MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE, NGIENCES ET ARTA D’ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) NOUVELLE PÉRIODE TOME VINGT-CINQUIÈME. — 1883 ANGERS | IMPRIMERIE LACHÈSE ET DOLBEAU 4, Chaussée Saint-Pierre, 4 1884 MÉMOIRES De la Société nationale D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) ANGERS, IMPRIMERIE LACHÈSE ET DOLBEAU. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D’ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) NOUVELLE PÉRIODE TOME VINGT-CINQUIÈME. — 1882 ANGERS IMPRIMERIE LACHÈSE ET DOLBEAU « #, Chaussée Saint-Pierre, 4 M. DE LENS Quand un homme juste et bienveillant, de caractère intègre, d'esprit élevé, disparaît de ce monde, on est heureux de présenter à ses concitoyens le tableau de sa carrière honnête et laborieuse. La vie de M. de Lens, sans parler de ses vertus privées et du bonheur qu’il apporta au foyer domestique , mérite d’être appréciée pour son zèle et ses persévéranis efforts en faveur de l’enseignement à tous les degrés. Il ne cessa d’y consacrer les forces de son intelligence et, l'on peut dire, de son cœur. M. de Lens fut longtemps notre collègue ; il enrichit de plusieurs travaux nos annales ; son souvenir a donc le droit d’y être conservé. En accep- tant la mission, non de reproduire, dans une étude complète, une carrière si bien remplie, mais d'en tra- cer une simple esquisse, j'ai plus écouté mon bon vou- loir que je n’ai consullé mes forces, car une vieille affection est mon seul titre à cet honneur. S'il ne CS 1 Cette notice a été lue à la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, dans la séance du 6 février 1883. SOC. D'AG. il Er 6 Rae m'apparlient pas de faire valoir tous les mérites d’un bien regrettable ami, puissé-je au moins donner à ceux qui ne l’ont pas connu, une idée de son honné- teté native, de la droiture de son âme et de cette atti- tude chrétienne, simple et convaincue, dont l’éloge est : le plus digne hommage à sa mémoire. François-Léon-Jules de Lens est né à Paris le 17 juin 1809, au sein d’une famille ancienne et pieuse qui, par ses exemples, assura la pureté de sa jeu- -nesse et le bonheur de son existence entière. Il était fils de l’un des plus savants médecins de la capitale, A.-J. de Lens, inspecteur général des études, membre de l’Académie de médecine, auteur, avec le docteur Mérat, d’un dictionnaire de matières médicales et thé- rapeutiques, honoré d’un prix Monthyon et qui fait encore autorité. Léon de Lens entra d’abord comme pensionnaire au collège Henri IV, à la faveur d’une de ces bourses, fort rares alors, accordées seulement aux fonctionnaires chargés de nombreuse famille. Notre écolier n'ayant que sepl ans, ne profita pas longtemps de cet avantage. Ses débuts classiques furent pénibles. D’une complexion chétive. qui l’empéchait, plus encore que sa jeunesse, de suivre le pas de ses camarades, maltraité par ceux-ci, négligé par les maîtres, il fut contraint de revenir à la maison paternelle, et n’en sortit que pour suivre, fortifié de corps et d’esprit, les cours de Charlemagne, collège exclusivement composé d’externes. Il put ainsi-constater de bonne heure, avec la justesse d'aperçu des enfants bien élevés, l'étendue de l’insiruc- tion dans les établissements universitaires, mais aussi ER ES leur insuffisance sous le rapport de l’éducation. Esprit pénétrant et réfléchi, son penchant l’entraînait vers les plus sérieuses études. Il se distingua surtout dans la classe de philosophie, et fut admis dès la première épreuve à l'École normale. Il y fit de tels progrès, qu’à peine âgé de vingt-et-un ans, il en sortit avec le n° 9, après un remarquable concours où se révélèrent devant des juges, à bon droit difficiles, toute la sûreté et la profondeur de son savoir. Ce fut de son séjour à l’École normale que datent mes premières relations avec le jeune de Lens. Entre les leçons de l’École de droit, je faisais de fré- quentes visites à la Sorbonne. U’était l’époque de la grande renommée de MM. Guizot, Cousin et Villemain. L'ensemble de ces illustres maîtres, qui est resté sans égal, attirait à leurs cours une affluence que contenait à peine le vaste amphithéâtre du vénérable édifice. Les élèves de l’École normale y étaient assidus, et nous les rencontrions souvent. Notre ancien condis- ciple Morren brillait alors au premier rang de cette com- pagnie d’élite. En nous apercevant il venait à nous, accompagné presque toujours par Léon de Lens avec lequel l’unissait une étroite amitié. Que de fois, depuis, nous avons évoqué cet heureux temps des dernières années de la Restauration où tant de choses semblaient sourire à la jeunesse! Dans tout ce qui élève l'esprit et le cœur, lettres, sciences, beaux-arts, puissance poli- tique, gloire militaire, le génie de la France rayonnait avec une splendeur incomparable. Hélas ! nous croyions voir s'ouvrir, devant nos yeux charmés, une perspective illimitée de bonheur, et nous ne savions pas que se Sr Ps préparait dans l’ombre une des explosions les plus funestes de la Révolution. Les journées de Juillet détruisirent soudain les espé- rances légitimes de notre ami, comme celles de bien d’autres. Son père préférait, dans sa noble profession, le but scientifique au moyen lucratif. C'était plutôt un écrivain qu’un praticien. Profondément attaché à la famille royale, il refusa de prêter serment, et perdit en même temps que ses emplois tous les avantages qui s’y raltachaient. Outre la douleur causée par la chute d’une dynastie qu’il aimait et vénérait, la perte de sa fortune l’affligea, non pour ses intérêts, mais pour ceux de ses enfants, au point que sa santé fut grave- ment compromise. Ce fut son fils qui contribua le plus à le relever de cet accablement. Il venait de passer vic- torieusement l’examen de sortie de l’École, et pouvait aspirer à l’un des postes les plus avantageux réservés aux débutants de l’enseignement secondaire. Son amour filial, secondé par sa foi chrétienne et les purs souvenirs de la sagesse antique , lui inspira des consolations si persuasives qu’elles réussirent à rendre l’espoir à celui qui croyait l'avoir perdu pour toujours. En assurant son père que désormais il pourrait se suf- fire et le conjurant de réserver toutes ses ressources pour ses trois sœurs, l’excellent fils ne pouvait mieux commencer le combat de la vie; la suite et la fin devaient répondre à un début si généreux. Léon de Lens fit ses premières armes au collège de Nîmes, en qualité de chargé du cours de philosophie ; puis, ayant été classé avec honneur au concours d’agré- galion en 1851, il fut envoyé comme professeur en titre er ess au collège d'Angers, à la rentrée d’octobre 1833. C’élait une chaire bien importante pour un jeune homme de vingt-quatre ans, mais chez notre ami la raison devan- çait la maturité de l’âge. Dans son nouveau poste il retrouvait avec bonheur ses denx intimes de l’École normale; Auguste Morren et Alexandre Nicolas, par la distinction de leur enseignement, avaient acquis à leurs cours, l’un de sciences physiques et l’autre d’his- toire, un renom justement mérilé. Morren, ancien élève du collège d’Angers, auquel il fut même attaché comme sous-censeur, s'était créé de nombreuses relations dans notre ville par la va- riété de son savoir et l’altrait de son esprit. Il s’em- pressa de présenter son jeune collègue dans les maisons où 1l était familièrement accueilli, C’est ainsi que com- mencérent d’affectueux rapports avec notre nouveau concitoyen dont la sagesse précoce inspirait aulant de sympathie que d’estime. Hâtons-nous d’ajouter que cette sagesse n'avait rien d’austère et se prêlail avec complaisance à d’innocentes récréations. Qu’on me permette d’en citer un exemple : Aux fêtes de la Pentecôte 1835, un de mes chers amis d'enfance, Timoléon Lardin, dont le nom sonore reten- tit souvent aux distributions de prix, mettant de côté pour quelques instants sa toge magistrale — il était alors substitut du Procureur du Roi — invita tout un groupe d’intimes à venir passer trois jours dans sa délicieuse campagne de Dieusie, à Rochefort. La bande joyeuse se composait de huit membres, y compris l’am- phytrion : Bordillon, de Lens, Freslon, Louvet, Morren, Eugène Talbot et l’auteur de ces lignes qui reste le ÉD es seul survivant. Nous passions ensemble le jour seu- lement; comme l'habitation ne pouvait nous contenir tous la nuit, Bordillon emmenait Freslon le soir dans la maisonnette que son père possédait à Mantelon, en sociélé avec ses deux pieuses sœurs, Mlles Jeanneton et Fanchette. J'avais le plaisir de donner l'hospitalité à de Lens, dans notre cher logis de famille, situé en face du pavillon de Lardin. Dés le matin la réunion était complète : on croira sans peine que l’enjouement des conversations ne le cédait point à la variété, et que les heures s’écoulaient avec autant de rapidité que d'agrément. La première excursion fut consacrée à l'escalade, par les sen- tiers les plus âpres, des trois roches fameuses qui furent le dernier boulevard de la Ligue en Anjou. Tous deux, de Lens et moi, inférieurs à nos concur- rents, en fait d’agilité et de portée de la vue, nous res- tions un peu en arrière; néanmoins en nous aidant l’un l’autre nous les rejoignîimes assez vite pour ne pas donner trop de prise à leur verve moqueuse. Parvenus aux divers sommets, nous faisions cercle autour des érudits qui, tout en admirant l’un des plus riants paysages de la Loire, racontèrent, à qui mieux mieux, les terribles exploits des Saint-Offange et la mort tra- gique de Desmarais. La journée du lendemain fut remplie par une visite à la pittoresque ferme de la Guerche, domaine de notre hôte. Elle dépendait autrefois du chäteau dont les pans de murailles, sillonnés par le feu, se reflètent dans les eaux du Layon. Avant de parvenir au pied du manoir de l'amiral Parrin de la Galissonnière, l’un des vaillants Dé à AE chefs d’escadre de la marine de Louis XVI, nous ne man- quâmes pas de contempler, du plateau de l’Esperon- niére, le contraste si frappant que présentent, d’un côté, les bords gracieux du grand fleuve, et de l’autre, les collines et les vallons mélancoliques de la Vendée. En pénétrant dans la métairie, but de notre prome- nade, nous tombâmes en.pleine couleur locale, car nous y fûmes accueillis par le père Yvon, ancien gre- nadier de Bonchamps. Pendant que sa fille nous ser- vait la plus appétissante des collations rustiques, le vieux soldat répondait simplement et fièrement à toutes. nos questions sur le passage de la Loire et les combats de la grande armée. Le retour se passa rapidement à commenter les récits authentiques du noble vieillard. Nous pouvions différer de jugement sur la guerre de la Vendée, mais nous fûmes tous d'accord sur la grandeur et le mer- veilleux de cet événement qui, de même que la mis- sion de Jeanne d’Arc, n’a d’analogue dans l’histoire d'aucun peuple. Le dernier jour s’écoula plus vite encore que les pre- miers dans les bosquets qui entouraient, au levant, la base du rocher de Dieusie. Pour lui adresser de dignes adieux, nous gravimes un de ses contreforts, et là, assis en rond sur la mousse qui tapisse les fondations d’une tour, par un soleil de juin, aux senteurs des gui- mauves et du fenouil, nous convinmes de raconter cha- cun une nouvelle, qui devait durer dix minutes, sans exiger qu’elle füt vraie; on ne tenait qu’à la vraisem- blance. L’improvisation était de rigueur ; il fallut bien s’exéculer. LAS ONE Les succès furent trés variés; par malheur — quarante-huit ans se sont écoulés depuis — je ne me souviens d'aucun des sujets choisis, pas même de celui que je traitai, à mon corps défendant, car les auditeurs étaient presque tous maîtres dans l’art aimable et char- mant du causeur; talent plus rare aujourd’hui qu’au- trefois, peut-être, mais tenant trop essentiellement à la nature de la société française pour disparaître jamais. Ce que je n’ai point oublié, c’est qu’à la satisfaction unanime, mêlée d’une légère surprise, les deux récits les plus gais furent improvisés par les deux membres les plus graves de l’assemblée, quant aux fonctions du moins, le magistrat Lardin et le professeur de Lens. Au contraire, Bordillon et Freslon, de caractère plus expax- sif, luttèrent d'invention et de verve pour nous peindre des tableaux effrayants, sous des couleurs les plus sombres. L’effet en fut très vif; néanmoins le prix de narration fut décerné, d’un commun accord, à Morren qui sut, avec un talent délicieux, entremêler de traits spirituels des épisodes touchants, et finir par un dé- nouement pathétique qui enleva tous les suffrages. L'heure du départ sonna trop vite; il fallut, non sans un serrement de cœur, se résigner à jeter un der- nier regard aulour du site enchanté. Nous descendimes les pentes de la petite montagne plus lentement que nous ne les avions gravies. Pour nous distraire de la mélancolie qui commençait à nous gagner, Freslon entonna le chœur du joli opéra d’AXne, reine de Gol- conde, et nous répétâmes, tous à pleine voix, notre philosophe comme les autres, le refrain : .… 11 faut, il faut quitter Golconde..…. ti Q 2 Vous voudrez bien, Messieurs, me pardonner cette digression qui n’est pas tout à fait un hors-d’œuvre. Le sujet de cette notice n’y est point oublié ; il y est même éclairé d’un jour nouveau, peut-être, pour plusieurs d’entre vous. D’ailleurs je n’ai pu résister au plaisir de retracer un des souvenirs qui me tiennent le plus au cœur. Attaché par des liens affectueux à tous les invités de cette partie champêtre, si j’en étais le plus jeune, je les suivais de bien près ; mon âge avancé m’avertil que je ne tarderai pas à les rejoindre. Je ne saurais trop bénir Dieu de m’avoir donné l’occasion de les réunir tous, de nouveau, dans une page consacrée à leur chère mémoire. M. de Lens occupa de 1833 à 1849 sa chaire au col- lège d'Angers. -— Le titre de lycée ne fut rétabli qu’au changement de dynastie. — L'enseignement dans les hautes classes conservait fidèlement alors les traditions de l’Université du sage Rollin, à peine modifiées sous le premier empire par M. de Fontanes, et sous la Res- tauration par l’évêque d'Hermopolis. Pleins de respect pour les chefs-d’œuvre de l'antiquité et du xvri° siècle, nos maîtres cultivaient les lettres avec amour et consi- déraient le professorat presque comme un sacerdoce. M. Gavinet et après lui M. de Condren dans la classe de rhétorique, M. Adolphe Mazure, son successeur M. Sorin, dans les classes de seconde et de troisième, ini- Uaient leurs élèves studieux à l'intelligence des grands écrivains et les guidaient dans les saines voies du goût et du sentiment, en leur ouvrant des horizons dont la connaissance devait faire un dés principaux charmes de leur vie. Il en était de même de M. de Lens dans son Fe ie cours. Pour lui la philosophie n'était pas seulement la sœur de la religion, ainsi que l’appelait Cousin, elle en était la fille. Il avait foi en elle et ne vivait que dans le commerce de Platon, de Gicéron, de saint Augustin, de saint Thomas, de Descartes, de Fénelon, et surtout de Bossuet. Possédant à fond cette savante méthode d'exposition que l’on puise à l’École normale, ferme sur les principes, il suivait, dans les développe- ments de sa pensée, une ligne sûre, avec une parole, parfois lente, mais toujours claire, précise, et donnant à $es auditeurs une grande idée des sujets de l’ordre le plus élevé, qu’il avait à traiter devant eux. À cette époque la perspective du baccalauréat ne troublait pas les têtes comme aujourd'hui ; on ne sacrifiait pas, pour une épreuve d'aventure, les plus. fécondes années de l'instruction secondaire. Les notions superficielles n’envahissaient pas les connais- sances essentielles. On ne touchait pas à tout sans approfondir rien, et la jeunesse française n’était point condamnée aux travaux forcés de la mémoire. Au lieu de tarir l'imagination dans l’esprit de ses élèves et de leur inspirer le dégoût de l’étude, l’enseignement uni- versilaire communiquait à ceux qui en étaient dignes le feu sacré dont les maîtres étaient animés. Pendant ses seize années de professorat, M. de Lens a vu passer toute une génération dont l'élite a été l'honneur de notre cité, on peut dire de notre province ; il a puissamment contribué à donner à ces jeunes gens, près de descendre dans l’arène de la vie, la droiture du jugement et les saines convictions qui assurent le succés en conquérant l'estime. Des amateurs de paradoxes A ont soutenu que les couronnes du collège ne con- tiennent aucune garantie pour l’avenir de ceux qui les méritent. C’est une erreur dont nous venons de trouver la preuve en feuilletant les palmarès de cette période ; presque tous les lauréats ont tenu les promesses de leur début. Ne pouvant parler des vivants dont plu- sieurs continuent sous nos yeux de brillantes car- rières, la simple mention des victimes d’une mort prématurée suffit pour montrer combien furent abon- dants les fruits de l’enseignement de notre philosophe émérite. Sauf méprise ou omission, voici la liste des élèves qui se sont le plus distingués en philosophie de 1833 à 1849 et qui ont succombé avant l'heure : Eugène Pion, Alphonse Chollet, Adrien Lepage, Léon Gillard, Henri Cubain, Louis Desmarquais, Ernest de Sevret, Henri Loré, Philippe Béclard, Alfred Bazin, Henri André, Camille Logerais. Pourquoi nous ont-ils quittés si tôt avant d’avoir réalisé toutes les espérances que leur printemps avait fait naître ? Ce n’est pas sans tristesse que nous évoquons le souvenir de ces jeunes hommes que nous avons presque tous connus et dont nous suivions affectueusement les succès. Quand la classe de philosophie fut confiée à de Lens, Eugène Poitou venait de la quitter, comblé de toutes les récompenses académiques. Le jeune maître et le bril- lant disciple regrettèrent de ne pas s'être trouvés en présence. Le premier eût été fier de contribuer au per- fectionnement intellectuel de ce modéle du magistrat au noble cœur, au talent si pur et si varié; de son côté, notre écrivain moraliste par excellence avait en A TES haute estime la fidélité du professeur au spiritualisme des plus beaux génies dont s’honore l'humanité. Bien qu’il remplit lous les devoirs attachés à sa chaire avec un zèle empressé et une exactitude scrupu- leuse, notre ami trouvait le temps de se livrer à une suite de compositions littéraires. Doué d’un esprit très net et très exercé, il avait le travail facile. Ainsi qu’on le remarque parfois chez de véritables hommes de lettres, sa plume élégante et correcte traduisait ses pensées plus rapidement que les paroles ne sortaient de sa bouche. Obligeant et laborieux, il était tou- jours prêt à mettre son talent d'exposition au service de sujets difficiles et même fort différents. À la dis- tribution des prix de 1835, chargé du discours, il choisit pour thème l'Esprit philosophique. En 1836, nommé membre du Conseil académique, on lui confie la rédaction de plusieurs études de nature délicate. La même année nous le voyons conquérir avec de vives félicitations de la part de ses juges le grade de docteur. Les sujets choisis étaient pour le latin, le Spiritualisme de Cicéron, et pour la thèse française, la Vie et la Doc- trine de saint Bonaventure. Puis, sous la direction du célèbre éditeur, M. Hachette, il annote un volume resté classique, intitulé : Entretiens philosophiques de Cicéron, et en écrit la préface. Ensuite il prononce un nouveau discours au collège, en prenant un des sujets les plus sympathiques, l’ancienne Université d'Angers. En 1844, M. Hachette est si satisfait de son travail sur Cicéron, qu’il lui demande un commentaire sur Bos- suel, intitulé : Œuvres philosophiques de Bossuëet. La seconde édition de cet ouvrage, approuvé comme le 40; PB ivre sur Cicéron, par le Conseil supérieur de l’instruc- tion publique, est augmentée du Traté des causes. Les bulletins de la Société industrielle et de notre Société, de 1844 à 1850, contiennent diverses communications de notre fécond auteur, entre autres un intérescant rapport sur divers mémoires de son ami et confrère, M. Auguste Pelet, de Nimes. La Société de l’Institut des Provinces présidée par M. de Caumont, ayant tenu séance à Angers en 1843, de Lens fut un des secré- taires de ce congrès scientifique, section d'histoire et d'archéologie ; il en rédigea les procès-verbaux et prit part à la discussion de plusieurs questions, entre autres de celles qui concernaient l’Université d'Angers. La catastrophe du 24 février 1848, en bouleversant les plus hautes positions, vinttroubler toutes lesexistences paisibles et particuliérement les hommes d’études bien- faisantes. De ce jour funeste date une nouvelle étape de la marche révolutionnaire qui, sauf de rares inter- valles de repos, entraîne notre malheureux pays depuis 1789. Comme tous les esprits éclairés, comme tous les cœurs généreux, notre professeur de philosophie cher- chait à faire prévaloir la raison et surgir l’ordre du désordre ; il publia au mois de mars, sous l'impression de l'orage qui venait d’éclater, un livre, petit de forme, mais considérable d’idées, qu’il intitula : Manuel des droits et des devoirs du citoyen. À propos de cet opuscule nous lisons la note sui- vante laissée par M. de Lens : « J’eus le tort de rédiger ce manuel dans le feu de l'enthousiasme qu'éprouvèrent alors quelques hommes encore jeunes, mais honnêtes, pour les institutions = |/me républicaines, dont ils devaient bientôt être désabusés. Mon excuse se trouve peut-être dans la collaboration que me prêta mon recteur lui-même, M. Henry, qui composa la réponse à la question des salaires. Elle se trouve aussi dans la modération et la bonne foi avec lesquelles sont résolus les problèmes soulevés par l’éta- blissement subit de la République. » Nous avons relu le Manuel, et ne pouvons ratifier le blâme que s'adresse le trop consciencieux auteur. D'abordilfautse reporter au temps troublé où parutl’écrit. S'1l contient quelques expressions favorables à la Répu- blique, on doif observer qu’à cette époque, le deuxième essai de ce régime n’avait pas encore démenti les espé- rances. On pouvait croire jusqu’à un certain point, que l'expérience de 93 empêcherait de retomber dans les mêmes fautes. Il y avait saus doute des illusions dans le programme de M. de Lens ; mais elles prenaient leur source dans un patriolisme aussi désintéressé que sin- cère. Son idéal ressemblait assez au Projet de pair uni- verselle de l'abbé de Saint-Pierre. Il est certain que si l’on avait fondé en France une république sur les bases de la religion et d’une sage liberté, ouverte à tous, respectant lestraditions nationales, ne récompensant que les plus dignes, en écartant ceux qui sont capables de tout et ceux qui ne sont capables de rien, alors cette politique eût formé une nation de frères, et la France eût excité l'admiration de l’Europe. Pour notre malheur ‘les journées de juin démontrèrent bientôt que les” ambitieux qui égaraient le peuple étaient peu sensibles aux conseils des professeurs de philosophie. Nous n'avons pu lire sans émotion la note sur le NE LE Manuel du citoyen ; elle peint mieux que tous nos éloges l’homme qui l’a tracée. Bien différent de ces présomptueux, si communs aujourd’hui, qui se posent en docteurs, sans en posséder les qualités, même quand ils en ont le titre, M. de Lens était un modèle de cette belle vertu chrétienne qui se nomme la modestie. Elle composail un des côlés saillants de son caractère. Je lisais dernièrement dans les Médtations de M. Hamon, l’auteur de la Vie de saint François de Sales, ces lignes que l’on me permettra de iranscrire, car elles semblent tracées pour le portrait de notre ami : « Qui n’a éprouvé dans la société de l’homme mo- « deste un plaisir pur et intime, qui tient quelque « chose du surnaturel? Il y a en lui je ne sais quoi qui captive l'esprit, qui charme le cœur et plaît aux plus difficiles. Ses manières également éloignées de la politesse affectée et de la vulgarité, sont tout à la fois simples et aimables ; on voit que le cœur seul les lui a apprises. Sa conversation est douce et tranquille, sans contestation ni dispute, parce que, bien diffé- rent de ces hommes tranchants qui prononcent en dernier ressort sur toutes les matières, il est réservé dans ses jugements. S'il donne son avis, c’est avec simplicité et sans attache ; il ne tient pas à faire pré- valoir son propre sens, et aime mieux se laisser vaincre en cédant avec douceur que de s’emporter en disputant avec opiniâtreté. De là ses paroles assai- sonnées de bonté et de raison, ses manières pleines d'aménité. Voilà comment la modestie fait l’orne- ment de toutes les vertus, l'honneur de la religion, le 2 CR = 2 2 2 2 A 2 A 2 2 A = A DAME PE RE « lien de la caarité entre les hommes, et le charme de « la société. ! » Il n’est rien tel que le bon exemple pour convaincre dans notre pays essentiellement imitateur. l'attitude sérieuse de M. de Lens dans sa chaire commençait par inspirer le respect, puis comme il s’exprimait simple- ment et sans imposer ses convictions, les élèves suivaient naturellement une voie ouverte avec autant de sincérité que de discernement. Notre ami savait faire deux parts dans ses affections, ou plutôt il les confondait el ne cessa pas un instant d'être dévoué à la religion d’abord, à l’Université ensuite. Il présentait, en un mot, le type accompli d’un accord moins rare qu'on ne pense, même de notre temps, l’universitaire chrétien. Cette double qualité lui donnait une appréciation très large et vraiment éclairée de toutes les questions qui se rattachent à la liberté de l’enseignement. Il regrettait que M. Guizot, ce grand esprit à qui lon doit la loi sur l’enseignement primaire de 1833, n’ait pas profité de son long ministère pour couronner son œuvre en dégageant de ses liens l'instruction secondaire et supé- rieure. Cette fidélité aux promesses de la charte de 1830 eût donné un essor prodigieux aux intelligences et nous eût épargné peut-être une révolution en empé- chant Læmartine de terminer l’un de ses discours par les paroles fatales : La France s'ennuie. L’adhésion aux conseils éloquents de Montalembert et de Lacor- daire, appuyés par tout l'épiscopat, eût produit une 1 Méditations pour tous les jours de l'année, par M. Hamon, curé de Saint-Sulpice, t. LIL, p. 321. Le diversion à l’entraînement vers la passion des richesses et du bien-être, mollesse fatale qui faisait dire à M. de Savigny, dans une visite que rendait Arago, en 1847, à l’illustre homme d’État de Berlin : « Je n’ou- blie point mon origine française et je vois avec douleur que la magnifique impulsion intellectuelle de 1820 à 1830 s’est presque arrêtée chez vous. Vous êtes en retard de l'Allemagne, sous le rapport des sciences, de plus de dix ans, et si vous n’y prenez garde, vous en subirez des conséquences funestes, même aux points de vue politique et militaire. » Sans connaître ce pronostic, que l’événement justifia plus tôt que ne pensait son auteur, M. de Lens déplo- rait le séatu quo, produit par le monopole universi- taire; c’est dire qu’il applaudit de tout cœur à la loi de 1850, à ce grand bienfait qui, abattant les barrières de la routine, ouvrait un champ libre à tous les pro- grès émanant d’une émulation loyale, inaccessible aux considérations vulgaires. Si notre ami se complaisait à louer les mérites et les avantages de l’Université, il n’en dissimulait point les côtés faibles. Le régime intérieur des lycées sur- tout lui semblait défectueux, à cause de la nécessité des maîtres d'étude. On a eu beau changer leur titre, on ne leur a pas donné les qualités qu’ils ne peuvent avoir. Jeunes gens sans vocation bien fixe, fonction- naires’ de passage, quelle que soit leur honnêteté en général, ils n’ont que l'autorité de surveillants, sans inspirer de considération pour leur savoir ou de reconnaissance pour leurs sentiments affectueux. De lus, ne pouvant rendre à l’étude les services de répé- É , ; SOC. D'AG. 2 SR titeurs , et ne se mêlant pas aux jeux des récréations , ils n’ont d'influence, ni sur le travail ni sur les plaisirs de leurs subordonnés. Quelle différence avec leurs confrères des collèges ecclésiastiques ! Grave question à propos de laquelle Pévêque d'Orléans a écrit cette page charmante qui devrait donner à réfléchir, s'ils la lisaient, aux partisans exclusifs des établissements scolaires de l’État : « Que l'éducation par l’arnour soit aussi une éduca- « tion par le bonheur. Qu’elle s’applique à faire plaisir « aux enfants, à les récompenser du travail et des cou- « rageux efforts par le plaisir ; qu’elle leur ménage « une vie à la fois sérieuse et douce, laborieuse et « joyeuse ; qu'elle s'applique à les récréer innocem- « ment, à les charmer, à les enchanter; qu’elle leur « laisse, de ses récréations, de ses promenades, de ses .€ fêtes de famille, pour leur vie tout entière, de doux « etineffaçables souvenirs; qu’elle crée ainsi et à jamais « des liens de cœur entre les élèves ei leurs maîtres, « entre les enfants et la maison qui aura été pour eux « une seconde famille... » Après un examen approfondi, M. de Lens resta con- vaincu qu'aucun moyen n’était possible de lutter avec des laïques contre les régents des collèges ecclésias- tiques, pour le dévouement et l’unité des principes. En conséquence il adhérait à l’idée assez généralement répandue, en supprimant les internats d'encourager la formation d’externats suivant les cours des lycées, et dirigés par des maîtres d’un savoir éprouvé comme d’une honorabilité incontestable. Pour la deuxième fois, les novateurs qui prétendaient eg eut répandre seuls les bienfaits de la république avaient détruit les espérances conçues à son avénement, et neutralisé les loyaux efforts du général Cavaignac pour établir un régime modéré. Le prince Louis Bonaparte élu président à une immense majorité, aspirait à un autre titre, et semblait vouloir mettre fin aux maux causés par la catastrophe de février. Le ministère composé d'hommes considérés invoquait le concours d’agents capables et de bonne volonté, dans toutes les carrières. Bien que ce ne fût pas le gouvernement de ses prédilections, M. de Lens crut devoir prendre part, dans la mesure de ses forces, à ce mouvement répara- teur; il occupait sa chaire de philosophie depuis dix- neuf ans, el tout en continuant de montrer le même zèle, il pensa que le temps était venu d'employer ses faculiés sur un théâtre plus vaste où il rendrait plus de services à l’instruction publique, qui fut l’objet de sa constante sollicitude. Un ami, auquel il confia son désir, le transmit à M. de Falloux, alors grand-maître de l’Université. Notre émi- nent compatriote chargea son secrétaire général, M. Jourdain, tous frais émoulu, lui-même, de la chaire de philosophie de Stanislas, de choisir un poste digne de son confrère. On consulta les notes ; elles ne pouvaient être meilleures ; le provisorat de Grenoble se trouvait vacant ; on en pourvut notre méritant solliciteur. L’ex- pédition du brevet fut faite le jour même, et il reçut l’avis officiel de sa promotion avant d’être informé du départ de la lettre de son ami. M. de Lens resta deux ans à la tête du lycée de Gre- noble. Sa direction judicieuse et fécondé commençait 9) à rétablir l'harmonie interrompue par les agita- tions du temps, toujours plus vives dans le Dauphiné qu'ailleurs. Avec le calme des esprits revenait la consi- dération publique pour les fonctionnaires dévoués à leur tâche : M. de Lens ne put accomplir la sienne à son gré. Ce ne fut pas sans soulever des hostilités qu’il avait entrepris la réforme de bien des choses, notam- ment celle de la discipline et des mœurs. On le desservit près du ministre qui n’était plus M. de Falloux; mais comme on ne pouvait contester les progrès réels de l'établissement dont la réorganisation lui avait été con- fiée, il fut nommé inspecteur d'Académie à Nîmes, ce qui était d’ailleurs un avancement hiérarchique. M. de Lens ne tarda pas à réussir dans ces nouvelles fonctions; il en possédait les qualités maîtresses, l’es- prit d’ordre et le jugement sûr. Nous ne parlons pas du dévouement, qui était tellement dans sa nature, qu’il n’a jamais pensé à s’en faire un mérite. Toutefois, il eut plus d’un obstacle à vaincre. Le principal venait, osons le dire, de sa démarche hésitante, de son regard indécis au premier abord. Il n’était pas doué de ce don, assez rare du reste, de pouvoir être apprécié d’un seul coup d'œil, heureux privilège, plus précieux, peut-être, dans la carrière universitaire que dans bien d’autres. Sa froideur apparente était due à un défaut dé la vue, commun de nos jours, mais qui n’en est pas moins fort gênant, il était myope. Ah! nous sentons trop les désagréments de celte infirmité pour ne pas comprendre tous les soucis qu’elle cause, surtout à ceux qui voient passer devant leurs yeux, par nécessité d'état, une foule de visages, plus ou moins nouveaux. RON 0 _ Elle prive d’expression la physionomie, fait commettre méprises sur impolitesses, et vous empêche de distinguer vos amis, à moins que ceux-ci, émus de compassion, ne viennent à vous en mettant fin à votre isolement au mi- lieu de personnes qui vous sont connues, mais que vous ne reconnaissez pas. On conçoit de quelles conséquences cet inconvénient physique a été suivi dans la carrière affairée de M. de Lens, d'autant plus qu’il s’est aggravé par une certaine disposition morale. Vaillant de cœur, mais timide de tempérament, notre ami n’aimait pas la représentation, et quand il fallait paraître et parler en public, des yeux clairvoyants pou- vaient discerner dans son esprit un combat qui donnait à sa parole un peu d’embarras, surtout à l’entrée en matière. Hâtons-nous d'ajouter que cette imperfec- lion était vite effacée par le respect qu’inspiraient la noblesse de son caractère et la pureté de sa vie, qui prenaient leur source dans des croyances profondes, mises en pratique, sans ostentation, mais avec une inébranlable fidélité. Après avoir occupé, pendant trois ans, les impor- tantes fonctions d’inspecteur d’Académie, à la satisfac- tion de ses administrés de Nimes, où il avait laissé un bon souvenir de ses débuts pédagogiques, M. de Lens obtint de changer cette résidence pour celle d'Angers. Il revint avec bonheur dans sa patrie d’adoption où il retrouvait l'honorable famille à laquelle il s’était allié ainsi que de nombreuses et affectueuses relations. Ce fut la dernière étape de sa carrière active. Parvenu au but de ses désirs, il y resta dix-sept ans remplis d’une manière aussi utile que laborieuse. VO ve Cependant cette longue période ne s’écoula pas sans que des nuages ne vinssent altérer la sérénité de cer- | {ains jours. En dépit de son esprit de justice et d’im- partialité, le consciencieux directeur de l'instruction publique dans notre département eut ses heures d’é- preuves, inhérentesau fonctionnement de toute institu- tion humaine. En 1854, M. Vallon était préfet de Maine-et-Loire : loyal, ouvert et bienveillant, avec lui les rapports étaient aussi agréables que faciles. Plein de confiance dans l’honnêteté et la capacité de M. de Lens, il laissait à celui-ci une liberté complète, et approuvait d’a- vance toutes ses propositions, au sujet des nombreux intérêts connexes de l’Université avec le gouverne- ment. En 1858, au grand regret de la population angevine qui, sous la douce direction de son préfet, ne s’était guère aperçu des tendances absolutistes de l'Empire, M. Vallon fut envoyé à Lille et remplacé par M. Bourlon de Rouvre. La popularité de l’un rendait le poste diffi- cile pour l’autre. Administrateur soigneux, possesseur d’une grande fortune dont il faisait un généreux usage, le successeur de M. Vallon n’en débuta pas moins dans notre pays sous des auspices peu favorables. Loin de nous la pensée de récriminer contre un fonctionnaire d’une distinction réelle, qui a laissé parmi nous des affec- tions précieuses ; mais nous osons écrire une page d'his- toire ; siellen’est paséloquente, il faut qu’elle soit exacte. Or, nous devons d'autant moins omettre queM. de Rouvre appartenait à la classe des préfets autoritaires, qu'il s'en faisait honneur et que beaucoup de personnes lui en LANOTE AO savaient gré. Peu après son arrivée dans notre ville, les temps prirent une teinte de plus en plus sombre ; la poli- tique vint compliquer les rapports des diverses admi- nistrations entre eiles. Les discussions sur le pouvoir temporel du Saint-Siège amenëérent la division des esprits. Le ministre de l’intérieur, M. de Persigny, supprima le Conseil supérieur des conférences de Saint-Vincent-de-Paul, et presque en même temps, prêla la main à l’organisation de la franc-maçonnerie. Enfin l'Empereur engagea la guerre d'Italie, première cause des désastres de 1870. Parmi les mesures que prit le ministère pour comprimer le mouvement de l'opinion, l’une des moins libérales fut de transférer aux préfets la nomination des instituteurs qui apparte- nait aux recteurs. Sans nous étendre sur les inconvé- nients de cette ingérence, nous dirons seulement et l’on nous croira sans peine qu’au sein des conseils aca- démiques, l'attitude des inspecteurs vis-à-vis des pré fets tout-puissants et d'humeur altière, devenait singu- lièrement délicate. Des dissentiments s’élevaient parfois entre les protecteurs des maîtres laïques et les défen- seurs des congréganistes. Ces derniers qui avaient d'ordinaire l’avantage du bon droit n’avaient pas celui du nombre. M. de Lens s’eftorçait de tenir la balance égale entre les parties. Ce n’était point un homme de combat, et ne se plaisant guère aux discussions ardentes, il n’avait pas d'autre mobile que l’intention de faire bonne justice. Il y réussit; mais néanmoins, dans certaines occasions, l’on ne se rendit pas assez compile des tempéraments ou des atermoiements qu'il fut contraint de prendre, et il eut le chagrin de voir RAD TL res porter sur quelques-unes de ses décisions des jugements hâtifs, dont l'erreur ne fut reconnue que plus tard, après complète information. Toutefois ces jours d’épreuves n'étaient pas sans compensation ; 1l en était d’autres qui faisaient trève par leur agréable entrain aux soucis de l’administra- tion. Nous avons raconté une anecdote de la jeunesse de M. de Lens pour constater qu’en certaines circons- tances il aimait à se reposer de ses graves travaux en se livrant au penchant sociable et même enjoué de son caractère. « J’accompagnais d'ordinaire mon inspec- teur, me racontait derniérement un membre de l’Uni- versilé, aux sessions semestrielles du Conseil acadé- mique supérieur de Rennes où nous retrouvions avec M. Nicolas, MM. Bayan et Gripon, nos anciens maîtres, restés Angevins de cœur. Après avoir discuté dans la journée les questions des plus intéressantes, tous les délégués des départements du ressort se réunissaient au diner de l’hôtel de l’Europe. Les propos les plus courtois s’échangeaient pendant le repas, à la suite duquel on se permettait de petits extras, provoqués par des occasions de fêtes ou de gageures ; la verve de cha- cun s’animait ; les saillies s’échangeaient, toujours avec atticisme, dans la mesure que ne doivent jamais _ dépasser des docteurs in utroque jure. C'était un feu croisé de irails d'esprit, de réparties joyeuses, même de vers latins ; on jouait aimablement sur les mots, et l'on se lançait jusqu’au calembourg. Mon inspecteur n’était pas le dernier à en improviser de fort ingénieux. Il se plaisait aussi en des épanchements intimes, avec cette gaîté douce, privilège des âmes pures. Je me sou- D ONE viens qu’un soir, se trouvant entre deux médecins, il nous dit : « J’ai toujours admiré votre bienfaisante pro- fession. Dans ma jeunesse j’y pensai sérieusement. Ce fut mon père qui m'empêcha de tourner mes vues de ce côté. « Ta vocation est le professorat, me dit:il. Comment pourrais-tu pratiquer une opération ? Tu t’'évanouis à l’aspect d’une goutte de sang, et puis, il y a encore une autre objection à ton désir du moment... » Mon père s'arrêta de peur de m'’afliger, mais ajouta M. de Lens, avec un sourire plein de bonhomie, je lus cette objection sur ses lèvres ; elles disaient : « Tu es trop maladroit. » Personne ne regretta plus que M. de Lens la briè- veié du ministère de M. de Falloux. Il espérait que le principal auteur de la loi de 1850 terminerait son œuvre par la liberté de l’enseignement supérieur. Une commission avait été choisie dans ce but, et l’or- ganisation de l'instruction publique eût été achevée dès lors, si l’inspirateur n'avait été contraint, par l’état de sa santé, de léguer le complément de sa mission à ses successeurs. Malheureusement ceux-ci firent de grands frais de paroles et d’écrits, plutôt pour res- treindre l'essor donné que pour le développer. L’Empe- reur qui sut s’atlacher beaucoup d'hommes de haute valeur, surtout au Conseil d'État et à l’armée, n’eut pas la main heureuse dans le choix de ses grands- maîtres de l’Université. M. Fortoul, ancien adepte du saint-simonisme, avait un esprit chimérique ; M. Rou- land, absorbé par la direction de la justice, abandonnait celle des lettres et des sciences à l’inexpérience de son fils, enfin, M. Duruy, supérieur à ses devanciers, his- DE = torien érudit, mais sans principes fixes, s’agita beau- coup et n’attacha son nom à aucun progrès digne de mémoire. Il fallut l’avènement d’une Assemblée con- servatrice pour qu’en 1875, le grand bienfait attendu si longtemps, füt enfin une réalité, hélas ! pour bien peu de temps ; chacun sait que la victoire radicale de 1877 suivit de près la chute du monopole univer- sitaire et qu’elle a eu, pour effet, de le rétablir, en y ajoutant de nouvelles conditions oppressives. Ce fut en celte même année 1875 que la nouvelle Uni- versilé d'Angers ouvrit ses portes à la jeunesse studieuse. Notre ami comprenait toute l'importance de cette restau- ration, parce qu'il avait souvent réfléchi à tous ses avantages au double point de vue intellectuel et maté- riel. Sans se dissimuler que l’excès de la compression démagogique, parvenant à éteindre ce foyer de lumière, relêguerait notre cité au rang des villes secondaires de fabrique, il se plaisait à la voir, lors duretour d’une sécu- rité réelle, devenir le chef-lieu des hautes études, au centre des provinces de l'Ouest. Cet avenir n’avait rien d'illusoire pour son judicieux esprit. Il avait applaudi comme nous tous, dans une de nos séances solennelles, à l’allusion de l’un de nos collègues, rappelant qu’on lit dans la cathédrale de Tolède ces simples mots sur la tombe de lillustre ministre d’Isabelle de Castille : Ici repose Le cardinal Ximenès fondateur de l’Université d’Alcala. Est-il besoin d'ajouter que la guerre insensée entre- prise contre les établissements d'instruction religieuse CE 1 a fut pour M. de Lens une cause de douleur amère et continue? Connaissant à fond toutes les questions qui se rattachent à l’enseignement public, il avait étudié consciencieusement, comme tout ce qu’il faisait, les méthodes et les usages pratiqués dans les collèges des Jésuites qui, de l’aveu unanime, occupaient le premier rang parmi ies institutions congréganisies. De tout temps il les avait tenus en grande estime, mais ce n’é- tait pas sans quelques préventions, partagées, ne crai- gnons pas de le dire, par les esprits les plus éclairés du monde universitaire. Or, quel a été l'effet immédiat de la fermeture des maisons des Révérends Pères? [’é- vidence pour tout homme intelligent et vraiment lihé- ral, que ces préventions n'étaient pas fondées, et que l'instruction chez les Jésuites était à la hauteur de l’é- ducation. Il fallait que cette évidence füt démontrée par des preuves bien indéniables pour qu’un de leurs adversaires les plus acharnés, M. Challemel-Lacour, laissât échapper en pleine Chambre des députés, cet aveu à contre-cœur : « Oui, je reconnais que vous avez le don de l’enseignement. » De même que les membres impartiaux de l’Univer- sité, M. de Lens prévoyait que cette persécution aurait plus d’une conséquence funeste. Il partageait complé- tement les idées de M. Métairie, le courageux proviseur du lycée de Rouen, qui fut révoqué pour avoir défendu au Conseil académique de Caen la cause de la justice et des opprimés. D'abord en conférant un privilège exclu- sif aux établissements de l’État, on arrête l’émulation, et par suite le progrès, inconcihable avec le monopole, de sa nature aussi stérile qu’il est odieux. Le niveau De) pere) des études s’abaissera de plus en plus ; on rend l’in- fériorité des lycées, surtout à l'égard de l’éducation, frappante pour tout le monde, en même temps qu’on accroît les regrets causés par la suppression arbitraire des collèges de l’illustre Compagnie. Enfin, cette mesure violente querien ne justifie, expose, au premier changement de l’opinion électorale, les établissements de l’Université à des représailles et à une impopularité qui, par une réaction inévitable, pourront dépasser le pouvoir des gouvernants d’alors, même de ceux qui seraient les plus décidés à la résistance. M. de Lens obtint seulement en 1871 la mise à la retraite qu’il avait sollicitée avant la guerre. Le casier qui contenait ses notes au service de sa chère Univer- sité était si bien garni, que l’on se décida avec peine, quoique sous un nouveau régime, à se priver de sa col- laboration. Rentré dans la vie privée, il termina sa carrière active de quarante-trois ans, comme il l'avait commencée, par la mise en pratique de la philosophie chrétienne. Pärtageant le temps d’un repos si bien mérité entre les douceurs de l’étude et les charmes du foyer domestique, il pouvait enfin satisfaire ses goûts aussi simples que délicats. Désormais rappro- ché tous les jours d’une compagne fière de son mari et heureuse de s’associer à chacune de ses pensées, confondant avec elle le bonheur de voir leurs trois enfants réaliser toutes leurs espérances, M. de Lens eût joui d’une félicité sans nuages si elle était possible sur la terre. Mais, subissant la loi commune, il éprouva d’abord une vive peine, qui ne s’affaiblit guère, de la mort de ses deux plus chers amis. Vous avez entendu, — 99 — Messieurs, la lecture de sa belle et touchante notice sur le compagnon de sa jeunesse, Auguste Morren, ce savant si aimable que tant de liens rattachaient à notre ville, et qui réunissait à des connaissances aussi variées que sérieuses, le sentiment de l'artiste et le charme de l’homme du monde. En relisant cette notice, nous cédons au plaisir d’en détacher un passage ; il suffira pour donner l’idée du talent de l'écrivain. On y admire, il nous semble, plus qu'un modèle de style; c’est un portrait vivant digne du peintre et de son modèle. La comparaison fera ressortir la pâleur de notre esquisse ; mais nous en serons dédommagé par l’heureuse fortune de pouvoir mettre en regard deux hommes excellents qui restèrent nos maîtres, bien qu’ils voulussent, par condescendance, nous traiter sur le pied de l'égalité. « … Une grande facilité à entrer en relations avec ses semblables, l’aménité la plus bienveillante comme la plus affable, étaient les dehors de cette âme affec- tueuse ; comme on l’a dit ailleurs, « M. Morren a laissé des amis partout où il a passé. » Sa conversation était aussi attachante que variée et solide. Causeur brillant, il savait parler de tout, et, à chacun, de ce que celui-ci savait le mieux. Observateur sagace, critique plein de finesse, s'appliquant d’ailleurs à guérir par quelques mots aimables les petites blessures qu'avait pu faire une pointe d'esprit un peu maligne, il réussissait dans les salons et y était toujours goûté el désiré. Mais ce monde auquel il convenait si bien ne lui suffisait pas. Souple et léger comme lui, en apparence, il le jugeait sévèrement et sainement, et ceux qui voyaient de plus eee près Morren, s’apercevaient parfois, à la teinte mélan- colique de son visage et de ses discours, que le bonheur n’était pas pour lui dans cet échange apprêté de-senti- ments et d'idées, ni dans ces relations fugitives qui lais- sent après elles tant de vide et sauvent de déceptions. « Il le trouvait bien autrement complet dans son inté- rieur, resté simple, malgré l’élévation progressive de son rang et de sa fortune; dans la tendresse de sa femme et de ses deux filles si bien faites toutes les trois pour le comprendre ; dans l’attachement d’un petit nombre d'amis unis à lui par la conformité des goûts, des études, des opinions, et qui venaient familièrement, ou s’asseoir à son foyer et à sa table, ou causer avec lui dans son laboratoire. C’est en présence de ces ! témoins que s’épanchait la sympathie de son cœur aimant et que se manifestait tout entière sa vive sensi- bilité également facile au rire et aux larmes. L’honné- teté de son caractère et la pureté de sa vie, la foi chrétienne consolidée en lui par les réflexions de l’âge mür et ramenée dans ses dernières années à la ferveur de l'adolescence, toutes les vertus et les pensées qui élèvent l’âme au-dessus de la terre et du moment pré- sent, protègent le souvenir que nous gardons de notre ami en assurant à ceux qui le chérissaient des consola-' tions ineffables. « Esprit ingénieux et fécond, Morren avait développé avec beaucoup de soin les aptitudes à peu prés univer- selles qu’il tenait de la nature. Les lettres, comme les sciences, les arts d'agrément et les travaux sérieux de l'esprit l’occupaient tour à tour et trouvaient en lui un intelligent interprète. À une parole élégante et persua- Mae RE sive, il joignait des sens exercés et la main la plus habile. Son maintien était toujours correct et sa mise soignée. Sa taille souple et dégagée, sa physionomie ouverte, sa bouche spirituelle et habituellement sou- riante, ses yeux fins et caressants, tout en lui attirait le regard et commandait l’affection. Par ses qualités diverses il était, on peut le dire, prédestiné à l’enseigne- ment public et à celui vers lequel l’ont particulièrement porté ses études... » Une perte non moins sensible pour M. de Lens fut celle de l'abbé Legeard avec lequel il avait contracté une intimité de plus fraîche date, mais aussi étroite que la précédente. Ils s'étaient appréciés mutuellement au lycée où Legeard pendant de fécondes années, tout en ne négligeant aucune occasion, comme aumônier, d’é- difier maîtres et élèves, amassa un trésor de savoir qui, joint à sa facilité de parler d’abondance, de cœur comme d’esprit, l’éleva au premier rang de nos prédi- cateurs angevins. Ce qui causait l'accord des deux amis en matière d'enseignement, c’est qu’ils avaient les mêmes idées en politique comme en religion, avec une nuance plus _ prononcée du côté de Legeard, provenant de son caractère plus expansif. Tous deux appartenaient à l’écele vraiment libérale . dans la belle acception du mot, de Lacordaire, d'Ozanam, de l’abbé Per- reyve, de Montalembert, de l’évêque d'Orléans. A l'exemple de ces grands esprits, ils désiraient la des- truction du monopole de l’Université, mais non de son existence. Ils pensaient que le régime d’une équitable liberté lui serait aussi salutaire qu’à nos institutions LS See ecclésiastiques et reléverait l’enseignement public, en France, au point d’où il n’aurait jamais dû descendre. On n’a pas reproduit plus fidèlement la physionomie sympathique de l’abbé Legeard que l’auteur de ces lignes en tête d’un recueil de souvenirs consacrés au populaire curé de la Trinité : « Le départ d’un ami vénéré, dit M. de Lens, pour une contrée d’où il ne doit pas revenir, laisse au cœur de ceux dont il se sépare un vide douloureux et difficile à combler. Sa société était si chère et l’on en avait une si douce habitude! Hôte toujours désiré de Ja famille, il en recevait les confidences, il en partageait les joies et les peines; peut-être même guide éclairé, veillait-il à quelques-uns de ses plus graves intérêts. La première, et longtemps la seule consolation de son absence, sera de se représenter ce qu’il était à égard de tous et particulièrement de ceux qu’il aimait ; de faire avec ceux-ci un échange fréquent de souvenirs ; d'avoir présents ses sages discours, ses bons conseils, d’agir toujours en vue de sa bienveillante approba- tion. Nul n’a plus profondément éprouvé ces senti- ments que celui qui, par une bénédiction de la Provi- dence, a entendu ses dernières paroles et reçu son suprême adieu... » Le 14 janvier 1873, au bord de la tombe de l’abbé Legeard, nous avions exprimé la même pensée en des paroles qui s’adressaient également à l’ami que nous pleurions et à celui qui vient d’aller le rejoindre : « Nous est-il permis, disions-nous en terminant l'éloge funébre, d’entrevoir un effet de la prédilection divine jusque dans le genre de mort choisi pour son LES à MES élu, — grâce ineffable seulement pour le petit nombre de chrétiens sans peur et sans reproche ? — (onnais- sant la délicatesse de son cœur, sa sensibilité si facile- ment alarmée, Dieu a voulu qu’il exhalât son âme au milieu d’une pieuse famille, le soir, près d’un foyer ami, sans plainte, sans convulsions, se détachant dou- cement des choses de la terre par des soupirs à peine entendus, qui ne laissèrent sur ses traits que l’em- preinte d’une suprême félicité. » Nous avons cédé à l’attrait de louer les qualités per- sonnelles de M. de Lens, sans parler suffisamment de l’application qu’il en fit dans des travaux de diffé- rents genres; la liste en est considérable, et nous ne pouvons qu'indiquer le titre des sujets qu’il a trai- tés pendant qu’il était inspecteur, comme nous l’avons fait pour ses études en dehors de son cours de philo- sophie. En 1855, à peine de retour à Angers, notre ami pré- para, dans une série d’arlicles insérés au Journal de Maine-et-Loire, sous un complaisant pseudonyme, la fondation de l’École supérieure des sciences et des letires qui, ouverte en 1856, subsiste encore aujour- d’hui, à peu prés telle que l’organisa le nouvel inspec- teur d’Académie. Cette création fit également honneur au Conseil municipal d'alors, ainsi qu’à M. Ernest Du- boys, l’un de nos maires dont le passage à l’hôtel-de- ville a été le plus fécond ‘. ! Avec l'Ecole supérieure nous citerons le pont en pierre de la , Basse-Chaïîne, la rue Plantagenet, le Jardin du Mail, la restau- ration des salles du Musée, l'installation de la galerie d'histoire naturelle, et surtout le bienfait inappréciable de l’eau de Loire. SOC. D'AG. 3 Hi AU On sait que celte École n’a cessé d'offrir un groupe de professeurs distingués; quelques-uns sortis de cette modeste enceinte occupent de brillantes positions dans la République des lettres. C’est une heureuse fortune pour les jeunes maîtres des classes supérieures du lycée. Ils s’y forment à l’art difficile de parler en public. Tout le monde y trouve avantage : les auditeurs ont à choisir entre des sources d'instruction élevée, gratuite et agréable ; les conférenciers, en y faisant un stage fructueux, et le lycée, en profitant de leurs pro- grès. On s’est plaint quelquefois d'idées et de paroles peu mesurées émises dans certains cours. Il n’est pas étonnant que parmi les jeunes orateurs qui se sont suc- cédé en y commençant leurs débuts, quelques-uns aient manqué de convenance; mais cet oubli est la faute de ceux qui le commettent et ne doit pas être mis à la charge de l'institution. Des bruits fâcheux ont couru derniérement à propos de l’École supérieure. On a même parlé de projet de suppression. Espérons que ces bruits n’ont rien de sérieux et qu’au lieu de détruire une fondation à laquelle M. de Lens a pris une grande part, nos édiles s’occuperont de l'installer dans un local plus digne de sa destination que la salle provisoire où l'on commente les chefs-d’œuvre littéraires, où l’on initie l'auditoire aux découvertes de la science, avec un talent réel, le plus souvent, et avec dévouement, tou- jours. Pour énumérer les principaux actes de M. de Lens, pendant son exercice d’inspecteur d’Académie à Angers, veuillez, Messieurs, m’excuser de prendre pour modèle le style concis des états de service. Cette manière de ee TRE dire beaucoup en peu de mots me permettra d’éviter des répétitions de formules et de n’omettre rien d’im- portant. à En 1854, dès la première année de son retour à Angers, M. de Lens fut associé aux travaux de M. Mou- rier, bien connu par son activité, et il resta son cons- tant auxiliaire jusqu’en 1861 où le zélé recteur de Rennes fut appelé à l’Académie de Paris. Mais aupara- vant il s’'empressa d'approuver les efforts de son coopé- rateur pour le développement de l'instruction primaire, auquel M. de Lens s’est, de fait, plus spécialement appliqué; toutefois, la direction de l’enseignement snpérieur des lycées et collèges ne fut point négligée; de nombreux rapports à l’Académie en témoignent, ainsi que l'initiative opportune prise dans plusieurs circonstances. En 1855, notre inspecteur eut une grande part au développement et à l'installation de l'École secondaire de médecine, dotée aujourd’hui de chaires plus nom- breuses et installée dans un local construit pour elle. Dans la même année il obtint la construction du petit lycée et, pour l'établissement principal, la trans- formation des anciens bâtiments , qui a été reprise après de longues éludes ; I fit accepter par l’Université la direction des collèges de Cholet et de Beaufort, destinés à préparer les élèves aux professions industrielles et commerciales. En 1856, sous l'administration de M. de Lens, l'École normale d'Angers voit doubler le nombre de ses élèves qui n’était que de vingt-quatre en 1854. Elle © ap sh est aujourd’hui installée dans un bâtiment complété ou renouvelé. 1857. Les instituteurs laïques, partagés en deux séries à cause de leur grand nombre dans le départe- ment, sont appelés à suivre des conférences pédago- giques qui ont été fécondes pour la bonne organi- sation des classes, pour l’éducation et le progrès de l’enseignement. Le résumé des conseils donnés par M. de Lens, a été publié en 1858, en un volume in-12 de 200 pages environ, sous le titre dé Guide des Insti- tuteurs de Maine-et-Loire. En 1861 M. Magin remplace M. Mourier comme recteur de l’Académie de Rennes, et peu après M. Ma- lagutti succède à M. Magin. Chargé par M. Mourier d’un rapport sur l’organisation de l'enseignement spé- cial, question qui se trouvait alors à l’ordre du jour, M. de Lens eut l'espoir de se faire un titre de ses études à ce sujet, auprès de l'administration supé- rieure; mais le successeur de M. Mourier, prenant ombrage de ce qui venait de l'initiative de son prédé- cesseur, il en résulta que le travail de notre inspecteur ne fut pas communiqué officiellement et que ce qu’il pouvait contenir de bon, c’est-à-dire d’utile, n’a pas été connu de. ceux qui avaient à résoudre des ques- tions alors presque nouvelles. En 1868, 69, 70, M. de Lens établit et présida des concours entre les écoles du département avec exposi- tion de travaux. Cette mesure, particulière dans la première année aux écoles publiques de garçons, tant congréganistes que laïques, embrassant toutes les ma- Mets VE D tières d'enseignement, fut étendue la deuxième année aux écoles publiques de filles. En 1870, les établissements publics et libres, de toute catégorie, furent admis à concourir, seulement pour l’enseignement du dessin et celui de l’histoire et de la géographie de France. À cette exposition, l'École normale se signala par de remarquables travaux. Deux élèves, sous la direction de M. Frouin, maître adjoint, exécutérent une carte en relief du département, pre- mier pas dans la voie d’un meilleur enseignement de la géographie locale. Un exemplaire en plâtre de cette carte fut offert au promoteur de ces innovations. Notre impartial inspecteur ne cessa de stimuler Ja fréquentation des écoles primaires mutuelles ou congré- ganistes. Le nombre des élèves s'accroît notablement même avant le ministère Duruy. Le chiffre des conserits illettrés diminue d’une façon considérable de 1857 à 1869 ; Il publia en 1862 un Bulletin de l’Instruction pri- maire, pour tenir en haleine les instituteurs et les mettre au courant des décisions de l’autorité. Ce bul- letin a été adopté par le Conseil général en 1870 et la publication en est devenue alors à peu prés men- suelle ; On organise en 1868 une société de secours mutuels des instituteurs et institutrices dont, par nomination de l'Empereur, M. de Lens exerça la présidence jusqu’en 4871. Il réussit ensuite à se faire remplacer par l’ex- cellent M. Lebruman qu’il eut le bonheur d'avoir, dans ses divers travaux d'organisation , pour collaborateur aussi expérimenté que consciencieux. L LPO Aux notes dont nous donnons le résumé, M. de Lens ajouta celte mention dont la justice et la modestie feront peut-être réfléchir quelques-uns de ces chefs de corps qui ne savent parler que d’eux, sans égard pour leurs inférieurs : « Je laisse en mai 1871 un service d'inspection pri- maire bien organisé, formé d'hommes capables, actifs, éprouvés dans leurs fonctions, étroitement unis d’ail- leurs à l’administration académique. Presque tous ces fonctionnaires ont été associés, pendant dix ans au moins, à tout ce qui s’est fait dans le département pour l'instruction de l’enfance. C’est avec regret que je me sépare de chacun de ces auxiliaires, tels, j'en suis sûr, que bien peu de ressorts ont eu la bonne fortune de les réunir en même nombre. » Ces hommes étaient MM. Michelet, Colomb, Détriché, Spall, Bernier, etc. L’équitable inspecteur avait raison de se plaire à louer ses subordonnés, d’autant plus que, sans qu’il y pensât, une partie de l'éloge rejaillissait sur celui qui avait su les choisir et les conserver. Il leur rendait tou- jours justice plulôt par ses actes que par des paroles dont il était quelquefois un peu économe. Bref, ainsi que l’a dit, au jour des obsèques, un de ses anciens et meilleurs élèves devenu maître à son tour : « C’était un cœur droit et honnête, et tous étaient heureux avec lui. » : M. de Lens a dù à M. Mourier une promotion de classe et la croix de la Légion d'honneur (1859) et même une offre d'inspection académique à Paris (1861). Voici une note à ce sujet : « Je me suis borné à cher- cher de l’avancement sur place. La promotion que je Dingue ‘ dus à M. Mourier, sans l’avoir demandée, me satisfit complétement. Le provisorat d'Angers (après le retour de 1854), le vice-rectorat de Chambéry, l'inspection académique de Paris, l'inspection générale primaire même que j’eusse pu obtenir, si j'avais été plus avide et plus prompt à profiter des ouvertures qui m'’étaient faites, ont brillé à mes yeux, sans m’éblouir, et sans déterminer de ma part des démarches positives. » Ne sont pas mentionnés ci-dessus plusieurs discours prononcés par M. de Lens, entr’autres sur la tombe de ses dignesamis, MM. Dumont et Mezière. On avait remarqué ces morceaux dans un genre difficile qui ne souffre pas de banalité et qui exige la justesse de l’expression unie à l'élévation des pensées. Notre célèbre compatriote, François Bernier, l’ami de Molière et de Gassendi, devait attirer l'attention de notre philosophe. En vue d’une réimpression des Voyages au Mogol, du médecin d’Aureng-Zeib, regardés, par les Anglais, comme un modèle d’exactitude, il avait préparé et publié une notice étendue, dans laquelle, en rendant justice au voyageur, au savant, à l’homme du monde fort recher- ché à la cour et à la ville, il réfuta sa philosophie épi- curienne. Tous ces écrits, siimportants qu’ils fussent, n'étaient que les préliminaires du grand ouvrage sur l'Université d'Angers dont M. de [Lens assemblait les matériaux pendant les courts loisirs de ses laborieuses fonclions. Il se réjouissait pour un double motif, quand l'heure de la retraite serait venue, à l’idée de former un ensemble complet de tous les documents réunis ou à recueillir ; d’abord ce serait une espèce de couron- LIEN NEE nement de ses études favorites, ensuite il lui semblait qu’en écrivant l’histoire de sa principale institution c'était s’acquitter dignement de la reconnaissance due à la ville qui l'avait adopté. L'Université d'Angers venail de renaître après une suspension de quatre-vingts ans; l’époque ne pouvait être mieux choisie pour la publication du récit de ses origines. C’est en 1875 que parut le premier chapitre du livre préparé avec tant de soin depuis plusieurs années et qui porte en titre : Facultés, collèges et pro- fesseurs de l'Université d'Angers, du xve siècle à la Révolution française. La Revue de.l’ Anjou venait d’a- chever la publication de l’histoire inédite de Pierre Rangeard isterrompue par la mort prématurée de son savant auteur en 1726. La continuation de Cl. Pocquet de Livonnière et surtout une foule de documents manus- crils, consultés par le nouvel annaliste, lui permirent de refondre les travaux de ses prédécesseurs et d’en faire une œuvre aussi remarquable par lunité des idées que par la sûreté de la critique. | Le plan annoncé par le docte écrivain dans la pré- face de sa publication se compose de six livres : « Le premier, dit-il, qui en sera l'introduction, trai- tera de l’Université en général. Après un rapide coup d'œil jeté sur ses antécédents, il étudièra son organi- sation au xve siècle et notera les faits un peu considé- rables qui ont marqué l’existence commune des facul- tés jusqu’au moment où la Révolution a fermé leurs écoles. « Les quatre livres suivants seront consacrés succes- sivement aux Facultés de Droit, de Théologie, de Mr Médecine et des Arts. Leur histoire et leur constitution particulière, ainsi que celles des établissements qui en dépendaient, leur enseignement et la personne de leurs maîtres seront l’objet d’une attention spéciale. « Le sixième livre, destiné à servir de Conclusion, appréciera l'importance dont notre Université a joui aux différentes époques de son histoire et les résultats qu’elle a produits. « Disons maintenant un mot sur l’esprit qui prési- dera à cette publication : « Les questions d’autorité et de liberté dans leur application à l'enseignement public sont, depuis près d’un demi-siècle, à l’ordre du jour dans notre France si agitée, et le temps où nous sommes paraît appelé à les résoudre ‘. Comme membre de l’Université, comme catholique, comme père de famille surtout, l’auteur de cet écrit n’y demeure pas indifférent; ses vœux sin- cères sont pour une large conciliation des intérêts engagés dans le débat. Mais dépourvu de tout mandat qui lui donne droit d'opérer une intervention efficace, il se gardera de faire de son livre un plaidoyer en faveur d’une cause particulière, un texte pour des dis- cussions qui risquent toujours de devenir passionnées. L’exposé des faits et l’analyse des institutions du passé seront les seuls sujets de cette étude, exclusivement historique, ou, si l’on veut même, statistique et bio - graphique seulement. » ! Ces lignes sont datées du 2 juin 1875, au cours même des mémorables débats, à l’Assemblée nationale, qui précédèrent la promulgation de la liberté de l'Enseignement supérieur. DR PTE Nous avons reproduit avec intention le dernier para- graphe de cette préface , parce qu’il révèle, mieux que nos paroles, l'excellent esprit de l’écrivain, à la fois si modeste et si judicieux. Hélas! comme bien d’autres, il ne put se mettre à l'abri du contre-coup des événements. Né pour une époque de paix et de travail, âme tendre et méditative, la violence politique et irréligieuse qui s'attaque à tout ce qu’il aimait et respectait, brisa le reste de ses forces. Il fut d’autant plus atteint que, par une réserve généreuse, il n’épan- chait pas toutes ses souffrances morales. Cependant un jour, après la dernière visite, peut-être, qu’il fit à la Bibliothèque de la ville, où il aimait tant à puiser dans les manuscrits de M. Toussaint Grille, en le rencontrant, je lui demandai des nouvelles de son grand ouvrage ; il me répondit d’un air douloureux : « Je suis contraint de l’interrompre, » et, comme je me récriai sur son apparence de santé, il ajouta : « Ce n’est pas le corps qui est le plus malade, c’est l'esprit. » Le beau livre qui devait couronner la carrière litté- raire de M. de Lens est donc inachevé. Les deux pre- mières parties, seules, ont paru en entier ; la troisième est interrompue à moitié environ ; la quatrième, consa- crée à la Faculté de médecine, avait fait préalablement l’objet d’une lecture à la Société industrielle ; il ne s’a- girait que d’en compléter les commentaires pour la mettre d’accord avec les précédentes. Le fruit de patientes recherches, le trésor de notes, amassé dans les bibliothèques , pour le temps de la retraite, existe mais il n’est pas classé. Ce ne serait peut-être pas chose très difficile à un écrivain exercé de mettre RAT APR la dernière main à une œuvre si bien conçue et si bien commencée. Puisse notre second Pierre Rangeard trouver un second Pocquet de Livonnière ! Cependant l'amour de la famille retenait encore, dans nos temps de trouble moral, celui de qui l’on pou- vait aussi dire : « Il fut juste et partait au milieu des siens. » Son fils aîné devenu l’un de nos premiers médecins légistes, agrégé près la Faculté de Paris, est chirurgien en chef de l'hôpital où il protesta des pre- miers contre l’expulsion des Sœurs de charité. Son jeune fils, sorti du collège Stanislas, établissement qui réunit les deux prédilections de M. de Lens, l'instruction universitaire et l’éducation chrétienne, son jeune fils, après une honorable admission à l’École normale, dont il ne recueillit que les bienfaits, était nommé profes- seur au Prytanée de La Flèche. Enfin sa fille, par une des grâces que Dieu n’accorde qu’à ses élus, après avoir comblé des plus douces jouissances la maison pater- nelle, était entrée dans une communauté de notre ville. N'est-ce pas un signe admirable de notre époque, si triste à d’autres égards, que ces vocations de plus en plus ferventes, qui surmontent les craintes d’une persécution implacable, abandonnent tous les agré- ments de la vie, pour le service des pauvres, l’instruc- tion de l'enfance et le salut des âmes? Ah! bienheu- reuses les familles dans le sein desquelles une jeune fille se consacre au Seigneur! Elles acquièrent ainsi un second ange gardien sur la terre et une patronne de plus au ciel. Notre respegtable ami ne voyait donc chez les siens que des sujets de bonheur. C’étaille moment choisi par TE la Providence pour le séparer de ceux qui lui étaient si chers. La lâche du père de famille était accomplie. Ses facultés physiques s’affaiblissaient peu à peu. La vita- lité n’en était prolongée que par la tendre sollicitude qui l’entourait. Si les organes faisaient défaut, son intelligence brillait encore dans ses yeux. Il gardait le silence, mais son visage respirait une bonté ineffable. C'était l’illumination sereine d’une conscience toujours pure, quelque chose comme le soir d’un beau jour, quand le reflet du soleil couchant éclaire encore les hauteurs de l’horizon. Léon Cosnier. FOUILLES A CARTIGNÉ COMMUNE DE TRÉLAZÉ Dès le 21 mai 1882, M. Goblot, agent-voyer en chef, voulait bien donner au Musée d’antiquités un large fragment de stratum ou blocage en briques concassées dans un mortier de chaux, fragment qu’il avait trouvé à Cartigné. Il ajoutait qu’il s’en rencontrait de sem- blables sur une étendue de plus de un hectare au même lieu. Le 30 janvier 1883, le sieur Auguste Lebreton, ou- vrier carrier à la Ranloue, commune de Saint-Barthé- lemy, m'écrivait que la découverte s'était faite chez M. Thoureau, cultivateur, sur une longueur de-60 mètres avec largeur de 40 environ. Il ajoutait que cette ruine lui paraissait, ainsi qu’au sieur Louis Mesnier, domes- tique chez M. Soret, à la Ranloue, devoir remonter aux Romains. Les savants en us n’auraient pas mieux indiqué l’ori- gine de ce blocage, ni même ne l’auraient mieux ana- lysé. L’archéologie n’est plus un arcane. Le 7 février, je remis la lettre de M. Auguste Le- breton à mon fils, le D' H. Godard, en le priant de se DE AG ES rendre sur les lieux afin d’en tirer le plan, ce qu'il fit le même jour. Cinq massifs de murailles, de l’époque romaine, y sont dessinés au lavis, n°5 1, 2, 3, 4, 5. La pente du terrain va du Nord au Sud. Ces ruines sont à la distance de 120 mètres du logis de Cartigné, à 150 mètres du chemin de fer d'Orléans, à 1,200 mètres de l’église de Trelazé et à 40 mètres de la levée d’en- ceinte des carrières de cette commune; le tout non loin du bord de l’ancienne route de Trelazé à Andard. (Voir le plan.) En avant des massifs nes 1, 9, se trouve marqué un lit de charbon de bois. À l'extrémité du massif n° 5 est noté un dallage en calcaire lacustre. Les n° 6 et 7 indiquent l'endroit où deux tubes en plomb furent découverts, et c’est par eux que nous commencerons la série des objets acquis par le Musée. Pour leur énumération, nous nous servirons de chiffres romains afin qu'ils ne puissent être confondus avec ceux du plan qui sont en chiffres arabes. I. Plomb, fragment de tuyau; longueur, 0m,33; diamètre, 0m,05. Lèvres retroussées à l'embouchure, y adhèrent en- core des restes d’un lit de ciment. Il. Autre fragment de tuyau en plomb; long., 0m,45; diamètre, 0m,05. Egalement à lèvres retroussées à l'embouchure; ces deux tubes sont semblables à ceux qui furent décou- verts dans les bains romains de Bagneux, près de Sau- mur. IIT. Clou en fer, long. de Om,06. IV. Terre grise, grossière poterie (fragment). V. Moche de ciment, moche de chaux, enfaileau, LE A. VI. Brique carrée, ayant de côté On,18 sur une épais- seur de 0n,045. Absolument semblable aux briques superposées des piles d’hypocauste découvertes dans les bains romains des Châteliers de Frémur. VIT. Brique à rebord (fragment). VIIL. Calcaire lacustre (fragment), pareil aux pierres servant de dallage horizontal ou d’appliques verticales aux murailles et fonds des bassins des thermes romains des Châteliers de Frémur. - IX. Echantillon de pierres paraissant brûlées par le feu. X. Sorte de scorie mamelonnée; longueur, 0n,0685. XI. Charbon de bois. XII. Défense de sanglier. Les objéts nes I, IL, VI, VIII et XI sont, à nos yeux, des indices certains de la présence des restes de bains ro- mains en cet endroit. Et ces thermes nous prouvent qu’une importante villa y existait, non loin de la voie romaine de Cæsarodunum à Juliomagqus. (Noir tracé de cette voie d’après la table théodosienne, par M. de Matty de la Tour.) Nous pouvons donc, sans crainte de faire erreur, pointer Cartigné sur notre carte gallo-romaine, tracée en 1858 avec le concours de M. Fourcault. (Voir Ré- pertoire archéologique de l’Anjou, année 1866, page 370.) L'Etoile, n° du 10 février 1883, en parlant de Car- tigné, ne s'était point méprise en disant : « On suppose « que c’est un établissement de thermes romains. » Et maintenant d’autres fouilles seront-elles faites? ANT Je l’ignore. Quoi qu’il en soit, M. Auguste Michel, notre conservateur adjoint, a pu obtenir de M. Thoureau qu’il nous mettrait au courant de tout ce qu’il décou- vrirait, qu’il ne détruirait point les massifs de mu- railles, se bornant à les remblayer pour les besoins de l’agriculture. Ce mode de remblai est, à défaut d’autres moyens, coûteux, le meilleur pour la conservation de ce genre de découvertes, puisqu'il permet de dresser successi- vement des parties de plans qui, à l'avenir, peuvent permettre d’en dresser un entier sur des données cer- taines. V. GopARD-FAULTRIER. 3 mars 1883. Nora. — Le plan dressé par le Dr H. Godard et par lui donné au Musée est entré sur le 8e registre sous le n° 693; comme aussi sous le n° 710, plusieurs mon- naies trouvées à Cartigné, dont une de Constantin le Grand, données par M. Gallois, inspecteur des enfants assistés, à Angers. ECO OS — fondages de murailles Plan fait & donne )JARD LA LÉGENDE DES COMTES D’ANJOU Chaque siècle a sa manière d'écrire l’histoire. Le Moyen Age nous a laissé ses chroniques naïves, dépour- vues de critique, mais souvent pleines de charme. La Renaissance aimait le beau style, les récits épiques et les harangues solennelles à la manière de l’Antiquité. Avec le xvirte siècle naît la méthode philosophique ; on disserte, on discute, on plie les faits suivant des théo- ries construites à priori; on les coule, pour ainsi dire, dans un moule préparé d’avance. Notre époque a réagi contre ces divers systèmes ; à la naïve crédulité des ancêtres, nous avons substitué une critique sévère et quelque peu portée vers le scepticisme; nous avons supprimé le beau style et les harangues éloquentes ; nous dédaignons les théories philosophiques et les cadres tracés à priori. L'école moderne, ne cherche plus que la vérité pure et sans ornements; elle discute SOC. D’AG. 4 th) — les faits et non les idées; ad narrandum non ad pro- bandum : telle est aujourd’hui sa maxime favorite. Les Chroniques d’Anjou et du Maine de Jehan de Bourdigné, rédigées pendant les premières années du xvie siècle, appartiennent à la première manière, à celle du Moyen Age’. La critique fait absolument défaut; les récits fabuleux et romanesques abondent ; la chronologie n’observe aucune règle ; l’ordre des fails est à chaque instant interverli, sans que l'auteur pa- raisse s’en apercevoir. Mais il possède cependant une vaste érudition; il sait par cœur les chroniques et les légendes, surtout les plus apocryphes et les plus fabu- leuses ; il a vécu avec tous les romans de chevalerie, et en connaît toutes les plus merveilleuses aventures ; il a même lu certains documents plus sérieux em- pruntés aux archives des couvents. Il jette sur cet amalgame, tant soit peu confus, le charme inexpri- mable d’un style plein de bonhomie. Depuis le xvr' siècle, quelques savants ont reconnu les erreurs de Bourdigné ; mais, à ces erreurs, on en a souvent substitué de nouvelles qui n’avaient sur les premières que l’avantage douteux d’une forme plus pédantesque. C’est ainsi que la fable du Capitole et celle du palais Saint-Julien sont venues se grefler sur les récits moins classiques de Bourdigné. Des auteurs plus récents ont éclairé de leur science bien des points douteux, mais sans remonter suffisam- ment aux sources et en faisant encore la part trop 1 Ces chroniques ont été rééditées en 1842, avec un avant- propos de M. le comte de Quatrebarbes et des notes par M. Godard-Faultrier. Se ROME grande aux récits légendaires et romanesques dexnolre vieux chroniqueur. Enfin, de nos jours, un savant archiviste, M. Mabile, a porté la cognée à la racine de l'arbre et sapé par la base la vieille légende du comte Ingelger. Il a été suivi par M. Port. Jé me propose de résumer ici les travaux récents sur les comtes d'Anjou, et de soumeltre à un nouvel examen leur histoire depuis les temps mérovingiens jusqu’au xe siècle. I. — ROIS ET COMTES FABULEUX ‘ Bourdigné débute par une longue liste de rois fabu- leux de la Gaule, appuyée soi-disant sur l’autorité de Bérose. Il n'est pas l'inventeur de ces fables qu’il a en partie empruntées à un chroniqueur italien du xve siècle, Annius de Viterbe, lui-même commentateur d'ouvrages apocryphes attribués au chaldéen Bérose. C’est de cette source peu sûre que proviennent les rois Samothès, Sarron, etc. Bourdigné transforme en outre en rois de la Gaule les noms des principales villes de ce pays : Paris, Lyon, Rheims, Narbonne, Langres, Nantes, la Belgique elle-même se métamorphosent en rois sous sa plume. Le mot magus qui signifie ville en langue celte, devient le nom d’un roi fondateur de toutes les villes gauloises dont le nom se termine en magus, et il faut reconnaître qu’elles sont nombreuses dans la géographie gallo-romaine. La mythologie apporte aussi son contingent à cette liste de rois ima- ! Bourdigné, {re partie. no — ginaires. Jupiter-Gelte, Hercule, Galatheus figurent à côté de Bardus et de Druius, pères des bardes et des druides. Depuis longtemps déjà cette curieuse nomen- clature, qui remonte jusqu’au déluge, ne jouit plus d'aucun crédit, mais nous verrons bientôt qu’une bonne partie des récits de Bourdigné ne mérite pas une plus grande confiance. Parallèlement aux rois de la Gaule figurent les rois germains, d'origine troyenne, comme on sait, et descendants de Priam par Francus, fils d'Hector et auteur de la nation franque. Au temps de notre auteur les historiens les plus sérieux croyaient à l’origine troyenne des Francs. On la retrouve partout depuis Frédégaire jusqu'au xvue siècle. La forme sous laquelle cette tradition nous est arrivée est absolument fabuleuse et roma- nesque ; mais le fond de la légende conserve peut-être une part de vérité. On sait en effet que les peuples teutons, comme les Slaves et les Gaulois, ont une souche commune d’origine orientale. De vieux bardits en langue tudesque en avaient conservé un vague souvenir, et les écrivains du Moyen Age, qui lisaient beaucoup Virgile, ont mêlé ensemble les traditions nationales des Teutons avec les souvenirs classiques de Troie, de Priam et d'Hector. Mais comment remplir par des noms d'hommes tout le temps qui s’est écoulé de Priam à Pharamond? On y a pourvu tant bien que mal. Quelques noms de chefs germains, donnés par les . auteurs latins, tels que Marcomir, Ricimer, Childérie, ont été mêlés à des noms de peuples : Teuto, Ménapius, Sicamber, Tongris, Cimber, transformés en rois. On DAME ANA présente ainsi une quinzaine de générations pour rem- plir seize à dix-sept siècles (du xrm° siècle avant l'êre chrétienne, au ve siècle après J.