de Charles VIIT, dont il fui le familier compagnon. Avec lui s’éteignit, à peu près, le règne des chroniques qui furent remplacées, dès le xvIe siècle, par les mémoires dont l'allure convenait mieux à l’époque. C’est ici le moment où les langues modernes se dé- gagent de ieur première enveloppe, se dessinent et se forment. Tout semble annoncer que l'aspect du monde va prendre une face nouvelle. Nous voyons alors l'Italie occuper le premier rang et devancer les (313) autres nations par son grand mouvement littéraire. Déjà , sur cette terre classique de la science et de la civilisation , le Dante, Pétrarque et Bocace , puissant et pacifique triumvirat du génie, avaient remué le monde intellectuel , en avaient fait vibrer toutes les fibres. C'était de leur verve originale, qu'avaient jailli les compositions étonnantes et ingénieuses, dont, les accents incisifs el vigoureux étaient venus réveil- ler et stimuler tous les esprits. Aussitôt on s'était mis à l’œuvre, on s'était jeté de nouveau avec une incroyable avidité sur tous les trésors littéraires que les incessants et infatigables labeurs des religieux, avaient découverts et conservés, et dont l'invention de l'imprimerie allait multiplier et garantir les fruits. La chute de l'empire d'Orient, qui survint sur ces entrefaites, sans être la première cause de la renais- sance des lettres en Europe, servit pourtant à donner de l’activité au mouvement qui s’était déjà prononcé d'une manière sensible dans les intelligences. Il est certain que les savants de Constantinople qui se réfu- gièrent en ltalie contribuèrent à augmenter le goût des études; tant par leur exemple que par les chefs-d'œu- vre qu'ils apportèrent dans leur nouvelle patrie. C’est alors que surgit en effet dans tout son éclat cette épo- que de rajeunissement de l'esprit hnmain par la res- tauration de l'antiquité qui a pris le nom de renais- sance. Il ne m'appartient pas de décider ici si ce retour aux antiques traditions scientifiques et litté- raires, au détriment des productions nationales et originales du temps, fut un avantage ou une perte pour le progrès de l'esprit humain. Toutefois, malgré mon inclination pour la belle antiquité, je ne puis 21 (314) m'empêcher de regretter, au risque de déplaire à ses partisans idolâtres , que dans cette conjoncture elle ait absorbé toutes les études. Il auraït fallu, je crois, continuer à recueillir et à employer les matériaux précieux légués par la science et la littérature antiques, mais sous la condition de réserver, au milieu d'eux, la meilleure place aux traditions sacrés , aux écrivains savants et aux magnifiques idées nouvelles dont le christianisme avait doté le monde. Quoiqu'il en soit, après les productions neuves et admirables, qu'avait fait éclore le xrve siècle en Italie, presque tout le xve fut consacré à des travaux d’érudition et à des recher- ches sur l'antiquité qni devaient fournir aussi les plus heureux résultats. Ne soyons pas jaloux de la double splendeur que ces belles créations du génie littéraire et ces efforts ardents et généreux d’un labeur érudit firent successivement éclater sur l'antique Ausonie, nous lui en avions prêté déjà quelques rayons par l'entremise de nos ingénieux et spirituels troubadours. Aussi, en acceptant cet héritage intellectuel et après avoir mûri ces précieuses données de la science, nous devions bientôt surpasser par notre brillant siè- cle littéraire les trophées etles savantes investigations dont peut justement s’énorgueillir l'Italie du xv siècle qui ferma avec tant d'honneur et d'éclat la dernière époque du moyen âge. Si l'on veut maintenant se rendre un compte juste et fidèle des évolutions intellectuelles du moyen âge, si l’on consent à estimer que les progrès de l’huma- nité, au lieu de s’éparpiller sur une plus grande su- perficie, peuvent souvent se résumer et se condenser en quelque sorte dans la supériorité de quelques es- (315) prits qui en sont les éminents représentants et l'ex - pression la plus active, on sera forcé de convenir que le moyen âge n’a point été une époque immobile, retardataire ou inféconde, et l’on sera convaincu qu'il doit occuper dans l’histoire de l'esprit humain une place honorable telle que la lui assignent et ses cons- tants labeurs et leurs immenses résultats. Nous avons essayé de parcourir succinctement et de présenter , dans une rapide esquisse, les phases diverses qui lux donnent des titres assurés à la reconnaissance de la postérité , et nous avons tâché de démontrer que c’est précisément dans ces siècles, désignés vulgairement sous le nom de ténébreux, d’ignorants et de barbares que prennent leur origine et leurs premiers dévelop- pements toutes les connaissances et toutes les décou- vertes auxquelles nous devons aujourd’hui notre su- périorité sur les anciens. Terminons en disant que ce qui constitue surtout la gloire du moyen âge et sa force morale, c’est sa foi inébranlable dans la puis- sante unité du christianisme qui le mit toujours au- dessus de tous les orages et qui le fit triompher de toutes les tempêtes. Dans l'intérêt général des peuples formons des vœux pour que cette foi renaisse et vive dansles cœurs; elle serait aujourd’hui comme toujours le bienfaisant et propice contre poids des aberrations humaines et des fléaux publics. TEXTORIS. (316) NOTICE SUR LA FONTAINE D'AVOR ne D E———— Une des plus belles excursions que l’on puisse faire dans le département de Maine et Loire, est celle qui a pour objet l'exploration des côteaux qui bordent la Loire entre Angers et Saumur. Cette contrée n’a pas encore perdu entièrement sa physionomie primitive ; le tou- riste ne se lasse pas d’y admirer les aspects grandioses du paysage , le naturaliste y recueille des productions variées , et l’archéologue s'arrête avec intérêt devant les restes nombreux de monuments anciens dont le sol est parsemé. Lorsque, après avoir visité la petite ville de Gennes curieuse par les ruines romaines sur lesquelles elle est assise on dirige ses pas vers le midi, on entre dans une vallée jadis resserrée par des bois épais, au sein desquels se dressaient de nombreux monuments cel- tiques. Aujourd'hui l’œil embrasse une perspective plus large, de hauts peupliers dessinent les sinuo- sités du ruisseau , de riches moissons et une végéta- tion luxuriante se développent partout sous l'influence d’une température toujours élevée. Une heure de mar- che suffira pour vous conduire dans une contrée (317) agreste qui ne ressemble plus à celle que vous avez laissée aux bords de la Loire : des habitations creusées dans le roc, quelque manoirs dont la construction rappelle le xvr siècle, attireront vosregards , mais la ehaleur vous engage à rechercher les ombrages et et vous ne tarderez point à découvrir la belle fontaine d’Avor dont les eaux limpides et abondantes donnent naissance au ruisseau dont vous avez suivi les con- tours. Son vaste bassin constamment rempli d’une égale quantité d’eau ne présente au premier coup d'œil, rien qui puisse fixer l'attention d’une maniére parti- culière. Cette eau incolore et diaphane, sans odeur, d'une saveur légèrement amarescente ou salée, excite la soif plutôt qu’elle ne désalière , elle dissout bien le savon, mais le fait mousser difficilement. Conservée pendant deux ans dans une fiole bien bouchée, elle ne s’est pas altérée et a même gardé sa transparence. Les plantes qui croissent au milieu et autour de cette fontaine n’offrent rien de particulier : les nasturtium officinale, epilobium parviflorum, lythrum salicaria, Helosciadium nodiflorum, callitriche stagnalis eupato- rium cannabinum , mentha rotundifolia , veronica ana- gallis (forma gigantea) et quelques conferves, sont celles que nous avons plus spécialement remarquées. Le règne animal fournit