Tarn TE SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, s SCIENCES ET ARTS DANGERS. | … DEUXIÈME SÉRIE. SIXIÈME , VOLUME. SOCIÉTÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. DEUXIÈME SÉRIE. — G° VOLUME. ANGERS, IMPRIMERIE COSNIER & LACHÈSE. 1855. Dig SE à Set ms DISCOURS DU PRÉSIDENT présentant LE RÉSUMÉ DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ PENDANT L'ANNÉE PRÉCÉDENTE. Séance du 19 janvier 1855. Messieurs, IL m'est plus facile de ‘sentir que d'exprimer com- bien je suis vivement touché des témoignages réité- rés que vous me donnez de votre bienveillance. Ma dette de reconnaissance s’accroit chaque jour, je ne pourrai jamais faire assez pour l'acquitter. Appelé de- puis plusieurs années , par votre honorable suffrage , à présider à vos travaux , je suis heureux de pouvoir proclamer qu’ils continuent de porter d’heureux fruits: L'agriculture est l’objet constant de votre sol- licitude. Dans la direction à donner à cette source de la prospérité publique, les missions ne sont pas les mêmes. Les comités agricoles , répandus sur toute la surface du département, incessamment en contact avec les habitants des campagnes, avec les agricul- teurs-pratiques, propagent et mettent en action les bonnes méthodes. Les Sociétés d'agriculture, placées dans une région plus élevée, recueillent les faits, constatent les observations, les comparent et indi- (1 IT quent des améliorations à opérer ou des préjugés à combattre. Le Gouvernement consulte souvent leur expérience dans des questions d'économie publique ; c’est ainsi que votre opinion a été demandée sur l’in- troduction des bestiaux étrangers, sur l'emploi du sel à l'amendement des terres; sur les modifications à apporter aux droits sur les boissons, sur le régime des irrigations et des desséchemenis, enfin sur la ma- ladie qui sévit sur la vigne, et sur les moyens préser- vaiifs ou curatifs à lui opposer. L’horticulture, par les développements qu'elle a acquis , étant devenue une des branches principales de la richesse du pays, vous avez créé dans votre sein un Comice spécial, qui en dirige et en protége les tra- vaux. Il remplit sa mission avec un zèle qui ne se ralentit pas. IL a réuni dans son jardin expérimental les meilleures espèces d'arbres fruitiers; illes pro- page et en détermine la synonymie. Il continue de publier la Pomone de Maine et Loire, ouvrage précieux qui a acquis une juste célébrité. La taille des arbres fruitiers exige une instruction qui ne s'obtient pas seulement par la pratique. Vous avez fondé un cours public qui réunit de nombreux élèves et rend de grands services. L'histoire du pays continue d'être l’objet de vosin- vesligations. Vous l’enrichissez chaque année par de nouveaux documents, soit en publiant des manus- crits inédits, soit en constatant des monuments au- ciens, dont la découverte est souvent due au hasard. Les fouilles pratiquées pour l'établissement de la gare du chemin de fer, ont mis à jour de nombreux débris funéraires, qui se rapportent à diverses époques. Dans des fosses, au milieu d'une masse de charbon, se sont rencontrées des'urnes cinéraires qui devaient appar- III tenir à ce temps du paganisme qui admettait l’usage de brûler les corps. Plus loin, des cercueils en plomb renfermant des ossements, constatent le passage à l'ère chrétienne. Un de ces monuments a récemment encore été découvert, et décrit dans vos Mémoires. Leur multiplicité, dans cette localité, que l’on peut considérer comme une véritable nécropole, prouve que dans des temps reculés, Angers, soit qu'il ait porté le nom de Juliomagus ou d’Andegavum , était une ville importante, et que le titre d’antique capi- tale dé la contrée , ne peut lui être contesté. Notre cathédrale de Saint-Maurice, toujours admi- rée, a souvent été l'objet de descriptions ; mais une particularité dans l’ornementation avait échappé jus- qu’à ce jour. Je veux parler d’une inscription en ca- ractères hébraïques qui a élé signalée et traduite par un jeune ecclésiastique du séminaire de Versailles, M. l'abbé Delacroix. Cette inscription se lit dans les voussures qui couronnent la porte principale. Elle ex- prime les attributs donnés à Jésus-Christ par les livres saints. Le texte hébreux et sa traduction ont été re- cueillis dans vos Annales. Ce monument du roi René, que depuis longtemps, vous appeliez de vos vœux, s'élève enfin sur une de nos places publiques. La statue est placée sur un pié- destal quadrangulaire. Sur une des faces du prisme seront gravés ces mots : Au roi René. Les trois autres faces devaient rester vacantes d'après le projet primitif. Notre Société a pensé qu'elles ne pourraient être plus convenablement ornées que par l'inscription des noms des comtes et ducs héréditaires d'Anjou, depuis leur origine jusqu’au roi René, qui termine cette brillante série. Vous en avez fait la demande au Conseil muni- cipal, qui y a donné son adhésion et a voté le supplé- IV ment de dépense qu'il fallait ajouter. aux frais de construction. Chaque dynastie, qui se termine à cha- que réunion de l’Anjou à la couronne, occupera une des faces du monument. La première remonte à Ingel- ger et constitue la race des Ingelgériens. La seconde a pour chef Charles, frère de saint Louis, et finit à Phi- lippe de Valois, qui devint roi de. France et réunit l’Anjou à la couronne. Enfin le roi Jean érige le comté d'Anjou en duché eten investit Louis, son second fils. Ce prince commença la seconde maison d’Anjou- Sicile, qui se termina au bon Roi René, dont le nom vénéré ajoule à l'éclat de cette illustre lignée qui gou- verna l’Anjou pendant plus de cinq siècles, donna des rois à plusieurs nations de l’Europe, s’assit, sur le trône de Jérusalem. C’est ainsi que sur le monument du bon roi René, protecteur des sciences'et des.arts,; se lira le brillant résumé de l’histoire du pays. Près de ce monument apparaît une construction purement gallo-romaine , reste des antiques ramparts de notre cité. De nouvelles constructions allaient la masquer et la faire disparaître. Elles étaient déjà com- mencées. Notre Société s’est empressée de faire en- tendre ses réclamations ; elles ont été accueillies par le premier magistrat administratif de notre départe- ment, .et tout fait espérer qu’elles obtiendront un plein succès. Tels sont, Messieurs , les principaux faits auxquels, pendant l’année qui vient de s’écouler, vous avez prêté votre concours, dans l'intérêt de l’agriculture, des sciences et des arts. Que votre zèle ne se ralen- tisse pas. Persévérez à marcher dans la même voie, et vous continuerez de trouver votre récompense dans la reconnaissance de vos concitoyens. Messieurs et chers collègues, Plus est grande la fayeur que vous m'avez accor- dée, plus est flatteur ce témoignage de hauie estime, et plus je devrais en être fier. Pourtant je n'éprouve que le sentiment de la surprise;.….. si je pouvais taire celui d’une vive reconnaissance ! C’est que la réflexion m'est venue en aide. Trop souvent infidèle à vos réunions, dès long- temps égaré dans la triple carrière que signalent cha- que jour de nouveaux succès , je me demande où son mes titres à la vice-présidence. Où sont-ils, en effet, sinon dans vos nobles cœurs! Offrir un tribut à l’âge, un hommage à votre doyen : telle a été voire pensée, Messieurs, et cette pensée vous honore les, premiers. J'ai dit votre doyen, et c’est une usurpation. Celui qui a droit à ce nom l'emporte sur moi, moins par les années que par le mérite et par le nombre de ses fils, ornements de cetie Société. Tel autre peut-être, et non sans quelque apparence de raison, cédant à de fâcheux pressentimenis , ne 6 verrait là qu'une distinction tardive, une sorte de halte entre le moment d'occuper le fauteuil et celui, trop prochain, d’en descendre pour n’y remonter ja- mais. Quant à moi, Messieurs, vous l’ayouerai-je, j'aime à me créer un avenir plus consolant, et je me berce de l'espérance de ne pas voir de sitôt se briser les liens qui vont m'attacher désormais si fortement à vous. Et d’abord , remplissons. un devoir, devoir dicté par les convenances et consacré par l'usage, quelquefois assez embarrassant, aujourd'hui aussi facile qu'a- gréable. Pour rendre à mon digne prédécesseur la justice qui lui est due, ne mé suffira-t-il pas de répéter ce que j'éntends dire de lui? L'un cite son savoir, aussi profond ‘que varié; l’aütre ‘sa modestie sincère , lun troisième sa. parfaite urbanité. ‘Mais les regrets una- nimes qui l'accompagnent dans sa retraite prématu- rée sont assurémént son plus bel éloge. : C’est au reste la seule perte quelle Burcauait faite; et nous sommes heureux de voir encore à sa tête ce- lui en qui sémble sé personnifier la présidence, celui qui. toujours à la hauteur des plus hautes questions les éclairétet lés dirige avéé non ‘moins dé sûreté que d’aisancé ; Celui enfin à qui l'on peut justément appli: quer l’axiome : Fortiter in re, dulciter in modo! Dans celte RUCHE, — nos premières armes, vrai- ment parlantes, — quelle activité quelle'ardeur; ten même temps, quels ouvriers, que d'importants tra- vaux! Chacun y abdique son caractère civil; ses-ha2 bitudés , ses é6écupations journalières. Le magistrat se fait historieni, le prétre'arliste; le militaire botaniste; 7 le médecin reconstruit une ville, son confrère remet en honneur le produit généreux de nos coteaux. En un mot, architectes, naturalistes, écrivains, profes- seurs de toute Faculté, il n’est pas un seul Sociétaire qui, plein d’une franche émulation , ne s’empresse d'apporter sa pierre à l'édifice. Sil’archéologie déborde quelquefois dans nos pu- blications, ce n’est jamais qu’à défaut d’autres spé- cialités. Et d’ailleurs , qui pourrait s’en plaindre , alors qu'un savant et infatigable antiquaire, entraînant par son exemple d’ardents prosélytes, guidé lui-même par un goût pur et uné rare-sagacité , arrache leurs secrets aux vieilles chroniques et fait glorieusement revivre nos célébrités angevines ? Cependant l’agriculture n’en occupe pas moins la première place, comme elle est le fondement de notre Société. Grâces en soient rendues à notre Sécrétaire- général, qui en soutient presque seul tout le fardeau. Rien d’important n'échappe à son active investiga- tion, non plus qu'à sa critique impartiale, dé ce qui intéresse la science agricole en général et par rapport à notre département. A le voir, en outre, embrasser diverses parties de l'histoire naturelle, on ne saurait dire laquelle de ces études lui est plus familière ; 1a- quelle lui fait plus d'honneur. Emanation de la Société-mère, le Comice horticole, par le zèle et le dévouement de ses membres, ajoute encore à la juste réputation qu’il a su conquérir, sous la sage direction de son Président, — qu'un remar- quable ouvrage recommande de nouveau à l'estime des savants. -1Tout cela est louable, sans doute , mais tout cela 8 ne suffit pas; il nous reste quelque-chose à faire. De- vons-nous nous borner à une concentration de: lu- mières qui ne profite guère qu’à nous ? N'avons-nous pas une autre mission à remplir? Ne-nous. esl-elle pas prescrite par notre devise : Intùs ebextra? Vous m'avez deviné, Messieurs, et mieux que moi vous le savez , une grande œuvre nous appelle , une œuvre confiée aux Sociélés savantes, aux Académies, dont elle est, je ne dirai pas le devoir, mais bien plus, le droit, le précieux privilége. Celte, œuvre consiste à encourager au dehors.les sciences, les arts et les lettres; comme aussi à ré- compenser les nobles actions, qui honorent l’'huma- nité et la relèvent à ‘ses propres yeux. Faisons-nous donc les patrons de tout ce qui est grand, de tout ce qui est beau ;:favorisons les décou- vertes utiles , le développement des jeunes talents; confions à l’éloquence et à la poésie, tantôt un sujet moral, scientifique ou littéraire ; tantôt l'éloge d’un citoyen vertueux que la mort nous aura ravi; de- mandons la reproduction de ses traits vénérés à la palette ou au ciseau. Que chaque année une prime soit alternativement offerte à l’une de ces créations. Oui, Messieurs, c’est à nous de montrer ce que peut la première Société de l’un des plus intéressants dé- partements de noire belle France. Plus l’œuvre est glorieuse, plus. elle est digne de vous. Un dernier mot, mes chers collègues. Souffrez que j'inaugure ma vice-présidence par la faible offrande de 100 fr. Quintuplez, décuplez cette somme, et vous dépasserez le chiffre nécessaire aux frais d'une pre- mière année. Vous ne laisserez pas l'œuvre impar- 9 faite et, pour la continuer, vous serez assez riches, car vous serez assez généreux ! Luise enfin le jour de l’ovation ; et, si cet honneur lui incombe, vous verrez voire quasi-doyen, soule- vant le poids des ans, d’une main ferme encore, po- ser la couronne sur le front du vainqueur ! L. PAVIE. "MMM MEE adressée le 17 septembre 1854, A M. LE PRÉFET DE MAINE ET LOIRE, PAR M. BERAUD, Conseiller à la Cour impériale, et Secrétaire-général de la Société d’agriculture d'Angers. Monsieur le Préfet, En voyant dans votre discours d'ouverture du Conseil général imprimé dans le Journal de Maine et Loire, l'annonce d'un projet de travaux destinés à ga- rantir des inondations les vallées de la Maine et de ses affluents, j'ai dû aller aux renseignements, et ce n'est pas sans une vive émotion que j’ai appris que ce pro- jet reproduisait une idée dont l'initiative m'apparte- nait, et à laquelle se trouvait accessoirement, et peut-être même à titre de passeport, accolé un autre projet d’un prolongement de canalisation de l’Authion. Toutefois, apprenant en même temps que l'avant- projet de M. Houyau devait être imprimé, je dus, avant 1 d'élever aucune réclamation , attendre que je pusse m'’assurer mieux, soit de'son analogie soit de son identité avec celui que:j’avais conçu et développé il y a quelques années, dans une réunion de la Société | d'agriculture d'Angers. Je viens de parcourir le Mé- moire de M: Houyau, paru ce matin même, ainsi que l'exposé de M. Berger. Le silence ne m'est plus possible ,'et je dois à la Société à laquelle j'apparliens et aux hommes de l’art éminents auxquels j'avais jadis exposé un projet qu'ils avaient favorablement jugé, d'entrer à ce sujet dans quelques explications, vis-à- vis du premier magistrat du département. A l’époque, éloignée déjà ; où se faisaient les études du‘tracé du chemin de fer et où l’on disculait pour savoir si la Gare serait placée au nord ou au sud de la ville, la Société d’agricullure dut, elle aussi, s’occu- per de ces questions. Je crus l'occasion favorable pour présenter et: faire accepter, en les rattachant à la construction du chemin de fer, les idées que j'avais conçues pour l'exondation de nos vallées de la Maine, à la suite de lectures sur des travaux analogues exé- cutés:en Angleterre sur une grande échelle. Dans la prévision des difficultés que dans l'hypothèse d'une gare au sud, devait présenter le passage de la chaus- sée du chemin de fer au milieu des marais sans fond de Saint-Jean «et l'assiette d’un pont en Maine, je proposai donc de diriger le‘chemin de fer sur les’prés élevés: qui forment le confluent, par une levée, qui de ce point, entrerait dans le lit de la Loire , se maïn- tiendrait à distance ‘suffisante du rivage ouest, irait se rattacher au bec amont de Behuard ; parcourrait celie île danssa longueur pour rentrer un moment 12 en Loire, traverserait l’île Mureau, puis de là, .en- trant une dernière fois dans le lit du fleuve, iraitre- joindre la devée actuelle de la Possonnière, qui for- merait le noyau de la levée nouvelle. La Maine, ainsi canalisée en partietartificiellement par trois levées-én pleine eau, en,tpartie naturellement par deux îles, serait entrée«dans un canal à creuser dans les allu- vions cultivées dela Possonnière pour aller déboucher en Loire , au point: qui eût été jugé devoir être le plus avantageux pour consiruire le pont du chemin de fer dans les meilleures conditions de solidité et d'éco- nomie. Dans l'intérêt de l’adoption de mon projet, j'insis- tais principalement sur les conséquences qu'il devait avoir sur le régime des eaux de nos vallées. Je prouvais qu’en reportant en aval de 8 à 12 kilomètres, selon les exigences, la jonction de la Maine à la Loiré, la- quelle, dans ce parcours, est réputée avoir 4 mètre de pente par 4 kilomètres, l’on abaissait considéra- blement l'étiage de la Maine, et que par la nécessité imposée ainsi à la Loire-de remonter cette pente de 2 à 3 mètres, l’on arriverait, même sans autres travaux d'art, à mettre les vallées de la Maine et de ses af- fluents à l'abri des crues de Loire les plus funestes, celles qui se produisent d'avril en novembre. Quant au passage des bateaux de Loire en Maine et vice versä, je proposais, pour le maintenir en amont et près de la Pointe, un canal de jonction au travers de la presqu'île Chevrière, avec écluse à sas. Enfin , M. le Préfet, au point de vue financier et en dehors d'une économie plus que probable pour l'éta- blissement du chemin de fer (lequel eût alors évité 13 d’ailleurs les courbes et les immenses déblais de Bou- chemaine), je faisais valoir : 1° Que plusieurs lieues carrées de fonds marécageux situés entre Bouchemaine et les premières écluses des trois rivières de Mayenne, Sarthe et Loir, se transfor- mant ainsi en prés de première qualité, et passant dans les parties hautes, à l’état des meilleures terres à chanvre, propres, autour de la ville, à toutes les cultures maraîchères qui n’occupent pas la terre du- rant l'hiver, il en résulterait une plus-value si consi- dérable, que les propriétaires n’hésiteraient pas sans doute à contribuer, pour une large part, aux travaux d’endiguement ; 2 Que la partie qui resterait à la charge de l'Etat, dans les dépenses à faire , se trouverait encore plus ou moins balancée par uné augmentation de l'impôt fon- cier, à laquelle une nouvelle évaluation cadastrale pourrait légitimement donner lieu. Enfin , j'émettais cette opinion que, si l’on parve- nait à abaïsser de { mètre au moins l’étiage de la Maine et du cours inférieur de ses affluents, dont le cours ne rencontrerait plus d’ailleurs l'obstacle que la Loire offre à leur écoulement dès la Pointe , les inondations provenant de ses affluents mêmes, restant circonscrites pendant plus ou moins de temps, entre les écluses des trois rivières et l'embouchure nouvelle faite à la Maine , se trouveraient alors aussi considérablement amoindries. Ces idées , qui ouvraient tout un avenir à l’agricul- ture du centre du département, ne pouvaient man- quer de trouver de l'écho au sein de la Société d'a- griculture. L'accueil qu’elles y reçurent me détermina 14 à les soumettre à.M. Prus, ingénieur en chef.du che- min de fer. Il les vit favorablement, les jugea réalisa- bles, en conçut toute. la portée pour l'assainissement d'une vaste étendue du pays et l'accroissement incal- culable de ses richesses agricoles, et m’engagea forte- ment à provoquer-la formation de:syndicais dans les nombreuses communes riveraines qui y seraient in- téressées. Je commençai des démarches dans ce. bui dans. celle de: Soulaire.….. Ce fut dans ces co lanese) M.le Préfet, que:j’ eus l'honneur de voir, et c’est l'unique fois, M. Houyau: ce fut chez M. A. Lachèse, où il.se trouvait, en com- pagnie de M. Planchenault, pour s'occuper de:rédi- ger, si mes souvenirs sont fidèles, des observations sur. un projet de passage du.chemin de fer au nord.de la ville. Je n’avais jamais parlé à, M. Houyau, mais il avait la réputation, d’un ingénieur habile et d'un.es- prit inventif. J'espérais trouver.un auxiliaire et m'em- pressai de lui faire connaître et de lui.expliquer,mes idées. Il paraît qu’il me comprit, car il les fransmit. à son tour, et sans se, les attribuer, à. M: Fourrier, alors ingénieur en chef du service de la Loire,.lequel,,.peu de jours après, dans ‘une visite que je faisais à.sa.fa- mille, vint m'entretenir de la communication que lui avait faite M. Houyau de mon projet, me demanda des: explications , .me..dit.y avoir :réfléchi:.et:insista beaucoup pour me dissuader de.persister à le vouloir rattacher au tracé du chemin de fer, en disant.qu'il méritait d'étre.exécuté pour lui-même. Ce fut M. Four- rier qui, me parla de la nécessité où l’on serait, sans doute , par suite d’un dragage des bas-fonds, qui con. tribuerait à abaisser l’éliage, de construire une seconde 15 écluse à sas, dans le canal même de la Maine, vers la Roche-aux-Moines, pour assurer, dans les sécheresses, un-niveau constant à la Maine. M. Houyau fait aujour- d'hui figurer cette seconde écluse.dans son projet. M. Fourrier termina en me faisant connaître qu'il était convenu avec M. Houyau-d’aller au prémier jour visiter les lieux en bateau: De cet exposé, que j'aurais voulu pouvoir àbréger, mais dont.les détails étaient peut-être bons à con- naître, il résulte bien, je crois, M. le Préfet, que l’idée- mère du projet, celle qui consiste à éxonder nos val- lées de la Maine et de ses affluents par un canal de dérivation, et a les protéger en même temps :contre les doubles inondations dela Loire et des affluents dé Ja Maine, s’est fait jour d’abord au sein: dé la Société d'agriculture d'Angers par l'initiative personnelle et l'organe de son secrétaire général. Quant au projet qui lui a été joint. depuis, celui d'un prolongement de la canalisation de l’Authion , on n'en peut contester l'initiative de publicité à M. Houyau. Nous avions même pensé jusqu'à ce moment qu'on ne pourrait guère le rattacher au projet de la Maine, sans compromettre la réalisation de: celui-ci , parce; que le prolongement de l’Authion ne nous pa- raissait exécutable qu'avec un énorme surcroît de dé- pensesbien propre à effrayer et à faire rejeter le tout. +. Permettez-nous quelques mots à cet égard. + Pour'prolonger la canalisation:de l’Authion, il n’est que deux moyens : le creusement d’un canal à l'inté- rieur des-terres , ou le prolôngement du canal actuel le long de:la rive du fleuve par une levée latérale: Quant au premier mode, lequel est proposé ‘par 16 M. Houyau, il se-rencontre de si grandes difficultés d'exécution, puisqu'il ne s’agirait rien moins que de creuser dans le roc vif un canal de trois kilomètres'et à une bien grande profondeur, puisque l'arête schis- teuse à franchir est presque horizontale entre le Camp de César et le plateau de Sainte-Gemmes , que je doute qu'il puisse jamais être admis. Quant à la canalisation latérale dans le lit de la Loire, il faudraït, pour éviter les ensablements, une digue insubmersible , difficile à ‘établir en quelques parties , mais surtout d’un entretien très dispendieux, exposée qu'elle serait au courant du grand bras , l'un des plus rapides de la Loire dans les crues , et qui la battraït avec une extrême violence sous un angle de 450. : Nous avions donc toujours cru, et nous croyons plus que jamais, que si l’on veut sérieusement l’exé- cution du projet de la Maine, il est dangereux d’éta- blir'une solidarité quelconque entre celui-ci et celui de l’Authion, qui devrait considérablement augmen- ter le dhife des dépenses. Du reste, avant de terminer, je né puis m’empé- cher de manifester mon étonnement de voir M. Houyäau arrêter sa levée insubmersible dès le milieu de Be- huard, vis-à-vis du bourg. Cependant cet ingénieur a admis dans ses calculs'une pente de 21 centimètres seulement par kilomètre , et comme du confluent ac- tuel il n’y a que 3,700 mètres au point où finit sa digue, il n’y aurait ainsi que 77 cent. de pente à ga- gner. M. Houyau n'ignore pas que les crues de Loire qui sont nuisiblés , ‘excèdent de beaucoup cette hau- teur et alteignent ; en moyenne, environ 2 mètres 1/2 au moins, et il ne peut ignorer davantage qu'aucune 17 des crues de mars à novembre n'arrive, en passant par-dessus le delta qui s'étend d'Empiré au bout sud du confluent, mais qu’elles pénètrent toutes par le confluent lui-même, et que ce n’est qu’à partir de ce point qu’il faut par conséquent compter la pente pour apprécier ce que l’on gagnera par la canalisation de Ja Maine. Ne faudrait-il pas en revenir à ce que je proposais jadis? prolonger la digue insubmersible au-delà de Behuard et de Mureau, ce qui donnerait d’un seul coup, sans grande augmentation de dépense, puisque la digue, sauf dans le trajet de l’une à l’autre île, courrait à pied sec, un prolongement de trois kilom., soit 63 cent. en plus sur la pente, presque le double? Ne faudrait-il pas mieux encore, pour donner à cette opération toute sa portée, rattacher, comme je l'avais proposé aussi d’abord, la digue aux alluvions de la Possonnière, en profitant autant que possible de la digue actuelle, et par un canal creusé dans les allu- vions, latéralement au chemin de fer en partie, reculer encore la jonction de la Maine à la Loire ? Je finirai par une observation relative à la solida- rité qu'on voudrait établir entre les projets de l'Au- thion et de la Maine. D’après l'accueil que reçurent les propositions de concours que je fis dans le temps dans la commune de Soulaire, et la sympathie qu’elles rencontrèrent de la part des propriétaires de plusieurs communes voisines, je ne doute pas que l’on ne püût espérer des subventions volontaires considérables et dont le chiffre contribuerait certainement à déter- miner l'Etat à entreprendre la canalisation de la Maine ; mais évidemment le concours des communes rive- 9 24 18 raines sera d'autant mieux assuré, que l’on sera plus certain que ce sera à elles seules que les travaux à faire devront profiter. Quant aux syndicats de l’Authion, en supposant qu'ils voulussent aussi contribuer aux dépenses, leur part serait très difficile à fixer avec équité. Car, non- seulement ils profiteraient des travaux faits jusqu’à Empiré, mais encore de tous ceux qui reculeraient l'embouchure de la Maine, tandis que pour les pro- priétaires des vallées de Maine, tous les travaux d’au- dessus d’Empiré seraient sans aucune influence pour le régime des eaux de la Maine. Telles sont, M. le Préfet, les explications que nous nous sommes cru dans l'obligation d’avoir l'honneur de vous soumettre pour maintenir la part d'initiative que la Société impériale d'agriculture d'Angers et son Secrétaire-général onteue dans un projet qui intéresse à un si haut point la fortune publique el privée, la salubrité d'une contrée fertile et populeuse, et à la publicité duquel ils avaient dès longtemps concouru. Daignez, M. le Préfet, recevoir l'expression de la haute considération et du profond respect avec les- quels j’ai l'honneur d’être, Monsieur le Préfet, Votre très humble et très obéissant serviteur, Le Secrétaire-général de la Société impériale d'agriculture d'Angers, T.-C. BERAUD, Conseiller à la Cour impériale, chevalier de la Légion-d'Honneur. 19 RÉPONSE DE M. LE PRÉFET. A Monsieur Beraud, conseiller à la Cour impériale, secrélaire-général de Société impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers. Angers , le 22 septembre 1854. Monsieur le Secrétaire général, J'ai reçu il a deux jours la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, pour m'indiquer quelle a été personnellement votre part d'initiative, et par suite la part de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, dans le projet que m'a soumis et qu’a développé M. Houyau, et qui aurait pour but de pré- server nos vallées voisines d'Angers des inondations qui y causent iant de pertes. Ces précédents et l'intérêt que la Société d’agricul- ture, sciences et arls met à cette grande entreprise ne fout qu’ajouler aux considérations qui la recom- mandent à mes yeux, et je me propose d’insister pro- chainement auprès du Gouvernement pour que des études approfondies nous mettent en mesure d’appré- cier la suite dont elle est susceptible. Agréez, avec mes remerciements des détails dans lesquels vous êles entré, l'assurance, Monsieur le Secrétaire général, de mes sentiments dévoués et de ma considération la plus distinguée. Le Préfet, VALLON. SERMENT DE JACQUES D’ARMAGNAC SUR LA VRAIE CROIX DE SAINT - LAUD. Messieurs , L'original de l’acte de serment que je vais avoir l'honneur de vous lire, provient du cabinet de feu M. T. Grille et appartient aujourd’hui à la bibliothèque d'Angers. Il est écrit sur parchemin et en langue latine, moins, toutefois, la formule spéciale du serment pro- prement dit, en français, du xv° siècle. Cette pres- tation est celle d'un personnage tristement célèbre dans l’histoire. Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, comie de la Marche, a été diversement apprécié dans sa con- duite par les historiens; tous, néanmoins, s'accordent 21 à dire qu’il était d'humeur versatile, humeur particu- lièrement dangereuse sous Louis XI, dont il lassa la patience. Assurément, si ce monarque eut le tort extrême de raffiner sur le supplice de Jacques d’Ar- magnac, autrefois son gouverneur , ce dernier , nous devons l'avouer, eut celui non moins grand de trahir plusieurs fois son souverain; on ne sera donc point Surpris après de tels abus de confiance de la part du duc de Nemours de voir Louis XI fort empressé d’exi- ger de son cousin le serment qui suit, prêté sur la vraie croix de Saint-Laud d'Angers, sept années avant le supplice de ce grand seigneur ; supplice juste quant au fond, mais odieux dans la forme et qu’un poète célèbre a de nos jours flétri en de telles couleurs que chacun de nous préférerait avoir tort avec d'Armagnac que raison avec Louis XI. Le 4 août 1477 à Paris, Jacques d’Armagnac eut la tête tranchée. Il se ratta- chait à notre province par son mariage avec Louise d'Anjou, fille de Charles Ir, comte du Maine; ilen eut trois fils et trois filles. L’une d'elles, Marguerite . (nouveau lien pour notre pays), épousa Pierre de Rohan, seigneur de Gié, maréchal de France. SERMENT DE JACQUES D’ARMAGNAC, AN 1470. TRADUCTION. « Au nom du Seigneur. Ainsi soit-il. » Par le texte et contenu du présent manifeste, soit » à tous patent, montré et appris que, » » » » » » ) Ÿ » » » » » » > » » > Ÿ » D ÿ » ) > D) Ÿ ) 22 » L'an de la Nativité du Seigneur noire Dieu , mil quatre cent soixante-dix, style gallican , troisième indiction, bien vendredi huitième jour du mois de juin, à environ six heures du matin, ou autrement, la sixième année du pontificat de notre très saint père én Christ et noire Seigneur le seigneur Paul deux, pape par la divine providence, » Dans la vénérable église collégiale de Saint-Laud, decà le château et les murs de la ville d'Angers, » En présence et au vu de gens distingués, prudents et circonspects et de nous, notaires publics, sous- signés , » Le révérend père en Christ et seigneur le seigneur Guidon, par la miséricorde divine, évêque, duc de Langres, pair de France et chancelier du grand ordre de sérénissime seigneur notre seigneur Louis, roi des Français par la grâce de Dieu, » Et noble, glorieux et illustre homme le seigneur Frédéric de Lorraine, comte de Vaudemont et d'Har- court, » Commissaires, députés ou envoyés pour ce que: dessous par le même seigneur notre roi, d’une part, » Et illustre prince et seigneur le seigneur Jacques d’Armagnac, duc de Nemours et comte de la Marche, ainsi que révérend père en Christ et seigneur le sei- gneur Jean d'Armagnac, évêque de Castres et frère germain du seigneur duc lui-même, avec leur noble suite, d'autre part, » Ont personnellement comparu et se sont présentés, » Pour l'émission du jurement solennel ou serment à subir et prêter, sur la vraie croix, honorablement et dévotement, en mémoire et souvenir de la pas- 23 » sion dominicale, déposée, placée et adorée par les » fidèles du Christ dans la même église de Saint-Laud, » croix à laquelle a , pour le salut et la rédemption du » genre humain, véritablement pendu Notre-Seigneur » Jésus-Christ, » Touchant quelques articles plus bas établis, » Par les mêmes seigneurs duc Jacques, évêque » Jean, et autres nobles et discrètes gens de leur suite, » désignées dans lesdits articles, et dont les noms ou » litres sont ci-dessous insérés. » Lesquels donc, de part et d'autre, ayant ainsi » comparu pour accomplir, comme il est marqué, » l'acte énoncé, et s'étant réunis aux jour, heure et » lieu notés plus haut, » Le bois précieux de la croix salutifère, convena- » blement orné de perles et de pierreries, ayant été » sorti du trésor, où il reposait avec d’autres saintes » reliques et honorablement placé sur le grand autel, » par vénérable homme maître Michel Groleau, doyen » de cette église collégiale de Saint-Laud, revêtu » d’une chappe d’or, » Ce verset, O crux, ave, spes unica, hoc exallationis » tempore, etc., de l'hymne Vexilla Regis, ayant été » ensuite exécuté tant sur l’orgue que par des voix » humaines, » Et en outre, l’oraison de la même sainte croix » ayant été récilée par le doyen, auquel tout le chœur » répondait à haule voix, » Ÿ ayant aussi là, grande multitude de peuple, » À la demande d'iceux évêque et seigneur duc, une » messe solennelle, avec l'office de celte croix-là qui a » porté le salut, >) Ÿ >) Ÿ » A4 >) © > Ÿ >) > » » > » 24 » À été chantée et très dévotieusement célébrée, aux modulalions des orgues et aux battements des cloches, par le doyen, les chanoines, chapelains et tous les choristes de ladite église collégiale, en aubes, » Les seigneurs duc et évêque de Castres ci-devant nommés, et autres susdits, entendant celte messe, depuis le commencement jusqu’à la fin , à genoux, dévotement, et, à les voir, ne cessant d'implorer Dieu par de secrètes prières. » À l'issue de cette messe solennelle, lesdits sei- gneurs évêque, duc de Langres et comte de Vaude- mont , députés, | » Avec les susnommés seigneurs duc de Nemours et l'évêque de Castres, » Toute la compagnie ou assemblée formant cercle, » S’étant approchés du maître-autel, » Le duc de Nemours prenani la parole, en s’adres- sant aux mêmes seigneurs députés, » À proféré, dit et prononcé, » En français, et en termes équivalents à ceux-ci, » Que, désireux d’obtempérer à la volonté et au bon plaisir dudit seigneur notre roi, et pour éviter que désormais le même seigneur notre roi n’ait à se dé- fier de quelque manière du même seigneur duc et des siens ici présents, » Ils sont venus volontairement et librement, pour prêter ainsi publiquement, sur la vraie croix, tel serment que sa royale majesté aurait résolu de lui imposer, » Offrant de le prêter et subir, suivant la forme des. articles ci-dessous, non-seulement par lui-même ct 25 » ceux de qui ledit seigneur notre roi voulait qu'il füt » exigé, mais encore par tous ceux de leur famille ou » sous leur puissance ; » Ajoutant de plus, que non-seulement il tiendrait » ce serment, mais qu'il accomplirait, autant que » possible , tout ce qui serait du bon plaisir du même » seigneur notre roi, pour recouvrer plus facilement ses » bonnes grâces , et obtenir qu'il n’eût contre lui par la » suile, en façon quelconque, aucun sentiment de dé- » fiance ; » Suppliant ledit seigneur duc de Nemours, par » dessus tout, notre Seigneur Jésus-Christ de, ainsi » qu'il a daigné racheter de son propre sang le genre » humain sur l’autel de la croix, » Daigner de même, par la vertu de la même sainte » croix, réconcilier mutuellement les cœurs d’iceux » le seigneur notre roi et le duc en bonne affection et » charité : » Paroles, comme il est rapporté, dites et récitées » avec convenance par le seigneur duc. » Le seigneur Guidon, évêque et duc de Langres, » mentionné, accueillant avec éloges les paroles du- » dit seigneur duc. » Et se livrant à de nombreux développements ad- » mirables, en l'honneur, sur la vertu, l'authenticité » de la croix salutifère, et justement de celle qu'en » ce moment il considérait de ses yeux ; » Rappelant aussi l'histoire de nombreux miracles » et les noms de perfides qui, au jugement des hom- » mes, avaient sur cette croix commis des parjures ; » À dit au même seigneur duc, » Qu'’afin de ne conserver contre lui et les siens, 26 » comme on l’a touché, aucun soupçon d'infidelité » ou de félonie, » D'obtenir au contraire la plus complète sécurité de leur part, dans son royaume, » Le mentionné seigneur notre roi voulait que les- dits duc de Nemours, l'évêque de Castres, et autres soussignés, qualifiés dans les conditions par lui seigneur roi données, » Fissent démonstrativement et prêtassent, sur les saints évangiles de Dieu et ladite vraie croix, » Comme vrais, dociles sujets et vassaux, » Le serment en question, d’après et suivant la forme ci-dessous réglée, et telle qu’elle était conte- nue en une feuille de papier que le même évêque duc de Langres tenait aux mains. » En effet, le maintes fois dit seigneur de Langres, » aux lieu et nom du même seigneur notre roi, pré- sence dudit seigneur comte de Vaudemont , a exigé de chacun d'eux, en particulier et tour à tour, ce serment. » Ainsi, d’abord, icelui seigneur le duc Jacques, à genoux, la tête nue, les deux mains levées et éten- dues, tout ému du zèle d’une fervente dévotion, sur » le bois et l’autel de la salutifère et vraie croix citée, » Au milieu de son serment personnel , ayant tou- ché aussi les inviolables évangiles par disposition et volonté de dire vérité, »Il a, » Spontanément , librement, humblement , dévote- » ment, simplement et respectueusement, ainsi qu'il » apparaissait à nous notaires et à {ous les specta- » teurs, D) Ÿ 2 Ÿ D) Ÿ ] ÿ 2 > 2 1 2 Ÿ D Ÿÿ D Ÿ D Ÿ D) Ÿ » Ÿ D) Ÿ > Ÿ » Ÿ 27 » À haule et intelligible voix, par paroles de la pre- » mière personne, » Juré les choses qui suivent, » Et entièrement lu, mot à mot, sous la forme sui- » vante, la feuille susdite, dans laquelle était conte- » nue la teneur dudit serment : « Je Jacques d'Armeignac, duc de Nemours et conte » de la Marche , jure par Dieu, mon créateur, sauveur » et rédempteur, par la foy et loyauté que je lui doy, » et luy ay promise en la susception du saint sacre- » ment de baptesme, sur les sainctes évangiles et sur » cette vraye croix cy présente, en laquelle souffrist » mort et passion, pour la rédemption de moy et de » tout humain lignaige , que de ceste heure en avant » je ne feray chose quelconque, quelle-qu'’elle soit ou » puisse estre, à l'encontre de mon souverain sei- » gneur le roy de France, Loys estant à présent, pour » quelconque couleur ou cause que ce soit où puisse » estre, et quant je sauroye que homme ou hommes » mortels le vouldroient faire, je y résisteroye et l'en » garderoye à mon povoir et l’en advertiroye. Et ou » cas que je feray le contraire du serment que j’ay » présentement fait, je prie et requerre mon Créateur » qu'il envoye sur moy la malédiction de Datan et » Abiron, et toutes les aultres malédictions escriptes » et contenues ès-sainctes escriptures vielz Testament » que ou nouveau, ef en oultre, que en honneur et » révérence de sa saiucte vraye croix, il me pugnisse » manifestement autant (lacune) grant pugnicion » qu’il fist oncques homme pour soy estre parjuré sur » ladicte vraye croix et les choses dessus dictes. Je jure > sans fraude, barat, malengin ne entendement quel- Ÿÿ Ÿ » 28 conque aultre que selon le texte contenant l’enten- cion du roy. » | » Lequel serment ayant été prononcé, avec la solen._ nité racontée, devant les seigneurs commissaires, » Le susdit révérend père le seigneur Jean d'Arma- gnac, évêque de Castres, » En manière et forme toutes pareilles, » La main droite portée sur le cœur, puis les deux étendues sur la même vraie croix, . » Après avoir touché les inviolables évangiles, » À, dévotement, humblement et révérencieuse- ment, lu, fait et proféré semblable serment : Je Je- han d'Armeignac , évêque de Castres, ef le reste jus- qu'au bout. » Enfin donc, nobles et vénérables hommes, le sei- gneur de Valery, sénéchal de la Marche, sénéchal de... , le docteur de Mons, trésorier de la Marche, les deux maîtres d'hôtel dudit seigneur duc de Ne- mours', et maître. .… » Généralement toutes les personnes là présentes, de la famille ou de la suite desdits seigneurs le duc de Nemours et l'évêque de Castres, » Ont, en la même teneur, isolément, après avoir touché les saints évangiles, sur le bois de la vraie Croix , » Fait librement, spontanément, avec réflexion et délibérement, humblement et dévotement, pareil serment, » Et l'ont adapté chacun d'eux à ses actes. De le. ANR PIONEER » Les susdits seigneurs Guidon, évêque et duc de 29 » Langres, et Frédéric, comte de Vaudemont. » Me . ‘à 1(BOne). : » Fe St-Laud qu'au tel serment fait, Lot en Ft » tuer la mémoire, transcrit sur les registres de la- » dite église de St-Laud. » CU. - + NOEANE). Ur » pe és sONSSignés qu'il leur fût fait et délivré + une » ou plusieurs copies authentiques, ce qui suit leur » a été volontiers, à titre de grâce, octroyé. » Dit et passé l'an, l’indiction , le mois, jour, heure, » Sous ce pontiificat et au lieu que dessus, » En présence de nobles et puissants seigneurs Jean » de Lorraine, gouverneur d'Anjou, Guidon, de La- » val , sergent d'armes, le seigneur de Loué, » Aïnsi que de prudentes et circonspectes gens les » seigneurs et maîtres Jean de la Vignole, conseiller » du Seigneur notre roi, en sa cour de Parlement et » chanoïne de la cathédrale d'Angers, le susdit maitre » Michel Grolleau et Herman de Vic, doyens res- » peclifs des églises de St-Laud susdit et de St-Martin » d'Angers, Jean Rusé, le plus ancien habitant, et le » bourgeois de Tours Philippe Bouteiller. . (lacune) ». . . du seigneur bailli de Tours, en son siége » royal. . . (lacune) . . . et secrétaire royal, » Guidon. . . .Jean Cochon, procureur du même » seigneur notre roi, dans ledit bailliage de Tours, » Henri Castric, licencié ès-lois, » Avec une grande multitude d'hommes, tant clercs » que laïques, de l'assistance, appelés et requis comme » témoins de tout ce qui précède. » J. Loheac, notaire public, par l'autorité aposto- 30 » lique , pour copie, collation et attestation de l'acte. » Prunaud, notaire public, par l'autorité aposto » lique, pour copie et collation de l'acte. » Messieurs, tout le mérite de cette traduction ne m'appartient pas entièrement, et la meilleure part en revient à l'excellent ami que j'ai récemment perdu, M. Marie-Ambroise Gauguet, natif de Candé, mort le 12 décembre 1854 et inhumé le13, dans le cimetière dela Trinité. S’il m'était permis d'entrer ici dans quel- ques détails intimes, je vous apprendrais que ce sa- vant a été de ce petit nombre d'hommes très rares qui passent sans bruit dans le monde, bien qu’avec les plus incontestables capacités. Il y a cinq ans environ que je fis sa connaissance, et malgré ce peu de temps nous étions de vieux amis. Il nous a quitté pour aller rejoindre le plus intime de tous, feu M. l'abbé Gourdon, curé de la cathédrale, de si douce mémoire. Vous nous pardonnerez ces quelques mots de regrets échappés du cœur, à l'adresse de l'excellent homme, du savant réel et du chrétien sincère dont les conseils et le savoir ont pris place, par notre entremise, dans vos mémoires, sans qu’il eût permis, de son vivant, que vous vous en doutassiez le moins du monde. A lui donc, je le répète, la meilleure part des tra- ductions de serments sur la vraie croix de Saint-Laud que vous avez publiées dans votre dernier volume. Vous comprenez maintenant qu'il y aurait un oubli coupable à ne pas vous le signaler comme devant être compté au nombre de nos membres. Il l'était par l'esprit, il l'était par le cœur, et s’il ne le fut pas au- 31 trement, c'est que tout éclat, si minime qu'il fût, répugnait à sa nature simple et modeste. V. GODARD-FAULTRIER. SERMENT PAR JACQUES D'ARMAGNAC, AN 1470 (1). TEXTE. En écriture du xvur° siècle, on lit au sommet de la pièce : « 1470, serment sur la vraye croix, par Jacques d'Armeignac, duc de Nemours et comte de la Marche. » «In nomine Domini Amen hujus presentis publici » instrumenti serie atque tenore cunctis pateat evi- » denter et sit notum quod anno a nativitate nostri Dei » Domini millesimo quadringentesimo “septuagesimo » more gallicano computando indicione tercia mensis » vero junii die veneris octava circa horam sextam de » mane vel (lacune) pontificatus sanclissimi in Cristo » patris ac domini nostri domini Pauli divina provi- » dencia pape secundi anno sexto. In venerabili eccle- » si collegiata sancli Laudi cis castrum et muros ville » Andegavensis in generosorum providorum que ac » circumspectorum virorum, nostrûm que notario- » rum publicorum infra scriptorum presencia atque » conspectu reverendus in Cristo pater et dominus » Dominus Guido miseratione divina Episcopus dux » Lingonensis par Francie excellentis que ordinis sere- » nissimi domini nostri domini Ludovici Dei gracia (1) Original sur parchemin, cabinet de M. Grille, aujourd’hui Bibliothèque d'Angers. » » ») » » » » » » » » » 4 » » 2 Ÿ ÿ Ÿ Ÿÿ » 32 Francorum regis cancellarii nec non gencerosus ac inclitus et illustris vir dominus Fredericus de Lo- thoringia Vallis moncium et Harricurie comes, com- missarii ab eodem domino nostro rege ad infra scripta deputati seu destinati ex una; Et princeps illustris ac dominus dominus Jacobus Armeniaci , dux Nemosi, comes que Marchie, nec non reveren- dus in Cristo pater ac dominus dominus Johannes Armeniaci, episcopus Castrensis ipsius que domini ducis frater germanus cum nobili eorum comitiva parlibus ex altera ; pro exactione solennis juramenti seu Sacramenlii super veram crucem in eadem ec- clesia sancli Laudi honorifice atque devole in me- moriam et recordacionem dominice passionis, repo- sitam collocatam atque a Cristi fidelibus adoratam in qua quidem cruce pro salute alque redempeione humani generis pependit dominus noster Jesus- Cristus, super nonnulilis arliculis infra scriptis per ipsos dominos Jacobum, ducem Johannem, episco: pum ceteros que nobiles ac discretos viros de eorum comitiva in eisdem articulis descriptos, quorum nomina seu tituli inferius inseruntur subeundiatque prestandi personaliter comparuerunt atque se repre- sentarunt. Quibus sic quidem hinc inde ob nego- cium predicium sic peragendum ut premittitur comparentibus ac in unum die hora atque loco superiusannotaiis convenientibus extracto,queejus- dem salutifere crucis ligno precioso gemmis et lapi- dibus preciosis decenter ornato ab armario in quo cum ceteris sanciorum reliquiis repositum erat et illo per venerabilem virum magistrum Michaelem Groleau illius ecclesie collegiate sancti Laudi deca- 33 » num indutum Capa deaurata super majus altare » honorifice reposito, deinde versiculo illius hymni » Vexilla Regis, o crux, ave spes unica hoc exaltacionis » tempore, etc., {am cum organis que cum vocibus » humanis decantato, dicta insuper oracione deeadem » sancta cruce per ipsum decanum et toto choro alta » voce respondente, assistente eciam inibi populi » copiosà multitudine, missa solennis unacum ejus- » dem salutifere crucis officio per decanum canonicos » capellanos et singulos choristas ecclesie collegiate » predicte in albis existentes modulantibus organis » campanis que pulsantibus ad eorum domini ducis » et episcopi requestam decantanta extitit atque devo- » tissime celebrata prefatis dominis duce et episcopo » Casirensi aliis que supradictis missam hujus modi -» a principio usque ad finem genibus flexis devote » audientibus et Deum precibus secretis ut ex aspectu » apparebat continuo exorantibus. Post cujus quidem » misse solennis finem seu terminum dictis dominis » episcopo duce Lingonensis et comite Vallis mon- » cium deputatis unacum prefatis dominis duce Ne- » mosi et episcopo Castrensi, toto que cetu seu agmine » circumstante juxta majus altare predictis appropin- » quantibus memoratus dominus dux Nemosi ab ora- » tione surgens verbis hiis equivalentibus et gallicis » ad eosdem dominos deputatos suos dirigendo ser- » mones protulit dixit atquerecitavit quod ipse cupiens » prefati domini nostri regis (lacune). Voluniati atque » benè placito et ne deinceps idem dominus noster » rex ab eodem domino duce et suis aliquomodo diffi- » deret istis sponte atque libere accesserunt pro exhi- » bendo atque prestando super hujus modi veram 3 34 » crucem juramentum, tale quale regia majeslias ei- » dem imperare decreverat, offerens hujusmodi jura- » mentum nedum per se et illos a quibus juxta for- » mam artliculorum infra scriptorum prefatus dominus » noster rex illud exigi volebat prestari atque subire » sed etiam per quoscumque de sua familia et potes- » tate adjiciens insuper se non solum juramentum » hujus modi prestiturum sed quecumque bene pla- » cita ejusdem domini nostri regis juxta posse adem- » pleturum pro sua benigna gracia facilius recuperanda » atque consequenda ne nullam diflidencie suspi- » cionem rex memoratus contra ipsum quovis modo »in futurum haberet. Supplicans insuper dictus » dominus dux Nemosi domino nosiro Jesu-Cristo ut » quemadmodum suo proprio sanguine in ara Cru- » cis humanum genus redimere dignatus est ila » per ejusdem sancte crucis virtutem ipse Cristus » ipsorum domini nostri regis et ducis animos, in » bona caritate et dilectione, ad invicem reconci- » liare dignaretur. Quibus verbis sic ut prefertur per » dictum dominum ducem prolatis atque eleganter » recitatis, memoratus dominus Guido episcopus et » dux Lingonensis, verba dicti domini ducis gratenter » suscipiens multa que de laude virtute que et appro- » batione ipsius salutifere crucis et precisè de illa » quam tunc occulis intuebatur laudabiliter expli- » cans. Reducens eciam ad memoriam multa miracula » nec non illos perfidos qui judicio hominum super » hujus modi crucem falso degeraverant divulgata » dixit eidem domino duci, quod memoraius dominus » noster rex ut nullam ut premittitur infidelitatis seu » diffidencie suspicionem contrà eumdem ducem et 35 » suos sed ut ab eis plenissimam , in regno suo secu- » ritatem haberet et oblineret, volebat quod prefati » dux Nemosi, episcopus Castrensis et ceteri infra » scripti in articulis per eumdem dominum regem » datis descripti velut veri et obedientes subditi atque » Vassalli juramentum hujus modi juxtà et secundum » formam inferius annotatam et prout in cedula pa- » pirea quam idem episcopus, dux Lingonensis, in » suistenebat manibus continebatur, super sancta Dei » evangelia et dictam veram crucem facerent exhibe- » rent atque prestarent. Quod quidem juramentum » sepedictus dominus Lingonensis, vice et nomine » ejusdem domini nostri regis presente dicto domino, » comite Vallis moncium ab eisdem sigillatum et suc- » cessive exegit. Is autem dominus Jacobus dux primo » loco genibus flexis nudo capite levatis protensis que » ambabusmanibusferventis devocioniszelo permotus super lignum et aram vere et salutifere crucis hujus modi tactis eciam sacro sanctis Evangeliis animo et » intencione medio suo corporali juramento verum emittendi sponte libere humiliter devote simpliciter aique reverenter ut nobis notariis cunctis que in- tuentibus apparebat unaque et intelligibili voce per » verba prime persone que sequuntur juravit cedulam » que predictam in qua forma predicti juramenti con- »tinebatur. De verbo ad verbum per legit sub forma »ique sequitur : Jacques d'Armeignac duc de Ne- » mours et conte de la Marche jure par Dieu mon ». créateur, sauveur et redempteur par la foy et loyauté » que. je luy doy et luy ay promise en la susception » du saint sacrement de baptesme sur les sainctes » Evangiles’et sur cette vraye croix cy presente, en E ÿ S ÿ LA ÿ 36 » Ja quelle souffrist mort et passion pour la redemp- » tion de moy et de tout humain lignaige, que de » ceste heure en avant je ne feray chose quelconque » quelle quelle soit ou puisse estre a lencontre de mon » souverain seigneur le Roy de France Loys, estant a » present, pour quelconque couleur ou cause que ce » soit ou puisse estre. Et quand je sauroye que homme » où hommes mortels le vouldroient faire , je y resis- » teroye et l’en garderoye a mon povoir et l’en adver- »tiroye. Et ou cas que je feroy le contraire du ser- » ment que jay presentement fait je prie et requerre » mon créateur qu'il envoye sur moy la malediction » de Datan et Abiron et toutes les autres maledictions » escriptes el contenues es sainctes escriptures, vielz » testament que ou nouveau et en oultre que en hon- » neur et révérence de sa saincte vraye croix, il me » pugnisse manifestement autant (lacune). Grant pug- » nicion quil fist oncques homme pour soy estre par- » juré sur ladicte vraye croix, et les choses dessus » dictes, je jure sans fraude barat ne mal engin ne » entendement quelconque autre que selon le texte » contenant lentencion du roy. Quoquidem juramento » sic ut premittitur solenniter emisso dictis dominis » commissariis presentibus predictus reverendus pater » dominus Johannes Armeniaci, episcopus Castrensis » modo et forma consimilibus manu dextra ad pectus » elevata et ambabus (lacune) super ipsam veram cru- » cem protensis tactis sacro sanctis Evangeliis, humi- » liter devote atque reverenter simile juramentum » exhibuit atque legendo protulit : je Jean d’Armei- » gnac evesque de Castres et cetera, usque ad finem. » Novissime vero nobiles ac venerabiles viri, dominus 37 » Devalery senescallus Marchie, senescallus de c...…. » (lacune) doctor de Mons, thesaurarius Marchie, duo » magistri hospicii dicli domini Ducis Nemosi et ma- » gister.….…. (lacune) ibidem presentes et de familiâ » seu comitivâ dictorum dominorum ducis Nemosi » et episcopi Castrensis existentes eodem contextu » taclis sigillatim sacro sanctis Evangeliis..…...…. vere » crucis ligno juramentum simile libere sponte con- » sulte et deliberate humiliter que et devote fecerunt » ac exhibuerunt pro ut eorum quilibet fecit. » AQUEQUE SON Re VERRE e ec » » Prelibati domini Guido episcopus duxque Lingo- » nensis ac Fredericus comes Vallismoncium US EUR IUS au te | CtIGCUne). 3 » sancti Laudi ut hujus modi juramentum ad A » tuam rei memoriam in regestis dicte ecclesie sancti » Laudi describeretur . . . UE ». RME AR hHdbne). » is scriptis unum di plura publicum seu A nblics » instrumenta sibi dari et confici quod eisdem liben- ner... concessionis dicta fuerunt hec anno indic- » tione mense die hora pontificatu et loco quibus su- » pra. Presentibus ad hec generosis ac potentibus » dominis Johanne de Lotharingia, Andegavie guber- » natore, Guidone de Laval milite, domino de Lone, » necnon circumspeclis providis que viris dominis et » magistris Johanne de la Vignole ejusdem domini » nostri regis in sua parlamenti curia conciliario eccle- » sie que majoris andegavensis, prefalo magistro » Michaele Grolleau sancti Laudi predicti et Hermano » de Vic. Sancti Martini, Andegavensis ecclesia- » rum respeclive decanis, Johanne Ruse seniore civi Ÿ 38 » alque burgenci turonensi Philipo Bouteiller domini » baillivi Turonie in sua sede regali. :, (lacune) : . ». . . (lacune) . . .secretario que regio Gui- » done (lacune) ejusdem domini nostri regis in dicto » baïlliviatu Turonie. procuratore, Johanne Cochon, » Henrico Castric, in legibus licenciato, unacum plu- » rima notabilium vicorum tam clericorum et laico- » rum multitudine ibidem astancium testibus ad pre- » missa vocatis specialiter et rogatis. » J. LOHEAC, notarius publicus apostolica auctori- » tate pro copia et collacione et nota instrumenti. » PRUNAUD, notarius publicus apostilica auctoritate » pro copia et nota instrumenti. » Li VISITE de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, et de 1a Commission archéologique, DANS LES NOUVELLES SALLES DU MUSÉE DES ANTIQUITÉS, LE 11 MAI 1855. Le 11 mai 1855, invitée par le Directeur du Musée des antiquités, la Société d'agriculture, sciences et arls d'Angers a visité les nouvelles salles dudit Musée. Le vice-président, M. Pavie père, en l'absence de M. de Beauregard, a ouvert la séance en donnant la parole à M. Godard-Faultrier qui a prononcé le dis- cours suivant : « Messieurs, » C'était le moins que la Société d'agriculture, sciences et arts et notamment la Commission archéo- logique, fussent invitées avant l'ouverture publique, à visiter le Musée des antiquités, car dans une cer- 40 taine mesure ce Musée est bien votre œuvre; votre œuvre par les dons que vous avez faits, par les con- seils que vous avez donnés. Et en cela vous répondez quotidiennement au vœu du corps municipal, qui de son côté, n’a reculé devant aucun sacrifice pour l’em- bellissement de ses Musées. Comme lui vous avez su guider et encourager; à ce titre donc quelques expli- cations vous sont dues. » Le Musée des antiquités fut fondé en 1841, sous l'administration de M. Farran, et soutenu dans ses développements avec beaucoup de zèle, par l’un de ses principaux adjoints que vous devinez tous (1). » Cette collection établie d’abord au premier étage, dans le local où se trouve présentement la section mi- néralogique du cabinet d'histoire naturelle, y demeura jusqu'à l’an 1851. À cette date, et par suite de nou- veaux plans et projets, tous les objets antiques re- cueillis depuis dix années, furent déposés dans des magasins spéciaux où ils restèrent jusqu’au mois de novembre 1854. » Depuis lors, six mois environ se sont écoulés dans un travail à peu près continue d’appropriation auquel ont pris part, chacun dans sa spécialité, MM. Daïn- ville fils, Deruineau, Thierry, Chapeau, Aubry'et Desplaces. » L’arrangement et la classification des objets n’ont guères exigé moins de temps. » Cette classification a pour base l’ordre topogra- phique qui se combine aisément tantôt avec l’ordre (1) M. Guillory aîné, membre de la Légion-d'Honneur et prési- dent de la Société industrielle. 41 chronologique, tantôt avec l’ordre alphabétique et tou- jours avec l’ordre des matières. » Des deux salles, la plus grande, dite salle d’ Anjou, indique suffisamment par son nom, qu'elle exclut tous objets étrangers à notre département ; nos anti- quités y sont classées par arrondissement , mais une vitrine est réservée pour celles trouvées en des lieux, qui jadis faisant partie de notre province, en ont été distraits en 1790. » Quant à l’autre salle que nous pouvons appeler salle des mélanges , nos richesses angevines ne se gênent point, vu leur abondance et leur volume, d'y faire invasion , toutefois dans des cases spéciales , avec des étiquettes de même et sans confusion possible. » À part cet envahissement très légitime, la salle des mélanges comprend quatre divisions principales distribuées en cinq grandes vitrines. » re Division : Médailles et objets nationaux, c'est- à-dire français. » 2€ DIVISION : Médailles et objets antiques, c'est-à- dire égyptiens, grecs et romains. » 3° DIVISION : Médailles et objets du bas-empire. » 4° DIVISION : Médailles et objets étrangers, c'est-à- dire qui ne sont ni français, ni antiques, ni byzantins. » Cette classification naturelle, a l'avantage d'isoler enlièrement ce qui est angevin et de favoriser le dé- veloppement des études historiques au point de vue de la localité. » Vous remarquerez une certaine nouveauté dans l’arrangement des médailles ; un grand nombre sont placées sur depetitspiédestaux de couleurs différentes, le rouge pour l'or, le vert pour l'argent et le jaune pour 42 le bronze. Ces pelils supports permettent de donner plus d'élendue aux étiquettes, facilitent les divers classements chronologique, alphabétique et autres, font mieux valoir la beauté des médailles, empêchent leur frottement et laissent en quelque sorte la facilité de les manier avec l’aisance que l’on apporte à battre des cartes. » Cet élément mobile nous permettra de placer sous les yeux des hommes d'étude qui en feront la demande, des suites entières de types variés qu'ils pourront rap- procher à volonté et comparer, sans craindre désor- mais aucune confusion entre les médailles et leurs étiquettes ; notre collègue et ami M. Lèbe-Gigun a bien voulu nous prêter son écriture pour une centaine de ces étiquettes et très souvent son goût éclairé pour la distribution de nos objets. Même hommage doit être adressé sur ce point à M. Béraud. » Vous remarquerez aussi le tableau des anciens do- nateurs. Un second qui partira de janvier 1855, sera bientôt placé en face du premier, de manière que tous les trois mois, les noms des nouveaux donateurs y figureront imprimés. » Avec l’acquiescement de l'administration muni- cipale, nous avons l'espoir qu'en dehors des jours consacrés au public, l’on nous permettra d’en réser- ver un pour les personnes studieuses. » Par ce moyen les objets que la vue ne saisit pas nettement seront atteints, descendus et placés immé- diatement sous les yeux des travailleurs qui auront une autorisation. » Il va sans dire, Messieurs, que de droit, elle vous est acquise, de même qu'à tous les membres de nos 43 Sociétés académiques et aux élèves de M. Dauban. » À ce point de vue comme à tant d’autres, le Mu- sée deviendra de plus en plus votre œuvre. » Angers, 11 mai 1855. Le Directeur du Musée des antiquités d'Angers, GODARD-FAULTRIER. Après ce discours, le Président dela séance demande qu'une seconde lecture en soit faite le soir du même jour au local de la Société, ce qui a eu lieu. L'impres- sion en a été unanimement volée. Nora. — Le 18 mai 1855, M. Ernest Duboys, maire d'Angers, * faisant avec M. de Contades une visite officielle au Musée des antiquités, a fixé son ouverture publique au 20 dudit mois. CONSIDÉRATIONS DIVERSES SUR LES PROMENADES PUBLIQUES EN GÉNÉRAL ET LEURS DIVERSES ANNEXES. Messieurs, La voirie des grandes villes comprend tant et de si infimes délails, qu'il est impossible que beaucoup n’échappent pas à la vigilance la plus active de l’édi- lité. C’est donc, nous le pensons, chose utile que ceux qui, sans aucun parti pris de blâme ou d’éloge, étu- dient les progrès que sollicitent les besoins croissants du bien-être public, consignent de temps à autre les observations qu'ils sont à portée de faire, et viennent les soumettre à notre commission archéologique, qui, par ses constatations de l’élat actuel de Ja cité, prépa- 45 rerait des malériaux pour ses hisloriens futurs, de même que par ses savantes recherches, elle s’efforce de reconstituer le passé. Ceci dit en manière de préface, je passe à mes ob- servalions qui, bien entendu, ne peuvent être pré- sentées qu’isolément et non dans ün ordre logique quelconque. NOMS DES RUES ET PLACES. Aux noms des rues et places se ratlachent à la fois des souvenirs historiques et des intérêts généraux et privés. On doit donc s'appliquer à les conserver tels que les titres, les chroniques locales ou les traditions populaires nous les ont transmis. Cependant on peut remarquer dans les plaques nouvelles bon nombre de désignations erronées. C'est ainsi qu'on lit : faubourg Saint-Laur pour Saint-Laud, Cours (cursus) Suint- Laur pour la Cour Saint-Laud; place Faloux au lieu de Falloux; rue de Bouillon pour du Bouillou, de la Vieille-Charte au lieu de Chartre (prison), etc. En pré- sence de semblables erreurs, on doit regretter que la voirie municipale n’aie pas pensé à réclamer le con- cours de notre commission archéologique, auquel MM. les ministres de l'instruction publique et de l’in- térieur ne dédaignent pas de recourir pour toutes les questions qui intéressent l’histoire et les monuments locaux. L’appréciation des étymologies et la synony- mie des lieux publics sont bien de celles qui sortent du cercle des études ordinaires de la voirie urbaine. 46 PROMENADES PUBLIQUES. L'on s’afflige de voir successivement disparaître les grands ormes de nos boulevards de l’est, et on en a vainement cherché la cause. L'influence délétère du gaz est d'autant plus contestable, que, dans presque toutes les villes, le dépérissement des ormes des pro- menades fréquentées était depuis longtemps signalé, quand le gaz est venu faire son apparition. Ce ne pourrait être du reste que le gaz qui, par suite de fuites, toujours fort rares. imprégnerait, la terre et agirait sur les racines, car celui qui se répand dans l'air, étant chargé de carbone, pourrait plutôt favo- riser la végétation, dont l’un des actes les plus impor- tants consiste à s'assimiler le carbone sous Finfluence de la lumière. Quant au scolyte, sa présence ne m'a toujours paru être que la suite et non la cause du dépérissement.et de la mort de l'arbre. Ses larves et l’insecte parfait, respirant l'air en nature, seraient asphyxiés sans doute dans des arbres dont la sève conserverait son abondance normale. Ce ne peut être que lorsque par une cause quelconque, l'arbre vient à souffrir et que la sève s’alanguit et s’appauvrit, que le scolyte peut vivreimpunément aux dépens des couches intérieures de l'écorce entre l’aubier et le liber. Or, beaucoup de nos ormes sont passés à cet état de malaise, chro- nique favorable à la multiplication du scolyte par deux causes qui ont une grande influence sur leur végétation. 47 La première, c’est que vers 1830 bon nombre de grosses branches ayant été coupées pour élever la tête des arbres, la production et la force d’ascension de la sève en a considérablement souffert. Il s’en est suivi de larges plaies dont la plupart ne sont pas refermées et ont donné lieu à des écoulements de sève pério- diques. La seconde, c’est que l’augmentaiion dans la fré- quentation des boulevards et l’action incessante du piétinement des promeneurs a rendu depuis quelques années la terre tellement compacte, que les racines superficielles et traçantes de l’'ormeau en ont consi- dérablement souffert; que de plus le macadamisage des boulevards, le soin qu'on a dû prendre de les tenir en pente et en égoût, et d'empêcher les eaux ménagères et autres de se répandre dans les allées, ont sevré la terre de toute humidité. Elle ne reçoit plus que la pluie qui y tombe directement, et cette pluie s'écoule vers les trottoirs sans la pénétrer. ILest évident que lors même que les ormes n’au- raient pas eu à souffrir des ampuiations dont j'ai parlé, ils ne pourraient résister aux conditions dans lesquelles ils sont actuellement placés. L’orme, d’ail- leurs, de sa nature, est un arbre qui demande, non pas un sol profond, mais un sol peu consistant et frais , sans être humide. Ce n’est, en effet, que dans les lieux qui réunissent ces conditions, qü'il acquiert toute sa beauté, même dans nos campagnes; il est l'arbre des vallons. Cetle disparition successive, et devenue plus fré- quente, des ormes des boulevards, oblige chaque année à des remplacements, et trop souvent ils ne 48 réussissent pas. D'où cela provient-il? Je crois d’abord que l’on a généralement tort d’altendre le printemps pour cette opération. La terre, à cette époque, est d’une siccité extraordinaire, ce qui n’aurait pas lieu si on plantait ou au moins si l’on faisait la fosse avant les pluies d'hiver. De plus on ne change pas toujours la terre épuisée par l'arbre mort, et on ne ménage pas, ainsi que les géopones le recommandent, pour les plantations printanières, une cuvette au pied du jeune arbre. Enfin il conviendrait, lorsque surtout on plante au printemps, de guéréter et arroser plusieurs fois les arbres dans leurs deux premières années. Ce serait un surcroit de soins d'entretien, mais on assurerait la reprise des arbres et on en hâtierait la jouissance. Je sais que quelques personnes contestent que ja- mais, sous notre climat, les arbres puissent manquer d'humidité de manière à en souffrir. On a parfaite- ment raison, sans doute, pour l'arbre planté dans un sol qui reste dans son état de consistance normale. Aussi, dans notre Mail et même sur les boulevards de la Turcie et de Laval, où la circulation n’a pas la même activité que sur ceux du centre de la ville, les arbres ne paraissent-ils pas souffrir, sauf ceux qui ont été amputés de très grosses branches sur le Mail. Mais l’expérience est là pour démontrer que, même à la fin de l’hiver, le sol des boulevards n’est jamais assez saturé d'humidité pour entretenir une végéta- tion vigoureuse pendant la belle saison. J'en appel- lerai à cet égard à tous ceux qui ont pu, cette année encore, observer l’état de la terre au moment où on la creusait pour la plantation de ce printemps. 49 Lorsque la ville aura des eaux disponibles pour l'ar- rosement de ses rues, je crois donc qu’elle ferait bien, en en modifiant l'emploi selon les exigences des sai- sons et les variations udométriques, d'en utiliser une partie pour l'arrosement des arbres de ses boulevards, comme on le pratique ailleurs. Pour cela faire, on établit, à la parlie supérieure des pentes, et au-devant du premier arbre de chaque rangée, des regards à fleur de terre avec une plaque en fonte percée à jour. L'on trace, dans le sens de la pente, une étroite ri- gole qui côtoie extéricurement les lignes d’arbres, et s’arrondit en demi-cercle vis-à-vis de chacun. Quand la nuit est venue et que la promenade est dé- serte,on ouvre le robinet du regard et l’eau coule dans la rigole en formant un temps d'arrêt dans les demi- cercles ménagés au-devant des arbres. Quand on juge qu'ils sont assez abreuvés, les robinets sont fermés et les rigoles se trouvent ressuyées lorsque le jour ra- mène les passants et les promeneurs. Sans doute que ces arrosements ne devraient pas êlre aussi répétés dans notre climat que sous celui du midi, par exem- ple, mais il est hors de contestation qu'ils pourraient être utiles pour conserver nos promenades, el comme ils n’entraïneraient aucuns frais, on ne serait pas excusable de négliger de se préparer les moyens d'y recourir. Dans les endroils où les rigoles pourraient gêner la circulation, on peut employer un arrosement souter- rain au moyen de drains placés à 30 centimètres de profondeur. 11 est aussi efficace. J'ai vu un cours planté de magnifiques ormeaux plus que séculaires dont beaucoup avaient été attaqués par le scolyte, qui 4 50 avait été revivifié, en moins de trois années, par un semblable drainage. J'ai vu, du reste, sur certaines promenades publi- ques, substituer aux bornes fontaines, qui sont nulles pour la décoration, ou aux fontaines architecturales, trop dispendieuses, des fontaines rustiques très élé- gantes et très peu coûteuses. Elles se composent d’une simple vasque circulaire bordée en pierre de taille, dont le diamètre varie selon l'exigence des lieux, et au centre de laquelle est élevé un rocher artificiel en grès carié ou tout autre pierre analogue, du sommet duquel s’élance un saule pleureur ou un groupe d’arbrisseaux entouré de rosiers de Bengale. Des interstices du rocher, s’échappent ces plantes mi- gnonnes des ruisseaux et des lieux humides, myo- sotis azurés, saxifrages gazonnants aux blancs et frêles panaches. D’invisibles tuyaux se faisant jour au travers, changent les flancs du rocher en cascatelles toujours gazouillantes. Rien de plus réjouissant dans les chaleurs de l'été, que ces fraîches miniatures de la nature pittoresque, toutes parfumées et fleuries, ser- vies ainsi, comme dans d'énormes coupes, sur la nappe brûlante et poudreuse du pavé ou du ma- cadam. Quant au choix des arbres qui, dans les lieux secs el fréquentés, peuvent succéder aux ormes, il est restreint et difficile. L’érable faux sycomore et le platane, sont les hôtes habituels des terrains calcaires ou au moins des sols légers et frais. Le tilleul dont la tête symétri- quement arrondie l'avait fait adopter dans les parcs géométriques du xvine siècle, ne prospère aussi que dans les terrains un peu frais, et peu fréquentés, ce 51 qui fait que venant admirablement£ sur l'avant-Mail et la Turcie, il dépérit sur le vieux quai. Le sophora et l’acacia se forment mal et ont un maigre feuillage que le dernier seul rachète par son odeur suave. Le vernis du Japon plus beau de feuillage, répand en fleur une odeur désagréable. Resteraient donc le marronier et le platane : le premier, remarquable par la beaulé grandiose des nuances de son feuillage et de ses thyrses de fleurs, se feuillant de bonne heure, mais pour nous dire adieu le premier ; le deuxième, l’emportant sur- tout par l’ampleur, la persistance, la gaieté et le bril- lant de sa verdure, la légèreté et la flexion élégante de ses branches, les accidents de la coloration de son écorce sans cesse rajeunie et ayant sur plusieurs autres, notamment sur l’orme, le privilège inappré- ciable de ne donner asile àaucune de ces hideuses che- nilles dont la multiplication résiste à tout et que le moindre vent fait Lomber en pluie venimeuse sur les promeneurs. C'est au platane que dans la plupart des villes on paraît maintenant donner la préférence. Ainsi à Mar- seille, depuis que l’eau de la Durance a permis les arrosages , on n’a cessé de le multiplier. On n’en a pas planté moins de 8,000 dans la ville et les boulevards, dont la végétation, entretenue par desrigoles d’arrose- ment, est d'une vigueur incomparable. A Château- gontier, toutes les promenades en sont depuis long- temps plantées avec succès, et y ont des arbres ma- gnifiques. Toutefois, comme, même en fait de plantations, je crois que c’est toujours un tort que d’être exclusif, je parlage les idées qui paraïîtraient avoir dominé dans 52 le Conseil municipal d'Angers, depuis quelques années, et qui tendraient à varier autant que possible l'espèce des arbres des boulevards et des promenades, non pas en les mélangeant par des remplaçants, mais en plan- tant des sections entières d’une même espèce. Chacun a pu applaudir déjà à la plantation de magnolias, dont M. A. Leroy a si généreusement doté le rond-point du tunnel de la route des Ponts-de-Cé. Or, c’est précisé- ment en vue de pouvoir ainsi culliver le plus grand nombre possible d'espèces forestières sur nosboulevards ou promenades les plus fréquentés, et dont le sol est maintenant le plus compact et le plus aride, que j'ai cru devoir indiquer les arrosements par rigoles ou par drainage comme un moyen certain, étant déjà accueilli ailleurs, pour les cultiver toutes et partout. Au reste, les plantations publiques exigent une part d'autant plus grande dans la sollicitude de la voirie urbaine et de la nôtre en particulier, qu'il n’est désor- mais si petite ville qui ne fasse des efforts pour leur extension et leur embellissement. Partout où la voirie a trouvé des rues d’une largeur suffisante, on la voit établir des lignes d’arbres au cœur même des villes; c'est que l’on sent qu'il n’y a pas seulement là une question d'agrément, mais que l'hygiène encore, avec les épidémies meurtrières qui menacent les grandes agglomérations d'hommes, peut y trouver des moyens d'assainissement , qu’on serait coupable de lui refuser. Espérons donc que nous verrons un jour dans notre ville, deux rangs d'arbres relier le boulevard du Haras au rond-point de la route des Ponts-de-Cé; qu'il en sera de même dans la rue Boisnet, pour la relier au boulevard du Port-Ayrault; ainsi que dans la grande 53 rue des Luiseltes qui continue l'axe du vieux quai, et qu'on plantera également, malgré son pavage, où rien n'a été ménagé dans cetle prévision, le quai des Luisettes lui-même, pour offrir un abri aux nombreux travailleurs qui seront sans cesse occupés sur ses dalles brûlantes, quand le comblement de la douve en amont du pont de fer, aura concentré sur ce quai toute la batellerie des trois rivières. Dans toutes les grandes villes il devrait y avoir dans le personnel de la voirie, un agent spécial chargé de tout ce qui concerne les promenades et dans les attri- butions duquel rentreraient toutes les mesures à prendre et poursuites à provoquer pour l'établissement, l'entretien et la conservation des promenades. TROTTOIRS ET DALLAGE, Ces réflexions sur les promenades publiques nous amènent naturellement à vous présenter quelques observations concernant les troitloirs qui sont aussi une dépendance importante de la viabilité. On a géné- ralement réservé l’asphalte, dans les autres villes, pour les endroits où le trottoir est en quelque sorte un lieu de promenade habituelle. Partout ailleurs on n’a eu garde d'y recourir. Il nécessite de grands frais d'établissement et d'entretien et résiste peu aux ardeurs du soleil; il n’est donc plus employéau-dehors qu'ex- ceptionnellement. L'administration municipale de notre ville paraît vouloir faire de même : on doit l’en féliciter, ce sera un allègement pour les budgets à venir. Mais que lui substituera -t-on ? On paraît avoir choisi comme moins LA 51 couteux, un pavé en petit échantillon avec morlier hydraulique qui est très solide, mais la forme donnée à ce pavage est fort à considérer. On peut remarquer que celui en ligne transversale, surtout lorsqu'il n’est pas piqué, ce qui est le cas pour le pavé d'Angers. est très inégal ct dur au pied, tandis que celui en diago- nale n’a pas au même dégré ces inconvénients. En plusieurs rues on a adopté ce dernier, pourquoi n’en “serait-il pas de même partout? Le pavage en diagonale n’esi pas du reste un sys- iême nouveau. Plusieurs de nos anciennes rues étaient ainsi pavées et peut-être devrait-on aussi revenir à celte disposition pour la chaussée principale, surtout dans les rues élroites. El est certain que pour la circu- jaiion des voitures, ce systême l'emporte par l'absence des cahols, ce qui provient de ce que les inégalités des rangées de pavés ne se présentent pas à Ja voiture suivant une ligne droile conire laquelle viennent à la fois se heurter les deux roues. La voiture se trouve ainsi dans ces conditions d'obliquité par rapport à l'obstacle qu’un cocher intelligent donne à la direction de son véhicule, quand il veut lui faire franchir im- punément un ruisseau sans ralentir sa vitesse. Jé re- commanderai à ceux qui voudrai-nl comparer les cffeis de ces deux modes de pavage, de suivre au grand trot la rue Bressigny, en recoupani la partie de la chaussée pavée en diagonale, située vis-à-vis la rue Desjardins. Il y a des villes où l'on a préféré à l'asphalte de larges aalles de grès on de granite piquées, à Nantes, par exemple; pavage coûleux de construction , mais d'une durée indéfinie ct d’un entretien nul, par con- 55 séquent plus économique en réalité que l’asphalte. Dans d’autres villes où le grès el le granite manquent, on a eu recours à un pavage en briques bien cuites, absolument semblable à celui qui se rencontre dans les ruines de Pompéi. C’est particulièrement à Mar- séille que je l'ai observé. Est-ce une tradition de la voirie romaine? Toujours est-il que ses comparti- ments, et particulièrement sa disposition habituelle en feuille de fougères, sont tout antiques. Il peut donc, sous ce rapport, y avoir quelque intérêt à vous en parler. On emploie, pour celle espèce de mosaïque, des carreaux ou blocs de terre cuile, d'épaisseur et de longueur variables. Le plus ordinairement, ils ont 8 pouces de long, sur 15 à 18 lignes d'épaisseur ; ils sont placés de champ, et en cas où ils viendraient à s’user ils peuvent êlre ainsi retournés. On emploie pour la pose un mortier de chaux ordinaire , mais la chaux hydraulique et le ciment seraient préférables. J'ignore de combien est leur durée, mais je crois qu'elle est assez longue. Ce pavage à du reste cela d’avantageux, qu'il est très solide, qu'il ne s’y fait aucun de ces trous si fréquents et si dangereux dans les trotloirs d'asphalle et qu'il est aussi doux au pied. Je ne pense pas qu’un tel pavage doive excéder en Anjou 3 fr. 50 c. le mètre carré. Du reste, dans le midi, le luxe moderne cherche partout dans les édifices publics et privés à imiter la mosaïque antique. Les vestibules, salles à manger, elc., salles des cafés et hôtels, offrent des mosaïques qui reproduisent parfaitement l'effet de ces mosaïques antiques dont on voit de si admirables spécimens dans 56 l'intérieur de la maison Carrée à Nîmes et dans les Musées de Marseille et de Lyon. Aux fragments de marbre qu'employait l'architecture romaine, on a seulement substitué des cubes ou des prismes rectan: gulaires en terre cuite, colorée dans sa pâte, de 2 à 3 centimètres de côté. Ils offrent 8 tons, passant du blanc-terne au noir profond, et 4 ou 6 tons, passant du jaunâtre au rouge-brun. Avec cette gamme on parvient à exécuter de la façon la plus satisfaisante, des figures d'hommes ei d'animaux, même moins grandes que nature, toutes les arabesques possibles et les plus riches encadrements grecs et romains. Une fois le dessin tracé sur le papier en petits carrés colo- rés, l’exécution n’est plus qu’une affaire de main- d'œuvre à la portée de tout ouvrier intelligent. C’est une opération analogue à la reproduction sur le cane- vas d’une gravure coloriée de tapisserie. Lorsque cette mosaïque a été poncée ou dressée avec une pierre de grès tendre, puis convenablement cirée, il n’est pas de parquet plus riche, plus frais et plus solide pour une salle à manger, ou pour des lieux de réunion publique situés au rez-de-chaussée. Nous avons certainement le plus vaste et le plus riche Musée de sculpture des départements. Mais qui n’a pas remarqué combien tous ces chefs-d’œuvre perdent à être placés sur un carreau d’une couleur sourde et sale. Supposez une mosaïque bornée même à quelques encadrements dont le style serait en rap- port avec la destination de chaque salle; grec pour la Staluaire grecque, romain pour l'antiquité romaine, moderne pour les galeries David ; et vous verrez aus- sHÔT tous ces chefs-d'œuvre, en se détachant en clair 57 sur un fond plus riche, en recevoir un surcroît de valeur. Ce serait un effet analogue à celui de la subs- titution des cadres dorés et ornés, aux pauvres cadres en bois jauni, qui autrefois enborduraient les grands tableaux d'histoire de notre Musée de peinture. Je borne aujourd’hui mes communications à ces diverses observations d’un intérêt plus ou moins pra- tique. Peut-être les ferai-je suivre de quelques autres d'un ordre plus élevé, sur les établissements artis- tiques et scientifiques du midi de la France et sur les motifs d'émulation que notre ville peut trouver dans ce que font les autres, si elle ne veut pas décheoir du rang qu’elle occupe à ce double point de vue. T.-C. BERAUD. Angers, ce 4 mai 1809. BREVET DE COMÉDIEN POUR LE SIEUR DESMAREST ET COMPAGNIE (1). Aujourd'hui dix-seplième jour d'août mil sept cent soixante-dix-sept, Monsieur, Fils de France, Frère du Roi, Duc d'Anjou et d'Alençon, comte du Maine, du Perche et de Senonches (2), étant à Versailles, il a été representé que le privilège accordé à la demoiselle Montensier pour la tenue des spectacles dans la ville d'Angers, a cessé le premier octobre de l’année der- nière et qu'il éloit convenable d'en accorder un nou- veau, pour autoriser des comédiens dans jad. ville d'Angers. Monsieur, désirant traiter favorablement je (1) Titre provenant du cabinet de défunt M. Quelin, commu- niqué à la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, en juin 1855, par M. Godard-Faultrier. (2) Depuis, Louis XVIIL. 59 sieur Desmarest et compagnie, d’après les témoignages de capacité et d'intelligence pour cette entreprise, Monsieur, lui accorde le privilège exclusif de prendre et faire prendre à ses différentes troupes de comédiens, lorsqu'elles joueront dans lad. ville d'Angers et ce, pour l’espace de six années, à compter du premier avril prochain, le titre de Comédiens ordinaires de Monsieur ; permet, Monsieur, au sieur Desmarest, de faire lever et établir des Comédiens dans lad. ville, qui réprésenieront, trajédies, comédies françoises, ita- liennes, aperas, operas comiques et bouffons et géné- ralement tous spectacles publics à huit clos, à la charge par led. sieur Desmarets et compagnie, savoir : de faire régistrer le présent privilège au Greffe de lad. ville d'Angers; de remettre par chacune des d. six années et d'avance, une somme de mille livres, ès mains du Trésorier de lad. ville , pour être lad. somme employée aux besoins et entretien de l'hôpital des enfants trou- vés : de se conformer à toutes les ordonnances et règle- ments de police et de l'honnêteté publique, de faire le service de son entreprise avec la plus grande exac- Utude, à la satisfaction du public et des officiers mu- nicipaux de lad. ville, le tout sous peine de nullité du présent privilège. Mande, Monsieur, aux lieutenant de police, maire et autres, ses officiers municipaux dans lad. ville d'Angers, de tenir la main à son exécu- tion et de faire jouir sans trouble et empéchement quel- conque , led. sieur Desmarest ou ses représentants, du contenu cy-dessus, en témoin de quoi et pour assu- rance de sa volonté, Monsieur, m'a ordonné d’expé- dier aud. sieur Desmarest et compagnie le présent brevet, qu'il a signé de sa main et fait contresigner 60 par moi son conseiller en tous ses conseils, secrétaire de ses commandements, maison, finances et de son cabinet. LOUIS STANISLAS XAVIER. TAILLEPIED DE LA GARENNE. Enregistré le brevet de l’autre part, au greffe de la police d'Angers, conformément à icellui, par moi commis-greffier soussigné, pour estre exécuté selon sa formule....., el y avoir recours en cas de besoin; à Angers, le quatre octobre mil sept cent soixante- dix-sept. LEFEBVRE, commis-greffier de la police d’ Angers. Enregistré, en vertu de conclusion de ce jour, sur les registres de l'Hôtel-de-Ville d'Angers, le 3 juillet 1778. BANCELLE, secrétaire-greffier NOTICE HISTORIQUE SUR ILES HONINIES qui ont illustré LE NOM DE BEAUVAU. Messieurs, Je vous ai raconté les transformations qu'a subies là ville de Beauvau, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nous; mais le temps, ce monstre vorace, qui sacrifie tous ses enfants, ne nous a légué que des ruines. Nous les avons remuées, contemplées et in- terrogées. ? Dans ce mouvement rapide et incessant de va et de vient, de composition et de décomposition, il y à néanmoins quelque chose qui résiste à la dent acérée du temps : c’est la pensée. Permettez-moi, Messieurs, de compléler la science archéologique de Beauvau, en vous faisant connaître les faits moraux accom- plis dans l’espace et le temps, par les hommes qui ont illustré Beauvau. 62 Ces faits, perdus dans l’histoire, noyés dans quel- que obcure généalogie, réunis, groupés et synthéti- sés , deviendront un foyer d’excitation pour d’autres travaux semblables, qui, réunis à celui-ci, formeront un puissant enseignement pour la pratique de la ver- lu, et exciteront dans le cœur des hommes l'amour du devoir et de la patrie. Torquatus, fondateur de la maison de Beauvau, est le premier que je recommande à votre attention. — L'histoire de Bretagne, par Dargenté, les Annales ar- moricaines , par Regino et Avantin, nous le font connaître comme un nouveau Nemrod, ardent chas- seur devant le Seigneur, uniquement occupé des plai- sirs de la chasse. Mais n’était-il réellement que chas- seur celui que Charles-le-Chauve choisit pour gou- verner l’Anjou? Rappelez-vous, Messieurs, qu’à cette époque on ne connaissait que le droit de la force ; do- minée par la nalure des choses, la terre élait régie allodialement, ne devant rien au roi, et ne relevant que de son propriétaire. Pour gouverner alors il fallait un homme brave, intelligent, juste et d’une rare pro- bité. Tout milite en faveur de Torquatus, et nous porte à croire que ce fut un homme habile, juste.et sage. Il vivait en l’an 800. Il eut deux enfants. Au plus jeune, Foulques, il donna la ville de Beauvau, située au milieu de la forêt de Chambiers. Mais avant. celte. donation, Torquatus fit bâtir les deux châteaux forts de Beauvau et de Jarzé (1). Nul ne peut contester à la maison de Beauvau cetle illus- (1) Généalogie manuscrite de la maison de Beauvau. Dictionnaire de la noblesse. Edit, de 1770. 63 tre origine; elle est attestée par toutes les généalogies de cette famille, par l’abbé Le Laboureur, par les chro- niques d'Anjou , de Bretagne et de Touraine. Elle est prouvée par l’écusson des Beauvau, quatre lions can- tonnés, lampassés d’or, symbole de la force; par leur devise : deux troncs d'arbres unis par deux pointes de fer, avec ces mots : sans départir, dévouement inalté- rable ; par le soin qu'ils avaient d'orner le cimier de leurs casques d’une hure de sanglier; par l'honneur insigne que leurs faisaient les ducs d’Anjou en leur confiant le commandement de la noblesse de cette province, et en leur permettant de prendre pour cri de guerre : Beauval. Enfin l'histoire de celte maison nous apprend que Raoul de Beauvau et Girard de Jarzé, son frère, tous les deux fils de Fouiques II de Beauvau, rendirent foi et hommage à Foulques Ill; comte d'An- jou, debout, le casque sur la tête , la dague au côté, et l’'épieux à la main , c’est-à-dire d’égal à égal. En 1060, Geoffroy de Beauvau dota l’abbaye de Saint-Serge de larges droits sur le cimetière de Beau- vau et sur la forêt de Chambiers; il fonda à Beauvau une communauté de Bénédictins, dont le prieur fut , par une exception particulière, créé curé (1). Foulques II de Beauvau, petit-fils de Geoffroi, fit son testament en 1137; il ordonna à Robert, son fils, de le faire inhumer dans l’église de Beauvau, à côté de son grand-père. Vons savez comment l'abbé Cro- chard, curé de Beauvau, fut la cause aveugle de la profanation du tombeau de ces deux hommes de bien. — Ce fut Foulques Il de Beauvau qui commença la (1) 569, Cartulaire de l’abbaye Saint-Serge. 