-C.); une génération par siècle, c’est peu; mais il est probable qu’en Germanie les hommes vivaient longtemps. Ne faisons donc pas à Bourdiyné un grand reproche pour avoir cru au roman troyen que tout le monde admettait de son temps, et qui ne trompe plus aujourd'hui per- sonne. ] Mais Bourdigné nous semble avoir puisé dans sa seule imagination, lorsqu'il raconte la première construction d'Angers par les Druides ou Sarronides, disciples du roi Sarron, habitant la forêt de Nydoiseau, au pays d'Egada , quelques générations seulement aprés le déluge. Angers devait être reconstruit une seconde fois, quelque temps après la chute de Troie, par une bande de Troyens appelés Angions qui abordèrent en Gaule sous la conduite d’Ajax. Ici nous sommes en plein roman. Le siège de Troie a servi, comme on sait, de thême à un cycle de romans du Moyen Age, para- phrases des apocryphes homériques de l’Antiquité. J'aime encore mieux la fable des druides. Il est incontestable que l’Anjou était peuplé à l'époque gauloise et druidique ; héroïque résistance de Dumnac contre César en est la preuve. Nous ne savons toutefois rien sur l’origine de la ville elle-même avant l'époque romaine, bien que Bourdigné attribue natu- rellement à César les édifices romains dont Angers con- servait encore de son temps de précieux restes. Bien des gens lettrés de nos jours ne sont pas, il faut l'avouer, plus forts que lui en archéologie. DRE DR Après le roman troyen vient le roman gallois et breton. Hengist, chef saxon, appelé dans la Grande- Bretagne par Vortigern, chef des Bretons, pour com- battre les Pictes, devient comte d’Anjou par la grâce de Vortigern qui lui donne en récompense de ses victoires la ville et le comté d'Anjou. Où Bourdigné a-t-il puisé cette fable ? Je crois en trouver l’origine dans une de ces confusions si communes à cet esprit peu versé dans la chronologie. Il a lu dans les chroniques anciennes et spécialement dans celles de Geoffroy de Monmouth, le récit de l’établissement des Saxons dans la Grande- Bretagne ; il a cru sur la foi de ce chroniqueur à un grand royaume breton qui comprenait à la fois la Grande et la Petite-Bretagne avec une partie de la Gaule; il a vu d’autre part qu'Angers vers la même époque avait appartenu aux Saxons. La donation de l’Anjou par un roi breton à un chef saxon expliquait pour lui la présence des Saxons en Anjou. Sa facile imagination a bien vite rapproché les textes, confondu les'temps et les personnages et brodé sur le tout. À Vortigern succède le roi Artus dont Bourdigné nous rappelle les exploits belliqueux : batailles avec les Saxons, guerres contre les Romains et leur consul Lucius. Notre auteur suit évidemment ici Geoffroy de Monmouth et les romans de chevalerie du eycle breton. Rien n’y fait défaut, ni le combat contre un géant ravisseur de la fille du roi gallois Hoël, ni les joûtes et les tournois, ni les chevaliers de la Table ronde, ni le roi de Babylone, ni même la forêt de Brécilian. Le chevalier Lancelot du Lac et le roi Ponthus échangent de grands coups de lance et d'épée avec les mécréants. DEN Te Bourdigné nous montre aussi comment le payen Karados descendit en Bretagne pour conquérir ce royaume et comment il fut occis par les vaillants chevaliers ange- vins et manceaux. Bourdigné ne néglige pas non plus de brûler un petit grain d’encens en l'honneur des nobles familles angevines dont il fait remonter l’origine au temps du roi Arthus”. L'état civil n’étant pas encore tenu à cette époque d’une manière régulière, ses assertions sont difficiles à vérifier sur ce point. Au milieu de ces fables romanesques Bourdigné raconte cependant un fait vrai, la prise d'Angers par le roi franc Childéric ; mais il le raconte à sa façon. D’après lui, le comte Paul, encore enfant, avait succédé à Cayus, son père, auquel le roi Arthus avait donné le comté d'Anjou. Ce Cayus, malgré son nom romain, n’en est pas moins un personnage fabuleux. Bourdigné connaît parfaitement la famille du jeune comte Paul, car il le fait cousin du saxon Odoacre. Celui-ci re- poussé par le roi Childéric vient se réfugier quelque temps à Angers, puis il quitte cette ville pour se rendre en Saxe; Childéric profite de son départ pour s'emparer d'Angers, brüler les églises et mettre à mort le jeune Paul, âgé de dix ans seulement. Plus tard le roi se réconcilie avec Odoacre et le fait comte d'Anjou, celui-ci va ensuite conquérir Pltalie 2. Bourdigné confond ici deux personnages absolument différents : Odoacre, chef des Hérules, 1 Ch. xvi. 2 Ch. xv. h Le TAPIE CURE qui mit fin à l’Empire d'Occident par la déposition de. Romulus-Augustule, et Odoacre, chef des pirates satons qui s'étaient emparés d'Angers et des îles de la Loire. | Grégoire de Tours raconte simplement que le comte Paul et le roi franc Childéric assiégèrent et prirent Angers, dont l’église fut brûlée ; les Saxons, taillés en pièces, furent chassés des îles de la Loire. Or, le comte Paul n’était pas un enfant, car il était maître des milices romaines et Childéric, chef d’une tribu franque, alliée ou fédérée de l'empire romain, son auxiliaire contre les pirates saxons envahisseurs du territoire de l'Empire. Le comte Paul périt; Urégoire de Tours ne dit pas comment, plusieurs historiens prétendent qu’il fut tué par Childéric lui-même. Si cela est vrai, ce chef barbare aurait assassiné le gé- .néral romain pour lui succéder. Mais nous ne savons rien de précis à cet égard *. Tout ce que nous pouvons dire c’est que le récit de Bourdigné est mêlé de faits absolument fabuleux et altère complètement le véri- table caractère historique de la prise d'Angers par les Saxons. { Paulus vero comes cum Romanis ac Francis Gothis bella intulit et prædas egit. Veniente vero Audouacrio Andegavis, Childericus rex sequenti die advenit, interemtoque Paulo co- mite, civitatem obtinuit. Magno ea die incendio domus ecclesiæ concremata est. His itaque gestis, inter Saxones atque Roma- nos bellum gestum est; sed Saxones terga vertentes multos de suis, Romanis insequentibus, gladio reliquerunt ; insulæ eorum cum multo populo interemto a Francis captæ atque subversæ sunt. (Greg. Tur., Hist. Franc., Il, 18, 19.) ? Voir l'explication du passage un peu obscur de Grégoire de Tours, par M. de Pétigny, Institutions mérovingiennes, tome II, p. 231. QE II. — COMTES MÉROVINGIENS :. Avec Clovis nous quittons les récits empruntés aux romans de la Table ronde et aux chroniques bre- tonnes de Nennius et de Geoffroy de Monmouth. Bour- digné pour l’époque franque suit les Annales de Gaguin et de Nicole Gille. Mais comme il ne trouve pas de comtes d'Anjou men- tionnés dans ces annales, il transforme en comtes d'Anjou tous les rois mérovingiens. Il obéit en cela à un préjugé provenant de son ignorance de l’histoire de nos institutions. Ne sachant pas que les comtes mérovingiens étaient de simples fonctionnaires amo- vibles, comme nos préfets actuels, il croit que la pro- vince était à cette époque un fief appartenant en propre et héréditairement à un grand vassal de la couronne. Quand il ne trouve pas le nom du vassal, quand celui-ci semble faire défaut, Bourdigné croit à une réunion du fief à la couronne, comme au temps du roi René. En un mot, il prête aux temps mérovingiens les institu- tions féodales d’une époque beaucoup plus récente ?. Bourdigné avait lu les légendes des évêques d'Angers, car il raconte la vie de saint Lézin, comte, puis évêque d'Angers. Îl est ici sur le terrain historique. Licinius était d’une origine illustre et comptait des rois parmi ses aïeux. Le roi Clotaire Ier, dont il était parent, sachant apprécier ses mérites, l’admit, quoique jeune encore, au nombre de ses fidèles et de ses conseillers. 1 Bourdigné, Il* partie, ch. 1-vii. 2? Bourdigné, II partie, passim. NDS Puis il l’éleva au rang ae chef de ses écuries (comes stabuh), et enfin lui confia le gouvernement de l’Anjou et le combla de richesses ‘. Mais Licinius devait bientôt quitter le monde et échanger l’épée contre la crosse. Il est honoré sous le nom de saint Lézin par la piété de ses diocésains. Licinius ou saint Lézin est le premier comte authentique d'Anjou que nous connaissions. Il est permis de s'étonner que Bourdigné qui savait si bien les noms de tous les comtes imaginaires des romans de chevalerie, ait omis trois ou quatre per- sonnages historiques du vi siècle, mentionnés dans Grégoire de Tours, et cependant Bourdigné cite quel- quefois cet historien. Le roi Gonträn qui régissait le royaume de Neustrie pendant la minorité de Clotaire II, donna l’Anjou à Théodulf. Mais ce comte put à peine prendre possession de ses fonctions et fut honteuse- ment chassé d'Angers par Domigisèle et par les habi- tants. Le duc Sigulf, envoyé à son secours par Gontran, le rétablit dans son gouvernement *. Grégoire de Tours ne nous dit pas si Théodulf resta longtemps à Angers, 1... Cum et patria bona jam ad eum jure hereditario deve- nissent et ex regali munificentia amplius polleret honoribus (nam et comes Andegavensium factus erat).… (Vita S. Licinii a Marbodo scripta. Bolland., febr., t. IL.) .…… Nam antea comes atque dux Andegavensium erat et inter primos in palatio dicti regis pollebat (Altera vita ab anonymo. Bolland.., ibid.) 3 Gontramnus vero rex volens regnum nepotis sui Chlotari, filii scilicet Chilperici, regere, Theodulfum Andegavis comitem esse decrevit, introductusque in urbem a civibus et præsertim a Domigiselo cum humilitate repulsus est. Recurrensque ad regem iterum præceptum accipiens a Sigulfo duce intromissus comitatum urbis illius rexit. (Greg. Tur., VIII, 18.) aq es malgré l’antipathie de ses administrés. Il est probable que quelque nouveau soulèvement populaire porta au pouvoir son concurrent Domigisèle, car vers 587 le duc Beppolen, gouverneur des Marches de la Neustrie, au début d’une campagne .contre les Bretons, se rendit à Angers où il exerça violemment des réquisitions, mal- traila les habitants et fit fuir Domigisèle, avec lequel il finit cependant par pactiser ‘. Les historiens modernes ont rappelé avec raison ces faits omis par notre premier annaliste. L Au déclin de l’époque mérovingienne, l’Anjou a été soumis au pouvoir d’un personnage célèbre dont Bour- digné a singulièrement altéré l’histoire. Chilpéric, roi de Neustrie, et Rainfroy, son maire du palais, avaient fait alliance avec Eudes, duc. d'Aquitaine, pour combattre Charles Martel, duc des Austra- siens. Eudes et ses Gascons ne pouvant résister aux Francs de. Karl, prirent la fuite; celui-ci les poursuivit jusqu’à Orléans. Eudes étant retourné dans son pays fit la paix avec le duc des Austrasiens et lui livra Chilpéric. Charles Martel se mit alors à pour- suivre Rainfroy qui s’était retiré à Angers; il assiégea la ville, ravagea le pays et retourna en Austrasie, chargé de butin*. Quelques chroniques ajoutent que le 1 Greg. Tur., VIII, 42. 3 Chilpericus itaque et Raganfridus legationem ad Eudonem ducem dirigunt, ejus auxilium postulantes rogant, regnum et munera tradunt. Ille quoque hoste Wasconorum commoto ad eos veniens, pariter adversus Carlum perrexerunt... His ita evulsis, Carlus princeps insecutus idem Raganfridum Andegavis civilatem obsedit, vastata eadem regione cum plurimis spoliis remeavit. (Fredeg. contin., II, 107.) 2 ; pe duc Charles, avec sa générosité ordinaire, et après avoir reçu en otage le fils de Rainfroy, abandonna à cet ancien maire du palais le comté d'Anjou pour le reste de sa vie‘. Bien que Charles Martel disposât habituel- lement des comtés et des bénéfices au profit de ses fidèles Austrasiens auxquels il pouvait se fier el non des Neustriens vaincus, il est difficile de rejeter complète- ment l'autorité de la chronique de Metz. On peut donc faire figurer Rainfroy sur la liste des comtes d'Anjou. : à: Mais Bourdigné, par une méprise bizarre, lui a attribué un fait qui appartient à Gaïdulfe de Ravenne et non à Rainfroy, et qui s’est passé sous le règne de Pépin le Bref. Ce Gaidulfe, vassal de Pépin, n’était pas comte d'Anjou; du moins la chronique latine ne dit pas qu’il le fut. Il reçut du roi en bénéfice l’abbaye de Saint-Maur-sur-Loire (Glanfeuil) qu’il détruisit en partie ; il dispersa les moines, vécut largement avec les revenus du couvent dont il fit transporter les chartes à Saint-Aubin d’Angers *. Notre annaliste, confondant l'adjectif Ravennensis avec le nom de Rainfroy, qu'il appelle Ravennas, a fait de Gaidulfe et de Rainfroy un 1... Contra quem Karolus exercitum duxit et illum in civi- tate Andegavis inclusit, filiumque ejus obsidem ducens, ipsum comitatum sibi quamdiu vixit solita pietate habere concessit. (Annal. Mettens., 725; D. Bouquet, tome II.) 3 Igitur tempore Pipini gloriosissimi regis, cum adhuc mo- nasticæ religionis in eodem sancto cœnobio optime custodire- tur.. ibi pleniter haberetur locum ipsum cum omnium inte- ‘ gritate possessionem ad eumdem pertinentium, idem præcel- lentissimus rex Gaïidulfo Ravennati dedit... {Hist. translat. S. Mauri, c. 1. Bolland., januar. IL.) “ (fi seul personnage auquel il attribue la destruction de la première abbaye de Saint-Maur et la construction de l’é- vêché d’Angers. Mais Gaidulfe de Ravenne, pas plus que Rainfroy, n’a construit l'évêché ; la ne latine parle du transport des archives du couvent à Angers et nulle- ment des matériaux destinés à la construction d’un nouvel édifice. Il est inutile d’insister sur cette fable que j'ai déjà réfutée ailleurs’. Je puis ajouter que M. Port, dans son savant Dictionnaire, a donné pleine adhésion à la réfutation que j'ai faite de l'erreur de Bourdigné sur ce point. Il serait temps de la voir dis- paraître des livres qui s’impriment sur Angers et qu'on cessât de reproduire des fables uniquement parce qu'on les trouve dans Bourdigné. Je ne reviendrai point ici du reste sur les confusions commises par cet auteur au sujet des monuments d’Angers*; je ne veux m'occuper que de l’histoire et de la chronologie des premiers comtes d'Anjou. III. — COMTES CAROLINGIENS *. Charlemagne, d’après notre annaliste, ayant reconnu les hautes capacités, la hardiesse, loyauté et pru- d’homie du bon duc Milon, lui donna en mariage sa propre sœur appelée Berthe et le fit comte d'Anjou. 1 Notices archéologiques, 1" série, 111. * Je prie le lecteur de se reporter à à mes Noces en ce qui concerne la partie archéologique. + Bourdigné, Ile partie, ch. 1x, x, xi. dhrpures De ce mariage sont issus quatre fils : Roland, Thierry, dont nous parlerons tout à l’heure, Geoffroy, qui fut tué jeune dans une bataille que l’empereur, son oncle, livra contre les payens en Danemark, et Beau- doin qui assista à la bataille de Roncevaux. Le bon comte Milon périt en Espagne en combattant à la tête de ses gens d'armes le payen Aygoland, après avoir éprouvé les plus merveilleuses aventures. Il eut pour successeur son fils Thierry en l’an 880 (sx), au temps duquel Aygoland fut occis et les Espagnes soumises à la domination de l’empereur Charles. Mais les rois sarrazins Marsile et Balligand s’étant révoltés corrom- pirent Ganelon par dons et promesses. Bourdigné nous raconte ensuite comment périrent à Roncevaux le pala- din Roland, les douze pairs et tant de preux chevaliers et gens d'armes. Puis nous voyons le roi Marsile des- cendre en enfer tandis que les anges emportent Roland _en paradis. Il faut remarquer que pour notre auteur Roland est comte du Mans tandis que son frère Thierry est comte d'Anjou. Ce brave preux ne laissa pas passer la trahison de Ganelon sans en tirer la vengeance prescrite par les lois de la chevalerie. Après la mort de Roland, si trai- treusement mis à mort, Thierry va trouver l’empe- reur Charles, jette son gant de bataille et appelle Ganelon en combat singulier. Mais ce lâche prend la fuite ; les traîtres sont toujours lâches. Il fut repris et un sien cousin, appelé Pinabel, plus brave que lui, releva le gant qu'avait jeté Thierry. Le combat eut lieu en champ clos entre Pinabel et Thierry. Bourdigné CAR DR nous raconte toutes les péripéties de cette lutte cheva- leresque. Je ferai grâce à mes auditeurs des horions échangés par les vaillants champions; le bon droit triompha ; Pinabel fut tué dans ce duel judiciaire et Ganelon, condamné par l'Empereur et les barons, fut écartelé vif. Le comte Thierry, moins heureux contre les Nor- mands qu’il ne l’avait été en combattant le champion du traître Ganelon, ne put arrêter les payens qui, ayant fait le siège d'Angers, prirent la ville d'assaut et massacrèrent les habitants. Le bon comte Thierry fut lui-même brülé vif par ces sauvages envahisseurs et mourut martyr de la foi en 859*. Ainsi périt le dernier comte d'Anjou de la famille de Charlemagne, et après lui le comté fit pour quelque temps retour à la cou- ronne, sous Charles le Chauve, dont Bourdigné fait un comte d'Anjou. Notre auteur ne manque jamais d'imaginer une nouvelle réunion de l’Anjou à la cou- ronne quand la série des comtes paraît s’interrompre et qu’un anneau manque à la chaîne. Je n’ai pas besoin de dire que tout ce qui précède est une fable empruntée à la chronique du faux Turpin et aux chansons de gestes du cycle carolingien. Le roman des Quatre Fils Aymon, celui d’Aygoland, la Chanson de Roland ont fourni à notre soi-disant historien une ample moisson qu’il a soigneusement recueillie. Quelques exemples en fournissent la preuve. Dans un passage des Quatre Fils Aymon on voil Bourdigné oublie qu’un peu plus haut il a fait mourir Milon, père et prédécesseur de Thierry, en 880; il a sans doute voulu dire en 780. Il n’avait aucune idée nette en matière de dates. LE US Roland se présenter devant Charlemagne et lui tenir ce langage : Sire, dist lo vallés, Rollans m’appelle-on Et fuis nés en Bretaigne tot droit à Saint-Fagon, Fix sui vostre seror à la clère façon Et le buen duc d’Angiers qu’on appelle Milon. Le roman italien Real di Francia, extrait de nos vieux romans de chevalerie, raconte aussi que Roland était fils de Berthe, sœur de Charlemagne, et de Milon, comte d’Aglante*. Le combat singulier de Thierry et de Pinabel est pris mot pour mot dans la Chanson de Roland : .. Quand Charles voit que tous lui font défaut Il s’assombrit et sa tête s’affaisse. Il à tel deuil qu'il se dit malheureux ; Mais devant lui s’avance un chevalier, C'était Thierry, frère du duc d'Anjou. .… Courtoisement il dit à Charlemagne : Beau sire Roi, ne vous troublez ainsi : .… Quel tort qu’ait fait Roland au comte Gane, Votre service eût dû le garantir; Gane est felon de ce qu'il l’a trahi; .… Et s’il a parents qui démentir me veuillent, Par cette épée à mon flanc que j'ai ceinte Je soutiendrai mon arrêt sur le champ. .… Devant le roi Pinabel est venu, etc. Il faudrait pouvoir tout citer; mais il est facile de - mettre en regard le texte de Bourdigné et celui dé la Chanson de gestes, si connu aujourd’hui, gris aux travaux dont il a été l’objet. 1 Hist. littér. de France, tome XXII, p. 683. — Revue d'Anjou, 1854, tome I. La Chanson de Roland, par M. Baret. EURE ete Les personnages qui figurent dans ces récits roma- nesques ne sont pas purement imaginaires toutefois. Divers diplômes de Pépin et de Charlemagne men- tionnent un duc Milon parmi les proceres de la cour de ce temps, mais sans dire qu’il ait été comte d'Anjou, ni beau-frère du roi des Francs ‘. Un comte Théodoric est mentionné plusieurs fois dans les Annales d'Eginbhard ; il est qualifié propinquus regis ; il conduisit une expédition contre les Abares sur les bords du Danube, mais il n’est pas dit non plus qu'il fût comte d'Anjou”. Il est probable que les légendaires et les poètes qui ont raconté ou chanté les exploits des guerriers de Charlemagne, ont emprunté à l’his- toire des noms restés célèbres, mais qu'ils ont accepté sans examen tous les récits populaires et ont amplifié et embelli leurs merveilleux exploits. Le personnage de Roland est historique, mais nous ne savons de lui qu’une seule chose, c’est qu’il fut gou- verneur des Marches de Bretagne et qu’il fut tué à Roncevaux. Trois lignes d'Eginhard renferment tout ce qu’on peut affirmer sur ce célèbre paladin*. Quant à la prise d'Angers par les Normands c’est un fait historique ; mais Bourdigné s’est trompé de date ; ce n’est pas en 859, mais huit ans plus tard seulement, vers 807, après la mort de Robert le Fort, que les pirates du Nord s’emparèrent de la ville. ! D. Bouquet, tome V, Diplomata. 3? Eginhard, ann. 782, 791. #.. In quo prælio Eggihardus regiæ mensæ præpositus, An- selmus comes palatii, et Rotlandus britannici limitis præfectus, cum aliüs compluribus interficiuntur. (Vita Karoli.) SOC. D’AG. 5 = GE Nos historiens modernes, tout en rejetant les exploits fabuleux de Milon et de Thierry, les font encore figurer parmi les comtes d’Anjou ‘. Je crois pour ma part que c’est à tort, et qu’à l’époque où se place leur domina- tion légendaire, l’histoire nous fournit des noms plus sérieux et plus authentiques. N'oublions pas que pour Bourdigné, qui fait de Roland un comte du Maine et non d'Anjou, Milon et Thierry occupent l’Anjou sans interruption depuis les premières années du règne de Charlemagne jusqu’en 859. Il faudrait même dire jusqu’en 867, puisque c’est à cette époque qu’eut lieu la prise d'Angers par les Normands et qu’il fait mourir Thierry après le siège. , Or, Roland, qui a bien été gouverneur des Marches de Bretagne, est mort en 778. En 786, nous trouvons le sénéchal Audulfe ou Autulfe qui conduisit une expé- dition contre les Bretons *. Un diplôme de l’empereur Louis le Pieux rappelle que divers biens appartenant à l’abbaye de Saint-Jean-Baptiste, située dans la banlieue d'Angers et fondée par l’illustre évêque Licinius (saint | Lézin, évêque d'Angers), avaient été donnés en bénéfice au comte Audulfe. Le pieux empereur rendit ces biens au couvent. Il y a tout lieu de croire que ce comte 1 Bodin, Recherches sur le Bas-Anjou, [°° partie, ch. xv, xvi, xvi. — Voir aussi les notes de M. Godard-Faultrier sur Bour- digné. 2 Eginhard, ann. 786. 5... Quod de rebus quas idem Licinius præsul eumdem mo- nasterium donaverat, quædam res quas hactenüs Autfulfus quondäm comes ad beneficium habuiït.… de præscriptis rebus quas præfatus Autulfus quondäm comes ad beneficium habuit… (D. Bouquet, tome V, n° 13.) LÉSy Met qui gouvernait les Marches de Bretagne était comte d'Anjou plutôt que le Thierry qui guerroyait contre les Abares. Vers 839, la chronique du moine Odon, de Saint- Maur, nous parle du comte Rorgon. Louis le Pieux avait donné à son fils Pépin non seulement l’Aquitaine, mais aussi le comté d'Anjou avec ses abbayes et les domaines du fisc royal. Le comte Rorgon reçut de son souverain l’abbaye de Glanfeuil en Anjou, la fit rebâtir et l’enrichit de diverses donations‘. Des diplômes con- firment ce récit qui a par conséquent une grande valeur historique. Rorgon était frère de Gauzbert, abbé du monastère de Saint-Maur, et Gauzlin, son fils, y embrassa la vie religieuse. L’évêque d’Angers était alors Dodon*. Un peu plus tard Charles le Chauve, dans un diplôme du 17 mai 845, confirme un don fait par le comte Théobald, abbé de Saint-Jean-Baptiste, et par sa femme Hildegarde, à ce couvent. Cette double qualité 1 Augustissimæ recordationis Ludovicus Pipino filio suo cum reliquis quæ magnitudini celsitudinis illius visa sunt etiam An- degavensem contulit comitatum, cum abbatiis et fiscis in eodem pago sitis. Jàäm tempore piissimi Augusti Ludovici cum paucis- simis numero villarum ab ipso imperatore Rorigoni religiosæ ac nobili memoriæ comiti collatus est. (Miracula et translatio S. Mauri abbatis, c. 11. Bolland., januar., II, 337.) ? Quàpropter ego Rorgo comes, divino tactus amore, meæ prædium possessionis hereditariè, hoc est alodium nostrum quod est in pago Andegavo in conditâ maciacensi. Ego Dodo, gratià Dei, Andegavensis præsul.. S. Rorgonis comitis. S. Bile- childis uxoris ejus. S. Gauzberti, fratris ejus. (Cartul. S. Mauri, n° 34; voir aussi n° 33, ap. Marchegay, Archives d'Anjou, tome I.) $ Ex monasterio S. Joannis abbas (Theobaldus) quod est situm PAM EN de comte et d’abbé ne doit aucunement étonner. Get abbé marié est un grand seigneur parfaitement laïque, car à cette époque on donnait en fief des abbayes aux comtes ; on en trouve de nombreux exemples. Sous le même règne, une donation fut faite à l’abbaye de Saint-Serge par le comte Gérard et confirmée par le roi. Ce comte Gérard était aussi un abbé laïque qui gratifiait du don de deux villas le monastère à lui donné en commende *. M. Port pense que les comtes Théobald et Gérard, dont nous venons de parler, sont des comtes-abbés de cour, vivant à la suite du roi et non de vrais comtes d’Anjou?. Il est certain qu’on ne pourrait les placer que dans un temps assez resserré, entre 840, époque de l'avènement de Charles le Chauve, et 851, date à laquelle nous voyons l’Anjou gouverné par un autre comte. Les textes d’ailleurs ne disent pas positivement qu'ils aient été comtes d'Anjou, et d’autre part des comtes étrangers au pays peuvent avoir possédé des abbayes situées dans cette province. Il n’est pas impos- sible cependant qu’ils aient gouverné le comté ; ils y sub mœnibus Andegavensis sedis.. (Don par Théobald et sa femme Hildegarde au monastère de Saint-Jean-Baptiste.) — Le diplôme suivant, qui renferme la confirmation royale du 4er mai 845, qualifie le donateur comes noster, comes vel abbas. (Arch. de Maine-et-Loire. Série G. n° 689, vol. de copies; fol. 74, 75.) 1 Dilectus nobis comes noster Gairardus... ex abbatiâ S. Sergii seu S. Godeberti confessoris cujus corpus ibi requies- cit. ad nostram accedens clementiam... eodem Gairardo co- mite vel abbate constitutum est... (Cartul. S. Sergü, reconsti- tué par M. Marchegay, f° 7. — D. Bouquet, tome VIII. Diplom. Caroli Calvi, n° 65.) ? Introd. au Dictionn. de Maine-et-Loire. po 7 étaient rattachés au moins par des liens plus certains que le Thierry de la légende auquel M. Port ne fait même pas l'honneur de le nommer. Notre savant archi- viste cite cependant Milon, d’après les Chansons de gestes, mais pour mémoire seulement; je crois qu’il est parfaitement dans le vrai. Le comte Eudes est au contraire un personnage authentique ; il est mentionné en qualité de comte d'Anjou dans les documents diplomatiques. C’est lui qui, en 851, échangea le vieux palais des comtes d'Anjou avec l’évêque Dodon contre le terrain où s’est depuis élevé le château d'Angers, d’après une charte aujourd’hui bien connue et souvent citée’. Le même comte Eudes fit aussi confirmer une donation au profit de l’abbaye Saint-Aubin*. Ce comte Eudes étant un personnage parfaitement historique, qui a très certai- nement gouverné l’Anjou, il va de soi que Bourdigné n’en a pas plus parlé que de Théodulf, de Sigulf et de Beppolen, qui sont aussi des ducs et des comtes authentiques. Les lonss et fabuleux rêgnes de Milon et de Thierry sont donc remplacés par ceux d’Audulfe, de Rorgon et d'Eudes, entre lesquels il faut peut-être intercaler Gérard et Thibaut. Si Thierry avait gouverné l’Anjou jusqu’à la prise d'Angers par les Normands, il aurait 1... Quia Dodo venerabilis Andegavorum episcopus et Odo illustris comes. dedit etiam præfatus Dodo episcopus ante- dicto Odoni comiti.. anno XI regnante Carolo gloriosissimo rege. (Gallia christ., tome XIV. Instrum. eccles. Andeg., n° #.) 2... Deprecatione pro intercessione ipsius loci rectoris Odo- nis illustris comitis. (Cartul. S. Albini, f° 5, r°.) 7 (1 Mes vécu jusqu’en 867, et nous venons de voir que dès 851 Eudes était comte d'Anjou. Nous verrons bientôt appa- raître Robert le Fort, qui mourut lui-même avant la prise d'Angers. Reléguons donc Thierry avec les autres héros des romans chevaleresques dont nous a gratifiés Bourdigné. Vers la même époque vivait un comte Vivien, dont Grandet, dans sa Notre-Dame angevine, a fait un comte d'Anjou. Vivien fit en effet des donations à l’abbaye de Cunault en 844 ‘, et c'était certainement un person- nage considérable. Il figure en qualité de comte et d’abbé de Saint-Martin dans diverses chartes de l’ab- baye de Saint-Martin de Tours en 845, 846, 849; mais rien ne prouve qu'il ait été comte d'Anjou *. Il est bien - probable qu’il n’a pas pu l’être, car dans une charte du mois de mai 846 on voit figurer à la fois Vivien, comme abbé de Saint-Martin, et un comte du nom d’Eudes avec sa femme Guandilmode, comme donateurs *. Si ce comte Eudes est célui qui a fait à Angers l’échange de 851, il aurait occupé le comté d'Anjou précisément à l’époque où Vivien était abbé de Saint-Martin. Il n’y a donc pas d’intermédiaire connu entre Eudes et Robert le Fort. Mais avant de parler de ce dernier, il faut s'occuper d’autres comtes qui ont joué un grand rôle en Anjou au 1x° siècle. 1 Notre-Dame angevine, f° 167. : ? Pancarte noire de Saint-Martin de Tours, par M. Mabile, . nos 43, 24, 47, 100. S Ibid, no 101. A, D SES IV. — COMTES BRETONS. “Après la mort de Thierry, d’après Bourdigné, le roi de Bretagne, Nomenius, voulant s'emparer de ’Anjou, vint mettre le siège devant Angers; mais saint Maurille, ancien évêque d'Angers, lui étant apparu, le frappa de son bâton pastoral sur la tête; le comte en accoucha malade, suivant la piltoresque expression de notre auteur, et mourut peu après. Son fils Herispogius fit soumission au roi Charles le Chauve qui lui donna en récompense le comté d'Anjou dont il fut le trentième comte. Mais Herispogius fut tué peu après dans une guerre, par un sien cousin et compétiteur, Salomon, qui s’empara du duché de Bretagne. Salomon rendit le comié d'Anjou à Charles le Simple pour gagner son alliance ; ainsi l’Anjou fit de nouveau retour à la cou- ronne *. | : Tout n’est pas faux dans ce récit, mais s’il n’est pas absolument contraire à la vérité, il la côtoie seulement sans la pénétrer. Et d’abord il renferme une grave in- terversion de date. Il place l’invasion de Nomenoë en Anjou, et les relations de ce roi breton et de son fils Erispoë avec Charles le Chauve après la prise d’Angers par les Normands, tandis que ces évènements très mul- tiples et très compliqués, dont Bourdigné ne fait qu’un récit succinct, ont tous eu lieu avant la prise d'Angers par les Normands et la reprise de cette ville par Charles le Chauve, laquelle n’eut lieu que du temps de Salomon. 1 Bourdigné, Il® partie, ch. xv. LAON L'erreur chronologique commise à ce sujet par Bour- digné bouleverse toute l’histoire d'Anjou au 1x€ siècle et la remplit de confusion. Erispoë a-t-il été comte d'Anjou? Bodin l’admet encore sur la foi de Bourdigné ‘ et en fait un comte de deçà Maine, c’est-à-dire de la portion de l’Anjou située à l’est de cette rivière et sur sa rive gauche. M. Godard-Faultrier ne pense pas qu'Erispoë ait été comte d'Anjou, mais il croit que les comtes bretons ont exercé une domination momentanée sur la partie de l’Anjou située au delà de la Maine, c’est-à-dire à l’ouest et sur la rive droite de la rivière *. Cette opinion in- verse de celle adoptée par Bodin est assurément beau- coup plus près de la vérité. Je pense toutefois que la domination des comtes bretons sur le territoire d’outre- Maine s’est prolongée pendant assez longtemps. C’est un point de l’histoire d’Anjou fort obscur et très intéres- sant à élucider. Lambert était un comte de Nantes qui a joué un grand rôle dans les événements des règnes de Louis le Pieux et de Charles le Chauve. Il fut d’abord au service des rois Francs, car il figure dans l'expédition de Louis le Pieux contre Murman, comte breton, en 818 ; il com- mandait alors la frontière franque contre les Bretons’ . Quelques années plus tard, en 895, il combattait encore contre les mêmes ennemis *. Mais 1l devait bientôt trahir la cause des rois Francs et passer au service des comtes 1 Recherches sur le Bas-Anjou, I" partie, ch. xvur. 2? Notes sur Bourdigné. 3 Ermoldus niger, c. 111, * Eginhard, ann. 825, PL y CARE de Bretagne, qui tendaient alors à s'étendre au delà de leurs anciennes limites et à s'emparer de toute la frontière franque. En 835, il remporte sur les troupes de Louis le Débonnaire une cruelle victoire dans la- quelle périrent Eudes, comte d'Orléans, Guillaume, son frère, comte de Blois, Guy, comte du Mans, et Teuton, abbé de Saint-Martin ‘. Le breton Nomenoë, avec l’aide de Lambert, envahit, en 843, le pays nan- tais: Renaud, comte de Nantes pour le roi de France, est tué et toute la contrée ravagée *. Lambert s'empare des pays d’Herbauges, de Tiffauges et des Mauges et les donne en bénéfice à ses fidèles *; puis il attaque l’Anjou à la tête des Bretons et défait les marquis de Charles jusque sur le pont de la Maine *. Nomenoë s’avançait jusqu’au Mans quand une invasion normande l’oblige à reculer. Deux ans plus tard un traité inter- venait entre Charles le Chauve et Nomenoë, mais celui- ci, en dépit du traité, envahit de nouveau l’Anjou en 849, brûle l’abbaye du Montglone ‘, et avec sa perfidie 1 Chron. Raïinaldi archidiac. Andeg. 2 Annal. S. Bertini, 843. 8 Landbertus autem qui hæc omnia perpetrarat, comitatum Namneticum invadens militibus suis distribuit, scilicet Gauferio nepoti suo regionem Herbadillam, Rainerio Metallicam, Girardo Theofalgiam, quæ omnia illi jure hereditario concessit. (Chron. Namnet.) — Voir aussi : Chron. Rainaldi; Chron. S. Sergii, ann. 843. (Marchegay, Chron. des églises d'Anjou.) . Landbertus cum Britonibus quosdam Karoli marchionum Meduanæ ponte interceptos perimit. (Annal. S, Bertini, 844.) $ Versiculi de eversione S. Florentü; Marchegay, p. 201. — Hist. eversionis monasterii S. Florentii, ap. D. Martène, Thesau- rus anecdotum, col. 843-844. — Dipl. de Charles le Chauve des 23 juillet 848 et 15 janvier 849. Cod. niger S. Florent Salmur., n°s 2, 6. ENTREE accoutumée, disent les chroniques franques, s’empare d'Angers et des pays circonvoisins ‘. Nomenoë resta maître des comtés de Nantes et de Rennes et de la partie de l’Anjou et du Maine, située à l’ouest de la Mayenne. Enflé par ses conquêtes, il méprisait le roi des Frances et voulait lui-même prendre le titre de roi ?. Il mourut en 851. Quant à Lambert, il paraît s’être réconcilié avec Charles le Chauve, qui lui confia le gouvernement des. pays situés entre la Seine et la Loire. Il fit périr par ruse Vivien, homme puissant, peut-être le comte abbé de Saint-Martin, dont nous avons déjà parlé; puis il fut tué lui-même, avec beaucoup d’autres, par Gozbert, comte du Mans; mais Gozbert fut mis à mort par ordre de Charles le Chauve. Ces évènements se passérent en 852, d’après les Annales de Saint-Bertin ; quelques années plus tard, d’après d’autres chroniques *. Rien de plus obscur, du reste, que les évènements de cette époque. D’après les chroniques bretonnes, Lam- bert paraît avoir possédé d’une manière à peu prés indépendante les portions des comtés du Maine et d'Anjou qu’il avait conquises pour le comte de Bre- tagne. Sa tyrannie ayant en effet soulevé contre lui les 1 Nomenoius Brito consuetà perfidià Andegavis et vicina eïs circumquäque loca invadit. (Annal. S. Bertini, 849.) ? Nomenoius igitur valde superbus urbem Namneticam, Redo- nicam ac etiam Andegavense territorium et Cenomanense usque ad Meduanam invasit. His autem urbibus et territoriis nomi- natis in suâ ditione assumptis, superbior extitit et potentior, contemptoque omnino jure Francorum regio, regem se fieri posse existimavit. (Chron. Namnet.) 3 Annal. S. Bertini, 852. — Annal. Mettens., 857. ro réclamations de l’évêque de Nantes, il entourut la dis- grâce de Nomenoë qui le menaça de marcher en armes contre lui. Il abandonna Nantes et se réfugia à Craon, qui faisait alors partie du territoire de Nantes et appar- tenait à l’abbaye de Saint-Clément, dont sa sœur était abbesse *. De là il exerça de grands ravages sur les con- trées voisines. Plusieurs comtes s’étant coalisés furent par lui vaincus ; Guy, comte du Mans, l'ayant attaqué, ne fut pas plus heureux que les autres et fut aussi mis en déroute. Ses ennemis vaincus, Lambert éleva une forteresse sur les hords de l’Oudon (le château de Craon) et, s’emparant par la violence de tout le terri- toire angevin jusqu’au point où la Maine se jette dans la Loire, il conserva toute la rive droite de la rivière jusqu’à la fin de sa vie. Il fut enterré à Savennières, au cœur de l’Anjou *. Ce récit de la chronique de Nantes est assez confus et groupe, suivant la mode des légendaires, en un seul faisceau des évènements de dates diverses. La trahison de Lambert, la bataille de 835, l’envahissement du ter- ritoire angevin en 849, tout cela semble s’être passé en un seul trait de temps. Je ne veux retenir de ce récit, 1 .… Quibus mandatis Lambertus nimis pavefactus fugit usque Ciron (id est Credonem) tunc temporis territorii Namnetici vicum jure Sti Clementis civitatis Namneticæ monasterio pertinentem cui abbatissa hujus Lamberti soror nomine Doda præsidebat. (Chron Namnet.) ? … Devictis itaque sibi resistentibus, castrum super ripam Uldonis composuit et accipiens indè in dominicatu suo Andega- vense territorium sicut Meduana in Ligerim descendit, et illud territorium tenuit violentiâ suâ usque ad finem vitæ suæ et in territorio Andegavensi apud Saponarias sepultus fuit. (Chron. Nämnet.) = {ne vrai au fond malgré sa forme trop condensée, qu’un seul point, à savoir : la possession de la partie occi- dentale de l’Anjou et du Maine par les Bretons au temps de Lambert et de Nomenoë. Lambert a possédé, en outre, à titre privé, des terres en Anjou et a fait un don à l’abbaye S. Aubin, ainsi que le prouve une charte de ce monastère ‘. Le territoire angevin réuni au comté de Nantes resta aux mains des comtes bretons après la mort de No- menoë, et malgré la réconciliation de Lambert avec Charles le Chauve, opérée peu de temps avant la mort du redoutable comte de Nantes. Erispoë ayant succédé en effet à son père Nomenoë, en 851, vint à Angers rendre hommage à Charles le Chauve qui, en échange de cette soumission, lui permit de porter les insignes royaux et lui confirma la possession des comtés de Nantes et de Rennes ct du territoire de Retz *. Cette confirmation des conquêtes de Nomenoë s’étendit aussi à la portion de l’Anjou et du Maine située sur la rive droite de la Mayenne, car dans ses diplômes, Erispoë rappelle que ses états s'étendent jusqu'aux rives de celle rivière *. Charles le Chauve, en 856, ayant fiancé son fils Louis à la fille d'Erispoë, donna à celui-ci le. duché du Mans jusqu’à la route qui conduit de Paris à Tours *. 1 Ego Lambertus divinä annuente clementiâ.. Lambertus comes. Usmar, archiep. Turon. Actard, episc. Namnet. Dodo, episc. Andeg. (Cartul. S. Albini, f° 5.) 2 Annal. S. Bertini, 851. 8 Ego Erispoë, princeps Britanniæ provinciæ et usque ad Meduanum fluvium, donavi St° Salvatori, etc. (D. Lobineau, Pr. de l’hist. de Bretagne, col. 55.) * Annal. S. Bertini, 856. (Trad. Guizot.) Hire te C’est donc à tort que Bodin fait d'Erispoë un comte d'Anjou de deçà Maine. Les textes prouvent exactement le contraire; c’était la portion de l’Anjou et du Maine située au delà de la Mayenne dont il était en possession. Ce n’était point un comté distinct, mais une annexe de celui de Nantes. Ce même territoire d’outre-Maine appartenait encore à Salomon, son successeur, lorsqu’au siège d'Angers sur les Normands, il vint prêter son concours à Charles le Chauve ; la Bretagne s’étendait alors jusqu'aux portes d'Angers ‘. Salomon possédait aussi des domaines pri- vés en Anjou *, et prenait dans les actes, comme son prédécesseur, le titre de dominateur de la Bretagne, jusqu’à la Maine *. La domination des rois ou comtes bretons sur la partie occidentale de l’Anjou n’a donc pas été éphémère et momentanée; elle s’est prolongée pendant les règnes de Nomenoë, d’Erispoë et de Sa— lomon. Les Bénédictins, auteurs de l’histoire de Bretagne, pensent qu’elle dura jusqu’au règne d’Alain Barbe Torte, qui possédait, du reste, l’abbaye de Saint-Serge, don! il fit don à l’évêque d'Angers, Rainon ‘. Elle n’au- 1. Et quia Medana fluvius à partibus Britanniæ urbis mu- rum alluebat, Salomoni Britonum regi mandat ut contractis auxiliis citiùs adventaret, ut communem hostem communibus viribus expugnarent. (Chron. S. Sergii, ann. 873. — Voir aussi Annal. Mettens., eod. anno.) ?… Et vinum partis suæ de pago Andegavensi cum Britoni- bus suis collegit. (Ann. S. Bertini, 869.) $ Dominante Salomone Britanniam usque Medanum flumen ; Actardo episc. in Namnetis. Courantgeno episc. in Venetis. (D. Lobineau, Pr. p. 64.) * D. Lobineau, Pr. de l’Hist. de Bretagne, p. 65. — 18 —, rait cessé qu'après les terribles invasions normandes et les guerres civiles qui désolèrent la Bretagne au com- mencement du Xe siècle. Foulques le Roux aurait pro- fité de ces tristes circonstances pour étendre la domina- tion angevine au delà de la Maine. Il aurait ensuite donné en dot à sa fille Roscille ce même territoire en la mariant à Alain Barbe Torte, en secondes noces. Cette dot dut faire promptement retour à l’Anjou, Roscille n'ayant pas laissé d’enfants. Les savants auteurs qui ont émis celte opinion s'appuient sur un document déposé à la Tour de Londres ‘. M. Port paraît faire durer au contraire la domination bretonne sur l’Anjou d’outre- Maine jusqu’à la bataille de Conquereux gagnée sur Conan, comte de Bretagne, par Foulques Nerra *. Si le document cité par D. Morice et D. Lobineau était exempt d'erreur il trancherait la question; mais il est posté- rieur aux faits de près de deux siècles et n’est pas d’une exactitude absolue *. Quant aux territoires poitevins d’Herbauges, de Tif- auges et des Mauges, les Bretons les conservèrent pen- dant tout le xe siècle. Un traité passé entre Alain Barbe- Torte et le duc d'Aquitaine, Guillaume Tête d'Étoupe, 1 Comes Fulco et Tescindis comitissa habuerunt tres filios… Roscillam Alani comitis dicti de Barbatorta uxorem.. (Registre conservé à la cour de Londres, composé par ordre de Foul- ques IV. — D. Lobineau, Hist. de Bretagne, 1. III. D. Morice, Hist. de Bretagne, 1. I.) ? Introd. au Dict. de Maine-et-Loire, p. 10. 8 Le document en question fait de Tescinde la femme de Foulques le Roux et de Roscille, sa fille. Tescinde était sa belle-mère et non sa femme. La femme de Foulques s'appelait Roscille ; mais il n’est pas impossible qu’elle ait eu une fille du même nom qu’elle. 29 = en précisa les limites. Elles suivaient le Layon en remontant son cours depuis son embouchure dans la Loire, à Chalonnes, jusqu’à son confluent avec l'Hi- rôme, puis cette rivière jusqu’à Pierrefite et enfin le Lay jusqu’à son embouchure dans l'Océan ‘. Une partie de cette région devait être plus tard réunie à l’Anjou par Foulques Nerra. | V. — COMTES DE LA MAISON DE FRANCE. Voici en quels termes Bourdigné parle de l’avène- ment de Robert le Fort au comté d’Anjou : « Il est à noter en cest endroit (puis que l’hystoire nous en présente. l’opportunité) que en ce temps que Torquatius estoit forestier et gouverneur d’Anjou le roy Charles le Chauve, lequel jamais ne fut las de honorer et enrichir bons chevaliers, avoit donné le conté d'Anjou Oultre-Mayenne (duquel le siège principal estoit en Ja ville de Chasteauneuf) à ung jeune prince nommé Robert, lequel, comme plusieurs veullent dire, estoit yssu des ducz de Saxonne. Ce Robert, conte du conté d'Anjou Oultre-Mayenne, fut pour sa vaillance cons- titué maréchal de France et luy fut donné le conté de Paris *. » Notre auteur passe très rapidement sur la vie de Robert dont il paraît peu connaître les évènements. 1. De quibus cum comite Pictaviensi Guillelmo cognomento Caput de stupis finem fecit, sicut ipsi pagi terminant. Id est à flumine Ladionis in Ligerim descendente usque ad Irumnam flumen et Petram fictam et Ariacum et flumen Ledii quod in mare occidentale decurrit. (Chron. Namnet.) ? Bourdigné, II° partie, ch. xv. LE Gp Autant il est prolixe sur les personnages imaginaires, autant il est succinct quand il s’agit de personnages his- toriquers. Il donne pour successeur à Robert l’aîné de ses fils Eudes, qu’il appelle quelquefois Hugues, qui fut comte de Paris et d'Anjou et devint roi de France. Il termine par ces mots le court chapitre consacré à la famille de Robert : « Mais nous laissons icy à parler des contes d'Anjou oultre-Mayenne, pour retourner aux contes d’Anjou de deçà Mayenne, desquelz est nostre principalle matière, pour ce qu’ilz tenoient Angiers la ville capitalle d’An- jou. Et pourtant sont-ilz en ces présentes Annales et cronicques nommés simplement au renc des contes d'Anjou, sans faire nombre de ceulx de oultre-' Mayenne. » Un peu plus loin il nous dit que Robert, frère d'Eudes, tint aussi pendant sa vie le comté d’Outre-Mayenne*. Ainsi pour notre auteur, Robert le Fort et son fils Eudes ont été comtes d'Anjou, mais seulement de la partie du comté située à l’ouest de la Maine et leur chef-lieu était Châteauneuf. À Angers régnait en même temps la famille de Torquat dont je parlerai ci-après. . Tous nos historiens ont suivi Bourdigné sur ce point, et c’est même tout récemment que M. Mabile, et aprés lui M. Port, ont combattu cette vieille opinion. Je ne veux pas rappeler ici tous les faits du gouver- nement de lillustre Robert le Fort; mais seulement préciser quelques dates. L'origine de Robert le Fort n’est pas connue d’une 1 Ch. xvurr. RS es manière précise ; on croit généralement qu’il était d’une famille saxonne. M. de Barthélemy le considère comme fils de Guillaume, comte de Blois, frère d'Eudes, comte d'Orléans‘. Le comté de Blois paraît avoir été le premier domaine féodal qui ait appartenu à Robert le Forl. C’est ce qui semble résulter d’une charte constatant un échange passé entre l’évêque Actard de Nantes et le comte Robert, à Blois, au mois de mai 865 *. Robert avait commencé par s’allier à Pépin d'Aquitaine et aux Bretons *; mais en 861, au plaid de Mehun, il se rap- proche de Charles le Chauve, et depuis ce moment il guerroie pour le roi contre les Bretons et les Nor: mands®. | Il résulte de toutes les chroniques qu’il était à la fois comte d'Anjou et gouverneur de la Marche de Bretagne, laborieuses fonctions qui ne pouvaient être remises en de meilleures mains que celles de ce vaillant guerrier ‘. Robert recut en 865 les comtés d’Autun et de Nevers en échange de celui d'Anjou que Charles le Chauve avait donné à son fils Louis *; mais cette substitution fut de courte durée, car dés 866 ou 867, 1 De Barthélemy, Revue des Questions historiques, 1873. Ori- gine de la maison de France. 2 Mabile, Introd. aux chron. d'Anjou. Pièces justif. n° 1. $ Annal. S. Bertini, 859. . * Annal. S. Bertini, 861, 862, 864, 865, 866. — Annal. Met- tens., 861. 5 Rodbertus, comes Andegavensis, aggrediens duos cuneos de Normannis qui in Ligeri fluvio residebant... (Annal. S. Ber- tini, 864.) 6 Rodberlo qui marchio in Andegavo fuerat, cum aliis hono- ribus quos habebat comitatum Autissiodorensem et comitatum Nivernensem donavit. (Annal. S. Bertini, 865.) SOC. D’AG- 6 RE ets 2] il avait repris ses fonctions de comte d'Anjou, si tant est qu’il les ait jamais quittées. Après la mort héroïque de Robert le Fort à Bris- sarthe en 866 ou 867, les Normands ne trouvant plus devant eux d'obstacles sérieux, puisque l’armée de résistance s’était dispersée, pillent et ravagent l’Anjou et s'emparent d'Angers resté sans défense et vide d'habitants". Ils en restérent maîtres pendant six ou sept ans, jusqu’au siège qu’en fit Charles le Chauve en 873, avec l’aide du breton Salomon. C'est donc entre 861 et 867 que se placent les exploits de Robert le Fort en Anjou. À cette époque tout le territoire d’outre-Maine appartenait incontes- tablement aux Bretons, comme nous l'avons vu ci-dessus, et en 873, six ou sept ans aprés la mort de Robert, Salomon possédait encore ce même terri- toire. Il est donc absolument impossible que Robert le Fort ait été, comme le disent Bourdigné et après lui tous les historiens qui n’ont pas vérifié les sources, comte du pays d’outre-Maine seulement. Il possédait certainement Angers que sa mort laissa vide de défen- seurs et d'habitants. « On place à Châteauneuf le chef-lieu du comté 1 Namque Normanni, postquam Robertum Andegavorum comitem, Ranulfum Pictavorum comitem, et alios multos gene- rosæ stirpis viros, qui patriæ terminos armis tuebantur, Deo habitatoribus terræ adversante, occiderunt, cùm nemo inveni- retur qui eorum: violentiæ resisteret, Sollcitati paucarum civi- . tatum vel regionum direptione ex prædâ singulorum quantæ essent opes universarum animo prospicientes Andegaviæ cCivi- tatem, civibus fugâ dilapsis, vacuam reperientes ingrediuntur. (Chron. S. Sergii, ann. 873.) LE" RAS d'Oatre-Maine et l’on ne se donne pas la peine de regarder la carte. Châteauneuf est situé sur la Sarthe et non sur la Mayenne, et si cette rivière eût été la limite orientale du comté de Robert le Fort, il serait au moins étrange que le comte Robert eùt fixé sa princi- pale demeure chez son voisin le comte de deçà- Maine et non pas chez lui à l’ouest de la Mayenne. Cette rivière était au contraire la limite occidentale de la Marche d’Anjou; c’est ce qui résulte de tous les textes contemporains. On opposera sans doute le Gesta consulum Andega- vensium, dont l’autorité a été fort ébranlée de nos jours par les travaux de M. Mabile. Et cependant le Gesta lui-même ne dit pas.ce qu’on lui fait dire. Il établit seulement que l’Anjou était divisé en deux comtés, mais il ne nomme pas le comte d’Outre-Maine, et par conséquent il ne contredit pas les documents ci-dessus cités’. L'auteur du Gesta qui écrivait sous le règne des Ingelgériens, paraît avoir ignoré Robert le Fort et n'avoir conservé, d’ailleurs, qu’un vague sou- venir de la division du comté d'Anjou. Ce qu'il en dit peut tout aussi bien s'appliquer aux comtes bretons ! Datus est ei (Ingelgerio) eisdem intervenientibus et dimi- dius comitatus Andegavis civitatis; quia ultrà Meduanam in Andegavo alter comes habebatur (de Ingelgerio). — Iste (Hugo) Fulconi Rufo sibi per aviam suam consanguinitate, sicut præ- dictum est et nobis traditum, conjuncto, integrum comitatum Andegavensium, qui priùs bipartitus erat, donavit (de Fulcone Rufo). — Et dimidium Andegavis comitatum ei in casamento donavit ; ultra Meduanam alter comes habebatur. (Hist. comit. Andeg., auctore Thoma Pactio lochias. Chron. d'Anjou, édit. Marchegay.) — = qu’à d’autres; il ne précise rien. Bourdigné est allé plus loin et a attribué à Robert le Fort et à son fils Eudes la partie du territoire angevin qui appartenait alors aux comtes bretons ; mais cette opinion ne repose sur aucun document ancien et de quelque valeur. Revenons à la famille de Robert le Fort. Celui-ci laissait deux fils : Eudes et Robert; mais comme ils étaient trop jeunes l’un et l’autre pour lui succéder, le comté d'Anjou et celui de Tours avec l’abbaye Saint- Martin et autres bénéfices furent .donnés à Hugues, dit le clerc ou l'abbé, par le roi dont: il était cousin‘. Cet Hugues, qualifié wir strenuus par les chroniques, résista énergiquement aux Normands, alors maîtres de l’Anjou, sans obtenir toutefois de succès décisifs. En 869, il les combattit sur la Loire, soixante pirates périrent dans cette rencontre; en 876 il faisait quelques prisonniers qu’il fit baptiser; en 878 il appelait le roi Louis à son aide pour repousser les barbares qui avaient envahi les domaines d’Eudes *. Mais nos chroniques ne parlent pas de Hugues l’abbé au sujet du siège d'Angers, en 873, et il ne semble pas y avoir pris part. Il mourut en 886 ou 887, à Orléans, et fut enterré à Saint-Germain d’Autun. Son duché fut donné par l'empereur Charles le Uros, à Eudes, fils de Robeït le Fort, déjà comte de Paris, et qui alors soutenait avec l’aide de l’évêque Gozlin le siège qui est un des 1 Annal. S. Bertini, 866. — Annal. Mettens., 867. ? Annal. S. Bertini, 869, 876, 878, etc. SR SEE évènements les plus mémorables de l’histoire de France’. Eudes ne régit que peu de temps les comtés d'Anjou et de Touraine. Cependant on cite de lui un document diplomatique d’après lequel il agit en qua- lité de comte et d’abbé de Saint-Martin”. Eudes étant monté sur le trône en 888, après la déposition de Charles le Gros, laissa les comtés de Touraine et d'Anjou à son frère Robert. Celui-ci figure dans un grand nombre d’actes en qualité de comte pendant le règne de Charles le Simple *. En 921 le comte Robert assiégea pendant cinq mois les Normands qui occu- paient la Loire, mais n’ayant pu les chasser, il fit un traité avec eux par lequel il leur abandonna la Bre- lagne, qu’ils venaient de ravager, avec le comté de Nantes‘. Toutes nos chroniques locales mentionnem l'élection de Robert comme roi de France. Hugues dit 1 Annal. Mettens., 8K6. — Nos chroniques locales diffèrent un peu sur la date de la mort de Hugues l'abbé. Celles de Saint- Aubin et de Saint-Serge la placent en 886; celle de Vendôme en 887, celle de Saint-Florent en 888. Mais ces différences n'ont pas d'importance. ? Ego Odo misericordià Dei comes et pietate Dei abbas con- gregationis Sti Martini. Ego Odo, comes et abba. (Mabile, Inva- sions normandes en Touraine. Pièces justif. n° 5. Biblioth. de l'Ecole des Chartes, tome XXX.) 3 Nos siquidem Robertus gralià ejusdem omnipotentis Dei gregis Si Martini abbas sed et comes. (Blois, 22 mai 899. Inva- sions norm., pièces just. n° 8.) — Rotbertus S. Martini quod dicitur ex basilicâ atque ejusdem B. Martini majoris scilicet mo- nasterii gloriosus abbas nec non et comes. (Idem. n° 12.) — Voir aussi les n°5 9, 43, 14, 15 des 13 septembre 900, 31 décembre 914, 3 novembre 915, 25 mars 920. (Ibid.) * Rotbertus comes Northmannos qui Ligerim fluvium occupa- verant per quinque menses obsedit. (Chron. Frodoard, ann. 921.) LU CRE le Blanc, son fils, lui succéda en 923 dans ses do- maines et régit pendant longtemps les comtés d'Angers et de Tours. D'après une chronique poitevine, Charles le Simple ayant recouvré son royaume à la mort de Robert, permit à son fils Hugues de régir à sa place le duché qu’il avait gouverné”. On le voit en 993 lutter avec Héribert contre Charles le Simple el en 924 contre les Normands qui avaient ravagé ses domaines d’entre la Seine et la Loire”. Les chroniques lui donnent aussi souvent le titre de comte que celui de duc; car à cette époque la hiérarchie féodale n’avait pas encore imprimé aux titres de dignité un sens bien précis. Hugues le Blanc mourut en 956 laissant ses domaines à son fils Hugues dit Capet qui devait plus tard devenir roi de France. Il figure comme abbé de Saint-Martin dans une charte du 26 mars 931, par laquelle il abandonne aux chanoines divers domaines situés en Touraine et en Berry*. Il faut remarquer que dans aucun acte relatif aux comtes d'Anjou il n’est fait allusion au soi-disant comté d’Outre-Maine qu’ils auraient possédé exclusivement. Ils sont pure- Regnumque recuperans (Carolus) Hugoni filio Roberti duca- tum permisit regendum. (Chron. S. Maxentii.) ? Hi tamen qui erant ex parte Roberti, Hugo scilicet filius ipsius et Heribertus cum cæteris victorià potiti Karolum cum Lothariensibus in fugam verterunt. (Chron. Frodoard, ann. 923.) — Ragenoldus cum suis Normannis qui nondüm possessionem - inter Gallias acceperat terram Hugonis inter Ligerim et Se- quanam depopulatur. (Idem. 924.) 3 Hugo rector abbatie S. Martini. Signum Sanctæ Cru- cis domni Hugonis abbatis. (Mabile, Introd. aux chron. d'Anjou, pièces justif. n° 7.) EAN OC ment et simplement comtes d'Anjou dans les chartes comme dans les chroniques. En un mot, depuis l’avénement de Robert le Fort jusqu’au x° siècle, le comté d’Anjou a toujours été gouverné par les princes de la maison de France, et nous avons montré qu'ils possédaient le comté d'Anjou dans son ensemble et non le territoire d’outre-Maine qui de leur temps appartenait, au contraire, ainsi que le pays des Mauges, aux comtes de Bretagne. VI. — ORIGINE DES COMTES INGELGÉRIENS. Notre annaliste, qui ne sait presque rien sur Robert le Fort et sur sa famille, s’étend assez longuement sur les ancêtres d’Ingelger dont il fait des comtes d'Anjou’. Un gentilhomme appelé Torquatius ou Terculphus, nous dit-il, habitait au temps du comte de Bretagne Salomon, au pays rennois en Bretagne gauloise, vail- lant chevalier qui passait son temps en une forêt au déduit de la chasse. Salomon le fit gouverneur et préfet de Rennes et du pays rennois; mais en but à des difficultés imméritées et à des calomnies Torquat quitta le roi de Bretagne et vint offrir ses services à Charles le Chauve qui le reçut avec bienveillance. Le roi de France, pour le récompenser d’avoir bien guerroyé contre les Normands, le nomma forestier de la forêt de Nyd-de-Merle dans laquelle était située la bonne ville d'Angers; puis il lui donna le gouvernement de cette ville et du pays et comté d'Anjou de deçà Mayenne. 1 Bourdigné, II® partie, ch. xIV, xVI, xvil. get Comme nous l’avons vu, à l’époque où Torquat aurait été comte de deçà Mayenne, Robert le Fort aurait été, d’après Bourdigné lui-même, comte du pays d’outre- Maine. Torquatius eut un fils appelé Tercule « qui scavoit « ayseement et sans estre grevé endurer faim, soif, « froid et chauld et autant lui estoit coucher aux « temps sur la terre comme sur lict et oreillers en « chambre tendue et tapicée. » | Ce fut aussi un vaillant chevalier que Charles le Chauve employa dans ses guerres; il fut si content de lui qu’il lui fit épouser Péronnelle, fille du duc de Bourgogne, puis il lui donna le comté d'Anjou de deçà Mayenne, la seigneurie de Château-Landon et plusieurs terres en Gastinoys, le tout par héritage. De ce ma- riage naquit Ingelger. Mais avant d’aller plus loin, un mot seulement sur les deux ancêtres d’Ingelger, dont Bourdigné fait des comtes d'Anjou. L'auteur du Gesta mentionne en effet deux générations avant Ingelger : Torquat et Tertule ; ici, comme en bien d’autres endroits, Bour- digné ajoute à la chronique latine. Le Gesta se borne à dire que ces personnages ont été les ancêtres d’In- gelger et donne quelques détails sur leur génre de vie au milieu des forêts, mais il ne dit pas du tout qu’ils | aient été comtes d'Anjou‘; l'investiture de celte haute fonction leur a été donnée par Bourdigné lui-même. C’est avec raison que Bodin et les historiens modernes ne parlent d'eux que pour mémoire. J’ajoute qu’à 1 Gesta consulum andeg., p. 35-39, édit. Marchegay. Dal gg l’époque où ils auraient vécu, le comté d'Anjou pro- prement dit appartenait à Robert le Fort et le terri- toire d’outre-Maine aux comtes bretons, comme je l’ai prouvé ci-dessus. Bourdigné nous raconte en détail la vie d’Ingelger. Ce jeune homme fut d’une bravoure précoce, et il en donna la preuve dès l’âge le plus tendre. Il avait pour marraine la comtesse de Gâtinois dont le mari mourut subitement pendant une nuit fatale. La famille du comte accusa sa femme de l'avoir empoisonné, après avoir violé la foi conjugale. La malheureuse veuve offrit de se purger de l’accusation par serment; mais la famille du défunt comte, qui voulait se faire adjuger la fortune de la veuve par voie de confiscation, refusa de l’admettre au serment et demanda le combat. Le chevalier Gontran, du lignage du mort, se présenta pour soutenir l’accusation et jeta son gage de bataille que personne ne releva. Aucun des parents de la veuve n’eul le courage de prendre son parti. La malheureuse femme allait être déclarée coupable et conduite au supplice, malgré ses pleurs et ses protestations d’inno- cence, quand Ingelger se présenta pour défendre l’hon- neur et la vie de sa marraine. Le combat fut rude; mais Ingelger, bien qu’âgé de seize ans seulement, resta vainqueur. Ce combat eut lieu en présence de Louis le Bègue, roi de France, peu après la mort de Charles le Chauve. À La comtesse récompensa généreusement son sauveur et lui donna de nombreux fiefs en Gâtinvis. Le roi, appréciant les mérites d’Ingelger, lui confia les pré- fectures de Touraine et d'Orléans, lui donnant pour PSN mission de défendre ces contrées contre les Normands. A cette époque, dit Bourdigné, le comte Eudes gou- vernait l'Anjou d’outre-Maine et s’associait à Ingelger qui gouvernait celui de deçà-Maine pour combattre les barbares. Le comte {ngelger devait bientôt se signaler par un nouvel exploit. Les moines d'Auxerre gardaient alors indûment les reliques de saint Martin qui avaient été portées chez eux pendant les invasions normandes et refusaient de les rendre aux justes réclamations des Tourangeaux. Ceux-ci s’adressent à Ingelger qui, à la tête de six mille cavaliers, se rend à Auxerre, enlève les reliques du saint et les rapporte à Tours, à la grande joie des habitants. Ingelger, en souvenir de cet événement, fut nommé trésorier de Saint-Martin; une prébende fut attribuée à perpétuité aux comtes d'Anjou en l’église Saint-Martin, et une relique du saint remise à Ingelger par les chanoines. Celui-ci, d’après Bourdigné, étant alié à Châteauneuf en Anjou visiter son ami le comte Eudes, mourut en cette ville en l’an de grâce 878, et fut inhumé en l'église Monseigneur Saint-Martin de Tours, au grand regret du comte Eudes et de tous les barons et nobles d'Anjou ‘. Notre annaliste pour toute la légende d’Ingelger suit pas à pas le Gesta et n’y ajoute que quelques brode- ries vers la fin du récit; telle est la visite d’Ingelger à son ami Eudes, à Châteauneuf. Ainsi que l’a très jus- tement remarqué M. Godard dans ses notes, l’auteur a 1 Bourdigné, Ile partie, ch. xvi, xvui. DEL CT ME confondu ici le château de Séronne (aujourd’hui Chä- teauneuf) en Anjou, avec l’abbaye de Saint-Martin de Tours où furent enterrés plusieurs comtes d'Anjou et qui reçut le nom de Châteauneuf à cause des fortifi- cations dont on l’entoura à la suite des invasions nor- mandes. Gette critique faite, c’est le Gesta lui-même qu’il faut examiner. Ce document historique est loin de nous être par- venu dans son état primitif; sa première rédaction, due à l’abbé Eudes qui vivait au xr' siècle, a subi trois remaniements successifs avant d'arriver à son état actuel. Il existe à la Bibliothèque nationale plusieurs manuscrits du Gesta renfermant des variantes el des additions considérables, qui ne se trouvent pas dans le manuscrit de l'abbé Eudes et qui ont servi à sa rédac- tion définitive par le moine Jean‘. Deux exploits surtout frappent dans la vie d’Ingelger ; c’est d'abord son triomphe sur le chevalier Gontran, puis l'enlèvement des reliques de saint Martin. Le pre- mier est très probablement une pure fable; il est peu * admissible qu’un jeune homme de seize ans ait vaincu un chevalier exercé comme Gontran. D’ailleurs ce pas- sage fort long n’est qu’une interpolation ou addition postérieure qui ne se trouve pas dans la rédaction première du Gesta. M. Mabile pense qu'il a été emprunté à quelque livre de miracles. Le récit de l’enlêvement des reliques ‘de saint Martin n'appartient pas non plus à l'abbé Eudes ; il a été emprunté à deux livres apocryphes, le Tractatus Introd. aux chroniques d'Anjou, par M. Mabile. : ABS EE de reversione B. Martini d Burgundid, faussement attri- bué à Odon de Cluny, qui n’est qu’un tissu d’erreurs et de fables et le de Miraculis S. Martini post rever- sionem, attribué à tort à l’archevêque Herbern, et qui n’a été composé que longtemps après lui‘. M. Mabile, dans son savant ouvrage sur les Invasions normandes en Touraine, a suivi pas à pas les nom- breuses pérégrinations du corps de saint Martin. Les chanoines de la collégiale, après plusieurs fuites et plusieurs retours successifs, étaient rentrés chez eux en 870. En 872 ils partent pour la Bourgogne; en 877, le corps de saint Martin repose à Chablis; en 885, il repose de nouveau à Tours dans son tombeau, ainsi qu’il est prouvé par un diplôme du 13 décembre de cette même année. Comme il, était peu en sûreté à l’abbaye, on le transporta en 887 dans la cité dont les murs venaient d’être récemment restaurés et il fut déposé dans une petite église qui en dépendait. C’est seulement le 12 mai 919 qu’il fut replacé à l’abbaye. Le corps de saint Martin est resté treize ans en Bour- gogne et trente-deux ans dans l’église de la Basoche, dans la cité. M. Mabile considère l'expédition d’In- _gelger à Auxerre comme une fable et n’accorde aucune autorité aux livres apocryphes d’où ce récit a été tiré”. Il faut toutefois faire quelques observations sur ce point. Le Traciatus de reversione place l'expédition d’In- gelger à Auxerre en 887; mais l’auteur du Gesta 1 Baluze, Miscellanea, tome VII, p. 169. * Invasions normandes en Touraine, Bibliothèque de l’école des Chartes, tome XXX. î Lg 2e corrige cette date et fait remonter le retour des reliques à 877. Peut-être n’y a-t-il là qu’une erreur de copie ; cependant on pourrait y voir une correction inten- tionnelle. Le retour des reliques, comme on le voit en rapprochant les diplômes cités par M. Mabile, a dû avoir lieu entre 877 et 885. La date donnée par le Gesta n’est donc pas absolument impossible, mais le rôle joué par Ingelger lors du retour des reliques ne repose que sur un document trop peu sûr pour ètre admis par la critique. Il en est de même de la mention de la sépulture d’In- gelger à Saint-Martin de Tours. C’est encore une addi- tion étrangère à la première rédaction du Gesta. Il est complètement faux, ainsi que l’a prouvé M. Mabile, qu’Ingelger ait jamais été trésorier de Saint-Martin. M. Godard-Faultrier, frappé des difficultés chronolo- giques que présente l’époque d’Ingelger, a proposé sur ce sujet un nouveau système, D'après lui Ingelger serait né en 876 ; son duel avec Gontran aurait eu lieu vers 892 ; il aurait été investi du gouvernement de Tours et : d'Orléans vers cette époque, du comté d’Anjou de deçà Maine après 893; son expédition d'Auxerre se placerait vers 912 et sa mort vers 913. Ce système est assuré- ment ingénieux; mais jai le regret de ne pas pouvoir m'y rallier, car il est purement conjectural. On n’a pas d’autres sources anciennes au sujet d’Ingelger que le Tractatus de reversione et sa reproduction dans le Gesta remanié. On n’a ni chartes, ni chroniques contempo- raines qui permettent de les corriger. Peut-on faire naître Ingelger en 876 seulement, quand d’après la source, il a dû venir au monde vers 861, car le Gesta lui OT ER donne seize ans à l’époque de l’avénement de Louis le Bègue, c’est-à-dire en 877? Est-il possible de dire que son duel judiciaire avec Gontran n’a eu lieu qu’en 899, tandis que le texte le place positivement sous Louis le Bègue (877-879)? Comment reculer l’expédilion d'Auxerre jusqu’en 912, quand les deux textes, bien que divergents, la placent au moins vingt-cinq ans plus tôt? Les diplômes même cités par M. Mabile nous montrent que le retour des reliques a eu lieu à peu près à l’époque où les vieilles chroniques placent cet évènement. Il semble bien difficile enfin de prolonger la vie d’Ingelger jusqu’en 912 ou 913, tandis que des textes authentiques dont nous parlerons tout à l’heure nous montrent son fils en fonctions dès 886 :. Cependant Ingelger n’est pas un personnage imagi- naire. Foulques le Roux, par une charte de l’an 929, fit un don à l’abbaye Saint-Aubin d'Angers, pour le repos de l’âme d’Ingelger, son pére, de Garnier, son beau-père, de Tescinde, sa belle-mère, et d’Ingelger, son fils, qui était déjà mort à cette époque. Roscille, femme du comte Foulques, Guy et Foulques, ses fils vivants, participèrent à cette donation, suivant l’usage du temps *. 1 Il est permis de s'étonner de l’excessive précocité du comte Ingelger. S'il n’avait que seize ans en 877, comment aurait-il pu être le père de Foulques, déjà en âge d’exercer les fonctions de vicomte en 886? La date du Gesta ne concorde pas avec celles des chartes. 2 Ego Fulco Andegavorum comes et abbas quoque Sancti Albini Sanctique Licinii necnon et uxor mea Roscilla et filü mei Widdo ac Fulco nullius cogentis imperium, sed nostra’ple- nissimâ voluntate fatetur nos pro Dei amore et pro remedium meæ animæ vel animæ Ingelgerio genitore meo, atque Ingel- RQ es Le fragment d'histoire d'Anjou attribué à Foulques Réchin mentionne aussi Ingelger. L’authenticité de ce document a été fortement attaquée par M. Mabile qui le considère comme l’œuvre de quelque faussaire du x11e siècle ‘. On peut cependant admettre qu’il exprime exactement les traditions des princes de la maison d'Anjou sur leur propre origine. Or il ne nomme ni Torquat, ni Tertulle, et se borne à dire qu’'Ingelger, père de Foulques le Roux, a été comte d'Anjou et qu’il a reçu ce comté non pas de la race de l’impie Philippe, mais du fils de Charles le Chauve *; il est en cela par- faitement d'accord avec le Gesta, dont la premiére rédaction relate la donation du comté d’Anjou à Ingel- ger, par Louis le Bègue *. L'existence d’Ingelger est donc prouvée, le père de Foulques le Roux portait ce nom; ceci est incontes- table. Reste à savoir s’il a été comte d'Anjou. Il est fort à croire qu’il ne l’a pas été, quoi qu’en disent le Gesta et les autres chroniqueurs. Nous ne possédons gerio filio meo, necnon pro animâ Warnerio socro meo et uxore suâ Tescendäâ, etc. (7° année du roi Raoul. Cartul. S. Albini, f° 38. Charte publiée par M. Mabile. Introd. aux chron. d'Anjou, Pièces just. n° 6.) 1 Introd. aux chron. d'Anjou. 2 Isti autem quatuor consules (Ingelgerius, Fulco Rufus, Fulco Bonus, Godefridus Grisagonella) tenuerunt honorem Andega- vinum et eripuerunt eum de manibus Paganorum et à Christia- nis consulibus defenderunt. Et ille primus Ingelgerius habuit illumn honorem à rege Franciæ, non à genere impü Philippi, sed à prole Caroli Calvi, qui fuit filius Hludovici filii Caroli Magni. (Frag. hist. Andeg. auctore Fulcone Richin. Marchegay, Chron. d'Anjou.) 3 Gesta consulum Andeg., de Ingelgerio. D Open d’Ingelger aucun diplôme dans lequel on le voie exer- cer une autorité quelconque soit en Anjou, soit en Tou- raine; nous en sommes réduits aux énonciations des chroniques rédigées fort longtemps après lui. Sous Louis le Bègue et ses successeurs immédiats, le comte d'Anjou était Eudes, qui régissait non pas le pays d’outre-Maine, encore au pouvoir des comtes bretons, mais le comté proprement dit. Ingelger aurait pu, sous son autorité, exercer un pouvoir secondaire, tel que celui de vicomte, viguier ou grand bénéficier. Mais comme nous n'avons aucun document qui en fasse preuve, nous en sommes réduits à de pures conjec- tures. Il est difficile, sans doute, de rejeter complètement une tradition qui remonte au xl siècle. Mais d’autre part les sources sont trop peu sûres pour permettre de rien affirmer. Le plus prudent est donc de nous en tenir au seul point prouvé par la charte de 929, c’est-à- dire à la filiation de Foulques le Roux et de regarder comme seulement possible qu'Ingelger ait exercé du temps de Louis le Bègue une autorité secondaire en Anjou, maïs sans rien préciser. Peut-être enfin faut-il se tenir en garde contre l'affirmation si nette du comte Foulques Réchin ou du scribe qui a usurpé son nom et parlé, comme il l'aurait fait lui-même, de /a race de l'impie Philippe. Foulques avait un motif de haine trop grave contre lui, pour rester impartial; on comprend qu’il tint à faire remonter aux Carolingiens l’investi- ture première de son comté et ne voulût pas se souve- nir des obligations que la maison d’Anjou pouvait avoir contractées envers les rois Capétiens. ip Avec Foulques le Roux nous arrivons sur un terrain plus solide, et la légende va s’évanouir devant l’histoire. Bourdigné nous dit peu de choses sur ce prince qui, d’après lui, vécut au temps du roi Raoul, dont il était parent à cause de dame Péronnelle de Bourgogne, son aïeule. Raoul, comme roi de France, donna au comte Foulques, son cousin, le comté d'Anjou d'Outre-Mayenne que tenait le comte Robert d'Anjou, qui naguëre avait été tué dans une bataille contre le roi Charles le Simple. Foulques devint ainsi seul et unique comte d'Anjou au détriment de Hugues le Grand, fils de Robert d'Anjou, auquel ledit comté d’Outre-Mayenne aurait dû appartenir à titre de succession. Le roi Charles eut cette donation pour agréable ‘. Bourdigné raconte le mariage de Foulques avec Roscille, fille de Garnier de Tours, et nomme exactement ses trois fils. Il mentionne aussi la donation de Chiriac à l’aobaye Saint-Aubin; puis il ajoute qu'au temps d’icelui floulques mourut le roi Eudes, comte d’Anjon outre- Mayenne, lequel avait été élu roi de France et avait régné pendant neuf ans. Eudes étant mort en 897, il faut remarquer que sur ce point Bourdigné est d’accord avec lui-même (ce qui n'arrive pas toujours), puisqu'il fait mourir Ingelger en 878, Notons toutefois que c’est seulement le roi Raoul qui donne l'investiture du comté à Foulques, fils d’Ingelger. Or, Raoul n’étant devenu roi de France qu’en 923, qui donc a gouverné le comté d'Anjou pendant ce long intervalle de 45 ans? Les idées de Bourdigné en matière de chronologie étaient, comme t Bourdigné, Il partie, ch. xvuur. SOC. D'AG. 7 LOU nous l’avons plus d’une fois remarqué, excessivement confuses et incertaines. Notre auteur suit à peu près fidèlement le récit du Gesta. D’après la chronique latine, Hugues, duc de. Bourgogne, fut le tuteur de Charles, fils de Louis le Bègue, encore en bas âge au moment de la mort de son père, puis il reçut des Francs, qui voulurent ré- compenser sa haute capacité, le gouvernement de la Neustrie. Il donna à Foulques le Roux, son parent, tout le comté d'Anjou qui auparavant était divisé en deux. Il lui donna aussi les abbayes de Saint- Aubin et de Saint-Lézin qui étaient d’abord au roi, et Charles le Simple, fils de Louis le Bègue le fainéant, confirma ces donations ‘. Remarquons une nuance entre Bourdigné et le Gesta ; d'aprés le vieux document latin, Foulques reçoit son comté du duc de France, l’annaliste du xvie siècle le lui fait tenir directement du roi: La suite de la vie de Foulques le Roux offre peu d'intérêt et ne présente pas de difficulté ; la seule question importante est celle de la concession du comté d’Outre-Maine ou pour mieux dire du comté d'Anjou au fils d’Ingelger par le duc Hugues le Bourguignon. Les idées de l’auteur du Gesta sont très confuses en ce qui concerne Hugues le Bourguignon. Il semble ici confondre trois personnages différents du nom de 1 Iste Fulconi Rufo sibi per aviam suam consanguinitate, sicut prædictum est et nobis traditum, conjuncto, integrum comita- tum Andegavensium qui bipartitus erat, donavit. Similiter ei et abbatias S. Albini et S. Liciniü contulit, quæ ambæ anteà regis dominicæ fuerant; quæ omnia Karolus Stultus, filius Lu- dovici Balbi qui nihil fecit, sibi concessit. (Gesta consul. Andeg., de Fulcone Rufo.) 9 Hugues : Hugues l'abbé, qui mourut en 886, Charles le Simple étant encore enfant; Hugues dit le Noir, fils de Richard, duc ou marquis de Bourgogne et frère du roi Raoul, et Hugues dit le Blanc ou le Grand, fils de Robert, duc de France et petit-fils de Robert le Fort, car il attribue à un seul homme le rôle et les titres de ces trois personnages historiques ‘. Mais revenons à l'investiture des deux comtés d'Anjou aux mains de Foulques le Roux. Nous possédons de nombreux documents sur lesquels se montre le nom de Foulques le Roux, non pas tou- jours comme comte, mais pendant de longues années comme vicomte d'Anjou. Il figure sans prendre de titre dans une charte de 886, déjà citée, par laquelle le comte Eudes, abbé de Saint-Martin, rend divers biens aux chanoines *. 11 se qualifie vicomte dans une charte du 29 septembre 898, par laquelle Adrad, frère d’Atton, vicomte de Tours, fait don au chapitre de Saint-Martin d’une villa située en Orléanais *. Quelques années plus tard, en 905, il se qualifie de vicomte de Touraine et d'Anjou dans une donation, faite à l’abbaye de Saint- Martin, de plusieurs domaines situés en Touraine *. * Frodoard, Chron. passim. ? Ego Odo comes et abba hanc auctoritatis cartam à me fac- tam recognovi. S. Ademari, comitis. S. Fulconis (Invasions nor- mandes en Touraine, pièces justif. n° 5). 3... S. Adradi. S. Athonis, fratris sui vicecomitis. S. Gum- berti, avunculi ipsorum. S. Fulconis, vicecomitis. S. Maingundi, nobilis vassali. S. Rainaldi, vicari. S. Ebuli, vicarii. S. Abbonis, legislatoris, etc. (Introd. aux chron. d'Anjou, pièces justificatives n° 2.) *.. S. Archambaldi et uxoris suæ. S. Fulconis Turonorum et Andecavorum vicecomitis. S. Gauzelhni, comitis et hypocomitis — 100 — Mais en 909 on le voit prendre le titre de comte d'Anjou, tandis que Thibault ne prend encore que celui de vicomte de Tours, dans un acte de donation de biens situés dans la viguerie de Montlouis ‘; ce qui ne l'empêche pas de reprendre le titre plus modeste de vicomte, dans une charte du 30 mai 914, par laquelle le chapitre de Saint-Martin fait une concession en pré- caire à un vassal de l’abbaye *. En 9924, il se qualifie encore de vicomte dans une charte de Saint-Aubin d'Angers, dont il élait abbé laïque *. D’après d’autres . documents, il ne se qualifie ni comte, ni vicomte, et prend le titre équivoque de domnus, qui peut conve- nir aussi bien à l’un qu’à l’autre ‘. Mais Foulques prend le titre de comte dans la charte déjà citée, de l’an 929, du cartulaire de Saint-Aubin *. palatii. S. Guarini, vassali dominici. S. Guarnegaudi, vicecomi- tis, vel graphionis, etc. (Idem., n° 3.) 1 S. Fulconis Andecavorum comitis. S. Tetbaldi Turonorum vicecomitis. (Id., n° 2.) : ? S. Erberti, comitis. S. Gauzlini, comitis. S. Hervici. S. Mar- ini, advocati. S. Fulconis, vicecomitis. (Id., n° 5.) 3 S. Fulconis abbatis atque vicecomitis (Cartul. S. Albini. Introd. aux chron. d'Anjou, p. 62.) * S. Sanctæ Crucis domni Hugonis, abbatis.. S. Hugonis co- mitis, fil Rotgeriüi, comitis. S. domni Fulconis. S. Tetbaldi, vicecomitis. (Don par Hugues, abbé de Saint-Martin, au cha- pitre, de son alleu de Châtillon-sur-Loire, en Berry, et de celui de Morigan en Touraine, du 26 mars 931. Introd. aux chron. d'Anjou, pièces justif. n° 7.) — … S. domni Fulconis. S. Fulco- nis, filii ejus. S. Erardi, advocati et legislatoris, etc. (Plaid tenu en août 941, en présence de Foulques le Roux et de Foulques le Bon, son fils, au sujet d'un domaine réclamé par Tesmond, d'Amboise. Idem., n° 8.) — Signum domni Fulconis. (Invasions normandes en Touraine, pièces justif. n° 12.) 