» MEMOIRES '*M$r rr POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES INSECTES. N Par M, de Rea u mur, de 1 Académie Royale des Sciences. TOME SECOND. Suite de ïHijtoire des Chenilles éf des Papillons ; Et ïMifloire des Infeéles ennemis des Chenilles. A *P A R I S, DE L’ IMPRIMERIE ROYALE M. D C C X X X V I. J . * « * ' r .*. ' ' — H » * M . * f ' " - f " f ' . S . • „■■ ' ’ •. (JL 4 KH 3 irs4 -t-a "hA ! - i SC il-. 4v >îC /îv ylv A*.A< vfé >îv vN >î*. rflC vî*. >îv /û. A< }K ./K vîv vîv ylC vlv vîC vîv vlv vî». yjC vk vîv }îC vîv vk vk i/îv vîw Üv A* >lv ÿk yk >ÎC \ > >' V P R E F A CE, Où l’on donne une idée generale des Mémoires qui compofent ce Volume, èr quelques fupplemens à ceux du Volume precedent. L E premier Volume de cet Ouvrage ne traite que des Chenilles, des Crifàlides& des Papillons; il n’a pour¬ tant pas fuffi, à beaucoup près, pour donner les principes de l’Hidoire générale des Infeétes qui vivent fucceffive- ment fous ces trois formes. Aulfi avons-nous averti qu’il nous reftoit à faire paraître plufieurs Mémoires fur ces mêmes Infeétes. Le nombre & l’étendue de ces derniers Mémoires ont même été plus loin que nous ne l’avions prévû ; ils rempliront prefqu’en entier ce fécond volume. Je n’y en ai pourtant fait entrer aucun auquel j’euffe pu y refufer place, fans obmettre un article effcnticl à l’Hiftoire que nous avons commencée. Je fuis d’ailleurs fi éloigné de penlèr que j’aye donné trop detenduë à chacun de ces Mémoires en particulier, que je ne les regarde pour la plupart, que comme des titres que j’ai commencé à rem¬ plir, que comme des places préparées aux nouvelles ob- fervations qui le feront par la fuite. Nous avons fait remarquer dans le premier volume *, qu’entre les papillons de même efpcce, il y en a qui relient plus ou moins de temps fous la forme de crifalide,&cela félon la faifon dans laquelle la chenille s’eft transformée. Cefiit méritoit plus que d’être remarqué; il méritoit qu’on fut attentif aux conféquences finguliéres qu’on en peut tirer, & qu’on fit les expériences auxquelles il invite. Il Tome IL . a * Ment. xi. pa S . 471. ij PREFACE. nous conduit directement à penfer que quelqu’admirable que foit ia compofition du corps des infectes, que quoique leurs machines ne foient pas frites avec moins d art & d’appareil que celles auxquelles nous foinmes unis, nous pouvons prefque prolonger ou 'abréger à notre gré leur durée; que nous pouvons frire que le cours de la vie d un infecte foit deux fois, trois fois, quatre fois,ckc. plus long que ne l’a été jufqu’ici celui d’aucun autre infecte de fon elpece; que nous pouvons au contraire, fans faire déniai à l’infecte, fans lui nuire, abréger confdérablemcnt le cours de fa vie; c’eft-à-dire, que nous pouvons mettre cet infecte en état de frire pendant un temps affés court, la même fuite d’opérations, qu’il n’eût faite que dans un temps beaucoup plus long. Nous fommes, dis-je, con¬ duits à ces conféquences par l’obfervation qui nous a ap¬ pris que tel papillon ne relie, en été, que quelques lè- mainesfous la forme de crifalide, pendant qu’un autre pa¬ pillon de la même efpece fera retenu pendant plufieurs mois fous la même forme de criftlide, s’il ne l’aprifeque dans l’automne; carde-là il fuit qu’un certain degré de chaleur peut rendre l’accroifTcment du papillon très rapide, & qu’un certain degré de froid peut rendre fon accroiffe- ment très - lent. La chaleur & le froid influeront de même fur les déperiffemens ou décroiffemens de l’infeélc. Or la vie complette de tout animal n’eft qu’une fuite de degrés d’accroiffement, & une fuite de degrés de décroiffement. Il étoit curieux de voir ce que nous pouvons fuivant cette idée, non-feulement pour prolonger & pour abréger la durée de la vie des infeeftes, qui font fucceffivement che¬ nilles, crilalides & papillons; mais aufficeque nous pou¬ vons de femblable fur la vie des infeéles en général, foit qu ils ayent, ou qu’ils n’ayent pas à fubir des transforma¬ tions. Ce font ces recherches qui font l’objet du premier P R E' F A C E. iij Mémoire; on doit être excité à Jes pouffer plus loin que nous n’avons fait, par les connoiffances curieufesquelles nous promettent ; elles femblent même nous en promettre d’utiles, 6c elles nous en ont déjà donné de cette dernière efpece. La confommation des œufs efl un objet confidé- rable ; les œufs frais fur-tout, nous font fouvent d’un grand fecours : les recherches de ce Mémoire, 6c les réflexions qu’il nous a donné occafïon de faire, nous ont mis fur la voyc de trouver lefecret de conferver pendant plufieurs mois, pendantdes années, des œufs prefqu’auffi frais, c’eft-à-dire, prefque dans le même état qu’ils étoient le jour où ils ont été pondus. Dans le fécond Mémoire, nous achevons, en quelque forte, i’hifloire générale des papillons; nous y rapportons les différentes manières dont s’accouplent ceux de diffé¬ rentes efpeces ; nous y décrivons les parties tant des mâles que des femelles, que la nature a préparées pour la confer- vation des efpeces; nous y parcourons les différentes & fniguliéres figures des œufs de diverfes efpeces de papil¬ lons; enfin nous y faifons admirer l’adreiTe avec laquelle certains papillons fçavent arranger leurs œufs; leur atten¬ tion à les dépofer dans les endroits les plus convenables, afin que les chenilles qui en éclorront, trouvent à leur naiffance de la nourriture toute prête. Nous y voyons juf- qu’où va l’amour des papillons de quelques efpeces pour leurs œufs. Pour les couvrir, ils fe dépouillent eux-mêmes; ils s’arrachent leurs propres poils pour en faire une couver¬ ture à leurs œufs, 6c cela avec beaucoup de dextérité ; ifs ont un derrière qui fçait faire tout ce que feroit en pareil cas une main adroite. Dans les Mémoires fuivans, nous venons aux hiffoires particulières, ou moins générales des chenilles. Dans le troifiéme 6c dans le quatrième, nous parlons de celles qui a ij iv PREFACE. fçavent vivre enfocieté, qui travaillent en commun. Le troifiéme Mémoire traite de celles qui ne paffent pas en- fcmble toute leur vie, de celles dont les focietés Te divifent avant que les chenilles qui les compofent, foient en état de fe transformer en crifalides. La plus commune de toutes les chenilles, & à laquelle nous en avons donné le nom , celle dont on ne trouve que trop de nids dans nos jardins, nous fournit un exemple de ces dernières efpeces de che- jiillcs. Les nids des communes font des logemens où elles paffent l’hiver, & où dans desfaifons plus douces elles fe re¬ tirent pendant la nuit & pendant la pluye; ce font de vrais labyrinthes, dont elles fçavent bien trouver tous les tours de détours. Nous pavons nos chemins; pour rendre ceux par lefquels elles paffent journellement, plus unis & plus doux, elles les tapiffent de toiles de foye. D’autres chenilles vivent dans les prairies en commun, elles habitent lous une même tente faite de toiles de foye, & qui eflfoûtenuë par quelques pieds de plantin, ou de gramen; elles mangent toutes les feuilles qui font fous cette tente & aux environs. Après que tout ce qui efl à leur portée a été conlommé, elles décam¬ pent, & vont enfemble filer plus loin une nouvelle tente. Dans le même Mémoire, nous verrons combien d’infe- éles, en apparence très-délicats, font en état de réfiller aux plus grands froids; que la liqueur blanchealre ou verdâtre qui circule dans leurs vaiffeaux, & qui ell leur fang, ne peut être gelée ni coagulée par des froids exceffifs; que les chenilles qui doivent être le plus expofées au froid, font le plus en état de le foûtenir; enfin que celles qui ne font pas en état d’y réfiller, fçavcnt s’enfoncer fous terre à des pro¬ fondeurs où le grand froid ne fçauroit le faire fentir. Nous y verrons des chenilles qui fe font de très-gros nids fur le pin, & qui donnent une foye qui par la quantité & fa qua¬ lité, mérite qu’on cherche à en faire ufage. PREFACE. y Dans le quatrième Mémoire, nous donnons leshiftoi- res de diveriès efpeces de chenilles, dont les focietés font plus durables que celles des chenilles du Mémoire précè¬ dent; ce font des focietésà vie, & même par-delà; c’eft- à-dire, que les chenilles qui les compofent, refient en- femble tant qu’elles font chenilles, & que les crifalides dans lefquelles elles lé transforment, fe trouvent placées les unes auprès des autres. Il y a de ces dernières fociétés très- nombreufès ; il y en a de plus de fix à fept cens chenilles. Une telle locieté n’eft pourtant qu’une même famille; elle n’efl compofée que de freres& de fceurs, pour ainfi dire. La marche de celles que nous avons nommées proceffïoti- naires, efl fmguliére; la troupe cfl toujours conduite par un chef; cette troupe forme des évolutions peut-être de tous les genres, dont les troupes les mieux difcipiinécs en fçavent faire. Ces mêmes proceffionnaires nous donnent occafion d’examiner pourquoi certaines chenilles nous caufent des demangeaifons, & produifcnt des élevûresfur notre peau. On verra qu’il n’y a que celles qui font velues qui puiffent nous caufer cette incommodité, & que l’at¬ touchement de toutes les chenilles velues n’eft pas à crain¬ dre. Celles-là feules peuvent nous faire du mal, dont les poils font des efpeces d’épines qui, quoique prodigieufe- ment déliées, font afles roides pour piquer notre peau, & s’y engager. Le même Mémoire nous fera connoître des chenilles qui femblent poufter la délicateffe au point de craindre les frottemens des feuilles contre leur corps; elles ne touchent qu’avec leurs dents, celles dont elles le nour- jiftent. Ces chenilles font couchées enfemble dans des toiles de foye, comme dans des efpeces de hamacs; elles font, pour ainfi dire, au lit pendant quelles mangent; elles avancent feulement la tête en-dehors de leurstoiles; elles ne détachent quelafubftancedu deftusde la feuille. Quand elles ont ainfi rongé le defîus de toutes les feuilles qui font a iij vj PREFACE . autour Je leurs toiles, elles abandonnent ces toiles,& vont ailleurs en filer d’autres femblables aux premières. Des chenilles qui vivent en focieté,nous paffons à celles qui vivent dans une parfaite folitude. Nous parlons dans le cinquième Mémoire de celles qui depuis qu’elles font nées, jufqu a ce qu’elles foient papillons, fe tiennent dans des efpeces de cellules où elles ne peuvent avoir de com¬ munication avecaucuns autres infeéîes. Une fèuilled’arbre roulée avec beaucoup d’art, fait le logement d’une de ces chenilles. Nous expliquons la méchanique au moyen de laquelle ces chenilles indufhieulès parviennent à rouler fi bien des feuilles. Nous verrons qu’elle dépend de la ftruéïu- reparticulière des liens de foye quelles lçavent employer pour faire & maintenir les tours des rouleaux, & de la ma¬ nière dont elles fçaveht pefer fur les liens avec une partie du poids de leur corps, pour obliger les deux portions de la feuille qu’elles roulent, à s’approcher l’une de l’autre. Tout de fuite nous parlons de diverfes efpccesde chenilles, dont les unes vivent dans un paquet de plufieurs feuilles qu’elles ont réunies, & dont les autres fe contentent de courber une feule feuille. Nous faifons pourtant connoître quel- quesautres chenilles qui roulent en commun des feuilles, &qui vivent en commun dans des feuilles roulées. Ce Mé¬ moire a déjà été imprimé parmi ceux de l’Académie de 1730. mais il reparoît ici avec beaucoup d’additions. Certaines chenilles ont des attitudes, ou des formes très- propres cà les faire reconnoître; nous avons raffemblé quel¬ ques-unes de ces chenilles-ci dans le fixiéme Mémoire. On y en voit une belie&grande qui vit des feuilles du troène, dont l’attitude ordinaire eft de tenir fa partie antérieure élevée d’une manière qui lui donne quelque reffemblance avec un fphinx. Une autre a le plus fouvent le corps plié en deux, & de côté. Une autre tient prefque toujours fa tête renverfée fur fou dos. Le corps de quelques autres P R E' F A C E. vif forme des ziczacs dans un plan perpendiculaire à celui lur lequel elles font pofées. Enfin, les chenilles que nous avons mifes dans la quatrième clafTe,ont toutes desformes qui s’éloignent beaucoup de celles des autres chenilles; nous donnons dans ce fixiéme Mémoire quelques exem¬ ples de leurs formes linguliéres. Quelques-unes deces che¬ nilles qui vivent fur le faule font remarquables par leur e£- pece de queue fourchue ; chacune des deux branches qui la compofent, efi l’étui d’une corne charnue que la chenille en fait lortir quand il lui plaît, &. dont elle lé fert comme d’une efpece de fouet, pourchalfer les mouches qui s’ap- puyent liir fon corps. C’efi pour elle un infiniment bien important ; nous verrons qu’il peut l’empêcher d’être man¬ gée toute vive par les vers qui fortent des œufs que cer¬ taines mouches pourraient laifîcr fur fon corps, ou dans fon corps même. Nous avons accordé le feptiéme Mémoire à trois ef- peces de papillons finguliers; fon titre offre une place toute prête aux autres papillons finguliers qu’on obfer- vera parla fuite. La première de ces efpcces efi celle de ce papillon que nous avons nommé paquet de feuilles fé- ches, parce qu’il a l’air d’un pareil paquet de feuilles. Le papillon à tête de mort, dont il a déjà été parlé dans le tome premier, reparaît ici, & on y donne fon hiftoire com- plette. Il efi encore plus remarquable par un cri plaintif qui lui efi particulier, que par la figure d’une tête de mort qu’on croit voir fur fon corcelet. Nous y prouvons que ce cri efi produit par le frottement de la trompe contre ies cloifons barbues entre lefquelles elle efi logée. Une efipece de papillon qui vit fur l’éclair, efi remarquable par fa petitefle; il faudrait bien des centaines de mille de ces papillons mis dans une balance pour la tenir en équi¬ libre contre le papillon à tête de mort. Ce petit papillon efi d’ailleurs fingulier par la ftru&ure de fa trompe. II fait * Tom. J\fan. il. y a S- 73 • viij P R F FACE. peu d’œufs, mais les chenilles qui en éclo/ent, croisent vite, au moyen de quoi il y a beaucoup de générations de ces papillons dans une année, 6c par-là ils multiplient pro- digieufement. Les arpenteufes, les chenilles qui femblent mefurer le chemin qu’elles parcourent, ont été rangées dans deux claffes*, dans la cinquième & dans la fixiéme; celles qui ont douze jambes, c’eft-à-dire quatre intermédiaires, ont été placées dans la cinquième; 6c celles qui n’ont que dix jambes, ou que deux intermédiaires, ont été miles dans la fixiéme. Je ne fuis pas fur encore d’avoir trouvé plus d’une efpece de chenilles à douze jambes ; je leur ai pourtant accordé à elles feules le huitième Mémoire. Il cil lingulier que cette efpece de chenille paroilfc avec des variétés de couleur qui devroient fuffire pour en faire dillinguer plu- fieurs efpeces. Mais une Angularité dont nous nous lom- mes mal trouvés, 6c qui feule méritoit que nous lilfions un article particulier de ces chenilles, c’eft que, quoiqu’elles m’culfent toujours paru alfés rares, elles fe font multipliées prodigieulèment en 1735. elles ont fait d’étranges ravages dans une grande partie du Royaume, 6c fur-tout aux en¬ virons de Paris, où elles ont dévoré des champs entiers de légumes. Elles avoient jetté i’allarme dans Paris au point qu’il falloit avoir du courage pour ofer manger de lafalade, 6c même pour ofer manger des herbes cuites. Nous exami¬ nons dans ce Mémoire fi les craintes qu’on a eues du venin de ces chenilles, étoient fondées, 6c s’il y a véritablement des chenilles venimeufes. Enfin nous tâchons d’expliquer pourquoi des chenilles rares peuvent, d’une année à l’au¬ tre, devenir extrêmement communes. Le papillon de cette chenille des légumes pare fon derrière dans le temps de l’accouplement, de deux houppes de poils finguliéres. Les arpenteufes à dix jambes fourniraient lèules la ma¬ tière d’un gros volume à qui voudrait décrire toutes celles qu’il P R E F A C E. ix qu’il pourrait trouver dans le pays qu’il habite; nous n’a¬ vons pu au moins leur refuSer un Mémoire entier, le neu¬ vième , dans lequel nous nous fournies contentés de rap¬ porter quelques (ingularités de quelques - unes des efpeccs de divers genres de ces chenilles. Nous y expliquons com¬ ment certaines arpenteufes fçavent Se cachera nos yeux , 6 c par le moyen le plus (impie; elles lé contentent de coler à plat deux feuilles l’une contre l’autre, comme le hazard pourrait les placer; en un mot, d’une manière qui nefait pas Soupçonner qu’il y ait des chenilles entre ces feuilles. Une efpece d'arpenteulès nous a donné un papillon noélurne qui paraîtra très-fingulier aux naturalises, parce qu’il a le port d’ailes, qui entre dans le caradtére des papillons diurnes des premières clalfes. Ce qui leur paraîtra encore Singulier, c’eft qu’une arpenteulè , pour fe métamorphofer en crifa- lide, lçache Se SuSpendre par un lien defoye; jufqu’ici on a cru que cette adreffe n’étoit connue que des chenilles qui donnent des papillons diurnes, & celle-ci en donne lin noéturne. Ce qui paraîtra plus généralement une Sin¬ gularité, c’eft qu’il y ait beaucoup d’eSpeces d’arpenteuSes, dont tous les papillons femelles ne Semblent pas être des papillons; ils lont des papillons Sans ailes. Des chenilles de plufïeurs genres, & les arpenteufes plus qu’aucunes au¬ tres, Sçavent une manière abrégée de deScendrc des plus hauts arbres, 6 c de s’y remonter, elles Se Servent d’un fil deSoye, qui efl pour elles une corde. Le fait en général eh connu, mais les procédés de la chenille qui defeend avec un hl, & qui fe remonte par fon moyen, n’ont point été expliqués; ils méritoient de l’être, 6 c ils le font dans ce Mémoire. Dans le même Mémoire nous avons indi¬ qué les caraétéres au moyen defquels on peut diftinguer des claffes&des genres d’arpenteuSes. Dès qu’il y a des chenilles qui vivent toujours au milieu Tome 11 . .b 1 X PREFACE. de l’eau, 6c qui y fçavent faire les mêmes manèges que les autres font fur terre, ces chenilles ne dévoient pas être laiffées dans l’oubli. Dans le dixiéme Mémoire j’ai donné l’hiftoire complette de deux efpcces de chenilles aquati¬ ques; 6c j’ai expliqué l’art avec lequel elles fe font des ef- peces de fourreaux, dans lefquéis elles fe tiennent au milieu de l’eau, fans que l’eau touche prefque leur corps; elles font dans l’eau fansfe mouiller. Après avoir entenduparler de tant d’efpeces de chenilles dans le premier volume, 6c dans celui-ci, après avoir vit qu’unefeule efpece,& même uneefpece ilont les individus font ordinairement rares, peut faire de grands ravages, on devroit craindre, ce femble, que tous nos arbres ne fuffent dépouillés par les chenilles, que toutes nos plantes ne puf- fent à peine leur fournir ailes de pâture, 6c qu’elles ne nous lailfaffent aucune efpece de récolte à faire. Mais les inlètfles nous forcent fans ceffe d’admirer la fageffe avec laquelle tout a été combiné. Dans ce prodigieux nombre d’elpcccs de chenilles, au goût de chacune defquelles conviennent plufieurs efpeces de plantes; dans ce prodigieux nombre d’eljaeces de chenilles, dis-je, il ne s’en trouve aucune dans ce pays qui aime les feuilles de ces plantes qui donnent les grains qui nous fournilfent notre aliment elfentiel, du pain. Il y a plus, malgré le nombre prodigieux d’efpeces de che¬ nilles, malgré la grande fécondité des papillons, on doit peut-être être furpris quelles piaffent fe perpétuer, quand on Içait quel eft le nombre de leurs ennemis, combien d’in- feéïes & combien d’autres animaux cherchent à les détruire» Oefî dans le onzième Mémoire que nous faifons connoître la plupart des ennemis des chenilles. On y verra que beau¬ coup de différentes efpeces de mouches ont été inflruitesà aller dépofer leurs œufs fur le corps, ou dans le corps même des chenilles. Les vers fortis des œufs d’une mouche, fe PREFACE . x; nourrilfent de la fubllance intérieure d’une chenille. Mais ce qui doit nous furprendre, c’ell que cette chenille qui a le corps tout rempli de vers, vit 6c ne paroît pas en fouffrir. L’Auteur de tant de merveilleux ouvrages a voulu que ces vers Ce perpetuafTent, qu’ils parvinrent à le transformer en mouches, 6c ils n’v parviendroient pas fi la chenille qui les doit fournir d’alimens, mouroit trop vite. Comment vit-elle, pendant que tout fon intérieur lèmble devoir être dévoré! Le huitième Mémoire du premier volume nous a appris que dans une chenille il y a, pour ainfi dire, de quoy faire deux animaux, que les parties de deux machines animales y font ralTemblées, celles d’une chenille, 6c celles d’un papillon. Les vers fçavent ne point manger les parties elTentielles à la chenille, ils ne mangent que celles qui font propres au papillon; par-là toutes les vues font remplies, la chenillevitôc croît, 6c elle fait vivre & croître les vers; mais elle ne parviendra pas à Ce métamorphofer en papillon, 6c les vers parviendront à fe transformer en mouches. Nous revenons encore aux chenilles dans le douzième Mémoire. Dans les précédais, nous n’avons fuivi que celles qui vivent furies plantes6c fur les arbres, & ordinairement fur les feuilles; il nous relie à en faire connoître de bien des genres, 6c de bien des elpeces, à la fureté defquelles la nature lèmble avoir été le plus attentive. Ce font celles a qui elle a appris à fe mieux cacher, 6c à palfer leur vie dans une grande obfcurité. C’ell dans l’intérieur des arbres 6c des plantes, dans leurs tiges, dans leurs branches que Ce tiennent plufieurs efpeces de chenilles dont il s’agit dans ce Mémoire. L’écorce,l’aubier, 6c même le bois le plus dur font des alimens qu’elles aiment. Telle chenille quiell logée dans le tronc d’un grand 6c gros arbre, fe trouve dans une malfive 6c folide tour, dont les murs lui fournil- lent de quoi vivre. D’autres efpeces de chenilles plus b ij xij PREFACE. petites nous paraîtront avoir encore été mieux traitées; elles fçavent fe cacher clans des habitations moins folides à la vérité, mais delquelles elles tirent des alimens que nous leur envions. Tant de fruits, fouvent excellens, dont nous ne jouiiïbns pas toujours avec allés de reconnoilfance, ont etc partagés entre ces chenilles & nous. Les poires, les pommes, les prunes, les châtaignes, les noix, lesnoifettes, &c. les grains même qui nous tout les plus néceffaires, ont été deltinés à frire vivre quantité d’elpeces de chenilles. Il y a des années où nous lemblons avoir quelque raifort de trouver que la part des fruits qui leur a été accordée, eft trop grande; dans certaines années il y a plus de ces fruits que nous nommons verreux, qu’il ne nous en relie de lains. Les chenilles des fruits,comme toutes les autres, fe transforment en papillons. Chaque papillon femelle pond un grand nombre d’œufs. Cependant, ce qui ell très- digne d’être remarqué, chaque fruit, chaque prune, cha¬ que poire & chaque pomme, quelque grolfe qu’elle foit, n’elt habitée que par une feule chenille. Le papillon veut- il que chacun des infectes à qui il donne nailfmce, ait en propre un fruit entier! ne lailfe-t-il fur chaque fruit qu’un feul œul! évite-t-il de le dépofer fur le fruit où un autre papillon femelle a déjà pondu un des liens! Ce fait fup- pofe dans le papillon, non-feulement un grand amour pour les petits qu’il doit mettre au jour, mais il lefuppofe capable de bien des circonfpeéfions, & de bien des con- noilfances. Ne faut-il pas croire plutôt que la petite che¬ nille qui s’eft logée la première dans un fruit, fçait s’en conferver la polïelfion, & quelle a le courage & la force nécelfaires pour empêcher d’autres chenilles de s’y intro¬ duire! Notre douzième Mémoire nous apprend des fiits qui paroilfent prouver que par rapport à certains fruits, e’eft la prévoyance du papillon qui doit être admirée, & P R E' F A C E. ^ xi ij que par rapport à d'autres fruits, tout ce qu’il y a de fin- guiier ici doit être mis fur le compte de la chenille. Enfin nous y verrons que quand chaque chenille a pris tout l'on accroiffement dans l’intérieur d’un fruit, que quand elle celle d’avoir beloin de manger, elle perce le fruit, elle en fort, elle va pour l’ordinaire, s’enfoncer fous terre. Elle s’y fait une coque dans laquelle elle le transforme en cri- falide, & de laquelle fort le papillon. Nous venons d’indiquer les principales matières qui font entrées dans ce volume: lur ce court expofé, on s’attend peut-être que la leélure des Mémoires fera plus agréable qu’on ne la trouvera; il ell fûr au moins que des extraits un peu étendus de ces Mémoires plairoient à bien des leéleurs, plus que les Mémoires mêmes. Les faits fin- gulicrs & curieux y feraient plus rapprochés; ils ne fe¬ raient pas féparés les uns des autres par des détails fou vent peu interelfans & quelquefois très-fecs; telles font desdef- criptions d infeéles, de chenilles Si de papillons qui ne fçauroient jamais être amufàntes, mais qui cependant font elfentielles à un ouvrage de la nature de celui-ci. Il n’efl pas moins nécelfaire de faire connoître la chenille & le pa¬ pillon dont on veut rapporter les procédés induftrieux, qu’il l’eftde peindre lecaraélére d’un Général, lorfqu’on veut donner I hifloirc des batailles qu’il a gagnées. J’ai pourtant épargné le plus qu’il m’a été pofhble, de ces détails néceffairement fecs, peut-être même que la crainte de les multiplier m’a trop retenu dans le neuvième Mémoire, dans celui qui traite des chenilles arpenteufes h dix jambes; je n’ai pas ofé m’arrêter, autant que la matière me paroiffoit le demander, aux caraéléresdes genres pre¬ miers, des genres féconds, Si des efpeces de cette nom- breufe claffe de chenilles. J’avoue pourtant quej’avoisde quoi m’encourager à olèr davantage : trois des Mémoi¬ res du premier volume ont été employés à diftribuer les b iij xiv PREFACE. chenilles 6cles papillons enclaffes 6cen genres. Rien aflïïré- ment n’efi plus fec que ces diftributions ; aufii ai-je averti ceux qui ne vouloient lire que pour s’amufer, de pafler légèrement fur ces trois Mémoires, 6c même de ne les point lire du tout. Néantmoins dans une des vifites dont une grande Princeiïe * honoroit les infectes, tant ceux que je garde en vie, que ceux que je conferve morts, elle me fit voir que non-feulement elle avoit lu ces Mémoires rebutans, mais que tous les caractères des cîaflesdc des gen¬ res qui y font déterminés, lui étoient plus préfens qu’à moi-même; elle m’indiquoitles papillons fècs qu’elle vou- loit que je lui montralfe, par les propriétés générales de leur clafi’e, 6c par les particularités de leur genre 6c de leur cfpece: je n’en étois pourtant pas étonné; je fçais qu’elle veut tout fçavoir, & tout lçavoir par principes, & je fçais avec quelle furprenante facilité elle apprend tout. Mais un tel exemple ne m’a point enhardi, il ne m’a paru rien con- clurre pour le plus grand nombredes lecteurs. L’ordre, la méthode de les détails exacts contentent les cfprits à qui une connoilfance fuperficielle des objets dont ils s’occupent, ne fuffit pas; mais ceux qui ne veulent que s’amufer en filant un ouvrage, n’y voudraient trouver que des faits remarquables. L’hiltoire des infectes n’a pas en¬ core ailes pris la forme de fcience, on n’en elt pas encore communément au point de vouloir fatiguer fon attention 6 c là mémoire, pour en apprendre les principes. C’ell un avantage propre aux Ecrivains qui font des compilations, 6c qu’ils ont fur les Auteurs qui traitent les matières plus à fond, de pouvoir choilir dans chaque fujet ce qui eft le plus capable de plaire. Leur travail elt extrê¬ mement utile; ils préfentent les fciences dépouillées de ce qu’elles ont d’épineux, à ceux qui n’ont pas le temps de les approfondir; ils peuvent faire naître du goût 6c de * S. A. S. Madame la Duchefle du Maine. PREFACE. xv l’amour pour elles à ceux à qui elles étoient indifférentes : mais il n’arrive que trop fouvent à ces mêmes Ecrivains de perpétuer contre leur gré les erreurs; ils ne l'ont pas toujours par eux-mêmes ailes au fait des matières qu’ils traitent, & ils veulent s’épargner les dilcuiïions ; ils puifent dans différentes fources, 6c iis ne le croyent plus rel'pon- fabies de rien, dès qu’ils citent leurs garants. Cependant comme on croit qu’ils n’ont puifé que dans des fources qu’ils ont reconnues pour bonnes, 6c qu’ils n’y ont pas pris ce qui eût dû être rejetté, on cil difpofé à recevoir pour vrai ce qu’ils nous rapportent. Pour ne parler que des compilations d’hidoire naturelle, à combien de faits faux, rapportés par Ariftote 6c par d’autres, n’ont-elles pas donné une forte d’autorité! plus un fût a été dit 6c redit de fois, 6c plus on ell dilpolcà le croire; on ne cherche pas affés à voir que cent Ecrivains qui rapportent ce fait, ne font que de (impies échos de celui qui l’a dit la pre¬ mière fois. Je pourrois citer un grand nombre d’exem¬ ples des faits qu’il Endroit retrancher des compilations d’hiftoire naturelle qui ont paru dans ces derniers temps, foit chés nos voifins, foit chés nous, & de celles même qui ont été le mieux reçues du public, 6c quileméritoient. Les Mémoires de ce volume ne paraîtront peut-être que trop longs, du moins je le crains; je n’en fuis pour¬ tant pas moins convaincu, comme je l’ai déjà dit, qu’ils n’ont pas pour la plupart toute l’étendue qu’ils devroient avoir. A mcfurc qu’on accordera plus d’attention aux inlèéles, on fera des obfervations qui m’ont échappé : celles même que je rapporte font quelquefois imparfaites; il m’arrive quelquefois de parler d’une chenille dont je n’ai pas encore eu le papillon, 6c de parler d’un papillon dont la chenille ne m’eft pas encore connue : c’eft avertir les obfervateurs de ce qui relie à faire, 6c c’efl: les inviter à pro¬ fiter des occafions qui pourront leur faire voir en entier ce XV) PREFACE. que je n’ai vû qu’à moitié. J’aurai apurement desfupplé- mens à donner à mes Mémoires, & quand ces lupplémens 11e feront pas trop confidérables, je placerai ceux qui ap¬ partiennent aux volumes précédons, dans la Préface du der¬ nier volume: je vais commencer par celle-ci à en ufer comme je crois le devoir faire dans la luite. Dans le premier Mémoire du premier volume, ou dans celui qui y tient lieu rie Préface, il y a deux articles fur les¬ quels je n’ai pas affés infifté. Le premier efl celui de l’ori¬ gine des infeéles, fçavoir s’ils naiffent ou peuvent naître de corruption, comme tous les anciens, & des modernes après eux, l’ont prétendu. Le fécond eft fur le degré de croyance qu’011 doit accorder aux faits rapportés par plu- fieurs Naturalilles. C’elt enlifant l’extrait du premier vo¬ lume de ces Mémoires, qui a été donné par