aussi peu d'habitants aux eaux d’Avor : des Gerris courrent à leur surface, la pe- tite crevette des ruisseaux (Gammarus Pulex Fabr.) se promène sur la vase, et la petite épinoche (Gaste- rosteus pungitius. L. y frétille en troupes nombreuses, quelques grenouilles (Rana esculenta L.) aiment aussi. à s’y plonger. (318) Si, après avoir vérifié ces observations, vous sou- haïtez des renseignements plus’ étendus, adressez- vous à une des lavandièresque vous ne manquerez pas detrouver en ce lieu, elle vous fournira des détails avec une abondance qui ne vous laissera rien à dé- sirer « Vous n'êtes pas le premier, vous dira-t-elle, qui soit venu de loin visiter cette belle source : au- cune de celles que vous trouverez dans ce pays ne peut lui être comparée ni la fontaine d’Enfer, ni celle du Vau d’or, ni celles de Couture ne l'emportent sur elle, pas même une petite fontaine de ce canton qui interrompt et reprend son cours à différentes époques de l’arinée ; celle-ci pourtant a bien son mérite, car elle marque le prix du blé, si elle cesse de couler, soyez sûr que le prix du froment augmentera, si elle coule toute l’année, il se maintiendra modéré : j'ai connu un marchand de grains qui ne manquait pas de la consulter avant de conduire son blé au marché de Brissac (1). Mais revenons à notre fontaine d’Avor dont vous paraissez impatient de connaitre l’histoire : vous pouvez voir que nous employons cette eau à blanchir le linge el généralement à tous les usages de la vie : elle n’a dans le pays aucune réputation comme médi- cinale, quelque personnes en viennent chercher de communes fort éloignées, elles l’employent pour les maux d'yeux et contre les douleurs de dents : maïs sa propriété la plus remarquable et la plus singulière ést l’action qu'elle exerce sur les oiseaux de basse (1) Il s'agit sans doute ici, d’une fontaine intermittente, mais j'ai oublié fe nom de cette Egérie de la spéculation. J'ai recueilli ces renseignements sur les lieux en 1827. ( 319) cour, nolamment sur les oies ét les cannes. Ces ani- maux deviennent ici très beaux, ils y pondent comme à l'ordinaire, mais jusqu’à présent leurs œufs ont fait éclore des petits tellement monstrueux qu'ils n’ont pu vivre plus de quelques instants. Les poules elles- mêmes quoiqu’elles fuient l’eau, ne sont pas, dit-on, à l'abri de ces accidents et quoique les œufs de ces di- vers oiseaux soient aussi bons ici que partout ail- leurs, on y connaït si bien leur infécondité que per- sonne ne s’aviserait de les mettre à couver, on se procure pour cela des œufs provenant des communes environnantes. Il y a plus, les grenouilles qui devien- nent ici très grosses, ne font jamais entendre aucun cri. Il y a longtemps qu’il en est ainsi, car nos grand’- mères nous ont raconté à ce sujet une histoire qu’elles tenaient elles-mêmes de leurs ancêtres : Il y avait au- trefois, au lieu nommé la cour d'Avor; un château antique habité par une noble famille : un saint prélat venait souvent célèbrer le service divin dans la cha- pelle du château, mais à peine commençait-il sa psalmodie, que sa voix était couverte par les cris des canards et des oisons et par les rauques coassements des grenouilles, excités sans doute par le malin esprit ; un jour le prélat saisi d’une sainte indignation, con- jura la fontaine et tous les animaux dont les cris le troublaient. Dès cet instant les grenouilles furent muettes et les oiseaux condamnés à mourir sans pos- térité, c’est probablement à cette occasion que naquit un dicton que l’on repète souvent en ce pays à Avor, le diable est mort. » Quelque soit le dégré de croyance que l’on accorde à celte légende, il est certain {du moins qu'elle peut (320) prouver que de temps immémorial on a remarqué les singulières anomalies produites par ces eaux.:Ce nom même de fontaine d’Avor, ou Avort (Fons de abortu) (1) vient a l'appui de cette observation , et peut être cette tradition n'est-elle que la traduction d’une autre plus ancienne, car cette fontaine pourrait bien avoir été consacrée au culte druidique ; un Dolmen qu'on voyait à peu de distance il y a une vingtaine d'années, eût pu servir à confirmer cette conjecture. Les effets physiologiques attribués à l’eau d’Avor paraissent au premier abord si extraordinaires, qu'il n’est point étonnant qu'on les ait rejetiés en grande parlie au rang des contes populaires (2). Cependant il y a soixante ans, un chimiste instruit qu'on ne pouvait accuser d’un excès de crédulité, le docteur Tessié-Ducluseau, des Rosiers, avait appelé l’attention du monde savant sur ces faits singuliers que sa posi- lion le mettait parfaitement à même de vérifier. Le premier, peut-être, il professa à Angers les principes de la chimie moderne et il eût sans doute placé son nom au rang des illustrations dont se glorifie notre Anjou, si l’'échafaud des Girondins ne l’eût moisson- né, jeune encore : « homme à jamais regrettable » écrivait un de ses comtemporains, par son aptitude » extraordinaire pour les sciences et le zèle ardent » imperturbable qu'il mettait à tout ce qu'il jugeait » grand et utile; sacrifiant son état sa fortune, sa santé » au désir d'introduire dans son pays le goût de l’é- (1) La carte de Cassini nomme mal à propos ce lieu 4verté en ÿ plaçant le signe d’une chapelle. $ (2) Voir à set égard les diverses statistiques de Maine et Loire. (321) » tude et des sciences physiques ; il fit avec un talent » et un zèle distingués des cours de chimie où assis- » taient entre autres, MM. Merlet-la-Boulaye et Lare- » veilliére-Lépeaux. » (1) Qu'il me soit permis de reproduire ici quelques ex- traits du mémoire peu connu de notre compatriote. Ce mémoire inséré dans le journal de physique tom. xxXvII pag. 81 à 95 (juillet 1790), a pour titre : Ana- lyse des eaux alcalinoterreuses, minérales et thermales, de la fontaine d’Avor en Anjou. — L'auteur, après des préliminaires sur la situation topographique de la fontaine d’Avor, sur l’origine et la cause productrice des masses siliceuses qui recouvrent le mont et for- ment la base de la montagne entièrement calcaire (2) où la fontaine prend sa source (paroisse de Saint-Ve- terin de Gennes) passe : 1° aux propriétés physiques de l’eau de la fontaine, dont les jets sont constam- ment uniformes, 2 à ses propriétés chimiques, 3° enfin à son analyse. « La fontaine sort par une multitude de jets qui » soulèvent en bouillonnant lelit sableux de son vaste » bassin de forme irrégulièrement parallélogramma- » tique, dirigé du N. E. au S. O. long de 80 pieds sur » 18 de large dans sa partie orientale, et de 30 à son » extrémité occidentale, d'où il s’écarte aussitôt pour » suivre une direction vers le nord... Son eau est » claire limpide et transparente, cependant opaline, » elle ne fait aucun dépôt, tant au fond qu’à la sur- » face ; elle ne gèle pas, même pendant les rigueurs (1) Note manuscrite de Leclerc père (1809). (2) C'est le terrain cretacé inférieur. ‘ » » » L )] D: (322) excessives du plus grand froid connu, tel que celui de 1788 à 1789, où après avoir parcouru un espace de 3 milles, elle fondait encore les glaces considé- rables de la Loire, dans laquelle elle se décharge: » 82. Une longue et funeste expérience a fait connaître que les oies et les canards qui se baignent continuel : lement dans ces eaux ne sont pas ifécondés, ou don- nent naissance à des êtres de formes monstrueuses : les uns éclosent le bec de travers, les autres les aïles renversées, le col contourné, « les cuisses et les pat- tes retournées, et placées sur le dos, d’autres mais- sent avec deux têtes, une naturelle, l’autre sur le croupion ; les autres n’ont que des demi pattes, et un enfin en avait quatre, dont deux ordinaires et deux sur le dos, ces animaux périssent misérable- ment dans l'espace de 3 à 