5 Ego Fulco Andegavorum comes et abbas quoque Sti Albini Sanctique Licinüi.. S. Fulcoms comitis, ac filii mei. S. Fulconis, — 101 — Il se qualifie de même dans un acte du 26 décembre 943, par lequel Hugues, abbé de Saint-Martin, restitue divers biens à ce monastère ‘. D’après ce même acte, Thibault se qualifie comte de Tours, et on le voit prendre ce même titre en 957 *. Il résulte de ces différents actes, comme l’a si judi- cieusement établi M. Mabile, dans son Introduction aux chroniques d'Anjou, que Foulques le Roux et plus tard Thibault ont commencé par être d’abord vicomtes d'Anjou et de Tours, sous la suprématie des princes de la maison de France, véritables comtes d'Anjou et de Touraine. Puis, par une usurpation lente et progres- sive, les vicomtes ont fini par devenir comtes ou se titrer ainsi, tandis que l’aulorité des ducs de France allait en s’affermissant. Peu importait à ceux-ci d’avoir des vicomtes ou des comtes pour vassaux; ce dernier titre pris par leurs subalternes semblait même accroître leur pouvoir et leur prestige. Ce fait bien établi, il en résulte d’autre part que la prétention des Ingelgériens de tenir directement leur comté d'Anjou du fils de Charles le Chauve, pourrait bien être mal fondée. Ils ont été trop longtemps les subordonnés des ducs de France, véritables comtes vicarii. S. Hervei, episc. S. Letgaudi præpositi.… (Cartul. S. Albini, f 38. Introd. aux chron. d'Anjou, n° 6.) 1 Signum Sanctæ Crucis domni Hugonis, gloriosissimi abba- is... S. Fulconis comitis. S. Tetbaldi, comitis. etc. (Introd. aux chron. d'Anjou, n° 9.) 2. Venit domnus Tetbaldus, comes Turonis, castello scilicet S. Martini... S. Sanctæ Crucis domni Tetbaldi comitis. (Donation par Thibault le Vieux, d'un serf à Saint-Martin. Introd. aux chron. d'Anjou, n° 10.) — 102 — d'Anjou et de Touraine, pour que l’histoire critique puisse admettre cette prétention , contraire aux termes même du Gesta consulum. Cette chronique, d’ailleurs, n’est pas démentie par les chartes quand elle fait donner l’investiture de tout le comté d’Anjou, par le duc Hugues à Foulques le Roux. Mais si ce der- nier n’était encore que vicomte sous Robert et sous Hugues le Blanc, comment Ingelger, son père, aurait-il été déjà comte du temps de Hugues l'abbé, d'Eudes et de Robert? NII. — LES MARCHES DE BRETAGNE. Toutes les erreurs que j’ai dû réfuter ici proviennent d’une fausse idée que se sont faite les historiens sur les Marches de Bretagne et sur le prétendu comté d'Outre-Maine. Je ne puis mieux faire pour résumer ce travail et en bien préciser les conclusions que d’exami- ner ce qu'il faut entendre par la Marche de Bretagne. On s’est figuré que la Marche de Bretagne était une étroite bande de terrain prise sur la partie occidentale du Maine et de l’Anjou; c’est une grosse erreur. La Marche de Bretagne comprenait au contraire l’en- semble des comtés limitrophes de ce pays. Il fallait résister aux attaques continuelles des Brelons, peuple belliqueux, établi dans la Péninsule armoricaine et qui sans cesse attaquait la frontière franque. Il était donc nécessaire de centraliser toutes les forces sous la direc- tion d’un chef suprême qui, avec le nom de duc ou de marquis (marchio, gouverneur de marche, du mot tudesque mark, frontière), exerçait le commandement — 103 — supérieur sur les troupes des comtés voisins. Grégoire de Tours parle quelquefois des ducs qui commandaient les troupes réunies de plusieurs comtés; eux-mêmes étaient choisis généralement parmi les comtes les plus rapprochés. Tel paraît avoir été le rôle du duc Sigulf, qui rétablit le comte Théodulf dans son comté d'Angers, malgré son concurrent Domigisèle ‘. Tel fut certaine- ment celui du duc Beppolen qui, en 587, fit fuir Domi- giséle et qui plus tard périt sur les bords de l’Oust, en combattant les Bretons et les Saxons de Bayeux. Beppolen commandait l’armée franque avec Ebracaire, mais il fut en butte aux intrigues de ce dernier, qui vou- lait s'emparer de son commandement *. Le seul texte que nous possédions sur Roland est celui d’'Eginhard qui le qualifie de préfet de la Marche de Bretagne. Or l’importance de ce personnage, son rôle à Roncevaux, où il commandait l’arrière-garde de Charlemagne, tout tend à montrer qu’il était, comme les ducs Sigulf et Beppolen, un chef de rang supérieur et non le simple gouverneur d’une étroite subdivision d’un comté. Eginhard, dans un autre passage, dit posi- tivement que la Marche de Bretagne comprenait plu- ! Greg. Tur., VIII, 18. 2 Cùm hæc agerentur et Britanni circà urbes Namneticam utique et Redonicam valdè sævirent, Guntchramnus rex exerci- tum contrà eos commoveri jussit; in quorum capite Beppolen- num et Ebracharium duces delegit. Sed Ebracharius suspectus quod si victoria cum Beppoleno patraretur, ipse ducatum ejus adquireret, inimicitias cum evdem connectit ac per viam totam se blasphemiis atque malefaciis lacessunt. (Greg. Tur., Hist. Franc., X, 9.) 8 Rotlandus britannici limitis præfectus. (Vita Caroli.) — 104 — sieurs comtés, car il parle d’une expédition entreprise contre le breton Wiomarch par les comtes de la Marche de Bretagne ‘. Le sénéchal Autulfe, dont nous avons parlé plus baut, était aussi l’un de ces chefs supérieurs qui commandaient les troupes réunies de plusieurs comtés dans une lutte commune contre la Bretagne. Il en est de même de Lambert, dont le rôle est souvent si diffi- cile à comprendre pendant cette époque troublée. D’après M. Mabile, la Marche de Bretagne compre- nait, sous Louis le Pieux, une portion du comté de Nantes, l’Anjou d’outre-Mayenne et une bande de terre prise sur le Maine, du côté où ce pays touche à la Bretagns. Cette Marche étroite aurait été confiée à Lambert pour la défendre contre les Bretons; mais celte disposition toute momentanée n’aurait pas sur- vécu à Lambert, et après lui tout l’Anjou aurait été réuni dans les mêmes mains *. Les textes ne disent pas tout à fait cela, ou du moins, pour bien comprendre l'étendue des territoires commandés par Lambert, il faut distinguer les différentes époques de sa vie. Lors de l’expédition de Louis le Pieux contre la Bretagne, en 818, il joue un rôle important : « c’est à lui qu'est « confiée, dit le poète Ermold le Noir, la garde de ces « frontières qu’autrefois une nation ennemie fendant la 4 Simili modo post æquinoctium autumnale à comitibus Mar- chæ britannicæ in possessionem cujusdam Britonis qui rebellis tunc exliterat, nomine Wiomarchus, expeditione factâ, omnia ferro et igne vastata sunt (Eginh., ann. 822)... Venerunt et ex Britonum primoribus, qui illius limitis custodes adducere volue- runt. (Id , ann. #26.) 2? Introd. aux chron. d'Anjou. — 105 — « mer sur de frêles esquifs, envahit par la ruse ‘. » À cette époque, on serait porté à croire que le territoire gouverné par Lambert devait être le pays nantais ou même vannetais, car le rendez-vous de l’armée franque fut fixé à Vannes. Après sa trahison, c’est lui qui com- bat les marquis de Charles le Chauve, et qui envahit l'Anjou, mais alors il combat pour Nomenoë, et sil gouverne Nantes et le Bas-Poitou, c’est comme vassal du duc de Bretagne. La chronique Nantaise le repré- sente bien après sa brouille avec Nomenoë comme pos- sédant l’Anjou d’outre-Mainef mais c'était alors une : annexe du comté de Nantes, qu’il avait pu conserver en se réfugiant à Craon. Ce n’était pas un territoire dé- taché pour lui du comté d'Anjou par le roi de France. Enfin, après sa réconciliation avec Charles le Chauve, ce prince lui aurait donné à gouverner, non pas une petite bande de terrain, mais toute la région située entre la Seine et la Loire; c’est la vieille Marche de Bretagne singulièrement élargie ; c’est déjà presque le duché de France *. Il n’est donc pas exact de dire, je crois, que les rois de France aient formé pour Lambert une Marche nouvelle composée comme le dit M. Ma- bile. Lambert a gouverné ces divers territoires, à des époques différentes de sa vie, et sous des rois différents; 1 Nobilis inter quos Francorum germine Lantpreth Venit et ipse suâ parte volando citüs. Prævidet hic fines quas olim gens inimica Trans mare luitre volans ceperat insidiis. (Ermold. niger, c. mn) ? Denique Lambertus qui ducatum tenebat inter Ligerim et Sequanam.… (Annal. Mettens., 857. C’est 852, d'après les annales de S. Bertin.) — 106 — mais la Marche de Bretagne a toujours été un vaste ter- ritoire beaucoup plus étendu que l’Anjou d’outre-Maine. À peu près vers la même époque, on voit les popu- lations qui habitaient cette Marche, c’est-à-dire le pays compris entre la Seine et la Loire, se soulever pour combattre les Normands; mais ce soulêvement, qui portait ombrage aux grands, fut facilement réprimé *. C’est encore cette même Marche de Bretagne dont le commandement supérieur fut donné à Robert le Fortau plaid de Compiège en 861 pour combattre les Bretons. Les textes sont clairs; il ne s’agit pas ici d’une étroite bande de terre située au delà de la Maine, mais du gouvernement du territoire compris entre la Seine et la Loire *. Les Normands, déjà maitres de l'embouchure de la Loire, ayant envahi le pays de Nantes, l’Anjou, le Poitou et la Touraine et ravagé toute la contrée, Robert, qui régissait la Marche, et Ramnulf, duc d'Aquitaine, s’avancent contre eux °. Ainsi à Brissarthe, Robert joue un rôle prépondérant; il commande en chef avec le duc d’Aquitaine ; ce sont des situations équivalentes. Après la mort de Robert, Hugues l’abbé gouverne non pas une portion restreinte du territoire angevin, mais les comtés de Tours et d'Angers, le 1 Vulgus promiscuum inter Sequanam et Ligerim inter se conjurans adversüs Danas in Sequanâ consistentes fortiter resistit.… (Annal. S. Bertini, 859.) ? Carolus rex placitum habuiït in Compendio, ibique cum op- timatum consilio Roberto comiti ducatum îinter Ligerim et Sequanam adversüs Britones commendavit. (Annal. Met- tens., 861.) 3 Contrà quos Robertus qui Marcham tenebat et Ramnulfus dux Aquitaniæ, collectà multitudine, aciem dirigunt. (Annal. Mettens., 867.) — 107 — duché d’entre Seine et Loire qu'avait commandé Robert le Fort et il se rend à sa place en Neustrie pour prendre possession du même gouvernement ‘. La jeunesse des fils de Robert le Fort n’avait pas permis à Charles le Chauve de leur confier des fonctions aussi importantes. Les chroniques appellent Hugues l’abbé tantôt comte et tantôt marquis ; il était en effet l’un et l’autre à la fois et, d’ailleurs, on n’attachait pas à ces mots un sens absolument délerminé*. À la mort d’Hugues l'abbé, son gouvernement est donné à Eudes, alors comte de Paris, fils de Robert le Fort; et la chronique de Metz le qualifie de duché*. Il est aussi appelé duc de Neustrie par nos chroniques locales *. Robert, duc de France, Hugues le Blanc, son fils, aussi duc de France, sont d’autre part sou- vent qualifiés simplement comtes par les chroniques *. Ailleurs, leur gouvernement est qualifié duché”. 1 Hugoni clerico, avunculi sui Chonradi filio comitatum Turo- nieum et comitatum Andegavensem cum abbatiâ S. Martini et cum aliis etiam abbatüus donat (Karolus) eumque in Neustriam loco Roberti dirigit. (Annal. S. Bertini, 866.) — Hugo abba in locum Roberti substituitur.. siquidem Odo et Robertus, filii Roberti, adhuc parvuli erant, quando pater extinctus est, et idcirco non est illis ducutus commissus. (Annal. Mettens., 867.) ? Intereà baptisati sunt quidam Nortmanni ab Hugone Mar- chione. (Annal. S. Bertini, 876.) — Suadente Hugone abbate et marchione perrexit ultra Sequanam (rex Ludovicus), etc. (Idem, ann. 878.) $ Ducatus autem quem tenuerat et strenue rexerat Odoni, filio Rotberti, ab Imperatore traditur qui eâ tempestate Pari- siorum comes erat.. (Annal. Mettens., 886.) * Chron. S. Sergii, ann. 922. 5 Chron. Frodoard, ann. 929, 934, 936. 5 Regnumque recuperans (Carolus) Hugoni filio Roberti duca — 108 — M. de Barthélemy a démontré que ce que les histo- riens ont appelé le duché de France, n’était point un fief de la couronne, mais un commandement supérieur dont on investissait un des proceres de la province, généralement le comte le plus important du pays. Le duc de France était aux 1xe et x° siécles un haut digni- taire dont les fonctions participaient de celles du magister militum romain et du maire du palais méro- vingien ‘. En fait, les ducs de France ont possédé, outre cette haute dignité, de nombreux comtés : Paris, Orléans, Blois, Tours, Angers, Le Mans. Le territoire d’entre Seine et Loire se trouvait presque tout entier soumis à leur autorité, à ce double titre. La situation des marquis des Marches de Bretagne est tout à fait analogue à celle des ducs de France. Ce sont aussi des comtes investis d’un commandement supérieur sur leurs collègues voisins. Il est assez diffi- cile du reste de distinguer les.deux fonctions ou dignités, et je serais assez porté à les confondre. La Marche de Bretagne a seulement changé de place et reculé vers l’est. Au temps de Lambert elle devait comprendre les comtés de Rennes et de Nantes, les plus voisins de la frontière bretonne. Ceux-ci étant tombés au pouvoir de Nomenoë avec la partie occidentale de PAn- jou, la Marche a dû s’étendre sur des terriloires situés plus à l’est et devenus limitrophes de la frontière bre- ionne; aussi a-t-on fini par la confondre avec la Neustrie ou France occidentale. La Marche de Bre- tum permisit regendum (Chron. S. Maxentii, ann. 919.) — Chron. S. Florentii, 957). ! De l’origine de la maison de France. Revue des questions historiques, année 1873. — 109 — tagne étant tout entière passée aux mains d’une famille très puissante et dont le pouvoir a toujours tendu à s’accroître, le titre de dux Neustriæ ou dux Francie s'est peu à peu substitué à celui de præfectus limitis Britannicæ. Je crois donc avoir démontré que la fonction des gouverneurs des Marches de Bretagne était tout autre chose que le gouvernement de l’Anjou d’outre-Maine ; les marquis ou préfets des Marches étaient des chefs d'ordre supérieur, dont l’autorité s’étendait sur plusieurs comtés; ils exerçaient l’une des plus importantes fonctions de la monarchie franque ou française au 1xe siècle. Résumons en quelques mots tout ce travail sur les premiers comtes d'Anjou. La première partie des Annales de Bourdigné n’est qu’un tissu de fables em- pruntées à des livres apocryphes et à des romans de chevalerie. Il en est de même de ce qu’il rapporte de Roland, de Milon et de Thierry. Sa chronologie, tou- jours confuse et inexacte, ne mérite aucune confiance. Il faut refaire l’histoire des comtes d'Anjou d’après les sources et ne rien admettre sur la seule autorité de Bourdigné, quand il ne s'appuie pas sur un texte ancien, bien compris. La division de l’Anjou en deux comtés distincts, dont Jun, celui d’Outre-Maine , aurait appartenu à Robert le Fort, tandis que l’autre, celui de decà Maine, était aux mains des ancêtres d’Ingelger, est une pure chi- mére. Il n’a jamais existé de comté d’Outre-Maine. Mais celte portion de notre province a été aux mains des comtes de Bretagne depuis le règne de Nomenoë jusqu’au xe siècle. Pendant cette époque les princes de — 110 — la maison de France possédaient au contraire le comté d'Anjou proprement dit, avec le gouvernement duquel ils cumulaient celui des Marches de Bretagne, c’est-à- dire le commandement supérieur des comtés voisins; bientôt le titre de duc de France devait s’ajouter à tous ceux dont ils jouissaient déjà. Torquat et Tertuile, personnages plus ou moins légendaires, n’ont jamais été comtes d'Anjou; il est même douteux qu’ils aient jamais habité ce pays. On ne sait rien de précis sur Ingelger, sinon qu'il a été le père de Foulques le Roux. Quant à celui-ci, il a été longtemps vicomte d'Anjou et a gouverné notre pays avec ce titre secondaire du temps de Hugues l'abbé, d’Eudes et de Robert; puis il a, comme les autres vicomtes subordonnés à ces princes, pris au xe siècle le titre de comte‘. C’est le premier comte héréditaire d'Anjou de la famille d’Ingelger dont on puisse affirmer quelque chose de certain. À cette maison devait succéder au x1e siècle celle de Château-Landon qui hérita de l’Anjou par les femmes, et devint, sous le nom de Plantagenet, la tige des rois d'Angleterre. On irouvera bien souvent encore, dans la suite des temps, des fables et des légendes mêlées à l’histoire des Ingelgériens et des Plantagenets; mais le comté d'Anjou est fondé et durera plusieurs siècles. 1 Un fait analogue s’est passé pour le comté d'Auvergne qui, après avoir appartenu successivement aux ducs d'Aquitaine et aux comtes de Toulouse, fut cédé en fief, vers 983, par Guil- laume Taillefer, comte de Toulouse, à Gui, vicomte de (Clér- mont; celui-ci fut la souche de la maison des comtes d'Au- vergne. (D. Vaissette, Géogr: hist., tome VI, p. 530.) . — 111 — Je termine par la liste des comtes authentiques d'Anjou et des Marches de Bretagne; elle s’écartera en quelques points de celle de Bodin : Licinius, comte d'Anjou, sous Clotaire [°'; Théodulfe, comte d'Anjou. sous Gontran; Beppolen, duc ou gouverneur des Marches, vers 587 ; ! Rainfroy, comte d'Anjou, sous Charles Martel; Roland, préfet des Marches, mort en 778; Audulf, préfet des Marches, vers 786; Rorgon, comte du Maine et d'Anjou, en 839; Théobald, comte, abbé de Saint-Jean-Baptiste, vers 845 (?); Gérard, comte, abbé de Saint-Serge, sous Charles le Chauve (?); Eudes, comte d'Anjou, en 851; Lambert, comte de Nantes, puis gouverneur des Marches, mort en 852; Robert le Fort, comte et gouverneur des Marches, 861-867 : ; 1 Claude Paradin, dans ses Alliances généalogiques des rois et princes de Gaule (publié en 1561), donne comme suit la série des comtes d'Anjou : Robert le Fort, 870; Robert II, 875; Hue le Grand, 922 ; Geoffroy Grisegonelle fait comte d’Anjou par Hue le Grand, en récompense de ses services, en 926; Foulques Itr, 938; Geoffroy-Martel, 987; Godefroy le Barbu, 1047, etc. Cette généalogie renferme de grosses erreurs; mais il faut remarquer que Claude Paradin ne connaît de comtes d'Anjou jusqu'en 926, que ceux de la maison de France, et ne parle pas du comté d'Outre-Maine. EM Hugues l'abbé, comte et gouverneur des Marches, 867-886 ; Eudes, comte et gouverneur des Marches, 886-888 ; Robert, comte et gouverneur des Marches, 888-921 : Hugues le Blanc, comte et gouverneur des Marches, 993-056 ; Foulques le Roux, fils d’Ingelger, vicomte de Tours et d'Angers, vers 886; comte d'Anjou, vers 929. Comtes de Bretagne ayant possédé l’Anjou d’outre- Maine : Nomenoë envahit l’Anjou en 849, meurt en 851 ; Erispoë, 851-857: | Salomon, 857-874: Pasquiten et Gurvand ; Judicaël et Alain le Grand; — Luttes intestines; invasions normandes ; anar- chie en Bretagne, 874-907; Alain-Barbetorte, 907-952. IL est fort difficile assurément d'établir une chrono- logie exacte au milieu de la divergence ‘des textes et de débrouiller le chaos des événements du 1xe siècle pen- dant les invasions bretonnes et normandes. Les fils qui composent la trame historique de ce temps cassent souvent sous les mains du narrateur et il faut de labo- . rieux efforts pour les rattacher. Trop heureux si je suis parvenu à démêler quelque peu cet écheveau trop confus. ; G. D’EsPINay. LA COLLECTION GIFFARD AU MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE D’ANGERS Notre Musée archéologique, fondé par M. Godard- Faultrier, s'enrichit tous les jours et prend un déve- loppement considérable. De nombreux dons lui sont offeris par les amateurs d’art et d’antiquités. Parmi les généreux donateurs du Musée, il faut mentionner tout spécialement M. Giffard qui a doté cet établissement d’une véritable collection de gravures, de moulages el d'objets d’art: M. Giffard a fait hommage à notre Sociélé du catälogue spécial de sa collection. Je vais avoir l'honneur de vous en rendre compte, Messieurs, et j'espère pouvoir vous faire connaître aussi, dans un avenir prochain, la publication du grand catalogue du Musée Saint-Jean ". | Le catalogue de M. Giffard comprend quatre parties : la sculpture, la peinture, la céramique, la gravure ; les 1 Ce catalogue général fera apprécier l'importance de l'œuvre à laquelle M. Godard a consacré toute une vie de science, de re- cherches et d’études. SOC. D’AG. 8. UE objets donnés au Musée se classent en effet dans cha- cune de ces diverses calégories. La sculpture comprend les statues, les bustes et les bas-reliefs ; elle se divise en quatre périodes : l'anti- quité, le moyen âge, la renaissance, l’époque moderne. Chaque objet est décrit et apprécié dans le catalogue, d’après un des, maîtres de la science esthétique. Ces objets sont nombreux ; ce sont des moulages repro- duisant les chefs-d’œuvre de l’art de diverses époques et surtout de l'antiquité classique : les Vénus de Milo, de Médicis, de Gnide et d'Arles, Polymnie, une des Niobides de Florence, Diane de Gabies, Diane à la Biche, Pallas de Velletri, Apollon Sauroctone, une Joueuse d’osselets, l'Amour grec, la Psyché de Naples, des bas-reliefs assyriens du palais de Korsabad, des bas-reliefs d’Apollon, Diane et Latone, un quadrige d'Herculanum, un Combat d’amazones, un Centaure de la scène du combat des Lapithes, les Panathénées, . d'après un bas-relief de Londres, représentent dans cette intéressante collection l’antiquité classique. La sculpture du moyen âge a pour type une statue de Chartres représentant Notre-Dame. La Renaissance est représentée par un buste de . fille; Michel-Ange, d’après lui-même; la statue colos- sale de Moïse, du même ; un Mercure de Florence; un buste de Diane de Poitiers, d’après Jean Goujon; des bas-reliefs provenant du château d’Anet; d’autres, de la fontaine des Innocents; un buste de Jean Goujon, d’après lui-même ; un groupe des trois Grâces, d’après Germain Pilon, provenant du monument d'Henri II, et des moulages de vases de la même époque. — 115 — La sculpture moderne a fourni aussi quelques-uns de ses chefs-d’œuvre : le Milon de Crotone, de Puget; le buste de Voltaire, d’après la statue de Houdon; celui de Rousseau ; un buste de l’'Hébé, de Canova, la Madeleine, du même: la Sainte-Cécile de David, dont l'original est à la cathédrale d'Angers, un buste de Mn° Récamier ; un de Marie-Antoinette, dont l'original est à Versailles, d’après Houdon, et enfin la Velléda, de Maindron. La collection de sculpture a donc une grande impor- tance ; elle reproduit des types parfaitement choisis de toutes les époques, et pouvant faire apprécier le carac- tère de ce bel art, au moins dans son ensemble, aux diverses périodes de son développement. L’art de la peinture n’a pas été non plus oublié, et des collections de gravures et de photographies pour- ront faire connaître au public les chefs-d'œuvre des artistes ; des gravures représentant les anciens monu- ments d'Égypte, de Memphis, de Thèbes, de Lougsor, nous initient à l’art égyptien ; d’autres à l’art archi- tectural grec et romain (Athènes, Corinthe, Orange, Rome) ; on voit aussi figurer dans celte collection de gravures les anciens châteaux de la France, les anciens monuments de Paris, les statues des jardins de Ver- sailles, des plafonds des palais de Versailles et de Fon- tainebleau, etc. Citons enfin un vieux portrait de Jeanne d'Arc, à l’huile, reproduisant à peu prés celui du Musée d'Orléans ; une photographie de Marguerite : d'Anjou, d’après une épreuve du British Museum. M. Giffard a aussi gralifié le Musée de plusieurs vases * de la Renaissance, d'armes algériennes, de panneaux ‘ — 116 — sculptés. Tous ces objets figurent sur son catalogue spécial. La lecture de ce catalogue est fort intéressante assu- rément; mais ce qui l’est plus encore, c’est d'aller visi- ter la collection elle-même. On ne saurait trop louer le zèle désintéressé d’un amateur qui consacre son temps, ses études et sa fortune à collectionner, non pour lui mais pour le public, les reproductions des chels- d'œuvre de l’art, et cherche ainsi à vulgariser la con- naissance des plus beaux travaux de l'esprit humain. G. D’Éspinay. LÉON BORÉ ET SES DEUX PREMIERS AMIS Il semble que par ce temps d’hiver prolongé et de tristesses de plus d’un genre ‘, la mort redouble ses coups, et frappe de préférence les hommes de la géné- ration à laquelle nous nous flattons d’appartenir. Trois mois à peine se sont écoulés depuis le jour où nous déplorions la perte de M. de Lens, et déjà l’on nous invite à consacrer une notice nécrologique à l’un de ses amis, qui fut aussi le nôtre, à l’un de ses collègues, comme professeur au Lycée d'Angers, et plus tard, comme inspecteur d’Académie. Les obsèques de M. Léon Boré ont attiré, le ven- dredi 23 février, dans l’église de Notre-Dame une af- : fluence sympathique ; les relations de notre compatriote étaient nombreuses à Angers; il appartenait à l’une de 1 Cette notice a été écrite au mois de mars et lue à la séance de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts du 10 avril. — 118 — ces familles qui, depuis longtemps, y remplissent un rôle aussi important qu'honorable. Tous les Angevins, dont les souvenirs remontent aux premières années du siècle, connaissent les exploits du père de notre ami, parti lieutenant dans un batail- lon de volontaires et devenu commandant de grenadiers à l'avant-garde de l’armée d'Italie. On n’a pas oublié non plus sa mort prématurée dans les fonctions de receveur particulier, l'émotion causée par la douleur de sa veuve qui, malgré ses vertus, eut à grand’peine élevé ses quatre enfants, s'ils n’avaient trouvé dans le dévouement de M. Merlet, leur oncle, la tendresse d'un père. Après sa sortie du collège où il remporta le prix d'honneur de philosophie‘, distinction que sesdeuxfrères Jean-Chéri et Eugéne, méritérent également, Léon Boré fut quelque temps indécis sur la carrière qu’il de- vait choisir ; enfin, cédant à l'influence de son directeur spirituel, M. Pasquier, il entra au séminaire de Saint- Serge. La pensée de combler les vœux de sa pieuse mère eut une grande part dans cette décision. M. Pasquier, qui mourut curé de Notre-Dame, était alors aumônier du collège ; il cachait un cœur tendre sous une écorce un peu rude, et il aimait tant les élèves pleins de res- pect à son égard, qu’il leur supposait des qualités, et même une vocation, dont ils ne possédaient que les 1 Pour apprécier l'importance de ce succès, il suffit de citer quelques noms des condisciples de Boré : Charles Louvet (de Saumur), Prosper Guéranger (du Mans), Prosper Gasté (de Laval), Adolphe Lainé (d'Angers)... Le souvenir de cette classe devint légendaire. — 119 — apparences. Boré fut un exemple de ces prédi- lections. En se revêtant de l’habit sacré, notre jeune enthousiaste s’imaginait que ses nouveaux maîtres ne l’entretiendraient que d’éloquence et de poésie; mais quand il se vit obligé de pénétrer pas à pas dans l'étude austère des sciences théologiques et la pratique des obligations sacerdotales, le découragement le prit, et du consentement de ses supérieurs et de sa mère, il échangea l’enseignement traditionnel des vénérables Sulpiciens pour une autre école nouvellement ouverte, plus en harmonie avec l’ardeur de ses aspirations. Séduit par le renom de l'abbé de Lamennais, alors dans toute sa gloire de défenseur de l'Église, il se rendit à La Chesnaie, où le rejoignirent biéntôt ses deux condisciples et compatriotes Éloi Jourdain et Cyprien Robert. Il y passa trois ans, pendant lesquels il amassa un trésor de connaissances et d’idées, sous l'inspiration du célèbre auteur de l’Indifférence en matière de religion, et dans le commerce d’émules tels que Lacordaire, Cazalès, Montalembert, les abbés Gerbet, de Salinis, etc. Son jeune frère Eugène n'avait pas tardé à le suivre à cette grande école d’enthou- siasme et de savoir dont le principal mérite fut de rester fidèle au culte de la vérité, après la défection de celui qui l’avait si passionnément défendue. Un parent de Boré et l’un de ses rares contempo-. rains, nous confie amicalement une lettre datée de la 1 Boré s'était lié avec Jourdain et Robert au collège de Beau- préau, dont il suivit les classes jusqu'à la rhétorique, où il débuta en 1821 au collège d'Angers, en même temps que Louvet, sous les auspices du judicieux M. Gavinet. x — 120 — Chesnaie, 26 décembre 1828, en pleine lune de miel du séjour enchanté. Nous reproduisons en entier cette page, prise sur le vif et fort heureusement conservée. Elle donnera une idée de ce temps où les illusions, mêlées aux réalités, avaient leur excuse dans l’ar- deur que manifestait la jeunesse pour toutes les grandes causes. Si, de nos jours, elle ne peut sans effort se livrer à l'espérance, n'est-ce pas la faute des généra- tions qui l’ont précédée ? Qu’ont-elles fait de cet avenir qui se peignait des plus riantes couleurs? Aujourd’hui l'horizon ne semble-t-il pas voilé, comme si un épais et impénétrable rideau interceptait, à nos yeux, la scène du monde ? Mais remontons, sans autre transition, à des jours plus heureux, en relisant la lettre suivante, écrite il y a ‘cinquante-cinq ans. « La Chesnaïe, 26 décembre 1828. « Pardonnez-moi, mon bien cher Monsieur Godard, si j'emploie aujourd’hui pour vous écrire, le moins de paroles et de papier que possible. Le temps qui court déjà si vite de sa nature, semble encore plus rapide ici qu’en aucun lieu du monde, et, comme bien vous le pensez, lorsqu'on est à telle école, c’est déjà trop . qu’une minute enlevée aux études. Eugëne ni moi ne vous oublions pas, je vous l’assure ; vous êtes, ainsi que le cher Victor, souvent, bien souvent, le sujet de nos entretiens. Lorsque nos regards se tournent vers l’Anjou, nous pensons aux objets chéris que nous y avons lais- sés. Et comment ne pourrions-nous pas couserver de : — 121 — vous les plus tendres souvenirs, excellent Monsieur Go- dard qui, en toutes rencontres, nous avez montré un cœur de véritable ami, j'aurais dû dire de père? « Recevez, je vous prie, comme un faible gage de l’éternelle affection que nous vous avons vouée, le livre que je vous prie d’agréer pour vos étrennes de 1829, C’est la meilleure édition du meilleur livre qui soit sorti de la main des hommes, puisque l'Évangile n’en vient pas, ainsi que l’a dit le délicat académicien Fon- tenelle. À part le texte où M. de Lamennais a employé tout son génie à reproduire l’admirable simplicité de l'ouvrage, vous trouverez à la fin de chaque chapitre, des réflexions si belles, si touchantes, qu’on est tenté de les prendre pour un post-scriptum de l’auteur de VImitation lui-même. « Quel plaisir n’éprouverez-vous pas à lire chaque _ jour quelques pages du plus beau des livres du monde, traduit par le plus beau génie de notre époque! En même temps que votre âme y puisera lumiére et force pour sa sanctification, votre cœur y trouvera un soula- gement à ces peines inconsolables que la plus cruelle des pertes vous a faites aussi bien qu’à nous, bon Mon- sieur Godard. Ge sublime ouvrage a cela de particulier qu'on ne peut l'ouvrir sans rencontrer, et sur-le- champ, une réponse à toutes les incertitudes, un remède à tous les besoins, à toutes les douleurs de l'âme. Je ne vous dirai pas de le lire attentivement, une telle recommandation serait plus qu'inutile; mais, je vous en prie, lorsque vous vous sentirez ému en lisant, et qu’un besoin subit de prier pressera voire cœur, alors mêlez-y mon nom aux paroles, aux demandes — 122 — que vous adresserez à notre commun Père qui est dans les cieux. Convaincu de l'amitié que vous me portez, je comprends toute la part que vous devez prendre au bonheur que j’ai de continuer mes études théologiques, sous la direction du plus saint ‘ comme du plus savant prêtre de France, — et peut-être du monde entier. Oh! si vous saviez quel homme c’est que cet ineffable abbé Félix ?! Mais, pour le connaître entièrement, il faut le voir, il faut l'entendre, il faut puiser à ses tré. sors de science et de vertus. Eugène, qui ne songeait qu’à une visite et qui faisait bien son compte de s’en aller de la Chesnaie pour faire son droit, n’a pas plutôt vu tout ce que valent le cœur et la tête de M. de Lamennais que, sur-le-champ et de lui-même, il s’est décidé à rester auprès de lui, persuadé qu’il est que cet homme incomparable lui vaudra bien et par de là tous les meilleurs professeurs de Paris. « Figurez-vous que ce grand Eugène étudie de front sept langues, sans compter la maternelle : l’hébreu, le grec, le latin, l’allemand, l'italien, l'espagnol et l’an- glais. C’est M. Félix qui possédant tout cela comme le français, lui donne des leçons. Nous sommes ici les plus heureux, comme aussi j'ose le dire, les plus stu- dieux des jeunes gens. En deux mots, la Chesnaie est un lieu de délices, où il semble que l’on n’est séparé du ciel que par un rideau que la main de l’ineffable soulève à chaque instant. « Victor travaille-t-il toujours avec ardeur°? Emploie- 1 Inutile d'ajouter qu'on ne tarda pas à modifier ce jugement. 2 L'abbé de Lamennais s'appelait Félicité, mais par abrévia- tion familière on le nommait M. Félix ou même M. Féli. — 123 — t-il un peu les méthodes d’étude et de conduite que je lui ai communiquées ? Recommandez-lui de ne rien faire sans réflexion et de ne pas perdre une seule beure, parce que cette heure perdue c’est pour tou- jours. Qu'il se nourrisse d’abord, sans crainte d’en- graisser, des meilleurs écrivains de l’antiquité, ensuite des meilleurs auteurs français qu’on fait connaître en rhétorique. Lorsqu'il sera venu à la philosophie, je me charge de lui, si vous le voulez, Monsieur Godard, et j'ose vous répondre qu’il avancera mille fois plus qu’au col- lège, avec ce que j’ai déjà ramassé de connaissances en ce genre, et bien plus, avec tout ce que je vais acquérir ici. Je vous fais passer deux excellents petits ouvrages de M. Félix, l’un pour Victor, l’autre pour Angélina, qu'Eugène et moi embrassons en même temps que vous, excellent Monsieur Godard, de toute la tendresse de notre cœur. « Dites au bien bon M. Verdier qu’il a sa part aussi lui de mes souvenirs, de mes vœux, j'ajouterais de mes prières, si j'élais digne de prononcer ce mot-là. Recommandez-moi bien aux siennes qui sont si excel- lentes. Chaque fois que vous renconirerez M. Pasquier, parlez-lui de mon amour de fils pour lui. Nous vous souhaitons bien heureuse à tous l’année qui va s’ou- vrir. Nous ne recommandons plus de tenir secret notre séjour à la Chesnaie…. » Divers motifs nous ont engagé à reproduire cette lettre. En recueillant nos souvenirs, elle nous a semblé une image fidèle de l’esprit de l’époque. La riche nature de noire ami s’y révêle par l’abondance et la chaleur de l’accent, qui était le caractère de la jeunesse d’alors, — 124 — tout au moins de celle qui aspirait franchement à la vérité. Hélas ! où trouver aujourd’hui des signes de cette ardeur généreuse? Enfin l’enthousiasme du dis- ciple pour son maître n’était pas un sentiment isolé; un grand nombre de catholiques le partageaient et se plaisaient à saluer en M. de Lamennais un nouveau Père de l’Église. Il Nous avons prononcé le nom de Jourdain. Il est impossible, dans une notice sur Boré de ne pas consa- crer quelques lignes au principal compagnon de son ado- lescence, qui fut pour lui presque un frère, et dont il regretla de n’avoir pas toujours suivi les sages et pré- voyants conseils. On ne pouvait connaître Jourdain sans l'aimer ; il unissait à une charmante simplicité, tant d'intelligence, tant d'instruction! Il n’était pas d'homme d’un commerce plus sûr, plus doux et plus attachant que le sien, pas d'homme avec lequel on eût mieux aimé passer ses jours. Juste et indulgent, il voilait les austérités d’un religieux sous l’aménité d’un homme du monde. Enfin c'était un de ces esprits rares qu’on est heureux de rencontrer dans la vie, qui vous relèvent et vous consolent, auxquels on pense pour charmer les dernières années, mais qui nous sont presque toujours enlevés de bonne heure, sans doute pour aider à nous détacher de la terre et pour nous donner l’espérance de les revoir, comme prix de notre fidélité à leur sou- venir. La bienveillance était le caractère distinctif de Jour- — 125 — dain, non ce sentiment banal qui consiste à faire bon visage à tout le monde pour ne pas être attaqué, et qui n’est au fond que de l'indifférence; chez lui la bienveil- lance était sincère et durable, car elle reflétait l’esprit de charité qui ne l’abandonnait jamais. N’aimant à voir que le bon côté des choses sans se dissimuler le mauvais, il préférait, dans le commerce avec le prochain, ne s’a- dresser qu'aux qualités et ne touchait aux défauts qu'avec une douceur qui n’excluait point la fermeté. Il trouvait ainsi le moyen de se concilier les hommes les plus opposés, et même de rapprocher d'anciens amis séparés par des susceptibilités, plus difficiles à vaincre parfois que des obstacles bien autrement sérieux. Lors des dissentiments qui s’élevérent après 1850, entre les catholiques, que n’a-t-il pas fait pour réunir les esprits divisés ? S'il n’a pas toujours réussi, il n’a jamais laissé dans la mémoire des membres de la même famille, si malheureusement brouillés, que des souvenirs d’estime et de reconnaissance. Les deux grands bonheurs de la vieillesse sont de donner et de pardonner, disait naguëre devant nous un des hommes qui mettent le mieux en pratique cette vérité dans notre pays. Jourdain était son digne émule au moins en ce qui regarde le premier bonheur; quant au second, il n’était pas moins bien disposé pour le ressentir; mais l’occasion était rare : s’est-elle même jamais présentée? Pour pardonner il faut avoir reçu une offense; or, qui a pu songer à offenser un fervent chrétien dont le pur et doux visage semblait déta- ché de la galerie de saint Bruno que Lesueur peignit pour les Chartreux de Paris ? AGE C'était en effet un religieux vivant dans le monde pour l’édifier et le convertir bien plus par l'exemple que par la parole. Ses habits, d’une coupe plus que simple, ne semblaient pas faits pour lui. On eût dit qu’il les avait empruntés en sortant d’un cloître. Dans son hospitalier logis de Doué, où il laissait à sa femme le pouvoir absolu sur l’intérieur , il recevait généreusement ses amis, mais quand il était seul, il se restreignait au régime le plus frugal. Dans ses fréquents voyages, il choisissait les places les moins coûteuses, en disant qu’au-dessus c'était Le superffu, et qu’il fallait le distri- buer aux pauvres. La modestie de sa tenue ne l’empé- chait pas d’être recherché par des personnes de la plus haute société, non seulement en France mais à l’étran- ger. La princesse de Witigenstein, dame d'honneur de l’impératrice d'Autriche, l’accueillait comme un frère ei ne trouvait jamais sa présence auprès d’elle assez fré- quente. Pendant un automne, Jourdain eut besoin, pour composer un de ses ouvrages, d’un temps de retraite sur les bords du Rhin; la princesse, retenue à la cour par son service, exigea qu'il vint habiter un de ses chä- teaux, près du célèbre domaine de Johannisberg, et donna des ordres pour qu’il y füt considéré comme s’il ‘en était le seigneur. La liste des relations de Jourdain est trop étendue pour que nous puissions indiquer, même par le nom seul, celles qui sont venues à notre connaissance. Nous dirons simplement qu’il était lié avec la plupart des hommes supérieurs et des femmes éminentes du monde catholique de son temps. Toutefois, il est impossible de ne pas excepter le cardinal fousset, archevêque de par Reims, qui se plaisait à traiter Jourdain sur le pied de l'égalité. L’illustre théologien obligeait son ami à loger en son palais afin de le tenir près de lui et de le garder plus longtemps. Il le consultait sur ses savants ou- vrages et se louait beaucoup de sa féconde collabora- tion. C'était un touchant échange de services entre les deux pieux auteurs, car il n’est pas douteux que, de son côté, Jourdain dûüt à cet heureux commerce cer- taines des qualités, particulièrement la sûreté de doc- trine, qui distinguent sa Théologie à l'usage du monde. On a souvent demandé à Jourdain comment il pou- vait suffire à tant de travaux et surtout à tant d'œuvres de charité. « C’est en ne donnant, dit-il, que le temps strict au sommeil et en se dégageant le plus possible des préoccupations matérielles qui font perdre tant d'heures aux gens du monde. » L’excellent homme avaitun autre secret pour continuer avec succès la mission que, dès sa jeunesse , il s’êtait proposé d'accomplir avec la grâce de Dieu, il maintenait la paix dans son âme. Pour ne point la perdre, il prenait chaque affaire l’une après l’autre, avec le même sang-froid et la même liberté que s’il n’avait rien fait auparavant et qu’il n’eût rien autre chose à faire ensuite. Il était persuadé que dans l'esprit calme et rassis, dans la pleine possession de soi-même , se trouve la sagesse qui fait faire toutes choses comme il le faut. Enfin, à l'exemple de Vincent de Paul, il savait, malgré de grandes occupations, se conserver toujours simple et en belle humeur ainsi que l’attestait l’aimable sérénité de son âme et de son visage. En 1831, Léon Boré partit pour l'Allemagne avec — 1285 — Jourdain, la bourse légère mais le cœur riche de cou- rage et d'espérance. C'était par une souriante matinée d'avril. Paris avait un air de fête. Les voyageurs nous avaient donné rendez-vous dans la cour des Grandes Messageries. Ils y arrivèrent un peu en retard, après avoir assislé à la messe de Notre-Dame-des-Victoires. Je vois encore, en dépit des 52 ans d'intervalle, appa- raître Boré, toujours élégant, en jaquette serrée et casquette à visière imperceptikle ; puis, à quelques pas derrière, son Pylade affublé d’une longue redingote ap- pelée lévite, chapeau à haute forme et cravate en cor- delette, enfin le costume de ces Cloarecs du Morbihan dont Émile Souvestre a tracé l’attachante image dans ses Derniers Bretons. Jourdain tenait sa malle par une anse, cherchant ainsi à soulager un pauvre infirme qu'il avait pris pour commissionnaire, bien plus par charité que par économie. Nous n’eùmes que le temps d’embrasser nos amis, radieux comme s'ils allaient découvrir une nouvelle Amérique. Boré grimpa lestement sur l’impériale ; son compagnon l’imita, mais plus posément. Les postillons enfourchérent leurs montures et, au bruit des adieux et des claquements de fouet, l’immense véhicule s’é- lança vers la route dont la dernière étape française était alors Strasbourg ! . Né en 1806, Boré venait d’alteindre sa vingt-cin- quième année. C’estl’âge dangereux pour lesimaginations ardentes, mais une foi profonde arrêtait les entraîne- ments de sa riche nature. La jeunesse lettrée de cette époque, il faut l'avouer, était plus énergique mais moins croyante que la jeunesse d'aujourd'hui. L’heu- — 129 — reux retour aux traditions chrétiennes ne se manifesta qu’en 1836, à la voix de Lacordaire et à la naissance des conférences de Saint-Vincent-de-Paul. Par un bon- heur insigne, Boré offrait une des rares exceptions à l’indifférence générale, et ce fut grâce à l’accomplisse- ment courageux et fidèle! de ses devoirs religieux qu'il conserva la fleur et la puissance de ses facultés intel- lectuelles. Les deux amis séjournèrent dans chaque siège d'université assez de temps pour y goûter le charme des sentiments poétiques, apprécier les tra- vaux d’érudition et s’éprendre d’enthousiasme devant les découvertes qui signalaient ces foyers d’insiruction supérieure. L'enseignement de la littérature et de l'his- toire brillait alors, chez nos voisins, du plus vif éclat. La période glorieuse, quant aux lettres et aux beaux- arts, florissait encore. Schiller, Klopstock, Muller, Lessing, Herder, Wicland, Kant, Burger, Werner, Hoffmann, Haydn, Weber, Beethoven, n'étaient plus ; mais Gœthe, Schelling, Ludwig Tieck, Ranke, Kreutzer, Auguste Schlegel, Humboldt, Nieburg, Gœrres, Corne- lius, Owerbeck, Mendelssohn, Schubert, leur avaient succédé et entretenaient les ardeurs de la jeunesse stu- dieuse par l’ascendant de leur génie. Nos deux Angevins ne se contentèrent pas d’écouter et d'admirer de loin les maîtres de la science et de l'art; ils voulurent pénétrer dans leur intérieur, afin de connaître la vie intime au moins de quelques-uns. Ils réussirent sans peine à être admis au foyer domes- tique de plusieurs auteurs célèbres qui les considé- rérent bientôt comme des compatriotes. Après avoir vécu en commun pendant assez long- SOC. D’AG. 9 — 130 — temps, les deux amis se’ séparèrent pour se diriger vers le point qui excilail davantage leur sympathie et pour s’y établir d’une manière durable. Boré choisit Munich où l’atlirait, comme nous le verrons plus tard, un sentiment plus tendre, sinon plus passionné, que l'amour des lettres. : Jourdain se rendit à Vienne où, peu après son arrivée, le prince de Metternich lui offrit de brillants avantages s’il consentait à prendre la direction d'un journal français; mais le puissant organisateur de la Sainte-Alliance s’adressait à l’un de ces hommes que ne tentent ni la fortune ni les honneurs. Jourdain, crai- gnant que cette haute position ne l’engageât à prendre un rôle, dans certaines circonstances, hostile à son pays, ne voulut point échanger sa liberté contre des chaînes d’or; il répondit aux instances du premier ministre de l'empereur François par un refus courtois, mais inflexible. Aprés s'être rendu un compte judicieux de l’état intellectuei et moral de la séduisante capitale de l’Autriche, notre philosophe chrétien reprit son bâlon - de voyageur modeste, mais indépendant. Il voulut connaître la Pologne, cette ancienne amie de la France, et s'arrêta à Varsovie où, cédant à la pressante inter- vention de noire consul général, M. de Ségur, je cris, il se chargea de l'éducation d’un jeune gentilhomme de famille illustre, mission délicate dont il s’acquilta avec la perfection qu’il apportait à toutes choses, et qui l’empêcha d’aller rejoindre Boré à Munich comme ils en étaient convenus. C’est pour l’instruclion desonélève que on dE sui- — 131 — vant l'exemple de Bossuet et de Fénelon, écrivit et publia, sous le nom de Charles Sainte-Foy, la plupart de ses ouvrages, originaux ou traduits. Tous se distinguent par la sûreté du savoir, le charme de la pensée et le natu- rel du style. Bien que la mort si regrettable du pieux auteur remonte à plus de vingt ans, plusieurs de ses livres, notamment la Taéologie à l'usage des gens du monde et les Heures sérieuses d'un jeune homme, gardent encore l'estime et la faveur qui les accueil- lirent aux premiers jours de leur publication. « Après une assez longue retraite dans un monastère et de mûres délibérations sur le choix d’un état de vie, ” Jourdain s'était marié en 1843. Son choix même, fait avec celte maturité, est le plus digne éloge de l’aimable personne qui en fut l’objet. L’un et l’autre trouvêrent ce qu’ils méritaient dans cette union pleine de paix, * de sainte joie et d'honneur. Jourdain eut plus qu'il nattendait; vers 1850, une grave maladie layant rendu incapable de travailler de son propre fonds, comme il avait fait jusqu'alors, il trouva dans sa femme un collaborateur aussi intelligent que dévoué pour un autre ordre de travaux. « Il traduisit avec son concours de longs et impor- tants ouvrages publiés en Allemagne. Un de ces ouvrages avait déjà découragé plusieurs traducteurs français : c’était la Mystique, de Gœrres. Mettant à profit sa profonde connaissance de l'allemand, son érudition si pleine et si variée, son riche butin d’études théolo- giques, ses anciennes relations avec l’auteur et enfin son bon sens français, il vint à bout de sa rude et téméraire entreprise, et nous donna une excellente — 132 — version de ce livre puissant. Il a traduit également la Vie de Jésus-Christ, par Sepp, qui a fait tomber en Allemagne le fatras impie de Strauss; les Sermons de Tauler ; l'Histoire de Xèménés, par Héfélé; l'Histoire de Jeanne-Marie de la Croix, par Beda Weber; et enfin, de l’italien, qu'il possédait aussi parfaitement que l'allemand, la Vie de saint Ignace, du père Genelli, et les Sermons du bienheureux Léonard de Port-Maurice. « Satisfait de se rendre utile par cet humble travail de traducteur, a dit excellemment Louis Veuillot !, Jourdain ne regretta nullement la gloire personnelle qu’il aurait pu acquérir en donnant des livres origi- naux; il regrettait encore moins l’état habituel de souffrance qui réduisait son esprit toujours aussi actif, à cette quasi-stérilité. Il était trop chrétien pour ne pas connaître le prix de l'épreuve, trop vraiment humble pour se dire qu’il aurait pu faire mieux ou autre chose. « L’humilité est une vertu qui ne va jamais seule, elle est à la fois la racine et le parfum des autres vertus. Jourdain offrait le modèle du chrétien dans le monde. Il était bienveillant, conciliant, affectueux, homme de bon conseil et de bon secours en toutes choses, en toutes occasions, à toutes gens. Devenu riche pour la modestie de ses goûts, il avait à peine changé quelque chose à l’austérité de son costume et de sa vie. Il n’était large que dans l'hospitalité, pro- digue que dans l’aumône, qu’il faisait de la manière la plus chrétienne, et par conséquent la plus noble et la 1 Notice sur Charles Suinte-Foi, sa vie et ses écrits. (Extrait de la Revue du Monde catholique, du 25 décembre 1861.) — 133 — plus intelligente. Il payait la dot de toutes les jeunes filles de sa paroisse qui voulaient entrer en religion ; et un jour cet homme, qui allait si modestement vêtu et qui se refusait toutes les fantaisies que lui conseillait son goût délicat et que lui permettait son aisance, donna en un seul coup vingt-cinq mulle francs pour l'établissement d’un monastère. Sa bourse, conime son temps, comme son CŒUT, appartenait à tous ses amis. « C’est dans cette pratique de toutes les vertus chré- tiennes et dans une piété toujours grandissante et plus tendre, qu’il fut atteint subitement, mais non pas sur- pris par la mort. Il savait qu’il était menacé d’une fin soudaine. Un médecin chrétien qu’il avait consulté le lui avait dit, et il se tenait prêt. Il avait souhaité de mourir ainsi. Îl craignait les longues souffrances de la maladie pour les autres et pour lui-même. Son cœur s’affligeait des angoisses de ceux qui devraient le soi- gner ; sa piété craignait de manquer de patience et d’offenser Dieu. Il le disait à son plus intime ami. — J'aime mieux, ajoutait-il, faire mon purgatoire de l’autre côté. Dans le purgatoire on expie, mais on ne pèche plus et l’on espère. — Il répétait cette pensée de Bossuet : «que la mort est douce, puisqu'elle enlève l'effroyable puissance de pécher.» Ses vœux furent exaucés. « Il n'avait que cinquante-cinq ans. Il pouvait faire longtemps encore le bonheur de ceux qui l’entouraient, donner de hons livres, consoler, éclairer beaucoup d’âmes. Mais nous ignorons ce que Dieu accorde à la prière des justes, et il faut adorer ses desseins. » Dans une notice sur Jourdain, si brève qu’elle soit, on ne doit pas omettre le souvenir de la noble femme, -— 134 — si heureuse et si fière de l’homme au bonheur duquel elle s’était consacrée. Beaucoup plus jeune que son mari, Mne Jourdain‘, devenue veuve, ne voulut pas rester dans le monde. On sait qu’en achevant le chemin de croix à la chapelle des Carmes de Paris, le 20 novembre 1861, il fut frappé d’un coup soudain. Après lui avoir rendu les derniers devoirs, Mme Jourdain distribua sa for- tune, en grande partie aux pauvres, et se retira dans un couvent. Elle choisit, sans doute par reconnaissance pour le cardinal Gousset, la Visitation de Reims dont elle est aujourd’hui supérieure. Où est la puissance capable, à défaut de la religion, de donner le courage de vivre après une si grande perte ? III Cyprien Robert, invité par ses deux amis à venir par- tager les jouissances et les progrès de leurs études, à des foyers de science presque ignorés de la jeunesse française, visita avec eux plusieurs universités. Doué de facultés plus originales peut-être, mais d’un caractère moins sociable que ses compagnons, il les quitta, au bout de quelques mois, dans le dessein de parcourir à pied, comme un pêlerin, avec cent écus pour unique ressource, tous les pays où se sont fixées les migrations de Slaves. Ce vaste plan qui n’embrassait pas moins que la Pologne, les provinces danubiennes, la Russie méridionale et presque toute la Turquie d'Europe, fut 1 Elle était nièce du vénérable abbé Joubert, vicaire général, qui longtemps curé de Beaufort, où il laissa les meilleurs sou- venirs, avait connu Jourdain presque enfant, et avait suivi son édifiante carrière avec un paternel intérêt. — 135 — exécuté à la gloire de l’auteur, mais au prix de quelles fatigues et de quels dangers? Entre tous les épisodes qu’il racontait avec un vrai charme quand ses auditeurs lui plaisaient, nous citerons un seul trait de notre Angevin, pour que l’on puisse juger du reste. Par un beau soir d'été, comme Quentin Durward aux bords du Cher, mais un peu plus loin de l’Anjou, il arrive sur la berge escarpée d’un affluent du Dniester, grossi par l'orage. En cherchant un gué, faute de pont, il atteint un poste de Cosaques : après en avoir salué le com- mandant il s’enquiert des moyens de continuer sa route. L’officier, ravi de voir un Français parler sa langue nationale, commande à l'un de ses soldats d'amener son cheval, invite Robert à se mettre en selle et l’engage à le suivre en lui recommandant de se fier à l’instinct de son porteur. On traverse le torrent à la nage, et quand on est parvenu sur l'autre rive, le brave Cosaque en félicitant notre com- patriote de son courage, le prie d'accepter la monture qui l’a si bien tiré d’embarras, comme souvenir de leur heureuse rencontre. Le nouveau compagnon de notre ami était petit de taille, d'humeur assez revêche mais d’une vigueur infa- tigable. Ce fut grâce à ses jarrets d’acier que Robert put continuer et achever son voyage dans des contrées aussi peu accessibles par les difficullés de terrain que par le caractère ombrageux des habitants. Toutefois ces popu- lations, sous une apparence menaçante, conservent les vertus hospitalières. En voyant un étranger pauvre- ment vêtu, mais de physionomie loyale et distinguée, les aborder avec confiance, et s’exprimer dans leurs divers — 136 — dialectes, les indigènes finissaient presque toujours par lui faire un accueil fraternel. La sympathie même s’ou- vrait de tout cœur à la nouvelle que le voyageur arrivait de la France dont les exploits se confondaient alors avec les légendes des Croisades et de l'expédition d'Égypte, de cette France dont le nom magique venait d’être répété par les échos de la bataille de Navarin et de la conquête d'Alger. Pour trouver des voyageurs de la trempe de Robert, il faut remonter à nos anciens compatriotes La Boullaye Legouz et François Bernier qui, poussés par la pas- sion de savoir et le goût des aventures, s’élancérent, seuls, vers des pays lointains et presqu’inconnus, sans autre soutien qu’une force morale à toute épreuve. Nul explorateur contemporain n’a mieux connu que notre Angevin les populations de l’Europe orientale, car il a pu én observer les mœurs sous tous les aspects et dans toutes les classes. Ses vaillantes pérégrinations eurent pour complément les régions presque inabordables appelées aujourd’hui Roumélie, et qui portaient jadis les noms célèbres de Macédoine, Epire, Thrace et Thessalie. C’est de leurs montagnes que descendirent sur les plaines de la Grêce, lors de la guerre de l’indé- pendance, les Klephtes et les Pallicares, ces audacieux aventuriers dont les traits produisent tant d'effet sous le pinceau d’Eugène Delacroix ou la plume de Victor Hugo. ; Cyprien Robert, cet intrépide pionnier de la science, ce savant philologue, enfant du faubourg Saint-Michel, n’est pas connu en Anjou comme il mérite de l’être. Malheu- reusement, au lieu d'écrire ses voyages dans leur simpli- Der ET RAR cité pittoresque, comme il les racontait en comité intime, il crut rendre plus de services en visant les hauteurs de l'esthétique et de la politique dans ses deux principaux ouvrages, la Philosophie de l’art et le Monde gréco- slave. Cette ambition de se tenir dans les régions supé- rieures l’empêcha, lorsqu'il fut appelé au collège de France comme successeur d'Adam Mickievicz ‘, d’obte- nir pour son cours de littérature slave, un succès popu- laire. Il l’eut remporté sans grande peine, s’il avait osé, devant cet imposant auditoire, entremêler ses doctes leçons des récits de son courageux et poétique itiné- raire. Toutefois, il faut reconnaître à la décharge de Ro- bert, qu’en sacrifiant d’agréables causeries aux graves considérations de l’histoire, il obéissait à un sentiment patriotique. Préoccupé, ainsi que d’éminents hommes d'État, de symptômes bien antérieurs à la guerre de Crimée, il croyait que la puissance de la Russie était le grand danger qui menaçait les nations de l'Occident. Il voulait prévenir son pays de l’approche de l'invasion. Ses voyages, sa connaissance parfaite de la propagande du slavisme, l’avaient confirmé dans l’idée que l’ambi- tion des Tsars, favorisée par le schisme grec, se croyait à la veille de réaliser le rêve de Pierre le Grand, en rejetant l’islamisme sur la rive asiatique du Bosphore. Les événements sont venus, en partie du moins, don- ner un démenti à cette opinion, si motivée qu’elle fût : * Sous l'empire Mickievicz perdit sa chaire pour en avoir fait une tribune politique. Robert, qui était aussi dénué de fortune que son prédécesseur, lui offrit la moitié de son trailement avec tant de bonne grâce qu'il réussit a vaincre les scrupules du grand poète polonais. — 138 — on se trompait d'objectif. La prise de Sébastopol prouva que la puissance moscovite n’était pas prête à remplir le rôle prépondérant que l’Angleterre a perdu en Europe par son égoïsme et les nations latines par leurs funestes révolutions. C'était l'Allemagne qui, dès celte époque, aspirait à la domination universelle; mais étant pas encore suffisamment armée, elle était trop habile pour laisser deviner ses projets. Quand on la croyait absorbée par les immenses travaux de ses juris- consultes, les innovations de ses historiens et les sys- tèmes de ses philosophes, les hommes d’un génie fatal qui président à ses destinées, se préparaient en silence à pouvoir répondre, comme les anciens Germains, aux protestations inaignées des vaincus : la force prime le droit. On voudra bien nous pardonner l’étendue de ces souvenirs, un peu en dehors de notre sujet principal. Dans une notice sur Léon Boré, comment passer sous silence les deux compagnons de sa jeunesse et de ses premiers voyages ? Ils étaient de nature fort différente, mais chez eux, la noblesse du caractère, la distinction de l'intelligence, s’accordaient, comme chez leur ami Boré, avec les lumières du sentiment religieux. Nous n’a- vons pu résister à celte occasion de rendre un hommage, - si insuffisant qu’il soit, à leur chère mémoire, et sans nous éloigner d’eux nous revenons naturellement à l’ins- pirateur de leur séjour à la Chesnaie et de leur voyage en Allemagne, au dernier survivant de ce groupe d’es- prits studieux, attachants et originaux. Boré eut beaucoup d’amis, et, s’il faut tout dire, on doit avouer que dans son entraînement vers les nou- — 139 — veaux visages, il n’en ait, au moins d'apparence, négligé quelques-uns. On ne peut lui adresser ce reproche à l'égard de Jourdain et de Robert. Il leur fut fidèle jusqu’au moment où Dieu les appela, bien avant lui, et il n’en parlait jamais qu'avec une vive émotion. IV Avant de se fixer à Munich, Boré resta près d’une année à Berlin, où, sans négliger les cours de l’Univer- sité, la première de l'Allemagne, il sut se concilier la bienveillance des principaux personnages du temps, entre autres de MM. Ancillon et de Savigny, tous deux hommes d’État, également d’origine française. En l’ad- mettant dans leur intimité, ils ne lui cachèrent pas les inquiétudes que leur causaient les conséquences de la révolution de juillet. Tout en étant fidèles à leur sou- verain, le roi Guillaume, dont ils furent l’un et l’autre ministres, ils portaient un grand intérêt au paysde leurs ancêtres, et ne doutaient pas qu’à une époque pro- chaine, l'abandon par la France de la monarchie héré- ditaire,: n’attirât sur elle des calamités assez graves pour la faire descendre de la position Fist qu’elle occupait depuis des siècles. C’est aussi à Berlin que Boré fit la précieuse connais- sance de Clément de Brentano, frère de la célèbre Bei- tina d’Arnim, l’amie de Gœthe. Brentano, avec ses deux amis, Novalis et L. d’Arnim, était considéré comme l’un des chefs de l’école romantique en Allemagne. Né protestant, il se convertit au catholicisme, et mourut — 140 — en 1844 dans une abbaye de Munster, où il passa ses dernières années. Brentano eut l’honneur d’être choisi par la pieuse Anne Emmerich pour être le loyal interprète de ses visions, publiées sous le titre de la‘ Douloureuse Pas- sion de N.-S. Jésus-Christ. Une excessive modestie em- pêcha l'écrivain auquel on doit cet admirable livre de révéler son nom; il ne fut connu qu'après sa mort. Le traducteur français, l'abbé de Cazalés, imita cet exemple, et plusieurs éditions avaient paru quand on apprit l’as- sociation de deux noms si dignes l’un de l’autre. L’attrait qui causait les prédilections de Boré pour Munich venait de la réunion dans cette ville des trois célébres professeurs de philosophie catholique, Baader, Gœrres et Doœllinger ‘. Il réussit sans peine, comme ailleurs, à s’introduire au foyer domestique de ces maîtres de la science qui le considéraient comme un membre de leur famille. Pour jouir de cette bien- veillance accordée difficilement èn Allemagne aux étran- gers, surtout aux Français, dès cette époque, notre Angevin possédait un ensemble de qualités bien rare, même chez les voyageurs instruits. La distinction et l’agrément de sa personne, sa politesse, la beauté de ses traits, l'élégance de sa parole, son talent de cau- seur, son esprit ouvert et prompt à s’émouvoir pour toutes les grandes causes, la pureté de ses mœurs, tous ces avantages le rendaient si attrayant dans la société des hommes et des femmes d’élite, qu’il s’y conciliait 1 Est-il utile d'observer que nous parlons de Deællinger d'avant 1870, et non de celui que l’orgueil a conduit à l’apos- tasie ? — 141 — tout d’abord autant de sympathie que d’estime, et ne quittait aucun de ses hôtes sans lui laisser le souvenir d’un véritable ami. Un autre charme non moins puissant que l’étude de la philosophie lui rendit bien cher le séjour de la capi- tale de la Bavière. Notre gouvernement y avait alors pour plénipotentiaire le baron Charles de Bourgoing. C'était un de ces diplomates de la grande école, qui, servant de modèles aux cours étrangères, justifiaient la supériorité reconnue des représentants de la France. M. de Bourgoing unissait à la grâce d’un gentilhomme accompli, le caractère le plus aimable et le sentiment élevé de la haute mission qu’il avait à remplir. Tels nous sont dépeints M. de Narbonne, dans les Souve- nirs de M. Villemain et M. de la Ferronnays, dans le Récit d'une Sœur de Mme Craven. Ce fut, je crois, dans le salon de M. de Bourgoing que Boré vit, pour la première fois, l'aimable femme qui devait devenir la compagne bienveillante et dévouée de son existence féconde, comme tant d’autres, en vicissi- tudes souriantes ou afiligées.. | Mie Caroline de Moy-Sons était fille d’un conseiller d'État dont le père avait émigré de France aux pre- miers jours de la Révolution. Son frère était, bien que fort jeune, professeur d’histoire du droit à l’Université de Munich. M! de Moy tenant ainsi de la nature des deux nations, avait le charme de l’une et de l’autre. Elle était douée d’un esprit fort cultivé, d’une imagina- tion candide et d’une profonde piété. Selon le penchant de ses compatriotes, sa pensée aimait à planer dans les régions d’un idéal un peu vague, mais au premier LE (Anges appel, on la faisait promptement descendre sur terre où elle plaisait à tous par les ressources d’une bonté inépuisable et d’un agrément qu’elle savait donner à chaque chose. Je suis heureux d’avoir pu joindre quelques traits de son image à l'essai du portrait de son mari. Ce sera pour ses petits-enfants, qui ne l’ont point connue, une esquisse fidèle, au moins d’in- tention, ajoutée par une main amie à leur galerie de famille. En exhalant son dernier soupir, Mme Boré emportait l’espérance d’une union bien désirable pour le bonheur de son fils. Ses prières ne devaient être exaucées qu’au ciel. - Retenu pendant près de quatre années par les séduc- tions de cette terre classique des travaux intellectuels où les rêves de l'imagination se mêlent au goût des démonsirations positives, Boré eut l’heureuse fortune . d’assister à la dernière phase de la gloire littéraire des pays d’outre-Rhin. Bien qu’une transformation pro- fonde s’y produisit, elle ne paraissait guère à la surface ; la Prusse, occupée courageusement à cicatriser les . plaies de la bataille d’Iéna, n’y dominait point encore : elle ne semblait préoccupée que de l'ambition des cou- ronnes académiques, et se gardait bien de révéler ses projets de conquête. | Témoin éclairé des efforis de la puissance germa- nique, à la veille de devenir prépondérante en Europe, nul mieux que Boré n’était en position d’écrire le com- plément de l'Allemagne de Mme de Staël. Le second volume n’eut pas lutté d’éloquence avec le premier, mais il eut, à coup sûr, été plus impartial. Notre ami y — 143 — a souvent songé; maintes fois il a été engagé à entre-: prendre ce travail par les juges les plus autorisés. Mal- heureusement, soit modestie, soit manque d’esprit de suite, il a laissé sur ce grand projel des notes nom- breuses, mais sans ordre suffisant. Puissent-elles trou- ver un metteur en œuvre digne de l’auteur et du sujet qu’il possédait si bien! . Revenu en France avec une ample moisson de con- naissances, très recherchées de tout temps, mais deve- nues plus rares de nos jours, si hostiles à la science pure et à la saine critique, Boré fut appelé à la chaire d’his- toire de Juilly par les directeurs de ce célèbre établis- sement, MM. de Salinis et de Scorbiac, ses anciens émules de la Chesnaie. Il profita de son séjour dans le collège illustré par le souvenir du cardinal de Bérulle et de Malebranche pour contracter de précieuses liaisons avec plusieurs des familles éminentes qui confaient leurs enfants à l'antique institution. Il nous a sou- vent parlé du bonheur qu’il éprouvait à introduire de dignes visiteurs dans les allées de beaux arbres où le orand Condé aimait à s’entretenir avec les savants pères de l’Oratoire, allées fameuses qui, jadis, ont vu passer sous leur voûte verdoyante Massillon, Villars et Mon- tesquieu. Un de leurs descendants, Berryer, se faisait honneur d’assister aux distributions de prix du collège témoin, disait-il, des plus heureuses années de sa vie. Dans ces occasions mémorables, Boré ne manquait jamais de se joindre, sous les ombrages séculaires, au groupe de professeurs émérites que le grand orateur traitait avec l’affectueux respect que montrait à ses vieux maîtres le vainqueur de Rocroi. — 144 — V Néanmoins, si importants que fussent les agréments et les avantages qu’il trouvait à Juilly, notre ami, tou- jours d'humeur un peu voyageuse, ressentit le besoin irrésistible de retourner dans sa ville natale et de faire connaître à ses parents sa jeune et charmante famille. Il s’ouvrit de son désir à M. Eugène Janvier, tout puis- sant près de M. Guizot, alors premier ministre, et notre éloquent compatriote, dont l’obligeance était inépui- sable, lui fit donner, à notre collège , la chaire d’his- toire que, plus tard, M. Adolphe Perraud échangea contre la chaire sacrée. Boré fut chargé de ce cours à deux reprises. Durant la première période, on lui proposa une mission en Allemagne pour y étudier l’or- ganisation des établissements d'instruction supérieure; il accepta cette offre avec un empressement d’autant plus vif que, venañt de perdre deux de ses enfants, il avait hâte de quitter la petite maison de la rue de la Madeleine, témoin d'épreuves douloureuses. Ce désir était bien naturel, seulement comme il n’avait pas l’ha- bitude de faire les choses à demi, et que la prévoyance ne comptait pas toujours parmi ses qualités, il donna sa démission de professeur au lieu de demander sim- plement un congé. Le bonheur de retrouver en Allemagne les personnes et les liens qui lui étaient chers, l’accueil cordial dont il fut l’objet, prolongèrent les termes du voyage; ce- pendant on dut se résigner au retour, et quand notre ami eut rendu un compte satisfaisant de sa mission, il se trouva de nouveau sans position fixe. Aprés une : pénible attente, ayant appris que la chaire d’histoire — 145 — était de nouveau vacante à Angers, il la demanda, ou plutôt des médiateurs la sollicitèrent pour lui. On com- prend que le succès fut plus difficile à obtenir que la première fois. Il fallut toute la bienveillance de M. Gui- zot pour réintégrer dans le personnel actif de l’Uni- versité un fonctionnaire qui, par le fait de sa démission, ne pouvait être employé sans une faveur très rarement accordée. Enfin, l'estime dont Boré jouissait près du ministre et la renommée de son frère, firent fléchir les règlements à son égard, et on lui donna l'héritage de M. Abel Desjardins, promu à la faculté de Dijon, et aujourd’hui doyen très considéré de la faculté des lettres de Douai. Notre ami eut pour successeur, en 1851, M. Adolphe Perraud, devenu l’éloquent évêque d’Autun, Châlon et Mâcon. Quelques années auparavant, M. de Lens avait succédé à M. Etienne Vacherot dans la chaire de phi- losophie où M. Caro vint à son tour apporter l’éclat de son grand talent. N'est-ce pas une véritable fortune pour le lycée d’avoir été honoré, à peu d'intervalle, par la présence de trois de nos principaux défenseurs des idées spirilualistes ? Après sa rentrée, Léon Boré occupa la chaire d’his- toire de 1847 à 1850, années fécondes pendant les- quelles ses auditeurs profilèrent avec charme de son enseignement, varié par d’attachants souvenirs de voyages et de personnages célèbres. « Ceux qui, comme «nous, furent alors ses élèves, a dit un appréciateur « des plus compétents ‘, et qui l'ont connu dans ces 1 M. Ernest Faligan. SOC. D’AG. 10 — 146 — « fonctions inférieures à son talent et qu’il remplissait « avec un zèle admirable, ont certainement consérvé la « mémoire de ces leçons si savantes et si vivantes où le « maître mettait son âme tout entière, et que le senti- « ment chrétien animait d’un souffle si puissant et si « élevé. » Notre historien ne se contente pas de ses devoirs pro- fessionnels. Dans ses courts loisirs il prend une part active aux œuvres de charité. Comme les natures géné- reuses chez lesquelles l'imagination domine, il pousse lobligeance à l’extrême, et ne cesse pas ses démarches avant d’avoir alteint le but de ses désirs. Il arriva plus d’une fois que ses protégés tirèrent un heureux parti de son ardeur à les mettre dans la bonne route, et même il advint qu’ils dépassérent leur protecteur, à certains égards. En voici un exemple : En suivant, un jour de juillet 1848, la rue Saini- Aubin, il aperçoit dans un bureau de tabac, un jeune homme en petite casquette et jaquette à brande- bourgs d'étudiant allemand qui proposait au marchand des pipes d’écume de mer. A celte vue tous les souve- nirs de Leipsick et d'Heidelberg montent à la tête de notre ancien voyageur, il entre dans la boutique et interroge en pur tudesque le jeune étranger. Celui-ci répond qu'il s’est échappé de Prague après la victoire du prince de Windisgratz sur les insurgés de Bohême; il se nomme Michel Oppert, et n’a d’autres ressources pour vivre que la vente des pipes confiées, sur sa bonne mine, par un de ses compatriotes, lors de son passage à Strasbourg. Boré reconnaît dans l’émigré un jeune homme ins- — 147— truit et bien élevé; il l’emmêne chez lui, l’héberge pendant plusieurs jours, lui trouve des élèves dans sa famille, chez ses amis et le fait enfin admettre comme professeur d’allemand au collège d'Angers. De là, Michel Oppert parvint à Paris par une évolution sa- vante, et s’élevant d’échelon en échelon, il est devenu M. de Blowitz, correspondant du Times, avec cent mille francs de traitement, hôtel, équipage, accés libre près de tous les ministres, et même au palais de l'Élysée. Après une période de constance plus longue qu’à l'ordinaire Boré éprouva le besoin de s'ouvrir une nou- velle voie. D’ailieurs la révolution de 48 avait éclaté sur les entrefaites, et les hommes de dévouement, comme notre ami, sentaient qu’il y avait dans l’enseignement, pour déployer ses facultés, des champs plus vastes que la chaire d'histoire d’un collège de deuxième classe. M. de Falloux était alors à la tête de l’Université le digne successeur de MM. Guizot et Viliemain. Boré fit part de son désir à un intermédiaire; celui-ci transmit la requête au ministre, et M. de Falloux s’empressa de satisfaire un compatriote très méritant, du reste, mais dont il n’avait pas eu toujours à se louer, en le nommant inspecteur d'académie à Lyon, c’est-à-dire au second poste de cet emploi dans le monde universitaire. Les hautes fonctions de notre Angevin ainsi que ses titres personnels le mirent prompiement en rapport avec la société d’élite de la ville des Ampère et de Ca- mille Jordan. C'était surtout dans le salon d’une femme dont l'esprit et la grâce ne le cédaient qu’à la bonté, que se réunissaient les sommités sociales el intellec- tuelles de la grande cité, Mme Yemeniz, Française d’ori- — 148 — gine, avait épousé le consul de Grèce à Lyon; elle y séjourna longtemps et avait su s’y concilier les sympa- thies universelles. Tous les hommes remarquables, sans distinction de partis ou de carrières, tenaient à hon- neur d’être admis au consulat. Mgr de Bonald, MM. Sau- zet, Ozanam. de Laprade, Dareste, Récamier, Flandrin, Orsel, Saint-Jean le célèbre peintre de fleurs, s’y ren- contraient avec les dignitaires de la magistrature et de l’armée". Le maréchal de Castellane, si connu par sa vaillance et ses étrangetés, en était un des hôtes les plus assidus. Pour démontrer à quel point d'intimité notre inspecteur était accueilli dans ce cercle si re- cherché, nous prenons la liberté de reproduire une anecdote qu’il nous racontait dans ses derniers jours et qui est probablement inédite. € À un grand diner du consulat grec, nous dit Boré, « le Maréchal se permit une inconvenance à l’égard « d’une jeune femme dont il était voisin. Celle-ci s’en € plaignit à Mme Yemeniz. La punition du coupable ne « devait pas se faire atlendre. — C’est demain mon « jour de réception, m’écrivit M*° Yemeniz; veuillez « venir chez moi à deux heures. — Je fus exact, et je «trouvai mon aimable correspondante seule avec la « dame offensée. Peu après on entendit un cliquetis « d'armes. — C’est le Maréchal, nous dit-elle, ne bougez « pas. — Le Maréchal s’avance et, en fier chevalier qu’il « était, s'incline profondément. Mm° Yemeniz assise et « tournée de côté, n’a pas l'air de l’apercevoir, et con- . «tinue la conversation avec nous. Le noble visiteur reste : MM. Devi enne et Gilardin, qui se succédèrent à la première présidenee de la‘Cour d'appel, y manquaient rarement, — 149 — « debout et silencieux quelques secondes; mais, voyant « que l’on persiste à ne pas faire attention à sa présence, «il s'incline de nouveau, moins profondément que la « première fois, puis il se retire. » « Quand nous n’entendimes plus le retentissement de « ses bottes éperonnées, j’osai dire à Mm° Yemeniz : — «Il ne reviendra plus. N’avez-vous pas élé un peu « sévère? — Vous vous trompez, reprit la charmante « femme, je connais le Maréchal; c’est un écervelé, « mais, dans les grandes circonstances, il n’oubliera « jamais envers notre sexe les tradilions d’un gentil- « homme français. « Une demi-heure ne s’était pas écoulée qu’un aide- « de-camp fût annoncé. Il apportsitune lettre du Maré- « chal qui implorait son pardon dans des termes dignes « du descendant de l’une des plus nobles familles de la « Provence, à laquelle appartenaient le marquis d’En- « trecastaux, le célèbre navigateur, et le comte de Gri- « gnan, l’heureux gendre de Mme de Sévigné. » Les délicates fonctions d’inspecteur d’Académie sont exposées à tant de difficultés, surtout dans une grande ville comme Lyon, qu’il n’est pas rare de voir ceux qui en sont revêtus, même quand ils sont doués d’un esprit souple et prudent, surmonter avec peine des épreuves inattendues. Froissé par un de ces contretemps, Boré, renonçant à tous les agréments dus à son initiative autant qu’à sa haute position, se crut obligé de deman- der un changement de résidence. Il fut nommé à Mar- seille, ce qui était du reste un avancement sous le rap- port de l'importance du poste; à Lyon, il se trouvait près de son recteur, tandis què dans sa nouvelle cir- conscription, le recteur ayant son siège à Aix, l’inspec- — 150 — LE] teur, délégué à Marseille, était considéré comme chef de corps. Boré eut le plaisir de faire les honneurs de la capi- tale de la Provence à son aimable et savant condisciple, Auguste Morren, nommé doyen de la faculté des sciences. Au collège d'Angers, Morren appartenait à une classe au- dessus de la sienne, mais il l’avait beaucoup connu dans le groupe de pensionnaires que l’abbé Pas- quier se plaisait à réunir, soit pour des promenades les jours de congé, soit pour la célébration des offices de la chapelle. Notre excellent aumônier avait eu la main heureuse dans le choix de ce groupe, car il se compo- sait, en outre de Morren et de Boré, de Prosper Gué- ranger, le futur abbé de Solesmes, d’Edouard Leterme, mon cousin, dont le doux et sympathique visage ex- primait si bien l’intelligente bonté, de Gustave de Buzelet qui annonçait toutes les aimables qualités de son père, d'Eugène Talbot, richement doué de-facultés diverses, enfin d'Alexandre Desmaroux : nous avons encore devant les yeux ce beau et grand jeune homme, si sage et si posé que nous le respections tous sans nous rendre bien compte du sentiment qu’il nous inspirait. En terminant sa théologie au séminaire de Saint-Sulpice, il fut emporté par une fièvre typhoïde. On le regretta beaucoup, car il était un des élèves qui donnaient le plus d’espérances. Boré avait survécu à tous les mem- bres de cette cordiale association ; un seul excepté, d’une grande distinction, devenu prince de l’Église ‘. Notre Angevin ne conservait pas de la société de Marseille des souvenirs aussi agréables que de celle de 1 Le cardinal de Falloux. — 151 — Lyon. Du reste, il n’eut pas le temps d’y contracter un grand nombre de relations, car peu après son arrivée, on l’envoya en Corse avec le titre de vice-recteur. Il n’y put rester, ayant été atteint par des fièvres pernicieuses et il alla, en 1856, à Besançon, en reprenant son an- cienne dénomination d’inspecteur d'académie. L’archevêque de la capitale de la Franche-Comté était alors le cardinal Mathieu, une des gloires de l’é- piscopat contemporain. Boré fut bientôt dans les meilleurs termes avec l’éminent prélat. Ces précieux rapports, grâce aux ménagements