les Journa- lifles de Trévoux, que j’ai vû que je ne rnetois pas affés étendu fur les deux articles dont je viens de parler. Par rapport au premier, j’ai fuppofé que les infeéles ne naiffent pas de corruption ; j’ai mis même au nombre des obllacles qui avoient le plus arrêté les progrès de nos connoiffances fur les inleélcs, l’opinion des anciens qui les faifoit fortir de la pourriture de difïérens corps ; car dès qu’on croyoit qu’ils venoient de corruption, la partie la plus curieufè de leur hifloire, tout ce qui a rapport à la manière dont ils le perpétuent, nefembloit pas demandera être étudiée. Je croyois alors rapporter un fentiment qui 11’avoit plus befoin d’être combattu, que depuis qu’on s’étoit accoutumé à analyfer les idées, à ne recevoir pourvrayes que celles qui étoient claires, il n’y avoit plus au moins dephyficiens à qui il fallût prouver que des chairs pourries, que des bois pourris nefc transformoient point en des machines orga¬ nises qui ont autant ou plus de parties que les nôtres , & des parties dont le jeu & l’accord ne fçauroient être affés admirés. D’ailleurs il me fcmbloitquelesobfervations P R E' F A C E. xv i; tic Swammerdam, de Malpighi, de Leemvenlioek, de Valliinieri, 6c celles de pluSieurs autres Naturalises dé¬ voient avoir ouvert les yeux à ceux qui raiSonneht peu, 6c à qui des faits mal obServés en avoient impole. Mais j’ai vû qu’il failoit encore revenir à la charge contre un Sen¬ timent qui n’eft pas aufSi généralement profcritque je l’a- vois penlé, 6c qu’il devroit l’être. Je n’euffe pas Soupçonné qu'il eût trouvé des déSenfèurs en France, 6c Sur-tout dans unefbcieté deSçavans aufSi célébré que celle qui travaille aux Journaux de Trévoux; cependant Si elle veut bien avouer qu’il pourroit Se faire que ce Sentiment ne fût pas vrai, elle croit le devoir laifïer au moins parmi ceux qui Sont probables, 6c qu’il ne doit pas être mis au rang de ceux dont la SaufTeté eft prouvée. Cette Société Sçavante penSe qu’au moyen de quelques modifications, quelle attribue au Pere Kirckcr ,6c qu’au moyen de la vertu piaf- tique ou Séminale que ce Pere a Sait agir, on peut expli¬ quer d’une manière Sort ingénieufe, comment les inSeéles naifTent de corps pourris; 6c que cette explication s’accorde très-bien avec les Saits. Il m’efl arrivé de mettre Kirckcr 6c Bonanniau nombre des modernes qui ont penSé avec les anciens que les infeéles naifTent de putréfaction, 6c on verra bien-tôt Si j’ai eu raiSon de les y mettre. Les Jour- naliftes de Trévoux prétendent que je devois une place diltinguée à ces deux Sçavans défaites ; 6c c’eft pour le prouver qu’ils expoSent ce qu’ils appellent le Sentiment de Kirckcr, 6c qu’ils y applaudiffent *. * Mem.pow Mais par rapport à Kirckcr & h Bonanni, diSent-ils, qu’il a enveloppés dans la claffe des anciens qui croyoient la gêné- des beaux ration des infedes, l’effet d’une ffmple putréfadion, il nous Arts ‘ Jmn a permettra de remarquer que Kirckcr avoit pris un parti mitoyen mÿ, entre le fyjleme ancien & le moderne, qui né toit pas encore ajjes développé de fon temps ; car ce grand homme n’a pas Tome IL . c xviij PREFACE. ■prétendu que des corps organifé s , tels quil reconnoiffoit les infedes , puffent venir de corps non organifé s , ni même que de tel corps organifé il pût naître indifféremment tout corps organifé quelconque. Sa penfée bien prife , ejl que tout étant organifé dans un corps organifé , S les parties des corps organiques étant elles- mêmes des corps organiques ; la corruption nefiifoit que dé¬ tacher ces petits corps organiques qui compofoient un grand corps j & que ces petits corps ainfi détachés fornioient les in¬ fectes , lefquels j fans avoir préexifé dans des femcnces appro¬ priées , préexif oient au moins en puifance dans la vertu pla- Jlique ou fêminale qui ef répandue dans tous les grands corps. Ce fyfeme peut n être pas vrai ; mais il ef fort ingénieux, & du refe tout-à-fait conforme ir à l’efpece de hasard qui donne naiffance à tant d’infedes, à 1 à l’appropriation en quelque forte afés marquée de certains infedes à de certains corps, & à de certaines parties de certains corps foit végétaux fois animaux. Et un peuplas bas ils adjoûtent: S’il ctoit auffi bien dé¬ montré que la première origine des infedes ef dué à un fm- ple développement de femenccs préexif entes, qu’il l’ef que leur transformation ou leur régénération, ou fécondé origine ef due a un fmple développement de ces infedes, le fyfeme de Kircker tomberoit abfolument avec celui des anciens. Il eft, ce me femble, ailé de faire voir qu’il eü auiïi démontre que les infeéles ne naifTent point de corruption, qu’il l’eft que leurs métamorphofes apparentes ne font que des dépouillemens, & par des preuves du même genre; & il fera ailé de faire voir que le lyllemc du Pere Kircker ne lé fpûtient pas mieux que celui des anciens. Maisavantque de l’entreprendre, je prie les Journalises de Trévoux de me permettre de leur repréfenter à mon tour qu’il n’y a qu’un excès de fenfibilité pour les Peres Kircker K Bouamii, PREFACE. xix qui ait pu les porter à fè plaindre de ce que fai enveloppé ces Peres dans la claffe des anciens qui regardaient les in¬ fectes comme l’effet d’une funple piitrêfadion. L’épi théte de /impie efl pourtant ici de trop, & adjoûtée à mon texte. J’ai dit que les anciens avoient cru pouvoir faire naître les in¬ fectes de la pourriture des corps de différentes efpeces , & qu ! y avoit eu de notre temps des hommes illuflrés, tes fameux Peres Kircker & Bonanni, qui n avoient pas abandonné ce fentiment ; je ne fçais point au/Ti de modernes qui y aycflt été plus attachés, qui ayent plus cherché à le faire triom¬ pher. Le Pere Bonanni a fait imprimer un volume in-p.° plein d’obfervations, par iefqueiles il prétend l’établir. Le Perc Kircker parle en une infinité d’endroits d infeéies qui naifient de pourriture; il difiingue leurs différentes maniè¬ res de naître; il en fait éclorredes œusf, & il en fait naître, bien davantage de corruption, & afïurément il lie ménage pas cette dernière façon de s’exprimer Pourquoi donc ces Peres méritoient-ils une exception! c efl qu’il avait , le Pere Kircker (car on ne dit rien du Pere Bonanni) c’ejl qu’il avoit fur la génération des infectes un fyfleme mitoyen entre le fyfleme ancien & le fyfleme moderne. Mais ce fyfleme du Pere Kircker, comme celui des anciens, fuppofe que les infeéies naifient de pourriture,& il tend à nous expliquer comment ils en naifient. Comme je ne crovois pas qu’il y eût aucun fyfleme qui pût donner la moindre vray- femblance à un tel fentiment, à un fentiment quimepa- roifioit également contraire aux obfervations exactes , ëc aux raifonnemens les plus conféquens, je n’ai pas cru, dans le premier volume, devoir m’arrêter à expofer le fyfleme du Pere Kircker fur la génération des infeéies; je le dois faire à préfent, dès qu’on prétend que ce fyfleme n’efl: point tombé, & que d’habiles gens foûtiennent qu’il cfl pour le moins vray-femblable. Pour même ne lui ôtci rien c ij XX PREFACE. de ce qui peut le faire valoir, rien de ce qui lui donne un air de fÿheme complet, je l’expoferai un peu autrement que n’ont fait les Journaliftes, & précisément tel que le Pere Kireker l’a donné. Ce fçavant Jéluite a penfé que toutes les parties des animaux font remplies de petits corps très-volatiles qu’il appelle tantôt des corpufcules Spiritueux, tantôt des efprits animaux, tantôt des elprits Séminaux. Ces corpufcules extrêmement volatiles, ces elprits relient dans l’animal tant qu’il vit ; mais l’animal vient-il à périr, & à fe corrompre, ces corpufcules s’échappent, & ont beaucoup de part enfuite à la production de divers autres animaux, mais moins grands & moins nobles que l’animal dont ils fe font échappés. Le Pere Kireker, pour nous faire mieux en¬ tendre l’ulage qu’il fait de ces jaetits corps, fe hxe à l’exem¬ ple Suivant : quand un cheval cil mort, qu’il fe corrompt, on ne peut pas dire que lame du cheval s’envole; mais les efprits Séminaux du cheval fe détachent du cadavre, ils s’échappent, ils vont voltiger dans l’air, & ils y font dif- perfés çà& là. Il n’arrivera jamais à cette quantité d’efprits de fe trouver réunie à un corps hxe pareil à celui à qui elle étoit unie cy-devant; il ne lui arrivera jamais de contribuer à faire un autre cheval tel que le premier; mais s’il arrive, & il arrivera qu’une portion de ces efprits, auxquels il relie encore delà vertu Séminale, fe joigne à une quantité fuffifante de matière hxe & de matière convenable, auffi-tôt au moyen de la vertu plaffique qui eh dans les efprits & dans la matière hxe, un corps fe forme & s’organise; un animal ell produit, il naît. Mais ce nouvel animal eh d’une autre efpece que celui qui en fe pourrihant, a fourni les efprits ; une portion des efprits d’un cheval ne pourra Suf¬ fire qu’à faire un infeéle. Ainh, comme ce Pere continue de l’expliquer, les efprits Séminaux qui ont été Séparés de quelque Subhance animale qui s’eh corrompue, voltigeas PREFACE. xx} dans l’air; ils font enfuite portés par les pluyes Si par les vents fur les plantes &-llir les arbres; ils font introduits dans des pores terreftres : alors il le fait des fcmences d’une nouvelle œconoinie animale; la forme plaftique de la fe- mcnce qui df cachée dans les efprits, façonne cette matière au moyen de l’humidité. C’eft ainfi, félon ce Pere,qu’une grenouille, une mouche, une fauterelle. &c. font pro¬ duites. Voilà afïurément ce qu’on peut appeller un fyfleme. Nous pourrions demander pourquoi on en gratihe par pré¬ dilection le Pere Kircker, malgré les droits qu’a deffus uiî autre Jéfuite, le Pere Cabée. Bonanni a rapporté les pro¬ pres termes dans lefquels ce dernier Pere s’explique fur la génération des infeCtes, & on croit qu’il les rapporte deux fois, mais qu’il raccourcit feulement la citation, iorfqu’il donne tout de fuite le fentiment du Pere Kircker fur la même matière; il ne manque dans le paffage du Pere Ca¬ bée que le terme de forme plallique, en la place duquel on trouve celui de vertu formatrice; car pour les efprits volatiles, leur manière de fe détacher du cadavre, de fe réunir à un autre corps fixe ; tout en un mot, jufqu’à l’exemple du cheval, fe trouve dans le Pere Cabée. Le Pere Bonanni ne femble pas même vouloir trop donner la gloire de cefÿfteme au Pere Cabée, avant que de tranferire ce que ce dernier a imprimé fur l’origine des infeCtes, il dit que le Pere Cabée a fuivi la méthode de philofopher des anciens, Si le prouve, en rapportant le fÿftcme que nous venons d’expofer. D’ailleurs la plupart des traits par lefquels les Journaliftes ont prétendu caraétérifer le fen¬ timent du Pere Kircker, lui font communs avec les anciens. Ce grand homme, dilènt-ils, n’a pas prétendu que des corps « organifés, tels qu’il reconnoiffoit les infectes, pnjfent venir de corps non organifés, ni meme que de tel corps organifé il put mitre indifféremment tout corps organifé quelconque. Les- c ii| j'xij p i\ n pac p. anciens ont voulu que ce fût la chair d’un hœuf, ou d’un veau pourri qui fût propre à donner des abeilles; que celle d’un cheval pût être convertie en guefpes & en bourdons ; & que ce fût de la chair pourrie d’un âne que naiffoient les lcarabés, Voiià de curieufes diftinélions communes aux anciens & au Pcrc Kircker, & par rapport auxquelles il a quelquefois enchéri fur eux; quelquefois même d les redreffe. Il trouve mauvais, par exemple, qu’on ait dit que les abeilles & les guefpes, Sic. nepouvoient naître que des bœufs, des chevaux Si des ânes; il prétend quelles peuvent naître de même des cerfs. 11 n’eit pas pourtant certain qu’il n’ait fait naître les infectes que de corps or- ganifés, il faut au moins pour cela qu’il ait organite les boues dont il a frit naître les luiitres. Les anciens avoient afTûrément admis la divifiori des libres Lite par la corrup¬ tion, & eff il bien fur .qu’ils ne fe fulfent pas élevés jufqu’à penferà un agent équivalent à la vertu plaftique, Si défi- gué par un autre nom, eux qui avoient li volontiers re¬ cours à des vertus formatrices, à des vertus occultes, & à des formes actives ! Mais ne nous arrêtons pas à contefler au Pere Kircker la gloire du fyfteme qu’on lui attribue, nous contentons même qu’on le regarde comme ingé¬ nieux, comme un joli Roman phyfique. Cependant s’il étoit vrai que l’Auteur de la nature eût établi que des animaux pufTent naître en certaines circon- flances des matières foit animales, foit végétales qui fe corrompent, donneroit-on une explication latisfaifante de ces nouvelles productions au moyen du fyftême du Pere Kircker! s’il étoit vrai, par exemple, que des abeilles naif- fent des chairs d’un bœuf qui fe pourriffent; s’il étoit vrai qu’un bœuf fe transformât en abeilles, une fi étonnante transformation s'expliquerait-elle bien au moyen des ef- prits animaux qui fe font introduits dans les fibres divilées par la corruption, Si du fecours de la vertu plaftiqueî On PREFACE . xxu; avanceroit une proportion bien éloignée Je toute vray- femblance, Si qui auroit un grand air de ridicule, fi on difoit lérieufement que toutes les libres d'un grand animal ne lont qu’un aflemblage d’œufs d’infcéles; que les libres d’un bœuf ne font qu’une file continue d’œufs d’abeil¬ les ; ou pour fatisfaire à tous les phénomènes, que ces fibres lont des files d’œufs de différentes elpcces de mou¬ ches, diftribuées alternativement, Si qu’il n’y a qu’à faire développer les embryons contenus dans ces œufs, pour faire naître des abeilles, ou des mouches de quelqu’autre cfpece. Mais il efl bien autrement inconcevable qu’une portion de fibres puifleêtre façonnée parles agens du Pere Kircker, au point néceffairepour qu’elle devienne un inle- éle. Qu’on tâche de fe repréfenter combien il y a loin de cette portion défibrés, pénétrée d’un auffi grand nombre qu’on voudra d’efprits volatiles ou léminaux, jufqu’à un in- feefe, Si on n’imaginera pas qu’il y ait de vertu plafliquc ou féminale qui puilfe opérer un pareil ouvrage. Pour faire un inlééfe de cette portion de fibres imbibée d’efprits,quelle organifation, ou plutôt quel nombre prodigieux d’organi- fations ne faudroit-il pas lui donner î A-t-elle un eflomach, des inteftins, des poulmons, un cerveau; en un mot tous ces vifcéres, dont chacun en particulier efl une machine fi furprenante, Si d’autant même plus furprenante pour le commun des hommes, qu’elle efl plus petite ! A-1-elle, cette portion de fibres, ces yeux qui font eux-mêmes un aflemblage deplufieurs milliers d’yeux î A-t-elle des ailes, des jambes, des antennes, une trompe, & enfin tant de parties d’une flruélure fi admirable ! Comme portion de fibre, Si défibré pénétrée par les efprits animaux les plus volatiles, elle efl bien éloignée de contenir un aflemblage de tant de parties, dont chacune en particulier efl elle- même digne de toute notre admiration. Qu’on pouffe la fiéfion au plus loin où die pût être portée, auifi bien riesi xxrV P R E' F A C E. n’ell capable d’arrêter l’imagination qui a commencé à s’égarer; qu’on fuppofe que chacun des efprits animaux qui a été introduit dans la portion de fibre, cil pour ainfi dire, l’œuf, l’embryon d’une des parties de l’animal; enfin qu’on fuppofe que toutes ces parties étonnantes ï'oient faites; qui les réunira! qui mettra entr’elles l’accord & la dépendance qui y doit être! C’eft apparemment la vertu plaftique qui eft capable de cela, & c’eft même elle appa¬ remment à qui on fait faire tous les merveilleux organes que nous venons de nommer. Qu’elle eft intelligente, qu’elle eft grande, qu’elle eft puiffante cette vertu plaftique qui fiçait produire de tels ouvrages ! N’héfitons point à la nommer; la vertu, l’intelligence qui d’un petit morceau de chair, d’un petit morceau de bois fçait faire un infeéte, ne peut être autre que celle qui a fçû faire l’univers de rien. Ce fyfteme employé par le Pere Kircker pour expliquer comment les infedesnaiffent de pourriture, ne paroît pas feulement ingénieux aux journaliftes, ils le trouvent du refle tout-a-fait conforme à cette cfpece de hasard qui donne naijfance h tant d’infedes, &' à l’appropriation en quelque forte ajfés marquée de certains infedes à certains corps, ou à certaines parties de corps, foit végétaux, foit animaux. Si on 11e s’arrête pas à des apparences groffieres, fi on eft: attentif à toutes les circonftances d’où dépend la naiffance des infeétes, on fera convaincu que le hazard n’y a pas plus de part qu’il n’en a à celle des grands animaux, à celle de l’homme même. Cette appropriation fi marquée de cer¬ tains infectes à certains corps, foit du régné végétal, foit du régné animal, devoit même conduire à penfer que le hazard n’a ici que la part qu’il a à la production des êtres organifés dont l’origine nous eft le mieux connuë. De la viande cor¬ rompue fourmille quelquefois devers, mais jamais elle ne nous fera voir des chenilles ; c’eft que les papillons ne vont jamais faire leurs œufs fur la viande, mais que les nacres mouches PREFACE. xxv mouches Je certaines efpeces vont dépofer leurs œufs fur cette viande ; celles de quelques autres efpeces font vivipa¬ res , & y laiffent des vers vivans. La prévoyance des meres les conduit à faire naître leurs petits fur les matières propres à leur donner des alimens. Rien n’efï affûrément plus ad¬ mirable que cette appropriation de certains corps, ou de cer¬ taines parties de ces corps, à certains infeéîes; mais ce qu’il faut admirer, ce n’eft pas que l’infeéte vienne de ces corps, c’eft que la mere fçache choifir ces corps, connoître ceux qui font propres à nourrir les petits, & que des nourritures fi différentes foient affrétées & efTentielles à des animaux naiffans, dont les efpeces nous paroiffent peu différer en- tr’elles; c’eft fur quoi la f uite de cet ouvrage nous fournira un grand nombre de faits curieux. Depuis qu’on ne s’efl pas contenté de raifonner dans le cabinet, depuis qu’on a obfervé les infeétes.ces exemples admirables de prévoyance fe font multipliés. Les inteflins du cheval femblent appro¬ priés à certains vers courts ; le cheval femble les rejetter par l’anus dans un certain temps. Qu’on n’ait point une hor¬ reur peu convenable à des philofophes, qu’on ramaffe ces vers, qu’on lcsgarde,onles verra, par la fuite, fe transformer en des mouches à deux ailes affés femblables à de petits bourdons: parmi ces mouches on diltinguera des mâles & des femelles; on verra ces mouches s’accoupler, meme dans les poudriers dans lefqucls on les tiendra renfermées. Qu’on foit attentif à obferver dans les friions convenables les chevaux qui font à la campagne, fur-tout ceux qui paiffent dans les prairies; fi on leur leve la queue dans de certains temps, on trouvera deffous une mouche pareille à celle qui efl fortie de nos vers ; là elle cherche à s’introdui¬ re dans l’anus, & elle tente enfuite de pénétrer plus avant. Ce font fouvent ces mouches qui déterminent les chevaux qui paiffoient tranquillement, à prendre le galop, à ruer, Tome IL . d XXV/ PREFACE. à lever le derrière. Après avoir obfervé ces faits, fera-t-on difpofé à croire que les intellins du cheval, ou les matières qui y font contenues, font appropriés dans le fens des anciens, à la naiffiance de ces vers! Non alfûrément, mais on admirera la prévoyance de la mouche qui s’introduit dans les intellins du cheval, pour dépoler les œufs dans le feul endroit qui convienne apparemment aux petits qui en doivent naître. On admirera de même qu’une autre mou¬ che fçache qu’elle doit entrer, 6c qu elle entre dans le nez d’un mouton pour y faire les œufs. Que les Journalises de Trévoux peuvent-ils demander de plus, pour que le lyfleme qui fait naître les inleétes de corruption, s’ils veulent, de corps organifés, 6cde cor¬ ruption aidée par la vertu plaffique 6c léminale; pour que le fyfteme de Kircker l'oit tombé avec celui des anciens, que peuvent-ils, dis-je, demander de plus que l’alfcmblage de tant de preuves qui ont été rapportées jufqu’ici ! Pour renverfer ce fylteme, ou ces fyltemes, il n’y a qu’à établir que les infeèles de toutes efpeces produifent des individus de leur efpece; il me femble qu’il ne fera pas difficile de prouver enfui te que l’Auteur de lanature n’a pas eu recours encore à un autre moyen pour les perpétuer, 6c qu’il elt auffi certain qu’aucun infeéte n’eft jamais né d’aucun corps pourri, qu’il l’elt qu’aucun grand animal, qu’aucun cheval, qu’aucun bœuf, 6cc. n’a jamais eu une telle origine. Qu’on lile les Naturalises exaéts, 6c on y verra qu’ils ont oblèrvé des infeéles de toutes claffies, de beaucoup de genres 6c de beaucoup d’elpeces de chaque genre, 6c qu’entre toutes les efpeces qu’il leur a été permis d’obferver, il n’en ell aucune qu'ils n’ayent trouvée ovipare ou vivipare. Des apparences qui, quoique groffiéres, demandoicnt quel- qu attention 6c des foins pour qu’on en vît le faux, ont paru prouver que les infeéles tiroient leur naiffance de corps PREFACE. xxvij pourris, de différentes natures. On a vû des vers croître lur la viande, & on en a conclu que certaines parties de cette viande avoient été animées, & s’étoient transformées dans les vers qui la prenoient pour aliment. Redi s’eft donné la peine de faire un grand nombre d'expériences par lef- quelles il a très-bien prouvé que les vers ne paroifîent que fur la viande fur laquelle des mouches ont dépofé desœufs, qu’il ne naît jamais de vers fur la viande dont les mouches ne peuvent approcher. On a vû des morceaux de fromage fe peupler d’un million demittes, on en a conclu qu’elles naiffoient du fromage, & on devoit feulementconclurre qu a tout âge elles l’aiment. Leeuwenhoek a fait voir que parmi les mittes, il y a des mâles & des femelles, que les femelles font un grand nombre d’œufs : enfin fi on ren¬ ferme du fromage fur lequel il n’y a point de mittes, dans un vafe où elles ne puiffent pénétrer, jamais il n’en paroîtra fur le fromage. Il fe forme fur les feuilles, fur les tiges des arbres des tumeurs de bien des efpeces différentes, qu’on appelle galles. Ces galles renferment des vers qui fe tranf- forment en mouches : quelques fçavans ont cru que ces vers ne pouvoient devoir leur naiffance qu’au lue même de l’arbre. Malpighi a prouvé par des obfervations exaétes que des mouches femblables à celles qui viennent des vers des galles, donnoient naiffance aux vers qui s’élèvent dans ces fortes de tubérofités; que ces mouches ont au derrière line tarriére au moyen de laquelle elles percent le bois ou les feuilles, pour y dépofer leurs œufs; qu’où l’œuf a été dépofé il lé forme une tumeur dans laquelle le ver naifiànt fe trouve enveloppé, & qui le couvre tant qu’il a befoin d’être couvert, julqu’à ce qu’il ait pris des ailes. Les vers qui croiffent dans l’intérieur des fruits ont paru y devoir être formés, jufqu’à ce qu’on ait découvert les mouches & les papillons qui fçavent choifir des fruits naiffans pour dij xxviij PREFACE. leur confier leurs œufs. De petits fcarabés, trop connus par les ravages qu’ils font dans nos greniers, ont paru être produits dans les grains de bled; on a étudié ces infeétes, on les a vu s’accoupler, faire des œufs, &c. On a allégué pour exemple des infeétes qui naiffent de corruption, ceux qui pendant toute leur vie fe tiennent fur de plus grands animaux qu’ils fuccent. Des obfervateurs attentifs & éclai¬ rés nous ont donné des hiftoires curieufes de ces infeétes; ils ont diftingué parmi les puces & les poux des différons animaux, des mâles & des femelles; ils ont vû leurs accou- plemens; ils ont vû les femelles pondre. Enfin toutes les efpeces d’infeétes qui ont été citées pour prouver que les infeétes naiffent de pourriture, ont elles-mêmes fourni des preuves contre cette opinion ; par préférence, elles ont été étudiées par des Naturaliftes qui zélés pour la vérité, fouhaitoient la faire connoître à des fçavansqni en étoient encore à penfer comme le peuple; ils font parvenus à voir I origine de ces infeétes, & à s'affûter qu’elle étoit femblable à celle des animaux les plus connus. Que demande-t-on de plus, pour renverfer ce prétendu fyf terne qui veut faire naître les infeétes de différentes matières altérées ou corrompues, qu’une fuite d’induétions fi complette, & qui s’accorde d’ailleurs fi fort avec la meilleure façon de philofopherî Plus le nombre des obfcr- vations fe multipliera, & plus ces induétions acquerront de force; elles en ont déjà une qui approche fort decelle d’une démonflration phyfique, fi elles ne l’ont pas réellement.' II refte à la vérité bien des efpeces d’infeétes à qui on n’a vu encore faire ni œufs, ni petits, je dis fimplement des efpeces & non des claffes, mais c’eft qu’on ne les a pas affés fuivies. lien doit être de ces infeétes comme des quadru¬ pèdes & des oifeaux qu’on nous apporte des Pays étran¬ gers, quoiqu’on n’ait pas vû les uns mettre bas & les autres PREFACE. xxix pondre, on n’a aucun doute fur leur origine. Dès que nous fçavons comment les chevaux, les cerfs, les loups,les chiens naiflent, dès que nous fçavons comment naiffent les poules, les aigles, les perdrix, les roitelets, nous croyons fçavoir affés comment naît le nouveau quadrupède, le nouvel oifeau qu’on nous fait voir. Nous fçavons au moins jufqu’où peuvent aller nos doutes, nous pouvons au plus être incertains fi deux animaux d’efpece ou de genre voi- fins n’ont point concouru à la production du nouvel ani¬ mal qu’on nous préfente. Or dès qu’on eft convaincu que tous les infeètes pro- duifent des infeCtes de leur efpece, on doit l’être bien-tôt que tous les infeéîes doivent leur naiffance à d’autres in- feCtes de leur efpece. Dès qu’on fçait que la conftruélion du corps des infeêtes n’eft pas moins admirable que celle du corps des grands animaux; dès qu’on aquelqu’idéede l’appareil merveilleux des parties deftinéesà la génération, qui font dans l’intérieur des infeétes; dès qu’on voit enfin que la lageffe infinie a eu recours, pour les faire naître & multiplier, au moyen qu’elle employé pour faire naître les grands animaux; ne paroîtra-t-il pas inconcevable qu’elle employé, pour les faire naître, un autre moyen qui ne demandoit pas que tant d’organes furprenans euffent été préparés pour la même fin ! S’il ne falloit qu’un peu de viande pourrie, que quelques plantes réduites en fumier pour donner naiffance à des mouches ordinaires, à des abeilles, à des guefpes, à des fcarabés, à des grenouilles, &c. il n’étoitplus néceffaire que les deux fexes fe trouvaf- fent dans ces différentes efpeces de petits animaux. Les partieseffentielles à i’accroiffement & à la fécondation des œufs y feroient de furcroît. On ne l’aadmife, cette dernière voye de multiplier les infeéles, que parce quelle a paru plus groffiére, plus con¬ forme au mépris qu’on avoit pour eux. Mais quand on d ii; xxx PREFACE. fçait que des milliers d’efpeces de papillons qu’on a obfêr- vées, font des œufs, & que c’eft de ces œufs que nailfent les chenilles, quelqu’un pourra-t-il croire qu’il y a des che¬ nilles qui nailfent des œufs d’un papillon, & qu’il y a des chenilles de cette même efpece qui nailfent immédiate¬ ment des feuilles du chou, comme Ariftote l’a dit! Quel¬ qu’un qui feroit crédule à ce point, pourroit croire qu’il y a des pays où les hommes, & où tous les grands animaux fortent immédiatement de la bouë, &de gros troncs d’ar¬ bres pourris. Au lieu de dégrader les infeétes en les faifant naître de la pourriture, on les élcvoit beaucoup trop au-delfus des grands animaux. Dans ce fyfteme, l’Auteur de la nature ne s’eft pas contenté d’employer, pour les faire naître, la voye qu’il a choilîe pour donner nailfance aux grands animaux, il a encore eu recours pour les multiplier, à une autre voye qui, quoi qu’en apparence plus fimple, elt réel¬ lement plus merveilieufe. Pour qu’un petit morceau de chair pourrie, de bois pourri, de fruit pourri, devienne le corps d’un infeéte, c’efl-à-dire l’affemblage d’un nombre prodigieux d’étonnans organes, il faut qu’un agent bien habile préfide à la formation & à l’arrangement de tous ces organes; un pareil ouvrage, comme nous l’avons déjà dit, ne peut être exécuté que par l’Auteur même de l’univers. Comment a-t-on donc pû fe perfuader que les infêétes fe multipiioient par deux voyes différentes! Je ne me lafferai point de le répéter, c’eft que les hommes font tou¬ jours la duppe des idées de grand & de petit. Ceux même qui fçavcnt le mieux que le grand & le petit ne font que de fimples rapports,cèdent fouvent, fans s’en apperccvoir, aux impreffions que le grand fait fur eux. La difpofition des grands corps dont le ciel eft orné, leur circulation,la régularité avec laquelle ils décrivent certaines courbes, les loixde leurs mouvcmens, les temps de leurs révolutions, P RE' F A C E. xxxj leurs vîteffes relatives à leurs diffances du foleil, font l’ob¬ jet de fpéculations fublimes, & dignes des plus beaux gé¬ nies. Quelqu’un qui auroit paffé là vie à méditer les mou- vemens de ces grands corps, loit de ceux qui font lumineux par eux mêmes, foit de ceux qui reçoivent du foleil la lu¬ mière qu’ils nous renvoyent, paroîtroit s’être occupé des plus nobles fujets, & cela indépendamment des utilités qui pourraient nous revenir des mouvemens des altres mieux connus. Mais celui qui auroit palfé fa vie à étudier quelques parties,quelques organes ries infeéles, leurs cœurs, leurs poulmons, leurs parties deltinées à la génération , leurs trompes, leurs yeux fi compofés, qui auroit cherché les caul'es des mouvemens & des aéïions de ces différentes parties; celui, dis-je, qui n’auroit eu que de pareilles re¬ cherches pour objet, paroîtroit au commun,même des fça- vans, s’être occupé de trop peu de chofe. Si on a des idées fi différentes de l’objet des dernières recherches, de celles que l’on a de l’objet des premières , c’eft que les grandes étendues en impofent. Il y a peut-être plus de difficulté à expliquer les caufes du mouvement des liqueurs dans les infeéles, les préparations & les filtrations de celle qui devient de la foye dans les organes de quelques-uns, l’aélion de leureffomach,lejeude leurs admirables poulmons, les accroiffemens de ces infeétes, leurs dépouillemens, leurs transformations; il y a peut-être plus de difficulté à trou¬ ver la caufe du mouvement du moindre mufcle, qu’à trou¬ ver celle des mouvemens des corps céleffes, & ce font des connoiffances qui ont des rapports plus prochains avec cette machine dont notre bien-être aétuel dépend fi fort. Le plus difficile & peut-être le plus utile 11e nous