me No) MEMOIRES DE LA SOCIETE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. DEUXIÈME SÉRIE. 2me Volume. — lè Livraison. ANGERS, IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE. d 9 1851. tO ) Di PIRA e, VT O ja. La LORO ui ari TT, Lo, MN A PA î TTT FR, i Ù SOCIETE NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE SCIENCES ET ARTS DANGERS. DEUXIÈME SERIE. 2° voLuME. 7 o AVA IO n —_ ANGERS, IMPRIMERIE COSNIER & LACHESE. 1851. SOCIETE NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. La Société d’agriculture, d’Angers se constitua dès l'année 1827, mais ses statuts ne furent approuvés que le 25 juin 1831 , par une lettre des M. d’Argout, alors ministre de l’intérieur. On remarque qu'il exi- gea la suppression de l’épithète royale que la Société avait prise; il motivait cette suppression sur ce que ce titre originairement conféré à la seule Société cen- trale d’agriculture de Paris, n’avait été depuis attri- bué qu’à un très petit nombre d’autres qui se recom- mandaient par l’importance de précédents travaux et que la Société d’Angers, à peine organisée, n’avait pu acquérir des droits à une semblable distinction. Mais trois ans s'étaient a peine écoulés, qu’appréciant la portée de ses travaux, une ordonnance royale, en date du 3 mars 1834, la classait parmi les établisse- ments d’utilité publique et lui décernait le titre de Société royale d’agriculture, sciences et arts d' Angers. Le choix qu'elle avait fait de cette triple devise, an- noncait assez qu'elle prétendait continuer à la fois les deux Sociétés savantes ses devancières, 1 Académie des sciences, belles-lettres et arts d'Angers, créée par lettres-patentes du 5 septembre 1685 et la Société royale d’agriculture établie par arrété du conseil du 24 février 1761 , disparues , l’une et l’autre en 1793; aussi (6) elle fait d’incessants efforts pour ne pas faillir à cette noble mission. Elle s'occupe avec ardeur de recueillir les matériaux variés et multiples qui constituent l’histoire physique et morale de l’Anjou, cherchant ainsi, avant tout, à faire de la science au point de vue local et dans l’es- poir de produire des travaux qui, par cette localisa- tion méme des études, puissent prétendre au mérite, chaque jour plus rare, de l’originalité ; de stimuler l’étude des sciences naturelles ; de provoquer les re- cherches historiques et archéologiques et d’assurer la . conservation des monuments et des documents de toutes sortes qui s'’y rattachent; d’exciter et de diri- ger le goùt des beaux-arts; enfin , d’éclairer et de gui- der, dans nos contrées, la marche de l’agriculture dans toutes ses branches. Dans son désir d’atteindre plus sàrement un but sì complexe, elle a fondé, dans l’intérèt des sciences physiques et naturelles : 1° Un cours de géologie gratuit, professé dans la salle de ses séances où elle a rassemblé une collection géologique départementale ; 2° Un cours de chimie, dont elle fait les frais con- curremment avec la Société industrielle d’ Angers. Dans l’intérét des sciences agrieoles : 4° Elle a fondé et entretient, à ses frais, un vaste jar- din fruitier renfermant toutes les espèces du com- merce de France et de l’étranger, où prennent place, aussitòt leur apparition , toutes celles que, chaque an- née, les amateurs et les catalogues des horticulteurs signalent comme nouvelles. Elles y sont mises en Pi, expérience avant d’ètre recommandées el répandues. (I) 2° Elle fait décrire et peindre toutes les espèces de ses cultures ; 3° Elle a entrepris la publication des espèces nou- velles de poires, en commencant par celles gagnées en Anjou, avec figures coloriées; 4° Elle fait professer à ses frais un cours gratuit théorique et expérimental de taille et d’arboriculture dans le jardin fruitier ; 3° Elle fait des expositions annuelles de fleurs, de fruits, de céréales, ete.; 6° Elle a fondé des expositions et des prix pour l’in- dustrie séricigène. Dans l’intérét des beaux-arts et de l’archéologie : 1° Elle a fondé des expositions semi-périodiques de tableaux, sculptures, objets d’art, tant anciens que modernes ; 2° Elle consacre un crédit spécial pour opérer des fouilles ou fournir è l’achat d’objets d’antiquités se rapportant à l’Anjou dont elle enrichit, chaque année, le musée d’antiquités de la ville; 3° Enfin , elle emploie annuellement des fonds è la restauration d’anciens monuments en mèéme temps qu'elle provoque, près des autorités compétentes, toutes les mesures qui peuvent assurer la conservation de certains autres. La Société s’occupe, enoutre, activement, de doter le département d’une statistique générale. Déjà elle a fait paraître en un volume dont la rédac- tion a été confiée à M. de Beauregard son président, ce qui concerne les monuments, l’industrie , l'état poli- tique ancien et moderne de l’Anjou; elle a également publié la statistique horticole rédigée par les membres (8) de son comice, le premier travail de ce genre qui ait encore paru. Quant aux sciences naturelles propre- ment dites, la géologie et la minéralogie ont été suc- cessivement publiées à part indépendamment du ré- sumé contenu dans la statistique rédigée par M. de Beauregard; la partie botanique pour la phanéroga - mie confiée à M. Boreau, est préte depuis longtemps; les matériaux de la cryptogamie sont préparés par M. le docteur Guépin; les animaux vertébrés ont été traités in extenso dans la première partie de la Faune de M. Millet, et ce savant ainsi que plusieurs amateurs, élaborent les éléments de la Faune des invertébrés. Tout doit donc faire espérer que ces travaux, se coor- donnant dans un avenir rapproché , produiront, par leur ensemble, une des statistiques naturelles les plus satisfaisantes qui aient encore vu le jour. Les publications périodiques de la Société consis- tent : 1° Dans le recueil de ses mémoires, formant sept volumes et dont, à partir de 1850, il paraîtra un vo- lume par an; 2° Dans les procès-verbaux de ses séances; 3° Dans ceux de sa section d’archéologie qui, à par- tir de 1850, prendront place à la suite de son recueil: 4° Dans les nouvelles archéologiques du président de la méme section qui s’adjoindront aussi doréna- vant au Recueil; 5° Enfin, dans un bulletin spécial pour la section horticole. La Société-mère a des séances mensuelles, sauf en septembre et en octobre. Elles ont lieu le second ven- dredi du mois. (9) Son bureau, par suite de modifications apportées au règlement primitif, se compose maintenant d’un président, d'un vice-président, d’un secrétaire géné- ral, d’un vice-secrétaire, d’un archiviste et d’un tré- sorier. Afin de donner plus d’activité à ses travaux, elle a créé, dans son sein, trois sections accessoires, ayant chacune une spécialité : 1° Celle des sciences naturelles ; 2° Celle de l’archéologie, sous le nom de Commis- sion archéologique ; 3° Celle de l’horticulture, sous le nom de Comice- horticole. Avant d’indiquer ce qui concerne chacune de ces sections , il convient de donner la liste des membres de la Société en faisant connaître l’année de leur no- mination. nr e--__.ee ÉTAT NOMINATIF DES MEMBRES TITULAIRES DE LA SOCIÉTÉ, AU fer MAI 1851. Date de récept. 1831 ApvILLE, bibliothécaire de la ville. BEAUREGARD (de), président de ch. à la Cour d’ap. BOUTTON-LEVÉÈQUE, prop., maire des Ponts-de-Cé. Corroy, vétérinaire en chef du dépòt d’étalons. GONTART DE LA CHENAYE, propriétaire. GuEPIN, doct. médecin, ex-directeur de l’école de médecine d’Angers. Date (10) de récept. 1831 1832 1833 1834 1835 1836 HossArRD, médecin orthopédiste. LACHÈSE (pere), docteur médecin, ancien direc- teur de l’école de médecine d’Angers. LAcHÈSE (Adolphe), imprimeur. LaAcHÈsE (Eliacin), substitut du procureur-gén. Leroy (André), propriétaire, pépiniériste. LEcLERC-GUILLORY, négociant. LEBRETON, propriélaire. LOFFICIAL, anc. magist. à Baugé, Maine-et-Loire. MILLET, propriétaire. MonTAIGU (marquis de). MoRDRET, propriétaire. OuvRARD, professeur à l’école de médecine. PAVIE (père), propriétaire. SENONNES (marquis de), propriétaire. ContADES(comte Méry de), membre du con. gén. DumonT, docteur médecin. DEBEAUVOYS, chirurgien à Seiches. ViLLERS (Francois), architecte. GirAUD (Augustin), représentant du peuple. MorEAU-FRESNEAU, propriétaire. CouRTILLER (aîné), conseiller à la Cour d’appel. GurmorsEAU, banquier, PAVIE (Victor), propriétaire. VIBERT, propriétaire-horticulteur. HUNAULT DE LA PELTERIE, docteur médecin. NL) Date de récept. 1837 CASTONNET, doct. méd., prof. à l’école de médec. GopARD-FAULTRIER, propriétaire. HurTEMIN, professeur au Lycée. LacnìsE (Ferdinand), architecte du départ. 1839 BorEAU, directeur du Jardin-des-Plantes et du musée d’histoire naturelle. HenRy, recteur de l’académie. 1841 BAZIN (père), professeur. BeRAUD, conseiller à la Cour d’appel. QUATREBARBES (comte Théodore de), ancien dé- puté, membre du conseil général. RoLAND, ingénieur des mines. 1843 FALLOUX (comte de), représentant du peuple, ancien ministre. BaRrACÉ (Raoul de), propriétaire. LèBE-GIGUN, receveur principal des contr. indir. Prou, avocat. SoLAnD aîné (de), avocat. 1844 CosNIER (Léon), imprimeur. CouLon, professeur à Saumur, Maine-et-Loire. HouyAu, ing. civil è Cheffes, Maine-et-Loire. 1845 JANVIER DE LA MotTE (Elie), conseiller honoraire a la Cour d’appel. 1846 DAINVILLE (Ernest), architecte. THIERRY, peintre verrier. LEGEARD DE LA DiriAys, curé de la Trinité d’Angers. LeLIèvRE (abbé), professeur des sciences phy- siques au collége de Combrée, Maine-et-Loire. (12) Date de récept. 1847 ALLAUME (abbé), vic. à Savennières, Maine-et-L. BECLARD, avocat. CHÒoyeR (abbé), propriétaire et directeur d’un atelier de scupture religieuse. DALIGNY, conseiller à la Cour d’appel. GUIBERT (Camille), avocat. METIVIER, 4°" avocat gén. près la Cour d’appel. SAUDEURS, avoué à Baugé, Maine-et-Loire. OLLIVIER DE LALEU, prop. à Doué, Maine-et-L. 1848 BELLANGER, avocalt. TEXTORIS, propriétaire. 1849 CouLon, curé à Saumur, Maine-et-Loire. NEGRIER, directeur de l’école de médecine. 1850 BELLIER, conseiller à la Cour d’appel. CumonT (de), propriétaire. JOANNIS (de), dir. de l’école des arts et métiers. 1851 CHEVALLIER, curé de Volandry, Maine-et-Loire. TAVERNIER(Louis), réd. dujournal de Maine-et-L. Le bureau est composé pour 1851-1852 de : MM. DE BEAUREGARD, président DE SENONNES, vice-président. BERAUD, secrétaire général. TEXTORIS, vice-secrétaire DAINVILLE, archiviste. LEBE-GIGUN, trésorier. (8:23) MEMBRES TITULAIRES DECEDES DEPUIS 1837. GRILLE, ex-bibliothécaire de la ville. LEBRETON (aîné), pépiniériste. PursArp (de), conseiller à la Cour d’appel. ‘ CHANLOUINEAU, juge suppléant. NERBONNE fils (de), propriétaire. GENEST, chimiste. ALLARD, officier supérieur d’état-major. QuELIN, professeur à Angers. MEMBRES DEMISSIONNAIRES DEPUIS LA MEME EPOQUE. CONDREN DE SUZANNES, inspecteur de l’académie (changement de résidence). PLANCHENAULT, président du tribunal de 4"e instance. Lens (de), inspect. de l’acad. (changement de résid.). DALLIÈRE, professeur au Lycée. MERCIER, ex-direct. du Musée (changement de résid.). TRIGER, ingén. civil des mines (id.). Sorin, ancien proviseur du Lycée. Renou, médecin (changement de résidence). CESENA (de), ex-rédacteur du journal de Maine-et- Lcire (changement de résidence). MattY DE LATOUR (de), ancien ingénieur en chef de Maine-et-Loire (changement de domicile). MAUPOINT, ancien curé de la Trinité (chang. de résid.). MEMBRES HONORAIRES. VALLON, préfet de Maine-et-Loire. GAUJA, ancien préfet de Maine-et-Loire. DesvAUX, ex- directeur du Jardin-des-Plantes, ete. FOURIER, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées. (14) MEMBRES CORRESPONDANTS. BERTRAND-GESLIN , propriétaire à Nantes. BIANQUIN, pharmacien à Saumur, Maine-et-Loire. BoUILLET, à Clermont-Ferrand. BRETONNEAU, docteur médecin à Tours. CACARRIÉ, ingénieur des mines, à Grenoble. CAILLAUD, direct. du cabinet d’hist. natur!!* a Nantes. CAUMONT (de), a Caen. CHAMPOYSEAU, ancien maire de Tours. CHEVREUL, membre de l’institut, etc., à Paris. Dmron, è Paris. Davip'(d’Angers), statuaire, è Paris. - DELASTRE, ancien sous-préfet, à Poitiers. DvucLos, président du tribunal de Laval. DESIARDINS , prof. à la faculté des lettres de Dijon. ETOILE (de 1’), capitaine du génie, ala Lande-Chasles. FONTENELLE (de la), è Poitiers. GRELLET-BALGUERIE, à Bordeaux. GRILLE, ancien bibliothécaire de la ville, à Paris. GopET, imprimeur à Saumur. GRATELOUP, docteur-médecin à Bordeaux. GréSY, à Paris. GENEST, Officier d’état-major, à Paris. GUERANGER (Edouard), naturaliste , au Mans. GurLLou, naturaliste à Cholet. HamiLToN, à Plymouth. HERICART-DE-THURY, à Paris. (15) JOURDAIN (Sainte Foix), à Paris. JoLy, architecte à Saumur. LAVERNADE (de), à Rheims. Laerèse-FossaT, à Moissac, dép. du Tarn-et-Garonne. Lecog, à Clermont, professeur d’histoire naturelle. Léon-LECLERC, à Laval. LAs-CAsEs (comte de), a Chalonnes. LECHATELLIER, ingénieur è Paris. LeNORMAND, membre de l’Institut à Paris. LAMBRON DE LieniMm, à Tours. MAINDRON, statuaire à Paris. MARTIN (d’Angers), maître de chapelle à Paris. MAUDUYT, direct. du cabinet d’hist. nat. de Poitiers. MATTY DE LA TOUR (de), ingénieur en chef à Poitiers. MOLEÉON, à Paris. MéRIMÉE, membre de l’institut à Paris. MicHAUup, chef d’institution à Lyon. MouRE, à Bordeaux. OpoRICI, directeur du Musée de Dinan. ObART (comte) à Tours. RIVIÈRE, prof. d'hist. naturelle à Napoléon-Vendée. RoBERT (Cyprien) d’Angers, à Paris. RIEFFEL, direct. de la ferme-modèle d’Ile-et-Vilaine. ScHULTz, naturaliste à Bitche. WOLSKY, ingénieur des mines. — ns 00.) en (146 ) Scetions spéeciales. PREMIERE SECTION. — Sciences naturelles. Cette section n’a ni bureau, ni budget spécial. Les membres titulaires qui en font partie sont : MM. BERAUD. MM. OLLIVIER DE LALEU. BOREAU. MILLET. GUEPIN. x PAVIE (pere). HossARD. © PAvIE (Victor). JOANNIS (de). ROLLAND. LELIÈVRE. SOLAND (de). Elle compte pour adjoints parmi les correspodants : MM. BeRrTRAND-GESLIN, MM. GUERANGER. BOUILLET. GUILLOU. CAILLAUD. LAMILTON. CACARRIE. LAGREZE-FOSSAT. CHEVREUL. LEC09. DELASTRE. MAUDUYT. DESJARDINS. MICHAUD. DESVAUX. RIVIÈRE. DucLos. SCHULTZ. LECHATELLIER. WOLSKYyY. DEUXIÈME SECTION. — Archéologie. Commission archéologique. Constituée sous le nom de commission archéolo- gique , cette section , outre les membres titulaires qui en font partie, s'adjoint des membres pris en dehors de la Société et payant une cotisation annuelle de 10 (17) francs. Elle a un bureau, une caisse , un budget spé- ciaux. Elle tient ses séances mensuelles huit jours avant la Société-mère. Parmi les mémoires qui y sont lus, ceux qui, par la voie du scrutin , en ont été ju- gés dignes, sont présentés à la séance de la Société- mère qui les fait imprimer, s'îl y a lieu, dans le re- cueil de ses mémoires. Elle publie les procès-verbaux de ses séances et les nouvelles archéologiques rédi- gées par son président. C'est a cette section que sont spécialement attri- bués la direction des fouilles, les recherches des mo- numents historiques , leur description et le soin de les faire dessiner ou copier. Elle constate les découvertes archéologiques , fait les acquisitions des objets que la Société destine au Musée d’antiquités de la ville, et correspond directement avec les divers ministères et les autres sociétés savantes, pour tout ce qui se rap- porte aux sujets de ses études. Son bureau pour 1851-1852 se compose de : MM. GopARD-FAULTRIER, président. VILLERS, vice-président LEGEARDDE LA DYRIAYS, secreétaire. BEÉECLARD, vice-secrétaire. La majeure partie des membres de la Société participe à ses travaux, et elle a pour membres ad- joints, n’appartenant pas à la Société : MM. CHAPEAU, sculpteur à Angers. CHESNEAU-MORNA, propriétaire à Angers. DESVARANNES (Camille), négociant à Angers. FOURMOND-DESMAZIÈRES, propriétaire à Angers. FAULTIER, doreur et ornemaniste à Angers. ©) pei (18) MM. JouseRT, chanoine custode è Angers. MESNARD, vicaire à Angers. RAIMBAULT (fils), à Thouarcé, THIERRY (fils), peintre verrier è Angers. TRISTAN-MARTIN, propriétaire è Montlimard. BoDAIRE, vicaire à Angers. Une partie des correspondants de la Société sont, en outre, attachés à cette section. TROISIÈME SECTION. — Horticulture. Comice horticole. Cette section étudie toutes les questions qui se rat- tachent à l’horticulture générale et locale. Elle tend sans cesse à propager la connaissance des méthodes de culture, dont l’utilité et les avantages lui sont démontrés par l’expérience. Elle expérimente, dans le jardin fruitier, toutes les espèces comestibles et ré- pand, par d’abondantes et périodiques distributions , celles dont elle a constaté les bonnes qualités. Elle fixe avec soin la synonimie des espèces avec le con- cours des nombreux amateurs et des hommes pra- tiques qu'elle compte dans son sein, afin de lui im- poser une uniformité qui prévienne les erreurs dans les relations multipliées que les pépiniéristes d’Angers entretiennent, tant avec les parties les plus éloignées de la France, qu’avec l’étranger. Elle publie irrégulièrement un bulletin consacré à l’horticulture. C'est par elle, qu’en 1842, fut publiée la statistique horticole de Maine-et-Loire, en un volume in-8, 0u- (19) vrage qui n’avait pas encore de précédent et auquel elle va donner un supplément où seront comprises toutes les espèces remarquables dont se sontenrichies, depuis dix ans, les cultures de pleine terre du dépar- tement. Elle décrit et fait figurer les fruits du jardin de la Société et a commence la publication des poires ga- gnées en Anjou , ouvrage orné de gravures en couleur aussi fidèles qu’élégamment exécutées. C'est elle qui, en 1849, a organisé le premier con- grès ou exposition vinicole pour les produits du dé- partement, à la suite duquel elle prépare un travail complet sur nos vignobles. C'est elle, enfin, qui, chaque année, préside, dans le local de la Société, aux expositions et bazars de fleurs et de fruits. Le comice horticole a un bureau, une caisse et un budget particuliers, ainsi que des membres adjoints qui paient une cotisation de 5 francs. Son bureau, pour 1851-1852, est composé de : MM. MILLET, président. DESVAUX, president hon. PAVIE (pere), vice-président. LEGRIS DE LA BOUVERIE, trésorier. On ne donne pas ici la longue liste de ses membres adjoints, qui comprend les amateurs les plus zélés et les horticulteurs de profession les plus instruits et les plus distingués du département. DISCOURS AULA SOCIETÀ NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS, ) Dans sa séance do 7 janvier 1851, PAR SON PRESIDENT, M. DE BEAUREGARD. MESSIEURS, C'est moins pour satisfaire a un usage qu'à un be- soin de mon coeur, que je prends la parole pour vous exprimer combien je suis profondément reconnaissant du témoignage de confiance que vous m’avez donné en me continuant votre honorable suffrage. Ma dette envers vous s’accroit chaque jour, je ne pourraijamais faire assez pour l’acquitter. Après avoir parlé de ma reconnaissance, je ne puis garder le silence sur les regrets que nous ressentons tous par la perte d’un si grand nombre de nos collè- gues, de nos chers collaborateurs que la mort nous a enlevés : M. de Nerbonne, si plein de zèle pour les sciences naturelles et pour les arts qu'il cultivait avec succès; M. Genest, habile chimiste, dont la modestie Ggalait la science; M. Chanlouineau, dont le vaste savoir jetait souvent une lumière précieuse sur nos dissertations; M. Lebreton, horticulteur riche d’expé- rience, dont les notions étaient si nettes et si précises; l’érudit M. Grille qui consacra sa longue existence à (22) étudier les temps anciens età en recueillir les monu- ments. Aux époques les plus orageuses de nos discor- des civiles, il rendit un immense service à la science archéologique en arrachant des mains des vandales modernes des manuscrits, des objets antiques dont il forma une collection devenue célèbre. Puisse ces richesses recueillies. par la science iomber en des mains dignes de les posséder et n’ètre pas détournées de leur destination ! Les ravages que la morta faits dans nos rangs n’ont pas comprimé notre courage. et ralenti nos travaux. Vous avez accompli le voeu formé depuis longtemps d’ériger un monument à la famille des ducs d’Anjou, rois de Naples et de Sicile. Il était déplorable de penser que tant d’illustratious inhumées dans notre cathé- drale, que l’on peut considérer comme le St-Denis de l’Anjou, y reposaient presque ignorces. Vous avez acquitté une dette du pays; cet acte patriotique a obtenu l’assentiment général. Vous avez publié une seconde édition de Ja statis- tique du département. La première édition avait paru il y a dix ans. Depuis cette époque, de nouveaux faits s'étaient produits dans l’archéologie, dans l’agricul- ture, dans l’industrie; il était important qu'’ils fussent constatés. Ce travail est l’oeuvre de toute la Société puisqu’il est composé d’éléments puisés dans ses annales. Nous ne croyons pas devoir vous proposer d’orga- niser cette année une exposition séricicole. Cette indus- trie se maintient, mais elle marche si lentement dans la voie des améliorations que si les primes d’encoura- gement étaient distribuées trop fréquemment, elles se- (23 ) raient toujours obtenues par les mémes personnes. Nous pensons qu'il est convenable d’attendre que les progrès soierìt plus prononcés avant de décerner de nouvelles récompenses. Le cours de chimie continue d’obtenir un succès meérité ; la salle ne suffit pas aux nombreux auditeurs qui se présentent pour entendre le savant professeur qui consacre généreusement son temps à la propaga- tion de la science. Le cours de taille rend d’éminents services à l’arbo- riculture. Le professeur qui réunit la théorie à une longue pratique répand beaucoup de clarté sur ses démonstrations en en faisant immédiatement l’appli- cation sous les yeux de ses élèves. Le cours de géologie est suspendu par l’absence de l’ingénieur des mines. Nous espérons que son succes- seur voudra bien se charger de cette tàche dont les résultats sont si précieux à l’agriculture et à l’indus- trie. Vous avez fait paraître-deux nouvelles publications de vos mémoires, elles contiennent des observations importantes sur l’agriculture, l’histoire du pays et les sciences naturelles. Continuez, Messieurs, de marcher dans cette voie, elle vous conduit au but véritable, au but vraiment utile de votre institution. Un monument est-il découvert, hàtez-vous de le décrire, peut-ètre demain aura-t-il disparu; un manuscrit contenant des documents inédits est-il rencontré, consignez-le promptement dans vos annales; un fait nouveau en histoire naturelle ou en agriculture s’est-il produit, ne négligez pas de le constater. Si dans nos derniers temps les sciences ont fait des progrès sì remarqua- (24 ) bles, c'est qu'elles ont abandonné le champ des suppo- sitions, des hypothèses pour s’appuyer sur des faits, véritable base des théories positives. C’est ainsi que les sociétés académiques peuvent rendre de véritables services. Répandues sur différents points, elles ne laissent rien échapper, tous les documents utiles sont partout recueillis, tous les rayons de lumière sont rassemblés pour ètre réfléchis au foyer commun. Telle est la direction que les sociétés doivent don- ner è leurs travaux, telle est celle que vous avez adop- tée. En y persistant, vous continuerez de bien mériter de votre pays et vous vous maintiendrez, dans le monde savant, au rang honorable que vous y avez acquis. (25) e ———_—_—________.__ _————___——€.=eo==or=o—c@c/—@__mcmmr=m"o=oe ] DISCOURS PRONONCÉ PAR M. LE PRESIDENT DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, lors de l'inauguration de la pierre tumulaire érigée par cette Société, A LA MÉMOIRE DES PRINCES DE LA FAMILLE D’ANJOU-SICILE INHUMÉS DANS LE CHAEUR DE LA CATHÉDRALE, le 12 décembre 1850. = ae 0 1) «ri—___ MESSIEURS, Une imposante cérémonie nous réunit en ce mo- ment; nous venons rendre un juste et religieux hom- mage à la mémoire de l’auguste famille des ducs d'Anjou, rois de Naples et de Sicile dont les restes mortels reposent dans cette enceinte. Là, sont inhu- més : Louis 1e, qui combattit près du roi Jean, son père, à la bataille de Poitiers, recut le titre de duc d'Anjou et placa sur sa tète la couronne de Naples; Louis 2*, qui défendit vaillamment le sol francais contre l’invasion anglaise et fut un des plus fidèles amis de l’infortuné Charles vi; René, ce protecteur éclairé des lettres et des arts, qui chercha la gloire dans la bienfaisance et fut surnommé le Bon Roi. Près d’eux reposent les reines leurs épouses; elles parlagèrent leurs grandeurs, elles partagent mainte- nant leurs funèbres demeures ; là aussi, vint prendre piace l’héroique Marguerite d'Anjou, si célèbre par ses malheurs et par son courage, et qui, précipitée”du irone d'Angleterre, ne put trouver que dans celugubre (26 ) asile un repos qui lui fut refusé pendant sa vie, si pleine de vertus, mais si cruellement agitée par les coups réitérés de l’adversité. Tous leurs tombeaux se voyaient autrefois majes- tueusement rangés autour du choeur de cette cathé- drale, mais, en l’année 1783, ils furent tous démolis pour faire place aux boiseries et aux stalles qui leur furent indignement substituées. Cependant, les fosses ne furent point ouvertes, les cercueils furent respec- és; ils recèlent encore les restes inanimés de cette royale famille. C'est pour suppléer à ces tombeaux, à ces respec- tables monuments dont l’absence est un reproche pour le pays, que la Société nationale d’agriculture, sciences et arts d’Angers a concu la pensée de placer cette modeste pierre tumulaire sur laquelle sont ins- crits les noms de tant d’illustrations dont la présence dans ce temple, que l’on peut considérer comme le St-Denis de l’Anjou, était presque tombée dans un déplorable oubli. Notre Société académique a été puissamment secon- dée dans ses projets et par M. le préfet qu’aucune en- treprise généreuse ne peut trouver indifférent, et par notre venérable prélat, qui a bien voulu donner son approbation à cette ceuvre pieuse, et vient la sancti- fier en appelant sur elle les bénédictions du ciel. (27) RAPPORT SUR DES MONUMENTS ANCIENS DE L’AMÉRIQUE DU NORD, PAR M. DE BEAUREGARD. = _ MESSIEURS, Dans votre dernière séance je vous ai communiqué unelettre parlaquelle une société savante, deWashing- ton, vous exprime son désir d’entrer en relation avec la nòtre; elle vous annonce qu'elle vous enverra les ceuvres qu'elle publie chaque année, et vous demande que vous la fassiez jouir des vòtres par une juste réci- procité. A cette lettre est jointe un très beau volume écrit en langue anglaise et présentant la description des monuments élevés par les populations indigènes qui habitaient les vallées du Mississipi et de l’Ohio lors de la conquéte des Européens. Vous m’avez chargé de vous présenter une analyse de cet intéressant ouvrage. Un discours préliminaire fait connaître l'origine et le but de la société savante qui commence ses rela- tions avec vous. On y lit que sir James Smithson a légué, en mourant, à la ville de Washington une fortune d’un revenu annuel de trente-cinq mille dollars équi- valant è 175,000 fr., pour fonder une société dont l’objet sera de répandre les connaissances utiles dans tout le genre humain. Les travaux de cette société devront embrasser les sciences physiques et mathé- matiques, l’histoire naturelle, l’archéologie, toutes les sciences enfin qui peuvent profiter à l’humanité. Cette ( 28 ) société a été constituée, et pour donner à son existence toutes les conditions de durée désirables, elle est pla- cée sous un conseil de régence composé de quinze membres, savoir : le président des Etats-Unis d’Amé- rique, le chef de justice de la cour suprème, le neveu de Washington, trois membres du Sénat, trois mem- bres de la chambre des représentants et six citoyens choisis par les deux chambres. Cette société savante s’intitule Société Smithsoniane du nom de Smithson , son fondateur. Le premier volume qu'elle a publié a pour titre : Anciens Monuments de la vallée du Mississipi. Les principaux monuments sont des camps retranchés et des monticules qui ressemblent à nos tombelles ou tumuli qui se rencontrent fréquemment en Europe. Les camps retranchés placés ordinairement sur des lieux escarpés sont entourés de fossés profonds ou d’épaisses murailles. Les uns ont une forme irrégu- lière commandée souvent par la disposition des lieux; quelquefois ils affectent des formes régulières telles que des parallélogrammes rectangles, des courbes circulaires et elliptiques. " Les murailles ne sont pas garnies de mortier, ce sont des pigrres entassées formant des masses de quinze à vingt pieds de base, sur une hauteur de six à huit pieds (nous parlons du pied anglais, mesure qui correspond à onze pouces environ de l’ancien pied francais, ou, en mesure métrique, à 25 cenlimètres). Ces murailles forment autour des camps qu’elles en- closent des ceintures qui ont jusqu'a trois à quatre milles de longueur, renfermant une surface de vingt a trente acres. Le mille anglais est de 1600 mètres, l’acre correspond à 40 ares environ. (29 ) Un autre genre de monuments non moins remar- quables porte le nom de Mounds, qui rappellent les tombelles ou tumuli de l'Europe. Ce sont des masses de terre en forme de còne. Quelques-uns de ces cònes atteignent soixante-dix à quatre-vingts pieds de hau- teur sur une base de mille à douze cents pieds de cir- conférence. Ils sont répandus en grand nombre dans toute la contrée. Quelques-uns ont été fouillés; l’on a ordinairement rencontré, au centre, un caveau ren- fermant un ou plusieurs squelettes appartenant, sans doute, à quelques grands personnages des tribus. Près d’eux avaient été placés des objets qui leur avaient particulièrement servi, tels que des armes, des colliers, des bracelets, etc. Les armes sont ou en pierre ou en métal. Les armes en pierre sont des pointes de flèches ou de lances en silex, elles sont taillées avec une grande perfection. On y rencontre aussi des couteaux également en silex et ayant la forme de ceux que l’on trouve dans les dolmens de l’ancien continent. Des haches semblables a celles que nous appelons haches celtiques abondent dans ces monuments et se trouvent mème éparses dans toutela contrée. Ces haches oucasse-tétes sont en pierre dure de différentes espèces, tels que granit, porphyre, serpentine et jaspe , quelques-unes en obsidienne. Et comme cette dernière espèce de pierre ne se rencon- tre pas dans la composition géologique de la vallée du Mississipi, mais seulement au Mexique, on en peut conclure que c'est de ce pays que sont parties les popu- lations qui ont envahi la contrée que nous décrivons. Les armes en métal sont toutes en cuivre; elles consistent en pointes de lances et en haches ayant un (30 ) taillant d’un bout et de l’autre deux rainures desti- nées.à recevoir un manche. Un fait bien digne de re- marque, c'est que cesinstruments sont absolument semblables à ceux que l’on rencontre fréquemment dans nos contrées et que nousattribuons aux popula- tions celtiques. Parmi les objets qui ont servi d'’ornements, se trou- vent des colliers et des bracelets, soit en pierres, soit en cuivre, soit en arètes de poisson ou en coquillages. Diverses figurines en pierres ou en terre cuite, repré- sentant des animaux oudes tétes humaines sont creu- sées au milieu et paraissent avoir servi de pipes à ces populations. ” On doit considérer comme monumentsreligienx des monticules en terre ayant la forme soit de pyramides quadrangulaires, soit de cònes tronqués, au sommet desquels s’apergoivent des débris d’autels; d’autres monuments très remarquables et qui avaient été construits, sans doute, dans une intention religieuse sont des reliefs en terre, représentant des animaux quadrupèdes, tels que des buffles, couchés sur le flanc. Ces figures colossales ont jusqu'à 150 pieds de long sur dix ou douze d’épaisseur. On y voit aussi une figure humaine, couchée sur le dos, les bras et les jambes écartés, présentant une longueur de 150 pieds et une envergure de 140 pieds d’une main à l’autre. Dans quelques tombeaux on a trouvé des tablettes en pierre portant des signes qui ont paru étre des hiéroglyphes ou des lettres dont on n’a pu expliquer la signification; mais qui portent à conjecturer que ces peuples avaient quelqu’usage de l’écriture. Après avoir décrit les divers monuments qui se (31 ) rencontrent dans la vaste vallée du Mississipi, l’auteur de la relation termine par les conclusions suivantes: Les peuples qui habitaient ces. contrées étaient agriculteurs ; il en trouve la preuve dans les énormes clòtures qui ont été construites avec une solidité qu’exigeait ce travail persévérani qui ne s’accorde pas avec les moeurs d’un peuple nomade. C'est dans ces enceintes qu’étaient placées leurs habitations qui de- vaient former des établissement permanents. Les ta- blettes portant des signes hiéroglyphiques, font con- Jecturer qu’ils avaient des moyens de fixer leurs idées par des signes ; leurs armes, leurs ornements, les di- vers objets à leur usage soit en pierre, soit en cuivre sont travaillés avec une perfection qui annonce une civilisation commencée; la conformité de ces objets avec ceux qui se rencontrent sur l’ancien continent, . indique uneorigine communeentre ces diverspeuples. Les premières populations paraissent étre parties de l’Asie, la distance entre le nord de celte partie du monde et le nord de l’Amérique, n'est pas très grande. Les migrations ont pu s’opérer par cette direction .et se répandre dans le nouveau monde. Telle est, Messieurs, l’analyse très succincte de l’ouvrage dont vous m’avez chargé de vous faire le rapport. Cet ouvrage est tellement intéressant, que s'il eùt été moins volumineux, c'est une traduction plutòt qu'un extrait, qu'il eùt fallu vous, présenter. Mais pour ménager vos instants, j°ai dà me renfermer dans un cadre étroit. Ce premier envoi de la société savante de Washing- ton doit faire désirer fortement qu'elle continue , avec nous, des relations si bien commencées. (32 ) CONSTRUCTION DE L'AILE DE LA CHAPELLE DES ÉVÉÈQUES , VERS NORD, A LA CATHÉDRALE D'ANGERS. Charte de 1236. 00 Guillelmus dei G. andegavensis episcop omnibus ad quos presens scriptum pervenerit aeternam în Domino sa- lutem. Noveritis nos cum consensucapituli andegavensis , de- disse et concessisse ad opus fabrice andegavensis ecclesie tantum de herbergamento episcopatus, quod in eodem herbergamento possit compleri membrum ecclesie quod protenditur versus dictum in eadem longitudine et quan- titate quanta est aliud membrum quod protenditur ver- susdormitorium; ità tamen quod fabrica ecclesie tenebitur facere nobis scalam et introitum sufficientem ad pala- tium nostrum et retinere et fulcire domos que in herber- gamento nostro salvo opere predicte ecclesie sine direp- tione poterunt remanere et que salvo opere retineri poterunt commode et fulciri. Et ad hujus rei perpetuam firmitatem preesentibus litteris sigillum nostrum unà cum sigillo dicti capituli duximus apponendum. Datum per manum J. Magistri scholarum anno dui 1236 mense decembri. (33) TRADUCTION DE LADITE CHARTE. Guillaume, par la gràce de Dieu, évéque d’Angers, a tous ceux à qui le présent écrit parviendra, salut éternel dans le Seigneur. Vous saurez donc, qu’avec le consentement du chapitre d’Angers , nous avons donné et concédé à la fabrique de l’église d’Angers, aussi grand de l’heberge- ment épiscopal qu'il en faut pour construire cette partie de l’église (aile du nord), qui s'étend vers ledit heberge- ment, et ce en mèéme longueur et quantité de terrain qu'il s'en trouve dans cette autre partie qui confine le dortoir (aile du sud). Le tout ainsi cependant de ma- nière que la fabrique de l’église soit tenue de nous faire un escalier et une entrée convenable à notre pa- lais, qu'elle soit tenue, en outre, de consolider et de soutenir les logis qui, dans notre hebergement, pour- ront rester et ètre reparés et soutenus, le tout sans nuire è l’oeuvre de ladite l’église. Et pour l’assurance perpétuelle de cette chose, nous avons, à ces présentes lettres, apposé notre sceau avec celui dudit chapitre. Donné par la main de J. Maître-Ecole , l’an du Sei- gneur 1236, au mois de décembre. Nous devons la teneur de cette intéressante charte à M. l’abbé Delaunay qui l’a copiée dansles archives de la Préfecture, d’après la communication bienveillante que lui en a faite notre savant archiviste, M. Marchegay. V. GODARD-FAULTRIER. (34 ) RAPPORT SUR LA Pierre tumulaire récemment placse dans le cher de la Gathédralo d'Angers, en mémoire des ducs et duchesses de la 2° maison d’Anjou-Sicile ; SUR LE TOMBEAU PRESUME DE MARIE DE BRETAGNE, ET SUR LA STATUE DE CLAUDE DE RUEIL. — 0 — Le samedi 28 décembre 41850, la commission du monument du roi René, à laquelle assistaient MM. Be- raud, Eliacin Lachèse, Béclard, Dainville et Godard, après avoir chargé ce dernier de la rédaction, l’a ar- rétée comme suit : Vers 1839, sur la proposition de M. de Beauregard, la Société d’agriculture, sciences et arts d’Angers s’oc- cupa du projet de rétablir le tombeau du roi René. A cet effet on se mit en voie de rechercher ce qui pou- vait encore exister de ce mausolée, et l’on parvint à rencontrer surtout avec l’aide de M. Planchenault, plusieurs de ses restes en marbre blanc qui sont au- jourd’hui déposés au musée des antiquités ; M. T. Grille, de son còté, mit à la disposition de M. Hawke un des- sin par Bruneau de Tartifume dudit monument ; d’autre part, M. Dainville fils releva très exactement la coupe de l’arcade qui renfermait le tombeau. On ne s'en tint pas là, le projet eut un commencement d’exé- (35) cution, et l'on peut voir au musée le socle en plàtre que Franceschi moula sous l’habile direction de M. Isidore Guinoyseau. Le peu de fonds mis à la dis- position de la Société par le gouvernement obligea d’ajourner le projet d'une restitution complète pour laquelle David voulut bien promettre son généreux talent en termes que nous aurions tort de ne pas con- signer ici: Monsieur, écrivait-il, à M. de Beauregard, notre honorable président, en date du 5 mai 1839 : « Je viens de recevoir votre letire par laquelle vous » me faites connaître la résolution prise par la So- » ciété d’agriculture, sciences et arts d’Angers, de ré- » tablir le monument de notre bon René. C'est une » bien honorable idée à laquelle je serai heureux de » participer. i » Le souvenir de cet homme doit ètre cher aux An- » gevins, c'est une de leurs grandes illustrations, et » les hommes se souviendront toujours de son amour » pour l’humanité et de ses idées philosophiques qui » lui firent devancer son siècle, et nous pouvons » aussi le citer comme le premier peintre qui ait recu » le jour dans notre chère ville. » Le projet que vous avez de le représenter auprès » de sa femme est extrémement convenable, parce » qu'il donnera à cette restauration son caractère pri- » mitif. » Les deux statues en marbre, de grandeur natu- » relle, coùteront huit mille francs, cette somme est » seulement pour l’achat du marbre et pour payer les » praticiens, car veuillez bien croire, Monsieur, que » mon temps et mes soins vous sont offerts gratuite- » ment, désirant aussi contribuer, par mon offrande, (36 ) » à cette acte de justice. A l’égard des sculptures d’or- » nement des mausolées, vous les ferez aisément exé- » cuter à peu de frais par des sculpteurs de notre » pays. » J'ai l’honneur, etc. DAVID. » Plus tard, M. Je comte Théodore de Quatrebarbes, entrant dans les vues de la Société, faisait fondre à ses frais la statue en pieds du roi René, ceuvre de Da- vid .Il publiaiten mème temps quatre volumes concer- nant le mème prince. L’élan un instant s’attiédit, mais la commission ar- chéologique, dans l’une de ses séances revenant à la . charge, remit è flot l’heureuse idée de M. de Beaure- gard, laquelle ne consistait plus à entreprendre une entière restitulion, mais bien à poser une pierre tu- mulaire portantles noms des ducs et duchesses d’An- Jou inhumés dans le choeur de la cathédrale d'Angers. Une commission fut désignée à cet effet et se com- posa de 1° MM. de Beauregard, Beraud, Textoris, Lèbe-Gigun, de Soland, tous membres du bureau de la Société; 2° du bureau de la section archéolo- gique; 3° enfin de MM. Hunault, Coulon, Joubert, custode, Dainville et Chapeau, membres de la com- mission spéciale. Eclairée par l’avis de ces Messieurs, la Société, après plusieurs réunions , décida que l’inscriplion com- mémorative serait en pierre de Tonnerre, en langue francaise, mais en lettres et avec des ornements du XVe siècle. Il fut également convenu que l’on s’adres- serait àM.Dainville pour la direction du monument, (37 ) et à M. Chapeau pour son exécution. L’épitaphe est ainsi conque : « A la mémoire de la maison royale d’Anjou-Sicile. » Dans le choeur de cette cathédrale ont été inhumés : DUNST ae Salato e afelalela( Ta RSA » Marie de Bretagne.............. 1404 PALOVIS AI IA lean LAI » Yolande d’Aragon.............. 1442 » René dit le Bon......... SORA 1480 » Isabeau de Lorraine............ 1453 » Marguerite d’Anjou......... eo. 1482 » Jeanne de Laval......... NOS VAL) Ce monument a été érigé par la Société d’agriculture, » sciences et arts d’Angers, sous l’épiscopat de Mgr Guillaume » Angebault, M. Vallon étant préfet de Maine et Loire, M. de » Beauregard étant président de la Société. » MDCCCL. » La pierre terminée, à l’honneur de l’architecte et du sculpteur, on tomba d’accord avec les autorités religieuses et civiles qu'elle serait posée au centre méme du choeur de la cathédrale. Il y eut diverses protestations contre cet emplacement et contre l’épi- taphe en francais , ce qui n'est consigné ici que pour mémoire. Quoiqu’il en soit, le 2 décembre 1850, les travaux du posage furent commencés à Saint-Maurice en pré- sence de MM. Joubert, custode, et de Soland. Or, il ar- riva qu’en creusant, l'on mit à découvert une an- cienne sépullure. Le cercueil fut enlevé , et son ou- verture remise au lendemain. Appelé, le 3 décembre, par une lettre de M. le custode, M. Godard se rendit en cette église, et, de concert avec celui-ci , M. de So- (38 ) land et le docteur Renier, ce qui suit put ètre constaté : A la distance de 4 m. 50 c. des marches du maître- autel vers Quest, et à celle de 3 m. 75 c. des stalles à gauche et à droite, et à l’aplomb de la deuxième clef de voùte à partir du fond du choeur, se trouvèrent sous les dalles trois ou quatre grandes ardoises brutes appuyées sur trois fortes bandes de fer. Lesdites ar- doises enlevées, laissèrent voir une double fosse par- mentée de tous còtés avec des pierres tufs assez gros- sièrement apparcillées. Creusée dans l’épaisseurméme du mur gallo-romain qui environnait la cité et qui passe derrière le maître- autel, cette fosse a 90 c. de profondeur de dedans en dedans; au fond de ladite fosse ayant forme de hache, reposait le cercueil en plomb sur trois autres bandes de fer, de manière qu'il ne touchait pas au sol. Au còté gauche dudit cerceil, c'est à dire vers Nord, on apercut les débris en bois d’une très petite bierre qui renfermait les ossements d’un enfant, entre autres le cràne, lequel avait été scié , afin sans doute de con- naître, au moyen de l’autopsie, de quelle maladie cet enfant dont le sexe n’a pu étre constaté, était mort. Il parut au docteur Renier qu'il pouvait avoir de 6 à7 ans lors de son décès. Quelques détritus de charbon placés vers les pieds nous prouvèrent que, suivant un usage très répandu au moyen-àge, de l’encens y avait été brùlé. Les deux sépultures étaient parfaitement orientées àla manière chrétienne, c'est-à-dire que les tétes se trouvaient à l’ovest et les pieds à l'est. La fosse qui les renfermait avait 1 m. 2 c. de large du còté des tètes, un peu moins vers le milieu, puis (39 ) 53 c. du còté des pieds du principal personnage, et enfin 2 m. 42 c. de longueur dans le grand axe. Lecercueilde plomb avait été déposé dans un autre en bois à chaque extrémité duquel se voyait un an- neau de fer. Des bandes du méme metal et les restes d’une applique de serrure nous prouvèrent que ledit cercueil en bois avait été fermé à clef et solidement établi. Quant au cercueil de plomb, son couvercle Gtait très légèrement convexe. 1l mesurait en longueur 41m. 90 c., enlargeur vers la tète 43 c., et 32 vers les pieds. Ouverture faite dudit cercucil, l’aspect général du corps long de 1 m. 70 c., fut celui d'une momie, en- vironnée de ses bandelettes. Une croix dont le pédon. cule était en bois et la traverse en cuir reposait sur la poitrine et s'élevait jusqu’au milieu du visage, Cette croix, longue de 36 c. sur 20 de largeur, avait cinq taches rouges , l’une à ses bras, les autres à son som- met, sur son milieu et aux pieds. A-t-on voulu repré- senter ainsi les cinq plaies de N. S.? Nous le croyons volontiers d’après l’avis de plusieurs ecclésiastiques distingués. L’aspect général observé , le docteur Renier procéda sans plus de retard à l’examen du corps qu'il reconnut pour étre celui d’une femme. Les bandelettes de toile soulevées , une odeur balsamique se répandit et prou- va que le cadavre avait été soigneusement embaumé. La face et les mains se trouvèrent couvertes d’étoupes de coton, mais ce qui piqua vivement notre curiosité, ce fut de voir sorlir des poumons encore conservés, un assez grand nombre de globules de mercure. Evi- demment cette matière entrait autrefois dans le procé- dé des embaumements. (40 ) L’autopsie poursuivie plus avant, l’absence du coeur put étre constatée ; sans aucun doute cette noble partie lors du décès avait ét6 enlevée, pour étre con- servée a part. Le docteur Renier nous fit également remarquer que la tète avait été rasée et que l’état des dents et de la màchoire assignait à la défunte un Age fort avancé. Cetexamenachevé, le docteur remit soigneusement tout à sa place , les bandelettes furent rapprochées, le cercueil refermé, puis redescendu dans la fosse. Le lendemain 4 décembre, les ardoises replacées et le chapin éparé rendirent à ces précieux restes leur sé- culaire obcurité ! Maintenant s'élève la question de savoir quelle a été cette femme, et quel fut cet enfant ? Nousavons des sépultures qui parlent d’elles-mèmes, sì je puis ainsi dire, révélant, par certains caractères archéologiques et divers signes héraldiques , époques et personnages. Ici rien de semblable. Après la constatation toute anatomique de l’àge de l'enfant, après celle du sexe du principal corps, nous sommes contraints d’avoir recours aux conjectures. Et d’abord , l’emplacement très honorable de nos deux sépultures, dans le choeur de la cathédrale, démontre suffisamment qu'elle appartient à d’éminents person- nages , et certainement laics. Ecartant donc tout ce qui peut se rapporter aux inhumations de quelques hauts dignitaires ecclésiastiques, nous ne voyons pas qu'il soit possible de diriger nos investigations ailleurs que du còté de la seconde maison d’Anjou-Sicile. Or, parmi les femmes de cette famille, inhumées à Saint- Maurice, nous comptons Marie de Bretagne, Yolande (41) d'Aragon, Isabeau de Lorraine, Marguerite d’ Anjou et Jeanne de Laval. Mlest vrai qu’au rapport de Bourdigné, Hermen- garde , femme de Louis-le-Débonnaire, aurait été, vers l'an 819, enterrée à Saint-Maurice d’Angers. Mais comme le choeeur actuel de cette église n’existait pas au IX siècle, il va sans dire que l’emplacement de notre sépulture en question ne peut se rapporter à cette reine. C'est donc dans le cercle des cinq femmes précitées qu'il convient d’aller choisir, c’est-à-dire de l’an 1404 à 1498. Quant à l’enfant, la situation de ses restes au fond de la méme fosse, montre assez, par cette sorte d’in- timité dans la mort, qu'il est bien de la méme famille que celle à laquelle ces cinq femmes appartiennent. Ainsi donc, premier point acquis, nos deux sépul- tures sont du XV siècle. Ouvrons maintenant les chroniques, dont plusieurs, nous l’avouerons, ont le malheur de se contredire à ce sujet. Et d’abord, laissons parler Bruneau de Tar- tifume , qui écrivait en 1623, et dont le travail inédit fait partie du précieux cabinet de feu M. Grille : _ «Sortant du cheeur, écrit-il, on rencontre entre » iceluy et le grand autel un tombeau tout de marbre » noir, élevé d'un pied et demi ou environ, défendu » tout autour d’une forte quarrie de limandes, ayant » eu ledit tombeau gravé sur sa lame, aussi de marbre » noir, la figure d’une femme, dont ne paraissent plus » que les principaux traits du visage etles deux mains » Jointes de marbre blanc ; lesdictes mains semblans » tenir entre elles deux je ne scay quel rond. » (42 ) Pour comprendre la position de ce tombeau et se convainere qu'il devait ètre celui qui recouvrait la fosse récemment fouillée , il faut savoir : 1° Qu'avant 1699, le grand autel occupait une place sous l’arc-doubleau, le premier en partant du fond de l’abside , à l’endroit où se trouve aujourd’hui le petit jeu d’orgues. 2° Que le sanctuaire s'étendait en avant jusque vers l’endroit à l’aplomb du second are-doubleau (toujours en partant du fond de l’abside). 3° Enfin, que devant le sanctuaire , et dans l’espace situé entre Jes ailes et la nef, se dressaient presque carrément les doubles stalles du choeurde ce temps-là. De ceci bien établi et mis en regard du texte de Tar- tifume : « Sortant du cheur, on rencontre entre iceluy » et le grand autel un tombeau, etc. » résulte que le milieu, situé entre ledit choeur et le grand autel de ce temps-là , correspond précisément a l’emplacement de notre double fosse. Ainsi, le mausolée décrit par Tartifume, est bien celui qui couvrait ladite fosse. Au besoin, cette des- cription, jusqu’ici demeurée inédite, pourrait servir de base a une reconstruction du tombeau. Mais poursuivons : « On m’a assuré , continue Bru- » neau de Tartifume, que c’estoùrepose le corps de def- » functe Haulte et Puissante Jehanne de Laval, vivant » femmeen deuxièmes nopces de deffunct René Roy de » Sicille, de Hierusalem et Duc d’Anjou. » Cette asserlion est combattue en marge du manus- crit par une nole que nous croyons étre de l’écriture de Grandet, curé de Sainte-Croix, né en 1646, mort en 4724, auteur de plusieurs travaux sur l’Anjou. (43 ) Cette note est ainsi concue : « Mais c’est le corps de » Marie Royne de Sicille et duchesse d’Anjou, qui » mourut le 12 novembre 1404. » Legouvello, dans sa Vie de René, imprimée en 1731, partage cette opinion. « A quelques pas du mausolée de ce Roi, écrit-il, » on voit assez près du grand autel (toujours celui an- » térieur à 1699) un tombeau de marbre noir; c'est » celui de Marie de Bretagne, grand’mère du Roy » René; elle était morte en 1404. » Lehoreau, dans ses épais, mais curieux volumes inédits sur l’Anjou, qu'il éerivit vers la fin du xvne siècle, et que la bibliothèque de l’Evèché possède, S'exprime ainsi : « En démolissanl le grand autel (année 1699), on » trouva dans le sancluaire un sépulere couvert de » grandes pierres d’ardoises soutenues par de grosses » barres de fer, dans lequel il y avait un cercueil de » bois garny de plomb par le dedans, qui renfermait » un cadavyre qui n’estoit pas encore tout consommé. » On croit que c’estoit le corps de Marie de Blois dite » de Bretaigne à cause de sa mère, veuve de Louis » 1, duc d'Anjou, décédée l’an 1404, qui, comme » bienfaitrice de cette église, avait été mise dans un » lieu si honorable. Cela répugne au bon sens, de dire » qu'on ait enterré une femme dans le sanctuaire. Je » laisse au lecteur d’en croire ce qu'il voudra. » Si Lehoreau avait assisté àl’exhumation du mois de décembre 1850, il eiùt vu que ses dernières lignes por- taientà faux. Du reste, dans le mèéme volume, pages 33 et 30, sur un plan tracé de sa main, il désigne la sépulture en question comme étant bien celle de Ma- (44) rie de Bretagne. L’emplacement qu'il indique est mar- qué S. Mais le doute n’en règne pas moins encore, aussi allons-nous maintenant procéder par voie d’élimina- tion afin d’arriver, s’il est possible, à quelque certi- tude. Revenant à nos cinq duchesses d’Anjou préci- tées, il est suffisamment établi : 1° qu'Yolande d’Ara- gon, au rapport du père Anselme, fut inhumée près de Louis II, son mari, derrière le grand autel, d’avant 1699; 2° qu'Isabeau de Lorraine l’a été dans le mau- solée de René, situé derrière le panneau de la boise- rie, où, du vivant de Mgr Montault, se trouyait le tròne épiscopal; 3° que Marguerite d'’Anjou repose dans le caveau dudit René. La question reste donc pendante entre Marie de Blois et Jeanne de Laval. Mais n’est-il pas naturel de penser que cette dernière aura été inhumée aux pieds du tombeau qu’elle-méme avait fait achever en mémoire de son mari. C'est l’opinion de feuM. Grille, de Legou- vello et de Bourdigné. D’ailleurs la présence de l’en- fant qui, dans la fosse double, prouve si bien la ma- ternité, peut difficilement se rapporter à Jeanne de Laval, demeurée stérile. D’après ces observations, la sépulture découverte serait donc celle de Marie de Bretagne. Maintenant, afin de connaîlre l’histoire de cette femme, nous conseillons de lire principalement Antoine de Ruffi (histoire des comtes de Provence); il nous apprend que Marie, fille de Charles de Blois et de Jeanne de Bretagne, 6pousa Louis 1° d’Anjou (vers l'an 1360), qu'on l’ap- pela Marie la cloppe, c’'est-à-dire la boiteuse, et qu'elle eut deux garcons Lowis et Charles, ainsi qu'une fille (45) nommée Iolant qui fut femme de Francois premier du nom, duc de Bretagne. La dépouille de l’enfant dé- couvert près de Marie de Blois, ne peut se rapporter à aucun de ces trois personnages, à raison deleur age. Peut-ètre l’histoire n’a-t-elle pas gardé souvenir de cet enfant! S'il appartenait à Marie de Bretagne, il faut bien supposer, eu égard à l’àge assez avancé de celle- ci, qu'il était longtemps décédé avant elle et que plus tard on aura réuni dans une méme fosse, ces deux corps. Quoiqu'il en soit, nous abandonnons le soin de dé- couvrir la vérité sur ce point à de plus savants. Nous ne parlons pas ici de quelques ossements étrangers è cette inhumation et trouvés immédiatement sous les dalles, mais nous dirons que sous le petit orgue placé à l’aplomb du dernier arc-doubleau de l'abside, existe une fosse ou plutòt une crypte profonde de 1 m. 60 c., large de 2 m. 10 c., et d'une longueur que la fouille imparfaite ne nous a pas permis d’apprécier. M. l'abbé Joubert nous assura qu'il pensait que cette fosse pou- vait ètre une confession, ce qui nous semble d’autant plus probable que l’ancien principal autel surmontait cette crypte. Nous ne terminerons pas sans ajouter ici qu'il résulte de nos investigations que les sépultures de nos ducs et duchesses d’Anjou précités, forment comme trois groupes , dont l’un situé derrière le petit orgue età sa droite, vers nord, se compose des inhu- mations de Louis 14€", de Louis II et d’Yolande d’Ara- gon ; dont l’autre placé environ trois mètres en avant dudit orgue se compose des deux sépultures récem- ment découvertes; et enfin dont le troisième, sis vers le mur nord, à peu près en face de la grande porte de (46 ) la sacristie, se compose des restes du roi René, d’Isa- beau de Lorraine sa première femme, de Marguerite d’Anjou, reine d’Angleterre, leur fille, et probablement de ceux de Jeanne de Laval, sadeuxième femme, qui d’ailleurs, quelque soitlelieuprécis qu’elle occupe dans notre cathédrale, y a du moins incontestablement été enterrée. Revenons à la pierre tumulaire que la Société d’a- griculture , sciences et arts d’Angers, a fait placer dans le choeur. Le 4 décembre 1850, on posa sous cette inscription, une boite en plomb renfermant une plaque de cuivre sur laquelle sont gravés tous les noms des membres de la Société. On y joignit le pro- cès-verbal, l’autorisation ministérielle et cinq pièces d’argentde divers modules è l’effigie de la république de 1848. A cette heure, 7 décembre, le posage est entièrement terminé et l’on peut voir, au centre du choeur, la magnifique épitaphe qui se détache avec les vives couleurs de son blason et ses jolis ornements , comme la riche vignette d'un manuscrit séculaire. Cinq jours après eut lieu l’inauguration de la pierre tumulaire consacrée à la mémoire des souverains de la deuxième maison d’Anjou-Sicile. Le 12 décembre 1850, à neuf heures moins le quart , en présence du chapitre, de M. le préfet et des membres de la Société d’agriculture, sciences et arts d’Angers, commenga la cérémonie funèbre à notre cathédrale. M. l’abbé Joubert, membre de la commission archéologique, officiait Mgr Angebault fit l’absoute; M. Mangeon con- duisait le choeur avec cette sùreté de direction qui est un des còtés remarquables de son talent. (47) Le Dies ire et le Libera ont surtout impressione les assistants par le caractère élevé que le choeur sut imprimer à ces morceaux d’un ordre supérieur. Le passage Oro supplex fut si douloureusement ac- centué, que vous l'eussiez pris pour la gémissante oraison des illustres défunts qui reposent sous les dalles. Et néanmoins, dans cette cérémonie, régna la plus grande simplicité : tout s'est résumé dans une prière et un souvenir. Quatre heures plus tard, les ouvriers occupés à ré- tablir le tombeau de Claude de Rueil, trouvèrent, à 45 c. environ au-dessous du sol, le cercueil en plomb de ce pieux évéque qui vivait au XVII: siècle. Il était placé la tèéte au Nord, contrairement à l’orientation habituelle; cette anomalie vient, sans aucun doute, de l’exigence du lieu. , Le cercueil, par son milieu, mesure 50 c. de lar- geur. On se contenta, sans l’ouvrir, de constater son identité devant Mgr Angebault et plusieurs ecclésias- tiques. Après quoi les ouvriers se mirent à le murer immédiatement. La tombe de Claude de Rueil est dans l’aile Nord, sous l’arcade la plus voisine des dernières marches du grand escalier de l’Evéché. Sa statue en marbre blane, du ciseau de Buyster, a éprouvé bien des vi- cissitudes; chassée de son mausolée pendant la ter- reur, elle put, ainsi que nous l’apprend notre hono- rable collègue M. Boreau, aller trouver asile dans les salles de l’abbaye de Saint-Serge où M. Merlet de la Boulayerecueillit et sauva beaucoup d’objets précieux. Rendue à l’église lors du rétablissement du culte, on ne crui mieux faire que de la déposer sous une arcade (48 ) ouverte è la pluie et au vent, dans le mur extérieur delanefdelacathédrale versnord (parterre del'Evèché). Plus tard, elle en fut retirée par les soins de Mgr Angebault, afin d’étre placée sous le cloître du logis Barrault (musée), d’où elle vient d’ètre enlevée (jan- vier 1851) pour retourner à sa primitive demeure. Quelques fonds ont été faits à ce sujet par la fabrique et par M. l’abbé Joubert, custode, au désintéresse- ment et è la sollicitation duquel nous devons le réta- blissement de ce tombeau d’un de nos plus aimés pré- lats. En terminant ce rapport, peut-ètre ne sera-t-il pas hors de propos de dire ici d’après quelles données l’artiste, M. Chapeau, a pu rendre à ce mausolée ses moulures essentielles. Ne voulant, en aucune facon, innover, il a pris les modèles sur le dessin mèéme de cette sépulture, trouvé dans les précieuses liasses du cabinet de M. Grille: en effet, c'est bien ainsi qu'il convient de restaurer les monuments du passé. Le Rapporteur, GopARD-FAULTRIER. (49) ———__——_—_—_—rrrr r.._oeaaelgt9«ae‘at9aill"1«ce”e—— Fchange du Chateau d’Angers et de l’Évèché, AU ]Xe SIECLE. TEXTE. Exemplar commutationis Arearum inter Dodonem Episcopum et Odonem comitem sub Rege Carolo (Caro- lus Calvus 854 et regni XI). Innomine sancte et individua trinitatis Carolus gratia Dei Rex. Notum esse volumus cunctis sancte Dei Ecclia fidelibus et nostris presentibus atque futuris quia Dodo venerabilis Andegavorum Episcopus et Odo illustris co- mes ad nostramaccedentes sublimitatem innotuerunt qua- liter inter se quasdam terras pro communis utilitatis compendio commutassent vel cambiassent. Dedit itaque prefatus Dodo Episcopus antedicto QOdoni comitiex rebus matris Eccliao Sti Mauricii aquis mensuris finibus (pour funibus) que determinatam paginam terre juatà mu- rum civitatis Andegavensis in qua opportunitas jam dicti Comitis mansure sedis suorum que successorum esse cognoscitur. Et e contrà in compensatione hujus rei dedit idem Odo comes ex comitatu suo terram Sto Mauricio equis mensuris similiter funibus determinatam preno- minato Dodoni Episcopo successoribus que suis haben- dam in qua praedecessorum suorum comitum sedes fuisse memoratur. Undè et duas commutationes inter se aequo tenore 4 ( 50 ) conscriptas et legaliter roboratas ad relegendum nobis 0s- tendentes petierunt ut eas auctoritatis nostra precepto confirmare dignaremur. Quorum petitionibus libenter as- sensum prebentes hoc altitudinis nostre scriptum fieri jussimus per quod precipimus atque firmamus ut quic quid pars juste et rationabiliter alteri contulit parti, si- cut in memoratis commutationibus continetur jure fir- missimo teneat at que possideat, et quic quid exindè facere voluerit libero in omnibus potiatur arbitrio. Et ut haec nostre confirmationis auctoritas inviolabilis perseveret de annulo nostro subter cam jussimus sigilla- ri signum La Caroli gloriosissimi regis. Barthole- mus notarius ad vicem Hludovici recognovit. Data V. nonas jul, anno XI, regnante Carolo glorisissimo Rege indict XIITI. Actuminloco qui dicitur Lituus(seu Lirinis) in Dei nomine feliciter. Amen. TRADUCTION. COPIE DE L'ÉCHANGE ENTRE L'EVÈQUE DODON ET LE COMTE EUDE SOUS LE ROL CHARLES CONCERNANT LEURS DEMEURES. « Aunom de la sainte etindivisible Trinité, Charles » par la gràce de Dieu, roi. Nous voulons qu'il soit » appris à tous les fidèles de la sainte Eglise de Dieu » et aux nòtres présents et à venir, que Dodon, » vénérable évéque des Angevins, et Eude, illus- » tre comte, s'approchant de notre grandeur, nous » ont fait connaître comment, pour leur commun » avantage , ils ont, entr’eux, opéré l’échange de cer- » taines places; c’est pourquoi ledit éveque Dodon a (51) » donné au comte Eude cy-dessus nommé;... des » biens de l’église mère de Saint-Maurice, à égale me- » sure, une étendue de terrain près le mur de la cité » d’Angers, terrain dont Ja commodité pour la de- » meure dudit comte et de ses successeurs, est bien » notoire. D’un autre còté et en compensation de cet » objet, le mèéme comte Eude a détaché de son comté » un lieu d’égale mesure pour le donner à Saint- » Maurice, pour qu'il soit mis à la disposition de l'é- » vèeque Dodon prénommé et de ses successeurs. Ce » lieu, on se le rappelle, avait été la demeure des » comtes prédécesseurs d’Eude. » D’où suit que, présentant, à nous, pour les relire » les deux mutations faites entr’eux, écrites pareille- » ment et légalisées (legaliter roboratas), ils demandè- » rent que nous daignassions les confirmer par la » plénitude de notre autorité. » Aux demandes desquels consentant volontiers, » nous avons ordonné que cet écrit de notre grandeur » soit dressé, écrit par lequel nous commandons et » assurons que tout ce que l’une des parties a juste- » ment et raisonnablement conféré à l’autre, ainsi » qu'il arrive dans les échanges mémorables, elle le » tienne et le possède de droit stable, et que tout ce » qu’elle voudra faire ensuite, elle le fasse en toutes » choses très-librement. È » Et afin que l’autorité de cet acte confirmatif de- » meure inviolable, nous avons ordonné qu'il soit re- » vétu de notre sceau. » Saiticile monogrammede Charles, accompagné de la formule suivante que nous traduisons également : « Sceau de Charles très glorieux roi. Bartholomée , (52 ) » notaire à la place de Louis, a reconnu ladite charte. » Donnée le 5 des nones de juillet (11 juillet), la XI° » année du régne du très glorieux roi Charles. Indic- » tion XIV, fait dans le lieu qui est appelé Lituus ou » Lirinis, au nom de Dieu heureusement. Ainsi soit- » il! » Après le texte et sa traduction mot à mot, vient na- turellement le commentaire. La teneur de cet acte trouvé dans les archives de feu M. Grille, ne nous est connue que par une copie faite vers le XVIII: siècle. Vraisemblablement V’ori- ginal est perdu. Cette copie, assez mal orthographiée et incomplète vers son milieu ainsi qu’une série de points l’indique, ne nous semble pas moins précieuse, puisqu’à notre connaissance, du moins, elle est res- tée inédite. Brequigny notamment ne la cite pas dans satable chronologique concernantl’histoire de France. Nous avons reproduit cette copie avec son ortho- graphe et sa latinité, ne voulant pas prendre sur nous de faire des corrections qui pourraient ètre plus fautives encore. Cela du moins établi , il nous reste à discuter l’au- thenticité de la teneur de cette charte. La formule : Innomine sancte et individue Carolus rex gratia estbien celle que Charles le Chauve employait avant son élé- vation è l’empire, 25 décembre 875. 7 annonce du monogramme et du sceau signum K—()-S Caroli glo- L riossimi Regis convient à ce souverain qui, en cela, avait suivi la coutume de Louis-le-Débonnaire son pere. — La date : Data V. nonas jul anno XI regnante (53 ) Carolo gloriosissimo Rege, indictione XIIII, est bien exprimée dansla forme qu'il employait généralement. — L'actum in loco suivi de la phrase în Dei nomine fe- liciter amen, lui est une formule familière. Ce n’est pas tout, nous avons dans notre charte les noms de deux chanceliers ou notaires, Bartholemeus et Louis : Bartholomeus notarius ad vicem Hludovici reco- gnovit, que nous trouvons dans la liste des chanceliers de Charles-le-Chauve , dressée par Natalis de Wailly, dans ses éléments de paléographie t. 1, p. 222; nota : Ces deux chanceliers sont classés dans la pé- riode des 27 premières années du régne de Charles- le-Chauve, c’est-à-dire de l’an 840 à l’an 867, d’où suit que notre charte doit prendre date entre ces deux 6poques. Mais nous pouvons encore mieux la préciser. En effet, la formule anno XI regnante Carolo, nous ap- prend que la XIe année du régne de Charles-le-Chauve, répond à l’an de J.-C. 854. D'un autre còté, le calcul de l’indiction cadre parfaitement avec cette date, car si vous retranchez des 851 années, les 312 qui précédent l’établissement dela première indiction, vous aurez le nombre.539 qui, divisé par 15, donne pour quotient 35 avec 14 pour reste. C’est-à-dire que dans ces 539 années , sont comprises : 4° trente-cinq indictions ou trente-cinq fois quinze années, soit 525 ans; 2° qua- torze années qui sont les quatorze premières de la 36€ indietion , lesquelles quatorze années, unies aux 525 précitées et aux 312 retranchées, font au total 854 , qui est bien la date cherchée, vérifiée et correspondant à l'an XI du régne de Charles-le-Chauve. Vous allez voir, Messieurs, pourquoi j'ai apporté (54 ) tant de soins à lavérification de cette date, c'est qu'il s’agit de discuter le point de savoir si elle se rapporte convenablement à nos trois personnages figurant dans notre acte. , Cela n'est pas douteux è l’encontre de Charles-le- Chauve et de l’évéque Dodon, le premier ayant régné de l'an 840 à 877, et le second ayant gouverné le dio- cèse d’Angers de l’an 836 ou 837 è l’année 880. Mais il n’en va pas tout è fait ainsi en ce qui concerne le comte Eude ou Odon, fils de Robert-le-Fort. La chro- nologie de nos premiers souverains et surtout de nos comtes temporaires, est fort défectueuse. Ajoutons que la naissance et lajeunesse de Eude paraissent ignorées de tous les auteurs qui en ont traité! Il est générale- ment admis qu'il ne succéda que vers 866 ou 867 à son père dans ses possessions angevines, qu'il fut nommé roi de France en 888 et qu'il mourut en 898, l’on ne sait à quel age. Ainsi notre charte l’établit comte en 851, et les his- toriens ne lui donnent cette qualité ou son équivalent qu’après 866 ou 867. D’où résulte qu'il y a eu ou erreur dans la charte, ce qui nous paraît difficile à admettre surtout après la vérification de l’indiction, ou négligence de la part des historiens contemporains. Sans vouloir tran- cher la question, qu'il nous soit permis toutefois de dire qu'il n’est pas impossible que, pendant que Ro- bert-le-Fort était duc de France et comte d’Outre- maine de 845 ou 850 à 866 0u 867, son fils Eude fàt temporairement comted’Angers , c’est-à-dire d’en-de- cà Maine. Rien n’y répugne, pas méme son àge. Sup- posonsen effetqu'ilaiteu de 20 à 30 ans à cette époque (53 ) de 8541, durant laquelle notre charte le qualifie de comte, il n’aurait été agé, en mourant que de soi- xante-sept ans dans le premier cas, ou de soirante- dix-sept dans le second. L’un et l’autre age sont parfai- tement admissibles puisqu’ils ne répugnent pas aux lois de Ja nature. Ajoutons que la série de nos comtes temporaires nous presente fort souvent des lacunes à cette époque du milieu du IXe sièele. Nous voyons bien, il est vrai, figurer en Anjou avec quelqu’autorité, Pepin II, roi d’Aquitaine , de 839 à 865, mais c’était uniquement dans les contrées de la rive gauche de la Loire. D'un autre còté, l’usurpateur Lambert eut égale- ment un certain pouvoir en Anjou, de l’an 846 à 851, mais il ne l’exerca que dans ce territoire renfermé entre Craon et Savennières, le pays nantais et la ri- vière de Mayenne. Il en fut de méme de V’autorité d’Herispoè en notre pays, de 851 à 857; ses possessions angevines (l’ab- baye de Saint-Serge excepiée) furent sur la rive droite de la Maine. — Quant è Robert-le-Fort, il avait recu spécialement mission d’exercer son pouvoir dans toute l’étendue du duché de France, et spécialement dans ce petit pays renfermé entre la Mayenne et la Sarthe, et qui avait pour principal point de défense ce lieu autrefois nommé Seronnes, que depuis l’on a appelé Chàteau- neuf. Mais cette partie de l’Anjou, renfermée entre la Sarthe, la Maine et la Loire et qui était alors l'Anjou d’en-decà Maine; entre les mains de qui se trouvait- (56 ) elle en 851? Nous l’ignorons! Cela étant, est-il dérai- sonnable de croire que précisément elle était alors gouvernée comme le veut notre charte, par le comte Eude? De cette facon, une lacune est comblée dans notre histoire. Autrement, il n’est pas aisé de se ti- rer de ce pas difficile. Cette discussion nous a con- duit à vous parler des quatre grandes divisions géo- graphiques de l’Anjou au IX° siècle, qui obéissaient concurremment à des maîtres divers. Terminons en vous rappelant que l’autorité religieuse les avait, jusqu’à la révolution, conservées dans les archidia- connés. Ainsi le grand archidiaconné d’Angers répondait très bien à ce qu'onappelait le comté de deca Maine. L’ar- chidiaconné d’outre-Loire à ce qu'on nommait autre- fois le Bas-Anjou ou l’Aquitaine angevine (4); enfin l’archidiaconné d’outre-Maine cadrait avec cette partie de l'Anjou entre Sarthe et Mayenne que l’on nommait le comté d'outre-Maine, et cette autre partie dite de la Bretagne ‘angevine qui commengait à la rivière de Mayenne et finissait au pays nantais. Cette charte, Messieurs, donnerait cours à plusieurs autres observations qui mèneraient trop loin, il en est une cependant que je ne puis taire; à première lecture de la charte en question, onest tenté de croire que ce qui fait la matière de l’échange , serait un ter- rain nud purement et simplement , d’où résulterait que le palais curia] et le Capitole auraient été de pures (1) On voit parlà que la division en haut et das-Anjow n'est pas entendue par Bodin dans ses ouvrages, comme celle Vétait dans Ja géographie ecclésiastique. (57) fictions. Mais une lecture plus attentive prouve que les expressions de ‘erra, pagina terre n’excluent point l’idée de constructions antérieures à l’échange. En ef- fet, la charte dit fort bien terram, determinatam in qua predecessorum suorum comitum sedes fuisse memo- ratur. Le mot sedes siége est très significatif ici. Assez, Messieurs , sur cette charte qui, nonobstant les conjectures qu'elle suscite , ne vous en semblera pas moins curieuse et pas moins digne de figurer dans vos annales. V. GODARD-FAULTRIER. (58 ) TOMBEAU D’HENRI ARNAULD. Appelé le 3 janvier 18541 par M. l’abbé Joubert, cus- tode, à reconnaître dans notre cathédrale le lieu pré- eis de l’inhumation d’Henri Arnauld, nous assistàmes avec un vif intérét aux fouilles déjà commencées. Préalablement, le manuscrit de Lehoreau nous avait renseignés sur le gisement de cette sépulture. Nous savions par lui, en effet, que cet évéque avait été en- terré dans un cercueil de chéne et avec une simple crosse de bois doré, vis-a-vis du mausolée de Claude de Rueil et tout en bas des degrés de l’escalier don- nant ouverture de l’évèché dans la cathédrale; nous savions également que les degrés, au temps d’Arnauld, n’étaient pas les mèmes que ceux d’aujourd'hui , pla- cés depuis 1699 beaucoup plus en retrait. Ces points établis, nous pouvions, en quelque sorte, procéder à coup sùr. Cependant nous fàmes un instant iroublés dans nos calculs, par la découverte d’osse- ments épars, précisément sous le marbre très mal orienté contenant l’épitaphe suivante : Hic JACET HENRICUS ARNAULD EPISCOPUS ANDEGAVENSIS OBIT DIE VII IUNII AN DOM MDCXCII REQUIESCAT IN PACE. (59) Mais, de l’examen de plusieurs de ces ossementts, fait par le docteur Renier, résultait qu’ils avaient apparte- nu à un personnage de moins de 40 ans. Or, Henri Arnauld était mort àgé de 95 ans. L’épitaphe avait donc été dérangée, etprobablement lors d'un remanie- ment général du pavage de la cathédrale dans les pre- mières années de l’épiscopat de Mgr Montault. Toutefois, notre incertitude ne fut pas de longue durée, car quelques minutes après, à la profondeur de moins d’un mètre, parurent un cercueil de bois vermoulu et dans son intérieur, à la gauche du corps, les débris d’une crosse de bois doré en style du XVIe siècle ; puis vers le sommet de la téte, des restes de fran- ges argentées ayant appartenu à ces pendants de la mitre que l’on appelle fanons. Le cercueil, large par son milieu de45 c. et long de 2 m. 15 c. cu égard à la taille du prélat et surtout à la hauteur de sa mitre, était précisément placé en face et tout près du mauso- Iée de Claude de Rueil. Qu’avions-nous besoin de pour- suivre nos recherches davantage ? Plus de doute! nous élions bien en présence de la sépulture d’Henri Ar- nauld. Tout ce que Lehoreau avait indiqué se retrou- vait ici. Nous dàùmes donc nous borner à déterminer la situation du corps,la téte était à l’est et les pieds à l’ouest. Cette orientation mérite une mention spéciale; dans les exhumations faites des sépultures de Raoul de Beaumont et de Hugues-Odard , nous constatàmes, en 1846, une orientation contraire pour ces deux évéques, et, dès cette époque, nous écrivions ceci : de l’examen de ces sépultures et d'autres naît une question liturgique intéressante. Au moyen-àge, en Anjou, on enterrait les ecclé- (60) siastiques la téte vers l’ouest; de nos jours, c'est au levant. Le rituel moderne du diocèse est très précis : « Le corps des laics, lisons-nous, est exposé la tète à » l’occident et semble regarder l’autel d’où vient le » salut. Au contraire, le corps des prétres descend » pour ainsi dire de l’autel et est censé regarder le » peuple afin de le bénir. » Pourquoi ce changement, età quelle date s’est-il opéré? M. l’abbé Delaunay (écrivions-nous encore à cette époque) a trouvé que la coutume plus moderne de poser la téte des ecclésiastiques à l’orient, remontait au moins vers le XVIe siècle. . L’exhumation d’Henri Arnauld, décédé en 1692, at- teste aussi que cet usage existait dès la fin du XVII: siècle. Peut-ètre un jour d’autres exhumations nous, donneront-elles la date plus précise de cette modifica- tion liturgique. Je ne vous parle point ici, Messieurs, de la vie d’Henri Arnauld, vous ayant lu, autrefois , sa biogra- phie que nous nous réservons ‘de publier plus tard. Nous vous dirons seulement que, gràce au zèle géné- reux de M. Joubert le custode , une nouvelle épitaphe en tout semblable à l’ancienne, a été posée et dament orientée au-dessus mème du corps d’Arnault. Cette “pitaphe est en marbre noir. V. GODARD-FAULTRIER. (61) TOMBEAU DE JEAN OLIVIER. — 0 _ Le 3 février 1851, après avoir, sur la demande de M. l’abbé Joubert le custode , constaté la situation pré- cise du mausolée de Jean Olivier. dans l’aile nord de la cathédrale , entre les tombeaux de Jean de Rely et de Claude de Rueil, nous, procédàmes à l’examen de sa fosse. M. Chapeau, artiste sculpteur, commenca par fouiller sous l’arcade, mais sans succès ; en cet endroit , le sol fortement muré et sans sonorité , nous laissa croire qu'il ne renfermait rien, nous étions sur les fondements méme de l’un des murs de la cathé- drale. Cela étant, nous dirigeàmes nos fouilles en avant du mausolée ; et à la profondeur d’un mètre en- viron, nous découvrîmesun corps dans un cercueil de bois. Les pieds étaient tournés vers l’ouest et la tète à l’est, orientation propre aux membres du clergé , du moins depuis la Renaissance. Le dessous du cercueil était encore assez bien conservé. Etions-nous en face des restes de Jean Olivier? Nous sommes volontiers disposé à le croire. Cependant le doute est permis, si l’on prend garde à leur situation en dehors de l’arcade etàl’absence de traces de vétementsépiscopaux. Le cer- cueil de Jean Olivier n’était-il point plutòtincrusté dans le dé mème du tombeau, d’où la révolution l’aura retiré pour en profanerles débris , ainsi qu'il estarrivé à celui de Jean de Rely? L'incertitude nous paraît grande en cette occasion. (62 ) Aussi la pierre que M. Joubert a fait poser sur les restes prétendus de Jean Olivier, demeurera-t-elle sans épitaphe jusqu'àè plus ample information. Quoiqu'il en soit, si le doute plane sur les cendres de ce prélat, il n’en est pas de méme en ce qui con- cerne son mausolée. L’architecture toute payenne de ce sépulere convient trop bien, pour qu'il ne soit pas le sien, à l’auteur du poéme latin de la Pandore. L’art catholique au XVI° siècle, en abandonnant l’o- give, a plus qu'on n’a coutume de le croire subi les in- fluences de cet esprit général qui s’affranchissant des règles hiérarchiques du moyen-àge, tournait au pa- ganisme dans la sculpiure et au protestantisme dans les tétes. On vit alors en matière d’architecture, d’in- croyables mélanges , premiers germes de cet ecclectis- me qui depuis s'est infiltré partout. Les versets de l’écriture sainte, en ce temps; se mélaient avec ceux d'Epicure, On ne voulait pas seulement s’étayer de la Bible et de l’Evangile, oninvoquait Terence, Eschyle à l’appui de la morale et de certains dogmes, comme si Jes grandes vérités que le christianisme avait ap- portées au monde ne pouvaient se soutenir par elles- mémes; c’était le goùt du siècle. Notre mausolée va vous le dire, D’abord six tètes blanches décharnées, vous appa- raissent lugubres sur un fond de marbre noir. Vous pourriez penser qu’elles ont trait à des saints ou à des membres de la famille du défunt? en aucune fa- con! Vous lisez à l’entour de la première : Alexander; de la deuxième, Romulus; de la troisième, Semira- mis; de la quatrième, Hercules; de la cinquième, Cléo- patra, et de la sixième, Rhea. (63 ) Puis sur le pilastre, à votre droite , vous apercevez en relief:1° Plutarque avec cette devise, Bonam vitam mors bona commendat. 2° Terence avec cette légende : Omnium rerum vicissitudo est. 3° Eschyle disant : Pejor est morte timor ipse mortis. Et sur le pilastre, à votre gauche : 1° la figure de Moyse; au-dessous : Pulvis es et in pulverem reverteris. 2° Priam : fuimus Troes, fuit Ilium. 3° Epicure : Vita malis plena est, post mortem vera vo- luptas. 4° Salomon : Laudavi ego magis mortuos quam vi- ventes. Tous ces bas-reliefs et ces légendes existent encore, mais un plus grand nombre a été détruit ; toutefois nous sommes en mesure, si les fonds le permettent, de rétablir ce mausolée dans sa primitive beauté. Bru- neau de Tartifume, manuscrit inédit, nous en a con- ‘servé la description et le dessin. Une inscription grecque , placée en demi-cercle autour d'un attique en forme de coquille, ornait le fronton supérieur de ce tombeau. Elle était ainsi congue : EAIIXMOY O ©EOS EKNEOTHTOX MQ. Au-dessous, sur la frise, on lisait : Beati qui in Do- mino moriuntur. Immédiatement, sous l’arcade , on voyait, écrit d’un còté, nosce te ipsum, de l’autre, disce mori. Ces ins- criptions et leurs arabesques avaient été dorées. Au fond de l’arcade , entre ces deux sentences, pa- raissait le portrait du prélat. Bruneau nous l’a con- Serve. (64 ) Au-dessous, se voyait le dé du tombeau propre- ment dit environné d'une grille. Ce dé supportait horizotalement une lame de marbre noir, sur laquelle était couchée la statue de l’évèque, grandeur naturelle en marbre blanc, la tète au Nord. Le dé ou plutòt l’autel du tombeau était orné de six tablettes de marbre rougeatre, séparées par cinq pi- lastres de pierre blanche, lesdits pilastres sculptés en style renaissance et ornés de petits rondeaux. Puis le tout se trouvait chargé d’inscriptions, de sentences qui tiendraient à peine en vingt pages; je les passe sous silence, elles ont trait à la vie fort connue du prélat que nous trouvons éerite dans toutes les biographies, et notamment dans H. Arnauld, Bodin, Blordier et Ar- tault, auxquels nous renvoyonsà ceteffet. Disonsseule- ment que ce personnage, nommé évèque d’Angers en 1532, mourut en1540. Il ne nousreste plus , Messieurs, qu’à vous faire connaître nos démarches pour obtenir quelques fonds, à l’effet de rétablir ce mausolée de Jean Olivier. D’abord, nvus nous sommes adressés à votre commission du budget, qui vous proposera une allocation de cent cinquante francs. Nous avons également fait appel à la Société fran- caise, en lui demandant deux cents francs. D’un autre còté , la fabrique de Saint-Maurice nous viendra en aide, j'en ai l’assurance. Enfin, Messieurs, en énumerant tout ce que notre Société avait fait pour nos monuments , j'ai sollicité , de M. le Ministre de l’intérieur, une allocation de 800 fr., que M. le pré- fet a bien voulu appuyer avec ce zèle intelligent que plusieurs fois déjà, nous avons été à méme d’ap- précier. Aussi ne puis-]je passer sous silence les ter- ( 65 ) mes de sa lettre en réponse à un rapport que j'avais eu l’honneur de lui adresser, sur nos édifices histo- riques : « Monsieur, » Jai recu avec un vif intérèt le rapport du 10, sur » les monuments historiques de l’Anjou, que vous » m'invitez à adresser à M. le Ministre de l’intérieur. » Vous parlez de mon concours en faveur de quel- » ques-uns de nos vieux monuments. Vous avez raison » d’y compter, je vais appuyer de mon mieux vos con- » clusions, non seulement pour le tombeau de Jean » Olivier, mais pour tous les autres points que vous si- » gnalez, de manière à appeler sur eux, tout l’intérét » dont ils sont dignes. » Agréez, etc. VALLON. » 12 février 1851. Ayons donc bon espoir, Messiewrs, et ne perdons pas de vue que notre Société ayant la première im- primé Ie mouvement des restitutions de tombeaux à la cathédrale , ne pourra que gagner en gloire et en honneur si désormais elle prenait, vis-à-vis d’elle- meme, l’engagement de consacrer, chaque année, une somme pour le rétablissement d’une inscription, d’une épitaphe. Elle arriverait ainsi à rendre à notre cathédrale sa splendeur d’autrefois et l’intérèt palpi- tant des souvenirs. V. GODARD-FAULTRIER. ve) ANCIENNES RELIQUES DE LA CATHÉDRALE D'ANGERS. —T_— DO -- MESSIEURS, En inventoriant les papiers de M. Toussaint Grille , nous avons trouvé un cahier de huit pages portant en titre cetterubrique : Reliques de Saint-Maurice. Nous en avons extrait les notes suivantes qui nous ont paru avoir de l’intérét. Elles ont été rédigées sous Michel Le Peltier, évèque d’Angers de 1693 à 1706. I « René, roy de Sicile, a fait faire le grand reliquaire. » On fera faire, proehe le tombeau de Mathefelon, » évèque, une fenestre pour y mettre l’hidrye qui a » cousté quarante écus d’or. 16 septembre 1450. » II. « Charles, duc d’Anjou (4), engagea au chapitre (de » Saint-Maurice) pour la somme de 200 liv. qu'il em- » prunte pour les frays funéraux d’Yolande, reine de » Sicile, un reliquaire dans lequel estoit une épine » de la couronne de N. S.46 janvier 1442. » (4) I yaerreurici; ce Chartes fut comte du Maine, il était frère de René. ( 67 ) III. Sans intérét. DV: « M. Peletier dit que Guillaume de Beaumont, » évesque d’Angers, a donné la vraye croix qu'il » avait apportée de Jérusalem . DIS . . . . . . . . . . . . . . . . Guillaume fut évéque de 1202 à 1240. V. Sans intérét. VI. Sans intérét. VII. Sans intérét. VII. « Charles-le-Chauve estant à Angers, fit transférer » le corps de saint Maurille, de l’église de son nom » où il estoit, dans celle de Saint-Maurice . Dè si Blu ze oa wa Nel [iaia ar . . + IX. « M. Peletier dit que Guillaume de Beaumont, le 17 » des kal de septembre, fit mettre le corps de saint » Maurille dans une chàsse plus riche que la précé- » dente et en òta le chef qu'il fit richement enchàsser » à part. » Jean Duverger donne deux piliers 'de cuivre pour » porter la chàsse de saint Maurille. 1° septembre » 1457. » (68) X. « Le roy de Sicille donne de riches tapis pour con- » tribuer à faire la chàssede saint Maurille. 341 aoàt14741.» XI. « Pierre de Bourges, orfeuvre, vend an chapitre, » l'image de saint Maurille, qu'il avoit d'or pur. 29 » juillet 1473. » XII « Le lendemain de l’assomption de la Vierge, est » assigné pour transférer le corps de saint Maurille, » de la vieille chàsse dans la neuve. 9 juillet 1477. » XII. Sans intérét. XIV. Sans intérét. b.0'A « Arrivée du roy et de la reine (Louis XII), pour » faire voeeu à saint René dans l’église d’Angers. 18 » aoùt 1506. » XVI. « Anne de Bretaigne, femme de Louis XII, vient en » voyage à saint René. 31 mars 1510. » XVII. Sans intérét. XVII. Sans intérét. XIX. « Jean de la Vignole, doyen de l’église d’Angers, » et président au duché d’Anjou , exécuteur testamen- (69) » taire de le reine d’Angleterre, Marguerite , fille du » roy de Sicille, donne avis au roy Louis XI de sa » mort et de ses biens et affaires, lequel luy manda » qu'on prît sur ses meubles les frais de ses funérailles » et les gages de ses serviteurs , et qu'il consentait que » le surplus demeurast è l’église, qui eut 75 aulnes » de drap d’or bleu et un petit coffre dans lequel » estoient les reliques suivantes, scavoir, du pilier »;0ù:N.. S. fut flagellé,. etc. etc. . .... . ., IE 3) XX. « La petite hydrie d’agathe, donnée par le roy de » Sicille. 19 septembre 1450, et le vase à baptiser dans » lequel fut baptisé, à Marseille, le roy Marseille » Payen, quand il fut converti à la foy par Magd. » >. OCHE Sans intérét. DONI « Le doyen de la Vignolle a donné le diadéme du » crucifix pesant 4 marcs d’argent, le 34 juillet 1489. » XXIII. Sans intérét. XXIV. « La Vignolle, doyen, avait légué 300 6cus d'or à » la couronne pour faire faire une image d’argent de » N. D., pour mettre sur le grand autel du costé de » l’évangile, mais d’autant que laditefsomme n’a pas » été suffisante, tant en la dorure.... qu’au surplus de » la facon de l'étoffe (il a ajouté cent autres écus)..... » Ladite image sera mise en couleur de chaîr... si celle (70 ) » qui est dans l'église de N. D. de Paris a été mise en la » dite couleur. 23 aoùt 1482. » XXV. « Saint Maurice d’argent qui est sur le grandautel, » fut fait de la lame d’argent qu’avait donnée Fournier. » 30 aoust 1507,—devait peser 50 marcs, 15 septembre » 1507. — Les 50 marcs coùtèrent duze (sic) écus et » demi le marc de facon. 15 octobre 1507.—L’image » fut faiste à Tours par Jean Mogast. Livrée au dia » tre Ie 21 mars 1540. : ». spari AA Lo ia de ie fui » reelaniio laditoli image marchandé 25 fr. pour la fa- » con avec Michel Heuse, menuisier. 17 may 1504. » XXVI. « La custode qui est au grand autel, donnée par » René de la Barre, 30 mars 1497, pèse 6 marcs 5 onces; » 9 avril 1497. » » Chevallot, chanoine, a donné le tabernacle où on » expose le Saint-Sacrement. 2 janvier 1587. » XXVII. « Saint Martin d’argent pèse 12 marcs, donné par » Ammaury Deniau. 14 novembre 1486. » XXVII. « Un ange d’argent qui porte le ciboire...... » XXIX. « La fagon de la grande croix des processions s0- » lemnelles.... marchandée à Pierre de Bourges 12 fr. » 42 juin 1476...... tout l’or de cette croix faite par » Pierre de Bourges , orfaivre... est de 14 marcs, 5 onces » 7 TOS, » » è) A ) a (74) XXX. « Vraye croix : 76 pierres, savoir, deux fins saphirs devers la vraye'croix et une... gravée sur la tète du crucifix et après une taupaze.... Lesquelles pierres et camayeuil pèsent 2 marcs 7 gros et demi; ainsì or et pierre font 5 marcs 7 gros. » XXXI. « Croix précieuse avec son manche, donnée au cha- pitre par René de Sicille. Avril 1472. » XXXII « Chandelier d'argent à six branches, donné par Guillaume Fournier, pour pendre devant le grand autel, pèse 34 marcs, des branches duquel on fit faire des petits bassins pour mettre des cierges. 16 » janvier 1487. » » sy x S » XXXI. » Angelots du grand autel furent faits de cuivre à Paris, et coustèrent 120 liv. 2 décembre 1508. » XXXIV. « Le chandelier de cuivre qui est devant le grand autel, futifondu par un nommé Chevalier, et cousta 30 fr. 17 juillet 1516. » XXXV. « L’aigle du choeur, achepté 230 royaux. 3 juillet 1434. » XXXVI. « Tableau qui est dans la chapelle Saint-Jean , don- né par le trésorier de la Barre. 18 novembre 1502. » (72) XXXVII. » Résolu que les grands orgues seront reparés et » que le marché de les entretenir jusqu’à 30 ans, pour » 3 liv. 44 s. par an, sur le fait de la somme payée par » le fabriqueur. 13 novembre 1442. » La reyne Anne de Bretagne envoye Ponthus Jous- » leaume, excellent facteur d’orgues, qui avait fait » celles de N. D. de Clery et de Saint-Sauveur de » Blois, pour faire les grands orgues. On fait marché » avec luy à un pain de chapitres tous les jours et » 450 écus d’or à la couronne, son logement, et ce » pour la facon seulement, le chapitre fournissant de » toutes les étoffes. 5 juillet 1511.0n a acheté 1093 liv. » d’étain è 18 liv. le cent. 15 décembre 1511. » Ollivier Barrault donne les deux piliers qui sup- » portent les deux buffets des pédales. 10 novembre » 4512. La menuiserie marchandée 400 liv. 18 aoùt » 1541. » La toile et la peinture des rideaux du grand orgue » ont cousté 24 liv. 14 s. 5 avril 1513. D'autant que » M. le chancelier de Bretaigne, qui a une affection » particulière pour cette église, a procuré le payement » de la reffection des grands orgues auprès du roy, sui- » vant l’ordre qu’en avait donné la feue reyne, il a » esté aggregé aux pierres, de laquelle aggrégation M. » le pénitencier dressera des lettres pour les luy » envoyer. Le 5 mars 1513. » On donne aux Jacobins la couverture de vieil » orgue en laquelle il y avait une annonciation peinte. » 27 janvier 1513. VIA (73) » M. Vallin s’oblige de faire le petit orgue par Ponthus » Jousseaulme, au moyen de ce que le chapitre luy » donnera; le vieil positif du grand orgue, 100 liv. de » l’anniversaire du roy de Sicille dont les chapelains » donneront gratuitement leur part et chacun de » Messieurs deux écus d’or de leurs distributions. 26 » octobre 1512. Ly NOR REATI A: ET . pa a ar) » Lesdites petites orgues dorées et peintes aux dé- » pends de Valin, pénitencier. 2 avril 1513. » XXXVIII. « Petite horloge marchandée 80 liv., 5 septiers de » froment et 5 de méteil. 24 janvier 1494. » XXXIX. « René de Sicille tapisserie del’apocalypse, fors deux » pièces, qu’a donné le duc de Bourbon. » XX XX. « La duchesse de Bourbon et d’Auvergne, Anne de » France, donne une pièce de tapisserie de l’apoca- » lypse. 29 mai 1490. » XXXXI. « La tapisserie que le roy a donnée sera reparée et » ne sera dorénavant tendue qu’'à Noél, Pasques, Pen- » tecosle, Assomption, Saint-Maurille et Saint-Mau- » rice. 19 novembre 1444; » XXXXII. « Ordonné qu’on fera faire une tapisserie de l’his- » toire de saint Maurice , pour mettre dans le cheeur. » 50 octobre 1459. Hugues Fresneau donna 200 écus » pour la payer. 19 janvier 1460. Il en fallut encore (75°) » donner 40 pour les frais. Le tapissier avait nom » Brice d'Espaigne, demeurant à Paris. » XXXXII. « Ordonné qu’on fera faire trois pièces de tapisserie » de la vie de saint Maurille, pour mettre devant le » ]jubé, marchandée 120 écus. 4 février 1460, apportés » le 20janvier 1471. » Ici, Messieurs, s'arrète notre manuscrit qui nous fait connaître cinq noms, tant ouvriers qu’artistes, savoir : Pierre de Bourges, orfèvre; Jean Mogast de Tours, également orfèvre; Ponthus Jousseaume ou Jous- seaulme, habile facteur d'orques; Michel Heuse , adroit menvuisier, et Brice d'Espaigne, demeurant à Paris, ta- pissier renomme. Il résulte encore du dépouillement de ce manuscrit que l’ameublement de la cathédrale fut presque entiè- rement renouvelé, du XVe siècle au XVIe, et que la maîtrise de Saint-Maurice était, en ce temps, déjà fort remarquable , puisqu’elle possédait deux buffets d’orgues, un grand et un petit. Avec l’aide de cette statistique des reliques, il ne serait pas impossible , si jamais l’occasion sen présen- tait, de reconstituer l’ameublement de la cathédrale tel qu'il était au temps de René d’Anjou. Par tous ces motifs , nous vous proposons l’insertion de ces documents dans vos mémoires. V. GODARD-FAULTRIER. NOTICA SUR TYAULANDRT (MAINE ET LOIRE). MESSIEURS, Il y a déjà plusieurs mois, M. notre président vous a communiqué un opuscule de M. l’abbé Chevalier, ayant pour titre : Notice sur l’église et la paroisse de ‘ Vaulandry. Il vous a suffi de la lecture de quelques passages pour vous en faire apprécier la valeur archéo- logique et la véritable importance locale. Aussì, vous n’avez pas heésité à conférer à M. Chevalier , le titre de membre correspondant de votre Société; et afin de conserver, dans vos archives, le fruit de ses pénibles et consciencieuses recherches, vous avez voulu qu’un rapport recueillît les données les plus intéressantes de son mémoire. — C'est ce travail, Messieurs, que j'ai l’honneur de vous présenter en ce moment. Vous ne serez pas étonnés sì vous n'y trouvez pas la forme ordinaire du rapport, qui donne son appréciation, ses critiques ou ses louanges, à l’ouvrage dont il rend compte. La notice sur Vaulandry est une confidence de l’amitié; j'aurais craint d’étre indiscret, en la sou- mettant àunjugement public. Jai préféré me borner à vous en donner l’analyse sans, toutefois, consentir à n’étre qu’un servile observateur. Jai mis à profit de nouveaux renseignements dus à l’obligeance de l’au- (76 ) teur. Sur cet ensemble d’éléments , j'ai formé mon plan, enchaîné mes idées et mes déductions, avec cette liberté et cette indépendance qu'on se reconnaît toujours en présence des notes les plus complètes et les plus indispensables. Vous n’oublierez done pas, Messieurs , que tout le mérite de cette nouvelle notice revient à l’auteur du premier mémoire. Heureux si, comme Phédre, avec les matériaux d'Esope, j'ai pu rencontrer une facon qui ait rempli votre attente. Je vais d’abord, Messieurs, vous donner un apercu historique surla paroisse de Vaulandry, sur son origine et ses développements, auxquels J'ajouterai quelques- uns des faits les plus importants, qui ont marqué son existence particulière; puis, je consacrerai quelques mots rapides à la description architectonique de son église. Dans l’arrondissement de Baugé, entre cette ville et La Flèche, sur le bord d’une longue et étroite vallée , au milieu de bois, de sapinières et de landes, sur un sol hérissé de monuments druidiques à demi enfouis cà et là dans le sable, est situé le bourg de Vawlandry. Son origine s'’en va bien loin se perdre dans la nuit du passé, sans qu’aaucun document authentique soit venu porter la lumière de la certitude sur cet obscur berceau. C'est pour Vaulandry un sort commun avec la plupart de nos bourgades et plusieurs méme de nos villes. Mais plus heureuse que bien d’autres localités, celle qui nous occupe possède un nom caractéristique, des traditions, des ruines et, surtout, une médaille historique dans sa vieille église. A l’aide de ces élémentsvariés, peut-ètre ne sera-t-il pas trop pré- (77) sompteux d’essayer de soulever le voile du temps et de risquer quelques conjectures dont, après tout, vous aurez, Messieurs, a appr écier la valeur. Le bourg de Vaulandry ne serait-il point une villa romaine, établie au milieu d’une population gauloise, par un certain Landricus qui aurait désigné ce domaine par l’alliance de son nomavee celui de la vallée dans la- quelle il s'étendait , vallis Landrici, d’où serait venu, par une transformation graduelle, Vau de Landry, Vaulandry ? Quelque naturelle que me paraisse cette explication, je suis heureux, Messieurs, de pouvoir l’appuyer sur deux chartes latines tirées des archives de la Sarthe, qui désignent notre village par les deux mots que nous avons trouvés dans son étymologie. Voici ces deux pièces importantes dues è l’obligeance de MM. Salmon, antiquaire distingué de la Flèche. Dans la première, Odon de Gard transmet ses possessions de Vaulandry, dans le fief d'’Arnaud d’Annières, a l’ab- baye de Melinais, située dans le voisinage, sur la pa- roisse de Sainte-Colombe. Le texte porte : Odo de Gard dedit ecclesie B. Johannis de Melineio quid quid in parochia de Vallibus, de feudo Ernaudi de Anneriis habebat. Sans date.—La deuxième est plus précise encore. L’évèque d’Angers approuve cette donation en ces termes : Odo de Gard miles in nostra presentia dedit ecclesia Beati Johannis de Melenesio quid quid în parochia sancti Petri de Valle Landrici habebat. Egale- ment sans date. (Archives de la Sarthe). Une pièce éma- nant de l’évèché d’Angers, en date de 1520, contient aussi ces mots : In parochia sancti Petri de Valle Lan- drici. (Archives de Turbilly). (78) L'origine gallo-romaine de Vaulandry, que nous avons limidement déduite de la décomposition de son nom, tire , Messieurs, une nouvelle présomption d’une découverte faite réecemment à l’entrée du bourg , dans un champ, dit de la Roberdière. Ce sont des ruines devant lesquelles les antiquaires estimés, dont je vous lirai tout è l’heure les noms, n’ont pas hésité à re- connaître les débris d'une habitation contemporaine de l’occupation des Gaules par les Romains. — Les contours des murs indiquent parfaitement les di- vers compartiments d'une maison.