que réclamait la diffé- rence des conditions, durérent plusieurs années, mais ils finirent par un dissentiment sur des questions de personnes, souvent plus délicates que les questions de principes. En défendant un de ses subordonnés avec trop d’ardeur, Boré dépassa la mesure, au point que le Préfet, obligé d'intervenir, demanda sa mise en non- activité. Sans doute le disgracié avait de bons arguments à l’appuidesa cause, maisil n'eut pasprobablementraison dans la forme, ce qui lui arriva plus d’une fois. Son carac- tèreimpélueux lui faisait franchir la ligne desbienséances, au point d’embarrasser ses amis plus circonspects. Ainsi on nous a conté qu'un jour, à Dijon, un instituteur franc-comtois vint lui faire visite. Le digne magis- ter, perdu au loin dans la montagne, ayant peu d’oc- casions de venir à la ville, avait amené sa femme vêtue en simple paysanne. Boré voulant leur faire hon- neur, promena tout le jour ces braves gens, donnant le bras à la femme et leur servant de cicérone aux églises et autres édifices de la cité. Certes, en agissant ainsi la pensée était excellente, mais on trouva que l’exécution laissait un peu à désirer. — 152 — Tel était notre ami, toujours animé de sentiments généreux, mais ne recherchant pas assez les conseils des sages. Il eut fallu qu’un de ses anciens compagnons, Jourdain de préférence, restât toujours près de lui et jouant le rôle d’Ariste, le modérât à l’occasion, tâche méritoire assurément, mais qui n’eût pas été toujours, peut-être, sans quelque difficulté. Du reste, il ne faut jamais désespérer, surtout pour les riches natures; l’adversité tourne souvent à leur avantage. La dissgrâce de Boré le contraignit de se préparer au doctorat ès-lettres. Il en avait bien subi victorieusement les épreuves à l’Université de Wurtzburg; mais ce succès, si rare qu’il fût pour un Français, ne suffisait pas pour lui ouvrir les portes d’une faculté en France. Sur l’avis de son parent, M. Adolphe Régnier, membre de l’Insti- tut, qui ne cessa de lui témoigner une bienveillance éclairée, il choisit pour sa thèse l’éloge de Vauvenargues. Chose étonnante ! celte étude sur un philosophe dont le calme et la réserve font contraste avec l’ardeur expan- sive de notre écrivain est le meilleur travail qu'il ait terminé. Il eut été digne de prendre part au concours mémorable sur le même sujet, ouvert par l’Académie française, et dans lequel le prix fut si vivement disputé par notre cher compatriote Eugène Poitou, qu’il l’eut emporté, a-t-on dit, si de certaines influences n’avaient agi en faveur de son émule, M. Gilbert, professeur de rhétorique dans un des lycées de Paris. Boré n’eut obtenu ni le prix ni la mention qui fut décernée à Poitou; mais, comme il le suivait de bien près, M. Vil- lemain l’eut probablement cité avec honneur dans son rap port sur ce tournoi littéraire. L'Eloge de Vauvenarques et le Discours sur l’imagi- — 153 — native prononcé en 1844, je crois, à la distribution des prix du collège d’Angers sont peut-être les morceaux où Boré a déployé le plus de verve et de chaleur. Ces deux qualités, ne le dissimulons pas, manquent à la plupart de ses productions. Le style en est pur, la pensée abondante, mais la couleur en est parfois un peu terne. Cette pâleur se remarque souvent dans les œuvres des esprits de premier jet. Leur domaine est celui du causeur où l'improvisation éclate dans toute sa fraîcheur et sa richesse; mais quand il faut, à tête re- posée, reproduire la parole par la plume, l’élan ne se retrouve plus, et soit refroidissement du cœur, soit scrupule de la correction, l'écrivain n'obtient plus qu’une empreinte affaiblie des brillants tableaux du conteur. Le succès de sa thèse et le talent qu’il déploya pour la soutenir devant les maîtres de l’art en l’Académie de Paris fit donner à notre lauréat une des chairesles plus enviées de l’Université, celle de professeur de litté- rature étrangère à la faculté des lettres de Dijon. Il fut . ravi d’être envoyé dans cette charmante ville, remplie de souvenirs historiques, et berceau de nos trois grands orateurs chrétiens, saint Bernard, Bossuet et Lacordaire, dont hélas! à l'exception du premier, on ne voit pas encore les statues sur les places publiques d’une cité qu’ils ont couverte de gloire ‘. Dès le premier jour de son arrivée, Boré fut accueilli cordialement dans la maison de M. Foisset qu’il avait vu souvent à Juilly. L’éminent biographe du P. Lacordaire 1 Bossuet est né à Dijon même, saint Bernard à Fontaine-lès- Dijon, et Lacordaire à Recey-sur-Ource, près Dijon. — 154 — faisait partie, comme lui, de cette famille de catholiques zélés qui, sortis de l’école Lamenaisienne, s'étaient réu- nis au groupe des fondateurs du Correspondant. M. Fois. set, conseiller à la Cour d'appel de Dijon, était un type de ces fonctionnaires traditionnels qui, par la pureté de leur vie, la profondeur de leur instruction, la dignité du caractère, ont donné à la magistrature fran- çaise un renom qui ne s’effacera pas; aussi la considé- ration dont il jouissait dans sa ville natale était si grande qu’il suffisait d’être son hôte, pour que toutes les portes fussent ouvertes. Boré n’était pas homme à négliger cette heureuse fortune ; il en usa largement, à la satisfaction générale, et réussit de prime abord dans la société de Dijon, selon son habitude. L’agrément qu’il savait y répandre attirait à son cours une flatteuse affluence d’auditeurs des deux sexes et d’un rang élevé. L'empressement conti- nua parce que l'intérêt de la cause en était très vif. Ce fut l’époque la plus brillante de la carrière de Boré. Toutefois nous ne devons pas taire que l'éclat d’une salle publique lui était moins favorable que le cercle intime d’un salon. Une sorte de timidité insurmontable le saisissait lorsqu'il entendait sa parole retentir seule dans l’espace: Alors sa voix émue devenait un peu hale- tante. Sa pensée trouvait, toujours l'expression juste, élégante; seulement parfois elle se faisait attendre, et quand le trait final était lancé, lequel d’ailleurs ne ‘manquait jamais son effet, le front de l’orateur se cou- vrait de sueur, et ce n’était que par un sourire qu'il répondait aux félicitations des approbateurs, empressés de venir serrer sa main tremblante. — 155 — La part de l’éloge dans l’esquisse de la physionomie de Boré est si justement large, que l’on ne doit pas omettre les traits dont le contraste complète l’ensemble. Le respect de l'exactitude n’est pas une dérogation au devoir de l’amitié, car, sans ce complément, le portrait perdrait de la ressemblance que nous essayons’ d’at- teindre. Dans ses cours comme dans la conversation, notre professeur ne gardait pas toujours la mesure des es- prits impartiaux. Il lui arriva de dépasser la limite de l'enthousiasme, ou, ce qui était plus fâcheux, il exagé- rait la critique, défaut de notre nation et surtout de . notre temps, contre lequel un jugement aussi délicat que le sien aurait dû se tenir en garde. Mais en se montrant, plus d’une fois, trop sévère pour autrui, il le fut davantage, et souvent, pour lui-même, ce qui atténue singulièrement l'excès de ses appréciations. S'il ne rendit pas toujours justice aux personnes ou à leurs œuvres, il n’hésita jamais, avec une modestie aussi sincère que spontanée, à s'appliquer, pour ses écarts de la ligne tempérée, le maximum de reproches, plus ou moins motivés, même quand nul ne songeait à lui en adresser. f Parmi ses collègues des diverses facultés de l’acadé- mie de Dijon, Boré se lia surtout avec le professeur de littérature française, M. Aubertin, dont la distinction et lAumour rappellent l’école moraliste de Saint-Marc Girardin. Aussi bien doué que notre Angevin mais se possédant mieux, l’auteur de l'Histoire de la Poésie au moyen âge est aussi à l’aise dans sa chaire que devant sa table de travail : aimant les lettres pour elles-mêmes. — 156 — pour les consolations qu’elles donnent, quand le culte en est conforme aux principes du beau et du vrai, ila porté le désintéressement au point de refuser naguëre un rectorat et une suppléance à la Sorbonne, préférant aux honneurs et aux splendeurs tourmentées de la grande ville, le jour discret et propice à l’étude de sa chère province. VI Le cours des choses était trop favorable pour durer. Dans notre siécle de révolutions les périodes de paix ne sont que des accalmies, bientôt suivies de tempêtes. L’invasion prussienne vint troubler les studieuses occu- pations de nos professeurs. Dijon fut une de ses pre- mières victimes. Parfaitement éclairé sur les projets de Pinvasion allemande, et outré de l’aveuglement de nos prétendus défenseurs, Boré prédit les désastres avec une certitude peut-être imprudente. Cette franchise devait lui attirer des avanies de plus d’une sorte. Blessé par ces injustices, navré des malheurs dont il fut le témoin oculaire et méconnu, il demanda sa mise à la retraite, et tomba dans un accablement qui donna de vives inquiétudes. Un calme relatif étant survenu dans les affaires publiques et dans l’état de sa santé, notre ami vint s’élablir à Paris pour y jouir de l'agrément de ses belles relations et pour achever les divers travaux qu'il avait entrepris. Néanmoins il n’abandonnait point l’idée de venir terminer les agitations de sa carrière à Angers, en recourant à l’hospitalité de. la bienfaisante - — 157 — maison de Saint-Martin, dessein qu’il ne tarda pas à exécuter. Ne pouvant énumérer toutes ses nouvelles connais- sances, nous nous bornerons à signaler l’une des principales célébrités de l’époque. Boré, comme tou- jours, altiré par le prestige de la renommée, se fit re- commander à M. Le Play qui l’accueillit avec la bien- veillance que les hommes supérieurs témoignent à leurs sincéres adhérents. L’illustre ingénieur, l'explorateur infatigable, qui, tout en inspectant les mines impor- tantes de l’Europe, décrivit les mœurs et le caractère des principaux groupes d'ouvriers employés tant à la surface qu’à l’intérieur de la terre, le penseur chrétien, toujours désireux de s’éclairer, même auprès d’infé- rieurs, prenait plaisir à interroger notre compatriote qui avait beaucoup vu et beaucoup observé, Chez M. Le Play le savoir, on peut dire universel, était fortifié par la juste: appréciation des hommes et des choses. Il rendit un jour aux institutions de Vincent-de-Paul le plus expressif des hommages. Causant avec Boré sur le ton d’une confiance affectueuse, il le pria de le présen- ter à son frère qui venait d’être élu supérieur des Laza- ristes et des Filles de la Charité. Comme notre ami se récriait sur cette modestie de vouloir être introduit par un tiers quand on possédait un nom auquel chacun s’empressait de rendre hommage. « Ne vous y trompez pas, répondit M. Le Play, un homme du monde, quelle que soit l'élévation de son rang, est bien petit à côté d’un successeur de l’Apôtre de la charité. Votre frère, à la tête de trois mille missionnaires et de vingt mille reli- gieuses, répandus jusqu’à l'extrême Orient, est, après — 158 — le Pape, le représentant de la plus grande puissance morale qui existe sur terre. Ce fut au milieu de cette do de séjour dans la capitale tumultueuse et dans le paisible asile angevin que Boré reçut la proposition de s’adjoindre au personnel si heureusement choisi, des maîtres de notre Université. Il demanda conseil à son frère Eugène, l'illustration et ce qui est mieux encore le-saint de sa famille, en allé- guant, avec une humilité qui lui fait honneur, ne pou- voir plus disposer que des restes d'une ardeur qui s'é- teint. Le digne héritier de Vincent-de-Paul portait le plus vif intérêt à la renaissance de l'institution qui fui pendant des siècles la gloire et la fortune de notre cité; il engagea son aîné, malgré ses scrupules, à ne pas repousser une offre si ftatteuse, et la chaire confiée à Léon Boré, devint bientôt l’objet de la sympathie que méritait l'un des hommes qui connaissaient le mieux l’histoire contemporaine des lettres et des liltérateurs en Allemagne. Malheureusement le dispensateur dé cet enseignement si varié et qui, bien qu’affaibli, pouvait être si fécond, fut atteint en 1879 d’une maladie dont il ne se releva que d’une manière imparfaite. La première attaque de paraïysie le frappa à Munich où il s’était rendu pour voir une dernière fois le principal théâtre de ses études et pour faire ses adieux à la famille de sa noble femme morte récemment, et dont il voulait pleurer la perte avec ceux qui lui en avaient confié le bonheur. Ramené de Munich avec toute la sollicitude de la piété filiale, notre pauvre ami n’était plus que l'ombre de lui-même et ne pouvait plus donner l’idée de ce qu’il — 159 — fut à qui ne l’avail pas vu auparavant, quand sa raison était plus en équilibre avec sa riche imagination. De- vons-nous ajouter que cette terrible maladie influa dans les derniers temps sur son caractère comme sur sa santé ? Cette crise provenait aussi peut-être un peu du regret de n’avoir pas donné à son rare esprit tout son emploi, à son grand cœur toute son expansion. Quoi- qu’il en soit, le tendre dévouement qui lui fut prodigué, les saintes croyances auxquelles il fut toujours attaché, ramenérent la sérénité dans son âme, et ce fut avec une confiante résignalion qu’il vit approcher le moment où il fallait se séparer de tous ceux qui lui étaient chers et qui avaient répondu à son affection par les preuves les plus touchantes. L’affaiblissement qui résulta d’un état de santé tou- jours menaçant, empêcha Boré de réaliser ses plans de publication ; cependant il conserva presque jusqu’à la dernière heure, grâce à sa mémoire et à son goût déli- cat, le don d'évoquer des souvenirs pleins d'intérêt ; mais s’il savait toujours causer avec attrait et profit pour ses auditeurs, il ne pouvait plus reproduire par la plume ce qu’il racontait si bien. Boré a beaucoup écrit, mais il a éparpillé un talent réel dans les journaux et les revues, sans-attacher son nom à une œuvre originale et de longue haleine. Une des causes qui l’empêchèrent de se livrer à des compositions personnelles, c’est qu’il excellait dans l’art du traducteur, fort difficile surtout quand il s’agit d’idiomes de génie tout différent. Comme il possé- dait à fond les principes de la langue allemande, il réus- sil à faire de quelques-unes de ses traductions des mo- — 160 — dèles d’exactitude et même d'élégance, si ardue que soit la tâche de donner aux livres d’outre-Rhin la forme agréable et précise sans laquelle un ouvrage chez nous est réputé illisible. Parmi ces travaux de reproduction nous citerons : les Origines du Christianisme, de Dœl- linger, la Jeanne d'Arc de Papenkort, l’Hisicire de Rienzi, de Gœrres, l'Amour de Dieu, du comte de Stol- berg, et la délicieuse idylle de Gœthe, Hermann et Dorothée. Ces livres, de caractère varié, sont précédés de biographies et de préfaces, considérées, par nos voi- sins eux-mêmes, comme des modèles de justesse d’aper- çus et de saine critique. On regrette en les lisant que l’auteur n’ait pas déployé dans des œuvres de sa propre inspiration, ses rares qualités d'écrivain érudit et disert. Les vieux amis de Léon Boré qui, comme nous, sui- virent toutes les vicissitudes de sa carrière, ont pu souhailer, en rendant juslice à ses belles facultés, un peu plus de constance dans ses opinions et ses pro- jets; mais tous se plaisent à reconnaître que, fidéle à l’enseignement de sa pieuse mère et à l’exemple de son vénéré frère, il resta inébranlable dans sa foi chré- tienne. Ce fut l'honneur de sa vie, et c’est pour nous l'espoir de sa récompense. _ L. CosNrEr. ESSAT ANALYTIQUE DU GENRE AMBLYSTEGIUM La bryologie renferme, comme toutes les autres branches des sciences naturelles, des genres où la dé- termination des espèces est souvent ardue et pleine d'incertitude. Cet embarras peut tenir aux causes les plus diverses, mais surtout à l’existence de variétés nombreuses réunissant entre elles les formes spéci- fiques par des transitions insensibles. Où doit se placer la limite des espèces le long de cette chaîne continue ? Tel est le problème dont la solution laisse souvent.per- plexes les naturalistes judicieux. Plusieurs, de nos jours, ont essayé d’éluder la difficulté par un procédé som- maire consistant à reconnaître comme type spécifique et à nommer toute forme tant soit peu distincte. La critique la plus élémentaire suffit à montrer le vice de ce système, dont le moindre inconvénient est de placer sur le même rang des divisions par trop inégales. Le genre Amblysteqium, dont je viens vous présenter SOC. D’AG* Al — 162 — l'étude, est un de ceux, parmi les mousses, qui réunit les espèces les plus voisines et les plus variables. Il y aurait sans doute ici plus d’un rapprochement à faire ; néanmoins, par respect pour les savants qui les ont établis, je me bornerai à décrire minutieusement les types communément admis, et à faire ressortir leurs caractères différentiels, sans chercher dès maintenant à en proposer la synthèse. Avant d'examiner une à une les espèces, je commen- cerai par en donner la clef que l’on ne trouvera peul- être pas sans défauts, mais qui a l’avantage de laisser distinguer d’un seul coup d’œil les différences et les analogies des espèces congénères. Cette clef est basée principalement sur la nervure des feuilles raméales et périchétiales, caractère qui m’a semblé le plus facile à constater. Le tissu cellulaire étant très variable, dans les feuilles des Amblysteqium, j'ai cru devoir n’en par- ler que secondairement et d’une manière générale. Parmi les échantillons m’ayant servi à ce travail, beaucoup m'ont été fournis soit par MM. le marquis d’Abzac, l'abbé Boulay, J. Cardot, le frère Gasilien, F. Gravet, T. Husnot, soit aussi par MM. l'abbé Hy, le docteur Jeanbernat, le capitaine F. Renauld. Cest donc avec grand plaisir que je prie ces généreux collègues et amis de recevoir l'expression de ma bien vive grati- tude. — 163 — CLEF ANALYTIQUE. Feuilles sans nervure ou à nervure indis- tincte ..... Rte Ale à lente Eole LR ER RIRE Feuilles à nervure distincte 1 Fleurs dioïques ; feuilles à cellules hya- lines ou peu chlorophylleuses ........ FI. monoïques ; f. à cellules chlorophyl- LLÉLISES EAN CNT PARC à PRE EEE sors Feuilles périchétiales à nervure distincte. F. périchétiales énerves ...,............ Capsule dressée ; péristome interne dé- pourvu de cle : plante des troncs ATARI RE ue NL ERS à 44 Cap. penchée, arquée ; pér. ifterne pour- vu de cils; plante croissant sur les ro- chers calcaires, jamais sur les troncs LLÉRN UNSS PIREN PRES DAT UNE". ù Tige souvent garnie des nervures des Enlee détruites ; nervure atteignant le sommet ou même le dépassant dans n. Écaulinaires, 2eme Le . caulinaires à nervure atteignant le no ou se continuant jusque dans l’acumen ... Tige presque pennée, raide, rude au tou- cher ; capsule molle, eylindrique-allon- gée, presque droite ; tissu des f. péri- chétiales à cellules rhomboïdales allongées ........ en de Dee entree \ Tige à rameaux lâches, vagues; capsule plus ferme, très grosse, arquée ; tissu des f. périch. linaire, très étroit ...... F. caulinaires à nervures atteignant le milieu de la feuille ou s’avançant jus- qu'à la base de l’acumen............. | F. caul. à nerv. plus épaisse se continuant jusque dans l’acumen ; f. raméales non décurrentes 2. M Carte PU Feuilles denticulées ............ 8 À L Feuilles entières....... AAC A. Sprucei. 3 À. tenuissimum. k A. subtile. A. confervoides, A. irriguum. À. fluviatile. A. radicale. 9 13 — 164 — Nervure atteignant le milieu de la feuille. 94 Nerv. dépassant le milieu de la f. ou s’a- vançant jusqu’à la base de l’acumen.. F. périchétiales entières à nervure allant jusqu'au SOMME, EC ROENENMALS L" F. périch. garnies de dents aiguës dans tout le sommet; f. raméales obcor- dées; opercule mamillaire........... F. périch. denticulées à la base de l’a- 10 CR. EE (eo [=] B [qe =) norton sors esse ss 41 F. caul. ovales ou ovales-lancéolées, non rétrécies à la base.................. F. périch. plissées, denticulées à la base de l’acumen, insensiblement acumi- nées ; plante peu robuste............ F. périch. sans plis, dentées dans tout l’acumen ; les intimes brusquement acuminées par une pointe assez fine ; plante beaucoup plus robuste F. périch. sans plis; les extérieures seules énerves ; les moyennes terminées par un long acumen filiforme ; feuilles squarreuses, munies d'une nervure allant jusqu’au milieu ou au delà..... F. périch. toutes munies d'une nervure ELIPUISSÉCS. MAN ÉEEERNPAACMENEEUECNS Plante robuste; f. aplanies sur deux rangs ; capsule très grosse, molle, ho- rizontale, fortement arquée...... 400 PI. moins robuste; f. dressées de tout côté ; capsule dressée, subarquée, plus ferme... .-LCPMPÈEE CA oo til eo Tissu étroit rhomboïdal ; oreillettes dis- tinctes; cellules carrées de la base des feuilles de couleur orange; anneau étroit; capsule souvent subdressée....…. Tissu plus lâche ; oreillettes très peu sen- sibles; cell. carrées de la base des f. non de couleur orange ; anneau large. Lame. am Fr] L] © fs) [= (= [=] =) = 5 o ui er ® Set == © bis En œ 1/21 h a Le) 5 a (er) Ur ® [971 e = o 12 Te 143 14 15 RS A. 10 11 . leptophyllum. . CUTVipes. . Serpens. . Juratzkanum. 12 serpens. . Kochii. . hygrophilum. 14 . riparium. 45 A. leptophyllum. A. Hausmanni. — 165 — $ I. — FEUILLES ÉNERVES OU A NERVURE INDISTINCTE. A. Sprucei Sch. — Cette espèce la plus petite du genre est remarquable par sa belle couleur jaune. Elle diffère de toutes les autres par sa dioïcité et ses feuilles entiérement énerves. Malheureusement elle est presque toujours stérile. Les fleurs sont cependant un peu moins rares que les capsules. Les feuilles tantôt denti- culées, tantôt entières, ont un tissu formé de grandes cellules rhomboïdales, hyalines. Un échantillon que j'ai récolté sur les flancs du Puy- de-Dôme, à 1,300 mètres environ, se distingue du type par ses feuilles plus rapprochées, légèrement homo- tropes, beaucoup plus longuement lancéolées et laissant apercevoir à la place de la nervure une ou deux stries assez profondes et interrompues. Je n'ai vu des capsules que sur un échantillon venant de Finlande (Brotherus). Elles sont dressées et à large ouverture après la sporose, ce qui leur donne un aspect turbiné. L’opercule est gros, mamillaire, conique, obtus. Habitat. — Rochers ombragés recouverts d’humus ; plus rarement sur le bois pourri. A. tenuissimum Sch. — Comme chez le précédent, les feuilles raméales de l’A. tenuissimum sont énerves ou avec des stries à la place de la nervure. Les périché- tiales intimes sont munies d’une nervure bien distincte qui ne dépasse pas le milieu. L’absence de cils au péris- tome interne n’est pas toujours bien complète, car il — 166 — arrive quelquefois qu’entre les processus on distingue de pelites pointes en forme de cils peu développés. Ce dernier caractère fait que l’A. tenuissimum est très voisin de VA. subtile Sch. chez lequel les cils manquent complètement. Il se distingue de celui-ci principale- ment par la nervure des feuilles périchétiales et par sa taille qui est un peu plus grêle, ainsi que l'indique son nom. Je ne crois pas que cette rare espèce ait été rencon- trée sur les rochers. A. subtile Sch. — L’A. subtile värie trés peu dans son port. Les échantillons que j'ai vus sont tous à peu près semblables à la mousse publiée sous ce nom parmi les exsiccata de M. T. Husnot, dans les Musci Galliæ. Cependant on peut rencontrer des individus ayant les feuilles raméales très longuement lancéolées et la cap- sule un peu arquée. A. confervoides Sch. — Beaucoup plus petit que l'A. subtile, l'A. confervoides redresse ses feuilles le long des tiges, ce .qui donne à la plante un aspect par- ticulier qui permettrait presque de le reconnaître sim- plement à la vue. Les capsules Sont complètement arquées. Cette espèce fait donc la transition avec: la seconde partie du genre qui conserve constamment ce caractère. C’est à M. F: Gravet que je dois le plaisir d’en connaître la fructification. L’exemplaire qu’il m’a envoyé provenant de Geisa (Saxe-Weimar), fut recueilli par M. À. Geheeh. M. J. Cardot m’a également commu- niqué de Baâlon (Meuse) un À. confervoides portant quelques fleurs femelles. On pourrait confondre cette espèce avec les petites — 167 — formes de l'A. serpens, Sch., mais la présence d’une nervure chez ces dernières l’en fait distinguer facile- ment. $ II. — FEUILLES À NERVURE DISTINCTE, A. — Groupe fluviatile. A. irriguum Sch. — Swartz regardait, non sans quelque raison, cette espèce comme une simple forme de l'Aypnum fluviatile Sw. I trouvait tant d’affinité entre ces deux plantes qu’il n'avait pas songé à les séparer. Ce n’est que bien plus tard, même après 1855, époque à laquelle parut le Bryologia Britannica, que Wilson crut pouvoir délimiter dans l’Hypnum fluvia- . tile Sw., une nouvelle espèce qu'il appela Hyprum irriquum. Cette dernière espèce semble moins répandue que la première, du moins dans le Bourbonnais où j'ai pu cependant la recueillir assez souvent. Ainsi à Jenzat, Bransat, Saint-Pourçain on trouve l'A. 2rriquum iden- tique à celui que M. l’abbé Boulay m’a communiqué de la cascade-de Miramont, près Remiremont (Vosges). Mais à Noirétable (Loire) j'ai récolté une forme plus robuste, ayant les oreillettes à peine sensibles. Les cel- lules rectangulaires forment sur les bords de la feuille une marge s’avançant beaucoup plus avant que ne le font les oreillettes dans le type. Cette forme se rappro- cherait donc assez de l'A. luviatile. Voici les caractères distinclifs que j'ai constatés chez les nombreux spécimens que j’ai examinés : — 168 — Plante rude au toucher ; tige parfois pennée ; f. ra- méales largement décurrentes, portant aux angles des cellules plus grandes que les autres qui, groupées, forment des oreillettes. La côte est mince et partielle- ment aplatie dans l’acumen, comme chez les cratoneu- rum. Les f. périchétiales sont entières, petites, étroites, à pointe courte et à tissu rhomboïdal allongé. Ces caractères ne touchent entièrement qu’à la plante typé. — Var. tenellum Sch. F. plus courtes et ner- vure disparaissant au-dessous du sommet : deux choses communes à cerlains À. fluviatile. Je ne connais point la Var. spimifolium dont parle Schimper. — À. fallax Bridel. Les auteurs ne semblent guêre d'accord pour savoir à quelle plante Bridel donna le nom d’Hypnum fallax. Les uns pensent que c’est à une variété de l'A. rriquum, les autres à une forme de l’Hypnum filicinum, L. Schimper rapporte cette espèce à sa variété * spetfolium, mais cependant avec un point de doute. D'un autre côté si l’on compare attentivement la dia- gnose de celte var. spinifolium avec celle de l’Hypnum Formianum Sch., leur ressemblance est frappante. Ne serait-ce pas la même mousse ? La comtesse Fiorini Mazanti, auteur de l’A. Formianum, le classait parmi les Amblystequum. Je n’ai vu ni la plante du Lavaro, ni la var. spinifolium dont parle l’auteur du Synopsis. Cependant d’après un échantillon d’'Ayp. Formianum que M. J. Cardot a découvert près de Quincy, sur des pierres calcaires dans les sources de l’Aunois (Meuse), je serais tenté de ne voir dans cette espèce qu’une variété de l’A. 2rriquum. Il est à remarquer que la — 169 — nervure déprimée qui le fait ranger parmi les Crato- neurum peut également le faire regarder comme proche parent de l’A. irriguum, puisque celui-ci con serve ce caractère, ainsi que je l'ai dit plus haut. La mousse de M. J. Cardot ne porte ni fleurs mâles, ni fleurs femelles, chose regrettable, car par l'examen des feuilles périchétiales on saurait s’il faut laisser comme espèce l'A. Formianum (Fiorini-Maz.) ou le rapporter à quelqu’autre plante. À. fluviatile Sch. — L’A. fluviatile type est plus robuste que l’A. irriquum dont il diffère par les ra- meaux presque toujours épars, allongés et fasciculés. Les f. raméales ne sont pas aussi largement décur- rentes. Le tissu de la base des f. est uniforme et ne laisse point apercevoir d’oreillettes distinctes. La ner- vure est plus robuste et nullement déprimée. Les f. pé- richétiales érès grandes et larges ont la pointe plus allongée, parfois dentées et leur tissu est formé de cel- lules linéaires très étroites. L’A. fluviatile est très répandu dans tous les ruis- seaux du département de l’Allier où il fructifie assez souvent. Bien des auteurs mentionnent comme caractère dis- tinctif de l’A. fluviatile des feuilles obtuses. Pour mon compte je n’ai jamais vu la plante type porter ce carac- ière. Au contraire, chez celle-ci les f. sont aussi aiguës que celles de l'A. érriquum. Il y a sans aucun doute des exceptions, car sur certains individus les f. sont à pointe courte et la nervure disparaît un peu avant d’ar- river au sommet. Var. julaceum mihi. — Sur les rochers du lit de la — 170 — Bouble, à Fourilles (Allier), croît en abondance un À. fluviatile ayant les f. érès largement décurrentes, courtes, obtuses, concaves et étroitement appliquées le long de la tige, ce qui donne aux rameaux un aspect julacé. La nervure est souvent évanouie au-dessous du sommet. À Lacarmonne, près Saint-Pourçain, dans le même département, se trouve une plante en tout sem-— blable à celle de Fourilles, mais un peu moins robuste et ayant les feuilles. moins obtuses. En outre, à Fourilles également se trouve un Am- blysteqium dont les f. sont homotropes, à pointe aiquë, étroitement allongée, et portant des oreillettes presque distinctes. Pour le reste 1l conserve les carac- tères du type fuviatile. Cette dernière forme pourrait être considérée comme faisant le passage de l'A. fluvia- tile à VA. irriquum. : B. — Groupe serpens. A. serpens Sch. — Tout le monde sait combien cette espèce est polymorphe soit dans son tissu, soit dans la longueur de la nervure, soit aussi dans son port. On pourrait en séparer bien des variétés au milieu de toutes ces formes variant suivant le support et le mi- lieu où elles se trouvent. Bridel, dans sa Bryoloqie uni- verselle, en donne dix-huit variétés. Je ne veux pas les énumérer ici. La tige est quelquefois pennée : Var. pinnatum, Sch. Les feuilles sont tantôt squarreuses, dressées, étalées ou même imbriquées ; la nervure esi plus ou moins — 171 —- longue ou disparaît presque entièrement comme dans la Var. tenue Sch. : Var. squarrosum Warn. — Sous ce nom M. F. Gra- vet m'a communiqué un À. serpens venant de New- Ruppin (Brandebourg) et récolté par M. C. Warnstorff. Cette variété est remarquable par ses feuilles légère- ment squarreuses, presque énerves ou munies d’une nervure allant à peine jusqu’au milieu. La tige est très maigre, longue, vaguement garnie de rameaux allon- gés. La plante par elle-même est très petite et forme un coussin vert clair. Les capsules sont comme celles de la Var. tenue, mais plus arquée. A. Juratzkanum Sch. — [/A. Juratzkanum est très voisin des À. serpens et radicale, aussi est-il souvent assez difficile de l’en distinguer surtout quand on a affaire à des formes peu caractérisées. On pourra le reconnaître d’après ce qui suit. Feuilles plus ou moins denticulées, rétrécies à la base, largement lancéolées, presque deltoïdes, munies d’une nervure allant jusqu’au milieu et au delà, mais ne s’avançant pas dans l'acumen. Les f. périchétiales (non subitement) longuement et finement acuminées. Les capsules ne sont pas aussi arquées que chez PA. radicale. J’ai étudié des spécimens provenant de localités en- lièrement opposées et tous conservent ces caractères. Brouck, Lorraine-Allemagne (abbé Barbiche) ; Tarbes, Hautes-Pyrénées (F. Renauld) ; Beaulieu, Puy- de-Dôme (frère Gasilien) ; Newmark, Allemagne (Ruthe, d’après T. Husnot) ; Haute-Savoie (abbé Puget, d’après F. Gravet); Eymoutiers, Haute-Vienne (Lamy) et — 172 — Vienne, Autriche (Juratzka, d’après M. l’abbé Boulay). L’A. Juratzkanum me semble rare partout ou paraît se confondre avec l'A. serpens auquel il ressemble beaucoup. Var. minutum Gravet. — Plante très pelile et con- servant en même temps tous les principaux caractères du type. Les f. sont denticulées, finement acuminées ; le pédicelle est beaucoup plus court; la capsule peu arquée. Les échantillons que je possède ont été tirés de l’herbier Geheeb : ils viennent de Rhongebirge (Saxe- Weimar) et m'ont été fournis par MM. T. Husnot et F. Gravet. A. radicale Sch. — Cette espèce ressemble à un gros À. serpens à rameaux allongés, dressés. Les f. sont plus raides, plus grandes, se tiennent dressées, sont peu ou pas décurrentes, ovales-obcordées, plus largement acuminées. La côte plus épaisse s'avance dans l’acu- men ; le plus souvent elle s’évanouit au milieu de celui- ci ou même se continue jusqu’au dessous du sommet. Les cellules de la base ne forment pas toujours d’oreil- lettes distinctes. Dans un échantillon de Stenay (Meuse), tiré de l’her- bier J. Cardot et que m’a communiqué M. l’abbé Ber- thoumieu, les tiges sont plus raides, trés radiculeuses et pennées. Je ne crois pas que l'A. radicaie soit tou- jours radiculeux, car dans les échantillons authentiques de Tarbes et de New-Ruppin que m’ont donnés MM. Re- nauld, l’abbé Boulay et F. Gravet, je n’ai pas constaté que ce caractère soit plus sensible que chez les autres Amblystegium rampants. Cependant près de Lezoux — 173 — (Puy-de-Dôme), le frère Gasilien a rencontré un À. ra- dicale à peu près semblable à celui de Stenay. - Les À. radicale et Juratzkanüm peuvent encore se reconnaître d’avec les formes approchantes de l’A. ser- pens par l’époque de la maturité des capsules. Ce der- nier fructifie toujours en été et quelquefois en automne, mais plus rarement, tandis que les deux autres mü- rissent leurs capsules au printemps, pendant les mois d'avril, mai et juin au plus tard. C. — Groupe riparium. A. riparium Sch. — Cette plante étant très variable dans son port, les auteurs lui ont fait beaucoup de variétés. Schimper en donne sept auxquelles presque toutes les formes peuvent se rattacher. Cependant près de Bayet (Allier), M. l'abbé Berthoumieu a découvert dans un pré marécageux un À. riparium bien différent du type et ne rapprochant d’aucune des variétés déjà décrites. La tige de 5-6 cent. est raide, dressée, pennée, les feuilles moins larges, plus #ianqulaires, sont unifor- mément posées autour de la tige. Les rameaux fructi- fêres ne sont pas radicants et le plus souvent les fleurs et les fruits se trouvent sur la tige primaire. La capsule est trés longuement pédicellée et assez fortement arquée après la sporose. Dans une étude sur les mousses et hépatiques du département de l'Allier, M. l'abbé Berthoumieu et moi avons cru devoir accorder à celle mousse le nom de À. riparium Var. rigidum. — 174 — Sur les bords d’un étang, près de Lezoux (Puy-de- Dôme), le frère Gasilien a trouvé cette même variété, mais un peu plus allongée. Tout en conservant les principaux caractères distinc- tifs de l’A. r2parium, cette variété serait celle appro- chant le plus de l’A. Kocht Sch., que M. l’abbé Bou- lay, dans sa nouvelle flore, considère comme sous-espèce de l'A. riparium. A. Kochü Br. et Sch. — L’A. Kochü est sans con- tredit l'espèce la plus voisine de VA. riparium, mais les différences me semblent trop nombreuses et trop cons- tantes pour n’en faire qu’une variété de celui-ci. L’A. Koch croît dans les prés humides. Prés des eaux stagnantes et au milieu des herbes épaisses, il se tient dressé, forme de belles touffes et la tige est assez robuste. Dans les endroits moins marécageux où l'herbe est plus clair-semée, il est toujours déprimé, rampant sur le sol, plus ou moins grêle et c’est alors qu'il fructifie le mieux. Tel est l'habitat où j'ai rencontré l'A. Kocht dans le département de l'Allier, soit aux Taniéres et à Chatelus, près Bayet, soit aussi non loin du pont de Chazeuil. Schimper, dans la seconde édition du Synopsis, et M. F. Gravet, dans sa Flore bryologique de Belgique, indiquent l'A. Koch poussant également sur les souches pourrissantes. La maturité des fruits a lieu à partir des derniers jours de mars jusqu’au milieu de mai. M. F. Gravet m’a communiqué plusieurs échantillons venant de New- Ruppin (Brandebourg), récoltés par M. C. Warnstorff et un autre des environs de Quedlinbourg (Harz-Alle- — 175 — magne), cueilli par M. C. Romer. M. l’abbé Boulay m'a procuré également un À. Kochii tiré du Bryotheca Eu- ropæa et un autre provenant de Newmark (Allemagne), vu par Schimper. Tous sont à peu de chose près sem- blables à la plante du Bourbonnais. Voici, en résumé, les principaux caractères propres à l'A. Kochu. Plante formant des touffes de couleur dorée. Tige robuste ou plus ou moins grêle, dressée ou rampante, irrégulièrement garnie de rameaux nom- breux et allongés. Les f. dressées-élalées, un peu décur- rentes, sont toujours largement ovales à la base, obcor- dées, plus ou moins longuement et finement acuminées, entières ou garnies surtout dans la moitié inférieure de dents obtuses. Nervure dépassant toujours le milieu. Le tissu est plus /âche que chez l’A. riparium, et les cel- lules des angles plus grandes et plus régulières forment ordinairement de petites oreillettes. Les f. périchétiales plus allongées, les intimes subitement acuminées, toutes plus ou moins denticulées dans l’acumen, sont munies d’une nervure dépassant le milieu. Les capsules sont toujours longuement pédicellées, grosses et fortement arqueées. On peut voir par ces quelques lignes combien l'A. Koch est différent de l’A. riparium. À. hygrophilum Sch., ou A. saxatile Sch., ant. — Plante maigre, formant de petits coussins peu garnis et déprimés, de la couleur de l’A. Kochuü. La tige peu rameuse est éfoilée au sommet. Les f. étalées, squar- reuses, sont obcordées, concaves, terminées par un acu- men fin assez long, entières, munies d’une nervure allant jusqu’au milieu, d’un tissu serré, allongé, excepté — 176 — cependant aux angles où les cellules sont à peu prés carrées, sans former d’oreillettes distinctes. Les fleurs mâles me sont entièrement inconnues. C’est par l’inter- médiaire de MM. l’abbé Boulay et T. Husnot que j'ai pu connaître la fructification de cette rare espèce. Dans les échantillons qu’ils m'ont communiqués, provenant de Siegburg, près Bonn (Allemagne), récoltés par Dreesen, les f. périchétiales sont entières et munies d’une nervure s’avançant chez les plus grandes, c’est-à-dire les moyennes, jusque dans l’acumen; chez les intimes on remarque presque toujours des traces de nervure; les extérieures seules sont complètement énerves. Les plus grandes sont très longuement acuminées, les autres le sont bien moins ou même restent simplement aiguës. Les capsules nombreuses sont courtes, fortement arquées . et portées sur un pédicelle érès élevé, de 20 à 30 mul. Les cils sont subappendicules. Ces plantes répondent parfaitement à la description de Schimper ; une chose seule en diffère. Dans le Sy- nopsis on lit : « Folia perichætiala..…. ecostata...….. » Les exemplaires de MM. l’abbé Boulay et T. Husnot appartiennent sans aucun doute à l’A. hygrophilum, mais leurs périchétiales moyennes et intimes ont une nervure, comme je viens de le faire remarquer. De même dans un échantillon recueilli par Schimper lui-même à Wasenburg (Alsace), et que je dois à la générosité de M. l'abbé Boulay, j'ai constaté que les périchétiales moyennes, bien que munies d’une ner- vure moins forte que chez la plante de Siegburg, con- servent cependant de nombreuses traces d’une nervure même assez longue. — 177 — Peut-être est-ce la Var. B. limosum Sch., indiquée par Schimper à Siegburg que MM. l’abbé Boulay et T. Husnot m'ont communiquée. Elle serait différente du type par ses tiges bien plus longues, peu ou pas rameuses, et par les pédicelles très élevés. L’A. kygrophilum est une espèce qui n’a pas été ren- contrée encore bien souvent. On pourrait aisément la confondre avec certaines petites formes inondées de l'Eurhynchium prælongum, Sch. D. — Groupe leptophyllum. Grâce à M. l'abbé Boulay je possède un À. leptophyl- lum type, récolté par le frère Pacôme à Bourg-le-Péage (Drôme). Il est en tout conforme à la description du Synopsis, si ce n’est que les feuilles caulinaires et ra- méales sont denticulées au moins dans la moitié supé- rieure, tandis que Schimper les signale comme étant très entières. Dans plusieurs flores j'ai lu que les feuilles devaient être denticulées. Le caractère « integerrima » n’appartiendrait donc qu’aux échantillons de Sauter et de M: l’abbé Ravaud, et aussi à la variété qui suit. La plante de Bourg-le-Péage a beaucoup de ressemblance avec |A. Kochu, dont elle diffère par ses f. plus étalées, moins finement acuminées, à nervure moins longue, par les dents plus aiguës, plus nombreuses, non à la base seulement, et par les oreillettes jaunes et plus ré- gulières. Les f. périchétiales petites, peu nombreuses sont ovales lancéolées entières, plissées, terminées par un acumen fikforme étalé et munies d’une nervure SOC. D’AG. 12 — 178 — allant jusqu’à la base de cet acumen. D'abord swbdres- . sées, les capsules se trouvent arquées près de leur . extrémité et sont pâles en dessous avec un col assez sen- sible. L’anneau est très étroit. Je n’ai pas pu voir les cils disposés par paire. Var. cylindricum mihi. — M. Gravet m’envoya sous lenom d'A. Kochit un petit Amblysteqium qui me paraît être certainement l'A. Zeptophyllum. Cette mousse fut récoltée sur des souches pourrissantes à Geisa (Saxe- Weimar), par M. A. Geheeb. L’échantillon est bien complet et porte de nombreuses et belles fructifica- tions. Cette variété est petite, de couleur jaune doré, les feuilles sont érès rapprochées, dressées, molles, entières, décurrentes, ovales-lancéolées, se terminant par une pointe subulée. La nervure ne dépasse pas le milieu. Le tissu peu serré, forme à la base des orerllettes jaunes bien distinctes dont les cellules représentent de petits hexagones assez réguliers. Les f. périchétiales assez grandes, moins étroites, entières, profondément sériées et munies d'une nervure allant jusqu’au milieu et même au delà chez les intimes. Bien que rares j'ai pu constater les fleurs mâles, près des fleurs femelles et formant des bourgeons très petits dont les feuilles périgonales sont semblables aux f. périchétiales, mais plus petites et très imbriquées. Les capsules longuement pédicellées sont subdressées, légèrement arquées vers l’orifice après la sporose, cyln- driques, lisses, ornées d’un petit col et ordinairement plus colorées d’un côté que de l’autre. L’opercule est gros, convexe, conique. L’anneau est excessivement — 179 — étroit et très fugace. Les cils se dressent par paire, mais ne sont pas toujours tous parfaitement développés. La plante de Geisa est donc bien la même que celle décrite par Schimper, mais avec quelques petites particularités dans la taille qui est moindre et surtout dans la forme de la capsule. | En résumé, on peut considérer l’A. leptophyllum comme ayant les feuilles denticulées ou entières, mais les f. périchétiales sont toujours entières. Vte R. pu Buysson. COYZEVOX MESSIEURS, Vous venons vous signaler une œuvre nouvelle de M. Henry Jouin. Ce nom, depuis longtemps, n’a plus besoin de commentaire, et le prononcer devant vous est l’exorde le plus sûr de gagner à l’analyse que nous voulons essayer, votre attention et votre intérêt. ANTOINE COYZEVOX, sa vie, son œuvre et ses contem- porains, précédés d’une étude sur l’École française de sculpture avant le XVII® siècle !, Ce livre vient d’être couronné par l’Institut. Après un suffrage si éclatant, nous ne pourrions sans outre- cuidance risquer un mot d’éloge. Il nous sera permis, toutefois, d'indiquer le caractère de l'ouvrage et les motifs qui doivent le faire ranger parmi les meilleures productions modernes. En écrivant la vie du célèbre statuaire dont nous venons de tracer le nom, M. Jouin donnait pour ainsi dire, un second chapitre à une œuvre brillamment 1 Librairie académique de Didier et Cie, 35; quai des Augus- ins, Paris. ; — 181 — commencée. Tout récemment, la biographie de David (d'Angers) lui valait une première récompense de l’Académie des Beaux-Arts et les éloges unanimes de nos premiers artistes. Ici encore, le but n’est pas seu- lement de raconter la vie matérielle d’un sculpteur, mais, aussi, de mettre en lumière, au point de vue de l'art, les considérations auxquelles donnent lieu ses œuvres principales. Pour préparer ses lecteurs à cette apprécialion délicate, l’auteur, dans un avant-propos sur l’École de sculpture française avant le xvne siècle, préface qui mériterait à elle seule d’être signalée, présente la généalogie des divers caractères de la sculpture en France jusqu’à Coyzevox. — Celui-ci est né le 29 septembre 1640, à Lyon, cette ville qui n’a cessé de produire tant d'artistes remarquables, parmi lesquels on nomme de nos jours Claudius Lavergne et les deux Flandrin. Son pére, menuisier, était originaire de Madrid et signait : Quoïzeveau ; mais, plus tard, la terminaison actuelle, peu espagnole pourtant, a été adoptée par lartiste et consacrée par la Renommée. Un autre menuisier de la même ville, du nom de Coustou, devait également produire un artiste célèbre qui, bientôt, entra dans la famille de celui dont l’histoire nous occupe. Habitué dès son enfance à sculpter le bois, Antoine Coyzevox, à l’âge de dix-sept ans environ, vint à Paris où l’attendaient les leçons de Lérambert, « du fameux Lérambert », dit un auteur. C'était le moment où la sculpture allait quitter le style brillant mais parfois maniéré de Rosso, de Primatice et de Cellini. Ce style, — 182 — nommé gallo-florentin, ne fut pas amendé sans obstacle. François [° le louait sans restriction ; mais la duchesse d'Étampes faisait des réserves que bientôt le ciseau de Jean Goujon, puis celui de Germain Pilon, firent pré- valoir. Apprécié par Colbert, le créateur de Versailles, et par le peintre Lebrun, Coyzevox commença la série de ses innombrables œuvres. Ses travaux au palais de Saverne, appartenant au cardinal-évêque de Strasbourg, mirent son nom en haute estime. Membre de l’Académie en 1676, un moment revenu à Lyon pour létablisse- ment d’une École des Beaux-Arts, il dote sa ville natale d’une Vierge restée célèbre. Cette statue est placée dans l’église Saint-Nizier, édifice peu en faveur, nous dit-on, près des archéologues chrétiens, l’architecte, mal pensant peut-être, ayant, contre l’usage, orné la flèche de droite, symbole du pouvoir temporel, plus que celle de gauche, emblème du pouvoir spirituel. À partir de ce moment, le succès est de chaque jour. Lebrun, Mazarin, Bossuet, Mignard, tous les person- nages puissants ou illustres lui demandent leur por- trait, et, enfin, il sculpte un buste le représentant lui-même. L’appréciation de ces œuvres diverses donne lieu à des observations que les artistes, quel que soit leur genre, ne sauraient trop méditer. L'auteur, fort de son savoir et de son expérience, montre comment le sculp- teur, après avoir étudié, admiré les modéles antiques, ne doit pas, ainsi doté de bons exemples, cesser de s'interroger lui-même:en toute liberté, et d’écouter. l'accent vrai, consciencieux, qui vibre en lui. Autrement — 183 — il ne sera pas créateur, mais seulement copiste. Nous le répétons à dessein, dans ces quelques pages, M. Jouin a tracé, en termes excellents, des conseils utiles à tous et bien venus surtout dans notre contrée, car la pour- suite du vrai dans l'interprétation naïve de la nature, semble, dit l’auteur, être la pente logique de lesprit national. Après avoir cité les Dioscures, la Vénus à la coquille et la Vénus pudique, application éclatante des vérités que nous venons d'analyser, essaierons-nous la nomen- clature des œuvres créées à Paris, Versailles, Trianon, Marly, Saint-Germain et autres lieux? Ce serait entre- prendre le livret d’un véritable musée. Nous passerons même sur cette statue de Louis XIV, qui, aprés de longues luttes entre Nantes et Rennes, finit par se fixer dans cette dernière ville, où elle a été brisée à l'arrivée de Carrier. Mais il nous faut citer un monument élevé près Angers, le tombeau du marquis de Vaubrun, placé dans la chapelle de l’admirable château de Serrant. « L'œuvre exquise dans cet ensemble, dit l’auteur, « c’est la figure douloureuse de Mme de Vaubrun. Son « deuil est interprété de main de maître : la pose, les « draperies, l'expression, tout dans cette image parle « d'angoisse. Pocquet de Livonnière, un chroniqueur « angevin, a eu raison d'écrire : « Ce chef-d'œuvre « vaut qu’on s’écarte de dix lieues pour le venir voir. » Ce tombeau date de 1705. Pour les autres œuvres, on peut recourir à la liste avec explications, donnée par le livre, et indiquant des monuments, statues, bustes et bas-reliefs au nombre de 299. De plus, ceux qui aiment à douter trouveront — 184 — 30 pages de pièces justificatives ; ceux qui veulent revoir ce qu'ils ont lu, une table des matières formant presque un dictionnaire, En 1716, Coysevox fait encore le portrait du jeune roi Louis XV; ce portrait est envoyé à Lyon. En 1717, il agit comme chancelier de l’Académie. Depuis, sil travaille encore, aucune de ses œuvres n’est plus indi- quée. Assiégé, pendant une année, par de cruelles souffrances chrétiennement supportées, depuis quelques jours octogénaire , Coyzevox est mort à Paris, le 10 octobre 1720. Il avait été marié deux fois. Géné- reux, charitable, il n’avait pas cessé de mériter l’es- time, souvent la reconnaissance ; tous les éloges que peut inspirer ce noble caractère se trouvent résumés par ces derniers mots de l’auteur : « Chez lui, l’homme vaut l'artiste. » On est heureux de voir une telle existence racontée par un tel historien. E. LACHÈSE. ÉPITRE À MA VIEILLESSE OU LE SECRET DE NE PAS VIEILLIR Senescendo se reficit. Salut, à bonne vieille, à la tête charnue, J’espérais bien te voir un jour, salut à toi, Approche, embrassons-nous, et sois la bienvenue, Sans chagrin je subis ta loi! Aux décrets souverains que la nature impose L'homme doit obéir, en paix se résigner, Et jamais, d’un esprit insoumis et morose, En murmurant se mutiner. Chacun doit regarder l’éphémère existence Comme un contrat à vie où se règle un loyer, A yant toujours les yeux fixés sur l’échéance Qui marque le terme à payer. Du Dieu qui nous créa la sagesse infinie Pour le bien des mortels a tout fait ici bas; Pour aimer et souffrir s’il nous donna la vie, À l’homme il a dit : tu mourras. — 186 — Il voulut réserver un tribut à chaque âge, Répartissant ainsi la joie et la douleur; Hélas! qui nous dira, dans un si court passage, Quelle est la part faite au bonheur? Oui, du bien et du mal c’est une alternative, L'amertume s’y mêle à la douceur du miel; Jeune ou vieux, que chacun comme le sage vive, Satisfait des faveurs du ciel. Pour moi, je bénis la vieillesse Qui me laisse, à la fin des ans, Un certain regain de jeunesse Où je brave le cours du temps. Je me tiens droit, je suis allègre, D’esprit, de corps toujours actif, N’étant ni trop gras, ni trop maigre, J'ai le pied ferme avec l’œil vif. Observateur de l'hygiène, Veillant sans cesse à ma santé, Dans une humeur calme et sereine Je puise une douce gaité. Suivant mon appétit je mange, Modéle de sobriété, Le vin jamais ne me dérange, Au besoin toujours limité. Point d’excès, tout avec mesure, De vieillir c’est le vrai moyen ; Suivre le vœu de la nature, C’est d’un sage.et d’un bon chrétien. — 187 — Mes fonctions en équilibre Sont dans l’ordre le plus parfait, Sommeil profond, le ventre libre, Voilà, Messieurs, tout mon secret. Est-ce à dire que d’un coup d’aie Le temps ne m’a pas ébranlé, Qu’à la destruction rebelle Le vieux tronc n’a pas chancelé? Que me tenant ferme à ma place, Toujours gaillard, toujours vivace, Je ne veux pas bouger du lieu, Et qu’en fanfaron je m'obstine, Bravant décadence et ruine, À ne pas dire au monde adieu? Il faut bien que le sacrifice Pour chacun de nous s’accomplisse, Tu n’y peux échapper, vieillard, En dépit de maint artifice Qui cache aux yeux le précipice, Tu dois y sombrer tôt ou tard. Mais il est certaine industrie, Où notre nature appauvrie Trouve un admirable secours, Des traits réparant le dommage, Elle efface l’affreux ravage Que le temps y creuse en son cours. On ne vieillit plus, c’est merveille, On a la figure vermeille, — 1838 — On refleurit comme au printemps, Plus de teint hâve et d’air malade, Grâce à l’effet d’une pommade, D'un élixir et des onguents. Plus de cheveux blancs, la teinture Transforme votre chevelure, Pourquoi garder un crâne nu, Lorsque, par l'effet d’une essence, De cheveux en exubérance Le prestige vous est rendu ? Vous avez de votre machoire Vu tomber l’arcade d'ivoire, Vous êtes démantibulé ; La langue flotte dans le vide, Et de la parole timide - L'accent n’est plus articulé; Mais voici venir le dentiste, En ingénieux machiniste, IL vous arme d’un instrument, Le râtelier, à double usage, Qui corrige votre langage Et vous fait broyer l'aliment. Un œil se vide, on le remplace, On remet un nez à la face, On rend le bras à tout manchot; Vous êtes privé d’une jambe, | À prix fixe on vous rend ingambe, Plus de bancal ni de pied bot. — 189 — Alors qu’un vieux mur se lézarde, Pressentant sa chute, on prend garde, Par des étais on le soutient; Ainsi quand on devient patraque, Que l’organisme se détraque, Par l’artifice on le maintient. Confrères donc, vous voyez comme, Au besoin, l’on refait un homme, Admirons l’art et ses progrès! Pourquoi, dans son inquiétude, Redouter la décrépitude, Puisque l’on rajeunit après? O mort, quel sera ton empire, Et comme de toi l’on va rire, Lorsque nos viscères usés, Par un miracle d'industrie, En perpétuant notre vie, Dans le corps seront remplacés. Pourtant dans mon âme oppressée S'agite une triste pensée : Que nous réserve l'avenir? Oui, Messieurs, j'aurai cessé d’être, Le jour où l’on fera connaître Le secret de ne plus mourir. Dr R. GRILLE. LA MORTE DU 31 DÉCEMBRE TRADUIT DU POÈTE ANGLAIS ALFRED TENNISON Sur la terre glacée un blanc manteau de neige S’étend, voici l'hiver et son triste cortège. L’aquilon souffle à chaque seuil. On attend à sonner, au clocher du village, Minuit, l'heure funeste et de sombre présage, Toute la nature est en deuil. Allons, apprêtez-vous, vieux sonneurs de l’église, Les yeux sur le cadran, guettez l'heure précise Qui marque le dernier signal! Que l’on marche sans bruit, malade et défaillante, Ses douze mois remplis, une année expirante Va tomber sous le coup fatal. Arrête, vieille année, et ne meurs pas encore Tu vins, cher souvenir, brillante à ton aurore, Quel beau soleil dorait tes pas! Depuis nous avons vu couler notre existence Dans les plus doux liens d'amour, d’intelligence, Qui te presse? ne t’en va pas. — 191 — La voilà qui s'éteint et ma prière est vaine ; Elle ne verra plus lever l’aube sereine, Plus de lumière dans le ciel. La terre n’aura plus pour elle d'harmonie, Plus de fleurs, de parfums ; eh quoi! quitter la vie Pour sombrer au gouffre éternel ! Arrête, vieille amie, Ô toi, ma confidente, Aux maux que j’ai soufferts toujours compatissante, Et prête à charmer mes douleurs. Nous avons ici-bas, dans l’épreuve commune, Partagé la mauvaise et la bonne fortune, Ou dans la joie ou dans les pleurs. Non, tu ne mourras pas, ou bien je vais te suivre. Quel bonheur à présent puis-je trouver à vivre, Ne t’ayant plus auprès de moi? Mais, adieu l'espérance, adieu la folle ivresse, Trompeuse illusion, souvenirs de jeunesse | Vois-tu se dresser devant toi. Regarde, c’est ta fille et ta seule héritière Que le destin appelle à son tour sur la terre, Annonçant son règne nouveau | Triomphante, elle vient se placer sur ton trône, De sa main sur son front déposant la couronne, Lorsque tu descends au tombeau. Les étoiles au ciel jettent des lueurs vives, On croirait voir passer des âmes fugitives Qui traversent l’immensité ; La gelée est piquante ; amis, c’est jour de fête, Salut à la nouvelle année, et qu’on s'apprête À proclamer sa royauté ! — 192 — Et notre vieille année, oppressée et râlante, S’affaisse, et du grillon la voix plaintive chante, Présage de deuil au foyer ; De la lampe s'éteint la lumière affaiblie, Et bientôt va sonner cette heure d’agonie, Précédant le soupir dernier. Avant que par la mort tu ne sois moissonnée, Veux-tu bien me donner ta main, Ô vieille année, Cher objet de pleurs superflus ? Parle, de grâce, as-tu quelque chose à me dire? Mais elle n’entend pas, c’est une ombre, elle expire, La cloche tinte, elle n’est plus. Amis, fermons les yeux à cette pauvre morte, À celle qui succède allons ouvrir la porte, Jeune et belle, aspect séducteur, Serrons tous cette main qu’elle nous tend, j'espère En elle retrouver les vertus de sa mère, Ah ! puisse-t-elle avoir son cœur ! D‘ R. GRILLE. ® TABLEAUX ANALYTIQUES DE LA FLORE D'ANGERS On sait combien peu de flores locales répondent aux exigences actuelles de la science descriptive. Une foule de problèmes récemment posés ne peuvent être résolus que par le concours d’un grand nombre d’observateurs. Pour ce qui concerne spécialement l’Anjou, bien que depuis plus d’un siècle les recherches se poursuivent sans relâche, il reste un large champ ouvert aux inves- tigations ; il serait téméraire, à l'heure présente, de tenter une mise en œuvre de matériaux encore fort incomplets. C’est pour provoquer le zèle des amateurs dans la voie si féconde de l’observation des plantes sur place que nous avons rédigé ces tableaux analytiques, en tenant compte des méthodes nouvelles et 4 résul - tats acquis. . L’herborisation, pour être utile, doit être guidée par une critique rigoureuse qui empêche le botaniste de s’égarer dans le dédalé des faits. Avant tout, s’il veut _ SOC. D’AG 13 — 194 — ‘ sortir du rang obscur de collectionneur, et apprendre à observer, qu’il se persuade bien que la connaissance du nom d’une plante n’est pas le terme, mais plutôt le premier pas dans son étude. Une fois connue la place d’une espèce végétale dans la série naturelle, il devra porter son attention sur les caractères énoncés comme spécifiques pour en vérifier la constance; si des variétés sont attribuées à la plante, rechercher dans quelles limites les écarts se produisent. Sous la rubrique de caractères variables, il trouvera signalés les points de l’organisation dont la valeur n’est pas actuellement fixée, et qui appellent le contrôle de l'expérience. Pour donner à ses recherches une portée incontes- table, il devra s’entourer de précautions élémentaires sans doute, dont toutefois la négligence a causé très souvent de graves erreurs. Ainsi ne jamais limiter ses observations à un seul individu, surtout lorsque le sujet st rachitique ou incomplet. Pour le même motif ne pas craindre de visiter successivement , à trois ou quatre époques, la même plante; un échantillon com- plet doit comprendre, s’il se peut, les plantules en ger- mination, les diverses sortes de fleurs et de feuilles dans les cas de dimorphisme, les.organes accrescents, et avant tout les fruits mûrs avec leurs: graines. Cette recherche, en dénotant les formes stériles, mettra sur la trace des hybrides. Au lieu de rejeter les plantes ambigües, que l’on ne sait à quelle espèce rapporter, les conserver soigneuse- ment, et chercher même à retrouver les intermédiaires qui relient au type connu toute forme aberrante. Rién — 195 — de plus instructif à cet égard que ces échantillons où sur deux rameaux voisins se trouvent associés les caractères regardés comme différentiels de prétendues espèces. La valeur d'un herbier est en rapport avec la méthode qui a présidé à sa formation; sa richesse dépend moins du nombre absolu que du choix et de l'authenticité des échantillons. À ce point de vue, un amateur ferait un exercice ulile en fixant son attention sur un groupe restreint qu’il choisirait de préférence parmi ceux qui abondent autour de sa demeure. L'observation fréquente et aux diverses saisons de la famille ou du groupe privilégiés ne pourrait manquer de mettre en évidence des caractères qui ont pu échapper jusqu'ici aux botanistes, Les notes d’herborisation, à conserver ensuite dans les feuilles d’herbier, devront spécialement indiquer les caractères inséparables de la vie. Rien de fugace comme le parfum d’une fleur, la saveur d’une feuille ou d’un fruit, et ces faibles signes suffisent parfois à résoudre une difficulté. Il faut noter sur le vif la couleur des organes promptement altérables, leur attitude, le changement que le contact de l'air fait subir aux organes froissés ou fanés, au latex de cer- taines espèces, l’époque des principaux phénomènes végétatifs, les conditions de vie, comme l’exposition, la nature du sol, etc. Aucune particularité, même minime, ne doit être négligée ; leur ensemble fera matière à critique ultérieure, et une discussion sérieuse devra en tenir compte pour établir définitivement leur degré d'importance. 1 À (213 ENT (Le) 10 1 Laden 12: 43 14 — 196 — CLEF ANALYTIQUE DES FAMILLES Plante différenciée entige et feuilles. 3 Thalle ou tige sans feuilles........ 2 Tige filiforme, munie de suçoirs... Cuscutacées (64) Thalle lenticulaire ou lamelleux, LA TAN SAONE CE CHSBLE 2e du de Lemnacées (104) Fleurs réunies en capitule dans un volacre nes Rene rte 4 NOTONS E DB 00 202 + 20e 2070 8e 6 Etamines soudées parleurs anthères. 112 Etamines à anthères libres........ 5 Capitules monoïques, les femelles à . 1 ou 2 fleurs... En ST CRE * Ambrosiacées (51) Capitules tous semblables, multi- flores 2. Pen Eee 6 Arbrisseau dioïque. parasite sur les , arbres.......... DCE UTECE . Loranthacées (85) Non tree EN en ec RNEere VE Fleurs à périanthe simple ou nul... 8 Fleurs à calice et corolle distincts... 49 Arbres à fleurs mâles réunies en GCHAONS EEE CC 9 None" ee sm share oies nee fereie ONE : 12 Arbres résineux à feuilles aciculées. Conifères (114) NO SE EPP PE CPÉREE ECC CE . 10 Fleurs dioïques, graines Shin - Salicinées (90) Fleurs monoïques................ 11 Fruits solitaires ou peu nombreux dans une cupule............... Quercinées (88) Fruits agrégés formant un cône.... Betulacées (89) Inflorescence en spadice.......... 13 Non lrneeteR eme enter et ee 15 Spadice latéral, fleurs munies d’un périanthe....... RReRe Ee EEE er) Acoroidées (103) Spadice-terminalse ea Eee 14 Spadice enveloppé d’une spathe, fruit charnu....,...... 2 élit Typhacées (102) Spadice nu, fruit sec ou peu charnu. Aracées (101) 2 — 197 — 15 Feuilles composées, avec stipules adhérant au pétiole par le côté.. Sanguisorbées (31) NORME Has tiidoes c duc 16 46 Ovaire infère..................... 17 Ovaire supère et libre............. 21 17 Périanthe en tube irrégulier et res or USE SABRE TI Aristolochiacées (87) Périanthe formé de 6 pièces....... 40 Périanthe de 2 à 5 pièces ou nul... 18 18 Feuilles alternes................. Santalacées (86) Feuilles opposées................. 19 Feuilles verticillées ..........:.... 20 19 4 étamines, capsule à 4 loges...... Onagrariées (35) "8 étamines, capsule uniloculaire... Saxifragées (40) 20 Feuilles entières, 1 étamine........ Hippuridées (38) Feuilles entières, 4 à 5 étamines... Rubiacées (47) Feuilles pinnatiséquées, 4 à 8 éta- MINES rene etre een Haloragées (37) 21 Arbres à feuilles opposées, impari- pennées, périanthe nul.......... Oléacées (58) Non NE rire ete Et 22 22 Fruit uniloculaire et monosperme.. 23 Fruit polysperme................. 34 23 Fleurs glumacées................. 33 Fleurs non glumacées............. 24 24 Périanthe distinct................ 26 Périanthe nul, feuilles spinescentes, plante submergée............... 25 25 Feuilles verticillées par 6 à 10..... Ceratophyllées (81) Feuilles opposées ou ternées....... Naïadées (105) 26 Pétiole muni d'une gaine membra- DE Eee ET LL AE Polygonées (717) Pétiole sans gaine membraneuse... 27 27 1 style ou stigmate sessile, fleurs ù tetramères.......:.....:....... 28 2 à 5 styles ou stigmates.......... | 29 28 4 étamines à filets élastiques. ..... Urticacées (84) 8 étamines..... iii: Thyméléacées (78) 29 Arbres ou arbrisseaux............. Ulmacées (82) Herbes ........ DE AAA PER LES “ik 30 — 198 — 30 Feuilles munies de stipules........ 31 Feuilles sans stipules.........,... 32 34 Fleurs.dioïques.. .......... ce. Cannabinées (83) Fleurs hermaphrodites............ Paronychiacées. (46) 32 Périanthe souvent scarieux muni de bractéoles...... "ee Cr HAE Amarantacées (75) Périanthe non scarieux, sans brac- î LÉDIES ANR ARE ER EEE Salsolacées. (76) 33 Gaïne des feuilles entière.......... Cypéracées (99) Gaine fendue, chaume noueux..... Graminées (100) 34 Périanthe (calice) à 12 divisions sur deux rangs... "4.020 Re sue baie Lythrariées (34) Périanthe à 6 ou 8 divisions....... 35 Périanthe à 4 ou 5 divisions, ou nul. 36 39 Feuilles entières: ir ...Rua-.L-ertes 44 - Feuilles très découpées.......... …. | 36 36 Garpelles libres..............- Renonculacées (1) Carpelles soudés en capsule........ 37 37 Feuilles entières ou dentées....... 38 Feuilles pinnatiséquées, fruit en sili- 4 CIO ae een eee IE Crucifères (6) 38 Plantes aquatiques submergées.... Callitrichinées (80) Plantes terrestres................. 39 39 Fleurs hermaphrodites............ Alsinées (13) Fleurs unisexuelles ............... Euphorbiacées (79) * 40 Fleurs irrégulières, étamines soudées AU DIS LE ee ee EEE DER Orchidées (91) Fleurs régulières (ou presque), éta- MminesAibTES Eee LL parME Le a 41 Plante dioique...:............... 42 Plante hermaphrodite............. 43 42 Tige volubile, fruit en baie........ Dioscoréacées (92) Tige aquatique, capsule........... Hydrocharidées (410) 43 3 étamines, stigmates pétaloïdes... Iridées (93) bétaminess 222 ER eeR COLE Amaryllidées (94) 44 Fruit charau indéhiscent.......... Asparagées (95) Fruitynon charnn 2"... 0.2 | 45 45 Périanthe pétaloïde............... 46 Périanthe herbacé, 3 carpelles libres. Joncaginées (107) Périanthe scarieux, capsule trivalve. Joncacées (98) — 199 — 46 Carpelles 6 ou plus, libres ou peu SUHAO SN eteleoie late a ec ee asie 0 revue he 47 Carpelles 3 soudés en capsule...... 48 47 Etamines 6 ou très nombreuses.... Alismacées (409) MÉADUNES e. . - suux lisse «84 Butomées (108) ROIS UYIOS: mel eco cmmciere Colchicacées (97) style tie 2. - ustsmede sdefer Liliacées (96) 29PFeurlles vertes..." {0% otre. 51 Feuilles sans chlorophylle ......... 50 50 Corolle gamopétale, 4 étam........ Orobanchacées (74) Corolle dialypétale, 8 à 10 étamines. Monotropacées (55) ARR HAPRÉtAMINEST EEE ALU CEA 60 Etamines nombreuses............. 52 Fe ENTRE ESPRIT Alismacées (109) La pl2 pétales. 2... este 53 Pétales nombreux, plante aquatique. Nymphéacées (3) 53 Etamines libres ou formant plu- sieurs. faisceaux... .............. 54 Etamines soudées en un tube en- 4 tourant le style..........,..,... Malvacées (19) 54 Etamines insérées au-dessous des Campellés ls Nr red tis, 56 Etamines insérées à la hauteur de l’ovaire libre. Carpelles libres... 5h] Etamines insérées au-dessus de l’o- vaire infère. Carpelles soudés.... Pomacées (32) 55 Fruit charnu (drupe) monosperme. Amygdalées (29) Fruit sec ou polysperme.:...... …... Rosacées (30) DORE Cinés. 4... nca Résédacées (7) Pétales non laciniés............... 57 HMPAT Dre élevé er lite 22 an .. Tiliacées (20) Herbe ou sous-arbrisseau. ......... o8 58 Préfloraison tordue, ovaire simple, feuilles entières...... dede do 59 NON PRE AS sde Renonculacées (4) 59 3 à 5 styles libres................. Hypéricacées (18) SE ndiNis nt : ef eee 2 « Cistacées (8) 60 Etamines insérées sur le calice ou laCOrONe PR TC MERE TEA 76 Etamines insérées sur le réceptacle. 61 .— 200 — 61 Corolle régulière ou peu irrégulière. 65 Corolle très irrégulière. ......,.... 62 62 Feuilles bi-tripinnatiséquées. . ..... Fumariacées (5) Feuilles simples .......: RCE LRS ei 63 63 8 étamines diadelphes, corolle sans ÉPEFONA I ENNL MMPRRrr PRPEE Polygalées (11) 5 étamines, corolle munie een 64 . 64 4 sépales très inégaux, capsule élas- tique à.5 loges..." it Balsaminées (24) 5 sépales, capsule uniloculaire..... Violariées (9) 65 Arbre ou arbrisseau.............. . 66 HERBE. nette ete à 2 69 66 Fruit sec, fleurs en inflorescence définie AMEN ET. ln cheats 67 Fruit en baie, grappes............ Berbéridées (2) 67 Arbre à fruit indéhiscent, feuilles palmatilobées... feutre: Acérinées (26) Arbrisseau à fruit déhiscent, feuilles ENHÈTESS 3 à se see M en oUM Célastrinées (25) 68 Corolle cruciforme, fruit en silique. Crucifères (6) None er per EU 69 69 Capsule multivalve................ 70 Carpelles très nombreux et libres.. Renonculacées (4) 70 Feuilles simples et entières ....... TA Feuilles trifoliées. ...,,............ Oxalidées (23) Feuilles palmatilobées ou pinnatifides Géraniacées (22) 71 Etamines toutes fertiles et libres... 72 Etamines fertiles alternant avec des filets stériles. ...... CADET Linacées (21) 72 Stigmates linéaires, 4 ou 5 pétales. 13 Stigmates capités, 3 ou 4 pétales; herbe des marais............. .. Elatinées (17) 13 Calice gamosépale. .…........ …... Silénées (12) Calice dialysépale.. .…....... 138040 74 74 Styles distincts dès la-base......... Alsinées (13) Style simple à la base, puis tripartit. Polycarpées (14) 75 Corolle papillonacée, fruit en gousse. Papillonacées (28) NON in dote eo ace JUL MAR ver 76 16 Herbes charnues à feuilles entières. 77 Non..... sabre eee. = 79 77 Ovaire simple.....,....,,...,:... 78 3 à 12 carpelles libres....,.......: Crassulacées (33) 78 1-2 styles indivis ..,.......... PAL 79 SRE desole Portulacées (15) 79 Corolle dialypétale...… sen su 80 Corolle gamopétale.......... ROUE 89 80 Ovaire infère ou à demi-soudé... ... 82 Ovaire supère et libre............. 87 81 Fleurs en ombelles ou en cymes.... Araliacées (42) Nan, LAPPE, AE CORÉUR ET LCL T EE ES Grossulariacées (39) SaHerbes à frmitisec. se... 84 . Arbrisseau à fruit charnu.......... 81 Saétammest-2.....#0000.e 000 Circéacées (36) 4 à 8 étamines .......... PR DEE NE Onagrariées (35) da styles. libres 2 00. leon 86 Styles soudés ou nuls....,........ . 85 85 Herbes sibmergées à feuilles infé- rieuTres divisées. . 4e odttee Haloragées (317) NORME ne tn AN 83 86 5 étamines, ovaire infère......... . Ombellifères (44) 10 étamines, ovaire semi-infère.... Saæifragées (40) 87 Arbrisseau, fruit en baie.......... Rhamnées (27) Horton alor 60 88 88 6 à 12 étamines, sépales sur 2 rangs. Lythrariées (34) & à 5 étamines, calice à 4 ou 5 divis. Paronychiacées (16) 89 Etamines insérées chacune en face d’un lobe de la corolle.......... 90 Etamines alternant avec les lobes de la corolle ou de nombre diffé- MOHUR nes eee name ne eue cite 1191 90 Fruit monosperme indéhiscent, 5 sti- ENTORSES Dors SAAUEATTUEETT Plombaginées (57) Fruit polysperme, 1 stigmate...... Primulacées (55) 91 Ovaire libre, étamines insérées sur la *ecurolle 2960. EUaE 53647 92 Ovaire infère, étamines insérées sur lencalhosern ao dou do HAT ñ 105 92 Plante volubile, corolle sans décou- DUrES AMOR DEN IEM UMR Convolvulacées (63) Non. RSSNEUMNERE en Poe lea 93 — 202 — 93 Etamines de même nombre que les divisions de la corolle........ 94 Etamines en nombre double des - divisions de la corolle........... Ericacées (54) Etamines (2 ou 4) moins nombreuses que les divisions de la corolle or- dinairement irrégulière......... 4104 94 Arbrisseau à feuilles épineuses.... Ilicinées (54) Non Es CS UANIEN TRE Eee RES EE 95 95 Corolle scarieuse à 4 (rarement 3) . dVISIOnS eee PER CRE . Plantaginées (68) Corolle non scarieuse......,...,.... 96 96 Fruit formé de 4 achaines monos- PÉDEMES jupe set ce ET AE Borraginées (67) Fruit charnu ou déhiscent, “polys- . Permis e PARR RCE 2 dre 97 97 Fruit en follicule, s’ouvrant d'un SOHIRCOE RER AE eee eee 98 Fruit charnu ou s’ouvrant en 2 à Lialves tee use LEHo 99 98 Grainessoyeuses,inflorescence grou- péenatnenaeee Lee. 2 0e |. Asclépiadées (60) Graines sans aigrette, fleurs soli- taires......... trrssssses...... Apocynacées (61) 99 Feuilles opposées (rarement alternes etalors trifoliées), capsule à 1 loge Gentianées (62) Feuilles alternes, fruit à 2 loges... 100 100 Étamines à anthères biloculaires.. Solanacées (65) Etam. inégales, à anthères unilocul. Verbascées (66) 101,2 étamines.. "LEE ER erreur 102 k'étamines..... "tete 0- ete 103 102 Arbre ou arbrisseau à corolle régu- Bières ect e tee Oléacées (58) Corolle très irrégulière avec éperon. Lentibulariées (72) Corolle irrégulière, mais sans épe- ron ee ue COOP RIRE 103 103 Fruit formé de 4 achaines ou renfer- mant # graines................. 104 : Fruit en capsule eus SERRE Scrophulariacées (73) Fruit monosperme indéhiscent..... Globulariacées (74) — 203 — 104 Style basilaire, naissant entre les LL LATEST Labiées (69) Style terminal au sommet de la CODSULE ERP ee Seb Verbénacées (70) 105 Plante munie de vrilles acerochantes. Cucurbilacées (52) NOMADE ROME ETS LEE RER 106 106 Fleur terminale à 4 divisions, les latérales à 5 ; étam. bifurquées.... Adoxées (43) Fleurs toutes semblables........... 107 107 Etamines en nombre double des divisions de la corolle........... Vacciniées (53) Etamines en nombre égal aux divi- sionsydenla corolle. 442,018 108 Etamines en nombre moindre que les divisions de la corolle........ Valérianées (46) 108 Feuilles verticillées ............... Rubiacées (47) Feuilles alternes ou opposées ...... 109 RÉ ARES Ste na de ne à eme deree Dipsacées (45) HACTAINES RU A NSP 110 110 Fruit charnu, feuilles opposées... Caprifoliacées (44) Capsule feuilles alternes........... . A 111 Etamines libres, fleurs régulières... Campanulacées (49) Etamines soudées en tube, fleurs RÉ CUNÈTeSA sa rentine dote Lobéliacées (48) 112 Calice nul ou remplacé par des poils ou des écailles.................. Composées (50) Calice à 5 divisions, fleurs pédicel- LEA TEE DE PET CAR CA CE Campanulacées (49) PREMIÈRE PARTIE PHANÉROGAMES. Plantes à rameaux de deux sortes, les uns allongés . et munis de feuilles normales servant à la nutrition, les autres courts, à feuilles modifiées, et destinés à pro- duire la semence (Fleurs). Androcée formé d’étamines donnant naissance dans les loges de l’anthère à des cellules fécondantes immobiles et revêtues de mem- ‘ branes (grains de pollen). Gynécée constitué par les * carpelles produisant les ovules dans la cavité de l'ovaire. Phénomène de la fécondation s’opérant dans l'air par la germination des grains de pollen, dont l'enveloppe interne s’allonge en tube et pénètre Jus- qu'aux ovules. Graines renfermant un embryon, jeune plante com- plète, munie d'organes rudimentaires (tigelle, radicule et cotylédons). st PREMIER EMBRANCHEMENT. - ANGIOSPERMES Ovaire clos, surmonté d’un organe papilleux et glanduleux (stigmate) sur lequel germe le pollen uni- cellulaire. SOUS-EMBRANCHEMENT I. — DICOTYLÉDONES. Classe I — Dialypétales. Corolle distincte et formée de pièces libres. — 205 — Sous-classe I. — Thalamiflores. Étamines insérées sur le réceptacle plan ou convexe, sans adhérer ni aux pétales ni au calice. Périanthe disposé en plusieurs verticilles, rarement réduit à 4 ou 2, et alors les étamines ou les carpelles sont en spirale -et indéfinis. (Aphanocycliques. 4 ; Ge yo $) Ordres. Familles. Pétales plus de # ou nuls, fruit apocarpé. RANALES. Étamines indéfinies, extrorses, albumen simple. RO BATE Renonculacées. Étamines définies (6) en deux verticilles. Berbéridées. Étamines indéfinies, introrses, albumen doublé d’un périsperme. | ” Nymphéacées. Pétales 2 ou 4, fruit syncarpé. CRUCIFLORES. Corolle irrégulière, étamines diadelphes. Fumariacées. Corolle régulière, 2 sépales, étamines égales. Papavéracées. Corolle régulière, 4 sépales, étamines tétra- dynames. Cruciféres. Périanthe sur deux verticilles (Eucycliques). Placentation pariétale, ovaire uniloculaire. PARIÉTALES. Fleurs irrégulières, sans éperon, étamines libres. Résédacées. Fleurs irrégulières avec éperon, anthères conniventes. Violariées. . Fleurs régulières à 5 étamines libres. . . Droséracées. Fleurs régulières, préfloraison contour- LE nées, étamines indéfinies. Cistacées. .. Placentation centrale; embryon courbé. CARYOPHYÉLINES. ‘ Fruit monosperme indéhiscent.. : . Paronychiacées. Feuilles alternes, un peu charnues. Portulacées. Feuilles opposées, calice gamosépale. , Silenées. Feuilles opposées, calice dialysépale: Alsinées. Placentation axile. Anthères à déhiscence apicilaire. PoLyGaLines. Polygalées. Anthères à déhiscence longitudinale. Étamines indéfinies. Calice à préfloraison imbriquée. GurrIrèREs. Hypéricinées. — 206 — Calice à préfloraison valvaire. COLUMNIFÈRES. Calice caduc. Tiliacées. Calice persistant. . Malvacées. Étamines définies. Disque nul ou réduit à des glandes isolées. GRUINALES: Un albumen, styles libres ou peu soudés. Feuilles simples. Linacées. Feuilles composées. Oxalidées. Albumen nul. Styles soudés à un prolongement du réceptacle. Géraniacées. . Stigmates sessiles. Balsaminées. Disque en anneau continu. DisCIFLORES. Albumen nul, étam. ordinairement en 2 verticilles. Acérinées. Un albumen; étamines sur un seul rang. Étamines PUR avec les pétales. Célastrinées. Étamines oppositipétales. Rhamnacées. Fam. (1). Renonculacées. A. Carpelles nombreux monospermes et indéhiscents (Achaines). a. Périanthe simple. 1. CLEMATIS. Arbrisseau sarmenteux à feuilles oppo- sées 8. rie Fleurs Dee munies d’un involucre. 2. THALICTRUM. 4 sépales petits et caducs, fleurs nombreuses. b. Calice et corolle. 5. Myosurus. 5 à 10 étam. pétales : à onglets éubuleux. 1 Les caractères en italique oran exclusivement au genre ou à l’espèce qu’ils accompagnent; leurs contradictoires, sans être exprimés, doivent s'appliquer à tous les termes sui- vants de la même série. — 207 — 4. Aponis. Pétales ordinairement rouges, sans fos- sette nectarifère. | 6. RanuncuLus. 5 sépales et 5 pétales. 7. Ficaria. 3 sépales et 6 à 9 pétales. B. Carpelles (1 à 5) polyspermes, déhiscents (Follicules). a. Fleurs régulières. 8. CaLTHA. Périanthe simple et jaune, feuilles en- tières. 19. AQuUILEGIA. 5 pétales, prolongés à la base en éperon. 11. NiGeLLa. Fleurs bleues, feuil. à divis. capillaires. 9. HezeBorus. Calice persistant verdâtre, feuilles pédalées. 10. Isopyrum. Calice blanc, décidu, feuilles décom- posées. b. Fleurs irrégulières. 13. Decpinium. Calice prolongé en éperon aigu. 14. AconiTum. Calice à sépale supérieur voûté. 1. CLEMATIS. C. vitalba L. Feuilles pennées à pétiole tortile, fleurs blanches, fruils prolongés en aigrette plu- meuse accrescente. C. Haies. 9. THALICTRUM. Herbes vivaces du bord des rivières. _ T. minus L. Etam. pendantes à anthères apiculées. Fleurs lâchement groupées et penchées sur leur pédi- celle. Folioles petites glauques. Souche émettant des stolons. R. Var. Majus* Jacq. Folioles larges, non glauques. Pas de stolons, T. flavum L. Étamines dressées à mucron nul ou court, fleurs serrées, non pendantes. C. Caract. var. Dimensions des carpelles, et persistance du bec formé par le style à leur sommet. — 208 — 3. ANÉMONE. Herbes à feuilles toutes radicales. $ A. Pulsatilla L. Style accrescent en aigrette plumeuse, feuilles bipinnatiséquées, involucre formant une gaîne, fleur violaéée presque droite. R. Landes. Var. Rubra Lam. Fleur d’un pourpre foncé, un peu pendante. A. nemorosa L. Style sans aigrette, feuilles palmatisé- quées, involucre de 3 folioles libres et pétiolées. Fleurs blanches souv. lavées de rose ou de violet. CC. Bois. . 4. ADONIS. Herbes annuelles des moissons et friches calcaires, À. autumnalis L. Pétales concaves et connivents, bord supérieur. du fruit non denté. Tige glabre. Fleur. à court pédoncule. Stigmate non taché de noir. A. œstivalis L. Sépales glabres ; tige presque glabre; fruit denté vers le milieu de son bord. sRprene ‘à bec non taché. À. flammea Jacq. Sépales Dents: tige hérissée à la base. Dent du fruit très rapprochée du bec noi- râtre. ; | 5. Mvosurus. Herbe annuelle et acaule, à réceptaele accrescent. . M. müinimusL. Pédoneule LE QUE AR. Lieux ie S +... 