à AA ESS à SN MÉMOIRES DE LA NOCIÈTÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS D'ANGERS {ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) NOUVELLE PÉRIODE TOME NEUVIÈME — PREMIÈRE PARTIE 0. : l * Q Documents inédits sur le roi René et sur la cathédrale d'Angers. ANGERS | IMPRIMERIE P. LACHÈSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU Chaussée Saint-Pierre,.13 1866 SOMMAIRE. Le château d'Angers au temps du: roi René. Les manoir de ce prince à Chanzé, la Menitré ét Reculée, d’après quatre inventaires inédits, provenant des Archives de l'Empire. — I. Rapport par M. GopARD-FAULTRIER. IL. Inventaires. | Dessins inédits concernant l’Anjou. — Mausolée de René d'Anjou; inscription. Tombeau dit de Jeanne de Laval. Sépulture de Thiephaine, Flan de la cathédrale-avant 1699. — M: GopaRD- FAULTRIER. Sépulture du roi René, par M. GODARD-FAULTRIER. La cathédrale d’Angers, par M. GODARD-FAULTRIER. — 1, Ancien narthex. Il. Anciens usages. III. Monument funèbre de Gabriel Constantin, doyen de l'Église d'Angers et du Parlement de Bre- tagne, IV. Note sur Jehan Bourdigné: -LITHOGRAPHIES. FE. Tombeau du roi René, d’après le dessin original de Gaignières: IT; Fac-simile d'un dessin représentant le3tombeau du roi René, fait en°1783. IH. Inseription du tombeau du roi René. IV. Tombeau dit de Jeanne de Laval. V. Tombeau de Tiephaine, nourrice du roi René. VL, Plan de l’église Saint-Maurice d'Angers, avant 1699. VIT, Vue du grand portail de Yéglise Saint-Maurice d'Angers, 1699: A A - N ) { ’ mn " Cy É: L ÿ , ‘ c' > 0 V i , . & E, x à . Us \? | , UE RAT A tn, % j RE CR à Los 2: ; UE: HA) —# d SOCIÉTÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS.) a A # as ‘a FE ‘ L MÉMOIRES DE LA OCIETÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS D'ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D’ANGERS) NOUVELLE PÉRIODE TOME NEUVIÈME ANGERS IMPRIMERIE P. LACHÈÉSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU Chaussée Saint-Pierre, 13 1866 CT. LE CHATEAU DANGERS AU TEMPS DU ROI RENÉ. LES MANOIRS DE CE PRINCE À CHANZÉ, LA MENITRÉ ET RECULÉE, D'après quatre inventaires inédits, provenant des Archives de l'Empire. RAPPORT. Messieurs. A l’une de vos dernières séances (14 mai 1866) j'avais l'honneur de vous adresser un compte-rendu de l’em- ploi d’un crédit que vous m’aviez ouvert pour divers dessins inédits concernant le mausolée de René d’An- jou, etc. Aujourd’hui, je dois vous parler d’un autre crédit relatif à la copie de divers inventaires se rapportant au même prince, et dont les originaux existent aux SOC. D’AG. 1 LRU Archives de l’Empire. Ces inventaires sont au nombre de quatre. Le premier commence ainsi : « Inventoire des meu- bles, biens et ustencilles de maison, estans au lieu de Chanzé, fait par moy, Guillaume Rayneau, secrétaire du roy de Sicille et clerc de ses comptes à Angiers, de l'ordonnance et commandement du dit seigneur à moy, fait le xin° jour d'octobre, l’an mil cccc soixante-unze, etc. » A cet inventaire en est joint un autre de lettres et papiers censifs, concernant Mouliherne, en 1465. Le second a pour titre : « Inventoire des biens, meubles et utencilles. estans au chastel d’Angiers, ap- partenant au roy de Sicille, fait par moy, Guilliaume Rayneau, secrétaire du dit seigneur et clerc de ses comptes à Angiers, du commandement d’iceluy sei- gneur après son partement de cestuy pays d'Anjou ou pays de Provence, en la présence de Croissant, con- sierge du dit chastel auquiel sont demeurez en garde les dits biens. Le d. inventoire fait à diverses foiz et par plusieurs journées et commancé à y besongner le xvini jour de décembre, l’an mil cece soixante et unze, et fini le dit inventaire ainsi qu’il est, ou moys de fé- vrier en suyvant l’an dessus dit ‘. » On trouve in fine la date de 1473. Le troisième est intitulé : « Inventoyre des biens, meubles et utenciles appartenans au roy de Sicile, duc 1 L'année 1471 finissait à Pâques. En ce temps les années au lieu de se compter de janvier à janvier, allaient souvent de Pâques à Pâques, ce qui dura jusqu’à l’édit de Charles IX du mois de janvier 1563. (Voir Natalis de Wailly, Élém. de pal., t. 1, p. 41.) Re d'Aragon (lisez d'Anjou) estans au lieu de la Menistré demourez en la guarde de la veufve de feu Huguet Guillot, concierge du d. lieu fait du commandement du d. seigneur roy de Sicile, par Guillaume Rayneau, son secrétaire et clerc de ses comptes, le jeudi dizième jour d’octobre mil 1111 Lx unze, etc. » Le quatrième porte en tête : « Inventaire fait par nous Jehan Muret, conseiller du roy de Sicille, etc., et Jehan Lepeletier, huissiers, des utencilles trouvés es maisons de Recullée pour ledit seigneur roy de Sicille, fait le xxvie jour de mars m. IHIe LXXVIIT. » Le premier contient sept rôles; le second, vingt- huit; le troisième, sept; le dernier cinq. Chaque rôle revient à 1 franc. Soit done 46 francs; plus pour frais de papier, dé- placement et correspondance, 13 francs; au total, 99 francs. Il ne faut pas s’en étonner, car il s’agit ici de copies faites sur d'anciens titres du xv° siècle, passablement difficiles à déchiffrer, ainsi que j'ai eu l’occasion de men convaincre durant mon dernier séjour à Paris. Avant de nous occuper du fond même des inventaires, il convient de vous faire savoir, Messieurs, comment j'ai été amené à me procurer ces intéressantes pièces. Par suite de diverses circonstances, qu’il serait trop long d'indiquer ici, je me suis trouvé en rapport avec un professeur de l’École des chartes, homme aussi dis- tingué que bienveillant, auteur d’une histoire de Charles VII couronnée par l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Vous dire l’aimable empressement que M. Vallet de Viriville a mis à m'être utile, me serait dit- ÉQ-. ficile, précisément à cause du légitime orgueil que j’en pourrais tirer; toutefois, cette affectueuse estime qu’il ia témoignée, je vous la reporte entièrement, Mes- sieurs, aussi, sur ma proposition, le normmerez-vous correspondant de notre Société. Soyez certains qu'il acceptera ce titre, si modeste qu’il soit, avec cette re- connaissance de bon goût qui est propre aux hommes d'élite. Il ne sera pas seulement pour nous un corres- pondant d'honneur, mais encore un correspondant utile, et je ne puis mieux vous le prouver qu’en vous disant qu’il s’est donné la peine de compulser, avec moi, aux Archives de l’Empire, les manuscrits in-folio de l’ancienne chambre des comptes établie à Angers par les ducs d’Anjou. Il a fait plus, il s’est détourné de ses occupations pour me trouver un copiste intelligent, M. Louis Pâris, directeur du Cabinet historique, et en- suite pour collationner lui-même les copies des inven- taires en question; vous trouverez en effet sa signature à la fin de chacune de ces pièces, aussi pourrez-vous, après l’impression, les déposer dans vos archives comme des monuments d’une incontestable authenticité. Je m’empresse de le dire ici, cette bienveillance, pour les modestes savants de nos provinces, je l’ai rencontrée toujours empressée de la part de MM. Duruy, Léon Renier, de Longperrier, Anatole de Barthélemy, Alfred Darcet, du Sommerard, Servaux, etc. À ce bon accueil, indépendamment de l’urbanité pa- risienne que chacun sait, on peut reconnaître sans ef- fort les progrès d’une décentralisation scientifique très- marquée. Sans plus de préambule, abordons maintenant la ER EE principale pièce, je veux dire l'inventaire du mobilier du château d'Angers. Il est assurément certains passages insignifiants et plusieurs autres de qui l’on pourrait dire : risum lenealis amici, mais il en est aussi, et c’est le plus grand nombre, qui ont un réel intérêt à divers litres, savoir : 4. Distribution intérieure des appartements du dit château ; 9. Meubles proprement dits; . Vêtements ; . Objets et ustensiles de guerre; . Horlogerie, instruments et outils ; . Jeux et exercices; 7. Produits industriels : céramique, verres, tissus, cuirs, ivoires, métaux, bois, etc; 8. Importations étrangères; 9. Objets d’art; 10. Bibliothèque; 11. Géographie; 42. Musique; 13. Objets divers; 14. Sobriquets. D Où & ©9 L. DISTRIBUTION INTÉRIEURE DES APPARTEMENTS DU CHATEAU D'ANGERS. René, comme ses prédécesseurs, habitait le château d'Angers. Le logis qu’il occupait fut en partie détruit vers 1858. Il s’étendait dans la cour intérieure, sur un plan à peu près rectangulaire, depuis le petit porche à tourelles, contigu à la chapelle servant aujourd’hui DE d’arsenal, jusque vers le milieu du côté de la forteresse qui regarde le boulevard du Château. Nous y avons vu quantité de petites chambres qui, la plupart, étaient or- nées de solives prismatiques. Les mentions, consignées dans notre inventaire, se rapportaient à beaucoup de ces pièces. : S'il nous est difficile désormais de nous faire de leur distribution une idée exacte, du moins pourrons-nous connaitre leurs noms et leur nombre. L’inventaire n’en cite pas moins de cinquante-cinq. J'ai bien peur que cette énumération ne vous fatigue, et pourtant il me semble utile de n’en point oublier, car ces salles nous mettent au courant de ce qui com- posait une habitation princière au xv° siècle. Mention- nons-les donc le plus rapidement possible et selon l’ordre qu’elles ont dans nos documents. 4. Chambre du roy; 2. Chambre du petit retrait du roy; 3. Galerie neufve sur le petit jardin contre l’oratoire du roy; 4. Chambre du haut retrait du roy; 9. Petite chambre du haut retrait du roy; 6. Chambre de la royne; 7. Chapelle au bout de la dite chambre; 8. Chambre du retrait de la dite chambre de la royne; | 9. Haulte chambre du petit palays ou souloit ‘ loger Marguerie; 10. Chambre où est logé M"° de Saux; 1 Souloit, du verbe solere, avoir coutume. 11. 12. 143. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22, 23. 24. ch — Retrait de la d. chambre; La grant salle; La salle de parement; Chambre de Jehanne Bierdelle; Chambre des estuves; Chambre de M'"° Margerie ; Petite chambre voûtée ; Chambre basse du petit pallays; Chambre de la garde-robe du roy; La garde-robe du roy;. Chambre de mademoiselle de la Jaille; Prouchaine chambre de la susdite; Chambre de M. de Parnaÿ; Autre chambre que tient mon dessusdit seigneur de Parnay soubz la bourjoisie ; 95. 26. La grant basse salle où est le jeu de paume; Chambre où est logée de présent madamoiselle de Vaudemont; 27. 28. 29. 30. a1. 22. 98. 34. 39. 36. 37. 38. 39. _ Chambre de dessus la d. chambre; La cuisine; Le garde manger; La saucerie ; Chambre d’auprés; La panneterie : Chambre haulte de la d. panneterie ; L’eschanzonnerie; La fruiterie; Chambre haulte du d. lieu. Le paveillon ; Chambre de la garde-robe de la royne; Retrait de la d. chambre; peus 40. Logeis de Beauvau; A. Chambre des crochez; 42. Chambre où souloit logier M. de... sur la ri- viêre ; 42. Chambre où loge M. de Loe sur la rivière; 44. Chambre de la Boessière; 45. Chambre de la tappicerie ; 46. Première chambre du portal des champs; 47. Chambre du conseil, au bout de la grant salle du jeu de paume, sur la rivière; 48. Portal neuf, premièrement en la chambre où soloit loger M. de la Cabre (Calabre). 49. Torelle de la d. chambre; 50. En la première sallete du d. portal, sur la garde- robe du roy; 91. Prouchaine chambre en allant amont de la d. chambre de feu M. de Calabre; 52. Autre chambre d’encontre ; 53. Haulte chambre du portal; 54. Une des tourelles de la d. chambre, 59. Estude du roy. Il est ici des choses qui s’expliquent d’elles-mêmes, mais il en est d’autres pour lesquelles une interprétation me paraît nécessaire. Et d’abord que doit-on entendre par salle de parement? Viollet-le-Duc, dans son Diction- naire raisonné de l'architecture, nous apprend qu’on appelait chambre de parement la pièce où était placé le dais sous lequel s’asseyait le seigneur, lorsqu'il exer- çait ses droits de justicier; celle du château d'Angers renfermait en eflet un grand charlit de parement (lit de parade) garni de couette, traversin, etc., et entouré dd — d’un treillis de boys pour garder que les chiens se cou- chent dessus (fol. 7, verso de la copie dudit inventaire). Quid de la chambre des estuves? La chambre des estuves était un lieu où l’on disposait des cuves remplies d’eau tiède, au moyen de conduits. Avant le xvi° et le xvn° siècle, la plupart des châteaux possédaientune chambre des estuves ; l’usage des bains fut beaucoup plus en usage au moyen âge, qu’à l’époque de la Renaissance et que sous Louis XIII. Les baignoires étaient le plus ordinairement en bois. On se baïgnait quelquefois plusieurs dans une même cuve, témoin ce passage du Roman de la Rose : Puis revont entr’eus as estuves, Et se baignent ensemble és cuves Qu'ils ont es chambres toutes prestes, Les:chapelès (chapeaux) de flors (fleurs) es testes. Les estuves du château d'Angers possédaient deux cuves baignouaires. Que dirons-nous de la chambre des crochets? C’était un lieu où des crochets en fer, fixés symétriquement, soit au plafond, soit à la voûte, permettaient de sus- pendre dans des sacs de toile des liasses de papier, afin de les conserver et de les préserver de l'humidité. La panneterie doit s'entendre de l’office, où chez le roi de Sicile, comme chez les autres souverains, l’on . distribuait le pain. Les panetiers étaient des officiers de la couronne chargés de cette distribution. L’eschansonnerie était le lieu destiné à la boisson des princes. Le jeu de paume s'entend d’une salle très-vaste où = À) — les joueurs avec une raquette, un battoir, ou même avec la paume de la main, chassaient et se renvoyaient une balle. Au château d'Angers, l’inventaire nous ap- prend que cette salle regardait la rivière. J'ignore ce que signifie la dénomination de bour- joisie, appliquée à l’une des pièces. Vous avez sans doute remarqué, Messieurs, que les principaux appartements du château avaient emprunté leurs noms aux personnes qui les habitaient : chambres du roi, de la reine, de M"° de Saux, de Jehanne Bier- delle, de Mles Margerie, de la Jaille, de Vaudemont, de M de Parnay, de Beauvau, de Loe, de la Boessière et de M. de Calabre. Ces personnes, dont plusieurs portent des noms historiques, composaient la petite cour du duc d'Anjou. M. de Calabre, notamment, est Jean d'Anjou, duc de Calabre et de Lorraine, mort à Barcelone en décembre 1470; il était l’espérance et la gloire du roi René, son père. D’autres pièces tiraient leurs noms de leur desti- nation : chambres du petit palais, du conseil, la grant salle, salle de parement, chambre des estuves, salle du jeu de paume, etc. À quelques-unes on avait affecté des noms qui rap- pelaient alors leur récente construction, savoir : Galerie neuve, sur le petit jardin, contre l’oratoire du roi, por- tal neuf, etc. ‘Il en est une, dite chambre de la tapicerie, qui in- dique suffisamment qu’elle devait être ornée de l’une de ces magnifiques étoffes de laine à personnages, comme on savait les faire au xv° siècle. De tout cet ensemble qu’environnaient les vastes UM fossés, les courtines et nos dix-sept tours du château, il ne reste guère que la chapelle (présentement l’ar- senal); la chambre du portail des champs, du côté de la place de l’Académie; les chambres dites du portal neuf, c’est-à-dire ce petit logis ou donjon au pignon accoté de deux tourelles près le flanc méridional de la cha- pelle. Là naquit René, le 10 janvier 1408. Les bâtiments qui faisaient face à la rivière, existaient encore au xve siècle; de ce côté se trouvaient la chambre du conseil, la grande salle du jeu de paume contigue, et la chambre de M. de Loe. Ce que l’on nommait la galerie neuve, sur le petit jardin, contre l’oratoire du roi, était placée sur ie flanc méridional de la chapelle. L’oratoire du roi, dont les petites fenêtres ogivales avec claires-voies, furent décou- vertes vers 1844, existait aussi du même côté. Nous venons de dire que la chambre du portail des champs, vers la place de l’Académie, peut se voir en- core; en effet, on la nomme présentement chambre des orgues. Par ce terme, l’on ne doit pas entendre qu’il s’agisse dé l’un de ces grands instruments dont la voix remplit si majestueusement l’enceinte de nos églises. Les orgues dont il est question ici, sont en termes de fortifications « des pièces de bois suspendues à un mou- linet, sous le milieu des portes, et qu’on peut faire tomber pour fermer promptement l'entrée, en cas de surprise. On a substitué les orgues aux herses, parce qu’on pouvait empêcher la herse de tomber et que les orgues n’ont pas le même inconvénient. » (Encyclopédie du xvin° siècle.) Notre château avait donc, au xve siècle, deux issues ; "49 — PA l’une où elle est encore vers nord, et l’autre dite porte des champs, vers l’est. N’attendez pas de moi, Messieurs, que j’entreprenne d’écrire une monographie du château, travail qui va de droit à notre nouveau et savant collègue, M. le com- mandant du génie Prévost; je me borne uniquement à vous parler de ce qui a trait à nos inventaires. Et ce- pendant qu’il me soit permis de vous citer une inscrip- tion qui se trouve à la voûte en saule pleureur, d’un petit escalier à tige du xv° siècle, situé près de la cha- pelle, vers nord : je crois qu’il n’a pas encore été dé- moli. Or, en 1844, on lisait, au sommet, ces quatre mots divisés par des espaces en six syllabes : EN DI EU EN CO 1T, c’est-à-dire en Dieu en coit. J'avoue que ce dernier mot fut pour moi longtemps inintelligble. Enfin la lumière se fit, en lisant un travail de M. H. Faugeron, alors élève de l’École des chartes, sur une légende rimée de sainte Marguerite, de l’époque du xive siècle et in- sérée dans votre Répertoire archéologique de février 1861. Or, à la page 49, je lis dans le texte de la légende : € Mout (multum, beaucoup) commença Dieu à amer. « Et son corage coïement, etc. » Puis en note : « Coiement, nous disons encore : Se tenir coi, de quietus, coiement, quield mente. » Il suit de là que le coif embarrassant signifie repos. Notre inscription peut donc se traduire ainsi : en Dieu, en repos. Cette devise, appropriée à la voûte d’un és- calier, est pieuse et charmante; en cffet, que trouve- t-on au sommet de toutes choses? Dieu ! et au sommet d’un escalier? la dernière marche, c’est-à-dire le com- LAN — mencement du repos. Et voilà comment nos pères sa- vaient donner aux pierres un langage, clamabit lapis a pariele. Revenons maintenant à notre inventaire. IT. MEUBLES PROPREMENT DITS DU CHATEAU. Dans la plupart des chambres se trouvait un charlit de bois. On appelait ainsi un véritable lit à ciel, le plus ordinairement environné de deux ou de trois marche- pieds qui servaient de coffres fermant à clef. Ce lit, garni de couette, rideaux, traversin et d’une couverture souvent en soie, était vers la tête placé contre la mu- raille, de manière qu’on y pouvait monter de trois côtés. Les flancs de certains charlits étaient souvent peints et sculptés de façon à former des ornements imi- tant de petites fenêtres (fol. 4). Le traversin se nommait travers lit, et l’oreiller lodier. Indépendamment du charlit, plusieurs chambres pos- sédaient une couchette de bois. Notre inventaire en cite une qui était garnie « d’un rideau, d’estamine blanche, bandé de soye bleue et grise, puis de couete, traversier et couverture perse, semés de fleurs de lys » (fol. 2 de la copie de notre manuscrit). Des bancs tenaient lieu de siéges, ils étaient revêtus de tapisserie (fol. 4, verso) et quelquefois n’avaient pas moins de huit pieds de long (fol. 3, verso). Des armoires à deux ou plusieurs guichets, des cof- frets en forme de siége et fermant à clef, des tables parées de drap vert et qui se pendaient à deux anneaux (fol. 6), d’autres à pliant (fol. 8), des tréteaux, des pu- pitres peints (fol. 4),ou ornés de velours vert, et encore de drap de même couleur, des escabeaux, des bassets sur lesquels on jouait aux échecs (fol. 1, verso), de petites chaires en bois, des torchiers de bois (torchères), complétaient l’ameublement. Une garniture de cheminée se composait de grands landiers de fer, de fonte et d’un soufflet (fol. 2). Deux chandeliers de laiton, chacun à deux bobèches, ornaient la cheminée. La grande salle était éclairée par deux chandeliers de bois, chacun à quatre bobèches et pendus au plafond. Leurs lumières se projetaient sur deux grandes tables, de longs bancs et sur un ample dressoir. Le dressoir était ici un meuble à plusieurs degrés où la vaisselle s’étalait avec luxe. Un grand coquemart ou vase d’ai- rain couvert, contenait l’eau pour l’ablution des mains (fol. 7, verso). Évidemment, la grande salle servait de salle à manger, - de même que la salle de parement servait de salle d'honneur. Probablement, dans cette dernière, on trans- portait un meuble mentionné au folio 19, verso, sous le nom de hault banc forme, et qui servait quand on tenait la feste de l’ordre du Croissant. René, vous le savez, avait institué cet ordre en 1448. La cérémonie civile de cette fête se célébrait donc au château. Ce serait à n’en pas finir, que d’entrer dans de plus longs détails sur les meubles proprement dits; pas- sons à ce qui concerne les vêtements. =, Mi — IT. VÊTEMENTS. Ne pensez pas, Messieurs, que je m’étende longue- ment sur cette matière, voulant me borner à quelques remarques suggérées par notre inventaire. Il paraît, d’après ce document, folio 12, verso, que l’on mettait en presse les robes des femmes, au lieu de les repasser avec un fer chaud; il y avait en effet un instrument de bois dit grosse presse, qui servait à cet usage. Au folio 15, verso et fol. 16, nous voyons que l’on portait alors des chaussures nommées patins à la façon de Turquie; qu'avec des peaux de cuir rouge l’on fabri- quait des bourrequins (brodequins) et que les femmes se vêlissaient d’un manteau rouge et noir. Mais à qui pouvait convenir cet autre manteau de drap noir (fol. 16) fait à la rommaine et à escapuchon ? L’inventaire ne le dit pas; il est curieux de savoir qu’en ce temps on sesoit ingénié, plus d’un demi-siécle avant la Renaissance, à faire retour vers le costume ro- main. J’oubliais de dire, à propos des patins, que plusieurs se composaient de natte de jonc de Turquie, garnie de laine rouge et perse, d’autres de cuir doré et ouvré à la façon mauresque, c’est-à-dire à la mode des Maures d'Espagne. IV. OBJETS ET USTENSILES DE GUERRE. Au folio 3, verso, nous lisons qu’en la chambre du haut retrait du roy « se trouvoit une chambre de boys = ff} — el ung lit de camp que feu M. de Calabre donna au TOY. » Au folio 4 il est question de « quatre targetes de cuir bouilli à la faczon de Tunis. » On appelait de la sorte de petits boucliers, targete étant ici un diminutif de targe. Au folio 9, verso, on cite ung escu de boys paint de blanc et de roge. Il est fait mention, folio 4, de sept vieux carquois de Turquie, d’un couteau en façon de masse, à pommeau et poignée de fer, de deux autres carquois de drap pers, rouge et vert, toujours à la mode de Turquie. Pers est un vieux mot synonyme de couleur, entre le vert et le bleu. Les carquois ne pouvaient être seuls, leur accompa- gnement obligé était l'arc turquois et le folio 5 en men- tionne six. | Au folio 15, il est question d’un crenequin, garni de eriq, et d’un carquois, garni de viretons, puis-d’ugne herbalaistre (arbalète) d'acier de Cathelongne (Cata- logne), garnie de criq, d’une autre petite herbalaistre de Cathelongne, garnie de petites tillolles; d’un cric d’Alemaigne en un estuy de cuir noir; d’une paire d’es- trées (étriers), à la façon maurisque; de deux paires de petits éperons, les uns blancs et les autres noirs; d’une paire de vieux estriés de leton à l’entienne faczon; enfin d’un bois de lance creux, où il y a dedans ung rollet de parchemin ou quel c’est dedans la pourtraic- ture de la royne de Sicile. Cette reine devait être la seconde femme de René, Jeanne de Laval, qu’il avait épousée en 1455 et laquelle QT — vivait à l’époque où se faisait notre inventaire. Ce por- trait de ses plus chères affections, caché dans le creux d’une lance, était assurément tout à fait dans le goût du roi de Sicile. Pour lui, la lance dut être un emblème de valeur, et le rollet un symbole de tendresse. Cet objet, à ses yeux, signifiait, sans aucun doute, amour et bravoure. V. HORLOGERIE, INSTRUMENTS ET OUTILS. Au folio 26, verso, on lit : [tem une petite orloge. « Jusqu'au xve siècle, dit M. Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire du mobilier français, ce meuble était un objet assez rare pour qu’on ne le trouvât que dans des palais, des monastères ou des châteaux. » Les plus anciennes horloges, nommées clepsydres, avaient l’eau pour moteur. On se servit également de sable pour le mouvement, et ce genre de petit meuble s'appelait sablier. Le Roman de la Rose parle d’horloges à rouages. « Et refait sonner ses orloges, par ses sales et par ses loges, à roes trop sotivement de perdurable move- ment. » Les statuts de l’ordre de Citeaux mentionnent des horloges mues par des rouages et des poids. L’horloge de notre inventaire appartenait sans doute à ce genre. Le cadran solaire était également en usage, témoin cet article de notre inventaire, folio 25 : « [tem ung petit cadran de leton en ung estuy de cuir. » SOC. D’AG. 9 LR Au folio 18, verso, on trouve celte description qui semble devoir indiquer une boussole : « Item une bouete de boys blanc à couvercle, en laquelle a dedans la faczon d’ung cadran branlant et dessus une vitre. » La boussole, successivement appelée marineïte, compas de mer, et enfin boussole de l'Italien, bossola, boxel, petite boîte, paraît avoir été, mais avec moins de perfection qu'aujourd'hui, en usage dès le xn° siècle; on en attribue l'invention à Flavio de Gioia, napolitain; néanmoins on voit dans Guyot de Provins, vieux poëête français de la fin du xrr° siècle, que ce petit instrument, ou quelque chose s’y rapportant, était connu à cette époque; voici ce passage : « Icelle étoile ne se muet un art font qui mentir ne puet par vertu de la marinette une pierre laide, noi- rette ou li fer volentiers se joint. » Quelques écrivains attribuent la boussole aux Chinois, mais sans preuves valables. Un article du folio 5, verso, s’exprime ainsi : « Item une table de leton sur laquelle a plusieurs lettres es- criptes en faczon d’astralabre. » Nous pensons qu’il s’agit d’un astrolabe, « du grec uorpov, astre, constellation et euéaw, je prends, instru- ment astronomique dont les marins se servent pour prendre la hauteur et en conclure la latitude du lieu où ils font leurs observations. » (Napoléon Landais.) Le Musée des antiquités d'Angers en possède un fort curieux de l’année 1415. Au folio 24, verso, on trouve cette mention : « Item un petit compas de leton. » Le compas remonte à la plus haute antiquité, puisque T — lon croit que Talaüs, neveu du fabuleux Dédale, en fat l'inventeur. Le folio 23 parle « d’une petites ballances avecques les poys en ung estuy plat longuet tout marqueté. » Les balances paraissent avoir été employées de tout temps, des auteurs ne craignent pas d’en chercher l’étymologie dans un mot hébreu. En la petite chambre du haut retrait du roy, folio 5, existait une sorte de petit atelier composé : € 4° D’ung basset de boys sur lequel est ung four- neau pour ung orfeuvre et quatre petites tenailles de fer ; « 20 D'une petite establye pour ung orfeuvre sur la- quelle a deux leaites qui se tirent l’une de ça, l’autre de là, sur laquelle a plusieurs petits ferremens, comme marteaux, tenailles, etc; « 39 D’une celle à quatre piés en laquelle a un petit tour. » Ces instruments, par leur situation dans la petite chambre du haut retrait du roy, nous laissent deviner qu’ils ont bien pu être à l'usage de René. S'occuper d’orfévrerie, tourner le bois ou les métaux, ne semblent d’ailleurs point choses étrangères à ses habitudes. Si plus d’une fois il a été comparé par sa spontanéité loyale, franche et généreuse à Henri IV, il pourrait l’être aussi à Louis XVI par son goût pour les arts industriels, et quelque peu par ses infortunes. VI. JEUX ET EXERCICES. À la cour de René, les principaux jeux étaient le jeu de paume, les échecs, le billard, les dés, et l’hiver, Dee ne l'exercice du patin sur la glace. Rapprochons entreux certains passages de notre inventaire, à l'appui de ce qne nous avançons. Au folio 10, verso, on lit : « En la grant basse salle où est le jeu de paume. » Au folio 42, verso : « En la chambre du conseil, au bout de la grant salle du jeu de paume, sur la rivière. » Nous ne dirons rien autre chose de ce jeu, pour ne pas nous répéter. Quant à celui des échecs, cinq articles disséminés dans notre inventaire le mentionnent de la sorte : Au folio 4, verso : « Item ung basset sur lequel on joue aux echecqs. » Aux folio 5 et 6 : « Item plusieurs eschets blancs et noirs. » « Item ung petit basset à pié sur lequel a ung es- chiquier pour jouer aux eschiecs. » Aux folios 15, verso et 19 : « Item une petite cassete de boys où il y a ung jeu de gros eschecs de yvoire et plusieurs petis ferrements à faire petites negoseries. « Item ung petit barril dé genebre (genevrier), où il y a de petits eschets blancs et rouges. » L'origine du jeu des échecs se perd dans la nuit des temps. Quelques savants le font remonter jusqu’au siége de Troie; d’autres en attribuent avec plus de raison, l'invention aux Indiens qui le transmirent aux Perses vers le commencement du vr° siècle de notre ère. Plus tard il passa en Occident et fut en usage dès le xue siècle. Le nom d'échec paraît dériver du persan schack ou du mot arabe schek, termes qui signifient roi ou seigneur; en effet, ce jeu était aussi appelé jeu SN du roi, parce que la principale pièce porte ce nom. Pour ce qui est du jeu de billard, voici ce que nous lisons au folio 46 : « Item troys billards à antez de boys, deux cuisnes (queues) et deux billes. » Il est difficile de savoir si le billard du xve siécle res- semblait au nôtre. Les descriptions que nous trouvons dans les textes, ne sont pas assez explicites. Le folio 18, verso, nous présente un texte assez cu- rieux sur le jeu de dés : « Item une petite cuvette de boys couverte en laquelle a cinq paires de gros dés et une petite main de boys. » Cette main de bois est sans doute le cornet, qui ser- vait à lancer les dés sur la table. Le jeu de dés est très ancien. On en connaît d'ivoire et de terre cuite qui furent trouvés dans les fouilles d'Herculanum. En Suisse, des dés de bois ont été dé- couverts et attribués au séjour des légions romaines. En ce qui concerne l’exercise du patin sur la glace, nous lisons au folio 24 ce passage : « Item une paire de grans patins de blanc boys ferrés par dessoubz pour aller sur la glace. » Au folio 24 : « Item deux-esgaloches de fer noir pour aller sur la glace. » VII. PRODUITS INDUSTRIELS, CÉRAMIQUE, VERRES, TISSUS, CUIRS, IVOIRES, MÉTAUX, BOIS, ETC. Parmi les objets appartenant à la céramique, nous citerons en terre de Valence les articles suivants : nm Ng Au folio 2, verso : « Ung grant plat de terre de Va- lence ou a au fond un eigle. « Item ung bacin de pareille terre ou a au fond ung lyon. » Au folio 3 : « Ung lavouer à mains. » Au folio 27, verso : « Ung grand plat de terre blanche de Valence à feuillages dorés. » Autre à feuillage pers. Au folio 21, voici venir un vase dont la description rappelle les majoliques : « Item ung... potet de terre fait en manière de gobellet par-dessus ouvré à fleurs et à losanges de feuilles d’or et d'argent. » Le folio 22 parle « d’ung petit potet de terre ouvré à la faczon de Turquie. » Enfin le folio 25, verso, mentionne : « Un petit potet de terre à couvercle qui tire sur le porphire à une pe- tite ance. » | Les produits en verre sont les suivants : Folio 24, verso : « Item ung petit bas mirouer paint de rouge et dessus le couvercle y a ung soleil. » Ce genre de miroir était porté sur un pied comme l'indique Particle fol. 27, verso : « Item ung grant pié de boys blanc à mectre ung mirouer. » Jusqu'au xve siècle, dit M. Cochin, dans son article sur la manufacture de Saint-Gobain (Correspondant, 1865), « les riches se sont contentés de miroirs de métal... Les miroirs de glace étaient réservés aux rois. On oublie trop que lorsque le roi Henri IV en- voya Sully en Angleterre, en 1603, il mit au nombre des présents précieux un grand miroir de Venise. » C'était chose bien plus rare encore au temps de René. EL Cette industrie ne date en effet que du xive siècle et eut longtemps son principal siége à Venise. Les objets en verre de Venise étaient très à la mode. Notre inventaire indique de grandes coupes à pied, fol. 20, verso, des pots à ance tous fabriqués en cette ville; il mentionne aussi, fol. 21 : « Ung chandellier de verre cristallin qui a la bobeche de pers, dorée, puis des esguieres de même, un gobelet-de verre à esmail blanc, et fol. 27, ung pot de verre bleu semé de fleurs de lys. » Tous objets aux couleurs douces et chatoyantes qui devaient avoir bonnes grâces, étagés sur les élégants dressoirs de cette époque. Les tissus n'avaient pas moins d'éclat. Les riches draps d’or morisques s’épanouissaient sur les coussins, les paremens et les vêtemens de la petite chapelle du roi de Sicile (fol. 27). Le linge était fabriqué de commande et marqué à la croix de Jérusalem, moitié fil noir et moitié fil blanc (la Ménitré, fol. 3). 6 Les cuirs rouge, noir, jaune, blanc, à la façon de Turquie, se métamorphosaient en éclatants tapis, folio 45, verso; en bottines et brodequins, en harnoys à cheval, garnis de cuir blanc; en carreaux où coussins « fais à la morisque et aux armes de la feue royne de Sicille (Isabelle de Lorraine), fol. 17; » en riches en- criers et même en gibecières ornées. Enfin, la bride de cheval de René était égayée de deux boullons où étaient ses armes qui avaient pour supports deux sauvages (fol. 18). Lg — Les objets d'ivoire, quoique peut-être moins remar- quables, méritent eependant d’être cités. Folio 5 : « Item ung coffre vieil tout fait à person- naiges disvoire. » Folio 15, verso : « Item ung grant tablez de yvoille bien marqueté, ouvré à bestes et feullages. » Folio 23 : « Ung estuy de cuir longuet tout doré et ouvré, ou quel a dedans quatre bastons d’yvoire faits carrés et semble que ce soit une quenolle (quenouille) par piêce. » L’ivoire sculpté, fol. 23, verso, ornait les manches de certains couteaux. L’un de ces manches représentait € un Îyon qui tient ung petit enffant. » Au folio 24, on lit : « Item une merche d’yvoire au bout de laquelle a une petite virolle d’or esmaillé et y a dedans gravée une double croix de Jherusalem et un R. € Item une autre merche d’yvoire d'argent au bout en laquelle est pareillement gravée double croix de ne rusalem et un R. » J'ignore quels sont ces instruments nommés merche, et qui certainement ont été à l’usage de René, comme la lettre initiale de son nom l'indique; toutefois il pa- raîtrait qu’ils servaient au vin, témoin cet article : Folio 24, verso : « Item une petite merche de fer pour mercher vin. » Mercher signifie-t-il marquer ou mécher ? je crois que c’est marquer. Au folio 27, il est question d’une paix d'ivoire, re- présentant une Annonciation et provenant de la petite chapelle du roi. 2: OT =, Parmi les métaux, notre inventaire cite des objets en or, argent, laiton, fer, fonte de fer et plomb. Au folio 22, verso, il est fait mention d’une « grand boueste d’or à couvercle ouvré à la morisque et percée à jour. » C’est peut-être d’os qu'il faut lire dans le texte. Ces objets d’origine orientale étaient alors trés-re- cherchés, les Vénitiens et les Génois les apportaient du Levant. Au folio 27, il est question de bassins d’argent ornés au centre d’une rose dorée et de bordures de même. Le cuivre ouvré à la façon de Turquie se métamor- phosait en grands chandeliers, fol. 5, verso; en coque- mars de laiton à tuyaux, destinés au lavement des mains, fol. 5, verso, 7, verso. L’airain était employé pour les bassinoires, c’est du moins ce que l’on peut inférer de ce passage, folio 17, verso : « Item ung chauffelit darain. » Parmi les objets en fer, citons des tenailles, une grille à manche qui se plie, des contre-rotissoirs, une escohinne d’acier (égoïne), une grande serpe vouge- resse (vouge), « une coutelliere où il y a quatre cou- teaulx à trencher devant le roy... emmanchés de jaspe, garnis d'argent doré noeslé (niellé); » citons encore « un quenyvet, » sans doute un canif (fol. 25). La fonte de fer est représentée par des landiers de grande dimension; le plomb, par une fontaine garnie de deux tuyaux. La vaisselle d’étain, venue de Lorraine, était comme le linge, marquée à la croix de Jérusalem (Menitré, fol. 7). Quant au bois, il prend toutes les formes, formes de PE gobelet, de drageoir à pied ouvré de bestes et de fleurs, de patins de bois vuidés dessous (sabots), de bouteilles à la façon d'Allemagne, de cor garni d’or, de bénitier ouvré à imayge de Notre-Dame-de-Pitié, de treteaux pour table qui se haussent et se baissent à volonté au moyen de chaïînettes, de bâton à main, couvert de plumes de paon, de torchiers (torchères), de chandeliers à bo- bèches, et enfin d’aiguière ouvrée à fleurs, au pied percé à jour, et au couvercle sculpté, représentant une jeune fille qui tient unes patenostres, c’est-à-dire un chapelet. VIII. IMPORTATIONS ÉTRANGÈRES. Lorsque, par la pensée, l’on groupe ensemble les lieux lointains d’où provenaient la plupart des objets de luxe de notre inventaire, on aurait lien d’être sur- pris de l’étendue du commerce à cette époque, principa- lement sur les côtes de la Méditerranée, si l’on ne sa- vait que depuis les temps les plus reculés, le négoce avait uni l'Orient et l'Occident. Il sera facile de se rendre: compte de ce très-ancien et civilisateur mouvement, en lisant le chapitre quatrième, t. I, de l'Histoire de Jules César, par Napoléon IIT, chapitre intitulé Prospérité du bassin de la Méditeranée, avant les guerres puniques. Mais, sans prendre les choses de si haut, bornons- nous à dire que ces rapports, même au point de vue du commerce, n’ont fait qu'augmenter avec les croisades. Dans le dernier siècle, il était de bon ton d'affirmer que ces religieuses expéditions ne furent qu’une grande ET œuvre fanatique. La vraie science historique, de nos jours, a fait justice de cette manière de voir. Vous pourrez vous en convaincre en parcourant les pages d’un livre trop peu répandu de notre savant archiviste, M. Célestin Port. En effet, dans son ouvrage intitulé : Essai sur l'histoire du commerce maritime de Narbonne, qui a obtenu une médaille d’or au concours des an- tiquités nationales de 1853, nous lisons : « La grande secousse des croisades vint donner une impulsion nou- velle aux entreprises maritimes de la Méditerranée. Depuis longtemps les pélerinages avaient frayé la route qui n’était plus inconnue. Pendant un siècle (950- 1050) il n’y eut si chétive ville qui, de cinq en cinq ans, n’envoyât vers ces pays, sa petite colonie. Le pèlerin se confiait à Dieu, mais il manquait rarement d’emporter avec lui son ballot bien garni qu’il débitait aux infi- dèles, et s’en revenait pieusement la bourse pleine ou la sacoche munie de marchandises nouvelles. On allait à Jérusalem, comme disent les contemporains, par dé- votion, par intérêt de commerce ou pour ces deux mo- tifs à la fois. « …. C’était pour les villes du littoral une source de revenus considérables. Une foire réunissait, le 15 sep- tembre, à Jérusalem, tous les pélerins du monde, et un marché leur était ouvert, toute l’année, pour le prix de 2 sous d’or. Narbonne faisait le passage, quelquefois même elle empruntait pour ce service les vaisseaux des chevaliers de l'Hôpital et ceux des chevaliers du Temple:.:; « L'époque des croisades fut pour toutes les villes du midi de France, celle de leur plus grande prospé- SR — rité. L'établissement des Latins en Orient leur créait des marchés nouveaux et ouvrait ceux des barbares. » L’impulsion, Messieurs, était donnée, et ce remar- quable mouvement, même après la fin des croisades, se soutint, au point de vue du commerce, par l’entre- mise des Vénitiens, des Génois et des Pisans. Leurs vaisseaux couvraient la mer, leur navigation servit à former cette remarquable école méditerranéenne qui ne dut pas être sans influence sur l’esprit de Christophe Colomb et d’Améric Vespuce, le premier Génois et le second Florentin. Tout se lie, tout s’enchaîne : les pêlerinages enfantèrent les croisades, celles-ci im- primèrent un incroyable essor au commerce ; le com- merce à son tour donna le goût de l'inconnu, ce goût mit au cœur du marin l’amour des lointaines contrées, l’amour des découvertes, et vers la fin du xve siècle, le monde fut doublé. Mais je sens que je me laisse entraîner loin de mon sujet, et que ce n’est pas l'heure de quitter le bassin de la Méditerranée; nous devons y rentrer pour dire qu'il n’y a donc pas lieu de s’étonner de voir figurer dans nos inventaires, des objets provenant de Turquie, de Tunis, de Venise, de Valence, de Catalogne, etc., etc. D'ailleurs la maison d'Anjou, par ses rapports con- tinuels avec le sud de l’Italie, était plus à même qu’au- cune autre, de se procurer les poteries de Valence, les cuivres ouvrés à la façon de Turquie, les étriers moris- ques, les cuirs turquois, les verres de Venise, les tissus chatoyants du Levant et les targettes de Tunis. = ot IX. OBJETS D'ART, TABLEAUX, PORTRAITS, TOILES PEINTES , DESSINS, STATUETTES. Dans la chambre du roy, fol. À, verso, toujours au château d'Angers, se voyait « ung beau tableau paint où est Nostre Seigneur que on descend de croix. » | Dans sa chambre du petit retrait on distinguait çung petit tableau où est l’annonciation Nostre-Dame (fol. 2). » Dans la même, autre « tableau de Nostre-Dame, mais qui tient son enfant (fol. 2, verso). » Quant aux portraits, nous avons déjà parlé de celui de Jeanne de Laval, placé dans un bois de lance creux (fol. 15). Nous n’y reviendrons pas, mais il est bon de mentionner l’article suivant du folio 20 : « ltem unes tablettes de boys à huit feuillets où sont les pourtraitures tirées de plombt du roy de Sicile, de la royne, de feu M. de Calabre et autres seigneurs. » Que doit-on entendre ici par pourtraitures tirées de plombt? Seraient-ce des dessins faits à la mine de plomb ou des empreintes en plomb? je pencherais volontiers pour ce dernier procédé, qui paraît franchement indiqué dans le texle suivant, folio 21 : « Item une emprainte en plomb du feu duc de Millan, Francisco Forcia. » Les toiles peintes étaient alors très en vogue, notre inventaire en cite plusieurs qui ne manquent assuré- 1") — ment pas d'intérêt. Nous lisons en effet au folio 15, verso : « Item ung grant drap où sont paintes les villes de Prouvence et les villes qui sont depuis Prouvence jus- ques à Gennes. « Item une autre pièce de toille où est la ville de Gennes en painture. » : Puis aux folios 16, verso et 17 : « Item deux toilles où il y a en chacune ung homme paint tenant un vouge. « Item trois autres petites toilles à mectre en une chambre dont en l’une a paint ung paon, ung faisant et deux perdrix, une cheveche, ung cinge et plusieurs aultres chouses. En l’autre est pareillement paint ung paon, ung fesant, ung oiseau de rivière, deux pots de grubelle, etc... En l’autre a escrips plusieurs petiz personnaiges à pié et à cheval, ung faulcon, ung connin blanc (lapin) et une ville, etc. » Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que toutes ces toiles ont un certain air de famille avec les goûts de René; elles lui rappelaient sa chère Provence, qu'il aimait tant à parcourir, après l’Anjou toutefois. Elles mettaient sous ses yeux Gênes, la superbe alors, si riche par son commerce du levant, Gênes dont son fils, Jean d'Anjou, duc de Calabre, avait été gouverneur en 1459. Ces belles rives de la Méditerranée, je ne se- rais point surpris qu’il les eût peintes lui-même, comme aussi ces oiseaux qu’il se plaisait à élever dans ses châ- teaux : paons, faisans, faucons et perdrix; ne s’occu- pait-il pas à peindre une bartavelle (perdrix rouge), lorsqu'on lui annonça l’usurpation de lAnjou par Louis X1? 2": Nes Viollet-le-Duc parle ainsi des toiles paysagées : « Tissu de fil. La toile peinte était une des tentures les plus ordinaires pendant le moyen âge. On commençait par coucher un encollage assez épais sur le tissu... et sur cet apprêt on peignait soit des sujets, soit des orne- ments. | « Dans les premiers siècles de notre ère, à limitation des anciens, on employait les toiles peintes pour dé- corer et couvrir les rues lors des grandes solennités publiques. Grégoire de Tours dit qu’à l’occasion du baptême de Clovis, les rues de la ville de Reims étaient ombragées par des toiles peintes. Et encore aujourd’hui, l'Hôtel-Dieu de cette ancienne cité possède une nom- breuse collection de toiles peintes représentant la mise en scène du théâtre des confrères de la passion qui datent de la fin du xve siècle et du commencement du xvIe. » Pour ce qui est des dessins, voici les seules mentions qui s’y rapportent : « Item un cayer de papier où sont portraiz plusieurs morsz de chevaulx, fol. 19. « Item un cayer de papier en grant volume ouquel est le commencement d’ung tournoy. » Peut-être ces dessins étaient-ils les ébauches du Livre des Tournois de René? On sait qu’il le composa après les emprises de Razilly, de Saumur et de Tarascon, cé- lébres pas d'armes qui eurent lieu l’un en 1446, l’autre en 1447 et le dernier en 1449. Le manuscrit original el illustré existe à la Bibliothèque impériale, sous le n° 8,392. Il nous reste à parler de statuettes qui sont ainsi dé- crites au folio 4, verso : =, Bye « Item plusieurs petites ymaiges de terre faites en molle de la passion de NotreSeigneur et des douze apostres, » trouvées en la chambre du haut retrait du roy de Sicile; elles pourraient bien avoir été de sa composition. Nous tairons les sculptures en ivoire afin de ne point faire double emploi avec les objets du paragraphe 7. X. BIBLIOTHÈQUE. La librairie du roi, c’est ainsi qu’en ce temps se nommait une bibliothèque, ne consistait pas toujours comme aujourd’hui en meubles à rayons symétriques. On ne se donnait point tant de peine pour placer les li- vres, ou plutôt on s’en donnait davantage pour les re- rer; en effet on les déposait ordinairement dans de grands coffres de bois. L’un de ces coffres est mentionné de la sorte au folio 8, verso, de notre inventaire : € Ung grant coffre de boys fermant à clef ouquel est partie de la librairie du roy. » Parmi les principaux ouvrages de la bibliothèque de René, nous citerons : « Ung livre en parchemin nommé Dante de Fleurence, escript en lettre (langue) ita- lienne. « Item ung autre livre en papier couvert de cuir noir ouvré à la devise du roy commençant : Cy sensuivent les histoires des Belges. « Item ung livre en parchemin tout escript de chanc- zons ensiennes commencant : Amour et desirs my des- iroient. LE « Item ung autre livre en papier longuet auquel a ung commanchement de chanzons notées commanzant : Quant elle voyt qui noccist. « Îtem un cayer en papier rollé du pas fait à Bru- celles par messire Philippe de Lalain. » Voici un nom qui ne peut manquer de fixer l’atien- tion des bibliophiles, je le leur recommande. « Item ung grand tableau ouquel sont escripts les A B C, par lesquels on peut escripre par touz les pays de chrétienté et de sarrasinaisme. » A qui s'occupe de linguistique, ce tableau mérite d’être signalé. « Item XXIIT tant grans que petiz escripz en lettre (langue) turquine et morisque. « Item ung livre en parchemin couvert daez escript en latin, ouquel est escript dessus : Descriplion des parties orientales. « liem ung missel à l’usaige de Rome, etc. » Il serait fastidieux de continuer cette liste dont quelques ouvrages prouvent suffisamment jusqu’à quel point la maison ducale d'Anjou, je le répète à dessein, s’élait mise en rapport avec l'Orient, par ses possessions napolitaines. XI. GÉOGRAPHIE. Les ouvrages, concernant la géographie, relatés dans notre inventaire, sont les suivants : Folio 9, verso : « Item ung grant tableau qui se ferme à couplez ouquel a une mapemonde. » SOC. D’AG. 3 SE — Folio 20 : « Item ung rolle en parchemin paint en faczon de mapemonde rolé en un baston. » Fol. 24 : « Item ung rollet en parchemin rollé en ung baston rouge, lequel rollet est paint en faczon d’une petite mapemonde. » Fol. 27 : « Item (Jehan Boutinard, pour porter au roy de Sicile) print en la garde du d. seigneur une mapemonde en toille où sont les xi1 signes (du zo- diaque). » Folio 19, verso : « Item ung livre en papier de la gé- nérale division de toute la terre. » La mappemonde ou plutôt son nom, comme on le voit, par ce qui précède, n’est pas d'invention récente. XIL. INSTRUMENTS DE MUSIQUE. Notre inventaire nous en fait connaître de quatre sortes : 4° Le manicordion. Fol. 4, verso : « Item ung vieil manicordion désaccordé et mal en point.» C'était un instrument à cordes que l’on touchait avec les doigts, ainsi que l'indique son étymologie. 20 Le tambourin. Fol. 10 : «Item un grant ta- bourin en faczon d’une tamballe couvert de cuir noir. » C'était une sorte de tambour propre aux Provencaux, moins large et plus long que le tambour; on le battait avec une seule baguette en s’accompagnant avec le ga- loubet ou flûte à trois trous. 830 La guitare : « Item deux guiternes de boys, l’une mn DE. painte de rouge a foullage (feuillage) de jaulne et l’autre est de boys blanc. » C’est un instrument d’origine espagnole trop connu de nos jours, pour que nous en disions davantage. 4 Le cor : « Item ung cor de boys garni de ferre- mens d’or. » Ce n’était pas assurément un cor d'harmonie, et nous ne le plaçons ici que vu la difficulté où nous sommes de le mettre ailleurs. Ces cors servaient de trompes principalement à la chasse. XII. OBJETS DIVERS. Sous ce titre, nous classons tout ce qui pourrait diffi- cilement entrer dans les douze précédentes divisions. L'usage de l’ambre est établi par les articles sui- vanis : Folio 23, verso, et 24. « Item ung baston de blanc boys à porter en la main ouquel a au bout une grosse patenostre (grain) d'ambre. | « Item trois paires de patenostres de boys (chape- lets) dont en une a une petite patenostre d’ambre. » À cette époque, l’on .croyait à la vertu de l’ambre contre les maléfices et certaines maladies. L’odeur en était du reste très-recherchée de même que les autres parfums, c’est ainsi que l’on tenait souvent à la main des bâtons couverts de paste de bonnes senteurs (folio 23). — 196 — Les dragées avaient également la vogue, celles sur- tout d’un confiseur nommé Alexandre (folio 21). Il paraît que c'était une coutume assez répandue que celle d’avoir aussi son petit nécessaire de phar- macie; au folio 21, verso, nous lisons : « Item une petite boueste en faczon de boueste d’a- pothicaire, painte à feuillages en faczon de drap d’or en laquelle a dedens ne scay quelle petite chose torteisse que ne savons nommer. » De cette boîte à un collier de levrier, la transition est brusque, aussi serez-vous assez indulgents pour ne pas exiger de votre rapporteur, plus de liaisons qu’il n’est possible d’en établir, en ces matières qui n’en ont pas. Disons donc, sans plus nous en inquiéter, que cer- tains petits colliers de levrier, provenant d'Allemagne, jouissaient alors d’une grande faveur auprès des du- chesses; folio 23, verso. « Item ung collier de levrier de satin violet escript dessus en alman en lettres de fil d’or. » Le goût des oiseaux leur était familier et le roi René n’y était point indifférent. On connaissait la gluz pour les prendre, folio 16, verso, et les jolies cages pour les emprisonner; les tourterelles, appelées en ce temps turtres, et les perroquets nommés papegaulls, folio 9, verso, élaient particulièrement les heureux favoris des grandes dames. Je ne mets aucune intention, je vous prie de le croire, à grouper ici ces oiseaux de l’amour et du babil; si vous y trouvez malice, c’est à l’inven- taire qu’il faut s’en prendre. = 9 — XIV. SOBRIQUETS. Vous avez pu remarquer, Messieurs, par les citations que nous avons faites de certains objets, qu’ils indi- quaient jusqu’à un certain point, les goûts familiers du roi René. En effet si le style est l’homme en général, le mobilier est en quelque sorte l’homme dans sa vie privée; mais il nous reste maintenant à vous faire connaître les tendances de René, à personnifier les souvenirs qu’il aimait, même les plus abstraits. Du vivant de sa première femme Isabelle de Lorraine et afin de lui témoigner sa tendresse, il invente la de- vise d’ardent désir placée tout près d’un élégant réchaud où pétille la flamme, emblème de son amour. Après la mort de cette épouse chérie, arrivée le 28 février 1453, cette même devise et ce même symbole, il les peint ou les fait peindre sur les colonnes de son tombeau; on peut les voir encore derrière la boiserie du chœur de la cathédrale d'Angers, vers nord. Il va plus loin, il s'empresse, en souvenir de sa dame, de personnifier la devise Ardent désir, en appelant de ce nom, une personne de sa cour. (C’est du moins ce que l’on peut inférer de ce passage de notre inventaire, folio 20 : € Item ung petit traicté en parchemin que Ardent désir donna au roy. » D'un autre côté il s’en va personnifiant l’ordre du Croissant, en donnant ce même nom au concierge du DS château d'Angers, devant lequel se fit l'inventaire. On voit par là que René se plaisait à imprimer la vie aux choses matérielles; c'était aussi le goût de l’époque. On mettait alors son plaisir à personnifier la vertu, le - vice, la beauté, la laideur, et à leur donner sur la scène et dans les romans, un langage dialogué. Mais avançons | En comparant entr’elles quelques dates extrêmes de nos quatre inventaires, 1471 et 1478, on est pris d’une certaine tristesse en songeant qu’ils ont été dres- sés aux époques les plus douloureuses de la vie de ce bon roi. En effet, toutes les souffrances lui vinrent coup sur coup : mort de son fils Jean d'Anjou ; désastre de Marguerite en Angleterre, 4 mai 1471; perte de son gendre Ferry de Lorraine, 1472; décès de Nicolas, son petit-fils, le 27 juillet 1473 ; perte de son frère le comte du Maine. Ce n’est pas tout! Vers le même temps, Louis XI lui enlève l’Anjou, le contraignant à se réfu- gier en Provence où du moins il passa dans la compa- gnie de Jeanne de Laval, sa deuxième femme, assez paisiblement les quelques années qui lui restèrent à vivre. À la fin de la copie du présent inventaire, on lit qu’il a été achevé « après le partement (de René) du pays d'Anjou pour aler en Prouvence l’an mil cecc Lxxr. » Ne trouvez-vous pas, Messieurs, que ce mot de par- lement a quelque chose de pénible, rapproché de la date de 1473; en effet ce fut à cette époque qu’il quitta notre pays sans espoir de retour, pour aller mourir dans sa ville d’Aix, le 10 juillet 1480, âgé de 72 ans. Ce prince emporta du. moins avec lui les regrets de ses HORS TT chers Angevins; leur, amour ne lui fit pas défaut, convaincus qu'ils étaient que son grand cœur valait bien une charte. Ici, Messieurs, je m’arrête et pourtant il me reste- rait encore à vous parler des trois autres inventaires savoir : jo De Chanzé, manoir situé, d’après une note de M. A. de Soland, sur la route de Faye à Thouarcé ; 9° De la Menitré, petit castel encore existant et situé dans la vallée, non loin de Beaufort; 30 Enfin de Reculée, habitation détruite et qui près d'Angers, faisait les délices de René. Là, sur la rive droite de la Maine, il se plaisait à tendre le filet aux petits poissons ; le filet, c'était son sceptre familier et il en usait moins pour les prendre et les faire frire, que pour les déposer dans ses viviers où il aimait à les nourrir et les voir s’ébattre au soleil; aussi les pêcheurs, ses bons amis, l’avaient-ils appelé le roi des gardons. Roi des gardons! Vraiment ce sobriquet lui convenait, non qu'il ne fût pas capable de très-grandes choses, car en maintes occasions il montra de l’héroïsme et un vrai talent d'administrateur, mais il se, préoccupait par-dessus tout du sort des humbles, des souffrants et des petits, moins pour les charger d'impôts que pour les gouverner en père. Et cet amour qu’il leur portait, ils le rendent à sa mémoire après tantôt quatre siècles, car les pêcheurs de Reculée n’ont pas encore oublié leur bon Roi des gardons. Vous ne l’oublierez pas non plus, Messieurs, et vous saurez suppléer à mon silence, sur les trois autres inventaires , en les étudiant vous-mêmes. Vous y re- 0e — trouverez les objets qui lui furent familiers, et mieux que je ne le pourrais faire, vous reconstituerez avec cerlains éléments épars, ses habitudes privées, ses goûts modestes et pour tout dire sa vie domestique. Cette manière d’envisager l’histoire, bien qu’assurément terre à terre , n’est cependant pas sans charme; voir toujours un personnage par le côté des batailles et de l'administration, par son côté public et extérieur, si je puis ainsi parler, devient monotone. Le voir quelquefois déchaussant le cothurne, apporte du moins quelque diversion. Je le sais, on l’a dit et écrit, ü n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre, j'en tombe d’accord, mäis si le grand homme s’efface au déchaussé, l’homme vrai, méchant ou bon apparaît, et ce revers de médaille est encore de l’histoire. Ce ne serait pas d’ailleurs le roi René qui perdrait au desha- billé. Toujours semblable à lui-même, dans sa vie pu- blique comme dans sa vie privée, il n’a pas deux faces, l’une qui pose et l’autre qui mente, et de quelque façon qu’on l’envisage, il restera constamment le modéle des princes, d’une popularité sans reproche parce qu’elle était sans recherche. V. GoDARD-FAULTRIER. D >. INVENTAIRES. CHANZÉ. Inventoire des meubles, biens et utencilles de mai- son estans au lieu de Chanzé, fait par moy Guillaume Rayneau, secrétaire du roy de Sicille et clerc de ses comptes, à Angiers, de l'ordonnance et commandement dudit seigneur à moy fait le xuie jour d'octobre, l'an mil cccc soixante unze. Ledit inventoire recongneu sur celuy qui autresfoiz avoit esté fait par feu Thibault Lambert et maistre Jehan Muret, conseilliers et audi- teurs des comptes dès le xxine jour de décembre, l’an mil cccc cinquante six, et tous lesditz biens de cest présent inventoire demourez en la garde de Jacquet de la Fontaine, concierge dudit lieu de Chanzé. Premier, en la cuisine : Quatre grans broches de fer et une petite, Deux grans routissouers de fer, Deux graeilles, lune grant lautre petite, Troys paelles dacier, Neuf paelles darain en pille que grans que petites, Deux dressouers, Deux brichez, Une huche, , Unes armaires à quatre fenestres, SRE: Deux trepieis de fer telz quelz, Vingt trois plaz destain dont y en a onze grans et douze petiz, Ving et une grant escuelle, Dix neuf autres escuelles plus petites, Dix sept sauciers le tout destain et le tout marché aux armes de la royne de Sicille, Huyt quartes et tierces, Deux potz rons, Quatre pintes le tout destain, Huyt chandeliers, Deux bassins, Deux chauffectes, Ung chauffouer à laver mains le tout de cuyvre. En la chambre basse près le puis : Deux grans charlitz et deux chariolles dessoubz, lun desditz charlitz garny de lit traverslit sarge perse de ciel tresdox et rideaux de tcille, et en lautre charlit na point de lit mais y a dessus ung ciel et une sarge roge et les deux chariolles garnies de liz et deux sarges lune roge lautre perse. Item ung petit dressouer deux fourmes, une table et deux traicteaulx. En la petite chambre dessus la saulcerie a plusieurs aumolles de verre, gardemangers de terre plaz de pourcelaine et autres choses de verre, dont y a plusieurs rompuz et cassez. Item en la chambre du concierge, unes armaires à quatre fenestres. Item une chappelle à tirez eaux. D Item huyt piez à bescher en vigne, deux beez danne, deux piez perriers et deux deschaussouers, qui ont été baïllés au closier dudit lieu. Item en la petite chambre sur la penneterie a ung lit garny de coete traverslit et une sarge blanche. En la salle basse près la fontaine : Troys tables, Six treteaulx, Ung banc à reigle, Deux bancs formes, Ung buffet, Deux tables rondes. Vingt quatre escabeaux. Une mapemonde, Une taille de morisque encontre la cheminée, Deux landiers de fer. En la chapelle : Une ymaige de Nostre Seigneur et de la Magdelaine, ung petit aultier beneist, ung petit beneystier destain, deux clochetes, ung tableau de Notre Dame, deux chandeliers de cuyvre. En la chambre près ladite chapelle : Deux charliz garnitz de lilz et traverslitz, Une sarge blanche, lautre perse, Une tante dun vieil drap edresdoux et deux rideaux, et Deux landiers, et soubz lun desditz litz a une cha- riolle ou na riens. ET, ee En la chambre du roy : Ung grant charlit garny dune coete de duivet et le traverslit, Belle coete pointe par dessus, Une tante de toille garnye de ciel tresdox et rideaux, liem dessoubz ledit charlit une chariolle garnie de lit, traverslit et une couverture de laine perse, ltem une couschéte garnye de coete, traverslit et couverte de laine blanche, Item ung paveillon de toille dessus en fatzon dun esper- vier a pescher poisson, liem six carreaulx couvers de blanc à la devise du roy une R, ung J, et ung laz damours, Item six carreaulx de tappicerie, Item quatre carreaulx rous couvers de cuyr aux armes de la feue royne Ysabel, Item quatre carreaulx longs couvers de cuyr, Item trois carreaulx veluz de laine, Item trois banchiers deux vers et ung blanc, Item ung tapiz velu, Item six carreaulx à abres, Item deux banchiers pers à feilles, Item unes armaires à deux fenestres fermans à clef, Item deux bancs à reille, deux clhœeres à doux, une table garnie de tréteaux, Item ung chandelier de cuyvre pendu en ladite chambre, tem ung tableau de muscq garny de charnières dar- gent couvert de velourz cramoesy, QE — Item six cuillers dargent trois grans et troys plus petites, Item six sallières dargent en faczon de soufflez qui sont rompues et desmaillées, ltem troys madres plains de potz de terre, de verres de plusieurs sortes, dont il y en a partie de rompue et cassée, avec deux esmouchailz à la faczon de Prouvence, Item deux coffres servans de bancs fermans à clef et claveure, esquelx a douze draps de lit, Item une toille painte en laquelle est paincte Pris, Vénus et autres choses, Item quatre escraines, deux doubles et deux simples, avecques deux landiers. En la galarerie près ladite chambre du roy : Troys litz garnis de sarges, lune rouge, lautre perse et lautre blanche, et le premier lit garny d’un paveillon à faczon d’un espervier, et l’autre d’un ciel tresdox et deux rideaux, et l’autre de ciel et tresdox seulement, Item deux landiers, liem deux fourmes estables. Au petit retraict près ladite chambre du roy : Ung charlit garny de lit ciel tresdox et sarge blanche avec deux landiers. Ladite chambre painte à groyse- liers dont les groyselles sont rouges. En la chambre haulle appellée la chambre de madame Yoland : Ung charlit garny de lit ciel et tresdox et rideaux avecques une sarge rouge telle quelle, = Ÿ6 — Item soubz ledit lit une chariolle garnie de lit, avecques une sarge rouge telle quelle, Item une petite couschète sans lit, avecqués unes ar- maires dont les guischey sont rompuz, Item deux bancs, Ung banchier tel quel, Une table, Deux tréteaulx, Deux landiers, Item en lescripture du hault a ung basset à deux ar- maires fermans à clef dont lune est rompue, Item en une autre petite escripture ung charlit et une couverte sans lit, Item ung petit charlit sans lit ne coete, Item en une autre petite chambre près la chambre de madite dame Voland, appellée la chambre aux pu- celles ung charlit et une charriolle dessoubz garniz de litz traverslitz et sarges rouges telles quelles. Ung demy ciel et tresdox de toile, Item deux longs coffres de boys fermans à clef, en lun desquelx a ung lodier ou couete pointe et en lautre na riens, Item en la maison de devant la cave que lon appelle le logeys de Monsr le seneschal dAnjou a deux chambres en chascune desquelles a deux charlitz sans lilz ne cou- vertures, Deux fourmes escabelles, Deux landiers. Au celier : Ung grant pressouer garny de toutes les choses qui y faillent que la royne a puis naguières faït faire, une = M — grant cuve de vin de lannée darraine passée mil cecc soixante dix quinze pippes. De ceste présente année de vin nouveau trente quatre pippes. Sensuyvent les bestes qui sont de present à la meclayerie de la rive : | Six bœufs tirans, Deux mères vaches, Deux toreaulx venans à troys ans, Deux genisses de ceste année, Une genisse venant à deux ans, Deux truys dont il y en a une qui à cinq ans, et l’autre venant à deux ans, Deux porcs venans à deux ans, Cinq petitz porceaulx, Neuf brebis que masles que femelles. Fait audit lieu de Chanzé le xirIe jour dudit moys doctobre lan mil cccc soixante unze. Signé : RAYNEAU. En tête de ce document est écrit : « De magno coffro rotondo camere Andegavensis. » Inventoire des lettres, papiers censifz comptes et autres choses que noble homme René de Maillé a baillez et mis devers honnorable homme et saige sire James Louet trésorier d'Anjou pour les rendre et bailler au roy de Sicille pour et en descharge de Monsr de Maillé. = HR — Premier : Deux comptes non cloz non examinez et non arrestez renduz audit sieur de Maillé par Guillaume Pechoux son receveur de la Vieille-Mouliherne pour les années rie XXXIII et XXXIHI, Item deux autres comptes clos arrestez et examinez rendus par Guillaume Hersent receveur de la Vieille- Mouliherne pour les années tre L et Lx, Item ung papier censif de ladite terre estant en ung cahier de pappier faisant mencion que lesditz cens furent receuz en la ville de Mouliherne le jour de saint André MIS II“ v, Item ung petit papier censif et procès dudit lieu de Moliherne mengié de raz, Item ung papier de vielz procès dudit lieu donné le... de may III LXXI, Item ung roolle en parchemin contenant les cens du- dit lieu donné lan rie Lvii, Item un rolle en parchemin contenant les procès du- dit lieu donné lan tic tr* x, Item ung autre censif estant en ung rolle de parche- min bien vieil, ltem ung autre papier contenant les procès et amendes dudit lieu donné lan nri xvi, Jtem ung autre vieil pappier contenant les procès et censifz dudit lieu de lan 1112 Lxx Vu, Item trois petiz rolletz de parchemin contenant les noms de ceulx qui sont affranchis en herbaige de la forest de Monnoys, dont lun est scellé de cire rouge, — 49 — | Item une obligation contenant x s. de rente acquis par feu Hardoyn s' de Maillé de Pierre Gontier, Item huit déclarations eh parchemin non signées, Item une coppie daveu baillé audit sr roy de Sicille par Jehanne de Maillé, ladite coppie non signée, Item a esté mis audit sac la lettre de l’acquest et vendicion faicte dudit Mouliherne par ledit sr de Maillé au roy de Sicille duc d’Anjou. Fait ce présent inventaire à Baugé le var jour de juillet mil rue Lxv. Constat et si aucuns autres papiers censifz, adveux, déclarations ou autres enseignemens sont es mains de mondit s' de Maillé ou d’autres dont ilz les puisse recouvrer, moy Réné de Maillé les prometz rendre et bailler touttesfoys etc., audit sr roy de Sicille et autre que sera son bon plaisir. Ainsi signé RicHoMME et Regné de MAILLÉ. IL. CHASTEL D'ANGIERS. Inventoire des biens, meubles et ustencilles estans au chastel d’Angiers appartenant au roy de Sicile, fait par moi Guilliaume Rayneau, secrétaire dudit seigneur et clerc de ses comptes à Angiers, du commandement diceluy seigneur après son partement de cesluy pays d'Anjou ou pays de Provence en la présence de Croissant consierge dudit chastel auquiel sont demourez en garde lesditz biens. Ledit inventoire fait à diverses foiz et par pluseurs journées, et commancé à y besongner le xvrrie jour de décembre lan mil cecc soixante et unze, et fini SOC. D’AG. 4 = 6 — ledit inventoire ainsi quil est ou moys de février ensuy- vant, lan dessusdit. En la chambre du roy ont eslé trouvées les choses qui s’ensuivent : Ung grant charlit qui nest point foncé, garny de couëte de traverslit et lodier, Item une couchète de boys, Item unes armoires à deux guischez fermans à clief, Item ung grant banc qui est entre les armoires et luys de ladite chambre, Item ung autre petit banc garny de tappicerie, Item ung basset sur lequel on joue aux eschecqs, Item deux bancs formes lung plus grant que lautre qui sont autour du grant lit, Item en la venelle dudit lit ung bas marchepié de boys, Item une petite chère basse de boys, Item une couchète de boys qui est contre le grant lit à ciel de menuserie garny dung rideau de sarge verd, liem ung petit marchepié à ladite couchéte couvert de drap verd, Item ung bas petit marchepié qui est soubz ung des bancs formes, Item deux grans landiers de fer de fonte. Jtem ung grant escabeau garny de drap verd, Îtem une pale de fer, Item ung petit torchier de boys, Item deux grandes escrannes declice, Item deux chandeliers de leton panduz à la cheminée, chascun a deux bobèches, . = 8 — Item ung beau tableau paint où est Nostre Seigneur que on descend de la croix, Item une petite eschalle de boys a pencer les oai- seaux, Item ung escabeau merché, Item deux pupîtres, lun de troys pièces couvert de veloux vert, lautre dune pièce couvert de drap vert, Item deux lanternes en faczon de chandelier qui sont de feille de leton a creneaux, et sont pour pendre contre ung mur, Item troys petitz bas escabeaux, Item ung petit souflet. En la chambre du petit retrait du roy : Une chambre de boys complette en laquelle a ung charlit de boys qui nest point foncé, sur ledit charlit a une couverte de soye blanche ouvrée à la vigne, et est ladite chambre garnie de donciel et rideaux, Item en ladite chambre a ung petit tableau ou est la- nonciation Nostre Dame, Item une couchete de boys toute enchassillée de mesmes sur laquelle a unes armoires de boys pour mectre le harnoys du roy, Item en ladite couchete a ung rideau de estamine blanche bandé de soye bleue et grise, Item ladite couchete est garnie de couete traversier et couverture perse semée de fleurs de lys, Item sur ladite couchete a ung tableau de Nostre Dame qui tient son enfant, Item ung madre de boys à quatre piéz couvert, Item ung grant galemart descritoire de cuir noir, ER DER liem audevant des armoires où se met le hernoys du roy ung rideau destamine blanche pareil dicelui de la couchete, Item deux petiz landiers de fer de fonte, Item ung petit basset en forme descabeau sur lequel escript Berthélemy, Item deux petiz bacins de cuivre ouvrez à la faczon de Turquie, Item ung escabeau couvert de drap verd, Item ung plat de boys paint, Item ung grant drojouer de boys couvert, ltem ung grant plat de terre de Valence ou a au fons un eigle, Item ung bacin de pareille terre ou a au fons ung lyon, Item une grant tasse de terre grise, Item troys petiz bacins de voirre cristalin qui sont jaunes par les botz, tem ung petit drajouer de voirre cristalin à pié, Item ung lavouer a mains de terre de Valence, Item deux grans potetz de voirre cristalin en faczon deguieres, Item ung plat de voirre cristallin bordé de verd et de jaune, Item une cherre à coffre et à ciel sur laquelle se siet Berthélemy pour besongner, Item unes petites tenailles de fer, Îtem ung bastion à porter en la main au bout duquel baton a une poincte d’ambre, Item ung petit chandelier de leton à pendre contre ung mur a deux bobèches. = = En la gallerie neufve qui est sur le petit jardin contre loratoire du roy : Une couchete de boys qui nest point foncée garnie de troys matelaz de couete traversier et lodier, et de deux couvertures veilles, lune de laine blanche, lautre de soye blanche faicte a louvraige de la vigne, Item cinq siéges à coffres estans du long de la gal- lerie, Item une perre de bas treteaux, Item troys perres dautres treteaux communs, Item une grant table, Item une petite table, Item ung grant escabeau de boys, Item une petite eseranne déclice qui a le pie dun petit torchier, Item ung bacin darain a louvraige de Turquie, Item une escranne dune aes de boys a deux crampons de fer, Item deux petiz landiers de fer, Item ung petit chandelier de boys a deux bobèches, Item quatre pièces de nates de Turquie, cest assavoir troys grandes et une petite, Item une celle de boys a quatre piez. En la chambre du haut retrait du roy : Ung grant coffre de boys fermant à clef auquel est partie de la librairie du roy, Une chambre de boys et ung lit de camp que feu Monsr de Calabre donna au roy, RE. Item ung banc de huit piez de lorg ou environ, Item deux tables assez grandes, Item deux bancs formes, Item une chere foncée, Item une petite establie de boys à quatre piez, ltem quatre targetes de cuir bouilli à la faczon de Tunes (Tunis), Item sept vieulx cacaz (carquois) de Turquie à mectre arcs turquois et viretons en aucune desquielx a aucunes fleches pour arc de Turquie, Item ung couteau à la guise de Turquie en faczon de mace qui a le pommeau et la pongnée tout de fer, Item deux autres cacaz de drap pers, roge et verd à la faczon de Turquie, Item pluseurs aes de sapin couplées ensemble de couplez de fer, Item cinquante troys hampes despie de couldre, Item deux coustez de charlit qui furent autrefoiz pains à fenestres, Item ung autre cousté de charlit plain, Item ung pupitre paint auquel a deux leaites qui se tirent, . Item un estui carré de boys en faczon de lanterne, ltem un grant tableau auquel sont escriptz les À B C par lesquelx ont peut escripre par touz les pays de chrétianté et de sarrasinaisme, Item deux grans veilles caces de sapin estans soubz la chambre de boys des susdite esquelles na point esté gardé pour ce que ladite chambre est dessus, Item plusieurs petites ymaiges de terre faites en molle de la passion de Nostre Seigneur et des douze apôtres, RE ltem le dessus dung petit pupitre garny de drap verd, Item ung instrument de basteleur fait en faczon dun choro, Jtem ung viel manicordion desacordé et mal en point, Item deux cierges pains chascun à une main, Item une cassete de boys en laquelle a une branche de coural, Item ung petit bacin à laver main à la faczon de Turquie, Item ung coffre viel tout fait a personnaiges disvoire ou quel a plusieurs pappiers qui guères ne vallent, Item deux petiz landiers, Item deux arcz turquois. En la petite chambre du haut retrait du roy ; Ung basset de boys sur lequel est ung fourneau pour un orfeuvre, et quatre petites tenailles de fer, Item une celle à quatre piez, en laquelle a ung petit tour, Item une petite establye pour ung orfeuvre sur la- quelle a deux leaites qui se tirent lune deça lautre dela, sur laquelle a plusieurs petiz ferremens, comme mar- teaux, tenailles et autres petiz ferremens, Item une couchete de boys foncée de tous les couslez, sur laquelle a ung sac de toille plain de paille, Item quatre arcs turquois, Item ung grant viel couteau à la faczon de Turquie, Item une grant boete de cuir noir carrée fermée à clef, ltem pluseurs eschetz blancs et noirs, = É6 — Item ung petit banc forme garny de drap verd, Item deux grans coquemars, lun de léton a tuau, lautre a la faczon de Turquie dont le tuau est dessoudé, Item deux bacins a louvraige de Turquie lun plus grant que lautre, Item deux petiz lavemains à bec à la faczon de Tur- quie, Item deux petites boetes rondes à la faczon de Turquie en manière de petiz drajouers, Item troys grans chandeliers de cuivre ouvrez à ou- vraige de Turquie, Item une petite celle de boys à quatre piez, Item ung fourneau de terre sur une celle de boys à quaire piez, Item une veille lanterne de ferblanc, Item ung bloc de boys sur lequel a ung petit enclu- meau dacier, Item une table de leton sur laquelle a plusieurs lettres escriptes en faczon d’astralabre, Item en lestude de ladite chambre a ung banc forme couvert de drap verd. En la chambre de la royne : Ung grant charlit de boys qui nest point foncé, gar- ny des deux coustez de marchepiez et a coffre fermans à clief; et en la venelle dudit lit a ung marchepié de boys commun, et sur ledit lit charlit a une couete et ung traversier qui sont de la chambre de boys du retrait du roy. Item une couchete de boys qui nest point foncée, ; — 57 — Item ung grant banc qui est contre le mur entre ledit charlit et luys de ladite chambre, Item une table de boys garnie de drap verd qui se pend à deux anneaux, Item ung petit banc de boys garny de drap verd qui est entre la cheminée et les fenestres de ladite chambre, Item deux petiz bancs formes qui sont autour de la petite couchete, Item ung petit basset a pié sur lequel a ung eschi- quier pour jouer aux eschiecs, Item unes armoires a deux guischez fermans à clef, Item deux grans landiers de fer de fonte, Item une escranne de boys à pié, Item ung petit torchier de boys à pié. En la chapelle au bout de ladite chambre : Une ymaige de St-Nicholas qui est dalbastre qui tient en sa main une crosse de léton, et y a dessus une toil- lete ou sont pains Notre Dame et St Jehan, ltem un coffret en forme de siége qui est fermé à clef. En la chambre de retrait de ladite chambre de la royne : Ung grand charlit de boys cordé, au long duquel charlit dun cousté a ung marchepié a coffres fermans à clief, Item auprez dudit charlit ung petit banc forme, Item unes petites armoires a deux guischez fermans a clef, Item un petit banc a douciel garny de drap verd, EU | Item une table sans treteaux fendue par le meilleu et pertuisée, Item deux landiers de fer. En la haulle chambre du petit palays où souloit loger Marguerie : Ung grant charlit de boys cordé, Item une petite couchete cordée, Item deux petiz bancs formes, Item ung autre petit banc, Item deux escabeaux dont lun est garny de drap verd, Item unes armoires a deux guischez fermans à clef. Îtem deux landiers de fers. En la chambre où est logée Madame De Saux : Ung charlit de boys foncé dessil (sic), Item une couchete de boys qui nest point foncée, Item ung grant banc a reille. Item unes armoires a deux guichez fermans à clef, Item deux bancs formes estans autour dudit charlit, Item quatre escabeaux, Item une table et deux tréteaux. Au retrait de ladite chambre : Une table et deux tréteaux. En la grant salle : Deux grandes tables et deux haults tréteaux, Item ung grant banc a reille jouste lequel a deux mar- chepiez en maniere de deux degrez, = D — Item ung autre petit banc a reille, Item ung autre viel banc moyen sans reille, liem sept bancs formes, Item ung grant dressouer de salle foncé, Item deux grans chandeliers de boys pendus en ladite salle a quatre bobèches chascun, Item deux grans landiers de fer de fonte, Item ung grant coquemart darain couvert a mectre eau pour laver les mains, Item ung petit dressouer de boys à quatre piez pour soustenir ledit coquemart, Item ung bien petit banc fourme. En la salle de parement : Ung grant charlit de parement, sur lequel a une grande couete et traversier de grosse plume, et ung grant ireillis de boys pour garder que les chiens ne se couchent dessus, Item ung grant banc a reille et a marchepié double, Item troys tables, litem sept tréteaux, Item dix bancs formes tant grans que moyens, ltem ung grant dressouer de salle fonsé, Item deux grans landiers de fer de fonte, Item une grande escranne de boys à pié, Item ung grant chandelier de boys à quatre bobèches, Item une grant pierre de quillier enchacée en boys, Item ung torchier de boys. En la chambre Jehanne Bierdelle : Ung grant charlit de boys cordé, OÙ — Item ung bang forme, Item une table de boys pléante à quatre piez, Item ung grant veil banc sans reille, ltem troys escabeaux, Item deux landiers de fer moyens. En la chambre des estuves : Unes armoires a deux guichez fermans à clef, Item deux petites formes de boys, Item deux grandes cuves baignouaires, lune entière et lautre par pièces. En la chambre de mademoiselle Margerie : Ung grant charlit foncé dessil, Item ung marchepié de boys qui est contre ledit charlit, | Item une couchette de boys enchassillée, et à ciel, qui est de cousté la cheminée de ladite chambre, Item ung dressouer de parement à ciel, et à armoires à deux guichez fermans à clef, Item ung petit banc fourme, Item deux escabeaux, Item ung grant banc à reille, Item deux haulx landiers de fer, Item deux tables et quatre tréteaux, Item ung basset à escripre en faczon déscabeau. En une pelite chambrette voutée qui est près de ladite chambre : Troys coffres de boys fermans à clef, et ne sçait-on quil y a dedans, pour ce que on na pas les clefs. D En la chambre basse du petit pallays : Unes armoires de boys à ciel, à deux guichez fermans à clef. liem ung grant banc fait de menuserie à lectres, à marchepié, Item une petite table et deux haulx tréteaux, Item ung petit banc forme, Item ung tableau de boys enchassillé, ouquel est paint une morisque en toille. En la chambre de la garde robe du roy : Un charlit de boys cordé, garni de couëte, et tra- versier, sur lequel a une vieulle sarge perse, Item soubz ledit charlit a une petite couchète rou- lante garnie de couëte et traversier, Item une table et deux tréteaux, Item troys bancs fourmes, Item vieul coffre couvert de cuir noir bardé de fer, Item ung escabeau, Item ung autre hault viel escabeau, Item deux landiers de fer, Item unes armoires de boys à deux guichez fermans à clef. En la garde robe du roy : Deux grans armoires de boys à plusieurs guischez fermans à clef, Item unes autres petites armoires à quatre guichez fermans à deux claveures, Item une table pléante à deux piez de boys, et à quatre bâtons de fer pour la tenir, 169 — Item une autre petite table et deux haulx tréteaux couvers, Item une autre table qui sert de dressouer à troys bas peliz tréteaux, Item une cage de boys pour mectre deux turtres, Item une autre cage de fil de fer pour ung pape- gault, Item ung pannier déclice couvert, Item ung petit fourneau de léton à faire cuire viande, Item ung grant tableau qui se ferme à couplez, ou- quel a une mapemonde, Item ung estui de cuivre couvert à mectre une lampe pendu à troys cheynons, Item ung pannier déclice ouquel a plusieurs potetz de terre blanche, Item ung petit coffre de blanc boys, qui est fermé à la clef, Item ung escu de boys paint de blanc et de roge , Item troys escuelles de blanc boys, Item deux flacuns noirs de boys, Item ung grant tabourin en façon d’une tamballe couvert de cuir noir, Item unes tenailles de fer à chacune troys pointes, Item une grille de fer, dont le manche se ploye, Item deux petiz contre routissouers de fer, ltem un viel pannier de osiers ouquel sont quatre madres, cest assavoir troys grans et ung petit. ‘Il a esté porté en Prouvence à Messire Jehan à qui il estoit par les mulleliers que Loys Fouscher amena en ce pais. NE En la chambre de mademoiselle de la Jaille : Ung charlit cloux à fleur de terre, Une couchète pareille, Ung petit comptouer quarré, Ung banc sans reille, Une vieille escranne de boys qui nest que demye. En la prouchainne chambre de la dessusdite : Ung charlit cordé et une couchète cordée, Item troys marchepiez de charlit, Item quatre tréteaux, dont en a ung merché et les autres non, Item unes basses armoires à deux guischez, Item ung petit banc forme. En la chambre monsieur de Parnay : Ung grant charlit cordé, et ung marchepié de boys, et une couchète cordée. En lautre chambre que tient mon dessusdit seigneur de Parnay soubz la bourjorsie : Une vielle table de sapin et une selle à quatre piez, Item deux haulx landiers de fer. En la grant basse salle où est le jeu de paume : Ung grant banc à grant marchepié de parement, Une grant table de la longeur dudit banc. Le ne. En la chambre où est logée de présent mademoïselle de Vaudemont : Ung charlit de boys cordé, et une couchète cordée, ledit charlit à deux marchepiez de boys, Ilem une table et deux tréteaux, Item ung banc à reille, Item unes armoires à deux guischez, Item ung petit banc forme de quattre piez de long, Item deux landiers de fer petiz. En la chambre de dessus ladite chambre : Ung grant charlit de boys cordé, à deux petiz mar- chepiez de boys, Item une petite couchète de boys cordé, Item unes armoires à deux guischez et à une léaite, Item ung petit banc à reille, Item ung petit dressouer à ung guischet, Item deux petiz landiers de fer, Item une table, Îtem quatre tréteaux et ung vueil escabeau, Item en la petite garde robe de ladite chambre estant amont a ung petit comptouer bas sans guischez. En la cuisine : Une grant table à dresser viande sur deux gros tré- teaux, Item troys grosses tables à hacher viande, chacune sur deux bruchez, Item ung grant mortier de pierre double enchassillé de boys. UN - Au garde-manger : Deux grans tables garnies de tréteaux, Une autre petite table garnie de tréteaux, Item deux rateliers de boys à pandre viande, Item troys pères de tréteaux neufs. En la saucerie : Deux tables et quatre tréteaux. En la chambre d'auprès : Quatre tréteaux et deux petiz hachouers, Item une grant vielle huge de boys fermant à clef. Item ung escabeau merché à lespée. En la panneterie : Une table et deux tréteaux, Une petite selle à quatre piez, Item deux huges à mectre pain dont lune a couvercle fermant à clef, et l’autre non, Item iroys aes qui servent de dressouers, Item ung viel escabeau. En la chambre haulte de ladite panneterie : Une table et deux tréteaux telz quelz, Item une petite basse selle à quatre piez. En l'eschançannerie : Une table à deux tréteaux, Ung banc forme, SOC. D’AG. 6) = GE Ung grant dressouer de boys foncé, sur quoy lon mect la vesselle. En la fruiterie : Deux tréteaux, et ung viel banc forme, Item deux escabeaux telz quelz. En la chambre haulte dudit lieu : Ung charlit de boys cordé, Item ung petit banc forme, Item ung grant marchepié de boys foncé dun costé, Item deux grans aes de boys. Au paveillon : Cinq tables, Item dix tréteaux, Item ung grant banc à reille garny de marchepié, Item deux landiers à pommète, Item ung grant dressouer à trésdoux, et à deux guis- chez fait a clervoys, Item six bancs formes qui sont autour de la chambre dudit paveillon, Item sept escabeaux, Item une escranne de boys. En la chambre de la garde robe de la royne : Ung charlit cordé et nne couchète dessoubz, Item une table pléante ovrée par dessoubz, qui sert d’establie et à deux tréteaux, Item ung banc forme de six piez de long qui nest point merché, =, OP: == Item deux tables et quatre tréteaux, sur quoy sont les robes, Item une grosse se de boys à mectre robes sur deux tréteaux, Item ung viel dressouer de salle, Item deux landiers de fer. Au retrait de ladite chambre : Ung petit dressouer de boys foncé à quatre piez, et dessus ledit dressouer y a une petite planche de sapin qui sert de dressouer, Item ung escabeau. Ou logeis de Beauvau en la grant chambre : Un grant banc forme. En la chambre des crochez : Ung charlit cordé. En la chambre où souloit logier Mons: de No la rivière : Ung charlit de boys cordé et une petite couchète rouleresse, Item deux bouchez, Item ung hault banc forme qui sert quant on tient la fesite de l’ordre du Croissant. En la chambre où loge M. de Loe sur la rivière : Ung charlit foncé et une couchète cordée, Une table deux tréteaux, "+ Deux escabeaux, Ung banc à reille, Ung banc forme, Item deux landiers de fer, Item ung petit dressouer de salle foncé, Item ung petit bas marchepié de deux aes. En la chambre de la Boessière : Ung charlit de boys cordé, ltem une couchéte de quatre aes jusques en terre, Une petite table et deux tréteaux, Ung banc forme, Une charre qui est de lordre, assez grande. En la chambre de la Tappicerie : Une couchete de boys enchassillée faicte de menu- serie, Unes armoires à deux guischez fermans à clef, Item deux bancs lun à reille l’autre sans reille, Item quatre escabeaux, tem une grant table sur quoy on dresse la tappi- cerie, soubs laquelle sont quatre tréteaux, Item deux autres tréteaux, Item quatre grans fenestres de boys sans serreure qui autrefoiz feurent faictes pour servir au dehors de fe- nestres Ge ladite chambre de ladite tapicerie, Item une grant roue de boys pour une estude, Item deux petiz landiers de fer. En la première chambi e du portal des champs : Ung grant charlit cordé, (9 — Item une couchete foncée jusques en terre, Ung banc à reille. En la chambre du conseil au bout de la grant salle du jeu de paume sur la rivière : Ung grant dressouer de salle, Item troys tables et six tréteaux, Item ung banc et cinq siéges, Item quatre grans bancs formes, Item un chandelier de boys à quattre bobèches. Ou portal neuf. Premièrement en la chambre ou soloit loger M. de la Cabre (Calabre) : Ung grant charlit foncé de boys, Une petite couchète de boy foncée jusques en terre, Item unes armoires à deux guischets fermans à clef, Item nng banc a reille. liem en une des torelles de ladite chambre : Un petit banc à reille qui ne torne point, Item ung grant banc forme, Item deux petiz landiers de fer, Item une petite chaére basse de boys, Item ung marchepié de lit. En la première sallete dudit portal sur la garde robe du roy : Troys bancs, lun à reille, lautre sans reille, Item ung dressouer de salle, Item deux haulx landiers de fer dont l’un est rompu. ED En la prouchaine chambre en allant amont de ladite chambre de feu M. de Calabre : Ung charlit foncé jusques en terre, Une petite table de sapin et deux tréteaux, Ung petit banc à reille, Jiem deux petiz landiers de fer. En lautre chambre dencontre : Ung charlit foncé, Item le boys dune couchète foncée. En la haulte chambre dudit portal : Ung charlit de boys foncé jusques en terre, Item une table et deux tréteaux, Item ung banc à reilles, Item deux petiz landiers. Item en une des torelles de ladite chambre une bien petite table et deux petiz tréteaux, Ung petit comptouer quarré, Item ung veil escabeau. Signé : RAYNEAU. S’ensuit ce qui est dedans les grans armoires de la garde robe du roy. Premièrement : Ung crenequin garny de criq et ung carcay garny de viretons, Item ugne herbalaistre dacier de Cathelongne garnie de criq, = Me Item une autre petite herbalaistre de Cathelongne garnie de petites tillolles, liem ung cric d’Alemaigne en un estuy de cuir noir, liem une paere destrées noire à la faczon de mo- risque, Item une autre paere destrées blancs à la genète, Item deux paeres de petiz esperons les uns blancs et les autres noirs, Item une paere de vieux estriés de leton à lentienne faczon, Item ung boi de lance creux où il y a dedans ung rollet de parchemin ou quel cest dedans la pourtraic- ture de la royne de Kicille, Item quatre petiz esmouchaiz de poil à la faczon de Turquie, Item une petite cassete de boys ou il y a ung jeu de gros eschecs de yvoire et plusieurs petiz ferremens à faire petites negoseries, Item une gibacière de cuir jaulne à la faczon de Turquie, Item une paere de patins à la faczon de Turquie, Item une petite cassète longuête ou il ÿ a dedans lescoce de ne scay quel fruit qui est dedans, Item ung grant drap ou sont paintes les villes de Prouvence et les villes qui sont depuis Prouvence jus- ques à Gennes, Item une autre pièce de toille où est la ville de Gennes en painture, Item une pièce de cuir rouge contenant une aulne et demie ou environ toute rayée, Item une pièce de cuir rouge à la faczon de Turquie 19 = en faczon de tappiz contenant deux aulnes ou environ et est de trois pièces, Item ung grant tablez de yvoille bien marqueté ouvré à bestes et feuillages, Item sept peaux de cuir rouge à faire bourrequins, liem cinq autres peaux tirantes sur le gris à faire broudequins, : Item une grant pièce de sarge à la faczon de Turquie barlée de blanc gris, de vert, de jeaune et de plusieurs aultres, Item ung abit de manto rouge et noir qui est pour une femme, Item ung manteau de drap noir fait à la rommaine et à escapuchon, Iiem troys harnoys de cheval larges de drap noir dont il faut une cropière, liem la cappe dun petit escapuchon de drap noir barrelé de satin noir, Item troys billars ! à antez de boys deux cuisnes et deux billes, liem deux petiz paniers dousier blans, Item deux brez coulleyz de boys, Item une escohinne dassier, liem une couverture darbalastre dacier et de cuir noir, ltem deux esgaloches de fer noir pour aller sur la glace. ! Loys en a porté ung, 1 cuisnes et 11 billes. —. S’ensuil ce qui ès basses armoires de la garde robe du roy : Premièrement : Dix petites bouteilles de boys à la faczon d’Alemaigne, Item deux paeres de bouteilles à la faczon morisque, Item une targette à la faczon morisque, Item ung vieil carcas à la morisque, Item six boulles et quatre grosses billes et troys pe- tites !, Item ung harnoys à cheval de cuir rouge garny de cuir blanc, Item une cropière à cheval de cuir rouge et une rouge, Ilem ung cor de boys garny de ferremens d’or, Item ung pot où il y a de la gluz, Item ung cuir de beuf marin, Item une lanterne de fer blanc faicte à viz et à plu- sieurs bobeches, Item deux toilles ou il y a en chacune ung homme paint tenant ung vouge, Item troys autres petites toilles à mectre en une chambre dont en lune a paint ung paon, ung faisant, et deux perdrix, une cheveche, ung cinge et plusieurs aultres chouses. En lautre est pareillement paint ung paon, ung fe- sant, ung oyseau de rivière, deux potz de grubelles et autres plusieurs chouses, En lautre a escripz plusieurs petiz personnaiges à 1 Loys a emporté deux grosses billes. QU pié et à cheval, ung faulcon, ung connin blanc et une ville et autres pluseurs choses, Item troys carreaux roux de cuir rouge faiz à la mo- risque aux armes de la feue royne de Sicille, Item ung autre carreau carré fait à la faczon de Turquie, Item une grant serpe vougeresse, Item troys cassetes de boys blanc ou il y a des es- toupes dedans, Item ung petit harnoys de gambes tout rouillé, ltem ung chanffran de cheval, Item ung viel estandard de taffetas qui rien ne vault, Item une rondelle de jouste, Item une longue pièce de toille taincte sur le rouge bien estroite, frangée de fil blanc et rouge, du long de laquelle toille a ung baton blanc escoté, Itern ung chauffelit darain, Item ung petit cor de verre esmaillé, Item deux guiternes de boys lune painte de rouge a foullages de jaulne, et lautre est de boys blanc, Item quatre petites pieces de cuir à carreler bottines, Item sept chappeaux * à la faczon de Turquie, les uns gris les autres vers et noirs, Item ung gros baston à ployer quelque toille de cuir noir. Sensuit ce qui est demouré es coffres de la galerie neufve : Et premièrement a esté trouvé en ung des dits coffres ce qui sensuit : 1 Loys en emporta 11. ER 0 Treize paires de patins ‘ de natte de jong de Turquie garnie de laine rouge et perse, Item troys autres perres de patins * dudit jong tout blanc, Item 1x paires dautres patins * de cuir à la faczon morisque, dont il y en a troys paires de dorez et les autres sont ouvrés à la morisque, Item en ung petit drappeau y a envelopé xxnit petiz boullons de leton doré, xn petites virolles de leton es- maillées de pers, et quatre aultres petiz boullons qui tiennent a deux autres virolles, Item deux bindettes de boys à la faczon de Turquie, Item ung pelit estuy turquin garny de cuillers de Turquie, liem une paire de grans patins de boys qui sont vuidez dessouz, Item quatorze carreaux longs de cuir de Turquie, Item troys autres carreaux rons dorez et ouvrés à la morisque, liem ung petit patron descapuchon de toille neufve. Sensuit ce qui est dedans ung des autres coffres de ludite gallerie : Ung draiouer de rassine de couldre à pié ouvré sur le bort de bestes et de fleurs, liem ung grant fer de gibacière de leton doré, Item 11 boullons de bride de cheval où sont les armes 1 Loys en a porté xr1 paires en Provence. 2 Loys emporta 11 paires. # Loys en emporta 11 paires. LEE du roy et en chacun deux hommes sauvages qui tiennent les dites armes, Item huict platenes de leton doré en chacune des- quelles a deux pertuis au meillieu, Item xxx autres plus petites platenes de leton doré, dont en chacune a deux pertuis au meillieu, Item troys ancriers faiz à la faczon morisque, Item une escriptouere de cuir noir ouvrée à la mo- risque, Item une gaine de cuir jaune à mectre six couteaux, Item ung petit estuy de cuir blanc ouvré, lequel est faict en faczon de nave, Item ung pot de terre blanc à v sercles de... pers et deux petites anses, Item une paire de grans patins de Turquie de cuir fauve clouez par dessoubz, Item ung rolle en parchemin escript en lettre ita- lienne et se commance : In hoc volumine, Item une bouete de boys blanc à couvercle en laquelle a dedans la faczon dung cadran branslant et dessus une vitre, Item une petite cuvette de boys couverte, en laquelle a cinq paires de gros dez ‘ et une petite main de boys, Item y à xx empraintes en plomb, dont il y en a deux grandettes, une autre petite et lautre moindre, Item x fourmes doiseau, Item ung petit barril de Genebre ou il y a de petiz eschetz blans et rouges, Item une double lyme de fer et 11 viz, 2 1 Loys en a prins 111 gros dez. llem ung petit chose carre de cuir rouge ouvré à la faczon morisque, ouquel a ou meillieu une couverture de corne en rondeur, Item ung cayer de papier où sont portraiz plusieurs mors de chevaulx, S’ensuyvent les livres qui sont en ung des autres coffres de ladite gallerie. Premièrement : Ung livre en parchemin nommé Dante de Fleurence escript en lettre ytalienne, Item ung autre livre en parchemin couvert daez es- cript en latin, ouquel est escript dessus : Description des parties orientales, Item ung autre livre en papier couvert de cuir noir ouvré à la devise du roy commençant : Cy sensuivent les histoires des Belges, Item ung livre en papier couvert de cuir jaulne, ou na guëères descripture commençant : Sensuyt certaine ordonnance faicte par le roy de Siaille, Item ung autre livre en papier couvert de parchemin ouquel a dessus escript : Papier du Conseil, Item ung autre livre en papier couvert de parchemin qui se commance : À verilate quidem, Item ung livre en parchemin tout escript de chanc- zons ensiénes, commançant : Amour et desirs my des- troient, Item ung autre livre en papier escript en latin qui se commance : Hic nola quedam deffinila, Item ung autre livre en papier ou na gueres descrip- = TS ture couvert de parchemin commançant : Compositions et condampnacions, Item ung autre livre en papier de la générale division de toute la terre, ltem ung petit livret en parchemin couvert de cuir noir fermant à esguillettes commançant : Cy commance ung petit traicté, Item ung autre petit livret en parchemin fermant à esguillettes commançant au premier fueillet tourné sur le quart var, Item ung petit traicté en parchemin que Ardent Désir donna au roy, Item ung grant livre en papier couvert de rouge, ouquel na gueres descripture commanzant : Nous René par la grace de Dieu, Item ung autre livre en papier longuet ouquel a ung commanchement de chanzons notées, commanzant : Quant elle voy qui noccist, Item unes tablettes de boys a huit feuilletz où sont les pourtraitures tirées de plombt du roy de Sicille, de la royne, de feu M. de Calabre et autres seigneurs, liem en ung rolle en parchemin paint en faczon de mapemonde rolé en un baston, Item ung cayer en papier rollé du pas fait à Bruésibs par Messire Philipe de Lalain. En ung autre desditz coffres de la galerie y a ce qui sensuyl. Premièrement : xx livres tant granz que peliz escripz en lettre tur- quine et morisque, 17 —… Item un rolle en parchemin jaune escript en lettre turquine, Item ung pacquet lié dune cordelette ou il y a plu- sieurs cayers de papier escriptz en chiffre et autres faczons, ltem ung tableau ront double couplé à 11 coupplez, dont en ung des costez est limaige de Nostre Dame qui tient son enfant, et de laustre costé y a la pourtraiture dun ancien seigneur. Sensuyt ce qui a esté trouvé en l'estude du roy : Et premièrement sur le dressouer qui est du cousté de la gallerie neufve : Ung gros pot de terre blanche verdoyante fait à costes et à couvercle remerssé” en vi lieux, Item deux grans couppes à pié de verre de Venise, Item cinq petites escuelles plactes de verre cristallin faictes à costes, Item une autre escuelle de verre cristallin toute plaine, Item deux escuelles de terre blanche ouvrées à fleurs perses dont la plus petite est rompue, Item sept madres telz quelz, cest assavoir ung grant et vi petiz, Item ung lamperon de terre blanche paint à fleurs perses, { Item ung petit potet à pié de verre de Venise dont lautre est rompu, Item ung ancrier de marble couvert qui se soustient sur petiz boutons dorez, Raccommodé, ou peut être renversé. De" JE Item ung chandellier de verre cristallin qui a la bo- bèche de pers dorée, Item huit petiz gobelletz de boys blanc, Item une petite cassette plaine de dragée, et y a dessus escript dragée d’Alixandre, Item troy noues d’Inde et moitié d’une autre nouez vuide. En l'autre petit dressouer devers la muraille : Deux haulx potz de verre à ance lung vert et lautre pers, Item deux autres potetz à pié et à ance de verre de Venise, Item ung autre plus grant de terre (sic) de Venise à costes et à ance, Item ung autre plus hault potet de terre fait en ma- nière de gobellet par dessus ouvré à fleurs et à losanges de feuilles d’or et d'argent, Item une emprainte en plomb du feu duc de Millan Francisco Forcia, Item quatre petiz gobelletz de marbre en une pille, Item une petite pièce de verre cristallin a demy ront en ung petit estuy de cuir noir, ltem une petite esguière de verre cristallin à ung pelit couvercle de mesmes, Item ung bien petit potet en faczon de gobellet de verre blanc qui semble à esmail blanc, à une petite courte ance. Es = En lautre petit dressouer qui est du costé de la chambre du petit retrait du roy : | Deux bongnes esguières de verre cristallin à pié et couvercle, Item une autre esguière à pié de verre cristallin sans couvercle, Item une autre esguière de verre cristallin sans pié et à couvercle, sur lequel a une croix, Item une petite boucste en faczon de boueste d’apo- thicaire painte à fueillages en faczon de drap d’or en laquelle a dedens ne scay quelle petite chose torteisse que ne savons nommer, Item ung petit gobellet à pié de pierre de marbre à une petite ance renversée, Item une pile de petiz madres ou il a en nombre huit, Item une petite pile de petiz tranchoueres, et y en a en nombre douze, Item ung petit oiseau fait desclisse, Item une grande et large coquille de mer. En lautre pelit dressouer devers la petite chapelle : Deux grans gobelletz de marbre couvercle de mesmes, ltem ung petit plat de terre blanche tirant sur le vert, Item ung petit plat et deux escuelles de terre blanche ouvrez à fleurs perses, liem ung petit estuy de boys à couvercle ouquel a six petitz gobelletz de boys, Item quatre grans cuillers à la faczon de Turquie, SOC. D’AG. 6 — 89 — Item ung gobellet de boys, Item ung gobellet de corne, Item une autre chose de corne en faczon degobellet et y a ung siblet au bout, Item ung petit potet de terre ouvré à la faczon de Turquie à couvercle et à une petite ance, Item ung autre plus petit de terre à couvercle garny de leton à une petite ance garnye de mesmes, Item une grant boueste d’oz à couvercle ouvrée à la morisque et percée à Jour, Item ung petit pot de cuivre sans couvercle a II piez ouvré à la morisque, Item 1x petites cueilliers de corne. Sensuyvent pluseurs autres choses estans tant sus le comp- touer de ladite estude comme autres qui sont pendues es costez dicelle : Et premièrement : Une coutelliére ou il y a quatre couteaulx à trencher devant le roy, dont les deux sont grans, lautre moyen et lautre plus petit, et sont emmanchez de jaspe garniz d'argent doré néeslé, Item ung petit carcaz de cuir noir ouvré fermant à clef ou il y a xv petiz viretons à la faczon de Turquie, Item une coppe de racine ouvrée à fleurs et a Le pié perssé à jour, et a ung couvercle pareillement ouvré sus lequel a ou maillieu une jeune fille qui tient unes patenostres et est ladicte esguère en ung estuy couvert de cuir blanc fermant a petitz lassetz de cuir, Item ung estuy de cuir noir ouvré ouquel a VI go- belletz de bois et une couverte de mesmes, ou. Item ung estuy de cuir longuet tout doré et ouvré ouquel a dedens 1x bastons dyvoire fais à petites carres et semble que ce soit une quenolle par pièces, Item une petite daguette faicte en faczon dune petite masse ct ung estuy couvert de cuir rouge fermant à ressort, Item une gibassière de cuir à la faczon de Turquie ouvrée de fleurs perses et jaulnes, Item une petite masse de fer en ung estuy de cuir, Item une escriptoire plate à la faczon de Turquie mengée de ratz, Item une petites ballances avecques les poys en ung estuy plat longuet tout marqueté, Item ung baston noir à porter en la main qui est fait et couvert de paste de bonnes senteurs, ouvré tout au long et a une pommecte au bout dahault et a bas ung petit clou de fer, Item ung petit benoistier de racine de bouys ouvré à ymaiges et en devant a une ymage de Nostre Dame de pitié, Item ung meschant couteau tout rouillé à manche dyvoire taillé a un personnaige de Barbarin qui a les mains cachées en son habillement, ltem ung manche de couteau dyvoire ouquel a IL petites testes aux 11 bouts et aux deux costez deux Barbarins, Item ung autre manche dyvoire au bout duquel y a ung lyon qui tient ung petit enffant, Item deux petites bindectes de boys à la faczon de Turquie, tem ung baston de blanc boys à porter en la main +. je ouquel a au bout une grosse patenostre dambre, Item deux lesses de poil blanc, rouge, pers et vert, Item une autre lesse de poil rouge et pers, liem une paire de petiz esperons de leton, Item ung collier de levrier de satin violet escript dessus en alman en lettre de fil d’or, Item une paire desperons de leton doré à la Tur- quesque, Item cinq paires de patenostres de boys, les unes plus grosses que les aultres, dont en lune des moyennes à ung cassidoyne au bout, Item x1x patenostres de cristal enfillées, Item xvi petites patenostres de geest enfillées, Item une petite sallière de racine de bouys, Item x11 petis panneretz desclisse en une pille, Item une petite gibassière de cuir rouge ouvrée par dessus de cuir noir et blanc, . Item ung grant fer de gibassière noir, Item une paire de grans patins de blanc boys ferrez par dessoubz pour aller sur la glace, Item une paire de grans estriers de boys noirs garnis de fer par dehors, Item 11 paires de patenostres de boys faites à petites estoz dont en une desdites patenostres a une petite pa- tenostres dambre, Item ung rollet en parchemin rollé en ung baston rouge, lequel rollet est paint en faczon dune petite mapemonde, Item ung cayez de papier en grant volume ouquel le commancement dung tournoy, Item une merche dyvoire au bout de laquelle a une QU De petite virolle dor esmaillé et y a dedans gravé une double croix de Jherusalem et une R, Item une autre merche dyvoire dargent au bout en laquelle a pareillement gravee double croix de Jheru- salem et une R, Item vr petiz couteaulx à la faczon de Turquie em- manchez de petiz manches gresles doz blanc, Item une petite chose de fer faicte en faczon dun gresillon pendu à ung cordon de soye, Item ung petit triangle de leton, Item mx annelletz de verre dont les deux sont pers et les autres blans, Item ung petit compas de leton, Item une petite merche de fer pour mercher vin, ltem ung petit bas mirouer paint de rouge et dessus le couvercle y a ung soleil, Item ung petit potet de terre à couvercle qui tire sus le pourphire a une petite ance, Item une cueiller de boys à la faczon de Turquie en ung estuy de cuir noir, Item un cannelletz rons de cuivre, Item une merche dyvoire gravée au bout de pelis pertuis et a une fleur au meillieu, Item neuf petites patenostres dagathe enfillées, Item xv autres patenostres faites à pans de ne scay quelle pierre qui tire sur le marbre, liem une gayne ouvrée à la faczon de Turquie en laquelle a une coux à esguiser quenyvet, Item une petite reille de fer carrée, Item une boucle et-ung mordant de fer blanc, Item une longue corne torteissée de bong estain, — 86 — Item ung petit cadran de leton en ung estuy de cuir, Item ung meschant petit livret en papier couvert de parchemin auquel a certaines figures et se commance au premier fueillet pour tel ouvraige. S’ensuit ce qui est sus ung dressouer qui est dehors lestude sur la chaire de retrait du roy: ii chandelliers de cuivre à la faczon de Turquie dont il y en a 1 plus haulx que les autres, Item deux esguières de cuivre à ance à la faczon de Turquie, Jtem une grosse coquille de mer, Item une grosse courte corne noire foncée et est faicte en faczon de cor, Item ung grant viel esperon noir à la turquesque. Signé RAYNEAU. Sensuit ce qui est demeuré en la chambre de retraict du roy. Premièrement : Ung banc de vi piez ou environ, Item une table carrée de quatre piez en carré ou ‘environ, Item deux tréteaux pour ladite table qui haussent et bessent garniz chascun de deux chesnettes et deux che- villes, Item une autre table carrée d’environ mur piez et Les traiteaux de mesmes, Item quatre petiz bancs formes lun denviron v piez M. Le de long, les deux autres de 11 piez et l’autre de troys piez et plus, Item une grant escranne de boys plaine à pié, Item une autre petite escranne de boys faicte à treil- lis qui se met sur la regle d’un banc, Item une autre escranne pareille, ltem deux autres petites escrannes neufves faictes à treillis dont lune est garnie dune petite fenestre de boys blanc de sa grandeur, toutes lesquelles escrennes sont garnies de crampons, Item ung autre petit banc forme pareil du petit de- vant dict, Item une petite table ronde où il y a une armoire garnie de bandes et de ferrures, Item une autre petite table d'environ quatre piez de long garnie de treteaux, liem une grant chaire de boys garnie de fons, Item ung escabeau, Item ung dressouer de salle, Item ung aes de marchepié, __ Jiem une petite eschalle pour monter à la caige de lostevant, Item ung chandellier de boys o une croizée garnie de quatre escuelles et de quatre bobesches, Item ung petit soufflet de boys, Item quatre landiers neufs, Item troys barres de fer qui sont en la cheminée, Item une palle de fer et ung treffeu, Item une fontaine de plomb garnie de deux tuaulx, Item dessoubz ung esvier garny de plomb, Item une petite orloge, en: Sensuist ce quest demouré en la petite chappelle du roy. Premièrement : Deux petiz bacins dargent esquelz a ou meilleu une rose dorée et les bors dorés, Item ung calice dargent doré par les bors ou pié duquel a une petite Nostre-Dame dargent, Item ung corporaillier de drap dor, Item ung petit coussin de drap dor, : Item ung messel à lusaige de Rome commançant au premier fueillet Tuam in me, et finissant ou derrenier fueillet Redemptoris per, Item deux chandelliers de cuivre, Item une boeste à mestre pain à chanter, Item deux choppines de cristal, Item deux autres petites choppines destaing, Item une paix divoere à une Annonciation, Item ung pot de verre bleu semé de fleurs de lis, Item ung parement de drap d’or morisque et cha- suble de mesme, Item une touaille dautel, aube, amit, et fanon de mesmes la chasuble, Item ung petit tableau ou a ung crucifix Nostre-Dame et St. Jehan. L'an mil suc LxxmT le xue jour du mois d’octobre Jehan Boutinart vint querir pour porter au roy de Sicille ung couteau de Turquie qui estoit en lestude du UNE) | Item print en la garde robe dudict seigneur, une mappemonde en toille du tour ou sont les x11 signes et ung estuy de cüir, ot — ltem print es armoires de ladicte garde robe troys grans serpes à long manche. Sensuit ce qui est demouré sur les petiz dressouers de la chappelle du roy, Ung grant plat de terre blanche de Valance à fueil- laiges dorés, ltem ung autre plat parfont de ladite terre de Val- lance blanche ouvré à fueillages pers. Item ung pot de ladite terre de Vallance qui a le cul long en faczon de gongourdes ouvré à fleurs perses, Item ung petit chandellier de boys, Item ung pot de boys blanc fait en faczon d’un esta- man, Item une grant bouteille de boys blanc, Item ung grant pié de boys blanc à mettre ung mi- rouer, Item troys madres à deux desquelx a en chacun ung ymaige dargent au fons apresses et cousuz de fil dar- gent en aucuns lieux, et en l’autre n’a riens au fons, Item ung autre madre bien espès de ne scay quelle racine, : Item ung petit plat de verre pers, Item en la chappelle y a deux carreaux longuetz de cuir de Turquie, Item ung autre carreau ront à la faczon de Turquie aux armes de la feue royne. Item ung baston en la main couvert de plume de paon ferré au bout. Signé RAYNEAU. Au dos est écrit: Inventaire des meubles et utensilles = 499 — estans au chastel d'Angers et appartenans au roy, fait par Messire Guillaume Rayneau, par son commande- ment, après son partement du paiz d'Anjou pour aler en Prouvence, l’an mil IT LXxHI. « De magno coffro. » III. LA MENITRÉ. Inventoyre des biens meubles et utenciles apparte- nans au roy de Sicile duc d'Aragon (lisez d’Anjou) estans au lieu de la Menistré demourez en la guarde de la veufve de feu Huguet Guillot concierge dudit lieu fait du commandement dudit seigneur roy de Sicile par Guillaume Rayneau son secrétaire et clerc de ses comptes le jeudi dizième jour doctobre mil 1r11° Lx unze en pre- sence de Messire Philippes Papot prestre chappelain dudit lieu et de ladicte Huguette. Et premièrement en la chambre du roy : Un grand charlit cordé garny de couéte dune souille de toille de vief linge, et le traverslit une couverture de lanne, laquelle couverture ladicte Huguette a fait faire, et alentour dudit lit y a deux coffres longs de boys ser- vans de marchepié fermans a deux claveures chascun et ung marchepié par terre en la venelle dudict lit. Item une courtine guarnye de tredoux el troys rideaux ung paveillon sur la couchète, La couchète roulleresse guarnye de couête de deux toilles ensouillée de deux souilles et traverslit et dune = D — sarge tannée que a fait faire ladicte Huguette pour le Lie Une aultre couchette à soy asoyés sans couëte, Deux landiers, Ung banc o reigle, Une selle feutrée coupverte de drap vert, Deux petiz escabeaulx bas, Ung dressouer. En la chambre ou cousche Monsr de Nogen : Deux grans charliz cordez garniz de couètes l’une de deux toilles et demye et lautre de deux toilles en souilléz de deux souilles et lautre dune, garniz de marchepiez, et sur chaseun lit y a une sarge blanche et une courtine garnies chacune courtine de trois rideaux et tresdox, le tout de toille de lin, lune desdites courtines est en lin- ventoire de piecza fait, Ung charlit roulerez garni dune couete de toille et demye et de sarge blanche, Deux landiers, Ung banc selle, Une chaere persée a tredox faicte de menuserie, Ung dressouer. En la salle haulle : Ung grant banc a reigle, Deux grans tables longues et troys moiennes et les brechez de mesmes, Deux bancs selles, une selle a quatre piez, Un dressouer, Trois tappiz veluz, LAER TT QUE Ung grant chandelier a six bobéches de cuivre pendu au meillieu de ladite salle, Troys petiz bacins, et troys chaufouers à laver les mains, Ung grant bacin a laver en salle, Six carreaux carrez lelz quielz, Douze sauciers destain à Sept grans chandeliers de leton, Neuf petites salières destain, Une sarge vermoille telle quelle. Toutes lesdites choses estants en ladite haulte salle estoient de pieça audit lieu de ladite Menistré et par inventoire. | En ladite salle haulte oultre ce que dit est : Deux grans coffres ferrez tout neufz, lun ou lon mect les cortines et rideaux, et en lautre des draps de litz, et en lun diceulx est une relique de Madame Saincte Marte enchassée d’argent et ung angelot qui porte ladite relique laquelle est dedans ung petit coffret de cuir fermant à clef. Ë Ce sont les draps qui sont dedans lun desditz coffres. Premier : Trente draps de lin chascun de troys toilles, Trente-six draps de deux toilles et demye de lin dont y en a environ demie dozenne telz quelz, Trente draps qui sont de brin et de reparon chascun de deux toilles. me fi Le linge de table : Six touailles de lin contenant chacune quatre aulnes, Dix longières de lin chacune de cinq aulnes, Sept longières de lin chacune de troys aulnes, Quatre dozennes de serviettes dont plusieurs sont fort usées, Huit autres touailles de lin qui guieres ne valent et sont de quatre aulnes chacune, Troys touailles de quatre aulnes de brin en brin qui sont comme neufves contenant chacune quatre aulnes ou environ, Quatre autres touailles qui sont de brin en brin et sont comme neufves, contenant chacune troys aulnes, Cinq autres touailles de brin en brin comme neufves qui sont de deux aulnes et demie chacune, Tout ledit linge merché a la croiz de Jherusalem, moilié fil noir et moitié blanc. En la chambre de Mons' de Calabre : Deux grans liz garniz de couetes chacune de deux toilles et les traverslitz et les charlitz cordez, deux cour- tines garnies de tresdox et rideaux et de deux sarges blanches, Troys couschètes en charliz roulerez garniz chascun dune couete de toille et demie et de traverliz el troys couvertures blanches, Ung banc selle, Ung marchepié a deux estuiz fermans a clef, Deux landiers, = Ai En la chambre des maistres dostelz : Troys grans charliz cordez en chacun desquielx y a une couete dont lune est de deux toilles et demye en- souillée de deux souilles, et les deux autres de deux toilles ensouillées chacune dune souille, et les traversliz de mesme garnis deux desditz grans liz de ciel tredox et rideaux, et le tiers garny de ciel et tredox sans ri- deaux, et troys couvertes bures que ladite Huguette a fait faire et sont au roy, Une couschette rouleresse garnie d’une couete de deux toilles et traverslit et une couverte blanche, Deux landiers, Ung banc selle, Deux marchepiéz, Ung autre grant marchepié a deux coffrez fermans a clef. En la chambre des escuiers déscurie : Deux grans charliz cordez garniz lun dune couete de deux toilles et demye et lautre de deux toilles et de tra- verslitz et de deux couvertures blanches et de deux courtines de toille blanche garnies de tredox et rideaux chascune, le tout de lin, Troys couschetes cordées garnies chascune de couete et traversliz de toille et demve, et troys couvertures blanches, Ung grant marchepié a deux estuiz fermant chascun a clef, Une huche que lon a fait faire en laquelle on estage la vesselle de. Deux landiers. {on En la garde robbe : Ung grant charlit et ung petit qui sont cordés el sont sans couetes ne couvertures. En la garde robbe ou couschent les femmes de chambre du roy : Deux grans charliz et deux petiz roulerez qui nont que une couete de deux toilles et une souille et le tra- verslit, et une couverte grise laquelle ladite Huguette a fait faire pour le roy. En la chambre de la royne : Deux grans charliz cordez garniz chacun de couetes de deux toilles et traversliz ensouillées dune souille, et aussi garni chacun dun ciel dont lun a troys rideaux et lautre deux, et nont lesditz deux liz que ung tredox cousu ensemble et servant pour iceulx, le tout de linge, deux serges grises lesquelles ladite Huguette a fait faire pour le roy, Ung charlit roulerez garni dune couete de deux toilles, traverslit et serge blanche, Ung marchepié long a deux estuiz fermant à deux claveures, Ung dressouer, Deux landiers, Ung banc a reigles, Ung banc selle. En la cuisine : Une paire de grans routissouers de fer, une autre paire de petiz routissouers de fer, = Qp} — Cinq grans broches de fer, Une greille, Ung grant trepiez, Ung dressouer a rompre la viande et les brechez, Ung grant mortier sur ung bloc de boys, Sept poilles darin, chacune des deux plus petites dune seillée deau, lautre de deux, lautre de troys seillées, lautre de quatre, lautre de six et lautre de neuf ou dix seillées, Quatre paelles darain a queue semblable lune de lautre, tenant chacune une seillée deau. En la galerie : Une lanterne de verre pendue à ung traveteau, Deux chandeliers de fer blanc chacun o quatre bo- besches penduz en ladite galerie, Ung treillys fait de lates cousues ensemble pour mectre sur les litz pour les deffendre des chiens. En lu chamdre du parement du roy faicle de neuf : Ung grant charlit cordé garni de couete de deux toilles