4 jours sans pouvoir prendre aucune nourriture. » p. 83 « Les propriétaires des terrains bas et marécageux arrosés par les eaux de cette fontaine, ayant voulu ily a plusieurs années, les défricher afin de les rendreà l’agriculture, observèrent que les hommes qui y furent employés devinrent chauves, leurs ongles leur tombèrent presque aussitôt. Les mulets et les bœufs qui labourèrent ces terres perdirent leurs poils et leurs sabots. Le froment qu’on enre- cueillit fit un pain qui altérait très sensiblement les” facultés physiques détruisait tellement les forces de ceux qui en faisaient usage qn'il les reduisait à un anéantissement participant de l'ivresse, sans qu’on pût attribuer ce fâcheux accident à la nature ergotée du grain, ni à l'ivraie qui ne croit point parmi les ( 323 ) » blés de ces cantons. Les enfants surtout éprou- » vaient ces symptomes alarmants d’une maniêre bien » plus marquée, lorsqu'on leur faisait manger de la » bouillie préparée avec la farine provenant de ces » mêmes grains; quelques uns en perdirent la vie. » On essaya d'en corriger les pernicieux effets en » combinant ce blé avec une certaine quantité de » froment étranger, ce qui les rendit moins sensibles, » heureusement que le temps et la culture continuée » depuis longtemps avec soin, les ont singulière- » ment mitigés et même fait cesser. Cependant les ». mulets qui paissent souvent dans les pâturages voi- » sins des bords de ces eaux, y perdent encore quel- » quefois le poil des jambes, ou l'ont plus ras que les » autres animaux de la mème espèce, qui n’y sont » pas exposés. Les grenouilles qui vivent dans la fon- » taine et dans les eaux qu'elle fournit-ne coassent » jamais quoiqu'elles aient la même forme et orga- » nisation extérieure que les autres amphibies de ce » genre, » p. 83, 84. Le souvenir de ces accidents subsistait encore en 1827, lorsque je fis de nouvelles recherches sur cette fontaine. Un vieux cultivateur de ce canton me dit en avoir été témoin dans sa jeunesse, il me signala des habitants de ce vallon qui depuis quelques années, étaient devenus chauves par suite de pareils accidents; il ajouta même que lorsque ses porcs allaient se vau- trer dans la fange du ruisseau, ils ne tardaient pas à perdre leurs poils. » J'ai engagé, il y a deux ou trois ans, continue » le docteur Tessié, les habitants des bords de ce » ruisseau à faire couver des œufs produits par leurs ( 324 ) » oies et canards sans cesse exposés à l’action de ses » eaux. L’un sur treize œufs d’oie n'eut qu’un seul » oison, l’autre sur 28 œufs n’eut que cinq canards » vivanis ; les autres sont morts dans la coque, quoi- » qu'on leur aïidât en perçant l'enveloppe, et les mît dans l’eau légèrement tiède, afin de ranimer ces petits infortunés, condamnés à périr en naissant. On a aussi remarqué que l’incubation était quel- quefois plus longue qu'ailleurs. Les œufs étrangers » et couvés par les volatiles du pays réussissent » mieux : C’est pourquoi les habitants sont forcés » d'aller acheter des œufs chez leurs voisins au delà » de la Loire, pour les faire couver ensuite par leurs » canards, afin de tirer parti de leur situation, la- » quelle sans cela leur serait préjudiciable. On ob- » serve une très grande différence dans les résultats » selon que les années sont plus on moins sèches où » pluvieuses, ces dernières sont les plus funestes. » Je me suis procuré quelques unes de ces mal- » heureuses victimes; je n’ai rien trouvé de remar- » quable dans leur organisation intérieure, les vis- » cères sont dans leur situation naturelle mais le foie » plus volumineux qu’il ne doit l'être. Il m'a semblé » que la conformation vicieuse et extérieure du plus » grand nombre était produite par une violente con- » traction spasmodique qui leur contournait les » membres de la manière indiquée ci-dessus, ce » qui paraît d'autant plus probable que le relâche- » ment général qui survenait après la mort les reta- blissait fréquemment à l’état naturel. » p. 84. L'auteur décrit ensuite avec détails deux canards jumeaux provenant de cette fontaine dont les formes > y ÿ Ÿÿ Ÿÿ (325) sont vraiment bizarres et monstreuses. Il les avait vus disait-il, dans la belle collection que le supérieur du séminaire d'Angers possédait dans son cabinet d’his- toire naturelle. Par un beau temps sec, les eaux d’Avor blanchis- sent supérieurement le linge, ce qui en fait le lavoir public du canton. Les habitants en font leur boisson ordinaire, ils l'employent à fabriquer leur pain, et à cuire leurs légumes et généralement à tous les usages de l’économie domestique, p. 85. « Elle fume ou se couvre de nuages épais résul- » tant de la vaporisation continuelle qu’elle éprouve, » même pendant l'hiver. Les eaux deson bassin ne gè- » lent jamais, ce n’est qu'à une grande distance de la » source, et à leur surface seulemeut qu’ellesse congè- » lent. Satempérature est toujours à + 10 degrés réau- » mur. et quelquefois davantage; celle de l'atmosphère » étant + 17 degrés le 20 août 1786, le thermomètre ». ensuite plongé dans la fontaine était seulement à + » 10 dégrés. — Le 15 septembre, à l’époque d’une ré- » volution considérable dans l’atmosphère le thermo- » à 16 d. 1/2 à l'air libre, plongé ensuite dans l’eau, » indiquait + 10 d. 1,2. Cette eau est donc plus char- » gée de principes iminéralisateurs, à l'instant où la » révolution se prépare que lorsqu'elle s’opère et plus » pure encore par le beau temps fixe. » p. 86. À l'appui de ces observations de Tessié, j'ajouterai celles que j'ai relevées moi-même à deux reprises différentes : la 26 septembre 1827, à 10 heures du matin, le thermomètre de réaumur marquant à l'air libre, 17 d. 1/2 fut placé à l'endroit où l’eau s'échappe de la source, il s'abaissa rapidement et ne s'arrêta qu’audessous de 10 d. ( 326 ) Le 28 février 1828, à midi, le thermomètremarquant 11 degrés, marqua dans l’eau 9 degrés et demi. L'’hi- ver s'était passé sans gelées, et la végétation était alors, dans ce canton, aussi avancée qu'elle l’est or- dinairement à la fin de mars. « Le contact de l’air et l’agitation continuelle des » moulins suffisent pour enlever à cette eau la ma- » jeure partie de ses propriétés nuisibles à la fécon- » dité et à la reproduction des animaux et même des » hommes, selon la tradition, laquelle est sans aucun » fondement à l'égard des derniers. Ce faït est si cons- » tant que les canards qui sont sans cesse plongés » dans les eaux de la chaussée du troisième moulin, » lequel est distant d’un mille de la source, y donnent » naissance à des êtres aussi bien conformés et aussi » sains que ceux qui vivent dans l’eau la plus pure : » ce qui démontre clairement que ce phénomène dé- » pend uniquement de l’arôme putride animal qui est » dissipé et volatilisé par l’action des moulins, ainsi » que le gaz carbonique libre ou en excès, lequel ser- » vait à tenir en dissolution le carbonate calcaire, qui » se précipite alors, comme il est facile de l’observer » dans tout le cours de ce ruisseau, dont le lit argi- » leux est entièrement tapissé de ce sel calcaire » p. 87. Les callitriches et autres plantes aquatiques de ce ruisseau se recouvrent d’üne légère incrustation lorsqu'on les dessèche pour l’herbier. Nous avons oh- servé en outre sur ses bords, les espèces suivantes : Thalictrum.