6. RANUNGuLUS. Secr. 1 Batrachium: — F1. blanches, oppositifoliées ; pédoncule fructifère arqué, fruits ridés transversalement. — Herbes jones, . raremeñt émergées:, : A. Feuilles toutes réniformes, à 3 ou 5 lobes obtus. R. hederaceus L. TLobe moyen des feuilles entier, pétales trés petits, carpelles à bec caduc. CC. R. Lenormandi Schultz. Lobe moyen des feuilles — 209 — crénelé, pétales plus grands que le calice, carpelles à bec persistant. R. Pr. B. Feuilles de deux sortes, les supérieures flottantes réniformes, les inférieures submergées et découpées en lanières capillaires. R. ololeucos Lloyd. Pétales tout blancs, même à l’on- glet, carpelles glabres à hec persistant. R. R. tripartitus DC. Gaîne soudée au pétiole seule- ment dans son tiers inférieur; fleurs petites, de 5 à 10 étam. Carpelles glabres à bec.caduc ou émoussé. AR. R. triphyllos Wallr. Fleurs moyennes, 10 à 25 étam. égalant les carpelles glabres. RR. R. aquatilis L. Fleurs grandes à étam. nombreuses plus longues que les carpelles souvent velus. CC. Type polymorphe. Les feuilles flottantes ont des formes variées et peuvent même parfois disparaître. C. Feuilles toutes submergées et découpées en lanières étroites. R. fluitans Lamk. Réceptacle qlabre, ainsi que les carpelles. Étamines plus courtes que les pistils. Feuilles à segments très longs presque parallèles. AR. R. divaricatus Schranck. Feuilles £outes sessiles, à segments raides, étalés en cercle. Pédoncules très longs el atténués au sommet. AC. R. trichophyllus Godr. Segments des feuilles //asques, pédoncules non atténués. CC. SECT. II. Euranunculus. — Fleurs jaunes, herbes ramifées en fausse dichotomie. A. Feuilles entières ou seulement dentées. R. nodiflorus L. Fleurs sessiles, petite plante ramifiée dès la base. AR. R. ophioglossifolius Vill. Sépales glabres ; carpelles tuberculeux. Feuilles inférieures cordiformes; fleurs pâles. R. R. Flammula L. Pédoncule si{lonné ; feuilles infé- SOC. D’AG. 14 — 210 — rieures courtes et pétiolées. Carpelles à bec courbé et caduc. CC. R. LinquaL. Tige élevée, fistuleuse, pubescente, émet- tant des stolons. Feuilles très longues sans pétiole distinct. AR. B. Feuilles découpées. a. Carpelles très nombreux (plus de 40) et non bordés : fossette nectarifère sans écaille à la base de l’onglet. R. sceleratus L. Plante annuelle fistuleuse, à rameaux dressés ; réceptacle un peu accrescent. C. b. Carpelles (3 à 40) bordés ; fossette nectarifère recouverte par une écaille. + Carpelles lisses, plantes vivaces. R. Chærophyllos L. Fibres radicales renflées tubercu- leuses, découpures des feuilles linéaires étroites. AC. R. bulbosus L. Calice réfléchi. Souche renflée à la base en forme de bulbe. CG. R. auricomus L. Feuilles dimorphes, les net réni- formes, les caulinaires pinnatiséquées. C. R. acris L. Pédoncules non sillonnés, réceptacle glabre. Feuilles étroitement découpées. CC. Caract. var. Ramification du rhizome. Pubescence de la tige. Découpures des feuilles. R. silvaticus Thuil. Tige droite, à feuilles palmatipar- htes couvertes de poils ééalés. Bois. AC. R. repens L. Tige rampante et radicante, feuilles pinnatiséquées. CC. 11 Carpelles tuberculeux ou épineux. Plantes annuelles. R. arvensis L. Calice éfalé, carpelles hérissés de longues pointes, et très peu nombreux (3 à 8). CC. Moissons. R. Philonotis Ehr. Pédoncule sillonné, réceptacle velu. 20 à 30 carpelles ponctués sur les bords. C. R. parviflorus L. Fleurs très petites, à pédoncules lisses et courts ; 10 à 15 carpelles. AC. RN — 7. Ficarra. F. ranunculoides Mœnch. Fibres radicales renflées, plantes souvent stériles et portant des bulbilles axillaires. Caract. var. Formes des feuilles, dimensions de la fleur. 8. CALTHA. C. palustris. L. Fleurs jaunes très larges, sans corolle, follicules nerviés. Feuilles entières. Marais. AC. 9. HELLEBORUS. Calice herbacé persistant, pétales (5 à 10) petits, tubuleux. H. viridis L. Feuilles florales pédalées comme les inférieures, follicule à long bec. Plante vivace par la partie souterraine. R. H. fœtidus L. Bractées ovales entières, sépales bor- dés de rouge, follicule à bec court. Tiges aériennes vivaces. C. 10. [soPyruM. Pétales unilabiés. 1. thalictroides L. Feuilles à stipules membraneuses. Fleurs blanches, follicules membraneux à bec court. Bois. R. 11 NIGELLA. Pétales bilobés, munis de fossettes nectarifères. N. arvensis L. Fleurs bleues, 3 à 5 follicules un peu soudées à la base. Moissons calc. C. 19. AQUILEGIA Cinq pétales éperonnés. A. vulgaris L. Feuilles bipinnatiséquées. Grandes fleurs penchées violettes ou blanches. AC. Bois. 43. DELPHINIUM. 5 sépales irréguliers, dont 1 éperonné ; 4 pétales soudés. D. Consolida L. Follicules glabres, tige grêle divari- quée: C. — 212 — D. Ajacis L. Follicules pubescentes, inflorescence fournie, fleurs variées. Moissons. R. 14. ACONITUM. 5 sépales irréguliers, dont 1 en casque. Feuilles palmatiséquées. À. Napellus L. Fleurs bleues en sugue grappe ter- minale. R. Marais. Fam. (2). Berbéridées. Etamines 6 oppositipétales, à filets irritables, et anthères s’ouvrant par une valvule longitudinale. 15. BERBERIS. B. vulgaris L. Arbrisseau épineux. Fleurs jaunes en grappes pendantes. AR. Haies. Fam. (3). Nymphéacées. Herbes aquatiques à rhizomes charnus. Feuilles radicales à limbe étalé sur l’eau, cordiforme orbiculaire. Pétales nombreux spira- lés. Etamines introrses. Fruit charnu, polysperme. 16. NympxœA. Fleurs blanches à 4 sépales. 47. Nupxar. Fleurs jaunes à 5 sépales. 16. NymPHŒA. N. alba L. Sépales colorés intért. et plus courts que Jes pétales; fruit couvert jusqu’au tiers supér. par les cicatrices des organes floraux. CC. 17. Nupar. N. luteum Sm. Sépales arrondis dépassant beaucoup les pétales. CC. Fam. (4). Papavéracées. Fleurs régulières, 2 sépales caducs, 4 pétales chiffonnés dans le bouton. 18. PApavER. Capsule globuleuse ou oblonque s’ou- — 213 — vrant au sommet par des pores, 4 à 20 stigmates ses- siles. 19. RœMErtA. Fleurs violettes, graines dépourvues de strophioles. 20. CHELIDONIUM. F1. jaunes ; étamines nombreuses ; latex jaune. 21. HyPECOUM. 4 étamines; capsule lomentacée; latex aqueux. 18. PAPAVER. Plantes‘ annuelles des moissons. Fleurs rouges penchées avant l’anthèse. A. Capsules hérissées ; filets des étamines épaissis au sommet; plateau stigmatifère non lobé. P. hybridum L. Capsule subglobuleuse. R. Calc. P. Argemone L. Capsule claviforme allongée. C. B. Capsule glabre ; filets des étamines grêles ; plateau stigmatifère lobé. P. dubium L. Capsule allongée claviforme; pédon- cule à poils ordt appliqués. Caract. var. Forme de la capsule; couleur des graïnes, des éta- mines ; changement de couleur du latex au contact de l’air. P. Rhæas L. Capsule obovale; poils étalés. CC: 19. RŒMERIA. R. hybrida DC. Capsule linéaire striée et héris- sée. RR. 20. CHELIDONIUM. C. majus L. Tige feuillée; capsule glabre. CC. Haies. 94. HyPECOUM. H. pendulum L. Tige nue; 2 pétales intérieurs trifides. RR. Moissons. PREUVES Fam. (5). Fumariacées. Fleurs irrégulières à pétales intérieurs dissemblables, étamines définies, diadelphes. 22. Corypauis. Fruit polysperme déhiscent, graines munies de strophiole. 23. FumarrA. Fruit monosperme indéhiscent. 22, CoRYDALIS. Pétale supérieur longuement éperonné. C. solida Sm. Plante vivace à souche #uberculeuse; grappe terminale de fleurs rouges. AC. Bois. C. claviculata DC. Tige allongée feuillée, à grappes oppositifoliées, pétioles tortiles, fl. jaunâtre. Rochers. C. 93. Fumarna. Pétale supérieur gibbeux. Plantes des cultures. A. Sépales orbiculaires beaucoup plus larges que la creuse dans le bouton. F. micrantha Lag. Fruit globuleux, non apiculé. C. B. Sépales atteignant au moins le tiers de la longueur de la corolle. F. officinalis L. Fruit légèrement émarginé, plus large que long. CC. Var. media Loisel. Plante volubile à fleurs pâles. F. capræolata Fruit globuleux. CC. Var. Bastardi Bor. Fruit légèrement apiculé et rugueux. C. Sépales très petits, n’atteignant que le tiers de la corolle. F. Vaillantii Lois. Fruit obtus. Fleurs purpurines. RR. F. paruifiora Lam. Fruit apiculé. Fleurs pâles. R. Fam. (6). Crucifères. 40 Siliqueuses. Fruit linéaire ou lancéolé. A. Graines sur un seul rang dans chaque loge. a. Fleurs blanches, roses, ou violettes. 90. Hespeis. 2 sligmates distincts, /amelleux, dres- sés. — 215 — 99. CARDAMINE. Valves de la silique énerves. Feuilles supér. divisées. 32. Ervsimu». Silique {étragone. 28. AraBis. Silique comprimée. 31. SisymBRIUM. Silique cylindracée, à 3 nervures. b. Fleurs jaunes ou jaunâtres. + Siliques à bec court ou nul. 96. BarBaREA. Feuil. supér. sessi/es amplexicaules. 31. Sisvmprium. Silique cylindrique, à 3 nervures. 33. ErucasTRuM. Silique cylindrique, à 1 nervure. 24. CHEIRANTHUS. Silique tétragone, graines compri- mées ovoides. +t Silique à long bec comprimé ou conique. 37. RapHanus. Silique éindéhiscente lomentacée. 35. Sinapis. Silique à valves trinerviées. 34. BrassicA. Silique à valves uninerviées. B. Graines sur 2 ou 4 rangs dans chaque loge. 97. Turriris. Feuilles caulinaires sagiltées et em- brassantes. 95. NasTurTIUM. Silique cylindrique. 86. Diporaxis. Silique comprimée. 20 Siliculeuses. Fruit court. 2 A. Silicule indéhiscente. ; ES a. Fleurs jaunes. 38. RapisTRuM. Silicule étranglée à 2 articles iné- gaux. 41. Myacrum. Silicule triangulaire, pédicelle court et renflé. 40. NeszrA. Silicule subglobuleuse. b. Fleurs blanches. 49. SENEBIERA. Silicule biloculaire, tuberculeuse. 39. CALEPINA. Silicule uniloculaire. — 216 — B. Silicule déhiscente. a. Cloison large. 49. CAMELINA. Silicule pyriforme, fragile. 25. NasTurTium. Silicule arrondie, à pointe conique. 01. ALyssuM. Silcule aplatie, suborbiculaire, à 2-4 graines. 50. Drasa. Silicule aplatie, elliptique, polysperme. b. Cloison étroite. Silicule à loges monospermes. 46. IBeris. Pétales inégaux. 44. Lepinium. Pétales égaux. tt Loges de la silicule renfermant 2 graines. 47. TEESDALIA. Silicule émarginée au sommet. 45. HurcuisiA. Silicule entière au sommet. * {TT Loges polyspermes. 43. CAPSELLA. Silicule triangulaire, non ailée. 48. Tazapsi. Silicule suborbiculaire, ailée. I. Siliqueuses pleurorhizées, (0=). 24. CHEIRANTHUS C. Cheiri L. Plante sous-ligneuse; fleurs jaunes. C. Murs. à Var. ochroleuca. F1. pâles. RR. * 95. NASTURTIUM. Graines en 2 ou 4 séries irrégulières. Plante aquatique. N. officinale R. Br. Fleurs blanches. Valves de la silicule distinctement nerviées, seulement 4 glandes hypogynes. CC. | N. amphibium R. Br. Feuil. supér. entières ou peu découpées. Silicule 3 à 4 fois plus courte que le pédi- celle. CC. N. palustre DC. Silicule gonflée 2 à 4 fois plus longue que large. Fleurs d’un jaune pâle. AC. — 217 — N. silvestre R. Br. Silique non renflée 7 à 10 fois plus longue que large. F1. d’un beau jaune. Caract. var. Longueur de la silique et de son pédicelle. N. Pyrenaicum R. Br. Silicule ovoïde ou elliptique, 3 à À fois plus courte que le pédicelle. 26. BARBAREA. B. vulgaris R. Br. Feuilles supér. seulement dentées, style effilé, siliques ordt dressées. CC. Var. arcuata. Siliques arquées étalées. B. intermedia Bor. Siliques courtes dressées, saveur amère! C. 4 B. prœcox R. Br. Plante à saveur piquante, siliques longues et écartées de l’axe. AC. 27. TURRITIS. Siliques comprimées, dressées, à valves uninerviées. T. glabra L. Plante glauque, à tige effilée. C. Sables. 28. ARABIS. , Graïnes comprimées ou bordées. A. sagittata DC. Feuilles caulinaires sagittées ou tronquées à la base, graines ovales étroitement bor- dées. AR. Calc. A. Turrita L. Feuilles caulinaires à oreillettes arron- dies, siliques très longues (1 déc.); graines arrondies à large bordure. RR. Coteaux de la Loire. IL. Siliqueuses notorhizées. (OI). 29. CARDAMINE. Siliques et graines comprimées. C. pratensis L. Plante vivace, à grands pétales blancs ou lilas. Tige dressée glabre CC. Prairies. C. impatiens L. Pétiole muni d’oreillettes linéaires ; style conique, aigu; pétales caducs ou nuls. AR. — 218 — C. parviflora L. Folioles très étroites, à poils rares ou nuls. Racine fibreuse. AR. C. harsuta L. Siliques et pédoncules étalés-dressés. Racine pivotante peu rameuse. ©. CC. C. silvatica Link. Siliques redressées sur leurs pé- doncules. Racine couverte de fibres capillaires ©). R. 30. HESPERIS. Graines presque triquètres. H. matronalis L. Plante vivace velue. R. Bois. 31. SISYMBRIUM. + À. Fleurs blanches. S. thalianum J. Gay. Feuilles radicales oblongues ; graines lisses. CC. S. alharia Scop. Plante froissée à odeur d’ail; feuil. radicales cordiformes orbiculaires; graines striées. CC. B. F1. jaunes ou jaunâtres. : S. sophia L. Feuilles à segments Ænéatres; siliques glabres, inclinées. AC. Murs. S.1rio L. Feuilles presque glabres ; siliques glabres à pointe courte. R. Murs et décombres. S. officinale Scop. Feuilles pubescentes ; siliques velues dressées, à pointe grêle. CC. 92, ERYSIMUM. E. cheiranthoides L. Fleurs jaunes, feuilles cauli- naires sessiles; plante couverte de poils étoilés. C. Champs humides. E. orientale R. Br. Fleurs blanc jaunâtre, feuilles caulinaires amplexicaules, glabres. R. Champs calc. III. Siliqueuses orthoplecées. (0>>). . 93. ERUCASTRUM. Graines un peu comprimées, unisériées. E. Pollichii Schimp. Grappe fructifère munie à la — 219 — base de bractées pinnatiséquées , fleurs jaune pâle. RR. Sables. 94. BRASSICA. Valves de la silique uninerviées. Graines globuleuses. B. nigra Koch. Siliques serrées contre la tige. Feuilles toutes péhiolées. Sépales étalés. AC. Bord des rivières. B. oleracea L. Siliques étalées, sépales dressés. Cul- tivé partout. B. campestris L. Siliques étalées, sépales étalés. Cul- tivé en grand. 39. SINAPIS. Valves de la silique à 3-5 nervures. Graines globuleuses. S. Cheiranthus Koch. Sépales dressés et appliqués sur les pétales. @. CC. Sables et rochers. S. arvensis L. Silique glabre, à bec court. Feuilles supérieures sinuées-dentées. CC. S. alba L. Feuilles toutes pinnatipartites. Bec de la silique plus long que les valves velues. Cultivé. 36. DIPLOTAxIS. Graines bissériées. Silique comprimée. D. tenuifolia DC. Tige très feuillée ; pédicelles plus longs que les fleurs. AR. Décombres. D. murals DC. Galice hérissé; pétales brusquement contractés en onglet. R. Murs. D. viminea DG. Calice glabre; pétales atténués. AC. Vignes. 97. RAPHANUS. Silique lomentacée indéhiscente. R. raphamistrum L. Sépales dressés ; silique à 6 ou 8 nervures, pétales veinés. C. Moissons. — 220 — IV. Siliculeuses nucamentacées. 38. RAPISTRUM. Silicule à 2 articles. R. rugosum All. F1. jaunes en grappe très allongée. RR. Cultures. 39. CALEPINA. Silicule terminée en pointe épaisse, stigmate sessile. C. Corvini Desv. Petites fleurs blanches à pétales inégaux. Plante glabre et un peu glauque. R. Vignes. 40. NESsLIA. Silicule globuleuse. Style filiforme. N. paniculata Desv. Fleurs petites jaune pâle. Plante velue. R. Moissons. 41. MyAGRUM. Silicule triangulaire, subéreuse. Style pyramidal persistant. M. perfoliatum L. Plante glabre et glauque. Fleurs “ petites jaunes. R. Moissons. 42. SENEBIERA. Silicule didyme, à valves épaisses. S. coronopus Poir. Plante glabre étalée, inodore. CC. Décombres. S. pinnatifida DC. Plante diffuse, velue à odeur forte. RR. V. Siliculeuses angustiseptées. 43. CAPSELLA. Radicule dorsale. Loges polyspermes. C. bursa pastoris L. Sépales verdätres plus courts que les pétales, CC. C. rubella Reut. Sépales pourprés, au moins sur les bords. C. La forme stérile (C. gracilis Gren.) semble hybride des précéd.; — 221 — ses larges corolles restent épanouies au sommet de la grappe sur une longueur de plusieurs centimètres. 44. LEPIDIUM. Radicule dorsale. Loges monospermes. A. Feuilles caulinaires sagittées et pubescentes. L. campestre L. Tige droite, style dépassant à peine l’échancrure de la silicule. @). C. L. Smitnii Hook. Tige couchée, vivace, style très saillant. CC. B. Feuilles caulinaires glabres et non sagittées. L. latifolimm L.' Tige robuste, à feuilles larges ; racines traçantes. R. Bord des eaux. L. ruderale 1. Silicule échancrée ; feuilles infér. pinnatipartites ; pétales très petits ou nuls. © AC. Dé- combres. L. graminifolium L. Silicule pointue ; feuilles toutes linéaires entières ; pétales distincts. Vivace. C. 45. HuTcHiNsIA. Silicule entière au sommet à loges dispermes. H. petræa R. Br. Petite plante de 4 à 10 cent. RR. Rochers calc. A6. IBERIS. Radicule commissurale, loges monospermes. J. amara L. Pétales blancs ou violacés très inégaux- AC. Moissons calc. 47. TRESDALIA. Radicule commissurale, loges dispermes. T. iberis DC. Pétales inégaux, 6 étamines. C. Ro- chers. | T. lepidium DC. Pétales égaux ; 4 étamines. RR. 48. THLASPI. Radicule commissurale, loges polyspermes. T. perfoliatum L. Silicule un peu bordée au som- — 222 — met. Plante glauque, sans odeur d'ail. AC. Vignes. T. alliaceum L. Silicule étroitement bordée tout autour. RR. T. arvense L. Silicule gonflée, plane, largement bor- dée, échancrée. AC. VI. Siliculeuses latiseptées. 49. CAMELINA. Silicule pyriforme, peu comprimée ; Radicule dorsale. C. dentata. Silicule à valves molles; F1. jaunâtres. R. Champs de lin. 50. DrABA. Radicule commissurale ; loges polyspermes. D. murahs L. Tige feuillée: feuilles cordiformes dentées. AC. D. verna L. Feuilles toutes radicales en rosette CC. Plante polymorphe ; les dimensions de la silicule, la pubescence des tiges, la forme des feuilles varie beaucoup. 51. ALYSSUM. Radicule commissurale ; loges à 1 ou 2 graines. À. calycinum. Plante à pubescence étoilée. Petites fleurs jaunes. AR. Champs calc. Fam. (7). Résédacées. 52. ReseDa. Carpelles soudés en une capsule poly- sperme ouverte. 53. AsTROCARPUS. Carpelles libres et monospermes. 92. RESEDA. R. luteola L. Calice à quatre divisions; placentas épais. Plante droite à feuilles entières. C. R. lutea L. Calice à 6 divisions; placentas minces; feuilles caulinaires tripartites. AC. Champs cale. — 223 — 53. ASTROCARPUS. A. Clusii J. Gay. Étamines à filets papilleux. Calice à 5 sépales. G. Sables et rochers. Fam. (8). Cistacées. 06. Fumana. 20 à 40 étam., les exter. stériles à filets courts et moniliformes; feuilles toutes alternes. 94. Cisrus. Calice à trois sépales. Feuilles toutes sans stipules. 99. HEeLIANTHEMUM. Calice à 5 sépales (2 trés petits). Pédicelles fructifères, déjetés. 54. CisTus. Style court. Embryon spiralé. Sous-arbrisseaux des bois arides. C. umbellatus L. Fleurs blanches en ombelle. Feuilles linéaires sillonnées en dessous, un peu visqueuses. R. C. alyssoides Vent. Fleurs jaunes en corymbe; feuilles ovales pubescentes. RR. 09. HELIANTHEMUM. Embryon non spiralé. A. Herbes annuelles. Étamines sur un seul rang. Plusieurs feuilles sans stipules. . À. quitatum Nil. Feuilles infér. sans stipules, style nul ; embryon presque circulaire. Pétales jaunes sou- vent tachés. C. H. sahcifolium Pers. Feuilles supérieures sans sti- pules ; pétales jaune pâle, plus courts que le calice. R. Calc. B. Sous-arbrisseaux. Étamines sur plusieurs rangs, Feuilles toutes stipulées. H. vulgare Gœrtn. Calice ché sur les nervures; fl. jaunes ou jaunâtres. C. Cale. Var. Apenninum. Fleurs blanches, RR. — 224 — H. pulverulentum DC. Calice à pubescence étoilée pulvérulente. R. : 1 96. FUMANA. Ovules semi-anatropes. F. procumbens Dun. Tiges ligneuses diffuses, à feuilles linéaires sans stipules. Fleurs jaunes À à 4 au sommet des rameaux. R. Fam. (9). Violariées. 97. VIOLA. SECT. I. Nominium. — 2 pétales dirigés en haut, et 3 déjetés. Style aigu et courbé (Violettes). Plantes vivaces des haies et des pelouses donnant au printemps des fleurs complètes, mais stériles, puis en été des fleurs sans éclat et fertiles. A. Sépales obtus. Capsules pubescentes, globuleuses et déjetées. a. Plantes acaules et sans stolons. V. hirta L. Plante velue, hérissée, pétales tous échancrés, inodores. C. . 6. Plantes munies de stolons non radicants. Capsules hérissées. V. permixta Jord. Fleurs inodores, pétales latéraux très barbus ; stipules à cils courts. R. V. alba Besser. Fleurs odorantes à pétales latéraux presque glabres. Stipules à longs cils. R. c. Plantes munies de stolons radicants; capsules à pubescence courte. T. odorata L. Feuilles réniformes ou suborbiculaires très obtuses. CC. V. suavis M. B. Feuilles ovales. Var. Beraudii Bor. Pédoncule et sépales glabres. Pétales latéraux non barbus: RR. Var. vinealis Bor. Pédoncule pubescent à la base. Var. dumetorum Jord. Pédoncule velu jusqu'au sommet. B. Sépales aigus. Fleurs naïssant sur des rameaux allongés et dressés ; capsules glabres, trigones, non déjetées. a. Rameau florifère continuant le -rhizome sans rosette de feuilles. Ÿ. canina L. Feuilles cordées à la base ; toutes les — 295 — stipules plus courtes que les pétioles, éperon jau- nâtre. R. V. lancifolia Thore. Feuilles lancéolées non cordi- formes; stipules supér. égalant presque les pétioles ; éperon blanchâtre. R. b. Rameau florifère naissant à l’aisselle de feuilles radicales for- mant rosette au sommet du rhizome. V. Riviniana Reich. Éperon court, blanchâtre ; appendices basilaires du calice persistant sur le fruit mûr. (C. V. Reichenbachiana Jord. Éperon allongé, violacé ; appendices basilaires des sépales s’oblitérant. AR. SECT. Il. Mélanium. — 4 pétales supér. dressés, 1 seul déjeté ; stigmate capité, urcéolé (Pensées) ; plantes annuelles des cultures. V. tricolor L. Corolle plus ou moins variée de blanc, de jaune et de violet. Type très polymorphe, impossible à diviser en variétés bien définies, Caract. var. Découpure des stipules, longueur de l’éperon, place des bractéoles au-dessous de la fleur, pubescence du calice, dimensions et nuances de la corolle, etc. Fam. (10). Droséracées. 08. DrosERA. Fleurs sans écailles nectariféres, groupées en inflorescence terminale et circinée avant lanthèse. 59. ParnassiaA. Fleurs solitaires, munies de 5 nec- taires laciniés et opposées aux pétales. Style nul. 08. DROSERA. Feuilles bordées d’appendices rouges en forme de poils. D. rotundifolia L. Feuilles appliquées sur le sol, à limbe orbiculaire. Graines à testa lâche et strié. AC. Tourbières. D. intermedia Hayn. Feuilles dressées à limbe obo- SOC. D’AG. | 15 — 226 — vale, égalant presque l’inflorescence ; graines à testa tuberculeux appliqué. AR. 59. PARNASSIA. P. palustris L. Feuilles radicales cordiformes et pétiolées, une seule caulinaire amplexicaule; grande fleur blanche. AR. Fam. (11). Polygalées. 60. Pozycara. 5 sépales dont 2 grands colorés (ailes). P. depressa Wend. Plusieurs feuilles opposées. Tige rampante. C. Bois. P. austriaca (Crantz. Plante grêle à saveur frès amère. Fleurs petites, pâles, ailes à nervure médiane. RR. P. calcarea Schultz. Feuilles rapprochées en rosette .d’où partent 1 à 6 rameaux florifères. R. P. vulgaris L. Aïles toujours plus larges que la cap- sule, bractées jamais saillantes au sommet de l’épi. CC. P. comosa Schkuhr. Aïles plus étroites que la cap- sule. Var. oxyptera Reïch. Aïles elliptiques aïgües, plus longues que la capsule. R. : Var. Lejeunei Bor. Ailes obovales obtuses mucronulées plus courtes que la capsule. R. Fam, (12). Silénées. A. 9 styles. 61. GyPsopniLa. Calice campanulé à 5 dents. Pétales à onglet court. 62. Dranraus. Calice tubuleux doublé d’un calicule. 63. SaponaRIA. Calice iubuleux sans calicule. — 227 — B. 3 styles. 64. CucupaLus. Calice campanulé, fruit en baie. 65. SiLene. Calice tubuleux ou urcéolé. Fruit capsu- laire. C. 5 styles. 66. MeLANDRIUM Plante dioïque; capsule à 10 dents 67. Lycanis. Plante bermaphrodite ; capsule à _5 dents. 61. GyPsoPHILA. G. murals L. Capsule s’ouvrant par 4 dents ; fleurs rosées. C. 62. Dranras. Graines comprimées peltées. D. Caryophyllus L. Fleurs grandes, odorantes, en cyme lâche ou solitaires ; feuilles glauques. AR. Vieux murs. | D. prolifer L. Calice dépassé par les écailles intér. de calicule ; plante annuelle glabre. CC. D. Armeria L. Calicule à écailles sériées, égalant le calice ; plante bisannuelle velué. CC. D. Carthusianorum L. Calicule atteignant /e milieu du calice ; plante vivace glabre, à souche très dure. AR. 63. SAPONARIA. S. officinalis L. Calice cylindrique ; plante vivace C. Sables. E. S. vaccaria L. Calice fructifére accrescent, angu- leux. ©. Moissons AR. 64. CucupaLus. C. baccifer L. Plante à tige trés longue presque grimpante. C. Buissons. — 228 — 65. SILENE. A. Fleurs dioïques en petits verticilles. S. Otites Sm. Pétales linéaires entiers, sans écailles au-dessus de l’onglet. R. Sables. B. Fleurs hermaphrodites, jamais verticillées. a. Calice glabre. S. inflata L. Galice à 20 nervures réticulées, très renflé, vésiculeux ; capsule stipitée ; pétales sans écailles à l'onglet, imbriqués. CC. S. annulata Thox. Calice à 10 nervures, renflé et contracté au sommet à maturité; capsule brièvement stipitée ; fleurs lâches, petites et roses. RR. Champs de lin. S. Armeria L. Calice en massue, non contracté; capsule longuement stipitée ; fleurs en faisceaux serrés ; plante glauque, un peu visqueuse. R. Sables. 6. Calice pubescent. S. conica L. Calice à 30 nervures; capsule sessile ; pétales munis d’écailles à l’onglet, à préflor. tordue. AR. Sables. S. gallica L. Pétales entiers ou émarginés; fleurs dressées ; plante annuelle, visqueuse. AR. Sables. S. nutans L. Fleurs pendantes, à pélales btfides. C. Rochers. 66. MELANDRIUM. M. dioicum Rœhl. Fleurs blanches ; capsule déhis- cente à dents dressées ou un peu étalées. CC. M. sylvestre Rœhl. Fleurs rouges; capsule déhis- cente à dents roulées en dehors. AR. 67. Lycanis. . L. los cuculi L. Pétales quadrifides, munis d’écailles bifides au-dessus de l'onglet. Vivace. CG. Prés. — 229 — A Githago Lam. Pétales entiers, sans écailles. ©. CC. Moissons. Fam. (13). Alsinées. A. Feuilles munies de stipules scarieuses. 71. SPERGULARIA. 9 styles. 70. SPERGULA. 9 styles. B. Feuilles sans stipules. a. Pétales bifides. 74. SreLLariA. 8 styles, capsule à 6 valves ou dents profondes. 77. CERASTIUM. 4 ou 5 styles, opposés aux sépales, capsule à 8 et 10 dents. 78. MaLacaium. 4 ou 5 styles alternes avec les sépales, capsule à 5 valves. b. Pétales entiers ou peu émarginés, ou denticulés. 73. Hocosreum. 3 styles, pétales denticulés, fleurs en cyme ombelliforme. 72. ALsine. 3 styles, capsule à 3 valves enlières. 75. ARENARIA. 3 styles, capsule à 3 valves bidentées (ou 6 valves). 68. Sacrna. 4 styles, capsule à 4 valves. 76. Mencaia. 4 styles, capsule à 8 dents. 69. SPERGELLA. 5 styles. 68. SAGINA. S. procumbens L. Plante glabre et couchée; pédon- cules recourbés après la floraison. CC. S. apetala L. Plante dressée ; pédoncules pubescents presque droits. CC. 69. SPERGELLA. S. nodosa Reich. Tige feuillée jusqu’au sommet ; — 230 — pédicelles dressés; pétales dépassant le calice. R. Marais. L. subulata Reich. Tige nue au sommet ; pédicelles fructifères recourbés; pétales égalant le calice. R. Sables humides. 70. SPERGULA. S. arvensis L. Graine à peine bordée; plante pubes- cente. CC. Var. vulgaris, 5 étamines. - S. pentandra L. Graine bordée d’une large mem- brane blanche. AC. S. Morisoni Bor. Graine à bordure rousse. C. Rochers. 71. SPERGULARIA. S. rubra Pers. Fleurs rouges ; sépales verts scarieux aux bords. Plante diffuse. CC. S. segetalis Fenzl. Fleurs blanches, sépales à nervure seule verte. Plante dressée. AR. Moissons calc. | 72. ALSINE. À. tenuifolia Walh. Plante droite ; pétales courts. C. Var. viscidula. Plante pubescente glanduleuse. 73. HoLosTEUM. H. umbellatum L. Herbe visqueuse, glauque. AC. Murs. ; 74. STELLARIA. S. media L. Tige cylindrique, étalée, glabre avec une ligne de poils; sépales pubescents ; moins de 10 éta- mines. CC. Var. neglecta. 10 étamines ; plante robuste, redressée. S. viscida MB. Tige cylindrique, droite, pubescente, visqueuse ; capsule oblongue dépassant le calice. R. Prairies humides. — 231 — S. holostea L. Tige anguleuse; bractées herbacées, scabres ainsi que les feuilles. Pétales grands. CC. S. graminea L. Bractées ciliées au bord ; feuilles sou- vent scabres à la base. CC. S. glauca With. Feuilles lisses. Pétales variables, mais dépassant le calice. Plante souvent glauque. R. Prairies humides. S. uliginosa Murr. Pétales beaucoup plus courts que le calice ; feuilles oblongues. C. Marais. 75. ARENARIA. A. trinervia L. Feuilles distinctement pétiolées à la base de la lige; graines pourvues de strophiole. C. Sables. A. montana L. Pétales grands ; pédoncules tructi- fères réfléchis ; tiges diffuses. AR. Landes. À. serpylhfolia L. Pétales plus courts que le calice ; capsule globuleuse. CC. Var. leptoclados. Capsule conique plus courte que le calice . 76. MÆNCHNA. M. erecta Ehr. Tige droite, glabre et glauque. C. Prairies, 77. CERASTIUM. C. arvense L. Plante vivace ; pétales dépassant beau- coup le calice. Sables. AR. C. glomeratum Thuil. Pédicelles plus courts ue le calice, égalant à peine les bractées. CC. C. brachypetalum Desp. Étamines à filets velus ; poils des sépales dépassant beaucoup leur sommet. AR. . C. triviale Link. Sépales obus, à poils ordinaire- ment non glanduleux. CC. — 232 — \ C. semidecandrum L. Bractées à bord largement sca- rieux et déchiqueté. C. C. pumilum Curt. Bractées entières et peu ou point scarieuses. Sables. AC. Var. obscurum. Pétales ne dépassant pas le calice, 5 à 8 étam. Var. litigiosum. Pétales dépassant le calice, 10 étam. fertiles. 78. MALACHIUM. M. aquaticum Fries. Fleurs grandes en cymes feuil- lées. C. Marais. L Fam. (14). Polycarpées. 79. PoLycARPoN. P. tetraphyllum L. Tige dichotomique ; feuilles qua- ternées à stipules scarieuses. AR. Jardins. Fam. (15). Portulacées. 80. Porrucaca. Corolle jaune ; fruit en pyxide polys- perme. 81. MonTrA. Corolle blanche ; capsule à 3 graines. 80. PORTULACA. P. oleracea L. Herbe rampante, à feuilles charnues. C. Sables. E. 81. MONTIA. M. minor Gmel. Tige naine dressée ; graines forte - ment fuberculeuses, ternes. G. Lieux frais. M. rivularis Gmel. Tige allongée flottante, graines luisantes finement ponctuées. Vivace. AC. Fam. (16). Paronychiacées. 82. SCLERANTHUS. © styles distincts, calice tubuleux à 5 lobes, feuilles connées, sans stipules. Lhoanen 85. CoRRIGIOLA. Pétales obiongs, 3 stigmates, achaine crustacé. 84. HERNIARIA. Stipules verdâtres très petites, sépales herbacés. 83. ILLECEBRUM. Stipules blanches scarieuses, sépales blancs épais terminés en capuchon. 82. SCLERANTHUS. S. annuus L. Sépales aigus herbacés, à bordure scarieuse très étroite, un peu divergentes à la maturité. Annuel. CC. S. perennis L. Sépales presque obtus et largement scarieux, dressés après la floraison. Vivace. AC. | 83. ILLECEBRUM. I. verticillatum L. Capsule à 5 ou 10 valves impar- failes. Tiges nombreuses, couchées, et portant depuis la base des glomérules de fleurs axillaires comme ver- ticillées. AR. Sables humides. 84. HERNIARA. Æ. glabra L. Plante glabre et diffuse. C. H. hirsuta L. Tige, feuilles et calice ve/us. C. 89. CORRIGIOLA. C. littoralis L. Tiges grêles étalées, feuilles linéaires glauques, subobtuses ; fleurs blanches ou rosées en fascicules terminaux. C. Fam. (17). Élatinées. 86. ELATINE. E. alsinastrum L. Feuilles et fleurs verticillées; tige ordinairement épaisse un peu fistuleuse. R. Mares. E. hexandra DC. 8 pétales et 6 étamines ; pédoncules plus courts que les feuilles. AR. Étangs. — 234 — E. macropoda Guss. FI. tetramère; graine légère- ment arquée. RR. E. campylosperma Seub. Graine courbée en fer à cheval. RR. Fam. (18). Hypéricinées. 87. ANDROSŒMUM. Sépales érès inégaux, fruit en baie ; étamines en 9 faisceaux. 88. Hypericum. Plante terrestre à capsule plurilo- culaire. Hi 89. ELODEs. Herbe aquatique; fleur tubuleuse à glandes alternant avec les faisceaux d’étamines; capsule uniloculaire. 87. ANDROSŒMUM. A. officinale Al. Sous-arbrisseau à larges feuilles obtuses ; baie rouge puis noire. AR. Bois. | 88. HYPERICUM. A. Sépales bordés de cils noirs glanduleux. Tige cylindrique. H. hirsutum L. Plante velue ; feuilles subpétiolées. C. H. pulchrum L. Sépales obovales obtus; feuilles ovales cordées et amplexicaules. G. Bois. H. montanum L. Tige élevée droite; feuilles ovales ; inflorescence terminale, compacte. R. Bois cale. H. linearifolium Nahl. Tige basse, garnie jusqu’au sommet de feuilles linéaires. AG. Sables et rochers. B. Sépales non glanduleux. Tige marquée de lignes saillantes. H. humifusum. L. Tige couchée, filiforme ; cyme pau- ciflore ; sépales obtus mucronulés. CC. H. quadranqulum L. Sépales extérieurs obtus ; tige à À lignes, peu saillantes. Feuilles à points translucides rares. R. Lieux frais. — 235 — H. tetrapterum Fries. Tige à 4 angles très saillants. CC. Lieux humides. H. perforatum L. Tige à 2 lignes peu saillantes ; sépales aigus. CC. 89. ELODES. E. palustris Spach. 15 élamines. Feuilles ovales sans points glanduleux. AC. Marais. Fam. (19). Malvacées. 90. Mazva. Calicule à 3 folioles libres. 91. AcTuœa. Calicule à 6-9 folioles soudées. 99. Mazva. A. Fleurs groupées axillaires. Carpelles jaunes à maturité. M. silvestris L. Fleurs purpurines, très grandes; plante dressée. CC. M. Niceensis All. Carpelles ridés; calicule à folioles lancéolées. R. | M. rotundifolia L. Carpelles non ridés; calicule à fol. Zinéaires. CC. B. Fleurs solitaires axillaires, carpelles noircissant. M. Alcea L. Carpelles rides, souvent glabres ; calicule à folioles un peu élargies. AR. M. moschata L. Carpelles lisses et velus ; folioles du calicule linéaires. Fleurs un peu musquées. C. La découpure des feuilles varie beaucoup dans les 2 dernières espèces. 91. ALTHŒA. A. officinalis L. Plante mollement tomenteuse; pé- doncules plus courts que les feuilles. Tige élancée. C. Bord des eaux. À. cannabina L. Plante droite, hispide, et vivace. RR. — 236 — À. hirsuta L. Plante diffuse, hérissée, annuelle. C. Champs calc. Fam. (20). Tiliacées. 92. Tia. T. parvifolia Ehr. Arbre à fibres libériennes tenaces et.textiles. Fruit indéhiscent, globuleux à paroïs minces. AR. Bois. Fam. (21). Linacées. 93. Linum. Calice à 5 sépales libres et entiers. 94, RapioLa. Calice à 4 sépales découpés. 93. LiNuM. L. gallicum L. Fleurs jaunes; stigmate capité. AR. L. tenuifolium L. Fleurs rosées ; stigmate capité. Sépales ciliés-glanduleux, subulés. AR. Calc. L. catharticum L. Fleurs blanches ; Li opposées; stigmate capité. C. L. angustifolium Muds. Fleurs bleues; stigmate claviforme. Plante vivace, à rameaux nombreux étalés. AC. (L. usitatissimum L.) (Lin cultivé) diffère par sa tige annuelle droite). 94. RADIOLA. R. linoides Gm. Petite plante ramifiée dès la base en dichotomie régulière. C. Fam. (22) Géraniacées. 95. GERANIUM. 10 étam. fertiles. Arête de la graine se roulant en cercle à maturité. Fleurs solitaires ou groupées par 2 ou 3. — 237 — 96. EroDium. 5 étam. fertiles alternant avec 5 sté- riles ; arête du fruit tordu à la base; inflorescence multiflore. Feuilles penninerves. 95. GERANIUM. A. Pétales bifides ou émarginés, plus ou moins velus à l’onglet. a. Feuilles partites ; graines ponctuées. G. sanquineum. L. Fleurs grandes, solitaires, plante vivace, R. Bois. G. columbinum. L. Pédoncules à 2-3 fleurs dépassant beaucoup les feuilles. Fruits glabres. C. G. dissectum L. Pédoncule égalant les feuilles. Fruits velus. CC. 6. Feuilles lobées ; graines lisses. G. molle L. Fruits ridés et glabres. CCG. G. pusillum L. Pétales égalant le calice. C. G. Pyrenaicum L. Pétales 2 fois plus longs que le calice. RR. B. Pétales entiers et glabres. G. Robertianum L. Feuilles palmatipartites, à seg- ment terminal péfiolé. Plante fétide. CC. Var. purpureum. Plante plus grêle dans toutes ses parties. G. lucidum L. Calice anguleux, glabre et ridé. C. G. rotundifolhum L. Calice non ridé, pubescent. CC. 96. ERODIUM. E. moschatum Willd. Étamines à filets bidentés. Seg- ments des feuilles seulement éncisés. Odeur musquée. R. E. cicutarium L. Segments des feuilles pinnatipar- ttes ; étam. fertiles à filets entiers. CC. Caract. var. Pubescence et longueur des tiges. Découpures des feuilles. Couleur et taches des pétales. rx — 238 — Fam. (23). Oxalidées. 97. OxaLIs. O. acetosella L. Fleurs blanc-rosé, solitaires ; plante vivace, acaule. R. Bois frais. P. O. stricta L. FI. jaunes; tige presque glabre, dressée ; pas de stipules. C. O. corniculata L. F1. jaunes ; tige diffuse, pubes- cente, grisâtre ; stipules très petites, auriculées. AR. Fam. (24). Balsaminées. * 98. IMPATIENS. I. no tangere L. Fleurs jaunes, éperonnées. RR. Bois couverts. (Fam. (25). Célastrinées. | 99. Evonyuus. E. europœus L. Arbrisseau à feuilles opposées ; jeunes rameaux quadrangulaires. Capsule rouge à 4 valves. Graine à arille orangée. CC. Fam. (26). Acérinées. 101. Acer. A. campestre L. Arbre à feuilles opposées ; palmati- lobées. Ecorce rugueuse, subéreuse. Fruits en double samare. C. _ Fam. (27). Rhamnacées. 102. RHamnus. R. catharticus L. Arbrisseau spinescent. Style bi- — 239 — trifide. Feuilles supér. opposées. Fleurs dioïques. Drupes noires. AC. R. frangula L. Style entier. Feuilles toutes alternes. Fleurs hermaphrodites. Drupes rouges puis noires. CC. Bois. Sous-classe II. — Caliciflores. Étamines et pétales insérés sur le calice. Réceptacle ordinairement concave. Ordres. Familles. Fruit apocarpé, uniloculaire en légume, LÉGUMINEUSES. Papilionacées. Carpelles nombreux ou indéhiscents ou soudés. Albumen nul. Feuilles munies de stipules. RosINÉES. Carpelle unique. Fruit drupacé. , Amygdalées. Carpelles libres. Rosacées. Carpelles soudés. Pomacées. Feuilles sans stipules. Plantes grasses, styles distincts. CRASSULINÉES. Crassulacées. Styles soudés ou nuls. OENOTHÉRINÉES. Calice libre, ovaire supère. Lythrariées. Ovaire infére, adhérent. Fruit à loges polyspermes. Onagrariées. Fruit à loges monospermes. 1 étamine. Hippuridées. 2 étamines. Circéacées. 4 à 8 étamines. Haloragées. Albumen charnu ou corné. _ Carpelles polyspermes. SAXIFRAGINÉES. Fruit charnu, Arbrisseaux. Grossulariacées. Fruit capsulaire déhiscent. l Saxifragacées. + Carpelles monospermes. . OMBELLINÉES. Fruit en double achaine. Ombelliféres. Fruit charnu, Araliacées. — 240 — Fam, (28) Papilionacées. A. Légume continu, non divisé en articles transversaux. a. Feuilles réduites au pétiole élargi en phyllode imitant un limbe linéaire. 199. LATHYRUS. b. Feuilles composées, palmées, digitées. 107. Lupnus. Fleurs bleuâtres en grappe terminale. c. Feuilles simples ou à 3 folioles. f Etamines monadephes, style long, courbé. 108. Ononis. Calice à 5 divisions, non bilabié. 103. ULex. Calice divisé jusqu’à la base. Feuilles épineuses. 105. SaroTHAMNUS. Style enroulé en spirale. 104. GEnisTA. Feuilles toutes (ou la plupart) simples. 106. Anenocarpus. Feuilles triloliolées. Légume glan- duleux. Ft Etamines diadelphes (9 soudées et 1 libre). Style court et droit. 111. TRIGONELLA. Corolle à carène rudimentaire. 115. Trirozium. Légume très court caché au fond du calice. 412. MeurLorus. Légume court peu saillant hors du calice. 110. Mepicaco. Légume courbé ou spiralé, sail- lant. 114. Lotus. Légume très saillant, droit et cylin- dracé. 115. TerraGonoLogus. Légume trés saillant à 4 ailes. d. Feuilles imparipennées. 409. Anravzzis. Légume uniloculaire, lisse. Éta- mines monadelphes. — 241 — 120. Onosryenis. Légume unilocul., réticulé, tuber- caleux. 116. ASTRAGALUS. Légume divisé longitudinalement en 2 loges. e. Feuilles paripennées ; rachis terminé en pointe ou en vrille. 191. Vicia Tube des étamines érès obliquement tronqué. | 492. Larayrus. Feuilles terminées en vrille (ou dépourvues de folioles). 193 Oropus. Feuilles à folioles nombreuses et ter- minées par une arête. B. Légume divisé en plusieurs articles transversaux. 419. Hippocreris. Légume formé d’articles arqués. 117. CoroniLLa. Articles du légume droits, renflés. 118. Orniraopus. Articles du légume droits, com- primés. 103. ULEXx. U. europæus L. Galice très velu, à bractées plus larges que le pédicelle; carène droite. CG. U. nanus Sm. Galice à pubescence rare et appli- quée, à bractées plus étroites que le pédicelle; carène courbée dépassant les ailes. CC. 104. GENISTA. G. anglica L. Sous-arbriss. épineux, à légumes ren flés et glabres. C. Landes. G. sagittahs L. Rameaux comprimés à 2 ou 4 ailes foliacées. R. Calc. :G. pilosa L. Corolle pubescente soyeuse. Tiges cou- chées ; feuilles florales pliées et fasciculées. R. Landes. G. tinctoria L. Tiges cyhndriques dressées. Pédi- celles plus courts que les feuilles florales planes et SOC. D'AG. 16 — 242 — éparses, et munis au sommet de deux bractéoles ciliées. C. : G. purgans L. Bractées très courtes; feuilles trés rares, quelques-unes trifoliolées. Stigmate capité. Plante glauque. RR. 405. SAROTHAMNUS. S. scoparius Wimm. Feuilles inférieures trifoliées, les supérieures simples ; arbrisseau à rameaux angu- leux. CC. : 106. ADENOCARPUS. A. complicatus J. Gay. Inflorescences terminales, glanduleuses. RR. Landes. 107. Lupnus. L. reticulatus Mes. Herbe annuelle à feuilles digi- tées. R. Moissons. 108. Ononis. A. Fleurs roses. O. repensL. Légume plus court que le calice, souche traçante à rameaux épineux. CC. O. campestris" Koch. Légume dépassant le calice. RR. B. Fleurs jaunes. O. Columneæ All. Fleurs sessiles ; corolle et légume égalant le calice. R. Calc. O. NatrixL. Fleurs striées, sur un pédoncule articulé el aristé ; calice plus court que le légume. AR. Calc. 109. ANTHYLLIS. V. vulneraria L. Galice enflé vésiculeux renfermant le légume stipité, suborbiculaire, comprimé. AR. Calc. ; Var. rubriflora. Fleurs rouges. — 243 — 110. MEDICAGO. A. Légume formant une spirale lâche, ou simplement courbé. M. Lupulina L. Légume rémforme, monosperme, indéhiscent, un peu contourné au sommet. Fleurs petites, jaunes, presque sessiles. CG. M. falcata L. Légume courbé en faux. Fieurs jaunes. AC. M. sativa L. Légume à 2 tours de spire. Fleurs vio- lacées. C. M. falcato-sativa Reich. Légume à 1 tour de spire. Fleurs variées. B. Lécume en spirale serrée à tours nombreux. M. marginata Willd. Légume discoïde glabre et veiné, mince sur les bords et sans épines. AR. Calc. M. Gerardi Willd. Légume tomenteux à épines peu nombreuses, presque coniques ; stipules profondément dentées. RR. Calc. M. minima Lam. Plante grisâtre, pubescente. Sti- pules presque entières. Légume petit-en spirale globu- leuse, un peu velu et couvert d’épines. AC. M. maculata Wild. Stipules dentées; inflorescence à 4 ou 4 fleurs ; feuilles souvent tachées de noir. CC. M. apiculata Wild. Stipules profondément incisées ; inflorescence à 5-10 fleurs. C. Caract. var. Longueur des épines du légume. __ 111. TRIGONELLA. T. ornithopodioides DC. Corolle rosée caduque ; : - légume pubescent, linéaire, obtus, un peu saillant. AR. Pelouses schist. 112. MELILOTUS. M. arvensis Wallr. Légume glabre, presque obtus. C. M. officinalis Wild. Légume à poils apprimés, atté- nué au sommet à bord supér. comprimé. AR. — 244 — 413. TRIFOLIUM. SECT. I. Trichocephalum. — Fleurs dimorphes, 4 ou 5 fertiles par capitule, à corolle blanche, entourées par d’autres stériles et apétales; pédoncule s’enfonçant en terre après la floraison, et s’y fixant par les dents accrescentes des calices stériles. T. subterraneum L. Légume monosperme, souter- rain. CC. Pelouses. Pr. SECT. II. Fragiferum. — Calice accrescent et vésiculeux; renflé après la floraison. T. fragiferum L. Tiges vivaces radicantes; fleurs rosées sessiles. C. T. resupinatum L. Tiges annuelles tombantes. Fleurs un peu pédicellées à étendard renversé vers le bas. R. SECT. III. Trifoliastrum. — Calice non accrescent à 10 ou 20 ner- vures. Fleurs blanches ou roses (rarement d'un jaune pâle). A. Fleurs sans bractéoles, calice à dents velues ou ciliées. Lésume monosperme. a. Capitules tous terminaux, + à l’aisselle d’une feuille supérieure solitaire, T. angustifolium L. Calice à dents spénescentes, à gorge fermée par 2 callosités. Folioles iInÉaIREnS à pointe aigüe. R. Calc. T. incarnatum L. Calice à gorge ouverte; folioles larges; corolle rose vif ou pâle dans le type sau- vage. AC. tft entre deux feuilles terminales opposées. T. rubens L. Calice à 20 nervures, à divis. supér. 2 fois plus courtes que l’infér. qui égale la corolle: Plante glabre à fleurs pourpres en longs épis solitaires. AR. Calc. T. ochroleucum L. Fleurs blanc-jaunâtre en capi- tules subglobuleux. AC. T. maritimum Huds. Plante annuelle à fleurs blan- — 245 — châtres, épi court subsessile ; divis. du calice dépassant 1: milieu de la corolle. C. L. pratense L. Feuilles supérieures sesséles ; stipules triangulaires et brusquement sétacées; calice velu à dents foutes dressées. X CC. T. medium L. Souche traçante ; stipules lancéolées ; feuilles toutes pétiolées. Galice à tube glabrescent, à dents un peu étalées à la fin. AR. Calc. b. Capitules, les uns latéraux, les autres terminaux. , T. arvense L. Capitules pédonculés, toujours soli- taires ; dents du calice longues et ciliées plumeuses. CC. Var. gracile. Dents du calice presque glabres. T. Bocconi Savi. Capitules oblongs cylindriques, soli- taires ou les terminaux géminés. Dents du calice con- niventes. RR. Coteaux. T. striatum L. Fleurs rougeûtres, caduques ; stipules supér. dilatées ; calice à gorge pubescente et resserrée, mais ouverte. AC. T. scabrum L. Fleurs blanchâtres, érès adhérentes à l'axe. Nervures latérales des folioles courbées en dehors. Gorge du calice fermée par 2 callosités. AR. B. Fleurs munies de bractéoles ; calice presque glabre ; légume à 2 ou plusieurs graines. a. Pédicelles presque nuls et jamais réfléchis. T. suffocatum L. Plante étalée en rosette au centre de laquelle sont les capitules sessiles et confluents. AR. Pelouses schist. T. glomeratum L. Capitules sessiles, écartés ; stipules aigües entières. AC. T. strictum L. Capitules pédonculés ; stipules ovales arrondies, denticulées ; légume un peu saillant. AR. — 246 — 6. Pédicelles réfléchis après la floraison. T. repens L. Tige pleine; légume sessile, bosselé, linéaire. Vivace. CC. T. Michelianum L. Tige fistuleuse, légume stipité, ovale. Ann. R. SECT. IV. Chrosonemium. — Fleurs jaunes. Calice à 5 nervures. Légime monosperme, stipité. T. patens Schreb. Style égalant presque le légume. Fleurs assez grandes, d’un jaune d’or. AC. T. procumbens. L. Étendard fortement strié, dépas- sant beaucoup les ailes, et à peine plié en carène; capi- tule multiflore. Var. campestre. Très robuste à capitules fournis. T. minus Rehl. Capitules de 5 à 15 fleurs à pédon- cules droits et à pédicelles plus courts ue le tube du calice. CC. T. macranthum VNiv. Capitules de 2 à 6 fleurs à pédoncules flexueux ; pédicelles plus longs que le tube du calice. C. 414. Lorus. ; L. major Scop. Pédoncule portant 6 & 12 fleurs, dents du calice réfléchies dans le bouton. CC. L. corniculatus L. Capitule de 3 à 6 fleurs. Dents du calice brusquement subulées égalant le tube. Éten- dard verdissant par la dessication. Vivace. CC. Var. tenuifolius. Feuilles et stipules linéaires ; ailes de la corolle oblongues allongées. L. angustissimus L. Pédoncule à 1 ou 2 fleurs. Dents du calice lancéolées. Elendard ne verdissant pas. Légume très grêle. AR. Var. diffusus Sol. Tige diffuse presque glabre. Pédoncule dépas- sant longuement les feuilles. L. hispidus Desf. Pédoncule à 2 ou 4 fleurs. Éten- — 247 — dard verdissant. Légume assez gros et court. Ann. R. 415. TETRAGONOLOBUS. T. siliquosus Roth. Souche épaisse et dure; fleurs jaunes, solitaires, axillaires. AR. Marais. 116. ASTRAGALUS. A. glycyphyllos L. Souche ligneuse. Folioles nom- breuses. FI. verdâtres en grappes axillaires. AC. Calc. 117. CORONILLA. | C. varia L. Corolle variée de rose et de blanc. Sti- pules Zibres. R. Calc. C. minima L. Tiges couchées, rameuses, glauques. Feuilles imparipennées à folioles presque égales. Souche ligneuse, vivace. AR. Calc. C. scorpioides Koch. Plante annuelle ; feuilles la plupart trifoliolées, à fol. terminale 6 ou 8 fois plus grande que les latérales. RR. Moissons. 118. ORNITHOPUS. A. Calice muni de bractéole scarieuse. Légume peu comprimé, à peine contracté aux articulations, et non strié. O. ebracteatus Brot. Dents du calice très courtes. Fleur jaune à carène orangée. Plante presque glabre. R. Sables. B. Calice muni d’une feuille bractéale pennée. Légume strié. O perpusillus L. Calice à dents ? fois plus courtes que le tube. Corolle blanc rosé. Légume pubescent. CC. O. roseus Desf. Calice à dents égalant le tube. Légume glabre. Fleurs roses assez grandes. RR. Sables. O. compressus L. Galice à dents égalant presque le tube. F1. jaunes, légume souvent pubescent à bec cro- chu. AR. ; 119. HiPPOCREPIS. H. comosa L. Fleurs jaunes, par 5 à 8 en têtes, réfléchies. AR. Calc. LB — 190. OnoBrycuIs. O. sativa. L. Fleurs roses striées, à carène large et obliquement tronquée. Stipules soudées. AC. Calc. 191. Vicra. SECT. I. Ervum. Calice égalant la corolle. V. hirsuta Koch. Tige accrochante. Style glabre et comprimé. Légume velu à 2 graines. CC. V. Ervilia Wild. Feuilles sans vrille. Style subulé pubescent. Légume à 3 ou 4 graines. AC. Calc. SECT. Il. Euvicia -- Corolle dépassant beaucoup le calice. A. Fleurs en grappes à pédoncule très allongé. Style velu tout autour, non barbu au sommet. V. tetrasperma Mœnch. Fleurs petites en grappes pauciflores. Légume obtus, de 3 à 4 graines. CC. Mois- sons. Var. gracilis. Pédoncule dépassant les feuilles, CHU E de 5 à7 graines. V. cassubica L. Style comprimé d'avant en arrière. Légume à 2 graines. Souche traçante, émettant des stolons. R. Bois calc. V. varia Host. Calice à tube bossu à la base. Éten- dard moitié plus court que l’onglet. Fleurs s’épanouis- sant ssmulianément. AR. Moissons. V. tenuifolia Roth. Étendard à limbe moitié plus long que l'onglet. Grappes Aches dépassant beaucoup les feuilles. AR. Haies. V. cracca L. Étendard égalant l'onglet. Grappes _serrées dépassant peu ou point les feuilles. CC. B. Fleurs en grappes à pédoncule commun très court. Style barbu sous le stigmate. V. sæpium L. Gousse stipitée. Plante vivace à sfolons filiformes rougeâtres. CC. V. bithynica * L. Calice à dents égales, style court. — 249 — Graines globuleuses. Feuilles toutes munies de vrilles. Champs. V. serratifolia Jacq. Feuilles infér. sans vrille, à deux folioles ; légume glabre sur les faces, à graines compri- mées. RER. C. Fleurs subsessiles, solitaires ou géminées. a. Légume stipité, calice irrégulier. V. lutea L. Fleurs jaunes. Folioles mucronulées. Légume couvert de poils tuberculeux et étalés. C. Mois- sons. V. peregrina” L. Fleurs roses. Foliolés émarginées. Légume à poils appliqués. Moissons,. b. Légume sessile, calice régulier. V. lathyroides L. Vrilles presque nulles. Légume glabre, à graines eubiques {uberculeuses. AR. Pelouses. V. angustifohia All. Légume noirâtre à maturité, non bosselé, graines lisses, g/obuleuses, contigues. C. V. sativa L. Légume roussâtre, bosselé, graines comprimées. C. | 199. LATHYRUS. A. Pédoncule à 1 ou 2 fleurs. Plante annuelle. L. Aphaca L. Feuilles réduites à un pétiole filiforme terminé en vrille et entouré de 2 larges stipules folia- cées. Fleurs jaunes axillaires. CC. L. Nissolia L. Pétiole élargi en phyllode 2mutant une feuille graminée. Stipules très petites ou nulles. Fleurs roses. AC. L. hirsutus L. Fleur terminaleà pédoncule beaucoup plus long que là feuille. Style tordu. Légume très hérissé. C. L. sphœricus Retz. Graines globuleuses lisses à hile elliptique, légume à nervures saillantes. R. Calc. — 250 — L. angulatus L. Légume à peine réticulé, graines cubiques tuberculeuses, à hile ovale. AR. Sables. B. Pédoncules multiflores. Plante vivace. L. pratensis L. Fleurs jaunes. Style non tordu ; tige non ailée, sans tubercules, ni stolons. CC. L. tuberosus L. Tige seulement anguleuse, non alée, souche tuberculeuse..Légume presque cylindrique. AR. L. silvestris L. 4 à 10 fleurs en grappe lâche, graines légérement chagrinées, pétiole à ailes plus étroites que celles de la tige. AC. L. latifolius L. Pétiole à ailes très larges. Graines tuberculeuses. R. 123. ORoBUs. O. tuberosus L. Tige ailée, souche fuberculeuse et munie de stolons. Fleurs roses changeantes. C. Bois. Var. tenuifolius. Folioles linéaires très étroites. O. albus L. Fleurs blanches. Pétiole aïlé, folioles linéaires, souche à fibres fusiformes fasciculées. R. Prairies, O. niger L. Fleurs rougeâtres. Folioles ovales. Légume noirâtre à la maturité. R. Bois calc. Fam. (29). Amygdalées. 194 Prunus. Fleurs solitaires ou géminées, feuilles enroulées dans le bouton. 195. Cerasus. Fleurs groupées, feuilles pliées dans le bouton. 194. PRUNUS. P. insititia L. Pédoncules pubescents ordinairement géminés. Fruits penchés. Arbrisseau peu épineux. AR. P. spinosa L. Pédoncules glabres et solitaires. Fruit petit dressé. Arbrisseau épineux. Var. fruticans. Arbrisseau robuste moins épineux; fruit de la grosseur d’une cerise. Var. Desvaurüi. Arbrisseau élevé, moins épineux, fruit très petit. Caract. var. Époque de floraison et de feuillaison, taille de l’arbrisseau, dimensions du fruit. 195. CERASUS. C. avium L. Fleurs en ombelles simples, et sessiles, naissant avant les feuilles. Fruit doux ou peu amer. C. Bois. Fam. (30). Rosacées. A. Réceptacle plan ou convexe. a. Calice à 5 divisions, sans calicule. 496. Sprrœa. Carpelles secs déhiscents. Tige inerme. 197. Rugus. Carpelles drupacés. Tige munie d’ai- guillons. b. Calice muni d’un eat 198 GEum. Style accrescent, terminal et géniculé au sommet. 130 FraGarIa. Réceptacle accrescent, charnu. 199 PortenrTiLLa. Réceptacle sec. Pétales blancs ou jaunes. 199 bis. Comarum. Réceptacle spongieux. Pétales rouges. B. Réceptacle creusé en tube renfermant les carpelles. 131 Rosa. Arbrisseau muni d’aiguillons. Carpelles nombreux. 132. AcrimoniA. Herbe. Carpelles 4 où 2 dans un réceptacle coriace. 196. SPIRŒA. S. Filipendula L. Fibres de la racine renflées, pétales — 252 — à onglet très court, carpelles pubescents. AR. Prairies. S. Ulmaria L. Pétales plus courts que les étamines, à long onglet, carpelles glabres tordus. C. Bord des eaux. 197. Rugus. A. Tige cylindracée ou à peine anguleuse. R. cœsius L. Folioles inférieures sessi/es, calice glan- duleux redressé sur le fruit, carpelles peu nombreux et glauques. Var. pseudocæsius. Fleurs toutes stériles. Var. dumetorum. Calice non glanduleux. Var. nemorosus. Galice réfléchi. R. glandulosus Bell. Folioles infér. pétiolulées. Tige et pétioles munis de soies et de glandes stipitées. Feuilles velues et vertes sur les 2 faces. Calice redressé sur le fruit formé de nombreux carpelles. Var. radula. Feuilles glabrescentes en dessus. Var. vestitus. Sépales réfléchis à la maturité. B. Tige à 5 faces planes ou canaliculées. R. discolor W. N. Feuilles blanches tomenteuses en dessous, folioles pétiolulées. Calice blanc tomenteux. Var. tomentosus. Feuilles tomenteuses en dessous, pétiole cana- liculé. Folioles latérales sessiles. Pétales blanes. R. R. fastigiatus W. N. Feuilles vertes sur les 2 faces. Calice vert bordé de blanc. Types polymorphes regardés comme groupes d'espèces par certains auteurs. Nous ne pouvons entrer dans cette nomenclature. Caract. var. Direction des sépales et des aiguillons, section des pétioles, forme des folioles et leur pubescence, couleur et forme des pétales, saveur des fruits, etc. 198. GEUM. G. urbanum L. Fleurs jaunes, calice réfléchi aprés la floraison. CC. — 253 — 199. POTENTILLA. A. Feuilles palmées ou trifoliolées. a. Fleurs blanches. P. fragariastrum Ehr. Pétales égalant à peine le calice. Carpelles ridés à maturité. CC. P. Vaillantii Nestl. Pétales moitié plus longs que le calice. Folioles soyeuses argentées en dessous, à 5 ou 7 dents. R. Bois secs. b. Fleurs jaunes. P. argentea L. Feuilles tomenteuses blanches en dessous, à dents pénétrant jusqu’au tiers du limbe. C. Caract. var. Direction de la tige et des rameaux du corymbe, grandeur du calicule, pubescence des feuil. (tomenteuse ou hérissée). P. reptans L. Tige rampante et radicante aux nœuds dans toute sa longueur ; pédoncules uniflores. CC. P. Tormentilla Nestl. Fleurs à 4 divis. Tiges redres- sées, feuilles trifoliolées ; stipules caulinaires assez larges à 3 ou 5 lobes. CC. (P. tormentilla-reptans) Forme hybride intermédiaire entre les précédentes. Tige dressée ou radicante, fleurs à 4 ou 5 divisions; feuilles à 3 ou 5 folioles. k P. verna L. Feuil. à 5-7 folioles. Rochers. AR. B. Feuilles pinnatiséquées. Plante des lieux humides. P. supina L. 5-9 folioles presque glabres. F1. petites _ jaune pâle. ©. RR. | P. Anserina L. Folioles nombreuses, inégales, argen- tées en dessous. Tige vivace radicante. Fleurs grandes jaunes. CC. 199 is. COMARUM. * C. palustre L. Tige radicante puis ascendante. Sépales accrescents. Marais. 130. FRAGARIA. F. collina Ehr. Calice appliqué sur le fruit, et lui adhérant. RR. Calc. — 254 — F. elatior Ehr. Pédicelles couverts de poils éfalés, folioles latérales pétiolulées ; fleurs ordinairement dioïques. R. F. vesca L. Pédicelles à poils apprimés, réceptacle pourvu de carpelles jusqu’à la base. C. Bois. 131. Rosa. A. Tige toute hérissée d’aiguillons sétacés. R. pimpinellifolia L. Sépales persistant sur le fruit. RR. B. Aïguillons de 2 sortes, les uns sétacés, les autres à base élargie. a. Aiguillons sétacés peu abondants, où presque nuls. R. psilophylla Rau. Folioles larges, vertes et glabres. R. collina Jacq. Folioles velues. b. Aiïguillons sétacés abondants. T Styles saillants et agglutinés. R. arvina Krock. Sous-arbrisseau à rameaux di- morphes, les uns tout à fait inermes. Pétales larges roses puis pâles. (R. gallica-arvensis) Stérile. Rameaux conformes. Ft Styles libres. R. gallica L. Styles laineux. Fleurs rouge pourpre. R. R. silvatica Tausch. Feuilles pubescentes blanchâtres en dessous. FI. roses. R. R. Boræana Béraud. Feuilles presque glabres. Fleurs roses puis pâles. RR. G. Aiguillons tous robustes, dilatés à la base. a. Styles soudés ou rapprochés en colonne saillante. R. sempervirens L. Feuilles persistantes. Golonne des styles très hérissée. R. arvensis L. Sépales presque tous entiers, fleurs blanches. Type très polymorphe, à tige droite ou sarmenteuse, lisse ou hispide, feuilles glabres ou velues, pédoncules glanduleux ou lisse, fruit arrondi ou allongé. — 255 — R. systyla Bast. Sépales tous pinnatifides. Fleurs roses. Var. stylosa Desv. Fleurs blanches. Feuilles velues. d. Styles libres peu ou point saillants. f Feuilles peu ou point glanduleuses. R. obtusifolia Desv. Folioles obtuses, velues sur les deux faces, à dents simples, fleurs petites toujours blanches. Carpelles presque sessiles. C. R. canina L. Folioles plus ou moins aiguës, ordinai- rement glabres (au moins en dessus) Fleurs rosées dans le bouton. Var. dumalis. Feuilles doublement dentées, glabres. Var. andegavensis. Pédoncule glanduleux hispide. Var. dumetorum. Feuilles velues. R. tomentosa Sm. Feuilles éomenteuses, sur les deux faces. Aiguillons presque droits. Fruit ovale hispide. Var. subglobosa. Fruit globuleux. ft Feuilles glanduleuses sur toute la face inférieure. R. fœtida Bast. Folioles presque glabres en dessus, pubescentes grisdtres en déssous. Styles presque gla- bres. RR. R. rubiginosa L. Pédoncule hispide-glanduleux. . Styles velus. : R. sæpium Thuil. Pédoncule Zsse. Styles presque glabres. 132. AGRIMONIA. A. Eupatoria L. Feuilles pinnatiséquées. Fleurs jaunes en longues grappes terminales. Réceptacle à soies élalées, renfermant À achaïîne. Var. odorata. Feuilles parsemées de petites te odorantes, réceptacle à soies réfléchies, renfermant 2 achaînes. — 256 — Fam. (31). Sanguisorbées. 133. ALCHEMILLA. Galice à 8 divis. sur 2 rangs. Feuilles palmatipartites. 134. SANGUISORBA. 4 étamines, fleurs hermaphro- dites. 435. PorTeriumM. Étamines nombreuses. Fleurs poly- games. 133. ALCHEMILLA. A. arvensis L. Herbe annuelle velue, portant dans toute sa longueur des fleurs groupées axillaires. CC. 134. SANGUISORBA S. officinalis L. Plante glabre, feuilles imparipen- nées. Fleurs en épis oblongs terminaux. Fruit à 1 achaîne. AR. Prés. 135. PoTERIUM. P. Sanguisorba L. Fleurs femelles au sommet de l’épi globuleux, fleurs mâles et hermaphrodites à sa base. Fruit à 2-3 achaïînes. C. Ver: muricatum. Fruits à faces fortement muriquées. Fam. (32). Pomacées. A. Endocarpe osseux (noyau). 136. CraTæGus. 1-2 noyaux, sépales courts. Fleurs en corymbe. via 137. MEspiLus. 5 noyaux, sépales foliacés. Fleurs solitaires. B. Endocarpe cartilagineux (pépin). 140. Sorgus. Fleurs en corymbes composés. 138. Pyrus. Styles libres. 139. Mazus. Styles soudés à la base. — 257 — 136. CRATÆGUS. C. oxyacantha L. Arbrisseau épineux à feuilles pin- nalifides. Fruit rouge, fade. CC. Var. oxyacanthoides. Calice glabre. Ordinairement 2 noyaux et 2 styles. Var. monogyna. Calice pubescent. 1 seul noyau et 1 style. 137. MEspiLus. M. germanica L.. Arbrisseau tortueux épineux. Fleurs grandes presque sessiles. Fruit gros, acerbe puis acidule. 138. Pyrus. P. communis L. Feuilles adultes presque g/abres, et denticulées, à pétiole égalant la longueur du limbe. C. Bois. Var. pyraster. Fruit arrondi à la base. Var. achras. Fruit aminci à la base. P. salvifona DC. Feuilles très entières, pubescentes en dessus et tomenteuses en dessous. RR. 139. MaLus. M. communis Poir. Feuilles presque tomenteuses. Fleurs rosées en ombelle. Fruit ombiliqué à la base. AC. Bois. Var. acerba. Feuilles et calice glabres. Fruit acerbe. 440. SorBus. S, torminalis Craniz. Feuilles palmatilobées, glabres. Fruit petit, subglobuleux. C. Bois. S. domestica L. Feuilles imparipennées, velues. Fruit turbiné. Fam. (33). Crassulacées. A. Très petites plantes à feuilles opposées connées. 3-4 étamines,. 141. TizzæA. Carpelles étranglés à 2 graines, plante des lieux secs. | SOC. D’AG. 17 — 258 — 142. BULLIARDA. D polyspermes, plante des lieux humides. ; B. Feuilles libres. Étam. (rart. 4) 3 ou plus. 143. SEDu. 4-5 pétales libres. 144. SEMPERVIVUM. 6 à 12 pétales libres. 145. Umicicus. Corolle gamopétale. Feuilles peltées. 141. TILLÆA. T. muscosa L. Très RES plante rougeâtre glabre, corolle blanche. C. 442. BuLLIARDA. B. Vaillantii DC. Plante rameuse en dichotomie irrégul., pétales blanc-rosé. R. 143. SEDUM. A. Fleurs blanches ou purpurines. a. Feuilles planes. S. telephium L. Feuilles larges, dentées ; tige robuste, droite, terminée par une inflorescence corymbiforme compacte. C. Var. confertum. Inflorescence allongée terminale. : Var. purpurascens. Rameaux floraux espacés le long de la tige. S. cepæa L. Feuilles entières, obovales. Pétales aristés. Fleurs en grappe. Annuelle. C. b. Feuilles cylindriques ou arrondies. 1 Plante glabre. l S. andeqavense DC. Plante annuelle, sans stolons, à tige dressée, sépales obtus, 4 ou 5 étamines. AR. Ro- chers. S. anglicum Huds. Feuilles courtes, prolongées à la base en un court appendice. Pétales aigus, submucro- nés, d’un blanc-rosé. C. S. album L. Feuilles cylindracées, pétales blancs, lancéolés, obtus. CC. Var. micranthum. Feuilles des stolons plus serrées et plus courtes. — 259 — ff Plante velue ou glanduleuse. S. dasyphyllum Vi. Plante vivace et radicante. Pétales obovales. R. Murs. S. rubens L. Fleurs sessiles. Feuilles Dares, souvent rougeâtres. Pétales aristés. C. S. villosum L. Feuilles pubescentes. Pédicelles dis- tincts glanduleux. Pétales aigus. R. Sables humides. B. Fleurs jaunes ou jaunâtres. a. Feuilles obtuses, carpelles divergents. S. acre L. Feuilles éparses, sépales ovoïdes, graine lisse, Plante âcre. CC. S. sexangulare L. Feuilles des stolons sur 6 rangs, prolongées en appendice à la base. Graines tubercu- leuses. AR. Rochers. B. Feuilles acuminées, carpelles dressés. S. anopetalum DC. Pétales jaune pâle, et toujours dressés. RR. Calc. S. elegans Lej. Tige un peu fistuleuse, feuilles com- primées, ponctuées. RR. S. reflezum L. Sépales épaissis au sommet. Feuilles cylindriques. Var. rupestre. Feuilles des stolons sur 5 rangs. irréguliers. Var. albescens. Rameaux de la cyme étalés, ascendants, non réfléchis. 144. SEMPERVIVUM. S. tectorum L. Stolons terminés par une large rosette de feuilles imbriquées ; tige dressée, glanduleuse, ter- minée par une cyme de fleurs roses. CG. Murs. 145. Umgizicus U. pendulinus DC. Fleurs tétramères en longue grappe terminale. Racine tuberculeuse. C. Rochers et murs. 0 Fam. (34). Lythrariées. 146. Lyraum! Calice tubuleux, pétales distincts. 447. PEpLis. Calice campanulé, pétales pelits ou - nuls. 146. LYTHRUM. L. Salicaria L. Tige robuste anguleuse, 12 étam. dont 6 plus courtes. Fleurs grandes et groupées. CC. L. hyssopifola L. Tige annuelle grêle, fleurs petites, axillaires, solitaires ou géminées. 6 étamines dont 3 courtes. Var. Salzmanni. Dents extér. du calice très courtes. | 447. Pepuis. P. Portula L. Plante radicante à feuill. opposées. Fleurs sessiles, axillaires, stigmate subsessile. CC. Lieux humides. P. Boræi Jord. Style distinct. Feuilles alternes et opposées. R. Fam. (35). Onagrariées. 150. IsnarpiA. Fleur apétale. 4 étam. 148. EpizoBiuM. 4 pétales blancs ou roses, graines aigrettées. 149. ÆNOTHERA. 4 Pétales jaunes. 148. EPILOBIUM. A. Stigmates libres, étalés ou roulés en dehors. E. spicatum Lam. Pétales entiers, élamines et style défléchis, feuilles toutes alternes. Fleurs violacées un peu irrégulières. R. Bois. E. harsutum L. Tige robuste, émettant des stolons; calice à divisions aristées. Fleurs grandes d’un beau rose. C. Bord des eaux. — 261 — E. parviflorum Schreb. Fleurs penchées avant la floraison, feuilles très velues, arrondies à la base, les supérieures sessiles. C. Var. intermedium. Feuilles alternes. E. montanum L. Feuilles glabres, à court pétiole, arrondies à la base. Bourgeons serrés. C. Bois. E. lanceolatum Seb. Bourgeons étalés en roselte, feuilles atténuées en pétiole, alternes au sommet de la tige. C. B. Stigmates rapprochés en massue. E. palustre L. Tige absolument cylindrique, émettant des stolons. Feuilles très entières, fl. roses. R. Marais. E. tetragonum Li. Souche munie de bourgeons étalés en rosette, tige à 2 ou 4 lignes saillantes, feuilles étroites sessiles ou à court pétiole. Fleurs roses dres- sées avant la floraison. CC. Var. Lamyi. Feuilles distinctement pétiolées. Var. obscurum. Tige munie de stolons feuillés. E. roseum Schreb. Feuilles assez longuement pétio- lées denticulées. Fleurs blanchâtres, striées de rose, penchées avant la floraison. R. 149. ŒNOTHERA. A. Pétales grands dépassant beaucoup les étamines. CE. biennis L. Tige dressée, rude, à feuilles lancéolées. Fleurs peu odorantes en grappe terminale feuillée. C. Sables. OE. suaveolens Desf. Fleurs à odeur d’oranger, très grandes. R. B. Pétales égalant à peine les étamines. CE. muricata. Capsule s’ouvrant par 8 dents. RR. OË. parviflora L. Capsule s’ouvrant par 4 dents. RK. — 269: — 159. IsNARDIA I. palustris L. Sépales persistants. Plante radicante à feuilles opposées entières. Fleurs solitaires, sessiles et axillaires. AR. Lieux humides. Fam. (36). Circeacées. 151. CiRc#A. C. lutetiana. L. Fleurs diméres. Souche traçante, feuilles réfléchies glabres, opposées, pédicelles fructi- fères réfléchis. Fruits hérissés de poils crochus. C. Fam. (37). Haloragées. 152. MyrioPHYLLUM. 4 stigm. sessiles. Fleurs mo- noïques. Feuilles toutes pinnatiséquées. 153. Trapa. Style filiforme. Fleurs hermaphr. Feuilles supér. flottantes deltoides. 152. Myr1oPHYLLUM. M. verticillatum L. Fleurs verticillées à l’aisselle de feuilles ou bractées pinnatifides, au sommet de rameaux se terminant par un bouquet de feuilles. C. Fossés, A. spicatum L. Épis terminaux de fleurs verticillées à l’aisselle de bractées courtes et entières. CC. M. alterniflorum DC. Épi terminal et nu, formé de fleurs alternes, réunies par 2-3 à la base, solitaires au sommet. R. 153. TRapA. T. natans. L. Pétiole des feuilles flottantes renflé-vési- culeux, pédoncules courts, axillaires. Fruit ligneux à 4 épines. AC. Étangs. 2 — 263 — Fam. (38). Hippuridées. 454. Hippuris. H. vulgaris L. Tige droite fistuleuse, à feuilles linéaires verticillées. C. Marais. Fam. (39). Grossulariées. 155. RIBES. R. uva crispa L. Tige épineuse. Pédoncules pauci- flores. AR. R. rubrum L. Calice glabre à limbe plan, fruit rouge, AC. R. nigrum L. Calice pubescent campanulé. Fruit noir odorant. R. Fam. (40). Saxifragées. 457. SAxIFRAGA. 5 pétales ; capsule à 2 loges. 156. CarysosPLENIUM. Fleur apétale : capsule unilo- culaire. 156. SAXIFRAGA. S. tridactylites L. Feuilles cunéiformes à 2-3 lobes, sessiles. Pédicelles fructifères allongés © CC. Murs. S. granulata L. Souche vivace, bulbifére; feuilles infér. pétiolées, à limbe crénelé. Pédicelles fructiféres très courts. AC. Pelouses. 157. CHRYSOSPLENIUM C’. oppositifolium L. Tiges radicantes ; feuilles toutes - opposées, un peu crénelées. Bractées et sépales jaunes. R. Lieux frais. — 26 — Fam. (41). Ombellifères :. 17e SÉRIE. OMBELLIFÈRES IMPARFAITES. Fleurs sessiles. Fruit lisse, fleurs en verticilles. 17e tribu. Hydrocotylées. Fruit écailleux ou hérissé. 2e tribu. Eryngiées. 2° SÉRIE. OMBELLIFÈRES PARFAITES. Fleurs pédicellées. Graine à face commissurale plane ou convexe. Chaque carpelle muni de 5 côtes (primaires). Fruit comprimé perpendiculairement à la commissure étroite. 3e tribu. Amminées. Fruit cylindracé ou tétragone. 4e tribu. Seselinées. Fruit comprimé parallèlement à la com- missure large, sans äiles membraneuses.. 5° tribu. Peucedanées. muni d'ailes membraneuses. 6€ tribu. Angélicées. Chaque carpelle muni de 9 côtes (5 primaires et 4 secondaires). Fruit muni d'ailes membraneuses 7e tribu. Thapsiées. Fruit sans ailes, hérissé. 8° tribu. Daucinées. Graine à face commissurale concave ou enrou- - lée sur les bords. Chaque carpelle muni de 9 côtes hérissées. 9e tribu. Cauculinées. Chaque carpelle muni de 9 côtes lisses. 42 tribu. Coriandrées. Chaque carpelle muni de 5 côtes souvent lisses. i 4 Fruit atténué ou prolongé en jbec 102tribu. Scandicinées. Fruit non atténué, court. 119 tribu. Smyrniées. Ire tribu. Æydrocotylées. 158. HyprocoTyLe. Fruit à côtes distinctes. 2e tribu. Eryngiées. 159. SanicuLa. Fruits hérissés. Gapitules réunis en ombelles. 1 La seule inspection à la loupe du fruit coupé transversalement, permet de fixer la tribu à laquelle appartient l’espèce. ET 160. ErvnGrum. Fruits écailleux. Capitules entourés de bractées épineuses. 3e tribu. Amminées. A. Involucelles nulles. 163. Trinia. Fleurs dioiques. , 161. Aprum. Pétales entiers, verdätres. 170. PrmPINELLA. Feuilles pinnatiséquées. 168. Æcopopium. Feuilles triséquées. B. Involucelles à plusieurs folioles. a. Ombelles à rayons nombreux (10 au plus.) 172. Cricura. Involucre nul ou à 1 foliole. 169. Carum. Folioles linéaires rapprochées en fais- ceaux autour du péliole (comme verticillées). 167. Ami. Involucre à bractées profondément décou- pées. 471. Sum. Plante aquatique à fruit court. 165. Farcarra. Plante des lieux secs à feuilles glauques. b. Ombelles à moins de 10 rayons: 173. BuPLEURUM. Feuilles entières réduite à un phyl- lode. : | 166. Sison. Pétales profondément échancrés. 164. HeLoscranium. Plante aquatique. Galice à 5 dents. 162. PETROSELINUM. Dents du calice nulles. 48 tribu. Séselinees. A. Fleurs jaunes. 477. Fænicuzum. Involucre et involucelles presque nuls. 174. Sizaus. Involucelles polyphylles. B. Fleurs blanches ou rosées. 178. ŒNANTHE. Calice à dents distinctes et accres- centes. Lg p 175. Seseci. Fruit oblong, pubérulent. Segments des feuilles linéaires. 176. ÆrausA. Plante annuelle. Fruit glabre subglo- buleux, 9e tribu, Peucédanées. 179. Torpyzium. Fruit couvert de poils raides. 181. PasrinacA. Involucre et involucelles presque nuls. Fleurs jaunes. 180. HeracLeum. Tige et feuilles hérissées, pétales rayonnants. Ann. | 182. Peucenanum. Plante vivace. Pétales égaux émarginés. 6e tribu. Angéñcées. 183. Secinum. Fruit à 10 ailes, dont 6 médianes peu saillantes. É 184. Anceica. Fruit à 4 ailes latérales membra- neuses. | 7e tribu. Thapsiées. : 185. Laserpirium. Côtes sccondaires développées en ailes. 8e tribu. Daucinées. 486. Daucus. [nvolucre et involucelles à folioles dé- coupées. 187. ORLAyA. Folioles de l’involucre entières. 96 tribu. Caucalinées. 190. Toricis. Fruit couvert d’épines sur foute sa surface. 189. TurGENIA. Feuilles pinnatiséquées, rayons de l’ombelle hérissées. 188. GaucaLis. Feuilles bi ou tripinnatiséquées. pape Le 10° tribu. Scandicinées. 191. Scanpix. Bec du fruit bien plus long que les carpelles. 494. Conoponium. Racine fuberculeuse. Pétales entiers. 492. AntTuariscus. Fruit hérissé à bec court mais distinct. 193. CHæœRoPHYLLUM. Fruit non hérissé à bec presque nul. 11e tribu. Smyrniées. 195. Conius. Involucre et involucelle à 3 ou 5 folioles. Fétide. 496. Suyrnium. Involucre nul. Ombelle à rayons sillonnés. 12e tribu. Cortandrées. 497. Birora. Commissure incomplète et percée. 158. HYDROCOTYLE. H. vulgaris L. Tige radicante. Feuilles peltées, crénelées. C. Lieux humides. 159. SANIGULA. _ S. europæa L. Feuilles radicales pétiolées, palma- tipartites. Fleurs rosées, polygames. C. Bois. 160. ErynGrum. E. campestre L. Tige très rameuse à feuilles épi- neuses pinnatipartites. CC. Lieux incultes. 161. ApPrum. A. graveolens L. Plante aromatique à tige cannelée. C. cultivé. R. spontané. 162. PETROSELINUM. P. segetum Koch. Ombelles irrég. à 2 ou 3 rayons. * Fleurs blanches. AC. — 268 — à 163. TRINIA. . T, vulgaris DC”. Ombelles nombreuses, les fructi- fères à rayons inégaux. Tige rameuse, glabre à feuilles glaucescentes. RR. Landes. 164. HELOSCIADIUM. H, inundatum Koch. Ombelles à 2-3 rayons. Tige submergée. Feuil. infér. à segments capillaires. Invo- lucre nul. AC. Fossés. H. nodiflorum Koch. Ombelles sessiles, à 4-8 rayons. Involucre nul. CC. H. repens Koch. Ombelles à 4-7 rayons et long pé- doncule. Involucre à plusieurs bractées. R. Étang des landes. | 165. FALCARIA. F. Rivini Host. Feuilles coriaces. palmatiséquées. _Involucre et involucelle à bractées linéaires. Calice ‘à 5 dents. AR. Calc. : ” 166. SIson. S. amomum L. Involucres à bractées peu nom- breuses. Ombelle à 3-5 rayons inégaux. C. Haies. 167. Ammr. A. majus L. Feuilles plus on moins glauques à seg- ments lancéolés, dentés. C. Var. gr foiune: Feuil. très glauques à segments linéaires entiers. 168. ÆGoPopDIUM. Æ. Podagraria L, Tige robuste, cannelée, glabre, à larges folioles. RR. : 169. CARUM. C. verticillatum L. Souche à fibres renflées. C. Prés humides. — 9269 — 470. PIMPINELLA. P. magna L. Tige anguleuse, feuilles radic. à seg- ments pétiolulés. AR. P. Saxifraga L. Tige légèrement striée, feuil. supér. à segments étroits, ordinairement réduites au pétiole élargi. CC. 471. Srum. S. latifolium L. Segments des feuilles dentés, brac- tées et bractéoles entières, styles fliformes, carpelles à bords contigus. C. Fossés. S. angustfolium L. Segments des feuilles encisés, styles épaissis à la base, carpelles à bords distants. AR. Calc. 472. CreuTA. C. vtrosa L. Calice à 5 dents membraneuses. Plante à odeur vireuse. RR. Étangs. 4173. BUPLEURUM. A. Feuilles non perfoliées. Involucre et involucelles distincts. a. Feuilles sans nervures marginales, ombellules de 3 à 5 fleurs. B. tenuissimum L. Fruit tuberculeux. AC. Pelouses. B. Gérardi Jacq. Fruits lisses. RR. Côteaux arides. Var. affine. Plante très grêle à rameaux apprimés. b. Feuilles à nervures marginales. Ombellules multiflores. B. aristatum Bartl. Involucelle dressé et aristé, dépassant beaucoup les fleurs. Ombelle à 2-3 rayons. Annuel. R. Calc. | B. falcatum L. Vivace. Ombellé de 5 à 10 rayons. . Involucelle égalant les fleurs. RR. Calc. B. Feuilles perfoliées. Involucre nul. B. rotundifolium L. Involucelle redressé; feuil. lar- gement ovales. AC. Calc. B. protractum Link. Involucelle éfalé. Feuilles oblongues. AR. Calc. — 270 — 174. SILAUS. S. pratensis Bess. Feuilles bi-tripinnatiséquées, à divis. linéaires. C. Prés. 175. SESELI. S. montanum L. Souche épaisse, feuil. souvent glauques. C. Lieux secs. S. coloratum Ehr*. Ombelle de 15 à 30 rayons, bractéoles saïllantes. RR. 176. ÆrTausA. Æ. cynapium L. Feuil. à segments ovales incisés. Bractéoles rejetées au dehors de l'inflorescence. CC. 177. FœnNicuLun. F. officinale L. Aromatique. Feuil. à divis. capil- laires. Ombelles de 12 à 20 rayons. AC. Calc. 178. ŒNANTHE. A. F1. presque égales, fertiles et toutes également pédicillées. OE. Phellandrium Lam. Tige fistuleuse, feuil. à divisions étroites, ombelles oppositifoliées à court pédoncule. (. Ruisseaux. B. Fleurs centrales fertiles presque sessiles, les latérales rayon- nantes stériles. Ombelles terminales. a. Ombellules fructifères globuleuses. OE. fistulosa L. Ombelles à 3 rayons. Tige fragile fistuleuse. C. j b. Ombellules fructifères hémisphériques, convexes en dessus. OË. peucedanifolia Poll. 5 à 10 rayons. Involucre nul ou à À bractée. Fleurs très inégales. C. OE. Lachenalii Gmel. 8 à 20 rayons. Involucre à plusieurs bractées caduques. Kleurs peu inégales. R. c. Ombellules contractées, planes en dessus. OE. pimpinelloides L. Ombelle de 5 à 12 rayons — 271 — épaissis à maturité. Involucre polyphylle caduc. Fleurs blanc-jaunâtre. R. . CE. crocata L. Rayons de 15 à 30. Feuilles à seg- ments élargis. Fibres radicales renflées sessiles à suc jaunissant. CC. 179. TORDYLIUM. T. maximum L. Plante annuelle scabre, à feuilles pinnaliséquées. Ombelle de 5 à 10 rayons. Fleurs blanches ou rosées. C. 180. HERACLEUM. H. Sphondylium L. Tige robuste, cannelée, fistu- leuse, Feuilles très amples. Ombelles de 15 à 30 rayons. F1. blanches. CC. Car. var. forme du fruit. 181. PASTINACA. P. sativa LL. Plante pubescente. Feuilles pinnatisé- quées à segments oblongs. Ombelle terminale souvent dépassée par les latérales. C. 182. PEUCEDANUM. A. Involucelle nul ou à 2 ou 3 bractéoles. P. Chabræi Gaud. Feuilles à divis. du 4er ordre ses- siles, se croisant sur le rachis. Involucre nul. 6 à 15 rayons inégaux. R. Lieux humides. B. Involucelle formée de plus de 4 bractéoles. a. Divis. des feuilles linéaires entières ; pétiole cylindrique. P. officinale L." Fleurs jaunes, rayons de l’ombelle glabres nombreux. Plante glabre, vert foncé. RR. P. parisiense DC. Ombelle de 10 à 19 rayons, à bractées caduques, peu nombreuses. Fruit égalant son pédicelle. C. Bois. P. palustre Mæœnch. Involucre el involucelle poly- phylles ; 20 à 30 rayons. Fruit longuement pédicellé. RR. Marais. b. Segments des feuilles incisés et élargis. P. alsaticum L. * Fleurs aunâtres, involucre étalé, RR. P. oreoselinum Mæœnch. Segments des feuilles 4r2/obés et verts sur les 2 faces ; ombelle de 10 à 20 rayons. AR. Bois calc. s P. Cervaria Lap.* 20 à 30 rayons. Segments des feuilles dentés, et glauques en dessous. 183. SELINUM. S. carvifoha L. Tige sillonnée, presque ailé. Om- belles de 15 à 20 rayons. Pétales émarginés, fruit glabre. RR. Lieux humides. 184. ANGELICA. A, silvestris L. Tige un peu striée. Ombelles de 20 à 80 rayons. Pétales entiers, aigus. C. Lieux humides. 185. LASERPITIUM. L. latifolium L. Plante glauque robuste, à feuilles bipinnatiséquées. Ombelles très amples, à bractées et bractéoles. R. Bois calc. 186. Davcus. D. Carotta L. Rayons de l’ombelle contractés à la maturité, nombreux. Bractées pinnatifides: CC. 187. ORLAGA. | O. grandifloraHoffm. Bractées entières, scarieusesau bord. Ombelles oppositifoliées. F1. extérieures rayon- nantes. AR. Calc. . 188. CAUCALIS. . C. daucoides L. Involuére presque nul. Côtes secon- daires du fruit portant un seul rang d’épines. AR. Calc. — 273 — 189. TURGENIA. T. latifolia Hoffm. 