— Ils sont de pierres entremélées de briques d’une grande dimension, s’en- boitant les unes dans autres parle renflement du bord sur l’un des còtés. On a trouvé dans cette enceinte un cercueil, des vases, des ustensiles de ménage, plu- sieurs pierres sur lesquelles étaient tracés des carac- tères, enfin une médaille de forme oblongue perdue par le fermier. M. l’abbé Chevallier a obtenu que les fouilles seraient reprises après la moisson, et il se promet d’informer votre Société des nouvelles décou- vertes qu’elles pourront amener. Si vous approuvez mes déductions, Messieurs, je ne craindrai plus d’admettre, au moins comme pro- bable, l'origine gallo-romaine de Vaulandry. La villa de Landricus était donc, dès les premiers siè- cles de l’ère chrétienne , un centre de population. Son importance ne tarda pas à s’accroître sous l’action du catholicisme, lorsqu'il edt apporté la lumière de l’évan- gile dans ce foyer de superstilion druidique, et élevé sur les ruines des autels de Teutatès, une chapelle au vrai Dieu, où les nouveaux fidéles , dispersés dans les environs, devaient venir remplir les devoirs de leur culte. (79) D’après l’inspection d’une partie de l’église actuelle, on ne peut douter que la foi n’ait été prèchée de très bonne heure dans ces contrées. Mais quel en fut'l’a- pòtre? Son nom, l’histoire ne le dit pas. Toutefois , je ne serais pas éloigné de faire hommage de cette con- quéte spirituelle à saint Aubin, un de nos évéques les plus illustres du siége d’Angers. Du moins, ce qu'il yade certain, c'est qu'une tradition vivante encore de nos jours, atteste son séjour dans une ferme de Vaulandry, appelée la Galonière, et conserve le sou- venir de ses austérités et de ses vertus, sous le voile naif de la légende d’une vache noire qui, souvent, dit- on. quittait le champ où elle était renfermée pour aller porter au saint le tribut de son lait. » Ce qui est certain encore, c'est qu'au commencement du XVI: siècle, une chapelle sous le vocable de saint Aubin, fut bàtie par Petronille Dos-de-Fer, comtesse de Tur- billy, sur cette méme ferme de la Galonière, à une grande distance de son chàteau et de l’église parois- siale, sans qu'on puisse assigner à cette fondation, dans l’isolement de la campagne, d’autre cause que la consécration de la tradition que nous avons rappe- lée, sinon méme l’existence d'une ancienne chapelle dont la pieuse chàtelaine aurait relevé les ruines. Si nous ajoutons à ces témoignages de la tradition et des monuments que le lieu de la mort de saint Aubin est, jusqu’à ce jour, resté incertain ; qu’aucune contrée ne revendique l’honneur d’avoir recu son der- nier soupir, nous ne craindrons plus de nous avancer trop, en disant que le petit bourg de Vaulandry, re- marquable par l’antiquité de son origine l’est en- core d’avantage par l’antiquité de sa foi et le sou- (80 ) venir des travaux et de la mort d’un pontife qui, s’il ne fut pas son apòtre, fut du moins son prédicateur le plus illustre. Du VI° siècle il faut d'un bond sauter au XV, pour renouerla trame silongtemps interrompue del’histoire de Vaulandry ; encore, Messieurs, dans une campagne retirée en dehors des grandes communications, vous comprenez que ces renseignements ne peuvent étre qued’unintérét tout secondaire et restreintàla localité. Aussijene vous dirai point toutes les transactions pas- sées à l’occasion de demarcations territoriales entre les propriétaires de Turbilly et les seigneurs voisins, les baux consentis, les.donations faites à l’église parois- siale, jeleslaissevolontiersd anslespoudreusesarchives de Turbilly,jene veux mentionner que la diminution dans le prix de ferme d’un moulin accordée au curé Robert Letournant, par le seigneur Jean Dos-de-Fer, parce qu'il se rattache à un fait de notre histoire na- tionale , et qu@’en attestant une fois de plus le séjour désastreux des Anglais dans notre Anjou, il constate la part de nos malheurs qui pesèrent alors sur Vau- landry. Le seigneur Jean Dos-de-Fer (les archives du chàteau), par convention passée devant la populace du lieu, diminue, en 1442, le fermage de son moulin de Turbilly et Ie réduit d 16 liv. de cent, à cause de la ruine faite par les Anglais. Ces affreux ravages, de nos ennemis d’outre-mer, ne sont point complétement effacés de la mémoire de nos villageois. Ils savent avec un ressentiment tout frangais, le nom du duc de Clarence, sa défaite sanglante auprès du Vieil-Baugé en 4420, par Guérin-des-Fontaines : Ils vous rappelle- ront les assauts livrés au chàteau de la Flèche, les (81) ruines de l’antique clocher de Sainte-Colombe dont les habitants avaient fait leur citadelle; à Vaulandry méme, on montre encore un champ qui, dii-on, renferme lesossements sans nombre des victimes d’un combatàoutrance où l’ondevait reprendre la revanche du Vieil-Baugé. Si vous n’étes pas trop pressés, on ne vous laissera pas que vous n’ayez vu, non loin de là, le Pas-de-Mule; c'est une énorme pierre qui porte l’empreinte d’un fer à cheval et « une nouvelle preuve du triste passage de l’ Anglais. » Dans la deuxième moitié du XVe siècle, en 1460, Petronille Dos-de-Fer, dernière héritière des Dos-de-Fer de Turbilly, s'éait mariée à un Frangois-Jean de Menou. Après la mori de son époux, au commencement du XVIe siècle, comme il appert de pièces émances de Francois de Rohan, évèque d’Angers de 1400 a 1509 (archives du chàteau), elle fit bàtir pour le repos de l’Ame de son mari ei de son pére, la chapelle de Saint-Aubin doni nousavons parlé plus haut. La générosité de la pieuse dame, ne s’en tint pas là, elle lui assura les ressources nécessaires à l’en- tretien d'un chapelain chargé de célébrer la messe deux fois la semaine. En faveur des populations éloi- gnées de l’église, dit expressément une charte épisco- pale commencant par ces mots : Anno millesimo quin- gentesimo vigesimo, des priviléges quasi paroissiaux avaient été accordés à cette chapelle. Le chapelain présenté par le chàteau, y était insialié avec tout le cérémonial curial. Les principales clauses de la fondation furent exac- tement observées jusqu’au XVII siècle, où saint Au- bin vit décroître son importance par suite de la per- mission que Francois Turbilly et Dre Madelaine de la b (82 ) Tourlandry, sonépouse, obtinrent, en 1606, de Charles Nisan, de faire acquitter les messes qui y étaient at- tachées dans la chapelle de leur chàteau dont ils ve- naient d’achever la restauration (1), pour la perdre bientòt complétement, lorsqu'en 1613, tous les privi- léges furent transférés à la chapelle de Turbilly, par une nouvelle concession épiscopale, accordée sur la demande du seigneur qui alléquait la distance des lieux, la difficulté des chemins et la santé de sa femme (archives du chateau). Dès lors, c’en fut fait de la glorieuse chapelle de Saint-Aubin, elle tomba dans un abandon presque complet; on n°’y disait plus la messe qu'’à la féte du patron et dans les circonstances extraordinaires. Respectée par la tourmente révolutionnaire , elle semblait n’avoir plus à craindre que la main du temps. Mais semblable, par sa commune conséceration, è cette basilique célèbre dont nous regretterons toujours la destruction pour notre cité, elle devait en partager les destinées; comme elle, en effet, elle a trouvé sa ruine dans les jours de la paix. Le comte Henri-Jacques de Gallvey, possesseur du chàteau de Turbilly, ne sut pas comprendre que la chapelle de Saint-Aubin était une relique inséparable du nom de Vaulandry. Mais revenons à nos anciens chàtelains. Au XVIII: siècle, une dispute sur des prétentions ou des droits seigneuriaux, mit toute la paroisse en agitation et en eémoi. Voici le fait : Louis-Philippe de Menou, homme d’intrigues et d’orgueil, si on en juge par les nombreux démélés qu'il eut avec les seigneurs du voisinage, se (1) Registres de la fabrique. ( 83 ) prit à revendiquer le titre de fondateur de l'église, et réclama en conséquence le privilége d’èétre proclamé et recommandé comme tel au pròne du dimanche. Le curé, nommé Boisard, dont la mémoire a survécu à plus d’un siècle, passant sur sa tombe, redoutant la tutelle du chàteau qui apprètait sans doute de nouvelles prétentions sur ses nouveaux titres, résista avec une fermeté invincible. Longtemps de part et d’autre, on se menaga, on éerivit, on compulsa les vieux parchemins ; les con- cessions, les duels d’autrefois, tout fut rappelé, dis- cuié, réfuté aussi, à ce qu'il paraît, car aucun des descendants de Philippe de Menou, ne recut, sur les registres publics, les titres si chaudement réclamés par leur père. M. Boisard nousa conserve cette querelle de paroisse et les motifs de son opposition, dans une longue note insérée aux registres de la fabrique qui, entre choses curieuses, nous ont transmis tous les noms des curés et des vicaires de Vaulandry, depuis 1600 jusqu’à nos jours. La note dont je vous parle est inscrite à l'année 1735. Je termine, Messieurs, cette trop longue partie de mon travail, par le récit d'un événement qui constate un vieil usage de nos pères, tombé en désuétude parmi nous, depuis lesréclamations, plus ou moins fondées, de la physique moderne. Je laisse parler M. Boisard; je suis heureux de lui faire l’honneur d’une citation : Le 48 juillet 1736, le tonnerre est tombé en feu sur le clocher de l’église et sur la partie de la nef proche le clocher, et il a décolé le coq qui était sur la croix du clocher. Il est tombé près de l’autel de saint Jo- (84) seph, sans blesser personne, quoiqu’il y eùt plusieurs personnes à sonner. L’église parut, après le tonnerre tombé, pleine de fumée, de sorte que ceux qui étaieni dans l’église et sous le ballet, ne se pouvaient voir, parce que la fumée dont l’église était pleine , sortaità plein la porte qui oiuvre sous le ballet. On n'a point de connaissance que le tonnerre soit jamais tombé dans cette église , ni sur le clocher. Ad majorem Dei gloriam. BoIsARD, prieur, curé. Je passe maintenant à la descriplion de l’église. Je vous prie, Messieurs, de ne pas oublier que nous sommes au fond d'une campagne. Le monument que j'ai à vous décrire, n'est ni la chapelle splendide du chàteau féodal, ni la basilique de quelque riche mo- nastère; c'est tout simplement une modeste église batie avecles deniers du pauvre, restaurée et entretenue avec l’argent du villageois comme vous l’avez vu par les vaines prétentions des seigneurs de Turbilly qui, tout au plus, de temps à autre, sont venus ajouter leurs offrandesauxsacrifices des fidèles dela paroisse.Sinous nous y arrétons quelques instants, Messieurs, c'est que l’on ne refuse jamais un regard à la médaille si fruste qu'elle soit, qui nous rappelle de vieux et précieux souvenirs. i Notre petit monument porte le cachet de quatre époques spécialement distinctes. Nous y trouvons des restes du VIe ou VII: siècle, et des parties des XIe, XHe et XVe. Inutile d’indiquer les réparations modernes as- sez distincetes par elles-mémes, notamment aux pi- gnons des chapelles. ( 85 ) M. Boisard, dont le nom vous est connu, nous at- teste avoir lu, avec une lunette d’approche, sur la croix qui est posée sur le pignon de la nef, au-dessus de la grande porte, ladate de roxt, sic (registres dela fabrique)» et il en concluait que son église était du XI° siècle. Mais les données archéologiques ne nous permettent pas d’accepter cette date d'une manière absolue, et nous qui sommes heureux de supposer cette église éle- vée sous l’inspiration de saint Aubin, nous persistons à n’y voir qu’une époque d’agrandissement et de nom- breuses restaurations. L’'église de Vaulandry, régulièrement orientée, ala forme d’une croix latine. Le cheeur et les deux cha- pelles sont terminés par des absides parallèles. Le clo- cher est assis au milieu de Ila croisée. Sa longueur totale est de 30 mètres, celle du transept, de 20 en- viron. La nef est un parallélogramme régulier de 17 m. de longueur sur 7 de largeur. C'est la partie la plus ancienne du monument. Elle me semble renfer- mer des constructions tout-à-fait primitives , surtout dans le mur méridional. Voyez-le : Il est percé de trois petites fenétres d'un métre sur 50 c., sans autres ornements qu’une archivolte extérieure de pierres sy- métriques; sur ses flancs, dans toute sa longueur, court un triple cordon de feuilles de fougère formées, noncomme d’ordinaire, avec des briques, maisavec des ardoises inclinées sur une aréte de tuffeaux. En face, au mur sepientrional , se trouvent aussi trois fenétres pas plus ornées, mais un peu plus grandes que leurs vis-à-vis. Les fougères du mur méridional sont rem- placées par le moyen appareil, dont les couches hori- zontales sont séparées par un filet de pierres d’ardoise ( 86 ) noyées dans la chaux. De ce còté, une porte sans co- lonnes avec un archivolte d’ornements reticulés, donne entrée dans l’église. Une chose que je né puis passer sous silence, malgré l’envie d’abréger, c'est encore cette nef surmontée d'une éminence de deux mètres environ de terres rapportées. Vous n’avez pas oublié que nous explorons un sol cher aux Druides; aussi prévenant ma parole, vous avez prononcé le nom de tumulus gaulois. Je confirmerai donc, Messieurs, en présence de ce monument, ce que j'ai avancé dans la partie historique de cette notice, que vers le VI: siècle, sur les ruines d’un temple payen, une chapelle chrétienne a été bàtie. Nous en aurions une relique précieuse dans notre mur méridional. Vers le VII: ou IXe siècle , il edt fallu reprendre cette ceuvre primi- tive qui, au XIe ou XIIe, aurait été agrandie par l’addi- tion du choeur et du transept. Entrons-y, plagons- nous sous l’arcade dela résurrection. C'est bien incon- testablement le roman sécondaire, dans le choeur du moins, le centre de la croisée et la chapelle du midi. Partout le plein cintre, aux arcades , aux voùtes, aux coquilles absidales, aux cinq fenétres du cheeur et des chapelles. Cependant la croisée du transept tran- che sur la simplicité que nos regards ont rencontrée. Il y a là presque du luxe , un dòme de 11 m. 25 c. de hauteur, abaisse ses retombées sur quatre colonnesren- flées à la tète et engagées dans les angles formés par les arcades de communication, qui font aussi porier leur archivolte sur de fortes colonnes aux chapiteaux légèrement ornés de feuillages et de figures grima- ganles. Les voùtes du choeeur, du dome et dela chapelle méri. (87 ) dionale, sont dépourvues de nervures, on ne les re- trouve que dans la chapelle dunord où elles's' épanouis- sent en filets cylindriques, à lavoùte principale comme a celle de son abside ornée de colonnettes pour les rece- voir. Vous le voyez, Messieurs , cette chapelle est plus élégante que son opposée; elle est aussi un peu plus grande. Une pointe d’ogive s’y laisse apercevoir à l’une de ses arcades. Cette chapelle me semble convenir as- sez bien au commencement du XII siecle qui aurait , en outre , doté notre petite église de sa porte principale. Avant de nous y rendre, si vous le voulez, faisons le tour du choeur, vous aurez dans son moyen appareil, dans ce cordon de zig-zags qui serpente horizontale- ment d'une ouverture à l’autre , et se relève pour en encadrer l’archivolte aux pierres symétriques; enfin, danscette bordure de modillons fantastiques décorés de dents de scie, une nouvelle preuve de l’époque que nous avons assignée dès le premier abord à ces cons- tructions. Nous sommes arrivés à l’entrée principale. Un mur uni, un gable légèrement en retrait surmonté d’une croix, une fenétre trilobée au-dessus de la grande porte. Voilà, tout à la fois, l’oeuvre des Xle, XII et XV° sièclesa Un mot de cette porte d'une architecture assez riche pour une bourgade isolée. De chaque còté trois colonnes avec leurs chapiteaux ornés de zig-zags, de tètes fantastiques et de feuillages, recoivent les triples boudins d’un archivolte ogival très Glancé. A còté de la porte, jetez un regard avant de pas- ser outre, sur ces deux pierres qui laissent apercevoir quelques traces de figures grimacantes. Un peu plus loin, voyez ces trois masques humains aplatis, qui se ( 88 ) touchent par le sommet, et encore cet agneau auquel le temps n'a laissé qu’un de ses pieds. Si je ne crai- gnais d’abuser du symbolisme, je vous dirais que ces deux dernières images m'ont fait penserà un emblème de la Trinité et à la victime du sacrifice. Il est difficile de vous intéresser par la description du clocher. C'est une tour énorme et incomplète qui fait peser sa masse quadrilataire sur le transept. Elle n’atteint pas la moitié de la hauteur destinée aux fenétres. Un éerasant chapeau en forme de poivrière lui tient licu de dòme ou de flèche. Le plan primitif n'a peut-ètre jamais recu sa complète exécution. Peut- étre, aussi, a-{t-il subi une démolition dans la guerre des Anglais. L’exemple des habitants de Sainte-Co- lombe (archives de l’abbaye de Melinais), qui sou- tinrent un siége dans leur clocher, a peut-ètre été suivi par les Vaulandriais. L’incendie en aura dévoré la toiture. De là, des ruines. Du moins, ce qui est in - dubitable à l’inspection des lignes tracées sur la tour, c'est que la charpente de la nef a été abaissée. Le XV° siècle a marqué son passage dans la fenètre trilobée du fronton. Le porche, au-dessus de la porte latérale, ne lui irait pas trop mal. Nous pourrions donc attribuer à cette période une nouvelle restaura- tion de notre antique chapelle, appuyée , è défaut de preuves péremptoires, sur des rapprochements his- toriques. Au milieu du retable du maître-autel, est encadré un tableau de la naissance du Christ, donné en 1661, par Jeanne de Chahamray , veuve du seigneur de Turbilly. A ses pieds s’ouvre le caveau funéraire qu'elle s'était préparé pour sa dernière demeure ici bas. L’impiété, ici comme partout, en a profané les (89 ) cercueils doublement sacrés. Et aujourd’hui il ne ren- ferme plus que les cendres des nouveaux propriétaires de l’antique domaine féodal. Puissent-ils ètre plus heureux que ceux dont ils 0c- cupent la place, et dormir en paix leur sommeil à l’ombre de la croix et de l’autel! Puisse aussi, ajouterons-nous en finissant, puisse, cette église de Vaulandry, toute modeste qu'elle est, conservée par d’intelligentes réparations, longtemps porter aux générations à venir un document authen- tique de l’antiquité de la bourgade qu'elle abrita dans son enceinte séculaire, un témoignage sensible de la foi de nos pères et une preuve de plus d’une des.plus glorieuses prérogatives de l’église catholique, la per- petuité. F. COULON, vicaire de Saint-Maurice d’Angers. e it Tae (90 ) UN ANTIQUAIRE DE MOINS. Lestoursromanesetles clochers gothiques ne consti- tuent pas exclusivement 1’ antique physionomie d’une cité. Elle a pour ruines vivantes, pour monumentis de chair et d’os ces personnages d’autrefois , perdus dans la génération actuelle qui, mesurant leur age à la brève durée de l'homme, s’étonne de les voir sur- vivre, etles trouve plus vieux que les clochers et que les tours. Ils ont des siècles parmi leurs années. Leur prestige se rehausse de toute la profondeur de l’abîme historique dont ils joignent les deux bords. Comme on ne lesa point vus naître, on les supposerait volon- tiers venus au monde avec cette expression étrange et reculée, sans y étre arrivés par la lente gradation des temps. S'en trouve-t-il parmi eux qui aient le culte des débris, ce reflet de l’homme par les choses, cette coincidence de deux passés en un produit une har- monie singulière. Ils ne sont pas plus tòt partis, qu’avec eux disparaissent une foule d’effets et d’as- pects qui n’étaient, en quelque sorte, que le mirage de leur personne. Angers comptait naguères un de ces types précieux. L'était un antiquaire. D’autres l’ont célébré déjà sur (91) leton grave du sujet. Quant à nous moinsjaloux, moins capables d’ailleurs d’une réalité une fois atteinte, si nous laissons flotter un peu de fantaisie à l’entour de notre héros, c'est qu’en outre du tact divinateur qui est comme l’art de la science, l’étonnante concor- dance de ses études et de ses moeurs, cette candeur d’émotions en contraste non moins saillant avec la vétusté de son air et de ses goùts , la portée de ses no- tions, la profondeur de ses souvenirs composaient une de ces figures sur lesquelles tombe d’aplomb le regard du romancier ou du peintre. Ses quatre-vingt-cinq ans lui donnaient quelque droit d’aînesse sur ses confrères. C'est le bel àge du reste; avant quatre-vingis ans sonnés on ne peut re- muer dignement la poussière des siècles. Jusque-là il n’y a que témérité et présomption dans les jugements d’un antiquaire. Dès ce moment il arrive à une vi- gueur d’intuition qui va se développant par une com- temporantdité croissante avec les monuments du passé; J'irais méme jusqu'’à dire, sans trop de paradoxe, que chez l’antiquaire la jeunesse se retourne , et ne fleurit abondamment qu’à cette extrémité de la vie qui est la vieillesse pour nous. Il faut un fond à un portrait. Le sien se détache sur un cloître de Genovefains.— 91 !.. Triste souvenir, dé- sertion fatale dont on voudrait rejeter toute la respon- sabilité sur les temps. Gloire à ceux qui surent main- tenir la sainte inviolabilité de leurs chaînes contre les sacriléges émancipations de la loi. Ici les regrets s'aug- mentent des habitudes d’une vie de célibataire et de leltré où se projette, jusqu’au bout, un vague reflet de la vie première. Les images a nimbes d’or, les vieux (92) missels, les inscriptions frustes, les vitraux symbo- liques, les chapitaux armoriés hantaient incessamment sa pensée, et recomposaient autour de lui les solitudes du monastère. On edt dit qu’'une force de prédilection supérieure è la logique du présent renouait la chaîne rompue, et le rattachait malgré lui au berceau de sa destinée. En sauvant de la hache , en recueillant dans ses bras les débris épars du vieux culte, il entendit sortir de leurs blessures plus d’un tendre reproche dont il a gardé le secret. Ce n'est point par hasard, ni sans un mot d’ordre tacite que les pierres de ces temples, asiles sacrés de nos aieux, convergeaient au- tour de son foyer pour y invoquer le droit d’asile. Vinrent des instants plus calmes où une dévasta- tion pacifique succéda à la fièvre des assauts précé- dents. Notre ville fatiguée de s’entendre appeler la noire fit appel au génie de ses architectes.—Ils l’exaucè- rent... Quelle fortune pour le cabinet d’un savant! Ce n'est plus dans le trouble , c'est en pleine sécurité dé- sormais qu'il procède à l’accumulation de sesrichesses. Il se résigne a jouir; sans applaudir au mal, il le tourne au profit du dépòt confié à sa garde par la pro- videnee des ruines..D’ailleurs la facon toute bénigne dont on procède à l’extermination du vieil Angers semble rendre ce pauvre passé moins à plaindre. Il poursuit ses recherches avec une opiniàtreté sereine que ne traverse plus la violence des &vénements. Abyssus abyssum! Qui ne dirait le mot derit à l’a- dresse des-antiquaires? Ils fouillent, et en frappant du pied et de Ja main, sous les ruines qu’ils interrogent ils entendent sourdre d’autres ruines. C'est ainsi qu'en serutant de siècle en siècle, celui-ci finit par se heur- . (93) ter de l’autre còté de notre ère au granit druidique et à l’appareil romain. Si l’ombre de Dumnac trouve encore à se reposer sur les peulvans de nos bruyères, le nom de César s’inscrit en caractères non moins fréquents sur le théàtre sanglant de sa conquòte. Il est surtout, è peu de distance de notre ville, un lieu célèbre où les observations de l’érudit se croisent avec les contemplations du paysagiste , enceinte pri- vilégiée , delta pittoresque et fertile dont la Maine fait un pan , la Loire l’autre, et dont Ie troisième s’appuie aux murs d’un retranchement romain. Le laboureur se plaint d’y ébrécher son pic à desfragmentsde briques et de poteries. Parfois il voit se rallumer à ses pieds, sous la rouille d'une médaille, l'oeil étonné d’un em- pereur. C'est là qu'il y a plus de cinquante ans, celui qu’en aucun temps de sa vie je ne saurais me résou- dre à voir jeune, vaquait à sa récolte sans concur- rents comme sanstémoins, et puisantà pleines mains dans cette mine inexplorée , réalisait le magnifique rève de l’abondance dans la rareté. Alors, comme des sequins tombés d’une escarcelle, des monnaies de quarante régnes, depuis Néron jusqu'a Julien, y reluisaient au soleil parmi les ronces. Au lieu d’anses et de tessons, des vases entiers émergeaient de ierre, attestant l’énergie primitive du sol. Et puis nous n'y sommes plus. Des improvisateurs de galerie croient faire ceuvre de maître de mille pièces amenéges sans relations ni précédents par la filibre des brocanteurs. Il n°y a, ou je me trompe, pour les monuments du passé , que deux patries; la patrie naturelle , — palais, temples, cryptes et caveaux où je les laisserais dormir dans la nuit et dans la pous- (94) sière ; la patrie adoptive, celle qu'au sortir de la première ils rencontrent entre des mains hospitalières sous le double bénéfice de la localité et du souvenir. Eussiez-vous à prix d’or rassemblé des quatre vents du ciel momies d’Egypte, idoles de Palenqué, mé- topes du Parthénon , lampes et reliquaires de Cologne, que le patient collecteur d'un musée de province formé des produits du térroir vous primera dans la vraie condition de l’antiquaire. Le nòtre étaitdeson temps. Il était aussi de son école. Nourri de la moélle bénédictine, il trouvait dans les textes une délectation supérieure au culte plus reten- lissant de la forme. L’effigie ne passait pour lui qu’après le titre. Il se pouvait aussi que tout ce tin- tamarre de phraséologie technique qui est devenu la langue du jour lui fàt un trouble, et qu'il se trouvàt plus à l’aise dans les austérités d’une étude où l’en- gouement de la mode ne le venait point inquiéter. Si jamais, dure épreuve qui lui a été épargnée, il eùt été mis en demeure d’échanger le petit sceptre d’ivoire du fou du roi René contre une page du chartrier de Saint- Aubin, c'est avec des sueurs de sang qu'il eùt con- somme cesacrifice, maisill’eùtinfailliblement consom- mé. Il tenait en sa main la fine fleur de nos archives. Qu’on juge de sa joie le jour où il fut désigné aux fonctions de bibliothécaire. Plus de trente mille vo- lumes, plus de six cents manuscrits; son logis sous le méme toit, dans un palais tout flamboyant de rin- ceaux, d’arcades et de tourelles. J'ai souvenir des hiboux qui sortaient le soir des trous de sa fenétre contigué à ma lucarne d’écolier, pour aller se perdre sur les remparts de la ville, à travers une masse de (95 ) marronniers. Dans ces heureuses conditions, tout s’enchaînait : l’érudit aux livres, aux ruines V’anti- quaire, à la solitude le studieux, la petite bibliothèque a la grande dont elle devenait ainsi le vestibule natu- rel,—aucuns disent le sanctuaire. Mais rien ne dure, et si, comme je persiste à le supposer, seize lustres entiers ne sont que jeunesse pour le savant, le public exigeant de mouvement et d’action trouve que pour le bibliothécaire c’est vieil- lesse. La retraite sonna, bien que du son le plus ar- gentin qui ait jamais sonné l’heure d’une retraite. Les adieux furent pénibles, et lente la migration. Qui croirait qu’un jardin se transplante plus lestement qu’une galerie! « Je ne saurais oublier, m’a ra- conté son successeur, homme capable plus que personne de mettre cette rare physionomie en relief, les initiations mystérieuses auxquelles ma prise de possession donna lieu. C’était l’hiver. Nous grimpions tous deux de grand matin à un immense galetas plein de livres empilés qui n’avaient de cases et de rayons que dans le cerveau du démissionnaire. Heure suprème où celui qui s'est vu le manuel vivant d’une vaste encyclopédie s’apercoit tout-à-coup qu'il y a en lui deux choses : le savant qui passe, la science iransmissible et dont il doit compte aux générations d’après lui. Japportais les volumes, et le vieillard procé- dait è leur recollement avec une lenteur fatidique. La verdeur de sa mémoire ne contrastait pas moins avec sa voix cassée, sa vue trouble et ses doigls trem- blants, que son ton bienveillant avec les répugnances instinetives que le dépouillement de lui-méme sem- blait lui inspirer. Le petit manteau de chauve-souris (96) dont ses épaules étaient couvertes, l’effet sur la poutre et sur les solives de la lampe agitée par le vent, les cris des chouettes que le pressentiment du jour chas- sait des marronniers dans les combles, tout jusqu'à cesgrimoires semés d’enluminures hiératiques dont il murmurait les textes à voix basse, répandait sur cette entrevue un reflet digne de Rembrandt. » Au soriir de sa résidence gothique, il n’avait qu'à choisir entre les tourelles et les pignons dont le vieil Angers se hérisse. Bien qu’aux deux tiers blanchie, la Ville Noire ca et là répond encore à son nom de guerre. Qui se croirait en l’an III de la jeune république, à voir s’enchevètrer dans la brumeles fantastiques gironettes du carrefourde l’évèché? Un chanoine d’autrefois serait plus dépaysé aujourd’'hui sur les stalles de Saini-Mau- rice que sous l’auvent où file, à l’ombre d’une treille, Ja chambrière de son successeuractuel. En vain la hache frappe; en vain le niveau passe et repasse; il y a des maisonsque l’on dirait germées d’un gland sur le ro- cher où elles s'appuient, qui rient de la menace, et la poitrine cuirassée d’ardoises plus luisantes que les 6cailles d'un dragon, semblent défier les ingénieurs. Devinez où il alla? — Dans une maison neuve, sur un boulevard hanté de flaneurs et de dandys, à deux pas du chemin de fer dont le sifflement vaigu allait remplacer celui des chouettes. Etait-ce indifférence chezce contemporain des sièclespourla date extérieure du logis? Etait-ce ambition de reconstituer le vieux monde sur le théàtre mème de ses plus rudes échecs? Toujours est-il qu’au lendemain de son installation la métamorphose était complète, le passé avait déteint sur les murs. (97) ‘On frappait : une servante identifiée au maître intro- duisait, avec mystère, le postulant dans une salle d’at- tente où les portraits des Dupineau, des Chopin, des Poc- quet, de tous les hauts bonnets du droit angevin au XVIe siècle, le déconcertaient de leurs regards. Cinq minutes de silence au bout desquelles apparaissait le vieillard tout saisi et de l’air troublé d’un alchimiste inferrompu durant l’opération du grand ceuvre. Excuses et saluta- tions marquées au timbre de cette urbanité scrupuleuse que loin de reproduire, la génération actuelle n’a pas méme la patience de supporter. — On montait au fer étage au fond duquel des cariatides en bois, plongeant dansle corridor sombre, nous rappelaient des quartiers disparus. —Le cabinet s’ouvrait : nuit close, jusqu'à ce que la clef tournant avec un bruit austère dans les cadenas des volets, l’irruption du jour vous faisait clore la paupière. Alors commencgait une minu- tieuse revue, siècle par siècle, des trésors entassés dans le cours de soixante années. Malheur à l’étourdì qu’un caprice du matin embarquait dans cette galère. Bon gré mal gré, il n’en échappait que le soir. Ici, point de distinction; le profane comme l’adepte, l’é- rudit comme l'écolier, passait par les honneurs d’un méme commentaire. Crescendo magnifique, vaste et profonde perspective dont l’effet grandissait à me- sure de l’éloignement. Tout défilait devantvous, depuis les chevaleresques hochets duroi René, en remontant la série de nos Plantagenets et de nos Foulques, jus- qu’aux cercueils gaulois, jusqu’aux haches druidiques, Jusqu'au petit sacellum romain, fleur et bijou de sa galerie. C’était son dernier venu, le fruit tardif de sa vieillesse , sorti radieux de terre aux heures de stérilité 7 (98 ) ct d'épuisement; par une singularité propre aux paternités de ce genre, le dernier venu était en meme temps l’aîné. Rendu là, le visage de l'archéologue s'irradiait, sonregard allaitet venait, réflétantleséclairs d’argent des masques de Minerve, des patelles et des cassolettes. Possesseur de tout le reste, il redevenait acquéreur à cet endroit. On assistait sur son visage A tous les incidents de celte exhumation mémorable, et en face du sacellum, le plus impressionné, le plus surpris, cen’était ni vous, ni moi, c'était lui-mème. Que de fois la sueur me vint au front de voir osciller dans sa main, qu’agitait une trépidation nerveuse, des plats de Palissy peuplés de lézards et de grenouilles, des ha- naps à contenir de l’ambroisie au lieu de vin. Et bien non! qui le croirait, après mille circuits effrayants, mille spirales vertigineuses, l’objet risqué finissait par retourner à son point sans la plus petite égratignure. Si le visiteur léger jurait qu’on nel’y reverrait plus, le visiteur sérieux y prenait volontiers racine. On s'é- tonnait de compter tout ce que le bon génie des vieux àges arrache de débris , par un mandataire vigilant, non seulement a la rage des révolutions , mais encore A la froide et plus inexorable persécution de l’indus- triel. On buvait là le souvenir comme l’oubli ailleurs; et quand pour vous soustraire aux hallucinations du dedans, vous mettiez le nez à la fenètre, les arbres de s'éclipser, les maisons de rentrer en terre, les murs de se redresser sur toute la ligne des boulevards,fossés aux pieds, créneaux en tète avec ce surcroît de vie que la pensée ajoute à ce qui n'est plus. Il n’avait qu’un défaut: c’'était un resserrement sin- gulier à l’endroit des communications historiques. On (99) parlait de ses manuscrits et de ses textes comme de choses merveilleuses entrevues par la serrure d’une porte dont nul que lui n’avait la clef. Deux causes, dont nous avons déjà touché la première, expliquent (et au besoin atténueraient) ce défaut : d’abord, la vul- garisation rapide, gràce au perfectionnement des mé- thodes et des systèmes, de ces notions qu’à lui seul il avait si laborieusement conquises; il était comme le piéton qui ne s'est levé avant le jour et n’a bravé soif et poussière, que pour voir défiler devant lui à fond de train, sur deux rails, lesvoyageurs de la douzième heure; ensuite la résolution bien arrétée de lever tous les doutes et d’éclaircir toutes les questions par une publication générale que la chimère du mieux lui faisait incessamment ajourner. En cela, il opéraitavec une confusion fatale et qui devait aboutir au néant de ses résolutions : celle de l’homme qui meurt après avoir réalisé son ceuvre dans les limites de son époque avec l’humanité qui ne meurt point, qui marche toujours, déplacant les limites et additionnant les ceuvres. De là cette solitaire et silencieuse incubation d’où il semblait toujours comme reveillé en sursaut à chaque coup de sonnette. Il notait, il notait; sa vue de plus en plus troublée se réfusait à déchiffrer les lignes de sa plume, à ce point que ses notes , comme l’a heu- reusement dit M. Godard, « formaient autour de lui une forteresse sans issue où il s'est trouvé littérale- ment muré. » A mesure que les années donnaient aux délais de la mort toutes les apparences de l’oubli , la procrasti- nation prenait chez le vieillard des proportions plus inquiétantes. Hier et demain devenaient les deux ( 100 ) termes de cette vie en quelque sorte suspendue , dont le moyen terme était enlevé. Mainte fois, dans l’hy- pothèse de quelque dénouement lointain, il avait en- tretenu ses amis du projet de léguer son cabinet à la ville; quandla mort vint le prendre, il devait terminer demain.Et l'on a beau chercher, l’on ne saurait trou- veraujourd’hui, dans cet amasprodigieux de titres et de chartes, une page parlaquelle le moissonneur impré- voyant assure l’avenir de sa récolte. Aux sceaux ar- moriés des chevaliers et des ducs le sceau du juge de paix se superpose. Les scribes de la loi écorchent ces procès-verbaux écrits par les greffiers de l’histoire sous la dictée des événements. Demain se disperseront aux clameurs aigres de l’enchère ces trésors indigènes qui empruntent leur meilleur lustre au voisinage du berceau. Faites donc des galeries? Victor PAVIE. (101) RAPPORT sUR LES TAPISSERIES DE LA CATHÉDRALE DE SAINT-MAURICE. MESSIEURS, Lorsque nous préparions ensemble le budget de 1850, je vous priai de grossir le chiffre alloué chaque année pour lesornements et le mobilier, eu égard aux réparations urgentes à faire à nos anciennestapisseries, sur lesquelles je désire en ce moment appeler votre attention. René Lehoreau, dans son précieux manuscrit (41), heureusement conservé à la bibliothèque de l’évé- ché, nous apprend que l’église cathédrale d’Angers était, aux fètes solennelles, la mieua et la plus propre en tapisserie, etqu'on ne voyait, depuis le haut jusqu'en bas, qu'une suite de l Apocalypse, ete (2). Et, en effet, la cathédrale possédait alors : 1° les magnifiquestapisseries, données le 17 octobre 1428 par Charles VII. Lehoreau nous en a transmis la nomen- clature d’après les mémoires du chapitre (3). C’étaient (1) 3 vol. in-folio, 1692—1717. (2) Tome 1, livre 1, page 53. (3) Tome 1, livre 1, page 52. (102 ) des sujets de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui commengaient à la chute des anges el se terminaient par les combats et les triomphes de l’Eglise militante. Le nombre en était considérable. 2° Une tapisserie de saint Maurice (4), que le cha- pitre fit faire en 1459 (30 octobre) pour mettre dans le choeur. Hugues Fresneau donna, le 17 janvier 1460, pour la payer, deux cents écus, somme énorme à cette époque. Il en fallut encore donner 40 pour les frais. Le nom du tapissier nous est parvenu : il se nommait Brice d’ Espagne et demeurait à Paris. 3° Trois tapisseries représentant l’histoire de saint Maurille. Le chapitre les fit faire pour mettre devant le jubé : Marchandées à 120 écus, le 4 février 1460, elles furent apportées le 20 1461 (2). 4° D'immenses tapisseries de 20 aunes sur 5 (24 m. sur 6) et représentant toute l’Apocalypse; présent du roi René , fors deux données par le duc de Bourbon, et une autre donnée le 29 mai 1490 par la duchesse de Bourbon et d’Auvergne, Anne de France, fille de Louis XI, mariée à Pierre II, seigneur de Beaujeu, duc de Bourbon (3). 5° Enfin, une tenture représentant les mystères de la Nativité de N. S., son baptèéme, l’Annonciation è N. D. et Ja Cène. Cette tapisserie avait été donnée par Jean Ollivier, évèque (4) dont nous avons le tombeau, et dont les inscriptions ont été heureusement conser- (1) Tome 1, livre 1, page 502, et tome 3, livre 5, page 7. (2) Tome 1, livre 1, page 502. (3) Tome 2, livre 2, page 125. (4) 1532-1540. ( 103 ) vées par Lehoreau (1). Puissions- nous voir un jour restaurer ce tombeau et tous ceux que renferme notre cathédrale ! Que sont devenues, Messieurs, ces magnifiques et immenses tapisseries? C'est ce que nous allons examiner, en commencant par les tapisseries de Charles VII. Nous lisons dans les Chroniques d' Anjou,t. II, p.155, Gdit. de 1842: « Peut-étre se trouve-t-il quelques fragments de cette tapisserie dans celles que possède l'évéché ? » Et ce doute, Messieurs, devient une affirmation dans l’Angers pittoresque. Mais il faut l’avouer, ce peut-étre , cetcetteattestation ne sont point, hélas! une réalité. Les tapisseries de Charles VII estimées 50 mille livres dans le manuscrit intitulé : [Imagerie , possédé par M. Mor- dret, sont perdues peut-ètre à jamais pour nous, et nousdevonsd’autant plus regretter cette perte, qu’elles Gtaient une preuve de la pompe et de la dignité avec laquelle le service divin fut tcujours célébré dans notre cathédrale. i Permettez-moi de citer Bourdigné. Troisième partie, chapitre XII : « Et cependant que le » roy Charles VII du nom résidoit à Angiers.... il fut... » grandement festoyé de la royne Ioland et de Mgr » Charles d' Anjou (2), son filz, et alloit tous les jours » icelluy roy Charles oyr le service en l’église cathédralle (1) Tome 2, livre 2, page 126. (2) Charles d’Anjou, décédé le 10 avril 1173, fut inhumé dans le choeur de la Cathédrale du Mans, où il reposa jusqu’en 1769, époque à laquelle Mgr de Grimaidi le fit transférer dans la cha- pelle de Saint-Jean-Baptiste, au lieu où on le voit maintenant. Note communiqueée par M., l’abbé Tournesac. (104 ) » de Mgr sainct-Maurice, prenanti pluisir à veoir l'é- » glise si solennellement servie (et aussi pour certain en » France n'a église où le service de N. Seigneur soit cé- » lébré en plus grant révérence, et les hymnes, anthi- » phones, pseaulmes... plus gravement pausées et accen- » tuées et les ecclesiasticques cerimonies exercées en plus » grant triumphe qu'en icelle). et pour ce, quant leroy fut » sur son partement , il fit present à icelle église di Angiers, » d'une tappisserie contenant l'Ancien et Nouveau Testa- » ment, laquelle l'on peult encore de présent veoir céans, » tendue entre le grant avutel et celuy de Mgr saint René. » Nous lisons dans Péan de la Tuilerie, queen 1778, elles Gtaient tendues dans les deux ailes de l’église. Ce fut l’évéque Michel Lepelletier qui les transféra en cet en- droit lorsqu’il fit subir au choeur de notables change- ments en 1699 (1). 2° Tapisseries de Saint-Maurice. Nous possédons peut-étre un précieux fragment de la tapisserie que fit faire le chapitre en 1459. On lit au bas: « Comment Mgr saint Martin (2) fit rendre à la » terre le sang de saint Maurice et de ses compaignons. » Cette tapisserie porte les armes du chapitre qui sont de gueule à l’escarboucle pommettée et fleurettée d’or (3). En 1699, la tapisserie représentant l’histoire de saint Maurice et de ses compagnons, était tendue autour du cheeur au-dessus des hautes stalles (4). (1) Lehoreau, tome 1, livre 1, page 53. (2) Lehoreau, tome 3, livre 3, page 7. (3) Lehoreau, tome 3, page 48-49. (4) Nous avons en vutre un fragment non moins curieux d’une tapisserie qui se rapporte à Ja légende de saint Martin. Ce frag- ment est du méme style que le précédent, et d'un tissu sem- ( 105 ) 3° Tapisseries de Saint-Maurille. Nous avons le bonheur de posséder, je pense, une partie des tapisseries dont parle Grandet dans son manuserit, et qui décoraient, de son temps, le jubé aux fètes solennelles avant le changement du cheeur (1). Mais ce n’est point certaimement une de celles qui furent faites en 1460, puisque la nòtre est dans le style de la renaissance. D’où il semble qu'on peut conclure que, les tapisseries de Saint-Maurille ayant disparu dans le pillage de 1562, par les calvi- nistes , la tapisserie actuelle aura été faite vers cette 6poque , pour remplacer les anciennes. 4° Tapisseries de l’Apocalypse (2). Ces tapisseries, qui jusqu'en 1699 avaient été ten- dues dans les chapelles et dans la nef aux jours de fète, furent mises en partie dans le choeur par Mgr Lepelletier, à la place de celles de Charles vir. A 1°é- poque de la construction des stalles (1778-1783). et depuis, sous l’épiscopat de Mgr Charles Montault, elles décorèrent de nouveau les chapelles. Lorsqu’on fit faire les confessionnaux, qui occupent la place des petits autels, elles faurent déposées à l’évéché dans une pièce concédée à lusage de la fabrique de Saint-Mau- rice. Portées depuis sur l’inventaire dudit évéché, elles furent rachetées par Mgr Angebault , qui les a blable. On lit : « Comment aulcuns payens avotent dédié au Diable » ung arbre de pin pourquoy saint Martin se submist de le re- » cepuoîr tout copé lui estant lié mais en faisant le seigne de la » crorx le dit arbre retourna sur iceuls payes et les oppressa grief= » memét. » (1) Lehoreau, tome 3, livre 3, page 7. (2) Tome 1, livre 1, page 52. ( 106 ) rendues généreusement à la cathédrale, privée depuis plus de 25 ans de ces précieuses tapisseries. Lorsqu’elles me furent remises, elles étaient au nombre de quinze, représentant 58 sujets tirés de VA- pocalypse, réunis 4 par 4, mais avec peu d’ordre et dans un état très peu satisfaisant; ce dont il ne faut nullement s'étonner. En effet cette tenture , quoique des plus magnifiques et des mieux travaillées suivant Péan, servit à préserver les orangers de Saint-Serges du froid et de l’injure du temps pendant la révolution ; etlorsque Girard, notre percepteur des chaises, alla les chercher avec le cocher de Mgr Montault, qui en ob- tint avec beaucoup de peine la restitution, on en trouva les débris relégués dans une salle basse et hu- mide de l’ancien séminaire, maintenant le Musée. Permettez-moi , Messieurs, de vous exposer ce qui a été fait pour la restauration de ces tapisseries. Jai commencé par les dédoubler et j'ai trouvé sous les doublures plusieurs sujets entiers et des fragments notables, dont la réunion habilement opérée por- tera notre collection de 58 sujets à 68, pourvu tou- tefois que nous trouvions des dames assez zélées pour nous aider dans cette entreprise. Un de ces sujets est marqué des lettres initiales de Louis I°, duc d’Anjou, et de Marie de Blois ou de Bretagne, aienx du roi René. Le fond rouge est en effet parsemé des lettres L et M d’azur entrelacées ; il représente le Dragon faisant la guerre à ceux qui observent les commandements de Dieu et l’on voit au milieu des combattants un des humbles enfants de saint Francois que le roi René affectionnait beaucoup. Vai trouvé en meme temps plusieurs fragments, marqués soit aux armes d’Anjou (107 ) soit de la lettre initiale de la mère du roi René. Cette heureuse découverte m’a un peu consolé de la perte irréparable d’un grand nombre de sujets et du mau- vais élat de beaucoup de ceux qui nous restent. Loin de me désapprouver, Messieurs, d’avoir em- ployé jusqu’à présent à ces réparations une partie des fonds destinés aux ornements, mobilier et dépenses imprévues, vous m’autoriserez, je l’espère, non seule- ment à continuer celte restauration , à la condition toutefois de me renfermer dans les limites tracées par le budget, mais encore vous appuierez ma demande auprès du conseil, en portant au budget de 1851 une somme spécialement affectée à cette destination. Cette demande, j'en ai la confiance, ne sera pas rejetée, si l’on fait attention que cette fameuse tapisserie de l'A- pocalypse qui, à en juger par les fragments qui nous restent, devait ètre composée de 720 mètres carrés environ, fut estimée dans le temps à la somme in- concevable de 200 mille livres (1) et que trois siè- cles plus tard, après une restauralion considérable , dont on voit encore beaucoup de traces, le chapitre y attachait un tel prix, qu'il arréta le 28 juillet 1780 de ne la pròter à personne pas plus que celle de Charles vu. Ainsì il parait qu'on avait toujours rempli reli- gieusement les intentions de ce monarque, consignées dans les mémoires dudit chapitre : ad perpetuam re- rum gestarum memoriam, est-il dit dans Lehoreau (2) et dont voici le texte : Volwitque idem Dominus Rea (Carolus) camdem tapisseriam adaptari benè et decenter ( 1) Angers pittoresque. (2) Tome 1, livre 1, page 52. ( 108 ) paramento ejusdem Ecclesie in festis solemnibus circà sanctuaria, ac inhibuit ejusdem tapisserie alienationem, concessionem sive prostationem cuicumque persone , corpori , aut nationi in evum fieri de eGdem aut aliqua ipsius parte et ordinavit super hoc fieri statutum..... L’ancien chapitre, qui, plus heureux que nous, avait pu conserver les belles tapisseries de Charles VII, ne devait pas attacher un moindre intérét à celles que lui avait léguées le roi René par son testament, qu'il es- cribvit de sa main en lettres d'or, enlumina et paignit , (Bourdigné) car de ce faire étoit il excellent maître. Voici la clause de ce testament daté du 22 juillet 1474 et rapporté dans les divers traités servant de preuve aux mémoires de Commines (tome 3 page 283) : Item donne et laisse à icelle église la belle tapisserie sur laquelle sont contenues toutes les figures et visions de l’Apocalypse. Et vous, Messieurs, qui savezapprécier la valeur denos anciennes tapisseries , vous ne regretterez pas d'avoir employé jusqu'à ce jour à leur restauration la somme de 500 francs, et vous ne serez pas surpris d’appren- dre que cette somme n'est à peu près que le tiers de celle qu'il faudra voter pour leur complète réparation. En autorisant ce surcroît de dépenses, qui pourra fi- gurer sur les budgets de 1851 et de 1852, vous me permettrez, jose l’espérer , de faire encadrer ce qui nous reste de la tapisserie très remarquable donnée par Hugues Fresneau , ainsi qu'un fragment plus considérable de celle qui fut donnée par Jean Olivier et qui représente la révélation de la naissance de St- Jean-Baptiste et la Visitation de la très sainte Vierge. Cette belle tapisserie ne porte plus les armes dudit évèque lesquelles étaient d’azur à six besans d'or, au ( 109 ) chef d’argent chargé d’un lion naissant , de sable, ar- mé et lampassé de gueule , mais elle présente le cachet de la renaissance et doit ètre une de ces tapisseries du Nouveau Testament qu’aux fètes solennelles on tendait au-dessus de la porte de la sacristie en face du tom- beau de René, avant la construction des stalles. Ces objets, bien propres par leur moyenne dimen- sion è étre encadrés , seraient placés très convenable- ment dans la chapelle sainte-Anne, élevée en 1466 par Hugues Fresneau lui-méme , et décorée naguère de belles peintures à fresque (1) exécutées, dit-on, par le roi René, qui de ce faire étoit excellent maitre, dit Bourdigné, et qui, suivant l’Angers pittoresque, était élève de Van-Eyck, inventeur de la peinture à l’hmile. Messieurs, les fresques de René ne sont plus; la pierre qui recouvrait les cendres de Hugues Fresneau repo- sant depuis 1472 au pied de l’autel de sa chapelle a dis- paru ; le tombeau de Jean Olivier est méconnaissable : que les tapisseries du pontife et du préètre viennent donc remplacer les fresques royales! Tel est, je n’en doute point, votre désir, telle sera votre décision qui obtiendra les suffrages des amis des arts. En ce moment, lesarchéologues demandent qne les noms des princes qui ont été inhnumés dans notre ca- thédrale soient gravés sur le marbre , afin que le lieu de leur sépulture ne soit plus en quelque sorte dans l’oubli. Lorsque ce projet qui a toutes vos sympathies sera exéculé , on voudra sans doute aussi perpétuer (1) Les douze apòtres présentant chacun sur une banderolle un article du symbole. Note communiguée par M, Moutardeau, (110) sur le marbre le souvenir, non seulement des véné- rables 6vèques qui reposent sous les dalles de ce temple que les uns ont élevé de leurs mains, que les autres ont enrichi de leurs dons , non seulement de tous ces pieux chanoines qui dans le silence de la tombe nous parlent par leurs bienfaits (1), mais encore de plu- sieurs personnages recommandables inhumés dans le saint lieu. En attendant le jour où il nous sera donné de réaliser cette pensée , nous pourrons exposer ho- norablement, dansla chapelle parallèle à Sainte-Anne, quelques tapisseries du roi René, dont les cloîtres re- cevront le complément aux jours de nos solennités, suivant l’intention formelle de Mgr Angebault; et alors lenom des princes, des évéques, des prétres bien- faiteurs de notre église sera souvent présentà la pensée des pieux fidèles : nomen eorum vivit in generationem et generationem (2). - JOUBERT, chanoine custode. N.-B. Ce rapport a été lu pour la première fois le 20 décem- bre 18459, dans une réunion du bureau de fabrique de la cathé- drale d’Angers, dans le but d’obtenir l’autorisation de continuer la restauration des tapisseries de l’Apocalypse. Favorablement accueilli, ce rapport, quelqu’incomplet qu'il fùt, devait rester dans les archives de la Fabrique; mais d’après le désir de M. le Président de la Commission archéologique, on en donna lecture à la réunion du mois de juillet 1850. (1) Defunctus adhùc loquitur. Saint Paul, Hébr. 11, 4. (2) Ecclésiastique 44, 14. (11) SODUYENTRS VISITE A L'’ABBAYE DE SOLESMES en Janvier 1851. na 0-1) corr —___ MESSIEURS, Ce ne sont ici que des nouvelles d’anciennes con- naissances dont je viens vous rappeler le souvenir. Une favorable excursion m’a conduit dans le dépar- tement de la Sarthe, vers la petite ville de Sablé, et il devenait dès lors impossible de ne pas céder à l’attrait d’une visite è l’abbaye de Solesmes. Cet antique mo- nastère, contemporain de la première croisade et ho- noré bientòt parla présence d’Urbain II , pontife fran- cais, qui fut l’ardent promoteur de cette croisade, est demeuré longtemps délaissé parle malheur des temps, mais depuis environ vingt ans il a repris sa physio- nomie et sa destination primitive, sous l’action répa- ratrice d’une régénération énergique et puissante (1). (1) Par lettres apostoliques en date du 1°" septembre 1837 , Grégoire XVI a grigé le prieuré de Solesmes en abbaye régulière de Saint-Benoît, et établi une congrégation du méme Ordre dont l’abbaye de Solesmes sera la maison-mère. Le Père-Abbé Dom Guéranger est le Supérieur général de la Congrégation. (152) Les impressions personnelles de celte visite et une page inédite que j'en ai recueillie, sont le tribut que je me plais à vous offrir en peu de mots. Je dois exprimer d’abord combien on est pénétré de gratitude à l’accueil plein d’urbanité qui vous est fait par les nouveaux bénédictins de Solesmes. Tous ceux que j'ai eu le plaisir de' voir et d’entendre, laissent un gracieux souvenir de leurs manières dignes et affables, ainsi que de leur agréable et instruc- tif entretien. La trop courte conversation qu'il m’a été permis d’avoir avec le supérieur, Dom Guéranger, m’a fait vivement regretter de n’avoir pu la prolonger davantage. Mais ce que je savais de l’excessive fatigue accumulée sur le révérend père abbé par ses savants labeurs, m’a fait une loi de ma juste réserve. Toute- fois, les rapides détails que Dom Guéranger m’a donnés sur une partie de son voyage à Rome, ont été recueillis avec bonheur. Jai appris de lui que son dessein est de faire prochainement un nouveau voyage à la ville éternelle, et je ne mets pas en doute qu'il n’ait pour but l’intérèt de l'Ordre dont il estle digne supérieur. Après avoir quitté le docte prieur, j'ai parcourù; sous l’officieuse conduite du père hòtelier, la bibliothèque, située au premier étage, dans un long corridor sur lequel ouvrent les portes des chambres des-*pères. Cette bibliothèque, qui m’a paru parfaitement classée, est riche en ouvrages curicux et rares «parmi lesquels Jai remarqué Je prodigieux travail des Bollandistes qui manque è plusieurs grandes bibliothèques, et notamment à celle d’Angers. Jai vu aussi Je grand recucil des ceuvres générales des bénédictins et l’on- (113) vrage particulier en dix volumes d’une savante béné- dicline. Après ces ceuvres et un grand nombre d’autres qui leur sont analogues par l’époque et par la science, on trouve une collection d’ouvrages modernes d’un choix parfait. Plusieurs importants manuscrits sont aussi réunis dans une armoire parliculière. On ren- contre enfin sur les murs d'un corridor contigu à celui de la bibliothèque, plusieurs grandes cartes géographiques fort détaillées , et d’une très exacte pré- cision, ainsi que les plans parfaitement dressés de Rome ancienne et de Rome moderne, objets qui m'ont paru, surtout le premier, d’un haut prix et d'une incontestable utilité. — La communauté s’oc- cupe de recherches sur les origines de l’église ro- maine et en général sur lhistoire ecclésiastique. Les nouveaux Bénédictins manquent d’un secours suffi- sant pour continuer, selon leur premier dessein, la Gallia christiana, travail qu'il serait très important de poursuivre. Les subventions généreuses que les gou- vernements accordeni souvent à des remuements de sable et de pierres , pourraient quelquefois s'appliquer avec plus de fruit à ces laborieuses investigations qui tendent à multiplier ou à achever des monuments intellectuels. Avant de quitter l’intérieur du prieuré pour me rendre à l’église, je dois dire que la situation de ce monastère m’a paru délicieuse. La Sarthe dont, sur ce point, les rives sont tout à fait pittores- ques et enchanteresses, roule ses bienfaisantes caux au pied de cette demeure hospitalière , et sert à arro- ser un vaste jardin où les religieux viennent prendre chaque jour un court délassement à ces longs et sa- lo (114) vants labeurs, qui, de tout temps, ont été le glorieux apanage,du nom bénédictin. Une galerie couverte, siluée au rez-de-chaussée, et qui règne autour d’une assez grande cour carrée, au centre de laquelle est aussi un petit jardin ou tapis vert, favorise et protége la promenade de récréation des religieux dans les jours de pluie. C'est en quittant cette galerie que l’on entre dans une petite salle de réception où se tient habituellement le père hòtelier. Je fus conduit par lui à l’église, où j'avais hate de me trouver, pour admirer les saints chefs-d’oeuvre qui lui forment une si riche et si élégante guirlande. La fon- dation de cette église, bàtie sur l’emplacement de la première qui avait été construite en mème temps que le prieuré, en 1010, neremonte qu’au xrv° siècle. Elle estd’une grande simplicité et d'une médiocre éten- due. Son architecture présente la forme d’une croix latine. Les deux chapelles qui forment les bras de cette croix , reuferment les précieux groupes désignés sous le nom de Saints de Solesmes.1l ne m’appartient point d’apprécier les détails artistiques de ces diffé- rents groupes; ce ministère a été déjà rempli avec beaucoup de succès par des hommes éclairés et com- petents en l’art statuaire. Pour moi, je dois me bor- ner à rendre tout simplement compte de mes impres- sions personnelles. Ainsi, m'étant avancé avec l’obli- geant bénédictin qui voulait bien me servir de guide, vers la chapelle de droite, je fus averti par lui que la plus grande partie des objets d’art qui le décorent ap- partient à la période du xv° siècle. Je vis d’abord l’en- sevelissement du corps de Jésus-Christ. Cette scène imposante et grave vous pénétre d’un profond senti- (445 ) mentde respect et de tristesse; à la vue de cette auguste victime, une sorte defrisson saisit et parcourt vos sens. La Sainte Vierge, saint Jean, Joseph d’Arimatbie, Nicodéme et deux saintes femmes forment le princi- pal groupe autour du linceul où se trouve étendu le divin rédempteur. Il s'exhale de ce glorieux tombeau un parfum de saintelté qui pénètre l’àme, et il en surgit le réveil d'un douloureux sentiment qui serre le coeur. Sur le devant et au premier plan, aux pieds de Jésus, se trouve une femme assise et plongée dans une extatique méditation ; l'on vient de voir Jésus- Christ mort, la Sainte Vierge en défaillance sous le poids naturel de sa douleur; celle-ci vit, elle semble respirer sous l’inspiration d’une religieuse mélancolie et d’une fervente prière; cette femme, que la pensée de l’artiste a si bien douée de sentiment et de vie, est la belle Madeleine, belle ici surtout par le plus beau còté, le còté de l’àme, de cette àme dont on dirait lire l’expression sur cette suave figure qui vous cap- tive si puissamment; j'ai cru un instant distinguer les secrets et cruels battements de ce coeur se faire jour à travers les plis onduleux de la robe. J'ai re- mercié l’art catholique d’avoir produit un si beau type, etje me suis incliné devant cette sublime scène qui est réellement, là, d’un effet saisissant. La partie supérieure du monument présente la vue du calvaire avec toules ses parties accessoires; mais la distance et un jour assez obscur dans ce moment, comme il le fut à cette heure à jamais néfaste , à V’ins- tant réel du sacrifice, ne m’a pas permis d’en analy- ser suffisamment tous les détails. Si nous passons maintenant devant l’autel qui est { 116 ) situé A cette aile droite, nous trouvons au-dessus et derrière le tabernacle de cet antel, au premier plan d'une sorte d’enfoncement ou de grotte, la Sainte Vierge qui tientle corps inanimé de Jésus-Christ; Vex- pression douloureuse de Ja Vierge est inénarrable. Cet autel est en fort grande vénération dans la contrée , et est indiqué sous le vocable de Notre Dame de la Pi- tié; on voit sur les còtés deux stalues fort estimées des connaisseurs, dont Vune, celle de saint Pierre, la tiare en téte et tenant les clés divines, est certainement remarquable par le fini et la perfection des détails du costume; l’autre, celle de saint Paul, est digne aussi d’ètre appréciée aux mémes titres. Contrairement à mon désir, le temps me presse etje suis obligé d’abréger mon intéressant examen; nous passons, en nous inclinant, devant le maître-autel où l’on est surpris d’abord de ne pas voir de tabernacle, mais en levant les yeux, on apercoit une énorme crosse dorée qui surmonte perpendiculairement le centre de l’autel, au sommet de cette crosse, se trouve suspendue sous un petit dais en forme de cloche dorée aussi, une colombe en argent; cette colombe est ereuse et renferme les hosties consacrées; elle des- cend sur l’autel parle moyen d’un cordon contenu dans l’intérieur de la crosse. Cette voie ingénieuse de faire descendre et remonter ainsi l’Esprit saint et les saintes espèces, m’a paru très bien imaginée et en parfaite harmonie avec l’idée religieuse et sacramentelle. Au- dessous de ce maître-autel et en descendant quelques marches d'un escalier en spirale, on arrive à un petit sanctuaire où sont renfermées les reliques de saint Léonce, rapportées de Rome par Dom Guéranger. ©4175) Jetant un rapide coup d’eeil sur l’arrière choeur re- servé aux religieux bénédictins , dont la boiserie m'a paru d’un travail et d'un goùt remarquables, nous passons aussitòt aux richesses artistiques qui décorent la chapelle de l’aile gauche. Ici tout appartientà l'art du xvie siècle, c’est l’aurore de la renaissance. Cette partie des ceuvres merveilleuses de l’église de Solesmes a été attribuée d’abord à Germain Pilon, artiste du xvI° siècle et originaire du village de Houé, peu dis- tant de Solesmes; mais cette opinion ne s’est pas con- firmée, ei, d’après des renseignementis plus vraisem- blables, on a reporté le mérite de cette composition è trois Italiens qui l’auraieni accomplie sous la direction de Dom Bougler, alors supérieur de l’abbaye. C’était en effet alors l’époque où les rois Francois 1°, Henri II et leurs successeurs, ainsi que les grands de France appelaient auprès d’eux les beaux-arts d’Italie. Il est donc tout naturel de penser que quelques-uns de ces artistes consacrèrent leur beau talent à décorer l’église de Solesmes. Cependant l’opinion de M. Maindron qui est d’une grande autorité, est formellement prononcée contre cette hypothèse. M. Maindron croit que les groupes de Solesmes sont l’aeuvre de sculpteurs francais et particulièrement les sujets de la chapelle de droite qu'il attribue au ciseau de Michel Columb, auteur de la statue de Francois II, duc de Bretagne , que l’on admire à la cathédrale de Nantes. Bien que nous ne puissions point juger en connaisseurs ce point délicat, notre juste confiance en M. Maindron, d’accord avec notre amour-propre national, nous incline naturelle- ment vers l’opinion formulée par lartiste distingué (118 ) que nous venons de citer et que nous croyons par- faitement apte à décider du fait. Ce qui se présente à nos regards de ce còté appartient à un trait de la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ. C'est l’enfant Jésus sous un portique du temple de Jérusalem, qui, après avoir étonné par sa sagesse les docteurs d’Israel, se lève pour sourire à Marie et à Joseph qui, inquiets de sa disparition, arrivent pour le chercher. Ce groupe est fort curieux et nous at- tache par sa charmante et suave naîveté. Après en avoir admiré les différents détails, nous dirigeons notre attention vers le sujet qui est situé immeédiate- ment au-dessus de l’autel de cette aile gauche, nous assistons là à une autre scène mémorable , celle de la pamoison ou du trépassement de la Vierge. Marie est à genoux et paraît recueillir toutes ses forces pour recevoir la communion de la main du Sauveur qui vient la visiter, et lui présente le pain eucharistique. Saint Pierre et saint Jean, ce dernier à genoux, sou- tiennent la Vierge en lui prodiguant tous leurs soins. Six autres apòtres assistent à cette scène avec tous les signes de la plus profonde vénération. Sur le devant se trouve un respectable vieillard tenant dans ses mains un livre ouvert sur les pages duquel on a tout récemment déchiffré les lignes suivantes dans l’ordre que j'indique : virginis accipe obdormiti hoc, chara oni Jesus mea , quod mox occurrit complebo tibi dansq ill uno cum sancta dixit. patre meo (119) Le religieux, aussi instruit qu’obligeant, dont j'a- vais la bonne fortune d’ètre accompagné, et que j'ai su depuis ètre le père dom Renom, a inscrit lui- mén:e sur mes tablettes, les termes de cette récente découverte, jusqu’à ce jourinédite , et obtenue depuis peu a l’aide d'un habile grattage et de beaucoup de soins. Il me fit aussi remarquer que le bras de Jésus- Christ qui présente la sainte hostie avait été cassé, et la statue était demeurée longtemps ainsi mutilée, mais elle a été nouvellement rétablie dans son premier état. Cette restauration m’a paru dignement opérée et elle ne laissera plus rien à regretterà l'oeil lorsque la blancheur de la partie du bras remis aura été bru- nie par le temps. A droite et à gauche de l’autel, sont placés deux vénérables personnages des premiers temps dela chrétienté; ce sont saint Denis l’aréopagile, sénateur d’Athènes, converti par saint Paul, et saint Timothée , disciple chéri de l’apòtre des nations. Actuellement, bien que nous ne puissions expri- mer, en quelque sorte, que les linéaments de nos impressions, il nous reste a examiner trois autres sujets très précieux et relatifs à la suite historique des grandes destinées dela Vierge. Ces sujets se présentent séparément a l’entour, au-dessus et au-dessous de ce- lui que nous venons de retracer. Recueillons-nous d’abord à l’ensevelissement de la Vierge. Emu ici par un sentiment que je n’ai ni prétention ni qualité à dire artistique, mais que je puis définir en moi l’inef- fable puissance de l’élan du coeur, je suis demeuré en longue admiration et en extase devant cette Vierge au tombeau si saintement endormie , si délicatement posée et drapée avec une si chaste élégance; je ne (120) pouvais m’arracher à la contemplation de cette figure céleste qui semble se raviver aux traits de la mort. Saint Pierre et saint Jean se retrouvent à cette scène de deuil; on y remarque aussi saint Jacques, frère de Notre Seigneur, qui paraît s'incliner avec résigna- tion devant les hautes volontés du Tout-Puissant. Mais en vérité, en voyant l'image de cette sublime eréature, la plus belle, la plus pure, la plus parfaite de toutes, représentée à ce moment solennel, on y lit sous l’influence du génie chrétien qui a inspiré l’artiste dans l’admirable pureté de la forme, que c'est pour elle le commencementi d’une gloire infinie et Gternelle; le Magnificat revient à la pensée et aux lèvres et l'on se persuade aisément que, pour ce corps virginal et sacré, pour celle qui était élue la reine des cieux dans les suprèmes desseins de l’Eter- nel, ce sont des chants de joie et de bonheur qui ont dù accompagner son angélique itinéraire de la terre au ciel, On n'a en effet qu’à lever les yeux pour trouver au- dessus le sujet de l’Assomption de la Sainte Vierge qui s'élève des fumées de la terre aux limbes éthérées du bienheureux séjour. L’aspect général de cette scène est saisissant, il vous entraîne, il vous ravit, il vous enlève en vous unissant presque au celeste cor- tége. Les délicieux détails qui se joignentà l'ensemble de ce groupe, sont d'une gràce et d’une légèreté de touche au-dessus de l’expression. Nous arrivons à la fin de cette histoire sans pareille et d'un caractère si merveilleux et si solennel en abordant le sujet voisin qui retrace la glorification de la Vierge. Cette scène fort étendue et très compliquée (124) se refuse presque à l’analyse; elle présente une série d’allégories et de mystères dont le fond est puisé dans le livre de l’apocalypse. Marie est représentée rayon- nante de sa béatitude sans égale, et tandis que deux petits anges posent sur sa téte la couronne immor- telle, elle remercie du regard et du geste les Vertus qui l’entourent et sur lesquelles elle s'est appuyée pour monter au degré de gloire incomparable. Ce sont la Prudence, la Justice , la Tempérance, l’Humilité, la Foi, lEspérance et la Charité. Ces vertus réunies en Marie, demeurent victorieuses du grand dragon qui est représenté avec ses sept tétes, et sur la croupe du- quel est assise la prostituée de Babylone, avec tous ses vices immondes, qui paraissent ici foudroyés et caicinés. Parmi les erreurs personnifiées qui sont ainsi terrassées, et vaincues, se trouve, d’après l’o- pinion de mon obligeant cicerone, si je l’ai bien com- pris, une allusion décochée en coup de flèche à l’a- dresse de la prétendue réforme qui venait alors de poindre. C’était pour la statuaire prendre là, selon nous, une initiative clairvoyante et sage. Si, comme il est possible c’est dans l’une des inscriptions explica- tives qui accompagnent diverses parties de ce groupe, que se trouve l’allusion indiquée , le coup de fronde n’en serait ni moins habile, ni moins diligent. Au point de vue où je me suis placé, j'ai le regret de passer sous silence les bas-reliefs, les frises, les colonnes, les arceaux, les entablements et en géné- ral les ornements d’architecture et les gràcieux dé- tails de fantaisie qui forment l’encadrement de ces groupes précieux. Jai essayé de donner une idée générale des parties principales des chefs-d’aeuvres (122 ) réunis dans l’église de Solesmes, mais il est facile de voir que je me suis étendu plutòt sur ce que je me permettraiici de nommer l’esthétique morale, que sur la critique matérielle et descriptive de l’art. J'ai rendu hommage au talent créateur qui a animé et fait pal- piter, en quelque sorte, ces pierres qui semblent parler a la fois à l’eil, à l’esprit et au coeur; j'ai dà recon- naître, dans l’inspiration chrétienne qui a produit un pareil effet, le véritable catactère du beau, dégagé de ce sensualisme paien qu’imita trop la Renaissance. Ainsi, lorsque des types célestes tels que l’homme- Dieu, la Vierge-mère, les anges, les saints et saintes, semblent, au souffle du génie, respirer avec tout l’i- déal de leurs attributs sacrés , et joignent è la fidélité d’expression de leur auguste caractère , toute la beauté de la forme, je salue l’art appliqué avec un aussi rare bonheur d’exécution aux sujets les plus sublimes, et élevé par cela méme a sa plus haute puissance. Voilà tout le secret de mes impressions sur ma visite à l’ab- baye de Solesmes. Je m’estimerai heureux, Messieurs, sì J'ai pu vous les faire partager. M. TEXTORIS. Lu à la Société d’agriculture , sciences et arts d’Angers. Séance du 14 février 1851. DES RACES BOVINES INDIGÈNES ET DE LA RACE DURHAM , Considérées dans leurs rapports avec le mode d’exploitation agricole, adopté dans les pays d’elève de l’Ouest de l’Anjou, et au double point de vue de l'abondance de la viande ei du moindre prix auquel elle peut étre obtenue par l’éleveur. Depuis quelques années la solution du problème de la vie à bon marché a été présentée comme devant éètre le fondement le plus certain du bien-étre auquel le peuple doit prétendre. On a beaucoup dit, beau- coup écrit sur ce thème, et ainsi qu'il arrive souvent lorsque se produit une formule qui semble porter en elle les germes d’un meilleur avenir pour l'humanité, . celle-ci a été accueillie avec un enthousiasme philan- thropique qui n’a pas laissé le temps de rechercher préalablement dans quel concours de conditions com- plexes on peut admettre l’existence de la vie à bon marché pour la généralité des citoyens, généralité qui seule peut étre considérée dans un sens vrai et natio- nal comme constituant le peuple. On a donc, sans plus d’examen, pris le bien-étre fondé sur la vie à bon marché dans son sens le plus littéral, le plus maté- riel, et, pour beaucoup, qui n’écoutaient que les ins- pirations du coeur en face de misères profondes qui appelaient de prompts et énergiques remèdes , la vie (124 ) a bon marché ne parut consister que dans l’abaisse- ment du prix des denrées alimentaires et des autres choses nécessaires à la satisfaction des besoins phy- siques. Nul ne parut supposer que si bas que soit le prix d’un objet de première nécessité, encore est-il re- lativement trop élevé pour celui qui ne retire pas un revenu suffisant de son travail ou des capitaux que lui a laissés le travail de ses pères , et que par contre sì le travail actuel ou les revenus d’un travail anté- rieur fournissent amplementaux achats il y aura plus d’aisance et de bien-ètre chez le consommateur comme chez le producteur, qu@’en un mot la vie à bon mar- ché n’a rien d’absolu, mais résulte uniquement d’une relation mutuelle et justement équilibrée entre les moyens d’achat et ceux de production. Cette vérité fut d’ailleurs depuis longtemps comprise ainsi par les économistes du dernier siècle, qui faisaient dépendre l’aisance générale de la plus haute valeur des produits naturels du sol. Déjà nous avons traité une des faces de cette question dans le mémoire sur les céréales et les souffrances de agriculture qui les produit que nous avons eu l’honneur de soumettre à la Société dans sa séance du mois d’aoùt 1850. Nous ne voulons pas au- irement en parler aujourd’hui que pour constater que ce fut particulièrement sous l’empire de cette idée trompeuse d’obtenir la vie à bon marché par l’abais- sement du prix absolu des denrées alimentaires , que l'on préconisa avec un entraînement qui s’explique par la direction qu’avait prise alors l'opinion , l’intro- duction de la race Durham, et que tous les efforts des associations agricoles se réunirent à ceux que fit l’Etat pour déterminer la substitution de celle race à nos (125 ) vieilles races francaises , mèéme aux mieux appropriées aux besoins de l’agriculture productrice des céréales et aux facultés fourragères des contrées où elles s'6- taient le plus améliorées, et avaient obtenu un en- semble de qualités incontestables comme bètes de travail et bètes de boucherie. Voici à cetégard quel fut le raisonnement. La race Durham, sous un méme volume, a plus de viande de choix et posséde une aptitude à prendre la graisse qui permet de la livrer à la boucherie dès l’àge de 4 ans, tandis que l’engrais des races indigènes ne se termine guère avant 5 ou 7 ans. On pourra donc, en la leur substituant, nourrir un tiers environ d’animaux de plus pourla boucherie. Le fermier s’enrichira par une production plus abondante tandis que l’accroissement de la masse des subsistances réagira sur les prix et mettra la consommation de la viande a la portée d’un plus grand nombre de personnes : producteurs et con- sommateurs y gagneront. C’était beau, c’était séduisant, mais malheureuse- ment ceux qui se laissaient prendre à ce que ce rai- sonnement avait de spécieux, avaient totalement né- gligé d’en discuter les éléments. Suppléons-y, s’il est possible en recherchant quel doit ètre pour le produc- teur le moindre prix de revient du boeuf d’élève propre a l’engrais soit dans la race mancelle, la 11° et la plus répandue dans l’ouest de l’Anjou, soit dans la race Durham. Si nous parvenons à reconnaître quelle viande l’éleveur peut livrer à la fois à meilleur compte et en plus grande quantité, nous approcherons sans doute beaucoup de la solution. Nous ne chercherons pas à établir nos calculs à (126) l’aide de chiffres; il suffira sans doute de préciser les résultats généraux mais nécessaires de l’élevage des deux races, et, de les rendre assez facilement com- paratifs, pour que chacun puisse en induire la préfé- rence que l’on doit accorder à l’une ou à l’autre. Nous nous bornerons, pour nous faire mieux com- prendre à supposer une ferme marchant avec le meil- leur mode actuel d’exploitation, c’est-à-dire, qu'une partie des terres y soit soumise a un assolement al- terne que j’appelerai éclectique parce qu'il varie selon les besoins du moment et s’exerce tantòt sur une por- tion des terres, tantòt sur une autre, mais dans lequel la production en fourrages ne puisse plus varier, et nous admettrons que cette ferme nourrisse 4 cheval et 21 bétes à cornes. Avant d’aller plus loin faisons observer que nos cal- culs sont basés surtout sur ce qui se passe dans l’ouest du département de Maine et Loire, comprenant l’arron- dissement de Segré, plus de la moitié de celui d’Angers, et une moindre portion de celui de Baugé, pays où l’on se livre spécialement et exclusivement à l’élevage des bétes à cornes et qui par ses célèbres foires du Lion- d’Angers, de Segré et de Champigné peuple les her- bages de la Normandie en méme temps qu'il fournit aux étables de la Vendée : nous ne voulons parler que de ce que nous connaissons personnellement , mais nous ne doutons pas que ce que nous allons dire ne soit vrai, sauf de légères modifications pour d’autres contrées. Nous supposerons ce bétail réparti comme suit : Vaches portières et laitières. . . . . 5 0 EE, AMS I pit Peas UA RI RE TL. Be@ufs: ded ‘ans ora ie 2 i RAEE Lt 2 cAlderanansa sato bit Ro side iano e Mio rarrardi 4 Li ide dani pteon oToriit sTS4 lolalcpar ata 24 Avec ce fond de bétail on vend chaque année : Une wacherde Za neltatig tr 1 Deux boeufs prenant 6 ans. . . . .. 2 Deux — prenant3ans. ...... 2 RO sit e gl 5 On est contraint d’acheter, selon l’année, de 1 à 2 veaux; mais ces achais se font à de petits fermiers qui ne les éléveraient pas, et ils ont ainsi pour résultat de les transformer en grosses bétes avant de les rendre à la consommation. La ferme produira donc en réalité chaque année pour l’engraisseur trois fortes bétes, et, pour le fermier qui n'a pas élevé , deux jeunes bétes que celui-ci vendra plus tard à l’engraisseur. Dans notre ferme ainsi conduite, le fermier liera 6 boeufs et 8 au besoin, et avec son cheval unique fera tous ses charrois et tous ses ensemencés. Cherchons maintenant ce qu'elle pourra comporter de bétes à cornes avec la race Durham et créer ainsi de viande pour la consommation générale. Une première observation est à faire. La race Dur- ham, personne ne le conteste, a perdu les qualités es- sentielles des bétes de travail; sa charpente osseuse est amincie outre mesure et avec elle, par une dispo- sition congéniale, les tendons qui y ont leurs attaches, (128 ) et cela surtout dans les vertèbres du col et dans la boîte du cràne, c’est-à-dire, dans les parties où la nature a placé le siège de la force chez les ruminants. A cette observation doit s'en joindre une autre, c'est que la faculté propre à cette race de prendre la graisse de bonne heure, tient è une sorte de relàche- ment, d’amollissement des fibres musculaires , prédis- position qui fait son mérite et qu'elle ne tarderait pas a perdre par le travail plus fatigant et plus rude pour elle que pour une race autrement construite : selon l’expresion pittoresque de nos laboureurs, ce seraient des bétes bientòt bralées par le travail. Tous ceux donc qui ont élevé des Durham ‘recon- naissent que , pour que cette race conserve les qua- lités qui lui méritent la préférence que lui accordent nos anglomanes , il faut la soustraire à tout travail. Delà donc la nécessité de recourir à l’emploi des che- vaux pour les travaux de l’exploitation. C'est aussi ce que l’on préconise autour de nous, ce que l'on a meme tenté en divers lieux : y a-t-il avantage? nous allons en juger. En poursuivant la marche que nous avons adoptée, voyons en effei quels seront les produits en bétail, et les dépenses de la ferme où l’on introduira des che- vaux de travail au lieu de boeufs de travail. Nous avions déjà un cheval, nous supposons qu'il suffira de quatre autres chevaux de quatre ans au moins pour remplacer nos 6 0u 8 boeufs. Pour peu que l’on connaisse la rusticité et la sobriété de nos races indigènes, la facilité avec laquelle elles s'accommodent de tous les fourrages, ilestincontestable qu’où 6 baeufs trouvent à vivre, 4 chevaux de travail ne peuvent (129 ) étre tenus en bon état sans une forte ration de grain. Admettons-le cependant : toujours est-il que l’addi- tion de ces quatre chevaux réduira le nombre des bètes à cornes de 6 tètes et que la ferme n’en pourra plus nourrir que 15 au lieu de 24. Le troupeau des Durham sera alors composé à peu près comme suit : Vaches laitières et portières. . . . . 4 LAME TA UA RISI CRE E 1 LESTAR AI e SI RETR 1 BOCMUS' CENSIS ce IR TE 3 LE MMGOT ATI SE TUTE e SITO 3 MERONE ATEI MOST SUE Sto 3 hotaloraziiosmae 15 Il en résultera qu’au lieu de vendre chaque année 3 fortes bétes de 6 à 7 ans et 2 bétes de 2 ans, on ne vendra plus que 3 bètes de 3 ans et une vache de 2 à 6 ans selon l’occurrence. Ainsi il y aura une perte bien réelle d’un cinquième dans le bétail vendu, et d’un cinquième aussi dans la production laitière. Le fermier dans ce nouveau système d’exploitation produira-t-il du moins ces quatre bètes è un moindre prix que les cinq qu'il élevait antérieurement. C'est aussi ce qu'il y a lieu d’examiner, tant dans son intérét particulier qu'au point de vue de l’intérèt du consommateur, et malheureusement il est facile de voir qu'il en doit ètre tout autrement. On remarquera en effet que lorsque le fermier vendait 5 bètes , son attelage de boeufs suffisait complétement avec un seul cheval aux besoins de son exploitation. Il n’avait pas è faire au-delà de leur travail pour une obole de 9 (130 ) dépense. Le prix de ses récoltes et celui de ses beufs lui formaient une recette claire et. nette de toutes charges. En sera-t-il ainsi avec ses chevaux? Ne lui faudra-t-il pas les acheter, les entretenir, les rem- placer? supporter la dépréciation qu’ils subissent pro- gressivement par le travail et l’àge, les pertes. d'acci- dents plus fréquents et plus radicaux , des frais de ferrures, de harnais qu'il n’avait pas, et ne lui fau- dra-t-il pas enfin avoir pour son équipage des garcons plus àgés et plus coùteux? Il en résultera pour lui qu’avoir substitué le travail des chevaux à celui des boeufs, ce sera absolument ajouter à ses dépenses an- ciennes toutes celles de cet attelage et la mèéme chose que S'il était contraint de les tirer de sa bourse. Nous ferons.observer que l’on ne pourrait objecter contre ces résultats que le fermier pourrait au lieu de les acheter élever ses chevaux, car évidemment il lui faudrait alors circonscrire proportionnellement le nombre de son bétailà cornes, ce qui lui causerait une perte correspondante.: Ainsi done le fermier qui, avee la race mancelle , vendait 5tétes de bétail et faisait son travail sans frais, avecla race Durham n’en vendra que 4 et subira tous les frais de labours comme excédant de dépenses; d’où cette conséquence, que les 4 animaux qu'il ven- dra lui coùàteront en plus des cing tout le montant de la dépense de son attelage de chevaux. Il produira moins de viande et ne pourra la livrer à Vengraisseur quà un prix supérieur è celui auquel il la vendait. Que conclure de tout ceci? si ce n'est que dans nos contrées il y a avantage à conserver avec leur carac- tere origimaire de bétes de travail, lequel n’exclut pas (£131) en elles des qualités de 1e° ordre pour la boucherie, nos belles et fortes races indigènes qui l’emportent généralement sur le Durham, par la stature et la rus- ticité; qu'il y a avantage, pour le producteur, comme pour le consommateur, auquel l’élevage de nos races doit fournir une plus grande masse d’aliments et a un prix sensiblement inférieur è celui de la race élrangéère. Quant à l’économie que peut avoir le fermier à em- ployer le travail des boeufs préférablement à celui des chevaux, méme lorsqu'il n’élève pas , c'est-à-dire lors- qu'il achète des boeufs è 2 ans pour les revendre è 5, 6 ou 7 ans, elle à été constatée par Mathieu de Dom- basle. Si donc, pour celui qui élève, on a voulu sur quelques points de notre département substituer le cheval de travail aux boeufs, c'est, il faut le croire, parce que l’on a cherché à imiter ce qui se pratique en ‘d’autres pays où l’on voyait l’agriculture florissante , sans s'ètre bien rendu compte de ce que dans ces con- trées l’emploi du cheval avait sa raison d’étre dans un tout autre mode d’exploitation que le nòtre, ou qu'on y était conduit par les exigences naturelles du sol ou du climat. Ainsi, par exemple, on comprend parfaitement que dans un pays d’élèves pourle cheval, on les emploie avec avantage aux travaux de l’exploitation, puisque alors tous les bénéfices de l’élevage se concentrent sur eux, et que leur travail se présente précisément alors dans les mèmes conditions de gratuité que celles que nous accordonsà celui des boeufs de travail que nous éle- verons sur nos fermes pour la revente : ils sont comme ceux-ci a la fois bétes de rente et machines detravail. (1132) C'est le méme système économique qui décide lewr emploi que celui qui nous détermine en faveur de l’é- levage de nos races bovines indigènes. Nous ajouterons mème que dans ces exploitations dirigées dans le but spécial de l’élevage des chevaux, nous pensons que l'on pourrait introduire la race Dur- ham sans perte, voire mème aveeavantage, mais nous croyons aussi qu’au lieu de s’y livrer à l’élèvede cette race, on aurait des bénéfices plus certainsà réaliser, et surtout plus immeédiatement réalisables, en se bor- nant à l’engraissement de boeufs achetés au dehors. Aussi est-ce ce qui a été adopté dans les parties de la Normandie où l’on élève le plus de chevaux, etce qui pourraitse faire avec toutautant de succès dans d’autres situations agricoles, en pays bien moins fertiles où l’on substituerait alors aux pàtures grasses l’engrais de Poùture. | Disons du reste en passant, qu’ainsi que l’a justifié l’immense prospérité de l’agriculture vendéenne de- puis qu'elle a abandonné l’élevage pour selivrer exclu- sivement è l’engraissement, ce sont deux choses par- faitement distinctes, qui exigent une aptitude toute spéciale et toute différente de la part du chef de l’ex- ploitation et qui ne peuvent guères se mener de front. Chacune d’elles, pour porter tous ses fruits, exige d’ail leurs un mode d’assolement entièrement différent, qui pour l’élevage conserve en pàture une partie des terres qui donneraient les récoltes racines indispensables pour l’engraissement. C'est un sujet sur lequel nous reviendrons peut-étre plus tard pour discuter les avan- tages qu’offre chacun de ‘ces modes d’exploitation. Quant aux qualités comme animanx d’engrais de (133) la race Darham, elles sont sans doute incontestables, mais encore ceci demande- t-il quelques explications et emporte-t-il quelques restrictions dans les éloges qu’on lui a prodigués. Le mérite principal qui la distingue est sans doute la disposition précoce à prendre de l’embonpoint. Il est grand sans doute; quoiqu’il lui soit moins exclusif qu'on le pense généralement , mais il est compensé peut-ètre par des défauts on des inconvénients qui lui sont inhérents. Cette tendance anormale à l’obésité , esten quelque sorte une prédisposition maladive qu'on est parvenu par des croisements intelligents et pat l’absence prolongée de travail, a rendre héréditaire. Un relàchement extrème de la fibre musculaire, un développement inusité du tissu cellulaire, une élabo- ration moins parfaite des fluides en sont les causes. Dans l’absence de travail et de mouvement prolongé, ceux-ci ne sont plus employés à réparer et renforcer Ja fibre : ils forment des dépòts graisseux sans que les parties musculaires en aient été suffisamment nour- ries. La chair du Durham a moins de densité et esi sensiblement moins nourrissante et savoureuse. Aussi à poids égal il est reconnu parla boucherie que la dif- férence du rendement en suif entre un boeuf Manceau et un Durham de méme poids debout et également gras, esttelle qu’où le Manceau produit 150 kilog. le Durham n’en donne que 50! Aussi la boucherie pré- fère-t-elle partout le Manceau au Durham. Si dans une bande de 30 beeufs que l’engraisseur normand ex- pédie pour Paris, la boucherie accepte un Durham, c'est uniquement parce que méme en fait d’alimenta- Lion, il faut accorder quelque chose à la mode, et que (134 ) si la viande en est moins savoureuse , elle est du moins plus généralement tendre puisque les animaux sont plus jeunes. Les herbagers normands sont una- nimes dans la préférence qu’ils donment è la race man- celle, qui du reste leur est également précieuse par son aptitude è vivre dans leurs pàturages exposée à toutes les intempéries. Au reste, si la race mancelle est essentiellement propre au travail; si elle l’emporte sur sa rivale par la production du suif et les qualités nourrissantes de sa chair; si elle lui est supérieure en volume et en poids à l’état maigre dans beaucoup de localités, telles qu’au Lion-d’Angers, elle lui est moins inférieure qu'on le croit pour la disposition à prendre la graisse dans un àge peu avancé. Dans les petites métairies où, avec 180120 hectares de terre et prés, on vend chaque an- née une paire de boeufs manceaux, ils partent sou- vent, pour l’engrais, de trois ans et demi à quatre ans. Ce n’est guère que dans les grandes fermes que l’on vend les bètes d'engrais à six et sept ans. Voici, au surplus, un exemple tout récent de ce que l'on peut demander à la race mancelle sous le rapport de la précocité et de l’intensité de l’engraisse- ment, si je puis m’exprimer ainsi. M. Guilleux, propriétaire éleveur, à Grez-Neuville, près le Lion-d'Angers, a vendu, le 25 février dernier, a Poissy , pour la somme de 1352 fr., malgré la dépré- ciation des bestiaux , un boeuf né chez lui, le 18 avril 1846, n’ayant par conséquent que quatre ans et dix mois et qui pesait debout 1460 kil. ( environ 2950 liv. poids de marc). Sa taille était de 1 mètre 88 cent. (5 pieds 8 pouces) mesuré sur la hanche. Ce colosse, poil blond- (1351) caille, était de race mancelle lionnaise pure de tout mélange; il n’avait jamais travaillé, par le motif qu'à l’àge d’un an; il avait eu la cocote qui l'avait mis dans un déplorable état. Cette circonstance détermina le propriétane è le préparer pour la boucherie et à lui donner, dès lors, une nourriture abondante. Celle qu'il a recue plus tard, au cours de l’engraissement , a été très variée. Le foin' see; les choux, les pommes de terre, navets, betteraves entremélés \0u saupoudrés de rations de recoupes, farine d'orge , tourteaux de graines oléagineuses lui ont été tour à tour donnés selon que telle espèce d'aliments lui appétàit. da- vantage. Mais, et je recommande ceci è l’attention des personnes qui s’occupent d’agriculture et à celles qui ‘croiraient pouvoir juger de la valeur réelle des races par les bètes exposces dans les concours d’ani+ maux gras, concours dans lesquels malheureusement on ne tient compte que des résultats obtenus sans s'occuper de savoir si ce n’est pas une chose de purluxe, pour procurer à ce bel animal un développement et un embonpoint si considérables, on n’a jamais eu re- cours à d’autres moyens d’alimentation. Ainsi, par exemple, il n’a jamais bu que de l’eau pure ou lé- gèrement blanchie, tandis que nous pourrions citer deux Durham préparés pour un des derniers concours régionaux et primés, qui avaient chacun recu, pen- dant plusieurs mois, une ration quotidienne de 16 à 18 litres de lait pur. Si nous résumons cet exposé , nous serons amenés à conclure que ce que les cultivateurs de l’Anjou ont de mieux è faire, c'est de conserver, sans mélanger leurs excellentes races de travail également propres a (136 ) la boucherie, en leur faisant subir, par des étalons de choix pris dans ces races mèémes, les améliorations de taille dont elles sont suceptibles. Les bénéfices qu’ils peuvent retirer de l’amélioration des races anciennes en leur conservant leur caractère de bètes de travail, sont déja assez considérables pour les engager à en- trer dans cette voie, car la différence entre les gros et petits animaux de la méme race, ne va pas à moins du double de valeur. En donnant plus de sta- ture à la race actuelle, ils pourront, par une augmen- tation de la force motrice de ces animaux, faire pro- duire à leurs fermes de plus copieuses récoltes racines et autres destinées au bétail, ils feront le double d’en- grais pour leur terre, et récolteront davantage : L’amé- lioration de la race bovine et celle de la terre, sont réciproques et solidaires. T. C. BERAUD, Secrétaire général de la Sociéte d’Agriculture, Sciences et Arts. Angers, le 9 mai 1851. (137 ) RAPPORT SUR L'URANORAMA DE M. LAURENDEAU,. lu à la seance d'aoùt 1847. L’astronomie est une des sciences les plus anciennes du monde et qui a dù étre suggérée à l’homme, du jour où il leva les yeux vers la voùte qui l’entourait, et qu'il y découvrit une marche précise et constante des globes célestes que, dans son orgueil, il regarda longtemps comme créés pour lui seul. L’on sait jus- qu’où allèrent les connaissances des Chaldéens dans cette étude du ciel, et le zodiaque trouvé dans les ruines de Denderah, nous apprend que bien des siècles avant les Galilée et les Newton, les Egyptiens, auxquels nous devons les noms des douze constella- tions qui s’y trouvent, avaient signalé le passage du soleil dans chacune d’elles, par des dénominations caractéristiques des phénomènes terrestres qui, pour eux, coincidaient avec ces mèmes époques. Chez bien des peuples , le paganisme fit de l’astre brillant qui nous éclaire , l’objet de leurs adorations, et bientòt se groupèrent dans le ciel comme sur la terre, des di- vinités fabuleuses qui devaient embellir les pages de la mythologie , et offrir, par les images les plus gra- cieuses, un vaste champala poésie. Ainsi, la planète de (138) Mars recut le nom du dieu de la guerre à cause de sa couleur de sang, Mercure celui du messager de 1°0- lympe, par la vitesse de sa marche; Apollon condui- sait le char du soleil; une goutte de lait de Junon avait formé la voie Lactée, et Diane au ciel, sous le disque de la lune, descendait chaque nuît sur la terre, pour visiter son cher Endymion, suspendant par fois soudainement sa course, quand survenait ce qui, pour nous, n'est plus qu’une simple éclipse. Mais l’esprit de l'homme devait s’éclairer, ses cal- culs devaient sonder l’infini , ses instruments explorer les cieux , et il était appelé à pénétrer ce grand mystère du mouvement des mondes, qui nous révèle l'ètre suprème dans toute sa puissance et sa grandeur. Si à chaque pas nous découvrons, sur la terre, des objets d’admiration dans l’oeuvre du créateur, le ciel nous paraîtra encore bien plus fécond en merveilles , et nous y trouverons de quoi nous élever au-dessus de nos basses régions, en nous transportant dans l’im- mensité et y voyant, comme Fontenelle, d’autres mondes et d’autres étres à l’infini autour de chaque étoile, qui, chacune, formerait le centre d’un sys- tème planétaire. Quel est celui, en effet, qui, dans une belle nuit d’été, mollement étendu sur le gazon , n'a goùté le bonheur d’oublier un instant les travers de l'’humanité, pour admirer la marche majestueuse et calme de ces astres dont les distances confondent notre imagination, qui , par leurs rapports immuables entr’eux, semblent vouloir nous donner une idée de l’Eternel, et autour desquels nous aimonsà placer les personnes chères que la mort nous a ravies? L’étude de l’astronomie élève et ennoblit V’àme en la déga- (139 ) geant, pour ainsi dire, de son enveloppe matérielle , pour lui faire franchir les espaces et l’approcher de la divinité. En voyant ce silence harmonieux du ciel cons- tamment le mème,et cependant toujours aussi impo- sant, peut-on concevoir en effet ces passions des hommes, qui les agitent de mille manières, ces guerres qu’ils se déclarent de nations à nations, d’individus à individus, et ces moyens de destruction, tant au phy- sique qu'au moral, qu’ils inventent les uns contre les autres, quand de là-haut, leur est versée une lu- mière si belle le jour, et si douce la nuit, qui ne devrait, ce semble, éclairer que la vertu? Cette science n’est donc point assez répandue pour monirer à la créature ce qu'elle est près du créateur, le ròle insignifiant qu'elle joue sur le point exigu où elle se trouve perdue dans l’espace, et pour l'’amenerainsi vers des idées plus sublimes et plus dignes de sa destination, suivant celle que lui donne ce beau vers d’Ovide : « Colum tueri Jussit et erectos ad sidera tollere vultus. » Si V’astro- nome est philosophe , il doit dès lors, nécessairement aussi, étre homme de bien. Honneur donc a M. Laurendeau qui, de simple ouvrier mécanicien, sorti d’une petite ville de notre département, s'est élevé de lui-méme vers une toute autre sphère et a voulu vulgariser de hautes vérités tropignorées du commun des hommes, et que chacun, cependant, devrait posséder comme les connaissances de tout ce qui se rattache à la création, à notre exis- tence et à notre fin. Son Uranorama repose sur un ingénieux méca- nisme, qui joint, à une heureuse conception , la pré- cision le/plus exacte dans les mouvements à impri- ( 140 ) mer, suivant les lois admises de notre système pla- nétaire, et dont Copernic doit avoir seul le premier mérite. C'est d’abord un globe d’une assez grande dimen- sion, qui, porté sur un char et glissant dans une gorge à engrenage, représente le mouvement annuel de la terre en décrivant un orbe elliptique , dont l’un des foyers est occupé par un faisceau ou une masse assez intense de lumière, masse figurant le soleil et vers laquelle ce méme globe présente successivement ses deux pòles et son équateur, comme cause de la vi- cissitude des saisons, en méme temps qu'il exécutesur lui.méme trois cent soixante-cinq rotations et quart pour produire le mouvement diurne par l’alternative du jour et de la nuit. Le plus parfait parrallélisme est conservé dans l’inclinaison de son axe sur l’écliptique, résultat d'une très belle combinaison dans le méca- nisme, tandis que la force d’attraction, vers le centre de la terre, se trouve représentée par de petits per- sonnages en bois, dont les pieds, à l’aide d’un ressort, reviennent toujours se fixer sur la surface du globe, quelle que soit leur position, afin de bien fairesentir que, pour nos antipodes, comme pour nous, il n'y a, dans l’immensité, de bas et de haut que par rap- port à la terre, et que nous ne pouvons nous en déta- cher nì tomber ailleurs que sur elle. Peut-ètre un barreau aimanté, caché dans l’intérieur du globe et agissant, sans points intermédiaires ou attaches, sur des corps en acier qu'on lui présenterait , eùt-il mieux encore donné l’idée de cette force d’attraction qui nous retient sur notre planète. Par un mouvement également bien organisé , une { 441 } lune en carton, qui ne cesse d'accompagner le globe terrestre, décrit autour de lui un orbe complet et convenablement incliné sur l’écliptique, pendant que ce dernier exécute vingt-neuf rotations et demie sur son axe; ce satellite présentant ainsi dans ses phases, avec pes différentes hauteurs d’ascension droite, la formation de ses quadratures , puis de ses syzygies, lors de sa conjonction ou de son opposition avec le soleil, moment où peuvent avoir lieu les éclipses de ces deux astres. Un appareil tout particulier permet d’étudier isolément ces derniers phénomènes célestes, avec l’espèce de teinte rougeàtre qui reste sur la lune dans ses éclipses totales, de méme qu’on peut voir aussi la couronne de lumière douteuse qui, dans les éclipses de soleil, apparaît encore autour de lui, lors méme que cet astre est entièbrement caché. Ici est donnée la cause de ces éclipses totales du soleil , dues à la plus grande dimension que paraît avoir la lune lorsqu’elle est le plus rapprochée de la terre , c’est-à- dire à son périgée, tandis que nous sommes à notre aphélie, et en sens inverse dans les éclipses simple- ment annulaires. Enfin, par une accélérration de vitesse à l’aide de rouages et de pignons d’un plus ou moins grand dia- mètre, M. Laurendeau est parvenu à donner à cha- cune des planètes de notre système , qu'il représente ici avec des grosseurs proportionnelles, la rapidité du mouvement qui est propre à chacune d’elles dans sa révolution autour du soleil. C'est ainsi que celles qui sont plus rapprochées de cet astre, telles que Mercure et Vénus, ont une marche très rapide, tandis que les plus distantes, Saturne et Uranus par exemple, met- (142 ) tent infiniment plus de temps que la terre à parcou- rir leur orbite; condition d’équilibre nécessaire pour maintenir l’harmonie de ces corps célestes qui, par suite de la force centripète, iraient tous infaillible- mend se précipiter dans le soleil , si la force centrifuge qui, suivant la vitesse du mouvement circulaire, tend à les faire s'échapper par la tangente, ne contre- balancait ainsi cette attraction vers l’astre qui nous éclaire; admirable précision des lois de la divinité, au jour où elle nous langa dans l'espace, lois que M. Lau- rendeau paraît posséder tout aussi bien que celles reconnues par Kepler, sur les rapports proportionnels entre les dimensions des orbites des planètes et le temps de leurs révolutions , de mème qu'il congoit et explique leur marche parfois stationnaire et rétro- grade , qui n’est dans le fait qu’'une apparence due à la plus grande vitesse de notre globe, jointe à cer- taines positions que nous prenons à leur égard. Pour l’homme qui appuie ses observations astro- nomiques sur le calcul, certes il resterait encore à désirer dans] Uranorama, que nous essayons de déerire ici, et cela relativement aux parallaxes ou aux dis- tances relatives avec le foyer de lumière qui représente le soleil, peut-ètre méme de justesse d’inclinaison dans les orbites de chaque planète sur notre éclip- tique , et, enfin, relativement à l’erreur monstrueuse de dimension qu’est obligé de commettre M. Lauren- deau, ainsi qu'il en prévient lui-méme, pour bien faire saisir, dans la première partie de son travail, la succession du jour et de la nuit et les vicissitudes des saisons, suivant la manière dont notre globe se pré- sente au soleil et en regoit les rayons. Mais que pour- (143 ) rait-on exiger davantage ; lorsqu'il a fait tout ce qwil lui était humainement possible de faire par le méca- nisme et qui est plus que suffisant déjà pour donner au moins instruit une juste idée de notre système pla- nétaire, et cela d’autant mieux que l’inventeur y joint une démonstration claire et précise qui prouve qu'il a su approfondir le sujet qui a fécondé son génie. Peut-élre eussions-nous osé désirer quelques mots de plus sur les étoiles fixes, leur marche apparente dans le ciel autour de la polaire qui, dans son mouve- ment presqu'’insensible, semble former l’axe dumonde, sur ce qu'on peut supposer de cette zòne blanchatre que nous nommons la voie Lactée, sur les comètes, la longueur des ellipses qu’elles décrivent et le temps qu'elles mettent à leur retour, malgré la vitesse épouvantable de leur marche (des milliers de licues par minute), et enfin sur la profondeur du calcul de Leverrier, pour qui une légère perturbation d’Uranus a révélé la présence d’une planète à des distances prodigieuses et dans une partie du ciel où l’on n’en soupeonnait aucune. C'est avoir déjà beaucoup fait que de faciliter ainsi, en parlant aux yeux, la connaissance première des lois qui régissent le tourbillon dans lequel nous nous trouvons, lois qu'on devrait, par de semblables moyens , inculquer de bonne heure aux jeunes gens de tous les colléges; et, si M. Laurendeau a mérité une meédaille de l’académie de Bordeaux, qu'il recoive aussi notre félicitation pour le goùt de la science qui l’a si heureusement inspiré et lui a donné la plus belle éloquence, celle de prouver, des globes à la main, combien l'homme est petit sur la sphère étroite (144 ) qu'il occupe dans l’immensité , combien cependant il peut étre grand par la pensée, et combien enfin est infinie la puissance de l’ètre suprèéme que rien ne borne ni dans l’espace, ni dans les temps. J. HossARp. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LINHALATION DES VAPEURS D’ETHER, i Communiquées au mois de juin 1847. MESSIEURS , Lors de la lecture de mon dernier Mémoire relati- vement a l’inhalation des vapeurs d’éther et leur mode d’action sur l’appareil respiratoire, quelques voix s'é- levèrent ici pour opposer à ce que j'avangais sur l’as- phyxie, comme cause d’insensibilité, les effets ana- logues que certains praticiens prétendaient avoir obtenus en injectant l’éther par l’extrémité du tube intestinal. J'ai dà me livrer dès lors à quelques expé- riences tendant è résoudre la question, et c’est du résultat de mes observations que je vais chercher à vous faire part ici. L’injection de l’éther liquide dans l’abdomen avec égale quantité d’eau et les doses indiquées par M. Marc-Dupuy, me semble peu praticable ou du moins d'une application fàcheuse en ce sens que, par suite de la chaleur animale, cette substance se réduit promptement en vapeur et doit toujours nécessai- rement déterminer la tympanite ou un ballonne- ment épouvantable du ventre, comme je l’ai remar- 10 (146 ) qué sur trois lapins que j'avais soumis à l’expérience, qui de plus ont été en proie à d’affreuses convul- sions avec forte injection de la conjonctive et dont un est mort au bout d’une heure environ dans une es- pèce de tétanos, sans doute par suite d'une augmen- tation du dosage auquel j'avais eu recours (vingt grammes au lieu de dix) pour arriver à une plus complete insensibilité, phpénomène d’ailleurs qui, chez les deux autres lapins, ne m’a pas paru atteindre le dégré d’intensité que j'avais remarqué par l’inhala- tion ordinaire, car les piqùres d’épingle déterminaient encore des contractions dans les membres quoique dans le plus parfait état de collapsus. Il était aisé du reste de reconnaître àl’odeur qu’exhalait leur haleine, au bout de trois ou quatre minutes, qu'il y avait eu prompte absorption de la vapeur d’éther, les intes- tins, comme on le sait, ayant pour certains médica- mentis, tels surtout les opiacés, une faculté absorbante plus puissante mème que la muqueuse de l’estomac. Il résulterait donc de cette transmission par la circu- lation que l’éther agit ici non point sur les ganglions du grand nerf sympathique, comme on pouvait le supposer tout d’abord, mais bien directement encore surle parenchyme des poumons, etquelà, comme dans l’inspiration des vapeurs éthérées par les voies ordi- naires, l’asphyxie pourrait bien toujours jouer le plus grand ròle. Cette méthode d’injection de l’éther li- quide par le rectum a été proposée par M. Mare-Dupuy, qui dit en avoir obtenu d’heureux résultats sur des animaux, mais qui ne prouve cependant pas que la cessation de l’hématose n’entre pour beaucoup dans celle de la sensibilité. e (147) , Quant à la manière de procéder du docteur Pi- rogoff de Saint-Pétersbourg, qui consiste à introduire aussi l’éther par le rectum, mais sous la forme de va- peur ou de gaz, elle m’a paru, d’après les essais que Jen ai faits, des plus difficiles dans l’application, outre qu'il est indispensable d’arriver à un mons- trueux ballonnement du ventre pour atteindre les mémes résultats que par l’injection de l’éther liquide, l'anéantissement ou la prostration étant du reste éga- lement précédé de fortes convulsions. Supposons maintenant qu’un degré complet d’in- sensibilité soit obtenu par ces deux nouveaux modes d’emploi des vapeurs éthérées, combien serait difficile de renouveler les injections au milieu d’opérations longues et périlleuses , et combien surtout serait-il de mauvaise compagnie de les proposer aux personnes qui, pour un petit coup de bistouri ou pour une simple avulsion de dents, veulent aujourd’hui se faire éthériser afin de se soutraire à la moindre dou- leur. Pour achever de me convaincre que l’asphyxie est toujours la cause de l’insensibilité dans l’inhalation ou l’injection de l’éther par le tube digestif, j°ai voulu essayer quelle serait l’action de Ja vapeur de cette subs- tance sur les poumons des animaux à sang froid, sur les batraciens par exemple dont la circula- tion est moins complète que chez les mammifères et les oiseaux , l’hématose n’ayant pas pour eux un ca- ractère aussi essentiel à la vie, puisque nous voyons leur sang veineux se confondre avec le sang artériel dans le seul ventricule qu'ils ont au coeur, pour étre chassé ensuite, vers toutes les parties du corps, (148 ) comme il en est pour ainsi dire dans le foetus hu- main qui est privé de la respiration et dont le coeur semble ne former que deux cavités par la présence du trou Botal. L’on sait d’ailleurs que les batraciens restent engourdis des mois entiers dans la vase ou sous les eaux, sans qu'il y ait une bien grande oxigéna- tion du sang, larespiration chez eux étantalors devenue presque nulle. Jaidoncplacé consécutivement plusieurs grenouilles sous un bocal renversé et plongeant dans une cuve d'eau; là, à l'aide d’un tube recourbé, j'ai pu intro- duire alternativement, et des vapeurs d’éther, et du gaz acide carbonique, sans avoir, ni par l’un, ni par l’autre, une action plus prompte sur l’animal; c’est- a-dire qu'il m’a falla par l’éther, près d'une demi- heure pour produire, je nedirai pas l’insensibilité, mais cette énervation qui est le vrai caractère de l’asphyxie, tel que je l’ai obtenue du reste et avec autant de peine par le gaz acide carbonique pur(41), sans pouvoir déter- miner la mort avant méme sept ou huit heures. L’on sait cependant combien le système nerveux est déve- loppé chez ce genre de reptiles, puisque le courant galvanique produit par le rapprochement de deux métaux appliqués , comme pile , sur les nerfs cruraux de ces animaux, de méme que l’hydrochlorate de soude ou sel commun, répandu sur leur chair à nu, provoque des contractions saccadées des cuisses qui leur feraient supposer encore de la vie , quoique cepen- dant ces membres soient séparés du tronc. Nous (1) C'est à l’aide du carbonate de chaux et de l’acide hydro- eblorique étendu d'eau, que j’obtenais te dégagement de ce gaz. (449 ) voyons done que l’action de l’éther cesse d’avoir lieu ou se neutralise en partie, du moment que l’asphyxie est plus difficile à obtenir, et nous conclurons en- core de la, que c'est toujours à la circulation qu'elle s'attaque. L’ivresse par les boissons alcooliques ne détermine- t-elle pas souvent l’insensibilité et ne devient-elle pas toxique quelquefois, en suspendant le cours de la cir- culation? Nous demanderons donc si cette ivresse n’est pas un véritable commencement d’asphyxie, causé par l'action des vapeurs qui se dégagent d’une manière permanente de l’estomac, vapeurs absorbées par les papilles muqueuses, et portées par la circula- tion vers lesorganes respiratoires? et ne voyons-nous pas nos vignerons s’enivrer à la simple odeur du cellier, et d'autres. tomber. roides morts en approchant des cuves d’où s'échappe une grande quantité de gaz acide carbonique ? i Après tout, si ce n’était pas l’asphyxie qu'on et à redouter dans l’inhalation de l’éther, le danger en res- terait-il donc moins grand, lorsqu'il est reconnu par les expériences surtout de notre secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, M. Flourens, que l’inspi- ration des vapeurs de cette substance, agit d’abord sur les lobes cérébraux en altérant l’intelligence, seconde- ment sur le cervelet en troublant l’équilibre des mou- vements, puis sur la moélle épinière en détruisant la sensibilité, et enfin sur la moélle allongée en suspen- dant complétement la vie? ce qui prouve combien, pour arriver au point voulu par la chirurgie , l’on est prét de compromettre l’existence; ce qu’ont trop dé- montré déjà les accidents et les quelques morts mème qui ont suivi les inhalations de l’éther. ( 150 ) S'ensuit-il de la qu'on doive rejeter complétement ces moyens énergiques de préserver l’humanité des souffrances que provoque l’action du bistouri? ce serait se lancer dans un nouveau travers. Il ne faut, en au- cune chose, jamais se montrer complétement exclu- sif; mais, si, au bénéfice qu’on peut retirer de l’emploi de l’éther, se joignent de véritables dangers, on en conclura simplement que la chirurgie ne doit y re- courir qu’avec réserve et pour les grandes opérations, celles surtout qui doivent déterminer des douleurs de nature à faire refuser de s’y soumettre sans ce préservatif. Mais ici comme dans beaucoup d’autres choses, comme dans nos chemins de fer, par exemple, que j'ai déjà condamnés et que la moitié de la nation a si ardemment désirés sans chercher à en calculer les conséquences, tout se fait chez nous par engouement, et nous sommes souvent tout surpris d’avoir été les premiers sectateurs de doctrines erronées, dont nous ne concevons pas méème le principe. J. HossARp. (151) PETSIOLOETE. ni MESSIEURS, Ayant fait sur plusieurs animaux des expériences comparatives entre l’inhalation des vapeurs d’éther et celle du gaz acide carbonique, j'ai cru devoir à cet égard adresser à l’Académie des sciences un mémoire tendant à prouver que ces vapeurs différentes agissent de la méme maniére sur nos organes , c’est-à-dire en suspendant l’hématose pulmonaire, ce qui n’est autre chose qu’une véritable asphyxie, cause toute natu- relle de l’insensibilité. Ce mémoire communiqué le 22 mars dernier à l’Académie et inséré en extrait dans le n° 12 des comptes-rendus de ses séances, sous le titre de Comparaison des effets produits par l'inhalation des vapeurs éthérées et del’acide carbonique, est précédé d’observafions du méme genre faites par MM. Preisser, Pillore et Mélays de Rouen sur ce que la suspension de l’oxigénation du sang dans les poumons, par suite de l’inspiration des vapeurs d’éther, est la seule cause de l’insensibilité. Ainsì que je lai constaté sur des lapins et des chats que j’avais placés sous une cloche où brùlait un réchaud de charbon, et chez lesquels je suis parvenu à suspendre tout indice de sensation, ces messieurs, ont reconnu que l’acide carbonique , Va (152 ) zote, l'hydrogène et plusieurs autres gaz, pouvaient produire le méme effet que les vapeurs d’éther, c’est- a-dire provoquer, avec l’insensibilité, ce coma et ce collapsus complets des membres qui simulent une vé- ritable mort et qui n’est autre chose qu’une asphyxie commengante, comme le prouve suffisamment en- core le sang artériel qui prend la teinte noiràtre du sang veineux, si l’on prolonge tant soit peu l’inhala- tion des vapeurs éthérées ; phénomène du reste dont m’ont convaincu à mon dernier voyage de Paris des opérations pratiquées sous mes yeux tant à l’hòpital Beaujon qu’a l’Hòtel-Dieu. Je dois ajouter ici que sur deux sujets la sensibilité ne m’a paru qu'exaltée, pour ainsi dire, tant que l’ins- piration n’a pas été assez prolongée; et ce n’est qu’après la cessation complète de tous. mouvements qu’on a pu appliquer le bistouri, sans qu’ils aient témoigné la moindre douleur ou qu'ils aient du moins été capables de le faire; conditions qui demandent une prudence infinie dans l’emploi d'un procédé qui pourrait de- venir funeste près de certaines personnes trop éthé- risées, surtout au moment des grandes chaleurs , où l’éther sulfurique se volatilise en si grande abondance qu’à 25° centigrades il laisse très peu d’oxigène péné- trer ses vapeurs, et qu'à 35° il est privé entièrement alors de ce gaz et pourrait causer la mort sans qu'on s'en doutàt, comme je l’ai déterminée presque insten- tanément chez un lapin vigoureux en plongeant mon vase d’éther dans un bain-marie pour en activer l’éva- poration. Tel est, Messieurs, le résultat de ces expériences physiologiques. Puissent-elles servir a quelque chose (( 453 ) dans la science et bien faire connaître ce qu'on aurait à redouter de l’inhalation trop prolongée des vapeurs d’éther qui deviendraient un agent destructeur, tout aussi puissant que celles qu'emploient de nos jours nombre de gens pour se sucider en voulant éviter la souffrance, je parle ici du gaz acide carbonique. J. HossARDp. 