64 réédification de l'église de Saint-Martin de Beauvau ; et qui prescrivit en mourant, à Robert, son fils, d'en achever la reslauration. Richard Cœur-de-Lion , fils d'Henri, roi d'Angle- terre , connu par son amour des aventures extraordi- naires et par son zèle immodéré, se croisa, à la voix de Bernard, avec Philippe-Auguste, roi de France, pour arracher aux mains de Saladin le tombeau du Christ. Foulques IIT, seigneur de Beauvau, nourri ‘dans les vrais principes de la religion chrétienne, do- miné par l’époque où il vivait, animé par un zèle ar- dent pour la conquête de la Terre-Sainte, prit parmi les Croisés le rang que sa naïssance lui assignait. Il succomba glorieusement au siége de Saint-Jean-d'A- cre, seule ville que les Croisés purent reprendre au vaillant Saladin (1). Claudine de la Tour-Landry prit le deuil et pleura longtemps la mort de son inirépide mari. Le jour même où elle reçut, en 1200, la nouvelle de sa mort, le jour de la Nativité , elle fit don aux religieux péni- tents de cette ville d’une maison qu’elle Pot près de leur couvent. Robert de Beauvau , fils de Foulques IIT et de Clau- dine de la Tour-Landry, partit en 1227; il recom- manda en expirant son fils Beaudouin et sa fille Aga- thie à Amauri de Craon, son compagnon d'armes. René de Beauvau, premier du nom, celui dont les Sainte Marthe font partir la généalogie de la maison (1) Dict. de la noblesse, ch. 2, p. 208. Rech. hist. de France; par Bodin. History of England, from a nobleman, to his: son 1823, Londres. 65 de Beauvau, accompagna Charles, comte d'Anjou, frère de saint Louis , dans son expédition de Naples. Après la conquête de ce royaume, René de Beauvau en fut fait connétable en récompense de ses loyaux services; il fut gouverneur de Tarente, et c'est à lui que la reine écrivait indifféremment Beauval ou Beau- vau, Il mourut couvert de blessures en 1266 et fut in- humé dans l’église de Saint-Pierre à Naples, où existe encore son tombeau. Il laissa deux enfants : Marie de Beauvau et Jean IT de Beauvau. Macé ou Mathieu , fit bâlir les Cordeliers d'Angers en 1281. Il y fut enterré avec Jeanne de Rohan, sa femme. En 1437, Jean de Beauvau fut élevé au siége épisco- pal d'Anjou, et fut administrateur de l’archevêché d'Arles, prognotaire apostolique et chancelier du roi René. Il fit arrêter et mettre en prison un chapelain de la cathédrale. Cet acte d'autorité, fondé sans doute sur de bonnes raisons , souleva contre lui le chapitre de Saint-Maurice; pour ce fait, d’auslère discipline, il fut dénoncé à l'archevêque de Tours, son métropo- lifain. Il fut calomnié auprès de Paul II. Le pape, sub- jugué par la calomnie, le déposa. Le révérend père en Dieu, Monseigneur Jean de Beauvau, avait eu pour serviteur la Ballue ; ce misérable fut élevé à la dignité de prêtre par les soins de son maître. Arrivé à force de calomuie et de bassesse au poste éminent de mi- uistre de Louis XI, il se fit l’accusateur de son bien- faiteur (1). On ne s’imagineraït jamais jusqu'où peu- vent aller les traits empoisonnés lancés par un cœur corrompu. Le calomniateur fut confondu, l'innocence (1) Mezeray , hist, de France. (a, ç 66 . reconnue , et Jean de Beauvau fut rétabli dans toutes ses dignités en 1479. Il mourut la même année au château d'Eventard. Jean de Beauvau traduisit en français le livre inti- tulé de la figure et image du monde, le manuscrit est déposé à la Bibliothèque impériale. Jean IIT, fils de Jean II de Beauvau, fit son testa- ment le 21 juillet 1391. Il élait gouverneur de Tarente au service de Charles VI Le règne de ce monarque, fut assurément l’un des plus malheureux de notre histoire. Jean IT eut deux fils, Pierre et Bertrand. Pierre de Beauvau , aussi fidèle, aussi brave, aussi valeureux que les plus intrépides lieutenants de Charles VIT, compagnon d'armes des La Hire et des Dunois, se dislingua d’abord dans la guerre contre le duc de Bourgogne, et plus tard, contre les Anglais. Ï se comporta vaillamment à la bataille de Châtillon en 1453, il combaitait près de Jean, bâtard d'Orléans, comte de Dunois ; il fut blessé mortellement au fort de la bataille et expira trois jours après. Le roi, qui gagna la bataille, le pleura publiquement et témoigna par ses larmes le regret qu'il éprouvait de la perte d'un si vaillant chevalier. Il eut de Jeanne de Craon deux fils : Louis et Jean IV de Beauvau, qui ne furent pas moins intrépides. Ber- trand de Beauvau, à la même date de 1453, apprend que le capitaine anglais Cathago bat le maréchal de Lohéac à Bourneuf-Saiñt-Quentin ; il rassemble quel- ques vaillants chevaliers angevins, sur l'avis qu'il en reçoit de hardi et entreprenant chevalier messire Am- broise de Lore. Il marche contre les Anglais, les at- tend, les bat, les disperse et les poursuit jusqu'à 67 Beaumont-le-Vicomte. Bertrand de Beauvau fut l'ami et le grand sénéchsl du bon roi René. Il donna aux religieux de l’abbaye de Saint-Martin le moulin d’Ars, situé dans la commune de Marcé. 11 fit bâtir la chapelle des Augustins, rue de la Cense- rie, aujourd'hui l’ouvroir, où l’on voitencore son tom- beau avec cette inscription : Cy git noble et puissant seigneur Messire Bertrand de Beauvau,chevalier baron de Précigni en Touraine, de Sillé-le-Guillaume , de Briançon, conseiller et chambellan du roi notre sire Louis XI, président de ses comptes, grand conserva- teur de son domaine, conseiller du roi de Sicile René duc d'Anjou, capitaine de son château d'Angers. Le- quel a fait faire et édifier tout de neuf les maisons, cloîtres et réparer l’église de céans, trépassa à Angers le 30° jour du mois de septembre 1474. Louis de Beauvau, seigneur de la Roche-sur-Yon, frère de Jean IV, chambellan du roi de Sicile, grand sénéchal des duchés d'Anjou, de Provence, assista à deux tournois donné par le roi René, l'un à Saumur, en 1446, et l’autre à Tarascon, en 1449. Il a décrit le dernier de ces tournois en vers. Le manuscrit en est déposé à la Bibliothèque impériale. De son mariage avec Magdeleine de Chamblei, il eut Isabelle de Beauvau , qui épousa (1) à Angers, au mois de novembre 1454, Jean de Bourbon en deuxièmes noces. De leur mariage sortit François de Bourdon, comte de Vendôme, bisaïeul de Henri IV. Par cette (1) Le contrat de mariage d’Isabeau de Beauvau et de Jean de Bourbon, a été passé à Angers, le 9 du mois de novembre 1454 devant Me Bigot et Me Breslay. 68 alliance, toutes les têtes couronnées de l’Europe des- cendent de la maison de Beauvau. Ainsi s’éteignit bien noblement la branche aînée des Beauvau; la cadette se continua dans la personne de Jean IV de Beauyau d’où sont sorties les branches du Pin, de Pean, de Pré- cigni, de Tigné, de Lorraine , de Beauvau et Sermaise. Antoine de Beauvau, chambellan du duc de Bre- tagne et son ambassadeur auprès de Louis XI, signa pour le duo, le 18 juillet 1463 , le traité de cession en- tre le duc et le roi. Il faut, pour se rendre compte de celte infidélité d’un Beauvau au roi de France, se rappeler qu’à cette époque Louis XI manifesla haute- ment le désir d’abaisser les grands et l'intention d'op- primer le peuple sans eux. Les grands se réunirent entre eux et formèrent une ligue qu'ils appelèrent du Bien public. Charles-le-Téméraire , le duc de Bretagne, les ducs de Bourbon et de Berri réunis, livrèrent au roi la san- glante bataille de Montlhéry, où se distingua par sa rare bravoure Antoine de Beauvau. La bataille de- meura indécise, mais Louis XI, en politique habile, finit la guerre par des négociations. Sous Charles IX, où la guerre civile, fomentée par les huguenots d'un côté, et les catholiques de l’autre, livrèrent la terrible bataille de Saint-Denis en 1567, Gabriel de Beauvau, lieutenant du roi, fut créé par Montmorency, sur le champ de bataille, chevalier de l’ordre du roi. Pourquoi faut-il, Messieurs, que la re- ligion chrétienne, si douce, si consolante, ait été la cause ou le prétexte d’une guerre civile qui a versé le sang le plus généreux, et commis les crimes les plus atroces. 69 * En 1569, deux ans après la bataille de Saint-Denis, François de Beauvau, frère d'Antoine, lieutenant du duc d'Anjou, frère du roi, périt glorieusement à la bataille de Jarnac, où Condé, en se rendant, fut as- sassiné sur le champ de bataille, quand Montmorency fut tué à la fin de la bataille de Montlhéry. Jacques de Beauvau, un des plus hardis lieutenants de Henri IV, combattit glorieusement à toutes les ba- failles qui firent triompher ce roi vaillant, et fut fait prisonnier à Arques. Blessé près de Poitiers par un li- güeur, il mourut de ses blessures en 1592, laissant à ses camarades d'armes un rare exemple de bravoure et de fidélité. Les Jésuites furent chassés de France par avis du Parlement, de l’Université et de l'Eglise en 1595. — Henri IV vainquit Mayenne, chef de la Ligue, à Fon- taine-Française. Il reçut l’absolution du pape, et dé- clara la guerre à Philippe IT, roi d'Espagne. C’est à cette même époque , et sur cet imposant théâtre, que Louis de Beauvau montra tout ce que peut le génie, le sangfroid dans l’art des siéges. Il commandait 6,000 hommes d'infanterie et 800 chevaux avec lesquels il s’illustra dans toutes les batailles où il s’est trouvé et à tous les siéges qu'il a faits.C’est un des guerriers les plus distingués de cette brillante époque. Il mourut glorieusement au champ d'honneur en 1596. François de Beauvau fut tué au blocus de Paris, en 1590 ; mais il lutta longlemps contre les Espagnols , et il ne succomba pas sans faire éprouver des pertes au célèbre Farnèse , général de Philippe IL. Le démon du Midi, le brave Bussy d’Amboise, était fils de Cathe- rine de Beauvau, fille de Jacques de Beauvau, frère de 70 François-Jacques de Beauvau, qui était gouverneur du Quesnoy. Jean de Beauvau, seigneur de Langres, accompa- gna Henri IV comme tous les siens ; il périt avec gloire à la bataille d’Ivry en 1590 , où Henri criait aux siens : Epargnez les Français! Jacques II de Beauvau , lieutenant-général du Poi- tou, servit et sous Henri et sous Louis XIII. Ce fut un homme également distingué par sa politesse, par son savoir-et par sa rare bravoure. Henri , baron de Beauvau , parcourt et visite en phi- losophe l'Europe en 1604, l’Afrique et l’Asie en 1605. De retour dans sa patrie, il publie la relation de ses voyages en 1608 (1), et fut non-seulement littérateur et philosophe, mais encore un habile capitaine et un intelligent historien; après avoir combaiiu pour l’'E- lecteur, en Allemagne, contre les Turcs, il fit impri- mer la relation de ses campagnes en 1619, un volume in-4°. Henri fut aussi un habile diplomate. — Il fut nommé ambassadeur par le duc de Lorraine à la cour de Rome, et par Louis XIIT, roi de France, à la cour : de Turin le 16 janvier 1641. Peu d'hommes ont rem- pli aussi dignement une aussi vaste carrière, et la France peut s'enorgueillir de produire de tels enfants. Nous touchons, Messieurs, au grand roi. Louis XIV était à l’apogée de sa gloire, Turenne venait d’incen- dier le Palatinat, Condé livra la bataille de Senef au Stathouder, où périrent 25,000 hommes, c'était en 1674. Le prince de Condé gagnait la bataille sur le prince d'Orange , Guillaume TT, qui devint plus tard (A)-A Naney, chez Garnich, imprimeur; à Toul, en 1608. 71 roi d'Angleterre. Mais cette sanglante bataille, comme toutes les autres , devait être scellée du sang des Beau- vau. Martin de Beauvau se signala parmi les braves, mais la fortune trahit son courage, et il succomba glorieusement à la tête de ses soldats. _ Jacques de Beauvau , frère de Martin de Beauvau, marchant hardiment sur les traces de son aîné, se fait tuer à la bataille de Cassel, en 1677, pour assurer la paix de Nimègue et consolider les conquêtes de nos armées. Gabriel de Beauvau fut élu évêque de Nantes en 1636 ; il publia ses statuts en 1658, et mourut à Beau- mont, près Tours, en 1667. Ce fut un prélat remar- quable par sa piété et sa vaste érudition. Jacques III de Beauvau, maréchal des camps et ar- mées du roi, capitaine des gardes suisses, reçut de Louis XIV une insigne faveur le 14 juillet 1664. Le roi voulant conserver le nom de Beauvau, qui penchait vers sa ruine, érigea la terre du Rivau , près Chinon, en marquisat. La terre de Beauvau qui, de- puis son origine, avait conservé le titre de baronnie, avait été érigée en marquisat par Louis XIII, en faveur de Henri Ier, baron de Beauvau, frère aîné de Jacques de Beauvau. Henri II naquit à Baugé en 1610; pressé par la faim et la nécessité, il fit comme Esaü, il vendit son droit de naissance, en vendant la terre de Beauvau à Jean Duplessis, marquis de Jarzé. René-François de Beauvau, né au château du Ri- vau, en 1664, fut spécialement confié aux soins de l'abbé de Beauvau, son oncle, qui surveilla son édu- cation. Il étudia d’abord au Marais, puis il vint en Sor- bonne, où il se distingua dans la soutenance de sa 72 thèse. Après une lutte brillante, il prit, en 1684, le doctorat. Son oncle, qui était devenu évêque de Sar- lat, le prit pour grand-vicaire. En 1700, le roi le nomma à l'évêché de Buyonne ; en 1707, Louis XIV le pourvut de l'évêché de Tournay. Ayant paru à la cour lors de son passage pour se rendre dans son diocèse, Louis lui dit : « Je sais ce que Bayonne voulait faire pour vous ; mais vous m'êtes nécessaire à Tournay. » — À peine deux mois s’élaient-ils écoulés depuis qu'il avait pris possession de son siége épiscopal, que cette ville fut assiégée par les alliés. IE fit à Tournay ce que Fénélon avait fait à Cambrai en 1677 : il vendit sa vaisselle plate et tout ce qu'il avait de plus précieux, il emprunta des sommes énormes pour nourrir la garnison et les habitants. Le marquis de Tourville ouvrit les portes dé la ville le 29 juillet 1709, après vingt et un jours de tranchée. La citadelle ne se rendit que le 15 septembre. Le prince Eugène supplia Févêque de Tournay de chanter un Te Deum. Prières, supplications, menaces, tout fut inutile. René-François de Beauvau demeura inébran- lable dans ses sentiments d'amour pour la patrie et pour le roi. Il se retira à Paris, où Louis XIV le reeut avec tout l'accueil que mérilait un si beau dévoue- ment. Louis XIV ordonna qu'il fût défrayé au compte du Trésor. En 1713, il fut nommé évêque de Tou- Jouse, en 1719, évêque de Narbonne. C’est sous son inspiration que la congrégation de Saint-Maur com- posa l’histoire de la Provence. C’est encore à ses vives sollicitations que celte savante compagnie, entreprit la description géographique de l'histoire naturelle du Languedoc. 73 Ce savant et pieux évêque fut nommé commandeur de l'ordre du Saint-Esprit le 3 juin 1724. Le roi lui adressa , le 21 mai 1739, le brevet qui lui accordait le titre de cousin , assuré d’ailleurs depuis longtemps à sa famille par les rois de France et d'Angleterre. René- François de Beauvau, distingué entre tous, par une religion sincère et véritable, par une philanthropie éclairée , un patriotisme désintéressé , expira le 4 août 1739, à l’âge de 75 ans, laissant un grand exemple au monde. Jean-François-Gilles de Beauvau fut nommé évèque de Nantes l'an 1675, juste trente-neuf ans après son parent, Gabriel de Beauvau. Si Gabriel donna de bons statuts, Gilles de Beauvau int deux synodes, le der- nier en 1700. L’un et l’autre se montrèrent dignes du haut siége épiscopal qu'ils avaient l'honneur d’occu- per, et laissèrent à leurs successeurs de bons exem- ples à imiter. 4 Lorsque Louis XIV passa le Rhin, envahit la Hol- lande avec 200,000 hommes, sous le commandement des Condé, des Turenne et des Luxembourg, il fit bombarder Valenciennes en 1675, et Claude de Beau- vau, capitaine des mousquetaires, entra le premier dans la ville prise d'assaut; ce vaillant capitaine fut blessé à la bataille de Fleurus. Mais il ne quitta les armes qu'après vingt-neuf ans de service, emportant dans sa retraile l'estime de ses compagnons d’armes et les regrets de l’armée. Lorsque Claude-Charles de Beauvau versait son sang sur les champs de bataille de Fleurus, Charles-René de Beauvau versait le sien aux batailles de Staffardes et de La Marsaille, gagnées par: Catinat, en 1695, au moment où il envahissait la Savoie. 74 Louis-Charles-Anioine de Beauvau naquit en avril 1710, il fut d'abord capitaine au régiment de Lambesc- cavalerie ; il fut ensuile promu au grade de maître de camp au régiment de la Reine, et se distingua en 1734, au siége de Philisbourg, à l’affaire de Clausen, en 1735. Louis XV venait de déclarer la guerre à l'Empe- reur, et Pierre-le-Grand faisait parler de lui pour la première fois. La guerre de 1740 ne fut pas heureuse. La succession de l’empereur, que son illustre fille, Marie-Thérèse, voulut conserver entière, attira sur la France de grands malheurs; deux armées furent dé- truites. Cependant la paix d’Aïx-la-Chapelle couronna la persévérance courageuse de Marie-Thérèse. Pour triompher, il fallait des hommes comme Louis-Char- les-Antoine de Beauvau, il commandait le régiment de la Reine en 1740 à la prise de Prague; créé maré- chal de camp en 1743, il fut blessé mortellement à la prise d’Ypres. Il marchait à la tête des grenadiers au chemin couvert; aux grenadiers accourus pour le se- courir, « Allez, leur dit-il, je vous remercie sincère- ment. Faites votre devoir, j'ai fait le mien. » Il expira le 24 juin 1744, laissant après lui une glorieuse vie.Dans cette effroyable lutte, où la France combattait contre l'Angleterre, la Hollande et le Piémont, le maréchal de Saxe gagna la bataille de Fontenoy , où combaiti- rent en même temps dix-huit Beauvau (1), qui versè- rent simultanément leur sang pour le roi et la patrie. Louis-Charles-Antoine de Beauvau, aussi habile diplomate qu’intrépide guerrier, fut chargé par la cour (1) Je tiens ce fait de Mme la marquise de la Grange, fille du prince de Beauvau. 75 de diriger les démarches de l’empereur Charles VII, ce qu'il fit en homme habile. Ce soldat sans peur et sans reproche, aimait la France, avait des amis, cultivait les sciences et les lettres ; il était au-dessus de la peti- tesse. des cours et de la frivolité des grands. C'était un homme de foi , nourri des principes d’une bonne phi- losophie. Lorsque René, duc de Barre, frère de Louis HI, duc d'Anjou, et qui fut ensuite son successeur, passa en Lorraine pour en épouser l’héritière , il y fut suivi par un des fils de Jean IV de Beauvau. Comme ce jeune seigneur était d’une maison considérable, et qui rap- portait son origine aux anciens comtes d'Anjou, qu'il était allié à la maison de Bourbon par le mariage de sa cousine-germaine avec le duc de Vendôme, et que le nouveau duc de Lorraine, qui l’aimait, l'avait fait sénéchal de tout le duché de Barre, il n'eut pas de peine à s’y établir heureusement. Peu de temps après son arrivée à la cour de Lorraine, il épousa la fille unique du seigneur de Manoville , l’un des plus nobles chevaliers du pays, comme on le disait alors. De ce mariage sont venues les deux branches de Beauvau établies en Lorraine. Celle des Beauvau-Flé- ville, l’aînée, existe encore dans la personne de M. Marc-Antoine-Gabriel prince de Beauvau, ancien sé- nateur et ancien pair de France, qui habite Paris. Ce prince, encore plein du souvenir du berceau de ses pères, acheta, il y a quelques années, la pièce de terre où le château de Beauvau avait été bâti par Tor- quatus. Ce pieux souvenir honore infiniment celui qui l’a puisé dans son cœur. Dans ce noble cœur le temps n'a point effacé les souvenirs de famille ; il semble au 76 contraire, que ces souvenirs ont grandi dans cette belle âme. La branche cadette prit le nom de Beauvau-Novion. Elle s’est saintement éteinte dans la personne du ré- vérend père en Dieu, Claude-Joseph de Beauvau. Anne-François de Beauvau naquit le 27 août 1617, au châleau de Novion, situé entre Nancy et St-Mibiel. Il était fils de Jean de Beauvau, sénéchal du Barroïs, célèbre par ses ambassades auprés du pape Clément VIII. Consacré à Dieu par ses parents, il eut pour par- rain et pour marraine un homme et une femme qui demandaient l’aumône à la porte du château ; il fut élevé avec tous les égaräs et toute l'attention qu'exi- geait sa haute position. Il fréquenta la cour, les grands et les académies. D'un caractère violent et em- porté, ennemi des Jésuites, il fut longtemps leur an- tagoniste. Enfin, dégoûlé des hommes, n'espérant rien d’eux, il méprisa leur frivolité et se retira dans une pieuse retraite ; il se détachä du monde et se con- sacra bientôt entièrement à Dieu. Il revint aux Jé- suites, reconnut ses erreurs, et se consacra aux Mis- sions étrangères, entre autrés à Pont-à-Mousson. Dans cette communauté, il se voua à tout ce qu'il y avait à faire de plus dégoütant, de plus abject, de plus mortifiant; il devint bientôt l’homme le plus parfait de la communauté. On recueillit ses discours comme ceux d'un saint. Sa vie ne fut qu’une longue abnégation de lui-même. En entrant aux Jésuites, il avait laissé derrière lui tout ce qu'il avait de plus cher, sa femme, sa fille et son fils. Madame de Beau vau prit le voile. Madame la comlesse de Vianges, sa fille, maréchale de Lorraine, vécut saintement. 77 Son fls, né à Nancy en 1664, au mois de février, ne fut bientôt plus connu dans le pays que sous le nom de révérend père Claude-Joseph de Beauvau ; comme son père, il était entré aux Jésuiles à Pont-à- Mousson. II mourut le 30 août 1694. Ainsi finit, par une sainte famille une des plus illustres branches de maison de Beauvau (1). Marc de Beauvau, prince de l'empire, grand d’Es- pagne , né en 1679, mort en 1754. Il fut gouverneur du duc François de Lorraine, depuis empereur d’Al- lemagne, connu sous le nom de Charles V. Il gou- verna pour ce prince le grand duché de Toscane sous le titre de vice-roi. Mare de Beauvau, qui ne fut connu à la cour de Léopold que sous le nom de M. de Craon, mourut en 1668 , et laissa des mémoires après sa mort, qui furent imprimés à Cologne en 1690. Charles-Just de Beauvau naquit à Lunéville le {0 septembre 1720. Il élait fils du prince de Craon. Il entra au service dès l’âge le plus tendre, et s'y signala par une bravoure, inaccoutumée à cet âge, au siége de Prague, en 1742. Les grenadiers, si renommés par leur bravoure, étaient tristes, on leur en demanda la cause ; « Noire brave et jeune Charles est blessé. » Il nageait dans son sang à Mahon; à Corbac, il se signala en 1763. À l’âge de quarante-trois ans, il commanda en chef le corps d'armée envoyé au roi d’Espagne; il était alors lieutenant-général. En 1770, il fut nommé gouverneur du Languedoc. Dans son gouvernement, (1) Histoire d’une sainte et illustre famille de ce siècle, 1698, par un Père de la foi. Paris, veuve Robert-Pepie. 78 il se montra ennemi des mesures violentes; il vota contre les mesures de chancelier Maupeou qui , lui- même recueillit les suffrages. Celte grande indépen- dance dans l'exercice de la pensée n’était pas seule- ment le fruit d’un noble instinct, mais c'était encore le résultat du mouvement intellectuel qui se mani- festait alors. Louis XV avait souillé et dégradé la royauté; son ministre, son chancelier, Maupeou , avait dégradé la justice en mettant ses créatures à la place des juges, qu'il trouvait trop intègres. Tout ce qui, à cette épo- que , avait en France un cœur noble et généreux, aspirait à un meilleur ordre de choses. Choiïseul, il est vrai, rendit à la France quelque dignité , il conquit la Corse. On accusa les Jésuites d'avoir dirigé le poignard de Damiens sur Louis XV. Le pape supprima leur ins- Ütution. Massillon portait l'esprit philosophique dans la chaire. L’éloquence chrétienne devint, dans sa bouche, l'interprète d’une raison sévère. Comment, avec un cœur droit et un esprit juste, ne pas condam- ner de pareils désordres! À En 1743, il fut créé maréchal de France; cette haute dignité n’altéra en rien la simplicité de Charles-Just de Beauvau. En 1789, fidèle à son roi, mais déplorant ses malheurs, il accompagna Louis XVI à Versailles. À la sollicitation du roi, il accepta le ministère, mais il ne conserva que cinq mois un poste où il ne pou- vait faire le bien. Charles-Just de Beauvau fut nommé en 1748 membre de la Société Della Cruca. En 17714, il obtint un fauteuil à l’Académie française. Il mourut le 21 mai 1793, avec la douleur d’avoir vu mourir sur l’échafaud le meilleur des rois. 79 Louis-Jean-Vincent de Beauvau, le dernier de la branche des Tigni, très connu en Anjou par son pro- cès en revendication de sa bonne foi. Passé en Amé- rique , il épousa une jeune personne d’une famille bien connue et dont il eut Mre la marquise de Beau- vau, bien connue aussi par le procès qu’elle eut à soutenir contre un homme qui se prétendait son frère. Elle plaida devant la Cour royale d'Angers. La pré- tendance fut repoussée, non-seulement par celle qu’il prétendait être sa sœur, mais encore par Mr: la séné- chal de Kerkadoc-Malak , qu’il prétendait être sa mère, comme première femme de Louis-Jean-Vincent de Beauvau. Il est donc bien prouvé que le marquis de Beauvau fut bigame, et lui seul a pu savoir s’il l'était de bonne foi. Quoiqu'il en soit, l'enfant qu'il eut avec Mr la sénéchal de Kerkadoc-Malac mourut à Paris chez M. le prince de Beauvau. Sa fille, qu'il eut en Amérique, fut légitimée , et est morte en Italie, où elle s'était retirée après avoir vendu le château de la Treille. Au commencement de la Révolution, où la fièvre avait gagné tout le monde , où la France était sous le coup d’une réforme radicale, Louis-Jean-Vincent de Beauvau habitait le château de la Treille, près Cho- let ; en 93, jours de terrible mémoire, il fut nommé par l'élection président du district de Cholet et com- mandant de la garde nationale de cette ville. Il mar- chaït à la tête de la garde nationale, un combat s’en- gagea avec l’armée royale à une demi lieue de Cholet, sur la route de Nuaillé, il fut atteint d’une balle ven- déenne , et périt les armes à la main. Ainsi s’éteignit la branche des Beauvau-Tigni-Craon. 80 Il n'y a pas une croisade, pas un seul champ de ba- taille où le sang des Beauvau n'ait coulé. Il n’y à presque pas en Anjou de chapelles où d’églises qui n'aient reçu d'eux quelques largesses. Leur probité était si connue, qu'ils étaient considérés comme des modèles de vertu, et qu’on invoquait leur nom dans les processions comme une action de grâce (1). J.-P. OuvraARp, d..m. p. Angers, 20 juin 1855. (1) Voyez Histoire généalogique de la noblesse de la Touraine, par Anselme, GROTTE DE L’APOCALYPSE A PATMOS. UN MOT SUR SAINT JEAN ÊT SUR L'OUVRAGE QU'IL A COMPOSÉ DANS CÉTTE GROTTE. Lorsque le voyageur aborde dans l’île de Patmos, le premier objet qu'il désire visiter, et que l’on s’em- presse de lui indiquer : c’est la célèbre grotte immor- talisée par saint Jean, et où ce grand apôtre, d’après les traditions les plus authentiques, composa son Apo- calypse. Hâtons-nous donc de quitter le port de la Scala, où nous venons de débarquer, et de gravir la montagne qui porte encore le nom de cet évangéliste. Le sommet en est couronné maintenant par la petite ville de Patmos, capitale de l’île, et au milieu de la- quelle s'élève, comme une sorte de forteresse, aux remparis gigantesques et crenelés, le vieux couvent de Saint-Christodule. 82 À mi-côte à peu près de cette montagne, el vers la gauche de la chaussée pavée et sinueuse que l’on suit on aperçoit un bâtiment isolé , construit sur une pente assez raide mais qui, en cet endroit, forme un pelit plateau rocheux. C’est l’école dite de Saint-Jean ; une chapelle y estattenante, elle est divisée longitudinale- ment en deux parties, dont celle de droite, renferme la grotte de l’Apocalypse. Celte grotte naturelle et creusée dans le roc, a quinze pas de long et quatre de large. On l’a partagée, par des piliers assez grossiers, en trois compartiments. Dans le premier, qui sert comme de vestibule, la voûte est arrondie ; mais dans le second, qui est plus long, au lieu d’être ronde, elle est inclinée vers la chapelle voisine, de l’ouest à l’est; elle a environ quatre mèlres de haut dans sa partie la plus élevée, et deux dans celle qui l'est le moins. Ce second compartiment représente ce que l’on appelle le Catholicon (+286) dans les églises ou chapelles grecques; un pilier carré en soutient la voûte à l’est, et à l'endroit où elle s'abaisse le plus, on remarque dans le roc une fente triangulaire « c’est l’image de la Sainte-Trinité, me disait le bon moine qui me mon- trait cette grotte, et c'est par là que les voix mysié- rieuses arrivaient à saint Jean. » Le Templon (r:#r) ou devanture en bois sculpté, qui sépare le catholicon de l’hagion (271) ou sanc- tuaire, est orné de trois vieux tableaux peints sur bois. L'un représente saint Jean dans sa grotte, prêtant l'o- reille aux coups de tonnerre qui retentissent et aux voix qui lui parlent; près de lui est saint Christo- dule , qui tient dans sa main le modèle de église qu'il veut élever à ce saint. Sur le second, on voit le fils de 83 Fhomme au milieu des sept églises, dont il est ques- lion dans l’Apocalypse. Sur le troisième est peinte la figure de la Vierge. Une porte placée au milieu du templon , permet de communiquer du catholicon dans l’hagion : là se trouve la Sainte-Table (y: ro4m:) et c'est là que le prêtre, d’après les usages de l'Eglise grecque, célèbre les saints mysières. Un mur établit vers l’est une séparation entre cette dernière enceinte qui est étroite et la chapelle voisine. Celle-ci est consacrée à sainte Anne ; elle fut, dit-on, construite par saint Christodule vers la fin du xr° siècle et ce fut lui qui, le premier, enferma ainsi la grotte de saint Jean, ouverte jusqu'alors. Dans cette chapelle, qui n'offre du reste rien de remarquable, se trouve un très ancien tableau, représentant sainte Anne, et à ses côtés la Vierge encore enfant. Les femmes de Pat- mos ont une grande dévotion pour cette image; elles viennent devant elle implorer la grâce d’avoir des couches heureuses, et lorsque leurs vœux ont élé exaucés, elles suspendent à un fil de fer, placé trans- versalement devant cette peinture, des espèces de petites poupées d'enfant faites en ferblanc. Le vestibule de cette chapelle est plus moderne ; il date seulement de 1627. À gauche en entrant est un tombeau avec une inscription en vers grecs en l’hon- neur du savant Daniel, mort en 1301. Son souvenir est toujours cher aux habitants de Patmos, et les vieillards, qui ont été ses disciples, ne parlent de lui qu'avec la plus profonde vénération. De son temps, l’école hellénique de Patmos, dont il fut le directeur pendant vingt ans, jouissait d'une grande célébrité 84 dans toutes les îles de l'archipel. Plus de deux cents jeunes gens suivaient ses doctes leçons. Aujourd'hui la gloire de cette école est éteinte;.et c’est à peine si quarante enfants y apprennent les premiers éléments des connaissances humaines. Mais rentrons dans la grotte de l'Apocalypse ; etque le lecteur daigne m'y suivre de nouveau, car alors même qu'il n’ajouterait pas une foi entière à toutes les merveilleuses légendes qui semblent l’entourer comme d’une auréole mystérieuse, qu’il me permette du moins de m'y prosterner devant la grande mé- moire qui semble l’habiter encore et d'y vénérer le saint évangéliste dont le nom y est altaché à jamais: Qui peut pénétrer en effet dans ce sanctuaire , sans qu’aussitôt l'ombre auguste de saïnt Jean n’apparaisse à sa pensée? ombre glorieuse et immortelle entre toutes celles auxquelles l'Eglise a consacré un culle spécial. Car nommer saint Jean , n'est-ce pas nommer l'un des plus illustres fondateurs du christianisme.et l’'évangéliste qui s’éleva le’ plus haut par la sublimité de sa doctrine? Jamais homme pénétra-t-il d’un re- gard plus perçant les secrets de Dieu et les dogmes surnaturels de la foi? Jamais homme chercha“t il à le faire aimer davantage? En lui, nous reconnaissons véritablement l’apôtre de la charité et du pardon : aussi a-1-il mérité l'insigne honneur d’être le disciple que Jésus aimait et il se désigne quelquefois lui-même par ces mots : « Discipulus quam diligebat Jesus. » Aucun n'approcha plus près du cœur de son divin maître ; aucun ne put comme lui, au jour de la cène, reposer sa tête sur le sein de son Dieu. Cette ineffa- ble affection du Sauveur pour Jean sanctifia cette âme 85 déjà si pure et si virginale , et agrandit cet esprit jus- qu'à le rendre capable de comprendre, jusqu’à un certain point, l'infini. Il y a en lui, à la fois de la co- lombe et de l’aigle ; c’est l'union la plus parfaite de la douceur et de la force, du sentiment et de l’intelli- gence. En un mot, c’est le prophète des temps nou- veaux, de cette loi inconnue aux temps anciens, loi de grâce et d'amour, mais en même temps loi toute puissante et invincible , et image fidéle du Messie ré- parateur. Sans doute, ce n’est point ici le lieu de parler lon- guement de cet apôtre, ni de raconter sa vie et les labeurs de son glorieux ministère ; mais puis-je m'em- pêcher, quand je foule le sol où il a vécu et souffert, et que j'entre dans cette grotte où il a composé le plus étonnant des livres qui soient sortis de la main des hommes , de m’incliner un instant avec respect de- vant cette imposante et belle figure, et de saluer de nouveau, au milieu de cesrocherssauvages, celui dont quelques mois auparavant j'avais retrouvé les traces en Palestine, et un peu plus tard, à travers les ruines d'Ephèse? J'avais parcouru le lieu de sa naissance ; puis le théâtre de son apostolat ; il me reslait à visiter celui de son exil. C’est donc dans la grotte où je suis maintenant que saint Jean a vécu quelque temps, et qu'il a dicté à son disciple Prochorcles merveilleuses visions de l’Apo- calypse, visions qui font de lui le plus grand des pro- phètes, de même que son évangile le fait le plus grand des évangélistes. Avant lui, en effet, chacun des au- tres prophètes n’avait vu se dérouler devant sa pensée qu'une très faible partie seulement des événements 86 que l'avenir recélait dans son sein, et ils n’avaïént pu qu’entrouvrir à peine le voile de la destinée ou plutôt de l’éternelle Providence; mais devant les yeux de saint Jean, ce voile semble se déchirer presque tout entier ; la Trinité elle-même lui apparaît, et l'esprit de Dieu le transporte d’une extrémité à l’autre du monde , à travers tous les peuples , tous les siècles et tous les événements , jusqu’à celui qui doit les termi- ner tous, et qui sera comme le dernier acte du grand drame qui se joue ici-bas. Loin de moi la présomp- tion d'entreprendre, après Bossuet, de commenter ce livre, qui a encore ses énigmes et qui probablement en aura toujours, malgré les savantes et ingénieuses explications qu’on pourra en donner. Il est cependant plusieurs choses qui y sont claire- ment annoncées : comme la chute de Rome ou de la grande Babylone et l’avénement du christianisme sur les ruines de l’idolâtrie. Nous y voyons aussi prédits les grands signes précurseurs de la fin du monde, lorsque les siècles seront consommés et qu’au-dessus des empires renversés et anéantis, s’élèvera triom- phante la nouvelle Jérusalem, cité immortelle qui n'aura pas de fin, parce qu’elle sera la cité de Dieu. Toutes les persécutions que doit subir cette cité, tant qu'elle sera exilée sur la terre, y sont décrites en traits généraux qui peuvent avoir, à différentes époques, leurs applications particulières. Mais s’il est des énigmes dans celte mystérieuse prophétie , et si tous les interprètes ne sont pas d’ac- cord sur les sens divers qu'elle présente et sur la solu- tion des secrets qui y sont renfermés, il est du moins une chose qui éclate à tous les yeux, qu’on croie em 87 ce livre on qu'on n’y croie pas, je veux dire l'admi- rable poésie.qui y brille, ou plutôt qui y étincelle de toutes parts. Images vives et pittoresques, expressions énergiques et saisissantes, variété de tons, éclat des couleurs, rien ne manque à ce poème, qui, au lieu de chanter le passé, comme les poèmes purement humains, annonce et prédit l'avenir. Si l'inspiration est le propre des poètes, et s’ils invoquent d'ordinaire quelque muse pour leur suggérer ce qu'ils ont à dire et les soulenir eux-mêmes dans leur vol sublime, quelle inspiration peut être comparée à celle qui illu- mina saint Jean, et quelle muse peut être assimilée à cette voix céleste retentissante comme le bruit d'une trompette, qui lui disait : « Je suis l'A et l'£, le pre- mier et le dernier ; écris dans un livre ce que tu vois, et envoie-le aux sept églises d’Asie. » Jean , en effet, n’est que le témoin de ce qui. se révèle à ses regards, et l'inspiration passe à travers son âme, sans rien perdre de sa force et de sa puissance; elle se revêt seulement d’éblouissantes couleurs, et le monde im- matériel et invisible, en se découvrant à son intelli- gence mortelle, prend un corps et s’enveloppe de for- mes visibles. Dans son extase, tout son être est saisi et comme envahi à la fois, et ce qui frappe sa pensée d'une façon immatérielle atteint en même temps, par un contre-coup sensible, et ses yeux et ses oreilles. De-là ces tableaux animés et vivants que sa plume retrace en leur gardant ces traits de feu et ces cou- leurs enflammées sous lesquels il les avait contemplés. Quelles descriptions plus éloquentes que celles qui se présentent partout dans cet ouvrage? C'est une suite non interrompue de rapides et mobiles images 88 qui passent devant nos yeux comme autant d'éclairs, et qu'une main magique nous montre tour à tour. Si quelques comparaisons paraissent un peu hardies à notre langue timide et réservée, qu’on songe aux har- diesses de la langue judaïque et aux audacieuses figu- res du style oriental. Qu'on n'oublie pas en outre, que saint Jean, nourri danslalecture de l’Ecriture-Sainte et plein des prophètes, et prophète lui-même plus qu'eux tous, devait naturellement reproduire ces formes pil- toresques de langage qui peuvent nous sembler quel- quefois étranges, parce que nous n’y sommes pas ha- bitués, mais qui charment singulièrement l'imagina- tion poétique et colorée des peuples qu'échauffe un soleil plus ardent, et pour qui l'hyperbole paraît l’ex- pression ordinaire de la vérité. Quel attrait dans celte lecture! Pour moi, pèlerin de Patmos, qui pendant un mois ai habité cette île, et qui, presque chaque jour, allais revoir la grotte de l’Apocalypse, j'ai pu mé- diter à loisir cet ouvrage que je relisais avec un inté- rêt toujours nonveau. Un jour, entre autres, c'était le 17 décembre 1852, une effroyable tempête éclata sur l’île. Réfugié dans la cellule que j'occupais au couvent de Saint-Christo- dule , j'entendais de là le bruit des flots qui venaient se briser avec fracas contre les pointes des divers pro- montoires de Patmos, et je voyais leur écume qui re- bondissait sur les flancs des rochers. Le vent mu- gissait avec fureur, et des torrents de pluie, poussés par de rapides rafales, fondaient de toutes parts comme des avalanches déchaînées. Au milieu de tous ces bruits réunis, éclataient les roulements répétés du tonnerre, et mon oreille pouvait en suivre les diffé- 89 rents échos d'’île en île, de montagne en montagne. Rarement j'avais assisié à un spectacle aussi saisis- sant. Je pris alors en main l’Apocalypse, et je relus d'un bout à l’autre ces formidables visions qui s'étaient manifestées au saint apôtre sur la même montagne, au sommet de laquelle j'étais moi-même. J'errais dans ma cellule, ce livre à la main, me promenant à grands pas et comme subjugué par celte émouvante lecture. La nature entière autour de moi semblait participer, par sa terreur et par son agitation, aux effrayantes ré- vélations dont je parcourais le récit. Mon imagination remontant le cours des âges, semblait assister aux merveilleuses extases de saint Jean, et du milieu de ces foudres et de ces éclairs, je croyais entendre, à dix-huit siècles de distance, cette voix descendue du ciel qui ébranla jadis tous les échos de Patmos et dont l’île entière dut tressaillir. Me trompais-je? Mais entre cette île et l'Apocalypse, je trouvais je ne sais quelle harmonie profonde et mystérieuse : quel lieu, en effet, pouvait être mieux choisi que ces arides montagnes, entourées des flots, pour la méditation et pour les ra- vissements sublimes du saint apôtre? Le tumulte des grandes villes ne convenait point à ses visions cé- lestes et terribles, et il fallait la solitude de la mer et celle de ces rochers sauvages , battus des vents et des vagues, pour que rien de terresire et d'humain ne troublât et n'interrompît le cours de ces communi- cations surnaturelles de l'esprit de Dieu avec l'esprit d'un mortel, et n’interposât une réalité présente de- vant ce regard qui sondait et perçait l'avenir. On me pardonnera, je l'espère ,'de m'être un peu appesanti sur saint Jean, et d’avoir essayé de carac- 90 tériser en quelques mots l'ouvrage qu'il composa à Patmos : car lagloire de ceite pauvre et misérable petite île, égarée au milieu de la Méditerranée , est tout entière dans ce grand apôtre. Enlevez-lui ce sou- venir, et faites que saint Jean ne l'ait jamais habitée, aussitôt elle perd toute sa célébrité , et l’espèce de pres- . tige religieux qui l’environne s'évanouit à l'instant ; mais au moyen de ce seul nom, elle surgit soudain au- dessus des flots et resplendit dans la mémoire des hommes ; et tous les voyageurs qui passent au loin devant elle, la saluent avec respect , et ceux qui abor- dent sur ses rivages s’empressent d'aller visiter celte grotte où l’on croit encore retrouver l'empreinte des merveilles dont elle fut le théâtre. V.-GUÉRIN, Ancien membre de l'Ecole française d'Athènes, professeur de rhétorique au Lycée d'Angers: DE LA PRODUCTION DU LIN ET DU CHANVRE dans les cantons de Segré et du Lion-d'Angers, ET DE LA CAUSE PRINCIPALE QUI S'OPPOSE A SES PROGRÈS. Messieurs , La production du lin, surtout de la variété dite lin d'été, pourrait aisément, dans cerlaines parties de l’'Anjou , recevoir une extension qui, dans un mo- ment où l’absence des provenances similaires de la Baltique se fait sentir sur le marché français, nous a paru devoir attirer l'attention de la Société d’agricul- lure d'Angers. Nous ne voulons pas parler ici des lins blancs de la vallée de Loire. Leur culture a atteint, en effet, toute 92 l'étendue dont elle était susceptible, en regard de celle du chanvre, principale richesse de l’assolement al- terne de ces terres alluvionnales. Ce lin est d’ailleurs apprécié depuis longtemps par l’industrie; s’il est vrai qu'il laisse quelque peu à désirer quant à la finesse et au moelleux, il se distingue par le nerf et la durée, par son œil clair et brillant, et surtout par une pré- paration habile qui lui assure un rendement supé- rieur en filasse épurée. Ces qualités, il faut le recon- naître, sont dues en grande partie à l'excellent mode de rouissage auquel il est soumis. Il s'opère en effet dans des eaux courantes et limpides, éminemment propres à la dissolution des sucs végétaux, peu pro- fondes, et par conséquent aisément pénétrables à l'air, à la lumière et à la chaleur, agents dont l’action com- binée fait marcher rapidement la fermentation, qui peut ainsi désagréger le tissu cortical sans se prolon- ger assez pour en altérer la fibre. Aussi le prix de ce lin se maintient-il toujours à un niveau assez élevé, pour que l’on ait intérêt à le cultiver. Donc, si l’on ne peut guère espérer de voir augmen- ter sa production, du moins n’a-t-on pas à craindre qu'elle vienne à s’affaiblir, et aussi n’est-ce pas de ce côté que nous chercherons à diriger la solliciltude de la Société d'agriculture. Mais il est certaines autres parties du département où cette culture , bien qu’elle y rencontrerait des cir- constances tout aussi heureuses , demeure néanmoins stationnaire, si même elle ne menace de disparaître graduellement; et nous croyons à cet égard devoir signaler spécialement les deux cantons du Lion- d'Angers et de Segré. Jadis cependant, et surtout dans 93 le cours du dernier siècle, elle y était florissante ; mais c’est qu’alors le colon ne s'était pas substitué exclu- sivement au lin dans le tricot des bas et dans la fabri- cation de certaines toiles légères, pour lesquelles la douceur extrême, la finesse, le soyeux du lin gris, le faisaient préférer à tout autre; c’est encore qu’alors l'emploi du rouet ou du fuseau permettait de ména- ger sa fibre tendre et délicate ; mais du moment que l'emploi de ce filament est venu à changer, et que la filature et le tissage mécanique ont exigé des qualités de consistance et d'égalité de brin plus prononcées, le lin gris de la Galerne a perdu tonte sa valeur sur le marché, et dans ces dernières années, c’est à peine si elle à alieint la moitié de celle des lins de Vallée. Or, si l’on joint à cela que ce lin ne produit en filasse marchande qu'une quantité de beaucoup inférieure à celle du lin blanc, on concevra comment cette cul- lure, si profitable ailleurs, n’est pas suffisamment rémunératrice pour le cultivateur de l'Ouest, et l’on ne s’étonnera plus qu'il soit disposé à la restreindre aux seuls besoins de la consommation locale , souvent même à ceux de son ménage. Il est cependant peu de contrées qui présentent des conditions de sol et de température plus favorables. Il est peu de fermes qui ne possèdent des terres ayant ceite consistance moyenne, qui permet aux racines déliées de cette plante herbacée, d'y pénétrer sans effort et d'y allonger leur pivot perpendiculaire, au développement duquel correspond toujours l’éléva- tion de la tige. Pour ces champs, abrités de haies épaisses et de clôtures arborescentes, le printemps n'a que rarement les hâles desséchants qui viennent 94 souvent ailleurs contrarier la montée des lins , favo- risée. en outre ici par une certaine: fraîcheur dela icerre; aussi atleigneni-ils généralement une taille au moins égale à celle des plus beaux lins de Vallée; tout en conservant une finesse de brin supérieure: Ajoutons encore que celte cullure, tellement an- cienne qu'on'ignore l’époque où elle a pris naissance dans ce pays, y est bien entendue et bien conduite. L'on y retrouve même, pratiqué depuis un temps immémorial, l'usage de ramer le lin, récemment pré- conisé cependant comme une méthode importée’ de Belgique! Nous ferons observer en passant qu’elle pa- raît du reste avoir les avantages qu'on lui attribue, soit pour empêcher le lin de se courber et de se mê- ler sous les coups de vent et les averses, soit pour déterminer l’alongement de la tige au moment où elle se dispose à fleurir. La bonté et la beauté des produits obtenus par les cultivateurs de l’Ouest ne sont pas douteuses, mais ils se font surtout remarquer là où l'on'a pris l'habitude de changer la semence, ce qui se pratique à peu près tous les deux ans. Il est certain que la grande ques- tion des avantages attachés au renouvellement des semences, si controversée encore pour le fromentpar les agronomes théoriciens, se trouve résolue favora- blement par l'expérience, à l'égard du lin d'été. C'est la graine de Vallée , spécialement celle de Chalonnes (Maine et Loire), etdepuis quelques années seulement les graines de Flandre: et de Riga, qui ont ce privi- lége. Les récoltes obtenues de ces dernières l'empor- tent certainement par la longueur et la finesse du brin, mais comme elles grainent moins que le lin in- 95 digène, beaucoup de fermiers le Icur préfèrent encore dans un pays où la graine se vend avantageusement et leur fournit une huile employée aux usages domes- tiques. Toutefois, on ne peut douter que si les filasses mieux préparées augmentaient de prix, les agriculleurs, à raison du rendement , supérieur en poids , des lins de Flandre et de Riga, ne finissent par leur donner la préférence. De ce que l’on vient de voir l’on peut conclure que si cette culture n’est pas en progrès dans celle partie de l’ouest du département, c’est uniquement parce qu'elle n'offre pas au producteur un prix rémunéra- teur, et cependant l’on sait aussi qu'il obtient de la terre, au moment où il les recueille, des produits ir- réprochables et même distingués, qui partout ailleurs seraient pour lui une source de richesse. 1 À quoi donc attribuer des résultats en apparence si contraires? À une seule cause, nous croyons, mais décisive, au détestable mode de rouissage adopté ex- clusivement dans les deux cantons dont nous nous occupons. Voici en effet comment on procède : aussitôt la ré- colte faite et l’égrainage terminé, les lins sont renfer- més dans des granges ou des greniers, oùils se des- sèchent pendant plusieurs mois. Lorsque viennent les pluies d'automne , c’est-à-dire en octobre, on tire de ces abris le lin, dont l'écorce s’est endurcie par la dessication du tissu cellulaire , et on l’étend en cou- ches minces sur les prés. C'est par cette exposition , plus où moins prolongée , à l'air ou à la rosée, qu'il subit le rouissage, dans des conditions très variables, 96 comme on voit, et qu'il n’est pas donné à l’homme de diriger et de maîtriser, puisqu'elles dépendent uni- quement des caprices de l'atmosphère. Aussi qu’ar- rive-t-il? c'est que, trompé souvent dans ses prévi- sions, par la sécheresse ou la pluie, le fermier est contraint de laisser presque qu'indéfiniment son lin sur le pré, que si le temps vient à se gâter, bien que le rouissage soit effectué, la récolie ne peut être ren- trée , et qu'alors le lin se pique et est plus ou moins attaqué par la pourriture. On peut même dire que la couleur grise, résultat particulier de ce mode de rouissage, n’est due qu’à un commencement d'alté- ration , de désorganisation. Aussi, non-seulement la filasse préparée pour le fileur est-elle plus tendre et plus courte de filament que celle du lin blanc , mais les déchets du broyage et du sérançage sont au moins deux fois aussi considérables que dans la préparation du lin de Vallée. … Est-il donc étonnant qu'avec un rendement propor- tionnel en filasse beaucoup moindre, et une filasse d’une valeur de beaucoup inférieure, le cultivateur de l’ouest ne fasse que des profits insignifiants, là où il de- vrait avoir de beaux bénéfices ? C’est, répétons-le, c'est seulement dans ce rouissage imparfait ou dangereux que se trouve la vérilable cause de l’infériorité des lins gris en qualité et en rendement. Car au sortir de terre, non-seulement ils sont égaux aux meilleurs de la Vallée, mais il est même probable que soumis à un autre procédé, ils l'emporteraient sur ceux-ci par une plus grande finesse ét un moëlleux qu’ils tiendraient des conditions différentes dans lesquelles s RES leur végétation. 97 Tout ce que nous venons de dire du lin d'élé peut s'appliquer au chanvre, dont la culture pourrait faire dans ces cantons , les mêmes progrès qu'elle a accom- plis depuis vingt années, dans des terrains analogues de la même région agricole, où le rouissage en rivière est établi. *Sivous partagiez nos convictions, sous ce double rapport, ne trouveriez-vous pas, Messieurs, que ce serait un service signalé à rendre à l’agriculture et à l'industrie angevine que de provoquer l'abandon du rouissage à l’air, pour lui substituer celui à l’eau. Mais comment faire? je n’entrevois qu’un moyen, ce serait de soumettre les considérations que je viens d’avoir l'honneur de développer aux Comices de Segré et du Lion, et d’insister près de ces deux associations pour qu'elles s’efforçassent, par des exemples et des con- Seils , d'amener les cultivateurs à donner la préférence au rouissage dans les rivières et ruisseaux. Malheu- reusement , je le sais, la principale rivière de ces can- tons, l'Oudon , est affermée , et les fermiers qui, d’ail- leurs, ignorent Ja pratique du rouissage à l’eau, qui demande de l'expérience, de l’aptitude et une vigi- lance de tous les instants, sont peu propres à le faire eux-mêmes, peu disposés peut-être à le permettre. Cependant si, comme je le pense, là est le nœud de la difficulté; si de là dépend l’avenir d’une culture qui enrichirait ces contrées , les Comices ne pourraient- ils donc traiter amiablement avec ces fermiers, et commellre au rouissage des hommes intelligents et experts, dussent-ils, en leur assurant un minimum de lin à traiter, les faire venir des bords de la Loire ou de la Sarthe? Et si les fermiers de la pêche ne mon- 7 [a 98 traient pas de bonne volonté, ne pourrait-on pastin- voquer l'intervention de l'administration départemen- tale, qui, mieux que nous encore, est en mesure d'apprécier l'importance que le Gouvernement atia- che à l'extension de la production linière ? Que si les clauses de l'affermement actuel étaient un obstacle à toute transaction, n’y aurait-il pas en- core un grand intérêt à diriger l'attention de M. le Préfet, dont on connaît toute la sollicitude pour les intérêts agricoles , sur les modifications à introduire à ce point de vue , dans les cahiers de charge des affer- mementis futurs ? Enfin, Messieurs, si dans ce moment l'introduction du rouissage dans l’Oudon était impossible, n’y au- rait-il pas , de la part des Comices, à faire des efforts pour établir, entre les producteurs de leurs cantons et les rouisseurs de la Loire, des rapports, qui déter- mineraient ceux-ci à acheter leur lin debout ou arra- ché, comme ils le font pour les lins des environs d’An- gers ? Les fermiers du Lion et de Segré les condui- raient, suivant la distance, à un port chargeable de la Mayenne, et y irouveraient l'immense avantage de réaliser le prix de leur récolte dès le mois d’aoûtet de s’épargner le travail du broyage, qui les oblige sou- vent à prendre des journaliers. Par toutes ces considérations, j'aurais l'honneur de vous proposer, Messieurs, au cas où vous jugeriez cette notice digne de l'impression, d'en adresser des exemplaires détachés à M. le Préfet de Maine et Loire, M. le Sous-Préfet de Segré, MM. les Présidenis, dela Société industrielle et des Comices de Segré et du Lion, ainsi qu'aux maires de ces deux cantons. Je 99 crois que, ec faisant, vous aurez pris une mesure ulile. T.-C. BERAUD. Angers , 10 janvier 1855. Extrait du procès-verbal de lu séance du 25 février 1855 : « La Sociélé donne son approbation aux mesures » proposées par M. Beraud, ordonne l'impression de » son travail et sa distribution telle qu’elle est de- » mandée. » INO'R'E SUR LES MOYENS DE FIXÉR LES DUNES. Une parlie des côtes de la France est bordée d’une zone sablonneuse, à laquelle on a donné le nom de Dunes, et dont la largeur variable s'étend souvent jus- qu'à cinq ou six cents mètres de la laisse de haute mer. Ces dunes sont formées d’une suite de monti- cules d’un sable excessivement fin, dont les ondula- tions capricieuses sont incessamment bouleversées par les vents. Soulevés par la moindre brise, ces sables impalpables sont intraînés au loin, portant avec eux la sécheresse et la stérilité, et vont ainsi lutter avec le travail de l'ingénieur et disputer la terre aux efforts de l’agriculteur. C'est surtout sur les bords de la mer du Nord et de la Manche, de Dunkerque à Boulogne, et dans le golfe de Gascogne que ce phénomène est le plus sen- sible; à Calais notamment, le petit bras de mer qui s’étendait, en 1678, jusqu’au fort Nieulay, est main- 10f tenant comblé, et un bâtardeau qui fut construit vers 1730, pour empêcher la mer de pénétrer dans l’ar- rière-port, est aujourd’hui recouvert d’une hauteur de sable de près de six mètres! On comprend d’après cela que l’on a dû, dès long- temps , se préoccuper des moyens de s'opposer à cet envahissement des sables afin de conserver, ou même de rendre à la culture de vastes terrains, menacés ou déjà frappés de stérilité, et en même temps de préser- ver d’une destruction prématurée les travaux d'art exécutés à tant de frais, aux abords de nos ports ou près de l'embouchure de nos rivières. Aussi les ingénieurs et les agriculteurs ont rivalisé de zèle et d'efforts pour résoudre ce difficile et si inté- ressant problème, et si toutes les tentatives n’ont pas été également heureuses, on peut du moins citer avec bonheur le grand succès obtenu dans le dépar- tement des Landes par les plantations de pins mari- times. Cependant cette solution n’est pas absolument générale; le pin maritime ne vient pas également bien partout, et si l’on est parvenu ainsi à créer une ri- chesse inespérée dans des landes arides el sauvages, nous ne sachions pas que l’on ait réussi, ni même essayé de les cultiver au milieu des dunes situées sur le bord même de la mer. C’est de cette question spé- ciale que nous voulons nous occuper dans cette note, question qui se lie intiment à la défense de nos fron- tières maritimes. Chacun sait, en effet, que la protection de nos côtes est confiée, suivant l'importance des points à défendre, soit à des forts avec fossés et escarpes en maçonnerie , soit à de simples batteries en terre: or, 102 ces plages sablonneusés qui donnent naissänce aux dunes dont nous nous occupons, sont souvent favo- rables à un débarquement , et doivent être , par con- séquent , occupées par un dé ces ouvrages de fortifi= cation. Mais, au milieu de ces sables mouvants, le travail de l'homme, abandonné à lui-même , a bien- tôt disparu; c’est ainsi que l'on cherche aujourd'hui vainement la place d’un grand nombre de batteriés élevées sur les côtes de la Manche, à Ia fin du siècle dernier, êt que, pour n’en citer qu'un seul exemple, sur un point plus rapproché de notre départément , la batterie des Saumonards, dans l’île d'Oleron, dont la! construction avait absorbé de 1811 à 1814 plus de 500,000 fr., ne présentait plus en 1845, à l'époque où la nécessité de défendre l'entrée de la magnifique rade de l’île d'Aix Va tirée de ses ruines, qu'un amas in- formé de terrasséments , au milieu desquels on avait peine (même le plan à main), à réconnaître le tracé: de l’ancienne fortification. En travaillant de nouveau à mettre nos côtes en état de défense , il fallait évidemment chercher à évi- ter un pareil danger ét ne pas s’exposer à enfouir une seconde fois des millions dans les sables de nos ri- vages. Voici de quelle manière on y est parvenu dans deux localités, fort éloignées l’une de l’autre, à Calais et à l'ile d'Oléron. A Calais, où le fort Risban était restauré au miliéu même des deux dunes, il s'agissait d’abord de former avec. ces sables mouvarnits, le massif des glacis decet ouvrage, ce qui devait nécessiler des mouvements de terre considérables; il fallait ensuite fixer ces rém- 103 blais de manière à ce qu'ils ne fussent pas déformés par les vents , et empêcher enfin que les glacis et les fossés , une fois terminés, ne fussent envahis par les sables. Le lieutenant-colonel du Génie Gageot avait remar- qué que ces sables prenaient surtout naissance dans cette partie de la plage désignée sous le nom d’Estran dans nos déparsements du nord, laquelle couvre et découvre successivement, par l'effet du flux et du re- flux de la mer ; que soulevés par les vents, à une hau- teur qui ne dépasse guère Om 50, ils étaient transpor- portés vers l’intérieur des terres jusqu’à ce qu'ils rencontrassent une excavation, dans laquelle ils se déposaient , ou un obstacle contre lequel ils venaient successivement s'accumuler, jusqu’à ce qu'ils en eus- sent atteint le sommet. En élevant donc un obstacle artificiel, de simples claies, par exemple, à la limite de laisse de haute- mer, et les déplaçant ensuite, soit parallèlement à elles-mêmes, soit en les faisant pivoter autour d’une de leurs extrémités, en même temps qu'on les ex- hausserait convenablement, suivant la hauteur à at- teindre , on devait arriver en peu de temps, à exécu- ter, pour ainsi dire, sans frais, les remblais considé- rables qui devaient former les glacis du fort Risban. Ces prévisions ce sont réalisées ; le vent s’est chargé lui-même d'exécuter des transports de terre qui eus- sent exigé des sommes importantes , et les remblais se sont ainsi trouvés massés sans autres dépenses que celles du déplacement des claies et de quelques jour- nées de terrassiers employés au régalage des remblais. Les profils du dessin ci-joint font voir qu’elle a été la 104 marche de l'opération et montrent les posilions suc- cessives qu'ont occupées les claies au moyen des- quelles on a dirigé les mouvements des sables. On a ensuite étendu sur ces remblais sablonneux les vases argileuses provenant du curage du port et du chenal, et on les a semés en trèfleet luzerne; protégés par les claies dont nous venons de parler, ces semis ont par faitement réussi, et ils donnent aujourd’hui une: ré- colte abondante, dont le produit dépasse de beaucoup l'intérêt des sommes consacrées. à ces travaux. Il restait à se garantir de toute invasion ulterieure des sables ; à cet effet, le lieutenant-colonel Gageota proposé d’élablir par des moyens analogues à la limite de la laisse de haute-mer, une dune artificielle, en re- levantsuccessivement les claieset les avançant du côté de la mer, au fur et à mesure de l’amoncellement des sables; le talus intérieuride la dune devait ensuite être planté de hoyas, herbe marine três vivace qui croît naturellement dans les sables et qui a la propriété de les arrêter. Une partie de la base de la dune artificielle est ainsi terminée, et on a l'intention de l’élever jusqu'à six mètres au-dessus du niveau de la pleine-mer, en l’é- largissant toujours du côté de l’estran , ses talus étant sans cesse consolidés au moyen de plantations de hoyas. Les dunes naturelles qui existent le long de la côte, depuis un temps immémorial, n'ayant jamais dépassé cette hauteur, il. y a tout lieu de croire qu'il en sera de même de la dune artificielle en question, dont le talus extérieur pourra seulement être parfois entamé par les flots, s’il ne parvient au contraire. à refouler la mer vers le large, en relevant à la longue 105 le niveau de l’estran. Si cette dernière circonstance se réalisait, de nouveaux travaux seraient alors à entre- prendre pour livrer cette nouvelle conquête à l’agri- culture, mais cette hypothèse est aujourd'hui trop incertaine, pour que l’on doive en rien s’en préoc- cuper. C’est à d’autres moyens que l’on a eu recours à l’île d'Oleron, pour soustraire les talus, les fossés et les glacis du fort des Saumonards à l’envahissemenit des sables. En 1811, on avait cherché à leur donner quel- que consistance, en les revêtissant de placages de gazon enlevés à grands frais dans les lieux circonvoi- sins; mais outre qu’en dépouillant ainsi ces terrains de la rare végétation qui les protégeait contre les vents ou les avait rendus eux-mêmes complétement arides, ces gazons , flétris déjà par le transport, appliqués en- suite contre des sables brûlants , n'avaient pas tardé à se dessécher complétement et à disparaître sous l’ac- lion combinée du soleil et des vents; on n'avait d’ail- leurs, à cette époque , fait aucune tentative pour em- pêcher le comblement des fossés. L'expérience avait donc prononcé d’une manière péremptoire contre l'emploi de cet expédient. D’un autre côté, il n’y avait pas là de vases argileuses, comme à Calais, et l’on n’eût pu s'en procurer sans des frais considérables. Les plantes fourragères et légumineuses pouvaient seules donner le moyen de transformer, sans grande dépense et en peu de temps, le sable en terre végé- tale. Déjà, dans le sud-ouest de la France, M. Bré- montier, ingénieur des ponts et chaussées, avait em- ployé le gourbet (calamagrostis arenaria) pour arrêter 106 et fixer les sables: marins qui envahissaient ses semis de pins maritimes. M. Boitel , professeur d'agriculture à l'Institut agro- nomique de Versailles , a recommandé , en ouire, sur les.côtes. de l’ouest, où la mer apporte des sables argi- leux, de fixer ces apports au moyen d’une graminée touffue et traçante , le #rachynotia alterniflora, dont les touffes gazonnantes brisent les vagues et retien: nent entre les feuilles et les tiges lesmolécules terreu- ses tenues en suspension dans l’eau de la mer. Le chef de bataillon du: génie Verdal, à l’île d'Ole- ron ; a découvert une plante qui-satisfait mieux encore que les précédentes , aux conditions qu'il s’agit ici de remplir. Nousextrayons quelques passages d’une noté intéressante qu'il a rédigée à ce sujet. « J s'agissait, dit-il, de trouver une plante qui se » développât promptement et avec vigueur dans les » sables des dunes, qui se reproduisit d'elle-même, qui » eût une longue durée, qui, par la hauteur de sa tige, » pût protéger le sol contre les ardeurs du soleil, et » qui fournît enfin une masse notable de détritus. » Le pastel Isatistinctoria présente tous ces, avan- » tages : il est bis-annuel ; sa tige s'élève de 1 mètre à » 4 mètre 50, et donne une très grande quantité de » graines. Sa:semence a été mélangée avec celle d’au- » tres plantes des prés qui devaient prospérer sous la » protection de sa tige: avec la pimprenelle , qui table » fortement; la luzerne , dont les racines pivotantes » maintiennentles sables et diverses plantes qui crois: » sent naturellement sur les dunes, telles que les Jun- » eus aculuset capitatus,le Salix caprea,le Graphalium » augustifolium, le Calamagrostis arenaria ei le Carex 107 »arenaria;.:.. ces semis ont complétement réussi ; » dès la première année, les formes de la fortification »élaient maintenues; à Ja seconde, les herbes des ». prés prospéraiel.t.. » Les soins donnés à ces semis se sont bornés à les couvrir, pour les soustraire. à l’action des vents, avec les herbes marines sèches, ramassées Je long de la côte , et l’on a en outre répandu sur leur surface les petites quantités de fumier provenant des animaux employés , au fort des Saumonards , à la fabrication des morliers et au transport des matériaux. Ces premiers succès ne se sont pas démentis, et aujourd’hui, après quatre années d'expérience, les talus, les rampes et les glacis du fort peuvent être considérés comme entièrement fixés. Mais ainsi que nous l'avons dit plus haut, le pro- blême n'était ainsi qu'à moilié résolu, et il fallait encore s'opposer à ce que les fossés des ouvrages ne fussent comblés par les sables soulevés par les vents. Le commandant Verdal aurait pu recourir aux claies employées à Calais, mais il voulut encore demander au sol lui-même, quelque rebelle qu'il parût être à la végétalion , l’obsiacle qui devait arrêter ces envahis- sements. À cet effet, il imagina de semer au pied des glacis du fort une ceinture de topinambours , qui four- nirent bientôt une forêt de tiges ; les glacis furent en outre plantés symétriquement de Tamarisques et de Troënes ; et sous la protection des tiges du topinam- bour, qui n’ont pas été arrachées et qui se reprodui- sent d’ailleurs presque naturellement, ces arbrisseaux, d’une végétation moins active, ont pris possession du 108 solet se développent aujourd’hui d’une manière à me plus laisser d'inquiétude pour l'avenir. D'après les relevés exacts faits jusqu'à ce jour,-les frais de toute nature, en achats et main-d'œuvre, occasionnés par ces semis et plantations, s'élèvent à 0 fr..06 c. par mètre carré, dépense bien minime en: raison de l'importance du résultat auquel on est par- venu: À. GENET, Capitaine du' Génie. 25 seplembre 1851. DECLES PI de Fos R ot CES = = Z | ER —— ES Æ = EE | — = Eee CS TT — Z — _— "1" a — === || = a —_—_ à F RE Lortzontales ” ; TP î Nr 35 StoRS verticales.) 30 Ge L. E coli S cadiguant les emplacements success occupes par ls cites. dt moyen 2, desgeclles où rem blaye les glacs dt choc da dune de So Misbau à Calais. Vives EAU IOIENIES — erreur Vives eaux moyennes ; F 1 Echelle de 0 "002 pour Lmètre (gp (our les dimensions) hortcontales os /rébrrs $ melres Echelle de 0004 pour 1 métre(i5s | peur les dimensions vertecntes RAPPORT BIBLIOGRAPHIQUE. SÉANCE DU 13 JUILLÊT. Messieurs, Ainsi que vous le faisait connaître à l'instant M. le Secrétaire général , il a été émis à la dernière séance, le vœu que les diverses brochures envoyées à la So- ciété, fussent soumises à un examen rapide qui per- mît au moins de savoir quels sujets élaient traités dans leur contenu. Ce soin m'a été confié, je l’ai ac- cepté avec empressement pour toutes les publications non uniquement relatives à des branches qui, comme l'horticulture, par exemple, sont {trop étrangères à notre peu de connaissances , et nous vous en appor- tons le résultat. Nous avons cru devoir indiquer, par des mots isolés , placés à la marge, chacun des objets que signale le texte, pourlant si concis, du compte- rendu ; il nous a semblé que c'était ajouter à sa faci- lité des recherches, au milieu de ces véritables inven- taires, qui, au nombre de douze par an (puisque tel est le nombre habituel de nos séances), présentent au premier coup-d’œil la mention des divers points trai- tés dans tous les envois. Digitale et digilaline. Origine de Néris. Culture du lin. 110 Bulletin de la Société d'émulation de l'Allier ( janvier 1855). A la suite d’un compte-rendu qui n'offre qu’un in- térêt local, nous remarquons un rapport sur les tra- vaux de la Société au cours de 4854, indiquant le nom et. probablement , la personne de M. Port, un _de nos plus savants collègues, parmi ceux des auteurs dont la Société de l'Allier attend les ouvrages. Vient ensuite, après un rapport sur le Congrès scientifique tenu à Dijon au mois d'août 1854, un travail étendu de M. le docteur Bergeon, sur le Mé- moire de MM. Homolle et Quévenne, ayant pour objet la Digitale et Ka Digitaline. M. Quevenne, pharmacien en chef de l'hôpital de la Charité de Paris , a traité ces substances sous le rapport chimique et pharma- ceutique. M. Homolle a présenté leurs caractères’, au point de vue de la physiologie et de la thérapeutique. C'est à cette première partie du:travail qu'est consa- cré le compte-rendu que nous indiquons, : une pro- chaine analyse doit être faite sur da partie ‘thérapeu- tique. Les personnes qui s'occupent de la préparation et. de la connaissance chimique des ‘substances trou- veront, dans le compte-rendu publié par ‘la Société de l'Allier, des détails étendus et, sans nul doute, pleins d'intérêt. Des éludes archéologiques sur: des:inscriptions de la contrée, et entre autres, sur l’origine ‘de Néris, l'Aquæ-Néris de la, carte de Peutenger, complètent cettelivraison. La Revue agricole, industrielle et littéraire: de Va- lenciennes (février et mars), présente, outre. quelques observations d’un certain intérêt:sur la cultune du lin iii destiné à la reproduction ; un rapport de M. le docteur Courtin , sur un Mémoire du docteur Bourgogne, de Condé ,iraitant du choléra el des moyens, sinon de prévenir, au moins de combattre celte maladie ter- rible dès ses premiers symptômes; car, dit énergi- quement ce dernier médecin, arrivé à sa dernière pé- riode , le choléra « est au-dessus des efforts de l’art : » autant demander que l’on cherche un remède pour » guérir les noyés ou les pendus. » L’émploi du tan- pate de quinine, combiné au camphre et à l’opium , est, à la suite de plus de trois cents essais, faits au -cours de l’épidémie de 1854 , le moyen que le docteur considère comme le plus puissant pour s'opposer aux premiers ravages de ce véritable empoisonnement. Viennent ensuite une intéressante revue des ma- chines agricoles les plus perfectionnées de l'Angleterre ét des pays étrangers, par M: Moll, professeur au Con- servaloire des arts et méliers de Paris, puis une No- üice sur un enfant illustre de Valenciennes : Jean-An- toine Walteau, ce peintre original et gracieux dont les œuvres brillent aux Musées de Madrid, de Munich, de Dresde, de Berlin, de Saint-Pétersbourg , de Lon- dres , et dont notre Louvre ne possède jusqu’à ce jour qu'un seul tableau. Mort en 1621, à l’âge de trente-sept ans , ila mérité que l’auteur d’Inès de Castro, Lamotte- Houdard , traçât de lui cet éloge : Parée à la française , un jour dame Nature Eut le désir coquet de voir sa portraiture ; Que fit la bonne mère , elle enfanta Watteau. Pour elle, ce cher fils, plein de reconnaissance, Non content de tracer partout sa ressemblance, Fit tant, et fit si bien, qu'il la peignit en beau. Choléra. Machines agricoles. Watteau. Entrepôts, warrants, Péripneumonie non admise comme vice rédhibitoire. 412 La livraison se termine par une nole assez insigni- fiante sur cette locution vulgaire : Il y a de l’ognon! et par la descriplion d'un-tableau religieux peint par M. Charles Crauk., artiste de Valenciennes. Le cahier publié en avril par la même Société con- tient un rapport on ne peut plus remarquable et ins- tructif sur l’origine, l’organisation et les besoins, en- core à réaliser, des entrepôts de marchandises; des docks, qui ne sont eux-mêmes qu'une sorte d’entre- pôts , et des warrants, reconnaissance iransmissible par voie d’endossement, élablissant la nature et la quantité des objets entreposés, et opérant, par. sa re- mise des mains du vendeur à celles de l'acheteur, la livraison des marchandises cédées à celui-ci. Nous signalons, d’une manière toute spéciale, à l'attention des membres de la Société, ce document complet sur une matière dont la connaissance est loin de se trou- ver généralement répandue. Des tableaux compara- lifs et diverses pièces sont publiés à l’appui de ce Mémoire important. Suit une décision de la Chambre consultative d’a- griculture de l’arrondissement de Valenciennes, re- poussant une proposition du Comice de Lille tendant à faire ranger la péripneumonie du bétail au nombre des vices rédhibitoires : puis un rapport sur un tableau de Jacques-Albert Gérin , peintre de Valenciennes, du xviie siècle, tableau découvert dans la chapelle de l’hô- pital-général de cette ville. Quelques vers légers et gracieux, de M. Théodore Lorin, terminent cette livraison. | 113 Société de la Morale chrétienne (mars et avril). Le 29 avril, cette Société présidée, en l'absence de la Rochefoucault-Liancourt, par M. Berville, prési- dent à la Cour impériale de Paris, a entendu les rap- ports relatifs à plusieurs sujets mis au concours, parmi lequels figure au premier rang la réduction du nombre des suicides. Un accroissement effrayant se remarque dans le nombre de ces actes déplorables, qui, de 1,542, en 1827, atteignaient, en 1852, le chiffre de 3,674. Un des concurrents propose l’action tutélaire de l’ad- ministration, pour ceux que la misère entraîne à ce crime, proposition dont la mise en œuvre n’a pas même il paraît, ses moyens indiqués. Un autre propose que le suicide soit flélri par une loi, et que cette flétrissure, appliquée au nom de chaque suicidé, après enquête, Soit rendue publique par la voie des journaux. Un troisième Mémoire, et c’est celui que la Société couronne , veut que les mesures légales et les moyens préventifs soient employés simultanément. Ainsi, em- prisonnement de celui qui aura tenté de se suicider, jusqu'à ce que deux personnes donnent caution pour la conservalion de sa vie, caution qui les soumet à amende si le suicide est plus tard accompli : interdic- tion des cimetières publics aux corps des suicidés et insertion flétrissante du nom des suicidés dans les journaux, telles sont les mesures légales que l’auteur propose, en les empruntant, dit-il, sauf cette der- nière , aux lois anglaises. Mais il insisie particuliè- rement sur l'influence qu'auront à la longue la sur- 8 Suicides. Colporlage. Influence de la morale chrétienne sur le gouvernement de la France. 114 veillance attentive des commissaires et des personnes bienfaisantes de chaque quartier, les conseils des mé- decins et un contrôle incessant sur les pièces de théà- tre, les romans et les autres livres, où trop souvent, le suicide est présenté comme entouré d’une sombre poésie ou d’une décevante grandeur. Le second objet mis au concours élait la réforme de la librairie du colportage, de cette industrie qui, hier encore, inondait les ateliers et les chaumières d’opus- cules niais et grossicrs, quand ils n'étaient pas im- moraux ou irréligieux. Le moyen à mettre en œuvre serait celui de nombreuses sociétés bibliques faisant concourir les efforts de nos meilleurs écrivains à la formation d’une collection de traités clairs et concis sur les principaux sujets qui sollicilent habiluelle- ment l'attention du plus grand nombre. Cette entre- prise n’est, bien entendu, présentée qu'au second plan et après un vœu pour que des règlements, dont la loi du 27 juillet 4849 donnent l’utile initiative , ne laisse ce commerce dangereux, ni sans moyens pré- ventifs, ni sans moyens de répression. Une troisième question bien autrement vaste, mise au concours par la Société de Morale chrétienne et l’Institut historique réunis, était celle de savoir quelle a été l'influence de la morale chrétienne dans le gou- vernement de la France pendant les dix premiers siècles de l'ère chrétienne, c’est-à-dire depuis l’intro- duction du christianisme dans les Gaules jusqu’à l’a- vènement de la troisième race, et principalement sous les règnes de Clovis et de Charlemagne. Nous n'avons nullement l'intention de parcourir ce vaste domaine, dans lequel, si l’onen croit le rapport, les concur- 115 rents n'auraient jeté qu’une éloquence assez douteuse et des lumières d’un éclat assez tempéré. Après un rapport présenté sur les orphelins adoptés par la Société, M. Jules Barbier, substitut du procureur- général à la Cour impériale de Paris, à prononcé un discours intéressant sur le Passé, le Présent et l Avenir de la Société à laquelle il s’adressait, puis les prix du triple concours indiqué par nous ont été décernés. Nous appelons l'attention sur l'avis du même re- cueil, indiquant les deux sujets mis au concours pour 1856. C’est, d'une part, celte question : Quelle a été l'influence de la morale chrélienne dans le gouverne- ment de la France depuis le x° siècle jusqu'au milieu du xvyre, c'est-à-dire depuis le couronnement de Hugues-Capet jusqu’à la fin du règne de Louis XIE, depuis le 3 juillet 987 jusqu'au 14 mai 1643? En second lieu, une médaille de 500 fr. sera décer- née à l’auteur du meilleur ouvrage pour la leclure populaire , qui aurà été imprimé en 1855, pour être distribué par la voie du colportage. La livraison se termine par un extrait développé d'un Poème à la Bienfaisance, dû à M. Boissy-d'An- : glas. Un tel sujet était ennemi du fracas : aussi J’au- teur y emploie des couleurs douces et riches pourtant qui sembleni être, plus que la forceet l'éclat, le caractère de son talent. Il commence d’une manière heureuse, par le tableau comparé de la civilisation païenne avec la Société qu'a inspirée la charité du christianisme. Il dit, en parlant de la Grèce et des Romains : Dans leurs riches cités, jamais la bienfaisance Ne chercha le malheur, n’appela l’indigence ; Au lieu de les combattre et de les adoucir, Leur vertu consistait à les savoir souffrir. Fièvres périodiques pernicieuses. Atrophie du foie. Pneumo-thorax. Baguette divinatoire. 116 Journal de la section de médecine de la Société académique de la Loire-Inférieure. — vingtième année, 31° volume. — 158, Hvraison. Ce cahier contient des réflexions de M. le docteur Pitre Aubinau, président du jury de médecine de la Loire-Inférieure, sur les fièvres périodiques perni- cieuses , à l’occasion d’un accès de fièvre pernicieuse cholérique, qui fut pris d’abord pour un cas grave de choléra ; 2° des observations cliniques du docteur Mal- herbe, sur une atrophie du foie, un squirrhe du pylore et une chlorose compliquée de divers accidents gra- ves; 3° Une observaiion de pneumo-thorax , consécu- tif à une pneumonie lobulaire, terminée par abcès ouvert dans la plèvre, de M. Vallin, interne à l’hôtel- Dieu de Nantes. Vient ensuite le Bulletin de la Société industrielle d'Angers (mars et avril), presqu'uniquement rempli par le rapport de M. Trouessart, sur le travail de M. Chevreul, de l’Institut, travail ayant pour sujet la Baguette divinatoire, le Pendule dit explorateur et les Tables tournantes. Je me contente de signaler ce rap- port, que chacun de vous connaît probablement, et dont la presse de notre département s'est occupée elle-même. Tel est, Messieurs, l'inventaire des principaux su- jets traités dans les diverses publications dont nous avons dû faire l'examen, puis vous apporter l'indi- eation. 117 2° RAPPORT BIBLIOGRAPHIQUE. SÉANCE DU 10 AOÛT 1855. Revue agricole, industrielle et littéraire de Valenciennes. (mai 1855). Parmi les décisions dont la simple indication est donnée dans ce cahier, nous remarquons celle prise par la section de peinture , aux termes de laquelle il doit être créé un livret, sur lequel seront inscrits, par ordre alphabétique , les noms de tous les artistes valenciennois , avec la liste de leurs œuvres et la men- tion du lieu où elles sont placées. C’est, vous le voyez, un véritable livre d'or des ïllustrations artistiques de la contrée. Pourquoi celte idée ne serait-elle pas sai- sie au passage et réalisée parmi nous? — On nous a compris, et nous pensons qu’on se souviendra... La Pleuropneumonie , affection simultanée du pou- mon et de la plèvre dans le gros bélail, doit-elle être rangée parmi les vices rédhibitocires ? Après un long examen et des rapports en sens oppo- sés , la Société pense qu’il paraît impossible, dans l’é- tat acluel de la science, de préciser la date de la ma- ladie et, par conséquent, de la considérer comme rédhibitoire , la mauvaise foi du vendeur étant une des bases de l’action exercée en pareil cas. Suivent des rapports : 1° sur la balance-bascule portative, dite Romaine, par M. Meurs, de Valen- ciennes, Livret contenant les noms des artistes. Pleuropneumonienon vice rédhibjioire. Arbres fruitiers. Sucre. Fer, magnésie, man- ganèse dans les terres ou pierres. Julien Watteau. Oïdium. 118 2° Sur un livre publié par le gouvernement belge et portant pour titre : De la culture des arbres fruiliers, rapport dans léquel on considérerait comme un grand bienfait pour le pays la création d’une pépinière mo- dèle et d’un jardin polager, destiné à servir d'école maraîchère : vous voyez, Messieurs, que l’on porte, de bien loin, envie au jardin fruitier dont la verdure encadre Ie lieu de nos séances. 3° Sur un nouveau procédé communiqué par M. Maumené, de Paris, pour la fabrication de sucre. 4 Sur un moyen simple de constaier la présence du fer, de la magnésie et du manganèse dans les do- lomies , les marnes et les calcaires, par M. Delanoue. 5° Sur une pierre tombale du xive siècle, avec une épitaphe en patois rouchi, langage usité alors dans une partie du Hainaut. Le cahier se termine par une note biographique sur Julien Watteau, peintre, né en 1672, et cousin, pa- raît-il, du célèbre Antoine Watteau. Anvales de la Société industrielle de La Rochelle, n° 19 Les premiers travaux de ceiie Société , au cours de 1854, ont eu pour objet le cruel ennemi de la vigne, l'oidium. Plusieurs remèdes sont indiqués : c’est, d’une part la chaux sulfatée et ammoniaquée, prove- nant de l'épuration du gaz d'éclairage; de l’autre , le coltar, ou une composition de savon noir et de soufre délayés dans l’eau; mais on semble signaler surtout l'insufflation du soufre sur les vignes malades, opéra- tion qui se fait à l’aide de soufflets inventés par M. Rose Charmeux. Ce procédé aurait oblenu d'excellents ré- 119 sultats, à peu de frais, dans les environs de Fonlai- nebleau, notamment. Le nettoiement des terres a donné lieu à l'examen d’une importante question : celle de savoir si l’on peut sans autorisation, faucher les blés manqués avant leur maturité, dans le cas de non-réussite d’une ré- colte. Après avoir entendu un rapport extrêmement intéressant, qui analyse les principales dispositions législatives intervenues sur la matière, depuis la loi des Lombards et les capitulaires de Charlemagne, jusqu’à la loi du 16 messidor an HIT, la Société se dé- eide pour la négative, c’est-à-dire pour la nécessité de l'autorisation. On signale des tourleaux propres à l'engrais du sol et composés , soit de l'huile extraite des tèles de sar- ‘ dines, soit de harengs et morues avariés. Une fabri- que de produits analogues exisle, croit-on, aux en- virons de Nantes. Une autre existe à Concarneau, près de Quimper. En 1850 même, M. de Molon a commencé à fabriquer un engrais de cette nature à Terre-Neuve. D'autres rapports sont relatifs au drainage , à plu- sieurs nouveaux instruments d'agriculture ou appa- reils pour distiller, à la créalion d’un musée agricole à La Rochelle , à la distribution des primes accordées en diverses occasions, et aux ravages commis sur la vigne par un insecte nommé Gribouri, cryptocéphale quelquefois désigné sous le nom d'écrivain. Les autres parties du recueil ont spécialement trait aux intérêts du département de la Charente - Infé- rieure. Grains coupés en vert. Nouvel engrais. Le Gribouri, insecte. Tue-teigne. Pommes de terre du Finistère. — Mé- thode contre la ma- 120 L Société d'agriculture et des arts de Seine-et-ise. La livraison qui nous est adressée rend compte des travaux de la Société, de juillet 1853 à juillet 1854. Nous voyons d’abord signalés dans le compte-rendu de M. Frémy, secrélaire perpétuel, un appareil in- venté par M. Doyère et déjà expérimenté par M.-le Ministre de la guerre , appareil qui, sous le nom très explicatif de fue-teigne, a pour mission de sauvegar- der les grains accumulés ; puis une nouvelle espèce de pomme de terre, venant du Finisière, qui, à une grande fécondité, joint l'avantage d’avoir, jusqu'à ce ladiedecesplantes. JOUr, échappé, presque sans exception , à la maladie ; Race chevaline. Tue-leigne. Drainage. enfin, une méthode importée de la Russie pour pré- venir la maladie elle-même. M. le vicomte d’Abzac fait, à l’occasion de primes à décerner aux éleveurs de département, un rapport aussi précieux qu'heureux dans ses expressions, sur la propagation et l’amélioration de la race chevaline. Nous signalons ce travail à l'attention de tous ceux qui s'occupent de l’art hippique. M. Solliers fait un rapport développé et extrème- ment favorable sur le tue-teigne, dont nous venons de parler, expliquant parfaitement l’action de cet appa- reil, et joignant même à son travail un dessin qui montre l'instrument sur quatre aspects différents. Le recueil se termine par un rapport très développé el accompagné de plans, sur les travaux de drainage exéculés près de Bécheville, sur un domaine appar- tenant à M. le comte Daru. 121 Journal dela Société de la Morale chrétienne (mai et juin 1855). Nous ne pouvons trop vivement fixer l'attention de la Société sur un long et intéressant Mémoire de M. Charles Nisard, traitant du colportage , de ses dangers et des moyens de rendre cette institution si active, aussi utile qu’elle s’est montrée funeste jusqu'à ce jour. Pour atteindre ce but si difficile autant qu’élevé, M. Nisard propose de former une société philanthro- pique dont les moyens et les efforts seraient employés à la publication , moyennant un prix modique (de 5 à 50 centimes), de livrets, soit empruntés à des au- teurs déjà connus, soit composés exprès par nos écri. vains les plus recommandables. On referait ainsi pres- qu'’entièrement la bibliothèque errante des colporteurs dans les six genres suivants : Religion, morale, his- loire, belles-lettres , sciences et arts, mélanges. Ainsi l’on subslituerait une manne pure à l'aliment frelalé et souvent vénéneux que renferment les balles des onze ou douze mille colporteurs qui, de la Haute-Ga- ronne et des Hautes-Pyrénées, se répandent chaque année jusqu’au moindre hameau de la France. Ce Mémoire a été couronné par la Société de la Mo- rale chrétienne. Une médaille de 500 fr. est, en outre, promise à l’auteur du meilleur ouvrage de lecture populaire qui aura été imprimé au cours de celte année. Le cahier du même journal, publié pour les mois de juillet et d'août, contient le Mémoire présenté par M. Alix, sur l'influence de la morale chrétienne dans le gouvernement de la France, depuis l'introduction du Réforme du colpor- age. Médaille proposée, Mémnire sur l'in- fluence dela morale chrétienne dans le gouvernement de la France. 