MfiMOIRES HE LA SOCIETE ACADEMIQUE DE MAINE ET LOIRE SEPTIEME VOLUSIE ■sfi^a ii^'^.^^Uirsis S2L> a '^2^ sa aa e ANGERS IMPRIMEUIE DE COSNIER ET LACHESE Chaiisscc-S.'iint' Pleiic , n 1860 ,le decern^ a M. Chauvinau d'Angers, 20 ans , qui a expose aussi au concours, quelques etudes peinles d'apres nature, bien loin d'etre sans merite et qui altestent le caractere onini- polenl qu'a pris ici t'enseignement. 16 Quant an premier prix de peinture, il a 616 obtenu par M. Dandleuf, 19 ans, de Scgre. Le Jury a remarqu^ a cold de ses academies et teles d'apres nature, des etudes de bustes peintes en grisaille d'apres la ronde-bosse, dont les details sont 6tudi6s avec soin et rendus avec bonheur dans les parties en pleine lumiere, ce qui est toujours une ditricult(^. Le deuxieme prix a et6 ddcerne h M. Duveau, 18 ans, de Saumur, 6\6ve peintre-verrier chez MM. Thierry. On a distingud dans ses etudes des qualiles qui annoncent un colorisle et une entente ddja avancde du clair-obscur pour accuser certains reliefs, et cela particulierement dans une t6te de vieillard coifK d'un chapeau rond. Ces deux memes eleves ont el6 aussi les heureux lau- r(5als de la premiere section de rornemeut d'apres la bosse, M. Duveau, ayant eu le premier prix et M. Dand- leuf le second , double rdsullal qui conflrnie une fois de plus encore ce que nous nous sommes toujours efforcd de mettre en evidence dans nos discours prdcc^deuts , ci sa- voir : que pour devenir un ornemaniste distingud, la meil- leure des etudes pr«5paratoires est celle de la figure hu- maine, par cela qu'elle est la plus difficile ^ reproduire dans ses harmonies , la plus inconstante dans ses details symdtriques, la plus variee dans ses plans et dans ses li- gnes de contours et de saillies. Nous nous bornerons a ciler ces trois noms, mais en conslatant toutefois que dans les deuxieme et troisieme divisions, il y a des progres qui nous donnent I'assurance que nous aurons a vous signaler I'an prochain de dignes successeurs a nos trois laurdats , de meme que ceux-ci avaient eu Fan dernier de si dignes devanciers. Ceci, Messieurs, nous amene naturelU-ment a vous rappeler les noms de MM. Leroux et Rohard, statuaire et archilccle, qui en sortanl de I'Ecole d'Angers, ont oblenu 17 d'aller terminer leurs Eludes a Paris, comme boursiers du deparlement. LeroLix y a d^buld, presque avec I'annee , en obtenant la troisieme place sur 147 el6ves, au premier concours de I'Ecole imperiale des beaiix-arls , et il a pu dans le court espace de six mois, se faire dgalement dislinguer dans les autres cours publics, ainsi que dans les ateliers des premiers mailres : Ton a pu au reste apprecier ses ^tonnants progres, par Tenvoi presenle par lui au Con- seil general. II ne comprenait pas moins de trois slalues, demi-nalure, dont une en ronde-bosse remarquable par r^lude et par la perfection , un buste (^galemenl d'apres nature, deux medallions, portraits de M. Berryer et du P. Ralisbonne, dix bas-reliefs en platre, personnages en pied, dont six de la composition de I'auteur et quatre ex^cul^s par lui sur des dessins de Flaxmann et des pein- tures ^trusques. De ces bas-reliefs, ceux qui lui sont propres revelent dans la science de la composition des Eludes d^ju fori avanc(5es et qui ne sont plus gueres, il faut bien le dire, dans les habitudes des Aleves de noire 6poque, dont la pluparl, surloul parmi les sculpteurs, croienl avoir assez fail quand ils sont parvenus a ropro- duire fidelement un modele d'acad(5niie. L'on a pu remarquer en outre dans cet envoi, un des- sin d'acad^mie, demi-nature, qui a oblenu la mention honorable, remplagant pour la presenle annee le prix a I'Ecole des beaux-arts de Paris. Dans ce dessin, la figure en pied est complt^lement dossinee dans tous ses con- lours, et lerminc^e dans ses formes exl^rieures en quel- ques parlies, mais elle presenle pour le thorax, Tclude des visceres, et pour Irois des exlreniiles llioraciques et abdominales, les details complels de Tosl^ologie ou de la myologie. 11 esl evident que pour execuler unsemblable travail de memoire il faut poss^der des connaissances en VII. 2 18 analomie bien solides, aussi ne serez-vous pas surpris d'apprendre que M. Leroux a suivi assidtiment les coins d'analomie de noire Ecole de m^decine pendant deux ans, et qu'il y a ainsi puisedans les legons du professeur et dans une 6lude personnelle des objels en nature qui sont en quelque sorte prodigu6s ici aux ^16ves sludieux, des connaissances qu'il n'etit cerlainement pu acqu^rir a Paris ni6me, Quanl a M. Rohard, il suffira de dire que parmi les di- vers projets admis a Texposilion de Paris de 1859, la Com- mission en a (3onsidere un comme lellenient remarquable qu'olle I'a reconimand^ specialement a Tattention du ministre. Au reste, M. Rohard , dans tous les cours qu'il suit, ou a suivis a Paris, a r6colt6 la plus ample moisson de m^dailles el de couronnes. Le complement indispensable de I'^ducation qui se donne soil dans les Ecoles des beaux-arls , soil dans les elablissemenls particuliers, soil enfin par les legons pri- vees est cerlainement celui que Ton pent puiser dans les mus(5(S, lorsqu'ils sont suffisammenl doles de bons mo- deles. Aussi le noire, qui se Irouve dans celle condition pour la peinlure aulanl que ceux des plus grandes villes, et qui, pour la sculpture, ne connaitpasde rivaux, esl-il fri^quenle par les Aleves el par loules les personnes qui cullivent et aiment les arts el qui sonl relalivement en plus grand nombre peul-etre dans noire ville qu'en au- cune autre. L'inleret qui s'y rallache sous ce rapport, nous oblige done a jeler un coup-d'ceil rapide sur les tableaux el les slalues dont il s'esl augmenl(3 pendant les trois annees ecoulees depuis la publication de noire No- tice sur les etablissements scientifiques et arlistiques de la ville ff Angers, dans laquelle nous avons brievement in- venlori6 leurs richesses. Nous ferons remarquer lout d'abord deux tableaux 19 d'histoire de la plus grande dimension, de M"" Mongez, el6ve de David, celle-la