rems ii * k #4 # MS 1 : DE LA SOCIÉTÉ es = Lu SET | : % D'Agriculiure, Sciences et Arts a v D'ANGERS. 5e Dolume. -— 1° Sivraison. es | a a a a a ee ex a a ee de ex ‘y ee p2 [lé Je nr e \ e Le ANGERS , na re) L I EE ES DE L'IMPRIMERIE DE VICTOR PAVIE. DRAM ee ÿ L SAOA A em 2e oui ne Er CR A £ 4 Î k #7 be #14 F RE rt $ PR ee 22 Ps AR + À En orme pe ne MÉMOIRES DE LS SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. HO NA du TH . MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’'ANGERS. LD-©09E—- Cinquième Volume. ANGERS, IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE, 1816 AO SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE , SCIENCES ET ARTS D'ANGERS, RASTORNS SUR UN OUVRAGE INTITULÉ : FRAGMENTS D'UN VOYAGE DANS L'AMÉRIQUE DU SUD, Offert à la Société d’ Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, au nom de l’auteur, M. Théodore Pavir; Par M. le Comte DE QUuATREBARBES. MESSIEURS, A la dernière séance où j'ai eu l'honneur d'assister, M. le Président m'a remis les Fragments de voyage, de M. Théodore Pavie , dans l'Amérique du Sud. Ge livre que nous devons à l’amitié d’un frère, qui a cru pouvoir publier des pages dérobées à l’auteur, a été tiré à un petit nombre d’exemplaires, et distribué seulement à quelques amis. La Société d'Agriculture remercie M. Vicior Pavie d’avoir pensé à elle. Nous savons tous avec quel dévouement généreux il publie les ouvrages des hommes qui ont honoré notre pro- vince. Son cœar ici ne l’a point trompé ; car le nom de son frère est inscrit aujourd’hui à côté des noms (4) des Angevins les plus distingués par leur savoir et l'élévation de leur talent. En 1829, un jeune homme à peine sorti de l’en- fance , mais doué de ce dévouement courageux qui fait entreprendre les grandes choses , s’arrachait à la tendresse de ses parents, à ses amiliés el ses souvenirs de collége pour entreprendre un aventureux voyage daus l'Amérique du Nord. Ce continent lointain, sé- paré par l'Océan de notre vieille Europe, ses forêts vierges, ses grands fleuves , ses sulitudes et ses sa- vannes faisaient depuis long-temps battre ce jeune cœur et rêver celte imaginalion ardente. La mer sur- out lui plaisait, comme il le dit lui-même. Tout ce qui lui rappelait Océan enflammait son enthou- siasme ; et plus d’une fois assis seul au pied d’un ro- cher, pendant les heureux jours de vacances passées au bord de la mer, il avait quitté ses joyeux cama- rades , et s'était surpris à pleurer d'émotion à la vue d’un vaisseau. Cet amour des voyages étant devenu irrésistible, il s'était éloigné de notre France, il avait consacré les deux années, qu’il appelle les plus belles de sa vie, à parcourir l'Amérique du Nord. Puis, quand son pélerinage fut achevé , cédant aux longues et vi- ves iastances de sa famille et de ses amis, il publia à 19 ans, sous le titre modeste de Souvenirs atlanti- ques, un livre plein d'intérêt et de charme, malheu- reusement trop peu connu. Sa passion de voir et d'apprendre n’était pas satis- faite. Après un séjour d’une année en France, M. Théo- dore Pavie, retourné en Amérique, voulut complé- (5) ter son grand voyage. Il avail visité tous les états de cette grande république , d'où était parti , il y a près d’un siècle, le cri de liberté qui ébranla notre vieux continent ; il avait étudié ce peuple grave, laborieux et commercant, qui, malgré sa haine contre l’Angle- terre, conserve toujours les signes ineffacables de son origine ; il avait entendu le mugissement des ca- laracles, descendu le Mississipi et l'Ohio, et s'était assis sous la tente des anciens maîtres du pays. L'Amérique du Sad lui était inconnue : il résolut de parcourir ces républiques espagnoles nées dans un jour d’anarchie , qui n’ont encore rien su fonder, et font meltre en doute par les meilleurs esprits si le despotisme qui maintenait au moins l’ordre matériel ne valait pas mieux pour elles que celte orageuse li- berté sans garantie et sans frein, toujours la proie du premier soldat ambitieux. Ce projet arrêté, M. Pavie quitta une seconde fois Ja France. Il revint en Amérique riche de toutes les observations de son premier voyage , et traversa eu tous sens cet immense continent sans êlre arrêté ni par les feux des tropiques ni parles neiges des Cordilières. L'ouvrage dont nous avons à rendre compile n’est point une relation complète de ce dernier voyage, mais une suite d'épisodes et de tableaux brillants d’i- mapginalion et de verve, où le talent descriptif de l’auteur sème souvent des beautés du premier ordre. Il est facile de voir que M. Pavie s’est plus occupé de la nature que des hommes. Que lui aurait appris leur histoire? si ce n’est des proscriptions , des mas- sacres et des dissensions éternelles : la hberté dout (6) les pieds sont tachés de sang n’est point descendue du ciel; Dieu a voulu dans sa sagesse que tout peuple qui viole les immuables principes de justice ne puisse fonder rien de stable et soit condamné à l’impuissan- ce et qu’il passe tour à tour des convulsions de l’a- narchie populaire sous le joug de fer d’un tyran. M. Pavie dans son ouvrage fait plus d’une fois al- lusion à ces sanglants déchirements. Il y a consacré un des épisodes les plus attachants de son livre, le chapitre intitulé : Une révolte à Cordova. Le style de M. Pavie toujours brillant , harmonieux et pittoresque a, au plus haut degré, les qualités du style descriptif. Le jeune auteur semble avoir pris Châteaubriand pour modéle. Malgré le culte qu’il professe ailleurs pour Victor Hugo, ce poëte qui brille à la manière des éclairs au sein d’une nuit ob- seure , il sait que la profondeur de la pensée n’exclut pas la justesse et la clarté de l’expression , et qu'il n’est pas même donné au génie de se livrer à de sem- blables écarts. Depuis l’époque où M. Pavie a esquissé ces fra- gments de voyage , l'amour de la science lui a fait de nouveau traverser les mers. Il a condamné sa jeu- nesse à des études arides sous un soleil brûlant, et compulsé sur les lieux mêmes et avec une admirable ardeur les livres sacrés de l’Inde savante. Les langues orientales et le sanscrit lui sont devenus familiers. Déjà il a fait passer dans notre langue de charmantes Nouvelles traduites du Chinois. La Société d’Agricul- ture ne peut qu'applaudir aux travaux de notre com- patriote et aux succès qui couronneront son talent (7) DISCOURS PRONONCÉ PAR M. DE BEAUREGARD, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE , SCIENCES ET ARTS DANGERS , LE JOUR DE SON INSTALLATION, 7 JANVIER À 842. Messieurs , Avant de prendre possession des honorables fonc- tions que vous avez daigné me confier, qu’il me soit permis de vous exprimer combien je suis profondé- ment touché des témoignages réitérés de votre bien- veillance. C’est pour la cinquième fois que vous m’a- vez appelé à l’honneur d'occuper le fauteuil de la présidence. En citant ces titres si flatteurs , je crain- drais de céder à un sentiment d’orgucil , si je ne sa- tisfaisais à celui de la reconnaissance. Je ne puis, en effet , rappeler ce que vous avez fait pour moi, sans envisager toute l'étendue de ma dette : elle est grande; je ne croirai jamais parvenir à l'acquitter. Déjà treize années se sont écoulées depuis qu’à pa- reille époque, dans une séance solennelle, notre Société s’est constituée ; heureux d’avoir contribué à sa créalion, pourrais-je ne pas lui porter tous les sentiments de la paternité? Nous l'avons vu grandir et nous sommes fiers de ses progrès. Elle a fondé un Jardin-Fruitier dont la / (8) renommée s'étend au-delà de la France ; elle a donné une heureuse impulsion à à l'Agriculture et aux Arts par des expositions qui (ont laissé de brillants souve- nirs; ses Mémoires, qui se sont répandus au Join, l'ont fait connaître avec avantage , les Sociétés sa- vantes ont recherché son alliance et demandé son ‘concours. Vous avez beaucoup fait, Messieurs ; mais il ‘vous reste encore beaucoup à faire: L'agriculture a été l’objet constant de votre solli- citude. Une industrie nouvelle qui peut considéra- blement accroitre les produits du sol appelle votre protection : je veux parler de l’industrie séricicole. Chaque année près, de trente millions de francs sont payés à l'étranger pour acheter les soies brutes qui doivent alimenter, nos fabriques : travaillons à nous affranchir de ce tribut. Nous pouvons favoriser l’in- dustrie séricicole par des expositions , et par des pri- mes, d'encouragement. Un des obstacles qui arrêtent les éleveurs est la difficulté de faire filer. 11 est re- connu qu’on obtiendrait perfection et économie dans la filature, si elle était opérée en grand. À la de- mande de quelques membres de notre Société ,. le Conseil Général a, émis un yœu pour l’établissement d’une fabrique centrale de filature de soie. La Maison de détention de Fontevrault a paru propre à celte destination. PR La. géologie du département appelle, votre .con- cours. Cette science, qui jadis r’édifiait ses syslèmes que sur des hypothèses , a pris une voie meilleure, elle nemarche qu’à l'aide des faits ; mais les faits pour être exactement recueillis ont besoin d'observations (9) continues. Souvent le hasard fait découvrir des fos- siles, ces antiques témoins qui constatent les divers âges du monde; les coquilles, qui déterminent les différentes formations dues à l’action des eaux, n’ont pas encore élé suffisamment étudiées. Les membres de la Société Géologique de France m'ont chargé, lors de la session qu’ils ont tenue dernièrement dans nos murs, de demander, à cet égard, votre collaboration. L’archéologie ne réclame pas moins votre alten- tion. En recueillant les débris de l'antiquité que le temps fait chaque jour disparaître, vous pouvez rendre de. véritables services : l’histoire d’un pays se lit dans ses monuments ; ces dolmens formés de ro- chers entassés attestent la rudesse et aussi la puissance de ces peuples demi-sauvages qui ont occupé nos contrées. Les constructions gallo-romaines exécutées avec tant d’art , les ponts, les acquéducs, les cirques qui nous restent de ces temps constatent le degré de ci- vilisation auquel nos ancêtres élaient parvenus. L’invasion des barbares du Nord vint plonger l'Europe dans les ténébres ; peu à peu la civilisation abaltue se ranime, on en suit les progrès dans les monuments, du moyen-âge. On reconnait surtout l'empire des idées religieuses dans la magnificencc des édifices consacrés au culte. Ces colonnes élancées, ces voûtes! ogivales qui s'élèvent dans les airs conve- naient au spiritualisme de la religion chrétienne qui se portait vers le ciel en se dégageant des formes ma- térielles du paganisme. Vous pouvez par volre intervention préserver de (10 ) la destruction des monuments précieux, ou provoquer la restauration de ceux que vous n’avez pu sauver. Déjà vous avez demandé qu’un tombeau fût rendu à cet excellent prince qui gouverna nos contrées avec tant de sagesse et de bonté, à Rexé qui naquit à Angers et vouiut qu'après sa mort son corps reposât dans sa ville chérie. Il était digne de notre Société d'entreprendre de relever le monument d’un protec- teur si zélé des sciences et des arts. Nous emploie- rons tous nos efforts pour arrivér à l’accomplissement de cet acte de reconnaissance publique. Le corps de René repose dans notre cathédrale au milieu des membres de son auguste famille ; là gisent aussi Jean son aïeul, qui le premier porta le titre de duc d’Anjou ; Jean second son père , Yolande d'Aragon sa mère, Isabelle de Lorraine sa première épouse, Marguerite d'Anjou sa fille, si célèbre par son courage et ses malheurs, Jeanne de Laval sa se- conde épouse, qui répandit tant de bienfaits sur nos contrées. Chacun de ces personnages si dignes , à tant d’égards, de notre vénération, avait sa pierre sé- pulcrale, elles ont toutes disparu ; un pavage uni- forme les recouvre et est foulé chaque jour par un public indifférent qui ne se doute pas que sous ses pieds reposent tant d'illustrations. Nous ne pouvons espérer que tous leurs monuments soient rétablis, mais ne pourrait-on pas demander que leurs noms suient inscrits sur une plaque de marbre exposée aux regards , pour rappeler leur présence dans l’enceinte du temple? Vous avez commencé, Messieurs , la Statistique du (PT département. Si l’entreprise est grande, elle n’est pas au-dessus de vos forces: vous en avez compris toute l'importance. Dans ce siécle les esprits ont une tcudance au progrès ; mais , avant d'entreprendre des améliorations pour un pays, la première condition est de le bien connaître, en l'étudiant dans tous ses détails ; d’abondants matériaux ont déjà été recueil- lis, et nous espérons pouvoir en publier une grande partie cette année. Que ces divers travaux , Messieurs , n’effraient pas votre zèle: vous pourrez y suffire. Les moyens s’ac- croissent par l'association. Tel était le secret de la puissance de ces corporations religieuses qui ont tant fait pour les sciences et surtout pour l’histoire ; chacun était employé selon sa spécialité ; ce que l’un ne pouvait achever, parce que la vie à un terme, était continué par l’autre : ainsi se perpétuait Ja tra- ditiou. Ces associations ont disparu, mais elles peu- vent être remplacées par les Sociétés savantes qui comme elles ont un caractère de durée. Ayons aussi leur zèle, leur union, leur esprit de corps, et nous pourrons obtenir de grands résultats. Nous devons regretter de n'être plus dirigés dans nos travaux par le digne président qui naguère occu- pait le fauteuil. Sans doute il y siégerait encore si vous avitz pu l’y maintenir par vos suffrages; puis” que vous avez dû céder à la rigueur du réglement qui ne permettait pas sa réélection, offrons-lui du moins l'hommage de notre reconnaissance. Je propose donc de voter des remerciements à M. Planchenault, notre dernier président. (12) DE L'IRRIGATION CHEZ DIFFÉRENTS PEUPLES 3 Par M. Tuéonore Pavie. Heureux les pays fortement accidentés où la nature a fait la part du bien et du mal, où le sol, digne des travaux de l’homme, est entièrement distinct des parties moins favorisées que le soc de la charrue fouillerait sans succès! Là tout est savanes ou prairies, landes ou vergers, rocs ou jardins. L'espace cultivé plus restreint ne dépasse pas les moyens du colon qui lui prodigue ses soins assidus ; dans ce cadre pro- portionné à ses forces, le laboureur étudie la terre ; il lutte contre les obstacles avec intelligence et triom- phe bientôt. Il envoie ses troupeaux chercher leur pâture dans les terrains vagues et élevés , tandis que lui-même il demande son pain aux plaines. Les ma- guifiques paysages qui l'entourent lui rendent chère jusqu’à la stérilité de ses montagnes , et la sécheresse des collines déserles réjouit son regard par la compa- roison avec la richesse de son champ ; dans les étroits vallons, dans l’espace limité où il concentre son tra- vail, il retrouve tout ce que la terre doit à ceux qui l'habilent : car la nature a des compensations subli- mes, dans le caillou est l’étincelle, dans les monts sont les mines ; dans le roc se cache la source, entre les sierras les belles vallées. (13) Dans nos contrées de l’ouest de la France, dans notre province surtout , rien n’est stérile , toute terre est labourée à son tour; mais si j'en excepte les bords de la Loire égaux en richesses à ceux du Nil et du Gange, (déduction faite du climat), d’où vient que les antres parties fameuses par les qualités du sol pré- sentent souvent un aspect languissant, des produits assez faibles et parfois de maigres bestiaux? Le labou- reur, maître dechamps immenses capables de nourrir dix familles, peut à peine élever ses enfants ; il ne connaît rien des aises de la vie, et il n’a rien de la poésie des peuples pauvres. Dans l’impossibilité où il est de préparer convenablement la portion de terre confiée à ses mains, il la culiive d’une manière im- parfaite. Pressé par le temps, distrait par des occu- patious multipliées , il abandonne aux perdrix et aux liévres une large moilié de son domaine dont cepen- dant il est obligé de payer l'impôt. Rarement il ob- lient une récompense de ce travail opiniâtre sous lequel il semble succomber. La faligue et surtout Pennui sont gravés sur ses traits, se trahissent dans son allure et ses facons qui n’ont rien de pittoresque, pas plus que les campagnes chaque jour dépouillées des arbres prestigieux auxquels elles empruntaient leur véritable charme. Le fils du laboureur qui peut, par des moyens quelconques, acquérir la plus légère teinte d'éducation, échappe à son père, et s’empresse d'abandonner une existence dans laquelle , contre toute attente, il n’entrevoit ni joie ni bonheur. Telle n’était pas sans doute la vie des champs que célébraient les poëtes anciens ; telle n'est pas non (14) plus celle des paysans de l’Ecosse , du Tyrol, de l'Italie, de l'Espagne et de la Suisse. Nous laisserons à d’autres le soin de rechercher les causes du peu de rapport de nos grandes fermes ; l’a- griculture est une science noble et bienfaisante qui demande à être approfondie; et ce ne sera pas nous, habitant fortuit de contrées si diverses , qui oserons dire notre mot sur cette importante question. Seule- ment, sans cesse préoccupé en voyage du souvenir de la patrie, nous avons comparé avec tristesse les rudes travaux , la vie monotone de nos paysans aux labeurs plus faciles, aux existences plus variées des cultivateurs des deux hémisphères ; et nous ayons conclu de ces observations que nos pays tempérés sont moins enviables qu’on ne le pense. Il nous faut lutter tour à tour contre les pluies et la sécheresse, contre les hivers trop rigoureux et les étés brülants. Dans les latitudes extrêmes, on n’a que l’un de ces deux ennemis à combattre , et l’homme alors peut faire face aux exigences de son climat. Il se peut que six mois après ces pluies désordon- nées nos champs désolés par la sécheresse demandent en vain au ciel la centième partie des eaux que nos rivières débordées roulent à la mer. Et cependant, combien de pays où il ne pleut jamais ne souffrent pas du manque de fraîcheur ! C’est que l’industrie à prévu ce fâcheux contre-temps , et l’homme a tourné tous ses efforts vers les irrigations. Dans les plus beaux pays du monde, le cullivateur n’est souvent qu'un jardinier dont le travail se borne à arroser ses moissons. Or, ce sera sur ces divers modes d’irriga- (15) tions.que je prendrai la liberté d'attirer l'attention de la Société ; non que je suppose ce procédé applicable, généralement du moins , à nos pays plats et humides, mais dans le simple but de faire connaïître d’où dé- pend la richesse de tant de peuples paresseux et igno- rants ; et aussi dans l’espoir que les hommes éclairés et habiles se préoccuperont d'avantage de la pauvreté comparative de nos campagnes. Les irrigalions sont de deux sortes : les unes natu- relles , consistent à ménager les eaux que les monta- gnes déversent sur la plaine , et à les utiliser au pas- sage ; les autres artificielles, ont pour but de puiser à un fleuve, à un ruisseau, à un étang , soit par des canaux , soit par des procédés mécaniques. Ces deux modes furent connus des Arabes, des Sarrazins, des habitants de l'immense presqu’ile si déserte et si pro- ductive, où ils apprirent par la vue des oasis ce que vaut une citerne, et par les riches vallées de l’Yemen ce que rend un sol actif à qui le seconde. Les mêmes Sarrazins enseignérent à l'Espagne ce grand secret si utile pour elle, l'Espagne le transmit à ses colo- nies; el, comme en reconnaissance d’un tel bienfait, le mot par lequel on désigne ces canaux, dans la Huerta de Valence, sur les deux rivesde la Plata et par delà les Andes , est resté arabe : ce mot est acequia de la racine semitique cequi , irrigavit. Dans les vallées plus ou moins fertiles qui se dé- roulent des deux côtés de la Cordilière , à l’est dans celles de Mendoza, de San Luis, de Catamarca, à l’ouest dans la province d’Aconcagua , l'une des plus belles du Chili, et généralement dans les pays de ce (16) continent qui sont privés de saison pluvieuse , il n'y a pas un champ, pas un verger qui ne puisse être ar- rosé, et n’ait son ruisseau murmurant et limpide. Il ne pleut jamais, du moins pas assez pour nuire aux toits plats des maisons construites en terre, et par conséquent trop peu pour le besoin des moissons. Le Chili, même dans ses parties basses , tout découpé de monts abruptes, de volcans élancés pareils à des pyramides ou à des statues de géants , recoit encore la fraicheur de la mer, et surtout celle des brouillards que les pitons menaçants attirent vers la terre, mais les nutes ne franchissent guères les grandes chaînes des Andes, et celles-ci, arrêtant les pluies au pas- sage , les condensent et en font, sous forme de neiges éternelles, des trésors inépuisables qu’elles ré- pandent goutte à goutte dans les plaines, se r'là- chant de leur parcimonie à mesure que le soleil es chauffe, à mesure aussi que la terre a plus besoï 1 de ce secours. Le ruisseau, devenu torrent duraï: les grandes chaleurs , gonfle les canaux ; chaque colon selon son rang de place arrête les eaux et baigne son champ. Le ombre des jours est réglé par la mumici- palité du lieu qui publie les bans d'irrigation comme chez nous on publie ceux des vendanges et l’ouver- ture des communs. Chacun est tenu de veiller à son acequia , de ne pas le détourner au préjudice du voisin, et de ne pas le laisser fuir vers des lieux incultes. Ces terres élevées à 2 ou 3,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, naturellement travaillées par un soleil très vif et une humidité ménagée, deviennent si (17) faciles à remuer, si légères { et pourquoi les habitants ne seraient-1ls pas paresseux!) qu’on n’y voit guère de charrue hors le cas de défrichement, ou de remise en culture après quelques années d’un repos utilisé diversement. Cinq ou six hommes plus pasteurs que fermiers retournent sans fatigue avec des pioches et des pelles un champ qui donnera deux fois de suite une belle récolte de blé. Là, ainsi que dans l'Amérique du Nord, point de sillons : on jette la semence sur le guéret , et on inonde pendant 48 heures afin que la graine s’enfonce suffisamment dans le sol; puis on regarde pousser le froment dégagé en grande partie des herbes nuisibles que le séjour des eaux a détrui- tes. Et comme on ne sème pas dès l’automne, la terre reposée pendant plusieurs mois est plus apte à rece- voir les éléments d’une nouvelle récolte. “Dans cette même campagne de Mendoza si fertile, si 1 brillante (avant les guerres civiles et le gouverne - métt désastreux des Fédéralistes) que le Chili en était jaioux, les arbres à fruits souvent arrosés se dévelop- pent avec une vigueur remarquable. J’y ai vu des pieds de vigne d’une grosseur extraordinaire, des oliviers comparables aux plus fortes souches de nos haies. Et tout cela grâce aux acequias , car si la vigne et l'olivier symboles des mêmes climats du midi, chantés par les mêmes poëtes tout autour de la Médi- terranée, aiment que le soleil mûrisse leurs fruits, leurs racines, quand c’est la nature qui les a plantés, ils s’abreuvent volontiers aux rivières échappées des montagnes, aux ruisseaux yagabonds. Grâce encore à cet immense arrosoir que chacun peut faire jouer à 9 (18) volonté, l'habitant de ces vallées bienheureuses voit pousser , avec la rapidité de la pensée, la luzerne (alfalfa) qu'il coupe toules les semaines, et l'herbe de ses prairies dérobées aux steppes qui l’environnent. La Pampa, dans son étendue illimitée, n’est pas naturellement d’un sol très riche, excepté la province de Santa-Fé fameuse par l’inaltérable fraicheur de ses pâturages, exceplé aussi les vallons privilégiés qu’a- britent la sierra de Cordova, et les parties boisées assez rares; le territoire des deux grandes villes ri- vales , situées vers l'embouchure de la Plata, ont à souffrir des vicissitudes d’une température -capri- cieuse : ici du sable, là des marécages ; ici l’autruche, là le vanneau. Voilà pourquoi les meilleurs chevaux, les meilleurs bœufs de travail , les plus robustes mu- lets viennent des provinces sèches et hautes où l'in- dustrieux colon les parque dans une prairie souvent très vaste , entourée d’un petit mur de terre comme les champs, et comme eux aussi susceptible d’être fréquemment arrosée. Les parcs se nomment Potreros, du mot Potro, poulain; l'herbe toujours renaissante y fournit la pâture à 3 et 400 animaux dans un espace qui nous paraîtrait trop restreint, et les troupeaux y pessent des années entières, sans qu'on ait à songer aux provisions d’un hiver peu redouté, à peine sen- sible , tellement que l‘étable et l'écurie sont choses inconnues. Il manquait surtout à ces plaines fuyantes des arbres d’une forme pyramidale ; le cyprès était le seul ; mais soit qu’il croisse trop lentement au gré du colon empressé de jouir, soit qu’on le trouve trop triste, il est relégué d'habitude dans les jardins (19) des monastères. Il y a quarante ans environ qu’un Espagnol apporta le peuplier au pied des Andes, il a réussi parfaitement ; et pour récompenser cet homme d'avoir doté la province d’un arbre fort appréciable là où il ne remplace pas comme chez nous les chênes à jamais regretlables, on l’a exempié d'impôts pour toute sa vie. Voilà, sans contredit , le meilleur moyen d'encourager l’agriculture! Maintenant, passons en Asie, où rien n’est nouveau, où toute chase remonte si haut dans le passé. L'Inde n’a que deux mois et demi de saison pluvieuse ; après des chaleurs dévorantes, des brises chaudes comme le simoun , le ciel se couvre de nuages, le tonnerre gronde , c’est le signal : les pluies tombent à torrent, avec une telle force que les maisons s’écroulent ; j'ai vu les porteurs de palanquin dans l’eau jusqu’au genou dans les rues les plus fréquentées de Calcutta. Geci commence à la fin de juin pour Ja côte de Co- romande], le Bengal, le Pegou, etc.; mais dès le 15 septembre , les nuages disparaissent et le soleil brillera sans se voiler jusqu’à la mousson suivante. Mousson est le mot Arabe Mounsoum, saison, parce que c’est la saison par excellence, celle qui décide du sort des récoltes , celle sans laquelle tout périrait, animaux et forêts. On l'attend avec impatience comme la crue du Nil, les poètes la célèbrent comme le plus magnifique des printemps. En effet, huit jours après la première pluie, tout est redevenu vert. Les plantes grimpantes s’accrochent aux aspérités des murailles, aux portiques des pagodes , et fleurissent au cou des statues ; les graminées jaillissent jusque sur le dôme (2) des mosquées, les lianes ranimées enlacent le figuier sacré avec une nouvelle vigueur, les mimosas en- trouvrent leurs fleurs fines comme la soie, les pal- miers secouent leurs parasols, les oiseaux chantent et voyagent. Chaque village, je dirais volontiers chaque maison a son étang, son bassin qui se remplit jusqu’aux bords : creuser un de ces réservoirs est une œuvre méritoire, y adapter des marches est presque un acte de sainteté , tant ces pièces d’eau sont indispensables aux Hindous. D’ordinaire les jardins sont disposés au- tour de ces étangs ; une citerne plus profonde est établie à l’un des angles, et c’est là qu’on puise l’eau pour arroser les parterres et les potagers, car il faut des fleurs aux peuples de l’Inde pour orner leurs temples et leurs maisons, il en faut aux femmes pour tresser les guirlandes dont elles décorent leurs che- velures ; et l’on conçoit le rôle important assigné aux végétaux dans la nourriture d'une nation qui s’in- terdit presque généralement l’usage de la viande. Dans cette citerne plonge le sceau suspendu au balancier d’un puits presque semblable aux nôtres; mais ce balancier est mis en mouvement par un ou plusieurs hommes qui le font incliner en avant et en arrière avec leurs pieds, en courant d’un pas rapide sur cette mince pièce de bois: pour ne pas tomber, ce qui arrive cependant quelquefois, ils s'appuient à un espalier de bambou fixé sur le poteau vertical qui est la partie immobile de l'appareil, et là, piétinant comme des écureuils, en plein soleil , ils chantent en voyant jaunir leurs bananes; dans les moments de (21) loisir, ils détachent d’en haut le coco à peine mür dont le lait abondant les rafraîchit, puis ils repren- nent leur travail et leur chanson. Cette chanson, c’est un hymne en l'honneur du Dieu qui a versé la pluie bienfaisante recueillie dans le bassin, ce sont des stances à la louange de la divinité redoulée dont le temple antique fait surgir son dôme à leurs yeux, par dessus l’épais feuillage des arbres gigantesques qui semblent le voiler à la vue des profanes. Là où un champ plus vaste réclame une plus grande quantité d’eau , l'Hindou emploie deux sceaux plus forts suspendus à une corde faite de la bourre du coco (coir ), laquelle passe dans une poulie et s’a- dapte au joug de deux buffles ou de deux petits bœufs bossus du Malabar, qui font monter le sceau en des- cendant sans fatigue sur un plan incliné et revienvent sur leurs pas à reculons pour redescendre encore. Les Gauchos de la Pampa qui conduisent leurs filets de pêche et ramassent le bois des forêts à cheval, emploient à peu près le même moyen pour puiser aux cilernes , avec cette différence qu’ils montent sur les chevaux ou les dirigent à coups d’éperons. C’est particulièrement chez les Mahrattes fort riches en bétail que j'ai vu se servir de bœufs pour lesirri- gations ; les patientes bêtes obéissent à la voix du cul- tivateur qui les fait avancer ou reculer en filant des sons particuliers qui ne ressemblent à rien d'humain. Depuis une semaine j'entendais incessamment celte gamme fantastique sans comprendre d’où elle pouvait provenir. Une nuit enfin, la lune brillait et j'errais aux abords d’une vaste pièce d’eau cherchant une (22) place fraiche et exempte de serpens pour m'’asseoir et jouir à mon aise de l’admirable température d’une nuit d'hiver sous les tropiques : ce eri prolongé pé- riodiquement interrompu par le grincement de Ia poulie semblait tantôt sortir de l’élang, et je le prenais pour la voix du héron , tantôt partir des arbres voi- sins,etjem’imaginais entendrele sifflement de quelque singe malin. J’avançai doucement, jusqu’auprès du laboureur Mahratte qui laissa son narguilé et se leva brusquement pour me faire un selam ; je ne sais lequel de nous deux fut le plus surpris de la rencontre. Ak : ravissantes nuits de l’Inde ! merveilleux climats ! que nos printemps ne valent-ils les plus tristes de vos hivers ! La culture du riz exige aussi dans l’Inde un grand développement de canaux et d'irrigations ; et l'eau des pluies que verse la mousson ménagée avec soin est indispensable à cette récolte dont dépend la vie de plus de cent millions d'hommes. En somme il n’y à pas dans l’Inde un si petit jardin qui n’ait une, deux et même trois citernes dans lesquelles le jardinier puise au moyen de deux cruches qu'il porte suspen- dues à des filets aux deux extrémités d’un bambou ; il verse l’eau sur sa main pour l’écarter dans sa chute et remplir le but qu’atteint chez nous la pomme de lParrosoir. Mais l'Egypte est encore par excellence le pays des irrigations , parce que l'Egypte gâlée par son Nil veut tout transformer en terrain d’alluvion. La mé- thode la plus usitée, et elle l'était déjà du temps des Pharaons , c’est une grande roue armée de sceaux et (23) mise en mouvement par une pelite roue d’engrenage adaptée elle-même à une poutre verticale qui est l’es- sieu , et à cet essieu est joint le timon auquel on at- tèle des buffles, les plus obéissants de tous les qua- drupèdes, les plus dociles, les plus faciles à satisfaire pourvu qu'il y ait à leur portée un ruisseau où ils puissent se plonger à la manière des crocodiles, ne laissant que les yeux hors du courant. L'eau qui s'échappe des godets de la roue (1) se déverse dans des tuyaux qui la conduisent de canal eu rigole jusqu’à l'extrémité des jardins, des vergers et des champs. À vrai dire, l’entretien des jardins exige plus de buffles que d’hommes, et ces lieux de promenade ne ressemblent point à ce qu'ils sont chez nous. Tantôt c’est un vaste enclos, un parc dans lequel on se promène à cheval, divisé en carrés consacrés chacun à une culture spéciale : celui-ci planté de vignes, celui-là de figuiers ; ici des groupes de mi- mosas , là des quinconces d’orangers. Tantôt ce sont des parterres disposés avec plus de goût, des ton- nelles, si serrées que le jour y pénètre à peine, de petites allées pavées de sable rouge tournant avec mystère autour de frais bassins ; des fleurs rares s’épa- nouissent toute l’année dans ces gracieux jardins ; les oiseaux que chasse notre hiver vont s’y réfugier à (1) Il y a proprement deux espèces de roues ; l’une à jantes creuses est d’un mécanisme trés simple, l’autre que met en mouvement un double chapelet de sceaux de métal est aussi compliquée que nos machines à vider la vase des ports, (24) l'envi , et de hauts murs lapissés de feuillage défen- dent aux regards des passants ces solitaires asiles où . le maître laisse errer ses femmes. Dans les enclos situés aux bords du canal Mahmoudieh près d’Alexan- drie, et qui tous se déploient en gradins, l’eau est réparlie de manière à venir arroser le pied de chaque plante : ce sont des milliers de petils ruisseaux invi- sibles murmurant à peine sous les fleurs et retenus par de jolis cailloux. À nous , il nous faut de grands parcs où les arbres verdoyants se déroulent dans une perspective hardie et altirent nos pas vers des horizons lointains souvent factices, mais en harmonie avec notre besoin d’activi- té et de mouvement. L’Egyptien, que le désert presse de toutes parts et chez qui tout atteste l’amour du re- pos, sera heureux s’il peut étendre son tapis sur le gazon à l’ombre d’un dattier, s’enivrer à la fois de la fumée de sa chebouk et du parfum des tubéreuses , ou s’endormir du plus nonchalant sommeil au bruit d’un jet d’eau retombant eur les dalles de granit. Aussi rien n’égale le calme qui règne dans ces jar- dins , ils demeurent éternellement frais sous un ciel brûlant ; on dirait que la rosée inutile au désert s’a- masse sur ces parterres privilégiés. Dans les grands enclos d’Abbas Pacha gouverneur du Caire et d'Is- mael Bey, près dü port d'Alexandrie, dans le jardin de botanique fondé par Méhémet Ali dans l'Ile de Roda, prés de l'ancien nilomètre , on s’élonne de fouler aux pieds un sol doux et humide comme celui que les flots ont baignés ; et cà et là, à l’angle des parterres, on voit de beaux buffles dirigés par des Nubiens noirs (25) comme eux, tourner d’un pas solennel et mesuré au- tour des précieuses citernes dont ils versent complai- samment les eaux à travers les plus belles plantes du monde. On commence aussi à se servir de moulins à vent, qui font monter les eaux à une plus grande hauteur, sont fort appréciés ; mais ce système est dispendieux en ce qu’il faut confier ce mécanisme tout européen à la direction d'ouvriers italiens ou français, sujets à s’exagérer la valeur de leurs services. Dans toute la vallée du Nil, les grandes cultures de coton , de maïs, de doura ( espèce de millet ) sont arrosées directement par les débordements du fleuve, ou indirectement par les canaux dans lesquels on garde les eaux pour s’en servir plus tard au besoin; — les terres de pure alluvion peuvent seules don- ner quatre récoltes par an. Dans les fermes trop pauvres pour avoir des roues et des buffles, comme aussi dans les lieux trop bas pour permettre d’établir ces appareils , on a recours à des réservoirs qui s’em- plissent aux crues du Nil. Sur le parapet, sur la digue qui sépare cet étang des canaux auxquels ïl doit correspondre , deux hommes sont assis, te- nant dans leurs mains, par des cordes fixées aux ex- trémités, un cuir ou un vase quelconque; par un mouvement rapide, ils plongent ce vase dans Île réservoir et lancent l'eau‘qu’it contient par-dessus la digue dans les rigoles qui la conduisent à travers les champs. Le travail devient plus pénible à mesure que l'étang se vide, mais le fellah est depuis des siè- cles accoutumé à de rudes fatigues. En résultat, ce (26) mode est encore le moins coûteux ; car qu’est la main d'œuvre, la journée d’un homme en Orient! Il est appelé Mandal par les Arabes. Tels sont les moyens par lesquels les cultivateurs des pays arides du brûülants entretiennent une frai- cheur incessante au milieu de leurs champs. Là où le ciel refuse ses pluies, l’homme a su se rendre mai- tre des eaux, et le soleil est devenu son auxiliaire. Dans