et demie, et traverslit de sarge blanche, et ung ciel, tredox et les rideaux, le tout de linge et de lin, Deux marchepiez et ung banc, Une couschete garnie de couete de deux toilles en- souillée de deux souilles et traverslit de mesme et une sarge blanche, Une chaere persée a tresdox de menuserie, Ung dressouere, Deux grans landiers, 22 4Îg > En la chambre joignant la chambre dessusdite en ladite maison neufve : Ung grant lit garni dune couete de deux toilles et de- mie et de traverslit ensouillé dune souille, une couverte de tappicerie blanche à abres avec le ciel et tredox de mesme, troys rideaux de sarge blanche, Deux marchepiez à lentour dudit lit, Une couschete garnie dune couete dune toille et demye une petite couverte blanche de tappicerie faite à abres, semblable de celle du grand lit et ung paveillon de toille de lin, Ung banchet et six carreaux de tappicerie blanche à abres semblable dudit ciel et sarges dessusditz, Ung tableau de Nostre Dame paint en toille atachée en ung chasseis de boys contre la cheminée, Ung banc selle, Deux landiers. En la chambre de ladite maison neufve ou galatas ou couche Margerie : Ung charlit cordé garni dune couete de deux toilles et le traverslit ensouillez dune souille une sarge blanche une tante de linge garnie de tresdoux sans rideaux, troys marchepiez à lentour dudit lit, Ung petit charlit garni dune couete dune toille et demie et le traverslit, une sarge blanche, Ung banc a reigle, Une chaere percée a tresdox de menuserie, Deux landiers. sOC. D'AG. 1 oo — En la chambre joignant la chambre dessusdite ou galatas en ladite maison neufve ou couche Mte Pierre Robin. Ung grant lit garni dune couete de deux toilles et demye et de traverslit o une souille, une sarge blanche, ung ciel garny de tresdox et troys rideaux, le tout de lin, Deux marchepiéz à lentour dudit lit, Ung petit charlit garni dune couete de deux toilles et le traverslit avec une sarge blanche, Ung banc a reigle, Ung dressouer, Une chaere persée à tresdox, Deux landiers. En la salle basse de la maison neufve ou mange le roy : Quatre grans landiers, Deux grans bancs dont lun diceulx est garni de mar- chepié, Ung grant dressouer de parement, Un banc selle, Une grant table carrée et deux brichez bien longs, Six tables et doze brichez qui servent pour ladite mais son neufve, Le tableau de Gaultier paint a personnage cousu en ung chasseis de boys contre la cheminée. En la chapelle : Six touailles d’autel, Une aulbe, lamit, lestolle, le fenon et la chasuble, Üng galice d’argent et la pletaine, Ung petit messel, = O0! — Ung beneistier de cuivre, Deux petites choppines, Ung tableau de toille paincte en ung chasseis de boys cousu contre la muraille ouquel est la mort qui picque lamoureux, Une ymage de Nostre Dame, de Sainte Marte, et [de] la tierce de Saint Sebastien assises sur corbeaux à lau- tel de ladite chappelle, Une cloche pour ladite chappelle, Une aureloge ou hault de ladite chappelle. Sensuyvent les mesnages qui servent chacun jour en plu- sieurs endroitz de la maison de la Menistré oultre ce qui en est cy-devant inventorié : Vingt cinq escabeaux, Deux bancs selles, Six tables et douze treteaux, Quatre bien grans platz destain achatez par le roy, et les baiïlla Jehan Leberton de Saumur à Huguette, Six plaz destain moyens, Dix sept autres plaz moindres, Trente cinq grandes escuelles et y en souloit avoir XXXVI, Six dozaines descuelles, vingt sauciers, le tout destain que le roy a fait venir de Lorreinne, Doze chandelliers de leton achatez par Huguette oultre les sept chandelliers de pieza, Deux petiz chandeliers de cuivre qui ont chacun une fleur de lis et servent pour la chambre du roy, Douze chandeliers de fer blanc qui se atachent contre — 100 — les murailles, dont les aucuns ont troys bobèches et lautres nen ont que deux, Quatre quartes destain, Sept tierces destain, Douze potz de plon qui servent aux chambres à pisser, Toute la vesselle destain dessusdite plaz et escuelles merchée à la croix de Jherusalem, Douze lodiers en la maison anxienne, Cinq autres lodiers et une coete pointe en la maison neufve. Unes tenailles a prendre les bedonaux, Une besse enmanchée en une potence, Une serpe dont le manche est dune corne crochue. Sensuyt le nombre des bestes estant de présent audit lieu de la Menisiré. Premièrement : De vaches mères seize, De jeunes vaches dun an et de deux ans, cinq, De jeunes veaulx de ceste année quatre, De bouvars de troys ans quatre, Ung thoreau et ung petit thorillon dun an. A la mestayrie de la Menistré : De bœufs de hernoys huit, De bovars quatre, De vaches mères deux, De genices deux et ung veau. — 101 — Le foing estant de présent audit lieu de la Menstré : En la granche de la Menisiré soixante charretées de foin ou environ. Une grant barge de foing qui est en ung placistre devers le bucher où il a huit vingts charrelées de foin ou environ comme rapporte ladite Huguette. Faict à la Menistré le dixe jour doctobre lan mil cccc soixante unze. Signé : RAYNEAU. Huguete a eu le double de cest inventoire par la main de moy Rayneau. « De magno cofro rotundo camere Andegavensis. » IV. RECULÉE. Inventaire fait par nous Jehan Muret, conseiller du roy de Sicille etc., et Jehan Lepeletier, huissier, des utencilles trouvées es maisons de Recullée pour ledit seigneur roy de Sicille fait le xxvie jour de mars M xrI° LXXVIIL. Premier, en la salle du roy : Ung banc à reille couvert d’un banchier qui rien ne vault et ung marchepié, Troys bancs formes et ung long scabeau de troys piez de long le tout couvert de banches qui sont usez, Item ung petit banc forme non couvert, Deux scabeaulx, — 102 — Troys tables garnies de tréteaulx, Ung dressouer sans armoires, Une pre de landiers, Deux grans escrennes vieilles. En la chambre painte aux chauffertes (Chaufferettes) : Ung grant charlit garny d’une coete trédoulx et une coete pointe, Ung sourlit roullerez sans coete cordez, Une couschete garnie d’une coete sans tresdoulx, Item deux bancs formes coûvers comme dessus, Item ung petit dressouer à armoires dont lune a cla- veure et l’autre nen a point, Item une petite eschalle à bastons. En la chambre painte à seches : Ung grant charlit garny de coete, traverslit et d’une coete pointe, Item dessoubz ung charlit roullerez cordé sans coete, Item une table à deux brechez, Îiem deux petiz bancs formes environ chacun de deux piez de long, Item deux tréteaulx. En la chambre basse qui est au pié de l’eschalle de la chapelle : Ung grant charlit et ung roullerez dessoubz cordé, Item une petite couete qui est audit roullerez. En la chambre qui est joignant par où l’on monte à quatre marches appres la garde robe : Ung grand charlit et une couschete cordez sans coete, — 103 — Ung grant chassis à mectre devant vitres cordé de cordes de harpes usées, Item troys petiz chassis cordés de fil d’archaz, Item une longue table de garde robe enchasseté ou mur, En la chambre dempres appellée la buanderie : Ung charlit couscheté roullerez cordé garny d’une coete et d’une sarge blanche, Ung dressouer sans armoires, Ung banc forme de vin ou 1x piez de long, Item une selle à buer qui na que deux piez. Ou celier : Dix tréteaulx, Troys chantiers. En la cuisine : Deux landiers, Ung mortier double enchassé, Une grant table de cuisine sur les brechetz, Item une autre table avec ses brechez de vit piez de long, Item troys rasteaulx attachez à crampons pour pendre les viandes, Item une autre table de cuisine avec ses brechez de vu piez de long, Item une table de cuisine telle quelle garnie de bre- chez, Item ung petit dressouer de quatre piez et demy de — 104 — long et ung et demy de large cousu contre le garde menger. Ou garde menger joignant la cuisine : Troys petites tables, Deux paires de brechez, Une grant seille à porter poisson, Une grant greille dun pié et demy en carré à x1 bastons, Cinq quartes rondes destaing merchées à la croix de Jherusalem, Vingt troys escuelles destaing à pareil merc, Quinze plaz destaing, dont il y en a deux grans et XI petiz audit merc. Trente huit clefs en une lyasse, liem en une autre liässe xv clefs. En la court où est la saulcerie : Ung groux dressouer garny de brichez. En la chambre ou est le four : Ung long dressouer de boys bien espées de xx piez de long garny de treteaux, Une petite table sans tréteaulx. En la petite chambre qui est joignant le four : Une petite table garnie de tréteaulx, Deux bancs fourmes dont lun est couvert d’un ban- chier usé, Deux scabeaux, Une petite table sans treteaulx. — 105 — En la chambre de dessus la dessusdite : Ung grant charlit et ung roullerez cordez sans coete, sarges ne autre choses, Ung banc forme. En la petite chambre sur la cuisine : Ung grant charlit cordé sans coete ne autre chose. En la chambre de au dessus painte à gongourdes : Ung grant charlit cordé sans autre chose. En la chambre dauprès : Ung petit charlit cordé sans autre chose. En la court ou est le purz : À une potence sur ledit puiz à tirer leau laquelle est tout couverte de plomb, et aussi y a une poulye de cuyvre. En la fruterie : Ung banc selle fort usé a II piez, Deux treteaulx, Et deux petiz ez qui servent de dressouer portans sur chevilles. En la paneterie : Une table garnie de tréteaulx, Deux petites ayes portans sur chevilles, Item une huge de paneterie. En leschançonnerie : Une table et deux tréteaulx, Ung aye portans sur chevilles. — 106 — En la court soubz la chapelle : Ung banc double qui tient a couplez, Une table ronde de menuyserie qui est encontre le lieu ou lon mect refroidir le vin, Item ung banc forme, Item une eschelle de charpenterie qui ne sert de riens. En la gallerye ou est le jeu de paulme : Quatre bancs formes enchayennez, liem des deux boutz de ladite gallerie garnis de treillys, La grant gallerie est toute garnie de treillys, Soubz le pigeonnier, y a ung banc forme. En la chambre qui est pres la chapelle: Ung grant charlit et ung roullerez dessoubz touz cordez sans coetes ne autres choses, Item deux bancs formes couvers de banchiers usez, liem deux tables 11 tréteaulx ung scabeau, Ung petit dressouer sans armoires, Deux landiers, Ung marchepié à coffre sans claveure, tem une vieille eserenne. En la chambre du roy : Ung grant charlit garny de couete traverslit, Une courtine garnie de ciel tres doux et venelle de la faczon de Turquie, ltem une couschete cordée sans coete ne autre chose — 107 — avec ciel pareil de la courtine sans tresdoulx ne ve- nelle, liem ung petit banc sans reille; — près le lit cou- vert de banches usez, | Item une petite chaere couverte; — idem, Item ung banc forme aussi couvert, Item ung marchepié en la venelle dudit grant lit, Item deux carreaulx de verdure lung garny de cuir et lautre non, Item une escrenne ronde desclisse, Item une autre escrenne a pié de menuyserie, Item une chaëre basse à barboyer, Item ung petit scabeau à mectre soubz le pié, liem ung scabeau, Item ung petit dressouer cousu en la pareil, ltem une crasterre de ferblanc à mectre chandelle pandu en la chambre, Item deux petiz landiers. Du comptouer pres ladite chambre : Ung buffet garny de deux guischez a claveure et fer- rements, Item ung banc forme, Item ung vieil eschiquier, Item une petite corbeille desclisse, Ledit comptouer garny alentour de petiz dressouers cousuz en la pareil. En la petite chambre qui est aupres : Une grant table de garde robe garnye de brichez. — 108 — En la chambre du barbier qui est devant le lit du roy: Une grant escrenne à mectre sur le lit toute de me- nuyserie, ciel, dossier et venelle avec deux verges de fer à rideaux, Item une selle à rx piez, litem ou retrait dicelle chambre, une chère persée couverte de verd. En la chambre de la royne : Ung grant charlit garny de coete et traversier ung charlit roullerez qui est dessoubz cordé seulement, Item ung charlit de couschete garny de couete sans traversier, Item ung banc à reille, Item ung banc forme couvert de banches usez, Item une pre de landiers, litem ung dressouer à armoires toutes ferrées garny de layettes, Item une chère de parement persée, Item une escrenne de menuyserie à pié. En la chambre — qui est aupres painte à groiselles roges : Ung grant charlit et ung roullerez dessoubz cordez seullement, Une table à deux brichez, Deux bancs formes couvers comme dessus, Une vieille escrenne déclisse, Ung petit dressouer d’une ayes cousu a nue... — 109 — En la petite chambre d’emprès : Ung grant escrenne ronde déclisse, Ung petit dressouer armoires, Item le retrait garny de chaere persée couverte de vert. Du gallatas qui est dessus la chambre de la royne : Deux bancs formes, Une petite couschete descordée, Deux petites tables, Ung scabeau, Signé PELETIER, La coppie de cedit inventaire a esté baillée à Ber- tran Garnier... demorant audit lieu de Recullée, au- quel ont esté baillées en garde toutes et chacunes les choses contenues audit inventaire. Recullée. En marge est écrit: « De magno coffro rotundo camere Andegavensis. » Ces inventaires sont cotés aux Archives de l’Empire P. 329. DESSINS INEDITS CONCERNANT L’ANJOU * 3 Mauselée de René d'Anjou. inscription. — Tombeau dit de Jeanne de Laval. — Sépulture de Thiephaine. - — Plan de la cathédrale avant 1699. Messieurs, Aujourd’hui, plus que jamais, la lumière se fait et se fera en matière historique et archéologique, par voie de libre échange ; c’est l’expression reçue, je suis bien obligé de m’en servir. Tel document sur un sujet donné ! Compte rendu, à la séance du 14 mai 1866, de l’emploi d’un crédit ouvert cette même année, à M. Godard-Faultrier, par la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, pour divers dessins inédits concernant l’Anjou, la plupart faits d’après des calques pris sur des originaux des portefeuilles Gaignières de la Pibliothèque Bodléienne d'Oxford, calques faisant partie des collections de la Bibliothèque Impériale. — AN — se trouve en effet à Angers, tel autre à Oxford, à Paris ou ailleurs. Qui se fût douté, notamment, que la plu- part des tombeaux de nos églises de l’Anjou, mis en poudre par la Révolution, eussent été dessinés, il y a plus d’un siècle et demi, et que le plus grand nombre de ces mêmes dessins dussent être un jour rencontrés dans seize portefeuilles de la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford, sous le nom de dessins de Gaignères ? Mais quel personnage était donc Gaignères ? Une fa- çon d’antiquaire comme il n’en existe plus, recueillant de tout côté et ne publiant pas, amassant des trésors de quoi faire vingt réputations et négligeant la sienne, homme modeste parce qu’il était homme de dévoue- ment. On eût dit que pressentant les désastres de la Révolution, il se fût appliqué à inventorier et à faire reproduire par le dessin, les principaux monuments que renfermaient de son temps, nos églises de France. Les services qu’il a rendus sont immenses, car avec ses nombreuses recherches, il n’est peut-être pas une ca- thédrale, pas un édifice religieux un peu remarquable, qui ne puissent, à l’aide de ses portefeuilles, rétablir leurs anciens tombeaux, leurs vieilles inscriptions et leurs autels primitifs. C’est une source féconde où l'historien, l’archéologue, le sculpteur, le peintre et l'architecte, peuvent puiser à l’aise et sans mécomptes. François-Roger de Gaignières, par ses fonctions de gouverneur des villes et principauté de Joinville, de précepteur des fils du grand dauphin, fut à même, en 1 Ainsi nommée de Thomas Bodley, gentilhomme anglais, né en 1544 à Exeter, mort à Oxford en 4612, restaurateur de la célèbre bi- bliothèque publique de cette ville. — 112 — effet, mieux que personne, de réaliser sa vaste entre- prise. Mais il ne se contenta pas de recueillir, il prit soin d'assurer la conservation de son cabinet, en le cédant, vers 1711, au roi Louis XIV. Toutefois, ce ne fut qu’a- près le mois de mars 1715, époque du décés de Gaignières, que ses collections furent déposées à la Bibliothèque Royale (rue Richelieu). Un inventaire dressé avant l’année 1717, « donnait la répartition suivante des volumes ou portefeuilles de Gaignières : manuscrits 2,407 ; modes 24; tombeaux 31 ; topographie 133 ; portraits 210 ; imprimés 2910 ; en outre, environ 4,400 médailles et monnaies et 693 tableaux ou peintures. Cette collection est peut-être la plus considérable qu’un particulier ait jamais possédée, et on a peine à comprendre aujourd’hui comment un homme isolé, dont la fortune était bornée, a pu la for- mer ‘.» Un certain nombre de pièces doubles furent vendues légalement le mercredi 21 juillet 1717, mais les Anglais ne se sont pas procuré par cette voie les seize volumes in-folio de dessins qui sont à Oxford, car ilest dûment établi qu'ils ont été légués à la Bibliothèque Bodléienne par M. Richard Gough, célèbre topographe anglais, décédé le 20 février 1809. Comment M. Richard s’était-il procuré ces seize vo- lumes ? Il paraît qu’il les avait achetés dans une vente aux enchères à Londres. Mais les vendeurs en étaient- ! Revue des Sociétés savantes, août 1860, page 166. Rapport äe M. Dauban au ministre de l'instruction publique. = = = = | TOME l'Eglise catbedrale d'Angers. 2 original de GAIGNIERES. = KM (0) D TN TU TOMBEAU 4 watre dans dm à gauche derrière l'autelrde cheurdel/ylsecathethate d'Angers À est d RENÉ Duc d Anjou Aoyrée Jicie. Diéprésaunecalque dei Michéquenmpenele HOxord par MMRRAPPAZ suraleudessinonéinalude GAIGNIERES . 7° 29 Anjou Pointure du Roi Rene N dans la Cathédrale : d Angers. 7 N NN + 2° 29 Anjou Peinture au Koi Rene D dans la Cathédrale N d'Angers. Se 6 = ù . RE — 4 A LL Brearuyin. 1783. Jac-Siile d'un denin reprétentant de Tombeau du Kot ne. | (Tiré de la Topographie duAngens.) | Bibl. imp . — 113 — ils légitimes propriétaires ? Il est permis d’en douter, et l’on pense généralement qu'il y a eu soustraction faite entre 1785 et 1808 ‘. Quoi qu'il en soit, ces seize volumes, incontestable- ment sortis de la Bibliothèque Royale (Impériale au- jourd’hui), n’y rentreront probablement jamais, il faut en faire son deuil. Leur absence est une fâcheuse lacune parmi les autres porlefeuilles de Gaignères que nous possédons. Pour la combler, on dut songer à faire co- pier les dessins des seize volumes soustraits, ‘extré- mement précieux, puisqu'ils contiennent la plupart des anciens tombeaux des églises de France, et notamment sous le n° 7, ceux des églises d'Angers ?. M. Dauban, direcieur-adjoint du département des estampes, à la Bibliothèque Impériale, et frère de notre conservateur du Musée de peinture et de sculpture d'Angers, eut l'honneur d’être choisi pour faire un rap- port à ce sujet, au nom de la section d'archéologie du comité des travaux historiques. Ce rapport, en date du 26 février 1860, adressé à Son Excellence M. le ministre dé Pinstraction publique, eut un plein succès, et dés la .mêuie année un habile arhste, M. Frappaz, reçut définitivement l'honorable … mission d'exécuter en deux ans, des copies des dessins de la collection Gaignières, d'Oxford. … M. Frappaz s’est acquitté de sa tâche avec une scru- … puleuse exactitude, une entente parfaite de la matière “et un incontestable talent. Revue des Sociétés savantes, août 1860, page 174. 2 Idem, page 170. SOC. D’AG. 8 — 114 — Grâce à l’obligeance de M. Dauban, que je ne puis trop remercier ici, j'ai eu l’avantage, pendant mon récent séjour à Paris, de feuilleter tous ces fac-simile, et l'avantage plus grand encore d’avoir la liberté d’en faire prendre des copies. Mon choix naturellement s’ar- rêta sur des monuments inédits de Anjou. Chacun à sa marotte! Trahit sua quemque voluptas. La mienne, et c’est aussi la vôtre, est de tout rapporter à ce tant aimé petit coin de la France, si cher que qui a le bonheur d'y naître, souhaite y mourir. Vous ne serez donc pas fâchés, Messieurs, d’avoir quelque idée des copies de tombeaux provenant d’Ox- ford, en ce qui concerne notre province; toutefois nous ne nous attacherons qu’à certaines sépultures, et sans autre ordre que celui de nos notes, mais en con- servant les titres et rubriques donnés par Gaignières : 4. « Tombeau d’Ysabeau de Beauveau, femme de Jehan de Bourbon, comte de Vendosmois. » 2. « De Renée d'Anjou, princesse Daulphine, femme de François de Bourbon, fils de Louis [°r, duc de Mont- pensier. » 8. « De Charles de Bourbon, prince de la Roche-sur- Yon, duc de Beaupreau, et de Philippe de Montespe- don, sa femme, et de deux de leurs enfants. Il est de marbre, à Beaupreau, dans le milieu du chœur de l’église. » k. « Tombeau de marbre, à droite contre la clôture du chœur, en dehors, dans l’église cathédrale du Mans, pour Charles d'Anjou, comte du Maine. » 5. « Tombeau dans la chapelle de Serrant, en l’église de l’abbaye de Saint-Georges, près Angers, il est de — 115 — Jeanne de Dreux et de Jean de Brie, seigneur de Ser- rant, son mary. Îl mourut le 19 septembre 1556, et fut enterré aux Jacobins de Poitiers. Ils sont représentés priant, etc. » La rédaction de ce titre, quoiqu’embarrassée, nous dit assez cependant que l’ex-abbaye de Saint-Georges-sur- Loire possédait le corps de Jeanne de Dreux, mais non celui de son mari. 6. « Tombe en pierre de saint Michel, chapelle des évêques, à Saint-Maurice d'Angers. » 7. « Guillaume de Beaumont ; tombe de cuivre au milieu du chœur ‘, près le pulpître de l’église cathé- drale de Saint-Maurice d'Angers. » 8. « Nicolas Gellant ; tombe de cuivre jaune au milieu du chœur de l’église cathédrale de Saint-Maurice d’An- gers *. ) 9. « Hugues Odard ; tombeau de marbre noir avec la figure de marbre blanc, devant l’autel de Saint-Serin (Saint-Seréné), à gauche, dans la nef de l’église cathé- drale de Saint-Maurice d'Angers (côté de la chaire). » 10. « Henry Arnauld; tombe de marbre noir au bas du degré qui monte à l'évêché, dans la croisée (aile nord), à gauche, dans l’église cathédrale de Saint-Maurice d'Angers. » 41. « Claude de Rueil; tombeau contre le mur, à gauche de la croisée (aile nord). Il est de marbre blanc el noir, etc. » D’après ce dessin, le tombeau de cet évêque pourrait “ 1 Sous la voûte du transsept central. ? Idem. — 116 — être rétabli en son entier, d’autant plus facilement que nous possédons sa statue. 19. « Guillaume Fouquet; tombe de marbre noir sous Le jubé ‘, en entrant au chœur de l’église Saint- Maurice d'Angers. Épitaphe. » 13. « Foulques de Mathefelon ; tombeau de marbre noir, la figure de marbre blanc, proche la sacristie, au costé de l’épitre, vis-à-vis du grand autel *, dans l’église cathédrale de Saint-Maurice d'Angers. Epitaphe. » 44. « Épitaphe contre le mur, dans la croisée, à droite (côté sud), de l’église de Saint-Maurice d’An- SErs. » Cette épitaphe est celle de Gilles Comers, docteur et chanoine, professeur de droit à Angers, originaire du Limousin. 11 mourut le 25 mai 1592. 45. « Épitaphe en cuivre contre le mur, proche la porte qui va au cloître, dans la croisée, à droite (aîle sud de Saint-Maurice d'Angers). » Cette épitaphe mentionne deux personnages du nom de Maschac, oncle et neveu, le premier décédé le 15 août 1514, et le second Le 20 juin 1537. 16. « Épitaphe en cuivre contre le mur, dans la cha- pelle des évêques, au coin, proche l’escalier qui va à Pévêché, dans l’église cathédrale de Saint-Maurice d'Angers. » Cette épitaphe, où plutôt cette inscription, relate une fondation faite par Antoinette Legay, dame des Isles, s Aujourd’hui sous l’arc-doubleau séparatif du transsept et de la nef. ? Sous le premier arc-doubleau à partir du fond de l’abside. — 117 — d’un de profundis et d'un requiem, en 1533, spéciale- ment à l'intention de son frère. 47. « Tombe en cuivre, vis-à-vis la chapelle de Notre- Dame, dans la nef de l’église Saint-Maurice d’An- gers!. » Cette tombe du xvre siècle porte le nom et les armes de l’illustre maison de Châteaubriand : Castobria de gente. 18. « Épitaphe en cuivre contre le mur, à la deuxième chapelle à gauche, dans la nef de l’église Saint-Maurice d'Angers. » Elle est aux armes et au nom de Jacques de Mandon et fut placée par les ordres de son neveu. 19. « Épitaphe en cuivre contre le mur, au fond de la croisée, à droite (aile sud), dans l’église de Saint- Maurice d'Angers ; Calvaire gravé près de linscrip- tion. » 20. « Épitaphe en cuivre contre le mur, au fond de la croisée, à droite (aile sud), dans l’église Saint-Mau- rice d'Angers, devant l'autel Saint-Thibaud. » C’est celle de Thibauld de Vallettes, prêtre licencié és-droit, natif de la paroisse de Bocé, près Baugé, cha- noine prébendé et archidiacre d’outre-Loire, décédé en 1373. 21. « Épitaphe en cuivre contre le pilier de la porte du chœur, dans la chapelle à gauche de l’église Saint- Maurice d'Angers. » Elle mentionne le nom-de Yves de Tessé, prêtre pro- 1 Sous l’arc-doubleau séparatif du transsent et de la nef, côté de Vépître. — 118 — tonotaire et chanoine, fondateur en ladite église de la fête du très-saint et sacré Nom de Jésus, et de celle de sainte Barbe. Il mourut le 3 juin 1557. 29. « Épitaphe en cuivre contre le mur, au fond de la chapelle des évêques, à gauche (aile nord), dans l’église Saint-Maurice d'Angers. » C’est celle de Georges Louet, prêtre, doyen de la ca- thédrale, chanoine de Paris, etc., décédé en 1608. 93. « Épitaphe contre le mur, proche l'autel de Saint- Maurice, à la croisée à droite (aile sud), dans l’église de Saint-Maurice d'Angers. » Cest celle de Louis de la Grésille, archidiacre d’outre-Loire, seigneur de Maurepart, décédé le 96 juin 1633. 24. « Cénotaphe orné de marbre de René Breslay, contre le mur, proche les trois autels qu’il a fondés, dans la croisée à gauche (aile nord), de l'église cathé- drale d'Angers. » René Breslay, évêque de Troyes, abbé de Saint-Serges, mourut en novembre 1641, et fut enterré à Troyes. Il avait été lun des plus grands bienfaiteurs de l’église d'Angers. 925. « Épitaphe contre le mur, à gauche du grand autel, dans le chœur de l’église Saint-Maurice d’An- gers. » Elle se réfère à Gabriel Constantin, doyen de notre cathédrale et du parlement de Bretagne, mort le 19 juillet 1661. L’épitaphe de ce petit monument existe encore derrière la boiserie du chœur ; M. de Farcy en a fait un très-bel estampage qu’il a bien voulu nous donner. — 119 — 26. « Épitaphe contre le mur, à droite, sous le porche de l’église Saint-Maurice d'Angers ‘. » C’est celle de demoiselle Renée Bernard, fille de M. René Bernard, licencié en loix, et femme de Jehan Ledus, licencié en loix, sieur de la Forellier, décédée le 45 juin 1507. Je m’arrête ici dans cette énumération, qui ne forme qu’une faible part des trésors que renferment sur l’An- jou, les seize volumes d'Oxford ; bien plus faible encore relativement aux autres portefeuilles de Gaigmières , que la Bibliothèque impériale possède en originaux. Mais, si incomplète que soit cette énumération, elle suffit à vous montrer quelle richesse de documents de toutes sortes, relatifs à notre province, l'historien serait à même d'exploiter à Paris, rien qu’à l’aide des dessins de Gaignières et de ses manuscrits. Je crois avoir acquis la certitude que cet intelligent collectionneur fit faire ses copies de monuments, vers l’an 1699, en ce qui concerne l’Anjou, mais ce n’est pas le lieu de vous en offrir la preuve; bornons-nous à vous dire que les ar- ticles qui se rapportent à notre cathédrale, depuis le n° 6 jusqu’au n° 26 inclusivement, nous permettront peut-être un jour d’en écrire autant de chapitres par- ticuliers. Faisons remarquer également que la nef de Saint-Maurice, le long des murailles, fut affectée d’abord aux sépultures de quelques évêques, ensuite le transsept intermédiaire, puis la première travée du chœur actuel, côté de la sacristie, et enfin l’aile nord, qui prit le nom 1 Ce porche, vestibule ou narthex, était en avant du grand portail de la cathédrale. — 120 — de Chapelle des Évêques. Aujourd’hui, on les inhume dans le caveau central de la nef. Il n’y a pas d'exemple depuis Foulques de Mathefelon, année 14355, et Raoul de Machecou, décédé en 1358, qu'aucun prélat ait été enterré sous les voûtes des deux travées de l’abside, et cela sans doute, parce que cet emplacement fut réservé à l’inhumation des princes et princesses de la deuxième maison d’Anjou-Sicile. Cette observation, Messieurs, nous permet, après ce trop long préambule, d’aborder enfin par une facile transition, l’objet spécial de ce rapport, c’est-à-dire les représentations inédites : 1° du mausolée du roi René ; 2 de son inscription; 3° d’un marbre qualifié par Gai- gnières, à tort suivant nous, de tombeau de Jehanne de Laval; 4 de la sépulture de Thiephaine, nourrice de. René d’Anjou et de sa sœur Marie. Nous y joindrons deux autres copies, étrangères aux dessins d'Oxford, représentant : la première, à la date de 1783, encore le tombeau du roi René, mais avec de notables différences ; la seconde, un plan de la distri- bution intérieure de l’église Saint-Maurice, telle qu’elle était avant l’année 1699, époque où le chœur, qui se trouvait être dans le transsept intermédiaire, fut re- porté sous les deux doubleaux de l’abside. Ces six copies *, dont quatre sont coloriées, ont été faites par M. Frappaz, celui-là même auquel le Gouver- nement avait confié la mission délicate de dessiner le 1 M. Chapeau, sculpteur et membre de la Commission archéolo- gique, a bien voulu photographier trois d’entr’elles, savoir les deux représentations du tombeau de René et celle de la nourrice Thié- phaine. — 19 — contenu des seize volumes d'Oxford. Je ne pouvais pas tomber en de meilleures mains, et nos remerciements en sont dûs à M. Dauban, qui m'a mis directement en rapport avec cet artiste. Marché provisoire fut convenu entre nous, savoir : 10 Tombeau de René ...... AS REANT APAPOUPIr: OUR NS CHAMAON: «07.2 » desc chere LU 30 Sépulture dite de Jehanne de Laval..... 25 4o Tombe de Thiéphaine................ 40 RE Rte a nn ASE fF. Un marché supplémentaire eut lieu plus tard, se montant à 10 autres francs, pour la reproduction du dessin en date de 1783, et signé Beauxm, du tombeau de René, dessin trés-différent de celui d'Oxford, ainsi que nous venons de le dire’. Donc, total général : 145 francs. Enfin M. Frappaz voulut bien me copier gratuitement le plan de l’intérieur de notre cathédrale, d’après une gravure de la Topographie de France (Maine-et-Loire), tome Î de la Bibliothèque impériale, département des eslampes. Vous me permettrez, Messieurs, de vous en faire hommage. Les choses étant ainsi convenues, j’en écrivis à notre honorable président, M. Adolphe Lachèse, qui après vous avoir consultés, m'ouvrit un crédit illimité. Qw’il 1 Le dessin de 1783 est au trait, et classé au département des estampes de la Bibliothèque impériale dans un volume intitulé : To- pographie angevine. M. Renaudet est tenté de l’attribuer à Beauxmenil, dessinateur de monuments à la fin du xvin® siècle. — 1922 — en reçoive, ainsi que vous, Messieurs, mes sincères re- merciements ! Tout pouvoir m’étant donné, le marché provisoire devint définitif. M. Frappaz se mit à l'œuvre, et voilà les six copies qu'il a faites, et bien faites, car elles ont été vérifiées et agréées par M. Dauban, de la Bibliothèque impériale, très-compétent en ces délicates matières. Le travail de M. Frappaz achevé, le mien commençait, J'aurai donc l'honneur de vous faire part des observa- tions que ces diverses pièces m'ont suggérées. I. TOMBEAU DU ROI RENÉ. Plusieurs motifs ont déterminé le choix que nous avons fait de ce tombeau ; c’est d’abord que ce prince, l'amour de ses sujets au xv® siècle, est devenu au xix® le centre, en Anjou, des études historiques, sous l’im- pulsion généreuse et chevaleresque de M. Th. de Quatre- barbes ; c’est ensuite que la peinture de la mort, en manteau royal, qui autrefois ornait, à la cathédrale d'Angers, le rétable du tombeau en question, était jus- tement réputée perdue, et qu’Oxford nous en a rendu, dans une belle copie réduite, la forme et les couleurs. Bruneau de Tartifume, Montfaucon, Villeneuve-Barge- mont et de Quatrebarbes, ne nous ont laissé dans leurs œuvres aucune trace iconographique de cette étrange représentation. Quant au dessin, en date de 1783, il nous servira de point de comparaison avec celui d'Oxford et nous en discuterons plus tard la valeur. Auparavant, il convient d’assister au décès d'Isabelle de Lorraine et à celui de René, dont les corps furent — 193 — renfermés dans le même mausolée, c’est-à-dire dans le tombeau qui nous occupe présentement. Isabelle de Lorraine, première femme de René, meurt le 28 février 4453. Ce fut pour elle que le bon roi in- venta l'emblème de la chaufferette, ornée de la devise : d'ardent désir, lui manifestant ainsi son amour. Ces chaufferettes figurent au nombre de quinze sur notre mausolée (dessin d'Oxford). Elle fut inhumée dans un caveau ad hoc creusé contre la muraille septentrionale de la seconde travée de l’abside de la cathédrale d’An- gers, à partir du fond de l’hémicycle. René décède à Aix, en Provence, le lundi 40 juillet 1480. Son testament est ouvert, il porte la date de 1474 et lon y trouve cette clause : « Item ledict sei- gneur roy testateur, veult que en quelque lieu que il trespassera, selon la voulenté de Dieu, son corps soyt pourté en l’église d’Angiers, pour cstre en icelle sevely ou lieu qu’il ha ja esleu et préparé pour sa sépulture et ou quel est ja, sevely le corps de la feue royne Isabele de très-noble mémoire en son vivant son épouse ‘. » Il résulte de ce texte que le mausolée en question était suffisamment préparé à recevoir les dépouilles de René, dès avant l’année 1474, peu de temps sans doute après l'an 1453, époque du décès d'Isabelle. Le corps du bon roi, après être demeuré plus d’une année à Aix, et en avoir été enlevé par un pieux stra- tagème ?, ne fut déposé près de sa femme qu’en octobre 1481. C’est seulement après cette date que le tombeau 1 Œuvres complètes du roi René, tom. I, pag. 84. 2 Voir Répert. arch. de l'Anjou, janvier 1866, pag. 17. — 1924 — dut être complété. Aussi Legouvello, dans la vie de notre duc d'Anjou, imprimée à Angers chez Olivier Avril (année mpccxxx1), pages 36 et 37, s’exprime-t-il ainsi : « Get ouvrage, commencé par les ordres de René, n’était pas entièrement achevé au temps de sa mort. La reine Jeanne de Laval (sa seconde femme), y mit la dernière main. » Ce qu’elle fit faire ce furent : 1° le dé du. tombeau proprement dit, revêtu d’élégants pilastres entre lesquels se détachaient les blasons d’Anjou et de Lorraine, sulp- tés en relief-sur marbre blanc ; 2 les statues, également en marbre blanc de Carrare, du roi et de la reine. M. de Villeneuve-Bargemont assure , page 177, tome IIT, de son Histoire de René d'Anjou, que l’exécu- tion de cette œuvre se fit d’après les dessins tracés par le roi lui-même, ce qui est fort probable. Quant à la représentation de la mort, en manteau royal, voici ce qu’en rapporte Legouvello, page 37 : « Au fond de larcade paraît un tableau qu’on prétend avoir été peint par le roi René, ou au moins par lui commencé; J'ai dit au moins par lui commencé parce que, dans son testament, il ordonne qu’on achève la peinture de son tombeau. » La clause du testament à laquelle se réfère Legou- vello, est moins explicite qu’il ne l’affirme. La voici, du reste, telle qne nous la trouvons dans le bel ouvrage de M. de Quatrebarbes, tome I, page 95 : « Item veult et ordonne ledict seigneur, que ou cas que tous et chas- cuns les ouvraiges, édiflices, painctures et aultres choses — 195 — par luy commencées ou commandées à commencer en aulcune église, comme à Saint-Pierre de Saulmur , à la chapelle de Saint-Bernardin d’Angiers et aultre part, n’estoient accomplis et parfaicts au temps de son décès, ses héritiers qui tiendront les terres et seigneuries des dits lieux, soyent tenus de les accomplir et parfaire en la manière que elles sont commencées et selon son in- tencion. » On ne voit pas qu’il soit ici question de la peinture funèbre de René, il est vrai que la phrase : aultre part, permet de laisser croire que ce tableau était implicite- ment compris dans l’énumération qui précède. Quoi qu’il en soit, il paraît avoir toujours été de tra- dition que cette étrange peinture fut commencée par René, et achevée par son contemporain Gilbert Wande- land, suisse de nation, enterré à la Baumette !. Malgré notre bonne volonté d'admettre que le tableau, tel du moins qu’il est représenté sur le dessin d'Oxford, ait été l’œuvre du roi René et de son peintre Gilbert Wandeland, j'avoue que je ne puis croire qu'il appar- tienne au xve siècle, car il a, au contraire, tous les ca- ractères d’une Renaissance avancée, et ce qui corrobore mon observation, c’est que le clocher de Saint-Maurice, qui se voit dans le coin du tableau à droite, est orné d’une coupole centrale, laquelle n'existait pas avant l'incendie de 1533 ?, et qui ne fut édifiée qu'entre 1540 et 1543 3%, 1 Villeneuve, t. III, pag. 179 et 3438. 2 Réperl. arch. de l'Anjou, année 1865, passim. $ Idem. EL — 126 — S'il nous est permis d'émettre notre avis, nous dirons que le tableau dont il s’agit est bien, par sa composi- tion, dans le goût mélancolique de René; que trés- sûrement il en aura dicté le sujet, mais que son exécu- tion en fut retardée ‘; à moins que l’on préfère admettre, ce qui me paraît plus vraisemblable, qu’il ait été refait après l’année 1543. Je crois donc d'autant mieux à une réfection que l'inscription : Regia sceptra luis, etc., qui passe sous vos yeux, et dont les vers sont de la composition de René ?, est d’une exécution relativement moderne. La forme des leitres et les entre- lacs en sont une preuve suffisante. La tradition qu’il ne faut pas négliger, mais qu ‘il ne faut point admettre non plus sans esprit de critique, veut qu'un Wandeland ait absolument travaillé à ce tableau ; eh bien, je n’y contredis pas et j’admets vo- lontiers que le fils de Gilbert, c’est-à-dire Adam Wan- deland, né à Angers, et artiste aussi lui, a très-bien pu exécuter ou du moins remanier la peinture en question, car il vivait encore vers 1574, et celte date cadre par- faitement avec le style du tableau. C’est ici l’heure de parler de cet autre dessin fait en 1783 par Beauxm..., et représentant également la mort en manteau royal. Jai l'honneur de vous en faire passer la copie. Si vous la rapprochez de celle dite d'Oxford, vous y verrez de notables différences. Le monu- ment yest beaucoup moins complet. Le dé armorié du ? Joseph Grandét, dans son manuscrit de Notre-Dume angevine, dit formellement que la peinture de la mort n’était pas de la main de René. ? Legouvello, pag. 37. — 197 — tombeau, l'inscription : Regia sceptra, les pilastres prismatiques et leurs niches, le dais brodé d’ogives trilobées, le semis de fleurs de lys, les deux blasons supérieurs, les chaufferettes avec leurs devises y man- quent tout à fait; l'architecture y est moins ornée, c’est une simple arcade en plein cintre, creusée dans la muraille. Le sujet de la peinture est bien semblable, mais traité autrement, ainsi le fauteuil ou trône est sans colonnes et d’un style plus gothique, le manteau royal ne laisse apercevoir qu’un seul bras, tandis qu'il permet de voir les deux jambes de la mort. La tête du sceptre est tournée à droite; point de globe crucifère, point d’ailes aux angelots porte-écussons; la statue de René se trouve au premier plan sur la table du tom- beau. Les deux fenêtres, à droite et à gauche du fau- teuil, sont ogivales ; la cathédrale, vue à travers l’une, na pas de coupole centrale à son clocher. Enfin, ce dessin est au trait et non colorié. Bref, l'aspect général est de style plus ancien assu- rément. Le dessin fait en 1783, que la Bibliothèque im- périale possède, ne représente point le mausolée tel qu'il était à cette même date de 1783. Beauxm..., si son travail est authentique ‘, aura copié quelqu’ancien dessin primitif du monument, tel qu'il devait être avant la retouche présumée faite au xvie siècle. De la sorte , des deux copies que nous vous présentons, 1 J’émets ce doute, parce que, à bien prendre les choses, il se pour- rait que ce travail eût été fait de mémoire en ce qui concerne les détails, et alors il serait loin d’avoir un véritable intérêt. Il va sans dire que, si jamais on reconstruisait le mausolée de René, le dessin de Gaignières devrait seuil servir de modèle. — 128 — lune non coloriée serait la reproduction plus ou moins fidèle du tombeau de René après son décés, c’est-à-dire au temps de Gilbert Wandeland, et l’autre, la représentation du même mausolée, mais remanié et retouché vers le milieu du xvi° siècle, à l’époque où travaillait Adam Wandeland. Reste la question de savoir si le tableau de la mort avait été peint sur la muraille même ? Legouvello n’en dit rien, MM. de Villeneuve et de Quatrebarbes avancent qu’il était à fresque; les ma- nuscrits du sieur Berthe (Bibl. d'Angers, n° 897) assu- rent qu’il était sur bois, Bruneau de Tartifume (manus- crit, n° 871, p. 78), qu'il était à l'huile. M. Dainville, qui a trés-artistement autrefois dessiné l’arcade renfermant le tombeau de René, pourrait peut- être, s’il était présent, nous donner son avis ‘. Quant aux peintures décoratives des pariétaux de larcade, il paraît qu’elles avaient la cire pour base. De ce magni- fique mausolée, qu’existe-t-il aujourd’hui? Quelques débris seulement en marbre blanc classés au musée des 1 Le 15 mai 1866, lendemain de la séance où fut lu ce travail, je visilai les lieux, accompagné de MM. Prévost, commandant du génie, de Farcy, Dainville, l’abbé Joubert et Rondeau. Examen fait, nous tombâmes d’accord qu’il n’était pas aisé de se prononcer. Si, d’un côté, un petit coin de mortier, coloré, au sommet du fond de l’arcade, pouvait faire croire que ce fond avait été peint, de l’autre, l'inéga- lité de l’enduit de la muraille devait nous laisser dans le doute. En outre, deux trous à droite et à gauche du même fond et en haut, nous disposaient à penser qu'ils avaient bien pu servir de moyens d'attache pour la suspension d’un tableau. Adhuc sub judice lis est. Plusieurs essayërent de tout concilier, en disant que le sujet de la mort en costume royal aurait été primi- livement peint sur le mur, et plus tard lors de sa réfection au xvi® siècle, peint sur bois ou sur toile. Tom TAGNE d'après M° Godard.) GB. Plachère, Belbuvre, Jolbeau à Angers. (281) Maurice d Angers. de GAIGNIÈRES . E Ca ET | et Roy Renée CMARIEDEBRETAGNE aps MEGodardl) E ï j j | D li qu LL Jet il > Il lil Ill HE TR Il 4 1] IL LA Piabèe, Jeter, Padous, à dsgurs (21 TOMBEAU & arbre noir derriere de grand autel de V/ Colise de S'NMaurice d' “Angers, daprésunlalquendtemaubibioltequeanpeneleiMalOford par MA FRAPPAZScunaleMess nan gra de GAIGNIÈRES : Sons > s R Le. À st NÉE + À x re ‘ REGIA:SCEPTRA: LVIS-RVTILIS:FVLGENTIA: TH RONIS: DVM:QVONDAM:RECOLIS: PRESSA:ET-NVC-PVLVERE:CERNIS MARCESCVNT-FLORES-MVNDI-LAVDES-ET-HONORES- GLORIA-FAMA:LEVIS-POMPARVM: FASTVS :INANIS: VNA:PARIT:REGES: ET-:VVLGVS:TERRA: POTENTES: QVOD-DEDIT-HÆCREPETIT-MORTALIA:CVNCTA:RECONDIT MORS-DOMINIS -SERVOS'ET-TVRPIBVS-EQVAT-HONESTOS VNVS-ERVNT:TVMVLVS-REX:PASTOR:INHERS:Q:PERITVS-: ESCRIT x Zômbeau du Æoy Rene’ d'Anpou, d'aprés un calque de la Bibliolhèque Impériale fait. à Oxford pan M FRAPrAZ/ sur le dessin original de GAIGNIÈRES — 129 — antiquités, et enfin, derrière la boiserie du chœur, l’ar- cade ornée qui encadrait la sépulture. Aussi serait-ce le cas de répéter avec l'inscription même du tombeau : REGIA. SCEPTRA. LVIS. RVTILIS. FVLGENTIA. THRONIS, elc. ! Les trois dessins, relatifs au mausolée de René, étant expliqués, passons au fac simile du monument qualifié de tombeau de Jeanne de Laval, à tort suivant nous, ainsi que nous essaierons de le démontrer. II. TOMPEAU DIT DE JEANNE DE LAVAL. La copie que nous vous remettons, messieurs, est conforme au calque qui fait partie des collections de la Bibliothèque impériale (Gaignières, Oxford). Ce dessin représente sur un dé de marbre noir, un édicule gothique entourant une femme, horizontalement étendue, enveloppée d’un long manteau à collet rabattu, les mains jointes, la tête ornée ‘d’une couronne ouverte et appuyée sur un coussin, deux écussons muets pa- raissent à droite et à gauche: où Ce tombeau, d’après Gaignières, était situé derrière le grand autel de Saint-Maurice d'Angers. Ce qui prouve que le dessin qui en a été fait par les ordres dudit Gaignières, fut exécuté postérieurement à l’année 1699, époque où le grand autel, de temps immémorial, placé sous le premier arc-doubleau à partir du fond de l’ab- 1 Ces huit vers sont imprimés dans les Œuvres du roi René, t. I, pag. 158, avec une variante à la fin du sixième vers. On lit en effet recludit au lieu de recondit. SOC. D’AG. 9 — 130 — side, fut reporté plus en avant, sous le second arc- doubleau, toujours à partir du fond de ladite abside. I1 suit de cette explication, que le tombeau dont il s’agit, se trouvait être à peu près sous la clef de voûte de la travée placée entrele transsept et la corde de l’ab- side, soit en face de la porte de la sacristie, derrière le grand autel actuel ; six petites croix rouges sur le dal- lage en accusent l'emplacement précis. Ceci duement établi, ouvrons le testament de Jeanne de Laval ‘, et nous y trouverons cette clause : « Item, nous voulons et ordonnons que notre corps soit ensé- pulturé en l’église de Saint-Maurice d'Angers, avec la reine Marie, de bonne mémoire, espouse du roy Loys, premier de ce nom, duc d'Anjou, et qu’il n’y soit fait aultre sépulture que celle qui y est. L'ordre de cette duchesse fut-il exécuté ? Legouvello ne le croit point, car il n’hésite pas à dire, p. 37, qu’on mit cette princesse dans le caveau de René en 1498, avec les corps qui y étaient déjà, d'Isabelle de Lorraine, en 1453, et de la célèbre Marguerite d'Anjou, dès 1482. D'un autre côté, lorsqu’en découvrit au mois de dé- cembre 1850 la sépulture de Marie, femme de Louis Ier, à l'endroit du chœur où depuis ont été gravées les six petites croix rouges, on n’y trouva qu’un très-petit ca- veau et un seul corps de femme, Jeanne de Laval ne pouvait donc pas y être avec la reine Marie. Boardigné place également le corps de Jeanne près de celui de René. 1 Œuvres du roi René, t. I, pag. 106. 2 Fol. 183. _ ANT EN Ch ul éE — 131 — Cependant il résulte d’un travail fait par M. de Beau- regard en 1839, et inséré dans les Mémoires de notre Société (4e vol., re livr.), qu’en 1783, lors du po- sage de la boiserie du chœur, des ouvriers ouvrirent le caveau de René et n’y aperçurent que trois cercueils sur des tréteaux de fer. Et M. de Beauregard ajoute que ces trois cercueils étaient, sans doute, ceux de René, d'Isabelle et de Marguerite. Mais si Jeanne n’était ni avec René, ni avec Marie, où pouvait-elle être ? M. T. Grille, cité par M. Chanlouineau (même vol. des Mémoires de notre Société, page 44), nous apprend qu’elle avait été inhumée séparément au pied du mau- solée de René et d'Isabelle. Ce point établi, l'emplacement qu’occupait la tombe noire dont vous avez le dessin sous les yeux, ne peut convenir à Jeanne de Laval, mais bien à Marie de Bre- tagne, femme de Louis Ier et grand’mère du roi René, morte en 1404. Cette tombe noire ne peut donc vraisem- blablement représenter en effigie que ladite reine Maric. L’archéologie toute seule nous donnerait au besoin raison, car si nous comparons les statues de René et d'Isabelle avec l'effigie noire, quelle différence de style! Comme les deux premières sont sculptées avec art et comme, au contraire, la troisième est négligée et, j'oserais dire, de forme barbare! et cependant, si cette dernière représentait Jeanne de Laval, décédée en 1498, il faudrait admettre que l’art eût rétrogradé à l'instant précis où les délicatesses de la sculpture faisaient, dès la fin du xve siècle, pressentir les finesses, les subtilités et les grâces de la Renaissance. — 132 — Non, l'effigie noire ne peut être de la fin du xve siècle; elle est, trop fermement accentuée pour cela, consé- quemment elle ne peut représenter Jeanne de Laval. Ces difficultés d'interprétation ne se reproduiront pas à la vue du dessin de la nourrice Thiéphaine, car les deux charmants petits poupons qu’elle porte si amou- reusement sur son sein, ne laissent aucun doute sur sa personnalité. Mais, sans abandonner la mémoire du roi René que nous allons retrouver ici, avec toute sa candeur, il nous faut cependant quitter la cathédrale d'Angers, afin de nous rendre à Saumur, dans l’église de Notre-Dame de Nantilly, où repose l'excellente nourrice. IIT. TOMBEAU DE LA NOURRICE THIÉPHAINE. C’est encore à la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford que nous devons la conservation du dessin de ce tom- beau détruit pendant les guerres civiles du xvr° siécle. L’épitaphe seule fut conservée sous un blanc de chaux et remise en lumière par Bodin ‘. Elle est en vers et de la composition de René. L'auteur des Recherches l’a publiée en 1814, mais elle diffère de celle d'Oxford au onzième vers. Bodin l'écrit ainsi : « De la nourrice dessus dicte, » tandis que sur l’ins- cription d'Oxford on lit : « De l’un à l’autre du devoir s’acquitte. » Rien ne sera plus facile que de vérifier sur la pierre elle-même la véritable lecture, et rien ne sera 1 Saumur, t. |, pag. 400, Ce tombeau | 14° Octobre 1404, marice en 1415 L 10 Déemblan Ex d'Angers Le 16 Janvier 2408. Elle li celte Lpilaphe en Vers. pilier. iginal de GAIGNIÈRES . | Cy gift @ nourice Eficphane La magine qui of grant paine À mourir de Les en enfance, Marie d'anjou Royne de france Gé apres fon frève Rene à Ouc d'anjou.,et depuis nome Comme eñcor cé voy de fici(le Qui a uoulu en’ cette Ville Pour grant amour de nourriture Faire faire (a Sepulture; de Cum a l'auére du devoir faquitte Qui a dieu (ame quicte, pour avoir grace ct tout deduié QU cac. chyquante cé fuif du moys de mars xiÿ Jour - Je vous prie Éous par bone amour éffiry quelle at un prou du Vie [oonner (ui ur patre poftre. TT TT D) LL LL CG tombeau de pierre est de Thiphatre la Magine nourrice de Marie d'Anjou née le 14° Ocobre 10, mariée en 1413 F | Le 19 Ditembre au Kon Chartes VIL et de Jené duc d Anjou Ron de Sicile gui naguitau Et d'Angers le 16 Janvier 2408. FU lient ces deur Lfans entre ses bras et elle mourut le 3 Mars 14585 audfius eil celle Zpisphe en Vers. NW. D. de Nantillé de Saumur, Tombeau dans la n3f à droite, dbvant la Chapelle de S'Michelan Sépilier. d'aprés unscalque de la Bibliolhéque Imperiale fait a Oxford par MO FRAPPAZ sur Je dessin briginélhèe GAIGNIÈRES . — 133 — plus aisé que de rétablir à Nantilly, d’après notre dessin, ce modeste tombeau que toutes les révolutions auraient dû respecter, tant le sujet en est naturel et touchant. On y reconnaît bien les douces affections de René, son âme tendre et son esprit reconnaissant; je ne sais pas s’il existe en sculpture quelque chose de plus naïvement simple et de plus émouvant. C’est tout un petit drame entre trois cœurs dévoués. Ne nous en étonnons pas: si le frère s'appelait René, la sœur se nommait Marie d'Anjou, et Thiéphaine était leur seconde mère. Puis, comme ces vers sont bien l'expression d’une vive sympathie : « La magine qui ot grand peine à nourrir de let en enfance Marie d'Anjou, reine de France, et après son frère René. » Notez, messieurs, que Marie était née en 1404, René en 1408, et que Thiéphaine mourut en 1458. Un demi-siècle ne put-donc attiédir leur reconnaissance envers la bonne nourrice; Et ils se font représenter, sur sa tombe, en poupons qu’elle serre affectueusement dans ses bras, comme. pOur. lui dire : nous n’avons point vieilli, nous sommes ‘loujours tes petits enfants. Cette délicatesse de sentiment est la vraie signature de René au bas de ce tombeau ; il n’est aucunement besoin d’une autre pour nous prouver que cette composition émane de lui. Ne soyons plus surpris de l'amour vraiment irrésis- tible que lui porta son peuple, car il ne le traita jamais autrement qu'il n'avait traité la chère Thiéphaine. Je vous laisse, messieurs, sous l'empire de cette délicate image qui m'a séduit comme elle vous séduira. On ne — 134 — résiste pas à ces doux exemples qui n’ont d'autre tort que celui d’être trop rares dans l’histoire. IV. PLAN DE L'ÉGLISE SAINT-MAURICE D'ANGERS. Ci- joint le plan de la cathédrale telle qu’elle était avant l’année 1699, plan dont nous avons restitué la lé- gende comme suit : A. Maïître-autel, caveau dessous. B. Autel Saint-René. C. Chapelle Saint-Jean, bâtie sous Louis XI par l’ar- chitecte de celle de Béhuard. D. Chapelle de Job. E. Chapelle Sainte-Anne, bâtie par Hugues Fresneau en 1466, y enterré. Blason de Hardoin de Bueil à la clef de voûte. Concile en 1533. 1. Tombeau de Raoul de Machecou, mort en 1358, près de l’hydrie. 2. Tombe de Foulque de Mathefelon, mort en 1355. 3. Cuve dite de Marsilius (aujourd’hui bénitier à gauche du grand portail). 4. Sacrarium ou trésor. 5. Tombeau du roi René. 6. Cierge pascal, et en deçà, tombe de Marie de Bre- tagne, morte en 1404. 7. Trône épiscopal. 8. Tombe de Guillaume de Beaumont, décédé en 1240. | 9. Tombe de Nicolas Gellant, décédé en 1290. PrAN pe L'EGLISE S'MAURICE D'ANGERS . avant 1695: La Jacrifiie Chapelle des Evsfqnes Chapelle des Chevaliers 16 LANNEF Tofes. Efchelle des 17} Extrail de la Topographie de France Maine dt Loire Tome Bibliotheque mplaDéplndes Estampes “diapres/neancienne gravure — 135 — 10. Tombe de Jean du Mas, doyen de l’église d’An- gers, évêque nommé de Dôle, décédé en 1557. 41. Tombe de Jean Michel, mort en 1441. 49. Tombeau de Jean de Beauvau, mort en 1479. 13. Tombeau de Jean de Rély, mort en 1498. 14. Tombeau de Jean Olivier, mort en 1540. 45. Tombeac de Claude de Rueil, décédé en 1649. 16. Tombe de Guillaume de la Varenne. 17. Tombeau d’Ulger, mort en 1148, le premier évêque qui y fut enterré. 18. Tombeau de Raoul de Beaumont, le plus près du mur, décédé en 1197. Tombeau de Hugue Odard, en avant du précédent, mort en 1323. 19. Epitaphe de ou. de Mandon, chanoine, décédé l'an 1555. ee 20. Porte du partérre | de l'évêché, dans ce parterre fut fondu le gros Guillaume. 21. Escalier de l'évêché.’ 99. Sortie du cloître. V GoDARD-FAULTRIER. SÉPULTURE DU ROI RENÉ ) Dans sa séance du 14 mai 1866, la Société d’agricul- ture, sciences et arts d'Angers, après avoir entendu la lecture de M. Godard, décida, sur la proposition de celui-ci, qu'une commission spéciale se transporterait à la cathédrale pour visiter l'emplacement du tombeau du roi René, et vérifier : 40 Si la scène de la mort en habit royal, qui existait autrefois, avait été peinte sur la muraille ; 90 S'il serait possible de trouver le moyen de pénétrer sans grands frais dans le caveau renfermant les cer- cueils de René, d'Isabelle et de Marguerite. 30 Si deux slatuettes, présentement déposées au Musée diocésain, provenaient des deux petites niches situées à droite et à gauche de l’arcade qui protégeait le mausolée en question. Le lendemain 15 mai, vers l'heure de midi et demi, se trouvèrent à la cathédrale : MM. l’abbé Joubert, an- cien custode, Prévost, commandant du génie, Dainville, architecte, Rondeau, trésorier de la Société, de Farcy, nouveau membre, et Godard-Faultrier, chargé de la rédaction du rapport. — 137 — Passant derrière la boiserie du chœur (côté vers nord), nous pümes, éclairés par des bougies, trés-bien voir les lieux, et sans entrer dans plus de détails qu'il ne faut, voici le résultat de nos observations. Sur la première question, il nous parut qu'il n’était pas aisé de se prononcer, car, si d’un côté, un petit coin de mortier, coloré, au sommet du fond de l’arcade, pouvait faire croire que ce fond avait été peint, de l'autre l'inégalité de l’enduit de la muraille devait nous laisser dans le doute. En outre, des trous à droite et à gauche du même fond et en haut, nous disposaient à penser qu’ils avaient bien pu servir de moyens d’attache pour la suspension d’un tableau. Plusieurs d’entre nous essayérent de tout concilier en disant que le sujet de la mort en habit royal pouvait avoir été primitivement peint sur le mur et plus tard lors de sa réfection au xvie siècle, peint sur bois ou sur toile. Conclusion : Adhuc sub judice lis est. Sur la seconde question, on tomba d'accord qu'à l’aide de deux sondages (pardon du mot qui n’est guère français), l’un derrière la boiserie, et l’autre devant, à nn point marqué d’une croix gravée sur une pierre, 1l serait facile et peu coûteux de se rendre compte de la situation du caveau sépulcral qui doit être en avant de l’arcade de l’ex-mausolée, sous les marches mêmes de la boiserie, faisant face à la sacristie. M. Prévost nous assura qu'après ces sondages, au moyen de trous de mi- neur obliquement pratiqués, l’on pourrait, sans déranger la boiserie, pénétrer dans le caveau. Une somme de 80 à 109 francs suffirait à cet effet. Il fut entendu que lautorisation d’effectuer cette re- — 138 — cherche serait demandée à M® Angebault, ainsi qu’à M. Joly-Leterme, architecte diocésain. Sur la troisième question, examen fait des deux sta- tuettes que l’on alla voir au Musée diocésain, dans la Cité, à la Psallette, il fut reconnu que par leur style et leur taille, elles n'avaient pu provenir des niches de l’arcade de l’ex-tombeau de René. La Commission, avant de se séparer, constata que plusieurs des fameuses chaufferettes qui se voient dans les dessins de Gaignières, présentés par M. Godard à la séance du 14 mai, existent encore , les unes peintes el les autres légèrement sculptées sur les deux colonnes de l’arcade, toujours derrière la boiserie du chœur. Cet emblème de l'amour de René pour Isabelle se re- produit en outre deux fois, sur une troisième colonne, voisine de l’ancien trésor ou sacrarium. M. de Farcy nous a promis de dessiner ces chauffe- rettes dont l’une porte encore la devise en lettres ro- maines : D’ARDANT DÉSIR. À cette occasion M. Prévost nous fit remarquer que la forme de ces caractères, ne pouvant pas remonter au delà du xvie siècle, fortifiait nos conjectures sur le remaniement à cette époque des peintures du tombeau de René. J’ajoutai que cette même forme qui se reproduit aussi dans les dessins de Gaignières, certifiait l’authenticité de ceux-ci. La Commission visita également les orgues de la ca- thédrale, où M. de Farcy nous signala deux pieds droits en bois très-bien sculptés de l’époque de François [°'; il nous montra aussi deux grandes fleurs de lis peintes contre la muraille, derrière le buffet d'orgue, elles provenaient sans doute d’une ancienne litre. — 139 — Le 16 mai, vers midi, M. Prévost et moi, avant la séance de la Commission des bâtiments civils à [a pré- fecture, nous fimes part à M. Joly du projet de la So- ciété. Il nous répondit qu’il fallait absolument obtenir de S. Exc. le Ministre des cultes l'autorisation de faire nos recherches projetées, qu’il allait en conséquence lui écrire à ce sujet avec l’agrément de Monseigneur. Nous en sommes là. V. GODARD-FAULTRIER. LA LA CATHÉDRALE D’ANGERS ANCIEN NARTHEX. Messieurs, A votre séance du 14 mai dernier, M. de Farcy, notre nouveau collègue, vous présentait le dessin qu’il avait fait du porche aujourd’hui détruit de notre cathédrale, il vous indiquait qu’il l’avait fidèlement copié sur un ori- ginal qui se trouve à Paris, à la Bibliothèque impériale, département des estampes, dans l’un des volumes inti- tulés : Topographie de la France, arrondissement d'Angers. Cette copie, faite avec talent, mérite d'autant mieux d’être lithographiée qu’eile pourrait servir dans le cas où l’on reconstruirait un jour l’ancien porche ou nar- thex. Ce porche datait de l’an 1336, sous l’épiscopat de | RUE É À Se 1 Zi. PL acheïe, Felleuvre, Dolbeza, 2 Angers. 