…. Tussilago Farfara, Senecio erucæfolius, Sonchus arvensis elatior(S.palustris Bast.), Helminthia echioides ; Potamogeton densus, Equisetum Telma- theya, etc. ( 327 ) Cette eau « verdit fortement le sirop de violettes , »-elle dissout le savon, elle augmente l'intensité de la » teinture de tournesol qu'elle fait passer au bleu, la décoction de Terra merita est légèrement altérée en rouge brun, celle de Fernambouc bleuit, les prussia- tes de potasse et de chaux précipitent peu de bleu de Prusse, l’infusion de noix de Galles donne également un indice léger de fer ; l'acide sulfurique précipite abondamment du sulfate calcaire ; le nitrique et le muriatique n’y produisent pas de précipation, à cause de la grande solubilité des sels qui en résul- tent; mais ils dégagent , avec effervescence, le gaz carbonique , ainsi que les autres acides plus puis- sants que lui. L’acide oxalique et l’oxalate acidule de potasse forment un précipté abondant d'oxalate calcaire. » p. 87. Il résulte de l'analyse de Tessié, que chaque pinte d’eau de cette fontaine contient : » » » Acide carbonique libre. Carbonate calcaire. . Extrait et arôme animal. . Carbonate d'alumine. . Muriate de soude. . Sulfate de chaux. Oxide de fer brun. Silice © © © © 0 à O7 à ©0 D 13 16 (sic). » Cette eau ne peut être placée dans la classe des eaux minérales acidules, quoique contenant de l'a- cide libre , lequel s’y trouve dans la plus petite quantité possible, pour tenir en dissolution les sels (328 ) » terreux qui en font partie. Elle agit comme les al- » calis dont elle a toutes les propriétés , il n’est donc » pas surprenant que l’usage continuel de ces eaux » altère le sang et les humeurs, qu’elles portent à la » dissolution et à la putréfaction : de là l’alopecie ou » la perte des poils et des ongles, le scorbut et les di- » verses maladies de la peau. Le principe septique » animal agissant sur les nerfs produit les convulsions » et autres symptômes. » p. 95. Telle était l'explication que le docteur Tessié avait cru pouvoir donner des phénomènes attribués à l’eau d’Avor. Aujourd’hui, sans doute, elle ne paraîtrait plus sufisante. Les progrès de la science, en perfec- tionnant les moyens d'analyse, permettraient, sans doute, de découvrir dans ces eaux d’autres principes que cet arôme septique insaisissable. Dans les deux voyages que je fis pour étudier cette fontaine, je me livrai, à la source même, à quelques essais dont voici le résultat : Une seule goutte de sous- acétate de plomb produisit un précipité blanc très abondant ; l’eau de chaux un léger trouble ; l'hydro- chlorate de baryte presque rien; le nitrate d'argent un précipité blanc assez copieux ; l'acide oxalique de même, la noix de galle presque rien. Une lame de fer enfoncée dans la vase, pendant une ‘demie heure, n'en éprouva aucune altération. Me trouvant dans l'impossibilité de poursuivre plus loin ces essais, j'en- voyai à Paris une bouteille d’eau et une fiole de la vase de la fontaine , elles furent confiées aux soins de M. Bonastre, pharmacien distingué , qui voulut bien se charger de ce travail, dont voici les résultats : ( 329 ) ‘4e Eau de la fontaine. » Elle est transparente, d’une saveur fade, elle se » trouble à peine par l’ébullition, ne rougit pas le » tournesol ; elle indique par les réactifs la chaux, la » magnésie , un carbonate terreux , un ou plusieurs » hydroclorates, à peine des sulfates. Soumise à l'éva- » porisation, elle ne laissa qu'un très léger résidu » blanc, brillant, un peu amer, dont la majeure par- » tieest insoluble dans l’eau, ce résidu était composé » de : Hydrochlorate de magnésie, très sensiblement. S — de chaux, des traces. Sulfate de chaux, un peu. — de soude, ? Carbonate de chaux, prédominant. — de magnésie, un peu. Silice et matières organiques, traces. 90 Eau boueuse. » Cette boue ou vaseétait d’un gris jaunâtre, d'une » odeur peu agréable et très infecte lorsqu'on la » chauffait. Lesacides ont produit, sur elle, une effer- » vescence assez vive et un dégagement d’odeur » d'œufs pourris mêlée à celle d’une matière parti- » culière.. il est très vraisemblable qu'il y avait un » peu d'hydrosulfate ; on remarquait, dans cette boue, » des petits fragments de cailloux et des radicelles. » L'analyse y a démontré la présence de : Sulfate de chaux, un peu. Hydrosulfate de chaux? traces. — de magnésie, sensiblement. — de chaux, traces. 12 LS (330 ) Carbonate de magnésie ,: en proportion notable. — de chaux, idem. Peroxide, de fer, sensiblement. Matière organique particulière. Silice , en grande proportion. (Bonasire, 18 octobre 1827). Ces différents essais, nécessairement, incomplets , ne permettent point de regarder comme sufisam- ment connue la composition de l’eau d’Avor ; il se- rait bien à désirer qu’un chimiste expérimenté allât , à la source même, procéder à une analyse plus com- plète, aidé des moyens que l’état actuel de la science permet d'employer. Peut-être, alors, parviendrait-on à lever le voile qui nous cache encore la cause d’une anomalie si singulière et si curieuse. Celte cause ré- siderait-elle dans l'abondance des sels de magnésie que cette eau paraît contenir ? Les recherches toutes récentes de M. le docteur Grange, tendent à démon- trer que le développement du goître, dans les pays où règne cette affection , est en rapport avec la grande proportion de sels magnésiens dans les eaux potables. Si ces produits des eaux peuvent déterminer l’hyper- trophie de la glande thyroïde chez l'homme, serait-il impossible d'admettre qu'ils produisent aussi une ac- tion pathologique sur les organes reproducteurs des palmipèdes? C’est une question que je ne me permet- trai pas de résoudre. Mais si ce travail, tout imparfait qu'il est, pouvait engager de plus habiles observateurs à approfondir ce sujet, je ne regretterais point de l’a- voir entrepris. C’est uniquement dans ce but, que je l’ai exhumé de l'oubli auquel je l'avais condamné (231) depuis vingt-trois ans , afin d'appeler, sur la fontaine d’Avor, l'attention de la savante compagnie à laquelle je me trouve honoré de pouvoir offrir cette notice. Novembre 1850. A. BOREAU. NOTE SUR TESSIÉ-DUCLUSEAU. » Un citoyen généreux qui a commencé par sacrifier son » intérêt personnel à la chose publique, dont les travaux devraient » être récompensés, pour que d’aussi louables exemples se mul- ».tipliassent, un vrai citoyen donne, depuis quelques années, » un cours complet d'histoire naturelle et de chimie, dont » Pobjet est d'éclairer par l'expérience des faits toutes les par- »" ties) de la médecine..:: »!( Dom Braux, Mémoireprésenté aux maire et échevins de l'hôtel commun de la ville d'Angers, le 16 juillet 1788). — Tessié était élève du céièbre Lavoisier, qui en- courageait ses travaux, et dont il propageait ardemment les doctrines. A.1B. (332) PROCÈS-VERBAUX SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE , SCIENCES ET ARTS DANGERS. ANNÉE 1850. 0 0 ——— Procès-verbal de la séance de janvier 1850. Présidence de M. DE BEAUREGARD. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD. Le secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance mensuelle de décembre 1849, dont la rédaction ne soulève aucune observation et qui, ‘en conséquence, _est adoptée. M. l’archiviste fait ensuite connaître les titres des publications adressées à la Société depuis la dernière séance. M. le président communique, à l’Assemblée, une lettre de M. Planchenault qui, se voyant depuis long- temps empêché, par des occupations de diverses na- tures, de prendre partaux travaux de la Société, se dé- cide à donner sa démission. L'Assemblée, en l’accep- tant, ne peut qu’exprimer les vifs regrets que lui fait éprouver la retraite d’un membre qu’elle avait vu fi- gurer , avec tant de distinction, à la tête de son bu- (338) reau, et dont elle avait été si souvent à même d’ap- précier les connaissances variées , l'excellent esprit sous tous les rapports et l’exquise urbanité. M. Victor Pavie lit une notice sur M. de Nerbonne, fils. En peu d'années, la mort est venue enlever deux des plus zélés fondateurs de la Société. Les paroles, aussi simples qu'empreintes de profonde douleur, que M. Pavie, père, prononça au milieu de nous, sur la perte que venait de faire sa vieille amitié