les pays soumis aux moussons , Ces canaux peu- vent servir à entraîner l’excédant des pluies et à assé- cher convenablement le sol qu’ils vivifient durant un long été. Ici sur la limite extrême du désert, là au milieu de steppes incultes et privés d’arbres , ailleurs à la lisière des montagnes les plus inhospitalières, on voit croître et mûrir les plus riches moissons,, les plus beaux fruits : il semble que la terre reconnaissante envers l'homme qui veille avec sollicitude à son pre- mier besoin se plaise à lui prodiguer ses dons les plus précieux. Pourquoi dans nos climats répond-elle comme à regret aux travaux incessants, aux labours multipliés, et même aux améliorations du cultivateur résigné ? Fait à la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, concernant des semis et plantations de Müriers , exécutés par M. Cosra, italien, sur les fermes de la Grande-Fontaine et de la Petite Barre, commune de Villevéque, à environ ur myriamètre quatre kilomètres d'Angers. Messieurs, La Commission que votre Président, d’après la demande de M. Costa, pépiniériste et directeur de magnaneries, demeurant à Villevêque, canton nord- est d'Angers, avait chargée dé visiter les diverses sortes de müriers établis par ce dernier sur deux fer- mes situées dans la commune de Villevêque et ap partenant à M.me la marquise de la Rochequairie ; appelées, l’une la Grande-Fontaine, l’autre la Petite- Barre, s’est rendue, le 24 juin de la présente année, au chef-lieu de la première de ces fermes. M. Costa, prévenu de son arrivée, s’y est également rendu. C’est conduite par lui et en sa présence que la Commission a opéré l’examen dont il s'agissait. Les müriers placés sur le territoire de la Grande - Fontaine ont d’abord été soumis à ses observations. Ce territoire Jui a présenté , sur différentes pièces ou portions de pièces , des arbres ét rudiments d’ar- (28) bres qu’on peut diviser en cinq classes, d'aprés leur âge et leur destination; Savoir : 1° Müriers plantés à demeure en 1840; 29 — En pépinières, destinés à former des pieds-mères, et établis au cours de la même année; 3 — Semés, aussi en 1840; 4 — En pépinières, dont la plantation, commencée le 25 mai 1841 , a con- tinué depuis ; 59 — Semés en juin 1841. Les semis de l’année, opérés en grand sur un ter- rain de transport ou alluvion, à la proximité d’une eau courante , offraient déjà, quoique naïssants pour ainsi dire, un aspect satisfaisant , et pourront acqué- rir, avant l’époque favorable pour la mise en pépi- nière, assez de force pour être plantés sur les lieux ou livrés au commerce. Le moyen employé par M. Costa pour garantir les jeunes semis de müûriers des coups de soleil, est sim- ple, et pourrait être appliqué à des semis de toute autre sorte , qui auraient à craindre les exces de l’ir- radiation solaire, Ge moyen consiste à mêler quelques graines de chanvre aux graines de müriers, à semer le tout ensemble : le chanvre, levant le premier, protège les müriers naïissants ; mais, à mesure que les brins de chanvre croissent et se développent, on. leur fait subir des éclaircies, par arrachement, pour procurer plus de terre et d'air à leurs pupilles; lors- (29) que ces derniers ont acquis assez de force pour se passer de prolection, les brins de chanvre restant sont arrachés avec précaution, ou, encore mieux, coupés rez-terre , après quoi leurs racines, qui se décomposent promptement, deviennent plutôt utiles que nuisibles à celles des jeunes müriers. Après les semis de l’année courante, ceux de deux ans, peu éloignés des premiers, ont attiré notre at- tention. Leur élat est parfait : on avait, sans doute, pris à leur égard les précautions dont nous venons de parler, précautions d’autant plus nécessaires que l'été de 1840 fut assez brülant pour les plantes, comme on peut se le rappeler. Nous avons été frap- pés surtout de la bonne mine des multicaules, qui ne paraissaient pas avoir souffert de l'hiver dernier. D’après cela, ne serait-il pas permis de croire que celte variété tendrait à s’acclimaler par la semaison ? ce qui serait grandement à souhaiter ; car ses nom- breuses qualités ont été promptement reconnues, et peut-être sa propagalion aurait-elle été beaucoup plus rapide, si un agriculteur distingué (1) de l’un de nos départements méridionaux (2) n’eût annoncé que, dans son canton, les gelées de printemps avaient été très préjudiciables à cette variété. D’autres agricul- teurs , 1l est vrai, d’après des expériences faites en climats divers , ont cru pouvoir avancer qu’elle était propre à braver, soit les hivers rigoureux, soit les (4) M. le baron d'Hombres-Firmas, correspondant de l’Institut, à Alais. (2) Le Gard. (130 ) gelées printannières. Des circonstances inaperçues ont pu: concourir à produire des effets aussi op- posés. M. Costa considère les hybrides obtenus du mürier multicaule et du mürier de Canada comme éminem- ment précieux pour notre pays, étant plus propres, selon lui, que le multicaule pur , à braver la rigueur des hivers, procurant des produits aussi abondants , aussi estimables , et se multipliant avec une égale fa- cilité. En général, les semis de M, Costa n’offrent pas ce mélange :si fâcheux d'espèces qu’on remarque en beaucoup d’autres. Ils nous ont semblé se composer de Moretti ELara, de multicaules et de Moretti simples trois espèces de première qualité pour l'éducation des vers-à-soie. Une autre collection de müriers a pareillement in- téressé votre Commission. Elle est formée de‘nou- velles espèces tirées d'Italie par M. Costa. Ce sont, pour la plupart, des hybrides d’Erara, demulticau- les, et autres variétés diversement combinées. Toutes présentent une végétation admirable, les plus belles feuilles ; et semblent faites pour supporter;aussi bien nos frimas que le mürier blanc commun. Comme il serait difficile de se procurer des graines”propres à reproduire ces excellentes variétés , des pieds-mères sont établis avec ordre, et disposés de manière à en faciliter la propagation, tant par bouture que par couchage. Déjà M. Costa s’est procuré ainsi un grand nombre de nouveaux sujets; par la suite il en aura surabondance. (31) Après avoir examiné les semis et les pieds-mèéres , la Commission s’est dirigée vers les pépinières , qui sont pareillement établies sur une vaste échelle. La pépinière par laquelle a commencé notre visite n’oc- cupe pas moins de quatre hectares quinze ares; les élèves, dont la plantation ne date que du 25 mai der- nier, s’y montrent au nombre de quatre-vingt-dix mille, en pleine vie : la plupart sont des Erara, les autres des Moretti simples, puis des multicaules : tous ont parfaitement réussi. L'espèce ELATA, qui domine d’une manière remar- quable dans le haut de la pièce , a été plus spéciale- ment l'objet des observations et des louanges de la Commission. En somme, cette belle pépinière fait honneur à M. Costa, et rend un témoignage bien éclatant des soins multipliés et intelligents qu’il a dù lui consacrer, son établissement ayant eu lieu hors saison. Les multicaules, d’abord simples fractions de rameaux dépourvus de racines, ont dù surtout lui faire éprouver des craintes, malgré l'extrême faci- lité avec laquelle cette espèce se propage par bou- tures. Une second pièce ou portion de pièce en pépi- nières, d’une contenance d’environ un hectare qua- tre-vingtcinq ares, peu éloignée de la pièce dont nous venons de rendre compte, et faisant comme elle partie du territoire de la Grande-Fontaine, ne nous à pas paru moins recommandable , tant pour la vigueur de la végétation que pour le bon choix des espèces , auquel on devrait s'attacher plus qu’on ne paraît l’avoir fait jusqu'ici en ce département, où (32) néanmoins l'industrie sérigène acquiert journelle- ment de nouveaux prosélytes. Le nombre des jeunes plants qui existent sur les deux pièces dont il vient d’être question , ensemble d’une contenance de six hectares, doit former un total de cent trente mille individus, tous mis en mai 1841 à la place où on les voit. On peut déjà se faire une idée de l'importance de l'établissement créé par M. Costa. Ce cultivateur a rencontré dans son opéralion ce que l’on trouve ordinairement, des terrains, iné- gaux en qualité. Sur quelques parties de ces pièces l'infériorité des plants indique, dès le premier coup d’œil , l’infériorité du sol; mais ce défaut n’est pas sans remède : au moyen d'engrais plus ou moins ac üfs, plus ou moins abondants, on peut presque tou- jours niveler la végétation d’une pépinière quelcon: que, et l’on ne saurait trop s’empresser de le faire. La Commission a remarqué que M. Costa a peul- être trop rapproché ses plants dans la formation de ses pépinières. L’inconvénient d’un tel rapproche- ment ne se manifeste pas la première, ni même la seconde année ; mais, au cours de la troisième, les plants se joignent par les racines comme par les ra- mgaux : de là un ralentissement sensible dans leur végétation. Il est vrai que M. Costa se propose de prendre , pour ses plantations à demeure, un rang sur deux, ce qui dégagera les sujets restants. Quoi qu'il en soit, on doit reconnaître que M. Costa ne s'écarte point des règles sans avoir des vues parlicu- (33) lières ; il compte; sans doute, sur une vénte heureuse pour se dédommager de l'inconvénient qui vient d’être signalé. La taille qu'il pratique pour ses jeunes plants consisté à pincer l’extrémité de leurs rameaux encore herbacés, la première et la seconde année de l’éta- blissement de ces mêmes plants en pépinières, ce qui les fait buissonner et grossir nolablement du col- let; la troisième année, il les rabat, et obtient une tige de deux mètres au moins, devant former des arbres à liges lisses et peu noueuses. Ce moyen, dont l'emploi n’est pas nouveau, ne se trouve pas propre à toutes sortes d’arbres. En général, il est préféra- ble de rabatire dès la seconde année; car on voit le pied d’un grand nombre de sujets qui n’ont été ra- battus qu’au coùrs de l’année suivante, devenir durs, bouder, et mème ne fournir aucune nouvelle pousse : à cet égard les exemples abondent, surlont parmi Les arbres dits forestiers. Mais M. Costa est guidé par sa longue expérience dans la manière de conduire le müûrier blanc. C’est ordinairement à la sève mon- tante qu'il le rabat : ce retranchement subit oblige la sève à se porter sur un même point, et détermine la reproduction du bourgeon. Nous ne devons pas oublier une autre pièce , qui est de six hectares quarante-quatre centiares et dé- pend encore du territoire de la Grande-Fontaine. Les plantations qu’elle présente ont eu lieu en 1849. Elle réunit à elle seule 9,783 müriers placés à demeure : 555 sont greffés en espèces reconnues propres à don- ner dé la soie de première qualité; les autres sont des > o ( 34 ) sauvageons qui attendent la greffe, et auront sans doute le même mérite que les premiers. Les plantations dont nous venons de parler n’ont pas tout-à-fait rempli les vues de M. Costa, bien qu’elles paraissent avoir été opérées avec le plus grand soin : l’on y reconnaît, malheureusement, l’absence d’un auxiliaire indispensable , et qui n’au- rait pas manqué si vouloir et pouvoir élaient même chose. Au reste, le préjudice n’est pas irréparable, et l'emploi de la substance qui a fait défaut, pourrait encore avoir lieu avec efficacité; la perte, alors, se réduirait à peu près au retard du bénéfice. En résumant les impressions que lui ont fait éprou- ver les semis, les pépinières et les plantations à de- meure de la Grande-Fontaine, visités par elle en dé- tail, la Commission n’hésile point à décerner des té- moignages de satisfaction à M. Costa, tant pour le bon choix des espèces que pour la bonne méthode de culture. Il faut, comme lui, non-seulement aimer ce genre de végétaux, mais avoir une parfaile connais- sance de tout ce qui s'y rapporte , pour tenter une aussi vaste entreprise et l’accomplir avec succès. Chacune des nombreuses variétés que présente celle branche importante de la famille des. artocarpées, exige une appréciation et des études, des soins spé- ciaux, ayant des propriétés, des défauts et des qua- lités spéciales; chacune veut qu’on ait égard à mainte et mainte circonstance pour la position à lui donner, soit en pépinière, soit dans les plantations à de- meure. [1 y a des conditions particulières à remplir relativement aux sujets qu’on destine à recevoir des (35) greffes d’autres espèces plus distinguées, mais aussi plus délicates. M. Costa, d’après sa propre expé- rience , atteste qu’on n’améliore pas moins les hybri- des du genre mürier, que ceux de beaucoup d’autres végétaux , en les greffant. Votre Commission, Messieurs, a vu dans les dif- férentes sortes de müriers établis sur le territoire de la Grande-Fontaine une collection précieuse d’es- pèces originales et hybrides. La nature du sol, pro- fond , sablonneux, gras, et reposant sur un calcaire peu compacte (1), a, sans nul doute, puissamment concouru à la prospérilé des semis et des planiations; mais savoir bien choisir les terrains propres à chaque sorte de plante est un des plus grands mérites de Pagriculteur : l’infériorité signalée de quelques par- ties des pépinières de M. Costa, comme nous l’avons dit, n’a pas dépendu de lui. Votre Commission s’est transportée à la ferme de la Petite-Barre, pour continuer l’examen que vous Jui aviez confié. Le sous-sol des pièces louées à M. Costa est calcaire comme à la Grande -Fontaine ; mais la couche de terre végétale qui le recouvre est loin d'offrir les mêmes avantages pour la culture du mürier. La majeure partie de chacune de ces pièces est basse, humide; le sol supérieur de l’une d'elle est comme tourbeux. Voici les moyens qu'a pris M. Costa pour diminuer ces inconvénients : il a di- visé ses terrains en planches semblables à celle sur les- (4) Calcaire crétacé inférieur, marneux. (36 ) quelles on plante la vigne .en ce. département et-dans les pays voisins, moins larges toutefois, et plus éle- vées, surtout à leur centre; il a planté ses müriers sur une seule ligne , qui forme la crête de ces mêmes planches; il en résulle que les eaux pluviales ne sau- raient stationner au pied de ses arbres, et que la terre comme .tourbeuse se trouve un peu corrigée par le mélange d’une certaine quantité du sol calcaire qu’elle couvrait. Il est facile, au reste, de remar- quer , que les intervalles profonds qui règnent entre les planches ne conserveront jamais.bien long-temps ni les eaux que les pluies y auront versées directe- ment, ni celles qui s’y seront réunies par infiltration, le sous-sol se trouvant éminemment sec et perméable de sa nature. M. Costa se propose d'ajouter à ces moyens arlificiels et naturels de desséchement, des tranchées , des fossés allant en sens divers. M. Costa taille ses müriers en automne, les fait déchausser en février; ils sont recouverts aussitôt qu'ils commencent à pousser, c’est-à-dire, en avril, ou même dés la fin de mars; vers la fin de juin ils recoivent un binage. Chaque rangée d’arbres plantés à demeure est à trois métres de la suivante, soit à droite , soit à gau- che ; pareïlle distance est observée entre chaque pied et le suivant comme le précédent, sur la ligne où ils sont placés, ligne formant la crête de sa plauche, ainsi que nous l’avons dit. Ces arbres, élevés en buis- sons et d’espèces diverses, ont été mis en 1839 à la place qu’ils occupent définitivement. La plupart ont acquis une assez grande force, principalement les » (:37.) pieds qui se trouvent sur les portions les plus hautes des pièces. Ces plantations présentent le mürier blanc commun, le müûrier de Calabre à fruit rose, le mû- rier d'Italie, le mürier romain, etc. Il les a employés ou destinés tous à servir de sujets pour grefferses va- riétés hybrides, dont il fait le plus grand cas, et qui, suivant lui, conviennent mieux que toutes autres aux terrains humides :.il a vu en Italie de ces mêmes va- riélés qui végétaient fort bien sur des terres maréca- geuses. Quoi qu'ilen soit, les mûriers qui garnissent actuel- lement une grande partie des piéces dépendantes de la ferme, de la Pelite-Barre, excepté les Moretti simples etles Moretti ELATA, annoncent par leur feuil- lage jaune et dur, combien ils souffrent de l’humidité du sol. La température italienne et celle de notre dé- partement sont loin d’être semblables ; telle plante dont une eau souvent tiède accélère la végétation . dépérirait si on la mettait en contact avec une eau presque toujours froide. En tout cas, M. Costa devrait être excusé, n’ayant pas eu d’autres terrains à sa disposition pour ses plantations à demeure. Il y a toujours un grand mé- rile à tirer un parti aussi avantageux des terrains dont ils’agit; car ils paraissent eucore moins propres à la plupart des autres cultures lucratives qu’on pourrait y faire. Puis, nous devons le dire , peu d'années ont été moins favorables que celle-ci aux terres basses ; si les saisons avaient suivi leur marche habituelle, les plan- tations de la Pelite- Barre eussent probablement offert un aspect.tout différent. Le mürier, susceptible d’être (38 ) assimilé au noyer sous certains rapports , est presque sans cesse en végétation, d’un hiver à l’autre; dans les circonstances et conditions où le noyer souffre ou bien prospère, il souffre ou prospère également... M. Costa n’est pas venu faire en Anjou ses pre- mières épreuves du sol et du climat français. Les ré- compenses qui lui ont été décernées par un départe- ment voisin, le département d’Indre-et-Loire, attes- tent suffisamment son intelligence et son habileté pour le genre de culture auquel il se livre. Compte fait des müûriers plantés sur les pièces de terre de la Petite-Barre, affermées à M. Costa, il s’en trouve 8,260, dont 1,347 greffés avec hybrides, et 6,913 sauvageons en état d’être greffés. RÉCAPITULATION DES MURIERS PLANTÉS SUR LES DEUX FERMES : Pépinières. . . . 130,000 individus. 139,783 Plantations à demeure. 9,783 | La Petite-Barre. Plantations à demeure. . . . . . . 8,260 ToxaL. 148,043 Dans ce nombre 1,902 sont déjà greffés en place, tant sur les pièces de la Grande-Fonlaine que sur celles de la Petite-Barre. Il y a peut-être à la Grande - Fontaine jusqu’à 100,000 pourrettes de müriers divers, qui seront (39) recevables au mois d'octobre prochain. Le nombre de pieds-mères s’élève à cent et quelques. La contenance de la totalité des terrains affectés À l’entreprise dont il s’agit peut atteindre à environ 16 hectares. M. Costa ne laisse pas inutiles les rejets de ses fossés de clôture : il les garnit de mûriers blancs communs, qui forment des haies d’une végétation brillante. Lorsqu’après avoir fourni d’abondantes ré- coltes , elles commencent à durcir, M. Costa les re- nouvelle par la greffe, qu’il a toujours pratiquée avec succès, en déchaussant le sujet, pour le couper et entrer dans le sol même, ce qui en fait un arbre pres- que franc de pied. M. Costa nous a dit que dans aucune des planta- tions de müriers blancs qui lui doivent leur existence ou qu'il a dirigées, soit en France, soit en Italie , il n’a souffert le moindre effeuillement jusqu’à ce que les plants à demeure eussent passé cinq années pour le moins à leur place définitive. Durant ce laps de temps l’arbre grossit et se fortifie : les récoltes qu’on en obtient ultérieurement sont plus abondantes et plus avantageuses au total, qu’elles ne l’eussent été si on l’avait mis plus tôt à contribution. Les sujets qu’on effeuille prématurement ne tardent pas à deve- nir rachitiques et sont promptement usés. De ses müriers types et hybrides, M. Costa a fait un herbier qui sera déposé au local de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, boulevard des Lices, et dont l'inspection pourra compléter et éclaircir notre rapport. ( 4 ) Voilà, Messieurs, le sommaire de ce que votre Commission peut vous dire actuellement sur l’entre- prise de M. Costa, qui n’est que le prélude d’une au- tre plus coûteuse, celle d’une magnanerie construile et meublée d’après les meilleurs principes, et où se consommeront les produits des arbres qu’il a plantés à demeure. Les constructions doivent commencer au cours de cette année. Les éloges que nous venons d’accorder à M. Costa ne sont peut-être pas au niveau de son mérite: mais votre Commission a mieux aimé resler au-dessous de la vérité que de courir la chance de l’exagération sou- vent plus préjudiciable qu’une critique modérée. Elle ne saurail, toutefois, se refuser à dire ou répéter que les belles espèces originales et hybrides introduites et cultivées en grand dans notre pays par M. Costa réclament une attention toute particulière. Elle pense que vous parlagerez l’intérêt que lui a inspiré un étranger qui paie de cette facon l'hospitalité qu’il a trouvée dans notre patrie. Ses ressources personnelles sont aussi faibles que sa famille est nombreuse (1). En fallait-il davantage pour vous prier de le re- commander à la fois au Gouvernement et au Conseil- Général du département que nous habitons ? En lui accordant les récompenses qui lui sont dues, on fe- rail chose ulile, non-seulement pour notre contrée, mais pour la généralité de ce royaume, où l’industrie sérigène aspire à se développer, et n’a peut-être be- —————————— — — —"— …—— — ———— — —— ———_—_—————————— — _— — __———_——— ——— (1) IlLest père de sept enfants. (41 soin pour cela que d’encouragements donnés à pro- pos, d'encouragements de nature à exciter l’émulation, ce grand mobile des actions humaines, ce second créateur. Votre Commission aurait voulu témoigner d’une manière plus efficace à M. Costa la satisfaction que ses entreprises lui ont fait éprouver; mais, ne pouvant aller au-delà de ce que permettent vos réglements et la faiblesse de vos moyens pécuniaires, elle se voit con- trainte de se borner à vous proposer de lui décerner le titre de membre correspondant et une médaille en argent. (1) Votre Commission n’aurait rempli que la moitié de sa lâche, si, après s'être efforcée de rendre jus- tice à M. Costa , elle oubliait la personne généreuse sans laquelle ses talents et sa bonne volonté eusseut été stériles pour ce pays. Honneur et bénédiction aux propriélaires qui savent faire un pareil usage de leur fortune, et qui , ainsi que M.me de la Rochequairie, la considèrent moins comme une source de jouissances personnelles que comme un instrument placé entre leurs mains pour travailler au bien public et secourir les malheureux ! Votons, Messieurs, vatons une mention honorable à M.me la marquise de la Roche- quairie ! Espérons aussi que l’industrie sérigène de notre dé- parlement ne tardera pas à recevoir un complément (4) Au moment de terminer l’impression de ce rapport, nous ap- prenons la mort de M. Costa, et noas ne pouvons que nous associer aux regrets que laissera , parmi les amis de l’horticulture, un homme aussi distingué. 4 (42) sans lequel il lui serait difficile de prendre l’essor et de devenir vraiment profitable : nous voulons par- ler d’un moulin à soie qui serait établi en cette ville, aux frais du Département aidé par l'Etat (1). Angers, le 26 juin 1841. Les Membres dela Commission : De Beauregard, Président ; Millet, L. Chanlouineau; Lebreton aîné, principal rapporteur. Nora. Le bail que M.me de la Rochequairie a consenti à M. Costa , pour ses plantations de müriers et la magnanerie, est de 25 années. Sn CATALOGUE des espèces ou variétés de mériers qui forment les pépinières de la Grande-Fontaine. M. multicaule ( Multicaulis. M. Perrottet. ) multicaules hybrides, obtenus en 1829. multicaules hybrides , obtenus en 1834. blanc ordinaire d'Italie, et dit cento reqi. Moretti, de Pavie et de Padoue. Moretti kybrida elata. foglia doppia. Moretti, nouvelle variété. colombasse. parchemins. (4) Un moulin existant à Tours, et pour l'établissement duquel les conseils de M, Costa sont loin d’avoir été inutiles, pourrait servir de modèle. : ; Parmi les moyens propres à amener le développement de l'industrie sérigène on ne doit pas omettre les encouragements aux filenses qui se distinguent, Le 20 novembre dernier, quelques-unes d’entr'elles, à l’occasion d’une exposition de produits de cette industrie, ont reçu de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers des récom— penses pécunaires. Il faudrait pouvoir augmenter et mulliplier les ré- compenses de celle nälure, (43) M. multicaules hybrides, (var. obtenues en 1840, à la Grande-Fontaine.) (de Mayne.) grazztola. romain. dur. colombassette. CATALOGUE des espèces ou variétés de müriers qui composent les plantations à demeure de la Petite - Barre et de la Grande-Fontaine. M. blanc ordinaire d'Italie. Moretti. romain à fruit blanc. romain à grandes feuilles. mas pedemontana. latifoglia. foglia doppra. grosse reine. rosa calabrica. rosa Dandolo. .rosa constantinopolitana. belle blanche. romain à fruit gris. dit cento regi. Dans sa séance du 6 août 1841, la Société d’Agri- culture, Sciences et Arts d'Angers, a approuvé les conclusions du rapport ci-contre. Le Secrétaire-Général de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers. MILLET. (4) Îla été proposé au Conseil Général de Maine et Loire, dans sa séance du 3 septembre 1841, par sa quatrième commission : 1° De mentionner avec éloge le nom de M. Costa, comme créateur de pépinières et plantations de müriers faites sur Le domaine de M.me la marquise de la Rochequairie, dans la commune de Villevêque; 2° D’exprimer le désir de voir bientôt une filature-modèle s’établir sur l’arrondissement de Saumur , dans le double but d'encourager la production de la soie et d’élever sa valeur commerciale! dans le dépar- tement; 3° Deprier M. le Préfet de vouloir bien rechercher les moyens de la créer , et de faire connaître, s’il y a lieu, l’année prochaine, les conditions auxquelles il pourrait accorder son concours à une telle créalion. A cet égard, on se permettra de faire observer qu’une seule filature, établie à Saumur ou dans les environs, serait trop éloignée pour les habitants de la majeure partie du département qui se livreraient à l’industrie sérigène. Elle tend à se propager aux environs d'Angers et jusqu’aux extrémités de l'arrondissement de Beaupreau. Des planta - tions considérables, faites par M. le marquis de Colbert, auprès de son château de Maulévrier, sur des terrains granitiques, ne peuvent manquer de réussir, ces terrains convenant parfaitement à plusieurs sortes de müriers. Il ne serait pas trop difficile à la fabrique Chole- taise de s’étendre aux tissus de soie, si elle trouvait la matière pre- miére, non-seulement dans son voisinage, mais dans son!propre res- sort. On connaît l’aptitude des Vendéennes pour le filage et la manu- tention des fils. Ces opérations , les petits travaux et les soins multi- pliés qu’exigent les magnaneries, leur fourniraient des occupations lucratives: elles n’en ont point aujourd’hui. M. de Colbert a su diminuer ses frais de plantation par diverses cultures intercalaires. On remarquait surtout avec plaisir, entre les rangs de müûriers plantés à demeure, dans une pièce située au sud de Maulévrier , à gauche du chemin qui conduit à la métairie des Gran- ges, etc., pièce où l’on entre par un portail antique décoré des armes de la maison de Gouffer, des betteraves fourragères ou désettes de la première grosseur. Il est à croire que ces plantes dont la présence n’a pas paru nuire aux jeunes müriers, ne leur a non plus.causé aucun tort pour l'avenir; elles ne couvraient pas trop le terrain, et s’alla- quaient probabiement à des sucs, autres queceux propresà ces arbres. Par le défoncement, la partie du sol anciennement ameublie a été mise à la place de la première couche du sous-sol, qui forme actuellement la superficie et n’était pas entièrement divisée lorsqu’elleta reçu les betteraves. Mais l’on sait que la terre produite par la division, même imparfaite, du sous-sol granitique d’un terrain cultivé depuis long- temps, est doué d'une extraordinaire fertilité, qui cesse dès la 2e ou 3e année. Cette terre réclame alors de plus fortes fumures que l’an- cien sol, pour ne produire que des récoltes médiocres pendant une as- sez longue période. Une certaine quantité de terre argileuse l’amende- - rait sans doute efficacement ; car l’évaporation qu'on est obligé de lui faire subir. en la cultivant paraît l’épuiserautant que Les plantes qu’elle est chargée de nourrir. Pa nn ri 5 ARS — k Are de | {: ‘1 Le, Hs © — 2 ——————————— ——— © — — ESS RIRES Sr RFA FA oil =— - A E Ext LS DE LA SOCIÉTÉ d'Agriculture, Sciences et Arts D'ANGERS. ——+— ——- RS ESS———— 5° Volume. -- 2° Livraison. ? a — —— 1 ANGERS , DE L'IMPRIMERIE DE VICTOR PAVIE. 18458. RER EA 1 Le | | ÉRRSRRRREt see st (45) NOTICE SUR OLIVIER DE SERRES, Par SM. Alfred De Fallour. Les livres d'agriculture sont-ils utiles ou nuisibles à cel art, qui se compose surtout de pralique, et qui ne s’acquiert que par la fréquentation assidue des cultivateurs de profession? Cet art, guidé du fond d’un cabinet par des hommes de théorie, et par conséquent d'imagination, ne court-il pas le risque de s’égarer à leur suite et d'amener des résultats dia- métralement opposés à son but, c’est-à-dire des dé- ceplious pour produit net, et la ruine au lieu de l’amé- lioration des terres et des fortunes? C’est là une ques- tion ; Messieurs , souvent et vivement controversée; c’est un débat que, pour mon compte, je me garderai bien de renouveler aujourd’hui, estimant que vous l'avez tranché dans le sens le plus conciliant , puisque vous réunissez dans la même association l’agriculture, ia science et les arts, puisque vous invitez à un mu- tuel concours, à une émulation réciproque, ces trois grandes branches de l'intelligence humaine qui ne sont jamais plus puissantes que lorsqu'elles se serrent 5 (46 ) én faisceau. Je ne croirai donc pas non plus m’écarter de l’objet habituel de vos études, en vous rappelant le souvenir d’un homme qui portait en lui-même celte triple alliance, qui la réfléta toute sa vie, qui lui im- prima la consécration des succés les plus positifs et les plus nationaux ; en vous entretenant d'Olivier de Serres, qui ful à la fois notre premier agronome et notre premier publiciste en agriculture, qui fut un savant très ingénieux dans l’application de ses études, et un écrivain très éloquent des intérêts les plus journaliers de la vie champêtre. Olivier de Serres, seigneur du Pradel, naquit dans le Vivarais, à Villeneuve de Berg , en lan 1539. La modestie qui enveloppe d’ordinaire les exis- tences comme la sienne, nous a dérobé beaucoup de détails personnels qui auraient actuellement un grand prix, et il ne se révèle guëre à l'attention de ses con- temporains qu’au moment où lui-même, en-publiant son célébre Théâtre d'Agriculture, appela les regards du public sur ses longues et laborieuses expériences. On sait cependant que sa famille était considérable, et son revenu au-dessus du médiocre. Toutes les car- rières s’ouvraient done devant lui, et en n’en choï- sissant aucune , ou plutôt en choisissant avec amour celle de paisible et bienfaisant campagnard, il don- nait déjà la mesure de ce qu’on devait espérer de lui. Ses peñchantis s’annonçaient, comme s’annonce toule vocation sincère, par le désintéressement , par l’ab- sence d’ambition, par l'éloignement des brigues ou cabales mondaines. Il sortit peu de sa maison, et jamais de son caractère qu'il traduit Jui-même ainsi ( 47 ) dans sa préface : « Mon inclination et l’estat de mes affaires m'ont retenu aux champs, el faict passer une bonne partie de mes meilleurs ans, durant les guerres civiles de ce royaume, cultivant la terre par mes serviteurs, comme le temps l’a peu porter. Durant ce misérable temps-là à quoi eussè-je peu mieux employer mon esprit qu’à rechercher ce qui est de mon humeur? En quoi Dieu m'a tellement béni par sa sainte grâce que m’ayant conservé parmi: tant de calamités, dont j'ai senli ma bonne part, je me suis tellement comporté parmi les diverses hu- meurs de ma patrie, que ma maison ayant été plus logis de paix que de guerre, j'ai emporté ce tesmoi- . gage de mes voisins, qu’en me conservant avec eux, je me suis principalement adonné chés moi à faire mon ménage. » Il est certain pourtant qu’il adopta le parti des Réformés, et on l’accusa d’avoir pris une part active . et presque sanguinaiïre dans une expédition qui se passait aux environs du Pradel : mais les accusations sont dénuées de preuves, et l’apologie contraire, soutenue par ses admirateurs, nous paraît infiniment plus admissible. Rapportons-nous-en donc à ces der- niers et à lui : détournons nos regards des cruelles factions de celte époque, et continuons à ne considé- rer, dans le vieux donjon du Pradel, qu’une ferme modèle au seizième siècle. Tant que durérent les règnes orageux de Charles 1x et de Henri m, Olivier de Serres se renferma dans son domaine et prépara silencieusement des consola- lions et des richesses nouvelles à la France. Heu- ( 48 ) reuse précaulion qui coïncidera par un merveilleux enchaînement avec l'avènement de Henri tv. Ce fut, Messieurs, une glorieuse et singulière des- ünée que celle de Henri 1v : promoteur ardent des premières guerres civiles , il lui fut donné d’en gué- -rir toutes les plaies : guerrier et capitaine intrépide, il donna l'impulsion à loutes les prospérités de la paix ; grand politique , il fut aussi grand administrateur et, en cette dernière qualité, fixa son œil pénétrant sur l’état de l’agriculture. C’était faire déjà beaucoup pour elle, que d'appeler Sully aux affaires ; mais Henri iv n’était pas homme à s’en tenir là. Le prince qui ne serait qu’un grand roi peut se reposer sur d’habiles auxiliaires, habilement choisis, mais Henri 1v était plus qu’un grand roi, c'était un grand homme : il ne se re- posa pas sur le trône, et comme il avait travaillé pour y monter, il travailla pour la dignité de sa couronne, pour la restauralion du pays, pour la richesse du peu- ple, pour le développement à la fois de tous les élé- ments de la grandeur publique. Vous devinez donc, Messieurs, qu'entre le roi po- pulaire et le paternel agriculteur il devait ÿ avoir rencontre : elle eut lieu en effet, et ce fut de Henrirv que vinrent les premiers pas. En l’année 1600, Olivier de Serres se trouvait au Pradel selon sa coutume : il venait de créer des prai- ries auxquelles , le premier, il donna le nom d’artifi- cielles ; il avait achevé des bâtiments spacieux où l’on allait, d’un bout de la province à l’autre, admirer les ménagements du colombier, du poulailler, du rucher et du jardinage. Il menait enfin cette vie de père de 2: 000 famille qu’il définit ainsi : « Bien connaistre et choi- sir les terres pour les acquérir et employer selon leur naturel, approprier l'habitation, et ordonner de la conduite de ses gens. » Henri 1v se trouvait à Gre- noble pour y préparer une campagne contre le duc de Savoie; les hommes d’armes l’entouraient ; Sully avait pourvu avec résignation aux dépenses de Par- mée qui allait franchir la frontière. C’est le moment que Henri choisit pour envoyer à Olivier de Serres un billet écrit de sa main, et ainsi concu : « Monsieur du Pradel , vous entendrez par le sieur de Bordeaux, par les mains duquel vous recevrez la présente, l’oc- casion de son voyage en vos quarliers, el ce que je désire de vous, Je vous prie donc de l’assister en la charge que je lui ai donnée, et vous me fairez service très agréable. Sur ce, Dieu vous ait, Monsieur du Pradel , en sa garde. Ce 27 septembre, à Grenoble. Signé , Hewry. » Cette occasion, c'était une immense industrie qu'il s'agissait de fonder, et pour laquelle l’assistance d'O- livier de Serres était devenue nécessaire au monar- que. Le mürier récemment introduit en France y végélait sans profit, quand Olivier découvrit qu'on en pouvait « tirer grands deniers par l’admirable in - dustrie des vers qui vomissent la soie toute filée, étant nourris de la feuille du müûrier. » Toute la consom- mation de la France en vêlements et ameublement al- laitenrichir les manufactures étrangères, et Henri 1v, en traversant le Dauphiné, découvrit de son côté quelle mine féconde et nouvelle: on pouvait ürer'du climat méridional. Sully trouvait que son prince avait ( 50 ) assez d'entreprises sur les bras ; il s’opposait à celle tentative pacifique, il est vrai, mais qui devait néan- moins commencer par la guerre au trésor, c’est-à- dire, par de larges déboursés. Le roi persisla, et c’est ce coup d’œil royal, cette obstination salutaire qui fi- rent dépécher, dans le fond du Vivarais, un messager porteur du billet que nous venons