10 avril 1847. (154 ) METÉOROLOGIE. PARHELIE LUNAIRE È 0U PARASÉLENE Observé à Paris le Ie" avril 1847. a MESSIEURS, J'ai pensé vous offrir quelque intérét en vous parlant ici d'un Parhélie lunaire ou parasélène, que j'ai ob- servé, à Paris, le 1er de ce mois, de huit à neuf heures et demie du soir. Le temps était froid, de deux a trois degrés au-dessus de zéro. Excepté vers l’hori- zon, le ciel était découvert, quoiqu’avec une teinte blanchàtre. Deux facules lumineuses, situées à droite et à gauche de la lune , à égale distance de cet astre et à mème hauteur au-dessus de l’horizon, consti- tuaient ce phénomène, è tel point qu'on eùt pu sup- poser deux autres lunes cachées derrière de légers nuages. Quelle est la cause de ce météore assez rare dans nos contrées, mais plus fréquent dans les régions po- laires? Examinons d’abord le phénomène du halo d’après l’explication admise par les physiciens d’aujourd’hui et qui avait échappé à Newton lui-méme, dans son beau travail sur l’arc-en-ciel et la lumière. (4155) On appelle halo un ou plusieurs cercles lumineux que l’on remarque autour du soleil ou de lalune, dans un ciel sans nuages, et dont le rayon, pour le cercle intérieur, est de 22° environ. Ce phénomène se pro- duit par un temps plus ou moins chargé d’humidité , et sous une température au-dessous de glace, dans la région moyenne de l’atmosphère. On suppose une multitude de petits cristaux de glace voltigeant dans l’air et sous toutes les positions possibles. La cristallisation de la glace étant de 60° et le minimum de l’angle formé par les rayons lumineux immergents et émergents, étant pour ce corps de 22°, il en résultera qu'aucun des prismes compris dans l’intérieur du cercle de 22° de rayon, dans quelque position qu'il soit, ne pourra envoyer de lumiere re- fractée à l’oeil de l’observateur. Au-delà de cette li- mite, il en sera tout autrement : vers le minimum de réfraction du prisme, lequel correspond à ce cercle de 22°, on pourrait faire subir à ce prisme des oscil- lations assez étendues, sans changer sensiblement la direction du rayon réfracté par suite de cette loi des minima _et des maxima qui veut que leur passage soit toujours marqué par un temps d’arrét. D’où il résulte que dans cette région du ciel il existe un plus grand nombre de cristaux de glace renvoyant de la lumière vers l’observateur : de là, le cercle que nous apercevons et dont la clarté va en se perdant vers l’extérieur. PARHELIE. Le parhélie est comme le halo , le résultat de la ré- fraction dans des prismes de glace, autant toutefois (156 ) que ces prismes se lrouvent, par une cause quelconque, dans une position verticale, de telle sorte qu'il n'ap- paraît que deux points lumineux situés sur une ligne horizontale passant par le centre de l’astre et simu- lant deux autres astres semblables. Si les prismes étaient horizontaux, il se produirait un parhélie dans le sens inverse, autant toutefois qu'il est permis d’en raisonner sur des données qui, pour ce genre de phé- nomène, resteront toujours hypothétiques , dans l’im- possibilité où nous sommes de connaître ce qui se passe dans les régions supérieures de l’atmosphère et ce qui peut déterminer telle ou telle position des prismes ou cristaux de glace qui s°y forment. Le parhélie lunaire , ou pour parler plus correcte- ment, le parasélène que j’ai observé à Paris, et qui, d’ailleurs, s'est terminé par un'halo que m’a dit avoir également vu, de dix a onze heures, M. Regnault, de l’Institut, qui regrettait de n’avoir pas été témoin du premier phénomène, a donné par une mesure quej’ai prise immédiatement. entre la: lune et chacun: des points où son image semblait se dessiner à travers des nuages, a donné, dis-je , la mème ouverture d’angle que celle entre Pollux de la constellation des Gémeaux et Procyon du Petit Chien, c’est-à-dire, de 22 à 23°, angle qui. est. propre au météore que je viens de dé- crire. J. HossARD. Angers, 10 avril 1847. (1457 ) NOTICE HISTORIQUE SUR L’ABBAYE DE MELINAIS. MESSIEURS, L’abbaye de Mélinais , sur laquelle je prends la li- berté d’appeler aujourd’hui votre attention , était si- tuée dans la forèt de ce nom, entre les villes de la Flèche, de Baugé et du Lude. Environnée d’une large ceinture de landes, de bois taillis et de sapins, distante de plus de 4 kilomètres de la route de Baugé à la Flèche, enlevée depuis la révolution à notre Anjou , pour faire partie du dépar- tement de la Sarthe, elle a été laissée jusqu’à ce mo- ment dans un entier oubli. Cependant les documents que je me suis procurés sur cette abbaye, m’ont semblé tenir d’une manière trop prochaine à l’histoire de l’Anjou, pour ne pas mériter la faveur d'une notice. Les archives de l’abbaye, déposées à la préfecture du Mans, les archives du chàteau de Turbilly, et les registres des paroisses de Vaulandry et de Sainte- Colombe, sont les sources où j’ai puisé les matériaux nécessaires à la composition de la notice sur l’abbaye des chanoines réguliers de Saint- RAOguskin, de Saint- Jean l’évangéliste de Mélinais. (158 ) La plupart des abbayes doivent leur origine et leur fondation à un événement extraordinaire ou miracu- leux, ou à l’intervention d’un personnage illustre. L’abbaye de Mélinais a aussi elle un saint pour fon- dateur, et un roi pour bienfaiteur. Vous savez, Messieurs, le drame sanglant de l’as- sassinat de saint Thomas de Cantorbéry. Quatre cour- tisans du roi Henri II, poussèrent la complaisance envers leur maître injustement irrité, jusqu'à exé- cuter, dans le sanctuaire dutemple, un voeu coupable exprimé dans un accès de furieuse colère. Le remords suivit de près la perpétration du sacrilége homicide , et lesmeurtriers devenus à eux-mémes et aux. hommes un objet d’horreur et de malédiction, allèrent confier au secret de la solitude leurs regrets et leur pénitence. Parmi les assassins de saint Thomas, on cite un Renaud ou Regnault Fitz-Othon. Si l’on a foi à une tradition non interrompue jus- qu’è nos jours, ce courtisan, après avoir accompli les ceuvres satisfactoires, qui lui avaient été imposées pour l’expiation de son erime , vint auprès de Robert d’Arbrissel, pour faire, sous la direction de ce maître éclairé, le noviciat de la vie solitaire. De Fontevrault, il alla dans la forét de Mélinais , déjà sanctifiée par la présence de pieux ermites, dont les jours s’écoulaient à l’ombre protectrice d’une cha- pelle dédiée à la sainte Vierge. L'humble pénitent se jugeant indigne d’habiter sous le toit des saints, choisit une petite grotte, située au- près d’une fontaine, nommée encore aujourd’hui la fontaine Saint-Regnault, dans le fond d’une vallée en- lierement déserte. (159 ) ineonnu dans le silence de cette retraite, iljoignait a de continuelles prières les austérités de la vie péni- tente, lorsqu’'un événement imprévu l’arracha à son obscurité, et lui fournit les moyens de travailler avec succès à la gloire de Dieu et au salut de ses frères. Henri 11, comte d’Anjou, roi d’Angleterre , faisant un jour une grande chasse dans la forèt de Mélinais, arriva auprès du réduit ignoré de l’ermite Regnanlt. Il ne tarda pas à reconnaître les traits de son ancien serviteur, malgré les rides de son front, et le change- ment opéré dans sa physionomie par les austérités et les jeùnes. Il n’est pas besoin d’exprimer l’émotion profonde que cette renconire fit éprouver au roi. Le souvenir du meurtre de Thomas Becket, dut se réveliler dans son ame, à la vue du courtisan trop docile qui s'était fait l’instrument de sa vengeance. Touché du repentir de son serviteur, Henri n’oublia point, dans cette circonstance , la nécessité où il se trouvait d’expier, par des ceuvres pieuses, le crime dont il était le prin- cipal auteur. « Il voulut, » dit un religieux de Mélinais , auteur de la légende du saint, « en mémoire de Regnault , » contribuer à un parfait établissement et dotation » d'hommes très apostoliques et religieux en cette s0- » litude , et faire en sorte que tous ceux qui renon- » ceraient volontiers aux richesses et honneurs du » monde, pour s’y retirer et imiter le saint , auraient » moyen d’y vivre saintement; et pour cet effet, le » prince puissant et libéral, ayant dévotion è saint » Jean l’évangéliste , et une affection très grande, ( 160 ) » comme il a témoigné en la plupart des fondations » qu'il a faites, à l’ordre des chanoines réguliers de » Saint-Augustin, pour lors en réputation de sainteté, » donna non seulement la chapelle et ermitage, qui » dépendaient de lui, mais encore son chàteau, situé » dans ladite forét, pour y bàtir une église , sous le » titre et invocation de saint Jean l’évangéliste, et un » monastère qu'il destina aux chanoines réguliers. » Tel est, messieurs, le précis historique de la fonda- tion de l’abbaye de Mélinais. Les limites forcément restreintes de cette notice, ne me permettent pas de discuter pour le moment, l’identité du saint Regnault de Mélinais, avec le Regnault, courtisan de Henri 1, et meurtrier de saint Thomas de Cantorbéry. Quelle que soit l’opinion quel’onembrasse, on ne peut faire remonter la fondation de l’abbaye à une époque postérieure à Henri 11. Les biens primitivement don- nés à ce monastère, et tous situés sur les domaines des Plantagenets; le choix de saint Jean l’évangéliste, comme patron de l’église conventuelle ; le style de cette église, fournissent des motifs plus que suffisants pour attribuer à la dernière moitié du xne siècle la eréation de cet asile des hommes de Dieu. Fondée sous de si heureux auspices, l’abbaye de Mélinais compta bientòt un nombre considérable de chrétiens fervents, qui venaient chercher un refuge contre les dangers du monde, dans cette paisible so- litude. Le pape Lucius m, en1184, confirma par une bulle, la fondation de l’abbaye. Cette bulle, dont j'ai pris copie, est adressée è Vincent , prieur de Mélinais, et à ses frères. Elle ap- (161) prouve cet établit les chanoines réguliers de Saint- Augustin, pour chanter l’office divin dans l'église conventuelle de saint Jean l’Evangéliste. Le pape les reconnait ensuite comme légitimes possesseurs des biens et rentes présents et futurs, déclarant par avance passibles de l’excommunication majeure tous ceux qui porteraient une main usurpatrice et sacrilége sur ces propriétés. L’abbaye fut aussi favorisée de l’exemption des dimes , et investie de tous les privilèges dont elle pourrait ètre dotée par la bienveillante générosité des princes séculiers; et les chanoines recurent en méme temps l’autorisation de continuer le chant des saints offices dans leur église, mème pendant le temps d’un interdit général. Aux dons de toute nature accordés à Mélinais par Henri 11, Richard Coeur-de-Lion, fils de ce prince, en ajouta de nouveaux, dignes de la munificence royale. Raoul 1 de Beaumont, seigneur de la Flèche , après Richard , enchérit pour ainsi dire sur les bienfaits de ses prédécesseurs. Ce seigneur avait pour Mélinais une prédilection si marquée, qu'il choisit l’église con- ventuelle pour le lieu de sa sépulture et de celle de sa famille; carles chanoines de Saint-Augustin avaient obtenu de Lucius mr, la permission d’inhumer dans leur église les bienfaiteurs les plus signalés de l'abbaye. Cependant, si l’on a foi au témoignage de plusieurs historiens, le corps de Raoul repose dans l’abbaye d’Étival, dont la fondation est due aux libéralités de ce seigneur. A ces générosités royales et princières furentjoints, dans la suite des siècles, des dons particuliers, dont 11 (162) la réunion fit de Mélinais l’une des abbayes les plus richement dotées de notre Anjou. Les revenus du monastère consistaient dans la propriété de fermes ct de closeries, ainsi que dans la perception de dîmes nombreuses et considérables. Plus de trente paroisses, situées dans les diocèses d’Angers et du Mans, ap- portaient chaque année leur tribut è l’abbé de Mé- linais. Ces dons provenaient sans doute de concessions faites par de pieux chrétiens, qui venaient sanctifier le reste de leur existence dans le silence de cette soli- tude, ou qui, désireux de leur salut , chargeaient les religieux de prier Dieu pour le repos de leur àme. Tel est, du moins, le but avoué des chartes de donation, dont les copies collationnées sont encore conservées dans les archives de l’abbaye. La publication de la bulle de Lucius mir fut un puissant encouragement pour les bienfaiteurs de Mé- linais. Aussi la construction du monastère fut -elle bientòt terminée, et l’église conventuelle ne tarda pas a étre achevée , puisqu’elle fut consacrée par Ra- dulphe, évéque d’Angers, qui mourut en l'année 1197. Mélinais ne compta pas seulement sous sa dépen- dance des fermes et des closeries. Plus de trente prieurés furent fondés pour étre unis à cette abbaye. Le prieur-abbé était chargé du soin de pourvoir à la nomination des chanoines préposés au chant de l’of- fice divin, et à l’administration des sacrements. Parmi ces prieurés, il en est un digne d'une men- tion toute particulière; c'est celui de la Jaillette. Dès l’année 1194, Geoffroy Loultois, seigneur de la Jaillette, sur l’Oudon, dans la paroisse de Louvaines, fonda un prieuré sous le vocable de sainte Catherine (163) et il en fit abandon au prieur de Mélinais, à la condi- tion, par celui-ci, d’entretenir perpétuellement des religieux, chargés de la célébration des offices. L’acte de donation et d’union fut approuvé par l’abbé ; et l'évéque d’Angers, accompagné des principaux digni- taires de la cathédrale, vint présider à l’installation des chanoines de Mélinais dans le nouveau prieuré. Plus heureuse que Mélinais, la Jaillette conserve en- core sa petite chapelle , bàtie par Geoffroy Loutois, aprés son retour de Jérusalem. Le choeur voùté en berceau, et orné de nervures cylindriques, peut ètre compris parmi les constructions du style Plantagenet. Des cloîtres à ogives, adossés à la chapelle et aux murs de la maison des religieux, prouvent l’exis- tence d'une ancienne communauté. Les conditions passées entre l’abbé de Mélinais et le fondateur du prieuré, furent exactement accomplies jusqu’au commencement du xve siècle. Mais en 1410, l’abbé de Mélinais ne trouvant peut-étre pas assez de docilité dans ses inférieurs de la Jaillette , sollicita et obtint du pape Martin v, l’union des biens de ce prieuré, à la mense conventuelle, à la charge néanmoins d’y faire célébrer l’office, conformément aux clauses éta- blies dans l’acte de fondation. Quelques années après, le pape Eugène rv, cédant aux sollicitations du prieur de la Jaillette , cassa la bulle de son prédécesseur, et lui rendit son indépen- dance. Mais l’abbé de Mélinais, décidé à rentrer en possession d’un droit qu'il croyait légitime, appela comme d’abus de la décision d’Eugène rv. La supplique envoyée au concile de Bàle, en 1438, fut favorablement accueillie par les pères siégeant (164 ) alors au concile. La bulle d’union de Martin v fut ap- prouvée pour subsister en son entier, et la chambre de l’église d’Angers fut chargée de l’exécution de ce décret. En dépil d’une decision si formelle et irrévocable, les prieurs de la Jaillette ne voulurent jamais con- sentir à se désister de leurs droits, et il se rendirent toujours indépendants de l’abbé , quant au temporel, ne reconnaissant et n’avouant en lui qu’un seul droit à leur égard, celui de la visite et de la correction. Vous me permettrez, Messieurs, de ne point vous égarer ni de m’égarer avec vous, dans le dédale des interminables procès occasionnés par ce différent. Je n’ai pas eu, pour mon compte, la curiosité d’ouvrir les énormes in-quarto dépositaires de ces pièces ju- diciaires, naguères de la plus haute importance pour les parties contendantes. Il m’a semblé plus utile de ne pas troubler le repos séculaire de ces parchemins, et de laisser les abbés jouir en paix dans leur tombe des victoires constamment remportées sur leurs ad- versaires, jusqu'à l'année 1618, époque à laquelle un événement dont nous parlerons plus tard apporta une grave perturbation dans la destinée de l’abbaye. Jusque là aucune circonstance bien extraordi- naire ne signala l’existence de ce monastère. Il fut souvent honoré de la visite d'hommes éminents par leur naissance ou par les dignités dont ils étaient revétus. i Un siècle environ après sa fondation, Mélinais re- cut la visite de Guillaume Lemaire récemment nom- mé évèque d’Angers. Aussitòt que son élection et été définivement arrétée par le chapitre , l'illustre pré- SIT Tr _—_———_—_—_—_——ltd —emomestrr— "Te (165 ) lat se rendit à l’abbaye. Là, il précha aux moines le respect de l’autorité et la nécessité de vivre confor- mément aux prescriptions de la règle. On dit aussi que le but principal de son voyage était de procéder à des informations au sujet des archiprétres du Lude et de Chàteau-la-Vallière. Guillaume Lemaire recut à Mé- linais les honneurs et les égards dùs è la nouvelle dignité dont il devait étre bientòt revétu, et sa visite fut consignée dans les archives de l’abbaye. Presque tous les visiteurs de Mélinais consacraient, par de grandes libéralités , ‘le souvenir de leur pré- sence. Le duc d’Alencon , entre autres, permit , en 4441, aux religieux d’entourer leur abbaye de for- tifications. L’église conventuelle fut constamment fréquentée depuis sa consécration , par des personnes religieuses attirées au tombeau du saint, par la vénération que ses reliques inspiraient , et par les nombreux miracles dùs à son intercession. Les religieux jouissaient, depuis plus de cingsiècles, de la possession des biens et des revenus affectés à leur monastère , lorsqu’une décision de Henri IV ren- versa, pour toujours, l’anlique prospérité de cette maison. Le prince, en fondant le collége de la Flèche, au commencement du xvir° siècle, pria le souverain pontife d’unir à ce collége l’abbaye de Mélinais, et quelques-uns des prieurés qui en dépendaient. Paul v acquiesca, par une bulle de 1618, à Ja demande du monarque. Cette union devenue définitive par le par- lage, fait en 1618, des biens de l’abbaye, fut mainte- nue paisiblement jusqu'à l'année 1635. (166 ) Dans celle mème année 1635, les chanoines régu- liers de Saint-Augustin , réformés par le cardinal de La Rochefoucault, ayant été introduits dans l’abbaye, s’obligèrent à l’exécution du concordat et du partage faitentre lesanciens religieux et les Jésuites du collége de la Flèche. Mais ils ne furent pas longtemps sans rappeler de leur concession; car ils prirent, en 1645, des lettres de rescision contre ce partage. Les déci- sions de la justice ne leur furent pas plus favorables que par le passé, et les Jésuites eurent constamment gain de cause contre les religieux. Ils ne furent pas plus heureux dans leurs intermi- nables démélés avec les seigneurs de Turbilly, au sujet du droit de seigneurie sur Vaulandry et du pa- tronage de l’église paroissiale. L’on vit s'éffectuer, à l’occasion de ces débats, l’application du vieux pro- verbe : le droit du plus fort est toujours le meilleur. Les seigneurs de Turbilly, à défaut de titres proba- tifs à l’appui de leurs prétentions, avaient des amis nombreux et puissants à la cour, et des ressources pécuniaires très considérables. Aussi la sentence des hommes de loi leur fut-elle favorable , et les religieux de Mélinais furent déboutés de leur prétention à la seigneurie de Vaulandry. Le cession des biens de Mélinais au collége de la Flèche, causa un grand prejudice è la prospérité de cette abbaye. Dès l'année 1697 , huit chanoines seule- ment résidaient dans la maison. En 4790, le prieur Dom Chollet et les trois chanoines ses commensaux, ne voulant pas souscrire aux règle- ments de l’autorité séculière, qui répugnaient à leur conscience, vendirent le mobilier de leur maison (167 ) poursubvenir aux frais de leur transport en pays étran- ger. L’abbaye et toutes ses dépendances furent saisies par le gouvernement, et partagées entre un grand nombre d’acquéreurs. Tel est, Messieurs, l’historique de l’abbaye de Méli- nais « célèbre, » dit le moine légendaire, « par son ori- » gine et fondation dues à la sainteté du bienheureux » solitaire; célèbre par le sacré dépòt qu'elle con- » Serve, je veux dire les ossements de saint Regnault, » et de quantité de chanoines réguliers qui ont telle- » ment imité ses vertus et la sainteté de sa vie, que » les titres les plus anciens et les plus authentiques » nous enseignent qu'on les appelait ordinairement » leshommes de Dieu de Mélinais ; célèbre par son an- » tiquité; célèbre pour ses fondateurs et bienfaiteurs, » parmi lesquels on compte plusieurs rois, des papes, » des évéques, des princes, et autres seigneurs, » nommément les ducs et comtes d’Anjou, d’Alen- » con, de Vendòme, de Poitiers; les vicomtes de Beau- » mont, les barons de la Flèche , et la plupart des sei- » gneurs de l’Anjou dont plusieurs choisirent l’église » pour lieu de leur sépulture; célèbre encore pour » ses droits de privilèges, et pour le nombre de plus » de trente bénéfices, tant prieurés-cures , que prieu- » rés-conventuels, et chapelles régulières qui en dé- » pendaient, et où résidaient ordinairement quantité » de chanoines réguliers commis pour y faire l’office » divin, lesquels ne manquaient, aux mois de mai » et d’aoùst de chaque année, de se trouver aux cha: » pitres généraux avec les conventuels qui étaient en » grand nombre, et d’y rendre exactement compte » de toute l’administration du spirituel et du tem- (168 ) » porel de leurs dits bénéfices; célèbre par les péle - » rinagesnombreux faitsautombeau de saint Regnault, » dont la puissante intercession a toujours préservé » l’abbaye de tout pillage et désastre pendant les der- » nières guerres de l’Anjou, où les environs ont tous » été saccagés et dévastés. » ll m’est pénible de vous le dire, Messieurs , le Méli- nais actuel est à peine l’ombre du Mélinais d’autrefois. Le touriste ferait désormais dans ce lieu un voyage entièrement inutile, et ses yeux n’auraient pas méme la consolation de contempler des ruines. Le pieux pé- lerin aussi chercherait en vain la chàsse de saint Regnault. Ces précieuses reliques, soustraites en 1790, par un homme de la contrée, et transportées à Sainte- Colombe, ont été enlevées comme furtivement au pays sanctifié et illustré par la pénitence et les miracles du bienheureux solitaire , pour étre placées dans l’église paroissiale de Candé, à plus de 20 lieues de Mélinais. Les magnifiques bàtiments' de l’abbaye, construits de nouveau dans le courant des xv et xvine siècles, ont disparu avec la superbe église conventuelle et les chapelles qui lui avaient été adjointes. Voici cependant, d’après l’inspection des lieux et le témoignage des anciens de la contrée, un apercu de l’état des bàtiments de l’abbaye. Le monastère était placé à mi-còte sur le bord du ruisseau alimenté par la fontaine de saint Regnault. La vue, dans le cercle d’un horizon très borné, n’em- brassait, tout à l’entour, que des landes ou des bois. La maison adoptait la forme d’un rectangle dont le milieu était occupé par le cimetière et les cloîtres. La facade donnait sur le Midi; la chapelle était au Nord; - (169) et les deux ailes contiguès à ces deux corps princi- paux, regardaient l’Est et l’Ouest. De toutes ces cons- tructions, dont la solidité le disputait à l’élégance, une seule partie , et c'est la moindre, a élé épargnée par les coups destructeurs des hommes de la bande noire. Il ne reste plus aucun vestige de la chapelle, de la facade et de l’aile du Sud. Je n’ose le dire , Messieurs, le marteau révolution- naire n’avait pas abattu une pierre des bàtiments de Mélinais. C'est en pleine paix, dans l’année 1814, que le second acquéreur de cet édifice, en fit démolir les trois quaris, sans doute pour solder le montant de l’achat au moyen des débris du fer, du bois et des pierres provenant des parties abattues. L’église conventuelle , consacrée vers l’année 1195, avait été respectée lors de la construction des nou- veaux bàtiments de l’abbaye. Elle offrait un beau modéle du style plantagenet, par ses fenétres allongées et à plein cintre, par ses voùtes en berceau , ornées, comme celles de l’église Saint- Serge, de nervures ou arétes cylindriques, et par son beau portail décoré d’un grand nombre de sculptures. Un seulbas-còtéavait éié postérieurement adossé a la nef principale, peut-ètre pour la commodité des pélerins toujours nombreux à visiter les reliques de saint Regnault. Mélinais est actuellement aussi ignoré qu'il était fréquenté avant la destruction de l’abbaye. Une seule chose donne au visiteur l’occasion de soupgonner l’existence passée dans ce lieu, d’une maison reli- gieuse, c'est la statue mutilée d'un évéque ou d’un abbé , placée dans le bosquet, le long d’un arbre. La (170 ) raideur de la pose, les plis des vètements et un damier qui sert d’ornement principal à l’étole du saint, me portent à croire que cette statue remonte au xIe ou au xIHI° siècle. ‘ P. CHEVALIER, vicaive à Vaulandry. (4171) rr ——_4d4%n1nm ES EA D di id 3 5) (S) MEMOIRES. DE LA SOCIETÀ D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. ——_—___ DEUXIÈME SÉRIE. 2ne Volume. — 2° Livraison. ra bh) limi —_ ANGERS, IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE. IP 1851. i: rota ht Le Era È (i BIEIHITO pb Pio 4 (195) REPONSES aux questions adressées par M. le Ministre de l’Agriculture et du Commerce, sur L’ICHTYOLOGIE, LA PISCICULTURE ET L’EXPLOITATION DES EAUX DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE. La Société d’agriculture d’Angers a déjà eu l’hon- neur d’adresser les indications qui lui étaient deman- dées sur les espèces de poissons qui peuplent les eaux de notre département ou qui les fréquentent périodi- quement; mais il lui reste à s’expliquer sur quelques questions importantes qui concernent : L'aménagement des eaux quant è la péche; L’état ancien et nouveau de leur peuplement ; La situation précaire faite à nos pécheurs; Les conséquences de cet état de choses, tant dans le présent que pour l’avenir; Les améliorations de diverses natures qui pour- raient étre introduites au quadruple point de vue : De la position des pèécheurs de profession , De la reproduction des poissons, De l’introduction d’espèces nouvelles, De l’aménagement des eaux privées. 13 7 e si ld Lo È lu: ( 196 )" Dans la sphère d’indépendance où se trouve placée la Société d’agriculture, dégagée qu'elle est de toute autre préoccupation que de rechercher et de signaler des vérités utiles, nous n’aurons que le mérite facile d’ex- poser, avec une entière franchise, des faits recueillis avec une complète impartialité. Nous n’hésitons done pas à constater que l’état ac- tuel de nos cours d’eau, sous le rapport du peuple- ment, est des plus déplorables, et tend sans cesse è s'aggraver. Beaucoup de causes y ont concouru qui contribueront à l’empirer encore : essayons de les préciser. Au dernier siècle, les différentes divisions de la péche de nos rivières, mème dans celles le plus ancien_ nement navigables, avaient été largement délimitées; et, soit que les droits de pèche appartinssent aux sei- gneurs, soit qu’ils fussent dans le domaine du prince, ils donnaient toujours lieu à des concessions è longs termes, Il s’en suivait qu’ils étaient devenus, dans les affluents de la Loire et de la Maine, ainsi que dans cette dernière rivière, comme un patrimoine pour les familles des pèécheurs, qui se les transmettaient de père en fils. La jouissance avait done pris entre leurs mains, par un long usage, ce caractère particulier de prévoyance et d’économie intelligente qui distingue la gestion du père de famille. Le fermier se fut fait seru- pule d’escompter le présent au détriment de l’avenir, lorsque cet avenir devait lui appartenir ou profiter aux siens. Le poisson atteignait alors des dimensions main- tenant inconnues, etunnombre toujours considérable de fortes pièces assurait un repeuplement proportion- nel et toujours suffisant. ci aa, - 3 43 5A ' ; (197 ) 1) en fut ainsi longtemps encore après que l’aboli- tion de la féodalité et celle des droits particuliers à certains établissements religieux, eurent concentré totalement la péche dans le domaine de V'Etat. Il y a moins de quarante années; nos rivières étaient convenablement peuplées, et les grosses pièces, en carpes, brochets et anguilles n'y étaient pas devenues rares. C'est que la concurrence déplorable qui a été créée entre les pècheurs n’existait pas, et que les chefs des eaux et foréts, qui, sous l Empire et les pre> mières années de la Restauration, se trouvaient avoir appartenu à l’ancienne administration , s'appliquaient a respecter les vieilles habitudes du pays et à ne pas porter le trouble et le découragement au sein d'une portion de notre population qui, depuis Louis XIV, fournissait un contingent d’élite à la marine militaire. Les cantonnements du haut de nos rivières ne sor- tirent donc pas des mémes familles, qui ne changèrent pas leur manière de jouir, et certains cours d’eau, tels qu@’une partie des affluents de la Mayenne, la ma- jeure partie de l’Authion, du Thouet, etc., conti- nuant à ne pas étre affermés, demeurèrent comme des réserves naturelles pour la multiplication du poissons. La perturbation qui fut apportée à un état de choses qui, pour ètre complètement satisfaisant, n’eùt exigé que de légères modifications, date de la Révolution de Juillet, qui introduisit dans l’administration des caux et forèts quelques personnes étrangères à ses traditions. De ce moment elle ne sembla plus, dans notre département , poursuivre d’autre but que l'élé- vation du revenu produit par l’affermement de la (198 ) pèche, sans paraître prendre souci de la ruine qui menacait la majeure partie de nos pècheurs el du dé- peuplement de nos cours d’eau, que devait fatalement amener l’appauvrissement des fermiers. Plusieurs mesures conduisirent à ces résultats so- lidaires et désastreux. : La première fut le changement apporté dans le mode d'affermement de la Maine. Cette rivière, vers le centre de laquelle se trouve Angers avec ses qua- rante-cinq mille àmes, et dont les rives sont habitées par une population riche et nombreuse, semble dis- posée par la nature, à raison de la profondeur, du calme habituel et de la pureté de ses caux, pour servir de récipient et de réserver au poisson de la Mayenne et du Loir, ainsi qu'aux espèces voyageuses qui re- montent la Loire. Elle doit fournir aux besoins d’une consommation considérable, et avait pu jusque-là y suffire sous le régime des licences délivrées directe- ment par l’État. Trois on quatre grandes familles de pècheurs, qui se subdivisaient en un grand nombre de ménages, dont deux ordinairement formaient par leur réunion une équipe (41), y pratiquaient exclusive- ment la pèéche depuis un temps immémorial. Ces hommes, qui semblent constituer une race à part, au teint bronzé , aux cheveux d’ébène, aux muscles de fer, jouissaient dans leurs habitudes patriarchales d’une aisance relative et vivaient sans soucì de s’en- (1) On donne ce nom à un équipage complet pour la péche è la grande senne, comprenant 2 à 3 futraux ou forts bachots construits pour cette destination, et tous les engins et filets nécessaires parmì lesquels figurent 2 à 4 grandes sennes à aloses » du prix de 5 à 600 francs pièce. cab ( 199 ) richir : la certitude que l’avenir était à cux et pour- voierait toujours à leurs besoins modestes leur suffisait. Aussi, dans leurs travaux, ne les voyait-on jamais se faire aucune concurrence fàcheuse, et traitaient-ils cette exploitation en commun, comme ils eussent pu le faire de leur propriété privée. Il n’y avait donc alors aucun abus notable qui pùt compromettre la produc- tion ou la conservation du poisson. Que si l’on pouvait en redouter qui provinssent d’un accroissement dans le nombre des pécheurs, il eùt toujours été facile de les prévenir en restreignant graduellement le chiffre des licences, et si l’on tenait à augmenter les revenus de Ia péche, l’on pouvait élever successivement et avec une sage discrétion leur prix. Au lieu de recourir à ces mesures simples et pru- dentes, comment procéda-t-on? On supprima brus- quement les licences émanant directement de l’Elat, et l’on morcela la Maine en petits cantonnements ; mais si multipliés qu’ils purent ètre depuis l’embou- chure jusqu’aux premières écluses, ils durent rester de beaucoup inférieurs au nombre des équipes, et cela dans une proportion qui allait laisser sans moyens d’existence les trois-quarts de nos pècheurs. Les con- séquences étaient faciles à prévoir et elles dépassèrent méme tout ce qu'on avait espéré pour l’élévation des prix de ferme. Pour des malheureux menacés de mourir de misère, tous les liens de famille durent se rompre, e ils se virent dès-lors condamnés à se faire une concurrence sans trève ni limite. Une innovation introduite dans le mode d’adjudica- tion devait encore provoquer l’exagération du prix de ferme. Aux enchères ascendantes qu'exige la loi PA (ORE ta civile (système qu'on peut appeler moral, en ce qu'il permet la réflexion dans le consentement qui fait le lien), l’on a substitué celui des enchères descendantes, où les enchérisseurs, sous l’impression fiévreuse de la crainte de se voir enlever sans retour et par un seul mot, la ferme qu’ils convoitent, se laissent entraî- ner à des prix fabuleux. Que peut-il résulter d’af- fermements effectués dans de telles conditions, si ce n’est que les fermiers, sous la menace d’une ruine complete et inévitable, sont contraints, en cherchant à s'y soustraire, de faire argent de tout, et se hàtent d’autant plus dans cette jouissance anticipée que le bail est plus court? Aussi, depuis que ce mode d’affer- mement leur a été imposé , la Maine s’est-elle dépeu- piée dans une progression que chaque jour semble accroître. Le contrecoup de ce qui se passait dans l’exploita- tion de la Maine devait malheureusement frapper les autres rivières. Les pècheurs repoussés des cantonne- ments nouvellement affermés durent se rejeter sur la Loire et sur les affluents de ce fleuve et de la Maine , et la concurrence ardente qu’ils y apportèrent, intro- duisit, avec la surélévation des fermes, les désordres destructeurs qui en sont la suite nécessaire. Il faut encore ajouter à ces causes premières de dé- peuplement, que l’administration, en voyant l’avidité avec laquelle tous ces prétendants se disputaient ses fermes , sempressa de soumettre au régime commun des cours d’eau qui jusque-la n’avaient jamais été af- fermés ni exploités à fond, de sorte que non-seule- ment le poisson s'est trouvé traqué de toutes parts avec un égal acharnement, mais qu'il n'est plus rien è. > (30%) resté de ces réserves naturelles pour réparer les vides que font sans cesse la consommation locale et l’expor- tation pour Paris. Ce nouvel et déplorable état de choses ne paraît pas à la vérité susceptible d’une longue durée, et de l’excès du mal peut naître un retour vers un aménagement meilleur de nos rivières. Nos familles de pécheurs, en effet, commencent à s’éclaircir; leurs jeunes hommes cherchent des professions moins précaires; d’autres ne viendront pas lesremplacer, car il fautà ces rudes tra- vaux un corps endurci dès l’enfance, une longue ha- bitude des pratiques variées de nos différentes sortes de pèche, des avances qu’on ne sera pas tenté de faire avec l’expectative de n’en retirer aucun fruit, si l’on vient à échouer au jour des adjudications. Il arrivera donc, è un moment donné , que les pécheurs, réduits de nom. bre, et pouvant se compter et s’entendre, cesseront leur lutte désespérée et viendront à leur tour imposer la loi au lieu de la subir. Et comme cet instant coin- cidera avec celui ou le dépeuplement aura atteint son dernier terme, il en résultera dans les affermements un avilissement de prix qui montrera, mais trop tard, combien ceux-là furent imprévoyants au point de vue financier méme, qui engagèrent l’administration dans une voie où l’injustice semblait le disputer à l’impo- pularité. Nous ne devons pas, du reste, passer sous silence une autre cause assignée au dépeuplement, bien qu'elle soit très secondaire et très restreinie pour nos rivières, et que nous mentionnerons seulement parce qu'il est d’autres contrées où elle exerce une action désastreuse. Nous voulons parler de la navigation è la (202 ) vapeur, qui produit ces vagues de fond que les hydrau. liciens nomment ondes solitaires etqui peuvent rejeter sur le rivage les ceufs que les poissons déposent sur ses bords. Les bateaux à vapeur ne parcourent, en effet, qu’environ six kilomètres du cours de la Maine, et à l’époque du frai, comme les eaux sont habituel- lement débordées, les vagues se font à peine sentir sur les prairies inondées. Quant à la Loire, ses vagues ne pénètrent pas dans les bras latéraux où se retirent généralement les poissons pour frayer : comme nous le disions , cette cause de dépeuplement est done presque nulle dans les eaux de notre département. L’industrie privée n’a. pas au surplus fait faire à l’aménagement des caux qu'elle possède des progrès qui la mettent à mèéme de suppléer à la production défaillante de nos rivières. Non-seulement on ne la vue nulle part chercher à améliorer les étangs , mais il se rencontre mèéme, de temps à autre, des proprié- taires qui opèrent leur dessèchement. Nul doute ce- pendant qu’au prix où paraît devoir se maintenir le poisson d’eau douce, des étangs convenablement di- rigés ne pussent offrir une moyenne de revenu à peu près aussi élevée et certainement moins casuelle que les fonds de terre. Mais comment blàmer ces entre- prises, lorsque depuis si longtemps toutes les publica- tions auxquelles semble acquise la faveur du gouver- nement et des sociétés agricoles le plus haut placées, les appellent, au nom de l’hygiène publique, comme un moyen de donner plus de salubrité è l’air dans les campagnes, au nom de l’intérét privé, comme offrant une source inépuisable de richesse! Et ce- pendant combien de déceptions! mème sous le rap- ( 203 ) port de l’hygiène qui a plus à redouter des exhala1- sons miasmatique des bas-fonds que le dessèechement laisse ordinairement après lui, que des vapeurs hu- mides qui s’élèvent librement des eaux profondes et pures des étangs. Dans un moment où M. le ministre de l’agriculture se prépare, dit-on, a doter la France de l’enseigne- ment d'une science dont les formules existent sans doute , mais n’ont pas encore été réunies en corps de doctrine, peut-ètre nous sera-t-il permis d’exprimer le voeu qu’en professant la Pisciculture on traite toutes les graves questions qui se rattachent au dessèche- ment des étangs, non pas seulement quant è la pro- duction du poisson, mais aussi quant au ròle non moins important qu’ils remplissent , dans les pays dé- pourvus de montagnes surtout, pour l’alimentation des rivières, menacées alternativement de chòmages et de crùs excessifs et instantanés par la suppression de ces réservoirs naturels. Sans prétendre autrement indiquer l’intérét qui s’attache à introduire une meilleure règlementation des eaux privées, quant à l’influence qu'elle exerce sur le régime des eaux publiques , nous croyons utile de faire observer, par rapport à la pisciculture, que si les propriétaires d’étangs pouvaient ètre mieux éclai- rés sur leurs intérèts par des agents spéciaux des eaux et forèts, qui auraient la surveillance de ces eaux, ils pourraient aisément, tout en exondant les meilleures portions des fonds occupés par les étangs, y réserver au moyen de larges fossés des surfaces d’eau suffi- santes pour nourrir une quantité considérable de poissons. Il ne faut a la carpe, pour qu'elle prospère , ( 204 ) que des eaux où elle trouve des terres neuves argi- leuses. Si, en effet, dans les prairies qui forment les rives d'un étang, il est creusé un fossé, aussitòt les carpes s'y cantonnent, y pratiquent des espèces de garennes et acquièrent en peu de temps un embon- point extraordinaire. Il n’est pas douteux que, dans un étang desséché en fond argileux, on ne puisse ar- river, en multipliant les tranchées, à maintenir une population à peu près égale à ce qu'elle était dans son état primitif. Quant è assurer la multiplication des carpes et des tanches dans ces canaux, nous indiquons pour y parvenir un moyen sanctionné par l’expérience. C'est l’établissement de plans inclinés à longues pentes dans certaines parties des canaux. Ces poissons ne fraient pas dans les eaux profondes : la carpe surtout recherche les lieux herbeux où souvent elle est à peine > couverte par l’eau. Quant au repeuplement des rivières, qui doit plus spécialement appeler l’attention de l’administration , il est une mesure qui nous paraîtrait infaillible pour l’assurer, et qui serait d’une facile exécution. Elle consisterait à ne pas comprendre dans l’affermement des affluents de la Maine et de la Loire, les cantonne- ments qui seraient jugés les plus propices pour la mul- tiplication, et à créer ainsi, sous une surveillance spéciale de l’administration , des réserves qui favori- seraient le développement des grosses pièces de pois- son ei Ja reproduction des meilleures espèces. Dans ce nouveau mode d’aménagement , l’Etat, bien que le nombre des fermes se trouvàt restreint, n’aurait rien A perdre et tout a gagner. Rien àè perdre dans les sec- ( 205 ) tions ainsi réservées, où, a certains intervalles, la péche de l’excédant des grosses pièces l’indemniserait du non-affermement; tout à gagner, puisque ce serait une source de plus-value pour les autres cantonne- ments dont le peuplement deviendrait plus satisfai- sant quant au nombre et à la grosseur des sujets. L’établissement de ces cantonnements réservés se- rait d'ailleurs le meilleur moyen d’arriver à opérer l’acclimatation des espèces étrangères à nos contrées. Autant on doit peu compter sur le succès en les par- quant dansdes pièces d’eau dormante ou tropresserrées ou garnies de murailles, autant on peut rationnelle- ment l’espérer, quand on les placera dans des eaux toujours renouvelées, mais circonscrites de manière a ce que les individus en expérience soient assez rap- prochés pour pouvoir se rencontrer et frayer. Des barrages ménagés dans de petits bras des cantonne- ments réservés formeraient ces réserves secondaires exclusivement consacrées à ces espèces d'élite, qui, au fur et mesure de leur multiplication , seraient ré- pendues dans le reste du cantonnement réservé, d’où elles pénétreraient plus tard dans les cantonnements affermés, supérieurs ou inférieurs. Si j'emploie cette alternative, c'est pour indiquer que, comme certaines espèces aiment à remonter les eaux courantes, il se- rait convenable d’avoir des réserves placées, non pas seulement vers la source, mais aussi vers le milieu du cours des rivières. Au reste, les personnes qui s'occupent d’histoire naturelle dans les applications utiles qui peuvent ètre faites de cette science pour la satisfaction des besoins de l'homme, n’ont pu qu’applaudir vivement è la pen- ® (206 ) sée qu'a manifestée M. le ministre de réaliser par la naturalisation des poissons comestibles, des vox si souvent et sì inutilement répétés par les voyageurs. L’acclimatation du cyprin doré de la Chine en France, celle du gourami des Indes à Maurice, ce que l’his- toire nous a appris des résultats obtenus par les Ro- mains sur des espèces qu'on pourrait croire rebelles à toute domestication, ne permettent pas de douter du succès qui couronnera les tentatives de ce genre, lorsqu'elles seront faites avec intelligence, et en pla- cant les types reproducteurs dans des conditions ana- logues à celles qu'ils trouvaient dans leur pays natal. Lavariété infinie quela France possède dans la consti- tution géologique du lit de ses rivières, dansla nature de leurs caux , dans Jes végétaux qui les garnissent, dans la température des contrées qu’elles parcourent depuis les sommités alpines jusqu’aux rives méditer- ranéennes, offriront à toutes les espèces des lacs, tor- rents et rivières de la Suisse, de l’Italie et de l’Alle- magne, des milieux qui leur seront parfaitement appropriés. L’acclimatation pourra également s’étendre è un grand nombre d’espèces étrangères à l'Europe. Je ne parle pas seulement de celles de certaines parties de l’Afrique occidentale ou du nord de l’Amérique septen- trionale, mais de cellesmème qui habitent dans le voi- sinage des tropiques, l’eau étant un milieu qui, surtout dansses couches inférieures, ne subit pas des extrèmes de températureaussimarquésqueceuxde l’airambiant. En vain, parexemple, dans nos départements de l’ouest, la surface des caux se couvre-t-elle de glace pendant ur iemps plus ou moins long en hiver; pour peu qu'elles (207 ) aient quelque profondeur, les poissons sont certains d’y trouver une température assez élevée pour at- iendre sans souffrir les chaleurs du printemps. Si l’on observe d’ailleurs l’analogie singulière que les pro- ductions des eaux douces de tous les pays connus conservent entre elles dans les espèces ou les genres des végétaux, des insectes, des entomostracés, des mollusques qui partout forment la nourriture des pois- sons qui ne sont pas icthyophages, on sera facilement convaincu que les espèces exotiques rencontreront dans nos eaux tous les moyens d’alimentation conve- nables. Notre tàche ne serait pas terminée , si nous ne fai- sions observer que de toutes les parties de la France occidentale , l’Anjou, par le vaste réseau de ses pe- tites riviéres, comme par ses larges fleuves, est peut- étre le pays le plus heureusement disposé par la na- ture pour favoriser l’introduction, l’acclimatation et la diffusion des espèces étrangères. En résumant ce long exposé, nous concluons de ce qui précède : Que, dans notre département le dépeuplement des cours d’eau, tant du domaine public que privé, va sans cesse en augmentant, et qu'il est le résultat médiat, mais nécessaire , pour les rivières, du mode d’affermement maintenant adopté pour tous les can- tonnements, dans lequel les prix sont trop exagérés et les baux trop courts. Comme mesures amélioratrices, nous proposerons les suivantes © 4° Revenir, pour les parties de nos rivières où ce mode d’affermement eaistait avant 1830, aux licences { 208 ) accordées directement par l’Etat, qui en limiterait le nombre et en élèverait successivement le prix d’après l’appréciation d’une production normale du poisson ; 2° Dans l’adjudication des cantonnements affermés, substituer les enchères ascendantes aux enchères des- cendantes ; 3° Dresser une liste des pécheurs qui ne comprendrait que ceux qui font de la pèche leur principale profes- sion et n’admettre aux adjudications que les individus portés sur ces listes , qui tous, pour mieux empécher Jimmixtion des spéculateurs étrangers à cette profes- sion, seraient soumis d l’inscription maritime ; 4° Ne donner que des baux à longs termes; 5° Faire exécuter avec rigueur, en abaissant la pé- nalité au besoin, tous les règlements relatifs à la con- servation du poisson, et donner à l’administration le droit d’écarter des adjudications et des licences tout individu ayant été l’objet d’un certain nombre de poursuites pour contraventions aux lois concernant la péche; 6° Soustraire à l’affermement certaines parties des cours d’eau pour les transformer en réserves de repro- duction; 7° Etablir pour la surveillance de ces réserves des gardes logés dans leur voisinage, et chargés en mème temps de la direction des réserves de naturalisation pour les espèces étrangères ; 8° Placer les eaux privées, et notamment les étangs, quant à certaines conditions qui seraient déterminées, sous la surveillance de l’administration des eaux et foréts; Lui donner le droit de s'opposer au dessèchement o: ( 209 ) des étangs qui seraient classés dans la catégorie des réservoirs alimentaires des voies navigables, et éten- dre au besoin à cette nature de propriété le droit d’ex- propriation pour cause d’utilité publique ; En tous cas, n’autoriser les dessèchements que sous des conditions qui, en livrant à la culture les terres fertiles, pourraient conserver une production suffisante de poissons. Angers, ce 4 juillet 1851. T. C. BERAWD, Conseiller à la Cour d’appel, secrétaire général de la Société nationale d’agriculture, sciences et arts d’Angers, correspondant de*diverses sociétés savantes. (210 ) ESSAI D'ICHTYOLOGIE DES COTES OCÉANIQUES ET DE L’INTÉRIEUR DE LA FRANCE, OU DIAGNOSE DES POISSONS OBSERVES. Nos premières études , relatives aux poissons, sans parler de celles faites dans la belle institution sì re- grettable des écoles centrales, datent de 1810, époque a laquelle les circonstances mirent, à Paris, à notre disposition, une superbe collection de poissons, pré- parée d’une manière remarquable par Dubuisson, con- servateur du musée d’histoire naturelle de Nantes (1). Etant demeuré, en 1811, un mois sur les còtes du département de la Gironde, et en 1812, deux mois sur celles des départements de la Charente-Inférieure , de la Vendée et de la Loire-Inférieure, ainsi que de la Vilaine , nous fîmes des applications d’étude sure vi- vant, et pùmes observer un certain nombre d’espèces rares. Cependant nos observations les plus suivies et les plus nombreuses ont été de 1838 à 1847. C’est alors (1) Gette curieuse collection, dont tous les individus, y com- pris les plus grands, tels que le saumon, etc., fut dévastée et presque toute détruite en 1814, par les soldats étrangers, dans l’habitation que j’avais à Montreuil, près Paris. (211) que nous avons véritablement éprouvé la difficulté de ce genre d'étude , lorsqu’il faut s'en procurer tous les matériaux et faire des applications rigoureuses et ap- profondies. Il est à regretter, en effet, que le musée de Nantes, si bien à la portée de se procurer, en ce genre, une collection importante, offre pour ainsi dire moins de ressources que celui d’Angers, bien que nous n’ayons été que très peu à méme de l’aug- menter , sous ce rapport, pendant les dix-neuf années qu'il s’est trouvé sous notre direction. Si les naturalistes se livrent très rarement à l’étude des poissons, c'est que l’on manque d’ouvrages faciles pour les étudier , et propres à leur détermination. Les objets que l'on possède autour de soi se trouvent comme perdus au milieu d’un millier et plus d’es- pèces dont se compose l'ensemble des ouvrages trai- tant en grand de l’ichthyologie ; de là le délaissé de cette curieuse partie de l’histoire naturelle (4). On peut encore mettre au nombre des causes qui s’opposent à l’étude des poissons, l’imperfection ou la difficulté de leur préparation; la presque impos- sibilité de les conserver avec leurs couleurs, dans quelque liquide qu'on puisse les plonger, pour en pro- longer la conservation, et nous-mème avons été dé- goùté de ce genre de collection, après la perte que nous avons éprouvée. (1) L’ouvrage de Cuvier et Valenciennes en décrit cinq mille, et certes il n’ont pas épuisé la nature. Que l’on y joigne le prix des ouvrages de ce genre : la seule Zehthyologie de Bloch , ren- fermant à peine 500 poissons, coùte 900 fr. ; les 100 planches de l’encyclopédie par ordre de matière, donnant 410 poissons, ne peuvent étre qu’à l’usage de celui qui sait déjà, ainsi que le prouvera la table que nous donnons à la fin de notre travail. 14 (212 ) Quelques travaux partiels et très utiles, du genre de celui que nous donnons ici, ont déjà été publiés. M. Millet, dans son excellente Faune de Maine et Loire, est l’un des premiers qui aient donné l’exemple de l’étude locale des poissons, et cet exemple a été déjà suivi par quelques naturalistes qui ont aussi senti le besoin de ces études partielles. Tel est M. de Mauduyt, dans son Jehthyologie du département de la Vienne, pu- bliée en 1848; Holandre, dans sa Faune du département de la Moselle. Nous ne pouvons passer sous silence le beau travail sur les péches, par Duhamel Dumonceau, qui a donné une nombreuse série des poissons de la France, dont on a fait è peine usage, parce qu'il y avait un travail sérieux à exécuter, afin de ramener a une nomencla- ture méthodique tous les objets dont il parle et qu'il figure sous des noms vulgaires. Quatre volumes grand in-folio formaient encore un obstacle à l'utilité que l’on pouvait retirer de cet ouvrage. Le très zélé naturaliste Bachelot de Lapylaie pré- senta au congrès scientifique de France, à Poitiers, en 1835, un ensemble d’observations remarquables faites sur les poissons de nos còtes de l’Quest, pen- dant les années 1832 et 1833. Il est regrettable , pour la science, que l’on n’ait pas attaché à ce travail toute l'importance qu'il méritait, et qu'il nen ait été donné qu'un trop court précis (4). Désespérant de voir publier le travail de M. de Lapy- laie, nous mîmes au net le premier résultat de nos (1) Au Congrès scientifique, à Angers, en 1843, on tint encore moins compte du travail dont nous fimes la communication i la section des sciences naturelles. (2159 études, seulement pour le département de la Loire- Inférieure. Nous devons rendre cette justice à la So- ciété académique de Nantes, qu'elle accueillit ce tra- vail avec une bienveillance marquée, et quelqu’in- complet qu'il pùt ètre encore, la publication en fut faite dans ses annales (1). Dans la crainte bien fondée que nous avions de l’im- perfection de ce premier essai, nous résistàmes aux sollicitations qui nous furent faites d’en donner une publication isolée. Aujourd'hui nous pouvons offrir une série plus étudiée et plus complète, qui pourra servir de base à des études plus approfondies. Si, dès notre début, nous eussions eu à notre disposition un semblable travail, il est certain que nous aurions donné une plus rigoureuse précision à nos recherches : per- suadés que nous étions primitivement, qu'il n’y avait plus rien è faire sur nos còtes en ce genre d’ob- servation. Malgré la persistance de nos recherches, nous sommes donc convaincu qu'il reste sur nos còtes, comme dans l’intérieur de la France, des espèces qui n’ont point passé sous nos yeux, bien des variétés à constater ou à contròler. Que d’études de moeurs il reste encore à faire sur les poissons! Mais cela ne peut étre que l’effet du temps. Pour y parvenir, il était in- dispensable de faciliter les recherches, afin d’arriver à la connaissance des espèces de poissons. Ces espèces connues, il existe encore de grandes difficultés à rai- son des variétés ou de l’affinité des espèces; ainsi dans les genres Gade, Labre, Spare, Cyprin, etc., etc., (1) Tome 4, p. 157 de la 2° série. (214) les limites entre certaines espèces sont peu tranchées ou difficiles a nettement exprimer. — Souvent les es- pèces sont rares ou locales, ou seulement de pèche accidentelle. Il faut une persévérance longue, cons- tante, pour saisir toutes les circonstances favorables ; ne pas craindre de multiplier toutes les chances qui peuvent augmenter le nombre des objets d’observa- tion. Nousavonsdù rapporter scrupuleusement dans notre nouveau travail, toute la synonymie des poissons cités par M. de Lapylaie, pour nous mettre d’accord avec cet exact observateur. Il est bien à regretter que ce naturaliste n’ait pas publié son ouvrage avec les excellentes figures de poissons de nos còtes qu'il avait dessinées avec autant de perfection que d’exactitude. Un naturaliste pouvait seul arriver à ce point désiré, et qui manque dans presque tout ce qu’on a fait en ce genre. Les poissons donton a donné la figure dans l’Encyclopédie métho- dique, par exemple, ne sont que des à peu près, utiles à la vérité, mais dont il faut savoir se servir pour en faire une bonne application. Les planches de Salviani, bien que de 1554, sont presque aussi bonnes que celles de Bloch, publiées de 1785 à 1796, dont la coloration, pour les espèces étrangères, est rarement la véritable, si elle n’est exagérée. La petite édition qu’a donnée Castel en 10 vol. in-18, dans le Buffon publié par Déterville, peut étre d’un bon secours, toute incomplète qu'elle soit (1), tout inexacte qu’en soit souvent la nomen- clature. (1)La nomenclature a souvent hesoin d’étre rectifiée, et sous ce (215) Dans l’étude des poissons; on ne doit pas oublier, qu’outre la modification des couleurs, les espèces pré- sentent souvent des accidents de forme, faits pour embarrasser l’observateur, s'il ne s'aidait de la ré- flexion. Peut-ètre encore se produit-il des hybrides entre les espèces les plus rapprochées dans leur forme organique extérieure. Quelques naturalistes, trop persuadés de la fixité des espèces, en histoire naturelle , ont souvent donné comme espèces distinctes, de simples variétés. Aussi, pour la constatation des espèces, est-il indispensable de pouvoir comparer une certaine série d’individus. Cependant cela n’est pas toujours facile, surtout pour les espècesrares ou pour celles de passage accidentel, que nos pécheurs rencontrent de temps en temps en haute mer, c’est-à-dire à 10 et 20 myriamètres de nos cotes. C'est en vivant familièrement avec les pècheurs; c'est en voguant aventureusement avec eux, qu'il est possible d’utiliser une grande partie de leurs connais- sances empiriques, de leur science vulgaire, tout en se tenant averti de l’incertitude de leurs applications de noms vulgaires pour un certain nombre d’objets. Chaque canton de nos còtes a pour ainsi dire un nom distinct pour la mème espèce; mais ils s'accordent pour ce qui est des habitudes, des moeurs et des épo- ques d’apparition de ces espèces, si elles sont de pas- sage. Après les grandes et longues tourmentes des eaux rapport, le Règne animal , publié par Cuvier, est d’un indispen- sable secours. ( 216 ) de l’Océan, c'est alors que les pèécheurs rencontrent des espèces rares ou accidentelles, et souvent mème ces espèces sont portées ]jusqu’auprès des còtes. C'est surtout à basse mer, et plus spécialement aux pleines lunes et aux équinoxes , qu'il est précieux de visiter les rochers sous-marins , pour étudier dans les flaques d’eau, dans les vases, dans les sables, dans les anfractuosités des rochers, les petites ou mème les grosses espèces qui peuvent s°y trouver délaissées par les eaux de la mer et dont beaucoup sont négligées par les pèécheurs, à raison de la petitesse ou de leur inutilité économique. C’est un moyen aussi de cons- tater certaines espèces dans leurs différents àges, ou de trouver des formes spéciales dans ce que le vulgaire confond sous le nom de fret, frétin, métisse, etc. En nous renfermant strictement dans ce qui est re- latif aux poissons, nous avons dù ne point parler d’un petit nombre d’espèces de cétacés, qui fréquentent nos còtes ou s'y trouvent accidentellement; tels que les marsouins, et plus rarement quelques dauphins, cachalots et baleines , et encore moins des amphibies, qui se réduisent à quelques veaux marins égarés loin du Nord. Nous devions d’autant moins nous occuper des pois- sons de la Méditerranée, bien qu’ayant des bases d’ob- servation pour cet objet (1), que l’ouvrage de Rondelet donne le plus grand nombre d’entre elles, avec des figures souvent très comparables, et qu’en outre l’ou- vrage de M. Risso est, en ce genre, un excellent (1) Le musce d'Angers possède une assez belle série d’espèces, bien déterminées, provenant des còtes de la Méditerranée, (217 ) travail sur les poissons de cette région de nos còtes. Mais il a trop souvent négligé de donnerlacitation des figures de Rondelet, et publié, comme nouvelles, plu- sieurs qui s'y trouvent, et bien représentées et bien figurges pour l’époque à laquelle écrivait ce natura- liste. Darluc, dans son Histoire naturelle de la Provence, s’en était trop tenu aux notions les plus vulgaires, pour avoir approfondi l’ichthyologie de la Méditerra- née et levé les obscurités qui pouvaient exister dans Rondelet, auteur qui méritait d’étre plus étudié qu'il ne l’a été dans l’Zchthyologie de Nice. Après avoir comparé les différentes classifications proposées par les naturalistes, tels que Artedi, Lin- naeus, Cuvier, Lacépède, Latreille, etc., pour grou- per régulièrement les poissons et arriver facilement à leur détermination, nous avons cru devoir adopter de préférence celle de Lacépède, à quelques légères modifications près, comme la moins compliquée , la plus rassurante pour ceux que peut effrayer l’écha- faudage de nomenclature pour chaque degré de divi- sion des ichthyodéres, car ce ne sont plus tout bonne- ment des poissons. Là, classe, ordre, section, famille, tribu, regoit un nom spécial, qui jette dans l’esprit une sorte de diffusion, pour ne rien dire de plus, qui éloigne d’une étude déjà assez peu favorisée par elle- mème. Si mème l’usage n’avait pas consacré deux mots chondroptérigiens et acanthoptérigiens , eussions- nous dit simplement poissons cartilagineux , poissons osseur. C'est à la médecine, au sein de laquelle la science de l’étude de la nature a pris naissance, que l’on doit cette malheureuse tendance à créer une langue (218) nouvelle, au milieu d’une langue recue, reste de cet ancien préjugé qui voulait cacher la science au vul- galre. Les poissons cartilagineux , ou dont le squelette se compose de véritables cartilages et non d’os, semble- raient devoir former un ordre sur la mème ligne que les oiseaux, les reptiles, les cétacés; car, dans une partie de leurs divisions, on trouve des formes qui sont comme parallèles à celle des poissons osseux, qui constituent au reste la plus grande partie de cet ordre d’étres. Si, en histoire naturelle, une série linéaire était possible, ce serait par les squales à évents qu'il faudrait commencer pour lier les poissons aux cé- tacés. La connaissance des noms vulgaires en ichthylogie est d'une indispensable nécessité; sans ce moyen, il est impossible de se mettre en rapport avec les classes qui s'occupent de la péche ou du commerce des pois- sons, et de participer aux connaissances qu’elles doi- vent à l’expérience ou à la tradition. Malgré méme la diversité des noms vulgaires , leur application souvent méme peu précise , c'est un moyen d’obtenir les objets et les renseignements qui peuvent y ètre relatifs. Nous sommes bien éloigné d’imaginer n’avoir com- mis aucune méprise, mais ceux qui s’occupent sé- rieusement de l’étude des poissons, s’apercevront facilement de bien des rectifications devenues indis- pensables. La difficulté des choses nous rend très in- dulgent pour le travail de Lacépède , dont on a profité en le jugeant très sévèrement et trop rigoureusement. Possesseur de son exemplaire, du systema nature de Linné, annoté de sa main, cependant nous n’avons (219) trouvé que de faibles notions dans cet ouvrage , quel- que précieux qu'il soit pour nous. Le résultat de nos études est, que la richesse de nos còtes était bien plus grande en histoire naturelle qu'on ne l’a imaginé. De là des découvertes presque cer- taines pour les observateurs ; mais ils devront signa- ler maintenant, avec un peu plus de précision et de soin, tous les objets qu’ils seront à mème d'’étudier, et surtout constater rigoureusement ceux que l’on croit les mieux connus. Certaines races ou espèces se cantonnent souvent par exclusion dans des parages déterminés, dans des genres de localités spéciales. Le tableau suivant aidera beaucoup pour arriver plus promptement à la détermination des espèces. En supposant des erreurs d’analyse possibles, les applica- tions que l’on fera de l’objet étudié avec la diagnose donnée pour le genre, suffira pour apercevoir l’erreur commise. Nous avons pensé que les divisions suivantes, moins bien peut-étre que coordonnées en famille, ainsi qu’on l’a fait pour l’ensemble de l’ichthyologie, étaient cependant très suffisantes pour un travail partiel sur l’ichthyologie. (220 ) CHONDROPTERIGIENS. anguilliforme, m L ba [e] ° E Lul a (o) E pisciforme . . 5 E) $ 06 la E n n È ei È fa Ra déprimé.... Il. Branchies recouverts de membranes ou d’opercule; corps Squelette cartilagineua. derniers trous des branchies i denté.tenloni PIPA ORA OATICE, LEE, BRE, ire Ì còtés du cou. . ouvertures des branchies autour du cou. cartone ANBETA épine à chaque dorsale, è { anale....... six ouvertures branchiales, ........... MOUSSes., ... dente puo pri dentelées..,. à 5 pointes.. sans cea vers les pectorales...... museau allongé.......... tète oblique au corps museau allongé à 2 rangs de pointes. .... 2-barbillons, ta: +. LoRat a ai arrondi ou échancé au sommet., ....... Saiano. tte anguleux, } fourchue,..... SIGRESA: tète engagée, aiguillon en scie. queue à { aiguillon 0..... A tuDercules Séniesti AC sans vira) pisciforme allongé. ... carpoide comprimé. ., déprimé , a téte vaste. PETROMYZON . |. AMMOCÈTE ... Il. HEIGHE 2. Il PÉLERIN..... VI AIGUILLAT.... V. CENTRINE .... IV. GRISET...... VII. EmissoLE .... VIII MILANDRE.».. IX. RoussetTE... XII. REQUIN...... XI LAMIE ...... X. MARTEAU .... XIII Soi i. XIV ANGE 00, XV. TORPILLE.... XVI. MOURINE..... XVII. CepHALOPTERE XVIII. PasTANAQUE.. XIX. RATE NI XX; ACcIPENSERE .. XXIV. CHIMERE..... XXI. BALISTE ..... XXII. BaupROlE.... XXIII (221) III. comme arrondi et comprimé. . . .. MOLE ........ XXV. Breiti SErpentiforme” i. Rn ee SYNGNATE..... XXVI. avec opercule et mem- DIAZ ; CycLOPTÈRE... XXVII. brane ; corps cylindroide , venirales en disque. I A x VITI ACANTHOPTERIGIENS ou d squelette osseux. COMPLIIME.......0.... LEPTOCEPHALE. XXIX. LE anguilloide Lei, déprimée.. MURÈNE....... XXX. Apodes, ou sans na- téte Î comprimée. AMMODYTE .... XXXI. cè Red a ète | courtement Cylinaroide noe ANARRHIQUE ... XXXIII. pisciforme, à long bec............ ESPADON...... XXXII. d sans étre large, ventrales à 4 rayon. ... PHYCIS....... XLII. 6 2 grosse et large, { Inclusi gen CALLYONYME... XXXV. no ceil hors detète............ BatRAcHOIDE .. XXXVI. È | non épineuses.......... MERLUCHE..... XXXIX. 2° 6 | cylindroide, ) épineuses ............. TRACHINE ..... XXXIV. 4 e | ordinaire, / 2 dorsales ) non épineux; barbillons... LoTTE........ XL. E corps la première crinoide. .,. .. MuUSTÈLE. ..... XLV. È a | comprimé et allongé. ......,........ BLENNIE ...... XXXVII. 5 allongé et carpoide. ...........,,... CEMENTO XXXVIII II. Thoraciens ou 2 nageoires au-dessous des pectorales; corps, ( 222) courtement. cylindroide; i i mareniaro del PTÉROZYGUE . allongé , téte à disque en dessus. ................, ECHENEIDE... TAMELOrM O: dae ITA RIE ISO LEPIDOPE.... quadrangulaire, arrondie............. PIRABEBE.... [a apparentes,.... MULLE...... non épineuse , hacbillorie nuls $ 1%" APOGON..... ne ea | A) [EE n] (PRA A ARI GOBIE....... fusiforme, x per LR mi nuls | deux . ScORPÈNE ... È 5 epineuse, dorsale banbiloni i une Arte saillans ....... ASPIDOPHORE, CUIFASSEE A ir GRONDIN..... COMPLIMEB, o e PERO CORYPHÈNE .. anguleux 18L6:grossei RAP RO SNA RACARSIARA ao PÉRISTÉDION . distinctes, sans carène....... SCOMBRE .... ligne latérale carénée. it... CARANX ..... créneles ou dentés........., CRENILABRE. . protractiles... LABRE ...... È non épineux, , «RUDENTEXi con carpoide, 5 cut : È lèvres ordinaires £ .., CANTHÈRE ... adipeuses \ nulles, S opercules i PARE.....- preopercule 1 épine.. HOLOCENTRE . anî at pa” SERRAN..... épineux { aiguillons\ $cailleux 8 et SCIENE...... MUSeau ( écailles 0. PERSÉQUE ... carpoide très allongé (*), OICR APRON...... opercule épineux, dorsale Y deux ......... GREMILLE ... d Peel devantla dorsale. CENTRONOTE . carpoide un peu allongé , aiguillons i ; sur les còtes. .. GASTÉROSTÉEE. O 7A CILISES I VErS AVERLO it cal elet CENTROLOPHE | i ne sdcavantla: dorsale: Re ce AS 6 Ae trèscomprime, 4 , De. non écarlleuse, $ allongé.... RASON...... aiguillons nul, viale Corps ovale..,.. CHRYSOTE ... écallleuse, ,eaet RR CASTAGNOLE.. CEDIMENTI e RIEN PLEURONECTE. (*) Le Gasterostée spinachie, XLII. LVII. XLIV. LI. LI. LIV. XLV. XLIX. XLVI. XLVII. L. LI, XLVII. LIX. LVII. LX. LX. LXII. LXHI. LXX. LXV. LXIV. LXXI. LXXII. LXXIHI, LXVI. XLV. LVI. LXVII. LXXIV. LXVIII. LXXV. LXIX. LXXVI, Sv, E IE (229) cylindroide, avec barbillons ................%. LOCHE... if LXXVII. Di fusiforme È { LETREUE o ao a te GOUION. ..... LXXVIII. #3 | DarbillonsY quatre... . Li... BARBILLON ... LXXIX. $ nulles, l’anale .... BROCHET..... LXXXIV. A SUL une, Jorsal opposée al ventrale ... SYNODE...... LXXXVII. 3 dae adipeuses ) nombreuses .............. Scomeresoce. LXXXYV. IU Pi i ErenLaN. .... LXXXVIII n UNI NO SR Se ee RERLANA2 ci È A E e aaa Ani SpPHYRÈNE.... LXXXVI. 8° très petites, et petits barbillons. TANCHE. ..... LXXX. Pg i Oranderto tt nc CARPE... LXXXI. $ C) a ANCHOIS ..... XCI. ont ha ou $$ unique; { grandes; | moyennes, aci CLUPÉ..... .. XCH. ERA écailles anale nez ABLE Gg IPS. 3 carpoide, OPARIZIER long... CHonpostrome LXXXIII. È dorsales anale étendue ............. BREMEN LXXXII. E; ExoCcET...... XCVI E deux; sans écailles. .... AtHÉRINE .... XCIV. 5 deux; tete écailleuse. ...... MuGE........ XCV. Ss rayonnée, une seule; { nulles. 13. OMBRE....... XG. denis & très visibles..,... SALMON. ..,.. LXXXIX grande, .{nchois. (*) Bouche $ moyenne, { OPPosite Clupe. dorsale | non opposée Ab/e. (224 ) CHONDROPTÉRIGIENS. Première Section. BRANCHIES SANS RECOUVREMENT. ——__ e — I. PETROMYZON : Corps anguilliforme; crète lon- gitudinale sur la queue ; sept ouvertures branchiales de chaque còté, près la téte. 4. P. LAMPROIE, P. marinus Gmel P. maximus L. Encycl. méth. pl. 41, f. 4. Bloch, pl. 77. Dict. sc. nat., pl. 17. Cuv., ic. du Règ. anim., pl. 120, f. 1. Lacép., pl. 51 (4), fig. 4. Corps brun, marbré, bouche à 20 rangs de petites dents. Monte au printemps dans les fleuves et les rivières, et surtout la Garonne et la Loire. On la nomme Grande Lamproie, Lamproie marine, Lamproiemarbrée. 2. P. PRICKA, P. fluviatilis, L. vulgairement Lam- proie d'alose, Lamproie de rivière, Sept-eil. Ency., pl. 4 f. 2. Bloch, pl. 78. f. 3. Dos gris-bleuàtre , angu- laire ; seconde dorsale réunie à la caudale et très an- guleuse. Monte au temps des aloses, et souvent attachée à ce poisson qu'elle suce et amaigrit; mais on la trouve (1) Nous citons l’édition de 1830, chez Pillot, 13 vol, in-8° avec atlas de 62 planches pour les poissons. (225) dans toutes les: saisons. Longue de 30 à 35 centi- mètres. 3. P. de PLANER, P. Planeri Cuv. non Bloch. Enc., pl. 1. f. 4. Lacép., pl. 50. f. 5. Corps comme annelé; seconde dorsale peu élevée, confondue avec la cau- dale ; des papilles rudes pour dents , bouche arrondie. Longue de 20 à 28 centimètres, cette espèce, moins commune que la précédente, se trouve dans toutes les saisons, dans nos fleuves. 4.P. Nor, P. Niger, Lacép., pl. 50. f. 4. Petite lamproîe de rivière. Millet, Faune de Maine et Loire. La seconde dorsale touchant presque la première et contiguè a la caudale; bouche très petite. Dans les rivières du nord-ouest de la France, où i} porte le nom de Petit-Sept-@il; d'un beau noir en des- sus et argentin dessous. 5. P. SePT-0EIL, Lacép. vulg. Gros-Sept-eil, corps longuement conique, gris plombé à ventre blanc-jau- nàtre ; bouche allongée du diamètre du corps; dorsale très arrondie dans les deux parties. Cuvier regarderait ce poisson, qui habite les mémes lieux que le précédent, comme une modification du n° 3, ainsi que le n° 4 lui-méme et le suivant qui est plutòt un ammocète. 6. P. SuceT, P. Sanguisuga, Lacép. pl. 50. f. 3. vulg. Sucet, corps cylindrique , nageoires comme adipeuses basses , la seconde se joignant presque à la queue , bouche plus étendue que la tète, dents petites. Si véritablement cette espèce manquait d’évent, ce qui est à constater de nouveau, ce serait un genre et non une variété; on l’a pèéchée au temps des aloses ,. dans la Seine-Inférieure , il se peut que ce soit le P. argenteus, Bloch. pl. 415. f. 2. ( 226 ) H. AMMOCETE, Ammocoetes, Dum. Lèvre charnue demi-circulaire, dents nulles, mais à la place des bar- billons branchus, point d’évents. 7. A. LAMPRILLON, Ammocoetes branchialis, Dum. Petrom. — L. Lacép. pl. 49. f. 3. Rondelet, poiss. de riv. chap. 24. Cuv.ic. du règ. anim. pl. 120. f. 2. vulg. Chatouille, Lamprion, Sucepierre, Lamprillon; corps verniculaire, noir-verdàtre, comme annelé , ceil comme voilé. Il reste è constater si, comme le croit Cuvier, le poisson décrit par Lacépède, n’est pas une espèce de Pétromyzon, très différent de l’Ammocète. Mais dans ce cas il aurait figuré dans notre édition une espèce et décrit une autre, lui donnant des dents; du reste il ressemble singulièrement au suivant. 8. A. RoueE, A. ruber Cuv. Petromyzon ruber Lacép. pl. 50. f. 2. dict. sci. nat. pl. 18. f. 2. vulgt. Sept - eil-rouge , aveugle; couleur général rouge de brique; partie antérieure plus rouge, renflée , ceil très petit. Du reste, il ressemble beaucoup au précédent, dont il ne sera peut-ètre qu'une variété remarquable qui se trouve dans le bas de la Seine. Nous n’avons aucune particularité à donner sur le Petromyzon anomalum de M. de Lapylaie, trouvé dans les eaux douces du département de la Vilaine, long de 20 centimètres è peine. On voit que ce groupe a besoin de nouvelles études. NI. LEICHE, Symnus Cuv. corps allongé, queue grosse et charnue, ouverture branchiale aux còtés du cou, des évents; peau rude; en bas, une ou deux ran- gées de dents, en haut, plusieurs rangs de dents poin- tues. { 227 ) * 1'e dorsale peu en arrière des pectorales. 9. L. ORDINAIRE, Sc. Licha. Ency. Se. vulgaris, Cloq. Squalus americanus Gmel. Lac. pl. 67. f. 1. Sq. ni- ceensis Risso. pl. 4. f. 6? anale grande, au-dessous de la fin de la 2° dorsale; corps, couleur brun violacé, à rugosités aigues; museau très peu allongé, obtus. C'est sa peau qui fournit le meilleur galuchat, sous le nom de Chîen de mer (1). 10. L. D'AQUITAINE, Sc. aquitanensis, Lapyl. vulg. Senille, Chenille (De-Dicu). Peut-étre n’y a-t-il la que trois races ou variétés, car le poisson de Risso n’a pas la 2e dorsale aussi grande que celle de la Liché ordinaire. Ces poissons atteignent un mètre. 141. L. FAUX-REQUIN, Sc. pseudo-carcharias , Squa- lus Carcharias Gunn. Dronth. tom. 2. pl. 10 et 11. Oth. Fabric. Faun. Groenl. pl. 127 non L. Bloch. pl. 119. Enc. pl. 7. f.20. Corps rude renflé, dos large ; cou- leur générale grisatre. C'est là l’espèce qui, dans le nord, porte le nom de Requin; aussi grand, aussi féroce que le véritable, mais qui ne paraît pas dépasser la zòne tempérée. Il est mème plus rare sur nos còtes que dans le nord, où il a plus de ressources et est moins chassé. ** 4re dorsale au-dessus des ventrales. 12. L. BOUCLEE, Sc. spinosus Cloq. Squalus spinosus, Schn. Lacép. pl. 63. f. 2. Dict. sc. nat. pl. 28. f. 2. Corps très allongé, museau pointu, partie supérieure (1) Gmelin et Lacépède ont pris le cap Breton de nos còtes, pour celui des còtes d’Amérique, du méme nom. 15 (228 ) du corps parsemée de tubercules inéganx et mucro- nés jusqu'à l’extrémité de la queue; les deux dorsales près la queue. Le premier individu connu de cette espèce rare a été pris sur nos còtes en 1780, et il avait 41 métre 30 cent. de long. IV. CENTRINE, Centrina, Cuv. Des évents; une Gpine vers le sommet en avant de chaque dorsale ; 2* dorsale au-dessus des ventrales; dents inférieures tranchantes, supérieures pointues. 13. C. HUMANTIN, C. vulgaris Clog. Dict. sc. nat. pl. 34. Squalus Centrina L. Salvi. pl. 57. Bloch pl. 115. Centrina Rondel. Lib. 13. cap. 9. Oxinotus Centrina Raf. Corps ramassé, hérissé, queue courte à peine échancrée. On la prend quelquefois dans le golfe de Gascogne et plus ordinairement dans la Méditerranée. | V. AIGUILLAT, Spinax. Cuv. Corps allongé, évents, pas d’anale; une forte épine en avant de chaque dor- sale; dents petites et tranchantes. 14. A. ORDINAIRE, S. Acanthias Clog. Cuv. pl. 115. Dict. sc. nat. pl. 33 f. 1. Squalus Acanthias L. Bloch. pl. 113. Raf. Lacép. pl. 67. f. 2. Enc. pl. 5. f. 12. Voyage des Elèves de l'Éc. centr. de l’Eure, p. 77. pl. 3. Duham. Pèches sect. 9. pl. 20. f. 5 et 6. Vulg. Chien de mer épineux, Epinette, Aiguillet, Quiquehet. Corps gris- foncé, violetté sur les còtés, quelques taches blanches vers le dos (très nombreuses dans les jeunes); peau rugueuse; des sortes de plis sur les còtes. Il est plus commun que les deux suivants. 15. A. VEAU, Vitulinus Lapyl. Semble n’étre qu’une race dislincte, dont Je museau n'est pas aussi pro- (229 ) longé que dans l'ordinaire et plus renflé, ce qui lui donne comme un téte de veau. 16. A. SAGRE, S. niger Cloq. Squalus Spinax L. Squalus niger Gunn. Mem. Dronth. 2. pl. 78. Acanthias Spinax Risso. Couleur brune, dessous du corps noir à tubercules gros et très noirs; narines presque à l’extrémité du museau; des filaments lisses entre les tubercules, Se laisse prendre, mais rarement, sur toutes les - régions de nos còtes; dépasse rarement 1 mètre 30 c.; c'est encore le Mustelus d’Edward, glanures pl. 289, tandis que la pl. 288 est le jeune Aiguillat ordinaire. Confondu avec le n° 14, il a cependant le ventre noir et le dos plus rude. VI. PELERIN, Selache Cuv. Des évents; ouvertures des branchies entourant presque le cou ; dents petites coniques, non dentelées. 17. P. TRÈS GRAND, S. maxima Cloq. Dict. sc. nat. pl. 30. Squalus maximus L. Blainv. Ann. mus. tom. 18. pl. 6. f. 1. Dos bleu-verdàtre, plus ou moins foncé, la deuxième nageoire plus petite que la première, plus près de la téte que celle de l’anus; une sorte de carène de chaque còté de la queue; peau épaisse , très tuberculeuse et apre au toucher. On en a pris des individus sur nos còtes en 1787, 1802. Celui de 1787 était de 7 mètres de long. | 18. P. TAUPE, S. Talpa. Squalus maximus. Desc. Voy. d'un nat. tom. 1. p. 91. pl. 3. Vulg. Taupe de mer. Couleur générale, surtout au dos, noir foncé; les branchies moins étendues sur le col que dans le précédent ; 2° dorsale oppositive. Nous n’entrerons pas ici dans toutes les différences existantes entre cette ( 230 ) espèce et la précédente; mais il est certain quil y a plusieurs poissons confondus sous le nom de Squalus maximus, mème entenant compte de quelques inexac- litudes de Gunner, Shaw, Pennant et Home, qui en ont figuré les individus. Les plis des branchies ont moins d’étendue dans le Pélerin-Taupe que dans le Très-Grand. Décrit sur un individu de 2 mètres 15 c., il na que quatre branchies, bien que la figure en donne cinq. La fig. 19, pl. 7 de l’Encyclopédie méthodique se rapproche de cette espèce. VII. GRISET, Notidanus Cuv. Des évents; six ou- verlures branchiales; une seule dorsale; dents trian- gulaires en haut, dentelées en scie en bas. 19. G. commun, N. griseus Cuv. Monopterinus. — Blainv. Hexanchus. — Rafin. Squalus. — L. Sq. Vacca Schn. Scilla. pl. 17. Vulg. Griset. Peau lisse, couleur grisatre claire; tète plate et obtuse. Rare dans le golfe de Gascogne et ne dépasse pas un mètre. Il n°y est mèéme qu’accidentel, à moins que l’on ne longe les còtes d’Espagne. VII. EMISSOLE, Mustelus Cuv. Des évents; les denis mousses; deux dorsales, dont la deuxième op- posée à l’anale. 20. E. commune, M. vulgaris Cuv. Dict. sc. nat. pl. 32. f. 2. Galeus Mustelus Raf. Enc. pl. 7. f. 21. Galeuslaevis Rond Lib. 13. cap. 3. Salvi. pl. 136. f. 2. Téte large et plate; couleur grisàtre , à deux rangs de points blanes sur les còtés; les pectorales liserées de blanc, grandes; la première dorsale presque triangulaire et noire à l’extrémité. Dépasse peu 60 centimètres. (231) 21. E. LENTILLAT, M. asterias Cloq. Galeus asterias Rafin. Squalus stellaris Risso. Galeus asterias Rond. Lib. 13. cap. 4. Belon, pl. 71 (copié par Aldr. 393). Duham. Péches s. 9. pl. 22. vulg. Chat-Rochier, Pe- tite Roussette. Des taches blanches, dentelées, sur le dos et les còtés; les deux dorsales très échancrées; corps lisse. A le museau plus prolongé que l’espèce précédente. Ce sont deux espèces qui n’ont jamais dépassé le dépar- tement dela Gironde, sur nos còtes, etmèmesont rares. IX. MILANDRE, Galeus Cuv. Des évents; dents dentelées au còté extérieur; deuxième dorsale oppo- sée à l’anale. 22. M. ORDINAIRE, G. vulgaris Cuv. Dict. sc. nat. pl. 29. Squalus Galeus L. Enc. pl. 6. f. 16. Bloch, pl. 118. Duham. sect. 9. pl. 20. f. 1,2. Galeus canus Rond. Lib. 13. cap. 5, gris foncé en dessus, sans taches, museau prolongé , pectorales grandes. La meilleure de toutes les représentations de cette cu- rieuse espèce, toujours dite vulgairement Chien de mer, est celle donnée par Gaimard, Voy. en Isl. pl. 21. C'est l’espèce qui donne le meilleur galuchat du com- merce, sous le nom de Chien de mer. X. LAMIE LAMNA, Cuv. Sans évents, dents trian- gulaires dentées, une anale oppositive ; museau al- longé à narines en-dessous de sa base; caudale en croissant. 23. L. NEZ, L. cornubia Cloq. Dict. sc. nat. pl. 28 f. 1. Isurus oxyrinchus Raf. Squalus cornubicus Schn. Squalus Nasus Art. Enc. pl. 85 f. 350. Lacép. pl. 63. f. 1. Lamia Rond. Lib. 13. cap. 12. Carcharias Al- drov. f. 302, 303 et 308. Corps un peu renflé au mi- (232) lieu; ligne latérale commencant au dessus des yeux; une carène très saillante le long des còtés de la queue; peau lisse. C'est le Requin, pour les pècheurs de nos còtes. 24. L. BEAUMARIS, L. Pennanti Cloq. Squalus mo- nensis Schn. Squalus Pennanti Arted. Duham. sect.9. pl. 9. f. 1. Vulg. Beaumaris-Shark Penn. Zool. Brit. (édit. 2), p. 104. tab. 17. Towille-Beuf. Museau assez court, corps fusiforme, peau lisse, pectorales petites et aigues. Est plus rare que la précédente et a les dents plus aigues. Ces deux espèces ou races alteignent les dimension du requin, c’est-à-dire 10 mètres et plus. XI. REQUIN, Carcharias Cuv. Point d’évents; denis tranchantes, ordinairement dentées; derniers trous des branchies allant aux pectorales. 95. R. vRAI, C. verus Cloq. Squalus Carcharias. L. Carcharimus. — Blainv. Belon fig. 60. Diet. sc. nat. pl. 26. Carcharia Lamia Raf. Ce poisson a besoin d'étre étudié de nouveau pour ne pas le confondre mal à propos avec d'autres genres, Cuvier ne reconnaissant pour véritable et passable, que la figure donnée par Belon; celle de Lacépède, le Squalus ustus, et celle de l'Encyclopédie, fig. 20, et Bloch, 119, étant du genre Scymnus probablement. 26. R. RENARD-DE-MER, C. Vulpes Cuv. Squalus Vulpes L. Galeus Vilpecula Raf. Carcharimus Vulpes Blainv. Enc. pl. 85. f. 349. Rond. Lib. 13. cap. 10. Duham. Pèches, sect. 9. pl. 21. f. 4 et 2. Vulg. La Faux, Renard-Marin; gris-bleuàtre, sans taches; lobe supérieure de la queue presque aussi long que le corps; deuxième dorsale oppositive. (233) Nous sommes presque certain que l’espèce de la Méditerranée est une race ou une espèce autre que la nòtre, confondues, à raison de l’uniformité du carac- tère le plus saillant de la queue. 27. R. PERLON, C. cinerus Cloq. Squalus cinereus Artedi. Heptranchias cinereus Raf. Gris cendré en des- sus, s'affaiblissant sur les còtés; peau peu rugueuse ayant septbranchies de chaque còté ; une seule dorsale vers le milieu du corps. Ce sont les pècheurs basques qui lui ont donné le nom de Perlon. 28. R. BLEU, GC. glaucus. Cloqg. Carcharinus glaucus Blainv. Squalus glaucus Bloch. pl. 86. non Lacép. Enc. pl. 7. f. 22. Duh. sect. 9. pl. 19, f. 6. Vulg. Blewet, Grand Chien bleu. Corps allongé , bleu d’ardoise , plus clair en dessous. Nous ne pouvons trouver de différence bien notable entre notre poisson et celui de Lacépède, pl. 62 f. 2, que Cuvier dit n’èétre pas celui de Bloch. Ce dernier a peut-ètre figuré un male, qui est plus gréle. Cepen- dant si le corps est vert de mer et non bleu ardoise et tout blanc en dessous, peut-ètre forment-ils deux races. C'est alors qu'il chasse les aloses qu'on en prend quelques individus; il nous vient du nord. On pré- tend en avoir vu de plus de 15 mètres. Ici on les voit d’un mètre à 41 mètre 50 cent. Cependant celui échoué à Dieppe en 4800, avait près de 5 mètres, et semble celui de Lacépède , dont le bieu est grisàtre. 29. R. BRULE, C. ustus Cuv. Squalus Carcharias Lacép. pl. 64f.1.nonL. Sq. Carchariasminor Forsk. Sq. ustus Dumer. Sa couleur brune , toutes ses nageoires échancrées à la deuxième dorsale près, mais non op- (234 ) posées à l’anale, peuvent la distinguer, si elle se pré- sente au sud de nos còtes, étant de la Méditerranée. XII. RousseTtTtE, Scyllium Cuv. Museau court et obtus; narines près la bouche, se prolongeant sur les lèvres; des évents et une anale; dents à trois points, celle du milieu dominante. 30. R. ORDINAIRE, Sc. Canicula Cloq. Galeus Canicu- lus Raf. Squalus Canicula L. Bloch. pl. 104. Enc. pl. 6. f. 18. Duh. sect. 9. pl. 22. Lacép. (Are édit.) pl. 10. f. 1. Canicula aristotelis Rondelet, lib. 13, cap. 7. Vulg. Chien de mer, Grande -Roussette, Roussette, Chavou, Charou, Charohet. Corps gris-roussatre, à tàches obscures et nombreuses, peu espacées; pecto- rales très grandes, ventrales petites, appendice ver- miculaire aux narines; les dorsales assez inégales; anale entre les deux dorsales. C'est cette espèce et la suivante, qui donnent la se- conde qualité de chien de mer, pour les arts. Bien que sa chair soit plus que médiocre, le peuple la mange, et c'est de ce genre de poisson (les squales) celui qui est le plus commun sur nos còtes. 34. R. RocHIER, Sc. Catulus Cloq. Squalus Catulus L. non Bloch et Bonn. Lacép. (1° édit.) pl. 9 f. 2. Ca- nicula saxatilis Rond. Lib. 13. cap. 8. Enc. pIl. 6. f. 17. Galeus Catulus Rafin. Deux lobes aux narines, dor- sales égales, taches du corps rares et larges; anale sous la seconde dorsale. Ces deux espèces donnent le galuchat le moins es- limé. Dans la nouvelle édition de Lacépède, les noms ont été intervertis : la pl. 65 f. 2 est le Rochier, et 66 f. 2 Ja Roussette. La variation des couleurs et des laches fait que l'on a fait des confusions dans les (235 ) deux espèces précédentes, et mème le Squalus stellaris de Linné est encore une modification du Rochier. XII. MARTEAU, Zigaena Cuv. Tète à deux lobes latéraux portant chacun un ceil, avec une narine è leur bord antérieur. Du reste, caractères généraux du groupe. 32. M. ORDINAIRE, Z. Tudes Cuv. et Val. pl. 4117. f.1. Squalus Zigaena Lacép. pl. 64. f. 3. non L. Enc. pl. 6. f. 15. Duham. s. 9. pl. 21. f. 3 à 8. Dict. sc. nat. pl. 32. f. 1. Sphyrna Zigena Raf. Cette espèce, qui n’est pèechée méme qu’accidentellement sur nos còtes, est distincte de trois autres qui n’ont pas été vues en Europe, et qui sont les Z. Tiburo, Z. Blochii, etc. XIV. SCIE, Pristis Lath. Corps allongé, déprimé en devant, museau terminé par une longue lame ho- rizontale bordée de dents osseuses; branchies en dessous. 33. S. COMMUNE, P. antiquorum Lath. Cuv. pl. 117. f. 2. Squalus Pristis L. Dict. sc. nat. pl. 27. Lacép. pl. 65. f. 1. Enc. pl. 8. f. 24. Vulg. Vivelle. 18 à 20 grosses dents de chaque còté du rostre ou scie. Elle est assez rare sur nos còtes, et va jusqu’à 5 mètres de long. Il est certain qu'on y trouve aussi la Scie pectinée (Pristis pectinata), plus petite, ct à 34 dents de chaque còté du rostre. . XV. ANGE, Squatina Dum. Ni évents ni anale; bouche à V’extrémité du museau ; les yeux situés à la face dorsale; corps large et déprimé ; tète arrondie avec un col court portant les branchies; deux barbil- lons. i 34. G. ORDINAIRE, S. laevis Cuv. Sq. Angelus Blain. Squalraia acephala Lapyl. Rhina Squatina Raf. Squa- (236 ) lus Squatina L. Bloch. pl. 116. Enc. pl. 5. f. 44. Dub. péches, s. 9. pl. 14. Vulg. Ange, Ange de mer, Ange- lot, Mordacle. Les pectorales comme entièrement réunies à la téte par la partie antérieure ; corps gris- roussàtre, blanchàtre en dessous. Assez commun sur tout notre littoral. 35. A. A TÈTE LIBRE, Sq. cephala, Squalraia cephala Lapyl. Squalus Squatina Lacép. pl. 68 f. 1. Dict. sc. nat. pl. 22. Les pectorales un peu arrondies à leur sommet, près la téte, et laissant un léger intervalle. Dans la première espèce, les pectorales anguleuses Joignent la tète ou la bordent. Du reste, c’est le pre- mier port général, liant les genres précédents aux Raies, par l’intermédiaire du genre suivant. Sont à décrire de nouveau. XVI. TORPILLE, Torpedo Dum. Disque du corps circulaire, à bord antérieur joignant le museau, bordé de pectorales; queue courte, charnue, dont la base élargie est bordée des ventrales; les deux dorsales sur la queue. Toutes sont électriques. 36. T. vuLGAIRE, T. Narke Riss. T. orbicularis Lapyl. Rondel. Lib, 12 cap. 9. 7. ocellata Rafin. Vulg. Doli, Tremble, Trembard, le Tremblant, Trembleua, Treineriou. Corps jaune-roussàtre , à cing taches dis- posées en pentagone. i 37. T. DE GALVANI, 7. Galvani Risso. pl. 3 f. 5. 7. immaculata Raf. Jaunàtre bordé de brunàtre, sans aucunes taches. Ces espèces ne dépassent pas 60 centimètres. Il serait possible que la Torpedo orbicularis de M. de Lapylaie fut Ja 7. marmorata Risso. pl. 3. f. 4. XVII. MOURINE, Myliobatis Dum. Tète saillanie ( 237 ) hors des pectorales; larges dents plates; queue gréèle, allongée, armée d’un aiguillon denté, placé en arrière d’une dorsale unique. 38. M. Aigle de mer, My. Aquila Dum. Raia Aquila L. Dict. sc. nat. pl. 24. Leiobatus Aquila Raf. Enc. pl. 4 f.10? Rondel. Lib. 12. cap. 2. Duh. pèches, s. 9. pl. 10. Vulg. Mourine, Aigle, Beuf, Ratepenade. Pec- torales vastes, triangulaire; forme générale des raies, mais à corps plus relevé (1) et une échancrure très notable de chaque còté de la téte. 39. M. NARINARI, My. Narinari. Cuv. Raia. — L. Raia Aquila Lacép. pl. 53. f. 1. excl. syn. Narinari Marcg. p. et fig. 175. Sinus près du col, à peine sen- sible. Ce sont deux rares espèces, surtout la-dernière, qui atteignent des dimensions remarquables. La fig. 10 pl. 4 de l’Encyclopédie méthodique nous semble se rapporter à cette espèce. La Raia Aquila, Bloch, pl. 84, est un Trygon. XVII. CEPHALOPTERE, Cephaloptera Dumer. Corps très déprimé , museau fourchu ; deux évents en arrière, yeux latéraux, cinq à six trous branchiaux, queue conique, dents dentelées. 40. C. Giorna, €. Giorna Risso. Raia Giorna Lacép. tom. 5. pl. 20. f. 3 (fre édit.) Dict. sc. nat. pl. 23. Raia céphaloptera Schn. Queue grèle, pectorales comme en forme d’ailes. Cette gigantesque espèce est véritablement acci- dentelle pour nos régions. Cuvier pense que la Mo- (1) La Raia aquila de Bloch, pl. 81, estune véritable Pastenague avec nageoire additionnelle devant l’aiguiHon, d’après Cuvier. (238 ) bular, Raia Mobular Gmel. et figurée par Duham., Péches, sect, 9. pl. 17, ainsi que la Raia Fabroniana, pl. 59, f. 1,2, ou Apterurus Fabroni Raf., n’en sont que des individus mutilés : chose possible, mais à constater. On pourra observer aussi la Ceph. Massena, dont la queue est à trois rangs d’aspérités, sans aiguillon : tandis que la C. Giorna en porte un très long à la base de sa queue sans membranes natatoires. XIX. PASTANAGUE, 7rygon Adans; forme géné- rale des raies; queue armée d’un long aiguillon en scie double; dents menues et serrées; téte unie aux pectorales donnant une forme discoide générale. 44. P. COMMUNE, Yr. Pastinaca Cuv. Trygonobatis. — Blainv. Dict. sc. nat. pl. 25. Dasyatis Pastinaca Raf. Raia Pastinaca L. Enc. pl. 3. f. 8. Lacép. pl. 54, f. 4. Bloch. pl. 82. Vulg. le Touare, la Tonne, Tarre- ronde. Museau aigu, dessusjaune-brunàtre uni, et quel- ques plis derrière les évents ; forme générale rhom- boidale, queue longue atténuée nue, sauf l’aiguillon placé au tiers'antérieur; dents menues et serrées. 42. P. Coucou, Tr. Cuculus, Raia Cuculus Lacép. Museau court, surface du corps nue, brun-fauve ou brun-bleuàtre, un ou plusieurs aiguillons dentés à la queue, dents très aigues. Moins commune que la pré- cédente, elle va jusqu’au poids de 15 kilogrammes, lorsque l’autre va rarement à 6. Ce genre fournira certainement plusieurs espèces, étant mieux étudié sur nos còtes. Les pèécheurs regardant les aiguillons serretés de ces poissons, comme vénéneux, si l'on en est piqué, les suppriment très souvent, ce dont il faut ètre prévenu, pour ne pas se méprendre. (239 ) XX. RAIE, Raia. Corps disciforme rhomboidal; queue allongée, mince; deux dorsales et vestiges de caudale ; dents serrées en quinconce. Quelques individus ont quelquefois, au milieu du corps, une sorte de nageoire dorsale, qui constitue une modification accidentelle, de mème que nous avons vu des Cyprins manquer de leur dorsale unique. 43. NEGRE, R. nigra Lacép. pl. 57 f. 3. Raia laevis. Rondel, Lib. 12. cap. 5. Vulg. Raie-Rat, la Noire. Dessus du corps noir-bleuàtre (quelquefois brun des- sous), chagriné ; trois rangs d’aiguillons sur la queue et un sur le dos. Si ce n’est que notre poisson a les angles de son disque aigus, nous croirions que c'est l’espèce de Rondelet, oubliée par les auteurs, mais elle a ces mémes angles arrondis. Nous ne l’avons pas vue au- delà de la Gironde. Rondelet est trop exact pour que ces poissons puissent ètre identiques. 44. R.ONDULEÉE, R. undulata Lacép. pl. 58 f. 3. Cuv. pl. 119. Disque du corps arrondi; museau anguleux; grisàtre en dessus, avec des ondes plus pàles; une rangée d’aiguillons de la tèéte à la queue, quatre ai- guillons autour et près des yeux, et un de chaque còté du dos. Cette espèce, assez rare, ainsi que la suivante, est toujours assez petite. La R. undulata Rondel. Lib. 12. cap. 6, semble une variété. 45, R. MOSAÎQUE, R. mosaica Lacép. pl. 58 f. 1. Vulg. Basilic. Corps un peu anguleux, jaunàtre, avec des taches blanches suivant des ondes tortueuses; un rang d’aiguillons faibles de la téte à la queue; deux ( 240 ) aiguillons en dedans de chaque ceil, et un en devant, près du disque : cinq à six de chaque còté du haut de la queue. 46. R. BOUCLEE, R. elavata L. Enc. pl. 3. f. 9. Lacép. pl. 56. f. 2. Rondel. Lib. 12. cap. 13? Dasy- batus clavatus Klein. Disque du corps rhomboidal, en dessus varié de noiràtre et de cendre, avec des taches arrondies plus claires; museau un peu saillant; ai- guillons forts et saillants en ligne, depuis le museau jusqu'a l’extrémité de la queue , a trois ou quatre pe- tites nageoires : un rang irrégulier d’aiguillons, sur le pourtour du disque. C'est une des espèces les plus ordinaires de nos còtes et la plus estimée, avec la suivante : confondue avec elle sous le nom de Raie boucelée , par le vul- gaire. 47. R. RoncE, R. Rubus L. Enc. pl. 4 f. 41. Lacép. pl. 51, f. 1. R. Batys Penn. Brit. Zool. n° 30. Enc. sy. Rondel. Lib. 12. cap. 14. Disque du corps rhomboidal, a angles obtus, hors le museau aigu, jaune-obscur tàché de brun; trois rangs d’aiguillons sur la queue, un au dos; aiguillons nombreux sur l’angle des pec- torales (Ie màle) ou du bord postérieur (la femelle). La Raia Rubus, Bloch, pl. 84, semble une varieté à aiguillons, et en dessus et en dessous du disque et celle de Rondelet en est peut-ètre une autre variété. 48. R. CHARDON, R. fullonica. L. Lacép. pl. 54 f. 2. R.0xyrhinchus Bloch. pl. 80. Lacép. pl. 4. f. 41, (Are Gdit.). Rondel. Lib. 12. cap. 17. Vulgair. Raie sa- blée, Rochère. Tout le dos hérissé d’aiguillons, deux sur la quewe, un près chaque eil; museau apre; sur- face jaunatre a iaches noiràtres, { 241 ) C'est à cette espèce que l’on veut rattacher les Raia cinerea, aspera et maculata de Duhamel, lesquelles, bien examinées, seront très distinctes. 49. R. BLANCHE, R. alba. Lacép. pl. 52, f. 2. Vulg. la Blanche. Disque du corps blanc-grisàtre, rhomboi- dal; museau aigu; trois rangs d’aiguillon sur la queue (un pour le màle), groupe d’aiguillons aux angles du disque. 50. R. BORDEE, RR. marginata Lacép. Dict. sc. nat. pl. 20. Corps fauve clair en dessus, à large bordure noiràtre ; museau pointu ; trois rangs d’aiguillons sur la queue , un derrière chaque eil; queue noiràtre. Cette espèce, comme Ia précédente, est petite, et n’est pas rare. Cuvier pense que la R. oxyrinchus Rond. Lib. 12. cap.7, ou Raia rostellata Risso. pl. 4, 2 (laeviraia) Salv. pl. 142, en est très voisine, sans ètre de l’espèce suivante. 51. R. MUSEAU-POINTU, R. rostrata Lacép. Museau très aigu, corps lisse et gris; blanchàtre en-dessous , à tàches noiràtres oblongues au-dessous ; queue è trois rangs d’aiguillons; la femelle porte quelques ai- guillons au museau et a la circonférence. Cette petite espèce n’approche jamais des dimen- sions de la suivante , et est mème plus commune. 52. R. OXYRINQUE, R. oxyrhinchus L. Enc. pl. 2.f.7. Vulg. I Aléne, Miralet. Rondel. Lib. 12. cap. 7. Disque anguleux, gris-cendré. parsemé de taches foncées en formede lentilles et de taches blanchàtres et de points noirs; un rang d’aiguillons de la téte à la queue, et deux à trois autour des yeux. Il y a certainement des variétés à trois rangs d’aiguillons à la queue. Cette grande espèce dépasse un métre, et pour Vaitendrir, (242) on la traîne sans soin comme la suivante, mais elle est moins commune pour nous. 53. R. BaTYs, R. Batys L. Enc. pl. 2. f. 6. Lacép. pl. 51. f. 4. Rondel. Lib. 12. cap. 8. Dipturus Batys Rafin. Vulg. Posteau, Pocheteau, Travant et Travan, Coliar, Raie blanche, Raie cendrée. Disque du corps è angles obtus, cendré ponctué de noir, àpre sans ai- guillons, si ce n’est à la queue un seul rang; les jeunes plus tachetés. Nous en avons vus de plus de 200 kil. larges d’un mètre 30 cent. Sa chair est moins estimée que celle des autres raies. M. de Lapylaie semblerait vouloir faire un genre de cette espèce, ayant distingué un Batys macrophala et un Batys microphala; ce ne sont pour nous que des preuves de la mobilité des formes dans la nature et de la variabilité des espèces: genre de distincetion auquel nous ne croyons plus, bien qu’en l’utilisant ici. Nous devons encore posséder sur nos còtes la Raie chagrinée ( Raia coriacea Lacép.), Raie aiguille (Raia Acus Lacép.) et quelques autres. M. de Lapylaie ci- tant des Raia florigera, melumpseca, monilifera, po- lyacantha , tigrina et variegata , qui malheureuse- ment ne sont indiquées par ce naluraliste que par les noms que nous citons, laisse ce genre à compléter. —Pr —<-—__ Seconde Section. BRANCHIES A MEMBRANE SANS OPERCULE, XXI. CHIMERE, Chimera L. Tète large. aspect des squale et à bouche en dessous; corps terminé par un (243 ) long filet; bouche étroite à deux grandes incisives crénelées à chaque màchoire; une seule ouverture branchiale au col en dessus ; nageoires paires. 54. Ch. ARCTIQUE, Ch. monstruosa L. Enc. pl. 8. f. 25. Bloch. pl. 124. Cuv. pl. 113. f. 2. Galeus, Clusius p. 137 (déformé). Gaimard Voy. en Isl. pl. 20. Dict. sc. nat. pl. 14. Vulg. Roi des harengs, Chat de mer. 1" dorsale triangulaire, deuxième courte et très longue s'étendant sur la queue; corps à couleur argentine ondulé de larges taches brunes; une ligne courbe au- dessous des yeux se lie à la ligne blanche latérale. Pour nous cette espèce, sì commune dans le nord, n’est que de pèéche accidentelle pour les sardiniers. Longue d’un mètre et plus. XXII. BALISTE, Balistes Artedi. Corps très com- primé, presque elliptique ; peau rugueuse à compar- timents; bouche très petite; six à huit dents sail- lantes ; fente branchiale étroite; première dorsale è trois aiguillons inégaux; un prolongement en devant de l’anale. N 55. B. CAPRISQUE, B.capriscus Gmel. Rondelet. Lib. 5. cap. 26. Salvi. pl. 206. b. B. maculatus Bloch. 151. Vulg. Porc. Couleur gris-bleuàtre, tàcheté de bleu- noiràtre. C'est une espèce vraiment accidentelle sur nos còtes sud, ainsi que la suivante; elle était chez les Grecs d’un prix exorbitant. 53. B. VIEILLE, B. Vetula L. Enc. pl. 10. f. 33. Lacép. pl. 70. f. 4. Bloch. pl. 150. Couleur brun-jaunàtre, queue très en croissant, bandes étroites bleu-verdàtre sur le dos et entre le museau et les jugulaires. Sa longueur est de 30 à 40 centimètres. 16 (244 ) Il n'est pas possible, dans un genre aussi nombreux, qu'il n°en soit pas porté diverses espèces sur nos còtes. XXIII. BAUDROIE, Batrachus. Corps déprimé, téte formant plus d'un tiers du corps, bouche large, pec- torales presque è l’origine de la queue, étalées et for- mées comme de deux articles distinets. 57. B. PÈCHERESSE, 8. Piscatorius Dum. Risso. Lo- phius piscatorius L. Cuv. pl. 84. Bloch. pl. 87. Enc. pl. 8. f. 26. Gaimar, Voy. en Isl. pl. 19. Dict. sc. nat. pl. 14. f. 14. Vulg. Diable de mer, Grenouille pécheuse, Baudreuil, Pécheur, Poisson pécheur, Chabot-vorage. Téte grosse, circulaire, bordée de fimbriures; longs filets au-dessus des narines. Cette espèce, assez rare, atteint plus d’un mètre de long. —_ o -—_ Troisième Section. BRANCHIES AVEC OPERCULES, SANS MEMBRANE. XXIV. ACIPENSERE, Acipenser Artedi. Corps al- longé, à peau dure et à tubercules osseux, symétri- que; bouche en dessous, museau protractile, dents nulles. 58. A.Esrur6EON, A. Sturio L. Bloch. pl. 88. Enc. pl. 9 f. 27. Lacép. pl. 72. f. 3. Sturio vulgaris Raf. Duh. Péches, s. 8. pl. 4 à 3. Rondel. Lib. 14. cap. 9. Dict. sc. nat. pl. 10. Vulg. le Créac, Esturgeon, grand Es- turgeon. Lèvre fendue , quatre barbillons vers l’extré- mité du museau allongé; cinq rangs de tubercules. Cette espèce remonte souvent nos divers fleuves, (245 ) on en a vu dans Paris mème et dans la Loire au-des- sus d’Angers; il passe rarement deux mètres. Nous sommes presque certains que notre esturgeon est le Silure d’Ausone, le Silurus glanis n'étant pas des eaux de la Moselle. 59. A. DE LICHENSTEIN, A. L'ichenstenit? Schn. Du- ham id. pl. 1. f. 4. Museau très pointu, allongé, re- levé; les tubercules sur cinq rangs, mais pressés. C'est à tort que nous-avons placé notre poisson sous le nom de Sterlet, dans notre premier travail. Cette espèce dépasse rarement 50 centimètres, et la figure donnée par Duhamel est parfaite. Nous en avons ob- servé trois individus parfaitement identiques. Le Ster- let, a un seul rang de tubercules sur le dos, est, peut- ètre aussi accidentellement de nos régions. 60. A_HAuSsEN, A. Huso L. Bloch pl. 129. Enc. pl. 10 f. 31. Peau lisse, tubercules latéraux petits; museau court, ainsi que les barbillons. Cette espèce remonte bien certainement quelquefois le Rhòne, et c'est celle qui fut prise sur nos còtes vers 1790, ayant six mètres de long. C’est l’ichthyocolle or- dinaire, mais non celui de Duhamel], s. 8. pl. 6. f. 4, qui est du groupe des Silures. — = Quatrième Section. BRANCHIES AVEC OPERCULE ET MEMBRANE. XXV. MOLE, Cephalus. Corps comprimé, sans épine; queue comme tronquée; bouche petite sans dents, mais un os dentaire. ( 246 ) 61. M. Porsson-LunE, C. Mola Risso. Orthagoricus Mola Cuv. Tertrodon Mola L. Orthragus Luna Rafin. Enc. pl. 17. f. 54. Bloch. pl. 128. Duham. sect. 4. pl. 15. Lacép. pl. 42. f. 2 (édit. Dumer.). Dict. sc. nat. pl. 8. D'une couleur argentée et d’une forme presque orbiculaire, ce qui lui a valu le nom vulgaire de Lune. Assez rare sur nos còtes et atteignant 1 mètre 30 c., et de 150 kil. et plus. XXVI. SYNGNATE, Syngnatus L. Corps anguleux, anguilloide, articulé, cuirassé; bouche petite, sans dents, prolongée en bec; deux évents sur la nuque. * Anale, caudale et pectorales. 62. S. TROMPETTE, S. Typhle L. Bloch. pl. 91. f. 4. Enc. pl. 241. f. 70. Typhle hexagonus Raf. Corps è six pans; queue tétragone. Plus rare que la suivante et confondue avec elle par le vulgaire. 63. S. AIGUILLE, S. AcusL. Bloch. pI. 94. f. 2. Cuv. pl. 111. f. 4. Dict. sc. nat. pl. 7 f. 2. Enc. pl. 24, f. 74. Lacép. pl. 73. f. 3. Vulg. Aiguille, Aiguille de mer. Corps à sept pans, queue à six. Plus grande que la précédente, elle ne dépasse pas 30 cent. ** Pas d'anale, mais caudale et pectorales. 64. S. TurAUu, S. pelagicus L. S. Aciculus Lap. Enc. pl. 21. f. 72. Siphostoma Acus Raf. Vulg. Tuyau de plume. Corps jaunatre à sept pans, à bandes transver- sales brunàtres ; 34 rayon$ à la dorsale. C'est une espèce rare qui a été observée aussi par M. de Lapylaie. 65. S. pe RONDELET, S. Rondeletii Lar. ann. mus. (247 ) 12. pl. 5. f. 5. S. Viridis Risso. Siphostoma viridis Raf. Corps verdàtre, à sept pans, jaunàtre en dessous et varié de brun et de blanchàtre; museau un peu court et comprimé. Rondelet a figuré grossièrement cette espèce à la page 249, au-dessus de celle de S. Trompette. N'ar- rive pas jusqu’au département de la Charente. *** Pas de dorsale. 66. S. OpHIDION, S. Ophidion L. Bloch. pl. 9. f. 3. Enc. pl. 21. f. 73. Vulg. Serpent, Serpent de mer. Corps cylindroide, verdàtre maculé de blanchàtre; museau retroussé; queue très aigué. Long de 30 a 60 cent., mais est rare plus on re- monte vers l’ouest. € Sans caudale, mais pectorale et anale. 67. S. A CRINIÈRE, S. Jubatus, S. Hippocampus L. Enc. pl. 22. f. 75. Lacép. pl. 73 f. 4. Hippocampus pu- batus Lapyl. Rondelet. Zoophistes, cap. 9. Hippo- campe filamenteua Dict. sc. nat. pl. 7. f. 1. Vulg. Che- val de mer. Avant-corps dilaté, anguleux, tubercu- leux, heptagonale comprimé; queue à quatre angles ; nuque à filet plus ou moins prolongé. Cette espèce, en se desséchant, se courbe d’une si singuliere manière que le nom de Cheval marin lui en est resté, amsi qu'au suivant, ou Cheval de mer. 68. S. SANS CRINIERE, S. atrichus, Hippocampus , vulgaris Cloq. H. atrichus Lapyl. Hippocampus hecta- gonus Rafin. Ce sont des tubercules pointus, au lieu de filets , qui sont sur la nuque. Il nous a semblé moins commun que le précédent et nous croyons mèéme avoir observé des intermé- ( 248 ) diaires. Cependant ilest possible de Iui trouver d’autres diffé&rences comme modification spécifique; un et l’autre portent le nom de Cheval marin vulgairement. XXVII. CYCLOPTÈRE, Cyclopterus. Ventrales sous forme de disque au-dessous du bassin; pectorales amples s'unissant sous la gorge; peau visqueuse nue ou tuberculée; première dorsale petite ou è rayon simple (1). 69. C. Lowpe, C. Lumpus L. Enc. pl. 20. f. 63. Gaimard, Voy. en Isl. pl. 8. Leo-marinus Firens pl. 16. Dict. sc. nat. pl. 2. Vulg. Gras mollet, Lièvre, Lièvre-Mairn, Gracieux Seigneur. 1" dorsale en forme de bosselure, précédée de tubercules , 3 rangs de gros tubercules de chaque còté; pectorales et jugulaires orangées; caudale arrondie; anale et deuxième dor- sale oppositive. Ce curieux poisson n’est pas commun sur nos còtes de l’Ouest et du Nord; il a jusqu'à 1 mètre 50 cent., mais le plus ordinairement moitié moins. Il ne faut pas le confondre avec le Livre, du Havre, dont nous parlerons plus loin. 70. C. ÉPINEUX, €. spinosus Schn. 46. Forme géné- rale du précédent ; tubercules non sériés, aiguillonnés au milieu; première dorsale à six rayons; dos brun- foncé; còtés el dessous blanc-grisatre. Nous n’avons vu qu’un seul individua de 24 centi- mètres de long; nous ne le pensions pas aussi rare qu'il l'est. 74. GC. LiPARIS, €. Liparis L. Cyclogasterus Liparis (1) Nous ne concevons pas pourquoi Cuvier a porté ce genre dans les Malacoptérigiens, car son squelette est cartilagineux, et les cartilages verdàtres,. (249 ) Grono. Enc. pl. 20. f. 67. Bloch. pl. 123 f. 3. Lacép. pl. 74. f. 13. Dict. sc. nat. pl. 3 f. 1. Toutes les na- geoires paires réunies ; une seule dorsale du dos à la queue , étendue comme l’anale; caudale arrondie; dos brun, còtés jaunàtres avec des taches ellipsoides vides. Va quelquefois jusqu'à 30 centimètres, ordi- nairement 15, mais est très rare; alors les pècheurs l’ont pris pour une sorte de Lingue. 