en la per- sonne de M. de Nerbonne, père ,résonnaient encore à nos oreilles; lorsque M. Victor Pavie, lui aussi, vient s'acquitter de la même tâche, pieuse et funèbre, envers le fils de l'ami de son père. Il nous fait con- naître toat ce que renfermait de bons instincts, de généreux élans, d'inépuisables inspirations vers le culte des beaux-arts, d'amour du vrai et du beau, de sentiment poétique, le cœur de cet ami de son enfance que la mort a frappé dans toute la verdeur de l’âge; victime , que le choléra, au moment où il semblait nous avoir laissé ses derniers et meurtriers adieux, est revenu, par un retour aussi subit qu'imprévu, saisir au milieu de ses jeunes enfants dont, désormais, il devait être le seul guide, et sur lesquels se concen- traient toutes ses affections. M: le président met aux voix l’impression de cette . notice; elle est votée à l'unanimité. M. Textoris reprend et achève la lecture de son vaste travail sur le mouvement littéraire au moyen- âge. IL présente un tableau, fidèle et animé, de la marche tantôt progressive, tantôt rétrograde, ou du moins entremêlée de temps de repos et de lente éla- boralion, qu'ont suivie les études littéraires au travers (334) des siècles qui se sont écoulés depuis l'ânéantissement dela civilisation romaine et du monde païen, jusqu’à la période. moderne; et du travail d'évolution qu'a subi l'esprit humain et ses œuvres, sous le souffle de l'idée chrétienne, jusqu’au moment où les langues et la civilisation moderne ont acquis leur perfection. -Analyser une œuvre, qui est elle-même un travail d'analyse, ne pourrait être qu'une tâche stérile et im- parfaite, d'autant plus inutile que l'assemblée, con- sultée par le président, a dû , pour se conformer aux prescriptions de son règlement en,ce qui concerne les mémoires qui-ont atteint un sigrand développement, renvoyer ce vaste travail à l'examen d’une commis- sion avant d'en soumettre l'impression à un vote. Le président désigne MM. El. Lachèse,, Beclard et Léon Cosnier comme membres de cette commission. M. Beraud donne lecture d’une revue locale scien- tifique, dans laquelle il rend compte de la marche des études historiques, dans le département, pendant l’an- née 1849. IL mentionne, tout d’abord , la 2e édition de la Flore du Centre, qu'a publiée M. Boreau, en l’éten- dant à tout le bassin de la Loire. Après avoir énu- méré, rapidemeni, les caractères particuliers qui dis- tinguent ce travail de tous les autres grands ouvrages qui, jusqu’à ce jour, ont été publiés sur les plantes de France, M. Beraud, appuie sesappréciations parti- culières , de nombreuses citations que lui fournit un discours prononcé, à la 32e fête linnéenne, par M. Charles Desmoulins , président de la Société lin- néenne de Bordeaux, discours qui, par une exception justifiée seulement , par l'importance du sujet , a été exclusivement consacré à l'examen critique et philo- ( 335 ) sophique de la Flore de notre confrère. — M. Beraud, fait suivre cette partie de son compte-rendu, d’un aperçu rapide des travaux et des découvertes cryplo- gamiques d’un autre de nos confrères , M. le docteur Guépin, et exprime le désir qu’il hâte le moment où il se décidera à publier le résultat curieux de ses tra- vaux, qui compléteraient l'ensemble des études sur la végétation de notre département. — Cette revue est terminée par l'exposé de ce que la Flore locale doit aux explorations intelligentes, que les amateurs de Saumur font de la partie sud de notre département. Le secrétaire-général dépose sur le bureau, un poème inédit, en vers libres, qu’un poète bordelais se propose de dédier à la Société. Le sujet de ce poëme est puisé dans une légende locale, aussi naïve que dramatique, recueillie et racontée par notre confrère, M. Godard-Faultrier. La Société décide qu'avant de répondre à M.-Balguerie, auteur de ce poème, cet ouvrage sera soumis à l'examen d'une commission composée de MM. Vicior Pavie, Godard-Faultrier et Béclard. L'ordre du jour appelle le rapport sur la candida- ture de M. Bellier. Ce rapport. de tous points favo- rable, étant terminé, on passe au scrutin et son résul- tat constaté, M. le président proclame que M. Bellier, est admis à faire partie de la Société en qualité de membre titulaire. M. le secrétaire général présente , ensuite, comme candidat au titre de membre correspondant, M. Gué- rin-Menneville ; membre de plusieurs Sociétés savan- tes de Paris et des départements , chargé, à diverses fois, de missions scientifiques dans les départements (336) et auteur de plusieurs ouvrages de zoologie estimés. M. le secrétaire-général qui a l'honneur de corres- pondre avec M. Guérin-Menneville , est chargé, par lui, de présenter à la Société, à laquelle il en faïtthom- mage ; divers opuscules , sur des questions se ratia- chant à l’entomologie appliquée à l’agriculture. La-commission , chargée de faire le rapport sur cette candidature, est composée de MM. Boreau , Mil- let et de Soland. L'heure avancée contraint M. Cou tions à ajourner la lecture: de la notice biographique , portée à l’ordre du jour. | La séance est levée. Le secrétaire-général , T. C. BERAUD. a — Procès-verbal de la séance de février 1850. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Lecture est faite du procès-verbal de la dernière séance qui est adopté. M. l’archiviste fait connaître les titres dés ouvrages et des publications dont il a été fait hommage à la Société.'I1 dépose, sur le bureau, une lettre qui a été adressée par le Congrès central d'agriculture. Sur l'invitation qui lui est faite, de se faire représenter, à cette réunion, par des délégués, l'assemblée dési- gne, à cet effet, MM. Olivier de Laleu , de Las-Cases et Hunault. Comme le concours de Poissy aura lieu le 27 mars, c’est-à-dire, quelques jours après le Con- (337 ) grès agricole, qui s'ouvrira le 18 du même mois , les mêmes membres sont autorisés à se présenter, comme délégués de la Société, pour cette solennité agricole. M. le président prend ensuite la parole, et fait un exposé succinct, mais substantiel, des travaux accom- plis par la Société dans l’année 1849. Il parle des encouragements etdes conseils donnés aux séricicul- teurs : de Ia sollicitude qu'elle a montrée pour soute- nir la cause de nos vignobles compromise par un rapport de la chambre de commerce d'Angers ; de la part qu’elle a prise à la fondation d’un cours de chi- mie, dont elle partage les frais avec la Société indus- trielle ; des cours de taille et d’arboriculture, qu'elle a continué de faire professer ; du cours de géologie qui, suspendu cette année, sera repris en 1851. Il passe en revue les travaux de la section d'archéologie ; le projet de restauration du tombeau du roi René, qu'on est forcé d’ajourner et auquel on substituera, provisoirement, une pierre tombale destinée à rece- voir les noms de tous les princes de la maison d’An- jou qui reposent dans le chœur de la cathédrale. Sur la demande de M. Hunault, l'impression de ce discours est votée. M. Sorin , ancien proviseur et inspecteur de l’Aca- démie, écrit à M. le président pour lui annoncer que des occupations de diverses natures l'empêchant de prendre part aux travaux de la Société, il croit devoir donner sa démission. M. le président de l’Académie des inscriptions ct belles-lettres ainsi que M. le secrétaire de l'Académie des sciences , annoncent, qu'ils recevront, avec inté- (338) rêt, les publications de la Société et qu'ils lui adres- seront celles de ces corps savants. M. le ministre de l'instruction publique écrit à M. le président, pour lui annoncer que la Société pourra désormais! correspondre , par son entremise , avec les autres Sociétés , en se conformant aux pres- criptions suivantes : 4° Mettre sous bande à l'adresse du PS de la Société à qui