371. copie faite par M? Louis de FARCY. l'évéche dl Vie | grand portail de À! Eglise | catee de SMaurice d' Angers: | _ 11699 — | | | À ë Fi Al a fA] qui (l | sd 2 ï | e 3 = à | | F EX = 7e À ? / Ë ( il =) A N à 5! Maurice aile a EN NN paroifs À| NV RS \ 1 | A\ A e | A1:2R Cat À CA ES (fl | re KO) 3 \ = ce oo) a AVAAAI | D | Ë : El [| Le dr Er nn) 00 Bibliotheque Impériale Mopographie du Déphde Marne La Pleclèe Znèevre Poeas, à Ange Ji CArrondissementdlAnders) Rortefeuille GAIGNIÈRES copie faite pan MOLouis de FARC — 141 — Foulques de Mathefelon. Il n’est point prouvé qu’il n’en existât pas un autre antérieurement; car ces porches, ves- tibules, antifratri, narthex, furent surtout, jusque vers le milieu du xne siècle, comme une annexe obligée des portails des cathédrales, et même des simples églises. Voici ce que nous apprend Viollet-le-Duc, en son Dic- tionnaire d'architecture. « Dans la primitive église, le narthex était destiné à contenir les catéchumènes, les énergumènes, et au centre, en face la porte de la nef, les pénitents audi- teurs, c’est-à-dire ceux auxquels il était permis d’as- sister au service divin en dehors du temple. » (Tome VI, page 411.) « Lorsqu'il n’y eut plus de catéchumènes en Occi- dent, c’est-à-dire lorsque le baptême étant donné aux enfants, il ne fut plus nécessaire de préparer les nou- veaux convertis avant de les introduire dans l’église, l'usage des porches n’en resta pas moins établi. » (T. VIT, p. 259.) Jusqu'au x11e siècle, Von enterra sous ces vestibules les personnages marquants, souverains et prélats; car, avant celte époque, l'interdiction d’inhumer dans l’in- térieur des églises était absolue. Cette interdiction a été même constamment, mais exceptionnellement maintenue pour l’église de Char- tres, à cause, dit-on, du respect tout particulier que Jon doit à la vierge célèbre de cette cathédrale (Vir- gini parituræ). Dans la nôtre, nous ne connaissons pas de sépultures d’évêques avant ce même xn° siècle. Quant à l’inhu- mation d'Hermengarde, femme de Louis-le-Débonnaire, — 149 — que lon dit avoir été faite à Saint-Maurice, au 1xe siècle, il est probable qu’elle doit être entendue d’un lieu voisin du portail primitif de cette église, les lois ecclésiastiques étant alors inflexibles en cette ma- tière. Sous les porches, jusqu’au x1r siècle, étaient placés les fonts baptismaux et quelquefois aussi des fontaines où les fidèles faisaient leurs ablutions avant de pénétrer dans la nef; nos bénitiers paraissent être des restes de ce primitif usage. Également, sous ces vestibules, les exorcismes se pratiquaient et les reliques des saints, à certaines fêtes, y élaient exposées. Ils servirent aussi, mais dans des cas trés-rares, de plaids pour les affaires temporelles et civiles, malgré les protestations du clergé; des bouti- ques même s’y étaient installées, usage vraiment pro- fane et inconvenant, car le narthex était un lieu saint. Guillaume Durand, écrivain du xmxE siècle, fait en effet remarquer que le porche signifie « le Christ, par qui s'ouvre pour nous l'entrée de la Jérusalem cé- leste; » que son nom latin de porticus, porta, vient de ce qu'il est ouvert à tous, comme un port, «& porta. Bien que cette étymologie soit fort contestable, il n’en de- meure pas moins vrai que telle fut la signification principale que l’on attacha désormais aux vestibules d'église après qu’ils eurent cessé d’être le rendez-vous des caiéchumènes. Toutefois s'ils perdirent cette attri- bution primitive, quelques-uns, et entr'autres celui d'Angers, conservérent celle qui avait trait aux péni- tents publics. Aussi M. Viollet-le-Duc nous semble-t-il être trop absolu quand il écrit, page 411, tome VI : — 143 — « que le mot narthex n’est pas applicable à nos édifices religieux. » Nous allons voir en effet que des traces de pénitences publiques, sous l’ancien porche de notre cathédrale, ont perduré jusqu’au xvrie siècle, et que ces curieux vestiges s’associent très-bien avec la signification du mot d’ori- gine grecque narthex, qui veut dire férule, ainsi qu’avec la signification du mot antifratri, nom que portait au xvIe siècle le vestibule de notre cathédrale d'Angers et qui provenant du verbe de basse latinité antifro, je m’a- genouille, indiquait bien un lieu de prosternation et d’expiation, Ces vestiges de pénitence publique, les voici: « Il était nécessaire, dit l’auteur des Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique d’Anjou, au xvur siècle, mémoires manuscrits que nous possédons, il était né- cessaire, dit-il page 9, qu'il y eût un vestibule pour y mettre les pénitents qui étaient dans les pleurs. Il y en avait encore au commencement du dernier siècle, et l’on observait l’usage de les faire sortir de l’enceinte intérieure et de ne leur permettre l'entrée que le jeudi saint, jour auquel on leur donnait l’absolution. Le nombre de ces pénitents se bornait dans ces derniers temps à quelques femmes coupables du meurtre in- volontaire de leurs cnfants qu’elles avaient étouffés la nuit dans leurs lits en les faisant coucher avec elles. Aussi ce reste précieux de l’ancienne discipline fut sage- ment aboli par nos évêques qui voyaient avec regret que ces peines canoniques ne retombaient que sur les pé- cheurs les moins coupables, tandis que les plus criminels en bravaient impunément la sévérité en ne se présen- iant pas pour demander la pémitence publique. » — 144 — D'un autre côté, à l'appui de notre thèse, nous lisons dans un livre anonyme intitulé : Observations sur quelques cérémonies de l’Église d’ Angers, imprimé en cette ville chez René Hernault, typographe du Roi et de l’Université, vers 1705, nous lisons, dis-je, cette note * : « Le mer- credi des cendres et le vendredi saint, on exposait sous le narthex des verges placées sous un prie-Dieu, afin d'indiquer aux pénitents que c’étaient les armes dont ils devaient se servir pour expier leurs fautes. » Observons en outre que la cathédrale comptait un pé- nitencier au nombre de ses huit dignités. Quoi qu’il en soit, notre vestibule avait perdu ses anciennes attribu- tions, il y aura bientôt deux siècles. Vous ne serez peut-être pas fâchés de savoir en quoi, dans les narthex . de la primitive Église, elles consistaient. Les mémoires précités, pour servir à l’histoire ecclé- siastique d'Anjou, page 10, vont nous l’apprendre en ces termes : € Il est ici à remarquer qu’il y avait anciennement quatre différentes sortes de pénitents, ou pour mieux dire, ils étaient distingués en quatre elasses appelées flelus, auditio, substralio et consistentia, qui sont excel- lemment décrites dans le canon dernier de l’Épitre ca- nonique de saint Grégoire le Thaumaturge, et quoique l’on doute que ce canon ne soit supposé, toujours est-il certain qu’il est ancien : . « Fletus est extra portam oratorii, ubi peccatorem stantem oportet fideles orare ut pro se precentur. « Audilio est intra portam in narthece ubi oportet 1 Bulletin hist. el mon., année 1860, p. 24. — 145 — eum qui peccavit stare usque ad catechumenos et illinc egredi. « Substratio autem est ut intra portam templi stans cum catechumenis egrediatur. « Consislentia est ut cum fidelibus consistat et cum catechumenis non egrediatur. Postremo est participatio sacramentorum. » « Le pape Félix II, dans son Épiître à tous les évé- ques, décrit de la même manière ces quatre degrés de pénitence, et quoique l’on ne puisse pas dire qu’ils soient d'insütution apostolique, néanmoins, il est bien assuré qu’ils sont fort anciens, puisque non-seulement saint Cyprien, mais encore Tertullien, avant lui, en fait mention. € Or, les pleurs se faisaient hors de la porte de l’église, dans le portique vestibulaire, et pour ce les an- ciennes églises cathédrales et les paroissiales champé- tres avaient des vestibules. Il fallait que les pécheurs se tinssent là debout, pour supplier ceux qui entraient dans l’église de prier pour eux. Saint Ambroise nous représente fort naïvement ce que devaient faire les pé- nitents de la première classe pour obtenir le pardon : « Volo veniam, reus speret, petat eam lacrymis, petat gemilibus, petat populi totius fletibus et cum % et 30 dilata fuerit ejus communio, credat remissius se suppli- cavisse. Fletus augeat miserabiliter, posteà revertatur, - teneat pedes brachiis, osculetur osculis, lavet fletibus nec dimittat ut de ipso dicat Dominus Jesus : Remissa sunt peccata ejus multa quoniam dilexit multum. » E «Il n’y avait point de temps limité pour la pénitence de ceux qui étaient dans les pleurs et dans les larmes; SOC. D’AG. 10 — 146 — cela dépendait du jugement et de l’ordonnance de l’évêque qui avait égard au repentir et à la contrition du pénitent. « Le 2° degré est celui de l'écoute, au dedans de la porte dans le narthex.. Il fallait que les pénitents de- meurassent debout jusqu’au catéchumène et puis qu’ils sortissent ; là ils entendaient les saintes Écritures et l'explication de la commune doctrine, et puis ils sor- taient avec les catéchumènes et n’assistaient point au reste de la messe; c’est pourquoi on nommait ce degré l'écoute. « Après que le pénitent avait demeuré quelque temps dans ce degré, il en pouvait sortir pour passer à la prosternation auand bon lui semblait; mais il fallait qu’il en demandât la permission à l’évêque qui l’exami- nait de rechef pour voir s’il en était capable. « L’on en usait de même pour passer au dernier degré, c’est ce que nous apprenons de l’Épitre de saint Cyprien. » Ainsi, dans la primitive Église, quatre endroits ré- pondaient aux quatre degrés de pénitence. Fletus était en dehors du narthex; auditio, sous la porte dudit narthex; substralio, sous la porte de l'église; et consistentiu, dans la nef. Revenons au vestibule de notre cathédrale pour dire qu’il servait quelquefois de cimetière aux corbeliers de Saint-Maurice, chanoines semi-prébendés; et enfin que -ses combles contenaient autrefois les grands souflets de l'orgue. On voit par là que, si jamais on rétablit ce porche, il ne sera pas seulement un monument propre à com- — 147 — pléter la cathédrale, mais encore un édifice utile pour la bonne appropriation des grandes orgues. Cet ancien narthex fut détruit, non point en 1794, comme Bodin l’a écrit le premier, mais vers 1806, et cela est si vrai que, sous la première République, on vit sur Le fronton de ce porche, en grandes lettres d'or, l'inscription suivante : « Le peuple français reconnait l'existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. » Plus tard, vers 1805, M: Montault fit réparer la toi- ture et voulut même faire restaurer le vestibule enlier, au moyen de fonds qu’il espérait obtenir du Conseil gé- néral. Celui-ci, sur les conclusions de M. Desmarie, ar- chitecte du département, n’agréa pas la demande de Monseigneur, et il fut décidé, assure M. Baugé, curé de Candé, que ce narthex serait abattu. MM. Puysegur et Desmarie s’entendirent à cet effet, et, vers la fin de l'automne 1806, on commença cette œuvre justement qualifiée de vandalisme, par le vénérable pasteur pré- cité, auquel nous devons ces renseignements. On pourra, du reste, voir à ce sujet son intéressante note, page 210 du Répertoire archéologique de 1865. — 148 — IL. ANCIENS USAGES. PRISE DES CHANOINES, CLERCS ET AUTRES. Une étrange coutume existait au moyen âge, dans les églises de Nevers, de Nantes, d'Angers, et sans aucun doute aïlleurs ; on la nommait prise des chanoines, etc. (prisio canoricorum). « Les Bénédictins, derniers éditeurs du Glossaire de Du Cange, au mot prisio, rapportent l’article suivant des statuts (année 1246) de l'Église de Nevers, imprimé au IV° tome des Anecdotes de D. Martenne (col. 1070). Inhibemus, dit ce statut synodal, ne prisiones canonico- rum, clericorum, seu servientium ipsorum, quas inter Pascha et Pentecosten aliqui vestrum usu detestabili quandoque faciunt de cætero faciatis. » Traduction : « Nous défendons que désormais on exeé- cute les prises des chanoines, des clercs, ou de leurs valets même, comme quelques-uns de vous le font par une habitude détestable, entre Pâques et la Pentecôte. » Le canon d’un concile de Nantes, de l’an 1431, donne la clef de ces prises singulières... « In crastino Paschæ clerici ecclesiarum et alii ad domos adjacentes et alias accedunt , cameras intrant, jacentes in lectis capiunt et nudos ducunt per vicos et plateas et ad ipsas ecclesias non sine magno clamore et — 149 — super altare et alibi aquam super ipsos projiciunt, ex quibus sequitur divini officit turbatio, corporum lœsio et membrorum quandoque mutilatio. Insuper quidam ali tam clerici quam laici, primä die ma, de manè ad domos aliorum accedunt et capiunt et cogunt per cap- fionem vestium seu aliorum bonorum, et se redimere oportel. » € Un concile d'Angers de lan 1448, rapporte les mêmes folies, et en parlant de ceux qu'on prenait dans leur lit les fêtes de Pâques, il dit qu’on les menait à l'église nudos penitus. « Ainsi donc, les prises que l’on faisait à Nevers du temps de saint Louis, devaient être de même nature. On entrait de grand matin chez les ecclésiastiques qui res- taient dans leur lit, et on leur faisait faire apparemment quelqu’ane des cérémonies ci-dessus marquées. « Maintenant, pour quelle raison en usait-on ainsi, et cela entre Pâques et la Pentecôte? L'origine de cet usage pouvait venir de la frayeur continuelle où étaient les séculiers, que les vignes et les arbres ne fussent en- dommagés par les gelées qui arrivent quelquefois les matinées d’après Pâques. Les laïques obligeaient les prêtres de se lever et de faire des prières ou des proces- mousonatinales . + 064bonébehiLent) deiumen dk. «On était ennemi des ecclésiastiques dormeurs, par raison d'intérêt... On s’en prenait à eux lorsque, ne con- tinuant pas après Pâques de venir à matines, les vignes gelaient; et afin que pas un n’y manquât, on prenait ceux qu’on trouvait dans leurs lits et on s’en saisissait. » Ces trop curieux passages, extraits du tome IV, page 463, Rational de G. Durand, note 10 de Charles Barthé- — 150 — lemy, prouvent assurément la foi de nos pères dans l'efficacité de la prière, mais aussi leurs tendances supers- titieuses combattues sans cesse par les conciles. Tant il est vrai que les meilleures intentions conduisent à l'absurde, lorsque la haute raison de l’Église cesse d’être écoutée en matière religieuse. Voir aussi l’abbé Tresvaux, Église d'Angers, t. 1°, page 277. IT. CROSSES ET MITRES À LA FÊTE DES INNOCENTS. Au tome Ier, folio 39 (Église d'Angers, fabrique, man. Joubert), dans un inventaire du 18 mars 1421, on ht : Unus baculus pastoralis de argento pro festo Inno- centium ‘ in quo defficit pometa cuprei ponderis X”‘r° prout est. ; Traduction : «Une crosse garnie d’argent pour la fête des Innocents ; il y mangue la petite pomme de cuivre. Cette crosse pèse dix marcs (cinq livres). » Au même inventaire, on lit sous la rubrique : /tem septem maitre, etc. : Fracte fuerunt que fuerunt quon- dam predicte feste Innocentium. 1 Même mention dans l’inventaire du 18 avril 1418, fol 15, t. Ier. Dans l'inventaire de 1467, folio 75, on lit : léem una altera parvu crocea argentea que deservire solebat in festo Innocentium. Même mention dans l'inventaire du 15 octobre 1505, fol. 218, et dans ce- lui du 23 juin 1525, fol. 249, verso, avec cette addition : in medio sinus sunt tria scuta, emaillés gallicè cum armis Leomini ponderis cum ferro et ligno 1X m. Au même inventaire on voit que la crosse de l’évêque pesait 16 marcs 3 onces, à peu près le double de la pré- cédente. Mention analogue dans l'inventaire du 31 octobre 1532, fol. 276. = SN — Traduction : « Item sept mitres, etc. : Celles qui ser- vaient autrefois à la susdite fête des Innocents ont été détruites. » Qne devons-nous entendre par ces crosses et ces mitres qui furent en usage dans l'Église d'Angers, à la fête des Innocents ? Notre embarras dura longtemps et durerait encore, s’il ne nous était par hasard tombé sous les yeux un article de M. Arnauld, chanoine honoraire de Poitiers et de Viviers, membre de la Société de l’histoire de France, article inséré dans le journal le Monde, du 15 décembre 1865. D’après cet auteur, ce serait au x1° siècle que la fête de évêque des Innocents, ou fête des enfants, aurait été instituée en mémoire du Sirite parvulos ventre ad me. Laissez venir à moi les petits enfants, disait Jésus-Christ à ses apôtres. Les évêques du moyen âge, partant de cette idée, choisirent parmi leurs enfants de chœur, l'élève le plus distingué et le plus propre à remplir ie rôle d’évèque des Innocents. On lui attribuait, pendant une journée, « tous les honneurs qu’on pouvait accorder à un adolescent. » Le 28 décembre, fête des saints Innocents, était le jour choisi. « La veille où l'Église fait l’office de saint Jean l’'Évangéliste, au moment marqué par la liturgie pour annoncer la fête du lendemain, l’évêque des Innocents sortait de la sacristie en grande pompe, revêtu des orne- ments pontificaux, coiffé de la mitre et portant la crosse pastorale, précédé de tous les enfants de chœur en aube et en chape, et faisait dans cet appareil son entrée dans le chœur des chanoines. Il était conduit au trône de — 152 — l'évêque diocésain où il avait deux de ses condisciples pour assistants. Ceux qui devaient remplir ies fonctions de choristes allaient occuper les places du lutrin et les autres se rendaient aux hautes stalles que les chanoines leur cédaient. Dès lors, la direction du chant et les divers emplois du service divin appartenaient exclusivement aux enfants de chœur, et les jeunes choristes allaient solennellement porter à l’évêque enfantin l’antienne des premières vêpres des Saints Innocents, » Le petit évêque, heureux de prononcer le Dominus benedicat vos, manquait rarement de donner sa béné- diction avec grâce à tous les fidèles. Le lendemain, jour de la fête, il allait de nouveau s'asseoir sur le trône épiscopal. € À l'office de matines, il entonnait l’invitatoire, chantait la 9° lecon comme la plus solennelle et commen- çait le chant du Te Deum..….. « À la grand’messe, qui était célébrée en sa présence par un chanoine ; et à vêpres, il jouissait..…. des mêmes honneurs que l’évêque... Mais la gloire de ce monde est de courte durée. Lorsqu’au Magnificat on chantait le verset deposuit potentes de sede, on Ôtait la crosse Jes mains du jeune évêque, elle était mise en ré- serve pour celui qui l’année suivante mériterait de lui succéder, et le chapitre reprenait ses droits pour la con- tinuation des offices... « Les chanoines fournissaient généreusement des res- sources à l’évêque des Innocents, pour soutenir sa dignité et payer le repas qu’il donnait. « Plus tard, il finit par exiger comme un droit l’ac- — 1953 — quittement de ces contributions toujours joyeusement payées. » D’après M. Arnauld, une monnaie aurait été frappée en l'honneur des jeunes symphoniastes, avec cette lé- gende : Vivant pueri symphoniaci. On prisait tellement l’honneur d’avoir été évêque des Innocents, qu'on mentionnait cette distinction sur une tombe. On en voyait un exemple à Lille, dans la collé- giale de Saint-André. Un décret du concile de Bâle, de l’an 1435, défendit cet usage. Cependant, le 6 novembre 1638, on clisait encore un évêque des Innocents à la collégiale de Saint- Furzi, à Péronne. Et de nos jours même, « du nord au midi de la France, dans la plupart des cathédrales, les enfants de chœur, à pareil jour, exercent exclusivement toutes les fonctions sacrées au lutrin et aux différentes cérémonies de l'autel. » Assurément à son origine, cette fêle du petit évèque était pieuse et charmante. Mais beaucoup de bonnes choses dégénèrent en abus, aussi les conciles et les papes abolirent sagement cet usage. En veut-on la preuve? la voici : le grotesque vint à la traverse et prit le dessus ; la parodie s’en mêla à ce point que les frères lais du cou- vent des franciscains d'Antibes, se revêtaient d’ornements _sacerdotaux déchirés et mis à envers. Ils tenaient leurs livres à rebours et faisaient semblant de les lire avec des lunettes qui avaient des écorces d’orange à la place de verres ‘. 1 Morery, aux mots: Feste des Innocents, Dict. de Trevoux. — 154 — Il nous paraît incontestable que lEglise d'Angers eut aussi sa fête du petit évêque des Innocents, mais qu’elle fut abolie antérieurement à 1421, c’est-à-dire plus de quatorze ans avant le décret de Bâle : De spectaculis in ecclesia non faciendis. La phrase précitée : Mitre fracte fuerunt que ! fue- runt quondam predicte festo Innocentium, le prouve surabondamment. Cependant, à titre de souvenir, l’on conserva dans notre cathédrale jusque vers le premier tiers du xvr° siècle, le second petit bâton pastoral, l’altera parva cro- cea argentea que deservire solebat in festo Innocentium, lisons-nous dans nos inventaires de 1467, 1505, 1525 et 1532. L’imparfait so/ebat indique suffisamment le passé de cette coutume. La seconde petite crosse, qu’il ne faut pas confondre avec sa sœur, du poids de cinq livres, mentionnée au commencement de cette notice, pesait neuf marcs (quatre livres et demie), c’est-à-dire environ moitié moins que les grandes erosses vraiment épiscopales mentionnées dans nos inventaires, et pesant plus de 16 marcs. Si j'appuie sur cette circonstance, c’est qu’il résulte, 1° du faible poids de cette petite crosse, 2° de son adjectif parva, 3° de son usage à la fête des Innocents, qu’elle ne pouvait convenir qu’à des mains d'enfant, à celles d’un petit évêque des Innocents. De ces deux petites crosses, la première mentionnée était de cuivre garnie d’argent. ! Les e sont ici pour æ. — 155 — La seconde, dont la hampe était de fer et de bois, avait une volute ornée de trois blasons enrichis d’émaux. LIL. DRAME LITURGIQUE DES MARIE. Dans la grande bible des Noëls angevins, édition de MDCCLxxx, à Angers, chez A. J. Jahyer, libraire, rue Saint-Michel, se trouve à la page 25, composé par Urbain Renard, un Noël qui renferme cette strophe : La joie est angélique A Pâques d'ouir Cloches, orgues, musique, Les Marie venir Chercher dans le sépulcre Jésus qui n'est plus là; Puis portant œufs d’autruche On chante Alleluia. Ce passage indique que le drame liturgique des Marie, aussi nommé drame de la Résurrection, se jouait autrefois à notre cathédrale le saint jour de Pâques. Cet usage existait dans la plupart des églises d’Occi- dent, et prenait quelquefois le nom de mystère. Le plus complet que nous connaissions, car 1l y avait d’assez nombreuses variantes dans ces pieuses représen— tations, est tiré d’un très-ancien manuscrit de Saint- Benoist-sur-Loire, et a été publié par la Société des bibliophiles français en 1839, ainsi que dans le Rational vu manuel des divins offices, de Guillaume Durand, t. IV, page 460, année 1854. — 156 — Le drame de Saint-Benoist-sur-Loire avait pour ac- teurs neuf personnages figurant : les trois Marie, trois anges, Pierre et Jean, et enfin le Sauveur en costume de jardinier. Les religieux chargés du rôle des femmes étaient habillés de manière à imiter les trois Marie; ils devaient s’avancer lentement et l'air triste vers le sé- pulcre, puis ils chantaient en forme de dialogue diverses strophes sur un ton lamentable. Ils s’approchaient du tombeau comme des gens qui cherchent, et chantaient ensemble un verset indiquant qu’ils ne pouvaient ouvrir le sépulcre sans l’aide de quelqu'un. En ce moment, un ange leur apparaissait vêtu d’une aube dorée, ayant une mitre sur la tête, une palme dans la main gauche et dans la droite un rameau chargé de bougies, et cet ange, assis en dehors et près du tombeau disait : Qui cherchez-vous ? — Jésus de Nazareth, répondaient les saintes femmes. L'ange : Il n’est pas ici, il est ressuscité. Les trois Marie se tournaient ensuite vers le peuple en répétant les paroles de l'ange; puis Marie-Madeleine se séparant de ses compagnes, s’approchait du tombeau et disait en le regardant fréquemment : — Hélas ! à douleur ! hélas ! qui a ôté du sépulere ce corps tant chéri ? Après quoi elle s’avancçait rapidement à la rencontre de deux personnages chargés de représenter saint Pierre et saint Jean, et leur disait tout éplorée : — Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis. On a trouvé son tombeau vide et le suaire avec le linceul plié dedans. — 157 — A leur tour Pierre et Jean, entendant ces paroles, de s’élancer en courant vers le sépulere. Jean, le plus jeune, arrive le premier et s'arrête à l’entrée, puis tous deux pénètrent dans le tombeau. Peu après, Jean sort et s’écrie : — Le Seigneur a été furtivement enlevé. — Non! dit Pierre, il est ressuscité ! Ici deux strophes dialoguées qu’il serait trop long de traduire. Pierre et Jean séloignent. Vient Marie-Madeleine , l'air triste, en chantant pour la seconde fois. — Hélas ! à douleur ! hélas ! etc. Sur ces entrefaites, deux anges apparaissent assis au pied du tombeau, et adressent ces paroles à Marie-Made- leine : — Femme, pourquoi pleures-tu ? Ici trois strophes dialoguées entre l’un des anges et Marie. Puis celle-ci de s’écrier : — Mon cœur brùle du désir de voir mon Seigneur. Alors paraît un religieux chargé de représenter le Sauveur en costume de jardinier. Il s'arrête près du tombeau et dit : — Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? lei touchant dialogue dans lequel le jardinier dit : Marie ! et Madeleine : Rabboni ! maître! en se jetant à ses pieds. Celui-ci se retire comme sil feignait d'éviter son attouchement et prononce le : Noli me tangere. Marie se tourne vers le peuple et s’exprime ainsi : — Félicitez moi... j'ai vu mon Seigneur. — 158 — Ensuite deux anges disent : — Venez et voyez l'endroit où le Seigneur avait été déposé. Deux vicaires répondent : — Credendum est magis, soli Mari veraci quam du- dœorum turbæ fallaci. Enfin le chœur reprend : — Scimus Christum surrexisse à mortuis veré. Puis le Te Deum. Ce drame liturgique de la Résurrection se passait dif- féremment à Angers. Au lieu de neuf acteurs, on en comptait seulement quatre, savoir : deux corbelliers agissant au nom des saintes femmes, et deux maires chapelains chargés de représenter les anges. Le tombeau était préparé en forme de grotte tout au fond de l’abside de la cathédrale, à l’autel Saint-René, où l’on plaçait sur deux bassins de vermeil des œufs d’autruche habillés d’une gaze blanche. Là, dans le sé- pulcre se tenaient les anges ou plutôt les deux maires chapelains, en chape, qui attendaient la venue des cor- belliers. Ceux-ci, à la fin de matines et avant le chant de l'hymne ambroisien, partaient de la sacristie couverts de l’'amict et de la barette, portant l’aube, des gants brodés, une ceinture et une dalmatique blanches sans manipule et sans étole, puis ils se rendaient au tombeau précédés de deux thuriféraires. Arrivés au sépulcre et agenouillés au pied de l'autel, le dialogue ci-après avait lieu entre les quatre figurants : Les maires chapelains : — Quem quærilis in sepulcro? — 159 — Les corbelliers : — Jesum Nazarenum crucifizum. Les maires. — Non est hic, surrexit sicut prœdixerat ; venite et videte locum ubi positus est Dominuis. A ce moment les corbelliers, au nom des saintes femmes, pénétraient dans le sépulcre, baisaient l’autel, se saisissaient chacun d’un œuf d’autruche et quittaient le tombeau que les thuriféraires encensaient trois fois. Sur ces entrefaites, les anges chantaient : — lie, nuntiale discipulis ejus quia surrexit. Obéissant à cet ordre, les corbelliers se dirigaient vers l’évêque siégeant au trône et chantatent : — Resurrexit Dominus hodiè, resurrexit leo forts, Christus Filius Der. Le chœur répondait : — Deo gratias, alleluia ! Arrivés au trône, l’un des deux corbelliers, le plus âgé, approchait ses lèvres de l’creille droite du pontife et Jui disait très-bas et très-mystérieusement : — Surrexit Dominus, allelua ! L’évêque répondait : — Deo gratias, alleluia ! L'autre corbellier agissait de même, mais du côté de l'oreille gauche. Pareille scène se reproduisait à l’égard de chaque prêtre, en commençant par les chanoines dignitaires. Après quoi les deux corbelliers retournaient au reves- tire (la sacristie), et y déposaient les œufs d’autruche. Pendant qu’ils se retiraient, l’évêque entonnait le Te Deum. — 160 — Ge n’était pas sans motif que l’on choisissait pour éta- blir le sépulcre, l'autel Saint-René. Une pieuse légende en effet voulait que cet ancien évêque eût été ressuscité par saint Maurille : le nom de René, rursus natus, si- gnifie né de nouveau. Cet autel fut donc considéré comme un emblème de résurrection. La même idée s’attachait aux œufs d’autruche. Nous renvoyons sur ce sujet à notre article inséré an Répertoire archéologique, de juin-juillet 1865, pages 149, ete, et à la Semaine religieuse du diocèse d’ Angers, dimanche 1er avril 1866. IV. ENTERREMENT DE L'ALLELUIA. Dans les manuscrits de Lehoreau (bibliothèque de l’évèché d'Angers), tome I, page 434, en marge, on lit celte note aussi curieuse que mal rédigée : « La cérémonie (enterrement de l'alleluia) se faisait ainsi : Les enfants, revêtus de certains habits, avec des cierges allumés et une image voilée qu'ils appelaient Alleluia, sortaient de la sacristie après nones du samedi avant la Septuagésime, et couraient aü travers du chœur jusqu’au réfectoire, qui est la salle de théologie, chan- tant Subvenite. « Le pénultième jour 1547. Cette cérémonie fut défen- due aux enfants de chœur, parce qu’eile déplaisait à M l’évêque Guillaume Ruzé, le 16 avril 1576. Dumes- nil, page 136 ‘.» ? Guillaume Ruzé, évêque d'Angers de 1572 à 1587. Dumesnil, — 161 — A quoi se rapporte la phrase : le pénultième jour 1547? Je lignore. Ce fut peut-être que la cérémonie se fit cette année d’une manière plus solennelle. La coutume d’enterrer l’A/eluia n’était pas seulement propre à la cathédrale d'Angers ; on la retrouve en d’autres églises. Il paraît qu’elle est originaire de l’Église de Metz, au ix° siècle, et que c’est de là qu’elle se répandit en France !. À Angers, le procédé d’inhumation ressemblait beau- coup à celui que nous trouvons mentionné à l’article XV des statuts de l’église cathédrale de Toul, rédigés au xve siècle. Voïiei cet article : SEPELITUR ALLELVIA. Sabbato Septuagesimæ in nona conveniant pueri chori feriati in magno vestiario, et ibi ordinent sepulturam Alleluia. Et expedito ultimo Benedicamus, procedant cum crucibus, torciis, aqua benedicta et incenso, portan- tesque glebam ad modum funeris, transeant per cho- rum, et vadant ad claustrum ululantes usque ad locum ubi sepelitur; ibique aspersa aqua et dato incenso ab eorum altero redeunt eodem ilinere. Sic est ab antiquo consueltum. Traduction : « Le samedi, veille du dimanche de la Septuagésime, à l'heure de none, il est ordonné que les enfants de chœur se réuniront vêtus de leurs costumes chanoine d’Angers. Voir ses œuvres manuscrites à la Bibliothèque d'Angers, n°5 658 et 590 du catalogue de M. A. Lemarchand. 1 Manuel des Divins offices de G. Durand, notes de Charles Barthé- lemy, t. LT, p. 483. SOC. D’AG. 11 — 162 — de fête, dans la grande sacristie ; que là ils prépareront la sépulture de l’'AZ/e/uia. Le dernier Benedicamus pro- noncé, ils ouvriront la marche avec les croix, les torches, l’eau bénite et l’encens ; puis, portant une figure de personnage mort, ils traverseront le chœur, iront au cloître en poussant de profonds gémissements jusqu’au lieu de la sépulture. Sur la fosse, il y aura aspersion et encens ; l'enterrement achevé, le cortége reviendra par le même chemin. Cet usage s’observe ainsi depuis long- temps. » À Angers comme à Toul, l’inhumation du défunt Allehua avait lieu au fond d’une fosse creusée dans le cloître. Chose bizarre! ce mot hébreu qui signifie : louez le Seigneur, est devenu 1° une sorte de substantif : Alleluiarium (eucologe des Grecs); 2° un verbe : Ale- luiare; 3° enfin un personnage susceptible de mourir, capable d’être enterré et certain de ressusciter. Cest là, aisait un spirituel chanoïne d'Angers, un enterrement que je n’eusse pas fait sans rire. Au xvin° siècle, on découvrit dans un missel du xne siècle à l’usage du diocèse d'Auxerre, la collecte qui ser- vait de conclusion à l’office de l’A/eluia, car ce défunt avait son office particulier ; plus tard, il eut même son hymne spéciale, qui ne manque ni de grâce ni d'élégance. La voici : HYMNUS. Alleluia dulce carmen Vox perennis gaudu. Alleluia laus suavis Et choris cœlestibus, Quam canunt Dei manentes In domo per secula. — 163 — Alleluia lœta mater, Concivis Jerusalem, Alleluia vox tuorum Civium gaudentium ; Exules nos flere cogunt Babilonis flumina. Alleluia non meremur In perenne psallere ; Alleluia nos reatus Cogit intermittere ; Tempus instat quo peracta Lugeamus crimina. Undè laudanda precamur Te, beata Trinilas, Ut tuum nobis videre Pascha det in æthere, Quo tibi læti canimus. Alleluia perpetim. Amen. TRADUCTION. Alleluia douce mélodie, Chant de l’éternelle joie, Alleluia louange suave, Partage des chœurs célestes Que chantent les tenants De la maison de Dieu dans la durée des siècles. Alleluia joyeuse mère, Concitoyenne de Jérusalem, Alleluia voix de tes Concitoyens pleins d’allégresse ; Pauvres exilés nous pleurons Car les rives du fleuve de, Babylone nous y convient. Alleluia ! nous sommes indignes De te chanter toujours ; — 164 — Alleluia ! la voix du péché Nous force à t’interrompre ; Le temps approche où nous Devons pleurer nos fautes passées. C’est pourquoi nous te prions, très-louable Et bienheureuse Trinité, Qu'il nous soit donné de voir Au jour de ta pâque, dans le ciel, Ce signe qui nous fera chanter Au sein de l’allégresse, l’éternel Alleluia. Amen. Saint Udalric nous apprend que dans l’ordre de Cluny, à la Septuagésime, on ensevelissait l’usage du gras avec l’Aleluia : in Septuagesima adeps simul cum Alleluia sepelitur. Le Carême commencait autrefois à la Septuagésime 1, et ceci nous explique pourquoi l'enterrement de l’A//eluia se faisait à cette époque. Cette cérémonie était la mise en action de cette idée. que les jours de joie finissaient, et que l’Église allait jus- qu’à Pâques convier ses fidèles à l’abstinence et au jeüne. Ces petits drames, à l’époque où les livres étaient d’une extrême rareté, avaient l'avantage de rappeler au peuple d’une façon saisissante, ses devoirs et ses obligations à certains temps de l’année. Ti ne faut pas s’empresser de condamner des usages qui présentement nous feraient rire, je l’avoue, mais qui, lorsqu’on les connaît bier, ont eu leur raison d’être. On comprend donc parfaitement que certaines églises parti- culières aient institué primitivement ces sortes de repré- sentations, et que plus tard elles aient voulu les abolir. 1 Dict. de Trevoux, an mot : Septnagésime. — 165 — Du reste, 1l faut reconnaître que Rome ne s’est généra- lement jamais montrée favorable à ces usages ; déposi- taire des vérités éternelles, elle n’aimait pas qu’on les rapetissät au rôle de comparses, en les personnifiant. Mais son action bienfaisante était en ce temps-là même, souvent méconnue. V. CHIENS. Au tome Il, Église d'Angers, fabrique, folio 32, in- ventaire de 1539, on lit : unum magnum breviarium completum in duobus voluminibus dilaceratum à cani- bus, etc. Traduction : « Un grand bréviaire en deux volumes, déchiré par des chiens, etc. » Au folio 296, tome IL il est question des chiens du secrétain (sacristain). On peut induire de ces textes que des chiens pouvaient être chargés de faire le guet dans la cathédrale. Dans une de nos notes nous avons constaté, notam- ment au xvi° siècle, l’existence de lits au fond de l’aile sud, probablement destinés aux surveillants. Du rapprochement de tout cela, il paraît résulter que la garde de notre cathédrale était confiée, au xvi° siècle, à la double surveillance de chiens et de gardiens spéciaux. Îl n’y a pas lieu de s’en étonner, eu égard à la richesse du trésor de cette église à cette époque. Une coutume absolument semblable existait, de nos jours, à la cathédrale du Mans. Vers 1826, cette église fut confiée à la garde d’un gros chien, mais on ne tarda pas à renoncer à ce désagréable moyen de surveillance, — 166 — II. MONUMENX FUNÈBRE DE GABRIEL CONSTANTIN, DOYEN DE L'ÉGLISE D'ANGERS ET DU PARLEMENT DE BRETAGNE. Derrière la boiserie du chœur, contre la muraille septentrionale, prés le transsept, existe encore une table de marbre, sur laquelle est gravée l'inscription sui- vante, que M. de Farcy a pris le soin d’estamper à notre demande : MAGNO MAIOR r GABRIEL Fe LEE CONSTANTINUS VIRTUS ÆTERNÆ MEMORIÆ CLARISSIMI VIRI D . D . GABRIELIS CONSTANTIN HVIVS INSIGNIS ECCLESIÆ ANDEGAVENSIS ET AREMORICI SENATVS DECANI LEGE VIATOR ET MIRARE VENERANDA OCTOGENARIVM PROPE SENEM FACIE, OMNIB ANIMI CORPORISQ DOTIB ILLVSTREM VNVM QUOD SCIAM POST MAGNVM CONSTANTINVM RELIGIONE PIETATE MORVM GRAVITATE SAPIENTIA, BENEFICENTIA MAGE INCLYTVM HOC MAGNO SVPERIOREM QVOD CLERO ET POPVLO PLVRES ANNOS PROFVIT HVIVS QVIPPE INSIGNIS ECCLESLÆ VT ET AREMORICI SENATVS DECANVM MERITISSIMVM ET CLERVS ANDEGAVENSIS ET POPVLVS AREMORICYS SVMMO SEMPER ET AMORE ET HO- NORE COMPLEXVS EST VTRIVSQVE IN ORE ÆTERNVM VICTVR\* NON TAM IGITVR MORTVVM QUERERE (QVAM BEATE VIVEN- MIO — TEM ASSERE ANNIS MERITISQV PLENVM ET QVO DIGNVS NON ERAT MVNDVS CÆLVM SIBI IVRE VINDICASSE DE BENE PARTIS PAVPERES IVVIT INSIGNEM HANC ECCLE- SIAM PARI SYNPHONIACORVM PVERORVM AVXIT PIIS FV- NDATIONIBVS AMPLIAVIT DENIQVE QVI SIBI OMNES CONCI LIAVIT OMNIBVS INGENS SVI DESIDERIVM RELIQVIT DEVIXIT ANNO SALVTIS 1661 ÆTATIS 78 DIE 19 rvLII PONEBAT CLARISSIMO PARENTI FILIA AMANTIS- SIMA ET OBSEOQOVENTISSIMA AMORIS PIETATIS QVE MONIMENTVM Plounier fecit. Plusieurs choses sont à remarquer dans cette ins- cription : 1° La crosse et le bonnet, deux insignes que les doyens pouvaient porter, mais seulement dans leurs armoiries. 2 Deux monogrammes, l’un du prénom Gabriel, l’autre du nom Constantinus. 3° Le nom de l'artiste qui s’appelait Plounier. Cette plaque a été connue de Gaignières qui la fait reproduire au xvII‘ siècle; aussi la trouve-t-on dans l’un de ses portefeuilles que possède la bibliothèque Bodléienne d'Oxford, et parmi les calques faits par M. Frappaz, aujourd’hui déposés à la Bibliothèque impériale, département des estampes !. Cette plaque y est environnée d’un édicule, surmonté d’une croix posée sur un globe. Au dessous paraît le portrait de Gabriel, profil à droite, le visage orné de 1 Collect. Gaign., tome VIII, Églises de France. — 168 — moustaches et d’une barbe en pointe. Une calotte couvre sa tête et une aube ses épaules. Plus bas est l’inscription portant à son sommet la crosse en dedans et le bonnet de doyen. Une tête de mort ailée la termine. Au dessous sont les armoiries du défunt, mal définies, où l’on distingue entre deux branches servant de supports, une couronne de comte surmontée des mêmes insignes, de la crosse et du bon- net. Aux flancs de la plaque se dressent deux pilastres d'ordre plus ou moins ionique, voilés à demi de ten- tures noires semées de larmes. Deux anges éplorés, l’un à droite, l’autre à gauche, et placés au bas des pilastres, complètent l’ornement de cet édicule. Ce côté extérieur décrit, il nous reste à donner la traduction des lignes qui composent l'inscription. À cet effet, j’ai cru devoir la soumettre à l’un de nos collègues les plus compétents en cette matière comme en beaucoup d’autres, à M. Sorin, inspecteur honoraire d'académie. La voici telle qu’elle a été agréée de com- mun accord. GRAND NOM, GABRIEL VERTU CONSTANTIN. PLUS GRANDE. A l’élernelle mémoire de trés-illustre personnage Monseigneur Gabriel Constantin, de cette insigne église d'Angers et du parlement de Bretagne doyen. — 169 — Lis, voyageur, et admire ce vieillard presque octogénaire , aux traits vénéra- bles, doué de toutes les qualités de l’âme et du corps, plus illustre qu’aucun autre que je sache après le grand Constantin par la religion, la piété, la gravité des mœurs, la sagesse, la bienfaisance, supérieur même à ce grand homme en ce qu'il fut pendant un plus grand nombre d’années ‘ le protecteur du clergé et du peuple. Aussi l’éminent doyen de cette insigne église et du parlement de Bretagne a été pour le clergé ange- vin et pour le peuple breton, un constant et suprême objet d’amour et de respect, et dans les hommages de l’un comme de l’autre il vivra éternellement. Ne déplore donc pas sa mort, affirme plutôt qu’il jouit d’une heureuse vie, cet homme plein d'années et de mérites, dont le monde n’était pas digne et que le ciel a justement revendiqué. De ses ricliesses bien acquises il soulagea les pauvres, il créa pour cette insigne église deux emplois d’enfant de chœur *, il la dota de pieuses fondations, enfin * Le grand Constantin vécut 63 ans, et le personnage en question T8. Voilà pourquoi nous pensons qu’on peut conserver à plures le sens littéral du comparatif au lieu de lui donner celui de plurimos. ? Peut-être serait-il possible de traduire pari symphoniacorum pue- rorum, par un pareil nombre où un nombre double d'enfants de chœur. Mais pour admettre ce sens, nous croyons qu’il faudrait dans la phrase latine le mot numero, dont l’ellipse ne nous paraît pas admis- sible. Nous sommes donc d’avis de regarder pari non comme adjec- tif, mais comme substantif, qui signifie : wne paire, une couple. Alors au lieu de : 5! doubla le nombre des enfants de chœur, nous disons : il créa pour cette insigne éghse deux emplois d'enfants de chœur. A la vérité, cela ne constitue pas un grand bienfait ; mais ce sens est — 170 — après s'être concilié l'amour de tous, il a laissé à tous un immense regret de sa perte. Il cessa de vivre l’année du salut 1661, de son âge la 78°, le 19° jour de juillet. À un trés-illustre père, sa fille pleine de tendresse et de respect a élevé ce monument de piété filiale. Plounier l'a fait. Quoi qu’il en soit de cette emphatique inscription, il reste vrai que Gabriel fut un des bienfaiteurs de l’église d'Angers. Nous en trouvons une nouvelle preuve dans extrait que nous allons faire d’une pièce cotée folio 919, t. 2 (Fabrique, manuscrits Joubert). Nous y voyons en effet que par acte du 24 juillet 1657 « Mes- sire Gabriel Constantin, seigneur de la Fraudière, prestre doyen de l’église d'Angers, conseiller du roy en ses conseils d’Estat et privé et doyen en son parlement de Bretagne, demeurant en la cité de ceste ville, paroisse sainct Aignan, » fit don à la Fabrique d’une chapelle « composée d’une croix, crucifix, deux chandeliers, un benistier, aspercouer, clochette, bassin à laver, boueste avecq son couvercle à mettre le pain, un calisse avec sa platine (patène) et deux choppineaux, le tout d’ar- gent vermeil doré cizelé pezant ensemble 26 marcs en rapport avec l’emphase du reste de l’épitaphe. Un auteur capable de mettre sur la même ligne le grand Constantin et le doyen du chapitre d'Angers, de placer même ce dernier au dessus de l’illustre empereur, était bien capable aussi de voir un important bienfait dans l'institution de deux enfants de chœur. La traduction que nous pro- posons a d’ailleurs l'avantage de ne pas forcer le sens de la phrase latine qu’elle reproduit exactement. — 171 — 9 onces 4 gros. » Cette donation fut faite à la condition de certaines prières qui devaient être dites du vivant du donateur et après son décès. L'acte stipule en outre que le doyen pourra faire mettre si bon lui semble sur la dite argenterie ses armes, dont la principale pièce, fort mal blasonnée d’ailleurs dans le dessin de Gaignières, paraît avoir été comme une sorte de rocher. Gabriel Constantin appartenait à une ancienne famille trés-distinguée par ses alliances et ses propriétés. Un membre de cette maison posséda le château de La Lory, près de Segré !. 1 Voir Vita petri Ærodi, page 291). -— 172 — IV. NOTE SUR JEHAN DE BORDINIER OU BOURDIGNÉ. Cet historien de l’Anjou, chanoine prébendé de l’é- glise d'Angers, comparaît comme témoin dans un inven- taire des reliques, vases sacrés, etc., etc., du 4er mai 1539 (manusc. Joubert, tome Il, fol. 5), et dans un projet de règlement pour le son des cloches et service à la mort des chapelains, sans date, tome IV, fol. 314. Il remplit les fonctions de secrétaire dans une affaire où ses collègues ecclésiastiques protestaient contre l’u- surpation de certains priviléges. Au catalogue des manuscrits de la bibliothèque d'Angers, dressé par M. Albert Lemarchand, on voit numéro 631, que Jehan de Bourdigné, auteur de l’His- loire agrégative des annales et chroniques d'Anjou, rédigea de sa main un grand nombre de procès-verbaux attes- tant certains miracles qui se seraient effectués sur le tombeau de l’évêque Jean Michel. Ces procès-verbaux sont consignés dans un manuscrit de la bibliothèque d'Angers commencé en 1497. Bourdigné y rédigea de l'an 1532 à 1535. Ce manuscrit fut découvert en jan- vier 1844, et acquis vers cette époque par la ville. Au même catalogue, numéro 133, verso, on lit cette note: « Anno Domini M. D. xLvI, antè Pasqua, obüt — 173 — « dominus Johannes de Bourdigne in legibus doctor et « canonicus hujus ecclesie Andegavensis. Cujus anima « requiescat cum bonis! Amen. » ë Traduction. — L'an du Seigneur 1546, avant Pâques, mourut messire Jean de Bourdigné, docteur es-loix et chanoine de cette église d'Angers. Que son âme repose avec les bons! Aïnsi soit-il. Son histoire agrégative fut imprimée l’an 1599, à Paris, par Anthoine Couteau, pour Charles de Boingne ou de Boigne ct Clément Alexandre, marchands libraires à Angers. L'auteur dédia son œuvre à Louise de Savoie, mére de François I®. Les Chroniques de Bourdigné, trois cent treize ans plus tard, eurent l'avantage d’une nouvelle édition imprimée dans l’année 1849, par MM. Cosnier et Lachése, imprimeurs à Angers. M. le comte Théodore de Quatrebarbes en fit les frais et mit à la tête un avant-propos de 68 pages où le style et la critique sont excellemment représentés. J’eus lhonneur d’être chargé de faire les notes. M. de Quatrebarbes, au commencement de l'édition, a fait placer le portrait de Bourdigné, et au-dessous sa signature qu’il écrivait ainsi, de Bordigné. Quelques auteurs le disent frère de Charles de Bordigné, auteur de la légende de maitre Pierre Faifeu. Mais cette filia- ton est douteuse (Avant-propos, page Lx). La Croix du Maine, page 209, nous apprend que notre historien était issu « de la maison de Bordigné, « au Maine, à cinq lieues du Mans, en la paroisse de « Bernay. » — 174 — Son père, Roland de Bourdigné, fit en 1519 la cam- pagne d'Italie à l’armée de Gaston de Foix (avant- propos, page LXXV). IL existe encore dans le Maine une famille de ce nom représentée notamment par le baron de Bourdigné, qui s’empressa de communiquer à M. de Quatrebarbes divers documents dont ce dernier a fait un heureux usage. V. GODARD-FAULTRIER. CERCUBILS EN PIERRE TROUVÉS PRÈS DE L’EX-ÉGLISE SAINT-MARTIN D’ANGERS. Vers le milieu de juin 1866, M. le Maire voulut bien nous informer que par suite de travaux de construction entrepris dans la cour de la maison de M. Bougère, notaire à Angers, rue Haute Saint-Martin, l’on venait de découvrir trois cercueils de pierre enfouis sous environ À m. 66 cent. de terre rapportée. Il nous priait en même temps de lui faire savoir si réellement ces anciennes sépultures valaient la peine, au point de vue archéologique, d’être enlevées et dépo- sées au Musée d’antiquités. Après donc nous être transporté le 17 juin sur les lieux, nous pümes constater que ces tombeaux étaient de la classe de ceux appelés non apparents, qu’ils étaient orientés les pieds vers l’est; qu'ils n’affectaient point la forme parallélipipède, étant plus larges du côté de la tête que du côté des pieds ; qu’ils avaient été creusés dans une pierre plus ou moins coquillière en manière d’auges ; que cette pierre très-poreuse ne se trouvait — 176 — point autour d'Angers; qu’elle devait provenir des bancs fossiles de Doué-la-Fontaine, où se faisait au moyen âge un commerce très-actif de cercueils de cette nature; que les couvercles également en pierre et cha- cun d’une seule pièce, avaient une surface plane ; que ces tombeaux avaient fait partie d’un ancien cimetière qui environnait autrefois, vers sud et vers l’ouest, l’é- glise d’origine carlovingienne de Saint-Martin; que l’un d’eux reposait sur une construction faite exprès et com- posée de moëllons où n’entrait pas d’ardoises, genre de construction qui cessa à Angers vers le milieu du xI° siècle; que ces sépultures entièrement semblables, ne pouvant être plus anciennes que la fondation de l'Église , devaient par conséquent trouver leur date entre le 1xe siècle et le milieu du x; qu’elles n'avaient rien de particulièrement remarquable; bref qu’elles ne valaient pas les frais d’extraction et de iransport de- vant monter à plus de 50 francs, le Musée Toussaint en possédant d’ailleurs de pareilles. Notre examen terminé, nous nous rendimes au domi- cile de M. Montrieux, auquel nous fimes de vive voix notre rapport et qui admit nos conclusions. Toutefois M. le Maire nous pria de rédiger la note qui précède afin que le souvenir de cette découverte fût du moins conservé dans les Mémoires de notre Société. V. GODARD-FAULTRIER. (Extrait des Mémoires de la Société impériale d’agriculture, sciences et arts d'Angers, t. IX.) ARE TELE ENS COR Û Angers, imp. P. Lachèse, Belleuvre et Dolbeau. rs D - LOC QN ERSE EP "2 PL ST 2e PP PR OT EEE PP OS RS SR ER ER ER OR ET MÉMOIRES DE LA NOCIÈTÉ IMPÉRIALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS D'ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) NOUVELLE PÉRIODE — TOME NEUVIÈME. — DEUXIÈME PARTIE ANGERS IMPRIMERIE P. LACHÈSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU | Chaussée Saint-Pierre, 13 1866 | SOMMAIRE. Rapport sur une étude historique et archéologique de M. Goparp- FAULTRIER, qui a obtenu le prix voté par le Conseil Général de Maine et Loire et décerné par la Société d'Agriculture en 1866. — M. J. Soin. Notice sur le Murus Gaulois de Cinais (Indre et Loire), vulgairement appelé Camp des Romains. — M. le commandant PREVOSsT. Westminster et Fonteyrault. — M. Victor PAVIE. Note sur Chanzé et la Rive, maisons de plaisance du roi René. — M. Louis RAIMBAULT. Etude sur les inondations de 1866, à propos de la rupture de la digue insubmersible de Gohier. — M. Ferdinand LACHÈSE. Translation d’Angevins et de Tourangeaux à Arras, sous Louis XI. — M. Paul LACHÈSE. Note sur le tombeau de la nourrice Thiephaine. — M. V. GopARD- FAULTRIER, I richesses du château de Richelieu. — M. Paul RarouIs. RAPPORT SUR UNE ÉTUDE HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DE M. GODARD-FAULTRIER Qui a obtenu la médaille votée par le Conseil général et décernée par la Société impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers, dans sa séance du 6 décembre 1866, PRÉSIDÉE PAR M. PORIQUET Préfet de Maine et Loire. Monsieur le Préfet, Messieurs, Il y à quatre ans, notre compagnie, grâce à son an- ciennelé et à son titre de Société impériale, fut appelée la prernière à jouir seule du généreux, et désormais . périodique, subside antérieurement partagé chaque année entre quatre sociétés. Nous eùmes alors la bonne fortune de répondre à la bienveillance du Conseil gé- néral en lui offrant un de ces travaux qui honorent à SOC. D’AG. : 12 — 178 — la fois leur auteur, le corps studieux qui les provoque et le pouvoir public qui les récompense. Un des magis- trats du ressort d'Angers qui conservent le mieux les laborieuses traditions des anciennes corporations judi- ciaires, M. d’Espinay, nous avait adressé sa belle Étude historique sur la législation féodale en Anjou, d’après les cartulaires angevins. Cétait, suivant l’appréciation du rapporteur, éminemment compétent !, chargé d’analy- ser ce travail, « une œuvre hors ligne, dépassant la proportion ordinaire d’un mémoire académique, une œuvre dont la vaste étendue et l’abondante érudition ré -. vélaient un auteur familier avec les recherches histo- riques et avec les sources originales du droit dans notre province. » Ajoutons qu’à ces qualités de bénédictin le docte magistrat joignait le talent et le goût d’un habile écrivain. [Il était donc sous tous les rapports parfaite- ment digne de la médaille du Conseil général. En la lui décernant nous ne faisions au reste qu’accompagner de notre modeste suffrage ses succès à l’Institut. Aujourd’hui, Monsieur le Préfet, nous venons sous vos auspices reproduire la même distinction pour un de nos collègues, couronné déjà ici une première fois, et honoré, lui aussi, de plusieurs récompenses dans les hautes régions du savoir. Le fondateur et conservateur du Musée archéologique d'Angers est un de ces hommes laborieux avec lumières et avec fruit, qu'une société d'étude est heureuse de compter parmi ses membres, et dont elle s’enorgueillit de pouvoir considérer comme siens les travaux et leurs 1 M. l'avocat Fairé. — 179 — résultats. Aussi, Messieurs, éprouverons-nous une sorte de satisfaction de famille en vous entretenant des nou- velles découvertes que notre collègue a faites dans les Archives de l’Empire et à la Bibliothèque impériale ‘. Nous remplirons cette tâche avec d'autant plus de plai- sir qué ses recherches cette fois se sont portées sur un sujet dont l'intérêt pour les Angevins est toujours nou- veau. Il s’agit du bon roi René, comme on l’appelait jadis et comme on l’appelle encore, de ce prince qui partage dans notre pays le privilége trop exclusivement attribué à un autre excellent souverain par ce vers fa- mEeux : Le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire, Le récent travail de M. Godard-Faultrier se compose de deux parties, bien distinctes par les idées qu’elles -éveillent, mais logiquement enchaînées par le souvenir de René. L’une nous introduit dans l'intimité de sa vie; l’autre nous le fait, pour ainsi dire, suivre jusque dans la mort. La première se rapporte à quatre inventaires inédits, provenant des Archives de l'Empire et contenant l’énu- mération des meubles et objets divers qui garnissaient, au temps du roi René, quatre de ses demeures, savoir : le château d'Angers et les manoirs de Chanzé, de la Menitré et de Reculée. 