paraît ici le moins effimable, que parce qu’il roule fur des ob¬ jets incapables de frapper notre imagination parleur gran¬ deur. S’il eût plû à celui à qui les prodiges ne coûtent rien, que l’on trouvât foit fur la furface de la terre, foit xxx îj PREFACE. dans la terre, des millions de petites boules creufcs de criltal, dans la cavité defquelles on découvrît avec d’excel- lens microfcopes, de petits corps qui femouvroient con¬ tinuellement autour d’un centre lumineux, comme les planètes le meuvent autour du foleil, des elpeces d’atomes dont les mouvemens imitalTent ceux tics planètes ; ces petits globes paraîtraient d’abord d’admirables machines; ce ferait une recherche digne d’un phyficien de connoître les temps des révolutions de ces grains d’une prodigicule petitefîc, qui y feraient ce que les planètes lont dans le grand tourbillon. Mais quand on fe ferait une fois familia- rifé avec ces petits globes, parce qu’on en aurait trouvé par-tout fous lès pas; quand on viendrait à comparer ce qu’ils ont de merveilleux avec le merveilleux des machines animales de pareil ou de plus petit volume, avec des infe¬ ctes, ce feraient les machines animales qui le failiroient de prefque toute notre admiration. Ce que les petites fphéres nous offriraient de plus frappant, ce feraient les différens mouvemens périodiques de fix à fept globules autour d’un centre. Combien de mouvemens plus admirables & plus variés ne découvrons-nous pas dans les corps des plus petits infeétes l Combien de millions de globules y palfent &. repalfent par des chemins dont les courbures font autre¬ ment tortueufes que celles des routes que fuivent les corps céleltes, fi la liqueur qui tient lieu de fang aux plus petits in¬ feétes elt, comme le làngdesgrands animaux, compofée de globules en grande partie \ Combien d’autres mouvemens admirables dans ces machines, outre ceux de la circulation l Il y en a de deflinésà donner entrée à l’air dans le corps, & a l’en faire fortir. Combien de mouvemens font nécclfai- res pourlaccroilfement de la machine, pour lui faire pren¬ dre des matières étrangères, pour fe les approprier, pour fe les unir, pour en augmenter fon extenfion en tout feus l Faifons attention à tout ce qui fe palfe dans l’intérieur de cette PREFACE. xxxiij de cette machine j>our quelle donne naiffance à un grand nombre d’autres machines qui lui font femblablesen petit, & qui l’égaleront par la fuite en grandeur. Enfin les machi¬ nes animales nous offrent une infinité d’objets dont chacun efl capable d’épuifer notre admiration ; notre efprit ne voit rien d’aulfi furprenant, d’aufii véritablement grand dans le jeu confiant de fix à fept boules, quelque grandes qu’elles foient,ni même dans les mouvemens conftans & réguliers d’une infinité de globes. Ne craignons pas de placer encore ici une réflexion qui va à l’éloge des infcéfes : pourquoi après tout crain¬ drions-nous de trop louer les ouvrages de l’Etre fuprême! Une machine nous paroît d’autant plus admirable, & elle fait chés nous d’autant plus d’honneur à fon inventeur, que quoiqu’auffi fimple qu’il efl poflible par rapport à la fin à laquelle elle eft deftinée, il entre dans fa compofition un plus grand nombre départies, & départies très-différentes enrr’elles. Nous avons une grande idée du génie de l’ou¬ vrier qui a fçû réunir & faire concourir à la même fin tant de parties différentes & néceffaires. Celui qui a fait les machines animées que nous appelions des infeétesm’a aflu- rément fait entrer dans leur compofition que les parties qui y dévoient être. Combien, malgré leur petiteffe,ces machines nous doivent-elles paroître plus admirables que celles des grands animaux, s’il efl certain qu’il entre dans la compofition de leur corps beaucoup plus départies qu’il n’en entre dans celle des corps énormes des élephans Sc des baleines. Pour faire paroître au jour un papillon , une mouche, un fearabé, en un mot, tous les infeçfles qui ont à fubir des transformations, il a fallu au moins faire l’équi¬ valent de deux animaux, faire une chenille dans laquelle le papillon prit tout fon accroiffement, faire des vers dans iefquels la mouche & le fearabé puffent croître. Tome IL . e xxxiv PU P' F A C h. Nous pafTons au fécond des deux articles fur IcfqucJs nous avons trop peu infifté dans le premier Mémoire du premier volume, & nous y pafTons d’autant plus volontiers, que nous continuerons d’examiner ce qui a été allégué de plus pofitif, pour prouver que les infèéles naiffent de corruption, & fur-tout la réalité des faits les plus propres à difpofèr favorablement pour le fyfîeme du PereKircker. Sur quoi nous voulons donc appuyer actuellement plus que nous ne l’avons fait, c’eft fur la défiance dans laquelle on doit être par rapport à la vérité des faits rapportés par plufieurs Naturalises. Les faits font affurément les foiides & les vrais fondemens de toutes les partiesdela phylique; 6c Thiftoire naturelle n’eft prefque que le récit delà fuite des faits que la nature nous offre. Le raifonnement ne doit jamais fe trouver en oppofition avec des faits certains ; mais le raifonnement doit nous faire diftinguer entre les faits qui ont été rapportés , ceux à qui nous devons une pleine croyance, de ceux qui font équivoques, & de ceux qui font faux. Il ne permettra pas d’adjoiiter foi à ceux qui font directement contraires à d’autres dont la certitude nouseft connue ; il ne nous permettra pas de recevoir pour vrais ceux qui détruifent des principes inconteftables. Enfin la critique a établi des règles pour juger des faits; ledétail de ces réglés feroit affés inutile ici; on fçait de refie que des faits rapportés fur des ouis-dire,& que des faits rap¬ portés par des Auteurs dont la bonne foi cft fufpeéte, ne prouvent rien. Mais on ne fçait pas affés combien peu cl hommes font capables de bien voir en matière de phy- fique & d’hiftoire naturelle; ce n’eft pas une qualité auffi commune qu’on fe le pourrait imaginer,que celle de fça- voir donner Ton attention à toutes les circonflances d’un fait qui méritent d’être obfervées. Trop fouvent l’obfer- vateur eft dans des difpofitions propres u lui montrer les P R P' FACE. ‘xxxy objets tout autres qu’ils ne font. L’amour outré du merveil¬ leux, un trop fort attachement à un fyfteme lui fafeinent quelquefois les yeux. Goedaert nous fournira un exemple tles effets que la prévention peut produire dans l’obferva- teur; il a cru que des infeéles pouvoient donner naiffance à d’autres infedes d’une efpece différente de la leur. Il a vu fortir des vers du corps d’une chenille, & il a cru que ces vers étoient les véritables enfans de la chenille. Plein de cette idée, il a penfé que la chenille prenoit des foins pour lès petits nouvellement nés ; il a cru enfuite voir cette chenille filer une coque de foye pour les couvrir, éc il nous rapporte qu’il l’a vu. Si la véritable origine de ces vers lui eût été connue, s’il avoit fçû qu’ils la dévoient à une mouche qui avoit dépofé dans le corps de la chenille des œufs dont ils étoient fortis, il n’eût pas penfé que la che¬ nille eût été capable de fentimens tendres pour des vers qui avoient dévoré une grande partie de fon intérieur; il n’eût pas imaginé alors quelle eût dû filer pour les cou¬ vrir , & il eût vû alors qu’elle ne file point pour eux; que ce font les vers eux-mêmes qui, peu après leur naiffance, fe filent chacun une petite coque ; que ce font eux-mê¬ mes qui filent une enveloppe générale, fous laquelle tou¬ tes les petites coques font renfermées, comme il eft expli¬ qué dans le onzième Mémoire. Mais le Pere Kircker efl plus propre qu’aucun Auteur que je fçache, à nous montrer ce que peut la prévention pour un lyfieme,pour faire voir ce qui n’eft pas, & pour em¬ pêcher de voir ce qui eft. Ce célébré Sc laborieux E crivain avoit affûrément de meilleurs yeux qu’il n’en faut pour voir les faits qu’il nous affûre avoir vûs par rapport à la génération des infedes; il en rapporte beaucoup de la cer¬ titude dcfquels il eft fi convaincu, qu’il invite à répéter après lui les expériences qui les donnent; & ce font des xxxvj PR E F A C E. expériences fimples, qui, pour être répétées, demandent peu de peine 6c peu de temps. Tant de faits fi authenti¬ quement atteflés, font pourtant faux. Je fuis néantmoins perfuadé que Se Pere Kircker Ses croyoit vrais; rien ne porte à foupçonner fa probité,6c ii n’eft nullement à pré¬ fumer qu’il en ait voulu impofer à fes contemporains, 6c à toute la poflérité, avec une hardieffe dont les hommes les plus méprifables, les plus déterminés menteurs, ne feraient pas capables. Ce fçavant Jéfùite étoit convaincu qu’il n’y a pas une petite parcelle d’un infeéle qui ne pût devenir un infedie tel que celui dans la compolition duquel elle entre. •Plein de cette idée, il a cru voir naître, 6c nous affine l’avoir vu, des milliers de fourmis du cadavre d’une feule fourmi; de forte, dit-il, que tout le cadavre fembloit fe réfoudre en fourmis. Au refie il nous affûre qu’il n’efl point particu¬ lier aux fourmis qui fe corrompent, de fe transformer en d’autres fourmis; qu’il arrive en pareil cas aux fearabés 6c à tous les autres infeélesde fe transformer en des milliers d’infeéles de leur efpece. Voilà des faits bien communs 6c bien fimples; ce font pourtant des faits que perfonne n’a jamais vus depuis le Pere Kircker, 6c qu’afTûrément on ne verra jamais, (i les loixde la nature refient telles quelles font. Qu’on obferve un cadavre de fourmi, ou il fe con- fervera fec, ou il fera diffous par la pourriture; tout ce qu’on pourra voir dans certaines circonflances, c’efl que ce cadavre fera rongé par des vers, ou par d’autres infe- «ffes que le préjugé du Pere Kircker lui a apparemment fait prendre pour des fourmis. La reccpte qu’il nous donne pour produire des feor- pions, ell plus curieufe, 6c elle mérite d autant plus d’être rapportée, que le Pere Kircker, après en avoir fait l’é¬ preuve avec fuccès, invite le leéleur à la répéter, il lui PREFACE. xxxv ij certifie qu'il la trouvera très-véritable. Prenez des cadavres de feorpions, broyez-les, mettez-ies dans un vafe de verre, arrofez-les d’une eau dans laquelle des feuilles de bafilic ayent été macérées; pendant un jour d’été, expofez-le tout au loleil. Si vous obfervez ce mélange avec une loupe, vous verrez qu’il s’eft converti dans une innombrable quan¬ tité de feorpions. On apperçoit bien ce qui peut en avoir impolé ici au Pere Kircker, il aura pris des infeéles des li¬ queurs pour des feorpions. Ce qui rembarafle dans ce fait, n’eft pourtant pas la nai(Tance de tant de feorpions, c’eft lafympathie que la plante appellée bafilic peut avoir avec le lcorpion. Tout le monde ne peut pas répéter l’expérience qui fait naître des feorpions, quelque fimple quelle foit, parce que tout le monde n’a pas des feorpions; mais le Pere Kircker nous indique une expérience aulfi certaine, & qu’on peut faire en tous lieux : c’eft une manière auffi commode de produire des vers de terre. On fera périr & lécher les vers de terre; on les réduira en poudre; on remplira un vafe d’une terre grade & douce, & on mêlera avec cette terre la poudre des vers delféchés; on aura foin d’arrofer la terre d’eau de pluye. Voila tout fait, tout préparé, les vers ont été bien femés, on n’aura que trois à quatre jours à attendre, au bout defquels on trouvera que toute la terre du vafe fourmille de vers. Ils ne feront pas alors plus gros, à la vérité, que les plus petits vers du fromage; mais qu’on fe donne un peu de patience, & ce Pere nous afliîre qu’on les verra parvenir à la grandeur des vers de terre ordinaires. Au moyen de cette expérience, le Pere Kircker explique à merveille la prodigieulè multiplication des vers de terre, pourquoi les chemins en parodient pleins après les pluyes qui ont arrofé les cadavres des vers de terre morts & delfé- chés. EH-il encoredes phyficiens, des philofophes qui puif- Tent adjoûter quelque foi à de telles expériences l En eft-il e iij xxxviij P R E' F A C E. meme à qui elîes puiiïent faire naître quelque cloute, fur- tout parmi ceux qui ont admiré les deux fexes réunis dans chaque ver de terre, & qui ont vu comment fc fait leur double accouplement ! Sont-ce des expériences qui puif- iënt mériter d’être répétées ! J avoué que j ai uneelpece de honte de dire que j’ai femé de la poudre de vers de terre, avec les précautions marquées par Kircker, & que j’ai planté en terre comme des boutures, des morceaux de vers très-fecs, fins qu’il en foit jamais né un leul ver de terre. Ii fdioit avoir le droit complet de dire que ces faits font faux, pour répondre d’une manière fatisfaifantc à des gens qui penfent qu’il n’y a aucune cfpece d’évidence qui puiffe être oppofée à des faits qu’on fondent vrais. Enfin, le Pere Kircker fait naître les infeéles deprefque toutes les elpeces, d’une manière équivalente à celle que nous venons de rapporter. Il adjoûte pourtant quelque¬ fois des circonfianccs particulières; par exemple, par rap¬ port aux ferpens, il veut qu’on les fafie rôtir avant que de les pulvérifer, pour les mettre en état d’être femés. Leur poudre mêlée avec une terre convenable qui fera arrofée d’eau & expo fée au folcil, donnera au bout de huit jours de petits vers qu’on élevera, & qui deviendront des l'erpents parfaits, qui pourront enfui te fe multiplier par l’accouple- ment, & cela fi on a foin d’arrofer de lait mêlé avec de Peau la terre dans laquelle font les jeunes ferpents. Redi s’efl donné la peine d’éprouver cette dernière recepte, on croit bien qu’il n’a pas eu la fatisfaéiion de la voir réuffir. Nous rendrions cet article trop long fi nous continuions de rapporter tous les faits de même efpece fur la génération des grenouilles, des mouches à deux ailes, des coufins, des abeilles, des guelpes,des chenilles,des fautcrclles, &c. que le Pere Kircker attelle véritables pour les avoir vvis & bien obfervés. Malgré ce que ces faits peuvent avoir de plaifant, ils nous font faire des retours fur nous-mêmes, P R E FACE. x.xxix capables d’attrifter; ils nous montrent trop les bornes de l’ef- prit humain ; iis nous apprennent que les préjugés peuvent iur nous beaucoup plus que nous ne l’imaginerions, puis¬ qu’ils ont fait voir à un homme fi célébré tant de faits qui n’ont jamais cxifîé. Le Pere Kirckcr crcyoit pourtant que les infeéles peuvent le multiplier par 1 accouplement, il l’accorde au moins à plufieurs; mais il nepenloit pas que ce fut la feule manière dont ils fe reproduifent, il en in¬ dique beaucoup d’autres. On apperçoit a (Tés ce qui peut lui en avoir impofé dans certaines circonftances, comme lorlqu’il fait naître les mouches à miel, les guefpes, les bourdons, &c. de la pourriture de différentes matières; toutes ces dernières mouches ont quatre ailes, mais ii y a plufieurs efj^eccs de mouches à deux ailes, qui peuvent occafionner des méprifes; ii y en a qui au premier coup d’œil reffemblentà des abeilles; il y en a d’autres qui reffem- blent à des frelons; d’autres qui reffemblcnt à des bour¬ dons. Ces mouches dépofent leurs œufs fur différentes matières corrompues, & fur plufieurs efpeces d’cxcrémcns. Les vers éclos des œufs fe nourriffent des matières fur lef- quelles les œufs ont été dépoles; ils croiffent dans ces matières, ils s’y transforment par la fuite dans des mou¬ ches à deux ailes qui ont été prifes pour des abeilles, des frelons, des bourdons, &c. Nous donnerons dans un autre volume les hifloires des différentes mouches à deux ailes qui ont trompé des obfcrvateurs trop peu attentifs. Malgré tous les faits qui ont été rapportés foit par les anciens, foit par les modernes, on doit donc regarder les principes fui vans, comme des principes certains de l’hi- Ifoire des infeéîes. i.° Qu’il n’y a aucune efpece d’infeéfe qui ne foit ovipare ou vivipare ; qui ne fe perpétue, foit en pondant des œufs, foit en mettant au jour des petits vivans. 2. 0 Qu’il n’efl point d’infeéfe qui naiffe véritablement xi PREFACE. de ia corruption d’aucune matière foit végétale, foit ani¬ male, de la corruption d’aucune matière que ce foit; mais les matières qui fe pourriffent, donnent fouvent une nour¬ riture convenable à des infedes naifïàns. 3. 0 Qu’aucune efpece d’infedes n’engendre véritable¬ ment aucun infede d’une efpece différente de la benne , & propre à fe perpétuer; mais il arrive fouvent qu’une ef¬ pece d’infeéfes fournit de 1a nourriture, & même des fortes de nids à des infedes d’efpeces différentes de la fienne ; les chenilles, par exemple, n’engendrent point ces vers qui fortent de leur corps pour fe transformer en mouches; ces vers naiffent d’œufs pondus par des mouches femblables à celles dans lefquelles ils fe transforment. Nous 11e fçavons pourtant pas encore s’il 11’arrive point parmi les infedes, que ceux d’efpeces différentes s’accouplent quelquefois enfembie, comme il arrive que deux quadrupèdes d’efpeces différentes, & même de genres différens, & que deux oi- feaux d’efpeces différentes & de genres différens s’accou¬ plent enfembie; mais nous devons penfer que s’il fe fait parmi les infedes de ces accouplemens contraires aux ré¬ glés ordinaires, & que fi des infedes en naiffent, ces der¬ niers infedes 11e fçauroient fe perpétuer. Si, par exemple, de l’accouplement d’un petit papillon avec une mouche, il naiffoit des infedes quinefufïènt ni mouches, ni papil¬ lons, ces nouveaux infedes feraient apparemment auffi incapables de fe multiplier que le font les mulets qui naif¬ fent de l’accouplement d’une jument avec un âne. L’au¬ teur de la nature a voulu que notre terre fût peuplée d’un nombre prodigieux d’efpeces d’animaux, il lui en a donné ce qu’il convenoit qu’elleeût; mais il n’a pas voulu que le nombre descfpeces y augmentât à l’infini. Avec le temps la terre n’eût pas fuffi à nourrir les efpeces d’animaux aux¬ quels elle a été accordée, fi de nouvelles efpeces, propres à produire d’autres efpeces nouvelles euffent pû paraître journellement. 4. 0 Nous P R E' F A C E. xïj 4. 0 Nous pouvons prendre encore pour principe que les efpeces des infectes l’ont aufli invariables dans leurs for¬ mes , que le font les efpcces des grands animaux. Je veux dire que de quelques alimens qu’un infecte fe nourrilfe,il ne deviendra pas un infeéle d’une efpece différente de celle dont il eut été, ou d’une forme différente de celle qu’il eût eue, s’il fe fût nourri de tous autres alimens. Quoi¬ que, par exemple, le Pere Kircker croye avoir obfervc que fi un papillon laiffe, ce que ce Pere appelle les excré- mens du papillon, 6c qui font fes œufs, que li le papil¬ lon, dis-je, laiffe fes œufs fur des plantes, fur des arbres, fur des Heurs différentes, les chenilles qui fortent des œufs, deviennent différentes félon la nature 6c la qualité de l’arbre, de la plante, de la fleur, 6c qu’elles fe trans¬ forment en des papillons différons; quoiqu’il croye que c’elt là la vraye caufe des variétés que les papillons nous offrent, il efl confiant cependant, pour s’en tenir à cet exemple, qu’une chenille d’une certaine efpece ne vit que des feuilles d’un certain nombre d’efpeces de plantes , 6c que de quelque plante qu’elle fe foit nourrie, elle fe trans¬ forme en un papillon femblable à celui d’un des œufs du¬ quel elle efl lortie. En un mot, il n’efl pas plus certain que les poulets nourris d’œufs de fourmis ne deviennent pas des perdrix, que quelqu’aiiment qu’on donne à un perdreau rouge, il ne deviendra jamais une perdrix gril'e» qu’il efl certain que de quelques feuilles que lé nourrifle une chenille, elle deviendra un papillon lémblable à celui à qui elle doit la naiffance. Je donnerai encore ici un fupplément à un des Mémoi¬ res du premier volume, au quatrième. J’ai expliqué dans ce Mémoire comment les chenilles changent de peau plufieursfois dans leur vie, comment elles parviennent à laiffer une dépouilleficomplette que tout l’extérieur d une Tome IL . f xli; PREFACE\ chenille s’y trouve. J’y ai fait \'oir que les poils qui paroiffent furie corps dune chenille velue, étoient auparavant ca¬ chés 6c ralfemblés en paquets fous la peau que la chenille a quittée, 6c j’ai indiqué lesufages que ces poils peuvent avoir pour léparer la vieille peau de celle qui doit bien-tôt être expofée au jour. Enfin j’y ai décrit les mouvemens 6c les efforts au moyen defquels une chenille vient à bout de faire fendre fa peau au défiais du dos, affés près de la tête. Dès qu’il s’efi fait là une fente, elle eft bien-tôt ag- grandie par la partie du corps qui tend à fortir par une ouverture trop petite. C’cfi dans l’endroit le plus foible que la peau crève, 6c cet endroit eft le même dans cent 6c cent chenilles de même efpece, 6c dans cent 6c cent chenilles d’efpeces différentes. La régie générale 6c très- générale, efi que la chenille fort de là vieille peau par fou- vert tire quelle s’efi frite fur le dos près de la tête; cependant M. Bazin a obfervé une efpece de chenille dont la peau fe fend fur le côté, c’eft par le côté de fa vieille peau que la chenille s’en tire. Je n’ai point vu cette chenille dans l’opération, mais j’en ai eu plufiélirs de la même eipcce qui ont changé de peau dans les poudriers où je les tenois renfermées Quand j’ai examiné les dépouilles qu’elles avoient laifices, j’ai vu effectivement que la fente qui avoit permis à la chenille de fortir, étoit un peu au-deffus delà ligne des jambes, c’eft-à-dire dans un endroit affés éloigné du deffus du dos. Là efi l’endroit le plus foible de la peau des chenilles de cette efpece, qui font groffes6c velues, 6c dont il y en a une repréfentée tome 1. pl. 3 5. fig. 1. Le Pcrcdc Lignac de l’Oratoire, capable de faire des obfervations fur des fujets qui donnent moins de prifeaux fens que les chenilles, capable des plus abftraitcs fpécula- îions de métaphyfique, a vû fur l’épine une chenille d’une clpecc qu’il m’a écrit être affés fcmblable à celle qui efi PREFACE. xliij gravée tome ï.pl. 32. fig. 1 1. qui s’étoit tirée de fa vieille peau par une fente quelle y avoit faite le long du ventre. Ainfi quoique dans le commun des efpeces de chenilles, ce l'oit au-deffus du dos que la peau elt le plus foible, il y a quelques elpeces qui l’ont plus foible fur le côté, & d au¬ tres qui l’ont plus foible fous le ventre. Enfin, M. Bazin m’a écrit qu'il avoit obfervé une che¬ nille veluëà poils roux qui vit lurle furcau, qui a encore une autre façon de le tirer de fa dépouille; elle force Ion vieux crâne à ie détacher tout d’une pièce; le vieux crâne tombe comme un bonnet tomberoit de défi us la tête; la chenille pouffe enfuite fon corps en avant; elle le fait for- tir peu à peu de la vieille peau par l’ouverture que le vieux crâne y a Biffée, mais elle n’oblige point la peau dont elle fe tire, à fe fendre. Quand une chenille, & liir-tout quand celle dont nous venons de parler, paroît avec fa nouvelle peau, oneft fouventfurpris de lui voir une figroffe tête. On ne conçoit pas comment le nouveau crâne pouvoit être contenu fous l'ancien. J’ai dit auffi tome 1 . Mém. m pag. 190. qu’il falloit néceffairenient que le nouveau crâne, lorfqu’il eft fous l’ancien, eût une forme allongée; qu’il ne pouvoit y en avoir qu’une partie placée fous l’ancien, & qu’il devoit s’étendre jufques fous le premier anneau. M. Bazin m’a écrit qu’il avoit vu ce que je n’avois fait que foupçonner; la chenille qui pour changer de peau, fait tomber fon vieux crâne, le lui a permis. Dans des temps prochains du fort de l’opération, la vieille peau du premier anneau & le vieux crâne font très-tranfparens; il a vu, à ce qu’il affûte, très-diftinétement les mâchoires du nou¬ veau crâne fous l’ancien, & cinq des yeux du nouveau crâne fous la vieille peau du premier anneau. Plus on ob- fervera, & plus on trouvera d’additions à faire à nos Mé¬ moires , & plûtôt on parviendra à fçayoir les faits les plus curieux de l’Hiftoire des Infeétes. xliv PREFACE. J’aurois même déjà des additions à faire à quelques-uns desMémoiresde cefecond volume; cen’eft, par exemple, que depuis que le huitième Mémoire a été imprimé, que j’ai eu le papillon d’une arpenteufe dont il eft parlé dans ce Mémoire, & qui eft remarquable par fes attitudes va¬ riées & bizarres. Elle eft gravée pl. 27.%. 17. & 18. Le papillon de cette chenille, qui eft de la quatrième claffe des noéturnes, eft pourtant un de ceux que les Naturalises jugeront des plus dignes d’être connu , parce qu’il a un port d’ailes propre à caraétérifèr un nouveau genre de pa¬ pillons noéturnes. Soit qu’il marche, foit qu'il loit en re¬ pos, il tient toujours fes quatre ailes élevées, mais de façon qu’il refte un efpacevuide aflésconfiderable, entre les deux ailes d’un côté, & les deux autres de l’autre côté; une portion de chacune des inférieures eft pliée, & vient s’appliquer fur le deffus du corps, elle le couvre & le cache; par cette dernière circonftance, le port d’ailes de ce papil¬ lon nocturne reffemble à celui des papillons diurnes de la quatrième claffe. Nous trouverons quelqu autre occafion de faire mieux connoître ce papillon , N d’en faire graver îles figures que nous n’avons pas eu à temps, pour les pou- voir placer dans la planche 27. où elles auroient dû être. En lifant ce volume, on trouvera une incommodité qu’il ne m’a pas été poffibled’épargner, on y elt fouvent renvoyé aux planches du premier volume. Il feroit plus agréable d’avoir dans le livre qu’on lit toutes les figures dont il y eft fait mention, mais on ne voudrait pas avoir un livre très-groffi par des planches qu’on a ailleurs; pour épar¬ gner les renvois aux figures du premier volume, il eût fallu faire reparaître dans ce fécond une bonne partie de celles qui font dans l’autre. 11 m’eft revenu afîés généralement qu’on avoit trouvé le premier volume d'une groficur qui le rendoit incommode à tenir & à manier; il a été ailé de ne pas laiffer le même défaut à celui-ci ; je défilerais fort qu’ils PREFACE. xlv n’euffent l’un & l’autre que des défauts auffi aifés à corriger. Je dois chercher à complaire à ceux qui aiment les.in- feéles; c’eft auffi en faveur de ceux qui aiment les papillons, qui, fenfibles à la beauté, à l’éclat, & à la variété des cou¬ leurs de leurs ailes, tâchent d’en attraper pour les con- ferver fecs, c’eft en faveur, dis-je, de ces curieux que j’ai donné pour fujet de la Vignette du premier Mémoire de ce Volume, une chaffe aux papillons. L’inflrumcnt qui m’a paru le plus propre pour les prendre fans gâter leurs ailes, y efl repréfenté. On y a auffi repréfenté des hommes munis de cet infiniment, & qui en font ufage. Je crois d’ailleurs qu’il devroit être mis au nombre de ceux dont les jardiniers fe fervent. Unepartie du fruit de leurs travaux ne leur feroit pas fifouvent enlevée parles chenilles, ils conferveroient bien des légumes, fi, comme je le dis dans le huitième Mémoire, ils fe divertiffoient de temps en temps à pren¬ dre les papillons de leurs jardins. Tuer un feul papillon fe¬ melle, c’eft quelquefois détruire trois à quatre cens che¬ nilles , avant quelles ayent encore fait Icplus petit défordre. L’inflrument propre à cette chaffe efl un filet formé, foit d’un rézeau pareil à celui îles filets des pêcheurs, mais plus ferré, foit d’un rézeau pareil à celui des cocffes de perruques, foit même d’une fimplegaze, fi on ne s’embar- raffe pas qu’il dure long-temps. Un gros fil de fer roulé en cerceau de treize à quatorze pouces de diamètre, efl labafe de ce filet ; on prend le fil de fer un peu plus long qu’il n’efl néceffiire qu’il le foit pour former le cerceau, & cela afin de donner une efpece de queue â ce cerceau, en tortillant les deux bouts du fil l’un fur l’autre dans une longueur île deux à trois pouces. On lie cette queue contre un des bouts d’une canne longue à volonté, ou on fait entrer cette queue dans le bout creux d’une canne qui fert de manche à l’inflrument. On recourve le cerceau de fer d’un ruban de fil plié en deux, & dont les deux bords font f«j Xlvj PREFACE. appliqués l’un fur l’autre, & couiusenfemble du côté de la circonférence intérieure du cerceau; c’cfi à ce ruban qu’on coud un morceau circulaire de rézeau, ou de gaze. Le milieu de ce rézeau doit avoir une ouverture circulaire alfés grande pour biffer paffer la main librement. Enfin tout autour de cette ouverture on coud un des bouts d’une autre piece de gaze, ou de rézeau : fi celle-ci fe foû- tenoit en l’air, elle formeroit une poche cylindrique, une efpece de manchon. L’autre bout de cette poche porte un ruban, au moyen duquel on peut le pliffer & fermer comme une boude. Cette efpece de poche efl la partie effentielle à finfirument pour prendre le papillon, & pour le prendre fans gâter fies ailes. On imagine affés comment on peut couvrir avec le filet un papillon pofé à terre, ou en quelqu’endroit convenable; mais s’il falioit foûlever le filet pour paffer la main deffous, le papillon profiteroitde l’ouverture pour s’échapper, ou on fe prefferoit trop de Je faifir, & on ne pourrait pas ménager affés fès ailes. Au moyen de la poche, on n’efi point obligé de foûlever le filet; on ouvre le bout de cette poche, on fait entrer fa main dedans, & on prend à loifir & doucement le pa¬ pillon ; ainfi on conferve fes ailes avec toute leur fleur. Je connois des chaffeurs exercés qui, avec ce filet, attrapent même des papillons en volant. Us élevent leur filet au- deffus& vis-à-vis du papillon qui vole, ils conduifent en- fuite promptement le filet contre terre, ou ils le ramènent contre une des bafques du devant de leur habit, & le pa¬ pillon fe trouve pris. Sj/Sir•SSA '&z $f -v!