3-5 bractées. Côtes secondaires du fruit à double rang d’épines. AR. Cale. * 490. ToriLis. T. nodosa Gœrtn. Ombelles sessiles, oppositifoliées, trés petites à 2-3 rayons C. Chemins secs. T. Anthriscus Gmel. Involucre à à bractées ; ombelles de 4 à 40 rayons. Épines du fruit arquées ascendantes. CC. T. helvetica Gmel. Ombelle de 3 à 7 rayons, à fruits également hérissés sur les deux carpelles d’aiguillons étalés, crochus au sommet. Var. neglecta. Style 2 ou 3 fois plus long que le disque. T. heterophyla Guss. Ombelle de 2 à 3 rayons. Fruit à 4 carpelle hérissé, l’autre tuberculeux. Feuil. supér. entières. AR. 191. ScanDix. S. pecten Veneris L. Ombelles simples ou à 2 rayons, à bractéoles ciliées, bi-trifides, Feuilles à divisions linéaires. CC. 192. ANTHRISCUS. A. vulgaris Pers. Ombelles oppositifoliées, de 3 à 6 rayons. C. 193. CHŒROPHYLLUM. C. sylvestre L. Ombelles longuement pédonculées, terminales, à 8-16 rayons glabres. Fruit lisse. AR. Lieux frais. C. temulum L. Fruit strié, tige velue et tachée. CC. 194. Conopopium. C. denudatum Koch. Tige nue à la base, glabre. Fruit ovoide. Bractéoles 2 ou nulles. CG. Pelouses. SOC. D’AG. 18 — 274 — 495. Conium. C. maculatum L. Tige striée, et tachée très fistu- leuse. Bractées et bractéoles réfléchis. C. 196. SMYRNIUM. S. olus atrum L. Feuilles luisantes triséquées, les supér. sessiles sur une large gaîne, ord. opposées. * Fleurs jaunâtres. Fruit noir didyme. R. 197. BiFora. B, testiculata Spr. Ombelle à 9-3 rayons portant chacun 2 ou 3 fl. Pétales blancs. Anthères rouges. RR. Moissons calc. Fam. (42). Araliacées, 198 HEDERA. Arbrisseau rampant, à feuil. alternes, persistantes, 5 pétales. 199. Corus. Arbrisseau droit, feuil. opposées, déci- dues, 4 pétales. 198. HEDERA. H. Helix L. Fruit bacciforme à 5 loges. Ombelles de fleurs souvent groupées en grappe. CC. 199. Corus. C. sanguinea L. Fruit dru pacé à 1 noyau. Fleurs en cymes composées. CC. Abbé Hy, L'INSTINCT ET L'INTELLIGENCE L’étonnante variété des actes accomplis par les ani- maux, l’habileté et le choix judicieux des moyens dont ils font preuve, l’industrie qu’ils déploient dans le but de la conservation individuelle et de celle de l’espèce, forment un merveilleux ensemble qu’il n’est pas tou- jours facile de rapporter à son véritable principe. Aussi trouve-t-on dans la science des opinions très diffé- rentes au sujet de l'interprétation que l’on doit donner de ces faits. Les uns veulent y voir la preuve de l’existence d’un principe intelligent de même nature que celui qui pré- side à l’activité humaine et qui n’en différerait que par une moindre perfection. D’autres sont portés à admettre que certains actes, plus complexes, accomplis par des animaux d’une orga- nisation plus parfaite, relèvent seuls de l'intelligence, les autres étant le fait d’une impulsion intérieure non raisonnée, c’est-à-dire de l'instinct ‘. Enfin vient une troisième opinion dans laquelle on refuse toute intelligence véritable à l'animal pour attri- _buer à l'instinct seul, toutes ses actions même les plus compliquées. 1 Instinct vient du mot latin instinguere, inciter, stimuler. C’est à cette dernière manière de voir qu’il nous paraît juste de se ranger, car, comme on le verra, l’obser- vation attentive des faits et le raisonnement la justifient suffisamment, de façon qu’il est inutile de recourir à toute autre hypothèse. Mais comment doit-on com- prendre l'instinct ? Descartes, ne pouvant, d’une part, se faire à r'idée qu’une intelligence de même ordre présidât aux actions de l’homme et à celles de l’animal, ni trouver, d’autre part, une limite qui les séparât, dans l'hypothèse de deux principes de qualité différente, trouva plus simple de faire de l’animal une machine merveilleusement organisée, il est vrai, mais en somme un véritable automate ee la faculté de boire, de manger, de pourvoir à tous ses besoins, absolument de la même façon qu’une montre sait marquer l’heure, les minutes et les secondes, selon les rouages qu’elle renferme. Est-ce vraiment là l’idée que l’on doit se faire de l'animal ? La force qui préside à ses actions, est-ce une puissance immuable, irrésistible, qui le pousse dans une direction donnée, sans qu’il lui soit possible de s’en écarter le moins du monde et d’y rien changer, de telle sorte que, depuis l'apparition d’une même espèce, jusqu’à sa disparition, tous les individus qui en ont fait partie ont exactement procédé de la même façon, sans modifier en quoi que ce soit l'itinéraire inflexible qui leur a été tracé, quels que soient d’ailleurs les circonstances et le milieu dans lesquels . ils se sont trouvés ? Cette façon de comprendre l'instinct est assurèment beaucoup trop absolue ; le chien qui accourt joyeuse- 007 ment à la voix de son maître et bondit vers lui en le comblant de caresses, qui tremble et s’enfuit quand on le menace, qui, en un mot, manifeste tous les signes de Ja joie ou de la douleur, proteste par tous ses actes contre une telle manière de voir. Si l'instinct n’est pas d’une façon absolue une sorte de force aveugle, une impulsion nécessaire imprimée à animal, qu’est-il donc, et de quoi dépend-il ? L'étude de l’organisation si variée des animaux fournit la réponse à cette question. On remarque, en effet, que ceux qui offrent une structure identique ou au moins très semblable, ont les mêmes mœurs ou à peu de chose près. Tout le monde sait que le lion a partout les mêmes instincts sanguinaires, emploie les mêmes procédés pour se saisir de sa proie, entoure des mêmes soins sa progéniture, etc.; que les espèces carnassières qui, dans leurs traits généraux, sont construites d’après un même type fondamental lequel ne varie que par des particularités de second ordre, ont également au point de vue de leurs mœurs, bien des traits communs et par là même s’écartent notablement des espèces herbi- vores, lesquelles, de leur côté, se rapprochent entre elles aussi bien par leur organisation que par leurs instincts; il suffit d’opposer, d’une part, le lion, le tigre et le renard, au bœuf, à la chèvre et au mouton d'autre part. Cette relation entre l'organisme et l'instinct, qu’un simple coup d’œil permet déjà de saisir, peut se pour- suivre de mille façons. Un animal qui trouve sans aucune peine sa nourriture, qui pourvoit facilement à tous ses besoins, qui n’a, pour ainsi dire, nul effort à faire pour conserver son existence, aura de grandes chances de passer pour stupide. C’est ce que lon remarque au sujet de la baleine, par exemple, à qui il suffit pour $e nourrir, d'ouvrir son immense gueule dans Jaquelle viennent s’engouffrer d'eux-mêmes une énorme quantité de petits animaux marins. Qu’à cet animal, chez lequel les manifestations de l'instinct sont si peu développées, on oppose le renard qui est obligé : de se mettre en quête pour s'emparer de sa proie sou- vent difficile à atteindre, qui la guette avec patience ou affronte le voisinage de l’homme, pour faire main-basse sur le poulailler, puis, qui prend la précaution de céler son larcin en l’enterrant pour se réserver des pro- visions, on voit que ce remarquable degré de perfection auquel s’élève l'instinct, chez cet animal, se rattache à des dispositions organiques bien supérieures à celles de la baleine. L’odorat et l’ouie du renard sont d’une grande délicatesse, bien propres par conséquent à l’aver- tir du voisinage d’une proie et de l’approche d’un ennemi, en même temps que son museau allongé, ses pattes pourvues d'ongles robustes lui permettent de fouiller la terre, etc. Cette relation entre la structure organique et l’instinct va même si loin quele développement, en quelque sorte exagéré, d’un seul organe domine, souveni, tout l'ins- tinct de l’animal. C’est ainsi que la finesse de l’ouiequi.se remarque à un degré extraordinaire chez le lièvre, com- mande en quelque sorte à tous sesinstincts et lui donne un caractère spécial; c’est l'animal le plus peureux, de sorte que, doué par ailleurs de membres faits pour la course, et dépourvu d'armes pour. se défendre, — 279 — le moindre bruit l’épouvante et le fait fuir aussitôt. De même, c’est grâce à leur odorat, d’une subtilité dont l’homme ne peut se faire idée, que certains papil- lons arrivent souvent de fort loin, vers leurs compagnes, jusque dans le cabinet du naturaliste et viennent parfois en grand nombre se heurter à la fenêtre derrière laquelle celles-ci sont tenues prisonnières. Le rôle de l’organisation étant aussi considérable dans le jeu de l'instinct, il n’est pas étonnant que celui-ci soit d'autant plus parfait et digne de notre admiration que cette organisation est elle-même plus achevée et les sens plus délicats, ce qui a pour consé- quence de rendre l’animal plus difficile sur le ‘choix des aliments et des autres conditions vitales, d’où la nécessilé pour lui, de dépenser plus de force ou plus d'adresse pour subvenir à ses besoins. Parmi les mammifères c’est assurément, dans l’ordre des carnassiers, que ces caractères sont, d’une façon générale, le plus accusés, aussi est-il d'usage de les regarder, à part les singes, comme les plus 2nfelhi- gents de .cette classe. Ce sont eux par là-même qui sont le plus susceptibles d'éducation. En excitant leurs désirs par la privation, en les satisfaisant quand ils ont accompli l'acte d’obéissance qu’on leur commande, en les encourageant de la voix et du geste, ou bien en leur infligeant des sévices, l’homme arrive à dompler même les plus féroces, comme les lions et les tigres et à s’at- tacher le chien, comme un compagnon fidèle. En un mot, c’est par leurs sens que nous les prenons. Les instincts si variés des oiseaux et en particulier la construction de leur nid se prêtent à la même inter- — 280 — prétation ; chacun de ces charmants édifices dépend de l’organisation de chaque espèce; toutes font leur nid dans des dimensions proportionnées à leur taille, le tissent avec des débris de laine, du crin ou des plumes, le garnissent de feuilles ou de duvet, y entrelacent des brinailles, le construisent au moyen d’une sorte de mortier, etc., selon la disposition et la structure de leur bec et de leurs pattes. L'oiseau de haut vol établit sa demeure à la cime des arbres élevés ou sur les rochers inaccessibles ; les petits oiseaux qui vivent d'insectes ou des baies que nos haies produisent, fixent le leur dans les buissons ; l'oiseau de rivage pose le sien sur le sable ou au milieu des herbes aquatiques. Or, il ne serait pas difficile de montrer dans chacun des exemples qui viennent d’être cités, qu’aux différences d’instincts et d’habitudes correspondent des diflérences de structure organique. On pourrait également montrer que la même relation se retrouve du haut en bas de l'échelle animale. Les instincts sont innés. — Une des conséquences de cette démonstration, c’est que l’animal apporte avec lui ses instincts en naissant. Il ne serait pas difficile d’ailleurs, de donner un grand nombre de preuves directes pour montrer que l'animal ne passe pas par une période d'éducation pour subvenir à ses besoins, et qu’il estapte par lui-même à faire le plus merveilleux ouvrage sans jamais l’avoir appris, en un mot que ses instincts sont nés. Le ver à soie n’a pu apprendre la manière de filer son joli cocon, car le papillon qui a pondu l'œuf dont ce ver est sorli, est mort bien avant son éclosion. - Qt SR Il file parce que c’est un besoin de sa nature, besoin en rapport, bien entendu, avec un but utile, à savoir sa conservation pendant les métamorphoses qu’il doit subir pour devenir papillon. De même, telle espèce d’ichneumon (hyménoptère), dépose ses œufs dans le corps d’une chenille, non pas la première venue, mais d’une espèce déterminée, et propre à servir d’aliment à sa progéniture ; c’est assu- rément un instinct inné qui la pousse à cette action, . car, de même qu'elle ne connaîtra jamais ses rejetons, elle n’a pas davantage connu ses parents qui l'ont dépo- sée à l’état d'œuf dans le corps d’une chenille sem- blable. D’où vient qu’elle se conduit cependant avec tant de prévoyance ? C’est qu’elle obéit à un besoin de son organisme. On pourrait tout au plus admettre que l’ichneumon est amené à choisir telle espèce de chenille par un souvenir, une sorte d’attrait qui l’attire vers la même espèce aux dépens de laquelle elle s’est elle- même nourrie à l’état de larve. La tortue dépose ses œufs sur le rivage, et. les recouvre de sable, laissant ainsi, à la chaleur du soleil, le soin de les faire éclore. Quand les petits sortent de la coquille, ils vont se jeter à l’eau sans que leur mère, par conséquent, soit là pour les guider. | L'instinct est si bien une propriété innée qu’il lui arrive de se mamifester tandis que l’organisme n’est qu’à l’état débauche. Ainsi L. Agassiz a vu certaines tortues connues pour leur férocité, essayer de mordre, encore à l’état d’embryon, trois mois avant leur nais- sance, les objets qu’on approchait d’elles. On peut objecter qn'il y a parfois une certaine — 182 — hésitation dans les premières actions d’un jeune animal. Nous nele contestons pas, qu’une toute jeune araignée, par exemple, ne construise dans sa toile avec la même perfection qu’une plus âgée, et que le jeune canard nage avec moins d’audace et d’habileté que ses pa- rents, cela tient à ce que l’organisation n’a pas encore atteint tout son développement, de même que l'enfant ne marche d’abord qu'avec hésitation, faute de forces suffisantes pour avancer en maintenant son équilibre. Erreurs de l'instinct. — On a observé d’ailleurs un assez bon nombre de cas où l'instinct des animaux est mis en défaut dans des circonstances de première importance ; comme on va le voir, c’est un argument puissant en faveur de la dépendance sous laquelle l’or- ganisme tient l'instinct, et montrant bien qu'il n’y a pas là une sorte de force mystérieuse, indépendante de l'animal, le dirigeant en quelque sorte malgré lui, et incapable de l’égarer jamais ; en effet, si les sens de l'animal le trompent, l'instinct sera également en défaut. C’est ainsi que la mouche à viande qui, d’ordi- naire, pond souvent sur la chair corrompue, pour que les larves y trouvent une nourriture à leur convenance, choisit parfois, pour cette opération, certaines plantes dont l'odeur fétide rappelle celle de la viande en décom- position, si bien que les larves, ne pouvant se déve- lopper dans de telles conditions, périssent bientôt par suite de l'erreur maternelle. De même, on voit des oiseaux se précipiter sur des objets brillants, tels que des fragments de verre, qu'ils confondent avec le miroitement de l’eau. De même aussi — 283 — certains animaux s'empoisonnent en mangeant des herbes ou des fruits qu’ils ne connaissent pas encore et dont le goût flatte sans doute leurs sens. Ne semble-t-il pas résulter clairement de tous les faits qui viennent d’être cités, que l’instinct dépend de l’organisation et que, par conséquent, chaque animal naît avec une propension à accomplir certains actes en rapport avec ses besoins? Il s’ensuit, on le comprend, que tous les individus d’une même espèce possèdent des instincts semblables puisqu'ils ont la même orga- nisation ; c’est ce qu'il est facile de vérifier en compa- rant le travail des abeilles de plusieurs ruches, en suivant les mouvements des fourmis d’une même sorte et les coutumes d’oiseaux semblables. . L'instinct peut se modifier sous l'influence des circons- -tances. — Est-ce à dire toutefois qu’un animal ne peut jamais s’écarter en quoi que ce soit de la façon d’agir de ses pareils, que, quelles que soient les circons- tances, il ne puisse en rien modifier ses agissements ? Assurément non; on voit souvent, en effet, des chan- gements dans les circonstances extérieures déterminer . des modifications de l’instinct. Les exemples que l’on en pourrait citer sont très multipliés. L’abeille. au lieu de construire ses rayons dans un tronc d’arbre, adopte la ruche appropriée par l’homme à cet usage; et tout le monde sait que le moi- neau niche volontiers dans les nids que nous lui prépa- rons le long des murs de nos maisons. En privant de la nourriture végétale certains herbivores, on peut les habituer à une alimentation animale; le lapin etl’écu- reuil en sont des exemples ; de même, le bœuf devient ‘ — 284 — par l'habitude, si friand de poisson, que souvent en Norwège on le nourrit en partie de cette manière. Les castors étaient assez nombreux autrefois en France ; pourchassés par l’homme ils sont devenus fort rares et ne se rencontrent plus que sur quelques points des rivages du Rhône; et dès lors, bien loin de vivre en nombreuses sociétés, comme leurs congénères d'Amérique, ils vivent solitaires, et au lieu de se cons- truire des huttes, ils se contentent d’habiter des terriers, n'ayant conservé de leur ancienne industrie que la pré- caution de barricader avec des morceaux de bois le trou dans lequel ils se renferment. | On a remarqué que les abeilles transportées aux Barbades (îles des Antilles) se dispensent de faire des provisions de miel, car les plantations de cannes à sucre leur offrent pendant ioute l’année une nourri- ture abondante, tandis que celles de la Jamaïque con- tinuent à faire leurs rayons de cire et de miel, les pluies, qui ont dans ce pays une durée de plusieurs semaines, les empêchant pendant ce temps-là de voler à la recherche de leur nourriture. De même encore, c’est seulement dans les pays froids ou tempérés comme le nôtre, que les chauves-souris s’endorment pendant les mois d'hiver, époque pendant laquelle la nourriture leur fait défaut. Les fourmis sont dans le même cas, celles du nord passent l’hiver dans la torpeur, tandis que celles du midi conservent leur activité. Enfin, entre les diverses constructions tant des four— mis que des oiseaux, il y aura pour une même espèce, des différences qui dépendront des circonstances, des — 285 — obstacles rencontrés dans l’accomplissement de ces travaux, de l'emplacement choisi pour les édifier, des matériaux qui se trouvent dans le voisinage. On peut dire par conséquent, que si les individus d’une même espèce construisent leur habitation ou leur nid sur le même modèle, si bien qu’il suffit de voir le nid de l'oiseau ou la fourmilière, pour reconnaître à quelle espèce ils appartiennent, ce n’est pas à dire que l’œuvre sera dans tous les cas mathématiquement semblable. C’est ainsi qu'entre plusieurs monuments apparte- nant à l'architecture gothique et soumis par conséquent aux mêmes règles fondamentales, on notera des diffé- rences dépendant de la grandeur et des proportions de ‘ l'édifice, de l’ornementation, des matériaux em- ployés, etc. Définition de l'instinct. — Les détails qui précèdent peuvent aider à se faire une idée assez nette de ce qu’il faut entendre par l'instinct, idée que l’on peut résumer en disant que l'instinct est ce qui détermine l’animal à faire ce qui lui est nécessaire pour vivre; ce n’est pas une force aveugle absolument constante et infaillible qui le pousserait, on ne sait comment, aux actes sou- vent si compliqués qu’il accomplit ; il semble résulter de deux facteurs principaux : d’abord de l’organisation même qui trouve une certaine satisfaction dans l’exé- cution des actes que l'instinct commande, ensuite du milieu et des circonstances dans lesquelles vit l'animal qui sont susceptibles de modifier, dans de cer- taines proportions, les manifestalions de ce même ins- unct. — 286 — DIFFÉRENCE ENTRE L'INSTINCT ET L'INTELLIGENCE. Il nous reste pour achever de bien faire’ saisir dans cette esquisse rapide. la nature de l'instinct, à le com- parer à l'intelligence et à montrer les différences qui l'en séparent. Une des causes qui contribuent parfois à donner le change sur la nature des facultés psychiques de l’ani- mal, c’est l'habitude que l’on a de faire une sorte de synthèse de toutes les qualités que l’on trouve dissé- minées et réparties isolément entre les divers animaux, pour les appliquer à l'animal en général. On se laisse aller ainsi à une façon de voir qui est en opposition formelle avec la réalité des faits. Ainsi certains petits oiseaux chanteurs déploient pour défendre leurs petits contre des oiseaux de proie beaucoup plus grands et plus forts, un courage digne d’admiration ; le lièvre est doué d’une grande prudence, le chamoiïs est vigi- lant, le castor se bâtit avec un art merveilleux une hutte confortable, le chien est docile et montre pour son maître un attachement digne de l’homme lui- même, le singe enfin en arrive à imiter les gestes et les actions de l’homme avec une vérité surprenante. Or, si chez l’animal on trouve toutes ces qualités et bien d’autres, en quoi donc, se demande-t-on parfois, différe-t-il essentiellement de l’homme ? Mais il faut bien remarquer qu'aucun animal n’offre jamais toutes ces qualités réunies ; en général l’une ou l’autre domine dans telle ou telle espèce, et c’est ce qui donne à chacune son caractère, son naturel parli- culier. — 287 — Quelques propositions appuyées sur le raisonnement et les faits bien observés, vont montrer que les opéra- tions de l'animal ne décèlent pas d'intelligence véri- table. 4° L'animal ne réfléchit pas. — On en a la preuve dans l’uniformité et la perfection même avec laquelle tous les animaux d’une même espèce exécutent leurs. travaux. D'un côté, il n’y a pas de doute que s'ils pou- vaient exercer leur réflexion dans l’accomplissement de ces œuvres, une différence ne tarderait pas à se mani- -fester dans leurs procédés qui cesseraient aussitôt d’être identiques ; d’un autre côté, des travaux aussi parfaits que ceux qu’ils exécutent, s’ils étaient réelle- ment le fait de la réflexion et de l'application, indique- raient une intelligence souvent supérieure à celle même de l’homme. Voici un exemple bien propre à montrer ce défaut de réflexion de la part de l’animal : on enlève une chenille du cocon scyeux qu’elle vient d’ébaucher, et on la transporte dans un autre bien plus avancé ; au lieu de profiter du travail tout fait et de se contenter de le continuer, la chenille se remet à filer comme si elle reprenait son propre cocon au pes où il en était quand on l’en a séparée. On a dit parfois que si l’araignée agissait d’imslinct, en construisant sa toile, elle est dirigée par l'intelli- gence quand elle la répare. Or, comme on va le voir, l'instinct suffit encore à tout expliquer. D'abord, il paraît démontré que, quand une mouche a rompu quelques mailles de la toile de l’araignée, celle-ci ne répare pas les mailles brisées, mais se contente de — 288 — replacer les fils qui donnent à l’ensemble de la toile une tension suffisante pour que l’animal placé en observation au centre de son ouvrage en sente le moindre tiraillement produit par l’insecte qui vient s’y heurter. Quand ces fils tenseurs sont brisés, la sensa- tion éprouvée par l’araignée n’est évidemment plus la même, la toile oscillant désormais au moindre souffle; l'animal est ainsi averti du dommage fait à la toile et, pour retrouver la sensation habituelle, il est porté à la réparer. Dans ce cas remarquable, aussi bien que dans les autres, il y a donc suboïdination des actions de. Panimal à son instinct, c’est-à-dire aux impulsions intérieures de son organisme, et il n’est pas besoin d’invoquer la réflexion S’exerçant sur les moyens ap- propriés au but désiré. 2 L'animal est incapable de généralisation ou d'abs- traction. — Le singe qui est bien assurément l’un des animaux auxquels on est le plus porté à accorder l’in- telligence, en raison même de la façon dont il sait copier les actions humaines, le singe imitera sans doute le serrurier limant un morceau de fer ; mais il n’en viendra pas à généraliser dans sa pensée le résul- tat d’une telle action, et à songer par exemple que cet instrument peut lui servir à rompre sa chaîne et à reconquérir sa liberté. Il ne saisit pas les conclusions générales des faits. Ses idées ne se rapportent qu’à des objets particuliers, et de ceux-ci, il ne peut s’élever aux vues générales ; il est incapable, en un mot, de généralisation et d’abstraction. Cette absence d’esprit de généralisation chez l’ani- mal, explique pourquoi en dehors des habitudes dans — 289 — lesquelles il semble exister tant de prévoyance et de sagesse, ceux même qui passent pour les plus intelli- gents paraissent niais et stupides. C’est ainsi que cer- taines fourmis qui ont coutume de se faire nourrir par d’autres espêces dont elles ont su s'emparer et faire en quelque sorte leurs esclaves, privées de celles-ci, se laissent mourir de faim à côté de la nourriture la plus abondante et la plus succulente qu’elles puissent dési- rer. De même des oiseaux mis en cage ne touchent pas à la nourriture que l’on met près d’eux et périssent plutôt que d’en goûter, s’ils ne la connaissent d'avance. Une espèce de guêpe très friande d'insectes apporte à son nid qui consiste en un trou creusé dans le sol, la proie qu’elle a saisie ; mais avant d’y descendre avec celle-ci, elle l’abandonne un moment sur le -bord, puis va visiler son repaire, bonne précaution ayant pour but, sans doute, de vérifier si quelque ennemi ne s’y est pas introduit pendant son absence ; mais tandis que la guêpe fait sa visite, vient-on à éloigner un peu sa proie, quand elle sort de son repaire, elle va à sa re- cherche et la ramène de nouveau, puis descend encore une fois seule pour visiter son nid, si peu de temps, d’ailleurs, qu’elle ait mis à ramener son butin; elle opére ainsi cette manœuvre aussi longtemps qu’on le veut, jusqu’à quarante fois, comme on en a fait l’expé- rience, bien que le raisonnement, si vraiment elle rai- sonnait, dût lui montrer que les choses, pendant ce court laps de temps, n’ont pas pu changer dans son domicile. De même, enfin, le fourmilion, du fond de son redou- table entonnoir, bombarde aussi bien les petites pierres SOC. D’AG° 19 — 290 — ou les fragments de bois qu’on lui jette, queles insectes qui se hasardent sur la pente du précipice, pour les faire rouler jusqu’à lui. — Nous n’ignorons pas que l’on or faire à la ma- nière de voir que nous défendons d’assez fortes objections basées sur des fails d'observation fort curieux, auxquels les animaux donnent lieu parfois. Nous savons qu’il y a des cas, en effet, où il est fort difficile de démontrer que l’action de l'animal ne relève que de linstinct et non d’une véritable intelligence, tellement l'acte en question paraît complexe et raisonné. Le chien, surtout, fournit un thème inépuisable aux observations de cette nature. Mais, d’une part, il ne faut pas oublier que la psychologie des animaux, s’il est permis d'employer cette expression, offre aux efforts que nous faisons pour la pénétrer, les plus grandes difficultés, car nous ne pouvons en connaître, apprécier et raisonner toutes les manifestations, comme cela nous est possible pour nous-mêmes en réfléchissant sur nos propres acles; et d’autre part, ne suffit-il pas d’avoir montré que l’intel- ligence fait défaut, soit dans la généralité des cas, soit dans des circonstances importantes, pour que l’on soit en droit d'en conclure qu’elle manque constamment ? L'intelligence, en effet, implique l’idée d’une généralité telle qu'on ne Se admettre que, pour un même être, elle puisse à la fois exister dans certaines cir- constances et faire défaut dans d’autres. 30 S2 les actions de l'animal trahissent une raison, celle-ci est en dehors et au-dessus de lui. — Tout obser- vateur ne peut manquer d’être frappé de l'harmonie qui existe entre les mouvements, les actions de l'animal — 291 — et le but vers lequel il tend ; tout est si bien disposé, si parfaitement proportionné, les mesures si bien prises par l'animal dans l’accomplissement des actes qui doivent assurer sa conservation et celle de son espèce, qu'on ne peut se refuser à reconnaître qu’une merveil- leuse raison y éclate. Mais cette raison est en dehors de l'animal, il ne la connaît pas, il ne peut, en un mot, raisonner sa raison. Or, le propre de l'intelligence c'est de pouvoir se replier sur elle-même, de s’appré- cier et d’exercer sur elle-même ses propres facultés, L'animal, par conséquent, n’est pas un être intelli- gent; la raison qui se manifeste dans ses actions, c’est celle du Créateur qui a su combiner avec tant de jus- iesse les impulsions de l'instinct avec le but à atteindre. 49 L’animal ne fait pas de progrès par lui-même. — Un être qui ne peut pas réfléchir sur les faits dont il est témoin ou acteur, qui ne raisonne pas sur la façon d’approprier les moyens au but, un être qui ne peut s’élever du fait particulier à la généralisation, qui ne peut conclure d’un résultat obtenu dans une circons- tance donnée à sa production dans une autre circons- tance semblable, un être enfin qui est seulement dirigé par une raison qu’il n’a pas en lui, qu’il ne connait pas, sur laquelle il ne peut raisonner, mais qui est en dehors de lui, un tel être ne saurait progresser par lui-même, pas plus que rétrograder, il doit rester sta- tionnaire dans l'impossibilité où il est de se modifier par ses propres forces. Les circonstances seules dans les- quelles il vit peuvent avoir sur lui l'influence nécessaire pour le modifier dans un sens ou dans l’autre. Aussi — 292 — ne voit-on pas les animaux perfectionner réellement leurs travaux, mais les exécuter sensiblement de la même façon depuis qu’on les observe, en même temps qu’il est facile de remarquer combien est réelle l’in- fluence du milieu auquel ils sont nécessairement obli- gés de plier leur instinct sous peine de disparaître‘. L'homme, au contraire, grâce à la raison, à la ré- flexion, à l'esprit de généralisation, est capable de pro- grès; loin de rester stationnaire, il acquiert sans cesse de nouvelles connaissances, devient plus habile, invente des procédés et des méthodes ; en un mot, il se modifie lui-même indépendamment des circonstances et sou- vent même malgré elles, parce que, seul, il est intelli- gent. 9° L'animal est-il donc dépourvu de toute facullé intellectuelle ? — Si l'animal est privé d'intelligence, comment donc expliquer qu'il soit susceptible d’une certaine éducation, en vertu de laquelle, il arrive, par la volonté de l’homme, à accomplir certains actes même contraires à ses instincts? Cest ainsi, par exemple, que le chien apporte à son maitre le gibier au lieu de le dévorer, et que les animaux féroces ou autres, exécutent des exercices variés et parfois compliqués. Dans l’être intelligent, au-dessous de l’entendement, de la raison, en un mot, des qualités supérieures de l'intelligence, il en est d'ordre inférieur, telles que la mémoire, l’imagination, l'association entre le fait d'i- 1 Cette modification ne saurait être d’ailleurs sans limite, car elle ne va pas sans un changement organique correspondant ; or, on a souvent constaté que l'espèce disparaît plutôt que de se transformer. — 293 — magination, le fantôme intérieur si l’on veut, et l'acte extérieur qui lui correspond ; or, l'animal possède ces qualités psychiques d’ordre inférieur, comme il est facile d’en donner de nombreuses preuves. En raison même de son organisation, il éprouve cer- tains désirs dans la réalisation desquels il trouve une certaine satisfaction ; il y correspond donc instinctive- ment et sans avoir besoin de recourir au raisonnement ; ‘ainsi le petit chien naissant a faim, il éprouve dans son organisme et principalement du côté des voies diges- lives un certain malaise, alors il tâtonne avecsa bouche, se saisit de la mamelle maternelle et se rassasie. Quand, désormais, il éprouvera le même besoin, sa mémoire entrant en jeu, il se souviendra que le lait de sa mêre l’a satisfait une première fois ; il se fera en lui une certaine association entre l’impulsion ou besoin intérieur, le plaisir qu’il éprouve à y céder et la com- binaison de mouvements propres à le lui procurer. Tel est aussi le mécanisme des actions de l’animal qui paraissent le plus tenir du raisonnement et celui des résultats auxquels amène l'éducation de ceux qui en sont susceptibles. Quand on lève la cravache sur un singe pour lui faire accomplir un exercice, celui-ci obéit, car ce geste lui rappelle qu’un autre jour, le bras s’est abaissé sur son dos et qu’il en a éprouvé de la douleur ; la crainte qu’il éprouve de la ressentir de nouveau, le détermine à agir d’une façon différente et à obéir à la volonté de son maître. Tout dans l’animal a donc son point de départ dans la sensation et non dans le raisonnement ; c’est elle qui le dirige dans ses mouvements, si variés qu’ils soient. — 294 — Aussi l’animal ne possède-t-il ni volonté proprement dite, cette volonté qui se détermine par le seul raison- nement et qui va si souvent même à l’encontre de la sensation, ni liberté, puisqu'il est forcément esclave de ses sensations, ni par conséquent, responsabilité morale. L'homme seul a le redoutable privilège de posséder ces magnifiques prérogatives. Dr P, MAISONNEUVE. CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE Recherches épigraphiques sur le Mausolée de Catherine de Chivré et sur l’Enfeu des Gaultier de Brulon, par ANDRÉ JOUBERT. MESSIEURS, Notre savant secrétaire général, M. l’abbé Ravain, m'adressait il y a plusieurs semaines, pour en rendre compte, une brochure de M. André Joubert, intitulée : Recherches épigraphiques ; Le Mausolée de Catherine de Chivré; L'Enfeu des Gaultier de Brullon. Cette brochure, tirée à cinquante exemplaires seule- ment, fut bientôt suivie d’une seconde édition tirée à 300, revue et augmentée; c’est habituellement la formule obligée. Mais ici ce n’est point un leurre, car on y trouve une rareté : je veux parler d’un portrait inédit du célèbre voyageur Le Gouz de la Boullaye. Aussi est-ce de cette seconde édition que j'aurai l'honneur de vous entretenir et non de celle qu’a bien voulu m’adresser notre honorable secrétaire général, M. André Joubert commence son travail par le Mau- solée de Catherine de Chivré, etc. ; nous suivrons son ordre. Qu'est-ce donc que Catherine de Chivré ? Ce nom de Chivré est essentiellement angevin, ce qui ne gâte rien à l’histoire de cette jeune fille. Jacques — 296 — de Chivré, son père, était fils de Jacques de Chivré, écuyer et seigneur du Plessis-Chivré. Le château de ce nom, dans son état actuel, remonte en grande partie à l’époque du xvr siècle : il n’est pas loin de Châteauneuf; j'ai souvenir de l'avoir visité avec le tant regretté M. Théodore de Quatrebarbes auquel il appartenait, et qui dans les champs d’alen- tour s’essayait à la culture du houblon, il y a de ça plus de quarante années, et j'ai souvenir encore que. conteur délicat et charmant, il me récitait le AÆuwztain d'Anne de Rohan, qui précisément se trouve à la page 13 de la brochure de M. A. Joubert, mais avec plus d’exactitude que je ne l'avais reproduit dans le second volume de l’Anjou et ses monuments, page 452. Toutefois, ce n’est point au Plessis-Chivré, comme on pourrait le croire, que se lisent les charmants vers en question, mais bien au château de la Barre, près de Bierné, autrefois de l’Anjou et présentement chef-lieu de canton de l’arrondissement de Châteaugontier. . Nous ne résistons pas au plaisir de les citer, tant ils ont de grâce et de charme, vous avertissant, Messieurs, que nous préférons à notre copie de 1840, celle de M. André Joubert précédée de cette judicieuse obser- vation : « Les vers... d'Anne de Rohan ont déjà été publiés par M. l’abbé Foucault... et par M. Marchegay. Mais ces deux auteurs ont rajeuni l'orthographe et l’ont mise en harmonie avec la langue moderne. Nous préférons, ajoute-t-il, reproduire le texte original en conservant scrupuleusement l’orthographe ancienne de ces poésies que nous avons copiées nous-même au château de la — 297 — Barre. Le style du xvie siècle a sa saveur et sa couleur propres, nous voulons les lui laisser. » M. A. Joubert a raison | Mike Anne de Rohan, s'adressant à son amie défunte, la délicate Catherine de Chivré, s'exprime ainsi : Hélas, puisque la mort, Ô ma chère compagne, À desia retranché le fil de tes beaux iours, Par les bois escartés ou dans quelque montagne. le veux te dire encore ces funèbres discours, Les oyseaux à l’envy disent chanson nouvelle, Salvons le Printemps qui se monstre si beau; Mais moy ie veux pleurer avecques Philomele, Puisque tout mon plaisir est dedans le tombeau. Comme pendant à ces vers, se trouve le quatrain que composa Catherine de Bourbon, princesse de Navarre, sœur de Henri IV, également à l'adresse de Catherine de Chivré, sa filleule : Quand de tes ieunes ans, Clotho coupa la trame, L'impitoiable mort envoia promptement, Ton âme dans le ciel, ton corps au monument, À ta mère et à moy, le regret dedans l’ame. La vie de la jeune Catherine de Chivré éclate dans ces vers délicats, comme aussi dans deux épitaphes latines que M. Joubert a également copiées et dont vous aurez la primeur en les lisant aux pages 22 et 24 de sa brochure, deuxième édition. En résumé, mourir le 30 mai 4599, au château de la Guenaudière aliàs de la Barre, près de Bierné, et mourir à 13 ans (p. 22), chérie de la sœur d'Henri IV, ob eximias corporis animique dotes ; aimée et chantée par l’aimable princesse Anne de Rohan, dont l'esprit, d’après Théodore-Agrippa d'Aubignè, fut trié entre les délices du ciel; vengée par M. André Joubert, des — 298 — vilains bruits qu’elle aurait été victime des amours du vert galant (p. 21); voilà toute l’histoire de la jeune Catherine. Je ne puis pourtant pas ne point m’arrêter sur la deuxième épitaphe, où se lit cette formule païenne : Jovis hic labor egreqius ; comme c’est bien Renaissance de dire, en parlant de la jeune Catherine de Chivré, qu’elle était ?’œuvre remarquable de Jupiter ! Ceci me remet en mémoire cet inspecteur, qui tout récemment, dans une école — point du tout libre celle-là — n’osant prononcer le nom de Dieu et cepen- dant voulant en parler, tourna sa phrase tout à fait à la manière Jovis hic labor de l’épitaphe en question. Pauvre Jupin et pauvre inspecteur! Soit dit sans malice comme un signe des temps. Mais revenons au beau travail de M. André Joubert. A la page 19, en parlant du mausolée de Catherine de Chivré, il dit: « Rien ne serait plus facile que de recomposer l’ensemble du tombeau et de lui rendre sa forme primitive. » Voilà qui est de bon augure, mais ce qui, à mon sens, cesserail de le devenir, ce serait, en thèse géné- rale, de voir ce tombeau figurer, quoiqu’avec honneur, dans une des salles de nos musées historiques. M. André Joubert voudra bien me pardonner une légère critique, tant je suis convaincu qu'il est toujours fâcheux de déplacer les monuments des lieux où ils furent établis, les musées devant être des asiles de sau- vetage et non des magasins de spoliation. Donc, si l’on peut reconstituer le Mausolée de Catherine de Chivré, qu’on le fasse sur les lieux: Mais il est une idée que — 299 — j'oserai me permettre de présenter à M. Joubert, sachant pour en avoir été témoin, que ses largesses : sont au niveau de son talent ; ce serait de faire mouler la statue tombale (marbre blanc) de Catherine de Chivré, qu’il a si élégamment décrite page 20, et que son ami M. T. Abraham a scrupuleusement dessinée à son intention. Un moulage en plâtre serait une bonne fortune pour notre musée archéologique angevin, car il ne faut pas perdre de vue, je le répète à dessein, que le château de la Barre, près de Bierné, était autrefois de l’Anjou, comme il est aisé de s’en couvaincre en étudiant la carte de Lézin Guyet, datée de l’an 1591, la plus ancienne que nous connaissions. Et maintenant quittons Bierné pour nous rendre, toujours avec M. André Joubert, dans la paroisse de Saint-Laurent-des-Mortiers, également de l’ancien Anjou, et visitons avec lui l’enfeu des Gaultier de Brullon. Tout à l'heure nous étions à l’époque de la Renais- sance, nous voilà présentement en plein xvr° siècle. La variété est de nuance très saisissable, ainsi qu’on peut s’en rendre compte par les dessins de M. Tancrède Abraham, pages 32, 38 et 50, où il appert que les retables funéraires ressemblent à de véritables buffets, aussi nous bornons-nous à vous engager, Messieurs, à lire ce qu’en a écrit M. A. Joubert, voulant d’ailleurs abréger, afin de vous parler plus spécialement du curieux portrait de François Le Gouz, sieur de la Boullaye, que M. André Joubert a le premier publié; portrait qu’il ne faut pas confondre avec celui qui se trouve en tête des œuvres imprimées de Le Gouz. — 300 — Mais qu'est-ce que François Le Gouz ? Vous trouverez réponse à cette question : 1° Dans une notice que j'ai eu l'honneur de lire à notre Société en 1858 ; c’est bien vieux; 2° Dans une autre, trés intéressante, de M. Castonnet- Desfosses, imprimée pages 353 à 868 de vos Mémoires, tome XXIVe, an 1883 ; 80 Enfin dans le travail de M. André Joubert, pages 46 à. 49, où nous voyons que le célèbre voyageur ange- vin se rattache aux Gaultier de Brullon par son mariage avec Élisabeth, fille de Jean Gaultier de Brullon. Le contrat du 20 août 1669, passé devant Cresson, notaire à Saint-Laurent-des-Mortiers, qualifie messire François Le Gouz de « sieur de la Boullaye et de Gœuvre, chevalier de l'Ordre du Roi, ambassadeur pour Sa Majesté vers les rois de Perse et des Indes. » Les dates sont ici intéressantes à rapprocher . Il naît en 1610. Fait faire son portrait en 1639, ayant alors vingt- neuf ans; Commence ses voyages en 1643, il avait alors trente- trois ans; Rentre en France vers 1650, et sur l’instigation de Louis XIV, se présente à Sa Majesté dans son habit levantin; imaginez le costume d’un Turc vieille roche; ce dut être très amusant pour le roi, encore mineur, qui lui ordonna de publier ses mémoires ; La première édition de ses voyages est de 1653 ; La deuxième de 1657 ; Il se marie en 1662 ; Part de nouveau pour l'Orient vers 1664; — 301 — Sa lettre à Colbert est datée de Sourat, 4er avril 4666 ; Il meurt à Ispahan, vers 1669, âgé de cinquanie- neuf ans. Ces dates sont généralement admises, mais l’incerti- tude plane toujours sur le lieu de sa naissance et les circonstances de sa mort. Les uns le font naïtre à Baugé, les autres à Borde, prés de la même ville, ou à la Boulaie ; M. André Joubert est d’un autre avis : « Quant à nous, dit-il, page 46, le lieu de naissance de François Le Gouz de la Boullaye nous semble devoir être plus naturellement placé au manoir de Goisvre ou de Gœuvre, autrefois de la paroisse des Rosiers-sur- Loire, maintenant de celle de la Ménitré. » 4 Mais M. Joubert ne développe pas suffisamment ses motifs; un extrait d'acte en bonne forme ferait bien mieux notre affaire. De son côté M. Castonnet-Desfosses n’hésite point à déclarer que Le Gouz fut assassiné à une demi-lieue de Dacca dans les Indes. Mais M. Castonnet, à notre sens, ne développe pas non plus suffisamment ses motifs, aussi jusqu’à nouvel ordre accueillons-nous de préfé- rence l’ancienne tradition qui fait mourir Le Gouz à Ispahan où, paraît-il, le roi de Perse lui fit élever un tombeau sur les bords de la rivière d'Ormuz; adhuc sub judice lis est. Quoi qu’il en soit, MM. Castonnet et Joubert ont enrichi la biographie de François Le Gouz, le premier en publiant dans vos Mémoires, page 356, t. XXIV, une lettre jusque-là inédite de notre voyageur angevin à Colbert, en date du Ler avril 1666, de Sourat aux Indes- Orientales, du Grand-Mogol; le second, en publiant — 302 — à la page 46 de ses Recherches épigraphiques, deuxième édition, le portrait de François Le Gouz avec cette note explicative : « Les armes de Le Gouz sont : Fascé d’or et de sable au franc-canton d'azur chargé de trois quinte-feuilles d'argent... « M. Charles d’Achon, du Mans, a bien voulu, continue M. Joubert, nous permettre de reproduire le joli portrait gravé de François Le Gouz de la Boullaye qu’il possède. Notre personnage avait alors 29 ans. Son écusson est à l'angle du côté droit de la gravure qui doit être très rare, car son possesseur ne l’a jamais rencontrée nulle part et les historiens ne l’ont pas men- tionnée. » « Il existe des lettres curieuses du célébre voyageur. Nous savons que dans l’une d’elles, adressée à sa femme, il lui recommande d’être bien sage pendant son absence. » Quoi qu’il en soit, elle lui survécut de vingt-sept années, étant décédée en 1696. Le portrait de Le Gouz dut être ressemblant; ce n’est point une œuvre morte; il a le grand air des per- sonnages de haute mine que nous a laissés le xvir° siècle ; ilest vivant de résolution, de finesse et de pénétra- tion ; cependant le regard est d’une douceur attachante; on dirait une figure où se révélent deux qualités nobles, mais souvent contradictoires : la passion des lointains et l'amour du foyer, aussi rien d'étonnant qu’il se soit marié entre deux longs voyages. Ces riches natures éprouvent généralement un malaise moral qui les éloigne du bonheur, et c’est en effet ce que ressentit, ep plus d’une fois, notre voyageur angevin, comme il en témoigne quelque part dans ses œuvres. Merci donc à M. André Joubert d’avoir publié ce rare portrait; merci de ses travaux historiques dont l'intérêt va toujours croissant et qui témoignent que, dans sa famille, l'alliance de l’industrie et des lettres, est chose naturelle sur un grand fond d'honneur. V. GoDARD-FAULTRIER. ÉPISODE DE LA DERNIÈRE GUERRE A PROPOS DE CHANZY PATRIOTE AVANT D'ÊTRE PÈRE C'était trois mois après le traité de Bordeaux, La paix était signée, aspirant au repos, Le pays, épuisé par sa longue souffrance, Voyait de jours meilleurs luire enfin l'espérance. Le général siégeait à la Chambre ; il apprend Qu’un vieillard, tout en pleurs, le demande et l'attend ; Dans son anxiété, c’est un malheureux père Qui sur le sort d’un fils désire qu’on l’éclaire. Chanzy n'hésite pas, il arrive... À ses yeux Port noble et haute taille, abattu, soucieux, Un homme se présente ; à son mâle visage, On devine un soldat déjà blanchi par l’âge. Il était en grand deuil, et sur ses traits pâlis Un noir pressentiment avait creusé ses plis. « Pardonnez, général, à cet excès d’audace! Mais quelle est mon angoisse et l’effroi qui me glace, Et que viens-je d'apprendre ? Aux environs du Mans, On m’a dit que mon fils, parmi les combattants, — 305 — Était tombé ; partout je m’informe, je fouille, Et ne peux retrouver cette chère dépouille. Veuillez me seconder dans ce devoir pieux, Puisse-t-il reposer auprès de ses aïeux ! Je porte un nom connu, j'ai conquis dans l’armée, Par quelques faits d'éclat, un peu de renommée ; Et celui de mon fils, devant vous prononcé, À dû, j'en suis certain... Mais où donc s’est passé L'épisode sanglant qui lui coùta la vie ? » L'homme en deuil, d’un air simple et sans forfanterie, S'était nommé : sans doute un nom si bien porté Était pour sa famille un motif de fierté. Le brave général, attendri jusqu'aux larmes, Tremblait d'émotion devant ce frère d'armes. Oh! comme il eût voulu, car c’était un grand cœur, Épargner au vieillard une affreuse douleur. * Pauvre père, il croyait qu’un fils à sa mémoire Ajouterait encor certain reflet de gloire, Cruelle illusion, quelle fatalité ! Aurait-il pu s'attendre à tant de lâcheté! Le malheureux avait entraîné dans la fuite Un groupe de soldats, marchant sous sa conduite, Affolé par la peur, et perdant la raison, Chacun se débandait aux cris de trahison. À l’honneur de l’armée une si grave offense Appelait de la loi l’inflexible vengeance. Fusillé par Les siens, l’infâme déserteur Avait, au prix du sang, payé son déshonneur. Chanzy connaissait trop cet acte de justice, Au vieux père il pouvait déguiser le supplice, SOC. D'AG. 20 — 396 — Pour ne pas l’accabler devant la vérité, Mais mentir n'allait pas à tant de loyauté. Il lui dit simplement que, devant l’exigence, Le juge doit savoir oublier $a clémence. « (était la loi, monsieur, loi de nécessité. » Le vétéran s'incline, et plein de fermeté, « Quand un jeune soldat par la honte débute, Qu'il soit mis par le juge à l’abri de rechute, » Dit ce nouveau Brutus : le père pleurera, Mais tout brave Français à l’ordre applaudira. Dr KR. GRILLE. — #2 Ep 7 CHRONIQUES SAUMUROISES Les démolitions de la place Saint-Pierre. — La maison Dacier en 1881. Le culte des vieux souvenirs n’est pas indifférent à tous les esprits : les trois questions qui nous ont été posées, il y a quelques mois, démontrent l’intérêt qui s'attache encore au passé de Saumur. Voici ces questions : 4° Il paraît qu'on a trouvé dans le groupe des mai- sons démolies des constructions du moyen âge. 2o Ne seraient-ce pas les fondations des vieilles ue dont parle Joinville ? 30 En a-t-on fait un plan ? . Avant. de répondre à ces questions, nous avons re- cherché ce qui pouvait avoir été écrit au sujet des démolitions du groupe des maisons formant autrefois : 10 le prolongement de la rue du Paradis; % le carrefour Dacier ; 3° la rue du Petit-Maure; 4° le carré de la place Saint-Pierre. Voici ce que nous avons trouvé dans l’Echo Saumu- rois du 17 mars 1881 : « Au nombre des maisons qui viennent de disparaître — 308 — pour l’agrandissement de la place Saint-Pierre, se trouve celle portant le n° 16, dans laquelle naquit Mme Dacier, la célébre helléniste. « Le savant Bodin, l’historien de l’Anjou, avait fait placer sur la façade de cette maison, de l'agrément du propriétaire, une plaque de marbre noir avec inscrip- tion rappelant la naissance, en 1654, de Anne Le Fèvre, devenue Mme Dacier. » Il n’est fait aucune mention des ruines pouvant se rattacher aux vieilles halles décrites par Joinville. Des renseignements que nous avons demandés à des propriétaires, à des habitants des maisons démolies, il ressort : que la maison Dacier était en grande partie, surtout dans le sous-sol, la plus ancienne de celles qui lui étaient contiguës. Les locaux lui servant de caves étaient voûtés en ogives, à doubles rinceaux, avec clefs à médaillons bri- sés : ils s’étendaient sous la maison Berge, limite der- nière de la place Saint-Pierre. L'un de ces locaux voûtés était d’une construction antérieure à ceux qui l’avoisinaient. Bâti en plein cintre, avec petit appareil de pierre-tuffeau, son étage était moins élevé que celui des caves voisines. Il parais- sait avoir élé disposé en passage, pour communiquer avec elles : on y remarquait trois portes murées. Le sol de ce passage avait-il été surelevé par des dé- combres ? Toujours est-il que, pour le traverser, dans son dernier état, il fallait presque ramper. Au rez-de-chaussée de la maison Dacier, dans l’une des chambres du premier étage donnant sur la cour, il exislait des cheminées dont la dimension et les orne- — 309 — ments accusaient une habitation princière. Suivant la tradition, ces appartements étaient ceux-là que le roi saint Louis avait occupés durant son séjour à Saumur. La maison de Mme Dacier était séparée d’une maison voisine par un gros mur, en moyen appareil, ayant environ un mètre cinquante d'épaisseur. Ce mur sem- blait avoir été diminué de son épaisseur primitive, puisque, du côté de cette maison voisine, le parement du mur n’était plus qu’en moellons. Dans la pensée d’un ancien habitant, une partie du vieux mur, calcinée par l'incendie du Palais des Halles, en 1742, avait dù être enlevée par les proprié- laires et rétablie dans de plus modestes proportions. La portion de l’ancien gros mur, restée intacte, celle contre laquelle étaient appuyées les cheminées, présen- tait une épaisseur de plus de deux mètres; sur son faîte, il existait un petit jardinet s'étendant jusqu’à la maison Berge. Ce mur reliait sans doute le palais au boile du Château *? Ces ruines ont-elles été l’objet d’un examen avant de les faire disparaître sous les décombres ? Nous ligno- rons. Si l’oubli les recouvre, cet oubli est rene pour l'histoire de Saumur. Nous ne pouvons mieux le prouver qu’en citant le texte français de M. Natalis de Wailly, membre de l’Institut, édité en 1874 par Firmin-Didot, Historre de 1 M. Cornilleau, ancien receveur des Hospices. 2 Voir notre étude sur la Tonnelle, les Halles, le Palais. Écho Saumurois du 19 avril 1874. — 310 — saint Louis, par Joinville, in-4#. — On lit sous la ru- brique qui suit, page 55 : ‘€ XXI. — SAINT LOUIS TIENT UNE COUR PLÉNIÈRE A SAUMUR EN 1241. « 93. Or revenons à notre matière, et disons ainsi qu'après ces choses le roi tint une grande cour à Sau- mur en Anjou ; et je fus là, et je vous témoigne que ce fut la mieux ordonnée que j’âie jamais vue. Car à la table du roi mangeait, auprès de lui le comte de Poi- tiers, qu'il avait fait nouveau chevalier à la Saint- Jean ; et après le comte de Poitiers mangeait le comte Jean de Dreux, qu’il avait fait aussi nouveau chevalier ; après de comte de Dreux mangeait le comte de la Marche, le bon comte Pierre de Bretagne. Et devant la table du roi, vis-à-vis le comte de Dreux, mangeait monseigneur le roi de Navarre, en cotte et en manteau de satin, bien paré d’une courroie, d’une agrafe et d’un chapeau d’or ; et je tranchais devant lui. « 94. Devant le roi, servait à manger le comte d’Ar- tois, son frère ; devant le roi, tranchait du couteau le bon comte Jean de Soissons. Pour garder la table du roi, il y avait monseigneur Imbert de Beaujeu, qui depuis fut connétable de France, et monseigneur En- guerrand de Coucy et monseigneur Archambaud de Bourbon. Derrière ces trois barons, il y avait bien trente de leurs chevaliers, en cottes de drap de soie, pour les garder ; et derrière ces chevaliers, il y avait une grande quantité de sergents, vêtus aux armes du comte de Poitiers, appliquées sur taffetas. Le roi avait — 311 — vêtu une cotte de satin bleu, et un surcot et un man- teau de satin vermeil fourré d’hermines, et sur la tête un chapeau de coton qui lui seyait mal parce qu’il était alors jeune homme. « 95. Le roi donna cette fête dans les halles de Sau- mur ; et on disait que le grand roi Henri d'Angleterre‘ les avait faites pour donner ses grandes fêtes. Ces halles sont faites à’ la guise des cloîtres des moines blancs ; mais je crois qu’à beaucoup près il n’en est aucun de si grand. Et je vous dirai pourquoi cela me semble ; car à la paroi du cloître où mangeait le roi, qui était envi- ronné de chevaliers et de sergents qui tenaient grand espace, mangeaient encore à une table vingt évêques ou archevêques ; et encore après les évêques et les arche- vêques, mangeait à côté de cette table la reine Blanche, sa mère, au bout du cloître, du côté où le roi ne man- geait pas. « 96. Et pour servir la reine il y avait le comte de Boulogne, qui depuis fut roi de Portugal, et le bon comte Hugues de Saint-Paul, et un Allemand de l’âge de dix-huit ans, que l’on disait fils de sainte Élisabeth de Thuringe..…. « 97. Au bout du-cloître, d’autre part, étaient les cuisines, les bouteilleries, les panneteries et les dé- penses ; de ce bout on servait, devant le roi et la reine, la viande, le vin et le pain. Et dans toutes les autres ailes et dans le préau du milieu, mangeait une si grande foison de chevaliers que je ne sus pas les comp- ter. Et bien des gens dirent qu’ils n’avaient jamais vu 1 Henri Il, fils de Geoffroi Plantagenet, comte d'Anjou. — 312 — autant de surcots ni d’autres vêtements de drap d’or et de soie à une fête qu’il y en eut là ; et on dit qu’il y eut bien trois mille chevaliers. » D’après cette peinture naïve du bon sénéchal de . Champagne, peinture tracée sur place, nous laissons au lecteur d'apprécier l’intérêt historique qui s’atta- chait aux masures de la place Saint-Pierre : elles for- maient des jalons archéologiques bien précieux pour reconslituer les vieilles halles de la Tonnelle, couron- nées de l’antique Palais du comte d'Anjou, halles dont les dépendances extérieures et souterraines occupaient tout l’espace compris entre la ruelle d’Enfer et la nou- velle rue Dacier. | Paul RarTouis. > 2 — SAINT-MICHEL DU TERTRE D’ANGERS ! CHAPITRE XVI LA COUR D’ANGERS Les plus célèbres historiens qui ont écrit de nos jours s'accordent à dire que, dans les temps modernes, le règne d'Henri IV nous présente le type le plus parfait d’un gouvernement monarchique. Ce serait de tous nos rois celui qui aurait su le mieux pondérer le pouvoir souverain avec les droits et les aspirations de ses peuples. L'autorité qu’il avait reconquise, il la voulait forte mais sans empiétement sur les privilèges provin- ciaux, sur les franchises communales. | Rien, de la sorte, sous son règne, ne fut modifié dans l’administration de nos paroisses. Elles sentaient, ! Voir les Mémoires de la Société (1877-1878), page 97; (1879), page 179; (1880), page 233; (1881), page 328; (1882), page 441. — 314 — sans doute, l'autorité royale, mais elles n’en discutaient pas moins leurs intérêts sans jalousie du pouvoir. Et pourtant nous touchons au. temps où l’autocratie royale va tout absorber. Richelieu se révèle aux États de 1614; il essaie ses forces à Angers en 1690, à la petite cour de Marie de Médicis; 1l entre au conseil du roi en 1624; et trente ans plus tard Louis XIV j nues tifiera son axiome : l'État c’est moi! Nous assistons donc aux dernières années de l’indé- pendance de nos paroïsses. Toutefois si ces années sont les dernières, elles ne sont pas les moins brillantes. La période de dix ans du gouvernement de Boisdauphin et de la cour de Marie de Médicis à l'hôtel de Lancreau a jeté sur la cité d'Angers et sur notre paroisse en particulier une auréole d'illustration sans précédent. C'est l’époque de la grande expansion civile et reli- gieuse, l’époque de fondation des Minimes, des Ursu- lines, de l’Oratoire, de la création du Mail, des com- mencements des quartiers des Pommiers et de Boisnet. Cest enfin l’époque des grands noms et des grands caractères. HU Angers dormait de son meilleur sommeil quand, dans la nuit du dimanche 16 mai 1610, deux courriers arrivés de Paris vinrent annoncer le déplorable attentat de Ravaillac et la mort malheureuse du roi survenue dans la matinée du vendredi 14. « Ce qui, nous dit Louvet, a bien estonné et esponvanté tous les habitans de la ville et apporté une grande rumeur, et donné subject faire bonne garde *. » 1 Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, page 24. — 315 — Le même auteur nous dit encore que cette émotion se prolongea quinze jours. Ce fut seulement le samedi 29 que la compagnie de Saint-Michel de garde aux rem- parts fut congédiée. Quoique toujours religieusement dévouée à la per- sonne du souverain, notre ville resta indifférente aux agitations des premières années du règne de Louis XIII. Ni les extravagances de Concini, ni les cruautés de Luynes ne l’émurent. Elle ne prit part aux luttes pas- sionnées du temps qu’au jour où elle y fut entraînée par sa souveraine, Marie de Médicis. Depuis déjà de longues années notre sénéchal Dona- dieu de Puycharic était mort, emportant avec lui les regrets sincères des Angevins. Dans le cumul des fonc- tions, rétabli en son honneur, il n’eut point de succes- seur. Deux personnages différents héritèrent de sa charge : l’un eut la robe et l’autre l'épée, et tous les deux encore furent pourvus de lieutenants. Le jeune prince de Guéménée, l'héritier des Rohan du Verger, à peine âgé de six ans, fut fait sénéchal d'Anjou, avec François Lanier pour lieutenant gé- néral, Le maréchal de Boisdauphin, un ligueur d’autrefois, un compagnon de Mayenne, fut créé gouverneur d'Anjou avec Guillaume Fouquet de la Varannes, général des postes de France, pour gouverneur en second. Celui-ci avait pris possession de sa charge dés 1606 et avait choisi pour son habitation l'hôtel même de Puycharic, rue Haute-Mule. Boisdauphin, nommé dès 1609, ne nous vint qu’en = 816 1619, deux ans après la mort du roi. Il habitait aux confins de la province, à Précigné, en son château patrimonial de Boisdauphin, présentement aux mains de la famille de Rougé. Henri IV qui voulait, au siège même de son gouvernement, le représentant de son autorité, demanda au corps de ville une résidence digne de la majesté royale. L'hôtel de Lancreau qui avait abrité le roi lui-même dans son séjour en nos murs était tout indiqué pour cet honneur. Louvet nous dépeint avec toute la prolixité que nous lui connaissons la réception princière faite à Bois- dauphin, le dimanche 18 novembre 1612. Il nous décrit la sortie de ville de toutes les compagnies de paroisse, du maire, des échevins restés au portail Lyonnais, attendant leur gouverneur pour le conduire à la cathédrale et à l'Hôtel-de-Ville. « De là, nous dit notre auteur, il est allé en son logis, qui lui avait été préparé en la rue Saint-Michel, sur la grande porte duquel estoient les armes de France, à côté desquelles estoient à droite les armes de la ville, à gauche les armes de M. le Maréchal et au-dessous y avoit ung petit. tableau où estoit escript en grosses lettres ce qui s'ensuit : Tecta hæc nostra subi, victor, quæ maximus ille Henricus subit pacem cum poneret orbi. « Et estant ledict seigneur maréchal en son logis MM. le président Lechat, Lanier, lieutenant général, de Matraz assesseur , MM. les Conseillers du siège prési- dial audict Angers et MM. les gens du roy, le sont allé — 317 — salluer auquel ledict sieur président a fait une harangue*. » Tout brillant qu'était cet accueil il fut grandement dépassé, l’année suivante, par celui fait au jeune roi. Louis XIIT nous faisait sa visite de joyeux avènement et il nous venait accompagné de sa mère. L'hôtel de Lan- creau, livré par Boisdauphin, devait recevoir Leurs Majestés. Cette solennité, qui sera la dernière du genre, a pour nous un intérêt particulier puisque nos hôtes royaux viennent habiter notre territoire. Le mercredi 8 août, le roi et la reine-mère nous arrivent de Poitiers. | « Pour les recevoir, dit Louvet, il sortit de la ville d'Angers douze compaignies, composées chacune de deux cent cinquante soldats les plus lestes d'armes et d’habits qu’on ait point veuz, qui allèrent dans le fau- bourg Bréssigné et jusque près la fontaine Frotte-Penil. Le mestre du camp Blanchardière-Goureau lui fit sa harangue offrant ses armes et sa vie. Le maire Bodin Vattendoit au faubourg et lui présente les clefs de la ville : « Sire, lui dit-il, ces clefs que nous posons aux pieds de votre Majesté ne sont point les gardes princi- pales de votre ville, mais bien le cœur de tous vos habi- tants qu'ils vous offrent avec leurs biens et leur vie. » Le présidial en robes rouges attendoit à la porte Saint- Aubin et leurs Majestés entrent en ville soubz chacun un riche poële de vellours viollet sepmé de fleurs de lys d’or porté par les sieurs Jarry, Cuppif, Chereau et Nepveu, eschevins. Celui de le royne par les sieurs ? Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, page 40. — 318 — Bonvoisier, de Cheverue, Héard et Bouverye, con- seillers. « De cest endroit leurs Majestés marchérent en la cité, reçus en icelle par MM. du Chapitre cathédral soubz la conduite de leur prélat qui après le serment receu et la bénédiction donnée présenta au roy le surpeliz et ’aumuze. Ce fait, elles entrérent dans la grande église où estant dans le chœur, estoit la muzique de voix qui chantoit d’allégresse : Vive le roy. Les prières achevées Leurs Majestés sortirent et-prirent chemin par la rue Saint-Nor vers la place du Pilory de laquelle et à l’en- trée de la rue Saint-Michel-du-Tertre y avoit ung théâtre où estoient deulx grottes rustiques où estoient attachez les portraits de Leurs Majestés et au-dessous : habita- runt quoque montes. Le roy s’approchant pour passer ung jeune enfant sorti de l’une des grottes vestu de tocque d’argent, ses botinnes blanches chamarrées de passements bleus, sur son front pendoit une croix de diaments lequel tenant de la main droicte ung cordon de soye bleue dans lequel estoient trois nœuds d’argent et de soye et de la gauche une coupe d’or, prononça ces Vers : Dieu tutélaire de ces lieux Du ciel j’apporte les trois nœuds De votre heureuse destinée. Fils de notre Alcide François Grand roy, que par le fleuve Indois Rendrez votre France bornée. : Par le premier il a promis De dompter tous vos ennemis L’aultre marque votre clémence Et le dernier qu’en peu de temps On verra naître vos enfants Gage d’une belle alliance. — 319 — « Au même instant une jeune Oréade vestue de damas vert, chamarré d’argent, les manches pendantes dou- blées de gaze, ses cheveux noués sur la teste avec dia- mants, toute escolletée, sortit de l’autre grotte et s'adressant à la royne lui dict : Puisque seule entre mes compagnes J'ai l’heur de veoir en ces montagnes Deux plus grandes déitez que moy De la mienne je fais hommage A la mère de ce grand roy La plus grande royne de notre âge. « Par allusion du lieu choisi pour demeure à Leurs Majesté, lesquels à l’entrée de leur logis virent le portal . d’iceluy couvert de leurs armes avec cette inscription au-dessus : « Lodoico regi XIII potentissimo religione maximo . indulgentia victori pietate. « Au lever de Leurs Majestés qui fust le samedi 9 du mois d'août MM. les maire et échevins, MM. du prési- dial, MM. de l’Université et en après le sieur Juge prévost royal de la ville avec le corps de son siège, les alla saluer et présenté par M. le maréchal de Boisdau- phin, dict au roy : « Nous venons offrir à vostre très humble service nos vies, nos biens, nos familles et nos charges de juges ordinaires de ceste ville, és-quelles il a plu à vostre clémence nous confirmer, lesquels nous vous offrons en toule huinilité comme vos très humbles serviteurs et sujets ‘. » | t Revue d'Anjou, Journal de Louvet, pages 134 et 135, 1855. — 320 — : « Le lundi 11 le roy et la royne <’embarquoient pour se rendre à Nantes par la Loire. » À quelques jours de ce gracieux séjour en nos murs Louis XIIT devint majeur et l’année d’après il épousait Anne d'Autriche, laissant encore sa mère gouverner son royaume. Mais il ne tarda pas à se lasser de cette tutelle et sous la pression de mauvais conseils il résolut d'y mettre fin. Le 24 avril 1617 Concini, le ministre favori de la reine-mère, fut massacré en arrivant au Louvre. Marie de Médicis, elle-même, arrachée de ses appartements, fut séquestrée au château de Blois. Elle y resta prison- nière jusqu’au 21 février 1619, jour de sa périlleuse évasion par une échelle de corde. Le duc d'Épernon l’attendait pour la recueillir et la mettre en sûreté à - Angoulême, dans la capitale de son gouvernement. Elle y devint aussitôt un danger pour le pouvoir du roi. : Aussi Louis XIII accueillit-il volontiers les propositions d’accommodement qui lui furent faites au nom de sa mère. La paix se conclut le 30 avril et l’Anjou en fut le gage. Le traité, large dans ses clauses, accordait à la veuve d'Henri IV des pouvoirs souverains, avec Angers pour capitale. L’acte de cession du duché d'Anjou fait _ par Louis XIII à la reine sa mère fut solennellement dénoncé à la barre de notre présidial le 43 juillet 4619. Ce jour-là même Hector de Mazure, originaire de Segré, exempt des gardes de la reine-mère, prenait au nom de sa souveraine possession du château. Déjà Boisdauphin avait quitté nos murs et Fouquet de la Varannes, son lieutenant, attendait pour le suivre — 321 — la décharge des valeurs qu’il livrait au nom du roiet dont on dressait inventaire au château. Le 27 du même mois le maire, les échevins et quatre conseillers partaient pour Angoulême porter à leur reine les hommages des Angevins. L’entrée solennelle de Marie de Médicis dans la capi- tale de son duché fut fixée au 16 octobre. Toutes les magnificences allaient s’y déployer. Les rues ornées et parées dans le meilleur goût devaient être sablées sur tout le parcours. Le maire Lanier, dès la veille, s’était rendu au chä- teau de Brissac pour y faire sa cour à sa souveraine. Toute la noblesse de la province était accourue à Angers se ranger sous les bannières des quatre plus grands seigneurs de l’Anjou : du Bellay, de la Porte, Boisdauphin et Montsoreau. Le comte de Montsoreau qui avait quatre cents gen- tilshommes sous ses ordres, avait en particulier la con- signe d’escorter partout la reine-mèêre. Dés le matin du 16 il réunit sur la place des Halles son escadron qu’il mit en bataille avec ordre de marcher trois de front. Son petit-fils, précédé de cinq trompeltes, marchait en tête suivi du comte de Montsoreau, lui-même. Celui-ci était un vieillard de soixante-dix ans que Louvet- nous dépeint « ayant les cheveux et barbe tout blancs comme neige, vêtu d’un pourpoint de toile d’argent à ramaige, des chausses toutes couvertes de clinquant, l’espée dorée, les bottines accommodées de boutons d'or, avec un beau panache blanc, lequel faisoit vol- tiger et aller son coursier à bonds et voltes comme un SOC. D'AG. 21 — 322 — jeune homme de vingt-cinq ans. De vingt pas en vingt pas il faisoit halte et faisoit faire à son cheval bonds et voltes. « Tous les habitants de la ville d'Angers composant les compagnies de paroisse sortirent tous en armes chacun soubz leurs capitaines et enseignes qui estoient en bonne couche et habillés de riches habits, de pour- . points bleus et chausses noires et allèrent au-davant de la royne sur le chemin des Ponts-de-Cé, où ils entrèrent en une grande pièce de terre, proche la fon- taine Frotte-Penil, où ils dressérent leur champ de bataille en un beau bataillon quarré de belle infan- terie. … «Depuis lequel champ de bataille jusques au portal Saint-Aubin de chacun costé y avoit un rang de sol- dartz habitants qui avoient chacun le mousquet. « En approchant Saditte Majesté des champs de ba- taille venant de la ville des Ponts-de-Gé, Saditte Majesté ! entra dans ledict champ de bataille estant en une lit- tière et fust tout autour accompaignée dudict sieur comie de Montsoreau et de toute sa noblesse. « Elle fut salluée et ouït la harangue de MM. les Capi-. taines de la ville qui fut suivie d’une mousquetade qu’il faisait bon ouir. … CAu faubourg Bressigné elle fust salluée de M. Fran- çois Lasnier, sieur de Saincte-James, lieutenant général et maire de laditte ville d'Angers, accompaigné de MM. les Eschevins et Officiers de la Maison de ville à laquelle furent présentées les-clefs de ladicte ville el un beau et riche poesle soubz lequel elle se mit estant en une littière. — 323 — « Comme Saditte Majesté arriva présle portal à la bar- rière qui est à l'entrée dudict faulzbourg de Bressigné, MM. Ayrault, président ; Louet, lieutenant particulier ; Le Chat, lieutenant criminel ; Baultru, sieur des Mas- tras, assesseur civil et criminel, ayant leurs robes rouges, accompaignez de MM. les Conseillers, lui fust faict une belle harangue par ledict sieur président estant tous à genoux. « Et passant oultre Saditte Majesté estant à l’entrez dudict portal Saint-Aulbin elle trouva MM. du Clergé de toutes les églises canoniales, abbayes et couvents en général tous revestuz et chappés de riches chappes avec la croix et bannière lesquels conduisirent en bel ordre processionnellement Saditte Majesté, estant sous ledict poesle jusques à Saint-Maurice où elle fust reçue par M. de la Varannes, évesque d'Angers, lequel luy fist aussi une harangue et après elle a entré en laditte église où fust chanté le Te Deum, et estant dict elle fust conduite en son logis, rue Saint-Michel, passant au Pillory sous un riche portal bien eslabouré. « Elle y fut escorlée par le comte de Montsoreau et ioute sa noblesse. «Arrivée à la porte de son logis, en laditte rue Saint- Michel, ledict sieur comte de Montsoreau mist pied à terre et la mena jusques en sa chambre et demeura ledict sieur comte de Montsoreau seul avec toute sa noblesse. « Les autres seigneurs licenciérent tous leurs mays mais ledict seigneur comte n’en renvoya aulcun jusques au vendredy. « Le lendemain jeudi sont allés la saluer MM. de — 324 — l'Église d'Angers assistés de leur bedaulx, revestus de leurs tuniques de velours et portant leurs masses d’ar- gent et aussi MM. de la Justice et MM. les Juges consuls et bourgeois de laditte ville revestus de leur robe courte, « À l’après-disnée dudict jour la royne est allée se promener au pré d’Almaigne et jeu de mail estant accompaignée de Mgr le cardinal de Guyse, M. de Tou- louse, fils de M. RUE MB l’évêque de Luczon et aultres seigneurs ‘ On n’a pas Hit que mon chapitre a pour titre La Cour d’Angers.Cest en souveraine, en effet, que Marie de Médicis nous est arrivée ; c’est en souveraine encore qu’elle y veut vivre, nous dit Louvet: « Le samedi 9 no- vembre 1619 la royne, mère du roi, est allée se pro- mener en son carrosse aux perrières à laquelle on a: montré les ouvriers qui tiroient la pierre de la plus profonde desdittes perrières qu’elle a vue sur le pont qui est sur laditie perrière où se verse l’eau des seïllots qui se tirre de laditte perrière; après elle vit les ouvriers qui faisoient et tailloient l’ardoise auxquels elle a fait un présent honneste *. » Le 928 février 1520 elle se rend au château du Verger et le lendemain elle est à Boisdauphin, invitée par le maréchal pour être la marraine de son petit-fils, lun des enfants de M. de Sablé. Le 21 mars, en société de l’évêque de Luçon, elle chasse le cerf dans les bois d’Avrillé. L’animal est forcé et pris dans l’étang de Saint-Nicolas. ! Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, pages 309 et sui- vantes. ? Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, p. 345. — 325 — Le jeudi absolu 16 avril, accompagnée de sa suite de dames et de demoiselles, elle se rend à Saint-Aubin pour y laver les pieds à treize pauvres. Elle les fait diner, les sert à table et leur donne à chacun treize livres et deux aunes de toile de Hollande. Le lendemain Vendredi-Saint elle délivra les prison- niers. Le suprême honneur qu’on pût faire alors à un grand personnage était l'offre d’un mai. Il consistait à aller prendre au printemps en forêt ou aux champs l’arbuste le mieux fait et le plus vigoureux qu’on püt rencontrer pour le venir planter au seuil du logis du seigneur qu’on voulait fêter. Boisdauphin avait eu son mai, notre reine aussi devait avoir le sien. Je laisse Louvet nous en dépeindre le charmant tableau : « Le dimanche 10e jour de mai 1620, M. Lanier, lieu- tenant général, maire et capitaine de la ville d'Angers, accompaigné de tous les capitaines, lieutenants et enseignes, ayant chacun capitaine quarante hommes et ung sergent de bande de sa compaignie, brillants et lestes, ayant le mousquet, qui se sont tous assemblés en la place des Halles de ceste ville pour se dresser et mettre en rang et bon ordre où ils se sont trouvés six cents braves soldartz ayant au mitan l’enseigne déployée, lesquels ont marché en bon ordre, les tambours de la ville battant, à la teste de laquelle compaignie estoient tous lesdicts capitaines ayant tous l’espée au costé et richement habillés lesquels estoient conduits et menés par ledict sieur Lanier, maire, lequel marchoit tout le — 396 — premier et seul au-davant desdicts capitaines et distant d’une picque, ayant l’espée au costé et ung hausse col fort riche et enrichy, jusques en la rue Lyonnaise au- davant d’un May pour donner à la royne lequel a esté mené et charroyé, et au-davant d’ycelui, toute la com- paignie a marché en même ordre jusques au logis de Sa Majesté et marchoiïent au-davant de laditte compai- gaie qui portoient sçavoir : les premiers une riche cou- ronne et les aultres d’après les armes du roy et de la royne, autour desquelles armes y avoit des chappeaulx de triomphe de lierre et ont en ce bel ordre tous passé au-davant de l’hostel de la royne laquelle estoit aux fenestres dudict hostel pour les veoir et après avoir passé sans qu'il ait esté tiré aulcuns coups de mous- quet : ce qui avoit esté deffendu à peine de la vie, ledict may a esté planté tout enrichi de cinquante et quatre doubles couronnes tout autour et au hault et pointe dudict may laditte couronne a esté mise au hault d’une verge de fer et après le diner qui a esté faict aux dépens de la ville auxdicts capitaines et au regard des soldartz il leur a esté baïllé, par le receveur de la ville, à chacun huit solz qui leur ont esté distribués par les sergents de bande avec de la poudre, après lequel disner la royne a envoyé un de ses gentilshommes vers lesdicts sieur maire et capitaines lesquelz tous ensemble sont allez trouver Saditte Majesté qu’ils ont salluée *. » Après tant de manifestations qu’aurait pu désirer encore Marie de Médicis ? Les Angevins lui avaient, avec profusion, prodigué leurs hommages. Et cependant l’in- 1 Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, pages 10 et 11. — 927 — fortunée princesse ne s’en pouvait contenter. L’Anjou était étroit pour qui avait régné sur la France. Mais là n’était pas sa plus grande amertume. Dans la capitale du royaume, au palais du Louvre, près du roi son fils, à sa place de reine et de mère, elle, la fille des Médicis, la veuve du grand roi, voyait toujours son ennemi, ce ministre arrogant, ce Luynes, si obscur d’origine, qui avec son autorité lui avait ravi le cœur de son fils. La reine eût-elle pu oublier, la mère ne pouvait par- donner. La captive de Blois, d’ailleurs, aurait-elle pu mécon- naître ses libérateurs, et résister à leurs sollicitations ? Ce fut l’écueil de la mêre du roi: sensible aux larmes des victimes du favori, elle se fit l’écho de leurs doléances et l'interprète de leurs réclamations. Les seigneurs révoltés fuyaient les verroux de la Bas- tille et accouraient s’abriter derrière nos remparts. C'était Nemours et la duchesse son épouse ; c'était Ven- dôme, le bâtard d'Henri IV; c'était Soissons du sang royal, l'oncle de Condé. Ils formulent leurs plaintes dans un manifeste que la reine-mère couvre de son nom. Louis XIII y répond par les armes. Il prend le commandement de son armée el marche contre sa mère Marie de Médicis. Elle aussi rassemble ses forces et s’avance aux confins de son duché pour en défendre la frontière. Battue à La Flèche dans un premier engage- ment elle se replie sur Angers, mais l’armée royale la poursuit opiniâtrement et l’atteint aux Ponts-de-Cé pour la battre de nouveau. C’en est fait, Angers est cerné et va subir un siège qu’on se résout à soutenir. Hommes et munitions S'y — 9328 — entassent avec précipitation. « C’est dans ce but que, vendredi le dernier jour de juillet, » nous dit Louvet, « il a esté publié par les quarfours ordinaires de ceste ville d'Angers une ordonnance dont la: teneur ensuit : « De par Le roy et la royne-mère de Sa Majesté, il est enjoint à tous les habitants de ceste ville qui ont usurpé les quatorze pieds le long des murailles d’icelle, de retirer dedans huitaine tous les bastiments qu’ils y ont faicts et relever les murailles ès endroits où elles sont ouvertes, en sorte qu’on puisse aller autour des- dittes murailles et en l’espace desdicts quatorze pieds, y porter les vidanges et bourriers de la ville. Aultre- ment et à faulte de ce faire dans ledict temps, seront lesdicts bastiments démollis aux dépens, périls et for- tune de ceulx qui les auront faict faire. » Ces tristes préparatifs jetaient l’épouvante dans nos murs. Il faut lire Louvet pour saisir les angoisses et les palpitations des Angevins. La reine-mêre comprit l’impérieuse nécessité de mettre bas les armes et d’implorer la clémence du vain- queur. C’est Richelieu qu’elle envoie pour implorer son pardon. Louis XIII veut bien faire la paix. Le traité se conclut au château de Brissac et Louis XIII y embrasse sa mère. Marie de Médicis conservera le duché d’An- jou, mais elle cessera d’y séjourner et d’y régner en souveraine. Le roi seul y gouvernera et s’y fera respec- ter. C’est la fin de notre indépendance et des franchises de la province. ! Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, p. 32. — 329 — La guerre de la minorité de Louis XIII est à bon droit nommée la guerre des princes. Eux seuls, en effet, la voulaient et la provoquaient et eux seuls aussi y trou- vaient de l'intérêt. Autant au xvie siècle les masses populaires s'étaient passionnées pour les guerres religieuses, autant au xvi° elles avaient soif de repos, de progrès matériels el d’aspirations pieuses. C’est la première moitié de ce siècle qui nous a produit les génies de tout genre qu’on admirera au règne de Louis XIV; c’est elle aussi qui voyait s'épanouir les vertus des Berulle, des François de Sales et des Vincent de Paul. Ce double courant qui était assurément celui de la France tout entière, n’était nulle part plus florissant que sur notre paroisse Saint-Michel. C’est que cette paroisse avait alors à sa tête des hommes aussi savants qu’énergiques, aussi dévoués que vertueux. C’étaient dans l’ordre tem- porel, les Louet, les Ayrault, les Lanier ; dans l’ordre spirituel, le curé Croux. Les fonctions judiciaires étaient alors héréditaires. Les Louet étaient lieutenant civil, les Ayrault lieute- nant criminel, François Lanier était lieutenant général. René Louet, aux premières années du xvire siècle, construisait son somptueux hôtel de la place des Halles, si brillant aux temps qui vont suivre et qu’on admire encore malgré sa mutilation et les enclaves de cons- truction récente. Pierre Ayrault, lui aussi, faisait bâtir, en ce même temps, son confortable logis de la rue du Cornet, avec terrasse sur le mur de ville du côté de la rivière. L'hôtel Ayrault, que les maisons de la rue Boisnet — 330 — bâties depuis cinquante ans avaient fait oublier, vient de nous être restitué en tout son charme, grâce au bon goût d’un nouvel acquéreur, M. Édouard Rondeau, né- gociant en fer. Toutes les enclaves qui l’englobaient sur sa façade principale ont disparu et une intelligente restauration en a mis en relief les beautés tant inté- rieures qu’extérieures. Les Lanier venaient de Saint-Maurille. François Lanier venait d'acquérir l'hôtel Landevy, de la rue Saint-Jacques, et devenait ainsi paroissien de Saint-’ Michel. Déjà nous avons rencontré les Louet au cours de notre histoire. Nous savons qu’introduits en Anjou par le roi René et tout dévoués à ses intérêts, ils avaient combattu pour la cause catholique au temps des grandes guerres. René Louet, qui mourut en 1616, aux derniers jours de l’année, fut enterré dans l’église Saint-Michel du Tertre. Il laissa la charge de lieutenant civil à son fils Charles. C’est ce même Charles Louet qui, en 1620, eut l'honneur de recevoir et d’héberger en son hôtel le duc et la duchesse de Nemours, échap- pés aux poursuites de Luynes. Pierre Ayrault, le fameux licutenant criminel, mort en 1601, avait eu quinze enfants, dont dix lui survi- vaient. René, son aîné, s'était fait jésuite et devint l’émule et le compagnon de saint Louis de Gonzague. Pierre, le cadet de la famille, qu’on appelle Pierre Il, pour le désigner de son père, héritait de la charge de lieutenant criminel à défaut de son frère aîné. Mais comme il wavait que vingt-quatre ans à la mort de son père, 1l lui fallut une dispense d’âge pour lui succéder. — 331 — Échevin depuis le 31 décembre 1599, il devint maire au 1er mai 1616. On était alors en pleine guerre civile à l’occasion des mariages espagnols. La ville d'Angers avait, pour cette raison, à garder ses remparts. Pour ce service patriotique et municipal, nos compa- gnies de paroisse étaient appelées de garde à tour de rôle ; Louvet nous informe que la compagnie de Saint- Michel, commandée par Gohin de Montreuil, entra en service la première. Le maire avait sous ses ordres la milice tout entière ; mais Ayrault voulut avoir en outre sa compagnie spéciale qu’il équipa et arma à ses frais. Les bourgeois aux remparts, la noblesse aux armées, restaient aux foyers de leurs maisons les chanoines et curés. Se souvenant alors qu'au temps de la Ligue ils avaient, eux aussi, payé leur dette du sang, on songea à les appeler encore au service des armes et à former une compagnie de curés. Pour cet objet, le 12 janvier 1616, les moines, cha- noines et curés d'Angers furent convoqués pour se constituer en corps spécial et aussi pour nommer leurs chefs. k Guillaume Fouquet de la Varennes, sieur d’Esnay, abbé de Saint-Nicolas, fut élu capitaine. Christophe Lavocat, chanoine de l’église d'Angers, fut lieutenant. François-Guillaume Lanyer, chanoine de l’hôpital, fut enseigne et sergent de bande. | Le dimanche 17 janvier était le jour assigné à la compagnie du clergé pour prendre la garde et pour défiler devant le maire. 332 — Je laisse Louvet nous en retracer le programme : « Le dimanche 17 janvier 1616, le sieur Guillaume Fouquet, sieur d’Esnay, mestre des requestes de son hostel, abbé de l’abbaye de Saint-Nicolas et de l’Es- vières-lès-Angers etsous-intendant de la justice au siège. présidial au dict lieu, eslu chef et capitaine du clergé au dict Angers avec vénérable et discret mestre Chris- tofle de Lavocat, sieur des Fougerais, chanoine en l’église d'Angers, son lieutenant, et François-Guillaume Lanyer, chanoine régulier du prieuré de l’hospital Saint-Jehan de ceste ville, son enseigne et sergent de bande de la compagnie du dict clergé, est allé trouver M. Ayrault, maire et capitaine de la dicte ville d’An- gers, prendre et recevoir le mot d'ordre pour bailler aux dixainiers du dict clergé et tirer les corps de garde pour y aller faire la garde de nuit, savoir : aux corps de garde des boulevards Saint-Serge, Saint-Mi- chel, Saint-Aubin, Toussaint, la tour Guillou, le portal Saint-Nicolas, le portal Lyonnois et la Haute-Chaîne ; où ils sont allés en garde et y ont esté placés en garde en les neuf heures du soir jusqu’au landemain au matin lundi 18me du dict mois et an, et ceux qui étoient en garde du costé du portal Saint-Michel, Saint-Aubin, Toussaint et le boulevard Saint-Serge, se sont trouvés à sept heures du matin en la cour de la Maison de ville ou estoient les dicts sieur d’Esnay, capitaine, Lanyer, avec l’enseigne, auquel sieur d’Esnay, comme chef du clergé. M. Ayrault, maire de la dicte ville, a baillé les clefs du portal Saint-Michel, lequel ils ont ouvert en bel ordre l’enseigne déployée et sont allés à la dicte ou- verture et sorti hors du dict portal jusques aux bar- — 333 — rières tout en bel ordre, ayant arquebusades, mous- _ quets, hallebardes et picques et ont planté leurs enseignes au haut du dict portal qui estoient de taffetas gris tamé et une croix blanche. Lequel sieur d’'Esnay, comme chef et capitaine du dict clergé, a fait un ban- quet dans l’hostel et maison de la dicte ville d'Angers où tous les capitaines, lieutenants, enseignes, de MM. les maire et échevins, MM. les président, lieutenant général, assesseurs, conseillers, procureurs et avocats du roy et MM. du clergé les plus honorables el en dignité de la ville d’Angers se sont trouvés au dict ban- quet‘. » La défense de la ville et le métier des armes n’absor- baient point en entier l’activité de notre maire, d'autant que ces soins ne répondaient qu’à un besoin politique assez indifférent, avons-nous dit, à la population ange- vine. Des intérêts plus directs la passionnaient alors : les pauvres et la jeunesse. Les pauvres étaient un fléau plus grand peut-être que de nos jours. Au milieu d’une population pauvre elle-même, ils étaient privés de toutes les ressources créées depuis moins d’un siècle par la charité chrétienne. Abandonnés sur la voie publique à toutes les priva- tions, on eut l’idée de les grouper dans un grand local et l’aumônerie de Fils-de-Prêtre sembla répondre à ce but. Recueillis ainsi en cet asile, on les appela, pour cette cause, les Renfermés, nom qu'ils conservèrent jusqu’au jour où ils furent versés dans nos nouveaux hospices. Mais leur fournir un abri ne suffisait pas, il Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, pp. 161 et 162. — 334 — fallait les faire vivre et leur créer des ressources, Huit chrétiens généreux, quatre du clergé et quatre laïcs auxquels on donna le nom de pères des pauvres, allèrent tendre la main pour leurs enfants adoptifs. Ces premiers administrateurs de nos hospices qui, en cetie qualité, prêtèrent serment Le 6 juillet 1505 en audience publique du présidial, étaient : MM. Amaury Lavocat, official et archidiacre ; Louis de Grézille, chanoine ; François Potherie, prieur de Saint-Aubin ; François Lanier, lieutenant général ; Nicolas Martineau, juge de la prévôté ; Étienne du Ménil, avocat ; Thomas Nepveu, échevin ‘. Après les pauvres le complément de la charité était bien le soin de la jeunesse. Nos jeunes gens n’avaient alors pour les recueillir que de vils tripots où ils dissi- paient leur argent et usaient leur santé. Un jeu revenu en usage de nos jours, le croquet, qu’on appelait alors le jeu de mail, était en pleine faveur; mais il lui fallait un local gracieux et ombragé à peu de distance de nos murs où joueurs et spectateurs pussent s’y pro- mener et sy récréer. Le pré d'Allemagne prolongé de celui de la Rame, se prêtait admirablement à cette des- _ tination. Le pré d'Allemagne appartenait à la Nation de l’Anjou et la Rame au Temple. Si l’on consulte notre plan, on verra que le champ Glastin adossé au Pélican, s’allongeait en pointe vers la place de Lorraine actuelle et nous présentait à cette 1 Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, pp. 145 et 146. — 335 — pointe Vorifice du chemin de Paris. Notre jardin du Mail était un terrain pierreux planté de vigne, au-dessous duquel s’allongeaient les prairies d'Allemagne cet de la Ranie. Sur l’autre versant, vers la Croix-de-l’Ormeau, se trouvaient le logis et la terre du Busson, propriété de Julien de Beaurepaire, lieutenant de la compagnie de Saint-Michel, qui mourut en 1617 et fut enterré aux Minimes. Par contrat du 28 avril 1617, la ville acquit de la Nation d'Anjou trois quartiers et demi de pré moyen- nant 39 livres de rente annuelle et une meëse au jour sainte Catherine à l'intention de l’Université et de la Nation d'Anjou. L'exécution du projet fut confiée au marchand de drap Gohier, moyennant la perception à son profit de deux sous par jour et par joueur. « Au mois de décembre 1616, » nous dit Louvet, QM.Ayrault, lieutenant général criminel et maire d’An- gers, a, avec l’avis de MM. du corps de ville, fait com- mencer un jeu de poil-mail dans le pré d'Allemagne, pré de ceste ville qui s’estend sur aultres terres dont la dicie ville fait rente aux propriétaires à qui elles estoient et fait closturer le dict mail de fossés et d’ebau- pins et les allées plantées d’ormeaulx à quatre rangs, le tout aux despens d’un nommé Gohier, marchand, de- meurant en la paroisse Sainte-Croix de ceste ville, lequel a fait faire une petite chambre à cheminée pour y mettre les cuines, billes et mantaux de ceux qui jou- ront et en doit jouir de la ferme de quinze années pour se rembourser de ce qu’il déboursera pour rendre le dict jeu parfait et prest à jouer qui est une belle place Re ce qui sera publique a tous les habitants pour leur y pro- mener et récréer ‘. » L’inauguration solennelle s’en fit le 30 avril 1617. « Le dimanche 30 avril, nous dit encore Louvet, M. le ma- réchal Boisdauphin est allé au jeu de poil-mail où estant le dict mareschal on lui a présenté deux mails dorés avec deux boulles pour y jouer la première partie et y faire l'ouverture du dict jeu, lequel aprés avoir _ reçu par les mains d’un nommé Gohier, marchand en- trepreneur, les dits mails et boules, a commandé à deux de ses favoris jouer la première partie et que celui qui gaigneroit il lui donneroit les dicts deux mails et boules, laquelle partie a esté jouée en présence des dicts sieur maire et plusieurs de la justice. » (Journal de Louvet.) Le grand Mail que nous venons de décrire avait sa séduction; mais son accès en était difficile tant de la porte Saint-Michel que la porte Saint-Aubin. Compléter l’œuvre de Ayrault devenait une nécessité. C’est ce que comprit son successeur, M. Martineau, qui dans ses deux années d'exercice fit aplanir, niveler et planter de quatre rangs d’ormeaux le terrain qui bordait l’exté- rieur du fossé entre les deux portes Saint-Michel et Saint-Aubin. Cette promenade prit son nom. On l’appela le Mail Martineau. Elle fut détruite avec le rempart en 1808 et remplacée par le boulevard actuel. À la justice, à la mairie, Ayrault, comme nous en pourrons juger dans un chapitre spécial, joignait encore dans sa sollicitude les intérêts de son église Saint-Mi- 1 Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, p. 181. — 337 — chel. Cette vie dépensée tout entière pour ses conci- toyens, méritait d’être récompensée et l’occasion s’en présentait. La présidence allait vaquer au présidial par la retraite de Pierre Le Chat, qui se retirait après trente- quatre années d'exercice. Le Chat était le vieux prési- dent du temps de la Ligue si,maltraité par d’Aumont pour avoir fait acte de patriotisme et d'indépendance. Personne n’était plus digne qu’Ayrault de lui succéder, et la voix publique acclama le choix du pouvoir. La charge de lieutenant criminel ne pouvait encore être exercée par le fils de Ayrault, elle fut donnée à son gendre Le Chat, le fils du président en retraite. Nicolas Martineau eut pour successeur à la mairie d'Angers le lieutenant général François Lanier. François Lanier était le fils de Guy Lanier, maire d'Angers à la journée des Mouchoirs. Dans ses fonctions judiciaires il avait remplacé François Boylesve, mort si misérable- ment de la peste en 1604. La succession de Boylesve devenait d'autant plus lourde qu’un sénéchal de six ans ne la pouvait alléger. Mais sous le règne de Henri IV elle était soutenue par la force du gouvernement. Il n’en pouvait être de même quand survint la minorité de Louis XIII. En 1614 l’orage grondait autour du trône. Entraînés par un prince du sang, les plus puissants sei- gneurs du royaume menaçaient l’indépendance du jeune roi qui, dans sa détresse, fit appel à la Nation par la convocation des États-Généraux. Les trois ordres de la province réunis au chef-lieu sous la présidence du sénéchal, avaient à nommer leur député et à formuler leurs doléances auxquelles, d’ailleurs, au moyen d’un tronc placé à la porte de l’hôtel-de-ville, pouvait SOC. D'AG. 22 — 338 — concourir chaque citoyen par ses réclamations person- nelles. François Lanier dut suppléer son chef qui n’avait encore que 16 ans. Je laisse Louvet nous en présenter le détail : « Le mercredi vinglième du mois d'août 1614, l’as- semblée des trois Estats s’est faite au pallais royal d’An- gers, durant laquelle il a esté faict garde aulx portes de la ville dont ensuit ce qui s’est passé ce dict jour. « Suivant les lettres du roy etordonnances de M. le Sé- néchal d'Anjou et M. le Lieutenant général, en exécu- tions des dittes lettres, les dittes assemblées sont con- voquées, sçavoir : le clergé, la noblesse et le Tiers-État de la province d'Anjou, en présence desquels les lettres de Sa Majesté ont esté lues, après laquelle M. Mes- nage, avocat du roy, a faict une harangue à la louange de l’Église, noblesse et Tiers-État et iceulx avertis comme ils le debvoient selon Dieu et la conscience, procedder à la nomination de gens de bien pour porter les cahiers aux États-Généraux assignés à tenir au mois de septembre prochain en la ville de Sens. M. le Lieu- tenant général a faict une ordonnance que MM. du clergé s’assembleroient tant pour faire les dicts cahiers que pour les porter comme aussi la noblesse et le Tiers-État pour faire le semblable, le tout sans aulcuns troubles ni querelles et estoient pour MM. du clergé, M. le révérend esvêque d'Angers à costé de M. le sénéchal d’Anjou, avec tous les abbés, prieurs et aultres gens d'église sur les sièges du siège présidial d'Angers où se mettoient MM. les conseillers du costé des Halles et de l’aultre costé vers la rue Saint-Michel estoient M. de Lèze, proche M. le Sénéchal, M. du Bellay et aultres — 339 — seigneurs et gentilshommes et MM. du Tiers-État estoient dans le barreau où se mettent MM. les avocats assemblés séparément le lendemain. « M. du Bellay a été élu député de la noblesse. . «MM. Lanier et du Menil, députés du Tiers-État. » Au 4er mai 1619, François Lanier arrivait à la mairie précédé d’un grand nom. Quinze années de vie publique au premier rang dans la magistrature de la province étaient rehaussés encore par la célébrité qu’il s’était acquise à l'assemblée des États. Tout faisait présager le calme et des jours heureux. L'arrivée de Marie de Mé- dicis, conseillée par l’évêque de Luçon‘, fut pour Lanier la plus rude des épreuves. À la faiblesse de la femme, la reine-mère joignait le défaut d’êtreitalienne et vaniteuse, défiante et chagrine. C'était plus qu’il n’en fallait pour user un caractère moins énergique que celui de Lanier. L'arrivée des intendants de la reine, le 2 juillet, por- teurs des actes d’investiture de la souveraineté d'Anjou, surprit tout le monde. Le maire en particulier sentait le besoin d’éclairer sa conscience sur l'attitude qu’il avait à prendre vis-à-vis de sa souveraine. Profitant d’un séjour du roi dans la ville de Tours, il s’y rendit pour le consulter. C’est fortifié de ses instructions que le 27, accompagné de ses échevins; il allait à Angou- lême porter à la reine-mère les hommages des Ange- vins. 1 «L’évêque de Luczon, homme de grand esprit, jugement et entendement et lequel est fort conseil de la royne, mère du roy, laquelle se confie de tout en luy pour ses affaires les plus importantes comme étant homme de bien et capable. » (Journal de Louvet, Revue d'Anjou, 1855, p. 15.) — 340 — Flatter cette reine, lui prodiguer honneurs et fêtes fut la grande préoccupation de Lanier. Il fit l’impos- sible au 16 octobre, jour de son entrée en nos murs. Pour en conserver la mémoire, Ménard, conseiller en la prévôté, dut en faire l’historique. Notre souveraine bientôt se trouva à l’étroit dans l’hôtel de Lancreau que d’ailleurs elle destinait à l’Oratoire. Notre maire lui donna en échange le logis Barrault qu’il décora de son mai. C’est aux jours sinistres que surviennent les per- plexités. S’il faut aller assiéger Craon ét combattre un ennemi de la reine, il s’y rendra volontiers. Mais fer- mer notre ville au roi, Lanier hésite et Marie de Médi- cis l’a deviné. C’est alors que celle-ci désarme les habi- tants d'Angers et en expatrie son maire. Lanier dut se résigner et partir pour Nantes, abandonnant ses Ange- vins aux plus tristes des jours. Moins d’une semaine s’écoula et la paix se fit. Marie de Médicis embrassa son fils au château de Brissac et le rappel de Lanier fut son premier besoin. L. RONDEAU. UNE FAMILLE CHRÉTIENNE De notre temps les maisons durent si peu qu’on pourrait leur appliquer le refrain de la ballade de Bürger : Les morts vont vite. Les exigences de la ligne droite ont rasé dernièrement, entre autres victimes, un petit logis en colombage faisant humblement vis-à- vis à l'hôtel de Villemorge, sur la place du Lion-d’Or. Le prolongement de l’ex-rue Milton a emporté la place avec son nom. La patricienne demeure vient de se ran- ger à l'alignement par une façade à la mode. C’est ainsi que les vestiges du passé disparaissent avec tant de précipitation qu’il n’en resterait pas même le sou- venir, s'il n’était recueilli par l’un de ces réaction- naires, hélas ! bien rares aujourd’hui, qui s’obstinent à porter l’épithète de laudator temporis acti. Il y a quelque cinquante ans, lorsque l’on passait devant le petit logis, on entendait sortir de l’unique étage, bas comme un entresol, les roulades d’une flûte d’antique facture, soutenus par les arpèêges aigus d'un piano qui ne pouvait aspirer qu’au titre d’épinette. Pendant que vous écoutiez les futurs artistes dont le talent grandissait en dépit de l’infériorité de leurs ins- truments, on voyait parfois apparaître sur le seuil de — 342 — la modeste boutique les deux plus jeunes membres de la famille : l’un, muni d’un grand carton sous le bras, se rendait au cours de dessin de M. Mercier, et l’autre jetant sur l’épaule une pile de livres, serrés par une courroie, se dirigeait vers la classe de M. Gellerat, cour des Cordeliers, pour y remplir son emploi de moni- teur, Ces efforts de bon cœur et de bon esprit ne devaient point tarder à recevoir leur récompense ; cependant nul n’eût osé prédire à cette vaillante jeunesse que l'aîné des trois frères serait élu premier violon au Théâtre Italien ‘; le second, membre de l’Institut, di- recteur de l’Académie de France à Rome; le troisième, chirurgien-major à l’armée d’Afrique, et que leur sœur serait considérée au Conservatoire comme l’une des meilleures élèves de Kalkbrenner et de Mme Pleyel. Vingt ans plus tard, une autre famille, aussi compo- sée de trois frères et d’une sœur, allait montrer à quelle élévation peuvent parvenir, sous une sage 1 Cette notice allait être mise sous presse lorsqu'on apprit la mort de M. Frédéric Lenepveu, décédé à Paris, dans son hôtel du quai d'Orsay. Notre bien regretté compatriote était âgé de soixante-neuf ans. Un brillant mariage l'avait élevé à une opulente position dont il se montra très digne. Le goût qui présidait à ses soirées non moins que le talent des artistes choisis donnait à ses concerts un renom toujours justifié. Loin d’être ébloui par la fortune, il aimait à parler simplement de sa modeste origine, et n’était jamais plus heureux qu’en faisant jouir de son bonheur sa famille et ses amis. L’aîné de ses fils a dû au concours son élection au Conseil d'État, le second est secrétaire d’ambassade, son gendre préside une chambre à la cour d'appel de Paris. Nul n’a été surpris que M. Frédéric Lenepveu ait obtenu par une fin chrétienne le prix de sa bienfaisante carrière. — 343 — influence, l'amour du devoir et la distinction des senti- ments. La condition des deux groupes était également modeste, et, par un autre trait de ressemblance, leurs habitations faisaient partie du même îlot, enchevêtré de cours et de réduits, entre la rue du Figuier et la rue Saint-Laud, où les proscrits, à l’époque de la Terreur, trouvèrent si souvent un refuge salutaire. C’était au centre de l'impasse Fourmy que vivait la seconde famille dans la crainte de Dieu et la persévé- rance au travail. Nous pouvons en dire librement tout le bien que nous en pensons, puisque d’honorables motifs l’ayant conduite à Paris, il n’est plus en son pouvoir de nous fermer la bouche. Le père, habile maître menuisier, s’imposait de pénibles sacrifices pour donner à ses enfants une instruction chrétienne aussi complète que possible. Durant la semaine, il mettait chaque instant à profit et se reposait de ses labeurs le dimanche, au milieu des siens, en assistant réguliérement aux offices de la paroisse. Absorbé par les devoirs de sa profession, M. Jouin ne pouvait surviiller les détails de l’éducation de sa nombreuse famille; mais il était, à cet égard, sans inquiétude ; un autre lui-même s’acquittait de ce soin avec toute la perfection désirable. Ce que l’école n’avait pas enseigné à Mme Jouin, la religion comprise par une intelligence supérieure, le lui avait appris. Dés leur âge le plus tendre, elle avait convaincu ses enfants qu'il ne suffisait pas de remplir sa tâche ordinaire, mais qu'il fallait, sans présomption comme sans dé- fiance, aspirer à un état meilleur, au double point de vue spirituel et temporel. Ges leçons, comme une pure — 344 — semence, tombaient sur une terre féconde. Les quatre enfants répondirent si bien à l’attente maternelle, qu’au sortir des classes primaires, leurs maîtres furent una- nimes à conseiller aux parents d'ouvrir à ces jeunes esprits un champ où leurs riches facultés pourraient se déployer à l'aise. Le conseil était excellent et l’on y acquiesça de grand cœur ; mais l'embarras consistait à le mettre en pra- tique. Les frais des écoles de Frères ou de Sœurs sont minimes, mais l’entretien dans un collège, füt-ce aux conditions généreuses d’une maison ecclésiastique, est lourd pour un honnête artisan qui veut faire jouir l’un des siens des avantages de l'instruction secondaire. Si c’est beaucoup pour un, qu'est-ce donc pour quatre ? Dire à queiles privations le courageux ménage se résigna pour obéir à ce qu’il crut être la volonté de Dieu, est impossible : noble secret qui dut rester inviolable au fond du cœur de parents éminemment chrétiens. Ils n’ont jamais songé, sans doute, à en être récompensés ici-bas, si ce n’est par les succès de ceux qui leur inspiraient un tel dévouement. Les trois fils, dans leurs classes respectives, de Combrée ou de Mon- gazon, remportaient, chaque année, une moisson de couronnes si abondante, que l’on ne savait lequel d’entre eux y avait la plus grande part, pendant que leur sœur était citée, aux Ursulines, par ses maîtresses et ses compagnes, comme un modéle d'intelligence et de sagesse. Mais tant de grâce et de charme n’était point accordé pour la terre. Il semble que le Ciel, en comblant de faveurs certaines créatures prédestinées, ne les laisse passer ici-bas que pour nous donner une idée de — 345 — la perfection des anges. C’est au milieu d’eux que l’enfant, objet de tant d’espérances, devait retourner, après avoir à peine accompli sa douzième année. Les études classiques des trois fils s’avançant, le moment approchait de recueillir le fruit des sacrifices en voyant chacun de ceux qui en avaient si bien profité entrer avec confiance dans la carrière de prédilection. Ce fut c\tte heure décisive où la famille avait besoin de réunir tous ses efforts que, dans ses impénétrables desseins, Dieu choisit pour lui enlever son chef; mais celui qui avait dit à ses disciples : « Je ne vous laisse- rai point orphelins, » sut bientôt trouver un digne successeur au chef de famille dans le trésor qui s’appelle le cœur d’une mère chrétienne. Loin d’être abattue par la perte de son mari, Mme Jouin puisa dans son cha- grin et sa piété un redoublement de courage et de sagacité. La Providence qui lui avait départi, en large mesure, la tendresse de son sexe, lui inspira une virile énergie. Avec l’épreuve son influence grandit sur ses enfants, parvenus à l’âge où se dessinent les vocations. Le fils aîné, M. Amédée, après avoir travaillé quelque temps dans une étude, à Châteaugontier, se préparait pour la marine, profession plus conforme que la science du droit à l’ardeur de son caractère. L'exemple de sa mère le décide à tourner vers un but plus élevé encore l'emploi de ses riches facultés. Épris d’une sainte passion pour l'Ordre de Saint-Dominique, dont l'illusire restaurateur venait de mourir, il en devint bientôt un des membres éminents. Joignant le zèle de l’action à la puissance de ia parole, il part, en 1870, dans les premiers rangs de l’armée du Nord, et sy — 346 — distingue avec un tel éclat, que le général Faidherbe le décore de l’une de ces croix d'honneur que l’on ne prodiguait pas alors, surtout aux aumôniers. Puis, quand les armes furent déposées, le R. P. Jouin remonta en chaire pour y déployer une éloquence, rendue plus pathétique par les émouvants spectacles qui avaient frappé ses yeux. Aujourd’hui provincial de la région du Nord, il est considéré à Paris comme l’un de nos premiers orateurs sacrés. Après avoir prêché le Carême dernier à Sainte-Clotilde, il était naguëre chargé du mois de Marie dans l’importante paroisse de Saint-Roch. M. Ernest Jouin marcha vaillamment sur les traces de son aîné. Après de nombreux succès au collège Mon- gazon, il entra au séminaire d’où il sortit avec tant d'honneur qu’il fut nommé, au lendemain de son ordi= nation, vicaire à la Cathédrale. Dés son début dans une chaire redoutable, on remarqua la sûreté de sa doctrine, l’abondance et l'éclat de sa diction. Appelé à Paris, si nos souvenirs sont fidèles, par la protection de notre compatriote, le pieux et savant curé de Saint-Étienne- du-Mont, il fut quelque temps l’un des auxiliaires de M. l'abbé Perdrau. Puis la distinction de ses mérites l’éleva au rang des chapelains de Sainte-Geneviève ; mais son zèle apostolique ne se contenta pas de cette position brillante et trop paisible; l’autorité supérieure combla tous ses vœux en lui confiant la culture de l’un des champs les plus arides de la banlieue de Paris. Son accent loyal, sa charité à toute épreuve, lui ont déjà concilié de nombreuses sympathies, et donné l'espoir d’une heureuse transformation dans l'esprit de l’in- — 347 — différente et populeuse paroisse de Joinville-le-Pont. Restait prés de sa mère le second des fils, Henry. Animé de la même ardeur de prosélytisme que ses frères, il ne pouvait les suivre dans la carrière aposto- lique : une maladie d’enfance l’avait privé de l’usage de ses jambes, et il ne marchait qu’à l’aide de béquilles. Comment faire pour concilier les nécessités de l’exis- tence avec la soif de l'instruction et la passion des œuvres charilables? Entré comme expéditionnaire à la Commission des Ardoisières, il se résigna pendant trois ans à copier des comptes et des factures, sans espoir d'avancement. Soutenu par la satisfaction de ne plus coûter de sacrifices à la tendresse maternelle, il ne se révolta point, comme Chatterton, contre une tâche si contraire à ses goûts littéraires et artistiques. Levé dès l'aube, il étudiait jusqu’à l'heure du bureau, confiant à son heureuse mémoire tout un plan de lectures sur des sujets variés. Le soir, il se reposait de son mono- tone labeur du jour en se livrant de tout cœur aux divers services de la Conférence de Saint-Vincent-de- Paul: visites des pauvres, consultations pour le mariage des indigents, assistance à la Bibliothèque populaire, tout lui était bon, pourvu qu’il trouvât l’occasion de secourir et d’édifier son prochain. Le dimanche, répé- titeur et auteur, au besoin, de petits drames intéres- sants, à Notre-Dame-des-Champs, il secondait l’abbé d’Arbois dans l’exécution de programmes où les jeux succédaient aux pieux exercices, en observant une mesure ingénieuse et toujours attrayante. Où le jeune Henry puisait-il ce goût pour les œuvres charitables ? à la même source que sa passion pour le — 348 — travail, dans les exemples que lui donnait journelle- ment sa mère. Non contente d’exercer son influence au foyer domestique, Mme Jouin, après l’accomplissement de tous ses devoirs de famille, trouvait le temps d’uti- liser au dehors son intelligence et ses talents d’organi- sation, en les appliquant à des œuvres éminemment populaires parce qu’elles doivent leur inspiration à l'esprit de l'Évangile. La digne femme avait accepté les fonctions de tréso- rière de la Société de secours mutuels créée et placée sous l’invocation de Notre-Dame-de-Bon-Secours, par * le vénérable M. Denéchau, curé de Saint-Maurice. Geite association d’ouvrières qui ne comptait pas moins de 400 membres il y a vingt ans, et qui n’a rien perdu de sa prospérité, était alors administrée, outre M. Dené- chau et Mme Jouin, par Mme Auguste de Gohin, prési- dente, Mme Vergne, vice-présidente, et Mme L. C..., secrétaire. L’harmonie la plus parfaite régnait dans la direction de cette œuvre qui, sous une apparence mo- deste, rendait et rend encore de signalés services. Mme Jouin en était l’âme et ne bornait point son rôle à tenir des comptes avec une exactitude scrupuleuse ; oubliant ses embarras et ses chagrins, elle était le conseil, la consolation et souvent la bienfaitrice des jeunes filles et des mères qui, en lui portant leurs cotisations, lui confiaient leurs peines ou la consul- taient sur les difficultés de la vie. Mme Jouin ne se contenta pas d’être l'agent prin- cipal, la mère, pour ainsi dire, des agrégées de la Sociéié mutuelle ; émue de compassion pour les misères cachées, pour les pauvres honteux, elle se mit à leur — 349 — recherche, en leur portant des secours et en veillant près de leur lit de douleur. Pendant plusieurs années, nous a-t-on raconté, elle passait une nuit sur deux hors de sa maison. Elle assista, entre autres, de cette manière, plus de trois cents fois, Mile P... qu’elle avait connue dans une position heureuse, et qui, réduite à la pauvreté, souffrait non moins de son infortune que de ses maladies. Mme Jouin, à elle seule, avait deviné les deux œuvres admirables qui sous les titres de Petites Servantes des Pauvres malades et des Dames veilleuses, sont venues s’ajouter au glorieux catalogue de la charité angevine, grâce à l’organisation de dom Leduc pour la première, et à la direction de Mme À... pour la seconde. Dix ans se sont écoulés depuis le jour où le R. P. Leduc alla faire part à Mme de Villoutreys du projet qu’il méditait de réaliser et dont l'initiative appartient, je crois, à M. Hortode, curé de Notre- Dame de Cholet. « Vous avez été devancé, mon Père, lui répondit la sainte femme; à quelques pas d'ici demeure une personne qui, depuis longtemps, met votre désir en pratique. » Le charitable Bénédictin courut à l'adresse indiquée, et l’on pense avec quelle joie les deux apôtres du dévouement échan- gérent leurs idées sur une pieuse entreprise dont ils avaient eu l'inspiration en même temps et sans se connaître. On sait combien leur commune pensée a été féconde, mais on ignore au prix de quels sacrifices l’œuvre est entretenue et quelle est l’immensité de ses services. Ce n’est point assez de visiter et de soigner, sans rétribu- — 350 — tion, les indigents, es affligés, les abandonnés, les Petites Servantes leur portent remèdes et aliments. A peine installées chez leurs pauvres clients, elles font régner l’ordre dans le chétif réduit, et mettent les malades, ainsi que les enfants, dans un état de pro- preté qui est le premier pas de la guérison pour les uns et de la bonne éducation pour les autres. De quelle source, si ce n’est de la religion chrétienne, peuvent découler de tels bienfaits? Mais ce n’est pas tout. Le P. Leduc et ses humbles auxiliaires ne se contentent point de la maison de la rue Saint-Eutrope pour les indigents de la ville. Ils ont transporté une succursale de la Maison-Mère sur les Plaines, auprès de la rude et nécessiteuse population de Trelazé. Là, on accueille à bras ouverts, autant qu’on le peut, plus qu’on le peut, des malades et des orphelins, ces deux classes bien-aimées de la Providence. Deux médecins viennent chaque semaine y donner des consultations gratuites. On y distribue des remèdes, et l’on y panse les plaies de tous ceux qui se présentent, sans distinc- tion d’origine. Enfin, on renouvelle dans cet asile béni tous ces prodiges de charité qui ont concilié à nos Sœurs-missionnaires françaises, l’admiration et la reconnaissance des peuples, si lointains et si barbares qu’ils fussent, où depuis quarante ans elles distribuent le pain et la parole de l'Évangile dans les cinq parties du monde. Mme Jouin n’a pas l’ambition d’aller jusque dans l'extrême Orient déployer les saintes ardeurs de son apostolat, et sans dotibler le cap des Tempêtes, elle a irouvé sous sa main, près de Paris, au bord de la — 351 — Marne, une population plus réfractaire, peut-être, à la conversion que les Indiens de l'Amérique du Nord ou les sauvages de la Polynésie. Nous avons laissé entrevoir que la paroisse de Joinville-le-Pont laisse trop de loisirs à M. l’abbé Jouin pour que le zélé pasteur ne cherche pas le moyen de les utiliser au profit de son cher troupeau. Fort paisible pendant cinq jours de la semaine, la commune de Joinville se livre, le dimanche et le lundi, à une animation prodigieuse. Située près du confluent de la Seine et de la Marne, elle présente aux canotiers un magnifique théâtre d’évolufions nautiques. Le nombre des indigènes qui ne s’élève pas au-dessus de trois mille est doublé, triplé lors de ces concours de navigation. Les cafés et guinguettes, industrie spéciale du lieu, sont alors hantés par une multitude de con- sommateurs prodigues. Au milieu des éclats d’une joie plus bruyante que réelle, on pense bien que l’accom- plissement des devoirs religieux est le moindre des soucis de ces fiers marins d’eau douce. La pauvre église reste silencieuse et vide à peu prés, tandis que les Tivolis du voisinage regorgent d’habitués et retentissent de chants bachiques. Comment faire pour détacher sans pression de ce torrent. de désordres quelque petit ruisseau en le diri- geant vers la piscine régénératrice ? L'esprit ingénieux des vrais chrétiens n’est jamais à bout de ressources, et leurs moyens sont toujours efficaces, parce qu'ils sont toujours simples et sensés. Il y a trois mois à peine, on arrive à Angers, et l’on va frapper à la porie de la petite communauté de Ja — 352 — rue Saint-Eutrope, pour demander au P. Leduc trois de ses petiles servantes. Le vénéré religieux se récrie en affirmant qu’il ne peut céder aucun membre de son humble congrégation, trop faible pour satisfaire à limmensité des besoins. Pendant le pourparler, une lettre de Bretagne annonce le départ pour Angers de trois postulantes. À cêtte nouvelle inattendue, la résis- tance n’est plus possible ; le Ciel a prononcé. Pour les frais du premier établissement, et pour la suite, peut- être, la mère et les trois fils réunissent leurs modiques ressources, en se saignant aux quatre veines, aux cinq s’il Le faut, et Mme Jouin, triomphante, entraine ses trois nouvelles amies qui ne connaissent que le clocher de leur village et les basses rues de notre Cité, vers ce Paris, sentine des vices les plus dégradants et sanc- tuaire des plus édifiantes vertus. Mais que peuvent faire ces pauvres filles dans ce monde d’incrédules et de libertins ? Elles imiteront les religieuses d’autres communautés françaises qui osent s’avancer jusqu'aux montagnes des Kurdes, ces terribles brigands de l’Asie, ou dans les forêts du roi de Dahomey, le plus cruel des tyrans de l'Afrique. En allant visiter les pauvres malades, nos petites servantes charmeront les enfants par leurs caresses, panseront les plaies des blessés et des lépreux, feront de petits présents aux premiers, distribueront des remèdes aux autres, et réussiront à gagner le cœur de tous. Quelles défiances pourront résister à la conviction que tous ces soins, tous ces sacrifices n’ont d'autre but que le salut des âmes? Alors, les sentiments généreux se réveil- leront dans cette population avide de lucre et de tristes — 353 — plaisirs ; l’étincelle de foi qui subsiste, quoi qu’on fasse, au fond de ces cœurs français, se ranimera, et peu à peu le sanctuaire des pures croyances se remplira d'anciens partisans de l'erreur, moins hostiles à la vérité qu'ils ne le- croient eux-mêmes. Les bonnes idées écloses dans l’esprit de Mme Jouin et de ses enfants ne tardent point à devenir des faits. Partir de Paris, enlever les Sœurs d'Angers, les ins- taller dans leur nouveau domicile, tout cela est accom- pli dans une semaine. Le 21 novembre dernier, fête de la Présentation de la sainte Vierge, fut le jour choisi pour la bénédiction de la chapelle et pour lentrée en exercice. «.… Quelle consolation pour les Servantes des pauvres, dit le P. Leduc, leur pieux supérieur, d’être offertes à Dieu, dans cette fête de la Présentation de Marie, et de commencer leur mission sous les auspices de la Vierge qui se plaît à être appelée le Salut des infirmes, Salus infirmorum. Elles espèrent, en effet, continuer au milieu de la population ouvrière de Joinville ce qu’elles ont commencé de faire, depuis une douzaine d’années, dans le diocèse d'Angers, où se trouvent leur Maison: Mère et leur Noviciat. « Le but spécial de leur œuvre est de soigner uni- quement les malades pauvres. Les plus indigents sont les préférés, et jamais elles n’acceptent aucune rétri- bution pour leurs services. Pauvres elles-mêmes et vivant d’aumûônes, elles partagent avec leurs malades les secours qu’elles ont reçus de la main des riches. « Non seulement leurs soins sont gratuits, mais ils sont encore rendus à domicile, Les-Sœurs s’empressent SOC. D’AG, MEUÉ 1198 — 354 — de répondre à l’appel du malheureux qui souffre, de monter jusqu’à sa petite mansarde ou de descendre dans son misérable réduit. Jour et nuit, elles veillent au chevet du malade et lui prodiguent des soins aussi affectueux que désintéressés. « Grâce à cette assistance à domicile, l’ouvrier malade n’est plus obligé de quitter ses enfants et sa femme, et peut continuer son travail qui est souvent l'unique ressource de la famille. Si la mère tombe épuisée de fatigue, elle souffre avec plus de patience en voyant ses jeunes enfants soignés et instruits par une Sœur, et le mari, après une journée de rude labeur, est heureux de retrouver l’ordre, la paix et l’union dans un pauvre mais honnête foyer. » M. le curé de Joinville répondit à dom Ledue, en lui exprimant sa reconnaissance pour la fondation des Petites-Servantes-des-Pauvres dans sa paroisse. Ensuite il célébra le sacrifice de la messe, et Notre-Seigneur prit possession du nouveau sanctuaire dédié à sainte Geneviève. Dans la soirée eut lieu une dernière réunion à la chapelle. L’aîné des trois frères, le R. P. Jouin, déve- loppa éloquemment le texte : « Ne.craignez pas, petite troupe, parce que votre Père s'est complu à vous donner son royaume. » ; La cérémonie se termina ‘par la bénédiction du Saint- Sacrement ; et, dès le soir, les Petites-Servantes allaient veiller les plus nécessiteux des malades de la commune. Revenons à notre ami Henry : de même que sa: mère, la régénération des classes ouvrières le préoccu- — 355 — pait vivement; il pensait que le meilleur moyen d’y parvenir était, en tenant compte de la marche du temps, le rétablissement des corporations et des con- fréries. Enthousiasmé par le merveilleux succès de l'abbé Kelping, il résolut d’imiter l’ex-apprenti cor- donnier de Cologne qui, par un travail surhumain, s'était rendu digne du sacerdoce, dans la pensée de se dévouer spécialement au service de ses anciens compa- gnons de labeur manuel. La veille de sa mort préma- turée en 1860, l'abbé Kelping ne comptait pas moins de 80,000 membres de son association d’ouvriers chrétiens, principalement sur les bords du Rhin. Au moyen d’une carte d'admission, les agrégés faisant leur tour d'Allemagne, comme chez nous les compagnons font leur tuur de France, recevaient un accueil fraternel dans chaque ville, où ils trouvaient en outre une hôtel- lerie confortable, de l'assistance en cas de maladie et autant que possible, du travail procuré par les bien- faiteurs ou les confrères de l'association. Pénétré de l'excellence de cette œuvre et de l’utilité de son importation en France, Henry Jouin en fit le principal sujet d’une série d’études qu’il publia dans un recueil, imprimé à ses frais, et qu’il intitula, je crois, Revue des Associations ouvrières. Un des numéros parvint à Mgr de Ségur. L’ardente charité du prélat, ouverte à toutes les idées généreuses, plaçait au pre- mier rang des œuvres à fonder ou à soutenir, celles qui contribuent à réconcilier l’ouvrier avec l’Église. N’a-t-elle pas été sa bienfaitrice dans tous les temps? Puisse-t-il reconnaître bientôt qu’il n’en est séparé, — 356 — pour son malheur et celui de la société française, que par le plus lamentable des malentendus! Sous un tel patronage, l'avenir du recueil était garanti. Appelé à Paris pour en conserver la direction, Henry Jouin, sans négliger de poursuivre le but de ses premiers efforts, le retour des classes populaires à la doctrine de l'Évangile, put se livrer à un autre genre d’études pour lequel il s’était toujours senti une voca- . tion particulière. C’était la critique, au pot de vue de l'idéal, des diverses branches des beaux-arts, princi- palement de la sculpture. Pour son coup d'essai, à l’exemple des maîtres, il entreprit une œuvre d’une extrême difficulté : la bio- graphie de David et l’analyse des productions de son génie. De même que notre célèbre compatriote débuta par le grand Condé, son historiographe commença par deux volumes de format monumental. Une telle har- diesse devait être récompensée: Audaces fortuna juvat. Nombre de juges compétents de la capitale se sont plu à reconnaître que cette monographie est à la hauteur du sujet ; nul d’entre eux ne voulut croire que l’auteur était devenu maître en jugement d'esthétique, comme le professeur devient savant, en enseignant ce qu’il vient d'apprendre. La carrière, une fois déterminée, il fallait trouver un protecteur qui ouvrit la voie à sa passion du travail et à son tact des recherches. M. de Cumont était alors ministre de l’Instruction publique ; il attacha son jeune compatriote à l’une des divisions du département des beaux-arts. Ce choix n’était rien moins qu’une faveur, — 9397 — car, dés son entrée en fonctions, notre ami fut nommé secrétaire de la Commission créée pour dresser l’inven- taire des richesses artistiques que la France possède dans les musées, églises, hôtels de ville, etc. Il suffit d’énoncer le titre de cette mission pour donner une idée de l'immense labeur qu’elle comporte. Jouin sy trouve d'autant plus à l’aise que pour la conduire à bonne fin, il redoute peu de compétiteurs, en fait de connaissances techniques, de rédaction rapide et de persévérance inébranlable. Il n'avait pas craint d’intituler son premier grand ouvrage : David d'Angers, sa vie, son œuvre, ses écrits et ses contemporains. Cette étudè immense, loin d’épui- ser ses forces, ne fit qu’animer sa verve et son courage. Ayant acquis dans ses travaux préliminaires des notions sur tous les aspects et secrets de la sculpture, il s’en assimila non seulement l’esprit, le sentiment, mais encore tous les procédés, tous les termes, comme s’il eût passé sa vie dans les ateliers, à modeler la terre glaise et à manier l’ébauchoir. Avec l'inventaire des collections artistiques, notre infatigable explorateur n’a pas craint d’entreprendre la biographie de tous les sculpteurs auxquels la France a donné le jour. Je n’ose dire le chiffre des milliers d’ymagiers et tailleurs de pierre dont il a déjà révélé l'existence et rédigé les notices. De plus, après avoir fait paraître comme introduction un volume grand in-8°, sur la sculpture en Europe, il a publié pendant huit ans, de 1873 à 1880, sur la section du Salon qui l’inté- resse particulièrement, une revue ex-professo, Consi- dérée comme le tableau le plus complet et le plus — 398 — impartial des vicissitudes de la statuaire à notre époque. Nous ne devons pas omettre des publications de moins longue haleine, mais également dignes d’être notées, qui parurent en même temps que les précé- dentes : d’abord le catalogue de notre Musée, rédigé et. classé avec un esprit d’ordre et un discernement qui en ont fait un modéle pour les établissements analogues ; aussi plusieurs , avons-nous entendu dire, se sont em- pressés de limiter. On relève ensuite dans la liste des ouvrages d’Henry Jouin, sous le titre de Portraits nationaux, une notice historique et analytique des peintures, sculptures, lapisseries, miniatures, émaux, dessins, etc., exposés dans les galeries des portraits nationaux au palais du Trocadéro, en 1878. Le livre ne suffit pas à notre fécond critique pour exprimer toutes les idées que lui suggèrent ses études et son imagination; il a recours à la parole dont il se sert avec autant d’aisance que de la plume; il fait des conférences sur le Génie de l’art plastique, et sortant de son domaine ordinaire, il ose tenter une excursion dans la peinture, en prenant pour thèse, un sujet de l’ordre le plus élevé : Hippolyte Flandrin, — les Frises de Saint-Vincent-de-Paul. Inutile d'ajouter que, dans cette innovation, le succès a suivi comme toujours le vaillant propagateur de l’art chrétien. Pour se reposer de ses grands travaux dont un seul eût absorbé l'existence d’un Bénédictin, il alla visiter les musées, ou, pour mieux dire, les maisons de Ja Hollande, car dans cet heureux pays, chaque maison, — 359 — d'Amsterdam particulièrement, est un musée, ainsi qu'était Paris avant la Révolution. Parvenu à rendre ses mouvements aussi alertes que son esprit, défiant à force de courage et d’adresse les marcheurs les plus ingambes, toujours accompagné de sa mère, il vient de remplir la mission patriotique d’annoter les litres et d'apprécier le mérite de toutes les œuvres de l’École française répandues en lialie dans les collections publiques ou privées. Cette explo- ration a donné lieu à plus d’une découverte précieuse, - et fourni l’occasion à la sûreté de son coup d’œil de restituer à des compatriotes certaines œuvres de mérite dont nos voisins s’attribuaient la paternité. Enfin, Messieurs, nous lisons dans les Mémoires de l’Institut que l’Académie des beaux-arts ayant proposé, pour l’année 1882 — concours Bordin — le sujet sui- vant : Notice biographique et critique sur la vie et les ouvrages de Coyzevox, elle a décerné le prix à M. Henry Jouin, auteur du travail inscrit sous le n° 7, et portant pour épigraphe : Ars longa, vita brevis. Dans votre avant-dernière séance, Messieurs, vous “vous êtes associés aux justes éloges que l’un de nos collègues a faits de cet ouvrage. Son analyse est trop complète pour qu’il soit permis. d’y ajouter quelque chose; seulement, comme elle n’est point précédée de préambule, j'ai cru devoir remplir cette lacune en vous priant, ainsi que notre judicieux rapporteur, d’excuser mon indiscrélion. J’achevais ces lignes, lorsqu'un beau volume grand format, m'arrive par la poste. Il a pour titre : Confé- rences de l'Académie royale de peinture et de sculpture, — 369 — recueillies, annotées et précédées d’une étude sur les artistes écrivains, par Henry Jouin, lauréat de l’Institut (Académie française et Académie des beaux-arts), avec celte épigraphe, bien modeste pour un si bon juge, bien qu’il n’ait pas mis en pratique ses jugements : De pictore, nisi arhfex judicare non potest (Pline le Jeune, lib. [., epist. 1). : Mon siège était fait, mais comment ne pas dire un mot d'un ouvrage remarquable, offert si gracieusement par l’auteur? Notre première pensée fut d’invoquer le souvenir de Racine et de Boileau dans leur histoire des campagnes de Louis XIV : « Sire, vos historiographes se lasseront plutôt d'écrire que Votre Majesté de vaincre...» | Je m’abstiens de donner suite à ce début, d’abord parce qu’on le trouverait trop ambitieux, ensuite parce qu’il est devenu un peu banal. Nous préférons emprunter une citation moins-connue aux touchants mémoires de Louis Racine sur la vie et les ouvrages de son pêre : « Dans la campagne de l’année 1677, les villes que le roi assiégea tombèrent quand il parut; et lorsque de retour de ses rapides conquêtes, il vit à Versailles ses deux historiens, il leur demanda pourquoi ils n’avaient pas eu la curiosité de voir un siège : « .. Le voyage, « leur dit-il, n’était pas long. — Il est vrai, reprit mon € pêre, mais nos tailleurs furent trop lents. Nous leur « avions commandé des habits de campagne; lors- - « qu'ils nous les apportèrent, les villes que Votre « Majesté assiégeait étaient prises. » Cette réponse fut bien reçue du roi, qui leur dit de prendre leurs me- 1 — 361 — sures de bonne heure, parce que, dorénavant, ils le suivraient dans toutes ses campagnes, pour être témoins des choses qu’ils devaient écrire... » Ce ne serait pas une question de pourpoint et de haut-de-chausses qui nous empêcherait de rendre cornpte des ouvrages inédits d'Henry Jouin ; mais nous sommes loin de posséder son ardeur juvénile. Cepen- dant, tout en le suivant de bien loin, nous serons tou- jours heureux de signaler ses succès futurs. Les mé- rites de sa personne et ceux de ses fréres nous ont rappelé la distinction de tous les membres d’une autre nombreuse famille angevine, de la famille Évain, dont nous avons eu le bonheur d'évoquer le souvenir plus d’une fois devant vous, et qui devait, comme celle dont nous venons de parler, la meilleure part de sa réussite à l’éducation d’une mère chrétienne. L. CosNIEr. M. DE DURFORT DE CIVRAC MAIRE DE PONDICHÉRY (1790-1799). Le 29 février 1790, la flûte la Bienvenue mouillait en rade de Pondichéry ; elle apportait des nouvelles d'Europe el l’on apprit dans la colonie tout ce qui s'était accompli en France depuis plusieurs mois. La Révolution de Paris, — c’est ainsi qu’on la nommait — était connue. Elle devait avoir son contre-coup dans nos établissements de l’Extrême-Orient, mais quelle était à ce moment notre situation dans cette partie de Asie ? En 1789, nos possessions dans l’Inde étaient les mêmes que maintenant, et comprenaient les villes de Pondichéry, de Chandernagor, de Karikal, d’Yanaon et de Mahé. Nous avions en outre quelques loges, les principales étaient celles de Surate, de Calicut et de Mazulipatam. La guerre, que nous avions soutenue de 1778 à 1783 pour assurer l'indépendance de l’Amé- rique, avait d’abord été funeste à nos établissements de l'Asie. Chandernagor, Karikal et Mahé, qui étaient des villes ouvertes, s'étaient rendues sans opposer de résis- tance, Pondichéry n’avait capitulé qu'après un siège de — 363 — quatre mois. Notre allié, le sultan de Mysore, Hayder- Ali en était réduit à défendre son territoire. En 1781, les évènements changèrent de face. Le bailli de Suffren était arrivé dans l'Inde avec une flotte et un corps de troupes. Nous reprimes une vigoureuse offensive et la fortune se déclara pour nous. Nos succès se multi- pliaient ; sur ces entrefaites, la paix était signée dans le courant de 1783. L’Angleterre nous restituait nos possessions et, en 1784, le drapeau français flottait de nouveau à Pondichéry et dans les villes qui en dépen- daient. A cette époque, la France paraissait vouloir re- prendre son ancienne politique coloniale. Les projets sur la Cochinchine, dont Dupleix avait jadis pour- suivi l’exécution, étaient à l’ordre du jour; l’attention se portait de nouveau sur Madagascar et l’on songeait à fonder des Comptoirs sur cette grande terre qui commande la mer des Indes. Tout annonçait que le gouvernement de Louis XVI allait donner une vigou- reuse impulsion aux expéditions d'outre-mer et à la colonisation. La nouvelle de la paix avait été favorablement accueillie à Pondichéry. Cependant l’on regrettait de n'avoir pas tiré d’autres avantages de cette guerre qui avait été préjudiciable pour notre commerce dans cette partie de l’Asie. La situation dans l’Inde restait la même. Aussi, la population de notre colonie était inquiète et ne dissimulait pas ses craintes pour l'avenir. Les progrès des Anglais, les forces considérables qu’ils avaient au Bengale et dans le pays de Coromandel, annonçaient que cette riche contrée que Dupleix avait — 364 — rêvé de donner à la France allait bientôt devenir leur conquête. Le successeur de Hayder-Ali, Tippou-Sahib se préparait à la lutte et avait, en 1787, envoyé deux ambassadeurs à Louis XVI. A Pondichéry, l’on connais- sait les intentions du sultan de Mysore, et il en résul- tait un sentiment de préoccupation qui faisait que l’on était en quelque sorte sur le qui-vive. Pour le moment, la paix existait et l’on voulait en profiter. Pondichéry avait une population de 50,000 habitants. C’élait une ville forte, et assez importante. Ainsi que toutes les cités de l'Inde, eile comprenait la ville blanche qui était habitée par les Européens, et la ville noire ou indigène. La première avait perdu de son ancienne splendeur, cependant elle ne laissait pas d'être assez considérable et son aspect était assez coquet. On commençait à y relever les édifices ruinés par la guerre de Sept ans et à lui donner de nouveaux embellissements. Les rues étaient tirées au cordeau et les maisons vastes et bien bâties. Chaque habitation était précédée par une cour plus ou moins vaste; de grands portiques éclairaient le vestibule, d’où un air frais se répandait dans les appartements dont les croi- -sées ne consistaient qu’en persiennes fort délicates. La toiture de ces maisons fort propres était un massif en briques, enduit d’un stuc composé de sable écrasé, de chaux et de coquillage. Ce stuc prenait, en fort peu de temps, la solidité de la pierre. Les rues n’étaient pas pavées et le sol était recouvert de sable qui, par suite de la réverbération, devenait si brûlant, que souvent les Européens n’osaient pas sortir de jour. Pendant la nuit, l’air était au contraire des plus tempérés. — 365 — La ville noire était grande et très peuplée. Toutes les rues étaient droites, fort longues et ombragées d’arbres qui bordaient les maisons. La rue des Tisserands était entièrement garnie d'arbres, et, c'était à l'ombre de leur feuillage, que les ouvriers indigènes travaillaient ces belles mousselines que des artistes peintres embellis- saient de vives couleurs d’où leur venait leur réputa- tion si méritée. Notons cependant que cette industrie avait beaucoup souffert pendant les dernières années et que la situation était loin d’être brillante dans notre établissement. La population européenne formait l'aristocratie de la colonie. L’on comptait environ 7 à 800 blancs, qui, à part quelques fonctionnaires, étaient adonnés au commerce. Parmi les familles les plus influentes, nous nous bornerons à citer les noms de Moracin, de Bury de Saint-Fulgence, de l'Arche, de Kermarquer, de Durfort de Civrac, de Rubien-Gérard, de Vernicourt, de Méry, du Plessis, de Culant, de la Rosière, de Grin- court, de Châteaufur, de l'Étang, de Pilavoine, d'Em- brun, de Mézières, le Normand, le Mercier, de Beauchêne, de Rouville, des Jardins, Saint-Mihiel, de Kerjéan, de Beaussier, de Saligny, du Rhosne, de Laurens, de Saint-Paul, de la Grenée. Notons que les préjugés de race et de couleur, qui devaient avoir de si funestes conséquences aux Antilles, étaient inconnus à Pondichéry. Les Gentils formaient la plus grande partie de la population et possédaient deux grandes pagodes. L’on y trouvait un certain nombre de Musulmans, qui avaient deux mosquées ; l’on comptait seize mille chrétiens — 366 — indigènes, dont cinq à six cents descendaient des Portugais et des femmes du pays, et constituaient une race de métis connus sous le nom de Topas. La ville comprenait deux paroisses : Notre-Dame-des-Anges,-dont les Capucins étaient les pasteurs, était la paroisse des blancs, et la cure des Malabarres, qui était desservie par les Pères des Missions étrangères, était à l’usage des indigènes. Au point de vue spirituel, Pondichéry rele- vait de l'évêché de San-Thomé. Malgré cette diversité de croyances, les habitants vivaient entre eux dans la plus grande harmonie. Pendant la semaine sainte, les * Capucins offraient, comme au moyen âge, les mystères dans la cour de leur couvent, et tout était mis en usage à cet effet, machines et automates. La curiosité y attirait un grand nombre de païens. Du reste, l’esprit d’irréligion qui s’était répandu dans les classes dirigeantes en France, était inconnu à Pon- dichéry. La position de la colonie était excellente au point de vue des relations avec l’Europe. Le commerce pouvait y redevenir florissant et déjà l’on encourageait sérieu- sement la culture des aldées, ce qui indiquait une reprise des affaires. Malheureusement, cette prospérité renaissante fut en grande partie arrêtée par un acte des plus regrettables et que l’on eût pu croire dicté par des gens intéressés à provoquer le mécontentement des habitants de nos possessions dans l’Inde. En 1769, le monopole de l’ancienne Compagnie avait été suspendu et un édit avait accordé à tous les Français la liberté de la navigation et du commerce, . au delà du cap de Bonne-Espérance. En 1784, le gou- 21 407: -2 vernement, cédant malheureusement à des conseils perfides ou maladroits, jugea le monopole nécessaire, et forma une nouvelle Compagnie qu’il substitua à l’ancienne, dont le privilège n’avait été que suspendu. Cette mesure porta un coup terrible à Pondichéry. L’importation des marchandises en Europe était prohibée et le commerce d'Inde en Inde seul était permis. Cette décision avait irrité profondément et à juste titre la population de notre colonie et provoqué un mécontentement général. Le commerce était anéanti. Un autre évènement contribua à jeter le trouble dans les esprits et à leur faire désirer l'inconnu ou tout au moins du nouveau. Quelle allait être dans l'Inde notre ligne de conduite ? Allions-nous nous borner à conserver nos possessions à titre de Comptoirs et tenir un rôle effacé, ou étions-nous disposés à disputer la suprématie aux Anglais et à tendre de nouveau la main à Tippou- Sahib, notre ancien allié qui se préparait à recommen: cer la lutte? Depuis peu il était grandement question de Madagascar. Pour bien des gens, le siège de notre puissance dans la mer des Indes était à l’Ile de France. Pondichéry était alors condamné et ne devait plus être pour nous qu’une possession de second ordre. La garnison européenne qui jusqu'alors comptait 2,500 hommes avait été réduite à cinq cents dans le courant de 1789 et une partie du matériel embarquée pour Port-Louis. Le bruit s'était répandu qu’on ne devait laisser, dans la capitale de nos établissements, qu’un détachement pour y faire la police et y maintenir le bon ordre. Tous ces évènements avaient surexcité à bon droit — 368 — tous les esprits. Il en était résulté une irritation géné- rale. La population était indignée et ne se génait pas pour manifester hautement son opinion. La décision d’évacuer la ville était regardée comme un acte de trahison. Sur ces entrefaites, l’on apprit que Tippou- Sahib avait déclaré la guerre aux Anglais. Cette nouvelle ne fait qu'’augmenter l'inquiétude. L’on s'attend à voir Pondichéry atlaqué, et l’idée qu’on ne pourra opposer aucune résistance exaspère les habitants qui, à partir de ce moment, se considèrent comme menacés par un grand danger. Ce mouvement de l’opinion publique s’accentuait chaque jour et s’affirmait ouvertement. Aussi, un observateur impartial aurait-il pu remarquer des symptômes, peu caractérisés encore, mais qui pouvaient d’un moment à l’autre prendre de la gravité et amener une commotion. Les États-Généraux avaient été convoqués à Versailles. Nos colonies de l’Inde n’avaient pas été invitées à y envoyer des députés et avaient paru, tout d’abord, mon- trer de l'indifférence pour ce qui se passait en France. L'on savait d’une manière vague que de graves évène- ments s'étaient accomplis dans la métropole. Mais encore une fois, l'opinion publique ne semblait pas. s’en préoccuper. L'arrivée de la flûte La Bienvenue fut comme un coup de foudre et la colonie changea immédiatement d'aspect. Le commandant de la Bienvenue apportait l’ordre d'embarquer les munitions et le peu de troupes qui se trouvaient dans la ville. Cette nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Lorsqu'on apprit que l'évacuation de Pondichéry était chose décidée, l’irrila- — 369 — tion fut à son comble. L’on proposait les projets les plus violents et la population paraissait disposée à se porter à des mesures énergiques. Le 25, une foule nombreuse se rassemblait devant l'hôtel du gouverneur et le sommait de livrer aux habitants l'arsenal et le magasin des poudres et de s'opposer au départ des troupes. Elle demandait impérieusement la suppression des droits d'octroi et la formation immédiate d’une milice. Le gouverneur était alors le chevalier du Fresne, qui n’était pas à la hauteur des circonstances et de plus ignorait complètement les affaires coloniales. Du reste, la situation était difficile. Les troupes européennes manifestaient hautement leur intention de se joindre aux cétoyens. Le 26 février, la population se réunissait _ de nouveau, et, à dix heures du matin, elle arrivait devant l'hôtel du gouverneur. Parmi les colons de Pondichéry, Henry de Durfort de Givrac jouissait d’nne grande influence. Il apparte- nait à l’illustre famille de ce nom qui habite actuelle- ment l’Anjou et dont un membre bien justement sympathique a figuré dans plusieurs de nos assemblées politiques et est actuellement député’. Henry de Durfort de Civrac était venu fort jeune dans la colonie. Il avait créé une plantation, une manufacture, et était parvenu à acquérir une certaine fortune. Son mariage avec 1 Cette notice était imprimée lorsque nous est parvenue la douloureuse nouvelle de la mort de M. le comte de Durfort de Civrac, député et président du Conseil général de Maine-et- Loire, décédé à Paris, le 21 février 1884, SOC. D’AG. 9% — 370 — mademoiselle Kelmer, fille d’un officier irlandais qui habitait Madras, l'avait définitivement fixé dans l'Inde. Sa valeur personnelle, son énergie peu commune, son esprit judicieux .et sa grande loyauté lui avaient conquis les sympathies de la population, et il possédait une réelle popularité. Aussi devait-il jouer un rôle marqué et s'imposer en quelque sorte. De Durfort de Civrac avait appris avec tristesse et inquiétude que le gouvernement avait l'intention d’évacuer Pondichéry, et il comprenait le mécontente- ment de la population qui, pendant la dernière guerre, avait donné tant de preuves de son patriotisme. De plus, l'annonce des évènements qui venaient de se passer en France lui indiquait qu’il ne s'agissait pas seulement de quelques troubles ou de quelques sédi- tions. (’était une révolution et il pensait qu’en prenant l'initiative des réformes, l’on pouvait peut-être arrêter la crise ou, tout au moins, la rendre moins redoutable. Ainsi que nous l’avons dit, le 26 février au matin, la population s’était portée devant l'hôtel du gouverneur ; six délégués, au nombre desquels était de Durfort de Civrac, vinrent trouver le chevalier du Fresne et lui remirent une requête signée par quatre-vingt-trois notables habitants. Cette requête était une protestation formelle contre l'évacuation de la ville. Les colons priaient le ‘gouverneur «:de défendre qu’on évacuât aucune munition de la place et de ne laisser sortir aucun soldat. » Il n’y avait aucune allusion aux nou- veaux événements. L’on enjoignait au chevalier du Fresne d’attendre des ordres d'Europe. Les signataires ne doutaient nullement que la bienfaisance du roi ne — 371 — leur donnât raison. Parmi eux figuraient plusieurs religieux, Le chevalier du Fresne, voyant qu’il se trouvait en présence de gens bien déterminés à faire exécuter leur requête, répondit que rien ne serait distrait du matériel de la place et promit de garder la garnison. I] fit appel au patriotisme des habitants et déclara qu’il le regar- dait comme la meilleure défense de la cité. Cette réponse fut accueillie avec enthousiasme. De Durfort de Civrac prit ensuite la parole pour engager la population à rester calme. Il fut acclamé ainsi que le gouverneur et la foule se sépara en criant : « Vive le Roi! Vive la nation! » Le surlendemain, c’est-à-dire le 28, une affiche était posée sur la porte de la principale église. C'était un véritable appel à la révolte. Les auteurs en étaient inconnus. Cette fois, il n’était plus question de s’opposer à l’évacuation de Pondichéry. L’affiche réclamait la suppression du conseil supérieur, la création d’une municipalité et la formation d’une milice. Cette affiche produisit une vive émotion. Des rassem- blements se forment, une foule nombreuse se porte devant l'hôtel du gouverneur, elle demande des armes et la formation d’une milice afin de préserver la ville des dangers qui la menacent. La Révolution était commencée. Le 4er mars, les Européens qui habitaient Pondichéry se réunissent sur le Champ-de-Mars et, se rendant ensuite chez l’un des principaux colons, M. Buri, ils se constituent immédiatement en assemblée et nomment pour président M. de Moracin, et pour secrétaire — 372 — M. Mercier. Cette assemblée se regarda comme loyale- ment instituée quoiqu’elle n’eût rien de constitutionnel et qu’elle se fût convoquée d'elle-même. Elle décida qu’elle se réunirait le lendemain et choisit, pour y siéger, l’hôtel du gouverneur. Ce dernier laissa s'établir ce nouveau pouvoir. C’était une sorte d’abdication. Le lendemain, à neuf heures du matin, /’Assemblée générale des citoyens, comme elle s’intitulait, se réu- nissait à l'hôtel du gouvernement. Le président de Moracin fit, dans un discours patriotique, un appel à la concorde et invita les membres de l’Assemblée à prêter serment à /a nation, au Roi, aux lois. Le chevalier du Fresne répondit avec courtoisie. De Durfort de Civrac lut ensuite un mémoire sur la situation de la colonie et sur le but que l’on se proposait. Ce mémoire est fort curieux ; c'était un programme politique : son auteur demandait une royauté entourée d'institutions consti- tutionnelles et les réformes nécessaires, dont Louis XVI avait pris lui-même la généreuse initiative. L’on y retrouvait les espérances et les illusions qu’avaient partagées un grand nombre de députés aux États- Généraux. L'Assemblée prêta ensuite le serment demandé; on cria « Vive la nation! Vive le Roi! » Une salve de vingt et un coups de canon vint annoncer que la vie politique avait fait son apparition à Pondichéry. _ L'Assemblée entra ensuite en séance. Son premier soin fut de nommer un comité représentatif pour correspondre directement avec l’Assemblée nationale. Ce comité se composait de 53 membres titulaires et de 44 suppléants. L'Assemblée voulut ensuite que Pondi- chéry fût représenté à la Constituante; trois députés, — 373 — de Kerjean, de l'Arche, et Beylié furent élus. De Durfort de Civrac avait refusé : il pensait avec raison qu'il rendrait plus de services en restant dans la colonie. L’on procéda ensuite à une nouvelle division de la ville qui forma trois districts, et il fut décidé qu'un Te Deum serait solennellement chanté, dans l'église Notre-Dame-des-Anges, en lhonneur des événements qui venaient de s’accomplir. Le lendemain, l’on chanta ce Te Deum. La ville était en fête et toute la population était sur pied. Les maisons étaient pavoisées et l’on tirait des salves de mousqueterie. Le contentement se montrait sur toutes les figures. Les indigènes, qui jusqu'alors avaient témoigné assez d’indifférence pour ces nouveautés, prirent part à la manifestation et envoyèrent même une députation au gouverneur. Le 14 mars, le comité représentatif entrait en fonc- tions. Ses pouvoirs étaient assez peu définis. Il n’était guère que la délégation de l’Assemblée générale des citoyens qui continuait de se réunir. Ce singulier mécanisme était de nature à amener des troubles. Cependant il n’en fut rien. La grande question pour Pondichéry était la lutte que Tippou-Sahib soutenait contre les Anglais, et, en outre, le mouvement révolu- tionnaire paraissait pour le moment s’être ralenti. Le comité représentatif s’occupa d’examiner les recettes et les dépenses de la colonie et de régler différentes affaires locales. La question de la municipa- lité fut ensuite examinée et l’on y consacra plusieurs séances, Un parti réclamait la création immédiate d’une municipalité, tandis qu’un autre parti, celui des oppor- L. — 374 — tunistes, pensait que le moment n’était pas venu et qu’il fallait attendre. Le comité décida que l’organisation de la municipalité aurait lieu dans un bref délai. Le 19 mai, il s’ajourna pour quelque temps. Un parti démagogique s’était formé à Pondichéry et, pendant les trois mois qui s’écoulérent depuis le 47 mai jusqu’au 20 août, date fixée par le comité pour la reprise de ses séances, il ne négligea rien pour recruter des adhérents. L’un de ses chefs les plus actifs était un homme perdu de dettes, le marquis de Culant. Pour lui, la Révolution paraissait avoir pour but unique de lui fournir l’occasion de se mettre à la tête de la colonie. Il était doué de cette éloquence qui consiste en phrases creuses et sonores et a le don d’en- traîner les masses. C'était lui qui dirigeait le mouve- ment. Il gagnait chaque jour de nouveaux partisans et le succès lui paraissait certain. Le comité représentatif se réunit le 20 août. Bien avant la séance, une foule nombreuse avait envahi la galerie destinée au public. A voir son attitude, l’on pouvait penser qu’elle n’était pas venue uniquement pour entendre la discussion des lois et des décrets. La séance est ouverte. Le marquis de Culant faisait partie du comité. Il paraissait radieux. Un coup d’œil, jeté sur les spectateurs lui avait indiqué que ses partisans étaient en grande majorité. On donne lecture du procès-verbal. De Culant se lève et présente quelques observations assez mal fondées, puis il réclame impérieusement la création immédiate d’une municipalité. La foule applaudit. De Culant, qui se sent appuyé par ses partisans, accuse de — 375 — trahison la plupart des membres du comité et dépose sur le bureau un mémoire qui n’est qu’un odieux libelle. Cette sortie violente avait l’assentiment des specta- teurs qui applaudissaient à chaque instant et criaient : « Bravo! Vive le marquis!» On donne lecture du mémoire : dix-huit citoyens, dont quatorze faisaient partie du comité, étaient désignés pour la proscription. Le président veut parler : il est menacé et sa voix est couverte par les clameurs. Pilavoine, un ami du marquis de Gulant, se lève et propose l'arrestation des partisans du gouverneur et de faire battre le tambour pour appeler la population indigène aux armes. Le tumulte est à son comble et l’Assemblée paraît terrifiée. De Durfort de Civrac était au nombre des proscrits. Il interpelle de Culant et ses partisans. Le tumulte ne l’effraie pas, il parvient à le dominer et signale à la haine des gens de cœur le mémoire qui n’est qu’une série de calomnies. « Si la peine de mort existe pour les traîtres, » s’écrie-t-il, « quel est le châtiment réservé aux calomniateurs? » Sa parole vibrante de colère, son langage énergique déconcertent de Culant et ses adhérents. Les mêmes spectateurs qui criaient tout à l'heure : « Vive le marquis de Culant! » applau- dissent de Civrac. Le libelle est repoussé. Le lendemain 21 août, une assemblée générale des citoyens est convoquée. La scène violente de la veille avait indigné la population honnête qui, voyant qu'elle avait trouvé un chef dans de Durfort de Civrac, paraissait disposée à résister à la démagogie. Plusieurs fauteurs de troubles furent arrêtés. Le 24, une nouvelle assem- — 376 — blée avait lieu. La modération y dominait et de Durfort de Civrac était tout-puissant. De Culant, qui voyait que l'influence lui échappait, essaya de fomenter une émeute en promettant le pillage. Le complot fut décou- vert. De Culant prit la fuite ; plusieurs de ses partisans furent arrêtés et embarqués pour l’Europe. Le comité représentatif reprit ses travaux. Une municipalité fut organisée et de Durfort de Civrac, qui personnifiait la résistance à la démagogie, fut nommé maire. Les autres membres de la municipalité apparte- naient au parti modéré. | La mairie de Pondichéry était une lourde tâche. Le commerce était anéanti, la population inquiète des progrès des Anglais, et la misère commençait à se faire sentir. De plus, l’on ne pouvait guëre compter sur la garnison pour maintenir l’ordre ; les officiers européens avaient formé un club et à différentes reprises les cipayes s'étaient soulevés. Les nouvelles que l’on avait reçues des autres établissements étaient des plus tristes : Chandernagor s'était érigé en commune, Yanaon était, en fait, indépendant, et Mahé en proie à la guerre civile. Des troubles avaient eu lieu à Karikal et le gouverneur du Fresne, sur l'avis de Durfort de Civrae, s’élait décidé à occuper militairement cette ville. Cet acte énergique avait immédiatement donné confiance. De Durfort de Civrac. ne se dissimulait pas les diffi- cultés et il savait qu’il était seul. Rien ne pouvait le décourager et il se multipliait à chaque instant. Le comité représentatif, effrayé de la responsabilité qui pesait sur lui, voulait s’en décharger. Le 8 juillet 4794, les citoyens étaient convoqués pour nommer une — 371 — assemblée chargée d’administrer la colonie, de discuter _les affaires locales et de correspondre avec la métro- pole. Pondichéry devait nommer quinze députés et trois suppléants, Chandernagor trois députés et un suppléant ; Karikal, Yanaon et Mahé, chacun un député et un suppléant. Dès que les élections furent terminées à Pondichéry, le comité représentatif se déclara dissous et l'assemblée coloniale entra immédiatement en séance. Pour le moment, le calme paraissait être revenu. De Durfort de Civrac ne négligeait rien pour rassurer la population et maintenir la tranquillité. Cependant la situation était loin d’être rassurante et l'inquiétude dominait. La guerre continuait entre les Anglais et Tippou-Sahib, et celui-ci avait subi plusieurs défaites. Le bruit d’une rupture entre Paris et Londres commen- çait à circuler et l’on s'attendait à un nouveau siège. Malgré des renforts venus d'Europe et de l'Ile de France, la garnison ne comprenait que mille Européens, mille cipayés ét deux compagnies d’artillerie. De plus, les fortifications élaient én mauvais état. Dans la séance du 31 août 1791, l’assemblée colo- niale s'était prononcée pour l’organisation de la garde nationale. À voir l'importance que l’on attachait à ce mot, l’on eût dit que l’on avait trouvé un moyen infail- lible d’assurer la sécurité et de se défendre contre l'Angleterre. De Durfort de Civrac partageait cet enthou- siasme et, en qualité de maire de la ville, il ne cessait d’insister pour que l’on ne perdit pas de temps. Les habitants se réunirent en assemblée générale à plusieurs reprises, notamment les 15 et 20 octobre 1791, et la garde nationale fut organisée. — 378 — Ce fut le signal du trouble et la guerre civile faillit éclater. De tout temps, la population de la colonie avait formé des milices, et un appel aux armes n’avait rien d’extraordinaire. Dans la milice, les Européens et les Topas constituaient des compagnies distinctes qui s’en - tendaient parfaitement, les préjugés de caste et de couleur étant, comme nous l'avons dit, inconnus à Pondichéry. La garde nationale devait avoir le pas sur l’armée régulière. Les troupes nouvellement arrivées d'Europe, obéissant à un mot d'ordre, déclarérent qu’elles étaient prêtes à céder la droite à la garde nationale formée par les blancs, mais non aux compagnies composées des hommes de couleur. Une députation vint trouver le gouverneur et lui signifia la décision des soldats de la garnison. | C'était ainsi la Révolution qui donnait naissance, à Pondichéry, au préjugé de couleur. Les Topas, indignés de voir que les blancs qui venaient de débarquer, tout en ayant sans cesse à la bouche le mot « égalité », voulaient les traiter comme des êtres inférieurs, mani- festèrent hautement leur mécontentement. De Durfort de Civrac, en qualité de maire de la ville, prit leur parti avec énergie et fut soutenu par la municipalité ainsi que par la plupart des blancs de la garde nationale. Le gouverneur, encouragé par l’opi- nion, résista aux prétentions des soldats qui n’osèrent pas protester plus longtemps. Une autre circonstance montra plus clairement encore combien les idées nouvelles avaient fait peu de chemin. — 379 — En 1790, l’Assemblée nationale avait aboli la vie monastique, un décret supprimait les couvents; aux colonies, le clergé était presque exclusivement com- posé de religieux, et à Pondichéry, de Capucins et de Pères des Missions étrangères. Les Capucins avaient plusieurs écoles où ils enseignaient gratuitement la lecture, l'écriture, le calcul, le dessin et les éléments d'histoire et de géographie. Le décret de 1790 chassant les religieux, il ne resta plus que deux capucins dont l’un vieux et infirme, et la maison des Missions étrangères ne fut plus habitée que par des prêtres malades ou trop âgés pour quitter la colonie. Les écoles furent fermées et les églises à peine desservies, au grand mécontentement de la popu- lation. Les habitants résolurent de s'adresser à l’Assemblée nationale. Une assemblée générale des citoyens se réunit sous la présidence du maire, de Durfort de Civrac. Tous les membres présents signérent une pétition, qui était une protestation contre le décret de 1790 et faisait connaître le triste état où l’on avait réduit le culte. L’on demandait avec insistance que la métropole voulüt bien envoyer des prêtres, afin que l’on ne fut pas privé des secours de la religion. Cette pétition fut déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale : inutile de dire qu’elle n’eut aucun résul- tat. Cependant, l’on ne saurait trop faire remarquer le courage des signataires qui, loin de céder aux craintes, osérent ainsi montrer leur indépendance et revendi- quer la vraie liberté qui, hélas! était alors bien méconnue. — 380 — L'année 1791 s’acheva tant bien que mal. Il n’y eut aucun trouble à Pondichéry et cependant l’inquiétude ne faisait que croître. Le commerce était à peu près anéanti et Le travail commençait à manquer. La popu- lation, qui fournissait des tisserands et des peintres sur toile, portait son industrie à l’étranger et émigrait à Madras. La fabrication des tissus n'existait plus, le numéraire devenait de plus en plus rare, les exportations à peu prés nulles, et l’on abandonnait la culture des aldées. La crise s’accentuait etles souffrances augmen- taient chaque jour. Aussi, la situation était-elle des plus inquiétantes. Le calme dont jouissait la colonie n’était que passa- ger. Au commencement de 1792, l’on pouvait remar- quer une agitation plus grande. La guerre avec l'Angleterre était considérée comme une chose certaine, et l’on suivait avec anxiété les efforts désespérés de Tippou-Sahib. Sur ces entrefaites, un évènement imprévu faillit amener une émeute. Le drapeau tricolore, que la colonie avait adopté, avait été arboré sur la place d'armes. Il disparut dans la nuit du 5 au 6 février 4792. À cette nouvelle, la ville est en émoi. Des rassemble- ments se forment, et l’on dit qu’une conspiration a été ourdie par les aristocrates qui se proposent d'appeler les Anglais. À Les auteurs du complot sont bientôt ne une femme, qui s’occupait de magie, avait évoqué différents esprits qui lui avaient indiqué, comme coupables, les officiers des troupes européennes, connus par leurs opinions arisiocrates. Ce bruit se répand dans toute la ville ; des cris de mort sont proférés contre ceux-ci; — 381 — on les connaissait, les esprits avaient parlé et il fallait frapper les traîtres. En apprenant ce qui se passait, l’Assemblée coloniale s'était réunie, et avait édicté des peines terribles contre ceux qui outrageaient les couleurs nationales. Une enquête fut commencée et l’on engagea les officiers à ne pas se montrer en public. De Durfort de Civrac se rendit chez la prétendue sorcière et lui demanda son procédé pour évoquer les esprits. Cette mégère répon- dit qu’un caporal lui avait raconté qu'il avait été témoin de l'enlèvement du drapeau et qu’elle connais- sait la maison où il avait élé caché. L’on se rendit au lieu indiqué et l’on ne trouva rien. La municipalité interrogeait en mème temps plusieurs autres dénon- ciateurs. Leurs dépositions se contredisaient. La popu- lation reconnut enfin que les officiers étaient innocents. Une tireuse de cartes avait failli amener la guerre civile dans une ville de cinquante mille âmes! L'Assemblée coloniale était loin de rester inactive et montrait une activité fiévreuse. Les projets de lois et de décrets se succédaient sans discontinuer. Il est vrai que ces discussions n'avaient pas un résullat bien pra- tique et portaient sur la garde nationale, le jury, l’organisation de la municipalité et la formation du corps électoral. Cependant le calme était maintenu, et de Durfort de Civrac, par son énergie, imposait silence à la démagogie. Le 14 juillet 1792 fut célébré à Pondichéry. La garnison était sous les armes et l’Assemblée coloniale allait solennellement entendre chanter un Te Deum à — 382 — l’église Notre-Dame-des-Anges. Les maisons étaient pa- voisées et des tables avaient été dressées, sous des tentes, dans les rues. La population tout entière prit part à ces réjouissances et l’on voyait confondus européens et indigènes, officiers, soldats et cipayes. La concorde paraissait régner dans tous les rangs et de nombreux toasts furent portés à l’Harmonie, à la nation, à la, Constitution, au roi, à l’union des peuples, etc. La mairie de Pondichéry était un lourd fardeau et cependant de Durfort de Civrac était plus actif que jamais. Depuis quelques semaines, la fatigue avait alléré sa santé, et, le 18 août, il succombait à la peine. Ïl mourait pour ainsi dire sur la brèche. Son acte de décès constate en quelques mots son zèle et son dévoue- ment. Il nous dit qu’il était âgé de quarante-cinq ans et en même temps est muet sur le lieu de sa naissance. Il ajoute que le maire de Pondichéry était maréchal de camp. Ce titre nous étonne. De Durfort de Civrac n’avait jamais porté ce titre de son vivant, et nous n'avons relevé aucun acte officiel le lui donnant. Aussi, nous inclinerions à croire que ce titre lui avait été conféré avec la signification de commandant de la garde nationale. | La mort de Durfort de Civrac fut une perte irrépa- rable pour Pondichéry; il n’y avait aucun homme capable de le remplacer, et la démagogie eut dès lors le champ libre ; au mois de septembre une émeute éclata et le sang coula. | Pendant la courte période qui a constitué sa vie politique, de Durfort de Civrac révéla des qualités — 383 — supérieures qui indiquaient un homme d'État, etilest à regretter qu’il n’ait pas eu un théâtre plus vaste que celui de Pondichéry. En tout cas, il s’est fait suffisam- ment connaître pour avoir droit à nos sympathies et se montrer digne du nom illustre qu’il portait. H. CASTONNET-DESFOSSES. LE PHYLLOXERA EN ANJOU L’insecte américain destructeur de nos bonnes vignes de France vient d’être signalé en Anjou (juin 1883). sur la commune de Martigné-Briand. Depuis plusieurs années, nous redoutions son appa- rition tout en espérant que sa marche enÿahissante se ralentirait aux approches des limites de la vigne. Vain espoir ! Actuellement, nous devons courber la tête devant ce nouveau fléau, pour la relever toutefois, de suite, dans la lutte. Le phylloxera ‘ est originaire d'Amérique où il empécha toute culture de nos cépages français, trop tendres pour lui résister. Tombé en Europe, par le transport de cépages américains, il fut signalé en 1863 dans un vignoble près de Roquemaure (Gard). Son extension fut telle, qu’actuellement on compte plus de quarante départements envahis. f Signalé depuis deux ans dans la Vienne et l’an dernier à Loudun, il atteignait déjà quelques-unes des vignes de Martigné-Briand, sans se révéler. 