est fait l'envoi ; 2 Diviser l'envoi par 10 ou 12 exemplaires, joints ensemble par une ficelle croisée ; 3° Adresser, en même temps, une liste sénétsné des destinataires ; 4° Se conformer à l'ordonnance du 27 juillet 1835 , quant aux exemplaires pour les Sociétés savantes de Paris. M. le président communique à la Société une lettre de Nantes, qui annonce qu'une machine à battre, mue par la vapeur , fonctionnera à un jour indiqué à Saint-George-sur-Loire. Cette machine est construite de manière à pouvoir être transportée', successive- ment, dans les fermes, au fur et mesure du besoin du battage. M. le président de la Société d'agriculture de Gre- noble écrit pour recommander l’expérimentation d’un nouvel appareil pour l'éducation des vers à soie, inventé par M. Dachon. Un mécanisme très simple empêche, lors de la montée, la chute des vers : on trouve , ainsi, une économie notable dans les frais d'installation du matériel et une réussite plus certaine. La Société décide, qu'elle souscrit pour un exemplaire de la notice qui explique le procédé, de manière à mettre à même d'en faire l'application. (339) La commission du budget présente son rapport par l'organe de M. Béclard. La Société, après avoir discuté les divers articles qui le composent, en admet tous les chiffres. M. E. Dainville présente un dessin et un devis de la dépense de la pierre tombale, commémorative, des princes de la maison d’Anjou inhumés à Saint-Maurice. Cette pierre, de 2 mètres de long sur 1 mètre de large, serait en pierre deTonnerre, avec les noms des princes et princesses, et les ornements de l'entourage, en style moyen-âge. Le total du devis monte à 310 fr. On présente quelques observations. Au lieu de deux écussons, qui comprendraient les armes de la maison d’Anjou-Sicile, quelques membres voudraient un écusson en regard de chacun des noms qui seront gravés. L'assemblée renvoie l'examen du projet présenté par M. Dainville, à une commission composée du bu- reau de la Société, de celui de la section d’archéolo- gie et de trois membres, MM. Elie Janvier de la Motte, Hunault et Coulon. La commission fera son rapport à la prochaine séance. M. le président demande à l’assemblée, de voter une somme de 40 fr. destinée à consolider le piédes- tal de la statue en bronze du roi René, placée à l’en- trée du jardin fruitier. - Ce crédit est accordé et devra figurer au budget précédemment voté. M. Godard demande à reporter à une autre séance, la lecture qu’il avait fait comprendre dans l’ordre du jour. Cette remise est admise. La commission nommée pour examiner le poëme ( 340 ) en vers, que M. Gelet-Balguerie de Bordeaux a an- noncé vouloir dédier à la Société nationale d’agricul- ture , sciences et arts d'Angers , et qui a pour sujet, une légende sur le couvent des Ponts-de-Cé, qui se trouve racontée dans un ouvrage de M. Godard: con- clut à l'acceptation de cette dédicace. L'assemblée, après en avoir délibéré, décide qu'il sera répondu à M. Gelet-Balguerie, que quelque flatteuse que puisse être, pour la Société , l'intention qu'il a manifestée , les statuts s’opposent à ce qu’elle puisse accepter au- cune dédicace, par le motif que cette acceptation pourrait être considérée comme équivalente à une approbation , ce qui, en certaines éventualités, pour- rait la placer dans une situation délicate. Elle ne peut donc, en ce moment, qu'exprimer ses regrets d’être liée, ainsi, par des précédents. La commission chargée d'examiner les titres de M. Guérin-Menneville, présenté par M. Beraud, ayant fait un rapport favorable , le scrutin est ouvert, et après en avoir vérifier les résultats, M. le président proclame ce candidat membre correspondant, M. de Joannis, directeur de l’école des Arts et Mé- tiers, est présenté par M. le président. La commis- sion, pour cette candidature, est composée de MM. Be- raud, Godard et Texloris. M. Béclard fait hommage à la Société d’un mé- daillon en fonte, représentant la tête de son oncle Bé- clard , le célèbre anatomiste. La Société vote des re- mercîiments à notre collègue. M. Léon Cosnier fait une proposition tendant à ce qu'il soit fait, dans le local de la Société , des cours publics pour les ouvriers et notamment des lectures du soir. (341) Cette proposition avait déjà été présentée et discu- tée au sein de la Société qui l'avait rejetée, au moins, en ce qui regardait les lectures publiques. Il doit y avoir lieu à distinguer, entre des cours proprement dits et de simples lectures. M. Hunault, pour que la question soit mieux éclairée, demande qu'elle soit mise à l’ordre du jour de la prochaine séance. L'as- semblée adopte cette opinion et décide la mise à l’or- dre du jour de la prochaine réunion. La séance est levée. Le secrétaire-général , T.C. BERAUD. Procès-verbal de la séance du 8 mars 1850. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. La séance est ouverte à six heures trois quarts. — Le secrétaire-général étant absent, la lecture du pro- cès-verbal de la séance dernière est remise à la séance prochaine. Le secrétaire, sur l'invitation de M. le président , énumère et désigne les divers ouvrages qui ont été adressés à la Société depuis la précédente séance ; il fait, ensuite, la lecture à la Société, des lettres prove- nues depuis la même époque. Celles qui ont été adres- sées par M. le Préfet de Maine et Loire , offrent beau- coup d'intérêt. L'une est relative aux renseignements à donner sur les bestiaux, l’autre propose trente- trois questions à résoudre sur l’impôt des boissons et tout ce qui s’y rattache, afin de concourir à éclairer (342) la commission d'enquête instituée par l’Assemblée législative, à l'effet d'arriver à une solution qui puisse équilibrer tous les intérêts et satisfaire toutes les con- venances ; une autre lettre de M. le Préfet demande si, dans le département, il a été fait usage du sel pour l'amendement des terres et quel est, dans ce cas, le résultat qu'on en a obtenu. Les renseignemeuts de- mandés, donnent lieu à plusieurs observations pré- sentées par MM. Olivier de, Laleu. de Beauregard et quelques autres membres de la, Société... MM. de Beauregard, Olivier de Laleu et Millet, composent la commission nommée pour fournir les renseignements relatifs aux bestiaux; il est aussi nommé une com- mission, composée de MM. Boreau, Hunault et Millet, pour répondre aux questions posées sur les bois- sons. M. le président communique, ensuite, à Ja Société, le projet qui a été arrêté par la commission instituée pour étudier.le projet relatif à la pierre tombale, des- tinée à honorer la mémoire de la dernière maison des ducs d'Anjou et de Sicile. M. le président dit, qu'il a eu une entres avec Mgr. l’évêque et M. le Préfet, et que l’un et l’au- tre ont applaudi à l'intention ét ont approuvé l’ins- cription projetée ; sur la communication qui ‘est donnée de l'inscription laiine , M: l'abbé Coulon fait remarquer que le mot soboles ne lui paraît pas appli- cable pour désigner la race des dues d'Anjou , il pré- sente le terme Domus, comme rendant mieux la fen- sée et étant beaucoup plus employée dans des cas analogues et par des autorités qu’il cite ; M. Béclard , fait aussi une observation sur le mot Zsabell& ou 1sa- (343) belli , il dit avoir trouvé le nom de Credonio, et, d’a- près ce précédent , il pense que l’on peut faire usage du mot Isabelli. Cependant, M. Ollivier de Laleu. ob- jecte, avec raison , qu'il ne peut avoir été pris une décision définitive, par la commission, sur l'emploi de l’une ou l’autre langue à inscrire sur la pierre , et, qu'à la Société seule, appartient le droit de statuer à cet égard. A cette occasion, plusieurs opinions oppo- sées se produisent de nouveau, et MM. Ollivier de La- leu, Cosnier et Guibert, se déclarent partisans de l’ins- cription en langue