/ *& St*S^^SÎHÎHÎ> SÎ> -A* "Sz © M©©©©@©Qà©9a©§@©®©@f!fi@©pj®©©@©@©®©W©©@p •■*• J i'- ^HP- ■ïmNP' ^^p- imp -ip-» ■•<* ur l’endormir, ou plutôt pour l’engourdir. Dans le mois de Février je fis porter le baquet où elle étoit, dans le jardin, & cela un foir qui promettoit une nuit très-froide; elle le futaulfi ; la liqueurduthermomètredefeendit à près de cinq degrés au-deffous de la congélation: malgré ce des Insectes. I. Menu 29 froid, la marmotte, non feulement ne fut pas engourdie, elle mangea même partie d’un bon morceau de bœuf cuit qui etoit dans Ion baquet. Le froid qui engourdit les mar¬ mottes eff donc de plus de cinq degrés au-deffous de la congélation, bien plus grand que celui qui regne dans une glacière. Il n’cft pourtant pas fur que le degré de froid neceffaire pour les engourdir, le foit pour entretenir l’en- gourdiffement. Qu’on oblèrve le premier degré de froid qui a été capable de faire perdre tout mouvement à un in¬ fecte,& qu’on obferve enluite le degré de moindre froid ou de chaleur neceffaire pour lui rendre l’aétivité, & on trouvera que l’infeéte refte encore fans mouvement dans un air dont le froid eft bien moindre que le froid qu’on a été obligé d’employer pour le mettre hors d’état de fe mouvoir. Peut êtreaufîi, que ceux entre les mains de qui cette marmotte avoit été, à force de l’inquiéter & de l’agi¬ ter, l’avoient accoutumée à manger pendant le froid. On fe- roit peut-être plus aifëment l’expérience de tenir dans un long fommeit ces rats appellés loirs : je n’ai pu parvenir à en voir dans l’état d’engourdiffement dans lequel ils paffent l’hyver; mais feu M. Varignonfur le témoignage duquel je compte autant que fur celui de mes yeux, m’a affûté qu’il avoit eu un loir fi endormi pendant l’hyver, qu’il ne venoit à bout de le réveiller qu’en approchant une de fes jambes affés près d’une bougie pour qu’elle le brûlât legerement; fon reveil ne duroit qu’un inflant; il retomboit dans Ion profond lommeil dès qu’on ceffoit de le tourmenter. Nous ne commençons à compter la vie des animaux que du temps où ils ont commencé à vivre pour nous, mais tous les phyficiens fçavent que le petit animal exiffe au moins dans l’œuf dès que l’œufeff fécondé. Des expérien¬ ces connues & communes, ont appris que ce petit animal peut y être retenu plus ou moins de temps, félon que l’œuf 30 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE eft plutôt ou plûtard fomenté par une chaleur convenable. Dans les pays où on éleveles versàl'oye, des femmes ac¬ célèrent l’accroilfement des petits vers renfermés dans les œufs , en portant ces œufs dans leur fein ; en quelques femaines elles mettent en état de percer leur coque & d’en fortir, des vers qui n’en feroient fortis qu’au bout de cinq à fix mois s’ils avoicnt été expofés à l’air libre. En tenant les mêmes œufs dans des lieux froids, on les con- ferve une année, 6 c des années, fans que les petits éclofent. 11 y a donc des temps-très longs pendant ielquels on ar¬ rête raccroilfemcnt fenfiblc du petit animal fans le faire périr. Si on médite bien cette idée, h on en tire toutes les conféquences qu’elle peut fournir, elle paraîtra très-fa¬ vorable au fentiment de ceux, qui pour nousconfoler de l’impoftibilité que nous voyons à expliquer la première for¬ mation des êtres organifés, veulent qu’ils ayent exifté de¬ puis que le monde eft monde, 6 c qu’ils ne le développent que quand les circonftances y aident. Dès que nous voyons qu’un infeéle qui ne vit pour nous que quelques mois, peut avoir vécu auparavant plu- fieurs années dans un œuf, parce qu’il n’y croiiïoit point, nous pouvons concevoir qu’il y a eu des temps où cet in- feèfte prodigieufement plus petit qu’il ne l’eft dans l’œuf, étoit renfermé fous une enveloppe d’une petitelfe indé¬ terminable, où ilvivoit fans s’étendre & fans fc dévelop¬ per, & qu’il y a pu être renfermé pendant des fiécles 6 c des fuites de fiécles fans croître fenfiblement. Les plantes font propres à nous difpofer à nous révolter moins contre une idée qui a quelque chofe d’effrayant. La graine eft l’œuf, dans lequel la petite plante eft renfermée. Il eft connu que certaines graines font en état de germer après avoir été gardées pendant plus de vingt ans, c’eft-à-dire, que la pe¬ tite plante a pu relier renfermée dans la graine pendant des Insectes. /. Mem. 31 plus de vingt ans fans y périr; elle y a vécu vingt ans fans croître. Qu eft-ce que la grandeur d’une plante renfer¬ mée dans une graine donne & de hêtre, par rapport à celle à laquelle elle doit parvenir ! L’arbre qui elt réduit fi en petit dans cette graine, a pu être d’une petiteffe pro- digieulement plus grande ; il peuty avoir eu des temps où il etoit renfermé dans une graine d’une groflcur infenfîblc, des temps où il étoit auffi petit par rapport à ce qu’il eft dans une graine ordinaire, qu’il eft petit dans cette graine par rapport au plus grand orme. L’imagination feule s’ef¬ fraye ici, la raifon n’eft point étonnée de toutes ces énor¬ mes petiteffes, des qu’elle s’efl convaincue de la divifibilité de la matière à l’infini. Enfin, dès qu’il eft bien prouvé qu’une chenille peut refter des années dans un œuf fans y croître & fans y dé¬ périr , il 11e doit paraître aucune impoffibilité quelle y relie pendant des fiecles, & pendant des fuites de ficelés ; & ce que nous avons vu pofîible par rapport aux infec¬ tes , nous le doit paraître également par rapport aux plus grands animaux. Quelle peine pouvons nous avoir d’ac¬ corder que le poulet qui n’eft qu’embryon, que germe, peut fubfifter dansfon œuf pendant une longue fuite d’an¬ nées! & ce qui aura été accordé du poulet le doit être de tous les plus grands animaux, qui, s’ils ne naifTent pas d’œufs femblables à ceux des poules, doivent toujours être confervés & croître fous des enveloppes équivalentes à celle des œufs; car ce n’eft pas feulement dans les œufs des infeétesque les petits animaux peuvent fe confervcr long-temps fans y périr, il en eft apparemment de même desœufs des autres animaux. Nous rapporterons d’autant plus volontiers les expériences que nous avons ébauchées par rapport aux œufs des oifeaux, qu’elles nous appren¬ dront au moins une pratique qui peut avoir des utilités. 32 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Il n’eft pas indiffèrent de pouvoir conlerver des œufs de poule très-frais pendant long temps, & ces expériences nous en donneront le moyen. Tous les œufs que couve une poule ne font pas également frais; fi elle les a tous pon¬ dus , il y en a tel qui eft de quinze à leize jours plus vieux qu’un autre. L’embryon périt dans l’œuf lorfque 1 œuf de¬ vient trop vieux, parce que l’œuf le corrompt; mais il y vi- vroit quelquefois plus long temps fi onempêchoit l’œuf de fe corrompre. Obfèrvons ce qui fe paffe dans un œuf à mefure qu’il fe corrompt , & nous ferons conduits à trouver des expé¬ dions pour le conferver fain, ou ce qui eft la même chofe, frais. Malgré la tiffure compacte de fa coque écailleufe, malgré la tiffure ferrée des membranes flexibles qui lui fervent d’enveloppe immédiate, l’œuf tranfpi'e journelle¬ ment, & plus il tranfpire & plûtôt il fe gâte. Il n’efl perfon- ne qui ne fçache que dans un œuf frais & cuit, loit mol¬ let, foit au point d être dur, la fubftance de l’œuf rem¬ plit fenfiblement la coque; & qu’au contraire il refte un vuide dans tout œuf vieux, qui eft cuit, & un vuide d’autant plus grand que l’œuf eft plus vieux. Ce vuide eft la mefure de la quantité du liquide qui a tranfpiré au travers de la coque. Aufli pour juger fi un œuf, même qui n’eft pas cuit, eft frais, on le place entre une lumière & l’œil ; la tranfparence de la coque permet alors de voir que l’œuf vieux n’eft pas plein dans fa partie f upérieure. Des obfèrvations moins vulgaires, & qui ne pouvaient être frites que par des yeux plus éclairés que ceux du com¬ mun des hommes; des obfèrvations faites par Bellini & par Valifnieri, nous ont découvert les conduits par lef- quelsl’œufpcut tranfpirer. Ils ont vu que dans les envelop¬ pes qui renferment le blanc & le jaune de l’œuf, il y a des conduits à air qui communiquent au travers de la coque avec des’ Insectes. I. Mem. 5 > lavée l’air extérieur. On voit où font ces paflages lorfqu’on tient un œuf fous le récipient de la machine pneumatique dans un vafe piein d’eau purgée d’air. A mefure qu’on pom¬ pe l’air du récipient, celui qui elt dans l’œuf fort par des endroits où la coque lui permet de s’échapper. Un fait qui prouve encore très-bien que la coque de l’œuf ell pénétrable à l’air, c’eftquele poulet prêta éclore fait en¬ tendre fa voix avant qu’il ait commencé à becqueter fa co¬ que, &. avant qu’il l’ait même fêlée. On l’entend crier très- diftindlement, quoique fa coque foit bien entière. Je fçai que ce fiit a été nié par un phificien qui a beaucoup d’efprit & de connoilïances, il n’a pas cru que le poulet pût fe faire entendre alors; apparemment parce qu’il n’a pas cru qu’il y eut de communication entre l’air intérieur de l’œuf, & l’air extérieur: il a regardé le poulet comme renfermé dans un vafe fcellé hermétiquement. 11 eft cependant très-certain qu’on entend crier le pouict dans une coque, à laquelle il n’a pasfait encore la moindre ouverture. J’en ai entendu, & j’en ai fait entendre à d’autres, plufieurs dans des œufs dont les coques étoient très-continues par tout. Afin qu’il ne me reliât aucun fcrupule fur des fentes extrêmement pe¬ tites , jai lavé ces œufs ; muni d’une forte louppe , j’ai ob- fervé leurs coques avec foin, & je n’ai pu appercevoir la moindre fêlure fur plufieurs œufs, dans chacun defquels il y avoit un poulet qui crioit alfés fort. Malgré la tilfure ferrée de fes membranes & de fa coque, l’œuf peut donc tranfpirer & il tranfpire. Il elî pour nous un œuf d’autant plus vieux, ou , plus exactement, d’autant moins bon qu’il a plus tranfpiré. Les paylans de quelques provinces du rovaumeagitent commes’ils fçavoicnt cette phifique, ilsconfervent les œufs que leurs poules pondent dans l’Automne pour les envoyer à Paris en liyver. Ils les tiennent dans des tonneaux où ils font entourés de toutes Tome IL . E 34 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE parts de cendre bien preffée. La cendre qui s’applique contre les coques bouche beaucoup de leurs pores, elle rend la tranfpiration ])Ius difficile. Ces œufs font mangea¬ bles dans un temps où ils euflent été entièrement corrom¬ pus, fans cette précaution. L’eau dans laquelle on tient les œufs frais les conferve pendant quelques jours par une femblable raifon. Mais il m’a para qu’on pouvoit mieux faire pour con- ferver des œufs, que de les tenir fous la cendre ou fous l’eau; que pour arrêter plus furement la matière aqueufe qui tend à s’en échapper par finfenfible tranfpiration , il n’y avoit qu’à les enduire d’un vernis impénétrable à l’eau. Il y a fept à huit ans que j’en fis la première expérience, & ce¬ la vers la mi-Avril. Je couvris plufieurs œufs, qui avoienî été pondus le même jour, d’une couche de vernis de lac- que di(Toute dans l’efprit de vin ; le jour fui van t je donnai encore une couche du même vernis à ces œufs; ainfi la coque de chaque œuf Te trouva renfermée dans une co¬ que de vernis. Vers les premiers jours de Juillet, c’efbà-dire, au bout de deux mois & demi, & de mois chauds, je voulus voir ce que mon opération avoit produit, en quel état étoient mes œufs; j’en fis cuire quelques-uns. Lorfqu’ils furent ouverts, leur blanc parut auffi beau &aulfi graillé que celui des œufs cuits le jour même où ils ont été pondus ; ils avoient tout le lait qu’on demande à l’œuf le plus frais. J’en mangeai un, & j’en fis mangera quelques perfonnes dé¬ licates en œufs frais; ils •furent trouvés auffi bons que des œufs frais peuvent l’être. Les œufs qui n’ont trempé dans l’eau que pendant deux ou trois jours paroiffent très-frais, ils ont le blanc & le lait des œufs les plus frais, mais- ils ont un goût qui déplaît à ceux qui fe connoiffent en œufs. Nos œufs vernis, nos œufs frais de deux mois & demi des Insectes. /. Mem. 3 $ îî’avoient nullement ce mauvais goût des œufs trempés, ni goût defagréabje quelconque. Un autre fecret connu pour conferver des œufs frais, efl de les faire cuire, & on les fait chauffer quand on veut les manger. Quelques perfon- qes capables de faire des expériences, & qui ont fait celle ci, m’ont dit qu’elles avoient mangé des œufs qu’elles avoierit frit cuire deux ou trois mois auparavant, qu’ils paroiffoient frais , mais qu’ils avoient un goût peu agréable. La vian¬ de cuite fe corrompt moins vite que la viande crue; mais {a viande cuite fe corrompt après un certain temps. La cuif- fon peut donc empêcher un œuf defe gâter aufîi vite qu’il eût fait s’il fût relié crud, mais elle ne peut le conferver bon que pendant un temps affés court. L’expérience par rapport aux œufs vernis a été pouffée foin; je n’en ai fait cuire quelques-uns qu’après les avoir gardés un an, & je 11’en ai fait cuire d’autres qu’au bout de deux ans. Ces œufs fi vieux fe trouvèrent pleins de beau¬ coup de lait, leur blanc étoit très-blanc, & fèmblable à celui des œufs frais; mais leur goûtn’étoit pasauffi agréa¬ ble que celui des œufs véritablement frais, ni que celui des œufs vernisdepuis trois à quatre mois ; il étoit tel que celui des œufs qu’on a fait tremper dans l’eau pendant plufieurs jours. C’efl beaucoup pourtant, qu’après deux ans il ne s’y fût fait qu’une altération fi légère. Apparemment que ces œufs euffent pû être gardés frais, ou au moins mangeables encore pendant plufieurs années ; mais des rats trouvèrent moyen d’entrer dans l’endroit où je les gardois, ils percèrent les coques Sc les vuidérent. Je les crus tous dans cet état ,& je ne daignai pas ôter les co¬ ques vuides & percées de l’endroit où elles étoient. Je ne l’ai fait que cette année; parmi les coques vuides j’ai en¬ core trouvé deux œufs qui avoient été épargnes, mais leur vernis avoit été ramolli parle jaune & le blanc qui avoient Éij MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE coulé des autres œufs ; ils étoient collés contre la tablette fur laquelle ils étoient pôles. J’en fs cuire un, plus du tiers de la coque étoitvuidc, auiïi étoit-il très corrompu. Sans faire cuire l’autre je caftai fa coque, & j’en emportai un morceau : fi j’eufle fait cuire cet œuf, il eût eu apparem¬ ment dans fou intérieur un vuide aulfi grand que celui qui s’étoit trouvé dans le precedent; cependant dès que le morceau de coque eût été détaché, il parut plus que plein ; la membrane flexible qui contient le blanc & le jaune s’é¬ leva dans cet endroit au-deftus de la coque, & elle paroil- foit prête à crever par la tenfion qu’elle fouffroit. C’cff qu'il fe faifoit alors une fermentation confidérable dans l’œuf; je le caftai, & il répandit une odeur déteftable. Parmi les œuvres de M. Valifnieri de l’édition in-folio , on a impri¬ mé une lettre de M. Stancari où il parle de quatre œufs laiffés dans une boife pendant quatre ans; un de ces quatre œufs avoitété enduit de ftuc. Dans des journaux; d’Italie, il efl fait mention d’œufs qu’on trouva dans un vieux mur qu’on démoliffoit. Il y a plus de vingt ans que M. l’Abbé Bignon m’envoya un œuf qu’on difoit avoir été trouvé près de Meulan dans un bloc maffif de pierre tiré d’une carrière. Ce dernier œuf me parut un œuf de canne. Tous ces œufs n’avoient pas été entourés de matière capable d’empêcher fuffifamment l’évapora¬ tion , de matières affés impénétrables à une liqueur aqueu- fe; ils étoient gâtés. M. Stancari dit, que quand le fen eût été tiré du ftuc, fon blanc fuintoit au travers de la co¬ que, que fon blanc s’étoit fondu; il étoit pouffé dehors par la fermentation qui fe fu’foit dans l’intérieur de l’œuf Ce qui eft de certain, c’eft qu’en enduifant des œufs de vernis, on les confervera frais auffi long-temps qu’on peut en avoir befoin. Ceux qui font au fait des vernis ne crain¬ dront pas que cette opération foit chère; il feroit aifé à des Insectes. I . Man. 37 un homme Je vernir bien des centaines d’œufs dans un jour, & les vernis à meilleur marché, pourvu qu’ils lèchent promptement,& qu’ilsfoient impénétrables à l’eau, y fe¬ ront propres. La confommation desœufs efi (1 grande qu’ils font un objet digne d’attention. Ne feroit-il pas agréa¬ ble, s’il n’en coûtoit que très-peu de plus, de fubftituer les œufs frais aux œufs vieux qu’on nous prépare de tant de façons, & aufquels on eft obligé d’avoir recours ! D’ail¬ leurs on ne courroit pas rifque de gâter, comme il ar¬ rive quelquefois, les ragoûts dans lefquels on les fait en¬ trer. Pendant l’hyvcr les œufs frais font toujours rares & chers dans les grandes villes, on peut les y rendre com¬ muns N à meilleur marché dans cette faifon. Qui eût eu à Paris pendant l’hyverde 1709. provifion d’œufs vernis, eût fait une grande fortune ; tel œuf frais y fut vendu fix livres; c’efl un cas à la vérité bien extraordinaire. Les vaiffeauxqui partent pour tics voyages de long-cours, au- roient des rafraîchiffemensfûrspourles malades s’ils avoient des provifions d’œufs frais. Dans plu fieu rs pays du Nord 011 les poules ne pondent point pendant l’hyver, on pourra rendre les œufs frais communs. Je ne fçaurois dire précifément de combien la façon de vernir les œufs les enchérira peu, mais je puis en donner quelque idée. Jai pris une petite bouteille pleine d’efprit de vin, qui contenoit la vingt-quatrième partie d’une pinte. J’ai Lit dilfoudre deux parties de gomme lacque-platte avec une partie de colophone dans l’efprit de vin de ma petite mefure. Cette quantité de vernis m’a fuffi pour bien vernir environ trois douzaines d’œufs; ainfi avec une pinte d’efprit de vin on verniroit au moins foixante douze douzaines d’œufs. Mettons l’efprit de vin à cinquante fols la pinte, ce qui eft plus que ne peut valoir celui qui eft nécef- faire ici. Suppofons que la quantité de lacque-platte & de .E iij 38 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE colophone qu’aura diffout cet efprit de vin aille à vingt- deux fols, ce qui efl la mettre haut, lagomme-lacque ne valant que cinquante fols la livre , & la colophone fept à huit fols. De ce calcul il fuit que la dépenlè en vernis pour chaque douzaine d’œufs ne fçauroit aller à un fol. jL expérience apprendra probablement que des couches beaucoup plus minces que celles que j’ai appliquées peu¬ vent fufnre,& j’ai lieu ducroire que ce qui feraconlom- méen vernis, n’ira pas même à la moitié du prix auquel nous venons de l’évaluer. Relie à ellimer à quoi ira la dépenfe de la main de l’ou¬ vrier. Un ouvrier ltilé pourra vernir au pinceau bien des douzaines d’œufs en un jour. On 11’a été qu’environ deux minutes à me vernir chaque œuf avec un très-petit pin¬ ceau , & par conféquent peu expéditif; ainfi on m’a verni deux douzaines & demie d’œufs dans une heure. Mais h au lieu d’étendre le vernis avec un pinceau, l’expérience apprend qu’il fuffit de plonger l’œuf dans le vernis & de l’en retirer, combien verniroit-on d’œufs par jour de cette manière! Au reflc, ce travail devroit être fait à la campagne, des femmes en feraient très-capables. Des payfannes qui verniraient chaque jour Jes œufs frais de leurs poules, n’en trouveraient pas moins le temps de fournir aux foins de leur ménage. Ce qui paraîtra le plus embarraffant, ce fera de tenir l’œuf pendant qu’on le vernira, car il 11e faut pas toucher avec les doigts les endroits vernis. On pourrait faire l’ou¬ vrage à deux fois, vernir l’œuf à moitié & le pofer enfuite par le bout qui n’eft pas verni dans une efpece de coco¬ tier de terre, ou feulement dans un vafè plan de fable. Quand le vernis appliqué ferait fec on vernirait le refie de 1 œuf. Mais il me paraît plus commode, fur tout fi on s en tient à plonger les œufs dans le vernis, d’attacher à un des Insectes. I. Man. 3 9 des bouts de l’œuf un fil avec un peu de cire defpagne, de I y cacheter. C’eft le moyen dont je me fuis fervi pour les vernir au pinceau: on tient l’œuf par le fil , & après qu’il eft verni, le fil donne la facilité de le fufpendre à un clou ou à un cerceau qui pend en l’air, & qui eft fou tenu com¬ me un croc à viande par une corde, ou comme les cer¬ ceaux aufquels on pend des bougies. La façon d’attacher le fil avec de la cire defpagne emporte encore un peu de temps, plus d’une demie minute pour chaque œuf. Tous ces petits frais joints enfemble ne fçauroient aug¬ menter bien fenfiblement le prix des œufs vernis. Mais je dois avertir, que pour faire cuire à propos les œufs vernis, il eft necefîaire de les tenir dans l’eau bouil¬ lante cinq à fixfois plus de temps qu’on n’y tiendroit des œufs frais ordinaires. L’œuf verni doit refter dans l’eau bouillante un peu plus de trois minutes. La caufemême qui fait que le vernis conferve l’œuf, le rend plus long à cuire. Pour que l’œuf cuife, une portion de fon humeur aqueufè doit s’évaporer, & le vernis s’oppofe à l’évaporation. L’œuf feroit encore bien plus long-temps à cuire, fi la chaleur qui ramollit le vernis 11e le mettoit dans un état où il peut moins rélifter aux parties qui font effort pour s’échapper. Mais pour revenir au principal objet de ce mémoire, il refte à fçavoir, fi nous confervons l’embryon du poulet vivant dans les œufs que nous confervons frais pendant un temps fi long. On peut craindre que l’odeur du vernis & toutpaflage bouché à l’air par ce vernis, ne l’y faffent périr, ne l’y étouffent. Pour décider cette queftion, je don¬ nai à couver à une poule fept œufs ordinaires, deux œufs vernis, & cinq œufs que j’avois dévernis ; ceux-ci avoient été enduits pendant près de deux mois & demi, c’étoient les plus vieux que j’euffe alors. Pour les dévernir je m’étois contenté de les mouiller d’efprit de vin qui avoit un peu 40 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRË ramolli lèverais, que j’avois enlevé enfuite en le ratifiant avec un morceau de verre. Je n’avois pasofé lai fier trem¬ per les œufs dans l’efprit devin pendant le temps nécefiaire pour diffoudre le vernis, de crainte que cette fubtile liqueur ne pénétrât au travers de la coque, & qu’elle ne lit périr l’embryon. Parmal-adrefledela poule ou par quelqu autre accident, un des œufs vernis fut caffé. Au bout de vingt jours ou vingt jours & demi les poulets éclorent à l’ordi¬ naire des œufs qui n’avoient point été vernis; mais il n’en fortit point, ni de l’œuf verni ni des œufs dévernis ; deux de ceux-ci étoicnt ce qu’on appelle ries œufs clairs, étant fecoués ils faifoient du bruit, ils avoient du vuide dans leur intérieur, je les caflai, & je vis qu’ils étoicnt des œufs pourris. Cette première expérience fembloit prouver que le vernis dont les coques des œufs avoient été enduites, avoit fait périr le germe du poulet; il pouvoir cependant fe faire que les œufs qui avoient été vernis fufient des œufs qui n’avoient pas été fécondés. Il falloit répéter l’épreuve avant que de décider; d’autant plus que l’œuf verni, & les trois autres œufs dévernis, qui refioient, paroiflpient pleins; fecoués, ils ne faifoient entendre aucun flottement. Je remis ces quatre œufs tout chauds fous une autre poule qui couvoit depuis deux jours, je les y laiflai pendant dix- fept jours. Ne voyant pas paraître de poulets après un f long terme, je les retirai de deffous la poule ; les trois œufs dévernis étoicnt devenus des œufs clairs, c’cft-à- dire, des œufs dans lefquels on emendoit un flotte¬ ment lorfqu’on les fccouoit. Je les caflai tous trois, je ne vis rien dans leur intérieur qui eût bien la forme de poulet, mais ils ne me firent pas fentir de mauvaife odeur. Pour l’œuf verni, il étoit reflé plein ,on avoit beau le fecouer on ne s’appcrcevoit pas du plus petit bruit. Je le caflai, curieux des Insectes. I . Mem . 41 curieux de voir ce qui ctoit dans Ton intérieur. Je n’y trou¬ vai rien que le blanc & le jaune, mais qui me fembloient précifement dans l’état de ceux des œufs ordinaires ; en un mot, cct œuf qui avoit été couvé pendant plus de trente- huit jours me parut un très-bon œuf, & tel que ceux que nous mangeons. Il n’y avoit plus moyen de le faire cuire en œuf à la coque, la fienne avoit été trop caffée; mais on le fit cuire avec du heure , comme ceux qu’on appelle des œufs au miroir. Deux perfonnes qui étoient avec moi en voulurent goûter, nous en mangeâmes tous trois, & nous le trouvâmes aulfi bon qu’un œuf cuit de cette manière le peut être; nous ne lui trouvâmes aucun goût diffèrent de celui des meilleurs œufs. Voilà afïïïrement la plus forte des épreuves à laquelle les œufs vernis pufTent être mis, Si j’aurois eu peine à croire qu’ils l’eu fient foûtenue. Nousnefçavons rien dire de plus pour faire entendre qu’un œuf eft deteflable, que de dire qu’il a été couvé ; en voilà un qui l’a été pendant plus de trente-huit jours fans être altéré fenfiblement. Je ne crains point à préfient de dire qu’on peut porter les œufs vernis au bout du monde, qu’on leur peut frire paf- fer la ligne, fous laquelle ils ne feront pas expofés à une chaleur plus grande que ccile qu’ils foûtiennent fous la poule; le vernis les deffendra. Les faits que nous venons de rapporter ne me parurent pas fuffire encore pour prouver que le germe périt dans l’œuf verni : ils prouvent bien que fi un poulet pouvoit éclore d’un œuf verni, il fiiudroit que cct œuf fût peut- être couvé pendant une fuite d’années plus longue que nous ne l’imaginons. Ils prouvent encore que nous n’a¬ vions pas bien déverni les œufs que nous avions donné à couver comme œufs dévernis: trois de ces œufs, après avoir été couvés pendant trente-huit jours, étoient à la Tome IL , F 42 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE vérité devenus des œufs moins pleins; mais ils n’étoient pas des œufs puants comme l’auroient été,en pareil cas, des œufs ordinaires. 11 y étoit apparemment relié plus de ver¬ nis que je ne l’avois crû, des couches minces que je n’a- vois pu appercevoir avoient fuffi pour arrêter ou pour diminuer confidérablement la tranlpiration. J’ai donc apporté plus d’attention à dévernir d’autres œufs ; je les ai laide tremper pendant quelques inflants dans felprit de vin, je les ai ratifiés ; je les ai plongés enfuite dans i’efprit de vin, & je les ai frottés à differentes reprifes jufques à ce que j’aie eu rendu leur coque auffi blanche qu’elle l’é- toit avant que d’être vernie. Je mis quatre de ces œufs fous une poule; après qu’elle les eût couvés pendant dix-neuf jours, temps où les poulets dévoient être prêts à éclore, & où effectivement j’en avois tiré un à qui il ne manquoit pres¬ que plus rien, d’un œufqui n’avoit jamais été verni; après, dis-je, ces dix-neuf jours, je tirai les œufs dévernis de defi- fous la poule. Un des quatre failoit entendre du flottement lorfqu’on le fecouoit, & ne valoit rien : les trois autres étoient bien pleins ; j’en caffai deux qui étoient de bons œufs, & je doutai fi je n’y trouverais pas un embryon tel qu’il efl dans les œufs couvés depuis peu de jours. Mal¬ gré les foins que j’avois crû apporter à les dévernir, je n’y avois pas réuffi apparemment, le vernis avoit péné¬ tré dans l’intérieur de la coque, au-deffous de la couche que j’avois enlevée en ratifiant ; ce qui me détermine à le croire,c’efl que les œufs s’étoient confervésfains. Je caffû le quatrième œuf ; pour celui là enfin il avoit été bien dé¬ verni: j’y trouvai un poulet tout couvert de les plumes, un poulet tout prêt à éclore; mais je ne fçai s’il fût éclos, ou au moins s’il eût vécu. Le hazard a voulu que le pre¬ mier poulet que j’aie été bien fur d’avoir vû dans un œuf déverni, étoit un poulet monftrueux; il n’avoit qu’une tête, DES ÎNSECTES. I. Mem. 43 ün corps, deux aîles; mais il avoit quatre jambes & quatre cuiffes. Les phyficiens n’ont pas befoin que je m’arrête à prouver que le vernis n’avoit en rien contribué à cette pro¬ duction monftrueufe; qu’il 11’étoit pas caufequ’ily avoit eu un germe de plus dans cet œuf, que dans le commun des œufs ; de ce que les deux germes s’y étoient réunis, & qu’il n’étoit relié à l’extérieur que les deux cuilfes, & les deux jambes de l’animal d’un de ces germes. Tout cela , dis-je, n’elt pas néceflaire à prouver, & quelque fyfteme qu’011 fuivefurlaproduétion des monftres, il n’y en a pas, je crois, où l’on veuille que le vernis a fait naître deux cuifTes de plus. Mais ce poulet tout monltrueux qu’il étoit, l'uffit pour nous mettre en état de décider la quellion qui paroilfoit très- incertaine ; pour décider que le vernis ne fait pas périr le germe de l’œuf. En vernilfant des œufs on prolonge donc la vie de l’embryon ; mais pendant combien de temps la peut-on prolonger par ce moyen ! c’ed ce qui ne pourra être fçû que quand on aura fait couver des œufs qui au¬ ront relié fous le vernis pendant plusde mois que celui-ci, & qu’on prendra des précautions que j’ai négligé de pren¬ dre pour empêcher le vernis de pénétrer dans l’intérieur de la coque, & pour pouvoir bien dévernir les œufs. Qu’on ne croie pas au relie que j’ai pû prendre un œuf non verni pour un œuf déverni. La méprife n’étoit pas pollible, parce que j’avois lailfé au bout de chaque œuf déverni, la goutte de cire d’efpagne à laquelle étoit attaché le fil par lequel on le tenoit pendant qu’011 palfoit le pinceau chargé de vernis fur la coque. Il refulte de ces dernieres expériences , qu’une couche de vernis, quelque mince qu’elle foit, fuffitpour confer- ver les œufs. Avant que de ceffer de parler des œufs, faifons atten¬ tion à l’effet fmgulier que produifent fur eux dilférens Fij 44 MEMOIRES POUR L’HlSTOlRE dégrés de chaleur. Dans l’air qui n’a que le degré de cha-< leur que nous appelions du froid, l’œuf le confcrvc faiii pendant un temps affés long; l’œuffecorrompt s’il efl dans un air chaud, & fe corrompt d’autant plus vite que la cha¬ leur de l’air efl plus confidérable ; & cela pourtant feule¬ ment jufqu’à ce que la chaleur qui agit fur l’œuf, foit à un certain degré; fi elle paffe ce degré, elle produit le dé¬ veloppement & l’accroiffement du poulet. Alors l’œuf ne fe corrompt point; fila même chaleur agiffoit fur un œuf qui ne fût pas fécondé, elle le feroit corrompre très-vîte. Lorfque la chaleur fuffit pour produire le développement du poulet, lorfque le poulet le développe réellement, il empêche donc par fon accroiffement les fubffances de l’œuf, dont il doit fe nourrir, de fe corrompre; il arrête la fermentation qui feroit pourrir l’œuf. La circulation des li¬ queurs empêche cette efpcce de fermentation ; enfin cette même circulation efl caufe qu’il ne fe fait plus au travers des parois de l’œuf une tranfpiration auffi confidérable. Il fefait pourtant du vuide dans l’œuf dans lequel le pou¬ let croît; mais la membrane qui fe détache d’un des bouts de la coque tient affujetties les fubflances molles quelle renferme, elle les contient de maniéré qu’on peut fecouer l’œuf fans entendre de ffuéluation. * Nous avons donc prouvé qu’on peut prolonger la du¬ rée de la vie des infeéles qui ne f ont encore qu’embryons, qu’on peut encore prolonger la durée de la vie de ceux qui font,pour ainfi dire,dans un âge moyen, qui ont les formes de enfaiides ou de nimphes, & qu’en fin on peut même prolonger la vie de ceux qui ont paffé par toutes leurs métamorphofes, & qui ont pris tout leur accroiffe- ment. Mais on demandera fans doute encore une fois, * Voycs Observations fur la formation du poulet, par Antoine Maître Jan. Paris che^d’Ploury } }yzz% des Insectes, 7 . Ment. 45 s’il n’y a aucun cfpoir de prolonger la durée de la vie des