1 M. Godard s’est fait un devoir et un plaisir d'indiquer qu'il a été aidé dans ses recherches par M. Vallet de Viriville, professeur à l'École des Chartes, et par M. Dauban, directeur-adjoint du cabinet des estampes et frère du conservateur du musée angevin de peinture et de sculpture. — 180 — La seconde partie contient l’historique et la descrip- tion de plusieurs anciens dessins, inédits jusqu’à ce jour, et que M. Godard vient de faire fidèlement repro- duire pour les publier. Ces curieuses images repré- séntent : le tombeau du roi René; celui de Jeanne de Laval, sa seconde femme, ou peut-être de Marie de Bretagne, sa grand’mèére; celui de la bonne Thiéphaine, nourrice de René et de sa sœur, Marie d'Anjou, reme de France; puis un plan, restauré avec légende expli- cative, de la cathédrale d'Angers, telle qu’elle était en- viron deux siècles après que le corps de René y fut déposé et à deux siècles de distance également de l’é- poque actuelle; enfin une vue de la façade de cette église au commencement du xrve siècle ‘. Je vais, Messieurs, en parcourant l’une et l’autre parties, essayer de vous en indiquer les principaux dé- tails. Des quatre habitations dont les inventaires décrivent l’'ameublement avec une telle fidélité qu’on croit revoir, sans altération produite par le long cours des ans, l'intérieur complet de ces royaux édifices, deux sur- tout étaient pour René des séjours de prédilection. Il était né au château d'Angers, il y retrouvait ces souve- nirs du premier âge dont le charme augmente à me- . sure qu’on avance dans la vie. Au manoir de Reculée, il goûtait plus que partout ailleurs les douceurs d’un commerce d'affection avec les humbles sujets dont sa 1 La gravure copiée par M. de Farcy porte la date 1699; mais évidemment elle représente l’édifice à une époque bien antérieure, puisqu'elle reproduit le narthex construit sous l’épiscopat de Foulques de Mathefelon en 1336. tr bienveillante familiarité lui conciliait l'amour sans le priver de leur respect. « Là, dit M. Godard, il se plaisait à tendre le filet aux petits poissons... Aussi les pêcheurs, ses bons amis, l’avaient-ils appelé le Roë des gardons. Roi des gardons! (continue notre collègue) vraiment ce sobriquet lui convenait, non qu’il ne füt pas capable de très-grandes choses, car en mainte oeca- sion il montra de l’héroïsme et un vrai talent d’admi- nistrateur; mais il se préoccupait par-dessus tout du sort des humbles, des souffrants et des petits, moins pour les charger d'impôts que pour les gouverner en père. Et cet amour qu’il leur portait, ils le rendent à sa mémoire après tantôt quatre siècles; carles pêcheurs de Reculée n’ont pas encore oublié leur bon roi des gardons. » \ M. Godard n’a étudié spécialement que l’inventaire du château d'Angers, laissant avec trop de modestie à ses lecteurs le soin de tirer des trois autres les induc- tions qu’il était plus que personne capable d’en faire sortir. Ce sont en effet de véritables documents historiques, ces procès-verbaux de récolement de mobiliers, comme nous dirions maintenant. Plus ils sont secs, froids et même ingénus, plus ils sont expressifs. C’est, si l’on veut, par certains côtés, l’envers de l’histoire; mais cet envers, notre époque s’est mise à l’observer, à l’inter- roger sérieusement, et elle n’a pas lieu de s’en repen- tir. Elle lui doit d'importantes révélations sur les hommes et sur les choses. Les choses ont été généra- lement mieux appréciées. Parmi les hommes, quelques- uns y ont perdu; tant pis pour leur mémoire! tant — 182 — mieux pour la vérité! En fait d'histoire, même à l’é- gard des plus renommés personnages, il faut adopter le principe: Amicus Plalo, magis amica veritas. Point de dénigrement systématique et passionné, mais aussi point d’engouement traditionnel et non justifié. « I n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre, dit M. Godard... Mais ce ne serait pas le roi René qui perdrait au déshabillé. Toujours semblable à lui-même, dans sa vie publique comme dans sa vie privée, il n’a pas deux faces, et de quelque manière qu’on l’envi- sage, il restera constamment le modèle des princes, d’une popularité sans reproche parce qu’elle était sans recherche. » Recueillons donc avec M. Godard dans un des inven- taires, et, même privés de son secours, dans les trois autres, quelques-uns de ces faits qui, en peignant la vie intime d’un personnage célèbre, font voir aussi ce qu’étaient les arts, l’industrie et la civilisation à l’époque où il a vécu. : En lisant ces quatre pièces, on est frappé d’abord de l'exactitude, rigoureuse jusqu’à la naïveté, avec laquelle elles ont été rédigées. Permettez-moti,. Messieurs, de vous en citer quelques exemples. Si leur ingénuité vous fait sourire, elle vous prouvera du moins quelle con- fiance méritent de si consciencieux documents. Divers objets y sont inscrits avec la note : que riens ne vault ou guères ne valent. On y trouve : « Une eschelle de charpenterie qui ne sert de riens. » Ung meschant couteau tout rouillé à manche d’y- voire. — 183 — » Une escriptoire plate à la faczon de Turquie, men- gée de ratz. » Ailleurs : « Troys coffres de boys fermans à clef, et ne sçait-on qu'il y a dedans, pource que on na pas les clefs. » Puis encore : « Une petite boueste en faczon de boueste d’apothi- caire painte à feuillage en faczon de drap d’or en laquelle a dedens ne sçay quelle petite chose torteisse que ne savons nommer. » Item une autre chose de corne en faczon de gobel- let et y a un siblet au bout. » Les quatre inventaires qui, comme -on le voit, té— moignent de la plus scrupuleuse attention à ne rien omettre, furent rédigés par ordre de René dans les années 1471, 73 et 78, les trois premiers par Guillaume Rayneau, secrelaire du roy de Sialle et clerc de ses comptes, à Angiers, le dernier par Jehan Muret, con- seiller du roy de Sicille, etc. et Jehan Lepeletier, huis- sier. Au dos de celui du château d'Angers est écrit : « Inventaire des meubles et utensilles estans au chas- tel d'Angers et appartenans au Roy, fait par Messire Guillaume Rayneau, par son commandement, après son partement du pays d'Anjou pour aller en Prouvence, Van mil II LXXHI. » « Ce mot de partement, dit M. Godard, a quelque chose de pénible, rapproché de la date de 1473; en effet ce fut à cette époque que René quitta notre pays sans espoir de retour, pour aller mourir dans sa ville d'Aix, le 10 juillet 1480, âgé de 72 ans. » La Provence du moins, Messieurs, était pour lui un — 184 — autre Anjou. Dans cet asile de sa royauté déchue, il put conserver jusqu’à la fin les habitudes de sa vie ange- vine, simple, mais d’une simplicité élégante et de bon goût, telle que devait être celle d’un prince homme de guerre au besoin, mais surtout homme de paix et d’af- fections douces, homme d’étude, de talents variés et de ogracieuse imagination. Tel apparaît René, en quelque sorte photographié, si longtemps avant la photographie, dans la sincérité de nos naïfs inventaires. Les ustensiles de guerre n’en sont pas absents; mais ceux dont il est spécialement fait mention semblent, d’après leur forme, leur origine et leur ornementation, avoir été surtout des objets de parade et de curiosité comme ceux dont on compose aujourd’hui des trophées dans les cabinets d'amateurs. Ce sont, par exemple : « Quatre targettes (c’est-à-dire de petits boucliers) de cuir bouilli à la faczon de Tunis. » Ung escu de boys, paint de blanc et roge. » Six arcs {urquois. » Sept vieux carquois de Turquie, un couteau en facon de masse, à pommeau et poignée de fer, deux autres carquois de drap pers, rouge et vert, toujours à la mode de Turquie. » On sait que le vieux mot pers désigne une couleur intermédiaire. entre le vert et le bleu. C’est, si je ne me trompe, le vert de mer, couleur tellement noble que comme dit La Fontaine, On en faisait jadis le partage des dieux. C’est la couleur que le vieil Homère attribuait aux yeux de Minerve, glaucôpis Athôné. — 185 — « Ung crenequin, garni de criq, et ung carquois, garni de viretons. » Une herbalaistre (arbalète) d'acier de Cathelongne (Catalogne), garnie de criq, une autre petite herbalaistre de Uathelongne, garnie de petites tilloles. » Ung cric d’Alemaigne en ung estuy de cuir noir. » Une paere d’estrées (étriers) noirs, à la faczon de morisque, une autre paere d’estrées blancs à la genète, deux paeres de petits esperons, les uns blancs et les autres noirs, une paere de vieux estriés de léton à l’en- tienné faczon. » Une bride de cheval, égayée de deux boulons aux armes du roi, ayant pour supports deux sauvages. » Remarquons en passant le joli mot égayée (pour ornée), mot que René était bien capable d’avoir lui-même intro- duit dans l'inventaire. Enfin, et ce n’est pas l’objet le moins curieux, « ung boys de lance creux où il y a dedans un rollet de par- chemin auquel est dedans la pourtraicture de la royne . de Sicille. » « Cette reine, dit M. Godard, devait être la seconde femme de René, Jeanne de Laval, qu’il avait épousée en 4455 et laquelle vivait à l’époque où se faisait notre inventaire: Ce portrait de ses plus chères affections, caché dans le bois d’une lance, était assurément tout-à- fait dans le goût du roi de Sicile. » Pour lui, la lance dut être un emblème de valeur _et le rollet un emblème de tendresse. Get objet à ses yeux signifiait, sans aucun doute, amour et bra- voure. » | Ajoutons, Messieurs, que, de nos jours, une reine aussi — 186 — aurait pu faire graver cette lance comme vignette de la romance au refrain devenu national : Amour à la plus belle, Honneur au plus vaillant! Ïl ne serait pas aussi facile d’attacher une idée nette à certains objets faisant partie des mobiliers de René. Qu’était-ce, par exemple, qu’une « petite chose de fer faicte en faczon de gresillon suspendu à ung cordon de soye? » Cela ressemblerait assez à un cordon de son- nette dont le bouton aurait eu la forme de l’insecte appelé grillon ou gresillon; mais il est plus que douteux que les appartements du roi René fussent munis de sonnettes comme le sont maintenant ceux du moindre bourgeois. En effet, longtemps encore après René, les grandes dames portaient des petits sifflets d’ivoire et d’or, suspendus à leur ceinture, pour se faire entendre de leurs gens. Le genre de service qu’elles demandaient à leurs sif- flets, René le demandait peut-être aussi à un objet bizarre dont nous avons vu ci-dessus la description; outre que cette chose de corne en faczon de gobellet et y a un siblet au bout pouvait bien, quand le roi chassait, lui être utile tour à tour pour se désaliérer et pour rappeler ses chiens. Ce n’était pas seulement-à la chasse que les chiens de René le suivaient. D’après l’usage d’alors, il les ad-- mettait dans ses appartements. L'entrée d’aucune pièce de ses habitations ne leur était interdite. On se bornait à quelques précautions pour empêcher ces favoris trop peu réservés d’abuser d’une si large tolérance. Ainsi, — 187 — dans la; description d’un charlit de parement (lit de pa- rade) qui ornait une des plus belles entre les cinquante- cinq chambres du château d'Angers, nous lisons : « Ung grant treillis de boys pour garder que les chiens ne se couchent dessus. » Et ailleurs, dans une galerie, qui probablement servait de garde-meubles : « Ung treillis fait de lattes cousues ensemble pour mectre sur les litz pour les deffendre des chiens. » On peut bien croire que tous les objets à l'usage d’a- nimaux si chéris étaient dignes d’eux. Aussi trouvons- nous : | « Deux lesses de poil blanc, rouge, pers et vert; » Item une autre lesse de poil rouge et pers; »«Ïtem un collier de levrier de satin violet escript dessus en alman en lettre de fil d’or. » Quand on traite si bien les chiens, il est probable qu'on aime aussi les oiseaux, et certain que, si on les aime, on aura pour eux de délicates attentions. La glu et les cages figurent dans le mobilier royal; il faut bien y avoir recours pour se procurer certains oiseaux et pour les conserver. Mais un oiseleur compatissant tem- pére du moins autant que possible ces inévitables ri- gueurs. Deux fois les inventaires parlent d’échelles sur lesquelles il fallait monter pour panser les oiseaux. Il eût été plus simple de faire descendre et remonter les cages à l’aide d’un cordon; mais apparemment la sol- licitude du bon roi pour la tranquillité de ses petits pensionnaires allait jusqu’à ne pas vouloir qu’on les effrayât en agitant leur mobile prison. Quant à ceux qu'on pouvait sans inconvénient laisser jouir d’une liberté au moins relative, tels que des paons, des faisans, des perdrix, le roi aimait à les voir prendre | ‘ — 188 — leurs ébats dans ses jardins. Ils offraient à ses pinceaux des modèles vivants. M. Godard rappelle que René pei- gnait une bartavelle quand on lui annonça l’usurpation de l’Anjou par Louis XI. Deux autres espèces d'oiseaux (les inventaires en font foi) plaisaient encore à René. C’étaient les tourterelles, sans doute à cause de leurs doux penchants, et les per- roquets, probablement pour l’éclat-de leurs vives cou- leurs. Suivant M. Godard, ce double goût du roi ne lui était pas exclusivement personnel. « Les tourterelles, dit-il, appelées en ce temps-là tures, et les perro- quets, nommés, papegaults, étaient particulièrement les heureux favoris des grandes dames. » Puis il ajoute : « Je ne mets aucune intention, je vous prie de le croire, à grouper ici ces oiseaux de lamour et du babil. Si vous y trouvez malice, c’est à l'inventaire qu’il faut s’en prendre. » Pour moi, Messieurs, j’en demande pardon à M. Golard, ici je trouve qu’il ressemble un peu à ces commentateurs qui font honneur de leurs propres idées aux poêtes de l’antiquité; mais il y a une différence capitale, toute à l’avantage de notre collègue. Les mala- droits annotateurs de l’Iliade ou de l’Énéide appau- vrissent ces chefs-d’œuvre en voulant les enrichir. M. Godard, au contraire, enrichit véritablement l’œuvre aride de Messire Guillaume Rayneau. Pour trouver de lesprit dans un travail de commissaire-priseur, il faut bien lui en faire l’aumône. f -Demanderons-nous maintenant aux inventaires un aperçu de l’ameublement proprement dit des maisons royales au xv° siécle? C’est là surtout que nous trou- verons une simplicité qui n’exclut ni l'élégance, ni même la richesse et la grandeur. — 189 — Le bois s'y montre abondamment et sous toutes les formes. Pour siéges des escabeaux, des bancs et des chaises de bois (appelées cherres ou chaieres), quelques- uns de ces siéges revêtus de tapisseries et trois ainsi désignés : « Ung buffet à escripre, en faczon d’escabeau. » Item un petit buffet en forme d’escabeau sur lequel escript Berthélemy. » Item une cherre à coffre et à ciel sur laquelle’se siet Berthélemy pour besongner. » Ce Berthélemy devait faire bien des envieux. C'était probablement un secrétaire intime qui avait Phonneur de besongner sous la dictée du roi. Les larges lits, à ciel de menuserie, aux «flancs peints et sculptés de façon à former des ornements imitant de petites fenêtres, » sont élevés sur des estrades comme des trônes. On y monte au moyen de gradins, qui sou- vent sont des coffres servant d’armoires. Quelquefois le dossier est formé d’une armoire « pour mectre, dit le texte, le harnois du roi. » D'autres armoires, d’autres coffres, dont plusieurs servent de siéges, des tables de . divers genres, des tréteaux, des pupitres peints ou or- nés de velours vert, des torchiers (torchères) en bois varient l’'aménagement.et la décoration des chambres. Outre les torchères, elles sont éclairées avec des chan- deliers à deux, trois, quatre et même six bobèches, les uns en laiton, en cuivre ou en fer-blanc, d’autres en verre, mais un grand nombre aussi en bois. Sur les tables et sur les dressouères (dressoirs), à côté de la faïence et de la verrerie, le bois encore se prête à tous les usages : pots et plats peints, écuelles et salières, go- — 190 — bellets et coupes, bouteilles et flacons, le bois est propre à tout. Îlest vrai qu’on le façonne et le pare pour lui donner plus de grâce et de valeur. Un « draiouer (dra- geoir) est ouvré sur le bort de bestes et de fleurs; un bâton à main est couvert de plumes de paon; un benoistier (bénitier) est ouvré à ymaiges et en devant a une ymaige de Nostre-Dame de Pitié; une coppe (coupe), appelée aussi esquère (aiguière), est ouvrée à fleurs et a le pié percé à jour, et a un couvercle pareillement ouvré, sur lequel a au maillieu une jeune fille qui tient une palenostre (un chapelet). » Quelques-uns de ces ob- jets sont en racine de couldre (coudrier), de bouys (buis) et d’autres bois. | Comme le bois, l’ivoire est élégamment approprié à des usages variés. Il fournit de beaux échecs ; « quatre bastons fais à petites casses, et semble que ce soit une quenolle (quenouille) par pièces; » puis, pour couteaux et autres ustensiles, des manches sculptés en forme de personnages ou d'animaux, et ornés de la double croix de Jherusalem avec la lettre R, initiale du nom de René ; une paix de chapelle, représentant l’Annonciation ; enfin, deux objets plus remarquables que tous TS autres par leurs dimensions. Ce sont : € Ung grant tablez bien marqueté, ouvré à bestes et feuillage ; » Ung coffre vieil tout fait à personnaiges disvoire. » Par ces mots ung grand tablez je pense qu’il faut en- tendre un panneau sculpté et destiné à la décoration d'un appartement d'honneur. Quant au coffre, c’était évidemment un de ces meubles à riches sculptures comme il y en a quelques-uns à Paris au musée de — 191 — Cluny. Si le coffre et le tablez existaient encore, ils mé- riteraient d’y figurer parmi les plus curieux spécimens de l’art de tailler l’ivoire. Connaisseur en toute espèce de choses propres à flat- ser les veux d’un artiste, René aimait les cristaux et les beaux produits de la céramique. Je ne finirais pas si Je voulais énumérer les vases de verre cristallin (comme parlent nos inventaires) et de faïences variées qui chez * lui joignaient à l'utilité du service l’agrément d’objets rares et précieux. Il en serait de même, sil fallait, Messieurs, vous faire connaître les ustensiles de tous genres et de toutes matières qu’il recherchait à cause de leurs formes empruntées à la tradition des nations les plus renommées alors pour la fécondité de leur imagi- pation et l'originalité de leur goût. Entrant dans cet ordre d’idées plus que je n’en ai ici le temps, M. Godard trace un vaste et brillant tableau dont ie tiens à vous montrer du moins une partie : « Lorsque par la pensée, dit-il, on groupe ensemble “les lieux lointains d’où provenaient la plupart des objets de luxe de notre inventaire, on pourrait être surpris de l'étendue du commerce à ceile époque, principalement. sur les côtes de la Méditerranée, si l’on ne savait que depuis les temps les plus reculés le négoce avait uni l'Orient à l'Occident. Il sera facile de se rendre compte de ce très-ancien et civilisaleur mouvement, en lisant le chapitre quatrième, tome I, de l'Histoire de Jules César par Napoléon Hl, chapitre intitulé : Prospérité du bassin de la Méditerranée avant les guerres puniques. ‘» Mais, sans prendre les choses de si haut, bornons- nous à dire que ces rapports, même àu point de vue — 192 — du commerce, n’ont-fait qu’augmenter avec les croi- sades..……. » L’impulsion était donnée, et ce remarquable mou- ‘ vement, même après la fin des croisades, se soutint par Ventremise des Vénitiens, des Génois et des Pisans. Leurs vaisseaux couvraient la mer, leur navigation ser- vit à former cette remarquable école méditerranéenne qui ne dut pas être sans influence sur l'esprit de Chris- tophe Colomb et d’Améric Vespuce, le premier Génois et le second Florentin. Tout se lie, tout s’enchaïine : les pélerinages enfantèrent les croisades, celles-ci impri- mérent un incroyable essor au commerce ; le commerce à son tour donna le goût de l'inconnu, ce goût mit au cœur du marin l’amour des lointaines contrées, l'amour des découvertes, et vers la fin du xve siècle, le monde fut doublé... Il n’y a donc pas lieu de s'étonner de voir figurer dans nos inventaires des objets provenant de Turquie, de Turin, de Venise, de Valence, de Cata- logne, etc., etc. » D’ailleurs, la maison d'Anjou, par ses rapports continuels avec le sud de l’Italie, était plus à même qu'aucune autre de se procurer les poteries de Valence, les cuivres ornés à la façon de Turquie, les étriers mo- risques, les cuirs turquois, les verres de Venise, les tissus chatoyants du Levant et les targettes de Tunis. » Grâce à M. Godard, voilà, Messieurs, en quelques lignes, un résumé aussi complet qu’animé, qui me dis- pense d’entrer dans plus de détails sur une partie très- étendue des inventaires. Il en est une bien restreinte, au contraire, et dont le peu de développement rappelle combien était rare au — 193 — xve siècle un objet mobilier devenu maintenant si com- mun que, malgré son apparence de luxe, il est à peu près classé parmi ceux de première nécessité. Il n’y a pas aujourd’hui une maison de petit bourgeois où l’on ne voie une pendule et souvent plusieurs. Or, Messieurs, voulez-vous savoir combien il y en avait dans les trois maisons royales dont nous nous occupons? Une, une seule !.... Nous la trouvons au château d'Angers, dans une pièce qualifiée chambre de retraict du rot, et cette unique pendule est appelée petite orloge. Le manoir de La Menitré avait bien aussi son horloge, mais elle n’or- nait pas les appartements; elle est cataloguée de cette manière : une aureloge au hault de la chapelle. Enfin, dans une pièce de notre château angevin, pièce respec- table entre toutes, et qui était presque un sanctuaire, car on la nommait Estude du roy, il y avait « ung petit cadran de leton en ung estuy de cuir. » M. Godard pense que c'était un cadran solaire. Cela se peut; mais le lieu où il se trouve inscrit et le soin qu’on prenait de tenir ce cadran renfermé dans un étui prouvent que c'était moins un instrument usuel qu’un simple objet de curiosité. ; Le roi de Sicile était sans doute plus riche en orfé- vrerie qu’en horlogerie. Il paraît en effet avoir été lui- même par anticipation un peu confrère de M. Josse : témoins cinq articles de nos inventaires qui énumérent établis, tour, enclume, fourneau, marteaux, tenailles et autres petits ferrements (est-il dit), tout un outillage expressément désigné comme celui d’un orfèvre : « Ces instruments, dit M. Godard, par leur situation dans la petite chambre du haut retrait du roi, nous SOC. D’AG. 13 — 194 — laissent deviner qu’ils ont bien pu être à l’usage de René. * » S'occuper d’orfévrerie, tourner le bois ou les mé- taux, ne semblent d’ailleurs point choses étrangères à ses habitudes. Si plus d’une fois il a été comparé par sa spontanéité loyale, franche et généreuse, à Henri IV, il pourrait l'être à Louis XVI par son goût pour les arts industriels et quelque peu par ses infortunes. » Tou- chant rapprochement, Messieurs, inspiré à notre col- lègue par sa vénération pour la mémoire de deux excel- lenis princes qui demandaient à des travaux manuels l'oubli momentané des soucis de la royauté, toujours si féconde en amertume, et pour eux si tristement ter- minée! Moins à plaindre toutefois que Louis, René fut- il même réellement bien malheureux ? Il ne perdit que la couronne. S'il la regretta, il est permis de penser que ce fut seulement parce qu’en la lui ravissant on lui en- leva le pouvoir de faire du bien à ses sujets. Dans ses loisirs, Messieurs, le bon roi ne se refusait pas des distractions d’un caractère moins spécial que celui dont je viens de vous parler. Les inventaires le montrent pratiquant tour à tour, suivant les saisons : Les, patins, nommés aussi esgaloches pour aller sur la glace. — Nous le voyez, ce n’est pas d’aujourd’hui que cet exercice d’agilité est encouragé par les plus hauts personnages. La Paume, dont, bien ne après, Le nom de- vait se rattacher politiquement à celui de Mirabeau, et pourtant aussi amusement princier, remis à la mode, il y a un demi-siècle, par le duc de Berry, jeu négligé depuis et qui en ce moment reprend faveur. — 195 — Les Échecs, jeu de rois et roi des jeux. Le Billard, différent plus ou moins alors de ce qu’il est à présent. Les Boules, jeu de bons bourgeois, qui ne pouvait manquer de plaire à René. Les Dés, moins innocents, longtemps admis dans les palais dés rois et maintenant relégués dans les tripots. Quant aux Cartes, il ne paraît pas que René en ait fait grand usage; car dans nos quatre inventaires, si chargés d’objets de toute sorte, elles brillent compléte- ment par leur absence. Il y avait cependant un siècle déjà que la démence de Charles VI avait doté les oisifs de ce genre de distraction, légué aux gens d’esprit par un insensé. Je l'ai dit, Messieurs, rien de ce qui pouvait flatter la vuc ou frapper l'imagination d’un artiste n’était indif- férent à René. Au nombre des objets qui décoraient ses appartements étaient des curiosités d’histoire natu- relle ; aussi nos rédacteurs d’inventaires avec leur exac- titude habituelle, qui dégénère ici en emphase, font-ils mention de « grandes, larges et grosses coquilles de mer. » Quant à la musique, bien que René en goûtât les charmes, elle est, il faut le dire, un peu singulièrement représentée dans ses mobiliers. Voici d’abord « deux guiternes (guitares) de boys, l'une painte de rouge à foullage (feuillage) de jaulne, et l’autre est de boys blanc. » Puis « ung grant tabourin, en faczon de tamballe, couvert de cuir noir. » — « C'était, dit M. Godard, une sorte de tambour propre aux Provençaux, moins — 196 — large et plus long que le tambour; on le battait avec une seule baguette, en s’accompagnant avec le galoubet ou flûte à trois trous. » à « Item un cor de boys, garni de ferrements d’or. » — « Ge n’était pas assurément, dit encore M. Godard, un cor d'harmonie. Ces cors servaient de trompes prin- cipalement à la chasse. » « Item une grosse courte corne noire foncée et est faicte en faczon de eor. » Item un petit cor de verre esmaillé. » Celui-là du moins était élégant. Je laisse, Messieurs, à de plus compétents que moi le soin d’en apprécier la valeur au point de vue musical. Enfin, « un vieil manicordion désaccordé et mal en point. » — M. Godard fait observer que l’étymologie indique assez qu'il s’agit d’un instrument à cordes que le musicien touchait avec les doigts. Ne pourrait-on pas, Messieurs, ajouter que ce manicordion désaccordé - et-mal en point, ressemble passablement au « luth de Bologne, garni de toutes $es cordes, ou peu s’en faut, » si plaisamment introduit par Molière dans le Mémoire des hardes, nippes et bijoux que le seigneur Harpagon veut faire accepter à son emprunteur comme bel et bon argent-comptant? Et de même les grandes, larges el grosses coquilles de mer, portées sur les inventaires avec une si évidente admiration, ne font-elles pas penser un peu à la fameuse « peau d’un lézard de trois pieds et demi, remplie de foin, curiosité agréable pour pendre au plancher d’une chambre ? » Peintre lui-même, René se plaisait à honorer les autres artistes en s’entourant de leurs travaux. Sa piété \ — 197 — accordait naturellement la prééminence aux tableaux religieux, il en avait un grand nombre; mais son ima- gination de poête trouvait aussi de l'attrait dans les sujets mythologiques. D’autres peintures, sur toile, ser- vant de tapisseries, répondaient agréablement aux pré- dilections du prince et de l’homme privé. Ainsi : « Ung grant drap où sont paintes les villes de Prou- vence et les villes qui sont depuis Prouvence jusqu’à Gennes. » Item une autre pièce de toille où est la ville de _Gennes en peinture. » Item deux toilles où il y a en chacune ung homme paint tenant un vouge. » Item trois autres petites toilles à mectre en une chambre, dont en lune a paint ung paon, ung fesant et deux perdrix, une cheveche, ung cinge et plusieurs autres chouses. En l’autre est pareillement paint ung paon, ung fesant, ung oyseau de rivière, deux potz de grubelles, etc. En l’autre a escrips plusieurs petiz per- sonnaiges à plié et à cheval, ung faulcon, ung connin blanc (lapin) et une ville, etc... » «Je ne sais si je me trompe, dit à ce propos M. Go- dard (et il ne se trompe pas), mais il me semble que toutes ces toiles ont un certain air de famille avec les goûts de René; elles lui rappelaient sa chère Provence, qu’il aimait tant à parcourir, après l’Anjou toutefois. Elles mettaient sous ses yeux Gênes, la superbe alors, si riche par son commerce du Levant, Gênes dont son fils, Jean d'Anjou, duc de Calabre, avait été gouverneur en 1459. Ces belles rives de la Méditerranée, je ne se- rais point surpris qu’il les eût peintes lui-même, comme — 198 — aussi ces oiseaux qu'il se plaisait à élever dans ses châ- teaux, paons, faisans, faucons et perdrix. » - Ne croyez pas toutefois, Messieurs, que des oiseaux vivants ou peints, objets de distraction et d’études artis- tiques, représentent seuls dans nos inventaires, avec les beaux chiens de chasse dont nous avons parlé, l’his- toire naturelle des animaux: ils en sont la partie poé- tique; en voici la partie prosaïque, mais qui a aussi son genre d'intérêt. Je vais la citer dans toute la cru- dité de son réalisme. « S’ensuyvent les bestes qui sont de présent à la mec- tayrie de la Rive (c'était une dépendance du manoir de Chanzé) : » Six bœufs tirans, — deux mères vaches, — deux ioreaux venans à troys ans, — deux genisses de ceste année, — une genisse venant à deux ans, — deux truys, dont il y a une qui a cinq ans, et l’autre venant à deux ans, — deux porcs venans à deux ans, — cinq petitz porceaux;, — neuf brebis que masles que femelles. » De même pour le domaine de La Menitré : « Sensuyt le nombre des bestes estant de présent au- dit lieu de la Menistré : » Premièrement : » De vaches mères seize, — de jeunes vaches d’un an et de deux ans cinq, — de jeunes veaulx de ceste année quatre, — de bouvars de troys ans quatre, — ung thoreau et ung petit thorillon d’un an. » À la mestayrie de la Menistré : » De bœufs de hernoys huit, — de bovars quatre, — de vaches mères deux, — de genices deux et ung veau. » — 199 — Et pour que rien ne manque à l’énumération, cette note où le foin, comme cela doit être dans une métai- rie, s’appelle naturellement du foin et ne flatte pas l’o- dorat comme dans le beau vers de M. Ponsard : L’herbe coupée exhale un parfum qui m'’enivre. « En la granche de la Menistré soixante charretées de foing ou environ. » Une grant barge de foing qui est en un placistre de- vers le bucher où il a huit vingts charretées de foing ou environ. » Je ne vous demande pas pardon, Messieurs, de ces rustiques détails. Dans une Société d’Agriculture, Sciences et Arts, il est naturel de regarder comme un titre d'honneur pour un prince, artiste et poète, d’a- voir aussi été un peu agriculteur et éleveur de hétail. D'ailleurs, puisque l’histoire ne croit pas déroger en constatant que le puissant empereur Charlemagne faisait vendre au marché les œufs de ses poules et les légumes de ses jardins, elle peut bien jeter un coup d'œil sur les étables et les bergeries du roi troubadour. Elle y verra que, si René par la simplicité patriarcale de ses mœurs avait du rapport avec les rois pasteurs des an- ciens âges, il était loin de leur ressembler par l’opu- lence de ses troupeaux. Ce que nous venons de voir constituait un aména- sement rural qui pour un particulier eût été confor- ‘able, comme nous disons maintenant. Pour un souve- rain il n’était que modeste; mais il devait paraître suf- — 9200 — fisant au Roi des gardons, arrière grand-père du Roi dYvelot. Rien ne donne lieu de supposer qu’il eût, comme le bon petit roi immortalisé par Béranger, une soif un peu vive; mais on peut tenir pour chose certaine qu’il fai- sait ses quatre repas. et les faisait bien. Ce n’est pas un crime : hote en rendant son peuple heureux, Il faut bien qu’un roi vive. Or, Messieurs, René vivait et faisait vivre ses commen- saux avec une abondance vraiment homérique, du moins si l’on en juge par le nombre de quelques-uns des ustensiles affectés dans ses châteaux au service culi- naire. Une seule cuisine, outre un bel assortiment de petits et grands rôlissoirs, était munie de cinq grandes broches de fer ; une autre de « quatre grans broches de fer et une petite. » — « Une grant table à dresser viande, sur deux gros tréteaux, » était accompagnée de « troys grosses lables à hacher viande. » De chaque cuisine il dépendait une ou même deux chambres spé- cialement appelées la saulcerie. Un de ces laboratoires de Comus (celui de Chanzé) montait du rez-de-chaus- sée au premier étage. À cet égard les héros d’Homère étaient dépassés. Achille et Patrocle se faisaient bien servir des bœufs presque entiers, rôtis à l’aide de broches à cinq broches; mais assurément ils n’avaient pas un luxe de sauces comparable à celui du roi de Sicile. — 90 — Cela nous étonne un peu de sa part; mais rappelons- nous le vers de Voltaire : Quel homme est sans erreur, et quel roi sans faiblesse? Faiblesse donc, si l’on veut; n’en tenons pas trop rigueur au bon René. Passons-lui ce petit raffinement dans la nourriture corporelle en faveur des soins qu'il donnait à la nourriture de l'esprit chez lui et chez les autres. « Il appela d'Italie des savants, dit un de ses derniers biographes, établit des colléges, fonda des bourses gra- tuites, encouragea les hommes instruits et expérimentés à faire des livres élémentaires, les examina lui-même, et s’appliqua à répandre la lumière parmi ses peu- ples Lite Quant aux livres à son propre usage, il y cherchait tour à tour agrément et instruction. Nous en avons pour preuve la mention que font nos inventaires des coffres de la librairie royale. Ce n’était pas en effet sur les rayons d’une bibliothèque, mais dans des coffres qu'é- taient placés les livres de René, et ces coffres bien fer- més à clef mettaient en sûreté le précieux trésor. Lisons les titres de quelques-uns des ouvrages dont il était composé. | Voici d’abord la langue latine, et avant tout son application aux cérémonies religieuses : « Un missel, dit l'inventaire, un missel à l’usage de Rome. » 1 À. Og. — Dictionnaire de la conversation, t. XLVI, p. 460. — 202 — Puis des traités divers dans cette même langue, tels que : - € Un livre couvert de parchemin qui se commence : À verilate quidem. » Item un autre livre en papier escript en latin qui se commence : Hic nota quædam deffimta (sic). » Item un autre divre en parchemin couvert daes escript en latin ouquel est escript dessus : Description des parties orientales. » à Ces derniers mots nous conduisent naturellement à: € xxInI livres tant granz que petiz escripz en lettre turquine et morisque. » Item un rolle en parchemin jaune escript en lettre turquine. » Item un grant tableau auquel sont escripz les ABC par lesquelz on peut escripre par tous les pays de chré- tianté et de sarrasinaisme. » C'était, on le voit, un tableau synoptique d’alphabets orientaux et occidentaux. M. Godard remarque avec raison que cette pièce mé- rite d’être signalée aux bibliophiles et à tous ceux qui s'occupent de linguistique. Malheureusement ce n’est désormais qu’un souvenir. Il me semble que les bibliophiles ne pourront aussi lire sans une surprise mêlée d’un certain intérêt : «Item ung cayer en papier rollé du pas fait à Bruxelles par Messire Philipe de La Lain. » Ce titre est équivoque. Philippe de La Lain avait-il présidé lé pas d’armes de Bruxelles? Ou bien, en avait-il plutôt rédigé le récit et exécuté les dessins, contenus dans le caÿyer rollé; en était-il, comme nous disons aujourd'hui, à la fois l’auteur et l’éditeur? Cest ce — 203 — dernier sens qui appellerait l'attention des bibliophiles. Assurément je ne pense pas que la célèbre maison typo- graphique Delalain ait la prétention de remonter jus- qu'au messire Philippe de La Lain figurant dans la librairie (ou bibliothèque) du roi René; mais liden- tité du nom a quelque chose de piquant. Il ne serait pas difficile de citer des arbres généalogiques d’une autre nature qui n’ont pas de plus solides racines et sur lesquels pourtant de complaisants d'Hoziers font pousser et s'étendre à perte de vue les plus luxuriantes ramifications. « Item ung autre livre en papier ou nagueres d’es- criptures couvert de parchemin commançant : Compo- sitions et condamnacions. » Guères d’écritures! mot char- mant, Messieurs, et qui répond bien à l’idée qu’on se fait de la justice du roi René! Heureux le prince, heu- reux le peuple, quand le registre des condamnations n’est guère autre chose qu’un cahier de papier blanc! Il est-tout simple qu’à ce gracieux article viennent se joindre les deux que je vais citer; car il devait chan- ter volontiers, le prince qui condamnait si peu. « ltem ung livre en parchemin tout escript de chanczons ensiénes, commançant : Amour et desirs my destroient. » Item ung autre livre en papier longnet ouquel a un commanchement de chanczons notées, commanzant : Quant elle voy qui noccist. », Mais écoutez, je vous prie, Messieurs, voici quelque chose de plus grave : « Unglivre en parchemin nommé — cette désignation est vraiment curieuse —nommé Dante de Fleurence, es- — 904 — cript en lettre ytalienne. » Évidemment le rédacteur de l'inventaire se serait trouvé bien embarrassé pour dire quel était ce nommé Dante, dont il cataloguait le Hvre en parchemin, escript en leltre ylalienne, avec la même scrupuleuse et ignorante bonne foi que plus loin « Ung petit livret en parchemin couvert de cuir noir fermant à esguillettes. » Personne de vous, Messieurs, ne fera au roi René l’injure de supposer qu'il ne savait pas mieux que son candide serviteur quelle différence existait entre un bouquin quelconque et l’œuvre du grand pote florentin. Deux ou trois titres encore, si vous le permettez, Messieurs : « Item ung autre livre en papier couvert de cuir noir ouvré à la devise du roy commençant : Cy s’ensuivent les histoires des Belges. ‘ » Item ung autre livre en papier de la générale divi- sion de toute la terre. » Ajoutons-y cette Description latine des parties orien- lales dont nous avons parlé, quatre mappemondes, petites et grandes, dont une ornée des xII signes du zodiaque, puis un astrolabe et une boussole .: de tout cela nous pourrons conclure que dans les études de notre bon prince une place notable était accordée à l’as- tronomie et surtout à la géographie. C’est encore un point de ressemblance entre René et Louis XVI, qui avait pour la géographie un goût très-prononcé; il en donnait des leçons au dauphin jusque sous les verroux du Temple. J'ai cédé bien longuement, Messieurs, au plaisir de: suivre M. Godard dans la première partie de son riche — 905 — travail. Je m’étendrai beaucoup moins sur la seconde, pour ne pas abuser de votre attention, et aussi parce que, malgré l'intérêt du sujet et l’habileté avec laquelle notre collègue l’a traité, cette partie ne prête pas au- tant que la première à des observalions de détail. Dans la seconde moilié du dix-septième siècle et au commencement du dix-huitième, vivait en France un archéologue appelé Gaignières, très-savant homme et dont le profond savoir était rehaussé par une extrême modestie. Cette dernière qualité (sil fallait en croire M. Godard, bien sévère sur ce point envers ses pairs), la modestie ne serait pas précisément la vertu domi- nante chez les antiquaires actuels. Quoi qu’il en soit, voici comment s'exprime notre collègue : « Quel per- sonnage était donc Gaignières? Une façon d’antiquaire comme il n’en existe plus. — Ah... M. Godard nous permettra du moins de lire presque plus, — » recueillant de tous côtés et ne publiant pas, amassant des trésors de quoi faire vingt réputations et négligeant la sienne, homme modeste parce qu’il était homme de dévouement. Les services qu’il a rendus sont im- menses..… Îl n’est peut-être pas en France une cathé- drale, pas un édifice religieux un peu remarquable, qui ne puissent, à l’aide de ses portefeuilles, rétablir leurs anciens tombeaux, leurs vieilles inscriptions et leurs autels primitifs. C’est une mine féconde où l’his- torien, l’archéologue, le sculpteur, le peintre et l’ar- chitecte peuvent puiser à l’aise et sans mécomptes. » — Heureux résultat, Messieurs, d’une studieuse passion qui a, dans une certaine mesure, protégé l’immorta- lité de tant de belles œuvres contre les outrages du — 206 — temps ou des hommes! Quand, doublement impies, les iconoclastes de 93 brisaient dans nos temples les sta- tues des saints et les tombeaux des personnages histo- riques dont ils jetaient les cendres au vent, ils ne se doutaient pas que, depuis un siècle, une sorte de pieux pressentiment avait d'avance atténué du moins les effets de leur sacrilége démence. On peut donc appliquer aux œuvres d’art ce que le poëte latin dit des livres, qu’une spéciale destinée les plonge parfois dans l'oubli, mais parfois aussi les lui dispute avec succés : habent sua [ata (Hor.). À la mort de Gaignières, en 1715, son cabinet, qu'il avait légué au roi, fut annexé à la bibliothèque de la rue Richelieu. Les manuscrits et les imprimés, les mé- dailles et monnaies, les tableaux et dessins, en faisaient un véritable musée archéologique. « Cette collection, dit M. Dauban de la Bibliothèque impériale, placé mieux que personne pour en juger, cette collection est peut- être la plus considérable qu'un particulier ait jamais possédée, et on a peine à comprendre aujourd’hui com- ment un homme isolé, dont la fortune était bornée, a pu la former. » Seize des volumes in-folio qui contenaient les dessins ‘ sont maintenant dans la bibliothèque d'Oxford. Com- ment ont-ils été transportés en Angleterre? On l’ignore; mais on ne peut guère expliquer le fait que par un vol. À qui doit-il être imputé? On ne le saura probablement jamais. Toujours est-il qu’il en résultait à la Biblio- thèque impériale une très-fâcheuse lacune. Pour la combler autant que possible, le gouvernement a fait. prendre, dans ces dernières années, à Oxford, la copie — 9207 — parfaitement exacte de tous les dessins qui manquaient en France. M. Godärd, à son tour, a obtenu de faire co- pier dans les portefeuilles de la Bibliothèque impériale les fac-simile qu'il jugerait convenable de publier. Son choix s’est naturellement porté sur les monuments iné- dits de l’Anjou. Il en désigne un certain nombre « qui ne forme, dit-il, qu’une faible part des trésors que ren- ferment sur l’Anjou les seize volumes d'Oxford; bien plus faible encore relativement aux autres portefeuilles de Gaignières que la Bibliothèque impériale possède en originaux. » I] est amené ainsi à discuter, au double point de vue de l’histoire et de l’art, les dessins inédits dont il a préparé la publication et dont je vous ai, Mes- -sieurs, indiqué les sujets. C’est d’abord le tombeau du roi René. M. Godard nous en donne deux reproductions empruntées, l’une aux portefeuilles d'Oxford, l’autre à un dessin de la Bibliothèque impériale, exécuté en 1783, probablement d’après une ancienne image du monument. Les deux exemplaires présentent dans plusieurs parties de no- tables différences; mais l'aspect général de l’ensemble et surtout l’idée principale sont identiques. On y voit, couchées côte à côte, les statues de René et d'Isabelle, sa première femme; leurs blasons d'Anjou et de Lor- - raine, supportés par des anges; puis une étrange figure qui était peinte au centre du monument et qui domi- nait tout le reste. Elle représente la Mort sous une forme et dans une altitude inusitées. Ordinairement, sur les tombeaux, c’est un squelette immobile, s'appuyant sur la faux et tenant à la main un sablier. Dans les peintures connues sous le nom de danses macabres, le — 208 — squelette court, entraînant à sa suite ou chassant devant lui ses victimes de toutes les conditions et de tous les âges. À ce genre d’allégorie appartenait la peinture ainsi décrite dans l'inventaire du manoir de La Menitré : « Ung tableau de toille paincte en ung chasseis de boys cousu contre la muraille ouquel est la mort qui picque lamoureux. » Au tombeau du roi René, la Mort, cou- ronnée et drapée dans les plis d’un magnifique man- teau-royal, est assise sur un trône. Elle penche la tête d’un air indolent, l’affreux rictus de sa bouche déchar- née grimace comme dans les danses macabres un sou- rire narquois, et sous ses pieds est un sceptre qu’elle foule avec dédain. 1 D’après une ancienne tradition, dont M. Godard prouve que l'exactitude est contestable, cette figure au- rait été ébauchée par René lui-même et achevée par son peintre suisse Gilbert Wandemont. Ce qui est certain, comme le remarque M. Godard, c’est que ce tableau « était bien, par sa composition, dans le goût mélan- colique de René. » Il était d’ailleurs en rapport de pensée avec les huit vers latins gravés sur le tombeau et dont René était l’auteur. Ces vers, Messieurs, j’en de- mande pardon à la muse royale, ne sont pas virgiliens ; mais on les voit cependant avec intérêt parmi les dessins que publie M. Godard, de même que dans la belle édi- tion des œuvres complètes du roi René due au patrio- tisme angevin et national de M. le comte de Quatre- barbes !. é Le tombeau paraît avoir été au moins commencé du 1 Œuvres complètes du roi René, t. 1, p. 84. Re de dl CPP on Se o à YVan du 9] Guurs Cjaulois de Cinais / Siret LOrre ) r uivant ab. (;5) tea cd. (x) NN > (24 f { a Le cr à \ | nivant ef (ÿ \ A o1 poux A uètie pr Les profils Lx D p 0,001 pou o micbres poux le plau —— "|. _—_…——Ù__ |] | 0 £ ——— — >? D' MI ” 4 P X _ 9% \ \\ DATA) x À valee dk Venne \ — 209 — vivant de René, sur ses propres indications, puisqu'on lit dans son testament : « Ledict seigneur roy testateur veult que, en quelque lieu qu’il trépassera, selon la voulenté de Dieu, son corps soyt porté en l’église d’An- giers, pour estre en icelle sevely ou lieu quel est ja sevely le corps de la feue royne Isabelle de très noble mémoire en son vivant son épouse. » « De ce magnifique mausolée , dit M. Godard, qu’existe-{-il aujourd’hui? Quelques débris seulement, en marbre blanc, classés au musée des antiquités, et derrière la boiserie du chœur de la cathédrale l’arcade ornée qui encadrait le sépulcre. Aussi serait-ce le cas de répéter avec l'inscription même du tombeau : « REGIA. SCEPTRA. LVIS. RVTILIS. FVLGENTIA. THRONIS, etc. » Le monument représenté dans le second dessin est, suivant Gaignières,le tombeau de Jeanne de Laval. M. Godard estime que c’est celui de Marie de Bretagne, femme de Louis Ier et grand’mère de René. Il appuie son opinion sur de savañtes considérations, demandées à l’histoire, à l'archéologie et à son goût exercé par l'étude des arts. Pour abréger, détachons seulement * de sa dissertation les quelques lignes qui décrivent le tombeau. « Ge dessin représente, sur un dé de marbre noir, un édicule gothique entourant une femme, horizonta- lement étendue, enveloppée d’un long manteau à collet rabattu, les mains jointes, la tête ornée d'une couronne ouverte et appuyée sur un coussin; deux écussons muets paraissent à droite et à gauche. » Quant au tombeau de la bonne Thiéphaine, nul doute, SOC. D’AG. 14 — 910 — Messieurs, n’est possible sur l'identité de la personne dont il renfermait le corps. Elle est représentée pressant maternellement sur son sein les deux royaux poupons que « la magine (ainsi s’exprime avec une charmante naïveté l’inscription sépulcrale) que la magine ot grant paine à nourir de les en enfance, Marie d'Anjou, royne de France, et après son frère René. » L'inscription est en vers et de la composition de René. « Rien ne serait plus facile, dit M. Godard, que de rétablir, d’après notre dessin, ce modeste tombeau que toutes les révolutions auraient dû respecter, tant le sujet en est naturel et touchant. On y retrouve bien les douces affections de René, son âme tendre et son esprit reconnaissant; je ne sais pas s’il existe en sculpture quelque chose de plus naïvement simple et de plus émouvant. C’est tout un petit drame entre trois cœurs dévoués...… » Marie était née en 1404, René en 1408, et Thié- phaine mourut en 1458. Un demi siècle ne put donc attiédir leur reconnaissance envers la bonne nourrice. Et ils se font représenter ,.sur sa tombe, en poupons qu’elle serre affectueusement dans ses bras, comme pour lui dire: nous n’avons point vieilli, nous sommes toujours tes petits enfants. Cette délicatesse de senti- ment est la vraie signature de René au bas de ce tom- beau; il n’est aucunement besoin d’une autre pour nous prouver que cette composition émane de lui. » Farrive, Messieurs, aux deux derniers dessins, qui, pour ainsi dire, n’en font qu’un, tant ils se complètent bien mutuellement. À l’aide du plan de l’église Saint- Maurice avant 1699, et guidé par la légende explicative = hAE. — dont M. Godard l’a enrichi, on peut se représenter exactement telle qu’elle était, à l’intérieur, il y a-deux siècles, notre cathédrale avec les nombreux tombeaux qui la décoraient. Son extérieur et surtout sa belle façade flattent la vue dans un dessin habilement exécuté par un autre de nos collègues, M. de Farcy, d’après l’ori- ginal qui se trouve à la Bibliothèque impériale dans le recueil intitulé : Topographie de la France. On y voit avec un plaisir mêlé de regret le narthex ou porche qui datait de l’an 1336, sous l’épiscopat de Foulques de Mathefelon. Il a été abattu de nos jours, en 1806, mal- gré les vives réclamations du vénérable prélat Charles Montault, qui avec raison considérait cette destruction comme une œuvre de vandalisme. | M. Godard donne d’intéressants détails sur les usages religieux auxquels, à différentes époques, furent consa- crés les- narthexæ. Aujourd’hui encore, partout où ils existent, ils sont d’un grand effet comme vestibules des cathédrales. Les hommes de mon âge ont vu, dans leurs jeunes années, le narthex de Saint-Maurice; ils n’ont point oublié combien ce portique imposant ajou- tait à la majesté du temple.'Il est bien désirable qu'on le reconstruise quand enfin on s’occupera de restaurer notre belle cathédrale. ° Cette restauration est appelée par le vœu général des - Angevins. Puissions-nous le voir exaucé promptement ! Au temps du premier Empire, le bruit des armes et l’enivrement de la gloire militaire détournaient les esprits de cette autre portion de la gloire nationale qui se lie à certains monuments. Le second Empire au contraire (et ce ne sera pas devant la postérité son — 919 — moindre honneur), attache la plus haute importance à la conservation et à la restauration intelligente des monuments de tous genres qui, de siècle en siècle, ont affirmé tour à tour et souvent ensemble la foi religieuse, le génie artistique et l’héroïsme guerrier de nos pères. Dans cette patriotique pensée, de magnifiques travaux ont été achevés déjà ou sont en cours d’exécution à Paris et sur divers points de la France. La cathédrale d’An- gers aura son tour, on ne peut en douter. Nous avons la certitude, souffrez que je le dise, Monsieur le Préfet, nous avons la certitude qu’une voix sûre d’être écoutée s’élèvera en sa faveur puisqu'il s’agit du plus bel orne- _ ment de la ville chef-lieu d’un département que vous voulez bien considérer désormais comme votre patrie d'adoption. Je termine en vous priant, au nom de la Société impériale d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, de remetire à M. Godard-Faulirier la médaille qu’il a mé- ritée. Il sera doublement honoré de la devoir au Çonseil général et de la recevoir de votre main. Le Rapporteur, J. SORIN, Président honoraire de la Société. NOTICE SUR LE MURUS GAULOIS DE CINAIS (INDRE ET LOIRE) VULGAÏIREMEMT APPELÉ CAMP DES ROMAINS $ 1. — DESCRIPTION DES LIEUX. Lorsque, partant du confluent de la Loire et de la Vienne, le voyageur remonte la rive gauche de ce der- nier cours d’eau en suivant la route de Candes à Chi- non, il longe le pied de hauteurs terminant le massif accidenté qui s'étend de Saumur à Loudun. Les pentes qu’il aperçoit à sa droite sont générale- . ment très-raides et laissent peu de dépressions favo- 1 Voir le plan ti-annexé. — 214 — rables pour y tracer d’autres routes que des chemins d'exploitation rurale. | Ce n’est qu’en arrivant vis-à-vis de la ville de Chi- non qu’on rencontre une coupure étroite et profonde, la petite vallée de Négron, dont on a profité pour éta- blir la route de Loudun. Il résulte de cette interruption, dans les hauteurs dont nous parlons, une sorte de cap, situé entre les vallées de Ja Vienne et du Négron qu’il domine d’un relief de 70 mètres environ et qui termine un plateau couvert de murs peu élevés, formés de très-grosses pierres. C’est le plateau de Ginais, connu dans le pays sous le nom de : Camp des Romains. Les pierres sont placées jointives, sans mortier, en- foncées de quelques centimétres en terre; elles n’ont pas été laillées, onles a employées telles qu’elles ont été extraites du sol, Leur ensemble constitue une enceinte ABCDEFGHIKL très-allongée, de figure irrégulière, approximativement orientée de l’est à l’ouest et divisée intérieurement par plusieurs murs disposés en lignes parfaitement droites. La surface -enveloppée par le pourtour extérieur ABCDEFGHIKL est de 25 hectares; son grand axe est d'environ 950 mètres et sa plus grande largeur est d'à peu près 300 mètres. L’enceinte manque sur presque tout le parcours de l’extrémité est, marquée en lignes ponctuées !, et sur plusieurs points au sud et 1 Le plan a été levé sous nos yeux, au mois de juin 1864, à une grande échelle; celui-ci n’est qu'une réduction. — 9215 — à l’ouest, mais il est aisé d’en reconnaître les traces. La partie FGH du plateau s’appelle : le Cimetière des Romains, c’est celle qui forme le cap dont nous avons parlé, entre les vallées de la Vienne et du Négron. En partant de l'extrémité G et en marchant dans la direction du grand axe du camp, on monte une pente d’inclinaison très-douce qui finit par se changer en ho- rizontale vers la portion occidentale de l'enceinte. Les pierres dont sont faits les murs ont été trouvées sur les lieux mêmes. Elles affleurent à la surface du sol qui est presque entièrement privé de terre végétale el n’a jamais dû produire qu’une herbe maigre et rare. Ces pierres sont des blocs grossièrement arrondis, for- més de poudingues dont les fragments constitutifs sont des morceaux de quartz blanc, opaque, entourés d’une pâte siliceuse grise. Les cailloux élémentaires, après avoir été soumis à un transport prolongé dù à l’action des eaux, se sont agglomérés en blocs qui ont eux-mêmes ensuite été charriés assez longtemps pour avoir leurs arêtes et leurs angles très-émoussés. C’est dans cet état qu’ils se sont trouvés sur le plateau de Cinais, au moment du soulèvement géologique qui la mis au jour. Au nombre des divisions intérieures, on remarque une grande rue DI de 5 mêtres de largeur. Elle est comprise entre deux murailles parallèles, dans la di- rection nord-sud, et donnait accès, au moyen d’ouver- tures, dans les compartiments voisins. On voit encore aujourd’hui quatre portes à l'enceinte extérieure : elles sont situées aux points B, D, E, K; UGC — cette dernière a été élargie et approfondie dans des temps postérieurs. Il est presque certain qu’il en exis- tait aux extrémités À et G. Près des portes B, D, E; K, dans l’intérieur de l’enceinte, on remarque les bases de petites constructions rectangulaires B, D’, E’, K’ bâties de la même façon que les autres murs. (’étaient évi- demment des postes destinés à recevoir les gardes des portes et à flanquer ces entrées. Les profils ab, cd, ef montrent comment sont dispo- sées les pierres des maçonneries encore existantes au- jourd’hui. Chaque mur était fait de deux rangées de grosses pierres plantées les unes à côté des autres de manière à former une épaisseur qui va jusqu’à 2m 50 pour l’enceinte extérieure et qui ne dépasse pas 4m 80 pour les divisions intérieures. Les vides étaient sans doute remplis de terre et de pierres plus petites. Sur cette première assise, qui constitue tout ce qui reste DT des anciennes murailles et qui ne s’élève pas à plus de Om,80 de- hauteur, on avait dû mettre d’autres blocs, de manière à obtenir un relief -de 6 pieds (1,77) environ, comme nous le démontre- rons tout à l'heure. La partie sud GHIK LA du périmètre qui longe la crête des pentes très-raides de la vallée du Négron n'avait probablement pas de fossé. La portion nord ABCDEFG était beaucoup plus facilement abor- dable; on y remarque les traces d’un fossé et, de B en D, les restes d’une double enceinte dont chacune avait son fossé propre. Du point F, partait un mur, ou de 2 HHADENE un ‘ \ — 917 — fossé entre deux murs, allant jusqu’en M où se trou- vait un petit poste en pierres, analogue aux postes BD, Et, K: Comme l'enceinte n’allait pas jusqu'aux pentes du plateau, du côté de la Vienne, l'ennemi aurait pu les gravir sans être vu et arriver ainsi, à l’improviste, tout près du parapet. Il importait donc de surveiller ces pentes, et tel était le but de la petite redoute au poste M. De la caponnière FM, il ne reste aujourd’hui qu'un bourrelet très-visible sur le sol. Hors de l’enceinte, au nord-est, vis-à-vis de la mu- raille À B, se voient des clôtures en pierres qui servent aujourd’hui de délimitation à des propriétés et qui se trouvent peut-être sur l'emplacement d'anciens murs analogues à ceux que nous venons de décrire. Toute- fois, cette hypothèse, très-admissible pour la ligne ponc- tuée parallèle à AB, l’est moins pour le tracé BO. Près de la porte B, au point C, se détache dans la direction du nord une ancienne et très-longue tran- chée CN, bordée de chaque côté de deux bourrelets en pierres mêlées de terre, qui ont été certainement plus élevés qu'aujourd'hui. Nous ne serions pas éloigné d’y voir une autre ca- ponnière, une de ces longues communications, avec pa- rapet de chaque côté, jouant le même rôle que le double fossé fait par César devant Gergovie pour relier ses deux camps, afin que de petits délachements et même des hommes isolés pussent y circuler à couvert ‘. ! Guerre des Gaules, liv. VIT, chap. XXXvI. — 218 — La caponnière CN aurait alors relié le camp à quelque redoute placée au sommet -du ravin de la ferme de Bélissons ou même à quelque source située dans un pli du terrain. Nous ne donnons toutefois cette hypothèse qu’en toute réserve et sans y tenir absolument. Ajoutons, pour terminer cette description, que, dans l’intérieur de l'enceinte, on remarque, en différents points w, v, æ, y, des blocs de pierre pareils à ceux qui ont servi à construire les murs, sauf qu’ils sont gé- néralement plus longs. Ces blocs sont placés debout, à -peu de distance les uns des autres et ressemblent assez à de petits cromlechs ou réunion de menhirs. Ils ont élé tirés du sol à l'emplacement même où on les voit aujourd’hui, et cette extraction a causé à la surface du - terrain une légère dépression où s’est amassé un peu d'humus qui produit de l'herbe plus verte que celle de l’aride plateau de Cinais. Deux des pierres du groupe x s'appellent, l’une : Mule de saint Martin, Vautre : -Degré de suint Martin. On prétend y voir des empreintes dues au grand saint de la Touraine : ces dénominations montrent que ces pierres sont en place depuis une époque ancienne. . $ 2. — LE cAMP DE CINAIS EST UN ANCIEN MURUS GAULOIS. ‘ À quelle époque et par quel peuple les murs de Cinais ont-ils été construits? Dans quel but ont-ils été bâtis? Les savants qui les ont visités ont été en général peu td Ci cé — 919 — explicites à cet égard. On sent que leur opinion était assez mal assise et qu’ils hésitaient à la manifester clairement. Il paraît que Court de Gébelin ét La Sauvagère ont exploré le plateau de Cinais avant 1789; mais ils n'ont rien écrit sur leurs recherches. Il y a environ soixante ans, M. du Moustier de la Fond a fait une description qui a été reproduite en par- tie par son petit-fils, M. de Cougny, dans un récent et trés-intéressant article inséré au Bulletin monumental *. L'auteur penche pour attribuer le camp aux Gaulois, avant la conquête de César. : Au tome V des mémoires de la Société archéologique de Tours, on trouve quelques lignes établissant que les Romains ont occupé cette position. M. de Cougny, dans l’article dont nous venons de parler, démontre que les murs de Cinais ont été cons- truits dans un but de défense. Puis écartant l'hypothèse qui en fait un ouvrage des Romains et celle qui les re- garde comme Gaulois, il se demande s’ils ne seraient pas dus à des peuples d’origine germanique. Après avoir développé cette idée,M. de Cougny n’est pas éloi- oné de.les rattacher à l'invasion kimrique. Les fouilles qu’on a pratiquées sur les lieux ont été peu fructueuses. Elles ont cependant mis au jour un certain nombre de médailles, presque toutes restées in- connues par la faute ou par la cupidité des ouvriers. Celles qu’on a pu se procurer étaient pour la plupart de l’époque des Antonins. 1 Quatrième série, tome IT, 32e volume, n° 5, 1866, pages 468 et suivantes. — 220 — Il est donc certain que les Romains ont séjourné sur le plateau de Cinais, et sans les divisions intérieures de l'enceinte qui sont trop en dehors de leurs habitudes de castramétation, nous serions tenté de leur en atiri- buer la construction. Autrefois, on était trop enclin à déclarer romaines toutes les vieilles enceintes, dont le nombre est si grand dans nos campagnes. Aujourd'hui, on est tombé dans un excés contraire : beaucoup de savants semblent examiner ces vestiges avec une loupe, et si le tracé du rempart, son profil, la nature des matériaux dont il est fait, etc., ne con- _cordent pas exactement avec ce qu’ils ont lu dans les anciens auteurs, ils déclarent formellement que l’en- ceinte n’est pas romaine. La forme générale, par exemple, n'est-elle pas un rectangle parfait, une des quatre portes classiques vient- elle à manquer ou à n'être pas ME à Sa place? Ce n’est pas un camp romain. Or, nous le demandons, quelqu'un a-t-il jamais vu un camp temporaire, bien réellement reconnu comme romain par d’autres indices, présenter exactement la forme rectangulaire demandée par Polybe et par Hygin ? L’erreur vient de ce que ces auteurs didactiques ont donné les formes du campement des troupes, de la sur- face occupée par les tentes ou les baraques des légions et des alliés, plutôt que le tracé du retranchement même des camps, qui n’était nullement astreint à res- ter parallèle aux faces limitant les troupes. Jamais on ne nous fera croire qu’un peuple aussi in- — 9921 — telligemment militaire que les Romains se soit astreint, pour les tracés, les profils et les fossés, à des gabarits uniques et qu'il ait sacrifié à des préceptes d’école un point aussi important, par exemple, que celui de plier la fortification au terrain, condition indispensable pour bien éclairer les abords des camps et pour profiter des avantages que présente la forme du sol. D'ailleurs Végèce, qui écrit sur ce qui se faisait de son temps et aussi d’après ce qu’il avait lu dans les an- ciens auteurs militaires, est trés-explicite à cet égard, et il dit que les camps romains sont quarrés, trian- gulaires ou ovales. La nature des matériaux employés, les blocs de pierre, ne seraient nullement une raison pour écarter l’idée d’un travail dû aux Romains, sous prétexte qu’ils ne se servaient d'habitude, pour leurs retranchements de campagne, que de terres, de gazons, de palissades et de clayonnages. Les Romains faisaient comme ils pouvaient pour entourer leurs camps. À Cinais, il n’y a pas de gazons, pas de terre à tirer du sol, les pentes boisées du voisi- nage leur auraient fourni des valli, mais ils n’auraient pu les enfoncer dans ce terrain rocheux. Les blocs de pierre sont à la surface et faciles à se procurer. D'ailleurs Hygin dit formellement que quand les autres matériaux manquent, on s’entoure de murs en pierres sèches. Dans les 25 hectares renfermés par le périmètre exté- 1 Liv. 1, chap. ur. 290 = rieur de Cinais, on trouve aisément un rectangle de 21 hectares pour disposer, suivant les règles de Polybe, des tentes ou des baraques nécessaires à 10,000 hommes, c’est-à-dire à une armée consulaire de deux légions au temps de César, à raison de 21 mètres carrés * par homme, tout compris. D’autres détails sont encore en faveur de l’hypothèse d’une attribution romaine ; les portes À, D, G, K occu- - pent des positions assez semblables à celles que don- nent les auteurs techniques. | Les postes B', D’, E’, K’ qui commandent intérieure- ment les passages de ces portes sont dans les habitudes militaires des Romains. Le camp de Mauchamp, près des bords de l'Aisne, présente aussi des défenses inté- rieures à chacune de ses portes *. Les caponnières FMC N sont fréquentes à l’époque da César; nous avons déjà mentionné celle. qu'il fit exécuter devant Gergovie. Il en organisa une également, à l’attaque d'Alexandrie, entre son camp et une redoute voisine. César donne à cette communication le nom de Brachium. Le même général construisit encore un Brachium, en Afrique, près de Ruspina, et un autre en Espagne, près d’Ategua, pour relier son camp au fleuve Salsum. Le double fossé qui se voit à la partie nord du camp de Cinais, de Gen E, était également dans les usages 1 C’est le chiffre maximum qui ressort des règles de Polybe et d'Hygin. ? Histoire de J. César, par S. M. Napoléon III, atlas du 2e volume planche 9. — 223 — des Romains. César en fit une ligne d’investissement d’Alesia. Toutes ces-raisons qui militent en faveur d’une cons- truction romaine sont anéanties par l'existence des murs intérieurs, qui sont tellement contraires aux règles de la castramétation des légions, tellement nuisibles aux mouvements qui se faisaient dans les camps, qu'il faut évidemment chercher une autre origine aux murailles de Cinais. Il n'y à que le cas où ces divisions intérieures auraient été construites longtemps après le pourtour extérieur de l’enceinte; mais l'examen des lieux montre qu’elles sont de la même époque. Peut-être que les petits postes B’, D’, E, K’, les caponnières FM, CN, la redoute M, ont été faits plus tard, mais nous ne pen- sons pas qu’il se soit écoulé un tés-lons temps entre toutes ces constructions. Qui aurait pu partager ainsi un camp après l’époque romaine? Les Francs ? On trouve çà et là, dans les au- teurs, des preuves qu’ils ont retranché des positions avec de grosses pierres, des dalles enlevées, aux tom- beaux, avec les roues pleines de leurs chariots, mais-on ne lit nulle part qu’ils aient divisé leurs campements par des murs intérieurs. Un seul peuple semble avoir pratiqué des divisions dans ses camps, ce sont les Gaulois. César, qui connaissait bien leurs allures et leurs usages militaires, dit que les cités de la Gaule avaient sur leur terriloire trois sortes de positions for- tifiées : — 994 — 40 Les oppida t, 2 les castella ”, 39 les Lieux de refuge. Les oppida étaient des forteresses comprenant les grands centres de population, elles étaient habitées en tout temps. à Par castella, Gésar entend de simples postes fortifiés. Les lieux de refuge étaient des enceintes entourées d’un retranchement et ne servaient que lorsque le pays était envahi; les populations sy retiraient et les défendaient. Les Nerviens, qui ne possédaient pas de cavalerie et qui avaient à craindre celle de leurs voisins, organi- saient dans leurs forêts des asiles impénétrables à l’aide de ces haies si curieuses, décrites au chapitre xvir du livre IT de la Guerre des Gaules. - Les Bretons faisaient de même *. Ils avaient au milieu de leurs bois des enceintes inaccessibles pour le cas où ils se trouvaient attaqués. Les Helviens, peuples de l'Ardèche, habitant un pays où les landes pierreuses dans des positions escarpées ne sont pas rares, retranchaient sans doute leurs lieux de refuge en les entourant de murailles; aussi César les nomme-t-il muros. Il dit que les Helviens, battus par les troupes me se réfugiaient dans leurs oppida et dans leurs muros * Souvent ces muros étaient contigus à à des oppida; c’est ce qui avait lieu à Gergovie et à Alise, Voici la description du premier : « Vers le milieu de 1 Liv. Il, chap. xxIx. ? Idem. $ Liv. V, chap. 1x. * Liv. VIT, chap. Lxv. 1 D EU de dre. Lt et nf diet -ox ir — 995 — la pente de la colline, les Gaulois avaient construit un mur de six pieds de haut, formé de grandes pierres. La partie supérieure de la hauteur, entre ce mur et l’oppidum, étail occupée par les campements très-serrés, densissimis, des alliés... Trois de ces camps furent rapidement enlevés par nos troupes, après qu’elles eurent franchi le mur !. » Plus haut ?, il est dit que « les Gaulois accourus au secours de Gergovie campaient par cilés distinctes, séparées les unes des autres par de faibles intervalles, mediocribus intervallis. » Quant au murus sous Alise, il était « en pierres sèches, maceriam, de six pieds de hauteur et l’espace qu’il renfermait fut rempli par les troupes gauloises, compleverant *. Le camp de Cénais parfaitement à ces descriptions : Un mur en pierres sèches forme l'enceinte, d’autres murs partagent l'intérieur en compartiments réservés aux contingents des différentes cités ou des divers pagi d’une même cité qui se trouvaient campés très-près les uns des autres, sans espace perdu (densissimis ; medio- cribus intervallis ; compleverani). Ce camp, mi-partie gaulois mi-partie romain, était sans doute primitivement un murus de refuge, analogue aux œuri des Helviens. Dans la septième et la huitième campagne, alors que sur l’ordre de Vercingétorix, les Gaulois se mirent à 1 Liv. VIT, chap. xLvI. 2 Liv. VIL, chap. xxxvI. 