de lire. Olivier de Serres n’avait pas d’ambition , ai-je dit en parlant de ses premières années : je me suis trom- pé et je me rétracte. Il avait, j’en suis sûr maintenant, une sérieuse et profonde ambition, et je ne serais pas élonné qu’en reconnaissant la signature de Henri 1v', il eût laissé échapper une larme d’orgueilleux atten- drissement. Son cœur s’élançca tout d’un coup bien au-delà des limites du Pradel, il dut avoir une de ces nobles émotions de citoyen qui disent : Mon la- beur n'aura pas été stérile, ma science égoïste el je louse : j'altacherai mon nom à l’une des richesses fondamentales de mon pays; quittons donc mon do- maine chéri, s’il le faut ; que l’ajonc, s’il plait à Dieu, dévore ma prairie, et allons maintenant labourer et planter à l’autre extrémité de la France, pour le ser- vice du roi. Olivier de Serres ne nous a pas fait confident de ses pensées, mais elles furent assurément celles que je me permets de résumer ainsi, car il partit, il alla porter au roi le secret des plantations de mürier et de l'éducation des vers. Le prince fut-il moins gé- néreux que l’agriculteur? Non, Messieurs. Olivier abandonnait son domaine, Henri 1v offrit le sien, et voulut que le premier essai de ce genre prit un (51) ; caractère nalional qui le popularisät, rapidement : c’est des fenêtres même de son palais qu’il en voulut surveiller les progrès. Voici comment le raconte Olivier lui-même : « Le roi me fit l'honneur de m'employer au recouvrement desdits plants ; où j'apportai telle diligence que au commencement de l'an 1601, il en fut conduit à Paris jusqu’au nombre de 15 à 20,000, lesquels furent plantés en divers lieux dans les jardins des Tuileries, où ils se sont heureusement élevés, el pour d’aulant plus accé- lérer et avancer la dite entreprise, et faire cognoistre la facilité de celte manufacture, sa majesté fit exprès construire une grande maison au bout de son jardin des Tuileries, à Paris, accommodée de toutes choses nécessaires tant pour la nourriture des vers, que pour les premiers ouvrages de la soye. Voilà le com- mencement de l'introduction de la soye au cœur de la France. » | Jetez aujourd’hui les yeux, Messieurs, sur Lyon, sur Grenoble, sur toute la Provence, et vous me pardonnerez de m'être arrêté si complaisamment sur ce point. | A partir de ce jour, les relations de Henri 1v et d'Olivier de Serres farent continuelles. L’impatience du roille décida à détacher du corps de son grand ouvrage un fragment qu’il publia sous ce titre: La Cueillette de la soie par la nourriture des vers qui la font. Echantillon du Théâtre d'Agriculture. Ge Théä- tre d'Agricullure parut enfin, et vous l’avez bien. prévu, sous les auspices du roi. Dans l’épitre dédi- caloire on remarque le passage suivant: «Sire, il (52) est dit dans l’Ecriture-Sainte, que, le roi consiste quand le champ est labouré. ( Ecclésiast. Ch. 5, 9.) Dont s'ensuit que procurant la culture de la terre, je ferai le service de mon prince, ce que rien tant je ne désyre , afin qu’en abondance de prospérités votre majesté demeure longuement en ce monde. » « L’Agriculture d'Olivier de Serres est fort belle, dit un auteur contemporain , Scaliger ; élle est dédiée au roi, lequel, trois ou quatre mois durant, se la faisait ap porter aprés diner, après qu’on la lui eut présentée. Et si, il le lisait une demie heure » Le Théâtre d’Agricullure arriva en fort peu de temps à une seconde édition qui fut publiée en 1603, ‘et ce succès, rare alors, joint à la faveur du monarque, procura amplement à l’auteur la satisfaction de voir goûter ses préceptes et ses exemples. » Olivier de Serres avait tracé le plan de deux autres ouvrages qu’il laissa inachevés. Le premier était : & Un traité exprès sur les parcs pour chasse en grand.» Mais ce sujet ne touchant que le plaisir des seigneurs, il le considérait comme le moins ur- gent, ettémoigna seulement le regret de n’avoir pu terminer le second qui était, dit-il, « le traité de l'architecture rustique, pour donner avis au père de famille à se bien baslir aux champs, selon le vrai art, avec commodité et espargne. » Il mourut cependant dans un âge fort avancé, en 1619, aprés avoir dépassé sa quatre-vinglième année, mais il avait pris la plume fort tard, n'ayant écrit qu'après avoir beaucoup vu, beaucoup pensé, et! beaucoup pratiqué. (53) Je devrais maintenant, Messieurs, entrer dans une analyse approfondie de son ouvrage principal, le Thédtre d’ Agriculture, mais, au moment de me li- vrer à ce travail, je me suis arrêlé, présumant que l’auteur entier se trouvait dans les mains de la plu- part d’entre vous, et que celte étude, uniquement à mon bénéfice, vous paraitrait à vous-mêmes com- plètement superflue. Il y aurait cependant un rap- prochement très instructif à tenter; ce serait l’état comparé de la science agronomique telle qu’elle se trouve démontrée dans Olivier de Serres, et telle qu'elle se développe aujourd’hui, par vos propres soins , Sous nos yeux. J’en soumets du moins l'idée à mes collègues, avec l’espoir que, mise en œuvre par de plus habiles que moi, elle amënerait de cu- rieuses et lumineuses recherches. Toutefois , Messieurs, ce ne serait pa$ achever l’histoire d'Olivier de Serres que de ne pas vous re- tracer, jusqu’à nos jours, le sort du livre auquel il s’élait si absolument identifié , et par lequel ‘seule- ment il gagna son existence historique. Je vous ai dit, Messieurs, qu'Olivier n'était pas seulement agriculteur : il était savant et écrivain d’un ordre élevé. Ces dernières qualités, celle du style surtout, pouvaient seules assurer la durée de son livre , et elles y brillent d’une façon incontestable. Il n’est pas une des connaissances que nécessite la direction, sur une large échelle, des travaux de la campagne, qui ne se produise dans le Théâtre de Agriculture. Appliquant les règles les plus sûres dans l’assolement ou l'irrigation des terres, la cana- ( 54) lisation des cours d’eau, la distribution des bâtiments propres aux bestijaux et à l'exploitation , il ne se montre pas seulement mathémalicien, ingénieur et architecte consommé, il indique encore:en savant médecin l’appropriation des plantes aux infirmités humaines. Il consacre de nombreux chapitres au trai- tement de toutes les maladies, et si ce sont les pages où les progrès modernes l'ont le plus laissé en ar- rière, on y trouve cependant nombre d'avis précieux, surtout pour les habitants de campagnes reculées, qui doivent s’estimer heureux de recevoir les. re- mèdes des mains mêmes de la nature, et de décou- vrir une pharmacie presque universelle dans l’herbe qu'ils foulent aux pieds. . Quant au style d'Olivier, il n’est personne qui ne soit frappé de sa conformité avec le style de Mon- taigne. Cest la même bonhomie, non feinte, et pourtant plus apparente que réelle : la même phi- losophie railleuse, et le même coloris dans le: pin- ceau : enfin la même langue, au même état de naïveté, à la même distance du siècle des grands modèles et de sa fixation définitive. Une citation prise au hasard chez l’un et chez l’autre vous rendra certainement cette ressemblance très sensible. Voici le penseur qui ayant besoin d’une image la vient chercher au milieu des champs, et pour ainsi dire sur le lerrain du Pradel: « Il est ‘ad: venu aux gents vérilablement savants, dit Montaigne, ce qui advienl aux éspis de blés : ils vont s’eslevant, et se haussant la tête droite et fière, tant qu'ils sont . vuides ; mais quand ils sont pleins et grossis de (55 ) ‘ grains en bonne maturité, ils commencent à s’humi- lier et baisser les cornes.» Voici maintenant, comme par un échange convenu, l’agriculteur qui relève d’un apercu philosophique les détails les plus tech- niques de sa profession. Au chapitre de la vigne, Olivier s’interrompt presque dès les premiers mots, et s’écrie tristement : « Ces choses s'accordent à dire que la vigne produit trois grappes : la première de plaisir, la seconde d’ivrognerie , ‘la troisième de tris- tesse et de pleurs.» Cette ressemblance des deux écrivains est poussée même jusqu’à la communauté des défauts : l'abus démesuré de l’érudilion mythologique. Mais dans l’un et dans l’autre, au milieu de l’allusion surannée perce toujours le trait piquant, direct et enjoué. J’ouvre au hasard dans Olivier le chapitre « de la poulaille aquatique et lerrestre en général , » ct je lis : « Les psyens avaieñt en tel honneur le paon, qu’ils le dédiaient anciennement à Juno, leur déesse, laquelle avait son temple en l’île de Samos, abon- dante en cette espèce de volaille, etme semblent ceux- là être de difficile contentement , ou fâchés d’autre chose, qui n’admirent celte espèce d'oiseau. » Ne trouvez-vous pas là les gens moroses et grondeurs, qui ne cherchent qu’un prétexte pour épancher leur bile interne, bien admonestés, en passant, tout-à- fait à la facon de Montaigne. Le livre d'Olivier de Serres devait donc vivre non-seulement comme un recueil de' faits, de pro- cédés, mais comme une suite de tableaux, une vive peinture d’impréssions champêtres, sincérement sen- (56) lies, ingénieusement reproduites. C'est ce qui lui arriva effectivement jusqu’à Louis xiv, où nous le voyons s’éclipser tout d’un coup. La septième édi- tion, la dernière qui fut imprimée à Paris, est datée du règne de Louis xt. On attribue généralement deux causes à cette in- différence soudaine. D'abord la sévérité des édits de Louis xiv contre les protestants, qui aurait traité Olivier en calviniste posthume : mais ce livre ne pouvait faire encourir aucune responsabilité dange- reuse aux imprimeurs , s'ils eussent jugé la réimpres- sion lucrative, et ce motif nous paraît dénué de toute espèce de fondement. On en allégue un second qui, sans paraître concluant, serait infiniment préférable : c’est qu’on élail parvenu à une époque de réaction contre le vieux style gaulois. Les poëtes mêmes du seizième siècle étaient frappés d’une sorte de dis- crédit, et il faut pardonner ce purisme exagéré à ua siècle qui se montrait assez fécond pour se suffire à lui-même : les grandes voix de ce temps méritaient bien que tout fit silence pour les entendre, et l’in- justice commise envers Olivier de Serres prise à ce point de vue serait peu surprenante. Toutefois il me semble qu’à des causes toules littéraires on'en peut joindre d’autres, qui ressortent directement de notre sujet. Sous Louis xv, tous les genres de cultures, même celle de la terre, visaient à une forme de beau classique, idéal, et Laquintinie où Lenôtre devaient tout'naturellement l'emporter sur Olivier. Louis xrv n'aurait assurément pas voulu déplanter les müûriers (57) installés aux Tuileries par son aïeul Henri; mais il élait plus préoccupé de vaincre le sol rebelle de Versailles, d’en faire surgir, par force, l’eau à travers le bronze et le marbre, les arbres, sous le ciseau et l’équerre. Laquintinie, directeur général des jardins royaux , et qui lui-même aussi a laissé des livres recommandables, excellait À tailler les _arbres fruitiers et les arbres d'agrément en sévères lignes de pyramides, de quenouilles ou d’arcades. On lui dut une amélioration particulière dans la pé- pinière française , c’est celle du figuier , dont le fruit, luxe des tables somptueuses , était un objet de prédilection pour le roi. Comparez maintenant les deux cadeaux que Baquintinie et Olivier firent à la France, et vous aurez un emblème tout agricole des deux hommes, des deux princes, et des deux époques. On entrevoit dans ce simple apercu, que l’imagination se plairait aisément à développer, l’ha- bitude d’une certaine splendeur factice qui, passant des pelites choses aux grandes, appartient à un autre tribunal que le nôtre, en ce moment. Olivier de Serres fut donc négligé sous Louis xrv, il fut tout-à-fait oublié sous son successeur. L’en- cyclopédie du dix-huitième siècle ne prête que quel- ques pages éparses de ses innombrables volumes à la science fondamentale de l’agriculture. Sous Vol- taire pas plus que sous Louis xv, l'essor des études sérieusement utiles et consciencieusement populaires ne pouvait être encouragé, et celte renaissance fut ajournée jusqu’au règne infortuné de Louis xvr. L'abbé Rozier, doté par ce prince de l’abbaye de (58) Nanteuil, se trouvait en possession d’une aisance et d’un loisir suffisant pour composer et publier son cours d’agriculture. Dans cet ouvrage; fort estimé dés son apparition, il rendit hommage à son de- vancier méconnu, le cita, le remit au jour et en valeur. Le baron de Secondat, fils de Montesquieu, ne croyait point manquer à son illustre nom en se li- vrant passionnément à l’agriculture, et avait étudié le théâtre d'Olivier de Serres jusqu’au point d’en savoir par cœur, et d’en réciter à ses amis de fort longs passages , afin de leur faire partager son en- thousiasme bordelais. Parmanlier, publiant un mé- moire sur les avantages quê le Languedoc pouvait retirer de ses grains , profita de cette occasion pour retracer un tableau fidèle du mérite et des travaux d'Olivier : quelques écrivains aussi, lui rendant un autre genre d'hommage, le copiérent sans le citer. Un anglais, Arthur Young, célèbre agronome, quit- tail sa patrie pour venir, en disciple pieux, contempler le manoir de Pradel, et rechercher pas à pas les traces vénérées de son ancien possesseur. Enfin, en 1790, l'académie de Montpellier offrit un prix con- sidérable à l’auteur du meilleur éloge d'Olivier de Serres. Ce prix fut remporté par M. Dorthés. Cette daie de 90 nous avertit, Messieurs, que nous touchons à une terrible lacune dans l’histoire des paisibles éludes et des expériences pacifiques. J'ai hâte de franchir avec vous des souvenirs à re- gret éveillés, et de rejoindre les jours où les bases de la société se raffermirent, où les idées d’ordre (59 ) et de véritable progrès reprirent leur cours, sinon leur empire , et à côté de Louis xv et de Henri 1v je dois vous nommer Buonaparte. Non que j'at- tache plus que vous aucune pensée politique à ces rapprochements, mais parce que j'y trouve un spec- tacle rassurant et instructif pour tout ami d’une sim- ple et saine philanthropie. Ce spectacle, c’est celui de cette science des libéralités de la nature, triom- phant des perturbations sociales les plus diverses et les plus violentes: de cette science modeste, at- tirant, éomme la gloire elle-même, le regard des rois ou des conquérants, déjouant les passions, dissipant les préjugés , perçant les nuages, lassant les flots, patiente, sereine, etenfin, el toujours, viclorieuse des victorieux eux-mêmes. Secret providentiel des sciences qui ne procèdent pas de l’ambilion humaine, ce doit être assurément aussi le privilège de l’agro- nomie, et c’est là ce que je me plais à indiquer dans l’humble renommée d'Olivier. Ce mot déjà cité dans la dédicace à Henri 1v : Le roi consiste, quand le champ est labouré , frappa Buonaparte. Le premier consul avait besoin de con- sistance : c’était, au retour‘de l'Egypte et de l'Italie, la seule chose qui lui manquât. Il avait besoin , non pas que Gincinnatus quittât sa charrue, mais que Brutus voulüt bien y retourner. Le travail est un grand moralisateur de l’homme, et par conséquent un grand modérateur des prétentions anarchiques. Il fallait que la population qui ne se rangeait pas sous l’ascendant et la discipline du génie militaire, quittât pourtant les allures turbulentes de la place ( 60 ) publique, et c'est là que le travail des champs offre des avantages qui lui sont particuliers. Aucun autre genre d'industrie n’est également-ami de l'esprit de propriété, l'esprit de propriété engendre l'esprit de justice. Mais ces éléments préalables de tout ordre social ne sont rien encore sans un lien religieux ; ce que n’ignorait pas l'homme prédestiné qui allait r'ou- vrir les églises. Eh bien! aucune profession n’est chrétienne, dans la plus rigoureuse acception de ce mot, autant que la cullure, que l’amélioration natu- relle des produits de la terre. Le laboureur n’attend que du ciel le succès de ses travaux : c’est vers le ciel qu’il lève, avec espérance ou inquiétude, son front baigné de sueurs. Dans les industries mécani- ques l’homme est exploité par l'homme : le génie hu- main semble quelquefois, par la puissance de ses in- vealions, maîtriser les éléments, les substiluer à Dieu, et égaré par l’orgueil du succés, il peut oublier son maître ou tourner contre Dieu même le miracle de ses dons. Aussi la providence semble-t-elle à des- sein placer les plus extrêmes périls dans les plus sur- prenantes découvertes, afin de mêler subitement la lecon du néant à l’enivrement de la jouissance. Dans le travail du laboureur , dans ses plus glorieuses con- quêtes , un tel châtiment n’est pas nécessaire, parce qu’une telle ingralitade n’est pas possible. En con- fiant la semence à la terre, c’est à Dieu qu’il la con- fie; il le suit, il le sent, il le voit; Dieu lui est in- dispensable à chaque heure du jour, à chaque jour de l’année ; le sommet de l’arbre comme la racine, la fleur comme la moisson , rien ne peut se passer de (61) l'assistance de Dieu, et il est incontestable que les populations les plus agricoles de l’Europe sont en même temps les plus religieuses. De telles notions, Messieurs , étaient familières au futur empereur. Un de ces rayonnements de lumiére qu’il distribuait largement autour de lui devait donc infailliblement tomber sur les institulions d’agricul- ture. Des sociétés, porlant ce titre, se formérent de toutes parts, recurent ses encouragements, ses fa- veurs, et, dans ce mouvement général , il trouva un double intérêt à saluer la mémoire d'Olivier de Ser- res : d’abord remettre en circulation un des livres les plus capables de le seconder; ensuile rappeler le pays au culte des souvenirs , au respect des de- vanciers dans le diflicile labeur d'éclairer les peu- ples, respect sans lequel il devient impossible aussi de les conduire. La Société d'Agriculture du département de la Seine prit l'initiative des honneurs rendus à Olivier de Serres. Au mois de septembre 1803, Francois de Neufchâteau prononcça son éloge en séance publique. Il proposait de lui élever un monument sur l’empla- cement de la magnanerie créte jadis par Henri rv à l'extrémité de la terrasse des Feuillants. Ce vœu fut accueilli par l’assemblée, et la régularité actuelle des Tuileries fut sans doute l’obstacle qui en empécha l’accomplissement. Mais M. Caffarelli, Préfet de l'Ardèche, recut l’ordre de faire ériger une co- lonne à Villeneuve de Berg , patrie d'Olivier. L'une des faces de ce monument porte un médail- 6 (62) lon, qui représente la copie fidèle d’un portrait de famille avec ces mots : A Ozivien DE SERRES pu PRADEL LE PREMIER ET LE PLUS UTILE DES ÉCRIVAINS AGRONOMIQUES FRANÇAIS, LES AMIS DE L'AGRICULTURE. Deuxième face. L’AN PREMIER DU RÈGNE DE NAPOLÉON Empereur DES FRANÇAIS TRIOMPHATEUR ET PACIFICATEUR. Troisième face. SOUS LE MINISTÈRE ET PAR LA MUNIFICENCE | DE S. E. M. Arvrome CHAPTAL MINISTRE DE L'INTÉRIEUR. La quatrième face conserve les noms du préfet et de l'ingénieur en chef. Une souscription s’ouvrit ensuite pour subvenir aux frais d’une réimpression intégrale et soigneusement corrigée du Théâtre d'Agriculture. Gette édition est datée de 1805, et la liste des souscripleurs est cu- rieuse à parcourir aujourd’hui par la réunion des noms déjà illustres , ou illustrés depuis aux titres les plus différents : dernier terrain où l’influence salu- taire des goûts laborieux réunissait encore les partis les plus opposés. On y trouve donc, sans aucune qua- lification, Abrial, Firmin Didot, Lainé, Barante, (65) Cossé, d’Humières, Joseph et Lucien Buonaparte, Lafayette, Villéle, Béthune, Delessert, Frochot, . d'Hauterive, Lebrun (consul), Larochefoucault et Pastoret. Notre ville d'Angers ne s’est point laissée omettre sur cette liste, et elle y est représentée, comme elle Va été long-temps au milieu de nous, par M. de Villemorge, Depuis cette époque, ni Olivier de Serres, ni ses doctrines , ni ses exemples, n’ont plus couru le ris- que de périr. Voici donc le terme de la courte tâche que je m'étais imposée ; je dois vous remercier, Mes- sieurs, de m'avoir permis de l’entreprendre devant vous, et lorsque je rendais à mon tour hommage à Vun des bienfaiteurs de la France, je souhaite vive- ment que vous ayez reconnu du moins en moi, à défaut de tout autre titre, le sentiment sincère qui as- socie à toutes les reconnaissances de la patrie. COMPTE-RENDU DE L'EXPOSITION DES BEAUX ARTS UHHeT) DE L'EXPOSITIOIN SÉRICICOLE DE 18/2. Dans sa séance de février 1842, la Société d’Agri- culture, Sciences et Arts a ordonné qu’une exposition (. 64) des beaux arts et une exposition séricicole auraient lieu, sous sa direction, à Angers, au mois d’août suivant. D'après le programme arrêté, la première de ces expositions devait comprendre la peinture , la sculp- ture, la gravure, le dessin, et, en outre la peinture sur verre, sur porcelaine et sur métaux. Une commission a été nommée pour diriger cette exposition. Elle était composée de MM. Planchenault, Bazin, Beraud, Godard, Toussaint Grille, Hawke, Guinoiseau fils, Ferdinand Lachèse, De Senonnes, Mercier, De Nerbonne fils, Victor Pavie, Quelin, De Quatrebarbes et Villers. M. Planchenault a été élu président de la commission ; M. De Senonnes, vice- président , et M. de Nerbonne fils, secrétaire. L’ex- position a été ouverte le 4 août, dans les bâtiments de la préfecture , dont elle a occupé cinq salles. Pour encourager les artistes par l’achat de leurs tableaux, une souscription a été ouverte : elle a pro- duit 1,490 francs. La Société y a contribué en pre- nant pour 50 francs de billets. Un jury a été nommé pour juger le mérite des objels d’art exposés et prononcer sur les prix. Les suffrages ont été recueillis par le scrutin secret. Les conditions de l’exposition séricicole avaient été fixées par un programme ainsi Conçu : SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE ; SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. Industrie séricigène. EXPOSITION DE SOIES GRÈGES. Cette exposition aura lieu à Angers, du 13 au 21 août prochain. ( 65 ) Ne seront admises à l'exposition que des soies pro- venant de vers élevés dans le département de Maine et Loire. Des médailles seront décernées : 1.° Pour les soies de la meilleure et de la plus belle qualité. Les échantillons devront être au moins de 4 éche- veaux ordinaires. À égalité de mérite entre les produits présentés, on aura égard, non seulement à la quan- tité respective de ces mêmes produits, mais à celle des soies de toute espèce que chacun des concurrents aura justifié avoir obtenue de ses vers, depuis le 12 novembre de l’année 1840. La provenance et cette dernière quantité devront êlre constatées par un certificat portant la signature du maire de la commune où les vers auront été élevés; de plus, les signatures de deux membres du conseil municipal de cette commune, qui attesteront, comme le maire ou son remplaçant, les faits énoncés au cer- ficat. 2.° Pour les plantations, pépinières, semis de mü- riers les plus considérables et les mieux cultivés, établis et encore subsistant sur le territoire de ce dé- partement. On aura égard au bon choix des espèces, à la na- ture et l’exposition du sol, tenant compte des diffi- cultés vaincues et de l’utilité des résultats. Le nombre des mûriers plantés à demeure, l’im- porlance des pépinières et semis, devront être certi- fiés de la manière indiquée ci-dessus relativement à la provenance des soies. ( 66 ) 3.0 Pour les magnaneries organisées et dirigées d’après les meilleurs principes, qui auront été établies sur le territoire de ce département et seront encore en exercice. 4.° Aux personnes qui auront mis en usage, dans ce même département, les meilleurs procédés: ou les meilleures machines pour la récolte et le filage des soies, en un mot pour toutes les préparations desti- nées à les rendre propres, soit au tissage, soit à tous autres emplois d’une utilité certaine. Les concurrents pourront envoyer leurs machines à l'exposition ; mais cet envoi, ainsi que le retirement et le retour, seront à leurs frais et risques. En tout cas, les machines ou procédés nouveaux devront êlre ex- pliqués ou décrits dans un mémoire signé par la per- sonne qui réclamera le suffrage de la Société, ou, en son nom, soit par le maire de la commune sur la- quelle l’usage aura lieu, soit par son remplacant. Les faits avancés dans ces mémoires, ainsi que la mise en usage des machines ou procédés, seront certifiés de la même manière que la provenance des soies. 5.0 Suivant les convenances et le mérite des con- currentes, des médailles ou des récompenses pécu- niaires plus ou moins fortes seront accordées aux fi- leuses de soies qui se seront le plus distinguées par la bonté et la quantité de leurs ouvrages faits dans ce département. Ces médailles ou récompenses ne sont applicables qu'aux fileuses ayant leur domicile sur le territoire dudit département, ce dont elles devront justifier par un certificat du maire de leur commune, ou de son remplacant. (67) Des commissaires ad hoc, désignés par la Société, auront tous pouvoirs pour la vérification des faits at- testés, pour visiter les magnaneries, les plantations, elc., enfin recueillir tous renseignements propres à éclairer les personnes chargées d'adjuger les prix et récompenses ; ces personnes seront choisies par Ja Société. L'exposition aura lieu dans les salles du jardin frui- üer, boulevard des Lices. Le public pourra visiter les objets exposés, depuis 6 heures du matin jusqu’à 8 heures du soir, tous les jours pendant la durée de celte exposilion. Une commission, composée de MM. L. Cable de, neau , avocal à la cour royale, rue Saint-Georges ; Hunault, docteur-médecin, rue des Ursules ; Aubin de Nerbonne père, propriétaire, rue Flore, est char- gée de sa direction, Les objets destinés à l'exposition, les certificats, mémoires , elc., devront être arrivés le 12 août, au plus tard. Ils seront adressés, francs de port ei de fac- tage , à M. Audusson, au jardin fruitier de la So- ciété d'Agriculture d'Angers, boulevard des Lices , à Angers, qui les inscrira, en donnera récépissé, et fera parvenir avis de leur arrivée à qui de droit. Pour le retirement desdits objets, etc., on s’adres- sera aux membres de la commission dont il vient d’être parlé : au moment de leur enlèvement, il devra en être donné décharge au dépositaire. Nota. Les exposants sont invités à faire connaître les personnes qui auront filé leur soie, les espèces de müriers dont les feuilles auront servi à l’alimenta- (68 ) tion de leurs vers , enfin toutes les circonstances pro- pres à faire progresser l’industrie séricigène dans le royaume, et, en parliculier, dans ce département. Dans la distribution des médailles, on comprendra non seulement les propriétaires des magnaneries , plantations et autres établissements remarquables, mais aussi, parmi les fermiers et parmi les direc-— teurs ou autres employés de ces établissements, ceux qui auraient mérité ces récompenses. De simples mentions honorables seront accordées aux personnes qui seront jugées en être dignes sans ayoir droit aux récompenses supérieures. L'exposition a offert un grand nombre de pro- duits filés et d’autres objets intéressants. Un jury, composé de MM. de Beauregard, prési- dent ; Millet; Pavie père; Moreau -Fresneau ; de Nerbonne père; Hunault; Genest; Huttemin; Le- breton aîné ; Chanlouineau, secrt aire et rapporteur, a prononcé sur les objets soumis au concours. . Le 4 décembre 1842, la distribution des prix a eu lieu à l’hôtel de la préfecture pour les deux exposi- tions devant une assemblée nombreuse et brillante. La séance a été présidée par M. de Beauregard, président de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts, ayant à sa droite M. Bellon, préfet de Maine et Loire, président honoraire. Il a fait connaître l’objet de la réunion en prononçant l’allocution suivante: « Messieurs, » Un appel a été fait aux beaux-arts, ils ont apporté (6) leurs tributs qui sont venus enrichir la brillante ex- position dont nous garderons long-temps le souvenir. Pouvions-nous ne pas espérer ce succès, dans un pays qui s’est toujours montré aussi favorable aux inspirations de l'imagination qu’aux méditations de l'esprit. » Lorsque les lumières de la civilisation vinrent dissiper les ténèbres qui, aprés la chute de l'empire romain, couvrirent l’Europe pendant plusieurs siè- cles , c’est sur nos contrées que ses premières lueurs apparurent. L'Université d'Angers se forma dans ces temps reculés ; elle put rivaliser d’ancienneté avec les plus célebres, avec celles de Paris, d'Oxford et de Bologne. Elle jeta un grand éclat et acquit une juste renommée. » Les arts sont fréres des sciences et les accompa- gnent. On les vit briller en même temps sur l’Anjou. On doit attribuer cet heureux concours au caractère des habitants , à l'influence du climat; mais ne peut- on pas trouver une autre cause, dans les nombreuses expéditions que conduisirent les Angevins en lialie, pour soulenir les prétentions de leurs ducs à la cou- ronne de Naples et de Sicile? Sur cette terre clas- sique des beaux-arts, ils puisérent des goûts, des habitudes qu’ils rapportèrent dans leur patrie. À la tête des artistes qui parurent avec le plus d’éclat, vient se placer un nom qui n’est prononcé qu'avec vénération : le Roi René. On remarque dans ses ou- vrages une pureté de dessin, une élégance de compo- silion qui étonnent quand on considère en quel temps il a vécu; c’est au quinzième siècle. À cette époque (70 ) l'art était dans l’enfance, Jean de Bruges venait d’in- venter la peinture à l’huile ; le royal artiste fut son élève. » René ne put transmettre à sa postérité son duché d'Anjou qui fut réuni au domaine dela couronne ; mais par l'effet de l’heureuse destinée de cette pro- vince, elle trouva dans ses princes apanagistes des amis , des protecteurs des beaux-arts qui entretinrent le feu sacré. Louis XI qui s'était emparé du duché d’Anjou en investit Charles, son fils. Ge jeune prince, devenu roi, porta ses armes en Italie, comme les ducs d’Anjou ses devanciers, et y puisa les mêmes inspirations. :» Francois [*, justement honoré du titre de restau rateur des beaux-aris et des lettres , conféra le même duché à Louise de Savoie, sa mère, qui habita le château d'Angers, dont elle faisait sa résidence de prédilection. François 1 venait l’y visiter, il était accompagné d'artistes , de litlérateurs dont il se plai- sait à s’entourer. » Cet amour des beaux-arts, quianima les Angevins dans des temps anciens ; s’est retrouvé à toutes les époques. Lorsque les chefs-lieux de départements fu- rent appelés à fonder des musées, Angers fut un des premiers à former sa collection, qui mérita bientôt d’être citée comme une des plus belles de France. Les expositions périodiques des œuvres des artistes vivants ont été pendant Jong-temps le privilège exclusif de la capitale. Angers a entrepris de lutter contre cette centralisation des arts, il a fait un appel aux artistes , et a eu aussi son exposition. Cet exemple donné, il (71 ) y a peu d'années, a eu des imitateurs: plusieurs villes des départements de l'Ouest se sont empressées de le suivre. » Gette heureuse impulsion ne s’est pas arrêtée; le concours qui a signalé l’année 1842 a comblé nos espérances. Nous y avons vu des talents de divers pays venir y disputer les palmes de la victoire. Ces luttes engagées dans les provinces ont des avantages incontestables : elles propagent le goût des arts, elles excitent l’émulation et révèlent des talents qui pour être appréciés n’oni souvent besoin que d’être connus, » Une exposition moins brillante, mais évalement digne de votre intérêt, a fixé l’attention publique, je veux parler de l’exposition séricicole. Cette indus- trie ne se présente pas dans notre contrée comme une étrangère qui demande des lettres de naturalisation ; son: origine y est ancienne. On sait que c’est à Louis XI qu’est due l’introduction en France de la fabrication des étoffes de soie. Ce monarque, dont le caractère bizarre alliait la cruauté et souvent la per- fidie à de grandes vues d'économie politique, fit ve- nir d'Italie d’habiles ouvriers et fonda la première fabrique de ce précieux tissu à Tours, près du chä- teau du Plessis, où il faisait sa résidence habituelle. Il encouragea les plantations de müûrier, qui bientôt couvrirent de vastes terrains en Touraine et en Anjou. Les habitants se livrèrent à l’éducalion des vers à soie ; leurs efforts furent couronnés de succès et fi- rent naître pour le pays une nouvelle source-de pros- périté. Cette industrie se maintint avec avantage pen- dant plus de trois siècles; mais elle fui arrêtée par la (72) tourmente révolutionnaire qui ébranla tant de-posi- tions et renversa tant d'entreprises utiles! Abandonnée pendant plusieurs années, elle se relève avec une nouvelle vigueur : les produits qu’elle a présentés à la dernière exposition en fournissent une preuve écla- tante. » L’encouragement donné à l’industrie séricicole est un acte de patriotisme : la production de la soie en France ne suffit pas pour alimenter ses fabriques, il faut qu’elle en tire chaque année des états voisins pour plus de trente millions de francs. Travaillons à nous affranchir de cet humiliant tribut payé à l’étran- ger. Les conquêtes de l'intelligence ont aussi leur gloire comme celles des armes , et présentent au bout de la carrière des palmes non moins honorables.» Après ce discours, M. de Nerbonne fils, secré- taire de la commission des beaux-arts, a fait entendre son rapport (*) et a proclamé les noms des vain- queurs dont la liste et le classement sont ainsi conçus: PREMIÈRE CATÉGORIE. HISTOIRE ET GENRE. MM. Jacquand. Méduilles de vermeil. Lheullier. Appert. (*) Ce rapport, dont l'impression se trouve retardée, paraîtra en lête de la prochaine livraison. (73 ) MM. Mercier. Bardou. Savouré. Médailles d'argent. Boulanger. Colin. Menard. M.'e De Châteauneuf. MM. Doutreleau. Cathelineau. Gourdet. Lebiez. Pingret. Gué. Mentions honorables. DEUXIÈME CATÉGORIE. PAYSAGE, INTÉRIEURS, MARINE, ANIMAUX, NATURE MORTE, PASTEL, AQUARELLE, GOUACHE, DESSIN, GRAVURE. MM. Borget. Médailles de vermeil. Trouville. MM. Hawke. Meyer. Médailles d'argent. Aligny. Robert. Huet. (4) M De Chantereine. MM. Lapito. ! Ponceau Mentions honorables, F ++ F 4 MM. Lesourd-Delisle. De Gernon. Loubon. TROISIÈME CATÉGORIE. PORTRAIT. Médaille de vermeil.. M. Sotlta. M. Lebiez. Médaille d'argent. M"° Giraud Paran. QUATRIÈME CATÉGORIE. SCULPTURE. Médaille de vermeil. MM. Dantan. Médaille d'argent. Walter. Mention honorable. Saget. CINQUIÈME CATÉGORIE. DESSIN OÙ LAVIS ARCHITECTURAL. Médaille d'argent. MM. Chesneau. k Mention honorable. Dainville. SIXIÈME CATÉGORIE. VITRAUX. Médaille d'argent. M. Fialeix, du Mans. (75 ) La parole a ensuite été donnée à M. Chanlouineau, secrélaire de la commission séricicole, qui a présenté son rapport et donné lecture de la liste des concur- rents que le jury a jugés dignes d'obtenir des prix : Médailles de vermeil. (Une par numéro.) «.1.° À M.me la comtesse Walsh de Serrant et M. Suaudeau père, de Saint-Georges-sur-Loire, pour la beauté , le nerf, l'élasticité, l’homogénéité de cou- leur, etc., la finesse et les autres qualités distinguées de leurs soies blanche et jaune , produites dans leur établissement situé à la Haute-Lande, près le bourg de Saint-Georges, où elles ont été filées par Sophie Houdebine et Manette Gaudin , demeurant en ce même bourg. » 2.° Aux mêmes personnes, à raison de leur ma- gnanerie, placée en superbe position, commodé- ment distribuée, munie de l'appareil d’Arcet avec tous ses accessoires, et du nouvel appareil à tarare, au moyen duquel, par un courant d’air chaud, l’on fait périr les chrysalides, en les desséchant plutôt qu’en les asphyxiant ou étouffant ; accompagnée d’une filature ayant huit bassines alimentées par un généra- teur, ou chaudière chauffée à la vapeur, filature d’ailleurs pourvue de toutes les mécaniques, de tous les ustensiles recommandés par les hommes les plus compétanis en malière d'industrie séricigène, et qu’a sanclionnés l'expérience. Une partie de ces machines et ustensiles ont été notablement perfectionnés par M. Suaudeau père, directeur de tout l'établissement. Son (76 ) zèle et sa sagacilé sont fort bien secondés par M.me Suaudeau. » 8.