machines animales qui nous interefient le plus; li nous 11e pouvons pas faire fur les nôtres quelque choie d équiva¬ lent à ce que nous pouvons foire fur celles des infectes l L’analogie conduit à le foire efperer; & nos défirs peuvent bien ajoûter ici de la force aux preuves qu elle paroît nous en donner. Les machines des ini’eéles ne font pas moins parfaites aux yeux d’un phyfeien que les nôtres, elles font même beaucoup plus compofécs, & par là elles paroî- troient plus difficiles à conferver par de-là le terme de leur durée ordinaire. La différence de grandeur n’efl ici de nulle confidération ; le plus de grandeur même d’une machine femble être favorable, à certains égards, à fa confervation , plus de foliditéy efr jointe. Mais examinons à quoi peut le réduire ce que nous devons fouhaiter & efpérer. Après avoir expliqué les moyens d’abréger & les moyens de prolonger le cours de la vie des papillons fous la forme de crifalide, nous avons déjà mis en queffion s’il y auroit à gagner en palfont plus lentement par les mêmes degrés d’accroiffement, & parles mêmesclégrésde décroiffement. La queffion fera encore plus ailée à décider, fi ellecft ré¬ duite à fçavoir s’il feroit lbuhaitable de pouvoir paffer une longue fuite d’années dans un état de létargie ou d’en- gourdiffement, tel que celui dans lequel les loirs, les ours, les marmottes & tant d’cfpeces d’infectes font pendant tout i’hyver,& celafans rien retrancher des jours d’une vie active. Ce temps d’engourdiffement, quelque long qu’il pût être, ne devrait prefque pas être compté pour un temps où nous vivrions; notre véritable vie effila fuiteapperçûë de nos penfées & de nosfentimens. Il eft étrange, mais il efl vrai que les fentimens font pins vifs, & que les penfées fe fuc- cédent plus rapidement dans les machines animales quand le cours des liqueurs efl plus prompt. Nous fçavons que 4 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE dans les violentes agitations des pallions nos liqueurs cir¬ culent avec plus d’impetuofité que dans letat naturel, & que nous perdons & lentons alors plus vivement & plus ra¬ pidement. Mais l’engoiirdifTement de l’efprit dût-il être plus grand que celui du corps, mille gens croient peut-être qu’ils le- roient heureux s'ils êtoient les maîtres de prolonger à ce prix leur vie pendant une longue fuite de fiécles. Prêtons nous pour un infrant à des chimères qui peuvent les flatter. Quelqifun qui a pû fe promettre de vivre pendant quatre- vingt ans, faifiroit comme une idée agréable de durer pendant dix à douze fiécles, pendant chacun defqucls il n’aurait que huit à neuf ans de véritable vie, de vie aélive. Quand on a pafTé un certain nombre d’années dans ce monde ici, il n’a plus ailes defpeétacles à nous offrir, on a tout vû. Quelqu'un qui ne le reverroit que de fiécle en fiécle trouverait des fpcélacles plus variés, foit dans le phyfîque, foit dans le moral ; la face de la terre pourrait lui frire voir des changemens; les progrès des fciences & des arts, les révolutions dans les focietés, les change¬ mens dans les mœurs, dans les goûts, dans les modes, of¬ friraient bien des nouveautés amufrntes. Un aflronome paffionné pour les progrès de fa fcience, qui voudrait con- noître le retour précis des certains affres, fairedes obferva- tionsqui ne peuvent être faitesqu’après plufieurs fiécles, ferait bien tenté de divifer ainfi fa vie s’il en étoit le maître. Suppofons pour un infant le fecret de difîribuer à vo¬ lonté, la durée île la vie, trouvé : efl-il bien fur qu’on en fît ufageî on ferait alors des réflexions qu’on ne fait pas aéfuel- lement. Quioferoit fe plonger dans un fommeil d’une lon¬ gue 1 uite d’années, pendant lequel on craindrait de périr par des accidens contrelefquels onnepourraitfedefiendre,par des Insectes. /. Mem. 47 des incendies , par des inondations, par les fuites des guer¬ res, par l’avidité des heritiers, par la négligence de ceux qui devraient veiller à notre fureté. Enfin tant de fujets d’inquietudes viendroient effrayer l’imagination, que je ne fçais fi on accepterait même d’être endormi pendant lin hyver entier, & s’il ferait raifonnable de l’accepter. Il 11’y a que ceux à qui la vie efl actuellement à charge, qui fuffent capables de fe livrer à des fommeils de plufieurs années. Mais fans tomber dans une affreufe létargie, ne pour¬ rions-nous pas tirer quelque parti des obfervations que les infeéles nous ont fournies, pour jouir d’une meilleure fanté, & pour en jouir pendant plufieurs années l Sans plonger les infeéles dans une vraye létargie, nous prolon¬ geons leurs jours, & cela en diminuant leur infenfible tranf- piration. Il en efl des machines animales comme de toutes les autres machines, indépendamment des eau les étrangè¬ res qui peuvent occafionner leur deftruélion , elles font détruites infenfiblement parles opérations mêmes aufquel- les elles font deflinées, par leur propre aélion ; elles 11e peu¬ vent chacune fournir qu’à une quantité limitée d’opéra¬ tions. Des roues qui rouleraient nuit & jour fans dif- continuer, feraient réduites dans un mois à l’état où elles fe feraient trouvées au bout d’une année, pendant laquelle elles n’auroient roulé que deux heures par jour. Il en efl de même en quelque forte de noflre effomach , de tous nos vifcéres, & généralement de toutes les parties de no¬ tre corps. Toutes chofes d’ailleurs égalés, l’eflomach qui aura digéré dans un an ce qu’il lui eût fuffi de digérer en deux, fe fera peut-être autant ou plus ufé dans un an, qu’il fe fût ufé dans deux. A la vérité, le principe fur le¬ quel font conflruites les machines animales efl tel 1 , qu’une certaine quantité d’aélions leur efl continuellement nécef-r 43 MEMOIRES POUR l’HîSTOIRE faire, & quelles fe réparent elles-mêmes en partie; mais elles ne fe réparent qu’en partie, elles ne font pas im¬ mortelles. Leur eftomach & leurs inteflins extrayent des alimens qu’ils ont reçus,des fucs qui fe diftribuent dans toutes les parties, &qui remplacent ce qui le diffipe par l’infenfible tranfpiration. Le principal jeu de ces machines dépend des vaiffeaux, & de vaifTeaux qui ont un reffort au moyen duquel ils pouffent &font circuler les liqueursqui y font contenues ; mais à force de fervir, ces vaiffeaux fe durciffent, fe racorniffent. II eft ordinaire de trouver les artères des vieillards offifiées. Pins la quantité de liqueur que nos vaiffeaux auront été chargés de faire circuler dans une année fera grande, & plus auffi la lbmme des efforts qu’ils auront employés fera grande, & plus ils doivent s’être durcis. Un des moyens que nous avons employés avec fiiccès pour prolonger la r ie des infeéles, a été de les tenir dans un air plus froid ; le froid a diminué leur infènfible tranfpira- tion,& a ralenti leursmouvemensintérieurs. Nous avons au contraire abrégé le cours de leur vie en les tenant dans un air plus chaud. Le froid & le chaud font ils capables de produire fur nous de pareils effets 1 nous fçavons au moins que le chaud peut quelque chofe pour l’accroiffe- mentdes hommes. Dans les pays chauds ies filles font plu¬ tôt nubiles, & les femmes ceffcnt plutôt d’être fécondes que dans les pays froids, fl feroit curieux de faire des ex¬ périences pour fçavoir fi les en fan s & les grands animaux de toutes cfpeces ne croiffent pas plus vite pendant l’été que pendant l’hyver; il y a tout lieu de croire qu’on trou- veroit qu’ils croiffent plus pendant les mois chauds que pendant les mois froids. Les oifeaux domeffiques qui éclo- fent pendant l’hyver, croiffent avec une grande lenteur en coniparaifbn de ceux qui naiffent dans une laifon plus favorable. des Insectes. I. Aient. 49 favorable. Les relations nous donnent plus cl exemples de longues vies d hommes dans les pays froids que dans les pays chauds, & les différences entre les longueurs des vies des habitans de ces difîcrens climats, feroient peut-être plus confidérables fi les habitans des pays froids ne le donr,oient pas plus d'exercice, 6 c ne mangeoiem pas plus que ceux des pays chauds. Communément les habitans des pays chauds font iobres, 6 c ils agiffent peu. Les obfervations faites en Italie par Sanétorius, en France par M. Dodart, 6 c en Angleterre par M. Keil, concourent à établir que la tranfpiration eft plus grande dans les pays chauds que dans les pays froids, 6 c que dans le même pays elle efc plus grande pendant l’été que pendant l’hyver. Nous ne l'ommes pas tous deftinés à habiter des pays froids; il ferait dommage que les climats chauds, 6 c lur- tout que les climats tempérés fuffent abandonnés. Il y a même des circonflances qui font que tous les pays froids ne font pas favorables à la longueur de la vie. Quand les La¬ pons 6 c les Samogétes vivraient plus long temps que nous, on devrait préférer de paffer une vie plus courte dans des pays plus beaux que les leurs. Mais le lëni moyen de di¬ minuer l’infenfible tranfpiration n’eftpas de vivre dans un air froid : ne pourrions-nous pas en employer quelque autre pour conferver nos corps, pour les empêcher de s’ufer, 6 c de dépérir auffi vite qu’ils font, pour diminuer la quantité de ce qu’ils perdent journellement par la peau î Ne penféra t-on pas au contraire qu’en diminuant notre inlenfible tranfpi¬ ration, on abrégerait nos jours! On eft convenu d’attribuer la plupart des maladies à l’infenfible tranfpiration fupprimée ou trop diminuée; 6 c il eft certain que plufieurs maladies n’ont point d’autre caufe. Mais eft il certain que la quantité d’infenfible tranfpiration qui l'emble nous être devenue né- ceffaire, le foit parl’inftitution delà nature! N’avons-nous Tom. IL . G 50 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE point accoutumé nos corps à trop tranfpirer, parle trop de foin que nous avons pris de dérober notre peau aux impref- fions de l’air, en la couvrant de vêtemens épais, ferrés & chauds! Nous fçavons que nous pouvons déterminer les évacuations naturelles à le faire par d’autres voyes que cel¬ les par lefquelles elles fe font ordinairement; & qu’il elt dan¬ gereux d arrêter trop fùbitement les évacuations qui fe font même contre l’ordre de la nature, quand elles s’y font de¬ puis long temps. Mais que la grande tranfpiration qui fe fait chés nous foit contre nature ou félon la nature, il pa- roît certain, quelle peut être diminuée au moins peu à peu fans que la fanté en fouffre. La différence ries alimens, la différence des climats, la conflitution de l’air, le froid 51 le chaud influent fur la quantité de matière qui s’é¬ chappe par les pores de la peau. Sanélorius a trouvé à Padouë, quelorfque le poids de tous les gros excrémens enfembie, parmi lefquels l’urine efl comprife, eflde trois livres, le poids de la matière que nous avons tranfpirée efl de cinq livres; Si M. Dodart a trouvé que le poids des gros excrémens efl à Paris, à celui de la matière qui a été tranfpirée tantôt comme deux à trois , & tantôt com¬ me quatre à cinq. Il a paru à M. Dodart par des expérien¬ ces faites pendant des jours très-chauds, & par d’autres fai¬ tes dans des jours très froids, que la quantité de la matière qu’on tranfpire à Paris pendant i’hyvcr, ne va qu’à la moitié du poids de celle qu’on tran(pire en été. Dès que la quantité delà tranfpiration de nos corps varie, lorlque l’air dans lequel nous vivons paffe du chaud au froid, & du froid au chaud, il efl certain , qu’il y a des pays où les variations de la tranfpiration font plus frequen¬ tes, plus fubites, Si plus confidérables que dans d’autres: & il y a apparence, que le pays que nous habitons, efl un de ceux ou la tranfpiration efl fujette à plus de ces des Insectes. I. Mem. 51 variations. O11 fera dilpoié à le croire, fi on confuite dans les mémoires de l’Académie de 1733. les tables des plus grands chauds & des plus grands froids que nous avons eus à Paris en 1732.. &en 1733.&les tables des obfer- vations du thermomètre, faites à fille de Bourbon , entre les tropiques, parM. Coffigny, pendant les mêmes an¬ nées. On y verra que la liqueur du thermomètre fait quel¬ quefois plus de chemin à Paris, dans quatorze à quinze heures d'un jour, qu’elle n’en fait pendant toute l’année dans fille de Bourbon ; qu’à Paris, il y a des heures de certains jours d’été, ou il ne fait pas plus chaud, qu’à de pareilles heures de certains jours de Janvier, ou de Février. Quoique dans fille de Bourbon la tranfpiration doive être confidérable , parce que ledégré de chaleur y cft toujours à peu près celui de notre été, cette ifle eft extrêmement laine, peut-être, parce que la tranfpiration n’y.efl pas fujette à de grandes inégalités. Des paffages fubits d’un air d été à un air d’hiver, d’un air favorable à la tranfpiration , à un air qui lui eft contraire, doivent être rudes à foutenir. Il eft pourtant vrai qu’une tranfpiration trop abondante ne peut que nous affoiblir & nous ufer. Si nous ignorons à quoi pourroit être réduite la tranfpiration abfolument né- cefïaire à un homme faillit vigoureux, nous fçavons prefque qu’il y a eu, & qu’il y a des hommes très forts, par la peau def quels il fe faifoit& il fc fait bien moins de fecretions que par la nôtre. Si on cherchoit un moyen d’empêcher les côrps des hommes de tranfpirer, je ne crois pas qu’on en trouvât un meilleur que de boucher tous les pores de leur peau avec quelque huile, quelque graille épaifle, ou avec quelque eb pece de vernis, comme nous avons arrêté la tranfpiration des œufs au moyen d’un vernis. Ces robuftes Athlètes que l’antiquité nous vante, qui avoient toujours le corps oint 52 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE d’huile, tranfpiroient peu apparemment. Nous n’avons qu’à parcourir les voyageurs pour trouver des exemples dans l'A¬ mérique, dans l’Afrique & dansi’Afie, de peuples qui font dans l’ufage de s’enduire chaque jour le corps d’huiles ou de graiffes épaiffes. Les plus dégoûtans de tous les hommes, les Hottentos qui habitent près du Cap de Bonne-eipéran- ce , mêlent de la fuye avec la grailfe dont ils fe barbouillent tout le corps, & font grand cas pour cet ulage de la graille de nos cuifines. Il pourrait bien fe faire que les Caraïbes ne fe peigniffent actuellement le corps de rocou, que pour fe parer ; mais cette pratique qui fubfifle parmi eux de temps immémorial, a pû n’avoir pas la parure pour premier objet. Ceux qui les premiers y ont eu recours, à cette pratique .peuvent l’avoir reconnue propre à empêcher la dilfipation de leurs forces, & à coniervcr leur lanté. Ces hommes à la vérité ne vivent paspfus que nous ; mais peut- être vivroient-ils moins àcaulè de la nature des climats qu’ils habitent,s’ils laiffoicnt leurs corps autant tranlpirer que les nôtres tranfpirent. Il e(t certain que les hommes qui tranfpirent moins, doi¬ vent être moins fujets aux maladiesqui viennent tle la traul- piration arrêtée ou diminuée. Les bons effets que produi- fent des emplâtres & des topiques de bien des genres , ne doivent ils point être attribués en grande partie à ce qu’ils arrêtent la tranfpiration tics parties fur leiquelles ils lônc appliqués! Je ne fçais pas de combien la tranlpiration cil di¬ minuée dans un bain froid ; mais je penfe avec M. Dodart qu’elle y eft diminuée ; & il paraît certain que toutes les maladiesqui ont étéguériespar l’application immédiate de la glace, & même par des boiffons glacées, ne font pas été fins que la tranfpiration ait été diminuée confidérablement. Tout ce que nous voulons & tout ce que nous devons conclurre des remarques & des réflexions précédentes, c’eft des Insectes. I. Ment. 5 3 que c’eft une matière à expériences curieufes & impor¬ tantes, que de rechercher à quoi peut être réduite notre infenfible tranlpiration, & s’il y auroit des avantages à tirer de fa diminution. Nous ne devons pas ofer tenter fur des hommes, les expériences qui pourroient lesexpolerà quel¬ que rilque; mais la puifiance i'upérieure d’un état pourroit ordonner qu’on fit celles que nouspropofons fur des lit jets qui ayant mérité des punitions corporelles, fe trouveraient très-heureux de n’être condamnés qu’à fervir à de telles épreuves. Après tout pourtant, le témoignage de l’antiqui¬ té, celui des voyageurs, & les expériences de Sanéïorius, de Meilleurs Dodart & Keil fe réunifient pour nous prouver que ce font des épreuves qui pourroient être faites fans rilque, fur tout, h on y alloit par dégrés inlenfibles, & qu’on les fit fur des enfans. On pourroit au moins les faire fur des animaux, & il paraît déjà prouvé, qu’ils n’en louf- friroient pas. Une expérience de la nature de celles que je propole fe fait tous les ans en Perle fur un des plus grands animaux, fur le chameau. Chardin rapporte'*' que le poil *Tom.lv. tombe tout à cet animal au printemps, fi entièrement qu’il P a §- 79■ E- paroit comme un cochon échaudé, qu alors on lepoijfe par tout C i 1 ' u ‘ s pour le deffèndre de lapiquûrc des mouches La tranlpiration doit être bien diminuée & bien fubitement, dans un animal dont on enduit toute la peau de poix. La preuve pourtant qu’il n'en fouffrepas, c’elt que cette pratique s’eft établie & qu’elle a fubfifté. M. G ranger, à qui l’amour de l’hifioire naturelle ne permet de connoître, ni fatigues, ni dangers; qui pour f tire d’utiles & de curieufes récoltés, a vifité deux fois l’Egypte d’un bout à l’autre; qui n’a point été cfiiayé de vivre avec les Arabes, & de parcourir avec eux les delèrts qu’ils habitent. M. G ranger, dis-je, près de partir de Rofictte pour pafler en Syrie, m’écrivit le 17. Avril 173 y 54 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE une lettre dans laquelle il me raconte une guérifon opérée par un procédé fingulier,& qui a été dûë, au moins en grande partie, à des enduits du genre de ceux dont nous venons de parler. Un François,commis actuellement à Alexan¬ drie chez le heur Pimantel, après avoir (oùtenu pendant deux mois une rude diarrhée , devint hydropique, à tei point que Ton ventre touchoit prelque ion menton. Les remedes que lui donnèrent les médecins d’Alexandrie, & les chirurgiens des vaifieaux, pendant quatre à cinq mois, ne lui procurèrent aucun foulagement. Fatigué d’une telle maladie, & des remedes tentes fans fuccès, il fe ht voitu- rer à Roflette, pour s’y mettre entre les mains de deux Arabes qui le traitèrent de la maniéré fui van te. Ils le fi¬ rent porter dans une étuve: on l’y mitnud comme la main : on le frotta avec un linge jufqu’à ce que fa peau fut bien rouge. Alors on lui oignit tout le corps avec environ deux onces d’huile de noifette; après quoy on fenduifit d’un mélange bien chaud de godron ,<& d’huile de lin. Cette fécondé onétion faite, on le poudra de grains de bled bien torréfiés & bien chauds, qui s’attachèrent à 1 enduit de godron. On l’emmaillotta enfuite comme un enfant, &: on le lailfa étendu fur le marbre d’une étuve pendant vingt-quatre heures. Après ces vingt quatre heures on le démaillotta : on lui lava le corps avec de l’eau & du favon. Quand l’enduit eût été emporté, on lui en remit un nouveau, pareil au premier, & on l’emmaillotta com¬ me la première fois. Alors les Arabes le firent reporter chezlui ainh emmaillotté, pour le mettre dans fon lit. Pen¬ dant le chemin, il urina fi copieufement que Ion enflure étoit prefque diffipée lorfqu’il arriva dans fa maifon. Dans l’intervalle des vingt-quatre heures qui fe paflerent entre la première & la fécondé onélion, on fit prendre au malade feulement deux bouillons faits de trois pigeons, d’une des Insectes. I. Aîem. 55 poignée de poivre & de pareil poids de gingembre, 6c de clouds de gerofle : on lui permit deux taftes de cafîë, mais aucune autre boiffon. Je ne dirai rien du régime qui fut prefcrit pour achever & pour aiïurer la guérifon ; mais je dois dire, quêtons les hydropiques ne l'oûtiendroient pas un tel remede. M. Granger a grand foin de m’appren¬ dre, que deux Arabes qui furent traités comme le Fran¬ çois , & dans le même-temps, ne furent pas aulfi heureux. Les pauvres miférables périrent emmaillotés. Le grain rôti pouvoit avoir été jetté trop brûlant fur eux ; celui qui tomba fur notre François étoit chaud à un point qu’il crut qu’on le rotilfoit lui-même. La chaleur excelfive du grain eft peut-être ici de trop. L’enduit de poix fait peut-être la plus grande partie du remede; & le grain pourroit bien n’avoir été employé que pour épaiflir l’enduit, & donner plus de facilité d’emmaillotter le malade. Les crifalicles nous ont fourni la première & la princi¬ pale matière de ce mémoire; j’ai déjà tenté fur elles ce que je propofe de tenter fur les plus grands animaux. Dans l’hiver j’ai enduit d’un vernis, qui n’étoit que de la lacque dilfoute dans l’efprit de vin , toute la peau d’une crifalide d’une belle chenille du titimale. J’ai évité avec foin de palfer le pinceau mouillé de vernis fur les ftigmates, mais je n’ai épargné que les ftigmates; tout le refteaétébien verni. Une liqueur aqueufe, telle que celle qui s’échappe du corps de la crifalide pendant que fe font les progrès de l’affermi(Tement des parties du papillon, une telle liqueur aqueufe, dis-je, ne pouvoit pafler au travers de l’enduit de vernis ; elle ne pouvoit s’échapper que par les ftigmates, ou que par peu d’autres endroits. Il me paroiftoit donc, que par ce moyen j’avois conftdérablement diminué la tranfpiration delà crifalide; il reftoit feulement à fçavoir, fi mon opération 11e feroit point funefte à i’infeéte. La 5 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE crifalide n’a pas paru s’en porter moins bien ; le papillon cft venu en état de fetirerde l'on enveloppe vernie, & s en elt très-bien tiré : mais ç’a été un mois & demi, ou deux mois piûtard, qu’il ne l’eût fait (i la crifalide n’eût pas été vernie. J’ai donc retardé l’accroiffement du papillon, ou ce qui efc toujours la même chofe , j’ai prolongé là vie en diminuant là tranfpiration au moyen d’un vernis. J’ai traité de même une crifalide venuë de cette grande che¬ nille du poirier qui donne le grand papillon paon , & le papillon ell forti de cette crifalide vernie cinq à lix femai- nes piûtard que les papillons de même cfpece ne font for- tis des crifalides non vernies. SECOND des Insectes. IL Mem. 57 SECOND MEMOIRE. DE L’ACCOUPLEMENT DES DIFFERENTES ESPECES DE PAPILLONS; De leurs parties defîinées à la génération ; des figures de leurs œufs ; des endroits où ils les dépofent, D avec quelles précautions. P Armi nos papillons de tous genres Si de toutes efpeccs, il y a des mâles Si des femelles. Ceux des différens fexes font ailés à diftinguer dans chaque efpece. La réglé prefque générale pour tous les infeétes, Si con¬ traire à celle qui s’obferve allés ordinairement dans les grands animaux , c’eft que parmi eux les femelles font plus grandes Si plus grades que les mâles; cette réglé ne lé dément point par rapport aux papillons. Le corps des mâles ed plus petit, plus effilé; celui des femelles ed plus gros, plus rende Si plus arrondi : le derrière des premiers ed plus pointu que celui des autres. Ces différences ne font pourtant pas auffi grandes Si auffi frappantes dans les papillons diurnes, qu’elles le font dans les phalènes. 11 y a des femelles de papillons noéîurnes, dont le corps ed une fois plus long que celui des mâles, Si plus gros dans la même, ou dans une plus grande propor¬ tion. Dans les deux clades de papillons noéturnes, com- pofées de ceux dont les antennes ont des barbes, les an¬ tennes luffifent pour faire reconnoître les mâles Si les femelles. Celles des mâles font mieux fournies de barbes. Tome IL . H * Tom. I. P/.2j.f S .y. & S. * Tom. /. PL 2j. 26. 4 ? 27. * Tom. J. PI. 47. df 48 . * Tom. 1 . PI. 24. fg. j. * PI. 1. fig. J i.& 15. * Fig. 1 2. & 13^ 58 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE & de barbes plus grandes, qui font plus preffées les unes auprès des autres, & arrangées d’une manière qui donne une forme plus agréable à l’antenne. Dans un grand nombre, & même dans la plupart des efpcces de papillons foit diurnes , l'oit noélurnes, les cou¬ leurs & les diftributions des couleurs des ailes des mâles & des ailes des femelles font femblables, ou n’ont que de ces variétés qu’on n’apperçoit que quand on cherche à les appercevoir. Ainfi les papillons diurnes des petites che¬ nilles vertes du chou *, loit mâles, foit femelles, ont des ailes blanches, & ne différent que par le nombre &. la pofition de quelques taches noires. Les couleurs des ailes des papillons de différens lèxcs, qui viennent des che¬ nilles épineufes, tant de forme que de l’ortie *, 11e diffé¬ rent point entr’elles fenfiblement. Les couleurs des ailes des grandes phalènes * à yeux de paon, qui fortent de la groffie chenille du poirier, parodient les mêmes au pre¬ mier coup d’œil. Mais il y a d’autres efpeces de papillons, & fur-tout de papillons noélurnes, où la femelle & le mâle font fi différens, qu’on ne foupçonneroit pas qu’ils ne dif¬ férent que tle fexe, fi on ne les avoit vu s’accoupler en~ femble. Les papillons que donnent les chenilles * à oreil¬ les du chefne & de forme, nous en fourniffent un exem¬ ple. La couleur du deffus tics ailes de la femelle * efl un blanc fâle ou un peu jaunâtre, fur lequel on ne voit que quelques taches brunes. Le fond de la couleur des ailes du plus grand nombre de leurs mâles * efl très- brun ; mais ce brun efl mêlé avec des ondes & des ta¬ ches de gris & de blancheâtre, dont il feroit difficile de décrire la diftribution, & qui font un effet agréable. J’ai pourtant vu quelques-uns de ces mâles dont les ailes étoient biancheâtres, mais toujours étoient elles chargées d’uu nombre de taches noires ou brunes qui furpaffoit des Insectes. IL Mem. 59 confidérablement le nombre des taches brunes des ailes des femelles. Les phalènes dont nous parlons font un des genres où les mâles font le plus petits par rapport à la grandeur des femelles. Leur corps n’a pas la moitié de ia longueur de celui de celles-ci, & il en diffère encore plus en groffeur qu’en longueur. Si on ajoute à ccsdiffé- rencês que le mâle porte fur fa tête deux jolies antennes très-fournies de barbes, fouvent droites comme les oreil¬ les d’un lievre, au lieu que les antennes de la femelle font pendantes, & n’ont que de petites barbes écartées les unes des autres; fi on adjoûte encore que le male foûtient fes ailes bien parallèlement au plan fur lequel il efl pôle , au lieu que la femelle les laiffe un peu pendre, il paraîtra qu’ici deux papillons, qui ne différent que de fexe, font plus différais à nos yeux que bien des papillons de diffé¬ rais genres, & même de différentes claffes. Ceque nous venons de remarquer fur les différentes ma¬ nières dont font colorées les ailes de certains papillons de même efpece, mais de différent fexe, fut voir combien cft vicieufe la méthode, dont on avoulufefervir, de les dis¬ tribuer par rapport à leurs couleurs & à l’arrangement de leurs couleurs. Dans l’efpeceà laquelle nous venons de nous arrêter, on trouve même des différences de couleurs entre ceux cle même fexe ; il y a des femelles* dont les ailes ont plus de taches brunes que celles des autres* ; & il , y a des mâles dont les couleurs fe rapprochent plus de cel¬ les des femelles que de celles du commun des autres mâles. Lorlquej’obfervois les chenilles d’où viennent les papil¬ lons de cette elpece, j’en trouvois de très-femblablcs en- tr’elles par leurs couleurs, par l’arrangement de leurs poils & dans tout le refte, mais qui différaient confidérablement de groffeur ; je les jugeois cependant à peu près de même âge, parce que je les voiois affés fouvent mêlées enfemblc; Hij * PI. I.%. [. * Fig. 15. 60 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE je les croyois de deux eljieces femblables, mais l’une plus grande, 6c l’autre plus petite, à qui les mêmes alimens coin venoient. Mais c etoient des chenilles qui ne différaient qu’en fexe; les petites etoient celles qui dévoient donner de petits papillons, des papillons males, 6c les grandes etoient celles qui dévoient donner de grands papillons, des papillons femelles. Les crifalides en lelquelies elles fe transformoient, etoient, comme les chenilles de grandeur différente, 6c c’étoit des petites crifalides que naiffoient les papillons mâles , comme les femelles naiffoient des grol- fes crifalides. J’ai pourtant vu quelques exceptions à cette réglé: de petites crilàlides de cette efpece m’ont quelque¬ fois donné des papillons femelles; mais ces crifalides étoient venues de chenilles à qui j’avois interdit la nourriture dans des temps où elles auraient encore mangé ; elles avoient maigri, diminué de volume avant leur première transformation. Lorfqu’entre des chenilles de même ef¬ pece 6cde même âge, qui font pour ainfi dire de même famille, on en voit qui font plus petites que les autres, on nerifque guéres de le tromper en affûrant que ce font les mâles,c’effà-dire, celles qui donneront les papillons mâles. Nous avons parlé plus d’une fois de la chenille très-ve- luë *, que la vîteffe de fa marche nous a fait appeller le lièvre. Nous avons dit qu’elle fait là coque en terre 6c de ter¬ re * , dans laquelle elle fe transforme en unecrifalide * d’un noir Juifant. Ça été vers la fin de Juillet, 6c dans le mois d’Août, que pluficurs de ces chenilles font entrées dans la terre du grand poudrier où je les nourriffois. Leurs crifali¬ des y ont paffé tout 1 hy ver ; 6c ce n’a été que dans le com¬ mencement de Juin que les premiers papillons de ces che¬ nilles ont paru au jour. Ce font des papillons noéturnes à antennes à barbes de plumes , qui n’ont point de trompe fenfible ; ils font propres â nous faire voir combien les cou- des Insectes. IL Mem. 6 1 leurs des mâles différent quelquefois de celles des femel¬ les. Tous les papillons * femeliesde cetteelpece, que j’ai eus, avoient ledeffus de leurs ailesfupérieures d’un beau blanc , & fur le blanc de chaque aile, quatre à cinq rangs de points noirs, fouvent parallèles à la baie de l’aile. Le deffous des quatre ailes, eft blanc; la femelle les porte en toit. Leur difpolition a quelquefois uncparticularité; elles pren¬ nent fur le derrière du papillon * une figure qui imite celle du devant d’un vaiffeau. Ses antennes font noires, & lès jam¬ bes font d’un brun noir: le deffus du corps cft feuille- morte en grande partie, Si le deffous noir & blanc. J’ai eu des papillons mâles * des mêmes chenilles, qui ne différoient des papillons femelles que par la beauté de leurs antennes, Si qu’en ce que les ailes fbrmoient fur le dos un toit plus aigu ; d’ailleurs elles étoient du même blanc, &. femblablement piquées de points noirs. Mais j’ai eu de ces mêmes chenilles des papillons mâles * , dont tout le deffus des ailes fupérieures étoit d’un gris de fouris brun ; leurs jambes antérieures, Si tout ce qui cm ironnoit leur tète, étoit feuille-morte Si le refie du corps étoit cou¬ vert de poils d’un blanc mêlé d’un peu de gris. Mais le deffous des ailes fupérieures, &les deux côtés des ailes in¬ férieures étoientgris. J’euffe eu peine à prendre un papil¬ lon fi gris, pour le mâle d’une femelle fi blanche, fi je ne l’euffe vu le pofer fur elle comme pour s’y accoupler, Sc refter conftamment dans cette pofition pendant plus de feize heures; Si. fi dans la fuite je n’euffe eu plufieurs de ces mêmes papillons qui me lont venus des chenilles Jievres qui donnent les femelles blanches piquées de noir. Les femelles de quantité de genres de phalènes ne fem- blent être devenues papillons, n’avoir pris cette dernière forme, que pour être en état de faire féconder leurs œufs Sc pour les pondre. C’efi à quoi fe réduit tout ce quifepaffe Hüj =+ pi. i. fig* .. & fig. 7. * Fig. 4. * Fig . 