3 Liv. VIT, chap. LxIx. SOC. D’AG. \ 15 _—_ 996 — retrancher leurs camps temporaires à la manière des Romains ‘ qu’ils savaient si bien imiter *, l’enceinte de Cinais dut servir, non plus seulement de lieu de re- traite aux habitants du pays, mais encore de station fortifiée pour les troupes tenant la campagne, et il fut indubitablement occupé par le chef angevin Dumnacus, dans la lutte qu’il soutint en Poitou et en Anjou *. Peut-être ce courageux champion de l'indépendance nationale fit-il à la primitive enceinte les modifications tendant à fusionner les usages des Gaulois avec ceux des Romains, en ce qui concerne la castramétation. C’est ce qui explique le mélange des deux systèmes qu'on trouve à Cinais. Le prétoire du chef était en P, petit enclos central situé en un des points les plus élevés du plateau. Peut- être aussi, comme nous l’avons déjà dit, les parties de ces murs qui dénotent des habitudes romaines * sont- elles dues aux légions de la conquête des Gaules, ou à celles qui leur ont succédé, pour occuper le pays, et qui ont trouvé un retranchement tout préparé sur le plateau. | _ Quant aux groupes de pierres placées debout en u, V0, &, y, nous ne croyons pas qu’il faille y voir des cromlechs ni des menhirs ayant une signification reli- gieuse, encore moins de pelites nécropoles pour les 1 Liv. VII, chap. xxIx. 2 Liv. VIT, chap. xxit. 3 Liv. VIII, chap. xxvI et suivants. + Principalement les postes intérieurs B’, D’, E”, K’, la redoute M et les caponnières FM. CN. Cette dernière pourrait bien être le résultat d’un travail postérieur à l’époque dont nous parlons. chefs. Les fouilles qu’on y a pratiquées n’ont donné aucun résultat. Nous trouvons qu’on a un peu abusé du caractère sacré que devaient avoir les pierres debout. Sans le nier, nous croyons qu’il faut être trés-circonspect pour admettre et nous nous refusons à voir dans les groupes 4, v, &, y, autant d'oratoires élevés par les soldats du camp de Cinais en l’honneur des divinités gauloises. Ces pierres nous font simplement l'effet d’avoir été soulevées de la position couchée qu’elles occupaient sur le sol et mises debout à bras d'hommes, prêtes à être renversées sur le petit chariot ou sur les rouleaux qui devaient les transporter aux divers points de l’en- ceinte où il y avait à faire, soit des augmentations, soit des réparations, après une destruction des parapets par l’ennemi. Le travail aura été interrompu par une circonstance de guerre ou par tout autre motif à la suite duquel le camp a été définitivement abandonné. Les enceintes en pierres ne sont pas rares sur le sol de la France. Pour ne pas sortir de la Touraine et de l’Anjou, nous dirons qu’il en existe à Sonnay non loin de Cinais, mais nous ignorons si elles constituent un monument du même genre que celui que nous venons d'étudier. Nous avons reconnu en 1859 les restes d’une enceinte analogue, près de Saumur, dans la lande de Terrefort, le long de l’ancien chemin de Doué, non loin des beaux dolmens de Bagneux. Elle se composait de pierres de grès plates, qui abondent dans la localité et qui étaient — 2928 — plantées jointives, verticalement; une meule de moulin à bras fut trouvée auprès. Depuis cette époque, elles ont été enlevées et ont disparu, sans doute pour faire du macadam , comme disparaissent tous les jours les blocs de l’enceinte de Cinaiïs. F. PRÉvOST, Officier supérieur du Génie. WESTMINSTER ET FONTEVRAULT Vraie ou fausse, la rumeur, propagée par la presse, du départ de nos Plantagenets pour Londres, suscite trop de griefs et renouvelle trop d’alarmes pour qu’a- près les démarches, tant collectives que privées, il semble oiseux d’y insister. Rien de moins étranger au caractère de cette séance, et à l'honneur qu’elle nous vaut, que le retentissement de la protestation de M. de Wismes sur un sujet si cher à l’historien de notre pro- vince. 11 s’agirait ici, dans un résumé bref et simple d’une cause toujours gagnée et toujours évoquée, de si bien rattacher l’histoire des Plantagenets à leur ber- ceau, leurs vœux à leurs souvenirs, leurs ossements à leur tombe, leurs statues à leur monastère, qu’en face de nos droits, inséparables de ceux de la France, le ca- binet de Saint-James se le tint pour dit et n’y revint plus. Impossible sans doute à l’anglicanisme de sentir le charme qu’exerçait sur les âmes une pauvre mémoire d'anachorète, fondateur d’ordre, aux lieux mêmes embaumés par sa foi et électrisés par ses miracles. Peut-être lui serait-il moins malaisé de comprendre — 230 — l'influence et le crédit de l'institution singulière qui, en. courbant les hommes sous la crosse d’une abbesse, re- levait la femme du servage de son passé et réagissait pleinement contre une oppression de quarante siècles. L’on pourrait presque dire que la chevalerie, fille de l'Église, entrait au cloître par cette porte. Jamais autant de grandeurs et de délicatesses ne s’abdiquérent que sous le cloître de Fontevrault. La hiérarchie du monde s’y renversait. L'on voit pâlir la liste armoriée de ses abbesses devant l'éclat des noms de leurs plus humbles subordonnées, ou servant Dieu près d’elles, ou ceignant sur les marches du trône, que la mort leur faisait des- cendre, le cordon de Robert d’Arbrissel. Par leurs mèêres et leurs filles, nos comtes adhé- raient aux pierres de cette église, dépôt de leurs offrandes, but de leurs pèlerinages, théâtre de leurs expiations. Le cachet de leur race s’imprimait sur ses voûtes, impatientes de l’ogive et pressentant sa venue dans les élancements du cintre byzantin. Ils l’aimaient d’un amour ample, généreux, magnifique, où les mer- veilles de l’art et les mystères du culte échangeaient leur langage et se répondaient au fond de leur cœur. La douceur du pays, inséparable pour eux de la phy- sionomie du monastère, en doublait le prestige. Ils allaient et venaient, passant les mers, rasant les villes, Fontevrault derrière eux comme le foyer de leur croyance, Fontevrault devant eux comme l’asile de leurs os. Élargissons le cercle, et faisons rayonner sur l’An- jou cette affection du sol, si vive et si tenace chez les fils de Geoffroy, que notre soleil les escorte sous les brumes de la Tamise, et que le chef de la dynastie — 931 — anglaise viendra finir en comte sa tumultueuse vie de roi. Ce fut un homme de race, de fortune.et de génie qu'Henri Il. Le reflet de trois couronnes, celles de sa femme, reine de France, de sa mère, impératrice d’Al- lemagne, et du roi de Jérusalem, son aïeul, rehaussaient la splendeur de la sienne. Il bâtit et conquit, fonda et réforma, un pied sur le sol d’outre-Manche, l’autre sur les grèves de la Loire dont il dompta la fougue et qui reçut de lui son premier frein. Éloquent et lettré, l’Angleterre lui dut ces grâces du gai savoir, indi- gènes sur nos bords, dont il recréa ses fronts mornes et réchauffa l’aspect glacé de ses bruyères. Elle lui doit encore le germe d’une architecture aussi fière que svelte, aussi originale que hardie, qui, de la Loire à la Tamise, répond au nom de Plantagenet. Mais si le grand bâtisseur Foulques semble ressusciter en lui, on ne peut lui pardonner d’avoir ébauché dans l’histoire la sinistre figure d'Henri VII. Il but l’orgueil et la volupté à pleine coupe; d’où cette folie de con- fondre avec les empiétements discutables d’une féoda- lité, fille de la terre et du temps, les droits imprescrip- tibles de l’Église. « Prince malavisé et téméraire! » dit Bossuet. Le sang de Thomas Becket s’élance au ciel et crie plus haut que la voix astucieuse des courtisans et des légistes. Ici encore notre part fut belle; Cantorbéry eut le erime, Angers l’expiation. Tant que les voûtes de lHôtel-Dieu survivront à leur destination regrettée, la mémoire du monarque s’orientera de ce côté. On sait le reste : et la couronne d’épines que ses fils lui tres- sérent; et les trahisons, et les conflits et Les révoltes; et — 232 — lagonie de Chinon, d’où ses regards n’embrassant que honte et que désastres dans l’immensité de ses domaines, s’abattirent .sur l’Anjou, seul resté calme, et s’élei- gnirent sur le clocher de Fontevrault. C’est là qu’il se rendit en habits royaux, dans sa bière, conduit par lar- chevêque de Bourges. Beaucoup pleuraient à le voir passer une dernière fois sur ce Pont aux Nonaïns, qu’en son amour pour le Mouslier, il avait jeté sur la Vienne. C’est vivante, c’est entière, et sous le double bandeau de la religion et du veuvage, qu'Éléonore de Guienne sy reposa près de lui des agitations de deux trônes. Henri, son second époux, n'avait que trop vengé le premier des infidélités d’une femme ni moins belle, ni moins altière, mêre aussi passionnée, aïeule aussi dé- chirée que Brunehaut. Celle qui s'était croisée au chaste début de sa vie, y renoua dans les larmes la chaîne brisée de son passé. Au dire de Niquet, tel était son attachement pour cette maison, « qu’il semblait qu’elle tenait toutes les religieuses, jasqu’à la moindre, pour ses filles. » Elle y blanchit dans l'ombre, méditant sept années sur le drame de sa vie, et attendant pour expi- rer que la dernière pierre du monastère füt posée. Il y avait trois ans que le cœur du Lion, transféré là, sui- vant son vœu,.battait entre celui d'Henri II et d'Éléo- nore, comme le médiateur de leur réconciliation pos- thume. Lorsque Richard était accouru à Chinon au bruit de la mort de son père, glacé depuis deux jours, et dont le convoi s’ébranlait déjà, le sang, dit-on, avait jailli en signe d'accusation, du nez et de la bouche du ca- davre. Des yeux du Lion troublé et repentant coulèrent — 9233 — - des larmes pendant tout le trajet et jusqu’à la dispari- tion du corps royal dans les caveaux de l’abbaye. Re- cueillie là, la couronne tant enviée ne l’agrée plus, et cette âme faite de toutes les colères et de toutes les ten- dresses à la fois, n’a plus de rêves que pour les eroi- sades. L’Angleterre, négligée pour ses expéditions fabu- leuses, ne l’aperçut guères que de loin à la lueur des chocs d’épée. Get homme n’avait de souci que pour les activités fiévreuses, ou, lorsque le malheur réveillait sa conscience endormie, pour la tranquillité de par-delà le tombeau. Fontevrault lui revenait dans ses épreuves réitérées. La romance de Blondel est moins touchante que les lettres où le prisonnier de l’Autriche, avec la simplicité d’un enfant, se recommandait aux prières de l’abbaye. En mourant d’une flèche empoisonnée devant Chalus, lui qu’on avait vu tant de fois, disent les chro- niqueurs, s’en revenir au camp d'Orient « plus criblé d’aiguilles qu’une pelotte, » il s’assura d’une place dans le Cimetière des Rois, aux pieds de son père couché, et près de sa mère agenouillée. Il fit de lui trois parts: Poitiers eut ses entrailles, Rouen sa tête, Fontevrault son cœur. On se demande quelle fut la part de l’Angle- erres... 1? Ces pieuses traditions s’invétéraient chez nos comtes en dépit de la distance et du temps. Ils témoignaient ainsi de la jeunesse et de la chaleur du sang angevin dans leurs veines. Jean sans Terre, abimé dans les marais de Norfolk, à deux doigts de la victoire, Me et dulcem moriens reminiscitur Arthur, 1 Elle se l’est faite. N’a-t-elle pas retenu le cœur de Richard, volé et retrouvé à Londres, lors de la violation des caveaux ? \ : — 934 — allait désespérer du pardon, quand de son lit de re- mords il se retourna vers celte source d'espoir et de consolation pour les siens. La soif du Moustier éclate d’une façon mémorable chez Jeanne d'Angleterre, sa sœur, reine de Sicile et comtesse de Toulouse. Dans l'impossibilité de s’y rendre, à cause de sa faiblesse, et voulant y mourir en esprit, elle presse de ses larmes l’archevêque de Cantorbéry qui obtient la dis- pense, et « la voile de Fontevrault. » — La veuve du roi Jean, la fière et fougueuse Isabelle, voulut que son corps y fût porté. Henri III, son fils, accédant à ce vœu tardivement et comme à regret, exhuma le corps pour ly porter lui-même. Plus tard encore, vaincu par l’irrésistible attraction de ces caveaux sur cette lignée, Henri IT s’arracha le cœur de sa mère et l’y envoya. Sin- gulier rapprochement, et qui n’est point un jeu d'esprit dans la circonstance actuelle : Jean sans Terre avait enlevé à Hugues de la Marche, comte de Lusignan, sa fiancée Isabelle; celle-ci, veuve de Jean, convole à son fiancé, et la voilà qui morte se retourne, et rejoignant son premier époux dans le Cimetière des Rois, apporte un dernier gage, et le plus spontané de tous, aux tra- ditions de l’abbaye. Ce n’est pas certes l'Angleterre qui nous contestera Ja valeur des monuments qu’elle convoite. Nous ne sommes, elle et nous, que trop d’accord à ce sujet. On sait que, des cinq statues qui reliaient son histoire à la nôtre, quatre subsistent, celles de Henri, de Richard, d'Isabelle et d'Éléonore, les trois premières en pierre, la quatrième en bois, par déférence peut-être à l’hu- milité dans laquelle cette austère pénitente a fini. L’on — 235 — aura transigé, à la faveur de la matière, entre le témot- gnage et le néant. Nous ne saurions procéder sans injure pour l'auditoire, — il les connaît mieux que nous, — à la description minutieuse de ces œuvres qu’il vaut mieux concevoir dans l'intégrité de leur passé et restaurer par le souvenir que de les invento- rier dans l’état de leur dégradation ou de leur restau- ration actuelle. Elles sont du temps. A l'air de person- nalité distincte qui se combine chez elles avec la gran- deur de l'idéal, on ne peut douter qu’elles ne res- semblent. Couronnées toutes quatre, elles portent sur leur front, dans le calme de leur port et la souverai- neté de leur pose, cette majesté du trône que la sta- tuaire chrétienne excelle à mettre aux prises avec la majesté de la mort. Les deux rois, le bras gauche abaissé vers la cuisse, le bras droit ramené sur le cœur, ne diffèrent de forme, d’arrangement et d’attitude que par de sobres désinences qui accusent l'identité sans attenter à l’immutabilité du type. Isabelle tient ses mains croisées sur sa poitrine ; celles d'Éléonore n’ont pas quitté le livre d'Heures encore ouvert sur ses ge- noux. Par le grandiose du style et le mâle ajustement des draperies, ces figures ne sont pas sans analogie avec celles des voussures du portail de notre cathé- drale, d’où on les dirait descendues pour se coucher sur leur tombeau. Les voilà, telles que le ciseau de nos pères les a taillées dans le tuf de nos carrières et dans le rouvre de nos forêts. Elles racontent avec l’incomparable élo- quence des lieux comme des temps les guerres, les tra- verses, les vengeances et les expiations de cette famille, — 9236 — la plus orageuse de l’histoire, les dissensions de ses membres, unis à travers tout dans la pensée fixe et immuable de reposer ici, à défaut d’y pouvoir mourir. Plus on y songe, moins l’on s'explique l'étrange pré- tention de nos voisins à ce sujet. « Eh quoi, leur dirions- nous, vous encore, vous deux fois repoussés en 1817, en 1819, vous après ce demi-siècle d’investigations locales si prodigues de lumière sur nos comtes que leur nom populaire est venu s'inscrire de lui-même sur l’une des rues de la cité? Le refus n’est pas de nous; ce sont eux qui vous refusent. Questionnez-les, ils répon- dront. Est-ce à nous de vous rappeler les persistances féodales? L'origine avant tout, surtout quand au droit du berceau se superpose celui de la tombe. Vous avez il est vrai, restilué à la France le prisonnier de Sainte- Hélène. — Il vous pesait. Ici ni répulsion d’une part, ni remords de l’autre; le vœu de la mort librement ex- primé, observé et transmis par tant de générations, oblige; le répudier, non possumus! L’exil pour eux, ce serait Westminster. Qu’iraient faire sur ces dalles, glacées par l’hérésie, des figures marquées du sceau de la catholicité? — Plutôt Versailles! Tonorez-vous l'accord de la croyance et de l’art, indispensable à la sanction des monuments chez les peuples? Elles eussent été vôtres, que depuis trois cents ans vous seriez déchus de vos droits sur elles; non potestis! Aux deux bouts de la question une impossibilité se dresse. Vous avez vos Tudors, laissez-nous nos Plantagenets. » Mais pour mieux affirmer nos titres, soyons vigilants sur nous-mêmes. Si Westminster-Abbay a vu profaner son sanctuaire, l’abbaye de Fontevrault subit une profa- — 937 — nation moins scandaleuse au fond, mais plus criante d'aspect, et à ce titre, grosse de déclamations pour l’ad- versaire. À quand la réparation? Voilà deux fois que des entreprises téméraires, en éveillant l'attention sur les statues de Fontevrault, ont adouci leur sort et amé- lioré leur fortune. En 1817, après le premier échec des négociations britanniques, et sur la proposition de M. de Wismes, on les tira de la nuit et du pêle-mêle où elles gisaient. En 1849, à leur retour de Versailles, sous les auspices du ministre, notre collègue, M. de Falloux, elles furent réinstallées avec une considéra- tion nouvelle. Cette fois, il leur faut mieux; il leur‘faut _à elles, comme à nous, comme à la France, qui les pro- - tége, de respirer sans bornes dans l'édifice tant aimé. Saint-Michel-en-Grèves, libéré de ses détenus et rendu à l'Église, a causé à l’ermite de Tombelaine une joie dont Robert d’Arbrissel est à bon droit jaloux. Nous confions cette cause avec tout ce qu’elle comporte de religion, de patriotisme et d'équité, à l’énergique ini- tiative du Président de laséance. L’Angleterre, du coup, se résignera, et le dernier monographe de l’abbaye de Fontevrault pourra rayer de son livre cette douloureuse épigraphe : « Il est écrit: ma maison sera une maison de prière, et vous en avez fait une caverne de voleurs. » V. PAvIE. NOTE SUR CHANZÉ ET LA RIVE MAISONS DE PLAISANCE DU ROI RENÉ. / Parmi les maisons de plaisance qui appartenaient au roi René le bon, duc d'Anjou, on cite celles de Chanzé et de la Rive. La première est située dans la commune de Sainte- Gemmes-sur-Loire et est désignée par erreur sur la carie de Cassini, feuille n° 98, sous le nom de Chaus- sée. Sur la carte topographique de France, dite de l’'Etat-major, feuille n° 106, Chanzé est le nom donné à des maisons situées à 3,800 mètres, au nord-ouest de Sainte-Gemmes, entre Châteaubriand et la Baumette et près de la rive gauche de la Maine. Le 31 janvier 1456, le roi René datait de Chanzé le diplôme de fondation de la Baumette ‘. 1 Histoire de l'Église et du diocèse d'Angers, par M. l'abbé Tres- vaux, t. I, p. 297. — 939 — D’aprés un inventaire fait en 1471, il y avait à Chanzé une cuisine, une chambre basse près le puits, une salle basse près la fontaine, une chapelle, une chambre près la chapelle, la chambre du roi (René), une galerie prés de cette chambre, un petit retrait au- prés, une chambre haute de M°*° Yolande, et un cellier". .. En 1474, par son testament, le bon duc d’Anjou ratifie les dons qu’il peut avoir faits ou qu'il fera à l'avenir, à la reine Jeanne de Laval, son épouse, des lieux de la Rive et de Chanzé, etc. *. Dans la vie de Guillaume Ménage, page 450, on voit figurer Jacques Gaultier, fils de Jacques et de Charlotte Lanier, écuyer seigneur de Chanzé en 1665, conseiller au Présidial d'Angers et conseiller-échevin perpétuel d'Angers en 1667. Un Mathurin Nicollon, demeurant à Angers, et époux de Jacquine Caternault, portait le titre de sieur de Chanzé en 1690. Cest donc par erreur que le Bulletin historique et monumental, année 1861-1869, page 55, indique le château de Chanzé, situé près de Thouarcé, dans la commune de Faye, comme ayant appartenu au roi René. Ce vieux manoir qui existait, dès le xiI° siècle, appartint pendant tout le xiv° et le xv° siècle à la famille Amenard ; il passa vers 1505, à Christophe de Coulaine par son alliance avec Renée Amenard; Jacques du Bellay, seigneur de Thouarcé, l’eut par échange en 1543, et ses descendants le possédèrent jusqu’en 1663, qu’il 1 Voir plus haut, p. 4i et suiv. 2? Œuvres choisies du roi René, t. I, p. 89. — 240 — fut vendu au duc de Brissac, et la famille de Cossé en resta propriétaire jusqu’à la Révolution. La Rive est dans la commune de Bouchemaine, sur le bord occidental de la Maine, près et à l’est de Pru- niers et en face de Chanzé, aussi d’après l'inventaire de 1471, cette métairie dépendait-elle du domaine de Chanzé. J Louis RAIMBAULT. ÉTUDE SUR LES INONDATIONS DE 1866 A PROPOS DE LA RUPTURE DE LA DIGUE INSUBMERSIBLE DE GOHIER. Messieurs, * À quelques lieues de la ville d'Angers, sur la rive gauche de la Loire, se trouve l’une des plus petites et des plus pauvres communes de tout notre départe- ment, mais aussi l’une des plus heureuses et des plus dignes de fixer l'attention du voyageur, du philosophe, de l’artiste et de l'ami de la nature pure et tranquille ! En effet, privée de son église, détruite dans la Révo- lution de 1793, ne possédant ni mairie, ni école, ni un budget capable de permettre la construction de ces édifices essentiels, l'administration municipale de Go- hier, est obligée de demander à l’église et aux écoles de Blaison, les moyens d’assurer à ses administrés, la SOC. D’AG. - 16 — 949 — possibilité de remplir leurs devoirs religieux et de don- | ner à leurs enfants l'éducation la plus indispensable ; enfin les registres de son état civil sont conservés dans une des pièces de l’habitation du maire, qui sert, égale- ment, aux réunions et aux délibérations du conseil municipal. Sa population ne dépasse pas 260 âmes. Mais si la commune esl aussi petite et aussi pauvre que possible, où trouver une position plus charmante que celle occupée par le hameau de Gohier? Ses maisons champêtres, entourées de jardins, domi- nent une vallée délicieuse, véritable Eden, où se trou- vent réunis, dans un espace de quelques lieues carrées, tous les trésors de la campagne, un jour splendide, l'air le plus pur, une végétation luxuriante produisant, à profusion, les fleurs Les plus belles, les fruits les plus savoureux, les arbres du plus beau port, aux essences les plus variées, où mille oiseaux divers viennent asseoir leurs nids et animer le paysage par la variété de leurs concerts. Bien plus ce charmant hameau se trouvant séparé depuis des siècles, des grandes artères de la circula- tion publique, d'un côté, au sud par un coteau fort élevé dont la pente rapide s’opposait à la construction de chemins faciles ; de l’autre, au-nord par les eaux de la Loire, ses habitants ne furent troublés, dans leur quiétude, par aucun des événements politiques tels que les guerres de la Vendée et de l'Empire, les Gent-Jours, l'invasion étrangère, la Restauration et la révolution de 1830 qui, durant quarante années, ont occasionné tant d’agitations, de malheurs et de ruines, dans le reste de la France! — 943 — Ils ne connaissaient alors d’autre autorité que celle de leur maire, tout à la fois leur ami, leur arbitre en toutes choses, homme de mœurs douces et aimables, n'ayant d'autre ambition que l'affection et la confiance de ses administrés"; enfin, ils n’apprenaient les modifica- tions successives du gouvernement de notre patrie que par le changement des couleurs arborées au sommet des mâts naviguant sur la Loire. | Mais le gouvernement de Louis-Philippe ayant décidé la création des routes stratégiques, et demandé qu’une grande impulsion fût donnée à la viabilité du royaume, M. Gauja, préfet de Maine-et-Loire, fit connaître au Cou- seil général, dans la séance du 31 août 1839, qu'il avait décidé plusieurs communes à voter des subven- tions pour la construction d’un système de ponts indis- pensables dans un pays traversé par un si grand nom- bre de rivières, pour relier entre elles les diverses voies de communication. Dans la séance du 31 août 4841, M. Bellon, succes- seur de M. Gauja, assurait au même Conseil général que les ponts des Rosiers et de Saint-Mathurin, en amont de Gohier, et ceux de Chalonnes, de Montjean et d’In- grandes, en aval, étaient en cours d’exécution sur la Loire. En effet, ces travaux marchèérent rapidement, - et dès 1841, le pont de Saint-Mathurin, ainsi que la levée vers Saint-Rémy, formant le complément de la route départementale n° 21, furent livrés à la cireula- tion. À partir de cet événement, il fut impossible de rester inactif; aussi, quelques années plus tard, en- traînée par l’exemple et par la force des choses, la 1 M. Jacques Commeau, qui a été maire de Gohier pendant plus de 60 ans. agé = commune de Gohier suivit le mouvement général et renonça au calme d'autrefois; en conséquence, elle s’unit à ses voisines de Blaison, Saint-Sulpice, Saint- Saturnin et Saint-Jean-des-Mauvrets, dans le but de _ former un syndicat pour la construction d’une levée insubmersible, destinée à protéger les terres cultivées de leur fertile vallée, contre les débordements des eaux de la Loire. La commune de Juigné refusa de faire partie de cé syndicat. Cette levée fut exécutée dans les années 1846, 1847 et 1848; elle coûta plus de 300,000 fr., dont les deux tiers ont été payés sur les fonds du syndicat et un tiers par l'Etat. Sa lête fut établie à 25m,17 au-dessus du niveau de la mer (prise à Marseille), à 13 mètres du lit du fleuve et suivant une courbe de 220 mètres de longueur avec un rayon d'environ 190 mètres, pour devenir une ligne droite, sauf quelques légères inflexions, dans tout le reste de son étendue, soit 7,700 mètres ; sa longueur totale, de Gohier au Bois d'Angers, où elle s'arrête, étant de 7,920 mètres. Sa pente, comme celle de la Loire, est en moyenne de 0m,25 par kilomètre, et de 1,98 à 2 mètres pour la totalité des 7,920 mètres. Le corps de cette levée est malheureusement formé d'emprunts faits au sol voisin, c’est-à-dire de sable, qui permet trop facilement l'infil- ration des eaux. Elle présente, un ensemble composé de cinq parties : 0 d’un talus vers nord, d’une hauteur, en moyenne, de 8m,40, revêtu d’un perré en moellons durs du coteau, avec escalier de dix-sept marches, pour des- cendre sur les terrains joignant le lit du fleuve; 90 D’une chaussée de 3,20 de largeur, élevée de — 945 — 9,90 au-dessus de l’étiage de la Loire, et de 3m,47 au- dessus des terrains qui la joignent, et qui n’est ni pavée, ni macadamisée ; 30 D’un talus de 2,30 de longueur, semé d’herbes diverses ; 49 D'une banquette de 3 mêtres de largeur, située à 4,40 en contrebas de Ja chaussée, et semée d’herbes diverses ; 9° Enfin d’un talus de 2,20 de longueur (réduite), vers sud. Le tout occupant, en plan, une largeur de 19,80, sur une hauteur de 2,50. . Quels ont été les résultats de cette création dispen- dieuse? Avant la construction des ponts et des levées des Rosiers, de Saint-Mathurin, de Chalonnes, de Mont- jean et d'Ingrandes, en Maine-et-Loire seulement, les plus grandes crues de la Loire inondèrent les rues basses du hameau de Gohier, dans une hauteur de 1m,10 en 1843, Om,78 en 1844, Om,95 en 1845, 0n,73 en1846; les eaux montèrent à ces mêmes hauteurs dans les champs situés au niveau de ces rues basses, pour arriver à zéro à une distance moyenne de 80 à 95 mètres du côté du coteau; puis ellesse retirèrent, sans effort, comme elles étaient venues, en laissant un limon salu- taire sur les terres que les cultivateurs se gardaient bien d’ensemencer avant l'hiver, comptant sur la pré- sence presque annuelle du débordement des eaux du grand fleuve. Après l'achèvement de ces ponts et des levées qui en dépendent, les habitants de la vallée crurent qu’ils pou- vaient avoir confiance dans la protection de leur digue, et jouirent durant sept à huit années de cette con- — 946 — fiance, mais dés 1856, le 4 juin, les eaux de la Loire ayant atteint la hauteur de 5®,30 au-dessus de leur lit de sable, allaient passer par-dessus la tête de la digue, lorsque des infiltrations graves survinrent et furent bientôt suivies d’une rupture par laquelle un flot énorme se précipila dans le hameau et dans la vallée de-Gohier, détruisant les récoltés et ensablant toutes les terres placées sur son passage. Ce flot, d’une longueur primitive de 1,50 à 2 rièlres, mal combattu dans ses effets destructeurs, s'agrandit en peu de temps d’une manière considérable, en dé- truisant la digue dans une longueur de 59 mètres en amont, et de 141 mètres en aval. L’inondation des rues basses et des rez-de-chaussées de plusieurs des habitations atteignit la hauteur de 12,20 (dépassant de On,10 les plus grandes crues connues avant la création des levées insubmersibles), les dommages éprouvés par les propriétés riveraines furent considérables, et pour rétablir la levée dans une longueur de 200 mètres, M. le préfet Vallon, dans un rapport soumis au Conseil général, dans sa séance du 20 août 1856, portait à 105,666 fr. la somme nécessaire à demander au budget. Depuis cette réfection, Messieurs, plusieurs années se sont écoulées sans fâcheux accidents. En 1865, l'administration des ponts et chaussées, voulant donner plus de garantie à l'avenir, fit relever. la chaussée de la digue de Gohier de 0,75 à Om,80, - depuis la tête jusqu’à l'extrémité de la coupure de 1856, et fit remplir, non plus avec du sable, mais avec des terres végétales lassées avec soin et semées de lu- — 947 — zerne, l’espace compris entre les deux sommets des deux talus, vers sud, de telle sorte que le profil de celte digue, dans la longueur de 142 mètres, ne pré- sente plus que trois parties au lieu de cinq, à savoir : un talus, vers nord, de 6 mètres (réduits) de hauteur, perré, une chaussée de 3m,90 de largeur, et un talus de 9 mètres de longueur, semé de luzerne, vers sud. Cependant, le vendredi 28 septembre dernier, la Loire, qui avait grandi de plus de deux mêtres la veille, continua à s'élever de 0,04 à 0,049 par heure, en charriant d'énormes écumes. Le samedi 29, les eaux montaient toujours, la pluie tombait avec force et sans intermittence, la population tout entière était dans l'inquiétude. MM. les Maires de Gohier et des communes voisines, à la tête de nombreux travailleurs, passérent toute la journée du samedi, la nuit du samedi à dimanche et tout le dimanche à ren- forcer, au moyen de foin et de gros moellons de grés, les parties de la digue qui paraissaient les plus fai- bles, et particulièrement tout le talus en terre exécuté en 1865. En effet, il était facile de reconnaître les en- droits où les secours étaient les plus indispensables, en marchant lentement sur ce talus, qui cédait sous les pas là où les eaux d'infiltration commençaient à se faire jour. Dans la nuit du dimanche au lundi 1% octobre, les travaux de défense continuèrent, le tocsin fut sonné pour prévenir la population de la vallée de Gohier à Saint- Jean que tout faisait craindre une rupture de la levée dans le même endroit qu’en 1856 (la Loire ayant atteint comme à cette époque la hauteur de 5m,30); les eaux — 248 — remontaient dans cette vallée depuis le Bois d’Angers (où cesse la digue insubmersible), dans les terres cultivées el jusque dans les jardins de Gohier. Les populations de la rive droite, aussi fatiguées, aussi agitées que celles de la rive gauche, attendaient avec anxiété une catas- trophe qui paraissait imminente, lorsqu’à neuf heures trois quarts du matin, une voix formidable annonça que la Bohalle et Saint-Mathurin étaient sauvés! Les eaux du fleuve, qui ne formaient qu’une seule nappe de la grande levée à celle de Gohier, venaient de se frayer un passage dans cetle dernière, au droit du chemin Ni- veleau, vis-à-vis le bourg de Blaison, mais loin de ses habitations, à 1,153 mètres de la tête de la digue, et à 1,011 mètres du point de rupiure en 1856. Ces eaux se précipitant dans la vallée d’une hauteur de 3®,70, déracinérent les arbres, creusêrent le sol, emportèrent les pierres du perré à des distances de 55 à 60 mètres vers le sud, ensablèrent 19,250 mètres de champs cul- _tivés et remontèrent dans la vallée, jusqu’au hameau de Gohier, où les jardins et les rues basses furent inon- dés à la hauteur de 0n,85 à 1m,60. ; Par un hasard providentiel, deux forts bateaux se trouvaient amarrés à la tête de la digue, au moment du sinistre; et leurs grandes voiles ayant été mises à la disposition du cantonnier chargé de la surveillance de cette digue et de plusieurs riverains, aussi dévoués que forts et adroits, ces voiles jetées en amont et en aval du flot, sur les parois de la digue, où elles étaient main- tenues à l’aide de cordes et de pierres par les intré- pides travailleurs, combattirent pied à pied la force des eaux, à ce point qu’au lieu-d’arriver à la longueur “ di es ae de 200 mètres, comme en 1856, la brèche n’a pas dé- passé 96 mètres. Sous l’emplacement de la levée, le sol a été excavé de quatre à cinq mêtres, et l’eau ne peut s’écouler d’un pareil bassin. Le devis des travaux de réfection de cette levée porte la dépense, non compris la valeur des terres, à 92,000 fr. L’adjudication, fixée au 1e décembre dernier, a trouvé un adjudicataire, avec rabais de 5 /, sur le prix d'estimation. Mais quelles que soient les injonctions du cahier des charges imposées à l'entrepreneur, peut-on espérer qu'à une époque aussi rapprochée de l'hiver, les crues de la Loire ne viendront pas empêcher les épuisements, et par suite les travaux d’enrochements et de remblais ? Cela n’est guère possible, et l’année 1867 tout entière se passera avant que la vallée de Blaison puisse être cullivée en sécurité, autant que la sécurité peut se trouver là où nulle confiance n’est inspirée par la puissance des moyens opposés à la force incalcu- lable des crues simultanées de plusieurs fleuves et ri- vières réunis! Bien plus, de nombreux affouillements ont eu lieu dans toute [a longueur de la digue, et nul ordre n’a été donné jusqu'ici pour combler ces excavations dange- reuses. Les quatorze ou quinze endroits du talus refait en 1865, qui avaient faibli et avaient été provisoire- ment consolidés avec du foin et des moellons dans les nuits du 29 septembre au 1‘ octobre, mont fait l’objet d'aucun travail solide et durable. La première dépê- che télégraphique annonçant une crue dans la haute — 250 — Loire, fera trembler à l’idée d’une nouvelle inondation. Et cependant, il faut payer les impositions dont est pas- sible le fonds, puis la quote-part dans les dépenses d'entretien de la levée, puis la quote-part dans les ré- fections des ruptures! Une telle situation deviendra bientôt intolérable, si des mesures énergiques et précises ne sont pas adop- tées, pour rassurer les populations sur leur avenir et sur la conservation de leurs propriétés. Mais quelles doivent être ces mesures? Pour combattre efficacement un fléau, il est indis- pensable de connaître les faits qui-l’ont fait naître, et jusqu’ici l’on est peu d'accord sur la cause des catas- trophes qui font l’objet de cette étude, et qu’il importe de trouver. Dans son rapport sur les inondations de 1866, fait et adressé à l'Empereur dans le mois d'octobre der- nier, M. le ministre de La Valette déclare : « que de 1790 jusqu’en 1846, aucune crue extraordinaire n'avait rompu les digues et envahi le val de la Loire, ce qui - motive la confiance aveugle que les populations ont mise dans linsubmersibilité de ces digues! » Pourquoi donc, depuis 1846 jusqu’à 1866 les eaux de la Loire sont-elles devenues si terribles ? Faut-il croire que Dieu à ordonné aux eaux de nos fleuves de dévaster nos riches vallons pour punir les peuples des idées de philosophie et de progrès qui les animent, ainsi que des événements politiques qui ont rappelé nos troupes d'occupation de la Ville éternelle ? Une telle pensée ne peut pas être admise ici, ni servir de base à la vérité que nous recherchons. — 951 — Mais un fait simple et positif nous permet de répon- dre comme suit à la question posée : Lorsqu’en 1835 l'on pensa qu’il était utile de cons- truire les levées ainsi que le pont de la Haute-Chaine de notre ville (livré à la circulation en 1839), les ingé- nieurs ainsi que les constructeurs affirmaient que s'il était juste de reconnaître que le lit de la rivière allait se trouver réduit de moitié par les constructions pro- jetées, la théorie démontrait que le courant devant augmenter en raison de la différence du débouché laissé à l'écoulement des eaux de la Maine, les voisins n’au- raient pas à en souffrir. | Cependant la population du petit village de Reculée, composée de pêcheurs, et située en amont des ouvrages en question, ne consultant que son simple bon sens, ainsi que l'expérience que lui présentait chaque jour la vue des écluses de la Sarthe et de la Mayenne, cette population inquiète soutint que si le plan projeté était réalisé, il se formerait un comble qui inonderait ses demeures; mais comme elle n'avait plus le bon roi René pour faire prévaloir ses réclamations, les levées furent faites, et dès l’année suivante, il fallut ajouter deux et quatre marches aux rez-de-chaussées des mai- sons de Reculée, pour empêcher les eaux d’y pénétrer. Eh bien, Messieurs, si, de ce fait, qui s'applique à une rivière minime si on la compare à la Loire; vous voulez bien reporter votre pensée sur tous les ouvrages cités plus haut, exécutés dans notre département, el dans tous les autres traversés par la Loire, depuis l'im- pulsion donnée en 1838 ei 1839, par le Gouvernement, les Conseils généraux et les communes du royaume, — 952 — | vous reconnaitrez avec moi-que ces travaux sont la seule cause des désastres que nous avons trop souvent à déplorer, et que si l’on veut, ici, faire intervenir le nom de la Divinité, ce n’est que pour reconnaître que Dieu seul est la puissance et l’infaillibilité même! En effet, suivant ses décrets, les eaux de la Loire devaient couler, sans entraves, du mont Gerbier à l'Océan, en suivant le cours et les limites qui leur étaient tracés. Aussi, durant des siècles, il en fut ainsi; mais il y a quelques centaines d’années, nos ancêtres construisirent sur la rive droite du grand fleuve une large levée de- venue la route impériale n° 152. Les terres qu’elle isola de la Loire, et qui n’étaient que des espèces de marais, furent bientôt transformées en merveilleuses cultures. Ce riche pays, dont la superficie est d'environ 99,160 hectares, fut bien vite occupé par une popula- tion de plus en plus grande, et reçut le nom de vallée de Beaufort. | Cependant l'établissement de celte digue insubmer- sible portait une grave atteinte à la liberté de la Loire qui s'irrita, plusieurs fois, et notamment dans les années 1361 — 1661 — 1707 — 1710 et 1711, qu’elle rompit la levée à la Chapelle-Blanche, et porta la ruine et la dévastation là où florissaient le bonheur et la richesse ! Ces leçons, répétées et sévères, auraient dû éclairer les gouvernements de la France et leur montrer com- bien il est dangereux de méconnaitre les lois de la na- ture, mais non. Aveuglés sur les conséquences de leurs œuvres, les ministres et les populations rivalisérent de zèle, surtout depuis 1839, pour ajouter aux levées pa- — 953 — rallèles à la Loire des digues perpendiculaires à son cours, et assez étendues pour lui disputer une grande partie de son lit séculaire! Reconnaissons donc enfin aujourd’hui les dangers de multiplier ainsi des obstacles au cours d’un grand fleuve, dont la marche régulière est assurée par l'ingénieur sans égal, qui a fixé les lois immuables de l'univers! La cause certaine des inondations (plus fréquentes que jamais depuis vingt années), une fois connue, existe- t-il un moyen de la faire cesser, ou du moins d’en atté- nuer les douloureux effets? Nous espérons qu'il est possible de répondre affirmativement, et de dire que ce moyen consisterait dans des modifications graves au système actuel, et dans l’adoption de résolutions offi- -ciélles motivées sur les pensées qui suivent : S’il était possible d’opérer instantanément le reboise- ment des montagnes et de faire disparaître les travaux d'art multiples exécutés depuis deux cents ans par la main des hommes, toute crainte d’inondations fâcheuses cesserait sans nul doute; mais si une loi a ordonné le reboisement de ces montagnes induement défrichées, afin de rétablir le plus tôt possible les réservoirs par- tiels que les tiges et les racines des plantes présentent aux eaux pluviales pour les retenir et les empêcher de se précipiter trop rapidement et en quantités trop con- sidérables dans les plaines, et si cette loi peut faire espérer d’heureux résultats pour l’avenir, il est impos- sible de songer à faire détruire les levées insubmer- sibles qui, établies primitivement dans le seul but de préserver les terres cultivables, contre l’effet des grandes crues des fleuves, sont devenues aujourd’hui indispensa- bles pour protéger contre les mêmes crues, non-seule- — 954 —- ment les terres, mais aussi les fermes, les villages et les villes, que des populations considérables, trop con- fantes dans la force de leurs digues, ont édifiées dans les vallées! Enfin, dans une lettre célèbre, écrite en 1856, de Plombières, au ministre des travaux publics, l'Empereur, voulant calmer les inquiétudes générales, a prescrit des études immédiates sur les moyens d’obvier, pour l’ave- nir, aux terribles catastrophes produites par les inon- dations et indiqué, comme sujets principaux de ces études, la construction de vastes réservoirs situés sur les affluents des rivières, de canaux dérivatifs, qui empêcheraient les eaux d’arriver simultanément dans les fleuves, et de déversoirs. Mais l'efficacité des réservoirs tels qu’on les pourrait établir n’est nullement démontrée; La construction des canaux dérivatifs suffisants occa- sionnerait des dépenses impossibles ; Quant aux déversoirs, quels seraient les terrains condamnées à en recevoir les eaux? Dans quelles pro- portions colossales faudrait-il les calculer, lorsqu'il est démontré qu’en 1856; plusieurs levées rompues, entre Orléans et Tours, le 3 juin, n’ont pu servir à empêcher la rupture de la grande levée à la Chapelle, sur la rive droite, ainsi que l’inondation de la ville de Saumur et la rupture de la digue de Gohier, sur la rive gauche, dés le 4 juin, lendemain de ces premiers désastres ! Ces observations suffisent pour nous faire recon- naître combien, en pratique, lee grands remèdes indi- qués dans là lettre impériale présentent de difficultés, d’impossibilités même, et combien il est indispensable de sarrêter à des projets, moins grandioses, mais le — 955 — plus tôt possible efficaces et tels que ceux qui peuvent se résumer comme suit : 40 Obtenir du gouvernement de l'Empereur un décret qui défendrait formellement tout travail riverain de la Loire et des autres fleuves et rivières, toutes les fois qu'il aurait pour conséquence possible de réduire, en quoi que ce soil, les débouchés actuels de ces cours d’eau ; % Obtenir du Gouvernement et des Chambres des crédits spéciaux qui permettraient 1° de rehausser de 0m,80 à 1 mètre, et d'élargir en proportion, toutes les levées parallèles au cours de ces fleuves et rivières et construire, dans une largeur de 1,50 à 2 mètres, un pavage, ou au moins un blocage, avec mortier de chaux hydraulique, se reliant avec la partie imférieure, et dans toute la longueur des perrés, pour empêcher les affouillements; 2 de remplacer toutes les levées cons- truites perpendiculairement à ces fleuves et rivières, successivement, suivant les crédits disponibles, par des ponts non suspendus mais fixes et formés d’arches de la plus grande ouverture possible ; 3 Décider que, dans le plus bref délai, les sommes versées annuellement entre les mains des trésoriers des syndicats établis pour la construction et pour l’entre- tien des digues insubmersibles, seront comptées par les soins de MM. les présidents de ces syndicats et comme primes, ainsi que les subventions proportionnelles ac- cordées par l’État, non pas à une Société d'assurances comme celle proposée au Conseil général de Maine-et- Loire, en 1856 par le sieur Haussman, mais aux prin- cipales Compagnies d’assurances contre l'incendie, dont le siége est à Paris, qui, par l'importance de leur ca- — 956 — pital social (qui pourrait être augmenté), par les béné- fices qu’elles réalisent chaque année, offriraient toute garantie pour les populations et pour le gouvernement. Ces compagnies devraient immédiatement composer un personnel d'ingénieurs, d’inspecteurs et d'ouvriers spéciaux, dans chaque localité, qui seraient respon- sables et auraient tout intérêt à entretenir avec soin les diverses parties des levées en question et notam- ment les perrés des talus, toute plante qui viendrait à végéter dans les joints devant rigoureusement en être arrachée, puis les joints refaits. Enfin, ces Compagnies obtiendraient du gouverne- ment et des communes le droit de faire exécuter, à leurs frais, tels travaux qu’elles jugeraient les plus con- venables pour remplir le mieux possible l’importante mission de confiance qui leur serait accordée. Les polices ou contrats, spéciaux à chaque départe- ment menacé par les inondations, par lesquels lesdites | Compagnies s’engageraient à garantir les assurés contre les risques et les dévastations des inondations, ainsi que le montant des primes à payer annuellement aux- dites Compagnies, pour les rémunérer dé leurs soins et de leurs déboursés, seraient fixés dans une assemblée tenue au chef-lieu du département, présidée par le Préfet et composée des présidents des syndicats et des délégués fondés de pouvoir des Compagnies. Tous les dix ans, ces polices et primes pourraient être maintenues ou modifiées, soit en plus soit en moins, suivant les circonstances, dans une assemblée formée des mêmes éléments que la précédente. F. LACHÈSE. Angers, le 25 décembre 1866. TRANSLATION D'ANGEVINS ET DE TOURANGEAUX A ARRAS SOUS LOUIS XI. Une des cités les plus heureuses, au commencement du xv° siècle, était à coup sûr la ville d'Arras. Sous le gouvernement paternel des ducs de Bourgogne, et sur- _tout de Philippe le Bon, elle avait acquis une prospé- rité inouie. Le commerce, l’industrie y faisaient chaque jour de nouveaux progrès, et ses habitants bénissaient le Ciel de la paix profonde au milieu de laquelle ils vivaient. é L Ses tapisseries de haute lisse, principalement, lui avaient acquis, depuis bien des siècles, une immense célébrité. Pour n’en citer qu’un exemple, en 1395, quelques-unes d’entre elles furent envoyées comme SOC. D’AG. 17 — 258 — rançon à Bajazet, après la funeste bataille de Nicopolis. Elles excitérent une admiration universelle. « C'était, dit un historien arabe contemporain, c’était une des merveilles du monde, et ce n’était rien que d’en en- tendre parler, il fallait les avoir vues. » La magnifique tapisserie qui décore aujourd’hui l'escalier d'honneur de la Bibliothèque impériale, à Paris, date du règne de Philippe le Bon lui-même, qui y est représenté entre plusieurs personnages de sa cour. Quand ce prince mourut (15 juin 1467), ce fut un ‘deuil universel. Combien il eût été plus grand encore si l’on eût pu prévoir l'avenir! Charles le Téméraire monta sur le trône de Bour- gogne. Il fut presque aussitôt en mésintelligence avec le roi de France, Louis XI, et l’on vit les jours de ba-- tailles et de misères succéder à cette époque de tran- quillité et de bien-être qui devait illustrer à jamais le règne de Philippe le Bon. Louis XI connaissait la richesse d’Arras et il cher- chait le moyen de s’en emparer. En 1476, il lança tout à coup sur l’Artois des troupes qui y commirent d’af- freux désordres, maïs cette même année, une trève de neuf ans mit fin aux hostilités entre lur et Charles le Téméraire, et il dut renoncer momentanément à ses projets. Il n’attendit pas longtemps: Le 5 janvier suivant, Charles succombait sous les murs de Nancy. Aussitôt Louis se mit en marche à la tête d’une armée consi- * dérable. « Nous partismes, dit Comines, et fismes grande diligence, nonobstant qu’il faisoit le plus grand froid que j'ay veu faire de mon temps. » L’effroi régnait par- tout, l’indignation était générale. On ne s’expliquait — 259 — pas comment Louis pouvait, contre toute foi, toute loi, toute raison, venir accabler un pays qui ne l'avait en rien offensé; mais Louis se préoccupait peu de l'opinion des populations qu’il foulait à ses pieds. Il prit par ruse Abbeville et Péronne, et arriva enfin devant Arras. Cette ville était très-forte. Il commençait les prépa- ralifs du siége, quand il fut rejoint par les ambassa- - deurs de la jeune comtesse d’Artois, l’infortunée Marie de Bourgogne, sa nièce, sa pupille même, qui venait de succéder à Charles le Téméraire. Il profila habilement de cette circonstance. Ces seigneurs, que Charles avait naguère comblés de ses bienfaits, n’eurent pas le cou- rage de résister aux offres et aux menaces de Louis XI; trahissant leur pays et leur souveraine, ils autorisérent le roi de France à entrer avec une faible garnison dans la cité d'Arras, séparée de la ville même par d'importantes fortifications. À partir de ce jour Arras était perdu. Louis XI, au comble de la joie, se hâta de profiter de l'autorisation qui lui était accordée, et en signe de prise de possession, fit placer sur les portes de la cité les armes de France, surmoniées de bannières, sur les- quelles étaient brodées en or ses propres armes. De solides remparts furent élevés autour de la partie occupée par ses troupes, puis il partit pour achever la conquête du pays. À peine s’était-il éloigné, que les habitants de la ville ; fidèles à Marie de Bourgogne, et exaspérés de ces trahisons, se soulevèrent, appelant à leur aïde les garnisons de Lille et de Douai. Des renforts se mirent en marche, mais ils étaient mal commandés ; ils furent attaqués en route par les Français, et écrasés; un pelit — 960 — nombre d'hommes arrivèrent à Arras. La résistance ne fut ni moins résolue, ni moins active. Louis XI, revenu de son expédition, fut outré de ce qu’il appelait une rébellion, et, résolu à en finir vite, il fit approcher une artillerie considérable qui ouvrit ra- pidement dans les murailles des brèches énormes. Les bourgeois d'Arras, comprenant qu’un désastre était im- minent, décidèrent d'envoyer une députation à Marie de Bourgogne, qui était alors à Gand, pour lui exposer leur triste situation, et lui demander s'ils devaient se rendre ou mourir pour la cause de leur souveraine légi- time. Ils choisirent comme ambassadeurs les hommes les plus recommandables de la cité, et tout d’abord maître Oudart de Bussy, conseiller au Parlement. Aprés beaucoup d’hésitations, ceux-ci se rendirent auprès de Louis XI, pour lui demander l'autorisation de faire cette démarche. Le roi les reçut avec une grande bonhomie el les approuva. « Vous savez bien ce que vous avez à faire, leur dit-il, je me en atens à vous. » 11 leur donna un sauf-conduit, et les députés, plus rassurés, se mirent en devoir d'accomplir leur mission. Près de Lens, ils furent tout à coup entourés par une troupe d’archers à cheval, qui leur ordonnèrent d’aller à Hesdin trouver le chancelier du roi. Ils s’y rendirent sans défiance, et on les mena dans ‘une hôtellerie où les attendait une table richement servie. Tous y prirent place et le repas s’achevait gaiement, quand un huissier d'armes entre brusquement et appelle à haute voix l’un des ambassadeurs. Celui-ci est conduit près du chan- celier qui lui déclare qu’il n’a qu’à se préparer à mou- rir, car telle est la volonté du roi. Puis l’infortuné — 961 — est traîné sur la place du marché et décapité. Pendant ce temps l'huissier allait chercher un autre des con- vives, auquel le même sort était réservé, puis un troi- sième, puis un quatrième. Cependant les députés s’in- quiétent, interrogent,; ils apprennent l’horrible tragédie qui se passe près d’eux. La scène devient alors indes- criptible. On ne peut se figurer l’effroi, le désespoir, le délire de ces malheureux dans l’attente de l'huissier revenant, d’une voix sinistre, appeler une nouvelle vic- time. Huit eurent ainsi la tête tranchée. Les autres durent, paraît-il, la vie à la rapacité d'Olivier le Dain, qui en tira de fortes rançons. Louis XI était venu pré- sider à cette horrible boucherie. Le lendemain, il fit déterrer la tête de maître Oudart, et ordonna qu’on la couvrit d’un mortier d’écarlate, fourré d’hermine, et qu’elle fût ainsi exposée sur le marché d’Hesdin. On ne croirait point à une telle infamie, si elle n’é- tait attestée par Louis XI lui-même. Voici en effet ce qu’il écrivit au sire de Bressuire : « Ceux dudit Arras s’étoient assemblés vingt-deux ou vingt-trois pour aller ‘en ambassade devers Mademoiselle de Bourgogne. Ils ont été pris avec les instructions qu’ils portoient, ont eu la tête tranchée, car ils m’avoient fait une fois ser- ment. Il y en avoit un entre les autres, maître Oudart de Bussi, à qui j’avois donné une seigneurie au parle- ment, et afin qu’on connüt bien sa tête, je l’ai fait en- tourer d’un beau chaperon fourré. Il est sur le marché d'Hesdin, là où il préside. ! » 1 Louis XI à Arras, par M. l'abbé Proyart (Mémoires de l’Acadé- mie d'Arras, 1863). — 962 — La nouvelle de ce massacre ne fit qu’exalter le cou- rage des habitants d'Arras. Sachant qu’ils ne devaient attendre aucun renfort, que le roi disposait de forces immenses, ils se battirent avec uñ incroyable acharne- ment. Cependant, après quinze jours d’une lutte héroï- que, voyant les ravages irréparables causés de toutes parts par l'artillerie royale, sachant que parmi eux il y avait des traîtres, ils se rendirent (5 mai 1477). Le roi consentit à laisser sortir la garnison avec armes et ba- gages; il accorda aux bourgeois des lettres d’abolition et jura de les maintenir dans tous leurs priviléges et de leur conserver leurs us et coutumes. Quatre jours aprés, il entra dans la ville non par la porte, mais par la brèche, et commença par faire cou- per la tête à deux bourgeois. Trois jours après on pro- céda à de nouveaux supplices. Louis XI fit mettre à mort tous ceux qui lui avaient été contraires; puis il quitta pour quelque temps ces lieux désolés. « Monsieur du Lude et maître Guillaume de Cerisay, qui furent préposés à la garde et au gouvernement de cette ville, ne s’occupérent qu’à tirer grand profit de cette affaire ; les condamnations continuërent, afin de gagner des confiscations; les riches bourgeois furent mis à rançon; des exactions de toute sorte vinrent l’une aprés l’autre. La haine des habitants pour les Français s’accroissait de jour en jour, c’étaient sans cesse nouveaux projets _ de sédition , secrètes intelligences avec les Bourgui- gnons, et la découverte de ces trames amenait de nou- velles cruautés. « Il est vrai que de temps en temps le roi venait à Arras, et, voyant combien il lui importait de s’assurer — 963 — la tranquille possession de cette ville, il promettait des abolitions, diminuait les taxes, accordait des priviléges; mais comme il ne pouvait y avoir confiance de part ni d'autre, les choses allaient toujours en empirant ". » Bientôt tout le pays fut plongé dans une affreuse mi- sère. Les guerres, le passage continuel des troupes avaient détruit les moissons; la disette devint telle que l’évêque Pierre de Bachicourt se trouva dans la nécessité de déclarer au chapitre de la cathédrale, qu’il ne pouvait plus fournir l'huile et la cire nécessaires à l'entretien du luminaire. Il nous est impossible d’en- trer ici dans quelques détails sur ces jours de deuil et de crimes. Bientôt, du reste, un forfait sans exemple allait couronner toutes ces horreurs. Louis XT avait prononcé la réunion définitive de l’Ar- tois à la France; cependant Douai ne lui appartenait pas encore. Il résolut de s’en emparer à l’aide d'une ruse de guerre dont le succès ne lui semblait pas dou- teux. Un bourgeois d'Arras en surprit le secret et fit avertir les Douaisiens. Ceux-ci laissèrent s’engager les troupes royales, puis les attaquérent à l’improviste, et leur firent éprouver une déroute complète (16 juin 1479). 