° À M.me Dubreil, d'Angers, pour ses soies blanche et jaune, présentant les qualités dont nous avons parlé relativement à celles exposées par M.me de Serrant et M. Suaudeau père, filées par la femme Guet, de Juigné-sur-Loire, suivant l’ancienne mé- thode perfectionnée, et provenant d’une éducation faite par M.me Dubreil, à sa propriété de Damiette, commune d'Angers , chemin de Sainte-Gemmes-sur- Loire. » Nota. Les soies de M.me de Serrant et de M. Suaudeau , et celles de M.me Dubreil, avaient été jugées dignes , les pre- mières d’une médaille de vermeil, les secondes d’une médaille d’argent , à la précédente exposition. » 4. À M.me la marquise de la Roche-Quairie, pour le beau reflet, la finesse, la force et les autres qualités trés distinguées de ses soies jaune et blan- che , produites dans son établissement provisoire de la Baronnerie, commune de Saint-Silvain, eanton nord-est d'Angers, mais filées hors du département. » IVota. La Societé d'Agriculture, Sciences et Arts ,-a déjà ou l'occasion de mentionner honorablement M.me de la Roche-Quai- rie pour la bonne direction de la plupart de celles deses pépinières et plantations d'excellentes espèces diverses de mûriers , qui sont établies sur ses fermes de la Grande-Fontaine et de la Petite- Barre, commune de Villevêque, canton nord-est d'Angers. L’éten- due de la totalité des terrains qu’occupent lesdites pépinières et plantations, est d'environ 46 hectares. M.me de la Roche- Quairie possède, en outre, quelques pépinières et plantations à de- meure , auprès de la Baronnerie. Médailles d'Argent. (Une par numéro.) 1.0 À M.me Malécot, de Blaison, canton des Ponts- de-Cé, pour soies blanche el jaune, provenant d'une (77) éducation par elle faite au bourg de Blaison , avec des feuilles de vieux et gros müriers blancs, plantés au- près de ce même bourg , lesdites snies filées par la femme Guet , déjà nommée. » 2.9 À M! Legrand , propriétaire à Touchebœuf, commune de Blaison , pour soies jaunes, simple et double, provenant d’une éducation faite par cette demoiselle audit lieu de Touchebœuf, avec des feuilles de mdriers blancs et rouges plantés sur le do- maine du même nom, lesdites soies filées par la femme Guet , déjà nommée. » 8.° À M. Lemoigne, propriétaire et percepteur, pour soie jaune filée au tour Suaudeau , par Sophie Beugnet, demeurant chez lui, à Courbelte, commune d’Alonnes, arrondissement et canton nord-est de Saumur, et dont l'apprentissage s’est fait dars l’éta- blissement recommandable de M. le baron de Chassi- . ron, situé à Beauregard, commune de Nuaïlé, canton de Courson , arrondissement de la Rochelle, dépar- tement de la Charente-[nférieure. L'éducation de la- quelle est provenue cette soie s’est Ress audit lieu de Courbette, avec des feuilles de müriers sauva- geons. Elle a diré 27 jours ; EE de 1841 n’en avait duré que 24. » 4° À M.me Fillon, de ThéVarée , arrondisse- ment d'Angers , pour soies blanche et jaune simples, provenant d’une éducation qu’elle a faite avec les feuilles de 150 müriers blancs appartenant à M. de Cambourg , et plantés sur les communes de Thouarcé et de Faveraye, contiguës, et loutes lés deux du can- ton de Thouarcé , lesdites soies filées par la femme 7 (78) Guet, déjà nommée plusieurs fois, et Francoise Fil- lon, fille de ladite dame Fillon, âgée de 15 ans. » 5.° À M.me Marie-Victoire Meusnier, épouse de de M. Louis-Honoré Borien, boulanger, domiciliée commune de Saint-Clément-des-Levées, canton nord- ouest de Saumur, pour soies jaune et blanche, pro- venant d’une éducalion faite, et qui ont été filées par elle-même. « Nota. Une récompense honorifique avait été décernée à cette dame après la première exposition, pour soies récoltées sur la commune de Varennes-sous-Montsoreau , canton nord- est de Saumur. » 6° À M.me Louise Destrieux, épouse de M. Pierre Piau , de Beaufort-en-Vallée, arrondissement de Baugé, pour soies jaune et blanche, filées, et pro- venant d’une éducation faite par elle-même. . » 7. À M.me Marie Savary, épouse de M. Louis Landry, menuisier à Longué, aussi arrondissement de Baugé, pour causes semblables. » Nota. Cette dame avait obtenu , a la précédente exposition, une récompense pour filage. .» 8.° À M. de Beauvoys, médecin, commune de Seiches, même arrondissement , pour une inyention et fabrication d’un atelier qui peut être confectionné par tout homme tant soil peu adroit et intelligent, qui n’est guère coûteux, qui est facile à transporter, monter êt démonter, où il a mis en usage, pour les délitements et dédoublements, les cannevas roulants sur cylindres et les filets. « Nota. M. de Beauvoys a adapté à cet atelier un appareil aussi simple qu’ingénieux ; à l’aide duquel une personne seule élève ou abaisse les filets maintenus dans une position horizon- tale , soit isolément , soit simultanément en tel nombre qu'il lui ( 79 ) plait. Un cyl'ndre ou rouleau de bois , placé parallèlement à la longueur de l’atelier, qu’il dépasse un peu, une manivelle aussi en bois, quelques tiges, pitons et fils de fer, quelques ficelles font tout les frais de cet appareil. » 9.° A M. le marquis de Colbert-Maulévrier, pour ses plantations et pépinières de müriers d’espèces di- .verses, occupant aux environs de son château de Maulévrier, canton de Cholet, arrondissement de Beaupreau, 8 à 4 hectares de lerrains tous granitiques, mais différant beaucoup par leur qualité, leur pro- fondeur, leur élévation, leur exposition, les objets qui les avoisinent et peuvent avoir influence sur la végétation , en sorte que ces plantations et pépinières présentent une ample carrière aux observalions , et remplissent une grande partie des conditions d’un essai. et : NA « Nota. M. le marquis a une magnanerie provisoire , dont les produits sont filés par deux personnes qui ont fait leur appren- tissage à ses frais. RÉCOMPENSES PÉCUNIAIRES, » 1.° À la femme Guet, demeurant à Juigné-sur- Loire, canton des Ponts-de-Cé, 35 fr. - » 2.0 À Manette Gaudin, demeurant à S.t-Georges- sur-Loire , 25 fr. | » 3° À Sophie Houdebine, demeurant à Saint- Georges-sur-Loire , 25 fr. » 4.° À Sophie Beugnet, demeurant commune d’A- lonnes , 20 fr. k » 5.0 À Françoise Fillon, demeurant à Thouar- cé, 10 fr. » Pour leur habileté et leur application au filage de la soie. » Nota. La femme Guet avait obtenu récompense, à la pré- cédente exposition , comme habile fileuse. » ( 80 ) RAPPORT Fait à la Société Royale d Agriculture, res et Arts d'Angers SUR UNE EXPOSITION DE LAINES NOUVELLES, etsur L'INTRODUCTION DE NOUVELLES RACES OVINES DANS LE DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE ; par Le docteur Suuauft, rappotteuv, MessrŒurs , Membre de la commission de votre dernière expo- sition séricicole, et particulièrement coupable d'y avoir accueilli une espèce et une nature de produits, qui, bien que n'ayant pas été mentionnés au pro- gramme, ne nous en ont pas moins paru avoir pour nous, au,point de vue de nos travaux et des intérêts agricoles de nos contrées, une importance capitale et réelle, nous avons tout naturellement dû rester chargé du rapport concernant les produits en ques- tion. À Cette exhibition toute gratuite et toute spéciale, consiste donc ainsi que vous en pourrez juger par (81) les échantillons mis ici sous vos yeux, dans six arti- cles distinets présentant plusieurs sortes de laines ob- tenues par l'élève et le croisement de diverses races ovines laut indigènes qu’étrangères , aux différents degrés de croisement et d'extraction ci-après indi- qués. Ces essais, et ces résultats si intéressants pour notre pays, ont été obtenus et tentés par M. Lemercier-Lamonneraye, sur ses propriétés de S.1- Clément-de-la-Place, avec des individus et des éta+ lons provenant du bel et florissant établissement pas- toral de la Charmoise, près Pontlevoy, département de Loir et Cher; établissement fondé et dirigé depuis plusieurs anuées par M. Malingié-Nouël. A’ voir l’exiguité apparente de ces produits, et à ue considérer que superficiellement leur valeur el leur qualité relatives , ces objets ont pu paraître au premier aperçu, et à des personnes peu iniliées d’ail- leurs aux grandes questions qui s’y rattachent, des choses de peu d'importance sans doute , et d’un mé- rite plus que secoudaire ; mais lorsqu’on songe que la production des laines , comme matière première si utile et si indispensable à nos principales industries ; et avec elle la multiplication et la régénération de la race ovine, impliquent à la fois et tout ensemble, l’immense et triple problème de l’économie agricole, de l’économie industrielle , et de l’économie sociale elle-même ; on s'explique parfaitement alors, tous les efforts et tous les sacrifices faits et tentés depuis plus d'un demi-siècle, par les gouvernements, par les agrouomes , et par les économistes les plus éminents et les plus éclairés, soit de la France , soit de l’é- iranger, ? (82) Nous ne vous rappelerons point ici, Messieurs, les heureux et admirables résultats, dus, vers la fin du siècle dernier , au génie si observateur et si persévé- rant de Bakewel, quant à l’amélioration et au déve- loppement de ées races d'animaux agricoles ét do- mestiques ; et particulièrement en ce lieu, quant à l’objet qui nous occupe, sur la race ovine de Ley- cestershire ; appelée Dishley , si remarquable d’ail- leurs sous le rapport de la conformation et de la fa- culté d’engraisser bien et promptement, sinon sous le rapport de la supériorité de la toison ; améliora- tions et résultats continués ef dépassés depuis , et en ce moment, par sir Richard Goord, le Bakewel du Kent, sur la race ovine dite New-Kent , que pen- dant plus de cinquante ans ainsi qu’on l’a dit si heu- reusement , il a pour ainsi dire travaillée et pétrie; et par lord Westeru, au moyen du croisement des deux races Dishley et New-Kent, avec la race mé- rine : de son côlé M. de Mortemart en France signa- lait , il y a environ quatorze aus , le double avanta- ge d’uue laine du prix et d’une conformation par- faits, déjà obtenue par lui et à laide des mêmes moyens , sur les troupeaux qui peuplent depuis si long-temps ses belles et vastes propriétés du Berry. Nous vous redirons encore moins, ce que chacun de vous doit avoir si présent à la mémoire, tous les essais tentés, et tous les sacrifices successivement faits aussi par lempire et par la restauration, pour Ta multiplication , lacchimatement , et l'amélioration en France, des races de moutons mérinos d'Espa- gne , destinées à affrauchir, où tout au moins à aflé- (83 ) ger la France, de l’onéreux tribut qu’elle paie en- core en partie à l’étranger ; expériences qui , il faut pourtant bien l’avouer ici, sont encore fort loin d’a- voir atteint le but qu’on se proposait alors. Aussi de nouvelles tentatives ont-elles été faites de toutes parts et depuis quelques années surtout, tant pour résoudre une partie du problème en question, que pour soutenir la concurrence et répondre à des be- soins toujours croissants. La plupart de ces choses ont particulièrement élé expérimentées à l’école royale et vétérinaire d’Alfort, par les soins et sous la direc- tion de M. Yvart, chef de cet établissement et l’un des hommes les plus compétents ; et cependant tou- tes ces expériences n’y ont encore abouli qu’à des résultats si onéreux el si peu concluants, que tout na- guère on s’est trouvé dans la nécessité, pour assurer la conservation et la prospérité de ces troupeaux de choix et d'élite, si intéressants et si précieux, de les fairé émigrer vers un point de la France , aussi iden- tique et aussi rapproché que possible de son climat originel, c’est-à-dire, jusqu’à Montreuil-sur-Mer près les côtes de la Manche , précisémeni en face de l'Angleterre et du comté de Kent son véritable sol nalal. $ C’est donc la question ainsi posée, el posée tout à Ja fois d’une manière aussi complexe, dans tout son ensemble et dans toutes ses parties, que M. Malingié s’est efforcé de résoudre , et on peut dire qu’il la fait avec succès, et dés les premiers pas, l’établisse- ment pastoral de la Charmoise , dalant de cinq à six années. Les avantages qu'il en a déjà recueillis, ont (8) été obtenus par le croisement de la race New-Kent- Goord , pur sang, avec nos races indigènes-sologno- tes et mérines de diverses espèces : et sans entrer ici dans le détail des opérations et des expériènces prati- quées et suivies par cet habile agronome , nous al- lons nous bornér à traduire en chiffres, comme beau- coup plus concluants et beaucoup plus significatifs, les principaux résultats comparatifs qu’il'a obtenus de de la sorte. Ainsi au lieu de 1 à 2kilogrammes de toisons telles que le produisent nos moutons indigènes , M. Ma- lingié-Nouël a obtenu des extraits donnant 2 et 3 ki- logrammes de laine de qualité supérieure etmoyenne, entre les laines à carde et les laines à peigne ; qualités que du reste on peut aussi modifier, pour ainsi dire , à volonté , par des croisements successifs et plus ou moins multipliés. Ces laines un les a vendues ensuin, 1 fr. 25 cent. et plus, tandis que nos laines ordinaires valent à peine 80 centimes. Voilà pour les produits lanigères bruts. Quant aux résultats obtenus sous le rapport des proportions et des chairs, ils sont à peu prés du double comparés aux produits que donnent nos moutons du pays; puisqu’au bout de deux ans ; ces belles races ainsi améliorées et croisées , qui s’en- graissent , d’autre part, avec tant de succés et de fa- cilité , pésent depuis 35 jusqu’à 45 kilogrammes, lan- disque nos moutons ne vont guère au-delà de 15, 20 et 25 kilogrammeés au plus; les premiers se vendent 35, 40 et 45 fr., tandis queles seconds valent à peine 12, 15 et 20 fr. au plus, surnos marchés. M. Lamonne- raye nous a même cité un bélier d’un an, de.race kento-mérinos , qui pesait déjà plus de 40 kilogr. (85) En résumé : 1° sous le rapport de l’économie agri- cole, les zélés et laborieux agronomes que nous venons de citer, ont su trouver et indiquer a l’agri- culture française, un nouveau mode et procédé d’assolement , dit pastoral, qui convenablement ap- proprié à certaines natures et conditions du sol, et rendu tout à la fois et plus accessible, et d’une exécu- ton ‘pratique plus simple et plus facile pour tous; est appelé à produire ensemble , une quantité beaucoup plus considérable de fourrages, de bétail, et par con- séquent d'engrais ; ainsi qu’à ramener et à fixer dans nos campagnes , el dans toutes nos localités et insti- tutions agricoles, une foule d'hommes utiles et ca- pables qui tendaient à s’en éloigner de plus en plus ; 2° sous le rapport de l’économie industrielle et com- merciale , et à l’aide des modifications agricoles pré- _cédemment indiquées, on a trouvé le moyen de sa- üsfaire aux besoins toujours croissants du commerce en obtenant des laines à peigne plus belles et plus fines encore que cellés dontnous étions menacés d’être pour long-temps éncore tributaires de l'étranger 8° enfin sous le rapport de l'économie sociale et du bien-être des classes pauvres et laborieuses , on a ainsi résolu en grande partie, l'une des principales difficultés de la question des subsistances en offrant les moyens de produire soit une plus grande quantité de bétail de consommation, soit même à nombre de têtes égal, une amélioration de plus du double en poids , et en qualité une amélioration beaucoup plus sensible encore ; le tout sans porter atteinte au pré- judice quelconque , bien au contraire , à agriculture (86) nationale, au profit de l’agriculture et du commerce de l’étranger. Du reste, comme nous craindrions avec raison, de ne vous avoir donné ici qu’une idée fort impar- faite et fort incomplète et de l’établissement et des innovations agricoles de M. Malingié-Nouël, nous vous renverrons pour plus de détails, et pour toutes les spécialités relatives. à ces améliorations, à ces véritables bienfaits, à ces utiles et pacifiques con- quêtes de l’industrie agricole de nos contrées, soit à l’établissement lui-même, soit aux ouvrages et comptes-rendus communiqués chaque année à la Société royale d'Agriculture de Blois, et publiés par M. Malingié-Nouël. -Indépendamment de ce que les bornes de ce tra- vail nous imposaient d’obstacles et d’obligalions , notre intention a dà être ensuite de ménager un sujet qui ne peut manquer d’être traité ainsi qu’il mérite de l’être, par le Congrès scientifique appelé à se réunir dans notre ville en septembre prochain, si ainsi que nous avons lieu de l’espérer et qu'il ne peut manquer d'y être convié, M. Malingié-Nouël veut bien venir partager nos travaux. Tel est du moins le but que nous nous sommes proposé en posant au pro- gramme quelques-unes des questions qui le con- cernent. En attendant, nous vous proposerons donc, Mes- sieurs, d'ajouter et nos encouragements et nos faibles éloges à ceux déjà accordés à un agronome aussi dis- tingué par le gouvernement lui-même , ainsi que par un grand nombre de sociétés agronomiques et de (787 ) corps savants tant nationaux qu’étrangers. Ces en- couragements , Messieurs, ne les devons-nous pas d’ailleurs, nous Société royale d'Agriculture , à tous ceux qui s'efforcent avant tout de répandre et de propager les choses bonnes et utiles , ainsi que celles dont nous venons d’avoir l'honneur de vous entre- tenir? Et par conséquent et plus en particulier en- core, à M. Lemercier-Lamonneraye, notre compa- triole et noire collègue, qui non-seulement et des premiers, a introduit chez nous celte source nouvelle de richesse et de prospérité publique, mais qui de plus a bien voulu nous en offrir, et nous donner l’occasion d’en exposer les premiers et les plus heu- reux prémices, fails et procédés qui méritent à tant de titres divers d’être honorablement et officiellement mentionnés dans vos annales. SIX VARIÉTÉS DE LAINES présentées par M. de LAMowerAxE, propriétaire à Angers. N° 1. Laine de brebis demi-sang, New-Kent méri- nos et de brebis demi-sang vendéenne. N° 2. Laine de brebis demi-sang New-Kent Goord et demi-sang mérinos ; de trois brebis. N° 8. Laine de brebis vendéenne. N° 4. Laine d’agnelle de quatre mois; 23 sang New-Kent Goord et 173 sang mérinos. N° 5. Laine d’un agneau anglais; New-Kent Goord, pur-sang , âgé de quatre mois. (88 ) N° 6. Laine d’agnelle de trois mois ; 273 sang New- Kent mérinos et 173 sang vendéenne. NOTA. N° 1. Produit que j'ai obtenu d’un bélier de même race que les brebis n° 2, et des brebis de Vendée ne 5. No 2, J'ai ces brebis depuis deux ans, j’en suis parfaitement content. N° %. Second croisement avec le n° 1 et le bélier pareil au n°2. Ne 5. Bélier que j'ai depuis neuf mois, et qui a parfaitement réussi jusqu'à ce jour, quoique l’année ait été très humide, il n’a pas souffert du tout : ainsi que l’agnelle du n°6 ; et la France étant moins humide que l'Angleterre, l'espèce pure s’v portera mieux, surtout dans la partie que nous habitons. La laine de cette espèce aura 20 centimètres obtenue sur un anunal d’un an “ 4 il ee es Len RRRRRRERENREUR , Den M ER ES Lo, 24 SR) D Re cf M € D FE à se fe fe GE f * À À v Sr S wù wr À < 2 PSS Ses F RE re à de Es CE Bt es : & ES AA RIM æéme 128 8 DE LA SOCIÉTÉ \ LE 1 d'Agriculture, Getences et Arts D’ANGERS. SAGESSE - se Volume. — 6° Livraison. ANGERS. IMPRIMÉRIE DE COSNIER ET LACHÈSE. . 1845. … ? LS eut (254) NOTICE SUR L’'HOTEL VULGAIREMENT NOMMÉ LE PALAIS DES DUCS D’ANJOU ; RUE HAUTE DU FIGUIER, A ANGERS, Pan M. DE BEAUREGARD. Lue à la séance du 9 janvier 1816. Dans la rue haute du Figuier, à Angors, existe un hôtel, qui par l'élégance de sa construction, ainsi que par la richesse de ses sculptures, est l’objet de l’at- tention ou plutôt de l’admiration publique. Il est généralement connu sous le nom d’hôtel d’ Anjou. Ici ce ne sont plus les ogives, les rinceaux du moyen âge qui s’y rencontrent. Les cinq ordres du style grec commencent à s’y montrer; mais environnés d’ara- besques, de guirlandes, d'oiseaux fantastiques, de têtes de bélier, qui donnent à cet édifice tous les ca- ractères de la brillante architecture de la Renaissance. Des salamandres sculptées sur les poutres qui décorent les salles de l’intérieur, en fixent la date au temps de François I*. Quelle a été l’origine et la destination de ce char- mant édifice? Les auteurs qui ont décrit les monu- ments de l’Anjou, manquant de données certaines à l'égard de celui-ci , ont présenté diverses conjeclures, I (252,3 Péan de la Thuilerie, dans sa description de la ville d'Angers, s exprime ainsi : « L'hôtel d’ Anjou est celui » qui fait le coin de la rue basse du Figuier, il est bâti » en forme d’équerre et en pierres de taille, sur plu- » sieurs desquelles sont les clefs et les armes de la » ville, ce qui le rend, quoique gothique, un des beaux » morceaux d'architecture qu’il y ait dans ce genre à » Angers. On croit que ce sont les ducs d'Anjou qui » l’ont fait construire pour y loger et pour servir » d'hôtel de ville. C’est tout ce que nous pouvons dire, » parce que nos annalistes ont négligé d’en faire men- » tion, ainsi que des autres hôtels. » Cette opinion, évidemment erronée, tient de l’igno- rance où l’on était alors de la science architectonique. On croit, dit Péan de la Thuilerie , que ce sont les ducs d’ Anjou qui ont fait bâtir cet hôtel pour y loger. Mais quels seraient donc ces ducs d'Anjou? René a été le dernier duc régnant; or il est évident, à la seule inspection de l’hôtel de la rue haute du Figuier, qu’il est postérieur à la réunion de l’Anjou au domaine de la couronne. Il n’aurait pu être construit par des princes apanagisies, puisqu'on sait que, depuis l’épo- que de la Renaissance, aucun n’a résidé ni manifesté l'intention de résider à Angers. On n’admettra pas davantage que cet édifice ait servi d’hôtel de ville, puisque nos institutions municipales remontent. à Louis XI, et que c’est sous le règne de Charles VII, son fils, que fut construit l’hôtel de ville qui a cons- tamment conservé sa destination jusqu’en l’année 1819, qu’il fut cédé à la cour royale pour y établir son palais de justice. ( 253:) Passons maintenant à l'opinion de Bodin. « Il faut » voir, dit-il, la chambre des comptes, qui forme un » des angles de la rue haute du Figuier, à Angers et » qu’on nomme actuellement l’hôtel d'Anjou. Il est à » peu près du même temps que la chapelle du château » de la Bourgonnière. Ces deux monuments inconnus » du public, méritent de fixer l’attention des amateurs » des beaux arts, on y remarque des frises, des orne- » ments arabesques d’un très bon goût et d’une belle » exécution. » Bodin , sans donner les motifs de son opinion, fait de ce bâtiment le siége de la chambre des comptes. L'opinion, ordinairement si sûre de ce savant histo- rien, ne me paraît pas admissible sur-ce point. La chambre des comptes n’a pas survécu au règne du roi René, elle à disparu lors de la réunion de l’Anjou au domaine de la couronne. Si l’on consulte l’ancien ré- pertoire universel de jurisprudence , Vo Chambre des comptes, on y lit : « avant l’année 1566, il y avait, »outre la chambre des comptes de Paris, celles de Di- » jou, de Grenoble, d’Aix , de Nantes, de Montpellier » et de Blois. Elles furent toutes supprimées par l’or- » donnance de Moulins de 1556, et la chambre des » comptes. de Paris demeura seule chambre des . » comptes du royaume. Un édit du mois d’août 1558, » les rétablit. Trois autres y furent ajoutées, celles de » Roven, de Pau et de Metz. ILest donc bien certain qu'il n'existait pas de cham- bre des comptes à Angers, à l’époque où l'hôtel de la rue du Figuier fut construit. M. Godard n’a point accepté l'opinion de Bodin, il (254) s'exprime ainsi dans son ouvrage sur l’Anjou et ses monuments : « On a prétendu que l’hôtel de la rue haute du Fi- » guier, était l’ancien hôtel de la chambre des comp- » les; mais il nous paraît constant que cétte chambre » eut sa résidence au château, et qu’elle cessa d'exister » avec René, c’est-à-dire, près d’un demi-siècle avant » Ja construction de l’hôtel de la rue haute du Fi- » guier, appelé l’hôtel d'Anjou, sans doute, parce » qu’on y voyait autrefois les armes de la ville. Toute- » fois nous croyons, d’après le témoignage du savant » M. Grille, que cet hôtel a été bâti par l’ancienne fa- » mille municipale de Pincé, qui a donné plusieurs » maires à Angers, dans l'intervalle de 1494 à 1559, » lesquelles sans doute, en raison de leur qualité, aü- » ront fait placer sur leurs mursles armes de la ville. » M. Gôdard n’a avancé que sous la forme de conjec- ture, qu'il croyait que l'hôtel de la rue haute du. Figuier a été bâti par la famille municipale de Pincé, faute de preuves , il n’a osé l’aflirmer. Mais depuis, un ‘ document qui n’avait pas encore été recueilli, semble conduire à la certitude. IL y. a peu de jours, je suis allé visiter de nouveau cet intéressant édifice. En contemplant la voûte d’un vestibule qui précède la cage d'escalier, jai remarqué à l'extrémité d’un des pendentifs, un écusson de forme arrondie, d’environ 60 centimètres de tour, au centre est une étoile à six pointes, environnée de trois mér- lettes. Je me suis empressé de consuller l’armorial des maires d'Angers, et je me suis assuré que cet écUsson ést exactement celui de la famille de Pincé. f, (255) Placé dans un lieu peu apparent, il a échappé à l’effervescence populaire, qui à l’époque orageuse de 1795, détruisit les signes nobiliaires qui avaient é1é sculptés sur la facade de l'édifice. La famille de Pincé a donné plusieurs maires à An- sers , précisément sous les règnes de Louis XIE et de François I‘. Mathurin de Pincé fut élu en 1494 ; Pierre-René de Pincé, après avoir occupé les postes éminents de conseiller d'Etat et d’ambassadeur à Cons- tantinople , voulut finir sa carrière dans son pays na- tal, il se retira à Angers, fut élu maire le 1°* mai151r, et mourut le 21 novembre suivant. Son fils Jean lui succéda immédiatement dans ses fonctions munici- pales et fut réélu en 1515. En 19536, Honoré de Pincé fut élu, Jean de Pincé lui succéda en 1538, et mourut dans l’exercice de ses fonctions. Il fut remplacé par Christophe de Pincé. Au rapport de Péan de la Thuilerie, plusieurs tom- ‘beaux des Pincé avaient été placés dans Péglise de Saint-Maurille , et étaient décorés d’ apré plies hono- rables. On ne doit pas être étonné que cette famille, une des plus puissantes d'Anjou, y ait fait cons- truire le plus bel hôtel, et ait joint à ses £cussons, ceux d’une ville dont ladministration lui avait été si longtemps confiée. te, QCCEE D NOTICE SUR LE PRÉSIDIAL DANGERS , Par M. DE BEAUREGARD. Lue à la séance du 6 février 18h6. Les comtes d'Anjou rendaient primitivement la justice par eux-mêmes. [ls se déchargèrent ensuite de ce soin , en créant l’office de sénéchal, dont ils inves- tissaient un de leurs grands officiers. Les sénéchaux choisis parmi de hauts personnages, dont les habitudes étaient toutes guerrières, jugeaient. d'après leur bon senset ce qu’ils appelaient l’équité. Mais lorsque la ci- vilisation se fut développée, que les décisions juridiques furent assujélies à des lois fixes et à des coutumes écrites, ils sentirent la nécessité de déléguer leurs ’ fonctions à des jurisconsultes. Ils nommèrent des lieu- tenants, et leur adjoignirent des assesseurs qui pri-' rent le nom de conseillers. C’est ainsi que les séné- chaussées se composèrent d’un lieutenant civil, d’un lieutenant criminel, d’un lieutenant de police et de conseillers. Un procureur du roi, un avocat du roi et” un substitut furent attachés à ces tribunaux. La charge de sénéchal d'Anjou continua cependant d’exister (1). (1) Le premier sénéchal d'Anjou, dont l’histoire fasse mention, est Lisois de Bazougers, qui fut revêtu de cette haute dignité (257) Le titulame pouvait occuper un siége d'honneur dans les séances solennelles des sénéchaussées | mais sans participer à la distribution de la justice. «Ges officiers » d'épée, porte l’article 266 de l’ordonnance de » Blois, n’ont que place à l'audience, sans voix déli- » bérative. » Lé lieutenant-général civil, présidait [a chambre civile, le lieutenant-général criminel, la chambre criminelle. (Edit d’août 1764.) L’Anjou était divisé en plusieurs sénéchaussées, tri- bunaux de première instance qui, dans l’origine , res- sorlissaient directement au parlement de Paris. Mais lorsque la population se fut accrue , en même lemps que la propriété se subdivisait, le nombre des affaires litigieuses augmenta tellement, que ies parlements ne pouvaient plus suflire. Des tribunaux auxiliaires furent créés par édit de Henri I, en l’année 1551 et recçu- rent le nom de présidiaux. Ces corps judiciaires, dont la compétence varia et fut définitivement fixée par l’édit d'août 1777, prononcçaient en dernier ressort, sur les appels des sénéchaussées, quand l’objet de la contestation n’excédait pas une valeur déterminée de 2,000 livres tournois. Ils connaissaient, en oulre, ————_—__———_—_—_—_—_—_—_—_—__————————_]—e par Foulques Nerra, en Pannée 1016. Depuis Lisois, saixante-quatre sénéchaux se succédèreent consécutivement. Cette honorable série, dans laquelle se rencontrent les noms de. Guillaume des Roches, Amaury de Clisson, Guy de Laval, de Beauveau, de Brezé, de Roban, se termine par celui du comte de la Galiisson- nière, maréchal de camp et grand sénéchal d'épée de la province d'Anjou. C'est en cétte dernière qualité qu'il présida, en mars 1789, l'assemblée de la noblesse angevine réunie par séné- chaussées pourélire des députés aux états généraux. (258 ) de certains délits qualifiés cas présidiaux. -Dans les autres cas les parlements conservaient leur juridiction. Un présidial fut établi à Angers'en l’année 1552; Il comprenait, dans son ressort, les sénéchaussées d'Angers (1), de Saumur, de Baugé et de Beaufort. Né à cette funeste époque où les doctrines de Calvin avaient allumé le feu de la guerre civile , le présidial , premier corps judiciaire de l’Anjou, ne put rester étranger aux dissentions qui agitaient cette province ; mais il usa toujours de sa haute influence pour s’in- terposer entre les partis et modérer leur fureur. . Dans ces temps de discorde, la neutralité était de- venué impossible , il fallait choisir une bannière, le présidial se prononcça contre la réforme et resta fidèle à la cause du catholicisme. Partageant même cette opinion, trop répandue , que la religion qu’il défen- dait serait compromise, si la couronne de France pas- sait sur la tête d’un prince protestant, il adhéra à l’u- nion qui se qualifiait la sainte ligue, Pour réprimer les ligueurs, les troupes du Roi, sous le commandement du duc d’Aumont s’avancèreni sur Angers, plusieurs habitants prirent les armes. D’Aumont entre dans la ville en vainqueur etannonce des projets de vengeance. La terreur comprime tous les esprits, quels châtiments n’a-t-on pas à redouter ? Le présidial se réunit pour aviser aux moyens de con- (1) Les membres de la sénéchaussée d'Angers composaient le présidial. Eu certains jours de la semaine, ils siégeaient comme membres de la sénéchaussée, en certaïns/autres comme membres da présidial et statyzient sur les appels des autres sénéchaussées- (259) jurer l’orage. Un long silence que personne n’ose rom- pre, régnait dans l'assemblée, lorsqu’un vénérable ma- gistrat , Ayrault, lieutenant criminel, se lève et fait entendre ces paroles : «Loin d’excuser la conduite que » j'aitenue dans ces circonstances, j’avoue que je suis » coupabie : j'ai assisté à des sermons où l’on atta- » quait l'autorité du Roi, j'aurais dà m’y opposer, je »-ne l'ai pas fait, mais je suis prêt à tout sacrifier » pour réparer ma faute. » Bidault, avocat du Roi, en- traîné par ce noble dévoûment, fait un aveu semblable, puis il ajoute : « S’il faut pour assurer la paix et faire rentrer nos concitoyens dans les bonnes grâces du roi que des Ôtagés soient remis entre les mains du maré- chal d’Aumont , je m’offre le premier. » Cette géné- reuse proposilion est aussitôt accueillie par tous les magistrats , qui jurent entre les mains du gouverneur que leurs personnes, leurs charges, leurs fortunes, sont garantes de Ja fidélité de la ville d'Angers. Les registres du présidial où furent déposés les faits les plus remarquables de cette compagnie seraient d’un grand intérêt pour l’histoire du pays, malheureuse- ment ils ont disparu pendant les troubles révolution- paires qui suivirent sa suppression. Un de ces registres a été retrouvé depuis peu de temps, parmi de vieux livres vendus à l’encan. Il a été déposé à la bibliothe- que publique d'Angers, c’est un trésor dont’ nous croyons devoir signaler l’existence pour que les riches- ses qu’il renferme ne restent pas enfouies. Ce registre commencé en 1649 se termine en l’année 1782. Les premières pages se rapportent aux troubles de la Fronde qui alors agitaient la France, et retracent les persécu- ( 260 ) uons qui furent exercées pour satisfaire à l’ambition d’un ministre puissant, On lità la date de l’année 1659: « Le lieutenant:gé- » néral a apporté à la chambre une déclaration du roi » donnée à Parisle 6 février présent mois, par laquelle » il déclare criminel de lèse Majesté le duc de Bouillon, » le maréchal de Turenne, le prince de Marsillac » et la duchesse de Longueville; la publication de la- » dite déclaration est ordonnée ainsi que son insertion » sur les registres du présidial.» On voit plus loin l'enregistrement d’une lettre de cachet portant dé- fense de donner asile au cardinal de Retz. Le duc de Rohan était alors gouverneur de lAnjou, ami du prince de Condé, il embrassa sa cause et tra- vailla à faire déclarer Angers pourle parti de la Fronde. Boylève, lieutenant général au présidial instruit, de ces menées, avait obtenu du roi des lettres de cachet pour faire arrêter le gouverneur. Celui-ci se rend au palais accompagné de ses gardes, saisit Boylève au milieu du présidial et le conduit au château où il le retient prisonnier. Le présidial se réfugie à Saumur où était alors le roi, Anne d’Autriche sa mère et le cardinal de Mazarin. Les troupes royales marchent sur Angers, elles étaient commandées par les maréchaux de la Meilleraie et de Hocquincourt. La ville capitule sous la condition que le roi accorderait amnistie à tous les habitants. Gel acte de clémence fut. proclamé par lettres patentes données à Saumur au mois de mars 1652. Elles contenaient d’honorables dispositions en faveur du présidial. Après avoir parlé de la révolte du maire, dés échevins , des habitants et du pardon qu'il (261) leur accorde, le roi ajoute : « déclarons n’entendre » comprendre en icelles comme criminels de lèse ma- » jesté, les officiers du siége du présidial ayant été » bien informé de leur bonne conduite pendant les » discordes de la dite ville et de leur fidélité et affec- » tion'à notre service dont ils nous donnent tant de » preuves qu’il nous en demeure toute satisfaclion. » : Le présidial obtint , en témoignage de son honora- ble conduite, le privilège de porter la robe rouge, distinction qui n’appartenait qu'aux parlements. C’est devant le présidial que le maire d'Angers ve- nait prêter serment avant d’entrer en fonctions. Plu- sieurs procès-verbaux constatent les formalités qui accompagnaient sa réception. Ils sont conçus dans les termes suivants : « M° #/.... nommé maire est venu » avec MM. les échevins et procureurs de ville où ils » ont pris place après nous; M. le maire, après avoir » fait son compliment auquel a répondu le président , a est sorti et a été conduit par deux de MM. les con- » seillers au bas du degré, ensuite a prêté serment à » l’audience, puis il a pris place dans le parquet de » MM.les gens du roi, et les échevins et procureurs » de ville sur les bancs des parties. » Le présidial usait quelquefois du droit de recevoir le serment des ofliciers municipaux pour manifester son opinion sur le choix de l’autorité et lui adresser des remontrances. En l’année 1677, un sieur Lezineau fut nommé maire par le comte d’Armagnac, alors gou- verneur de l’Anjou. Il se présente devant le présidial pour prêter serment. Le président, après l’accomplisse- ment de cette formalité obligée, luiexprima la désappro- (262) balion de la compagnie. Le procès-verbal se termine ainsi: «Le présidial arrête qu’il sera écrit à M. de:Gha- » teauneuf, secrétaire d’état, pour le prier d’exposer au » roi que puisqu'il avait jugé devoir priver les habitants » du droit d’élire leur magistrat ‘populaire , ordonner » que les choix fussent mieux faits et plus dignes. » Cette remontrance fut mal accueillie, Le roi expédia immédiatement des lettres de cachet par lesquelles il fut ordonné : « qu’incontinent après avoir reçu les » dites lettres, les magistrats dont les noms suivent » se rendraient, savoir : M. le