9; * Fig. 5; &6. dd.ee. 6l MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE dans le court refte de leur vie. Elles font leurs œufs, & elfes périflcnt fans avoir pris de nourriture, & fans avoir cherché à en prendre. Aulii avons nous vû ailleurs que les trom¬ pes , ics organes avec lefquels les papillons diurnes, & ceux de quelques clafles de noélurnes tirent le lue de fleurs, femblent manquera des phalènes de quelques autres claf¬ fes. A quoi auroient fervi ces organes à ceux qui doivent finir leur vie fans avoir befoin d’alimens, & fans les defi- rer ! Qu’il y ait des animaux qui relient pendant des temps confidérables fans prendre de nourriture, mais qui font pendant ces mêmes temps dans un engourdilfement, dans un fommeil qui les fait prefque paroître fins vie, nous pouvons n’en être pas bien lurpris. Mais nous ne pou¬ vons nous empêcher d’admirer qu’il y ait des animaux qui prennent une provifion de nourriture capable de les foû- tenir pendant une durée beaucoup plus longue, que celle pendant laquelle ils ont vécu jufques là ; capable de lesfou- tenir dans des temps éloignés dans lefquels ils feront des aéiions qui demanderont beaucoup de force & de vigueur, & qui femblent devoir occafionner plus dediiïipation que tout ce qu’ils ont fait, quand ils confommoient une gran¬ de quantité d’alimens. Tel infeéle, très-vorace fous la forme de chenille,eft parvenu dans un mois à l’accroiffe- ment qui lui convenoit fous cette forme ; il celle pour tou¬ jours de prendre de la nourriture; & cependant il a encore à vivre huit à neuf mois. Il fuit qu’il paroifle fous une nouvelle forme, fous celle de crifalide, à quoi il nefçau- roit parvenir fuis de grands efforts. Il efi vrai que c’efl dans un parfait repos qu’il vit fous la forme de crifalide, pendant lèpt à huit mois, ou plus; mais dans ce temps tou¬ tes les parties propres au papillon doivent fe fortifier. Que la nourriture qui a été prife pendant que l’infeéleétoit cheuille y fuffife, c’efl déjà beaucoup ; elle le loûtient des Insectes. II. Mem. 63 encore pendant le temps où il eft obligé d’employer de grands efforts pour quitter la dernière dépouille. Le pa¬ pillon paroît au jour, on croiroit qu’après une fi longue diète, il doit être dans une foibleffe extrême, avoir un beloin preffant de prendre de la nourriture, cependant il paroît plein de vigueur. Si c’eftun mâle, il cherche avec ardeur & vivacité une femelle; il s’accouple avec la première qu’il rencontre, & s’accouple avec plufieurs femelles pendant quelques femaines qu’il a encore à vivre. Si c’elhine femel¬ le, elle a à fe vuider d’une quantité d’œufs confidérablc; elle eft pendant plufieurs jours dans le travail de s’en déli¬ vrer; elle les arrange avec ordre & peine, comme nous le verrons dans la fuite ; enfin elle vit plufieurs femaines. La nourriture qu’ont prife certains papillons de l’un& de l’autre fexe dans des temps fi éloignés, pendant qu’ils étoient, pour ainfi dire, de tout autres animaux, leur a fuffi jufques-là. Voilà affûrement une provifion, une œco- nomie, & une diftribution de lue nourricier qui doivent nous paroître bien finguliéres, ôl bien admirables. Les papillons du ver à foye font un exemple connu de ceux qui perpétuent leur elpecc fans j>rendre aucun ali¬ ment; ceux qui naiffentdans les campagnes, fur les meu- riers, ne cherchent pas plus à fe nourrir, apparemment, que ceux qui viennent de vers qui ont été élevés dans les maifons; il n’eft pas particulier à ceux-ci de n’avoir point de trompe fenfible, de ne paroître aucunement chercher le fuc des fleurs & des plantes. Cette indifférence pour tous alimens, ou peut-être l’impuiffance d’en prendre, nous a encore été très-bien montrée par les papillons fe¬ melles dont nous avons parlé cy-deffus, par ceux des che¬ nilles à oreilles du chêne*. Les crifalides de ces chenilles font rie celles dont j’ai raffcmblé une plus grande quantité, 1 quand j’ai youIu obfetYer ce qui fe paffe pendant que le * pi.i.%. 15. *PI. J. 12 . & 64. MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE papillon fe tire de Ion dernier 'fourreau. Jai dit dans le quatorzième mémoire du tom. 1. que j avois garni la ta- pilferie de mon cabinet de ces crilalides. Les papillons mâles 4 qui en fortent font vifs& actifs; dès que leurs ailes J ’ fe font développées, lèchées& affermies , ils prennent l’ef- for, ils volent de toutes parts, & ils ne fcmblent être mis en mouvement que par le defir de trouver des femelles. Ce font ces mêmes papillons dont j’ai parlé dans le y. e mémoire du tom. I. qu’011 voit voler par petites nuées en plein jour dans les bois, quoiqu’ils aient d’ailleurs tous les caractères des phalènes. Les femelles de cette efpe- ce font auffi lourdes, pelantes &parelfeulès que leurs m⬠les font légers, vifs & aéfifs. Celles qui étoient fortiesde leurs fourreaux fur ma tapifferie, commençoient à mar¬ cher fouvent avant que leurs ailes fulfent bien étendues, mais ce n’étoit pas pour aller loin ; elles alloicnt au plus, à deux ou trois pieds de diltance de leur dépouille , & pour l’ordinaire elles s’arrêtoient plus près. Je n’ai pas remarqué que dans la campagne elles s’en éloignalfent davantage; elles relient prcfque toujours fur la même branche, où elles ont vécu fous la forme de crifalide. Quoique ces papillons femelles ayent de grandes & belles ailes, ils ne lemblent pas le fçavoir, ils ne cherchent à en faire aucun ulage. Les femelles qui étoient nées dans mon cabinet, après avoir marché un peu pour s’éloigner de leur dé¬ pouille, fe cramponnoient contre la tapifferie, avec les ongles ou crochets qui terminent leurs pieds. Là elles étoient tranquilles , elles attendoient que le mâle vînt les trouver. Elles ne femblent, ni le chercher, ni le fuir, el¬ les 11e s’émeuvent pasfenhblementà lès approches, mais elles font difpofées'de bonne heure à le recevoir. J’en ai vû qui ont fouffèrt l’accouplement, quoiqu’il n’y eût pas en¬ core un quart d’heure qu’elles lé fulfent tirées de leur dépouille des Insectes. IL Menu 6 j dépouille, avant que leurs ailes fe fufient entièrement déve- Iop])ées, & avant que leur corps fe fut léché. Autant que la femelle femble indifférente , autant le mâle eft ardent; il vole de toutes parts, & continuelle¬ ment, & il femble que ce ne foit que pour en découvrir quelqu’une. Dès qu’il s’en trouve proche , dès qu il l’a touchée, il s’y accouple fur le champ; quelqu’agité & in¬ quiet qu’il parût auparavant, dans l’inftant il 1e calme, il arrête le mouvement de fcs ailes. La facilité que j’a- vois à faire des mariages de ces papillons, m’a invité à en faire plufieurs. La manière fubite dont ils s’accompli fient eft plailânte. Je faifois entrer un mâle dans un poudrier de verre; il ne manquoit pas d’y voler, de chercher par où il pourroit s’échapper, & de fe donner tous les mouve- mens qu’un infecfte vif & farouche peut fe donner en pa¬ reil cas. Pendant qu’il étoit dans cette agitation, qu’il voloit de toutes parts dans le poudrier, je retirois ma main, &je pofois promptement l’ouverture du poudrier contre ma tapiflerie, fur un endroit où il y avoit un papillon fe¬ melle. Le mâle inquiet continuoit de voler, & dès qu’un de fes vols turbulents, dirigé au hazard , l’avoit conduit à toucher la femelle , fur le champ tout mouvement de fes ailes étoit arrêté, & bientôt l’accouplement s’achevoit. Cet accouplement nous donnera un exemple d’une des manières dont fe font ceux des papillons. Après avoir calmé le mouvement de fes ailes, le mâle * s’applique côte à côte contre fa femelle ; je veux dire qu’il 1 ne fe pofe point fur elle, qu’il place fon corps le long du fien ; mais comme il eft bien moins long que celui de la femelle, & que leurs parties poftérieures doivent fe rencontrer, latête fe trouve environ vis-à-vis le milieu du corps de la femelle. Du côté où eft le mâle, qui eft ordinai¬ rement le côté droit, le bout d’une de fes ailes recouvre Tome IL . I * pi. i.fig. 4 * 66 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE le bout, ou partie du bout de l’aile de la femelle qui eft du même côté. Au moyen de cette difpofition, l’accou¬ plement s’achève dans l’obfcurité. Le mâle allonge & recourbe le bout de Ton derrière pour le joindre à celui de la femelle; fon aile & celle de la femelle font des voiies fous lefquels il le conduit, & qui cachent tout ce qui fe p ille dans le relie de l’opération. Mais le petit myftére que les ailes couvrent peut être mis à portée des yeux, h ou fait accoupler ces mâles, comme je l’ai fait plufieurs fois» avec des femelles poiées contre les parois d’un poudrier de verre. L’accouplement durefouvent plus d’une demie heure». & même quelquefois une heure. Après qu’il étoit fini » le mâle, qui auparavant avoit le plus de vivacité, étoit lan- guilfant & fans force; inutilement lui préfentois-je une nouvelle femelle; mais au bout de quelques heures la vi¬ gueur lui revenoit, il étoit en état de s’accoupler de nou¬ veau. Pour les femelles de cette efpece, elles n’ont befoin de s’accoupler qu’une fois dans leur vie, & il eft rare quelles s’y accouplent davantage. Elles commencent à pondre leurs œufs peu de temps après l’accouplement. J’ai vu de iafeifs papillons s’accoupler avec des femelles qui avoient commencé à pondre, mais il fembioit que c’étoit malgré elles. Le corps de ces femelles eft fi rempli d’œufs qui ne parodient demander qu’à fortir, qu’il n’eft pas éton¬ nant qu’elles commencent leur ponte, dès que l'accouple¬ ment eft fini. J’ai trouvé des œufs que quelques-unes avoient laides dans leurs dépouilles de crifalides; ils y étoient entourés de quelques poils. Ces papillons avoient donc déjà pondu avant que de naître ; auffi fi les mâles ne viennent pas s’accoupler avec les femelles, elles ne lai fient pas que de faire leurs œufs, & de les arranger avec le des Insectes. IL Mem. 6y Blême foin. Ce dernier fait n’eft pas propre à faire hon¬ neur à leur prévoyance, leurs loins ne devraient pas s’étendre à des œufs inféconds qui ne méritent pas d’être foignés. Elles commencent pourtant plûtard à pondre, lorlqu’elles n’y ont pas été excitées par l’accouplement. Les ailes de ces papillons femelles, & celles de plulieurs autres nous apprennent combien nous devons être réfer- vés en général à porter des jugements fur les caufes finales, & en particulier à en porter fur les ufages auxquels font deftinées les parties des animaux. Quelqu’un à qui on de¬ manderait pourquoi la nature a donné de grandes ailes à ces papillons, ne croirait pas courir rifque de fc tromper en répondant que c’cft pour voler que les ailes font ac¬ cordées aux animaux, pour les tranfporter dans les endroits où leurs jambes ne pourraient pas les conduire, ou pour les y tranfporter plus promptement. Ce n’eft pourtant pas pour cette fin que les papillons dont nous parlons, ont été pourvus de grandes & de belles ailes; ils paffent leur vie entière fans s’en l'ervir, fans paraître tenter de s’en fervir, ils ne femblent pas fçavoir que les ailes peuvent les foûtenir en l’air. Les papillons, tant mâles que femelles des vers à foye*, *PI. j.%.2, paffent auffi leur vie fans voler, mais leurs ailes font moins grandes que celles des papillons précédents, & il femble qu’ils en voudraient faire ufage; le mâle fur-tout les agite, fouvent avec vîteffe, même pendant qu’il marche. Mais l’agitation de les ailes lui efl peut-être néceffaire pour la fin que la nature paraît avoir toujours en vue, pour la confervation de l’efpece. Dès que le papillon mâle de notre ver à foye paraît au jour, il ne femble, comme les autres, fonger qu’à s’accoupler ; à peine efl il fec, qu’il marche en agitant fes ailes de temps en temps, & tenant le bout de fou derrière recourbé en haut ; il cherche en Ni 68 Mémoires pour l’Histoire cette attitude une femelle. Dès qu’il i’a rencontrée, il fe retourne de façon qu’il puiffe appliquer le bout de fon derrière contre le fien ; alors l’accouplement elt bien-tôt ,PI ^ 2> parfait *. Cet accouplement nous donne un exemple de ceux où les corps du mâle & de la femelle font tout autrement difpolës qu’ils ne le lont dans le premier que nous avons examiné; ils font fur une même ligne, ayant les tètes tournées vers des côtés diamétralement oppolés, au lieu que dans le premier accouplement les deux corps étoient parallèles l’un à l’autre, & les têtes tournées vers le même côté. Ce que le papillon mâle du ver à foye offre de remar¬ quable pendant l’accouplement, c’ell qu’il agite les ailes avec vitelfe à différentes reprifes. M. Malpighi a pris plaifir à compter le nombre îles agitations d’aîies, & il a trouvé que le plus fouvent il les abaiffe & les éleve cent trente fois de fuite : ces mouvements fe fuccédent les uns aux autres avec une grande vîteffe ; après quoi il refie comme mort pendant un quart d heure, & quelque¬ fois il fe fépare de la femelle. Au bout de ce quart d heure, s’il s’étoit léparé de la femelle il fe raccouple, ou s’il étoit rcflé uni à la femelle, il paroît avoir repris vigueur, il re¬ commence à mouvoir lès ailes avec vîteffe ; mais cette fécondé fois il ne les abaiffe & ne les éleve qu’environ trente-fix fois de fuite. Il paroît pourtant encore vif & gay ; il tient fesaîles droites, au lieu que la femelle a les bennes pendantes. Enhn vient un nouveau temps de repos, après lequel le papillon mâle ne donne que peu de mouve¬ ments de fuite à fes aîles. Ce temps de fêtes & de plaibrs dure quatre jours, félon les remarques de M. Malpighi, mais les intervalles de repos deviennent toêijours de plus longs en plus longs. Beaucoup de papillons de différentes efpéccs font des Insectes. II . Aient . 6 g difpofés comme ceux des vers à foye pendant l’accouple¬ ment .ayant leurs tètes tournées vers des côtés diamétra¬ lement oppofés, & leur corps fur une même ligne. Mais la plupart reltent tranquilles pendant toute la durée de l’opé¬ ration , & fi tranquilles qu’on ne leur voit pas faire le moin¬ dre mouvement; les ailes de l’un recouvrent en partie les ailes de l’autre, & font quelquefois fi bien appliquées def- lus.que les deux infeétes n’en paroi ffent qu’un à deux têtes. Cette difpofition ell allés ordinaire à plulieurs pe¬ tites elpeces de papillons qui viennent de chenilles qui plient ou roulent des feuilles. Pendant la durée de l’ac¬ couplement de quelques autres papillons, le corps du male fait un angle avec celui delà femelle, tantôt aigu, tantôt obtus, & tantôt droit. D’autres papillons font placés pendant l’accouplement, comme le font la plûpart des quadrupèdes & quantité d’autres infeétes ; le mâle eft pôle fur le dos de la femelle. C’ed ordinairement en l’air que le font les préludes des accouplemens des papillons diurnes; on y en voit lou- vent, voler deux qui tour à tour lé pourfuivent & le fuient; ils femblent chercher à fe combattre; mais ils ne veulent que fe livrer de douces attaques. La guerre alors efi ten¬ dre , excepté dans le cas où un mâle tâche de chaffer d au¬ tres mâles qui s’approchent trop de Ja femelle, à laquelle il déliré de fe joindre. Dans ce pays, les papillons blancs, ou d’un blanc qui tire fur le citron, qui viennent d’une petite chenille verte du chou, dont nous avons parlé dans le onzième mémoire du tome premier, ces papillons, dis-je, font des plus communs, & de ceux dont il eft plus ailé de voir l’accouplement s’accomplir. Dans le mois d’Aoull: & dans le commencement de Septembre , les jardins font remplis de ces papillons; qu’on en oblerve deux de ceux qui voltigent en l’air l’un auprès de l’autre. 70 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE on verra, qu’après avoir femblé pendant quelque temps fe charter & le chercher alternativement, un deux qui eft la femelle, paraît ne pouvoir plus tenir contre lespourfuites de l’autre; comme rt elle en étoit fatiguée, elle s’échappe Si vient fe pofer fur quelque feuille. Dans I mitant qu’elle s’y pofe, elle redrefle fes ailes, elle les applique les unes contre les autres au-defliis de fon corps. Le corps plus court que les ailes, fe trouve alors renfermé entr’elles, il ert à l’abri de toutes les attaques du mâle. Le mâle qui l’a fuivic jufqua cet inrtant, & qui ne pourrait faire que des tentatives inutiles, s’en éloigne un peu ; il voltige au¬ tour d’elle pour tacher de la furprendre dans un moment favorable, pour la furprendre dans l’inftant où il lui arri¬ vera d’écarter fes ailes les unes des autres, ou ce qui ert la même chofe , de mettre fon corps à découvert. Quand la femelle perfirte à tenir lès ailes droites , le mâle paroît fe rebuter de voltiger autour d’elle; il prend fon ert'or au loin, Si fi loin quelquefois qu’on le peut à peine fuivre desyeux. On croit qu’il a pris fon parti, qu’il a abandonné une femelle trop févere : mais bientôt on penfe que c’ert qu’il a voulu rufer. On le voit revenir à tire d’ailes. Quand le mâle sert éloigné, la femelle ouvre ordinairement les fiennes, elle les pofe pour un inrtant, ou pour quelques inftants parallèlement au plan fur lequel elle ert. Si le mâle arrive avant quelle ait pû, ou bien voulu les redrerter, il fond fur le corps de la femelle, Si dans l’inftant l’ac¬ couplement fe commence. Mais j’ai quelquefois vu un mâle qui faifoit dix à douze tentatives inutiles, qui dix à douze fois fembloit avoir pris le parti de fe détacher de fa femelle, qui dix à douze fois s’envoloit jufques au bout d’un jardin, d’où il revenoit autant de fois avant que de faifir l’heureux moment. La femelle le faifoit languir pendant plus d’un quart d’heure; mais quelquefois le mâle tombe à D E S î N S E C T E S. II. Mem. 71 propos fur la femelle, prefque aulfi-tôt qu’elle sert polëe. J’ai vû aufli des femelles de la même el'pece, qui pour avoir peut-être rebuté trop de fois le mâle, ou pour 11’en avoir pas trouvé, reftoient des quarts d’heure entiers fur des feuilles, ayant leurs ailes couchées, & le corps bien à découvert, comme pour inviter les mâles de qui elles pour- roient être apperçuës. Dès que quelqu’un venoit tomber fur elles, l’accouplement s’accomplilfoit. Dans le tems où l’accouplement fe commence, le bout du derrière du mâle accroche le bout du derrière de la femelle; celle-ci paroît encore vouloir s’y oppofer, elle vient encore à redrelfer les ailes ; mais il n’en efl plus temps; elle ne peut plus les appliquer les unes contre les autres; celles du mâle qui fe trouvent entre deux s’y oppofent. Le mâle lui-même rcdrclfe fesailes, qui font prelque entièrement renfermées entre celles de la femelle *, qui enveloppent en *PI.2rfig,j, même-temps prefque tout le corps du mâle. On ne voit alors que le corcelet, & la tête de ce dernier qui ed tournée du côté oppolê à celui vers lequel elt tournée celle de la femelle. Tout s’acheve enfuite tranquillement, & fans que l’un ni l’autre papillon fe donnent des mouvemens fen- fibles. Si des momens fi tendres font troublés par quelque importun ; fi on veut prendre ces papillons pendant qu’ils font joints enlemble, la crainte ne les oblige point à fe féparer; mais la femelle, comme la plus timide, ou la plus à elle-même, s’envole chargée du poids du corps du mâle qui fe laide tranfporter en l’air, fans fe donner aucun mouvement. Il tient lés ailes droites, appliquées les unes contre les autres dans la ligne du milieu du def- fus du corps de la femelle; ainfi pofées, elles n’apportent aucun obftacle aux mouvemens de celles de la femelle, & c’ed tout ce qu’il peut faire de mieux. 11 feroit difficile 72 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE que les mouvemens des ailes du mâle aidaffent à trans¬ porter les deux inlèétes, du côté vers lequel la femelle veut aller, ayant l’un & l’autre leurs têtes tournées vers des côtés oppolës. D’ailleurs les battemens des ailes du mâle pourraient arrêter, ou rompre en partie les batte¬ mens des ailes de la femelle. J’ai Suivi pendant plus d’un quart d’heure une femelle qui tranfportoit ainfi Ion mâle; dès qu’elle vouloit fe pofer, je tâchois de la prendre , & je la faifois repartir. Mais j’avois beau les inquiéter, ils ne iè Séparaient point , ils partoicnt & repartoient toujours unis. J’ai pris de ces mêmes papillons accouplés, qui font encore refiés du temps fans fe Séparer. Les mâles dont nous parlons 11e font gueres plus petits que leurs femel¬ les, ils ont le corps plus effilé. Mais ce qui peut mieux aider à les diffinguer les uns des autres, c’efï que j’ai trouvé constamment deux taches noires fur le deffius de chaque aile de la femelle, & une feule tache noire fur chaque aile du mâle ; ces taches 11e paroiffent pas ici pl. 2. hg. 3. où les deffious des ailes fe font Seuls voir. D’autres papillons diurnes font tout autrement placés que les précedens pendant l’accouplement. Ils 11e font en¬ core accrochés l’un à l’autre que par le bout du derrière; & c’elt le Seul endroit par où ils fe touchent. Mais le »Pl.2.fig.8. ventre de l’un eft tourné vers le ventre de l’autre*; les deux têtes tout polèes l’une vis-à-vis l’autre & à même hauteur, comme elles le feraient, fi le plaifir de fe voir étoit connu de ces papillons. Ils ont l’un & l’autre leurs jambes cramponnées contre une même tige de gramen , ou de quelque autre plante, ou fur les feuilles qui en fortent. Mais l’un eft d’un côté de la tige , & l’autre eft de! 'autre côté. Leurs têtes font en haut, & leurs derrières en bas. Au relie j’en ai trouvé de fi tranquilles dans cette attitude, qu’ils ne furent nullement troublés par la perfonne qui des Insectes. II Mem. 73 qui les y delïina, quoiqu’il fallût quelquefois incliner les branches, ou la tige de la plante lur laquelle ils étoient cramponnés. Après que le dtffein fut efquifie, je les pris, & je les mis dans une boilteoù ils relièrent pendant quel¬ ques heures fans fe féparer. Ceux dont je parle, font d’un des genres de la pre¬ mière clalfe des diurnes. Le fond de la couleur de leurs ailes ell blanc, divers traits noirs font tirés fur ce fond, 6 c fem- blent ditpofés de la même manière que le feroient des traits noirs, aveclefquels on auroit voulu marquer toutes les ner- vûres d’une aile blanche. Les traits noirs de l’aîle du mâle font plus noirs que ceux de l’aîle de la femelle. Ces pa¬ pillons viennent d’une chenille à feize jambes qui vit fur l’aubelpine, & l'ur le prunier * ; elle a trois rayes d’un brun * pi. 2 . fig. prelque noir, dont l’une régné tout du long du dos, & qui ell féparée de chaque côté d’une des autres rayes noi¬ res par une raye d’un lèuille-morte foncé. Ce qui fuit la dernière raye noire, & tout le ventre de la chenille cil d’un blancheâtre qui tire fur le gris de perle. La partie blancheâ- tre a des poils blancs médiocrement longs, 6 c très fins: les rayes brunes en ont de bruns. Ces poils partent immédiate¬ ment de la peau, je veux dire qu’ils ne font point foûtenus par des tubercules, & qu’ils ne font point d’aigrettes. Ces chenilles font de celles, qui pour fe transformer fe mettent une ceinture de foye. Le fond de la couleur des crilalides *, dans lefquelles elle fe metamorphofent, *Pi.2.fig. ell un jaune citron; des points d’un beau noir font jettés 6,&7 ‘ fur ce fond jaune. Par-delfous *, elles ont depuis la tête *Fi s . 6. jufqu’au derrière une bande d’un beau noir. Le bout de leur tête a une feule pointe courte , 6 c dont l’extrémité ell arrondie. J’ai eu de ces crilalides vers le i 5. de M à, d’où les papillons font fortis au bout de vingt & quel¬ ques jours. Tome IL , * PI. 2. fi Z. * Tom. Afem. VI • j * 79 ' * PI. 2. fi i. 74 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE De tous les papillons diurnes , les plus tranquilles pen¬ dant l’accouplement, & peut-être ceux qui relient le plus long-temps accouplés, ce font ceux que nous avons g. mis dans la feptiéme claffe *, & ceux de l’efpéce que nous avons çhoifie pour caraclérifor cette clalfe. Je veux dire, ceux dont le delTus des ailes cil d’une couleur chan¬ geante d’un verdâtre brun, ou bleuâtre qui tire lur cette couleur qu’on appelle du verd canard. C’elt celle qui do¬ mine; mais le delfus des ailes fupérieures a de plus des taches d’un beau rouge. J’ai trouvé plufieurs fois de ces papillons accouplés dans la campagne, & j’ignorois depuis combien de temps ils l etoient; mais aiant coupé la tige fur laquel¬ le ilss’étoient fixés,ilsfefont laiffé tranfporter chez moi fans fe féparer. Ceux que j’avois pris unis enfemble fur les fix heures du foir, dans le mois d’Aout, ne fe dé¬ tachèrent l’un de l’autre que le lendemain fur les dix heu¬ res du matin. Pendant l’accouplement, les deux corps font ordinairement un angle, qui efl plus ou moins ou¬ vert félon que jes points d’appuis que les jambes ont faifis, fe font trouvés placés. Le calice d’une fleur dejacée fou- tient ceux que nous avons frit repréfenter, pl. 2. fg. 2. où le mâle cil celui qui efl le plus bas. L J’ai dit ailleurs *, que ces papillons viennent d’une che¬ nille qui le fait une coque dont la figure reffemble en grand à celle d’un grain d’orge , & qui par fa couleur & fon tiflii ferré paroît être de paille. Lorfque j’ai parlé cle cette chenille, j’ai averti que je n’étois parvenu à en trouver que de celles qui étoient fi prêtes à fe métamorphofer, qu’elles s’étoient déjà filé une coque. J’en ai eu depuis plufieurs dans un âge moins avancé , que j’ai nourries de S- feuilles de gramen. Cette chenille * paroît prefque rafè à la vue fimpie; elle a pourtant des poils blancs, mais courts, & qui partent de tubercules fi écrafés, qu’il faut avoir des Insectes. II. Mcm. 75 recours à la loupe pour les recormoître. Sa couleur clcmi- nante efl; un beau jaune citron. Elle a cinq rayes faites de taches noires. Une de ces rayes, celle qui cil au milieu des autres, régné tout du long du dos; les taches qui la forment font plus grandes que celles des autres, & font chacune un petit quarré. C’eft auffi la figure clés taches des rayes qui font de chaque côté de la précédente. Les taches des deux autres rayes font des efpeces de petits croiffants, dont la concavité efl tournée vers le ventre. Pendant que M. clle * * * deffinoit une de ces chenilles, qui lierait pas éloignée du temps de fa métamorphofe, elle obferva que des gouttes d’eau fortoient de différents endroits de fa peau. J’obfèrvai le lendemain la même che¬ nille, à qui je vis faire un petit manège que je n’ai vû faire encore à aucune autre. Avec fes dents, elle prenoit la peau de divers endroits de fon corps, il fembloit qu’elle fe mordît, & réellement elle mordoit fon épiderme. Elle le • pinçoit entre fes deux dents, elle le droit en haut, & elle arrachoit la portion quelle avoit pincée. Elle détachoit ainfî fucceffivement différentes portions de fon épiderme. Si les jettoit enfuite par terre. Serait-ce là la façon dont ces fortes de chenilles muent, ou eft-ce feulement dans la dernière mue qu’elles s’arrachent la peau par petits mor¬ ceaux! Un jour ou deux après cette opération, cette che¬ nille fe fila fa coque; c’étoit vers la lin de Juin. Les femelles de quantité d’elpéces de phalènes, atten¬ dent paifihlement le mâle fans paraître le délirer; mais celles de plufieurs autres efpeces de phalènes, malgré leur tranquillité, femblent inviter les mâles qui les appercevronc à venir fe joindre à elles. Leur corps n’eft pas étendu fur le plan où elles font appuyées, elles relevent le bout de leur derrière au-deffus de leurs ailes * ; quelques-unes *PI. 2.%. même, comme pour le mettre plus en vûë , courbent leur Kij y6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE corps en crochet, de manière qu’elles ramènent le bout de leur derrière prefque vis-à-vis le defïus du corcelet. Elles paffent des journées dans cette attitude li les mâles ne fe préfentent point. Si on veut être inftruit de la forme Si de la ftruéture des parties de la génération du papillon mâle du ver àloye, on n’a qu’à confulter les figures Si les deferiptions que M. Malpighi nous en adonnées; on verra dans cet illuf- tre Auteur, que ces parties ne font, ni difpofées ni confor¬ mées précifement de la même manière dans les papillons de toutes efpeces. Les figures que nous avons fiait graver, fuffiront pourtant pour en donner une idée générale, ioit par rapport aux papillons noéturnes ,foit par rapport aux papillons diurnes. Pour voir les parties de la géné¬ ration de tout papillon mâle, on lui prclfera le corps entre deux doigts, affés près de fes derniers anneaux. Une preffion indurée force le bout de la partie pofiérieure à s’allonger,& même à s’ouvrir; on voit alors, dans quantité de papillons noélurnes, quelque chofe de femblable à ce qui efi reprélcnté dans les figures i. & 2. delà pl. 3. * Tan. I. elles font deffinées d’après le papillon * de cette chenille Pl y ^ 2 ' de l’abricotier, Si de divers autres arbres fruitiers, qui porte fur le dos une pyramide charnue. La première repréfente le bout du derrière, vu du côté du ventre dans l’état où le met la preffion, Si l’autre le repréfente vû du côté du nos. Nous y remarquerons d’abord dans l’allignement du *PI. 3.fig. milieu du dos un petit crochet écailleux*, qui fe recourbe I-c L ' vers le ventre; Si nous remarquerons enfuite de chaque * g 1. côté une lame *, pareillement écailleufe. Lorfqu’elles font appliquées l’une contre l’autre, elles compofent une ef- pece de boifie dont la figure reffemble à celle qui pour- roit être faite en ajuftant l’un fur l’autre deux cuillerons de cuillieres à foupe, c’efi-à-dire, que chacune de ces des Insectes. II. Mem. 77 lames a la courbure d’un cuilleron. Leur furface intérieure, ou la concave,ett litte & polie; l’extérieure ou la convexe eft toute couverte de poils ou d’écailles. C’ett de l’intérieur & du milieu à peu près de la bafe de cette efpece de boifle que part la partie du mâle * : cette boitte lert auflï * Fig. i.a. à mettre l’anus * à couvert. Dans les temps ordinaires, les * Fig. i. deux lames & le crochet font prefque entièrement retirés & - 2 - a ‘ dans le corps, fous le pénultième anneau ; mais dans le temps où le papillon cherche à s’accoupler, il fait fortir ces mêmes parties. 