72. C. SourIs, C. musculus Lacép. Vulg. Souris de mer. Grisàtre, téte déprimée; ceil petit; opercules prolongées en appendice ; petit sillon sur la nuque; des mamelons, au milieu des thoraciques; dorsale et anale isolées de la caudale; les nageoires sont brunes et la caudale grise ; un décimètre de long. Cette espèce, malgré l’opinion contraire de Cuvier, est très distincte de la précédente , bien qu'elle puisse lui étre adjointe, si l’on adopte le genre cyclogasterus, qui ne nous semble qu’une section de genre. Il se trouve en automne, près du Havre, dans les endi- guages de l’Eure. . Peut-ètre avons-nous encore le C. lineatus et le bima- culatus, et méme le C. Spatula figuré pl. 25 fig. 28 de l’histoire naturelle de Cornouailles, de Borlase. XXVII. APTOCYCLE Lapyl. Aptocyclus. Genre voisin de la division Cyclogasterus. 73. A. vENTRU, A. ventricosus Lapyl. Voisin du Cy- clogasterus ventricosus L. Lacépède, et qui n'est pas encore décrit, et habite nos còtes de l’Quest. A com- parer avec la fig. 66 pl. 20 de l’Encyclopédie. 74. A. COFFRET, A. Ostracioides Lapyl., de la mème région. Peut-ètre voisin du eycloptère denté, Ene. pl. 20, f. 64, (250 ) ACANTHOPTÉRIGIENS OU POISSONS A SQUELETTE OSSEUX. Première Section. APODES. XXIX. LEPTOCEPHALE, Leptocephalus Penn. Forme anguilloide , très comprimée; pectorales très petites; dorsale et anale s'unissant en pointe à la queue. 75. L. MorIssiEN, L. Morissii Penn. Brit. Zool. 3. p 125. Gron. Zooph. pl. 13. f. 3. Lacép. pl. 75. f 1. Enc. pl. 86. f. 359. Dict. sc. nat. pl. 81. f. 2. Téte très petite, comprimée, pas de caudale ; sillons latéranx reposant obliquement sur les deux còtés de la ligne latérale. i C'est le Hamecon, long de 9 à 13 centimètres, qui habite les herbages de nos còtes da Nord. XXX. MURENE, Murena. Corps cylindroide, vis- queux et non écailleux; opercules petits; ouies pla- cées sous les nageoires pectorales; dorsale et anale peu élevées et prolongées longuement jusqu'à l’extré- mité de la queue. 76. M.ANGUILLE, M. Anguilla L. Cuv. pl. 109. f. 4. Bloch. pl. 73. Salvi. pl. 4. Enc. pl. 24. f. 81. Dict. sc. nat. pl. 82 f.1. Anguilla vulgaris Raf. Rondelet, Pois- son deslacs, p. 184. Vulg. Anguille, Vergniau (Paris). Leschenat (Midi). Pimpeneau ou Anquillette (Quest), (251) de moyenne grosseur; Montéeou Civelle très petites (1); dorsale commengant à une grande distance des pec- torales; très petits barbillons. Nous en avons observé de blondes ou de noiràtres, mais les plus ordinaires sont brun-verdàtre et argen- tées au ventre. M. de Lapylaie réduit à quatre races ou variétés, toutes nos modifications de ce poisson vulgaire : 1° Les macrocéphales , ou è grosse téte, rare, mar- gagnon du Midi; 2° Les Platyures, ou celles à large queue, rares; 3° Les Oxycéphales, ou museau pointu, les plus or- dinaires; 4° Les Ornithorinques, ou bec de canard, Gric-cel des Anglais. On en a décrit une variété ou plutòt une monstruo- sité , dont la téte était tout-à-fait comme arrondie. En 1811, nous avons mangé d’une anguille, prise par le soc d'une charrue, en septembre, aumilieu des terres, a plus de 400 mètres des eaux; en 1802 001803, nous en avons trouvé une très vivante, en été, au milieu d’un pré et dans les herbes, à plus de quarante pas des eaux. Les Pilo ou Pibeaux des rivières de la Ven- dée, sont des anguilles à ventre jaune. Le Sardias du département des Landes, cendré dessous, violacé aux còtes, à téte plate et obtuse, mérite d’étre revu, L’anguille prend une dimension remarquable quel- quefois; mais il est à craindre que ces anguilles de (1) En 1823, ayant placé dans les eaux vives du jardin de bota- nique d’Angers, une cinquantaine de ces civelles, huit années après, elle n’avaient que la grosseur très moyenne du Pimpenau, ou 33 centimètres de long. (252 ) trois mètres de long ne soient que des congres, dans le plus grand nombre de cas; mais si c'est une véri- table anguille, c'est le Pougaow des pècheurs de la Meéditerranée, tandis que Leschenat est le nom de l’es- pèce commune. 77. M. ConcrE, M. Conger L. Enc. pl. 24. f. 82. - Bloch. pl. 155. Anguilla Conger Raf. Conger communis Cuv. Salvi. pl. 6. Vulg. Anguille de mer, Congre, Con- gret. Dorsale commengant près des pectorales; ligne latérale formée de points blancs; màchoire supérieure avancée; dos grisàtre; une ligne longitudinale brune à la base de la dorsale; petits tubercules pour barbil- lons. C'est la le Congre de haute mer, atteignant jusqu’à 2 et 3 mètres, remontant très rarement les fleuves. Dans les jeunes, on voit des taches Ilatérales, plus claires, sur le fond grisàtre; on le prendrait pour une anguille sans cela. 78. M. noIR, M. nigra Risso. Vulg. Congre de roche, Congre noir Corps noiràtre avec le museau très aigu; ligne latérale de points gris; dessous blanc terne. Cette espèce ou race, avec le caractère de la dorsale, se trouve le plus ordinairement près les còtes et entre les rochers sous-marins. Pour nous, il est le moins commun. L’un et lautre ont une chair peu estimée, et on les prépare, pour les conserver, à la manière de la morue. 79. M. FERA CHEVAL, M. Hippocrepis Lapyl. Corps translucide, tèle portant en dessus une tache noire en . forme de fer à cheval. C'est un très petit poisson anguilliforme, existant (253 ) dans les vasières des salines de nos còtes, et observé a Noirmoutiers par M. de Lapylaie, dans les grands réservoirs, avec les autres anguilles. XXXI. AMMODITE, Ammodytes L. Anguilliforme ; téte comprimée; màchoires étroites et pointues ; men- dibule inférieure plus longue. 80. A. ApPAT, A. Tobianus L. Bloch. pl. 75. f. 2. Cuv. pl. 110 f. 2. Enc. pl. 26. f. 88. Lacép. pl. 76. f.2. Dict. sc. nat. pl. 83. f. 2. Vulg. Equille, Lancon , Appat de vase, Aiguille de sable. Gris argenté; còtes bleuàtres, ventre rosé; ligne latérale très prononcée ; caudale fourchue; anale peu étendue; dorsale allant près la caudale, et naissant non loin des pectorales; de très retites écailles près le cou. A peine long de 25 cent. , ce poisson a l’instinct de se cacher dans le sable humide des bords de la mer. D'autant plus commun que l’on s'élève dans le Nord. 84. A. PorTvin, A. Pictavus Lapyl. Se distingue de l’espèece précédente par l’absence de dents notables, par le nombre de ses rayons et quelques particularités de coloration. Il ya cerlainement plusieurs races dans lAmmodite, car il y en a à tache rouge près la caudale. Ils ont des osselets oblongs et rudes au fond du gosier. XXXII. ESPADON, Xiphias Artedi. Corps sans écailles , pisciforme; point de dents; mendibule supé- rieure longuement prolongée en lame osseuse. 82, E. MACAIRA, X. Makaira Sahw. Makaira nigri- cans Lacép. vol. 4. pl. 13. f. 3 (1° édit.). Dorsale très grande, comme divisée en deux; deux boucliers 0s- seux de chaque còté de la queue. (254) On a l’exemple d’un individu du poids de 360 kil. pris sur nos còtes. 83. E. commun, X. Gladius L. Cuv. pl. 50. f. 4. Cuv. et Val. tom. 8. pl. 255. Enc. pl. 26. f. 92. Bloch. pl. 77. Dict. sc. nat. pl. 84. Lacép. pl. 77. f. 2. Vulg. Espa- don, Empereur. Brun surle dos, blanchàtre au ventre; longue dorsale plus élevée à ses deux extrémités, anale échancerée, caudale en croissant. 84. E. EmPEREUR, X. Imperator Sch. Cuv. et Val. tom. 8. pl. 278. Duh. Péches. s. 9. pl..26. f. 2. Vulg. Empereur. Ventrales médiocres et deux dorsales écar- tées. Ce poisson est une espèce qui a besoin d’ètre cons- tatée de nouveau. Cuvier, mettant en doute la figure donnée par Duhamel, cependant très exact ordinaire- ment, et d’ailleurs ce caractère s’accorde avec le poisson figuré lib. 8. cap. 15 dans Rondelet, et rap- porté ordinairement à notre n° 83. Ce ne peut étre le Xiphias ensis dont Lacépède n’a connu que la téte, car c'est le X. Velifer (Scomber Gladius Bloch, pl. 345) ou Isthiophorus Velifer des hautes mers. Ces très gros poissons atteignent jusqu'à 3 mètres de long, et c'est un événement lorsque l’on en pèche, car la chair en est excellente. XXXII. ANARRHIQUE, Anarrihichas L. Corps mu- queux, courtement cylindroide; museau arrondi ; dorsale étendue de la tète à la queue; plus de cinq dents coniques et molaires en haut et en bas; écailles très petites sur peau lisse. 85. A. Loup, A. Lupus L. Bloch. pl. 74. Ene. pl. 26, f. 87. Mém. acad. des sc. 1785. pl. et p. 188. La- cép. pl. 77. f. 3. Dict. sc. nat. pl. 82. f, 2. Gaimard, (255) Voy. en Isl. pl. 4. Cuv. et Val. tom. 11. pl. 473. Vulg- Loup-Marin, Crapaudine, Loupe. Corps brunàtre en dessus, à bandes plus foncées, dépassant la ligne la- térale; caudale tronquée , noire à l'extrémité. Ce n’est que pendant l’hiver que l’on prend cette espèce sur nos còtes, ainsi que et plus rarement la suivante. 86. A. CHAT, A. Minor Olafsen , Voy. en ISI. pl. 50. Gaimard, Voy. en ISI. pl. 4. Cuv. et Val. tom. 11. pl. 476. Vulg. Chat-Marin, petit Loup de mer. Couleur brunàtre, mouchetée de noir dans toutes les parties; dorsale mourant sur le col; caudale arrondie , s'unis- sant à l’anale et dorsale. Si le précédent atteint mème au-delà de 2 mètres, celui-ci ne dépasse pas 1 mètre, et ses dents sont comme cartilagineuses. e 00__ Seconde Section. JUGULAIRES. XXXIV. TRACHINE, Trachinus L. Corps un peu carpoide ; tète comprimée , à petites tubercules et ai- guillons; écailles petites; anus près des pectorales; deux dorsales, dont une étendue jusque vers la queue, et oppositive d’une anale semblable. 87. T. vive, T. Draco L. T. vividus Lacép. pl. 78. f. 3. Enc. pl. 28. f. 98. Bloch. pl. 61. Salv. pl. 71. f. 12. Duham. Péches, s. 6. pl. 4 f. 4. Cuv. et Val. tom. 3. pl. 87. 238. Trachine rayé Dict. sc. nat. pl. 35 f. 1? Vulg. La Vive. Yeux rapprochés, bouche grande è (256 ) màchoire supérieure plus courte; dos brun à raies obliques brunàtres; première dorsale noire à cinq aiguillons, dont le premier très raide; aiguillon oper- culaire droit, triangulaire aigu ; caudale presque tron- quée; ligne latérale assez près du dos. Nous avons observé quelques variations dans les couleurs. Elle est assez rare et se cache dans les sables au bord de la mer, et ne dépasse pas beaucoup 40 centi- mètres. M. de Lapylaie a constaté l’existence d’une glande à la base de l’aiguillon, ce qui Je rend vénéneux. Sur quelques points de nos còtes , les rèéglements veulent que les aiguillons soient enlevés avant la mise en vente, et cependant les acheteurs veulent leur voir ces aiguillons. } 88. T.ARANEOLE, 7. araneolus Duham. s.6. pl.4.f.2. Vulg. Bodereau, Bois-de-Roc. Corps grisàtre, non ondulé; téte grosse, épine de l’opercule très courbée. De juin è juillet, assez commune, surtout vers le nord de nos còtes, et n'est point une jeune de la pré- cedente; elle a au plus deux centimètres de long (3 è 4 pouces). XXXV. CALLIONYME, Callionymus L. Tète grosse et large ; ouies formées d’un trou au còté de la nuque; yeux rapprochés et comme horizontaux; première dorsale a rayons très manifestement prolongés, sur- tout le premier ; écailles à peine sensibles. 89. GC. LyRE, C. Lyra L. Enc. pl. 27. f. 93. Lacép. pl. 78. f. 1. Bloch. pl. 161. Duham. s. 5. pl. 40. £. 1,2, 5. Cuv. et Val. tom. 12. pl. 226. Vulg. Zavandière, Vandiere, Souris de mer, Doucet. ‘Tète aplatie; pre- ( 257 ) mier rayon de la première dorsale presque aussi long que le corps et mèéme plus quelquefois; corps agréa- blement nuancé de jaune, blanc, bleu et brun. Anale et deuxièéme dorsale étendues, à rayons aigus, et presque oppositives. Elle a rarement 20 centimètres, mais va jusqu'a 30, et est plus fréquente vers le midi qu’à l’ouest de nos còtes. Nous doutons que le Dracunculus Rond. lib. 10. cap. 12 soit le mème. 90. C. Livre, C. Lepus L. Dese. Voy. d'un nat. tom. 4. p. 93. pl. 4. f. 4. Duham. s. 5. pl. 40. f. 3,4 et 6. Vulg. Liévre, Lièvre marin, Lacert, Doucet femelle. Premierrayon de la première dorsale plus long que ceux de la deuxième; fond grisàtre sinué de brun. Il n'est pas rare sur nos còtes, mème en remontant vers le nord. 91.C. DRAGONNEAU, C. Dracunculus L. Enc. pl. 27. f.94. Cuv. et Val. tom. 412. pl. 274. Muller, Zool. Den. pl. 20. Bloch. pl. 162. f. 2. Pennant. Brit. Zool. 3. p. _ 167. tab. 27. Téte voùtée; rayon de la nageoire du dos plus courte que le dos et la queue; l’ouverture de la bouche très grande; caudale arrondie; coloration générale agréable. On l’a quelquefois regardée comme la femelle de la Lyre, mais bien à tort; elle ressemble plutòt à la pré- cédente espèce, moins les couleurs ternes. Il a rare- ment au-delà de 20 centimètres de long. Le C. Pusillus (Laroch. ann. mus. tom. 13. pl. 25. f.16) pourra se trouver dans le golfe de Gascogne. Voyez Dict. sc. nat. pl. 34. f. 2. XXXVI. BATRACHOIDE, Batrachoides. Tète très large, bouche irès grande, barbillons à la _mAchoire (258 ) inférieure ; deux dorsalesréunies par unemembrane; dont la première à trois aiguillons. 92. B. TAU, B. Tau Lacép. pl. 79. f. 1. Batrachus Tau Cuv. et Val. tom. 12. pl. 478. Bloch. pl. 3. f. 2,3. Enc. pl. 30. f. 109. Vulg. Crapaud de mer. Trois ai- guillons à chaque opercule; corps brun moucheté de noiràtre; caudale arrondie à trois bandes brunes; pectorales assez grandes , rayées ; anale étendue ; une tache comme deux yeux sur le front. Petite espèce qui se trouve au milieu des rochers, dans les flaques d'eau marine, et méritera un nouvel examen. XXXVII. BLENNIE, Blennius Art. Corps allongé et comprimé plus ou moins, à peau unie et écailles non visibles; deux à quatre rayons ou épines aux jugu- laires. Toutes les espèces observées sur nos còtes, jusqu'à cemoment, n’ont qu'une seule dorsale occupant toute la longueur du dos. 93. B. PrÒoLIis, B. Pholis L. Enc. pl. 32. f. 118. Bloch. pl. 71. f. 2. Cuv. et Val. tom. 2. pl. 269 et 297. Vulg. Baveuse, Perce-Pierre, Syrène. Dos noir-olivàtre, ou maculé de bleuàtre; narines frangées et tubercu- leuses; une échancrure à la dorsale; ligne latérale courbée. Longue de 15 è 28 cent. Recherche les cavités des rochers sous-marins. 94. B. GATTORUGINE, B. Gattorugine L. Bloch. pl. 167. f. 2. B. Palmi-Cornis? Cuv. Enc. pl. 32. f. 116. Cuv. et Val. tom. 11. pl. 200 et 320. Un appendice palmé à chaque ceil, deux près de la nuque; raies brunes et taches sur le corps; ligne latérale droite ; nageoires jaunàtres. (259 ) Petite etrare. Le Blennius Gattorugine bitentacularis, observé sur nos còtes par de M. Lapylaie, doit se rap- procher de cette espèce. On ne peut se faire une idée précise de cette espèce, qu'’en distinguant le B. Gattorugine de Brunnich, qui est de la Méditerranée, de celui de Pennant, qui est encore une autre espèce, peut-étre aussi de nos còtes, que celle de Linné. La véritable Coquiltade décrite par Rondelet, et qui n’a qu’'un lobe triangulaire charnu, bordé de rouge, ne nous est encore connue que de la Méditerranée. 95. B. GUNNEL, B. Gunnelus L. Bloch. pl. 65. Enc. pl. 32. f. 119. Lacép. pl. 79. f. 3. Gunnellus mura- noides Cuv. pl. 78. f. 2. Vulg. Papillon de mer. Corps très allongé; huit à neuf taches noiràtres rondes à la dorsale, et un plus grand nombre a l’anale. Ne dépasse pas 15 a 20 centimètres; est d’autant moins rare que l’on s'élève vers le nord; mais il ne faut pas le confondre avec le B, Gunnelus d'Olafsen (Voy. en Isl. tom. 3. pl. 49. f. 5), dont les taches sont le long et de chaque còté de la dorsale, qui est peut- ètre celui de Cuv. et Val., tom. 11. pl. 419. 96. B. LENTÈQUE, B. Lentecus N. pl. 1. Vulg. Mor- doce, Mordocé, Mordoset, Nantèque, Lentèque, Nar- teque. Téte grosse sans appendices; corps peu com- primé, brunàtre, tacheté de noiràtre sur toutes les parties. Ces divers noms vulgaires indiquent qu'il n’est pas rare sur nos còtes, surtout dans les parties rocail- leuses. 97. B. BRUN, B. brunneus N. pl. 2. Corps allongé , irès comprimé; màchoire supérieure plus courle; 14 ( 260 ) dorsale très étroite à petits rayons épineux, Jugu- laires à deux épines chacune. M. de Lapylaie n’ayant indiqué que par les noms de Blennius pictavus et Blennius Pitie, ses espèces nouvelles, nous ne pouvons établir si elles ne sont pas nos espèces. Il doit encore nous rester quelques espèces de ce genre à reconnaître sur nos còtes. XXXVII. GADE, Gadus Art. Corps allongé, lisse, comprimé à petites écailles. Yeux latéraux; nageoires à peau épaisse ; pectorales en pointes; opercules sans dentelures; sept rayons branchiostéges; trois dor- sales avec ou sans barbillons. i Quelque répugnance que nous ayons à trop diviser les anciens genres, cependant nous en détacherons les Lotes et deux autres genres. * Des barbillons : Morrhua Cuv. 98. G. TAcAUD, G. Barbatus L. Bloch pl. 166. G. Tacaud Lacép. Enc. pl. 29 f. 103. Duham. Péches, sect. 1. pl. 23. f. 2. Vulg. Poule de mer, Mollet, Gode, Petite-Morue, Malcot, Baraud-God, Guitaud. Corps un peu court; ventre notablement avancé; opercule largement échancré; dos verdàtre, còlé el nageoire de la queue rosàtre sur fond blane ou gris; ligne laté- rale sinueuse; queue très peu en croissant; nageoires olivàtres bordées de noiràtre; tache brune et petite , aun-devant de la pectorale. Long de 33 à 50 centimètres. Cette espèce offre quelques variétés de couleur, et, sous le nom de Zo- natus, M. de Lapylaie en signale une. Cette espèce porte souvent les Lernea Salmonea et L. pinnarum: (261 ) La chair du Tacaud est presque aussi estimée que celle de la Morue. 99. G. MoruE, G. Morrhua L. Enc. pl. 28. f. 101. Bloch. pl. 64. Lacép. pl. 78. f. 4. Duh. Péches, s. 1. pl. 4 et pl. 12. f. 1. Morrhua vulgaris Cuv. pl. 106- f. 1. Dict. sc. nat. pl. 36. f. 1. Gaimard, Voy. en IS. pl. 16. Vulg. Morue, Cabliau, Cabéliau, Morue fran- che. Tète , dos et còtés gris, semés de taches jaunà- tres, une plus grande derrière les yeux; queue four - chue; màchoire inférieure plus courte, à petits bar- billons. Il est rare d’en pécher d’un mètre de long. Les Jeunes sont plus tàchetés et plus vivement. Cependant on en trouve des individus tout gris. Nous n’avons pas d’idée de la variété Gadus Morrhua callarina de M. de Lapylaie. 100. G. EGLEFIN, Eglefinus L. Bloch. pl. 62. Enc. pi. 28. f. 99. Duh. Péches. s. 1. pl. 23. f. 1. Gaimard. Voy. en ISI. pl. 7. Vulg. Egrefin, Anon, Barrachota, Morue de Saint-Pierre. Dos verdàtre-foncé, ventre blanc-rosé; ligne latérale un peu courbe noire; en arrière de la téte et en dessous de la ligne latérale , une tache brune et oblongue ; caudale fourchue ; oper- cule échanerée à pointe très mousse; très petit bar- billon. Cette espèce, assez commune, tient le milieu entre la Morue et le Lieu pour la taille; le ton général est le grisàtre. L’Eglefin du Nord (Voy. en Norv. tom. 2. p. 279. pl. 28) est le Gadus Saida. Il reste à constater si le Goberia de nos Basques est notre Eglefin. ( 262 ) 101. G. CAPELAN, G. minutus L. Enc. pl. 29. f. 104. Bloch. pl. 67. f. 1. Duh. s. 1. pl. 21. f. 2. Vulg. Cape- lan, Bogue, Tacos, Tacoet, Tacohet, Officier : dos brun- roux; cotés et ventre argenté piqueté de noiràtre; ligne latérale droite, gris-clair; machoire inférieure plus courte à un très petit barbillon. Il va en troupe et ne dépasse pas 24 centimètres : c'est presque en petit un Gade-Colin n° 106. Le Gadus Callarias, taché de jaune comme la morue et à màchoire analogue, mais proportionnelle- ment plus longue, et appartenant à ce groupe, doit étre de nos départements du Nord. ** Sans barbillons : Merlangus Cuv. 102. G. MERLAN, G. Merlangus L. Bloch. pl. 65. Enc. pl. 27. f. 105. Duham. s. 4. pl. 22. f. 4. Merlan- gus vulgaris Cuv. pl. 106. f. 2. Dict. sc. nat. pl. 36. f. 2. Gaimard. Voy. en ISI. pl. 6. f. 1 (et non 2). Vulg. Merlan, Merlanet. Grisàtre sur le dos; argentin sur le ventre; tache noiràtre à la naissance des pectorales ; queue peu échancrée, roussàtre; màchoire supérieure dominante. Ordinairement long de 25 à 35 centimètres, il va rarement à 70; il reste à constater si le Meulnar de Dunkerque n'est pas un jeune merlan ou le suivant, ou le Gadus virens n° 104. 103. G. ROUGE, G. ruber Lacép. Vulg. Merlan rose, Merlanet. Couleur généralement rosàtre sur le fond gris-clair; un enfoncement près le museau; queue rectiligne à son exlrémité. C'est une rare espèce ou variété à constater de nou veau. (269) 104. G. SEv, G. Virens Asc. pl. 21. Gadus Sey La- cép. G. Aglefinus Olafs. Voy. en ISI. pl. 28. Merlangus virens Clog. Vulg. Say, Eglefin. Enc. pl. 86. f. 360. Gaimard. Voy. en Isl. pl. 6, f. 1 (et non 2). Forme gé- nérale du merlan, sauf la couleur générale verdatre, plus foncée sur le dos; mais la première ventrale est plus courte et plus anguleuse, et son opercule n'est pas à pointe mousse; caudale fourchue. On en péche des individus de 2 décimètres, mélés aux troupes de Merlan. 105. G. PoLLAcH, G. Pollechius L. Bloch. pl. 68. Enc. pl. 30. f. 107. Duham. Péches, s. 1. pl. 20. Mer- langus Pollachius Clo. Vulg. Lieu, Llieu, Leanneguet, Merlu-Verdin , Grélin, Luts. Dos brun ; còtés gris bien ponctués de noiràtre ; ligne latérale très courte ; cau- dale fourchue ; nageoires un peu rousses; opercule à forte pointe mousse. Cette espèce, l’une des plus communes de nos coles, a quelquefois 1 mètre 33 centimètres, et très souvent on applique les noms vulgaires de cette espèce à la suivante. 106. G. CoLIin, G. carbonarius L. Bloch. pl. 66. Enc, pl. 29. f. 106. Duham. s. 1, pl. 24. Merlangus carbona- ris Cloq. Vulg. Colin, Grélin, Morue noire, Merlan noir, Charbonnier. Dos noiràtre ou noir-olivàtre ; ligne latérale blanchatre à peine courbée ; ventre comme a réseau de points noiràtres; caudale très peu échan- crée ; màchoire inférieure plus longue. Ordinairement de 33 centimètres de long et rare- ment de 80; assez rare et moins estimé encore que le précédent. XXXIX. MERLUCHE, Meriuccius. Corps un peu ( 264 ) eylindroide avec les caractères généraux des Gades. Ce genre offre deux dorsales seulement et pas de bar- billon; deuxième dorsale et anale de l’étendue de la moitié du corps. 107. M. ORDINAIRE, M. vulgaris Clog. Gadus merluc- cius L. Bloch. pl. 164. Onus riali et Merlangus riali Raf. Duham, Pèches. s. 1. pl. 24. Rondel. Lib. 9. cap. 9. Vulg. Merluche, Merlu, Merlan (Méditerr.), Merlu de Bretagne, Merlenet. Corps allongé, dos cendré; ventre grisàtre; machoire inférieure un peu plus longue; caudale droite ou très peu échancrée ; oper- cule à grosses dents obtuses; ligne latérale droite, noire, garnie antérieurement de petites verrues; anale et deuxième dorsale de l’étendue de la moitié du corps. Longue de 60 centiméètres a 1 mètre. XL. LOTTE, Lotta Cuv. Forme allongée, cylin- droide; deux dorsales, des barbillons et caudale arron- die ; anale et deuxième dorsale très étendues. 108. L. COMMUNE, L. vulgaris Cloq. Cuv. pl. 106. f. 3. Dict. sc. nat. pl. 35. f. 2. Gadus Lota L. Bloch. pl. 70. Enc. pl. 30. f. 110. Rondel. Poiss. des lacs, p. 120. Vulg. Lotte, Loche de Loire, Loche de mer (Maine et Loire), Lotte, Lotte de Loire, Lotte de ri- viére. Corps à bandes onduleuses irrégulières trans- versales, sur fond brun-verdàtre ; un ou deux barbil- lons. Rarement on en prend en Loire de plus de 33 cen- limètres, bien que dans le Danube on en annonce d'un mètre. 109. L. MoLve, L. Molva Clog. Gadus Molva L. Bloch. pl. 69. f. 41. Enc. pl. 30. f. 108. Gaidropsarus ( 265 ) Mustellaris Raf. Duham. Péches, s. 1. pl. 25. f. 1. Vulg. Molve, Lingue, Julienne, Morue-loncue, grande Morue-Barbue. Corps très allongé; dos brun ; còtés verdàtres; caudale à bandes circulaires noiràtres ; bandes angulaires et opposées, reposant sur la ligne latérale, qui est droite et médiane; màchoire supé- rieure avancée, l’inférieure avec un long barbillon au milieu de plus petits; première dorsale arrondie. Cette espèce rare, et surtout les individus de 2 mè- tres; est bien préférée à la morue. XLI. MUSTÈLE, Mustela Cuv. Corps allongé, vis- queux, cylindroide; première dorsale crinoide, ex- cepté le premier rayon; deuxième dorsale et anale étendues ; caudale arrondie ; des barbillons. 110. M. commune, M. vulgaris Rondelet. Lib. 9. cap. 15. Dict. sc. nat. pl. 37. f. 2. Gadus Mustela L. Lacép. pl. 80. f. 1. Enc. pl. 31. f. 111. Onus Mustellus et Mer- langus.— Raf. Gadus tricirrhatus Bloch. pl. 165. Brun- grisàtre à macules noiràtres nombreuses; deux bar- billons au museau, un à la màchoire inférieure. Les noms de Loche, Loche de mer , Loche noire, Lote ou Lotte de mer sont communs à toutes les espèces de ce genre, qui ont besoin d’une nouvelle étude com- parative , et d’ètre bien décrite , mais sans prolixité. 111.M. ROUGE, M. rubens Lapyl. Bien moins com- mune que la précédente, elle en a la forme, sauf la couleur rouge fauve, avec les mèmes genres de taches, ce qui lui a valu le nom de Loche-rouge sur nos còtes. M. de Lapylaie paraît en avoir observé une race à front plus bombé que dans la race ordinaire. L’une e l’autre de 30 à 40 centimètres au plus. ( 266 ) 112. M. A CINQ BARBILLONS, M. quinquecirrhata Gadus. quinquecirrhatus Penn. Brit. Zool. pl. 33: Gadus Mustella Bloch. pl. 65. Excl. syn. Risso. idem. Quatre barbillons a la lèvre supérieure, un à Vinfé- rieure; macules noiràtres sur fond jaune rougeàtre ; lignes noires obliques de devant en arrière à la dor- sale. Sa longueur est de 18 a 25 centimètres au plus. Moins commune que la précédente et corps moins gros. XLII. PHYCIS, Phycis Schn. Tète grosse; un bar- billon; deux dorsales; ventrales d'un seul rayon simple ou fourchu. 413. PH. TANCHE DE MER, Ph. Tinca Schn. non Bloch. Rondel. f. et pl. 186. Blennius Phycis L. Phycis Mediterraneus Laroch. ann. mus. et ic. Phycis Lepus Rafin. Brun noiràtre ; appendice à chaque narine; pec- torales rouges; anus à cercle noir; nagnolzes sa de méme hauteur. Cette belle espèce, de 40 à 60 centimètres, n'est pechée que par les Basques. 414. PH. MERLU-BARBÙ, Dict. sc. nat. pl. 27. f. 1. Ph. Blennioides Schn. PI. 6. Gadus albidus Gmel. Gadus fuscatus Penn. Blennius gadoides Risso. Phycis albidus Rafin. Vulg. Merlu-Barbu Duham. s. 4. pl. 25. f. 4. Petite Lingue. Couleur générale blanchàtre à teinte rou- geàtre: du noiratre sur le bord des nageoires; la pre- mière dorsale plus haute, à premier rayon élevé; ju- gulaires à rayon bifide, deux fois plus longs que la téte; caudale arrondie ; ligne latérale très sinueuse. Cette petite espèce, de 40 centimètres au plus, est très estimée des Anglais et très peu en France. ( 267 ) Le Ph. Gmelini Clog. Batrachoides Risso. ne pourra se rencontrer que vers le golfe de Gascogne, s'il est de nos còtes océaniques. — de "Troisièéme section. THORACHIQUES. XLII. PTEROZYGUE, Pterozigus Lapyl. Forme cylindroide (dela Lotte); nageoires pectorales et tho- raciques réunies par la base. 115. P. DE BrÈvRE, P. Bievrii Lapyl. Nous n’avons point observé ce curieux poisson qui doit ètre très voisin du genre Gobie; M. de Lapylaie l’a étudié à YHe-Dieu. XLIV. LEPIDOPE, Lepidopus. Corps comprimé la- melliforme allongé; un seul rayon à l’anale et aux tiioraciques ou pectorales. 116.L. GOUANIEN, L. gouanianus Lacép. Cuv. et Val. tom. 8. pl. 232. Lep. argenteus Bonnat. Lep. ar- gireus Cuv. pl. 67. f. 1. Trichurus caudatus Mem. stoch. 1788. pl. 9. f. 1. Ziphotheca tetradens soc. Wern. tom. 4. pl. 2 et 3. Wandellinis Lusitanicus Shaw. Zool. 2 p. 199. Trichurus Gladius Mém. soc. hist. nat. Co- penh. tom. 5. pl. 2. Vulg. la Jarretière. Une dorsale presque prolongée jusque sur la quene, qui est petite; màchoire supérienre très courte; deux écailles poin- tues et mobiles pour ventrales. Il est possible que le Lepidope vu par M. de Lapylaie sous les pierres et parmi les goémons ou les espèces diverses de fucus, soit le Zepidopus pellucidus de Risso. lehthiologie de Nice, pl. 5. f. 19. ( 268 ) XLV. GOBIE, Gobius L. Corps allongé, un peu cy- lindroide;Jes deux pectorales réunies l’une à autre; deux dorsales. 117. G. BuHOTTE, G. variabilis N. Vulg. Tout nud (Char.-Infér.), la Buhotte (Calvados), Duham, Péches. sect. 6. pl. 3. f. 3. Brunàtre, à ligne latérale très poin- tillée et près du dos. Quatre raies noires à la caudale, à peine échancrée. Nous pensons que c’est bien là le G. variabilis de M. de Lapylaie, qui recoit le nom de Cabot des Chasses a l'Hle-Dieu, et qui est susceptible de passer par trois nuances : au grisàtre, gris-jaunàtre et au noiràtre, sans étre le suivant. 118. G. APHIE, G. Aphia L. Penn. Brit. Zool. pl. 37. Goujon blanc Enc. pl. 35. f. 136. Rondel. Lib. 7. cap. 3. Vulg. Loche de mer, Cabot-Loche. Gris blan- chatre à bandes ferrugineuses; ligne latérale obscure ; nageoires à bandes brunes, première dorsale à six rayons très dénudés au sommet. Sa longueur dépasse rarement un décimètre. 419. G. BouLoT, G. niger L. Bloch. pl. 38. Enc. pl. 30. f. 134. Cuv. et Val. tom. 12. pl. 948, 136, 188. Vulg. Bowulerot, Syréne. Fond gris-clair, semé de tàches jaunàtres et noiràtres ; bandes noiràtres sur le dos; nageoires noir-bleuàtre; première dorsale a six rayons courts, raides et peu dénudés, la deuxième à quatorze rayons un peu plus longs; caudale ar- rondie. Assez commun à travers les algues, sur nos roches sous-marines; il dépasse très rarement 15 centi- mbtres. 120. G. NOIRATRE, (G. nigricans Lapyl. ( 269 ) Peut-étre n’est-ce que le G. bicolor L. D'un brun- noiràtre à nageoires rougeàtres, et il aurait la teinte des nageoires affaiblies et passée au brunàtre. Au surplus, ce genre doit donner bien d’autres espèces, puisque Risso, sur la Méditerranée, dans une étendue de còte assez restreinte , en a observé neuf espèces. XLVI. COTTE, Cottus L. Tète épineuse, plus large que le corps, lequel est presque conique ; caudale ar rondie; deux dorsales; les pectorales très grandes et à plus de trois rayons; pas de barbillon. 4124. C. MeuNIER, €. Gobio L. Bloch. pl. 38. f. 1. Rondelet, Poiss. des lacs. p. 147. ic. Enc. pl. 37. f. 149. Duham. Péches, sect. 5. pl. 11. f. 5 et 6. Cuv. et Val. tom. 4 pl. 145. Vulg. Tétard , Téte-d'Gne , Chabot, Chapsot, Chaboisseau, Meunier, Godet, Aze. Yeux rapprochés verticaux, sur une grosse tète; deux ai- guillons recourbés sur chaque opercule; venirales à quatre rayons ; écailles microscopiques. Vit dans les eaux douces, vives, sous les pierres ou dans les herbes. Il varie dans le ton général de ses cou- leurs, qui esi le gris; mais on en voit de roussàtres et d’autres noiràtres. Rarement il a plus d’un déci- mètre. Il place ses ceufs dans le sable et s’établit auprès. Toutes les espèces suivantes sont des mers. 122. C. QUATRE-CORNES, €. quadricornis L. Enc. pl. 37. f. 46. Bloch. pl. 108. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 168. Vulg. Crapaud de mer. Quatre protubérences osseuses sur la tète et une au bord de chaque eil; dos brun ; còtésjaunàtres, ventre gris, Je tout ponctué assez régulièrement ; grandes nageoires grises à bord noir; les pectorales rougeàires. (270 ) Cette espèce, longue de 20 à 25 centimètres, est de nos còtes méridionales et encore assez rare; à corps gros et trapu. 423. C. Scorpion, C. Scorpius L. Bloch. pl. 40. Gaimard. Voy. en Isl. pl. 9. f. 2. Duhanr. Pèches. sect. 5. pl. 3. f. 3. Enc. pl. 37. f. 148. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 160. Vulg. Scorpion de mer, Chabot, Cha- boisseau, Crapaud de mer, Diable de mer. Deux pi- quants mobiles devant les yeux et trois à quatre de chaque còté. Corps gris, marbré de gris-brunàtre, couvert de points rudes et saillants; dos moiràtre, marbré de gris et de brun; forme générale trapue et peu allongée; nageoires traversées de Dandes brunes. Alteint rarement 33 centimètres, excepté dans le Nord. L’individu figuré dans l’Encyclopédie est peu diffé- rent du nòtre. Reste à constater, ici encore, la fixité ou mobilité des formes, et mème celle des couleurs, qui nous semblent très variables. 124. C. LISSE, C. l@vigatus Lapyl. Duham. id. pl. 3. f. 4. Vulg. Tétard, Petit Diable de mer. Forme géné- rale du précédent, mais corps lisse; première dorsale un peu arrondie. Cette espèce est plus commune, et dépasse rare- ment 15 centimètres. Il y a quelques modifications pour l’intensité des couleurs généralement fond gri- sàtre avec tacheture brune: i XLVII. ASPIDOPHORE, Aspidophorus Lac. Avec les caractères généraux du genre Cotte, des barbillons à la màchoire inférieure. 125. A.ARME, A. armatus Lacép. Asp. EuropeusCuv. et Val. t. 4. pl 201. Cottus cataphractus Gmel. Bloch. 7] (0249) pl. 38. f. 34. Encyclopéedie. pl. 37. f. 145. Penn. Brit. Zool. pl. 11. Duham, Pèches, s_ 5. pl. 11. f. 4. Vulg. Pogge et Cataphracte. Corps couvert de plaques dures et osseuses, et comme polygone; nez à quatre tuber- cules oblongs; brun à bandes transversales sur le corps; anale presque sous le milieu du corps et à quatre à cinq rayons; pectorales larges; caudale arrondie. Il est connu vulgairement sous les noms de Souris de mer et de Savari. Nous n’avons vu ce poisson que des còles du dépar- tement de la Gironde, et il y est rare, d’après les notes de feu d’Argelas, professeur d’histoire naturelle a Bordeaux. Cependant il paraît remouter jusque vers nos còtes Nord. N’a pas plus de 15 à 16 cenlimétres de long. XLVII. PÉERIRTEDION. Lacép. Corps anguleux, cuirassé; museau fourchu avec ou sans barbillons sous la gorge: une seule dorsale éteudue. 126. P. MALARMAT, P. Malarmat Lacép. Dict. sc. nat. pl. 60. f. 2. Yrigla cataphracta L. Duham. s. 5. pl. 9. {.2, 3. Vulg. Malarmat Corps rougeàtre (vivani): front arme de pointes re- broussées; cinq barbillons a la màchoire inférieure ; opercule à une seule pointe; dorsale uniforme, éten- due. Ml a rarement au-delà de 33 centiniètres. Ne remonte pas au-delà du département de la Cha- rente-Inférieure sur nos còtes, mais moins rare dans le golfe de Gascogne. 127. P. CHARBRONTÈERE, P. Charbrontera Lacép. Trigla Bonat. Enc. p. 145. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 112 et127. Trigla hamata Sch. Corps à angles émoussés, à (272 ) quatre sillons; trois piquants sur la queue et trois en dessous, disposés en triangle; deux plaques os- seuses de la poitrine è l’anus; dorsale moins pro- longée que l’anale; les nageoires, excepté la cau- dale, beau rouge. Pas plus commun que le précédent et mémes lieux. 128. P. DE DUHAMEL, P. Duhameli Duham. Pèches, p. 114. s. 5. pl. 9. f. 4. Tète à opercules à deux longues pointes; museau sans aiguillons; jugulaire simple ; dorsale élevée près de la téte, dépassant l’anale, la- quelle est à deux et trois aiguillons allongés. Cette espèce, confondue surtout avec le Malarmat, est toujours moitié plus petite. La figure 234 pl. 59 de l’Encyclopédie, à deux dor- sales et copiée de Willughby, est une espèce diffé- rente de notre n° 126 ou semblerait au moins très paradoxale, par sa première dorsale en deux parties. XLIX. SCORPENE, Scorpena L. Téte grosse, gar- nie d’épines et de protubérence, avec ou sans barbil- lons; une seule dorsale ou la deuxième plus grande, continue à la première. 129. S. RASCASSE, S. Porcus L. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 300. Rascasse ordinaire Lapyl. Enc. pl. 88. f. 368. Enc. pl. 38. f. 15? Duham. sect. 5. pl. 4. f. 1, 2 et 3. Sc. Scofra Lacép. pl. 86. f. 3. Dict. pl. 4. f. 2. Bloch. pl 180 et 182 (malgré la différence des noms). Vulg. Crapaud, Crapaud de mer, Diable, Crabe, Crabe de Biaritz , Sacarailla. Prolongement très saillant près des yeux et des narines; dos brun, nageoires tache- tées ; dorsale à douze ou treize piquants recourbés ; écailles petites et rudes ; Elle a un décimètre de long (12780) et n’est pas très rare sur nos còtes. La figure donnée par Duhamel, copiée par Bloch, rend mieux notre poisson que celle de l’Encyclopédie. 130. S. TRUIE, S. Scofra L. Cuv. et Val. tom. 4. p. 288. L. Scorpena Porcus Dorb. Dic. pl. 4. f. 2. Vulg. Crapaud, Crapaud de mer, Rascasse rouge, Gourlin. Couleur générale rouge ; dos très voùté ; na- geoires rouges, tachetées un peu de brun et de jau- nàtre ; màchoire inférieure frangée latéralement ; tu- bercules épineux au-dessus des yeux; ligne latérale garnie de petits prolongements ou lambeaux dentelés à l’angle des màchoires et sur les flanes. Il est possible qu'il y ait ici deux espèces voisines et distinctes confondues sous le mèéme nom dans un genre où les espèces sont généralement assez rares et difficiles è observer par les nombreuses modifications de la surface de leur corps. 1341. S. GIBBEUSE, S. gibbosa Schn. pl. 44. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 308. Duham. s. 5. pl. 3. f. 4. Vulg. Chaboisseau (Conquet) Crapaud de mer (Calvados). Tète monstrueuse, à épines fendues en plusieurs points à leur sommet; bouche relevée; dorsale pres- que séparée en deux. 132. S. DACTYLOPTÈRE, S. dactyloptera Laroch. Ann. mus. vol. 13. pl. 22. f. 9. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 336. Perca marina Penn. Brit. Zool. pl. 48. f. 2. Enc. pl 54. f. 2410. Salvin. pl. 201 Will. pl. 10. f. 13. Cottus Massiliensis L. Scorpena —Lacép. Téte garnie d’aspérités simples, peu élevées ; opercules très den- tés; préopercules denticulés; dorsales commengant au bas de la gibbositt du dos et bien élevée vers la (274) queue. Cette espèce est très rare dans toute l’ etendue de notre littoral océanique. Je pense que c'est encore là l'Holocentrus norvegicus Lacép., cependant cela est encore à constater. 133. S. CRETEE, S. cristata. S. horrida Desc. Voy. d’un nat. tom. 1. p. 89. pl. 4. f. 2. non L. Vulg. Cra- paud (Havre). Tète à trois crètes dentelées, répondant en long à la dorsale et aux lignes latérales; dorsale échanerée au milieu ; dos bDrun, ligne latérale blan- chatre; ventre blanc oudulé sur ses bords. Les formes extraordinaires et peut-Ctre variables de ces poissons, les rendent très difficiles à débrouiller , puisque Cuvier, dans ses observations, prétend qu'il n'y a pas encore une figure bonne du n° 130. L. GRONDIN, 7rigla L. Tète cuirassée par d’énor- mes sous-orbitaires réunis aux préopercules; trois rayons inférieurs des pectorales détachés des autres; deux dorsales bien séparées : la première plus élevée; caudale souvent échancerée. 134. G. Rou6eT, 7. Cuculus L. Bloch. pl. 59. Duham. sect. 5. pl. 7. Enc. pl. 60. f. 235. Cuv. et Val. tom. 4. pl. 26 et 64. Trigla grunniens Lacép. Vulg. le Grondeur, Gronau, Coucou, Rouget-Grondin, Ca- villone, Rouget-bastard. Rouge plus ou moins vif, surtout à la téte; rayé de bandes perpendiculaires du dos à la queue; museau un peu échaneré à deux pe- tits prolongements; une tache un peu noiràtre à la première dorsale. Très estimé comme les suivants et d’autant plus rare que l’on se porte vers l’Quest et surtout vers le Nord de nos còtes. Lacépède semble le confondre avec sa Trigla Pini. (275) 135. G. GRONAU, T. Lyra L. Bloch. pl. 350. Enc. pl. 60. f. 236. Dulan. sect. 5. pl. 8. f. 1. Cuv. ct Va- ene. t. 4. pl. 55. Vulg. Gronau, Grelau, Bourreau, Rouget-Grondin, Rouget, Grondignet, Cardinal. Mascau un pcu allongé, forlement divisé en deux lobes den- telés; un aiguillon au-dessus de l’oeil; couleur générale d'un bceau rouge; des tubercules durs le long des dorsales, toutcs deux contigués; rouge dominant sur tout lc corps ei ventre argenté. Je lai toujours vu plus rare que le précédent. Il paraît que le poisson du département des Landes a des aiguillons. Vieil individu? 35 à 40 cent. de long. 136. G. GRUMET, 7. Grumetus Duham.s. 5. page 111. pl. 8. f.3.Vulg. Grumet, Rouget-Grumet. Dos brun, cotes jsune-clair mélé de verdàtre; un aiguillon.très petit près l'oeil; lèvre non frangée; caudale peu échancerée. Ce serait peut-étre une varicié du n° 134. Il est cou- vert de grivelure. Le Rouget-tétard, Rouget-bécard, f. 5. de la mème planche de Duhamel, n'est certainement qu’'une va- riété du Grumet des méèmes còtes (le Calvados). Le Grumelet, f. 4, n’est qu'une modification, ou mème une monstruosité, bonne à observer de nouveau, ayant une échancrure de caudale très prononcée. Le Calumet, qui est rougeàtre et des mémes còtes, sera une varicté de Bécard, se rattachant a quelque espèce precedente. 137. G. GALLINE, 7. Hirundo L. Bloch. pl. 60. Ene. pl. 60. f. 238. Cuv. et Val. t. 4. pl. 40. Duh. s. 3. pl. 9. f. 1. D'Orbig. Dict. pl. 4. f. 1? Vulg. Z7irondelle de mer, Galline, Perlon, Bellicant, Pelonet. Corps brun-violàtre, argentin au ventre; ligne latérale à écailles relevées, 18 (276 ) une 2° ligne près les dorsales; pointe des opercules courte. Le perlon de l’Enc. pl. 60 f. 237 est différent. Cette espèce passe à peine 3 décimètres. Il ne faut pas confondre cette espèce avec le véritable Perlon, qui lui ressemble beaucoup , en effet, figuré pl. 60 f. 237 del’Encyclopédie, qui en diffère par sa deuxième dorsale et l’anale plus étendue , et par ses opercules à longue pointe. C'est peut-étre l’espèce de la Méditer- ranée, ayant aussi des appendices près des yeux, mais la caudale plus échanerée et plus colorée que notre espèce; elle me semble celle de M. d'Orbigny. 138. G. BELLICANT, 7. Gurnadus Cuv. et Val. t. 4. pl. 62. Bloch. pl.58. Duham. s. 5.pl.9. f.4. Enc. pl. 6. f.236. Vulg. Gournau, Bellicant, Rouget-Batard, Gron- deur. Museau un peu allongé ; opercule et préopercule à longue pointe ; corps brun-bleuàtre, un peu jaunàtre sur les còtés; première dorsale verdàtre, l’autre et l’anale brunàtres; bordure de la base des dorsales rude. Plus on s'élève vers le nord, et plus cette espèce est commune; comme son ceil est très grand, peut- étre est-ce l’espèce que M. de Lapylaie signale sous le nom de Trigla megalophtalma , sans la décrire. 139. G. IMBRIAGO, 7. lineata L. Bloch. pl. 354. Cuv. et Val. tom, 4. pl. 34 et 86. 7. Lasioviza Lac. Adria- tica Linn. Rondel. lib. 10. cap. 5. Vulg. Imbriago, Rouget. Téle très grosse; couleur violacée è bandes brunàtres-obscures partant du dos; ligne latérale jau- nàtre; pectorales maculées de noiràtre; opercule tronquée au bas des joues; caudale peu fourchue; les deux dorsales rapprochées. LI. PIRABEBE, Dactylopterus Lacép. Rayons déta- chés au-dessous de la pectorale , nombreux et large- ( Q937 ) ment membranés; museau court et bifide; préoper- cule à très longue épine; deux dorsales; écailles à carène. 140. P. HIRONDELLE, D. Pyrapeda Lacép. Trigla vo- litans L. Bloch. pl. 351. Dactylopterus communis Cuv. et Val. tom. 4. pl. 117. Vulg. Hirondelle de mer, Pois- son-volant. Enc. pl. 61.f.239. Rondel. lib. 10. cap. 1. Dict. se. nat. pl. 60. Corps rougeatre è reflets violets ; tele panachée de rouge el de-jaune ; 1" dorsale bleue; la 2e verte; caudale fourchue, bleuàtre; pectorales vastes, verdàtres, ponctuées de bleu-noiràtre. N'est pas plus commune sur nos còtes du midi, que sur la Méditerrance. Rarement de 33 centimètres. LII. CORYPHENE, Coryphana L. Tète comprimée, nuque en carène; museau arrondi; dorsale occupant la longueur du dos. 1441. C. DORADE,C. Hippurus. L. Bloch. pl.174. Du- ham. Pèches.(s.4.pl.1.f. 1. Enc. pl. 33. f. 125. Cuv. et Val. tom. 9. pl. 278. Vulg. Dorade, Dofin. Corps al- longé, tète grosse; front vertical; còtés bleu-argenté à tàches jaunàtres; caudale très fourchue, jaunàtre comme les autres, excepié les jugulaires et pecto- rales rouges à la base; dorsale blcue a soixante rayons. Rarement cette espèce des hautes mers avance sur nos cotes; cependant on en a pris jusqu’'à Belle-Isle. Morte , elle se décolore; quelquefois 1 mètre de long et plus. LUI. MULLE, Mullus L. Grosse téte; port des Gron- dins; corps à grandes écailles caduques; deux barbil- lons longs et charnus; deux dorsales. 142. M. RoueET, M. barbatus L. Bloch. pl. 348. f. 2. M. ruber Lacép. Enc. pl. 59. f. 232. D'Orbig. Dict. (278) pl. 3. f. 2. Cuv. et Val. tom. 3. pl. 442. Vulg. Rovget, Mulet-Rouget, Barbarin. Rouge pourpre sur le dos, rosàtre sur les cotés, argentin au ventre; ligne laté- rale près le dos; nageoires rouge-jaunatre; ceil très grand; pectorales éloignées de l’opercule; ventrale éloignée de la pectorale. Il ne dépasse pas 25 centimètres de long; sa chair est rouge comme ses écailles. C’est ce poisson que les luxueux Romains payaient jusqu’à 1,400 fr. de notre monnaie, pour orner leurs tables. Cette espèce est rare, mème dans le golfe de Gascogne. 143. M. SURMULET, M. Surmuletus L. Cuv. pl. 19. f. 2. Enc. pl. 59. f. 233. Duham. sect. 6. pl. 5. f.1et2. Bloch. pl. 348. f. 2. Cuv. et Val. tom. 3. pl. 433. Partie supérieure briquetée ; cotés à trois raies jaunes lon- gitudinales; les deux màchoires dentées. Cette espece, plus commune que la précédente, remonie mème jusque sur nos còtes nord, et y est connue sous les noms de Barbeau de mer, Rondelle, Barbarin et mème Rouget. Plus grand que le précé- dent , il a de 20 à 25 centimètres. LIV. APOGON, Apogon Lacép. Caractères généraux et forme du Mulle, mais pas de barbillons à la mà- choire inférieure. 144. A. ROUGE, A. ruber Lacép. Centropomus ru- bens Spinola. Apogon Rex- Mullorum Cuv. iconog. Reign. anim. pl. 19. f. 2. Cuv. et Val. tom. 2. pl. 143. Vulg. Rouget, Roi des Rougets. C'est avec doute que nous le plagons sur nos còtes de l’Océan; mais il est commun sur la Méditerranée. LV. CENTRONOTE, Centronotus Lacép. Dorsale (279 ) unique précédée de quelques aiguillons et plus éten- due que l’anale; corps carpoide. 145. C. PILoTE; C. Ductor Lacép. Gasterosteus Ductor L. Enc. pl. 57. f. 223. Duham. Pèches. s. 4. pl. 4. f. 4 et pl. 9. f. 3: Scomber Ductor Bloch. pl. 338. Vulg. Pi- lote, Fanfré (A6partement du Var). Corps brunàtre, à larges bandes transversales bleuàtres; quatre épines sur le dos; tète obtuse; caudale fourchue. Nest rare, cxcepté en haute mer, cependant il con- duit quelquefois les navires jusque dans nos ports du midi. ll a 20 è 25 centimètres de long; cependant il paraît qu’entre les tropiques il atteint de 35 à 50 cen- timétres. Sous le nom «de Pilot de haute mer, Duhamel (sec- tion 8. pl. 6. f. 2.) a donné la figure d’un poisson qui suit aussi les vaisseaux irès près de nos còtes et jusque dans les ports. Il semble se rapprocher des Holocentres; sa tète est courte et grosse, sa bouche grande à lèvres très prononcces; une seule dorsale à neuf piquants et Ja partie postéricure très étendue; l’opercule est triangulaire allongé ci obtus; dos gris- argenté; ventre blanc; caudale blanc-jaunàtre tron- qué. Il a de 49 è 50 centimetres. Il paraît que c'est un jeune Polyprion cernium Cuv. ( Amphiprion america- nus Schn. p. 205 ,et Amph. australe, pl. 47. Scorpana massiliensis Risso.). Nous n’avons nul fait, pour la Lichia vulgaris Cloq. {Scomber aculeatus Bloch. Centronotus vadigo Lacép.) pour nos còtes de l'’Occan, malgré sa fréquence sur nos còles de la Méditerrance. LVI. GASTEROSTEE, Gasterosteus L. Corps car poide, un peu allongé; une seule dorsale ayant en (280 ) avant des aiguillons espacés; deux ou quatre épines au lieu d’abdominales ; caudale arrondie. 146. G. QUEUE-ARMEE, G. pungitus Cuv. et Val. tom. 4. pl. 506. Neuf aiguillons au dos; còtés de la RR pourvus d'ccailles carénées. Il nous semble que c’est cette espèce qui est figu- rée Dict. des sc. nat. pl. 61. f. 2, sons le nom de l’es- pece suivante; trois à quatre cent. de long, au plus. Toutes ces espèces sont confondues par le vulgaire qui les observe dans nos eaux douces des petits ruis- seaux, sous les noms de Picot, Mingues, Mingres, Espinglotte, Rippe, Artode, Epinoche, Epinochette. C’est jusqu'ici le scul genre dont la nidification si cu- rieuse, a été bien constalée. 147. G. QuEUE-LISSE, G. laevis Cuv. et Valenc. tom. 4. p. 507. G. pungitius L. Bloch. pl. 53. f. 4. Enc. pl. 57. f. 225. Caractères de l’espèce précédente, mais cotés de la quene-lisses. Nous avons observé cette espèce dans les eaux sau- màtres de nos còtes, où elle nous a semblé plus ordi- naire dans ces régions que l’espèce suivante. 148. G. EPINOCHE, G. trachurus Cuv. Gast. aculeatus L. Cuv. ci Val. tom. 4. pl. 484. Bloch. pl. 53. f. 3. Enc. pl. 57. f. 222. Lacép. édit. Dum. pl. 65. f. 4. Duham. sect. 3. pl. 26. f. 6. Vulg. Quatre-Epées, Grande Epi- noche. Trois aiguillons sur le dos et un de chaque colé dumilieu du corps, tenant lieu des abdominales; queue a cotés rudes. 4 à 5 centimètres de long. Le Gast. gymnurus de Cuvier, observé aussi par Bloch, qui le confondait sous le nom d’Aculeatus, a les còtés de la queue lisse, avec les caractères du n° 148. Reste à constater si ce ne sont que des màles. (281) 149. G. SPINACHIE, G. Spinachia L. Bloch. pl. 53. f. 4.Enc. pl. 57. f. 226. Spinacia vulgaris Lapyl. Corps très allongé; ligne latérale armée; quinze è seize aiguillons au dos; ventrales courles, de deux épines chacunes. Cette espèce de nos còtes, de 15 à 418 centimétres de long, vit solitaire sur le littoral. LVII. CARANX, Carana Lacép. Corps comprimé, allongé; deux dorsales, pas d’apipeuses ; carène de la ligne lalérale sinueuse , formée d’écailles imbriquées et aristées; une petite nageoire à deux fortes épines au-devant de l’anale. 150. C. MAQUEREAU-BASTARD, C. Trachurus Lacép. Cuv. pl. 57. f. 1. Cuv. et Val. tom. 14. pl. 11. Scomber trachurus L. Bloch. 56. Trachurus saurus Rafin. Enc. pl. 58. f. 230. Duham. sect. 7. pl. 1. f. 2. Rondelet lib. 8. cap. 6. Vulg. Maquereau-Batard , Gascon, Gas canelle, Gascanette, Chinchar, Chichar, Chicharou, Checharet, Kerelle. Bran-verdàtre; ventre argentin , eil grand; màchoire inférieure dominante; les deux dorsales contigués. Cette espèce remonte quelquefois assez haut dans nos fleuves; est souvent de 35 centimètres et rare- ment de 60. Quelquefois donnée sous le nom im- propre de Bonite. On pourra observer la Seriola Dumerili ou Carana — Risso. dontla carène ne va qu'à la moilié du corps. LVII. ECHENEIDE, Echeneis L. Tète oblongue à disque en dessus , ovale et à sillons transversaux. 4541. E. REMORA, E. Remora L. Lacép. [pl. 85. f. 3. Dict. sc.-nat. pl. 65. f. 2. Enc. pl. 33. f. 123. Duham. s. 4. pl. 4. f. 5. Seize è vingt sillons sur le disque; corps brunàtre. (282) Sous ee nom, il doit y avoir deux espèces confon- dues, outre le Sucet, car l’anale et la dorsale n’ont pas, en avant, de partie élevée dans la figure donnée par Duhamel. Ce poisson s'attache aux navires jusque dans nos ports, bien qu’assez rare, de mèéme qu’aux très gros poissons. Ce genre est vraiment insolite, par son sin- gulier disque, au moyen duquel il s'attache. LIX. SCOMBRE, Scomber L. Corps carpoide; ca- rène marquée de chaque ceòté de la queue; des na- geoires fausses après l’anale et la deuxième dorsale. * Les dorsales éloignées : Maquercau. 152. S. MaQquEREAU, S. Scombrus L. Bloch. 1. 54. Cuv. et Val. tom. 8. pl. 6. Maquereau commun Cuv. pl. 45. f.1. Dict. sc. nat. pl. 61. f.2.Enc. pl. 58. f. 227. Duham. Pèchos, s. 7. pl. 1. f. 4. pl. 2. Vulg. Berelli, Maquereau. Corps verdàtre, ond de bleu avec reflets argentés et dorés; cinq appendices en dessus et en dessous de la quewe; les deux dorsales à 12 rayons. Ce poisson, long de 30 à 40 cenlimétres, est vul- gaire. Il y a trés certainement plusieurs variétés, ct surtout celle de la Mediterranée. L'Ostostoma Scombri est une sorte de ver qui se tient dans los lames bran- chiales. 153. S. PETIT-MAQUEREAU, S. Colias Gmel. Cuv. et Val. tom. 8. pl. 39. S. Pneumatophorus Laroch. ann mus. tom. 13. Duham. s. 7. pl. 7. f. 4. Vulg. Bize, Sansonnet. Plus allongé proportionnellement que le préccdent, avec les mèmes nuances à peu près, mais vert-clair, mélé de bleuàtre. Il a une vessie natatoire (283 ) que n’a pas le premier; cinq fausses nagcoires en dessus, six en dessous; 41° dorsale à 9 rayons, 2° à 12. Il ne se porte pas au-delà du golfe de Gascogne pour nous. Rondelet le donne lib. 8. cap. 8. Les bandes on- duleuses qui partent du dos sc courbent un peu vers le milieu du corps. Se méle souvent avec les Boniles. Il sera possible de prendre vers nos còtes sud une espèce de ce groupe, le Tassard (Dub. s. 7. pl. 7. f. 1.), qui est reconnu s'avancer jusque sur les còtes de l’Algérie; peut-ètre n’est-ce que le S. Rochei de Risso. ** Deux dorsales contigués : Thynnus. 154. S. BonitoL, S. Mediterraneus Cuv. Thynnus Mediterraneus Cuv. Palemis Sarda Rond. lib. 8. cap. 12. Dubam. Péches. s. 7. pl. 7. f. 5. Vulg. Bize, Thonin. Dos vert-bleu; larges bandes transversales noiràtres; neuf fausses nageoires en dessus de la queue, et scpt à huit en dessous. 155. S. SARDE, S. Sarda L. Bloch pl. 334. Thynnus. — Cloq. Vulg. Bonite. Dos hleu-noir, rayé presque verticalement de quinze è seize bandes noiràtres, sept appendices sur la quewe , six en dessous. C'est cette espèce «qui porte le plus ordinairement le nom de Bonite, et l'on dit plus souvent le Bonite que la Bonite. Sans étre très commun, on en prend cependant toute l’année dans le golfe de Gascogne. 156. S. Boite, S. Pelamys L. Thynnus — Cuv. icon. du reign. anim. pl. 47. f. 2. Cuv. et Val. tom. 8. pl. 113. Vulg. Saint-Charles, Bonite, Bonite rayée. Dos bleu-noiràtre; ventre argentin; quatre è cinq lignes longitudinales sur les flanes, de chaque còté; ligne ( 284 ) latérale très sinueuse; appendices, huit en dessus, sept en dessous. Dans nos régions, on ne pèche ordinairement que des individus de 5 à 6 déciméètres de ces deux sortes de Bonites; mais celles sont susceptibles d’une bien plus grande proportion. 157. S. THon, S. Thynnus L. Bloch. pl. 55. Enc. pl. 58. f. 228. Thynnus vulgaris Cuv. Icon. pl. 45. f. 2. Cuv. et Val. tom. tom. 8. pl. 58. Orcynus Rond. Lib. 8. cap. 13. Duham. Pèches. sect. 7. pl. 5. f. 1. Vulg. Thon, Gros Thon. Veri-foncé brillant, au dos; ventre argenlin; appendices, neuf à dix en dessus, sept à huil en dessous; les pectorales allongées. Nous sommes assez portés à croire que l'on pourra, avec M. de Lapylaie, distinguer au moins une race de Thon (Thynnus oceanicus Lapyl.), car celui de la Médilterranéce (Duhamel) me semble différer de celui qui est figuré par Bloch , et copié par l’Encyclopédie. *** Pectorales très longues falciformes : Orcynus Cuv. _ 158. S. GERMON, S. Germo Lacép. Orcynus — Guv. Duham. s. 7. pl. 6. f.1. Vulg. Thon, Tasar, Thazard, Longue-Oreille, Bonite, Thon. Màchoire inférieure peu avancée; téte à larges lames écailleuses ct brillantes ; dos bleu-noiràtre ; colés bleu-argentin, à bandes vers lc dos, transversales fugaces, assez nombreuses ; huit à neuf appendices en dessus. Il forme un objet important pour nos péches, mais moins que le Thon : l'un et l’autre plus rares sur nos còtes que sur celles de la Méditerranée. 149. S. ALALUNGA, S. Alalunga L. Vulg. Thon blanc, Alalunga. Généralemeut bleuàtre argentin; première (285) dorsale noire; ligne latérale tortueuse; sept appen- dices en dessus, six à sept en dessous. Peut-ctre est-ce cette espèce que M de Lapylaie dé- signe sous le nom de Germo atlanticus , non décrit. LX. LABRE, Labrus L. Forme carpoide plus ou moins allongée; lèvre supéricure surtout, molle et ex- tensible; ni incisives ni molaires, mais dents poin- tues et en pavé; une seule dorsale, souvent à rayons Gpinceux à sa partie antérieure; caudale obtuse ou tronquée (1). * Téte non écailleuse » Julis Cuv. (2) 160. L. GCALOPS, L. Calops Lacép. Cuv. et Val. tom. 13, pl. 3. Vulg. la Brune, Bandoulière brune. Dos bru- nàtre ; grande tache brune, sur fond grisàtre, derrière les pectorales; ceil grand, écailles grandes, ligne la- térale droite; douze rayons aiguillonnés è la dorsale et huit articulés ; deux rangées de dents aigués. N’est pas rare sur les còtes nord et ouest de nos régions; il à dix centim. au plus. ** Téte couverte d’écailles, opercules entiers : Labre Cuv. 161. L. BLEU, L. coeruleus Lacép. Cuv. et Val. tom. 13. pl. 48, 50. Paon bleu Ascagn. Cay. 2. pl. 12. Vulg. Prétre, Ayena, Capone, Monchourdina. Dos bleu-foncé; còtés généralement jaunàtres ou jaune- citron; taches bleu-céleste près les pectorales; na- (1) Il y a des espèces étrangères à queue échancrée ou fourchue, (2) Nous avons l’intime conviction que c’est abusivement que Von établit les genres Labre, Girelle (Julis) et Crénilabre,'et que ce ne sont veritablement que des seclions de genre, propres è diviser utilement une nombreuse série d’espèces, plus de 200. (286 ) geoires bordées de bleu, dents antérieures prédomi- nantes; dorsale à dix-sept rayons aiguillonnés, douze non; anales, quatorze, dont deux alguis. Malgré quelques variations de couleurs, nous pen- sons. que c'est la l’espèce de Lacépède; copendant, comme nos observations sont de 1814, il est possible que cette espèce du midi de nos cotes, soit distincte de celle de nos còtes nord: c’est-à-dire celle qua connue Laccpède et non observée par nous. 162. L. NÉEBULEUX, L. nebulosus Laccp. Cuv. et Val. tom. 13. pl. 9. Sciena nebulosa L. Vulg. Pesquiets, Grouahet (4). Couleur générale fond brun è taches ncbuleuses Dbleuàtres ct jaunatres; dorsale à vingt ruyons, dont dix è aiguillons ; anale à dix, dont trois a aiguillons. Il a moins de deux décimètres de long, et se trouve sur une grande étendue de nos còtes. 163. L. MERLE, L. Merula L. Cuv. icon. Reig. anim. pl. 86. f. 1. Cuv. et Val. tom. 13. pl. 78, 80 Enc. pl. 52. f. 201. Vulg. Vieille-Noire, Tanche, Merle, Merle de mer, Tanche de mer. Dos bleu-noiràtre, ventre cha- toyant-bleuàtre ; écailles grandes; dents recourbées; dorsale a huit ci à neuf rayons è aiguillon, à chacun, une dent au sommet; front déprimé, opercule rou- geàlre, a grosse pointe mousse et arrondie; caudale presque tronquéce droit. Assez commune, surtout sur le littoral de la Cha- rente-Inférieure ; les màles sont d’un bleu violàtre , et les femelles le ventre ct còtés grisàtres. Long de 2 à 3 décimétres. (1) Ces noms vulgaires sont communs à diverses espèces de ce genre dans tes départements de l’Quest. ( 287 ) 164. L. ViEILLE, L. Vetula Lacép. Cuv. et Val. tom. 13. p. 38, 49, 250. Duham. Péches, s. 4. pl. 6. f. 1. Bloch. pl. 293 (1) Vulg. Carpe, Carpe de mer, Vrac, C'hrac'h, Crahatte, Galot. Dos plombé, tète rougeàtre, cotés jaunes a taches arrondies brunes vers la ligne latérale ; petites taches sur la dorsale brunes, les autres nagcoires blcuàtres bordées de noir; opercule à une grosse dent mousse; seize rayons à aiguillons, à la dorsale, treize non; un aiguillon en devant de la ven- trale et trois à l’anale. Cette espèce, longue de deux à trois décim., varie un peu pour ses couleurs, plus pàle dans les femelles, et n’est pas rare sur nos còtes. 165. L. TANcOIDE, L. Tinca L. Cuv. et Val. tom. 13. p. 37, 156, 177. Labrus tancoides Lacép. Vulg. Pesquets, Tourde, Tanche de mer, Tanche marine, Vieille, Vielle. Couleur généralement rougeàtre avec cinq è six lignes lovigitudinales jaunes et bleues; na- geoires variées de rouge bleu et jaune; dorsale è vingt-six rayons dont quinze è aiguillon; treize è l’anale dont trois è aiguillon; pectorales, quatorze rayons; ventrales, six. Quelquefois longue de 3 décimètres, cette espèce copendant est plus généralement de deux. Nous a paru rare sur nos còtes. Nous sommes portés à penser que le Labrus maculatus de Bloch est très voisin de cette espèce, si ce n’est la mèéme; mais elle a deux dents obtuses à l’opercule , ct la nòtre les a arrondis. (1) Dans la petite édition in-18, donnée par R. Castel, au tom. 4. pl. 3, la planche donne n° 2 la Vieil!e de mer qui est au n° 3 sous le nom de La!:re tacheté, ou Labrus Bergylta Ascagn. (288 ) 166. L. RAYÉ, L. lineatus L. Enc. pl. 98. f. 402. Cuv. et Val. tom. 13. p. 38, 40, 47 ct 50. Téte allongée; front déprimé; dos rougcàtre ; còtés blanchàtres, avant corps jaunàtre; quatre raies latérales d'un beau vert; dorsale à dix-sept rayons aiguillonnés, bifides au sommet, treize articulés; douze à l’anale, sans ai- guillons; pectorales en éventail; caudale arrondie. De Saint-Jean-de-Luz au Finistère, elle est rare. Est-ce bien la mème espèce que celle de la Méditer- rante? 167. L. ComBRE, L. Comber Penn. Ray. Pisc. p. 163. f. 5. Enc. pl. 99. f. 405. Cuv. et Val. tom. 13. pl. 35 et 42. Vulg. Combre. Tète petite; dos rouge-brun; còtés jaunàtres à raie argentée longitudinale au-des- sous dela ligne latérale courbe ; dorsale à yingt rayons aiguillonnés bifides, onze arliculés ; opercule à grosse dent arrondie. C'est une très petite espèce d’un déciméètre au plus. 168. L. TRIPLE-TACHE, L. trimaculatus Lacép. Gmel. Enc. pl. 98. f. 401. ZL. carneus Asc. pi. 43. Bloch. pl. 289. Corps rouge ou rougeatre; nageoires jau- nàtres à bordure brun-bleuàtre; trois taches brunes au-dessus du corps, en arrière de la dorsale, dont une au: dessus de la queue ; dorsale à dix-huil rayons è ai- guillons avec membranule triangulaire, anale a douze, dont trois à aiguillons ; pectorales arrondies, ventrales à six rayons bifurqués ; opercule è grosse pointe mousse. Cette espèce n’est que de péche accidentelle vers nos còtes nord, et ne peut-ètre confondue, ainsi qu'on a voulu le faire, avec le Labrus bimaculatus de Linné, qui est de la Méditerranée. {289 ) 169. L. CORNUBIEN, Z. cornubius Gmel. Cuv. et Val. tom. 43. pl. 178, 180, 226, 253. Vuls. Goldsinny Rai pisc. p. 163. f. 3. Enc. pl. 99. f. 404. Teinte générale brun-rougeatre, foncée au dos; dorsale tachée de noir en avant, à seize rayons bifides, neuf arliculés ; tache noiràtre vers la queue el bandes brunes vagues aux còtés; anale à onze rayons dont trois fourchus; pec- torales, quatorze rayons en éventall; ventrales a six ; caudale étalée, arrondie; opercule à grosse dent ob- tuse, courte. Made 15 è 18 centimètres au plus, et est rare sur nos còtes du nord, où doit exister encore, le La- brus coquus à ventre jaune et dos nuancé de pourpre et de bleu foncé. Notre poisson ne peut étre le Crenilabrus cornubius ou Lutfanus cornubicus Risso. 170. L. NEUSTRIEN, /. Neustrie Lacép. Cuv. et Val. tom. 13. pl. 36. Vulg. Grande-Vieille, Bandou- liere marbrée(Seine-Inférieure), Cocu, Roi dela Pointe (Loire-Inféricure). Dos marbré d’aurore, sur fond brun et verdatre , avec les còlés ondulés d’aurore, de blanchàtre et de brun; dents égales, bien séparées; dorsale è vingt rayons aiguillonnés et onze articulés ; sept rayons à l’anale, quinze aux ventrales; six aux pectorales, dont un è aiguillon. Cette belle espèce va rarement à 2 décimètres ou au-delà. *** Téte écailleuse; préopercules plus ou moins crénelés : Crenilabrus Cuy. 174. L.pEBAILLON, L. Bailloni, Crenilabrus.— Cuv. icon. Reig. anim. pl. 87. f. 3. Cuv. et Val. tom. 13. ( 290 ) pl. 194. Rayé en long de jaune et de vert; zoné irré- gulièrement de jaune à la tète et en jaune à la cau- dale. Il est des còtes du Finistère. 472. L. AGRAND-DENT, L. phenodontus, Crenilabrus — Lapyl. Signalée par la grande saillie de ses dents, cette es- pèce n'est encore indiquce sur nos còtes que par son nom, ct nous ne l’avons pas observce. 173.L.CorLAzo, L. Corlazo, Crenilabrus oxycepha- lus? Lapyl. Duham. Pèches. scct. 4. pl. 5. f. 4. Vulg. Corlazo, Courlazo, Courlasseau, Cornasssau, Coho, Coyo, Garde-Còte, Tanche de mer. Tète un peu aigué en avant; ceil grand; opercules et préopercules obtu- sément créncelés ct a très petites écailles, comme sur le corps; dos vert-foncé, éclairci sur les còtés où se trouvent des nébulosités brunes; dorsale à dix aiguillons peu épincux; ventrales falciformes; anus au milieu du corps; caudale peu arrondie. La femelle est plus pàle que le male et presque de la couleur d’une petite Tanche. La longueur de cette espèce, bien vulgaire au Croisic, est au plus de 18 centimbtres. M. de Lapylaie a un Crenilabrus marmoratus qui doit ètre toute autre chose que le Labrus marmoratus de Lacépède , que l’on pourra trouver sur nos còtes, ainsi que les Labrus tesselatus, maculatus , suillus, bi- dens , exoletus, Rone, Norvegicus. Plus ce genre est nombreux cl méme sujet a des variations dans les es- pèòces, et plus il méritera d’ètre éludié soigneusement sur nos còtes. Pour les véritables Crénilabres , il faut constater si les bords des préopercules sont vraiment (291 ) dentées, et c'est ce qu'il faut surtout vérifier dans nos Labrus Tinca et Cornubicus, placés dans les Creni- lables par feu notre savant ami Hippol. Cloquet. LXIHI. DENTE, Dentex Cuv. Machoire armée en avant de gros et longs crochets, des dents coniques sur les còtés; dents en velours derrière les crochets ; dorsale unique ; ni épine ni dentelure aux opercules. 474. D. ORDINAIRE, Dentex vulgaris Cuv. et Val. tom. 6. pl. 220. Sparus Dentea L. Bloch. pl. 268. Enc. pl. 50. f. 190. Duham. Pèches. sect. 4. pl. 8. f. 9. Vulg, Dentillac, le Denté. Corps carpoide; dos relevé brun- rouge jusqu'à la ligne latérale ; còtés à bandes brun- rouge-obscur, semé de taches plus ou moins brunes; ventre argentin- obscur; caudale fourchue; dorsale presque uniforme de la tète à la queue, à vingi-quatre rayons, dont douze aigus. Cette rare espèce est de nos còtes du midi, et Du- hamel n’en a connu que les màchoires figurées dans son ouvrage. C'est un bon poisson, du poids de 4 à 10 kilogrammes, et de 15 à 18 par cas rare. Sa couleur est assez variable. LXIHi. CANTHÈRE, Cantharus Cuv. Dents en ve- lours; bouche étroite; corps comprimé ovale; mu- seau un peu protractile; ni épine , ni dentelure aux opercules; une dorsale étendue. 475. C. COMMUNE, C. vulgaris Cuv. et Val. tom. 6. pl. 319. Cantharus grand-Oculus Cuv. Reig. anim. pl. 35. f.5. Sparus Cantharus L. Sp. Mana Bloch. pl. 270 (tache noire de trop). Excl. syn. Rondel. lib. 5. cap. 4. Brelot, Mange-Goemons. Dos brun-noiràtre; dix-huit à vingt lignes longitudinales Jaunàtres sur fond gris, sur chaque còté; ligne latérale large, sì- 19 (292 ) nueuse; anale è trois aiguillons plus saillants; na- geoires rougeàtres , excepté la partie aiguillonnée de la dorsale. Cette espèce, peu estimée , est assez rare et va ra- rement de 5 à 6 décimètres. 176. C. Brîme, C. Brama Cuv. et Val. tom. 6. pI. 328. Expédit. de Morée. pl. 17. Sparus Brama Lacép. Bloch. pl. 269. Duham, Pèches. sect. 4. DIESET. I. Vulg. Carpe de mer, Bréme de mer , Arrain-Goria ( dé- partement des Landes). Petite tète; ceil grand; corps elliptique très comprimé , gris-clair, comme ondé en longs reflets cuivrés et jaunes; dorsale à huit rayons bifides et è base rougeatre , partant de la base de la queue; extrémité des pectorales et de la caudale bri- quetée ; opercule è pointe mousse, écailleux. Cette espèce, de 20 à 30 centimètres au plus , varie pour l’intensité de ses couleurs, surtout vers les tro- piques, où elle semble plus habituelle. La petite Bréme de mer, de Duhamel, sect. 4. pl. 4. f.2, est très différente, et paraît un Spare non rame- née encore à aucune espèce. LXIV. SERRAN, Serranus Cuv. Dentelure aux opercules, ainsi que des piquants; une dorsale comme les holocentres, sans avoir de lèvres très prononcées. 177. S. Mérou, S. Gigas Cuv. et Val. tom. 2. pl. 270. Holocentrus Merou Lacép. Perca Gigas Brunn. Holocentrus Gigas Schn. Duham. Pèches, sect. 4. pl. 9. f. 4. Vulg. Méru, Mérou. Couleur générale grisàtre plus foneée vers le dos; analejrenfige et écailleuse à sa base ; huit à neuf épines à la dorsale, élevée en arrière ; opercule à une longue pointe. (293 ) C'est une espèce souvent d’un mètre de long , rare- ment observée sur nos cotes du midi. 179. S. ÉcritURE, S. Scriba Cuv. et Val. tom. 2. pl. 214. Perca. — L. Perca marina Brunn. Holocentrus Marinus Lacép. H. Argus Spin. H. fasciatus Bloch. pl. 240. H. Moroccanus Bloch. Lutjanus scriptura Lacép. Museau pointu, à màchoire supérieure plus courte ; douze rayons épineux à la dorsale un peu re- levée en arrière ; fond du corps jaune-verdàtre,‘ avec quelques ondes obscures transversales ; caudale et dorsale tachée de noiràtre ; caudale à peine échancrée. Cette rare espèce, sur nos còtes du midi, n’a que 3 à 4 décimètres de long. 180. S. BARBIER, S. Anthias Cuv. et Val. tom. 2. pl. 260, et 13. pl. 3. Labrus.— L. Perca Pennanti Nat. Berol. pl. 9. f. 1. Ailopon Anthias Raf. Anthias Sacer Bloch. pl. 315. Lutjanus Anthias Lacép. Anthias Rondel. lib. 6. cap. 11. Corps un peu comprimé; tète grosse, à front déclive. Couleur générale d’un beau rouge avec reflets argentins aux còtés ; ventrales allongées; dorsale à huit aiguillons, et relevée en ar- rire; caudale très fourchue , opercules arrondis. Cette superbe espèce est une rareté de Saint-Jean- de-Luz et de Bayonne, sous le nom de Rouga. Bien qu'il atteigne , dit-on, un mètre, il est rare qu'il en ait la moitié. LXV. HOLOCENTRE, Molocentrus. Forme car- poide ; épines de la dorsale et de l’anale très fortes; écailles souvent dures et dentelées; forte épine au bas du préopercule et une ou deux au bord postérienr de l’opercule; parties molles de la dorsale relevées : dents petites. (294 ) Cuvier renferme ce genre dans de très petites li- mites; mais nous le conservons comme Lacépède, n’en ayant que peu d’espèces encore de connues sur nos còles. 181. H. AcANTHOPS, H. acanthops Lacép. Duham. Pèches. s. 5. pl. 5. f. 2. p. 97. Une épine libre fine et blanchàtre, placée au-devant de chaque ceil, qui est grand, et se portant en arrière; dorsale de onze à douze rayons épineux; anale écailleuse à sa base avec un aiguillon en avant; écailles imbriquées en lignes longitudinales ; dents seulement comme des aspérités ; opercules portant une longue pointe. Cette rare espèce, qui a de 25 à 30 centimètres , n’avait point encore été reconnue pour ètre de nos còtes; on ignorait méme d’où elle était. On la trouve dans le golfe de Gascogne ; la figure donnée par Du- hamel, n’avait été ni citée ni reconnue. 182. H. So6o, H. Sogo L. Bloch. pl. 232. Cuv. et Val. tom. 3. pl. 185. Vulg. Marignan. Front arrondi; eeil grand; opercule bicuspidé en haut; couleur gé- nérale, beau rouge à cing raies jaune-doré , longitu- dinales de chaque còté ; caudale très fourchue ; partie postérieure de la dorsale très élevée, oblique; huit rayons à la ventrale. Ce beau poisson , de 3 décimètres et plus, est vrai- ment tropical, et n’a pu ètre amené sur nos còtes du midi que par les orages. 183. H. DES ACHOTARDS, H7. Duhameli. Vulg. Crabe des Achotards Duham. Pèches, sect. 5. p. 96. pl. 5. f. 1. Dos brun; corps rougeàtre nuagé de brun avec des bandes longitudinales; ceil grand; màchoire su- périeure plus courte; opercule écailleux è pointe (295) courte et obtuse; anale à deux premiers rayons en ai- guillons; ventrales rouges; pectorales rouge-vif; cau- dale ponctuée; dorsale à huit rayons aiguillonnés, un peu plus relevés en arrière; dents très aigués. Des aspérités fines aux opercules et aux préoper- cules pourront faire reporter peut-étre cette espèce au genre Seran. Nous aurons peut-étre encore l’Holocentrus norve- gicus ( Perca norvegica Fabr.) et quelques autres sur nos còtes. LXVI. GREMILLE, Acerina. Bouche petite, dents en velours ; tète sans écailles, à fossette à sa surface; préopercules armés de huit à dix crochets; épine pointue à l’opercule ; une seule dorsale; corps allongé; écailles à bord dentelé. 184. G. commune, A. vulgaris Cuv. icon. du Reig. anim. pl. 9. f. 2. Perca cernua L. Bloch. pl. 53. f. 2. Acerina cernua Dict. sc. nat. pl. 48. f. 2. D'Orbign. Dict. pl. 4. f. 3. Enc. pl. 57. fig. 220. Duham. Pèches, sect, 4. pl. 8. f. 1. Cernua fluviatilis Belon. p. 291. Ho- locentrus cernus Raf. H. Post Lacép. Vulg. Gremeuille, Gremille, Post, Petite-Perche, Perche goujonnée, Per- che goujonnière, Perche gardonnée, Hirlin, Heurlin. Corps gluant , brun-jaunàtre è grandes taches brunes onduleuses transverses ; dix à douze rayons épineux à la dorsale qui est plus élevée è la partie postérieure. Cette espèce , qui a très rarement 15 centimètres de long, se trouve à l'embouchure de nos fleuves du nord, et arrive mème, mais rarement à la Loire. LXVII. CENTROLOPHE, Centrolophus. Proémi- nences rudes, en: avant de la dorsale; corps com- (296 ) primé ; tèéte oblongue, obtuse, dents fines; anale plus courte que la dorsale. 185. C. NEGRE, C. niger Lacép. pl. 99. f. 3. Perca nigra L. Holocentrus niger, Coryphaena Pompilus L. Centrolophus. — Cuv. et Val. tom. 9. pl. 334. Blaufish Borlase , Cornew. pl. 25. f. 8. Enc. pl. 34. f. 130. Vulg. le Négre, le Lampurge; museau arrondi; machoire inférieure avancée ; eeil grand ; sorte de crète en avant des trois petits piquants dirigés vers la téte; brun- noir sur le dos, grisàtre au ventre; opercule à une pointe ; dorsale graduée du dos à la queue; caudale fourchue. Ce n’est qu’une espèce accidentelle , pour nos còtes de l’ouest et du nord, ayant au moins 3 cent. delong. LXVII. RASON, Novacula Cuv. Front abrupte; corps très comprimé, à grandes écailles ; ligne latérale non continue; quatre dents antérieures coniques; pa- lais pavé ; dorsale très étendue. 486. R. DE LA MEDITERRANEE, N. vulgaris Cloq. Co- ryphena novacula L. Salvi. pl. 117. Rond.lib. 5. cap.16. Nirichthysnovacula Cuv. Enc. pl. 33. f.127.Vulg. Rason, Rasoir. Couleur générale rouge-brun ou rougeàtre di- versement rayé de bleuàtre sur le corps, la téte et les nageoires; anus plus qu'à moitié du corps; anale de l’anus à la queue ; caudale tronquée; ventrales lon- gues et étroites. N’a ordinairement que 25 centimètres de long, et est pris quelquefois par nos pècheurs basques sur les còltes qui avoisinent l’Espagne. LXIX. CASTAGNOLE, Brama Schn. Cuv. Front descendant et rentrant ; bouche dirigée de bas en haut; corps comprimé; dos élevé, dorsale unique; toutes Pda (297 ) les nageoires écailleuses; rangée simple de dents courtes el aigués. 187. C. ORDINAIRE, B. Raiti Schn. Sparus. — Bloch. pl. 273. Enc. pl. 50. f. 192 (mauvaise ). Dict. sc. nat. pI. 53. f. 4. Duham. Pèches, sect. 4. pl. 5, f. 1. Sparus Castaneola Lacép. Vulg.le Bréme dentée, la Castagnole. Couleur générale bleu foncé sur le dos, argentine sur les còtés ; naissance des nageoires jaunàtres ; dor- sale plus élevée en avant, avec deux rayons épineux courts; pectorales longues; ventrale et anale à un aiguillon ; caudale bien bifurquée. Ce beau poisson, à chair estimée, atteint de 60 à 80 centimètres. Bien qu’on le pèche sur nos còtes du sud, ce n’est qu’une espèce tout-à-fait méridionale et accidentelle, excepté pour la Méditerranée. Rarement il est remonté vers nos còtes nord. Cuvier a porté ce genre dans ses squammipènes; mais notre travail ne pouvait comporter cette grande série de divisions et subdivisions, n’ayant que cette espèce d’un groupe presque tout intertropical. LXX. SPARE, Sparus L. Forme carpoide; dos sou- vent renflé; une longue dorsale en partie à rayons épineux ; màchoire peu extensible ou bouche petite; lète plus ou moins écailleuse ; caudale fourchue. * Machoire protractile; corps étroit; dents fines , pointues : Smaris Cuv. 188. Sp. MENDOLE; Sp. Mena L. non Bloch. Smaris Mendola Clog. Smaris vulgaris Cuv. et Val. tom. 6. pI. 407. Sparus Mendola Lacép. Mena Rond. lib. 5. cap. 43. Duham. Pèches, sect. 4. pl. 6. f. 3. Enc. pl. 48. f. 183. Vulg. Mendole, Grosse-Pinarelle, Bouc. (298 ) Corps gris-argentin ondulé de bleuàtre en long; une tache noiràtre irrégulière au milieu du corps, au- dessous de la ligne latérale; pectorale et abdominale longues; dorsale presque uniforme; museau un peu effilé ; opercules anguleux écailleux. N’est pas commune vers le midi de nos còtes, où son odeur forte lui a fait donner le nom de Bouc; ne dépasse pas 20 à 25 centimètres. Bloch a figuré le Sparus Cantharus sous ce nom, en ajoutant une tache noire en lune sur le còté. 189. Sp. PICAREL, Sp. Smaris L. Laroch. Ann. mus. hist. nat. tom. 13. pl. 25. f. 47. Smaris Rond. lib. 5. cap.14. Smaris vulgaris Cloq. Duham. sect. 4. pl. 8. f.3. et 4. Ene. pl. 48. f. 182 (anale oubliée). Vulg. Petite Picarelle , Picarel, Mendole blanche. Corps gris- argentin , teinté de rougeàtre; tache irrégulière sur les flanes, au-dessous de la ligne latérale ; dorsale ta- chée de bleu un peu relevée au milieu ; ventrales seu- ies longues; pectorales et caudale rougeàtres. Cette espèce, plus rare encore que la précédente, n’a que 10 centimètres et jamais plus de 20, par ex- traordinaire. Comme la précédente , elle est variable pour ses couleurs plus ou moins prononcées, suivant les saisons. ** Machoirepeuextensible; dents échancerées ou pointues - Boops Cuv. 190. Sp. Boops, Sparus Boops L. Boops vulgaris Cuv. icon. Reig. anim. pl. 36. f.1. Exocallus insignis Lapyl. Boops Rond. lib. 5. cap. 11. Duham. sect. 4. pIl. 6. f. 4? Vulg. Bogue, Gros-Yeux. Tète petite, écail- leuse; corps oblong à grandes écailles par séries longi- (1209 ) tudinales ; gris-argentin sur les còtés avec quatre raies longitudinales légèrement dorées; ligne latérale courbe a points noirs; ventrales et pectorales assez longues; quatorze rayons épineux à la dorsale; cau- dale dorce. Ce Spare a le corps bien moins comprimé que les autres espèces, et dépasse rarement 30 centimètres. Il ya un Gros-Yeux au Conquet(Finistère) qui reste a ramener à une espèce déterminée , indiqué par Du- hamel, par les notes suivantes, et qui ne peut éètre notre Gros-Yeux ou Boops. Dos vert, còtés blanc-sale, argentin, opercules verts, museau camu, gueule rouge presque sans dents; écailles si petites qu'il semble n’en pas avoir ; extrémités de la dorsale unique, dix-huit rayons épineux , et anale un peu relevée; caudale fourchue; ila de20a25 cent. delong, et paraît de mai à septembre. Le Boqgue ou Boga de Saint-Jean-de-Luz, figuré par Duhamel, doit ètre toute autre chose; il remonte les rivières, est comparé à une sardine, mais à téte apla- tie, à écailles épaisses; dos brun , ventre blanchàtre, dorsale à vingt-six rayons, et presque jointe à la cau- dale. Il mérite une étude nouvelle, de méme que la Grosse-Sarde-Grise, Duham. sect. 4. pl. 7. f..4. péchée en haute mer. 191. Sp. OBLADE, Sp. Melanurus L. Sp. Oblada La- cép. Boops Melanurus Cuv. Boops Oblada Dict. se. nat. pl. 57. f. 2. Williug. 5. pl. 2. f. 1. Melanurus Rond. lib. 5. cap. 6. Duham. sect. 4. pl. 1. f. 5. Enc. pl. 48. f. 181. Vulg. Nigroil, Oblade , Sparaillon. Corps presque elliptique , dos bleu-noiràtre; còtés ar- gentins à nombreuses bandes brunes légères, iné- ( 300 ) gales et large tache noiràtre irrégulière de chaque còté de la base de la queue ; pectorales et ventrales longues et étroites ; huit à neuf aiguillons roides à la dorsale toute aiguillonnée comme l’anale, à quatorze rayons dont quatre raides. N’est pour nos còtes que de pèche accidentelle et près de la còte; peu estimée. Longue de 25 à 35 cen- timètres, le plus ordinairement du poids de 200 gr. 192. Sp. SAUPE, Sp. Salpa. L. Bloch. pl. 265. Boops Salpa Cuv. Salpa Rond. lib. 5. cap. 23. Enc. pl. 49. f. 188. Duham. sect. 4. pl. 5. f. 3. Vulg. Saupe, Ver- gadelle (les jeunes); Barioulada. Dos vert-bleuàtre ; corps gris-argentin è huit à dix lignes sinueuses lon- gitudinales jaunes; dorsale è quatorze rayons épi- neux, et là un peu plus saillant; nageoires en partie rouge-brun; ligne latérale près du dos; dents supé- rieures fourchues, les inférieures aigués ; quelquefois une tache noiràtre entre l’ceil et les pectorales. Sa longueur va de 15 à 30 centimètres; remonte quelquefois dans l’Adour , mais très rarement. ** Molaires en pavé; incisives très larges : Sargus Cuv. 193. Sp. SARGUE, Sp. Sargus L. Bloch. pl. 264. Sar- gus vulgaris Cuv. et Val. tom. 6. pl. 26 et 32. S. Rau- cus Geoff. — Duham. sect. p. pl. 3. f. 1. Sargus Rond. lib. 5. cap. 5. Vulg. Sar, Sargue, Sarguet. Dos brun- verdàtre; corps argentin sur les còtés et rayé en long et légèrement de jaunàtre , et en travers ondé de noi- ràtre; dix rayons épineux à la dorsale, un en avant de l’abdominale, et trois de l’anale; ventrale à six rayons ; huit incisives, deux rangs de molaires; cau- dale liserée de noir. (301 ) C’est une espèce rare sur nos còtes, et d’autant plus rare que l’on remonte vers le nord; ses couleurs sont variables ou fugaces. Il pèse ordinairement 2 kilog.; mais on en a péché de plus de 6 décimètres de long. Nous avons quelques doutes sur l’identité complète de notre poisson d’avec celui de Bloch. Il restera à comparer si ce que l'on nomme le Sar- guet sur nos còtes, est véritablement identique , car les pécheurs distinguent l’un de l’autre, comme étant différents, et non des effets de l’àge. x Molaires en pavé; un rang de dents aiqués en avant. 194. Sp. MoucHICOUBA, Pagrus tetracanthus ? Bloch. Vulg. Mouchicouba. Dos et còtés bleu argentin ; ventre argentin; tache noire derrière les opercules; bouche assez petite; dents antérieures ; dents molaires tuber- culeuses; dorsale allant de la tète à la queue, à onze rayons épineux; jugulaire è premier rayon épineux. Cette espèce, assez commune pour avoir un nom vulgaire sur nos còtes du midi, a ordinairement 30 centiméètres de long sur 10 de large. ***** Molaires en pavé; deux rangs de dents aigués en avant : Pagrus Cuv. 195. SP. PAGRE, Sp. Pagrus Linn. Bloch. pl. 267. Pagrus vulgaris Clog. Sparus argenteus Schn. Vulg. Arrouseu, Arronquero (midi), Pagre, Brelot, Demoi- sell (ouest), Damezelet (nord). Corps elliptique, front déclive; partie supérieure du corps rouge ou rougeàtre; ventre argentin; peau enveloppant le dernier rayon de la nageoire du dos et de l’anale; deux taches de couleur de rouille derrière chaque opercule. ( 302 ) Il est rare que notre espèceatteigne 35 centimètres, et est variable de couleur. Elle remonte à l’embou- chure de nos fleuves, mais rarement. Certainement il y a deux espèces confondues sous ce nom. Celle de Rondelet, lib. 5. cap. 15 (Enc. 49. f. 186), doit conserver le nom de Pagrus Mediterra- neus Cuv., le nòtre étant bien celui d’Artedi et de Lin- neus, bien qu’ils aient cité Rondelet. Celui de Bloch est peut-ètre méme une race distinete ou au moins une variété, ayant des lignes jaunàtres longitudi- nales que nous n’avons pas observées dans les indivi- dus de nos còtes. 196. SP. PAGEL, Sp. Erythrinus L. Bloch. pl. 274. Enc. pl. 49. f. 185. Duham. Péches, sect. 4. pl. 7. f. 2. Pagrus vulgaris Lapyl. P. Pagel Cloq. Sparus Pa- gel Lacép. Erythrinus Rond. lib. 5. cap. 46. Vulg. Pàagre(Saint-Jean-de-Luz), Arlicon (Finistère), Casse- Burgo (département de la Vendée), Petite Sarde rouge, Rouget. Front un peu deéclive; ligne latérale simple; couleur générale rouge-argentin, et rosàtre sur les còtés (blanc avec l’àge ); pectorales longues; dorsale uniforme à douze à treize rayons aiguillonnés; opercules à bord peu sinueux, écailleux. Ì Cette espèce, assez commune sur nos còtes , va ra- rement à 30 centimètres. Il n’y a pas de doute que nous avons confondu avec cette espèce la Bésugue, Bésu, Ruscain de nos còtes, que M. de Lapylaie distingue sous le nom de Pagrus rubens, sans le caractériser. Alors nous croyions en- core è l’infaillibilité de nos observateurs, et pensions qu’ils avaient tous vu ce qui était è leur porte. 197. Sp. MoRrME, Sp. Mormyrus L. Pagrus mormy- ( 303 ) rus Cloq. Pagellus. — Cuv. Mormyrus Rond. lib. 5. cap. 22. Enc. pl. 50. f. 191. Duham. sect. 5. pl. 11. f. 2. Vulg. Mouchogna (Landes), Marme, Morme, Mormir. Tète un peu aigué; dos bleuàtre; corps ar- gentin, avec bandes brunàtres (8-12) transversales ; vingt rayons à la dorsale, presque tous épineux. Ne va pas à 15 centimètres. Nous avons quelque doute sur l’identité de notre poisson avec celui de la Meéditerranée : les bandes en sont plus larges et moins nombreuses. 198. Sp. BoGARAVEO, Sp. Bogaraveo Brunich. Pa- grus. — Clog. Boops., 2. Rondel. lib. 5. cap. 12. Du- ham. Pèches, sect. 4. pl. 1. f.1. Vulg. Agadec, Laga- dec, Pilonneau, Pilono. Corps ovale-oblong, argentin, bruni au dos, brillant aux còtés; téte écailleuse; ceil très grand; ligne latérale brune; anus presque plus près de la téte que de la queue; pectorales allongées; caudale è ligne brune a la base. Cette espèce n'est pas très rare sur nos còtes et at- teint de 25 à 30 centimètres de long. Nous la croyons identique à la Bugaravella , citée par Cuvier; cepen- dant plus nous étudions et plus nous avons de crainte de nous tromper; c’estune timidité qui nous est venue par l’expérience, mais trop tard, étant maintenant éloigné d’un véritable point d’observation. 199. SP. BRILLANT, Sp. pulchellus. Pagrus. — La- pyl. Duham. Péches, s. 4. pl. 4. f. 4. Vulg. Merlan- Sergat, Sargate, Sergat. Dos noiràtre ; ventre brillant et argenté; ligne latérale courbe et blanchàtre; ceil grand; màchoire inférieure plus courte ; dents fines. On prend cette espèce assez fréquemment, et sa longueur ordinaire est entre 15 à 18 centimètres. Elle è ale ( 304 ) mérite une description complète, de mème que l’es- pèce suivante. 200. SP. PLon, Sp. Plon Duham. sect. 4. pl. 4 f. 3. Vulg. Plo, Plon, Plomb. Corps allongé, comprimé, blanc-argentin, ondoyé de roussàtre; museau obtus; lèvre un peu protractile; ceil grand, près du front; 6cailles assez petites, pointillées ; ligne latérale noire ; dorsale è vingt rayons, dont douze un peu raides; caudale étalée , peu fourchue. On le pèche de juin à septembre, sur nos còtes de l’ouest, et sa longueur est entre dix et dix-huit centi- mètres; il n’est pas rare et pourrait ètre le Gros-Yeuz du Finistère. Yass* Quatre à cinq dents coniques , les autres en pavé : Aurata Cuv. 201. Sp. DAURADE, Sp. Aurata L. Bloch. pl. 266. Enc. pl. 48. f. 180? Chrysophrys aurata. Cuv. et Val. tom. 6. pl. 85. Aurata vulgaris Aldrov. Cloq. Duham. sect. 4. pl. 2. f.1. Vulg. Dorée, Dorade, Doradet, To- radet, Antessa, Aurado, Aourade, Mouchou (Basques), Poisson-Saint- Pierre. Tète assez grosse; front arrondi; ceil grand; dos brun-bleuàtre; còtés argentins avec lignes latérales brunatres fugitives; une tache dorée en forme de croissant, au-dessus des yeux; onze rayons aiguillonnés è la dorsale, quatre articulés. une tache noiràtre aux extrémités de la caudale, pec- torale moyenne; opercule à grosse pointe mousse. La Daurade figurée dans l’Encyclopédie, pl. 48. f. 4, nous semble n’ètre que le Spare Sargue, que sou- vent, en effet, on vend trompeusement sous ce nom, cette espèce étant moins rare que la véritable Dau- rade. ei _- :( 305 ) 202. SP. SPARAILLON, Sp. annularis Bloch. pl. 271? (non Risso ni Laroche) Cuv. et Val. tom. 6. pl. 139. Duham. Pèches, sect. 5. pl. 11. f. 1. Vulg. Mouchara (Basques). Tète petite , ceil grand ; corps brun-jaune- argentin, avec cinq bandes brunes et transversales dépassant ‘en bas de beaucoup la ligne latérale. C'est à tort que l’on a rapporté le Moucharra de nos còtes au Chaetedon saxatile, mais il n'est peut-étre pas le poisson de Bloch, ses pectorales étant arron - dies à leur extrémité et non pointues; les aiguillons de la dorsale moins prononcés. Sa longueur habi- tuelle est de 2 décimètres. Le poisson de Bloch a les nageoires bleuàtre-foncé, excepté l’anale et les pectorales rougeàtres. Le nòtre, que nous n’avons pas vu depuis 1811 , mérite de nou- velles observations. La fig. 2. pl. 4. sect. 4, dans les Péches de Duha- mel, sous le nom de Petite-Bréme, devra probablement se rattacher aux Spares. Nous pensons encore que le Tablarina du golfe de Gascogne, se rattachera au genre Labre, plutòt qu'aux Spares, contre ce que Duhamel pensait p. 32. de la section 4. LXXI. SCIÈNE, Sciena L. Forme carpoide; des ai- guillons aux opercules non dentelés; deux dorsales; dents très longues et aigués; museau écailleux. 203. Sc. AreLR, Sc. Aquila Cuv. Ic. Reig. anim. pl. 27.f.1.Cuv. et Val. tom, 3. pl. 22. tom. 5. pl. 27. Cheilodipterus.— Lacép. pl. 93. f.3. Perca Vanloo Risso. Argyrosomus procèrus Lapyl. Enc. pl. 53. f. 203 (mau- vaise). Duham. sect. 6. pl. 1. f. 3. Vulg. Daine, Négre, Mégre, Maigre, Corp, Aigle de mer, Poisson royal, ( 306 ) Fegaro, Fagaro; gris-argentin; dos brun-noir; eil oblong; écailles grandes; caudale peu échancrée. Cette grande espèce atteint quelquefois 1 mètre 50 centimètres, mais le plus ordinairement 1 mètre. La figure donnée par Rondelet, lib. 5. cap. 10, est vi- cieuse et celle de Lacépède très médiocre. L’Argyrosomus Sparoides de M. de Lapylaie, qui forme, avec l’espèce principale, un genre distinet du genre Sci@na, et observé par ce naturaliste dans la baie de Bourgneuf, où nous n’avons point eu l’occasion de la voir, doit mériter un nouvel examen, afin de cons- tater si ce n’est pas une espèce déjà connue. 204. Sc. OmBRE, Sc. Umbra L. Lacép. Sc. nigra Cuv. Clog. Dict. sc. nat. pl. 50. f. 2. Bloch. pl. 297. Corvina nigra Cuv. Vulg. Ombre de mer, Corbeau, Corbeau de mer, Durdo, Corp. Téète à front arrondi; corps généralement brun-noir à ventre argentin en- fumé; nageoires noiràtres à base jaunàtre; opercule à deux pointes, préopercule une; dorsale première è dix ou onze aiguillons dont trois plus grands; anale à deux aiguillons; caudale arrondie. Cette espèce accidentelle, méme pour nos còtes du midi, a ordinairement 15 centimètres, rarement 33. Ses nageoires ventrales sont très noiîres, nigerrimis et non întegerrimis, comme l’imprimeur l’a fait dire è Linneus. La figure 203 pl. 53 de l’Encyclopédie est citée confusément pour cette espèce, complétement diffé- rente. La figure inférieure de la p. 128 lib. 5. cap. 8 de Rondelet représente un mauvais individu de cette es- pèce. ( 307 ) LXXII. PERSEQUE, Perca L. Corps carpoide; un ou plusieurs aiguillons et une dentelure aux oper- cules; deux dorsales presque égales , la première très Gpineuse; museau sans écailles. 205. P. PercHE, P. Fluviatilis L. Cuv. Icon. du Reig. anim. pI. 6. f. 2. Cuv. et Val. tom. 2. pl. 20. Bloch. pl. 52. Enc. pl. 53. f. 204. Duham. sect. 5. pl. 5. f. 3. Rondel. Poiss. des lacs. p. 143. Perséque com- mun Dict. sc. nat. pl. 75. f. 2. D'Orbign. Dict. pl. 1. f.41. Vulg. Perche, Perchaude, Préchaude, Perche de riviére, Perdrix de riviére. Corps brun-verdàtre ombré de jaune, à cinq à sept larges bandes transversales on- duleuses inégales; nageoires inférieures rouges; pre- mière dorsale brune à tache noire en arrière; oper- cule à angle prolongé; caudale peu fourchue. Cette espèce, si connue, de nos eaux douces, dé- passe rarement 30 centimètres. Il y a des variétés plus ou moins foncées en couleur, et, selon la nature des eaux, nous en avons observé d’un blond très clair. 206. P. Loup, P. Labrax L. Cuv. et Val. tom. 2. pl. 158. Sciena diacantha Bloch. pl. 302. Perca olo- mensis? Lapyl. Corps fond gris-argentin avec des lignes jaunàtres le long des còtes; écailles dures et denticulées ; tète un peu raccourcie à màchoires presque égales; operculesà échancrure donnant deux dents dont l’inférieure plus aigué; première dorsale è neuf rayons épineux simples, un peu écailleuse è la base comme la caudale; base des nageoires rougeàtres, excepté la dorsale. Nous n’avons observé que des individus de moins de 35 centimètres; mais cette espèce peut asriver au double ; elle est du midi de nos còtes. 20 ( 308 ) 207. P. LUBINE, P. Lubina Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 7. f. 1. P. Labrax Bloch. pl. 301. Enc. syn. Lapyl. Centropomus (1) Lupus Lacép. Centr. Mullus idem. Enc. pl. 44. f. 208. Duham. Péches, sect. 6. pl.2. f.2. Vulg. Mullet (Seine-Inférieure), Bar, Barreau (Ven- dée ), Drigne, Brigne, Drinneguet (Finistère), Lubin, Lubine, Loubine (Loire-Inférieure), Loup. Tète un peu pointue; opercule et préopercules écailleux, è une seule pointe aiguè noiràtre; dos brunàtre; cotés et ventre grisàtre-argentin ; ligne latérale près du dos et presque droite; première dorsale à neuf rayons à épines appendiculées; nageoires à base jaunàtre; ventrale et deuxième dorsale à bord rougeàtre; cau- dale grisàtre. L’anale est à trois aiguillons et les ventrales un en avant. Ce poisson est le plus commun des trois espèces si souvent confondues les unes avec les autres par les auteurs, et remonte souvent à l’embouchure de nos fleuves; les plus grands individus que nous ayons rencontrés avaient 50 centimètres, mais il y en a de bien plus gros. 208. P.LuBINE-MOUCHETEE, P. punctata Cuv. et Val. tom. 2. pl. 67, 78. tom. 5. pl. 106. P. punetulata Cloq. Sciena punctata Bloch. pl. 305. Rondel. lib. 9. cap. 7 (fig. inférieure). Vulg. Tiowe, Thyouc. Tète obtuse, dos brun-bleuàtre; còtés et ventre argentins; points noirs en deux lignes irrégulières au-dessus et au-des- (1) Le genre centropome est caractérisé par des dents en velours, les préopercules dentelés ; l’opercule sans épines ou à pointe très aplatie; le sous-orbitaire dentelé. ( 309 ) sous de la ligne latérale; première dorsale, à neuf ai- guillons appendiculés , bleuàtre; deuxième à base jau- nàtre, les autres nageoires rouges ou bleues a base rouge; opercule à deux aiguillons écartés par une large échancrure. Cette espèce, bien plus petite que la précédente, se trouve sur nos còtes, en haute mer, de juillet à oc- tobre. Nous ne pouvons nous faire une idée de la Perca inermis de M. de Lapylaie, laquelle sera certainement une espèce distincte pour nos còtes. Nous croyons avoir ramené exactement sa Perca Labrax et Olonen- sîs; peut-étre cela est-il à revoir. LXXIIH. APRON, Aspro Cuv. Corps carpoide, al- longé ; écailles rudes; préopercules dentelés et oper- cules épineux; museau très saillant, mousse; dents en velours; bouche en croissant; deux dorsales peu inégales. * 209. A. commun, As. vulgaris Cuv. Icon. Reig. anim. pl, 6. f. 2. Perca asper L. Bloch. pl. 207. Dip- terodon Aspron Lacép. Apron Rond. Poiss. des fl. cap. 29. Enc. pl. 54. f. 206. Vulg. Apron, Zindel. Corps brun-jaunàtre, à quatre à cing grandes taches brunes transversales irrégulières; ventre blanchàtre; queue allongée et gréle; caudale petite et fourchue; na- geoires jaunàtres, toutes assez grandes et arrondies aux exlrémités. Cette espèce , qui rappelle un peu la Perche et sur- tout l’Acérine, n’a que de 15 à 20 centimètres au plus de long, et n’est pas commune dans les eaux douces de France. Elle a été observée dans le Rhòne. Les rivières du nord dela France pourront peut-étre (340 ) fournir le Cingle ou Zingle (A. Zingel Cuv. Perca. — L. Bloch. pl. 106. Enc. pl. 54. f. 207), mais qui est plus ventru et a une queue non atténute et ordi- naire. LXXIV. ZÉE, Zeus L. Corps très comprimé dans toutes ses parties; une dorsale à deux parties inégales, à plusieurs rayons terminés par un très long filament; . un aiguillon en avant de la dorsale et de l’anale; ligne latérale obscure; musceau surmonté d'une membrane verticale ; écailles petites; caudale arrondie à rayons bifurqués. 210. Z. ForsEROoN, Z. Faber L. Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 6. f. 4. Cuv. et Val. tom. 164 et 10. pl. 6. Bloch. pl. 44. Enc. pl. 89. 154. Duham. Pèches, sect. 2. pl. 4. f. 4. Dict. sc. nat. pl. 44. f. 1. Vulg. Poule de mer (Loire-Inférieure), Dorée, Lune (département de l’Eure), Yer-Dear (Finistère), Gal, Coq, Oville, Rose, Truie, Poisson- Saint-Pierre, Lau. Corps ovoide; 6cailles très petites, rudes; dos brun; còtés jaune- doré; huit filets très longs à la dorsale; une tache brune et ronde de chaque còté du corps; grande tète et gueule large, avec deux courts barbillons à la lèvre inférieure ; un rang d'épines fourchues de chaque còlé de la base de l’anale et de la dorsale; celle de la base allant jusqu'a la téte. Cette vulgaire espèce a souvent 40 centimètres de long, et est peu estimée en France, ayant peu de chair, mais elle l’est beaucoup en Angleterre et sou- vent payée fort cher. Nous sommes persuadés que ceux qui se plaisent A multiplier les espèces pourront en faire trois à quatre, car celle de Ja Méditerrante ( Rondel. lib, 4. (311) cap. 19) a des particularités qui peuvent la faire dis- tinguer de la nòtre, sans méme tenir compte de la va: riabilité de longueur des filets de la dorsale dans la nòtre; les cing premiers rayons de l’anale sont épi- neux; un aiguillon à la base de chaque pectorale et une pointe molle entre les rayons non épineux de l’anale, prolongée dans l’étendue de la moitié du Corps. LXXV. CHRYSOTE, Chrysotus Lacép. Lampris Cuv. Corps ovale ventru, très comprimé, sans écailles ap- préciables; bouche petite, sans dents; une dorsale très Gchanerée, dont la partie antérieure est élevée en pointe; ventrales plus en arrière que les pectorales; còtés de la queue en carène. 211. CH. Lune, Ch. Luna Lacép. Zeus Luna Gmel. Zeus regius Penn. Brit. Zool. 1. 3. n° 101. Lampris guttatus Cuv. et Val. tom. 10. pl. 39. f. 155. Duham. Péches, sect. 4. pl. 15. Vulg. Cardinal, Poisson-Royal, Poisson de Lune, Poisson-Lune. Dos bleu-noiràtre , taches d’argent oblongues semées sur la moitié supé- rieure du corps; pectorales falciformes près de l’anale qui est très étendue; caudale fourchue è parties très Gcartées. Ce rare poisson des mers de la Chine, de plus d’un mètre de long, a été péché plusieurs fois sur nos còtes, car, outre celui figuré par Duhamel, pèché par les Dieppois, c'est encore très probablement Ie Scomber Gunneri de Schneider, ou Scomber pelagicus Gunn. Dronth. 4. pl. 13. f. 1. LXXVI. PLEURONECTE, Pleuronectes. L. Corps complétement déprimé de haut en bas, à deux par- lies non symétriques ; les nageoires formant presque (312) un bord complet des deux còtés; une pectorale der- rière la tète; ligne latérale devenue médiane; caudale arrondie (excepté le n° 212), ou tronqué. * Màachoîre et pharynx à dents aigues ou en velours - Hypoglossus Cuv. 212. PL. FLÉTAN, PI. Hyppoglossus L. Bloch. pl. 47. Gaimard. Voy. en Isl. pl. 14 (1). Vulg. Fléton, Fleton, Faitan. Yeux tournés vers la droite (2); tète large; corps elliptique-allongé; roux-brun en dessus; caudale fourchue ; ligne latérale formant une courbe au-dessus de la pectorale. Cette énorme espèce, dont on pèche des individus quelquefois de plus de 150 kil., est assez rare sur nos còtes du nord où elle n’est véritablement qu’acciden- telle et de quelques kil. de poids seulement. ** Bouche contournée à l’opposé des yeux, une seule mdchoire à dents en velours : Solea Cuv. 213. PL. SoLE, PI. Solea L. Bloch pl. 45. Enc. pl. 4. f. 160. Lacép. pl. 103. f. 1. Solea vulgaris Cloq. S. communis Lapyl. S. Buglossa Rafin. Vulg. Sole, Sole- Franche, Secillet (Morbihan), Garlizen (Finistère), Perdrix de mer. Corps elliplique ; téte arrondie; cou- leur générale brune; pectorales tachées de noir; ligne latérale médiane presque droite; écailles un peu rudes; des barbillons blanchatres et nombreux au còté infé- rieur de la bouche ; opercules arrondis. Cette espèce vulgaire, ordinairement de 30 centi- (i) La figure, page 325 de Rondelet, semblerait avoir été faite d’imagination, n’étant qu’esquissée, contre l’ordinaire de ce vieil et savant auteur. . (2) Pour déterminer la position des yeux , on suppose toujours que la queue du poisson est tournée vers la poitrine de l’obser- vateur, (313) mètres, va rarement au double; elle remonte assez rarement dans la Loire et dans la Seine. 214. PL. SÉTAU, P. cuneatus, Solea cuneata Lapyl. Vulg. Séton, Sétau. Corps elliptique-allongé; ligne latérale presque au deux tiers de la surface du corps. Se tient dans les sables du littoral des départements de la Charente-Infériepre , de la Vendée et de la Loire- Inférieure ; va rarement à 25 centimètres. 215. PL. PoLE, PI. Cynoglossus L. Solea Cyno- glossum Gloq. Belon. figure 143. Rondel. lib. 11. cap. 13. Vulg. Sole épaisse, Pole. Yeux à droite; corps ovale; tète grosse et arrondie; écailles comme cré- nelées; dos brun-rouge, le reste brun-clair; caudale presque tronquée. Moins allongée et plus épaisse que la sole, nous n’avons pas la certitude que ce poisson rare de nos còtes nord soit le méme que celui de la Méditerranée. 216. PL. PEGOUZE, PI. ocellatus. Schn. PI. Rondel- letii Sh. Solea oculata Rondel. lib. 414. cap. 12. Solea Peguza Cloq. non Riss. Corps très elliptique avec plu- sieurs grands yeux à la surface du corps; caudale tron- quée. L Le Pleuronectes Peguza de Risso à quatre yeux est une espèce rapportée à tort à celle-ci, et que nous ne donnons, pour nos còtes de l’ouest, que sur le té- moignage de l’'inspecteur-général des pèches Noèl, ce qui méritera contestation, bien que ce fùt un sa- vant ichthyologue. *** Dents tranchantes, pharyna a pavé, corps rhom- boide; nageoire dorsale dépassantl’eil : Plalessa Cuv. 217. PL. LiMANDE, PI. Limanda L. Bloch. pl. 46. Enc. pl. 40. f. 158 (copiée de Duhamel). Platessa. — (314 ) Cloq. Solea.— Rafin. Rondel. lib.11. cap. 9. Vulg. Plie de mer, Limande. Yeux à droite; couleur brune en dessus ou brun-jaunàtre obscurément tacheté ; ligne latérale très courbe vers la téte; écailles dentelées apres; des écailles sur les rayons de la dorsale et de l’anale; un piquant près l’anus; caudale noiràtre et tronquée , ou très légèrement échanerée. Cette espèce va rarement à plus de 30 centimètres ; elle remonte quelquefois la Loire jusqu’à Orléans et la Seine jusqu’à Paris , l’Allier jusqu’à Pont-Chateauw» près Clermont. La figure donnée par Rondelet lib. 14, cap. 9, est très grossière. 218. PL. FLEZ, PI. Flessus L. Bloch. pl. 44. Enc. pl. 40. if. 159. PI. Passer Bloch. pl. 50 (1). Platessa Flessus Cloq. Vulg. Flet, Fletelet, Fleton, Moineau de mer, Flonde d'eau douce, Flondre (Loire-Inférieure ), Flyndre, Cardine, Picot, Picaud. Corps elliptique à fond brun à grandes taches onduleuses, plus fon- cées, et nombreuses; ligne latérale bordée de deux rangs d’écailles hérissées de boutons àpres, de méme qu'’à la base des deux nageoires de la circonférence ; caudale arrondie pointillée de lignes brunes et à rayons bifides au sommet. Cette espèce passe rarement 40 centimètres de long; les yeux sont quelquefois tournés à gauche; elle remonte nos fleuves plus ou moins loin et regoit méme pour cela, par erreur, le nom de Plie. 219. PL. PLIE, PI. Platessa L. Bloch. pl. 42. Enc. (1) Gette figure represente un vieux Z/ez tourné à gauche par erreur de graveur et le véritable Pleur. Passer d’Artedict de Linnens, est un turbot ordinaire ; la meme erreur se retrouve pour la Plie; dans Belon, Gesner, Rondelet, Aldrovand, (315) pl. 40. f. 157. Duham. Péches, sect. 9. pl. 5. f. 3. Platessa vulgaris Cloq. Rondel. lib. 11. cap. 8. Vulg. Flotan, Plie, Plie franche, Bot, Carrelet, Lizen, Plincet (Morbihan et Finistère), Puise. Corps courte - ment elliptique , marbré de macules brunes et grises, avec des taches orangées -arrondies, de mème que sur les nageoires du pourtour; six à sept éÉminences, en ligne, sur le còté droit de la téte, terminant la ligne latérale. Outre les sables de notre littoral maritime, cette es- pèce se trouve dans nos fleuves et très avant dans les terres, comme dans l’Allier, la Loire, la Seine, la Meuse, etc. Rarement elle a 30 centimètres, et ce- pendant on en a vu du poids de 8 kil. Il y en a de blondes, sans aucunes taches. L’auteur du Supplément à l'Ichthyologie francaise confond le Flet avec la Plie, dans ce qu'il rapporte des poissons de nos eaux douces. La Platessa nebulosa de M. de Lapylaie, si elle n'est pas le Pleuronectes platessoides L. è taches brunes et rougeàtres sur fond cendré , méritera d’ètre étudide, ou pourrait ètre encore la. Pleuronectes limandula n° 224. *** Dents en velours; nageoires s'avancant au bord de la màachoîre supérieure + Rhombus Cuv. 220. PL. TARGEUR, PI. punctatus L. Bloch. pl. 189. Enc. pl. 941. f. 378. PI. hirtus Abild. Rhombeus punc- tatus Cuv. Cloq. Vulg. Targie, Targine, Targeur , Tarzet, Barbue à taches noîres et rouges. Corps ellip- tique è écailles rudes, brun-grisàtre avec des points d’un beau jaune-rouge et des taches brunes arrondies (316 ) irréguliètrement; nageoires tachées et ponctuées de rouge et de brun ; caudale arrondie, petite. Cette espèce, dépassant souvent 35 centimètres, n’est pas rare sur nos còles de l’ouest et du nord. 2241. PL. BARBUE, /1. Rhombus L. Bloch. pl. 43. Ene. pl. 44. f. 162. Lacép. pl. 103. f. 3. Rhombus bar- batus Cloq. Scophthalmus Rhombus Rafin. Vulg. Tur- bot sans piquants, Carrelet, Carretet, Griet, Pearl, Plie de mer, Barbue, Barbache. Corps ovale sans au- cuns tubercules , gris, marbré de brun-jaunatre et rougeàtre à taches espacées, mème sur les nageoires; tète presque distincte portant les yeux à son extré- mité sur le museau; opercules aigus; un piquant près de l’anus, derrière la téte; nageoires crénelées. Cette espèce commune remonte quelquefois nos fleuves; dépasse rarement 35 centimètres de long, et, avec la sole et le turbot, est du nombre des plus esti- més de nos còtes. Est-il bien certain que sous Domi- tien on en prit un de 20 aunes de long et 12 ‘pouces d’épaisseur? 222. PL. TuRBOT, PI. maximus L. Bloch. pl. 49. Enc. pl. 42. f. 163. Lacép. pl. 103. f. 3. Rrombus maxi- mus Cloq. Scophthalmus.— Rafin. Vulg. Turbot, grand Turbot, Bertonneau (Eure), Treboutet, Tulbozen (Fi- nistère), Faisan d'eau. Corps presque arrondi, mar- bré de brun et de jaunàtre avec taches et points bruns et couvert de nombreux points osseux à pointes émoussées; opercules à prolongement arrondi et obtus; caudale arrondie et ponctuée de brun, commelesna- geoires. Les individus de 12 à 15 kilog. sont très rares, el c'est là le poisson si célèbre chez les Romains. (317 ) Il yades variétés plus tachées les unes que les autres; aussi a-t-on distingué un Turbot d mille taches. 223. PL. GALLINE, PI. Gallinula, Rhombus Galli- nula Lapyl. Vulg. Poulette de mer. Cette espèce nous a échappé, è moins que ce ne soit encore la suivante : 224. PL. LIMANDELLE, PI. Limandela Duham. La- cépède, Platessa. — Clog. Yeux saillants et à droite , rapprochés; dents obtuses; écailles orbiculaires lisses ; dessus du corps, lequel est ovale, brun-clair avec des taches brunes et d’autres blanchàtres; nageoires pec- torales et ventrales jaunes; la dorsale prend naissance à l’angle de l'oeil; caudale tronquée. Ce poisson, de pèéche accidentelle, atteint jusqu’à 45 à 60 contimètres. i Il sera possible de trouver, vers nos còtes du nord, le Platessa limandoides, reconnaissable à sa surface rude. 225. PL. CALIMANDE, PI. regius Bonnat. Vulg. Cali- mande, Calimande royale. Yeux à gauche, très rappro- chés; màchoire inférieure très relevée; dessus du corps rude, brun rouge, jaspé de rouge-brun, de blanc-perlé, avec une tache brune à centre d’or bruni, etlesmales une seconde tache en dessus et une derrière les opercules. Cette espèce, connue des pècheurs, a de 20 à 30 centimètres au plus. Cloquet pense qu'il doit ètre re- porté au groupe Flétan. Quatrième Section. ABDOMINAUX. LXXVII. LOCHE, Cobitis L. Corps cylindroide : (318) yeux rapprochés au sommet de la tète; peau gluante à éggilles microscopiques ; une seule dorsale ; des bar- billons à la bouche; dentition très fine et obscure; caudale plus ou moins arrondie; nageoires obtuses. 226. L. A TROIS BARBILLONS, C. tricirrhata Lacép. Dessus du corps roux-brun parsemé de taches arron- dies; dorsale et caudale pointillées de noir. Trouvée dans les ruisseaux, près Rouen, il reste à la constater de nouveau. 