qui fit dire a Napoleon P' qu'il re- grellail de ne pouvoir d^corer une femme de la croix d'honneur. lis rappellent Addlement, Irop Addlement peul-6lre, la mani^re du grand mailre ; ce sonl le Ser- ment des sept chefs devant Thebes , et Mars quiltant V(5nus... C'est M""^ Mongez elle-m6me qui en a fait don au mus^e. Puis viennenl : 1° une admirable copie de r«5pisode de la Barque des damn^s du Jugement dernier, de la gran- deur de la fresque gigantesque de Michel- Ange, executee a Rome par Lenepveu ; '2° un beau portrait en pied de feu Bineau, ministre des finances, par Riviere; 3° un grand tableau de I'lnondation de 1856, figures de plus do 30 c, reprdsentant la visite de TEmpereur sur les carri6res inond^es, par Antigna, oil Ton retrouve en plusieurs par- ties le talent plein de verve, de chaleur, de franchise et d'abandon de ce peintre, a cole de quelques autres quel- que peu negligees ou trop sacrifices sous le double rap- port du dessin et du faire; 4° enfin un charmant paysage de Paul Flandm, nouveau venu echappe de I'expositiou de 1859 , qui presente la vue d'uue bale de la Mediterra- nde, de Sicile peut-etre, d'uu effet s^duisant et donl la coulcur lumineuse, surtout dans les arbres et les rochers du premier plan, le dispute a I'imprevu et au pittoresque des details. Les quatre derniers tableaux ont etd donnes par lEtat et il faut malheureusement y joindre encore un paysage, efifel de crepuscule, par Vcndreuil et un int^rieur de fo- r6t , ou quelque chose d'analogue , avec des personnages impossibles, signe par un VioUel-Leduc qui, sous le rap- port du talent, n'est bien cerlainement que I'homonyme de I'archilecle si juslement reuomme. Nous avons dit malheureusement el c'esl une expres- 20 sion que nous ne r6tracterons pas , car a I'aspect de ces toiles malenconlreuses on se prend a d^plorer malgr6 soi que notre galerie ait pu 6tre obligee de les admettre a c6t6 des chefs-d'oeuvre qu'elle possede. U en est en effel des ta- bleaux comme deshommes : il y a toujours pour eux un danger au contact de la mauvaise compagnie et quelles que puissent etre leur distinction native et leiir valeur in- dividuelle, ils onl toujours a perdre dans une promiscuity trop intime avec des inferieurs, au lieu d'y trouver comme on devrait le supposer, une occasion d'en recevoir un nou- vel ^clat par la loi du conlraste. Qu'un stranger d'ailleurs visile une galerie, soyez bien certain que ce qui restera le plus opiniatrement grav6 dans ses souvenirs, ce sera pr^cisement le tableau qui aura le plus d6sagr<5ablement choqu6 sa vue. Vraiment, osons le dire, quand on en vient a examiner ces ceuvres 6tranges, on ne pent s'emp6cher de se denian- der quels sont les avanlages que I'Etat croit pouvoir es- p^rerdepareilles acquisitions? Que si, malgr(^ leur incon- testable mediocrile, on peul supposer que des artistes apres s'etre ^gar^s ainsi dans les sentiers les plus obscurs et les plus embarrasst^s de Tart, pourront parvenir a s'en d(5gager un jour, pourquoi alors ne pas se borner a leur venir en aide par des secours p6cuniaires, dCit-on m6me les dt^guiser sous forme de m6dailles, plulot que de venir glorifier en quelque sorte par un achat officiel des ceuvres malsaines, et cela pour s'imposer la necessite de les re- verser ga et la dans ceux de nos musses des deparlemenls qui n'ont pas eu a Paris, au moment opporlun, de reprd- sentants pour eluder ces dangereux presents! Sans doute que nous admetlons bien que les fonds destinies a I'en- couragement des beaux-arts ne doivenl pas s'employer exclusivement a I'achal des ceuvres des maitres, d'autant que de telles acquisitions ne profiient gueres qu'aux mu- 21 s6es de Paris et que les artistes on renom trouvent ton- jonrs dans I'exercice m^me do leur talent, le meiileur des encouragements, mais du moins semblerait-il que I'on ne devrail choisir parnii les ceuvres d'un ordre inf^rieur que celles qui ont en certaines parties une valeur r^elle, et qui pourraient alors etre regarddes comme les premieres dlapes de la carriere que cherche ^ s'ouvrir un talent sd- rieux. C'est ainsi, par exemple, que notre musee possede un paysage peinl par Ruysdael a I'age de 16 ans, ainsi que les prix de Rome de Girodet, Gerard, Lethiere, Le- nepveu et tous ceux de David d'Angers, qui ne sont cerles pas les moins curieuses ni les moins envi(5cs de ses richesses. Mais repandre dans les deparlemenls, comme cela n'arrivc que trop souvenl, des toilcs qui sont an moins des erreurs de Tart quand elles n'en sont pas des faules premeditt^s, c'esl deux fois regrettable, car comme elles nous arrivent Ic plus ordinairement hono- rdes d'un cartouche qui les signale comme une munifi- cence du Chef de I'Etat, elles vonl forcdment, usurpant les meilleures places, se placer a cote des meilleurs ta- bleaux, et leurs ddfauts n\'n devenant que plus saillanls, ou elles font tache aux yeux des connaisseurs , ou elles tendenl a pervertir et a dgarer le gout de ceux qui s'ingd- nient alors a vouloir y trouver un reflet fidele des ten- dances avou(ies de I'art contemporain. En un mot il ar- rive ceci , c'est que lorsque Ton pr(5tend encourager par I'achat de leurs tableaux des artistes qui le plus souvenl ne souffrent que d'un mat inh(5rent a toute mt?diocrit6 qui se mc'^connait, cetle publicite en quelque sorte ofli- cielle donn<5e a leurs ceuvres porte une alteinte des plus funestes au gout public et aux progr6s m6me? de I'arl. Que Ton nous pardonne ces observations... Si nous avons cru devoir les presenter , c'est que nous avons en- tendu formuler ces plaintes ailleurs que dans noire ville, 22 el que cependanl nul organe de la publicild, que nous sa- chions, ne les a encore reproduites. Qu'iuiporte en efFet a la presse artistique parisienne ce qui peul advenir des d(5parlements, quand elle a bien assez a s'occuper des chefs-d'oeuvre anciens ou modernes qui viennent s'en- tasser dans les musses de Paris et dans les residences im- ddriales, et d'un autre c6t(i comment la presse d^parte- mentale qui , a tort ou a raison , passe pour interpreter I'opinion des administrations locales, pourrait-elle discu- ter convenablement le m^rile des dons fails par I'Etal?... II y avait done ici, pour nous, membre d'une societe donl la mission est d'appeler la lumiere sur toutes les questions qui inl^resscnt Tart au point de vuo local, un devoir a remplirj un service a rendre en osant dire la v(iritd. Cet expos6 de I'etat actuel de notre mus6e ne serait pas complet sans doute, si en le lerminant nous ne disions quelques mots d'un ^venement qui va ajouter considt^ra- blement a son importance ; nous voulons parler du legs fail par M. le comle Turpin de Crisse a notre vilie, a la capitale de ce beau pays d'Anjou qui comple sa famille parnii les plus vieilles de celles de ses preux. M. de Crisse, qui sul ajouter a racial d'une si noble origine I'illuslralion personnelle d'un haul talent comme peinlre de paysage el de genre, nous a laiss^, independamment de plusieurs de ses oeuvres les plus remarquables, des collections d'arl varices et d'autanl plus precieuses que les objels qui les composent ont lous ^te choisis sous I'influence du gout exerc6 el difTicile d'un veritable connaisseur, d'un homme qui en lout el avant lout ^lait arlisle. Le don de M. de Criss6 ne coniprend pas moins, dil- ou, d'une trenlaine de tableaux des mailres modernes parmi lesquels on cite la Fran^oise de Rimini, d'Ingres, un Granel, etc., puis des collections de cam^es anliqufes, de m^dailles grecques, de vases elrusques, d'emaux d'une bpaul6 rare, de dessins originaiix, d'eslampes dos plus c^lebres maitres d'llalie. Deux salles vont s'ouvrir a la suite de la galerie des peinlres modernes, dont la plus grande recevra loules ces richesses nouvelles qui conserveront alors Icur valeur d'ensemble comuie pour temoigner de r^tendue, de I'el^- valion et de la variel^ des connaissances de cdui qui en rassenibla les 61(^uients. Ajoulons que M»" la marquise de Crisse, l^galaire de Tusufruil de ces collections, n'a pas voulu relarder pour la ville le moment de sa jouissance et a sponlanement re- nonce a I'exercice du droil qui lui 6tait accorde. Comme on le voit ce legs si magnifique va remplir bien des vides parmi les collections d'objets d'arl et doit aussi combler, en parlie du moins, pour le musee de peinture, des lacunes dans la s(5rie des tableaux modernes, lacunes qui devenaienl de jour en jour plus sensibles quand on le comparait a d'aulres musses en renom. En efFel si nous avons dit que le noire pouvait marcher de pair avec ceux des plus grandes villes, c'est que nous ne les consid(irions que dans leur ensemble, mais si on les voulait comparer dans les productions spdciales a chaque ecole, on verrail que si le musee d'Angers I'emportesureux tons par I'ecole frangaise des xvii' el xviii^ siecles qui est repr«5senlee ici par de v^ritables chefs-d'oeuvre de Mignard, Greuze, La- gren^e aine, Vien, Joseph Vernet, J.-B. et Carle Vanloo, Walteau, Pater, Desportes, etc., les rpyg^es de Lyon, Rouen et Nantes, a leur tour, remportenl sur le noire par les ecoles italienne, espagnole, hollandaise ou flamande; et ceux de Toulouse, Monlpellier et Nantes, pour I'^cole frangaise du xix-^ siecle. Et si Von recherche alors com- ment it est arrive que noire musee de peinture, qui, il y a 50 ans, (itail a la tele de Ions les aulres el nolammenl des Irois derniers que nous venous de nommer, se Irouve 24 maintenanl distance dans la peinlure luoderne, Von verra qu'en outre des dons que les aulres ont re^us de la g^ne- rosild de quelques amis des arts, les adminislralions lo- cales ont consacr6 a des acquisitions pdriodiques des sommes qui ont perinis a ces (itablissements de s'enri- chir successivement des meilleures productions de I'art contemporain, tandis que depuis sa creation, en dehors d'une empletle de quatre vieux tableaux, nous n'avons vu acheter ici qu'un seul tableau moderne, un paysage de Barbot. El si alors on vienl a demander quel si grand sa- crifice p^cuniaire la ville aurait a s'imposer pour enrichir chaque annde son musi^e d"une on deux bonnes toiles modernes , tons les artistes et les connaisseurs rdpon- dront qu'une allocation egalanl a peine la dixieme partie de celle qui est consacr^e au theatre pourrait sutFire ! Qui ne sail en effet combien les veritables artisles, ceux qui travaillent en vue de se faire un nom durable, sont tou- jours disposes a accorder des conditions favorables a des niusees, qui comme le notre, assurent a leurs oeuvres une large publicite el une conservation indefinie que ne peuvent leiir promettre les ventes failes aux parti- culiers? II est au reste une consideration qui suffirail a elle seule pour motiver une augmentation de la collection des Jableaux modernes dans noire mus^e , c'est I'exlension qu'a prise ici Tetude de la peinlure a I'huile. Le nombre des amateurs ^i',des Aleves a en effet plus que decuple en pen d'ann^es. Or, 11 n'en est pas de celle branche de I'art comme du dessin : elle exige une initiation incessante aux proced^s pratiques donl I'applicalion varie autanl que le talent des mailres, initiation qui ne pent s'op^rer facile- ment etconvenablement que par I'etude attentive et sur- toul par la copie, qui oblige a celle 6lude, des tableaux modernes donl le coloris nayant pas 6te encore aiyrd 25 ou nieme scnsiblement modifi^ peul laisscr mieiix lire cl coniprendre la marche suivie par le peinlre pour alleindre leseffelsparliii chorches. Cetle necessile d'augmetiler le plus possible le noinbre des tableaux des artistes con- temporains devient plus (^vidente encore si Ton considere que ce n'esl qu'a grands frais que les amateurs ais^s peu- vent oblenir des inagasins de Paris de semblables modeles et qu'ainsi ce moyen d'etude, si indispensable qu"il soit, n'esl plus alors a la port(5e de beaucoup d'arlisles et sur- tout des jcunes gens dont I'Ecole municipale a precisd- meiit pour but de preparer T^ducation arlislique. Devons-nous encore ajouter a un autre point de vue que le d^veloppement que nous voudrions voir donner a cette