11 marche alors tenant le bout de fon der¬ rière élevé; & dès qu’il parvient à toucher celui d'une femelle, il le cramponne ; il lailîe tomber l'on crochet * fur * c - la partie fupéricure du dernier ou du pénultième anneau de la femelle. Elle fe donne quelquefois des mouvemens , comme pour fe débaratter de carettes qui l’importu¬ nent; elle marche comme pour fuir le mâle; mais il la retient, ou il fe lailîe traîner par fon crochet. Bien-tôt mê¬ me, il la faifit mieux & plus doucement, en lui prenant le derrière entre les deux lames écailleufes * en forme de * PI. 3.%. cuilleron ;& dès lors la partie du mâle fe trouve placée, de manière à pouvoir aifément s’introduire dans celle de la femelle. Dans ces papillons, la partie du mâle ctt logée dans un fourreau charnu, quifeul paroît dans la ttg. 1. J’ai fait repréfenter dans une 3.' figure *, le bout du *PI. 3. derrière d’un papillon diurne*, deffinéd’après celui de la * Pi. 10. chenille brune & épineufe, qui vit folitaire dans des feuil- fig-b ' ^ 9 * les pliées de l’ortie. Le derrière ett encore dans l’état où la prettion l a mis, ou dans celui où il ett à peu près pen¬ dant l’accouplement. On y voitencore deux lames * cour- *pi ., bées en cuilleron , dont la forme ett attes femblable à 3 *^* celle des autres figures ; mais on n’y trouve point le cro¬ chet écailleux, qui dans les autres figures ett: fur le dos& en dehors des cuiilerons. En revanche, en dedans de ces K iij 78 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE mêmes cuillerons, près de l’origine de chacun d’eux, s’éle- *PI. 3-fig. ve une autre efpece de crochet écailleux *, leur baie * eft ' c * m> comme roulée. A melure qu’ils s’élèvent ils lé courbent en arc, & diminuent de diamètre pour le terminer par une pointe line. Leur ufage me paroît devoir être le même que celui du crochet unique des figures précéden¬ tes. Le mâle s’en fert apparemment pour tenir la femelle faifie; mais c’eft quelquefois en l’air, comme nous l’avons dit, que les papillons diurnes faillirent leurs femelles, ils ont befoin de crochets plus forts, & autrement difpofés que ceux dont fe fervent les papillons nocturnes qui at¬ taquent leurs femelles fur terre , ou fur des branches ou des feuilles d’arbres. Du milieu de i’efpace qui eft entre les lames & les crochets, s’élève une partie brune & écail- * Pi. j.fig. leufe *, qui eft, à proprement parler, le fourreau de cel- ,u ' le qui caraélérife le mâle. Ce fourreau a quelque air d’un gros aiguillon de guefpe, fon bout paroît taillé comme celui d’une plume, au moins eft-il fendu. Quand on prefte beaucoup le ventre, on fait fortir parle bout de cette ef- » Fig. 3..V. pece d’aiguillon écailleux une partie* comme charnue , d’un blanc jaunâtre, qui eft à peu près ronde, & a environ une longueur égale au tiers ou à la moitié de celle de l’ai¬ guillon. Cette partie eft apparemment celle qui fournit la liqueur qui féconde les œufs; peut-être pourtant que ce qu’on voit alors, eft la femence même; elle pourroit être prefque folide dans le papillon, comme elle l’eft dans quelques autres animaux. On a encore représenté dans la fig. 5. le bout du der¬ rière d’un papillon mâle, il a été deftiné fur celui de la phalene de la pl. 43. fàg. 9. 10. & 11. On retrouve en- p Fig. 5. //. core ici les deux lames écailleufes * , mais armées chacune * cc. de quatre crochets, dont les deux plus grands * font pref¬ que perpendiculaires aux Surfaces de ces lames. Les deux des Insectes. IL Mcm. 79 autres * plus courts, fe dirigent à peu près félon la lon¬ gueur des lames. La baie * d’où part le fourreau de la partie du mâle cil charnue. Sur cette baie s’élève une par¬ tie charnue, qui a des cannelures en fpirale. Et de cette partie fort un aiguillon écailleux*, qui efl la partie du mâle, ou qui en eh le fourreau immédiat. Si on prelfe le ventre des femelles comme nous avons prelfé celui des mâles, il y en a dont le derrière s’allonge alors beaucoup plus que ne s’allonge celui des mâles en pareil cas *. On voit auffi alors que le derrière des femelles deplufieurs genres de papillons a deux lames écailleufes *, placées comme celles des mâles, mais fouvent de formes plus applaties & plus pointues par le bout * ; elles reflem- blent affés aux bouts de ces pinces qui font entre les mains de tant d’ouvriers, & qu’ils nomment des Bruxelles. Nous verrons aulfi dans la fuite de ce même Mémoire, qu’elles fervent à des ufàges pareils à ceux pour lefqucls les ou¬ vriers fe fervent des inftruments auxquels nous les com¬ parons. Ces lames écailleufes ne fe trouvent point au derrière des papillons tant noélurnes que diurnes de plu- fieurs genres, elles manquent par exemple au papillon femelle du ver à foye. Ce qui eh plus confiant, c’eh qu’au derrière de tout papillon femelle il y a deux ouvertures; l’une, qui doit être regardée comme l’anus*, quoiqu’ellefoit principalement dehinée à laiffer fortir les œufs, & qu’elle laide fortir très- peu d’excréments ; elle eh la fupérieurc. L’autre *, qui eh l’inférieure, eh dehinée à recevoir la partie du mâle. M. Malpighi a obfervé que cette fécondé ouverture de la femel¬ le du ver à foye a la figure d’un croiffant, & on lui trouve la même figure dans quantité d’autres papillons phalènes. Le ventre des femelles des papillons, & fur-tout des papillons phalènes, eh gros, ferme, &dihendu. Quand on b. U, * FI. 9.fl 4. & pi. fig. 1 1 .& 1 * IL * PI. î-%. 12. *PI. 3.%. * Fier. O ■j-.c. b /5 i/~> rj 8o MEMOIRES POUR L'HISTOIRE l’ouvre, il j>aroit fi rempli d’œufs, fenfibles parleur forme & leur groifeur, qu’il IcmbJe qu’ils ue laiiïent pas de place à d’autres parties ; aulïi celle qu’ils leur laiiïent elt-cile bien petite en comparailon de celle qu’ils occupent, ils y pa- roilTent très-preftes les uns contre les autres, & comme empilés. De là vient que les femelles phalènes l’ont commu¬ nément très-pefantes, elles femblent fiurchargées du poids de leurs œufs; elles font parelfeufies à marcher. On a fini * , 75î . l’extrait qu’on a donné dans les Mémoires de Trévoux *, juillet, pag. c { ü i. er volume des Mémoires furies Infeéles , par une re¬ marque qui eft, dit-on, peut-être digne dattention , c’cjl que la chenille ejl toute terrejlrc, la crifalide toute aqueufe , & le papillon tout aerien. Si nos lourdes femelles , qui ont le ventre fi farci d’œufs, font aeriennes,elles lont aflurément de l’air bien condenfé. Je ne fçais fi cette idée paroîtra aux phyficicns digne detre approfondie davantage, fi elle ne leur paroîtra pas de celles qui échappent à une ima¬ gination vive & poétique. Mais au moins fuis-je bien aile qu’ils fçaehent qu’elle n’efi aucunement de moi. La mo- dellie de quelques Journaliftcs ne leur permet pas toujours de faire aiïes diftinguer ce qui leur eft propre, de ce qui l’eft à l’ouvrage dont ils font l’extrait; & il en arrive quel¬ quefois que la vanité de l’auteur en fouffre, lorfqu’il lit dans l’extrait des remarques, des idées & des exprelfions fouvent meilleures que lesfiennes, mais qu’il n’eftpasdifpo- fé à adopter, & qu’il craint que le public ne lui attribué. Je mefuis trouvé plus d’une fois dans ce cas, en lifant l’extrait que je viens de citer, & dont j’aurai encore occafion de par¬ ler ailleurs. Lorfqu’ony rend compte, par exemple, de la dorure éclatante de certaines crifalides, & du parfait repos dans lequel elles vivent, on dit que cela s’appelle otium cum dignitate. Cela peut être très-joli, mais ne me fentant pas capable de dire de fi jolies choies, afin qu’on ne s’y méprît point des Insectes. IL Mem. 81 point, j’euffe fouhaité que les Journalises euffent dit, voiià ce que nous appelions othnn cum diÿiuate. Mais pour revenir à nos femelles dont le corps feinble rempli d’œufs empilés, fi on les ouvre, foit tout du long du dos, foit tout du long du ventre *, avec affés de précau¬ tion pour ne rien déplacer dans l'intérieur, on apperçoit, même au premier coup d'œil, une forte d’arrangement dans cette prodigieufe quantité d’œufs ; on en voit qui font placés à la file les uns des autres ; & fi on veut fuivre davantage ces files d’œufs, on en démêle le nombre & l’arrangement. M. Malpighi a très-bien décrit & fait repréfenter cet arrangement, tel qu’il efl dans le papillon femelle du ver àfoye Imaginons ce papillon divilè en deux parties égales & fèmblables, par un plan qui paffe tout du long de ion dos & de fon ventre ; il y a de chaque côté de ce plan quatre rangées d’œufs* qui font comme quatre fils de perles, ou comme quatre de ces chapelets nommés cha¬ pelets à la cavalière. Quoique les œufs foient difpofés comme les grains des chapelets, on n’imaginera pas qu’ils font percés de même pour laifïer palier une efpéce de fil ; mais il femble que pôles bout à bout, ils ne font retenus les uns contre les autres que par une matière gluante. Us font pourtant réellement contenus dans des vaiffeaux, ou comme parle M. Malpighi, dans des efpéces d’inteflins extrêmement minces, tranfparents, & qui fans doute ont un reffort qui contraint chacune de leurs parties à fe mouler fur l’œuf qu’elle renferme. De là il arrive que dans l’endroit où fe touchent deux œufs de forme arrondie, ils paroiffent ne tenir enfemble que par un filet ou par un peu de colle. Le canal, le vaiffeau fe contracte par-tout où l’œuf ne le force point à être dilaté. Tome IL . L i. * PI. 5. fig. I a 82 Mémoires pour l’Histoire Les huit vailfeaux qui renferment les œufs, (ont tantôt appelles par M. Malpighi les trompes, tantôt les rameaux, tantôt les branches de l’ovaire. Nous leur donnerons ces mêmes noms; & nous nommerons avec lui l’ovaire un ca¬ nal * qui le termine à l’anus, & qui eli très-court en compa¬ rai fon des précédents, mais qui e(i beaucoup plus large. Son diamètre elt plus grand que celui de deux œufs, il y en a louvent deux pofés l’un à côté de l’autre dans l’ovaire, & il en peut recevoir deux à la fois par deux branches* dans lelquelles il le divife. Alfés près du point de partage, chacune des deux branches le divife elle-même en deux autres branches dont chacune fe lubdivife en deux autres, de c’eft de ces divifions que nailfent les huit trompes, les huit vailfeaux dans lefquels les œufs font contenus. Ces trompes fe dirigent vers le haut du ventre, & vont jufqu’à fon origine, où les quatre branches parties d’un même tronc paroilfent fe réunir. C’elt dans ces vailfeaux, dans ces trompes que les œufs font formés, ou qu’ils croilfent. Chaque trompe en con¬ tient plus rie 6p aulfi tel papillon du ver à foye en pond plus de 5 i .p. ou 516. lorfqu’il pond tous ceux qu’il a dans le corps; c’eücequc nous apprennent lesobfervations de M. Malpighi. Nous ne pouvions eftre conduits par un guide plus éclairé de plus fûr à obfcrver la ftruélure de parties alfés petites, & qui font h molles, fi délicates qu’un rien peut leur faire perdre leur forme. C’ell en cherchant à retrou¬ ver celles qu’il nous a décrites, que j’ai vu comme lui, que d’un côté de l’ovaire, un peu avant fa bifurcation , il part une efpéce de vailfeau qui fe rend ci deux corps de ligure ovale*, dont la lubllance & la couleur relfemblent à celle des nerfs. Quelquefois au lieu de ces deux corps il n’y en a qu’un de la figure d’une poire ou d’une olive.. des Insectes. II. Ment. 83 Du tronc qui va de l’ovaire à ces deux corps ou à ce corps de ligure ovale, part un peu auparavant un autre corps* plus petit,qui, a également une figure ovale, & qui jette à ion autre extrémité des efpéces de racines qui, ii elles font des canaux creux, font des canaux dont l’extrémité eft bouchée. AI. Malpighi penfe avec vrai-lémblance que ces corps fournilfent quelque liqueur à l’ovaire. De l’autre côté de i ovaire , & plus près de l’anus , eft un autre corps * qui feul eft plus considérable qi e ne le font enfemble les derniers dont nous venons de parler. Al. Alalpighi le compare pour la grandeur & la figure à une perle. Avant que de faire connoîtrc toutes fes dépen¬ dances, nous rappellerons les dilpolitions de quelques par¬ ties, dont il a été parlé ci-devant, qui nous le feront regarder comme très-important par rapport à la fécondation des œufs. Premièrement, c’eft quel ovaire * lé rend à l’anus, & que c’eft par l’ovaire & par l’anus que les œufs doivent fortir. Secondement, que l’ouverture* dans laquelle s’inlère la partie du mâle, eft une ouverture particulière qui eft à quel¬ que diftance, &au-deflousde l’anus. Paroùlaliquein iemi- nale paftera-t-elle pour arriver aux œufs l La partie c je nous venons de com parer à une perle * nous en montre la route. Si on ouvre cette efpéce de perle ou de veftie, qui a de la folidité, on trouve dans fon intérieur une petite grappe de cinq ou fept boules attachées à un même pédicule. D’un des deux bouts de cette efpéce de veftie partent deux branches qui font deux tuyaux creux; l’une* va fe rendre à l'ovaire, & l’autre* à la partie * de la femelle qui eft deftinée à recevoir celle du mâle. C’eft ce qui fait que M. Malpighi regarde avec beaucoup de vrai-femblance la partie qui a la forme d’une perle, comme la matrice du papillon. Sa cavité eft remplie d’un fuc mucéux , qu’il compare à de la ptilàne d’orge ; il croit que la l'cmence * //. * D. 3.%. ‘j.i C • * PI - 5 -%« 13. z/. L * L. 84 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE qui a etc dardée par le mâle, y pénétre par le canal qui femble fe préfenter pour l’y conduire ; qu’elle y ell retenue & fomentée, & qu’enfiuite elle elt portée. dans l’ovaire par le canal de communication * qui elt entre lui & la matrice; quelle arrolé les œufs, qu’elle les vivifie à induré qu’ils patient par l’ovaire. Quand la femelle a commencé fia ponte, elle fait fiortir de temps en temps des œufs par fion anus; d’autres avancent dans l’ovaire pour occuper la place qu’ils ont laifîée; ainfi de proche en proche il le fiait un vuide à la bifurcation de l’ovaire*. Ce vuide efibien¬ tôt rempli par les œufs qui lortent des trompes pour en¬ trer dans l’ovaire, vers lequel ils font pouffes. Quand ces œufs font route dans l’ovaire, la liqueur qui étoit en réfierve dans la matrice, & qui fie rend apparemment peu à peu, & continuellement dans l’ovaire par le canal de communication, féconde les œufs. Ainfi un temps extrê¬ mement court, un inflant prefiqne, fiuffit pour faire changer l’état de ces œufs, pour les changer de Üériles en féconds ; car un papillon qui efl en pleine ponte, a bien-tôt fiait fiortir les œufs que fion ovaire peut contenir. Tout ce qui fiepaffie dans la génération efl rempli de tant de merveilles, qu’on ne doit pas avoir de répugnance à admettre celle-ci. Il y a plus, les obfiervations & les expériences frites par AT Malpighi forcent à ies recevoir; ces expériences & ces ob- vations font fi limples, fi belles & fi décifives, que nous nous pcrfiuadons aifiément qu’on fera bien aile de les re¬ trouver ici. Pour les entendre, il fuit fiçavoir qu’on peut diflinguer ksœufs du papillon du ver à fioyequi ont été fécondés* de ceux qui ne l’ont pas été, long-temps avant que le temps l'oit arrivé où une petite chenille doit fortir de chacun des premiers. Les œufs ont d’abord une couleur «i un jaune qui tire fur celui dufioufre; ils font arrondis; des Insectes. IL Alem. 8 5 ceux clans lefquels des embryons de chenilles ne croidert point, ceux qui n’ont point été fécondés, confervent leur premier jaune, mais ils perdent partie de leur rondeur ; il s’y fait d’un côté un petit creux, un petit enfoncement. Les œufs fécondés au contraire, confervent leur rondeur, & leur couleur jaune ne dure guéres ; à cette couleur il en luccede une qui tire fur le violet. AL Malpighi a ou¬ vert le ventre d’un papillon femelle qui avoit fouffeit l’accouplement du mâle, & qui avoit commencé fa ponte, il lui ôta Ion ovaire avec lés trompes & toutes fes autres dépendances, pour les faire defliner. Les œufs qui étoient contenus dans les trompes confervérent leur couleur c!e foufre, & ils sapplatirent un peu ; mais un œuf qui étoit dans l’ovaire, auprès de l’ouverture par laquelle l’ovaire communique avec la matrice, relia arrondi ,& prit dans le temps ordinaire une couleur violette : celui-là étoit fécond, 6 i les autres étoient dénies. Il rapporte une autre obfervation propre à confirmer la précédente, frite fur un papillon mort de mort natu¬ relle. Le ventre de ce papillon lui ayant paru plus gonflé qu’il ne devoit l'être , il le didèqua, & il le trouva extrê¬ mement rempli d’œufs: il obferva dans le bout de l’ovaire,, c’ed-à-dire, ailes près de l’anus, des œufs de couleur vio¬ lette. Le relie du tronc de cet ovaire formoit une tumeur. Pendant qu’il étoit occup là tirer de cet ovaire les œufs féconds , il trouva une elpece de petit intedin qui fern- bloit fait de quelque lue épaidi. Dans cette elpece d’intedin étoient contenus des œufs de couleur violette;, la nature & la couleur de la matière qui formoit cette efpece d’intedin , jointes aux autres circondances, ont fait conjecturer àM. Malpighi, qu’il étoit formé de la fe- mence que la matrice avoit poufFée dans l’ovaire, & qui s’y ctoit épailfie d’une façon extraordinaire. Cette conjecture L iij 36 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE lui a paru appuyée par d’autres oblervations ; il a trouvé un lue fembiabie à 1 ouverture extérieure de la partie de la femelie, & il a vu de cette efpece de femence roulée en fpirale qui pendoit de l’extrémité de l’uretre de quelques mâles ; mais ce qui ell certain, c’cfl qu’ici les œufs violets étoient dans l’ovaire. Pour confirmer que c’dl là feulement que les œufs font fécondés, M. Malpighi rapporte les obl'ervations qui lui ont été fournies par une autre expérience. Il prit une femelle, qui après avoir été long-temps jointe au male, avoit commencé à pondre. Après lui avoir ouvert le ven¬ tre , il tirades trompes les œufs qui y étoient contenus, & qui n’avoient pas touché le tronc de l’ovaire , il les conferva. Leur couleur jaune ne fe changea point en une couleur violette; il s’y lit un enfoncement; enfin, ce fut inutilement qu’il employa une chaleur douce pour en faire éclore des vers. Il a tenté une autre ex¬ périence dont le fuccès eût démontré ce que les obfer- vations précédentes ont au moins rendu très - probable ; il arrofa des œufs non féconds de la femence qu’il avoit exprimée de la matrice, ou de celle qu’il avoit tirée des parties du mâle; les œufs relièrent cependant ffériles. S’ils euffent été fécondés, c’eût été une expérience bien heureufe ; mais le mauvais fuccès ne prouve rien contre l’idée qu’un luccès plus favorable eût démontrée. Fût-il certain que c’efl dans l’ovaire que la femence féconde les œufs, il efl évident que pour la faire agir efficacement, il faut des circonllances qui ne fe trouveront peut-être jamais, que lorfque la nature elle-même appliquera cette femence fur les œufs. Ce font pourtant des expériences qui méritent extrêmement d’être répétées & retournées de toutes les façons. Elles font propres à nous donner des éclairciffemens fur un des plus grands myftéres de des Insectes. IL Menu Sy la nature , fur celui de la génération. Avant que de quitter l’ovaire de nos papillons, nous ferons encore remarquer qu’il communique avec une ef- pece de veffie ou de double veffie, compofée de deux parties égales 6c femblables. Elle n’a pas dans tous les pa¬ pillons la figure l'ous laquelle M. Malpighi a fait icpré-* lènter celle du ver à loye * ; mais elle efl toujours de *PI. j.fig. forme oblongue, polée proche de l’anus, 6c tranfverlalc- ‘T/W’/ 7 * ment fur l’ovaire, au-de-là duquel elle s’étend également de part 6c d’autre ; c’efl par Ion milieu qu’elle commu¬ nique avec lui. Dans la figure que M. Malpighi a donnée de celle du ver à loye, elie cl! aulfi renflée, 6c plus renflée au milieu qu’en aucun autre endroit ; mais dans d’autres papillons*, le milieu de cette veffie eflfi étranglé, qu’on * p 4. %, feroit tenté de le regarder comme la jonéïion de deux ~' r ^ T ^‘ velîics diflerentes. A mefure qu’elle s’en éloigne de part & d’autre, elle lé renfle infenfiblement; 6c après le point du plus grand renflement, elle diminue encore de diamè¬ tre jufques à former une pointe qui efl quelquefois fui- vie de quelques renflemens, après iefquels elle rede¬ vient déliée, A jette divers rameaux. Mais il nous importe moins de connoître la figure de cette veffie ou de ccs deux veffies, que de fçavoir qu’elle efl remplie d’une li¬ queur. M. Malpighi, qui a obfervé que celle qui efl con- tenuë dans la veffie propre au papillon femelle du ver à foye, efl aqueufe 6c tranlparente, dit qu’il n’a pas pu en reconnoïtre la nature, parce qu’on n’y en trouve pas allés pour fournir à des eflais. Il lui foupçonne différens ida» ges, comme de mettre la femenceplus en état de péné¬ trer dans les œufs, ou celui de faciliter la fortie des œufs, ou enfin celui d’aider h les conferver. Ce qui lui a paru appuyer l’idée de ce dernier ulàge , c’efl que les œufs, iorlqu’ils fortent, font humides, 6c qu’ils lé collent contre 6 . & 7. * Fi». & 10. 88 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE les corps fur lefqucls ils ont etc dépofés , de manière qu’il faut employer a des de force pour les en détacher. Nous aurons occalion de prouver bien- tôt que c’eft là le vrai ufage de cette liqueur. On la trouve en grande quantité dans certains papillons, Si d’une couleur <& d’une conlil- tance bien différente de celle du papillon du ver à foye. Ces papillons s’en fervent pour arranger leurs œufs avec beau¬ coup d’art, Si pour les bien conferver. C’eft ce que nous ex¬ pliquerons après que nous aurons parcouru les principales; variétés que nous offrent les figures des œufs, car nous pai¬ erons auffi-tôt à décrire ce que les papillons nous ont fait voir déplus remarquable par rapport aux différentes ma¬ nières de les arranger, Si de pourvoir à leur confervation. Les œufs du plus grand nombre des efpeces de papil¬ lons ont de vrayes figures d’œufs, c’eft-à-dire , qu’ils iont arrondis, les uns plus pourtant & les autres moins. Les uns font affés exactement de petites fphéres; les autres font des fphéres un peu applaties; les autres font des fphéroï- des plus ou moins allongés, Si plus ou moins applatis; d’autres font des cylindres , des efpeces de petits barillets dont les bouts font arrondis; d’autres ont à peu près la forme des fromages d’Hollande. Mais les figures de quan¬ tité d’autres efpeces d’œufs font moins fimples, Si il fem- ble que la nature ait pris plus de foin à les façonner. Celles de quelques-uns font des efpeces de fegments de fiphére * ; J S' d’autres font de petits cônes très écrafés * ; le cercle qui 9 . fait leur bafe, ou la partie plane de l’œuf, eft appliqué , ou contre quelque feuille, ou contre quelque branche. On ne fçauroit obfèrver leur partie convexe à la louppe fans regarder avec plaifir le travail qui y paroît : on voit quelle eft remplie de canelures arrangées avec beaucoup de ré¬ gularité , qui toutes partent de la bafe , Si fe dirigent vers le lominet. Sur quelques œufs toutes ces canelures arrivent à ce des Insectes. IL Mem. 89 ïommet, vers lequel elles tendent. Sur d’autres, il y a alter¬ nativement une canelurequi va jufqu’au fommet, & une qui finit vers la moitié ou plus de la hauteur. Enfin, ces œufs paroiffent très-joliment leulptés; leurs formes approchent alfésdecelles de certains boutons, dont le deffuseit couvert Si orné par des fils d’argent ou d’or trait difpofés par côtes, ces côtes repréfentent la difpofition des canelures de nos œufs. Les papillons de plulieurs chenilles qui vivent fur le chefne, ceux de quelques chen illes d u chou, de ccl les q u i en- trent en terre, celui d’une chenille velue du titimale à port de ciprès, Sic. pondent de ces œufs en forme de bouton *. * PI - 4 - % Les papillons * de quelques autres chenilles du chou, * Tom. I. comme ceux de la plus belle de celles de cette plante, & comme ceux de la petite chenille verte de la même plante, font des œufs d’une autre forme, & encore plus fingulié- re. Ce font autant de petites piramides * dont la bafe * PI , fi(v cfl pofée contre la furface d’une feuille, comme la bafe n- 13. & des piramides ordinaires eft pofée fur la furface de la ter- **' re. Mais les bafes de nos œufs piramidaux ne font pas fim- plement appliquées contre la feuille, elles y font collées , fans quoi on imagine affés que les œufs ne s’y foûtien- droient pas long-temps. Le corps de la piramideaau moins en hauteur trois à quatre fois le diamètre de fa bafe; il eft ordinairement formé par huit côtes arrondies, feparées par autant de canelures, qui du fommet vont au gros bout. Chacune des côtes cfl elle-même travaillée, elle a une infinité de petites canelures tranfverfales ou parallèles à la bafe. Les œufs du papillon * de la chenille épineufe, la plus * Tom. h commune fur forme ont l’air d’une efpece de turban *, je veux dire, que le contour de leur bafe a un peu moins * PE 3.%. de diamètre que celui de leur partie liipérieurc. Sur le II# bout de celle-ci il y a huit arrêtes efpacées également, Tome 11. . M * PL j 6 . * PL J 2, 90 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE difpofées & taillées à peu près comme les quatre cornes desbonctsquarrés. Ces arrêtes defeendent le long du corps de l’œuf, elles y font des côtes qui diminuent infenfible- ment de hauteur, & qui difparoilfent avant que d’être arrivées à la bafe. Le corps de bœuf eft entouré d’une in¬ finité de canelures, ou de cordons plus fins, tous parallè¬ les à la bafe. Pourquoi les œufs de certains papillons ont-ils des figures fphériques, & pourquoi les autres ont-ils des fi¬ gures piramidales ou coniques! ce font de ces myftéres dont nous ne devons pas même chercher à rendre raifon. Il faut fe contenter d’entrevoir que des chenilles, affés fembla- bles en apparence, peuvent avoir befoin de naître dans des œufs d’une forme & d’une capacité différente. Que d’au¬ tres raifons , qui regardent peut-être les papillons mêmes qui pondent ces œufs, demandent des figures différentes à leurs œufs. Dans l’interieur même du corps du papillon, ces œufs ont les figures qu’ils ont quand ils en font fortis. II y en a qui font faits comme des efpeces de timba- Ton'i . les ou de marmites fans pieds*, c’eft le bout arrondi qui eft * 9 ' ■ f ' s ' collé contre une feuille ou une tige d’arbre ; le bout évafé eft en deftiis, tout fon contour a un rebord qui femble fait pour maintenir une efpece de couvercle. C’eft la forme Tome l. des œufs de certains papillons femelles * qui paroiffent dé- *9-fë- A II Al „ 1 - 1 . . / 1 , pourvus d ailes, & qui les ont au moins fi courtes, que la loupe eft nécelfaire pour les bien voir ; nous avons parlé d’une chenille à broftes qui donne ce papillon. Aftes communément la couleur des œufs nouvellement pondus eft blancheâtre ou d’un Liane jaunâtre. Il y en a pourtant qui font d’un blanc éclatant tel que celui de la nacre de perle; mais il yen a de beaucoup d’autres cou¬ leurs. O11 en trouve de toutes les nuances de brun, d en¬ tièrement verds & d’un beau verd, de bleus, de cou¬ leur de rofe ; il y en a d’une feule couleur, & d’autres "des Insectes. II. Mem. 91 Je couleurs combinées par taches, &c. Quelques-uns confervent affés fenfiblement leur meme couleur, & prefque leur même nuance de couleur jufqu’au temps où la chenille en fort. Mais les œufs du papillon du ver à foye nous ont déjà appris qu'il y en a d’autres, dont la première couleur n’eft pas durable; nous avons déjà dit que d’un jaune couleur de foufre ils paffent allés vite à une couleur qui tire fur le violet. Les changemens de couleur fe font plus tard dans d’autres œufs, & pa¬ rodient plus finguliers. J’ai gardé chés moi, pour les y faire éclore, les œufs de forme de bouton très applr tis * & canelés, qui avoient été dépofés lur les feuilles de l’arbre que nous appelions à Paris, ficomore, par un papillon * qui vient d’une chenille * qui aime les feuilles de cet ar¬ bre, &qui aime encore mieux celles du maronnier d’Inde. Lorlque j’eus ces œufs, ils étoient d’un blanc jaunâtre; après avoir été quelques jours fans les voir, je fus frappé du changement qui y étoit arrivé lorfque je les trouvai joliment tachetés de brun , de jaune & de quelques cou¬ leurs rougeâtres. Dans les jours fuivans je vis ces mêmes taches changer défiguré, de couleur & de grandeur. L’en¬ veloppe de ces œufs, quoique folide cfl mince & tranf- parente, les couleurs de la chenille quelle renferme per¬ cent; à mefiure que la chenille croit dans l’intérieur de l’œuf, elle fe colore; à mefure même quelle croît fes couleurs changent & fe diflribuentdifféremment. Peut- être qu’elle ne s’y tient pas conflamment dans une même pofition, l’enveloppe qui permet d’appercevoir fes cou¬ leurs , ne permet que rarement de l’appercevoir elle- même. C’ell à l’enveloppe , à l’œuf que les yeux rap¬ portent les changemens de couleurs qui fe font fur la chenille. Les œufs dont i’enveloppe efi plus épaifïe & fans tranfparence, font ceux qui confervent fenfiblement Mij *PI. 3.%. 9. & 10. * Tome 1. PL 34- fS • I 1 . * Tome 1. PI- 34 ■ fS‘ y. if 8. 