président de Gohin à » Poitiers, M. le conseiller Cupif de Teïldras à Blois, » M. l’avocat du roi Martineau à Thouars.» La compagnie fut profondément affligée de cet or- dre rigoureux , elle ordonna qu’un de ses membres se rendrait à Paris pour en solliciter la révocation. A force d’actives démarches et d’énergiques réclamations, le rappel des exilés fut obtenu. Les registres consta- tent la manifestation de la joie tublique qui accom- pagna leur retour. Lorsque Louis XI octroya des institutions munici- pales à la ville d'Angers, il confia aux habitants Pélec- tion du maire et des échevins; mais , dans des temps de trouble, ce droit leur fut reliré. Il était exercé par le roi directement et qnelquefois par les gouverneurs de la province. Le présidial éleva souvent la voix pour demander que la ville d'Angers fût réintégrée dans ses libertés. On voit que, en l’année 1728 , il se ren- dit en députation auprès du prince de Lambesc, gou- vérneur de l’Anjou, pour lui exprimer ce vœu. Quel- ques jours après , il délégua deux de ces membres à (2684) l'assemblée générale qui devait se tenir à hôtel de ville, « pour présenter requête au no m de toutes les compa- » gnies, corps, communautés et habitants de la ville, » afin de demander au roi qu’il lui plaise de confir- » mer la ville dans le droit de nommer ses officiers » Municipaux. » Cette réclamation fut accueillie, le droit d’élection rétabli, mais avec les modifications suivantes : les habitants étaient divisés en diverses classes, la noblesse, le clergé, l’ordre judiciaire, l’université, les fonction- naires de finances, les corps des arts libéraux, les corps des marchands, etc. Chaque classe élisait séparément un député , les députés se réunissaient à l'hôtel de ville et nommaient des candidats en nombretriple pour chaque office vacant. Le roi, ou à sa place le prince apana- giste, choisissait sur cette triple liste, le maire et les officiers municipaux. Get état s’est maintenu jusqu’à l’époque de la révolution de 1789. Tels sont les faits les plus saillants du registre que nous signalons à votre attention ét dont nous n’avons pu présenter qu’une analyse rapide. Il contient une foule de documents d’un haut intérêt par le caractère d'authenticité dont ils sont revêtus. C’est dans ces dé- pôts que l’historien doit aller chercher des Jumières s’il veut marcher avec sécurité et laisser le champ des conjectures pour se tenir dans la ligne du vral. LISTE DES MEMBRES DU PRÉSIDIAL D’ANGERS EN L'ANNÉE 1702. De Marcombe , lieutenant-général civil. Huvelin du Vivier, lieutenant-général criminel. (264) Allard, lieutenant-général de police, Gourreau de l’Epinay, lieutenant-particulier civil. Ollivier du Préneuf, lieutenant-particulier criminel. CONSEILLERS. Ayrault, doyen. Gandon de Louvrinière. Gontard de la Chevalerie. Berthelot de la Durandière. Margariteau. Desmazières. Aubin de Nerbonne. Beguyer Ghamboureau. Boileau. | GENS DU ROI Bodard, procureur du roi. Benoit , avocat du roi. Viger des Hubinières, substitut. ( 265) RAPPORT SUR LA RÉIMPRESSION DE BODIN PAR M._GODET. MEMBRES DE LA COMMISSION : MM. Lèss-Gicun , receveur principal des contribu- tions indirectes , chevalier de la Légion- d'Honneur ; De Sora»; GoparD-FaAuLrrieR, Correspondant du Ministre de l'instruction publique pour les travaux his- Loriques , rapporteur. Messieurs , La seconde édition des deux volumies de Bodin concernant Saumur et le haut Anjou, réunis en un seul tome , est achevée , et la plupart des observations que nous avions faites sur la première partie de cette réimpression s'appliquent à la seconde. Même choix du papier, même soin dans l’emploi des caractères , mais aussi même et trop grande sobriété dans les notes marginales. Il est vrai que M. Godet nous dé- dommage d’une manière fort agréable par l’addition de trois chapitres entièrement neufs , qui sont les cha- pitres 52, 55 et 54. En plus il a enrichi le chapitre relalif à la Liographie saumuroise de six noms nou- veaux. Telle est la somme des travaux que nous avons à examiner, 1 Vous n’avez pas sans doute perdu de vue l’intéres- ( 266 ) sante question qui a trait aux effet de la révocation de l'Edit de Nantes à Saumur. Dans mon rapport du 11 juillet 1845, je disais que trois opinions sont en présence : l’une qui élève Le chiffre des exilés saumu- rois , en 1689, à plus des deux tiers de la population; l’autre, fondée sur Miroménil, à la moitié; la troi- sièmeenfin, au sixième envtron;et j'ajoutais en termi- nant, que nous laissions à M. Godet, dans ses prochaines notes , le soin de discuter ce débat et de le clore. A-t-il répondu à notre appel? Oui, Messieurs; ét ! tout d’abord il nous avertit, page 346, que Bodin, si compétent d’ailleurs sur la plupart des questions de notre histoire, s’est trompé en faisant monter la po- pulation de Saumur de vingt à vingt-cinq mille habi- tants depuis lecommencement du X Vilesiècle jusqu’à la révocation de l’Edit de Nantes. « Il y a ici, dit M. » Godet, exagération ; il n'existe aucun document qui » puisse donner à cette assertion la moindre appa- » rence de vraisemblance. » Et plus loin, page 347, il reproduit avec étendue le tableau comparatif dressé si consciencieusement par les soins de M. Desmé, d’après les registres de nais- sances , d’où il résulte par induction que de Pan 1615 à 1622 la population de Saumur se tint en moyenne dans les limites de onze mille et quelques cents habi- tants; de 1623 à 1632, elle fut d’un peu plus de dix mille; de 3633 à 1642, d'environ quatorze mille six cents ; de 1645 à 1652, elle dépassa quinze mille; dé 1653 à 1662, elle résta stationnaire; enfin de 1665 à 1672, elle monta jusqu’à quinze mille sept cents envi- ron , qui est le chiffre connu le plus élevé. ( 267 ) Du reste, l’assertion de Bodin sur le chiffre de vingt à vingt-cinq mille habitants est abandonnée par les partisans eux-mêmes de Miroménil. En effet, cet intendant laisse entrevoir dans son Mémoire qu'a vant la révocation, cette population était d’environ treize mille âmes, chiffre bien éloigné de celui de Bodin. Ainsi donc , en supposant avec l’auteur des Recher- ches, ce qui est loin d’être accordé, que les deux tiers de la population saumuroise aient été exilés, il en résulterait toujours, Miroménil en main, que le nombre de ceux qui prirent la fuite ne pouvait être de quatorze à seize mille, comme Bodin l'indique, Quant à la proportion des deux tiers exilés, elle est également abandonnée ; aussi le débat, en se sim- plifiant, se réduit-il à l’examen de savoir si la popu- lation de Saumur, par l'effet de l'exil, diminua de moitié ou du sixième. La question, comme vous voyez, est parfaitement nette, et vous savez dans quel sens et à l’aide de quels arguments nous l’avons résolue; il serait superflu de vous les rappeler ici. Qu’il nous suflise de vous dire que M. Godet s’est pro- noncé comme nous, avec connaissance de causeet mûr examen , pour le chiffre du sixième. « On a répondu 8 ajoute-t-il page 439, au calcul de M. Desmé en disant « que, pour éviter la persécution, un grand nombre » de'protestants faisaient baptiser leurs enfants dans » les églises catholiques , avec l’intention de les élever » dans l’église protestante. Outre que cette raison ne » fait pas honneur à la-foi des huguenots, nous la dé- +» truirons encore par des faits. Examen fait des regis- 20 ( 268) » tres de l’état civil dans les années ci-dessus indiquées, 5 chez les catholiques et les protestants nous avons CA » Y trouvé les mêmes relations à peu près que pour les » naissances , entre les mariages el les décès des uns » et les marages et les décès Hi autres. » Que si lon nous dit qu’il y eut alors beaucoup de » mariages mixles, il restera toujours le rapport des » décès qui ne peut être contesté, car apparemment » les protestants ne se confessaient pas à la mort pour » avoir les honneurs d’une sépulture catholique. » D'ailleurs, qu’on explique comment il se fait qu'à » Saumur il ne reste pas de vestiges du protestan- » tisme dans les familles. Dans les villes du Poitou, » dans celles du Midi, où la persécution a pesécomme » en Anjou, on trouve en grand nombre encore des familles protestantes; elles sont restées fidèles à leur foi, malgré les dragonades et toutes les vio- » lences qu’on a exercées contre elles. À Saumur, au ».coniraire , ce boulevard du protestantisme au point » de vue de la science, pas une seule n’a survécu. » N’est-il pas évident qu’il n’en existait alors que » quelques-unes, qui auront disparu en effet lors de » la révocation. ». ; Vous pouvez juger, Messieurs , par cetle citation de ‘la manière ferme , précise, grave et indépendante avec laquelle M. Godet ie les faits. En voici un autre exemple, page 361, relatif à Du- plessis-Mornay, exemple que je choisis parce qu'il est un jugement vrai, quoique sévère, à l’encontre de l’auteur des Recherches; mais.je me suis promis dene rien vous dissumuler. V > 2 2 Y ( 269 ) « En mille endroits de son livre , dit M. Godet, Bo- » din laisse percer son antipathie contre le catholi- » cisme..… Elevé à l’école du XVIIT: siècle, il semble » en avoir adopté toutes les idées. Pourtant il n’igno- » rait pas que ces prévenlions ont presque toujours » leur source ou dans l’ignorance, où dans l’amour: » propre blessé, ou dans l’entraînement des passions. » Il le reconnaît lui-même, car tout en vantant Mor- » nay et son livre intitulé le Mystère d’iniquité, il lui V = reproche d’avoir mis dans cet oùvrage la passion » d’un ennemi irrité à la place de la raison d’un » écrivain sage et modéré, Quoi de plus ridicule en » effet que ces criailleries du gouverneur de Saumur » contre les catholiques et contre Panl V? Que le » pontife romain se soit donné ou laissé donner le ti- » tre de vice-Dieu, qu'importe ? que prouverait cette » prétention pour ou contre la religion? D'ailleurs , » pourquoi torturer le sens de ces mots? que signi- » fient-ils? ne leur donne-t-on pas plus de portée » qu’ils n’en ont véritablement ? On nous semble bien » petit, bien étroit, quand on descend à de pareils » reproches; et la religion à laquelle des adversaires » n’ont à faire que d’aussi pauvres objections, doit » paraître aux gens sensés , bien pure, bien belle et » par-à même bien digne de leur adhésion. » Comme vous voyez, Messieurs, beaucoup de fran- chise chez M. Godet. Vous ne trouverez, en effet, dans son travail ni biais, ni réticences: il écrit sans cautèle comme il a pensé, et ce procédé, s’il n’est pas le plus ordinaire ni le plus habile, nous semble être du moins toujours le plus honorable. Et qu’on ne dise ( 270 ) pas que M. Godet agit ainsi dans un but hostile à Bo- din, car la nouvelle édition des Recherches qu’il pu- blie à ses risques et périls protesterait dans son en- semble contre une pareille assertion. Il ne viendra d’ailleurs jamais à l’idée de personne qu’un éditeur veuille accorder les honneurs d’une réimpression à un ouvrage qu'il n’estime pas. Les commentaires de M. Godet, intercalés au mi- lieu du texte, présentent un intérêt égal à celui de ses notes marginales. À ce propos, je citerai spéciale- ment les pages 519 et 520, intitulées Ruptures de la levée. Depuis 1496 jusqu’à 1843, les sinistres prove- nant des crues exagérées de la Loire y sont classés chronologiquement. , Il nous reste à vous parler des trois chapitres 52, 53 et 54, qui servent de complément aux Recherches. M. Godet a consacré tout le chapitre 52 à l’École de cavalerie, « établissement dont la réputation, écrit-il, «_esL aujourd’hui européenne, et dans le sein duquel » se sont formés tant d'officiers distingués; où l’em- » pereur de Rüssie, le roi d'Angleterre, celui de Suède » et de Norwège, les souverains de presque toutes les » puissances, envoyèrent leurs meilleurs officiers cher- » cher des exemples et des modèles. » Ces succès, cette réputation si bien méritée, l’É- » cole les doit à l’active et habile direction du mar- » quis Oudinot, alors maréchal-de-camp; c’est par lui » qu’elle a pris un si grand accroissement; c’est lui » qui, en 1824 et 1825... apporta les améliorations » depuis si longtemps désirées dans les études militai-- » res. » Messieurs, nous vous recommandons ce chapitre. Le suivant nous apprend les dates de fondation et les noms des constructeurs des ponts Napoléon, de Saint-Florent et des Rosiers, arrondissement de Sau- mur. | En parlant du pont Napoléon, qui s’appela primiti- vement pont du duc de Bordeaux, M. Godet fait les judicieuses réflexions que voici : « Pourquoi des » noms de princes à ce pont? qu’y at-il de commun » entre lui et le duc de Bordeaux ou Napoléon ? qu'ont » fait pour lai ou à cause de lui ces deux personna- » ges? Il nous semble qu’il serait bien plus sage de » ne désigner les monuments que par des noms de » localités... Puissent nos administrateurs ne plus se » Jaisser aller à ces petites courtisaneries. » Ge passage est une preuve de plus de ce franc-par- ler qui nous plaît tant chez M. Godet. Et n’allez pas croire que cette franchise exclut de son travail les convenances. Personne ne les sait mieux observer ! mais aussi personne n’est plus sincère et plus impar- tial, on sent qu’il y a sûreté à le lire; le doute sur la conscience de son œuvre ne vous vient pas: À l'heure actuelle, il nous semble que ce mérite n’est pas indif- férent ni très ordinaire. Son dernier chapitre se ter- mine par un sommaire historique des événements qui ont eu lieu à Saumur de 1 808 à 1844; il passe en re: vue l’entrée de Napoléon, 12 août 1808; celles du duc d'Angoulême, 7 août 1814 et novembre 1817 (Bodin dirigea la fête de 1808 et celle de 1814). M. Godet s’étend trop peu longuement sur la conspira- tion de Berton, février 1822; aussi, pour compléter ( 272.) cet épisode, devons-nous renvoyer le lecteur à l’arti- cle fort bien écrit de M. £. Bonnemère, inséré dans l’un des numéros de la Mosaïque de l'Ouest, 1* vo- lume. c Nouvelle visite du duc d'Angoulême en 1827; pre- mier carrousel en 1829, à l’occasion de l'entrée de la duchesse de Berry; autre carrousel, et le plus beau de tous, en présence du duc et de la duchesse de Ne- mours, au mois d'août 1843. Que de réflexions tous ces passages de princes et de princesses ne font-ils pas naître! N'est-ce point en quelque sorte de l’histoire dans les coulisses ! M. Go- det l’a bien compris, aussi enjambe-t-il à grands ‘pas toutes ces réceptions officielles , afin d'arriver à la description du curieux forage du puits artésien entre- pris vers 1833, et abandonné à la profondeur de trois cent vingt-cinq pieds. Les géologues liront avec quel- que intérêt, page 564 , la lettre de M. Degouzée, in- génieur civil, adressée à ce sujet au maire de Saumur. Ce forage a été infructueux, je l'accorde, mais du moins a-t-on essayé. À Angers je ne sache pas que l’on en ait eu même la pensée. Soyons sincères , sur plu- sieurs points, les Saumurois nous ont devancés. Au chapitre des Recherches, intitulé Biographie saumuroise, M. Godet a su convanablement ajouter les noms de Bodin père et fils, de Dovalle, de Far: deau, de Lemoine et de Lucas, avec des détails em- pruntés aux plumes si faciles et si élégantes de MM. Louvet et Coulon, détails qui, assurément, nous se- ront utiles un jour pour l’achèvement de la Biogra- phie angevine que nous avons entreprise, Somme (53) toute, Messieurs, nous ne «loutons point du succès de cette seconde édition qui mérite de justes éloges, et nous attendons avec une légitime impatience le dernier volume pour vous en rendre compte, et sans doute aussi d’une facon également favorable. V. Goparp-FauLrrier. Angers, 14 novembre 1815. GIRARD, FONDATEUR DE TOUSSAINT , A ANGERS. — SON TOMBEAU. On sait peu de choses sur Girard , chantre et cha- poine de l’église cathédrale d'Angers, dans le premier tiers du XL siècle. Sa vie s’écoula entre son amour pour Dieu et sa charité pour les pauvres. En effet , ce vénérable prêtre ordonna de construire à ses frais l’église primitive de Toussaint, qu'il ne faut pas confondre avec celle de la fin du XIII: siècle, bâtie sur le même emplacement ; Hubert, évêque d'Angers, de 1019 à 1047 en fit la dédicace. Girard y fonda un prétre, comme on disait aulre- fois, pour visiter les malades et enterrer les morts. Et puis c’est tout ! Assurément il n’y a pas ici de quoi faire un grand homme , je le comprends, mais il y a de quoi faire un saint; non que je veuille dire par à que Girard se soit élevé jusqu’au degré de la sainteté, (274) c’est déjà beaucoup qu’il en,ait eu plusieurs éminentes qualités, et à ce litre nos pages lui seraient ouvertes, quand même nous n’aurions pas d’autres raisons pour l'y admettre ; mais si la piélé trouve son compte au souvenir de sa vie, la science y trouvera le sien éga- lement à l’occasion de la découverte faite en avril 1845 de son tombeau. À l'aide de fonds provenant du ministère de l'inté- rieur, oblenus par l’entremise de MM. Auguste Le Pre- vost, membre de l’Institut, et Mérimée; comme aussi avec une partie de l’allocation municipale affectée à l'entretien du Musée des antiquités, je fis ouvrir une large tranchée dans toute l’étendue de la nef de Tous- saint, à 2 mètres 33 centimètres de profondeur. L’on y trouva les fondements de l’église primitive, dont le plan , vers l’est, a trois absides , deux petites et une grande, celle-ci au centre (1). Ges fondements se com- posent d’un béton formé de moëllons , de grès et de silex , noyés dans de la chaux mélée de parcelles de charbons de bois, calce cum favillis mixtis ; point d’ardoises. Ge béton, qui rappelle l’æmplecton des Romains, fut de mode en Anjou jusque vers le milieu du XI: siècle , date qui se rencontre à merveille avec l’époque durant jaquelle vivait le vénérable Girard. À l’aisselle droite de l’abside principale , la face | tournée vers l’ouest , les ouvriers découvrirent un puits creusé dans l’église même ; quel pouvait être (1) Deux seulement des absides sont mises à nu, la troisième, c'est-à-dire celle du Sud, est présumée; mais avec des données - qui valent certitude, ( 275 ) son usage ? Ces puits n'étaient pas rares au moyen- âge, la cathédrale d'Angers, du côté de la petite porte de la sacristie, en possédait un sur lequel, au rapport du savant M. T. Grille, on lisait : Hic est alius puteus. De nos jours, on peut en voir un également à Saumur dans l’église de Nanuilly, près de la grande porte; ilen existe à Nantes, dans les églises de Saint-Pierre et de . Saint-Similien; à Quimper, à Poitiers, à Lyon, à Rome dans les catacombes; l’eau que l’on en tirait servait aux cérémonies du baptême (1). Une idée symbolique s’y attachait également, « On avait coutume, dit Gerbet, » (Esquisse de Rome chrétienne, tome I, page 291), » d’entretenir à l'entrée des basiliques , une ou plu- » sieurs sources d’eau jaillissante ; elles étaient un » symbole de Ja grâce qui purifie l’âme, les fidèles s’y » lavaïent les mains et la bouche avant d’assister aux »isaints mystères. » Mais revenons au puits de Toussaint, pour dire que les pieds du vénérable Girard le touchaient vers l’est. C'était bien la place qui lui convenait , le fondateur près du puits baptismal ! Ses os reposaient au fond d’un cercueil en pierre coquillière de Doué , couvert de plusieurs ardoises brutes, long de 1 mètre 80 centimètres à l’intérieur ; il contenait : | 1° Les chaussures du défunt, moisies et ruinées. 2° Quelques restes de ses vêtements. 8° À sa main droite, un bâton.de bois, long de 1 (1) Page 396, Mémoires, tome 2, congrès de Lyon, scptem- bre 1841. ( 276 ) mètre 70 centimètres, qui au toucher tomba en pous- sière ; il était surmonté d’une croix grecque de 14 centimètres d'envergure , en étain, à branches égales el palées. Evidemment il s’agissait de son bâlon cantoral , ce qui nous porte à croire que le bâton du grand chantre de la cathédrale d’Angers, représentait, au XI° siècle, une croix grecque ; Girard, nous l’avons dit, remplis- - sait celte fonction à Saint-Maurice. Le diamètre du bâton n’avait que l’épaisseur d’une forte verge, et à ce propos il convient de citer ce pas- sage du Dictionnaire ecclésiastique : « Les bâtons des » chantres étaient autrefois de petites baguettes dont » ils se servaient, tant pour régler le chœur que pour » corriger ceux qui se comportaient avec immodestie » dans l’église, d’où vient qu’en plusieurs églises les » chantres se promènent dans la nef pendant l’of- D] fice. » En dehors du cercueil , à main droite du défunt, l’on trouva , dans une très petite grotte fermée par . une ardoise brute , un calice en étain , moitié moins haut que nos calices actuels, placé sur une autre pierre d’ardoise également brute, Le gobelet de ce calice , auquel manque le pédon- cule, est sans ornements, et ses rebords sont droits, absolument comme au calice de Reims du XI ou XIIe siècle , publié dans les annales archéologiques de M. Didron , 1° juin 1845, 2° année (tome IT, 6° livrai- son). Notre calice en question indiquait la qualité sacer- dotale de Girard: il paraît que la coutume de révéler (277) ainsi les fonctions sacrées du défunt était générale- ment observée au moyén-âge en beaucoup de lieux, et je me rappelle avoir vu, au mois d’août 1845 , à Sainte-Marie , près de Pornic (Loire-Inférieure), au fond d’une cripte , un tombeau en auge , dans lequel on avait découvert le pédoncule haut de 33 centi- mètres d’un calice d’étain. L'usage de ce modeste métal, pour les vases sacrés, persista en Anjou jus - qu'au XVII: siècle ; mais vers 1667, Henry Arnauld, dans ses statuts et ordonnances, article 3, le proscri- vit « ordonnant aux curés de rompre et mettre en » pièces les vases d’étain, en quelques lieux de leurs » paroisses qu’ils se trouvent. » Je reviens au tombeau de Girard; toujours en-de- hors du cercueil, mais à main gauche du défunt , vers nord , les ouvriers, dans une pelite grotte pareille à celle qui renfermait le calice , trouvèrent les restes d’une lampe en verre , pleine encore d’une matière oléagineuse durcie. Cette lampe, en verre très mince, affecte à son sommet la forme d’une coupe, ayant des rebords droits et à sa base la forme d’un pédoncule qui , pour se tenir debout , devait être fiché dans du sable ou de:la terre meuble. | Bourdigné nous apprend que lors de la découverte faite de la statuette de Notre-Dame-de-sous-Terre, par la reine: Yolande d’Aragon , mère de René, à Les- vières, on rencontra devant la sainte image, une lampe . également en verre. C'était évidemment un insigne honneur. Les tombeaux, depuis le XIII jusqu'au XVII siècle , renferment habituellement des pots à feu où \ (278) : l’on brûlait de l’encens , Prunæ cum thure ; dans le cercueil de Girard, nous n’avons rien vu de semblable; serait-ce que cette coutume n'existait pas encore de son temps, XI° siècle ? ; Serait-ce que l’encens était rare en nos contrées, avant la première croisade (1096) ? Serait-ce qu'aux lampes sépulcrales d’origine ro- maine l’on substitua les pots à feu ? Je pose ces questions, me gardant bien de les ré- soudre. À 1 mètre 50 centimètres immédiatement au-dessus du cercueil de Girard , c’est-à-dire à 50 centimètres au-dessous du sol de Toussaint , notre attention avait été éveillée par la découverte d’une longue et épaisse pierre d’ardoise , taillée en rond vers l’ouest et carré- ment vers l’est. C’élait à n’en pas douter une pierre tombale , placte Dostérieurement à l’exhumation de Girard , mais évidemment chargée de marquer d’une façon précise le lieu de sa sépulture. Nous avons trouvé des tombeaux d’abbés à Toussaint avec des . crosses, mais pas un n’avait été recouvert comme ce- lui de Girard d’une pierre de remarque. Tout prouve donc jusqu’à l'évidence, que le tom- beau en question est bien celui de Girard. À quel personnage en effet autre que lui pourrait-il être at- tribué ? Serait- ce à l’un des abbés de Toussaint ? L’absence de crosse prouve le contraire. Serait-ce à un laïc? La présence du calice pro- teste. ; Serait-ce à un prêtre autre que le fondateur ? Mais ( 279 ) alors pourquoi la tombe dont il s’agit aurait-elle été pour un simple ecclésiastique , l’objet d’un appareil plus grand que pour les abbés ? Pourquoi Lapierre de remarque? Pourquoi la lampe? Pourquoi la situation près du puits baptismal et au milieu des fondements de l’église primitive ? Et enfin, pourquoi ce bâton orné d’une croix grecque, qui ne peut êlre qu’un bâton de chantre ? Assez là-dessus , terminons en disant que tous les curieux objets trouvés dans le tombeau de Girard sont déposés au Musée des antiquités d'Angers. GoparD-FAuLcTRIER. REX TUSENOS. Encore un nom jusqu'ici entièrement inconnu et qui réclame de notre part une courte dissertation, car nous avons lieu de croire qu'il 5e rapporte à l’un de ces rois électifs et Lemporaires qui, antérieurement à la conquête romaine, et même durant cette conquête, étaient chargés du gouvernement d’une cité gauloise. On sait que l’on devait entendre alors par cité une petite nation tout entière et non pas une ville, comme cela est arrivé sur le déclin de l’empire romain (1). ———_—_—__———— ——————û“——————_ (1) Remarques sur la carte de l’ancienne Gaule, par Sanson, géographe du roi. Édit. de 1652, p. 4. ( 280 } L’on sait encore que la Gaule conquise par César ne renfermail pas moins de soixante cités (1). Ces rois des cités appelés’Rheys (2), et par les La- tins Reges, étaient annuels, suivant Strabon (3); cha- que cité , ajoute-t-il , nommait un gouverneur et un général d’armée. « La naissance , écrit quelque part » M. Aurélien de Courson (4), condition préalable à » l’éligibilité, comme chez les Germains, désignait au » suffrage les Rois de la cité: Reges ex nobilitate , » duces ex virtute sumunt. » (Tacité, Germ. VIL.) Les druides jouaient le premier rôle dans l’élection de ces rois qui ne semblent avoir été en définitive que des administrateurs préposés à la défense des intérêts publics. Ceci bien établi, revenons à Tusenos, dont le nom a été découvert , précédé de sa qualité de rex, sur une figurine en terre de pipe trouvée parmi des dé- bris gallo-romains , dans les jardins de Lesvières, appartenant à M. Coullion - Mamert , conseiller de préfecture. Nous parlerons ci-après de cette statuette, nous bornant à disserter présentement sur l’inscrip- tion. Les lettres sont romaines , le premier mot est latin rex, le second possède une terminaison grecque = Tusenos. Comment expliquer ici ce produit de deux langues autrement que par leur intervention à des () Sanson, p. 7. (2) Histoire des Gaulois, par Clavel , p. 4. (3) Strabon, liv. IV, ch. 4. (4) Origines et institutions des peuples de la Gaulc armori- caine , p. 105. (281 ) degrés divers dans la Gaule; Gésar nous apprend en effet que les peuples de celte contrée se servaient de lettres grecques dans les affaires publiques et pri- vées (1). Mais, d’un autre côté , il résulte de certain passage de ses Commentaires , qu’ils en ignoraient la langue (2), d’où l’on doit inférer que leur savoir hel- lénique se bornaït , dans les régions du milieu et du nord, à la connaissance des caractères de cette langue et de quelques-unes de ses désinences. Je dis à des- sein dans les régions du milieu et du nord dela Gaule, parce qu’il est constant que plus de six siècles avant la conquête romaine , la partie méridionale était en possession de la langue grecque , et notamment Mar- seille , ville que les Phocéens fondèrent environ 700 ans devant notre ère. Ce mélange de lettres romaines avec des mots à” désinences grecques se rencontre également sur cer- laines monnaies celtiques , notamment sur celles de Tours, portant la légende Turoxos Triccos (3) ; exem- p'e encore , celles de Duratius de Poitiers , Durar- Juzi0s, de Ciamilos, d’Ulatos, de Pixtilos, etc., etc. Quant à l’introduction des caractères latins dans les Gaules , il n’est pas douteux qu’elle ait eu lieu au temps de la conquête, c’est-à-dire un demi siècle avant Jésus-Christ. Ce qui permet de croire que la plupart des monuments celtiques, ayant lettres romaines avec (1) Comm. Lib. VI, alinéa 14. (2) Zd. Lib. V, alinéa 48; (3) Tableaux chronologiques de l'histoire de Touraine, au titre: Monnaies des Turones. ( 282 } des mots à désinences grecques ; prennent leur plus vieille date dans la seconde moilié du siècle qui pré- céda notre ère. La médaille du celte Durar-dJuzros vient à l’appui de cette conjecture. On sait par les commentaires que cet antagoniste de notre célèbre Dumnacus vécut au temps de Jules César. D’après cela, il sera loisible de penser que Tusgnos , ce petit roi d’une cité, a bien pu être leur contemporain. Mais dans quelle cité de la Gaule a-t-il eu le com- mandement ? La réponse est embarrassante et nous tombons ici dans le domaine des conjectures. En effet , le nom de la cité ne se rencontre ‘point dans l'inscription , et le lieu où la statuette a été dé- couverte est pour nous le seul indice tendant à prou- ver que Tusenos pourrait bien être un roi de la cité ‘des Andes; l’on sera même fondé à le croire, jusqu’à ce que d’autres renseignements , s’il s’en trouve ja- mais , restituent ce personnage à une autre cité des Gaules. Lesvièrés , situé au sud-ouest d'Angers , est un endroit célèbre , ainsi que les jardins des Belles- Poitrines qui sont voisins, par leurs restes de balnéaire et d’aqueducs gallo-romains. Quelques mots maintenant sur la statuette. Non compris le chef qui n’existe plus, elle a de lon- gueur environ 16 centimètres avec largeur en propor- tion; style médiccre, parties charnues très plates ; corps entièrement nu, divisé du sommet à la base par une sorte de plaquette en terre de pipe qui lui sert d'encadrement, de façon à faire paraître cette statuelte bas relief devant et bas-relief derrière, La plaquette est ornée des deux côtés de moulures étoilées et per- (283 ) lées , ainsi: que de petits cercles concentriques dont les analogues se retrouvent sur la plupart des mon- naies celtiques dites de la fin de la seconde époque. Gette statuette représente une Vénus populaire. Le cou est paré d’un demi-collier de petites perles sup- portant cinq anneaux à cercles concentriques, le tout assez bien modelé; un semis d’autres petites perles placées en lignes droites environne les seins. Le bras droit est coudé de manière à permettre à la main qui porte un rouleau de se poser au-dessus du creux de l'estomac. L'autre bras est pendant , ménageant tou- tefois un espace entre lui et le buste réservé à l’ins- cription REX TUSENOS. Par derrière , cette figurine laisse voir le cou sans collier. Maintenant pourquoi, et nous terminerons-par là, le nom de Tusenos se trouve-t-il sur cette étrange figu- , rine ? En serait-il l'artiste ? Ne la lui aurait-on point dédiée ? Pourquoi également ce rouleau mystérieux ? Questions insolubles et que nous abandonnons à de plus érudits. V. Goparn-FAuLTRIER. (284) DISSERTATION SUR LE LION GALLO-ROMAIN, TROUVÉ EN 1819 , SOUS LE MUR DE LA CITÉ QUI PASSAIT ENTRE L'ÉGLISE DE SAINT -MAURICE ET CELLE DE SAINTE-CROIX. Ce lion , vous le savez , Messieurs , primitivement déposé au Jardin-des-Plantes , fait aujourd’hui partie des monuments que l’on voit à Toussaint. Bodin, dans ses intéressantes Recherches, l’a décrit de la sorte : « C’est un lion en tuf blanc (ou plu- » tôt en pierre oolitique) , dont la pose est semblable » à celle des sphinx que les anciens mettaient à la » porte des grands édifices ; il tient sous une de ses » pattes de devant une tête de bélier. Ce morceau dé » sculpture de 83 centimètres de longueur sur 50 cen- » timètres de hauteur est du plus mauvais goût , et » aussi mal dessiné que mal exécuté. » Cette description est très exacte, mais Bodin, pru- -demment sans doute , n’a pas cru devoir s’ingénier à découvrir le sens symbolique de ce petit monument. Pour moi, confiant dans la devise : Audaces fortuna juvat , j'oserai davantage , à tort peut-être, vous en jugerez, Messieurs. Inutile de vous dire que cent et cent fois j’ai in- terrogé de l'intelligence et du regard ce lion mysté- (285) rieux, sans qu’il me fût possible d’en obtenir le moin- dre oracle , il se taisait à me désespérer ; des années se passèrent ainsi. Ennuyé donc de m’épuiser en vaines conjectures , je pris le parti de n’y plus songer; j'en étais là, de guerre lasse, lorsqu’à l’instant où jy comp- tais le moins, un texte illumina soudainement la ques- tion et me révéla l’énigme. Je lus à la page 75 du tome XIV, 2° partie, Mémoires de l’Institut royal de France, Académie des Inscriptions.et belles-leitres, année 1840, article sur deux bas-reliefs mithriaques , par M. Félix La- jard; je lus, dis-je , les lignes suivantes : « Selon les » doctrines de l’antiquité , le lion est le symbole de » la chaleur, le symbole du principe igné..…. il est un » symbole astronomique et physique. » Et le même auteur au tome XV, année 1845, s’ex- prime ainsi: « Gela posé , il ne m’a pas été difficile » de faire comprendre pourquoi le Lion devint l’at- » tribut caractéristique de Mithra.... de à, les » Mithras Leontocephales. » Or, Messieurs , vous savez tous que, chez les Ro- mains , Mithra c’est le soleil : Sol Deo invicto Mithræ. Vous savez également que ce culte mithriaque, venu de la Perse, s'établit à Rome sous le règne de Trajan, vers l’an 101 de Jésus-Christ, et qu'il pénétra plus tard dans les Gaules. Par tout ce qui précède, notre lion gallo romain « donc été un embléme du soleil. Ce point établi, le reste s'explique par surcroît. Qu'est-ce, en effet , que ce thême de la tête du bé- . lier fortement comprimée sous la griffe du lion ? sinon ( 286 ) le symbole idéographique de l'entrée da soleil dans le signe zodiacal du bélier. Ce petit monument postérieur au II: siècle de:notre ère, d’après la date précitée, mais antérieur au com- mencement du V°, peut être considéré dans son en- semble comme une représentation figurée du mois de mars , qui chez les Romains était le premier de Pan- née et s’ouvrait en quelque sorte avec le printemps. Mille questions maintenant surgissent à l’entour. Etait-il isolé ? Je ne puis le penser, sa tournure de | sphinx tend à prouver qu’il devait être placé au-devant d’un édifice , fondé sans doute au mois de mars. Ne faisait-il point , au contraire, partie d’un cercle zodia- cal complet ou d’un ensemble représentant les quatre saisons ? J’abandonne ces questions à vos lumières. Quoiqu'il en soit, il reste pour nous très certaine- . ment acquis que ce petit monument est l’émblême de l’un des douze Jeu du zodiaque, le signe du Bélier. Longtemps j'ai pu croire avec M. de Caumont, que ce lion était de la famille de ceux qui , foulant sous leurs griffes un serpent , se trouvaient au moyen-âge placés à droite et à gauche de l’entrée des églises; alors sous ces portiques , inter leones , certaines au- diences avaient lieu , et, pour le dire en passant , le trésorier de la cathédrale d'Angers tenait encore les siennes, avant la révolution , dans une galerie, depuis démolie, qui précédait le grand portail de Saint-Mau- rice. : Mais j’ai dû renoncer à cette interprétation, d’abord parce qu'au lieu d’un serpent, placé sous les grifles du lion, c’est bien une tête de bélier; ensuite parce dant. (29%) que ce lion a été trouvé sous l’ancien mur de la cité, c’est-à-dire parmi des débris purement gallo-romains , et enfin parce que l'explication précédente est la plus naturelle. V. Gopanp-FAuLvTRtEr. HUET DE LA CHENAYE, Huet de la Chenaye et son épouse Anne Daussi- gné, ne nous sont connûs que par deux inscriptions en caractères gothiques, situées dans la petite église de Linières près de Mouliberne, arrondissement de Baugé. Celle du mari est du côté de l’évangile, Pau- tre occupe le côté de l’épitre. Deux statues, style du XV: siècle, plus grandes que nature , en calcaire assez semblable à ce que nous appelons pierre de rat- rie, représentaient nos deux personnages. La statue de la femme, grâce aux soins de M. de Boissimon, a pu. échapper à la destruction qui l’attendait. Transportée à Angers, elle fait aujourd’hui partie des objets renfermés au Musée des antiquités (ancienne église Toussaint). Inutile d’ajouter ici que celle du noble et pieux la Chenaye, «qui n’épargna onc or et monnaie, contre aucunsanglais» fut, nous assure-t-on, métamorphosée en évier, et cela au XIX°: siècle ! Après avoir servi la France sous Charles VII et sous Louis XI, la Chenaye se sentant affaibli par l’âge et les fatigues, « force lui fust quitter lances et heau- » mes, et venir prendre repos à la maison de la Ro- ( 288 ) » che et du Pin... en Parçay (1), » dont il était le seigneur. Il mourut au mois de février 1486. Sa Rite Anne Daussigné le précéda de deux années dans la tombe. Elle avait été élevée en la maison de la Royène Marie épouse de Charles VIL, fille de Louis II d'Anjou, et sœur du bon Roi René. Nous donnons ci-après les deux épitaphes en vers que l’on pourrait plutôt appeler de mauvais bouts ri- més; toutefois pour les juger, il ne faut pas CUBHER que nous sommes au XV® siècle : ÉPITAPHE DU MARI. Cy devant git Huet de la Chenaye Noble homme et preux, plein de vertu mondaine Qui n’épargna onc or ny monnoye Pour... armées, avoir graces et hautaine. Dès son jeune aage, sa renommée certaine Fust que à la guerre se porta diligent, Aussi fut-il sur plusieurs et régent. Contre aucuns Anglois et autres gens, Sous le roy Charles septième milita , Louis reignant aussi peu négligent, Fut renominé; maïs les armes quitta : Car quand il eut bien servi le royaume _ Et qu'il eut aage et ans à grant foison Force l'ui fust quitter lances et heaumes Et venir prendre repos à la maison De la Roche et du Pin... Dite en Parçay qu'il fust le vrai sei gneur ; Mais c’est tout clair qu’à cause et par raison De celle Ruche est d’icy fondateur Qui du monde fut final viateur, Du mois de février pour droictement.