partie du musee d'Angers, augmenterait en meme temps I'interel qu'il pourrail ofFrir aux etrangers, qui lorsque le gout des aris comme celui des sciences lend de plus en plus a se ri^^pandre no seront plus guere altir^s desormais dans les villes de second ordre qu'en raison de I'impor- tance de leurs ^tablissemenls publics? Ne penseriez-vous done pas , Messieurs , qu'il serait digne de notre Society do faire parvenir a ce sujet un voeu, un simple voeu a notre administration municipale, voeu que voire amour pour les arts, ainsi que la position qui vous a ^le faile recemment par la haute approbation donnee a vos travaux par Son Excellence M. le Minislre de I'inslruclion publique, pent vous donner quelque droit de formuler. Ces sortes de d^penses ne sont pas de celles d'aillours qui ne laissent aucune trace apres elles : des tableaux ainsi achetds restenl la pour allesler a jamais la sollicilude g<^n(5reuse et ^clair^e des administrations qui laissent de lelles traces de leur passage, et consti- tuent en outre pour une ville un capital reel dont la va- leur ne cesse de s'accroitre avec le temps .- ce sonl de ces d^penses qui ont les avantages d'une bonne speculation 26 financiere.... On y Irouve done a la fois utililt^, honneur et profit. En sorlant du mus^e de peinture sons Timpression d'une double gratitude envers M. le comte de Criss6 et sa veuve, nous n'entrerons au musde de sculpture mo- derne que pour avoir a consacrer de semblables senti- ments envers la veuve de David d" Angers et ses deux enfants. Lorsqu'en 1856 je venais a peine de terminer la slatis- tique des niusees de sculpture, la famille de notre illustre staluaire leur faisait hommage de 53 de ses ceuvres, dont trois grandes statues, qui furent bientot suivies d'un der- nier envoi contenant encore plusienrs morceaux capi- taux. Dans son «?tat actuel, le mus6e David compte 23 statues ronde-bosse, 15 statuettes id., 98 busies id., 19 grands m(^daillons , 44 bas-reliefs, 460 m^daillons en bronze ; total 650 morceaux auxquels on peut ajouter au dehors Bonchamp, sainle C6cile, roi Rend, le Christ, la Vierge et saint Jean, qui plus tard seronl representes dans ce musde par des nioulages. C'est la galerie la plus com- plete qui exisle des illustrations modernes modelees d'a- pres nature, collection unique d'ailleurs dans les arts, non-seulemenl en ce qu'elle comprend I'ceuvre presque entiere d'un grand maitrc, mais encore en ce qu'elle of- fre le plus prodigieux exemple de ce que la sculpture peut enfanler par la puissance intellectuelle el physique d'un seul homme ! Parmi les acquisitions rdcentes. Tune des plus pr6- cieuses est sans doute le modele du fronton du Pantheon. Cotle vasle dpopde de pierre, modelee par David seul dans toute la fougue et r<^nergie savante de son talent, n'a pas moins de 16 metres de longueur : la statue de la France qui, debout, domine le majestueux ensemble de nos gloires nalionales est haute de deux metres. Ce niorceau 27 a (516 plac6 dans la galerie de la sculpture frangaise on ont ele recemmeni inslallecs pUisienrs statues de MM. Maindron et Taluel, dont nous nous rc^servons de parler dans une autre revue. Nous nous bornerons pour terminer notre visite aux musses de sculpture de menlionner que dans la salle des antiques on a expos6 trois grands cartons dessin^s par Benouville pour les archi voiles de I'holel-de-ville de Paris. C'est un don de M. Lenepveu, dont les connaisseurs ne peuvent trop le remercier, car toutes ces figures plus grandes que nature sont admirablenient dessinees et comprises avec un art qui ne laisse pas deviner les ditTi- cultes que rencontrait I'artiste pour les mainlenir, lout en les d^veloppant, dans le champ restreint et symelrique qui lui tUail impose par Tare des archivoltes. Nous terminerons cctte Revue sans penetrer dans le sanctuaire de rarchc^ologie, bien qu'elle soit venue se placer tout cote a cote des musees de sculpture; mats qu'il nous soil permis do le dire, elle n'a pas adopte une classiflcasion qui puisse justifler an point de vue artisli- que cette annexion aux galeries des beaux-aris. La col- lection des antiquiles angevines qui en constilue la meilleure parlie, s'y trouve en effet morcelt^e par arrou- dissemenls, ce qui ne pourrail se motiver qu'autant que ces circonscriptions adminislralives eussenl reproduit d'anciennes divisions terriloriales historiques , mais quand au contraire notre departement n'est que le re- presentant d'une antique, unique el compacle nationa- lity, celle des Andes, qui avait son autonomie et qui a continue en quelque sorle de vivre de sa vie propre jus- qu'a ce que la Revolution en soit venue faire un deparle- nienl, le fractionnement des objels anciens recueiliis sur un sol si homogene ne pent absolumenl avoir aucun pr(5lext(; d'etre ni au point de vue hislorique, ni a celui 28 de I'art. Bien mioiix eftt valu les r^paiiir selon I'ordre des grandos periodes historiques, c'el^l el(5 faire par les mo- numents I'hisloire de Tart et celle des moeurs el des ha- biUidcs des hommes des temps passes, et c'est alors que le mus^e des anliquil^s fut devenu au regard de ceux des beaux-arls com me un inlroducteur nalurel, un auxi- liaire necessaire, venant apporter aux savants, aux ar- tistes, aux curieux, les premieres pages quel'arl indigene voulul epeler dans nos contr^es avant et apres la chute des arts de la Grece et de Rome. Apres avoir accompli notre tache pour cette ann6e nous ajouterons que si I'introduction dans les habitudes de noire Societe de ces comptes-rendus p^riodiques, ve- nait a obtenir son approbation, nous nous proposerions d'y joindre des Revues scientifiques dans lesquelles pour- raienl s'cnregistrer a leur date les fails les plus saillants qui signalenl la marche des tHudes scientifiques dans le d^partemcnt, et de plus les observations partielles qui dans les sciences nalurelles passent souvent inapergues, parce qu'elles n'offrenl pas prises isol^ment assez d'importance pour donner lieu a la redaction d'un memoire. Notre So- ciel«^ possede dans ses titulaires et ses correspondanls assez de savants de profession et d'amateurs zel6s, pour que nous puissions espt^rer, en inaugurant ici ce genre de Revue, de lui donner un int^ret s6rieux autant que vari6. T.