122 + christianisme dans les Gaules jusqu'à l'avénement de la troisième race. de nos rois. L'auteur voit cette influence se manifester successi- ment dans l’action si puissante et si diverse des évé- ques, qui surent à la fois moraliser et défendre ces barbares, qui sont nos aieux. Bientôt à leurs pieux conseils se joint la puissance des souverains qui, en commençant par Clovis, trouvent dans la religion la première base de leur autorité. Des monastères, re- fuges du faible, lieux d'asile ouverts surtout aux con- naissances humaines qu'avait dispersées la barbarie, se dressent sur tous les points du royaume, à la voix de Radegonde, de Bathilde , de Clodoald , de Dagobert. Pépin donna, comme on sait, une vive impulsion à l'accroissement des croyances et des pratiques reli- gieuses en France, tandis qu'il donnait, d'un autre côté, un si puissant appui au pape Etienne IIT et com- mençait à mériter le nom de Fils aîné de l'Eglise, donné aux rois ses successeurs. Ces pieuses habitudes marquèrent d'une manière visible leur empreinte sur son administration. Quant à Charlemagne, il faudrait n'avoir pas la moindre idée de son règne si glorieux, pour douter que les idées du christianisme présidas- sent dans ses conseils. C’est à ces idées que l’on dut l’adoucissement du régime d’oppression que la féoda- lité, dont tous les abus se développèrent peu après la mort de ce grand prince, avait étendu sur tant de malheureux sans défense, sans biens, sans droits et presque sans nom. La Société propose un nouveau prix de 500 fr. pour le meilleur Mémoire sur le même sujet , en appliquant cel examen aux faits qui se sont produits depuis le 123 couronnement de Hugues-Capetjusqu'à la fin du règne de Louis XIII. Combien cette offre est provoquante! Quel talent, quel génie même ne se sentirait excité à courir une aussi belle et une aussi riche carrière. Mémoires de l'Académie de Lyon. — Classe des Lettres. Tome III:. Le volume commence par un extrait fort intéres- sant de l’histoire de la philosophie carlésienne , ou- vrage de M. Bouillier, doyen de la Faculté des lettres de Lyon. On y trouve racontée la grande lutte née au xvine siècle, et soutenue principalement par les écrits de Voltaire , entre les idées innées et les tourbillons de Descartes et la théorie de Locke d’nne part, celle de Newion d’une autre. Combien de discussions se sont échangées alors et depuis sur ces questions de haute physique et de psychologie! Chacun alors n’hé- sitait pas à ‘se lancer sur ces mers profondes et semées d'écueils, dont l'exploration mène bien rarement à des atlérages solides, mais a, du moins, l'avantage de doubler la force et l'adresse des navigaleurs. Un discours de M. Morin examine la question de savoir si Lyon est, comme on paraît le croire généra- ralement , et comme son nom latin semble l'indiquer, une créalion romaine. L'auteur rappelle la tradition recueillie par Plutarque, de deux chefs d’une popu- lation gallo-asiatique, fixée bien avant les conquêtes de César au confluent de la Saône et du Rhône. Il cile les noms des deux chefs de cette colonie fugitive, Momorus et Atepomarus, deux frères, Romulus et Remus de celte contrée. Plus lard, la puissance ro- Philosophie carté- sienne. Origine de Lyon. Sur la statistique. Poésie héroïque indienne. 124 maine s’assimila ces habitants et se borna à rendre plus euphonique le nom de la cité déjà vieille qui, de Louhdunum où Lugudunum , devint Lugdunum. Heu- reuse ville! Bien peu se virent aussi favorisées et nos vieux Andegaves durent lui porter envie lorsque, sans pitié pour leurs plus chers souvenirs, le vainqueur fit subir à notre cité le nom de Juliomagus. Dans deux Mémoires différents, M. Valentin Smith fait ressortir les avantages et les enseignements pré- cieux de la siatistique, non de celle qui rompt'ou groupe les chiffres pour les mettre au service de quel- que système préconçu, statistique menteuse, dont les auteurs sont véritablement les faussaires de la science, mais celte étude sérieuse , qui a pour objet d'analyser les fonctions de la vie des peuples et qui est, comme le dit M. Smith, le bilan de la civilisation. L'auteur, en s'appuyant sur des exemples tirés de la Bible et'sur les plus graves autorités, établit à la fois la haute an- tiquité et la nécessité de celte science. M. Eichhof présente un travail fort curieux sur la poésie héroïque des Indiens. Voulant donner une idée aussi Juste que possible de ces chants, non moins dignes d’être cilés, selon lui, que ceux dont nous ont dotés la Grèce et l'Ilalie, remarquant de plus, une grande analogie entre la contexture du vers hexamè- tre latin etle vers indien, formé de huit pieds de quantités diverses, réparlis en deux hémisliches, com- prenant ensemble seize syllabes, sans rimes , il a eu l'idée de traduire en vers latins de nombreux passages du Ramagan , vaste épopée en six livres et cinq cent cinquante chapitres ou lectures, formant ensemble quarante mille vers, consacrée à la gloire du roi 125 Ramas ,.par Valmikis, anachorèle célèbre , qui vivait plus de mille ans avant notre ère. Une esquisse, traitée de la même manière, est i- rée, du Mahahbârat, poème, ou plutôt collection de légendes beaucoup plus élendue encore, puisque ses dix-huit livres ne comprennent pas moins de deux cent mille vers (1). Enfin, le Bagavadgita, poème sur la métempsycose, explique ainsi noire transformalion après la mort : Uique novas vestes, annosd vestes relictà, Induimus, mens lœta novo se corpore vestit. Si l’on en juge par la grâce et la pureté des vers de M. Eichhof, Virgile trouverait dans les poèmes de l'Inde ses véritables précurseurs, tant leurs idées et et leurs images semblent d'accord avec celles que nous présentent les vers harmonieux du chantre de Mantoue. L'alliance intime des beaux-arts et de l’archéologie fournit à M. Martin - Daussigny des considérations aussi justes qu'heureusement exprimées. Nous ne pouvons trop fortement engager ceux surtout qui veulent produire ou juger des œuvres artistiques, à lire et appliquer ces utiles-conseils. Trois éloges achèvent de compléter ce volume. Le premier est celui du docteur Pravaz, né en 1731 au Pont-de-Beauvoisin, et mort à Lyon en 1853. Après (4) Un de nos concitoyens , M. Th. Pavie, successeur d'Eugène Burñouf » dans-la chaire de Sanscrit au Collége de France) a eu l'honneur, desdevancer M. Eichhoff, dans ses savantes :considé rations sur les. poèmes, indiens, Alliance des beaux arts et de l’archéo- logie, Pravaz, médecin. Terme, médecin, de Lyon. Mathieu Bonafous. 126 avoir servi dans le génie jusqu'aux événements de 1815, ce savant officier voulut embrasser la carrière qu'avait suivie son père, et se fit recevoir docteur en médecine en 1824, à l’âge de trente-trois ans. On doit sans doute à ses connaïsances én mécanique et en géométrie les nombreux progrès que ses conseils ont fait réaliser à l’orthopédie. On lui doit également des observations précieuses Sur les puissantes propriétés hémostatiques du perchlorure de fer, sur la ventouse appliquée pour empêcher les effets du virus ou du venin , et sur les luxations congénitales du fémur; c'est le docieur Pravaz, on le sait, qui de concert avec M. Jules Guérin, a fondé l'établissement crthopédique de Passy. "# C'est également à un médecin qu'est consacré !le second éloge , celui de M. Termes. Nommé maire de Lyon, après avoir été l'un des adjoints de M. Prunelle, député du Rhône; mort en 1847, à l’âge de cinquante- six ans. Des travaux remarquables sur les secours à donner aux indigents , sur les enfants-trouvés, sur le grand débat entre les eaux de source de Royes.et celles du Rhône, pour l'usage public de la ville, des améliorations surtout et des bienfaits dus chaque jour à la persistance de son, zèle éclairé, recommandent puissamment le souvenir que ce discours a eu pour but de fixer. Nous citerons en finissant, l’éloge mis au concours d'un homme que l’art médical comptait aussi parmi ses docteurs, mais dont la vasie renommée repose surtout, tant en France qu'en Piémont, sur de riches travaux d’agronomie. Mathieu Boônafous , né à Lyon, en 1793, a fait, à l’occasion dé l’industrie séricicole, 127 du maïs el du riz principalement , des découvertes dont le souvenir ne périra pas. Son nom, après avoir été célébré une première fois par M. Sauzet, prési- dent de la classe des belles-lettres de l’Académie de Lyon, a retenti à Paris, à Montpellier, à Turin. Ce nom , nous pouvons le citer... que cette indica- lion achève du moins de déterminer ceux qui nous écoutent à parcourir le livre contenant tant de riches travaux qui honorent la ville de Lyon, cette cité que l’on a depuis si longtemps nommé la Rome française. Ne fermons pas l'oreille aux éloges par lesquels elle consacre la science ou la vertu de ses plus nobles en- fants; car, si en commençant cette revue sommaire, nous avons parlé des livres d’or que pourrait former chaque cité, il faut bien se rappeler que ces recueils ne sauraient rester isolés, et que chacun d’eux n'est qu'un chapitre du grand livre d'or de la France. ÉLIAGIN LACHÈSE. LE THÉATRE A DOUÉ. Que l’amphithéâtre de Doué soit d’origine romaine, barbare ou franque, ou, comme je me suis essayé à le démonirer, qu'il date d’une époque relativement ré- cente, il est certain que ce monument, simplement désigné au xvre siècle du nom de Parc-des-Jeux , fut, dès les premiers temps de la renaissance littéraire, un lieu de réunion et de fêtes pour les populations d’a- lentour. Qui ignore le mouvement étrange, qui, non pas tout à coup, ni sans transition, mais, alors plus que jamais , ardent et subit, s'empara des mœurs pu- bliques ? Le théâtre se fait sa place partout, à l’église, dans les châteaux, dans les cours de justice, à tous les coins des carrefours, derrière la chaire et sur les murs mêmes des couvents. Ce n'est pas le menu peuple, ni les mananis des villes qui s’enrôlent dans ces fantaisies inatitendues; les puissanis du jour, les prêlres, les magistrats, les clercs et les bourgeois ayant pignon sur rue, forment troupe pour amuser à leur tour la populace. C’est la grande prédication du temps, la grande école où le peuple apprend en scènes naïves comme lui, l’histoire sainte, les traditions, la légende, la vie du Rédempteur. 129 De ces troupes joyeuses, les unes s’organisaient spontanément dans les villes pour une cérémonie pré- vue; les autres, recrulées plus à loisir, parcouraient les campagnes et les provinces, et s’arrêtaient où leur tente trouvait sa place. A Doué, le centre était tout trouvé , au carrefour de deux routes, sur le domaine même du clergé, principal organisateur de ces fêtes, dans un pays de mœurs faciles, de population répu- tée pour son amour des plaisirs. En 1539, on dit qu'une troupe d’histrions ambulants s’y installa ainsi, et pendant trente jours y donna des représentations, auxquelles on accourait de Thouars, de Loudun et même de Poitiers. Le souvenir en resta longtemps, non pas tout à fait pourtant de délicatesse et de clarté : « De cestuy monde, personne ne prestant, dit Rabelais » (Pantagruel 1. ur. ch. 3), ne sera qu’une chiennerie, » que une brigue plus anomale que celle du recteur ».de Paris, que une diablerie plus confuse que celle « des jeux de Doué. » — Et ailleurs (1. 1v. ch. xur) : « OÔ que vous jouerez bien! Je despite la diablerie de » Saulmur, de Doué, de Monimorillon, de Langès, » d'Espain, d’Angiers, voyre, par Dieu, de Poictiers, » avecque leur parlouère, en cas qu’ils puissent être » à vous parangonez. O que vous jouerez bien ! » A la fin du xvi° siècle, subsistait encore au milieu de d'arène un vaste tumulus rond en pierre coquillère, à surface plane, légèrement inclinée. L'intérieur percé d'ouvertures circulaires et faciles à clore, encadré à chaque coin d'échelles, portant treize degrés, servait sans doule à la fois et au passage des acteurs, et aux divers jeux de la scène. Sur le toit même, de celte chambre s’implantait un mât, d’où 9 130 parlaient des cordes qui, rattachées ‘aux gradins supérieurs, sSuüpportaient un système de tente'pour -abriter les speclateurs. A l'extérieur dé l'enceinte, un mur percé de vingt- cinq portes, enfermait le nouveau théâtre: Dans un coin de l'arène, les chanoïnes, maîtres el seigneurs, s'étaient réservé une place, qu’à chaque représenta- tion , les acteurs étaient tenus de mettre en bon état, et de restaurer à leurs frais. Suivanl Bruneau de Tar- üifume, la belle humeur des Douacins, qui sont gens d'esprit et de bon plaisir, entretint ces fêtes jusque vers 4600, que l'établissement des Pères Récollets à Doué vint les divertir de ces récréations, dit-il, par trop comédiennes, L’habitude, au moins, aidée par la mature, ne tarda pas à reprendre le dessus. Les re- gistres du chapitre de Saint-Maurice , dépouillés par Brossier, atiestaient qu'on y avait représenté long- temps encore des tragédies, dont la mode, depuis Jodelle, avait remplacé celle des Mystères: Les trois documents suivants, en précisant une date qui pa- raîtra étrange , donnent des indications curieuses. « 23 mai 1634. » À Monsieur le lieutenant-général de Monsieur le senes- ».chal d'Anjou, Angers. » Supplient humblement les doyens, chanoïnes et » chapitre de l'Eglise d'Angers, el vous remonstrent » que de leur fief et seigneuri de Douces, qui s’extend . » dans la ville de Doué et'aux environs, dépend, entre » aultres choses, ung ancien amphithéâtre, sur lequel » on à plusieurs fois récité des tragédies et comédies, » et faict aultres actions publiques , mais cela ne! s’est 131 » Jamais pralicqué qu'après leurs en avoir démandé » la licence et permission, parce que ledict amphi- » théâtre leurs apartient et est au dedans de leur fief, » et sans leurs avoir faict voir auparavant les tragé- » dies et comédies qu'on vouloit réciter, ce qui s’est » ainsy practiqué pour diverses raisons, et principa- » lement affin qu’en leur fief et ce qui leur appartient, » qui dépend de l'Eglise, il ne fust représenté quelque » chose qui fust contre l'honneur de Dieu et de son » Eglise, et qui peust tourner à scandale; au préju- » dice desquels leurs droits et posessions, ils ont apris » que quelques habitants de ladite ville de Doué veu- » lent représenter ces festes de Pentecoste prochaine » une tragédie sur ledit amphithéâtre, sans leur avoir » faict veoir ny demandé permission , à quoy ils dé- » sirent s’opposer, comme de faict ils s'y opposent. » Ce considéré, mondit sieur, et attendu ce que » dessus vous plaise ordonner les particuliers qui veu- » lent représenter ladite tragédie, estre appellés par » devant vous, à certain brief et compétant jour et » heure, pour veoir dire qu'ils ne pourront représen- » ter aucune comédie ou tragédie sur l’amphithéâtre, » qu'après leurs avoir demandé congé et permission » de le faire ; et après les leurs avoir représentées pour » les veoir et examiner s’il y à quelque chose qui » puisse aller contre l'honneur de Dieu et de son » Eglise, ou contre la foy et religion catholique, apos- » tolique et romaine, ou qui puisse tourner au scan- » dale des particuliers, et cependant leur faire deffense » de rien faire au préjudice de l'instance et vous ferez » justice. | » Veu la requête cy-dessus, ordonnons, aux fins 132 » d’icelles, les parties estre appellées par devant nous, » à certain brief et compélant jour, lieu et heure, et » cependant leurs avons faict et faisons deffenses de » rien faire au préjudice de l'instance... Donné An- » gers, par devant nous, lieutenant-général susdit, »‘juge conservateur des priviléges royaux de la garde » gardienne audit lieu, le 23° jour de may 1634. » Le mercredi, 24° jour de may 1634, à la requête » desdits sieurs de l'Eglise d'Angers, j'ai, la requête » et ordonnance cy dessus signiffié et faict asscavoyr » à chacun de M° Gatien Hervé, parlant à sa fille, qui » a dit que son père estoit allé Angers trouver lesdits » sieurs de l’église d'Angers; à Jehan Lerreau'par- » lant à son vallet ; à Hillaire Chappron, parlant à sa » femme ; à Jacquet Yvon des Sauges parlant à sa per- » sonne; à Charles Pineau, parlant à sa femme; à » André Guenyveau, parlant à son vallet ; à Joubert, » parlant à sa mère, qui dit son fils n’esire des acteurs, » n’estre au pays et estre allé en Bretaigne, tant pour » eux que‘pour leurs auitres' acteurs. £ » par vertu de lad. ordonnance les ay adjournez G). » Reg en » GATIEN HERVÉ, licencié avocat. Jen. LEREAU, hosie » de Saint-Jacques, dit Boisvolant. CHAPRON, » dit Prévert. JOUBERT, fils de l'Escu-de-France. » Il paraît que le droit des chanoines fut reconnu sans peine, car trois jours après les habitants qui avaient le projet-en tête se réunissent. et passent l’acte suivant : «Le vingt-septiesme jour de may mil six cent (1) Archives de Maine et Loire. Evéché. Douces. — Aveux, tome XxXVH, fol. 179. 133 » trenle-quatre , avant midy, soubz la cour de la ba- » ronie de Doué, feurent présens personnellement » establiz et deuement soubzmis,, les sieurs Jacques- » Yvon, sieur des Saugiers, Jehan Laireau, sieur de » B...? Hilaire Chapron, sieur de Prévert, Charles » Pineau, André Gueniveau, maître Gatien Hervé, » advocat audit Doué, et maître Pierre Rolland, tant » pour eux que pour leurs consors associés en la re- » présentation des histoires tragicques qui ce doibvent » représenter en ceste feste de Penthecoste pro- » chaine, lesquels de leur bon gré et vollonté ont, » cejourd'hui faict nommé, créé, constitué, establi » etordonné, font,nomment, créent, constituent, esta- » blissent et ordonnent maistre Franc. Lerat, advocat » au siége présidial d'Angers, leur procureur-général » spécial et irrévocable , auquel ilz ont donné et don- » nent par ces présentes plain pouvoir et authorité » Spéciale de se transporter vers Messieurs les véné- » rables doyen, chanoines et chapitre de l'Eglise » d'Angers , pour et au nom desdits constituants pré- » senter l’une ou touttes les pièces et tragédies que » lesdits constituants doibvent représenter dans l’am- » phithéâtre des habitants dudit Doué, lieu de la féo- _ » dalité de mesdits sieurs, ces féries de Penthecoste » prochaine, et les supplier humblement de mettre » ou fere mettre, si il leur plaist, l'aprobation esdites » pièces et tragédies, qu’il n’y a rien en icelles con- » traire à la religion catholicque, apostolicque et ro- » maine, ny contre les bonnes mœurs; les supplier » en oultre d'assister à ladite représentation et les ho- » norer de leur présence ; offrant faire pour cet effet, » construire à mesdits sieurs une chaire au lieu et 134 »endroit antien et accoustumé, ‘ei générailement » fere pour lesdits constituants tout ce qu’un bon » procureur doit et est tenu fere, promettant l'avoir » agréable, ferme , estable ; à quoy fere tenir ce obli- » gent, leur foy, jugement, condampnation. Fait et » passé audit Doué, en notre maison particulière, en » présence de Denis Gibourd , armurier, maître Gille » Rousseau père, les jour et an que dessus. » YVON, ROLAND, LAIREAU, HERVÉ, CHAPPRON, » RoussEAU, BrY notere; GIBOURD (1). » » À Messieurs les doyen, chanoines et chapitre de l'Eglise » d'Angers , » Supplient humblement les manans et habitans de » la ville de Doué, disant que suivant l’antienne cous- » tume de leurs prédécesseurs, ils ont intention de » fere representer, par aulcuns d'iceulx habitans, des » histoires tragiques dans l'amphithéâtre proche la- » dite ville de Doué, et situé dans l'étendue de votre » féodalité et chastelenie de Doulces, ce qu'ilz ne », veulent et n’entendent fere sans avoir au préalable » votre permission et approbation, » Ce considéré, Messieurs, vous plaise octroyer » auxdits supplians ladite approbation et permission. » Et vous ferez bien. » LERAT, pour les supplians , en vertu de procuralion specialle cy-attachée (2). (1) Arch. de Maine et Loire. Evéche. Douces, Domaine, t. u, fol. 82. (2) Archives de Mame et Loire, Ævéche: Douces. Domaines, tome 11, fol. 85. 135 Quoique des témoignages divers ne permettent pas de mettre en doute les représentations dans l’amphi- théâtre de Doné, ces trois pièces, jusqu'ici inédites et inconnues, sont précieuses, étant les seuls docu- ments'originaux qui attestent cettecoutume perdue des bons bourgeois de Doué, ainsi spontanément or- ganisés en société joyeuse pour leur ébattement et celui de leurs concitoyens. À la fin du xvue siècle, sans doute, l'usage n'eut déjà plus permis que de graves avocalis, des notaires établis s’alliassent ainsi à des aubergistes et à des fils.d’hôteliers, même pour fêter les muses tragiques. Bientôt aussi le théâtre allait changer de scènes, et d’autres tragédies, d’autres meurtres plus lamentables que ces poétiques men- songes , devaient ensanglanter larène ; les réactions populaires et les vengeances des passions politiques ont créé à ces caves odieuses d’autres tradilions et d’autres légondes, que je n'aurais point plaisir à ra- conter. Au-dessus de celte boue sanglante et de Ja fumée du combat révolutionnaire, c’est le drapeau de la patrie qui plane radieux, et que mon cœur salue avec amour. CÉLESTIN PORT. TOMBEAU DU BARON DE CHARNACÉ ET DE SON ÉPOUSE JEANNE DE MAILLÉ-BREZÉ, Aulrefois placé dans l’ex-chapelle de Charnacé, commune de Champigné, arrondissement de Segre. (QUELQUES RESTES DE GE TOMBEAU)SONT DÉPOSÉS AU MUSÉE). re ÉPITAPHE (MARBRE). « Haulte et puissante dame Janne de Maïllé-Brezé, » vivant dame de Saint-Martin de l’Ars et Vernon en » Poitou, après 15 mois seulement de mariage avec » hault et puissant Hercules de Charnacé, le predeceda » l'an MDCXX. » 2 ÉPITAPHE. « Hault et puissant Hercules de Charnacé, vivant » seigneur de Gastines et du Plessis, chevalier gentil- » homme ordinaire de la chambre du Roy, conseiller » d'état et privé, gouverneur de la ville de Clermont » en Ergonne , maître de camp d’un regimeni de pié » et cavalerie legere entretenus ès-armées de Sa Ma- » jesté et son ambassadeur vers les provinces unies, » tué au siege de Breda l’an MDCXxXvVII. » Ces deux inscriplions sont aujourd’hui dans une chambre de la métairie de Charnacé. L’on voit une curieuse voûte lambrissée en bois, portant la date de 1572. Un autre partie de ce logis (portail de la grange)a pour date 1575. V. GODARD-FAULTRIER. SOUVENIRS PITTORESQUES , SCIENTIFIQUES , ET. ARTISTIQUES D'UN VOYAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE EN OCTOBRE 1854. I. — De Paris à Lyon. La ceinture de pelites villes et de riches châteaux, de collines boisées et de frais vallons, qui entoure . Paris, une fois franchie, rien de monotone pour le voyageur qui, par le chemin de fer, se dirige vers Lyon, comme le pays qu'il lui faut traverser avant d'atteindre la Bourgogne. Là toute végétation arbo- rescente s’est effacée pour faire place au peuplier py- ramidal, dont les phalanges serrées s'étendent de toutes parts en rideaux interminables, avec une si déplorable régularité, que la nature, terre et arbres, semble, docile esclave, s'êlre courbée sous le joug 138 inflexible de la ligne droite et du niveau. Ne cherchez donc plus cette variété pittoresque que donne ailleurs le grouppement des formes arrondies des arbres des forêts et des bords des fleuves , non plus que ces ra- vissants contrastes des teintes diverses de leurs feuil- lages.Ce ne sont ici que d’éternelles colonnades d’une verdure toujours la même, profilant à l'horizon leurs denis aigues et emprisonnant le paysage au milieu de leurs maigres pyramides. Ce n’est guère qu'au voisinage de Dijon, là où le pays commence à s'accidenter, que l’on reconnaît enfin que le peuplier ne l’a pas irrévocablement con- fisqué à son profit et que, jaloux comme un Italien qu’il est, il n’est pas toutefois parvenu à expulser du sol indigène le chêne gaulois, cet emblème antique et sacré de la force et de la durée. En même temps qu’apparaissent ainsi d’autres arbres, la campagne se peuple aussi de plus d'habitations. Le sol se mame- lonne ou se creuse en vallées, les vignobles se multi- plient et grimpent de tous côtés aux flancs des col- lines. Puis se montre la Saône, cette Maine de l'Est, promenant ses eaux lentes et bleues au pied des co- eaux entrecoupés de vergers, de rochers et de riantes maisonnettes, qui bordent la rive sur laquelle court le rail-way. Sur la gauche, au-delà de la Saône, la vue s'égare dans d'immenses plaleaux culiivés, qui n'ont pour, bornes apparentes que les ondulations azu- rées des hauteurs de la Besse ou de la Franche-Com- té, tandis que vers la droile, le terrain se souleyant de plus en plus, la colline, humble d’abord, ne tarde pas à prendre des proportions plus grandioses el finit par se faire montagne. Une: sommité do- 139 mine tout cet amas de cônes écrasés à mesure que l’on pénètre dans le Lyonnais, et le voyageur curieux apprend que c’est Limonest , le Mont-d'Or de Lyon, connu des gourmets par ses délicieux fromages, et dont Mont-Ceindre, l’un de ses trois sommets, par la riche végétation de ses versants est depuis longtemps célèbre parmi les botanistes. Enfin le rail-way s’engouffre dans l’un des plus longs souterrains que l'homme ait creusés au travers des montagnes, et l'on ne revient, à la lumière que pour descendre à la porte de Lyon, au bord même de la Saône, encaissée en cet endroit entre de hautes collines, dont les pentes abruptes sont merveilleuse- ment tapissées et comme marquelées d'un fouillis d'arbres, de pointes de rochers et d'habitations aé- riennes. La nuit avait commencé à se faire aussitôt notre arrivée, et elle était déjà close lorsque l’omnibus nous eût transportés, à travers d’affreux cahots, à la place Belle-Cour où nous prenions gîle. Force fut donc de remettre au lendemain noire visite de la ville. Je profiterai de ce temps d’arrèt pour placer ici quelques observations qui se rattachent aux races bovines françaises ; observations auxquelles cerlaine- ment je ne voudrais pas qu'on accordât toute la valeur d’un fait démontré, mais qui, telles qu’elles me sont apparues , me semblent cependant offrir un certain intérêt , ne fût-ce que comme des jalons plantés pour des études subséquentes. Dans le trajet de Paris à Dijon , j'ai pu suivre une race de bétail qui m'a paru avoir tous les caractères principaux de Ja race dite Mancelle, à laquelle se 140 rattache une partie des races normandes. Ces carac- ières , tels que je les ai définis dans deux mémoires de 1847 et 1852, sont les suivants : « Cornage relati- » vement gros et court, souvent verdâtre ; mufle cou- » leur de chair ; pelage normalement pie-rouge, ab- » sence de poils noirs sur la têteet les extrémités; » si l'examen fugitif que j'ai pu faire ne m'a pas trompé, cette race, si bien caractérisée, occuperait ainsi une zone en demi-cercle, ayant son point de départ vers la frontière de Bretagne etsa terminaison en Bour- gogne. Au-delà de Lyon celte race a totalement disparu, pour faire place à une race bien différente et ayant la plus grande similitude avec la race dite Bretonne. Leurs caractères communs, qui sont ceux que j'ai assignés à la Bretonne dans les Mémoires précités , sont : « des cornes généralement fines, blanches et » noires, le mufle noir, pelage monochrome fauve ou » passant parfois au noir, ettoujours mélangé de poils » noirs au voisinage du nez, des yeux, des oreilles, » sur les extrémités thoraciques et abdominales ; et » souvent sur l’épine dorsale. » Un mélange de races de tailles diverses, mais ayant toutes ces caractères communs, peuple Ja vallée du Rhône, la Provence, le Languedoc, la Guyenne, et par le Poitou el la Ven- dée , arrive à la Bretagne où longtemps cette race s’est conservée la plus pure de tous croisements, formant ainsi dans son ensemble, un vaste demi-cercle op- posé à celui que décrit la race à mufle carné, et en- tourant ainsi l’une et l'autre les pâturages montueux du centre de la France. Le plateau montagneux de l'Auvergne aurait lui 141 aussi sa race spéciale indigène, l'Auvergnate , où Salers au mufle rouge, ni noir, ni carné; au pelage rouge-ardent ordinairement uniforme ; à la taille éle- vée, portant haut la tête, puissante de cornage et remarquable entre toutes par le cercle coloré qui en- toure ses yeux et lui donne une physionomie étrange. De cetle race bien caractérisée, confinée dans ses pâlurages montagneux , descendent peul-être ces au- tres races équivoques , sans caractères tranchés, qui seraient dues à des mélanges du sang Salers avec les races environnantes, et qui occupent les pays mon- tueux qui s'étendent de l'Auvergne vers la Loire, la Vienne et la Dordogne. La race pyrénéenne participerait , si j'en crois des renseignements dus à M. Patas, vétérinaire à l'Ecole de Saumur, naturaliste distingué et excellent obser- vateur, des caractères de la Bretonne, ce qui explique- rait comme quoi elle paraît aussi peu apte que celle- ci à s’allier convenablement avec le Durham, si rap- proché au contraire de la race Mancelle. Ainsi donc, il nous paraîtrait que l’on pourrait ad- mettre que trois grandes catégories de bêtes bovines se partageraient la France. Une première, que j'appellerai du Nord, ayant pour type la race Mancelle et ses variétés. Une deuxième, occidento-méridionale, dont le type le plus pur serait la Bretonne. Enfin une race montagnarde-centrale, type l’Au- vergnate où Salers. Cette dernière race, à raison de la position excep- tionnelle du pays qu'elle habite, a bien pu rayonner cà et là en dehors, mais elle est, je crois, restée la 142 plus pure de toutes nos races dans la contrée dont elle est évidemment originaire. Ce serait donc la plus antique , la plus gauloise, si l’on peut aïnsi parler. Et, rapprochement singulier ! la race d'hommes à laquelle elle appartient, par les formes du langage, les mœurs. les habitudes, les traits du visage, est elle aussi restée l’une des mieux caractérisées, et ne peut être con- fondue, sous aucun rapport, avec les populations qui l’entourent au nord et au midi. Quant à la race Mancelle, elle n’a pas peut-être le même cachet d’indigénat. Peut-être n'est-elle qu'une race étrangère qui aurait suivi les invasions des hom- mes du Nord, et qui aurait fini par se substituer à une race indigène douée de moindres qualités , ou par F'ab- sorber dans son mélange? Peut-être cette même race a-t-elle aussi suivi en Angleterre la conquête saxonne où normande? Toujours est-il que le Durham , issu d’une race anglaise, a conservé de telles affinités avec la race Mencelle, que j'ai vu dans plusieurs concours les juges les plus compétents, considérer comme des croisements de Durham des taureaux de race Man- celle authentiquement purs de toute mésalliance. Le Durham serait ainsi un trait d'union manifestant la parenté entre la race’ Mancelle et les courtes cornes anglaises. OUI Cette race Mancelle, fortement charpentée, lente et douce, disposée à l’obésité par le repos , moins sobre que les! autres, semblerait donc se rattacher sous quelques rapports physiologiques, avec la race d’hom- mes auprès de laquelle nous penserions qu’on peut pläcér son origine. Du resle elle paraîtrait avoir été cantonnée d’abord dans le Maine et une partie de la © 143 Normandie ; mais c’est à raison de ses qualités supé- rieures, l’une des plus envahissantes. En moins de 50 années , élle à refoulé en Anjou la race bretonne et s'y est présque partout substituée comme bête de travail ét de boucherie, deux qualités qu’elle possède à un haut degré et dont l'alliance est rare. Enfin la troisième grande race, qui aurait son {ype dans lu bretonne proprement dite, se relierait par les Pyrénées avec la racé montagnardé espagnole. Ce se- rait celle qui admettrait le plus de variétés, étant aussi celle qui correspond aux contrées les plus diverses de climat, de sol, de végétation et de populations agri- coles. Mais dans son ensemble, auquel nous avons assigné des caractères communs (au premier rang desquels figure la coloration brune du mufle et la pré- sence des poils noirs sur les extremités), elle est bien circonscrite géographiquement par l'existence d’au- tres races très tranchées, à savoir : au sud, les Alpmes et les Italiennes, au centre l’Auvergnate, au nord: ouest, la Mancelle. N'y aurait-il pas aussi à signaler dans l’organisa- tion de cette race multiple , de singuliers rapproche- ments avec les races d'hommes qui l'ont conservée. N'a-t-clle pas, avec son extrême sobriété, sa taille petite, sa pétulance, son ardeur pour la lutte, son œil plein de vivacité, ses jambes fines et nerveuses, sa démarche aisée, quelque harmonie avec l’organisa- tion physique du maître qui la conduit? et de même que malgré toutes ses variétés, elle peut constituer une vasle catégorie d’une parenté indubitable, n’y a- til pas aussi plus de similitude qu'on ne le suppose généralement entre les hommes de l’ouest et du midi, 144 avec leur visage ovale, leur nez droit ou aquilin, leurs yeux bruns, leurs cheveux d'ébène, leurs membres secs et musclés , leur parler accentué et rapide, leurs gestes multipliés, leurs chants joyeux. et leurs colères, expansives, qu’enire ceux-ci et l’homme du nord ou du centre de la France! Que d'observations à rassembler! que de faits à scruter au point de vue que nousne pouyons ici qu'in- diquer! quels rapprochements et quelles déductions fécondes peut-être pour l’histoire de nos origines ne pourrait-on pas en espérer ? et surtout si. l’on; accom- pagnait les éludes physiologiques de celle des procédés et des instruments agricoles, deux choses en quelque sorte primitives, contemporaines, du moins on doit le croire, de la formation des divers centres entre les- quels se sont réparties les populations primitives de nos contrées, et choses restées, sauf depuis un siècle peut-être, dans la pratique exclusive de la partie des populations le plus intimement attachées à la glèbe natale, les plus ignorantes et les plus routinières et par celà même aussi, les plus aptes à conserver intactes ces traditions agricoles qui ont leur source au berceau même des vieilles civilisations. Mais le temps est pré- cieux, qu'on se hâte ! Le chemin de fer est là que nul obstacle terrestre n'arrête et avec lui arrive, ardente à son œuvre, la civilisation moderne passant un im- pitoyable niveau sur tout ce qui peut saillir encore pour altester l’individualité des antiques nationalités qui s'étaient partagé le lerritoire des Gaules. 145 IL. — Lyon. — Coup d’œil rapide sur la ville et les musées. Lyon, par la foule compacte, pauvrement vêtue, empressée et sérieuse, qui s’agite par flots dans son sein, a cet aspect animé, mais plus ou moins souffrant des grandes villes manufacturières. L'extension qu'ont prise ses faubourgs, a renlermé dans sa vaste enceinte le Rhône et la Saône. Une partie des bois qui cou- vraient jadis les collines environnantes, les plaines humides des Broteaux, Perrache, la Saulée d’Oullins, lieux cilès si souvent par les botanistes lyonnais du commencement de ce siècle, ont disparu pour faire place à une ville nouvelle. L’étranger, en pénétrant dans la vieille ville, est désagréablement frappé du peu de largeur des rues qui, jointe à l'élévation considé- rable des maisons, les rend humides et sombres. La place Belle-Cour, vaste rectangle bien bâti d’ailleurs, n’en paraît que plus grande et plus belle. A son extré- mité méridionale, une rue, celle-ci d’une longueur énorme, la met en communication directe avec le quai du Rhône, et au côté opposé les regards sont atti- rés par le magiqne spectacle d’une haute montagne d’une couleur suave, toute tachetée de maisons et de verdure, au sommet de laquelle pyramident dans les airs une chapelle et son clocher. C’est Notre-Dame de Fourvière, qui de tous côtés qu’on lève les yeux dans la ville, semble toujours planer sur elle et la couvrir de sa protection. Il faut traverser la Saône pour s’y rendre et l’ascen- 10 146 sion est longue et rude, mais on oublie toute la fatigue et l'ennui des longs escaliers qu'il a fallu gravir quand on arrive à l'observatoire élevé près de la chapelle. Un immense panorama vous entoure ; à l’ouest et au nord et à vos pieds, une infinie variété d'accidents de ter- rain , coteaux boisés de la Saône, fonds ondulés et montagneux fuyant vers le Forey. Puis vers l’orient la ville immense et un plat pays qui ne paraît avoir d’autres bornes que la chaîne des Alpes, dont on dis- tingue les pics et particulièrement le Mont-blanc avec ses neiges rosées. Après une heure écoulée rapidement dans la con- templation d’un spectacle dont rien dans l’ouest de la France ue peut donner une idée, il fallut descendre à la ville pour visiter les monuments publics. Je recommanderai sous le rapport architectonique, et comme sortant des données ordinaires de nos édi- fices français, le magnifique Hôtel-de-Ville de Lyon, qui bien que bâti sous Louis XIV sent son vieux siyle italien, à la fois majestueux dans l’ensemble, riche, varié et gracieux dans toutes ses parties. Je ne pus m'arrêter à le considérer que le temps nécessaire pour l’admirer comme une création à part; pour moi (mais notez bien que je ne prétends parler que de mes im- pressions personnelles), pour moi, dis-je, c’est après le vieux Louvre, le seul monument moderne qui, en dehors des édifices religieux, m'ait montré ce qu'il peut y avoir de poésie et d'imagination dans les œuvres architecturales. ; Sur la même place, comme contraste et contraste instructif sous plus d’un rapport, s'élève en face de l'Hôtel-de-Ville le Théâtre, qui serait un monument 147 remarquable s’il ne rappelait pas tous les théâtres mo- dernes de France, par son péristyle grec, ayant toute la sécheresse, la simplicité indigente et la roideur géométrique de ces sortes d'édifices. C’est bien là le triomphe de la ligne et de l'angle droits dans leur nudité native, et voilà bien le style grec tel que l’a voulu faire l'école française, mais non pas tel assurément que bientôt nous le montrera la maison carrée , laissant, lui aussi, une large part à l'imagination et à la fan- taisie des détails, et ciselant des plus riches et des plus élégantes broderies les membres de son architecture, tout en respectant la pureté des lignes générales, qui restent alors seulement comme la synthèse des- tinée à relier les parties d’un si magnifique ensemble. J'avais hâte d'arriver aux Musées et jé vis avec plaisir que la ville de Lyon, comme la nôtre, avait eu l’heu- reuse idée de les rapprocher tous dans un même édi- fice, le Palais des beaux-arts, construit pour cette destination spéciale. C'est une économie de temps et de fatigue , dont partout le touriste doit savoir gré aux villes. D'ailleurs ce rapprochement des sciences et des arts, plus rationnel qu'on ne le pense généralement, est encore avantageux quant à l'étude. Il est, en effet, plus d’un point de contact entre les différentes branches des sciences et des arts, et il est également peu d’es- prits qui en cultivant les unes, ne soient disposés à faire des excursions dans le domaine des autres. On peut même dire qu'en province, où les objets d'étude sont rarement assez multipliés pour satisfaire à l’acti- vité de certains esprits, les hommes curieux de savoir sont forcément conduits parfois des sciences vers les beaux-arts. Quant aux bibliothèques, lorsque les mu- 148 sées des sciences et des arts sont éloignés entr'eux, on ne sait plus vraiment de laquelle de ces deux caté- gories il serait préférable de les rapprocher; car si les musées des sciences naturelles sont lettres closes sans . les enseignements qui ne peuvent se puiser que dans les livres, les collections des beaux-arts, de leur côté, trouvent leur complément indispensable dans une foule de traités et d'ouvrages de luxe, qui ne peuvent- être confiés qu'aux bibliothèques. Or, comme en pro- vince c'est déjà beaucoup que de posséder une seule bibliothèque qui soit suffisante, celle-ci doit donc forcément servir de lien commun à tous les établisse- ments qui ont les arts comme les sciences pour objets et exige impérieusement leur rapprochement. Nous ne saurions trop féliciter la ville de Lyon, d’avoir eu dans son administration des hommes qui aient si bien compris la nécessité de rapprocher des éla- blissements dont le vulgaire ne sent pas les rap- ports obligés, et qu’il voudrait souvent désunir par celà seul qu’à Paris ils sont séparés, sans songer que s’il en à pû être ainsi dans la capitale, c’est parce que chacun de ces établissements avait une individualité assez puissante pour se compléter dans son isolement et se suffire à lui-même. Les bâtiments des musées forment un immense parallélogramme-rectangle, ayant la façade d’un de ses grands côtés sur une place. Une vaste cour est au cenire, entourée d’un cloître avec arcades en plein ceintre sous lequel sont disposées toutes les antiquités lyonnaises qui par leur volume ne pourraient trouver place dans des salles; les monuments y sont classés par époques. La gallo-romaine y est représentée par un 149 nombre considérable d’autels votifs, tombeaux en pierre, frises, chapiteaux, etc., avec une incroyable quantité d'inscriptions. Malheureusement pour me gui- der au milieu de cet amas de richesses archéologiques, je n’avais ni livret, ni cicérone, et ne pus examiner avec tout l'intérêt qu'il pouvait comporter que le magnifique autel taurobolique dont la description m'était depuis longtemps connue. C’est un monument bien conservé de tous points et ayant sur bien d’autres l'avantage que sa destination ne peut être équivoqgne pour quiconque a quelque peu étudié et sait voir. L'inscription apprend que ce fut par ordre de la mère des dieux idéenne que fut fait le sacrifice pour la santé de l'empereur Antonin le-Pieux , et sa familte el l'état de la colonie lyonnaise. Cet autel fut découvert en 1705, sur la montagne de Fourvière. Le choix qu’on avait fait, pour désigner Cybéle, de l’épithète idéenne, parmi ses vingt autres noms, serait-il une allusion à ce que la grande déesse était adorée sur cette montagne de Fourvière, ce qui se pourrait d’ailleurs inférer du lieu même de la décou- verte du monument ? L’adoration de la mère des dieux du paganisme y aurait-elle donc ainsi précédé celle de la mère du fils du Dieu des chréliens? et s’y serait-elle prolongée jusque vers J'année 160, que régnait Anto- nin-le-Pieux ? C’est contre la muraille du fond du cloître, au vis-à- vis de chaque arcade, que tous ces resies antiques sont placés aussi symétriquement que possible, par groupes de forme pyramidale, dont chacun supporte à sa partie supérieure deux ou trois amphores antiques en terre cuite et de grande dimension. Ces arcades, que je n’ai pas comptées, doivent approcher de 60 à 150 70. Les grandes amphores surpassent de beaucoup ee nombre. Les musées et la bibliothèque sont au premier étage et communiquent intérieurement. La terrasse qui est supportée par les cloitres, leur sert en outre de moyen de communication extérieure. Nous entrâmes d’abord dans le musée de peinture. C'est une vaste et unique galerie, éclairée d’en haut, an bout de laquelle est un salon carré occupé par de vieux meubles et quelques tableaux Me par leur date reculée. La galerie renferme quelques bonne toiles de l'E- cole italienne, entr'autres un admirable Pérugin et un Zurbaran, mais l'Ecole française n'y est pas suf- fisamment représentée. L'aspect général n’a rien d’attrayant. L'ordre, un classement méthodique, sont d’ailleurs des conditions essentielles dans tout ce qui est collection. Ce qui m'a paru le plus digne d'intérêt ce sont de belles mosaïques placées au centre de cette salle. Après avoir traversé le petit salon carré, on passe dans une seconde galerie en relour, consacrée exclu- sivement aux peintres lyonnais. J'avais, dans divers journaux, vu vanter comme une heureuse innova- tion cette consécration d’un lieu spécial aux œuvres purement locales : j'avoue que je n’ai pas partagé cette opinion en visitant cette galerie. Je sais que Lyon a eu un jour la velléité de faire Ecole dans la grande Ecole française, maïs vraiment l’ensemble des pro- ductions qui sont rassemblées ici est bien peu propre à motiver cette prétention de la seconde ville de l'Empire. L’inspiration et la science de la composition paraissent surtout faire défaut aux artistes lyonnais. 151 Le nombre des tableaux est grand sans doute, et il en est certainement qui ont une valeur assez marquée pour être appréciés partout ailleurs, mais il faut avouer que ceux-ci sont bien peu nombreux. Quant au reste, à peine s’il atteint au médiocre, et il nuit conséquemment beaucoup, par son voisinage, à ce qu'il peut y avoir de bon. Les arrangeurs de collections ne savent pas assez, ce nous semble, qu'il en est un peu des tableaux comme des hommes : ils perdent considérablement au contact de la mauvaise compa- gnie;, au lieu d'y briller, comme on pourrait le croire, par le contraste. Je trouve, en résumé, malheureuse celte idée d'avoir exposé ainsi le bilan de l'Ecole lyonnnaise, si tant est qu'il existe une Ecole lyon- naise : il y a là dedans pauvreté et vanité; c'est certes la pire de toutes les alliances. J'ai été du reste quelque peu surpris de la vulgarité prétentieuse de la plupart des tableaux de fleurs, qui sont ici en grand nombre; car, à raison de la direc- lion naturelle imprimée aux arts du dessin dans une ville dont la principale industrie va chercher ses plus riches et ses plus fréquentes imitations dans le règne végétal, beaucoup d’artisies doivent s’adonner à ce genre de peinture. Mais peut-être aussi que l’art a perdu quelque chose de son élévation pour s'être fait métier ? Passons au cabinet d'histoire naturelle. Je n’ai pu voir la minéralogie, qu'on dit très satisfaisante et qui doit avoir beaucoup d'intérêt, si le directeur a eu le bon esprit d'y comprendre spécialement la Géologie du Lyonnais, dont les richesses sont depuis longtemps connues. Je ne vis donc que la galerie du règne orga- 152 nique animal. Elle est divisée en plusieurs sections transversales par des demi-cloisons, qui multiplient les façades pour le placement des objets. Les quadrupèdes , parmi lesquels je remarquai avec intérêt un castor du Dauphiné, l’un des derniers repré- sentants de la vieille Faune des Gaules et qui a survécu aux Aurochs et peut-être aussi au Lynx, les quadrupè- des, dis-je, comprennent un grand nombre de genres et d'espèces et forment , sous ce rapport. un ensemble instructif. Les exotiques, bien entendu , y sont nom- breux et atteslent ainsi la munificence de la ville pour ses collections, car ces animaux sont généralement de haut prix. Il est fâcheux qu'ils laissent aulant à désirer par leur montage et leur conservation. La collection ornithologique, elle aussi, a la pré- tention de viser à l’universalité. C’est un pêle-mêle fort incomplet , et il n’en peut guère être autrement, d'espèces exoliques et indigènes. Soit manque d’es- pace, soit toute autre cause, celles-ci, qu’il importe le plus de connaître, y ont trop peu de représentants. Je n’ai vu aucune famille, aucun genre même qui présentât des séries un peu développées. Ce n’est donc ni un ensemble suivi de genres, ni des monographies qu'on trouve là. Je ne parle ni de la préparation , ni des soins d'entretien : ce n’est satisfaisant sous aucun de ces rapports. Par une de ces excentricilés qui pourrait avoir son analogie dans les prétentions de l'Ecole lyonnaise de peinture, les vertébrés sont classés ici suivant une méthode dont on n’a pu me faire connaître les prin- cipes, mais qui serait, paraîtrait-il, basée sur la con- figuration du cerveau. A la vérité, m'a-t-on dit, le 153 directeur, auteur ou promoteur de cette méthode , est un médecin, savant anatomiste. M. Josse, lui, était orfèvre, et l’on ne s’étonnait pas qu'il voulût, quoi qu’il en fût, placer sa marchandise. Inutile d’ajouter que, comme l'esprit de ténèbres, cette méthode a subhsti- lué le désordre et la confusion à l’ordre naturel, qui par la nelteté de ses enchaînements et de ses déduc- lions, parle aux yeux et aide si puissamment à l’é- tude matérielle et philosophique des êtres. Certes la méthode dont les Linnée et les Buffon tracèrent, en suivant les routes si opposées de l'analyse et de la synthèse, les premiers linéaments , et que les Cuvier et les Charles Bonaparte ont irrévocablement formu- léc ; cette méthode, fondée surtout sur les organes de la nutrition et de la locomotion, ces deux grandes fonctions de premier ordre dans l’animalité, toujours perceptibles d’ailleurs que l'animal soit vivant ou empaillé; cette mélhode aura toujours pour elle la facilité pour l'étude et l'évidence des rapports qui en découlent pour constituer l’ordre naturel. Je trouve- rai d’ailleurs toujours fâcheux que dans des établis- sements consacrés à l'instruction publique, on ne mette pas constamment la classification en complête harmonie avec les méthodes généralement adoptées par le monde savant. Les autres classes des vertébrés sont très restreintes et ne comprennent pas même la Faune locale. Quant aux invertébrés, les mollusques, bien nom- més d’ailleurs, sont peu nombreux. L’entomologie se serait, paraît-il, grandement enrichie depuis quel- ques années par des dons et des achats ; mais je n'ai pu visiter ces collections , car je ne suppose pas que 154 ce soit ce que j'ai vu exposé dans le cabinet. Peul-être, comme à Paris, les a-t-on soustraites aux regards du public, sous un prétexte de conservation qui, mal- heureusement trop souvent, tend à monopoliser au profit de quelques-uns les moyens d'étude. Toujours est-il que, ignorant alors leur existence, je ne pus demander à les voir. Lorsque je sortis du Musée, il restait encore quel- ques heures de jour, et je les employai à visiter d’a- bord le palais de justice puis l'hôpital, édifices d’un beau style et de dimensions presque colossales. Je vis aussi les larges quais dont on a encaissé le Rhône et la Saône. Ce sont sans doute de beaux ou- vrages d'art qui, pour le fleuve surtout, ont dû pré- senter aux ingénieurs des difficultés à vaincre, et dont j'avais conséquemment beaucoup entendu par- ler, mais malheureusement ce genre de construction n'offre rien à l'imagination, peu à l'invention et af- fecie toujours la même physionomie. Tous les quais se ressemblent , ainsi que leurs cales ou leurs rampes: c’est toujours, en tous pays, l'éternelle ligne droite, qu'elle soit perpendiculaire, honrizoniale ou incli- née, qui est la génératrice de la forme. Moi je ne prise les quais que comme les cadres, lorsqu'il y a un tableau à renfermer dedans; or à cet égard le Rhône ou la Saône n'avaient rien de bien saisissant à me servir. Ils sont pauvres, sous le rapport du nombre et de la forme de leurs bateaux, auxquels, au point de vue pittoresque, je me souviens d’avoir autrefois en- tendu le peintre des rivières, Dagnan, comparer la navigation de la Loire et de la Maine. Il s’extasiait, ce dessinateur plein de goût, devant nos antiques cha- 155 lands, avec leur nez relevé, le triangle insolite de leurs grands gouvernails et leurs immenses voiles carrées, et se plaisait à leur contraste avec le svelte accéléré aux huniers échancrés, création élégante de la balellerie nantaise. Ces bateaux, vus de trois quarts, lui donnaient des raccourcis dans la courbure de leur bordage, qu'il prétendait n'avoir trouvé nulle autre part aussi heureux. Parmi les établissements publics, restait encore le jardin botanique, mais je ne pus être tenté de pro- longer rnon séjour pour le visiter. Je savais le triste état de décadence où il était tombé. Vainement la ville avait-elle voulu autrefois lui donner une importance en harmonie avec les études des naturalistes lyon- nais, en appelant à sa direction le Genevois Seringe. Le botaniste des saules s’est fait pomonomane, et en vieillissant s’est attardé dans les sentiers de la science. Les travaux horticoles, confiés à un enfant de l’An- jou, Hamon sorti autrefois de notre Jardin des Plan- tes, ont été ensuite négligés lorsque l’on est venu à le charger de la surveillance et de l'entretien des pro- menades publiques ; de sorte que sous tous les rap- ports, cet établissement ne sort guère de l'insigni- fiance de beaucoup d’autres du même genre. Rien donc ne m'engageant à demeurer plus long- temps à Lyon, je résolus de m’embarquer le lende- main matin sur le steamer du Rhône. 156 LIH, — Le Rhône de Lyon à Valence. — Avignon. — Arrivée à Marseille. Après y avoir passé une seconde nuit, je quiltai Lyon par une froide matinée , un pâle soleil et un vent piquant qui soufflait par rafales entremêlées d’averses, et m'embarquai sur un de ces steamers du Rhône, d’une longueur et d’une étroitesse exceptionnelles : il les faut ainsi pour naviguer dans les passes étroites de ce fleuve torrentueux, et pour pouvoir en effectuer la remonte contre un courant qui surpasse en violence celui de la Loire dans ses jours de colère. Les bords du Rhône ont un aspect sévère, grandiose, imposant, mais généralement triste et dépeuplé qui ne permet de les comparer sous aucun rapport avec ceux de la Loire. On ne retrouve là en effet ni ces côteaux couverts de bois de chêne et de châteaux élégants, ni cet enchaînement d'îles verdoyantes qu’enlace de ses bras le grand fleuve français, toutes peuplées de blanches maisons aux toits bleus, toutes parées de fleurs comme en un jour de fête; non plus que ces groupes puissants de peupliers noirs et de saules argentés, si pittoresquement projetés au travers des pâturages immenses et des vastes et odorantes chéne- vières. Le fleuve, enfant sauvage des glaciers de la Suisse, n’a pas non plus pour lit cette couche moël- leuse de sable fin et doré, ces grèves polies, sur les- quelles se déroule en rubans écumeux, la double vague que le sillage de nos vapeurs étend à leurs côtés comme deux ailes bruissantes. Ici le silex est encore galet, 157 comme au creux du torrent des montagnes, et les villes riveraines de Lyon à Arles, peuvent y puiser d’intarissables matériaux que la nature tient tout pré- parés pour leur rude pavé. Les deux rives du Rhône sont d’ailleurs fort dissem- blables. La droite, jusqu'à Valence où s'arrêta notre navi- gation, est bordée de collines élevées et de montagnes dont les pentes inférieures sont couvertes de vignobles renommés. À leur pied une bande de terre végétale, plus ou moins élroite, y dessine un rivage dénudé comme le reste, et sur lequel apparaissent seulement çà et là quelques pieds de saules et de peupliers dévastés et courbés par les ouragans. Les sommilés rocheuses de ces montagnes veuves de toute végétation forestière et de plus privées, à ce moment de l’année, de toute autre verdure, sont colorées fortement de teintes variées passant du jaunâtre au rougeâtre, et dénotent une formation calcaire, tandis que la configuration de sommets plus élevés, qui se voient de loin en loin aux ‘ derniers plans de l’horizon , semblerait révéler la pré- sence d’une zône de dômes volcaniques : je ne parle ici bien entendu que d’apparences. Parfois il se fait des échappées de vues qui pénètrent dans ces massifs de montagnes et présentent des changements de décora- tion inattendus ; apparitions magiques qui surgissent et s’évanouissent avec la rapidité de la vapeur qui vous emporte. Sur la rive gauche du fleuve, la scène n’est pas la même. Presque au sortir de Lyon et pendant la plus grande partie du trajet, ce ne sont que des côteaux écrasés qui suivent le Rhône à peu de distance, et au 158 flanc desquels le rail-way s’est tracé son sillon de bruit et de fumée. À ces côteaux plus ou moins em- bordurés d’arbres et de buissons, succède un plat pays, la plaine du Dauphiné, féconde et plantureuse, ceinte de hautes montagnes que domine de toute sa hauteur et son étrangeté la masse du Grand son. Les relations que dans ma jeunesse j'avais lues de la Grande- Chartreuse, avaient laissé dans mes souvenirs des traces si neltes de ses aspects généraux , que je n’eus besoin de personne pour mettre son nom au profil de ce géant, qui semble vouloir descendre des Alpes pour imposer à la plaine. Tout ce pays paraît du reste riche et fertile, mais comme toutes les plaines du monde il ne pourrait racheter la monotonie de ces lignes qu'au prix des arbres qui viendraient les rompre en s’y massant, et ici deux seules espèces, toutes deux esclaves du ciseau, semblent se partager la taveur des habitants : le mürier et le figuier, qui ne quittent plus le voyageur jusqu’en Provence, admettant seulement vers Avignon l'olivier, au privilége de constituer avec eux une sorte de trium- virat végétal, dénué de grandeur et d’idéal, égoïste et exclusif, comme le fut toujours le despotisme des in- térêts purement matériels et mercantiles. Force fût de quitter à Valence pour le chemin de fer, le Rhône qui en ce moment n'était plus guères navigable. Je ne fis à peu près que passer sous les murs d'Avignon où le choléra s'était établi en quittant les bords de la Méditerranée, en me promettant bien d'y séjourner plus longtemps en effectuant mon retour, projet qui ne se réalisa pas; je revins par le Languedoc. Du reste j'appris que le monument le 159 plus remarquable, le Palais des papes, était devenu une caserne, et que pendant l'épidémie on avait dû passer à l’intérieur un badigeon de chaux vive qui n'avait pas respecté des fresques qui en étaient l’orne- ment le plus intéressant. L'ancien mur d'enceinte de la ville , en partie debout , a un cachet de moyen-âge bien caractérisé. Mais ce qui doit attirer le touriste à Avignon, ce sont ses musées scientifiques et artistiques sans rivaux dans cette partie de la France, et il eut été bien inté- ressant pour moi de pouvoir étudier tout ce qu’avaient pû faire pour doter ainsi cette ville d'établissements hors ligne, deux hommes seuls, Calvet et Requien. Celui-ci, connu depuis longtemps de tout ce qui s'oc- cupe de botanique, esprit vif, actif autant qu’instruit, collecteur infatigable et qui est mort à la peine, avait rassemblé de riches herbiers, une riche collection ma- locologique, des antiquités et des tableaux de prix. Il donna tout à Avignon qui lui confia la direction su- prême de ses musées. Calvet, de son côlé, possesseur d’une splendide galerie de tableaux, en dota également la ville ainsi que d’un magnifique hôtel et d’une rente perpétuelle de douze mille francs affectée par fractions distinctes à l'entretien et à l'augmentation de ces éta- blissemenis. Avec de tels éléments de prospérité, com- ment s'étonner que cette ville en ait distancé tant d’autres qui s’imaginent avoir beaucoup fait quand elles ont voté quelques centaines de francs pour le strict entretien de leurs bibliothèques et de leurs musées, sans songer qu’en toute chose ne pas pro- gresser, quand autour de vous tout marche et s’enri- chit, c'est relativement s'appauvrir et décheoir, 160 En voyant ce que ces deux hommes ont pà faire ainsi à eux seuls, pour l'illustration de leur ville natale, n’est-on pas malgré soi conduit à se demander comme quoi de si nobles exemples n'ont pas partout des imitateurs, assurés, en pourvoyant ainsi géné- reusement à l'instruction et aux plaisirs de leurs conci- toyens, d’attacher à jamais à leur mémoire, la dette aussi sincère que flatteuse de la reconnaissance pu- blique? Lorsque tant de fortunes privées vont s’absor- bant de tous côtés et plus ou moins clandestinement dans des œuvres dont l’utilité publique est parfois au moins contestable, comment quelques-uns de ces innumérables donateurs ne viennent-ils pas à diriger aussi leurs munificences posthumes vers les établisse- ments des sciences et des beaux-arts? Certes si le but qu'ils se proposent est bien en effet un but humani- taire, celui de la moralisation et de l'amélioration de l'homme, pourrait-il donc être plus sûrement atteint qu’en aidant au développement des sentiments qui naissent de la contemplation raisonnée des œuvres de Dieu et de celles du génie humain, lorsque celui-ci s’est illuminé d'une de ces rares étincelles par les- quelles Dieu transmet à ses élus, comme une émana- tion ou un reflet de la sienne, la puissance créatrice intellectuelle ? Ces instincts généreux seraient-ils donc moins empreints de charité et d'amour, et moins mé- ritoires en s'adressant à ce qu’il y a de seul immortel dans l'homme, à l'âme, ainsi qu’à l'esprit qui se con- fond avec elle pendant la vie, que lorsqu'ils se propo- sent plus ou moins directement de pourvoir aux besoins et aux souffrances de sa nature physique? Est- ce donc que la charité du Christ s'adressait au corps 161 plutôt qu'à l'âme? Et ne tend-on pas trop souvent à méconnaiître tout ce qu’elle doit avoir d’élevé, dedivin, d’universel dans ses consolations, ses secours et ses prévoyances, en la circonscrivant et la matérialisant ainsi en quelque sorte, au lieu de la provoquer à s'étendre dans les domaines de l'intelligence où brillent pour la raison tant de vives et de célestes clartés ? Toutefois nous nous hâtons d'ajouter quesi Avignon paraît l'emporter sur ses émules du Midi, et peut-être même de l'Ouest, par ses musées , iln’en est pas ainsi pour son jardin botanique qui ne sort pas du médiocre, et c'est avec un certain orgueil que nos compatriotes peuvent reconnaître que comme création pittoresque, comme tenue, comme promenade d'agrément, notre jardin d'Angers ne connaît pas encore de rivaux, ctque, s’il en avait à craindre, ce ne pourrait guère être que dans un avenir plus ou moins éloigné, de la part des grandes villes de Bordeaux et de Nantes, qui ne pa- raissent vouloir reculer devant aucun sacrifice, pour se faire à cet égard nos émules. Qu’on remarque bien toutefois que je n’entends parler ici que de l’aspect et de la tenue horticoles, car sous le rapport scientifique le mérite de pareils établissements se confond trop in- timement avec celui de l'homme qui les dirige, pour n'être pas passager comme l'existence de celui-ci, et pour permettre entr'eux, par celà même, aucune comparaison définitive et permanente à ce point de vue particulier ; c’est ainsi que, par suite de la position qu'occupe son directeur dans la haute science, le jar- din d'Angers, depuis vingt ans, s’est acquis une telle renommée, que Saint-Pétersbourg, Vienne, Berlin, Munich, Turin, Pavie, Genève, etc., s'adressent spé- 11 162 cialement à lui pour les espèces types, comme pour les litigieuses, et qu’en ce moment ilest bien peu de botanistes de quelque valeur, écrivant sur les plantes d'Europe } qui ne veuille ouvrir et entretenir avec ce savant des relations suivies. Du reste, quand nous nous exprimons ainsi, nous ne voudrions pas qu'on supposât que nous pussions méconnaître tout ce que les deux prédécesseurs immé- diats du directeur actuel avaient déjà fait pour placer haut dans l'estime du monde savant cet établisse- ment modèle. Quel rare et précieux assemblage, en effet, que cette succession de trois noms comme. ceux des Bastard, Desvaux et. Boreau ! Bastard, le premier, l’infatigable, l'heureux investi- gateur de la végétation de l'Ouest, jusqu'à lui a peu près inconnue également dans son ensemble et dans ses détails caractéristiques , l'homme au corps et à la volonté de fer et'au coup-d’œil'si rapide et. si:sûr qu'aucune forme végétale ne pouvait lui échapper, à ce point qu’il est bien peu des espèces modernes cons- tatées depuis autour de nous, qu'il n’ait d'avance per- ques etsignalées au moins comme variétés, d'après les vues de la science d'alors ; cet homme enfin, auquel l'envie ne craignit pas à un moment donné, au len- demain à peine du jour où il venait de succomber victime immolée à des rancunes politiques, de con- tester certaines espèces, lorsque les découvertes, tani vantées par.ses détracteurs, se sont presque toutes bornées à retrouver aux lieux mêmes ou dansle voi- sinage des localités par lui indiquées , ces mémesirares espèces dont on s'était complu, avec tant d’amertume, à suspecter la présence. 163 Puis après Bastard M. Desvaux , l'un des fondateurs de la Société d'agriculture d'Angers, fondateur d’un journal botanique qui n’a été ni oublié, ni remplacé, esprit éminemment généralisateur et que de beaux travaux de classification, surtout celui sur la difficile et immence famille des crucifères, posèrent de telle sorte que Pyrame Decandole, dans son Prodromus, se crut obligé de compter avec lui à l’égal de Robert Brown, de même que Alphonse Decandolle, dans sa Géographie botanique, vient encore de le citer avec éloges pour son travail sur les musacées. Ainsi donc il faut reconnaître que pendant un demi-siècle notre jardin a eu ce bien rare privilége de se personnifier dans trois réputations qui, bien qu'ayant chacune un cachet spécial et basées sur des titres différents, n’en ont pas moins concouru suc- cessivement à fonder, soutenir et étendre sa célébrité. Hors Paris et Montpellier, où pourrait-on signaler rien ne semblable? Mais aussi qui peut nous promettre que ces hommes d'élite auront des héritiers dignes d’eux et capables de maintenir cette renommée scien- tifique qu'ils ont ainsi faite à notre Jardin? Et voici précisément comment je croyais devoir dire que je ne prétendais le vouloir comparer aux autres, que par ses côtés en quelque sorte matériels. Je ne sais si l’adoucissement remarquable qui de- puis quelques années s’est fait, dit-on, dans les mœurs des Avignonnais , est dû à l'influence plus ou moins sentie de cet ensemble d'établissements pu- blics dont ils sont si justement orgueilleux ; toujours est-il qu'ils sont devenus, sous le rapport artistique, la population la plus italienne de France, qu'on me permette cette expression, toute hasardée qu'elle soit. 164 Nulle part aussi, relativement au chiffre de la po- pulation, le théâtre ne compte autant de spectateurs habituels. Le directeur est donc du irès petit nom- bre de ceux qui font de bonnes et sûres affaires , et dans cette situation prospére il peut, avec un person- nel de choix, monter convenablement le grand opéra français et les traductions allemandes et italiennes. C'est du reste la patrie et le lieu de retraite d’un homme à qui, sous le rapport de la généralisation de l'instruction musicale, la génération actuelle a bien quelques obligations : Castil-Blaze. On pourrait s'étonner de ce qu’une ville de 40 mille âmes, où, comme dans les villes non commerçanies du Midi, les fortunes sont généralement bornées , pût suffire à alimenter convenablement la caisse d’un di- recteur et à remplir une salle l’une des plus vastes de la province. Mais c’est que précisément pouvant ad- mettre un grand nombre de spectateurs, on a pu abaisser les prix de manière à les rendre accessibles au plus grand nombre dans toutes les classes. On con- tracte aisément l'habitude d’un plaisir attrayant qui ne prend guère sur le temps du travail, lorsqu'en- core il est peu coûteux; et il se trouve alors qu’en payant moins on est disposé à dépenser davantage, et que beaucoup prennent part au banquet, qui au- trement s’en priveraient. Le directeur voit ainsi dou- bler, tripler les recettes sans avoir à élever sensible- ment les frais. C’est du reste le secret du succès de toutes les entreprises à prix réduit. Quand donc notre ville aussi comprendra-t-elle cela pour son théâtre, dont la petitesse contraint l'administration à maintenir les prix au niveau de ceux de ces grandes villes, où une population flottante et désœuvrée assure toujours 165 des spectateurs, qu’une dépense, qui n’est qu’acci- dentelle, ne peut effrayer, quel qu'en soit le chiffre. Un théâtre comme celui d'Angers, ne devant au contraire puiser ses revenus que dans la bourse des habitants , il y a nécessité évidente de mettre par des prix sagement gradués et par un local suffisamment vaste, le plus grand nombre possible de personnes en position d’y apporter leur offrande. Ce n’est que dans ces conditions nouvelles faites à notre théâtre, que nous pourrons espérer d’en pos- séder un qui soit à la fois instructif et moralisateur, car ce double caractère ne se rencontre guère que parmi les ouvrages d’un genre élevé et qui, conséquemment, exigent des interprêtes plus distingués et parlant bien rétribués. Jusque là nous tournerons continuellement dans un cercle vicieux qui, malgré des subventions municipales toujours croissantes mais toujours insuf- fisantes quand l’entreprise n’a pas la vie ensoi, ne peut renfermer que médiocrité au point de vue de l’art, parce qu'il y a toujours menace de ruine au point de vue financier. Nous avions à peine dépassé Avignon que le jour commença à s’éleindre, pas assez Lôt toutefois pour que nous ne pussions remarquer de chaque côté de la route un bizarre assemblage d’aiguilles dolomitiques, monolithes géants, obélisquesnaturels, défiant parleurs proportions la puissance de l’imitation de l’homme, et se maintenant miraculeusement en équilibre sur leur base minée par les éléments, lorsqu'il semblerait que le plus léger ébranlement dût les précipiter sur le chemin de fer qui se rue audacieusement à leurs pieds. À ces blocs de pierre nue et d’une blancheur 166 plus où moins pure, élaient appendues ça et là, eomme ornement, quelques touffes flottantes de plan- tes automnales en fleur. Au-delà de ce point, la nuit se fit, et nous entrâmes bientôt dans le désert de la Crau avec ses horizons sans bornes. Après quelques instants de sommeil donnés à la fatigue, je ne pus que m'apercevoir de la disparition du train dans le tunnel qui recoupe la ceinture des hautes montagnes calcaires dont est entourée la campagne marseillaise. Mais ces ténèbres souterraines étaient si opaques et si glacées! ces bruits du glissement du irain sur les rails étaient si étranges, qu’en revenant à l'air tiède, sous ce ciel constellé des milles feux d’une soirée ptovençale, je fus plus étonné encore de la grandeur et de la beauté placide du spectacle qu'offrait l'im- mense baie phocéenne , aux vagues bleues et assou- pies sur lesquelles se jouait mollement , em mobiles étincelles , le reflet des zônes lumineuses que lesoleil couchant avait laissées comme un souvenir au bord de cette atmosphère calme et pure. L'’embarcadère est iei comme à Lyon, comme presque partout du reste, loin de la ville aux affaires des quartiers populeux, mais on y trouve fiacres et omnibus, et l’on est rapidement conduit aux meil- leurs hôtels, où l'on rencontre des hôtes empressés , attentifs, et une propreté et un comfort qui égalent ceux des meilleurs hôtels du Midi, y compris Lyon, Nimes et Bordeaux, ce qui certes n’est pas peu dire. T.-C. BERAUD. FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE. DISCOURS prononcé le 28 août 1855. AU NOM DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE, à l’occasion de la distribution des prix à l’école municipale des beaux-arts, PAR M. T.-C. BERAUD. Messieurs, Jamais peut-être solennité de la nature de celle qui nous rassemble , ne s’est présentée à une époque plus opporlune pour melire en évidence l'influence puis- sante, manifeste ou occulte, mais réelle, que l’art qui en est l’objet exerce sur toutes ces créations si variées, apanage exclusif des civilisations avancées. Si jamais sans doute aux époques les plus favorisées, on ne vit de plus rapides progrès dans la perfection de toutes les choses qui empruntent leur valeur artistique à la pureté, à l'élégance , à la diversité et à l'harmonie des formes, c'est que jamais peut-être aussi, les arts du dessin, en donnant à ces mots toute leur extension, n’ont acquis une vulgarisation plus étendue. 163 Si donc il a été donné au temps où nous vivons de voir la France, cette terre natale de la délicatesse du goût , demeurer maîtresse du plus.vaste champ clos dans la luite ardente que se livrent les industries rivales de toute la terre, combien l'observateur qui aime à remonter aux causes pour s'expliquer les faits, doit-il éprouver de sympathie, je devrais dire de vive . reconnaissance, pour ces Écoles des Beaux-Arts, qui, disséminées sur toute la surface de l’Empire, sous le patronage des administrations municipales, ont coo- péré à ce grand mouvement de perfectionnement qui, au jour du triomphe, est venu nous étonner par ses résultats. Pour peu donc que l’on s'intéresse à des progrès qui viennent de se produire d’une manière si éclatante, l’on doit désirer de voir cet enseignement s'élever de plus en plus dans l'estime publique et obtenir une place de plus en plus large aussi, dans l'éducation. Et que l’on se garde bien de redouter que l'instruction intellectuelle puisse s’en trouver ou gênée , ou res- treinte. dans son développement. Ne suffit-il pas.en effet d’iuterroger l’histoire pour voir se manifester à toutes les époques une coincidence intime entre le perfectionnement de tout ce qui se rapporte aux arts du dessin et la marche ascendante de l'esprit humain même.vers les régions les plus élevées auxquelles il lui ait été donné d'atteindre. La Grèce n'a-t-elle donc pas-eu son siècle de Périclès, la Rome antique celui d'Augusie; la Rome moderne celui de Léon x et des Médicis, l'Éspagne et les Pays-Bas celui de Charles- Quint, la France celui de Louis XIV, où les produc- lions des arts et celles de l'entendement ont incontes- 169 lablement brillé d’un commun éclat et acquis un dégré de perfection trop simultané pour n'être pas en quelque sorte corrélatif et solidaire. Et ces rapports, d’ailleurs, n’ont rien qui doivent surprendre pour toutes les œuvres qui étant les produits directs de l'imagination et y prenant leur point de départ commun, peuvent arriver à un même dégré de perfection, quels que soient les moyens de manifestation choisis par la pen- sée , parole ou matière... Mais encore ceci peut s’ex- pliquer même pour les progrès que l'esprit accomplit dans le monde des abstractions, si l’on considère que l’idée abstraite n’est en réalité qu’un reflet, une sorte d’épreuve négative, une vérilabte négation même d’un fait positif, ce qui doit faire naturellement que la pratique, l'étude intelligente du fait matériel dans sa réalité et ses apparences, élargit les horizons de la pensée, et par un travail incessant d'analyse tend à augmenter sa puissance et sa portée. "Quoiqu'il en soit du reste de cette explication que nous hasardons de la corrélation de progrès qui a tou- jours exislé entre l'étude des faits matériels qui se fait par la pratique des arts et la marche de l'esprit humain considéré dans toutes ses aspirations même les plus immatérielles, toujours est-il qu'il n’est permis à aucun de méconnaître tout ce dont les sciences d'observation, les arts mécaniques et l'indus- trie dans tous ses travaux, leur sont redevables. Les arts du dessin ne sont-ils pas en effet la véritable langue universelle qu'il est donné à tous de pouvoir parler et comprendre? Nest-ce pas par leur intermé- diaire que la science peut traduire et perpétuer une partie de ses découvertes et les faire parfois passer du . 170 domaine de la spéculation: dans celui de la réalité ? N'est-ce pas. eux qui donnent: un corps à la pensée; par eux que chaque jour pour nous la parole se fait chair? Enfin. n'est-ce pas à leur aïde que:dans..ses innumérables créations, l'industriel peut parvenir à cel idéal de perfection, son rêve de tous les instants, et auquel il arrivera d'autant plus sûrement qu'ilaura plus rationnellement poursuivi l'étude du dessin et se sera ainsi, selon une expressiou vulgaire maïs profon- dément logigue, formé le goût? Le goût! celte appréciation délicate et sûre de la beauté absolue ou relative des objets matériels.et.des produits des arts en général, ce serait une grave erreur, disons-le ici en passant à celle jeunesse qui nous écoute, ce serait, disons-nous , une grave erreur de ne le considérer que comme une faculté plus ou moins instinctive et un simple don naturel que des natures privilégiées apportent avec soi en naissant, Non certes; il ne se développe, ne se perfectionne, ne se mûrit, comme toutes les facultés de perception-que par l'exercice et l'étude, et l'étude du dessin, lors- qu'elle est suffisamment raisonnée, peut seule lui révéler, dans les relations des formes entre elles, ces harmonies et ces antipathies, qui, pour n'avoir nulles règles écrites, nul code formulé, n’en sont pas moins réelles et perceptibles pour ceux qui, par une pratique éclairée de l’art ou même par une observation prolon: gée et réfléchie de la manière dont il procède, ont pu ainsi apprendre à voir, à juger sainement des rapports harmoniques qne certaines formes ont reçues dans/la nature. C’est cette observation intelligente de la forme qui constitue essentiellement, en ce qui regarde les 171 aris du dessin, l'éducation du goût, et elle est aussi indispensable pour apprécier ralionnellement les œuvres de la plastique.et de la peinlure, que l'étude des grands écrivains et des évolutions de leur pensée pour faire juger sainement des beautés et des défauts dans les œuvres littéraires. Ainsi, Messieurs, nous devons donc souhaiter, répétons-le , que cette partie de l'éducation qui se fait à la fois par les yeux et le raisonnement, que l'étude des arts du dessin , se répande de plus en plus abon- damment et puisse pénélrer partout où il y a des intel- ligences aptes à en profiter; et bientôt les progrès vers la perfection dans tous les arts, à tous les dégrés et dans toutes leurs applications, deviendront encore plus sensibles, puisqu'un plus grand nombre d’esprits pourront apporter à la masse commune le tribut de leurs forces individuelles. Qui pourrait mesurer alors l'espace qu'il sera donné à l'homme de parcourir dans cette voie immense ouverte à son activité? Alors, seulement alors, dans cette sphère d'action spéciale où Dieu l’a placé, en lui octroyant le don de créer en quelque sorte au second degré par un remaniement et un emploi nouveaux de la matière, l’homme se montrera complètement à la hauteur de celte puissance qui n’a été donnée qu’à lui seul, et qui le distingue visiblement des autres êtres de la créatiou, bien plus la psychologie a-t-elle pù prétendre, dans les inson- dables mystères de l'intelligence, poser la limite exacte qui la sépare dans l'homme et dans les autres créalures pourvues comme lui de sensalions, et qui n'en différent physiologiquement que par les insen- 172 Sibles dégradations des organes qui servent à leur transmission ! En nous efforçant ainsi, Messieurs, de rehausser l'importance et l'excellence de l’enseignement qui dans notre ville, plus heureuse en cela qu'aucune autre, a trouvé pour interprèle un artiste aussi émi- nent par les qualités de l'esprit que par la pralique de son art, où il n’est connu que par des succès, une pensée de gratitude se reporte naturellement vers l’ad- minisiralion qui à la puissance de cet enseignement technique et direct , a voulu ajouter l'influence salu- taire de la contemplation des œuvres des maîtres, en leur élevant un sanctuaire public digne de les rece- voir. Notre Musée a donc dû subir une entière réno- vation. Des salles, des galeries spacieuses, où la lumière a été intelligemment distribuée, d’une cons- truclion à la fois élégante et sévère, d’une ornemen- tation riche sans exagération, ont élé parfaitement appropriées pour faire valoir {ous ces chefs-d’'œuvre que possédait notre collection de peinture et de sculp- ture, et que le directeur a su disposer de la facon la plus harmonieuse et la plus méthodique à la fois, sans négliger aucune des ressources que pouvaient lui offrir les contrastes pour qu'ils se fissent mutuelle- ment valoir. Aussi ne peut-on trouver matière qu’à un seul reproche ! c’est à raison de l'étendue restreinte du local consacré à la peinture, de nous faire désirer trop impatiemment que des galeries nouvelles s'y viennent ajouter encore, soil pour recevoir les ta- bleaux que le manque d'espace a contraint de consi- gner dans le grand escalier, soit pour les gouaches, aquarelles, dessins el gravures que possèdent nos col- 173 lections, et qui offrent des matériaux précieux ct même indispensables pour les éludes des artistes. Heureusement , Messieurs, que lorsque l’on a pu voir de près tous les obstacles contre lesquels l'adminis- tralion a eu à lutter pendant près de quatre années, avant d'arriver à un si heureux dénouement ; quand a vu ce que le bon vouloir, lorsqu'il est éclairé, a de force en lui pour bien faire, alors que les obstacles qu'il faut vaincre ne sont pas dans des volontés re- belles ; quand enfin l’on considère qu’au contraire, notre administration municipale a cet avantage de ne rencontrer dans celle qui est au-dessus d'elle que les plus vives sympathies pour tout ce qui peut, à quelque titre que ce soit, être un bienfait pour la cité; on peut avoir foi dans l'avenir de nos Musées. Tous ces efforts, Messieurs, dirigés ainsi vers un but commun : la diffusion de l'amour des beaux-arts et leurs progrès, ont été en quelque sorte complétés par une mesure généreuse qui sur l'initiative de l'honorable M. Vallon , notre excellent préfet, prenant un caractère de fixité et se régularisant dans son ap- plication, ne peut avoir qu’une heureuse influence sur les études locales. Dans sa session de 1854, le Conseil général a porté à quatre le nombre des bourses ou pensions pour les jeunes peintres ou sculpteurs qui sont jugés dignes d'aller poursuivre à Paris leur éducation artistique. A la fin de l’année dernière, une commission a été instituée par M. le Préfet pour ju- ger des droits des concurrents à une de ces pensions, qui était vacante, et nous sommes heureux de cons- taier ici que la supériorité incontestable de deux élè- ves de notre Ecole municipale a frappé tous les yeux 174 et a même déterminé plusieurs autres prétendants à déserter le concours. Maïs entre ces deux concur- rents, si le choix pouvait ne pas offrir de sérieuses difficultés quand on ne considérait que la valeur réelle des compositions et la capacité acquise , toute- fois, même pour ceux des juges qui pensaient ainsi, il eut été pénible que les deux concurrents ne profi- lassent pas des mêmes avantages , lorsque pour eux la question d'avenir était si délicate à trancher. Alors, Messieurs, nous ne pouvons proclamer trop haut ce que firent deux amis des arts, deux de nos honora- bles compatriotes : de leur munificence privée, ils offrirent à M. le Préfet de faire pendant un certain nombre d'années , les fonds d’une cinquième bourse, et c'est ainsi que notre département peut compter dans les ateliers de Paris cinq jeunes gens qui en ce moment s'efforcent de créer des successeurs aux grands artistes modernes dont s’énorgueillit notre ville. A la vérité cette année l’une des bourses du Conseil général se trouvera vacante , mais comme il y aura lieu à y pourvoir, nous compterons aïnsi pen- dant quelques années encore le même nombre d’é- lèves à Paris. MM. Brunclair et Hublin, ces deux lauréats que vous aviez distingués lors de la distribution des prix dé l’an dernier, furent aussi les heureux titulaires des bourses nouvelles, et voilà bientôt sept mois qu'ils étudient ensemble dans l'atelier de M. Picot. Ils ont dû, pour satisfaire à une sage prévision de M. le Pré- fet, envoyer des échantillons de leurs travaux ; la commission a pu les examiner, et n’a eu qu’à applau- dir à leurs efforts. Elle a particulièrement remarqué 175 les nombreuses figures académiques à l’estompe et d’après nature, présentées par M: Brunclair, ainsi que ses études d’après les statues antiques. Elle a retrouvé plus développées toutes les excellentes qualités qu'elle avait déjà cru devoir signaler dans cet élève : une étude de plus en plus approfondie de la forme ana- tomique ; une rare intelligence de la distribution de la lumière et de ses effets, qui fait augurer dans le peintre à venir une entente particulière et peu com- mune de la science du clair-obscur, un sentiment prononcé de l'expression morale dans toutes ses nuances et une disposition précieuse tout en con- servant à chaque figure un cachet d’individualité , à la spiritualiser et à lui imprimer surtout une distinc- lion générale qui en tendant à idaliser la forme, ne nuit cependant en aucune façon à une représenta- tion, la plus exacte possible, de la réalité telle que la donne la nature. Evidemment M. Brunclair, par cette étude patiente: et sérieuse, se montrera fidèle aux promesses d'avenir que nous nous plaisions à constater dans ses travaux de concours, et ne déviera de la ligne que lui ont tracée à son entrée dans la carrière les excellents conseils de M. Dauban, et qui resteront toujours pour lui le meilleur guide pour qu'il continue d'y marcher d'un pas aussi égal et aussi assuré. En présence de cette sollicitude qui entoure at milieu de nous l’enseignement des beaux-arts, la commission à laquelle l'administration à daigné con- fier le soin d'apprécier les production des élèves, n’a pu manquer de se pénétrer de l'importance de la mis- sion qui lui était confiée. Elle a pensé qu'il ne lui suf- 176 firait pas, lorsque des vues d’avenir étaient ainsi ou- vertes devant eux, de juger leurs travaux d’après leur stricte valeur, relative ou réelle , mais qu’elle devait encore tenir compte dans les encouragements à dé- cerner, bien que toutefois à un moindre degré, de la partie en quelque sorte intime de l’œuvre, de celle qui révèle à la fois le travail de l'intelligence, la di- rection et la portée dela pensée, appréciation d’au- tant plus délicate qu’elle pourrait plus: facilement prêter à l'arbitraire on à l'erreur, et qu'avant tout nous ne voulions être que justes. C’est donc après avoir ainsi compris notre tâche que nous avons exa- miné les travaux des élèves, et que nous avons cru pouvoir appeler votre attentoin sur ceux quinous ont paru les plus méritants. Mais avant que leurs noms soient proclamés, la commission, Messieurs , a senti le besoin d'exprimer ici combien elle a été satisfaite de constater que l’en- seignement s’élait maintenu à ce niveau élevé qu'elle avait précédemment signalé ; et même qu'il. s'était élargi encore , sur la: demande ‘du directeur, part la création d’une division spéciale d'architecture pro- prement dite. Cette division , qui comprend une des applications les plus utiles et les plus usuelles du des- sin aux choses de la vie réelle, a été placée sous la surveillance accessoire d’un architecte de notre ville, M. Bibard, qui a puisé sous les meilleurs maîtres de Paris la théorie de son art, a müûrison goût par l'expérience et la pratique, et dont maintes fois on a pu, en diverses circonstances, apprécier le remar- quable talent dans le dessin au lavis. Les ouvrages exposés par MM. Dubois, Rochepeau , Harion et Ro- 177 sat, prouveront mieux que nos paroles ce que l’on doit attendre de cet enseignement complémentaire. La tâche que s’est imposée le rapporteur de la com- mission, Messieurs , ne serait pas remplie, si nous ne prononcions ici quelques noms et n’indiquions les motifs qui les ont fait distinguer. M. Palix a d'abord paru aux yeux de la commission devoir être placé dans une situation exceptionnelle, à raison de la durée et du dégré qu'ont atteints ses études ; aussi au lieu de le faire concourir avec ses con- disciples, elle s’est crû obligée, pour être équitable envers eux comme envers lui-même, de lui décerner un prix extra qu’elle a dû nommer prix de supériorité. M: Palix en effet a mis la main à tout et grâce à la bonne direction de ses études, à tout et toujours avec bonheur. L’ornement d’après la bosse, la tête et l’aca- démie d’après la bosse et d’après nature ; la peinture à l'huile sur nature, la statuaire dont il a exposé trois bustes remarquables par la vérité de l'expression , le naturel, la pureté des lignes et la finesse du modelé, sont là pour justifier ce que nous disons. Son Christ à l'huile, entièrement peint d’après nature, ouvrage le pourrait-on croire de vingt jours! paraît certaine- ment sous le rapport d’une étude consciencieuse des détails anatomiques, de l’ingénieuse répartition de la lumière, de la couleur vraie, de la fermeté el de la facilité du pinceau, bien plutôt l'œuvre d’un artiste con- sommé que celui d’unélève même heureusement doué. Il est en outre un autre jeune homme qui par di- verses raisons n’a pas dû prendre part au concours, mais sur les travaux duquel la commission n’en a pas moins porté son attention. M. Launay-Pieau, dont 42 178 le passage à travers les diverses classes du Lycée a élé chaque année marqué par de brillants succès, a dû suivre une vocation qui l'appelle à l’école Poly- technique, et aura à répondre ainsi aux exigences d'un programme qui veut que le candidat dessine en une heure une figure académique. Des études plus sérieuses avaient absorbé tous ses instants, il avait donc, quant au dessin , une éducation nouvelle à faire, et ne pou- vait disposer que de quelques heures pendant quelques semaines. Or il a pris le sage parti de venir s'asseoir parmi les élèves de notre école, et grâce à cette mé- thode qui s'appuie surtout et d’abord sur les facultés de la pensée, l'analyse , la comparaison et le jugement si développés par d’aulres études chez cet élève im- provisé, vous pouvez, d’après les travaux qu'il a exposés à côlé des autres, juger qu’il sera en mesure de se pré- senter avec un avantage marqué devant les examina- teurs. Nous regrettons, Messieurs, d’avoir été contraints de garder si longtemps la parole, mais nous avions beaucoup à dire et trop peu de temps pour élaguer suffisamment parmi la multilude de choses qui se présentaient en même temps à notre esprit; ce seru notre excuse, et nous laïsserons enfin à M. Dauban le soin de proclamer les noms des lauréats dont il a avec tant d’habileté dirigé les premiers pas dans cette car- rière des beaux-arts que lui-même parcourt aux légi- times applaudissements des nombreux admirateurs de son beau talent. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE EA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANCERS. Séance du 18 août 1854. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Le procès-verbal de la séance du 21 juillet précé- dent, est lu et adopté ayec une rectification proposée par M. le docteur Hunault. Indication est donnée des publications adressées ré- eemment à la Société. Le Président prend ensuite la parole et fait con- naître ce qui a élé décidé pour les inscriptions histo- riques du monument du roi René. Le travail de la commission de la Société a été adopté sans modifica- lions. Quant au mode de construction et d'ornemen- lation du piédestal, plusieurs projets ont été élaborés et présentés simultanément par M. Dainville, et l’un 130 d'eux a eu l’assentiment de la commission préfectorale. L’exécution ne doit pas s’en faire attendre el l’habile architecte notre confrère, a l'espoir que la pose de la statue pourra se faire à une époque très rapprochée de la Saint-Martin prochaine. Ce monument, qui doit s'élever sur plusieurs rangées de marches circulaires de granit gris de Bécon, sera formé de deux cubes d’inégal diamètre , dont l'inférieur portlera des niches pour les douze statuettes de bronze , accessoires de la figure principale, et dont le supérieur plus étroit et constituant le véritable piédestal, recevra sur chaque face des inscriptions gravées et dorées. Dans ces deux parties le monument est construit en calcaire du Poitou, dont la dureté et le grain fin et serré per- mettent des ornements délicats et une grande pureté de lignes, en même temps que par sa couleur jaunâtre et le poli dont elle est susceptible, cette pierre ajoutera beaucoup à l'effet du bronze des statues, dont la sur- face d’un vert sombre et mat prendra plus de valeur par le contraste. Le monument sera d’ailleurs réédifié à l'endroit où il avait été d’abord placé et au choix duquel la Société avait concouru par l'intermédiaire de son Secrétaire- général, c’est-à-dire au centre de la place de l'Acadé- mie, dans l’axe du boulevard, en face donc de cet antique château-fort qui fut l’une des créations et des résidences favorites du bon Roi, et au contact duquel s'expliquent et se justifient mieux qu'en tout autre lieu le costume et les armes dont le statuaire a fait choix pour caractériser dans la personne du prince adolescent, celte période trop oubliée ou méconnue d’une existence qui, commencée avec éclat au milieu 181 des luttes guerrières, vint trop tôt, désabusée de toutes les ambitions, se reposer silencieusement dans le calme d’une sereine philosophie, en ne lui deman” dant que les innocentes jouissances de l'esprit et celles du culte des beaux-arts. La silhouette pittoresque de la statue se déconpera du reste de la façon la plus heureuse et la plus ravis- sante sur l’azur du ciel, à quelque point de vue que veuille se placer le spectateur sur la ligne des boule- vards. Convenance historique, convenance artistique se réunissent ainsi pour consacrer le choix de cet em- placement. Ainsi mise à son véritable point de vue, l'œuvre de David se révèlera avec des qualités qu'à peine on pouvait soupçonner lorsqu'elle n’apparais- sait pas au dégré précis d'élévation et de perspeclive pour lequel elle avait été conçue et exéculée. Déjà, lors de sa pose provisoire, l’on avait pu reconnaitre avec quel bonheur l'artiste a su se rendre maître et oblenir un effet neuf et original, de la difficulté im- mense que présentait la donnée à lui imposée, de con- server à celte figure imberbe son caractère juvenile, tout en la revêtant de ce costume de guerre féodal qui, dans les souvenirs, ne s’allie guère qu'avec les formes rudes : et accentuées de l’âge mûr. Heureuse est-elle la Société qui compte un tel membre dans son sein el qui peut joindre à ce nom célèbre, dans un même témoignage de gratitude pour notre cité, celui d’un autre de ses membres, M. le comie Th. de Quaire- barbes, le généreux et spirituel éditeur des œuvres de René, réunis ainsi pour doter la ville du premier mo- nument public qui y soit élevé aux grands souvenirs historiques de la province. 182 M. Godard prend la parole au nom de la Commis- sion chargée à l’une des séances précédentes, de l'examen du premier volume de l'ouvrage sur les Cé- nomans, publié par M. l'abbé Voisin, du Mans, dont il a été fait hommage par l'auteur à la Société. L’au- teur a puisé abondamment à des sources ailleurs in- connues, les Gesta episcoporum de la province du Maine, recueil énorme qui contient de précieux ma- tériaux sur les événements contemporains ou voisins de l'établissement du christianisme dans cette partie des Gaules. A l'intérêt d'une savante et intelligente mise en œuvre, se joint donc celui qui naït de la nature exceptionnelle des documents compulsés. M. Godard termine son rapport en appelant l’atlen- tion sur la lettre d’envoi de M. l'abbé Voisin, dont il fut dans le temps donné lecture à la Société, et se borne à citer quelques-uns des passages les plus im- portants relatifs aux stations romaines de l’Anjou, aperçus auxquels l’auteur s’est trouvé conduit par ses recherches sur les établissements analogues du Maine, La Commission a jugé utile l'impression de cette lettre, et est d’ailleurs unanime pour exprimer le vœu - que M. Voisin appartienne, comme correspondant, à notre Société, ainsi qu'il en manifeste le désir. Ces deux propositions sont soumises successive- ment au scrutin, et M. le Président déclare que la Société décerne à M. Voisin le titre de correspondant et ordonne l'impression de sa lettre. Le rapporteur de la commission chargée de véri- fier les titres de MM. Jorelles et Davoust, présentés comme correspondants, se prononce pour leur ad- 183 mission. Le scrutin a lieu, et le Président proclame ces deux Messieurs membres correspondants. M. Adolphe Lachèse expose que le besoin se faisant plus que jamais sentir d’un traité pratique d’agricul - ture d’un prix assez peu élevé pour rester accessible aux plus humbles cultivateurs, trailé où se irouve- raient condensés les préceptes et les procédés agri- coles justifiés par l'expérience, il s’est décidé à en édi- ter un sous le titre d’Almanach du cultivateur angevin. Il pense que ce serait une garanliie de succès pour une publication de cette nature, que de paraître sous le patronage de la Société impériale d'agriculture d'Angers. Celte communication est accueillie avec une vive sympathie, et la Société, s’associant pleinement à l’es- prit dans lequel l'honorable membre entreprend celle œuvre de progrès, sera heureuse d'y coopérer de ses - vœux et de son patronage. Le Secrétaire-général rend compte à la Société, en vertu de la mission qu'il a reçue du Comice horticole, du projetqu'a le comice d'organiser une exposilion au cours de 1855. Il rappelle que le Comice n'a fait, en s’occupant de ce projet, que de se conformt(« à ce qui avait élé arrêté par la Sociélé-mère dans sa séance du 45 novembre 1853 où, sur la proposilion du Secrélaire- général, elle avait ordonné que la question sur la possibilité et l'opportunité d'expositions florales bis- annuelles serait présentée au Comice par MM. Pavie et Hunault, délégués à cet effet. Le Comice, qui se trouvait ainsi fondé à s'occuper de cettequestion, a re- connu que pour maintenir notre horticullure au rang qu'elle occupe. et la provoquer à diriger ses essais vers celte partie qu'elle a pu jusqu'ici négliger, mais qu'il ne lui est plus permis de déserter sans péril en présence des efforts tentés de tous côtés autour de nous , il serait éminemment ulile d'organiser une ex- position en 1855; mais avant de passer outre, et après s'être assuré du bon vouloir des horticulteurs, le Co- mice a cru devoir faire part de ses vues à la Société- mère, et connaître dans quelle limite il pouvait espé- rer sa coopération financière. L'assemblée s'associe pleinement au vœu formulé par le Comice. Quant à la part que peut prendre la Société dans la dépense, le Président fait remarquer la pénurie des ressources, amoindries encore par le reliquat des charges résultant de l’exposilion de 1853, et fait observer que le vote de tout crédit qui atteint 100 fr., exige une convocalior extraordinaire. La Société, considérant que cette séance est la der- nière avant les vacances, et qu’une convocation spé- ciale emporterait ainsi un délai de plusieurs mois, mais désirant, autant qu'il le lui est permis, s'associer au projet du Comice, vote, sur la proposition du bureau, une subvention de 99 fr. Le Président rappelle que sur l'invitation de M. Val- lon, préfet de Maine et Loire, il a été fait, dans le Jardin fruilier, par M. Lourdereau, de Nantes, l’ex- périence d’un procédé dont il se disait l'inventeur, et qu'il préconisait comme devant préserver et guérir la maladie de la vigne. Le moyen consistait à enfouir une certaine quantité de mâchefer au pied des sou- ches, dans le but d’affaiblir la production de la sève et de les soustraire à un excès d'humidité qui, d’après Fexpérimentateur, provoquerait le développement de 185 l'Oidium. Comme on le voit, c'était un remède pro- phylactique contre une prétendue pléthore humide, à laquelle d'autres cultivateurs prétendaient donner une issue immédiate par des émissions locales d’une sève viciée, obtenue soit par la section des racines, soit par des entailles au tronc ou aux grosses bran- ches, soit seulement, comme le proposait un mem- bre du Comice, M. Drouard , de Chalonnes , par une taille plus courte, opérée tardivement au moment de l’ascension de la sève. Le Président annonce que le procédé de M. Lourdereau n’a eu, au reste, aucun ré- sultat appréciable sur les ceps qui ont été mis en expérience. L'ordre du jour indiquait encore un rapport de M. E. Lachèse sur l'impression de deux Mémoires de M. Matiy de la Tour, mais deux motifs l’ont engagé à différer son rapport : la commission n’a pu suffisam- ment s'assurer du chiffre probable de la dépense qu'en- traînerait cette impression, et l'assemblée ne serait pas en nombre suffisant pour prendre une détermi- nation qui pourrait pour longtemps engager le budget: Le rapport est donc renvoyé à la séance de rentrée: Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée, Le Secrétaire-général, T.-C. BERAUD. Séance du 15 décembre 1854. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur , M. BERAUD , secrét.- général. Le Secrélaire-général donne lecture du procès-ver- bal de la séance d'août, la Société ne s'élant pas as- 186 semblée pendant le mois de novembre. Il est adopté. L’archiviste fait ensuite connaître les ouvrages et les publications périodiques qui ont été reçus depuis la dernière réunion. Dans ce nombre on remarque l'Almanach agricole de Maine et Loire, 1° année, dont MM. Cosnier et Lachèse ont fait hommage à la Société. Le Président adresse des remerciements à ces Messieurs, ainsi que des félicitations sur la réali- salion d’une idée qui en se perfectionnant et: en se développant, peut avoir la plus heureuse influence sur l'avenir de l’agriculture angevine. Pour un prix des plus modiques, on a pu ainsi substituer un livret contenant d’utiles enseignements à d’autres publica- tions , dont le moindre défaut est souvent de ne rien offrir au cultivateur qui puisse le guider sûrement dans ses travaux ; c’est une nouvelle et heureuse ten- lative pour l’engager à remplacer, par des procédés justifiés par la science et avoués par la raison , des pratiques routinières qui, bonnes à l’origine peut- êlre parce qu'elles pouvaient alors avoir ‘une raison d'être, doivent disparaître sans retour devant les exigences nouvelles ét pressantes d’une consomma- tion qui tend sans cesse à s’accroître. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Vi- bert, qui prie la Société d’agréer sa démission. Bien que depuis longtemps M. Vibert ne prit plus une part aclive aux travaux de la Société , elle n’en regrettera pas moins vivement la résolution qu'il a prise. Elle ne peut oublier que ce fut M. Vibert qui dota en quelque sorte la France de la culture des rosiers de collections, et qui le premier s'occupa avec un succès toujours croissant à en multiplier indéfini- 187 ment les variétés, originairement si peu nombreuses. Ce fut à la porte même de notre ville que M. Vibert vint transporter ses brillantes et imépuisables pépi- nières et ses semis innombrables qui, conduits avec une rare intelligence et poursuivis avec une persévé- . rance sans égale, ont doté l’horticulture de tant de races nouvelles. M. Vibert, qui avait contribué si effi- cacement à augmenter l'importance et le renom des cultures angevines, s’élait sous tous les rapports concilié les sympathies de ses collègues. M. le Président communique une lettre de M. de Matty de la Tour, ingénieur en chef à Rennes, qui se montre toujours très désireux de voir la Société admettre dans le Recueil de ses mémoires , les deux volumes manuscrits qu'il lui a adressés sur les villes et voies romaines de l’Anjou et de la station Robrica. M. le Rapporteur de la commission se trouve ainsi naturellement mis en demeure de faire connaître l'opinion à laquelle elle a cru devoir s'arrêter. M. le Rapporteur déclare qu’elle a été unanime pour ne pas proposer l'impression. Ces ouvrages sont très volumi- neux et sortent des proportions habituelles des publi- cations de la Société. Ils entraîneraient des dépenses considérables, nullement proportionnées aux fonds dont la Société peut disposer, et peut-être aussi à leur dégré d'importance au point de vue de la science locale. Quant aux moyens de faire face aux frais d'impres- sion, M. de Matty indique dans sa lettre la possibilité de l’obtention d’un secours spécial de la part sans doute du Ministre de l'instruction publique, ou du Conseil général de Maine et Loire, mais indépendam- ment de ce qu'aurait de précaire une parville ressource 188 pour obvier au déficit auquel serait exposé le budget de la Société , le Président croit devoir faire observer que l'intérêt que comportent les travaux de M. de Matty ne paraît pas être tel, qu'il dût motiver el justifier une démarche extraordinaire de la part de la Société , à l'effet de réclamer une subvention particu- lière pour cette impression. M. le docteur Hunault, demande a présenter quelques observations. Certes les hypothèses adopiées par M. de Matty, paraissent choquer les idées admises jusqu'ici par les antiquaires et les historiens de l’An- jou, mais ne serait-ce pas un motif pour que par! cela même qu'elles ouvrent un nouveau champ à la discus- sion et peuvent provoquer des investigations dirigées dans un but tout critique , qu'il y aurait intérêt pour que la vérité vint à se dégager de ces nouveaux élé- ments, à bien constater dans leur intégralité la nature, le caractère des hypothèses présentées par M. de Matiy. M. Hunault conçoit du reste que l’on veuille décider a priori la question des voies et moyens, mais il regrette que la commission, préoccupée de cette nécessité, ait négligé d'établir d’une manière précise, ce qui eut été facile, le véritable chiffre dela dépense, Quant à lui, quelque dût-être ce chiffre, il pense qu’à l’aide d’an- nuités on y. pourrait faire face. Enfin, si la Société adopte l'avis de la commission et se refuse à engager l'avenir du budget de la compagnie, il voudrait au moins que ce:motif tout financier fût le seul mis.en avant pour justifier le refus de l'impression. Le Président, à cet égard, fait observer que l’im- pression étant soumise à un vote secret et non motivé, son rejet ne peut rien impliquer quant aux motifs qui 139 peuvent y avoir donné lieu. C’est sous le bénéfice de cette observation qu'il est procédé au scrutin. L’im- pression n’est pas ordonnée. L'assemblée consultée sur la question de savoir si le rapport de la commission sera imprimé, rapport qui contient une analyse succincte des travaux de M. de Matty, vote cette impression. M. Godard donne lecture de notes sur un serment prêté par Jacques d’Armagnac, sur la Vraie-Croix de Saint-Laud, en 1470, La Société en ordonne l'impression. Le même membre annonce à la Société que par suite de la construction d’une maison sur la place de l’Académie, à l'angle nord-ouest de la rue Toussaint, celte maison devant s'appuyer contre l’angle sud du mur d'enceinte de la cité, toute cette portion si cu- rieuse du mur antique construite en petit appareil avec cordon de briques et se raltachant à la petite tour carrée également gallo-romaine, sera entièrement cachée sous les constructions projetée et perdues ainsi pour les études archéologiques. Il insiste pour que la Société intervienne et sollicite de l’autorité qui a donné cet alignement, qu'il ne soit adossé aucun édifice contre celle partie du mur antique qui puisse en dérober la vue, et qu'il reste au-devant un espace libre suffisant, dût-on le clore avec des claires-voies, et en conserver l'usage au propriétaire concession- paire. La Société, Ss'associant aux craintes et à la sollici- tude du président de sa Commission archéologique, décide qu'une commission ad hoc, composée de son Président, de son Secrétaire-général et du Président 190 dé la Commission archéologique, fera les démarches nécessaires près des autorités compétentes. M. Beraud soumet à la Société une leltre par lui adressée à M. le Préfet de Maine et Loire, le 17 septem- bre dernier, à l’occasion d’un projet de canalisation de la Maine et de l’Authion qui fut présenté au Conseil général lors de sa dernière session, par M. Houyau, ingénieur civil. La lettre de M. Beraud avait princi- palement pour objet d'éclairer la question, en ce qui concerne la canalisation de la Maine, à laquelle le Mémoire de M. Houyau avait rattaché celle d'une pro- longation du canal de FAuthion. Il s'attache à faire ressortir les dangers qu'il y aurait à rendre solidaire l'exécution des deux opérations qui découlent d’inté- rêts entièrement distincts; il insiste sur la nécessité de reculer la jonction de la Maine à la Loire. bien au delà du point indiqué par M. Houyau, de manière à garantir complètement les terres des vallées de Maine, Sarthe et Loir des inondation dévastatrices et miasmaliques qui ont lieu périodiquement d'avril à novembre , et il signale la nécessité reconnue dès 1847 par M. l'ingénieur Fourier, d'établir une ‘éeluse à sas aux environs de la Roche-aux-Moines, pour maintenir dans les sécheresses un éliage convenable en Maine. Il s'occupe «enfin des voies et moyens etsi- gnale d’une part une contribution volontaire des pro- priétés ainsi exondées, qui doubleront au moins de valeur dans une immense étendue, et d’autre part, une augmentation légitime d'impôt foncier, comme devant couvrir, soit en capital, soit en intérêts, la plus grande partie de la dépense, d'où résulierait. que, pour FEltat, ecs travaux d'asséchement pourraient de- 191 venir une opéralion financière avantageuse. Il ter- miae sa lettre en revendiquant, tant en son nom qu’en celui de la Société devant laquelle dès 1847 dans une séance extraordinaire il eut occasion de deve- lopper ces mêmes idées qui oblinrent alors toutes ses sympalhies, l'initiative de l’idée-mère de la cana- lisation de la Maine, à laquelle se rattachait alors un projet de tracé du chemin de fer dans le lit de la Loire et les îles et alluvions de la rive droite, d'Empiré à Chalonnes, projet par lui alors soumis à MM. les in- génieurs du chemin de fer du département ainsi qu'à M. Fourier, ingénieur en chef. Le Secrétaire-général fait suivre cette lecture de celle de la lettre reçue par lui en réponse de la part de M. Vallon , préfet de Maine et Loire, dans laquelle ce magisirat se félicite de voir que sa sollicilude pour un projet si plein d'avenir, a été dès longtemps par- tagé par la Société impériale d’agriculture, sciences et arls d'Angers. La Sociélé déclare donner son apprôbalion à la lettre de son Secrétaire-général, et ordonne à Funa- nimilé son impression, ainsi que celle de la lettre, si flatteuse pour la Société, de M. le Préfet de Maine et Loire. M. le docteur Hunault rappelle à l'assemblée qu'une commission a élé instituée dès l’élé dernier, pour stimuler, en vue de l’exposilion universelle, le zèle des agriculteurs, et rassembler des spécimens de leurs principaux produits. Il ignore quelle a été la portée d'action de cette commission. Quant à lui,il s’est efforcé de recueillir une nombreuse série d’échantil- lons des diverses céréales cultivées en Anjou , et bien 192 que l'année ait été peu favorable, sa collection, par le nombre des variétés et la qualité des produits, n’en est pas moins fort intéressante. Il demande si la So- ciété ne devrait pas la présenter à l'exposition. Le Président répond que la commission nommée par la Société dut renoncer à agir, du moment où furent créées par l'autorité préfectorale, d’après les ordres du ministre, des commissions d’arrondisse- ment qui devaient poursuivre dans un but identique, et dont se sont trouvés faire partie presque tous les membres qui composaient la commission de la So- ciété. Qu’au reste, le nombre de mètres carrés assi- gnés au département dans le local de l'Exposition se trouvait absorbé, et que l’on ne pouvait espérer de faire admettre la collection de M. Hunault, quelqu’en fût le mérite. Il est à regretter sans doute que cet ho- norable membre n’eût pas fait plus tôt à la Société part des résultats qu’il avait ainsi obtenus ; la Société n'eut pas manqué de les prendre sous son patronage, mais désormais il est trop tard pour qu'elle puisse ré- clamer utilement. Le Président annonce qu'il va être procédé à l’élec- tion du bureau pour l’année 1855. A cet effet, chacun des membres présents dépose dans l’urne un bulletin séparé, contenant un nom. Les dépouillements suc- cessifs se font et donnent pour résultat : Président, MM, de Beauregard. Vice-président, Pavie père. Secrétaire-général, : Beraud. Secrétaire , E. Lachèse. Archiviste , E. Dainville. Trésorier, Lèbe-Gigun. 193 Le Président, en proclamant ces noms, déclare le bureau constitué. L'ordre du jour se trouvant épuisé, la séance est levée. Le Secrétaire-général , T.-C. BERAUD. Séance du 16 janvier 1855. Présidence de M. DE BEAUREGARD , président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté avec une modification provoquée par M. le docteur Hunault. Le Secrétaire fait connaître les publications reçues par la Société de ses correspondants. Le Président prend la parole pour remercier la Société qui a bien voulu le maintenir à la tête du bureau. Il rend compte des divers travaux accomplis au sein de la Société pendant l’année qui vient de finir. Ce compte-rendu prendra place dans le Recueil des mémoires de l’année. M. Pavie père, récemment élu vice-président, écrit pour s’excuser de ne pouvoir se rendre à la présente réunion, et en attendant le moment où il pourra le faire de vive voix, il prie ses collègues d'accueillir l'expression de sa gratitude pour le témoignage de sympathique affection qui lui est donné en l’appelant à faire partie du bureau. 43 191 M. Sorin,-inspecteur de l’Académie, membre démis- sionnaire , demande à rentrer dans la Sociélé comme titulaire. L'assemblée manifeste toute sa salisfaction de voir revenir dans son sein un confrère dont elle n'avait pu oublier l'absence, et il est décidé qu'il reprendra, sans être soumis à une nouvelle élection, le titreet les droits de membre tilulaire. M. Guérin, professeur de rhétorique au Lycée d’An- gers, membre-adjoint de la Commission archéolo- gique, est présenté en qualité de membre litulaire. L'évidence des titres de M. Guérin, qui d’ailleurs est connu personnellement sous les rapports les plus favo- rables de plusieurs des membres présents, rendrait inu- tile et illusoire un examen spécial el préalable de sa candidature. L'assemblée décide done qu'il sera passé outre au scrutin. Celle formalité est immédiatement remplie et M. Guérin est proclamé membre titulaire. L'ordre du jour annonçait une lecture de M. Godard- Faultrier et une communication de M. Hunault. ces deux honorables membres oni fait annoncer qu'ils ne pourraient assister à la séance. Le Président annonce à l’assemblée que M. le doc- teur Lemercier, ancien élève de M. le docteur Auzoux, a demandé l'autorisation de donner dans la salle de nos séances, et sous le patronage de la Société, des cours d'anatomie humaine et comparée à l’aide des modéles de son maître. L'assemblée s’empresse d’ac- corder son autorisation. M. le docteur Lemercier, qui est présent, expose et démontre successivement un grand nombre de pièces anatomiques. Cette exhibitiow, intéressante à la fois par la perfection d'exécution des 195 modèles, le grossissement et l’exactilude des détails, ainsi que par les explications lucides et savantes du professeur, absorbe le reste de la soirée et contraint de reporter à la séance prochaine les autres objets » Subvention à l'archéologie. . . . . . . 200 » Concierge-jardinier, entretien du jar- din sueu tt isos era chifatiahe 375 » Gours:de; taille. .: 412 à error ni 300 » Reliure cinointitah avibisosatheinon 70 » Empressions ananas danc : ._ 500 » Abonnement à la Paléontologié , ét Supplémenti:5.tsmirene axe AN 60 » Abonnement à Didron. . . . . . . .. 20 » — à Marlin: ....:::. 35 ‘ » — aux Arts sompluaires. . 50 » — aux Annales des sciences mäturellest ::::0111tettbtonnet fe 60 » Arriéré d'impressions. . . . . . . . .. 658 30 — de l’exposilion horticole. . . . 30 » RME ES UE CPU EU PUIS O0 ES Total de la dépense. . 2,567 30 — la recette. . 2,459 69 Déficit. . .. 107 61 a pr La Société, après discussion, adopte le buäget tel qu'il est élabli ei-dessus. Le Président rend compte des démarches faites près de M. le Préfet de Maine et Loire, afin d'empêcher 200 que des eonstructions fussent élevées au-devant de Îia& portion du mur gallo-romain située au nord de la place de l’Académie. Les observations présentées au nom de la Société ont été favorablement accueillies. Un espace suffisant sera laissé libre au-devant de cette partie du mur, et permettra de voir ces restes anti- ques, si intéressants pour constater l'âge de la cité. L'assemblée décide, sur la proposition du Secrétaire- général, que le bureau transmettra à M. le Préfet l'expression de la gratlitude de la Société pour l'intérêt qu'il ne cesse de montrer pour la conservalion des divers monuments historiques de l’Anjou. M. Béclard donne communication de lettres-pa- tentes de Charles IX, daiées de 1562, et contenant des renseignements sur un impôt décrété par ce prince. Ce document, écrit sur parchemin, formait la cou- verture d’un vieux registre que le hasard a fait tomber aux mains de notre confrère, qui l’a déchiffré et en a pü reconnaître la valeur historique. Il sera imprimé dans le Recueil de la Société. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le Secrétaire-général, T.-C. BERAUD. Séance du 23 mars. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Le Secrétaire-général étant absent, la lecture du procès-verbal de la séance de février est remise à une prochaine réunion. 201 Le Président fait observer que des membres ont réclamé contre l'heure adoptée pour les séances men- suelles. Au lieu de six heures et demie, moment trop rapproché du diner, on voudrait qu'on choisit sept heures. Il propose d'introduire ce changement dans les convocations. La Société donne son assentiment. Le Président de la Société impériale d’horticulture de Paris, qui s'occupe d'organiser une exposition hor- ticole nationale pendant la durée de l'exposition uni- verselle, convie la Société impériale d'agriculture d'Angers , à nommer une commission pour l'y repré- senter et concourir à celte œuvre en provoquant et préparant l'expédition des produits dignes d'y figurer. La Société désigne MM. Millet, Boreau et Pavie père, pour faire partie de cette commission, à laquelle se réunira la commission précédemment nommée pour le même objet, par le Comice horticole, et dont font partie MM. Bernard de la Fosse, Audusson aîné et Hamon. Le Président complète cette communication par la lecture d'un avis imprimé relatif aux produits horti- coles qui pourront être admis à l'exposition projetée. La Société décide que cet avis sera publié dans les journaux d'Angers, et qu'un registre sera ouvert chez le concierge du jardin fruitier, pour recevoir les noms des personnes qui se proposent d'exposer. Le Président donne lecture d’une lettre de M. le Préfet des Côtes-du-Nord, exprimant le désir que deux cultivateurs veuillent bien se transporter dans son département pour y donner des indications nécessaires pour perfectionner la culture et l’apprêt du chanvre dans cette partie de la France. Le Président est chargé 202 de répondre à M. le Préfet et de faire les démarches nécessaires pour satisfaire au désir par lui exprimé. L'ordre du: jour appelle ensuite la lecture d’une hote de M. Godard, déjà portée aux ordres du jour des mois précédents, mais qu'une indisposition l’a jusqu'ici em- pêché de pouvoir communiquer à la Société. Il s'agit encore d'un serment sur la Vraïe-Croix de Saint-Laüd, dont M. Godard fait connaître la formule. Ce serment fut prêté par Jacques d’Armagnac. M. Godard fait suivre cette communication de quelques paroles sur la mort toute récente de M. Go- gueb, de Candé, bien connu par sa rare instruction et son zèle pour l'archéologie. L'émolion de M. Godard devient communicative pour l'auditoire qui s'associe à ses regrels. L'impression de la note sur le serment de Jacques d'Armagnac est ordonnée. L'ordre du jour indiquait un article de M. Pavie, sur un portrait peint par Watteau. Mais notre: hond- rable confrère croit devoir en différer la lecture. La Société qui se montre toujours si empressée à écouter M. Pavie, surtout lorsque les sujets par lui choisis peuvent se rattacher même indirectement à l’Anjou, ne peut que manifester ses regrets d’une détermina- tion que du moins elle espère n'être pas irrévocable. M. Guérin, pour combler la lacune qui vient ainsi de se faire si inopinément dans l’ordre du jour, offre de lire un chapitre sur l’île de Samos, autre quecelui lu dernièrement devant la commission archéologique. Cette lecture est acceptée avec un empressement qui s'explique par tout ce que la Sociélé savait devoir en attendre, etelle y retrouve en effet toutes les émiinentes 203 qualités de style el de pensée qu'elle avait pu appré- cier dans les autres ouvrages sorlis de la plume de M. Guérin. L’impression est votée. L'ordre du jour indiquait encore une lecture par M. Port, mais c'était le résultat d’une erreur, Le tra- vail de M. Port sur René Tardif, poète angevin au xxe siècle, était destiné à la Revue de l’Anjou. La Société n’a donc pu que manifester ses regrets de cette nouvelle déception. L'ordre du. jour se trouvant ainsi épuisé, la séance est levée. Le Secrétaire-général, ‘T.-C. BERAUD. Séance du 20 avril. Présidence de M. DE BEAUREGARD , président. Secrétaire rédacteur, M. BEeRAUD, secrét.-général. Les procès-verbaux des deux dernières:séances sont lus et adoptés. Après que l'Archivisie a donné connaissance des publications que la Société a reçues de ses correspon- dants, le Président propose de nommer une commis- sion qui serait chargée de rechercher un sujet pour le prix de poésie qu'a fondé M. Pavie, son vice-président, et qui doit êlre décerné dans l’année 1856. MM. Pavie, Adville, Sorin, Guérin et Cosnier, sont élus membres de cette commission et sont invités à se mettre en mesure de donner leur opinion sur le choix d'un sujet, à la plus prochaine séance. 20 L'ordre du jour appelait une notice de M. Godard sur Mie Blouin, fondatrice de l'institution des sourds- muets d'Angers, la première qui ait été créée en pro- vince et élève de l’abbé de l’Epée. Mais M. Godard, toujours consciencieux dans ses recherches, annonce qu'espérant de nouveaux docu- menis qui viennent de lui être promis, il ne peut con- sidérer son travail comme terminé et se voit ainsi forcé d'en reporter la lecture à une autre séance. Quelques membres parlent d'une plaque qu'ils ont remarquée sur la façade de la tour carrée de l'enceinte gallo-romaine qui se voit de la place de l’Académie, mais il est expliqué par M. Godard que cette prétendue plaque, quia l’apparence d’une pierre de tailleencastrée dans le mur, n’est qu’un enduit en mortier, fixé après coup contre le petit appareil du mur antique, à une époque quinepeut être déterminée et qui, ne portant ni date, ni inscription, ni ornement quelconque, ne pré- sente aucun intérêt pour l’archéologie. M. Hunault présente des observations ayant pour but de déterminer la Société à envoyer régulièrement, au fur et à mesure de la maturité, les fruits de son jardin à l'exposition universelle. Le Président répond que le bureau s’est déjà occupé de cet objet, d'accord avec le Comice, et que la Société aura à cet effet un délégué à Paris, M. Bernard de la Fosse, qui surveillera le placement des envois faits par la Société. Il a été écrit à cet effet aux personnes qui organisent cette partie de l’exposition, pour qu'il soit affecté un espace suffisant pour recevoir les fruits expédiés par la Société. Le Président annonce que le Ministre de l'agricul- 205 ture vient de faire un envoi de graines de pin Laricio qui seront comme les années précédentes, déposées chez le concierge et distribuées aux propriétaires et agriculteurs qui en désireront. Quelques membres demandent que M. le Président, en accusant réception de cet envoi, fasse observer au Ministre que chaque année ces graines parviennent beaucoup trop tard à la Société, pour être remises en temps utile aux personnes qui auraient pu les utiliser. Il faudrait que ces envois fussent faits ou au moins annoncés dès le mois de février. M. Cosnier donne lecture d’une notice de M. l'abbé Chevallier, sur des peintures murales anciennes observées par lui dans trois églises de l'arrondissement de Baugé. Ces églises ont des voûtes en bois sur les- quelles sont peints à la détrempe divers sujets reli- gieux et d’ornements. À Durtal, on remarque les armes d'Henri Il et de Charles IX et des inscriptions en lettres gothiques. Ce sont surtout les peintures de l’église de Miré que M. Chevallier s'est attaché à décrire et qu'il considère comme les plus remarquables. L'assemblée consultée ayant voté l'impression de cette notice, il serait superflu d'en donnericil’analyse. M. le Président présente au titre de correspondant M. Gustave de Lorière, amateur distingué de géologie et de paléontologie. Les titres de ce candidat étant gé- néralement connus, il est procédé immédiatement au scrutin et M. le Président déclare que la Société l’admet au nombre de ses membres correspondants. L'ordre du jour étant épuisé, la séance esl levée. Le Secrétaire-général, T.-C. BERAUD. 206 Séance du 10 mai. Présidence de M. PAVIE , vice-président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD , secrét.-général. M. de Beauregard ayant été convoqué en sa qualité de Président de la Sociélé, pour la représenter à la cérémonie d'ouveriure de l'Exposition universelle, fait agréer ses excuses par l'organe de M. le Vice- Président Pavie, lequel est, en conséquence, appelé à le remplacer dans la présidence de l'assemblée. Le Secrétaire-général donne lecture du procès-ver: bal de la dernière séance, qui est adopté. Le Président rappelle en quelques mots ce qui a été fait pour assurer à la Sociélé les moyens d'exposer les fruits de son jardin-modèle à l'Exposition universelle. M. Guérin, rapporteur de la commission chargée de proposer un sujet pour le prix de poésie à décerner en 1856, dont M. L. Pavie a fait les fonds, présente son rapport. Le choix de la commission s’est fixé sur le Château d'Angers. Elle s’y est arrêtée, parce qu'elle ya vu un sujet éminemment angevin, offrant des données pittoresques et se rattachant à des souvenirs historiques nombreux et variés. M. Lemarchand trouve que par cela même le sujet se trouve trop peu précisé et qu’il peut en résulier des hésitations et un certain embarras pour ceux qui voudront entrer en lice; ce défaut de précision pourra d’ailleurs entraîner les concurrents à suivre des rou- tes tout opposées, selon qu’un penchant naturel les y conduira , et il deviendra alors d'autant plus délicat 207 et difficile de pouvoir établir une comparaison rai- sonnée el de prononcer sur le mérite de travaux qui, différant par le point de départ, devront par suite aussi différer sensiblement dans le mode d’exécution qui en sera la conséquence plus ou moins rigou- reuse. Une discussion s'engage sur l'opinion ainsi émise par M. Lemarchand. On ne paraît pas se préoccuper des dangers et des difficullés qu'il a signalés, et l’as- semblée se rallie à la proposition de la Commission. Le sujet admis est donc le Château d'Angers, consi- déré en lui-même et dans ses rapports avec quelqu'un ou quelques-uns des grands événements de l’histoire d'Anjou, ce qui offrira un double champ à la poésie qui pourra se manifester par ses côtés didacliques et épiques, sans se senlir gênée dans ses inspirations par des limites trop étroites. M. Lèbe-Gigun demande qu'il soit fixé un mini- mum de deux à trois cenis vers pour les morceaux admis à concourir. Mais on fait observer encore à cet égard qu'une limitation quelconque pourrait avoir de graves inconvénienis ; qu'il peut se rencontrer plus de mérite réel, plus de choses, plus de pensées dans un morceau restreint qu'en un autre qui affecte de plus larges développements ; que l’on doit laisser à la Com- mission le plus de latitude possible, pour qu'elle ne décerne le prix qu'à l’œuvre qui, par sa valeur, tant intrinsèque que relalive, lui paraîtra la plus méri- tante , au lieu de circonserire son choix par des con- dilions posées à l'avance. Ces réflexions sont favorablement accueillies, et adoptées comme principes à suivre. 208 Quant à la fixation de la séance de distribution du prix, il est décidé qu'elle aura lieu au mois de juin 1856. Ce sera une séance publique. M. Beraud lit une Notice sur les promenades pu- bliques et leurs annexes, dont il serait superflu de donner ici l'analyse, puisque l'impression en a été volée. On doitseulement mentionner que M. A. Leroy ayant pris la parole à cette occasion, a confirmé la plupart des faits avancés par M. Beraud, et ne s’est trouvé en dissidence avec lui que sur deux faits : 4° M. Be- raud, en parlant du gaz, auquel on attribue une ac- lion délétère sur les arbres des promenades , avait fait observer que l’on pouvait douter qu'il ait produit tous les ravages qu'on lui altribue, si l’on remarque que bien avant son apparition, on avait signalé le dépé- rissement des ormes dans toutes les villes dont les promenades étaient devenues plus fréquentées et où la terre était susceptible d’un tassement qui la ren- dait en quelque sorte imperméable. M. Leroy fait observer à cet égard, qu’en deux endroits des boulevards d'Angers, où des ormes ont péri, on a constaté, en fouillant le sol, qu’il existait une fuite de gaz qui avait infecté la terre. Ce serait donc une forte présomption de son action pernicieuse. 2° M. Beraud indiquait, comme moyen certain et éprouvé de revivifier les ormes qui ne pouvaient plus végéter dans un sol trop battu, et par conséquenttrop sec, de pratiquer un arrosement, soit par des rigoles, soit par des drains. M. Leroy allègue que dans notre climat les arbres ne souffrent jamais du défaut d'humidité , et que ce 209 serait prendre des précautions inutiles ; à quoi M. Be- raud réplique, en faisant observer que par suite de l'établissement des ruisseaux qui reçoivent les eaux ménagères , le madacadamisage et la mise en pente des allées des boulevards, ceux-ci ne reçoivent plus que l’eau de pluie qui tombe perpendiculairement dansl’allée, et qui s'écoule sans pouvoir pénétrer le sol de telle sorte, que ces arbres ne sont plus alors dans des conditions normales où, comme le pense avec raison M. Leroy, ils pourraient en effet ne pas souf- frir du manque d'humidité. M. Guérin continue la lecture sur Ascalon par lui commencée à la séance de la Commission archéolo- gique. Il s'attache à bien faire comprendre la situa- tion de cette ville, le port le plus rapproché de Jéru- salem, et ses divers aspects qui ont un caractère par- ticulier, de quelque côté que l’on se place pour en saisir l'ensemble. Il décrit avec toute la précision d’un antiquaire la construction de la haute muraille qui en formait l'enceinte, en même temps que dans son style pittoresque, il initie ses auditeurs à toutes les sensations que ces solitudes de pierres composées d'édifices dévastés d’un autre âge excitent chez l’his- torien qui sait les interroger et leur demander le se- cret des événements dont ils furent les témoins. Le vote sur l'impression est renvoyé après l'achè- vement de la lecture de ces récits si pleins de choses et d'idées. M. Godard-Faultrier lit sa Notice sur Mie Blouin, fondatrice de l’école des sourds-muets d'Angers. La Société décide que le travail complet sur l’histoire de l’œuvre entreprise et conduite à bien par cette bien- 14 210 faitrice de l'humanité sera imprimé dans le Recueil de ses Mémoires. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le Secrétaire-général, T.-C. BERAUD. : + - Séance du 4 juin. Présidence de M. PAIE père, vice-président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, Secrét.-général. M. le Président de Beauregard s'étant rendu à Paris pour répondre à l’invitation qu'il avait reçue d’assis- ter à la cérémonie d'ouverture de l'Exposition univer- selle, pour y représenter la Commission départe- mentale de l'Exposition et la Société d'Agriculture d'Angers, fait parvenir ses excuses, et est remplacé au bureau par M. Pavie père, vice-président. Le Secrétaire-général donne lecture du procès-ver- bal de la dernière séance , qui est adopté sans obser- vaiion. Il est ensuite procédé au dépouillement de la cor- respondance. Un incident s'élève à cette occasion. Jusqu'ici on s’est borné à donner connaissance des titres des ou- vrages et des divers recueils offerts à la Société, énu- mération fastidieuse, qui ne met pas les auditeurs à portée de juger de l'intérêt, et le plus souvent même de la nature des ouvrages et mémoires qui viennent ainsi prendre place dans la bibliothèque de la Société. 211 Aussi l'usage avait-il prévalu dans ces derniers temps d'omettre même de donner connaissance de cette no- menclature aux séances. M. Hunault croit devoir ré- clamer contre cette innovation et sur les observations qu'il présente , et dont la justesse n’est méconnue par personne , la Société décide que désormais M. le Se- crétaire particulier, d’après l'offre gracieuse qu'il veut bien en faire, après avoir préalablement à chaque séance opéré l'examen des ouvrages reçus par la So- ciété, fera connaître les résultats de cette importante revue bibliographique, en appelant au besoin l'atten- lion de la Société sur les parties qui lui paraîtront les plus dignes d'intérêt. M. Godard, sur la proposition de M. le Président, veut bien se charger de l'examen spécial des Mémoires de l’Académie archéologique de Belgique qui sont reçus, pour la première fois, par la Société, et qui promettent, à raison des noms dont ils sont signés, de présenter des travaux importants. Un traité sur la maladie de la vigne par M. Châtel, est également confié à M. Desvaux, qui veut bien se charger de l’examiner, et au besoin, de faire un rap- port sur un sujet si plein d'actualité et qui, depuis longtemps, excite si vivement la sollicitude de la Société. L'ordre du jour indiquait deux communications sur l'exposition horticole et la statistique des monuments anciens , par M. de Beauregard, que l’absence de cet honorable membre fait naturellement reporter à la prochaine séance. M. Beraud donne lecture des deux premiers cha- pitres d’un voyage dans le Midi, sous le litre de : 212 Souvenirs pittoresques, scientifiques et artistiques d’une excursion dans le Midi de la France. Dans la première partie, après avoir retracé rapidement l’aspect géné- ral du pays que le voyageur traverse de Paris à Lyon, il s'arrête pour présenter des observations d'ensemble sur les races bovines françaises, et sur les rapports qui existent entre leur répartition et celle des grandes fractions des populations qui occupent le nord, le sud et le plateau montagneux central de la France. Dans le second chapitre, spécialement consacré à la ville de Lyon, il esquisse à grands traits l'immense panorama de la ville et des pays qui l'entourent, donne des détails plus ou moins techniques sur ses princi- paux monuments et ses établissements scientifiques et artistiques, et en prend occasion de discuter di- verses questions qui s’y rattachent et qui ont un in- térêt plus ou moins général d'application. M. le Président, après que cette lecture est ache- vée , exprime l'intention d’en mettre l'impression aux voix, mais M. Beraud désire qu'elle ne soit proposée qu’en même temps que celle de la section du voyage de Lyon à Marseille, qu’il lira à la prochaine séance, et qui complétera cette première partie de son voyage. M. Godard donne communication d’un brevet de directeur d’une troupe de comédiens pour la ville d'Angers, octroyé par le duc d'Anjou au sieur Des- marets, le17 août 1777. Cette troupe succédait à celle de la célèbre Montansier, qui, en quittant la direc- tion d'Angers, alla fonder à Paris, au Palais-Royal, ce théâtre qui a porté son nom jusque dans les pre- mières années de ce siècle. Des troupes Montansier et Desmarets sortirent des sujets qui prirent rang par- 213 mi les célébrités de la capitale, et en revanche, les premiers tragédiens et comédiens de Paris vinrent à diverses fois donner des représentations sur notre théâtre. Le parterre d'Angers, de la ville aux facultés, de cette capitale de province résidence habituelle d'une noblesse et d’une bourgeoisie nombreuse et opulente , avait dès lors une réputation de goût et d'intelligence qui rendait son suffrage précieux même pour les talents le plus haut placés. Venir à Angers était cependant alors un véritable voyage, lorsque l’on comptait six longs jours par le coche, et que c'était déjà une amélioration bien grande lorsque la messagerie fondée par les Nanteuil effectuait ce trajet en trois journées de dix-huit heu- res, avec deux couchées, au Mans et à Chartres. M. Hunault annonce qu'il possède des documents analogues, mais d’une date plus ancienne, qu’il se propose de communiquer à la Société. L’impression de ce brevet est ordonnée. M. le docteur Ouvrard poursuit la lecture de ses re- cherches sur la maison des Beauvau. Il s’occupe dans cette dernière partie de son travail, de rappeler les faits et gestes de tous les membres de cette famille, à partir de ce Torquatus, à qui Charles-le-Chauve, au x‘ siècle, confia le gouvernement de l’Anjou. Pendant dix siècles on voit constamment cette race antique, si fortement enracinée dans notre sol, se distinguer dans les armées, l’épiscopat, la diplomatie, les grandes charges de la couronne, les lettres et les arts, soit par des actes de patriotisme et d’héroisme, soit par de grandes qualités et de grandes actions. Pendant dix siècles, il n’est pas un grand champ de bataille 214 où le sang généreux de cette race si véritablement noble et si vivace , n'ait coulé pour la France. M. le docteur Ouvrard fait suivre ces souvenirs chronologiques d’une généalogie rapide de quelques autres familles fort anciennes de la ville de Beauvau: les Mouchet, les Vaulé, les Doublet. Mais ces der- uières recherches ne présentant pas le même intérêt historique, le Président ne soumet au scrulin que l'impression de la partie première et principale du travail de M. Ouvrard, que la Société s’empresse de voler. L M. Guérin continue ses intéressantes lectures sur la Judée, et nous transporte d’Ascalon sur le Carmel, dont il dépeint les divers aspects, la nature physique et la végétation, et où il retrouve successivement les lieux où s'accomplirent tant d'événements dont l’his- toire chrélienne ou profane a conservé le souvenir. IF retrace les vicissitudes, la splendeur, la ruine et la réédification du couvent célèbre qui porte ce nom et. qui s'élève sur l'emplacement même occupé par la grotte d'Elie. Ce sont toujours la même grâce dans le style, le même talent pittoresque dans les descrip- tions , la même abondance d’érudition , la même élé- vation de pensées qui ont rendu les lectures précé- dentes de M. Guérin si attachantes. Aussi, sur la pro- posilion qui en est faite par M. le Président comme: organe du bureau, l'assemblée s’empresse-t-elle de voter l'impression de ce fragment remarquable des études de M. Guérin sur l'Orient ancien et moderne: L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le Secrétaire-général, T.-C. BERAUD. 211 Séance du 13 juillet Présidence de M. DE BEAUREGARD , président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD , secrét.-général. La séance s'ouvre sous la présidence de M. de Beauregard et le Secrétaire-général donne lecture du procès-verbal de la séance de juin, dont la rédaction est adoptée sans réclamation. Le Président donne de nouveau des détails sur les démarches faites par lui lors de son voyage à Paris, afin d'obtenir un emplacement suffisant pour que les produits du jardin fruitier de la Société pussent figurer convenablement à l'exposition universelle. M. Hunault voudrait que la commission chargée par la Société et par son comice de rassembler les fruits qui auront cette destination, s'annonçât comme l'intermédiaire des horticulteurs du département qui voudraient concourir à cette exposilion, sauf à indi- quer par une mention spéciale les fruits qui ne pro- viendraient pas directement des cultures de la Société. Le Président répond que la commission a compris ainsi la tâche qui lui est départie et qu’elle y a été conduite par cette considération que, parmi les nou- velles espêces beaucoup se sont répandues en Anjou par les distributions de greffes que fait chaque année la Société et ne sont ainsi qu'une sorte d'émanalion de ses cultures. M. le Président donne communication d'une lettre adressée à la Société par M. le Préfet de Maine et Loire, pour obtenir des renseignements sur l’état actuel et 216 le rendement probable de la récolte des chanvres, ren- seignements sollicités par le Ministre de la marine. Plusieurs membres prennent la parole et paraissent s’accorder sur les apparences peu favorables que prend cette année cette culture qui fait la richesse des vallées de la Loire, du Loir et de la Sarthe. Mais le Secrétaire-général croit devoir faire observer qu'il serait prématuré d’induire de l’état actuel une insuffisance quelconque de la récolte dont l’époque est assez éloignée, pour que la plante puisse encore atteindre ses proportions normales : que sans doute il n’est guère probable qu’elle égale sous le double rap- port de l’abondance et de la qualité générale, la récolte de 4854, mais que cependant, à raison des semis tardifs qui ont eu lieu dans une grande proportion et qui vont rencontrer de meilleures conditions de végétation que les premiers qui ont été faits, il est possible qu’elle arrive à un chiffre de production assez élevé pour répondre à tous les besoins des fournitures faites habi- tuellement par le département; qu'ainsi il paraîtrait sage que la Société différât à donner son appréciation définitive des ressources que nos contrées pourront offrir pour satisfaire aux besoins de la marine. Cette opinion ayant prévalu, M. le Prêsidentrépondra dans ce sens à la demande adressée par M. le Préfet. La Société ayant décidé qu'elle s’occuperait de la rédaction et de la confection d’une carte archéologique de l’Anjou, M. Fourcaud , membre-adjoint de la Com- mission archéologique, a bien voulu se charger de. s'occuper des travaux préliminaires et par suite de dresser cette carte; mais pour mener à bien cette en- treprise si importante pour l'étude de l’histoire lacale 217 à ses diverses époques, il est nécessaire de rassembler toutes les indications qui peuvent être recueillies et d'étendre les investigations à toutes les communes du département. Pour faciliter ces recherches, M. le Préfet de Maine et Loire a bien voulu prendre ces travaux préparatoires sous son patronage, et c’esl par soninter- médiaire que chacun de MM. les Maires sera consulté sur les monuments remarquables à quelque titre que ce soit, aussi bien que sur les lieux auxquels se rat- tache quelque événement important, qui se trouvent compris dans la circonscription de sa commune. Mon- seigneur l’Evêque , de son côté, a bien voulu devenir l'interprète de la Société dans la sorte d'enquête qu’elle pourra faire, près de MM. les Curés et Desser- vants, pour compléter les matériaux de ces cartes archéologiques. Un Mémoire de M. Pascal sur la pomme de terre et Ja maladie qui depuis quelques années attaque ses tubercules, a été adressé à la Société : M. Hunault est chargé de l’examiner. Plusieurs autres publications sur l’agriculture et la maladie de la vigne, sont également renvoyées à l’exa- men de M. Desvaux, qui veut bien se charger de sou- mettre à la Société les observations qu'elles lui suggé- reront. M. E. Lachèse présente, sous le titre de Revue biblio- graphique, une analyse rapide mais substantielle des ouvrages récemment adressés à la Société par ses cor- respondanis, et appelle spécialement son attention sur les travaux archéologiques ou littéraires qui lui ont paru dignes d'intérêt. Quant aux ouvrages qui traitent particulièrement de l’agriculture et de l’horticulture, 218 il exprime le désir qu'un autre membre veuille bien s’en charger. Le bureau, sur la proposition de M. Beraud et après avoir consulté l’assemblée, décide que M. Pavie père sera prié de vouloir bien s'occuper de cette partie de la Revue bibliographique. Des connaissances tech- niques, une longue expérience des choses agricoles et horticoles, un style aussi élégant que convenablement approprié à tous les sujets qu'il veut embrasser, ne pourront que donner beaucoup de valeur et d’attrait aux observations critiques que l'examen de ce genre de publications donnera lieu de faire à notre digne doyen. M. Beraud continue la lecture de son voyage dans le Midi, et traite celte fois de la partie du pays qu'il a parcourue de Lyon à Marseille. Il décrit d’abord les bords du Rhône jusqu’à Avignon, fait ressortir les caractères particuliers de configuration du sol et de végétation qui les distinguent d'une façon si tranchée des rives ombreuses de la Loire; puis il indique les établissements scientifiques et artistiques de l’ancienne ville des papes, signale la part presque exclusive qu'a prise pour leur imprimer un développement extraor- ainaire , la générosité privée , et exprime le regret que de si nobles exemples ne trouvent pas partout des imitateurs. Il parle également de la prospérité du théâtre d'Avignon, et à cette occasion traite des con- ditions particulières d'installation à l’aide desquelles seules de telles entreprises peuvent prospérer sans surcharger outre mesure le budget des villes de pro- vince. Celte section du voyage se termine par l’arrivée à Marseille et un coup-d’œil sur l'aspect général de sa baie par une belle et pure soirée d'automne. CO" PTS 219 M. Port lit un mémoire par lui rédigé d’après des documents inédits sur une représentation dramatique qui fut donnée au xvre siècle, dans l’amphithéâtre de Doué et qui dura 40 jours. IL est conduit à penser que cemonument qui, quant à son modede construction n’a pas d’analogue dans tout ce qui est resté de l'antiquité romaine, ne doit pas remonter à la période gallo- romaine, mais être rapporté plutôt aux environs du vie siècle. Selon lui il aurait été construit et disposé exclusivement dans le but d'y donner des représenta- lions dramatiques. Cette opinion, contraire à celle adoptée par les historiens anciens et modernes de l’Anjou , ainsi qu'aux traditions locales, a soulevé.au sein de la Commission archéologique devant laquelle ce travail fut d’abord présenté, une contradiction et une discussion qui ont été constatées dans le procès- verbal de la séance dernière de ladite Commission, et qui se trouvant ainsi épuisées , ne se sont pas repro- duites lors de la présente lecture et ne doivent pas par conséquent trouver place ici. La Société consultée par le Président , vote l'impres- sion du travail de M. Port, si intéressant par les docu- ments nouveaux et importants qu’il a mis en lumière- M. Guérin reprend ensuite la lecture de son voyage en Orient. 11 décrit l’île de Rhodes et ne captive pas moins vivement l’attention et l'intérêt de ses auditeurs: que dans les précédentes séances. Le vote sur l’im- pression est reporté à la prochaine réunion. M. Godard-Faultrier ayant été forcé de s’absenter, ne peut faire la communication relative aux tombeaux de la famille de Charnacé, qui devait clore l’ordre du jour et en conséquence la séance est levée. Le Secrétaire-général, T.-C. BERAUD. Ne re “roanebge20b ion dede ruse du roi im D bd je ans pce dors AmiO aliptastsb ten jo tmp'os ftotenebsrgols soleg Shoïidqg 4h 4 oo! da LOT bac ce ere db hoqgétions: eistée roraibido disais vb Me tot aatatt bla Serietlaiatx::, tr elle) 246 obébatobor dndnotmeéacdoio te idee DATENT sa me Lot 1e He 7 da Fin a A sa TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE 6° VOLUME (2° SÉRIE), DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES: ET ARTS D'ANGERS. Pages. Discours du Président présentant le résumé des travaux de la Société pendant l’année précédente. — Séance du 19 jan- He LÉ NE R ER LE SE AR tea Er te AS Discours prononcé par M. L. PAVIE..................... Lettre adressée le 17 septembre 1854, à M. le Préfet de Maine et Loire, par M. T.-C. BERAUD...................... Serment de Jacques d'Armagnac sur la vraie croix de Saint- Laud, par M. GODARD-FAULTRIER.........:.......... Visite de la Société d'agriculture , sciences et arts d'Angers, et de la Commission archéologique, dans les nouvelles salles du Musée des antiquités, le 11 mai 1855............... Considérations diverses sur les promenades publiques en gé- néral et leurs diverses annexes, par M. T.-C. BERAUD.... Brevet de comédien pour le sieur Desmarest et compagnie, communiqué par M. GODARD-FAULTRIER.............. Notice historique sur les hommes qui ont illustré le nom de Beauvau , par M. J.-P. OUVRARD............+....0.. 58 61 222 Pages, Grotte de l'Apocalypse à Patmos. — Un mot sur saint Jean et sur l'ouvrage qu'il a composé dans cette grotte, par M. V. GUÉRIN 26 RAR es nano PANNE ES 81 De la production du lin et du chanvre dans les cantons de Segré et du Lion-d'Angers, et de la cause principale qui s'oppose à ses progrès, par M. T.-C. BERAUD.......... 91 Note sur les moyens de fixer les dunes, par M. A. GENET... 100 Rapport bibliographique, par M. ÉLIACIN LACHÈSE. ........ 109 Le théâtre à Doué, par M. CÉLESTIN PORT............... 128 Tombeau du baron de Charnacé et de son épouse Jeanne de Maillé-Brezé, par M. GODARD-FAULTRIER Souvenirs pittoresques, scientifiques et artistiques d’un voyage dans le midi de la France, en octobre 1854, par M. T.-C. BERAUD : 2.202 NAN LRO dont Ac QE 137 Discours prononcé le 28 août 1855, au nom de la commission de surveillance , à l’occasion de la distribution des prix à l’école municipale des beaux-arts, par M. T.-C. BERAUD.. 167 Procès-verbaux des séances de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers. — Séance du 18 août 1854........... 179 Séance du 45 décembre... SONO TONNES 185 = du 16 janvier ASS Lan ire CNRS 193 — du 93 février. .............. DU pue dot à NES 195 2: dt 28 mars APR ne de NN EE 200 — ‘du 20 avril. ........... RP EE MAT ER € LP DS du A0 mais 2 RARE UE SRG IE PU 206 Nues, LÉ nr 210 Se NOR LÉ ALES RS Gp En se ES 215 NC LE <-D= rm Eos ns / E-o of Ge & > PE { É Ée | MÉMOIRES | | à | DE | 07 | LA NICIÉTÉ AGRICULTURE, | © SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. | DEUXIÈME SÉRIE. SEPTIÈME VOLUME. ANGERS, . :: SOCIÉTÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE D'ACRICULTURE SCIENCES ET ARTS PD'ANGERS. DEUXIÈME SÉRIE. 7° VOLUME. . ANGERS, IMPRIMENIE COSNIER & LACHÈSE. 1836. pa à ue et me ME fe ca CRE CE AT LES ILAICA Por ; ol ns ont ns nl à. de SÉANCE DE RENTRÉE DU 41 JANVIER 1856. COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DE L'ANNÉE, par son président, M. DE BEAUREGARD. Messieurs, Plus d'un quart de siècle s’est déjà écoulé depuis la fondation de notre Société; mais, en vieillissant, elle n’a rien perdu de son zèle et de la studieuse acli- vité qu'elle montra dès ses premières années, je me plais à le proclamer. Fidèle à son titre, l’agriculture est l'objet principal de sa sollicitude. L’horticulture, qui en est une branche importanie et qui trouve tant d'éléments de prospérité dans notre heureux climat, devait fixer particulièrement votre attention. Vous avez fondé un jardin fruitier expérimental qui a aequis une juste célébrité. Ses produits ont paru à 6 l'Exposition universelie et ont brillamment soutenu sa renommée. Son envoi se composait de 243 variétés de poires, 111 de pommes, 16 de prunes, 24 de raisins, en tout 404 espèces d'élite. Celte riche collection a oblenu un succès qui a été constaté par une médaille d'or qui a élé décernée à notre Société. Le cours de taille et d’arhoriculture que vous avez organisé continue d'oblenir un grand succès et rend de véritables services ; l’affluence des auditeurs qui s’y porte est son plus bel éloge. Vous aviez fondé un cours de géologie et un autre de chimie appliquée à l’agriculture; mais l’école pré- paraloire d'instruction supérieure dont nolre ville vient d'être dotée, embrassera et absorbera cet ensci- gnement dont vous avez eu l’heureuse initiative. Ouire l’agriculiure, les sciences et les arts entrent dans les attributions de notre Société; elle en fait de fréquentes applications en constatant et décrivant d'anciens monuments, en recherchant et publiant des manuscrils inédits, propres à jeter des lumières sur l’histoire du pays. Mais les produils de ses invesligalions n'avaient fourni que des éléments isolés. Il fallait les coordonner et former un ensemble. Vous avez conçu la pensée. d'édifier une slatistique monumentale de Maine et Loire et, sous le patronage de M. le Préfet, vous avez: adressé des questions à tous les Maires du départe- ment; quelques uns vous ont fourni d’utiles docu- inents. Me. l’Évêéque a bien voulu aussi nous prêter sa recommandation auprès des curés de son diocèse pour oblenir les imêmes secours. Lorsque ces divers malériaux seront réunis, ils seront aussitôt remis à C4 f une commission prise dans votre sein, qui les coor- donnera et en formera un corps d'ouvrage. Nous avons à déplorer, Messieurs, les ravages que la mort a faits dans nos rangs. M. Lofficial nous a élé enlevé. Il consacra une portion de sa vie à des fonc- tions publiques. Juge d’abord au tribunal de Baugé, il devint sous-préfet du même arrondissement. Rendu ensuite à la vie privée, il se livra entièrement à l’agri- culture. Il contribua puissamment à la fondation de la ferme-école de Sermaise, institution habilement con- Que, qui pouvait rendre de grands services et qui n’a succombé que parce qu'elle fut mal administrée. Une perle, non moins regreltable, est celle de M. Faye. Appelé à Angers en qualité de conseiller à la Cour royale, son esprit sludieux, son penchant pour les sciences et parliculièrement pour l'archéologie, le portèrent bientôt à rechercher une place dans notre compagnie, nous n’eûmes qu’à nous féliciter de l'y avoir admis ; nous avons tous connu et apprécié l’a- ménité de son caractère, commie la haule portée de son intelligence ; il a enrichi nos publications d'inté- ressantes recherches historiques. Nommé à la Cour royale de Poitiers, il conserva avec nous, à titre de membre correspondant, des relations qu'il entrelenait par l'envoi de ses œuvres liltéraires, lorsqu'une mort prémalurée l’a enlevé à sa famille et à ses nombreux amis. Une perte bien récente est venue jeter le deuil dans tout le monde artistique et particulièrement dans notre cité : David, notre illustre compatriote, nous a été enlevé par une mort aussi subite qu'inopinée. Enfant de ses œuvres, il s’éleva par son talent jusques aux 7 8 sommités de l'art. Si sa ville natale aïda ses premiers efforts , il s’en montra toujours reconmaissant, il l’en- richit d’un Musée qui porte son nom et qui restera comme un monument de sa gloire. Il accordait une flatieuse sympathie à notre Société dont il accepta le titre de membre correspondant. Qu'il reçoive iei l’ex- pression de nos regrets. Les pertes que nous déplorons trouvent un adou- eissement dans les heureuses acquisitions que nous avons failes. Trois nouveaux collaborateurs sont venus ‘ prendre place parmi nous et remplir des vides affli- geants. L’unanimilé avec laquelle vous les avez admis, prouve combien vous comptez sur leur concours. Après vous avoir présenté, Messieurs, le tableau des travaux que vous avez accomplis pendant l’année qui vient de s'écouler et ceux que vous avez préparés pour celle qui commence, éprouve le besoin de vous ex- primer combien je suis profondément touché du lémoi- gnage de confiance que vous m'avez donné en me chargeant de les diriger, de concert avec l'honorable bureau auquel vous m'avez associé. Dans le cours de la longue carrière judiciaire que j'ai parcourue pendant plus de 45 ans, je devais la plus grande partie de mon temps à mes devoirs de magisirat. Maintenant que l'heure de la relraile a sonné pour moi, je pourrai me vouer, sans partage, à notre Société, dont je suis fier de compter parmi les fondateurs. Heureux si je puis, par mon zèle et mon dévoment, justifier la bien- veillance dont vous m'avez honoré, EE A FF @ER'E UNE STATISTIQUE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, Messieurs, Vous m'avez chargé de vous rendre comple d'un ouvrage écrit en langue anglaise qui vous & été adressé par l'inslilution Smithsonian fondée aux États-Unis d'Amérique; je viens acquitter celte mission. Vous vous rappelez qu’un riche anglo-américain, nommé Smithson, a légué à la ville de Washington tous ses biens dont le revenu s'élevait à 36,000 dollars (175,000 fr.), pour fonder et entretenir une institution dont l’objet serait de répandre les connaissances utiles dans tout le genre humain, mankind, c'esl l'expression du testament. Pour donner à ceite institution une bonne direction et lui assurer des conditions de durée, elle est placée v sous la tutelle d’un conseil de régence composé de 10 quinze membres, savoir : le président des États-Unis d'Amérique, le chef de justice de la Cour suprême, trois membres du Sénat, trois membres de la Chambre des Représentants et six citoyens choisis par les deux chambres. L'institution Smithsonian vous a fait un premier envoi de ses œuvres, il y a environ trois ans; j'ai eu l'honneur de vous en faire le rapport. Elles contenaient la description des monuments dont l’origine remonte aux temps antérieurs à la découverte de l'Amérique. Les plus remarquables sont des retranchements d’une forme régulière revêtus de murailles en pierres sèches d'une grande dimension. Un auire genre de monu- ments, non moins digne d'attention, sont des cônes en terre de 20 à 30 mètres de hauteur, qui rappellent les tombelles ou tumuli d'Europe. Quelques-uns ont élé fouillés, ils contenaient au centre un ou plusieurs squeleltes appartenant, sans doute, à quelques chefs de tribus. Près d'eux étaient placées des armes qui se composaient de pointes de lances et de flèches en silex taillées avec une grande perfection; des casse- têtes, des haches semblables à celles que nous appe- Jons haches celliques et que aous trouvons fréquem- ment en Europe, s’y rencontrent en abondance. De cette similitude on peut conclure que les hordes, qui parlies de l'Asie, ont inondé l’Europe, ont pu égale- ment atteindre l'Amérique par les régions du Nord et s’y répandre. Le premier envoi des œuvres de l'institution Smith- sonian offrait des notions sur l'Amérique telle qu’elle était avant Ja conquête par les Européens. Le second envoi, dont j'ai à vous rendre compte, la représente il dans son élat actuel. L'institution consacre chaque année des sommes considérables à des explorations dans des contrées encore peu connues. Chaque expé- dition est accompagnée de naturalistes qui décrivent l'état physique des pays qu’ils parcourent. Leurs rap- poris composent le premier volume du dernier envoi que vous avez reçu et contiennent l'énumération des minéraux, des végétaux et des animaux dont ils ont constaté l'existence. Les expéditions sont souvent entravées par les atlaques des sauvages. Leurs armes, qui se coruposent de lances ou de flèches de bois très dur, seraient très peu redoutables, si elles n'étaient fréquemment empoisonnéés. Le poison le plus actif dont ils se servent est le venin tiré de la dent du ser- pent à sonnetles. Dès qu'il pénètre dans une blessure, le sang se coagule et la mort est presque inévitable. Le second volume de l'envoi contient la statistique générale des États-Unis. La première partie traite de ja population : nous y voyons que le nombre des habi- iants libres s'élève à 19,987,000, dont 2,200,000 étran- gers au pays sont venus s’y élablir et s’y fixer. Ce nombre d'émigranis se décompose ainsi : HA UTALS. 1er ON NSP EEURE 966,000 habit. Atemands:: 1eme He 572,000 BRAS EAU S AL 27 RE EAN At 278,000 Possessions anglaises........ 147,090 (CUS RAI Ua AN PR LR 70.000 RANGS. ANA Le ALAN TN 54,000 ERA QUE BEEN DIENE RIRBE PART PA 29,000 AENRÉS HARAS LU TE 00,060 BORA ON LE SALUE 2,290,009 hab. 12 On peut juger par le nombre des émigrants irlan- dais, de la misère de ce peuple qui cherche sur une terre étrangère des moyens d'existence qui lui man- quent dans son propre pays. Un tableau indique l'ac- croissement de la populalion qui n'étant en 1790 que de 3,172,000, élail parvenue en 1550 à 19,630,000; à ce nombre il faut ajouter la population esclave qui n'élait en 1790 que de 637,000 el qui s'élevait en 1850 à 3,200,009 pour les dix-huit Élats où l'esclavage n'est pas aboli. La seconde partie de la siatislique donne la répar- liion des religionnaires entre les différents cultes pratiqués aux États-Unis; ils sont nombreux, les principaux sont les suivants : catholique, juif, pro- testant épiscopal, presbylérien, luthérien, réformé, allemand, anabapliste, méthodiste, quaker, morave, unilaire, universitaire, etc. On est peu étonné de cette diversité de cultes, lorsque lon considère que le protestantisme admet que chacun peut interpréter la Bible et les livres saints selon son inspiration el déter- miner la forme du cuile selon sa volonté. La slalistique de l’agriculture renferme des docu- ments très intéressants. Nous ne pourrions vous les. présenter sans excéder les limiles d’un simple rapport, nous nous bornerons à citer ce qui concerne la culture de la vigne parce qu’elle offre un grand intérêt pour notre commerce. Nous traduisons textuellement. « La grande quantité de vin produit annuellement » par les États-Unis est devenu le sujet d'importantes » recherches jusqu'au relour du seplième recense- » ment. Celui de 1840 donnait 124,000 gallons pour le » produit de cette même année (le gallon équivaut à 13 » 4 litres 1/2). 11 a été constaté par des relevés publiés que, depuis celle époque, la cullure du raisin el la fabrication du vin qui en provient à augmenté d'une manière importante dans les États qui bordentFOhio ; que plusieurs centaines d’acres y ont été planlées en » vigne, et ont produit plus de 45,000 galions dans un » an. Le produil total de l’année 1850 a été de 221,249 » gallons. Mais durant celle période intermédiaire » nous avons ajouté à notre territoire la Californie et » le nouvéau Mexique qui ont produit, dans la der- » nière année, 60,718 gallons. Malgré ce produit nous » avons besoin de recourir à l'importalion; elle à » été durant l’année 1851 de 6,160,009 -gallons (ou » 277,000 hectolitres), dont les trois quarts provenns » de France. » La dernière partie de la stalistique contient des calculs météorologiques et des tableaux de elassifi- €ation d'histoire naturelle qui ne sont pas suseeplibles d'être analysés. Tel est, Messieurs, l'ensemble des sujets {raités dans le dernier envoi de l'inslitution Smithsonian dont vous m'avez chargé de vous rendre compte; ils sont tellement remplis de faits intéressants et variés, que ne pouvant tous les rapporter, nous avons dû nous borner à les signaler à votre attenlion el à indiquer le trésor pour que vous puissiez aller y puiser. D Ÿ > Ÿ D Ÿ ÿ DE BEAUREGARD. LE RQUISSHAU Ruisseau, ton gai murmure ct {on onde si douce, Où le calme à l'esprit vient avec la fraicheur, Les baisers qu’en passant iu donnes à la mousse, Tout ce qui: vit en toi rend mon espril rêveur. Qui sait combien de jours ont vu couler tes ondes? Et cependant ton chant est toujours jeune et frais ; Et déjà je n'ai plus que des rides profondes, Et bientôt pour abri que l'ombre d'un cyprès. Je sens s'évanouir tous les jours, à chaque heure, Un souvenir, un rêve, et l'espoir qui soutient; Quand tu chantes toujours, Ô Ruisseau! moije pleure... Une larme, un regret, Ô pénible entretien LA Ruisseau, mouille mes pieds de ton onde amollie, Comme tes flots d'azur baignent Les bords fleuris; Que de ion doux murmure et de ton harmonie, . Ta voix, la douce voix vienne couvrir mes cris. Les‘cris de ma douleur, les cris de ma tristesse, Tout ce qui fit souffrir mon esprit indompté ; 0! Ruisseau! je n'ai pas ta constante Jeunesse, Mais j'ai l'âme et le cœur qui font l'humanité. 15 Dieu n’a donc pas pour tous le même amour de pere! Car il fait de la vie une charge au plus fort, Une lutte incessante et toujours meurtrière, Et tu coules paisible à l'ombre et sans effort. Ami, réjouis-toi, souris à ton malaise, Acceple avec orgueil ta place à ces combats ; L'épreuve est la balance où la valeur se pèse, Et sans la lutte aussi tu ne le connais pas. 0! ne regrelle pas ce qui passe si vite! Pour utiliser l’arc il faut qu'il soit tendu, Si l'épreuve est facile où serait le mérite? Le vice et la vertu tout serait confondu. Elle anoblit son cœur et lui donne la vie, De ton nom elle fait une célébrité, C'est le brasier d'amour où Dieu te purifie, C'est l’esquif qui te porte à l’immortalité. La vie esi l’exilé jeté nu sur la plage, Dieu fit ma rive fraîche et mes limpides eaux, Pour t'offrir une halte au milieu du voyage, Et tout l’azur du ciel au reflet de mes flots. Angers, le 7 février 1856. LE C!° D'ARTAUD, Payeur général du Trésor publie et chevalier de la Légion-d’Honneur. RAPPORT SUR LE CATALOGUE DES LÉPIDOPTÈRES DES ENVIRONS D'ANGERS DE M. G. TOUPIOLLE (|). La Sociélé impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers, a eu l’heureuse pensée, pour faciliter les travaux d'une Faune des insectes propres à l’Anjou, de publier soit des monographies de certaines familles, soil des catalogues de- certaines classes de ces’ ani- maux qui pussent aider Îles amateurs dans leurs re- cherches en leur faisant connaître ce qui a déjà été observé et ies mettre ainsi sur la voie de nouvelles découvertes. On se souvient que c'est dans le Recueil de notre Société que parut le remarquable travail de M. Millet, (1) Lu à Ja séance de la Société impériale d'agriculture d'Angers, le {1 juin 1856, par M. Beraud , secrétaire-général. 17 notre confrère, sur la grande famille des Libellulides, qui en Europe constitue presque à elle seule par le grand nombre de ses espèces l'ordre des Névropères. Cette importante publicalion a été suivie du cata- logue des Coléoptères d'Anjou de la collection de Mre la comtesse de Buzelet, qui renferme la majeure partie des espèces que le docteur Bastard avait trouvées dans le département. Ce catalogue, qui désormais se trouve ainsi appartenir à la science, est fréquemment cité dans la Faune entomologique française que publient en ce moment MM. Léon Farmaire et Laboulbène. Nous venons aujourd'hui proposer à la Société de publier un second catalogue qui ne le cédera pas en intérêt à son aîné. M. Gustave Toupiolle, membre de notre Société et correspondant de la Société linnéenne de Bordeaux, connu des ornithologistes par d’impor- anis travaux, a voulu, en se fixant dans notre ville, conlinuer ses études d'histoire naturelle et il a cher- ché près de lui des sujets d'observation qui pussent lui offrir avec une grande variété d'objets, le vif attrait du nouveau et de l’imprévu. Il a en conséquence, et avec raison, choisi les Lépidoptères qui, il faut bien le reconnaître, n'avaient pas jusqu'à ce moment été étudiés d’une façon spéciale et avec cet esprit de suile qui peut seul conduire à des résuliats satisfaisants et complets. C'était surtout parmi les Noctuélites et les Phalénites qu’il lui restait beaucoup à faire, car il y a vraiment là en tout pays pour le collecteur une mine inépuisable à exploiter. M. G. Toupiolle s’est mis à l'œuvre avec une ardeur et une persévérance sans égales, et dans le court espace de trois années, grâce à des invesligations intelligentes faites en toutes D] 18 saisons et dans tous les moments du jour, il a pu por- ter à 400 le nombre des espèces par lui observées personnellement dans la seule banlieue de Ja ville d'Angers. Ces espèces déterminées à l’aide d'ouvrages spéciaux, confrontées avec des échantillons nommés par des amateurs instruits, tels que MM. de Graslin, de Château-du-Loir, Grosleau, Ducoudray-Bourgault, de Nantes, etc., soumises même, pour les litigieuses, à l'examen de ces savants entomologistes, ne laissent rien à désirer pour la certitude de la synonymie. Ce catalogue présente encore un intérêt tout parti- culier, en ce que le cabinet d'histoire naturelle d’An- gers vient d'acquérir tous les types de M. Toupiolle et que l’on pourra ainsi vérifier ses espèces dans la collection publique. | M. Toupiolle a d’ailleurs ajouté à cette collection locale un complément fort intéressant, d'environ 200 espèces françaises qui n'ont pas été encore par lui observées autour de notre ville, mais dont plusieurs s’y trouvent cerlainement et dont d’autres ne peuvent guère manquer de se rencontrer dans les parties du département dont les richesses lépidoptérologiques ne nous sont pas suffisamment connues. Plusieurssmo- tifs peuvent le faire espérer. D'abord la constitution géologique du sol influant sur la végétation et les larves des Lépidopières étant essentiellement phyto- phages, certaines espèces ne doivent se trouver qu'aux lieux où sont cantonnées certaines plantes dont elles font exclusivement leur nourriture; or, la banlieue d'Angers étant presque entièrement schisteuse et le calcaire de transition n’y apparaissant que par quel- ques noyaux très bhornés, l’on doit naturellement 19 croire que la région exclusivement calcaire ou crayeuse de l'est et sud-est du département nourrit des espèces qui ne peuvent se rencontrer près de noire ville et qui lui sont propres. C'est ainsi par exemple que nous savons déjà que le Aglia Tau a été trouvé dans les forêts de pins de Baugé, par feu M. le baron Delaage fils, et que la Chelonia Hebe, peu rare dans la plaine jurassique de Poiliers, pénètre jusqu'aux con- fins de l'arrondissement de Saumur. Mais outre ces espèces propres aux calcaires qui enrichissent la Faune départementale, sans que nous devions espérer de les retrouver près de nous, il en est bien d'autres sans doule, qui, à raison de la variété des plantes dont elles peuvent se nourrir, ne subissent guère que l'influence climatérique dans leur distribu- tion géographique et que nous pouvons par conséquent rencontrer près de notre ville, la température moyenne et douce du centre de l’Anjou étant de celies dont la plus grande partie des espèces peut s’accommoder. . Nous devons d'autant plus avoir l'espérance de voir ainsi grossir la liste dressée par M. Toupiolle, que cet amateur, par un rare scrupule, n’a voulu y com- prendre que les espèces observées par lui à l'état vivant, et que nous en connaissons déjà un certain nombre que, par suile de ce parti pris, il a dû exclure dont cependant l’indigénat n'est aucunement dou- teux. Si des espèces aussi remarquables par les cou- leurs ou la taille ont pu jusqu'ici échapper à un observateur aussi clairvoyant et aussi infatigable, c'est cerlainement une forte raison de penser qu’il y à encore beaucoup de choses intéressantes à trouver et l'ardeur des amateurs doit donc être vivement 20 stimulée par l'espoir de nouvelles et importantes dé- couvertes. Nous croyons devoir leur rendre service en ajoutant ici l'indication des principales espèces à nous connues, qui n’ont pas encore pris place dans le RCE de M. Toupiolle : Argynnis cynaræ, Fab., deux captures à Bouche- maine, Béraud; une à Angers même, M. Guérin-Des- brosses. Argynnis Lucina, chaque année quelques individus à Bouchemaine, Béraud. Lycœna bœtica, L., assez commun danslesjardins du Fresne et ceux de la ville, pépinières Leroy, Béraud. Eycœna Arion, L., plusieurs captures en 1816, Plessis-Grammoire, docteur Bastard. Lycœna adonis, Fab., plusieurs captures par MM. Bas- lard et Guitet, sur les rochers de Servières. Nora. J'ai pris dans ceite localité exceptionnelle la Cygale argentée. Thecla pruni, L., Bouchemaine, ee Béraud. Syrichtus Faille, Hub., Bouchemaine, Béraud. — sao, Hub., Bouchemaine, coteaux élevées, Béraud. < Aglaope infausta, Bouchemaine, Béraud. Thyrris fenestrina, Fab., Bouchemaiïine, Béraud. Lasiocampa pruni , L., plusieurs captures, Bouche- maine et Angers, Béraud. Chelonia purpurea, L., dans les genêls, Bouche- maine, Béraud. Plusia chrysitis, L., pas rare, sur les chévrefeuillesen fleur, le soir en automne, Bouchemaine, Béraud. Plusia fertucæ, L., id., ibid., et Angers, Béraud. 21 Thyathyra batis, L., pas rare, sur les chévrefeuilles en fleurs, le soir, en automne, Bouchemaine et Angers, Béraud. Ophyusa lunuris, L., Angers, Béraud. Anarta myrtilli, L. Ochs., Bois-de-la-Haie, Guitet, Bastard, Béraud. Catocala paranympha, Ochs., Angers, une seule cap- ture, Béraud. Nous avons l'honneur de proposer à la Société l'im- pression du catalogue de M. Toupiolle, en têle duquel serait imprimé le présent rapport qui lui servirait d'introduction. Angers, juin 1856. Le Secrétaire général, T.-C. BÉRAUD. ——— sir Q LÉPIDOPTÈRES observes dans les environs d'Angers, par M. GUSTAVE TOUPIOLLE, naturaliste, membre correspondant de la Socièté impériale d'a- griculture d'Angers, et de la Société Linnéenne de Bordeaux; classés d'après l'Index methodicus du d' Boisduval, et pour les Tinéites et familles voisines d'après Duponchel. PREMIÈRE LÉGION. RHOPALOCÈRES. (&es Diurzes de Latreille et de divers auteurs). 4. — TRIBU PAPILIONIDES. 1. — Genre Papilio. 4 Popauirius, L., 4 B., Champs-Saint-Martin, mai, juillet. 2 MacHaoN, L., 4 B., Jardin des plantes, mai, juillet. 22 2. — TRIBU PIERIDES. 1. — Genre Picris. 3 CRAT&GI, L., 15 B., bois d’Avrillé, jui. 4 BrassicÆ, L., 16 B., partout, toute l’année. 5 RAP, L., 17 B., partout, toute l’année. 6 Napi, L., 18 B., partout, toute l’année. 7 Dapuipice, L., 21 B., partout, avril, juillet. 2. — Genre Anthocharis. & CARDAMINES, L., 30 B., les prairies , partout, avril. 3. — Genre Leucophasia. 9 Sinaris, L., 33 B., commun, les bois, les prés élevés, mai, juillet. 4. — Genre Rhodocera. 10 Rauni, L., 35 B., commun, partout, le premier de papillon qui paraît au printemps, été, automne. 5. — Genre Colias. 11 EpusA, L., 38 B., commun, les prés, mai, avril et septembre. 42 HyaLe, L., 47 B., moins commun, lieux élevés, mai, avril et septembre. 3. — TRIBU LYCŒNIDES. 1. — Genre Thecla. 13 BETULEÆ, L., 48 B., pas rare, Avrillé, lieux élevés, août. 44 W. ALBu», Illig., 50 B., rare, la Marre, juin 1855. 45 AcaCIÆ, Lab., 51 B., assez rare, Avrillé, juin. 16 Lynceus, Lab., 53 B., commun, les vergers, juin. 17 Quercus , L., 55 B., abondant, lieux élevés, juin. 48 Rust, L., 57 B., commun, Roc-Épine, les haies, printemps, été, 2. — Genre Polyommatus. 49 Pazœas , L., 59 B., commun, partout, avril, août. 20 XANTHE, Lab., 68 B., (les © rares), bois d’Avrillé, mai, août. 23 3. — Genre Lycæna. 21 AmyNTAS, Fab., 72 B., champs d’Avrillé, juillet. 22 Acesris, Esp., 82 B., partout, mai, août. 93 ALexiIS, Fab., 89 B., Anipé, août. 94 Acis, W. V., 100 B., assez rare, la Marre, mai, juin. 25 ArGIOLUS, L., 109 B., partout, avril, août. 4. — TRIBU NYMPHALIDES. 1. — Genre Limenitis, Boisduval; Nymphals, Lat. 96 SIBYLLA , Lab., 121 B., abondant , Avrillé, juin. 27 CAMILLA, Lab., 122 B., abondant, Avrillé, juin, août. 2. — Genre Argynnis, Ochs., Boisduval. 28 PapuiA, L., 125 B., pas rare, Avrillé, juillet. 29 AcLagA, L., 198 B., rare, bois de la Haie, juillet. 30 ApipPE , Fab., 1430 B., très rare, bois de la Haie, juillet. 31 LATHONIA, L., 132 B., très commun, Jardin des plantes, mai, août. 32 EUPHROSINE, L., 145 B., assez rare, Pignerolles, mai, août. 33 SELENE, Fab., 147 B., bois d'Avrillé, mai, août. ‘ 3. — Genre Nymphalis, Boisduval. Ce genre ne comprend plus que le N. Popurt, belle espèce de Paris et du Nord. 4. — Genre Melitæa, Fab. Ochs.; Argynnis, Lat. 34 ARTEMIS, Fab., 155 B., commun, Avrillé, mai. 35 CinxtA, Fab., 456 B., commun, Avrillé, juin, août. 36 Paœre, Fab., 158 B., rare, 1855, la Marre, juin, août. 31 PARTHENIA, Bork, 165 B., la Marre, juin, août. 38 ATHALIA, 466 B., commun, bois d’Avrillé, juin. 5. — Genre Vanessa, Ochs. Lat. 39 Caroui, L., 168 B., commun, Champs-Saint-Martin, avril, août. 40 ATALANTA, L., 169 B., Jardin des plantes , toute l’annéo. 24 41 Lo, L., 170 B., commun, partout, avril, août. 42 AnriopA, L., 171 B., pas commun, Jardin des plantes, avril, août. 43 UrTicÆ , L., 172 B., commun, partout, toute l’année. 44 PozycaLoROS. L., 174 B., très commun, Jardin des plantes, mars , juillet, automne. - 45 C. ALBUM, L., 178 B., très commun , Jardin des plantes, du printemps à l'automne. 5. — TRIBU APATURIDES. 1. — Genre Apatura, Ochs. Bois. 46 Ita, L., 182 B., abondant en 1855, la Marre, juillet. Os. — Jusqu'à 1855, on ne peut citer aucune capture de cette char- mante espèce dans la banlieue. Elle restait cantonnée dans les îles de la. Loire où elle est rare. (Béraud). 6. — TRIBU SATYRIDES. 1. — Genre Arge, Esp. 47 GALATHEA , 485 B., commun, partout , juin. 2..— Genre Satyrus, L. hipparchias, Ochs. 48 Finia, 239 B., les champs, Frémur, juillet. 49 JaniRA, 253 B., partout, juin. 50 Amarvuuis , 255 B., commun, partout, juin. 51 MÆrA, 259 B., commun, partout, mai, juillet. 52 MEcærA , 262 B., partout, mai, juillet. 53 ÆGerlA , 264 B., partout, avril, juillet. 54 HYPERANTHUS , 266 B., rare, bois de la Haïe, juin. 55 ARCANIUS , 270 B., haies d’Avrillé, juin. 56 PamexiLus, 277 B., champs d’Avrillé, mai, juillet. 1. — TRIBU HESPERIDES. 1. — Genre Hesperia, auctorum. 57 LiNEA, 281 B., abondant, partout, août. 58 LiNEoLA, 282 B., abondant, partout, août, 25 59 SYLVANUS , 283 B., abondant, partout, juin. 60 Comma, 284 B., la Plaise, août. 2. — Genre Syricthus, Boisd. 61 Maivæ, 289 B., Pâtis Saint-Nicolas, juin, juillet. 3. — Genre Thanaos, Dupinchel, Boisd. 62 Taces , L., 310 B., la Marre, avril, mai. DEUXIÈME LÉGION. HETEROCÈRES. (Crépusculaires et nocturnes des auteurs). 8. — TRIBU SESMIRES. 2. — Genre Sesia. 63 MuTILLŒFORMIS , 343 B., Grand-Anipé, juin. 64 ApirorMis , 367 B., Jardin des plantes, juillet. 9. — TRIBU SPHINGIDES. 1. — Genre Macroglossa, Ochs., Sphinx, Lat. 65 BomByzirormis, 369 B., rare, Grand-Anipé, mai, août. 66 STELLATARUM, 971 B., très commun, partout, toujours. 2. — Genre Deilophila, Ochs., Sphinx., Lat. 67 PorceLLus, L., 374 B., rare, Frémur, août. 68 ELPENOR, L., 375 B., abondant, la Baumette, août, septembre. 