…. Rendant son âme au haultain Créateur, L’an mil 400 quatre-vingt-sixième. ’ CS A et OS St ee (1) Non loin de Linières, ( 289 ) ÉPITAPHE DE LA DAME. En Paradis soit l'esprit assigné, De celle dame qu'icy est inhumée; En son vivant dicte Anne Daussigné, De douce dame providente et renommée, Qui de jeune aage tant sage. . . -. . État Noa ia. e Le. fut nourrie Entretenue et aussi très aimée, En la maison dé la Royene Marie, Par elle n’est la ligne tarie, | De Sire Huet qui cy-devant repose, Çar elle était telle grace. . . . Que sa compagne fut et loyale épouse, rès-dispensée fut en soy véritable Et dévote par vertu singulière. Aux patients, humaine et charitable. Et aux pauvres diligente aumonière, Qui pour son âme firent mainte prière; Quand humaine mort. . . - . voulut abattre ... . du mois de mai ses vertus plenières, L'an mil quatre cent quatre-vingt-quatre. Ges deux épitaphes nous ont été communiquées par M. de Boissimon. L'église qui les renferme appartient au commencement du XIIIe siècle (style Plantagenet). Bien que Huet de la Ghenaye n’ait pas eu beau- coup de célébrité, cependant nous ne regrettons point de vous en parler, car:il est le seul des hommes d’ar- mes ses contemporains, dont il soit à notre connais- sance resté trace de monument en Anjou, V. GonarD-FAULTRIER, ( 290 ) EVEILLON (Jacours). S'il vous arrive de visiter les Châteliers près d’An- gers, c’est-à-dire les resies du camp romain de Fré- mur, vous verrez, non loin du couvent de la Bau- mette, dans les terres, s’élever ungracieux logis nommé le-Tremblay, ayant tourelle en style de la fin du XVe siècle qui renfermait jadis au troisième étage, une très petite chapelle où le vénérable et pieux Jacques Eveillon aima souvent à se recueillir, Des hauteurs du donjon, il se plaisait lorsque l’élude avait fatigué ses yeux, à les délasser sur la riante campagne qui s’étale en triangle au-devant de la Loire et de la Maine. Il recut plus d’une fois dans ce manoir, nous ne pouvons en douter, les trois évêques d'Angers, Guil- laume Fouquet de la Varenne, Claude de Rueil et - Henry Arnauld dont il fut successivement le grand-vi- aire et l’ami. La campagne de Saint-Laud était alors Ar de: petits logis appartenant les uns à des chanoines, les autres à d’honnêtes familles, tous gens de vieille sou- che, qui s’entrefétaient avec une simplicité antique que nous retrouvons encore aujourd'hui dans les mœurs si douces et si pures des fermiers de cette pa- roisse. Le logis du Tremblay ne brillait par aucun luxe, et les collations qu’on y prenait, étaient d’une extrême (291) frugalité ; en pouvait-il être différemment avec la grande charité d’Eveillon ? En effet, comme on lui re- prochait un jour qu'il n’avait point de tapisseries , il répondit : « Quand en hiver j'entre dans ma maison, >» les murs ne me disent pas qu’ils ont froid; mais » lespauvres qui se trouvent à ma porte, tout trem- » blants , me disent qu’ils ont besoin de vêéte- » ments (1). Ces paroles me rappellent la chambre d’Henry Ar- nauld dont l’ameublement ne valait pas 50 écus. Eveillon eut aussi cela de commun avec cet évêque, qu’il contribua comme lui à rétablir dans le diocèse la discipline ecclésiastique, par ses vertus, son savoir et par ses ouvrages justement estimés des théolo- giens, ET | Il naquit à Angers en 1572 et non pas en 1982, comme l’assure Bodin, et disons de suite qu’il mourut en 1651et nullement en 1662 ainsi que l’a écrit le mê- me auteur. Voici nos preuves : Eveillon, d’après Mé- nage(2) et aussi d’après Bodin (3), fut reçu chanoine en1620; d’un autre côté Jacques Lefèvre (4) nous ap- prend que son oncle vécut un peu plus de trénte années investi de cette charge , ce qui porte son décès vers 1651, date assignée par Furne dans sa biographie; re- tranchez maintenant de ce chiffre les 79 ans d’Eveillon (1) Dictionnaire de Ladvocat au mot Eveillon. (2) Remarques sur la vie de Pierre Ayrault, par Ménage, p. 226. (3) Angers, t. 2, au mot Eveillon. (4) Avertissement de la 2c édition du Traité des excommuni- cations et monitions. ((2985) ï constatés par la legende de son portrait gravé ‘en 1672 (1). et vous aurez le nombre 1572, vraie date de sa naissance. Très jeune encore, Eveillon professa la rhétorique à Nantes et ne tarda pas à ‘être nommé curé de Sou- laire (canton de Briollay), où il résida durant 13 an- nées, partageant son temps entre les soins du minis- tère ét l'étude du grec qu’il possédait fort bien; en- suite on le nomma curé de la Trinité et puis de Saint- Michel du Tertre à Angers. Plus tard enfin, l’évêque Guillaume Fouquet, appré-. ciant son mérite et ses lumières, le créa en 1620 , cha- noine de sa cathédrale et grand-vicaire; Eveillon contribua beaucoup à la réforme du Bréviaire (2). La mort de Fouquet arrivée en 1621, ramena sur le siége d'Angers, Charles Miron qui l'avait déjà occupé de 1588 à 1616. Ce prélat eut de fréquents démélés avec son cha- pitre pour léquel Eveillon prit fait et cause après l’an 1621, dans une polémique passablement amère et commencée dès l’année 1612. À cette occasion, il pu- blia deux brochures, luneintitulée Apologie du chapi- trede Saint-Maurice d'Angers, l'autre connue sousle titre de Response du chapitre de l’église d'Angers au livre de la Plainte apologétique pour Monseigneur l’évéque d’ Angers, Paris 1626. Il y a dans ces ouvrages une incroyable dépense (1) M. Quelin, amateur distingué d'objets d'arts et d’anti- quités, en possède le cuivre. (2) Ménage déjà cité, p. 226. (293) d’érudition; c'était alors l’usage d’en agir ainsi, à pro- pos d’un fait on en trouve mille qui n’adhèrent que de fort loin au sujet. Mais tous ces hors-d’œuvres ne sont point à dédaigner, puisqu'ils renferment un grand nombre de notes historiques d’un haut intérêt pour Anjou. La polémique reprise après 1621, au nom du cha- pitre de Saint-Maurice, avait commencé par suite d’un statut particulier de Charles Miron, qui défendait à l’abbesse et aux religieuses du Ronceray d’Angers d'ouvrir les portes du chœur de leur église pour y re- cevoir quelques processions annuelles, et entr’autres celle de la Fête-Dieu, prétendant que c'était violer la clôture religieuse. - Le chapitre appela comme d’abus de cette sentence, et il fut ordonné que Les portes seraient ouvertes à la procession du Saint-Sacrement et à celle de saint Marc. L’évêque ne tint compie de l'ordonnance, et lors du Sacre de 1614, le juge des lieux, en exécution de lar- rêt du Parlement, les fit rompre (1). « Nonobstant » quoy Miron, demeura toujours ferme dans son statut, » par l'avis de l'assemblée générale du clergé de l’an- » née 1615 qui jugea qu’attendu le fait dont il s’agis- » soit duquel la direction, la juridiction, et connois- » sance n'appartient qu à l’église, il ne pouvoit ni ne » devoit en conscience lever ces défenses, ni les » ecclésiastiques ou laïques y contrevenir. » (1j Préface de la response du chapitre d'Angers, — Statuts sy- nodaux de Charles Miron, p. 321. { 294 ) Cette lutte engagée contre son chapitre cessa vers 1616, époque à laquelle il se démit de son évêché en faveur de G. Fouquet. Mais elle se réveilla peu de temps après sa réinstallation sur le siége de notre diocèse, notamment en 1624. La veille: du Sacre de: . cette année, Charles Miron « voulant mettre, dit » Eveillon , le chapitre en haine et abomination au » peuple, par la terreur des censures de l’église, fit » afficher par tous les carrefours , une ordonnance en » vertu de laqueile il donnait à entendre que les cha- » noines encouraient excommunications et malédic- » tions (1). » « Le lendemain , s’il faut toujours en croire Eveil - » lon, le corps de l’église d'Angers, voulant aller à la » procession fat arrêté dès la sortie de la cathédrale » par les soldats qui s’étaient saisis des portes de la » cité (2). L’évêque aurait même fait lever les chaînes » des rues après lui (3). » Cependant cet obstacle dura peu , puisque l’on peut dire qu’il y eut ce jour-là , deux processions du Sacre, celle de l’évêque et celle du chapitre (4). Tous ces troubles, pendant lesquels les portes du chœur du Renceray furent deux fois ouvertes par or- dre du juge séculier avec bris deserrures , s’évanouirent en l’an 1626, époque à laquelle Miron fut nommé arche- (1) P. 210, Response du chapitre. 2) Zbid 282. (3) P: 507. (£) Passim 50%, 505, 506, 507. ( 295 ) vêque de Lyon; mais ils enfantèrent des volumes dont les principaux auteurs ont élé Claude Ménard pour l’évêque et notre Eveillon pour le chapitre. Le profit net de tout ce tapage se résume en quel- ques notices uliles au point de vue historique, car Eveillon et Ménard ont analysé à l’occasion de cette polémique un grand nombre de chartes et de manu- scrits dont il ne reste aucune trace. Sous Claude de Rueil , successeur de Charles Mi- ron, l’existence d’Eveillon se passa douce et calme, si bien que nous le perdons à peu près de vue pendant quelques années. En effet, les temps les plus favora- bles au bonheur sont toujours ceux qui n’offrent au- cuné prise à l’histoire. En 1639, Eveillon, uniquement livré à l'étude et au ministère, se rend à l’abbaye de Nyoiseau , près de Segré, et dans la première semaine de mai, bénit les fondements d’une église paroissiale que l’abbesse fai- sait construire , et qui, achevée l’année suivante, fut dédiée le 17 juin par Claude de Rueil , au nom du Sau- veur et de la Vierge Marie (1). Mais qu'importe nt à l’histoire de pareils faits? ne lui faut-il pas plutôt du bruit et du drame que de pieuses et tendres émotions ! Et cependant nous n’avons rien de semblable à offrir au lecteur dans la vie toute pa- cifique de notre chanoine. Les plus grands événements qui la traversent sont . en 1641 la publication de son ouvrage de Processioni- (1) Vallucheé, manuscrit, p. 44 de mes notes. 1840, ( 296 ) bus ecclesiasticis, Paris in-8°; en 1646, l'impression du Recta psallendi Ratione, la Flèche in-4; en 1650, celle de lApologia capituli ecclesiæ Andesa- vensis pro Sancto Renato episcopo suo adversüs dis- sertationem duplicem Joannis de Launoy doctoris parisiensis ;. Andegavi, apud Petrum Avril , acade- miæ typographum, in-8°. Arrêtons-nous un instant sur ce livre devenu fort rare et dont nous devons la communication à M. le comte de Romain. Cette apologie de plus de 250 pa- ges est le produit d’une polémique qu’il engagea con- tre le fameux Launoy, docteur de Sorbonne, surnom- mé le Denicheur de saints , et duquel on disait alors qu'il avait plus détrôné de saints du Paradis que dix papes n’en avaient canonisés. Ce Launoy qui, je le soupçonne, a plutôt mérité d’être recu citoyen de Genève que Docteur en Sorbonne, avait attaqué l'existence de saint René dont voici en peu de mois la légende. René, évêque d'Angers vers le milieu du V° sièele, naquit à la Possonnière, sur la rive droite de la Loire, en un liea où depuis l’on a élevé une chapelle de son nom. Il appartenait à une famille riche, pieuse et dis- tinguée ; son père Honoratus Cheotedrus , et sa mère Bononia, après avoir obtenu ce fils chéri par linter- cession de saint Maurille , ne tardèrent pas à le voir mourir; mais Dieu, qui sans doute avait voulu éprou- ver: Bononia, lui rendit son enfant, que Maurille, en le ressuscitant, nomma René, rursus natus , né de nou- veau. Le jeune homme miraculeusement rappelé à la vie, devint le disciple assidu de saint Maurille auquel (297 ) il succéda sur le siége d'Angers ; auparavant il s’était donné tout entier à l’église de Chalonnes, qu'il des- servit pendant longtemps. Au milieu de ses travaux apostoliques , l’amour de la solitude venant à le sur- prendre , il n’y put résister, et quitia , vers l’an 453, son diocèse pour se rendre à Rome, et mener ensuite, à Surrentum , en Italie, la vie contemplative des er- mites. Ses vertus se répandirent au-dehors et le por- tèrent, bien malgré lui , sur le siége de Surrentum, qu’il occupa jusqu’à son décès ; les habitants de son nouveau diocèse firent élever une église sous son in- vocation , et, à la nouvelle de sa mort , les Angevins réclamant ses reliques, éprouvèrent un refus ; nou- velle insistance, cette fois pleine de succès. En effet, avec la permission du pontife romain, ils emmentrent le corps de René , que plusieurs hommes d’armes ac- compagnèrent , afin d’assurer-le voyage. L'entrée à Angers des reliques du saint évêque fut une véritable fête. Quatorze siècles ont passé sur cet événement dont le souvenir n’est pas altéré. Telle est la légende que Launoy crut devoir anéan- tir et que notre Eveillon s’eflorca de réhabiliter. A celte occasion , il se forma un troisième système qui, sans admettre le miracle de la résurrection de René, ne crut pas devoir rejeler l’existence du saint évêque; l’auteur de cette opinion intermédiaire fut le célèbre Gilles Ménage , à propos duquel Eveillon , toujours plein de sens dans ses argumentations et ses preuves, s’est permis cependant ce singulier raisonnement, Je traduis mot à mot : « Mais ne voilà-t-il pas, dit-il , un autre exemple de ( 298 ) \ » la plus virulente dérision que Launoy manifeste à » l'égard du très illustre Gilles Ménage, qu'il appelle » son ami et auquel il a dédié sa Dissertation contre » saint René. Ignore-t-il donc que Ménage est doyen » (decanus) de l’église collégiale de Saint-Pierre d’An- » gers et successeur en celte dignité de son parent (parentis sut), personnage très célèbre. Or, Saint- Pierre possède les plus insignes monuments de l’histoire de saint René , car c’est en cette église que , sur le point d’être baptisé par Maurille, René fut offert à Dieu par sa mère , en cette église qu'il. fut enseveli, en elle ressuscité, en elle que l’on con- » serve l’arcade de pierre de sa sépulture... Launoy » ne comprend-t-il donc point l’injure qu'il fait à » son ami Ménage en touchant ainsi la pupille de ÿ Ÿ > > LS > y Ÿ » son œil? » J'avoue que si notre Eveillon n’avait rien dé mieux à nous présenter, la résurrection de saint René serait passablement compromise. Mais il prend sa revanche avec habileté dans les autres parties de sa polémique, à laquelle nous renvoyons le lecteur pour passer à l’examen bibliographique de son dernier ouvrage in- titulé : Traité des excommunications et monitoires, dédié à Henry Arnauld, évêque d'Angers. Ge travail, écrit en français , fut imprimé pour la première fois à Angers, en 1651, et pour la seconde à Paris, en 1672. Cette récente édition, beaucoup plus complète que la première, a été publiée par les soins de Jacques Le- févre , neveu d’Eveillon; elle est précédée d’une fort belle gravure de P. Landry, représentant l’auteur en costume de chanoine; nous en avons déjà parlé. (299 ) Le lecteur ne s’attend pas que nous lui donnions l'analyse du Traité des excommunications et moni- totres , car autant vaudrait , à propos de Justinien, analyser les [nstitutes. Nous dirons seulement qu’il s’y rencontre des faits intéressants pour le légiste , et curieux pour l’histoire, Par exemple, et je terminerai par à , on sera surpris de lrouver dans un ouvrage profondément théologique de_piquants détails sur les charivaris. Je copie textuellement : « Il faut, dit-il aussi, compter au nombre des ex- communications comminatoires , celle qui a été autrefois ordonnée au concile provincial d'Angers , tenu en l’an 1448 , contre ceux qui font le chari- vari; voici lestermes : /nsultationes , clamores, sonos et alios tumultus, fieri solitos in secundis vel tertiis quorumdamnuptiis, quos charivarium vulsô appellant, propter multwet sravia inconvenientia, quæ indè sequuntur, fieri omninô prohibemus , sub excommunicationis sententia et alia pœna ar- bitraria. » Autrement : « Vous défendons ; sous peine d’excommunication, les insultes, cris, bruits et autres tumultes , qui sont de coutume aux se- condes et troisièmes noces, et que l’on nomme cha- rivari ; nous les défendons à cause des graves in- convénients qui s’ensuivent. » « Nous voyons, ajoute Eveillon, au livre intitulé : Decreta Ecclesiæ gallicanæ , plusieurs anciens sta- tuts de divers diocèses par lesquels le charivari est défendu sous peine d’excommunication, tpso facto : pour faire entendre au peuple combien l'Eglise a jugé énorme et grief le péché de telles insolences. | 22 ( 300 ) » Il me semble bon de dire ici en passant l’origine de » ce nom de charivary, à celle fin qu’on en conçoive » plus d'horreur. Il a été tiré du mot grec x pnGapesr » qui est à dire avoir la teste chargée, d’où xapnGapi- » TAG 0100 du vin qui charge la tête; pour ce que faire » le charivary est une action d’ivrognes , qui ont la » teste pleine de vin; tellement que l'Eglise a pu bien » justement les appeler xaçn£ezpcso, par la même rai- » son que chez Homère les hommes impudents sont » appelés ovoGaçeic chargés de vin. » Au temps d’Eveillon , le goût des étymologies était à l’ordre du jour; Ménage avait beaucoup contribué à le répandre et même à en faciliter l’abus. Cependant les études philologiques ont su profiter de ces pre- miers essais, comme il arriva que la chimie naquit des aberrations de l’alchimie. Eveillon termina ses jours au lie des pla saintes ardeurs de sa foi et de sa charité; en mourant, il légua sa bibliothèque au collége de la. Flèche ; aux pauvres d’abondantes aumônes, de bons exemples à sa famille et d’excellents ouvrages à l'Eglise. 2 V. Goparp-FAULTRIER. ( 301 ) NOTE SUR ROGUE. ——s— L’Anjou au moyen âge , vous le savez, Messieurs, par ses fortes études de droit, fut de nos provinces de France l’une des plus remarquables. Notre ville, déjà sous les Mérovingiens, était gouvernée par ses célèbres Formules angevines, véritable code qui émanait de la loi romaine, de la coutume du pays et de l'autorité royale; elles sont arrivées jusqu’à nous. Tout le monde ici les connaît; mais ce que beaucoup ignorent, c’est, si nous devons en croire l’ Histoire de France de Théophile Lavallée, tome [*, page 375, que les Pan- dectes furent enseignées pour la première fois en France, à Angers , sous Henri IT, roi d’Angleterre et comte d'Anjou (XII: siècle.) Depuis lors, jusqu’au XVIII, les études de droit se maintinrent à une grande hauteur. Rogue , proeureur au consulat d’An- gers, est un des derniers jurisconsultes de nos savantes et anciennes écoles. Ù | Get auteur publia vers 1773, chez Jahyer, un tra- vail en deux volumes, intitulé : « Jurisprudence con- » sulaire et instruction des négociants , ouvrage utile » aux marchands, banquiers, commissionnaires, » receveurs, gens d’affaires, procureurs des juridic- » tions ordinaires où on juge consulairement, huis- (302) » siers, à ceux qui vendent les bestiaux et denrées pro- » venanis deleurs biens, fermiers et autres. » Ces deux volumes in-12 sont dédiés à MM. les consuls d'Anjou, en ces termes : « Agréé, leur dit Rogue, dès l’âge de 17 ans pour » plaider à votre siège, j’ai tâché de profiter de vos ÿ lumières et de vos connaissances pour en faire part » à mes concitoyens... » J'ai pris soin, ajoute-t-il plus loin « de recueillir vos décisions, et je me suis » attaché à en faire une juste application. Get ouvrage » n’en est, a proprement parler que le résultat, et s’il » a quelque mérite, ce n’est que du côté par lequelil » vous appartient. » Ainsi, Messieurs , le travail de Rogue a cela d’inté- ressant , au point de vue de l’histoire; qu’il est un ré- saumé complet de l’ancienne jurisprudence de notre tribunal de commerce, autrefois situé rue Baudrière, et érigé sous le nom de Palais des Marchands, par édit de Charles IX, vers 1564. , M. Béraud, votre honorable secrétaire, possède dans ses papiers de famille , deux manuscrits originaux de l’ouvrage que nous venons de citer, l’un porte en titre: Bibliothèque consulaire ; Vautre, Principes consulai- res. En les parcourant et après les avoir confrontés avec le texte imprimé, je me suis aperçu qu’ils en dif- féraient beaucoup sous les rapports de la rédaction, de la distribution des chapitres et de la mise en ordre ; Rogue, nous apprend lui-même ces changements par une note placée en tête de chaque manuscrit. Il est également auteur d’un ouvrage non imprimé, intitulé Loër des Bâtiments, et divisé en trois sections; ( 303 ) - la première renferme un petit dictionnaire de tous les noms techniques relatifs aux constructions: cette partie du manuscrit nous semble assurément la plus intéres- sante, et votre commission de Linguistique fera bien de la consulter et d’en extraire certains mots qu’elle ne trouverait probablement pas ailleurs. Après ce dictionnaire, vient la seconde section fort courte, qui comprend un aperçu général des prix des matériaux ; comparés avec ceux d’aujourd’hui, ils peuvent offrir aux amateurs de statistiques, de curieux contrastes. | La troisième et dernière, a pour titre Loix des Bà- timents. Elle est un sommaire qui aurait encore son utilité en matière de murs mitoyens. Cette troisième section, s’il faut en croire certains renseignements , ne serait qu’un abrégé d’un travail malheureusement perdu ou égaré. | Rogue, comme vous le voyez, Messieurs, mérite une mention très-honorable dans vos bulletins. S'il ne fut pas un personnage éclatant, quoi qu’il ait vraiment fait autorité en matière commerciale, du moins, peut-il être compté au nombre des hommes utiles à l’Anjou; une insigne. délicatesse et le désir d’apaiser entre négo- ciants, des procès ruineux à leur crédit, sont autant de qualités qui se manifestent dans {a jurisprudenceconsu- laire. N'est-ce donc rien, Messieurs, pour un procu- reur, vous connaissez la portée de ce nom, d’avoir été hostile à la chicanne. Le cas se trouva si rare autre- fois, qu’il devient pour nous un petit événement. V. GoparD-FAULTRIER. (304 ) RAPPORT SUR DEUX SUDATORIUMS, DÉCOUVERTS AU MOIS DE MARS 1846 , DANS LE CHAMP DUREAU, AU VILLAGE DES MAZIÈRES , COMMUNE DE MURS. 5m —- Le 9 mars 1846, par une belle journée, MM. de Beauregard. Lèbe-Gigun , Villers, Dainville fils, Chanlouineau , Hossard , Quélin , Miltiade et Maximi- lien Bernard de la Frégeolière, M. Bernard de la Fosse et lé soussigné, se réunirent à midi au village des Mazières , gracieux plateau situé entre l’Aubance et la Loire, commune de Mûrs. Je ne vous dirai pas, Messieurs, le plaisir que la vue du paysage et les premières senteurs d’un prin- temps, cette année très précoce , nous causèrent, mais je vous parlerai des eaux vives qui envi- ronnent nos deux sudatoriums. Ges eaux généralement à fleur de terre, coulent de l’est à l’ouest en petits fi- lets limpides sur une pente très douce et d’agréable température. Des sources, du soleil et une belle. exposition ne pouvaient manquer d'attirer en ceslieux quelques-unes de ces familles gallo-romaines qui se plaisaient à passer ( 305.) la saison d’été dans de eharmantes villas. Certaines ruines, une grande quantité de briques à rebord , le nomde Mazières (petites mazures), celui de Mürs {muri), un autre lieu appelé Tremur (trans muros) , le voisinage des châtelliers de Mûrs et enfin nos deux sudatoriums prouvent que ce plateau dut être partagé en une ou plusieurs villas. Or, est-il qu'il y avait peu de ces endroits de plaisance, à n’avoir pas chacun son petit établissement de bains. En effet, nous con- naissons des restes de balneum à Saint-Remy-la-Va- renne , à Gennes, à Bagneux (Balnei) près de Sau- mur, à Lesvières (Aquaria) près d'Angers. Parmi ces balneums , les uns étaient publics ét les autres privés, leur usage introduit en Gaule avec la conquête ro- maine se répandit bientôt jusque dans les campagnes. On prenait les bains habituellement en été vers deux heures de l’après-midi, et l’hiver (1) sur les trois heures. Sous Auguste, ces établissements furent nommés thermæ, du grec dep calores, id est, calidæ aquæ (2). ï « On commencait le bain avec de l’eau chaude, » on la tempérait ensuite par le mélange de l’eau » froide (3). » L'usage des bains froids quoique plus rare, ne cessa pas cependant d’être pratiqué; du reste, un balneum — ———_—————_————_— “Ra (1) Antiquités romaines, tome 2, par Alexandre Adam, Recteur d’Edimbourg en 1818. (2) Id., p. 263. (3) P. 264. ( 306 ) complet renfermait : 1° unesalle nommée frigidariem avec sa cuve labrum, pour les bains froids; 2° un ce: pidariunt pour les bains tièdes; 3° un caldarium (1) pour les bains chauds , et'enfin de petites chambres nommées sudatoriums pour faciliter la sueur. Les femmes avaient leurs appartements séparés. Habituel- lement on voyait deux frigideres, l’un établi dans une salle (2), comme je ai dit plus haut; l’autre en plein air ayant un bassin, labrum, aut lacus baptisterium nata- tio oupiseina, dans lequel on pouvait se baigner plu- sieurs ensembles; ce frigidere était orné d’un léger toit. Ces préliminaires ne sont pas inutiles puisqu’ils serviront à bien vous faire comprendre que nos deux sudatoriums irouvés au village des Mazières devaient appartenir à un balneum entier quoique sans doute privé. Un jour peut-être, le hasard ou de nouvelles fouilles, viendront confirmernosconjectures. Quoiqu'il en soit, décrivons maintenant nos deux sudaloriums. Ils sont contigus; le premier situé vers l’est a de longueur 2 mètres 20 centimètres et de largeur | Lu 90°; le second vers ouest 2",28° de long et 1" go° de large, voir le plan de M. Dainville, figure 1°°. Leur profondeur est de 1" 33° environ , les parois sont for- mées avec des briques à rebord à partir du fond jusqu’à la hauteur de 55° ( voir la coupe en longneur et en travers fig. 2 et 3). Le petit mur de refend, détruit peu de > (1) La’ cuve du caldarium pouvait contenir environ huit ou dix personnes, voir Mazois continué par Gau , Ruiues de Pori- peï, t. 3, p. 76, pl. 48. (2) Voir Dezobry, t. 17, p. 221. SVDATORIVMS. & NANRANTORES A ES es | NN in 2SS NN N NS NN EBX SOI XN on | FD, 7 ne RTE UODDU 27 D 01/1) U/UI02 LAIT (29710/ 77772277 = y) Me ARE . = OIZZ 277477 0274 77 D cod agriouues pd u AUBIN NU) 21e, SE SS SERRE | Der dk Le ABolur : { : ATAST A; ,° ce, [ENS : ha 4 np D charge FE TETE CHER DE 0 Vu hr, rte. | a te RAT £ ro. titre M2. 7 PRE à 8 #; re Hamas « da verge &à a URe À ar cé Fr 14% dé a Fear iz meer 1 7 3 it la cartes M u Lil DE fa: PL db vs Je s'apBDa dE: “rois Le 4 NAT) CU t » dan hub di 4 CA - (Æ., + 48 date PT 9 ! “% L 2 : ê 4 x # #0 $ À + #6 0% +. tb Det F d re, :) Y e ser, 1besibeureux de Guprouder Ra puuvers cptuplen ii Mod Ecriture Ronde. io. pla à fa plume Prebronce plomP | Craucpéi chfieque du ni Tiaucen fic ou franss dragonal fire/bu franchi Le fait, couthec fires du recu X (a plume FR À iticéi fraity courbe e } __ figure no One ; faits de a pf um. Ru # cCoHITtCtLT ce (898) En présentant ses modèles , Legangneur y joint le précepte, chacune de ses pages taillées en cuivre est, en effet, une explication sur la matière. N'attendez pas de moi, Messieurs, que je vous renseigne sur les procédés ingénieux de sa méthode, la tâche serait trop difficile et conviendra beaucoup mieux à notre honorable collègue, M. Quelin, qui voudra bien ici recevoir nos remerciîments de ses pré- ciéuses communications, Je me bornerai donc à vous présenter quelques détails bibliographiques. La première partie du travail de la technographie est dédiée à Monseigneur de Belièvre, chancelier de France: celte dédicace est suivie d’une adresse au lecteur, charmante de naïveté et de grâce.« La parole, »'dit-il, est comme fille de la raison, et l’escriture sœur de la parole... » puis il ajoute: « mais en quel » degré d'honneur aurons-nous lescriture si nous »monstrons que son mérite surpasse de beaucoup » celuy de la parole?» Et continuant sa thèse, il écrit: « On ne doit pas aussi oublier, qu'entre les » chosés belles, les plus rares et difficiles emportent le »prix, l'escriture l’est donc plus que la parole, » puisque le nombre de ceux "qui escrivent est plus » rare que Ceux qui parlent, attendu qu’il ny « pas » jusques aux 0yseaux que par routine on n'apprenne » à parler, mais escrire non. » Ces lignes assurément sont plus jolies qu’elles ne sont vraies. _ Enthousiaste de son art, il est, heureux de nous apprendre que «les. pauvres peuples du Nouveau- { 394) » Monde n’ont rien tant admiré sur tous nos artifices » que l’escriture....., croyant que dans les caractères » il y avait quelque démon ou autre divinité latente et » cachée... tellement qu’à toute peine on les a peu » destourner et divertir d’adorer les paquets et depes- »ches qu’on leur donnait à porter d’un lieu à un » autre... faisant ainsi leur compte que le son de la » parole estant imperceptible il ne se pouvait partant » enclore n’y renfermer dans du papier sans quelque » divin mystère. Après quelques éloges pleins de. bonhomie sur sa profession, il nous dit que dès ses jeunes ans il a eu pour elle une merveilleuse inclination et qu'il ne tarda pas à répudier les caractères anciens «et à » rechercher avec une peine incroyable tous moyens » pour ‘parvenir à la perfection de cest art. » Puis il avoue, sans feinte modestie, qu'il est arrivé à de bons résullats « ayant départy, écrit-il, publiquement au » profit et commodité de ma nation, les traits de ces » beaux charactères que Dieu m’a faict la grâce d’in- » venter et OTnET..... j'auray ce contentement en » moy même d’avoir esté des premiers qui ont fait la » pointe et frayé le chemin en ce vertueux exercice, » et qui l’ay rédigé en préceptes certains. Viennent ensuite trois pièces de vers parmi lesquelles se distingue un sonnet de Jacques Dorat, neveu du grand Dorat, surnommé le Pindare français. + L’oncle et le neveu ne se ressemblaient guère. Voyez, en effet, s’il y a du goût dans cet anagramme : » Guillaume Legangneur, angevin » Ung ange venu lui reigle La main. (395) Suivent quatre strophes, où Pallas, le fils Tidée, les rives du Scamandre pour rimer avec attendre, Numa, Licurgue et la nymphe Ægérie font tousles frais. La seconde partie du travail de Legangneur, la Rizographie, est dédiée à Monseigneur de la Guesle, conseiller du Roi en son conseil d’Estat. Elle précède une adresse dans laquelle l’auteur s’exprime ainsi : « Quant aux caractères français (la Ronde} ils sont »naiz dans mes champs, plantés et entés de ma propre » main tellement que je ne crains point qu'aucun soit »de si mauvais naturel que de me vouloir ravir » l'honneur qui justement n'en appartient. » Cependant il paraît bien par ce qui suit que cer- tains envieux lui contestèrent la priorité. « Si j’eusse » peû, dit-il, recouvrer un tailleur en cuyvre qui eût » attaint quelque degré de perfection en son art. Je » ne serais contraint, maintenant, d’user de tant de » paroles pour la recognoissance de mes inventions » car il ÿ a quinze ans et plus ({ vers 1584 : que je les » eusse mises au jour comme tesmoigneront plusieurs » gentils esprits à qui j’ay enseigné depuis vingt ans » (1579 ) les mêmes préceptes. » Quelques pages plus loin apparaissent, suivant la cou- tume, les éloges de l’auteur en vers lalins et français ; souffrez, Messieurs, que je vous en fasse grâce. La troisième partie de l’ouvrage de Guillaume Legangneur, la Calligraphie, est dédiée à M. Galandius, principal du collée de Boncourt, et adressée à la jeunesse française. Les caractères grecs. y sont fort beaux. c En résumé , Messieurs, Legangneur, angevin, comme ( 296 ) il lui plaît de se nommer, acquit, à la fin du XVI: siècle, une telle renommée dans son art, qu’il devint secrétaire de la chambre du Roy ( Henri IV }), et que sa méthode eut un succès général. Il perfectionna les caractères grecs et italiens, et inventa pour ainsi dire ce que nous appelons l'écriture française (la Ronde). «En 1632, nous écrit M. Quelin, un arrêt basé sur » les décisions du calligraphe angevin ordonna à la » communauté des maîtres-écrivains de s’occuper de » nouveau de la réforme générale, de l’ornementation » des letires.. Barbedor et Lebez, célèbres artistes, » furent chargés de ce travail, d’où sortirent deux » alphabets de lettres aussi simples que le goût du » temps pouvait le permettre; l’un par Barbedor, » de lettres rondes ou françaises ; l’autre par Lebez, » de lettres bâtardes ou italiennes. » Après la formation et l’adoption de ces alphabets, » un second arrêt intervint qui en ordonna le dépôt au » greffe et fit défense d’enseigner d’autres caractères. » Nos écritures modernes datent de cette époque.» Vous le voyez , Messieurs, l’influence de Legangneur lui a survécu, et des arrêts célèbres ont tenu compte de ses préceptes. Il eut également le rare avantage d’appartenir au petit nombre de ces hommes qui, : durant le XVie siècle, contribuèrent, chacun dans sa spécialité, à favoriser l’éclat de cette révolution que l’on est convenu d’appeler {a Renaissance. V. Goparp-FAULTRIER. (397) NOTE SUR CLAUDE DE RUEIL ET SUR SON TOMBEAU. (XVIP: siècle, sous la Galerie de la cour du Musée.) mr à CO ae La statue en marbre blanc de Claude de Rueil, évêque d'Angers, au rapport du savant M. T. Grille, est du ciseau de Busster, sculpteur, né à Bruxelles en 1595, mort à Paris en 1688. Cette statue, qui autrefois était placée dans l’une des niches situées près de l’escalier intérieur qui mène de l’Evêché à la cathédrale, fut depuis la révolution jusque vers 1843 réléguée dans le palais épiscopal sous un arceau du petit jardin. Mgr Paysant m’assura-qu’il aviserait à la faire transporter autre part. Son suc- cesseur, Mgr Angebault, a bien voulu la donner au musée des antiquités. Le nez, le pied et d’autres parties sont mutilés, mais l’ensemble est assez bien conservé. Elle ne tardera pas à venir prendre place à Toussaint, « Claude de Rueil était natif de Paris (lisons-nous » dans les statuts et ordonnances de cét évêque), » lequel ayant fait une partie de ses études dans l’uni- » versité d'Angers, il passa ensuite par les dignités » ecclésiastiques les plus considérables et fut enfin »élevé à l’Episcopat et pourvu de l’Evêché de ( 398 ) » Bayonne; d’où ayant esté transféré à celuy d’Angers » sur la nomination du Roy Louis XIE, il en prit » possession et y fut reçu le 6 juillet 1628. Il était » d’un naturel doux et affable et qui avait beaucoup » de rapport à celui de Guillaume Ruzé, son oncle et » son prédécesseur, dans l’Evesché..