-C. Beraud, Secretaire-general de la Societe. Lu a la seance de rentree de ja Societe academique de Maine et Loire du 9 novembre 1859. CD 1=1 CZ) (=i CD ANTIilTES DES EM'IRONS DE am. La ville de Craon est-elle d'origine gauloise ou tout au moins gallo-romaine ? Nouscroyons que la soluUon decette question acqniert un certain interfit dans ce moment ou de tons coUis I'at- tention publique se preoccupe de I'origine des moindres localites, et que radminislration sup^rieure elle-meme encourage ces recherclies d'ou jailliront nc^cessairement de nouvelles lumieres snr notre hisloire. Les monuments donl nous allons nous occuper n'ayant (5t6 decouverls que depuis ires pen d'annees, it n'est pas ^lonnant que personne, avanl nous, ait songL^ a donner a Craon une origine anterieure a I'dpoque carlovingienne. Cependanl un peulvan pr6s Renaz6, aubordde lagrande route de Nanles, avail el6 remarque, et prouvait dt^ja que 06 point de notre territoire avait ot6 habite par les Gau- lois. Mais cette pierre 6tail-elle bien un monument e\c\6 par la main des homnies, ou lout simplemont un jeu de la nature ? Cette derni6re opinion parait pourlant pen pro- bable. 11 est difficile d'admettre qu'une pierre elancde, pointue, haute de 4 a 5 metres, soit tombee seule, isol6e de loute autre pierre, et aussi pcrpendiculairement au beau milieu d'un pre. Nous avons Irouve en outre pres d'uue petite ferme noirirnt^e la Coiraudiere, pres Sl-Clemenl, uu amas de 30 pierres longnes de plus de deux metres. Elles ^faienlpla- c^es, conime la precedenle, au bord du chernin qui reliait les Cenomans a la Brelagne. Une d'elles e^t plale , a plus de 1 ni^lre de large en tous sens sur 40 a 50 cent, d'epais- seur. On dirail qu'elle aurait form6 le dessus d'un dolmen ou table de sacrifice. Plusieurs trous dont elle est natu- rellemenl perc(5e devaient la rendre singuli^remeut apte a y attacher les victimes de I'abominable culte druidique. Ajoutons que la nature grezeuse de toutes ces pierres en- tierement difKrenle des schistes du canton, porle encore a croire qu'elles n'ont pu 6lre r^unies la que dans un but religieux. Tout cela , nous I'avouons , n'est qu'une conjecture , mais on conviendra qu'elle acquerrait un nouveau degr6 de probability si Ton prouvait I'existence aCraond'un eta- blissemenl romain, car on salt que ce peuple conqu^rant calquait pour ainsi dire ses circonscriptions territoriales sur celles deja existantes chez les peuples vaincus ; or rien ne nous parait mieux d^montri^ que cette existence a Craon d'un petit 6lablissement de population gallo-ro- maine. Voici les fails sur lesquels nous nous appuyons : Depuis le vi« siecle, Craon possedait une liglise dediee a saint Clement, et probablement fllle de Saint-C16menl de Nantes, dont elle dependail alors. Apr^s bien des vicissi- tudes, notre ^glise fut donnee dans le xi' siecle a la puis- sante abbaye de b«5nediclins de Vendome qui en fit un prieur6. Letoul fut vendu pendant laR6volution,etcomme ie choeur de I'j^glise paroissiale de St-Clemenl faisail par- tie de I'enceinle claustrale, il fit sans doule aussi partie de la vente, car le nouvcl acquereur le fit d(5molir. De ses debris fat b<\lie la inaison quo Ton voit pres du clochcr, et il esl facile de reconnaitre que les jambages de ses por- tes et fenetres sont fails d'une pierre lout autre que celles dont on se serlaujourd'hui. SI Mais les plus belles pierres de la demolition du choeur furent reserv^es et resl6renl sans emploi jusqu'en 1853, epoque a laquelle le vieux couvcnl fut revcndu pour faire la nouvelle cure. Les pierres en qiiesUon furent encore r^servees et vendues k part a un entrepreneur de noire ville. C'esl chez lui que Tune d'elles nous ful signal^e comme porlant une inscription. On y voyait en effet des caracleres romains assez grossieremenl grav(5s, gr61es, hauls de 5 a 7 centimetres, en parlie effaces. Copi(5s le plus exactement possible, lis furent soumis a un savant anliquaire de Nantes, M. Bizeul, qui les lit ainsi : Augusto martimulioni Tauricus, Tauri filius V s L M (votum solvit lubens merito). Cette inscription est renferm(^e dans un cadre ou carton carr(5, peu saillant, orn6 a droite et a gauche d'une palte ou attache siinulde. Nous traduisons ainsi cette inscription : A I'auguste Mars-Muletier Tauricus fils de Taurus Vceu et monument de reconnaissance. Dans I'ouvrage de M. le baron de Wismes (le Maine et VAnjou), on nous a fail dire quo nous regardions Mulionus comme equivalent deCamit/usdonl la significalion est peul- 6tre encore plus obscure. Nous avons protesle centre celle traduction el nous avons appris avec plaisir qu'au minis- t6re de rinslrucUon publiqne on avail elt^ de notre avis. Qui ne j toute morale, ou plutot sans lui 11 n'y a ni philosophic » ni morale. » Si en dehors de la physiologic et do la m^decine il n'y a ni philosophic, ni morale, y aurait-il, par hasard, une justice sp^ciale, isolee de celle double base? Evidemmcnt non. L'homme n'est plus cet elre abstrait et m(5taphysique de I'ancienne philosopliie. C'est un compose double; c'est la r(^sullanle de deux substances agissant siniultane- ment et reciproqueinent I'lme sur I'autre. Pour faire de la vraie philosophic, il ne sufTna done plus de s'abstraire, de se recueillir, en un mot das'dcouler penser. Non, comme dans toutes les sciences, il fautici le travail de Texperience, Texamen des fails physiologiques non seulemeni appliques a I'observaleur lui-meme, mais autant que possible a rensemble de I'espece humaine. Ne voir dans l'homme que I'anie commandant et se I'ai- sant obeir en souveraine, c'est une des erreurs les plus fatales a I'humanite. 