1 Insecte hemiptère homoptère, tribu des phylloxériens, phylloxera vastatrixæ de Planchon, 1868. — 385 — Depuis environ un an, des plants de pineau rouge attiraient l'attention de nos vignerons, par leur dépé- rissement. Mais, ce n’était qu’un résultat de l’action des rigoureux hivers 1879 et 1880. Néanmoins, sur ces entrefaites, M. Taugourdeau, médecin et adjoint de la commune de Martigné, fut amené, dans les premiers jours de juin dernier, à soupçonner la présence du phylloxera dans un clos dit de La Pépinière, touchant à l'Ouest les dernières maisons du bourg de Martigné. M. J. Merlet, maire de la commune, en avisa de suite les autorités préfectorales. Une constatation officielle du comité de Saumur eut lieu le 42 juin 1883, et M. Peton, membre de ce comité, reconnut au milieu des vignes envahies, dans le lieu dit La Pépinière, le cépage américain désigné sous le nom de Jacquet. Le 15 juin, M. le préfet Jabouille, prenait un arrêté interdisant toute sortie des plants de vigne quelconque, de la commune de Martigné-Briand. Le 17 juin, M. Couanon, délégué régional du minis- tère de l’agriculture, vint reconnaître les taches : il fit organiser des équipes de recherche, pour inspecter toutes les vignes du voisinage, sous la direction de M. Millet, conducteur des ponts et chaussées. De son côté, M. Th. de Soland, député, agissait près du ministère, pour obtenir un transport rapide du matériel nécessaire aux injections de sulfure de car- bone. Depuis, le traitement du sol a été opéré sur les diffé- renis points signalés de la commune de Martigné. Ces points sont les suivants : 1° Le clos de la Pépinière, touchant au bourg; SOC. D'AG. 25 — 386 — 20 Les vignes du voisinage, sur une surface d’envi- ron deux hectares. Toutes les souches ne présentent pas les traces du phylloxera. Il se trouve même plu- sieurs rangs indemnes ; 830 Le quartier des Péhu, vers le champ Horeau, vignes situées à 250 mètres N.-N.-E. du bourg; 4° Une tache dans une vigne située au nord du bois de Girondeau, à 1,200 mètres Est de Martigné et proche du village de Maligné, dont le vin a de la renommée. Maintenant, d’autres points ont été signalés en dehors de la commune de Martigné : 1° À Machelles, le 24 juin, par MM. Lavau de Lassay et Bouchard, au lieu dit la Guimordiére ; 20 À Gonnord, par M. de Cambourg. Des sondages pratiqués sur la commune de Tigné, n’ont fait reconnaître aucune trace de phylloxera sur ce point. Pour l’époque d’invasion, l’on ne peut émettre que des conjectures, je dirai, avec réserve, des soupçons. Ce moment pourrait bien remonter à trois ou quatre ans. Un examen attentif eùt-il pu décéler plus tôt la présence de l’insecte dévastateur ? A cette question, l’on peut répondre par, l’affirmative, mais avec cette condition qu’il eût fallu, dans les endroits contaminés, des personnes très expérimentées sur les premiers indices d’atteinte du phylloxera. sh: Ces indices ont été, du reste, décrits, mais la meilleure description ne vaudra jamais l'observation. Un caractère nous a surtout frappé, celui de la déco- loration des feuilles. Les pieds, fortement pris, pré- — 387 — sentent au printemps des feuilles nuancées comme en automne. Les sarments sont rabougris, rachitiques. Quant à déterminer exactement la présence de l’insecte, il suffit d’examiner les racines et radicelles à l’aide d’une bonne loupe. Je n’insiste pas sur ces points bien connus. Pour les mesures prises et à prendre, jusqu’à nouvel ordre, les injections insecticides paraissent indiquées. Si plus tard l’extension du phylloxera .devenait telle, que presque toutes les vignes se trouvassent compro- mises, il ÿ aurait lieu, alors, de discuter pour savoir si l’on devrait persister dans le traitement par les insec- ticides ou aborder la culture des plants de résistance (Riparia, Solanis, Yorck-Nurdeira ou autres porte- greffes), afin d’y greffer nos bons vieux cépages fran- çais. Il est reconnu aujourd’hui que le mode de la greffe réussit parfaitement. Je ne parle pas ici des ati oi de vignes, peu praticables sur nos coteaux d’Anjou. Au surplus, pour que le rendement couvre largement la dépense, il faut des vins plus rémunérateurs que les nôtres. Nous pouvons seulement espérer voir le phylloxera épargner les vignes des terrains humides, et plus par- _ticulièrement dans les parties basses. C’est un fait bien acquis à l'expérience, dans les environs de Bordeaux. Dr H. Goparr. RÉSUMÉ CLIMATOLOGIQUE DE L'ANNÉE 1883. Premier semestre. MESSIEURS, La météorologie, dans son ensemble, s’occupe de tous les phénomènes qui se produisent dans l’atmos- phère, ou à la surface du sol; elle en recherche l’ori- gine, la cause, la nature, et, faisant la synthèse du résultat de ses observations, elle essaie d’en tirer les lois qui président à toutes les perturbations climatolo- giques. Ces lois étant connues, tous ceux qui ont à craindre les troubles atmosphériques pourraient plus facilement s’en garder. Le marin, par exemple, s’il savait les lois exactes d’après lesquelles se produisent les tempêtes, n'aurait aucune peine à les éviter. Con- naissant les régles qui président à la formation du cli- mat de son pays, l’agriculteur saurait comment se conduire dans son labeur de chaque jour. Ensemble vaste et magnifique, encore loin d’être atteint, mais cependant en voie de réalisation. — 389 — Avant de vous exposer les observations météorolo- giques, faites au pensionnat Saint-Urbain, pendant les six premiers mois de l’année 1883, permettez-moi, Messieurs, de fixer votre attention sur la météorologie agricole qui est peu connue et trop peu étudiée; Fa- griculture, du reste, a droit de cité parmi nous. La plante n’a pas seulement besoin pour naître, se développer et produire des fruits, du sol où elle est fixée, et de l’engrais destiné à sa nutrition, il lui faut encore certaines conditions climatologiques qu'il est utile d’étudier. Sans doute la connaissance du terrain, où se produit son travail journalier, est absolument nécessaire à l’agriculteur, mais elle ne suffit pas, car les phénomènes de l'atmosphère ayant une grande influence sur la végétation, l'étude des météores est indispensable à ceux qui se livrent aux travaux des champs. : La chaleur, la lumière, l'air et l’eau, j'ajouterai en- core l'électricité, sont les agents nécessaires à la vie d’une plante. Passer en revue, même sommairement, ces cinq conditions, serait trop long pour ce rapport; je laisse donc de côté, avec l’espérance d’y revenir plus tard, l’air, la chaleur, la lumière et l'électricité pour. ne m'occuper que de l’eau indispensable à la plante. Vous savez tous, Messieurs, que sans eau, un végétal ne peut ni se former ni se développer. Ge liquide est le dissolvant, le véhicule des matières nutritives, en même temps qu’il favorise et aide le travail intime que ces matières doivent subir avant l'assimilation. Il est un principe de physiologie organique ; toute substance pour être assimilable doit être dissoute. L’eau pénètre » — 390 — dans les plantes, par les racines, apportant, avec elle, les matières minérales. Formées dans le sol par une suite de combinaisons chimiques, ces substances se sont dissoutes, et ont été aspirées avec l’eau, sous l’in- fluence de lois physiques, qui produisent un phénomène nommé endosmose. L’évaporation de l’eau, à la surface des feuilles, faisant le vide dans les vaisseaux séveux, favorise aussi cette absorption par les racines. L’eau est encore nécessaire à l’élaboration chimique, qui se produit dans les cellules du végétal, en fournis- sant de l’hydrogène et de l’oxygène. C’est ainsi que, par l’action de la lumière, le carbone de l’acide carbo- nique absorbé, se combinant avec l’eau, forme de l’amidon, de la fécule, du sucre et une foule d’autres produits que l’industrie retire des plantes. Nous avons donc prouvé qu’une certaine quantité d’eau était indispensable aux végétaux, mais l'excès ne leur est-il point nuisible ? Jusqu’à ces derniers temps, on avait toujours pensé que le mauvais état des récoltes de blé, dans les années pluvieuses, devait être atiribué à la trop grande abondance d’eau tombée. Mais plu- sieurs météorologistes en rejettent la faute sur la dimi- nution de lumière, le ciel étant presque continuelle- ment couvert dans les temps de pluie, et prétendent que l'excès d’eau n’y est pour rien. Cette opinion me paraît exagérée. Il est un proverbe qui dit : le berger et le bouvier ne peuvent vivre gras- sement en même temps ; c’est-à-dire qu’une bonne année de fourrage sera mauvaise pour les grains. Or les années pluvieuses donnent des loins en abondance, elles sont donc très pauvres en froment, et la statis- — 391 — tique des récoltes prouve que le dicton est presque tou- jours vrai. Pourtant, dans ce cas, il y a diminution de lumière, pour l’herbe de nos prairies comme pour le blé de nos champs, et l’élaboration chimique, arrêtée par la faiblesse de l’action lumineuse, doit faire défaut aussi bien dans les foins que dans les froments. Il me semble donc bien difficile d'admettre que la lumière seule soit en cause dans une telle occurrence. Après avoir exposé ces principes, je vais, Messieurs, vous donner rapidement le résumé des observations météorologiques du premier semestre de l’année 1853; puis, pour terminer, nous comparerons à la quantité de pluie tombée et à l’état hygrométrique de l’air, la ré- colte de cette année. Le mois de janvier présente une moyenne baromé- trique de 760mm. Nous remarquons, au commencement de la première quinzaine, une hausse très accentuée de la colonne de mercure, mais vers le 13, il s’est pro- duit une forte dépression. La seconde partie du mois correspond constamment à la moyenne. Le thermo- mètre n'indique pas un grand abaissement dans la température, la moyenne du minima est de 1°,8 et celle du maxima 7°,9. Les grandes pluies de l’année der- nière ont pourtant un peu cessé et, au lieu des chiffres _“élevés que nous obtenions, nous n’avons à enregistrer au pluviomètre que nm, 7 pour ce mois. Malgré cette petite quantité d’eau, l'air a été très humide; plusieurs forts brouillards ont couvert la terre et le psychromètre nous donne à peine 4° de différence entre les deux ther- momèêtres. Le vent a constamment changé de direction pendant ce mois, signe d’un climat très incertain. — 392 — La dépression barométrique, signalée dans la seconde partie de janvier, se continue dans la première quin- zaine de février ; mais les derniers jours la colonne mercurielle s'élève rapidement et le 93 elle atteint 782mm 7. La température est plus élevée que dans le mois précédent, le maxima nous donne 11°,4, et le minima 10,5 comme moyennes mensuelles. La pluie cesse de plus en plus, et nous n’avons, pour ce mois, que 20mm,8 à noter au pluviomêtre. Comme en jan- vier, l'atmosphère est toujours très chargée de vapeur d’eau, ainsi que nous le prouvent, et le psychromètre, qui marque une faible différence entre le, thermomètre sec et le thermomêtre humide, et, aussi, l’évaporo- mètre, qui n'indique que 26mm,6 d’eau évaporée, pen- dant les vingt-huit jours du mois de février. Aucune fixité dans la direction du vent n’est à signaler ; ce sont les vents du sud qui ont régné le plus longtemps. Le mois de mars nous donne une faible moyenne barométrique, 759mm,5 seulement. Les jours pluvieux ont été peu nombreux et pourtant le pluviomètre a . enregistré 44mm,5 d’eau tombée. L’évaporation a été peu abondante, la somme est de 22mm, Le psychro- mètre indique toujours un temps très humide. Le ther- momèêtre maxima marque 100,8 et le minima 10,2, moyennes moins élevées toutes deux qu’en février. Le vent nous esl venu du nord pendant la plus grande partie du mois, apportant avec lui un peu de neige qui est restée peu de temps sur la terre. La colonne mercurielle ne s’élève guëre plus en avril que dans le mois de mars ; la moyenne n’est que de 7o9mm,9, Pourtant, pendant ce mois, nous ne OU — comptons que six jours de pluie et 21mm,1 seulement au pluviomètre. Mais, un certain nombre de brouillards et des nuages nombreux venaient arrêter l’action du soleil, aussi l’évaporation, quoique un peu plus rapide que dans le mois précédent, ne nous donne encore que 96mm,9. La vapeur d’eau est toujours très abondante, comme nous l'indique le psychromètre. La température s’est relevée ; le minima, qui marque 3°,8, comme moyenne, n’est pas descendu au-dessous de 0; le maxima est monté jusqu’à 29° au commencement d’a- vril et sa moyenne est 160,8. Presque tout le mois, la direction du vent a été nord ; du 15 au 20 seulement nous avons eu quelques vents de l’ouest et du sud. Le mois de mai a été relativement beau, mais la pression barométrique a toujours été très basse, puisque la moyenne est de 756mm,8. Le soleil a brillé pendant dix jours sans aucun nuage ; le reste du temps le ciel a été brouillé et pourtant il est tombé peu d’eau, nous ne comptons, en effet, au pluviomètre que 22°*,7. Il faut noter une assez grande activité dans l’évapora- tion, le total de ce mois est de 39mm,3. Le psychromètre indique une grande diminution de vapeur d’eau dans l'air ; nous trouvons, vers le milieu du mois, une diffé- rence de 6 entre les thermomètres. Le vent a été très changeant et se maintenait peu de temps dans la même direction, pourtant les vents du nord ont soufflé plus longtemps. La moyenne barométrique du mois de juin est un peu plus élevée qu’en avril, nous obtenons 760mm,2 ; cependant la pluie a été plus abondante que dans le dernier mois, puisque le pluviomètre nous donne — 394 — . 89nm,6. Ce chiffre élevé est dü, en partie, à quelques orages. L’un de ces orages, le 4 et le 5, accompagné de grêle, a produit un vrai désastre sur les communes d'Écouflänt, de Saint-Sylvain et de Briollay. Un autre, le 24, venant du sud, après son passage sur Angers, tourné au nord-est ; la foudre frappe une maison de Pellouailles sans occasionner d’accidents de personnes et sans grands dommages. L’évaporomëtre nous donne, comme moyenne, 3omm,6; chiffre qui contraste avec l'humidité de l'air indiquée par le psychromètre. Mais il faut remarquer que le vent a été très fort pendant ce mois, ce qui activait l’évaporation. La température s’est un peu élevée; lé maxima nous donne 950,7 et le minima 12,6 comme moyennes. Les vents humides, sud et ouest, ont régné presque continuellement. L'étude de ce résumé et du tableau que j'ai l’hon- neur de vous présenter nous montre, Messieurs, ce pre- mier semestre moins abondant en pluie que le dernier de 1882; mais nous constatons une grande humidité dans l’atmosphère, et cette quantité de vapeur d’eau doit entrer en cause pour expliquer la faible récolte de cette année. Au commencement du mois de septembre dernier, M. le Ministre de l'Agriculture a fait paraître un rap- port sur l’état des récoltes en France. Le département de Maine-et-Loire y figure avec la mention médiocre. Or ce mot signifie que la récolte de cette année est inférieure à la moyenne de 10 à 20 0}, ; encore faut-il remarquer que cette évaluation a été faite avant le bat- tage, et on a constaté que le rendement du blé n’avait pas répondu à l'apparence des gerbes. Donc la dernière — 395 — récolte a été bien faible. Voyons maintenant comment la pluie a pu, pour une part, causer ce préjudice. Les mois d'octobre et de novembre de l’année 1882 ont été remarquables, entre tous, par la quantité d’eau tombée pendant leur durée. À ce moment le sol arable était, pour ainsi dire, passé à l’état de boue, et c’est à de tels terrains que beaucoup de froments ont été con- fiés. Dans ces conditions, il est évident qu’une grande partie du grain a dû se perdre. Plusieurs agriculteurs, voyant le mauvais état de leurs champs, ont mienx aimé ne pas faire leurs semailles que de les confier à la terre dans de telles circonstances ; de là diminution de fro- ment récolté. D’autres raisons encore ont produit ce faible rende- ment. Vous vous en souvenez, Messieurs, l’année der- nière a été exceptionnellement pluvieuse; l’eau ayant pénétré dans le sol à des profondeurs qu’elle atteint rarement, avait entraîné avec elle une certaine quan- tité des principes nutritifs confiés’ à la terre dans les engrais, et les racines de froment, relativement courtes, ne pouvaient s’enfoncer assez pour s’en emparer. Je dirai en passant que ce phénomène n’a pas dû se pro- duire pour les foins, le terrain des prairies offrant une surface bien plus compacte que celle des champs culti- vés, l’eau n’entraînait pas les substances alimentaires à des profondeurs inaccessibles aux racines. L’évaporation qui doit se produire à la surface des feuilles pour activer l'absorption et la marche de la sève dans les vaisseaux, a été très faible cette année, comme nous l’avons constaté à l’évaporomètre et au psychromètre. La sève contenant peu de matières nutri- 2 gp tives et circulant avec lenteur, ne permettait pas au végétal de former des organes vigoureux et bien cons- titués, et tel épi qui, par le nombre apparent de ses épilets, promettait un bon rendement, donnait quelques grains seulement, la plante trop peu riche ne pouvant nourrir les autres. À de tels maux quels sont les remèdes? Malheureu- sement, les plus efficaces nous ne pouvonsles appliquer, les causes de ces désastres n'étant pas soumises à la puissance de l’homme. Pourtant, si les lois climatolo- giques nous étaient connues, nous pourrions alténuer, dans une certaine mesure, la perte qu’on peut éprou- ver. L’année dernière, par exemple, l’agriculteur, s’il avait prévu les pluies de novembre, aurait pu avancer ses travaux et semer dans de meilleures conditions. Il est cependant un moyen de diminuer le mal, c’est de faire ce que j’appellerai un virement. Ainsi, dans un champ destiné à recevoir du froment, si la terre n’est pas suffisamment préparée, je conseillerais au labou- reur d'attendre la fin de l’hiver et de confier à la terre soit du blé de trois mois, soit toute autre céréale qui ne doit se semer qu’au printemps. Le cas s’est produit cette année : un certain nombre de champs laissés en friche à cause de l'humidité, ont été, au mois de mars, remplis d'avoine et ont donné une récolte magnifique. Je m'arrête, Messieurs, dans cette étude beaucoup trop longue et pourtant encore incomplète. Dans les prochains rapports, j’espère, si ces travaux ne vous semblent pas inutiles, vous parler de l’action que l'air, la lumière, la chaleur et l'électricité exercent sur la vie des plantes. Abbé F. Boucxer. JaVsneg 4 AN3A nQ NOIL93HI0 SELS MisF SEJUNS JHLAUOIANTd , Jaufeg F7FMÇ 3H1IMOUOdVAI 5s han], 3HLAHOUHIASd 0 » en ni auaye| sad YWINIW gr euurxel] 3HAVHIOH1 HOWY 3HL NY 3YLIWOHVa CO UC aaN49 47 a 9ù So Vo C6 06 16 0% GI SI LE OÙ CI Yh EN &+ I O1 G 8. £881 AANNY 1 30 JHLSINIS 1 NO IN0I9O1OHOILIN NVIIAVL NOTICE HISTORIQUE ‘ SUR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS D'ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) FONDATION. La Société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers (ancienne Académie d'Angers) a été fondée le 18 janvier 1898. Autorisée par arrêté ministériel du 95 juin 1831, elle a été reconnue d’utilité pie par ordonnance royale du 5 mai 1835. ORIGINES. La Société d'agriculture, sciences et arts, est la con- tinuation de deux sociétés savantes qui existaient à 1 Cette note a été rédigée par lé secrétaire de la Société en réponse à la circulaire de M. le Ministre de l'Instruction publique du 41 juillet 1881. — 398 — Angers avant la Révolution, l’Académie royale des belles-lettres et le Bureau d'agriculture. ‘ACADÉMIE DES BELLES-LETTRES. L'Académie royale des belles-lettres fut établie par lettres patentes du 10 juin 1685, à la demande du Conseil de ville et sur les sollicitations faites auprès du marquis de Châteauneuf, ministre d’État, et auprès du Roi par Ménage, par Pocquet de Livonnière, alors éche- vin d'Angers, et par Grandet, conseiller du corps de mile Elle tint ses séances jusqu’à la Révolution : son der- nier procès-verbal officiel est du 30 juin 1789, mais elle eut encore quelques réunions postérieurement à cette date, car ce fut pendant une de ses séances qu’ar- riva à Angers la nouvelle de la prise de la Bastille. Elle fut supprimée, comme toutes les sociétés patentées par la Nation, par le décret du 8 août 1793. Elle se composait de trente membres angevins ou nés de parents angevins et, autant que possible, résidant à Angers. Les trente premiers membres furent nommés directement par le Roi; ensuite il fut pourvu aux vacances par l'élection. De 1686 à 1787, cent sept membres furent élus. En 1747, l’Académie s’adjoignit des associés étran- gers à l’Anjou, au nombre desquels on compte Voltaire, Réaumur, Louis Racine, Fréron, Titon du Tilet, Hé- rissant, Desforges-Maillard, Jaillot, le marquis de Tur- billy, Florian, Dureau de la Malle, Aubert du Petit- Thouars et Volney. — 399 — Le bureau de l’Académie se composait d’un direc- teur et d’un chancelier, élus pour six mois et non im- médiatement rééligibles, et de deux secrétaires perpé- tuels. Les travaux de l’Académie d'Angers eurent surtout un caractère littéraire. L’Académie avait cependant projeté, dans les premières années de son existence, d'écrire la vie des hommes célèbres de l’Anjou. Claude- Gabriel Pocquet de Livonnière avait commencé la rédaction de l’Aistoire des illustres d'Anjou, mais ce ‘ travail inachevé est demeuré manuscrit; quelques chapitres seulement en ont été imprimés en 1862 dans la Revue de l’Anjou. Dans la suite, l’Académie ne paraît pas s'être occupée d’une façon particulière de recherches sur l’histoire locale et notamment de copies de chartes. Le dépouil- lement des riches archives ecclésiastiques de l’Anjou se faisait, en dehors de l’Académie, par les soins des Béné- : dictins qui préparaient, au xvine siècle, l’histoire de la Touraine, de l’Anjou et du Maine, dom Léger des Champs, dom Pierre-Vincent Jarneau, dom Maurice Arnauld, dom Augustin Cassard, dom Morice Poncet, dom Jean Colomb et dom Etienne Housseau, qui a donné son nom à la collection de matériaux, aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale, que les Bénédictins avaient rassemblés sur l’histoire de ces trois provinces. L'Académie n’a pas publié de recueil de ses travaux; mais les communications les plus intéressantes de ses membres étaient adressées aux journaux littéraires du temps, notamment à l'Année littéraire, au Journal de Verdun, au Mercure de France, au succès duquel, au — 400 — témoignage de Marmontel, « peu de sociétés ont con- tribué autant, » enfin aux Affiches d'Angers. L'Académie avait institué, dés sa fondation, des prix d’éloquence et de poésie. Elle y joignit, à partir de 1747, des concours sur des questions scientifiques. Les archives de l’Académie sont conservées en partie à la Bibliothèque d'Angers (Mss. 1032 et 1033). Quel- ques extraits en ont été publiés par MM. Blordier-Lan- glois, de Beauregard et Boreau. BUREAU D’AGRICULTURE. Une Société d'agriculture avait essayé de se constituer à Angers d’une façon indépendante, au mois d’avril 1760, sur l'initiative de Jacques Duboys, professeur à l’Université. Cette société avait même voté ses statuts, nommé son bureau et arrêté le plan de ses travaux. Mais, à peine constituée, elle fut transformée par le Ministre en simple Bureau d'agriculture, ressortissant à une Société centrale établie à Tours pour toute la : généralité. Au mois d'août 1660, le marquis de Tur- billy fut envoyé à Angers par le Ministre, pour s’en- tendre avec les fondateurs de la Société d’agriculture. Conformément à l’accord intervenu, un arrêt du Conseil d'État du 24 février 4761 régla l’organisation de la Société d'agriculture de Tours et de ses trois bureaux. Chaqué bureau fut composé de vingt membres et dut se réunir chaque semaine. | Les travaux du bureau devaient comprendre : 1° Une enquête agricole, industrielle et commerciale sur la situation de la province; — 401 — 90 Une histoire naturelle de l’Anjou, dont les membres se partagérent les différents chapitres. Les premiers procès-verbaux du Bureau d’Angers conservés à la Bibliothèque d'Angers (Mss. 1034), le Recueil des délibérations et des mémoires de la Société royale de la généralité de Tours pour l'année 1761 (Tours, 1763, in-8°), enfin un certain nombre de mé- moires adressés au Contrôleur général des Finances et conservés aux Archives nationales sous la cote H 1509, témoignent de l’activité que le Bureau montra à ses débuts. Cette activité se ralentit les années suivantes ; cependant l'institution persista jusqu’à la Révolution”. TENTATIVE DE RÉTABLISSEMENT DES ANCIENNES SOCIÉTÉS (1798). — FONDATION DE LA SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, SCIENCES ET ARTS (1828). Une tentative pour rétablir les sociétés suppri- mées en 1793 fut faite en 1798 par le botaniste Merlet la Boulaye. Une réunion d’une quarantaine de per- sonnes tenue le 24 fructidor an VI décida la création 1 Outre l’Académie des belles-lettres et le Bureau d’agricul- ture, il existait à Angers, au moment de la Révolution, une association de savants, de médecins et d'amateurs qui s'était formée le 17 mars 1777 dans le but de créer un jardin bota- nique et d'organiser des cours publics de botanique. Cette association qui prit le nom de Société des Botanophiles comptait parmi ses membres Merlet la Boulaye, le chimiste Proust, le médecin Chevreul, La Révellière-Lépeaux, etc. On lui doit la création, dans l’enclos de l’ancienne église Saint-Samson, du Jardin des Plantes qui existe encore aujourd'hui. La Société des Botanophiles cessa de se réunir au commencement de 1793 et Merlet la Boulaye demeura seul chargé de la direction du Jardin botanique. SOC. D’AG. 26 — 402 — d’une Société libre d'agriculture, Des sections furent formées et, le 26 ventôse an VII, un règlement arrêté. Mais, après quelques années, la Société cessa de se réunir. | Ce fut seulement dans les dernières années de la Restauration que les efforts tentés pour restaurer les anciennes sociétés savantes d'Angers aboutirent enfin. Voici en quels termes Blordier-Langlois, dans l’intro- duction historique qui ouvre ie tome Ier des Mémoires de la Société (1831), rapporte sa fondation : « Depuis longtemps, à Angers, des savants, des gens « de lettres et des agronomes aspiraient à renouer les _« fils rompus de l’Académie et de la Société d'agricul- «ture. En 1897, plusieurs se réunirent dans ce des- « sein. Des règlements furent rédigés et soumis à l’au- « torité locale, qui permit à la Société nouvelle de « s’assembler provisoirement. C’est de cette époque que « date effectivement l'existence de la Société d’agricul- «ture, sciences et arts d'Angers comme confondant en « elle les deux Sociétés de 1685 et de 1761... Elle « existe donc comme continuation des deux établisse- « ments précédents. » M. Port, dans son Dictionnaire historique de Maine- et-Loire, constate également la filiation historique qui existe entre les anciennes sociétés savantes d'Angers et la Société d’agriculture, sciences et arts : « Après plus de vingt années d'isolement et dans le « vif mouvement littéraire qui est resté l'honneur de «la Restauration, le centre qui manquait à Angers «se créa enfin par l'initiative de quelques esprits « éclairés, Millet, Beauregard, Blordier-Langlois, Pavie ” — 403 — «et nombre d’autres qui entreprirent de renouer les « traditions longtemps chères à la province, et malheu- « reusement interrompues, de l’ancienne Académie des « belles-lettres et du Bureau d'agriculture, sous le titre «commun de Société d'agriculture, sciences et arts. «Une première convocation réunit cinquante-cinq « membres, le 18 janvier 1828; mais la Société ne put « être autorisée par arrêté ministériel que le 25 juin « 1831, et définitivement constituée par une ordonnance « royale du 5 mai 1833. » Depuis cette époque, la Société d'agriculture, sciences et arts (ancienne Académie d'Angers), devenue Sociélé nationale en vertu de l’ordonnance du 5 mai 1833, qui l’a reconnue d'utilité publique, n’a pas cessé de poursuivre ses travaux. Elle a la conscience d’avoir jus- tifié, par les services qu’elle a rendus, le témoignage d'estime que le Gouvernement lui accordait après quel- ques années seulement d'existence. Le Ministre de \VInstruction publique a, du reste, à diverses reprises, par des subventions importantes, montré le cas qu’il faisait de ses travaux, et, il y a quelques années, M. le Recteur de l’Académie de Rennes lui écrivait : « Les travaux de votre Compagnie lui ont fait un _: «renom mérité parmi les Sociétés qui dirigent, dans les « provinces, le mouvement intellectuel. » ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ. La Société d'agriculture, sciences et arts comprend, d’après ses statuts, quatre catégories de membres : 1° Des membres titulaires, au nombre de quaire- — 404 — vingts, résidant dans le département de Maine-et- Loire et payant une cotisation de 45 francs. Cette classe de membres est actuellement au complet ; 20 Des membres associés, dont la cotisation ne peut être supérieure à 7 fr. 50. En fait, cette classe de membres n’a jamais existé; 30 Des membres honoraires qui ne sont astreints à aucune cotisation. Les membres honoraires sont choisis soit parmi les littérateurs et les savants qui ont rendu à la Société des services particuliers, soit parmi les membres titulaires que l’âge, les fonctions ou l’éloi- gnement d'Angers empêchent de participer d’une façon active aux travaux de la Société. Les membres hono- raires sont, en ce moment, au nombre de sept; 4° Des membres correspondants, dont le nombre est illimité et qui paient une cotisation de 5 francs. Ils sont actuellement au nombre de trente. BUREAU. La Société est administrée par un bureau qui com- prend : Un président; Un vice-président ; Un secrétaire général ; Un secrétaire; Un trésorier; Un bibliothécaire-archiviste. La Société a eu pour présidents depuis sa fonda- tion : — 405 — MM. De Beauregard, président de chambre à la Cour d'appel, 1828-1834; Pavie (Louis), 1835; Adville, ancien officier d’artillerie, 1836 ; Gauja, préfet de Maine-et-Loire, 1837 ; De Beauregard, 1838 ; Gaultier, procureur général, 1839 ; De Beauregard, 1840; Planchenault, président du Tribunal civil, 1841 ; De Beauregard, 1842 ; Planchenault, 1843 ; De Beauregard, 1844-1857 ; Courtiller, conseiller à la Cour, 1858-1859 ; Sorin, inspecteur honoraire d'Académie, 1860-1861 ; Adolphe Lachèse, docteur en médecine, 1862-1878 ; Mgr Sauvé, recteur de l'Université catholique, 1879- 1880; M. d'Espinay, conseiller à la Cour, nommé le 14 dé- cembre 1880, actuellement en fonctions. En outre, la Société a, depuis une vingtaine d’années, des présidents d'honneur, au nombre desquels elle est fière de compter ious ceux de nos compatriotes à qui leurs travaux ont ouvert les portes de l’Institut. Voici la liste de ses présidents d'honneur : M. Villemain, secrétaire perpétuel de l’Académie française, décédé en 1870; M. Beulé, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, décédé en 1874; — 406 — M. de Falloux, membre de l’Académie française ; M. Chevreul, membre de l’Académie des sciences; M. Lenepveu, membre de l’Académie des beaux-arts; Mgr Freppel, évêque d'Angers; M. Jac, ancien premier président de la Cour d’appel. Un comité de publication, composé de cinq membres, est adjoint au bureau. BUDGET, Le budget de la Société comprend, en recettes : 1° Le produit des cotisations de ses membres, soit environ 1,300 fr.; 2° Une subvention de 500 fr. qui lui est accordée. chaque année par le Conseil général. Jusqu'à la récente mesure qui a modifié le mode de répartition des subventions ministérielles, la Société recevait du Ministère une subvention de 300 fr. Les dépenses de la Société sont les suivantes : 1° Frais d'impression du volume annuel de ses Mé- moires (1,200 à 1,500 fr.). Le dernier volume publié a 520 pages; 20 Frais de chauffage et d’éclairage, dépenses d’en- tretien, gratification au concierge, etc. ; 30 Abonnements à diverses publications scienti- fiques, historiques et archéologiques qui, jointes aux publications que la Société reçoit par voie d'échange ou de la libéralité du Gouvernement, forment une bibliothèque d’environ 5,000 volumes, ouverte tous les jours aux membres de la Société; 4 Dépenses extraordinaires consistant surtout en — 407 — subventions qu’à diverses époques la Société a accordées pour des fouilles, des restaurations de monuments, etc. La Société n’a pas de frais de loyer. Elle occupe depuis son origine un pavillon situé au Jardin fruitier (boule- vard )du Roi René, dont la jouissance gratuite lui est accordée par la ville d'Angers. PUBLICATIONS. La Société a publié depuis son origine les volumes : suivants : | 4o Mémoires, formant aujourd’hui 38 volumes ainsi divisés : lre série, 1831-1848, 6 vol. in-8°, dont le dernier est divisé en deux parties ; 2e série, 1849-1856, 8 vol. in-8°; æ série, commencée en 1857, formant aujourd’hui 94 vol., plus 1 vol. de planches. Le 25° volume de la 3e série, qui comprendra les travaux lus à la Société en 1883, est en cours d’im- pression et sera distribué dans quelques semaines; 90 Statistique du département de Maine-et-Loire, in-8°, 18492 ; 2% édition, 1850; 80 Souvenirs de l'Exposition de 1839, 1 vol. gr. in-8°, avec dessins de Hawke ; Âo Statistique horticole de Maine-et-Loire, in-8&, 1842; 50 Procès-verbaux de la Commission archéologique; 0° Répertoire archéologique de Maine-et-Loire, 12 vol. in-8°, 1858-1869. — 408 — Une table générale des travaux de la Société est en préparation pour paraître après le quarantième volume des Mémoires. Il n’entre point dans le plan de cette notice d’énu- mérer, même en s’en tenant aux plus importants, les divers travaux qui ont été publiés par la Société depuis son origine. Ces travaux présentent la plus grande va- riété : poésie, littérature, histoire générale, histoire locale, archéologie, beaux-arts, droit, agriculture, sciences physiques, sciences naturelles ont fait l’objet des études de la Société, Il y a lieu cependant de signaler particulièrement deux ordres d’études qui ont été l’objet de travaux dont le nombre et le mérite assurent une valeur durable aux Mémoires de la Société; c’est à saveir l’histoire naturelle et les antiquités de l’Anjou. La faune et la flore du département ont été particu- liérement étudiées par MM. Desvaux, Millet, Boreau et par d’autres membres qui, à l’heure actuelle, conti- nuent dignement dans le sein de la Société les traditions de leurs devanciers. Les trente-huit volumes de nos Me- motres renferment de nombreux catalogues raisonnés d'animaux et de plantes du département et fournissent des matériaux variés pour un travail d'ensemble sur l’histoire naturelle de l’'Anjou. COMMISSION ARCHÉOLOGIQUE. Mais on peut dire que c’est l’archéologie qui, dès la fondation de la Société, a été l’objet des prédilections et du zéle particulier de ses-membres. Aussi, pour donner à cette branche de ses travaux une activité — 409 — plus grande, la Société a-t-elle créé dans son sein, en 1846, une Commission archéologique chargée de veiller d’une façon spéciale à la conservation des mo- numents de l’Anjou, de rassembler et de publier les renseignements et les documents sur les œuvres d’ar- chitecture, de sculpture, de peinture et d’art industriel que renferme le département. Les Procès-verbaux de la Commission, les douze vo- lumes du Répertoire archéologique, les deux volumes des Nouvelles archéologiques de M. Godard qui, bien qu’ils ne fassent pas partie de la série officielle de nos publications, sont le résumé de communications faites aux séances de la Commission, attestent que la Com- mission archéologique n’a point failli à sa tâche. Qu'il nous soit permis ici, malgré la loi que nous nous sommes imposée de ne pas nommer les vivants, de rappeler les signalés services rendus à la Société par M. Godard-Faultrier qui a présidé, pendant plus de vingt années, les séances de la Commission archéo- logique et donné au Répertoire archéologique et aux Mémoires de la Société tant de communications ingé- nieuses et savantes. Par lui, la Société s’est trouvée associée depuis quarante ans à la création et à l’enri- chissement du magnifique Musée archéologique d’An- gers, à la formation duquel cet éminent archéologue a si généreusement consacré son existence toul entière. COMICE HORTICOLE. L’horticulture ne pouvait non plus demeurer étran- gère aux préoccupations d’une Société angevine. Aussi, — 410 — dés les premiers jours, la Société constitua-t-elle une seclion spéciale d’horticulture sous la dénomination de Comice horticole. Le Comice, présidé par M. Millet et dont la première réunion eut lieu le 2 novembre 1838, a rendu de grands services à l’horticulture de l’Anjou. On lui doit la création d’un jardin d’expérimentation, dit Jardin fruitier, dans le terrain du boulevard du Roi René, concédé par la Ville à la Société; la création de cours d’arboriculture et de taille des arbres; la publica- tion en 1842 de la Statistique horticole de Y'Anjou ; enfin l’organisation d’expositions florales, dont la répu- tation a dépassé les limites du département. Le développement pris en Anjou par l’industrie hor- ticole légitimait la création d’une Société spéciale d’horticulture. Aussi, en décembre 1863, le Comice horticole s'est-il transformé en Société d'horticulture désormais indépendante de la Société d'agriculture, sciences et arts, mais qui continue cependant de se réunir : au local de celle-ci. EXPOSITIONS. C’est à l'initiative de la Société d'agriculture, sciences et arts qu'est due la création, à Angers, d'expositions agricoles, industrielles et artistiques. Elle a organisé seule les trois premières : Exposition d’horticulture des 3 et 5 juin 1831; Exposition artistique ouverte le 30 mai 1839 sur l'initiative de MM. Aubin de Nerbonne et Victor Pavie et dont un magnifique volume illustré par Hawke (Souvenirs de l'Exposition de 1839) a per- _ pétué le souvenir ; Exposition de peinture et sculpture — 411 — anciennes el modernes, ouverte le 1er août 1849, avec exposition séricicole annexe ‘. Depuis cette époque, elle a associé ses efforts à ceux des autres sociétés savantes d'Angers, la Société indus- trielle et agricole et la Société d’horticulture, pour l'organisation des diverses expositions qui se sont succédé dans notre ville. CONCOURS. Grâce à la libéralité du Conseil général, la Société a pu, pendant quelques années, ouvrir des concours et décerner des prix. Il suffira, pour faire apprécier la valeur des œuvres que ces concours ont fait naître, de rappeler que, parmi les mémoires couronnés par elle, les Monuments antiques de l’Anjou, de M. V. Godard-Faultrier, et l'étude de M. d’Espinay sur les Cartulaires angevins, ont été, plus tard, honorés l’un et l’autre d’une men- tion par l’Académie des inscriptions et belles-lettres au concours des Antiquités nationales. ŒUVRES DIVERSES. Enfin nous devons rappeler sommairement la part prise par la Société à un certain nombre d'œuvres scientifiques ou artistiques, telles que : Création de cours gratuits de chimie et de géologie ; 1 Un album in-4, illustré de dessins au trait par Hawke, et publié sous le patronage de la Société, a conservé le souvenir de l'Exposition de 1842. — 412 — Organisation du Musée d’archéologie à laquelle, à diverses reprises, elle a participé par des dons ou des subventions ; Subvention accordée pendant plusieurs années pour les fouilles des Châteliers poursuivies sous la direction de M. Godard-Faultrier et qui ont donné des résultats si intéressants (V. les Mémoires lus à la Sorbonne par M. Godard-Faultrier et l'Album de planches publié par la Société) ; Subvention pour le transport au Musée Saint-Jean de la mosaïque du 1ve siècle et de l’hypocauste ro- main, découverts en 1878 sur la place du Ralliement, à Angers; Défense de divers monuments menacés de destruc- tion; | Part prise en 1867 à la défense des statues des Plan- tagenets de Fontevrault, dont le gouvernement impérial avait fait don à la reine d'Angleterre. C’est la Société d'agriculture, sciences et arts qui prit l'initiative du mouvement d’agitation légale auquel s’associérent l'Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des beaux-arts, les barreaux d'Angers et de Paris, les représentants du département, et qui eut pour résultat de conserver à l’Anjou et à la France ces précieux monuments de leur histoire et de leur art. E. LELONG, Secrétaire de la Société. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES SÉANCE DU 9 JANVIER 1883 Les procès-verbaux de la séance précédente et de la réunion spéciale du Bureau sont successivement lus et adoptés. M. le Secrétaire donne lecture de lettres de MM. Joly et Chesnay qui remercient la Société de les avoir admis parmi ses membres. M. l'abbé Hy présente M. le vicomte du Buysson comme candidat au titre de membre correspondant. M. Maisonneuve présente comme candidat au titre de membre titulaire M. Halopé, avocat. M. Pinoteau, éloigné désormais d'Angers, adresse sa démission de membre titulaire. M. Lieutaud donne également sa démission. : M. d’Espinay lit un nouveau chapitre des Chro- niques saumuroises de M. Ratouis, membre correspon- dant. M. d’Espinay commence la lecture de la Légende des comtes d'Anjou, savante réfutation des erreurs de Bourdigné. M. Bouchet lit un résumé des observations météoro- logiques faites à Saint-Urbain dans les six derniers mois de l’année 1882. — 414 — . Dans une simple, mais intéressante causerie, M. le D' Farge donne un aperçu des résultats scientifiques obtenus jusqu’ici sur les relations qui existent entre le poids et la structure du cerveau et la puissance intel- lectuelle. Voici les conclusions que l’on peut dès maintenant indiquer : 1° Le poids absolu du cerveau n’est pas en rapport avec la valeur des facultés intellectuelles, car sur 374 cerveaux d'adultes pesés par Broca et divisés en séries, les séries extrêmes ont donné comme poids moyens 940 et 1650 gr. Or, la série de ceux qui pesaient 940 gr. appartenait à des sujets qui n'étaient nullement dépourvus d'intelligence et, dans la série de ceux qui pe- saient 1675 gr., il y avait beaucoup de bonnes gens inca- pables de travaux intellectuels ; 20 Dans la série animale, le poids relatif ne paraît pas en rapport nécessaire avec le développement intellectuel de l’espèce, car le serin serait le plus intelligent des animaux et l'éléphant n’arriverait qu'à un rang très inférieur ; 3° La symétrie des circonvolutions n’a pas la valeur que lui attribuait Bichat, témoin son propre cerveau très asymétrique ; 4 Le nombre des circonvolutions dans l'échelle ani- male est en rapport avec le degré de perfectionnement des types ; 5° La structure des éléments actifs du cerveau chez l’homme et leur degré de perfection doivent être en rapport nécessaire avec la valeur intellectuelle du sujet, mais ici il faut constater les lacunes de la science ; — 415 — 6° D’après Buffon, le poids du cerveau augmente jus- qu’à 39 ans. Cette limite, d’après les travaux modernes, paraît pouvoir être reculée jusqu’à 41 ans. Cette loi s’applique-t-elle à tous les sujets ? M. le D' Farge, à cette occasion, fait remarquer qu’on n'a guère pu jusqu'ici expérimenter que sur des hommes pauvres et peu adonnés aux travaux d'esprit. On ne connaît qu’en petit nombre le poids des cer- veaux d'hommes célèbres : Cuvier, 1800 gr; Broca, 1400 gr. Le poids de celui de Cromwel paraît peu authen- tique. Une Société s’est formée à Paris, dontles membres s'engagent à livrer leurs cerveaux à l’étude après leur mort; mais, malgré les efforts généreux de cette Société, on n’a encore pu observer que dix-sept ou dix-huit cerveaux de cette catégorie, et encore les sujets étaient- ils d’âges différents et morts de maladies diverses. Aussi M. Farge fait-il appel au dévouement de tous ses col- lègues, afin de vérifier si la loi de Buffon est vraie. Lors même que cette loi se vérifierait plus tard, elle ne prouverait pas la décadence inévitable de l’intelli- gence à partir de cette limite, car la diminution de poids peut provenir de la diminution de la graisse ou d’autres parties non actives. La séance est levée à neuf heures et demie. Le Secrétaire-Général, J.-R. RAVAIN. — 416 — SÉANCE DU 13 FÉVRIER 1883 La séance est ouverte sous la présidence de M. le Dr Grille. L Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Après un rapport sur leur élection, MM. Halopé et vicomte Robert du Buysson sont admis : le premier comme membre titulaire, le second comme membre correspondant. M. L Cosnier donne lecture d’une biographie de feu M. de Lens, inspecteur honoraire de l’Université, ancien membre de la Société. M. le Dr Grille donne lecture d’une pièce de vers humoristique intitulée: Épitre à ma vieillesse. M. l'abbé Bouchet présente le bulletin météorolo- gique du mois de janvier. La séance est levée à neuf heures et demie. Le Secrétaire-Général, J.-R. Ravain. SÉANCE DU 6 MARS 1883 La séance est ouverte à sept heures trois quarts, sous la présidence de M. d’Espinay, président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. La Société archéologique du Finistère demande l’é- — 417 — change des Mémoires. Cette demande est accueillie. M. le Président de la Société archéologique et histo- rique de l'Orne demande des renseignements sur l’ori- gine de notre Société. Il est décidé que le travail fait sur ce sujet par M. E. Lelong pour le Ministère sera imprimé dans les Mémoires de 1883, et qu'il en sera fait un tirage à part pour être envoyé aux Sociétés qui en feront la de- mande. ; La Société nationale et centrale d’horticulture donne avis qu’elle ouvre un concours sur les meilleurs tra- vaux relatifs aux noms patois des plantes. M. d'Espinay donne lecture de la fin de son travail sur la Légende des comtes d'Anjou. Dans ce travail, il est amené à quelques conclusions qui ont motivé quelques objections de M. Godard. M. d’Espinay admet l’existence d’Ingelger, il Le re- garde comme le père de Foulques-le-Roux, mais, consi- dérant que les chroniques qui nous le font connaître n’ont été faites que longtemps après sa mort, il regarde leurs récits comme très douteux. M. Godard observe que ces chroniques ne sont que l'expression d’une tradition qui a traversé les siècles. Nier cette tradition pour de simples doutes négatifs lui paraît grave. Sans doute beaucoup de détails sont pri- vés d'authenticité, mais à ses yeux Ingelger a eu une certaine autorité, quelle que fût sa nature. M. Godard rend compte de fouilles qui ont été faites à Cartigné, commune de Trélazé, et qui ont amené la découverte de constructions romaines importantes. Le plan de ces fouilles fait par le D' Godard est présenté à SOC. D’AG. 27 — 418 — la Société. Il a été trouvé quelques médailles qui seront décrites plus tard. M. Godard présente aussi à la Société un moule à monnaies trouvé à Sceaux (Maine-et-Loire). M. d’Espinay lit un chapitre des Chroniques saumu- roises de M. Ratouis. M. Bouchet présente le bulletin météorologique de février. La séance est levée vers neuf heures et demie. Le Secrétaire-Général, J.-R. RAvaAIN. SÉANCE DU 10 AVRIL 1883 La séance est ouverte à sept heures trois quarts, sous la présidence de M. d’'Espinay, président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Secrétaire donne le dépouillement de la cor- respondance. M. le Président de la Société géologique de Belgique demande l’échange des Mémoires. Cette demande est accueillie. M. L. Cosnier donne avis de la mort du général Prévost, ancien membre de la Société et archéologue trés distingué. L'assemblée s'associe unanimement aux regrels et aux paroles élogieuses prononcées par M. L. Cosnier. — 419 — M. Godard est prié de rédiger une notice destinée à conserver dans nos archives la mémoire des travaux de cet officier distingué. À M. L. Cosnier donne ensuite lecture de son travail intitulé : Léon Boré et ses deux premiers amis (Éloi Jourdain et Cyprien Robert). M. le Secrétaire présente, au nom de M. l’abbé Bou- chet, le bulletin météorologique du mois de mars. La séance est levée vers neuf heures. Le Secrétaire-Général, 3.-R. RAVAIN. SÉANCE DU 8 MAI 1883 La séance est ouverte à sept heures trois quarts, sous la présidence de M. Pavie, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. La Société accepte l'échange des Mémoires avec les Proceedings of the mechanics Institute de l'Ohio. M. Pasquier, du Lude, annonce un procédé pour préserver les vignes de la gelée ; il demande qu’on fasse une pétition au ministère. Ceite demande est renvoyée à M. de Capol. M. E. Lachèse rend compte du travail de M. Jouin sur le sculpteur Coyzevox, ouvrage couronné par l’Aca- démie des Beaux-Aris. | M. le Président ajoute aux paroles élogieuses de — 420 — M. Lachèse en disant que c’est un ouvrage de haute érudition et d’une grande fermeté de style. M. le Dr Grille nous donne en vers un Épisode de la dernière guerre. C’est un trait émouvant d’un patrio- tisme antique. Il nous lit ensuite des stances gracieuses et touchantes adressées au poëte Daillière, son ami, partant pour Lu- chon. : | Dans une causerie instructive, M. Huault-Dupuy nous donne un compte-rendu du Salon qui, cette année, renferme peu d'œuvres remarquables ; parmi celles qui peuvent intéresser les Angevins, il cite un portrait fait par un de nos compatriotes, M. Bruneau. La séance est levée vers neuf heures. Le Secrétaire-Général, J.-R. RAVAIN. SÉANCE DU 12 JUIN 1883 La séance est ouverte à sept heures trois quarts, sous la-présidence de M. d’Espinay, président. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. M. le Secrétaire, dépouillant la correspondance, donne connaissance de deux circulaires ministérielles, l’une concernant la prochaine réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne, l’autre donnant des instruc- tions pour l’observation des coups de foudre. Cette dernière est renvoyée à M. l’abbé Bouchet. — 421 — Un nouveau procédé de chaulage est adressé à la Société. L'étude de ce procédé est renvoyée à M. de Capol. M. d’Espinay lit un compte-rendu du catalogue des objets donnés au Musée Saint-Jean par M. Giffard. M. le Dr Grille donne lecture d’une pièce de vers inti- tulée : « Hommage à MM. les Professeurs de la Faculté des Lettres. » Enfin M. le Dr Maisonneuve donne lecture d’un pre- mier travail sur les Coutumes mortuaires des Tribus indiennes de l Amérique du Nord. C’est le compte-rendu d’un ouvrage considérable publié par l’Institut Smithso- nien des États-Unis. La séance est levée vers neuf heures un quart. Le Secrétaire- Général, J.-R. RAVAIN. SÉANCE DU 17 JUILLET 1883 La séance est ouverte vers huit heures, sous la prési- dence de M. le Dr Grille. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Giffard saisit la Société d’un projet de vœu collec- tif tendant à répandre le goût et l’enseignement des ‘beaux-arts par des collections mises à la portée de tous. L'examen de ce vœu est renvoyé aux membres du Bureau. _— 422 — M. André Joubert fait hommage à la Société d’un travail intitulé : Recherches épigraphiques. M. le Président se fait l'interprète des sentiments de ses collègues et renvoie l’examen de l'ouvrage à M. Go- dard-Faultrier. Parmi les brochures adressées, M. le Secrétaire en signale une qui traite de la liberté de la vente du sel déna- turé. Ge travail est renvoyé à l'examen de M. de Capol. La Société, invitée à souscrire pour l'érection de statues à Raphaël et au général Chanzy, décide que son budget ne lui permet pas de répondre à cette invi- tation. ; M. L. Cosnier donne lecture d’un travail intitulé : Une Famille angevine, dans lequel, d’un pinceau déli- cat, il retrace à ses collègues les traits de trois de nos compatriotes qui se sont distingués dans des carrières différentes. M. Ravain lit un travail de M, le D° Godard sur les ravages exercés par le phylloxera dans les environs de Martigné, les craintes que peuvent avoir les proprié- taires de vignobles et les moyens qu’on pus em- ployer pour conjurer le mal. Enfin la séance est terminée par la lecture de deux pièces de vers humoristiques dues à la verve intaris- sable de notre vénéré collègue, M. le Dr Grille. Elles sont intitulées : Un Drame dans une Sous-Préfecture et Entre Gascon et Marseillais. La séance est levée Vers neuf heures. Le Secrétaire-Général, J.-R. RAvAIN. — 423 — SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1888. La séance est ouverte à 7 h. 1/2 sous la présidence de M. d'Espinay. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. L. Rondeau s'excuse par lettre de ne pouvoir assister à la séance de ce jour, dans laquelle il devait lire un chapitre de son Histoire de la paroisse de Saint- Michel-du-Tertre. * M. le Président donne lecture de deux circulaires ministérielles en date du 3 août 1883, annonçant : 1° l'envoi du programme du Congrès de la Sorbonne en 1884 et le texte de ce programme; 2° l'envoi d’une ins- truction sommaire rédigée par la section des Sciences économiques et sociales du Comité des travaux histo- riques et scientifiques et le texte de ladite instruction. M. le Secrétaire, dans le dépouillement de la corres- pondance, signale deux lettres de Sociétés américaines correspondantes auxquelles M. Bardin est prié de ré- pondre. Il fait la présentation de plusienrs ouvrages offerts à la Société. Une commission, composée de MM. Pavie, Cosnier, Godard-Faultrier et Loir-Mongazon, est chargée d’exa- miner le vœu présenté par M. Giffard à la séance précé- dente. M. d'Espinay lit un nouveau chapitre des Chroniques saumuroises de M. Ratouis, membre correspondant. M. l'abbé Hy présente avec éloge un travail de — 424 — M. Robert du Buysson, membre correspondant, sur le genre Amblysteqium, travail dans lequel l’auteur se montre très réservé dans l'admission d'espèces nou- velles. M. Hy fait observer qu’il serait peut-être utile de garder la même réserve dans l’admission du genre qui est un véritable Æypnum. Ce n’est pas le nombre des espèces rapprochées qui constitue le genre, mais la valeur des caractères. M. d’Espinay étant obligé de quitter la séance, M. Pavie, vice-président, prend place au fauteuil. M. Godard-Faultrier rend compte des Recherches épigraphiques offertes à la Société par M. André Jou- bert et présente cet ouvrage comme véritablement intéressant pour la contrée. M. Pavie remercie M. Godard et développe particu- liérement cette pensée, qu’il faudrait pouvoir toujours admirer les monuments artistiques de la sculpture dans les lieux pour lesquels ils ontété faits. Si l’on veut en faire jouir nos collections, il y a la ressource de les mouler. M. Bouchet lit un résumé des observations météoro- logiques effectuées dans le premier semestre 1883. M. Castonnet-Desfosses fait une conférence très inté- ressante sur la conduite énergique d’un cadet de famille, De Durfort de Civrac à Pondichéry, au commencement . de notre grande Révolution. Enfin la séance se termine à 9. h 1/2 par une tra- duction en vers français du Dies træ, due à l'inspiration de M. le Dr Grille. Le Secrétaire-Général, J.-R. RAVAIN. — 425 — SÉANCE DU 4 DÉCEMBRE 1883. La séance est ouverte à sept heures trois quarts sous la présidence de M. V. Pavie, vice-président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Secrétaire présente à la Société un travail de M. Castonnet-Desfosses, intitulé : Rapports du Tonkin et de la Cochinchine avec la France. Sur le rapport de M. V. Pavie il est décidé qu’un des membres de la Société, délégué pour la réunion de la Sorbonne, sera chargé d'appuyer le vœu présenté par M. Giffard dans une séance précédente. M. l’abbé Hy présente à la Société la première partie d’une Florule angevine destinée surtout à diriger le botaniste dans les herborisations et donne lecture des considérations générales qui lont guidé. Le travail sera envoyé à l'impression. M. L. Rondeau lit un chapitre de l’histoire de la paroisse St-Michel-du-Tertre intitulé : La Cour d’An- gers. | M. G. de Capol lit un rapport sur un travail concer- nant l'administration des chemins de fer de l'État. M. le Trésorier donne lecture de l’état financier de la Société. IL est décidé que les conclusions de ce rapport seront examinées dans une réunion du bureau. Vu le petit nombre des membres présents à la séance, les élections pour la formation du bureau en 1884 sont remises à la séance de janvier prochain. La séance est levée vers 9 h. 1/2. Le Secrétaire-Général, J.-R. RAVAIN. — 4126 — EXTRAIT DU PROCÉS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 15 JANVIER 1884. La Société est appelée, conformément au règlement, à procéder aux élections de son bureau pour 1884 remises à la séance de ce jour. 2 Les résultats des scrutins sont les suivants : Président, M. d'Espinay; Vice-Président, M. Victor Pavie; Secrétaire-Général, M. Guillaume Bodinier ; Secrétaire, M. André Meauzé ; Trésorier, M. L. Rondeau ; Bibliothécaire-Archiviste, M. le Dr Maisonneuve. Le comité de publication est composé de : Msr de Kernaëret, président ; M. le Dr Grille; M. L. Cosnier ; M. l’abbé Pasquier ; M. Lucas; M. l'abbé Hy. Le Secrétaire-Général, G. BoDINIER. LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE , SCIENCES ET ARTS D’ANGERS (ANCIENNE ACADÉMIE D'ANGERS) PRÉSIDENTS D'HONNEUR MM. | Comte de Falloux, membre de l’Académie française. Chevreul, membre de l’Académie des sciences. ME: Freppel, évêque d'Angers. Jac, ancien premier président de la Cour d'appel. Lenepveu, membre de l'Académie des Beaux-Arts. PRÉSIDENT HONORAIRE Mer Sauvé, ancien président de la Société. BUREAU POUR L'ANNÉE 1884 MM. D'Espinay, président. Victor Pavie, vice-président. ‘ Guillaume Bodinier, secrétaire-général. André Meauzé, secrétaire. Rondeau, trésorier. D: Maisonneuve, bibhothécaire-archiviste. MEMBRES HONORAIRES MM. Le commandeur J.-B. de Rossi, associé étranger de l’Institut de France, à Rome. — 128 — Bellanger (Philippe), avocat, ancien bâtonnier de l'Ordre. Textoris, capitaine en retraite. Mourin, ancien maire d'Angers, recteur de l'Académie de Nancy. MEMBRES TITULAIRES MM. Affichard, avocat, ancien bâtonnier, rue Pocquet de Livon- nière, 51. 5 Allard (Gaston), route des Ponts-de-Cé, à la Maulévrie. Auriau (Ch.), ancien commissaire-priseur, rue Beaurepaire, 67. Bardin (l'abbé), professeur à la Faculté des Sciences, rue de la Préfecture, 19. Bazin (l'abbé), archiprêtre de la Cathédrale, place Saint- Maurice. + Bazin (René), professeur à la Faculté de Droit, rue Des- jardins, 50. Beaumont (l'abbé de), chanoine honoraire, petite rue Volney, 1. Berger (Eugène), ancien député de Maine-et-Loire, rue Des- jardins, 6. ÿ Billard (Gabriel), rue Ménage, 17. Blois (comte Georges de), château de la Rochejacquelein, à Daumeray. . ; Bodinier (Guillaume), rue Tarin, 2. Bonneville, ancien officier, boulevard du Palais, 13. Bordeaux (Georges), manufacturier, rue Ménage, 2. Bordereau, peintre-verrier, boulevard du Roi-René, 1. Bouchet, professeur au pensionnat Saint-Urbain. Bourgain (l'abbé), professeur à la Faculté des Lettres, rue Volney, 2 Brisset (l'abbé), aumônier du Lycée, au Lycée. Capol (de), ingénieur civil, rue Boreau, 15. à Cars (comte Charles des), à Sainte-Christine. Chapin, notaire, rue du Mail, 83. Chataux (A. de), avocat, rue de Brissac, 11. Chêne (Arthur du), archiviste-paléographe, à Baugé. Choyer (l'abbé), chanoine honoraire, rue des Bœufs, 16. — 429 — Clamens, peintre-verrier, boulevard du Roi-René, 1. Cosnier (Léon), rue des Arênes, 42. Dainville (Ernest), architecte du département, place de l'Académie, 6. Dauge, directeur de l'usine à gaz, rue Boreau, 13. Delahaye (Dominique), manufacturier, rue Saumuroise, 67. Dolbeau, imprimeur-libraire, rue Chaussée-Saint-Pierre, 4. Dubois (l'abbé), rue Hanneloup, 25. Duhourcau, docteur en médecine, rue de la Madeleine, 48 bis. Dusouchay, architecte, rue Chevreul, 19. Dussauze, architecte, rue Grandet, 12. D'Espinay, ancien conseiller à la Cour, rue Volney, 15. Fairé (Alexandre), avocat, bâtonnier de l'Ordre, rue Pocquet de Livonnière, 43. Faligan (Ernest), à Saint-Martin-la-Forêt. Falloux (comte de), membre de l'Académie française, impasse des Jacobins. Farcy (Louis de), parvis Saint-Maurice, 3. Farge (Emile), docteur en médecine, rue des Angles. Freppel (M#), évêque d'Angers, à l'Évéché. Gardais (l'abbé), supérieur de l'Externat Saint-Maurille. Godard-Faultrier, directeur du Musée Saint-Jean, rue de Bel-Air, 18. Godard (Hippolyte), docteur en médecine, à Tigné (Maiïne-et- Loire). Grille (R.), docteur en médecine, rue Pocquet de Livon- nière, 48. , Grimault (l'abbé), chanoine titulaire, rue de l'Évêché, 2. Guérin de la Roussardière, avocat, rue Desjardins, 23. Guinoyseau, ancien manufacturier, rue de la Préfecture, 1. Halopé, avocat, rue Ménage, 3 bis. Hervé-Bazin, professeur à la Faculté de Droit, rue Des- jardins, 64. Huault-Dupuy (Valentin), rue Denis-Papin, 47. Hy (l'abbé), professeur à la Faculté des Sciences, rue Loriol de Barny, 5. — 430 — Joubert (André), boulevard de Saumur, 49. Kernaëret (M5: de), professeur à la Faculté des Lettres, rue Desjardins, 74. ï Lac de Bosredon, professeur à la Faculté des sciences, rue des Pépinières, 3. Lachèse (Eliacin), conseiller honoraire, rue Plantagenet, 83. Lachèse (Paul), imprimeur, rue Chaussée-Saint-Pierre, 4. Ledroit, ancien notaire, boulevard du Roi-René, 36. Le Guay (baron), sénateur de Maine-et-Loire, rue Donadieu de Puychairie. : Lelong (Eugène), archiviste aux Archives nationales, rue Monge, 59, à Paris. Lemarchand, bibliothécaire en chef de la Ville, rue du Musée. Lemesle (Prosper), ancien architecte diocésain, place du Lycée, 1. Lemoine, horticulteur, rue Saint-Étienne. Litter (l'abbé), professeur à la Faculté de Théologie, rue Volney, 2. Loir-Mongazon, professeur à la Faculté des Lettres, rue Des- jardins, #41. Lucas, avocat, professeur à la Faculté de Droit, rue d’Or- léans, 41. Maisonneuve, docteur en médecine et ès-sciences, professeur à la Faculté des Sciences, rue des Arènes, 40. Maricourt (ME), recteur des Facultés catholiques. Meauzé (André), directeur d'assurances, rue Saint-Joseph, 35. Megnen, peintre-Verrier, boulevard du Roi-René, 1. Mieulle (de), conseiller général, rue des Arênes, 27. Pasquier (l'abbé), doyen de la Faculté des Lettres, place Marguerite d'Anjou. Pavie (Victor), rue de Bel-Air, 22. Perrin, avocat, professeur à la Faculté de Droit, rue de Bel- Air, 20. Pessard (l'abbé), vicaire général, à l'Évêché. Pineau (l'abbé), curé de Saint-Joseph. Ravaiïn (l'abbé), vice-doyen de la Faculté des Sciences, rue Bernier, 14. ele: Van Riaudière-Laroche, rue du Bellay, 11. Rondeau (Louis), ancien négociant, rue Flore, 3. Rondeau (Paul), négociant, rue Pré-Pigeon. Semery, avocat, rue Valdemaine, 17. Simon (l'abbé), curé de Saint-Laud. Subileau (l'abbé), supérieur du Petit-Séminaire. Tarlé (de), avocat, rue Volney, 57. Téton (l'abbé), aumônier de Bellefontaine. Villoutreys (marquis Ernest de), château du Plessis, par Montrevault. MEMBRES TITULAIRES NON-RÉSIDANTS MM. ME" Guérin, avenue de Déols, à Châteauroux. Hermite (Hippolyte), ancien officier, cité de l'Ouest, Neuf- châtel (Suisse). MEMBRES CORRESPONDANTS MM. Ballu-Blaive, inspecteur de l’'Enregistrement, à Orléans. Béjarry (comte de), à Sainte-Hermine (Vendée). Rénard (Henry), à Cholet. Boury (. de), à Théméricourt (Seine-et-Oise). Bricard (Georges), avocat, rue de Rennes, 91, à Paris. Buysson (vicomte du), à Brout-Vernet (Allier). Castonnet-Desfosses (Henry), avocat, rue des Saints-Pères, 1, à Paris. Cellier, docteur en médecine, à Laval. Chesnay (Urbain), à Vern. Chevallier (l'abbé), curé de Combrée. L'Estourbeillon (marquis de), secrétaire de la Société archéo- logique de Nantes. Fouché (Maurice), vérificateur de l'Enregistrement, à Quim- per. Geslin, docteur en médecine, à Beaufort. Gillet (l'abbé), curé des Rosiers. Guéret, pharmacien, à Beaufort. \ — 132 — Guillet (l'abbé), curé de Noyant. Joly-Leterme, ancien architecte diocésain, à Saumur. Letard, pharmacien, à Talmont (Vendée). Lorière (de), château de la Roche-Chevillé, par Brûlon (Sarthe). à Maisonneuve (l'abbé Daniel), au collège St-Charles, à Vernoux (Ardèche). Mérit (l'abbé), curé de Saint-Pierre, à Saumur. Merland de Chaillé, docteur en médecine, à Luçon. Parant (Victor), docteur en médecine, allée de Garonne, 17, à Toulouse. : Pissot, docteur en médecine, à Cholet, Raimbault, docteur en médécine, à Candé. Ratouis (Paul), ancien juge de paix, à Montpellier. Réchin (l'abbé), professeur au Collège de Mamers (Sarthe). Richecour (de), ancien professeur à la Faculté de Droit, château des Rochers, à Preignac (Gironde). Rivain, archiviste aux Archives nationales, rue de Rennes, 126, _ à Paris. Tijou, notaire, à Chemillé. SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES ABgxviLe. Société d'émulation. 5 Arx. Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres. ALGER. Association scientifique algérienne. AMIENS. Académie des sciences, des lettres et des arts. — Société des Antiquaires de Picardie. AnGers. Société d'horticulture. — Société industrielle et agricole. — Société académique. — Société des études scientifiques. ANGOULÊME. Société archéologique et historique de la Cha-: rente. ArRAs. Académie des sciences, lettres et arts. Aurun. Société Éduenne. AuxEeRRE. Société des sciences historiques et naturelles. Bar-Le-Duc. Société des lettres, sciences et arts. Bayonne. Société des sciences et arts. Bezrort. Société Belfortaine d’émulation. Béziers. Société archéologique, scientifique et littéraire. BorpEaux. Académie des sciences, belles-lettres et arts. Boston. American academy of arts and sciences. — Society of natural history. Bresr. Société académique. CAEN. Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres. — Société d'agriculture et de commerce. — Société linnéenne de Normandie. — Société des beaux-arts. — Société des Antiquaires de Normandie. CHALoNs-sur-Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts. CHALON-SUR-SAoNE. Société d'histoire et d'archéologie. CuARTREs. Société archéologique d'Eure-et-Loir. SOC. D'AG. 28 — 434 — Caersoura. Société académique. CLERMONT-FERRAND. Académie des sciences, belles-lettres et arts. Cozumaus. Mechanic's Institute of Ohio. Dion. Académie des sciences, arts et belles-lettres. Douar. Société d'agriculture, sciences et arts. ÉpinaL. Société d'émulation des Vosges. GRENOBLE. Académie Delphinale. — Société de statistique de l'Isère. La RocHELLE. Académie des belles-lettres, sciences et arts. Lavaz. Commission historique et archéologique de Ja Mayenne. Le Havre. Société havraise d’études diverses. LE Mans. Société historique et archéologique du Maine. — Société d'agriculture, sciences et arts dela Sarthe. LE Puy. Société académique d'agriculture, sciences, arts et commerce. Lièce. Société géologique de Belgique. Lie. Société des sciences, agriculture et arts. Limoces. Société archéologique et historique du Limousin. Lyon. Académie des sciences, belles-lettres et arts. — Société d'agriculture, d'histoire naturelle et arts utiles — Musée Guimet. Macon. Académie de Mâcon. MARSEILLE. Société de statistique. Meaux. Société d'agriculture, sciences et arts. MonrTauBan. Société archéologique de Tarn-et-Garonne. — Société des sciences, agriculture et belles-lettres. MonrreLciEr. Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hérault. Mouuxs. Société d'émulation de l'Allier. Muzxouse. Société industrielle. Nancy. Académie de Stanislas. — Société d'archéologie lorraine. Nanres. Société académique. — 435 — Nevers. Société nivernaise des sciences, lettres et arts. Nice. Société des lettres, sciences et arts. Nimes. Académie du Gard. — Société d'étude des sciences naturelles. ORLÉANS. Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts. — Société archéologique et historique de l'Orléanais. Paris. Comité des travaux historiques et des sociétés savantes. (Cing exemplaires.) — Institut de France. — Académie des inscriptions et belles-lettres, — Académie des sciences. — Société nationale des Antiquaires de France. — Société nationale d'agriculture. — Société nationale d'horticulture. — Société botanique de France. — Société philotechnique. — Société philomathique. — Société Indo-Chinoise. Pau. Société des sciences, lettres et arts. PERPIGNAN. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales. PHILADELPHIE. Academy of natural sciences. Porriers. Société des antiquaires de l'Ouest. — Société académique d'agriculture, sciences et arts. Quimper. Société archéologique du Finistère. Reims. Académie nationale de Reims. RocxErortT. Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts. Romans. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Digne, etc. Rouen. Académie des sciences, belles-lettres et arts. — Société libre d'émulation, du commerce et de l'indus- trie. — Société des amis des sciences naturelles. SAINT-ÉTIENNE. Société d'agriculture, industrie, sciences et arts. — 436 — Sainr-L6. Société d’agriculture, d'archéologie et d'histoire naturelle de la Manche. SAINT-QUENTIN. Société académique. Senuis. Comité archéologique. SENS. Société archéologique. STRASBOURG. Société pour la nee LE des monuments historiques d'Alsace. Toucon. Académie du Var. Tourouse. Académie des sciences, inscriptions et belles- lettres. — Académie des jeux floraux. — Société des sciences physiques et naturelles. Tours. Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres. — Société archéologique de Touraine. Troyes. Société académique de l’Aube. VaLence. Société départementale d'archéologie et de statis- tique de la Drôme. VALENCIENNES. Société d'agriculture, sciences et arts. Vannes. Société polymathique du Morbihan. VenpomE. Société archéologique du Vendômois. VErDun. Société philomathique. VERSAILLES, Société des sciences morales, des lettres et des arts. — Société d'agriculture et des arts. Vesous. Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute- Saône. WasHiN@Ton. Patent office. — Smithsonian institution. TABLE DES MATIÈRES Histoire, Archéologie, Belles-Lettres et Arts. Pages M. de Lens. — M. Léon CosNIER........................ 1 Léon Boré et ses deux premiers amis. — M. Léon Cosnier. 117 Une Famille chrétienne. — M. Léon CoSNIER............. 341 La Légende des comtes d'Anjou. — M. G. D'Espinay.....: 49 Saint-Michel-du-Tertre d'Angers. — M. L. RoNDEAU...... 313 M. de Durfort de Civrac, maire de Pondichéry (1790-92), — M. H. CAsSTONNET-DESFOSSES. ....................... 362 Chronique bibliographique. — Recherches ne sur le mausolée de Catherine de Chivré et sur l’enfeu des Gaultier de Brulon, par André Jougerr. — M. V. GODARD-FAULTRIER. . . «cesse ie se se sie ee elec ess 295 Notice historique sur la Société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers (ancienne Académie d'Angers). — M. Eugène LELONG.................,............. 397 Fouilles à Cartigné (commune de Trélazé). — M, V. Gopanp- PAU DERTER Sr Rte een E nur 45 La collection Giffard au Musée archéologique d’ Angers. | — ME Ge D'ESPINA AE er LE RE ee CR Eee 49 Chroniques saumuroises. — La Démolition de la place Saint-Pierre. — La Maison Dacier en 1881. — M. Paul RATOUIS ee NME PAPER TR ere eee bre 307 Coyzevox, par Henry Jouin. — M. E. LacHÈsE............ 180 Épitre à ma vieillesse ou le Secret de ne pas vieillir. — MAGIDr AR: GRILLE... 22 L-cccescenece-r tierces 185 La Morte du 31 décembre (traduit du poète anglais Ten- nyson). — M. le D' R. GRILLE........................ 190 Épisode de la dernière guerre. — M. le D' R. GRILLE... 304 — 438 — Philosophie, Sciences et Agriculture. L'Instinct et l’Intelligence. — M. le D' P. MalsoNNEUVE... 275 Essai analytique sur le genre Amblystegium. — M. R. DU Buysson Tableaux analytiques de la Flore d'Angers. — M. l'abbé Hy. 193 Le Phylloxera en Anjou. — M. le D' H. Goparp.......... 384 Résumé climatologique de l’année 1883 (premier semestre). Me LODDEBOUCHET 2. RSS PA Rene s... 388 Procès-verbaux des séances : Séance (Qu Janvier 18832 recense 413 — 43-février . Le CT CIN REC IE Or EE .... 416 — 6\mars:..22 0 Men FAUNE RUE à 416 — AD'iavril EM A AR ....... 418 — 8 mai........... USE Gore HE ... 49 — 2j Me. PRE AC MAER 2 FOUT RE s.. 420 — 17 juillet ........ tie series ve #21 — # novembre Fee RC NPRE UE OAI A0 423 — 4 décembre 2 nr ne LEE ES 425 Extrait du nt de la séance du 15 so 1884.. 426 Liste des Membres de la Société. ............... EN DE 427 Liste des Sociétés correspondantes. ...............,... .…. 433 ANGERS, IMPRIMERIE LACHÈSE ET DOLBEAU. Les séances ordinaires ont lieu le premier mardi des mois de JANVIER, FÉVRIER, MARS, AVRIL, MAI, JUIN, JUILLET, NOVEMBRE et DÉCEMBRE, à sept heures et demie du soir, Fos du Jardin fruitier, boulevard du Roi-René. Toutes les communications relatives à l’ordre du jour des séances et les changements de résidence doivent être adressés au Secrétaire général, 2, rue Tarin, à Angers. 4 . È ® su RP ENE À AU NIN RUE ape