81 à Il serait impossible de dire quelle fut la colère de Louis XI, en apprenant ce désastre. Il déclara qu’Arras avait à jamais cessé d'exister, que tous les habitants sans exception en seraient ignominieusement chassés, et que d’autres citoyens, envoyés de tous les points de la France, entr'autres de Rouen, Angers, Poitiers, 1 De Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, tome XI, p. 64-65. — 264 — Orléans et Tours, formeraient une nouvelle cité.qui prendrait le nom de Franchise. Qui pourrait dépeindre la douleur, le désespoir des habitants d'Arras, contraints de quitter ainsi sans nul délai leurs maisons paternelles, leurs industries, tout ce qu’ils possédaient en ce monde et s’en allant avec leurs femmes et leurs enfants, sans même savoir où ils se- raient conduits? C’est bien eux qui eussent pu dire avec le poëte : Nos patriæ fines et dulcia linquimus arva, Nos patriam fugimus… Impius hæc tam culta novalia miles habebit. L'ordre du roi fut exécuté avec la dernière rigueur. Personne ne fut épargné. Les splendides dortoirs du couvent de Saint-Vaast servirent de logis à des francs- archers. Pendant quelques jours, il n’y eut pas à Arras un prêtre pour dire la messe. Cependant il fallait y amener une population nou- - velle. Les villes furent mises en demeure de fournir au plus vite le nombre d’habitants nécessaire. Nous trouvons dans des travaux récents d’intéres- sants détails sur la manière dont fut exécutée la volonté inflexible de Louis XI. Angers ne possède plus sur cet événement que des analyses beaucoup trop sommaires de documents malheureusement perdus. Les historiens de l’'Anjou ne nous fournissent non plus aucune lumière sur ce fait si curieux. Ils n’en parlent pas ou se bornent à le mentionner. Il n’en est pas question même dans le Journal de Messire Guillaume Oudin qui cependant — 965 — va de 1447 à 1499 ‘. Barthélemy Roger dit seulement? : « Louis XI, qui s'était rendu maître de l’Artois aussi bien que de la Bourgogne, après la journée de Nancy, croyant ne pouvoir fléchir l’obstination des habitants d'Arras et leur haine et aversion à la domination fran- çoise, se trouva obligé d’y envoyer, dans ce temps ici, des colonies de François naturels, ce qu’il fit; il en prit bon nombre dans les meilleures villes du royaume, entre lesquelles notre ville d'Angers fournit quarante ménages, avec leurs familles, qui y furent menées; mais tout cela n’a pas beaucoup servi, cornme on a remarqué depuis. » Les archives municipales de Tours possèdent, au contraire, une série de documents autographes qui font en quelque sorte assister à ces levées despotiques d'hommes et de deniers. Le conservateur de ce précieux dépôt, M. Paul Viollet, s’est empressé de les trans- mettre à l’Académie d’Arras, et c’est surtout en con- sultant les Mémoires de cette savante Société $ que nous avons pu étudier cette période unique à coup sûr dans l’histoire de notre pays. Du reste, Tours avait une raison pour être, sous ce rapport, particulièrement favorisée. Cette ville fut, en effet, choisie dès l’origine pour point central d’assem- blée des représentants des villes voisines soumises 1 Voir Revue de l'Anjou et du Maine, 1857, tomes I et IL. ? Page 372. 3 Nous devons citer tout d’abord le remarquable travail publié par M. A. Laroche, président de l’Académie, sous le titre Une Vengeance . sous Louis XI (Mémoires de l’Académie d'Arras, 1865, p. 237), Il nous a fourni la plupart des documents que nous reproduisons. - — 266 — à l'impôt de colons pour Arras, et, comme nous le verrons bientôt, elle n'eut pas lieu de se féliciter de cet honneur. Quoi qu’il en soit, dès le mois de juin 1479, « par le commandement du roi, furent en ladite ville de Tours, commissaires de par ledit sire, messei- gneurs l’évesque d’Angiers, le sire de Mailly, le seigneur d’Escuilly et avecques eulx le sire du Plesseys-Bourré, le juge de Touraine et autres, pardevant lesquelx se trouvérent grand nombre d'officiers et marchans des pays et ville d’Angiers, le Mans, Chartres, Chateaudun, Vendosme, Bloys, Orléans, Gien, Nevers, Bourges, Issoudun, Loches, Chastellerault, Chinon, Saumur, ceste dicte ville et plusieurs autres; par lesquelx com- missaires fut dit et commandé ausdicts pays et villes envoyer certains marchans et gens de plusieurs mes- tiers demeurer en la ville d'Arras, ainsi que le plaisir du roi nostre dict sire estoit..… et demeurërent en la dicte ville par long-temps, ausquelx fut donné- pour honneur de la dicte ville, considérant qu’ilz estoient de par le roy nostre dict sire et gens de grant estat, du vin ordinairement durant le temps que ils demourérent, prins par pots de Guillaume Quetier, Guion Desbordes, - Pierre Hervé et René Lucas, montant à la somme de xIIJ livres vs solz vins deniers tournois. « Item fut donné ausdicts seigneurs, à ung jour de - char, des viandes comme levraulx, lapperauix, et autre gibier, poletz, pigeons, oysons et chevraulx, montant à la somme de xs liv. vis s. vs den. tournois. Survint un jour maigre et y fut aux dessusdicts commissaires donné pour honneur de la dicte ville pour ce que l’on sceut que beaucoup de grans gens devoient disner avec eux — 967 — et aussi qu’ils pouvoient faire service et plaisir à la dicte ville, en esturgeon, brochetz, carpes, mulets, barbaux et perches, pour la somme de x Liv. XIN s. 111 deniers. © Un des jours dudit moys, mondit seigneur de Maïlly, vint en la maison de la ville pour l'assemblée qui là se faisoit des gens qui alloient à Arras, et vit ung tappiz, qui estoit en la chambre du Portal, duquel il eut envie, et le demanda à achepter, et pour ce que ledit seigneur pouvoit en ceste matière et beaucoup d’autres ‘faire plaisir à la dicte ville, luy fut donné le dict tappiz, et cousta troys écus, valant Et Liv. xV9 $. IN d. t. « Indépendamment de ces dépenses, par l’ordonnance de la dicte ville, fut encore donné aux officiers et autres gens des villes et pays dessus nommez, qui estoient en grant nombre et y demeurérent certain temps, pour honneur de la dicte ville et considéré qu'il y avoit beaucoup de gens de bien, en vin prins par pots chez les dessus nommez, pour la somme de vis Liv. xs. Huy d.» Après ces assemblées générales, eurent lieu les as- semblées particulières concernant la ville elle-même et sa quote part en colons. Il était urgent en effet d’o- béir à un prince qui traitait de rébellion tout retard à l'exécution de ses volontés. Sur la demande qui lui en fut faite, Louis XI, par lettres-patentes du 4 juillet 4479, autorisa qu’une taille extraordinaire fût mise sur la ville de Tours, « pour la despense des gens de me- tier et marchands qu’il a convenu envoyer demourer en la ville d'Arras, nommée Franchise. » La ville avait été taxée à 50 mesnagiers et en outre à tous les frais, « qu’il a convenu et qu’il conviendra — 268 — faire, tant pour envoyer lesdits marchans et mesna- giers.… le charroy et voicture d’eulx, leurs femmes, enf- fens et mesnage jusque en la dicte ville d'Arras, comme pour leurs vivres, nourriture et entretenement de deux moys aprés qu'ils seront arrivez. » Il ne fallut pas moins de cinq assemblées tumul- tueuses pour arriver à décider comment la taille serait perçue et dans quelle proportion. En atiendant une solution, comme les ordres du roi étaient des plus im- pératifs, et ses commissaires chaque jour plus pres- sants, il fallut recourir à un emprunt pour payer les premières des énormes dépenses mises au compte de la ville. Sire Jehan Ruzé, bourgeois et échevin, consen- tit à prêter mille livres tournois que le maire s’engagea à lui rendre sur l’impôt qui allait être levé, « parce que, dit le document auquel nous empruntons ce fait, il n’y avoit point d'argent lors en l’hostel de la dite ville. » La première taille mise ainsi sur les manants et habitants de Tours rapporta la somme considérable de 4775 livres 7 sous 5 deniers tournois. La nécessité de pourvoir aux besoins des mesnagiers implantés à Fran- chise et aux exactions des commissaires du roi, allait leur causer de bien autres sacrifices. _ Quand elle fut levée, les mesnagiers étaient déjà ren- dus à Arras. Ils s’étaient mis en route dès le 5 juillet. La ville-de Tours était représentée par 2 selliers, À es- guilletier, 3 cordonniers, 2 couturiers, 2 chaussetiers, 1 menuisier, 1 chapelier, 4 pâtissier, 1 tondeur, 1 ar- mensier, 2 brigandiniers ‘, 2 bouchers, 4 orfèvre, 1 ! Les brigandiniers étaient les fabricants d’armures ressemblant à — 269 — barbier, 3 boulangers, 1 pelletier, 1 vanneur, 1 texier, 4 serrurier, À maréchal, 1 tonnelier, 1 maçon, 1 char- _ron, À corroyeur, 1 coutelier, À éperonnier, 1 rôtis- seur,. 1 hôtellier, À puitier, À charpentier et 1 four- bisseur, plus deux gros marchands. Ainsi presque toutes les professions, sauf celle d'apothicaire, ce qui allait même exciter de vives réclamations, se trouvaient par- mi ces émigrants. Leur voyage ne se fit pas sans quel- ques incidents; leurs conducteurs ne furent pas toujours d'accord, pour en imposer aux partisans qui battaient ” la campagne en Picardie et en Artois, on fut obligé de prendre en passant un secours de 50 hommes de guerre à Amiens, mais enfin, aprés un mois environ de marche, le convoi entra à Arras, ce qui fut attesté par le procès- verbal suivant, daté du 4 août 1479. « Les commissaires du Roy nostre sire, estans à Franchise, certifions à tous à qui il appartient que Jehan Bertran et Jehan Debray, commis et depputez de la ville de Tours, nous ont présenté cinquante mesnaigers, tant pour ladicte ville que autres villes adjoinctes; c’est as- savoir Chasteau-Regnault, Ligueuil, Lahaye, Langres, * Bléré, Montrichart, Montbaron et Azay-le-Brullay, de divers mestiers; les noms et surnoms desquelz avons fait enregistrer, et iceulx veuz et examynez par diverses foiz. Et du nombre d’iceulx avons receu et retenu qua- rante-sept desdits mesnaigers, lesquelz lesdictz commis nous ont affirmé estre souffisamment puissans et indus- trieux pour eulx vivre et entretenir convenablement en . des cottes de mailles, à l’usage des fantassins. Nous ignorons quel était au juste le métier des armensiers. — 970 — ceste ville de Franchise et le résidu, comme insouffi- sant, inexpers, impuissant et subtilz, avons renvoyez et reffusez en la présence desdictz commis et depputez, eulx sur ce premièrement par serment solempnel in- terroguez et oy; et leur avons ordonné en fournir d’autres souffisans ou lieu desdicts ainsi reffusez.… « ..... Auxquels ainsi receuz et retenuz nous avons par lesdicts commis et deppufez fait paier toute leur despence, depuis le jour de leur partement de ladicte ville de Tours jusques aujourd’uy ce jour compris, en- semble la voicture d’eulx, leurs femmes, enffans, mes- naiges et outilz desdicts ainsi receuz et retenuz. Et ordonné que si aucunes des femmes, enffans, mesnaiges et outilz des dessus dicts sont encore à venir, que les- dicts commis et depputez les feront incontinant amener aux despens de ladicte ville de Tours et des autres dictes villes adjointes. Et, au surplus, avons ordonné et appoincté que lesdicts commis payeront auxdicts mes- naigiers ainsi receuz et retenuz pour leur vivre et entre- tènement de deux moys commençans le XVe jour de ce présent moys d’aoust, c’est assavoir pour chacun chef de maison Lx solz, pour la femme xL s., pour chacun | enffan xx s. et pour chacun serviteur ou serviteure qu'ilz ont amené avecques eulx, autres xx s. pour chacun desdicts deux moys. Et si lesdicts mesnaigiers ont laissé aucuns enffans à norrisse par delà, lesdicts commis les feront nourrir jusques à ung an au despen de ladicte ville. Aussi, s’il y a aucune femme grosse en apparence d’accoucher au dedans desdicts deux moys, iceulx commis leur bailleront et délivreront ung escu : d’or pour la relever. En oultre avons ordonné que iceulx — 971 — commis feront lesdicts paiements en la présence de deux des grans marchans venus icy de leurs pays, qui en signeront les quictances et certiffiront lesdicts paie- ments avoir esté faiz en leurs présences. « Donné en ladicte ville de Franchise, le XIIIF jour d’aoust l'an mil CCCC soixante-dix-neuf. « MOREAU. — DE CERISAY. — CHoisy. » On a retrouvé également, aux archives de Tours, le procès-verbal de ces paiements faits « en présence de Jehan Follet (ou Fallet), Philipot (ou Philippe) Cordon et Estienne Anglement, grans marchans d'Angers et de Tours, à présent demourans en ceste ville de Fran- chise, esleuz et commis par noble homme Estienne Besnard, dit Moreau, sieur d’Escuillé, conseiller et maistre d’ostel du Roy nostre sire, et maistre Guillaume de Cerisay, aussi conseiller dudict sire, greffier de sa cour de parlement et maire d'Angers, commissaires de par icelluy sire à recevoir les mesnaigers des villes envoyez en cette dicte ville pour la popullacion d’icelle, à estre présans veoir bailler deniers et passer les quic- tances des sommes de deniers que recevront lesdicts mesnaigiers..…. » | Les noms des signataires de ce procès-verbal nous donnent à croire que le contingent d'Angers était déjà arrivé à Franchise. Angers, les Ponts-de-Cé, Baugé, Beaufort et la Flèche réunis, avaient été taxés à trente ménages de tous états et métiers !. Guillaume de Ceri- 1 D’après l’analyse de l'ordonnance de Louis XI, adressée à la mairie d'Angers, pour la levée de ces ménages, analyse seule-con- — 972 — say, qui comme l’on sait, fut le premier maire de notre ville et qui tenait beaucoup à rattacher ses àdministrés au gouvernement de Louis XI, avait vivement réclamé une réduction de ce nombre; le roi avait absolument refusé de revenir sur sa décision. Du reste, peut-être même déjà à l’instigation de Guillaume de Cerisay, Angers était frappé bien moins durement que les autres villes; nous avons vu que Tours avait dù fournir cin- quante mesnagiers; le contingent d'Orléans avait été porté jusqu’à soixante-dix. Cependant les mesnagiers des différentes villes étaient successivement arrivés, et Arras. offrait le plus triste tableau. Les habitants un peu aisés, les négociants dans un état prospère s'étaient bien gardés de quitter leurs maisons ou leur commerce; les cités n’avaient donc envoyé que des gens sans ressource, ou des aventuriers dont elles étaient fort aises de sesdébarrasser ainsi. Dés le 30 décembre 1480, des lettres royales constataient que « presque tous les mesnagiers envoyés à Franchise -étoient pauvres gens mécaniques, lesquelz ne pour- roient vivre ne eulx entretenir, sans avoir prompte- ment aucun secours et ayde d'argent... Afin donc qu’iceux pauvres mesnagiers n’ayent cause par nécessité et pauvreté eulx de partir des dites ville et cité de Fran- chise..….. il est ordonné par le Roy faire cueillir et . servée dans nos archives municipales, cette ordonnance aurait porté la date du 14 juin. Nous croyons que c’est une erreur de copie. L’at- taque de Douai n’eut lieu que dans la nuit du 16 au 17 juin, et d’a- -_ près les annalistes les plus dignes de foi, ce fut la défaite éprouvée, dans cette occasion, par les troupes de Louis XI, qui amena la grande expulsion des habitants d'Arras, ainsi que nous l'avons dit déjà. Le travail de M: A. Laroche ne laisse aucun doute à cet égard. — 973 — lever sur les manans et habitans des cités, villes et fau- bourgs du royaume, certaines sommes par forme de taille pour estre desparties auxdits mesnagiers..….. pour leur entretènement et aussi pour faire réparer leurs maisons. « Il:est advenu que la plupart des villes qui devoient fournir mesnagiers bons et suffizans y ont envoyé grant nombre de pauvres gens inexpers en leurs mestiers et artifices. grant partye desquelz s’en sont fuitz et ab- sentez et ont délaissé et abandonné nosdites ville et cité, et par ce sont de présent les maisons où ils demeuroient inhabitées et en ruyne et sont chacun jour desmolies et abbattues, tellement qu’il est impossible d'y loger, ne de y mettre demourer aucuns mesnagiers, sinon que premiérement elles soient réparées. » La ville de Tours figurait au premier rang parmi celles accusées d’avoir ainsi envoyé des pauvres gens au lieu de mesnagiers sérieux. Les commissaires du roi avaient même signalé l’urgence et la gravité du mal, aussitôt après l’arrivée à Arras du premier convoi. Messire Guillaume de Choisy se hâta, conformément aux ordres du roi, d'écrire aux maire et échevins de Tours, pour les presser d’envoyer de l'argent aux mes- nagiers. [1 leur demanda également des armes. Enfin, de concert avee les sires de Lude et de Baudricourt et avec Guillaume de Cerisay, il envoya un sergent royal pour faire commandement à la ville de Tours, « que l’on leur envoyast deux notables gens de ladicte ville pour cognoistre l’estat, faculté et puissance des mesna- giers envoyés par ladicte ville. Pour laquelle iceux y furent envoyez René Sireau et Jehan Debray. » SOC. D’AG. 18 — 974 — La ville de Tours commençait à se fatiguer de ces réclamations sans cesse renaissantes. Ne pouvant se plaindre, elle cherchaït à gagner les bonnes grâces des commissaires du Roi par des présents dont les archives de Tours nous ont conservé la précieuse indication. Ainsi, au dimanche 14 novembre, maistre Guillaume de Cerizay étant venu de Franchise à Tours, « considé- rant qu’il avoit fait plusieurs courtoysies à Jehan Debray et à Jehan Bertran, conducteurs des convois des mes- nagiers de Tours à Franchise, comme avoient relaté lesdicts Bertran et Debray, » il lui fut donné un pré- sent de viandes et audit présent « avoit VI chappons, vi Connins, vi perdrix, VI assiés, Vi plumiers et un butor… et celui jour disnèrent avecques ledit Gerisay : sire Loys de la Mezière, ledit maire ; Martin d’Argouges, esleu ; lesdits sieurs Debray et Bertran.… Et cousta ledit présent, pour tout, CXXIX S. II d. t. « Plus, pour deux tierces d’ypocras prins de Jehan Castring, xx sols tournoys. « Le dix-huitiesme jour du moys enssuivant fut donné ung autre présent à monsieur d'Escuillé, maistre d’ostel du Roy, qui naguiëres estoit venu de Franchise, pour recongnoissance des plaisirs qu’il avoit faitz aux gens de ladicte ville de Tours audict lieu de Franchise, en plu- sieurs manières, et ledict jour disnérent avec ledict maistre d’ostel, deux autres maistres d’ostelz, lung nommé Jehan Duplesseys et l’autre Mortisson, et aussi y disna maistre Guillaume de CGerisay, maistre Guil- laume de Choisy et ung autre venu de la ville de Fran- chise, lequel présent fut de levraulx, chappons, oiseaux de rivière, perdrix, et cousta Lys sols VII deniers. \ — 975 — «Il y eut, durant ledict moys, du vin donné à plu- sieurs officiers et gens du conseil de l’ostel du Roy, comme à M. de Bressuire, à M. de Maillé, à M. le ma- reschal des logeys, aux fourriers, à M. le président Delahaye, qui ou dict moys vint traicter du mariage du, fils du président de Bourdeaux et de sa fille, à maistres Guillaume de Cerisay et Guillaume de Choisy, commis- saires de Franchise, à MM. les prévotz des mareschaulx de l’ostel et autres plusieurs ; icelui vin prins par potz en divers lieux, c’est assavoir chiées Pierre Hervé, vin roge à xv deniers tournoys la pinte ; chiées René Lucas, vin clairet et blanc à x11 deniers; chiées Jehan Debray, vin clairet à vixs deniers, lequel vin se monte à xxJ liv. VIJ S. Vs den. » Cependant René Sireau et ce même Jehan Debray qui, tout en débitant son vin clairet par potz, paraît avoir joué un rôle assez important à Tours et à Fran- chise, s’étaient rendus dans cette dernière ville, pour discuter contradictoirement avec les commissaires du roi la capacité et les ressources des divers colons expé- diés par les métiers de Tours. Cette revue ne demanda pas moins de douze jours, et lon possède le procès-verbal éxcessivement curieux qui en fut dressé. Sa longueur ne sous permet pas de le citer ici, mais nous le reproduisons tout entier comme pièce justificative, il est impossible de rien trouver qui fasse mieux comprendre la profonde misère dans laquelle se trouvaient, malgré tout, les mesnagiers de Franchise. * Parmi les plus misérables, nous voyons cité « Bonnet Tabardin, cordouennier, povre compaignon qui estoit varlet servant et n’avoit rens, et s’est marié en ceste — 976 — ville à la chamberière de Guillaume Garreau, chausse- tier d’Angiers, n’ont de quoi vivre etont esté renvoyez. » Cinq autres ménagers, se trouvant dans la même pénurie, les commissaires du Roy les chassèrent de Franchise et commandèrent au maire de Tours d'envoyer à leur place un orfèvre et cinq drappiers. À l'appui de leur ordonnance, ils lui écrivirent la lettre suivante qui est des plus significatives : « Honorez seigneurs, nous nous recommandons à vous tant que faire povons et vueillez savoir que nous avons receu voz lectres par ce présent porteur, par les- quelles avons veu ce que nous avez escript touchant les mesnagiers que nous avons retenuz pour votre ville de Tours. Lesquelz sont fort povres et ont bien besoing de votre bon aide, comme par ledict porteur pourrez savoir qui les a veuz et ouy parler. Et pour ce si ne fust l’es- pérance que avons que leur feriez du bien pour les aider à entretenir par deçà pour ceste foys seulement, nous les eussions tous renvoyez. Par quoy, messeigneurs, vous prions que leur vueillez faire aide, en manière que ilz puissent demorer et faire leur residence en ceste ville, et affin que james n’en ayez plus de criée. Autre- ment nous serions contraincts les vous renvoyer, mes- mement les anciens dont estes assez advertiz; car pour nostre honneur ne les ozerions retenir veu la povreté qu'ilz ont. « Et au regard de Jehan Prevost, bouchier, et Pierre : Cuissart, cousturier, lesquelz sont à présent par delà, retenez-les, car ilz sont si povres et doivent tant par decà, que tout ce que leur bailleryez seroit perdu et seriez à recommencer. — 977 — «Et ou lieu d’iceulx en envoyez deux autres, gens de bien de tel estat qu’ilz se puissent entretenir par deçà, affin que en soyez mieulx deschargez et que n’ayons cause de les vous renvoyer, car de povres en avons assez et trop, pour quoy n’est besoing de plus y en envoyer. « Et pareillement des six autres mesnagiers que vous avons mandé par nostre commission faire venir par deçà, dont pour vostre avantaige en avons retenu ung de ladicte ville de Tours, nommé Pierre Rousseau, bri- gandinier, lequel avons fait marier moiïennant que luy aiderez de la somme de six vingt livres tournois pour demourer et résider, ou lieu d’un pelletier dont vous estiez chargez envoyer. Par quoy vous lui envoirez la- dicte somme à la descharge dudit pelletier. « Et au regard des autres cinq mesnagiers qui sont de l’estat contenu en ladicte commission, c’est-à-dire l'orffevre et les drappiers, y vueillez faire ce qui vous est mandé à vostre descharge et à la nostre. Et à Dieu, honnorez seigneurs, qui vous ait en sa saincte garde. « Escript dudict lieu de Franchise, le XXJe jour d’aoust mil IIIe quatre-vings et un. « MENEAUME, ROUSSELET, BRIÇONNET, BRAY, les vostres, les commissaires pour le Roy audict Franchise. ». On remarquera peut-être cette insistance pour avoir des drapiers. Les commissaires répondaient ainsi à une volonté fermement exprimée de Louis XI. Il n’avait point oublié combien les drapiers d'Arras étaient célèbres naguëres el il rêvait une renaissance impossible de cette — 978 — industrie. Pour. aider les industriels établis par ses ordres, il trouva un moyen assez simple, ce fut d'obli- ger les villes à acheter leurs draps à ün prix beaucoup plus élevé qu’ils ne valaient. Une première fois la ville de Tours put se soustraire à cet impôt si parfaitement inique. On lit en effet dans les livres de comptes de son hôtel-de-ville : « ltem. Pour ung disner que convint faire ou dit moys (d'avril) aux marchans qui voulloient faire prendre des draps aux habitans de ladicte ville de Tours, à la moictié plus hault pris qu’ils ne valloient, pour quoy, affin de faire dissimuler lesdictz marchans, leur fut donné à disner qui cousta en pain, vin, viende et autres choses nécessaires pour ledict disner, la somme de Lx solz tournoys. » Ce petit sacrifice lui valutun répit de deux mois, mais « le xvirsé jour de juing ensuivant, les maire et esche- vins de Franchise impétrèrent unes lectres du Roy par lesquelles estoit mandé contraindre les marchans de la dicte ville de Tours à prendre et paier certains draps de laine à plus hault pris la moictyé qu'ilz ne valloient, et ce par prinse de corps et par toutes autres manières nonobstant oppositions ou appellacions, dont fut payé pour le vidimus dudict mandement vi solz vs deniers tournoys. » On se hâta d’avoir recours au moyen employé une première fois. « ...…. Ung disner fut faict et donné aus- dictz marchans et commissaires de Franchise, affin qu’ilz dissimulassent de nouveau à faire leur execucion et que l’on trouvast faccon d’avoir un mandement au contraire de celuy qu'ilz avoient impétré, et cousta le — 979 — dict disner,-en pain, vin et viende, Lxxvy solz vs de- niers tournoys. » Nous ignorons quel fut le résultat de cette manœu- vre et si l’on obtint de Louis XI des conditions moins tyranniques. De son côté, le gouverneur de Franchise ne laissait guère de relâche à la ville de Tours. Il envoya une com- mission pour contraindre les « mesnagiers, qui en es- toient venus sans congié, retourner demourer au dict lieu de Franchise, pour quoy en furent prins dix qui furent constituez prisonniers... Lesquelx autreffoiz avoient esté envoyez demourer de par la dicte ville au dict lieu de Franchise ; et fut donné à six sergens qui firent la diligence de les trouver et rendre aux prisons, à chacun x solz tournoys. Pour ceci Lx solz tour- TOYS. » Mais comme on ne s’occupa d’envoyer à Franchise ni ces prisonniers, ni aucuns nouveaux mesnagiers, fut envoyé par les commissaires « estant par le roy en la ville de Franchise, une commission aux habitans de la ville de Tours, faisant mention qu'ilz envoyassent cer- tain nombre de mesnagiers et par eulx estoit mandé palier au messagier, qui apporta la dicte commission, Lx solz tournoys. « Puis, vindrent à Tours le maire de Franchise et deux des commissaires de la dicte ville apportant lectres contenant que l’on eust à mectre à execucion la com- mission envoyée touchant les mesnagiers que encore convenoit envoyer au dict lieu de Franchise et à ce que le dict maire et commissaires (selon la formule usitée) eussent la dicte ville pour recommandée, leur fut donné — 280 — à soupper, ensemble plusieurs gens de bien de la dicte ville, et cousta le dict soupper, 113 Liv. x1 s. vs d. t. » La ville de Tours parvint à obtenir de ne plus envoyer de mesnagiers, mais elle ne put échapper à une taxe supplémentaire de 1504 livres tournois qui fut mise le 47 septembre 1481 sur les habitants, toujours pour venir en aide aux misérables habitants de Franchise. Elle avait cependant bien d’autres dépenses à solder, particulièrement les frais de voyage de ses députés montant à 98 écus d’or, et les frais qu’entraînait tou- jours la réception des commissaires du roi. Ainsi on vit «le sabmedi 16 septembre 1481, passer par la ville maistres Guillaume de Cerisay, Guillaume Choisy et le prévost d’Angiers venant de Franchise et allant devers le Roy, qui les avoit mandez pour les commissions qu’ilz avoient envoiées aux villes pour avoir de nouveaux mes- nagiers. Le dymanche au matin, le maire Jehan Fame, Martin Dargouges et plusieurs gens de la dicte ville, allèrent devers lesdictz de Cerisay et Choisy, pour les remercier de la bonne et briefve expédicion qu'ilz avoient faicte aux commissaires qui avoient esté envoiéz - au dict lieu de Franchise de par la dicte ville, leur priant au surplus qu’ils l’eussent pour recommandée, Et, par opinion des assistans, leur fut donné ung pré- sent, où avoit quatre levreaux à IN s. 1119 d. la pièce, quatre sollenz à 113 s. 111 d. pièce, six perdriaux à IL s. Ix d. pièce, six lappereaux à 13 s. 1x d. pièce, qui est LIX s. I d. t. Et avec eulx disnèrent lesdiciz maire, le - contrerolleur, Martin Dargouges, René Sizeau et Jehan Debray. Il leur fut en outre envoyé deux tierces d’ypocras prins chées Jehan Charbonneau, quicoustèrent xxs.4. » — 281 — Nous sommes disposé à croire que maitre Guillaume de Cerisay abusait avec quelque indiscrétion de la gé- nérosité de la ville de Tours, car nous trouvons cet incident consigné aux comptes que, pendant le diner auquel il participait, « il dist qu’ilz n’auroient aussi bien à soupper à Vallères où ils alloient coucher, qu'ilz avoient à disner; pour ce leur fut envoyé pour leur soupper qnatre lappereaux et un levraut prins de Nau- dine, qui coustérent xv s. {. » Dés le lendemain furent « assemblez les gens de bien de la dicte ville de Tours, en l’ostel d’icelle, pour ce que les gens venuz des villes de Rouen, Orléans, La Rochelle, Angiers et autres bonnes villes se y assembloient de par monsieur le bailly de Rouen, pour ouir aucunes choses que le Roy avoit chargées faire au dict baïlly, touchant la ville de Franchise, ouquel ostel, après la dicte as- semblée, le lieutenant du dict bailly proposa l'affaire pour lequel l'assemblée estoitillec faicte de par le Roy. Et pour ce chacun des habitans des autres villes de- manda délay de penser à la matière et prindrent jour de venir respondre.... À l’issue de la dicte assembiée, furent invitez les ambassadeurs des autres villes de entrer en la chambre du porteau de l’ostel, où illec fut apporté vin, poires, noiz et dragées, qui coustérent XI S. VU d. « Plus, pour le feu en la cheminée de la salle et du porteau, le boys prins chiées Pierre Durant, et cousta Xx1J deniers. » Sur ces entrefaites, le bruit courut et les maire et esleuz de Tours furent avertis « que messieurs des finances et autres commis de par le Roy besongnoient — 982 — de rechef à faire une assiete de deniers pour estre baillié aux mésnagiers qui demourent à Franchise et à . ce qu’ilz eussent la dicte ville pour recommandée, les- dictz maire ét esleuz, greffier et receveur d’icelle, en- semble Martin Du Lyon, se tirérent par devers M. le général Thillart, le bailly de Rouen, le maire d’Angiers, maistre André Brivon et maistre Germain Demerle, qui avoïent icelle charge, ausquelz remonstrérent toutes les charges de la dicte ville qu’elle povoit avoir eu et a eue touchant le dict faict de Franchise, et l’un des jours disnérent ensemble, et cousta le dict disner la somme de L solz tournois. » Nous ignorons si, à la suite de ce repas, les repré- sentants de Tours purent obtenir quelque adoucisse- ment. Toutes ces mesures violentes, tous ces impôts n’ame- naient aucun changement dans l’état de Franchise, c’é- tait une misère sans cesse croissante, et par suite un plus grand besoin d’argent que les cités étaient impuis- santes à satisfaire. Louis XI cependant ne négligeait aucun moyen de lui donner un peu de vie. C’est là que, le 6 novembre 1489, fut signée la paix entre lui et l’archiduc Maximilien d'Autriche. Il avait exigé que les plénipotentiaires se réunissent dans cette ville. Par le traité il fut convenu que le Dauphin épouserait la princesse Marguerite d'Autriche, et l’Ar- tois faisait partie de la dot. Aussitôt les ambassadeurs de Flandre demandérent que les anciens habitants de Franchise, épars de tous les côtés, eussent le droit de revenir librement dans leurs maisons et habita- — 283 — tions pour y reprendre leur marchandise ou métier. La réponse de Louis XI était peu douteuse; il accorda la permission demandée à ceux qui s'étaient réfugiés dans les États de l’archiduc; quant à ceux de son royaume, il n’y avait pas à y songer. Les ambassadeurs remon- trérent alors que la ville et les villages environnants étaient comme déserts et abandonnés. Le roi en exempta les rares habitants, pendant six -ans, de tous impôts ordinaires et extraordinaires, mais il fut impossible d’en obtenir autre chose. Tant que Louis XI vécut, il persista dans son impla- cable volonté. Par une juste réaction, aussitôt montésur le trône, Charles VIIT mit fin à cette grande iniquité par l'ordonnance suivante : « Nous... restituons, mettons et rétablissons tous ceux qui étoient dans nos dites ville et cité, lors de l'expulsion, en tous leurs héritages, possessions, mai- sons et biens immeubles quelconques en l’état qu'ils sont et les trouveront... pour eux en jouir et en user tout ainsi qu’ils faisoient avant ladite expulsion, nonobstant quelconques lettres, priviléges et octrois, donnés et octroiés aux mesnagiers y envoyés. Icelles annullons et mettons au néant... Et à ce que les mar- chands et mesnagiers qui peuvent encore être en nos dites ville et cité, n’aient cause ou action d'empêcher les maisons desdits habitants ainsi expulsés, nous leur avons donné et donnons licence d’euxen retourner. aux villes et lieux dont ils sont partis, ou ailleurs... où bon leur semblera. » Cette ordonnance rencontra différents obstacles; ce ne fut que quatorze mois après, le 21 mars 1484, que — 9284 — le sire de Crévecœur, gouverneur et sénéchal d'Arras, fut requis de la mettre à exécution. Le 95, il fit publier que les mesnagiers de France devaient, dans les huit jours, avoir quitté la ville. Il y eut de nouveaux délais, mais enfin du 26 avril au 24 mai, ils partirent, laissant la place aux anciens habitants qui revenaient en toute hâte reprendre possession de leurs biens. Que devinrent ces mesnagiers”? Ils retournérent sans doute dans les villes qui les avaient envoyés, continuer une existence misérable. Nous n’avons rien trouvé à cet égard. Telle fut la fin de Franchise. Le souvenir des cruautés et des infamies commises par Louis XI POSTE Long: temps parmi le peuple d'Arras. Deux cents ans après, les vieilles femmes racontaient encore avec terreur à leurs petits-enfants ce qu’avaient souffert leurs pères. Elles leur disaient, rapporte un auteur du temps, « que le roi Louis était laid à faire peur, que c’était un homme mal fait, bossu, un roi qui, en son temps, avait été le plus cruel et malicieux que prince chrétien qui eût jamais régné. » Combien sa gloire eût été plus pure s’il avait mis lui- même en pratique ces conseils qu’il laissa à son fils: ._« Quand les rois n’ont pas égard à la loi, ils ôtent au peuple ce qu’ils lui doivent laisser, et ne lui donnent pas ee qu’il doit avoir; ce faisant ils rendent leur peuple serf et perdent le nom de roi; car nul ne doit être appelé roi, hors celui qui règne sur des Francs. Les Francs aiment naturellement leur seigneur ; les serfs naturellement le haïssent. » PauL LACHÈSE. — 9285 — PIÈCE JUSTIFICATIVE. Sensuit par déclaracion les noms et surnoms des mesnagiers de la ville de Tours, lesquelz en faisant par l’exprès commandement et ordonnance du Roy nostre sire, par ses lieutenants, commissaires et eschevins de Franchise, la revue des marchans et mesnagiers estans en ceste ville et cité dudict Franchise, ont esté trouvez pores et subtilz pour les causes cy après déclairées et, comme telz et non estans de la qualité et condicion que le Roy a voulu et ordonné par ses premières instruc- tions et ordonnances qui bien à plein furent déclairées à Tours à l'assemblée et convencion que le Roy nostre dict sire y fist tenir pour ceste matière, ont esté ren- voyez. Et après ce que maistre Regné Sireau et Jehan Debray, commis et depputez de ladicte ville de Tours, a esté fait exprès commandement de par le Roy nostre dit sire d’en nommer, choisir et eslire d’autres bons et souffisans pour et ou lieu de ceulx qui ont esté trouvez pores et insouffisans, ce qu'ilz n’ont voulu faire disans qu’ilz n’avoient charge, povoir ne commission de ladicte ville de Tours de ce faire, affermans en leurs cons- ciences et par serment sollempnel qu’ilz ne cognois- soient pas les plus souffisans des marchans et gens des mestiers a esté fait inquisicion par gens notables desdiez marchans et gens des mestiers de ladicte ville de Tours. Et ont esté prins, choisiz, nommez et esleuz ceulx qui après s’ensuivent pour et ou lieu des povres et insouffisans renvoyez comme dict est : 986 — Colas Depoiriers, Pierre Collet, selliers. — Ledit Colas a esté maistre du mestier, mais il estoit si povre qu’il ne tenoit point de boutique et alloit gaigner ses jour- nées chez les maistres. — Ledict Collet ne fut jamais maistre dudict mestier et estoit ung serviteur qui sem- blablement gaignoit ses journées chez les maistres et sont fort povres. Ou lieu desquelz deux selliers ont esté esleuz Es- tienne Fascu et Anthoine Boutet, maistres dudict mestier de sellerie. Pierre Daulle, esguilletier, maistre dudict mestier, est povre et en lui aidant d’aucune modérée somme de deniers pour une foiz seulement, se porra entretenir ou soit fait venir l’un des plus souffisans du mestier, au choix des officiers du Roy et eschevins de lad. ville de Tours. Jehan Desahlé, cordouennier, est souffisant sans aide, ei lui avoit esté donné congé jusques à Pasques dernier passé moiennant qu'il s’estoit submis retourner sur peine de confiscacion de corps et de biens et n’est point retourné, et pour se lui soit fait commandement de retourner sur lad. peine et y soit contraint par prinse et détencion de sa personne et de ses biens. Jehan Doulcet, cordouennier et fort povre et ya quatre mois que sa femme est malade au lit et n’a de quoi s’entretenir. Les commis de lad. ville de Tours ont dit qu’il estoit riche et puissant et que sa femme avoit une bonne maison à Tours. Sur quoy a esté fait informacion, et a esté trouvé que ledict Doulcet est povre homme, et ou lieu de lui a esté nommé, choiïsy et esleu Jehan Pinart, cordouennier, comme souffsant. — 987 — Bonnet Tabardin, cordouennier, est un povre com- paignon qui estoit varlet servant et n’avoit rens, et s’est marié en ceste ville à la chamberière de Guillaume Gar- reau, chaussetier d’Angiers, et n’ont de quoy vivre et on! esté renvoyez, et ou lieu dudict Tabarin sera fait venir Jehan Debréche. Thomas Sochon et Pierre Croissart, cousturiers, sont fort povres et endeptez et ne sauroient icy vivre ne en- tretenir, et lorsqu’ilz furent esleuz estoient des plus povres de leur mestier qui fussent en la ville de Tours, et ou lieu d’eulx ont esté nommez, choisiz et esleuz Mathelin de Saint-Jehan et Guillaume Lermite, cous- turiers drappiers comme souffisans. Jehan Gouget, Jehan Troillet, chaussetiers, sont fort . povres et estoient semblablement des plus povres de la ville de Tours quand ilz furent esleuz, et ou lieu d’eulx ont esté nommez, choisiz et esleuz Jehan Colin et René Lucas. Jehan Papineau, ménuysier, est malade à Tours, ainsi que certiffient lesditz commis de ladicte ville de Tours, et ou lieu d’eulx ont présenté Robin le Herice, aussi menuysier, lequel iceulx commis afferment estre souffisant et à leur relation a esté receu pourveu qu’il soit trouvé tel qu’ilz l’ont affermé, et s’il n’est trouvé souffisant sera fait venir le plus souffisant du mestier. Morice De la Barre, chapellier, est fort povre homme et subtil, et en son lieu sera fait venir l’un des plus souf- fisans maistres du mestier à la nominacion des officiers du Roy et des maire et eschevins de la ville de Tours. Jehan Roy, paticier, s’en est alé à Tours sans congé, et après s’en est alé sa femme sans congé et ont tout — 982 — habandonné, et estoient fort povres gens, et ou lieu dudict Jehan Roy, soit fait venir l’un des plus souffisans paticiers de ladicte ville de Tours, à la nominacion con- tenue ou précédent article. Pierre Fortin, tondeur, estoit varlet servant et ne fut jamais maistre du mestier, et n’a tenu ouvriers, et est fort povre, et ou lieu de lui sera fait venir l’un des plus souffisans du mestier à la nomination contenue ou pé- nultième précédent article. Denis Desbournais, armeurier, est ung povre com- paignon vacabont, qui n’a tenu ne tient ouvriers et qui n’avoit et n’a euz aucuns outilz de son mestier et s’en est alé sans congé, et quand il seroit encores en la ville et cité de Franchise si est il subtille, et en son lieu sera fait venir Vignon Merveille, armeurier. Claude Duval, brigandinier, est assez compectant per- sonage et bon ouvrier, mais il est povre et chargé de six enfans et est sa femme grosse, et veu sa povretéet la grant charge d’enfans qu’il a ne se pourroit icy entre- tenir. Jehan Rabaro, brigandinier, est ung fort povre com- paignon qui avoit de longtemps servi les maistres bri- gandiniers suyvans les armées, et n’estoit pas à Tours lorsqu'il fut esleu, et n’a icy femme ne mesnage, aussi ne se sauroit sy entretenir ; et ou lieu d’eulx seront fait venir Jehan Touzelin, Jehan Roquebert, brigandiniers. Lesdictz lieutenans du Roy et commissaires ont esté depuis advertiz que ledict Roquebert est natif de Va- lence qui est entre les mains du roi d’Arragon, pour- quoy ou lieu de lui ont nommé Jehan Roland, brigan- dinier. — 289 — Jehan Proust et Pierre Millart, bouchers, sont fort povres gens et n’ont de quoy vivre ne entretenir leurs mestiers; et ou lieu d’eulx seront fait venir Anthoine Brice et Jehan Raflart, bouchers. Mathelin Rignet, boucher, est compectant mais n’a pas de quoy soy soustenir et entretenir le mestier de boucherie, et pour ce lui soit fait aide d'aucune mo- dérée somme de deniers pour une foiz seulement, à la discrétion des officiers du roy, maire et eschevins de ladicte ville de Tours, ou en soit fait venir ung souf- fisant à leur nominacion. Jehan Barbier, orfèvre, n’estoit pas maistre du mes- tier lorsqu'il fut esleu pour venir icy, et afin qu'il y veinst les maistres dudit mestier le passèrent maistre, est povre et ce n’est ouvrier que de grosserie ; et en son lieu sera fait venir James David, orfèvre. Pierre Raoul, barbier, estoit très povre homme et s’en est alé sans congé, et soit fait venir l’un des plus souffisans du mestier à la nominacion des officiers du roy, maire et eschevins de ladicte ville de Tours. Jean Pean, boulengier, est compectant personnage, et en lui aidant d'aucune modérée somme de deniers pourra entretenir et continuer son mestier, ou en soit fait venir ung souffisant et puissant de biens pour entretenir ledict mestier, à l'élection et nomination que dessus. Jehan de La Borde, boulengier, sa femme est tré- passée, et est chargé de cinq petits enfants, et lorsqu'il fut eleu estoit fort povre et ne sauroit icy faire ne en- tretenir son mestier de boulengerie, et ou lieu de lui soit faict venir Michau Guiart, boulengier. Jehan Papiau, pelletier, est un jeune filz fort povre SOC. D’AG. 19 — 990 — et n’a de quoy vivre ne entretenir son mestier, en son lieu soit fait venir Gilet Boileave, peletier. André Loys, tenneur, estoit lorsqu’il fut esleu et est fort povre homme et n’a de quoy lever ne entretenir le mestier de tennerie, et en son lieu soit fait venir Jehan Charruau, le jeune. Pierre Lefranc, texier en toilles, est compectant per- sonnaige, et en lui aidant d’une modérée somme de de- niers pour une foiz se pourra entretenir ou soit fait venir l’un des plus souffisans du mestier, à l’élection et nominacion des officiers du roy, maire et eschevins de ladicte ville de Tours. Michel Leverrier, serruyer, estoit lorsqu'il fut esleu et est fort povre, et. ou lieu de lui soit fait venir Jehan Navette, serruyer. Jehan Ollivier, mareschal, est bon ouvier de son mes- tier. Mais à loccasion de ce que la maison où il demou- roit en la cité a esté brûlée de nuyt par fortune de feu et les deux autres prouchaines maisons contigues, ledit Jehan Olivier a tout perdu, et ont esté tous ses biens -brûlez et ne se sauroit ressourdre par quoy lui a esté donné congé, et en soit fait venir l’un des souffisans du mestier, à l'élection et nominacion des officiers du roy, maire et eschevins de la ville de Tours. Guillaume Girault, tonnelier, est compectant et bon ouvrier de son mestier, et en lui aidant d’une modérée somme de deniers pour une foiz se poura bien-entre- tenir, ou en soit fait venir ung souffisant au choix et ellec- tion et nominacion que dessus. Mathelin Girart, maçon, est fort povre et en soit fait venir ung autre souflisant dudict mestier ou + SE = d’autre mestier, au choix ou nominacion contenue au penultième précédent article. Huguet Aleaume, courayeur, est compectant per- sonnaige, mais est povre, et en lui aidant d’une mo- dérée somme de deniers pour une foiz, se pourra bien entretenir, ou soit fait venir ung des plus souffisans du mestier, au choix, élection et nominacion que dessus. Raoullin Brunet, charron, fort povre, et s’en est alé de long temps sans congé et pour ce que s’est povre mestier par deça, en soit fait venir ung souffisant dautre mestier au choix, ellection et nominacion que déssus. f Pierre de La Roche, coustellier, est compectant per- sonnage et bon ouvrier, mais est povre, et lui soit fait aide d'aucune modérée somme de deniers pour une foiz ou Soit fait venir le plus souffisant du mestier, au choix, élection et nominacion que dessus. Loys Ravon, esperonnier, estcompectant personnage, est bon ouvrier, mais est fort povre homme, et dit leu que quand il estoit à Tours, messieurs les escuiers d’escurie le faisoient besoigner pour le roy, et faisoit les mors des petites hacquenées, pour ce soit fait venir l’un des plus suffisans esperonniers de la ville de Tours, au choix élection et nominacion desdictz officiers du roi, maire et eschevins de ladicte ville de Tours, ou sil leur semble que le mieulx soit qu’il doye demourer, lui soit fait aide compectant pourquoy il se puisse en- tretenir. Michaud Perrin, routisseur, est assez compectant personnage, mais est povre; touteffoiz pour ce que le -— 292 — mestier est de petit chastel, lui sera fait aide d’aucune somme de deniers, pour une foiz, ou en soit fait venir ung souffisant au choix et nomination que dessus. Jehan Deblenne, hostelier, est assez compectant per- sonnage et de bon gouvernement, mais au temps de son ellection estoit un povre menuysier et n’est ustancilé ne amenagé, et n’a de quoy faire ses provisions pour tenir hostellerie, et pour ce lui soit fait aide d’aucune somme de deniers pour une fois; ou soit fait venir l’un des plus souffisans et riches hostelliers de Tours, au choix et ellection desdictz officiers, maire et eschevins de ladicte ville de Tours. Huguet Veillart, pintier, estoit au temps de son el- lection et est très povre homme et ne se sauroit ici entretenir et n’a pas de quoy il sceut acheter xx livres d’estain, par quoy en a esté renvoié. Pierre Moreau, charpentier, est povre homme et s’en est alé sans congé, par quoy les officiers du Roy à Tours le firent constituer prisonnier et depuis fut es- largi et s’en est alé, comme l’en dit, à l'artillerie et n’est depuis retourné en ceste ville. Guillemin Veau, fourbisseur, n’a jamais esté pré- senté ne receu pour ce que incontinent qu’il fut esleu, il se absenta de la ville de Tours et n’est point venu en ceste ville de Franchise. Ou lieu des trois dessus nommez soient faiz venir . trois mesnagiers bons et souffisans et de bon mestier, au choix et nominacion desdictz officiers du Roy, maire et eschevins de ladicte ville de Tours. Toutes voies pour ce que ladite ville n’a esté fait venir aucun apothicaire, et que la ville et cité de Fran- — 293 — chise en est fort mal pourveue, soit fait venir pour ung . mesnagier Martin Liziou. Fait à Franchise, le XXIXe jour de juillet, l’an M. Ile IL. J. DAILLON, BAUDRICOURT. Du commandement de Messieurs les Eschevins de Franchise, DE CErisay, CHoisy, ESCOULLANT. TOMBEAU DE LA NOURRICE THIBPHAINE Dans la partie de mon compte-rendu qui concerne le tombeau de la nourrice Thicphaine ou Thiephaine, je disais à propos de l'inscription de cette tombe (por- tefeuille Gaignières) : « Rien ne sera plus facile que de « vérifier sur la pierre elle-même la véritable lecture. » Mon appel a été entendu. En effet, M. Ratouis, l’un de nos collègues, a bien voulu procéder à cette vérification et nous adresser la copie qu’il a prise sur la pierre originale de l’église de Nanülly de Saumur. La voici : CY GIST LA NOURRICE THISPHAINE LA MAGINE QUI OT GRANT POINE A NOURRIE DU LET EN ENFANCE MARIE DANJOU ROYNE DE FRANCE ET APRES SON FRERE RENE DUC DANJOU ET DE PUY NOME COMME ENCORE-EST ROY DE SICILE QUI A VOULLU EN CETTE VILLE POUR GRANT ÂMOUR DE NOURRETURE FAIRE FAIRE LA SEPULTURE DE LA NOURRICE DESSUSDICTE QUI A DIEU RENDIT LAME QUICTE POUR AVOIR GRACE ET TOUT DEDUIT MIL CCCC CINQUANTE ET HUIT OU MOYS DE MARS XIII® JOUR JE VOUS PRY TOUS PAR BONE AMOUR AFFIN QUELLE AIT UNG POU DU VTRE DONNEZ LUI UGNE PATENOSTRE. — 295 — Le lecteur, en comparant la teneur de cette épitaphe avec celle de l’un des portefeuilles Gaignières, y verra les différences qu’il était de notre devoir de lui mettre sous les yeux. Du reste, ces différences n’enlèvent rien à l’intérèt que présente le tombeau de Thicphaine", car cetintérêt porte tout entier sur la statue de la bonne nourrice, que nous ne connaîtrions pas sans le dessin de Gaignières. V. G.-F. 1 Ce nom de Tnicphaine ou Thiéphaine d’après M. X. Barbier de Montault est intéressant par son étymologie. Thiéphaine, écrit-il, signifie Épiphanie. Il vient du latin Théophania dont les radicaux grecs veulent dire manifestation de Dieu. Un Evangéliaire du vue siècle conservé à la bibliothèque de Poitiers, indique ainsi la station du jour de l'Épiphanie : in Theophania ad sanctum Petrum. Un acte de 1287 aux archives de la même ville écrit la fête de la Tipheine. Les livres d'heures manuscrits du cabinet de M. Mordret à Angers disent tous au xv° siècle la Typhaine. Un autre de la biblio- thèque de la ville écrit la Tiphaine et celui que possède M. Benoist, curé de Saint-Jacques, porte la Typhaigne. Les heures de Notre-Dame à l’usage d'Angers imprimées en 1545 par Thielman Kerver à Paris écrivent encore la Typhaine pour l’Épiphanie. LES RICHESSES DU CHATEAU DE RICHELIEU L’Anjou peut inscrire dans ses annales les souvenirs du château de Richelieu. Cette petite ville, classée par un touriste observateur ! au nombre des nécropoles “françaises, était au xviie siècle l’une des trente-deux villes de la province angevine ; l’intendant Hue de Miro- mesnil, dans son rapport de 1699, nous apprend même qu'elle comptait parmi les sept élections de cette pro- vince. : Ces prémisses nous engagent à décrire, d’après des renseignements authentiques, quelques-unes des ri- “ chesses que la puissance avait demandées à l’art et à l'industrie- pour orner un château splendide qui, au dire des contemporains, était sans égal à son époque. Voltaire, bien qu’il füt l'hôte du duc de Richelieu en 1720, n’était pas un adulateur quand il disait : « Il ? Dick-Moon, ou journal d'un Anglais de Paris, par Francis Wey. — 997 — n’y a pas de prince en Europe qui ait de si brillantes statues et en si grand nombre. Tout se ressent ici de la grandeur du cardinal de Richelieu. » Dès 1684, un au- teur, dont le nom n’a pas occupé la renommée comme celui du grand poète, Viguier, avait écrit de visu un livre intitulé : Le château de Richelieu ou l'histotre des dieux et des héros de l'antiquité. Dans la préface de cet ouvrage dédié « à très haut et très puissant seigneur messire Armand Jean du Plessis duc de Richelieu et de Fronsac, pair de France, » Viguier dit : « La Grèce et l'Italie ont travaillé à l’envi pour rendre célèbre le lieu où cet incomparable ministre prit naissance, par tout ce qu’ils possédoient de plus précieux et qui étoit échappé de la fureur des Goths et de l’injure des temps; mais, en contribuant à sa gloire, ils ont aussi travaillé à la leur, puisque l’on ne peut voir cet amas merveilleux de tant de belles statues et de beaux bustes sans admirer l’adresse presque inimitable des statuaires anciens. » Pour apprécier le jugement de Viguier, il n’y a qu’à citer quelques-uns des chefs-d’œuvre qui décoraient notre palais, à savoir : 1° les deux Esclaves de Michel- Ange; 2 la statue de Bacchus; 3° la statue de Junon; 4 celle dite improprement de Germanicus ; 5° celle dite Un philosophe; 6v celle de Méléagre dite de l’An- tinoüs; 7° le buste d’une Romaine; 8e celui de Cara- calla. Ces divers ouvrages furent achetés par l'État Je 19 prairial an VII. : Le livre de Viguier est aussi original que curieux ; les descriptions qu’il donne sont entremêlées, sur chaque objet, de réflexions morales en vers dont voici l'exposé : — 298 — C’est trop faire de chansonnettes, C’est trop parler d’amourettes, Muse, il te faut renaître avec le‘ printemps, Et d’une plus forte manière, Dans une si belle carrière Aux chants de mille oyseaux, mêler aussi tes chants. Hâte-toi dans ce renouveau * De faire l’aimable peinture ._ De ce magnifique château Qui fait dire en tous lieux que l’art ni la nature N’ont jamais rien fait de si beau. Avant de pénétrer à l’intérieur du château, exami- nons avec notre guide la Face de l'Entrée : L’étranger étonné regardant cette face, Sans pouvoir bouger d’une place, De ces dômes pompeux ne peut tirer les yeux, Que pour se promener le long d’une terrace, Où dans le beau milieu d’un ordre curieux Un antre sçait charmer les plus ingénieux. La Renommée au vol soudain Au-dessus de ce petit dôme, Une trompette en chaque main, Publie avec plaisir de royaume en royaume, La grandeur du ministre et de son souverain. Ah ! c’est icy le Panthéon, Avec toute la cour romaine; Mais pour en faire le crayon, ‘ I] me faudrait avoir la veine Et la douceur d’Anacréon. — 999 — Entrons maintenant dans ce Panthéon, visitons les principaux appartements qui le composent en lisant at- tentivement les détails de leurs richesses : ils sont éta- blis dans un état dressé le 13 mars 1788, N° 1 du premier étage. Chambre de Mer Jean du Plessis ou de Mer le Dauphin. € Un lit à impérial de velours cramoisi, dossier brodé en or, grandes et petites pentes aussi brodées en or, avec franges d’or, contre-pointe brodée et garnie de - franges d’or, soubassement garni d’or, rideaux même velours, garnis d’une petite frange d’or, doublés d’une moire d’or, bonnes grâces en velours doublées de même moire et garnies d’une frange en or, rideaux en dessus de taffetas même couleur garnis d’un petit bord d’or, quatre plumets d’or en velours cramoisi et plu- mage blanc. « Huit pièces de tapisserie de Flandre avec les ar- moiries de feu Ms le cardinal duc de Richelieu, la- dite tapisserie en grands personnages. « Quatre fauteuils à cartouches d’une étoffe fond or et bouquets rouges encadrés d’un velours bleu ciselé. « Deux autres fauteuils à manchettes couverts d’une étoffe de soie verte et argent, les cartouches gris de lin à bouquets détachés d'argent. « Tableau, portrait de Msr Jean du Plessis. SALLE DES GARDES DE LA REINE. « Sept pièces de tapisserie des Gobelins représentant l’histoire de Diane. — 300 — « Tableau représentant le portrait de Marie-Magde- leine de Vignerot, première duchesse d’Aiguillon. CABINET DU ROI. « Une grande table de marbre de pièces de rapport d’agathe *, de porphyre et de lapis, de jaspe et de diffé- rents marbres sur un pied doré. « Quatre statues, sept bustes. APPARTEMENTS DU ROI OU DE MONSEIGNEUR. « Un lit à colonnes à impérial garni en dedans de satin gris glacé de violet, broderies à bouquets de soie détachés, profil d’un petit cordonnet, grand dossier, dos- sière chantournée et courte-pointe de même, le chan- tourné garni autour d’une molette d’or, les rideaux dessous d’un velours violet avec une broderie d’or à cartouche et à plates-bandes, les deux chantournés et bonnes grâces de même garnis de frange et molettes d’or, les rideaux en dessus de soye de couleur de fer. « Huit fauteuils à bras, à manchettes, cartouches de broderie d’or et encadrées de velours raz-violet. « Cinq pièces de tapisserie de Bruxelles en grands personnages représentant la guerre des Troyens. € Un miroir à bordure de glace et placage en cuivre doré. (Les | « Portraits de Mme Élisabeth Sophie de Lorraine, 1 Elle es au Louvre. — 801 — princesse de Guise, d'Anne Catherine de Noailles, de Mme la marquise du Châtelet et Mme l’abbesse du Trésor, toutes deux sœurs de M5r le maréchal. SALLE A MANGER. « Un dais de velours vert en cartouches et décou- pures d’étoffe d’or fin, la queue de ce dais de même avec les armoiries de Mgr le maréchal et de feue Mme la duchesse. « Un lustre à huit branches de bois doré. « Dix-sept tableaux de la famille de Richelieu. SALON DE COMPAGNIE. « Deux bustes de marbre blanc représentant feu Mir le duc de Richelieu et Mgr le maréchal. « Sur la cheminée est le portrait de Mgr le cardinal de Richelieu. SALON DU BILLARD, « Six bustes de marbre avec des draperies de jaspe et de porphyre, etc., etc. » Telle était encore en 1788 la magnificence du chà- teau de Richelieu, ce joyau de notre Anjou. Qu’en reste-t-il aujourd’hui de ces palais, de ces ri- chesses? Nous l’avons dit dans nos Impressions histori- ques * : « De ce monument il ne subsiste qu’un corps 1 Album de la Société des travaux littéraires et artistiques, 1865, page 187. — 302 — de logis affecté, jadis, aux exercices du manége, au lo- gement des écuyers; de ces belles statues, on ne ren- contre que des torses brisés! € Pourquoi le château de Richelieu a-t-il disparu si : tôt? C’est qu'il avait été édifié à la taille de l’homme exceptionnel qui l'avait entrepris : or la destruction de cette œuvre gigantesque était la conséquence naturelle de ses vastes proportions; en vain, Richelieu essaya-t-il par des dispositions testamentaires d’en assurer la sta- bilité dans sa lignée collatérale.….. » L'histoire seule peut désormais en perpétuer le sou- venir, gravons-le dans nos archives d'Anjou. Pauz RATOUIS. Rein ë ? { à f #4 4 ê dr À ‘ L MÉMOIRES DE LA NOCIÈTÉ INPÉRIALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS D'ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) NOUVELLE PÉRIODE TOME NEUVIÈME. — TROISIÈME PARTIE ANGERS IMPRIMERIE P. LACHÈSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU Chaussée Saint-Pierre, 13 1866 SOMMAIRE. ENQUÊTE SUR LA SITUATION ET LES BESOINS DE L'AGRICULTURE. Réponses faites au Questionnaire général par la Société Impériale d'Agriculture, sciences et arts d'Angers. — Par le Comice de Thouarcé. — Par le Comice de Segré. RS nn en. Le ENQUÊTE SUR LA SITUATION ET LES BEXOINS DE L AGRICULTURE QUESTIONNAIRE, GÉNÉRAL. Réponses faites par la Société impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers. |: CONDITIONS GÉNÉRALES DE LA PRODUCTION AGRICOLE. $ 1 État de la propriété territoriale. 1. De quelle manière est divisée la propriété territoriale dans la contrée sur laquelle porte l'enquête ? Quelles sont les étendues de terrains qui, dans la contrée, sont considérées comme constituant les grandes, les moyennes et les petites propriétés ? Quelles sont les proportions relatives de ces diverses natures de propriétés ? Par corps de fermes : Les étendues de 100 hectares et au-dessus consti- SOC. D’AG. 20 — 306 — tuent les grandes propriétés; celles de 50 à 400 hec- tares les moyennes ; celles de 1 hectare à 50 les petites. La grande propriété comprend les 3/10es du dépar- tement de Maine-et-Loire ; la moyenne les 4/106s; la petite les 3/106s. 2. Quelle influence les changements qui ont pu avoir lieu depuis les trente dernières années dans la division de la propriété ont-ils exercée sur les conditions de la production ? Ces changements n’ont eu aucune influence. En gé- néral les propriétés sont restées dans les mêmes fa- milles, divisées autant que possible entre les divers héritiers. Quand ces propriétés n’ont pas été divisées, elles ont été vendues, mais en restant les mêmes. 3. En quelle proportion compte-t-on, parmi les ouvriers agricoles, ceux qui, propriétaires de lots de terre plus ou moins impor- tants, travaillent alternativement pour eux et pour les autres. Il peut, en général, être évalué aux 3/106s. $ 2. Mode d'exploitation. 4. Quels sont les divers modes d’exploitation du sol? Dans quelles proportions existent la grande, la moyenne et la petite cul- ture ? C’est l’assolement triennal qui est le plus générale- ment adopté dans la grande, la moyenne et la petite culture. 5. Les grands propriétaires, les propriétaires moyens et les petits propriétaires exploitent-ils généralement par eux-mêmes ou font-ils exploiter sous leurs yeux et à leur compte ? Les grands et les moyens afferment, les petits exploi- tent par eux-mêmes. — 9307 — 6. Quelle est, parmi les grands, moyens ou petits propriétaires, la proportion de ceux qui louent leurs terres à des fermiers ou les font cultiver par des métayers ? Les 9/10°s donnent à ferme. 1/10e exploite à moitié. 7. Lorsque le régime du métayage existe, est-il d'usage qu’il y ait pour plusieurs domaines un fermier général servant d’intermé- diaire entre les propriétaires et les métayers ? Il n’y a pas dans le département de fermiers géné- raux ; s’il y a quelques exceptions, elles sont fort rares. $ 3. Transmission de la propriété. 8. Quels sont, pour les différentes espèces de propriétés et pour les divers genres d'exploitation, les prix de vente des terres sui- vant leur qualité, les variations que ces prix ont pu subir depuis un certain temps en remontant à trente ans au moins, et les causes de ces variations ? fre catégorie . . . . . . 92,500 fr. l’hectare. de a RARE ARTE NE 3e RS pc Par suite des progrès de l’agriculture, ces prix ont augmenté d’un cinquième dans le département. Il y a une catégorie exceptionnelle comprenant les terres dites de vallée, dans laquelle se trouvent des terres qui se paient jusqu’à 10,000 fr. l’hectare. 