……... il travailla à » établir la paix dans son église... à quoy il réussit... » il a toujours vécu dans une parfaite union avec son » chapitre... Il établit plusieurs maisons religieuses » en son diocèse... Il fit aussi quelques statuts... et » après avoir gouverné près de 21 ans, il mourut le 20 » janvier 1649, âgé de 74 ans. Son corps fut enterré » dans son église cathédrale dans la chapelle de M. » Jean Michel, au bas du degré qui sert à descendre » de l’Evéché, où le chapitre, qu’il avait institué par » son testament son légataire universel, luy a fait » élever un riche tombeau avec plusieurs inscriptions. » et dont celle cy qui est au devant renferme presque » Loutes les autres. HIC SACER ANTISTES JACET ILLVSTRISSIMVS D. CLAVDIVS DE RVEIL, PER OVEM. SACRA PAX, QVÆ JACEBAT, STETIT, STABITOVE STANTE ILLO MELIVS. PACIFICATORI SVO ANDES CANONICI SACRO IN MARMORE ÆTERNA PONVNT TERMINALIA. REOVIESCAT IN PACE. V. Goparp-FAULTRIER. ( 399 ) PEINTURES MURALES DU XII° SIÈCLE, À LA HAIE DES BONS-HOMMES. Messieurs, Avant {a dissertation sur les peintures, deux mots re- latifs à l’origine de ce prieuré. Il fut fondé, en 1140, par Henri IL, roi d'Angleterre et comte d'Anjou, pour lequel le sixième jour d’avril de chaque année, les moines faisaient des prières. Ils avaient le droit d’élire quatre bourgeois de la ville d'Angers, qui par suite se trouvaient exempts de tous tributs gabelles et charges publiques, à la condition de se rendre les conservateurs des biens dudit prieuré. Assez! entrons dans l’an- cienne chapelle, dont les voûtes ogivales, à plein ber- ceau, sont ornées de peintures. Gespeintures, Messieurs, généralement conservées , nous ont semblé devoir être contemporaines de la chapelle qui garde (quelques parties exceplées les caractères du milieu ou de la fin du XII° siècle. Elles ont cela de particulièrement re- marquable , qu'embrassant l'étendue des voûtes de la nef et du chœur, elles figurent plusieurs coupoles ( 400.) avecclefs et nervures cylindriques. Vous diriez un cro- quis colorié des nervures en haut relief, qui se voient aux voûtes de la salle de l'hôpital Saint-Jean, et à celles du chœur de Saint-Serge. Qui sait ! c’est peut-être à la Haie qu’il convient AE ler étudier les premiers rudiments, l’esquisse, pour ainsi dire, de ce genre architectural, qu’à tort ou à raison, je me suis permis de baptiser du nom de style Plan- tagenét. Quoiqu'il en soit, nos peintures murales sont d’an très haut intérêt, et pourront être des types de décoration, lorsque l’archéologie sera entrée , du do- maine spéculatif, dans une voie pratique; car celie science serait une letire morte, si elle n’avait pas une valeur d'application. Ainsi donc pour des voûlés cons- truites de nos jours, en style du XI[° siècle, les archi- tectes chargés d’en diriger les peintures , trouveraient de jolis moufs dans celles de la Haie. M: Dainville a tracé ci-contre un croquis très fidèle dé la coupole du chœur et de quelques détails. Les nervures expri- mées en couleur y partent d’un centre commun, c’est-à-dire, de la clef qui représente si j’ai bon sou- venir le Père Tout-Puissant , puis elles aboutissent en retomhée, sur de gracieux angelots et au fond de l’ab- side, sur la Vierge tenant l'enfant Jésus sur ses genoux. Entre les nervures de cette coupole, on compte huit seclions , quatre chargées d’arabesques simplement, et quatre de médaillons renfermant ici des: lions, et là des aigles , de manière que les sections contenant les aigles, s’alternent avec les sections renfermant les lions. Ces lions (voir le croquis) sont, ainsi que les ai- gles et les personnages, infiniment moins bien dessinés ; ? p DT) Civqup de la Coupole de Chapelle ) , TL ; , uuté de 7 lue dy Doid- lrriet /° Dé ROODUOPEPOPEr SE TC Ce: ee l T° Detail CGrdon pourtenrant Les murs 1 ll + mine NUE F É CZ Cr. Lrcnrite _ {401 ) que les arabesques; nous avons eu ailleurs occasion de faire remarquer cette différence dans les monu- ments du moyen-âge. Les couleurs qui dominent sont le noir, le blanc, le bleu, le rouge-brun , le jaune; certaines bordures ont beaucoup de ressemblance avec celles que l’on observe sur quelques vitraux du XII° siècle. Nous avons principalement été frappé de l’élé- gante végétation qui tapisse les voûtes ; cà et [à vous voyez des fleursétoilées, des tiges délicates et grimpan- Les, vous diriez des myosotis herbacés , des lianes com- me il'doit s’en trouver dans les bois qui avoïsinent cet ancien prieuré. Le peintre évidemment s’est, inspiré des lieux d’alentour et les plantes bocagères grim- pant avec son pinceau jusqu’au sommet de la cha- pelle, en ont fait comme l’une de ces grottes solitaires qui jadis servaient d’asile à la méditation des pieux cénobites. V. GoparD-FAULTRIER. 29 Saycnnières. (402) UN PEU DE TOUT A PROPOS D'ARCHÉOLOGIE. Réparations à l’église de Savennières. — Nos craintes sur les res- tes du château de la Roche aux Moines. — M: Odorici ét Le musée de Dinan. —Encore.les statues de Fontevrault. —Bruits sur les arceaux de la Préfecture. — Atelier de M. Thierry. — Pièces d’or trouvées à Juigné.— Trois découvertes à la cathé- drale : fo châsse de G: Fournier; % tombeau, lampe, crosse et restes de vêtements de Raoul de Beaumont, évêque d'An- gers ; 3° pierre tombale d’un chanoine. — Une question litur- gique. — Pyramide des grands Ponts. Ce titre, Messieurs, pourra vous sembler bien peu sé- rieux; mais vous l’agréerez en songeant qu’il me donne toute facilité pour grouper bon nombre de petits faits qui, sans lui, pourraient s’étonner de se rencontrer les uns auprès des autres ; il a d’ailleurs l’avantage de me mettre à l'aise dans ma rédaction, ce que j'apprécie infiniment. i Or donc, je commence par où peut-être vous eus- siez fini. Nous sommes à Savenuièrés , si vous le vou- lez bien, vis-à-vis de l’église, l’une des plus anciennes de France; je ne vous la décrirai pas, me bornant à vous entretenir de ses réparations récentes. (403) Vous avouerai-je mon inquiétude? j'ai craint long- temps qu’elles ne fussent maladroites, je me trompais, ou, à peu près. En effet, l’extérieur de ce monument nous a sem- blé d’une restauration fort convenable , si une restau- ralion peut l’être : les pierres en petit appareil et les cordons de briques, n’ont point été cachés sous la chaux, ni sous le badigeon ; les joints sont repris avec entente, et ainsi renouvelés , ils aident beaucoup par leurs petits encadrements, à faire distinguer les parties vieilles de celles qui le sont moins. Ici s’arrêtent nos éloges, les réparations de l’intérieur nous ayant semblé moins heureuses; on y voit princi- palement une certaine corniche qui peut avoir la pré- tention de valoir quelque chose , mais qui assurément n’est pas à sa place. Ajoutez que la voûte ogivale de la nef, bien préférable avec ses planches d’autrefois, est à celle heure plâtre dans loute son étendue. Ayez donc après cela, l’idée du ciel sur votre tête, avec des voûtes blanches comme du papier et solides comme du carton! toutefois, nous devons dire que la voûte agivale de la nef a été parfaitement conservée dans sa forme; ses arêtes sont d’un effet passable. Il y a dix aps, on eût mis un plafond et une rosace comme dans une salle de bal! quant à la voûte du chœur, les répa- ralions n’en auron! lieu que lan prochain. Les grattages sont moins malheureux, et l’on a eu ia sage prévoyance, au découvert de plusieurs fresques, d’en assurer la conservation; ce soin est assez rare pour mériter de vous être signalé. Somme toule, l’ensemble des réparations mérite plus 404 } d'éloges que de blâines ; et nous estimerions heureu- ses les paroïsses qui, pour la conservation de leurs 1mo- .a Rache aux n'oines numents, auraient à leur. tête des administrateurs aussi intelligents que ceux de la commune et de la fabrique de Savennières. À l’occasion de nos critiques sur celte église, je dois confesser ici l’une de mes er-. reurs. La nef de ce monument n’est point dans le plan du midi au nord, comme je l'ai écrit quelque. part; elle est'au contraire dans le plan de l’est à l’ouest, c’està-dire parfaitement orientée. Comme’ je revenais de Savennières, guettant de des- sus le bateau à vapeur nos vieux édifices, je crus m’apércevoir que la base des ruines du célèbre châ- teau de la Roche aux Moines avait été dégarnie; je dé: sire, Messieurs, avoir mal vu, ce qui est possible, tant mes yeux sont habitués à trembler lorsqu'il s’agit du sort de nos chères antiquités. Et maintenant veuillez enjamber avec moi cinquante lieues, tout d’un trait. Nous voilà dans le départe- nient des Côtes du Nord, à Dinan, jolie petite ville; où la Bretagne oublie trop ses landes et ses bruyères, pour les aspects d’une Suisse en miniature. Mais, pen- sérez-vous, celle course est très peu archéologique ? jé vous en demande infiniment pardon , pénétrez plu: - tôt dans cette salle, n’êtes-vous pas surpris d’yrencon- trer un fort-beau musée d’antiquités! Un musée au fond dé la Bretagne, un musée dans une ville de 6 à 7 mille âmes , quand Rennes n’en possède point! Qui dénc a fondé cet établissement? un pauvre exilé, Messieurs, un ami de Silvio Pellico, un traducteur de ses œuvres ! Le savant professeur Odorici , originaire ( 405 ) du duché de Modène. Après avoir eu l’avantage de l’entretenir , je lui parlai de notre commission archéo- logique; et sur ma demande, il me répondit qu’il serait heureux d’en faire partie. Vous vous empresserez done, ie n’en fais aucun doute, d’agréer M. Odorici, comme membre correspondant. À présent nouvelleenjambée de Dinan à Fontevrauli; les bottes de sept lieues n’y font rien ! Que de choses tristes à dire. sur l’enlèvement des quatre statues d'Henri U, de Richard Cœur-de- Lion, d’Eléonore de Guienné.et d'Isabeau de La Marche femme de Jean sans Terre. Je sais bien qu’il est encore des personnes qui ne:peuvent comprendre le zèle que vous apportez, que nous apportons tous ici en celle occasion, et nous n’espérons pas les convertir, ni même ne dévons. nous : en soucier; mais à ceimonde étranger aux arts eL aux études historiques, j’opposerai les démarches faites par ceux qui, prenant intérêt à nosslatues , en ont de- mandé la restilution. Tout à la tête de ces démarches, je ne puis m'em- pécher de signaler celles de notre spirituel bibliothé- caire M. F, Grille, qui a écrit lettres sur letires au mi- nistère. Pour le dire en passant, nous devons en partie à son zèle l’avantage de n’avoir pas été dépouillés, vers 1817 et 1819, de ces mêmes statues que depuis bien des années l'Angleterre ne cesse de convoiter. A son tour, sitôt qu’elle eut connaissance par quel- ques-uns de ses membres et notamment par MM. de Cesena, de ‘Beauregard el Hunault, de l’enlèvement des statues, notre Sociélé nomma une commission dont j’eus l’honneur d’être.le rapporteur, à l'effet de Fontevrault ( 406 ) réclamer auprès de M. le Ministre de l'Intérieur. Cette commission, le 8 mai dernier, accomplit sa tâche. Vous connaissez la teneur de sa réclamation que vous. avez votée et qui se trouve insérée dans vos Mémoires, 5° vol., 6° livraison. M. le Ministre de l'Intérieur, en date du 15 juin 1846, répondit par une lettre très favorable : « Je m’empresse, » ÿ esl-il dit, M. lé Président, de vous informer que dès » que j'ai eu connaissance du déplacement de ces sta- »tues, j'ai écrit à M. l’{ntendant général de la liste » civile, pour lui faire connaître combien cedéplarement » était regrettable, et je luiai demandé avec les plus wi- » ves instances de répondre aux réclamations que cette » mesure a soulevées , en faisant réintégrer les tombes » dans l’abbaye de Fontevrault, aprèsen avoir pris des » copies pour le musée dans lequel on voulait les dé- : »posér. » J'espère ,écrit M. le ministre en terminant, que » celte demande sera accueillie favorablement, et que » la société que vous présidez n’aura bientôt plus àre- »grelter l’absence de ces monuments intéressants.» Signé DucHATEL,. Vous vous rappelez , Messieurs, le plaisir que vous causa lalecture de cette léttreet les espérances qu’elle fit naître; un mois environ se passa, après lequel notre honorable Président, M. de Beauregard, s’adressa à M. lIntendant de la liste civile lui-même, au nom de la Société. De mon côté, fidèle au proverbe : frappeztet ul vous scra ouvert, j'écrivis en qualité de Président de la commission archéologique et sur l’avis de ses. membres, à M. de Montalivet, le 4 juillet. (407 ) Mais‘ il paraît que nous n’avons pas assez frappé, car nous en sommes jusqu'ici à jouer le rôle de ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ? Les statues sont toujours à Paris. Egalement je fis part de nos inquiétudes au Comité des arts et monuments età M. Didron , rédac- teur en chef des Annales archéologiques (lettre du 1° juillet). Nos démarches en étaient de là quand , à la dernière tenue du conseil général, séance du 20 septembre 1846, M. Louvet, membre de cette assemblée et maire de Saumur , prit la parole, invitant le conseil à témoi- œner de son côté ses regrets à l’occasion de cet enlè- vement, Le conseil général, appréciant l'utilité de cette proposition, s’empressa de la voter. Malgré cette haute et puissante influence, trois mois s’écoulent, et puis, rien! Au contraire, nous lisons dans les Annales archéo- logiques de M. Didron, secrétaire du comité histori- rique des arts et monuments, tome 5°, 4° livraison , page 256 , qu’au fait de l'enlèvement de nos statues, vient se joindre celui de leur mutilation. De plus, le bruit court : « qu'après avoir élé »restaurées et moulées pour le musée de Versailles, velles seront offertes en présent à la reine d’An- » gleterre. En vertu d’un droit que nous ne connaissons pas, »lisons-nous dans lesdites Annales archéologiques, la »listé civile s’est emparée de ces monuments, qui vétaient la propriété de l'Etat, et qui ne pouvaient , ven conséquence, étre aliénés à aucun prix, pas plus » que l’église même dans laquelle ils se trouvaient, à (-408 , moins d'une autorisation expresse du pouvoir légis- »latif. Les slatues n’en sont pas moins aujourd’hui » dans les ateliers du Louvre, où elles subissent une » restauration fatale on rajuste desnez , on remet des »mains , et, ce qu'il y a de plus fâcheux encore, on » refait à neuf la peinture du xiv° sciècle qui recouvre »entièrement les figures, Sur la statue d’'Henrir, le » peinture s'était écaillée, et laissait voir par dessous »une coloration aussi ancienne que le monument lui- »même. Henri 17, Eléonoôre et Richard sont sculptés ven pierre; les vêtements , serrés au corps el rompus »en plis multipliés, accusent une facture encore ro- »mane. Les couronnes , les luniques, les manteaux, »les agrafes, les chaussures, les gants ornés de pla- » ques, comme ceux des évêques, présentent des’dé- » tails très curieux. La statue de la reine Isabeau, exé- » cutée en bois dans le premier quart du xru° siècle , » s’est conservée presque intacte, tant pour la sculpture » que pour la coloration. Il s’est répandu dans le pu- »blic, au sujet de ces monuments , un bruit auquel » nousne pouvons ajouter foi. On assure que ces sta- »tues, après avoir été restaurées et moulées pour le » musée de Versailles , seront offertes en présent à. la » reine d’ Angleterre, qui leur donnera une place d’hon- »neur à Westminster, À ce compte, il faudrait aussi »envoyer à Londres le Richard Cœur-de- Lion de » Rouen:, le Geoffroy Plantagenêt et la reine Bérangère » du Mans, etc. Gette grande race des Plantagenêts »se faisait gloire cependant d’être francaise (nous »pourrions dire d’être angevine). Richard, en mou- srant, légua son corps à Fontevrault , ses entrailles à » Poitiers, son cœur à Rouen; l’Angleterre n’eut rien »pour partage. » Messieurs, aprèsle vœu du Gonseil général de Maine et Loire, après les observations des Annales archéologi- ques , recueil d’une grande autorité , nous aurions tort d'abandonner louteespérance, nos ressources sont loin d’être épuisées, et vous verrez s’il ne conviendrait pas de nommer unesecondecommission, ou d'investir l'an- cienne de nouveaux pouvoirs, à l'effet de préparer d'autres démarches. Ne perdons pas de vue, que la députation de Maine et Loire n’a point encore été saisie de nos réclama- tions et qu’elle leur sera favorable à l’égal du conseil général et de la presse, à légal enfin de M, le Ministre de l’intérieur lui-même, qui nous fait suf- fisamment connaître que l’enbèvement de nos statues a été opéré parles ordres de M. l’Intendant de la liste civile et nullement par Etat, ce qu'il ne fout pas con- fondre. L'intervention de nos députés, comme vous le voyez, est d’une haute convenance en celte affaire: à eux d'apprécier le côté légal de la question, à nous de réiterer nos légitimes regrets. 1 Quant au bruit que nos quatre tombeaux serent envoyés à la reine d'Angleterre, vous n’y croirez pas; tenons-nous en garde, cependant contre l’habileté britannique, pour quinos quatre morceaux d’antiquités sont de vrais friandises; car, ainsi que l'observation en a été faite au conseil général par M: le comte de Qua- tebarbes; député de Maine et Loire, « ce’ n’est pas la “première fois que l’Anjou est menacé de perdre les statues de ses Plantagenêts ; sous la Restauration, M. Arceaux de la Préfecture. Atelier de MM. Thierry. (410 ) » Lainé refusa de les abandonner à l'ambassadeur d’An- » gleterre. » On pourra voir dans un trop rare petit vo- lume de M.EF, Grille, intitulé Siège d'Angers, de pi- quants détails sur les prétentions srelaides relatives à nos.statues. À propos de bruits, il en est un dont il faut vous entrelenir, quoiqu'il ne me semble pas fondé. S'il fallait croire certaine rumeur, on songerait à faire ‘des augmentations aux bâtiments de la préfecture, et à les faire en abattant ces magnifiques arceaux romains et byzantins, que les étrangers visitent, et que les artistes ‘admirent. Cette idée est trop malheureuse pour qu'il soit possible d’y ajouter foi. M. Bellon, n’en doutons pas, s’y opposerait avec autant d'instance que M. Gauja, son prédécesseur, avait mis de soin à nous assurer la conservation de ce précieux monument. Comme consolation à tous ces bruits, vraiment afili- geants pour {es amis de l’histoire, j’ai, Messieurs, à vous annoncer de bonnes nouvelles. Vous savez que notre dessein à tous, n’est pas seulement de recueillir quelques objets d’antiquités , de les conserver et de les décrire, mais encore d’en répandre le goût et l’étude , et pour tout dire de mettre en circulation Farchéologie dans l’art. J’ai donc à vous annoncer que MM. Thierry, père et fils, ont transporté, cette année 1846, leur ate- lier de peinture sur verre de Saint-Georges à Angers, ce qui est une bonne fortune pour nos églises et nos chapelles, depuis surtout que cet atelier, suivant pas à pas les conseils de Didron et de son école ; marche dans une voie de progrès, à l'égard du dessin comme (ati) aussi à l'égard de la reproduction fidèle des types du Inoyen âge. Vous serez satisfaits de savoir que M. Thierry père, est au nombre des premiers en France, qui se soient livrés à la renaissance de la peinture sur verre , ét voici à quelle occasion. Vers 1825 M°° la comtesse de Serrant, née de Vau- dreuil , femme de goût, détermina M. Thierry , alors simple peintre en bâtiments, à faire des essais de cou- leurs sur porcelaine et sur verre. Un des parents de Mme la comtesse, après avoir recueilli en Angleterre d’excellents procédés, envoya au château de Serrant, commune de Saint-Georgés sur. Loire , un peintre et chimiste de la manufacture de Sèvres, qui établit un four à cuire la porcelaine et le verre, dont M. Thierry eut la direction , et comme M"° I» comtesse s’aperçut que ce dernier réussissait , elle le dépêcha vers Paris avec des lettres de recommandation auprès de M. le comte de Noé, pair de France, qui le mit en rapport avec M. Edouard Jones, artiste anglais, De ce moment, les procédés de la manufacture de Sèvres furent aban- donnés à Serran, tet remplacés par ceux de M. Jones, plus conformes à l’art du moyen-âge, au point de vue de la manutention et de la qualité inaltérable des couleurs. Sur ces entrefaites, M. le comte de Noë pensant que le plus excellent moyen d’activer la renaissance de la peinture sur verre , était de former de bons élèves, s’empressa de placer le fils de M. Thierry, à la belle fabrique rle Choisy-le-Roi (Seine), où ce jeune homme (42) passa quatre années sous la direction de MM. Bontemps et Jones. ! De ces faits résultent pour l'atelier de MM. Thierry, ‘comme rois périodes, dans son développement. La première qui commence et finit avec les procé- dés. en usage à la manufacture de Sèvres. La seconde qui se développe à l’aide des procédés anglais , plus vrais selon la tradition de l’art'au moyen- âge. La iroisième enfin qui s’ouvre vers 1843. avec le retour de M. Thierry fils dans l’atelier de son père. Or, il serait aisé en quelque facon d’apprécier les progrès que cet atelier a faits ‘lepuis vingl trois ans dans chacune de ses périodes, en étudiant par ordre chronologique les vitraux qui en sont sortis. Nous faci- literons cette étude à ceux qui voudraient l’entrepren- dre par la liste suivante, bien que très incomplète. Atelier de M. Thierry{ Une rosace, un saint père, seul, 1825. Église Georges au milieu et des Saint-Georges-sur-Loire.( rayons d’ornements. 1827. Chapelle de M. de Sesmaisons , à Nantes. 1828, Église Saint- Laud , à Angers. Cinq fenêtres. Un évêque.en pied, croi- sée du fond du chœur. Depuis 1830, Église du Lion-d’Angers. laquelle, à mi-corps,on voit saint Martin, abbé de Ver- Lou. Réparation d’anciens vi- traux. | Une rosace au centre de Depuis 1830, Aer (413) 1841. Église Saint- Plusieurs vitraux. Jacques, à Angers. : Atelier de MM. Thierry père el fils, 1843. Chapel- le à M. de la Grandière. Un saint Charlemagne et une sainte Cécile, en style du XV: siècle. 1844. Clisson, ( Croisées en style mo-. en style grec. derne. 1844. Église de LES Deux fenêtres en gri- ves, en style grec. {saille. 1845. Ghapelle-Aubry( Dix croisées en grisaille (Vendée). La médaillons. Huit croisées en bordures ( othiques, et une croisée en 1 AA, Église de Mazé.{ style du XVI: siècle. avec frise grands personnages en pied , ms , etc. ( Réparation à la croisée du chœur en style du XIII° 1845. Église de Corné.{ siècle. un saint Blaise et des anges en adoration. M. Mercier a fait les dessins. Deux grisailles, quatre croisées avec personnages de grandeur naturelle, sa- voi : la Vierge et saint Jo- seph , saint Pierre, saint Pau} et les quatre Évangé- Histes. 1845. Chapelle des Frères, à Nantes. (414) Une grisaille, une croisée en slyle du XIIT® siècles la 1845. Beaulieu. Vierge immaculée et quatre fans fond damas et mo- saïque, 1845. Notre-Dame, à| Une rosace et autres vi- | Angers. traux, 1845 et 1846. om “re pe Pasteur d'Angers. usIeurs SESAER Grisaille du XIII: siècle imitée des vitraux de Bour- ges du père Arthur Martin. 1846. Musée des An- tiquités d'Angers. Tout assurément n’est pas perfection dans ces vi- traux, mais il y a loin des œuvres de 1843 — 1846 à celles de 1825 1840, ce$ dernières sont d’un dessin généralement dur, tandis que les plus récentes ont un faire plus pur et surtout plus vrai; le progrès est im- mense , si l’on compare par exemple le saint Laud d'Angers, si disgracieux à tous les points de vue, avec ces deux magnifiques vitraax représentant les évange- listes saint Jean et saint Luc qui ont été exposés à l’é- vêché au mois de «mai dernier. Courage, dirons-nous à MM. Thierry, courage, votre progrès est incontestable! Continuez donc à prendre pour guides les Didron, les Arthur Martin, les Gérente, les Bontemps, les Jones, les Lusson, etc. Qu'ils s’atiachent, ainsi que le leur recommandait M. Gérente, à ne pas se servir au XIIIe siècle de violet: évêque, mais de violet:brun ; à ne pas rehausser de blanc le ion des chairs, mais à les teindre dans la (415) masse d’un violet très clair ; que leurs blancs soient moins blanes; que leurs verres soient plus épuis, et le succès déjà en bon train sera complet. Vous trouverez, Messieurs, que je suis bien sévère, surtout après les élo- ges si légitimement acquis que MM. Thierry ont reçus de M. Didron, dans les Annales archéologiques du 1° septembre 1845, p.173. Mais c’est qu’en vérité on ne peut l’être trop à l’égard d’un atelier qui est appelé à faire honneur à l’Anjou. Vis-à-vis des capables, on ne se lasse pas d’être exigeant ! À la suite de cette bonne nouvelle du transport de l'atelier de MM. Thierry à Angers , il m’en reste en- core d’autres à vous présenter. Vous saurez donc que M. l'abbé Ghoyer, aujour- d’hui notre collègue dans la commission d’antiquités , aidernièrement organisé au Colombier, près d'Angers, un atelier d’où sortent déjà des tabernacles, des chaires, des ornements de bois d’un bon dessin et d’une fidélité toute archéologique. Comme vous levoyez, Messieurs, nos études du moyen-âge sont loin d’être inutiles, elles commencent à tomber dans le domaine de l’art. Vous saurez également que le plus jeune peut- être de nos collègues, s’occupe d’une facon très spé- ciale d’étudier les peintures à fresques de nos vieux mo- numents, afin d’en faire d’heureuses applications. L’Anjou, de cette facon, aura donc pour une large part, contribué au succès de la renaissance des beautés du moyen-âge en France. Autre bonne nouvelle, Messieurs, je veux vous par- ler de la découverte de 54 pièces d’or, faite en octobre dernier à Juigné-sur-Loire. J'en ai acquis deux pour le Pièces d’or de Juigné. \ Châsse de G.Fournier. (416) musée , toutesles autres étant du même règne. On lit d’un côté : Karolus dei gracià Francorum rex, avec l’écu de France, à trois fleurs de lys, surmonté d’une couronne ouverle,et de l’autre Chistus vincit, Chris- tus regnat ,; Christus émperat, avec un encadrement à quatre lobes au centre duquel est une. étoile ;lfces pièces sont de Charles vrou de Gharles var, xv° siècle, el d’une belle conservation, | Depuis notre dernière réunion , d’autres rencontres ont également eu lieu , et il convienticide vous/signaler les trois dernièrement faites à la cathédrale d'Angers. La première est celle d’une petite chässe en bois, renfermant les ossements de GuillaumeFourmier, tré- sorieret chanoine de l’église d'Angers, au XV: siècle. Onla découvrit cette année 18/6, sousune arcade dupe- Lit escalier qui se trouve au-dessus dubénitier; à main gauche, en entrant à la cathédrale par la porte de l’aile du sud; cet escalier menait autrefois à la bibliothèque du chapitre, nous devons à: M.. l’abbé Delaunay, aujourd’hui chanoine de Saint-Maurice, la découverte du nom de la personne à qui appartenaient ces osse- ments, et: nous nous empréssons de lui citer un pas- sage à l’appui de ses dires. « On doit, lisons-nous, dans un manuscrit des hé- »ritiers Dubois, à la libéralité de Guillaume Four- »nier , le parvisde pierre et la chapelle qui est au-de- »vant de léglise cathédrale, chapelle :sous laquelle »est sa sépulture; il les fit faire environ l’an ‘1469. » Ce. parvis étant fort ruiné, et le chapître d'Angers ayant recu diverses plaintes qu’il se commettait » beaucoup d’ordures et: d’impuretés dans cette cha- (M7) » pelle , il la fit abattre en 1683 et transporter les os- » sements de ce Fournier dans une chasse de bois que » l’on enferma sous le degré par lequel on vaà la Bi- » bliothèque. À cette translation, on fit un service fort + solennel pour cet ancien bienfaiteur. Il y avait à cette » chapelle, une chaire de pierre qui avançait un peu » sur le parvis, dans laquelle apparemment on préchait dans les grandes:solennités.» Nous nous sommes laissé entrainer à vous citer ce passage entier, non seulement, parce qu’il confirme les assertions de M. l’abbé Delaunay, mais encore parce qu’il nous initie à quelques faits d’un intérêt lo- cal. De son côté, Hiret nous apprend que noire Guil- Jaume Fournier est le même que.celui qui s’entrétint de Behuard avec Louis XI. « Le roiLouis est-ilécrit, » page 450 , vint à Angers. Guillaume Fournier doc- » teur ès droit, chanoine et official d'Angers, luy dit un » certain jour, qu’ily avoit une petite chapelle en l’isle »-de Behuard, où il s’estoit fait plusieurs miracles... Le » roy.y alla, et après y fit bâtir une belle église... » La châsse dudit Fournier, dernièrement enlevée de dessous l’escalier précité, a été déposée, le 29 octobre 1846, dans une fosse anciennement pratiquée un peu en avant de l’autel Memoriale mortis Domini , ré- cemiment démoli. Par suite de la démolition de cet autel ;, vieux de vingt ans et du plus mauvais goût, l’on a découvert, sous son arcade ogivale , une seconde fosse autre que celle indiquée ci-dessus, mais plus au fond de l’arcade. Il nous a paru que cette fosse, qui renfermait an cer- cueil de pierre et plusieurs objets ci-après décrits , 30 ‘Tombeau de Raoul , de Baumont. (418) avait été fouillée comme la précédente; et sûrement, ainsi que depuis nous enävons acquis la preuve, fonil- lée à Fépoque dela construction du Memoriale, sous l’'épiscopat de M5 Montault. Appelé:-par ! plusieurs membres FACE chapitre, je m lempressai de me rendre sur les lieux et de rédiger ce ue sui : L’an 1846, le 29 octobre, en présence de MM. l’abbé Delaunay ; Joubert prêtre custode , Priouet, Déné- cheau-vicaires de la cathédrale ; nous: procédâmes.à Fexamen d’un tombeau qui nous offritles! particula- rités ci- après : Îl esten forme d’auge ; et de la classe de céüx ap- :pélés non apparents ; cinq pierres au plus de-grison compactet dur‘en composent les parois ,: qui sont d’une moyenne; quant .à l'épaisseur,’ de ‘15 centi- mètres ;! le: fond est pavé en briques carrées d’une gtandeur ‘ordinaire ;! plusieurs pierres plates recou- vrent le dessus de ce tombeau , qui a de ‘profondeur 48 centimètres, de longueur 2 mètres 18.céntimètres, de largeurivers les RE 69 centimètres, .dé-larçeur vérs les pieds 54 centimètres. Le côté de latête regarde l’occident , les pieds sont à J’orient. Deux petites grottes ont été pratiquées , de forme à peu près trilobée (plein cintre), l’une derrière la tête du défunt, l’autre à sa main droite; la première a:33 centimètres de hauteur sur 23 de large, la se- conde 26 centimètres: de haut: sur 18, de large une mince tige de fér de:14 à 15 centimètres de longueur, bien:scellée:à la voûte de la grotte. dela tête descen- dait-èn pendantif;' une pareille tige de fer devait exis- (M9) ler à la voûte dela grotte de main droite, ainsi que le révèle la trace du trou dans lequel cette tige a dà se trouver fixée. Que renfermaient ces grottes ? Gelle demain droite, absolument rien, mais elle a dû très certainement posséder un calicé probablement d’étain , des analo- gues en d’autres tombeaux , el notamment dans celui de Girard, fondateur de Toussaint, ayant été rencon- trés: Quant à la grotte derrière la tête, elle contenait une pierre tuf, en forme de cube allongé, d’une hauteur d'environ 22 centimètres sur 6 à 7 centimètres d'épaisseur ; à son extrémité supérieure , cette pierre avait un trou d’un diamètre d’à peu près 2 centimètres sur 3 de profondeur, et dans ce trou nous itrouvâmes un résidu calcaire et huileux en forme de bouchon, sous lequel nous apercûmes le pedoncule d’un vase de verre que nous reconnûmes très bien pour avoir été la base d’une lampe sépulcrale. Gessortes de lampes, d’un verre très mince, fürent en usage au moyen- âge ; elles affectaient , ainsi -que ‘celle trouvée dans Fune des petites grottes du tombeau de: Girard , la forme d’une coupe avec des rebords droits et un pe- doncule qui , pour se tenir debout , devait être fiché dans du sable , de la terre meuble ou dans un creux comme à notre pierre tuf; en outre, la lampe en question était tenue en équilibre par cette tige de fer dont nous avons parlé , laquelle plongeait jusqu’au fond du vase. Ges lampes , qui rappellent celles des sépultures antiques, répandaient dans le tombeau une clarté, symbole sans doute, comme chez les anciens , de la lumière éternelle. Certains usages de la vieille ( 420 ) Rome avaient pénétré jusqu'au cœur du moyen-âge. - Indépendamment des objets qui précèdent , nous trouvâmes pêle-mêle des ossements, des débris de cer- cueil de bois, une crosse et des restes de vétements. La crosse, en métal de bronze, avec hampe de bois, est , comme art, loin de valoir celles que nous avons découvertes à Toussaint en 1845; la volute ornée de petits créneaux, la boule et la douille sont d’une seule pièce ensemblement fondues, et qui, au sorlir du moule, n’ont point été limées, preuve que cette erosse était de circonstance ; elle est d’une hauieur de 22 centimètres environ. Les restes de vêtements se composent de deux lam- beaux de 30 à 4o centimètres de longueur et largeur environ. L’étofle , très altérée et passée au bistre par l’effet des siècles, je crois, est une sorte de riche bro- catelle de soie, doublée d’une autre soie plus fine ;:les dessins, qui paraissent avoir été brochés au métier ou en fabrique, sont tissus de fils d’or, qu’à l’æil nu, en aperçoit assez bien; ils sont renfermés dans des mé- daillons d'environ 4 centimètres 172 de diamètre. Des médaillons de forme pareille et ainsi disposés se voient, mais avec un plus grand diamètre, sur des vitraux et des fresques ; on lesrencontre notamment aux voûtes peintes de l’abside de la chapelle de la Haye des Bons- Hommes, près d'Angers, et il y a cela de remarquable, que les dessins qui se trouvent dans les médaillons de la Haye, ont une certaine analogie avec ceux que nous voyons brochés dans les médaillons de nos vêtements; les aigles, par exemple, sont absolument semblables; à la Haye, ce sont encore.des lions léopardés ; sur nos AS TROUVES z Le RAOÛUL de BEA (XIL SIECLE ) Ftoffe az sote ycrolelte bri [4 PR OUAN. | AS nn À OBJLTS TROUVÉES dans Le Tombeat 4e RAOUL de BEAUMONT, Loique XII. STFCLE)) fragment @ Etffe en suce jrochée » des Fleurs de Lis en soie ccar late Darnorlle (421) éloffes , ce sont des léopards, Ges rapprochements nous conduiront peut-être un jour à l’explication de certains faits demeurés jusqu'ici dans l’ombre; en at- - tendant , décrivons nos restes de vêtements sacerdo- taux. Les arneaux ou médaillons peuvent être suivis par l'œil , verticalement ou horizontalement comme en un: damier; horizontalement , ils présentent un premier rang de fleurs de lys, un deuxième rang de chimères, un troisième rang de léopards , un quatrième rang d’aigles aux aîles éployées ; et généralement ainsi de suite; je dis généralement , car il y a quelquefois in- terversion , et les chimères ne sont pas toutes de la même sorte : quelques-unes ont des aîles ét ressem- blent à des ‘dragons : on y distingue encore des per- . drix becquetant une fleur de lys. Les médaillons, réu- nisentr’eux par des quatre feuilles en lobes plein * cintre; laissent voir des vides à peu près losangés, qui sont entièrement remplis par des fleurs de lys en fils d’or, comme dans l’intérieur des médaillons ; elles ont cela de particulier, qu’elles offrent sur chacune d’elles deux étamines surmontées d’un très petit trèfle. Ces fleurs de lys avec étamines se rencontrent sur certains 0 sceaux , par exemple , sur le contre-sceau de Phi- lippe IL , vers l’an 1180 (1), sur celui de Louis IX , vers 1226 (2), sur le sceptre de Phäippe IIT , vers (1) Natalis de Wailly, Éléments de Poléographie, page 341— 342, tome 2. (2) Zd. Planche D, page 343, lome 2. (429 ) 1290 (1), sur le sceau de la prévôté de Paris ;-vers. 1314(2). =: Au-delà de: 1180 et en-decà de 1314 , lés monu- ménts , à notre. connaissance du moins, ne donnent plus de ces fleurs de lys avec étamines. Nos étoffes doivent done:, d’après cela, prendre. date entre la fin du XIIsiècle et.le commencement du XIVe, et plus sûrement.