227.L. DE RIVIÈRE, C. Tenia L. Bloch. pl. 31. f. 2. Enc. pl. 31. f. 242 (médiocre). Cuv. et Val. tom. 18. pl. 58. Acanthopsis Tenia Agessi. Vulg. Loche derivière, Lotte, Barbotte, Chatouille. Un processus bifurqué de chaque coté de la tète et mobile, en avant de l’eil; corps un peu comprimé ainsi que la tète, jaunàtre en dessus; quatre séries de taches et points noiràtres, les plus grandes au-dessous de la ligne latérale; six barbillons, quatre rangs de points à la dorsale, qui est tronquée-obtuse ; caudale à cinq bandes. Cette espèce , moins commune que la suivante et plus grande, a quelquefois de 15 à 18 centimètres, et souvent porte les mèmes noms. 9298. L. FRANCHE, (. Barbatula L. Bloch. pl. 34. f. 3. Dict. sc. nat. pl. 67. f. 4. Duham. sect. 3. pl. 27. f.4 (très bonne). Cuv. et Val. tom. 18. pl. 14. Vulg. Tion, Loche, Barbotte, Petit-Barbeau , Franche-Bar- botte, Dormille, Montoile, Montelle, Mulette, Loche de Bar-sur-Seine ( Aube ), Barbette(Lot). Corps nuagé de points bruns et taches brunes irrégulières, sur fond brun-jaunàtre-clair; six barbillons, dont deux à Ja lèvre supérieure plus courte, et quatre è l’infé- rieure, dont les deux laltraux plus longs. (319 ) Habite de préférence les ruisseaux, au fond des eaux ou sous les pierres; rarement elle atteint un dé- cimètre. Dans des endroits, on l’estime, dans d’autres on la méprise. La figure 2441 de l’Encyclopédie, pl. 61, n’est point celle de la franche, mais copiée et modifice dela Bar- botte grasse de Duhamel, laquelle est toute autre chose. M. de Lapylaie distingue, dans cette espèce, les va- riétés parisiensis et pictava; pour nous les distinctions se réduisent à des variétés blondes et des variétés brun-foncé. 229. L. D'ÉTANG, €. fossilis L. Bloch pl. 31. f. 1. Enc. pl. 61. f. 243. Cuv. et Val. tom. 18. pl. 68 et 46. Misgurnus fossilis Lacép. Vulg. Misgurne, Loche de marais. Dix barbillons dont six à la lèvre supérieure, plus longs, et quatre à l’inférieure, téte brun-jau- nàtre, tachée de brun. Fond du corps brun-jau- nàtre avec deux lignes latérales, grandes et une très petite inférieure d’un brun-foncé; nageoires brun-clair, rayé de brun; anale et ventrales jau- nàtres. Cette espèce, rare dans les grands étangs du nord, a de 18 è 30 cent. de long. Si l’on a varié ( Meyer, Frisch, Linneus, Klein, etc.) sur le nombre des barbillons, c'est faute d’attention. Les dents sont bien plus apparentes dans cette espèce que dans les autres, ce qui ne peut fournir un caractère générique, car c'est à tort qu'on en avait refusé aux deux espèces précédentes. 230. L. A QUEUE ROUGE, C. Spirula Carlier. Vulg. Satouille, Chatouille (Déepartement de la Moselle). (320 ) Cette espèce ne nous est pas connue, elle est dé- crite par M. Hollandre, p. 253 de la Faune du départe- ment de la Moselle, et se trouve dans le Nied, la Meuse, la Moselle. Elle fait entendre un cri particulier, lors- qu’on la saisit entre les doigts, et redresse ses épines (barbillons? ). Nous pourrions soupgonner que c’est le petit poisson presque rouge nommé mulette, qui, plusieurs fois, a été pris dans les fosses-Cormont (dé- partement de l’Aube, canton de Soulaines, commune de Vile-sur-Terre), cité dans les mémoires de la So- ciété d’agriculture, sciences et arts du département de l’Aube pour 1839, p. 111. LXXVII. GOUJON, Gobio Cuv. Corps fusiforme; deux barbillons, un de chaque còté du museau ; une dorsale; caudale fourchue ; pharynx à deux rangs de dents coniques, un peu courbes. 231. G. commun, G. vulgaris Cuv. et Val. tom. 16. p. 300. Cuv. G. fluviatilis Agassi. Cyprinus Gobìo L. Bloch. pl. 8. f. 2. Enc. pl. 77. f. 319. Lacép. pl. 109. f.2. Rondel. Poiss. des lacs, p. 454. Duham, sect. 3. pl. 23. f. 5. Vulg. Goujon, Goyon, Gonion, Goiffon (départements du Rbòne et de l’Isère), Goujon de ri- viere, Grondel (Bas-Rhin). Dos brun-noiràtre ; ventre brun-jaunàtre; nageoires à fond jaunàtre ou jaune- rougeàtre (d’après les eaux), piquetées de maculatures brunes; tète étroite, allongée, grosse, d'un brun- verdàtre ; écailles petites ; dorsale, neuf rayonset cau- dale rayée de brun; pectorale, seize rayons; abdomi- nale, neuf; caudale, dix. Cette espèce ne dépasse pas souvent 12 à 15 centi- mètres, est très estimée. Elle est sujette à une sorte de ver, Ligula simplicissima(Lig. abdominalis Gmel), ce (321) qui a fait croire au peuple que le Goujon engendrait les anguilles, ayant trouvé cet entozoaire dans l’ab- domen de ce petit poisson. 231. G. VERONNETTE , G. phoxinoides Lapyl. M. de Lapylaie donnera probablement les carac- ières comparatifs de cette espéce, qui doit ètre plus petite que l’espèce ordinaire et abonde dans les rivières du département de la Vendée. a Nous signalerons encore aux observateurs une grande espèce de Goujon, qui existe au bas de la Cha- rente et dont parle vaguement Duhamel, méritant d’étre étudiée, car il est probable que ce genre renfer- mera plusieurs espèces, ou au moins plusieurs races, a caractères appréciables. LXXIX. BARBILLON, Barbus Rondel. Cuv. Corps fusiforme; museau prolongé; quatre barbillons; cau- dale fourchue; une seule dorsale. 233. B. BARBEAU, B. vulgaris Cuv. Clog. Dict. sc. nat. pl. 70. f. 4. Cuv. et Val. tom. 15. p. 251. et tom. 20. p. 65. B. luviatilis Agassi, Cyprinus Barbus L. Bloch. pl. 18. Enc. pl. 76. f. 347. Duham. Péches, sect.3. pl. 27. f.1. Rondel, Poiss. des lacs, p.140. Vulg. Barbeau, Barbot, Barbotte, Cabot, Barbillon. Tète allongée, olivàtre; màchoire supérieure très avan- cée; deux barbillons à son extrémité, plus courts, et un à chaque angle de la bouche plus long; dos ar- rondi brun-olivàtre; ligne latérale droite en points noirs; ventre argentin-verdàtre ; nageoires rougeàtres; écailles rayées et denticulées; dorsale bleuàtre à sa base à douze rayons dont le troisième est dentelé ; pec- torales, dix-sept rayons; ventrales appendiculées à (322 ) leur base, neuf; anale, huit ; trois rangs de dents co- niques au pharynx (huit à dix). Notre poisson peut atteindre, mais rarement, jus- qu’à 60 centimètres; sa caudale est ordinairement bleuàtre à son extrémité. 234. B. BARBOTTE, B. Barbatula. Barbotte grasse Duham. Pèches, sect. 3. pl. 27. f. 3. Barbotte franche, Barbotte. Enc. pl, 61. f. 241 (mauvaise). C'est pour avertir les observateurs que nous pla- cons ici ce poisson, pèché dans la Scine et ayant au plus un décimétre de long, dont la téte est pointue, le corps un peu renflé au ventre, dont la caudale est légèrement échanerée, la dorsale tronquée et Iles aulres nageoires anguleuses. C'est avec l’excellente figure donnée par Duhamel, que Bonnaterre a fait faire la figure de la prétendue Loche franche qu'il fal- lait, cn effet, amincir pour approcher de la réalité. Nous ne pensons pas que ce puisse ètre un jeune Barbeau, et moins encore un Goujon. Nous avons déjà dit que notre ouvrage était pour donner l’éveilauxobservateurs, et non d’avoir la pré- tention d’offrir un travail définitif. LXXX. TANCHE, Tinca. Rond. Cuv. Corps. car- poide trapu; de très petits barbillons; écailles très pe- lites ; nageoires épaisses; dorsale unique; caudale peu fourchue; dents pharyngiennes en massue. 235. T. VULGAIRE, T. vulgaris Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 94. f. 4. Dict. sc. nat. pl. 69. f. 4. Cuv. et Val. tom. 16. pl. 322. Cyprinus Tinca L. Cyp. viri- descens Lacép. pl. 109. f. 3. Vulg. Tanche, Duham, sect. 3. pl. 25. f. 2. Enc. pl. 77. f. 320. Rondel. Poiss. des lacs, pl. et p. 113. Corps muqueux; dos arqué; (323 ) couleur générale brun-jaunàtre; un barbillon très petit à chaque angle de la màchoire; nageoires gris- violàtre-foncé; dorsale à douze rayons à base dis- colore; pectorales, dix-huit ; ventrales, neuf; anale, onze (1); caudale à angles obtus. Sa taille ordinaire est de 25 centimètres; on a cité des individus de 60 c. et de 7 à 40 kil.; mais ce sont de rares exceptions. Cette espèce est susceptible, sui- vant la nature méme des eaux, de varier dans son in- tensité de couleur, entre le brun-foncé ou vert-noi- ràtre et le blond, sans que l’on puisse cependant le confondre avec le Tinca aurata ( Cyprinus Tinca au- ratus Bloch. pl..15), qui est d’Allemagne, et nous semble mériter d’ètre considérée comme une espèce distincte, qui dispute de beauté de couleur avec la carpe de la Chine et l’able orfe. LXXXI. CARPE, Cyprinus Cuv. Agass. Corps com- primé en ellipse un peu allongée; dorsale étendue, ordinairement à deuxiéme rayon à épine dentelée et un semblable à l’anale; bouche avec ou sans barbil- lons; dents à couronne plate, mais sillonnées au pharynx; caudale fourchue. * Avec barbillons. 236. C. vuLeAIRE, C. Carpio L. Bloch. pl. 16. Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 94. f. 1. Cuv. et Val. tom. 16. pl. 23. Lacép. pl. 109. f. 1. Enc. pl. A. f. 1. Duham. Pèches, sect. 3. pl. 26. f. 4. Rondel. Poiss. des lacs, (1) Les auteurs ont commis des erreurs à cet égard, et elles existent dans les ouvrages de Linné lui-méme : souvent on néglige de compter le premier rayon et le dernier, à raison de sa petitesse. 21 (324 ) pl. et p. 106. Vulg. Carpe, Carpaude (les petites), C’harp (Finistère). Dos brun-vert; còtés argentin- doré ou vert-argentin ; ventrejaunàtre; écailles rayées grandes: un assez petit barbillon à chaque angle de la màchoire supérieure; deux très courts au nez; ligne latérale presque droite è points noirs; nageoire dor. sale à vingt-quatre rayons; pectorale, seize ; ventrale anale, neuf. On a vu des carpes d’un métre 30 centimètres, et nous en avons vu une de 41 kilog., mais il en a été pris du poids de 35 kilog. D'après un vieux livre an- glais sur la péche, on voit que la carpe n’a été impor- tée en Angleterre que vers 1650 par Léonard Mascall. La Carpe à miroir, ou la Reine des Carpes (Duham. sect. 3. pl. 26. Bloch. pl. 17. Enc. pl. 76. f. 318), de mème que la Carpe nue ou la Carpe d cuir, ne sont que des races anormales, mais qui se perpétuent par la génération, de mèéme que certaines difformités dans les animaux d’un ordre plus élevé. La nature des eaux influe beaucoup sur la qualité de la Carpe, ainsi que sur sa couleur. ; les fonds argi- leux impriment à sa chair une saveur impossible è masquer. 237. C. pe KOLLAR, C. Kollarii Heckel Cuv. et Val. tom. 16. p. 76, 81. Vulg. Carreau. Corps presque tra- péziforme ; écailles grandes à dix rayons, dont les deux externes sont plus larges; barbillons très courts. Sans ses barbillons, on pourrait confondre cette espèce avec le Cyprin Gibèle, et c’est probablement le Gibèle-Carpe de quelques économistes. Ce poisson, qui est aussi commun que la Carpe dans l’étang de Saint-Gratien, dit aussi de Montmorency, près Paris, ( 325 ) ne me paraissait, en 1816, que comme une race ra- bougrie de la carpe ordinaire. ** Sans barbillons (1). 238. C. DORADE, C. auratus L. Bloch. pl. 93, 94. Lacep. pl. 110. f. 4. Cuv. et Val. 416. pl. 101. Enc. pl. 78. f. 236 (324, 325, 327 sont des monstruosités). Du- ham. sect. 3. pl. 10. f. 1 à 5. Leuciscus auratus Mau- duyt. Vulg. Dorade, Poisson doré, Dorade de la Chine, Poisson de la Chine, Dorée de la Chine. Forme de la Carpe (un peu moins trapue), et méme coloration; vingt rayons à la dorsale, neuf aux ventrales. Cette espèce curieuse , et en domesticité en Chine depuis des siècles, y présente plus de deux cents va- riétés de formes et de couleurs, lesquelles nous avons vues parfaitement exprimées par les peintres chinois, dans la belle collection de l’ancien ministre de Louis XVI, Bertin. Ce qui nous a mis à mèéme de constater que les Cyprinus rubro-fruscus , nigro-auratus, Anna- Carolina, viridiviolaceus, établis par Lacépède, ne sont que des variétés très remarquables ou des mons- truosités telles que Cypr. telescopus, quadrilobus et macrophthalmus du méme naturaliste, au milieu de beaucoup d’autres qui ne le sont pas moins. Quelques figures de ces dessins donnent des barbillons à des poissons analogues et colorés aussi; mais ce n'est que sur les lieux qu'il sera possible de constater si c'est une espèce dont on a aussi obtenu des variétés colorées, ou si ce n'est que la conservation d’un ca- | (1) C'est de ce groupe que Nilss a fait un genre Carassius et Fitzinger son genre Cyprizopsis, tant la manie des coupes est contagieuse. (326 ) ractère primitif, que la domesticité aurait fini par faire disparaître dans les autres variétés. Les anguilles que j'avais mises en 1825 dans les eaux vives du jardin botanique d’Angers, ayant plus de facilité pour saisir les poissons colorés que ceux à couleur terne, avaient fini par détruire tous les indi- vidus colorés du Cyprin-Dorade, de manière que la race, remontant par la multiplication au type primi- tif, peu différent de l’aspect d'un Carpeau, était seule restée, et en nombre sì grand, que je fus obligé de les enlever pour ensubslituer de colorés. Certaines eaunx des puits d’Angers ont la propriété de rendre aveugles tous les poissons de ce genre que l’on y tient pendant quelques mois seulement, et spé- cialement les puits de la rue Saint-Julien. 239. C. CARASSIN, C. Carassius L. Bloch. pl. 11. Cuv. et Val. tom. 16. p. 82-89. Enc. pl. 78. f. 322. Cyp. Hamburger Klein. pl. 11. f. 4. Vulg. Carousche, Carousche noire ( département de la Moselle), Ham- burge, Carassin, Carreau, Karaish (Elbe). Corps presque rhomboide raccourci, à dos brun-verdàtre bombé; còtés jaune-verdatre à ligne latérale un peu courbe vers le bas; téte petite; opercules arrondis; dorsale verdàtre à vingt-un rayons; les autres na- geoires à base rousse; caudale peu échancrée à lobes obtus. Il a au plus de 15 à 20 centimètres de long, plus sou- vent de 250 grammes que de 500 (une livre). Il paraît que l’on en doit l’introduction dans l’ancienne Lor- raine (départements de la Meurthe et de la Moselle), au roi Stanislas, cette espèce existant dans quelques étangs et quelques pièces d'eau. Cependant si ce pois- (327 ) son a de chaque còté quatre dents en biseau intérieu- rement, ce ne peut ètre le Carassin, qui a cinq dents larges à chaque machoire. C'est donc une observation d’espèce francaise à étudier de nouveau. M. Vallot penserait que c’est Ja Carpe-Dorade, ce qui est peu probable , vu le port si particulier è chacun des deux poissons. 240. C. CAROUSCHE, S. striatus Holl. Vulg. Carous- che blanche (département de la Moselle). Port de l’espèce suivante, mais distinct par des stries très visibles et très élevées, à la surface des préopercules ou sous-opercules. Le signalement que nous donnons suffira pour bien faire reconnaître et décrire plus complétement cette espèce. 241. C. GiBèLE, C. Gibelio Bloch. pl. 76. Enc. pl. 79. f.329. Cuv. et Val. tom. 16. p. 80. Vulg. la Gibéle. Corps large et oblong; téte et bouche petites; oper- cule a bloc grand et arrondi; dos un peu longuement arqué bleuàtre; nageoires inférieures jaune-brun; dorsale bleuàtre à vingt-huit rayons, dont le premier et le dernier double; ligne latérale courbée vers le bas; caudale peu échancrée à lobes arrondis, écailles assez grandes situées à sa base; trois dents pharyn- giennes étroites à un seul sillon. (Pectorales, quinze rayons ; abdominales, neuf; caudale, huit). Cette espèce nous est venue de l’Allemagne par l’intermédiaire des moines de l’abbaye de Prémontré. Nous ignorons par quels moyens elle est parvenue à l’étang de Saint-Gracien, d’où nous l’avons mangée à Montmorency, è l’hòtel du Cheval-Noir, en 1816, sous le nom de Carpe-Bleue. Elle est plus ordinairement au- dessous qu’an-dessus de 20 centimètres. Confondue ( 328 ) avec le n° 239, comme variété , par les naturalistes qui ont précédé Bloch, cette espèce est plus allongée et bien moins large proportionnellement, outre ses autres caractères. Le Carpeau des environs de Lyon, que l'on croit une carpe difforme, pourrait ètre une des espèces précédentes. LXXXH. ABLE, Leuciscus Klein. Cuv. Corps car- poide, plus ou moins comprimé; dorsale unique et brièvement étendue ainsi que l’anale ; ni barbillons ni piquants è la dorsale; dents pointues ou en biseau. * Corps épais , allongé; écailles très petites; dents pha- ryngiennes pointues : Phoxynus (1) Agass. 2492. A. VéRON, L. Phoxynus Cuv. et Val. tom. 17, p. 363. Phoxynus levis Agass. Cyprinus Phoxynus L. Bloch. pl. 8. f. 6. Enc. pl. 79. f. 328. Lacép. pl. 110. f. 2. Duham. Pèches, sect. 3. pl. 26. f. 7. Vulg. Verdon, Vairon, Vrédon, Véron, Pinck. Tète cunéi- forme, à opercules arrondis jaunes; dos arrondi mar- bré de brun-foncé; còtés blanc-jaunàtre marbré de brun par bandes transversales (et de rouge au temps du frai); nageoires brunes tachetées de gris, aiguès surles angles; dorsale, ventrales et anale à dix rayons ; pectorales, dix-sept. Quelquefois il est marqué d’un peu de bleu, à tra- vers les autres couleurs; il est rare qu'il dépasse 6 cen- timètres. Il abonde dans les ruisseaux d’eau vive, où quelquefois, au temps du frai, nous en avons vu en- (1) Toutes petites espèces de 8 centimètres au plus. (329) combrés au point de pouvoir en prendre plusieurs pleins décalitres. 243, A. RIVULAIRE, L. rivularis Millet. Faune de Maine et Loire, pl, 6. f. 2. Cyprinus rivularis ? Pallas. tom. 3. p. 470 (édit. in-4°). Téète un peu grosse et obtuse ; corps brun-jaunàtre nu de taches et de points plus foncés; nageoires jaunàtres arrondies è leurs angles; dorsale, ventrales et anale à huit rayons; pectorales à quatorze. En supposant que notre petit poisson, des petites rivièeres du département de Maine et Loire et de la Loire-Inférieure, ne soit pas le Cyprinus rivularis de Pallas, lequel, d’après M. Valenciennes (tom. 47. p. 373), ne serait que lV’Albe-Véron, il est positif que le nòtre est tout-à-fait distinet du précédent, et la bonne figure qu'en a donnée M. Millet en est la preuve. Nous pensons que c'est le mème poisson observé par M. de Lapylaie dans le département de la Vendée, connu sous le nom de petit Verdon, et qu'il a désigné sous le nom de Leucisus obtusus, sans le caractériser. 244. À. DE MONTAGNE, L. montanus. Vulg. Vernhe, Verre. Corps oblong, arrondi, surtout vers la queue ; téte un peu allongée , striée au sommet, comprimée latéralement; màchoire supérieure plus longue; tache rouge è l’angle de la bouche; dos grisàtre mélé de brun; còtés a taches bleues, jaunes et verdàtres ; ar- gentin au-dessous de la ligne latérale; pectorales et ventrales à base rouge-jaune, a sommets obtus ; dor- sale à neuf rayons; pectorale à dix ; abdominale, sept; anale, huit, et dix-neuf è la caudale. Cette espèce, qui n’a que 5 centimètres de long, existe dans les ruisseaux qui sont dans les montagnes (330 ) des environs d’Auberac ( département de l’Aveyron), et dans le lac de Saint-Andole ( département de la Lo- zère ) et très certainement dans beaucoup d'autres lieux. Il peut étre confondu avec les deux précé- dents. ** Corps plus ou moins arrondi; dents pharyngiennes, disposées sur deux rangs, tronquées ou dentelées à leur bord interne : Leuciscus Agassi. 245. A. VAUDOISE, ZL. vulgaris Cuv. et Val. tom. 17. pl. 202. Cyprinus Leuciscus L. Bloch. pl. 97. f. 1. Enc. pl. 79. f. 331. Duham. Pèches, sect. 3. pl 24. f. è. Leuciscus argenteus Agassi. Cyprinus mugilis Vallot. Vulg. Vaudoise, Vandoise, Gardon blanc, Gravelet (Aépartement de la Moselle), Dard (l’Ouest), Accourci, Courci. Corps allongé; dos ombré de vert foncé; cotés à fond argentin; ligne latérale courbe, formée de lignes noires; dorsale à dix rayons et caudale grisàtre avec du noiràtre; les autres à base jaunàtre; anale à onze rayons. Cette espèce est la plus estimée des Poissons blanes (n° 250, etc.) de nos rivières; sa vélocité lui a valu le nom de Dard. Si l’on en a vu de 50 centimètres de long, cependant il dépasse rarement 30 centimètres. Trois espèces faciles à confondre avec celle-ci ont été distinguées par M. Agassi. Ce sont les Leuciscus ro- dens, majalis et rostratus. 246. A. A ROSTRE, L. rostratus Agassi. Cuv. et Val. tom. 17. p. 201. Leuciscus argenteus Selys. — Long- champs non Cuy. Avec la forme générale de l’espèce précédente , ce- (331) pendant cette espèce a le museau plus allongé. Il se trouve dans la Meuse. 247. A. DOBULE, L. Dobula Cuv. et Val. t.47. pl.172. Cyprinus.— L. Bloch. pl. 5. Enc. pl. 80. f. 332. Cypri- nus cephalus Hartmann. Vulg. Gardon de fond (Maine et Loire), Doubleau, Pleau (département de la Vienne), Sége, Siége, Brigne-Batarde, Dormeur, Schnattfisch, Chnottfisch (Strasbourg). Corps épais, étroit, dos et còtés verdàtres au-dessus de la ligne latérale, qui est légèrement courbe en bas; écailles moyennes à li- néoles noires longitudinales; dorsale à onze rayons, comme l’anale; pectorale jaunàtre , à quinze , abdomi- nales à neuf : les abdominales et l’anale rougeàtres ; la caudale bleu -verdàtre; dorsale à base rougeàtre. Cette espèce est souvent confondue par le vulgaire avec la suivante, et méme nous croyons que c'est aussi le cas des auteurs de l’/chthyologie francaise et de la Faune de la Moselle. 248. A. CHEVANNE, L. Chub, Cyprinus Chub Pen- nant, Risso, Lapyl. Cyprinus jeses Bloch. pl. 5. Lacép., Millet, Mauduyt, etc., non Linn. Enc. pl. 77. f. 323. Duham, Péches, sect. 3. pl. 24. f. 4. Cyprinus Gris- lasgine, Delarbre. Excl. syn. Vulg. Cheval, Chevanne, Chevau, Chevergne, Schvanneau, Chevesne, Cha- voine (Quest), Chaboisseau, Chaboissias , Chabot (dé- partement de la Vienne), Garbottin, Barbotteau, Vi- lain, Meunier, Bouxet ( département de la Meurthe). Tète grosse; opercules bleuàtres; muscau arrondi; corps épais; dos bleu-noiràtre; còtés' argentin-noi- ràtre; argentin au-dessous de la ligne latérale mé- diane presque droite; dorsale, neuf rayons; pecto- rale, douze; ventrales, sept; anale, huit. ( 332 ) Cette espèce parvient à plus de 50 centimètres de long. Serait-il possible qu'il y ait plusieurs poissons .analogues donnés sous le nom de Jeses, qui, en Alle- magne, veut dire le Meunier? Nous serions tenté de l’imaginer , d’après la dissidence de presque tous les auteurs dans le nombre des rayons des nageoires. Nous sommes au moins certain que toutes les syno- nymies que nous donnons sont exactement celles de notre poisson, et les rayons des nageoires exacts. Peut-étre notre poisson est-il le Lewciscus Grisla- gine, car il reporte le L. Jeses dans les espèces com- primées sur les còlés et non arrondies, comme dans notre Chevanne. Daubanton avait reporté ce poisson au Cyprinus cephalus L., oubliant que celui-ci avait la caudale presque arrondie et non fourchue. Le L. Chub-pictava, signalé par M. de Lapylaie, sera très exactement notre jpoisson , exactement ob- servé, et non une modification. Au reste, ces obser- vations nous portent à répéter qu'il y a encore è re- voir dans ce que l’on croit de mieux connu. *** Corps comprimé notablement, à écailles saillantes en arrière des ventrales; dents coniques crochues : Leu- ciscus Agass. 249. A. ROTENGLE, L. erythrophtalmus Cuv. et Val. tom. 17. pl. 107. Cyprinus. — L. Bloch. pl. 1. Enc. pl. 81. f. 337. Klein, mise. Pisc. 5. pl. 13. f. 2. Marri. Da- nub. pl. 13. f. 4. Erythrinus Schwenck. Vulg. Sarve, Rotengle, Salougue (département de la Meurthe ), Ascie (département du Lot). Corps plat et assez large; dos vert-brun'un peuarqué ; teinte générale brun-rou- geàtre ; ligne latérale obscure, peu courbée, formée de (333 ) points élevés; opercule à grosse dent obtuse; toutes les nageoires beau-rouge; dorsale, douze rayons ; pectorales, seize; ventrale, dix ; anale, quatorze. Cette espèce, presque toujours confondue avec la suivante, est plus rare. Sa longueur habituelle est entre 20 et 30 centimètres. Nous pensons que la figure 2. pl. 14, sect. 3. des Pèches, de Duhamel, donnée sous le nom de Rosse, est l’espèce que nous venons de caractériser. 9250. A. Rosse, LZ. rutilus. Cuv. et Val. tom. 17. pl. 130. Cyprinus.— L. Bloch. pl. 2. Enc. pl. 80. f. 334. Du- ham, Péches, sect. 3. pl. 24. f.1. Zeuciscus Jdus Mau- duyt. Excl. syn. Vulg. Gardon, Gardon rouge (dépar- tement de la Vienne et Loire-Inférieure ), Dresson, Rousset (département de la Còte-d'Or), Rosse, Rousse (département de la Moselle). Tète assez petite à oper- cules un peu aigus; dos noir-verdàtre; venire argen- tin; ligne latérale peu courbe, formée de points radiés et distants ; toutes les nageoires d’un rouge-rose vif; dorsale à treizerayons; anale à douze (pect. à quinze ; ventr. è neuf); cinq dents è chaque màchoire et sur un seul rang, aplaties des deux còtés et courbes vers la pointe. Sous ce nom de Cyprinus rutilus ont été confon- dues jusqu’ici diverses espèces; peut-ètre le Leuciscus rutilus méme de M. Mauduyt est-il du nombre, s'il n’est pas l’espèce précédente. D’après les modifications de formes analogues, M. Vallot, dans son Zchthyologie francaise, a signalé trois poissons que nous allons indiquer d’après ses propres notes. Il est probable que le Platane des pè- cheurs de la Seine, figuré par Duhamel, s. 3. pl. 26° f.4, est une de ces espòces. (334 ) 2541. A. FAUVE, L. fulvus, Cyprinus. — Vallot. Huit dents pharyngiennes sur deux rangs; dorsale à neuf rayons; ventrales et anale à dix. Des eaux du département de la Còte-d’Or, vo les trois suivantes : 252. A. ROUX, L.rufus, Cyprinus.—Vallot. Sept dents pharyngiennes sur deux rangs; dorsale à huit rayons correspondant au milieu des ventrales; ventrales et anale, dix. 253. A. BRUN, L. fuscus, Cyprinus.—Vallot. Six dents pharyngiennes petites (mignonnes ex Vall.); dorsale a douze rayons entre les ventrales et l’anale; ven- trales , neuf; anale, treize. Ces trois espèces offrent en outre quelques carac- tères anatomiques que nous nous abstenons de signa- ler, et dont nous ne pouvons faire tout le cas qu'on leur attribue, persuadé que nous sommes que ces sortes de caractères n’ont pasla fixité qu’on leur sup- pose. 254. A. NAGEOIRES JAUNES, L. ranthopterus Cyprinus Vallot. Cinq dents pharyngiennes sur un seul rang; nageoires jaunàtres; dorsale à onze rayons un peu en arrière des ventrales, le deuxième rayon flexible; ventrale à neuf rayons; anale à treize, courte; cau- dale à dix-neuf rayons. Se trouve dans les départements de la Moselle et de la Còte-d’Or. 255. A. HACHETTE, L. dolabratus Cuv. et Val. tom. 17.p.244. Cyprinus.—Hollandre. Deux lèvres égales; cinq dents de chaque còté, sur un seul rang, crochues et ecrénelées le long de leur bord intérieur; une seule dent fixe, plus petite, intérieurement; dorsale à dix istat (335 ) rayons; anale à quatorze ; lobe supérieur de la caudale plus court que l’inférieur. Ce poisson a quelque analogie avec l’Ablette et la Vaudoise; mais la première a la màchoire inférieure la plus longue et vingt rayons à l’anale; la deuxième ala màchoire supérieure plus avancée et dix rayons seulement à l’anale. M. Vallot pencherait à croire que c'est son Cy- prinus xanthopterus, ce qui nous semble plus que douteux. 256. A. OrFE, L. Orphus (4) Agassi. Cyprinus Orfus L. Bloch. pl. 93. Enc. pl. 80. f.336. Vulg. Orfe, Orphe, Orphe de rivièére, Orphe d'eau douce. Tète petite jaune- rouge; opercules un peu aigus; corps rouge bril- lant à ventre argentin-rosàtre ; écailles grandes ; anale à quatorze rayons (pect., onze ; ventr. et dors., dix), et toutes sont rouges. Cette magnifique espèce, qui peut rivaliser de cou- leur avec la Carpe-Dorade, a de 30 à 40 centimètres de long, mais n’a été pèchée que rarement dans la Somme (en 1824), et est rare, mème dans les parties méridionales de l’Allemagne. Nous la croyons race distincte. 257. A. SPIRLIN, L. bipunctatus Val. tom. 17. p. 259. Cyprinus.— Bloch. pl. 8. f. 1. Enc. pl. 82. f. 340. Aspius.— Agassi. Vulg. Mésaigne ( département de la Meurthe), Eperlan, Eperlan de Seine, Spirlin (Bas- (1) On doit écrire orfe et non Orph ou Orphe, du nom vulgaire allemand de ce poisson : Urft, Orft, Oerve. La Dorade est quel- quefoie désignée sous le nom d’orfe de mer, de là, par opposi- tion, orfe d’eau douce. ( 336 ) Rhin), Wette (Seine-Inférieure ). Tète un peu renfiée bleu-argenté; dos un peu arqué gris-foncé; ventre un peu saillant à ligne latérale incombante rouge à deux rangs de points noirs; seize rayons à l’anale; caudale et ventrales verdàtres, les autres rougeàtres (dors., dix; pect., treize; ventr., huit). La ligne rouge s’ef- face à la mort du poisson ; les écailles sont petites, piquetées de noir. Presque avec une anale caractéristique seule, ce poisson, qui ne va pas à 7-8 centimètres, existe dans la Seine, la Meuse, le Rhin, etc. Si les dents de l’Orfe correspondaient è celles des Leuciscus aspius, alburnus et bipunctatus, il se ratta- cherait au groupe dont M. Agassi fait son genre . Aspius, caractérisé par la machoire inférieure plus longue que la supérieure, ayant deux rangs de dents pharyngiennesallongées etun peu crochues, la dorsale petite et l’anale étendue. 258. A. MEUNIER, L. Jeses Agassi. Cuv. et Val. tom. 17. p. 160. Cyprinus Jeses L. Enc. pl. 81. f. 338. Quatre dents pharyngiennes, à pointe crochue, sur le rang externe; trois plus petites sur le rang interne; les écailles sont échancrées à leur sommet. Le plus grand nombre des ichthyologistes francais ont donné l’Able Chub sous le nom de Cyprinus Jeses, et Bloch lui-méme, lorsqu’il paraît que le Meunier vé- ritable est une espèce comprimée et rare en France, puisqu’elle n'est citée que dans la rivière de la Somme. 259. A. InE, L. Idus L. Cuv. et Val. tom. 17. p. 136. non Bloch (copiée par l’Encyclopédie, fig. 335). Vulg. Gardon? Museau gros, arrondi, un peu prédominant ( 337 ) sur la màchoire inférieure; une rangée de cinq dents pharyngiennes, non dentelées au bord; la première plus crochue que la seconde. Ce poisson est indiqué jusqu'ici, avec certitude, dans les eaux de la Somme seule. Le Cyprinus Idus de Bloch est le Leuciscus frigidus Valence. tom. 17. p. 234 (Cyprinus' Jeses Jurine non Agassi); le Zeuciscus Idus Mauduyt, est le véritable Leuciscus rutilus des auteurs, très probablement. 260. A. ABLETTE, L. Alburnus Cuv. et Val. tom. 17. pl. 272. Cuv. Icon. du Reig. anim. pl. 94. f. 2. Cyprinus. — L. Bloch. pl. 8. f. 4. Aspius. — Agassi. Albula minor Duham. Pèches, sect. 3. pl. 23. f. 4. Rondel. Poiss. des lacs, pl. et p. 153. Vulg. Able, Ablette, Able com- mune, Abillette, Abliable, Veblette, Ovelle, Borde. Dos brun-verdàtre ; ventre argentin à écailles caduques; opercules oblongues obtuses; ligne latérale presque en forme d’$S ; dorsale presque oppositive, a dix rayons; anale à vingi-vingi-un. Longueur de 10 centimètres au plus. 261.A.GRANDE-ABLETTE, L. confusus. Vulg. Grande- Ablette. Duham. s. 3. pl. 23. f. 2. Able Enc. pl. 83. f. 343. Dos vert-bleuàtre ; écailles assez grandes; oper- cules obtus et sinués; dorsale se terminant vis-à-vis l'origine de l’anale, à vingt rayons. Lorsque cette espèce, plus rare que la précédente, va jusqu’à la longueur de 15 centimètres, l’Ablette dépasse rarement 10 à 11 centimètres. 262. A. DE LA GIRONDE, L. burdigalensis Val. tom. 17. p. 218. Jusqu'ici n’est signalée que dans les eaux de la Gi- ronde. ( 338 ) 263. A. ALBURNOIDE, L. alburnoides Selys. Val. tom. 17. p. 250. Cette espèce est signalée dans les eaux du Rhin, de la Meuse et de la Moselle et nous est inconnue ainsi que la précédente. *#** Corps assez large, comprimé; dorsale médiocre; dents pharyngiennes en biseau (4): Rhodeus Agassi. 264. A. BoUviÈRE, L. amarus Cuv. et Val. tom. 17. p. 81. Rhodeus amarus Agassi. Cyprinus minimus Duham. Pèches, sect. 3. pl. 26. f. 5. Cyp. amarus Bloch. pl. 8. f. 3. Enc. pl. 80. f. 333. Lacép. pl. 110. f. 3. Phoxinus 2. Rond. Poiss. des lacs, chap. 25. Ph. squammosus Jonst. Vulg. Bouvitre, Bouvier, Péteuse, Carpe de Vallière, Bourguignon (département de la Moselle). Corps presque elliptique, presque trans- lucide ; tète cunéiforme petite; ceil grand ; dos jaune- verdàtre, caréné au-devant de la dorsale à dix rayons; cotés jaunatres au-dessus de la ligne latérale; na- geoires rougeàtres : excepté les dorsales, et caudale verdatres. Cette petite espèce, rarement de plus de 4 centi- mètres de long, se trouve dans les eaux de la Seine et de la Marne et les petits ruisseaux du département de la Còte-d’Or. Son anale, un peu étendue en lar- geur, établit comme un passage au genre Brème. Sous les noms de Bouvier, Bouvière, Rose, Rosière, (1) Bien que dans ces derniers temps on ait tiré des dents pharyngiennes des caractères que l’on juge plus infaillibles , il ne faut pas oublier que ces dents sont quelquefois caduques, ainsi que l’a très-bien observé Jurine , dans son histoire des Poissons du Lac Léman. (339 ) on a confondu celte espèce avec les jeunes individus de la race Carpe-Gibèle. Ce poisson, dit amer, Bitter- ling des Allemands, ne Vest pas plus que l’Able! Véron, laquelle l’est également, parce que l’on mange l’un et l’autre tels qu'on les a péchés, en les lavant seulement, avant de les faire ou frire ou bouillir. LXXXII. BRÉME, Abramis Cuv. Leuciscus Valence. Cyprinus L. Corpslarge etcomprimé; dorsale moyenne étendue ; anale très étendue ; dents pharyngiennes sur un seul rang, comprimées, larges, courbes, tron- quées au bord inférieur; lobe inférieur de la caudale un peu prédominant (1). R 265. B. MoRELLE, Ab. Morella, Cyprinus Morella, Leske, Lacép. Vulg. Morelle. Museau vert-bleuàtre aigu; màchoire supérieure plus courte; dos verdàtre, convexe à la partie antérieure; lignes latérales à traits noirs, incombante (2); nageoires verdàtres ; dix-huit rayons à l’anale; douze è la dorsale; quatorze aux pectorales et neuf aux ventrales. Cette espèce n'a que 2 décimètres; elle existe dans la Loire, a-t-on dit, et dans la Sarthe; cependant, comme nous ne l’avons pas vue nous-méme, nous l’adoptons avec doute pour la France, jusqu’à nouvel examen. Ici, nous la laissons caractérisée telle que Leske l’a donnée dans son Ichthyologie de Leipsik. Au surplus, elle peut ètre du nombre de ces quatre variéltés de Brèmes, indiquées vaguement par Noél (1) Le groupe, si naturel des Brémes, non adopté par M. Va- lenciennes, nous semble former un genre tout aussi bon que bien d’autres nouvellement admis. (2) Dans toute la famille des Cyprinoides, ce caractère est général, pour ainsi dire. 99 ppi ( 340 ) dans les eaux de la Seine. Comme les écailles sont parsemées de points noirs, cela lui donne une teinte générale sombre. 266. B. COMMUNE, A. Brama Guv. Cyprinus. — L. Bloch. pl. 13? Enc. pl. 84. f. 346. Lacép. pl. 110. f. 4. Duham. Pèches, sect. 3. pl. 25. f. 1. Leuciscus Brama Val. tom. 17. p. 9. Rondel. Poiss. des lacs, p. et pl. 110. Vulg. Bréme, Bréme, Brame, Bréme ordinaîre, Grande-Bréme, Haute-Bréme ( département de la Mo- selle). Tète petite; opercules anguleux obtus; dos caréné vert-noiràtre à grandes écailles; còtés variés de jaunàtre, et brunàtre sur fond-argentin ; anale à vingt-neuf rayons; ligne latérale à points noirs. Est-il bien certain que le Cyprinus Farenus de Lin” neus à anale à vingi-sept rayons soit notre Brème commune, ainsi qu'on l’a dit? Ne serait-ce pas celle de Bloch qui aurait de son còté vingi-neuf rayons à la méme nageoire ? Notre Brème atteint jusqu'à 40 centimètres, mais il paraît qu@anciennement on en a vu de 70 centi- mètres de long. Nous avons vu un temps où l’on jetait, comme un mauvais poisson, toutes les Brèmes. Un demi-siècle les a rendues plus précieuses, surtout les grosses. Le Diplozoon paradoxum, de Nordmann, s’attache aux branchies des Brèmes, et les fait ou maigrir, ou méme périr, 267. B. BORDELIÈRE, Ab. Blicca Cuv. Cyprinus latus Gmel. Cyp. Blicca L. Bloch. pl. 10. Leuciscus — Val. tom. 417. p. 34. Abramis Ballerus Mauduyt. Cypr. Bjoerkna? Artedi. Enc. pl. 83. f. 348. Vulg. Bordelière, Bréme blanche, Brémette, Petite-Bréme, Bréme gar- (341) donnée, Gardon brémé, Sans-nom (Maine et Loire). Téte et bouche petites; opercule un peu échancré vers le bas; dosbrun-bleuàtre ; écailles assez grandes : còtés très blancs ; caudale et anale un peu rougeatres; dorsale et ventrale brun-rouge bordé de bleu; ligne latérale à points jaunatres; anale à quarante rayons. Cette espèce, qui semble se rapprocher des rivages de préférence, est peu estimée, étant au plus de 15 à 20 centimètres de long, et très rarement de 25. Elle a le corps plus allongé proportionnellement que la précédente. 268. B. SopE, Ab. Ballerus Cuv. Cyprinus Ballerus L. Bloch. pl. 9. Enc. pl. 83. f. 345. Vulg. Eperlan batard , Virvolle, Plestie, Mulier. Petite tète ; màchoires égales, l’inférieure un peu courbée; dos noiràtre ; còtés argentés, ventre rougeàtre; ligne latérale à points bruns ; nageoires jaunàtres, bordées de bleu- altre; anale à quarante-un rayons (41). Ce poisson, plus grand que la Bordelière, lui res- semble beaucoup, mais ses opercules sont arrondis. Ce ne serait pas le Leuciscus Ballerus , puisque M. Va- lenciennes établit que ce poisson n’est pas de France, ce qui nécessite de nouvelles observations, pour notre espèce, comme pour la Bordelière du départe- ment de la Vienne. 269. Br. SERTE, Abr. Vimba Agassi. Cyprinus.— L. Bloch. pl. 4. Enc. pl. 83. f. 344. Vulg. Serte ( Zoerthe allemand), Vimbe ( Wimba suédois). Téte petite, jau- (1) Les degts pharyngiennes de la Sope sont en ligne, au nom- bre de cinq, à pedoncule gréle et couronne à crochet pointu, caractère à constater dans notre poisson, si c'est vraiment la Sope. (342 ) nàtre, tachée de rouge sur les còtés; museau prolongé ; bouche en dessous; dos vert-bleuàtre, tranchant au- devant de la dorsale; ligne latérale è points jaunes; còtés bleuàtre-argentin ; ventre blanc ; caudale à vingt- trois rayons (pectorales, dix-sept; dorsale, douze; ventrale, onze); cinq dents sur un seul rang de chaque còté des màchoires. Ce poisson, qui atteint jusqu’à 35 centimètres et est estimé , se trouve dans les eaux du Rhòne et celles du Rbin, mais ilest assezrare. D’après les observations de M. Agassi, nos fleuves de l'Europe offrent encore une série d’espèces nouvelles se rattachant à ce genre, telles que les Abramis argyreus, Balleropsis, elongatus, erythropterus, melenus, microlepidotus micropterix. 270. BR. DE BUGGEHAGEN, Ab. Buggenhagii Agassi. Cyprinus. — Bloch. pl. 95. Enc. pl. 82. f. 342. Leucis- cus.— Cuv. et Val. Cyprimus abramo-rutilus Holander. Duh. sect. 4. pl. 14. f.2. Vulg. Omble, Omblais (Maine et Loire), Caunique , Petite-Rosse (département de la Moselle), Bréme du Buurget, Carpe de Buggenhagen. Téte petite; dépression en (avant et en arrière de la téte; opercule à une pointe ; dos gris-bleuàtre ; ventre argentin ; ligne latérale formée de deux lignes noires très courbes; nageoires brun-bleuàtre, jaunàtre à la base; anale à dix-neuf rayons. Se trouve dans les eaux de la Somme, de la Moselle, dela Loire, etc. Les grandesécailles de cette espècel’ont fait prendre pour une carpe; mais ses plus grandes dimensions ne dépassent pas 40 centimètres, et son anale est moins étendue que dans les autr® Brémes. LXXXIV. CHONDROSTOME, Chondrostoma Agassi. Corps cylindracé ; bouche inférieure transverse; mu- ti (343 ) seau très allongé ; lèvres cartilagineuses tranchantes ; dents pharyngiennes unisériées, très comprimées, tronquées obliquement en arrière. 274. Ca. NASE, Ch. Nasus Agassi. Val. tom. 17. p. 384. Cyprinus Nasus L. Bloch. pl. 3. Enc. pl. 81. f. 339. Cypr. toxostoma Vallot. Vulg. le Nez, le Nase, Nasen (département du Bas-Rhin), Aucon, Auchon, Achon ( département de la Moselle), Écrivain, Ventre noir, Seuffe, Aleuse, Landoise, Vaudoise. Tète oblon- gue, a opercule à lobe obtus; dos noiràtre ; ventre un peu plat argentin ; tache noire sur la nuque; nageoires rougeàtres hors la dorsale et la caudale , qui sont noi ràtres; dorsale, douze rayons; pectorales, seize ; ven- trales, treize; anales, quinze; six dents pharyn- giennes de chaque còté sur un seul rang (4). 272. Ca. RyssLIin&, Ch. Rysela Agassi. Cyprinus Gesn. Cyp. Jaculus Jurine, Vallot. Avec les formes du précédent, cette espèce est ca- ractérisée par sept dents sur deux rangées, avec un péritoine noiràtre comme le Nase, ce qui produit une répugnance à manger ces deux poissons, pour beau- coup de personnes. LXXXV. BROCHET, Esox. L. Cuv. Corps allongé comprimé; museau oblong-obtus, large, déprimé; une seule dorsale près la queue, oppositive; màchoire supérieure hérissée comme la langue et le pharynx de dents en carde et la màchoire inférieure à longues dents pointues. 273.BR. coumun, E. Lucius L. Bloch, pl. 32. Lacép. (1) Guvier, Aratomie comparée, tom. 3. p. 191, donne 20 dents pharyngiennes au Nase; Valenciennes tom. 17. p. 386 en met 12, et c'est le nombre réel, six de chaque còté. ( 344 ) pì. 106. f. 3. Enc. pl. 72. f. 296. Cuv. et Val. tom. 18, pl. 279. Duham. sect. 3. pl. 27. f. 6. Rondelet, Poiss. des lacs, pl. et p. 135. Luccius vorax Rafin. Vulg. Brochet, Lanceron, Brocheton (les jeunes), Béchet, Becquet (département de la Mayenne), Lucz ( départe- ment de la Gironde ). Dessus du dos brun-verdàtre; ligne latérale presque médiane; les nageoires macu- lées d e oir. Il ya des races plus ou moins allongées et de colo- ration plus ou moins foncée, selon la nature des eaux. Le plus gros que nous ayons vu avait un mètre 20 centimètres; il fut péché en 1811 dans le lac de Crand- Lieu, où il engloutissait des canards, ce qui le fit sur- veiller et prendre. Du temps d’Auson, le Brochet était méprisé. LXXXV bis. OPHIE, Belone Cuv. Un long museau a màchoires pourvu de très petites dents; dents pha- ryngiennes en pavé. Corps trés allongé à écailles ex- trèmement petites; une carène d’écailles apparentes de chaque còté, près du bord inférieur; une dorsale oppositive, près la queue. 274.0. BELONE, Belone vulgaris Cuv. et Val. tom. 18. pl. 399. Esox Bellone L. Bloch. pl. 33. Enc. pl. 72. f. 297. Acus Rondel. lib. 8. cap. 3. Vulg. Aiguille, Ai- guille de mer, Anquillet, Aiguillette. Tète petite; mu- seau longuement effilé ; màchoire supérieure la plus courte; corps comme serpentiforme, comprimé ; dos noir azuré; flancs verts-bleuàtres, ventre argentin, nageoires immaculées. Les arètes de cette espèce sont vertes, mème après la cuisson; peu estimée, bien que souvent de 50 c. et plus de longueur, elle est assez commune dans cer- laines sajsons. (345 ) LXXXV. SCOMBRESOCE, Scomberesox Lacép. Mà- choire étroite et aiguilliforme; corps allongé; une dorsale oppositive et de nombreuses adipeuses entre la caudale et l’anale. 275. Sc. DE CAMPER, Sc. Camperii Lacép. tom. 5. pl. 6. f. 3. (1'e édition). Cuv. et Val. tom. 418. pl. 464. Scomberesox Saurus Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 98. f. 4. Esox Saurus Schneid. pl. 78. f. 2. Sayris recurvi- rostra Rafin. Saurus Rondel. lib. 8. cap. 5. Vulg. Bé- casse, Aiguille. Corps à dos grisàtre; còtés nacrés; ventre rosàtre; ligne latérale brunàtre; museau re- levé. Deux individus, longs de 24 à 25 centimètres, pris sur nos còtes, prouvent que cette espèce n'est pas aussi rare qu’on le croyait. Elle a jusqu'à 40 cent. LXXXVII. SPHYRENE, Sphyrena Cuv. Caractère et forme du brochet, mais deux dorsales. 276. Spa. Spet, Sph. vulgaris Cuv. Icon. du Reig. anim. pl. 18. f.'2. Dict. sc. nat. pl. 75. f. 1. D’Or- big. Dict. pl. 3. f. 1. Sphyrena Spet Lacép. Esox Sphyrena L. Bloch. pl. 389. Vulg. Brochet de mer, Lucz di mar. Dos et còtés brun-verdàtre; ventre ar- gentin; màchoire \inférieure très longue; ligne laté- rale éclatante, un peu courbe; première dorsale à cinq rayons (et non à quatre), épineux; les dorsales et caudales brunes , les autres nageoires rouges. Nous n’avons pas d’exemples que ce beau poisson ait remonté plus haut que le golfe de Gascogne. La Sphyréne Bécune a été prise trop dans les hautes mers pour étre regardée comme de nos còtes; il en est de mème de l’Esox Stomias (Chauliodus Sloani Sclmeid. pl. 85. Cuv.), vert foncé et long de 50 centi- I ( 346 } mètres, qui n'a été observé que dans le détroit de Gi- braltar. LXXXVIII. SYNODE, Synodus Lacép. Saurus Cuv. Caractères généraux des formes du Brochet; musceau court, bouche dépassant les yeux, mais la dorsale opposée à la ventrale; dents très fortes; une très pe- tite adipeuse; douze à quinze rayons aux ouies. 277. Sy. A BANDES, Sy. fasciatus Cuv. non Lacép. Osmerus fasciatus Risso. Corps allongé, traversé dans la partie supérieure et bandes jaunàtres et bleuàtres. Ce charmant et rare poisson, que nous avions con- fondu d’abord avec le Synodus fasciatus de Lacépède (Esox synodus, Gronov. Synodus Synodus Schn. Sau- rus maximus Sloane. pl. 251. f. 1) n'a que 30 à 40 centimètres de long; il est de nos còtes méridionales, où l'on pourrait rencontrer encore le Salmo Saurus, se réunissant au genre Saurus de Cuvier (Lacertus peregrinus Rondel. lib. 15. cap. 9). LXXXIX. EPERLAN, Osmerus Arted. Forme car- poide allongée; une dorsale oppositive et plus éloi- gnée de la tète que les ventrales; une petite adipeuse pour deuxième dorsale; deux rangs de dents écartées, ouies a huit rayons; nulle taches sur le corps. 278. ÉP. ORDINAIRE, Os. Eperlanus Lacép. Cuv. et Val. tom. 21. pl. 374. Sperlangus vulgaris Gaimard. Voy. en Isl. pl. 18. f. 2. Salmo Eperlanus L. Bloch. pl. 28. f. 2. Enc. pl. 68. f. 276. Duham. Péches, sect. 2. pl. 4. Dict. sc. nat. pl. 72. f. 2. Rondel. Poiss. des lacs, chap. pl. et p. 142. Corps un peu translucide; dos vert-clair; còtés argentins; opercules arrondis; caudale fourchue ; odeur forte. (347 ) Ce petit poisson vulgaire, long au plus de 15 centi- mètres, remonte nos fleuves, mais il devient d’autant plus rare que l’on se porte vers le midi. A travers son odeur forte, on distingue, cependant une petite odeur de violette. 279. ÉP. DE MER, 0s. marinus, N. Salmo Eperlano- marinus Bloch. pl. 28. f. 1. Enc. pl. 68. f. 277. Duham. Pèches, sect. 2. pl. 4. Vulg. Gros-Eperlan, Éperlan de mer. Corps non translucide; dos gris-foncé; ventre à reflets rougeàtres, verdàtres et bleuàtres; opercules a forte dent obtuse; ventrale plus éloignée de la téte que de la queue. Cette espèce, presque toujours du double de lon- gueur de la précédente, ne remonte jamais nos fleuves et son odeur est moins exaltée. C'est à tort que jus- qu'’ici l’on a refusé de reconnaître ce poisson comme une espèce distincte. XC. SALMONE, Salmo Artedi. Forme carpoide élancée; une dorsale et une adipeuse presque tou- jours oppositive; dents’ pointues, sur une seule rangée ; deux rangs de dents pharyngiennes, et sur la langue; ordinairement dix rayons branchiaux; cau- dale fourchue. * Espéces non tachées (4). 280. S. OwBRE-CHEVALIER, S. umbla L. Bloch. pl. 101. Cuv. et Val. tom. 21. p. 233. Duham. sect. 2. pl. 3. f. 2. Umble-Chevalier Ene. pl. 68. f. 274. Vulg. Umble, Omble, Ombre. Tète petite è opercules obtus; (1) On doit étre prévenu qu'il paraît que les jeunes saumons ou dejeunes truites sont quelquefois sans aucunes taches, et c’est le cas des Zocans du département du Mont-Dore et du Gantal. ( 348 ) dos brun-verdàtre; ventre blanc-sombre-argentin ; màchoire inférieure plus courte, à deux rangées de dents; anale à onze rayons; nageoires jaunes-ver- datres ; écailles petites. Cette espèce, rare pour nous, ne dépasse pas très souvent 35 centimètres; cependant on en trouve de 10 kilog. dans les grands lacs de la Suisse. La Moselle le donne, et très certainement nos eaux du Jura. ** Espéces plus ou moins tachetées. 281. S. SAumon, S, Salar L. S. Salmar Cuv. et Val. tom. 24. pl. 182. Bloch. pl. 20 (non 98). Enc. pl. 65. f. 261. Lacép. pl. 105. f. 2. Duham. Pèches, sect. 2. pl. 1. Mauduyt, Icht. du département de la Vienne, pl. 2. Rondel, Poiss. des rivières, chap. 1. Salmo- Salmo Val. tom. 241. p. 169. S. nobilis Schoner. S. vut- garis Aldrov. Vulg. Saumon, Saumon ordinaire. Tète aigué; opercules presque arrondis et obtus; le haut du corps ponctué de petites taches brunes irrégulières; ligne latérale noire presque droite; dos noiràtre ta- cheté de noir; còtésbleuàtre-argentin ; dessousjaune- rougeàtre; pectorales jaunes bordées de bleuàtre ; ventrales et anales jaunàtres; caudale en croissant, bleuàtre; dorsale et pectorale, quatorze rayons; ven- trales, dix; anale, treize. Il y a certainement des races distinetes dans cette espèce, car le Saumon-Coureur est bien plus élancé. Rarement le Saumon atteint un mètre. Les jeunes Saumons, qui sont sans tache ou à peu près, portent dans les départements de l’ancienne Au- vergne les noms de Tocan , Tocon, à moins que ce ne soit une modification de la truite à étudier. i Lama (349 ) Les Saumonneaux et Madelaineaua sont aussi des jeunes, mais confondues avec des espèces véritables par le vulgaire des pécheurs. 282. S. BeicARD, S. hamatus Cuv. et Val. tom. 21. p.181. S. hastatus Mauduyt, Ichth. du département de la Vienne, pl. 1. S. Salar Mas. Bloch. pl. 98. Enc. pl. 65. f. 262. Duham. sect. 2. pl. 1. f. 2. Gesner, p. et ic. 825. Vulg. Bécard, Saumon-Bécard. Gris-brun a grosses taches noires irrégulières, ou rouges; mà- choire inférieure plus courte et relevée à son extré- mité; opercules ponctués, à trois grandes sinuosités sur ses bords. Comme nous avons vu des Bécards femelles , il est certain que Bloch s’est trompé; d’un autre còté, mal- gré les autorités respectables qui ont admis cette es- pèce, elle n'est pour nous qu’une race rare et mème accidentelle. Cependant nous ne croyons nullement à l’impossibilité de la fixer. 283. S. SALVELINE, S. Salvelinus L. Bloch. pl. 99? Enc. pl. 67. f. 273? Vulg. Omble, Salveline, Trutte (Lozère). Màchoire supérieure avancée , à deux rangs de dents pointues et recourbées ; un seul rang de dents palatiales et à la màchoire inférieure ; teintes sombres et luisantes disséminées à la surface du corps; dos brun à traits noiràtres, sans ordre; còtés du corps et opercules blanc-jaunàtre; taches brunes, entremè- Iées de taches rouges, du dos à la ligne latérale; écailles petites, non caduques; dorsale rhomboidale échancrée a son sommet et tachée de noir; adipeuse a bord rouge; ventrales et anale rousses. La longueur habituelle de ce poisson, mème laité ou ceuvé, est de 20 à 25 centimètres. Il existe dans les ki ( 350 ) rivières des départements de la Lozère et de l’Avey- ron, surtout dans les monts qui avoisinent Aubrac. Quelques différences caractéristiques nous font élever des doutes sur son identité avec la Salveline, bien que sa dorsale soit échanerée; et, an surplus, il nous semble que la Salveline de Blochest le Salmo-Salman- nus d’Artedi, à macules jaunes. 284. S. RILLE, S. Rillus Lacép. pl. 5. f. 3 (4re édit.). Cuv. et Val. tom. 21. pl. 210. Parr Penn. Brit. zool. pl. 66. f.2. Vulg. Saumonneau, Madelaineau. Dos gris- olivàtre; ventre blanc; còtés marbrés de gris avec des taches rouges, entremélées de taches noires, plus petites; deux taches noires à l’opercule; écailles pe- tites serrées; quatorze rayons à la dorsale; neuf aux ventrales et à l’anale. Cette espèce, observée dans la Loire et dans la Risle (département de l’Eure), dont elle a recu son nom, dépasse à peine la grandeur d’un hareng. La chair en est blanche et non rose, à la cuisson. M. Va- lenciennes pense que ce n’est qu’une jeune Truite, ce qui semblerait avoir besoin de nouvelles constatations, car la Truite bécarde de Duhamel (sect. 2. pl. 2. f. 4), qui a été revue dans le Loiret, me semble n’étre que le Bécard du Saumon-Rille. Nous pensons que l'est à cette espèce que doit ètre rapportée le Saumonneau de Strasbourg ou Saumonneau du Rhin et de la Moselle, long de 15 à 16 centimètres, et dont voici les princi- paux caractères : dos et còtés vert-bleuàtre dépassant la ligne latérale, avec quelques taches rouges; écailles très petites, nageoires jaunàtres; dorsale pointillée de noir, à quatorze rayons; anale à neuf; lobes de la caudale arrondis. RA (351) 285. S. GAnoinE, S. Gadoides Lacép. Cuv. et Val. tom. 21. pl. 329. Couleur gris-marbré ; taches rouges et brunes, entremélées surle dos et l’adipeuse ; bouche grande ; màchoire inférieure très predominante; dor- sale à onze rayons; ventrales à neuf, et anale à huit. Celte espèce, observée pour la première fois dans l’étang de Trouville, près Rouen, atteint de 40 à 45 c. 286. S. RENÉ, S. Renatus Lacép. Vulg. René. Cou- leur générale grise, plus foncée au dos; neuf à dix grandes taches bleuàtres, le long de la ligne latérale ; dix rayons à la dorsale; neuf aux ventrales et anale. Ce petit poisson se trouve dans les eaux de la Mo- selle. Nous sommes bien certain que le poisson du.” nom vulgaire de René, donné à M. Valenciennes, est bien le Cobitis barbatula , mais ce n’est pas une raison pour que ce soit le poisson de Lacépède, lequel de- mande cependant de nouvelles observations. 287. S. TRUITE DES ALPES, S. Alpinus L. Bloch. pl. 104.Cuv.et Val.t.21. p. 249. Salmo punctatus Cuv. Duham. sect. 2. pl. 2. f. 5? Enc. pl. 67. f. 272. Vulg. Truite de montagne , Truite des Alpes, Bergforelle, Ro- ding. Tète un peu obtuse; écailles petites ; un appen- dice étroit près de chaque ventrale ; partie supérieure du corps è taches noires, jaunes et rouges; sans an- neau; dorsale et adipeuse jaunàtres; à treize rayons; les autres nageoires rougeàtres; pectorale à quatorze rayons; ventrales à huit; anale à douze; caudale à peine échanerée , à lobes arrondis. C'est le Charre des Anglais (Penn. Brit. zool. 3. pl. 15.); cette espèce, facile à confondre avec les petites Truites, existe dans les eaux du Jura et du mont Cenis; elle atteint rarement 20 à 25 centimètres. (352 ) La Truittette de Duhamel sect. 2. pl. 2. f. 5 (Enc. pl. 65. f. 264), bien qu’à taches rouges a cercle blanchàtre, se rattache peut-étre à cette espèce. 288. S. TRUITE, $S. Fario L. Bloch. pl. 22. Ene. pl. 65. f. 263. Duham. sect. 2. pl. 2. f. 2. Trutta dentata Klein. mis. Pisc. 5. pl. 5. f. 3. Trutta-Fario Cuv. Salar Ausonii Val. tom. 21. pl. 319. Rondel. Poiss. des lacs, p. et pl. 117. Vulg. Truite, Truitte, Troutte, Deluzen, Dluzen (Finistère), Trute, Touvre, Truite de rivière, Truite ordinaire, Tr. vulgaire. Dos brun à points noi- ràtres; còtés vert-jaune; taches rouges sur les flanes, avec anneaux brun ou bleuàtre ; téte un peu grosse à màchoire supérieure plus courte; pectorale brune, à dix rayons; dorsale bleuàtre, ponctuée de noir, à qua- torze; anale brune, à base bleuàtre, à onze, dont le premier pourpré; caudale jaunàtre, à base brune, et ventrale jaunàtre, à treize rayons. Cette excellente espèce dépasse rarement 25 à 30 centimètres, et offre, à ce qu'il paraît, diverses va- riétés notables, sans parler de la Truite brune, dont le fond est, en effet, très rembruni. On distingue des Truites à tète longue (dans l’Auzance, département de la Vienne), souvent médiocrement tachées sur le corps; la Truite à téte courte, tachée ou sans taches sur la téte. On trouve des Truites à fond noiràtre ou à fond jaunàtre, tous accidents qui jettent beaucoup de vague dans la détermination des espèces affines. Dans le département de la Vienne, nous avons vu la Truite dans la Cloire, mais très petite, et dans l’Auzance, où elle était inconnue il y a un demi siècle. La Touvre, département de la Charente, en nourrit une race assez distincte , à étudier de nouveau. 0 348.) 289. S. TRUITE-SAUMONEE, S. Trutta L. Bloch. pl. 21. Enc. pl. 67. f. 270. Lacép. pl. 105. f. 3. Dict. sc. nat. pl. 73. f. 2. Gaimard, Voy. en ISI. pl. 15. Cuv. et Val. tom. 21. p. 240. Salmo lacustris Gmel. S. Trutta- Salar Lacép. Trutta Salmonata Willug. Vulg. Grande- Truite, Truite-Saumonce. Tète petite cunéiforme, ta- chée de noir, à còtés violàtres; màchoires égales; opercules un peu aigus; teinte générale brunàtre-vio- lacée; front et nez bleu-noir; còtés à taches noires; dorsale brune, à quatorze rayons, tachée de noiràtre , comme l’adipeuse; toutes les autres brunàtres, non tachetées; pectorale à quatorze rayons; ventrales à dix; anale à onz2; caudale peu échancerée ; le palais à trois rangées de dents et la langue deux. Cette espèce, en mème temps de mer et de fleuve, est peu commune et recherchée , bien qu’inférieure à la précédente; elle a de 60 à 70 centimètres de long. Sa grosseur est quelquefois telle, que Klein en a figuré une sous le nom de Saumon. La Truite saumonée de Genève, ou Fera des Géne- vois, est le Salmo LemanusCuv.(Fario Lemanus Val.), qui n’est pas de notre France jusqu'ici, mais peut-ètre le Jura l’offrira-t-il. 290. S. TRUITE DE MER, S. Godenii L. Bloch. pl. 102. Enc. pl. 66. f. 265. Duham. s. 2. pl. 2. f. 3. Cuv. et Val. tom. 241. pl. 187. Vulg. Truite de mer, Silber- Forelle. Tète un peu pointue et relevée ; bouche petite ; corps allongé à taches rouges et noires, sur les còtés, cerclées de blanchàtre; dorsale ponctuée à douze rayons; caudale très fourchue (1). (1) La fig. 1. pl. 2. sect. 3, des Péches de Duhamel, est une Truite de mer bécarde. { 354 ) Elle va de 40 à 50 centimétres, et c'est la véritable Truite de mer pour nous et Bloch, n’ayant point vu . la suivante sur nos còtes. 291. S. ARGENTE, S. Schiffermulleri Bloch. pl. 103. Enc, pl. 66. f. 269. Cuv. et Val. tom. 21. p. 292. Vulg. Truite de mer, Saumon argenté. Tète brune, aiguè; taches noiràtres en croissant, sur les còtés; fond gé- néral brun-argentin; nageoires brunàtres; dorsale tachetée à quinze rayons; pectorale à 18; ventrales à dix, et anale, à treize. Cette espèce, qui paraît beaucoup sur les marchés de Paris en été, et qui vient du lac de Constance, devra exister dans le département du Jura. 292. S. DE BAILLON, S. Ballonii, Salar Ballonii Val. tom. 21. p. 342. Ne nous est pas connu. Le Salmo-Carpio, remarquable pour ses grandes Gcailles, est ponctué de, noir, mais si le lac de la Garda, en Italie, le présente en abondance, rien ne prouve qu'il ait été observé en France, et cependant on l’a indiqué en Angleterre. XCI. OMBRE, Coregonus Artedi. Bouche très peu fendue; dents à peine visibles; écailles assez grandes; une dorsale et une adipeuse. 295. Om. MARÈNULE, C. Marenula Lacép. Salmo. — Bloch. 27. f. 3. S. Albula Ascan. pl. 24. Vulg. Luciou de mar, Petite-Marène. Dos bleuàtre; ventre argentin; m’àchoire inférieure plus longue; dorsale à dix rayons; pectorales à quinze; ventrales à onze; anale à quatorze ; ligne latérale droite , à points noirs, rap- prochée du dos. Si cette espèce a éLé pechée à l’embouchure du Var, comme le rapporte Risso, elle est bien de l’intérieur (355) de la France. Elle a de 15 à 25 centimètres de long. 294. Om. HoutING, C. oxyrhynchus Val. tom. 21. p. 488. Salmo — L. Salmo Lavaretus Bloch. pl. 25. Excl. syn. Albula nobilis Schon. Lavaret. Enc. pl. 68. f. 278. Vulg. Hautin, Houtin, Houting. Museau mou, proéminent, noir, pointu; iète petite, à opercule anguleux; dos bleu-grisàtre; còlés blanchàtres , pas- sant au blanc-jaunàtre sous la ligne latérale; écailles assez grandes, échancrées ; pectorales jaunàtres; les autres nageoires à jaunes la base. Celte espèce, qui ne dépasse pas 25 centimètres et n’en a très souvent que 15, existe dans le Rhin, la Meuse, la Moselle. La premièg> bonne figure en a été donnée par Schonvel, répétée par Willughby, Ruysh “et Bonnatère. Il y a un ZHautin qui est une espèce d’Argentine. La figure 195 des Poiss. des fleuves de Rondelet , donne notre poisson, mais avec trois dor- sales, d’où Lacépède avait fait son Tripteronotus. 295. OM. BLEUE, C. Wartamanni Cuv. et Val. tom. 21. p. 463. Salmo — Bloch. pl. 105. Enc. pl. 68. f. 275. Rondel. Poiss. des lacs, chap. 6. pl. 163. Vulg. Bésole, Bezola, Omble-Dorade (Isère), Ombre bleu. Tète pe- tite; opercules oblongs; corps comprimé à teinte gé- nérale blcue, excepté les bases jaunàtres des nageoires, mélé de rouge aux pectorales et ventrales ; ligne laté- rale presque rectiligne, à points noirs ; dorsale à quinze rayons; pectorale , dix-sept; ventrales, douze; anale, quatorze ; écailles plus petites aux deux extrémités du corps. Rare dans le Rhin et long au plus de 35 centi- mbtres. 296. Om. COMMUNE, €. Thymallus Lacép. Dict. sc. 23 #1 ( 356 ) nat. pl. 72. f. 4. Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 102. f. 2. Cuv. et Val. tom. 21. p. 429. Salmo Thymallus L. Bloch. pl. 24. Thymallus communis Cuv. Coregonus Umbra Lacép. Duham. sect. 2. pl. 3. f. 2. Enc. pl. 69. f. 281. Vulg. Ombre, Ombre d' Auvergne, Ombre de ri- viére, Umbre, Hareng d'eau douce, Larde. Tète petite, un peu obtuse, brune en dessus, à opercules ponc- tués de brun; corps allongé à dix bandes parallèles bleuàtres de chaque còté; vaste dorsale parallélo- gramme jaune ponctuée de noir, bordée de brun au sommet, à vingt-trois rayons; pectorales jaunàtres, les autres nageoires brunes. Ce beau poisson, devenu rare, remonte la Garonne et la Moselle; sa longueur est de 30 à 45 centimètres. Dans la rivière de Ja Sorgue (département de Vaucluse), on l’a confondu, mal è propos, avec le Salmone-Ombre-Chevalier. L’odeur presque aromatique de ce poisson, compare è celle du Thym, lui a valu son nom de Thymallus. La fig. 202 pl. 53 de l’Encyclopédie est le mème en mauvais état, dont Lacépède a fait un double em- ploi. 297. Om. LAVARET, C. Lavaretus Cuv. Salmo — 2 L. Salmo Marena Bloch. pl. 27. Ene. pl. 69. f. 279. Lavaretus Rondel. Poiss. des lacs, 162. Bélon. 186. Duham. Péches, sect. 4. pl. 14. f. 1. Vulg. Lavaret. Teinte générale brun-bleuàtre; còtés argentin-bleu- àtre; tète un peu à bec obtus, à màchoire inférieure bien plus courte que la supérieure, à lèvre relevée; opercules aigus; ligne latérale presque médiane et droite, è points blanchàtres; mageoires brunàtres è bordures noires, comme l’adipeuse, excepté la cau- dale bleuàtre; écailles striées vers la base. ( 357 ) C'est là le véritable Zavaret du Rhòne et du lac de Bourget, à un myriamètre de Chambéry ; il va de 30 a 40 centimètres de long. On en a vu méme d’un mètre, mais il devient de plus en plus rare. XCI. ANCHOIS, Engraulis Cuv. Bouche très fen- due, dépassant de beaucoup les yeux; les deux mà- choires dentées; une seule dorsale sans adipeuse ; caudale fourchue. * Dorsale opposée à l’anale. 298. AN. ATRERINOIDE, Eng. Atherinoides Cuv. et Val. t. 241. pl. 341. Clupea — L. Bloch. pl. 408. f.1. Duham. Pèches, sect. 3. pl. 16. f. 8? Vulg. Bande d’argent, Prétra (St-Malo). Dorsale à l’opposé de la naissance de l’anale, qui est à trente-cinq rayons et un peu écail- leuse ; bande latérale manifestement plus argentine que le surplus des còtés; dorsale à onze rayons; pec- torale à quatorze, et ventrales à huit et très courtes. Cette espèce atteint rarement 2 décimètres; ce n’est qu’avec doute que nous lui rapportons le Prétra. Le poisson d’argent, Enc. pl. 73 f. 303, est de ce groupe, mais différent de notre espèce , sa dorsale étant plus étendue. 299. AN. DE BROWN, Fn. Brownii Cuv. et Val. tom. 20. pl. 5 et 41. Clupea vittargentea Lacép. CI. Brun- nichii Schneid. p. 425. Atherina Brownii Gmel. Brown. Jamai. pl. 45. f. 3. Stolephorus Commersonii Lacép. Duham. Pèches, sect. 6. pl. 3. f.5. Vulg. Mélet, Mélet, Bande d'argent. Dos très brun; màchoire supérieure prédominante; opercules crénelés; dorsale à quinze rayons, étendue et diminuant insensiblement; ligne (3089 latérale près le dos et sensiblement argentée sur còtés argentins. Grosseur au plus de l’Anchois, peu commune sur nos còtes de l’Ocgan. C'est peut-étre là le Goulard de nos còtes , poisson à constater. ** Dorsale non opposce à l’anale. 300. AN. VULGATRE, Eng. Encrasicholus Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 104. f. 1. Dict. sc. nat. pl. 71. f. 2. Cuv. et Val. tom. 21. pl. 7. Clupea — L. Bloch. pl. 30. f. 2. Lacép. pl. 108. f. 3. Enc. pl. 75. f. 313. Duham. Péches, sect. 3. pl. 17. f. 5., etc. Vulg. Anchoîis, Grand-Goule, Glessein. Tète aigué; ceil grand; mà- ©hoire supérieure très prédominante; corps allongé, gris argentin, è écailles caduques à reflets azurés et argentins sur les flanes; ligne latérale assez près du dos, peu visible (si ce n’est aprèsla chute des écailles); anale à dix-huit rayons (dors. DL pese pect., quinze; ventr., sept). Cette espèce, si connue, a le plus ordinairement 8 centimètres de long, et nous semble plus rare sur nos còtes de l’Océan que sur celles de Ja Méditerranée. Le Melet de Duhamel, sect. 6. pl. 3. f. 5., nous semble un Anchois, tandis que le Sprat (sect. 3. pl. 16. f. 2) sera un poisson distinct. XCII. CLUPE, Clupea L. Cuv. Corps carpoide al- longé, comprimé, à ventre en carène plus ou moins dentelée; une seule dorsale oppositive des ventrales ; bouche médiocre, dentée. * Grandes espèces (35 cent. et plus). 301. CL. ALOSE, Clupea Alosa Lacép. pl. 108. f, 2. (359 ) Cuv. (non L.) Enc. pl. 75. f. 312. Duham. sect. 3. pl. 41.f. 1. Alosa communis? Cuv. et Val. tom. 20. pl. 11, 441. Alosa vulgaris id. p. 407. Clupea sardinella Vallot. Icht franc. p. 277 (de taille moyenne). Vulg. Alose, Alouse, Alozen (Finistère), Cola, Coulac (départe- ment de la Gironde), ZYalackia (Bouches-du-Rhòne). Dos vert-jaunàtre; tache noiràtre ronde, près des ouies; ligne latérale presque médiane; lèvre supé- rieure anguleuse; anale à vingi-quatre rayons; cau- dale à deux taches brunes (dorsales, dix-huit rayons; pect., quatorze; ventr., huit). La Clupea Alosa-elongata de M. de Lapylaie doit former une race plus élancée, comme nous en avons signalé une dans le Saumon. Bloch, Artedi et Linné et beaucoup d’autres ich- thyologues n’ont signalé que la Clupé-Feinte sous Je nom d’Alose. Celle-ci va jusqu'à 60 centimétres et un mètre par exceplion. Sur 1200 qui nous ont passé sous les ycux, trois seulement avaient 55 centimètres. On trouve souvent dans les branchies de ce poisson l’Enthosoére dit Octostoma Alose. i La Franche blanche (Duham. sect. 3. pl. 17. f. 6), me semble une jeune Alose, de méme que la Menisse ou Menuisse de Granville , fig. 13, mème planche. 302. CL. Rousse, CI. rufa Lacép. Alosa rufa Cuv. et Val. tom. 20. pl. 11, 409. Vulg. Alose d'été, Alose rouge, Alouse de Chatellerault. Couleur générale , sauf le dos, brun-argentin-cuivré ; carène continue ; 6chan- erure de la bouche arrondie; quinze rayons aux pec- torales ; vingt-sept à la caudale. Plus petite que l’Alose, elle en a la forme générale, mais elle mérite une étude nouvelle, pour constater ( 360 ) si c'est une race seulement de l’Alose ou une véri- table espèce : la chair en est moins blanche. Les jeunes de ces espèces, comme de la suivante, sont confondues vulgairement sous le nom de Blanche et Blanchaille. 303. CL. FEINTE, CI. falla Lacép. CI. ficta. Cuv. et Val. tom. 20. p. 11, 409. Clupea Alosa Bloch. pl. 30. f. 1. Excl. syn. Duham. sect. 3. pl. 2. f. 1. Vulg. Vint, Venth (dép. du Rhin), Feinte, Feine, Guatte, Gasta (dép. des Landes), Serpe, Corneau, Covérau (Maine et Loire), Coque, Coquet, Couver, Couvereau, Laitreau (le male), Pucelle, Grande-Pucelle (dép. de la Seine), Cahuhau (màle), Couvert-Coqué, Grande- Gay (jeune). Lèvre supérieure échanerée en demi- . cercle; ligne latérale très près du dos; sept taches noiràtres sur les còtés, un peu au-dessus de la ligne latérale ; vingt un rayons à l’anale (dorsale, dix huit; pectorales , quinze ; ventrales, neuf). Plus petite que l’Alose et plus comprimée, elle ne remonte qu’après elle dans nos fleuves et est bien moins estimée. C'est bien è tort qu'on voudrait n’en faire qu'une méme espèce avec l’Alose. Mais il reste è étudier la Feinte bretonne et la Feine gros-yeux , qui seront, au moins la dernière, tout autre chose. La Blanche-Batarde de Duhamel, sect. 3. pl. 17. f. 7, ne nous semble qu’une jeune Feinte. *° Petites espèces (10 à 25 cent. au plus). 304. CL. ALOSETTE, CI. Alosetta, pl. 3. Vulg. Ri- blette, Ablette de fond, Ablettebatarde (Loire-Inférieure). Cavité en losange dessus la tète ; carène ventrale très dentée; ligne laterale près du dos ; còtés argeniés; une (361 ) tache noire en croissant, près le dos, derrière l'’oper- cule. Cette espèce, qui ne paraît pas passer 15 centimètres, n’est pas rare dans la Loire, où elle se tient sur les fonds rapides et sabloneux. Le Haranque, dans Duhamel, sect. 3. pl. 2. f. 3., ressemblerait un peu à notre poisson, et encore mieux à sa Grande-Gay , fig. 2, mais celle-ci est une jeune Feinte. 305. CL. HARENG, CI. Harengus L. Bloch. pl. 29. f. 1. Enc. pl. 73. f. 310. Lacép. pl. 108. f. 1. Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 104. f. 4. Cuv. et Val. tom. 20. pl. 30, 250, 252. Duham. Pèches, sect. 3. pl. 4. f. 1,2. pl. 16. f.1 (jeune). Rondel. lib. 7. cap. 16. Vulg. Ha- reng, Harinq (Finistere). Sans taches; lignes latérale un peu courte; màchoire supérieure jplus courte è dents en avant; dorsale è dix-huit rayons (pectorale a dix-huit et ventrales à neuf; anale à dix-sept). Cette espèce, qui dépasse rarement 20 è 25 centi- métres, ne remonte un peu l’embouchure de nos fleuves que lorsqu’elle est poursuivie par les Marsouins ou les Dauphins. Les Blanches d’Abbeville, les Marenguets de Caen nous semblent de jeunes Harengs. Le Sprat de nos còtes, figuré par Duhamel, sect. 3. pl.16, n'est aussi qu’un jeune Hareng; mais le Sprat de Calais, figuré dans le mème ouvrage, sect. 4. pl. $, f.7,a besoin d'étre étudié. 306. CL. SARDINE, CI. Sprattus L. Bloch. pl. 29. f. 2. Enc. pl. 75. f. 341. Duham. sect. 3. pl. 16. f. 4,5. Clupea Sardina Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 404. f. 2. Cuv. et Val. tom. 20. pl. 455. Vulg. Serdine, Sar- (362) dine, Sardin (Finistère), Cradeau, Harenguet, Royan (département de la Gironde), Sardine des Sables, Sar- dines nantaises (les très grosses). Màchoire supérieure plus courte; tète un peu dorée; dos bleuàtre-foneé; ligne latérale pointillée, fugaces; caròne peu sensible; anale à dix-nceuf rayons; dorsale, dix-sept; pecto- rales, seize; ventrales, six. Longue de 45 centimètres , le plus ordinairement, cependant on en voit de presque grandes comme des Harengs moyens. Statius Miller a dù figurer, pour Sardine, une jeune Feinte, car il lui donne des taches comme à elle, à moins que ces taches ne soient fugaces, ce qui est à constaler de nouveau. 307. CL. PiLcHARD, CI. Pilchardus Bloch. pl. 406. Clupanodon — Lacép. Alosa — Cuv. et Val. tom. 20. p. 446. pl. 8. Vulg. Pilchard, Celan, Celerin, Selan, Hareng de Berque (Paris), Gattereau. Tète è cavité oblongue en dessus; corps très allongé; dents comme nulles; écailles assez grandes (plus que dansle n° 306); dorsale un peu avancée; ligne latérale assez près du dos; dorsale à dix-huit ou dix-neuf rayons (pect., dix- sept; ventrales, huit; anale, dix-huit). Sa longucur est de 18 à 25 centimètres. Cette espèce n'est pas rare sur nos còtes de l’Quest. Nous croyons que l'on en doit rapprocher l'Eprault et VErtault de Granville (Duham. sect. 3. pl. 17. f. 1,2, maisla f,1 avec doute). Il sera è constater si le Ristau du dépar- tement des Landes est le Pilchard. 308. CL. HALBOURG, CI. Halburgius Duham. Pèches, sect, 3. pl. 16. f. 3 et pl. 17. f. 4. Vulg. Esprot, Eprault, Franche-Blanche. Dos vert-brun; còtés et ventre blane ; (363 ) nageoire dorsale un peu en arrière du. milieu du corps, au-dessus des ventrales; màchoire inférieure plus longue que la supérieure ; opercules très simueux au bord, avec une pointe obtuse près les pectorales; pectorales falciformes. Cette espèce va rarement au-delà de 8 à 10 centi- mètres. Ne serait-ce pas là la Harangula lutulus ou Blanquette de Caen, de l’histoire naturelle des Pois- sons, tom. 20, p. 281? 309. CL. ARACHE, CI. araca Duham. sect. 3. pl. 16. f. 7. Vulg. Alachie, Arache, Harache, Haraque. Dos brun-verdàtre; ventre argentin; ligne latérale mé- diane bien marquée; opercules obtus, sinueux au bord, à large échancrure à leur base; dorsale au milieu du dos, au-dessus des ventrales. Souvent on confond cette espèce avec le Hareng, dont elle se rapproche par sa taille, mais toujours moindre, et dont la dorsale est au milieu du corps, lorsque dans le Hareng elle est plus en arrière. XCHI. PRISTIGASTRE, Pristigaster Cuv. Port et caractères des Clupées, mais privé de nageoires ven- trales; corps comprimé plus ou moins large. 310. Pr. JACQUINE, Pr. Rostellatus, Apterogaster rostellatus Lapyl. Vulg. Jacquine (Pornic, Noirmou- tiers). Muscau un peu prolongé ; corps allongé, non relevé sur le dos. Cette espèce paraît en été sur nos còtes de l’ouest; on n’avait encore observé de ce genre qu’une espèce Ctrangère è ventre très saillant. XCIV. ATHERINE, Atherina L. Corps allongé, souvent un peu translucide; ceil grand; deux dor- ( 364 ) sales presque oppositives; très petites dents; joues et opercules écailleux ; ouies à trois rayons. 3141. AtH. JorL, Ath. Hepsetus L. Bloch. pl. 393. f. 3. Cuv. et Val. tom. 10. pl. 423. Rondel. lib. 7. cap. 414 (2 parerreur). Enc. pl. 73. f. 302. Duham. sect. 6. pl. 6. f. 8. Atherina Presbyter Cuv. Icon. Reig. anim. pl. 76. f. 3. Vulg. Aubusseau (Charente-Inférieure), Prétre (1), Prétreau, Prétra, Prétero, Roset, Roseré, Roserets, Sauclet (d6partement des Bouches-du-Rhòne), Gras-d'eau, Gras-Dos, Beleyon (Finistère). Tète assez petite, comme à crète dentelée, à deux points de chaque còté; màchoire inférieure relevée ; còtés bruns avec une ligne brune longitudinale, et une rosàtre plus large; ventre prononcé vert-argentin; nageoires roussàtres, tronquées en arrière; caudale fourchue ; première dorsale, huit rayons aigus ( deuxième dor- sale, dix; pectorales et anale, treize; ventrales, six). Cette petite et jolie espèce atteint rarement 15 cen- timètres, et n’en a le plus ordinairement que huit. XCV. MUGE, Mugil L. Tète revètue de petites écailles; corps allengé, un peu arrondi; deux dor- sales courtes, écartées, la première épineuse à quatre rayons; màchoire inférieure carénée en dedans. 312. M. visqueux, M. viscosus, Myxon. Rondel. lib. 9. cap. 4. Vulg. Mewille, Mulet, Mulet brun, Meuil brun, Moile, Sauteur. Museau un peu long; corps enveloppé d’une sorte de mucosité; còtés gris bleuàtre, à lignes longitudinales brun-bleuàtre. (1) Ge nom vulgaire est appliqué à plusieurs petits poissons de nos bords de l’Océan, appartenant à divers genres, et servant d’appàt pour la péche. ( 365 ) Cette espèce est bien distincte de la suivante, sur- tout par la mucosité habituelle de son corps et son habitude plus marquée de sauter. Sa longueur est de 30 è 35 centimètres. 313. M. SAUTEUR , M. saliens Risso. Cestrus Rondel. lib.9. cap. 3. Enc. pl. 73. f. 304. Duham. Pèches, s. 6. pl. 2. Mugil cephalotus Mauduyt (pour M. Cephalus). M. Cephalus Bloch. 394. Excl. syn. Cuv. et Val. tom. 11. pl. 47. Vulg. Mule, Mulet de mer, Mul, Liènne, Limou, Flùte, Meuil blanc. Museau très pointu; cou- leur générale gris-blanchàtre; opercules à taches très jaunes ou dorées. Cette espèce ou race est la plus habituelle sur nos còtes de l’Ouest et dans nos fleuves, et souvent con- fondue avec les autres par le vulgaire. 314. M. CAPITON, M. cephalus L. M. capito Cuv. et Val. tom. 14. pl. 13. et 19.'Rondel. lib. 9. cap. 2. Vulg. Lou Testud (département du Var). Cabot, Ramodo, Menille noir. Tète grosse, courte; écailles du dos brun- foncé; còtés blanchàtres à lignes longitudinales noi- ràtres. Cette espèce , commune dans le Rhòne, ne nous est pas encore connue sur nos còtes de l’Quest. 315. M. ProvengAL, M. Chelo Guv. M. Provensalis Risso. Chelon Rondel. lib. 9. cap. 5. Vulg. Maron, Chalus, Same, Mujou, Muego. Corps argentin ; tète un peu déprimée; sept lignes, dordes et bleuàtres, le long de chaque còté. Cette belle espèce, qui remonte le Var au printemps, pèse quelquefois jusqu'à 4 kilog. 316. M. DoRE, M. Tang Bloch. pl. 395. M. auratus Risso. Vulg. Mugou daurin. Museau arrondi; dos ( 366 ) bleuàtre-obscur; sept bandes foncées en long, aux còtés, avec nuance brun-argenté; opercules couverts d’une macule dorée ; caudale azurée. Cette espèce, qui n’est point, contre ce que l’on a prétendu, la Zienne de Duhamel, remonte le Rhòne et est peu commune; elle est du golfe de Gascogne et surtout de nos còtes de l’Algérie. XCVI. EXOCET, Exocetus L. Tète déprimée, pres- qu’entièrement couverte de petites écailles; bouche petite; corps un peu carré; une ligne d’écailles caré- nées au bas des flancs, le long du corps; dorsale unique; pectorales vastes allant presque à l’extrémité de la caudale; dents petites, pointues, sur une ran- gée ; ligne latérale peu marquée. 347. Ex. VOLANT, Ex. volitans Bloch. pl.398. Lacép. Cuv. et Val. tom. 19. pl. 83. Ex. evolans L. Duham. sect./3.pl:.22,:f.12..sect.. 9. pl.6. f. 3. Enc.pl. 73. f. 306. Vulg. Muge volant, Hareng volant, Poisson volant, Hirondelle de mer. Tète un peu atténuée; dos vert-azuré; ventre argentin; pectorales blewàtres bordces de jaune; abdominales petites, rouges, pres- que en dessous des pectorales; dorsale et anale éten- dues, droites; caudale è points rouges. C'est l'espèce de nos régions la plus ordinaire, bien que rare encore; elle apparaît de temps à autre en petites volées. Peul-étre le poisson de Duhamel est-il très distinet de celui de Bloch, par sespectorales moins près de la caudale et une seconde dorsale, si elle existe véritablement (4). Il a été pris dans la Manche. Il est (1) Comme le poissonfobservé par Duhamel avait près de 45 centimèlres de long, il serait bien extraordinaire que l’ont eùt placé deux dorsales sì elles n’y existaient pas. (367) rare qu'il dépasse 30 centimètres, ainsi que le sui- vant. 318. Ex. MUGE VOLANT, Ex. eziliens Bloch. pl. 497. Cuv. et Val. tom. 19. pl. 114. Mugilus alatus. Rondel. lib. 9. cap. 6. Vulg. Mulet volant, Mulet ailé, Hiron- delle de mer. Tète un peu renflée; dos brun-violacé; còtés argentins; pectorales violàtres à base jaune; abdominales en arrière, longues, violettes près. de l’anale ; dorsale écchancrde. C'est à la suite de forts vents de l’ouest que cette espèce est portée sur nos cotes. Nous n’avons point l Exocetus mesogaster de Bloch, qui, en effet, ales ventrales au milieu du corps, dans lequel le gris et le bleu dominent; il est tout-à-fait in- tertropical; mais nous le citons parce qu'il pourrait ètre poussé vers nos còtes par les oragos. XCVI. CENTRIQUE, Centricus. L. Corps comprimé, tranchant en dessus, plus ou moins couvert de pla- ques articulées; bouche sans dents, museau plus ou moins en flùte; deux dorsales. 319. C. BécAssE, Centriscus Scolopax L. Bloch. pl. 123. f. 4. Enc. pl. 21. f. 69. Lacép. pl. 74. f. 5. Ron- del. lib.15. cap. 5. Solenostomus Scolopax Risso. Vulg. Bécasse, Soufflet, Trombetto (département du Var). Sorte de cuirasse de la tète à la première dorsale ; couleur générale gris-rosacé; bec très long, cylin- drique, à bouche terminaleoblique; yeux très grands; les deux dorsales opposées a l’anale ; première dorsale à quatre piquants, dont le premier plus long est ser- reté; deuxième dorsale, seize rayons (pectorales, dix- sept; ventrales, cing; anale, dix-huit) ; écailles pe- tites sur les còtés; caudale un peu arrondie. ( 368 ) Cette espèce, longue de 15 à 18 centimètres, est assez rare sur nos còtes, soit de l’Océan, soit de la Méditerranée , étant surtout intertropicale. C'est encore le Silurus cornutus L. ou Macroram- phosus de Lacépède: Chardonneret de lEncyclopédie. 320. C. SuwPITT, C. Velitaris Pallas Spicil. 8. p. 36. pI. 4. f. 8. Amphisile — Cuv. Enc. pl. 86. f. 357. Mu- seau prolongé, avec lignes saillantes de chaque còté; corps oblong, un peu aplati; dos couvert de larges pièces écailleuses dont la postérieure porte une pointe raide serretée, formant partie de la première dorsale avec deux autres aiguillons, la deuxième petite sur la queue à douze rayons; couleur générale nacrée avec nuances azurées sur le dos; ventre à reflets dorés; piquants au-devant de l’anus; anale étendue et cau- dale tronquée. C'est une petite espèce longue de 5 à 8 centimètres, rare et accidentelle dans nos deux mers. BLENNIE LENTÈEQUE , N° 96, PL. 1. Blennius Lentecus. Corpore oblongo , sub-compresso, maxillà superiore — prellonga; fronte depresso ; maculis grisco - atris sparsis. Corps allongé, un peu comprimé, long de 9 è 15 centimères. TÈTE grosse, par rapport au volume du poisson, è mchoire inférieure plus courte; dents fines, serrées, sur une seule rangée; front obtus, aplati en devant; ( 369 ) eil très grand, placé près du front; opercules angu- leux-obtus en arrière, ponetués de brun comme le reste du corps. COLORATION, corps grisàtre à la partie antérieure avec des taches noiràtres ou noires très petites et pressées, brunàtre à la partie postérieure, avec des tachetures moins prononcées. LIGNE LATERALE, très rapprochée de la nageoire dorsale , rectiligne jusque vers l’opercule, et là se re- courbant vers le haut. NAGEOIRE DORSALE unique, à trente rayons, et un peu échanerée vers le neuvième et dixièéme rayons; les rayons vers la queue étant les plus longs, allant de la téte à la caudale. JUGULAIRES à deux rayons chacune, dont le plus long est l’extérieur; les deux libres vers leur extré- mité. PECTORALES placées au bas de la téte derrière les opercules, allongées, tachetées et à douze rayons. ANALE à dix-sept rayons, raides et un peu aigus, partant un peu en arrière de la tète pour rejoindre la caudale. CAUDALE arrondie à son extrémité; ayant huit rayons, et traversée par deux cercles brunàtres. OBSERVATION. — Ce poisson ressemble en petit è l’Anarhicus Lupus, mais, outre les caractères géné- riques, et sa caudale arrondie et non bifurquée , il est toujours d'un petit volume. C'est peut-ètre le Pichi- chy que l'on pèche au Conquet, sur nos còtes. (370 ) BLENNIE BRUN, N° 97, PL. 2. . Biennius brummeuws. Corpore elongato, compresso, fusco-brunneo , immacu- lato; maxilla superiori breviora; dorsallià longitudi- naliter elongatà, abbreviatà sub-spinulosa; jugula- ribus brevissimis quibusque bispinosis. Corps allongé, très comprimé , long de 10 centi- mètres; comme strié transversalement du dos au ventre. TfrE petite, très comprimée; mdachoire supérieure plus courte que l’inférieure; opercule grand, arrondi- oblong; eil petit près le front et bien latéral. LIGNE LATERALE rectiligne, peu marquée , presque médiane. DorsaLE longeant les trois-quarts du dos et joi- gnant la caudale. JUGULATRES courtes, formée par deux petites épines chacune, dont la plus longue est en dehors. PECTORALES oblongues, petites, à sept rayons. ANALE membraneuse, presque de la moitié du corps, joignant la caudale, et très brève. CAUDALE un peu oblongue, arrondie à son extré- mité. CLUPÉE ALOSETTE , N° 304, PL. 3. Clupea Alosetta. Corps allongé, comprimé (un peu de la sardine), à écailles assez caduques. ‘ASÙ([ i SAIUTINIQ SUI d Î dl ‘ASO(] | eposofe eIdajo) ‘9ppso]e 29dn)) x (371) TàrE moyenne, à machoire supérieure plus courte, échancrée en avant , noiràtre et ponctuée de noir à la partie antérieure, avec une dépression longitudinale en dessus, bordée à sa partie arrière ct placée entre l’eil, le museau et le front, creusé régulièrement en triangle; dents fines et écartées, mais à peine sensi- blesàla màchoire inférieure ; langue épaisse picquetée de noir; bouche assez grande; eil grand, à prunelle noire et iris jaune ; tache rougeàtre en dessus de l’eeil. Dos un peu arrondi, veri-brun; tache brune en croissant, un peu derrière l’opercule. Còrés argentins, à reflets un peu jaune-bronzé vers la téte; quatre lignes interrompues en dessus de la ligne latérale, formées de petits points noirs couvrant les écailles, lesquelles sont petites. VENTRE à carène aigu, très dentelée, depuis la tète jusqu'à l’anale. LIGNE LATÉRALE presque insensible, surtout en allant vers la queue, située peu au-dessous du dos, et composée de petits points noirs sur deux lignes se courbant surtout vers les ventrales. DoRsALE è dix-huit rayons, un peu jaunàtre, ondée de noiràtre. PECTORALES à treize rayons. VENTRALES à neuf rayons et blanc-grisàtre, avec un petit appendice oblong en dessus et à sa base. ANALE courte, peu étendue, blanchàtre et à vingt- quatre rayons. Les pectorales, ventrales et anales brunàtres, è base rougeatre. CAUDALE grande, bien fourchue, jaunàtre, à bor- dure noiràtre à son extrémité, piquetée noiràtre à sa surface , à vingt rayons. 24 { 372) OBsERVATIONS. — Ses différences d’avec la Clupée rousse tiennent à sa carène, très dentée, à ses dents manifestes, plus obscures dans Ja Clupée rousse; sa ligne latérale l'éloigne complétement des jeunes Aloses, et, en supposant que l’on pùt démontrer que c'est une jeune Feinte, ce serait au moins une figure concourant à l’histoire de celte espèce, ayant observé que les jeunes Feintes, doubles à la vérité de notre Alosette, n’avaient encore que trois à quatre de toutes les taches longitudinales qu’offrent les individus adultes. ERRATA ET ADDITIONS. N° 76. Le Sardias est une variété d’anguille des étangs du département des Landes, dont le dos est noiràtre et le dessous du corps blanc-mat mélé de cendré, et des teintes violacées sur les còlés; la tète effilée et cylindrique. L'Anguille du mème département est à ventre blanc- Jaunatre, téte plate et obtuse; ses nageoires pecto- — rales sont plus courtes que celles du Sardias. Comme ce ne sont pas de jeunes Congres, les Sardias deman- dent un nouvel examen. Page 247, ligne 8. Pas de dorsale, lisez : une dorsale seule, sans autre nageoire ni caudale. Page 259, n° 95, ligne 8. B. Gunnelus, lisez : B. Muranoides. Page 272, ligne dernière. Après ligne, lisez : laté- rale courbée vers l'abdomen. Page 341, ligne 6. Quarante rayons; lisez : 22 (25 d’après Bloch.) rayons. (373) TABLE ALPHABETIQUE DES GENRES (') et des noms triviaux ou vulgaires (2). APE (EtO ES: ADAGIVAna Sui Sele lara n. 106 ALOSe ant n. 501 AIMEE Tee ei 260 IAT cita 302 ADIENTSNNI I A 260 261 SIM AIN 505 — commune....... 260 Alonse teen 501 —- de fond... 292 — de Chatellerault... 502 ABIEME Sa toni 260 sù TOUDE ito 302 = NDAlardeg, o io» 3504 ATOZEDAA gn ccp) 301 a NUUIONA, A 304 Ammocoetes.. ..... un p. 226 Abliable, abliette....... 260 Ammodytes...... x. 255 AROMI ENI p. 959 Anaghichas. dt a 254 ACQNIROPSISS ott 80 ANONOSI n. 300 ACCMROETIO, RIOT 295 Ange, angede mer. ..... S4 AGIPONEBRIISTI Ao 244 ARSCIO LEA EA dd AgHOnSseos.a, IVAUPSISTANIA n. 266 AMSBIe N ra atta 76 AGGUICIR E Reina 245 —. ide mer......., 77 269 ABU ene noe 198 Angullietaia anse 274 ATDIRI I AI 38 Angulllette ese 55 274 pa de Merita 205 ADONE N ent 100 AIUTA ttt 14 AMMOSSANO I liana 201 Aiguille..... 63, 249, 269; 275 AGUIRRE noia 201 demente, dò, 274 APOGORI: I p. 278 — de sable....... : 80 Appàt devase.......... n. 80 Arenillet ere en 250 ARONA: 209 Aiouullete aan 274 Apterogasterus...., spia IL IATACNIO re dtt 309 Apterocyclus. ......... 249 ATA]Onean ti rt ron 159 Atache: fp rt. I n. 509 Alaize (Finistère) ....... Araignée de mer. ....... 87 ATCNAR Tia ira 52 Argyrosomus.......... p. 505 Alezet (Finistère) ....... AMICONE o n, 196 ATCuze er en 271 Arrain-Corria.......... 176 AI0NEO e o 264 'ATTAIIEGOLIA gi 2°- deeto at 176 Alosa, alausa........., p. 95 AROLAUErO ret dle 195 (1) Avec la page ou il se trouvent, et tous en italique. (2) Rapportés au numéro de leur série, excepté ceux quenousn’avons pu ramener à aucune espèce, (374 ) AMONGRENI .sfriazananiane 195 AIAUCER Tn ener e 146 VC IRR SRO DO DOT: 249 Aspidophorus.......,.. p. 270 ASPIO E: LI etto 509 Atlerina n 365 AUDuUSssea . ... . sio eine 541 Auchon, augon, ausson.. 266 Aurado.,... RR RI 201 AULA IEEE 554 AVEC LR Lo:8 AZzei. Litio selena 121 AVO eco siente 161 Banete; ri nen 55 Balstestsn. ene a . 245 Ballan Lares Bande d’argent......... 298 Bandoulière .........., 25 — hrune.......... .160 — marbrée ....... 170 BArSBarssso a re Ae 207 BERNA eee 100 BACAMRE ne cio oe 207 Baraude-gode.......... 98 Barpachaki ratto 291 BRANI et 142 145 Brea ani 235 1 MIOMEL E 143 Barbette....... Te TI84 Bammer, een 180 Barmlionienetoe Ni 2353 Barbossa 235 Barbotte.... 227 228 255 234 ALAMGHOSS eee oe 234 Si'MPPASSO Se 254 Barhotteau, barboitteau... 248 BADUB LA Ano 221 A tachesmaziioie: 220 (BF D'USO N e eater . 321 Barreaut. Cason. a 207 Batrachoides ......... Fil Balrachus viti 244 Badr are ee. 57 BandroesnieeSet 57 BIUMIDISCERAI RR 24 Bavedset,. tte ae 95 Bécard, beccard........ 282 BECasse Riti oretta 275 5419 — demer...... ZIO IO19 Béchet, becquet........ n. 273 eomne: tt A IRSnDOo 276 Beléyon., ii; .3 e P 150 311 Bellicanti.rnidg.h-- E 137 138 BRIDE STA p. 54 Bergforelle........- +». n. 287 Rerrallysee anice dsl ‘nia PER Bertonneau............ 2241 Berretto dute 152 Besola, besoles......... 295 Bésu, bésugue......... 138 Bezgle:sri ins e 295: BISELEE SA TS OR 155 154 Blonichalllatt: datati 3502 Blaliche Seco sato va 302 305 Blanche-batarde........ 303 Blanquet, blanquette..... 308 BIETMIUS: ROOT 258 Bleiz-mor (Finistère) .... n. 30 BIMERAS o i NI 28 BEBE go STI SE 58 Bodereni 1; 88 Boga, bogue........ 101 190 Bos:detroc. ont ten 87 Bònite iui 155 156 — ‘Payée 00.10. 156 Banitole! “stesa 154 BOOBS e RIO p. 298 BIBUOSE nata vi NONA n. 260 Bordelière . ....11.0.»% 267 Pt RIT, 219 BIRCe Co VE 188 Boulerot, Bouillerot, .... 119 Bourguignon.. ......... 264 BOLO e ee 87 BOurreauz o it Se 155 Bouvier, Bouvière....... 264 BOBxet. tia 244 Braisme ou Brèéme...... 266 Brama). 03 ANA 296 Brera er n. 266 Bielbt.a sten 4175 195 Brème, Bréme ou Bremme. n. 266: — blanche......... 267. — duBourget....,. 270 — commune ....... 259 — dentée..._..... 187 —. gardonnée...,... 267 — demer.,....... 176 — ordinaire.,,..,,, 266 Kahot.... Galet (Duhamel)... ..... Calimande ............ GAlual va Iii Valumeti i: addarohi n. Capone: diro [ETTI RI E ASSO P- Carass, Carassin ....... n. GArcharias,inzant: cate Verdi ale n. iù Mardino i nosizantrane — blanche.......,. = MOL epr CECCATO AnDILOLA nante —_ d DO 125 140 164 —. deVallières...... Carpeau, Carpaude...... —_ NOIE + Casse-burgo........... Lastagnole.......fiiht Cataphracte Caunique.... i n. 270 Caval (Loire-Inférieure). . Cavalet id) RO Gavillone.. .....10..c ARIA 154 Célan, Célerin......... 307 Centrina. canta dee p. 228 CONINISCUS.. it 367 Centrolophus.......... 295 CENLTONDIUSTA a 278 Centropomus.......,.. 118 Cephaloptera ......... 257 CEDAS ETRE 245 Chaboisseau ... n. 125 151 248 ChaDpIssiast elia 248 Chabon. ee 121 123 248 = OCHE, catodo 18 — VOrage...isie.. 57 Ghabronter te. esente 427 Chabsot, Chapsot....... 421 Chabuisseau RARE. 248 GhalDe: 0 tato 515 Charbonnier........... 106 WIArdias. eat 76 Ghardoni.: sasso pate 48 @larohetmi ion 30 RATORI 30 (Narp'.a nta 256 ChatmMann eee RE 85 — demer......... 54 —. rochier......... di CR o Ghatouille.<..-+- 5225 Di CRIVOMER EE ERI 248 Chavousernatuenti

. YOUX.. 190 Grosse Picarelle........ 189 — Sarde-grise...... 190 DUI EESLSE O DANA 162 Grumet, Grumelet....... 156 REV RICERESICAR BRA 305 Guitaudi eso taattti 98 fauirnean tr 158 Guedard Fer aste 158 HalachiaWan: 3: 3 292 Habourg] ode 299 Mamburgiz zia doi 259 Marachels iis sst3 Stab 509 Haranguets............ 505 Haranguette........... 297 Haranquewnii sorumit. ts 504 Araquens sta aaa 309 Harangi +3. ituigionze 305 — deBergue....... 307 — d'eau douce..... 296 — volant ......... 317 Harangula........... p. 298 ETADengi iii PLS OMINA n. 296 Haring a. 296 Hartet ou Drevels (Finist ). Hauson, i. Atleti . 60 Haute-Brèéme .......... 266 Hautin:\ arririanea 294 Hertault:. eat). 5307 Heurlin, Men earzot. 184 Hippocampus ......... p. 247 Hippoglossus.......... 312 ITLIDOR RR A n. 184 Hirondelle de mer. .... 157 140 517 5 Holocentrus .......... 1293 Houtin, Houting........ n. 294 Iehthyocolle. .......... n. 60 Ueti iaia 259 Imbriagorera; nre 159 Jacquine, jaqune,.. .... 501 Jarretière...:..<;-..pe BH 116 UEGESIUIN cal ERROR 240 Mneletv. iaia 502 TOSO". ;-;c calate 190 Julienne. ...........- {annas 109 Karaische, carassin. ..... 2539 Kavanche, carassin. ..... 2 Metello: 0h. grata 150 Kreas voyez Creac...... 58 Laberdan, v. morue..... Labre, Labrus......... p. 285 MAGENE nigi fate n. 90 Tfagadec...... try 198 TRattreai i: IRE 505 TIRRENI: 23 Mamna-.ifaca it p. 251 Tamproie . . atrata neisgA — d'alose......... 2 Lamprillon, Lamprion. 2..,. 7 Lampris (voyez Chrysotus) p. EST Tranceron. 3}. qalgid%. n. 275 Langon, Lansson....... 80 Landoise MARE DE ORO 271 Manneguet sii 105 Bantequesnitio i VI. 96 Wifde/ nre 296 i ET TERRI OPTA E ETICI ti 210 Eavandière .{.vi ac. 89 Mavarabo. ui 293 297 Hicanneguet ........... 105 Henbillat: ale saoa 21 Hepidopus .... ii. p. 267 Leptocephalus......... p. 250 Beschnat: tuto peter n. 76 TEUCISCUS'. ttt p. 528 Lévenegate, Lévénégatte. n. 105 Lezard de mer.......... 150 RE RAMON 19 TITO MONAROBRO N SNE 315 Dieu tenntit)do 106 ILL EVEN CIMPRARNBIONANGI FG) | 90 — Marin... eh 69 90 — demer.......... 69 90 bande ian dii n. 217 Marmara tare n.197 Jmaidelie sco cen 224 Maron. ata dae 515 MEMO E O 315 Marteal n dplged 32 Linette ou Perlon ........ 4537 Mélet, mélet......i.... 299 Lingue, Linguard,........ 109 Mendole...... vi. Agna! 188 Hiparis.. tesi BRANO 106 — blanche..... ju. 189 Wen. Iena 218 Menisse, menuisse....... 291 TAO ate VIRA 106 Menvise:., ira d12 eh 291 Loche.... 110, 124, 128 224 Merlanzi novara 102 107 — de.Bar-sur-Seine 228 — dela Méditerrante 107 — d'étang.......... 229 Seri 11)! VEPMPRISLUFITIACIRTO 106 = franche, we alio 228 —. TOU@, . pala 105 — de Loire... 108 — sargale......... 199 — de marais....... 229 Merlanet, merlenet,.., 102 105 — de mer... 108110 118 Merle, merle de mers,..... 165 PE ENONe satana 110 Merc 107 —. derivière....... 227 —.. barbu. ada 114 =} TOUgenNiozuna cu. & 144 — deBretagne 107 OM pe ann I 69 — verdin.......... 105 Longue-oreille, ........ 158 Merluche;.s...yu- dati 107 Lonték sLuntéque(Duhame1) MOPlurius: ina p. 265 Labre ? Méron, méru........... n.177 Lophius, (v. Baaciue) p. "ta Mesaigne, méségne...... 2517 Malta ora 264 Meuil, Meuille......... 512 Lote, Lotte....... n. 108 227 = pDIane 2... 315 — deloire........ 108 4 DIUN...-.. ta 342 — demer....... 13;;0.76 — moir,.........> 344 Traraaneni ici de 106 Meunier ...,.... 421 248 5 udine ea 207 Mailandett ia — mouchetée ...... 208 Mingue, mingre. ........ sio LIT] SSA IRBIERrg5 SO 206 Mapaletv ento en 52 — marin....... E 85 Misco ata 229 — demer.......,. 206 Mobular 3:;:0-Jaia lata 40 Mop-Testud.......... 1: 304 Moile:. irta 312 BRUDINE st nr ina 207 Monet arr d4 35 Luciou de mar......... 295 Moineau de rivière, ..... n. 218 IIMICZO ra iI 268 275 MA o 61 Lune, Lune de mer. ..... 210 Molet, molette ......... 98 use Ro dan 105 Mallorca a 115 MER 4114 Madelaineau. ........ 281 284 Mballeeizio. ae 302 Maigre (Ie) anta 205 Molue, morue.......... 99 Malarmatiagoe carngoeto 126 Molvey ur. cirratali 109 Maleohe.i o sei 98 Montchourdina . ........ 161 Mange-goemons..,..... 175 MONteo rr ne 76 Maquereal it atrata Se 152 Mardache, mordacle. .... Sd — batard.......... 150 Mordocé, mordoset, mord- —ejaSPéitosg noth 252 Bel, ri 96 Margagnon, margaignon. . 76 Morellato at 265 Marignano 182 Morme, Mormire........ 197 ( 380 ) Motard 1111) IT RRORO I PRBBARAROA n. 99 — barbue......... 98 — franche......... 99 — longue... *. AMIDO —/{louche:..:, 30Mekl 114 — MONA 106 —. deSt-Pierre..... 100 =—=MIVOMe sito 99 106 Mort:seoie Atto Al sb 6 Mouchara, moucharra(basc) Mouchicouba .......... 194 QUChO;s uv E 201 Mouchogna............ 197 Moule ou Mole. ........ 61 MOGLIA LEE 98 Moutelle , moutoile. ..... 228 Muego (........ITIMSIT O) 315 Mugen LUI 312 volanti Sar eg 517 518 Might p. 564 Mubile ic 00 n. 500 Mugou, mujou.......... 515 = danni: So 516 Mulsmule- 30 312 5153 Mulet, mullet........ 312 513 ile rr O 518 EMEBIIORE io 515 DEU ie 512 gide;mer;;;.: DIRMI 515 RENDITA rin e 314 ri Santenno gia 312 313 Mi TOUBRI Canin 142 volanti 42 518 MALA icona 228 MULES 1.4.0 SIILTILARI 268 MUllusr sean ii p. 277 Muraeng:sr i dalai 250 Wustelo.:. tane 265 MIste luz e ni 250 Myliubatis...ccsicce. 256 Nantéque, Nartéque...... n. 96 Nase, Naze, Nazen. ..... 274 Nasteling......,.ur 14 SLONILO) CRNRITI 205 Nez .(le)inoo: talobiokto,: 271 Nigroil ou Oblade....... 191 Noire (la)... .......... 45 Notidanus ........... p. 250 Novacula....... SE DIGDIO ni — d’Auvergue.... DIewe.:... IZABKR de mer. sini al. PPRIO nr LE AMOR Orchers (v. 6pinoches). . . Orcynus (v. scomber). .. p. LL E MITRA NOR BANCARIO LI Perce-pierre. uv uunionti Perchande!Sikt, RIO — gardonnée........ P. — goujonnée, goujon- (381) Peschet-meneh ( Poisson MOMO): iii n. 54 55 Perse que... i are e p. 307 PesquietstWWorizR, n. 162 165 PELCUSO 3 sai PBI Petit Carrelet.......... 152 — diablede mer.... 124 — loup de mer..... 86 — maquereau ...... 153 — sept-eil........ 4 CCMEVENTON: tto NA 259 Petite-brème..... 176 202 267 — — duBourget.. 262 — lingue.......... 114 — MOrue.......... 98 — — . fraiche.... 99 RA AIA 184 — picarelle. ....... 189 — rosse.....;.... 270 — roussette....... hl — sarde rouge...... 196 Petromyson.,......... p. 224 (E nucisna tea: RISORSE 266 Pibanis SIA, ui n. 76 Carella iti 189 Picaud,.Picot............ 147 218 Pichichi (Conquet)...... Berardi een n 307 EHOnDealit ni RR 198 PIlotenan ii 145 BIek nre ROTA 249 Birabebe. riore p. 276 Pielontea oe cen 102 457 Pironegli.itnint iti 156 Me reina POME 189 Riatane:.hunarnne n.250? 267 BIALESSA. ARIE p. 515 RIPARA Ri n. 247 PIESHexKerRcK LL LRE 268 Pleuronectes.......... p. 511 Pliewcadazzanaa n. 218 219 — MET anChem. cientnan 219 — demer....... 217 221 Place aiittat REA 219 Plo, Plomb, Plon....... 200 Bocheteani gia vista 55 POsgeAs ai 125 Poisson-assiette ........ 210 — de la Chine. ... 258 IBM 01) CR APVERCIPIE PIRO TO 258 Poissondelune......... n.211 — lune... 42 61 147 240 — , pècheur... di. 57 — royal. 142 203 211 — St-Pierre....... — volant........ 517 518 ERI SE AGE pi 215 PIERRE RAI TSO ci dò POSE rin AVIS 184 Posteani IRA 59 POUZAOL: .... RIRITTAO 76 Poule de mer. ....... 98 210 Poulette de mer........ 223 RECORAU TERE neon 205 DIC Ieran e ee 911 DEE LI ANIROME Seb RR: 314 Eretta ita: 298 311 OE a Ae AO SD 160 311 ER RR 311 Pristigasterus......... p. 365 nistis i en 255 IPEETOEYGUSÌ, A arreroo 267 PRE no RA n. 505 PRINCE ea pt 219 Quatresépés,. i... HRR. 148. QUuerelles.; ii 150 Maiquenet aa 14 RUI Ario, p. 259 Riese anna n. 453 — blanche....... 49. 52 — bouclée..... 15 46 — cendrée......... 55 LS 1 IPER POSR VAIAPAPANT AE 45 sa Deer 48 RAMO O 514 MASCASSO. nen 129 7 REDUZEl NIE 150 Rasoir..... FARETE) 10/0, 186 Basonneno: ar ES 186 Ratepenade.......-..... HE 98 Reine des Carpes....... 256 Remora) ati ati 151 Renard de mer......... 26 BED) RISI IRN 286 REGINA 25 RROMIUS, + SLAVIA p. 315 Riblette) ...- cow ur 0 n. 504 Ricling:....... ( 382 ) BINP/R. n, 284 Sardias, chardias (dépt, des Bippot. id. Sa cani 10 1408 Hzandes):, 11 rana tese n Ristau E MENIONIIOI alte A IRAZ0I Sardin, Sardine PRA ATE Bodo, si baio it sol — 246 — courade (Croisic) Roche) uve olii 246 — nantaise......., Rochble. mit. lato 48 — desSables....... Bochienkim uu eta 51 Sargat, Sargate......... Rodinete Pi ces ino 287 Sarge, Sargo........... Roi de la Pointe. ....... 165 Marguet: cu uurolnoi — dehareng....... 54 Sargus. i dradeso p. — desrougets...... 144 Mprve. dootina Brano. n. RONCEn Ad Li Satouille nm: t. ari Rondelle...........tagt oh ai Sauclet. inps ti 162 Dana 210 240 268 Saumon', vu. etto Rosprée. Hotel 541 = 'Arganto” sla - Rosprela: Rena 311 = bécardizii n. Rospnt: rale 341 tt courenn' alto - Rosière..... SIPEGCORSI 258 Saumonneau... LL. 281 Rotenola... uc 249 Saumunneau..... OSRO ria 249 250 Sauperti to: Selena 195 Rotte. aio 245 Bauteur:. annotati 312 ROUGA. IE 180 Savary......... TICO Roube-tumg...........: 158 (LS PRIIARIRES CE ARACOIAA 0, Rougelet Rougellet.... 98 100 Schoattfisch, schnottfich. . Rouget. 134 155 439 444 196 Sbiaend..... +3. 0 cas)06 p.3 — Vbaltard.... ua 154 158 Schvanneau ........... n. — bécard.......t 156 Cioni aL — .cardinal........ 101 Stomber.) 31 0E COR P =: igrumelet...........: 156 Scomberesox ......... Fra NERIELO. ol 156 Scorpaena............ p- Rousse, Rousset........ 250 Scorpion de mer. ....... n. Roussette.......0.... 50 iSgu)llium:. i}. da 1a p: Roviano. 297 SOUMMUS! RIVE p. Buscomyio i, Aha 196 Secileti ti ea n. Bysling rie 272 [ESE IRR NATA NROTATAA Die ALTA! TANT RINAIIRORO AS i) DEIR, NE RRIRIGi © n Saccarallla i uo 129 Senille n. ni Saccarailla-blanc........ 129 Septall.; aiar Foe. ac si 150 = (TOUGE,.., Litri Saint-Charles.......... 156 SETQ LIL IIAPTRION ENRICO SI Said, 82Î8.........:. 1. SII 104 Sergate...., n, perde Salmo: 10) sa p. 547 SEFpE i tao tagrte Salveline;../rstegagoto n. 283 Nerpenti Ratti... ua Salougue, ... .... cosmo 249 — demer......... GUARITO DA 0 Fc RAC 315 Serranus.,,.... nisla p Sans-nom (des)......... 267 Saretta ss RANA int Banti O SITE Setau. Seton.... slo. Sansonnet ............ 155 Seuffe. . i... anal ale ( 383 ) Silyen (Finistère).... .. n. 76 Silberforelle. .,...... . 282 SMATIS" tt p. 297 SOLO n. 182 Sole. ia rl 213 — épaisse......... 215 — franche....... nn 002018 Solea. rr p. 312 Sope.iarraznine n. 193 268 Sodfleti. tri 319 Sourd-d’eau........... 18 SOUrisici site 72 125 —- de mer: 712 125 SParalllonat erat 454 Sparus ria p. 297 SPeli siorpte vaga edi n. 276 SPMTEDC se nente 276 Sphyraena ........... p. 345 Spinacia (v. Gasteroste- PUT a 9 Spinanisrnbiininit 228 ISPILTD AL niente torero nto n. 257 Sprati greto d0: es. 300 305 Squali .«. p. 232 SQUAMIS IA p_255 dA (Finistère) Estur- shines (Finistère)...... SEDE PERS ANAAO SUCEPIEITE; ce niente Li SUCELRA, ott Surmulet. tiv. 106 143 SUNGINULUS I p. 246 SRO CUS 346 ISYICNO sat. mer Di 9D ti Tablarina PAG 202 Tacaud: 43 atta 98 Wacom Adone 273 Tacos, Tacohet......... 101 Tanchessguerte;sarte 165 255 2 COLGO) da — marine......... Targeutrs nata Wa 220 Targie, Targine........ id. Targuet, Tarzes Tarzet,.. id. rasar, Tazalogaegaa nti 158 VaSCAU tnt - Cof 98 TEStud'(100). ii n. 305 Taupe, Taupe de mer. 18 Teètardi. rasa. 121 424 257 Tétead'Ane.L in 121 MENO COME: pi 246 Teuil-bouf............ no 28 Trazard ii ono 117 TUORLI 4157 158 blanca e 159 FRORIN Ie RR 154 TUIPATIUS®, sc ORIONE, .. p. 285 MANONC: tr n. 208 TCA pitt p. 322 FIOM ditte . n. 228 TIOUC ino riretal 208 TOA ist 273 Tomble (Charente Inf.) Donne, souiavattrenione 4 Toradet letti 201 Torpedo iS: ct at p. 256 Terpille eat n. 56 "PhOWare.-. tua 41 Touille-boeuf, .......... 24 TOUTE e, 165 TEO STIMA TORA 117 DOUVICRO HT 288 Trac hynUs SETTI 255 Travan, Travantet ...... n. 55 Trebontet i. 00 222 TICINO ON I 36 Trembar, Tremble, Trem- DICI RE 36 ER GIaRS SIE I p. 274 TFEGONII DTT ’ 258 Brombetto: ME roi ioe 519 TOTO alagzo 62 Troutter tarata n. 288 Ue A IOMONTO 210 True Ernittolt Sr 288 — desAlpes....... 287 MUDECAN AO 275 -AMDTUNO IO 279 — de mer....... 290 291 — demontagne..... 287 — saumonnée...... 289 IRTMIReLe sara 287 ATE A eni ilo 288 TEYGONSE a RA NALIAA p. 258 MulBozeni..--.i root n. 222 PEUTDOV, erat o RISI (384 ) Turbot.faitan ......../u: n.242 — sans piquans..... 221 Tuyau de plume ....... 64 Umblegti soa e 280 Umble chevalier. ....... 280 Umbra oe 287 — d'eau douce ..... 287 Varoni’ atrtera@io i 242 Vandoise. Vaudoise.... 245 271 Wehletie: oe rane 260 Vengière: Le e 89 Venfh.g/ no 503 Ventre-noir ........... 