9. Les domaines sont-ils ordinairement conservés dans une seule main au moyen d’arrangements de famille particuliers, ou sont- ils divisés entre les enfants ou les héritiers à la mort du chef de famille, ou enfin sont-ils habituellement vendus? Quelles sont les conséquences produites dans l’un ou dans l’autre cas? En général les domaines sont divisés entre les héri- tiers à la mort du père de famille. Conséquemment il — 908 — n’existera bientôt plus de grandes propriétés patrimo- niales. 16. Les ventes de terre ont-elles lieu plus particulièrement en bloc ou au détail? Dans quelles proportions se pratiquent ces deux modes de vente? Quelles sont les différences de prix suivant que l’un ou l’autre est employé ? En général, les ventes sont faites par corps de ferme; lorsque la vente se fait au détail, il y a environ augmen- tation d’un cinquième. $ 4. Conditions de location de la propriété. 11. Quels sont les prix de location des terres suivant leurs diverses qualités et dans les différents modes de constitution et d’exploi- tation de la propriété ? Quelles variations ces prix ont-ils subies depuis trente ans au moins et quelles ont été les causes de ces variations ? Le prix de location des terres de la {re catégorie est en moyenne de 60 fr. l’hectare. La 2% catégorie 50 fr. La 3e catégorie 45 fr. Depuis trente ans le prix de location a doublé. Les progrès de l’agriculture et surtout l'ouverture de voies de communication grandes et nombreuses sont les causes auxquelles on doit attribuer cette augmen- tation. Là aussi il y a une exception à faire pour les terres de vallée, qui se louent de 250 à 350 fr. l’hectare. 12. Quelles sont les conditions des baux à ferme, leur durée ha- bituelle, les obligations qu'ils imposent aux fermiers indépen- damment du payement des fermages, notamment sous le rapport des redevances de toute espèce ? Quelles sont le plus habituel- lement la nature et la valeur de ces redevances ? Quelles modifi- — 309 — cations ont eu lieu dans les baux, sous ce dernier rapport particulièrement, depuis trente ans environ? La durée des baux à ferme est ordinairement de neuf années, par période triennale ; les redevances sont du dixième. Les obligations ou redevances consistent en charrois, fourniture de paille, volailles, etc. Depuis trente ans, ces redevances tendent à disparaître. 13. Quels sont les divers modes de payement du prix de location des terres par les fermiers ? Ce payement se fait-il pour la tota- lité ou pour partie, soit en argent, soit en nature? Pour le paye- ment en argent, le prix est-il fixé d’avance et reste-t-il inva- riable pendant toute la durée du bail, ou se règle-t-il d’après le cours des grains constaté par les mercuriales? Pour le payement en nature, quelles conditions spéciales sont imposées ? Le paiement du prix de location des terres par les fermiers se fait en argent, sauf les petites redevances qui se paient en nature. Le prix de location est fixé d’avance et reste invaria- ble pour toute la durée du bail. Les redevances sont portées sans frais chez le pro- priétaire. 14. Quelles sont les clauses et conditions des contrats de mé- tayage ? Le propriétaire donne la ferme. Le colon fournit les instruments nécessaires et le travail. Les bestiaux, les semences et les engrais ou amen- dements sont fournis par moitié par chaque partie. Les recettes sont ensuite partagées par moitié. Les impôts sont aussi le plus ordinairement payés par moitié. — 910 — 8 5. Capitaux. — Moyens de crédit. 45. Quel est le montant du capital de première installation dans une exploitation d’une importance donnée, et quel est le mon- tant du capital de roulement ? On a calculé que le capital de première installation et le montant du capital de roulement montaient en- semble à 200 fr. par hectare. 16. Ces capitaux suffisent-ils aux besoins de la culture, au per- fectionnement des procédés agricoles et à l’amélioration des terres ? Ils sont désormais insuffisants; ils devraient être augmentés d’un tiers. 47. Si les capitaux n'existent pas ou ne se trouvent pas en quan- tités suffisantes entre les mains de ceux qui possèdent les pro- priétés rurales ou qui les exploitent, comment ceux-ci peuvent- ils se les procurer? Quelles facilités ou quels obstacles rencontrent-ils à cet égard? H est très-difficile, il est presque impossible de se procurer les capitaux, s’ils ne se trouvent pas entre les mains de ceux qui possèdent les propriétés rurales ou qui les exploitent. 48. À quel taux l’argent qui leur est nécessaire leur est-il habi- tuellement fourni? On le leur donne au taux de 5 0/0, quand on veut bien le leur fournir. 19. Dans le cas où la situation actuelle du crédit agricole serait considérée comme défectueuse, par quels moyens et par quelles modifications à la législation existante serait-il possible de l’a- méliorer ?. Les cultivateurs ne peuvent avoir utilement recours au crédit agricole que si les banques pouvaient leur — 9311 — prêter de l’argent à 4 0/0 au maximum, tous frais com- pris. Les cultivateurs ne possédant pas en général de biens-fonds, mais seulement des valeurs mobilières dont le prix est variable, le crédit agricole n’accepte pas cette garantie, et, par suite, la situation du fermier n’a aucune amélioration à attendre de ce côté. Sous ces deux rapports, la Iégiaion actuelle aurait besoin d’être modifiée. 20. Les emprunts faits par les propriétaires ou les exploitants du sol sont-ils consacrés exclusivement à l’amélioration des terres et au développement de la culture? Oui, quand ils peuvent être réalisés. 21. Quelle est aujourd’hui, comparée à ce qu’elle était à d’autres époques, la situation hypothécaire de la propriété rurale? Quelle est particulièrement cette situation pour le propriétaire exploi- tant et pour le propriétaire non exploitant ? La situation hypothécaire ne fait que s’aggraver pour le propriétaire non exploitant. Le propriétaire exploi- tant n’hypothèque jamais, car il ne possède aucuns biens-fonds sur lesquels on puisse prendre privilége d’hypothèque. 22. Quelle à été l'influence exercée sur l'emploi des capitaux et des épargnes agricoles par le développement qu'a pris la fortune mobilière, et par la création de valeurs de toute nature ? - Cette influence a été considérable. Elle a porté les cultivateurs à employer presque exclusivement leurs épargnes et leurs capitaux à acheter des terres. Quel- quefois le prix de ces terres en parcelles est en dehors de toute proportion. — 919 — $ 6. Salaire. — Main-d'œuvre. 23. Les salaires des ouvriers de la culture, ont-ils augmenté, ef dans quelle proportion ? Ils ont doublé depuis 30 ans. 24. En a-i-il été de même des salaires des ouvriers et des domes- tiques autres que les domestiques employés pour la culture? Oui. 25. Quelles sont les causes de l’augmentation des salaires ? La rareté des bras et les besoins du bien-être. 26. Le personnel agricole a-t-il diminué? Le nombre des ouvriers ruraux est-il en rapport avec les besoins de la culture, ou est-il devenu insuffisant ? Le personnel agricole a diminué. Le nombre des ouvriers agricoles n’est plus en rap- port avec les besoins de l’agriculture et est compléte- ment insuffisant surtout dans les pays vignobles. 27. S'il y a insuffisance d'ouvriers agricoles, quelles en sont les causes? L'émigration dans les grandes villes, où ils trouvent beaucoup plus de jouissances que dans les campagnes, et surtout des travaux moins pénibles. 28. Le mouvement d’émigration des populations rurales vers les villes et l'abandon du travail des champs pour le travail indus- triel, se sont-ils produits dans des proportions sensibles ? Oui, dans des proportions de plus en plus sensibles. 29. En cas d’affirmative, quelle est la proportion, dans ce mouve- ment d’émigration, entre le nombre des hommes seuls, celui des ménages et celui des femmes ou des filles seules ? L’émigration des ménages. est peu commune dans — 313 — notre département, celle des hommes seuls et des filles seules est d’un huitième environ. 30. Les ouvriers qui émigrent des campagnes vers les villes sont- ils des terrassiers ou des ouvriers agricoles ? Appartiennent-ils, au contraire, à des corps d'état tels que maçons, charpen- tiers, etc. ou à la classe des domestiques de maison ? Les ouvriers qui émigrent des campagnes sont le plus souvent des ouvriers agricoles. En général, les ouvriers attachés à des corps d’état restent dans le pays. 31. Le manque de bras, là où il se fait sentir, provient-il unique- ment de la diminution du nombre des ouvriers agricoles ? Ne résulte-t-il pas, dans une certaine mesure, des progrès de l’a- griculture, et, notamment, de l’extension donnée aux cultures industrielles dont les travaux sont plus multipliés et exigeraient, dès lors, un personnel plus considérable pour une même surface cultivée ? . Le manque de bras, là où il se fait sentir, provient de la diminution des ouvriers agricoles qui s’expatrient en si grand nombre. Il ne résulte pas des progrès de l'agriculture. 32. L'insuffisance des ouvriers agricoles ne provient-elle pas aussi de ce qu’un certain nombre d’entre eux, devenus propriétaires, travaillent une partie du temps sur leur propriété et n’offrent plus leurs services ou les offrent moins à ceux qui les employaient autrefois ? Non, dans les grands centres d’exploitation ; oui, dans les petites cultures, comme les pays vignobles et les terres de vallée. | 33. L'msuffisance ne peut-elle pas être attribuée en partie à ce que les familles seraient moins nombreuses aujourd’hui qu’autre- fois ? L’insuffisance des ouvriers agricoles peut être attri- buée en grande partie à ce que les familles sont moins — 914 — nombreuses qu’autrefois, surtout dans les aggloméra- tions comme les bourgs et les villages. À peu d’excep- tions près, il n’y a plus de familles nombreuses que chez les gens pauvres. 34. Quelle a été l'influence exercée sur la diminution du personnel agricole, sur le taux des salaires et de la main-d'œuvre par Vemploi des machines dans l’agriculture ? L'emploi de ces ma- chines s’est-il déjà étendu dans la contrée et a-t-il une tendance à se vulgariser de plus en plus? L'emploi des machines dans l’agriculture est venu notablement en aide pour compenser la diminution du personnel agricole, augmentation du prix des salaires et de la main-d'œuvre. Les machines se vulgarisent chaque jour davantage. 39. L'usage des machines à battre, particulièrement, n’a-t-il pas enlevé du travail aux ouvriers agricoles à une certaine époque de l’année, et ces ouvriers n’ont-ils pas dû exiger une augmen- tation de salaire pour les autres travaux ? N’y a-t-il pas à aussi une cause d’émigration ? Non, car malgré l’usage des machines à battre, le nombre des ouvriers agricoles est insuffisant. 36. La manière de moissonner n’a-t-elle pas subi des modifications et n’exige-t-elle pas un personnel moins nombreux que par le passé? La manière de moissonner n’a pas subi chez nous de modifications. Les machines ne sont pas possibles avec le mode d’ensemencement par sillon, général dans notre département. 37. La somme de travail, obtenue des ouvriers agricoles, est-elle plus ou moins considérable que par le passé? Elle est plus considérable. — 915 — 38. Les conditions d'existence de cette partie de la population se sont-elles améliorées? S’est-il produit des modifications favora- bles dans la manière dont elle est nourrie, dont elle est vêtue et logée? Son bien-être général s’est-il accru, et dans quelle mesure? L’instruction primaire est-elle dirigée dans un sens favorable à l’agriculture, et quelle est son influence sur le choix des pro- fessions ? Les sociétés de secours mutuels sont-elles suffisamment ré- pandues dans les campagnes ? L’assistance publique y est-elle convenablement organisée ? Les conditions d’existence des ouvriers agricoles se sont améliorées ; leur nourriture est plus substantielle, leurs logements plus confortables en général. L'instruction n’a pas l’agriculture pour objet. L'assistance publique n’y est pas convenablement or- ganisée, le plus souvent par suite du défaut d’entente entre les personnes qui devraient principalement en diriger l’action. Quelques bureaux de bienfaisance existent dans les campagnes, au grand avantage des ouvriers agricoles et autres. 39. S’est-il opéré des changements dans l’état moral des ouvriers de la campagne? Leurs relations avec ceux qui les emploient sont-elles moins faciles qu’autrefois ? Quels sont les résultats et les causes des changements survenus sous ce rapport? Des changements se sont évidemment opérés dans l’état moral des ouvriers de la campagne : l’émigration et limmoralité deviennent de plus en plus fréquents chez eux, par suite surtout de l’augmentation effrayante du nombre des cabarets. Les relations des maîtres avec leurs ouvriers sont beaucoup moins faciles qu’autrefois. 40. Y aurait-il avantage à étendre aux ouvriers agricoles les dis- positions de la loi du 22 juin 1854 relative aux livrets ? Oui, il y aurait un immense avantage à étendre aux — 316 — ouvriers agricoles la loi relative aux livrets. Cet avan- tage serait aussi grand pour les maîtres que pour les ouvriers. 41. Le nombre des ouvriers nomades qui viennent se mettre à la disposition des cultivateurs pour les grands travaux de la moisson et de la vendange, est-il plus ou moins considérable aujourd'hui que par le passé? Quelle influence les faits de cette nature exercent-ils sur la condition des ouvriers sédentaires et sur leurs rapports avec ceux qui les emploient ? Le nombre des ouvriers nomades diminue chaque année ; ils vont bien plus volontiers demander de l’ou- vrage dans les grands chantiers de chemins de fer où ils sont mieux payés. $ 7. Engrais. — Amendement des terres. 42. Quels sont les divers engrais ou amendements dont l’agricul- ture fait usage dans le pays ? Les amendements sont la chaux et la charrée ; Les engrais : les fumiers, le noir animal de raffinerie, les poudrettes et les balayures des villes. 43. La production du fumier est-elle suffisante? Y a-t-il besoin d'y suppléer par l’achat d'engrais naturels ou artificiels ? Les fumiers d’étables produisent à peine la moitié des engrais nécessaires pour l’ensemencement annuel. Par suite, il est indispensable de recourir aux engrais du commerce. 44. Pour une étendue donnée de tèrres, combien a-t-on ordinai- rement de chevaux, d'animaux de race bovine, ovine, por- cine, etc.? Ce nombre est-il ce qu’il devrait être eu égard à l'importance de l'exploitation? Est-il suffisant pour donner la quantité de fumier nécessaire? S'il ne l’est pas, quelles sont les circonstances qui s’opposent à ce qu’il atteigne la proportion voulue ? 30 bêtes pour 30 hectares, savoir 2 chevaux, 10 — 311 — bœufs jeunes ou vieux, 8 vaches laitières et gémisses, 4 moutons et 6 porcs. Ce nombre est insuffisant, il ne peut donner la quantité de fumier nécessaire. L’insuffisance est de moitié ; elle provient du manque de fourrage et de litière, elle provient aussi pour beau- coup de ce que dans nos campagnes presque personne ne sait soigner ses fumiers qui, laissés à l’air libre et sans fosse à purin, perdent en peu de temps leurs principales propriétés fertilisantes. De plus on laisse perdre dans notre déportement une grande quantité de matières dont on tire le plus grand parti en Angleterre, en Allemagne et même dans le nord de la France. 45. Quels sont les frais que l’agriculture a à supporter pour l'achat d’engrais naturels ou artificiels? Trouve-t-elle à cet égard des facilités et des garanties suffisantes? Que pourrait-il être fait pour augmenter ces facilités et ces garanties ? Il faut pour au moins 600 fr. d’engrais étrangers pour une métairie de 30 hectares. Les engrais se trouvent facilement, mais malheureu- sement ils sont trop souvent falsifiés. L'application rigoureuse de la loi pourrait rendre de grands services. 46. À quelles dépenses l’agriculture de la contrée a-t-elle à faire face pour le chaulage, le marnage ou autres amendements des terres, et quelles difficultés peuvent s’opposer à ce qu’on se « procure les matières les plus propres à améliorer la qualité du sol et à augmenter sa force de production? Une ferme de 30 hectares dépense, en moyenne, 400 fr. pour le chaulage. La grande difficulté est de se procurer des matières pour améliorer la qualité du sol et augmenter la force de production. — 918 — $ 8. Autres charges de la culture. #7. Quels sont les frais accessoires que supporte la culture pour la construction et l’entretien des bâtiments ruraux et leur assu- rance contre l'incendie? Comment ces frais se répartissent-ils entre les propriétaires des biens ruraux et ceux qui les exploi- tent? Les frais accessoires que supporte la culture sont d’un vingtième. Ces frais se partagent à peu près par moitié entre le propriétaire et l'exploitant. La construc- tion et les réparations des bâtiments autres que les ré- parations locatives sont à la charge du propriétaire. 48. Quelles sont les charges qu'imposent aux cultivateurs l’assu- rance de leurs récoltes contre l'incendie ou la grêle et l'assurance contre la mortalité des bestiaux ? Nos fermiers ne s’assurent généralement pas; ils n’ont pas confiance dans les compagnies. 49. Quels sont les frais d'achat et d’entretien du matériel agri- cole? . 300 fr. environ par année pour 30 hectares. 50. Quelles sont les autres charges qui incombent à l’agriculture ? Les prestations pour les chemins, s’élevant à environ 90 fr. par 30 hectares. IT. CONDITIONS SPÉCIALES DE LA PRODUCTION AGRICOLE. $ 9. Procédés de culture. — Assolements. 51. Quels sont, aujourd’hui, pour la grande, la moyenne et la petite culture, les divers modes d’assolement, et particulière ment ceux qui sont le plus fréquemment suivis? L’assolement le plus généralement suivi dans le dé- — 319 — partement est l’assolement triennal modifié par la cul- ture des plantes fourragères et des prairies artificielles. 52. Quelles modifications ont été apportées, sous ce rapport, à l'ancien état de choses? Les principales modifications apportées à l’ancien état de choses sont : l'introduction des plantes fourragères, principalement celle du choux, du navet, du colza et la culture des prairies artificielles. 53. Quelle est l’étendue des terres affectées à chaque culture ? La proportion qui existe entre les différentes cultures est-elle mo- tivée par la nature du sol et par la qualité des terres, ou est-elle déterminée par les facilités qu'offre le placement de certains produits? Doit-elle être considérée comme étant la plus profita- ble au producteur, et si elle n’est pas ce qu’elle devrait être, quelles sont les circonstances qui mettent obstacle à ce qu’elle soit modifiée ? 4/3 en froment, 1/3 en plantes fourragères, 1/3 en jachères, ou prairies artificielles. Cette proportion est motivée par la nature du sol, la qualité du terrain, et déterminée par la facilité qu’offre le placement de certains produits. 54. Quels ont été, depuis un certain nombre d’années, «en remon- tant à trente au moins, les progrès accomplis et les améliorations réalisées dans la culture du sol? Les progrès accomplis dans la culture du sol sont considérables, et les améliorations ont été telles que les produits du sol ont au moins doublé de valeur. 55. Dans quelle mesure les divers procédés agricoles se sont-ils perfectionnés ? Dans une mesure presque inappréciable, — 390 — $ 10. Défrichemenis. 56. Quelle a été l’importance des travaux de défrichements opérés dans la contrée, et quel en a été le résultat ? Le défrichement est complet. Le résultat a été d’aug- menter d’un dixième les produits de toutes sortes. 57. Quelle est l'étendue des landes et autres terres incultes? Il ne reste dans notre département qu’une quantité irès-minime de landes et de terres incultes. 58. Quelles sont les causes qui se sont opposées, jusqu’à présent, à ce qu’elles aient été mises en valeur? $ 11. Desséchements. 59. Quelle a été l'étendue des desséchements opérés dans la contrée depuis les trente dernières années, et quel en a été le résultat? 60. Quels obstacles la législation pourrait-elle opposer à ce qu'ils prissent plus de développement? $ 12. Drainage. 61. Quelle est, dans la contrée, l'étendue des terres auxquelles le drainage pourrait être utilement appliqué ? Un vingtième environ. 62. Quel a été, jusqu’à présent, le développement donné à celte pratique agricole ? Quels en ont été les résultats ? Le drainage a été pratiqué sur 1,600 hectares envi- — 321 — ron dans le département. Les résultats en ont été très- favorables. 63. Quelles sont les circonstances qui ont pu s’opposer à ce qu’elle prit plus d'extension? Le prix élevé du drainage, l'incertitude des résultats pour beaucoup de personnes, la situation gênée dans laquelle ont pu se trouver un certain nombre de pro- priétaires par suite de l’abaissement du prix des cé- réales, la difficulté de profiter du fonds destiné par le gouvernement à favoriser le drainage, difficulté due surtout aux formalités que doit remplir l’emprunteur, et qu’il serait indispensable de simplifier. $ 13. Irrigations. 64. Quel est l’état des irrigations dans la contrée? Sont-elles na- turelles ou artificielles? Touies sont naturelles. 65. Les irrigations naturelles par débordement ont-elles diminué ou augmenté. Rien n’est changé à cet égard. 66. Quels sont les obstacles qui ont pu s'opposer à l'extension de la pratique des irrigätions dans les terres où elles seraient utiles? L'absence de cours d’eau assez rapides. 67. Quelle influence favorable ou contraire le régime actuel des eaux peut-il exercer sur le progrès des irrigations ? Aucune. $ 14. Prairies et cultures fourragères. 68. Quelle est, dans la contrée, l'étendue relative des prairies na- turelles ? Un douzième. SOC. D’AG. 21 — 322 — 69. Quel est le rendement moyen en fourrages des prairies natu- relles? Quel est le prix de vente de ces fourrages depuis dix ans ? Une charretée, soit 2,200 kil., vendus 6 fr. le quintal métrique en moyenne et au moins. 70. Quelle est l'étendue relative des terres cultivées en prairies artificielles ? Un neuvième des terres arables est mis en prairies artificielles. 71. Quels sont les frais de culture de ces prairies pour une éten- due donnée en mesure locale et ramenée à l’hectare? Les prairies artificielles se font généralement sur les céréales et n’exigent que le prix de la semence et le hersage comme frais particuliers, soit 25 fr. par hec- tare. 72. Cultive-t-on dans la contrée d’autres plantes destinées à la nourriture des animaux, telles que choux, betteraves, navets, carottes, etc. ? ; Quelle est l'étendue relative des terres employées à ces cul- tures? Quels sont leur rendement moyen et les frais qui leur incombent ? On cultive sur un dixième du département des choux, des navets, du colza. Le rendement est très-difficile à apprécier, attendu que pendant six mois le chou sert à l’alimentation des animaux. Les frais d’un hectare de choux sont évalués à 400 fr., si l’on prend en considération tous les soins du cultivateur. 13. A-t-il été donné depuis un certain nombre d'années un déve- loppement sensible aux cultures fourragères et dans quelle pro- portion? Il ya trente ans, ces cultures étaient presque incon- — 9323 — nues dans le département. Depuis cette époque, les produits sont devenus très-importants. 7£. Quel est le rendement moyen des terres cultivées en plantes fourragères des diverses espèces, trèfle, luzerne, sainfoin, bette- raves, choux, etc., etc.? Pour le trèfle seul, l'évaluation du rendement moyen est de 80 fr. l’hectare. Pour la luzerne, elle est de 100 fr. Pour le sainfoin, de 80 fr. Pour la betterave de 150 fr. 75. Quel est le prix de vente de ces produits ? Ce prix est extrêmement variable. La plus grande partie est consommée sur place et par conséquent ne se vend pas. $ 15. Animaux. 76. Quels sont, pour les animaux de chaque sorte : chevaux, mu- lets, ânes, bœufs, vaches, veaux, moutons, porcs, les frais de toute nature que le cultivateur a à supporter pour dépenses d’a- chat, d'élevage, de nourriture, d'entretien, d’engraissement, etc, ? A quels prix les animaux de chaque espèce lui reviennent-ils et à quels prix se vendent-ils ? Les chevaux élevés dans le pays se vendent ordinai- rement 200 fr. à 1 an ; ils peuvent avoir coûté 100 fr. Les bœufs se vendent, à 4 ans, 350 fr. Le cultivateur est payé de ses frais de nourriture, d’entretien, d’en- graissement, par le travail et les fumiers. Les vaches se vendent, à 5 ans, 250 fr. Elles ont fourni de plus leur lait, leur veau et leur fumier. Les veaux se vendent, en moyenne, 50 fr. à 4 mois. — 3924 — Les moutons se vendent 95 fr. Ils rapportent 20 fr. par an. Les porcs ont produit, à 6 mois, 40 fr. et se ven- dent 50. 77. Y a-t-il amélioration dans la quantité et la qualité des ani- maux? Quels changements se sont opérés à cet égard depuis trente ans, soit par le choix des races, soit par leur perfection nement, soit par de meilleurs procédés d'élevage et d’engraisse- ment ? Il y a une grande amélioration dans la quantité et la qualité de ces animaux. Ces changements proviennent du meilleur choix des races. 18. Quelles facilités nouvelles l’extension des cultures fourragères, sur les points où elle a été constatée, a-t-elle procurées pour l'élevage du bétail et la production des engrais? Achète-t-on pour les animaux des aliments non fournis par l'exploitation? Les cultures fourragères, par leur extension, ont donné de grandes facilités pour l’élevage du bétail et la production des engrais. À moins d’absolu besoin, on n’achèle pas pour les animaux d’aliments autres que ceux fournis par l'exploitation. 79. Existe-t-il un écart trop élevé entre le prix du bétail sur pied et celui de la viande au détail? A quelle cause doit-on attribuer cet écart ? L'écart n’est pas trop élevé. 80. Quel parti les cultivateurs tirent-ils des autres produits. pro- venant des animaux de la ferme, tels que les laines, le beurre, le lait, les fromages, etc.? Dans les grands corps de ferme, tous ces produits sont consommés sur les lieux. — 325 — Le lait, le beurre, les fromages portés sur les mar- chés, proviennent des petites closeries situées aux en- virons des villes. 81. Quelles ressources les cultivateurs trouvent-ils dans l’élevage de la volaille ? On peut dire que l’élevage de la volaille doit faire face aux menues dépenses du ménage. $ 16. Céréales. 82. Quelle est, dans la contrée, l'étendue des terres cultivées en céréales des diverses espèces ? Nous n’avons pu nous procurer ces chiffres d’une ma- nière exacte pour le département. 83. Quels sont, pour chacune de ces céréales, les frais de culture d'un hectare de terre, ou de la mesure employée dans la loca lité et dont le rapport avec l’hectare sera indiqué ? Les frais de culture sont, en règle ordinaire, de 263 fr., savoir : 463 fr. pour travaux et 100 fr. pour fumiers. 84. Quel est le détail de ces différents frais : Pour les labours . Au à Pour le hersage . . . . . . 80 fr. Pour le roulage Pour le coût des semences. . . 40 fr. Pour le prix de l’ensemencement. 3 fr. Pour les façons d’entretien . Pour la moisson . : Pour la rentrée des grains . Pour le battage, nettoyage, etc. Total At ns 163 fr. A0 fr. — 9326 — 85. Quel est le rendement par hectare pour chacune de ces espèces de céréales depuis dix ans? Froment. . . . . 45 hectol. Deigle: en. ie etE OPBE A a OEM 9 SATEASIN. | ep. 0 8 AVOIDE dt VIE 86. La production des céréales de chaque espèce a-t-elle aug- menté dans une proportion sensible depuis trente ans? S'il y a eu augmentation, à quelles causes doit-elle être particulièrement attribuée? L’importation d'espèces nouvelles de céréales donnant un rendement plus considérable a-t-elle contribué dans une mesure un peu importante aux progrès de la production? L'augmentation est d’un dixième. Elle provient du défrichement et de l'amélioration des moyens de cul- ture. Il n’y a pas eu d’importation d'espèces nouvelles. 87. Quels ont été les prix de vente des diverses espèces de céréales et les variations que ces prix ont pu subir depuis dix ars? De 4856 à 1866, l'écart a été en moyenne de 14 à 96. 88. L'emploi des épargnes du cultivateur à la formation de petites réserves de grains est-il aussi fréquent que par le passé ? Néant. 89. La qualité des différentes sortes de céréales s’est-elle amé- liorée par suite d’une culture plus soignée ? Le poids d’une me- sure déterminée de grains de chaque espèce s’est-il accru depuis trente ans et dans quelles proportions? La qualité est supérieure. Le poids est resté le même, mais l’ensemble est meilleur. | 90. Quel parti les cultivateurs. tirent-ils de leurs pailles? Quelle est la portion qu'ils utilisent dans leur exploitation et celle qu'ils peuvent livrer à la vente ? Les pailles sont consommées en totalité sur les lieux — 927 — par les animaux ou mises en litière. Les petites close- ries vendent leurs pailles dans les villes. $ 17. Cultures alimentaires autres que les céréales pro- prement dites. 94. Quelle est, dans la contrée, l’étendue des terres cultivées en plantes alimentaires autres que les céréales proprement dites? En pommes de terre? En légumes secs ? En légumes frais ? Un vingtième environ cultive en pommes de terre. Les légumes frais sont exclusivement cultivés par les maraîchers. 92. Quels sont, pour chacun de ces produits, les frais de culture d’un hectare ou d’une mesure de terre déterminée et ramenée à l’hectare? Quel est le détail des différents frais pour chaque nature de produits ? L'évaluation des frais de culture des pommes de terre est de 60 fr., parce qu'après la récolte des cé- réales il n’y a plus à payer que le travail de l’ense- mencement, le labour ayant été fait pour la culture des céréales. 93. Quel est le rendement de chaque produit? Quelles sont les variations que ce rendement a pu éprouver depuis dix ans ? Les pommes de terre ont rendu 50 hectolitres par hectare depuis 10 ans. Sur ces dix années cinq ont été à peu près nulles par l'effet de la maladie. 94. Quels sont les prix de vente de chaque produit et les change ments que ces prix ont pu subir aussi depuis dix ans ? La totalité est consommée dans les fermes, sauf dans — 9328 — les petites localités, qui apportent aux marchés des villes. 95. Leur production a-t-elle varié d'importance, et pour quelles causes ? La maladie plus ou moins intense a beaucoup fait varier cette production. $ 18. Cultures industrielles. 96. Quelle est l'étendue des terrains cultivés en plantes indus- trielles de toute nature ? En betteraves ? En graines oléagineuses, colza, navette, œillette, cameline et autres ? En plantes textiles, chanvre, lin, etc. ? En tabac? En houblon? En plantes tinctoriales, garance, safran, etc.? Nous n’avons pu nous procurer les chiffres exacts qui devaient être notre réponse à cette question. La statistique de Maine-et-Loire portait, il y a dix ans, à 6,800 hectares la quantité de terre employée à ka culture du chanvre, et à 2,800 hectares la quantité de terre employée à la culture du lin. Depuis, cette cul- ture s’est considérablement augmentée et tend sans cesse à s’'augmenter encore, encouragée qu'elle est par Vétablissement de filatures considérables, comme celles de MM. Joubert-Bonnaire et Cie, Max-Richard et Cail- lault, Meauzé et Pelou, Besnard et Genest, Potrais, Marcheteau et G. Laroche, Hilaire et Maugars, etc. 97. Quels sont, pour chacun de ces produits, les frais de culture par hectare ou par mesure locale ramenée à l’hectare ? Quel est le détail des différents frais pour chaque nature de produits ? — 829 — 98. Quel est le rendement de chaque produit et les variations que ce rendement a pu éprouver depuis dix ans ? 99. La production de chacune de ces cultures industrielles s'est- elle développée ou s’est-elle amoindrie ? A quelles causes doit-on attribuer l'augmentation ou la diminution? 100. Quels sont les prix de vente de chaque produit et les varia- tions que ces prix ont pu subir depuis dix ans? $19. Sucres indigènes et alcools. 101. Quelle est l'importance de la fabrication des sucres indigènes dans la contrée? æ 102. La production des alcools y joue-t-elle un rôle considé- rable ? 103 Quels ont été les progrès réalisés dans ces deux industries ? $ 20. Vignes. 104. Quelle est, dans la contrée, l'étendue des terres cultivées en vignes ? La culture de la vigne y a-t-elle reçu de l’extension depuis dix ans? 35,000 hectares. La culture de la vigne n’a pas reçu beaucoup d’ex- tension dans notre département, quant à la quantité, beaucoup de propriétaires ayant, en désespoir de ré- colte, arraché leurs vignes atteintes de l’oïdium pour convertir le sol en d’autres cultures. Il y a dix ans il n’y avait que 31,000 hectares de terre plantés en vigne. — 930 — 105. Quelles sont les modifications qui ont pu être apportées depuis trente ans à cette culture ? Quelles sont les causes de ces modifications ? Les modifications les plus importantes ont été sur- tout causées par l'apparition et l’action d’un mal in- connu jusque-là, l’oïdium. On a renouvelé beaucoup de vieux plants, qu’à tort on ne remplaçait qu'après un siècle, et en même temps on a recherché des cépages différents, variés, plus précoces; on est dans une ère nouvelle d'observations et de procédés de culture. 106. Quelles sont les principales espèces cultivées et quelle est la nature et la qualité des vins récoltés? Le pineau blanc (franc pineau) est l’unique cépage blanc en Anjou. Les plants rouges sont d’abord : celui introduit dans le Saumurois par un abbé nommé Bre- ton; il se nomme dans notre pays Petit-Breton et con- serve dans le Bordelais le nom de Carmenet Sauvignon ; puis le Pinot noir venant de Bourgogne et le Gamai de la Côte-d'Or. Les vins récoltés sont généralement blancs. Ils ont une bonne qualité, plusieurs ont une grande répu- tation, tels le vin de la Coulée de Serrant, celui des coteaux de Saumur, de Faye, de Rochefort. 107. Des progrès ont-ils été réalisés, soit par un meilleur choix des cépages, soit par des améliorations introduites dans les pro- cédés de culture ? Oui, des progrès ont été réalisés par un meilleur choix des cépages et par des améliorations introduites dans les procédés de culture. - 108. Les procédés de fabrication des vins se sont-ils améliorés ? Oui. — 9331 — 109. Quels sont les frais de culture des terres plantées en vignes, soit par hectare, soit par mesure locale dont le rapport avec l’hectare serait indiqué ? Quel est le détail des divers travaux que nécessite la culture de la vigne et des frais auxquels donne lieu chacun de ces tra- vaux ? Les frais de culture sont pour 65 ares 95 centiares : Au vigneron pour 3 façons et raisage, 6 fr: par ar- péntx. abandon. of 00 nine 8f aq GS Pour engrais, en moyenne. . . . . . 10 Valeur de trois barriques à 10 fr. . . . 30 Sauf réduction de moitié en se servant de vieux fûts. Béchage des ronces et guérets des jeunes DÉMOS SR AN RE Lt Re, | ed Frais de vendange et fabrication du vin . 15. 195 110. Quel est le rendement par hectare ou par mesure locale des terres plantées en vigne et quelles sont les variations que ce rendement a éprouvées depuis dix ans ? Le rendement moyen est de trois barriques par 65 ares 95 centiares ou 10 boisselées. 111. Quels sont les prix de vente des vins et quels changements ont-ils subis depuis dix ans ? Le placement des vins des diverses qualités est-il plus ou moins facile que par le passé ? Le prix moyen de la barrique est de 50 fr. Le placement de nos vins est toujours trés-facile, mais ils ne sont plus exportés en grande quantité comme. ils l’étaient autrefois en Hollande, en Angleterre, dans les colonies. Le Saumurois envoie par millions de litres dans ces directions ses vins grands mousseux. — 992 — $ 21. Culture des arbres à fruits. 112. Quelle est l'importance de la culture des pommiers et des poiriers à cidre? Depuis dix ans on a abandonné dans la plus grande partie du département la culture du pommier, qui est abîmé par la maladie dite Le blanc, occasionnée par le puceron lanigère. Dans l'arrondissement de Baugé, le pommier réussit très-bien et fournit à une vaste ex- ploitation. 113. À quels frais donne lieu cette culture dans une exploitation d’une étendue déterminée et quels profits en tire le cultiva- teur ? 114. Quelle est l'importance des plantations d’oliviers, de noyers, d’amandiers, etc. 115. Quels sont les frais, quel est le rendement de ces cultures dans une exploitation d’une étendue déterminée ? Quels sont les prix de vente des produits? 116. Quelle est l'importance de la culture des fruits destinés à l'alimentation et qui sont consommés frais ou conservés ? L'importance de cette culture augmente sans cesse, par suite de l’exportation qui s’en fait par les chemins de fer, à Paris, en Angleterre et même en Russie. 117. Quels sont les frais de eulture et le rendement, pour une exploitation d’une étendue donnée, des pruniers, abricotiers, pêchers, cerisiers, poiriers, pommiers, etc. ? — 333 — 118. Quels sont les prix de vente des produits qui en proviennent et quelles modifications favorables à l’agriculture ont eu lieu depuis un certain nombre d'añnées dans la manière de tirer parti de ces divers produits ? $ 22. Sériciculture. 119. Dans les pays adonnés à la sériciculture, quelles sont actuel- lement les conditions de la culture des müriers et de l’éducation des vers à soie? 120. Quelles différences existent, à cet égard, entre l’ancien état de choses et la situation actuelle? 121. Quelle est la diminution de revenu causée dans la contrée par la maladie des vers à soie ? 122. Quelles réductions ont eu lieu, pour cette cause, dans lenom- bre et dans l’importance des établissements spécialement affectés à l'éducation des vers à soie ou annexés aux exploitations ru- rales ? $ 23. Proportion des cultures et des produits cultivés 123. Quelle est, dans la contrée, la proportion des recettes brutes en argent que donne chacun des produits ci-dessus énumérés ? 124. Quelle est cette proportion pour une exploitation prise comme type ordinaire du pays? — 934 — IL. CIRCULATION ET PLACEMENT DES PRODUITS AGRICOLES. — DÉBOUCHÉS. 125. Quelles facilités et quels obstacles rencontrent l'écoulement et le placement des produits agricoles de Ja contrée, leur cireu- lation et leur transport? La circulation et le transport des produits agricoles sont beaucoup plus faciles et, par suite, leur écoule- ment et leur placement sont beaucoup plus avanta- geux. 126. Quels sont les débouchés qui leur sont déjà ouverts et ceux qu'il serait possible de leur ouvrir encore ? Le port de Nantes est le principal débouché pour l'exportation de nos produits agricoles, qui vont en grande partie en Angleterre. Il est fort à désirer que ces produits s’écoulent sur le port de Marseille, comme cela avait lieu par le passé, afin d'établir la concurrence avec les blés de la mer du Nord. 127. Quels progrès la viabilité y a-t-elle faits depuis un certain nombre d'années, en remontant à trente ans au moins? L'amélioration est des plus considérables. 128. Quelle a été l'étendue des voies de communication nouvelle- ment créées et l'importance des améliorations apportées à celles qui existaient ? 129. Quelles ont été les lignes de chemins de fer construites ‘et mises en exploitation ? La ligne de Paris à Nantes par Orléans ; . — 9339 — La ligne de Paris à Nantes par le Mans; Celle d'Angers à Niort, qui n’est encore mise en cir- culation que jusqu’à Cholet. Un commencement d’études avait eu lieu pour un chemin de fer allant de Laval à la Loire en passant, pour arriver à Angers, par Châteaugontier et en se tenant sur la rive droite de la Mayenne. Ce projet n’a pas été adopté, on a préféré la direction sur Nantes, en passant par ou près Craon, Soudun, Châteaubriant et Nort. Il serait du plus haut intérêt pour notre départe- ‘ment que le premier projet fût repris et étudié. 130. Quels travaux, pour la création de voies nouvelles ou l’amé- lioration des voies existantes, ont été faits ence qui concerne les routes impériales ? 131. Mêmes questions pour les routes départementales. 132. Mêmes questions pour les chemins de grande communica- tion ? 133. Mêmes questions pour les chemins vicinaux ? 134. Mêmes questions pour les chemins ruraux et d’exploitation ? 135. Mêmes questions pour les fleuves, rivières et canaux. 136. Quelle est la direction donnée aux divers produits agricoles de la contrée et quelles variations cette direction a-t-elle éprou- vées depuis trente ans? Les produits agricoles non consommés dans le pays étaient autrefois exportés sur Marseille ; aujourd” hui ils vont en Angleterre par Nantes. — 9336 — Une grande quantité de ces produits est aussi por- iée en Bretagne. 137. La facilité et la rapidité plus grandes des communications ont-elles, depuis un certain nombre d'années, donné de l’exten- sion aux expéditions des produits agricoles à des distances éloi- gnées ? Oui, les transports, beaucoup plus faciles, donnent une grande extension à ces expéditions. 138. Quels sont ceux de ces produits qui ont plus particulièrement pris part à ce mouvement ? Les bestiaux et les céréales. 139. Quels progrès serait-il possible de réaliser encore à cet égard? L'établissement d’un chemin de fer sur la Norman- die faciliterait beaucoup le transport de nos bœufs, qu'on envoie en si grand nombre à l’engraissement dans cette contrée. 140. Quelle influence le perfectionnement des voies de communi- cation a-t-il exercée sur le prix de revient des produits agri- coles? Il n’a eu jusqu’à ce moment aucune influence sur le prix des céréales. Les bêtes à cornes en ont seules pro- fité. 141. La facilité des communications at-elle eu pour effet de ni- veler les prix et de faire disparaître les inégalités souvent consi- dérables qui existaient à cet égard d’une contrée à une autre? Ne serait-ce pas par ce motif que l’on peut expliquer que, dans certaines contrées où les récoltes ont mal réussi, les prix restent à un taux peu élevé, tandis qu'ils se maintiennent à un chiffre rémunérateur dans des pays où les récoltes ont été surabon- dantes ? , La facilité des communications a eu pour effet dans l'intérieur de niveler les prix. La cause véritable du — 9357 — bas prix des céréales provient de l’abondance des ré- coltes pendant plusieurs années. 142. Quelle comparaison peut-on étab'ir sous ce rapport entre l’ancien état de choses et la situation actuelle ? Le prix de revient a augmenté considérablement, tandis que le prix de vente est resté stationnaire, s’il n’a pas diminué. 143. Quels sont les frais de transport que les produits agricoles ont à supporter pour être dirigés des lieux de production sur les lieux de consommation ? Ces frais sont de 1 fr. 50 par hectolitre, en moyenne, jusqu’à Nantes, lieu de consommation ou d’embarque- ment. 144. À combien s'élèvent ces frais sur les chemins de fer ? Quels sont les prix des tarifs et les autres dépenses accessoires ? L 145. Quelles sont les dépenses des transports par les routes de terre ? 146. Quels sont les frais de transport par les voies navigables ? Quelle peut être particulièrement l'influence exercée sur les dé- bouchés par les droits de navigation intérieure perçus sur les fleuves, rivières et sur les canaux appartenant à l'Etat ou exploi- tés par voie de concession ? SOC. D’AG GE) — 9338 — IV. LÉGISLATION. — RÈGLEMENT. — TRAITÉS DE COMMERCE. 147. Les grains importés de l'étranger sont-ils venus depuis quel- ques années faire concurrence aux grains indigènes sur les mar- chés de la contrée? Dans quelle mesure? LTuE ont été les effets de cette concurrence ? 148. Quelle part la contrée a-t-elle prise au mouvement d’expor- tation des céréales françaises à destination de l'étranger? Si des expéditions de ce genre ont eu lieu, quel en a été l'effet ? 149. Quels ont été les effets produits par la suppression de l'échelle mobile, et quelle est l’influence de la législation qui régit au- jourd’hui notre commerce d'importation et d'exportation des grains avec l'étranger depuis la loi du 15 juin 1861 ? La suppression de l’échelle mobilé n’a pas eu jusqu’à ce jour un mauvais résultat. Elle a tendu à établir un prix uniforme dans tout l'Empire. La loi du 15 juin 1861, en autorisant l'importation des blés étrangers sans leur faire subir aucun droit, nous semble devoir porter un grave préjudice à notre agriculture. Nos frais de culture étant beaucoup plus élevés que ceux des pays qui nous envoient des blés, il nous est impossible de soutenir la concurrence sans un grand désavantage. Il en sera ainsi, tant qu'un droit protecteur de 1 fr. 50 à 2 francs ne sera pas établi en faveur de l’agriculture nationale et que des — 339 — LI traités ne garantiront pas à nos produits la libre entrée dans les ports étrangers, où il nous faut payer des droits énormes. 150. Quelle influence attribue-t-on aux opérations d'importation temporaire des blés étrangers pour la mouture et de réexporta- tion de farines, et à l’application des réglements spéciaux re- latifs à ces opérations, notamment en ce qui concerne les acquits-àä-caution ? 151. Quelle a été, dans la contrée, l'importance des quantités de blé étranger introduites pour la mouture? Quelles ont été les quantités de farines exportées en représentation des blés étran- gers admis pour la mouture? Quel effet ces opérations ont-elles pu avoir sur le cours des grains? 152. Quelle action ont pu exercer les traités de commerce conclus avec diverses puissances étrangères au point de vue du place- ment, des prix de vente et des débouchés extérieurs des divers produits agricoles, savoir : Les céréales ? Les vins et spiritueux ? Les sucres indigènes ? Le bétail ? Les laines ? Les beurres et fromages ? Les volailles et les œufs ? Les légumes et les fruits frais ? Les graines oléagineuses ? Les plantes textiles ? Les plantes tinctoriales, etce., etc. ? En général, ils ont produit une action très-mauvaise “ pour nous surtout, les autros puissances n’acceptant pas nos produits comme nous acceptons les leurs, en franchise. — 340 — 153. Quelle influence ces mêmes traités ont-ils pu avoir sur les prix de vente et de location des terres qui sont à portée de pro- fiter des nouveaux débouchés extérieurs qu’ils ont créés ? Depuis la loi du 45 juin 1861, le placement des cé- réales étant bien plus difficile, le prix de vente et de location des terres est resté stationnaire. Dans beaucoup de localités, les fermiers cherchent à substituer à la culture des céréales la culture des plan- tes textiles, qui leur donnent de bien plus grands bé- néfices. 154. Quel a été l’effet de ces traités sur l'importation étrangère, et, par suite, sur le prix de revient des matières premières ser- vant à l’agriculture, notamment : Les fers, et, par suite, les machines agricoles ct les instru- ments aratoires ? Les engrais ou autres substances servant à l’amendement des terres ? Les étoffes et les vêtements, etc., etc. ? Ces traités n’ont rien amélioré, les fers et les ma- chines agricoles n’ont pas diminué de prix, pas plus que les engrais ow autres substances servant à l’amende- ment des terres. QUESTIONS GÉNÉRALES. 155. Quels sont, dans la législation civile et générale, les points auxquels il paraîtrait y avoir licu d’apporter des modifications que l’on considérerait comme utiles à l’agriculture ? Les modifications les plus utiles à l’agriculture qu’on — 341 — pourrait apporter à la législation civile et générale, se- raient : La promulgation d’un code rural ; L’embrigadement des gardes-champèêtres ; La nécessité pour les domestiques agricoles d’avoir un livret ; L'établissement de sociétés de secours mutuels. 156. Quels sont, dans la législation fiscale, les points auxquels il paraîtrait y avoir lieu d’apporter des modifications que l’on con- sidérerait comme utiles à l’agriculture ? Il serait très-utile pour l’agriculture de diminuer les droits de mutation ; De diminuer l’impôt foncier ; De dégréver de la patente les ouvriers travaillant seuls et se livrant à la confection des instruments ara- toires. 157. Quelles sont les autres causes générales qui ont pu influer dans un sens favorable ou nuisible sur la prospérité agricole ? La 158. Quelles sont les causes secondaires qui pourraient créer des obstacles plus ou moins sérieux au libre développement de cette prospérité ? 159. Les réunions commerciales, telles que les foires et marchés, destinées à la vente des produits agricoles, sont-elles en nombre insuffisant, ou sont-elles, au contraire, trop multipliées ? Ces réunions sont en nombre suffisant dans le dépar- tement. Il serait préjudiciable plutôt qu’utile de les multiplier davantage. — 942 — 160. Existe-t-ii des mesures réglementaires émanant des autorités locales et qui seraient de nature à entraver les transactions ? Non. 161. Quels seraient enfin les moyens les plus propres à améliorer la condition de l’agriculture, et quelles mesures .croirait-on de- voir proposer dans ce but ? % Outre les mesures indiquées en réponse à plusieurs des questions précédentes, nous demanderions des subventions plus considérables aux comices agricoles. Les améliorations constatées, surtout dans la race bo- vine, sont certainement dues à ces comices. ENQUÊTE SUR LA SETUATEON ET LEN BENOINS DE L AGRICULTURE QUESTIONNAIRE GÉNÉRAL. Réponses faites par le Comice agricole du canton de Thouarcé. CONDITIONS GÉNÉRALES DE LA PRODUCTION AGRICOLE. $ 1 État de la propriété territoriale. 1. De quelle manière est divisée la propriété territoriale dans la contrée sur laquelle porte l'enquête ? Quelles sont les étendues de terrains qui, dans la contrée, sont considérées comme constituant les grandes, les moyennes et les petites propriétés ? Quelles sont les proportions relatives de ces diverses natures de propriétés ? Le canton de Thouarcé est composé de vingt com- munes, contenant ensemble une superficie de 30,105 — 344 — hectares 47 ares 20 centiares, divisée en terres ara- bles, prairies, bois et vignes. Les terres incultes y sont inconnues. Les contributions foncières et centimes addi- tionnels s'élèvent en 1866 à 235,375 fr. 69 c. — Ces chiffres sont extraits de l’excellente carte du canton, de M. Raimbault, membre du comice. La population est de 18,901 habitants, payant en moyenne une con- tribution foncière de 12 fr. 40 c. par tête, les presta- tions non comprises. La petite rivière du Layon, qui se jette dans la Loire à Chalonnes, divise le canton en deux parties très- distinctes, différentes d’usages et de culture. Ainsi la partie sud, composée des communes les plus étendues, est généralement divisée en fermes de vingt à qua- rante hectares. Les petites fermes ou borderies, et les terres volantes, atteignent à peine le liers de la super- ficie. Au nord du canton, au contraire, excepté les deux forêts de Brissac et des Marchais, d’une étendue de 1,600 hectares environ, la petite propriété atteint les quatre cinquièmes au moins de la contenance totale. Toute exploitation au-dessous de vingt hectares est considérée comme une petite propriété ; une étendue de vingt à cent hectares comme une moyenne; au- dessus de cent hectares comme une grande propriété. 2. Quelle influence les changements qui ont pu avoir lieu depuis les trente dernières années dans la division de la propriété ont-ils exercée sur les conditions de la production ? Les changements qui ont eu lieu depuis les trente dernières années dans la division de la propriété, n’ont pas exercé d'influence notable sur les conditions de la production , qui a plutôt augmenté que diminué dans — 945 — toutes les communes, où les fermes de dix à quarante hectares occupent la plus grande étendue du sol. Dans les communes où la terre est plus divisée, la récolte pour la petite propriété s'élève rarement à 15 hecto- litres par hectare. Elle est de 18 à 20 dans les exploi- tations d’une certaine étendue. L'augmentation de la grande culture compense largement dans le canton la diminution de la petite. 3. En quelle proportion compte-t-on, parmi les ouvriers agricoles, ceux qui, propriétaires de lots de terre plus ou moins impor- tants, travaillent alternativement pour eux et pour les autres? Tout propriétaire de deux hectares et au-dessus tra- vaille rarement pour autrui. Les autres se gagent ordi- nairement pendant l'été. La proportion des ouvriers agricoles, possédant moins de deux hectares, est au total des ouvriers comme vingt est à un. S 2. Mode d’exploitahion. 4. Quels sont les divers modes d'exploitation du sol? Dans quelles proportions existent la grande, la moyenne et la petite cul- ture ? Voir les réponses précédentes. 5. Les grands propriétaires, les propriétaires moyens et les petits propriétaires exploitent-ils généralement par eux-mêmes ou font-ils exploiter sous leurs yeux et à leur compte ? Les grands propriétaires afferment presque tous leurs terres, en réservant toutefois un domaine de dix à trente hectares. Le quart environ des propriétaires moyens exploitent leurs champs; la petite propriété les cultive généralement par elle-même. — 346 — 6. Quelle est, parmi les grands, moyens ou petits propriétaires, la proportion de ceux qui louent leurs terres à des fermiers ou les font cultiver par des métayers ? Dans le canton de Thouarcé, la proportion des pro- priétaires qui louent leurs fermes à prix d'argent est à ceux qui se font payer en nature de trente à un. 7. Lorsque le régime du métayage existe, est-il d'usage qu’il y ait pour plusieurs domaines un fermier général servant d’intermé- diaire entre les propriétaires et les métayers ? Grâce à Dieu le fermier général est inconnu dans le canton de Thouarcé, les propriétaires sont en rapport direct avec leurs fermiers. S 5. Transmission de la propriété. 8. Quels sont, pour les différentes espèces de propriétés et pour les divers genres d’exploitation, les prix de vente des terres sui- vant eur qualité, les variations que ces prix ont pu subir depuis un certain temps en remontant à trente ans au moins, et les causes de ces variations ? Dans les communes de grande propriété du canton, le prix depuis trente ans a généralement augmenté de 90 pour cent. Dans les communes de petite propriété, où le détail est facile, il a subi une proportion enoerc plus grande. Voir pour les prix de vente l’article 10. 9. Les domaines sont-ils ordinairement conservés dans une seule main au moyen d’arraigements de famille particuliers, ou sont- ils divisés entre les enfants ou les héritiers à la mort du chef de famille, ou enfin sont-ils habituellement vendus? Quelles sont les conséquences produites dans l’un ou dans l’autre cas? Les domaines sont généralement partagés à la mort du père de famille. Il en résulte une augmentation — 347 — constante de parcelles imposables. Cet inconvénient est cependant moins grand dans la partie du canton située sur la rive gauche du Layon, où presque tous les champs sont clos de haies. Sur la rive droite, dans certaines communes, la division du sol atteint sa dernière limite. 16. Les ventes de terre ont-elles lieu plus particulièrement en bloc ou au détail? Dans quelles proportions se pratiquent ces deux modes de vente? Quelles sont les différences de prix suivant que l’un ou l’autre est employé ? Les ventes de terre ont lieu en détail, partout où il y à avantage pour le vendeur, c’est-à-dire partout où la propriété à vendre est à la proximité de villages ou de propriétaires et de fermiers aisés : la différence de prix en cas de rivalité est souvent énorme. Ainsi l’hec- tare qui vaut en moyenne de 2,000 à 2,500 fr., atteint quelquefois le prix de 4,000 fr. et plus. _$ 4. Conditions de location de la propriété. 41. Quels sont les prix de location des terres suivant leurs diverses qualités et dans les différents modes de constitution et d’exploi- tation de la propriété ? Quelles variations ces prix ont-ils subies depuis trente ans au moins et quelles ont été les causes de ces variations ? Le prix de location des terres varie en ferme de 50 à 70 fr. l’hectare. Le prix des terres volantes est d’un quart plus élevé. Car le pauvre journalier qui les loue ordinairement ne compte jamais son travail ni celui de sa femme et de ses enfants, s’il peut y nourrir une vache, avoir un peu de beurre et de lait. Le prix de location des terres a augmenté en moyenne de quarante pour cent pour la grande propriété et de frente pour — 948 — la petite; les causes de ces variations sont la dépré- ciation des valeurs monétaires et la facilité des trans- ports. 12. Quelles sont les conditions des baux à ferme, leur durée ha- bituelle, les obligations qu'ils imposent aux fermiers indépen- damment du payement des fermages, notamment sous le rapport des redevances de toute espèce ? Quelles sont le plus habituel lement la nature et la valeur de ces redevances? Quelles modifi- cations ont eu lieu dans les baux, sous ce dernier rapport particulièrement, depuis trente ans environ? La durée des baux est généralement de neuf ans. La clause de trois, six, neuf qui est quelquefois introduite comme garantie par le propriétaire, est rarement exer- cée dans la grande propriété et plus souvent dans la moyenne et la petite. Le fermage est généralement à prix d'argent, sauf quelques charroiïs et quelques vo- lailles. Les redevances en blé, assez générales il y a trente ans, ont diminué dans une grande proportion. 13. Quels sont les divers modes de payement du prix de location des terres par les fermiers ? Ce payement se fait-il pour la tota- lité ou pour partie, soit en argent, soit en nature? Pour le paye- ment en argent, le prix est-il fixé d’avance et reste-t-il inva- riable pendant toute la durée du baïl, ou se règle-t-il d’après le cours des grains constaté par les mercuriales? Pour le payement en nature, quelles conditions spéciales sont imposées ? Le paiement des fermiers se fait ordinairement en deux termes égaux, il ne varie pas pendant la durée du bail. Nous avons dit que les paiements en nature de- viennent de plus en plus rares. 14. Quelles sont les clauses et conditions des contrats de mé- tayage ? Nous avons dit que le métayage n'existait dans le canton qu’à titre d'exception. Dans ce cas les grains et — 949 — le prix des bestiaux se partagent également. La chaux, les engrais étrangers et les impôts sont partagés par le fermier et le propriétaire. Quelques redevances de volailles sont seules exigées. Les bestiaux appartiennent pour la moitié au fermier. $ 5. Capilaux. — Moyens de crédit. 13. Quel est le montant du capital de première installation dans une exploitation d’une importance donnée, et quel est le mon- tant du capital de roulement? Pour qu’un fermier puisse se monter facilement dans une ferme de trente hectares payant 1,500 francs nets de fermage, il lui faut un capital en bestiaux, char- rettes, instruments de labour, mobilier, etc., de cinq fois au moins le prix de location, c’est-à-dire 7 à 8,000 francs, dont 4,500 fr. pour frais de roulement. Peu de jeunes gens se mettent en ferme avec ce capital. Ils le complètent peu à peu et péniblement avec l’aide de lears parents, de la conduite et du travail. 16. Ces capitaux suffisent-ils aux besoins de la culture, au per- fectionnement des procédés agricoles et à l’amélioration des terres ? Voir la réponse précédente. 17. Si les capitaux n'existent pas ou ne se trouvent pas en quan- tités suffisantes entre les mains de ceux qui possèdent les pro- l’arpentage théoriquement plutôt que pratiquement. Mais on n’a pas une parole pour faire aimer les champs et tout ce qui a rapport à la culture. On forme des ou- vriers de ville, des clercs de notaires et d’huissiers, et non des laboureurs. C’est un tort et une lacune. Les sociétés de secours mutuels composées d'ouvriers commencent à se répandre dans les gros bourgs ; une seule société de laboureurs existe dans le canton, elle a pour but une assurance en nature contre l'incendie pour les pailles, fourrages et grains brûlés; ses membres travaillent en outre les uns pour les autres en cas de maladies frappant les fermiers ou leurs bestiaux. Elle a ses réunions et-