française ; M. l'abbé Coulon, persiste à croire que la langue latine est celle qui convient le mieux à ce genre de monument mémoratif et reli- gieux ; M. Guibert, s'appuie sur ce que M. l’abbé Coulon vient de dire, que le chœur n’est pas accessible à tous, pour s’affermir davantage dans l'opinion que la pierre doit être placée à l’intérieur de la nef et l'inscription faite en langue vulgaire, afin que la multitude puisse, à la fois, approcher le monument, y lire et com- prendre l'inscription. M. le président informe la So- ciété, qu'il y a, en effet, une proposition qui tend à placer la pierre tombale verticalement et dans l’inté- rieur de l’église, mais que cette proposition demande un nouvel examen ; ce qui, contrairement à la de- mande de quelques membres, empêche un vote im- médiat sur l’ensemble de la question. M. le président fait, en outre, observer , de concert avec M. Textoris, que la, décision définitive sur le projet. n’ayant pas été portée à l’ordre. du. jour. de la séance , plusieurs membres absents pourraient regretter de ne, pas avoir été prévenus du sujet mis en délibération. M. Dain- ville présente quelques observations au point de vue (344) archéologique, et combat le projet de placer la pierre tombale verticalement et en dehors du chœur, dans lequel il persiste à trouver sa véritable place. M. le président résume la question, qui lui paraît _assez débattue'et propose à la Société, qui l’adopte, de saisir, de nouveau, la commission de l'examen à faire, dé emplacement à choisir et de la langue à employer pour le monument projeté; il sera donné connais: sance , à la Société , des modifications advenues, des conclusions de la commission, à la séance prochaine, et l'assemblée , enfin, décidera en dernier ressort. M. Textoris lit le rapport de M. Godard, au nom de la commission nommée pour examiner les titres de M. de Joannis, à être admis en qualité de membre de la Société. L'opinion, émise, est entièrement favorable au candidat ; après cette lecture on passe au scrutin; et M. de Joannis, est admis à l'unanimité, membre titu- laire de la Société. M. Béclard fait lecture d’un mémoire que M. l'abbé Joubert avait communiqué à la dernière réunion de la commission archéologique. Ce mémoire renferme des documents d’un haut intérêt sur les origines des diverses tapisseries qui ont été restaurées par ses soins, et sur plusieurs sujets accessoires très curieux. L'insertion de ce mémoire, dans les bulletins de la Société ayant été votée, il si aura plaisir et profit à le lire en entier. M. Cosnier, au nom de la commission qui avait été désignée pour examiner un mémoire sur les études au moyen-âge , lu dans les précédentes séances par M. Textoris, formule une opinion favorable , et con- clut à l'insertion entière de ce mémoire dans les pu- (345) blications de la Société. Cette décision de la commis- sion est approuvée et votée par l'assemblée. L'ordre du jour étant épuisé , la séance est levée à neuf heures. Le Secrétaire-général de la Société , T.-C. BERAUD. Procès-verbal de la séance du 14 juin 1850. Présidence de M. dE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. La séance est ouverte à six heures et demie. M. de Soland lit le procès-verbal de la précédente séance. Après cette lecture, M. Hunault demande à faire quelques observations ; il s'élève contre le laco- nisme qui est employé touchant les considérations diverses, qui ont été soulevées et débattues, relative- ment à l'inscription lapidaire. M. le président déclare que cette question lui paraît , aujourd'hui, épuisée ; en conséquence , il soumet à la sanction de l’assem- blée, la rédaction du procès-verbal qui est adoptée. M. de Soland donne connaissance, ensuite, de di- ” vers ouvrages qui ont été adressés à la Société, de- puis la dernière séance; après cette énumération , M. Béclard rappelle, à ce sujet, que plusieurs fois on a agité la question de soumettre , à une commission, ceux des ouvrages qui paraîtraient mériter un examen particulier et un rapport spécial, afin que Ia Société pût profiter des lumières qui en jailliraient. Ces remarques sont prises en considération. MM. Godard et Béclard sont priés de faire l’exa- 23 (346) men de deux ouvrages reçus : 1° M. Godard aura à rendre compte des Annales de la Société d'agricul- ture ; sciences et arts et commerce du Puy ; 2° l’exa- men du Recueil des actes de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux est confié à M. Bé- clard. M. Hunault , au nom de la commission désignée pour donner son opinion sur le mode à employer dans le mesurage des grains, fait son rapport sur cette question; après quelques considérations géné- rales, M. Hunault formule les conclusions de la com- mission, qui consistent à déclarer que la vente légale actuelle ou mesure de capacité et la vente au poids, étant appelés à se compléter , à se régulariser et à se contrôler mutuellement , il leur a paru que ces deux modes peuvent être simultanément et légalemeut admis: cette déclaration amène un grand nombre d'observations présentées par plusieurs membres. Après un débat prolongé et animé, M: le rapporteur maintient.ses conclusions dont le vote, par l’assem- blée , est remis à la séance suivante. L'ordre du jour appelle M. Godard à lire la biogra- phie de Forget, qui a publié plusieurs ouvrages sur le. droit ecclésiastique. Cette monographie, écrite avee le talent et l'animation habituelle de l’auteur, est se- mée de réflexions d’un grand intérêt et présente, dans l’une de ses parties. un rapprochement d’actua- lité qui excite vivement l'attention de l'assemblée. Après cette lecture, M. le président de Beauregard s'attache à constater que l'impôt progressif, proposé par Forget, n’a pas d’analogie avec celui proposé, aujourd’hui , par le socialisme, et trouve que cette (347) partie de la notice bibliographique, peut présenter un équivoque, en considérant l'impôt progressif comme un système utile et déjà connu dans ce temps, lorsqu'il est avéré que le principe de cet impôt sera toujours contraire, à toutes les saines idées de logique et de justice. Il proteste, en conséquence , contre la sorte d’assimilation qui en est faite avec les projets de Forget, qui s’appliquaient à un autre ordre d'idées tout à fait antipathiques aux formules modernes édi- tées par le socialisme, M. Godard défend son intention, sa pensée ét sa ré- daction ; cependant une discussion générale s'engage sur le passage ; et, après une seconde lecture de cette partie, par M. Godard, invitation lui est faite d’appor- ter quelques modifications, ce qu’il consent à exécu- ter immédiatement et pendant que l'assemblée va suivre son ordre du jour. M. Léon Cosnier fait alors un rapport verbal sur le travail présenté dans la dernière séance , sur l'église Saint-Serge, par M. de Soland. M. le rapporteur entre, à ce sujet, dans des considérations assez étendues et fort intéressantes; il conclut à ce que le travail de M. de Soland, qui offre des vues aussi neuves qu'in- génieuses sur la question , soit imprimé dans les An- nales de la Société. Cette proposition est votée et adoptée. M. Godard après avoir apporté, séance tenante, quelques modifications au passage de la biographie Forget, qui avait soulevé des objections , reproduit la lecture du passage modifié et après plusieurs obser- vations nouvelles, faites à ce sujet, on passe'au DURE et l'impression est adoptée. La séance est levée à neuf heures. ( 348 ) Procès-vérbal de la séance du I2 juillet 1830. Présidence de M. DE BEAUREGARD, ol Secrétaire-rédacteur , M. BERAUD , Secrét.