69 EuPpHoRBlÆ, L., 382 B., Ecouflant , septembre. | 3. — Genre Sphinx; Ochs., Aucior. 70 Licusrri, L., 393 B., Jardin des plantes. éclos le 20 juin 1855. 71 ConvozvuLr, L., 394B., Jardin des plantes, éclosle 25 juin 1855. 4. — Genre Acherontia. Ochs. 12 ATROPOS, L., assez rare, Gouronnières, septembre 1854. — Sa chenille vit sur les pommes de terre. 26 à. — Genre Smerinthus, Ochs., Lal. | 73 TiziÆ, 396 B., boulevards, mai. 74 OceLLATA, 397 B., pas rare , la Chalouère, mai, août. 75 PoruLt1, 398 B., très abondant, Fours-à-Chaux , mai, juillet. 10. — TRIBU ZYGÆNIDES. 1. — Genre Zygœna, Lat., Ochs. 76 LonicerZ&, Esp., 416 B., la Marre, juillet. 2. — Genre Procris, Fab., Lat., Atychia, Ochs. 71 STATICES , L., 448 B., rare, Saint-Nicolas, juillet. 11. — TRIBU LITHOSIDES. 1. — Genre Euchelia, Boisd., Callimorpha, Lat. 78 Jaco8eÆ, L., 458 B., très abondant, partout, mai (1). 2. — Genre Lithosia, Lat. 79 QuaprA, Fab., 468 B., commun, Avrillé, juillet. 80 CompLaAnA , L., 470 B., rare, Avrillé, juillet. 81 AUREOLA, Abner, 481 B., rare, bois d'Avrillé, mai. 82 RosEA, Fab., 484 B., assez rare, bois d’Avrillé, juin 1859. 83 MesomeLrA , L., 485 B., bois d’Avrillé, juin. 8. — Genre Nudaria , Stephens, Gallimorpha, Lat. \84 MurinA , Esp., 500 B., rare, Fours-à-Chaux, juillet. 12. — TRIBU CHELONIDES. 1. — Genre Callimorpha, Lat. 85 HerA, L., 503 B., très abondant , les champs, Gouronnières, juillet, Variété À, rare, Gouronnières , juillet. { (t) Genre Nemeaphila, steph. L 78bis RussuLa , L., Béraud, Angers, pin 2. — Genre Chelonia, Lat. 86 ViLica, L., 515 B., pas commun, Avrillé, juin. 87 Gaga, L., 522 B., commun, Jardin des plantes, août, septembre. 3. — Genre Arctia, Boisd. 88 FuLiciNosa, L., 529 B., Tivoli, juin, septembre. 89 LugrictPepA, Fab., 532 B., Jardin des plantes, mai, juin. 90 MENTHASTRI, Fab., 534 B., Jardin des plantes, juin. 91 Menpica, L., 535 B., Tivoli, mai, juin. 13. — TRIBU LIPARIDES. 1. — Genre Liparis, Ochs., Bombyx, auct. 92 Dispar, L., 592 B., très abondant, boulevards , juin. 93 SaucIS, L., 544 B., très abondant, Fours-à-Chaux, jnillet. 94 AuRIFLUA , Fal., 545 B., très abondant, Tivoli, juillet. 95 CHRYSORRHEA, L., 546 B., très abondant, Tour-Bouton, juillet. 2. — Genre Orgya, Boisd., Ochs. 96 PupreunpA, L., 549 B., route de Paris, mai. 97 Corvui, L., 552 B., rare , roc Épine , mai, juillet. 98 GonosTIGMA , Fab., 554 B., la Chalouère , juin, septembre. 99 ANTIQUA, L., 555 B., dans les chênes, partout, juin, septembre. 14. — TRIBU BOMBYCINÉS. 1. — Genre Bombyx, Auct. 100 NeusrriA, L., 563 B., commun, boulevard des Pommiers, juillet. | 101 EveriA, Fab., 567 B., rare, Jardin des plantes, septembre 1854. 102 Quercus, L., 581 B., très abondant, Jardin des plantes, juillet: | 103 Trirouur, Fab., 582 B., rare, Avrillé, juillet. 2. — Genre Lasiocampa. 404 QuercirouiA, 587 B., rare, la Marre, juillet. PRunt, Boisd., 586, rare, Bouchemaine et Angers (Béraud). 28 15. — TRIBU SATURNIDES. 1. — Genre Saturnia, Schronck., Ochs., attacus, Lat. 105 Pyri, Borck, 596 B., pas rare, mai. — PAVONIA MAJOR, L. 106 Carpini, Borck., 598 B., assez rare parfois, la Marre, mai 1855. — PAVONIA MINOR, L. 16. — TRIBU ZEUZERIDES. 1. — Genre Cossus , Boisd. , Lat. 107 LIGNIPERDA, Fab., 602 B., peu commun, boulevard des Pom- miers, juillet 1854. 2. — Genre Zeuzera, Lat., Boisd., Conuc., Ochs. 108 Æscuui, L., 606 B., rare, boulevard de la Mairie, juillet. 3. — Genre Hepialus. 109 Syzvnus, L., 612 B., abondant, Anipé, mai, août. 110 LupuuiNus, L., 614 B., élevé, éclos août 1855. 47. — TRIBU PSYCHIDES. 1. — Genre Typhonia, Baisd., Chimera, Ochs. 111 Meras, 618 B., Saint-Barthélemy, novembre. 2. — Genre Psyche, Schranck., Ochs., Lat. 112 GRAMINELLA, 641 B., pâtis Saint-Nicolas, juin. 148. — TRIBU COCLIOPODES. 1. — Genre Limacodes, Lat. 413 Tesrupo, God., 643 B., bois d’Avrillé, juin. 19. — TRIBU DREPANULIDES. 1. — Genre Cilix , Leach., Platypterix quorand. #14 SpiNuLA, Habn., 644 B., dans les haies, hôpital, août. es sa dd, 29 2. — Genre Platypterit, Lasp., Boisd. 415 Hanuia, Esp., 649 B., dans les chênes, bois d’Avrillé, avril. 20. — TRIBU NOTODONTIDES. 1. — Genre Dicranura, Lat., Boisd. 416 FurcuLA, L., 655 B., rare, Fours-ä-Chaux, juillet 1854. 417 ERMINEA, Esp., 656 B., très rare, Fours-à-Chaux, mai 1853. 418 VinuLaA, L., 657 B., rare, route des Ponts-de-Cé, mai 1855. 2. — Genre Ptilodontis, Steph., Notodonta, Ochs. 119 PaLpiNA, L., 665 B., Fours-à-Chaux, juillet. 3. — Genre Notodonta, Ochs., Boisd. 120 CamELINA, L., 666 B., rare, la Chalouère, juin 1854. 121 DicrŒaA, L., 669 B., abondant, la Chalouère, mai, juillet. 122 Triropaus, Fab., 672 B., rare, la Chalouère, juin, août. 4. — Genre Diloba, Boisd., Epirema, Ochs. 493 CœRuLEOCEPHALA, L., 687 B., rare, quai Ligny, novembre 1855. 5. — Genre Pygæra, Boisd., Ochs., Sericoria, Lat. 124 BucépHALA, L., 688 B., rare, Jardin des plantes, juin. 6.— Genre Clostera, Hoffman, Steph., Pigæra, Ochs. 495 CurTuLA, L., 690 B., rare, Fours-à-Chaux, juillet. NOCTUELLES (1). 91. — TRIBU NOCTUOBOMBYCINES. 1. — Genre Cymatophora, Treits., Boisd. 126 OcrocesimA, 696 B., rare, Fours-à-Chaux, éclos avril 1854. (1) Boisduval a inscrit ici, en quelque sorte hors ligne et de manière à em- barrasser les personnes qui veulent se rendre un compte exact des principes de sa méthode, le titre Voctuæ, qui représente les Noctuélites de Latreille, large coupe, comprenant tous les genres que Boisduval repartit dans ses 30 22. — TRIBU BOMBYCOIDES. 1. — Genre Acronycta, Ochs., Steph. 127 LePoRiINA, L., 707 B., rare, Saint-Serge, 17 août 1855. 128 Aceris, L., 708 B., commun, Jardin des plantes, juin. 129 MEGACEPHALA, Fab., 709 B., Jardin des plantes, mai, août. 130 TRIDENS, Fab., 713 B., rare, Jardin des plantes, mai. 151 AURICOMA, Fab., 717 B., très rare, boulevard de Laval, 17 juillet 1855. 132 Rumicis, L., 718 B., commun, Fours-à-Chaux, juin. 2. — Genre Bryophila. 133 GLANDIFERA, W., 795 B., abondant, Bellefontaine, juillet. 134 PERLA, Fab., 726 B., abondant, Saint-Serge, août. 23. — TRIBU AMPHIPYRIDES. 1. — Genre Gonoplera, Lat., Calyptra, Ochs. Boisd. 145 LiBATRIx, L., 739 B., la Plesse, juin 1854. Ops. Les caves et celliers, pas rare. 2. — Genre Amphipyra, Ochs., Boisd. 136 PyrAmIDEA, 745 B., peu commun, la Chalouëre, juillet. 3. — Genre Scotophila , Hubner. 137 TEAGOPOGONIS, L., 749 B., rare, Saint-Serge, juillet. 4. — Genre Mania. 138 Maura, L., 750 B., pas rare, Chemin de la Paune, juillet. 24. — TRIBU NOCTUÉLIDES. 1. — Genre Cerigo, Siephens. FREE 139 CYTHEREA, Fab., 755 B., couvent d’Avrillé, août. tribus 21-24, mais dont l'index ne détermine aucunement les Hmites. Si naturelle qu'elle puisse étre, cette coupe forme donc, dans l’index méthodi- eus , un véritable hors-d'œuvre, n’ayant nulle raison d’être et que rien ne peut justifier, puisque cef auteur n’a pas produit en regard les autres eoupes 31 2.— Genre Triphæna, Treits., Boisd. 440 LiNOGRISEA, Fab., 756 B., Gouronnières, juillet. 141 INTERJIECTA, Hubn., 758 B., trèsrare, Bellefontaine, juin 1854. 442 IANTHINA, Fab., 759 B., abondant, Bellefontaine, juillet. 143 OrBoNA, Fab., 761 B., très abondant, Bellefontaine, juin. 444 PronuBA, L., 763 B., partout, Bellefontaine, juin, juillet. 3. — Genre Chersotis, Boisd. 145 PLecrA, L., 772 B., rare, Fours-à-Chaux, juin, 1854. 4. — Genre Noctua, Treits. 146 C. NicruM, L., 7717 B., rare, la Chalouère, 17 juillet 1855. à. — Genre Agrotis. 147 ExcLamarTionis, L., 827 B., rare, route des Ponts-de-Cé, juillet 1855. 448 Pura, H., 852 B., rare, Ecouflant, juillet 1855. Var. LiGNosA, rare, Ecouflant, juillet 1855. 6.— Genre Heliophobus, Boisd., Steph., Hadena, Treits. 149 PopuLanis, Fab., 864 B., Tour-Bouton, 20 juillet 1854 et Usine à gaz, 12 septembre 1854. qui pourraient servir à diviser ainsi les nocturnes dans leur ensemble et à un point de vue plus général que celui auquel il s’est placé pour établir ses iribus. Nous sommes portés à croire qu'il faudrait en revenir à Ja classification ayant un point de départ plus élevé, que Latreille avait conçue et qu'en conséquence il fauarait adopter de nouveau la division primitive en Diurnes Crépusculaires et Nocturnes, en admettant dans ces derniers les grandes divisions de Latreille qui formeraient ainsi autant de familles naturelles dans lesquelles se rangeraient les tribus de Boisduval et Duponchel. Toutefois on rejetterait avec ces derniers auteurs les Tinéites à la fin de la série, sauf à en détacher le genre Lithosta, pour le placer dans les Noctuo hombycites, au voisinage de CaZlimorpha comme la fait Boisduval. Nous conseillerions donc aux personnes qui voudraient classer leurs collec- tions de Lépidoptères d'Anjou de manière à pouvoir se bien rendre compte des grandes coupes naturelles dans lesquelles se répartissent les groupes secondaires que Boisduval désigne sous le nom de Tribu, d’adopter la clas- sifcation suivante qui reproduit sauf de légères exceptions celle de Latreille, 32 25. — TRIBU HADENIDES. 1. — Genre Luperina , Boisd. 150 Porvopon, L., 886 B., rare, Ponts-de-Cé, juillet 1854. 151 ConsprcicraRis, L., 887 B., Tivoli, avril 1853. 152 Dinyma, Bork., 895 B., L’Aumonnerie, juin 1855. 2. — Genre Apamea, Treits. 153 STRIGILIS, L., 901 B., Hôpital, juin, juillet. Var. LATRUNCULA, W., Hôpital, juin, juillet. 454 FuruncurA, W., 903 B., Lomonnerie, août. 93. — Genre Haden«a. 155 LuTuLENTA, W., V., 911 B., route de Paris, septembre. 156 Ærmiops, Ochs., 912 B., rare, Ponts-de-Cé, septembre. 157 PERSICARIÆ, L., 913 B., Frémur, mai, juin. 158 BrassicÆ, L., 915 B., commune, partout, juillet. 459 Suasa, W., V., 916 B., rare, Tivoli, 26 mai 1855. 160 OLErACEA, L., 917 B., Tivoli, mai, août. 161 DENTINA, Esp., 928 B., Jardin des plantes, juillet. 162 THALASSINA, Bork, 949 B., la Baumette, mai, juin. 463 ProTEA, Esp., 959 B., rare, boulevard de Laval, 4 oétob. 1855. dans l'ordre même qui était admis par ce célèbre entomologiste. qui eut la gloire immense d’appliquer le premier les principes de la méthode naturelle à la science entomologique. Drurnes, Lat. — Tribus I à 7 du présent catalogue. CRÉPUSCULAIRES , Lat. — Tribus 8 à 10 du cat. Nocrurxes, Lat.i Avec les divisions ou familles suivantes : Bomeycires, Lat. — Tribus 13 à 20 du cat. NOCTUOBOMBYCITES , Lat. — Tribus II et 12 du cat, NocruËurTEs , Lat. — Tribus 21 à 34 du cat. PHALÉNITES , Lat. —— Tribu 35-du cat. PyrALires , Lat, — Tribus 36 à 42 du cat. PLaryonines, Dup. — Tribu 43 du cat. CRAMBITES , Lat. — Tribu 44 du cat. Tinéites , Lat. (pro parte). — Tribus 45 et 46 an eat. J PTÉROPHORITES — Tribu 47 du cat. (Béraud),. 33 4. — Genre Phologophora, Treit., Boisd. 164 EmpyrEeA, Hub., 964 B., rare, la Chalouère, 20 juin 1854. 465 MericuLosA, L., 966 B., commune, partout, novembre. 5. — Genre Dianthæcia, Boisd. 166 ConsPersA, W., V., 988 B., rare, la Marre, juin 1854. 167 CapsincorA, Esp., 997 B., rare, Bellefontaine, juin 1854. 6. — Genre Polia, Treits. 167 bis, SÉRENA, Fab., 1008 B., rare, Tivoli, mai 1855. 168 RuriciNCTA, Hub., 1022 B., Jardin des plantes, août. 169 FLAvIcINCTA, Fab., 1093 B., Jardin des plantes, septembre. 26. — TRIBU LEUCANIDES. 1. — Genre Leucania, Oschs. 470 ALBIPUNCTA, Fab., 1045 B., Tivoli, juin. 171 L. AzBu, L., 1056 B., Bellefontaine, juin, septembre. 172 STRAMINEA, Treit., 1069 B., rare, la Baumette, août 1855. 27. — TRIBU CARADRINIDES. 1. — Genre Caradrina, Ochs. 473 PLanrTaGinis, Hub., 1097 B., bois de la Haïe, juillet. 174 MorPHeus, Viess., 1104 B., rare, couvent d’Avrillé, août. 175 CugicuLaris, W., V., 1114 B., faubourg Saint-Jacques, août. 28. — TRIBU ORTHOSIDES. 1. — Genre Orthosia, Ochs., Tr. 476 PisTACINA, Fab., 1135 B., rare, boulevard de Laval, sep- tembre. 471 INSTABILIS, Fab., 1141 B., la Chalouère, février, mars. 2. — Genre Cosmia, Ochs., Tr. 178 AFFINIS, L., 1155 B., assez rare, Tivoli, août. 479 TRAPEZINA, L., 1158 B., hois d’Avrillé, juillet. 6 34 3. — Genre Xamthia, Ochs., Tr. 180 XERAMPELINA, Hub., 1178 B., rare, Ponts-de-Cë, septembre 1854. 181 GILvAGo, Lab., 1183 B., le Mail, octobre 1853. 4. — Genre Cerastis, Ochs., Tr. 482 Vacanu, L., 1191 B., le Palais, mars 4853. SPADICEA, variété, Tivoli, mars 1853. 183 ERYTHROCEPHALA, W., V., Frémur, septembre 1855. 29. — TRIBU XYLINIDES. 4. — Genre Xylina, Treits. 184 ExoLErTA, L., 1198 B., Mail, 20 août 1853, 22 wars 1856. 485 RHIZOLTHA, Fab., 1204 B., le Mail, mars. 186 OcuLaTA, Germor, 1206 B., route de Paris, septembre. 2. — Genre Xylocampa, Guenée. 187 LrraorxizA, Bork, 1207 B., la Chalouère, Jardin des plantes, mars 1856. 3. — Genre Cleophana, Treit., Boisd. 188 Linar1æ, Fab., 1220 B., élevé, Jardin des plantes, mai, sep- tembre. 4. — Genre Cucullia, Ochs., etc. 189 VErRBASCI, L., 1225 B., élevé, Jardin des plantes, éclos le 17 février 1856. 189 bis, SCROPHULARIÆ, Rambur, 1248 B., élevé, Jardin des plantes, éclos le 22 mars 1856. 189 ter, AsrERIS, Fab., 1248 B., élevé, Jardin des plantes, éclos le 22 mars 1856. 30. — TRIBU PLUSIDES. 1, — Genre Abrostola, Ochs. 190 TripLaAsIA, L., 1259 B., Jardin des plantes, août. 30 2. — Genre Plusia. 190 bis, CIRCUMFLEXA, L., 1278 B., très rare, la Forest. 4 sep- tembre 1853. 191 Gamma, L., 1282 B., très commun, partout, toute l’année. 31. — TRIBU HELIOTHIDES. 1. — Genre Anarta, Ochs.. 192 AreUTI, Fab., 1300 B., rare, Anipé, 17 mai 1853. 2. — Genre Heliothis, Ochs. 193 PeLricerA, W., V., 14307 B., la Marre, 20 juin 1855. 32. — TRIBU ACONTIDES. 1. — Genre Acontia, Ochs., Tr. 194 Sozaris, W., V., 1322 B., Jardin des plantes, août, 99. TRIBU CATOCALIDES. 1. — Genre Catephia, Ochs., Tr. 195 ALCHYMISTA, Fab., 4326 B., rare, la Chalouère, 17 mai 1853. 2. — Genre Catocala. 196 FRaxINI, L., 1327 B., très rare, Jardin des plantes, £ sep- tembre 1855. 197 ELocarTa, Esp., 1328 B., commun, Jardin des Plantes, août. 198 Nupra, L., 1329 B., commun, Jardin des plantes, juillet. 199 OpraTA, G., 1334 B., rare, Jardin des plantes, mai et juin 1854. 3. — Genre Ophiusa, Treit. 200 ALcirA, L., 1363 B., pas rare, Jardin des plantes, mai 1855. 40. — TRIBU NOCTUOPHALÆNIDES. 4. — Genre Euclidia, Ochs., Tr. 201 GLvprica, L., 1377 B., Avrillé, août. 36 2, — Genre Antrophila, Boisd. 202 ÆNEA, W., V., 1385 B., bois d'Avrillé, juillet. 9. — Genre Agrophila, Boisd. 203 SuLPHUREA, Hubner, 1400 B., la Marre, mai, août. 6. — Genre Erastria. Ochs. 20% PARvULA, Rambur, 1407 B., bois d’Avrillé, juillet. 35. — TRIBU GEOMETRES, Boisd., OU PHALÉNITRE (Lat.). OBs. — Boisduval a adopté dans cette Tribu la désinence aria, qu'il a substituée, pour les espèces, à celle en afa des autres auteurs. Nous avons cru néanmoins devoir citer l’auteur primitif pour toutes ces espèces, sauf à tenir compte de notre observation. 1. — Genre Geometra, Tr., Dup. 205 PApPILIONARIA, L., 1415 B., rare, bois d’Avrillé, 10 juin 1855. 2. — Genre Hemithea, Duy. 206 CyrisariA, W., V., 1418 B., Fours à Chaux, juin. 207 PuTATARIA, L., 1427 B., Anipé, juin. 208 ÆsTivarIA, Esp., 1498 B., Anipé, juin. 3. — Genre Metrocampa, Lat., Dup. 209 MaARSARITARIA, L., 1432 B., Jardin des plantes, 11 juillet 1855. 4. — Genre Urapteryx, Kirby. 210 SamBucaRïA, L., 1435 B., assez rare, Jardin des Plantes, 2 juillet 1855. 9. — Genre Rumia, Dup. 211 CRATÆGARIA, Hubn., 4436 B., abondant, Roc-Épine, mai. 6. — Genre Ennomos, Treit., Dup. 212 DOLABRARIA, L., 1438 B., assez rare, Grand Anipé, mai, juillet. 37 213 LunariA, W., V., Hub., 1446 B., assez rare, Avrillé, juin, septembre. 214 ILLUNARIA, W., V., Hub., 1448 B., assez rare, Avrillé, juin, septembre. — variété, Minor, assez rare, Avrillé, juin, septembre. 215 ILLUSTRARIA, Hub., 1449 B., rare, hôpital, mai 1855. 216 ANGuLARIA, Esp., 1450 B., la Marre, juillet 1855. 217 PRuNARIA, L., 1458 B., abondant, Anipé et Avrillé, juin. Variété : Corylaria. 7. — Genre Himera, Dup. 219 PennariA, L., 4459 B., boulevard de la Mairie, 4er dé- cembre 1854. 8. — Genre Crocallis, Treit., Dup. 219 EzinGuaARIA, L., Hub., 14462 B., Pignerolles, août 1853. 9. — Genre Macaria, Curtis. 220 ALTERNARIA, Hub., 1472 B., Grand Anipé, mai, juillet. 10. — Genre Aspilates, Treit., Dup. 221 VipicariA, L., 1479 B., rare, Pignerolles, juillet. 222 CALABRARIA, Esp., 1480 B., rare, couvent d’Avrillé, mai 1855. 293 PurPURARIA, L., 1481 B., Tivoli, août. 29% CirrariA, Hub., 1491 B., bois de La Haye, août. 11. — Genre Fidonia, Treit., Dup. 225 ArtomariA, L., 1515 B., bois d'Avrillé, avril. — variété, bois d’Avrillé, juillet. 12. — Genre Eupisteria, Boisd. 226 ConcorpariA, Hub., 1516 B., La Pyramide, juin. 13. — Genre Hibernia, Latr., Dup. 227 RupicaprARIA, W., V., Hub. à, 1527 B., route de la Bri- sepotère, 18 février 1856. \ 33 228 PROGEMMARIA, Hub., & 1529 B., chemin de Bellehourne, & février 1856. 229 LeucopHÆaRIA, W., V., à 1531 B., rare, Pignerolles, 12 février 1856. 299 bis, PiLosARIA, W., V., Hub., à 1533 B., rare, Tivoli, 15 mars 1856. 299 fer, AURANTIARIA, Esp., à 1528 B., rare, allées des Fours à Chaux, 17 mars 1856. 14. — Genre Amphidasis, Treit., Dup. 230 BETULARIA, L., 1543 B., Jardin des plantes, mai 1855. 934 ProDROMARIA, Fab., 4544 B., Fours à chaux, 20 mars 1854. 45. — Genre Boarmia, Treit., Dup. 232 CoNsoRTARIA, Fab., Esp., 1551 B., Petit Anipé, avril, juillet. 933 PRHOMBOIDARIA, Hub., 4554 B., très abondant, Jardin des plantes, juin, septenibre. 234 PETRIFICARIA, Dup., 1567 B., rare, Jardin des plantes, sep- tembre 1854. 16. — Genre Gnophos, Treit., Dup. 285 MucparlA, H., 1598 B., abondant, Jardin des plantes, juillet. 17. — Genre Mniophila, Boisd. 236 CorTicarIA, Lab., 1595 B., Avrillé, juin 1853. 18. — Genre Eubolia, Dup. 237 PazumBarIA, W., V., Tr., 1606 B., Avrillé, mai, août. 938 MensuraARIA, W., V., Tr., 4607 B., Tivoli, juillet. 239 BiPUNCTARIA, W., V., Fab., 1616 B., Pignerolles, juillet. 240 MiariA, W., V., Trict., 4627 B., bois de la Haïe, juin. 941 FERRUGARIA, W., V., 1628 B., assez rare, la Marre, mai, juillet. 19. — Genre Anaîtis, Dup., Larentia, Treit. 249 PLAGIARIA, L., 1633 B., commun, bois d'Avrillé, juin, août. 39 90. — Genre Larentia, Treit. et Accidalia Tr. 943 DugrrariA, L., 1637 B., les Gouronnières, mai, juillet. 244 RHAMNARIA, Fab., 1641 B., les Gouronnières, juillet. 245 VETULARIA, W , V., 1642 B., Anipé, juin. 246 ViTALBARIA, Dup., Jardin des plantes, juin 1854. 247 BIuiNEARIA, L., 1647 B., la Plesse, juin. 248 TERSARIA, W., V., 1652 B., bois d’Avrillé, juin. 249 PerTRARIA, 1659 B., bois d’Avrillé, juin. 250: PsirrAcaRIA, 1667 B., la Pointe, juin. 251 DicutaRiA, 1669 B., rare, sur le cyprès, Jardin des plantes, 4 novembre 1855. 252 BrumaRIA, & 1670 B., chemin de la Motte, 10 janvier 1854. 21. — Genre Eupithecia. 253 CENTAUREARIA, 1694 B., assez rare, Roc-Épine, juillet. 254 ExiquaRIA, 4697 B., Jardin des plantes, juillet. 255 RECTANGULARIA, 1724 B., la gare, juin. 22. — Genre Chesias. 256 OBLiQuARIA, 1739 B., Grand Anipé, juin. 23. — Genre Cidaria. 257 FuzvariA, 1747 B., Avrillé, juillet. 258 RupipariA, 1757 B., Avrillé, juin. 24. — Genre Melanippe. 259 MacuLariA, 1779 B., bois de la Haïe, mai. 260 MaARGINARIA, 1780 B., la Marre, juin. 261 RivariA, 1787 B., Jardin des plantes, juillet. 25. — Genre Melanthia, Boisd. 262 OcecLarIA, L., 1792 B., Roc-Épine, mai, juillet. 263 FcucruariA, L., 1793 B., Nid-de-Pie, juin 264 GaLrariA, W., V., 1795 B., Gouronnières, mai, juillet. 265 RupiciNariA, W., V., 4800 B., rare, Écouflant, juin 1853. 266 AnusTARIA, W., V., 1802 B., pris un seul, Tour-Bouton, 19 août 1855. 267 ALBICILLARIA. L., 1803 B., Grand Anipé, juin. 40 26. — Genre Zerene, Treit., Dup. 268 GROSSULARIA, L., 1804 B., très commun, Avrillé, juillet. 27. — Genre Cabera, Dup., Treit. 269 ExANTHEMARIA, Esp., 1811 B., bois d’Avrillé, mai, juillet. 270 STRIGILLARIA, Esp., 1812 B., bois d’Avrillé, avril, juillet. — variété, bois d’Avrillé, avril, juillet. 271 ConNTAMINARIA, Hub., bois d’Avrillé, juillet. 272 OnonariA, Bork. 1820 B., rare, Villevêque, juin. 28. — Genre Ephyra, Dup., Cabera, Treit. 273 PuncrarIA, L., 1823 B., haies d’Avrillé, mai, juillet. — variété, haies d’Avrillé, mai, juillet. 274 PorariA, Treit., 4825 B., bois d’Avrillé, juin. 275 PENDuLARIA, L., 1829 B., Avrillé, mai. 276 OmicronaRIA, Esp., 1831 B., Fours à Chaux, mai, juillet. 29. — Genre Acidalia, Dup., Treit. 271 ORNATARIA, Esp., 1835 B., assez rare, Tivoli, août 1855. 278 DecoraRïA, Hub., 1836 B., rare, Gouronnières, mai 1854. 279 ImmurTARIA, Hub., 1838 B., Jardin des plantes, juillet 1855. 280 INcaNaARIA, Hub., 1841 B., Jardin des plantes, août. 281 BiseTARIA, Dup., 1851 B., Jardin des plantes, août. 282 PazcipARIA, Hub., 1865 B., Tivoli, juillet. 283 RuBricARIA, Hub., 1866 B., la Marre, juillet. 284 OssEARIA, Hub., 1877 B., route de Paris, juillet. 285 ImmoraArIA, Hub., 1891 B., rare, route de Paris, juin. 286 SYLvESTRARIA, Bosk, 1895 B., Tivoli, juin. 287 BEGENERARIA, Hub., 1909 B., rare, Avrillé, juin. 288 AversARIA, Hub., 1910 B., Avrillé, juillet. 289 EmuraRiA, Hub., 1913 B., Avrillé, juin. 290. PrATARIA, Boisd., 1917 B., Avrillé, juin. 30. — Genre Timandra, Du. 291 AmarARIA, L., 1918 B., Trelazé, maj, juillet. A1 31. — Genre Sirenia, Dup. 9299 CLATHRARIA, Hub., 1919 B., couvent d’Avrillé, mai 1854. 32. — Genre Odezia, Boisd. 293 CHÆROPHYLLARIA, L., 1933 B., Jardin des plantes, juin 1855. 39. — Genre Minoa, Dup. 294 EuPHoRBiARIA, Hub., 1941 B., champs d’Avrillé, juillet. SUITE A BOISDUVAL, PAR [DUPONCHEL. | 36. — TRIBU ENNYCHITES. 1. — Genre Pyrausta. 300 PurpuraLIsS, hois d’Avrillé, juillet. 301 PuniceaLIS, Jardin des plantes, août. 302 CESpirALIs, bois de la Haïe, juillet. 31. — TRIBU PYRALITES. 1. — Genre Pyralis. 303 FARINALIS, maisons, août. 2. — Genre Asopia. 304 FLAMMEALIS, la Marre, juin. 38. — TRIBU NYMPHULITES. 1. — Genre Hydrocampa. 305 PoTAmoGALIS, la Marre, août. 306 STRATIONALIS, boulevard de Laval, juin. 307 LiTTERALIS, Avrillé, août. 39. — TRIBU SCOPULITES. 4. — (Genre Pionea. 308 PRÆTExTALIS, Reculée, juin. 309 FORFICALIS, partout, juin. 42 2, — Genre Scopula. 310 PruNALIS, Avrillé, juillet. 40. — TRIBU BOTITES. 3. — Genre Rivula. 311 SERICEALIS, Avrillé, août. 4. — Genre Botys. 312 URTICALS, partout, juillet. 313 VERTICALIS, partout, août. 314 ASINALIS, Reculée, juin. 315 VERBASCALIS, Avrillé, juin. 316 SCHREALIS, Avrillé, juin. 3. — Genre Henopteryx. 317 HyYBRIDALIS, prés de Saint-Serge, août. 41. — TRIBU AGLOSSITES. 1. — Genre Aglossa. 318 PINGUINALIS, Reculée, août. 319 CuPREALIS, maisons, juillet. 42. — TRIBU HERMINITES. 1. — Genre Sophronia. 320 DERIVALIS, hôpital, juillet. 2. — Genre Herminia. 321 TARSIPLUMALIS, bois d'Avrillé, août. 322 CRINALIS, bois d’Avrillé, août. 3. — Genre Hypena. 323 PRoBOsCIDALS, partout, septembre. 324 RosTRALIS, hôpital, septembre. 43. — TRIBU PLATYOMIDES. 1. — Genre Nola. 395 CRISTULANA, bois d’Avrillé, août. 2. — Genre Sarrothripa. 326 REVAYANA, Avrillé, août. 3. — Genre Halas. 327 QuErcANA, route d'Avrillé, juillet. 328 PRASINANA, route d'Avrillé, juillet. 4. — Genre Tortrix. 329 PIcEANA, hôpital, août. 330 AMERICANA, boulevard de Laval, août. 331 SoRBIANA, boulevard de Laval, août. 332 ADJUNCTANA-LAVICEANA, hôpital, août. 333 HEPARANA, hôpital, août. 334 CoryLANA, boulevard de Laval, août. 335 RIBEANA, variété : Flavana, hôpital, août. 336 ViripANA, Trelazé, juillet. 5. — Genre Xanthosetiu. 337 ZOEGANA, Fours à Chaux, juillet. 6. — Genre Peronea. 338 ABILGAURDANA, Jardin des plantes, octobre. 7. — Genre Glyphiptera. 339 BoscaNA, la Trinité, juin. 340 SPECTRANA, le Mail, novembre 1855. 8. — Genre Phibalocera. 9341 FAGANA, la Marre, août. 9. — Genre Aspidia 342 CYNOSBANA, Grand Anipé, juin. 44 10. — Genre Anthitesia. 343 SALICANA, Trvoli, juillet. 11. — Genre Penthina. 344 VARIEGANA, Pignerolles, août. 12. — Genre Sciaphila. 345 WALPOMIANA, Avrillé, août. 13. — Genre Pœdisca. 346 PROFUNDANA, bois de la Plesse, août. 14. — Genre Sericoris. 347 URTICANA, Pignerolles, août. , 44. — TRIBU CRAMBITES. 1. — Genre Crambus. 9348 TENTACULELLUS, maison, août. 349 CULMELLUS, la Baumette, août. 350 RORELLUS, la Baumeite, août. 301 CHRYSONUCHELLUS, Tivoli, août. 392 FALSELLUS. Avrillé, juillet. 353 TRISTELLUS-AGUILELLUS, Tivoli, août. 354 INGUINATELLUS, Tivoli, août. 359 ANGULATELLUS, Tivoli, août. 2. — Genre Endorea. 906 AMBIGUELLA, Jardin des plantes, Tivoli, août, mars 1856. 9. — Genre Phycis. 357 ROBORELLA, Avrillé, juillet. 358 TUMIDELLA, Avrillé, juillet. 309 INTERPUNCTELLA, Avrillé, août. 360 ELONGELLA, cimetière de la Trinité. 45 45. — TRIBU YPONOMENTITES. 1. — Genre Myelophila. 361 CRIBRELLA, Avrillé, juin. 2. — Genre Ædia. 362 ECHIELLA, Fours à chaux, août. 3. — Genre Yponomeuta. 363 EVONYMELLA, Jardin des plantes, août. 364 PADELLA, Jardin des plantes, août. 46. — TRIBU TINEITES. 1. — Genre Hæmilis. 365 APPLANELLA-CICUTELLA, Jardin des plantes, février 1856. 366 PASTINACELLA, la Mare, juillet. 2. — Genre Lita. 367 ScoPOLELLA, boulevard des Pommiers, juin. 3. — Genre Hypsolopha. 368 PERSICELLA, hôpital, juin. 4. — Genre Adela. 369 FRISCHELLA, la Marre, juillet. 93. — TRIBU PTEROPHORIDES. 1. — Genre Pterophorus. 3170 PENTADACTYLUS, Trelazé, août. COUP - D'ŒIL SUR QUELQUES ANTIQUITÉS DE THASOS, ILE DE L’ARCHIPEL. Mon père, chirurgien-major de la marine et ancien médecin en chef desarméesnavales(A), a étéembarqué, dans le cours de ses services maritimes, sur une fré- gate de l’État qui avait pour mission d'aller lever le plan des villes, des côtes et des golfes qui se trouvent dans la Thessalie, la Macédoine et la Thrace. C’est d’après les documents qui m'ont été laissés par ce médecin - de la marine sur une relâche à l’île de Thasos que j'ai rédigé la relation suivante dans laquelle, en donnant la parole au voyageur lui-même, j'ai conservé, autant que possible, le caractère littéral du récit et des obser- valions. J'ai cru que, dans un moment où de grandes et glorieuses actions de guerre portent l'intérêt du 47 cœur et de la pensée vers les contrées orientales, quelques détails sur une île importante de ces parages pourraient être accueillis avec une bienveillante at- tention. Thasos est une petite île située sur les côtes de la Thrace, vis-à-vis l'embouchure du Nestus, à vingt- deux milles du port d’Abdère, ville de la Thrace, à soixante-deux milles du mont Athos et à pareille dis- tance de l’île de Samothrace. L'île, la ville et le port de Thasos tiennent une mémorable place dans les annales de la Grèce par le siège que les habitants soutinrent sous le règne d’Ar- taxerxès Longuemain contre les Athéniens. Ce ne fut qu’au bout de trois ans que Cimon, général de cette nation, parvint à se rendre maître de cette île dont les habitants s'étaient séparés de la ligne hellé- nique formée contre les Perses sous l’hégémonie d’A- thènes. Cette conquête importante mit les Athéniens en possession des mines d’or et d'argent que les Tha- siens exploitaient dans leur île et sur le continent voisin. Hérodote (Liv. vr. Erato. xLvI-xLvi1), nous dit avoir visité ces mines et avoir admiré surtout celles que les Phéniciens avaient découverte dans l'île qu’on appelait par cette raison mines phéniciennes de Thasos. Les mînes de l’île rapportaient annuellement 80 talents et celles du continent en fournissaient à peu près la même quantité. On peut encore se représenter la ri- chesse de cette île par les nombreuses médailles d’oret d'argent qui en ont été conservées; elles portent l'effigie tantôt de Bacchus, tantôt d'Hercule ou de Cérès. On trouvait aussi à Thasos de magnifiques carrières de marbre livide et d’autres dont le marbre était veiné 48 d’or. Ces marbres étaient très recherchés par les sculp- teurs et les architectes. Le nom que porte l’île lui vient de Thasos, fils d’Agénor, roi des Phéniciens, qui vint aborder dans cette île où il séjourna; ce fut sur la côle septenirionale de l’île que ces Phéniciens bâtirent une ville à laquelle ils donnèrent ainsi qu’à l’île le nom de leur chef. Les Thasiens étaient donc Phéniciens d’origine; mais ensuite cette ville fut peuplée par une colonie Grecque qui y fut amenée de Paros, ce qui la rendit considé- rable entre les îles de la mer Egée. Selon Hérodote on y admirait autrefois un superbe temple d'Hercule, surnommé le Thasien, et nous verrons bientôt Hippo- crale, qui a illustré Thasos par le long séjour qu'il y a fait, nous confirmer l'existence de cet antique monu- ment dans ses observations sur cette île. Les Thasiens subirent paisiblement la domination romaine et tra- versèrent de même une grande partie des périodes du Bas-Empire. Cependant, au 13° siècle (1204), les Vénitiens s'étant emparés de Thasos, ornèrent la ville de plusieurs édi- fices et l’agrandirent considérablement. Ils y firent construire un port dont il reste encore aujourd’hui des vestiges par un môle en pierre de marbre que l’on aperçoit à fleur d’eau, et par deux darses près d’une desquelles on voit sur le rivage une tour assez élevée. A l’époque des Vénitiens la ville renfermait dans ses murs trois collines qui dominaient sur la mer et pou- vaient ainsi servir de vigies pour observer et découvrir au loin les navires qui la sillonnaient. On dit que c’est sur l’une de ces éminences que se trouvait l’Acropole de l’ancienne ville. 49 Cette cilé, dont les décombres attestent l’ancienne splendeur, n'existe plus; il ne reste maintenant que quelques villages dispersés dans l’intérieur des terres. Leur population réunie est d'environ 5,000 habitants. Tous sont Grecs et soumis à la domination Turque. Le sol de ce pays est très fertile, il produit de bons fruits ct particulièrement une espèce d'amande fort estimée; on y recueille du tabac, d’excellent vin, de la bonne huile et du blé. La quantité de ce dernier produit était telle autrefois que les anciens avaient surnommé cette terre le Rivage de Cérès. Dans l'intérieur de l’île, qui a environ huit lieues de longueur sur cinq de largeur (32 kil. sur 20 kil.), on irouve une assez grande forêt dont une partie des arbres est habituellement employée comme bois de construction et pour la mâture des vaisseaux. La cam- pagne est généralement belle et l’eau y est si abon- danie que l’on pourrait cultiver le jardinage dans toute l'étendue de l’île. On remarque près de l'emplacement de l’ancienne Thasos et dans une vaste plaine un grand nombre de tombeaux très élevés et fort beaux. Cette nécropole considérable témoigne évidemment du voisinage d’une grande et importante cité. Nous apprîimes que les marins d'un bâtiment marchand qui avaient abordé dans l’île quelque temps avant nous, avaient ouvert plusieurs de ces tombeaux où ils avaient trouvé des objets précieux qu'ils avaient emportés. Le capitaine d’une frégate française de l'État, sur le rapport que nous lui avions fait des antiquités de Thasos, vint aussi y relâcher peu de temps après nous. Ce capi- jaine fit fouiller un de ces tombeaux dans lequel on 4 20 trouva un collier en or, des bracelets, des anneaux du même métal et quelques lacrymaloires. C’est dans ces vases funéraires que les parents et les amis du mort répandaient leurs larmes et les renfer- maient ensuite ainsi dans le tombeau. ll est très probable que, sous l’ancien gouvernement des Archontes, Thasos a été l’heureux berceau de plusieurs artistes de mérite. Le célèbre peintre Poly- gnolte y est né; c’est lui qui ornale portique d'Athènes, appelé Pécile, des pricipaux évènements de la guerre de Troie, et qui fut remercié de la beauté et de la perfeclion de ses œuvres par un décret solennel des Amphyctions. Tout porte à croire que ce ne fut pas le seul artiste habile que produisit cetle île, mais c'est principalement celui dont la renommée s’est étendue jusqu'à nous. Son père Aglaophon était peintre lui- même et avait été le premier maître de son fils. On assure aussi que Nesée, autre peintre de Thasos, fut maître de Zeuxis, ce qui a ajouté un beau titre à l’an- cienne gloire de cette île. Quoiqu'il en soit, les monu- ments tronqués qui apparaissent encore dans celte patrie de Polygnote, témoignent de ce goût exquis dans les arts dont les anciens Grecs étaient en si pleine possession. On trouve çà et là épars et renversés ou à demi ensevelis, des chapiteaux, des tronçons de co- lonnes et d'autres fragments d'ouvrages précieux qui disparaîtront peu à peu, parce que les habitants les brülent pour faire de la chaux ou s’en servent pour bâtir des murailles. C’est ainsi que les matériaux que le génie s’élait complu à convertir en chefs- d'œuvre de l’art sont employés aux plus infimes usages. Telle est souvent la déplorable condition des 51 plus belles choses créées dans la succession des âges. Mais si les Grecs se distinguèrent entre tous les peuples dans la culiure des beaux-arts, ils ne se ren- dirent pas moins illustres, on le sait, par l'élévation et le charme de leurs labeurs scientifiques. Les noms de Socrate, de Platon et d’Aristote survivent à toutes les révolulions des siècles. Ceux de Démosthène, d'Es- chyle, de Sophocle sont encore dans toutes les pen- sées : Homère, auquel plusieurs villes de la Grèce se disputent l'honneur d’avoir donné le jour, demeure le premier poète du monde. Hérodote, Thucydide, Xéno- phon, cette lriade historienne que les temps modernes révèrent et consulient toujours, conservent un pre- mier rang. Ces noms sont assurément présents à toutes les mémoires, et combien d’autres hommes remar- quables ne faudrait-il pas énumérer si l’on voulait se rendre un compte fidèle de cette heureuse fécondité de la Grèce? Nous n'en nommerons plus qu’un seul parce qu'il se rallache essentiellement, par une phase importante de sa vie, à l’ile de Thasos dont nous es- sayons de retracer une période historique, c’est Hippo- crale que je veux désigner ici. L'histoire de Thasos doit intéresser surtout par la connaissance qu'elle nous donne de cet homme célèbre en qualité de médecin et comme un des citoyens les plus vertueux dont l’ancienne Grèce s’honore. Hippocrate, qui appartenait à la classe des Asclé- piades , ces périodentes descendants d'Esculape, fut, en effet, le premier dont l'œuvre décisive parvint à séparer la profession de la médecine du iéméraire empirisme, des rêves frivoles des sophistes, et à la rendre d’une utilité plus immédiate et plus réelle aux 52 « hommes en l'élablissant sur des fondements rationnels. Son livre des épidémies (1) nous a transmis le nom d’un grand nombre de citoyens de la république Tha- sienne tels que celui d'Hermocrate, de Philiscus, d'Hérophon, de Silène demeurant sur la Plate-Forme, du fils de Parion qui habitait au-dessus du temple de Diane, de Pithion qui demeurait dans le temple de _Cérès, de Cleonactidès qui résidait au-dessus du temple d'Hercule, surnommé le Thasien (2). Nous y trouvons aussi le nom de plusieurs femmes de Thasos et entre autres celui de Mélidie qui demeurait auprès du temple de junon. En nous donnant dans ce livre un tableau mouvant et animé de la physionomie personnelle et matérielle de la ville, à cette époque, Hippocrate dé- ploie cet espril d'observation et ce sens droit dont la nature l'avait si éminemment doué, et qui le dirigea dans le traitement des malades qu'il eut à soigner pendant son séjour à Thasos, à Abdère et à Larisse. Cet ouvrage est un précieux monument des curieuses et savantes remarques failes par le médecin natura- liste, principalement dans l'île de Thasos, où il demeura pendant trois ans, sur les phénomènes qui nous entourent, sur l'influence des constitutions de l'air, des eaux et des saisons ainsi que sur l’alté- (1) Hippocrate n’a pas pris le mot épidémies dans le sens qu’on attache aujourd’hui à cette expression, mais il a voulu désigner ainsi la description de la constitution atmosphérique de trois années passées à Thasos et des maladies qui, d’après ses observations, régnèrent sous l’influence de ces constitutions. (2) Cette désignation du temple d’Hercule , surnommé le Thasien , confirme le récit d'Hérodote. 53 ration de l’économie animale. Ces observations doi- vent conserver, en tout temps, leur utile importance comme jalons lumineux, et tenir un rang distingué dans la littérature médicale par l'esprit supérieur et, magistral qui s’y révèle. L'histoire consacrant le caractère élevé de cet homme illustre de l’ancienne Grèce, nous le présente recevant une couronne d'or des Athéniens en récom- pense des services qu'il avait rendus à cette Répu- blique; elle nous le fait considérer surtout comme très estimable par son refus aux sollicitations pres- santes el aux offres avantageuses que lui fit Artaxerxès, roi des Perses. Hippocrate aussi ferme qu'incorrup- tible répondit qu'il n'avait ni besoins ni désirs, qu'il devait tous ses soins à ses concitoyens et à ses compa- triotes et rien aux Perses ennemis déclarés des Grecs. Aussi les Athéniens reconnaissanis accordèrent-ils, par un décret public, à Hippocrate, outre la cou- ronne d’or, le droit de cilé, l’iniliation aux mystères d'EÉleusis et les honneurs du prytanée comme à l’un des bienfaiteurs de la palrie. Nous ne pouvions nous trouver sur ce point de l’Ar- chipel sans rendre un hommage de souvenirs à lil- lustre père de la médecine, dont la résidence assidue el les observations suivies à Thasos suffisent pour faire concevoir une très favorable idée de l’ancieane importance de celte Île et pour lui mériter une jusie célébrité. | C'était pour nous toujours un spectacle ravissant, lorsque, parvenus aux points cuiminants de l’île, nous voyions se dérouler sous le beau ciel de cette poétique lonic le vaste et magnifique horizon dout nous étions FE 54 environnés. D'un côté, vers l'Orient, l'on découvrait au loin l’île de Samothrace, ce siége capital du mystérieux culte cabirique ; de Fautre, la Thrace et la plaine de Philippes, bornée dans la partie occidentale par le mont Pangée, et qui nous rappelait la défaite et la mort de Brutus et de Cassius qui vinrent décider, sur ce champ de bataille, des destinées de la République romaine ; un peu plus loin, dans le prolongement nord de cette plaine, se dessinait l'emplacement de l’ancienne ville de Philippes qui, à la voix de Saint-Paul, fut une des premières à embrasser le christianisme. Changeant de perspective et tournant nos regards vers le midi, au milieu de cette mer aux flots d'or et d'azur, nous cher- chions à découvrir Lemnos qui ressuscitait à notre esprit la flotte des Grecs allant au siège de Troie, Philoctète délaissé dans cette île et toute la suite de l'épopée homérique dans son appareil saisissant. Enfin dans la direction de l'Eubée, nous voyions poindre le Mont Athos qui rappelait Xerxès et ses innombrables armées, l’ancienne Grèce et ses vaillants soldats. Ces points de vue variés et enchanteurs reportaient la pensée à des époques historiques diverses mais tou- jours intéressantes, remuaient profondément l'âme en la mettant, pour ainsi dire, sur les traces sensibles et visibles de la rouille inflexible du temps, et en lui répétant de la voix imposante de tous les siècles que, par une loi invariable de la providence, c’est ainsi que passent et finissent toutes les gloires du monde. Au sommet d'une des collines qui étaient dans l’en- ceinte de la ville sont les ruines d’un ancien temple bâti en marbre qui dominait sur les deux mers; je les parcourais dans une de mes excursions avec cet intérêt 95 et celte disposition d'esprit qui anime les objets et prête, en quelque manière, un souffle de vie à l'antique poussière que l'on interroge et qui semble répondre, lorsqu'une grande pierre, que je crus d’abord tra- vaillée, appela toute mon attention. Je reconnus, après l’avoir examinée , qu’elle contenait une inscrip- tion ; les caractères étaient bien conservés et les mots parfaitement séparés les uns des autres. Ma curiosité fut vivement exciiée, et afin de la satisfaire, je m'o- rientai le mieux possible pour reconnaitre la position de l’objet de ma découverte et je revins à bord, Le lendemain, à force de ‘soins et d'efforts, nous fimes arriver sur le rivage et embarquer sur notre vaisseau cette pierre qui depuis est passée entre les mains de M. le comte de Choiseul-Gouffier, ancien ambassadeur à la Porte-Oltomane et appréciateur éclairé de tous les précieux vestiges qui pouvaient retracer les beaux-arts des peuples de l'antiquité. (4). L'inscription lapidaire contenait un décret du sénat et du peuple de Thasos en faveur d’un habilant d'His- tiée en Eubée, qui avait rendu des services aux Tha- siens. Il paraît que les intendants des choses sacrées du temple de Minerve, chargés par les archontes de pourvoir à la publication du décret firent graver sur celte grande pierre de marbre, dont l'ile abonde, le contenu du décret en grosses et distinctes lettres et (1) Néanmoins il est très probable que cette inscription lapidaire est demeurée inédite parce qu’elle n’a été reçue de M. le comte de Choiseul-Gouffer que longlemps après la publication de son ou- vrage et dans des circonstances orageuses qui l'auront empêché de mentionner cette découverte. 56 avec beaucoup de soin puisque le laps de temps qui s'est écoulé depuis que cette République florissait jusqu’à nos jours n’a pu les altérer. Or, Thasos puis- sante, heureuse et libre sous le gouvernement de ses archontes, était parvenu au zénith de sa prospérité bien avant l’époque des guerres médiques, c’est donc à environ six cents ans avant l’ère chrétienne que peut remonter le décret dont il s’agit. Voici la traduc- tion textuelle de l'inscription lapidaire telle qu’elle fut faite d’abord par un Évèque grec, résidant alors à Salonique, et ainsi qu’elle a été révisée depuis par M. Guérin, ancien membre de l’école française d’A- thènes, connu par ses études d’un grand intérêt sur Patmos, Samos, la Palestine, et assurément très compétent pour juger de la fidélité de la traduction de ee décret qui est conçu dans ces termes : « Sous les archontes Arisloclès, fils d'Acyrus, et » Ariomenée, fils d'Amormus, surintendant du temple » de Bition; sous Thebriane Rapsanne, prêtresse de » Simadion, et Euprile, grand-prêtre, fils de Timoclée » de Chœrus, par décret du sénat et du peuple, à la » bonne fortune, » Comme Polyarèle d'Histiée en Eubée s’est mérité » l’affection du peuple de Thasos par sa bienfaisance » ainsi que par sa probité et tous les services immor- » tels qu’il a rendus auxdits habitants de Fhasos, soit » en général, soit en particulier, à ces causes : il a » paru juste au sénat et au peuple non-seulement de » célébrer authentiquement les verius dudit Polyarète, » mais encore de l’agréger citoyen de Thasos, lui, ses » trois fils Polycrate, Antigène et Histicus, et ses » deux filles Parmenussa et Nicée, ainsi que toute 57 » leur postérité avec toutes les prérogatives attachées » à ce titre ; leur étant néanmoins permis de retourner » dans leur patrie si bon leur semble. Il est de plus » ordonné aux intendants des choses sacrées au temple » de Minerve de pourvoir à la publication du présent » décret et aux frais qu’il occasionnera. A leur défaut » que ce soit le Jéromnémon (celui qui tient les re- » gistres du temple). » Il est défendu de ne rien opposer à la publication » du présent décret, ni de cabaler pour le rendre nul, » ni de déclarer injuste ce qui par nous est déclaré » chose bien méritée. Que si quelqu'un était d'opinion » contraire et qu’il osât faire juger contre notre avis » très juste, que le décret qui en proviendrait soit » déclaré nul et les fauteurs condamnés à une amende » de mille statères qui seront appliqués au temple » d’Apollon-Pythien, et cent autres au profit de la » ville, et ce par sentence qui sera prononcée par les » juges du tribunal qui connaît des contlestalions et » querelles. Que si lesdits juges ne condamnaient pas » selon notre décret, qu'ils soient eux-mêmes con- » damnés par d’autres juges choisis ad hoc, et quoique » ceux-ci soient choisis parmi le peuple, leur sentence » sera légilime , leur accordant même le droit de s’ap- » proprier la moitié de la susdite amende. » Cette inscription, on le voit, a pour objet l'adoption que fait la ville de Thasos d'un citoyen d'Histiée en Eubée ; à la distance des siècles elle est curieuse par la connaissance qu'elle nous donne des formes apportées à un décret, mais elle est principalement intéressante par les idées qu'elle présente sur l'ancienne démo- cralie, sur la nature de ce gouvernement dans ses 58 moindres opérations et sur les moyens qu’il emploie pour assurer l'entière exécution de ses lois ou de ses décrets. Celui-ci, en émanant du sénat et du peuple, est encore revêtu de plusieurs clauses qui nous pa- raissent aujourd'hui étranges, minutieuses et ridi- cules même. La dernière surtout laisse entrevoir un côté si chatouilleux et si transparent qu'elle nous semble d’une piquante naïveté. Mais alors tous ces moyens étaient nécessaires pour maintenir les décrets contre les caprices de la multitude si souvent portée, par un penchant irrésistible, à se jouer de l'instabilité des choses. C’est pour obvier à ce vice inhérent aux formes démocratiques que l’on fut obligé, à Athènes, pour donner de la permanence à une loi, de décerner la peine de mort contre celui qui en proposerait la révocation. Nous savons que cette précaution, toute puissante qu'elle semble, ne fut point encore suffi- sante. La lecture du décret que nous venons de citer peut faire naïlre plusieurs réflexions d’un sérieux intérêt sur la hiérarchie méthodique de rang, d'emploi et de condition introduite par l’état social des Républiques grecques, sur l'influence des opinions religieuses et des ministres du culte, sur la forme et la diversité des tribunaux de justice et enfin sur les usages et les pra- tiques populaires à celte époque. Ces sujets anciens et toujours houveaux, puisque la plupart touchent aux vérités primitives et sacrées, sont dignes assurément de l'attention des hommes qui méditent sur la direction et la destinée des sociétés ; c’est en les approfondissant et en les comparant chez les différents peuples de Vantiquité que l’on peut parvenir à en faire jaillif 59 d’utiles lumières pour les temps modernes. On doit aussi remarquer dans les termes du décret ce droit de cité accordé aux fils en considération des honorables services de leur père, et ce même droit conféré à deux jeunes filles admises ainsi à parlager et à transmettre celte haute distinction d’origine virile. Il faut se re- porter par la pensée à ces temps antiques pour com- prendre tout le prix que l’on attachait alors au titre de citoyen. Cet avantage était extrêmement recherché et il devint même l’objet de l'ambition de plusieurs souverains qui quelquefois le briguèrent infructueuse- ment (1). Il n’est donc pas douteux que ces flatteuses récompenses décernées aux vertus d’un chef de famille et étendues sur sa postérité devaient être d'heureuses semences propres à féconder et à mulliplier dans les jeunes cœurs les impulsions les plus généreuses et les sentiments les plus élevés. En définitive, ce décret du sénat et du peuple de de Thasos, qui est le témoignage très significatif de leur profonde reconnaiscance envers un étran- ser, nous fait trouver dans sa teneur un exemple bien authentique des moyens de récompense qu'em- ployaient les anciens pour honorer les vertus ou les services rendus à la patrie. Si nous interrogeons les annales de l'antiquité avec soin, nous verrons que c’est principalement à de pareilles institutions rému- nératrices que les anciens États durent leur prospérité. Les premiers législateurs seniirent de bonne heure (1) Les Athéniens refusèrent autrefois ce titre à Perdiccas, rot de Macédoine; 1ls l’accordèrent à Évagoras, roi de Chypre, et à d'autres princes. Ë 60 que la considération est de tous les mobiles celui qui a le plus de pouvoir, le plus d'influence el le plus de prix chez les âmes libres. Pénétrés de celle haute vérité, ils proposèrent pour récompense aux hommes cette considération si désirée et si digne de l'être. Ils s’appliquèrent à élablir dans le cœur des peuples des principes qui dusseni sans cesse ranimer et exciter leur zèle pour le bien public. Ces principes formèrent des âmes fortes, énergiques, dévouées, uniquement occupées du bien de l'Élat, et mullipliérent les talents distingués et les grands caractères. Aussi, les traits d’héroïsme et de magnanimité devinrent fréquents parmi ces peuples. D’un autre côlé, le nombre con- sidérable d'hommes de génie dans tous les genres qui ont illusiré la Grèce est un témoignage évident de la favorable impulsion des instilutions de ce pays et de l’heureux fruit des encouragements publics qui étaient donnés à toules les supériorités reconnues. Les vertus morales ne suivirent pas, il est vrai, la même progres- sion et furent souvent ternies par des actions que le cœur et la raison réprouvent. Mais il ne faut pas ou- blier que ces intelligences, si élevées qu’elles fussent, élaient réduites à leur propre force et se trouvaient pri- vées non-seulement du secours direct de la révélation chrélienne, mais encore des lumineuses traces de cetle vraie iradilion primilive et divine qui avait été altérée, défigurée et souillée par loutes les capricieuses ei dissolues inventions du polythéisme. Cependant, en consullant les monuments anciens sur la sagesse des iemps passés, on peut rencontrer quelquefois de beaux exemples à relracer et de salu- aires enscignements à rappeler dans lespril des “ 6 peuples, C’est là surtout ce qui doit imprimer le plus vif intérêt et offrir le plus honorable but aux investi- gations et aux découvertes de la science. Nous devons toujours prêter une oreille attenlive à tout ce que l'antiquité nous transmet de propre à servir au perfec- tionnement intellectuel et moral. Le bien, le beau, et le vrai sous toutes les formes doivent être saisis par- tout où ils se trouvent ; ils constituent le plus précieux domaine de la grande famille humaine dans toute la série des âges, et ils appartiennent essentiellement à la loi chrétienne qui a le droit de les réclamer en tous lieux et en tous temps comme émanant de son essence. Ainsi donc, soit que les vieux monuments intellec- tuels enfouis dans la nuit des siècles secouent leur poussière pour renaître à une nouvelle vie, soit que les pierres antiques sortent de leur sommeil pour parler à l'humanité, tous doivent éclairer, inslruire et moraliser, C'est à ces condilions que le jour de leur réveil peut êlre salué comme un vrai jour de fêle pour l'intelligence. M. TEexTroris. (a) « Textoris fat nommé médecin en chef de la flotte sous les ordres de » l'amiral Latouche qui, par la mort de cet officier-général, passa sous le » commandement du vice-amiral Villeneuve. Il se trouva ainsi à la bataille » de Trafalgar, y rendit d’éminents services aux blessés et montra un sang- » froid bien rare et bien précieux au milieu d’une lelle scène de carnage. » Plus tard , il obtint sa retraite avec le titre de second médecin en chef de » la marine française, et chevalier de la Légion-d’'Honneur. » (Extrait de la biographie universelle des Contemporains.) RAPPORT SUR UNE TRAGÉDIE ET SUR DES PIÈCES DE VERS INÉDITES. Une des princesses les plus malheureuses, mais aussi les plus héroïques qu’ait vu naître la France, fut Marguerite d'Anjou, la fille du bon roi René. L’his- toire nous présente peu d’existences qui aient été traversées d’infortunes plus cruelles et qui aient eu une fin plus misérable. Vous le savez, Messieurs, à l’âge de 15 ans, Margue- rite avait épousé Henri VI d'Angleterre, et ce mariage qui semblait devoir être une source de prospérité et de gloire pour notre pays, par suite de la faiblesse du roi et de l’ambilion de la jeune reine, n’amena à sa suite que des calamités sans nombre. Peu après, en effet, commence la guerre des Deux-Roses, une des périodes les plus sanglantes de l’histoire d'Angleterre. 63 Après de longues alternatives de vicloires el de défaites, le parti de la maison de Lancastre finit par succomber, et Marguerite après avoir supporté trente années de guerres avec un courage inoui, Vu périr Son mari, son fils, les principaux seigneurs attachés à son dra- peau, doit chercher à rentrer en France. Elle ne peut obtenir la permission de repasser la mer, qu'aux vives sollicitalions de Louis XI, et en renonçant à son ‘douaire, en abandonnant ses richesses, ses joyaux mêmes. Le roi René, pour amener Louis à celte dé- marche, est contraint de lui céder ses droits sur la Provence, l’Anjou, les duchés de Lorraine et de Bar. Marguerite, dépouillée ainsi de tous les avantages qu'elle devait retirer de sa naissance et de son mariage avec Henri VI, rejoint son père à Aix; il meurt deux ans après. Elle revient alors en Anjou, et trouve un asile à Dampierre, près Saumur, chez un gentilhomme qui avait fidèlement servi René pendant quarante ans, nommé La Vignolle. C'est là que la fille d’un roi de Naples, la veuve d’un roi d'Angleterre, la proche parente d’un roi de France, passa les dernières années de sa vie dans un complet dénuement. L'abbé Prévost, dans son Histoire de Marguerite d'Anjou, nous trace un tableau affreux de l'état dans lequel elle se trouvait à cette époque : « Son sang, » dit-il, corrompu par tant de noires agilations, de- » vint comme un poison qui infecta toutes les parties » qu'il devait nourrir; sa peau sécha jusqu'à s'en aller » en poussière, son estomac se rétrécit, et ses yeux, » aussi creux que s'ils eussent été enfoncés avec vio- » lence, perdirent tout le feu qui avait si longtemps 64 » servi d'interprèle aux grands sentiments de son » ÂMeE. » Pardonnez-moi, Messieurs, ce rapide coup-d'æil sur une histoire que d’autres ont traitée d’une manière beaucoup plus complète et plus savante; il était la préface nécessaire du rapport que vous m'avez confié sur l'œuvre que vient de composer M. Coulon, de Saumur, membre de notre Société. M. Coulon nous fait assister, dans sa tragédie, aux derniers jours de Marguerite. Il ne suit pas le récit de l'abbé Prévost ; il nous représente au contraire la fille de René comme ayant conservé jusqu'à la fin toute son énergie, tout son courage. Réfagiée dans le pauvre château de Dampierre, sans autre secours, sans autre soutien que La Vignolle, malgré une succession effroyable de malheurs, et la perle de toutes ses illu- sions passées, elle espère toujours. Elle rêve encore la conquête de l'Angleterre, l’affranchissement de l’An- jou. Elle voit à son appel Bretons et Angevins déployant leur drapeau national, entraînant l'Angleterre, renver- sant le souverain qui l’opprime. Mais elle revient bien vile à la triste réalité, et sa pensée pleine d'’amerlume se reporie sur l’Anjou, sur sa belle patrie livrée à un tyran, Louis XI. | Tout espoir ne doit pas êlre perdu cependant; le meilleur champion de sa cause, le duc d'Oxford avait été jeté en prison, à Londres. Henry, un simple écuye, un enfant, à force de dévouement, a réussi à briser ses chaînes. Il accourt. A cette nouvelle, Marguerite ne peut retenir un cri de joie ; mais au moment de se livrer de nouveau aux hasards de la forlune, sa vie passée, cette vie pleine de sanglants souvenirs, se 65 représente à ses yeux. Quelle fut heureuse à son commencement! ! Enfant (dit-elle à Henry) : il me souvient du brillant chevalier Qui vint un jour, ici, m'offrir une couronne. Oh! mes yeux éblouis de la splendeur du trône Voyaient partout l'amour et la fidélité. Enfant, j'avais au cœur la naïve fierté Qui promet, à vingt ans, le bonheur et l'empire. J'étais belle, ma bouche avait un doux sourire... Enfant, je m'en souviens, quand mon fidèle Anjou, Accourant sur mes pas, fléchissait le genou Et criait : C'est la Reine! et quand sur mon passage Tout un peuple, joyeux, inondait ce rivage; Voyait-il à mon front, ce peuple ivre d'amour, La place que l’épine enceindrait à son tour ? Oxford arrive et met au service de Marguerite son épée et sa vie. La fille de René peut compter aussi sur Faronelle, ancien soldat, aujourd'hui pêcheur et chef de la république de l’île d'Or. Ce sont là ses seuls con- seillers, les chefs du complot sur lequel reposent ses dernières espérances. Ils se décident à tenter de suite l'entreprise; mais avant de prendre aucun parti, ils doivent s'assurer sinon l’appui, du moins la neutra- lité de Louis XI; d’un mot, en effet, il peut tout empê- cher. Il est au château du Plessis-lès-Tours; ils se dirigent vers ce redoutable souverain. Ici se termine le premier acte. Il contient des pas- sages pleins de mouvement et de cœur; on pourrait cependant lui reprocher, en général, un peu de mono- tonie provenant du contraste trop prolongé des espé- rances de Marguerite et de ses tristes souvenirs. 5 66 Le deuxième acte se passe. au Plessis-lès-Tours. Louis XI et son compère Tristan, ont été prévenus de l’arrivée de Marguerite, et l’attendent au milieu de ces conversations que nous a léguées l’histoire. Les trois premières scènes nous dépeignent très bien ce roi cruel quand il se croit trahi, obéissant toujours à une politique implacable et qui Tremble devant une madone, Comptant avec le ciel ce qu’il frappe ou pardonne. Marguerite paraît. Louis la reçoit avec une extrême froideur. Elle lui expose ses vues pour l'avenir, les molifs qui devraient le déterminer à lui prêter l’aide de sa toute-puissance. Sire, quand il lui plaît, le ciel frappe les rois, Brise leur vain pouvoir, et de sort, sous ses lois, Plie, au jour du malheur, les plus superbes têtes ; Il change en longs sanglots les clameurs de nos fêtes, Et le glaive royal, quand il heurte un tombeau, Est plus faible en nos mains qu’un fragile roseau. Mais, quand ün trône croule et quand un roi succombe Lorsqu'un sceptre en éclats est jeté dans la tombe, Sire, tout prince alors d’une secrète horreur, Doit se sentir frémir sous la même terreur; Sire, tout prince doit de sa vaillante épée Se hâter de couvrir la royauté frappée. Par de communs efforts, contre un même danger, Its doivent tous combattre; il n’est plus d’étranger, D'ennemi même... Ainsi lorsque la foudre tonne, Et broie, en sa fureur, armée, empire et trône, CL Le 67 Îs savent que la foudre, une seconde fois, Peut s’abattre plus loin sur le front d’autres rois. Ils savent que les coups des révoltes impures, Vont retentir plus loin dans le cœur des parjures. Ces considérations n'élaient pas de nature à produiré béaucoup d'impression sur Louis XI. Le système poli- tique de ce souverain élait égoiste avant tout, et Louis XI n'aurait certainement jamais consenti à faire la guerre à l'Angleterre dans le seul but de remettre sur le trône de cet État une princesse à laquelle il portait peu d'affection et dont il savait n'être pas aimé. Quant aux craintes que les guerres civiles d'Angleterre pouvaient faire concevoir pour la tranquillité intérieure de la France, elles étaient toutes chimériques. A coup sûr la guerre des Deux-Roses n’a eu aucun retentisse- ment dans notre pays. À cette époque, par suite du défaut des communications, de l'ignorance générale, les événements qui se passaient dans un État, quelque graves qu'ils fussent, étaient complétement ignorés des États voisins. N'a-t-on pas vu, plus près de nous encore, Richelieu, le ministre le plus absolu et le plus jaloux de l'autorité souveraine, envoyer des secours à Cromwell, attaquant les Sluart au nom de la Répu- blique ? Du reste, M. Coulon semble avoir eu la même pen- sée, et il prête à Louis XI une réponse ironique, propre à briser le cœur de la malheureuse reine. Il ne craint pas que son peuple se soulève. RO RENE UET Ta Balue etiNemours Ont rendu pour longtemps tous nos sujets fidèles ; Quand ils volent trop haut, nous leur coupons les ailes. 68 : Oxford est plus habile que Marguerite et demande simplement au roi l'autorisation de passer en Angle- terre avec tous ceux qui voudront se joindre à lui. Louis hésite à se prononcer; il conseille un moyen plus sûr que les armes, quoique plus lent, la politique à l’aide de laquelle il a fait de si grandes choses. Oxford insiste; Louis consent enfin à laisser tenter l'expédition, et Marguerite se retire pleine de con- fiance, avec ses deux conseillers. Les événements se précipitent dans le troisième acte et l’on aileint vite le dénouement. Le grand jour est arrivé, le jour qui doit décider du sort de Marguerite. Faronelle a soulevé le peuple, qui court aux armes aux cris d'Anjou, la Reine! Beauvaa, Cossé, Maillé font, dit-on, flotter leur étendard au sein des masses populaires. Oxford est parti en avant, il est en Angleterre, et là, sans doute, trouve encore des amis fidèles. Mais Louis XI fait un signe et aussitôt toute espérance est brisée, toute illusion détruite à jamais. Faronelle, le chef du complot, est assassiné par Tristan; les nobles intimidés abandonnent le drapeau de Marguerile ; le peuple renonce à une lutte impossible. Pour comble de désastre, Oxford, à son arrivée en Angleterre, a été trahi et jeté en prison. Marguerite ne peut résister à toutes ces émotions; cette dernière épreuve achève de briser son existence épuisée par tant de revers et de douleurs. Pour défendre mon droit (s’écrie-t-elle) ai-je assez combattu ? Le cœur et le front hauts, à mon trône abattu 69 J'offris, pendant douze ans, un bras infatigable. Dans les camps , sur les flots, le sort impitoyable Ne me força jamais d’avouer mes revers. Six fois pour me venger je traversai les mers; Six fois d’une défaite effaçant le désastre, Je rougis dans le sang la rose de Lancastre, Et quand mon fils Édouard... À ces mots, elle tombe évanouie. Ce n'est pas la mort cependant ; elle se relève encore, maudit Louis XI, l'Angleterre, et expire en bénissant ses derniers ser- viteurs. Telle est l’œuvre de M. Coulon, dont nous n’avons pu donner qu'une analyse sèche et décolorée, comme il arrive toutes les fois que l'on veut rendre compte d'œuvres en vers. Ce n’est pas précisément une pièce de théâtre, une tragédie. Comme le dit très bien M. Coulon, dans sa lettre d'envoi, il lui faudrait plus de développement ; les silualions demanderaient des dimensions plus vastes. À Marguerite d'Anjou est une suite de scènes intéres- santes qu'on lira toujours avec plaisir. Les vers sont très corrects et il n’y a pas un sentiment exposé dans cette pièce qui ne soit avant tout parfaitement pur et honnête. | Nous devons vivement remercier M. Coulon d'avoir bien voulu nous faire connaître cette œuvre, et si nous pouvons exprimer ici un vœu, c’est qu'il agisse à notre égard avec la même gracieuselé pour ses tra- vaux futurs. Il me reste, Messieurs, à vous dire quelques mots de pièces de vers adressées à la Société, par M. Arnaud, 70 sous-lieutenant au 27° de ligne. Arnaud est un de mes plus anciens camarades; il y a déjà vingt ans, nous commencions ensemble nos premières études. De bonne heure le sort nous a séparés ; tandis que res- tant dans ma ville natale, j'y menais une existence très calme, Arnaud suivait une voie beaucoup plus aven- tureuse. Embarqué, tout jeune encore, comme pilo- in, sur je ne sais quel bâtiment, il visitait l'Afrique, l'Amérique ; quelques années après, il entrait comme simple soldat dans le 27° de ligne. Après avoir rapide- ment gagné ses galons, il part un beau jour pour l'Orient, avec son régiment, et c'est là qu'il reçoit l'épauleite, Dieu sait au prix de quelles fatigues et de quels dangers. Enfin il assiste à la prise de Malakoff, est blessé en arrivant à cette terrible citadelle, revient à Angers se guérir et en même temps prendre un repos nécessaire, et son congé à peine expiré, court rejoindre son régiment dans l’antique Chersonèse. Au milieu des loisirs que laisse la vie de garnison, Arnaud n'a pas suivi l'exemple que lui donnaient la plupart de ses camarades. Au lieu de se livrer à une -oisiveté qui, trop prolongée, finit par engourdir Fin- telligence, il à travaillé; il a cultivé, augmenté les dispositions qu’il sentait en lui. Je dois ajouter qu'il a réussi dans cette louable entreprise. Il se trouvait à Montauban en 1853; la Société des sciences, agricul- ture et belles-lettres de cette ville ouvre un concours de poésie. Arnaud entre courageusement en lice et envoie un poème sur la poésie romane ; il obtient une prime de 300 francs. Il nous a donné cette œuvre; il a en même temps fait hommage à la Société d'un autre poème ayant ns 71 pour lilre : les Fantômes de l'Altique, el composé à Athènes, où le 27e tint quelque temps garnison avant de se rendre en Crimée. Ge poème commence par ces vers remarquabhles : Lorsqu'un héros n’est plus, on lui dresse une tombe, Qui, longtemps après lui, noire de vétusté, Transmet son souvenir à la postérité. De même le Très-Haut, lorsqu'un peuple succombe, Laisse au mépris du temps, quelque ruine en deuil, Debout et fière encore, dominer son cercueil. Ainsi d'Acropolis, sur les restes d'Athènes, Les remparts sombres et poudreux , Disent aux Grecs modernes, brisant enfin leurs chaînes , Quels étaient leurs premiers ayeux. Ce poème est divisé en trois parties ayant pour litres : Acropolis, l’Aréopage, les Ombres, plus un prologue et un épilogue. C’est une sorte d'histoire de la Grèce racontée à grands traits, par les héros qui ont illustré cette contrée. L'idée est ingénieuse et bien développée. On retrouve encore dans les vers un peu d’inexpé- rience, mais dans la vie militaire, surtout en cam- pagne, les idées ne sont pas toujours dirigées vers la poésie ; un officier a bien d’autres sujets d'inquiétude, bien d’autres préoccupations qu’une rime à trouver, ou un vers boîleux à redresser. Du reste les vers sont très correcls, beaucoup de verve, et parfois on y trouve des beautés réelles. Je regrette que les bornes imposées à ce rapport, trop jong déjà, m'empêchent de mettre sous vos yeux quelques passages qui vous feraient apprécier, beau- Pr. 72 coup mieux que mes paroles, le caractère de cette œuvre. Je vous citerais entr'autres une paraphrase du Pater, intercalée très heureusement dans la 2° parlie, où l’on remarque de plus un vif sentiment religieux. Les poésies de ce genre échappent, vous le compre- nez, à toulie analyse. Je ne puis que les signaler à voire attention, heureux de pouvoir en cette occasion donner une nouvelle marque de bon souvenir à un ancien ami. PAUL LACHÈSE. PROMENADE EN TOURAINE. Un voyage en Touraine, à travers ce pays privilégié de notre belle France et cette végétation luxuriante au milieu de laquelle la Loire, l'Indre et le Cher répan- dent à l’envi la grâce, la vie et la prospérité, est une chose rêvée par la plupart, entreprise par un grand nombre, mais que personne n’accomplit convenable- ment. Nous venons de l’effectuer et nous nous faisons au retour ce reproche que nous adressions tout à l'heure à tant d’autres. Pressé par les affaires qui le rappellent au foyer ou par les plaisirs qui l’attendent à Paris, le voyageur se contente de traverser cette délicieuse proyincé et de donner quelques jours d'attention à un pays qui, au double point de vue de la nature et de l’art, réclamerait des mois d'étude. Le défaut de temps peut nous absoudre à un certain point de celle préci- pitation; chez l'homme libre de ses loisirs elle n’a pas d’excuse. Pour notre compte, nous ne pouvons nous flatter d’avoir visité la Touraine; nous avons seule- ment appris en la traversant combien elle a de titres 74 à nos sympathies et à notre curiosité. Nous n’avons point, par conséquent, la prétention de présenter ici un ilinéraire fidèle et circonstancié, une description rigoureuse et statistique de cette trop courte excursion. Pour quiconque veut faire d'un voyage une relation exacte, il est des choses qu'il n’est pas permis de passer sous silence, parce que tout voyageur qui tient à justifier ce titre, a dû les remarquer ou les décou- vrir; on ne peut exiger la même chose du touriste d'un jour, de celui qui, faule de temps, poursuit bien moins un but scienlifique que son propre agrément ; il ne peut êlre tenu à tout voir, à tout connaître des lieux qu'il traverse ; sa mission n’est que de sentir et de comprendre ce qu'il voit, et comme le même objet observé par vingt personnes tour à tour, impres- sionnera chacune d’elles d’une façon particulière, le promeneur le plus affairé ou le moins érudit est tou- jours sûr de trouver pour l'entendre une oreille com- plaisante. Et puis qu'est-ce que c'est qu'un itinéraire de nos jours, où, grâce aux chemins de fer, il n’y a plus à proprement parler de pérégrination, où l’on vole plutôt qu’on ne roule, où l’on perche plutôt qu’on né relaie? Qu'est-ce qu’une route dont on ne connaît que les stations et qu'on ne peut décrire ? Comment former une chaîne dont les anneaux vous échappent au fur et à mesure que vous voulez les rassembler. De nos jours on se transporte comme par enchante- ment aux localités qui attirent notre attention, on les visite l’une après l’autre, mais rigoureusement par- lant, on ne voyage plus. Dans un autre temps, nous aurions dit comment ps nous sommes parvenus à Langeais; aujourd'hui puis- je tenir un parcil langage quand je sais à peine com- ment je m'y trouve. Tout le monde ne s’y est peut- être pas arrêté, mais assurément personre n’a oublié celte jolie forteresse, à l'aspeet tout militaire, qui s'é- lève à mi-côte, à votre gauche. Ce donjon du xx siècle a été bâti sous Philippe- le-Hardi, sur les ruines du château de Foulques-Nerra, dont on trouve dans le parc encore de curieux vestiges. Le nouveau châleau est flanqué de tours crénelées, qualre à l’intérieur de la cour, qualre à l'extérieur. Ces tours, comme tout le reste, construites en une espèce de grès, sont très simples, mais très gracieuses, malgré leur sévérité, et très élancées ; elles n’ont point de sculptures aux fenêtres et n’ont pour ornements que leurs machicoulis et de délicieuses portes à acco- lades flamboyantes ouvrant sur la cour. Le propriétaire, M. Baron, l'ayant trouvé, lors de son acquisition, dégarni de son ancien ameublement, moins heureux que quelques châtelains du voisinage, y à entassé, à grands frais, tous les meubles moyen- âge qu'il a pu se procurer, en se préoccupant plutôt du nombre des meubles que de l'époque, de là desti- nation et de la nature de chacun d’eux, de sorte qu’on se croît plutôt dans un magasin d’anliquités que dans le château de Langeais au xiv* ou xy* siècle. Le bahut y apparaît sous toutes les formes imagi- nables, et il en a de la plus grande beauté; chacun de ces meubles est d'une valeur incontestable et il y aurait beaucoup de charmes à en faire l'étude à têle reposée. Nous avons remarqué une châsse admirable. du xrr1° siècle, revêlue de pierreries; la menuiserie 76 du chœur d’une chambre transformée en chapelle, une chaise à porteur du temps de Louis XIV, et particu- lièrement un confessionnal du xv° ou xvi° siècle, composé de deux compartiments angulaires contigus, ayant un sommet commun, en un mot de deux angles aigus renfermés dans un angle droit. Ce château renferme aussi un grand nombre de ta- bleaux, dont quelques-uns ne manquent pas de mé- rite, et quelques portraits, entre lesquels nous avons remarqué ceux des deux Mancini. A trois lieues de Langeais, sur les bords du Cher, se trouve Villandry. C'est un pelit Versailles, au milieu d’un jardin dans le même goût, mais environné d'un vaste et délicieux parc anglais, dont on peut admirer le dessin, quelque soit le point de vue que l'on choi- sisse; le tout au milieu de deux grands bois, est enca- dré d’une nature ravissante, de prairies à perte de vue arrosées par le Cher et bordées d’un immense horizon dont on admire les splendeurs au soleil couchant, du haut des grands escaliers extérieurs à colonnettes du xvur siècle. On a cependant conservé un seul donjon du temps de François Ier, par qui le premier château avait élé construit. Ce donjon est surmonté d’un pa- villon Louis XIV. Le jardin possède une orangerie magnifique. Aux environs de Langeais, il nous restait encore deux châteaux à visiter, le château d'Ussé, apparte- nant à M. de La Rochejaquelein, et celui d’Azay-le- Rideau. Le château d'Ussé vous accueille avec un air de grandeur et de majesté vraiment imposant. La renaissance lui a imprimé un cachet auquel on ne peui se tromper, elle lui a prodigué Ja richesse de ses =" 71 sculptures, et si, parmi les châteaux environnants qui se rattachent à la même époque, il en esl sur lesquels l'art, plus sobre et mieux inspiré, a répandu plus de charme et plus de poésie, nous n’en pourrions peut- être pas compter un seul, si ce n’est Chambord, qu’il ait revêtu d’une plus grande magnificence de délails ; malheureusement une annexe loute moderne qu'on élève dans ce moment et qui masque une parlie de la façade, lui enlève presque tout son caractère de ce côté, la nouvelle construction ne s’harmonisant en aucune façon avec le style vraiment seigneurial de celte superbe résidence. Deux bâliments accessoires, perpendiculaires à la façade et formant les ailes, sont terminés chacun par une lourelle. Ee château est flanqué d’un grand nombre d’autres, ce qui lui donne de la fierté. La chapelle renaissance, sans mélange d'un autre style, est comme toutes celles de celte époque, plutôt remarquable par sa légèreté et son élé- gance,qu'empreinte d'un vérilablesentimentreligieux. M. de La Rochejaquelein fait de grands frais pour son ornementation intérieure ; certains appartements sont revêtus de jolies peintures auxquelles ont con- couru les meilleurs artistes de Paris. Malgré cela, on n’est pas parvenu à lui rendre, non plus intérieure- ment, son ancienne physionomie. Parmi les portraits, on remarque celui de M. le maréchal de Boufflers, dont la tête pétille d'intelligence, un autre très joli de Mc de Maintenon ; le reste se compose de portraits de la famille, soit de M. de La Rochejaquelein, soit de M. de Duras, père de Me de La Rochejaquelein, des La Trémoille et des Noailles. Ce château est entouré de vases forêts. 18 Le château d'Azay-le-Rideau, situé dans un vet- doyant vallon, sur le bord de l'Indre, n’a peut-être pas, dans son extérieur, quelque chose d'aussi fas- tucux que celui d'Ussé, mais s'il ne promet pas au- tant, il renferme en définitive plus de titres à l'intérêt et à la curiosité du visiteur. Le premier châleau remontait au commencement du xx siècle, il ne reste de cette ancienne construc- tion qu'une seule grosse lour. En 1502 commencent les constructions nouvelles ; c’élait une des plus an- ciennes chatellenies de France, elle jouissait de grands priviléges. Au milieu de sa simplicité apparente, on sent que la main du roi-chevalier a passé par là, lant on est charmé de sa grâce, de la délicatesse de ses sculptures et de sa distinction. Son nom lui vient sans doute du rideau de verdure qui l’ombrage de tous côlés. Mais si ses parcs sont touffus et fourrés, l’arliste habile qui les a dessinés a ménagé des allées sinueuses et des éclaircis suffisants pour lui faire respirer l'air pur du beau ciel de Touraine. Ses bosquets, profonds et mys- térieux, arrosés par le cours capricieux de l'Indre, sur lequel sont jetés çà et là de jolis ponts, inspirent à tous ceux qui y pénètrent une tendre mélancolie. Chaque prairie, entourée de belles plantations et émaillée de fleurs, est une retraite paisible d'où l’on ne sort que pour pénétrer sous d’autres berceaux de verdure, dans des vallons non moins discrets et non moins abrilés. Ce parc est vérilablement enchanteur. Quant au château en lui-même, celte simplicilé dont nous parlions n’est qu’un raffinement de plus du royal amant de Diane de Poitiers. On y sent un prince 79 blasé, ennuyé des bruits et des splendeurs de la cout et las du poids de sa propre gloire ; on y devine le roi galant qui veut se dépouiller de tous les oripeaux de la grandeur pour redevenir homme et se retrouver seul en face de lui-même, avec ses goûts et ses pas- sions, à l’abri des regards indiscrets, et qui veut une fois au moins, dans sa vie, se faire un bonheur à soi. Enfin, s’il faut appeler les choses par leur nom, Azay- le-Rideau n’est à proprement parler, qu'un rendez- vous intime. Aussi retrouve-t-on à chaque instant, dans ce joli manoir, le portrait de Diane et la salamandre de François [. A l'extérieur, les tourelles qui ornent le château, ne sont pas aussi nombreuses qu'à Ussé, mais parfaitement agencées et gracieuses. L'intérieur est excessivement curieux ; nous signalerons d'abord l'escalier, couronné dans toute sa longueur d’une voûte, dont les caissons représentent des personnages fameux de diverses époques, et presque tous les rois de France jusqu’au xvi° siècle. Ces sculptures sont exirêmement remarquables, soit par la ressemblance de ces portraits, soit par leur composition, soit par leur nombre même. Le propriétaire, M. de Biancourt, a eu le bonheur de pouvoir conserver les tapisseries du château lui- même. Dans la chambre du Roi, on retrouve le lit et les rideaux de Louis XII; ceux de François Ier, d’une étoffe parfaitement analogue au brocart de Louis XII, sont disposés en portière dans la même chambre. Comme galerie de tableaux, Azay-le-Rideau n'est pas moins riche et pas moins curieux; on y trouve 80 des portraits d'une haute antiquité, dont les person: nages sont peints par des arlistes contemporains, et ce qui donne le plus de prix à tous les objets renfer- més dans ce château, c’est que leur authenticité re- pose, comme M. Marchegay l’a reconnu lui-même, sur des litres incontestables. Nous citerons les tableaux qui nous ont le plus. intéressés : Henriette d'Angleterre. Un van der Meulen. François [®, d’après Tilien. Léon X, d’après Raphaël. Une sainte famille lavant des linges. Un saint de Zurbaran. Un Luxembourg. Un Turenne. Un Caiinat. Charles VIIT et Anne de Bretagne. Anne d'Autriche. Un grand portrait de Bayard. Diane de Poiliers. Cervantes. Rabelais. Saint François de Sales. Bossuet. Cinq-Mars. Ambroise Paré. Madame de Montespan. Sully. Marie Stuart. Gabrielle d’Estrées. Eléonore Galigaï (la maréchale d’Ancre). 81 Catherine de Médicis. Louis XI. Tous portraits authentiques, nous le répétons. Mais ce qui nous a le plus frappés, c’est d’abord un portrait tout naïf et d'une touche toute primitive de Jeanne d'Arc, dont la fidélilé incontestée serait au- jourd’hui le seul mérite, s’il n’avait une immense va- leur comme antiquité. La taille mal serrée est à peine indiquée, le cou s'enfonce dans la robe qui monte Jusqu'au menton, la tête est d’un ovale géométrique, les yeux d’un bleu de cobalt et tout ébahis, le front haut, les cheveux relevés comme les ont encore nos jeunes pensionnaires ; enfin ce portrait est d’une res- semblance que nous ne songeons point à mettre en doute, mais dans laquelle l'artiste n’a pas cru devoir se préoccuper du caractère. Charles VII est dû probablement au même pinceau; il offre les mêmes qualités et la même discrétion quant âu moral; il ressemble évidemment à son fils Louis XI, avec plus de douceur et de franchise. En sortant nous avons encore donné un regard de regret et d'adieu à ce joli et royal manoir, tout en blâmant M. de Biancourt d’une chose, c'est d’avoir, à gauche de son château, construit en bois une affreuse salle de billard , dont la boiserie simule exté- rieurement la tente d'un carrousel, horrible bar- bouillage auquel les intempéries de l'air ont mis le comble, triste mésalliance dont son noble voisin semble rougir aujourd'hui. En quittant Azay nous oubliions de parler de l’église qui, sans être d’un roman pur, est d’une haute anti- 6 82 quité ; sa façade surtout construite en petit appareil irrégulier, présente un caracière tout particulier, ce sont des imbricalions triangulaires de distance en dis- tance. On voit aussi à cette façade des séries de toutes peliles statuettes, d’une grossière iconographie. Cette visite à l’église d’Azay, a couronné dignement notre excursion dans une ville aussi intéressante au point de vue pittoresque qu’au point de vue historique. Si nous avions annoncé un itinéraire au lieu d'une promenade, nous serions ici en défaut, car nous allons passer à Tours, dans la capitale du pays que nous parcourons, sans nous y arrêler, avec cette indépen- dance de l'oiseau que nous avons réclamé dès le dé- part, en notre qualité de flaneur ; non pas que Tours n’excile notre intérêt à bien des titres, mais ces litres sont constatés dans cent ouvrages, on ne peut passer dans le département sans que mille notices sur cetle ville ne viennent vous les rappeler, tandis que Chenon- ceaux, Chaumont, par exemple, ne se trouvant pas sur la ligne même du chemin de fer et n'étant pas d’une aussi grande importance géographique, ne sont pas des stations nécessaires et ne sont visilés que par l'homme de loisirs ou par l'ami des arts. Nous ne pouvons cependant traverser celle ville sans mentionner sa belle cathédrale que le xni° siècle a commencée et que le xvr° couronne de ses lanternes à jour, non plus que les ruines de Saint-Martin de si puissante et anlique mémoire. Mais, nous l'avons dit, Tours a ici le tort d'être un chef-lieu, il y aurait des volumes à écrire à son sujet et pour cela il faudrait lui consacrer plus que le temps nécessaire pour visiter ses environs. C'est une cruelle alternative, nous le [ ue 83 reconnaissons, mais comme il faut atleindre notre but, nous nous décidons sans hésitation. Nous ne poursuivrons pas notre route cependant, sans faire à pied un petit pèlerinage à un lieu où s’éle- vait autrefois une vaste et sombre forteresse, et où il ne reste aujourd'hui qu'un petit manoir de chétive mais encore de pitloresque et gracicuse apparence. Nous voulons parler du Plessis-lès-Tours , assez ma- ladroïtement modifié par le propriétaire, qui a cru devoir exhausser la tourelle principale. C'est un logis en briques rouges à l’un des angles duquel se dresse celte tourelle et à son côté, au-dessous du pignon la- téral, une plus pélite adhérente à ce pignon et qui y semble en quelque sorte suspendue, parce qu'elle se termine en cul-de-lampe au lieu de descendre jusqu’au sol. Voilà tout ce qui reste de ce fameux repaire qui avait des yeux et des oreilles et près duquel on ne passait qu’en tremblant. IL est bien inoffensif aujour- d’hui et sa couleur rouge ressort très heureusement Sur le paysage au lieu de l’attrister. Le gardien de ce pelit castel fait une foule dé contes au voyageur pour exciter sa munificence à force d’effroi. C'est ainsi qu'il vous fait descendre de l’autre côté du jardin, au-dessous d’un petit pavillon dénué de tout caractère, dans un souterrain qu’il vous donne comme la prison où le cardinal la Balue serait resté neuf ans dans sa cage de fer, attribuant quelques dégradations du mur aux crochets où se trouvait rivée la chaîne du prisonnier, comme s’il était permis d'ignorer que ce long drame se fût passé à Loches. Et puis, comme si le naïf custode se faisait scrupule de 84 causer à celui qui l'écoute si débonnairement d'aussi pénibles impressions, pour provoquer une heureuse diversion et faire ressorlir à son point de vue le côté agréable du lieu, il ne manque pas de signaler l’un de ses principaux charmes, qui consisie à voir passer six trains par jour dont deux à grande vitesse. C’estalors qu'on se demande où est le roi Louis XT, et lequel serait le plus triste de se voir au xv° siècle exposé tout un jour aux soupçons de l'ombrageux monarque, ou d'être condamné au xIx° à écouter pendant un quart d'heure les béoties de son représentant. Grâce à l'un de ces changements à vue dont nous parlions plus haut et dont le piston de la locomotive a enlevé le privilége à la baguette des fées, nous nous trouvons quelques instants après à Amboise, dans cette jolie petite ville qui se recommande à la curiosité des voyageurs, autant par le charme de sa situation que par ses souvenirs historiques. Amboise est cons- truite au confluent de l’Amasse et de la Loire. On en atiribue la fondation à Jules César, qui l'aurait élevée pour prendre Tours. Elle se rattache à l’histoire d'Anjou, en ce sens que notre comte Ingelger, qui l'avait obtenue de Louis le Bègue, y avait bâli son ancienne forteresse dont on voit encore des vesliges. La Loire y est merveilleusement belle, et 1e magni- fique château qui la domine reçoit d'elle au soleil couchant une teinte mélancolique qui s’harmonise parfailement avec la couleur brune dont le temps l’a revêlu et avec les tristes épisodes dont il a élé le théâtre. On voit dans le bras de Loire même qui baigne le pied de ses tours, l’île où Clovis et Alaric eurent une 85 enirevue en 506. Marie d'Anjou se relira dans celle résidence après la mort de Charles VIT. Louis XI y fixa le douaire de sa mère à 50,000 livres de revenus, il y reçut le comte de Charolais et le roi René dont il convoilait déjà les États d'Anjou ct qu'il voulait ame- per par les caresses et les présents à une solution qu'il ne se fit pas scrupule de trancher plus tard d’une manière moins courtoise. Il y épousa Catherine de Savoie et y atlira saint François-de-Paul. Charles VIIE, qui devait naître et mourir à Amboise, habitait souvent ce château pour lequel il avait une véritable prédilection. C’est lui qui construisit celte charmante chapelle isolée, non moins remarquable par la grâce et les proportions de ses dehors que par son architecture intérieure toute de dentelles. Le por- tail en est très curieux et représente, en un bas relief qui dale de sa construction, la conversion de saint Hubert auquel apparaît une croix enlre les cornes d'un cerf. On voit encore la porte au soubassement de laquelle Charles VIIL se heuria le front d’un coup mortel. Cette porte ouvre dans une petite pièce dont Louis XII fit son cabinet, et elle porte encore le porc-épic qui servait d'armoiries aux princes de la famiile d'Orléans. C'est aussi à Charles VIIT que l’on doit la construction de la tour carrossable supportée par des pilastres dont les chapiteaux sont fort remarquables. François Ie fut élevé dans ce châleau auquel la renaissance vint douner une nouvelle physionomie. Il y reçut Charles-Quint, et y attira Léonard de Vinci. Sous Charles IX, cette ville devint le foyer de celle conjuralion à laquelle elle donna son nom, con- 86 juralion ourdie par la Renaudie. Poursuivi par les ordres de Catherine de Médicis, il fut traqué dans la forêt de Château-Renaud et tué d’un coup d’arque- buse. On voit encore au château d’Amboise le grand balcon où furent pendus les complices de la Renaudie. — Louis XVI le donna à M. de Choïseul. Le château d’Amboise, respecté en 93, fut dégradé à Fexiérieur par Roger Dacos qui en avait obtenu de l'Empereur la possession. Il lui annexa un pavillon sans caractère et nullement conforme au style du monument. À l’intérieur, il ne fut pas moins dégradé par le harem d’Abd-el-Kader qui n’y a certainement rien laissé de la poésie de l'Orient. La cathédrale, sous l’invocalion de saint Benis, est un monument d'architecture romane bien digne d'attention. Amboise donna le jour à Mme la duchesse de la Vallière. A neuf kilomètres, au S.-E. d’ Amboise, on arrive à Chenonceaux. Ce château, dont on a beaucoup parlé, vous frappe dès l’abord par son harmonie, par son élégance et sa situation. Moins intime, moins voilé que le château d'Azay, il est plus empreint du sceau de cette main royale qui aimait tant dans les maisons de plaisance, parsemées autour de son trône, à retrou- ver au milieu d’une nature verdoyante cette indépen- dance sans laquelle on ne peut être heureux et qui apparlient au souverain dans son Louvre moins qu'au bûücheron dans ses forêts. Nous avons vu le restaurateur des letires et des arts donner aux anciens châteaux d’Azay et d'Amboise le vernis de la grande et nouvelle civilisalion qu'il 87 apportait à son siècle où tout renaissail autour de lui; mais ici nous retrouvons plus que le sceau royal, plus que les armoiries, plus que la main du souverain, nous retrouvons le Roi et dans le Roi l’homme lui- même. Ici, en effet, il ne s’est pas contenté de res- laurer, il a édifié ct il a imprégné cette œuvre de sa pensée et de son caractère. Et cette œuvre lui appar- tient tout entière. De là cette homogénéité, de là cette grâce dont nous parlions tout à l'heure, privilége de l'harmonie et de l’unité du style. Ce château ne se dislingue pas moins par sa situa- lion de loutes les autres résidences dont nous avons parlé jusqu'ici. Il est construit sur pilotis et traverse le Cher sur un joli pont de douze arches en tout, si l'on n’y ajoule un petit pont-levis de trois arches touchant au bord opposé. Sur les premières et sur des pilotis latéraux s'élève la masse principale de l'édifice, puis une longue annexe lui succède perpen- diculairement, n'ayant pour base que la largeur du pont. Vers l’un des angles et en avant de la façade se trouve une lour isolée et historiée dont les proportions plus grandes que celles des tourelles du château sem- blent s'éloigner dans une heureuse perspective. Cette tour sert aujourd’hui de loge au concierge. La façade est riche, mais dans sa splendeur même montre plus de délicatesse que de profusion, el sous ce rapport tient le milieu entre Azay et Ussé. Le meilleur goût a présidé à son ornementation. Le balcon, en forme de corbeilles en lozanges à jour, est supporté par de belles cariatides, les fenêtres sont d’un style en rapport avec le caractère du château, et sa charmante corniche est surmontée de très grandes croisées-mansardes d’un travail exquis. 