45 En effet, s'il existe des 6lres pensants totalement affran- chis des lions nialoricls, ot ricMi ne s'oppose a cello hypo- Iheso , siipposons qu'il nous soil donne d'en faire Ihisloiro inlimo, porsonnoile. Cello science des esprils proproment dils, s'appellerail apparemmenl Psychologie. Ce serail, si Ton veut, la science de I'Ange; mais ce no sera jamais que par un abus de mols, el en negligeant les fails phy- siologiques, que Ton donnera a la science de rhonime, a V AnUnopologie , le noni Irop rostreinl de Psychologie. Rejetons ce mol qui n'enonce qu'un des elemenls du probletne el disons avec noire savanl religieux : « C'esl la physiologic qui nous donne la clef du cceur » humain el qui nous r^v61e rhomme lout enlier, c'est- >) a-dire physique, inlellectuelj moral et social. » r^a physiologic huniaine esl done la vraie science de rhoninie, la vraie philosophic, la vraie morale el, d'apres cola, que Ton s'elonuesi Ton a prcUendu que la philoso- phic nv pouvait 6lre que du domaine de la medecine. Dans le dernier romanii-mciil des etudes litleraires, on a raye la philosophic du cadre offlciel des Lycees , la lo- gique seule a oblenu grace. Nous ne savons quel motif a d(?lormind le conseil de Tinslruclion publique dans celle imporlanle radiation; mais, selon nous, les jeunes gens n'onl pas perdu grand'chose, si lanl est qu'ils n'y aient gagn(3, en n'apprenanl plus la psychologie habiluellement enseignde dans les ^coles. Quand rhomme, selon la noble expression de Pope, sera devenu la principale elude de rhomme, alors la phi- losophic renailra et deviendra necessaircmcnt la plus es- sonlielle parliode nos programmes scolaires. On n'allend pas que nous entrions dans des discussions melaphysiqucs, dontjusqu'ici la slerililc des consequences a prouve le vide et le n> peu de jours j'en fusse acerlain^; devanl que les occur- » rences des affaires de cetle Ville me conlraignent de x> prendre autre conseil. El sur ce, Messieurs, je me re- » commanderai tres-bumblement a vos bonnes graces, » et prirai le Cr^ateur vous lenir en prosperity. » Voslre bon ami et servileur, » Jacques Cujas. » DeBourges, ce 1 de Janvier 1576. II est a remarquer que Cujas ne demandait a la ville d'Angers que douze cents livres d'appointemenl, comme il parail par cello Conclusion de I'Hotel de Ville d'An- gers : « ExlraU des Regislres de la Mairie d'Amjers , du vendredi 20 Janvier 1576. » En I'assemblde, oil esloient M. du Bellay, Gouvcr- » neur, M. le President du Cast, le President d'Anjou, le « Maire, le Lieutenant Criminel, le Lieutenant Parlicu- » tier, lo Procureur du Roy, le Blanc, Guillaume des » Landes, Baull, Fournier, Lambert, Lanrans, Ayrault, ?) el Menard, Escbcvins el Couseillcrsde ladilo Ville : 13^2 » A esl6 propose par M. le Mairc d'aviser aux moyens » de relenir M. Cujas, et de lever la sornine de douze cens » livrfs. » Ainsi Cujas , oblig^ de fair Bourges a cause di^s trou- bles civils, venail illuslrerruriiversil^d' Angers, si unarr6t du Parlement ne I'etil appel6 a Paris. Cetle haule dis- linclion dut le consoler de ses traverses dont il exprimait les chagrins a Pierre Ayrault en en cherchant la cause dans cetle allusion empruntee au livre de I'Eneide : Dam scevcB nutu Junonis eunt res. La crueile Junon de Cujas 6tait Catherine de M^dicis. Dix ans plus tard, la chaire qu'aurait dil remplir Cujas fut occupt^e par Guillaume Barclay, cet Ecossais ct^lebre qui, fidele a la religion de Marie Stuart, resista aux seduc- tions de Jacques, roi d'Anglelorre, et rappela aupres de lui en France, son flls Jean , i\6 a Ponl-a-Mousson en 1582, le grand controversisle, I'auteur de VEuphormion, de VAr- genis, du Traile de la puissance du pape , de VIcon. ani- morum, dii Paroenesis ad seclarios, de YHisloire de la con- quete de Jerusalem, rami du cardinal Bellarmin, le favori de Paul V, qui n'en fut pas moins censur6 a Rouie et n'en est pas moins comptt^ au nombre des Peres de la foi de son siecle. En parlant de Guillaume Barclay, Manage dit : « J'ai oui dire & nion pere que lorsqu'il allait faire sa le^on, il elait suivi de son fils et de deux valets, revfilu d'une robe ma- gniflque, avec une grosse chaine d'or au cou. I! mourut a Angers a la fin do 1605. Son fils Jean s'en alia a Paris, y t^pousa Louise de Bonnaire qui le suivit a Rome , oil il mourut le 12 aoiM 1621. Son fils lui t^rigea un lombcau a I'eglise de St-Laurent sur le chemin de Tivoli, d'oii sa veuve fit enlever le buste de marbre, parce que le car- dinal Fraugois Barberin avail fait faire a Bernard Guil laume, son pr^cepteur, un tombeau pareil vis a vis celui 133 de Barclay. Louise de Bonnaire ne put supporter qu'uu pedagogue fit le pendant de son mari (Bayle). » On nous pardonnera ces digressions qui, ayant pour point de d(^part la correspondance de Jean Bodin avec Pierre Ayraull , nous onl conduit a passer devant les il- luslres amis de ce magislrat appelant, a Angers, tour a lour, Cujas et les Barclay. Revenons a Bodin. Nous I'avons suivi depuis les pre- mieres manifeslalions de sa vie publique et deja ceiebre a Toulouse, nous I'avons vu conduit a la cour par sa vasle (Erudition et ses oenvres litteraires et philosophiques. II a paru aux Elats de Blois avec Taulorite do son merile et de son caractere. II y a attach^ son nom , en meme temps qu'il y trouvait la disgrace d'Henri II. L'histoire de ces Etats le place au premier rang des publicisles et des hommes poliliques qui onl inaugure la lolerance reli- gieuse et les droits de la nation concili(^s avec ceux de la monarchie. II a pos(5, dans sa Melhode bistorique et dans sa Republiquc , les principes el les regies de morale qui doivcnl servir de base au droit international. La Ligue, comballue courageusement et longtemps par lui, I'a humili(5 a ses [jieds en lui arrachant un passager, mais regrettable honimage , dans des jours de fatigue et de d('*sespoir, auxquels les plus grandes ames subissenl des defaillances. Ses dernieres annees temoignenl de sou rapide relour aux principes et a la pratique des doctrines de toutesa vie. Que nous reste-l-il a dire avant de nous heurter a son tombeau place par son testament a Teglise des Cordeliers de Laon, comme une proleslalion contre les