à la. fin du XIIe, comme nous le: verrons? mais maintenant que-valent ces fleurs idelys, ces léo- pards; ces aigles,.ces chimères ? Auant aux chimères, nous lés croyons ici de purs-ornements sauf plus am- ples informations ;,mais pour ce qui.est des léopards. des fleurs de lys et des: aigles, nous pensons devoir: leur-assigner une valeur en-dehors du caprice, je: n’oserais dire pourtant-une valeur héraldique . quoi- qu’il ne.me soit point démontré que la forme de mé- daïllon, que neus retrouvons dans certaines peintures des XIL et XII siècles ; n’ait pas élé primitivement ‘celle de quelques ärmoiries encore mal définies. Et, pour leldire en passant, celié forme de médail:, ion (3) ne paraît augunement $e rencontrer au-delà dela fiñ du XEL siècle, nien decà du milieu du XHE°, ee qui-met nos soieries en-dehors du XIV°. Nous n’a- vons donc plus à chercher leur date.que dans. celaps. detemps renfermé,entre lan #1801et l’an 1290. En- (1) Zd, Planche E, (2) Id. Planche O, % : (3) A Montfort (arrondissement d'Épernay) existent des 'fres-- ques Romanes, représentant des griffons dans des médailions — Annales arch:, page 2534 tenoctobre 184. U (423) core quelques effonts ; Messieurs , et peut-être attein- drons-nous le but. Recueillons à présent les traditions et ouvrons les archives. Lorsqu'il s’agit de traditions et d’archives, nous n'avons rieh de mieux à faire que de consulter notre savant collègue, M. T: Grille ; à toute demande, il donne réponse ; il'est bien la meilleure de nos chro- niques , et celle-là ne vous cause jamais d’ennui , car à la sûreté du récit ; se joint toujours cette fleur de politesse que nos pères avaient excellemment. Der- nièrement donc, comme nous lisonnions, M.T, Grille et moi ; devant son foyer, je lui parlai de la décou- verte. et du premier coup, il m'apprit qu’à lendroit où elle s'était faite , avaient jadis ‘existé deux tom- beaux d’évêques ; ‘et entr’autres: celui de Hugues Odard. J’étais sûr la trace , il ne m’en fallut pas da- vantage ; le fiat lux commencait, ilne me restait plus qu’à savoir le nom de l’autre évêque. Rendu à la maison, jouvris les reliques d’une vieille ‘histoire ec- clésiastique que je possède (manuscrit des héritiers Dubois), et j'y lus ce qui suit : «’ Au-dessus de la porte » dés cloîtres ( porte de la grande nef ‘vers sud) est le »tombeau de l’évêque Ulger, sous une arcade prise » dans le mur; de lautrecôté,sous une autre arcade, vest leiombeau de Raoul de Beaumont, et à côté celui » de Hugues Odard', dont la figure en relief est de marbre blanc. » [3 Nous avons donc , Méssieurs , Raoul de Beaurrvont ; mais reste la question de savoir si nos vêtements, la , crosse}; etc. , se rapportaient à lui ou à Hugues Odard : quoïqu’il'en soit,'avant d'entrer dans cette discussion, (#24) commençons par rectifier une erreur, très excusable, qu’un journal de Nantes a commise , et qui a été ré- . pétée par deux feuilles d'Angers. On a insinué , il est vrai par forme de conjectures, que le tombeau découvert pouvait être celui de Nico- las Gellant ;e6 l’on s’appuyait principalement sur la présence ile la lampe: placée derrière la tête du dé- funt, Enteffet , nous lisons dans l’appendice des :sta- tüts synodaux , connus de tout le monde (p. 4), que «lors de la sépulture de Nicolas Gellant, évêque d’An- »$ers , une lampe avec de l’huile fut déposée derrière » la tête du défunt, laquelle lampe inondait le corps de » lumière, bien que:le sarcophage eût été fermé. » Mais on: n'avait pas pris garde que €es sortes de lampes étaient d’un usage assez général au moyen-âge et nullement spécial à tel où tel évêque. C'était bien plutôt à-la situation du tombeau qu’il fallait s'attacher, et vous allez voir, en effet, que la lampe qui a servi de guide à notre auteur nantais l’a médiocrement éclairé ; l’erreur , du resle , n’est pas toute de:son côté, elle a été déterminée par un article inséré dans l’un de nôs: journaux d'Angers , lequel. a confondu en une seule deux sépullures différentes , savoir : le: tombeau gravé en creux d’un chanoine et celui de l’évêque.que nous recherchons. Je parlerai bientôt de la: tombe du chanoine ; mais revenons à Nicolas Gellant. Nous apprenons par les archives.et notamment par les manuscrits de. Lehoreau et des hériliers Dubois, que son tombeau était situé dans le chœur, c’est-X-dire. à peu près vers le milieu et-sous ies marches. en avant du grand autel actuellement | ( 425 ) existant ; cette position topographique ne pouvant convenir à l’inconnu que nous poursuivons, qui était inhumé dans la nef , il demeure évident que Nicolas Gellant est ici mis hors de cause. D’autres preuves surabonderaient en ce sens sous ma plume, si je n’avais hâte d’abréger. Ceci donc bien dégagé , la discussion doit porter uniquement sur Hugues Odard et Raoul de Beaumont , tous les deux évêques d'Angers, le premier mort en 1523 , le deu- xièine en 1198. Nous avons vu nous-même leurs fosses tout à fait voisines, l’une plus au fond de l’arcade du Memoriale, l’autre moins rentrée ; cette dernière fosse , pour le dire en passant, ayant été complétement fouillée, ue nous présenta aucune trace de quelque valeur, et c’est en elle que les os de Fournier furent déposés devant nous. Et maintenant, de ces deux fosses, laquelle de- vons-nous attribuer à Odard , laquelle à Raoul de Beaumont? Conséquemment à qui des deux ont ap- partenu notre crosse et nos étoffes de soie ? C’est là l'énigme. Mais ne vous vient-il pas naturellement à la pensée que la fosse la plus ancienne a dû être celle qui était le plus profondément entrée sous l’arcade, et c’esi le cas de celle qui contenait la crosse, les restes de vêtements et de lampe ; nous avons donc là une présomption qu’elle a renfermé le plus ancien de nos deux évêques, c’est-à-dire Raoul de Beaumont. À ce commencement de preuve, joignons l’examen des vêlements, qui ne présentent en aucune façon dans leurs dessins les caractères du commencement du XIV£ siècle, époque du décès de Hugues Odard, mais qui offrent, au contraire, ceux dela: fin du XIE; + à que du décès de Raoul de Beaumont. La preuve sera complète si ; rapprochant lesiléo- pards qui décorent nossoieries de la position de famille de celui qui les portait ;!vous apprenez que Raoul de Beaumont était parent des rois d'Angleterre, qui, vous le savez ;'arboraient la bannière aux léopards. Nous lisons, en effet, au manuscrit de Lehoreau, ce qui suit : « Raoul de Beaumont, évêque d'Angers... »cousin de Henri second , roi d’Ansleterretet comte » d'Anjou , mourut le 13/mäars ; vers l’añ0r 198 on » tombeau se voit xcôté de celui de Hugues nie: » devant l’autel ‘saint Sérenié”»: (près les pilier de la . Chaire). Quant aux fleurs/de lys sans nombre qui dé: coraäient les vêtements sacerdotaux de Raoul de Beau: mont, nous les cetrotivons également sans nombre dans le blason des Beaumont (le vicomte) et notamment sur celui dé son neveu Guillaume dé Beaunront! aussi évêque d'Angers; mais au lieu du léopard , la famille de Raoul portait le lion, que du resté l'on a quelque: fois confondu avec le léopard. Par’ exemple , l’Art'dé vérifier les dates ne ‘donne:t-il pas’le nom! de lions aux léopards d’Angletérre, que Richard Cœur-de-Lion mit le-premier sur ses" armes ! (Art de vérifier les dates, pe 779; édit! de’ 770.) Pour ce qui ést des aiglés aux'aîles éployées. égale: ment sur nos coieries : noûùs les rétrouvons (ans le blason de l’une des illustrés maisons de Sablé”. qui portait d'or à l'aigle éployé d'azur. (Ménage, Sablé, 28.) Or, dès le XIT° siècle : 1} ÿ à eu une maison de Sablé du nom de Beaumont (le vicomte) , parente de (427) notre. évêque d'Angers Raoul de Beaumont. (Ménage, par déduction, Sablé, p. 14.) “En résumé donc, la tradition et les archives placent la sépulture de Raoul de Beaumont contre le mur nord de la grande nef de la cathédrale, vers le milieu de ce mur; elles la placent près du tombeau de Hugues Odard ,:et , ‘en effet ; nous avons retrouvé les deux fosses l’une près de l’autré et parallèlement situées dans le plan de l’est à l’ouest. D’un autre côté. je crois avoir suffisamment démontré que , des deux sé- pultures, la plus avancée sous l’arcade devait être celle de Raoul; enfin , l’examen des vêtements nous a prouvé qu’ils appartenaient plus spécialement à la fin du XII: siècle, époque où vivait Raoul: D’un autre eôté encore, sans attacher une valeur précisément hé- raldique aux léopards, aux fleurs de lys et aux aigles brochés sur lasoie (la science du blason au XIÏ°siècle étant fort: incomplète). nous ne pouvons néanmoins manquer d'y voir une surprenante concordance entre le léopard de Raoul et.celui de Richard Zœur-de-Lion; or, ces deux personnages étaient parents et contem- porains ; concordance entre les fleurs de lys sans nornbre du véteinent de Raoul'et les fleurs de lys éga- lement sans nombre de la maison de-Zeaumont (le vicomte) sa famille ; concordance enfin entre les aigles éployés de nos soieries , et ceux pareillement éployés de f’une des maisons de Sablé, parente de notre évêque. Le tombeau découvert est donc bien évidemment le sien. Deux mois maintenant sur sa vie. Radulphe ou Raoul de Beaumont, de la famille des (428) Beaumont (le vicomte), avait pour bisaïeul ‘Raoul , vicomte du Mans, seigneur de Solesme, près de Sablé, de 1058 à 1061 ; — pour aïeul , Raoul , vicomte du Lude, vers 1109; — pour père, Roscelin, vicomte de Beaumont; vers 1145; — pour mère, Constance, fille naturelle de Henri I*, roi d'Angleterre (1), consé: quemment , sœur naturelle de Mathilde , mère de Henri I]; — pour sœur, Ermangarde, femme de Guil- laume, roi d'Ecosse (2). | Raoul fut élu évêque en 1178, Pierre de Blois luisa écrit une épître, savoir : la 69° de son recueil de let- tres; Raoul, en 1179, assista au troisième concile de Latran : l’abbaye de Melinais, les monastères de Saint- Georges-sur-Loire et de Bellebranche furent consacrés par lui. Au congrès de Gizors , il intervint dans les projets de pacification qui eurent lieu entre Philippe- Auguste et Richard Cœur-de-Lion ; vers 1188.:À ce même congrès, fut agitée la question du voyage en Terre-Sainte ; qui ne s’exécuta qu’en 1190, par suite de la paix plusieurs fois rompue. Ge prélat d’un grand mérite « jeta, dit Bodin (Bas-Anjou, p. 823, L. Le) 7 » sur la fin du même siècle, les fondements du chœur » de la cathédrale d'Angers, qu’il eut la gloire de ter- » miner avant sa mort. » Son épilaphe, dont nous n’avons pu retrouver trace que dans un passage du manuscrit des héritiers Dubois, . mentionnoit qu’ilavait seulement commencé la .cons- (1) Ménage, Sablé, page 22. (2) Ménage, «d., page 413. ( 429.) truction de cette partie de la cathédrale , et nous croyons cette version plus exacte que la précédente, la première travée du chœur, par son style et celui de la plupart de ses vitraux appartenant seule à la fin du XII: siècle. Une pierre de marbre noir, un peu élevée, mais sans statue , et probablement postérieure à son inhumation, indiquait la sépullure de Raoul de Beau- mont. Permettez-moi maintenant, Messieurs, de vous dire comment , d’après les notions que j'ai recueillies , je conçois l’ensemble architectural des deux tombeaux de Raoul de Beaumont et de Hugues Odard. Je merappelletrès bien, quoique fort jeunealors, avoir vu, avant la construction du malheureux autel Memo riale,en son lieu et place, un très beau frontispice go- - thique composé de la petite arcade ogivale actuelle; et au-dessus d’une espèce d’élégant pignon , ainsi que de deux pinacles , l’un à droite , l’autre à gauche ; très élancés, brodés de trèfles et d’ogives. Depuis la démo- lition de l'autel, en octobre dernier, on aperçoit la trace ou plutôt l’ombre du pignon et des deux pina- cles anciens. Cette ombre sera-t-elle respectée ? J'ai bien peur du badigeon. Sous ce frontispice, autrefois si riche, reposaient : 1° tout au fond de l’arcade, comme nous l’avons dit, Raoul de Beaumont, avec une simplé dalle de marbre noirel.une épitaphe; 2°et devant ve tombeau, l’évêque Hugues Odard ; avec un socle de marbre noir, sur- monté de sa statue de marbre blanc. Un peu au-dessus des tombeaux, sur la muraille, sous Pogive, se voyaient au rapport de M. Baugé, curé de Gandé, des peintures ( 430 ) à fresques, représentant deux ecclésiastiques à genoux (nos deux prélats sans doute), priant la sainte Vierge, aux côtés de laquelle paraissaient des angelots: déve- loppant dans leürs mains de longs rubans chargés de légendes. Il va sans dire que nous avons mille raisons de croire que ce frontispice gothique , cette statue de marbre blanc, ces fresques , et ces marbres noirs , y compris celui qui indiquait la sépulture de Robert de Beaumont , étaient tout au plus du XIV: siècle, épo- que du décès de Hugues Odard. Une pierre coloriée de ce frontispice , trouvée récemment ; nous porte à croire qu’en effet il appartenait au XIVF, et qu'il était peint de ces vives couleurs que le moyen-âge avait dé- robées à l’arc-en-ciel : ‘tous ces objets, crosse, vêtements , elc., dessinés par M. Dainville fils , sont entre les mains de M. Joubert, prêtre custode, qui a le projet de les exposer sous verre dans une des cha- pelles de la cathédrale. Quant au tombeau lui-même en forme d’auge, il n’a pas été déplacé , seulement les dalles du pavage de l’église le recouvrent. On m'a également informé que plusieurs restes de Pancien frontispice gothique, commun à nos deux tombeaux, avaient été déposés, après sa démolition sous M5 Mon- tault , dans la cour de la cure de Saint-Serges ; cette recherche mérite d’être faite et constatée. J'oubliais de vous dire-encore , Messieurs, qu'après que la boiserie actuelle du chœur fut achevée; vers 1785, on transporia le mausolée de René d’Anjou et d’Isabeau de Lorraine, sa première femme, sous notré {rontispice; ce mausolée y est resté jusqu’à la Révolu- res Ÿ Re | .… te. AN Si D SL asian gs ait ft, x À Tr 44 | s Fat De QE Van! 5 SR A, 6. pô Asus » mi D nr a F | Or, var |: à LA É # FA, Ets LH Bi, sq oi 4 Re ER Met ce luc tué Cr LR dut de 1 pu | pa NE PIE F ts #, e nue bec Lan cheulre po 1 0 LOT Crhéurts 00 hote. dau LOT ROME pes on ft ropodt, ur Lure ste de PTIT" À Lt Li PIERRE TOMBALE. (xt SIECLE) LÉSIESSES PAPE DORA PERS O ay D:w1 a 2.0 à Fr Darnoille. (431) tion, pour de là ensuite, scié.par lames, passer à l’état de consoles de cheminées dans l’un des beaux hôtels d'Angers. Quelques fragments ont seuls échappé à cette mutilation et sont actuellement, les uns au Musée et les autres dans les mains de MM. Grille et Guinoy- seau. À Le souvenir de la translation du mausolée de René et de sa femme sous notre arcade ne s’est pas com- plétement altéré , et certaines personnes âgées vous disent encore que le roi et la reine Sicile étaient B. Or, pour peu que l’on transporte , ainsi qu’il semble qu’on en ait le dessein, la statue de sainte Cécile, par . David, sous la même arcade, jugez quelles histoires ou plutôt quelles confusions auront lieu dans l'esprit du peuple. Je passe à la troisième découverte faite à Saint-Mau- rice. Nous la devons, comme la précédente, aux soins de M. Joubert, prêtre custode. Elle: consiste dans une dalle qui servait de seuil à la porte du vestiaire actuel des chantres , autrefois chapelle de Notre-Dame-du- Cloitre. Le défaut d’orientation de cette pierre nous prouva qu’elle avait été déplacée, et comme le frotte- ment continuel des pas l’altérait visiblement , M. Jou- bert , au mois d'octobre dernier; :en fit avec raison opérer le transport dans la chapelle 1n sancris suis, qui jadis était la paroisse Saint-Maurice. Cette dalle, longue de 2 mètres 4o centimètres sur 1 mètre 19 centimètres de large, représente , au trait en creux , un chanoine tenant dans ses mains un ca- lice; sa têle repose sur une espèce de coussin à bro- Tombeau de Geoffroy de Verneuil. (432 ) deries losangées ; et’ ses pieds foulent deux pelits chiens; une broderie losangée orne le bas de sa robe, et de son bras droit pend un manipule à patte fort étroite ; la tête , à l’exception d’une mince couronne de cheveux ; paraît rasée à la manière claustrale. Le corps entier est placé sous une arcade tréflée à lobes plein cintre, au milieu et autour de laquelle existe un semis de fleurs de lys à pistils très alongés. Une épi- taphe , dont les lettres appartiennent à la classe de celles que Natalis de Waiïlly nomme majuscules go- thiques , encadre cette imagerie , d’un très bon style. Le dessin de M. Dainville et le calque en grand que nous vous présentons en diront plus que mes paroles. A première vue, je crus devoir assigner à ce tom- beau la date du XÏIT° siècle, et un examen plus atten- tif me fit persévérer dans cette allégation, nonobstant deux objections qui me furent faites et que voici : la paité du manipule est trop large pour être du XIII° siècle, me fut-il dit ? A cela, je réponds qu’on trou- vera dans Millin et dans de Caumont (1) l’exemple d’un manipule du XIII: siècle plus large à sa base que le nôtre. La seconde objection n’est pas moins facile à re- futer : «le dessin, assure-t-on, est trop pur pour appartenir au XIIIe siècle. À quoi je réponds en cilant les autorités suivantes et dont personne ne contestera la compétence. « Les statues , écrit M. de » Gaumont (2), sont en général remarquablement (1) De Caumont, page 405.— 6° partie Moyen âge... 2) Id. page 396 éd. (433) » belles au XIIT° siècle ; et quand on compare celles » qui recouvrent les tombeaux de l’époque et celles » qui ornent certains portails... on se convainc de » plus en plus de l’habileté des sculpteurs. » Afin d’abréger, nous renvoyons l’auteur de l’objec- tion aux annales archéologiques de Didron; il y verra que le XIII: siècle n’avait pas que des barbouilleurs à gages; — mais poursuivant son objection , il place au XV:siècle la date de notre pierre tombale; cependant l’arcade tréflée à lobes plein cintre , la forme du ca- lice , l’épitaphe en majuscules gothiques , le coussinet de la tête , l’arcature même du XIIT: siècle, où ce tombeau avait été probablement placé jadis, lieu qu’il serait utile de fouiller, protestent contre cette date du XV° siècle. En effet, si la représentation de notre dalle était du XVe, vous verriez , à la place de l’arcade tréflée au-dessus de la tête, un dais chargé de pinacles minces et aigüs comme au tombeau de Mallet Poret, à Rouen; Mallet Poret mourut en 1496. « A partir du » XIV siècle, dit Batissier (Histoire de l’art monu- » mental, p. 592), on a dessiné au-dessus de la tête » des personnages un dais suivant le goût du temps. » Or, ce goût du temps est très connu et ne ressemble aucunement aux arcades tréflées en lobes plein cintre ou ogives que nous rencontrons sur les tombeaux de l’évêque Evrard de Fouilloy à Amiens, de Nicolas de Goderville à Saint-Ouen de Rouen , de Maheut dans l’église du Mont-aux-Malades, près Rouen, qui, comme le nôtre , sont tous du XIII* siècle. D’un autre côté, les lettres en minuscules gothiques étant incompara- blement plus en usage au XV® siècle que les majus- a! (434) cules gothiques dans l’écriture lapidaire , il va sans dire que celles de notre épitaphe auraient plus sûre- ment élé en façon des premières, si notre tombeau était du XVe siècle. Par tous ces motifs , nous persistons à voir dans cette pierre tombale un monument du XIIIe, Passons à l’épitaphe que nous avons ainsi déchiffrée, sauf meil- leure lecture : Hic jacet Dominus Gaufridus de Ver- -nolio quondam canonicus andegavensis.. Requiescat in pace. Trois mots sont effacés; nous avons cependant des raisons de penser qu’après le mot andegavensis se trou- vait celui de ecclesie; quant aux deux autres inconnus, tout porte à croire qu’ils étaient analogues à cette for- mule ejus ou illius anima , que M. de Soland , notre collègue , a plusieurs fois rencontrée en Allemagne. De cette sorte , l’épitaphe pourrait être ainsi rétablie et traduite : Toi git le seigneur Geoffroy de Verneuil, autrefois chanoine de l’église d’ Angers, que son âme repose en paix ! | Maintenant , quel était ce Geoffroy de Verneuil ? Pourquoi les fleurs de lys qui l’environnent ? Que de- -vons-nous conclure de sa tonsure monastique ? Nous n’avons rien trouvé qui pût nous renseigner quelque peu sur sa vie, mais il se pourrait qu’il eût été le fondateur de la chapelle de Notre-Dame du cloître, car, d’après M. Baugé, curé de Candé, on chantait un Subvenite le jour des Morts , et on réciteit le De pro- _ fundis tous les dimanches , à la procession , près de cette tombe , devant la chapelle , en mémoire du fon- (435) dateur. Quant à la tonsure monastique qu’il portait, elie ne doit point étonner; en effet, les chanoines de Ja cathédrale d'Angers vivaient , au moyen-âge, d’une facon claustrale. Dans une charte du IX siècle, de Pépin, roi d’Aqui- taine , ce prince nomme le corps de nos chanoines : Zongregationique in eodem monasterio Deo ser- vienti, etc. (Manuscrit des héritiers Dubois, p. 6), et quoique la vie monastique ne s’y soit pas soutenue longtemps, les chanoines avaient néanmoins, au com- mencement du XIIT: siècle, un dortoir, un réfectoire, et un célérier commun; les fétages, que l’on célébrait encore avant la Révolution , étaient aussi des restes de l’ancienne vie claustrale. Les fleurs de lys m’embarrassent plus que la ton- sure. Sont-elles là parce que notre chanoine {es por- tait dans ses armes , ou bien en mémoire de ce que les rois de France étaient chanoines-nés de l’église d'Angers, je l’ignoré. Elles figurent ici peut-être tout simplement comme symbole de l’unilé puissante qui, particulièrement sous saint Louis, existait entre le mo- narque et le clergé. Le théâtre des conjectures est ouvert, vous en penserez là-dessus tout ce qu’il vous plaira. A présent, Messieurs, de l’examen de ces sépultures et d’autres, naît une question liturgique intéressante. Au moyen-âge , en Anjou, on enterrait les ecclé- siastiques la tête vers l’ouest; de nos jours, c’est au levant. Le rituel moderne du diocèse est très précis : « Le corps des laïcs, y lisons-nous, est exposé la tête Pyramide. ( 13 ) | » à l'occident et semble regarder l’autel, d’où vient le » salut... Au contraire, le corps des prêtres descend, » pour ainsi dire , de l’autel et est censé regarder le » peuple , afin de le bénir. » — Pourquoi ce change- ment et à quelle date s’est-il opéré ? M. l'abbé Delaunay, à qui nous devons de précieux documents , a trouvé que la coutume moderne , en Anjou , de poser la tête des ecclésiastiques à l’orient, remontait au moins vers le XVIe siècle. Il serait cu- rieux d'apprendre que f usage ancien a élé abandonné à l’époque où disparut l’ogive. Cette question mérite d’être étudiée. Enfin, Messieurs, patience ! Malgré le titre de cet article , qui me donne toute liberté, j'étais en peine comment le terminer ; l’occa- sion se présenta de lui faire faire une fin passable. Ayant reçu de M. le maire, en date -du 16 novembre, avis que la pyramide des grands ponts allait être dé- molie par suite de la reconstruction de nouvelles ar- ches, je lui répondis qu’il était toujours fâcheux de voir s’en aller nos vieux monuments ; mais que cette pyramide n’était aucunement regrettable au point de vue de l’art , et qu’il suffisait, ne pouvant la laisser debout , d’en faire transporter à Toussaint la partie la plus ornée, uniquement comme souvenir. Gette pyramide , dont à vrai dire il ne reste plus que la base , élait autrefois située sur le pont des Treilles, où l’on passait encore vers 1688 (Moithey ). Elle y avait été construite en mémoire d’une répara- tion à peu près complète , faite en 1628 , audit pont des Treilles ; trois inscriptions , disparues vers 1795, ( 437 ) nous apprenaient que ces travaux s'étaient effectués par les soins de M. Delaporte, lieutenant du roi à An- gers, et sous le mairat de Gabriel Jouet de la Saulaie, durant l’administration de Louis XIII et de Marie de Médicis, sa mère. Ce monument, couronné par une croix, fut trans- porté sur les grands ponts antérieurement à la Révo- lution de 89. S'il fallait en croire certains renseignements , les inscriptions de cette pyramide pourraient se retrouver à la mairie parmi des débris situés derrière les bâti- ments. J'en reste là, Messieurs, de cette trop longue revue monumentale que notre pyramide vient clore, du reste, mieux que je ne l’aurais pu faire. V. Goparp-FAULTRIER. u Angers, décembre 1846. Les propositions relatives à M. Odorici, aux statues de Fontevrault, etc.,etc., ont été votées à l’unanimité. (438) SOCIÉTÉ ROYALE D’AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. — 001 —— Cette société est la continuation de l’Académie des Sciences et de la Société d'Agriculture qui existait à Angers avant 1789 et qui furent détruites pendant les temps orageux de la révolution. Elle se reconstitua le _ 18 janvier 1818 et fut définitivement autorisée par décision du ministre de l’intérieur, en date du 25 juin 1831. Enfin, par ordonnance royale du 3 mai 1833, elle a été reconnue société savante d’utilité publique. A ce titre elle jouit des droits civils, elle peut con- tracter et recevoir des donations. De plus elle confère à ses membres des droits politiques , ils font partie des colléges électoraux pour les élections départe- mentales et municipales. (Lois des 21 mars 1851 et 29 juin 1833). La Société royale d’agriculture , sciences et arts a déjà publié 5 volumes de ses Mémoires, 2 volumes de statistique , et 1 volume descriptif de l’exposition de peinture de 1839. : Elle distribue des médailles et des primes d’encou- ragement aux meilléurs produits de l’industrie séri- cicole. Elle a fondé un cours gratuit de taille , dont les le- cons sont données au jardin fruitier , boulevard des Lices. (439) Le comice horticole forme une des sections de la Société. Il a pour but d’établir un école modèle d’ar- bres fruitiers : et, au moyent d’un terrain dont l’ad- ministration lui a abandonné la jouissance pendant vingt ans , il travaille à donner une impulsion à l’hor- ticulture, déjà si florissante dans ce pays. Gette école est destinée à réunir les meilleures espèces de fruits de tous genres, à les désigner avec la précision né- cessaire , par leur véritable nom, afin de vérifier tou- tes les espèces douteuses ou ayant reçu divers noms ; enfin à fournir des greffes d’espèces sur l’exactitude des noms desquelles on puisse compter. Le Comice Horticole a déjà publié 3 volumes re- latifs à ses travaux et une statistique horucole du dé- partement. La Société possède une collection géologique dé- partementale nombreuse et bien classée , qu'elle s'efforce d'augmenter par des recherches incessan- tes , et elle vient d’ouvrir dans la salle de ses séances un cours gratuit de géologie que professe un de ses membres , M. l’Ingénieur Cacarié, ( 440 ) LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE , SCIENCES ET ARTS DANGERS, AU 1€7 MARS 1847. _—+— Membres titulaires. Messieurs, Apvize , officier d'artillerie en retraite. ALLARD , capitaine au corps royal d’état-major. Bazin, professeur de peinture. BsaurecarD (de), président de chambre à la Cour royale. BerAuD , conseiller à la Cour royale. Boreau, directeur du jardin botanique. Bourron-Levêque, propriétaire éleveur. CASTONNET, docteur-médecin, professeur à l’Ecole . secondaire de médecine. Césena (de), rédacteur en chef du Journal de Maine et Loire. GanLouINEAU , juge suppléant au trib unal de première instance d'Angers. Croyer (M. l’abbé), archéologue , ancien professeur. Conpren DE SUZANNE, inspecteur de l’Académie. Conranzs (le comte MÉry DE), membre du conseil- général. Corroy , vétérinaire en chef du dépôt royal d’étalons. CosNier , imprimeur. Couzon, professeur. CourTizLer, conseiller à la on royale. (441) Dauxzière, professeur au coliége royal, auteur dra- matique. Davies fils, architecte. Darieny, conseiller à la Gour royale. Dévricué DE BarAcé (Raoul), propriétaire. Fazzoux (le vicomte Alfred de }), député. François-Virzers, architecte. GExesr, chimiste. GirAuD, maire d'Angers, ancien député. Goparn-FaurTrier, directeur du Musée d’antiquités. GonTarD LA CHENAIE, propriétaire. Grizze , bibliothécaire honoraire. Guérin , docteur-médecin , directeur honoraire et pro- fesseur de l’École de médecine. Guinoyseau, banquier. GuigerrT, avocat. Hexry, recteur de l’Académie. Hossarr, médecin orthopédiste. Houyau, ingénieur civil, mécanicien. HonauzT DE LA PELTRIE , docteur en médecine. Hurreun , professeur au Collége royal. Eure Janvier, conseiller à la Gour royale. Lacaëse père, docteur-médecin , directeur honoraire de l’École de médecine. Lacaëse (Adolphe), imprimeur. Lacnëse (Ferdinand ), architecte du département. Lacaèse (Eliacin), substitut du procureur-général près la Cour royale d'Angers. Lèise-Giqux , receveur des contributions indirectes. LegreTON , pharmacien et chimiste. LEBRETON , propriétaire, ancien pépiniériste, ! (48) Lecxerc aîné, négociant. Lécearp px LA Diriays, aumônier du collége royal d'Angers. Leuièvre, professeur au collége de GCombrée. Lens (de), professeur de RAR au collége nach Leroy (André), pépiniériste. Lorriciaz , ex-président du tribunal de Baugé. . Locerais, docteur-médecin. Mauroinr, curé de la Trinité d'Angers. Marry pe LA Tour (de), ingénieur en chef de la Loire. Mercier , conservateur du Musée, professeur à l’école municipale des beaux-arts (dessin, pein- ture , modelage). | Mérivier, substitut du procureur-général près la Cour royale. Mrrzer, propriétaire, naturaliste. Monraicu (le marquis de), propriétaire. MorDreT, propriétaire , archéologue. Moreau-FRrEsNEAU , maire de Bouchemaine. NERBONKE (de), propriétaire. Ocuvier ve Lareu , propriétaire à Doué. Ouvrarp, docteur-médecin, professeur à l'Ecole se- condaire de médecine. Pavie père , propriétaire. Pavie (Victor), propriétaire. PLANCHENAULT, président du tribunal de première instance d'Angers. Preaurx (le marquis de), propriétaire des forges de Pouancé. Prou, avocat. Puisan» , conseiller à la Gour royale. (443) Quaregganses (le comte Th. de), député, Queuin, ancien professeur, Renou, docteur-médecin. Rozan» , ingénieur des mines, directeur des mines de Layon et Loire. SAUDEURS , avoué près le tribunal de Baugé. SoLAND, Aimé (de), avocat. Sorix , proviseur du collége royal. SENONNES (le marquis de), propriétaire. Tuierry, peintre sur verre. Tricer, ingénieur des mines , directeur des mines de la Vallée. Vigert, horticulteur, Composition du bureau pour 1847 et 1848. De Beauregard, président. Beraud, secrétaire. Courtiller, vice-président. Lèbe-Gigun, trésorier. Millet, secrétaire-général. | De Soland archiviste. * Membres honoraires. BLonoier-Lanezois, bibliothécaire. Cacänit, ingénieur des mines. Cauuonr (de), directeur de la Société archéologique de France. Davi , statuaire, membre de l’Institut. Desvaux, ancien directeur du jardin botanique. Durs (Le baron Charles), pair de France. Fourier, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées. Gaucrier, conseiller à la Cour de Cassation. Laïcne , homme de lettres, demeurant au Mans. Cyrnen-RoserT, professeur de littérature slave au Collége de France. (444) La Société, pour activer ses travaux, s’est divisée en sections d'agriculture, d’horticulture , de linguistique, d'histoire et archéologie et des sciences naturelles. Le bureau de chacune de ces sections est composé comme suit : Agriculture. : MM. De Beauregard , président. Pavie père , secrétaire, Horticulture. Millet, président, Huttemin, secrétaire. Histoire et Archéologie. Godard-Faultrier, président. L'abbé Légeard de la Di- ryais, secrétaire. Linguistique. | Victor Pavie, président. Léon Cosnier, secrétaire. Sciences Naturelles. Boreau, président. Castonnet, d.-m., secrétaire. La presque totalité des membres de la Sociélé ont pris place dans chacune des quatre premières sec- tions; nous ne croyons donc utile de faire connaître que la composition de la section des sciences naturel- les, dont le nombre des membres est moins considé- rable. Tous concourant à rassembler les matériaux d’une statistique naturelle de Anjou, nous indique- rons les branches de l’histoire naturelle dont ils s’occu- pentle plus spécialement , afin de mettre les personnes qui le désireraient à portée de correspondre avec-eux. Cette section est composée de MM. : Raour DE BARRAGE, ornithologie, rue Flore... Beraun, botanique , mollusques vivanis et fossiles, entomologie , géologie, demeurant rue S'-Gilles. Borgau, directeur du jardin botanique et du musée d'histoire naturelle, auteur de la Flore du centre, etc: (445) Cacarié , ingénieur des mines , minérologie et géologie. Casronner, histoire naturelle générale, physio- logie animale. GEnzsr, botanique, chimie appliquée à l’étude des corps , demeurant rue Hannelou. Guérin, auteur de la Flore de Maine et Loire, bo- tanique , demeurant rue des Lices. Hunaucr De LA Petri, histoire naturelle géné- rale, géologie , demeurant place du Ralliement. Legreron, minéralogie , chimie, ornithologie, demeurant faubourg Bressigny. Leuièvre, professeur d'histoire naturelle , géolo- gie, minéralogie et botanique , demeurant à Combrée. Leroy André, botanique appliquée, demeurant rue Châteaugontier. Mizzer , auteur de la Faune de Maine et Loire, les diverses parties de la zoologie, minéralogie et géologie, demeurant boulevard de Saumur. Ozuivier DE LA Leu, ornithologie, demeurant à Doué. Rozaxp, ingénieur des mines, minéralogie et géo- logie, demeurant à Chaudefonds, commune de St-Aubin. Socanp, Aimé (de), botanique, demeurant rue Haute-Saint-Martin. | . Tricer, ingénieur des mines, minéralogie et géo. logie, demeurant commune de Rochefort-s.-Loire. Viserr , botanique appliquée, physiologie végétale, au bout du Mail. | (446) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. AGRICULTURE. Pages. De l'irrigation chez divers peuples, par M. Th. Pavie.. 12 Semis et plantations de müriers dans la commune de Ville véque ee RER Re Tele 27 Noticesur Ollivier de Serres, par M. de Falloux...… +. 45 Exposition séricicole de 1842............,.......... 63 Exposition séricicole de 1844....................... 195 SCIENCES NATURELLES. Description de plusieurs mollusques nouveaux , par M. Millet LR CAR UP e 2 ER Aie tp 0e CRE 122 Rapport sur le travail précédent, par M. Beraud....... 127 De la coloration accidentelle en hleu de certaines espèces de Viola , section des Melanium D C., et notamment de la Fiola Arvensis DC. ,'par M. Beraud......... 326 Rosa Borœana , nouvelle espèce angevine découverte et décrite par M. Beraud..............,............. 353 Organes sexuels des Linaria ÆZatine et Spuria, par M. BéTAUAS 2 PNR LU PRE M RTE ARURE ARERCS 338 ABCHÉOLOGIE. Cheminée du XVe siècle de l'évêché d'Angers, par M. Godard-Faultrier; dessins de M. Lèbe-Gigun........ 133 Cromlech de la commune de la Boutouchère, par M. de SORA TE ie ce ele: en ee ele eee : 135 Antiquités romaines découvertes dans l’enclos de la ARS tation d'Angers, par M. de Soland................. 137 ( 447 ) Peintures murales de l’ancienne église de Saint-Julien LL TETE NE OOMOM PARC EPREEEOPEPRET : Rapport sur l'Armorial des maires d'Angers , suivi de re- cherches sur les institutions municipales ds la ville, par M. le président de Beauregard................ Tombeaux découverts à Toussaint d'Angers, notice et procès-verbaux, par MM. Godard-Faultrier et Lèbe- GUESS MER RER ER MATE E EC De l'hôtel nommé le palais des ducs d’Anjou à Angers, par M. le président de Beauregard................ Rex Tusenos, par M. Godard-Faultrier........... Lion gallo-romain en pierre de taille découvert en 1813, notice par M. Godard-Faultrier................... Sudatorium romain découvert à Müûrs en 1845, notice par M. Godard-Faultrier........................ Règlement particulier de la section d'archéologie... Réclamations adressées au gouvernement relativement à l'enlèvement des statues de Fontevrault............ Camp romain de Frémur, Mémoire par M. Beraud..... Stalles de Saint-Maurille des Ponts-de-Gé, avec dessins, ‘par M. E. Dainville. .... D ÉRRRONUR EL EN EU LEP AC HE Discours d’inauguration de la section d'archéologie, prononcé par M. Godard-Faultrier................. Peintures murales de l’abbaye des Bons-Hommes, par M. Godard-Faultrier, avec dessins de M. E. Dainville... Un peu de tout à propos d'archéologie , par M. Go- dard-Faultrier, avec dessins de M. Ernest Dainville. HISTOIRE. Lesurintendant Fouquetet sa famille, par M. A. de Soland Tigné, faits historiques qui s’y rattachent, par le même. Manuscrit inédit de Denis Chevallier, des premières an- nées du XVIIIe siècle, par M. Godard-Faultrier...... Réimpression de Bodin. 1er rapport par M. Godard- HAULEMENSS RNCS TN MERE E TEE TEE Ce Présidial d'Angers, par M. le président de Beauregard... Pages, 139 143 181 234 256 ( 448) Réimpressiou de Bodin. 2€ rapport, par M. Godard- Faultrier....... PEACE CEE CRC C PCI E CEE BIOGRAPHIE ANGEVINE. Leysener , sculpteur, par M. Victor Payie ............ 10 Girard , fondateur de Toussaint d'Angers, par M. Go- dard=Faulirier ne AnCRR ARS UE ROMINORE Huet de la Chenaie et sa femme (XVe siècle), Zdem.... Jacques Eveillon , théologien ( XVe siècle), Zlem..... Rogue, jurisconsulte ( XVIIIe siècle), Zdem.......... Guillaume Legangneur:, calligraphe (XVI siècle), ZZem. Claude de Reuil ; évêque ( XVIIe siècle ), Zdem........ LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC. Fragments d’un voyage dans l’Amérique du Sud , par M. Th. Pavie; rapport par M. de Quatrebarbes........ Discours d'installation du bureau de 1842, prononcé par M. le président de Beauregard... ....... SDS ENTRE Fragments du Mahabharata, traduits par M. Th, Pavie; rapport par M. dé Lens ti 22070 STONE RE Œuvres du Roi René, éditées par M. de Quatrebarbes.. ” De l'étude des Patois et de l’utilité d’un Glossaire ange- vin, par M. Léon Cosnier........................ M. Cyprien Robert et son Discours d’ouverture du cours de littérature slave, par M. Sorins...:......... he NÉCROLOGIE. M. Aubin de Nerbonne ( Quelques mots sur), par M. Paye pere a PAS eee eu Le ter en RTE 89 ‘ , MOÉTI TAN \ # e de ; O8 pl 264 4890 Hong DAT ED ETTE TRE NETTUN ÉSE D: 34 Hot SRE Poe ET es ie : EEE l be be el cn de Êe El Ée e El Êe (Êe Fe L Ê DS lË 7[e OBSERVATION. Ed ’ La Société n'accepte pas la solidarité de toutes lés opinions émises daus les articles insérés dans le Recueil de ses mé- noires, ? Ps Der Te Eve Î à A RE: EMA a, 5 AVIS. ETS ‘MM. les Membres du Comice -Horticole sont prévenus qu' ‘ils auront dorénavant à adresser franco lemontant de leurs cotisations à M. Le Gris, trésorier du Comice , rue des Su SES à Angers. Il leur en sera RÉRIES récépissé. à mener / APN | Ej?? \