88 La chapelle fait partie intégrante de ce délicieux ensemble et se rattache à l’un des angles du château de la manière la plus gracieuse. Quant à l’ameublement, sans avoir été aussi heu- reux qu’à Azay-le-Rideau, on l’a reconstitué en grande partie. On a retrouvé les tentures qui se composent d’une toile très forte peinte tantôt en jaune, tantôt en blanc, servant de fond à des dessins de toutes formes et de toutes couleurs qu’on obtenait en collant des morceaux d’étoffe ou de drap de touies les nuances imitant des fleurs, des oiseaux ou des arabesques. Nous citerons particulièrement après la chambre. de François Ie et celle de Catherine de Médicis, les appar- tements de Louise de Vaudemont, veuve de Henri HI, tendus en deuil avec son oratoire et la bibliothèque dont le joli plafond en bois n'a subi aucune altération. Entre autres tableaux on y voit : François Ie", copie de Titien. Diane de Poitiers. Louise de Vaudemont. Gabriel d'Estrées. Rabelais. Christine de Suède, fort belle, en guerrière. Laure et Pétrarque. Le grand Condé. Marie de Médicis. Charles IX. Bayard à cheval. Jean-Bart. Enfin les portraits, par Greuze, de la grand'mère et de la mère de Mr: de Villeneuve. aujourd'hui châte- laine de Chenonceaux. — Nous oublions parmi ces tableaux une peinture étrange et excessivement cu- 39 rieuse représentant le bal des noces du duc de Joyeuse. Peinture du temps. — On vous montre enfin le mi- roir de Marie Stuart et un verre en émail dont se servait François Ier. Une heure après nous étions à Chaumont. Si nous avons franchi tant d'espace en si peu de temps, notre souvenir à encore voyagé plus vile. En une demi-heure nous avons parcouru cinq lieues el nous avons remonté six siècles! On éprouve un double vertige en songeant à cela; vertige de l'œil qui voit danser le sable et les acacias du talus, vertige de la pensée qui voit danser les généralions éteintes. Nous venons de quitter François de Valois et nous rencon- trons Hugues-Capet, où du moins le château d'un de ses vassaux, puisque le premier manoir de Chaumont a élé l’antique demeure des premiers comtes de Blois. Eudes de Blois donna le fief de Chaumont à Gelduin de Saumur, en échange de services rendus contre Foulques-Nerra, et Gelduin y construisit un château. Mais le château de Gelduin n'existe plus, comme on le pense bien, il a subi, depuis, bien des transformations. Il fut reconstruit au commencement du xv° siècle, par Charles de Chaumont, gouverneur de l'Isle de France, dans l’état où nous le voyons du côlé de la Loire qu'il domine majestueusement, et de ce même côlé, restauré par les seigneurs d'Amboise, dont le lignage fut interrompu par la mort de Georges d’Am- boise, tué en 1525 à la bataille de Pavie. Il passa à la maison de Larochefoucault par le ma- riage d'Antoinette d' Amboise avec Antoine de Laroche- foucault, seigneur de Barbezieux. Après la mort de Charles de Larochefoucault, il fut acquis par Cathe- 90 rine de Médicis, qui le céda à sa belle rivale, Diane de Poitiers, en échange de Chenonceaux. Plusieurs de ses tours portent en ceinture les signes cabalistiques et astrologiques de la reine Catherine, séparés de distance en distance par son chiffre, deux C en X. Une autre tour porte encore les armoiries de Georges d’'Amboise. Du côté opposé aux grosses tours, ce châ- teau est empreint du style de la renaissance, sobre- ment ornementé. Il appartient aujourd'hui à M. Walsh de Serrant, qui a cherché à imiter par des ameublements modernes ceux du temps de Catherine de Médicis. Il a trouvé quelques tapisseries très curieuses de l’époque, mais qui n’appartenaient pas comme à Azay au château même, cependant on a pu reproduire quelques .peintures murales dans un des apparte- ments. Nous venons de redescendre les six siècles que nous avions remontés tout à l'heure, nous nous retrouvons en pleine renaissance pour contempler, avec un grand nombre des admirateurs de cette époque, un des plus beaux joyaux de sa couronne. On a souvent parlé de Chambord comme d’un pro- dige de l’art; nous ne nous inscrivons point en faux contre celle opinion justifiée à tant de titres! Le gran- diôse de ses lignes et la somptuosité de son archilec- ture en font assurément, déclarons-le tout d'abord, une œuvre éminente, tout en regrettant que ce ma- gnifique monument n’ait pas été édifié au milieu d'un paysage digne de lui. On a souvent parlé de Chambord et on ne l’a peut- être jamais décrit; c'est qu'en effet Chambord se 91 recommande aulant par la tenuité que par la splen- deur de ses détails, qu'il faut observer de près, et que nous n'avons point, nous non plus, la prétention de décrire. À cet égard, nous avons fait comme bien d’autres : nous avons admiré dans un muet ébahissement, sans en compter les rayons, cetle véritable constellation architecturale. Tout le monde a entendu parler de l'escalier à double vis et de la fameuse salle des gardes dont la voûte magnifique, ornée de caissons, alteint les combles du château, salle que Louis XIV, dans une de ses erreurs, a cru devoir couper par deux planchers dont le plus élevé soutient la salle de spectacle, cette salle où fut joué, pour la première fois, le Bourgeois gentilhomme. Malgré tout cela, on éprouve devant Chambord ce sentiment de tristesse qu’on ressent en présence d’une grandeur déchue, ou de tout monument célèbre fait pour le bruit et l'éclat, et qui voit s’éteindre dans le silence et l'abandon les derniers reflets de sa gloire. Contraste d'autant plus pénible quand la main de l’ar- tisie qui restaure ne peut suivre la main du temps qui ravage, quand du liaut de l'édifice oublié il tombe dix pierres sur le sol pour une qu'on remet à sa place. À Ajoutez à ce déläbrement le défaut d'horizon et l'on s’expliquera encore mieux cette disposition de l’âme à la tristesse devant Chambord. On y compte 13 esca- liers et 440 pièces à cheminée. Une fois le tribut d’ad- miralion qu’il commande, payé à ce beau château, on se demande pourquoi toute l'ornementation s'est con- cenirée dans sa partie supérieure, aux mansardes, aux 92 lanternes, aux cheminées, au point de lui ôter une part de l’unité désirable dans une œuvre de cette im- portance? Toutefois, ce n’est qu’en tremblant que nous hasardons cette queslion, car à plus forte raison craindrions-nous de formuler un mot de critique à l'adresse de ce palais, au milieu du concert d’éloges qu'il a reçus et qu'il reçoit encore chaque jour, si, comme on l’a prétendu, il faut l’attribuer au Prima- lice. Dh. L'ancien château, celui sur les ruines duquel le château actuel est construit, aurait élé, dès 1090, sous la domination des comles de Blois. Il a appartenu à la maison de Champagne d’où il passa en 1230, par un mariage, en celle de Châtillon, et Guy de Châtillon le vendit à Louis d'Orléans. Il fut depuis occupé par des capitaines parmi les- quels nous trouvons un de Villebresme. François 1° le réédifia; dix-huit ceuts ouvriers y furent employés, les travaux durèrent douze ans. Chambord fut le premier théâtre des amours du Roi et de Diane de Poitiers. Il y avait dans le parc un petit palais appelé l'hôtel de Momenrency, demeure de Diane, quand la Reine séjournait à Chambord, et dont Brissac, aimé, connaissait le chemin. Le roi et la reine de Navarre, sa sœur, y goûtèrent aussi les charmes d’une amilié que rien ne troubla jamais. Henri II signa à Chambord le trailé de Vervins qui nous donna Melz, Toul et Verdun. Charles IX y chassa souvent. Il y fit même des prouesses de vénerie. Il y courut le cerf sans chiens, et le poète Antoine de Baïf, fils du poète du même 95 nom, noire compatriote, lui adressa à ce sujet une épître qui fit sensation dans le temps. Sous ses successeurs Chambord fut peu fréquenté. Henri III y séjourna peu; Henri IV préférait Fon- tainebleau. Louis XII le donna à Gaston d'Orléans. Madame de Pompadour y demeura; il devint successivement la résidence du roi Stanislas et l'apanage du vainqueur de Fontenoy, le maréchal de Saxe, Le maréchal y conservait ses habitudes; la place d’Armes sur laquelle il faisait manœuvrer ses hulans, a été respectée, et l’on voit, dans une des salles du château, la table sur la- quelle il fut embaumé. En 1789, au moment où la révolution éclata, Cham- . bord était le domaine de M. de Polignac. Sous l'Empire, Berthier, prince de Wagram, l’obtint en récompense des négocialions du mariage avec Marie-Louise. Enfin, sa veuve le mettait en vente et la bande noire allait s’en saisir, quand M. de Calonne concut l'idée de l’offrir au duc de Bordeaux naissant, au nom de toutes lescommunes de France. au prix de 1,542,000 fr. De Chambord à Blois il n’y a qu’une promenade, il n'y a en quelque sorte à suivre qu’une avenue de peupliers. Nous voilà donc dans le chef-lieu de Loir- et-Cher, où nous allons retrouver aussi cette belle Loire que nous avions quittée depuis longtemps. Si le château de Chambord est, comme on l'a dit, la mer- veille de la renaissance chevaleresque et galante, celui de Blois peut être assurément considéré comme le modèle le plus riche et le plus séduisant, comme le type le plus achevé, en un mot, de la renaissance militaire. À Chenonceaux, à Chambord nous trouvons 94 François ler, le roi dans ses loisirs ou dans ses splen- deurs, le roi chevalier dans toute la force du terme. A Blois nous trouvons Henri II, le roi inquiet et méfiant, ceint d’une cuirasse d'acier au lieu d’une écharpe de soie, des rapières et des periuisanes suspendues aux lambris au lieu de guirlandes de fleurs, le roi sur ses gardes au lieu du roi dans son triomphe, le roi de la guerre civile au lieu du roi de la volupté. Et en effet, ce qui frappe d’abord votre attention, ce sont ces arcatures de la galerie qui regarde la place du château, dont les lignes sévères remplacent ces fioritureset ces caprices de imagination quiruissellent en quelque sorte sur les villas royales de la même époque. Dans celles-ci on se met aux fenêtres le rire sur les lèvres et la joie au front, et vous ne la levez que pour lrouver au-dessus de votre lête une couronne de roses où un chiffre d'amour; sous ces arcades, au contraire, on passe plutôt qu'on ne s'arrête, on se retranche et l’on épie le passant de la rue plutôt qu'on ne le regarde. Là-bas la villa, ici le château, là-bas la maison de plaisance, ici la forteresse. Mais ceile forte- resse n’a plus l’aspect ténébreux des châteaux des premiers temps de la féodalité, ce n’est plus l’antique et sombre baslille d'autrefois; si l’on ne peut prévenir l'inquiétude et la défiance, on peut se prémunir, jus- qu’à un certain point, contre l'ennui. On peut bien soutenir un siége dans son château, on peut bien s’y condamner à l’emprisonnement, mais à la condilion de trouver dans les ornements mêmes de celte prison de quoi se consoler de sa caplivité. Ce château s’est élevé aux lueurs du siècle de Fran- çois Eer et de Michel Ange, de Léon X et de Raphaël; 95 il n’y avait pas alors de cachot si profond et si myslé- rieux sur lequel ce siècle ne fit glisser un rayon ou jaillir une étincelle. Comprendrait-on qu'un château du même temps ne fût pas empreint de sa puissance et de son génie? Il est vrai qu’à l'extérieur, il appartient à son siècle bien plus par l’ensemble que par les détails; on ne pouvait mettre en effet dans un monument de cette nalure de pareilles richesses à la merci de la première arquebuse qui eût passé; mais dans l’intérieur des cours et des appartements, sous les voûtes mêmes des galeries du dehors, partout où l’on se croyait à l'abri de la révolte et de la mitraille, dans tous les lieux, dans tous les coins que le plomb meurtrier ne pouvait atteindre directement, ce siècle lui a prodigué les splendeurs de son architecture et les merveilles de son génie au point de faire oublier les palais les plus éblouissants de la même époque, sans excepter Cham- bord même. , Chambord est extraordinaire, merveilleux, il est vrai, mais cherche avant tout à parler aux yeux; l'artiste s’est épuisé en caprices, en fantaisies, en {ours de force, s’il est permis de se servir de cette expres- sion dans un pareil sujet; mais tous ces ornements, toutes ces étrangetés n’ont pas toujours leur raison d'être. Les sculptures du château de Blois aussi opu- lentes, aussi fouillées, ont quelque chose de plus tou- chant, de plus symbolique et l’emportent quelquefois au point de vue du goût et de la distinction. Sous ce rapport, que faut-il préférer de la façade principale du palais ou de la grande cour intérieure? L’escalier de François Ier est à lui seul une épopée, et 96 la tour qui l'enveloppe de ses dentelles vaut seule un voyage à Blois. Il y a du saint Louis dans ce château , de charmants vesliges de Louis XII et surtout de François If dont la salamandre se rencontre partout à côté de l'hermine de Bretagne, armoiries de Claude de France, sa femme, fille d'Anne de Breiagne. L'intérieur, aujourd’hui entièrement restauré, ré- pond à ce que l'extérieur annonce. Indépendamment des chiffres dont nous venons de parler, on y trouve la cordelière d'Anne de Bretagne, cordelière qu’elle avait prise en signe de son veuvage de Charles VII et qu’elle avait quiltée en épousant Louis XIT, comme dégagée du premier lien. Une chose très curieuse, c’est que le chiffre d'Henri} et de la reine Catherine, composé de deux C en X sur la lettre H et qui dans la chambre des deux époux ne laisse pas la moindre équivoque, devient tout à coup, dans les autres appartements, par le rapprochement des deux extrémités du C de l'extrémité du jambage de l’H le chiffre peu déguisé de Henri et de Diane. La supercherie est des plus subliles et des plus ingé- nieuses ; car donnez la moindre ouverture au D vous avez un C devant le jambage de l'H. Ainsi pour faire du chiffre des deux amants le chiffre des deux époux, il suffit de l'épaisseur d’un cheveu, symbole hypocrite auquel la vindicative Catherine ne s'est peut-être jamais trompée ! Les appartements principaux sont : La salle des gardes de Ja Reine où le duc de Guise se chauffait quelques instants avant sa mort, quand le Roi, retenu dans sa chambre, le fit demander; "94 Cette chambre du Roi, sur le seuil de laquelle le duc de Guise tomba frappé par les assassins apostés sur son passage, au moment où il soulevait la portière pour enlrer; Le pelit cabinet voisin de la chambre du Roi dans lequel deux moines priaient pour la réussite de l’at- tentat et pour le repos de l'âme de la victime ; La tour des oublieties où fut tué le cardinal de Lorraine, frère du duc de Guise, pour avoir essayé de courir au secours de son frère ; La chambre de Catherine de Médicis ornée du chiffre dont nous avons parlé tout à l'heure; Le cabinet de travail de cette princesse, encore re- vêlu de sa boiserie dont les compartiments mobiles laissent voir, quand on les ouvre, les caches secrètes où elle serrait avec soin ses instruments d’astrologie ; La salle des gardes de la Reine ; La salle des gardes du Roi; Enfin la salle des Élals où l’on voit encore l'escalier par lequel le Roi descendait de chez lui pour tenir celte assemblée. En montant jusqu'aux combles du château par l'escalier de Louis XII, l’on arrive à l'observatoire où Catherine faisait ses études planétaires, avec l’ins- criplion : Uraniæ sacrum. On voit sur la plate-forme à ciel ouvert la table où elle déposait ses instruments. Les appartements dont nous avons parlé ont tous été parfaitement restaurés par M. l'architecte Duban dont le talent vraiment admirable, aussi habile que discret, a su tout reproduire, sans vouloir cependant rien livrer au hazard. Rien n’a échappé à son investi- galon, ni les enluminures des soliveaux, merveilleu- 7 98 sement historiés, ni les fresques des murs dont les dessins sont identiquement ceux du temps de Cathe- rine de Médicis, ni les pavés dont il a retrouvé les délicates et brillantes mosaïques à fleurs de lys, ni le manteau des cheminées dont il a refait avec le plus grand bonheur les dorures et les devises somptueuses ni les voûtes étincelantes des arcades extérieures de la façade principale. Encore quelques fonds ajoutés aux 400,000 francs qu'il a si bien su employer, et la fameuse salle des États nous sera rendue avec toutes ses peintures et toute sa royale ornementation. = Le reste du château sert de caserne à la garnison de Blois. Le château de Blois était l’ancienne forteresse des ducs de Châtillon. Il devint au xx1° siècle le domaine des ducs d'Orléans; c'était la résidence de prédilection de Louis XII comme Amboise celle de Charles VIIL. Francois Ie le répara et l’embellit de 1515 à 1518 dans l'ornementation de la façade principale et la construclion de l'escalier d'honneur. Marie de Médicis se sauva de ce château où elle avait été confinée par Richelieu. Depuis ce moment il resta à peu près dans le même état, jusqu’au jour où l’on eut l’heureuse pensée d’en confier la restauration à l’éminent artiste dont nous avons parlé et qui vient de recevoir à l'Ex- position universelle une si flatteuse distinction. Le moment est venu de nous séparer de ce magni- fique monument et c’est avec un vifregret; du moins ce ne sera pas sans affirmer qu’il nous a semblé de ce merveilleux écrin de la Loire artistique, peut-être le plus étincelant, et dans tous les cas le plus précieux joyau. 99 Rien ne peut mieux donner une idée du fini et de l'insuffisance de notre nature, que la faligue que nous trouvons dans les jouissances même de l’art et de l'esprit prolongées au-delà d’une certaine mesure, puisque, celte mesure comblée, nous éprouvons un besoin aussi impérieux de repos, qu'à la suite de la souffrance et la peine. C’est l'impression que ne manque pas d’éprouver le voyageur le plus enthou- siaste et le plus épris, après avoir visité et étudié d'une manière un peu consciencieuse un certain nombre de chefs-d’œuvre de Ja renaissance dans ce pays charmant que nous venons de traverser, tant la jouissance est pour nous exceptionnelle et précaire, tant est puissante et impérieuse la loi de l'épuisement et de la satiélé! Sous cette impression, en sortant de Blois, le touriste regarde encore une fois cette Loire si belle et si hospi- talière qu’il va quitter, et l’idée lui vient tout nalurelle- ment de se reposer, pour la contempler à loisir, à l'ombre du petit château de Menars, construit par Louis XV pour Mme de Pompadour, monument qu'il peut regarder sans élude et sans émerveillement et don! il ne songerait peut-être même pas à faire men- lion, s’il ue lui permettait, par sa siluation au bord de ce beau fleuve, de se prélasser à son aise pour classer ses souvenirs et jouir par la pensée de tout ce qu'il a laissé sur sa route, de manoirs gracieux et de splen- dides palais. Si le château de Menars ne représente rien comme style de bien digne d’être signalé, il a fourni, avant même d'être achevé, aux ouvriers et à l'architecte qui y travaillaient, l’occasion d'apprendre, s'ils l'igno- 100 raient, que le simple caprice d'un roi absolu est aussi inflexible que les lois sur lesquelles repose le salut même de l'Élat, quand il ne l’est pas d'avantage: Au moment de terminer quelques-uns des apparte- ments, le bois manqua, et comme on avait hâte de le voir occupé par celle à qui ils élaient destinés, on ne trouva rien de plus simple (pour empêcher le retard qui aurait pu en résuller) que d'envoyer arracher de par sa Majesté, aux planchers du château de Blois, les poutres nécessaires à l'achèvement du château de Menars; espèce de sacrilège que n’excusera jamais la puissance du Roi, mais qu’on peut pardonner aux folies de l’amant! Ici, à la porte de Paris dont le bruit et la dissipation vont faire diversion à celle vie nomade et avenlureuse, devrait se terminer notre relation, si une circonstance aussi heureuse qu'imprévue, ne nous avail permis, au retour, de visiter aux environs de Saumur, une localité à laquelle nous avions renoncé au départ, à raison de son éloignement du chemin de fer. — Nous voulons parler de Chinon, et tous ceux qui ont pu lui consacrer quelques instants savent ce que nous aurions perdu. Nous n'avons point, il est ‘vrai, à y admirer cetle architecture capricieuse et féerique de la renaissance, ni le reflet de ce siècle fécond et prodigieux qui respirait la vie par ious les pores et qui sut se faire des prodiges du passé une physionomie et une vie si nouvelle. Nous n’avions pas à y évoquer une ère de puissance et de prospérité, mais des jours de péril et d’épreuve ; nous ne devions y réveiller les échos de l'honneur et de la gloire, qu'à travers les cris de terreur et d'alarme, et de l'immense forteresse, non moins célèbre par les malheurs que 101 par les amours de Charles VIF, nous n'allions trouver qu'un fantôme. Mais, si fanlôme eut de la grandeur et de la majeslé, si jamais ruine, témoin séculaire d’un drame saisissant, se dressa revêtue du cachet poétique que le temps imprime aux monuments qu'il dévaste, si jamais débris imposants et grandiôses ressorlirent sur la cime d'un côleau, au milieu d'une mise en scène émouvante et d'un paysage accidenté, si jamais ville piltoresque s’échelonna sur les flancs d’un châ- teau historique, si un lieu, en un mot, fut dans son ensemble embelli du triple prestige de la nature, de l'art et de l’histoire, c'est assurément Chinon. Au pied de la colline que ce château couronne, la Vienne promène son cours sinueux et pitloresque et, si elle n’encadre pas Chinon de ce vaste horizon, au milieu duquel semblent nager, en quelque sorte, les châteaux de la Loire, elle s’harmonise parfaitement du moins avec le caractère du lieu qu’elle entoure, et. à ous ces souvenirs du moyen-âge qui se réfléchissent dans ses flots, elle vient ajouter encore toutes les co- quelteries de la perspective. Ce n'est pas seulement en effet, par son château au site aérien et théâtral, que Chinon vous frappe, c’est par son ensemble même ; ce n’est pas seulement une belle ruine qu'on y admire, ce n'est pas un monu- ment, c’est Chinon lui-même, c’est-à-dire au xix®siècle la ville du xv° à la svelle lanterne, se dressant non loin de la belle flèche de Saint-Maurice, comme la hampe d'un drapeau au milieu de ses tours lézardées, de ses courtines à jour; c'est Chinon descendant du sommet du coleau jusqu'à la Vienne, en cascades de logis pointus, de pignons à colombages, de façades de 102 briques, de fenêtres à encorbellements. Dans ces rues tortueuses et escarpées, pas une maison qui ne pré- sente, soit par une tourelle à l’un de ses angles, soit par une fenêtre à meneaux, soit par une solive grimacante, quelque stigmate de la grande époque févdale qui vit, sous la parole inspirée de Jeanne d'Arc, la France renaître de ses cendres. Un pont construit en 1758, et qui remplace l’ancien pont-levis, vous conduit à la porte de la Tour-de-l’Hor- loge, par laquelle on pénètre dans le château, ou plutôt dans les ruines du château construit en 953, par Thi- baud le Tricheur, sur les débris d'une forteresse romaine. Chinon, ainsi que Langeais, avait été réuni à l’Anjou avec la Touraine, par Geoffroy-Martel. Nos comtes anglais Henri H et Richard, nos rois Philippe-Auguste, saint Louis, Charles VII, Louis XI, Charles VIT, Louis XII et ses successeurs jusqu’à Henri IV, séjournèrent plus ou moins de temps dans cette place de guere. On y voit encore la chambre où Jeanne de Vaucouleurs fui reçue par le Roi, son maître, qu'elle sut reconnaître, malgré la simplicité de son costume, parmi les brillants seigneurs qui l'entouraient; on y montre encore les cachots où furent enfermés, entre un grand nombre de prisonniers célèbres, Robert, comte d'Artois, et le grand maître des Templiers, Jacques de Molay. Parmi les objets les plus curieux que l’on doit visi- ter dans la ville de Chinon, il faut citer la chape de Saint-Même du xv° siècle, décrite par M. Victor Luzarche; un tableau de Rubens, représentant une élévation de croix, donné aux fidèles de Chinon: par un 103 juif, M. Crémieux, alors membre du gouvernement provisoire ; le charmant logis habité par Agnès Sorel et la maison de Rabelais. Bientôt nous quitlions Chinon et revenions, en pas- sant au pied du joli château de Coulaines, vers la slation du chemin de fer, encore remplis de la vive impression que la ville de Charles VII fait éprouver à lous ceux qui la visitent, et il ne fallut pas moins que le sifflet aigu et l’infernal vagissement de lalocomotive, pour nous faire passer de ce théâtre, encore lont palpi- tant d’un passé si dramatique, au réalisme non moins étrange, mais moins chevaleresque, de la vie présente. P. BELLEUVRE. RAPPORT SUR LA BROCHURE DE M. BOUTARD, DE TOURS, relative à la libre monétisation de la propriété (1). Messieurs, M. Lèbe-Gigun m'a remis la parole pour vous pré- senter le rapport dont vous nous avez chargés, sur la brochure de M. Boutard, relative à la libre monétisa- tion de la propriété. Je vais vous dire nos appréciations sur la question. Le projet de M. Bouiard peut se résumer en quel- ques mois : élever le revenu de la propriété foncière par sa mobilisalion, au moyen de l'émission d'un pa- pier mounaie, qu'il nomme billets-hypothèques-à- rente, et porter dans la circulation une abondance de valeurs, qui, de fait, augmenterait de cinq à six mil- liards la fortune publique (page 21). (1) La Société, en insérant dans ses Mémoires cette analyse de l'ouvrage de M. Boutard, déclare ne donner ni approbation ni im- probation à son système, qu’elle s’est abstenue de juger. 105 L'auteur expose les motifs, les avantages, les garan- lies et les moyens d'émission de ces valeurs de nou- velle espèce. Je le suivrai quelque peu dans ses rai- sonnements pour reproduire, sur les plus concluanis, une analyse compatible avec les proportions que com- porte ce comple-rendu. MOTIFS. Les sociéiés de Crédit foncier, devenues Banques foncières de France, dit M. Boutard (page 5), n'aident qu’imparfaitementi les propriélaires, parce que leurs lettres de gage, bien que rapportant un intérêt, faible toutefois, bien que mobiles, à raison de leur facullé de transmission par endossement, n’ont qu'un place- ment irès limilé, à cause du cours facultatif auquel elles sont astreintes ; elles occupent du numéraire, en haussent le taux et font concurrence aux valeurs in- dustrielles, à la rente même. Les billets de banque, les espèces monélaires ne produisent rien (page 13); les titres hypothécaires ne profitent qu'à un seul : le prêteur. Tous n’ajoutent rien aux finances en circu- lation (page 22). AVANTAGES. Les billets-hypothèques-à-rente, dont M. Boulard propose la création, au lieu d'appeler des capitaux pour se vendre, sont au contraire un nouveau capilat destiné à acheter toutes les ‘valeurs (page 6), à en maintenir ou en élever le cours; ils produisent et au porteur et au trésor (page 13). Mobiles comme le nu- + 106 méraire, et par cela, d'émission prompte et facile, ils procureront, au-dessous du taux légal (page 19), les fonds dont il aura besoin, au propriétaire, qui pourra les relirer par telle portion que ce soit, sans compro- mettre son crédit, condition la plus importante, car le crédit c’est la considération, et celle-ci est à la vie sociale ce que les aliments sont à la vie matérielle. Dans les raisons que fait valoir M. Boutard en faveur de son système, il en est une qui ne serail pas assez considérable. Il le reconnaît, au reste; mais j'ai cru devoir la mettre en évidence, précisément pour faire ressortir l'intérêt important qui s'attache à la mesure. Il dit : les billets-hypothèques-à-rente sont utiles au propriélaire dont le revenu est insuffisant, et pour y suppléer (page 7). Un propriétaire n’est dans cette po- sition que parce qu'il est entraîné dans des dépenses obligées par des relations sociales qu'il n’a pas le cou- rage ou la facullé de rompre, que parce qu'au lieu de se restreindre, il continue une apparence de prospé- rilé ; il ne peut en sortir, évidemment, à l’aide d'au- cune combinaison financière : celle des billets hypo- thèques à rente serait stérile comme toute autre : quoiqu'elle porte avec elle le libre échange, bien qu'elle crée des capitaux, bien qu'elle les produise à bas prix, bien qu'elle prête à une spéculation de pla- cement d'un quart : différence entre son taux d’émis- sion (4 fr. 75 °/.) et celui légal (5 2), si le taux de l'argent se maintenait à 5 °/, ce qui n’a pas toujours heu, puisque les capitalistes achètent à la Bourse le 4 1/2 à 93 fr. (page 33) aujourd’hui. Des défrichements, qui ne peuvent être fails par pré- lèvement sur le revenu de la propriété, et qui peuvent 107 ajouter à sa valeur et en augmenter le revenu, sont une cause raisonnable pour employer la libre moné- tisation. Mais elle serait inhabile à replacer le proprié- taire dans un état prospère, s’il ne s’imposait pas des privations pour éteindre sa detie : des chiffres vont le prouver : Un terrain en friche rapporte.......... » fr. Sa valeur, après la mise en rapport, sera de 50,000 fr., et donnera, à 3 °/,, un revenu SRE ANA DEC EN 2 MESA EEE LA Lis BLUES M 1,500 On aura émis pour 50,000 fr. de billets hypothèques à 4 fr. 75 °}, pour cette opé- LE IG NA EC MARNE ARMOR EE EEE LRQ ET EU 2,375 La différence de revenu sera, pour cha- O0 GEO ON ARE SRE te Sr 875 Pour donner à sa propriété la plus-value résultant de celte amélioration, il faudra se remettre au pair et rermbourser les 50,000 fr.; pour y arriver, on devra prélever les 875 fr. sur son revenu ordinaire. pendant 54 ans 9 mois à peu près. Mais c’est plus pour la propriélé qui n'est pas gre- vée, que pour celle dont le chef est dans la gêne, que la mobilisatien peut être avantageuse ; comme on le sait, la propriété ne donne, en moyenne, déduction des frais de culture, que de 2 1/2 à 3 °/,. Un proprié- taire industrieux peut, sans déranger son domaine, se créer des capitaux pour des spéculations, pour des. exploilations industrielles. Posons des données : Une propriété de 100,000 fr. rapporte... 3,000 fr. Si la valeur de la moitié est constituée A reporter...... 3,000 108 REDOr PIE: 3,000 en billets hypothèques à rente, le proprié- taire sera grevé pour les 50,000 fr., à 4 fr. 75, d'une redevance de .............:... 2,375 Il lui restera sur son revenu........... 625 Mais les 50,600 fr. qu'il s’est procurés, s'ils sont bien employés, pourront rappor- ter 10 °/ et donner un revenu de........ 5,000 Il se trouvera donc avec un revenu de.. 5,625 C'est-à-dire avec 2,625 fr. d’excédant de son revenu ordinaire, qu’il pourra employer à éteindre sa dette, qui finira en 18 ans 2 mois environ. Toutefois, le propriétaire dans la gêne obtiendrait des produits par la mobilisation. Des chiffres vont en- core le démontrer : La propriété de 100,000 fr. rapporte.... 3,000 fr. Mais elle est grevée, sans HA de de 25,000 fr., pour ee le propriétaire paye à 6/au moins 236: OL 1,500 Le revenu sera réduit à............... 1,500 Si l’on mobilise pour 50,000 fr., qui pour- raient rapporter comme dans la seconde HVBOESE A0 REP TOR AN AE RARE US 5,000 Lereyenn sera pOrlé à .0102. 200 . 6,500 Mais la mobilisation de 50,000 fr. a grevé le revenir der ATEN Re re 2,375 Le revenu restera donc à ........,.... 4,125 Si le propriétaire veut se contenter du revenu normal de sa propriété........... 3,000 1PHOUTAREMPOyErMeS Ce .. 1,125 109 restants à éteindre sa delle, qui finira en 42 ans 4 mois environ. La propriété foncière représente à peu près 50 mil- liards. Si 12 milliards seulement étaient mobilisés pour la moitié de leur valeur, le Trésor percevant un droit d'émission de 1 fr. 10 °/, prélevés sur les 4 fr. 75 d'intérêt attachés à celle émission, 66 millions qui en seraient la conséquence, sans que personne püût se plaindre, pourraient degréver d'autant la contribution foncière. Il resterail encore 219 millions aux porteurs des billets-hypothèques-à-rente. Il se serait donc pro- duit chaque année 285 millions (page 21) d’une source jusqu'ici improductive. Les billets-hypothèques-à-rente neulraliseraient tous les effets des crises commerciales et politiques même. Les pelits, comme les grands capitalistes, pour- raient, avec eux, se dispenser de recourir à des tiers pour leurs placements, ceux encore qui donnent lieu aux opérations des Caisses d'épargne (page 22). La propriété, devenue le gage (page 24) du plus grand nombre, ne pourrail plus être menacée par les ultopistes. L'intérêt (pages 25 et 40) de l'argent tomberait entre 3 2/3 et 5, qu'il ne dépasserait pas, mais ne serait ja- mais moindre 3 2/3, pendant qu'il descend quelque- fois à 3 ©). Les choses de la vie ont presque doublé de prix de- puis que le laux de l'intérêt légal a été fixé à 5 °/.. Si cet intérêt suffisait au rentier, il est clair que celui de 3 2/3 (3 fr. 65) ne le devra plus. Mais après tout, quel mal y a-t-il que l'argent ne vaille pas davantage que la propriété, et que les capitaux que le sol représente, 110 qui ne produisent que par le travail, aient la même valeur que ceux qui donnent de l’aisance à celui pour qui sont les loisirs (page 33)? La circulation des billets-hypothèques-à-rente rem- placerait le numéraire et en restreindrait l'usage aux menus besoins. Elle permettrait (page 25) de démo- nétiser dès aujourd’hui l’or, que son abondance con- duit à faire déprécier. Cette mesure n’aurait que peu de conséquence, pendant qu'elle serait peut-être rui- neuse dans un avenir qui pourrait être prochain. La valeur de l'or et de l'argent (pages 55 et 56) pourrait baisser si ces métaux surabondaient, celle des billets- hypothèques n’y est pas exposée, puisqu'elle est repré- sentée par le sol, qui tend à valoir chaque jour davan- tage. GARANTIES. M. Boutard l’a dit et l’histoire appuie son assertion : les combinaisons financières dont le papier-monnaie était le moyen, ont toutes échoué, parce qu'elles ne s’appuyaient pas sur la confiance publique, à défaut de garaniies. | Les billets-hypothèques-à-rente, papiers-monnaie quant à la forme, ne sont pas, il faut le reconnaître, assimilables pour l’origine aux papiers-monnaie d’au- cune espèce et d'aucune époque : les billets-monnaie de 1704, les papiers-monnaie du financier Law (page 32), les assignats répandus, pour 47 milliards, de 1789 à 1796, ne reposaient sur aucun nantissement sérieux ; les premiers et les derniers étaient le fruit d’un abus de pouvoir ; les papiers Law, qui ont fait perdre 80 mil- liards à la France (page 32), avaient prisleur crédit dans 111 l'enthousiasme qui les avait accueillis : leur durée fut celle de cet enthousiasme, qui devait être éphémère, comme lout ce qui n'est pas calme : de 1715 à 1720, elle avait parcouru toutes ses phases. Les billets-hy- pothèques-à-rente ne doivent pas être exposés à ces perturbations : ils seront assis sur le plus immuable cautionnement, le sol ; ils rapporteront 3 fr. 65 °/, par an (1 c.°/ par jour) à tous les porteurs, proportion- nellement au temps que chacun les aura gardés, émis sur des propriétés particulières bien déterminées (page >4), et pour moilié au plus de leur valeur d’estima- üon, ils seront pour les porteurs de la plus grande sûrelé, puisque chacun aurait le droit imprescriptible et le pouvoir de provoquer l’expropriation du gage, s’il n’était pas exactement payé des intérêls (page 52). MOYENS D'’EMISSION. M. Boutard présente pour moyens d'émission de ses billets-hypothèques-à-rente, le cours forcé (pages 6, 61, 64, 70), le contrôle de trois ministres, le papier émané du Gouvernement, l'enregistrement par le di- recteur des Domaines, le visa du notaire de la localité où l'emprunt a été contracté (page 52); enfin, il in- dique l'institution d’une administration spéciale pour régler touies les conditions que réclame la mobili- sation. Assurément, le fonctionnement de cette opération est tout entier sous la responsabilité de l’auteur, et peut-être pourrais-je la lui laisser ; mais c’est, je crois, être utile à sa proposition, et demeurer dans mes attri- butions, en apportant mes idées. Je pense donc que, . 112 sur les 42 millions qu'il réparlit entre les 3496 em- ployés de l'administration qu'il crée, 2 millions suffi- raient pour indemnités aux receveurs des finances et pour augmentation d'employés de l'administration de Enregistrement. Je pense de même que les billets- hypothèques-à-rente auraient toute l'authenticité et inspireraient toute la confiance désirables, s'ils étaient émis avec le contrôle du ministère des finances, sur papier fourni par l’État, s'ils étaient souscrils par le notaire qui aurait reçu la déclaration de monélisation et dressé l'acte, vérifiés par le directeur de l’Enregis- trement, assurant l'inscription hypothécaire, enfin revêtus du visa du préfet, certifñiant nominativement ces signatures, attendu que, comme il en est des billets de Banque, il est vraisemblable que les mou- vements des billets-hypothèques-à-rente seraient concentrés dans les localités où ils auraient pris nais- sance, et la certitude que chacun pourrait avoir sur leur validité serail favorable à leur placement. Je pense enfin que le cours forcé que réclame M. Bouiard pour ses billets serait un obstacle à les ré- pandre et qu'il suffirait du cours légal : les billets de Banque, qui sont en si grande faveur, ont cours fa- cultatif seulement. Je n'ai rien à ajouter aux raisons vingt fois expri- mées par M. Boulard, de l'importance, de l'opportunité de sa proposition, les extraits que je viens de donner de son ouvrage sont, de ma part, une adhésion à son sys'ème. On ne peut pas tenir comple de la petite dissidence de mon sentiment au sien sur les annuités de remboursement. Si comme lui j’improuve le prin- cipe des primes, je reste convaincu que le mode d'’ac- 113 quitlement par annuité est le seul possible, et que sans remboursement la mobilisation s'écarterait de la morale, puisque substiluant le fonds à l'insuffisance du revenu, elle aïderait à détourner la propriété de sa destination naturelle : la transmission à ses enfants. Vous aurez pu reconnaître avec moi, Messieurs, que l'application de l’idée dont s’est inspiré M. Boutard peut être féconde en résultais, qu’elle est destinée, soit qu'elle soit mise en pratique avec ses moyens propres, soit qu’elle serve de complément aux combi- naisons du Crédit foncier, à rendre à toutes les classes de la société un service dont il serait difficile d’indi- quer les limites, mais qui serait certainement im- mense, puisqu'il porterait partout le travail et substi- tueraïit à la gêne des propriétaires, qui liennent encore aux terres qu'ils ne cultivent pas de leurs bras, des chances de prospérité inespérées jusqu'ici. Vous aurez pu aussi, Messieurs, apprécier les soins qu'a demandés à M. Boutard l'élaboration d’une ques- tion si importante, et dont il a la modestie de ne pas s’attribuer l'invention (page 57)! En émettant un avis favorable à son livre, vous donnerez un témoignage de justice, que M. Lèbe-Gigun et moi, dans les fonc- tions que vous nous avez données, avons pu lui rendre avant vous. Angers, le 9 avril 1856. JANIN, LÈBE-GIGUN. 114 *‘S9uvU S2P 219JSJUFU NE UOIALISUL p *SoUPAJ : UONPSIIQOU PJ 2P ?10n0) ‘DIIVION O1 184 21 2SS21p UOIPSITIQOUU 2P 219Y. p quowaqiedop np 1397914 2 *UOIESITIQOU 9P 210U,I PSS91P e {nb oltPJON “IN 2P 19 AU9aSISaAU9 | ap ANn9Y291( ‘IX 2P SS1N]EUSBIS Sa] AUD) p quouauedop np JUOU1ISISAUUI,] 2P ANDJ001( 92 auvoou1od£qy uorndiosut anod : nA UOUESIIQOU 2P 979L,1 9SS91p v Inb aïIeJOu 9" fl LA “J0/pQ 09 9p uoyvjuasaud 0] uns “OJUDL Op SoQUDUU ap SAnANGIA4 S9] SO} 049 ‘opuuv onbnyo 0p aauo9p pe 9] ajqulind (un 4 eg “y ©) anol and souni] quo 4od ouvueo un p patoqur quouod ‘souvu] anod u0g ‘IV9IT SUNO9 ‘"AMAIONON ALAIMdOUd VT 40 NOLLVSITIION ‘IVOYT SUN) ee —_—_—_——— ‘UOTESINIQOU EI 2Pp 219$ 9P eN *211PJOU NE UOHEAP[99P EI 2P 21P10,p oN "ALNAU V SXNÔ0THLOAAH SLATIIH SA AIAMUHOX oN uiod£y uonduosut p "211899 LE ——_——_—_—_—_—_—"—"—"—"—"—"—"…"—"…"”"”"—"—"—"—"—"————— —————— PEINTURES SUR VOUTE DE QUELQUES ÉGLISES DU DIOGCÈSE. Messieurs, Notre département possède un grand nombre d’édi- fices religieux dignes d'attirer sur eux l'attention de l'antiquaire et de archéologue. Les principales églises ont été décrites; les plus remarquables morceaux de sculpture, les plus belles décorations ont été signalés dans différents ouvrages À opuscules ou mémoires. Il est un genre d’ornementation qu’on a laissé dans l'oubli, jusqu’à ce moment-ci; ce sont les peintures qui décorent l’intrados des voûtes en bois de plusieurs églises de ce diocèse. Ces peintures sont très peu nombreuses, de nos jours. On peut attribuer la cause de cette pénurie au renouvellement des lambris dans un grand nombre d’églises, ou bien à l’état d’indigence des fabriques dé- pourvues de ressources nécessaires pour subvenir aux dépenses exigées par ces sortes de travaux. Un grand 116 nombre de voûles en bois ont élé incendices, dans les guerres de religion, ct à l’époque de la dernière révo- lulion. Plusieurs édifices religieux, situés à l’est de l’ancien diocèse d'Angers et du département de Maine et Loire, possèdent encore des voûtes en lambris historiés. Déjà je vous ai adressé un travail sur les peintures symboliques de la chapelle de Notre-Dame-des-Vertus, située auprès du cimetière de La Flèche. L'église de Bazouges-sur-le-Loir, entre La Flèche et Durtal, est en possession de ces sortes de décora- tions. On remarque aussi des parties de vêtements et de membres humains peints sur le lambris d'une chapelle de l’église paroissiale de Sainte-Colombe, près La Flèche. Mais comme ces monuments ne font plus parlie du territoire de notre département et de notre diocèse, je n'ai pas cru qu'il fût utile d'attirer sur eux vos re- cherches et votre attention. Je me contenterai de vous décrire aujourd’hui les peintures des voûtes de l’église de Saint-Pierre et de Notre-Dame de Durtal, et de celle de Fougeré, cette dernière située dans le canton de Baugé, à deux lieues environ de Durtal. PEINTURES DE L'ÉGLISE DE S'-PIERRE DE DURTAL. 4°_La cure de Saint-Pierre de Durtal relevait autre- fois de l’archiprêtré de La Flèche, et du grand archi- diaconé. Elle était à la présentation du grand archi- diacre de l’église d'Angers et à la collation de l'évêque. 117 La paroisse a élé supprimée pour être réunie à celle de Notre-Dame. L'église, qui subsite encore dans loules ses parlies, est un édifice fort médiocrement remarquable, dont la nef peut remonter au commencement du xI° siècle. Elle n'a ni bas-côté, ni transept, ni chapelle. Le chœur avait été élargi, il y a un siècle au plus tard, par deux espèces de chapelles latérales. Le grand autel, placé au fond du clavit rectangulaire, et deux petits autels, adossés à l'angle de l'intersection du chœur et de la nef, accusent évideniment le faire du siècle de Louis XIV. Un grand nombre d'inscriptions tumu- laires ou d’attestations de fondations pieuses avaient été incrustées dans les murs latéraux de la nef : les lettres ont été grattées par les mains des iconoclastes révolutionnaires. De telles mutilations ne doivent pas nous surprendre; car l’église Saint-Pierre était devenue le temple de la Raison des patriotes Duristallois. Je:si- gnalerai pour mémoire une belle fenêtre du style ogival flamboyant, percée sans doute au-dessus de la grande porte, pour donner plus de jour dans la nef, et rendre plus facile l'inspection des peintures de la voüle. Cette voûte, de forme ogivale, est consiruile en bardeaux, dont l'essence paraît être le chêne ou le châtaignier. Les bardeaux sont reliés les uns aux autres par des tringles de bois qui font tout le parcours de la voûte d’une extrémité à l’autre. La voûte est divisée, dans sa longueur, en douze comparliments, qui forment des espèces de panneaux, au moyen de tringles ou nervures toriques en bois. On n’a pas exécuté les peintures au bas de l’intrados; les sujets sont élevés au premier tiers de la hauteur 118 de la voûte, à partir du mur sur lequel elle retombe. Côté gauche ou septentrional , à côté du chœur. Ier panneau. — Ange ailé, vêtu d’une tunique, te- nant le saint suaire dans les deux bras; 90 Écusson aux armes de France ; 3° Ange ailé, en tunique, tenant la sainte robe dans ses deux bras; 4° Écusson aux armes de France ; 5° Ange ailé, en tunique, tenant de la main droite la sainte lance, doni le pied repose à terre. 6° Écusson aux armes de France. 7° Ange ailé, en tunique, tenant d'une main une éponge fixée au bout d’une perche ; 8° Écusson aux armes de France : 9 Ange ailé, en tunique, tenant dans ses deux mains des tenailles et un marteau; 10° Écusson aux armes de France ; 11° Ange ailé, en tunique, tenant des clous dans une de ses mains; 12° Écusson aux armes de France. Côté méridional, ou droit, à partir du chœur. 4° Ange ailé, en tunique, tenant une bourse dans une de ses mains; 2% Écusson aux armes de France: 3° Ange ailé, en tunique, serrant dans ses bras une colonne dont l'extrémité inférieure est posée à terre ; 4° Écusson aux armes de France; 119 ” bo Ange ailé, entunique, tenant dans l’une de ses mains un fouet fait avec des branches d’un arbuste dont on ne peut distinguer l'espèce ; 6° Écusson aux armes de France : 7° Ange ailé, en tunique, tenant la sainte couronne d'épines dans une de ses mains ; 8° Écusson aux armes de France; 9 Ange ailé, en tunique, présentant développé un voile sur lequel la figure de Notre-Seigneur est em- preinte ; 10° Écusson aux armes de France ; 11° Ange ailé, en tunique, tenant la croix dans ses deux bras ; 12% Écusson aux armes de France. Ces peintures sont dans un état d'assez parfaite conservation; elles ne paraissent pas avoir élé dété- riorées par les eaux pluviales. L'église Saint-Pierre est une annexe ou chapelle de la paroisse de Notre-Dame ; elle est actuellement dans un état de délabrement complet. PEINTURES DE NOTRE-DAME DE DURTAL. L'église paroissiale de Notre-Dame de Durtal est un édifice assez peu remarquable par son architecture. La voûte du clocher accuse le style roman secon- daire. Une seule nef, sans abside, ni bas-côtés, ni chapelles, forme l’église, qui paraît assez semblable aux vastes granges de nos grandes fermes. La voûte est en bois, comme celle de Saint-Pierre. On n’a pas été aussi prodigue de peintures à Notre- Dame qu’à Saint-Pierre. Les huit premiers panneaux on 120 caissons, à partir du fond de l’église dans le sancluaire ont reçu des sujets à peu près semblables à ceux de Saint-Pierre. Côté septentrional, à partir du chevet. 1° Ange aïilé, en tunique, tenant une banderole blanche sur laquelle est tracé un mot en lettres gothi- ques à peu près illisible, et que je crois cependant être Saint-Mathœus. On sait que l'ange est l'emblême accompagnant saint Mathieu; 20 Ange ailé, en tunique, présentant la saine face ; 3° Ange ailé, en tunique, présentant le saint suaire; 4° Ange ailé, en tunique, tenant une lance: 5° Ange ailé, en tunique, tenant une éponge ; 6° Ange ailé, en tunique, tenant un marteau; 7° Ange ailé, en tunique, tenant des clous; 8 Lion ailé, et entouré d’une banderole blanche, sans inscription, les anciens caractères ayant élé effacés. Côté septentrional , à partir du chevet. 1° Ange ailé, en tunique, tenant une échelle ; 20 Ange ailé, en tunique, tenant la sainte robe et des dés; it, 3° Ange ailé, en tunique, tenant obliquement une colonne verte, dont le chapiteau paraît renversé; 4° Ange ailé, en lunique, tenant une bourse ; 5° Ange ailé, en tunique, tenant une verge ou dis- cipline;: 6° Ange aïlé, en tunique, tenant la sainte couronne d'épines ; 121 7° Ange ailé, en tunique, tenant dans ses deux bras une croix d'une grande dimension ; 8° Bœuf ailé, entouré d’une banderole blanche, sans inscription. Le bœuf est l’animal symbolique donné à saint Luc. La cure de Notre-Dame de Durtal, maintenant cure de canton, relevait autrefois de l’archiprêtré de La Flèche et du grand-archidiaconé. Elle était à la présentation de l'abbé de Saint-Aubin d'Angers et à la collation de l’évêque. La paroisse actuelle est formée des anciennes paroisses de Notre- Dame, de Saint-Pierre et de Saint: Léonard. PEINTURES DE L'ÉGLISE DE FOUGERÉ. L'église paroissiale de Fougeré appartient par sa nef, au slyle roman secondaire; ct par son chœur, au style ogival primitif. La nef est assez vasle; elle est éclairée de chaque côté par quatre croisées à plein cintre et d’une largeur considérable. La porte est à plein cintre, dépourvue de colonnes et de toute orne- mentalion. On remarque le grand appareil en tuffeau sur les murs extérieurs de cette partie de l'édifice. Le chœur est assez profond. Il est percé de quatre longues fenêtres ogivales, à lancettes, de chaque côté, et de deux au chevet, qui est rectangulaire. Il n’y a pas de colonnes cylindriques pour soutenir lesnervures des voûles ; à leur place sont des pilasires carrés, sans chapiteaux, et dépourvus de moulures. La voûte est faite dans le style Plantagenet; elle ressemble entière- ment à celle du chœur de Saint-Serge. La vodte de la nef remonte selon loules probabilités 122 == à la fin du quinzième siécle ou au commencement du seizième. Les sujets historiés et les saints sont placés au bas de l’intrados. Sur la surface on a tracé deux rangs de fleurs à cinq pétales, qui forment comme une guirlande parcourant les tringles de bois qui servent à relier les bardeaux entre eux. Côté septentrional, à partir du chœur. I panneau. — Sujet complétement effacé : 2° Ange ailé, en tunique, tenant une verge ou disci- pline. — Incertain ; 3° Ange ailé, tenant à la mam gauche une perche au bout de laquelle est attachée une éponge: 4° Ange ailé, en tunique, tenant la sainte lance de ses deux mains; | 5° Ange ailé, en tunique, tenant déployé un voile sur lequel la figure de Notre-Seigneur est empreinte; 6° Ange ailé, en tunique, tenant un marteau dans sa main droite ; 7° Ange ailé, en tunique, tenant des clous dans sa main droite, et un marteau ou des tenailles, dans sa main gauche; 8° Lion jaune, aux ailes noires éployées; il tient dans sa gueule une banderole assez longue, et sur laquelle est une inscription illisible. Le lion est l’attri- but symbolique de saint Marc ; 9 Saint Pierre, nimbé, tenant de sa main gauche une clef dont l'extrémité s’appuie sur son épaule, ct bénissant de sa main droite un jeune clerc qui est à genoux, les mains jointes, à ses pieds ; 40° Saint Paul, probablement nimbé, tenant un 123 livre fermé dans sa main gauche, et une épée dans sa main droite ; 11° Saint Hubert, nimbé, à genoux; son cheval derrière lui : devant lui un cerf ayant un erucifix entre ses cornes : dans l’air, au fond du tableau, der- rière le saint, un ange tenant une banderole ou étole dans ses deux mains; 12° Saint Laurent (ou peut-être saint Vincent), nimbé, vêtu d’une dalmatique à manches fermées, appuyant sa main gauche sur un gril posé à terre, et tenant une palme à la main droite ; 13° Saint Nicolas, nimbé, vêtu d'une chape jaune en draperie, et coiffé d’une mitre gothique de couleur | blanche. Il bénit à la manière laline trois enfants déposés à ses pieds, dans un tonneau. 44 Saint Martin, nimbé, monté sur un cheval pana- ché, et vêtu d’une toge romaine. Il donne des vête- ments à un pauvre à moitié nu, et placé debout derrière lui. Ce tableau est un peu effacé; 15° Sainte Marguerite, probablement nimbée, vêtue. d’unerobe blanche et terrassant un dragon aux grandes ailes éployées ; 16° Sujet à moitié effacé. — Sainte, habillée en rouge, mais dont on ne peut distinguer les attributs ; 17° Sujet complétement effacé. Côté méridional, à partir du chœur. 4° Sujet entièrement effacé ; 2° Ange ailé, à moitié effacé. Je crois qu’il tient sur sa poitrine l'inscription placée sur Ja croix au-dessus: de la tête de Notre-Seigneur ; 124 3° Ange ailé, aux lrois quarts effacé, ainsi que l’ins- trument du supplice qu’on ne peut bien distinguer ; 4° Ange ailé, tenant un instrument de la Passion, qu'on ne distingue pas assez pour le décrire ; 5° Ange ailé, en dalmatique, tenant de ses deux mains la sainte couronne appuyée sur sa poitrine ; 6° Ange ailé, en dalmatique, tenant la bourse dans sa main droite ; 7° Ange ailé, en tunique, tenant dans ses deux bras la sainie robe à barres noires et blanches ; 8° Cheval ailé, blanc, tenant dans sa gueule une banderole blanche dont l'inscription est illisible; 9° Saint André, nimbé, tenant un livre dans sa main gauche, et appuyant son bras droit sur une croix en saulioir, posée à terre; 10° Saint Thaddée, d’après M. l'abbé Bourassé; Saint Thomas, patron des architectes, d’après M. l'abbé. Crosnier (Iconographie chrétienne), nimbé, une équerre sur l'épaule gauche, et élendant la main droite sur quelque chose qui paraît être un morceau de pierre ; 11° Saint Étienne, nimbé, en dalmatique fermée ; une palme à la main droite; et des pierres sur sa poi- trine, dans sa maïn gauche ; 12° Saint Denis, nimbé, une crosse à la main droite, et tenant dans sa main gauche sa tête mitrée, et ap- puyée sur sa poitrine. Le saint est vêtu d’une chasuble rouge terminée en pointe à sa partie inférieure du devant et ornée d'un galon jaune qui la sépare en deux parties. Derrière lui est un jeune clerc, en rocher blanc, à genoux, les mains jointes, et tenant une ban- derole qui se déroule au-dessus de sa tête; 125 13° Saint Maurille, problablement nimbé, mitré, vêtu d’une chape jaune en draperie, et bénissant de la main gauche, à la manière latine, un enfant debout à ses pieds. Cet enfant est sans doute saint René; 44° Saint François-d’Assise, vêtu de l’habit noir de son ordre, à moitié élevé de terre, les genoux ployés, les bras étendus en face d’un crucifix planant dans l'air; 15° Sainte à demi effacée et dont on ne peut dislin- guer les attributs ; 16° Sainte à demi effacée ; 17° Sujet complétement effacé. Les anges et les saints représentés dans les trois églises sont de grandeur naturelle. Les figures des anges paraissent avoir toutes été failes sur le même type. Il n’y a aucune inscription autour de ces peintures. Je n'ai pu distinguer et désigner les saints repré- sentés dans les panneaux, qu’au moyen des attributs que les artistes du moyen-âge étaient convenus de leur donner, el qu'on retrouve à peu près toujours les mêmes dans les monuments religieux de tous les siècles. Vous le savez, Messieurs, avant le douzième siècle les nefs des églises, surtout des églises de campagne, n'étaient pas ornées de voûtes en pierres. Elles n’a- vaient pour tout abri qu'une charpenie et des tuiles. On se contentait de construire des voûles en pierres de taille ou en béton dans le chœur, le transept et les absides. - Vers le quinzième siècle, le mauvais état des char- pentes, d’un côlé: d’un autre côté, l'accroissement de 126 la civilisation et du luxe, et parlant la crainte de la froidure poussèrent les fidèles à construire des voûtes dans les nefs. Mais comme les temps étaient malheu- reux, et que la diminution de la foi et de la ferveur contribuait aussi à la diminution des offrandes pieuses en faveur des églises, on se contenta de faire des lam- bris. Ces lambris reçurent le plus souvent à leur intrados des peintures sous la forme de feuillages, d'étoiles, d’arabesques, de guirlandes, de figures sym- boliques, de figures des anges et des saints. Il me paraît probable qu’on vit se former à cette époque des sociétés d'artistes peintres sur le modèle des compagnies de maçons. Du moins les règles et les principes n'étaient pas beaucoup variés; ce sont les mêmes plans, ce sont les mêmes sujets qu'on aperçoit sur chacune des voûtes. Sans craindre de me tenir beaucoup écarté de la vraisemblance, sinon de la réa- lité, je suis tout porté à croire que les peintures qui décorent les voûtes que j'ai décrites, ont été tracées par le même pinceau, ou du moins qu'elles ont été exécutées sous la direction d'un seul et même artiste ; car les sujets sont les mêmes à peu de différence près, dans chaque église. A quelle époque doit-on faire tn ces Lans tures? Les écussons aux armes de France, qu'on a multipliés sur la voûte de l’église Saint-Pierre, sup- posent une munificence royale. Or, la ville de Durial a reçu la visite de deux rois de France; d'Henri Il , en 1550; et de Charles IX, en 1570. Ce dernier séjourna un mois entier dans la princière demeure du maréchal de La Vieilleville. On doit donc regarder comme cer- tain que lun des princes aura voulu laisser sur les 127 voûtes des églises de Durtal un souvenir permanent de son passage et de son séjour dans cette pelite ville. L'inscription gothique de la banderole, dans l’église Notre-Dame, dénote aussi la fin du seizième siècle. Dans l’église de Fougeré, les nimbes circulaires qui ceignent les têtes des saints, surtout la forme de la chasuble de saint Denys, la mitre de ce saint et celle de saint Nicolas, ainsi que les dalmatiques de saint Vincent et de saint Étienne, et les chapes des évêques accusent d’une manière évidente le faire de la dernière moilié du seizième siècle, pour l’époque la plus rap- prochée de nous. Je n'’oserai me permettre aucune appréciation sur le mérite de ces peintures. Il faut, Messieurs, prendre en considération les difficultés que l'artiste devait sur- monter pour faire une œuvre passable. L’humidité causée par les eaux pluviales a dû ternir un peu la vivacité primitive des couleurs. Enfin trois siècles se sont écoulés depuis l'exécution de ces travaux, et cependant on éprouve encore un vrai plaisir à prome- ner ses regards sur cette sorte de musée quasi aérien ; si les peintures ne dénotent pas un Raphaël ni un Michel-Ange, elles prouvent au moins que leur auteur n’était pas un barbouilleur ni un décorateur de cui- sines et de corridors. Il serait à désirer que ces sujets servissent sinon de modèles, du moins de types pour la décoration des voûles des églises qui sont en construction à notre époque. Rien n’est plus propre à édifier les fidèles, et à raviver en eux les sentiments de la foi, que la vue des instruments de la Passion du Sauveur, et des saints qui i28 ont été nos modèles sur la terre et qui sont nos inter- cesseurs dans le ciel. Avant de terminer ce travail, je vous signalerai volontiers, Messieurs, les plus belles peintures sur voûte que je connaisse, dans notre département ; ce sont celles de Miré, dans le canton de Châteauneuf- sur-Sarthe. Elles étaient dans un état de parfaite con- servation, quand je les ai vues au mois de septembre 1849. Je me ferai un plaisir de vous les décrire, si j'ai occasion de les voir de nouveau, à loisir, à moins que je n’aie l’avaniage d’être prévenu par l’un de vous, Messieurs. C’est pour aitirer sur elles votre intérêt que je vous les signale dès aujourd’hui. P. CHEVALLIER, Vicaire de Vaulandrv. Novembre 1854. ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES ET ARTISTIQUES D'ANGERS. Nous vivons à une époque où l'esprit humain semble emporté, par une marche providentielle et rapide, dans les arts vers la perfection, dans les sciences, vers la découverte des vérités que Dieu lui a réservé de con- naître sur celte terre. De là, un immense besoin d’ins- truction et une tendance générale vers le progrès qui pénètrent profondément les masses, même dans cer- “aines fractions que jusqu'alors, on avait pu croire inaccessibles à ces salutaires influences. Partout , en . effet, où se trouvent des foyers scientifiques ou artis- tiques, d'où peuvent jaillir quelques rayons des vives lumières dont veut s’éclairer la civilisation moderne, il se fait une irradiation du feu intellectuel qui active et accélère le mouvement ascensionnel de l'esprit hu- main. Et ce n’est pas seulement dans la capitale, que s'exerce cette action provocatrice et fécondante des sciences et des arts, mais là partout où dans les 9 130 Provinces des moyens et des ressources se trouvent préparés pour l'étude, l'instruction se fait, les idées se développent et s'élèvent, le goût se forme et s'é- pure , les mœurs se polissent et la civilisation pro- gresse en toutes choses, vers ceite perfection qui doit être comme le dernier mot de l'humanité. Les administrations locales, bien que subissant par- fois, comme malgré elles, les lois du nouveau milieu qui les entoure et les presse, fortement sollicitées par l’apparition de ces besoins nouveaux, devenus promp- tement des exigences, s'efforcent généralement d'y satisfaire. Le temps est passé désormais, où elles croyaient avoir suffisamment rempli leur tâche, en s'occupant exclusivement des intérêts matériels de la cité. Elles sentent que ce n’est plus assez pour elles, que de rendre le séjour des villes plus sain, plus luxueux, plus mouvementé, plus riche de distrac- tions pour les ennuis des désœuvrés, et qu’à des aspi- rations nouvelles, il faut de nouvelles satisfactions. Heureuses donc, sont les villes dont les Édiles ont su comprendre ainsi la noble et haute mission que leur impose l'esprit moderne, et heureux sommes-nous de reconnaîlre que les nôtres, loin de s’atiarder dans celte voie, ont paru vouloir y marcher résolument. Si en effet, depuis à peine dix années, nous avons assisté à la restauration et à l'élargissement de notre vieux pont, tant de fois séculaire, à la construction d’un pont monumental qui complète et relie le cercle de nos Boulevards , à celle d’un quai immense et de tout un quartier conquis sur le rivage de la Maine pour les besoins du commerce, à la plantation d’avenues et de promenades aux abords de la ville, à la création d'un ‘131 champ de foire d'une vaste étendue, à l'édification de casernes et d’un dépôt de remonte, enfin, à ces tra- vaux plus récents qui versent au sein de la ville l’eau salubre et limpide de la Loire, nous avons vu aussi dans cetie même période , notre Administration mu- nicipale entourer d’une égale sollicitude, d’une part, la Bibliothèque publique , le jardin Botanique, le Ca- binet d'histoire naturelle, les Musées de peinture et de sculpture ; et de l’autre , les cours qui leur sont annexés et la fondation d’une École d'enseignement supérieur, compléments de tous ces établissements et qui sont aux moyens matériels d'instruction , ce que, dans l'homme, sont au corps l'esprit et la parole. Ce sont ces divers centres d’études que nous voulons successivement visiter, et nous commencerons notre revue par la Bibliothèque publique, ce vaste dépôt vers lequel convergent les écrits qui résument les con- naissances scientifiques et artistiques des divers âges et les œuvres si variées de l'intelligence. BIBLIOTHÈQUE. Comme les Musées d'histoire naturelle, de peinture, de sculpture, d'archéologie ; comme l’École supérieure et l'École des Beaux-Arts , la Bibliothèque a trouvé place dans cette vaste agglomération d'édifices, qui for- maient jadis les dépendances du Séminaire.d’Angers,* et étaient venus successivement, de siècle en siècle, se souder et se grouper autour du vieil hôtel gothique appelé le logis Barrault. C’est une chose éminemment favorable aux études que ce rapprochement si intime 132 des établissements scientifiques et artistiques que vient relier une riche biliothèque. De même que nos Musées, la bibliothèque date son existence de la Révolution. Notre ville comptait 17 paroisses et autant de maisons religieuses opulentes, qui possédaient des bibliothèques , qui lors de leur suppression devinrent les éléments de notre biblio- thèque communale. Une commission fut chargée, parl’Administration dudistrict, de recueillir ceslivres, qui furent déposés pêle-mêle, soit dans l’église de Saint-Martin, soit dans les bâtiments de Saint-Serge. Dès lors commencèrent des dilapidations qui furent la source de diverses bibliothèques privées qui ac- quirent d'énormes proportions. L’ordrene commençaà se faire dans ce chaos déplorable que lorsque l’insti- tution des Écoles centrales, exigea la formation d’une bibliothèque publique. Deux ex-bénédictins, Dom Braux et Locatelli, furent chargés de cette tâche et firent transporter les livres à l'Évêché, dont ils rem- plirent quatre salles , indépendamment de l'immense salle synodale qui fut garnie de tablettes du haut en bas et consacrée à la lecture. L'inauguralion de cet établissement eut lieu le 31 mai 1798. La bibliothèque resta dans ce local pendant six an- nées, mais le rétablissement du culte, étant venu rap- peler l'Évéché à sa première destination, un arrêté du préfet Nardon du 6 mars 1804, ordonna la translation de la bibliothèque dans les bâtiments de l’ancien Sé- minaire où se trouvaient le cabinet d'histoire natu- relle et le musée de peinture. La salle qui forme actuellement l'École des beaux 133 aris , fut destinée au public. On la lapissa de livres jusqu'au plafond et l’on relégua le reste ainsi que les manuscrits dans les greniers où ils ont dû rester près de cinquante ans. Dom Braux mourut peu après et Toussaint Grille, ancien génovéfain et professeur de belles-letires à l'École centrale , lui succéda le 3 août 1805 , après la suppression de cette École, et put ouvrir au public le 22 novembre suivant la bibliothèque, qui resta dans ce local provisoire jusqu’en l’année 1849, qu'elle a été élablie dans son local actuel et définitif. M.Toussaint Grille ayant prissaretraite, futremplacé par son neveu François Grille, ex-chef de division des beaux arts, au ministère de l’intérieur , qui eut pour adjoint M. Blordier, ancien professeur de belles-leltres. Ce dernier étant venu à mourir en 1848, M. François Grille se retira ; MM. Adville et Lemarchand, les deux bibliothécaires actuels, sont leurs successeurs immé- diats. La bibliothèque, par l'effet des conditions de sa for- mation , comprenait à l'origine un nombre considé- rable de doubles en ouvrages de jurisprudence, de théologie et de littérature des deux derniers siècles. Locatelli fut chargé d'en former des bibliothèques spéciales pour divers établissements : la Cour d'appel, l'Évêché, le Lycée, le Séminaire etc., prirent part à ces distributions. Mais indépendamment de ces causes et de celles que nous avons déjà signalées, la biblio- thèque subit des pertes incalculables par des ventes faites sans catalogue , dit-on , à un libraire d'Angers, auquel les livres furent livrés à charretées et qui réalisa des bénéfices que , dans le temps où l'argent 134 était rare encore, on évaluait à un prix fabuleux. Tou- jours est-il que des 50,000 volumes que le dépôt comp- tait dans les premiers temps, il ne s’en trouvait plus que 20,000, lorsque Toussaint Grille prit la direction. Après avoir jelé ce coup d’œil rétrospectif sur cet assez triste passé de notre bibliothèque, occupons- nous un peu de son état actuel. Installée comme nous l'avons dit dans cet immense ensemble de bâtiments qui formaient l’ancien Sémi- naire d'Angers , elle occupe à peu près la moitié du premier étage, dans la partie nord. On y arrive par un escalier moderne en granite, et de proportions co- lossales. Un premier vestibule se présente, montrant à droite la porte vitrée d’une longue salle que nous appelle- rons la petite galerie, et à gauche une salle d'attente , ouvrant sur la grande galerie. Outre celles-ci, il existe encore deux salles. La grande galerie est celle qui est ouverte aux lec- teurs, elle renfermé à elle seule 21,000 volumes , di- visés en trois sections : histoire, belles-lettres, arts ct sciences. La 2e galerie est occupée par la théologie; Une salle par la jurisprudence ; La dernière salle par les manuscrits. La classification est celle de De Bure, légèrement modifiée. La grande galerie n’a pas moins de 37 mètres de long sur 8 de large et autant d’élévation. Entre ses deux rangs de fenêtres superposées et ouvertes au midi, sont placés huit corps de bibliothèque couron- nés de busles en bronze. 135 Le corps principal occupe toute la longueur de la galerie faisant face aux fenêtres ct se termine à ses deux extrémités par un retour cintré. Il a 54 mètres de développement sur 7 mètres de hauteur et est di- visé en trois étages, dont le deuxième et le troisième sont chacun en retraile sur l'étage qui les précède de environ 4 mèire, ce qui forme deux galeries avec rampe en fer auxquelles on monte par deux escaliers, et qui servent à desservir de plain-pied chaque étage. Le service est ainsi rendu facile, et n’a ni les lenteurs, ni les dangers de ces échelles mobiles et bruyantes ailleurs en usage. Cet immense ouvrage de menui- serie, en chêne naturel, verni, est dessiné dans un style éminemment large et élégant. . Les rayons, tous à des hauteurs égales, sont divisés par travées qui portent des numéros correspondant à ceux d’un catalogue spécial à cette salle, ce qui per- met de trouver, sans hésitation possible, la place de n'importe quel volume parmi les 21,000 qui y sont classés. La seconde galerie, qui n’a guère que 28 à 30 mè- tres, est plus étroite et moins haute d'étage que la grande. Elle est d’ailleurs, comme celle-ci, revêtue, dans toute sa longueur, d’un corps de bibliothèque en chène naturel à six rangs de rayons. Là le service se fait forcément à l'aide d’échelles doubles. Du reste les galeries, salles, vestibules, sont par- quetées et cirées, et le plafond de la grande galerie peint en chêne. Celle-ci est chauffée l'hiver par un puissant calorifère. Ainsi donc il est peu de villes, croyons-nous, qui possèdent d'établissement analogue aussi remarquable 136 sous le rapport de l'appropriation. Paris lui-même n’a peut-être rien, hors la Bibliothèque impériale, qui, pour la beauté architecturale et surtout l’har- monie de l’ensemble, de même que pour le confor- table et la facilité du service, puisse l'emporter. Ajoutons encore qu'ici les fonctions de bibliothécaire en chef et adjoint n’ont pas été acceptées comme des sinécures, et que non seulement le personnel admi- nistratif se distingue par une assiduité vraiment exemplaire, mais aussi par des connaissances ency- clopédiques et une aménité dans les relations, qui rendent les recherches aussi fructueuses que faciles et agréables. Nous croyons devoir noter que les travaux d’ap- propriation de la bibliothèque, telle qu’elle est défini- tivement établie, ont été dirigés par M. Boutroüe, architecte de la ville, sur des données fournies par M. François Grille. La bibliothèque possède deux catalogues manus- crits : celui des manuscrits et celui des imprimés. Ce dernier a été dressé par MM. Toussaint Grille et Blor- dier. Le catalogue des manuscrits a été fait par le même Toussaint Grille en collaboration avec François Grille, son successeur. L’acquisition postérieure de nombreux manuscrits provenant de la vente Toussaint Grille, nécessitait un autre catalogue contenant l'indication de tous les documents inédits et de tous autographes que possède la bibliothèque. Sur l'invitation de M. le Maire, on a dû s'occuper de ce cataiogue , pour lequel on s’est guidé sur le ca- talogue général des manuscrits des bibliothèques des 137 départements, publié sous les auspices du ministère de l'instruction publique. Le catalogue des imprimés est toujours tenu au courant. Les ouvrages nouveaux sont numérotés au registre des entrées et classés immédiatement dans la section à laquelle ils appartiennent, de sorte qu’il sera très facile à un moment donné de fournir un cata- logue complet pour l'impression. Le catalogue des imprimés s'élève maintenant à 30,600 volumes, dans lesquels ne sont pas compris les livres autrefois sortis de la bibliothèque pour for- mer celles d'autres établissements publics comme nous l’avons dit, non plus que les plaquettes et opus- cules dont le nombre esl énorme ct atteint peut-être 10,000 objets. L'on sent qu'il est impossible de donner même som- mairement le détail de touies les choses remarqua- bles contenues dans un dépôt si considérable. Nous nous bornerons seulement à quelques indications. Les incunables, les éditions princeps, les Estienne, les Elzévirs, les variorum, les plus recherchés pour leur rareté, leur correction ou leur beauté typographique, sont ici en quantité remarquable. Toutes les bibles renommées du xvi siècle s’y rencontrent avec beaucoup d'ouvrages importants se rapportant à la théologie, tels que pour les Pères de l'Église la grande et magnifique collection de la Bigne suivie des œuvres séparées et des meilleures éditions de ces mêmes pères, l'ouvrage intitulé Sacrarum cœ- remoniarum s. rom. Eccl. venit. imp. des juntes 1582, unc paire d'heures à l'usage d’Angiers de Simon, 138 Vostre, 1502, avec des encadrements et la fameuse danse Macabre, etc., etc. La jurisprudence contient toutes les grandes col- lections et les auteurs de l’ancien droît et parmi ses livres rares le Corpus d’Accurse, Lyon 1627 ; le décret de Gratien, cum glossis, 1536; Leges paucorum salicæ et ripuarium; Codex lequm Visigothorum , Paris, 1579; les formules de Marculfe, l'édition des capitulaires de Baluze, etc., etc. On remarque en histoire naturelle un grand nom- bre d'ouvrages de luxe, tels que la Flore des Antilles de Tussac, celle d'Oware et Benin, de Palissot de Bauvoys, avec les insecies du même, les liliacées et les roses de Redouté, les champignons de Paulet, les orangers de Risso, les arbres forestiers d'Amérique de Michaux, les mammifères de Frédéric Cuvier, les oiseaux colo- riés de Temmink, les pigeons de Mne Knip, les oiseaux de paradis, toucans, eic., de Levaillant, les mollus- ques terrestres de Ferussae, etc., etc. En médecine et anatomie on distingue les beaux traités de Vésale, Camper, Bidloo, la myologie de Gauiier, les maladies de la peau d’Alibert, les œuvres anatomiques, avec figures coloriées, de Galbert Sal- vage, Gall, Bichat, Cloquet, Béclard, etc., etc. Aux beaux-arts, aux antiquités et aux voyages les choses précieuses sont en nombre si infini, qu'il faut renoncer à indiquer les plus saillantes dans le cadre restreint que nous avons à remplir. Notons toutefois le grand ouvrage d'Egypte, édition originale, le voyage de l'Astrolabe, de la Coquille, etc., etc. Enfin, pour ce qui regarde les manuscrits, nous noterons qu'en 1832 ils s’élevaient à 500, en 1849 à 139 728, ei que depuis ils se sont augmentés par des ac- quisitions faites à Bruxelles et surtout par celles faites à la venie de feu Toussaint Grille de plus de 200, de sorte qu'aujourd'hui on en compte environ un mil- lier. Presque tous sont relatifs à l’Anjou, à ses mo- nastères , à des fondations de diverses sortes, à l’his- toire locale enfin, et offrent des documents abondants, originaux et généralement inédits, à qui veut y puiser. On remarquait spécialement dans l’ancien fonds les ouvrages suivants. En théologie : plusieurs Bibles, Nouveaux Tesiaments, Psautiers du 1x° siècle, sur vélin, richement ornés, et dans l’un desquels est le Te Deum; — un Psautier gothique avec commentaires, donné par René au couvent de la Baumette; — un commentaire sur le Nouveau Testament, sur vélin, vignettes et lettres tourneures, or et azur, etc. En jurisprudence : l'original manuscrit de la Cou- tume d'Anjou, avec les commentaires de Dupineau, et deux autres commentaires inédits ; — plusieurs beaux manuscrits sur le Droit civil et le Droit cano- nique, très précieux, dont un superbe Codex de Jus- tinien, en écriture anglo-saxonne, avec rinceaux, etc., un autre manuscrit, vélin, in-folio, avec miniature, de la plus belle écriture anglo-saxonne, etc.; — les Synodes calvinistes de France de 1559 à 1660, 4 vol. in-4°. + Dans les sciences et arls : un traité latin de Pétrar- que, vélin, colorié, du xiv° siècle; — L’estrif de for- tune et de vertu, de Lefranc, date de 1450; — les six livres de S. Augustin sur la musique, écriture caro- line, du xiv® siècle; — ouvrage de médecine de Tral- 140 lianes, du x° au xrt siècle ; — Avicène, un peu moins ancien. En histoire : une Chronique de Flandre, in-4°, vé- lin, miniatures, du xv° siècle. et grand nombre d’autres vélin du 1x° et x° siècles ; — Lectiones de sanc- tis, in-4°, vélin, exécuté par ordre de Potard en 1273; — Victa sancli Benedicti et Vita et passio sancti Sergü, de la plus belle écriture carlovingienne, el signalés par M. Grille parmi les plus vénérables monuments de l’histoire ecclésiastique que possède la biblio- thèque. Les polygraphes forment aussi une section nom- breuse dans laquelle on remarque le fameux Grimoire de saint Serge, antérieur au xv: siècle. Parmi les manuscrits de la vente Grille on peut ciler plus particulièrement : 4° OEuvres complètes de l’abbé Rangeard, sa gé- néalogie des trois maisons d'Anjou, son histoire de l'Université et toutes ses autres œuvres historiques, compilalions faites sur des documents authentiques compuisés par lui dans les chartriers en partie dis- parus pendant la Révolution; © 2o Voyage en Catalogne, Italie, etc., en 1647, avec description des antiquités, monuments, par Dumes- nil, chanoine d'Angers, autographe ; 3° Voyage à Rome, par Livonnière, autographe ; 4° Cours d'histoire ramaine sur les médailles, par Claude Ménard (d'Angers), autographe et inédit. Ainsi que nous l'avons dit en commençant les musées sont rapprochés de la bibliothèque , mais avant de nous engager dans leur longue exploration, nous croyons devoir nous diriger vers le jardin des 141 plantes bien qu'il nous en éloigne momentanément ; c’est une marque d'intérêt et de déférence qui nous paraît due à ce doyen de tous nos établissements publics. O8sErRvATION. — Nous devons une grande partie des dates et * des chiffres que nous avons indiqués à l’obligeance de M. Adville, bibliothécaire en chef, ainsi que des notes très étendues sur les manuscrits les plus précieux, que nous regrettons vivement de n'avoir pu comprendre en entier dans notre travail. Les personnes qui désireraient prendre une connaissance plus complète de nos richesses bibliographiques , peuvent consulter l'excellent petit itinéraire de la bibliothèque, publié en 1832 par M. Toussaint Grille, et pour ce qui est entré depuis dans l'établissement, les catalogues manuscrits que MM. les bibliothécaires tiennent toujours à la disposition du public. . JARDIN BOTANIQUE. L'existence d’un jardin botanique à Angers remonte à l'année 1777, et fut l'œuvre d’une Société de profes- seurs, de médecins et d'amateurs qui l’établit d'abora dans un terrain pris à ferme dans le faubourg Bres- signy. Dès 1781 un cours public et gratuit de botanique y était professé par le docteur Burolleau de la faculté d'Angers. La Société ne tarda pas à prendre une cer- taine extension et voulut assurer l'avenir du jardin qu’elle avait fondé. Elle acquit dans ce but, le 26 fé- vrier 1783, un terrain presque contigu aux remparts de la ville, situé au fond de la Vallée Saint-Samson , baigné par une eau courante et servant de blanchis- 142 ; serie, nommé l'Enclos des Bassins, et appartenant aux religieux de Saini-Serge; sa contenance était d’en- viron un hectare. C'esi la portion de la partie basse du jardin actuel, bornée au nord par le mur de soutène- ment de la lerrasse des magnolias et par le canal qui longe l'École; elle s’arrêtait au levant à la hauteur de la fontaine qui alimente ce canal. Ce fut dans ces étroites limites que le jardin resta renfermé jusqu’en 1791. À celte époque les événements politiques eurent un contre-coup fâcheux sur la Société des botano- philes angevins. Quelques amis zélés de la science, dans le but de sauver cet établissement naissant d’une ruine imminente, parvinrent à déterminer l'adminis- tration départementale à l’ériger en établissement public, et par deux actes passés le 19 avril 1791, l’ad- ministration acheia d’une part le jardin de la Société et de plus, pour lui être annexés, la maison curiale de Saint-Scrge , le jardin et un clos de vigne en dépen- dant, c’est-à-dire toute cette portion de terrain con- tenue entre le mur de la terrasse et le canal au sud, et la rue de Bouillou au nord, et qui s'étendait au levant jusqu’à l’enclos dit des Amandiers. Merlet de la Boulaye, qui succéda à Larevellière- Lépeaux dans la direction du jardin de la Société, avait été maintenu dans ce poste par l'administration, et ce fut lui qui fit opérer les travaux qui donnèrent au terrain situé en dehors de l’École et spécialement à la partie la plus hauie son caractère de jardin paysa- ger. Ce fut au commencement de l’année néfaste de 1793 que fui faite la plantation des arbres verts, parmi lesquels on remarque cinq cèdres du Liban qui ont acquis les plus grandes proportions. 143 Le jardin n’augmenia pas d'étendue jusqu'en 1840, mais dès cette époque l'administration municipale commença à donner des preuves de l'intérêt qu'elle portait à son extension. Elle acquit, en effet, dans cette année 1840, un jar- din de 18 ares environ, situé à l’est de l'École botani- que et qui s’'avançait jusqu’au bord même de la fon- taine qui alimente le canal. Dès 1841 il fut réuni à l'École, dont M. Boreau fit exécuter à cette occasion un remaniement partiel. D’autres acquisitions ont successivement suivi celle- ci, à savoir : 4° celle d’un jardin aussi de 18 ares en- viron, contigu au premier et situé à l’est de ce dernier; 2° celle de la propriété Raimbault d’une contenance plus considérable et dans laquelle se trouvait, outre un jardin, la maison occupée en ce moment par le Direcieur; 3° enfin l’enclos des Amandiers d'environ un hectare, qui s'étend derrière la propriété ci-dessus et remonte jusqu'à la rue de Bouillou : annexes qui comprennent ainsi près de 160 ares et donnent au périmètre du jardin la figure d’un quadrilatère, dont la partie méridionale forme un fond de vallon d’un niveau à peu près égal, el dont les deux autres tiers s'élèvent en pente plus ou moins douce vers le nord- est, où la colline se termine par un plateau qui do- mine tout cet ensemble. Des trois propriétés le plus récemment achetées, une seule, celle indiquée sous le n° 1, a pu encore être réunie au Jardin et est venue cette année même 1856 augmenter le terrain consacré à l’École, et lui donner son accroissement définitif. Elle ne comprend pas moins de 60 et quelques ares. 144 Par suite des travaux de nivellement qu'il a fallu exécuter cette dernière fois, le Directeur a dû rema- nier l'École dans toute son étendue. Les plates-bandes ont été réduites à la largeur strictement nécessaire et leurs bordures de buis refaites à neuf. Toutes les familles ont été replaniées, en assignant à chacune d'elles l’espace que l'expérience des vingt dernières années a fait juger indispensable. Toutes ont reçu des étiquettes en zinc, moulées en relief sur fond bleu, et déjà dans la nombreuse famille des Renon- culacées des étiquettes semblables ont été placées pour les espèces. Ce dernier travail est d'une extrême uli- lité, mais malheureusement le budget de l’établisse- ment ne permettra pas, à moins d’une subvention spéciale, de terminer de longtemps cet étiquetage spé- cifique. On calcule que les végétaux de pleine terre du jardin s’élèvent de 4,500 à 5,000, dont l’École à elle seule contient environ 4,060 à 4,500, et le jardin ne peut faire fondre que 200 étiquettes par an! Toutefois ceci n'empêche pas que les plantes de l'École et celles des serres ne soient toutes nommées. Des ardoises sur lesquelles sont gravées les noms sont placées devant les plantes, mais malheureusement ces noms sont trop promptement effacés. M. Boreau a adopié comme base de la classification le prodrome de Decandolle, et pour les parties qui n’y sont pas lraitées, les monographies et les travaux spé- ciaux le plus généralement suivis. Ses relations avec les botanistes les plus célèbres, avec les Directeurs des principaux jardins publics de France et des diffé- rentes capitales de l'Europe, les échanges annuels de graines qui en sont la suite, lui fournissent un nom- 145 bre de types et d'espèces critiques qu'on ne rencontre nulle part ainsi rassemblés (1). Les plantes venues du dehors ne prennent d’ailleurs place dans les plates- bandes qu'après avoir été préalablement semées à part et consciencieusement étudiées, de sorte que les dé- terminations, pour les espèces admises dans l'École, peuvent être considérées comme authentiques. Les connaissances toutes spéciales du Directeur au regard de la flore européenne ont surtout dirigé de ce côté Vattention de ce savant. C’est donc de ces espèces qu'il a tenu à former des séries en complétant le plus possible les genres difficiles, et les résultats par lui alteimts méritent l'admiration et la reconnaissance des botanistes. Ainsi nous retrouvons ici la majeure partie des espèces nouvelles du genre Thalictrum, la totalité des rosiers qui seront compris dans la 3° édilion de la Flore du centre, auxquelles s’ajoutent les espèces (4) La réputation scientifique du jardin s'étend au loin et il n’est pas un seul des grands établissements publics de l’Europe qui n’ait ouvert depuis quelques années des relations périodiques avec lui, aussi les témoignages les plus flatteurs des hommes de la science ne lur font ils pas défaut. Nous nous bornerons à citer, comme résumant cette appréciation générale, l'extrait d’une lettre du savant Darieu, directeur du nouveau jardin de Bordeaux, datée du 22 janvier 1856; on y lit entr'autres choses : « J'ai reçu le riche catalogue de graines de votre jardin. Je l'ai » parcouru plusieurs fois avec le plus grand intérêt, en restant » toujours émerveillé de l'énorme quantité de graines que vous » parvenez à collecter et à répandre. J’y remarque surtout une » notable quantité d'espèces rares, controversées ou nouvellement » proposées... Vous avez des genres d’une richesse extrême : » Thalictrum, Silene, Vicia, Lathyrus , Potentilla, Heracleum ct » surtout Hieracium ..