-général. La séance est ouverte à six heures et demie. Le secrétaire particulier lit le procès-verbal de la séarce précédente. Après une observation de M. Bé- clard, sur la répartition de deux Mémoires à exami- ner, dont l’un est confié à ses soins et l’autre à ceux de: M. Godard, le procès-verbal est adopté. M. le président lit la correspondance , et donne ainsi connaissance d’une lettre d'envoi, qui lui a été adressée par le frère de M. Benjamin Delessert, avec un éloge biographique de ce dernier , rédigé par M. Flourens , membre de l’Institut. M. de Beauregard annonce qu’il a répondu en.exprimant ses remerci- ments et ceux de la Société, sur l'envoi de cette no- tice, qui est un digne hommage rendu à la mémoire de M. Benjamin Delessert. M. le président fait ensuite la lecture d’une lettre, qui donne communication d’une délibération du con- seil de fabrique de l’église cathédrale d'Angers, sur la demande d'autorisation , à l’effet de, placer une pierre tumulaire en mémoire de la Maison d’Anjou-Sicile, dans le chœur de la cathédrale d'Angers. Le conseil de fabrique se prononce pour l'adoption du projet, qu'il favorisera de son bienveillant concours. —M..le président donne aussi connaissance d'une lettre de M. Bucher de Chauvigné, par laquelle l'honorable re- présentant rend compte de ses démarches, pour le même objet, auprès du Ministre des cultes, et de ses (349) espérances pour la prochaine solution de cette af- faire. ) M. de Beauregard, reproduit ensuite la lecture de la lettre de M. le Préfet, relative aux informations demandées par M. le ministre sur la question du me- surage des grains. Aprés cette nouvelle lecture, M. Beraud présente quelques observations générales et pratiques sur le sujet en délibération; il rapporte quelques exemples qui tendent à prouver que la vente au poids se fait assez généralement dans les grandes transactions ; mais, d'un autre côté, il ajoute, qu'il serait assez diffi- cile d’opérer pareillement dans les marchés publics et dans les ventes de peu d'importance. M. Castonnet, entrant dans la discussion , réitère les observations qu'il avait déjà présentées dans la précédente séance et les appuie d'arguments nouveaux. M. Lachèse, père , émet quelques considérations sur le même su- jet, et se prononce d’une manière absolue , pour le mode de pesage de préférence à celui de mesurage. La Société consultée, vote en faveur du mode de pe- sage ; appelée en second lieu à exprimer si ce mode devra être ou non obligatoire , l'assemblée opine pour que ce mode demeure facultalif. M. Béclard rend un compte verbal du Recueil dont l'examen lui a été confié ; il n’a pas trouvé dans ce Recueil les nouvelles lumières que, d’après une indi- cation sommaire , il avait cru pouvoir y rencontrer sur la question des monuments celtiques en regard d'une opinion émise par M. Dumoulin , opinion , du reste , qu'il ne partage point et sur laquelle il s’est déjà précédemment expliqué. Le reste du Recueil ( 350 ) étant consacré à des questions de localité dont l’inté- rêt se circonscrit dans les limites du département de la Gironde, M. le rapporteur déclare qu'il a cru de- voir s'abstenir d’en entretenir l'assemblée. Suivant l’ordre du jour, M. Textoris lit la première partie des études sur le mouvement intellectuel en Europe, au xvre siècle; il parcourt les phases litté- raires de ce siècle on Italie, et, avec l’assentiment de l'assemblée il remet, à la séance suivante les aperçus sur la direction intellectuelle de la France à la même époque. M. Eliacin Lachèse donne alors un compte-rendu de la relation du siège de la Rochelle , par le duc d'Anjou, en 1573; ouvrage écrit par M. le capitaine Genest. Cette élégante et précise analyse est écoutée avec d’autant plus d'attention et d'intérêt qu’elle pa- raît reproduire, en substance, l'ouvrage lui-même, dont elle donne ainsi, à la fois, un reflet fidèle et grâ- cieux et une très favorable opinion. Après cette lec- ture, on passe au vote sur l'impression de ce rapport dont l'insertion dans les publications de la Société est adoptée. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à huit heures trois quarts. Le Secrétaire-général, T.C. BERAUD. (351) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE ° VOLUME (2° SÉRIE), DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE , SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. — —— 0 ——— PAGES Ordonnance. qui reconnaît la Société comme établissement d'utilité publique...... MS ADR ANT 85e 2 HV Réglement intérieur de la Société......:...:1......4.,7. NIE Liste générale des membres titulaires, honoraires et corres- pondants de la Société...... DA (EEE DANSE 402 25 . XXI Discours prononcé a la Société, par son ;Président, M. de Beauregard.......ss.seseesss es. EE Pb LE 1 Thevdegisile monétaire, par M. Godard-Faultrier.,......... 5 Coup-d’œil général sur l’origine des principales Sociétés sa- vantes, par M. Textoris,............... DEL EE AGE A LU AUE Recherches sur Le sculpteur Biardeau, par M. Béclard...... 43 Siége de la Rochelle en 1573, par M. E. Lachèse..,......... 51 Notice sur un Calice, par M. A. de Soland................. 63 Sur le Choléra.— Physiologie, par M. J. Hossard.......... 69 Nécrologie. — M. Henri Aubin de: Narbonne. par M. V. Pavie. 73 Des Souffrances de l’agriculture, par M. Beraud........... 90 Marie d’Avjou, par M. A. de Soland.......... A serais ae 111 Quatrième Revue. — Mars 1850, par M. Beraud........... 121 Procès-Verbaux des Séances dela Société d'agriculture, scien- ceset arts. — 1849. Séance du 19 janvier....... Date 135 Séance du 23 février... 2... RON MTS Eee 113 Séance du 7 mars..........! à bn Le SRE EC 146 PAGES Séance du 18 mai...................:..... Presence 101 Séance du 22 juin.................. anses tie 0 EEE 156 Séance du 17 août.....4,22.....240.... de LE At 4e Ha. 159 Séance du 23 novembre. ,...................... HSE: 160 Séance du 11 décembre... ........,.............. messe 10 Cabinet d’histoire naturelle d’Angers, son origine et ses pro- grès, par M. Beraud.,.....:... HO oi dd in DS 7 069 Senonnes Alexandre:(vicomte de), par M, Godard-Faultrier. 206 Eglise abbatiale de Saint-Serge et Saint-Bach, par M. A. de Soland.....,....... do PART ENG sb -ecnee LCL ER 219 Forget Anselme (xvirie siècle), par M. Godard-Faultrier..... 249 Précis historique sur les études générales au moyen-âge en Occident, par M. Textoris,....... pire gosia- te soie ste 1289 Notice sur la Fontaine d’Avor, par M. Boreau!, .1...21111}9 316 Procès-Verbaux . des Séances. de la Société d'agriculture sciences et arts. — 1850. Séance de janvier. … .. sde Les . 1332 Séance.de février, . 5,000 000000 000 AT SIM 336 Séance de mars....... RP A NON ER Re MEET TEEN 341 Séance du 22/juim: 2582 Are NS ATOME 315 Séance dejuillet....:.. diapos tone spa be Hidao dat 348 FIN DE LA.TABLE, @o- Cr Eo Go TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CETTE LIVRAISON. à PAGES. CABINET d'histoire naturelle d’Angers,'son originejet - ses progrès, par M. Beraud........................ 169 SENONNES Alexandre ( Vicomte de), par M. Godard- Faultrjer.......,........ iodbocc ons CEE CH CECECEE 206 EGzise ahbatiale de Saint- Serge et Saint-Bach, par M. A. de Soland..…. HE ÉD de ER D 00 MURS AD EU d lee 219 Forcer Anselme (xvin® siècle), par M. -Godard- Fauljrier. ......... JET 0 200 ‘JB 20 08 ÉAatAME a 249 PRÉCIS historique sur les études générales au moyen-âge en Occident, par M. Textoris....................... 259 Noryce sur la Fontaine d’Avor, par M. A. Boreau..... 316 PROGÈS-VERBAUX des Séances de la Société d’agricul- : ture, sciences et arts. — 1850. Séance de janvier... 332 Séance de février ......... PA Pi DURE 0 GE 336 Séance de mars.....,........... TL PT OI Eat 341 Séance du 22 juin........... A ce CA EE Se 345 Séance de juillet............:....,.... SÉPARER .... 348 TABLE des matières contenues dans le 1: volume, : 2° sé-: rie, des Mémoires de la Société....... Dasaunddsoc ce 0. 351 | 1 ù