assertions de ses d(!'lracteurs? Depuis 1678, il avail public son ouvrage intitule : Thea- trum naturcB ou Recherches des causes premieres de tou- les choses et de leurs fins. La lAche Had Irop vasle et Bo- 134 din y (!'cl)Oua. Tout autre sans doule eftt 6prouv(5 le meme sort. Mais outre I'insucces dans I'obtention du but, il eut le malheur de traiter une maliere qu'il ne connaissait pas. La physique lui fit complelement d(^faut, il ne com- pril ni le syst6me de Copernic ni la dt^couverte de Galilee. II so perdil dans les obscurites ni6taphysiques qu'il en- tassa dans ses cinq livres, sans en elucider aucune partie. Quant a Thistoire naturelle il n'en 6tablit aucune notion et, au chaos de cette science, il no fait qu'ajouter les reve- ries de son innagination qui ne s'eleva pas au-dessus des plus vulgaires notions. Disons-le avec M. Baudrillard, tout cela ne merite pas I'examen quoiqu'il faille s'^tonuer de r^tendue du labeur. Nous jelterons aussi un voile sur la D^monomanie des sorciers qu'il publia en 1678 sous I'influence des croyan- ces du temps ; tout ce qu'on pent recueillir d'absurde dans ces croyances est accueilli et outr(5 par I'auleur. Celui qui s'est eleve si hautdans la phiiosophie de Thistoire el dans la politique, le publicisle qui avail devance le xviii' siecle, en signalant les principes sociaux et les regies du droit public qui nous r(^gissent, n'eut pas un aporgu philoso- phique ni une inspiration de philanthrophie pour recon- naitre I'erreur de I'opinion el de la loi sur la croyance aux sorciers. II ^lait reserve a la magistrature du siecle de Louis XIV et a ce tout-puissant monarque de faire cesser ces bar- bares procedures. Bodin, dans son trait6, ench^rit au con- traire sur la cr^dulit^ fatale du peuple et sur la cruaut6 des lois qu'il dlait charg(^ d'appliquer aux sorciers. L'Heptaplomeres, rested en manuscrit dans les ceuvres de Bodin, qui coinpnt qu'a cette dale une pareille publi- cation elait dangereuse, a 616 diversenient appr(5cie. II ne faut pas y voir une profession de foi de Bodin, car il ne conclut pour aucun sysleme religieux quoique ses 135 tendances au d(5isme y soienl inisos en relief, soil qiTil les fasse proc(5der do !a tradition biblique soit qu'il les em- prunte a la philosophic. L'irnportance de ce manuscrit est dans I'c^rLidition de I'auleur et dans la manifestation des idees philosophiques, a cette date du xvp siecle. Leibnitz le comprenait ainsi, et les Allemands, en lui donnant asile pendant trois sie- cles et en I'imprimantdeux fois, ont continue' de le consi- ddrer a ce point de vue. II est aiijourd'hui dans les biblio- theques de France, oil Ton peul le lire en latin. 11 ne comporte pas d'analyse. Bodin parvenu a I'age de 65 ans, conlinuail sa carriere niagislrale lorsqu'il fut atleint a Laon par le fleau qui dt^solait la France, en 1590. II fut inhume aux Cordeliers de cette ville, suivant le voeu exprime dans son testament citd par Mtinage. 11 nous a 616 impossible de retrouver sa poslc^rite en Anjou ou ailleurs. Un seul flls, Jean, lui avail surv(5cu. Est-ce lui qui est revenu dans ce pays et y a exerce la charge de maire en 1610 ? on ne peut I'atiirmer. Baylc a resume scrupiileusement tons les jugemenis porlds sur Bodin par ses partisans et par ses adversaires. Pen d'hommes ont susciie aulant d'eloges et d'apres cri- tiques que noire c^Iebre compatriole. L'histoire et les cri- tiques modernes ont mis sa physionomie dans un jour plus calme el plus net, que Bayle avail cntrevu quand il dcrivait : Laissons a Bodin ^ sans conlroverse , un grand genie, un vasle savoir, une memoire el une lecture prodi- gieuse. N. Planchenault. NOTICE sua L'EGLISE DE SAINT-CLEMENT DE CRAON. AVANT-PROPOS. C'cs! nn grand plaisir pour moi toules les fois que je d^couvre quelque chose concernant I'hisloire de mon pays, c'est ce qui m'a engage a r^diger cette nolice. Puis, je me suis laiss6 persuader que, malgr6 1'exiguit^ dusujel, elle pourrail inlc^'resser quelques uns de mes compalriotes parlageanl mes goCils; voila tout ce que je puis alleguer pour me faire pardonner sa publication. J'ai mis a contribution loules les chroniques que j'ai pu me procurer, elles ont ele malheureusement trop peu noinbreuses. Je dois surtout beaucoup aux notes de M. I'abbd Foucher, a celles exlraites par M. I'abbe Logoais des manuscrils des bibliolheques de Laval et de Chateau- gonlier, ct qu'il a bien voulu me communiquer avec la plus rare obligeance. Je prie ces messieurs de vouloir bien recevoir ici I'expression de toute ma gratitude. La Jacopiere, i^^ avrii 1860. De Bodard. 137 NOTICE SUR L'EGLISE DE SAINT-CLEiMENT DE CBAOIW. Dans un prte^dent arlicle nous croyons avoir prouvd Texislence a Craon d'un (^tablissement gallo-romain dont le centre civil (^tait tres probableinenlplacdausommet dn coleau nomme les Provencheres : nous avons dit n'y avoir trouve que d'insigniflants debris de polerie. Depuis, on nous..en a procure beaucoup d'aulres rencontres non au- prbs de I'enceinte circulaire que nous avons dc^crite, mais beaucoup plus bas et provenanl des habitations plac<^es entre le pied du coleau et la riviere : c'est a ces habita- tions qu'a siicc6d6 (^videmmenl le village de Blochet (1). Nous avons aussi prouve que sur le coteau oppose a (1) Les preuves d'un etablissemenl gallo-romain a Craon se multi- plient de plus en plus : on vient de nous procurer une piece d'or trouv^e tres certainement aux Provencheres. Elle a 20 millim. 