…. » 10 146 méridionales et alpines en nombre supérieur à celui compris dans toutes les flores générales et locales, ce qui forme la monographie la plus complète qui existe des espèces françaises et sans doute de l'Europe cen- trale, des suites considérables d'espèces danslesgenres si ardus des Carex, Juneus, Centaurea, Taraxacum, Sedum sempervivum, Poterium, Rubus, Trifolium, Medicago, etc., etc. Enfin dans ces deux dernières années l'École s’est enrichie d’une collection de plu- sieurs centaines d'espèces du genre Hieracium , telles que les a reconnues Jordan et qu'elles seront adoptées et décrites dans le travail spécial que prépare ce savant monographe sur ce genre polymorphe, et dont dans sa 3 édilion M. Boreau fera connaître à l’avance toutes celles qui habitent le rayon de sa flore (1). C’est en observant ces plantes dans les diverses phases de leur végétation que le botaniste ne peut manquer d'apprécier l'immense secours qu'il trouve dans une culture rationnelle des végétaux pour se fixer sur la constance et la valeur, soit absolue, soit relative, des caractères spécifiques, et la portée qu'il leur est permis d'atteindre selon le genre ou la famille. C'est là à vrai ‘dire le Criterium de la science des végétaux. Quant aux Hieracium toutes les notes distinctives tirées de l'examen des tiges, des feuilles et même de l’inflores- cence dans la plante adulte, ne peuvent équivaloir, pour apprécier leurs différences spécifiques, à l'étude des caractères qui se manifestent dans la première (1) Cette riche série a acquis un prix immense par la perte que M. Jordan a faite, d’une partie des espèces d'Hieraçium qu’il expé- rimentait, dans l’inondation qui a ravagé les environs de Lyon. tnirtiher, Lie 147 période de leur végétation quand elle se borne encore aux feuilles radicales. Leurs formes alors et leur as- pect général sont si tranchés el si constants, ainsi que les accidents de la coloration et de la vestiture des feuilles, qu’il est impossible à l'œil le moins exercé de les confondre, et qu’il n’entrera dans l'esprit de per- sonne, qui les pourra voir en cet état, qu’on puisse jamais désormais contester la séparation de ces es- pèces si longtemps cependant méconnues par la rou- tine et le parti pris. Dans aucun aulre genre en effet on ne rencontre peut-être des caractères plus saisis- sables, qui laissent moins de place au doute que dans cette première période de la vie végélale des Hieracium. Les serres-chaudes qui furent construites de 1846 à 1848 se font toujours remarquer par la beauté excep- tionnelle de la végétation, la propreté exquise , l’élé- gance avec laquelle y sont disposées les plantes. En 1852, l'administration donna pour complément à ces cultures la serre de multiplication qui est adossée à la rue Saint-Serge. Il ne reste donc plus pour compléter les serres qu’à exécuter le projet admis par le Conseil municipal, de prolonger le bâtiment de l’orangerie jusqu’à la façade de’ la salle des cours publics, en substituant une serre à bruyères à la petite serre qui tombe de vélusté et fait lache dans ce bel en- semble. Du reste si quant à sa lénue matérielle, à la richesse de ses cullures, notre jardin a presque toujours, dès son origine, tenu le premier rang parmi ceux des dé- partements; si depuis lors il n’a cessé de progresser et a fini par distancer ses plus redoutables rivaux, tels, 148 par exemple, que le jardin de Montpellier jadis si jus- tement célèbre par ses végétaux de pleine terre, il faut reconnaître que sous le rapport scientifique il est devenu encore plus digne d'intérêt. C’est que par un \ rare concours de circonstances, il a généralement eu pour directeurs des hommes d’un savoir incontestable et qui s’en sont sérieusement occupés. Sans parler de la période antérieure à la suppression des Écoles cen- trales, où il a été successivement administré par des hommes et des professeurs de mérite, à savoir : de la Richerie, Burolleau , Larevellière-Lépeaux, Préseau, Merlet la Boulaye, mais qui n’ont laissé dans les ar- chives de la science aucune trace de leur passage, nous y trouvons dès le 1° janvier 1807 le docteur Bâ- tard qui, en 1809, publia la première Flore angevine, suivie d’un supplément en 1812 et de plusieurs no- tices pleines d'intérêt, el dénotant un grand talent d'observation, sur diverses espèces de plantes par lui observées en Auvergne et en Anjou. De Bâtard nous passons en 1816 à M. de Tussac, auteur de la Flore des Antilles, qui chargea du cours public son ami M. Desvaux, lequel le remplaça dans la direction en 1826. Enfin à M. Desvaux nous voyons succéder, en 1838, M. Boreau, directeur actuel. La place que ces deux derniers botanistes tiennent dans l'estime du monde savant, bien que fondée sur des titres diffé- rents, nous dispense d'entreprendre ici l'énumération des travaux dont ils ont enrichi la science. Il nous suffira de rappeler qu’en quelques années la Flore du centre de M. Boreau aura eu les honneurs d’une 3° édi- tion, et sera le premier ouvrage en France qui aura ainsi constaté à leur heure les progrès et les tendances 149 nouvelles de la botanique dans la science de la con- naissance el de la fixation de l'entité spécifique. On ne peut donc s'étonner qu’un jardin où se résument en quelque sorte et se matérialisent les découvertes de la science moderne, qui est sans cesse mis à leur niveau, si variable que le progrès puisse le faire, soit, sans aucune comparaison en ce moment, non-seule- ment le plus riche en espèces indigènes, mais le plus important à consulter pour les hommes de la science: Tel est donc quant à son importance scientifique et quant à son étendue en terrain cultivé le jardin d’An- gers dans son état présent, c'est-à-dire en cette année 1856. Mais il peut d'un instant à l’autre prendre un nouveau développement par la réunion de la propriété Raimbault et de l’enclos des Amandiers qui l’aug- menteront de 115 ares environ. Pour effectuer les travaux deplantalion de ces annexes, on n'attend plus que le vote d’une subvention de la part du Conseil municipal, et il serait fortement à désirer que pour en fixer le chiffre, l'on prit en grande considération la nécessité d'introduire dans les nouveaux massifs tous les arbres et arbustes dont, depuis un certain nombre d'années, se {sont enrichies les cultures de pleine terre et qui, dans un pays où comme le nôtre le goût des jardins paysagers est aussi universellement ré- pandu, pourraient offrir à leurs nombreux amateurs des spécimens de ces espèces, croissant dans toute la liberté de leur végétation et revêtant leurs formes et dimensions naturelles. Une vaste pièce d’eau pourrait être , sans beaucoup de dépense’, élablie sur le pla- teau des Amandiers et fournirait des ruisselets, des 150 cascalelles, des fontaines rustiques qui vivifieraient la pente méridionale de la colline et présenteraient pour des cultures spéciales des conditions de chaleur et d'humidité qu’on trouve rarement réunies. Que restera-t-il donc à faire pour terminer l’'en- semble d’un si précieux établissement? Nous sommes heureux de le dire, rien qu’à réaliser un projet dont le principe a été adopté par l'administration muni- cipale, et qui consiste à pratiquer une large percée dans le groupe de maisons qui sépare le jardin de la butte du Pélican, afin de lui ouvrir une vaste entrée en prolongement de l’axe du boulevard de la Mairie. Le‘jardin se présenterait alors comme un but pour les promeneurs du boulevard qui lui servirait d'avenue. Sans avoir la prétention de déterminer la part que la Société impériale d'agriculture pourrait revendiquer dans l'initiative de ce projet, nous croyons devoir noter qu’il fut signalé à l’attention publique dès 1852 dans une de nos revues scientifiques, et nous ajoute- rons que pour qu'il produisit tout ce que l’on peut en attendre pour l’embellissement du jardin, il faudrait que l'on fit complétement disparaîlre le massif de construction hétérogène qui forme maintenant l'ha- bitation du Directeur, et qui serait de l’effet le plus disgracieux au milieu de l'amphithéâtre de jardins qui s’élévera en face de la nouvelle entrée. Nous pensons aussi qu'il serait désirable que l’on bâtit alors aux côtés de cette entrée deux pavillons monumentaux, dont l’un serait affecté au logement du Directeur, à un musée et à la bibliothèque botanique, et dont l'autre, où logerait le’jardinier chef, serait disposé de: façon à offrir un local convenable pour les Sociétés 151 savantes et pour le cours de botanique. La ville en donnant ainsi une nouvelle salle aux Sociétés savan- tes, y trouverait d’ailleurs l'avantage de pouvoir ren- trer en possession des bâtiments qu'elles occupent dans le jardin fruitier. Quant au jardin fruitier lui-même, puisque nous venons d'en parler, disons que sa place naturelle se- rait dans l’enceinte même du jardin botanique , puis- que l’arboriculture n’est à vrai dire qu’une application utile de certains principes qui se rattachent à la partie physiologique et pratique de la science des végétaux. Ne serail-ce pas d’ailleurs, en le rapprochant du jardin botanique, lui donner des moyens de publicité qu'il n’a pas pour assurer la diffusion et la popularisation des meilleures espèces ? L'administration municipale désire du reste, depuis longtemps, reprendre possession du terrain qu'occupe actuellement le jardin fruitier, afin d'établir une entrée nouvelle pour les musées qui fût mieux en rapport avec leur importance et qui les relierait à l’un de nos boulevards les plus fréquentés. Ne voulant pas com- promettre l'existence du jardin fruftier, elle a cher- ché, mais vainement jusqu'ici, pour l'y transférer, un terrain d’une étendue suffisante et dont la position ne füt pas trop excentrique; or, l’on trouverait aux moindres frais possibles un emplacement de tous points convenable par l'acquisition d'une lisière de terrains qui, au levant, est contigue à l’enclos des Amandiers , terrain dont la majeure partie est d’une excellente qualité, bien qu’en aient pu dire quelques personnes prévenues ou qui n’avaient pas eu l’atien- lion sans doute de voir par elles-mêmes ou de s’é- 152 clairer des avis d'hommes spéciaux désintéressés dans la question. Nous savons qu’une proposition ad hoc a été adressée à la Mairie par M. le Directeur du jardin, etnous devons vivement désirer que, mieux éclairée sur sa portée, elle l’accueille favorablement. Par cette ad- Jonction on aurait dans toute la partie basse située en dehors de l’École, un espace suffisant pour les arbres à pepins, et dans la partie inférieure des pentes celui . nécessaire aux arbres à noyaux et aux vignes. Ces arbres y seraient plantés en massifs dessinés dans le genre paysager, et la promenade y gagnerait en par- cours, en agrément, en intérêt eten utilité Il nous paraît du reste important de faire observer que l’acquisition demandée, sera forcée, du moment qu'on livrera au public l'enclos des Amandiers, car cette lisière de propriétés qui, presque dans toute sa longueur, suit cet enclos en contrebas, et qui sera en vue directe du nouveau jardin, est partout d’un aspect repoussant, ne se composant que de petits enclos et jardins mal tenus, de cours sales, puantes, de masures. décrépites habitées par la misère qui y étale de toutes parts ses haillonss Force sera donc inévitablement de les acheter plus tard, lors même qu'on ne devrait pas y transporter le jardin fruitier. Cette acquisition au- rait d’ailleurs cet avantage qu’alors le jardin n'aurait pour limite au levant qu’une voie publique, comme au nord et à l’ouest. Si ce projet était enfin adopté, le jardin fruitier, le plus ancien établissement de ce genre des départe- ments sortirait de sa position précaire et la ville, en rentrant en possession des terrains qu’il occupe, pour- rait, non-seulement y pratiquer une nouvelle entrée: bee. ” 153 par les musées, mais encore en le nivelant à la hau- teur de la terrasse David, le transformer en un élégant boulingrin qui deviendrait une agréable promenade d'hiver pour la partie sud de Ja ville. En nous occupant ainsi du jardin fruitier, nous voilà donc naturellement ramenés vers nos musées qui . lui sont contigus, et dont notre excursion au jardin bo- lanique avait dû nous éloigner momentanément. LES MUSÉES. Nous entrerons aux musées par la cour d'honneur, vaste rectangle donnant sur la rue Courte, en face de l'école des beaux-arts et de celle de l’enseignement supérieur, car, ainsi que nous l'avons déjà fait obser- ver, nos établissements scientifiques et artistiques, sauf le jardin botanique, sont groupés de manière à ne former qu’un tout, dont les parties, par leur rap- prochement , rehaussent naturellement l'importance. En entrant dans cette cour, l’homme de goût ne peut qu'être désagréablement surpris du disparate qui existe entre le style élégant du gothique fleuri du lo- gis Barrault qui en forme l'angle sud-est (reETME gnoble vulgarité des constrnctions qui, à diverses époques, sont venues s’y accoler et même s'y super- poser. On ne peut surtout que s'étonner que l’on n'ait pas eu la prévoyance, dans les plus récentes, de don- ner aux ouvertures, les proportions et la saillie de (1) Bâti au xve siècle par Ollivier Barrault, trésorier de Breta- gne, Il appartint ensuite à Marie de Médicis, veuve de Henri IV. César Borgia y logea lorsqu'il apporta, à Louis XIE, les bulles de: divorce et de dispense de mariage par lui demandées au pape. 154 celles de l'édifice primitif, ce qui eût permis plus tard de les décorer dans le même goût. On doit d'autant plus le regretter que, sous l’habile direction de M. E. Dainville, les portes d'entrée du vestibule et les fené- tres à croisillons, situées au-dessus, ont été restaurées de manière à pouvoir faire illusion sur leur origine, si l’on ne considère que le dessin et la pureté des lignes. Heureusemont que la distribution et l’appro- priation intérieures, de tous points parfaites, effacent promptement ces impressions premières, si peu favo- rables. Nous allons successivement visiter nos musées, après avoir préalablement indiqué que le rez-de- chaussée de tout l'édifice est consacré exclusivement à la sculpture , à l'exception de deux salles occupées par l’archéologie ; Qu'au premier étage des ailes sud et est, est placé le cabinet d'histoire naturelle; Qu'enfin, au 2e élage de l’aile méridionale se trouve le musée de peinture et arts accessoires. MUSÉE DE SCULPTURE. Le vestibule du rez-de-chaussée s'ouvre sur la cour d'honneur par deux portes vitrées à deux battants et forme le centre de l'aile méridionale des bâtiments : Arrêlons-nous ici. Toutes les salles et galeries consacrées à la sculp- lure, au nombre de sept, et offrant en longueur un développement, total de 410 mètres, sont peintes en rouge-grenat avec les embrasures et chambranles en brun Vandick : ces fonds vigoureux projètent sur les plâtres de riches reflets qui en adoucissent la crudité et | 155 en font ressortir les contours. Le plafond du vestibule et des galeries latérales, divisé en grands cartouches et peint en vieux chêne, s’harmonise avec la couleur des murailles et fait que les statues se détachent éga- lement bien dans leurs parties supérieures. Dans la galerie David, la voûte en plein ceintre, légèrement surbaissée, ornée de douze arcades soutenues par des pilastres, a dû être peinte en rouge foncé comme les parois dont elle est une continuité, mais dans la salle gothique du Logis Barrault qui la précède, la voute a ses fonds bleu-clair avec ses minces nervures prisma- tique, couleur d’ocre jaune, et leurs ornements re- haussés d'argent. La décoration de ces salles ne laisserait donc rien à désirer si au parquet mosaïque des prévisions du de- vis primitif, on n'eut substitué un trop modeste dal- lage en terre cuite, en désaccord avec l'aspect gran- diose et sévère du lieu, et aussi avec l'espèce de coquetterie artistique que le directeur a mise à dispo- ser les objets de manière à ce qu’en se faisant récipro- quement valoir, ils formassent en même temps une riche et élégante décoration. Heureusement le mal est de ceux qui sont facilement réparables : ce n’est qu'une question de temps et d'argent. Le vestibule est à peu près carré. Au côté opposé à l'entrée se présente une large porte donnant sur le palier du grand escalier qui dessert les étages supé- rieurs. Disons de suite qu'il est construit en pierres de taille et en demi-voûte et qu’il occupe un espace de 7 mètres. Les marches sont en granit: C’est un morceau remarquable par son caractère monumental, par sa hardiesse qui n’a pas nui à sa solidité, et par 156 ses proportions grandioses. M. E. Dainville en est l’ar- chitecte. Une statue de la Renommée , de Taluet, est placée au bas de cet escalier et se trouve ainsi au centre de tous les musées. Dans le vestibule sont les plâtres du Faune et de l’Achille. A droite et à gauche se trouvent deux larges portes. La première est celle de la galerie de sculpture mo- derne qui compte neuf statues et 19 bustes. On y admire le buste en marbre de Napoléon Er, empereur, original de Canova, donné à la ville pen- dant les Cent-Jours ; un buste en marbre de Voltaire, exécuté peu avant sa mort, original de Houdon, donné par M. Leclerc-Guillory, d'Angers; Narcisse couché, statue en marbre, original de Cortot, et peut-être sa plus gracieuse composition , donné par l'Etat sous le ministère et sur la demande de M. de Labourdonnaye, alors ministre ; le berger léché par son chien, groupe en marbre de Maindron, donné aussi par l'État sur la demande de M. Camille de la Tousche, alors député et maire d'Angers; Donnadieu, statue en marbre; la Velléda, plâtre original de Maindron ; le groupe origi- nal du Cercle des Arts, du même; les bustes en marbre de Falconnet, Ménage, maréchal de Brissac, Philippe de Champaignes ; etc. Revenant au vestibule pour prendre la porte à gauche, on entre dans la galerie des antiques, longue de 22 mètres. Elle renferme des moulages en plâtre des chefs-d'œuvre de l'antiquité grecque. Dès leur “origine, nos musées, sous le patronage éclairé et puissant de Larevellière-Lépeaux, qui fut, à vrai dire, 157 leur fondateur, par la facilité qu'il donna aux profes- seurs Renou et Marchand de puiser dans les dépôts de Paris, se sont trouvés posséder une bonne partie de ces statues qu'on y voit aujourd’hui. Avant la nouvelle appropriation des salles de sculpture, qui a eu lieu de 1850 à 1853, on y remarquait déjà la Vénus de Mé- dicis, l’Apollon, le Lacoon, le Gladiateur, le Torse, le Faune, Castor et Pollux, l’'Hermaphrodite, Diane chasseresse, la Diane de Gabie et un certain nombre de bustes classiques qui ont depuis été transportés dans l’école des beaux-arts. Mais c’est depuis que l'on a ajouté les statues de la Psyché de Naples, de l’En- fant à l’oie, de l’Apolline, puis dix bustes et vingt-sept morceaux de sculpture d'ornement. Dans son état ; présent cette salle contient douze grandes statues et trente-huit autres morceaux, en tout cinquante ou- vrages. Il serait grandement à désirer que les vides qui existent dans cette galerie fussent remplis, et que l’on ajoutât ainsi aux puissants moyens d'éinde que peut seul offrir l’art antique aux élèves de notre école mu- nicipale dont un certain nombre se destine chaque année , Soit à la statuaire, soit à la culture orne- mentale. On en profiterait pour y introduire des copies de la statuaire romaine, dont nous ne possédons encore aucun specimen, et qui offrent cependant des sujets d'étude d’un grand intérêt sous plusieurs rapports, notamment pour certains accessoires, costumes, dra- peries, meubles antiques, etc., dont on ne trouve que là, des modèles vraiment authentiques pour les sujets historiques de l’époque romaine. A 158 À l'extrémité de cette galerie, à droite, est une pe- tite salle carrée qui en dépend , et à gauche, en face de celle-ci, s'ouvre la porte de la première des salles du musée David qui est consacré à l’œuvre entière de ce maitre. Cette première salle, de sept mètres de côté, est remplie en grande partie des ouvrages de la jeunesse de notre grand siatuaire. On y remarque avec un in- térêt particulier ses compositions pour divers concours académiques, qui le firent remarquer dès son entrée dans une carrière qu’il devait parcourir magistrale- ment et en ouvrant à son art des horizons nouveaux. On y retrouve eu effet : 1° son Horthiade écrivant sur un bouclier, ronde-bosse, demi-nature, qui obtint le 2e prix de Rome ; Epaminondas mourant, bas-relief qui valut à David le prix de Rome ; le huste d’un jeune homme qui, vers la même époque, mérita le prix d'expression fondé par Caylus, décerné pour la pre- mière fois à l’unanimité; enfin, sa tête d'Ulysse et son Narcisse debout, statue de grandeur naturelle, son dernier envoi de Rome et ses premiers ouvrages en marbre. Dans cette même salle ont dû aussi prendre place plusieurs morceaux précieux d’autres arlistes donnés par David. Ainsi sont : un buste de vieillard, les bras croisés, terre cuite remarquable par la vérité et la force de l'étude anatomique par Roland, membre de l'Insti- tut et maître de David; le buste de Bonaparte, premier consul, par Chaudet ; un petit buste d’enfant, de Del- lesire , et le buste en terre cuite de Dumouriez, origi- nal de Houdon, tête étonnante d'énergie, d'intelligence et de volonté, qui, rapprochée du Voltaire de la pre- 159 mière galerie, peut faire apprécier le véritable cachet du talent de cet artiste célèbre. Evidemment on aper- çoit que chez lui la sculpture a voulu prendre les ten- dances , les allures de la peinture, et qu’elle cherche comme son émule , dans l'observation minutieuse de détails infimes et fugitifs, tout ce qui peut concourir à imprimer l'expression, à caractériser l'intelligence, à constituer enfin celte apparence si mobile, si chan- geante, qui s'appelle la physionomie, et qui est assez indépendante de la forme physique pour rendre par- fois intéressant et même charmant un visage, dont les traits vus en eux-mêmes et dégagés de ce reflet, de cette empreinte de l'âme, de cette sorte de masque intellectuel, pourraient n'être que vulgaires, même repoussan{s sous un ciseau trop servile traducteur de la réalité plastique. La place de Houdon, pour qui étudiera ces deux chefs-d’œuvres de notre musée, serait donc, à ce point de vue, tout aussi bien à côté des peintres portraitistes que parmi les statuaires, dont l’art, sous peine de perdre quelque chose de la sublimité qu'il lui a été donné d'atteindre dans les conditions desa nature origi- naire,semble vouéexclusivement au culte dela forme et devoir avant tout se préoccuper de la ramener vers la perfection idéale d’une beauté typique, dût-il com- plétement dissimuler les traces de l'esprit et de ses passions qui la pourraient altérer. Sans doute qu'il peut paraître tout d’abord quelque peu paradoxal de prétendre ainsi circonserire dans des limites presque purement matérielles, le but et le rôle de la statuaire. Mais si l’on examine sans parti pris ces chefs-d'œu- vre où l’art antique a atteint son apogée, où, par con- 160 séquent, en nous disant son dernier mot, il a dû révéler les lois et les principes qui l’ont conduit vers une perfection qui sera rarement égalée et jamais dé- passée, vainement chercherait-on dans le plus grand nombre de ces têtes si belles, la manifestation spiri- tuelle, le sentiment, l'expression, l’individualité mo- rale. Sauf de bien rares exceptions, tous ces traits si savamment étudiés et ramenés vers le type d’une beauté plus ou moins idéale, ne nous offriront que l'image du repos des passions, le sommeil du senti- ment, parfois l'empreinte de la douleur physique, mais certainement le plus souvent, et celà précisé- ment dans les œuvres les plus sublimes, l’absence de la vie intellectuelle. Ce que nous venons de dire de Houdon et de ses tendances à faire prévaloir la spiritualisation dans la statuaire, l’on peut sans doute le dire de David, mais avec cette restriction importante que chez notre il- lustre compatriote, ces tendances ont été généralement contenues dans de justes bornes, ne sacrifiant que rarement la forme à l'expression, et que ce n’a été ainsi qu'un des beaux côtés d’un talent si complet que d’avoir toujours dans ses œuvres cherché, dans une haute pensée philosophique, à traduire et à ba- lancer les deux grands principes, qui se combinent si intimement dans la nature humaine, de l'esprit et de la malière. Aussi avec la science anatomique la plus profonde et la plus certaine, avec-un goût épuré et sûr en plastique, qui lui ont permis pour ainsi dire, dans une lutie corps à corps, de se mesurer sans dé- savantage avec l’antique dans ses belles créations de Foy, la jeune grecque, Narcisse, Talma-Sylla, Bon- 161 champ, Barra, Philopæmen, elc., l'a-t-on vu même alors s’efforcer d'imprimer à ses têtes un grand carac- tère de pensée et d'individualité morale. L'on peut ajou- ter encore que bien qu'il ait, comme homme de savoir et de pratique, côtoyé de plus près qu'aucun autre la perfection antique, il a eu le mérite particulier de plier l’art sans l’amoindrir aux nécessités de toutes natures qui naissent de notre civilisation moderne, de telle sorte qu'il ne reslât plus parmi nous comme dans un état d’exhumation et de momification, dans un milieu si différent à ious égards de celui qui l’entoura à son berceau, mais qu'il parût au contraire s’y mouvoir librement et y vivre de la vie commune. Passons dans la seconde salle. Elle est longue de 17 mètres et faisait, comme la précédente et la galerie des antiques, partie du logis Barrault. Nous avons déjà parlé de son élégante voûte gothique presque plate et ornée de nervures prismatiques d’une grande purelé. Au centre nous apercevons d’abord, faisant face à l'entrée, le plâtre de la statue de Talma qui se voit aux Tuileries. Le grand acteur est représenté dans son rôle de Sylla, tenant déployées les lisies de pros- cription et est assis sur une chaise curule, aux trois faces de laquelle sont inscrits les noms de tous les rôles par lui créés dans les rois phases si distinctes de son sublime talent. Au fond de ja salle est le tombeau de Fénélon avec ses bas-reliefs. L’illustre prélat, à demi-couché et dans ses habits pontificaux, lève la main comme pour bénir, avec le sourire d’une angélique bonté, ceux qui le conlemplent. C’est l'âme d'un sage pleine d'une EP 162 ineffable charité qui va retourner vers la source de tout amour, mais c’est aussi le prince de l’Église en qui se révèle au plus haut degré l'esprit fin, péné- trant et délicat du grand écrivain, et les habitudes et l'origine aristocratiques de l’homme de cour. Dans cette même salle on trouve encore et côte-à- : côte les plâtres du Philopæmen et du maréchal Gouvion Saint-Cyr, deux iypes les plus tranchés peut-être du plus pur style grec et de la statue mo- derne, aussi vraie et aussi pittoresque que peuvent la faire les habitudes et les vêtements de notre époque, types dont la comparaison, ainsi rendue plus facile, démontre à la fois l'élévation, les ressources et la souplesse du talent de David. Indépendamment des grandes statues, cetie salle renferme vingt-un bustes et le grand plâtre du bas- relief du Chant du Départ qui se voit sous l’arc-de- triomphe de la porte d'Aix à Marseille. On remarque particulièrement parmi les bustes des contemporains les deux Chénier, Arago, Balzac, Ros- sini, etc., et parmi les hommes des derniers siàcles Corneille en bronze, Racine, Riquet, elc. Si du fond de cette salle le regard se dirige vers une porte à droite, dont les portières sont relevées, on est étonné du spectacle grandiose et magnifique de tout un monde de bustes et de statues. C’est la grande galerie de David, longue de 37 mètres, qui vous ap- paraît en contre-bas et se développe dans toute sa longueur avec sa voûte régulière, ses douze arceaux ei ses onze grandes fenêtres. À gauche le long de la muraille, et intercalées entre les pilastres des arcades, sont rangées onze grandes statues debout entremélées 163 de bustes ; à droite se déroule une double file de bus- tes. Des bas-reliefs, des médaillons tapissent les murs, el la stalue colossale de Jean Bart, brandissant son sabre d’abordage , s’élève au fond pour clore digne- ment celte perspective de grands hommes. Les statues placées le long de la muraille et faisant face aux fenêtres se présentent dans l’ordre suivant : Larrey, Gutitemberg, le cardinal de Chéverus, Bichat, le grand Condé, Cuvier, Foy, le roi René (d’Aix) et Ambroise Paré. Le milieu de la salle est resté libre et ne montre que la statue couchée de Barra, œuvre de prédilection du maître, où il a lutté par un travail opiniâtre avec la nature pour le modelé, la finesse des contours, le velouté de la peau. Outre trois statueltes et vingt-neuf bas-reliefs, cette salle renferme encore trente-quatre bustes en ronde- bosse et douze grandes têtes en médaillon. Les embrasures des neuf fenêtres ont reçu chacune trois grands cadres en bois verni contenant de douze à dix-huit médaillons en bronze, module moyen de 15 centimètres , fondus sur les modèles de David et représentant généralement les célébrités contempo- raines et de la fin du xvurre siècle. C’est la seule série complète qui existe de cette partie de l’œuvre du maître. Elle est donc et sera pour l'avenir d’une va- leur artistique et historique inestimable. En résumant ce que notre Musée et la ville possè- dent des œuvres du plus fécond des statuaires mo- dernes, on trouve les chiffres suivants : musée de sculpture, statues, 22; bas-reliefs, 47; bustes , 71; médaillons, 444; cabinet d'histoire naturelle, buste 164 de Lacépède, 1; bibliothèque publique, buste de Vis- conti, 1. — Saint Maurice : calvaire et sainte Cécile, 4 statues; roi René et statuettes, 13; total, 603 mor- ceaux divers. Mais là, dit-on, ne s’arrêlera pas cetle collection. On croit pouvoir espérer que la veuve et la famille de David accompliront le désir plusieurs fois par lui ma- nifesié de nous laisser quelques-uns des chefs-d’œuvre qui attiraient encore dans ces derniers temps la foule des connaisseurs dans son atelier, notamment sa jeune grecque au tombeau de Botzaris et son buste de Mie Mars, cette séduisante et dernière incarnation de Célimène. Les richesses sculpturales qui ont été ainsi laissées par notre illustre compatriote ne comptent pas moins de 4 statues, de 40 bustes et de nombreux mé- daillons en bronze. £n attendant, une souscription s’est ouverle sur l'initiative de la Société impériale d'agriculture d'An- gers, dans le but de faire opérer des moulages de toutes les statues que nous ne pourrions autrement posséder, ce qui amènerait dans nos galeries, entre autres œuvres capitales, le Corneille de Rouen et le Bonchamp de Saint-Florent. Faisons du reste observer que dans les plâtres que nous avons , il en est deux ou trois à peine qui soient moulés : tous les autres sont des plâtres modèles, c'est-à-dire l’œuvre véritablement originale, la créa- tion personnelle, l’'émanation directe et immédiate du génie du maître, et par conséquent bien autrement précieux pour le vrai connaisseur que les reproduc- tions en marbre ou en bronze pour lesquelles il faut nécessairement recourir à l'intervention plus ou 165 moins étendue de mains étrangères, travail de lente élaboration d’ailleurs, dans lequel l'œuvre primilive perd toujours quelque chose de cetle virginité de spontanéité que ne peut faire oublier une matière plus riche et une perfection plus étudiée et plus sa- vante. Mais avant de quitter ces salles pour visiter les ga- leries de peinture, jetons un dernier regard sur ce vaste cadre dans lequel sont renfermés sous verre des fleurs sculptées en bois par David père. Ce sont dans ce genre d'ornement autant de chefs-d'œuvre de com- posilion élégante et riche de vérité, de grâce et de légèreté. Le bois a atteint la minceur, la souplesse et la fragilité des pétales de la rose, et l'on ne conçoit pas vraiment comment on à pu ainsi détacher et tailler en plein tant de choses délicates dans des blocs de bois, où l'entrecroisement des fibres, le sens et l'inégalité de densité des couches ligneuses, vieunent si étrangement contrarier le travail des courbes el des ondulations que présentent ces feuilles et ces pé- tales, si frêles et pourtant si polis! Jamais l’art de fouiller le bois n’a rien produit de si étonnant, et quand David appelait cela les chefs-d'œuvre de son père, ce w’élait pas le fils mais bien véritablement le grand artiste qui les estimait à leur véritable va- leur. MUSÉE DE PEINTURE. Arrivé au palier du second étage l'on peut aisément s'y croire au milieu d’une vaste salle. IL est éclairé par un plafond en verre dépoli, et ses parois peintes 166 et décorées avec goût sont couvertes de tableaux dont quatre sont de la plus grande dimension: ce sont une copie ancienne de la descente de croix, de Daniel Volterra, ce chef-d'œuvre qui fut si cruellement com- promis lorsqu'on voulut le détacher pour le trans- portier en France à l’époque de la conquête de l'Italie ; le supplice de Jeanne d'Arc, par E. Devéria; le sup- plice de saint Saturnin, par M. Lenepveu, d'Angers, tableau qui lui valut une médaille extra de la part de Louis-Philippe; enfin une admirable copie par le même de l'épisode du jugement dernier, représentant la barque des damnés, exécutée à Rome dans les pro- portions mêmes de l'original, et qui certainement mieux qu'aucun autre peut donner une idée de l’é- ionnanie et parfois de la sombre énergie du génie de Michel-Ange. D'autres toiles de moindre dimension, mais d'une certaine valeur, telles que OEdipe, par Peltier, Marguerite d'Anjou, par Dubois, Hylas et les nymphes, par Lordon, le château de Vincennes, de Pernot, Marius à Minturne, de Rémond. etc., achèvent de couvrir les murailles. Une haute et large porte sert d'entrée au vestibule du musée proprement dit et permet, dans un effet de perpective des plus heureux, d’apercevoir le tableau de Lagrénée aîné, Alexandre visitant la famille de Darius, œuvre capitale du peintre et à laquelle ne peuvent être certainement comparés les autres ta- bleaux de lui que lon voit au Louvre. L'on peut re- marquer avec un intérêt parliculier la belle tête blonde et pensive de Statira, dont une étude ou plutôt un portrait existe au Louvre près d'un des portraits de M»° Lebrun, où elle est un objet de prédilection ‘407 constante de la part de tous les copistes. Cette tête ne peut cependant sous aucun rapport soutenir la com- paraison avec la Statira de notre tableau d'histoire. Il paraît du reste que ce profil d'un type si pur etsi plein de distinction , d’une beauté si régulière et si suave, n'était pas qu’un rêve heüreux de l'imagination de l'artiste, car nous le retrouvons encore dans un aulre tableau du même peintre placé au-dessous de celui d'Alexandre. Là, cette tête charmante est devenue l'une des nymphes de Naxos à qui Mercure confie Bacchus enfant, et elle se trouve précisément posée à l'inverse de la Statira et regardant à droite. Il faut croire que les maîtres de cette époque aimaient ainsi à reproduire le plus possible les beaux modèles que la nalure venait à leur offrir. Ainsi j'ai vu une sainte famille de Stella, composée de cinq personnages et qui doit maintenant faire parlie du musée du Mans, où la tête d’un arge est la reproduction exacte de la tête de la vierge de notre tableau du même peintre, représentant aussi une sainte famille, mais composée de trois personnages seulement, tête remarquable par son type juif. Le veslibule du musée de peinture ou pour mieux dire le salon carré qui lui sert d'entrée s'ouvre par deux arcades monumentales à droite et à gauche sur les galeries latérales, qui ne forment ainsi avec lui qu'une même nef longue de 46 mètres, éclairée par un plafond plat en vérre dépoli, tamisant la lumière et donnant un jour favorable qui, malgré sa vivacité, ne frise jamais et permet de voir les tabieaux sous tous les aspects. Les parties pleines des compartiments du plafond , 168 les moulures et ornements de la grande corniche à gorge qui le soutient el dans laquelle sont répartis des écussons, les portes enfin sont peints en vieux chêne et le reste des murs en un vert doux rompu par un ton gris, irès propre à faire valoir et l’or des cadres et le coloris des tableaux. On est du reste frappé en parcourant ces salles, du goût et de l’art infini avec lesquels y ont été disposés les tableaux, sous l’habile direction de l'artiste dis- lingué placé à la tête de ce musée. Tous ont été re- vernis ou restaurés et quelques-uns même rentoilés, aussi se présentent-ils dans un état de fraîcheur et de propreté exceptionnel. Que l’on ne s’effraye pas tou- tefois si nous avons prononcé le mot de restauration, elle ne s'est jamais étendue jusqu’à retoucher même des parties qui pouvaient avoir souffert précédemment. Le Directeur avait porté les précautions à cet égard jusqu’à faire dresser un état descriptif et minutieux, état qu’il a déposé depuis dans les archives du musée, de chaque tableau préalablement au nettoyage. Du reste ces opérations ont été faites avec toute la pru- dence et l'habileté dont M. Haro, restaurateur des galeries impériales, a donné tant de preuves. L'administration a en ouire fait les frais de bor- dures dorées pour tous les tableaux d’histoire qui n’en avaient pas encore et a fait réparer les autres. On trouverait donc difficilement un ensemble aussi riche, aussi frais, aussi harmonieux que celui que l'on rencontre ici. Ajoutons que, sauf un très petit nombre, les tableaux , surtout parmi ceux antérieurs à notre époque, sont, sous le rapport du sujet , della couleur, de la composition, du nombre de ceux ordi- 169 nairement assez borné dans les autres musées, que l’on peut dire agréables, ce qui donne encore plus de charme à l’ensemble. Examinons maintenant plus en détail ces nom- breuses richesses, en commençant naturellement par le salon d'entrée. Outre l’admirable tableau de Lagre- née aîné, et son petit tableau dont nous venons de parler, ainsi qu'un troisième autrefois attribué à La- grenée jeune, nous remarquerons les suivants : une tempêle par Joseph Vernet, représentant une côte rocheuse et un phare battu par les flots, avec une chaloupe chargée de rameurs poussée sur les écueils, qui pour la vigueur, le mouvement êt les couleurs se place à côlé des meilleures toiles de ce maître chez le- quel ces qualités font trop souvent défaut ; un portrait délicieux de M'e Rouillard, peinte par elle-même , un saint Augustin de Carle Vanloo, une escarmouche de Parrocel, un saint espagnol de Ribeira peut-être, un Detroy, un beau pastel de Chardin et quelques ta- bleaux plus ou moins importants. Dans la galerie de gauche nous trouvons, sur le côté droit en entrant, un choix nombreux et varié de toiles de toutes dimensions de l’école française, parti- culièrement du dernier siècle. Nous noterons d’abord une grande Vierge avec l’en- fant Jésus et saint Jean, de Mignard, tableau qui fait époque dans la vie du peintre en ce qu'il rappelle, par la largeur du faire, le moelleux, la douceur dans l’en- veloppe des contours, celte morbidezza italienne qu’il venait alors d'étudier sur place pour ainsi dire, ta- bleau qui pour la facture s'éloigne ainsi notablement de la manière un peu sèche et compassée qu'il adopte 170 plus tard et qui prédomine dans les toiles du Louvre. Nous noterons également un Boucher de la plus grande dimension, allégorie représentant en plusieurs groupes largement peints les génies des arts; une grande marine de Hue, le combat du Formidable dans la baie d’Algésiras; Renaud et Armide, admirable composition de Jean-Baptiste Vanloo, supérieure peut- être à tout ce que l’on connaît de ce peintre par la pureté du modelé dans les nuds, la grâce, la fraicheur et le coloris; deux grands tableaux de Destouches, une chasse aux renards et surtout un tableau d’ani- maux, fruits et gibier, remarquable par la vérité, le fini et la couleur; quatre charmants Lancreis, dont deux noces villageoïses ; un grand Pater d’une haute valeur par la grâce, le charme et la richesse de la com- position, la finesse de la couleur et une conservation : irréprochable, une grande esquisse peinte du même représentant des danses dans un jardin, où l’on peut mieux encore peut-être apprécier la spontanéité, la vivacité spirituelle et l’excessive facilité de son pin- ceau; plusieurs Coypels, une petite tête de femme dans un cadre ovale en chëne auxquelles nous ajou- ierons deux têtes de Bour, une tête d'homme à per- ruque noire de Philippe de Champagne, où ces deux maîtres semblent avoir voulu luiter contre ce que l'on connaît de plus précieux dans les petits portraits hollandais ; un portrait en pied, grandeur nature, de la Revellière-Lépeaux herborisant dans la vallée de Montmorency, de Gérard , et que ce peintre des têles couronnées considérait comme le meilleur qu'il eût produit. : On rencontre encore dans cette salle le tableau de 171 la mort de Corésus par Fragonard; l'innocence se ré- fugiant dans les bras de la justice, pastel célèbre grandeur nature, par Mwe Lebrun; plusieurs petits tableaux, dont Diomède vaincu par Hercule, de Le- brun, de fort beaux tableaux de fleurs et 4 fruits, dontrun Vanspandonck/} 40 D «ire Ein Et comme la fleur d’un si ravissant bouquet on voit apparaître au fond de la salle, une délicieuse tête, por- trait d’une jeune fille couronnant un chien, chef- d'œuvre de Greuze, à qui l’on ne peut préférer même la fameuse lête du musée Pourtalès, et encore moins peut-être la cruche cassée du Louvre. Le peintre semble avoir voulu condenser ici tout ce qu'il y avait de grâce, de finesse, de candide expression et de sua- vité dans son pinceau. On remarque encore comme appartenant à T'École française quelques autres iableaux, els que un grand Restout, le bon Samaritain, sainte Anne instruisant la Vierge, de Deshayes, et surtout une Vierge de Michel Corneille, d’une véritable valeur. Les Écoles italienne, espagnole, flamande et hol- landaise ont aussi pour les représenter dans cette salle quelques œuvres importantes. Nous citerons d'abord deux grands et excellents Philippe de Champagne qui se distinguent par l’ex- pression, l'animation et la couleur, qualités que n’a pas toujours ce peintre, autant que par la sagesse el l'art de la composition, à savoir : les disciples d'Em- matüs et Jésus au milieu des docteurs , tableaux qui mériteraient les honneurs de la gravure ; un paysage d'Askaer avec de petites figures admirablement tou- chées; les baigneurs de Pollembourg et les petites 172 voyageuses de Lontherbourg; l'enlèvement des Sa- bines, composition capitale de Miéris, étudiée comme uu tableau d'histoire; le repas des dieux de Rotheina- mer, d’un fini et d’une couleur incomparables, dont le paysage est peint par Breughels de Velours, œuvre capitale d’un maître dont les ouvrages sont rares et dont aucun n'existe dans les musées de Paris ; trois charmants Téniers bien authentiques; la femme ky- dropique de Gérard Dow, première pensée, qui ne comprend que la femme et le jugeur d’eau, du célèbre tableau qui lors de la conquête de la Hollande passa du cabinet du Stathouder au Louvre; le nôtre laissé par le peintre à divers degrés d'achèvement est d'un grand intérêt en ce que plusieurs parties ont atteint leur perfection dernière et que l’on peut suivre dans les autres les évolutions par lesquelles elles devaient successivement passer pour arriver enfin à ce fini précieux, cachet du talent de Gérard Dow et qui le rend à peu près incopiable; deux grandes batailles de Casanova que nous aurions dû peut-être placer parmi les toiles françaises ; le Temps et la Vérité, magnifique Guerchin, d’un effet si puissant que quelques-uns y voudraient voir un Calabrais; un grand portrait du sculpteur François Flamand, par Jordaens, d'une beauté rare comme couleur, modelé, largeur de faire et effet, et un saint Sébastien du même; d’autres têtes très remarquables attribuées jadis à Van-Dick ; un chien écrasé par un pan de muraille, peinture d’une vérité de détails et d'expression saisissante, de Snyders; une copie ancienne de la Charité d’Andréa del Sarte, belle comme l'original et qui devrait plutôt peut-être être regardée comme une reproduction; un 173 Carrache:; un Féti; un saint Charles Borromée, su perbe tête du Dominiquin; une tête d'enfant d'un rare mérile attribuée à Murillo; un saint Pierre, de Ribeira; un précicux Breughels de Velours. repré- sentant Bacchus et des nymphes; un joueur de violon, figure pleine de verve, de Honthorst; plu- sieurs Rubens, dont un sylène ivre soulenu par des satyres, d’une superbe couleur; un Pierre Necf, in- térieur d’une basilique, qui rappelle ses deux tableaux . du Louvre, d’une grande finesse de ton; enfin un pré- cieux paysage de la jeunesse de Ruysdaël , signé et daté, égal pour la vérité et la fermeté de la touche à ses meilleurs. On remarque encore dans cette galerie une grande Assomption d'une heureuse composition; les anges groupés autour de la Vierge forment une espèce de spirale et semblent l'emporter vers le ciel. Cette pein- ture est de Van Thulden et participe à la fois de Van- Dick ei de Rubens, c’est dire qu’elle est de la plus heureuse composition et de la plus belle couleur. La seconde galerie est entièrement remplie de {a- bleaux de l'École française du dernier siècle et de celui-ci. On y voit plusieurs irès grands et très beaux tableaux d'histoire : le corps d'Hector rendu à Priam et à Andromaque, de Vien; le grand-prètre Éléasar refusant de sacrifier aux idoles, de Berthélemy ; Ulysse et Astianax, de Menageot; la mort de Cléo- pâire, du même; l'arabe pleurant son coursier, de Mauzaisse ; les sept chefs devant Thèbes, de Me Mon- gez, élève du peintre David, etc. On y remarque encore dans les toiles moyennes un beau Henri Lehmenn, qui a eu les honneurs de l'Exposition uni- 174 verselle; le Paul Véronèse au Lido, de Pignerolles ; Clothilde allant trouver Clovis, de l'Étang ; la de- mande en mariage et la Vendetta, de Bodinier; plu- sieurs têtes du même; deux tableaux d'Appert et plusieurs beaux paysages d’Aligny, Turpin de Crissé, Barbot , Francesco, et un grand portrait par Rivière de M. Bineau, né à Saumur et mort ministre des finances en 1855. C’est dans cette salle que se trouve l’alchimiste, de Vetter ; la copie par Chopin de la prise d'une porte de Constantine, de H. Vernet, et choses curieuses, les seconds prix : 1° de Girodet, la mort de Tatius: 2% de Gérard, Joseph reconnu par ses frères ; 3° de Thevenin, même sujet; 4° de Lethiers, la femme adultère, et 5° de Lenepveu, Fabius appelé au commandement. N'oublions pas les petits tableaux des trois Grâces et de Zéphir et Psyché, ce dernier qui a été gravé, de Regnaud. A l'extrémité de cette galerie, on entre à droite dans une petite salle carrée, où sont les portraits en pied de Louis XVIIT adolescent, de Napoléon Ir, de Louis XVIIL, roi de France, de Charles X et de Louis-Phi- lippe. On y voit encore la Phèdre de Trézel, une grande neige, de Malbranche; quelques tableaux intéressants par leur date ancienne et plusieurs beaux paysages flamands. Après avoir terminé cette revue rapide de ce que le musée de peinture peut offrir de plus intéressant, il est deux observations qui se présentent naturellement. 175 D'abord on se prend à regreiter que l'étendue du local soit aussi restreinte; n'est-il pas fâcheux, en effet, qu'il ait fallu reléguer dans l'escalier tant d’ex- cellentes choses, car une fois entré dans la galerie, le visiteur ne tient nul comple de ce qu'il a laissé der- rière , et le musée, pour lui, perd ainsi beaucoup de son importance. De plus, même avec ce supplément, l'espace est tellement rempli dans les galeries que l’on trouverait difficilement moyen d'y introduire de nou- veaux tableaux. Lors de la restauration du musée, cet encombrement avait été prévu et l’on avait décidé qu'il serait construit une troisième galerie en retour dans l'aile orientale des bâtiments , laquelle commu- niquerait avec la seconde galerie par une large arcade. Mais on était loin alors de supposer que la nécessité de ce nouveau local dût se faire bientôt sentir, et l’on crut pouvoir en ajourner l'exécution. Il est évident, maintenant, que le moment est arrivé de donner ce complément indispensable au musée des tableaux, d'autant que cette nouvelle galerie, dès son inslal- lation, pourrait se trouver en grande partie garnie par les tableaux qu'on retirerait de l'escalier. On pourrait encore rattacher à cette galerie nou- velle, une quatrième galerie, dont le besoin n’est pas moins urgent, pour recevoir exclusivement les gouaches, aquarelles, miniatures, dessins des maîlres, dessins d'architecture et gravures dont notre musée possède un très grand nombre, collection d’un im- mense et inconiestable intérêt pour l’élude, et qui s’augmenterait rapidement par des dons privés, parmi lesquels nous pouvons signaler, dès ce moment, de nombreux dessins qui lui sont destinés par plusieurs 176 amaleurs. Ceite quatrième galerie se trouverait dans l'aile du nord, au-dessus de la petite galerie de la bi- bliothèque et serait parfaitement appropriée à des objels qni demandent à être vus de près. Enfin, il serait grandement désirable et facile d’uti- liser la partie supérieure de la vaste cage de l'escalier de la bibliothèque et d’y établir, au point d’intersection de la troisième et quatrième galerie, un salon carré pour les tableaux provenant de dons privés, qui, si nous devons en croire de flatteuses espérances, de- viendraient un jour une source de grandes richesses pour notre collection, laquelle, alors, pour la peinture de la fin du xvin° siècle et du xix° siècle surtout, ne resterait pas au-dessous des musées si remarquables sous ce rapport de Toulouse et de Montpellier. Une autre réflexion que l’on ne peut s'empêcher de faire, c'est que, lorsque tant d’autres villes, Nantes, Bor- deaux, Avignon, Montpellier, etc., font de continuels efforts pour augmente: l'importance de leurs musées, le nôtre reste stationnaire, privé qu'il est detout moyen de soutenir l'espèce de concurrence qui lui est faite par ces redoutables émules. Bien entendu que ce que nous disons ne s'entend pas de la tenue matérielle: nous re- connaissons au contraire que sous ce rapport la subven- Lion paraît suffire, car le service est ici admirablement bien organisé et mieux qu'ailleurs peut-être, mais ne faut-il donc pas que toute chose progresse sous peine d’être distancée dans le mouvement général, et n’est: il pas dans les nécessités de l'existence des collections d'art, qu'elles augmentent indéfiniment, soit pour multiplier les moyens d’études, soit pour exercer, en excitant incessamment la curiosité par l’appât de 177 nouveaux alimeals, une action plus énergique sur le goût public qui tende à la fois à le stimuler, à le former et à l’épurer. Il faudrait donc à ce point de vue que l'administration du musée püût être mise à même de profiter des occasions qui peuvent se présenter pour enrichir chaque année ses galeries de quelques bonnes toiles. Sans parler des tableaux anciens que l’on peut souvent acquérir à des prix modérés, uniquement parce que de trop grandes dimensions les excluent des cabinets privés, il est des tableaux de peintres vivants qui auraient un immense intérêt pour ces nombreux amateurs des deux sexes qui cultivent ici la péiniure à l’huiie, et à qui les bons modèles font plus ou moins défaut dans certains genres, tels que le paysage moderne et les tableaux dits de genre. Or, ces tableaux, les musées les obtiennent généralement à des conditions favorables, parce que l'artiste sait que là, par la conservation indéfinie et par la publi- cité qui leur sont assurées, ils ne seront pas perdus pour sa renommée. La subvention actuelle du musée étant presque entièrement absorbée par les frais d’entre- tien, de transport d'objets d'art, etc., il faudrait donc une allocation spéciale pour les achats, et si l’on doit s’en rapporter au dire des hommes les plus compé- tents, dans les conditions où peuvent se faire ces ac- . quisitions de la part d’un musée, une somme de 2,000 fr. suffirait pour mettre le nôtre en position de ne redouter aucune rivalité fâcheuse. Faisons observer pour ceux.qui dans un budget d’un million s’effraye- raient de voir faire cette aumône aux beaux-arts, qu'il _n’y aurait ici rien à perdre, mais bien plutôt à gagner pour la ville, car chaque année cette somme s’immo- 49 4 178 biliserait dans un capilal de tableaux dont le temps augmenterait énormément la valeur et dans une pro- gression dont la comparaison des ventes publiques faites depuis cent années peut faire comprendre la certitude et la rapidité. Rapelissée aux proportions d’une simple spéculation financière, la ville aurait donc là encore une bonne affaire à accomplir. MUSÉE D'ARCHÉOLOGIE. Après avoir terminé l'examen de ce que nos musées de sculpture et de peinture pouvaient nous offrir de plus intéressant et constaté leur état présent pour l'instruction des amateurs à venir, après y avoir en quelque sorte étudié l’art pour lui-même et en lui- même, nous allons revenir au musée d'archéologie que nous avions laissé sur notre route, et qui, à cer- tains points de vue généraux, se rattache aussi à l’his- toire des beaux-arts en nous faisant assister aux ré- volutions que dans des temps plus ou moins éloignés la sculpture et les arts du dessin ont pu subir dans leurs applications aux édifices ou aux objets de toute nature qui entrent dans les usages ordinaires de la vie. L’archéologie a été installée en 1855 dans deux salles voñtées qui faisaient partie du musée David et qui communiquent avec la grande galerie par une porte siluée au milieu du côlé gauche. Ces salles éclairées au couchant sur une cour intérieure pré- 179 sentent réunies une longueur de 18 mètres sur une largeur de 8 mètres 1/2. La première a trois de ses côlés garnis d’armoires vitrées et le fond de la seconde est occupé par des ar- moires semblables. Deux rangées de meubles précieux par le travail et l'ancienneté sont disposées dans la première, et trois autres rangées dans la deuxième; leur dessus est garni de montres vitrées où sont exposés les petits objets. Dans la première salle les armoires de gauche sont remplies d'émaux précieux, de rares échantillons de faïences italiennes et de Bernard Palissy, de médailles et médaillons modernes. D’autres en face renferment des antiquités grecques et romaines et quelques vases étrusques, des médailles, etc.; les autres meubles contiennent également soit des antiquités, soit des objets se rapportant à l’ethnologie dont l’origine ne se rattache pas à l'histoire locale. Nous en excepterons toutefois une nombreuse collection de vases, poids et objets divers de la période gallo-romaine dont la majeure parlie a été découverte en Anjou. Dans la seconde salle on a classé dans cinq grandes armoires vitrées les objets de pelit volume trouvés dans les cinq arrondissements du département : ils sont nombreux et variés et classés chronologique- ment. L'on y a joint une suite de dessins et aquarelles des monuments celtiques des cinq arrondissements avec un échantillon de la roche dont ils sont formés. C’est dans cette salle que l’on voit des spécimens curieux de la calligraphie ancienne et notamment une charte de Charlemagne. 180 On y a rassemblé un grand nombre de morceaux de sculpture monumentale ancienne tant en bois qu'en pierre et des moulages pris sur des monumenis de l’Anjou qui fournissent journellement à nos sculpteurs ornementistes des modèles à étudier et à imiter. Enfin parmi les raretés de ce musée, nous devons signaler les tombeaux gallo-romains en plomb décou- verts dans les travaux de lerrassements enirepris pour construire la gare d'Angers en 1847; on n’en ren- contre nulle part ailleurs de semblables, dit-on. Le musée d'archéologie, quelle quesoitsonimportan- ce, est d’une fondation toute récente : elle ne remonte en effet qu'à 1845. C’est à l'initiative éclairée et active de M. Godard-Faulitrier, secondée par la Société impé- riale d'agriculture, sciences et arts d'Angers, et par les découvertes et acquisitions de sa Commission ar- chéologique, que notre ville a dû de se voir ainsi dotée presqu'instantanément de ces collections intéressantes pour l’histoire locale, qui sont venues compléter l’en- semble de nos établissements scientifiques. En voyant tout ce que le zèle du savant directeur est parvenu à rassembler en si peu d'années, on doit beaucoup pré- sumer et espérer de l’avenir de ce musée, mais cet espoir même est un motif pour déplorer la détermi- nation qui l’a placé dans un local qui sera bientôt in- suffisant, puisque déjà l'encombrement tend à s'y faire sentir. Le choix a été d'autant moins heureux que l’on ne pourra l'agrandir par des constructions nouvelles qui soient en complète harmonie avec les salles actuelles et qui ne nuisent pas à la distribution de la lumière. Si l’on se décida à affecter ces salles 181 au musée d’antiquités, ce ne put être que sous l’in- fluence de préoccupations économiques, et quoique l’on ait pu dire, nous persisterons toujours à penser qu'il eût été grandement préférable d'adopter le projet proposé par la Société impériale d'agriculture et par sa Commission archéologique , projet en vue duquel elle demanda et oblint du ministère de la guerre l’aile droite des bâtiments de Toussaint pour y établir ce musée pour lequel les belles ruines de l'église fussent devenues une entrée aussi pittoresque qu'originale où eussent été déposés tous les objets de trop grande dimension pour prendre place dans des salles. Du reste le choix qui a été fait du local actuel a été doublement fâcheux, car il a privé le musée David de deux salles dont le besoin va se faire impérieusement sentir par l'extension qu'il doit prendre et qui auraient permis de disposer de la salle de ïa jeunesse de David, pour y placer une partie de la statuaire antique lors- que celle-ci recevra l'accroissement qu’exige l’impor- tance actuelle des études sculpturales dans l’ensei- gnement de notre École municipale. Toujours est-il que l’adminisiration va se trouver forcément placée, bientôt, entre ces deux termes : Ou replacer le musée des antiquités à Toussaint, sauf à le relier par une communication particulière avec les autres musées ; Ou le maintenir tel qu'il est, mais en l’augmentant par des galeries vitrées construites dans la cour de la bibliothèque , et dans ce cas, en outre, bâtir une an- nexe aux galeries de sculpture. La part assignée à cet établissement dans le budget 132 général paraît d’ailleurs devoir suffire à ses besoins. Plus favorisé même sous ce rapport que ses émules et n'ayant d'autre dépense que celle d’un gardien, il a vu son allocation s'élever spontanément de cent francs ceite année. Après avoir ainsi successivement parcouru tous ceux de nos musées qui complètent par leur ensemble l’his- toire des arts du dessin en lui-même, et dans ses évo- lutions et ses applications variées, nous allons visiter le musée d'histoire naturelle, dont l’examen eût dû rationnellement suivre notre promenade au jardin botanique, mais que nous avons été contraint de re- porter ici à raison de la position où il se trouve placé relativement aux autres musées dans les locaux qui leur sont assignés. MUSÉE D'HISTOIRE NATURELE£E. L'origine du cabinet d'histoire naturelle comme celle des autres musées se confond avec l’établis- sement dans nos murs d'une Ecole eentrale. L’en- seignement donné dans ces Ecoles, par la diversité des matières qu’il embrassait et par la large place qu’il accordait aux sciences, se rapprochait beaucoup de celui de l'Ecole supérieure récemment inaugurée et ayant si heureusement acquis droit de cité parmi nous. Il n’en différait guères qu’en ce que l’élasticité du programme permettait aux professeurs de se mou- voir plus librement dans les conditions de leur talent 182 et de leur savoir et leur laissait la faculté de pouvoir toujours, selon leurs appréciations personnelles , éle- ver ou abaisser la portée de leurs leçons d’après le degré de capacité ou les tendances de leur auditoire, de manière à les lui rendre le plus profitable possible. On y donnait aussi moins d'extension aux considéra- tions générales, aux idées purement théoriques , aux aperçus philosophiques, aux séductions et aux arti- fices du langage, pour s'attacher davantage à bien définir et préciser les principes et à développer la partie technique des sciences , de manière à tracer pour les esprits sérieux une voie sûre et fortement jalonnée qui leur permit de se livrer ultérieurement à des élu- des personnelles solides et fructueuses. Cet enseignement qui comprenait une chaire d’his- toire naturelle , science qui pour la première fois de- vait avoir un interprète dans l’ouest de la France, motiva la création du cabinet. Renou , ancien directeur des travaux miniers des houillères de Montjean, ayant été contraint en fuyant devant l'insurrection vendéenne , de se réfu- gier à Angers, fut choisi pour professeur et directeur du cabinet. D'un caractère doux et affable, d’un ex- térieur simple et bienveillant , aimant passionnément la science et sachant la faire aimer , il possédait des connaissances étendues en minéralogie et n'était étranger à aucune des autres branches des sciences naturelles qu'il avait cultivées en amateur zélé et éclairé. Chevreul, Bastard, Guépin, Millet et plusieurs autres hommes distingués de cette époque s’assirent sur ses bancs et il eut le mérite, plus rare qu'on ne pense , de faire des élèves. C’est que dans son profes- 184 sorat des connaissances spéciales lui permettaient d'abandonner souvent le vague des systèmes et les abstractions des généralités pour faire appliquer par ses auditeurs les diverses méthodes de classification alors connues, et les familiariser avec l'usage de ces instruments d’études. Il leur apprenait à observer, à voir par eux-mêmes , et surtout à s'initier directe- ment à la connaissance de l'espèce, cette base consti- tutive de toute science d'observation, et qui seule peut offrir aux esprits qui viennent à se sentir assez forts pour vouloir plus tard généraliser et s’élever vers les hauteurs de la science, des points de départ, qui, vé- rifiés à l'avance, puissent les guider avec quelque cer- titude dans cette marche, autrement si aventureuse, du connu vers l'inconnu. C'est surtout en histoire naturelle que la méthode analytique qui s'appuie d’a- bord sur la connaissance et la juste apprécialion des entités spécifiques, devrait toujours dans l’enseigne- ment précéder la synthèse, ou au moins concourir avec elle, pour que l’on ne courût pas risque de s’é- garer en se trouvant réduit à ne voir jamais que par les yeux d'autrui. Si Pline a dit : cum in contempla- tione naluræ nihil possit videri supervacuum, Cuvier de son côté , bien que cette haule intelligence, par une tendance particulière à sa nature, se sentît sans cesse entraînée vers la généralisation la plus large dans la distribution des êtres animés, reconnaissait aussi que le fondement de ioute science en histoire naturelle git dans la connaissance de l'espèce. Renou, qui avait étudié les espèces , avait par suite: formé d’imporlantes collections locales, surtout em minéraux qu’il connaissait bien. Il était parvenu à em ! 185 sauver une partie devant les menaces de pillage et d'incendie qui étaient venu effrayer la rive gauche de la Loire, et ces épaves de la science, arrachées à la tempête de la guerre civile, formèrent le premier fond du cabinet d'histoire naturelle auquel vinrent s'ajouter quelques objets recueillis çà et là, dans les maisons religieuses. Mais ce qui donna tout d'abord une certaine impor- tance à cet établissement, ce furent les divers échan- tillons, minéraux, madrépores , coquilles, oiseaux et quadrupèdes qu’iloblint en nombre notable du cabinet de Paris par l’ordre exprès de Larevellière-Lépeaux. Renou avait en effet, comme nous l’avons déjà dit plus haut, accompagné à Paris le professeur Marchand, chargé de l'organisation du musée de peinture, et comme lui, il avait pu mettre largement à profit l’'empressement et la sollicitude que montrait Lare- vellière-Lépeaux pour doter sa ville natale d’établis- sements scientifiques et arlistiques. Aussi, dès son ouverture qui eut lieu vers 1798, le cabinet prit-il une position exceptionnelle, supériorité qu’il conserva jusqu’au moment où, sous l’Empire et la Restauration, la création de nouveaux centres aca- démiques, provoqua la fondation ou l'extension d’autres établissements qui, avec des allocations bud- gétaires plus élevées, purent profiter largement des circonstances heureuses que leur offrait la paix géné- rale pour s'enrichir, en mammalogie et en ornithologie surlout, de genres et d'espèces exotiques qui man- quent ici. D'ailleurs avec Renou, s'était éteinte subitement Vimpulsion intelligente et vigoureuse qui avait été 186 imprimée au cabinet lors de sa naissance. L'école centrale supprimée sous l'Empire, le cabinet avait cessé d’avoir un Directeur spécial et élait passé comme annexe dans les attributions du Directeur du jardin botanique. Or, Bastard, qui avait succédé à Merlet dans la direction du jardin , avait trop d'améliorations à y introduire , et trop de choses à trouver et à étudier dans la flore départementale sur laquelle il n'existait alors ni ouvrage, ni documents même d’aucune espè- ce, pour qu'il ne senlit pas la nécessité d'y concentrer sans partage toute son activité. Le cabinet se trouva donc ainsi forcément délaissé et resta abandonné aux soins inintelligents d’un vieil employé , incapable de remplir les fonctions de préparateur et même de con- servateur qui lui étaient dévolues, Le docteur Bastard en quittant en 1816 le jardin des plantes , laissa donc le cabinet, sauf quelques pertes que l’incurie du gardien lui avait fait éprouver, au même état où il l'avait trouvé à la mort de Renou. Il n'occupait alors qu’une salle unique au second étage, celle qui forme maintenant la galerie de gauche du musée de peinture. Elle contenait dans 14 armoires tout ce que possédait le cabinet. Les oiseaux en oc- cupaient le côté droit, les quadrupèdes deux armoires à gauche, les coquilles et les minéraux quaire autres armoires du même côté. Trois tables, portant des verrines où se trouvaient quelques oiseaux exoliques, achevaient de former le modeste ensemble de ces col- lections. M. Desvaux , qui succéda à Bastard dans la double direction du jardin botanique et du cabinet, pensa qu'il pouvait se borner pour le premier de ces éta- 157 blissements à le maintenir tel que le lui avait légué son prédécesseur et après quelques années données à l'étude de la botanique locale , il s’appliqua presque exclusivement à l'agrandissement du cabinet et au développement de ses collections. Il commença par faire intercaler des armoires et des vitrages dans tous les intervalles des armoires alors existantes et consacra cette première salle aux vertébrés. Puis , il fit disposer pour le reste des col- lections une autre grande salle, qui comprenait tout l'espace correspondant au vestibule et à la galerie de droite du musée de peinture , qui fut entourée d’ar- moires vitrées où fut placée la minéralogie. Plusieurs meubles établis au milieu de cette salle , reçurent la conchyologie vivante et fossile. M. Desvaux par des courses multipliées dans toutes les saisons et par des relations personnelles , que lui rendit faciles le rang qu'il tenaït dans la science bo- tanique, parvint à augmenter considérablement la galerie ornithologique. Les préparations furent con- fiées à un sieur Renaud, ancien chef de la maison de Serrant, peu habile comme artiste, et manquant d’or- dre et de propreté, qualités essentielles dans le poste qu'il venait occuper. Toutefois il prépara un grand nombre d'oiseaux du pays qui, surtout dans les pe- lites espèces, faisaient défaut dans la collection, aux- quels vinrent se joindre peu après une collection de 80 individus montés, que nous donnâmes au cabinet, et une suite d'oiseaux exotiques donnés par M. d'Oy- sonville , de sorte que l'ornithologie gagna notable- ment en importance comme moyen d'étude. Mais l’attention de M. Desvaux se porta plus parti- 188 culièrement encore sur la minéralogie. Il l’enrichit d’une collection nombreuse qu’il avait amassée et qui porta avec des acquisitions subséquentes le nombre des échantillons de la collection générale à 3,400. Il entreprit de plus, et parvint à organiser une col- lection départementale composée de plus de 1,200 échantillons. Cette dernière collection, dont, par un louable serupule, M. Boreau a laissé subsister l’étique- age qui avait été fait par M. Desvaux, présente la classification proposée par ce dernier dans son inté- ressant travail sur la minéralogie départementale, in- séré dans les annales de la Société impériale d’agricul- ture, sciences et arts d'Angers, année 1834, mémoire dans lequel M. Desvaux a évidemment mis Jargement à contribution, quant aux substances et espèces mi- nérales, et à leur gisement, un travail rédigé par Bastard et par lui confié au docteur Ollivier d'Angers, travail qui résumait tout ce que ses recherches et celles de Renou, son maitre, lui avaient appris. M. Desvaux ne négligea pas non plus la collection conchyologique. Il l’augmenta de plusieurs genres et de nombreuses espèces, surtout dans les terrestres et fluviatiles. Il y joignit beaucoup d'espèces fossiles de la Gironde et du bassin parisien. Dans ces der- nières, on remarque surtout une collection de Gri-. gnon, très intéressante, donnée au cabinet par Mne Ranté, née Ménière, et nommée par feu M. De- france. M. Desvaux conserva la direction du cabinet de 1317 à 1838, qu'il fut remplacé par M. Boreau, di- recleur acluel. Avec son zèle et l’ardeur qu'il montrait pour donner au cabinet un développement 189 convenable, il est grandement à regretter qu'il ait trouvé aussi peu de secours dans le préparateur d’a- lors, qui ne se distinguait ni par l’adresse, ni par le goût, ni même par l’amour du travail. Ce préparateur, qui avait pris le titre de sous-direc- teur, mourut en 1849. Quelques mois auparavant, la ville avait traité avec M. Deloche, de sa nombreuse et belle collection d'oiseaux d'Europe, qui fut dans la même année transférée au musée, avec un assez grand nombre de sujets donnés à la même époque par MM. Millet et Raoul de Baracé. Une grande partie des oiseaux anciens fut dès lors éliminée, mesure qui s'é- tendit successivement à la presque totalité de ceux qui formaient le vieux fond et qui embrassa égale- ment les collections particulières données au musée. De sorte que, sauf une vingtaine d’espèces, il ne resle plus dans la galerie que les oiseaux montés par M. Deloche ou remaniés par lui. Comme nous l'avons dit en commençant, le cabi- net d'histoire naturelle occupait, sous M. Desvaux, l'étage supérieur du bâtiment; mais des travaux de réparation entrepris en 1850, ayant conduit à une ap- propriation générale des locaux destinés aux divers musées , celui de peinture, que l’on jugea indispen- sable d'éclairer par des jours perpendiculaites, fut porté au second étage, ce qui amena le cabinet d'histoire naturelle au premier. Sa distribution qui dut être la même que celle des musées de sculpture et de peinture, entre lesquels il se trouva ainsi interposé, lui donna un vestibule central ouvrant sur le palier du grand escalier, avec galerie à gauche et à droite. Il s’est accru de deux autres salles 130 à la suite de cette dernière, l’une où sont les quadru- pèdes, l’autre consacrée aux reptiles , poissons, échi- nodermes, madrépores, etc. Le vestibule a 7 mètres de longueur, la grande galerie à gauche 22 mètres et celle à droite 17 mètres. Les trois appartements réunis forment en ligne droite un développement total de 47 mètres. Les deux petites salles, à peu près carrées, ont de 7 à 8 mètres. La galerie de gauche renferme la collection orni- thologique européenne, classée dans trente armoires vitrées à trois baltants, et offrant un développement de façade de 45 mètres de longueur sur 3 mètres 1/2 de hauteur. Au milieu de la salle est un meuble vitré d'environ 15 mètres de long sur 4 mètre de haut, et 1 mètre 30 de large, qui est exclusivement occupé par le seul genre Anas (canard), et qui ne renferme pas moins de 106 individus. Le dessus de ce meuble forme une immense montre vitrée où sont placées une collection considérable d'œufs et de nids, une collection de lépidoptères d'Anjou ei d’autres parties de la France de plus de 600 espèces, des lépidoptères et coléoptères exotiques. Bien que l’ornithologie européenne dispose d’un si vaste local ; elle a dû envahir encore quatre grandes armoires, à trois battants, du vestibule. Les trois au- tres et une verrine octogone de 1 mètre de diamètre sont remplies par des oiseaux exoliques. Dans son élat actuel la collection ornithologique européenne présente le plus riche et le plus ravissant ensemble. Elle ne compte pas moins de 1,500 indi- vidus, lous de choix, sauf une vingtaine peut-être, et 191 qui pour la fraîcheur, l’irréprochable conservation et l'art infini de la préparation, peuvent lutter avec tous les sujets d’élile que l’on trouve de loin en loin dissé- minés dans les autres musées. Ici on a cherché surtout dans les espèces de l’ouest de la France à rassembler tous les états sous lesquels elles peuvent se montrer, depuis le moment de l’éclosion jusqu’à l’âge le plus avancé. La collection de nids et d'œufs complète cette histoire de chaque espèce, qu'on chercherait vainement ailleurs et qui en faisant l'admiration des curieux, excite au plus haut degré l'intérêt des savants. Le Tringa pugnax, par exemple, nous montre ses œufs tels qu'il les dépose sur la grève, ses petits à peine éclos et couverts du duvet des premiers jours, les premières livrées, la femelle et des variétés du mâle en plumage de noces, louies admirablement tranchées dans leurs couleurs, et s’élevant à 50 individus! Ce que nous disons de cette suile sans prix et, dit-on, unique en Europe, on peut le dire pour un grand nombre d’autres espèces, dans les échassiers, palmipèdes , oiseaux de proie, passe- reaux, etc., etc. Nous avons notamment dans les va- riélés de buse, dans les hérons gris et pourprés, dans les gallinacés, dans les merles, les moueties, grê- bes, etc., une foule de choses admirables. L'ornithologie européenne compte ici près de 400 espèces, et c'est surtout à la compléter le plus possible que tendent les efforts de l'administration. Parmi les espèces entrées au cabinet depuis la notice que nous publiâmes en 1850, et dans laquelle nous donnâmes la liste de ses oiseaux d'Europe, nous citerons les sui- vantes : Aquila nœvia. Falco candicans. — Gyrfalco. — Kobez. Strix funerea. — Laponica. — litturata. — Tengmalm. Picus Martius. Cuculus americanus. Pyrrhula coccinea. — serinus. Cannabina citrinella. Emberiza aureola. — pyrrhuloides. — melanocephala. Parus bicolor. — remiz. — pendulinus. Pica cyanea. Graculus iliceti. — infausius. Hirundo russula. 192 Lanius meridionalis. — nubicus. Alauda taiarica. Sylvia provincialis. Ceïlia melanopogon. Silla uralensis. Merops savignyi. Coracias garrula. Certhia costa. Columba migratoria. Pratincola glareola. Ardea alba? var. major? Ibis religiosa. Totanus fuscus. — stagnaiilis. — Bartrammia. Larus eburneus. — glaucus. Sterna leucoptera. Hybrida. | Anser œgyptiaca. Anas angustirostris. Mergus cucullatus. Le mauvais état et le montage peu soigné de la plupart des oiseaux exotiques de l’ancien fond ont contraint d'en réformer la plus grande partie. Notre musée n’est donc pas à beaucoup près aussi riche sous ce rapport que plusieurs autres, mais dans ce qu’il possède, il se trouve encore de bonnes et belles choses. Nous citerons pour exemple les autruches d’Afrique et d'Amérique, et un superbe condor, mou- 193 iés en chair par M. Deloche, et qui sont des sujets d’une beauté exceptionnelle comme animaux etcomme œuvres d'art. Dans la galerie de droite la minéralogie générale, composée comme nous l'avons dit de plus de 3,400 échantillons, occupe treize armoires vitrées à deux baitanis, et la minéralogie départementale cinq autres meubles semblables. On remarque dans la première de ces collections de belles suites de cristaux, de beaux échantillons des cuivres de Chessy, de fer spa- thique de l’île d'Elbe et des Pyrénées , une collection nombreuse de marbres, etc., etc. On y voit aussi une suite d'empreintes de poissons de Vestena-Nuova, rapportées par Bonaparte lors de ses premières victoires d'Italie, qui sont d’une remarquable beauté. L’aérolithe tombée à Angers le 3 juin 1822, ainsi qu'une de celles tombées à Laigle en 1803 y sont aussi exposées. On irouve aussi dans cette salle une collection de 120 espèces de fossiles de la Bohême, contenant de précieux échantillons de plusieurs genres de crustacés et de bivalves ; une collection géologique du bassin parisien nommée par Charles d'Orbigny, etc., etc. C'est dans la salle de droite, située à l'extrémité de cette galerie, que sont placés les mammifères, au nombre de 188 individus. Sauf un petit nombre, ils ont été montés sur le frais par M. Deloche, et se font ainsi remarquer par l'exactitude scrupuleuse avec la- quelle ont été reproduits les proportions, la vérité des formes, le naturelet l’individualité des poses. Nulle part on ne voit rien de mieux, et l’on doit observer que cebel ensemble ne présente ici aucune exception fâcheuse, comme cela se voit fréquemment dans d’autres musées. 43 194 On remarque principalement un lion mâle, une panthère, plusieurs léopards, le raton laveur, elc., une suite de singes fort intéressante et parmi les es- pèces du pays, la genette, un vieux sanglier et les deux variéiés du loup ordinaire que les chasseurs désignent sous les noms de chevalin et moutonnier, deux races qui, d’après les spécimens du musée, pour- raient peut-être constituer des espèces. Le loup che- valin est en effet sensiblement plus haut sur jambes, plus svelte, ayant la tête et les extrémités plus fines, le pelage plus court, plus fin et plus noir. Le mou- tonnier plus bas, plus trapu, ayant les pattes sensi- blement plus grosses, la tête proportionnellement plus grosse aussi, le museau plus court, le crâne plus large , a le poil plus long, plus épais et comme lai- neux. Selon que leurs noms l’indiquent, on aurait observé que l’une de ces races attaquerait particuliè- rement les chevaux et l’auire les moutons. Il est fâcheux que le peu d'espace de cette salle soit devenu un obstacle à l'extension de la collection de mammalogie. L’on ne pourrait plus désormais y faire entrer que quelques petites espèces, ei le cabinets’est trouvé dès lors empêché de profiter d'occasions pré- cieuses qui l’eussent enrichi de plusieurs grands et beaux animaux. À La salle de gauche, qui est une ancienne salle du logis Barrault, où l’on a voulu conserver une cheminée gothique plus singulière que remarquable par l’exécu- tion, salle dont les solives ont été peintes dans le style de l’époque, contient les reptiles, poissons et polypiers. Les reptiles, qui comprennent toutes les espèces du département et un certain nombre d'exotiques, ont 195 &ié montés par M. Deloche, ainsi que quelques-uns de nos poissons fluviatiles, première ébauche d’une collection locale fort habilement réussie. On voit aussi une nombreuse collection d'espèces méditerra- néennes et du Nil conservées dans l'alcool et donnéé par M. de Joannis, ancien lieutenant de vaisseau. C’est dans cette même salle que se trouvent, dans trois ar- moires , les Echinodermes et les Radiaires. On y re- marque une suite nombreuse d’oursins fossiles déter- minés par le savant M. Michelin. La collection conchyologique est classée dans cinq meubles vitrés, de 2 mètres 1/2 chacun, placés au centre de la galerie de minéralogie. Elle est restée au même état où la laissa M. Desvaux, c’est assez dire qu'elle ne répond plus à l'importance qu'ont prise ici les auires classes du règne animal. Son Genera n’est pas au niveau acliuel de la science, et quant aux es- pèces, elle n'offre guère que celles qui de toute an- cienneté composent le fond commun de toutes les collections privées, même les plus modestes , et en core ne se montrent-elles pas dans un état d’intégrité et de fraîcheur qui pourrait leur donner quelque in- térêt ; leur nombre n'excède pas 8 à 900. Cette classe d’invertébrés demanderait donc à être épurée et com- plétée. Sans avoir la prétention de lutter avecMarseille, Bordeaux, Caen, Brest, et autres villes dont les collections s’augmentent sans cesse, et sans bourse délier, par les dons des voyageurs, il est évident qu'il y aurait ici possibilité de faire quelque chose en se bornant à des achats modérés, mais poursuivis chaque année avec persévérance et inielligence. Malheureusement nous avons à signaler dans le 196 budget du cabinet cette affligeante pénurie que nous avons déjà rencontrée dans celui du musée de pein- ture. Les dépenses d'entretien absorbent en grande partie les fonds qui lui sont alloués, et ne laissent ‘que quelques centaines de francs pour les achats d'histoire naturelle; or, dans l’ornithologie euro- péenne, par exemple, qu'il s'agirait d’abord de complé- ter autant que possible, c'est dans les seules espèces rares et chères qu'il y a des vides à remplir, si bien que , même en leur consacrant exclusivement les fonds du budget actuel, il faudrait regarder comme indéfiniment reculé le moment où celte partie ‘capi- tale de nos collections pourrait être considérée comme suffisamment complète. Puisque nous avons cru pouvoir hasarder un vœu pour le musée de peinture, osons dire aussi qu'il suf- firait d’un supplément de 1,000 fr. pour assurer la prospérité de notre musée d'histoire naturelle. Son budget actuel se compose comme suit : Traitement d’un directeur : nul, la direction étant attribuée au directeur du jardin botanique. Traitement d’un sous-directeur et pré- DATA LGUR PATENT MR ET AT UT 1,100 fr. Frais d'entretien et achats . . . . . 800 OLA TN EE RME Or il paraîtrait indispensable de modifier ce chiffre comme suit : Traitement du sous-directeur . ., . . 1,300 ‘ Frais d'entretien, achats et autres. . . 1,600 Ho SU) Augmentation pour les achats 800 fr., soit environ 197 1,200 fr. pour cet objet. Le cabinet avec cette somme pourrait être d’ailleurs astreint à faire à ses frais toutes les dépenses de mobilier qui n’excéderaient pas un certain chiffre, ce qui rendrait plus faciles des améliorations nécessaires dans l'appropriation. Nous devons, du reste, faire observer que ce que nous demandons n’a rien qui doive beaucoup effrayer le budget municipal, car il ne s’agit guère en élevant le chiffre voté depuis plusieurs années que de régu- lariser un état de choses qui existe à peu près de fait, mais avec de nombreux inconvénients, en ce que toute allocation supplémentaire crée des difficultés de comptabilité et oblige à des demandes et à des dé- marches spéciales de nature à rebuter le zèle le mieux éprouvé. L'’insuffisance de la subvention actuelle est en effet si évidente que presque chaque année depuis la nouvelle installation on a dû réclamer des supplé- ments de crédit, ce qui n’a pas empêché qu'on ait perdu, pour enrichir les collections, des occasions qui ne se représenteront peut-être jamais. Ne serait-il donc pas digne d’une grande ville d'annoncer haute- ment dans son budget les encouragements qu’elle en- tend donner aux sciences et aux arts? et ne serait-il pas aussi plus profitable, pour une meilleure utilisation de ces ressources, de leur assigner chaque année un chiffre invariable, qui suffit pour servir de base aux prévisions d'achat , et permît de s'occuper à l'avance de les diriger vers ce qui est le plus urgent ? En rapprochant ce que nous venons de dire du bud- gel du cabinet de ce que nous savions du budget du musée de peinture, on peut donc affirmer qu’il suffirait d'une somme de 3,000 fr., ajoutée aux allo- 198 calions actuelles, pour les maintenir l’an et l'autre dans les meilleures conditions de progrès. Nous ne savons si l'intérêt que nous portons à ces établissements nous abuse, mais en observant avec quelle ardeur inattendue, partout où s’Ctablissent des Écoles supérieures , les cours sont suivis ; en ju- geant d’après le succès immense qu'obtiennent toutes les publications scientifiques et artistiques contem- poraines, des tendances de notre époque et du déve- loppement que prendront ces études dans l'avenir; en voyant enfin comme quoi s'accroît partout le nombre des adeptes des sciences naturelles et de ceux qui pratiquent ou apprécient les beaux-arts, nous ne croyons pas nous placer en dehors du vrai, en affir- mant que les esprits qui maintenant partagent à divers degrés ces tendances d’une civilisation plus élevée, se trouvent former la grande majorité des personnes qui voyagent en France. Or, quant à celles-ci, croit- on vraiment que lorsqu'elles viendront à se lancer sur celte voie de fer et de vapeur qui rapproche Paris et Nantes, il pourra suffire pour les décider à un temps d'arrêt dans la course rapide qui les entraîne vers l'un ou l’autre bat, qu'Angers vienne leur pro- meltre la vue de ses quais et de ses boulevards mo- dernes aux élégants hôtels, ou celle de ses monuments publics qui tous, sauf son vieux château peut-être, s’amoindrissent et se déprécient par une comparaison qui en étant devenue trop immédiate est plus acca- blante! mais supposez, au contraire, que nos musées grandissent d'importance et de renommée ? Supposez que de même que le jardin botanique nous fait voir croissant côte à côte ces séries de plan- 199 tes litigieuses, dont nulle autre part on ne peui ainsi faire la comparaison sur le vivant, notre musée d’his- toire naturelle de son côté vienne à posséder un plus grand nombre d'objets rares, des séries d'espèces, cer- tains groupes même peu étendus, mais qu'on ne trou- verait que là aussi complets. Supposez encore que de même que les galeries Da- vid nous montrent toutes les évolutions du puissant génie de l’illustre statuaire, les galeries de peinture vinssent ajouter à leurs richesses actuelies un certain nombre d'œuvres originales qui pussent aider à re- constituer ou à compléter l'histoire du talent de cer- tains maîtres, certainement alors ces quatre établis- sements auraient acquis une valeur absolue, qui attirerait puissamment vers eux el qui, pour être appréciée, n'aurait rien à voir, ni à craindre dans aucune comparaison avec leurs rivaux, eussent-ils pris les plus vastes proportions. L'ami des sciences, l'ami des arts, seraient alors fortement sollicités de nous visiter, et entraîneraient à leur suite cette classe nombreuse de gens qui vont où l’on va et uniquement parce que l’on y va et qui autrement eussent dédaigneusement brûlé l'étape. An- gers, qui n’a pour lui ni l'attrait particulier des places maritimes pour l'habitant des terres, ni celui des grandes villes pour qui cherche l'animation, les plai- sirs et les spectacles que donnent le luxe et l'excès des richesses, ni l'importance des grands centres in- dustriels pour les intérêts commerciaux, serait donc autrement oublié ou négligé. Qu'il se montre au con- iraire comme un lieu d’adopliou pour les sciences et les arts, et un avenir nouveau, dans les conditions 200 nouvelles que lui ont faites les chemins de fer, pourra encore lui sourire, en lui assurant une place à part parmi ces villes que chérissent les artistes parce qu'ils y Sont compris, que recherchent les savants parce qu'ils y trouvent des sujets d’études, et qui attirent tou- jours les esprits distingués parmi les gens du monde, ne füt-ce que parce que leur amour-propre se trouve flatté de pouvoir prétendre à d’autres jouissances que celles qui sont recherchées par le vulgaire des touristes. Ainsi donc faisons des vœux pour que nos édiles se pénètrent de plus en plus de ces idées, à la réalisation desquelles se rattachent des espérances d’avenir bien fondées, croyons-nous , et ils reconnaîtront en outre qu'en conviant ainsi dans nos murs une plus grande masse d'étrangers, notre ville non-seulement en re- cevrait un surcroit de mouvement et de vitalité, mais verrait aussi s’accroître le chiffre de sa population sédentaire et progresser par une augmentation cor- respondante de la consommation générale le chiffre des recettes municipales. Que d'améliorations! que d'avantages positifs à espérer donc en échange de quelques milliers de francs? Et encore serait-il sans doute possible de les trouver sans surcharger le bud- get et en se bornant à les y déplacer par une nouvelle affectation de crédit; serait-il donc impossible, par exemple, de les emprunter au chapitre des travaux publics, ce tonneau des Danaïdes toujours béant dans les budgets de toutes les villes et dont le fond vient toujours si fatalement à manquer pour engloutir, en dépit des prévisions les plus spécieuses, les ressources communales! 3,000 fr. de plus au chapitre des mu- sées, 3,000 fr. de moins aux fravaux publics sur: les ‘201 centaines de mille francs qui leur sont affectés, et la balance resterait la même ; avec cette différence tou- tefois, que d'un côté on aurait la certitude d’avoir augmenté d'autant le capital mobilier des musées, importante propriété communale, et que, d'autre part, il serait probable qu'avec un surcroit de zèle et d’éco- nomie le retranchement d’une si faible somme au chapitre des travaux publics pourrait passer inapperçu. La dernière feuille de cette Revue sortait de la presse, lorsqu'un envoi de la famille de David est venu réa- liser, et au-delà peut-être, les espérances qu'avaient conçues les admirateurs de notre illustre statuaire, et dont nous nous étions fait l'organe. Cet envoi ne comprend pas moins de 28 bustes modèles, 4 grands médaillons en plâtre, la statue équestre du général Gobert blessé mortellement, le modèle de la jeune grecque au tombeau de Bolzaris, l'enfant à la grappe, plusieurs statuettes et 16 grands bas-reliefs, en tout >3 morceaux, ce qui porte à 497 le chiftre total de ceux que nous possédons de l’œuvre de David. Une bonne nouvelle nous arrivait en même temps, un bas-relief en marbre, de Maindron, était annoncé. Mais par une déplorable méprise, on lui avait subs- titué l’œuvre d'un artiste à nous inconnu, œuvre qui d'une étrange faiblesse ferait tache au milieu de nos richesses sculpturales. Espérons qu'il n’y aura eu là qu'une erreur d'adresse, et que l’on s’empressera de la réparer. Du reste la survenance d'un si grand nombre d'ob- jets doit désormais démontrer, aux plus incrédules, que le local actuel ne peut plus suffire pour la sculp- ture, et qu'il faut décidément songer à des construc- 202 tions nouvelles; et comme la même nécessité d’ex- tension est également manifeste pour le musée de peinture et pour le cabinet d'histoire naturelle, il fau- dra que le bâtiment nouveau se relie à ces trois mu- sées dans son rez-de-chaussée, son premier et son deuxième étage. Mais où le placera-t-on? il y aura certainement là matière à discussion, car deux projets peuvent se présenter, qui ont l’un et l’autre des avantages parti- culiers. On pourrait, en effet, construire dans la cour d’hon- neur, à droite, un quatrième bâtiment qui relierait celui du devant à celui du fond, et qui permetirait plus tard, en établissant les musées des gravures, etc., dans le bâtiment de devant et au-dessus du logis Bar- rault, d’avoir les quatre côtés d’un vaste parallélo- gramme pour le musée de peinture, etc.; mais alors on perdra les logements des conservateurs des mu- sées ; et où les placer? On pourrait, au contraire, construire un plus vaste bâliment en prolongement de celui des musées, sur la terrasse donnant sur le jardin fruitier, ce qui laisse- rait pour l’avenir la possibilité de rattacher ceile ligne par d’autres constructions au bâtiment de la biblio- thèque et ce qui respecterait les logements des direc- teurs. : Quel que soit, du reste, le projet qu'on adopiera, toujours est-il. que le moment est venu de s’en oc- cuper et qu'il n’y a plus à reculer. T.