271 NELACAR i eo 464 Verdoni.it. i falata buie 249 Veggnialio da glio 76 VENE. een 244 Vernon seta RI 2492 Meroneba Aa 252 CIO eee a RARE Vigillea. sie Lode n. 56 165 it Ole hl 165 Viglbta ARA ee 165 Vilain gesti O 248 Mimbo: le 269 Vinti Tata 505 Varwolle liv. eine 268 WEA, LIST RR 87 MzlieztA as ae 52 NracsMragenentenianoe 167 Veadonis. tel LErELER 242 Wetteen. tou e tati 257 Xigichthysiuii arene p. 296 Xiphias....... RITI E 255 Ven=dieanie uso. Ar n. 210 ZEUsti urto DIA Zigaena ..... tir che 255 Zannelaa:. CRE n. 209 ( 385 ) SLUDOLBS SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL EN EUROPE DURANT LE XVI° SIÈCLE. — I Un siècle ne commence ni ne finit jamais précisé- ment à sa date chronologique. Pour étudier l’histoire intellectuelle de ce xvie siècle, si fécond en grands événements qui ont profondément influé sur la pensée humaine, il faut donc remonter aux époques remar- quables qui l’ont immédiatement précédé. Nous avons déjà, dans un essai sur le moyen age, poussé notre reconnaissance jusqu’à la chute de l’Empire d’Orient (1453); nous prendrons aujourd’hui cette dernière époque pour point de départ de nos investigations nouvelles, où nous tàcherons d’aborder corps à corps les hommes et les objets principaux qui, durant cette periode, ont concouru a la marche et à la direction imprimées à l’esprit humain, dont les divers déve- loppements sont le sujet spécial de nos études. L’ère de la Renaissance est si multiple, si variée, et, en quelque sorte, si impétueuse, qu'il sera difficile d’en saisir tous les linéaments sans lacune, et de satisfaire, au gré de tous, à la tàche que nous avons la témérité d'entreprendre. Toutefois, è la ferme volonté de la remplir consciencieusement , nous joignons le désir de suppléer, autant que possible, par la fidélité des apercus et par une impartiale critique, à l’insuffisance ( 386 ) de nos forces, que nous avons beaucoup moins con- sultées, dans cette occurrence , que notre inclination et l’entraînement du sujet. — Il n'est pas possible, en effet, de trouver, dans la série des siècles, une époque qui offre plus d’attraits et un plus saisissant intérét que celle d’où les événements historiques ainsi que les tendances intellectuelles et sociales modernes tirent leur véritable origine et regoivent toute leur raison d’ètre actuelle et future. Il n'est pas permis d’oublier que la partie philosophique, morale et religieuse des ceuvres humaines doit étre l’objet principal des médi- tations de toute société qui vise à son amélioralion progressive et qui sait employer ses efforts à trouver , dans les legons et les épreuves du passé, un guide lu- mineux et sùr pour les expériences nouvelles. Par l’effet de cet enchaînement logique qui relie les choses entre elles, nous nous trouvons ainsi dans l’obligation de parcourir rapidement les temps qui précédèrent immédiatement le xvie siècle et de prendre une idée générale de cette période intéressante, qui se déroule avec tant d'éclat dans le dernier quart du xv° siècle. Remarquons d’abord que l'Europe parut entrer, durant cette phase historique, dans des condi- tions exceptionnellesetdignes d’ùne très grande atten- tion. Le monde présente alors è l'oeil de l’observateur un spectacle aussi admirable qu’imposant. L’activité de l’esprit humain se manifeste dans tous les sens; elle se révèle dans les grandes explorations qui furent entreprises, dans les nouveaux rapports des hommes entre eux, dans les relations plus intimes des États, dans l'action générale et multiforme du travail intel- lectuel. Les voyages de long cours et les diverses ex- (387) péditions nautiques agrandirent le domaine des con- naissances et offrirent une abondante moisson de faits nouveaux à la science, qui, en s'exercant sur une plus vaste étendue, multiplia ses forces et rendit, a son tour, les découvertes plus faciles et plus fécondes. La presse, ce grand multiplicateur de la pensée, et qui, par une funeste @éviation de son origine, en est aussi quelquefois le grand diviseur, la presse venait de naître et disséminait ses bienfaisantes prémices par ses éditions incunabula , ainsi nommées alors par allusion à l’imprimerie encore au berceau. Elle venait, comme un génie tutélaire, populariser la science et mettre à l’abri de tout danger la civilisation mo- derne. Quelle douleur ne doit-on pas .ressentir ‘è la voir quelquefois déchoir de sa noble mission originelle!!!! Cette activité remarquable des es- prits qui signale Ja Renaissance, fut souvent con- trariée et amortie par les guerres multipliées que l’ambition ou des causes futiles amenèrent encore dans toute l'Europe. Il n’appartient point è notre plan d’'entrer dans de longues considérations à ce sujet. Toutefois nous ne pouvons meconnaître que ces chocs de peuple à peuple, toujours si déplorables en principe général, ont fait jaillir quelquefois des clar- tés soudaines et des associations d’idées qui ont servi au progréès de la civilisation européenne. Au milieu donc de ce travail de centralisation des peuples et des gouvernements, la plus grande énergie intellectuelle se fait jour, éclate et agit; des explora- tions audacieuses, des entreprises hardies amènent des découvertes et des inventions de tous genres, qui sont accueillies avec les émotions enthousiastes de la 25 ‘(388 ) reconnaissance publique , bien qu’elles aient été sou- vent entravées par les efforts de l’envie et de l’igno- rance, ou par les dédains de l’orgueil. Les lumières Gtendent cependant de plus en plus leurs rayons, la culture intelleciuelle s'irradie et commence à s'équi- librer dans les diverses régions, le développement de la pensée acquiert une plus grande facilité de commu- nication et d’extension par l’étude des langues, par le seconrs de la presse et par i'établissement des postes. La civilisetion continue è progresser en multi- pliant ses foycrs, et la république des lettres agrandit, consolide et orne son domaine. C'est au milicu de ce pressentiment géncral de nouvelles destintes pour l'Europe, que Christophe Colomb, après des efforts inouis et une persévérance admirable, vient doter l’ancien munde d’un nouvenu continent, qui devait ètre d’abord le thcatre de tant d’évéenements déplo- rables par lavidité ct la barbarie des premiers cxplo- rateurs qui suivirent le célèbre promoteur de cette im- portante découverte. Chacun sait les exploits d’odieuse mémoire des Fernand Cortez et des Frangois Pizarre, dostructeurs des empires du Mexique et du Pérou. Mais comme la Providence suscite toujours, dans ce monde, une compensation à chaque mal, une conso- lation è chaque douleur, le vénérable Las Casas vint panser ces blessures ; effacer, en parlie du moins, les horribles scènes de ces cruelles invasions. Las-Casas , pour micux défendre les opprimés, entra d’abord dans l’ordre des Dominicains et devint ensuite évèque de Chiapa. Il consacra sa vie à plaider la cause des Amé- ricains, qu'il travailla à civiliser de tous ses efforts. On le vit passer quatorze fois l’Océan pour venir par- ( 389 ) ler, négocier et intéresser en faveur de ces peuples soumis à toutes les misères. Pendant tout le cours d’une honorable vie qu'il poussa jusqu’à l’àge de 92 ans, il ne cessa de protester contre la tyrannie es- pagnole, et s’interposa toujours courageusement entre les victimes et les bourreaux. Son nom doit demeurer cher à l’humanité. D'un autre còté, les Portugais avaient entrepris leurs grandes expéditions maritimes. Vasco de Gama découvre le passage du cap de Bonne-Espérance, et vient placer le drapeau portugais à Calicut, en indi- quant à sa patrie le chemin et la conquéte des Indes. Peu d’années s'écoulent, et Alvarès Cabral, amiral portugais, faisant voile pour les régions de l’Inde, après avoir passé les îles du Cap-Vert, est poussé par l’impétuosité des vents vers l’occident, aborde les rives fleuries d’une terre inconnue, la saluc du nom de Santa-Crux, et prend possession, au nom du Por- tugal, de l’immense empire du Brésil. Dès-lors, le commerce européen acquieri une extension prodi- gieuse. Albukerque vient consolider la puissance portugaise en Asie. Borneo, Ceylan, Goa deviennent des factoreries d'une grande importance et d’un im- mense avantage. Mais bientòt les Hollandais, les An- glais et les Francais accourront partager les fruits et les périls de cette prise de possession et s’exposeront à donner, à quatre ou cinq mille lieues de la patrie, le spectacle de leurs hostilités cupides. Tant il est vrai que dans les événements les plus grandioses, il reste toujours une place aux passions humaines et une part aux faiblesses terrestres! Cependant toutes ces merveilleuses découvertes ( 390 ) semblaient donner une vie nouvelle è l’ordre moral et imprimaient aux esprits un mouvement extraordi- naire qui tendait a agrandir l’empire de la pensée pro- portionnellement è l’extension que vennit de recevoir le domaine terrestre de l'homme. Rappelons ici que le grand événement qui avait implanté l’empire des Tures en Europe, au milieu du xv siècle, eut une sorte de contrepoids dans cclui qui amena l’expulsion des Maures de l’Espagne et mit un terme à leur enva- hissement, à la fin du méme siècle; sous le règne de Ferdinand-le-Catholique, roi d'Aragon, ct d’Isabelle, reine de Castille, qui, par leur union. fondent le royaume d’Espagne, où furent conscervées les traces intéressantes de la science et de la littérature arabes. C’était aussi peu avant que l’Italie venait de recueillir les arts et les lettres, bannis de Constantinople par les armes ottomanes et par la chute de l’empire grec. ITALIE. Actuellement, dans cette revue où nous allons al- ternativement interroger chaque nation en suivant la progression intellectuelle des diverses contrées , il est juste de placer l’Italic au premier plan dans le tableau que présente l’Europe à cette radieuse aurore du xvI° siècle, qui devait étre l’apogée de gloire pour cette forlunée région. C'est surtout de Florence, cette bril- lante cité des fleurs, qu’était partie l’étincelle élec- irique qui avait enflammé les intelligences pour la culture des sciences, des lettres et des beaux-arts. C'est dans la cour de Laurent-le-Magnifique, père de Léon X, que prirent naissance toutes ces nobles ému- (391 ) lations qui inspirèrent les hommes remarquables dont peut s'honorer et s'enorgueillir à juste titre T'Italie du xvie siècle. Ainsi, Vida, Fracasior, Ange Politien et Sannazan reproduisirent dans leurs éerits le goùt et l’élégance de l’antique latinité. Léon X, élevé à la chaire pontificale, ne cessa d’imprimer aux Icttres et aux arts l’impulsion la plus favorable. C'est alors que Rome vit successivement éelore tous ces talents divers qui vinrent lui donner une illustration sans parcille, et qui la dotèrent de monuments immortels. Léon X Gtait éminemment accessible à tout ce qui était beau, grand et genércux. Il avait contume de dire que favo- riser les progrès de la littérature classique est une partie importante des devoirs pontificaux. Ces nobles inspirations semblèrent dès-lors se transmettre avec la tiare. Avant lui, Jules Ji aimait à répéter cette maxime qui lui était favorite : « Les belles-lettres sont de l'’argent pour le peuple, de lor pour les nobles, du diamant pour les princes. » Avec une telle impulsion donnée aux esprits, rien n’était moins rare, dans ces temps, que de voir accueillir avec les démonstrations de la joie populaire la plus vive, tantòt la lecture pu- bligue d’un chant du poème sans pareil de l'Arioste, tantòt la presence de Michel-Ange ouvrant au peuple la chapelle Sixtine , ou bien l'arrivée de Benvenuto exposant son Persce, chef-d’ceuvre de cet artiste, que l’on admire encore aujourd’hui à Florence. — Une autre fois, c’'était par des jeux et des fètes, c’était au son à toute volée de toutes les cloches et à l’éclat des plus éblouissantes illuminations, que l'on célé- brait la découverte du groupe Laocoon exhumé, en altendant au lendemain d’autres merveilles accompa- (392 ) gnées de nouvelles réjouissances. Ces plaisirs, il faut bien le dire, avaient parfois une teinte un peu paienne, c'est là leur còté défectueux; mais ils prouvent néan- moins l’enthousiasme du peuple pour les beautés de Yesprit et de l’art et toute l’action de la cour pontifi- cale en faveur de l’îmancipation intellectuelle. Les cardinaux Sadolet, Bembo et Bibienna, que le pape Léon X affectionnait particulibrement, étaient des hommes d’un esprit supérieur, et demeurent comme trois typos caractéristiques de cette vio intel- lectuelle qui circulait alors principalement à Rome et dans la péninsule italique. Bembo s’exeren dans le genre historique, qui fut aussi cultivé avec succès par Fra Paolo, Guichardin et Paul Jove. Ces derniers ra- contèrent les événements dont l’Italie avait été le th6atre depuis l’expédition de Charles VII. Il faut ajouter à ces historiens un Florentin célèbre, Machia- vel, qui, dans ses Commentaires sur les décades de Tite Live, a fait preuve d'une grande profondeur de vues et d’une concision énergique autant qu'éloquente. Son histoire de Florence est un des beanx monuments de la langue italienne, et presque digne de la plume de Tacite. Mais son Traité du prince est une tache à cette gloire; on y rencontre trop les préjugcs et les maximes d’un esprit nourri dans les conspirations. Deux hommes qui ont obtenu une grande renommée par la production de deux poèmes pleins d’iniagination et de beauté, l’Arioste, ctun peu plus tard le Tasse, ont, l’un dans le Roland furieux, l’autre dans la Jérusalem délivrée, effacé leurs devanciers respectifs, Boijardo et Je Trissin. Ces deux poèmes, si généralement con- nus, leur donnent des droits assurés è une célébrité (393 ) durable. Nous devons passer très rapidement sur Pierre Arétin, autour de pièces poétiques d’une impu- dicité telle qu'il est pénible de los rappeler et qu'il se- rait dégoùtant de les nommer. Cet homme, doué d’un esprit facile et naturel, n’a donui, dans presque tous ses écrits, que l’exemple et le précepte de l’audace, de l’effronterie la plus délontée, et du libertinage le plus effréné. Il en fut de méme de Franco. Guarini, dans son Pastor Fido, approche des charmes de l’Aminte du Tasse, mais ne l’atteint pas. Malgré l’élé- gance du style ct le charme de ses peintures, il demeure inférieur à la pastorale drametique du Tasse, dont il partage les difauts sans en égaler toutes les beatés. Tassoni vint donner un peu plus tard son poème héroi-comique intitulé la Secchia- rapita (le Secau enlevé). Le comique, l’héroique et le satyrique se combinent cn égales parties dans ce poème nù le voile de Ja pudeur est trop souvent sou- levé et quelquefois déchiré. Hercule Bentivoglio mé- rite aussi de prendre rang parmi les poòtes italiens du xVie siècle. Il a composé des sonucts, des satires et des comédies qui témoignent des talents de son au- teur. Théophile Falengo emploie un }angage è part dans sa Macaronée; il vise è atteindre le comique par l’excentricité des formes et parla création extravagante des termes. Il est l’inventeur de la poésie macaro- nique. Parmi les moralistes de cette époque en Italie, il convient de mettre au premier rang Balthazard Casti- glione. Il se concilia l’ostime particulièére de Léon X, dont le nom résume toujours tout ce qu'il y a de plus signalé dans l’amour des lettres. Les ouvrages de Bal- ( 394 ) thazard Castiglione lui ont acquis la réputation de grand poète et d’écrivain élégant et délicat. Envoyé successivement à Londres, à Madrid , à Paris pour di- verses négociations, son esprit observateur et fin lui fit puiser dans ces diverses cours les exemples et les préceptes qui ont été tracés avec tant de goùt et avec un tact exquis dans son ceuvre principale intitulée : le Livre du courtisan ou le Manuel de l'homme de cour, qui cut un succès prodigicux, et qui demeura assez ongtemps la règle des usages eu- ropéens. Aujourd'hui méme, cet ouvrage continue d’ètre un livre agréable de morale et de littérature, qui doit plaire è tous les esprits cultivés. — Sperone- Speroni s’acquit aussi une grande réputalion comme philosophe et moraliste. Il était parvenu è un tel degré d’éloquence, que, lorsqu'il parlait au sénat de Venise, les avocats et les juges des autres tribunaux quittaient leur barreau pour venir l’entendre. Sperone Speroni a laissé plusieurs ouvrages qui n’ont pas été à la hauheur de la renommée que lui avait obtenue son éloquence. Les savants, chassés de Constantinople et réfugiés en Italie, en réveillant le goùt de l’étude de V’anti- quité, avaient aussi, il faut le reconnaître, inspiré dans la pratique un retour aux idées paiennes. Il y eut alors des Italiens qui se firent Grecs, comme dans la Révolution francaise on vit surgir des Scevola, des Catilina sans nombre et des Brutus incalculables. - Paul Jove, verbeux narrateur du siècle que nous es- quissons, nous apprend qu’unjeune Napolitains'exerca a Jouer publiquement à Romeleròle de Diogène. Rien ne manquait à l’accoutrement : manteau troué et lan- ‘ ( 395 ) terne. Ce Diogène II, sous le nomde Pomponius Letus, avait fondé une espèce d’Académie paienne où une certaine partie des demi-savants de la cité venait sié- ger. A ses parents, qui l’invitaient à revenir a Naples jouir tranquillement de son patrimoine, Pomponius Laetus répondit avec l’antique laconisme : « quod optatis non fieri potest; Valete. » Ce que vous deman- dez est impossible; Bonjour. — Ces parodies étranges étaient une déviation de ce bon goùt et de ces tradi- tions précieuses que l’on pouvait puiser dans les sujets antiques. ly a, en tout temps, chez les hommes, une certaine propension à faire abus des meilleures choses. Cependant, à peu près vers Ja méme époque, quel- ques jeunes littérateurs se réunissaient à Florence dans les magnifiques jardins de Bernard Ruscellai , et y formaient une sorte d’exèdre pour y discourir sur les belles-lettres, les sciences et les arts. Plusieurs d’entre eux publiaient les produits de leurs veilles. On cite encore de cette société un poème sur les abeilles et les travaux des champs, composé par Jé- ròme Ruscellai. Ce fut en Italie aussi que furent faits les premiers essais pour établir et former un théatre régulier. Ainsi la Calandra du cardinal Bibiena fut la première comeédie de l’école moderne, comme la So- phonisbe du Trissin en a été la première tragédie. Machiavel donna peu après la Mandragore, comédie pour laquelle le Perugin avait peint les décorations. Au milieu de toutes les magnificences intellec- tuelles qui se déroulaient dans la cour pontificale ou sous le souffle de ses inspirations, Léon X n’oubliait pas de porter son attention sur des objets plus graves ( 396 ) et d’une haute importance. Il avait de nouveau réuni le concile de Latran, qui avait été d’abord convoqué par Jules II, et c'est en avril 1513 que le pape Léon X ouvrit en personne la sixième session de ce concile. C'est là où le souverain pontife proclama de nouveau la nécessité d’une réforme qui, non-seulement devait atteindre VItalie, mais la république chrétienne tout entière. D’après sa proposition , il fut institué au sein du concile mème un comité de réforme qui devait chercher les moyens, non-sculement d’améliorer les moeurs dn clergé, mais de les ramener è la pureté des temps primitifs et de l’àge des apòtres. Du reste, cette réforme sacerdotale était étudiée et poursuivie depuis longtemps par la papauté. Il faudrait violenter l’histoire peur ne pas en convenir, puisqu'elle avait été meéditée successivement sous Nicolas V (1447), sous Sixte IV (1474), sous Innocent VIII (1484), sous Jules II (1513). Mais il ne faut pas oublier que réfor- mer n’est pas briser; c’esi au contraire en quelque sorte édifier de norveau avee des inodifications bien- faisantes. Ainsi ne l’entendait point apparemment cet héritier de Jean Huss et de Wiclef, ce fongueux moine novateur qui apparut à cette Gpoque et tomba comme une bombe sur l’édifice catholique qui, henreuse- ment, était assuré. Luther, puisqu'il faut l’appeler par son nom, sut profiter habilement des intéréts di- vers des électeurs allemands qu'il se concilia. Il tira le meilleur parti de cette mordante raillerie qui, aux yeuxdelaplupart,est une démonstration sans réplique; il s'adressa aux appétits sensuels et aux passions hu- maines, toujours si faciles à surprendre et è entraî- ner. Il eut l’adresse d’employer, pour le succès de son ( 397 ) hérésie, cette propension naturelle qu’ont les hommes as'ennuyer, à se dégoùter de tout, méme des choses les plus éphémères et des objets les plus fugitifs; il dut penser que l’atirait pour la nouveauté cdloignerait à plus forte raison des choses éternelles et amènerait une défection facile et hostile à la vérito immusble. Un certain monde, en effet, était fatigué de voir teu- jours rouler le système religicux dans le méème or- bite. Il parut piquamt et excellemment progressi? de prétendre changer ce qui est d’une essence inulté- rable. Quelques moines, probablement lassés du cloître ct aiguillonués par la concupiscence du siècle, se chargèrent de cette métamorphose; Carlostad, Me- lanchion, Acolarupade, et, par dessus tous, Luther, le dieu de la réforme, affichent un nouveau code re- ligieux. Bientòi on entend Carlostad prècher Vaboli- tion des formes lithurgiques, Munzer la polyganie, Storck la communauté des biens. Les prosélytes abon- dent, ainsi qu'il arrive toujours quand on fait un appel à tous les instinets grossiers et a toutes les ap- titudes vicieuses. « Il rest air qui se hume si goulù- ment, qui s’espande et pénètre comme fait la licence,» dit Montaigne. Cependant, comme une nouveauté en appelle toujours une autre et que les mauvaises pas- sions ont une funeste facilité à se greffer l’une sur l’autre, la discorde et les dissensions ne tardent pas à naître parmi ces divinités nouvelles qui ne par- viennent plus à s'entendre, et qui se divisent et se déchirent en dépit de tous les mariages, en dépit de toutes les orgies. En effet, la confusion devint telle, que la Tour de Babel eùt été en comparaison une ad- mirable harmonie. C'est que toujours les mèmes pu- ( 398 ) nitions incombent aux mémes écarts, lorsqu’on veut briser cette unité établie par une main suprème et s’affranchir de l’autorité qui en émane. Bientòt Zwingle et Calvin viennent donner une forme plus grave et plus méthodique à cette insurree- tion contre l’autorité religieuse. Tous marchent à l’envi dans le sentier des inventions les plus excen- triques et des aberrations les plus étranges. Mais Socin vint mettre le comble à toutes ces turpitudes impies. Enfin Henri VII lui-méme, qui avait d’abord rompu quelques lances avec Luther d’une fagon assez scan- daleuse, Henri VIII, poussé à son tour, par des motifs d’une très fragile nature, consomme saséparation avec l’Eglise catholique et signe ce schisme coupableavecla tète sanglante de ses femmes successives dont il se dé- goùte comme des lois de la papauté. Il est facile d’aper- cevoir, au milieu de toutes les argumentations facé- ticuses, bouffonnes el triviales de Luther, quels sont les vrai$ motifs de ce déplorable schisme. La posté- rité jugera impartialement; elle verra si, comme le prétendaient les novateurs, le catholicisme embar- rassait Ja marche de l’esprit humain, et si les progrès scientifiques ont été das au cri toujours fallacieux de liberté poussé au xvi* siècle par la prétendue réforme. Il suffira toujours, dans cette appréciation, de se sou- venir que Luther commenga de propager sa doctrine et ses erreurs dans le sitele de Léon X, époque où Rome marchait à la tète de tous les progrès et répan- dait avec une louable et intarissable profusion, les encouragements è la culture de toutes les branches de l’intelligence humaine. « La réformation, dit M. de Chateaubriand, péne- (399 ) » trée de l’esprit de son fondateur, moine envieux et » barbare, se déclara ennemie des arts. En retran- >» chant Vimagination des facultés de l'homme, elle » coupa les ailes au génie et le mit à pied. 4 » Elle éclata au sujet de quelques aumònes desti » nées à élever au monde chrétien la basilique de » Saint-Pierre; les Grecs auraient-ils refusé les se- » cours demandés a leur piété pour bàtir un temple à » Minerve? » Si la réformation, è son origine, eùt obtenu un » plein succès, elle aurait établi, du moins pendant » quelque temps, une autre espèce de barbarie ; trai- » tant de superstition la pompe des autels, d’idolatrie » les chefs-d’aeuvre de la sculpture, de l’architecture » et de la pcinture, elle tendait à faire disparaître la » haute éloquence et la grande poésie, a détériorer » le goùt par la répudiation du modèle, a introduire » quelque chose de sec, de froid, de pointilleux dans » l’esprit, à substituer une société guindée et toute » matérielle à une société aisée et toute intellectuelle, » a mettre les machines et le mouvement d’une roue » en place des mains et d’une opération mentale (4). (1) Ge jugement est confirmé par l’observation d’un ministre protestant qui s'exprime ainsi : « C'est. méme aujourd'hui un » bonheur pour Ies nations protestantes que le protestantisme » n’ait pas pénétré partout à cette époque; car où serait-il resté » quelques traces de la culture en grand de l’art religieux ? Si » les premiers chrétiens avaient exercé de pareilles fureurs sur » les temples et les objets religieux des premiers paîens, on ne » trouverait plus aujourd'huì en Italie, en Grèce, en Egypte, » aucun vestige des monuments religieux de l’antiquité. » M. Muller, des Beaux-arts et de la langue des signes. ( 400 ) » Ces vérités se confirment par l’observation d’un » fait. » Danslesdiverses branches dela religion réformée, » cette communion s'est plus ou moins rapprochée du » beau, selon quelle s'est plus ou moins éloignée » de la religion catholique. En Angleterre, où la hié- » rarchie ecclésiastique s'est maintenue, les lettres » ont eu leur siècle classique; le luthéranisme con- » serva des étincelles d’imagination que cherche è » éteindre le calvinisme, et, ainsi de suite, en des- » cendant jusqu'au Quaker, qui voudrait réduire la » vie sociale à Ja grossièreté des imanières et à la pra- » tique des métiers. » Shakspeare, selon toutes les probabilités, Gtait » catholique; Milton a visiblement imité quelques » parties des poèmes de Saint-Avite et de Masenius; » Klopstock a emprunté la plupart des croyances ro- » maines. De nos jours, en Allemagne, la haute ima- » gination ne s'est manifestée que quand l’esprit du » protestantisme s'est affaibli et dénaturé. Les Goethe » et les Schiller ont retrouvé leur génie en traitant » des sujets catholiques. Rousscau et Mme de Staél » font une illustre exception a la règle ; mais étaient- » ils protestants à la manière des premiers disciples » de Calvin? » C'est à Rome que les peintres, les architectes et les » sculpteursdes cultes dissidents viennent aujourd’hui » chercher des inspirations que la tolérance univer- » selleleur permet de recueillir. L'Europe, que dis-je? » le monde est couvert de monuments de la religion » catholique. On lui doit cette architecture gothique » qui rivalise par les détails et qui efface par la gran- « deur les monuments de la Grèce. (401 ) » Ilya trois siècles que le protestantisme est né; » il est puissant en Angleterre, en Allemagne, en » Amérique; ilestpratiqué pardes millions d'homimes. » Qu’a-t-il élevé ? il vous montrera les ruines qu'il a » faites, parmi lesquelles il a planté quelques jar- » dins ou établi quelques raanufactures. Rebelle è » l’autorité des traditions, à l’expérience des ages, à » l’antique sagesse des vieillards, le protestantisme se » détache du passé pour planter une société sans ra- » cines. Avouant pour père un moine allemand du » xviIe siècle, le réforiné renonec à la magnifique gé- » néalogie qui fait remonter le catholique, par une » suite de saints ct de grands hommes, jusqu'à Jésus- » Christ, de là jusqu’aux patriarches et an berceau » de l’univers; le sidele protestant dénia, à sa pre- » mière heure, toute parenté avec le siècle de ce » Léon (saint Léon-le-Grand, 452), protecteur du » monde civilisé contre Attila, et avec le siècle de cet » autre Léon (Léon X), qui, mettant fin au monde » barbare, embellit la société lorsqu'il n’était plus né- » cessaire de la défendre. » (Etudes historiques, Frangois I°.) Tel est lc jugement de l'illustre auteur du Génie du Christianisme sur les effets dissolvants du protestan- tisme, en ce qui touche les lettres et les arts. Il n’est au pouvoir de personne de changer le cours et la na- ture des choses passées; mais, dans une étude sur les évolutions de l’esprit humain au xvre siècle, il deve- nait indispénsable d’insister un peu sur le fait domi- nant, sur l’oeuvre capitale de ce siècle : la réforme. — C'est peut-ètre pour n’en avoir pas suffisamment en- visagé les causes, c'est pour ne pas en avoir approfondi (402 ) les conséquences et mesuré toute la portée avec assez de précision, quela route de l’humanité a été obstruée depuis de tant d’obstacles. En effet, après le signal d’insurrection qui venait d’ètre donné contre l’auto- rité spirituelle, l'on a vu de tous còtés des hommes éclairés, mais guidés surtout par l’envie et l’orgueil, céder docilement, au nom du libre examen, à l’altrait d’une opposition toujours facile et souvent sans péril et sans gloire contre toute espèce d’autorité. Il s'est trouvé des gens qui, dans une absurde exagération de vaniteuse indépendance, se sont déclarés les ma- tamores de la liberté, ont recherché une célébrité à tout prix et ont été quelquefois forcés de se voir infli- ger celle qui bràle d'un stigmate flétrissant celui qu'elle atteint. C'est du moment que l’esprit de libre examen a fait irruption dans le monde, qu’un noù- veau mode de considérer les choses et de formuler les jugements critiques est venu occuper une place con- sidérable dans l’ordre des idtes modernes. Il nous a paru cssentiel de prendre acte de l’origine de cette nouvelle direction suggerée à l’esprit humain . par le souffle de la révolte et d'en marquer rapidement les effets, bien que nous ne puissions ici qu'effleurer ce sujet. Nous dirons donc brièvement que le ratio- nalisme allemand qui s'est propagé dans ces derniers temps, n'est, en philosophie, que la conséquence obli- gée et subalterne du principe formulé par le protestan tisme au xvie siècle. Nous ajouterons, pour dire toute notre pensée, que le rationalisme , à son tour, a été le principe générateur de toutes les théories fantas- tiques et romanesques, de toutes les doctrines subyer- sives; de tous les systèmes néfastes qui sont découlés ( 403 ) de son germe vicieux inoculé par le protestantisme. Aujourd’hui, avec toute la déférence que nous de- vons à ces princes de la science philosophique, de- mandons à MM. Cousin, Damiron, Jules Simon, Emile Saisset, etc., etc. , les services qu'a rendus le rationalisme, modifié en France sous le nom d’éclec- tisme; voyons le bien qu'il a fait, les erreurs qu'il a extirpées, les vérités solides qu'il a émises; tous garderont le silence ; mais la voix publique et le siècle répondent et les faits parlent malheureusement assez haut (1). Le plus noble but à poursuivre, selon nos convic- tions, était de parvenir à opérer une conciliafion vraie et possible entre la religion et la philosophie, c’était là la seule manière d’ennoblir, de sanctifier et de faire (1) Je rends hommage au talent supérieur, au caractère élevé et aux labeurs consciencieux des hommes honorables que je viens de citer. Mais j’ajoute qu’il sera toujours impossible à un systéme de philosophie, quel qu'il soit, de se substituer à la vraie reli- gion. Celle-ci est l’oeuvre de Dieu, l’autre ne sera jamais que l’ouvrage d’un homme. Ces esprits éminents doivent bien sentir cette vérité aujourd’hui assurément plus palpable que jamais. Ainsi à la Iumièrefqui se fait journellement, la triste et grossière négation de la foi divine et de la vérité chrétienne ne peut plus surgir que de cette tourbe d’esprits encroùtés qui se traînent encore dans les ornières boueuses d’un philosophisme ténébreux dont les sectaires n’ont jamais eu et n’auront jamais que de dangereuses chimères à présenter et de déplorables erreurs à répandre. Il serait bien temps aussi qu’on ne décoràt plus du nom fastueux de progrès cette sorte de replàtrage in- cessant, et toujours sous formes nouvelles, des aberrations humaines, car c’est là calomnier gratuitement toutes les nobles inspirations de l’esprit humain dont le mouvement ascendant n’a rien de commun avec ce.prétendu progrès qui n’est en réalité qu’un mot de ralliement illusoire pour l’impuissance et le mau- vais vouloir des retardataires. 26 ( 404 ) heureusement fructifier les études philosophiques. C'était le moyen le plus sùr de parvenir è éclairer véritablement les intelligences et de concourir avec - la religion è établir dans le monde l’harmonie univer- selle, cet idéal recherché de tous les bons esprits. Lorsqu’on ramène le souvenir sur tant de circons- tances orageuses soulevées par Ja réforme; quand on est ainsi forcé de jeter un douloureux regard sur les calamités produites par les fureurs irréfléchies et in- sensées des dissentions civiles etreligieuses , presque toujours amenées par l’esprit d’envie, d’ambition et d'orgueil, on déplore amèrement de telles aberra- tions et l’on aime à reposer sa vue et sa pensée sur les bienfaits qui découlent constamment de l’amour du bien et du beau et de la culture des lettres, des sciences et des arts. Ainsi, durant les tempétes qui agitaient les états livrés à ce génie réformateur qui soufflait la discorde et la violence partout où il péné- trait, l'Italie continuait à semer dans le monde les merveilles de la littérature et des beaux-arts, heureux symboles de civilisation, de concorde et de paix. Cette période fut appelée le siècle d'or de T'Italie qui ré- pandit alors un éclat dont les regards de la postérité sont encore éblouis aujourd'hui. Quatre hommes de- puis le commencement du monde ont mérité l'hon- neur de faire porter leur nom au siècle qui les vit naîlre, ces hommes s’appelèrent successivement Pe- riclès, Auguste , Léon X et Louis XIV. Continuons è parcourir le siècle de Léon X qui fut en vérité si pro- digieux que, dans notre sympathie toute patriotique pour le siècle de Louis XIV, nous ne pouvons mieux rendre notre pensée qu’en disant qu'il nous semble (405 ) voir l’Italie représenter notre xvir siècle au xvi. Nous pouvons aisément nous convainere que les belles traditions et les idées progressives de civilisation se conservèrent durant cet heureux temps en Italie mal- gré méme les nuées orageuses qui vinrent éclater sur Rome durant le pontificat de Clément VII (sac de Rome 4527.) Ainsi le règne de Paul II qui ouvre le concile célèbre de Trente et oppose l’institut des Jé- suites à l’hérésie ; celui de Pie V pendant lequel se livra la fameuse bataille de Lépante qui délivra enfin le monde catholique des menaces incessantes de l’is- lamisme; l’avènement de Grégoire XII, sous lequel eut lieu la réforme du calendrier, enfin le pontificat de Sixte V illustré par tant de réformes utiles et par l’habile direction que ce pape sut donner è l’esprit public, toutes ces mémorables époques sont pleines d'un intérét saississant et soutenu. Il serait impossible de citer tous les hommes qui se formèrent sous ces favorables influences et qui occupèrent un rang dis- lingué dans l’ordre des intelligences; cependant nous voulons d’abord nommer ici Bellarmin et Baronius comme deux écrivains remarquables de ce temps, l’un et l’autre furent de terribles adversaires des hé- rétiques qui redoutaient la force de leur argumen- tation. Bellarmin a laissé une ceuvre intitulée : Corps des Controverses, qui est un vaste arsenal où vont encore saisir des armes sùres et redoutables les défenseurs de la vérité. Baronius déjà cardinal fut sur le point d'ètre nommé pape et était digne de ce haut ministère; c’é- tait un homme d’un mérite éminent ; ses annales ec- clésiastiques depuis Jésus-Christ jusqu'en 1198 sont un témoignage éelatant de sa capacité. ( 406 ) Comme nous l’avons dit en étudiant le moyen àge, la scolastigne fut de plus en plus effacée par l’esprit d’observation etde critique qui formele caractère dis- tinctif du xvi* siècle. Parmi les hommes qui firent profession de philosophie spéculative en Italie, à cette époque, figurent Giordano Bruno, Bernardo Telesio et Campanella. Le premier était un esprit puissant et très passionné pour Platon. Il mélait à ce vif penchant pour les doctrines platoniciennes un profond sentiment de liberté philosophique. Il vint à Genève pour s’enten- dre avec Calvin et Théodore de Bèze, mais il n°y par- vint pas, il parcourut la France, l’Angleterre et l'AI- lemagne et revint à Venise d’où la hardiesse croissante de ses doctrines le firent transférer à Rome où il fut condamné et bràlé. Bernardo Telesio et Campanella ne s'attachèrent précisément à aucune école; ils ensei- gnèrent une philosophie sensualiste, pleine de har- diesse, et formulèrent de nouvelles méthodes. Ils ont été avec Giordano Bruno les précurseurs de la philo- sophie moderne. Ils furent aussi poursuivis. Campanella languit méme pendant 27 ans dans une prison dont il fut délivré par les instances du pape Urbain VII. On déploya alors, selon nous, beaucoup trop de sévérité contre cette liberté de pensée philosophique, mais cette sévérité fut exercée un peu plus tard avec plus de raison et de justice envers Vanini de Taurozano qui par la propagation de ses doctrinesimpies et insen- sées était un esprit dangereux è la société. Il n’aurait pas fallu pourtant pousser la punition jusqu’au degré déplorable où elle Je fut. La justice ne doit pas heurterla charité etlamaxime : summum jus, summa injuria sera (407 ) toujours vraie dans l’ordre temporel. C'est ici le lieu de mentionner l’histoire du concile de Trente, par fra Paolo Sarpi, narration tracée d’un style clair, facile et piquant, mais où les faits sont souvent altérés et la vérité obscurcie. Il appartenait à Florence de doter l’Italie d'une des plus belles gloires scientifiques de ce siècle, de l’illus- tre Galilée. Ce docte Florentin fut le restaureur de la philosophie des sciences. Il s'appliqua particulière- ment à multiplier la force et la précision des sens par le secours des instruments; il fut l’inventeur des ther- momètres et des compas de proportion et de beau- coup d’autres moyens scientifiques qui préparèrent les découvertes célestes auxquelles il ouvrit la voie d’une facon supérieure. On connait les démélés de Galilée avec l’inquisition de Rome, cependant les suites de cette affaire ont été faussement exagérées par l’es- prit de parti. Ce quiest certain c'est que Urbain VIN qui conserva toujours sa bienveillance au célèbre auteur de tant de merveilleuses découvertes adoucit, autant qu'il le put, de concert avec plusieurs cardinaux , les amertumes dont l’envie, les préjuges et l’ignorance cherchèrent à abreuver ce savant. A còté de cette illus- tration on trouve des gloires plus modestes, mais aux- quelles il est toujours doux d’assigner une palme hono- rable : ce sont cellesquioffrentdesmodèlesd'humanité, de vertu et de bienfaisance, et, à ces titres, une place immortelle doit ètre décernée à saint Frangois de Paàule et è saint Charles Borromée qui successive- ment donnèrent de hauts témoignages de leur piété par les exemples, par les ceuvres, par les préceptes, et qui passèrent sur cette terre comme des bienfaiteurs ( 408 ) de l’humanité. Leurs noms doivent demeurer chers à toutes les àmes qui sentent l’importance et la va- leur de la noble charité chrétienne qu'aucune autre ne peut égaler. Après ces justes hommages rendus à la science et a la vertu, voyons défiler devant nous le brillant cor- tège que forme la phalange des immortels artistes de cette époque. Remarquons d’abord Giorgione , le plus illustre élève de Jean Bellini, peintre distingué qui avait été le chef de l’école Vénitienne. Giorgione sur- passa tous ses rivaux dans la hardiesse de la touche, dans la vigueur du ton et dans les effets du clair-obscur. Réformateur habile il montre dans ses toiles la grande supériorité d’un talent qui fit école et qu'une mort prématurée (a 33 ans) l’empécha de déployer dans toute son étendue. Voici maintenant l’école de l’Ombrie qui nous don- ne le Pérugin Il devint si célèbre que Sixte IV l’ap- pela pour peindre sa chapelle immortalisée ensuite par Michel Ange. Le Pérugin traita surtout les sujets religieux; son Assomption est au nombre des chefs- d’oeuvre qui ornent le musée du Vatican. L’une de ses gloires est d’avoir été le premier maître de Raphaél et de lui avoir imprimé de bonne heure ce goùt séraphi- que qu'il conserva toute la vie. Raphaél dit pourtant bientòt adieu à son maître et retourna passer quelque jours à Urbin sa ville natale pour remplir un devoir filiale. De là on le voit à Florence rivaliser avec le pip- ceau de Léonard de Vinci dont lescompositions étaient imprégnées d'un certain sensualisme. Raphaél de- meura fidèle au type du Pérugin, plein de poésie bi- blique. La Madone qu'il fit alors à Florence et celles ( 409 ) qui lui suceédèrent sont un témoignage de cette per- sévérance. Suivons-le maintenant à Rome, où, pré- senté à Jules II par Bramante , l'un des premiers ar- tistes restaurateurs du bon goùt, ilest aussitòt employé au Vatican. Son génie grandit chaque jour; bientòt rien n’égale la fécondité heureuse de ce peintre. Bra- mante, en mourant, le désigna à Léon X comme seul capable de continuer la basilique de Saint-Pierre. Quelques jours après, il fut nommé intendant en chef des travaux. Il devint ainsi l’artiste favori de Léon X, qui était insatiable et qui lui demandait toujours une ceuvre nouvelle. Malgré toute son activité, Raphaél succomba a tant de travaux et il venait à peine d’ache- ver son admirable tableau de la Transfiguration , qu'il termina sa glorieuse carrière è l’àge de 37 ans. Le pape vint bénir le corps, serra une dernière fois la main de l’artiste et l’arrosa de ses larmes. Il faut se garder d’ajouter trop de foi au récit de la Fornarina. Ce récit n’a rien de fondé et a été contredit par d’imposants témoignages parfaitement renseignés. Nous avons insisté sur le talent de Raphaél parce qu'il réunit en lui tous les genres de mérite; il était, en outre, comme tous les artistes de son temps, peintre, sculpteur et architecte tout à la fois. Jules Romain fut son premier élève et fit honneur è ce maître. Le Primatice, de Bologne, travailla quelque temps avec Jules Romain et vint ensuite en France pour y décorer Fontainebleau. Francois Ie le fit sur- intendant des bàtiments de la couronne. Buonarroti Michel-Ange, dont le nom rappelle tant d’@uvres grandioses, fut un des principaux parmi les génies que vit naître ce siècle; comme Raphaél, (410) qui était son digne émule, il cultiva, avec une grande puissance d’exécution, les trois arts à la fois. Sa main ne laissait échapper que des chefs-d’oeuvre. C'est lui, nous l’avons dit, qui vint terminer la voùte de la chapelle Sixtine. Ce travail est une merveille; le grà- cieux et le beau sy déploient dans des proportions in- finies, où l’on peut cependant regretter de voir trop poindre la naiveté du nu. Ces fresques sont considé- rées comme l’ceuvre capitale du pinceau de Michel- Ange et suffiraient pour l’immortaliser. Ce fut cepen- dant encore lui qui, sous le pontificat de Paul Ill, vint continuer la construction de Saint-Pierre de Rome et poussa activement toutes les parties de l’édifice. La coupole devait en ètre la partie principale et la vue s’y porter des quatre bras de la croix. Ceux qui vinrent après lui n’ont pas été heureusement inspirés en modifiant le plan du grand architecte, surtout dans la partie de la facade. Michel-Ange mourut en 1566, à l’àge de 90 ans. Ce fut un des caractères les plus nobles et les plus élevés. Ses ceuvres se firent toujours remarquer par un faire large et une touche grandiose. Les écrits qui nous restent de lui révèlent en son àme un profond senti- ment moral et religieux. Le Moise de Michel-Ange, que j'ai admiré è Rome sur le tombeau de Jules II, dans l’église Saint-Pierre aux Liens, est la statue la plus remarquable qu’on puisse voir. Il ne lui manque que la parole. Parmi les imitateurs de Raphaél, se placent au pre- mier rang Fra Bartholomeo , André del Sarto et quel- ques autres brillants artistes. Au nombre de ceux qui (411) suivirent la manière de Michel-Ange, on peut citer le Florentin Granocci, Bernardin Poccetti, d’une touche vigoureuse dans les fresques, et Sebastien del Piombo, imitateur aussì de Giorgione , et artiste d'un fini soigné. Il travailla avec Michel-Ange au tableau de la Resurrection de Lazare, qui fait pendant à celui de la Transfiguration'de Raphaél. Une autre école avait été fondée par Léonard, né à Vinci, qui était à la fois peintre, sculpteur, poète, musicien, géomètre, architecte et penseur profond. L’imagination a peine à comprendre cette foule d’at- tributs qui font de Léonard de Vinci un artiste ency- clopédique en peinture; il fut le créateur d'une théorie précise d’anatomie, d’un sentiment bien mé- dité des lois des contours; il se distingua par le fini du dessin, la fermeté des lignes et des formes. Il passa quelque temps en France. Cet homme extraordinaire s’occupait en mème temps de statique, d’hydrosta- tique, de géologie, d’astronomie, de philosophie. Il doit ètre rangé parmi les restaurateurs de la science et de la philosophie, bien queses occuppations variées l’aient empéché de laisser des écrits complets sur ses diverses études. | Nous trouvons à Venise, au premier rang dans la peinture, Titien Vecellio. Cet artiste vint ensuite è Rome, où sa grande réputation l’avait devancé; il passa après en Espagne, et partout il laissa des ou- vrages très estimés. Il devint le chef de l’école de Venise. Cependant le Tintoret, qui travaillait dans la méme ville, le suivit de près, et excellait dans l’art par le feu de ses idées, la hardiesse de ses touches et la fraîcheur de son coloris. (412 ) Véronen'avait pas oublié les lecons de frère Joconde, qui avait commenté Vitruve et qui professait les bonnes traditions architectoniques. Il avait une habileté sin- gulière dans la construction des ponts. Appelé à Paris par Louis XII, il y construisit le Pont-au-Change et le Pont-Saint-Michel. C'est à l’imitation de cet artiste que s’attacha d’abord Paul Caliari, de Vérone; mais, ayant remporté un prix de peinture pour lequel avaient concouru Salviati, arliste de grande réputalion, et quelques autres peintres distingués, Caliari s'appliqua entièrement à cet art, et, par les beaux tableaux qu'il produisit, se rendit célèbre sous le nom de Paul Vé- ronèse. Le Corrége aussi s'adonna à architecture; mais on sait qu'ayant longtemps examiné, dans un profond recueillement , un tableau de Raphaél, il s'éeria : An- c'hio son pittore (moi aussi je suis peintre!). Il le fut en effet, et son pinceau semblait toujours tenu par la main des gràces. Une manière légère et moelleuse caractérise ses sujets, et il posséda au plus haut de- gré l’art des raccourcis et le prestigicux effet des pla- fonds. Il a acquis des droits assurés au souvenir de la postérité par la peinture qu'il fità Parme de la coupole de Saint-Paul; ce fut un miracle nouveau après celui de la chapelle Sixtine de Michel-Ange. Il se surpassa ensuite lui-méme dans lAssomption qu'il représenta sousla voùte du clocher de la cathédrale de Parme. Louis Carrache et ses deux cousins Augustin et Annibal Carrache se sont tous rendus célèbres comme peintres. Louis Carrache fut le chef et le brillant mo- dèle de l’école bolonaise. Ces trois arlistes eurent un goùt délicat et un talent dislingué dans leur art. Ils (413 ) suivirent les traces des Corrége, des Titien et des Tintoret. Joseph Arpino, connu sous le nom de Josépin, s'est | acquis aussi une belle réputation dans l’art de la pein- ture. Ses sujets principaux sont puisés dans l’histoire romaine. Il eut pour rival le Caravage, qui, comme le Josépin, s'était Glevé à un haut degré de talent, aux puissantes inspirations d’une vocation naturelle. Ces peintres furent suivis de près par le Guide, l’AI- bane et le Guerchin, qui vinrent successivement em- bellir de leurs chefs-d’oeuvre la patrie classique des beaux-arts. Ces derniers artistes apparliennent au xVII° siècle. Plusieurs architectes avaient déjà entrepris de com- menter Vitruve; d’autres eurent l’idée de composer de nouveaux traités d’architecture. Parmi ces derniers, Vignole tint une place honorable; il éerivit la règle des cinq ordres d’architecture , et fit preuve d’une grande habileté et d’une intelligence parfaite dans cet art. André Palladio marcha sur ses traces et s'acquit aussi une juste renommée par un goùt correct et pur et une méthode précise. Antoine Sangallo, de Florence, prit aussi un rang supérieur parmi les architectes de cette époque. Le nom de Fontana , qui avait acquis une grande célébrité comme artiste distingué , est demeuré atta- ché à cette opération qui fit transporter l’obélisque du Vatican devant la nouvelle basilique de Saint-Pierre. Le monolithe avec son revètement donnait un poids d’un million 500 mille livres. ll fallait V'enlever de sa base, le coucher sur des chariots, puis le re- dresser et l’asseoir sur sa base nouvelle. Lejour choisi (414) par Sixte-Quint pour cette opération étant arrivé, l’anxiété était générale parmiles habitants. Il avait 616 défendu, sous peine du gibet, de prononcer un mot sur la place pour ne pas géner les commandements des chefs. L’architecte se trouvait en suspens entre la gloire et les chàtiments dont l’avait menacé le sévère pontife, qui, sous l’empire de sentiments faciles à comprendre, voulait soumettre à la croix les monu- ments de l’idolàtrie, dans le lieu mème où les martyrs avaient versé leur sang. Déjà l’obélisque était trans- porté; déjà il était près d’ètre dressé sur son empla- cement; mais les poulies ne pouvaient arriver à le mettre entièerement debout, quand un paysan seria du milieu de la foule silencieuse : De l’eau aux cordes! avis plein de bon sens dont l’exécution empécha les cables de rompre, les amena à se raccourcir et à pro- duire le résultat attendu. Aussitòt les cloches et le canon du chàteau Saint-Ange annoncèrent que l’en- treprise avait réussi. Sixte-Quint fit son architecte chevalier, et le paysan, qui avait affronté le gibet pour émettre un avis opportun, demanda en récom- pense le privilége pour son village de fournir à Rome les branches d’olivier pour le dimanche des Rameaux. Une fresque des chambres de la bibliothèque du Vati- can représente cette scène extraordinaire , et les des- cendants de la méme famille continuent aujourd’hui a fournir les rameaux à Rome. Georges Vasari, d'Arezzo, mérite ici un souvenir comme artiste peiutre et architecte et en qualité d’écrivain. Il en est de mèéme de Benvenuto Cellini, sculpteur distingué et original, célèbre surtout pour ses ouvrages d’orfèvrerie, mais l’un des hommes les plus bizarres qui aient existé. (415) La gravure de pierres fines et cristaux trouva un maître renommé dans Valère Vicentino, qui joignait l'élégance è l'habileté. La gravure fut alors aussi définilivement en progrès. Celui qui obtint les plus grands succès en ce genre fut Marc-Antoine Ray- mondi, de Bologne, qui s'était perfectionné dans l’art du dessin sous Raphaél , et qui se montra recon- naissant des lecons qu'il avait recues de ce grand- maître, en répandant ses chefs-d’ceuvre par la gra- vure. D’autres érudits artistes se chargèrent de reproduire les chefs-d’oeuvre de la pensée. Ainsi les Manuce Alde, originaires de Bassano, formèrent à Venise une famille de savants imprimeurs , qui furent renommés par leurs labeurs et leurs connaissances variées. Leur nom est demeuré populaire et célèbre dans les fastes de la presse. En terminant ce qui-est relatif è l’Italie, nous au- rions à jeter un regard sur l’état de la musique dans cette contrée, à cette époque; mais, en poursuivant l’examen de l’influence exercée par la culture de la pensée sur toutes les diverses productions qui en naquirent, notre intention est de réunir, a la fin de ces études, et d’embrasser dans un méme ensemble les divers progrès qui furent faits alors en Europe dans l'art musical, dans les sciences naturelles et dans quelques autres sujets intellectuels. . FRANCE. Cependant l'Europe entière se ranimait è ces douces et bienfaisantes lumières qui jaillissaient du sein (416 ) de la péninsule italique. La France, qui se trou- vait le plus habituellement en contact avec cette heu- reuse contrée, mérite de prendre un premier rang à còté d’elle. Déjà, dans les expéditions transalpines de Charles VII et de Louis XII, elle avait pu préluder aux charmes sympathiques de cette vie intellectuelle qu’exhalait autour d’elle la cour pontificale. Fran- cois Ier vint bientòt donner une forte impulsion à ces diverses aspirations vers l’élude, et il en a retenu, dans la postérité, le glorieux nom de restaurateur des lettres et des arts. Il sut en effet caresser adroitement les instincts nationaux, et en s'inspirant des moeurs francaises, il s'attacha à former une heureuse alliance entre l'amour de la gloire militaire et celui des lettres et des beaux-arts. Ses goùts chevaleresques lui rendirent cette double mission facile, et l'on doit à ses nobles encouragements et à ses efforts ju- dicieux les premières fleurs et les essais heureux de la nouvelle littérature qui commengait à poindre. En la bonne ou mauvaise fortune, on trouve toujours en lui le chevalier frangais armé de la main du célèbre Bayard, ce type caractéristique de la vraie chevalerie, et les mots que Francois Ie éerività la duchesse d'An- goulème, régente du royaume, après la bataille de Pavie: « Tout est perdu fors l’honneur » ont conservé, par un inconcevable prestige, un tel caractère de ma- gnanime grandeur, que, dans la mémoire populaire, ils équivalent presque au souvenir d'une victoire. Nous n’avons qu’à effleurer ici ce qui ne se rapporle pas directement à notre sujet. Mais, puisque nous ve- nons de citer une lettre de-Francois Ie, nous devons ajouter que Voltaire nous parait injuste envers lui (417 ) dans son Essai sur les meeurs, iorsque, citant lui- méème une lettre de ce roi, il met en doute, d’après le style de celle prose, que son auteur ait pu l’èlre du quatrain charmant qu'on lui attribue sur Agnès Sorel : Plus de louange et d’honneur tu mérite La cause étant de France recouvrer Que ce que peult dedans un cloìtre ouvrer Close nonnain ou bien dévot ermite. Francois Ie" subissait les lois du milieu dans le- quel il vivait; il ne pouvait devancer tout-à-fait les formes nécessairement progressives du langage. Notre prose était alors au berceau; elle avait en- core ces premières aspérités qui la rendaient inculte, incorrecte et rude. Ce fut la muse poélique qui la dé- grossit peu à peu, qui l’adoucit et la polit. Si l’on compare, dans ce mème temps, la prose de Marot avec ses vers, on aura la méme difficulté à les conci- lier ensemble. Cependant Clément Marot, fils de Jean Marot, qui avait lui-méme cultivé avec succès les lettres et la poésie, fut au premier rang parmi les poètes du temps et donna beaucoup d’attrait et d’in- térét aux divers genres où il s’exerca. Il puisa le bon goùt qui le distingua dans le commerce des femmes spirituelles et instruites, qui sont toujours les pre- miers maîtres en l’élégance et la douceur du lan- gage. Le poète Mellin de Saint-Gelais succéda à son oncle Octavien de Saint-Gelais, comme Clément Marot avait succédé à son père. Les poésies de Mellin de Saint- Gelais sont pleines de délicatesse et d’élégance. Sans (418) avoir le laisser-aller de Clément Marot, son ami, il Gtait son digne émule dans ce faire gràcieux et doux qui allie les saillies de l’esprit aux charmes du bon ton. L’aimable protectrice de Marot, Marguerite de Na- varre, sceur de Frangois Ie, posséda le talent de nar- rer agréablement des contes fort libres. L’Hepta- méron, calgué sur le Décaméron de Boccace, dépasse un peu les limites prescrites mème aux joyeusetés et galanteries, comme dit Brantòme; mais c'est un ou- vrage brillant d’imagination et un curieux et gràcieux monument de notre langue. On croit, sans aucune preuve certaine néanmoins, que la reine de Navarre a pu étre aidée dans son pi- . quant recueil, par Bonaventure Desperriers qui, comme Clément Marot, prenait le titre de son valet de chambre et qui était aussi, en vers et en prose, l’un des beaux esprits et des joyeux conteurs de cette galante cour. Rabelais écrivit dans le méme temps cette ceuvre pleine de bouffonnerie où, prenant l’éducation et les aventures d’un géant pour canevas, sous une énigme continuelle, il poursuit de sa piquante et originale raillerie, tous les travers du siècle passés au crible de sa verve incisive et moqueuse ; mais, dans cette fa- cétieuse épopée du malin Tourangeau, le cynisme des expressions et la dangereuse témerité de la pen- sée le disputent trop souvent à la finesse ingénieuse des portraits et à la pétulance des saillies. On a donné la prétendue clé de ces allégories incessantes renfer- mées dans l’oeuvre de Rabelais; il n’est pas facile de déciderjusqu’à quel point ces explications ingénieuses (419 ) sont valables. A une certaine distance de Rabelais et dans un genre analogue, on peut placer le chapelain Bourdigné, Angevin, qui écrivit la 1égende de Pierre Faifeu. C'est le récit animé et spirituel de tous les tours d’escroquerie, d’adresse et de débauche attri- bués à Pierre Faifeu, écolier d’Angers. On trouve là des traits d’un excellent comique. Le bon chapelain était le frère de Jean Bourdigné, qui a écrit l’histoire plus sérieuse d’Anjou et du Maine, dont on consulte encore les pages avec fruit, bien qu’elles renferment beaucoup d’erreurs et quelques fables. Jean Bodin, Angevin comme les précédents, était un penseur hardi ct un écrivain plein de feu. Son traité de la République et son ouvrage de la maniére d'écrire l’histoire, lui as- signent une place distinguée parmi les premiers pu- blicistes que la France a vu naître. Il est très présu- mable que ces ouvrages n’auront pas été inutiles à Montesquieu, dont il est l’un des éminents précur- seurs. Jean Bodin exerga de son temps une grande in- fluence par les doctrines de son livre, qui servait de règle dans la discussion sérieuse des questions poli- tiques. Il est l’un des hommes les plus illustres que l’Anjou ait fournis durant le xvre siècle. Nous traversons l’époque où Francois Ie' fonda le Col- Iége de France, à la persuasion du savant Budé, sur- nommeé le prodige de la France, et de Jean du Bellay , oncle de Joachim du Bellay, illustre famille angevine. Dans le mème temps, par un autre progrès qui mérite d’ètre remarque, le roi ordonne que désormais les actes publics seront rendus en francais. La famille des Es- tienne commence alors aussi sa dynastie laborieuse et bienfaisante dans Je domaine de l’imprimerie, et se fait 27 (420 ) remarquer dans larépublique des lettres par une érudi- tion héréditaire. Calvin, que nous rappelonsici comme écrivain, s'élève, dans son /nstitution chrétienne, à une grande hauteur de pensées et de style; il peint cloquemment et réunit la force à la pureté dulangage. Il porte, dans la forme chàtiée et rigide de son argu- menlation, celte aristocratie de ton inhérente au pro- testantisme et cette inflexibilité de doctrine qui lui fit allumer le bucher de Michel Servet. Théodore de Bèze, qui fut le disciple le plus fidèle de Calvin, et qui le remplaca comme chef de secte après sa mort, ne sera aussi considéré ici qu’au point de vue littéraire. Il con. tribua beaucoup au grand mouvement de la Renais- sance. On a de lui plusieurs traductions et un grand nombre d’ouvrages. Parmi les principaux se trouve une histoire des églises réformées, un traité du droit que les magistrats ont de punir les hérétiques; la tra- gédie du Sacrifice d’Abraham, celle de Caton le cen- seur, et enfin un recueil de poésies sous le nom de Juvenilia ; plusieurs ont ce molle atque facetum chanté par Horace et si recherché des anciens. Ses lettres renferment aussi une foule de documents curieux à consulter sur l’époque. Amyot, génie heureux, patient et souple, fit pour- suivre à la langue frangaise les voies de progrès où elle venait d’entrer; nul éerivain du temps ne lui rendit des.services plus réels. Racine en a donné bon témoignagelorsque, dans sapréface de Mithridate, il dé- clare trouver un charme et une gràce inimitables dans le style de ce traducteur. Amyot, dit à son tour un auteur contemporain, sua tout ce qu'il y avait d’har- monieux et de doux en notre langage et le mit en (421) usage dans la traduction de son Plutarque. Fénélon nous dit encore : « Je trouve qu'il y avait dans le vieux » langage d’Amyot, je ne sais quoi de court, de naif , » de hardi, de vif qui le fait regretter. » Le témoi- gnage de cet élégant auteur du xvi siècle doit com- pléter cette favorable appréciation du célèbre traduc- teur de Plutarque. Ce fut alors aussi que surgit l’école de Ronsard, qui a été considérée comme le soleil poétique de l’époque. Joachim du Bellay publia son Mustration de la langue francaise, où il cherche à en établir la prééminence, le perfectionnement et l’emploi général. Il fut une des gloires de cette pléiade dont Ronsard est le chef. Les disciples de Marot essayèrent de combattre Joachim du Bellay , surnommé l’Ovide frangais , et promoteur de la réforme poétique; mais le triomphe demeura à l’école de Ronsard. Les controverses religieuses font naître beaucoup d’ouvrages de second ordre, que nous ne pourrions considérer ici qu’au point de vue de leur valeur littéraire, qui est è peu près nulle, ce qui permet de les laisser dans l’oubli où ils sont tombés. Jetons, lorsqu’il en est temps encore, quelques fleurs sur les souvenirs adolescents de Marie Stuart. Cette princesse, Fraricaise par le coeur, spirituelle, jeune et belle, prononca, dans une salle du Louvre, un discours en latin de sa composition, où elle s’at- tacha à démontrer que le savoir ajoute un charme de plus aux femmes (1554-1555). Marie Stuart soutenait cette ihèse conire maître Francois du Faix, recteur de l’Université, qui avait avancé que les arts libéraux doivent étre interdits aux femmes. Lajeune et gracieuse princesse remporta (422) la palme et obtint cet honorable suffrage d’un audi- toire composé de Michel de l’Hospital, Pierre de Ron- sard, Joachim du Bellay, Amyot, Jodelle, Baif, de l'élite, en un mot, des hommes lettrés que possédait en ce moment la France. Cette heureuse épouse de Francois 11, qui faisait alors l’orgueil de la nation frangaise par sa beauté, par son esprit et par ses ta- lents, vit bientòt changer toutes ses joies en deuil par la perte de son royal époux. Chacun connaît les stances pleines de regrets et les touchants adieux que, de la nef qui l’emportait loin de la France, elle adressait à sa patrie d’adoption qu'elle quittait pour ne plus re- voir et pour entrer dans une longue série d’infor- tunes. Le passé, le présent et mème l’avenir ne sem- blent-ils pas dépeints dans ces douloureux regrets , si bien sentis, si vrais, si mélancoliquement exprimés, et que nous rappelons ici à cause de leur inspiration aussi poélique que caractérislique ?, Adieu, plaisant pays de France! O ma patrie La plus chérie, Qui a nourrì ma jeune enfance! Adieu, France, adieu mes beaux jours! La nef qui disjoint nos amours N’a cy de moi que la moitié; Une part te reste, elle est tienne : Je la fie à ton amitié Pour que de l’autre il te soubvienne. Hélas! que se passa-t-il depuis en Ecosse et en An- gleterre? Détournons-en nos regards et revenons bien vite en France reprendre le cours de notre excursion littéraire. ( 423 C'est dans ce moment aussi que Nostradamus pu- blie ses prophéties divisées en centuries. Elles l’ont rendu célèbre, bien qu’aux yeux de la religion et de la raison elles ne soient qu’un tissu de réèveries. Les moralités du moyen àge avaient continué è dé- cliner, mais n’étaient pas tombées tout à fait. Jodelle vint apporter une réforme au théatre. Il composa Cléeopatre captive, qui fut représentée à Paris à l'hotel de Reims. Jodelle joua lui-méme le ròle de Cléopàtre dans cette tragédie, qui fut bientòt suivie d’une co- médie du mème auteur, intitulée : l’AbbDé Eugène ou la Rencontre. Cette pièce eut le mème succès que la tragédie, elle est d'une meilleure composition pour le plan, mais très immorale dans ses détails. Ce furent là lescommencements d’une nouvelle méthode drama- tique. En renversant le crédit des moralités, des soties et des mystères, Jodelle prit place à còté de Ronsard comme réformateur littéraire. C'est à cette source obscure et faible d’abord que remontent les tendances classiques de notre théatre national. Garnier, qui vint après Jodelle, fut supérieur à ce devancier et à tous les auteurs dramatiques de son temps. Il rendit toutes les formes théàtrales plus régu- lières et laissa entrevoir l’idée de la scèone moderne; il donna ainsi une grande impulsion à cette branche importante de la littérature , qui devait prendre un si heureux développement dans le siècle suivant. Il est Juste de dire que Jean et Jacques de la Taille, Pierre La Rivey, Alexandre Hardy, Jacques Grévin, Théo- phile, connu par ses poésies grivoises, et surtout Mayret, servirent successivement au progrès que fit la scène francaise. (424 ) C'est au milieu de ces temps que, dans un autre ordre de circonstances et d’idées, apparaît un type des grands caractères antiques, Michel de l’Hospital. Ses discours sont des modèles de simplicité et de naiveté, ses actions rappellent les hommes illustres d’Athènes et de Rome. Jurisconsulte distingué, il cultiva les lettres et se fit un nom parmi les meilleurs poètes la- tins de son époque. Alors aussi les lecons de Cujas, juriste renommé qui marchait sur les traces du Mila- nais Alciat, font accourir auprès de lui une foule d’au- diteurs et de disciples avides de l’entendre. Cet homme avait un profond jugement servi par une érudition vaste. L’Hospital et Auguste de Thou étaient ses amis et ses admirateurs. L’illustre Ramus, esprit hardi, pénétrant et logique, qui , par la force de son génie, s’était élevé de l'état le plus infime à la plusbrillante renommée, tombe mal- heureusement sous les coups de l’envie à cette jour- née de Saint-Barthélemy , de si triste mémoire. Bien que cet illustre infortuné ait été enveloppé dans les meurtres de cette nuit funeste, il paraît avéré que le coup lui fut porté par les néopéripatéticiens, qui voyaient en lui un ardent antagoniste du Stagirite. Ceci ne doit pas plus surprendre que ce que nous dit Mézerai dans son histoire, où il assure qu'un grand nombre de catholiques furent enveloppés dans le mas- sacre de la Saint-Barthélemy. « C’était étre huguenot ajoute-t-il, que d’avoir de l’argent, des ennemis ou des héritiers affamés. » Il est temps que les questions de cette nature ne soient plus obscurcies par les pas- sions ou l’esprit de parti, qui en altèrent ou en voilent toujours la vérité. Gardons-nous en toutes choses de (425) nous traîner éternellement dans l’ornière tracée par le scepticisme glacial du siècle dernier. Ce qui paraît cer- tain dans le hideux et lamentable sujet auquelnousre- porte l’ordre chronologique de cette revue, c'est que la politique y tintau moinsautant de place que la religion. Ce méme jugement a été porté par plusieurs graves historiens, nommément par de Thou, par Lingard, et tout récemment par MM. Capefigue et César Cantu. Ce dernier, dans son Histoire universelle , ne balance pas à affirmer, avec cette impartialité dont il donne tant de constantes preuves, que ce qu'il y a surtout d’incontestable, c'est que les premiers massacres vinrent de la part des protestants. — D’un autre còté, M. de Falloux, au congrès scientifique d'Angers, en 1843, s'attacha à imputer à la politique seule cetie nuit néfaste. Ce fut à l’aide de documents authentiques qu'il développa et soutint cette opinion avec ce haut talent d’investigaltion, cette puissante raison logique et cette éloquence si persuasive et si entraînante qu'il a su déployer depuis avec tant d’éclat et de succès aux plus hautes régions de la sphère gouvernementale dans l’intérèt général des sociétés. Cependant, au point de vue du schisme religieux, ce furent des représailles odieuses des Michelades (1) qui (1) En 1567 et 1569 les rues de Nîmes furent teintes du sang ca- tholique. Un affreux massacre qui fut appelé Za Michelade, fut organisé par les protestants le jour de Saint-Michel en 1567. Les catholiques renfermés sous bonne garde dans l’hòtel-de-ville y furent égorgés par les protestants avec une horrible régularité quì rappelle les boucheries de septembre durant la révolution. On les fit descendre l’un après l’autre daos les tombceaux de l’é- glise où les religionnaires}les attendaient pour les percer à coups (426 ) avaient eu lieu peu de temps auparavant dans le midi de la France de la part des protestants contre les catho- liques. Il faut done le proclamer hautement de tous còtés : dans des actes semblables, on ne doit voir ni catholiques, ni protestants, ni monarchistes, ni dé- mocrates; l'oeil consterné de tout homme de bien ne peut y découvrir et y compter que des monstres atroces faisant usage de la force brutale, cette arme commune à tous les barbares, quelle que soit la con- trée qu’ils souillent de leurs crimes, quel que soit le nom qu'’ils se donnent. Rappelons ici avec bonheur que les de Thou, les Loysel, les Pierre Pithou, les Pasquier, les Jeannin, Jean de la Guesle frémirent d’indignation à ces san- de dagues; des hommes munis de torches étaient placés sur la flèche et sur les fenétres du clocher, pour mieux éclairer cette scène de carnage qui dura depuis onze heures du soir jusqu’à sìx heures du matin. Les mémes crimes se renouvelèrent sous des formes diverses dans toute la France l’an 1569. Le 24 aoùt, jour de Saint-Barthélemy, il y eùt un massacre de nobles et de prétres dans le Béarn et dans la Navarre par les calvinistes. L’auteur de l’histoire de Navarre en parlant de ce massacre ajoute : « Ces nouvelles fàchèrent extrémement le roi Charles IX, » qui, dès-lors, résolut en son esprit, de faire une seconde Bar- » thélemy en expiation de la première. » Le méme historien en racontant l’accomplissement de cette af- freuse résolution dit formelleiment que Charles y fut excité par le souvenir des seigneurs catholiques dagués de sang-froid en Béarn par Montgomméry, lequel pompeusement se pavanait è Paris. (Histoire de Navarre, livre 14). Il paraîtrait ainsi très probable que les premières hostilités, les premiers massacres vinrent des protestants; ce qui ne justifie nullement les crimes des catholiques ou de quelque fanatisme que ce soit, qui seront toujours en horreur à touteslesàmes vrai- ment religieuses et à tous les esprits sagement éclairés. ( 427 ) lants spectacles. Tous ces hommes distingués dont la digne mémoire est parvenue intacte à la postérité , désavouèrent cette journée |fatale et adopièrent sans réserve les maximes de la tolérance. C’était bien ainsi qu’avait pensé et que pensait toujours Michel de l’Hospital, ancien chancelier de France et alors en disgràce. C’est lui qui dit du jour de Saint-Barthélemy : Excidat illa dies evo (que ce jour soit retranché du temps)! Au milieu des troubles civils qu'il traversa , Michel de l’Hospital conserva toujours ses principes de modé- ration et de justice; son esprit de'conciliation se ma- nifesta dans tous ses discours et dans tous ses actes. Sa devise était : Si fractus illabatur orbis, impavidum ferient ruine. C'est à Michel de l’Hospital qu'on est redevable de l’édit qui ordonne de suivre le cours du soleil dans le dénombrement des mois et que l’année commencerait au 4e' janvier. Elle commengait auparavant à Pàques. Continuons à retracer la mémoire de quelques-uns de ces hommes historiques qui sont en meme temps des phares intellectuels dans le siècle que nous par- courons. Un homme que Plutarque aurait mis au rang de ses illustres personnages, Achille de Harlay, pre- mier président au Parlement de Paris, s'est rendu cé- lèbre par son savoir et son intégrité. L’histoire a con- servé les souvenirs des courageuses paroles qu'il prononca en diverses rencontres. Ainsi, lorsque le peuple soulevé était maître de Paris, le duc de Guise alla trouver le premier président sous prétexte de l’in- viter à joindre ses efforts aux siens pour le rétablisse- ment de l’ordre. Achille de Harlay, voyant venir à lui (428 ) le duc de Guise, s’éeria : « C'est grand’pitié quand le » valet chasse le maître; au reste, mon ame est à » Dieu, mon coeur à mon roi et mon corps est entre les » mains des méchants; qu'on en fasse ce qu'on vou- » dra. » Une autre fois, étant menacé par les ligueurs, il leur répondit : « Je n'ai ni tète ni vie que je pré- » fère à l'amour que je dois à Dieu, au service que je » dois au roi et au bien que je dois à ma patrie. » Ce n’était point seulement en paroles, mais ce fut par des actes d’un sublime héroisme que de Harlay signala sa constance et sa persévérance a suivre la ligne droile du devoir. C’était là, dans sa plus haute expression, l’un de ces caractères à trempe supérieure qu'on vou- drait rencontrer plus souvent dans le monde. Auguste de Thou mérite d’ètre placé à còté de l’homme illustre dont nous venons d’esquisser quel- ques traits. Il ne devia pas des vertus qui étaient hé- réditaires dans sa famille. Nommé successivement conseiller et président au Parlement, il sut poursuivre constamment l’élude de son siècle, au milieu de ses fonctions, difficiles et épineuses en ces temps ora- geux. Lorsque les circonstances publiques devinrent plus calmes, de Thou contribua è les maintenir en cet état, en servant Henri IV de tous ses efforts et de toutes ses lumières. Ce fut de Thou qui fut le rédac- teur de l’édit de Nantes. Cet homme, d’une intelli- gence si vaste et si nette, nous a retracé l’histoire universelle de son époque; elle comprend depuis l'année 1553 jusqu'à 1607. Il dépeint avec la mèéme franchise hommes et choses, et son ceuvre se dis- lingue surtout par l’esprit de vérité, de justesse et de justice qui y préside. (429) De Thou a ccrit en latin, selon l’usage du temps(1), pour les ceuvres sérieuses. Il a laissé aussi des mé- moires fort intéressants et des poésies latines, parmi lesquelles se trouve une ode à la postérité où il en appelle à ses descendants de l’injustice de son siècle. La postérité en sera-t-elle plus juste? Nous voudrions bien pouvoir l’espérer. Auguste de Thou aima le tròne et le peuple, et en défendant la couronne, il entendit défendre la vraie liberté, dont le tròne lui semblait la fidèle représentation. Il protégea les lettres durant toute sa vie, ei lorsqu'il fut nommé conservateur de la bibliothèque royale, il s'entoura de plusieurs sa- vants distingués parmi lesquels se trouvaient Loysel, Casaubon, Dupuy, etc. Ils discutaient ensemble des points d’érudition et de science et furent une sorte de premier moule de l’Académie francaise, qui devait naître un peu plus tard. C'est dans ces derniers temps que Joseph Scaliger, né a Agen de Cesar Scaliger, se fit une grande répu- tation par l’éclat de ses lecous à Leyde, où il succéda à Juste Lipse. Il était très habile dans la langue hébraique, dans les belles-lettres et dans la chronologie. Il a eu le mérite de trouver le premier les moyens de donner aux faits historiques un ordre exact et méthodique qui a simplifié et facilité les recherches. Scaliger avait (1) Au xvie siècle les auteurs écrivirent généralement en langue latine. Ils avaient ainsi pour but de devenir des écrivains européens; s'ils avaient écrit dans leur langue maternelle ils m’auraient été que des écrivains limités à leur pays. Cette cou- tume dut nécessairement retar.ier les progrès des langues mo- dernes et notamment de la langue francaise qui, cependant, prit bientòt son essor. (430 ) l’humeur difficile et caustique, mais, sans étre un abime d’érudition, comme l’ont appelé quelques-uns de ses contemporains, il t&moigna par ses ouvrages qu'il avait beaucoup d’étude, de critique et de science. Adrien Turnebe, né aux Andelys en 1512, mérite aussi d’ocenper une place parmi les doctes philologues qui se firent remarquer au xvi siècle; il professa à Toulouse, et, un peu plus tard, à Paris. Il se concilia l’amitié et l'admiration des principaux penseurs de l'Europe, et il publia plusieurs traités qui furent très estimés. Alors vivalt aussi loin de Paris, un homme qui avait appris de bonne heure, par l’éducation forte et attentive qu'il avait recue d’un père écelairé, tous les enseignements de la sagesse. Cet homme est Michel Montaigne, l’écrivain le plus justement célèbre d’une époque si tourmentée. Il ‘semble arriver exprès pour résumer en lui une sorte de personnification des idées parcourues dans le xvi siècle, et réfléter une image fidèle des progrés de l’intelligence durant cette inté- ressante phase de l’histoire de l’humanité. L’auteur des Essais est d’un attrait qui conserve encore aujourd’hui toute sa fraîcheur. Son style pittoresque, chatouilleux et sautillant, obéit à toutes les inspirations poétiques de son àme,, et ses couleurs vives et variées sont d’un charme toujours entraînant. Cet écrivain illustre a eu beaucoup de commentaleurs ; quelques critiques veu- lent trouver en lui un scepticisme universel et quel- quefois l’oubli des sentiments religieux. Cette opinion est beaucoup trop absolue et ne nous paraît pas admis- sible. Que dans son amour pour la vérité, Montaigne ait suivi une voie d’investigation exceptionnelle pour (431) latrouver, qu'il ait soumis au creuset d'un rigoureux examen les diverses facultés de l’àme sous des formes neuves et originales; qu'il ait été ainsi entraîné dans ses méditalions au gré de son imagination et de sa fantaisie, nous ne le contestons point. Mais nous croyons pouvoir affirmer qu'il ne se laissa pas enva- hir par ce pyrrhonisme sec et désespérant qui met nos devoirs principaux en discussion ou en problèéme. Sur ce sujet, il ne douta, il ne chancela jamais. Pour s’en convaincre, il suffit de l’écouter un moment : « Nous sommes nés à quester la vérité, dit-il; il » appartient de la posséder complète à une plus grande » puissance. » N ajoute autre part : « Ceux-là se sont donnés beau jeu en notre temps » qui ont essayés de choquer la vérité de notre église » par les vices des ministres d’icelle; elle tire ses té- » moignages d’ailleurs. » On trouve dans un autre endroit : « Il se fault contenter de la lumière qu'il plaist au » soleil nous communiquer par ses rayons; et qui » eslevera ses yeux pour en prendre une plus grande » dans son corps méme, qu'il ne trouve pas étrange » si, pour la peine de son outrecuidance , il y perd » la vue. » Il dit encore : « C'est aux chrestiens une occasion de croire que » de rencontrer une chose incroyable, elle est d’au- » tant plus. selon la raison, qu’elle est contre l’hu- » maine raison. » Enfin il fait cette profession formelle : « Je tiens pour absurde et impie si rien se rencontre (432) » ignoramment et inadvertamment couché en cette » rapsodie (ce sont ses piquants Essais) contraire aux » saintes résolutions et prescriptions de l’église catho- » lique, apostolique et romaine, en laquelle je meurs » et en laquelle je suis né. » Voici, en effet, un singulier sceptique, tel que l’ont dit quelques-unsetrépété beaucoup d’autres. On pour- rait objecter qu'on écrit selon son esprit et qu'on agit selon son caractère. Mais outre qu’un célèbre natu- raliste et brillant écrivain a dit que le style estl'homme, il est bien apparent que Montaigne mit le plus grand accord entre ses principes écrits et ses actions. La piété filiale et l’amitié, par exemple, ces deux nobles sentiments du coeur humain, furent célébrés et pra- tiqués a un haut degré par notre philosophe. On sait avec quel soin touchant, avec quel amour filial il s'at- tacha à rendre vénérable la mémoire de son père; son amitié pour la Boétie n’est ignorée de personne : « Je » l’aimois, dit-il, parce que c’estoit lui, parce que » c’estoit moi. » Après tous ces témoignages je suis bien tenté, je l’avoue, de considérer la qualification de sceptique infligée à Montaigne comme une pure calomnie. Ses doutes, il est essentiel de bien le remarquer, ne se porteni jamais sur des matières de foi, mais simple- ment sur des sciences purement humaines, telles que la médecine, la philosophie, l’astrologie judi- ciaire, etc., etc. On peut, certes, s'abandonner à l’examen et au doute sur tous ces objets, sans s’ex- poser è ètre accusé d’irréverence et de scepticisme re- ligieux. Après tout, de nos jours, nous avons entendu articuler la méème accusation contre Pascal, et l’on (433 ) ne peut plus s’étonner de rien, lorsque dans un siècle comme le nòtre, qui prétend au progrès indéfini et qui se flatte de tout soumettre au libre examen, il est si commun de voir et d’entendre une myriade de ces libres penseurs se soumettre aveuglément au joug et répéter docilement en choeur ce que le premier venu qui aura cu le génie de l’audace, de l’impudeur et de la passion, sera venu proclamer, ex cathedrà, comme une découverte philosophique inouie ou comme un progrès social inappréciable. Hélas! on a voulu s'af- franchir vaillamment de l’obéissance due è l’autorité immuable, et l’on s'est exposé à tomber ainsi, à chaque pas, sous la plus abjecte servitude, sous le despotisme de l’opinion du plus hardi, du plus rusé , du plus opi- niàtre, sous le fouet ignoble du plus grossier et du plus brutal. C'est avoir fait là un bien triste échange. Il faut le dire ici puisque nous parcourons le xvI* siè- - cle; c'est précisément à lui que nous devons la pre- mière déclaration des principes si erronés et si dan- gereux de cette nouvelle foi. Ce que l’on appelle la réformation a fait dérailler le monde des voies qui lui avaient été tracées par une main à laquelle personne ne peut suppléer, et depuis trois siècles nous sommes A la dérive, parce que, du haut de notre souveraineté, nous avons déclaré que l’homme ferait à lui-mème sa règle, son autorité ; parce que, dans notre orgueil effréné, nous avons proclamé l’apothéose du genre humain. C'est positivement depuis, nous ne balan- cons point à le dire, que l’humanité nous semble avoir fait un pas de plus dans le bourbier de la déchéance, puisqwil est vrai que l’orgueil sera toujours le prin- cipe originel de tout mal dans ce monde et que le mé- (434 ) pris de l’autorité divine , sous le vain prétexte de libre examen ou de progrès, ne pourra produire jamais que divagation, bouleversement et désordre. Il ne faut pas voir là une polémique d’actualité; ceci est gravé en lettres de feu dans l’histoire ancienne et moderne, ce vaste tableau de l’instabilité des choses humaines. Aussi ce fut sous l’inspiration d’une juste appré- ciation du passé et d’une haute prévoyance de l’ave- nir, que le concile de Trente rendit, le 8 avril 1546, le décret suivant : « Pour arréter et contenir tant d'esprits pleins de » pétulance, le concile ordonne que, dans les choses » de la foi ou de la morale ayant rapport à la conser- » vation et à l’édificalion de la doctrine chrétienne, » personne se confiant en son jugement et en sa pru- » dence, n’ait l’audace de détourner l’Écriture à son | » Sens particulier, ni de lui donner des intentions ou » contraires à celles que lui donne ou lui a données » la sainte mère l’Eglise, à qui il appartient de juger » du véritable sens et de la véritable interpretation » des saintes Ecritures, ou opposées au sentiment des » Pères encore que ces interprétations ne dussent » jamais étre mises en lumière. » C'est parce que l’observation de ce décret a été violée, que, depuis Luther jusqu’à nos jours, le chris- tianisme a subi tant de douloureuses altérations parmj les dissidents qui ont épuisé sur cet objet sacré toutes les formules de l’erreur. Montaigne assista donc à la fatale aurore des dis- cordes civiles amenées par cette perturbation dans les esprits. Sa philosophie chrétienne ne se démentit pas durant ces temps orageux. Il fut tolérant, aimé et ( 435 ) respecté; il s'affermit de plus en plus dans cette foi qui fit la principale consolation de ses derniers jours, et il s'en rapporta jusqu’à la fin, selon ses propres expressions « à l’autorité et à la volonté divine qui nous règle et qui a son rang au-dessus de ces vaines et humaines contestations. » N’éludons rien, et pour demeurer dans le vrai, con- cluons en disant que si Montaigne manifeste souvent un esprit sceptique sur des sujets qui sont générale- ment susceptibles d’examen, ce scepticisme n’atteint jamais son coeur, quand il s’agit d’objets d’un ordre supérieur et sacré. Charron fut le disciple de Montaigne; il exagéra tous les principes du maître et suivit un plan plus sys- tématique; mais sa marche lente et méthodique con- traste avec l’allure vive et sémillante de Montaigne. Son livre de la Sagesse est loin et bien au-dessous des Essais. Le livre des Trois Vérités, moins connu que celui de la Sagesse, est mieux éerit que ce dernier, et à plus d’orthodoxie joint aussi plus de chaleur et d’élo- quence. La Boétie, connu par les termes suaves de l’effu- sion amicale de Montaigne, mérite une place parmi les auteurs de cette époque. Son ouvrage intitulé le Contre un ou la Servitude volontaire, est un long cri poussé contre les excès du pouvoir dont il flagelle les abus avec une verve pleine de sens et de force. Ce jeune homme à l’àme élevée et à l’esprit sévère éeri- vait sous l’empire d’un juste mouvement d’indignation contre les crimes de la cour de Charles Ix. Mais si cet austère républicain du xvie siècle eùt vu les forfaits de la cour républicaine du xvine, il aurait sans nul doute 28 (436 ) reculé d'horreur et se serait précipité vers des idées contraires par l’effet de l’antipathie naturelle de son esprit et de son coeur contre tous les excès coupables. Daus l’ordre philosophique, ce serait peut-étre ici le lieu de donner un souvenir reconnaissant à Viète, a Peyresc, à Gassendi, à Descartes, savants dont la France s’honore et parmi lesquels trois appartiernent au xvi siècle; nous leur rendrons cet hommage à la fin de ces études, en embrassant d’un regard général et dans un ensemble analytique, quelques sujets com- muns à toutes les nations et notamment les progrès des sciences naturelles en Europe, durant la période que nous parcourons. C'est dans ce temps que Montluc, à l’àge de 75 ans, écrit ses Mémoires. On y trouve l’éloquence de la franchise, bien que tout ne doive pas y étre approuvé, et particulièrement l’esprit prononcé d’une condam- nable intolérance. En considérant les Commentaires de Montluc simplement au point de vue militaire, nous devons dire qu’ils sont pleins d’intérét et bons à consulter par les gens de guerre. Ils sont écrits d’un style bref, vigoureux et un peu batailleur. Henri IV, qui s'y connaissait, les appelait la Bible des soldats. A Montluc, ce vieux brave, opposons Francois de Lanoue, surnommé Bras-de-Fer, fervent protestant qui nous a laissé aussi des discours politiques et mi- litaires, qui témoignent à la fois des vertus d’un bon ci- toyen et des nobles qualités du guerrier. Son style est énergique et parfois sentencieux. Après ces principaux chroniqueurs, il faut citer les deux frères Tavannes, qui servirent dans deux camps différents, et qui ont laissé des mémoires qui ne manquent pas d’un mé- rite relatif. (437 ) Un peu antérieurement à ces mémoires avait paru l’histoire des faits, gestes, triomphes et prouesses du bon chevalier sans peur et sans reproche, le gentil seigneur de Bayard, composée par le loyal serviteur, et qui mérite d’ètre mentionnée ici par le caractère attachant qu'elle porte et le nom illustre qu'elle rap- pelle. Jeannin et d’Ossat ont dans leurs Négociations , of- fert un style souvent tortueux, ambigu et empha- tique, mais ils avaient lun et lautre des qualités de coeur et des vertus si estimables, qu'il y a tou- Jours beaucoup è profiter et à apprendre de leurs ré- flexions judicieuses et des principes de politique qu’ils ont émis. Ils ont été étudiés par les plus solides esprits ei par l'élite des diplomates. Le journal de l’Etoile n'est pas dénué d’un certain intérét et demeure curieux par son exactitude minu- lieuse. Une société d'hommes de lettres, Pithou, Pierre Leroy, Durand, Rapin, Baîf, Passerat et Gillot, trament ensemble la Satire Ménippée, mélangée de prose et de vers, et la publient bientòt à grands renou- vellements d’éditions, car elles étaient promptement enlevées. Cette production, à la fois burlesque, fine, profonde et populaire, est un curieux monument de l’époque. A son apparition, la guerre civile se mit à rire et se trouva désarmée. La puissance des idées est telle , que cette éloquente satire, qui étincelle de ma- lice et d’esprit, aplanit ainsi à Henri IV la voie vers le tròne. Nous ne pouvons nommer ce roi sans que son éloge ne nous vienne à la pensée et ne nous jail- lisse du coeur. C'est sans contredit le roi dont la mé- ( 438 ) moire est restée le plus populaire. Tout le monde sail les mots gracieux, soldatesques, généreux et bien- veillants de Henri IV. La noblesse des sentiments s'alliait en lui è l’éloquence naturelle du coeur. Il sut régner, combattre et écrire en excellent style. On peut consulter avec beaucoup de plaisir et de fruit le précieux Recueil des lettres missives de Henri IV, publié par M. Berger de Xivrey. Paris, 1843 (1). On y trou- vera des révélations d’un intérèt et d’une authenticité incontestables sur divers actes importants de la vie de ce monarque. On y apprendra, par exemple, que ce ne fut point à l’aveugle et par des considérations purement intéressées et mondaines que Henri IV ab- jura le protestantisme pour suivre la religion de ses aieux, mais bien par une conviction d’àme et de coeur unie à la défiance qu'il avait congue des projets des protestants qui visaient à démembrer et à bouleverser le royaume. Il s'attacha aux catholiques parce qu'il crut reconnaître qu’ils étaient plus dévoués à la na- tionalité, à Vunité et au bien général de la patrie. Nous ne faisons pas là un tableau d’imagination : ceci est écrit et historique. Après avoir nommé Henri IV, il serait difficile de passer sous silence Philippe de Mornay, seigneur du Plessis, et le duc de Sully. Ces deux hommes ont été d’un grand secours à Henri. Les Mémoires de l’un et de l’autre sont d’une haute importance historique et méritent d’èétre médités pour se former une idée pré- (1) M. Godard, membre de la Société et correspondani des mi- nistères de l’instruction publique et de l’intérieur, a fourni quel- ques lettres inédites à ce reeueil. ( 439 ) cise des diverses phases de cette époque. On n'a pas oublié que Sully, grand administrateur et homme pratique, prodigua ses soins aux campagnes; il avait coutume de dire que l’agriculture et les pàturages doivent étre les deux mamelles de la France, ses mines du Pérou. Après ces hommes sérieux et dis- tingués qui devaient paraître au premier plan avec Henri IV, il doit ètre permis de donner un souvenir a Marguerite de Valois, première femme de ce mo- narque, et qui nous a laissé des Mémoires très remar- quables dans le genre badin et léger. Marguerite de Valois n’avait garde de prendre rien au sérieux, pas méme toutes ses distractions conjugales. Ses récits piquants et variés, 6crits avec une naive impudeur, portent l’empreinte de cette nature voluptueuse et ar- dente à tous les genres de plaisir. La rieuse et sémil- lante Marguerite parait dans ses contes sous le nom de la dame Oysille, qui est bien la plus rusée, la plus ingénieuse et la plus amoureuse des femmes. Les mémoires de d’Aubigné méritent d’ètre men- tionnés a còté de ceux de Marguerite ; ils sont méme d'un plus fort intérét par les scènes qu’ils re- tracent et par la touche vigoureuse et ferme de l’au- teur. Pierre de Bourdeilles, seigneur de Brantòme, nous a tracé à son tour de longs mémoires beaucoup plus connus et lus que les précédents, bien qu'ils leur soient peut-étre inférieurs sous beaucoup de rapports, mais ilsreproduisent, avec une impudente ingénuité, tous les événements de boudoir et de ruelle , tous les caquets de cour et de ville, toutes ces mignonnes et lestes aventures que la sensible et tendre Margue- rite ne se contentait pas de narrer, enfin tous ces (440 ) petitsjolis riens qui ont pu égayer et nourrir la malice publique depuis Francois Ie jusqu'è Henri IV. Ce penchant trop facile et assez blàmable que l'on a tou- jours pour ces frivolités rebattues, a maintenu à Bran- tòme une renommée et une mémoire que l’on refuse quelquefois à de plus graves auteurs et à des objets beaucoup plus utiles et plus importants. Revenant à la poésie, nous voyons les disciples de Ronsard et de la Pléiade, préèts à abandonner les for- mules des novateurs. Bertaut et Philippe Desportes furent les premiers à donner le signal de cette sorte de défection. Dubartas, poète gascon, et è ce titre émule exagéré de Ronsard , avait composé une espèce d’épopée encyclopédique qu'il avait imitée d'un au- teur grec du moyen àge, et qui était intitulée la Se- maine ou la Création. Cette ceuvre de Dubartas était une création assez informe en termes fort grotesques ; les disciples de Ronsard eux-mémes blàmèrent cette composition et l’exagération des pensées et des images qu'il avait adoptées. On était ainsi dans cette sorte de réaction contre l’école de Ronsard, lorsque deux hommes d’un génie différent surgirentsurlascène poétique. Cesdeux nou- veaux venussont Regnier et Ma]herbe. Le premier offre le type de l’antique esprit gaulois, de la vieille caus- ticité francaise, et écrit à la fois avec une verve fami- lière, vigoureuse et mordante. Il mania la satire avec dextérité et il dépeignit les moeurs de l’époque assez fidèlement; on voit qu'il a étudié Juvénal et il flagelle les travers du jour avec une incisive rudesse. On re- connaît en Malherbe un esprit rigide et analytique qui s'apprète è donner un mode nouveau a la langue poé- (441) tique en la relevant par le choix élégant des expres- sions, par l’harmonie des images et la noblesse des idées. Cet habile écrivain renversa les partisans de la Pleiade et apporta une réforme complète dans le lan- gage; ses odes offrirent le premier exemple de dignité et de poésie lyrique. Malherbe atteignit le but qu'il se proposait en donnant un sensible perfectionnement à la langue frangaise, et les véritables services qu'il lui rendit lui méritèrent avec assez de justice la fa- meuse exclamation de Boileau : Enfin Malherbe vint, et le premier en France Fit sentir en ses vers une juste cadence. Racan suivit Malherbe, mais ne fit que le suivre de loin; il perfectionna cependant la poésie pastorale, et le genre bergerie, dont il fut en quelque sorte le créateur, etiil eut longtemps beaucoup de vogue. On pourrait encore nommer ici Francois Maynard et Théophile (Viaud), poètes qui ne manquèrent pas d’un certain génie. Ils appartiennent au commence- ment du xvrre siècle et ils se jetèrent l’un et l’autre dans des écarts poétiques très condamnables. Après cet apercu de la situation poétique à la fin du xvie siècle, nous avons à mentionner encore è cette dernière époque, quelques prosateurs dont la mémoire est honorablement conservée. Nous nomme- rons d’abord Honoré d’Urfé, célèbre auteur de VAs- trée, cette épopée pastorale qui, dans un cadre très ingénieux, trace les diverses conditions de la vie hu- maine empruntées aux moeurs et aux caractères contemporains, Celte cuvre, assez originale, fut, (442 ) pendant plus d’un demi-siècle, la passion de l'Europe entière. Pierre Ayrault "qui fut l’aieul de Ménage, publie son admirable traité de la puissance paternelle. C'est le cri éloquent d’un père au désespoir. Les jésuites, toujours en quéte de sujets distingués, avaient en- levé son fils pour le revétir de leur habit, et afin de le soustraire aux réclamations de Pierre Ayrault, on avait changé son nom. On doit à cet honorable magistrat quelques autres ouvrages de jurisprudence. Nous sommes amené à clore cette revue du xviI° siècle en France par le nom de quelques hommes bien respectables, mais qui ont traversé le monde avec moins d’éclat et plus d’'humilité qu'une grande partie de ceux que nous avons déjà cités. Ainsi fut Ollivier de Serres, le patriarche des écrivains agro- nomes. C'est à lui que nous devons l’introduction de la culture du mùrier en France. D’après ses conseils, Henri IV en fit planter cinquante mille pieds par dio- cèse et quinze mille dans le jardin des Tuileries. Cet auteur a été longtemps oublié, ainsi qu'il arrive sou- vent de négliger l'utile pour sacrifier au brillant et à l’agréable, comme il n’est pas rare aussì de voir les pages de l’histoire s'ouvrir au panégyrique des rava- geurs de moissons, tandis qu’un silence dédaigneux est le partage de ceux qui s’appliquent à les faire croître et à les conserver. Cependant Henri IV, qui savait découvrir les hommes utiles et apprécier les améliorations réelles, témoigna beaucoup d’affection à Ollivier de Serres et un grand goùt pour son livre intitulé le Théatre (443 ) d’agriculture. Il se faisait lire des passages de cet ou- vrage, qui est le fruit d’une longue et Iumineuse ex- périence, et qui , sous une forme attrayante, trace les principes et l’enseignement de l’art le plus utile. Le sentiment d'amour et de respect qu’éprouve l’auteur pour l’agriculture est poussé jusqu'à l’enthousiasme. On est persuadé et entraîné par lui dans ces pages pleines à la fois d’éloquence , d’énergie et de logique où il prouve la nécessité de rédiger et de publier la théorie de cet art, au lieu de se contenter de la pra- tique. Dans la péroraison de cette ceuvre estimable, on aime à voir Ollivier de Serres s’élever à une anima- tion decoeur età un degré d’éloquence peu communs, lorsque, s'adressant à Dieu , il le supplie de répandre sans cesse ses bénédictions sur la culture des champs en France et d’en protéger les fleurs et les fruits. Le style d’Ollivier de Serres tient de la verte énergie de Montluc et de la concision colorée, vigoureuse et pittoresque de Montaigne. On lui doit les premiers essais sur le sucre de betteraves, qu’'Achard, chi- miste prussien, découvrit depuis et fit connaître en 1800. Ollivier de Serres eut pour frère Jean de Serres, qui fut dans un autre genre un savant distingué. Henri IV l’employa dans des affaires très graves et le nomma historiographe de France. On lui doit plusieurs éerits d’un certain intérét et une traduction latine de Platon publiée par Henri Estienne. Personne ne peut oublier les importants services rendus à l’humanité par saint Vincent de Paul, qui fut un précieux modèle de charité. On sait que ce fut lui qui eut l’heureuse pensée de recueillir cette foule (444) d’enfants abandonnés dès leur naissance par la misère ou par le vice. On lui doit une foule de fondations utiles, parmi lesquelles tient un premier rang celle des sceurs de charité. Chacun sent tout le prix de ces femmes pieuses et dévouéges qui renoncent à toutes les commodités et à toutes les douceurs de la vie pour secourir les malheureux et pour assister les malades. Voltaire méme, disait, dans son Essai sur les meurs « Peut-étre n’est-il rien de plus grand sur la terre que » le sacrifice que fait un sexe délicat de la beauté, de » la jeunesse, souvent de la haute naissance, pour » soulager, dans les hòpitaux, ces ramasde toutes les » misères humaines, dont la vue est si humiliante » pour l’orgueil humain et si révoltante pour notre » délicatesse Les peuples séparés de la communion » romaine n’ont imité qu’'imparfaitement une charité » sì généreuse. » Napoléon aussi s'exprimait d’une manière analogue au sujet des soeurs de saint Vincent de Paul : « Celles- » là, disait-il, oui, ce sont des institutions utiles. » Parlez-moi de sacrifices pareils et non de tous vos » philanthropes qui bavardent toujours et n’effectuent » rien. » Saint Vincent de Paul comptait ses heures par ses bonnes actions. Ainsi, toujours animé du méme zéle, il penetra dans les prisons et dans les bagnes pour se- courir ces hommes corrompus par le vice, pour ra- mener à la vie morale de l’àme ces ètres déviés de leur route, pour les rendre aux sentiments de l’honneur et de la vertu. Hommage soit rendu à St Vincent de Paul de toutes ces bienfaisantes institutions, de toutes ces améliorations pratiques qui, dans des temps fort mal- (445 ) heureux, ont rendu de si grands services et ont porté un baume si consolant et si doux à toutes les douleurs et à toutes les plaies humaines! Ici ce ne sont plus les palmes du vaste savoir, ce ne sont plus les fleurs de la littérature qui nous enlacent dans leurs gràcieux réseaux, mais c'est la grande et imposante voix de la charité et de la piété chrétiennes qui, en nousramenant aux saintes lois de Dieu, panse et guéril toutes nos blessures. Ce langage est bien supérieur sans doute à tous les brillants prestiges de l’éloquence et à toutes les orgueilleuses terminologies de la science. Un homme dont l’éminente piété se peint dans ses Gcrits traverse aussi dans ces mèémes temps ce monde agité. Il sema de bienfaits tous les lieux qu'il parcou- rut, et sa mémoire doit demeurer chère à tous les vrais amis de l’humanité. Nous désignons ici Francois de Sales, qui fut un type caractéristique des plus hautes vertus chrétiennes, et qui traduisit en actions toutes les généreuses et saintes pensées qu'il déposa dans ses ouvrages. On ne peut, en effet, les lire avec attention sans éprouver le désir de devenir meilleur et sans aimer l’auteur qui l’inspire. Le style de ce vénérable Gerivain est plein d'une onction pénétrante, d'une suavité enchanteresse et d’images fraîches et grà- cieuses. ll n’est pas possible de résister à l’entraîne- ment de ces conseils revétus d’un charme, d’une aménilé et d’une ardente charité qui enlèvent et sub- juguent toutes les àmes. Francois de Sales, par ses verlus sublimes, par sa piété aussi douce que tendre, fut le Fénélon du xvie siècle, et tous ceux qui liront son Introduction à la vie dévote, qui concilie si bien les exigences de la société avec les devoirs de la (446 ) religion, tous ceux qui voudront méditer son Traité de l'amour de Dieu et ses Lettres spirituelles trouve- ront sans doute ce saint et éminent prélat bien au- dessus de notre faible panégyrique. Nous ne terminerons pas sans dire que la période de Francois Ier à Henri IV, ou, en d’autres termes, le xvie siècle entier, fut aussi une ère fertile pour les beaux-arts en France. Le palais des Tuileries, le vieux Louvre, une partie des chàteaux de Fontaine- bleau et d’Anet, le palais du Luxembourg, le chàteau de Blois, le chàteau de Chambord et celui de Madrid dans le bois de Boulogne, l’église Saint-Eustache, Saint-Jacques-la-Boucherie appartiennent à cette époque. Les Valois ne cessèrent d’encourager à la fois les lettres et les arts. C'est dans ce méme siècle que l’application de la statuaire à l’architectonique a été poussée le plus loin en France. Beaucoup d’artistes italiens vinrent y apporter le tribut de leur talent soit en peinture, en sculpture ou en architecture. Ainsi le Primatice, le frère Joconde, Vignole, Benvenuto Cellini, Léonard de Vinci et quelques autres y arri- vèrent attirés par les pressantes invitations et les ho- norables largesses des princes, des riches négociants et des seigneurs de l’époque. Sous cette favorable im- pulsion, il s'éleva bientòt un certain nombre d’artistes francais. Pierre Lescot, Germain Pilon, auquel plu- sieurs attribuent une partie des célèbres groupes de l'église de Solesmes (4), et Jean Goujon, surnommé le (1) Une opinion d'une grande autorité attribue une partie de ces groupes à Michel Collumbe, artiste du méme siècle, auquel on doit la belle statue de Frangois II, duc de Bretagne, que l’on admire à Ja cathédrale de Nantes. (447 ) Corrège de la sculpture, se formèrent à l’imitation de l’école italienne. Le premier travailla à la reconstruc- tion du Louvre, où l’on admire encore les cariatides de Jean Goujon, qui est aussi l’auteur de la fontaine des Innocents à Paris. Jean Cousin fut employé à la construction des chàteaux de Vincennes, de Sens et d’Anet. On doit à Philibert Delorme un grand nombre d’édifices remarquables et il est en outre le premier architecte du palais des Tuileries. Il a écrit sur l'art de batir et l’on trouve des idées fort utiles dans ses préceptes. Son contemporain Jean Boullant cons- truisit le chàteau d’Écouen. Tous ces artistes appar- tenaient à l’école moderne; mais il restait toujours en province les confréries d’arts et les compagnies des maîtres macons que nous avons indiquées dans nos Etudes sur le moyen àge, et qui conservaient l’an- cien style et une certaine originalité de formes. La peinture fit alors aussi quelques progrès, mais elle-se bornait à des portraits et à des miniatures sur parchemin et à la coloration des vitraux , art très heu- reusement cultivé en France. Cependant c’est vers la fin de ce siècle que commenca à se faire connaître un peintre remarquable, Simon Vouet, qui peut éètre considéré comme le fondateur de l’école francaise. La plupart des meilleurs maîtres se formèrent à ses lecons. On compte parmi ses élèves Le Sueur, Le Brun, Mignart et plusieurs autres artistes distingués. On reconnaît, comme les chefs-d’oeuvre de Vouet, une Salutation angélique et une Presentation au temple. Cette dernière est au musée du Louvre. Ce fut dans cette mème période que Bernard Pa- lissy réduit, par la pénurie où il se trouvait , à bruler (448 ) jusqu'à son lit pour chauffer son four, consacra une grande partie de sa vie à découvrir la véritable com- position de l’émail. Il y parvint, et acquit, par son talent et ses chefs-d’ceuvre, une réputation qui dure encore. Bernard Palissy donna des cours publics è Paris, et a laissé des écrits qui jouissent d'une grande es- lime. Léonard, ditle Limousin, le suivit avec distinction dans les progrès de l’art; il eut la direction de la ma- nufacture d’émaux fondée à Limoges, et fit exécuter beaucoup de coupes el de vases de forme très élégante, qu'il enrichit de bonnes peintures d’après les dessins de Raphaél, de Jules Romain et de Jean Cousin. Nous voici parvenus en France à la fin de ce xvie siècle, époque bouillonnante , sillonnée par tant d’orages et pourtant si riche et si fé&conde en supé- riorités intellectuelles et en ceuvres magnifiques. Nous avons vu que le sol frangais est loin d’ètre de- meuré stérile durant cette brillante phase où les plus belles palmes appartinrent à l'Italie. C'est de ce mo- ment que se prononce en France le nouveau mouve- ment philosophique bientòt personnifié en Descartes, et qui, bon et utile dans son principe, a depuis changé de nature par l’accomplissement de cette loi inflexible qui veut que l’exagération d’une idée juste conduise toujours directement è une idée fausse. Ainsi la phi- losophie a voulu se faire dieu; elle a prétendu dérober les secrets du ciel et elle est tombée dans l’aveugle- ment et dans les aberralions les plus étranges. Elle a d’abord ébloui les esprits et elle les a jetés ensuite dans un inextricable dédale en les livrant par une (449 ) pente rapide à l’ignominie de deux hideuses passions, l’envie et la vanité, qui ont soulevé toutes les ambi- tions et soufflé toutes les tempétes. Nous voulons dé- signer ici cette philosophie rationaliste qui a été un puissant dissolvant social, et dont l’action délé- tère a élé exercée d’abord sur des adeptes d’un ordre élevé, qui ont ensuite, sous toutes les formes, répandu a flots Je poison dans les rangs intermédiaires et mème dans les plus basses régions de ta société. Aujourd’hui le sphynx des temps modernes propose aux nations un formidable problème. Il s'agit de ré- soudre si l’idée de l’autorité divine, si l’idée de l’au- torité humaine prévaudront sur l’absence de toute autorité, sur la barbarie, sur le chaos en un mot. Il ne faut pas s'y tromper, c'est là l'énigme à laquelle nous avons tous à répondre , et, dans cette question, la plupart des esprits, avec les meilleures intentions du monde, ne se préoccupent pas du tout du point principal. Tous veulent l’ordre, la paix, la prospérité publique et une sage liberté ; ils ont le secret de ce bon résultat sous la main et ils n’étendent pas le bras pour le saisir; ils le cherchent dans la forme et la force et il se trouve dans l’idée. Ils ne voient pas ce qui cependant devrait frapper tous les yeux; ils ne voient pas que la vérité sociale est tout entière dans la vérité religieuse, et que c’est à celle-ci qu'on doit nécessairement avoir recours pour assurer convena- blement les bases de l’autre. Nous terminerons en exprimant ici en peu de mots notre pensée, notre voeu et nos convictions à ce sujet. Il n’est pas permis à notre infime intelligence de (450 ) connaître les hauts desseins de Dieu. Mais suppo- sons un instant, Messieurs (veuille le ciel que cette simple hypothèse ne se réalise jamais), supposons cependant que le soleil de demain dùt éclairer le der- nier jour de la société frangaise et que demain aussi, par une de ces bienfaisantes crises, par une de ces péripéties heureuses qui sont quelquefois advenues dans la vie des peuples, tout-à-coup la nation fran- caise entière se réveillàt à l’aurore de ce dernier jour toute soumise aux lois divines, toute pénétrée d’un sincère et profond sentiment religieux, toute impré- gnée, en un mot, par une intuition $oudaine, des en- seignements sublimes du Christ — plaise à Dieu ici que cette douce supposilion s'accomplisse au plus tòt — ne serait-il pas alors permis de concevoir l’es- pérance que, par un sursis providentiel, le jour fatal serait ajourné, peut-étre mème écarté à jamais, et que le lever de cette aurore, qui devait étre si fu- neste, serait au contraire béni et deviendrait l’origine de nouvelles destinées tracées à la France alors réel- lement régénérée? Le pacte de réconciliation du ciel avec la terre serait ainsi scellé par ce noble peuple francais qui ne devrait jamais cesser de former un peuple de frères, mais de frères chrétiens, et qui, ne l’oublions pas, ne peut redevenir le grand ordonna- teur, le pilote général du monde civilisé et l’élu du Tout-Puissant, cet unique souverain maître, qu’en rentrant avec foi et obéissance dans les saintes voies du Christianisme, qui seront toujours celles du vrai progrès et de la félicité la plus parfaite, la plus sùre et la plus pure qu'il puisse ètre donné à notre belle et bien-aimée patrie d'acquérir et de goùter. (451) ESPAGNE. Après avoir suivi le mouvement intellectuel en Italie et en France au xvi° siècle, il reste è apprécier la situation littéraire et la culture intellectuelle de l’Espagne, du Portugal, de l'Angleterre et de l’Alle- magne à cette méme époque. Nous avons déjà vu comment les hommes aven- tureux de la péninsule hispanique étendaient et multipliaient les explorations maritimes qui dotaient les métropoles de nouvelles et lointaines provinces. Cependant l’Espagne ne se bornait pas à conquérir facilement de vastes royaumes au-delà des mers, et ce fut au milieu de l’enthousiasme que devaient gé- néralement inspirer les découvertes incessantes faites dans le nouveau monde, que les écrivains de cette contrée se livrèrent à l’élan de leur imagination poé- tique. C'est surtout dans le genre romanesque et dra- matique que, durant cette première époque, la nation espagnole obtint le plus de succès. Il faut rappeler ici que la Célestina, tragi-comédie de Calixte et Mélibée, avait paru vers la fin du xve siècle, et avait obtenu un accueil favorable et une vogue immense. Le ba- chelier Fernando de Rojas est l’auteur de cet ouvrage, qui mérite d’ètre remarqué au point de vue de l'art. Il est éerit d'une manière élégante et pure, les carac- tères des personnages sont parfaitement tracés, mais ses peintures sont, en général, d’un cynisme jtrès condamnable. Voici en quelques mots le sujet de la Celestina, qui a eu une très grande célébrité : Calixte, ne pouvant se faire aimer de Mélibée, jeune fille d'une grande beauté, a recours pour la séduire a 29 (452) Célestina, qui, après avoir été courtisane, remplit l’em- ploi d’entremetteuse. Les artifices que cette misérable met en usage pour triompher de la chaste résistance de Mélibée , la fin malheureuse des amants et de ceux qui les aident formentlenceud et le dénouement de la fable. Quelques auteurs espagnols regardent la Célestina comme la première origine de leur théàtre; d’autres combattent cette opinion parce que cet ouvrage n'est qu’un récit dialogué et n’a pas d’autre analogie avec une ceuyre théàtrale. Cependant plusieurs essais furent tentés dans le commencement du xvi siècle, et parmi les auteurs dont les efforts furent couronnés de quelques succès, on peut citer Torrès Naharro, dont les pièces se modèlent sur les auteurs italiens, qui, à leur tour, lui firent, un peu plus tard, quelques em- prunts. Cependant le goùit public réclamait un théatre national et attendait un auteur qui entràt dans cette voie. Ce fut à Lope de Rueda, batteur d’or et simple arlisan, qu'il appartint d’ouvrir cette voie nouvelle. Il s'éleva, par la force de son génie, à une vraie su- périorité et fut le créateur en Espagne du bon genre comique. Il composa des pièces qu'il joua lui-méme et qui enlevèrent les applaudissements du public. Il dépeignit, avec un rare bonheur et un naturel par- fait, les moeurs de l’époque et les divers caractères nationaux que son esprit pénétrant et observateur avait su approfondir avec justesse, Sa touche est gra- cieuse, originale et piquante. Il acquit une réputation qui fut justement méritée et eut un grand nombre d’imitateurs qui ne l’atteignirent pas. Si nous portons maintenant nos regards sur les derivains variés et nombreux qui signalèrent cette (458) Gpoque, nous les verrons presque tous s’arracher alors aux réalités palpitantes de l’actualité pour se trans- porter en quelque sorte dans un monde artificiel. Ils se distinguèrent, en général, par cette douceur de style si naturelle à la langue castillanne. Nous devons mentionner parmi les plus notables, Jean Boscan, Garsilaso de la Vega, Fernand de Her- rera, George de Monte-Mayor, auteur du Roman de la Diane, ouvrage plein de charme et qui a été, en Es- pagne, le modéèle du genre pastoral; Louis Ponce de Léon, qui s’inspira d’Horace, dont il s’efforcait d’imi- ter l’élégante finesse et la gracieuse décence. Il fut un poète correct et estimé de son temps. Ces auteurs formèrent des disciples qui marchèrent sur leurs traces. Mais au-dessus de tous s’élève Michel Cer- vantes, qui sut donner à la langue espagnole toute la puissance de son génie. Né en 1547, à Alcala de Hé- narez, cet illustre écrivain suivit d’abord la carrière des armes; il alla combattre en Italie, puis il prit partà labataillede Lépante (1571), où il perditla main gauche. Fait prisonnier à son retour par les barbaresques, il fut, pendant cinq ans, esclave à Alger. Racheté parles Pères de la Rédemption, il se mit à écrire des comé- dies et des tragédies pour gagner sa vie. Il publia bientòt après la première partie du Don Quichotte. Michel Cervantes se proposait, dans cet ouvrage, de guérir ses compatriotes du goùt exagéré des lectures chevaleresques. Sa fable ingénieuse, amusante et ins- tructive, mettait en contraste les illusions généreuses d’une imagination abusée avec toutes les capricieuses réalités de la vie. Il ne se contente pas de fronder cet héroisme chevaleresque qui veut le bien sans con- (454) naître les vrais moyens de le produire, et qui le me- sure trop à des sympathies exaltées et désordonnées, ou à des utopies inconsidérées; mais il flagelle aussi l’égoîsme sensuel, représenté par Sancho Panca. Il est difficile d’atteindre à une touche de pinceau aussi hardie, aussi fine et aussi limpide. Le rire, qui naît à chaque page, amène presque toujours une réflexion sé- rieuse. L’intérétetle charmedece livre durerontautant qu'il y aura dans Je monde des utopies à combattre et des ridicules à bafouer, et il faut reconnaître que, bien qu’un seul jour ne se passe pas sans emporter une de nos illusions, le. moment n’est pas venu où nous ne devons plus ètre soumis à aucune d’elles. L’oeuvre de Michel Cervantes a été traduite dans toutes les langues et est devenue populaire chez toutes les nations. On rapporte que, durant l’invasion frangaise en Espagne, sous le règne de Napoléon, et lorsque chaque jour amenait de terribles représailles, une division de l’armée francaise, qui avait à venger quelques pertes saignantes, se présente devant un bourg assez considérable et est préte à le mettre à feu età sang, lorsque tout-à-coup on apprend qu’on est en face du Tobozo. A ce nom, les armes tombent des mains et un immense éclat de rire succède à toute disposition menacante et hostile. Pour cette fois, le souvenir de Don Quichotte sauva le pays du fléau dévastateur, et c'est là un des grands et précieux priviléges du génie. Que la gloire en revienne à Cer- vantes! Le chef-d’ceuvre dont nous venons de parler ne fut pas le seul ouvrage de cet illustre auteur, qui composa aussi Galathée et plusieurs nouvelles d’un grand intérét, ainsi qu’'un nombre assez considérable (455 ) de pièces de théatre dont les sujets sont presque tou- jours historiques et nationaux. Toutes ces preuves d'un vaste génie n’empèchèrent pas l’écrivain célèbre d’ètre méconnu et délaissé par ses contemporains , et ne purent l’arracher à l’indigence et à l’obscurité dans lesquelles il passa et termina sa vie. Lope de Vega a composé après Michel Cervantes un nombre considérable de comédies. Il eut un grand succès et beaucoup de renommée. Il était d'une exces- sive fécondité, et cette abondance nuisit souvent à la qualité de ses productions. Cependant, malgré ses défauts, Lope de Vega a fait l'admiration de ses con- temporains, et il est juste de dire que son imagination inventive et l’activité de son génie dramatique lui ont mérité ses succès et l’honneur d’avoir été le modèle des auteurs du méme genre qui sont venus après lui. Calderon, qui suivit la méme. carrière dramatique que Lope de Vega, et qui fournit aussi à la scène espagnole des ceuvres estimées, ne parut que dans le xvi siècle. Mais, parmi les émules qui suivirent Lope de Vega et dont le théAtre espagnol garde le souvenir, nous devons donner un premier rang à Guilhem de Castro, qui traita Je sujet du Cid, et qui peut avoir ainsi fourni quelques scènes à notre admirable Pierre Corneille. Nous ‘pouvons encore citer Jean-Baptiste Dramante, qui a fait aussi une tragédie espagnole sur le mème sujet. Nous avons maintenant à nommer, dans la période que nous pareourons, un poète d’un autre genre, don Alonzo de Ercilla, qui partit è 22 ans pour le Pérou afin de concourir dà la guerre que l’Espagne faisail aux (456 ) Araucans, qui avaient voulu secouer le joug. Ce fut en combattant qu’Ercilla composa le poème de l’Arau- cana, qui est un récit de l’expédition avec de nom- breux épisodes. Ce poème épique, éerit à la lueur des feux du bivouac et sous l’inspiration d’un heureux gé- nie, brille surtout par le fini des détails et l’animation du sujet.On y rencontre des passages fortremarquables. Dans cette période, les Espagnols s'essayèrent en poésie dans tous les genres. Parmi ceux qui en culti- vèrent plusieurs avec un succès dont le sentiment public fut l’expression, il faut nommer principale- ment Quévédo, qui composa des pièces héroiques, des pièces lyriques et des épigrammes. La verve sa- tirique de cet auteur était intarissable et son esprit se jouait avec facilité de toutes les difficultés poé- tiques. Il fit école, mais ses imitateurs ne surent co- pier que ses défauts. Dans le méme temps s'était formée aussi une école qui eut plus d’influence et de durée , c'est celle qui s'éleva à l’imitation de Gongora-Argore, qui fut sur- nommeé alors le prince des poètes espagnols. Cet au- leur a rendu, en effet, quelques services à la langue espagnole; mais l’abus prodigieux qu'il fit des figures gigantesques, des métaphores outrées et d’antithèses affectées, dépare son style et lui òte le charme du nalurel. Cependant ce nouveau genre, où abondaient tous les faux ornements, excitait un engouement général dont le bon goùt se ressentit. Les sectateurs de cette école furent appelés Gongoristes, et ne man- quèrent pas de déchoir bientòt, selon la destinée ha- bituelle de tous les novateurs qui ne s'appuient sur rien de solide. Les Castillans en sont venus mème ( 457 ) au point de dire proverbialement d’une chose qui leur paraît difficile à comprendre : Escuro como las Soleda- des de Gongora. — Ces Soledades sont deux petits poèmes sur la solitude, arrivés, en effet, à un degré d’obscurité que n’ont pas les auires ouvrages du mème poète, qui, de son temps, obtint le surnom de mer- veilleux : Maravilloso Luys de Gongorado. Parmi les derivains en prose, nous devons citer d’abord Louis Vivès, né à Valence, en Espagne, qui parcourut l'Europe et professa les belles-lettres dans plusieurs villes avec le plus brillant succès. Durant le séjour que ce savant fit en Angleterre, Henri VIII se plaisait a aller entendre ses lecons à Oxford. Louis Vivès avait la réputation d’étre l’un des hommes les plus érudits du siècle dans lequel il vivait. On le met- tait a còté d’Erasme et de Budé. Thomas Sanchez, de Cordoue, est célèbre parmi les casuistes du xvre siècle. On trouve, dans son traité sur le mariage, tout ce qu’on peut dire de mieux sur ce sujet. On a quelquefois attaqué la crudité de ses détails, mais, dans l’espèce, il faudrait faire le mème reproche à beaucoup de livres de médecine, ce qui est également injuste dans les deux cas. Il a aussi traité plusieurs questions de morale et de jurisprudence , et a conservé toujours la réputation d'un homme à moeurs austères. Melchior Cano, né aux environs de Tolède, s’est acquis aussi è cette époque, une grande réputation, autant par l’excellence des sujets qu'il a traités dans ses ouvrages, que par la manière pure et élégante avec laquelle ils sont écrits. Il avait fait une étude assidue d’Aristote, de Cicéron et de Quintilien et s'appliquait ( 458 ) à les imiter. Son traité des Lieux théologiques est bien connu et fort estimé. Francois Suarez, de Grenade, tint un premier rang parmi les théologiens et les philosophes. Dans son traité : De legibus ac Deo legislatore, il établit la par- faite distinclion entre ce que l’on appelle le droit na- turel et les principes convenus entre les nations. Il devanga Grotius et Puffendorf en traitant complète- ment toutes les parties du droit général. Presque tous ses ouvrages sont appliqués à la morale et à la philo- sophie chrétienne. Il a su y fondre, avec une heu- reuse adresse, les différentes opinions qui existaient sur chaque ssujet, et il établissait ensuite avec soli- dité, son propre sentiment. Il ne faut pas trop écouter les Provinciales poùr se former une opinion vraie sur cet écrivain espagnol du xvI° siècle. Mariana et Hurtado de Mendoza, ont été des histo- riens fort remarquables de cette époque. Ils furent inspirés par l'amour de la patrie et regurent des dé- couvertes modernes qui l’illustraient une émulation nouvelle. L’un et l’autre étaient nourris de l’étude et de la meditation des chefs-d’oeuvre de l’antiquité et en faisaient une application heureuse dans leurs pro- duclions, qui eurent cette noblesse, cette élégance, cette fermeté de style dont on obtient le secret dans le commerce assidu des bons modéles. L'éloquence espagnole se manifeste d’abord daris un homme qu'il n'est pas inutile de rappeler ici. C'est Las-Casas qui nous la représente sous ses couleurs les plus saisissantes, dans Je pathétique tableau et le touchant plaidoyer qu'il produisit en faveur des mal- heureux américains. C'est l’oeuvre d'un éerivain rei-. (459 ) gieux et véritablement philanthrope qui joint l’exem- ple de ses vertus pratiques aux sentiments pleins d’onction et de charité qu'il exprime. L’Espagne de- meura peut-ètre trop indifférente a de pareils avertis- sements. Elle en a été punie, parce que les nations expient leurs torts et leurs erreurs comme les individus. Mais je ne balance pas à me prononcer ici d'un avis tout-à-fait contraire à celui des cri- tiques superficiels qui ont cherché à populariser l’opinion que l’Espagne avait dà son abaissement temporaire à l’Église. Certes l’Église n’abaisse ni ne détruit, elle édifie et élève, et élèvera toujours les in- telligences méme les plus infimes, qui voudront et sauront la comprendre. L’Espagne n’a conservé ses forces de toute nature affaiblies par l’exubérance de ses conquétes désastreuses et dissolvantes, que gràce au secours et à l’empire de la religion. C'est celle-ci , il ne faut pas Foublier, qui l’a délivrée de l’islamisme et qui l’a préservée des doctrines fu- nestes et délétères de la réforme. C'est la religion qui l’a affranchie et l’a fait triompher de toutes les in- vasions. C'est elle qui la maintient et la maintiendra quand d’autres nations pourront fléchir ou ètre ébran- lées par la furie des tempétes. C'est toujours au souffle de l’amour de Dieu, c'est aux inspirations de sa haute clémence et de sa puissante protection que naissent ,, vivent et prospèrent tòt ou tard les peuples fidèles à sa loi. Lorsque les fautes sont expiées, la régénération commence. Aujourd'hui méme, une nation qui produit des Toreno, des Martinez de la Rosa, des Balmès, des Donoso Cortès et peut-ètre tant d’autres esprits qui soni en communauté d’intelligence et de mérite avec ® % ( 460 ) les hommes remarquables que nous venons de nom- mer, une telle nation est en pleine voie de renais- sance; elle le prouve et le prouvera, si elle persévère dans sa foi et dans son espérance en Yégide divine, si elle conserve son profond respect et son culte sin- cère pour la religion, cette souveraine reine des na- tions qui, heureuses sous son tutélaire empire, tom- bent dans le malheur lorsqu'’elles s’en affranchissent. Maintenant il nous paraît à propos de mentionner ici quelques noms qui sont ordinairement trop né- gligés dans les revues littéraires du xvre siècle, et qui nous semblent devoir y occuper une place très hono- rable, puisque ceux que nous voulons désigner joi- gnirent aux dons de l’intelligence cette fervente et humble piété qui est toujoursleuraròmele plus suave. Tel est d’abord le vénérable Avila, né près de To- lède, et qui sera pour nous la personnification géné- rale.du talent oratoire de la chaire è cette époque. Ce docte religieux a éerit avec une onction peu com- mune. Ses lettres spirituelles et ses divers traités ont été traduits en francais par Arnaud d’Andilly. Il avait été surnommé l’apòtre de l’Andalousie, et il exerca le ministère de la prédication avec un remarquable talent et un immense suecès. C'est à lui que sainte Thérèse dut les premiers avis qui déeidèrent sa voca- tion. Pour couronner le terme de cette série d’écrivains éminents fournis par l’Espagne au xvie siècle, c'est ici le lieu de nommer sainte Thérèse elle-méme, dont les ceuvres sont trop peu connues et méritent tant de l’ètre. On s'imagine que tout dans ses ceuvres n'est qu’extase et révélations, et que la sainte y trace des (461 ) règles de perfection chrétienne inaccessibles au com mun des hommes. 