1/2 de diame- tre; imparfaitement ronde; bombee du c6t^ de la tete, concave au re- vers. Or jaune pMe, Au droit, tete grosse, lauree, cheveux boucles et courts. La cou- ronne est attachee par dcs bandelettes se tcrminant par 4 glands. Une de ces bandelettes vient horizontalement onduler sur le bas de la joue. Cette piece nous parait ressembler singulierement aux staleres de Ph - lippe II de MacMoine. On sait que les Gaulois s'efforcerent de les imiter, mais les gravures que nous avons vues des statercs leur donnent 17 millim. et ont pour revers un bige, tandis que le revcrs de la notre semble avoir ^t^ convert de divers objcts allegoriques tres diflTiciles a distingucr, meme ci la loupe. Cependant on croity reconnaitre une tete de bopiif, une ampliore, un arbre, etc. Ces objets sent en relief tres dow.i;ainsi que la tete. Du reste nulle inscription, et nul cordon sur les bords. d38 celui des Provench^res avail exists un temple gallo-ro- main dc^didaMars-Miilion, elqu'a ce temple avail succedd une eglise dddi^e a saint Cldmerit , mais a quelle 6poque a die batie celte 6glise? — En d'autres termes, ti quelle epoque le culle des idoles a-l-il fail place a celui du vrai Dieu dans celte parlie de I'Anjou ? Vers fan 570, Chilpr'^ric, roi de Soissons, aide par les Augevins, faisait la guerre k Guerch, roi de Brelagne. Ennius, t5veque de Vannes, s'interposa pourfaire la paix. Le prelat plut tellement a Cliilperic, que ce prince I'en- gagea a venir gouverner le diocese d'Angers alors sans pasteur. Ennius, louche de coinpassion a la vue de nos populations encore plong«5es dans I'idolalrie, landis que nos voisins les Arviens, devenus Diablintes-Cenomans , poss(!'daienl depuis le vi* siecle plusieurs ^glises, enlr'au- Ires Comes el Cosst^ sur nos fronlieres, fit venir saint Martin de Vertou (Verlavensis) , brelon d'origine , el le chargea de porler les lumieres de TEvangile avec la civi- lisation dans les canlons d' outre-Maine, c'est a dire dans noire pays. Ce saint abb6, apres avoir rempli sa mission avec un succes digne de son zele, mourul en 601. Le Lion quit avail evangelise el plusieurs ^glises aux environs de ce bourg le prirent pour patron. Remarquons que le Lion (Legio) dlait comme Craon un ancicn ^lablissement ro- niain, el qu'il est infiniment probable que hi saint mis- sionnaire dut principaleinenl porter ses travaux sur ces centres primilifs de populations. Remarquons encore le grand nombre de paroisses de nos environs qui ont saint Marlin pour patron : Alh(^e, Ballols^ la Chapelle, Cheranct^, Loigne, la Selle, Saint-Martin-du- Limel, Pommerieux, Simpl(^ et Mdnil. Lors m6me que le patron de ces eglises ne serait pas saint Martin de Vertou, mais saint Marlin de Tom-s, on peul croire que ces nou- velles paroisses confondirent souvenl dans leur v^n^ra- 139 tion le patron de leur fondalcMir et leur fondatcnr lui- meine (1). D'aulre part, Grt^goire de Tours, qui parle aussi de saint Martin de Vertou, dil que de son lemps ( 559 - 593 ) un liomme nommii Floridus et une femme de Craon (ex vico Carnoensi in Andegavo territorio) furent gueris a Candos sur le tombeau de saint Martin de Tours; cet homme qu'on avait 616 oblige d'apporter, avail les pieds el les mains contractus (2). Puisque Craon avait une populalion chr^tienne au mi- lieu du vi^ siecle, comment ne pas penser qu'il devail cetic transformation au saint missionnaire envoye par Ennius dans ce memo temps; que les nouveaux Chre- tiens, dans la ferveur de leur zele, renverserentle temple de Mars-Mulion, avec ses debris construisirenl noire pre- miere eglise, et cacherent dans ses fondalions la pierre dedicatoire dont nous avons parle dans noire premiere notice, donl I'inscriplion n'c^lait plus pour eux qu'un hon- teux souvenir d'idolftlrie? Ce qui pour nous acheve de ddmontrer I'existence de cette premiere ^gliseduvi« siecle, cesontquelques debris qu'on aper^oit encore dans le jardin de I'ancien prieur(i (cure aclucllc). Leurs orncmcnls en zig-zag ou dents de scie et entrelacs grossiers apparliennenl evidemment au slyle lalin ou roman primilif; ces debris encalcaire oolilhique semblable a la pierre de Tinscription, nepeuvent 6tre con- fondus avec ceux de la reconstruction faile par le prieur (1) Le Pertre (Ille-et-Vilaine) k 6 lieues plus au nord que nous, etait un nionastere l);\ti par Glovis II (G38-G56) en I'lionncur de saint Martin de Vertou (Annales des Benedictins cilees parTabbi; Foucber). (2) Liv. II, chap. 48 des miracles^ etc. La forme latine des noms Floridus et Taurus, Tauricus de I'inscription, donnc a croire que la population de Craon comprenait plusieurs Romains d'originc. 140 Crevant en 1525 el dont nous parlcrons bientol , ceux-ci elanl en pierre schisteuse du pays. Le plus rcmarquable debris de r(^gUse primitive est une table porlee par un trongon de colonne et plac6e sous les lilleuls. Elle a pr6s d'un metre carre et semble avoir for- m6 un entablement. D'autres pierres du meme genre se voienl dans I'escalier vers I'ouest qui descend sur la ter- rasse du jardin. Ajoulons encore a ces preuves qu'a moins d'un siecle de la, du temps de Clovis 11(644-660), de Thierry HI (688- 690) el de Childobert III (695-711), le Craonnais complait d^ja six paroisses. EUes sont cite6s par ce prince dans une charte par laquelle il les exemplail de certains impots. Voici lours noms : Marans , Gen^, Bouill^, Senonnes, Ca- nuncus et Sylviliacus. On pent voir cette charle tout au long dans Hirel p. 101. On ignore quelles sont les parois- ses designees par les deux deruiers noms (1). Toules six d<^pendaient de I'abbaye de St-Serge, mais s'il exisiait des paroisses a Bouill6 el a Senonnes, assur^ment devait-il y en avoir a Craon, oil deja se Irouvaient des chreliens, comme nous I'avons vu, du temps de Gr^goire de Tours. Un siecle plus lard, dil le meme Hiret, Pepin (751-769) confirma a la puissanle abbaye de St-Aubin la possession des eglises de Pruniers, de Mairon el de St-Clement. Ce mot confirma donne evidemment a St-Clement une exis- tence anterieure a Pepin Le meme auleur afflrme que I'abbaye de Sl-Aubin conservait dans ses archives un ti- (1) On serait tente de supposer que Sylviliacus n'est que la traduc- tion du nom celte Craoti, Craum foret, mais nousn'avons vu nulle part que Craon ait appartenu a St-Serge; seulement cette abbaye poss^da dans le Craonnais une terre appelee Nubiiiacus (in pago Andegavensi in vicaria Croniacensi). Cart, de St-Serge cit^ dans le Gall. Christ. vetus. T. IV, p, 822. Charte ile I'an 895. 141 tre par lequel Louis-le-Debonnaire et Charles-le-Chauve (814 a 877) liii avaienl concede Mairoii,5".1