-C. BÉRAUD. RAPPORT SUR UN OUVRAGE DE M. VICTOR HUGOT, inspecteur des écoles primaires de l’arrondissement de Châteaubriant. Messieurs, M. Victor Hugot, inspecteur des écoles primaires de l'arrondissement de Châteaubriant, a offert à notre Société un ouvrage intitulé : Conférences agri- coles et horticoles où Éléments d'agriculture à l'usage des écoles primaires. Vous m'avez chargé de l’exa- miner, je viens vous rendre compte de l'examen au- quel je me suis livré. L'agriculture est le premier des arts et fait la ri- chesse la plus solide des nations. Elle suit les progrès de la civilisation et reçoit des perfectionnements suc- cessifs ; mais les bonnes théories restent souvent dans le domaine de quelques esprits éclairés et ne descen- dent pas jusqu'aux habitants des campagnes, appelés plus particulièrement à en faire l'application. Privés d’utiles notions, ils restent souvent dans une dé- plorable routine. Quelques-uns, par exemple, ne se doutant pas de l'influence de Pair sur la vie des ani- maux, laissent croupir leurs bestiaux dans des étables infectes ; ignorant que l’action des engrais dépend de la présence de certains gaz qu'ils recèlent, il les lais- 204 seul dessécher à l’ardeur du soleil; n'ayant pas assez observé que la terre se renouvelle en changeant de produits, ils négligent cette rotation de culture qui, habilement pratiquée, accroît la fertilité du sol. Pour propager ces utiles notions, il serait à désirer qu'elles fissent partie de l’enseignement des écoles primaires des communes rurales et que, présentant l’agriculture comme une étude digne de l'intelligence humaine, elles l’ennoblissent aux yeux des habitants de la campagne, qui la dédaignent irop souvent et croient s'élever en abandonnant les champs pour aller grossir cette masse d’arlisans qui encombrent les villes. C’est pour remédier à cette fâcheuse direction des esprits que M. Hugot a composé l'ouvrage dont j'ai à vous rendre comple. Cet ouvrage, formant un petit volume in-12, donne d’abord quelques notions sur l’organisation des plan- les, les effets des racines, des feuilles, de la sève sur la végétation ; il traite de la nature du sol et du sous- sol, des engrais végétaux et animaux, des amende- ments obtenus par le plâtre, la marne et la chaux, de l'élevage des bestiaux et des soins qu’ils réclament ; il indique enfin les meilleurs syslèmes de rotation de culture, Écrit dans un style simple et clair, qui le met à la portée des enfants, cet ouvrage présente des notions très utiles : on doit désirer qu'il oblienne la publicité qu'il mérile et soit introduit dans les écoles primaires des communes rurales parliculièrement. DE BEAUREGARD. moluyj ounequer mb AJ uaç np pe ex PA A: RU : SEUL AxX aaftav AE o Me | MÈRE A DT OANWNIT LXX à | -W / ET ù max" "0 Bruuou]/e) LL = "W'Xx, 0 narqu 0) == wma rrnw | "69/7, ‘qe : VINVUENILI VINAVL VNYIHHONILN Ad CARTE DE PEUTINGER. Messieurs, Le 5 avril dernier, je reçois une lettre de M. de Matty de la Tour, membre correspondant de la Com- mission archéologique. Cette lettre contient ce pas- sage : « Mon cher M. Godard, » J'avais su, par M. Fourcault, que vous étiez » très désireux de posséder pour le Musée des anti- » quités la table de Peutinger.. je vous l'envoie au- » jourd’hui. C’est à vous que je la donne, vous en ferez » tel usage que vous jugerez convenable. » Mon accusé de réception lui fit savoir que je dépo- serais en son propre nom, au Musée, le précieux exemplaire; mais auparavant, j'ai voulu, Messieurs, vous le présenter, afin que vous puissiez l'examiner, et afin aussi que vous unissiez vos remerciements aux miens. Quelques mots sur cette carte de Peutinger. Elle porte le nom de ce savant parce que, décou- 206 verte à Spire vers 1500, elle lui fut léguée pour qu'il la publiât, ce qui, pourtant, n ‘eut lieu qu’en 1598, après sa mort. ‘ Scheyb l’a réimprimée à Vienne en 1753, et l’exem- plaire que M. de Matiy vient de nous offrir est de ce célèbre éditeur. Bien que M. Fortia d'Urban, en 1845, ait donné une nouvelle édition de cette table, celle de Scheyb n’en reste pas moins d’un grand prix au point de vue bibliographique. Elle se compose de douze segments détachés, de manière à pouvoir être placés l’un à la suite de l'autre. Le segment n° 1 renferme nos quatre positions an- gevines les plus anciennes, savoir : Juliomagus, puis à l'est Robrica, à l’ouest Comba- ristum, et au sud-ouest Segora. Ces positions, dans la table de Peutinger, se trou- vent toutes sur la rive gauche de la Loire, tandis que, s’il est vrai que Juliomagus soït Angers et Combaristum Combrée, ces deux dernières devraient être sur la rive droite. Il en estainsi debeaucoup d'autres villes et villas, ce qui prouve que l’auteur inconnu de cette table a moins eu le dessein de faire une œuvre géographique que celui de dresser une carte routière ou postale des distances, qui sont toutes partiellement indiquées en chiffres romains d'une étape à l’autre. Il suffit de jeter les yeux sur l’ensemble de cette table pour voir qu’elle n'est qu'un ruban ou plutôt qu'une litre allongée d'Occident en Orient, et qui ne tient compte d’au- cunes proportions dans le plan du Nord au Sud. Au reste, ceci, vrai dans l’ensemble, l’est aussi dans le délail. Exemple : de Juliomagus à Combaristum, la 207 distance est marquée XVI, et cependant la ligne tracée sur la carte se trouve être au compas double en lon- gueur de celle de Juliomagus à Robrica marquée XVII. Dans cette table, également appelée Théodo- sienne, l’on ne s’est évidemment préoccupé, je le ré- pète, que des distances en chiffres et d’une approxi- mative orientation, sans prendre garde, autrement que pour mémoire, à la distribution des mers, fleuves et rivières. On serait tenté de croire qu’elle aurait élé dressée comme on trace un plan à vue d'œil et sur le- quel on place des côtes provisoires qui, plus tard, pourraient servir à mettre en rapport les chiffres avec les lignes. Malgré ces imperfections, cette carte de l'Empire romain, après celle de Ptolémée, est le monument le plus ancien sur lequel nous puissions faire quelques fondements pour notre géographie angevine. On croit qu'elle fut exécutée à Constantinople, vers l'an 393. sous Théodose-le-Grand, ou encore vers 435, du temps de Théodose II. Au point de vue archéologique, elle n’a pas moins d'intérêt, car elle peut faciliter de curieux rappro- chements dans la comparaison des édicules entr’eux, si mal dessinés qu’ils soient. Il serait possible, je crois, d'établir une classification qui tendrait à faire distin- guer l'importance des villes par le nombre des tours, et la façon des édifices. Aïnsi, par exemple, si nous rapprochons Rome de Constantinople, il sera aisé de voir que la première ville possède encore sur la carte quelque prééminence relativement à la seconde; le cercle qui l’environne et d’où partent douze grandes voies le prouve évidemment: de plus, la couronne que 208 l'image de Rome porte sur la tête dénote sa supréma- tie sur Bysance, qui n’a sur le front que deux plumes en diadème. De ces faits, j'oserais presque déduire celte conjecture que la carte de Peutinger a été dres- sée sous Théodose I* et non sous Théodose II. En effet, du temps du premier, l'empire romain essayait encore quelquefois de rattraper son unité, landis que sous le second, le partage en empires d'Orient et d'Occident était consommé, et Rome n’avait plus seule la souveraineté du monde. Vous entrevoyez, Messieurs, tout ce qu'il serait possible d'extraire de cette précieuse carte ; aussi n’hé- siterez-vous pas à voter des remerciements au dona- teur, et, si nos fonds le permettent, à faire lithogra- - phier, pour nos Mémoires, le segment où se rencontre l’Anjou ; M. Fourcault, je n’hésite pas à le penser, se chargerait volontiers de surveiller ce travail. V. GODARD-FAULTRIER. RAPPORT présenté à Société impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers, par la commission chargée d'examiner ne demande de M. Letort aîné, de Pouancé, à M. le Préfet, au sujet d'un essai d'emploi de sel marin comme engrais. Messieurs, Les Sociétés d'agriculture ne mériteraient pas la protection du gouvernement, nila distinction dontilles entoure, si, exclusivement occupées de théories, elles laissaient se dissiper en de stériles discussions, sans profit pour le pays, tant de précieuses connaissances réparties entre leurs divers membres. Gardiennes des intérêts agricoles de leur départe- ment, sentinelles avancées du progrès, c’est vers ces Sociétés que tous, jusqu’au modeste laboureur, tour- nent leurs regards, comme vers un foyer d’où doivent 44 210 constamment rayonner l'instruction , l'encourage- ment et la récompense. C’est à elles de répondre à des vœux si légitimes et à se montrer les généreuses dis- pensatrices des bienfaits de la science! Ce programme, Messieurs, n'est-il pas celui que vous remplissez depuis longtemps, et avec une supé- riorité qu’attestent suffisamment vos publications ? Vous y persévérerez, vous stimulerez de tout votre pouvoir les courageuses entreprises, de même que vous couronnerez les succès obtenus : vous souve- nant que ceux-ci au surplus ne sont que la consé- quence de celles-là. C’est donc avec une entière confiance que votre commission vient vous exposer la demande de M. Le- tort et les hautes considérations qui la fortifient. Le canton de Pouancé, naguère si arriéré, aujour- d'hui marche largement dans la voie des améliora- tions, grâce au zèle de plusieurs propriétaires aisés et intelligents, qui voudraient faire davantage encore. Mais les engrais naturels deviennent de plus en plus rares, partant fort chers; les autres sont si souvent entachés de fraude ! Or, où trouver un second M. Bo- dierre (1), pour la démasquer ? Ils suppléeraient à ces fâcheux inconvénients à l’aide d’un bon amendement, et ils espèrent l'obtenir de l’auxiliaire qui nous oc- cupe : le mélange du sel marin avec le guano du Pé- rou, dont le prix d’ailleurs offrirait une économie de 40 pour 100. Pleines de foi dans son efficacité, et empressées de (1) Habile chimiste de Nantes, qui est parvenu à purger cette ville de toute falsification d'engrais artificiels. 211 seconder M. Letort, dont elles connaissent la bonne vo- lonté, dix personnes déjà lui ont fait leurs commandes, s’élevant ensemble à 65,500 kilogrammes. Il est à noter que cinq d’entre celles-ci, tant de Maine-et-Loire, que de la Loire-Inférieure et d’Ille-et- Vilaine, qui ont fait usage du sel, soit pur soit uni au fumier, déclarent n'avoir eu qu’à s’en louer (1). On serait séduit à moins. Aussi M. Letort n’hésite-t-il pas de tenter l’entreprise; un seul point l’arrête, et ce point est capital : le prix trop élevé du sel, qui forme la plus forte portion du compost, les neuf dixièmes environ. Néanmoins l'obstacle n’est pas insurmon- table, et M. Letort a dû chercher à l’aplanir. En conséquence, il a réclamé de M. le Préfet son. intervention bienveillante, auprès de M. le ministre de l’Agriculture et du Commerce, à l'effet d'obtenir de ce dernier la quantité de 100,000 kil. de sel, en franchise de droits, pour l'essai auquel il veut se li- vrer. C'est sur cette demande, Messieurs, et d’après le renvoi qui vous en a été fait par M. le Préfet, que vous êtes appelés à donner votre avis. Vous le voyez, Messieurs, il s’agit, non pas de patron- ner une découverte, —et, sous ce rapport, votre respon- sabilité morale est à l’abri, — mais seulement d’en- courager une tentative qui peut exercer une grande influence sur notre agriculture, et au succès de la- quelle, dans ce cas, vous auriez à vous féliciter d’a- voir pris part. (1) Ces lettres ont êté déposées par la commission, ainsi que le présent rapport et les autres pièces, entre les mains de M. le Président, pour en faire l'usage qu'il jugera convenable. 212 Cependant, Messieurs, afin de justifier le choix que vous avez fait d'elle, votre commission s’est appli- quée, de son côté, à s’éclairer sur cet objet important, en puisant aux véritables sources de l’agronomie. Et d'abord, le sel marin, — muriate de soude, —de- puis un temps immémorial, employé comme engrais en Chine, dans l'Inde ; plus tard et plus près de nous, en Suisse, en Angleterre, où il a trouvé des apologistes tels que les Davy, les Sain-Clair, les Jonhson , a été enfin introduit en France, à la chaleureuse incitation des auteurs de la Maison rustique du 19° siècle : Bixio, Payen et notre regrettable et deux fois com- patriote, Oscar Leclerc-Thouin.— Ce sera notre seule réponse aux quelques détracteurs de ce minéral. Quant au guano, produit de matières excrémen- tielles et de détritus d'oiseaux marins, seuls habi- tants de ces îlots semés sur les côtes du Chili et du Pérou, où il forme un dépôt immense, accumulé de- puis des siècles, mine inépuisable, — heureusement ouverte à nos besoins, comme pour ÿ suppléer, — tout le monde sait sa richesse en ammoniaque et en phosphate : par suite, sa puissance si énergique d’en- grais (1). Elle est telle, qu’à peine peut-on l'employer seul. Son mélange avec une autre substance, doit donc être aussi avantageux qu'il est nécessaire... avec le sel, par exemple. Ici, Messieurs, retenue par un juste sentiment de (1) Des gisements d’une suhstance reconnue comme identique au guano , trouvés en Sicile, en France, dans le Jura et ailleurs, feront forcément diminuer le prix de celui-ci, au bénéfice de l'agriculture. 213 respect pour la Société et pour elle-même, votre com- mission s'arrête! Sans doute, elle augure bien de celte combinaison ; mais, privée qu'elle est de l’aulo- rité de l'expérience, une grande réserve lui est im- posée. D'une autre part, elle craindrait de priver les agri- culteurs d'un utile secours, en entravant le zèle de celui de qui ils l’attendent avec tant d’impatience ! Toutefois, elle croit pouvoir tout concilier et arri- ver plus sûrement au but désiré, en vous proposant de restreindre la concession à moilié : soit, 50,000 k., quantité suffisante au reste pour essai. Son résultat, que nous engageons fortement M. Le- tort à suivre et à faire connaître à la Sociélé, pour servir à sa propre instruction, viendra, nous l’espé- rons du moins, donner raison à votre décision, et assurer au pétitionnaire de nouveaux et légitimes droits à la libéralité du gouvernement. Un double scrupule pourrait vous arrêter, Messieurs, qu'il nous sera facile de lever. Pour ce qui regarde le fisc, le sel étant mêlé avec le guano, sous les yeux de la douane , enfermé dans des sacs à sa marque, il est d'une excessive difficulté, pour ne pas dire impossible, de le rendre à son premier état. A l'égard des altéra- tions subséquentes, l'intérêt bien entendu de M. Le- tort s’y opposerait, quand son excellente répulation, confirmée par une nombreuse el honorable clientèle, n’en éloignerait pas jusqu’à la pensée. Par ces divers motifs, et convaincue d’ailleurs qu’elle seconde en cela les vues de l'État, que l'on voil cher- cher, par tous les moyens et au prix des plus grands sacrifices, à favoriser l’agriculture, votre commission 214 ne balance pas à vous prier d'appuyer auprès de M. le Préfet, et dans la mesure que nous avons indiquée, la demande de M. Letort. Angers , le 15 juillet 1856. Les membres de la commission : BÉRAUD, MILLET, PAVIE père, Secrétaire-général. Président du Comice Vice-Présidt de la Société, horticole, rapporteur REVUE BIBLIOGRAPHIQUE. TROISIÈME COMPTE-RENDU DES BROCHURES. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et belles-lettres du département de l'Aube. Cette livraison, portant les numéros 33 et 34, con- tient en premier lieu une note sur la culture de quel- ques arbres résineux et l'extrait d’un rapport donnant des indications d’une grande précision sur les procé- dés de drainage usilés dans le département de Seine- et-Marne. Une notice fait ensuile connaître un vitrail de la chapelle des maîtres pêcheurs et poissonniers, dans l’église de Saint-Laurent, à Nogent-sur-Seine. On y a représenté en action les luttes de l'Église traduite symboliquement par un vaisseau. Saint Pierre, por- tant ses clefs, est assis au gouvernail. Les cordages sont indiqués par ces mols : Conversiones peccatum Arbres résineux, Drainage. Vitrail allégorique. De la femme chré- tienne, Stanislas Leczinski , 216 (peccatorum), Devote contemplationes, et autres vertus, soutiens de léglise. Les rames sont : Epistolæ Pauli, Libri Salomonis-prophetæ, moyens d’impulsion pour l’esquif. Puis, viennent des barques portant à la proue une figure de démon et contenant des juifs, des ariens et autres hérétiques qui livrent, à coups de traits, bataille au vaisseau catholique, mais sont vaincus et précipités dans les flots. La date de ce vitrail est 1572, époque de luttes trop célèbres, année de la Saïint- Barthélemy. Cette peinture racontait fidélement l’his- loire de son temps. La mission de la femme et, en particulier, de la femme chrétienne dans la société, est examinée, par M. l'abbé Tridon, dans un fragment qui contient des idées élevées, noblement exprimées et fait pressentir le mérite d’un ouvrage complet que prépare l’auteur et qui aura pour titre : Education pratique de l'enfance par la mère chrétienne. M. le baron Doyen présente ensuite l'examen rapide et élégant, des publications adressées à la Société par les académies de Nancy, de Dijon, de Lille et de Tou- louse. Nous ne voulons pas , sans doute, donner un compte-rendu de ce compte-rendu : nous croyons devoir , cependant, signaler les documents précieux qu'il reproduit sur Stanislas Leczinski, duc de Lor- Jeanne Dare, Callot. raïne, après avoir été roi de Pologne, Jeanne-Darc (et non Jeanne d'Arc, comme on l'écrit habituellement,) Jacques Callot, ce pauvre compagnon de voyage de bohémiens devenus plus tard ses modèles, et, comme eux, pendant bien des années, ne portant rien que des choses futures, illustrant son nom par un talent que depuis deux siècles, nul n’a surpassé et par une di- 217 gnité de citoyen admirée de Louis XIII, au moment où l'artiste refusait noblement de graver pour Sa Ma- jesté, le siège qui avait rendu les Français maîtres de Nancy ; Jasmin, enfin, le poète populaire du midi, honoré du litre de maître ès-jeux floraux ; Jasmin, Jasmin. comme Béranger , fils d’un tailleur et, comme lui, digne d’avoir eu à son berceau une fée qui Par de gais refrains Calmât le cri de ses premiers chagrins, et ne le quittât qu'après avoir imprimé sur son front le sceau divin de la poésie. Le même compte-rendu fait connaître une indica- cation importante due à M. Lestiboudois, autorisé, en 1849, à se rendre avec deux de ses collègues en Algé- rie pour y étudier les améliorations relatives à la cul- ture des plantes industrielles et au commerce des laines. Examinant les établissements de Misserghin , Colonisation d'Alger. Ben-Akmoun et Bouffarik, pour les orphelins et les À enfants trouvés et la création , par l'abbé Brumault , de pénitenciers destinés à recueillir de jeunes con- damnés, il se demande si ces essais ne devraient pas être généralisés et si l'Etat, les départements, les communes n'auraient pas tout intérêt à envoyer en Algérie les individus compris dans ces diverses caté- gories. Ces individus auraient une situation meilleure et féconderaient un sol qui ne demande qu'à livrer ses trésors. Suit une notice sur les insectes qui attaquent les Insectes granivores. céréales et les précautions à prendre contre leurs dé- Silo-glacière. gâts. Parmi ces moyens se trouve la silo-glacière du général de Marcay et l'étuve de MM. Marcellin, Cadet- C2 218 Devaux et Terrasse-des-Billons. La première fait pé- rir par le froid les insectes el leurs larves ; l’autre, au contraire, les détruit par une chaleur de 50 à 70 de- grés, insuffisante, toutefois, pour porter atteinte à la nature du grain. Découvertes archéo> Unelongue nomenclature fait connaître les richesses logiques. archéologiques, découvertes récemment dans le dé- partement de l’Aube. Parmi ces objets, nous remar- quons une sorte de dé en bronze, trouvé à Troyes même, semblable, dit-on, moins la grandeur, à celui décrit dans les mémoires de cette société pour l’an- née 1847. an Realon Un rapport sur une méthode de panification (le sys- tème Durupi) et un autre fort étendu sur le concours Concours agricole. agricole ouvert à Paris le 1° juin dernier, sont suivis d’une pièce de vers, qui termine le cahier. Dans cette œuvre, l'inspiration ne pouvait faire défaut. Un père y exprime ses espérances ei ses craintes, en voyant son fils, jeune officier, s’'embarquer pour gagner les rives de la Crimée. Société d'Agriculture, sciences et arts de la Sarthe. (1854). Le volume qui nous est remis contient en premier Liste des membres. lieu, la liste des membres de la société, résidants ou correspondants, ainsi que la composition des diverses commissions. 3 Épizootie de l'espèce M. le docteur Lizé, fait ensuite un rapport sur un Royne, mémoire de M. Pagoué, médecin-vétérinaire à la Chartre, concernant une enzootie particulière à ce: lieu et affectant l'espèce bovine. La cause de ce mal est recherchée avec autant | de soin que de discernement et l’auteur n'hésite pas 219 à la trouver dans la mauvaise qualité des pâturages. Par suite, délaissant les moyens coûteux et souvent dangereux, mis en usage par les empiriques du pays, il conseille, en se fondant sur des observations déjà nombreuses, le remède bien simple de l’émigration momentanée dans des lieux moins stériles, des ani- maux que le mal aurait affaiblis déjà. Ce mémoire, rempli de vues pratiques, inléressera tous ceux qui s’occupent d'agriculture. Un mémoire envoyé par M. Clauzure, d'Angoulême, et analysé par M. Edouard Guéranger, présente de nouvelles considérations sur l'oidium, ce terrible et insaisissable ennemi de la vigne. La cause de la ma- ladie y est longuement recherchée : des moyens sont indiqués pour la prévenir, d’autres pour la combattre. Nous ne pouvons, évidemment, que renvoyer à la lecture attentive d'un travail aussi détaillé. Oïdium. Une commission fait le rapport des essais tentés pour Culture des pommes la plantation anticipée des pommes de terre, essais dont la Société avait fait l’objet d’un concours. Les résultats n’ont pas été aussi satisfaisants qu'on l'avait espéré. M. Dugrip, présente ensuite une communication sur la culture de plusieurs variétés de celle plante. Eviter la maladie dont ce tubercule est frappé si souvent, est le but principal de ses diverses tentatives. de terre. M. le docteur Lizé présente, sous le titre modeste Modifications de la d'Un mot, des observations pleines d'interêt sur les changements que la poitrine et l'abdomen éprouvent dans leur capacité, suivant le degré d'activité ou de repos des individus. C’esl en six pages, un véritable cours d'hygiène que feront bien de consulter toutes poitrine et de l’ab- domen selon l’ac- tivité ou le reposs. 220 les personnes dont la vie est trop sédentaire, ou ré- clame, au contraire, un exercice irop fréquent et trop prononcé. M. Lizé, que nous savions homme d'esprit et d'instruction, a pleinement justifié une fois de plus cette double renommée qui est devenu générale dans la ville du Mans. Construction des M. Leveillé, ingénieur en chef des ponts-eit-chaus- ponts en maconnerie. sées, présente une note détaillée sur la construction des ponts en maçonnerie et, spécialement, sur l’é- paisseur à donner à la clef et aux culées de ce genre d’édifices. Appelé à présenter depuis peu de temps un grand nombre de projets, pour des voutes destinées à donner passage par-dessus un chemin de fer à des voies d’une importance diverse, ou à faire franchir par un chemin de fer ces mêmes voies, l’auteur a pu appeler au soutien de sa science une expérience con sommée. Rapportsurlecongrès Un rapport de M. de Lestang, délégué de la Société | Se délégués des de la Sarthe, fait connaître les principaux sujets trai- D et congrès des délégués des Sociétés savantes des départements, session de 1854. Psaume de David. Vient ensuite une traduction en vers français du 103 psaume de David. M. Boyer, ancien professeur de rhétorique, a traduit ainsi le livre des psaumes tout eritier. Plus qu’octogénaire, ce Nestor de la litté- rature, n'oublie pas pour ces travaux le domaine des arts et vient de publier une notice sur l'orgue et l'or- ganiste, qu'avait précédée une brochure sur l'usage, l'accord et l'éducation du piano. M. Boyer est le frère de l’ancien organiste de notre cathédrale. Revue agricole. Le tome se termine par une indication abrégée des 121 principales remarques faites sur l’agriculture ou ses produits, dans le cours de l’année 1854. Les sujets signalés sont ceux-ci : Empoisonnement par les feuilles de l’if commun, — fabrication d’'en- grais artificiels, — mode simple pour le transport du purin dans les champs, — culture de la carotte sur ados, sur crête ou sur sillons, — de l'emploi, comme engrais, des animaux morts. — Pain de betteraves, — effets hygiéniques du drainage, — plantation hâtive des pommes de terre, — enfin, de la verse du blé et des moyens de la prévenir par le choix des semences appropriées à chaque terrain. AISNE. Société académique de Saint-Quentin. — 2° série, — tome xI° L'agriculture est le premier objet auquel se con- sacre cette livraison. Concours d'horticulture, con- cours de plantes maraîchères, concours de fermes, Concours divers. concours pour le meilleur traité d'hygiène et d’écono- mie domestique à l'usage des populations laborieuses, puis, concours pour le prix d'apprentissage, tels sont les premiers chapitres de ce recueil. C'est encore à l'agriculture qu’appartient une poiterave. longue et très intéressante notice sur la betterave comparée pour ses produits à la canne à sucre, sur l'usage du parcours et de la vaine pâture, sur le sor- Sorgho. — Oïdium, gho-saccharin, puis sur l'éternel objet des expériences de nos vignerons et de nos savants, l’oiïdium. Un travail important et qui mériterait une grande Paratonnerres. Lamière zodiacale. Topographie médicale, L'oncle Tom, Emancipation des noirs. Esclavage. £eltres d'une fille de Galilée. 292 publicité démontre l'utilité extrême de l’établissement de paratonnerres sur les édifices publics et donne le devis fort peu élevé de leur confection. Un mémoire de M. Lécot donne des aperçus inté- ressants sur la lumière zodiacale, cette lumière qui se montre parfois après le coucher du soleil et au point même où cet astre a disparu de notre horizon. Ce travail est suivi d’une topographie médicale de Saint-Quentin, œuvre montrant sous tous les aspects du climat, des aliments, des habitudes, les causes les plus probables des maladies et des décès. Rien n'est plus intéressant, plus utile, au point de vue de la santé publique, qu'un tel ensemble de renseignements et il serait au plus hautpoint désirable que chaque im- portante localité pût connaître ainsi la source de ses maux el, par suite, les améliorations que réclame l'état sanitaire de ses habitants, Après quelques mots sur la folie éphémère des tables tournantes, on trouve une longue dissertation sur l'ouvrage si connu de Mre Stowe, l'oncle Tom; l’auteur voit dans cet appel à l'humanité et à la raison, le dernier mobile de la transformation des noirs de l'Amérique et de leur inévitable émancipation. Des observations sur l'esclavage, son injustice et ses tris- tesses, sont présentées par un autre membre et sem- blent le corollaire du même sujet. M. de Martone présente des observations curieuses surlout par les exemples nombreux dont elles s’éclai- rent, sur le respect des sépultures chez les différents peuples. Puis, viennent dans le recueil onze lettres, écrites par une des filles du célèbre Galilée. Ce céleste révo- 223 lutionnaire eut plusieurs filles dont deux furent reli- gieuses au couvent de Saint-Mathieu, à Arcetri. L'une d'elles, Marie-Céleste, a eu avec son père une longue correspondance dans laquelle elle s'exprime souvent tant en son nom qu’en celui de sa sœur Archangèle. Des pensées pieuses, des détails simple sou intimes, font le fond de cette correspondance, dont le traduc- teur a conservé autant que possible les concetti et les traits rappelant le goût du temps. Après des observations élevées sur la parole, en gé- néral, la poésie a son tour et dote le recueil de plu- sieurs morceaux, parmi lesquels se remarquent quatre fables charmantes de M. Héré. Des observations méléorologiques, pour les années 1853 et 1854, terminent cette riche livraison. ALLIER. Société d’émulation de Moulins, — (avril 1855) M. Méplain, jugeauTribunal civil de Moulins, présente une note digne de l'étude et du profond intérêt de tous ceux qui s'occupent de la science du droit, sur la législation civile et les jurisconsultes du Bourbonnais. La coutume de cetle province, rédigée en 1520, 16 ans après la publication définitive de la nôtre, a eu, comme on le sait, l'honneur d'être présentée en première ligne et prise, pour ainsi dire, pour point de compa- raison par le célèbre Dumoulin, lorsque celui-ci a jeté sur nos anciennes coutumes la lumière de ses im- mortels enseignements. Une notice de M. Barnoux, retrace les mérites et Lilléraiure. Météorologie. Législation du Bourbonnais. Acclimatalion. Mort de Paul Ier. 124 les services de M. Alexandre Bedel, ancien recteur des académies de Clermont et de Moulins. M. le comte de l’Estoille fait un rapport curieux sur les résultats obtenus par la Société d’acclimatation, constituée en 1854. La chèvre d’Angora, l’hémione, sur lequel l'attention se porte si vivement depuis quelques années, l’hak, ou buffle à queue de cheval, importé de Chine, le lama, le tapir du Brésil, sont les quadrupèdes dont nous ferons remarquer principale- ment les noms. Les oiseaux doivent voir également s’augmenter leur contingent parmi nous. Quant à la pisciculture, ce procédé quisemblerait faire croire que le Créateur a daigné agréer des aides, elle ne pouvait être oubliée dans cette revue, non plus que les bom- byx et les abeilles, ces êtres infimes auxquels nous ‘devons nos vêtements les plus splendides, nos mets les plus doux et l'éclairage de nos plus belles fêtes. Le recueil se termine par une relation de la mort de Paul 1°, empereur de Russie, due à M. Grozieux Laguérenne, qui se trouvait à Saint-Pétersbourg en 1802, un an après celte catastrophe et en écrivit le récit presque en même temps que M. Prévost, attaché à la légation du général Hédouville. Cette dernière relation est celle que le Moniteur a publiée au mo- ment où Napoléon I‘ plaçait sur sa tête la couronne impériale. Rien ne saurait être plus saisissant que ce récit dans lequel toutes les particularités d’habitudes et de lieux, ont été, on le sent, étudiées sur place et qui vient, après 52 ans, ressusciter pour vous toutes les scènes du drame terrible qui ouvrit à Alexandre l’ac- cès du trône des czars. te = Eu CHARENTÉ-INFÉRIEURE. Académie de la Rochelle, (185). À la suite de deux notices consacrées à l'éloge de M. Fleuriau de Bellevue, ancien président de l’aca- démie, dont un buste doit rappeler les traits au corps savant, M. le docteur Sauvé, présente une notice di- gne du plus vif intérêt sur la salubrité de l’air à la Calnbite Rochelle, les moyens de l’augmenter et, en général, Fièvres paludéennes. l’étiologie de fièvres paludéennes. Nous ne pouvons que recommander la lecture, l'étude attentive de cet important document à tous les membres de la Société dont les travaux ou les fonctions ont quelque relation avec la santé publique. HÉRAULT. Bu:ietie de la Société archéologique de Béziers. — 14‘livraison. Après une chronique locale sur l’église de Sainte- Origine des noms Aphrodise, le bulletin donne une table étendue des de lieux. noms de lieux de l’ancien diocèse de Béziers, dans le moyen-âge, d'après les chartres et autres documents de celte époque. Si pareil soin était pris dans notre contrée, nous ne verrions pas sans doute, le nom de Montjan el, près de nous, celui de Cing mars, écrit de plusieurs manières, sans le moindre souci de leur origine. — Et, à ce propos, laissez-nous émettre un vœu. Nous voudrions qu’étendant aux habitants même le soin pris par nos collègue de l'Hérault pour chaque 13 Théotrope, poème. 226 localité, on s’attachât dans les prochaines édilions du dictionnaire des communes, ou du Guide du voya- geur, à faire connaître le nom des individus formant la population de tout centre un peu important, les chefs-lieux de département et d'arrondissement, par exemple. Si des auteurs renommés n’avaient pas ré- pandu le nom des Angevins et des Tourangeaux, croyez-vous que ce nom fût compris facilement par un provençal ? L'histoire nous a fait connaître les Vé- nêtes, le voisinage, les Malouins, mais, si je parlais des Auscitains et des Biterrois, ne pourrait-on hésiter à reconnaltre là les habitants &’Auch et de Béziers ? On préviendrait ainsi l'embarras que peut causer maint récit et, surtout, on aurait souvent le moyen de re- trouver mieux conservé, dans le nom de l'habitant, le nom primitif du lieu habité. Une analyse mêlée de citations, fait connaître en- suiie un poême assez curieux, imprimé à Béziers en 1686 et intitulé Théotrope, ou le pécheur ramené à Dieu. L'auteur a employé les vers alexandrins pour les so- liloques de son héros, et les vers de six pieds pour les réponses qu’Anachorètefait à celui-ci. Nous remarquons en passant, que le poète commence par placer son personnage principal, dans une. contrée imaginaire, une vallée inconnue d’où l'on arrive à grand peine sur une montagne, à l'exemple de Dante au début de son enfer. } 2 Nel mezzo del camin della nostra vita etc. Mots hébreux con- Un long recueil alphabétique, un véritable diction- servés dans la langue naire présente ensuite sous l'indication française, les anglaise. mots de la langue hébraïque, qui se retrouvent plus pu) ’ ou moins fidèlement conservés, dans la langue an- olaise. L'auteur s’est arrêté à cette dernière langue, parce que, dit-il, composée d’anglo-saxon, de celte, de gothique, de danois, de normand, de français, etc., elle est le résumé le plus complet et le plus curieux de la plupart des langues que l'on parle aujourd’hui en Europe. L'académie de Béziers a créé deux sortes de prix Poésies biterroises. de poésie ; les uns s'adressent à la poésie française, les autres aux vers en bifterrois, en patois du pays. Ce que dit le rapporteur du concours sur la faiblesse de ces compositions, doit tempérer le regret qu’on éprouve de ne pouvoir, dans notre froide contrée, dans notre pays d'où, comprendre les vers nombreux qui ter- minent le recueil. Des noms populaires figurent natu- rellement parmi les interprêtes de ce langage popu- laire : un ouvrier imprimeur et un bottier s’y trou- ë vent cités au premier rang. Retenons le nom de l’un d'eux, M. Vespétrain, bottier à Toulouse, car le rap- porteur de la commission n’hésite pas à dire que ce poète marche sur les traces du fameux Jasmin, d'Agen. INDRE-ET-LOIRE. Annales de la Société d'Agriculture etc. de Tours, 1°" sémestre 1854. Un tableau complet des membres de la Société commence le recueil. Un avis défavorable est ensuite émis, après avoir pain de pommes entendu le rapport d’une commission, sur le pain de de terre. pommes de terre, attendu ; Exposition horticole d'Orléans. Pestes anciennes de Tours. 228 1° Que le pain ainsi fabriqué, perd en qualité vrai- ment nutritive, ce qu'il pourrait peut-être gagner par une économie insignifiante et nulle aujourd'hui, at- tendu le prix élevé de la pomme de terre ; 2° Qu'il n’est pas assez substantiel pour un homme dont le travail exige une nourriture solide ; 3° Que, conservant une humidité longue à dispa- raître, il ne peut être mis en soupe. M. de Vonne fait un rapport sur l'exposition horti- cole d'Orléans. Ce rapport nous a semblé très-médio- crement admiratif. Les plantes maraîchères surtout, n'y formaient qu’un ensemble très-mesquin. M. le docteur Giraudet présente un travail détaillé et digne du plus profond intérêt sur les anciennes pestes de Tours ; il recherche les causes de ces terri- bles contagions qui, au moyen-âge, et pendant les 16° et 17° siècles, sont venues épouvanter et ravager sa conirée. Il cite les réglements faits alors par l’au- torité : il examine le traitement que les médecins du temps opposaient au fléau et, véritable archéologue médical, montre à l'aide des erreurs passées, le pro- grès accompli de nos jours. Que cette revue rétros- pective, soit un avertissement et presque une menace pour les savants d'aujourd'hui! Sans doute, la science médicale, la science agricole ont marché, et pour- tant, à maintes époques, le choléra décime nos villes, tandis que l’oïdium ravage nos campagnes. Que cha- cun redouble donc d'efforts et que, sans trop se com- plaire à l’idée de la science acquise de notre temps, nos docteurs songent aux Giraudet de l’an 2,000 ! Une paraphrase d’un passage d'Horace, une notice sur la musique chez les grecs, analyse des notions 229 extrêmement confuses que l'on possède sur ce point, un essai intéressant et pratique sur la meunerie et la boulangerie en Touraine, et la traduction en vers français de la satire rv de Juvénal, intitulée : Rhombus, le Turbot, par M. le baron Papion du Château, termi- nent celte livraison. LOIRE-INFÉRIEURE. Section de médecine de la Société académique de Nantes. 31° volume, — 159° livraison. Après des considérationsrelalives à l'influence del'é- clairage au gaz sur la santé publique et sur une hyper- trophie de la rate , M. le docteur Mahot donne deux observations cliniques sur une rétention d'urine avec tumeur de la prosiate et sur un cancer du larynx, et M. le docteur Marée présente son 2° mémoire sur la séméiologie des fièvres intermillentes. M. Letenneur, professeur-adjoint de clinique ex- terne à l’école de médecine de Nantes, présente d’in- téressantes observations sur l’autoplaslie, cette bran- che importante de la chirurgie reslauratric, cet art qui, appliqué dès 1442 par le sicilien Branca, puis, vers la fin duxvre siècle par Tagliacozzi, a vu succéder à un enthousiasme que les chants de la poésie même ont constaié, un oubli et un dédain que notre siècle est heureusent venu venger. Le nez fut seul d’abord l’ob- jet de ces reslitutions. Mais, aujourd'hui, les autres porlions du corps donnent lieu à des opérations ana- logues et l’auteur du mémoire cite, parmi les réfec- tions qu'il a opérées, deux s'appliquant au nez, une à Meunerie, boulangerie. Observations. Fièvres intermittentés. * 236 la joue, une autre à la paupière, autrement dit, dans . la langue de la science, 2 rhinoplasties, une génoplas- tie et une blépharoplastie. M. le docteur Letenneur, donne en détail la description des procédés qu'il a employés et rappelle en terminant cette expression si encourageante du célèbre Roux, qu'il n'y a peut-être rien d’impossible en fait de restauration de la face. MAINE-ET-LOIRE. Société industrielle, — jwilfet et août. Un rapport de M. Tavernier, au nom d’une com- mission chargée par le comité d’agriculture, de visiter l'établissement de M. Boutton-Lévêque, à Belle-Poule, fait connaître les richesses que cet éleveur renommé a rassemblées sur sou domaine, les soins judicieux qu’il a pris pour l'amélioration des espèces etles succès nombreux que ces efforts ont amenés déjà. La com- mission a conçu, en voyant ce bel établissement, l'i- Établissement de dée d’instituer pour Maine-et-Loire, à l'exemple de ce a qui se pratique à Châteaugontier, une association enire les éleveurs, tendant à créer annuellement des concours d'animaux reproducteurs perfectionnés, sui- vis de ventes publiques. Chèvres du Mont- M. Guillory, président de la Societé, donne un ex- Dore. irait d’un rapport de M. Tisserant, de Lyon, sur la chèvre du Mont-Dore et fait connaître des observa- tions de M. le docteur Bertini, vice-syndic ou adjoint Rècglements de la au maire de Turin, sur l'hygiène publique et quelques ville de Turin. règlements de cette cilé. Parmi ces règlements on peut consulter celui fait en avril 1854, pour la 231 perception au profit de la ville, d'une taxe sur les chiens. M. Pineau, de Châteauneuf-sur-Sarthe, présente des observations sur la culture du houblon en Maine- et-Loire. Il indique les moyens de faire réussir cette plante précieuse, qui est déjà exploitée sur une assez vaste échelle dans la commune d’Etriché. Les pro- priétés hygiéniques bien connues dela bière, son uti- lité que rend plus grande encore la rareté des vins, par suite des ravages de l’oïdium , tout doit faire dési- rer que le houblon abonde sur notre sol et épargne aux produits de nos brasseries l'emploi de ces plantes, prétendues succédanées, qui donnent depuis quelque temps à la bière de Paris, une saveur âcre et stypti- que si intolérable. M. Marchegay, ancien archiviste du département , présente le résultat de recherches historiques, fort in- téressantes, sur l'exploitation de nos ardoisiéres, Uu résumé des communications faites à la Société, et un tableau météorologique pour les mois de juillet et d'août, terminent la livraison. NORD. KRevue agricole, industrielle et littéraire de Valenciennes, juillet, août, septembre, octobre 1855. M. Bonnier, juge de paix, présente un vaste travail sur la vaine pâlure. Produits agricoles, hygiène des troupeaux, législation sur cette matière importante, il examine tout avec un soin qui doit recommander la lecture de son œuvre, à tous ceux qui s'occupent d'agriculture à nn point de vue élevé. Houblon. Ardoisières. Vaine-pâture. Inoculatiou de la pleuropneumonie. Mesures concernant 232 Nous citerons encore un mémoire sur des essais d’inoculation de la pleuropneumonie épizootique, par M. Huart, médecin vétérinaire. Les autres objets traités dans ces cahiers, ou ne présentent pas un intérêt remarquable, ou se rappor- tent, soit à des observations toutes de localité, soit à des édifices qui nous sont étrangers. RHIN (HAUT-) Société industrielle de Mulhouse, — n° 131. Nous devons signaler les notices présentées sur les accidents qui peuvent survenir dans la fabrication des toiles peintes et sur une roue à fouler les cuirs, dont une planche gravée présente les détails. Après de nombreuses observations sur les diverses le bien-être des branches de la riche industrie de cette contrée, M. le ouvriers. docteur Pénot, présente un long et remarquable rap- port sur toutes les mesures qui peuvent assurer le bien-être de l’ouvrier. On jugera par la seule nomen- clature des objets examinés, de l'ensemble du travail. Ces objets sont: éducation, logement, subsistances, lavoirs et bains, précautions eontre les accidents cau- sés par les machines, service de santé et sociélés de secours muluels en cas de maladie, caisses d'épargne, d'assistance, de prêts, de retraite : Asile pour les vieil- lards el les infirmes, pensions à domicile. SEINE. Inetitut. — Académie des inscriptions et belles-lettres. M. Berger de Xivrey fait au nom de la commission des antiquités de la France un rapport sur les ouvrages 233 les plus dignes de l’une des trois médailles inslituées, ou, au moins, de mention. Nous remarquons parmi les travaux cités, celui de M. Troche, sur la Sainte- Chapelle et la tour de Saint-Jacques-la-Boucherie ; l'essai de M. Viollet-le-Duc, dont le nom est célèbre sur l'architecture militaire au moyen âge, ei le mé- moire de M. Patu de Saint-Vincent sur le chant gré- gorien. Nous trouvons dans le rapport de M. de Xivrey deux noms, dont l’un doit tenir à l’Anjou et dont l’autre apparlient à l’un des membres correspondants de notre Société. C’est, lisons-nous, un sujet bien élaboré, où la dis- m. Rocquain de cussion est guidée par la critique et soutenue par Courtemblay. d’exactes citations que nous fournit M. Rocquain de Courtemblay, archiviste, paléographe, en suivant avec attention les varialions des limites de l’Aquitaine, de- puis la conquête de Jules César jusqu’à l'an 613, où Clotaire devint seul maître de la monarchie des Francs. Un autre passage énonce le jugement suivant sur un des travaux de M. l'ingénieur Matty de Latour : « Deux manuscrits très soignés sur les villes et voies 1, Matiy de La Tour. » romaines de l’'Angou, sont une partie du contingent » de M. Matiy de Latour (1), auquel la commission ne » décerne une mention honorable que pour l’explora- » tion directe des voies romaines, en regreltant les (1) Nous trouvons , en effet, parmi les ouvrages envoyés, les Ruines romaines de Membray, la Lettre sur la destination de la pile de Cinq-Mars et la Carte routière de la Vienne, par le même auteur. Extinction de la mendicité: 234 » preuves parfois peu concluantes et la discussion » assez faible qu'il a cru devoir y joindre. » Si l’on songe que soixante-dix-sept ouvrages élaient présentés au concours, celte mention, quelles que soient les restrictions de l'éloge, n’en doit pas moins être hautement signalée. Société de la morale chrétienne, t. 5, n° 5. Cette livraison fait connaître, en premier lieu, un rapport très étendu et fort intéressant de M. Cafïin, sous-préfet de Guingamp, sur les divers moyens em- ployés à différentes époques pour arriver à l’extinction de la rmendicilé. Le résumé de cette analyse se trouve dans les vœux suivants proposés par M. le sons préfet au conseil d'arrondissement : 1° Que des succursales de la Caisse d'épargne soient établies dans les chefs-lieux de canton, avec primes et subventions pour hâter ces établissements; 29 Que des encouragements soient donnés par le conseil général aux communes qui fonderont des crè- ches, des sociétés maternelles, des salles d’asile et des sociétés de secours mutuels ; 3° Qu'une dotation soit faite par l’Elat à la caisse de retraite pour la vieillesse ; 4° Qu'un dispensaire soit établi dans le département avec les ressources de ce département et, au besoin, les secours de l'Etat ; »° Que des primes soient accordées aux médecins qui viendraient les premiers s'établir dans les cantons qui n’en ont pas; 6° Que chaque commune, subventionnée dans la 235 proporlion de ses efforts et de ses besoins par le dé- parlement et par l'Etat, doive secourir ses pauvres par son bureau de bienfaisance, aidé lui-même de la charité privée el interdire la mendicité ou, au moins, la régler de manière à la supprimer graduellement. Dans le temps surtout où le haut prix des subsis- tances et l'annonce d’un hiver rigoureux mettentisi évidemment à l’ordre du jour toutes les questions qui ont irait à l'assistance publique, nous ne pouvons manquer de recommander avec instance le travail de l’administrateur que nous venons d'indiquer. Après une letire donnant de longs et touchants dé- tails sur les malheurs de Lesnier, cet homme qui, condamné le 30 juin 1848 par la Cour d'assises de la Gironde, à la peine des travaux forcés à perpétuité pour crime d’assassinat , fut acquitté, au bout de sept ans, par la Cour d'assises de Montpellier, le Recueil publie trois chants religieux, dont le premier, intitulé Hymne à Dieu, est dû au poète russe Derjavine. Un autre russe, M. Serge Poltoraizki, l’a traduit en fran- çais. Après plusieurs mentions peu intéressantes ou dont l'objet était déjà connu, la livraison se termine par des considérations sur les moyens d'organiser dans les villes des établissements de prêt graluit pour les indigenis. SEINE-INFÉRIEURE. Société Havraise d’études diverses, 20 et 21° année. Peu de recueils présentent plus de variété et plus d'intérêt que celui-ci. M. Michaud, secrétaire de la Chants religieux. Prêts graluits aux indigents. Agriculture en regard de l’industrie. Douanes. Médailles romaines. 236 Société, commence par donner un compte-rendu fort complet des travaux dont la plupart vont passer sous les yeux du lecteur. Suivent des notices sur une nou- . velle moulière du département de l'Eure, sur les ré- sidus de café incendié, sur les moyens de prévenir les inhumations précipitées; un essai de M. le docteur . Lecadre, sur la névralgie intercostale ; un mémoire de M. le docteur Maire, sur l’asphyxie des nouveaux- nés; une nolice sur un cas d’hydropisie ascite dans lequel furent employées sans inconvénient, mais aussi sans succès, les injections iodées à haute dose; un essai sur la vision binoculaire, où le daguerréotype est présenté comme se complétant par le stéréoscope, qui achève de donner aux objets leurs véritables dimensions : telles sont les premières productions qu'offre cette riche livraison. Viennent ensuite deux études approfondies de M. Paul de Lajonkaire : 1° sur le rôle de l’agriculture en France, en opposition avec celui de l’industrie, et le besoin de tourner tous les efforts vers l'extension et l'amélioration de la première; 2° sur ies douanes dans l’antiquilé, travail dans lequel l’auteur, après avoir étudié cette institution chez les peuples de l'Orient, chez les Grecs, chez les Carthaginois et chez les Romains, conclut par ce passage de Montesquieu : « Plus on se rapproche de la décadence et plus les » taxes augmentent, parce qu'il n’y a point d'Etat où » l’on ait plus besoin de tributs que dans ceux qui » s’affaiblissent. » M. Gallet traite la question des octrois, M. l'abbé Terval présente un étude hislorique des médailles ro- maines, puis M. Borély écrit une notice extrêmement Pere instructive sur les croyances religieuses dans l'empire de Russie. Le recueil offre enfin, comme œuvres légères, une anecdote de M. Millet Saint-Pierre et un tableau de la Petite ville, tracé par la plume spirituelle de M. Léon Daudré, cet écrivain dont la presse quotidienne s’em- presse si souvent de redire le nom et de reproduire les articles. Le même auteur a produit quatre pièces fugi- tives de poésie, sous ce titre : les Quatre voix. Le spec- tacle de la mer, les élucubrations de la science, les inspirations de la poésie s'unissent pour l’amener, comme au port, dans les bras de la foi. Trois notices biographiques sur MM.Frissard, Bo- gaërts et Onésime Seure terminent la livraison. Cette nomenclature seule indique la richesse du recueil. Que penseront donc ceux qui l’auront pu 1 IE ANR VAR. Société des sciences; belles-lettres et arts, 12° année, n°° 1 et 2. Tout chef de maison d’éducalion, tout père de fa- mille lira avec intérêt les considérations développées, présentées par M. Flaugergues, sur l'instruction pubki- que en France et, en particulier, sur l'institution des maîtres d'études. On a de tout temps reconnu et admis, dit en com- mençant l’auteur, la différence qui existe entre l’édu- cation proprement dite et l'instruction, entre l’art de former le cœur et celui de développer l'esprit. En se basant sur celle distinction si naturelle el si élémen- La Petite ville, par L. Daudrée. Éducation. Ccemplément du système monétaire en France. 238 taire, M. Flaugergues examine les procédés mis en usage dans nos colléges et signale les lacunes, les dangers même que présente leur universelle applica- tion. La plupart de ses remarques, il le faut recon- naître, sont fondées, mais nous aurions désiré, peut- être, moins de plaintes et plus d’efforls pour nous indiquer le remède. L'action du père de famille alliée à celle de l'instituteur, tel est, on le sait depuis long- temps, le moyen de donner au cœur et à l'esprit un égal aliment ; heureux les enlants qui ne sont pas privés du premier de ces guides !…. A la suite de considérations sur l'avenir de la' ville de Toulon et un mémoire sur un système de généra- teur de machine à vapeur à moyenne pression pour navires, M. C.-C. Delacour, auteur de ce dernier ira- vail, présente des aperçus intéressants sur un système monétaire appelé à compléter celui mis en usage en France. Il ajouterait aux pièces actuellement exis- tantes, celles de 30 centimes en argent, ainsi que plu- sieurs pièces en cuivre et argent ou en cuivre seule- ment. La facilité que les alliages donnent en général à la contrefaçon porte l’auteur à proposer, pour cerlaines pièces, l'emploi d’un disque de cuivre ren- fermant dans sa circonférence une étoile en argent. Quelques essais de littérature d’un médiocre intérêt terminent cette livraison. LOZÈRE. Société d'agriculture, industrie, sciences et arts, — Mars, avril, mai 1856. | Cette livraison des travaux de la Société de Mende ne traite guères que d'intérêts locaux, quelques ex- 239 ceplions peuvent être signalées ecpendant. Nous in- diquerons entr’autres des observations sur l’igname de la Chine, plante qui, depuis quelque temps, occupe la plupart des Sociétés agricoles de la France; sur les différents engrais; sur l'enseignement pratique de l'agriculture à introduire dans les écoles primaires, et, enfin, sur l'emploi du pin noir d'Autriche pour le boisement des terres arides et à grande pente. NORD. Revue agricole, industrielle et littéraire de Walenciennes. — Mai 1856. Après quelques observations artistiques d’un intérêt local , le recueil donne une notice intéressante sur la pisciculture; on y examine l’état actuel et on tâche d'y indiquer l'avenir de cet art qui semble nouveau et qui pourtant aurait été connu des Chinois, pratiqué sur presque tous les points de leur vaste territoire par les Romains et mis en usage dans notre pays, à Mont- bard, à Châtillon-sur-Seine, et enfin vers 1820 dans la Côte-d'Or et dans la Haute-Marne. Seulement les moyens mis en œuvre pour obtenir les produits de la fécondation artificielle sont devenus si puissanis, qu’un nom plus énergique a semblé devoir être em- ployé pour indiquer leur emploi et que le mot de pis- cifacture a été créé. On devra à celte industrie impor- tante, non-seulement la reproduction plus abondante des espèces que nous possédons déjà, mais aussi l’in- troduction et l’acclimatation d’espèces lointaines et uliles. C’est ainsi que l’on a déjà introduit avec succès Pisciculture 240 dans ies eaux de la France le saumon du Danube, qui a la chair blanche et peut acquérir un mètre et demi de longueur, avec un poids de plus de 40 kilog., ainsi que les lottes si estimées du lac de Lucerne. On essaie même, ou du moins on a parlé d'essayer, dans certains lacs salés de la Provence, du Languedoc et du Rous- sillon, la création de bancs artificielles d'huîtres. Le cahier se termine par une notice sur les églises de Beuvraye et de Saint-Saulve, avec analyse de la légende qui s'attache à la mort de ce saint évêque et à la fixation du lieu où fut bâtie l’église qui devait per- péluer sa mémoire. SEINE. L'Investisateur, journal de l'institut historique, — €. 6, 3° série. La Corse. — Paoli, Nous devons citer avant tout un fragment d’un ou- vrage inédit de M. le marquis Cuneo d'Ornano, sur les principaux incidents militaires de la lutte si célèbre de Paoli contre les Français. Cette longue lutte se ter- mina, comme on l’a remarqué bien souvent, au mo- ment où naissait l’homme de génie qui, Français par une convention de la veille seulement, devait porter si haut et si loin la gloire de nos institutions et de nos armes. C’est, en effet, le 25 juin 1769 que se signa le traité de paix définitif, et le 15 août suivant naissait Napoléon. Duc de Chevreuse. On consuliera aussi avec inlérêt un mémoire don- nant quelques renseignements sur l'élève et l’ami de Fénelon, le duc de Chevreuse, mort peu après le duc de Bourgogne, en 1712. 241 Des analyses et des rapports remplissent le reste de Ja livraison. Bevue des Sociétés savantes. — t. 1’ 6* livraison (juin). Cette publication ne peut guère s’analyser, car elle n’est qu’une série d'analyses elle-même. Nous y voyons, en premier lieu, figurer, comme dans la plupart de celles qui l'ont précédée, l'indication des . travaux dont M. Place poursuit le cours. C’est indi- quer, on le sait, les fouilles faites à Khorsabad. Ce sont des proportions gigantesques comme dans l’ancienne Memphis : des taureaux à tête humaine et à cinq jambes, atteignant 4 mètres de longueur, des portes se développant sur une étendue de 69 mètres. Il est vrai que plusieurs appartements trouvaient place dans l'épaisseur de ces édifices; ces lieux servaient aux réunions, aux assemblées ordonnées en certains cas par le gouvernement. C’est de cet usage attaché aux portes de plusieurs villes de l'Orient qu'est venue, comme on a pu le faire remarquer dans tous les ou- vrages qui racontent les mœurs de cette contrée, l'ap- pellation de Porte ottomane. Parmi les Sociétés ou académies de la France dont les travaux sont passés en revue, nous trouvons celles du Gard, d'Agen (cette dernière présente une étude intéressante sur Bernard de Palissy), et de Toulouse ; dans cette dernière académie M. de Lagrèze, conseiller à la Cour impériale de Pau, a présenté un mémoire plein d’érudition sur l'histoire monétaire et numis- matique du Béarn. La Société de la morale chrétienne (journal t. VI, 46 Hagiographie. Foires. 242 n° 4), donne en entier le mémoire couronné par elle et traitant la question, ou, plutôt, développant le sujet de l'influence de la morale chrétienne dans le gou- vernement de la France, depuis Hugues-Capet jusqu’à la fin du règne de Louis XIIE, ou de 987 à 1643. SOMME. M. l'abbé Jules Corblet, président de la Société des antiquaires de Picardie, a fait parvenir à notre Société deux brochures, l’une indiquant le projet d’une hagio- graphie diocésaine, ou histoire de tous les saints du diocèse d'Amiens; l’autre contenant une notice his- torique sur la foire de la Saint-Jean dans la même ville. L'origine de cetle foire est le don fait, en 1206, à la cathédrale d'Amiens, du chef de saïnt Jean, trouvé ‘ à Constantinople dans le palais de l’Arsenal. La dévo- tion envers ce saint célèbre, la grande confiance qu'inspiraient ses reliques pour la guérison d’une foule de maladies etentr’autres de l’épilepsie, nommée souvent , à cause de son remède spécial, mal de saint Jean, attiraient, à l'époquede la fête du Précurseur, une foule immense de pèlerins à laquelle se joignirent, comme toujours, les marchands. L’auteur établit que c’est presque sans exception à une fête religieuse, à la consécration d'un temple, qu’il faut remonter pour expliquer la création desfoires annuelles ou de grandes assemblées. Il fait remarquer que le mot flamand si connu, kermesse, signifié dédicace de l'Eglise, et ce n’est certes pas dans notre ville d'Angers, où la foire du Sacre atteste par son nom même son origine re- 243 ligieuse, que l'opinion de M. l'abbé Corblet paraïtra peu fondée. Nous continuons à suivre, dans celie notice, l’ordre alphabétique par département. MAINE ET LOIRE. Société industrielle. — Éahier de”rovembre et décembre 1855, Ce cahier commence par une communication très- Lettre deM. Chevreui intéressante, relalive aux onze lettres écrites du mois à M- Villemain. de septembre 1854 au mois de janvier 1855, par M. Chevreul, notre célèbre compatriote, à M. Villemain sur l'abstraction considérée comme élément des connais- sances humaines, dans la recherche de la vérité absolue. Une lettre de M. Chevreul à la Société industrielle, imprimée dans le recueil de cette Société, a eu la bonne fortune de provoquer la correspondance dont nous parlons. Après un travail de M. Boreau sur la synonymie de Amaranthes. 2 espèces d'amaranthes, et un rapport de M. le pro- fesseur Gripon, sur quelques numéros de la bibliothè- que universelle de Genève, M. Marchegay fait con- naître un document assez curieux, relatif à la garde de l'Abbaye de Saint-Maur-sur-Loire, en 1615 et 1616. Cette date indique les troubles qui continuèrent à agi- ter l’Anjou, après l’entrée du roi Louis xn1 dans no- tre ville le 8 août 1615, troubles que cette solennité avait interrompus seulement. Duplessis-Mornay, com- Cu de Saint-Maur. mandant à Saumur, adresse le 3 novembre de la même -ennée, une lettre à Glaude de Saint-Offange, abbé de Tuyaux en bois. Passage de l’isthme de Panama. Ruches. Récompenses à l'exposition. 244 Saint-Maur, en l'invitant à pourvoir à la sûreté de ce point important et, en exécution de cetle ordre, l'abbé donne un règlement pour la garde de l’abbaye dudit lieu et les rangs que chacun y tiendra. L'abbé, le prieur, le chantre, le curé de Saint-Martin s'y voient assigner chacun leur poste et leur tour de garde, comme aussi on règle les munitions que chacun tiendra au chevet de son lit pour le service de l'arquebuse dont il sera armé. M. de Beauvoys donne connaissance des tuyaux en bois destinés à amener les eaux de la fontaine de Princé au splendide château du Verger, rebâti, comme on le sait, en 1499, par Pierre de Rohan, maréchal de Gié. M. J. Sorin, faitun rapportexprimant de grands élo- gessur la carte du Nicaragua, par M. Myionnet-Dupuy. Cette étude a trait, on le devine, à la grande question de la jonction des deux Océans, ce qui aurait pour effet de raccourcir de 3,000 milles la distance qui sépare l'Europe de tout le littoral occidental de l'Amérique. « Il existe dans le nouveau monde, dit M. Myionnet, » un pays aussi admirablement situé que Constanti- » nople : c’est l’état de Nicaragua. » Dermême que Constantinople est le cenire de l’an- » cien monde, de même Rivar est le centre du nou- » veau. Mieux encore que Constantinople, l’état de »; Nicaragua peut devenir la route obligée du grand » commerce du monde. » Après quelques mots de M. Daligny sur les ruches si renommées de M. de Beauvoys, le recueil donne la liste de tous les membres de la Sociéte, qui ont obte- nu des distinctions à l'exposition universelle de 1855. 245 Presqu'immédiatement une notice consacrée aUX Nofice sur les œuvres membres de la Société morts depuis 1850, jusqu'à l’an- des membres de la née 1856, fait connaître les travaux de chacun d'eux Société, décédés. insérés au bulletin, ainsi que les ouvrages offerts par eux. Le recueil contient, enfin, un grand nombre de communications dignes d'intérêt, sans nul doute, mais échappant à celte analyse, et se termine par une liste des ouvrages envoyés à la Société au cours de l'année. NORD. Société impériale d'agriculture, sciences et arts de Valenciennes. 1855 — n° 6. Au nombre des propositions dont l'exposé COM- Banquet offert aux mence le recueil, nous remarquons celle d’une ma- agriculteurs et indus- nifestation en l'honneur des agriculteurs et des indus- fi juin : triels de la contrée qui ontobtenu des distinctions à l’ex- position universelle. Un banquet doit être le moyen adopté pour faire connaître aux lauréats les sentiments de joie et d’orgueil, qu'éprouve leur pays à la vue des récompenses qui viennent de leur être décernées au nom du monde industriel et artistique tout entier. Nous fixerons également l'attention de la Société Copies de tableaux sur une proposition de la section de peinture de Va- représentant des faits ; k #4 É d'histoire locale. lenciennes, tendant à ce qu il soit ouvert un concours pour des copies de tableaux représentant des faits ‘ d'histoire locale. Ces copies devront être exéculées d’après les originaux qui se trouvent soit au musée de Versailles, soit dans d’autres collections. Chaque ville, il nous semble, devrait saisir celte in- 246 dication, et nous voudrions que la nôtre fût assez fa- vorisée pour donner l'exemple à celles qui l’avoisi- nent. Un trait de l’histoire de Nantes, au cours de la révolution de 93, figure dans la salle du Conseil mu- nicipal de celte cité. Personne n'’a-t-il donc jamais songé à peindre le combat de Brissarthe où succomba Robert-le-Fort, la victoire de Grise-Gonelle, Louis x: dotant Angers de sa Charte municipale en 1474, et vingt autres événements sur lesquels un grand inté- rêt se portera toujours? De plus, les portraits des hommes qui ont joué un rôle important dans l'histoire de notre pays, ne sauraient-ils se rencontrer ? Ce que Versailles est pour la France, cette collection le de- viendrait pour nous et, comme il se rencontre dans les riches et nobles demeures, notre cité aurait là aussi sa galerie de famille, Igname de la Chine Une dernière proposition, due au comice de Condé, tend à ce qu’il soit fait des essais suivis sur une nou- velle plante alimentaire, l’igname de la Chine. Octroi sur le poids de Après un rapport remarquable de M. Bonnier, juge Re viande. qe paix à Condé, sur les inondations auxquelles sont sujets les cantons de Condé et de Saint-Amand, nous trouvons une proposilion de la commission nommée pour examiner la question de la statistique de la bou- cherie à Valenciennes, tendant à ce que la perception du droit d'octroi ait lieu au poids de la viande nette et non au poids des animaux vivants à abattre. On se fonde, pour faire celte demande, sur ce que, par le‘premier mode de perception, il est impossible d’obtenir le chiffre exact de la viande nelte consommée dans la ville : Sur ce que les bouchers, pour diminuer autant que 247 possible le poids de tout ce qui ne doit pas être vendu, soumettent, dans les écuries des abattoirs, leurs bes- tiaux à un jeûne qui va jusqu’à l’inanition, coutume barbare qui a de fâcheuses conséquences pour la qua- lité de la viande que donnent ensuite ces animaux. Deux rapports terminent le recueil: un, sur le Choix des vaches choix des vaches laitières, sujet important traité par laitières. M. Magne, professeur à l’école d’Alfort : la Société de Valenciennes doit faire venir 40 exemplaires de ce travail, pour en répandre les utiles enseignements. L'autre rapport, d’un intérêt tout local, concerne les ouvrages d'art de l’église Saint-Géry, à Valen- ciennes. F A ce recueil se trouve joint un prospectus annon- Concours pour le çant la fête que prépare au mois d’août prochain la chœur d'inauguration : Ë Le à de la statue de Frois- ville de Valenciennes, pour l'inauguration de la statue 5. du chroniqueur Froissart, né dans ses murs en 1337: un concours est ouvert pour la composition d’un chœur destiné à être chanté par des voix d'hommes, et dont M. Ambroise Thomas, de l’Institut, doit écrire la musique. , RHIN (HAUT-) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. 27. Les travaux importants contenus dans ce volume, demanderaient une analyse trop étendue pour pou- voir trouver place dans cette simple notice bibliogra- phique. Je me contenterai donc de citer les princi- paux objets sur lesquels s’est portée l'attention et se sont exercées les recherches des membres de la So- ciété du Haut-Rhin. La garance, la distillation de l’al- Pommes de terre. Choux. 248 cool, la cochenille, la fabrication des lusirines, les engrais, l'industrie du papier, les toiles peintes, tels sont les points sur lesquels on peut recourir au recueil qui nous est adressé. SARTHE. Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe. Bulletin de 1855. Un concours avait été ouvert en 1854, sur cette question : Dans quelle mesure le morcellement des terres peut-il se prêter à l'adoption des nouvelles mé- thodes agricoles, à l'usage des instruments perfection- nés, à l'élève des meilleures races de bétail ? Aucun mémoire n'ayant présenté une solution suf- fisante de ces points, la commission, dont le rapport commence le recueil, propose de ne pas décerner le prix et de remettre la question au concours. Deux communications suivent; l’une, de M. Dugrip, sur la culture d’une variété de pommes de terre, l’au- tre, intéressant et tout à fait pratique de M. Hennezel, sur l'emploi de la chaux dans l'amendement des terres. Si, comme nous venons de le voir, le comice de Condé propose des essais sur l’igname de la Chine, on est plus avancé dans la Sarthe, et M. Edouard Guéran- ger rend compte d'observations nombreuses déjà faites par lui, sur les conditions de culture etles qua- lités alimentaires de cette plante. Il fait remarquer en commençant son rapport qu’en Amérique, dans l'Inde, au Japon, à Tahiti, aux îles Molusques, on se nourrit < 249 de diverses espèces de dioscorées. L'espèce actuelle a été envoyée au jardin des plantes de Paris, en 1850, par M. Montigny, consul de France en Chine et a reçu de M. Decaisne, professeur de culture dans cet éta- blissement, le nom de Discorea Batatas. Une commission rend compte d’un mémoire de M. Guet, juge de paix à Montfort, sur la géogénie, ou formation successive de notre planète. Ce mémoire ayant été soumis à l'Académie des sciences, la So- ciété s’abstient de le juger et se borne à remercier son auteur. Un travail extrêmement intéressant-et rempli d'in- dications pratiques est présenté par M. Leveillé, sur les règles à observer pour former des trottoirs dans les villes, le relief, la largeur de ces exhausse- ments, ainsi que sur les matériaux et le mode d’exé- cution à employer. Nous signalons hautement ce mé- moire à l’atiention de la Société. Communication de M. de Hennezel, sur les progrès importants qu'a réalisés dans le drainage de la terre du Taillan, M. le marquis de Bryas, ancien député, ex-maire de la ville de Bordeaux. Rapport de M. le docteur Lizé, sur un ouvrage de M. Spengler, médecin des eaux d'Ems, sur les pro- priétés et l'emploi des eaux. Mémoire sur la géogénie. Trottoirs. Drainage. Eaux d'Ems. 32 questions sont réunies en un programme, et pro- Questions à résoudre. posées aux séances générales de la Société en 1855. De ces questions, 12 appartiennent à la seclion d’a- griculture, 10 à celle des sciences physiques et natu- relles, 10 enfin à celle des sciences historiques, des beaux arts et de l’industrie. Nous ne pouvons que renvoyer au recueil qui est Pisciculture. Drainage. Voûtes biaises. Dysseñlérie. Plantes indigènes 250 placé sous nos yeux, ceux qui voudront connaître les développements et les controverses auxquels la plu- part de ces questions ont donné lieu. M. le Préfet de la Sarthe, et plusieurs personnes dont le nom a acquis dans le domaine dessciences la considéralion la plus légitime, ont pris part à cet intéressant examen. Dans un mémoire à part, et pour répondre à quel- ques-unes des questions du programme dont nous venons d'indiquer l'étendue et la diversité, M. Anju- bault, conservateur de la bibliothèque du Mans, pré- sente une revue des espèces de poissons qui vivent dans le département de la Sarthe et des observations détaillées sur la pisciculture. Il examine les avantages reconnus el conformes aux données du raisonnement de cet art nouveau, tout en prémunissant contre les résullats exagérés que l'on a prêtés à ce genre d'opé- ralions. M. de Hennezel fait connaître les progrès du draina- ge, dans les divers arrondissements de la Sarthe ; M. l'Eveillé présente un long mémoire sur les voûtes biaises, auxquelles donne lieu parfois l'établissement des lignes de chemins de fer et sur les moyens de combattre la poussée au vide qui se détermine en pa- reil cas. MM. Lebèle et Hippolyte Bérard, présentent des ob- servations étendues sur l'épidémie dyssentérique qui a régné dans la Sarthe en 1854. Nous ne pouvons recommander avec trop d'insis- succédances des exo- fance le mémoire de M. le docteur Lizé, en réponse à tiques, celle question : Quelles sont les plantes indigènes du département de la Sarthe, qui peuvent être employées comme succédanées, en médecine, des plantes exo- 251 tiques ? Cette recommandation se justifie doublement par le mérite de l’œuvre et par la proximité du“dépar- tement auquel elle s'applique. Quels sont, en effet, les végétaux qui figurent au premier rang dans le tra- vail M: Lizé? Le saule blanc, les gentianes, la petite centaurée, le houblon, le noyer, le frêne, le houx, le marronnier d'Inde, ia centaurée chaussetrape, le trèfle d'eau et autres plantes qui, comme on le voit par cette indication, appartiennent aussi au départe- ment de Maine-et-Loire. Ces observations sont toute- fois précédées de cette remarque générale du doc- teur, que, jusqu’à présent, plusieurs substances, telles que l’opium et le quinquina, n'ont pas trouvé chez nous de succédanées vraiment dignes de ce nom. M. l'abbé Lotlin, présente un mémoire étendu, un Écoles ecclésias- véritable traité sur les principales écoles ecclésiasti- Ro UE age ques du Maine au moyen-âge, leur importance et leur influence sur cette province. Ce mémoire sert d'introduction historique à l'ouvrage de M. Hucher, publié sous ce titre : Calque des vitraux peints de la cathédrale du Mans. Comme on le voit, cette magni- fique église aura, à l'exemple de celle de Bourges, trouvé son Arthur Martin. M. de Lestang, se livre à des recherches étendues participation des : ei pleines d'intérêt pour déterminer, comme le de- habitants du Maine à mandait une des questions proposées pour les séances En ER générales, quelle parti les habitants de la province du k k Maine prirent à la conquête de l'Angleterre par Guil- laume de Normandie. M. Edouard Guéranger, fait connaître des docu- Œuvres menis relatifs à l’histoire des œuvres de bienfaisance de bienfaisance. Coquilles fossiles de la Sarthe. Influence de la vapeur, 252 fondées dans le diocèse du Mans, du xinfme au xvirr® siècle. MM. Richard, avocat, et David, architecte, présen- tent ious les deux un mémoire sur cette question : Etudier l'influence des chemins de fer sur le com- merce et l’industrie, ou les modifications que la créa- tion des chemins de fer devra exercer dans les habi- tudes industrielles et commerciales. M. l’abbé Davoust, enfin, trouvant dans le pro- gramme des questions, celle-ci : Quelles sont, parmi les coquilles fossiles recueillies en France, celles qui n'ont encore été trouvées que dans le département de la Sarthe? écrit sur ce sujet une brochure dont nous n'avons pas à vous entretenir, M. Millet ayant été in- vité à prendre connaissance de cette œuvre, dont nul autre ne saurait mieux que lui vous faire apprécier la valeur. Tel est, MM., le volume envoyé par la Société de la Sarthe. Il est difficile de trouver un recueil qui ren- ferme plus de documents importants, et qui monire dans les membres d’une compagnie savante et plus: de zèle et plus de lumières. Ne perdons pas de vue cet exemple, messieurs ; qu'Angers, plus riche en popu- lation et en ressources, demeure aussi plus riche en travaux et en utiles enseignements ! Interrogeons- nous tous et que chacun se demande consciencieuse- ment si, sur ce point, il n’a aucun reproche à se faire. SEINE. L'Investigateur, journal de l’Institut historique. 1855, octobre. Cetle livraison comprend deux mémoires seulement. 253 Le premier, de M. Siméon Chaumier, recherche l'in- fluence de la vapeur sur l'état des Sociétés el examine les changements qu'a apportés et devra réaliser en- core cet agent nouveau, sous les rapports physique, mathématique, économique, industriel et de con- sommation, des approvisionnements de l’agriculture, de la guerre. Il termine en se demandant quels se- ront au triple point de vue de la paix, du langage, et même des croyances, les résultais de celle décou- verte. L'auteur, après avoir signalé quelques maux transitoires, n’aperçoit, en définitive, que progrès et bonheur pour tous, uniformité probable de langue et de religion et semble, en finissant, élever jusqu'aux formes du dithyrambe l'éloge de cette force puissante inconnue de nos ayeux. Le second mémoire du recueil, présente le parallèle de la langue du siècle de Louis XIV et de celle du xix° siècle. Le dictionnaire français, au xvu® siècle, ne possédait que 25,000 mots, tandis que nous en avons 45,000 environ. Mais la première question est de savoir si, pour être bon ouvrier, il vaut mieux pos- séder un grand nombre d'instruments ou savoir créer les mêmes choses avec un nombre d'instruments beaucoup moindre. Aïnsi, le vocabulaire du xvri* Parallèle de la langue siècle construisait les mots à l’aide de deux procédés : le latin, pour 16 ou 17,000 ; pour le reste, la formation purement française, comme dans les mots : arc-en- ciel, arc-boutant, chef-d'œuvre, coq-à-l’âne, tête-à- têle, etc. Nous, en revanche, nous prenons nos matériaux dans le grec : hypertrophie, céphalalgie ; dans l'anglais: redingotte, houppelande ; dans l'allemand : vasistas ; ce qui fait dire à l’auteur : le vocabulaire française du xvire et du xixe siècles. Respect aux sépultures. Enfants dans les prisons. Sociétés de la paix. 254 du xvu® siècle était naïf et dégagé, celui du xix° est lourd et alteint d’obésité ; le premier, respirait notre nature française : le second se ressent de Denon britannique et allemand, Poursuivant son parallèle, Mwe Maury-Rousseau compare le langage de Racine à celui de Lamartine, met un passage de Bossuet près d’une description de Châteaubriant dans ses Martyrs, donne en passant un salut à l’inimitable Molière, et termine par cette con- clusion : Au temps de Louis XIV, la langue, avec moins de ressources, à fait de plus belles choses que nous n’en avons produit avec des éléments plus variés. Société de la morale chrétienne, — t, 6, n° &. 4 Sous ce titre : Respect aux sépultures, M. de Martone passe en revue les usages ou les lois qui, depuis les temps les plus reculés, n’ont cessé d'attester ce ser- liment de l’homme, cette croyance intime que, sous la pierre du tombeau, il se {trouve autre chose que ce je ne sais quoi sans nom, comme Bossuet nomme nos restes mortels. Les sort des enfants dans les prisons, inspire à M. le docteur Vingirénier, des observations du plus haut intérêt. Puis vient l'historique des Sociétés de la paix, dont la première a été créée à New-York en 1815. Celle de Londres ne date que du 11 juin 1816, à peu près un an, comme on le voit, après la bataille de Waterloo. Déjà accueillie à Genève, l'institution ne s’est établie à Paris que le 24 mars 1841. Ces Sociélés s'étant ré- 255 pandues sur un grand nombre de points et des tra- vaux sur la grande question de la paix universelle ayant été par elles sollicités de toutes parts, un con- grès des délégués de toutes ces sociétés se réunit à Londres, le 22 juin 1843. Plus de 300 membres y as- sistaient. Le principal résultat des conférences fut ainsi formulé : « Un des meilleurs moyens d'éviter le » retour de la guerre, est de reconnaître le principe » de l'arbitrage et d'introduire dans tous les traités » entre les nations, une clause par laquelle elles s'en- » gageraient à remettre tous les différends qui pour- » raient s'élever entre les gouvernements, à l’inter- » vention d’une ou de plusieurs puissances amies, » pour les concilier sans avoir recours aux armes. » Des députations du congrès de la paix ont été re- çues, au mois de juillet suivant, par sir Robert Peel, par le roi des Belges et par le roi des Français. La correspondance du recueil fait connaître deux _ faits bons à signaler : le premier, c’est que M. Billault, ministre de l’intérieur, se fondant avec raison sur nos habitudes et nos mœurs, a refusé d’auloriser, lors de l'exposition universelle de l’an dernier, le spectacle des combats de taureaux, qu’une compagnie espagnole voulait introduire à Paris. Le second, c’est qu’à la grande stupéfaclion des nations civilisées, la torture est encore pratiquée par les gouvernants anglais, dans la présidence de Ma- dras et cela non seulement comme moyen d’arracher des aveux à des présumés coupables, mais aussi d’ar- racher des deniers à ceux qui refusent ou retardent de payer des impôts. Le récit de ces tortures, donné dans un document publié en Angleterre, fait dire au Tortures dans l’Inde anglaise. 256 Times: « Nous serions plus que des mortels, si nous n'é- » tions pas quelquefois humiliés. » Revue des Sociétés savantes, t. 1. L'° livraison. Vous reconnaissez à ce titre, MM., la publication dont la Société, lors de sa dernière réunion, a voté l’a- bonnement. La livraison que nous avons examinée, se montre fidèle aux promesses du prospectus dont il vous a été donné connaissance. Nous ne devons pas, vous le comprenez, vous offrir ici une analyse de ce qui n'est qu'une analyse. Nous nous contenterons d'indiquer les Sociétés qui sont citées et appréciées dans ce premier cahier. L'académie des inscriptions et belles-letires, y oc- cupe le premier rang. Vient ensuite l'examen des principaux travaux des sociétés savantes du Langue- doc; le premier article est consacré à celles du dépar- tement de l'Hérault. Les mémoires de la Soci-té im- périale des sciences, agricullure et arts de Lille, les sociétés savantes de Belgique, l'association générale d'histoire et d'archéologie de l'Allemagne, l’Institut archéologique et la Société des antiquaires de Lon- dres, voient iour à tour citer et apprécier sommaire- ment leurs principales recherches, leurs plus impor- tantes productions. Un programme fait connaître, à la suite de ces ana- lyses, neuf sujets mis au concours par l'académie des sciences morales et politiques. Enfin, après diverses communications, commencé la nomenclature accompagnée de quelques réflexions, indiquant la nature -et le but de chaque œuvre des 29% diverses publications envoyées par les sociétés sa- vanies. Parmi ces communications, on remarque une cir- culaire de M. le Ministre de l'Instruction publique, . datée du 10 janvier dernier, pour recommander aux recteurs de donuer en toutes circonstances leur appui aux sociétés savantes, d'engager les membres du corps enseignant à se mêler à ces travaux, et à signa- ler à l'administration les personnes qui se feront par- ticulièrement remarquer par leur zèle. SEINE-INFÉRIEURE. Société libre d’émulation, du commerce et de l’industrie, de KRouen. années 1854, 1855. Après des rapports et des détails nombreux, concer- Appareils du docteur ° nant l’industrie du pays et les récompenses que de Nicole, nouveaux perfectionnements ont méritées, nous trou- vons un rapport de M. le docteur Vingtrinier, méde- cin des prisons de Rouen, sur les appareils inventés par M. le docteur Nicole, d'Elbeuf. - On se figurerait difticilementun zèle plus judicieux et une imagination plus féconde que celle de ce mé- decin qui, en présence des besoins du moment, à inventé tour à tour, depuis 1838, un lit mécanique, un systême fort simple propre à maintenir un mem- bre fracturé, un appareil pour} mettre au bain les impotents ou les blessés, un lit afbascule, une béquille pour certains cas d’ankylose, un chauffe-pied écono- mique, un bridon strangulateur qui arrête un cheval fougueux par la main de son cavalier lui-même, un 17 Œuvres morales. Chloroforme. Dépréciation des monnaies. Aliénés. Niandes salées. Climat de la Belgique Épidémies. 258 étrier qui laisse toujours le pied se dégager en cas dé chüûte, et, enfin, une chaise pour accouchementis. Une médaille d’or lui est décernée. M. Léon Vivet, présente un long rapport sur les œuvres de haute moralité du département méritant récompense. Après un rapport de M. le docteur Caneaux, sur les moyens à employer contre les accidents déterminés par les inhalations du chloroforme et une communi- cation relative à des résultats obtenus par diverses matières colorantes, M. de Lérue présente des obser- valions pleines d'intérêt sur l'influence de la dépré- ciaiion des valeurs monélaires. Quoiqu'il se préoccupe surtout à cet égard des revenus des établissements de Bienfaisance, ses remarques n’en ont pas moins une application générale à toutes les fortunes mobi- lières, au traitement des fonctionnaires et aux précau- tions à prendre pour échapper, partiellement au moins, à ces changements que la mise en exploitation des gisements de la Californie, produit de nos jours, comme la découverte de l'Amérique les produisit au xvI® siècle. Viennent ensuite des observations sur les établisse- ments d’aliénés de la Belgique, sur les écoles spéciales des Beaux-arts appliqués à l’industrie, puis un rapport très-étendu sur les viandes salées, rapport peu favo- rable à ces substances, telles, au moins, qu’on les apprêle jusqu’à ce jour. Le recueil se termine, en ce qui doit vous être in- diqué dans ce travail déjà bien long, par des observa- tions sur le climat de la Belgique. 259 VAR. Une Société d’études scientifiques et archéologiques, vient de se former à Draguignan. C’est son premier cahier que nous avons sous les yeux. Naturellement, les statuts et la liste du personnel de la création nou- velle, prennent la plus forte part de ce bulletin ; on y remarque pourtant, la première partie d’un travail fort développé de M. le docteur Giraud, sur les épidé- mies qui ont frappé Draguignan depuis le xv° siècle. L'histoire des mesures prises à l’époque de chaque invasion, présente surtout de l’intérèL.- BELGIQUE. Académie d'archéologie, t. 12, 4° livraison. Des recherches sur la musique à Audemarde avant le xix° siècle, une longue notice historique sur le chapitre collégial de Sainte-Dympne, à Gheel, sont loin, à nos yeux et à notre distance surtout, d'offrir un intérêt égal à celui des recherches de M. Lansens, sur l’ancienne colonisation des Flandres. L'auteur, ana- lysant avec un soin extrême un grand nombre de mots, de noms de villes principalement, y trouve la trace de la langue saxonne el se rencontre ainsi avec les historiens qui attribuent à celte parlie de la Bel- gique, jusqu’au commencement de l'ère vulgaire, le nom de littus saxonicum. L'auteur s’altache, en pre- mier lieu, au nom de la contrée lui-même, écrit dans l'origine Fliand-land, mots presqu’entièrement con- formes à l'anglais de nos jours, Flying-land, pays des 260 ë fuyards, des émigrants. Ces analogies se poursuivent et donnent lieu à des observations qui nous ont paru, pour la plupart, faites avec une grande sagacité. Il est bien d'appeler ainsi l'archéologie du langage à com- pléter l'archéologie des édifices ; il est des empreintes que la parole de l’homme conserve parfois plus fidè- lement que le sol dont une invasion de la guerre ou des flots peut bouleverser la surface; se faisant jour ainsi par des voies différentes, la vérité n’en brille que mieux et d’un plus incontestable éclat. ÉLIAGIN LACHÈSE. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE 7° VOLUME (2° SÉRIE), DE LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. Pages. Séance de rentrée du 11 janvier 1856. — Compte-rendu des travaux de l’année, par son président, M. DE BEAUREGARD 5 Rapport sur une statistique des États-Unis d'Amérique, par MSDE BEAUREGARD: AREAS PRE NUE es 9 Le Ruisseau, par M. le comte D'ARTAUD................ « 14 Rapport sur le catalogue des Lépidoptères des environs d’An- gers, de M. G. Toupiolle, par M. T.-C. BÉRAuD........ 16 Catalogue des lépidoptères observés aux environs d’Angers, HA MAG UTOUPIOLLE ER es Me Re 21 Coup-d’œil sur quelques antiquités de Thasos, île de l’Archi- DEP DATAM ÉTENTORIS 00. LUE OU LS APN 46 Rapport sur une tragédie et sur des pièces de vers inédites , Dar ME PAUL PAGHES ENS RE RSR RE 62 Promenade en Touraine, par M. P. BELLEUVRE........., SUUTÉ, 262 an Pages. Rapport sur la brochure de M. Boutard, de Tours, relative à la libre monétisation de la propriété, par MM. JANIN et LÈBE-GIGUN............. eee ec 104 Peintures sur voûte de quelques églises du diocèse, par M°P: CHEVALIERS-- LR 0e DE ASS MERE NE à 115 Établissements scientifiques et artistiques d'Angers, par M. T.-C. BÉRAUD............... Bobo A Et ee L Rapport sur un ouvrage de M. Victor Hugot, par M. DE BEAUREGARDS uen tee ele el IE e Ne PANNES 203 Carte de Peutinger, par M. V. GODARD-FAULTRIER. . ...... 205 Rapport présenté par la commission chargée d'examiner une demande de M. Letort aîné, de Pouancé , à M. le Préfet, au sujet d’un essai d'emploi de sel marin comme engrais. MM. BÉRAUD , MILLET, PAVIE père .......... Nr A0 Revue bibliographique. — Troisième compte-rendu des bro- chures, par M. ELIACIN LACHÈSE .......,.,........... 215 Angers, imp. de Cosnier et Lachèse. # b} | Stat DRE re) GG is eds sas 0 & anse A ‘ él ms ; 27 sus At mn inaT bre & ne # Aa, oi moëïrh MSGAE A PARTS ep ar “alnuttet SU 40e ki S'raet Gh ce EL AIRE ; RE EE HAE 2 On mio A LUE MOT CI PES Û sabot Bd M “y, 2EtE