0r, c'est la une grande erreur; on trouve en elle, au contraire, l’utile joint à l’agréable, et il est difficile de se représenter le charme entraî- nant de la lecture de ces précieuses productions où resplendissent du plus vif éclat l’élévation des pensées, la magnificence du style et la grandeur du caractère de l’humble sainte Thérèse. Le coeur et l’esprit n’ont qu’à gagner infiniment dans un commerce si agréable, et tous ceux qui en goùteront les douceurs sentiront bien et répéteront avec l’apòtre que la piété est utile à toutes choses. On remarque dans les intéres- sants écrits de sainte Thérèse une connaissance mieux approfondie, plus claire et plus attrayante des nobles facultés de l’àame, que dans les superbes traités des meétaphysiciens anciens et modernes. La simplicité et la pureté du coeur unies en elle à unjugement éclairé et à la fervente religion de l’àme, élucident toutes les questions les plus ardues et font lire sainte Thérèse avec autant de fruit que de plaisir. C'est, selon nous, la femme qui a pris, au xvi: sièele, une des places les plus élevées dans l’ordre des intelligences, et qui l’occupe encore avec la mème distinetion dans ce xIxe siècle. On sait que sainte Thérèse fut la réformatrice de l’ordre des Carmes. Cependant, tandis que l’Allemagne se livraità toutes les divagations et à toutes les discordes qui étaient nées de la révolte sensuelle d’un moine , en Espagne se formait un contre-poids formidable qui allait prendre origine et se révéler en un homme extraor- dinaire. A l’époque où, sous le règne de Francois Ie", les Francais envahirent la Navarre et assiégèrent Pam- (462 ) pelune, il se trouvait dans cette place un gentil homme du Guipuscoa nommé Ignace de Loyola. Après avoir été page à la cour de Ferdinand et d’Isa- belle, ce jeune Castillan plein d’avenir était devenu officier et s’était fait distinguer par son intrépidité autant que par ses manières élégantes et chevale- resques. Il fut grièvement blessé au champ d’honneur et obligé de demeurer inactif sur un lit de souffrance; il employa ses loisirs à lire quelques vies des saints. A cette lecture, son àme ardente fut frappée de ces vertus austères, qui allaient droit à sa valeur origi- nelle et à ses goùts actifs. Son zèle alors s’enflamma pour des luttes d'un nouveau genre. Tout-à-coup il s’arracha à ses brillants succès d'homme du monde; il dit adieu aux joies de la famille, aux fètes somp- tueuses et aux gloires du siècle qui l’enlacaient déjà. Il se consacre à Dieu, il impiore le secours de la sainte Vierge dont il se déclare le chevalier; il dépose son épée à ses pieds, troque ses habits guerriers et luxucux contre un sac grossier et s'achemine è travers mille obstacles vers Jérusalem, où il s'inspire de toutes les idées grandes comme le ciel qui peuvent naître sur le tombeau du Christ. A son retour, il se met en me- sure d’accomplir le dessein qu'il a mori durant son voyage, de fonder un ordre de chevalerie non pour combattre des chàtelains discourtois ou des aventu- reux paladins, mais les hérétiques, les mahométans et les idolàtres. Il s'associe quelques amis, parmi Jes- quels nous devons citer notre compatriote Francois Xavier, qui a honoré la France et qui a conquis une réputation immortelle dans les Indes, Le pontife Paul II approuve l’institution de cet ordre sous le (463 ) nom de cleres de la compagnie de Jésus; ainsi nais- sent les jésuites, et voilà l’ancien et brave officier Loyola qui devient Je premier général de cette com- pagnie, compagnie qui n'a été formée que pour combattre le mal dont les multiples erreurs de l’hé- résie ont été le principe, et qui a rendu de grands services en favorisant et en propageant le bien dont l’unité, l'autorité et la vérité sont toujours les sources. Il n’est pas hors de propos de faire remarquer ici qu'il y a plus d’analogie qu’on ne le croit générale- ment entre les habitudes claustrales et les coutumes militaires. Le goùt de l’ordre, de la discipline et d'une noble activité est commun aux deux états, la défense de toutes les vraies idées de justice, de pro- bité, d'honneur et de vertu est le but des efforts des deux milices. Le courage et la fermeté doivent ètre l’apanage de ces coeurs unis pour supporter dans leur mission respective toutes les privations, les calom- nies et les dédains, et pour protéger toutes les pen- sées et toutes les actions généreuses et grandes. Quoi- qu'il en soit, Ignace, vieux soldat et fondateur de l’ordre nouveau, en consolida les bases par tous les moyens convenables. Il en assura l’avenir. Il composa alors les exercices spirituels, qui sont un guide pour les méditations de l’àme. Il rédigea ensuite les cons- titutions de l’ordre, en y ajoutant les déclarations qui forment un code monastique très remarquable. On ne croit plus aujourd'hui au (1) Secreta monita seu (1) Voici sur ce libelle le témoignage d’un bibliographe célèbre qu’on n’accusera pas de partialité en faveur des Jésuites, car en plus d’une circonstance, il ne les a pas ménagés. On lit au tome 3, ( 464 ) arcana Societatis Jesu, qui est un ouvrage du xvir siècle que l’auteur, réformé de la Bohéme ou de la Pologne, feignit d’avoir trouvé dans un couvent de capucins , à Paderborn, et qui a été répandu par des oisifs et adopté ou accepté par des aveugles. On ne croit pas davantage à toutes les mystérieuses révéla- tions, qui, à l’instar du précédent libelle, ont été in- ventées par la calomnie et colportées par l’ignorance. Ce ne sont là que de plates mystifications. Mais dans un ordre d’auteurs plus estimables, il reste certains his- toriens qui, par faiblesse, par un triste respect humain, ou pis encore, par passion ou mauvaise foi, dépei- gnent sous les couleurs les plus fausses, le fondateur et l’ordre des jésuites. Nous ne prétendons ici défendre que la vérité, mais nous savons qu'il y a des abus, méme dans les meilleures choses. Nous avons cons- taté une partie des faits tels qu’ils ont été et tels que la critique moderne les articule. Ils doivent répondre n° 20985 du Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes, d’Antoine Barbier : « Monita secreta societatis Jesu. — Ouvrage » apocryphe qui parut probablement en 1617 ou 1618, puisque » Gretzer en publia une réfutation dès l’année 1618. Il l’attribua » en différents endroits à un Polonais. Mylius (tome 2. 1356) » nomme cet auteur Jéròme Zuorowski, chassé de la société » vers 1611. Il en parut une traduction sous le titre de Cabinet » jéesuitique. Jean Leclerc fit imprimer une autre traduction avec » le texte latin dans le supplément des Mémoires de Trévoux, » mai et juin 1701. Il en existe une édition particulière suus ce » titre : Zes intrigues secrètes des Jésuites , traduites des monita » secreta, etc., ete. Turin 1718, in-8°, La méme traduction a été » reproduite avec quelques changements avec le texte latin, » sous le titre de secreta monzta ou advis secrets de la société de » Jésus. Paderborn. 1761. in-12. » — Ce libelle a toujours été condamné à Rome comme faussement attribué à la Compagnie de Jésus et plein d’inculpations fausses et calomnieuses. (465) à toutes les fabuleuses objections et à toutes les calom- nies. Nous ne pouvions ici sur cette question ni dire moins ni dire plus. Mais nous ne reculerons jamais devant les préjugés aveugles, quels qu'’ils soient et de quelque còté qu’ils viennent. Nous ne saurions oublier que, dans une multitude de sujets, la vérité, rejetée par ceux qui sont enflés de leur science, est donnée quelquefois è la simplicité d’un ignorant pour con- fondre l’orgueil de l’esprit humain. Les beaux arts firent aussi des progrès en Espagne du- rant cette période. Nommons ici d’abordun artiste qui fut è la fois écrivain et peintre, don Pablo de Cespédes. Il avait étudié la peinture à Rome. Les fresques dont il a orné V'église d’Ara-ceeli, celle de la Trinita del Monte et la chapelle de l’Annunziata, le firent sur- nommer le Raphaél Espagnol. Cespèdes ne se borna pas à cultiver la peinture , il éerivit un traité de pers- pective ct une dissertation intitulée : Comparaison de la peinture et de la sculpture anciennes et modernes. Il composa ensuite un poème sur l’art. Après cet artiste, il faut citer Fernandez Navarrète, Moralès, surnommé le divin, Ribalta, Luiz de Var- gas et Pantoja. Mais nous devons faire observer que presque tous ces artistes avaient étudié en Italie, et suivaient la méthode italienne, Les Zurbaran, les Mu- rillo et Alonzo Cano, qui devaient leur succéder au xvue siècle, ont eu une touche beaucoup plus origi- nale et révélant mieux le type national. On sait que les Maures ont laissé à l’Espagne des monuments admirables de leur architecture, et les magnificences féériques en ce genre de Grenade et de Cordoue le prouvent assez. Mais, à còté de ces (466 ) brillantes traces mauresques qui furent souvent imi- tées en Espagne, on vit se fonder peu à peu le style ogival, et bientòt après le style intermédiaire qui ca- ractérise la Renaissance. Ainsi, à Burgos, à Malaga, à Grenade, à Séville, et principalement aux édifices consacrés au culte divin, on rencontre les témoi- gnages palpables de cette progression architecturale. Alexis Fernandez et Antoine Ruiz, sont les artistes de renom qui ont concouru aux travaux exécutés dans ces diverses cités. La cathédrale de Séville, par exemple, est un vrai chef-d’oeuvre architectural. L’intérieur est composé de cinq nefs du plus beau gothique; celle du milieu est d'une telle élévation qu'elle paraît tenir du pro- dige. Cet édifice est un admirable monument de la piété chrétienne. Il est aussi imposant que St-Pierre de Rome. C'est dans l’intérieur de cette cathédrale que se trouve le tombeau de Christophe Colomb, avec cette inscription sans égale : A Castilla y a Leon, Mundo nuevo diò Colon. A la Castille et à Léon Colomb donna un monde nouveau, Parmi les talents qui se développèrent encore dans l’art architectural durant cette période, Juan Bau- tista Manegro, qui fournit le plan et le dessin de V’Es- curial, et qui en commenga la construction, mérite d’étre rappelé. On peut nommer aussi son élève Juan de Perrera Bustamente, qui continua cet édifice re- marquable, que les Espagnols, avec leur exagération accoutumée, ont appelé la huitième merveille du monde. ( 467 ) PORTUGAL. Les eaux du Tage, qui prend sa source en Espagne, nous conduisent naturellement en Portugal où se trouve son embouchure. L’affinité du langage et des meeurs est telle entre la nation castillane et la portu- gaise que nous sommes amené ainsi à prendre un apercu des progrès intellectuels de cette dernière au xvi° siècle. Une grande analogie paraît exister dans la marche de la littérature de ces deux peuples. Nous trouvons d’abord Gil Vincent, surnommé le Plaute portugais, qui, dans un temps où la comédie n’avait encore acquis aucune régularité, en composa plu- sieurs qui témoignent 'de sa richesse d’imagination et de la vivacité de sa verve. On assure qu’Érasme voulut apprendre le portugais expressément pour lire cet auteur. On cite encore Saa Miranda, de Coimbre, comme s’étant rendu célèbre parmi les poètes du temps; il composa plusieurs comédies et un grand nombre de chansons populaires. Antoine Ferreira, surnommé l’Horace portugais, rendit aussi de grands services à la langue portugaise, par la correction classique de son style et le choix élégant des pensées. Ces deux auteurs formèrent chacun une école qui fut suivie par plusieurs disciples qui imitèrent leur manière. Mais, au-dessus de tous les écrivains portu- gais de cette époque s'élève Louis Camoens, dont Jes essais furent cependant jugés d’une médiocre valeur par Ferreira, qui était alors l’un des principaux ar- bitres du bon goùt. Une aventure de jeunesse avait. d’abord fait exiler Camoens de Lisbonne, où il obtint 30 ( 468)» de revenir quelque temps après; mais les dégoùts qu'il avait déja éprouvés le déterminèrent à s’éloi- gner de nouveau. Il se rendit en Afrique où, en com- battant contre les Maures, il perdit l’oeil droit. Revenu peu après à Lisbonne, et y trouvant ses services et ses talents méconnus, il s'embarqua pour les Indes orientales. Assailli par une tempéte, il courut les plus grands dangers; trois navires qui voyageaient de con- serve avec le sien périrent. Enfin il arriva à Goa, où une foule d’aventures toutes très périlleuses furent le partage constant de sa singulière destinée. Après avoir essuyé mille nouveaux dégoùts dans ces régions asia- ltiques, il retourna en Europe dans un état complet de dénument et y acheva, moitié mendiant, moitié à l’hòpital, le poème qui fait sa gloire et celle de son ingrate patrie. Camoens intitula son poème Lusiadas, les Lusitaniennes, et, en effet, la nation portugaise en est le héros plus que Vasco de Gama. L’amour de la patrie respire dans toute cette ceuvre d'une admi- rable inspiration, mais qui pèche par la faiblesse du plan. On y trouve des passages remarquables, tels que l’apparition du géant Adamastor, gardien du Cap des tempétes, et celle du Gangeet de l’Indus au roi de Por- tugal. Il est difficile de trouver en poésie un épisode plus touchant que celui d’Inès de Castro. Ce sujet, déjà très saisissant par lui-mème, est animé de tout le feu que la verve bràlante du célèbre auteur pouvait lui com- muniquer. Il arrive parfois à Camoens de se mettre en scène en dépeignant toutes les multiples infor- tunes qu'il essuya sur de lointains rivages, luttant l’épée dans une main, la plume dans l’autre, contre toutes les misères qui l’assaillirent et qui l’accompa- (‘469 ) gnèrent jusqu'au tombeau, où il descendit, comme Michel Cervantes, ignoré et incompris de ses conci- toyens, qui le laissèrent mourir dans un hòpital. C'est bien le cas de répéter ici, avec l’un de leurs bio- graphes contemporains : 0 déplorable misère ! Hieronymo Corte-Real, après plusieurs voyages aux Indes et de retour dans sa patrie, emprunta à un épi- sode de Louis Camoens, le sujet d’un poème héroique qui est rempli de beautés et qui eut un succès consi- dérable à cette époque. La pastorale fut aussi cultivée en Portugal. Ce genre de poème se produisit avec un grand succès sous les gracieuses inspirations de Rodrigue Labo, le Théo- crite portugais. Plusieurs disciples imitèrent la ma- nière de ce maître, qui avait de l’élégance et de l’harmonie. Quelques historiens se firent honorablement re- marquer durant cette période. Le principal d’entre eux est Jean de Barros, auquel on donna le surnom de Tite-Live de la patrie, et qui raconta les décou- vertes et les conquétes des Portugais en Orient, où il avait demeuré longtemps revétu d'un emploi supé- rieur. Son récit est chaleureux et coloré. Il fut con- tinué par Conto avecassez de succès. Ensuite Bernard de Brito forma le dessein d’une histoire universelle qui ne fut qu'ébauchée. Enfin, quand le Portugal tomba sous le joug de l’Espagne (1580) , sa gloire lit- téraire se reposa. (470 ) ANGLETERRE ET ECOSSE. Maintenant si du Portugal nous faisons voile pour les îles Britanniques, nous trouvons, en abordant l'Angleterre, que, depuis Chaucer et Gower, qui avaient commencé è polir la langue au xIve siècle, les progrès n’ont pas été bien sensibles; mais ils se développèrent au xvi siècle, et ce fut réellement alors que la littérature anglaise prit son essor et re- vètit un caractère décidé. Le premier auteur è citer dans l’ordre de ce temps est Skelton , satirique d’une verve mordante, Un autre poète de cette portion du méème siècle se nommait John Heywood, et compo- sait des épigrammes si plaisantes qu'elles avaient le privilége de dérider le front soucieux du roi Henri VIII, qui ne plaisantait guère. Cet auteur écrivit aussi un grand nombre de pièces dramatiques. Pendant cette mème période, l’Ecosse produisit plusieurs poètes de distinction. L'un des plus renom- més parmi eux est Robert Henrison, qui composa plu- sieurs ouvrages estimés. On peut citer aussi Gawin Douglas, évèéque de Dunkeld, qui traduisit l’Enéide en écossais, et qui est l’auteur de quelques ceuvres dignes d’attention. Ajoutons à ces noms celui de Williams Dunbar, qui fut le Chaucer de l’Ecosse, et qui fit preuve, dans ses ceuvres poétiques, d'une no- blesse de pensée et d’une facilité d’imagination qui lui ont conservé un intérét actuel. Vers ce temps parurent en Angleterre Henri Howard. comte de Surrey, zélé partisan de Pétrarque, et sir Thomas Wiat, qui donnèrent une nouvelle impulsion (471) à la poésie , en modifiant l’ancienne manière d’après l’imitation italienne. Cependant le goùt et l’esprit na- tional ne furent pas étouffés par la tyrannie des règles. Ainsi sir Philippe Sydney, guerrier et voyageur, publie son Arcadie, ouvrage en prose poétique, où l’on re- marque beaucoup d’imagination et de goùt. 11 fait aussi une mordante satire contre les corrupteurs de la langue anglaise. La réelle impulsion de renaissance fut donnée par Edmond Spencer, ami de Sidney. Les ceuvres de ce poète ont un cachet original. Sa manière est tour è tour flexible, gracieuse et énergique. Les Anglais ont comparé Spencer à l’Arioste , et il y a, en effet, quel que analogie dans le faire, dans les sujets et dans les descriptions de ces deux poòtes. Les ballades écossaises sont un recucil de poésies dignes d’étre rappelées, ainsi que le nom de David Lindsay, l’un de leurs principaux auteurs. Spencer et David Lindsay eurent de nombreux imitateurs en Angleterre. Mais ce fut au théàtre que la littérature anglaise trouva sa principale gloire. Plusieurs auteurs s’étaient déjà exercés dans le genre dramatique, Ni- colas Udall, Georges Peelle, Robert Grenne, Marlow, Thomas Kid et John Lily avaient composé un grand nombre de pièces qui, la plupart, jouissaient d’une faveur méritée. Toutefois c'est ici qu'il faut nommer Shakespeare le premier parmi ceux qui se distinguèrent dans cette carrière. On sait fort peu de chose sur la vie de cethomme célèbre ; il parait seulement qu’après une jeunesse assez agitée et fort aventureuse, il vint à Londres où il fut d’abord réduit à garder, à la porte d’un théatre, les chevaux des habitués qui le fré- (472) quentaient. D’autres prétendent qu'il eut quelque fonction subalterne dans ce méme théàtre. Quoiqu'il en soit de ces versions premières, il est bien mieux démontré que quelques années après son arrivée à Londres, il s'était déjà fait connaître comme auteur dramatique. Divers essais avaient cependant précédé ses premières compositions pour le théàtre, et ses poésies lyriques témoignent en lui d’une grande déli- catesse de sentiment ; mais dans le drame il s’attache a peindre la nature humaine sans la flatter. Il fut l’analyste impassible du coeur humain qu'il sonda dans tous ses replis et dont il dépeignit les passions dans toute leur variété. C'est avec une habileté vrai- ment magistrale qu’il trace les saisissants et admi- rables chefs-d’oeuvre qui portent le nom de Richard II, Roméo et Juliette, Macbeth, le Roi Léar, Hamlet et Othello. De pareilles productions firent remporter à Shakespeare toutes les palmes. Ildevint ainsi le roi de la scène : onle nomma le poète è la langue de miel, et il se concilia toutes les admirations et tous les suffrages. Aux yeux des Anglais, Shakespeare tient un rang aussi élevé dans la comédie que dans la tragédie. Quelques-uns préfèrent ses plaisanteries et sa gaieté a son génie tragique. Cette opinion n’a pas prévalu surtout hors de l’Angleterre. Mais le nom et le génie de Shakespeare ont obtenu l’hommage universel que ne peuvent lui enlever les injustes réminiscences de Voltaire, qui s'avisa un peu tard d’en faire une amère critique. Un grand nombre d’auteurs se joignirent alors è Shakespeare pourillustrer la scène tragique. Au nom- bre des principaux figurent Webster, Middleton, Dec- (473 ) ker, Marston, Robert Taylor, Cyrie Tourneur, Row- ley et Thomas Heywood. Tous furent inférieurs à Shakespeare; mais John Fletcher et Francis Beaumont, qui composaient leurs pièces en commun, approchent très près du grand écrivain; après ceux-ci marchent Ben Johnson, Philippe Massinger et Jacques Shirley, qui recueillirent aussi, à juste titre, quelques cou- ronnes dramatiques. Les autres genres de poésie furent aussi cultivés avec un certain succès durant cette période; parmi les principaux poètes, on cite Warner, Drayton ct Samuel Daniel. Après cet hommage rendu è la littérature poétique ct à ses adeptes les plus remarquables, nous avons à Gvoquer le souvenir de quelques hommes plus graves et de quelques eeuvres plus sérieuses. Nous nommons d’abord Thomas Morus, qui fut grand chancelier d’Angleterre sous Henri VIII, mais qui ne jouit pas longtemps des dignités que lui avaient fait décerner ses services et son mérite. Son éloignement pour le schisme de Henri VIII et pour les fantaisies matrimo- niales de ce prince le firent mettre à mort. Il apporta au supplice cette fermeté d’àme qu'il avait déployée durant toute sa vie. Sa mort fut celle d'un marlyr. Thomas Morus méritait assurément un souvenir icì par ses qualités personnelles, par son noble caractère, par les talents dont il fit preuve dans les diverses négociations dont il fut chargé, et enfin par les con- naissances variées qui ornaient son esprit. Il a éerit, l’histoire de Richard HI et d’Edouard V. Il a traduit quelques dialogues de Lucien et s'est posé en judicieux antagoniste contre toutes les erreurs de Luther. On (474) a de lui aussi un recueil de lettres et des épigrammes, et en outre un ouvrage fort étrange de la part d’un tel homme, c’est celui intitulé : Utopia, livre rempli d’idées bizarres et de projets chimériques et inexécu- tables, qui forment un contraste continuel avec l’es- prit positif et pratique de l’auteur. Ainsi il reste sou- vent chez les hommes les plus éminents en génie et en vertu un coin secret pour loger une idée fausse. Ce fut le cas ici de Thomas Morus, mais il ne doit rien enlever à l’estime due aux belles qualités de l'homme. La science philosophique fit aussi un grand pas dans ce siècle en Angleterre. C'est surtout à Francois Bacon, garde des sceaux de la reine Elisabeth, et plus tard baron de Verulam, qu’est dù le progrès qui s'0- péra dans cette partie de l’entendement humain. Bacon fit une division générale de la science humaine.. Il la fonda sur la considération des trois facultés de l’àme : la mémoire, l’imagination et la raison. Toutes les sciences se trouvèrent ainsi partagées en trois grandes catégories, sous ces dénominations : histoire , poésie et philosophie. La première se rapportant à la mémoire, la deuxième à l’imagination et la troisième à la raison. Opérant ensuite sur chacune de ces caté- gories successivement, il les subdivise en diverses parties spéciales qui en ressortent, et arrive ainsi à cette classification générale des connaissances hu- maines , dont le monde moderne lui est redevable. Quel que soit le mérite de sa méthode et de ses prin- cipes scientifiques qui ont été alternativement l’objet de louanges et de critiques outrées, nous nous bor- nons è dire qu'on a appris assez aujourd’hui que la philosophie expérimentale n’a pas dit le dernier mot (475) des choses, et nous pensons qu'elle a fait trop incliner le coeur et l’esprit du còté du sensualisme. Il est tou- jours opportun pour nous de déclarer que nos convic- tions nous attachent surtout à la philosophie de la révélation, qui, certes, est aussi une science expéri- mentale, mais d’une essence spirituelle et suprème. Bacon écrivit ses ceuvresenlatin assez barbare. Il publia le Novum organum, le Digeste, une compilation analy- tique des lois de l’Angleterre, et le Progrés des sciences. Après avoir dit les droits de Bacon à la reconnais- sance de la postérité par le mérite distingué de ses ceuvres, nous garderons ici un respectueux silence sur son caractère. ThomasHarriot, profond mathématicien de l’époque, fit paraître, en 1634, la pratique de l’art analytique pour réduire les équations algébriques. Cet ouvrage est plein de découvertes intéressantes et utiles. Dans le cours de ce siècle, les Anglais entreprirent divers voyages de découvertes pour chercher un nou- veau passage dans l’Inde. Ce fut Martin Frobisher qui commenca la série de ces voyages. Francis Drake exécuta à la méme époque un voyage de circumna- vigation autour du globe. Ce fut le seeond voyage de ce genre qui eùt été entrepris. Le premier avait eu lieu 50 ans auparavant par le Portugais Magellan, qui découvrit le détroit de ce nom. A l’époque dont nous décrivons les progrès, nous voyons l’Angleterre ou- vrir directement des relations commerciales avec l’Inde, où elle doit dominer un jour. L’architecture, la peinture et la sculplure ne se développèrent qu’avec lenteur en Angleterre; cepen- dant, à mesure qu'on avance dans le xvie siècle, il Mt al (476 ) s'opère évidemment un mouvement favorable aux beaux-arts. Il est vrai néanmoins que la plupart des artistes qui «concoururent à ce mouvement furent étrangers; ainsi le sculpteur Pietro Torreggiano , flo- - rentin d'un talent distingué , de méème l’architecte Jean de Padoue, qui concilia l’architecture des Tudor avec le style italien, et enfin le peintre Holbein, fa- vori de Henri VIII, dont il avait a peine le temps d’achever le portrait des femmes, qui passaient comme des ombres. Cependant, vers la fin du siècle, les peintres nationaux commencèrent à prendre un rang honorable. Les principaux furent d’abord Nicolas Hilliard et ensuite Oliver, qui fut son élève et le sur- passa. Au moment de repasser sur le continent, nous ne quitterons pas le sol britannique sans faire remar- quer que de grandes améliorations agricoles furent effectuées durant cette période par ces industrieux et actifs insulaires auxquels on ne peut refuser un génie investigateur, persévérant et fécond. L’exposition universelle de Londres en l’année 1854 en offre un nouveau et bien remarquable témoi- gnage auquel la France a eu la gloire de s’associer à un éminent degré. Tant il est vrai que rien de grand ne peut se faire en Europe sans que les Francais y occupent cette première place dont ils n’auront ja- mais è décheoir s’ils se maintiennent fidèles è la loi divine et è la mission providentielle dont elle les a investis ; si, en un mot, la noble nation des Frances se montre toujours la digne fille aînée de V'Église !!! (477 ) ALLEMAGNE ET RÉGIONS SEPTENTRIONALES. En continuant à étudier et à suivre le progrès in- tellectuel des nations européennes dans le cours du xvI° siècle, nous sommes amené à examiner ici l’état de la littérature allemande et septentrionale à cette époque. Nous dirons tout d’abord, et sans crainte d’étre contredit, que la réforme porta dans cette ré- gion un coup mortel aux belles-lettres. On sait, en effet, que ce temps y fut appelé le siècle de fer de la littérature. Nous ne voulons ni ne devons entrer ici dans Ile fond de la question religieuse. Nous nous bor- nerons è faire remarquer encore une fois que Luther ne fit que rassembler les doutes émis par les héré- siarques de tous les siècles, et voulut substituer à la tradition constante et sacrée des vérités chrétiennes, tout ce que son esprit hardi, batailleur, facétieux et incohérent put ajouter aux premières données hété- rodoxes pour fonder, s’il est permis de s’exprimer ainsi, des ruines dogmatiques dont les siècles sui- vants ont subi et subissent les déplorables accidents. Considéré simplement au point de vue littéraire, Luther ne manquait pas de savoir et d’esprit; il avait les dons de l’orateur et s’en servait avec une habileté et une variété inexprimables. Ce fougueux prédicant fut souvent terrassé par des argumentations sans ré- plique, mais il se relevait toujours et leur échappait a l’aide d’une grosse plaisanterie ou d’un trait d’au- dace. C'est ainsi qu'il séduisit et entraîna un grand (478) nombre de sectaires et qu'il fut le funeste promoteur d’un schisme déplorable qui a été le principe d'une multitude de calamités. Luther parlait avec facilité et impétuosité. Par un sentiment d’orgueil et d’infaillibilité personnelle; il n'argumentait cependant jamais avec clarté et se re- tranchait toujours dans des paradoxes par une loi in- flexible de sa désertion de la vérité immuable. Il y avait quelquefois des éclairs de poésie dans ce véhément orateur, mais d’une poésie titanique et infernale, et presque tous ses écrits, au rebours de ses paroles, se traînent avec effort et n’offrent qu'un amas de pa- ralogismes emphatiques et un verbiage diffus. Nous croyons cependant que Luther rendit quelques ser- vices à la langue allemande, en s'en servant pour traduire la Bible. Ceci nous permet de faire remar- quer que c’est à la religion catholique seule que tous ces premiers chefs de secte, sans exception, durent leur talent, leur éloquence et leur érudition. C'est la religion catholique qui a inspiré et fé&condé leur in- telligence; c’est elle, enfin, qui les a dotés de tous les heureux dons qu’ils prostituèrent dans une hosti- lité ingrate, coupable et insensée. Autour de ce tur- bulent démolisseur, qui fut le premier moteur de ce grand-scandale politique, social et religieux, se groupèrent comme ses complices satellites, Carlos- tad, qui avait été d’abord son maître et qui devint plus tard son ennemi, OEcolampade, Melanchthon; tous éerivirent en faveur de la réforme, mais bientòt ils ne s'entendirent plus entre eux que sur un point : combattre l'Eglise et rejeter tout ce qui venait du pape. Haine contre la vérité catholique, antipathie (479) contre l’autorité religieuse, tels sont les seuls mots de ralliement de ces docteurs du protestantisme, qui, hors de la, protestaient tous les uns contre les autres, et se détestaient mutuellement. Au milieu de ce tohu- bohu d’hérésies multiples et contradictoires, nous citerons encore deux ccrivains qui en propagèrent les erreurs. Peucer, médecin savant et gendre de Me- lanchthon, dont il adopta les opinions et répandit Iles doctrines; le second fut Ulric de Hutten, qui était, à cette époque, en Allemagne, le roi de la presse, et qui écrivit avec beaucoup de fougue et d’audace en faveur de l’hérésie naissante. Tandis que l'Europe consternée était ainsi ébranlée par le moine-augustin de Wittemberg et par tous ces chefs de secte, créateurs d’informes religions nou- velles, des hommes beaucoup mieux inspirés s’appli- quaient è fournir de grandes consolations à l’huma- nité en s'élevant à de hautes spéculations scientifiques et en consacrant leurs labeurs et leurs veilles à étu- dier les lois de la nature et les mouvements du ciel. Nicolas Copernic, né à Thorn, tient un premier rang parmi ces bienfaisants génies. Ses observations et ses calculs firent écrouler le système de Ptolémée, qui voulait que la terre occupàt le point central du monde. Dans le système de Copernic, le soleil est au centre, en tournant sur son axe; la terre et les autres pla- nètes se meuvent autour de lui d’occident en orient, dans des distances et des temps différents. La lune, emportée par le mouvement de la terre, continue à tourner autour d’elle. Tout l'ensemble de ce système rend aisément compte de la succession des jours et des nuits, de celle des saisons et de tous les autres e P PI x si fas adi phénomènes. Il a été généralement adopté comme le plus simple et le plus vrai. Pythagore avait imaginé, bien longtemps avant, ce système que Philoloiis, son disciple, adopta et publia; mais il a été tellement rec- tifié et si bien coordonné par les observations de Copernic, qu'on lui a attribué la gloire de l’inven- tion. Tycho-Brahé, astronome danois, voulut modifier l’un par l’autre les systèmes de Ptolémée et de Co- pernic. Ce projet fut universellement rejeté. Tycho- Brahé n’en demeura pas moins célèbre, et à juste titre, par le prix et l’utilité de ses observations sur plusieurs branches de la science. Képler, né à Wittemberg, fut le plus illustre dis- ciple de Tycho-Brahé, mais bientòt il abandonna le système de son maître pour s’attacherà celui de Coper- nic. Les lois de Képler surles proportions de la vitesse, de la masse et des distances des planètes sont restées immuables dans nos principes d’astronomie. Képler s’attacha à ramener l’hypothèse à un état d’évidence. On aime à suivre son raisonnement,. et lorsqu’on l’étudie, on est frappé surtout du sentiment religieux qui anime toutes ses découvertes. Le nom de Jean Napier de Merchiston est célèbre dans les sciences mathématiques. Ce futlui qui trouva et inventa les logarithmes, qui sont d’un si puissant secours dans les calculs, et qui ont permis à l’esprit de s’élever jusqu'à la théorie des infinitésimaux. Parallèlement aux études astronomiques, géogra- phiques et g6ométriques, Vesprit humain creusait dans les mines de l’érudition , s’exercait aux sciences morales et étudiait l'homme dans ses rapports so- (481 ) ciaux et les peuples dans leurs relations réciproques. Ainsi, malgré les tempétes intellectuelles qui sillon- naient l’Allemagne, cette contrée posséda, dans le xvIe siècle, un homme qu'elle pouvait opposer avec honneur aux savants de l’Italie ; ce fut le célèbre Jean Reuchlin, qui enseigna le grec avec éclat d’abord à Orléans et à Poitiers, puis à Ingolstadt. Reuchlin se trouvant à Rome, expliqua, d’une manière si. élé- gante, et lut avec une prononciation si pure et si nette, un passage de Thucydide, en presence d’Ar- gyropile, l’un des savants grecs réfugiés en Italie après la prise de Constantinople, que celui-ci , plein d’admiration s'écria: Grecia nostra exilio transvolavit Alpes (notre Grèce exilée a franchi les Alpes). Reuchlin était aussi profondément versé dans la langue hébraique; il avait une vaste érudition et écri- vait avec chaleur. L’Allemagne conserve avec soin les nombreux ouvrages de cet auteur distingué, dont elle s'honore à juste titre. Le célèbre Grotius, né à Delft, en Hollande, fut 6tonnant par la précocité de son. génie, et l’étendue de ses connaissances lui mérite le juste hommage de la postérité. Son amitié pour le vertueux Barneveldt, le fit condamner à une prison perpétuelle, dont il fut délivré par l’ingénieuse tendresse de sa femme. C'est dans sa prison qu'il composa le Traité de la vérité de la Religion chrétienne. Grotius vint ensuite en France où il publia son remarquable ouvrage du Droit de la paix et de la guerre, premier véritable traité du droit de la nature et des gens. Les nobles principes qui y sont professés sont devenus la base de la science des publicistes et des hommes d’État. Il démontre, avec LI (482 ) une clarté admirable, que la violence et l’iniquité ne peuvent jamais avoir qu'un succès éphémère, et il cite à l’appui de ses jugements les témoignages cons- tants et irrécusables de l’histoire, cette fidèle messa- gère des temps passés. Grotius mit, en toute circons- tance, sa conduite d’accord avec les principes qu'il professait. Il fut toujours animé d’un esprit de cha- rité et de paix, qui ajoute un nouveau titre à sa belle et juste renommée. On peut donner ici une place à Heinsius, né à Gand, et disciple de Scaliger, qui professait alors à Leyde, et auquel il succéda un peu plus tard. On a de lui plusieurs traductions assez fidèles de différents auteurs grecs. Il a publié aussi quelques ouvrages qui lui donnèrent de la réputation. Il éiudiait l’antiquité sans relàche; sa vaste érudition lui concilia l’estime de ses contemporains. Il cut un fils qui marcha sur ses savantes traces et qui obtint les bonnes graces et la protection de la reine Christine, dont on connaît le goùt passionné pour les sciences. Les deux frères suédois Jean et Olaîis Magnus éeri- virent, dans le xvie siècle, une histoire des nations septentrionales. Elle peut étre consultée avec fruit pour connaître l’état de la Suède au temps de ces écrivains. Hans-Sachs, cordonnier de Nuremberg, fut l’au- teur, vers ce temps, de poésies populaires qui ne man- quaient pas de charme. On trouve dans ses produc- tions de la verve, de la facilité et de la fécondité au milieu de pensées étranges et insolites. Jean Second, né à la Haye, en Hollande, en 1511, fut un poète latin fort distingué. Il est mort à 25 ans, (483) mais il a Jaissé une mullitude d’ouvrages, où une fé- condité d’imagination peu commune s’unit à une grande délicatesse de sentiment. On a de lui des élé- gies, des odes, des épigrammes, des épîtres et beau- coup de poésies galantes fort spirituelles , mais d’une grande licence. Les ceuvres de Jean Second ont été traduites en francais a la fin du xvIne siècle. Les chambres de rhétoriciens (kamers der rederi- kers) formées à l’instar de celles qui avaient eu cours en France dans les xIv° et xv® siècles, et analogues aux associations des maîtres chanteurs en Allemagne, concoururent à donner a la langue hollandaise une fixité nationale. Ces chambres de rhétoriciens exer- cèrent dès lors une grande influence non-seulement sur les compositions poétiques et littéraires, mais en- core sur les sujets politiques et religieux. C'est ce qu'on eut lieu de remarquer à l’apparition de la ré- forme. Ce fut alors aussi qu'Erasme, né à Rotterdam, do- mina toute cette époque et étendit sa renommeée en se faisant remarquer par une érudition immense et une rare finesse d’intelligence. Observateur péné- trant et écrivain incisif, il flagella les abus du monde monacal avec une verve peu commune. Ses saillies railleuses pronongcaient des oracles sous une forme caustique et mordante. Marlin Luther, qui craignait sa puissante influence, voulut l’engager dans son parti, mais il n'y réussit pas. Erasme voulait bien la réforme des abus, mais il ne voulait pas les abus et la tyrannie de la réforme ni ses déplorables consé- quences. Il repoussa donc les novateurs ei se déclara le zélé partisan de Punité religicuse, Il regardait les 31 (454 ) réformateurs, disait-il, comme une nouvelle espèce d’hommes entétés, médisants, hypocrites, menteurs, irompeurs, sédilieux forcenés, incommodes et hostiles aux autres et divisés entre eux. « Cependant, ajou- » fail-il en plaisantant, on a beau vouloir que le lu- » lhéranisme soit une chose tragique, pour moi je » suis persuadé que rien n'est plus comique, carle dé- » nouement de la pièce est toujours quelque mariage.» Erasme, malgré une cxislence très aclive et fort agilée, a éerit une mullilude d’ouvrages; on trouve, parmi les principaux, lEloge de la Folie; c'estunesa- lire de tous les états de la vie où il se montre obser- valeur moral plein de sagacité. On lui doit l’édition princeps du texte grec de la gcographie de Ptolémée el de la traduction grecque du Nouveau Testament; il l’accompagna d’une version laline et d’une para- phrase. Ses colloques, ses adages et quelques traités de piété témoignent en cet auteur une grande pureté de style et beaucoup d’'élégance. Toutes ses ceuvres sont en langue latine ei ont été traduites en frangais dans le xvine siècle. Juste Lipse, né à Isch, près de Bruxelles, fut d'une precocité de talent extraordinaire; il composait déjà de petits poèmes et des discours a dix ans. Il eut une carrière assez aventureuse et obtinL une réputation distingute dans la république des lettres. Il avait pris ia devise de Polamon d’Alexandrie et professait une sorte d’éclectisme. Il a laissé plusieurs ouvrages parmi lesquels on distingue un Commentaire assez estimé sur Tacite, historien qu'il avait beaucoup étudié et qu'il connaissait par coeur. Il professa l'histoire avec beaucoup d’'éclat, successivement à Iena, à Leyde et a Louvain. (485) Parmi les artistes qui illustrèrent l'Allemagne dans ce siècle, il faut mentionner Holbein, dont nous avons déjà parlé, et Albert Durer, qui était d'une grande habileté dans le dessin, mais qui s’appliqua plus par- ticulitrement à la gravure. On a de lui des écrits sur la géomeétrie, la perspective, et les proportions des figures humaines. Ce fut aussi vers la fin du xvi° siècle que com- menca à se faire connaître Rubens, qui devait, sous tant de rapports, élever son nom è une haute célé- brité. Après avoir fait comparaître successivement les hommes célèbres qui ont honoré chaque nation par leurs talents et leurs vertus dans le cours du xvre siècle, nous allons, en terminant, parcourir d'un coup-d’oeil rapide et général les progrès qui se ma- nifestèrent en Europe à cette mèéme époque dans une parlie des sciences naturelles. Il paraît évident d’abord que l’ornithologie , l'ento- mologie, la conchiliologie étaient des sciences dont on commengail alors à s'occuper avec succès. Ulysse Aldrovandi de Bologne consuma en voyages tout son patrimoine pour rechercher les raretés naturelles et les objets d'art. Il composa une histoire naturelle è laquelle se trouvaient jointes de belles gravures sur bois avec des descriptions anciennes et exactes. Buf- fon lui-mème estimait cet ouvrage et le consultait. quelquefois. Le recueil de peintures qui ont servi d’originaux aux gravures de l’ouvrage d’Aldrovandi fut transporté, pendant la révolution francaise, au muséum d’his= toire naturelle de Paris. ( 486 ) On sentit bientòt l’opportunité des jardins bota- niques, et plusieurs furent fondés notamment à Flo- rence, a Pise et à Padoue; il fut fait alors un grand nombre de tentatives successives pour étendre l’étude et pour agrandirla science générale des plantes. Après André Cesalpino, qui fut le nom le plus célèbre dans l’histoire naturelle jusqu'à l’apparition de Linnée, Colonna établit les bases de la bolanique par la dis- tinction des genres. Il fut le premier à substituer les gravures sur cuivre aux gravures sur bois. A peu près vers ce temps (1590), Zaluzianski de Bohème traita de la génération des plantes, en distinguant les an- drogynes de celles dont le sexe est distinct, il indiqua les étamines, l’anthère et le pistil. Au milieu de ces premiers développements de l’histoire naturelle , Fabrice d’Aquapendente publia unlivre surle langage des bétes, sujet intéressant qui mériterait une étude plus approfondie. Des observateurs habiles se distinguèrent aussi en minéralogie. Michel Mercati obtint un premier rang parmi eux; il fut chargé par Sixte-Quint de classer les minéraux provenant de toutes les parties du monde et que ce pape faisait réunir au Vatican dans une vaste métallothèque. Bien que ces commence- ments fussent encore faibles et peu éclairés, il n’en est pas moins intéressant de les signaler comme le point de départ de Ila paléontologie, science destinée a devenir capitale, et qui a été cultivée depuis avec un sì grand succès et tant de fruit pour les investiga- tions scientifiques modernes. Cependant les musées ne tardèrent pas à se multi- plier. On y réunissait et accumulait des objets rares (487 ) et ils devenaient ainsi d’un secours très utile. Parmj les savanls qui formèrent en ce temps-là des collec- tions, il faut distinguer Nicolas Peiresc, né à Belgen- tier, en Provence, Il s'adonna avec passion è l'étude de l’histoire naturelle et employa ses richesses à re- cucillir des objets rares en fait d’art et de sciences; il voyagea beaucoup et fit des recherches d’un intérét réel. Il forma un jardin d'une remarquable beauté. C'est è lui que l'Europe doit le jasmin de l'Inde, la citrouille de la Mecque, le papyrus d’Egypte. Il planta le premier le gingembre et plusieurs autres plantes de l’Orient.C’est à lui aussi que l’on doit le cocolier. Ayant eu connaissance des découvertes de Galilée, il observa les satellites de J upiter au télescope, et com prit qu'il pourrait servir à délerminer les longiludes. Il fut J'ami de Gassendi, et il reste une correspon- — dance manuscrite, très intéressante de ces deux sa- vants, correspondance dont un grand nombre de lettres ont passé sous mes yeux pendant un séjour que J'ai fait à Digne chez un érudit antiquaire de cette ville, M. Honorat, docteur-médecin, que je me plais a nommer ici, et qui possède une collection curieuse de lettres autographes des deux hommes célèbres que Je viens de citer. Nous distinguerons ici Basile Valentino parmi les hommes qui apportèrent quelques progrès ala chimie, et un peu plus tard Van-Helmont, qui en fit d’heu- reuses applications, malgré son enthousiasme pour les sciences occultes, qui lui a fait émettre quelques idées bizarres et excentriques; car le génie, quel qu'il soit, paie toujours tribut à certaines faiblesses. Dans l’anatomie et la chirurgie, Gui de Chauliae, » sa ( 488 ) en France, Gunter, en Allemagne, et André Vésale de Bruxelles, firent alors des découvertes nouvelles et fort intéressantes pour la science. Mais ce fut Ga- briel Fallope, de Modène, et élève de Vésale, qui les surpassa tous et fit preuve d’une sagacité peu com- mune et d’un talent d’observation sans égal dans les développements ingénieux qu'il sut donner à l'ana- tomie expérimentale. On sait qu'il a laissé son nom aux trompes collatérales à l’utérus. L’anglais Guillaume Harvey étudiait à Padoue sous Julien Fabrizio , continuateur du système de Veésale, etétait a la veille de démontrer la circulation du sang. Ambroise Paré, de Laval, dans le Maine, fut aussi un praticien remarquable; il enseigna a traiter les fractures compliquées de blessures et plusieurs autres procédés qui sont encore en usage aujourd’hui. La médecine présente en France, à cette époque, Anuce Foès, Hyacinthe Houlier et Louis Duret, comme de fervents disciples d’Hippocrate et de Galien. Ils soutinrent l’henneur de cette école par leurs pu- blications et par la pratique. En Allemagne, Léonard Fusch, appelé l’Eginette (1) de l’Allemagne, disputa aussi le titre de prince de la médecine à Avicenne pour le restituer à Hippocrate et à Galien. En Italie, Jean-Baptiste: Montano et Marsilio Cognati rendirent le mèéme hommage à ces premiers pères de la méde- cine. — D'un autre còté, le suisse Paracelse rendit aussi des services réels à la science en mettant en usage de nouveaux médicaments et en les employant (1) Paul d'Egine, médecin Grec, natif d’Egine, vivait dans le vii* siècle. Il se distingua particulitrement dans la chirurgie. Sa renommée devint universelle, (489 ) avec une heureuse hardiesse. Toutefois, torsqu'il se déclare ennemi de Galien et d’Hippocrate, il se montre réformateur plus hostile qu'éclairé. Après lui, Jean Fernel d’Amiens et quelques autres bons observateurs tàchèrent d’arracher à la nature et à l'expérience ses secrets les plus favorables à la thérapeutique au lieu de les demander aux livres et à la tradition. Les sciences exactes ont été aussi cullivées avec succès dans cette période séculaire. En France, on vit alors Francois Viète, né à Fontenai, en Poitou, prendre un rang distingué parmi ceux qui reculèrent les limites des mathématiques. Il introduisit l'usage des lettres dans la langue algébrique et facilita ainsi la science du raisonnement général è l’aide de carac- tères symboliques. Il partagea avec les italiens Tar- taglia et Cardan le mérite des progrès que firent en ce temps les sciences mathématiques. Ce fut d’après l’étude des Orientaux, qui étaient déjà fort avancés dans cette partie, et en perfectionnant les méthodes de Tartaglia et de Cardan, que Viète fit faire un pas de plus à l’application de l’algèbre à la gtometrie, formule dont quelques-uns lui attribuent exclusive- ment la découverte. Nous avons cité }déja Kepler, Harriott et Napier, qui ouvrirent aussi une voie aux grands progrès des sciences exacles. Nous aurions, en poursuivant leur marche ascendante, a mention- ner les remarquables succès qu'elles durent à Des- cartes, cet illustre philosophe dont la France s’enor- gueillit avec raison; mais Descartes appartient au xvire siècle ainsi que Gassendi, dont nous aimons à rappeler ici la haute science. Et nous ne pouvons, dans les limites de ces études, que saluer, avec une ur sympathie nationale, leur aurore, qui devait amener un jour si éclatant surleurs ceuvres philosophiques et sur leur célèbre passage, où ils se rencontrèrent avec les Leibnitz et les Newton. La musique ne demeura pas étrangère au progrès général qui fut fait au xvie siècle. Plusieurs composi- teurs distingués signalèrent cette époque. Des maîtres de chapelle furent institués et donnèrent un élan pro- noncé à l’art musical. On cite un Florentin, Antoine des Orgues , dont la réputation comme organiste était si grande, qu'on venait pour l’entendre d’Angleterre et des autres contrées du Nord. Léonard de Vinci était très fort sur le luth. Benvenuto Cellini était aussi glorieux' de son talent sur cet instrument que des chefs d’oeuvre de son burin. L'Allemagne eut tou- jours de nombreux amateurs de musique, et c'est de ce siècle que datent les valses, danse nationale de cette conirée. Luther voulut étendre sa réforme jus- que sur la musigue sacrée. On s’accorde à dire qu'il avait le sentiment de l'art. Calvin s'occupa aussi de musique, mais avec moins de succès que Luther. En Angleterre on cite à cette époque, Marbeck comme compositeur distingué. En France, on trouve sous Francois Ie Clement Jannequin, dont le talent magistral fut très renommé; il publia un recueil ayant pour titre : Inventions musicales , qui eut un grand succès. Un morceau de ce recueil a élé exécuté a Paris, il y a quelques années, par la société clas- sique de musique religicuse dirigée par le prince de la Moskowa. Claude Goudimel, de Besancon, eut un talent dis- lingué comme compositeur. Il vint à Rome et y éta- (49 ) blit une école publique de musique’, où le célèbre Palestrina vint prendre ses premières lecons. La fin du xvie siècle vit naître la musique drama- tique en France. Le premier essai en ce genre fut fait au Louvre en 1581, lors des noces du due de Joyeuse avec Ml: de Vaudemont. Deux musiciens de la cham- bre de Henri III, Beaulieu et Salmon, en société avec un musicien piémontais nommé Balthazarini, com- posèrent une espèce d’opéra sous le titre de Ballet comique, qui fut exécuté par des seigneurs et des dames de la cour. Il fut accueilli avec la plus grande faveur. L'’Italie vit alors s'élever plusieurs talents qui dé- montrèrent l’heureuse puissance de cette contirce si favorisée dans l’art musical, bien que les premiers maîtres n’eussent pas encore paru. Palestrina doit tenir un rang supérieur parmi les artistes de cette époque; il approfondit les secrets de son art et il s'éleva à des compositions sublimes et originales. Il s'appliqua surtout aux sujets religieux et leur donna ce charme mystique et cette suaviié entraînante qui transporte l’àme du monde sensible aux régions éthé. rées. Nous avons atteint la fin de ce xvi siècle en sui- vant chez les nations européennes les évolutions de l’intelligence humaine dans leurs diverses phases. Nous n’avons pourtant fait qu’établir en quelque sorte des jalons de reconnaissance sur cette route im- mense et dans ce mouvement prodigieux des hommes et des choses. Maintenant quelle opinion formuler sur ce tableau imposant, quelle idée se former d’un age parei], où nous trouvons à la fois un principe et un (492) reflet des dispositions du nòtre? C'est toujours dans l’observation exacte des faits et dans l’appréciation impartiale du développement de leurs econséquences que les esprits éclairés trouvent leurs motifs de juge- mentis et appuient la vérité de leurs décisions. Or, en ramenant toutes les parties éparses au creuset de la synthèse, et en les rondensant dans un ensemble tan- gible en quelque manière à l’observation la plus im- médiate , il aura été facile de s'apercevoir qu'au mi- lieu de toutes les transformations multiples de la pensée et de l’ébullition extraordinaire de tous les esprits, le fait dominant de cette époque si tourmen- tée est la réforme. C'est dans cette circonslance capi- tale, c'est dans la lutte du pouvoir spirituel avec les nouvelles doctrines qu'il faut chercher dans ce siècle remuant les influences intellectuelles qui ont agi sur l'Europe entière. Des prétendus penseurs de cette époque, comme de celles qui l’ont suivie, ont attribué au protestan- tisme le mérite d’avoir inventé la doctrine du libre examen. Mais est-ce bien sérieusement que l’on peut lui concéder un pareil mérite? Croit-on, par exemple, que les Augustin, les Basile, les Origène, les Tertullien, les Clément d’Alexandrie, les Thomas et tant d’autres qu'il serait facile de nommer, ne faisaient pas un noble et salutaire usage d’un tel examen? Les ceuvres de ces hommes illustres et les travaux scientifiques et littéraires de l’antiquité chrétienne , s'élèvent ensem- ble pour protester contre ces prétentions du protes- tantisme. A qui donc pourrait-on persuader que les hommes attendaient le signal d’un moine en insur- reclion pour apprendre à penser? Mais il fandrait alors (495 avoir oublié toutes les richesses intellectuelles que nous ont léguces les siècles antérieurs; il faudrait faire un divorce absolu avec ce passé qui est notre maître et déchirer tous les titres que nous tenons de ces époques adonnées à toutes les méditations les plus sérieuses et les plus importantes. Où sont donc, je le demande, les hommes nouveaux assez oublieux ou assez iguorants de ce passé, précurseur de notre gloire contemporaine, qui oseront nous dire que l'homme n’a commence à faire usage de sa raison et des lois d’une saine critique que lorsqu’il fut arrivé a cette heure à jamais regrettable qui donna le signal de l’a- postasie et qui sonna le schisme désolant du xvI° siècle , schisme dont les conséquences nous ont con- duits au rationalisme moderne, beau résultat en effet, ct digne de telles prémisses? Résultat, en un mot, qui tend à former du monde une Babel sans fin, si la re- ligion du coeur, si la vraie science de l’àme et la ré- habilitation chrétienne de l’esprit ne viennent mettre un obstacle ferme et insurmontable à ces usurpa- tions désordonnées de l’orgueil de la pensée et de la convoitise brutale des sens. Nous avons insisté sur ce fait, parce que nous l’avons cru le fait culminant du xvi° siècle, puisqu’il ébranla les croyances sur lesquelles était constituée toute la société européenne. Nous y avons insisté surtout, parce que, dans nos convictions, nous l’avons considéré comme un mal- heur public pour l'Europe, et que nous le déplorons comme la véritable origine de toutes les impulsions malfaisantes qui sont venues envahir les esprits, et par suite de toutes les circonstances néfastes qui ont assailli les peuples. Nous nous tiendrons ici dans ces (494 ) limites è ce sujet; nous croyons fermement ètre dans le vrai, mais, si nous nous trompions en quel- que point, ce serait de bonne foi, et, dans tous les cas, sans aucune amertume, sans nulle antipathie envers les hommes égarés, mais avec une inébran - lable opposition à toutes les doctrines fausses qu'ils ont professées ou qu'’ils professent. Après cette courte et sincère exposition de nos principes, que nous étendons à tout ce. que nous pouvons dire ou éerire, nous embrassons encore une fois, d'un seul et vaste regard, ce xvie siècle, qui a contenu tant d’éléments divers el opposés, tant de contrastes dignes des plus profondes méditations, un si grand nombre d’'hommes éminents dans tous les genres, tant de physionomies à trails saillants et ineffacables. Enfin, nous contemplons une fois en- core une si grande gloire en regard de tant d’igno- minie, tant d'humilité d'une part et tant d’orgueil de l’autre, une si grande science à còlté de tant d’igno- rance, tant de vertus et tant de débauches, et nous nous écrions: Voilà pourtant ce que fut le siècle de Léon X!!!! Mais, à cespectacle étrange et imposant, à cet an- tagonisme si tranché, à cet aspect de deux camps si distincels et de tentes si diverses, nous nous inelinons avec respect devant les hautes vues de lÉternel qui, au milieu du bouillonnement de toutes les passions, de ce péle-méle de caractères hostiles et à travers de tous ces multiples instinets, de ces émotions et de ces actionsinnumérableslaissés au libre arbitreindividuel, à celte noble indépendance de l'homme, maintient invariablement ses desseins providentie]s et tire sans cesse le bien du mal. (495) C'est ainsi que Dieu, dans sa sublime justice, ouvre une immense carrière a tous les membres de la grande famille humaine, pour que chacun, selon son gré, puisse choisir sa voie et faire librement son entrée dans l’une ou l’autre des deux cités éternelles, où, après le prononcé dela grande sentence, viennent irrévocablement aboutir les destinées suprèémes de tous les citoyens du monde, de toutes les àmes appe- Iées ici-bas à l’épreuve temporelle. M. TEXTORIS. DO: La Eb de cndetin Ad ber A GIA UNE VISITE A SILVIO PELLICO EN 1851. Messieurs, C'est pour déférer à l’invitation et au sentiment d’un des honorables membres de cette Société que je me hazarde, à peine au retour de mon voyage en Italie, à vous esquisser, cn un coup de crayon, mon entrevue avec Silvio Pellico. Puisse ce court récit vous inspirer l’intérét qui ressort du sujet! S'il en est autrement, la faute n’en sera qu’à moi seul. Amené dans la capitale du Piémont au mois de juin 1851 par le cours de mon itinéraire en Italie, je ne pouvais me trouver à Turin sans ressentir le vif désir de rendre hommage à l’écrivain célèbre qui laissa exhaler de son àme tant de hautes et émouvantes pensées religieuses si naturellement mélées à ces touchantes confidences qui sont encore dans toutes les mémoires. Je suis parvenu à obtenir le précieux avantage d’un entretien de quelques instants avec l’auteur de mes Prisons et des Devoirs des hommes, et je mai, certes, qu'è me féliciter d’avoir pu entendre, de la bouche de cet illustre martyr de nos temps modernes, la confirmation des saines doctrines exposées dans ses 0uVrages. Silvio Pellico habite aujourd’hui Turin et loge dans (497 ) le palais d'une digne dame francaise, la marquise de Barolo, née Colbert, qui lui a donné une noble et gé- néreuse hospitalité, dont il goùte les douceurs el les charmes dans l’étude et dans une assez profonde re- traite, bien qu'au milieu d’une capitale tumultueuse et peuplée d’esprits actifs et bouillants. Ce fut sous les bienveillants auspices de deux hommes distingués de Turin, M. le docteur Bertini, membre de la chambre des députés du Piémont, et M. l'abbé Ba- ruffi, savant professeur de l’Université, que je fus admis auprès de Silvio Pellico, dont la célébrité lit- téraire et les malheurs éclatants ont été le sujet d’in- térèt du monde entier. Lorsque je fus introduit dans le cabinet de Silvio, je le trouvais assis à une petite table de travail près d'une bibliothèque ; il m’accueillit de ce sourire doux et bienveillant qui facilite, aplanit et abrege tous les préambules. Je lui déclarai tout d’abord que ce n’était point par une indiscrète curiosité que j'étais attiré près de lui, mais bien par le désir de lui témoigner ma vive sympathie pour sa personne et pour ses malheurs, et de rendre hom- mage à un talent si pur et è une ame si chrétienne. J’eus lieu effeclivement de reconnaître bientòt en lui une de ces natures impressionnables et expansives, courbée sous le faix des douleurs physiques et mo- rales, mais qui sait toujours se relever avec courage et énergie, à l’aide de sa foi et de sa confiance au se- cours céleste. On sent, en l’écoutant, que l’ancien prisonnier du Spielberg a retrempé son àme dans les souffrances aigues dont Jes profonds sillons se dessinent sur son visage; il ne conserve cependant aucune amertume ( 498 ) de langage de ces douloureuses épreuves qui lui ont fait consumer dix belles années de sa vie dans les brolantes étuves des plombs ou dans l'humidité des cachots. Il m'a paru pénétré de la mansuétude la plus exemplaire, et il se maintient, par le caractère de ses sentiments religieux à un degré d’élévation, qui lui permet de planer sur toutes les misères humaines qu'il a traversées. Il m'a rappelé dans son expression, dans son regard résigné et dans ses veeux, ces pensées que son ceeur fit éclore le jour que, les mains en- chaînées, il vint entendre sur la Piazetta de Venise l’arrét qui Je condamnait : « Toute condition a ses » devoirs,disait-il alors; Je premier devoir d'un in- » fortuné, libre ou captif, c'est de souffrir avec di- » gnité ; le second de faire son profit da malheur; le » troisieme de pardonner. » C'est ainsi que pense et parle encore, et que pensera et parlera toujours l’in- iéressant auteur des Devoirs des hommes ; en lui , sous une fréle enveloppe broyée sous l’étreinte. poignante de son douloureux passé, se décèle. une ame forle, une ame qui se redresse pleine d’espérance et d’éner- gie a la consolante voix du christianisme. Tout/en Silvio porte l'empreinte d'un corur noble et délicat qui se possède, et qui, sans faste, sans ef- fort, sait exprimer, sous les formes les plus grà- cieuses et les plus suaves, les graves et profondes ré- flexions qu'il a puisées dans les tortures d'une rude expérience. Tel m’a paru Silvio Pellico lorsque je lui ai témoi- gné ma respectueuse sympathie; c'est ainsi qu'il est parvenu à conquérir la plus précieuse des liberlés : la liberté de Ja vertu. Aussi en jonit-il paisiblement (499 ) après avoir longtemps ramé au milieu des tempétes du monde. Il m’a exprimé en quelques mots com- bien il est détaché de toutes ces déplorables illusions qui tourmentent sans fin les hommes et les nations, dont le meilleur guide aux uns et aux autres sera tou- jours dans les douces et prévoyantes lois de l’Évan- gile. C'est là où il pense qu’en définitive est derit, sous l’inspiration divine, le véritable et principal code des individus et des peuples. La sincérité et la ferveur de sa foi l’ont élevé au-dessus de toutes les philoso- phies, de toutes les pogsies et de toutes les fantaisies scientifiques du siècle; en un mot, il a subordonné toutes les orgueilleuses ceuvres de l’esprit humain à la science par excellence, à la science de Dieu, et il ale droit de s'applaudir de cette glorieuse option. En formant les voeux les plus ardents pour le bonheur et le bien-étre général de la grande famille humaine, Silvio Pellico s'est ainsi affranchi de toutes les don- nées hypothétiques et matérielles qui enfantent tant de rèves et accumulent tant de ruines. Toutefois, l’éloquent écrivain n’est pas sans concevoir de nom- breuses espérances sur l’avenir des sociélés, mais il les fonde essentiellement sur le retour au vrai senti- ment religieux et à la respectueuse observation des lois éternelles , et il les formule toutes en sincère € dévoué citoyen de la grande république chrétienne. Tel est, en substance, ce que j'ai pu inférer de ses paroles, auxquelles je prétais cette oreille attentive que l’on met à aspirer les sons que rendent les àmes saintes, et surtout les àmes saintes qui ont été mélées aux orages du monde, qui en ont subi les cruelles alteintes et ressenti les immenses douleurs. Il m’est 32 ( 500 ) resté de cette heureuse visite la convietion que Silvio Pellico a justement conquis et conserve avec hon- neur un rang distingué parmi ces intelligences d'élite dont la principale étude tend à faire pro- gresser l’esprit et le coeur humain vers le vrai, le beau, le juste et le bon. Science précieuse et impor- tante au-dessus de toutes, progrès sublimes, puis- qu’ils nous font graviter sans cesse vers Dieu, auteur supréme de toute science et de tout progrès! En quittant Silvio Pellico, je lui demandai de me permettre de le presser sur mon coeur et je le priai en méme temps de me donner une ligne écrite de sa main. Il accorda l’une et l’autre demande, et, en me remettant l’autographe suivant dont se trouve ici le fac-simile : « Que Dieu vous comble de consolation et de bonheur! — Silvio Pellico » il l’accompagna de ces douces et flatteuses paroles qui vibrent encore au fond de mon coeur : « Je n’exprime là qu’une faible partie » de ce que je voudrais vous dire et de ce que je res- » S©NSs pour VOUS. » Que gràces vous soient rendues et que vos souhaits me soient propices durant tout le cours de mon pèle- rinage terrestre, bon Silvio Pellico! dont la bienheu- reuse rencontre dans ce passage m’a été si gracieuse! Vos voeux me sont chers et précieux à plus d’un titre, puisqu’ils m’ont retracé , presque littéralement, ceux dont nous avions été favorisés et honorés peu de temps auparavant à Rome méme, et de la bouche et par la bénédiction particulière du vénérable souverain pontife qui occupe aujourd’hui si dignement la chaire de saint Pierre, et dont nous faisons profession et gloire d’ètre les fils aimants, respectueux et soumis. (501 ) Aussi, lorsque, sous la bienveillante influence de ces multiples et délicieuses impressions, j'ai fran- chi les Alpes pour revoir la France, ma bien-aimée patrie sur cette terre, je n’ai point oublié et je n’ou- blierai jamais qu’un jour, je me plais è l’espérer, une méme patrie céleste nous réunira et me permettra de renouer les liens sacrés que je m’honore d’avoir for- més avec cet ancien et illustre prisonnier du Spiel- berg qui, en digne et fervent disciple de Jésus-Christ, conserva, méme dans les fers, cette liberté morale inaltérable et indéfectible dont on se munit toujours au pied de la croix. M. TEXTORIS. (502 ) PROCÈS-VERBAUX DES SEÉANCES DE LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS. Séance du 16 act 1850. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. La séance est ouverte à six heures et demie. Le secrétaire ordinaire lit le procès-verbal de la séance précédente qui est adopté, Il donne ensuite connaissance de l’intitulé des ouvrages recus à l’a- dresse de la Société depuis la dernière séance. Après cette énumération qui n’amène aucune remarque, M. le président ‘donne la parole à M. Beraud qui fait lecture d'un mémoire sur les souffrances de l’agri- culture et sur les moyens d’y remédier. Ce travail im- portant par le fond du sujet est présenté sous une forme qui en rend l’ensemble et les détails facilement intelligibles; il présente des vues d’une utilité incon- testable et d'une application aisée pour maintenir l’ap- provisionnement des céréales dans un parfait équili- bre avec les besoins de consommation dans les temps d’abondance comme dans ceux de pénurie. On voit (503 ) que l’auteur a médité son sujet et qu’il en est le maî- tre ; il le traite avec une rare sùreté d’observation, et son judicieux examen en tire toujours des déduclions rationnelles et évidentes. Après avoir écouté avec une religieuse attention cette importante communication, l’assemblée en a votéimmédiatementl’impression.Une commission composée de MM. Hunault, de Quatre- barbes et Castonnet a été nommeée afin de s'entendre avec l’auteur pour tirer des conclusions pratiques sur les principes émis dans son travail. M. de Beauregard donne ensuite connaissance d’une correspondance qu'il a cue avec M. le Préfet de Maine- et-Loire ct de celle que M. le Préfet a eue avec le mi- nistre des cultes relativement à la pierre tombale des- tinée à honorer la mémoire de la maison d’Anjou-Sicile. Il ressort de ces documents que , d'après la demande formelle de M. le Préfet, le nom de M. de Beauregard, président de la Société d’agriculture , devra étre ajouté à ceux de Ms l’Evèque d’Angers et de M. le Préfet de Maine-et-Loire, sur l’inscription finale de la pierre. Cette détermination a été prise à l’insu de M. de Beauregard qui déclare ne vouloir accepter cette dis- tinction qu’après que la Société elle-méme lui aura donné son assentiment par un scrutin secret. Ce vote est immeédiatement ouvert et donne une unanimité de suffrages à cette flatteuse et juste addition. L’ordre du jour appelle la lecture de M. Textoris sur la suite de ses Etudes du mouvement intellectuel en Europe au xvie siècle. M. Textoris parcourt les di- verses phases de la culture intellectuelle è cette épo- que en France ; il apprécie , è son point de vue, les hommes illustres qui ont apparu sur la scène litté- ( 504 ) raire et les 6vènements remarquables qui, en sy rat- tachant, se sont déroulés durant cette mémorable pé- riode ; il termine ainsi Ja première partie d'un travail qui devant s’appliquer à l'Europe entière aurait à exa- miner encore la situation intellectuelle de l’Espagne, du Portugal, de l’Angleterre , de l’Allemagne et des contrées du nord è cette méme époque. Mais dans ce sujet la prééminence devait nécessairement ètre don- née à l’Italie et la France qui ont été les deux nations principales dans le progrès intellectuel du xvi° siècle, Après cette lecture, M. le président, conformément à l’article 23 du règlement, désigne MM. Legeard, Pavie et Guibert pour membres de la commission qui aura a examiner le mémoire de M. Textoris et à donner sa décision è ce sujet à la prochaine séance. M. Godard est ensuite appelé par l’ordre du jour à lire sa notice biographique sur M. le vicomie de Se- nonnes. Cette biographie écrite avec une grande cha- leur d’àme et un rare bonheur d’expressions. est se- mée de descriptions et d’images attrayantes qui ajou- tent à l'intérét du souvenir pour l'homme qui avait acquis un rang très distingué dans la culture des arts et des belles-lettres. C'est là, réellement, un solennel hommage rendu sous une très gracieuse forme à l'homme de goùt et d’esprit qui semble revivre au mi- lieu de nous dans la personne de son digne frère l’un de nos honorables membres. L’assemblée vote l’im- pression de cette notice intéressante et dédiée à M. de Falloux, l'homme éminent dont l’Anjou se glorifie à si juste titre et que la France entière place au rang des belles intelligences qu'elle admire et qu'elle ho- nore. ( 505 ) AprèscevoteM.Beraud donne lecture de la deuxième partie de sa notice sur le cabinet d’histoire naturelle d’Angers. Cette revue pleine d’observations fort inté- ressantes et infiniment curieuses nous a paru pré- senter aussi des remarques et des avis très utiles sur des dispositions diverses à prendre pour effectuer dans cet établissement quelques réparations d’une fagon avantageuse etcommode. Nous craindrions d’amoin- drir l’intérét de cette notice par une analyse impar- faite et il sera infiniment préférable pour tous de re- courir à l’insertion complète qui en sera faile dans les Mémoires de la Société conformément au vote de l’as- semblée. Cette lecture étant terminée et l’impression votée, la séance est levée à neuf heures et un quart. Le Vice-Secrétaire, M. TEXTORIS. Séance du 23 novembre 1850. Présidence de M. De BEAUREGARD, président. La séance est ouverte à 6 heures et demie. Le secrétaire ordinaire lit le procès-verbal de la précédente séance. Après cette lecture, M. Hunault fait une observation sur l’une des formes de la rédac- tion relativement à la mission des membres nommés pour aviser à réaliser les principes émis dans le Mé- moire de M. Beraud sur les subsistances. Cette obser- vation étant accueillie, le procès-verbal est adopté. M. le président donne lecture de la correspon- dance; on y remarque.une lettre de M. Renou, mem- ( 506 ) bre de la Société qui, après l’exposé de quelques motifs valables, prie la Société d’agréer sa démission. M. Debeauvoys écrit aussi à M. le président pour l’informer qu'il renonce à faire partie de la Société. Comme cette détermination semble indiquer un effet rétroactif, elle fait naître plusieurs observations qui toutes s'accordent à conclure que M. Debeauvoys demeurera tributaire de la cotisation de l'année 1850. M. de Beauregard entretient ensuite l’assemblée du monument qui doit ètre érigé en mémoire de la mai- son d’Anjou-Sicile. La pierre tombale étant à peu près terminée, il est convenu que la commission se réu- nira pour fixer définitivement la place où cette pierre devra étre posée. M. de Soland fait l’énumération et indique les titres des ouvrages et des brochures recus depuis la der- nière séance. Celte nomenclature ne donne lieu à aucune observation. Le bureau présente M. de Cumont pour ètre admis membre titulaire de la Société. MM. Cosnier, Godard et de Soland composent la commission, qui doit for- imuler un rapport sur cette proposition. Une commission composée de MM. Godard, Hossard ei Cosnier est aussi nommée pour faire un rapport sur la candidature de M. le capitaine Genest , présen- tée par MM. Godard, Eliacin Lachèse et Textoris. M. Bonci, médecin de la cour imperiale et royale de Toscane, etc., est admis en qualité de membre correspondant de la Société, après un vote onvert à ce sujet. L’ordre du jour appelle M. de Soland è faire lec- iure de ses Etudes sur le Ronceray. Ce travail, qui (507 ) paraît ètre le fruit de multiples recherches, retrace des souvenirs intéressants et précieux; on y trouve des relations très curieuses et fort peu connues, sur les diverses et touchantes cérémonies qui avaient lieu dans cette ancienne abbaye. La liste, que donne l’au- teur, des religieuses qui se trouvaient dans ce monas- tère en 1790, abonde en ces noms de haut lignage dont l’Anjou conserve encore un souvenir plein d’in- térét et de charme ; intérét, du reste, dont la notice de M. de Soland réunit à tous les points de vue une foule d’éléments. MM. Cosnier, Legeard et Godard sont nommés membres de la commission qui doit faire un rapport sur le travail de M. de Soland. Après cette lecture , la parole est donnée à M. Bo reau, qui communique à la Société une Notice sur la fontaine d’Avor, située dans la commune de Gennes, arrondissement de Saumur. Les détails scientifiques et curieux qui sont répandus dans cet intéressant mé- moire ont vivement excité l’attention de l’assemblée. En effet les divers documents cités sur les résultats de l’étude qui a été faite touchant les conditions et les propriétés diverses de cette source, soit par M_ Bo- reau lui-méme , soit par les observateurs qui l’ont précédé , méritent d’ètre appréciés et soigneusement consultés. Car tous ceux qui voudront renouveler des expériences sur ces eaux ne sauraient manquer de trouver, dans le travail de M. Boreau, un fil conduc- teur d’un très favorable appui et d’une solidité garan- tie par la profonde science de l’auteur. MM. Beraud, Guépin et Lebreton ont été désignés pour faire un rapport sur le mémoire de M. Borcau. ( 508 ) M. Beraud, secrétaire général, étant retenu chez lui par une indisposition, charge le secrétaire ordi- naire d’ètre l'interprète de ses sentiments auprès de la Société et de donner lecture à l’assemblée d’une lettre de M. Borcau à M. Beraud. La question qui est traitée dans cette missive est relative au Rosa Borea- na, dont M. Beraud avait publié la description dans le dernier volume des Mémoires de la Société. Les ob- servations émises par M. Boreau, sur cette nouvelle espèce, confirment pleinement les prévisions de M. Beraud et offrent sur ce point un grand intérét pour les fructueuses expériences de la science bota- nique. C'est en considérant ces observations è ce juste point de vue que l’assemblée en a voté l’impression. L’ordre de jour appelle M. Textoris à lire la suite de ses Etudes sur le xvi® siècle. M. Textoris examine dans cette nouvelle série la culture intellectuelle de l'Espagne , du Portugal, de l’Angleterre et de l’Alle- magne; il termine ainsi un essai qui a eu pour but d'échelonner quelques jalons sur la route sì acciden- tée et si mouvante de ce xvi° siècle, dont le bouillon- lement électrique donna naissance à l’orage formida- ble que nous entendons encore gronder. — Une com- mission, composée de MM. Guibert, Pavie et Le- geard, est désignée pour formuler un rapport sur ce mémoire. La parole est ensuite donnée à M. Léon Cosnier qui, sous le titre : d’Angers ancien et moderne, apporte un travail d'un haute importance et d’une pressante ac- lualité. Tout ce que M. Cosnier articule dans l’intérét bien compris des quartiers de la vieille ville est de la plus exacte vérité , et il est d’accord en ceci avec tous ( 509 ) les esprits qui ne sont gouvernés que par elle. Il semble en effet bien plus rationnel et beaucoup plus convenable d’apporter à cette partie de la ville les ameéliorations qui doivent à la fois l’assainir et l'em- bellir, que de se livrer à l’aventure à de fastueux pro- jets d'alignement, de nouvelles rues à eréer, lors- qu'il est si urgent et si humain surtout de répartir avant tout aux vieux quartiers indiqués par M. Cos- nier, les dispositions réparatrices qui aboutiraient è ouvrir ces habitations a la lumière et par conséquent à une ère de bien-ètre et de salubrité qui leur est in- connue ; c'est cette atmosphère bienfaisante qu’appel- lent sur cette partie tous les voeux de l’auteur du mémoire, dont les observations générales sont de la plus précise justice, et il est désirable, sous tous les rapports, qu’elles soient prises en considération. Il s'agit principalement ici d’un intérèt de pre- mière nécessité , et le nécessaire doit passer avant le superflu. Dans une question de si grave importance , il serait peut-étre inutile aussi d’ajouter que M. Cos- nier pare de toutes les gràces du style les justes ré- flexions qu'il énonce. Toujours est-il permis de dire que le fond du sujet est supérieurement servi par la forme. La commission nommée pour faire un rapport sur le travail de M. Cosnier est composée de MM. Béclard, de Soland et Hunault. M. Hunault a la parole et lit un mémoire qui répona énergiquement à des assertions erronées, avancées inconsidérément par une cerltaine fraction de préten- dus économistes modernes, qui, dans leur apprécia- tion des souffrances actuelles de l’agricullure fran- (510) caise, attribuent le mal à des causes autres que les véritables, et proposent aussi de prétendus palliatifs qui seraient beaucoup plus nuisibles qu'utiles. M. Hu- nault déclare que ces moyens ne sont pas admissi- bles et lui paraissent contraires à l’état réel des choses ct à la situation respective de fermier à propriétaire. Ce n’estpas à l’égardde ces rapports établis en général dans de justes conditions proportionnelles et sur des bases équitables, qu'il serait opportun ou habile d’ap- porter des perturbations aussi désavantageuses aux uns qu'aux autres. M. Hunault démontre par des faits positifs et concluants, que ce n'est point dans ce dis- cordant appel qu'il faut chercher le topique è la plaie, mais il touche aux causes essentielles du malaise agricole en l’attribuant principalement aux charges énormes qui pèsent dès longtemps sur la propriété et qui pressurent à la fois le propriétaire et le fermier. Toutes ces considérations sont très graves et méri- tent d’ètre méditées. L’auteur conclut à ce qu'au lieu de rechercher l’ombre du mal en ceux qui travail- lent en communion d’efforts à l’atténuer ou à le gué- rir, on le saisisse corps à corps et en réalité dans les exigences outrées du fisc, de l’usure, de l’agiotage , et un mot dans toutes les parasites superfétations fi- nancières qui engloutissent les revenus fonciers et absorbent les sueurs de la campagne. Il s'attache for- mellement, en definitive, à réclamer les réformes économiques et financières qui seules peuvent amé- liorer la position, en restituant au sol le secours qu’elles en ont si longuement et si abondamment ex- primé, (51) MM. Guibert, Logerais et Béclard sont chargés du rapport à faire sur le mémoire de M. Hunault. L’ordre du jour étant épuisé , la séance est levée à 9 heures et demie. Le Vice-Secrétaire, M. TEXTORIS. Séance du 13 décembre 1850. Présidence de M. DE BEAUREGARD, president. La séance est ouverte à six heures et demie. Le secrétaire ordinaire lit le procès-verbal de la séance précédente qui est adopté. M. de Soland donne connaissance des diverses pu- blications qui ont été adressées à la Société depuis la dernière séance ; aucune observalion ne se produit sur ces envois, M. le président communique à l’assemblée une let- tre de M. Martin d’Angers, qui exprime le désir de la Société libre des Beaux-Arts de Paris d'’échanger ses Mémoires et ses Annales avec ceux de la Société d’a- griculture d’Angers, cette proposition est prise en con- sidération par l’assemblée. M. de Beauregard continue à mettre sous les yeux de la Société divers sujets de correspondance parmi lesquels on remarque une let- tre sur les engrais anciens et nouveaux, et une autre lettre de MM. Renaud et Lot qui mentionne une ma- chine propre à broyer le chanvre par une manière nouvelle prompte et facile. Cette mème machine au moyen d’un changement aisé à exécuter, sert aussì à battre le grain. (512) M.le président dépose sur le bureau un certain nombre d’exemplaires d'un arrété publié et envoyé par M. le ministre de l’agriculture et du commerce re- latif à un concours national annuel d’animaux de boucherie à Poissy. M. de Beauregard informe ensuite l’assemblée qu'il a fait au ministre une demande de 500 fr. de subven- tion pour suppléer aux dépenses extraordinaires qui ont pesé durant l'année sur le budget de la Société. Après ces diverses communications, M. Beraud fait la proposition de conférer le titre de membre hono- raire de la Société à M. le Préfet de Maine-et-Loire, en mémoire reconnaissante de son gracieux concours dans les diverses communications qui lui ont été sou- mises. Cette proposition accueillie d'un sentiment unanime est votée avec le mème ensemble. M. de Soland demande et obtient la parole pour faire quelques observations sur la pierre tumulaire posée a la cathédrale et sur une prétendue erreur de date commise sur l’inscription de cette pierre. M. Éliacin Lachèse énonce sur le méme sujet plusieurs considérations qui s'accordent avecles pensées émises par M. de Soland. M. le président saisit cette occasion pour demander qu'il soit référé à la commission qui s'est déjà occupé de l’érection dn monument Anjou-Sicile, pour arriver a une rédaction historique qui pourrait étre en quel- que sorte , la partie mémorative et intellectuelle du monument matériel. Cette proposition est accueillie. M. de Beauregard informe ensuite l’assemblée que la Société de médecine demande de tenir séanee une fois par mois dans la salle dela Société. Cette demande (513) motivée et développée par M. le docteur Dumont en termes très convenables est unanimement agréée. La parole est accordée à M. Desvaux qui lit un mé- moire intitulé : Diagnose des poissons des còtes de l’ouest et de l’intérieur des terres. Ce travail paraît renfermer des renseignements fort instructifs sur le sujet qui y est traité. L’auteur y énumère et decrit les espèces avec une précision qui témoigne une étude spéciale très approfondie. Cette notice ichthyologique pourrait ètre d’un utile et intéressant secours à ceux qui voudraient s'adonner à lobservation locale des poissons répandus sur les còtes de l’ouest et dans l’in- térieur des terres. M. Desvaux a joint à son mémoire les figures de trois nouvelles espèces , le Blenius hentecus , le Blennius brunneus, la Clupea Alosetta, MM. Millet, Lebreton et Castonnet sont chargés de faire un rapport sur ce mémoire. Après cette lecture M. de Soland fait un rapport fa- vorable sur la candidature de M. de Cumont qui est admis membre titulaire à l’unanimité. M. Genest, pro- posé sur la demande de M. Godard-Faultrier comme membre correspondant, est admis immédiatement avec la méme unanimité. La Société procède ensuite conformément au ter- mes du réglement à l’élection des membres du bu- reau. Par le résultat des suffrages sont nommés - MM. de Beauregard, président. de Senonnes. vice-président. Beraud, secrétaire-général. Textoris, secrétaire ordinaire, Lèbe-Gigun, trésorier. P. Béclard, archiviste. (514) Aprés l’élection dubureau on avise à la nomination des membres de la commission des comptes et du budget. Le scrutin appelle à ces fonetions, MM. de Soland, Huttemin et Castonnet. Ces opérations étant terminées, M. l’abbé Coulon lit une notice sur Vaulandry. M. Coulon remonte tout d’abord à l’étymologie du mot et, appuyé sur deux chartes latines , il croit y d’écouvrir l’associa- tion de ces deux noms Vallis Landrici, qui se serait transformée par l’effet du temps en Vau de Landry et Vaulandry. M. Coulon en tire la conséquence sinon certaine au moins probable, que l'origine de Vaulan- dry est Gallo-romaine. Arrivant ensuite à l’ère chré- tienne l’auteur pense, d’après l’inspection de l’église, que la foi a été préchée de bonne heure en ce lieu et attribue à Saint-Aubin, l’un des évéques d’Angers, l’honneur d’avoir évangélisé cette contrée. En conli- nuant à suivre dans toutes les périodes de notre his- toire les traces des événements qui survinrent dans cette localité , M. l’abbé Coulon cite un certain nom- bre de documents intéressants parmi lesquels le nom de la famille de Turbilly tient une honorable place ; l’auteur termine en donnant une description architec- tonique de l’église de Vaulandry , il sème cette des- cription d'apergus curieux et la couronne par ces pensées élevées et religieuses qui s’adaptent toujours si bien à ces saints édifices. L’impression de cette no- tice est votée par l’assemblée. Immédiatement après M. Godard donne communi- cation d’une charte inédite et très intéressante de Guillaume, évèéque d’Angers en l’année 1236, et qui se rapporte à la construction de l’aile nord de la cha- (515) pelle des évéques. Ce document précieux sera im- primé dans les mémoires de la Société conformément au voeu qui en a été exprimé. La parole est donnée à M. Beraud pour faire un rap- port sur le mémoire lu à la dernière séanee par M. Bo- reau. Le rapporteur déclare que cette notice lui sem- ble présenter un double intérét puis qu’elle remet en lumière les anciennes observations de M. Tessié du Closeau unies aux nouvelles expériences de M. Bo- reau. Après les développements les plus favorables le rapporteur conclut à ce que le mémoire de M. Bo- reau soit publié dans son entier dans les annales de la Société. On procède au scrutin sur cette impression qui est votée par l’assemblée, La séance est levée à neuf heures. Le vice-secrétaire, M. TEXTORIS. «[—_ —r——_—_—m——————@ Séance du 10 janvier 1851. Présidence de M. pe BEAUREGARD, président. La séance est ouverte à 6 heures et demie. Lesecreétaire ordinaire litle procès-verbal de la séan- ce précédente qui est adopté. — M. le secrétaire géné- ral donne connaissance des divers ouvrages adressés à la Société depuis la dernière séance. La plupart de ces ouvrages paraissent dignes d’exciter l’attention. M. Beraud lit ensuite une lettre de M. Martin d’An- gers, compositeur distingué et auteur de plusieurs ouvrages théoriques sur l’art musical, dont le succès 33 (516 ) a été justement acquis. M. Beraud propose M. Martin comme membre correspondant de la Société. On vote immédiatement sur cette admission qui est prononcée par le suffrage de l’assemblée. M. de Beauregard rééhi président à la précédente séance, offre ses remerciements à la Société dans un discours où il passe en revue les éléments nouveaux qui sont venus accroître la série des ceuvres inces- santes de la Société durant l’année qui vient de finir. M. le président rappelle aussi avec éloges la mémoire des membres qui, durant cette méme période , ont été enlevés à la vie et sont ainsi devenus pour la So- ciété un sujet de regret, de privation et de deuil. Cette allocution pleine de dignité et d’intérèt devra prendre une honorable place dans les mémoires de la Société selon le voeeu unanime qui en a été exprimé. M. le président lit une lettre de M. le Préfet de Maine- et-Loire qui adresse ses remerciements sur le titre de membre honoraire qui lui a été conféré à l’unanimité des suffrages. Cette lettre est congue en termes très flatteurs et témoigne de la bienveillante sympathie et du vif intérét de M. le Préfet pour les travaux de la Société. MM. de Baracé, Bellanger fils et Mercier écrivent à M. le président pour donner leur démission de mem- bres titulaires de la Société. Ces démissions sont ac- ceptées avec la réserve pour celles de MM. de Baracé , et Bellanger que la cotisation annuelle sera due pour l'année 1851, conformément aux termes du règle- ment qui prescrit que tout membre qui ne donne pas sa démission avant le premier janvier est redevable de l’année courante. (517) Il est donné communication d’une dépéche du mi- nistre de l’agriculture qui demande des renseigne- ments sur la situation de la culture des céréales à l’effet de connaître si le nombre des hectares ensemencés en grainsalimentaires et narticuliètrement en froment est inférieur ou supérieur à celui 1° d’une année ordi- naire ; 2° de l’année 1849. Une lettre de M. le Préfet de Maine-et-Loire , in- forme M. le président de la Société que M. le ministre de l’agriculture voulant doter l’Institut agronomique de Versailles de tous les moyens d’instruction pos- sibles, pour faciliter les études aux élèves, désire l’enrichir de toutes les publications faites par les as- sociations agricoles; il a en conséquence chargé M. le Préfet de prier la Société de lui adresser deux exem- plaires de la collection complète des publications pé- riodiques ou autres faites par la Société , il demande en outre que l’on veuille bien joindre un quatrième eXemplaire de ces recueils aux trois qui lui sont adres- sés cenformément à la circulaire du 10 novembre 1846, Après ces diverses communications, M. le secré- taire général prend la parole pour rendre compte de ‘ l'état dans lequel se trouvent en ce moment les col- lections d’histoire naturelle et d’antiquités de la ville ainsi qu’une grande partie de la collection de tableaux. Un projet de restauration dela galerie ornithologique, qu’avait approuvé la Société , fut soumis à l’adminis- tration au mois d’aoùt dernier et devint la base d’un projet définitif adopté par le conseil municipal. Après les longs délais des formalités administratives, les tra- vauxfurentenfin adjugés à la fin d’octobre et ils allaient ( 518 ) commencer lorsqu’est venuàsurgir un projet nouveau qui entrainerait un remaniement complet des locaux affectés aux trois musées, et qui, par les retards qu’occasionneraient son approbation et son exécution consommerait infailliblement la ruine des collections zoologiques. Dans ce projet, si inopinément survenu, les musées d’histoire naturelle et des antiquités des- cendraient au rez-de-chaussée , et le musée de pein- ture, séparé de celui de sculpture, occuperait un: pre- mier étage construit dansle logis Barrault et l’an- cienne chapelle. Une discussion s'’engage sur les conséquences que” les projets en présence peuvent avoir tant sur l’état actuel que sur l’avenir de chacun des trois établisse- ments. MM. Béclard, Beraud, Boreau, Godard cet Villers y prennent part et il en résulte, savoir : 1° Quant au musée d’histoire naturelle , qu'en le plagant au rez-de-chaussée, la conservation des col- lections taxidermiques et d’une partie notable des mi- néraux serait compromise parceque le calorifère ne peut avoir d’action sur l’intérieur des meubles vitrés pour en assécher l’air; que pour qu'il obtint un em- placement égal à celui qu'il occupe, il faudrait percer au-dessus des armoires de nombreuses fenétres quì dégraderaient la facade si précieuse du logis Barranlt, nuiraient à la solidité du bàtiment et —qu’ainsi placéil ne pourrait plus s’agrandir que par des construetions neuves et dispendieuses; — tandis qu’en restant au troisième étage ce musée setrouve dans des conditions de conservation en tout analogues è celles du cabinet d’histoire naturelle du jardin national, et dé plus peut prendre plus tard tout le développement désirable sans ( 519 ) autres dépenses qu’une simple appropriation d’appar- tements qui lui sont contigus. 2° Quant au musée des antiquités, qu'il serait réduit dans le nouveau projet à deux salles de 21 mètres de longueur et que resserré entre les galeries David et d’histoire naturelle, il ne pourrait ainsi recevoir d’aug- mentation quelconque méme au moyen de construc- tions nouvelles, tandis qu'il possède en ce moment trois salles de 39 mètres de long et pourrait , presque sans aucune dépense , s’accroitre de plusieurs autres salles du méme plain pied qui suffiraient à tous les besoins è venir. 3° Enfin quant au musée de peinture, qu'il est plus que douteux qu'il pùt retrouver dans les trois salles du premier un espace équivalent à celui qu'il occupe au rez-de-chaussée et qui surpasse de 21 mètres en longueur le premier; — qu’en tous cas cet espace se- rait insuffisant puisque dans l’état actuel on se plaint du peu d’étendue qui empéche de placer toutes les toiles; — qu'il faudra donc nécessairement bàtir dans un temps très prochain et que, en cas d’adoption du nouveau projet, on le ferait de Ja manière la plus cou- teuse et la plus désavantageuse puisqu'on serait forcé d'élever un bàtiment de méme hautenr que le logis Barrault; — qu'il serait donc de tous points préfé- rable de conserver au musée de peinture son empla- cement actuel, sauf à y joindre une galerie éclairée par les combles bàtie en prolongement des grandes salles sur la terrasse, avec retour vers la galerie David, ce qui donnerait è ce musée une avgmentation d’es- pace de 63 mètres, lui offrirait une meilleure dispo- sition de lumière poùr ses bopnes toiles , préparerait (520 ) des emplacements convenables pourrecevoir les dons promis par les Maindron, les Taluet et les autres sta- tuaires angevins, et conserverait intact l'ensemble harmonieux et grandiose qu’offrent nos collections de peinture et de sculpture qui acquierraient ainsi un développement supérieur pour l'espace è tout ce qui existe en province. L’assemblée après Ja elòture de cette discussion et en avoir délibéré, décide à l’unanimité : 1° Que M. le Maire sera supplié de laisser se pro- longer le moins possible l’état de désorganisation ma- térielle de trois établissements, qui, à des titres diffé- rents, ont droit à une égale protection, et en consé- quence d’ordonner la reprise immédiate des travaux antérieurement votés et reconnus urgents par le con - seil municipal. 2° Que dans le cas où M. le Maire jugerait convenable de saisir de nouveau le conseil municipal, il serait prié de transmettre à cette assemblée le voeu formel de la Société tendant à ce que l’administration maintienne sans modification, pour ce qui concerne la destination des anciens locaux, la décision prise au mois dernier et qui était en voie d’exécution. 3° Qu’enfin M. le Maire soit également prié de sou- mettre au conseil le voeu, qu’au fur et mesure que les besoins des musées de peinture et sculpture le récla- meront, il soit donné suite au projet déja ancien et appartenant à plusieurs des administrations précé- dentes, de construire une galerie éclairée par les com- bles en prolongement des grandes salles du rez-de- chaussée avec retour vers la galerie David, et escalier sur le jardin fruitier, pour établir une entrée sur le ( 521°) boulevard digne du magnifique ensemble que présen- teraient alors nos établissements scientifiques et ar- tistiques. i L’assemblée charge en outre d'une manière spé- ciale le secrétaire général de transmettre, vu l’ur- gence, la présente délibération dans le plus bref délai avec l’exposé des motifs qui l’ont provoquée à M. le Maire d’Angers, en lui faisant observer qu'elle a été prise è l’unanimité. Cette question étant terminée, l’assemblée procéde à la nomination d’un archiviste , cet emploi étant de- meuré vacant par la non acceptation de M. Béclard nommé à la précédente séance. M. Dainville fils ayant réuni aujourd'hui les suffrages pour ces fonclions est proclamé archiviste de la Société. M. Godard-Faultrier, communique à la Société le rapport qu'il a fait sur l’inauguration de la pierre tu- mulaire récemment placée dans le choeur de la ca- thédrale d’Angers en mémoire des membres de la deuxième maison d’Anjou-Sicile. Ce, rapport a été écouté avec ce vif et religieux intérét qui s’attache toujours à la fidèle et éloquente reproduction d’unacte solennel dont on a été le témoin. L’impression de ce rapport a été immédiatement votée. M. Textoris lit à la Société quelques considérations sur l’antique origine du système hebdomadaire. Après cette lecture M. Béclard combat la partie de ce mé- moire relative à l'origine de la dénomination des jours de la semaine el soutient l’opinion qui fait dériver des planètes les noms que portentles jours. Cette question peut en effel présenter matière à la controverse. Tou- tefois l’auteur du mémoire persiste dans son opinion, (522 ) la croit la plus favorable et pense qu’après un mir examen elle sera la plus suivie. — MM. Béclard, de So- land et Legeard sont désignés pour faire un rapport sur le mémoire de M. Textoris. La séance est levée à neuf heures. Le vice-secrétaire, M. TEXTORIS. Séance du 14 février 1851. Présidence de M. DB BEAUREGARD, président. La séance est ouverte à six heures et demie. Le secrétaire ordinaire lit le procès-verbal de la séance précédente qui est adopté. Après cette lecture, M. Dainville fils déclare que, désirant se rendre utile à la Société autant qu'il est en son pouvoir, il accepte avec reconnaissance les fonctions d’archiviste, en se reposant avec confiance sur le concours promis de MM. Beraud et Godard pour les soins à donner au classement des livres de la bi- bliothèque et pour la distribution et la rentrée des 0u- vrages. A cette occasion il est décidé par l’assemblée, que ce sera le dimanche d’une heure à deux, que la bibliothèque sera ouverte aux sociétaires dans ce but. M. Dainville énumère et indique les titres des ou- vrages parvenus à la Société depuis la dernière séance; il n’est pas fait d’observation è la suite de cette no- menclature. M. de Beauregard lit une lettre de remerciement du président de la Société de médecine, qui exprime la gratitude unanime de cette Société sur la concession (523 ) temporaire qui lui a été faite de tenir ses séances dans le local du jardin fruitier. M. le directeur de l’école d’Arts et Métiers d’Angers, informe M. le président qu’ayant recu de M. le minis- tre de l’agriculture et du commerce deux tonnes de tourbe carbonisée , par le procédé de M. Roger, pour la désinfection des matières fécales, il met une de ces tonnes à la disposition de la Société. Cet envoi est fait à la Société d’après l’avis de M. le préfet , qui a pensé que l’épreuve qui doit étre tentée sur cette tourbe mélangée, pour en faire ressortir un nouveau procédé d’engrais, est dans les attributions des Sociétés d’a- griculture; après quelques observations émises à ce sujet, on décide qu'il sera avisé aux dispositions préa- lables à prendre pour ces expériences. M. le ministre de l’instruction publique mande è M. le président qu'il a recu 43 exemplaires de la pre- mière livraison de la Pomologie de Maine et Loire, et qu'il a prescrit les mesures nécessaires pour que ces exemplaires soient dirigés vers leur destination, en réservant pour son département et pour celui de l’a- griculture et du commerce , les exemplaires qui leur sont respectivement adressés. M. le président fait la traduction d’une lettre en anglais, qui accompagne l’envoi d’un important ou- vrage dont M. le président trace un apergu. Cet ouvrage est envoyé par la Smithsoniane-insiitution , qui de- mande en échange l’envoi des publications périodi- ques de la Société. Après quelques nouvelles explica- tions de M. de Beauregard, cette proposition est agréée par l’assemblée. Il est donné communication d’une lettre de M. Je (524) ministre de l’instruction publique , qui demande que la Société se mette en relation avec le comité des Arts et Monuments institué près de son département, afin de coordonner en quelque sorte la similitude des vues et la commodité des travaux. M. Godard est invité à indiquer et à prendre les moyens les plus convenables pour relier ces rapports d'une manière favorable et fructueuse. Après la lecture faite par M. le secrétaire-général de la circulaire qui lui a été adressée pour la seconde session du congrès des délégués des Sociétés savantes des départements , il demeure convenu que M. Bres- son sera prié de représenter la Société dans ce congrès. M. le président rappelle ensuite à l’assemblée que M. Textoris a lu dans le cours des séances précédentes, un travail sur le mouvement intellectuel en Europe, durant le xvi° siècle. Mais l'étendue de ce mémoire a empéché quela proposition de l’impression ait été faite immédiatement, à cause des frais qui pouvaient en advenir au comple de la Société. M. le président ajoute qu’après en avoir conféré avec M. Textoris, et ce der- nier ayant consenti à partager les frais qui résulteront de cette impression, il va appeler la décision de la Société à ce sujet. Il est alors procédé au vote par le scrutin, et l’impression du travail de M. Textoris dans les mémoires de la Société est votée. M. de Beauregard lit les termes d’une convocation pour le congrès central d’agriculture, et indique les diverses questions posées par le programme. Après quelques observations faites par divers membres sur cette prochaine réunion, M. Hunault est nommé dé- légué de la Société près de ce congrès. (525 ) M. Huttemin, rapporteur des comptes de la Société, présente un rapport précis , explicatif et parfaitement développé sur la situation financière. Il conclut à ce qu'elle soit arrètée d’après les comptes de M. le tréso - rier, et à ce que des remerciements soient votés par l’assemblée à M. Lèbe-Gigun. Ces conclusions sont adoptées. Après le rapport fait par M. Huttemin, M. le prési- dent communique le projet de budget de la Société pour l'année actuelle. Il cite successivement les arti- cles qui sont tour à tour approuvés et votés dans l’ordre qui suit : BUDGET DE 1851. RECETTES. En caisse au 1e"f numfraire . .132 91 474 2% janvier 1851. caisse d’éparg. 41 33 Cotisations. . . DA DIET RETE Rente 5 p. °/, au PONE oi een. 21 » Allocation du Conseil général. . . . 500 » Total des recettes. . . . 1715 24 DEÉPENSES. URAMMIGee o e caio. sinti 24 » Bougie i... agata, 10 » Fournitures de punt So pe 20 » Travaux archéologiques . . . . . 100 » Garcon de salle ni antatzea - ge De 75 » Concierge-jardinier . . . . . . . 300. » CONS Serie SP n. 200 » Areporter. . . . 729» (526 ) Report. . . . 729 » Impressions? ivissigzo caipbrpttaggea 500» Cours de chimi@: i... Li 200 » Paléontologie . . . STE POR MAL 40 » Supplément dOrbigny. SIT LOWIAUE, 20 » Didron . . . LEFTALO Sela TI SRI INT 20 » Arthur Martin. . . . i + ITS 35. » Conchyliologie. (Journal de) #I04tR% 15 » Derache, correspondance.. . . . . 30 » Reliures. . . . PROFANI IRGInE 50 » Dépenses imprévues, 2430t 195 Ode 76 24 Total de la dépense. . . 4715 24 M. le président rappelle qu'il a fait uné demande de 500 francs de subvention au ministre et que cette demande a été appuyée par M. le préfet et recom- mandée aux soins officieux de l’un des honoràbles représentants de Maine et Loire. M. Godard demande quiil soit alloué 150 franes pour diverses restaurations ou travaux d’art à effectuer à l’église Saint-Maurice. M. le président fait observer que cette allocation ne pourrait ètre faite que sous réserve. Il s'établit sur ce point une discussion è la- quelle prennent part MM. de Beauregard, Beraud , Godard et Hunault. En définitive on procède par assis et levé à l’acceptation de l'ensemble du budget qui est intégralement voté à l’unanimité avec l’addition suivante : « 150 francs sont votés pour ètre employés à res- taurer des monuments funèbres de la cathédrale Saint- Maurice. Ce vote est soumis à la ‘double condition : 1° que le ministre de l’instruction publique accordera (527 ) la subvention de 500 francs qui lui a été demandée ; 2° que la fabrique de Saint- Maurice accordera une somme au moins égale à la subvention de la Société pour le mème objet. » L’ordre du jour appelle la lecture de M. Godard sur les sépultures d’Henri Arnauld et de Jean Olivier. La relation sur la position et l’état de ces anciens mau- solées formulée avec cette précision de détails, ce caractère descriptif et cette critique érudite dont l’au- teur possède si bien le secret, n’a cessé d’intéresser l’auditoire qui s'est empressé d’en voter l’impression. Après cette lecture M. Hunault demande à faire une observation et il s'élève avec énergie contre la cou- tume introduite d’ouvrir les. tombeaux et de troubler les cendres séculaires; il croit que l’on devrait s'abs= tenir sur ce point, et il considère ces diverses exhu- mations comme une sorte de profanation. M. Godard répond qu'il s’associe en partie aux idées exprimées "par M. Hunault, mais il ajoute que lorsqu'il est appelé pour constater une exhumation; il ne peut se refuser à aller examiner les objets qui sont découverts par les fouilles dont les travaux, du reste, sont toujours faits avec le plus: grand soin;et un religieux respect. Après quelques; observations nouvelles présentées è ce sujet par M, le secrétaire-général, le résultat de l'observa- tion faite et des éclaircissements qui l’ont.suivie se traduit dans, l’accord général des opinions à désirer qu'il soit apporté la plus grande réserve dans ces sortes d’opérations. L’ordre:dujour appelle M. Textoris à communiquer à l’assemblée ses souvenirs d'un voyage à Solesme. L’auteur de. cette esquisse.a eu pour principal objet (528) de rendre compte des impressions qu'il a recues de la merveilleuse et sublime épopée en pierres dont il ad- mire les saints détails dans l’église de Solesme. L’im- pression de ce travail a été votée par l’assemblée. A la suite de cette lecture il s'établit une discussion sur les auteurs présumés des divers groupes de 1’é- glise de Solesme. M. Léon Cosnier invoque l’autorité de l’opinion de M. Maindron qui pense que l’on doit restituer à des artistes francais la gloire qui jaillit de la production de ces chefs-d’aeuvre. M. Maindron, dont l’avis doit peser d’un grand poids dans la question, a pensé d’après quelques indices, saisissables seulement pour l’ceil d'un sculpteur, que le groupe de droite pouvait ètre attribué à la méme main que le tombeau de Nantes. M. Béclard se joint à M. Cosnier pour re- vendiquer au nom du génie frangais ce qui est quel- quefois injustement attribué à des artistes étrangers. Ces diverses considérations ont beaucoup intéressé l’assemblée. M. Béclard est appelé à faire son rapport sur le mé- moire relatif à l'origine du systèéme hebdomadaire lu par M. Textoris dans la dernière séance. M. Béclard prend la parole en articulant d’abord qu'il se trouve, comme rapporteur, dans une position exceptionnelle parce qu'il se propose d’exprimer lui-méme son opi- nion personnelle sur une partie de la question traitée dans ce mémoire et à un point de vue différent de l’auteur. Le rapporteur s’élève ensuite à des considé- rations fort intéressanteset très profondesen invoquant tour à tour le ténioignage de Dion Cassius, de Court, de Gebelin et de M. Arago. Il lit méme de ce dernier une partie de la notice scientifique relative à ce sujet (529) et qui a été insérée dans l’Annuaire du bureau des longitudes de l’année 1851, il fait ressorlir avec beau- coup d’attrait et d’habileté tout ce qui milite en fa- veur de l’opinion qu'il professe. Cette brillante et sa- vante argumentationa captivé à un hautdegré l’atten- tion de l’assemblée. Il y avait quelque charme a étre ainsi contredit mème en n’étant point convaincu. Le còté specieux et hardi dela matière aété en effet com- plètement effacé parla gràce de la diction , et le sujet astronomique ou emblématique a été élevé par la cha- leureuse verve de l’orateur à une puissance poétique. On découvrait facilementlasincère et pleine conviction des divers opposants en présence d’une conviction con- traire sur le sujet controversé. Mais cet antagonisme très formel pour le fond a été, dans la forme, présenté avectoute l’exquise courtoisie dulangage académique. M. Béclard, en terminant, rend justice au point de vue philologique qui a dirigé les recherches de M. Tex- toris et au consciencieux exposé de ses convictions. Il conclut, comme rapporteur dela commission è ce que le travail de M. Textoris soit inséré dans les mémoires de la Société. Cette proposition soumise au scrutin a été adoptée par le vote de l’assemblée. L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée è neuf heures et demie. Le vice-secrétaire, M. TEXTORIS. (530 ) Séance d'’avril 1851. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. M. l’archiviste donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , redigé par lui en l’absence de M. le secrétaire Textoris. Il présente ensuite la liste des ouvrages qui ont été adressés à la Société au cours du mois précédent. M. le président fait connaître les détails de la cor- respondance. ll communique une lettre de M. l’ingé- nieur Wolsky, qui, en faisant part de ses regrets de ne pouvoir à raison de son éloignement actuel prendre une part aussi directe à ceux des travaux de la Sociéfé qui ont pour but l’étude dela constitution géologique du département de Maine-et-Loire lui annonce que ses explorations dans la partie de la Vendée qui en est li- mitrophe le mettront sans doute à méme de constater des fails. géologiques dignes d’intérét, et qu'il s'em- pressera de les faire connaitre à la Société. A cette lettre est joint un mémoire fort intéressant sur un nouveau mode de tubage pour:les puits de mine éta- blis dans les terrains aquifères. Ces offres sont accueillies avec gratitude. Les faits géologiques qui se produisent dans les départements de la Vendée et de la Bretagne, où s’est évidemment opéré le soulèvement granitique qui a relevé nos ter- rains de transition antérieurement au dépòt de nos cal- caires des divers ages, et sur lequel ils doivent s’ap- puyer par leurs couches inférieures, offrent en effet une immense importance pour la détermination des ( 531 ) relations de succession qu'ont entre cux ces dépòls si variés. lls peuvent méème conduire à expliquer l’ab- sence de cerlaines couches, ou l’intervertion appa- rente qui se présente dans leur superposition et qui fait que quelques unes d'entre elles semblent appa- raître dans des conditions anormales. M, le président est donc chargé d’adresser les remerciements de la Société a son honorable correspondant. M. Desvaux fait don d’un arbre de Diane et la So- ciété en lui votant des remerciements, décide que cet élégant specimen des dendriles artificielles que forme l’argent dissout par un acide en se critallisant sur le verre, sera exposé dans la salle de ses séances. M. Léon Cosnier fait également hommage à la So- ciété d'un exemplaire du catalogue des collections ar- chéologiques , bibliographiques et autographiques de son grand oncle, feu M. Toussaint Grille, membre ti- tulaire de la Société. Ce riche cabinet, ce vaste monu- ment élevé aux sciences historiques par un seul homme, et dont une longue vie, toute entière de sacri- fices, de labeurs continus, d’études consciencieuses et profondes, avait pu seule assembler et préparer les matériaux immenses, la mort qui en a frappé le savant ordonnateur, va en opérer la destruction, en dissémi- ner les éléments. Ainsi disparaîlra à jamais pour nos contrées cet admirable ensemble où le vieil Anjou se révélait par tous les vestiges qu'il avait laissés de sa marche au travers des siècles passés, et que notre an- cien collègue était parvenu à soustraire aux outrages lu temps ou au vandalisme des hommes de 93. M. Godard-Faultrier saisit l’occasion qui lui est fournie par cette communication, pour proposer à la 34 (532 ) Société l’achat de tous les documents et registres con- cernant l’ancienne Académie et la Société d’agricul- ture d’Angers dont la notre continue la double tàche et dont elle s’efforce de se montrer digne de recueil- lir et de conserver l’héritage de zèle, de savoir et de patriotisme angevin. La Société accueille avec un vif empressement l’a- vis ouvert par le savant président de la commission archéologique, et le charge de traiter de l’acquisition de tout ce qui se rapportera aux deux Sociétés ses de- vancières, n’entendant d’ailleurs fixer à cette dépense aucune limite qui pourrait gènerl’action de son man- dataire, et sen remeltant à cet égard à V’apprécia- tion qu'il fera de l’importance des manuscrits et des ressources financières de la Société. M. Desvaux lit la première partie d'une notice sur la vie et les ouvrages de feu le chevalier de Tussac qui en 14817 succéda pour quelques années au docteur Bastard dansladirection du jardin botanique d’Angers. Cette biographie prend M. de Tussac dès ses premiers pas dansla vie, et nous le montre, pauvre cadet d'une famille noble de Poitou, éloigné également par les tendances de ses idées et les besoins de son coeur du méltier des armes et de la vie religieuse , seules car- rières que les préjugés du temps laissassent ouvertes devant lui dans la mére patrie, se décidant à aller ten- ter fortune à Saint-Domingue. Tout jeune qu'il était encore, il sut éviter des écueils où tant d’autres ve- naient chaque jour briser leur avenir et résister aux entraînements et aux séductions de cette terre de luxe et de plaisirs où s’énervaient et se consumaient bien- idt les natures les plus énergiques et les plus heureu- (533) sement douées. Cette retenue de moeurs dont il avait pris l’habitude au foyer paterne], son esprit élevé et charmant è la fois, un extéricur tout aimable et plein de distinction, le firent aisément apprécier et lui va- lurent la main d'une jeune veuve créole qui le rendit un des plus opulents propriétaires de la plus opulente des colonies. Dans cette situation si nouvelle, si ines- pérée; de Tussac put s'abandonnerà tous ses penchants philanthropiques. Il s'efforga par tous les moyens possibles d’adoucir le sort de ses esclaves et fut, dit-on, le premier colon qui substitua aux bras des nègres l’emploi de la force des animaux dans les travaux de la terre si pénibles pour l'homme sous ce ciel de feu. Le spectaclede cette végétalion tropicale si puissante, si variée, si luxuriante de formes et de couleurs, ne pouvait manquer de frapper vivement un homme or- ganisé pour sentir tous les charmes de F'étude de la nature, et lui apparut peut-ètre d’autant plus magni- fique, qu'il ne connaissait guère alors de l'ancien monde, que la végétation monotone des plaines arides et dénudées du Poitou, Il s'initia done avec une ardeur extrèéme aux connaissances botaniques ei voulut mon- trer aux savants de l’Europe par une publication alors sans modèle, les plantes rares ou inconnues qui se pressaient en foule sous ses pas. Il s'adjoignit à cet effet un jeune artiste qui s’inspira de ses conscils et fut chargé de reproduire sur le velin dans leurs cou- leurs naturelles les plantes dont de Tussac faisait la description. ll se proposait ainsi de nous présenter dans toute sa splendeur la couronne de fleurs de la reine des Antilles, lorsque l’heure fatale vint à sonner (531) pour celle-ci, comme pour une autre royauté. Au moment où s'écroulait sa fortune, de Tussac, que pro_ tégeait encore le souvenir de sa bienfaisance et de son humanité, trouva d’abord nn refuge au milieu de ses esclaves révoltés. Mais bientòt l’incendie du Cap ne laissa plus aucune place à l’espérance et comme les autres victimes qui parent échapper à cet immense désastre, il se vit contraint de fuir vers les navires rancais. Dans ce moment suprème, le philosophe ne se démentit pas . Il ne pouvait sauver que ce qu'il emporterait avec lui.... il choisit le manuserit de sa flore des Antilles! M. Desvaux arréète à cet épisode la lecture de sa no- lice et la reprendra à la prochaine séance. M. Léon Cosnier est ensuite chargé de lire un mé- moire très étendu de M. l’abbé Chevallier membre correspondant et candidat au titre de membre titu- laire, sur la forét et l’abbaye de Mélinais, saint Regnault l’anachoréte et ses reliques. Les faits curieux qui ont trouvé place dans ce travail, les documents qui y sont cités sont ou entièrement inédits ou peu connus. La plupart des sources où a puisé l’auteur sont étran- gères à nos bibliothèques, et notre histoire locale possédait peu de chose sur cette partie éloignée de no- tre ancienne province. La chronique de saint Regnault est d’ailleurs intéressante à plus d'un point de vue. Ce pieux et austère cénobite, dont la mémoire est restée en si grande vénération dans les-contrées en- vironnantes , apparait dans le récit de M. Chevallier comme une figure historique, entourée de graves mysltères et se produit avec un effet saisissant et dra- matique. Cette entrevue du saint personnage avec le ( 535 ) roì d’Angleterre, l’étonnement que laissa voir le mo- narque, ces hautes marques d’affection qui ne purent réhabiliter à ses propres yeux celui qui ne se pardon- nait pas à lui-méme , diverses circonstances rappro- chées par le narrateur, peuvent porter en effet à penser avec lui, que cette vie sanctifiée par tant d’austérités, n’était qu'une expiation volontaire et que saint Re- gnault n’était autre sans doute qu'un de ces quatre gentilshommes qui, après avoir entendu Henri I s'é- crier imprudemment à Baycux, en apprenant que Becquet excommuniait les prélats qui avaient sauvé son fils: quoi aucun de mes serviteurs ne me vengera d'un prétre ingrat qui trouble mon royaume! franchi- rent la mer et allèrent frapper l’archevéque de Can- torbéry sur les marches de l’aulel. L’impression de cette notice est mise aux voix el ordonnée. L’ordre du jour appelle ensuite la discussion sur les mesures à prendre pour règlementer le droit à l’im- pression de manière à ce que les fonds qui y sont af- fectés dansle budget annuel ne soient pas absorbés par des publications qui ne se rattachent pas étroilement à l’Anjou, et qui par des proportions trop étendues ne laisseraient pas place à l’impression immeédiate de tra- vaux plus substantiels et pius importants pour la science locale. On propose pour obvier à ces inconvénients de met- ire à la charge des auteurs tous les frais excédant trois feuilles d’impression. M. Boreau fait observer qu'il pourrait ètre fàcheux d’admettre cette disposilion d’une manière absolue; qu'il est en effet tel ouvrage qui ne peut ètre scimdé ( 536 ) et qui, à raison de son importance, peut faire désirer que notre recucil s’en enrichisse quelque soit le chif- fre de l’impression; que pour ne pas écarter ces sortes de mémoires il faudrait admettre au moins que la So- ciété pourrait par une décision spéciale se charger de faire tous les frais de leurs publications. M. Béclard présente à ce sujet quelques réflexions sur les inconvénients que peut entraîner le renvoi forcé à une commission des mémoires qui compor- tent plus d’une fewille d'impression, ainsi que cela est exige par le règlement actuel. Il fait remarquer que lorsque la commission fait son rapport, un mois au moins s’est écoulé depuis la lecture, et qu'il ne reste plus alors qu’un souvenir vague de l’ouvrage dont une seconde lecture est cependant à peu près impraticable, qu’en second lieu la commission n'est composée que de trois membres, et qu’avec la bienveillance mu- tuelle, l’esprit de bonne confraternité qni unissent les membres de la Société, il est bien difficile que la com- mission puisse conserver toute la liberté d’aclion, l’in- dépendance d’appréciation qui serait désirable. Il croit donc qu'il y aurait avantage a vider de suite, après la lecture d'un mémoire, et quelle que fut son élendue, la question délicate de l’impression. M. le président de Beauregard se déclare en faveur des prescriplions durèglement sur le renvoi àune com- mission d’examen. La lecture a des entraînements qu'il faut savoir prévoir et éviter. La commission d’examen préparatoire pour les ouvrages au-dessus d’une feuille , a d’ailleurs cet avantage que l'on peut ainsi obtenir de l’auteur si on les croit utiles des cor- rections ou des concessions moins blessantes pour l’amour-propre. (537) M. Lèbe-Gigun demande que dans toutes les hypo- thèses soit que l’on ait recours à une commission © d’'examen ou à une commission de rédaction , ces commissions se mettent en rapport avec le bureau pour préparer la décision définitive en ce qui touche l’impression. La discussion se résume et il est admis : 1° Que si au cours d'une année un membre fait im- primer un ou plusieurs mémoires dépassant trois feuilles d’impression les frais de l’excédant tomberont a sa charge. 2° Que néanmoins au cas où le bureau le propose- rait, la Société pourra décider que les frais de ce sur- croit d’impression seront supportés par la Société. Le président donne la parole au rapporteur de la commission chargée de donmner un avis sur la candi- dature de M. Louis Tavernier, rédacteur du journal de Maine et Loire. Le rapport conclut à l’admission et le serutin est immédiatement ouveri. Le présideni après en avoir constaté le résultat favorable proclame M. Tavernier membre titulaire. Les mémes formalités sont remplies pour la candi- dature de M. Chevallier, curé de Volandry qui est éga- lement proclamé membre titulaire. L’heure avancée ne permettant pas d’entendre les autres lectures portées à l’ordre du jour, elles sont renvoyées à la prochaine séance. Le secrétaire général , T.-C. BERAUD. (538) Séance du 6 mai 1851. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Le secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance d’avril, il est adopté. L’archiviste présente les publications qui sont par- venues depuis la dernière réunion et le dépòt dans la bibliothèque en est ordonné. Le secrétaire général croit devoir donner communi- cation è la Société d’un article qu’un de ses membres correspondants, M. Guérin-Menneville, a publié dans le numéro de janvier dernier de la Revue zoologique, où se trouve indiqué un remède contre la rage qu’on assure ètre employé avec succès pour prévenir ou com- battre cette affreuse maladie dans les provinces de la Russie où elle se manifeste le plus fréquemment. Il consiste à administrer aux individus mordusla Cétoine dorée, (Cetonia aurata L.) réduite en poudre; cette espèce de coléoptère très répandue en Anjou où elle porte le nom vulgaire de hanneton de rose se distingue facilement de tous les autres insectes qui vont bu- tiner sur les fleurs de nos buissons, par sa forme aplatie et son éclat métallique vert en dessus cuivreux en dessous. Ces insectes sont conservés entiers et des- séchés dans des flacons hermétiquement bouchés et donnés à la dose de 2 è 6 suivant l’àge et la force des malades après avoir ét6 grossièrement pilés et étendus sur une tartine de pain. Une lettre du docteur Mandilény habitant Paris, mais ayant exercé la médecine pendant 25 années en (539 ) Russie, insérée dans le n° d’avril de la mème revue est venue confirmer qu’en ce pays on a en effet une confiance générale dans ce mode de traitement et qu'elle parait fondée sur des faits de guérison bien avérés. La médecine ne possédant jusqu'àè présent aucun remède certain contre la rage , il parait opportun de répandre la connaissance de tous ceux qui en diverses contrées ont la réputation de la guérir, surtout quand comme celui-ci , ils sont simples, à la portée de tous et sans danger, et qu’en outre ils n’excluent pas l’em- ploi de la cautérisation dont les effets salutaires parais- sent incontestables, lorsque l’inoculation immédiate du virus ne s’est pas faite par les gros vaisseaux ou que son absorbtion n’a pu encore s’effectuer par les vaisseaux capillaires. Aussi plusieurs membres expri- ment-ils le désir que la notice de M. Guérin-Menne- ville soit communiquée aux journaux de la localité pour y étre imprimée. M. le président de Beauregard annonce a l’assem- blée que très prochainementla ville va rentrer en pos- session de la portion du jardin de la manutention dont la remise avait été réclamée dans le but de relier au jardin fruitier l’ancienne église de Toussaint. La riche rosace du coeur se irouvera ainsi complètement dé- masquée et les ruines pittoresques que M. Godard- Faultrier, notre confrère, a transformées en un vaste et curieux dépòt pour tous les monuments du vieil Anjou qui à raison de leur volume ne peuvent pren- dre place dans les salles du musée d’antiquités, vien- dront apparaitre dans toute leur élégance et se réuni- ront par l’intermédiaire du jardin fruitier à l'ensemble ( 540 ) déjà si grandiose de nos établissements scientifiques etartistiques. La Société qui a eu l’heureuse initiative de ce plan d’agrandissement, vote des remerciements a son bureau pour le zèle et la persévérance qu'il a mis à se faire son interprète auprès des différentes autorités entre lesquelles s'est traitée administrative- ment cette affaire à la réussite de laquelle les amis des arts et des études locales attachaient un vif in- térét. M. Godard-Faultrier lit les deux lettres inédites in- diquées dans l’ordre du jour. La première est de Henri III et concerne la démolition alors projetée du chàteau d’Angers. La deuxième de Henri IV est relative à une famine en Anjouet fournit une nouvelle preuve de la préoccupation du bon roi pour les malheurs qui frap- paient ses sujets. Ces deux documents doublement précieux par leur objet et par leur authenticité pro- viennent du fond de feu M. Grille membre de la So- ciété d’agriculture. Le président communique une demande adressée par un sieur Cusson, originaire du département de Lot-et-Garonne, tendant à obtenir l’autorisation d’ex- poser dans la salle des séances de la Société une hor- loge en bois son ouvrage qui a été l’objet d’un exa- men sérieux de la part de plusieurs des Sociétés savantes qui correspondent avec la nòtre. L’assemblée après avoir pris connaissance de divers compte-rendus dont celte horloge a été le sujet, au- torise le sieur Cusson à l’exposer sous son patronage danslasalle de ses séances, Elle décide en outre qu'elle consacrera ultérieurement une séance spéciale à l’é- tude d’une ceuvre qui parait mériter sous plus d’un rapport de fixer son attention. (541) M. Béclard saisit cette occasion pour rappeler è la Société qu'un artiste angevin présenta à la dernière exposilion, qui eut lieu dans notre ville, une horloge a laquelle on ne donna peut-étre pas alors tous les éloges que méritaient la complication des calculs aux- quels l’artiste avait dù se livrer, l’exactitude rigou- reuse des résultats obtenus, et une exécution maté- rielle aussi remarquable par l’élégance que par le fini du travail. M. le président annonce qu'il vient de recevoir une lettre de la Société académique de Rouen qui convie la notre à la seconder dans les efforts qu'elle fait pour provoquer et amenerla répression des fraudesdans les engrais composés. A cette lettre est jointe une bro- chure qui explique le but que poursuit la Société Rouennaise. Cette communication donne lieu à une longue dis- cussion sur la puissance fertilisante ou nutritive des engrais concentrées, préconisé outre mesure par cer- tains organes de Ja presse parisienne , contestée ou niée avec autant de tenacité, et d’une facon toute ainsi absolue par d’autres. Lathéorie de l’action exercée par certains corps sim- ples ou composés sur la végétation ne permet pas de repousser d priori, comme devant ètre sans efficacité possible, l’emploi des engrais concentrés, surtout lors- qu'’ils sont appliqués aux graines de semence. C'est aussi cette opinion qui parait prédominer parmi les membres qui prennent la parole. Le savant directeur de l’école des Arts et Métiers, M. de Joannis, annonce en effet qu'il a voulu expérimenter par lui-méme l’en- grais Dussault et l’a appliqué a une semaille de blé. Il (542) promet de rendre un compte détaillé des observations qu'il aura été ainsi à portée de faire sur l’usage de ces engrais en les comparant aux résultats obtenus par des fumures ordinaires appliguées dans des terres ana- logues. M. de Beauregard de son còté fait connaître que des agriculteurs du Saumurois ont mis l’engrais Dussault en expérience et que jusqu’ici ils paraissent très satis- faits de l'état de leurs cultures. M. Beraud fait observer que les engrais concen- trés ne doivent pas agir avec une égale énergie soit sur les diverses natures de récoltes, soit à toutes les phases de la végétation d'une méme espèce de plante ; qu'il ne parait pas douteux qu’appliqués à la semence ils puissent hater la germination, l’activer, stimuler la vie de la plantule tout en fournissant à ses premiers besoins de nutrition et influer ainsi d'une manière salutaire sur la première période de l’évolution végé- tale ; mais qu'il est probable que là se borne leur ròle et que plus tard ils ne pourraient suppléer à l’ab- sence compléte des autres modes de fumures. Si l'on a pù croire qu’ils pouvaient dans les dernières phases de la végétation tenir lieu d’autres engrais, c'est sans doute que l’on aura seulement observé ce qui se pas- sait dans cerlaines plantes qui puisent à peu près ex- clusivementleur nourriture dans les fluides aériformes de l’almosphère; pour celles-ci les engrais concentrés ayant dès la première période de la végétation pro- voqué un grave et rapide développement du système foliaire, (dans les légumineuses et les crucifères par exemple), il est possible que l’adjonclion d'autres en- grais devienne moins nécessaire, mais il est à croire rr T_T ———© ( 543 ) que pour les céréales qui tirent longtemps du sol la meilleure partie de leur nourriture et dont le système foliaire est relativement sì inférieur à la puissance d’absorbltion, et par suite de nutrition, de l’abondant chevelu de leurs racines, il parait difficile d’admettre qu'il en puisse étre de mème. Le secrétaire général penserait donc que dans les expériences à faire il fau- draitappliquer lesengrais concentrés tant seulsqu’avec l’auxiliaire des engrais azotés ordinaires, et cela aux diverses familles des végétaux cultivés; et que, de plus, il faudrait pour pouvoir mieux apprécier la valeur vé- ritable de ce genre d’engrais, tenir compte de la ma- nière dont se comportent certaines plantes soit lors- qu'’elles sont fumées suivant l’ancienne méthode, soit lorsqu’elles ne recoivent que des amendemenis sti- mulants, tels que la chaux, les marnes, faluns etc. , soit mémelorsqu’elles sont confiées, comme les vesces, tréfle ete., sans fumures particulières à un sol anté- rieurement amendé mais souvent appauvri par une succession de récoltes épuisantes. Une commission est nommée pour examiner les questions qui se rattachent aux engrais artificiels, à leur emploi , et à leur sophistication. MM. de Joannis, Desvaux et Hunault sont désignés pour en faire partie. Cette mème commission est chargée de rédiger Ia ré- ponse à faire à lAcadémie de Rouen. M. de Beauregard fait part à la Société de la décou- verte qui vient d’étre faite par un concours de cir- constances singulières d’un manuscrit écrit dans une langue inconnue. Un charpentier du Gué d'’Arcis ar- rondissement de Saumur avait acheté il y a un mois environ, une vieille poutre provenant de la démoli- ( 544 ) tion d'une maison de cette commune, il voulut la dé- biter et s'apercut, qu'il s’y trouvait une cavité : c'est là qu'il a trouvé renfermé un manuscrit, lequel con- tient 4 à 5 feuilles d’une écriture parfaitement nette et dont les caractères paraissent appartenir à une des langues de l’Orient. Quant à l’époque où cette cachette aurait été pratiquée , la présence d’un jeton que l'on y a trouvé prouve qu'elle ne peut étre antéricure au xvi° siècle, auquel M. Godard-Faultrier a reconnu que que ce Jeton appartenait. M. Desvaux reprend la lecture de Ja biographie de M. de Tussac. M. de Tussac comme beaucoup d'autres colons prit part à l’expédition de Saint-Domingue en 1802 et après sa malheureuse issue se réfugia à la Jamaique où il demeura pendant un an. Là, il reprit ses études botaniques et recueillit un nouvel herbier. De retour en France en 1804, il se prépara dès lors à publier la flore des Antilles et trouva pour s’aider dans cette entre- prise de nombreux matériaux dans les collections que Poiteau avait rapportées de Saint-Domingue ainsi que dans les travaux iconographiques de Turpin. La pre- mière livraison de cet ouvrage parut en 1808 et de- puis cette époque M. Tussac ne cessa de faire des re- cherches et des études suivies, au prix souvent des plus pénibles sacrifices, pour arriver à son enlier achè- vement. Il n’était pas encore terminé , lorsque M. de Tussac en 1817 fut nommé directeur du jardin bota- nique d'Angers , place dans laquelle M. Desvaux ne tarda pas à le remplacer. Rendu à la vie privée M. de Tussac ne cessa jamais de s’occuper de la science ct publia en outre divers opuscules sur des questions qui se rattachaient au système colonial. (545 ) Ce mémoire à raison de son étendue est renvoyé aux termes du règlement devant une commission composte de MM. de Soland, Béclard et Castonnet. M. Beraud lit ensuite un mémoire sur les races bo- vines indigènes, et la race Durham considérées dans leurs rapports avec le mode d’exploitation agricole adopté dans les pays d’élève de l’ouest de l’Anjou, et au double point de vue de l’abondance de la viande et du moindre prix auquel elle peut ètre livrée par l’éleveur. Il motive par des calculs qui paraissent con- cluants, la préférence que l’on doit suivant lui accor- der à la race indigène dite Mancelle également propre au travail età l’engrais et donnant ainsi pour les ani- maux qui doivent étre livrés à l’engrais, à raison du travail par lequel ils ont payé une partie de leur nourri- ture, un prix de revient bien inférieur. à celui des boeufs de la race Durham , qui ne peuvent aucune- ment suppléer cette race dans le travail de la terre, sans perdre leur aptilude à un engraissement précoce. Il prouve ensuite par plusieurs exemples que la race Mancelle est apte à prendre Yengraissement dès le jeune age, surtout si on la soustrait, comme les Durham, au travail. Il cite un boeuf de race Mancelle pure, àgé de quatre ans dix mois élevé chez M. Guil- leux près du Lion-d’Angers qui fut vendu à Poissy le 25 février 1854. Il était haut de 1 métre 88 cent. ct pesait debout à jeun 1460 kilog. encore n’éiait-il pas parvenu au point d’engraissement où l’éleveur l’eùt amené, s’il n’avait voulu le présenter au concours de Poissy où il fut primé. M. le président donne ensuite lecture d’une leltre 6manant du ministre de l’agriculture ei du commerce (546 ) qui demande à la Société de répondre a un grand nom- bre de questions relatives à l’ichtvologie de nos di- vers cours d’eau. Une commission est nommée pour rassembler et coordonner les renseignements solli- cités par le ministre. MM. Millet, Desvaux et Beraud en feront partie. M. Léon Cosnier présentecomme candidat au titre de membre correspondant M. Livet, professeur à Nantes. MM. de Cumont, Cosnier et Godard-Faultrier forme- ront la commission chargée de l’examen des titres du postulant. L’heure avancée oblige à reporter à la prochaine séance la notice biographique sur le général Bourgeois qui devait terminer l’ordre du jour actuel. La séance est levée. Le secrétaire général , T.-C. BERAUD. Séance du 13 juin 1851. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secretaire rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. Le procès-verbal de la séance de mai dont le secré- laire général donne lecture est adopté. L’archiviste dépose sur le bureau un grand nombre de publications récemment adressées à la Société. Le président présente au nom de M. de Joannis, qui en fait hommage à la Société un exemplaire de sa relation de l’expédition du Luxor. Notre honorable (547) confrère, alors officier de marine, commandait ce bA- timent avec la mission spéciale de rapporter l’obé- lisque en France. Ce fut donc sous sa direction per- sonnelle que furent exécutés les travaux vraiment prodigieux qui eurent pour résultat de doter la France de ce géant des monolithes, et en ont fait le trophée de la place de la Concorde. Celte relation est accom- pagnée d’un atlas qui complete les descriptions des lieux et des monuments visités par l’auteur. La Société vote des remerciements unanimes è M. de Joannis, et ordonne qu'il en sera fait mention au procès-verbal. M. Tavernier est invité à faire pro- chainement un rapport sur cet ouvrage. Le président donne ensuite communication d'une lettre du ministre de l’instruction publique, annon- cant qu'il a mis à la disposition de la Société un se- cours de 300 franes. L’assemblée charge le président de se rendre près du ministre l’interprète de sa grati- tude, tant pour celle marque de munificence que pour les paroles encourageantes et l’approbation flat- teuse que la mème lettre accorde à nos lravaux. M. Godard-Faultrier demande la parole, et exprime le désir que la Société prélève sur l’allocation qui vient de lui étre attribuée, une somme de 150 franes pour la restauration du tombeau de l’évèque Ollivier dans l’église cathédrale, ceuvre à laquelle elle avait affecté dans le budget de cette année une première somme de méme valeur; mais il est répondu que depuis moins d’un an plus de 500 francs ont été dé- pensés par la Société pour des restaurations faites dans la cathédrale, ce qui est considérable eu égard aux ressources minimes dont dispose la compagnie; qu'au 35 ( 548 ) surplus on ne peut ainsi à l’improviste et autrement que par une déliberation spéciale mise préalablement à Tordre du jour, décider de l’emploi en dehors des prévisions du budget d'une somme aussi élevée. M. Godard-Faultrier croit devoir insister sur la né- cessité pour la Socicté de se maintenir dans la voie où elle est entrée , dans le but d’arriver dans un avenir plus ou moins prochain è une restauration générale et convenable des monuments arehéolo- giques qui decoraient jadis Saint-Maurice, restaura- tion qu'elle aura eu le mérite incontestable de provo- quer, tant par ses éludes que par ses dons spontanés. ll déclare du reste s'en remettre entièrement au bon vouloir du bureau pour choisir Je moment opportun de proposer à la Société le supplément d’allocation par lui réclamé. Le president prend l’engagement d’examiner avee le bureau et la commission du budget la proposition de M. Godard. M. E. Dainville, au nom de la commission nommée a la dernière séance, fait un rapport sur la candidature du sieur Cusson, et conclut à ce qu'il soit admis au nombre des correspondants de la Société. Comme à la suite dela séance spéciale quela Société accorda à l’exa- men de l’horloge en bois exposte par ce mécanicien, M. Béclard présenta, sur celte machine, un rapport qui recut l’approbation des membres présents et dont l’impression fut ordonnée, il est décidé que le compte- rendu de M. E. Dainville figurera à la suite et comme complément du précédent, en raison de ce qu'il ex- prime, dansles sages conseils donnés au récipiendaire, l’opinion definitive de la Société. ( 549 ) L’on passe ensuite au serutin, et le sieur Cusson est admis comme membre correspondant. M. Léon Cusnierlit la biographie du géneral angevin Bourgeois, décédé il y a peu de mois. L’impression en est votée ct dispense de donner une analyse de cette lecture, aussi attachante par la forme du récit quo par les détails de cette existence chevaleresque , si pleine d’acti»n et de veritable patriotisme, qui a passé au travers des péripéties les plus émouvantes du grand drame dont la France impériale donna le magnifique spectacle au monde. M. Godard-Faultrier prend ensuite la parole pour nous reporter à quatre sièclos en arrière dans l’histoire de notre province d’Anjou, et nous raconte une émo- tion populaire qui s’y produisit »n 1461. Ceite jacque- rie au petit pied n'a pas encore trouvé place dans les histoires générales de France. M. Godard a déconvert cet épisode des troubles civils, dont si longiemps nos conlrées curent le triste privilége, dans un ds nom- breux manuscrits réceniment achetés par la ville à la vente de la bibliothèque Grille. Le recouvrement des tailles en fut l’occasion et le pretexte. Durant trois jours, la ville ou du moins les maisons des personnes qui paraissaient jouir de quelque aisance , furent saccagées cet pillées par des troupes d'hommes armés en partie de bàtons et de triques, co qui valut à ce soulèvement le nom de Triquoctrie. Les employés de toute espice, la bourgeoisie, le clergé furent en butte a d’affreux excès et comptèrent plusieurs viclimes. Mais le chaàtiment ne se fit pas longtemps attendre ; il fut rude et barbare, comme la justice et les moeurs de ce temps, « car (dit le chroniqueur ) plusieurs en ( 550 ) » furent bien punis , les uns furent noyés , les autres » décollés , bras et jambes coupés et les corps mis au » gibet ou à la rivière..... » L’impression de cette page inédite d’histoire locale est votée. M. le docteur Hunault demande et obtient la parole. Il allègue que la concession de 20 années faite à la Société par la ville d’Angers du terrain du jardin fruitier doit expirer dans deux ans; qu’ainsi il est urgent de faire près de l’administralion municipale une démarche pour en obtenir une prolongation de bail, qui permette de donner à nos cultures une exten- sion que chaque jour rend plus néeessaire ; que si la Société laissait arriver le terme de la concession sans avoir fait fixer d’avance sa position, il serait à craindre que par une de ces fluctualions d’opinion qui ne s’opè- rent que trop fréquemment dans les corps soumis è l’imprévu des éleclions, elle se vît exposée à perdre la collection la plus complète peut-étre d’espèces frui- tières qui soit en France, collection acquise au prix de travaux spéciaux, de correspondances, de vérifica- lions continuelles, etc. M. Hunault demande donc qu’'une commission soit chargée de faire les démar- ches que nécessitent les conjonetures. La Société, toute confiante qu’elle soit dans l’in- fluence salutaire que la création de son jardin fruitier a exercée sur la science et l’industrie horticullurale, ainsi que dans la bienveillance éclairée de l’adminis- tralion municipale qui ne peut méconnaître le but d’utilité publique de cet établissement fondé sous ses auspices, décide que le bureau, après avoir consulté les clauses de la concession qui en a été faite, agira (SOLA) selon l’occurrence, dans le but de conserverà la Société la jouissance d’un terrain qui, par sa situation encore plus que parson élendue, répond si bien à sa destina- lion. Un des membres (le Secrétaire général ) saisit cette occasion pour rappeler qu'au moment où la révolution de février vint a éclater, un projet avait été présenté par notre Société pour que la Faculté des sciences dont on poursuivait alors la fondation eùt son siége dans les bàtiments de Toussaint, et que les deux jardins Glant réunis en un seul, on joignît à la collection des arbres fruitiers , celle non moins importante de tous les végétaux utiles, plantes céréales, maraîchères, fourragères, ete. Le jardin ainsi agrandi eùt été ouvert au public et fàt devenu pour le sud de la ville ce que le jardin botanique est pour le nord. Abrité de toutes parts, en communication immediate avec nos établis- sements scientifiques et artistiques de Toussaint et du Musée, il edt été la promenade habituelle de tous ceux qui les fréquentent. Lorsque, dans quatre ans, les dé- pendances de Toussaint reviendront en la possession de la ville, rien ne s'opposerait à ce que l’on réalisàt du moins l’adjonclion au jardin fruitier de celui de Toussaint, qui n’est d’aucune utilité pour l’établis- sement de la manutention et pourrait en étre distrait lors mème que la ville ne voudrait pas rentrer dans la Jouissance des bàtiments. La commission devra donc, dans les démarches qu'elle fera, prévoir cette possi- bilité d’agrandissement pour le jardin fruitier. M. le president désigne comme devant faire partie de la commission chargée de cette affaire, MM. Beraud, secrétaire général, Godard, président de la section d’ar- (552 ) chéologie, Millet, président de la section d’horticulture. M. Hossard lit des observations sur le pendule gi- gantesque établi par M. Foucaud à Sainte-Geneviève de Paris, et éclaire par desexplications orales ce qu'elles pourraient avoir d’obscur pour les personnes qui n’ont pu lire Ja description que l’on a donnée de l’appareil de M. Foucaud. L’intéret qui s'attache è la démons- tralion que la marche circulaire du pendule apporte A la théorio du mouvement rotatoire de la terre, par le rapport mathématique qui existe entre la marche des oscillatinns et la distance où il se trouve soit des pòles, soit de l’équateur, détermine la Société à en- gager M. Hossard à donner pour complément à sa vote, dont elle vote l’impression, un sommaire des explications que la discussion a provoquées à ce sujet. La séance avait été préc&ldée par l’examen d'un Uranorama exposé dans la salle des séances par le sicur Meignen, mécanicien a Angers, qui avait été nppelé pour en faire Ja démonstrati n. L’assemblée a reconnu que, par une conséquence nécessaire du système de construction adopté par lauteur poar la translation du globe autour du cerele de l’horizon, le parallélisme de l’axe terrestre n’avait pu étre observé dans tous les points de la révolution annuelle, mais que ccpendant aux deux solstices l'in - clinaison se trouvait parrallèlement la méme. Elle a de plus remarqué qu’aux neeuds dos équinoxes, bien que l’inclinaison se irouvàt produite cn sens contraire, comme la ligne de T'ixe restait comprise «lans un méme plan , perpendiculaire à l’hofizon et par consé- quent parallèle au plan de l’axe au moment des sols- lices, les phénomènes qui se rapportent è l'égalité (553) des jours et des nuits pouvaient néanmoins, en tenant compte de cette difftrence, ètre démontrés d'une facon satisfaisante. Ainsi, malgré l’absence du parallélisme à tous les degrés intermédiaires , la machine du sieur Meignen peut suffire pour rendre raison des phéno- mènes astronomiques de la diversité des saisons et de l’égalité ou de l’inégnlité des jours dans les points extrèmes des solstices et des “quinoxes. La Socicté pense du rest devoir féliciter le sicur Meignen de la manière habile et de la precision avec lesquelles sont exCcut6es les nombreuses pièces de for et de cuivre dont se compose sa machine. Elle appre- cie tout ce qu'il lui a fallu de zèle et de persévérance, pour entreprendre et mener A fin un travail d'autant plus ingrat que Jartiste ne pouvait manquer dès le début de reconnaître l’impossibilit! d’atteindre à autre chose qu'à un è peu-près plus ou moins ingénieux et jamais completement satisfaisant, puisqu'il lui fallait tout d’abord renoncer à tenir compte de la distance proportionnelle des astres entr'eux, de la forme de leurs ellipses, de la situation relativo des plans de celles-ci, des rapports de volume, cete., etc. M. Tavernier est inyité à résumer dans un rapport los observations diversos auxquelles l’ex;nmen de cette imachine a donné lieu. M. Cosnier termine la séance par un rapport sur la candidature de M. Livet, professeur à Nantes, présenté à Ja «lernière réunion. Il est procédé au serutin, et le président déclare que lu Société admet M. Livet au nombre de ses correspondants. L’ordre du jour étant 6puiss, la séance est levée. Le secrétaire-ginéralt, T.-C. BeRAUD. (554 ) Séance du 18 juillet 1851. Présidence de M. BERAUD. M. le président de Beauregard étant retenu chez lui par une indisposition, et M. Textoris, vice-président, Gtant aussi absent, l’assemblée invite le secrétaire gé- néral à présider la séance. Lecture est donnée du procès-verbal de la séance de juin qui est adopté sans réclamation. L’archiviste fait l’énumération des publications qui ont été regues de divers correspondants. M. Godard-Faultrier donne lecture d’une leltre iné- dite de Francois Bodin, et raconte comment il en a dù la connaissance à M. Lambert, de Saumur, chez lequel il s'était rendu pour visiter une suite pré- cieuse d’Elzévirs. Ce riche bibliophile, chez qui la passion du collecteur se rehausse de tout ce qu'une instruction solide et des études sérieuses peuvent ajouter pour la rendre profitable aux sciences, a montré à notre confrère un exemplaire de Sénèque par lui restitué à l’oeuvre déjà si immense des Elzé- virs. Guidé par la connaissance spéciale qu'il a acquise des caractères typographiques ainsi que du papier des éditions elzéviriennes, doué de ce tact exquis et demi- divinatoire que peuvent seules donner aux adeptes des observations mille fois réitérées en mème temps que comparées et raisonnées, notre amateur concut des doutes sur l’attribution qui jusqu’ici avait été faite de ce livre aux presses de........ dont il portait le nom sur son titre, el il parvint en effet à découvrir que ce (555 ) nom imprimé sur une Ctroite bande de papier sem- blable à celui de l’édition elzévirienne, avait été arlis- tement apposé et collé sur celui d'un Elzévir, le véri- table éditeur. Quant à la Iettre de Bodin, dont l'original est aux mains de M. Lambert, elle est adressée à feu l’abbé Denais, alors grand vicaire de la cathédrale d’Angers, qui avait été, au collége de Beaupreau, le professeur de Bodin et pour lequel celui-ci conserva toujours une vénération et un attachement que partageaient du reste tous ceux qui furent à méme d’apprécier les qualités solides et aimables de ce respectable vieillard que l’archéologie, à une époque où elle n’était pas en- core une science qui eùt ses professeurs et ses éerivains spéciaux, comptait parmi ses amateurs les plus éclai- rés et les plus fervents. Dans cette lettre où se reflè- tent cà et là, quelques-uns des souvenirs dorés de la jeunesse, Bodin semble se complaire à montrer tout cequ’il porte au coeur de reconnaissance pour l'homme vertueux autant qu’indulgent, qui grava sì profondé- ment dans l’àme de l’écrivain, ces principes de loyauté, de délicatesse, dont il ne dévia jamais dans sa double carrière d'homme privé et d'homme politique. La Société pense que ces quelques pages écrites dans un épanchement tout confidentiel, qui révèlent Bodin sous un aspect nouveau , si affectueux et sì sympa- thique; dont le style empreint d’une sensibilité douce et d'une certaine mélancolie s’écoule avec un laisser- aller de bon aloi, un abandon qui n’est ni sans grace naturelle, ni sans élégance, forment un contraste piquant avec la manière quelque peu roide , sèche et sceplique de l’historien des Recherches et peuvent de- ( 556 ) venir un document intéressant à étudier pour la bio- graphie angevine, Elle sempresse donc de voter l’im- pression de cette lettre que devra précéder un exposé des circonstances qui en ont amené la communica- tion, rédigé par M. Godard-Faultrier. La Société charge en outre M. Godard-Faultrier de remercier M. Lambert pour l’aimable obligeance qu'il a mise à laisser prendre copie de cet iniéressant au- tographe. M. Beraud lit ensuite un mémoire très étendu, en réponse aux questions que M. le ministre de l’agri- culture a adressées à la Société et qui se rattachent à la pisciculture et à l’aménagement sous ce rapport des caux publiques et privées en Anjou. L’assemblée donne un assontiment unanime à ce travail d.ins toutes ses parties, et aux mesures préser- vatricesouréparatricesqu'il tendà provoquer,tant dans l’intérét de la multiplication des espèces de poissons destinces à l’alimentalion, que dans celui de l’amélio- ration du régime général des cours d’eau apparte- nant à l'État nu aux parliculiers. Elle ordonne qu'il sera immédiatement livré à l’impression et que des exemplaires enseront adressés aux ministres de l’agri- culture et de l’intérieur, ainsi qu'à M. le préfet et au Conseil général du département. L’heure avancée ne permettant pas de prolenger la séance, diverses lectures, qui du resle n’'avaient pas été porlées à l’ordre du jour, sont renvoyées à la pro- chaine réunion. Le secrétaire général, T.-C. BERAUD. (557 ) Séance du 8 aoùt 1851. Présidence de M. DE BEAUREGARD, president. Secrétaire-rédacteur, M. BeRAUD, Secrét.-général. Le secrétaire-général donne lecture du procès-verbal delaséance mensuelle de juillet dernier qui est adopté. Le president communique è l’assemblée une lettre de M. David (d’Angers), annongant l’envoi du buste en plàtre de Cuvier, dont il a faithommage à la Société et qui vient d’ètre placé au fond de la salle des séances. Plusieurs membres. demandent successivoment la parole pour exprimer leur gratitude pour un don qui doit étre cher a la Société à plus d’un titre. L’assem- blée charge le présirlent de se faire son interpròte vis- a-vis du celèòbre statuaire qu'elle a l’honneur de comp- ter parmi ses correspondants, et dont elle conserve déjà dans la salle de ses réunions et comme un dépat inestimable, les statuettes en bronze destinées au monument du Roi René. Le president annonce que le bureau s'est occupé de substituer au poéle de la salle, un autre mode de chauffage à la fois meilleur et plus économime. M. Trolttier a proposé un poéle calorifère sans tuyaux extCrieurs, qui serait chauffé A la houille et assurerait une température Cgale de 12 degrés Réaumur. Ce nouvel appareil coùterait 330 francs. La Socicté approuve ce projet et autorise le bureau a lraiter avec M. Trottier. Le président rappelle que, par une decision récente de l’aulministration municipale, le cours gratuit de chimie appliguée professé par M. Trouessart, sous les ( 558 ) auspices et aux fraiscommuns de notre Société et de la Société industrielle, doit ètre remplacé par un cours dontla ville seule faitlesfrais. Si notre Société perd ainsi unhonorable patronage, elle n’enconservera pas moins le mérite d’avoir contribué a inaugurer et en quelque sorle à naturaliser dans la ville, un enseignement qui doit influer puissamment sur les progrès de l’agricul- ture et de l’industrie, en leur imprimant une marche plus ralionnelle dans la voie des améliorations qu’elles cherchent è atteindre, et par conséquent moins hési- tante et moins sujette à des déceptions qui trop sou- vent sont une source de ruine pour l'homme ignorant. La Société d’agriculture peut d’ailleurs rester encore a la téte d'un enseignement non moins intéressant surtout pour l’agriculture , le cours de géologie. Le secrétaire général annonce en effet, qu'il a cru devoir exprimer à M. l’ingénieur des mines Blavier fils, le vif désir qu’aurait la Société de voir continuer un cours qui, les années précédentes , avait attiré tant d’auditeurs, et du prix extrèéme qu'elle attacherait à ce que ce jeune savant consentît à sen charger. M. Bla- vier a accueilli cette proposition dans les termes les plus flatteurs pour la Société, et a autorisé le secrétaire général à annoncer qu'il ferait ce cours dans les mois d’hiver de 1852. i Le président fait espérer en outre qu’un cours de cosmographie pourra également étre professé sous les auspices de la Société, par M. Adville, l’un de ses membres titulaires, dont les connaissances spéciales sur l’état physique du globe sont depuis longtemps appréciées. L'on s'occupe en ce moment d’accomplir les formalités préliminaires exigées par la loi nouvelle ( 559 ) pour l’ouverture des cours publics. La Société, en comprenant le cours d’arboriculture, aurait donc cette année trois cours gratuils. Le secrétaire général fait observer que si Y’on ajoute aux cours de géologie, cosmographie, arboriculture, de la Société , les cours municipaux de chimie, de dbota- nique. et des beaux-arts, notre ville va se trouver en possession d'un ensemble d’enseignement scienti- fique et artistique, qui, sauf quelque lacunes, l’ab- sence par exemple de cours de zoologie, d’histoire et de littérature , équivaudra à un véritable Athénée. Cette idée développée par plusieurs membres conduit l’assemblée à exprimer le voeeu « qu’un édifice spécial » soit affecté à la réunion de ces diverses branches » d’enseignement, sauf pour la botanique qui a son » siége naturel au Jardin des plantes. » La Société se trouve ainsi amenée à indiquer de nouveau les bàti- ments de Toussaint où déjà, en 1847, elle proposa d’établir la Faculté des sciences dont elle avait alors concu l’espoir de voir doter notre ville. De vastes salles , la proximité immédiate des musées d’histoire naturelle, d’antiquités, de sculpture, de peinture , et de la bibliothèque, les rendraient, et à peu de frais propres à recevoir notre Athénée. Si un jour une augmentation dans le nombre des facultés venait à avoir lieu, la ville pourvue a l’avance de locaux con- venables et de cours analogues fonctionnant avec succès, se trouverait bien mieux posée pour renou- veler sa demande d’un établissement de haut ensei- gnement. Le président invite la Société à désigner lesmembres chargés de la représenter au congrès scientifique (560 ) d'Orléans. MM. de Beauregard, G&odard-Faultrier , ‘fextoris et Hunault acceptent celle mission. Le secrétaire général prend ensuite la parole pour proposer une expositivn des beaux-arts, qui aurait lieu en juin 1852; il rappelle qu’en 1839 et 1842, la Société d’agriculture prit l’initiative des expositions générales d’oeuvres anciennes et modernes, qui, en sti- mulant à la fwis le zèle des artistes et celui des ama- ieurset'collectionneurs, eurent une influence si sensible sur les progrès des arts de la peinture et de la sculp- iure dans nos contrées. Le temps est venu de cons- iater cc que nous avons gagné, et nous avons lieu de croire que l’exhibition qui est proposée sera loin d’avoir rien à envier è ses devanciòres, si nous obser- vons combien autsur de nous et près de nous, les arlistes etamateursont grandi en nombre eten talents, et quel développement ont pris les collections privées formées depuis quelques années, notamment celles de MM. Voisin, de Coislin, Leclerc-Guillory, Elie Janvier de la Motte, etc. , aussi remarquables par l’au- thenticité des noms, le choix et la belle conservation, que par le caractère agréable des ouvrages précieux qu’elles possèdent en nombre considérable. Le scerétaire général termine son exposé en expli- quant sir quelles bases devrait étre établie cette expo- sition, dont le programme définitif serait plus tard élaboré par le burcau. Le secrétaire général propose en outre de décider qu’une grande fète florale aura lieu concurremment avec l’exposition, ce qui est également adopté. Elle sera organisée par les soins du bureau réuni à celui du comice horticole de la Société. (561) Des membres soulèvent alors la question de savoir s'il sera décerné des médailles ou autres récompenses aux personnes qui prendront part è lune ou à nutre exposition; mais il est décidé que toute résolution cet égard seraiten ce moment prématurée, et doit ètre subordonnée aux ressources financières dont pourra disposer la Société pour faire face aux dépenses né- cessairement très considérables de l’exposition. Elle reporte à la méme époque la decision à prendre sur la part quwaura à supporter la Société dans les frais de transport des objets exposés. Le bureau devra en conséquence présenter à la rentrée, moment où l’on sera sans doule fixé sur le chiffre des allocations que l’on doit espérer du Conseil général et du Conseil mnnicipal, un rapport sur ces deux questions. La Société charge d’ailleurs le président et le secré- taire général de présenter sans retard à M. le préfet et a M. le Maire d’Angers, une demande à fin d’obtenir de chacune de ces administrations un secours de mille franes pour subvenir aux dépenses de l’'expo- sition. M. Cosnier lit une notice de M. Livet, membre cor- respondant, sur li deuxième édition de la Statistique de Maine-et Loire, rédigée par M. de Beauregard, notice suivie d’apergus curicux sur l’étymologie du bourg de Saint-Mathurin. M. Godard-Faultrier continue sa lecture d’extraits puisés dans ce que renferme de plus intéressant pour une monographie de la cathédrale d’Angers, le ca- talogue inédit de l’ancien et riche trésor de cette Gglise. ( 562 ) La Société pense qu'il est utile d’accorder une place dans son Recueil à ces détails empruntés à un manus- crit qui pourrait disparaitre, et ordonne l’impression. M. Textoris qui vient d’accomplir un long voyage en Italie, en traversant le Piémoni, raconte les parti- cularités d’une visite par lui faite à Silvio-Pellico. On s’intéresse aux détails intimes de celte entrevue avec un homme aussi célèbre par ses malheurs que par ses éerits et dont d’injustes et atroces rigueurs n’ont pù entamer et altérer la sérénité d’àme, la modération des opinions et la générosité du caractère. Le portrait tracé par M. Textorisrappelle celui duJustumet tenacem virum, et encore le poéte latin n’a-t-il pas placé le sien face à face avec la plus rude des épreuves, celle de l’injustice des hommes, plus faite pour porter la défaillance dans le coeur le mieux cuirassé, que le spec- tacle de l’écroulement du monde physique; il était réservé à la foi chrétienne d’ajouter ce dernier et su- blime coup de pinceau à la peinture du Juste. Le Président ayant annoncé que l’on va procéder à la présentation de divers candidats, le Secrétaire- général demande la parole. Il rappelle à la Société que sur sa proposition , elle décerna il y a peu de mois le titre de membre honoraire à M. Vallon, préfet de Maine et Loire, et que par des motifs analogues, par suite de cette sympathie qu’éprouvent naturellement les honnétes gens de toutes les opinions et particuliè- rement des nuances conservatrices pour toute admi- nistration sage , éclairée , vigilante, active et sévère autant que paternelle, il pense qu'il serait convenable que la Société donnàt le méème titre à M. Ern. Duboys, maire d’Angers, comme un faible mais bien sincère ( 563 ) témoignage de ses sentiments d’estime profonde eî de sa reconnaissance toute particulière pour la solli- citude qu’il ne cesse de montrer pour rendre nos di- vers établissements scientifiques et artistiques dignes de leur ancienne réputation. Cette proposition est accueillie par un assentiment unanime, la Société refuse de passer au scrutin et dé- fère par acclamation le titre de membre honoraire à M. E. Duboys, ancien magistrat , maire d’Angers et membre de la Légion-d’Honneur. Le secrétaire général présente ensuite comme mem- bre correspondant, M. l’abbé Delalande, professeur d’histoire naturelle au séminaire de Nantes. Cet ho- norable candidat est connu par des travaux scientifi- ques sur plusieurs des îles des còtes de Bretagne, et par la relation d’un voyage scientifique dans le dépar- tement de la Charente-Inférieure, dont il a fait hom- mage è la Société d’agriculture. Il est du reste en relations suivies pour les sciences naturelles avec MM.Boreau, Beraud, Guépin, Lelièvre et de Soland, membres titulaires, qui peuvent certifier qu'il réunit tous les titres propres à faire désirer son admission. Le président, en considération des longs délais que les vacances qui vont commencer apporteraient a sa réception, sil’on faisait subirà sa candidatureles épreu- ves d'un renvoi à une commission spéciale, dit qu'il va étre procédé de suite au scrutin; et cette opération ayant donné un résultat favorable, M. l’abbé Delalande est admis au nombre des correspondants de la So- ciété. M. Textoris présente en la mème qualité M. Roux, de Marseille, docteur en médecine, membre des Sociétés 36 ( 564 ) sefentifiques de la méme ville. M. Roux assista at congrès scientifique d’Angers où l’on put apprécier ses éminentes qualités. Il est également procédé de suite au serutin sur cette candidature, et M. Roux est admis comme membre correspondant. L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le secrétaire général , T.-C. BERAUD. —TTTEOQCTZa: Séance extraordinaire du 22 aoùt I8SÌ. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BERAUD, secrét.-général. La lecture du procès-verbal de la dernière séance est reportée à la séance de rentrée. Le président donne connaissance d'une lettre de M. E. Duboys, maire d’Angers. Il remercie la Société dans les termes les plus flatteurs du titre de membre honoraire qu'elle lui a spontanément décerné. Cette pièce demeurera déposée dans les archives. Il est ensuite donné communication d’une lettre de M. Hossard , membre titulaire, qui fait hommage à la Société de son ouvrage intitulé Chemin du Bonheur. Le président est chargé de faire parvenir à notre ho- norable confrère , l’expression de la gratitude de la Société qui ordonne que cette production distingnée et éminemment morale prendra place dans sa biblio- thèque. Le président passe ensuite à l’objet spécial de la ré- union. La convocation de la Société a été motivée par une lettre de M. le préfet qui lui rappelle qu'en vertu ( 565 ) de la loi du 20 mars 1854, elle peut étre en totalité ou dans une de ses sections seulement assimilée aux comices agricoles cantonaux, auxquels est conféré le droit d’élire les membres du conseil d’agriculture départemental. La Société est en conséquence invitée à faire con- naître ses intentions et ses prétentions quant à V'é- tendue de la circonscription électorale où elle enten- drait exercer son action. Le président met sous les yeux de l’assemblée les divers articles de la loi dont la Société peut demander qu’application lui soit faite et annonce qu’un projet de règlement tendant à transformer en comice agricole la section d’agriculture de la Société a été élaboré par par lui et le secrétaire général qui va en donner lecture. Le secrétaire général prend alors la parole et lit les articles du projet de règlement en exposant successi- vement les motifs qui les ont fait admettre. La discu- sion s’engage sur quelques-uns mais se termine par l’adoption intégrale du projet. La Société décide donc qu'il sera présenté à l’ap- probation de M. le préfet et du Conseil général, et sera transcrit au présent procès-verbal comme suit : Réglement du Comice agricole de la Société nationale d'agriculture , sciences et arts d' Angers. Article 1°. La section d’agriculture de la Société prendra le titre de Comice agricole de la Société nationale d’agri- culture, sciences et arts d’Angers pour les cantons ( 566 ) d’Angers N.-0., Briollay, Saint-Georges et Chalonnes, du département de Maine-et- Loire. Elle recevra une organisation, poursuivra un but et jouira de droits électoranx analogues è ceux des associations reconnues par la loi du 20 mars 1851, auxquelles elle est assimilée. Art,2: Le personnel du comice est formé 1° de tous les membres titulaires et payants de la Société, faisant partie de la section d’agriculture. 2° De membres associés, comprenant les citoyens qui, aux termes de l'article 2 de la loi précitée, ont le droit de faire partie d'un comice et qui déclareront vouloir se soumettre aux conditions du present règle- ment. Art. 3. Pour étre admis comme membre-associé , il faudra réunir les conditions exigées par ledit article, $ 1%, étre présente par denx membres du comice, et obte- nir au serutin la majorité des suffrages. Le comice pourra en outre admettre, par des déli- bérations spéciales, prises à la majorité des deux tiers des votants et par scrutin distinct, les personnes qui ne rempliraient pas les conditions prescrites par le $ 1 dudit article, et ce, jusqu'à concurrence du dixiè- me du nombre total de ses membres. Art. 4. Le comice aura pour bureau celui de la Société , et tiendra ses séances dans la salle des réunions de celle- e ETA (562) x ci, qui mettra en outre à sa disposition le mobilier nécessaire. Les membres-associés auront droit de prendre sous récépissé communication des ouyrages composant la bibliothèque de la Société. Aptttbr Le Comice se réunira au moins quatre fois par an , et particuliètrement à la Saint-Martin et è la Féte- Dieu. Il pourra en outre avoir des séances extraordi- naires, quand les besoins du service l’exigeront, et notamment lorsque plus de deux candidats seront inscrits pour ètre soumis à l’élection. Il ne pourra s'occuper que de questions qui se rai- tachent directement à l’agriculture. Art. 6. Les mémoires qui seront lus dans les assemblées du Comice, pourront, soit sur Ja demande de l’au- teur, soit d'office par le Comice, ètre renvoyés devant la Société-mère, qui, après une nouvelle lecture, pourra, s'il y a lieu, en ordonner l’impression dans le Recueil de ses mémoires; auquel cas il en sera tiré A part un nombre d’exemplaires suffisant pour qu'ils soient distribués gratuitement à tous les membres du Comice et aux présidents des autres Comices du dé- partement. Art. 7. Le Comice travaille aux progrès de l’agriculture en publiant les nouveaux procédés ou les découvertes ( 568 } utiles a cette branche d’industrie. H l’encourage par des concours et en décernant des primes et récom- penses. Art. 8. Les membres du Comice, autres que ceux faisant partie des membres titulaires payants de la Société- mére, paient une cotisation annuelle de 10 franes, dont le montant est acquis au Comice à partir du 1° Janvier de chaque année, mème à l’égard des mem- bres regus au cours de l’année. Tout membre qui n’acquitterait pas son annuité dans le courant de l'année, après deux réquisitions du trésorier, sera considéré comme démissionnaire , sans que le Comice perde ses droits pour l’année échue. Celui qui ne donnerait pas sa démission avant le 4® janvier sera redevable de l’année courante. AACE:9- Les fonds formeront, avec ceux provenant des allo- cations et subventions que pourra obtenir le Comice, une caisse particulière affectée exclusivement aux dépenses du Comice. Cette caisse sera gérée à part par un trésorier élu par le Comice, auquel il en sera rendu compte chaque année, devant une commission composée du bureau et de quatre membres élus par le Comice. Art. 10. Le Comice, ainsi constitué, se soumet à toutes Jes prescriptions de la loi pour ses fonctions électorales ; ( 569 ) le tout sans apporter aucune modification aux statuts de la Société-mère qui n’y sont pas contraires. Il se renfermera dans la circonscriplion que lui aura désignée le Conseil général. L’assemblée décide que ce Réglement, après avoir été sanctionné par l’autorité compétente, sera publié dans les journaux de l’arrondissement d’Angers. L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le secrétaire-général , T.-C. BERAUD. Nora.— Le Conseil général, dans sa session de septembre 1851, a, sar lavis conforme de M. Vallon, préfet dle Maine et Loire, approuvé ce réglement. Séance du 21 novembre 185Ì. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BeRAUD, Secrét.-général. Le secrétaire général donne lecture des procès-ver- baux des séances ordinaire et extraordinaire d’aoùt dernier qui sont adoptés. L’archiviste fait connaître les titres des publications adressées à la Société. Le président communique à l’assemblée une lettre de M. Daligny père qui en exprimant le regretd'ètre empé- ché par le mauvais état de sa santé d’assister aux réu- nions de la Société la prie de recevoir sa démision. Un membre demande s'il ne conviendrait pas de donner au démissionnaire que tout le monde doit re- (570 ) gretier de voir s'éloigner de nous le titre de membre honoraire, mais il est répondu que ce titre ne doit élre accordé comme échange de celui de titulaire qu'avec beaucoup de réserve aux membres qui, après leur démission continuent de résider au siège de la Société et seulement lorsque d’autre motifs que ceux allégués par M. Daligny peuvent les contraindre è cesser de contribuer aux charges de la Société, puis- que ce titre de membre honoraire peut leur conserver le droit d’assisler aux séances. L’acceptalion pure et simple de la démission est done prononcée. Une lettre de M. Je préfet demarde des renseigne- ments sur les produits de la dernière récolte, Une com- mission est chargée de ripondre aux questions postes par l’administration. MM. Beraud, Borcau , Boutton- Levèque, Hunault la composent, Le président présente à l’assemblée un second et nombreux envoi qui lui est fait par la Société Smi- ihsonnienne de New-Yorck. La Société d’agriculture adressera en retour un exemplaire complet et relié de ses mémoires. Le président renouvellera l’expression de notre gratitude pour ce corps savant et celle du vif intérét que nous offrent ses travaux sur des contrées Jusqu’alors si peu étudiées sous le double point de vue de la géologie et des antiquilés aborigènes. Le président est invité par l’assemblée è faire pro- chainement un rapport sur ces divers ouvrages. Il est ensuite donné communication d’une lettre d'un des fondateurs d’une assurance mutuelle à deux degrés pour la gréle, qui réclame le concours moral de la Société pour étendre à notre paysles bienfaits d’une association concue sur les bases les plus larges et dont. (571) les combinaisons entièrement nouvelles devraient, dansles prévisions des fondateurs, établir entre les dif- férentes régions agricoles, une solidarité telle que les moins exposées au fléau se irouveraient en définitive avoir moins contribué au solde general des sinistres. M. Tavernier prend la parole et explique la portée et les avantages de ce système. Il annonce que ses pro- moteurs s'occupent en outre d’études sérieuses ayant pour objet l’organisation du crédit foncier sur une grande échelle. Il dit avoir entendu avec un vif intérèt les explications qui lui ont été données par le délégué de cette compagnie qui demande du reste à ètre admis à exposer devant la Société, les conditions dans les- quelles il croit possible d’asscoir un système satisfai- sant de crédit foncier, et les conséquences que l’on devrait en attendre pour le soulagement de la petite propriété trop fortement engagée cet l’extension des entreprises agricoles. Il pense que la Société ne peui négliger cette occasion de discuter des questions si acluelles et si vitales pour les intéréts qu'elle repré- sente, avec un homme qui en a fait une étude sé- rieuse. La Société prenant en considération ces observa- tions désigne pour la représenter vis-à-vis de M. le délégué de la Socigéié mutuelle à deux degrés etc. MM. Tavernier, Courtiller et Béclard. Il est ensuite donné lecture d’un mémoire de M. Genòt, officier du génie au corps d’état-major, sur les moyens de fixer les dunes de sable mouvant des bords de la mer. Ce travail plein de faits et d’observations judicieu- sement recucillies et coordonnées , résume, compare ( 572 ) elrecommande lesmoyens pratiques que l’expérience a démontré les plus efficaces pour consolider les sables mobiles que les flots rejettent sans cesse sur le rivage dans certaines parties des còtes et mettre un obstacle à leurs envahissements qui compromettent la défense du littoral sur certains points et enlèvent souvent à l’agriculture des terrains fertiles et étendus. L'impression est votée et sur la proposition du se- crétaire général le président devra exprimer à M. Genèt tout le prix que la Société attache à cette communi- cation, et son espoir que ce membre correspondant ne bornera pas à cette ceuvre isolée sa part de coopé- ration dans les travaux de la Société. M. Godard-Faultrier lit ensuite une notice sur le Gallo-romain Agathoclés, Augusti dispensator, fonctions qu'il remplissait dans la capitale des Andécaves. Ces recherches sur un nom dont l’existence ne nous est révéelée que parun monument funéraire découvert dans les fondalions des murs antiques de la cité, devient pour notre savant archéologue une occasion d’indi- quer les noms de quelques autres personnages qui pendant l’ère Gallo-romaine occupaient des postes plus ou moins élevés dans nos contrées, c’est-à-dire, au II° ou Ive siècle , époque pendant laquelle l’histoire est restée absolument muetteà cet égard. Tout ce que nous pouvons en savoir, nous est donc appris par les débris des monuments qui vers le 1ve siécle furent en- fouis sous les murailles de la cité antique. C’est ainsi qu’ont été exhumés les noms de Titius, Flavius Asiati- cus, affranchi d’Auguste, d’un Martius prétre augustal, d’un Nceeius, centurion, etc. Les substructions du mur antique de l’enceinte de la cité dans toutes les parties ”. ( ‘573./) où elles ont été mises a découvert , notamment dans des fouilles faites au commencement du siècle sur. la place Saint-Maurice et celles qui eurent lieu plus tard a l’entrée de la rue de la Vieille-Charte,; sont entière- ment formées d’énormes blocs de tuffeau ou de cal- caire oolithique qui sont évidemment les produits de la destruction d’édifices gallo-romains. Le troncon de colonne servant de borne à l’entrée de la cour de la préfecture , le-lion monumental du musée d’anti- quités d'Angers, les pierres provenant d’autels votifs de temples ou de tombeaux , chargées de moulures appartenant à l’art Gallo romain, et dont il en est qui paraissent ètre des parties de frises ou de corniches, dé- montrent d’une facon évidente l’importance de l’éta- blissement primitivement formé parles conquérants et prouvent ainsì que la partie inférieure du mur de la cité bien que construite en petit appareil entremélé de cordons de briques, comme on peut encore l’observer dans la tour carrée donnant sur la place de l’Acadé- mie, est cependant postérieure aux premiers temps de la conquéte. Le secrétaire général fait en outre re- marquer que l’on peut voir encore à l’entrée de la rue de la Vieille-Charte un pan de l’enceinte fortifiée dont l’intérieur est construit en amplectum avec ciment ro- main, qui repose immédiatement sur des assises de gros blocs de pierre calcaire de mème nalure que ceux sur lesquels M. Godard-Faultrier a recueilli les ins- criptions par lui citées. La Société décide que cette notice sera imprimée. M. Tavernier lit un travail fort étendu sur la sta- tistique de la population du département dont il compare le. chiffre tel que le donne le recensement de (574) 1851, avec celui qu'elle avait atteint à des époques plus ou moins reculées. Il est ainsi conduit à des dé- duclions irès curieuses quant à l’appréciation des causes qui dans ces différentes phases ont pu influer sur le développement, les temps d’arrèt, ou la marche rétrograde de la population soit dans son ensemble, soit dans certaines de ses classes ou catégories. L’impression de ce travail important et le premier de ce genre que contiendra le recueil de la Société est votée avec empressement. M. Léon Cosnier s'est chargé de nous transmettre le récit d'un vieux soldat de l’empire, le sieur Chabin d’Ingrandes, qui fut longtemps prisonnier sur les pon- tons de Portsmouth. Ce qu'il raconte des atroces trai- tements que l’Angleterre d’alors infligea à nos mal- heureux prisonniers de guerre dans ces prisons flot- tantes ancrées au milieu d’une vase fétide, et où ils étaient décimés par la faim, le froid, J’h umidité et les fièvres pernicieuses, prend une sorte d'intérèt d’ac- tualité de l’impression produite récemment par la pu- blication des mémoires du peintre de marine Garne- ray, l’un des compagnons d’infortunes du vieux soldat d'Ingrandes. L’assemblée qui a écouté cette lecture avec beau- coup d’intérét vote l’impression. Un membre demande la parole pour faire ressortir les avantages que les administrations et générale- ment les gens d'affaires devront retirer du Diction- naire des communes de France que vient de publier M. le capitaine Janin et dont l’auteur a bien voulu faire hommage d’un exemplaire à notre Société. L'as- semblée décide que le président transmettra à M. Ja- (| 5/5 ) nin les remerciments de la Société, en lui faisant connaître le prix extrème qu'elle attache à la posses- sion d’un ouvrage si consciencieusement élaboré qui a exigé des recherches immenses, des vérification s incessantes, un travail ingrat et continu, dans lequel l’auteur ne pouvait étre soutenu que par l’espoir d’è- tre utile et cela peut-ètre sans avoir celui de voir ap- précier tout ce qu'il lui fallait d’abnégation et de sa- crifices de toutes sortes pour porter son ceuvre à la perfection qu'elle a atteinte. Le secrétaire général présente comme candidats aux places de membres titulaires vacantes. 4° M. Girard, ancien conseiller à la Cour d’Angers, conseiller honoraire à celle de Poitiers, membre de la Légion-d’Honneur ; 2° M. Faye, conseiller à la Cour d’appel d'Angers, membre des Sociétés savantes de Poitiers, etc., ar- chéologue et botaniste; + 3° M. Blavier fils, ingénieur des mines, membre de la Légion-d’Honneur. Une mème commission est chargée d’examiner les titres de ces candidats. Elle est composée de MM. Be- raud, Boreau et de Beauregard. M. Beraud annonce que M. l’abbé Lelièvre, qui pro- fessait les cours de sciences physiques et naturelles au collège de Combrée, allant résider à Paris, est con- traint è renoncer au titre de membre titulaire qu'il demande à échanger contre celui de correspondant. La Société recoit sa démission et lui donne le titre qu'il réclame. L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée. Le secrétaire général, T.C. BERAUD. (576 ) Séance du 19 décembre 1851. Présidence de M. DE BEAUREGARD, président. Secrétaire-rédacteur, M. BerAUD, Secrét.-général. Le procès verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. Godard-Faultrier lit une notice sur Defensor, premier évèque d'Angers. Ce nom était-il celui d'une famille gallo-romaine ? provenait-il seulement de ce que le prélat avait primitivement rempli dans la ville les fonctions alors désignées sous le titre de Defensor civitatis? c'est une question posée par le biographe et dont la solution ne peut étre appuyée que sur des probabilités. Etait-il originaire d’Angers, ainsi que M. Godard parait porté à l’admettre ? c'est encore un point que l’histoire n'a pas éclairci, mais ce qu'elle nous a appris, c'est quenvoyé par Lidorius, évèque de Tours, pour catéchiser les Andécaves, il futordonné évéque par celui-ci, qui détacha l’Anjou de son diocèse pour en faire un siège particulier. Dureste si Defensor fut notre premier évéque , il ne paraitrait pas toutefois que l’on dùt en conclure que les doctrines du chris- tianisme n’eussent pas avant lui pénétré dans nos contrées, car lorsqu’il y vivait sous le patronage de Lidorius , trente années déjà s'étaient écoulées depuis quel’édit de Constantin avait été publié dans les Gaules et les officiers qui représentaientl’empereur dans notre ville, avaient dà s’incliner devant sa volonté et en adoptant la foi nouvelle contribuer à sa propagation. On est au surplus d’accord pour attribuer à Défensor, (577) la fondation de la première église qui fut bàtie dans l’enceinte de la Cité, près du Capitole et dans l’empla- cement évidemment où s’éleva plus tard la cathédrale. L’assemblée consultée par le président , décide que cette notice, dont par ce motif nous n’avons pas eu a donner une analyse exacte, sera imprimée dans le recueil de la Société. M. Béclard donne lecture de notes adressées par M. l’abbé Chevallier, membre titulaire, sur trois monuments celtiques dont deux sont situés dans l’arrondissement de Baugé. Le premier désigné sous le nom de Dolmen de Pon- tigné, se trouve entre ce bourg et la ville de Baugé ; sa longueur totale est de environ. Une cloison dans laquelle fut ménagée une ouverture servant de communication, le sépare en deux parties d'inégale grandeur. La couverture est formée par deux grandes pierres. Le deuxième est un Peulvan, connu dans le pays sous le nom de pierre frite, situé dans un petit bois de Saint-Martin-d’Arcé. Cette dénomination de pierre frite, pierre ointe, dérive sans doute ainsi que le fait observer M. Chevallier, de ce que ces pierres sacrées étaient, selon les rites de la religion des Druides, fréquemment frottées d’huile. Le troisième nommé la pierre Voyer, est également un Peulvan, qui se rencontre près de Sainte-Colombe, département de la Mayenne. Il est élevé de 3 mètres, et entouré de 8 à 10 énormes pierres disposées circu- lairement et dont l’une qui formait originairement aussi elle un Peulvan , est longue de 5 mètres. Enfin notre confrère signale plusieurs monuments (578) semblables entre Baugé et le Lude, qu'il se promet d’étudier plus tard. Cette communication intéressante et dont la Société décide qu@'une analyse sera inséré dans ses mémoires, devient pour plusieurs membres une occasion de dé- plorer la négligence des autorités locales, à assurer la conservation des monuments druidiques, dont chaque année voit disparaître quelques-uns sous le marteau des macadamiseurs. Le secrétaire général demande que la Société, en se raltachant à une idée émise au sein de la commis- sion archcologique, fasse dresser dans le plus bref délai, un tableau de tous les monuments celtiques dont elle aura pu constater l’existence. Ce tableau dans lequel ces monuments seraient classés par com- mune, serait ensuite présenté à M. le Préfet, qui serait prié de donner des instructions ; pour que les autorités locales veillent à ce qu'ils soient désormais respectés de tous les entrepreneurs de travaux publics, auxquels il serait formellement interdit de se servir de matériaux provenant de la destruction de ces monu- ments primitifs, qui d’ailleurs pourraient encore pour micux assurer leur conservation, ètre rangés parmi les monuments historiques, par une décision spéciale de l’autorité competente. Lesccrétaire général fait encore observer qu'il serait Aésirable que les personnes qui signalent à la Société d’agriculture, des monuments d’origine celtique, prissent le soin d’envoyer en méme temps que des description écrites et une mesure exacte des surfaces, un simple dessin au trait des deux principaux aspects du monument, une indication de l’orientation de ses (579 ) faces ou de ses angles et surtout un échantillon peu volumineux de la roche dont il est formé. Cette série de dessins et d’échantillons, formerait pour le musée archéologique de la ville, une collection d’autant plus curieuse qu'elle serait la première de ce genre, et le complément le plus instructif de la carte de sta- listique archéologique que la commission archéolo- gique va entreprendre. La société déclare prendre ces observations en con- sidération et dit qu'il y sera donné suite. L’impression par extrait du travail de M. Chevallier, donne lieu à quelques observations générales de la part de M. L. Tavernier, sur le mode habituellement suivi pour le vote de l’impression. Il pense que l’on est trop peu disposé à se conformer aux dispositions du règlement, qui exige en certains cas l’examen préalable d'une commission et de plus celui d’une commission de rédaction. L’assemblée reconnaissant ce que peuvent avoir de fondé les observations faites par M. Taveruier, l’invite è présenter sous forme d’articles supplémen- taires les modifications qu'il pense devoir étre intro- duites dans le règlement en ce qui concerne l’impres- sion des mémoires. M. Béclard commence la lecture d’un travail d’un haut intérét sur une des illustrations scientifiques de l’ancien Anjou, l’astronome Jean Picard, né à la Flèche, le 241 juillet 1620. M. Arago, dans sa notice sur Laplace, parait bien sévère à notre confrère lors- qu'il énonce d’une fagon absolue qu’avant le xvi siècle la France n’avait pris encore qu’une part insi- gnifiante aux progrès de l’astronomie. Dès le sidele Dlrd db ( 580 ) précédent cependant quelques Frangais avaient puis- samment contribué è assurer sa marche. L’abbé Pi- card, fut un de ces esprits éminents qui eurent le malheur de précéder Newton et dont la renommée presque contemporaine dut s’éteindre et s'absorber dansl’immense éclat que vint jeter la théorie nouvelle. Jeune encore, l’abbé Picard fut le disciple assidu et bientòt l’ami de Gassendi, à qui il succéda dans l’enseignement de l’astronomie , au collège de France. Il en occupait la chaire depuis 10 ans quand il devint membre de l’académie, dès sa fondation en 1666, et y eut pour collègue Auzout. Dès lors il s'établit entre ces deux hommes marchant avec une égale ardeur a la recherche de la vérité, une si admirable et si intime communauté de travaux et d’efforts, qu'il est souvent impossible d’assigner la part de priorité qui, dans cette abnégation d’individualisme , doit revenir a chacun dans certaines découvertes. C’estainsique l’ondutà cette coopération généreuse, l’invention et l’application du micromttre à fils mo- biles, qui signala sì glorieusement l’apparition de la nouvelle académie et qui remplaca le réseau de fils métalliques alors en usage. Il paraitrait que ce fut particulitrement Picard, qni concut la possibilité et les immenses avantages de cette substitution, mais que ce fut Auzout qui perfectionna l’appareil et le rendit d'un usage plus pratique. Ils s'en servirent pour mesurer le diamètre du soleil et de la lune et purent atteindre è un chiffre qui ne diffère que de quelques secondes de celui admis par les plus récentes observations. Ils remarquèrent aussi l’augmentation du diamètre (581) de la lune, laquelle se rapproche du méridien et en purent indiquer la cause véritable. C'est encore à cette collaboration féconde, que l’on dut l’application de la lunette au quart de cercle , qui permit de prendre avec exactitude la hauteur méri- dienne des astres et fit reconnaître à nos deux savanis que Ja réfraction n'était pas égale le matin et le soir. Mais la découverte dont l’honneur parait d’après notre confrère, devoir revenir à Picard seul, est l’ob- servation des dtoiles fixes pendant le jour. Ce fut lui en effet qui, le 3 mai 1669, apergut pour la première fois le coeur du Lion, 13 minutes avant le coucher du soleil, et qui le 23 juillet suivant observa Arcturus, lorsque le soleil était élevé de 16°, 59°, 35” au dessus de l’horizon. Enfin la solution du grand problème de la mesure d’un degré du méridien, qui occupa les plus grands génies de l’antiquité, étant venu de nouveau à exciter l’émulation des Géomètres , l’academie chargea Picard de cet important travail à la suite duquel il publia son savant mémoire intitulé de la Mesure de la Terre. La base qu'il mesura était onze fois plus grande que celle de Snellius. Il faut lire dans Cassini, l’appréciation de ces opérations ingénieuses et habiles et des résultats certains auxquels il arriva. M. Béclard termine cette première partie de sa notice, en rappelant que ce fut Picard qui, plus préoc- cupé des progrès de la science que du soin de sa gloire personnelle, usa de toute son influence près de Colbert pour qu'il appelàt Cassini en France. L’impression est votée à l’unanimité. Le président annonce que le cours de géologie pure ( 582 ) et appliquée fondé par la Société, sera, comme elle en avait concu le désir et l’espoir, professé par M. Bla- vier, qui l’ouvrira le premier semedi de janvier à 7 heures du soir, pour le continuer à pareils jour et heure jusqu’au printemps. La Société qui sait avec quelle distinction, quelle supériorité, M. Blavier professe le cours de chimie, accueille cette communication avec les témoignages d'une vive satisfaction et s'empresse de charger le président, de faire parvenir à M. Blavier ses remercie- ments, pour l’obligeance qu'il met à se charger du cours de géologie, aux exigences variées duquel lui seul sans doute, pouvait pleinement satisfaire à raison de connaissances spéciales, d’observalions person- nelles faites en diverses parties de l’Europe et d’une étude sérieuse dirigée dans un esprit de sage éclec- tisme, des divers systèmes qui se produisent dans cette science, toute moderne qu'elle soit, et qui par- tagent déjà en des camps opposés les esprits les plus logiques, les plus profonds penseurs. Le président fait connaître que le bureau s'est occupé des moyens de réaliser le projet d’exposition , ainsi que la Société l’y avait invité. De concert avec le secrétaire général, il a présenté à M. le préfet, pour étre soumise au conseil général, à sa dernière session la demande d’une allocation de 1,000 fr., mais bien que cette exposition destinée à encourager et à pro- pager le culte des beaux-arts dans nos contrées, ait 6minemment un but d’utilité publique et départe- mentale , le conseil général n’a pas crà devoir accor- der aux efforts faits par notre société dans une pensée si sagement libérale, l’encouragement qu'elle sollici- (583 ) tait. Heureusement pour les arts et pour nos arlistes si désireux de faire apprécier les progrès accomplis depuis notre dernière exposition: (celle de 1842), le conseil municipal d’Angers, qu'anime une égale solli- citude pour les besoins intellectuels et les intéréts de la cité, a accordé la subvention qui lui était aussi emandeée. La société en voyantainsi réduire de moitié les ressources extraordinaires qu'elle espérait, ne déserlera pas la tàche qu'elle s'était imposée , mais nécessairement sera contrainte d’apporter quelques restrictions économiques, aux proporlions dans les- quelles elie comptait l’accomplir. Toutefois on peul encore espérer que cette solennité artistique, qui devra comprendre avec les oeuvres modernes , des tableaux anciens, sera digne de ses devancières et de la ville, qui la première ouvrit aux anciens maîlres une place dans les exhibitions publiques. Le bureau est chargé de présenter à la prochaine réunion, un projet de règlement pour l’exposition de 1852. Le président invite l’assemblée à désigner les mem- bres de la commission qui doit recevoir les comptes du trésorier et préparer le budget de 1852, MM. Cas- tonnet, Huttemin, et Hunault la composent. M. Beraud, au nom de la commission chargée de vérifier les titres de trois candidats par lui présentés à la dernière séance, fait un rapport-favorable et il est procédé au scrutin, à la suite duquel MM. Girard, Faye et Blavier, sont proclamés membres tilulaires. Il est ensuite procédé à l’élection d'un président pour l’année 1852 et du vice-président. M. de Beauregard est élu président et M. Textoris > (584 ) vice-président; celui-ci ayant déclaré accepter, la place de secrétaire devient vacante. L'on procède immédiatement à un nouveau serutin , et M. L. Ta- vernier est élu secrétaire. Le bureau pour 1852, est done ainsi compost - MM. De Beauregard, président. Textoris, vice-président. Beraud, secrétaire général. L. Tavernier, secrélaire. E. Dainville , archiviste. Lèbe-Gigun , trésorier. La Société désigne ceux de ses membres qui doi- vent concurremment avec le bureau former le comité de rédaction. Ce sont MM. Henry, recteur , Métivier, premier avocat général près la Cour d’Angers, Godard, président de la section d'archéologie et Béclard, avocat, secrétaire de ladite section. L’ordre du jour étant épuisée la séance est levée. Le secrétaire général , T.-C. BERAUD. ( 585 ) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE 2° VOLUME (2° SERIE), DE LA SOCIETE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS. PAGES AVANt-propos.. .....00... ° Etat nominatif des membres titulaires de la Société, au 1° IMA SANO N IR On : Discours prononcé à la Société nationale d’agriculture, sciences et arts d’Angers, dans sa séance du 7 janvier 1851, par son président, M. de Beauregard.................0.. 21 Discours prononcé par M. le président de la Société d’agri- culture, lors de l’inauguration de la pierre tumulaire érigée par cette Société, à la mémoire des Princes d’Anjou- Sicile inhumés dans le choeur de la Cathédrale, le 12 dé- CEMbrel gola SotarooGoondtoÌ ASetecuoe csogeno RE Rapport sur des monuments anciens de l'Amérique du nord, paniMadetBeatrezardttae e a SUE geconeno 2 Construction de V’aile de la Chapelle des Evéques, vers nord, à la Cathédrale d’Angers. — Charte de 1236, par M. Godard- KaultnieEs RE er te cOdecta ar east: Se Sielaietalato elelela (ce O2 Rapport sur la pierre tumulaire récemment placée dans le choeur de la Cathédrale d’Angers, en mémoire des ducs et duchesses de la deuxième maison d’injou-Sicile; sur le ton:beau présumé de Marie de Bretagne, et sur la statue de Claude de Rueil, par M. Godard-Faultrier.. ......... to Echange du Chateau d’Angers et de l’Évéché, au IX° siècle, par M. Godard: Eaultriee anatre ae ( 586 ) PAGI $ Tombeau d’Henri Arnauld, par M. Godard-Faultrier,....... 58 — de Jcan Olivier, par M. Godard-Faultrier,......., 61 Anciennes reliques de la Carhédrale d'Angers, par M. Godard- Fautriet.. 1543454 AB IBS SS CICLO Di RL Notice sur Vaulandry (Maine et Loire), par M.F. Coulon, vicaire:de Saint-Maurice:d'Angers.. norton 78 Un antiquaire de moins, par M. V. Pavie......... clenieigataie Ao Rapport sur les tapisseries de la Cathédrale de Saint-Maurice, par M. Jeùbert, chanoine custode. ...... al Feto siate rete a OSTERIE Souvenirs d’une visite à l’abbaye de Solesmes en janvier 1851, par M. Textoris.......... state "e etete a'elb'elt dio a ere Siae afelio e CSR EE Des races bovines indigènes et dela race Durham, considérées dans leurs rapports avec le mode d’exploitation agricole, adopté dans les pays d’élève de l'Quest de l’Anjou, et au double point de vue de l’abondance de la viande et du moindre prix auquel elle peut éire obtenue par l’éleveur, Pali: IMCABerdu die sec SR, RRTREO oa Seb Lenoir sane È "at È 4 E ri LE 8 É ana i pd hu aaa 10 pi eis: SR la ; si pa o LI RE METTE ed TA E te are” ri ac i 5 7 x : e Pal - 7a ®» . a È ' 4 nè n Naz es © ian, ld + rs VAL ; w LT » I, n È Ù tn ' K I i d # ‘ te . b , ‘ ; a - up - x 14 - : I : x x "a ” da t 4 7 * ® rino ; z « "i 1) n € iena = Si TEN? ti XA "9SI È è è è TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CETTE LIVRAISON. x PAGES: RéPONSES aux questions adressées’ par M. le Ministre de l’agriculture et du commerce, sur l’ichthyologie, la pisciculture et l’exploitation des eaux du département de Maine et Loire, par M. Beraud.,................. *. 195 Essai d’ichthyologie descòles océaniques et de l’intérieur de la France, ou diagnose des poissons observés, par MAN Desa a ei e RI 210 ÉrupEs sur le mouvement intellectuel en Europe durant le evi*vsigele; par MI Teztorig, it 385 Visite à è !vio Pellico en 1851, par M. Textoris....... 496 PROCÈS-VL.RBAUX des séances de la Société d’agriculture, sciences et arts d’Angers. — Séance du 16 avùt 1850.. 502 Séancesdul 23 More Dren O n 505 Stance, Gli: ITE REM RT TO SII Séance du 10 janvier 1851..... piani» CATE IMRE 515 SEANCO AUSLATCIIOE OLE I 101022 SEROTONINA 530 SEAN III de RENE et 538 SEU RECARMI) II ERE 546 Sfanceduisguilletà lt NNO Sen 054 SCANCC MERO TIE EI SIA RO 557 Séance extraordinaire du:22 A00ùdt.........00 000 564 Scance\davaiimovembre.i vi anne seria 569 | SEANCEMTU IS UEREMDTE!, n RELA OR VU SE 576 | LG Mea co 4 AE se NE NIN 3 pa SA = ID rien nre n DIN a l'adtcatiii_i