92 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE leur même couleur, ils ne participent point aux changé- mens de couleur qui fe font dans l’intérieur. Les enveloppes ou coques des œufs de nos papillons font fermes & loiides, elles ne font pourtant pas compo- fées comme celle des œufs des oiieaux, d’une matière analogue à celle des coquilles. M. Maipighi regarde la leur comme analogue à la corne, elle efl ferme fans être friable, on la coupe avec des cifeaux. Les papillons femblent avoir été bien inftruits par la nature fur le choix des endroits où il convenoit qu’ils dé- pofaffent leursœufs. Chaque œufne contient qu’uneche- nille, c’eft une régie à laquelle je ne lçais point d’exception ; dès que chaque petite chenille lèra fortic de fon œuf, elle aura befoin de trouver de la nourriture à portée. Prefque tous les papillons femblent auffi prévoir les beloinsdes che¬ nilles naiffantes, & chercher à y pourvoir; ils dépofent leurs œufs fur les plantes ou fur les arbres dont les feuilles peuvent fournir une bonne nourriture aux chenilles nou¬ vellement nées. Qu’on ne croye pas, au reffe, que fi le pa¬ pillon choifit une plante plutôt qu’une autre» c’efl fon pro¬ pre goût qui l’y porte; qu’il aime à fe tenir auprès de cette plante, parce quelle lui fournit à lui-même des alimens agréables. Les papillons diurnes qui viennent de diffé¬ rentes efpéces de chenilles du chou, ne fe nourriffent point fur le chou , ils voltigent continuellement autour de plantes tout-à-fait différentes, ils fuccent avec leurs trom¬ pes le fuc de leurs fleurs. Mais quand il s’agit de faire leurs œufs, c’efl fur les choux qu’ils fe rendent, quoique les choux, fouvent encore trop jeunes, n’ayent point de fleurs pour les attirer. C’efl ainfi que les papillons de nos chenilles épineufes déformé, que les papillons de la che¬ nille du fenouil, & que les papillons de cent autres efpéces de chenilles vont pomper le fuc des fleurs de mille planta des Insectes. IL Aient. 9 3 différentes, & qu’ils fe rendent fur celles de l’efpéçe qui les a nourris pendant qu’ils étoient chenilles, poury laitier leurs œufs. Aulfi quand la ligure finguliére de quelques œufs ou quelques autres circonftances donneront envie d’élever les chenilles qui feront éclofes de ces œufs, les feuilles qu’on doit leur offrir pour aliment, font celles de la plante ou de l’arbre fur lequel les œufs ont été trouvés. Cette régie n’elt pourtant pas fi confiante qu’elle ne fouffre des exceptions. Il m’efi arrivé plus d’une fois de tenter inutilement de nourrir des chenilles avec lesfeuiJles de la plante fur laquelle étoient attachés les œufs d’où elles étoient forties. Elles paroiffoient même fi peu de leur goût quelles n’v touchoient pas. Mais les chenilles naiffantes dont je parle marchoient bien, & aimoient à marcher; la précaution de mettre de la nourriture à portée de celles qui fçavent très-bien l’aller chercher, efi une précaution peu néceffiire. J’ai remarqué que ces mêmes chenilles, nouvellement nées, & que celles de plufieurs autres efpéces , quoiqu’elles euffent feize jambes, mar¬ choient d’abord comme des arpenteufes. Elles fembloient 11’avoir que douze jambes, les quatre dernières des inter¬ médiaires étoient alors conlidérablement plus grandes que les quatre premières de ces mêmes jambes. Si j ’euffe douté de la nécefiité de la prévoyance que nous venons d’admirer dans le commun des papillons, je m’en ferois convaincu parles expériences que j’ai faites fur des nichées d’œufs de nos papillons de la chenille à oreillesdu chefne. J’ai porté de ces nichées chez moi, foit à Paris où mon appartement donne fur le jardin, foit à la campagne; leschenillesy font éclofes; j’ai placé des nichées nombreu- fes & même plufieurs enfemblel'ur mes fenêtres, je voulois voir fi l’infiinél des chenilles nouvellement nées les déter¬ mineront à aller dans les jardins pour trouver des alimens. M iij 94 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pareils à ceux que leur eût donné l’arbre fur lequel elles dévoient naître. Elles le font un peu difperfées, rnaisenluite elles lont retournées à leur nid; elles ont fait diverfes ten¬ tatives qui les conduifoient fur le mur du bâtiment, elles revenoient enfuite; & enfin elles ont péri ou fur leur nid même ou aux environs. Quelques papillons, & fur-tout des papillons diurnes de différentes eipéces, difperfcnt leurs œufs liir les feuilles ou fur les tiges desplantes ; ils les y laiffent un à un & écartés les uns des autres. Les œufs de ces eipéces de papillons font difficiles à rencontrer fur les arbres & fur les plantes bien touffues. Le papillon lui-même conduit à découvrir fes œufs, quand il relie du temps dans une place pour les y pondre tous; mais les papillons qui n’ont qu’à laiffer lin œuf dans chaque place, n’y relient qu’un initant; ils g. 3. l’y font même prelqu’en volant. C’efl ce que le papillon blanc* de la petite chenille verte du chou, qui fe lie pour fe métamorphofer, m’a donné affés d’occafions d’obicr- ver. Je voyois voltiger ces papillons fur des choux qui n’avoient point de fleurs, & je Içavois que ces papillons ne tiroient rien des feuilles de cette plante. Je voyois en- fuite le papillon fe pofer fur une feuille, & en partirprel- que fur le champ pour aller voltiger & s’arrêter un inflant fur une autre feuille, foit du même chou, foit d’un autre chou. ïl étoit naturel d’en conclurre que Huilant de repos étoit celui où il dépoloit fes œufs , dès que l’on fçavoit que les chenilles de ces papillons vivent de chou. Audi ayant remarqué, & cela plufieurs fois, l’endroit où le papillon s’étoit appuyé, j’ailois fur le champ l’examiner, fig- & ordinairement j’y trouvois un de nos petits œufs de figure piratuidale *, bien pofé fur fa bafe. Cette baie efl: humeélée d’une liqueur vifqucufe qui le retient contre la feuille fur laquelle il a été appliqué. DES I N S E C T E S. II. Ment. 9 5 D'autrespapillonsdiurnes,&mêmc desdiurnes du chou, comme celui de la plus belle de Tes chenilles, ne difperfent pas ainfi leurs œufs, ils les arrangent fur la feuille les uns aul- iiprèsdes autres qu’il eftpoftîble; ils y forment une plaque compofée d’un grand nombre de nos petites piram ides. D’autres papillons, foit diurnes, (oit nocturnes,arrangent aufti leurs œufs, de quelque figure qu'ilsfoient, par plaques. Tous les œufs dont nous venons de parler font atta¬ chés par une couche de colle qui n’efi fenfible que par fon effet, alfés grand pour les bien retenir ; mais les œufs de quantité d’autres papillons font non-feulement rete¬ nus, ils font même enchaffés prefqu’en entier ou en gran¬ de partie dans un lit de colle d’une couleur différente de ia leur. De tous les nids d’œufs de papillons, celui où cette colle efi le plus vilible, &qui d’ailleurs eft un des plus jolis pour l’arrangement des œufs, efi un nid connu des Jardiniers, parce qu’ils le trouvent affés fouvent en taillant leurs arbres; ils l’appellent le braffelet ou la bague , & ils l’ont très-bien nomme. Ces nids * entourent un jet de * pj^ poirier, de pommier, de pefeher, de prunier, comme les >-&-7-b. a bagues ordinaires entourent les doigts, ou comme les brafi- fclcts entourent les bras. Ils reffemblent tout-à-fait aux brafieiets de grains d’émail; chaque œuf tient ici lieu d’un de ces grains. Il entre depuis 200. jufqu a 3 3:0. œufs dans chaque braffelet. On 11e voit queleurpartiefupérieure dont le contour eft rond & blanc; le milieu efi plus brun; lafom- mité eft toujours marquée par un point noir. Ces grains ou œufs qui le touchent feulement par quelques endroits de leur contour, & qui font preffés les uns contre les autres, laiffent néceffairement entre eux des efpaces qui font remplis par une efpece de gomme brune, dure ôc, caftante. La largeur du braffelet eft formée par iq.. à 15. rangs, & jufqu a 17. rangs d’œufs *. Ils 11e font pas placés *f%. 6.&.S. C)6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE précifément fur la circonférence d’un cercle, ils fontdif- pôles en tours de fpirale, qui quelquefois s’éloignent peu de la figure circulaire *. La forme de chaque œuf * tient de celle d’une piramide tronquée à quatre faces qui ne font pas bien planes ; elles ont quelque rondeur, & elles lé ren¬ contrent par des angles obtus. La piramide cfl pofée de manière que la partie de l’œuf qui eft vifible, cil la bafe de cette piramide, & que le bout où la piramide eft tron¬ quée, efl le plus proche de la branche, à la circonférence de laquelle les axes de ces piramidesfont perpendiculaires. 31 fuit de la figure de ces œufs qu’ils ne fie touchent que par quelques endroits de leur bord extérieur; qu’ils font lurtout féparés les uns des autres vers leur bout le plus proche de la branche de l’arbre *. Tous les vuides qu’ils laiffcnt entre eux font remplis par la gomme dont nous avons parlé, dans laquelle ils font tous enchaffés & comme fertis*. Le lit dégommé dans lequel ils font logés va par de-là leurs bouts, & les empêche de toucher l’écorce de l’arbre. Il faut une grande provifion de colle ou de gomme à un papillon pour fournir à la compofition de ce braffelet. Le papillon * qui le fait efl phalène ; il nous efl donné parla chenille que nous avons nommée ailleurs la livrée. Elle ne s’accommode pas feulement des feuilles des arbres fruitiers, elle vit très-bien des feuilles d’orme, de faule, & de celles de différens autres arbres autour des petites branches defqueis j’ai trouvé des braffelets. Cette même chenille efl une de celles qui fçavent le mieux obfcurcir leur coque en faifant pénétrer dans fon tiffu une poudre jaune. Son papillon cfl d’une grandeur médiocre, il cil de la 5.® claffe des phalènes , ou de la dalle de ceux qui ont des antennes en plume fans avoir de trompe , & du genre de ceux qui portent leurs ailes en toit écrafé. Le deffus des ailes fupérieures de la femelle eft d’un gris ou d’un brun-clair Des Insectes. II. Mem. 97 brun-clair tirant fur l’agathe & fur 1 'ifabeüe. Chaque aile fupérieure a une large bande tranfverfale plus brune que ie refie. Ce papillon femelle efl de ceux qui ne volent point, il agite pourtant fes ailes affés fouvent. Le mâle* *PI.4-fig efl d’une couleur plus claire que celle de la femelle, la Tienne paroît être mêlée d’une très-légére teinte de jaune. Deux traits de couleur ifabcllc traverfent ledeffus de cha¬ cune de fes ailes fupcrieures ; mais ce font les femelles qui doivent exciter notre curiofité. J’en ai ouvert pour voir fi je trouverais dans leur corps le rélervoir de cette gomme brune qu’elles employait en fi grande quantité; je n’ai pû la méconnoître, je l’ai trouvée dans cette veffie double*, ou plutôt ces deux veffies que nous avons dit * El.4. avoir communication avec l'anus. Ces réfervoirs font bien 2 - r I> T- plus grands dans notre papillon, que dans d’autres pa¬ pillons qui le furpaffent confidérablement en grandeur. Avant qu'il ait commencé à faire fes œufs, ces réfervoirs font remplis d’une matière trop épaiffe pour que le nom de liqueur lui convienne, elle a la confiflance d’une bouil¬ lie, & fa couleur efl très-brune; en un mot il efl vifible que ces veffies font remplies de la gomme fondue dont le nid doit être confirait, de celle dans laquelle les œufs doivent être cnchâffés. L’ufige de ces veffies bien connu, nous apprend que les veffies femblablement placées qu’on trouve à tant d’autres papillons, fourniffent la liqueur qui hunaeéte leurs œufs iorfqu’ils lont près de foi tir, & qui les attache contre les corps fur lefquels ils font dépofés. Mais la quantité de la liqueur contenue dans ces réfervoirs ne doit pas être fcn- fible , lorfqu’il n’en faut fournir que pour humeéler légè¬ rement les œufs. En général, les papillons ne font pas des infeéles adroits; le nid d’œufs de ceux dont nous venons de parler efl Tome II. . N 93 Mémoires Pour l’Histoire pourtant un ouvrage qui fembie demander une forte d’adreffe. Je n’ai pas befoin de dire que j’ai tout tenté pour parvenir à voir ie papillon dans le travail, je n’y ai pourtant pas réuffi, quoique j’aie eu un grand nombre de ces papillons éclos clhés moi, & quoique je les tinfffc dans de grandes cloches de verre ; à peine ont ils commencé à pondre, mais ils n’ont jamais entouré d’un bracelet d’oeufs les petits bâtons que j’avois renfermés avec eux. Ces bâtons étoicnt fecs, il ne paroît pas pourtant que cette circonfîance ait pu les empêcher de finir une opé¬ ration aufli importante que celle de la ponte. Mais après- tout, ce qui étoit déplus efièntiel à voir, c’étoit l’endroit où étoit mile en réferve la provifion de gomme. D’autres papillons qui font des nids de matières différentes, vont nous donner affés d’idée de la manière dont les premiers peuvent s’y prendre pour mettre cette gomme en œuvre, & faire leurs nids. L’induftrie que nous allons examiner cfi celle îles pa¬ pillons qui ne laiffent pas leurs œufs expofés aux injures de l’air. Chaque œuf en particulier eft entouré de toutes parts de poils, il efl dans une efpece de loge de duvet. Des poils couvrent encore la malle entière formée de l’af- fcmblagede tous les œufs, 6 c fouvent fi bien, qu’on ne voit là la forme d’aucun de ceux qui y font cachés. Cette adrefïe efl commune à un grand nombre de genres dephalénes, mais pour expliquer en quoi elle confite, nous nous fixe¬ rons à décrire les procédés du papillon femellequi vient de » fom. I. la chenille * que nous avons appeilce la commune. Ce pa- pl 6. fis- -• piilon * efî de grandeur médiocre, il efï de la cinquième * Pl.' 5. fia. claffe des noéîurnes,de ceux qui ont des antennes à bar- 4 - bcs, &qui n’ont point de trompe, &du genre de ceux qui portent leurs ailes en toit, 6 c qui fe croifent un peu vers le bout; clics font blanches , 6 c fouvent très-blanches. Je ne des Insectes. IL Mem. 99 fai jamais vû s’en fervir pour voler, ni même tenter de s’en fervir. Tous les papillons femelles de cette efpece font lourds & pareffeux; îorfqu’on détache des feuilles fur lef- quelles ils fe font arrêtés , ils relient tranquilles, & fou- vent même pendant qu’on les tranfporte, au plus mar¬ chent-ils un peu. Ordinairement ils iaident leurs œufs fur des feuilles, & quelquefois fur des branches, fur des troncs d’arbres ou d’arbri(féaux, en gros paquets oblongs *. La * PI. 5.63 première fois qu’on voit un de ces paquets d’œufs fur une IO * feuille, & tant qu’on ne vient pas à le confidérer de près, on efl porté à le croire une greffe chenille bien velue, qui s’efl tapie là; c’efl-à-dire, qu’on voit une maffe obiongue, plus large pourtant par rapport à là longueur, que le corps d’une chenille ne l’efî par rapport à la benne; cette maffe eft auffi plus applatie vers les bords que ne l’cfl le corps d’une chenille. Cette maffe cfl toute recouverte de poils de même couleur; ceux de la plupart des nids font roux, & ceux de quelques autres font d’un brun qui tire fur la cou¬ leur de caffé. Tous font dirigés vers le même côté, vers un des bouts; ils s’inclinent pour fe coucher parallèlement les uns fur les autres ; les derniers recouvrent en partie ceux qui les précédent. En un mot, ils font difpofés comme ceux d’un drap à longs poils, comme ceux d’un drap de caftor, ou comme ceux d’un chapeau qui vient d’être bien broffé; ils forment auffi une efpece de drap ou de feutre qui couvre tous les œufs, & qui empêche la pluye de pouvoir pénétrer jufqu’à eux; car au refie cette couche a affés d’épaiffeur. Les poils font fi preffés, fi bien couchés les uns contre les autres, ({ue malgré leur longueur, leur affemblage a un œil velouté ou fatiné. Si on rompt cette maffe, on voit que fou intérieur cfl rempli d’œufs affés ronds, brillants comme de la nacre, & à peu près de mê¬ me couleur ; iis font placés les uns à côté des autres, & Nij îOO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE les uns au-clefliis des autres; mais on obierve que chaque œuf eft enveloppé de poils, de façon qu’il ne fçauroit être touché par les voifins. La difpofition des poils n’a là d’ailleurs rien de régulier, ils fe croifent, ils font pliés irrégulièrement, ils ne font employés que comme un du¬ vet qui doit entourer chaque œuf de toutes parts. Dans les années ordinaires, dans celles où il n’y a pas eu de grandes mortalités de chenilles, il ne faut qu’avoir envie de voir de ces fortes de nids d’œufs pour en trouver en grand nombre dans les mois de Juin & de Juillet. II ne faut pas même être obfervateur bien attentif pour re- connoître où les papillons prennent la grande quantité de poils néceflaires pour envelopper chaque œuf en par¬ ticulier, & pour couvrir toute la maffe. Si on les confidére foit avant qu’ils ayent commencé leur ponte, foit pen¬ dant qu’ils font occupés à pondre, on voit que leur corps eft tout couvert de poils parfaitement femblables à ceux qui font employés à couvrir le nid. Enfin fi on compare lin papillon qui a fini fa ponte avec un autre qui ne l’a pas encore commencée, on eft bientôt convaincu que les poils qui couvroient partie du corps du papillon ont été arra¬ chés, pour être étendus fur le nid , & pour le rembour¬ rer. Le corps du papillon qui n’a point commencé à pondre eft extrêmement chargé de poils, & le corps de celui qui s’eft délivré de fes œufs eft prefque nud. Nous avons vu dans le xn. mc Mémoire du tome i. des chenil¬ les qui s’épilent pour fe faire des coques plus folides, mais ici c’cft pour pourvoir à la confervation de leurs œufs que des papillons fe défont de leurs poils Ce qu’il s’agit de fçavoir, c’cft comment le papillon fait palier les poils qui font fur fon corps dans le paquet d’œufs, comment il arrange ceux qui font couchés avec ordre fur la furface, & ceux qui ne l'ont qu’empilés dans l’intérieur. des Insectes. IL Mem. i o i Le ventre de ces papillons qui n’ont point encore fait leurs œufs, efl gros, diftendu, comme ic font en pareil temps ceux de la plupart des autres papillons; ce qui leur efl particulier, c’eft que leur partie poftérieure * cil p!i îs grofle que le refte. Ce n’efl pourtant pas que la for¬ me de leur corps l'oit réellement différente de la forme de celui-des autres; mais c’cll que leur derrière efl entouré par un gros bourlet * compofé de poils extrêmement preffes les uns contre les autres. Ils ont auffi des poils iemblables fur le relie de leur corps, & furtout fous leur ventre ; mais les poils qui fufhfent pour les couvrir eux- mêmes, n’auroient pas fuffi pour envelopper leurs œufs ,Sc la nature leur a donné &. a placé tout autour de leur der- riéreprcfque toute la provifion de poils qui y efl néccffàire. J’ai emporté bien des fois dans mon cabinet de ccs papillons prêts à faire leurs œufs, & bien des fois ils les y ont faits fins que je fois parvenu à découvrir en quoi con- filloit leur adreffe; l’ouvrage fe finiffoit fous mes yeux fans que je puffe voir les procédés du papillon ; les poils mêmes qu’il met en œuvre fervent à cacher comment il agit. Le paquet d’œufs n’efl pas auffi enveloppé de poils par deffous qu’il l’efl par deffus, c’efl ce qui me fit pen- lcr que je verrais plus aifément comment le papillon le travaille par deffous, que comment il le travaille par deffus. J’en mis plufieurs prêts à pondre dans des boifles carrées de verre ; ils n’y commencèrent point à faire leurs œufs pendant le jour, ils attendirent que la nuit fut venue, temps que je n’euffe pas choifi pour les obfervcr. J’en mis d’autres dans de pareilles boifles, & dès midi je fis venir la nuit pour eux; je couvris les boifles où ils étoient, de façon que la lumière n’y pouvoit pénétrer. Après quelques heures je les découvris, &j’en trouvai qui ayoient commencé à pondre. Je ne fçais s’il efl confiant N iij * pi. s. ig. 7-& 8. » b. * bb . I 02 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE qu’ils attendent la nuit pour commencer leur ponte, mais je fçais que quand ils l’ont commencée dans l’obfcurité, ils la continuent malgré le grand jour. Si on les confidére comme je les confidérois au -travers du verre pendant qu’ils font occupés à pondre, on voit le bout du derrière s’allonger beaucoup plus qu’on ne l’en croiroit capable; le vrai efl pourtant que fi on prelfe le ventre du papillon femelle entre deux doigts, on fait fortir de fon derrière une efpece de long mammelon * qui fcmble compofé d’anneaux, 6 c dans le bout duquel efl l’ouverture de l’anus. Mais quand le papillon allonge cette partie parce qu’il a befoin de l’allonger, il lui donne une longueur plus que double de celle quelle a quand on l’a forcée à paraître par la preffion. L’ouverture de l’anus qui efl au bout de cette efpece de mammelon ou de cette efpece de queue, cf l’ouverture par où lbrtent les œufs. Et félon que le papillon porte cette efpece de queue un peu plus loin, un peu plus près, un peu plus haut, un peu plus bas, un peu plus à droit ou un peu plus à gau¬ che , il peut biffer des œufs dans différentes places. La petite partie dont nous venons de parler efl capable de tous ces mouvemens, & de tant d’autres, comme d’ef- peces de fléxions différentes en tous fens , que malgré là pofition 6 c fa figure qui approche de la conique, on peut la regarder comme une efpece de main. Quand on l’a vûë fe mouvoir, s’agiter , fe plier, fe contourner avec beaucoup d’agilité & de vîteffe, on n’efl point étonné que le papillon qui efl lourd 6 c qui fcmble mal adroit, puiffe au moyen de cette partie, arranger très-bien les œufs, 6 c les couvrir de poils; mais on efl furpris devoir un der¬ rière qui a tant de dextérité. C’efi: avec cette efpece de main conique qu’il s’arrache les poils ; ils ne tiennent pas beaucoup au corps du des Insectes. IVMem. io? papillon, mais il faut les en ôter peu à peu , & feulement dans la quantité convenable à la place où ils doivent être mis. La partie que nous conlidérons, a tout ce qu’il faut pour y réulfir. Nous avons parlé ci-devant de deux lames écailleufes qu’on trouve au derrière de la plupart des pa¬ pillons femelles, nous avons dit que celles de quelques- uns ont la forme de cuillerons, mais que d’autres font plus applaties, & qu’appliquées l’une contre i’autre, elles compolent uneefpece de pinces affés femblablcs à celles que les ouvriers nomment des Bruxelles. Le bout de no¬ tre queue, de notre main conique, elt terminé par deux lames qui forment une pince de cette efpece *, avec la¬ quelle il lui efl aifé d’arracher les poils du bourlet qui eft autour de fi partie poflérieure, & ceux de divers autres endroits. C’eft pourtant plus par la pofition , par la ftruc- ture de cette efpece de pince, & parles mouvemens dont elt capable la partie à laquelle elle tient, qu’on juge rie fes ufages, que par ce qu’on voit. Les poils dont la pin¬ ce fê charge, la cachent elle-même. D’ailleurs dans les en¬ droits où elle les porte & où elle les lailfe , il y a d’autres poils épars qui ne permettent pas de voir tout aufli dif- tinéïcmcnt qu’on le fouhaiteroit ; on en voit pourtant affés pour s’amufer agréablement, & affés pour prendre idée de feffcntiel des manœuvres. Lorfqu’on oblèrvc au travers du verre les divers mouvemens que fe donne l’ef- pece de queue ou de main, on voit qu’elle porte des poils en certains endroits, qu’elle les y dépofe dans un plan à peu près vertical ; qu’enfiiite eile fe raccourcit & qu’elle s’al¬ longe alternativement pour bien preffer ces poils, pour en former une couche dont les brins tiennent enfemble. Des poils ayant été portés & preffés dans le même en¬ droit à deux ou trois reprifes, un petit lit fe trouve pré¬ paré pour recevoir un œuf ; la queue qui s’allonge i’y I I .& 12. II. * Fig. 10. * Fîg. 10. 0 . Pf ÎÔ4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE dcpofe. Elle fe replie, fe recourbe, fe raccourcit enfuite pour aller prendre dans le bourlet une pincée de poils, quelle va auffi-tôt appliquer contre l’œuf nouvellement dépofé, Si contre lequel elle preffie ccs nouveaux poils. Ceux qui le touchent peuvent s’y attacher parce qu’il cft gluant; mais la fécondé couche de poils n’aura pas autant de facilité à s’attacher aux poils mêmes qu’elle rencontre, c’cft pour cela que la queue s’accourcit Si s’allonge fuc- ceffivcment pour faire l’office de pilon. Ainfi tous les poils qui remplirent l’intérieur du nid d’œufs font arran¬ gés irrégulièrement comme ceux des rembourrures de chailés; mais les poils qui font mis à la furface fupé- rieure, font arrangés avec ordre Si dans une même direc¬ tion, comme nous l’avons dit ci-devant. Les poils les plus proches du derrière, ceux de la cou¬ che la plus intérieure, font les premiers employés. De cou¬ che en couche , le papillon arrache fucceffivcment tous ceux du bourlet ; il va chercher des poils plus éloignés, quand ceux qui étoient plus près ont été mis en œuvre; enfin peu à peu le papillon épile tout fon derrière Si une grande partie de l'on ventre. Quand le nid d’œufs eft complet *, quand il a tous fes œufs, il a un volume plus conlidérable que celui qu’a- voit le corps du papillon avant même qu’il commençât à pondre : ce fait 11’a rien d’extraordinaire, les œufs Si les poils qui le compofent ne font pas auffi preffics, quel¬ que chofe que i’infede ait pu faire, que lorfqu’ils étoient dans fon corps & fur Ion corps. Un des bouts de ce paquet *eft ordinairement pointu, mais arrondi Si allés plat ; l’autre eff plus relevé Si con¬ cave * , c’ed celui qui a été fini ie dernier, là concavité efl le moule du derrière du papillon. En quelque temps qu’on coiffidcre ce nid, je veux dire, foit quand il efl peu n n . des Insectes. IL Aient, i o 5 peu avancé ou quand il ell fini, il cil toujours de même concavedu côté du derrière du papillon. Le papillon prend des temps de repos, il eft communément vingt-quatre heures à faire fa ponte, & quelquefois deux jours. Dans tous ces temps de repos le bout de l'on derrière relie logé dans cette concavité*, & y ell fi bien appliqué,que le nid d’œufs Si le corps du papillon femblent faire un mê¬ me corps continu; tout ce qu’on voit alors, paroît ap¬ partenir au papillon. Si on tire le papillon de place, on ell étonné de voir le paquet d’œufs qui relie , Si combien le corps de l’inleéle ell éloigné d’avoir le volume qu’on lui croyoit. A mefure que le paquet d’œufs croît, le pa¬ pillon le tire un peu en avant, mais il ne s’en éloigne ja¬ mais alfés pour ne le pas couvrir en partie avec le bout tle les ailes; ce font même les ailes appliquées fur ce tas d’œufs, qui aident encore à faire croire qu’il ell la partie -pofleriéure du corps de l’infeefte. Les papillons femelles de nos chenilles à oreilles du chefrie & de forme, font aulfi de ceux qui recouvrent leurs œufs de poils ordinairement roux, Si qui quelque¬ fois approchent de la couleur de chamois. L’alfemblage de leurs œufs ou le nid, forme une eipece tle plaque *, je veux dire, qu’il a beaucoup plus de diamètre par rapport à fa longueur Si à fon épaiffeur, que n’en ont les nids des papillons précédents. Ces plaques de figures alfés irré¬ gulières, ont quelquefois plus d’un pouce de large fur un Si. demi de long, elles ont deux à trois lignes & quelque¬ fois quatre lignes d’épailfeur vers leur milieu. Ce que nous avons rapporté ci- devant nous exempte d’entrer dans au¬ cune explication fur la manière dont ces papillons les for¬ ment. lis les appliquent allés fou vent contre les troncs des arbres, & plus fouvent encore contre leurs grolfes bran¬ ches, en delfous. Ces papillons multiplient extrêmement. Tome II. . O *pi. s .%. 9. 71 n. * PI. r. firi 1 )• 11,0. 10 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE J’ai vu dans certaines années que le Bois de Boulogne n’a- voit prefque point de. chef ne, dont plufieurs des greffes brandies ne fulTent remplies en deffous, fur une étendue de plus de ifept à huit pieds , & quelquefois d’un bout à l’autre, de ces plaques d’œufs, pofées fi proches les unes des autres, qu'il y en avoit qui fetouchoient. Auffi dans ces années toutes les feuilles deschefnes de ce Bois avoient été dévorées par les chenilles qui fe transforment dans ces papillons. Ce n’efl qu’au printemps que doivent éclorre les chenilles de ces œufs, qui ont été pondus dans le mois de Juillet. Etant placés en deffous des branches, ils font moins expofës à être gâtés par les pluyes, qu’ils ne le fèroient s’ils étoient en défi us, la branche leur fert de parapluye. Auffi trouve-t-on ces nids bien entiers, bien fains à la fin de l’hiver; tout le changement qu’on y remarque, c’eft dans la couleur de leurs poils, qui efl devenue plus blancheâtre. Ces papillons & ceux de la chenille commune ne quit¬ tent fouvent leurs nids d’œufs que pour tomber morts ou mourants par terre; quand ils s’éloignent du nid, ce n’efl: pas pour aller loin. Leur vie n’efl que de quelques jours, ou au plus d’une ou de deux Semaines. Quand ils ont fait leurs œufs, la fin à nous connue pour laquelle ils avoient été produits, efl remplie, ils n’ont plus befoin de vivre. Différentes autres efpeces de papillons couvrent com¬ me ceux dont nous venons de parler , leurs œufs de poils fous lefquels ils font entièrement cachés ; mais plufieurs au¬ tres efpeces ne mettent fur leurs œufs qu’une quantité de poils qui n’empêche pas de les voir; ils les deffendent moins bien, & ils n’ont pas befoin [d’être fi bien deffendus. Quelques-uns qui font entrer les poils dans lacompo- fition de leur nid, arrangent leurs œufs autour de petites branches qu’ils en entourent en partie ou entièrement. des Insectes. IL Mcm . 107 en un mot difpofés comme les braffelets d’œufs du papil¬ lon de la chenille livrée. Je n’ai rien vû de plus joli par rapport à ces nids recouverts de poils & pofés autour de petites branches, qu’un qui me fut envoyé par Al. Baron médecin à Luçon, en bas Poitou. Les œufs étoient ar¬ rangés en fpirale autour d’une petite branche d’épine, comme ceux des braffelets *, & encBaffes auffi dans une + P!. 3.11g. couche de gomme qui enveloppoit immédiatement la 1J- petite branche. Le nom pourtant de braffclet ne conve- noit pas à leur affemblage, parce qu’il occupoit une très- longue étendue de la branche; d’ailleurs, ces œufs n’é- toient vifibles que quand on avoit enlevé les poils qui les cachoient *. Ces poils étoient extrêmement fins, d’une *Fig- 16 . très-jolie couleur de gris de fouris ; ils n’étoient point J ' couchés comme le font ceux des autres nids que nous avons décrits; ils étoient droits & comme ffottans, quoi¬ qu’ils fuffent très-proches les uns des autres. Ils imitoient ce fin duvet dont efl garni le corps de certains oifeaux, ou les poils fins qui fie trouvent fur le caftor & fur d’autres quadrupèdes au-defïous des longs poils. Je ne connois point le papillon qui fait ce petit nid. Au refte, l’arran¬ gement des poils, celui des œufs, celui même de la gom¬ me dans laquelle font enchaffés les œufs des braffelets, n’ont plus rien qui doive nous paroître difficile à exécu¬ ter par un papillon , dès que nous fçavons qu’il a un der¬ rière qui peut faire tout ce que feroit , en pareil cas, une main adroite. Toutes les femelles de papillons noélurnes que j’ai obfervées, font leurs œufs peu de temps après s’être ti¬ rées de la dépouille de crifalidc, mais j’ai lieu de foupçon- ner, que plufieurs efpeces de papillons diurnes quoique nées pendant l’été, ne font leurs œufs qu’après la fin de l’hiver. Dès les premiers jours d’Avril j’ai vûvolcr plufieurs * Trrn. J Pi *3- fié î.^r 2.. îo8 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE efpecescic papillons diurnes venus de diverfes chenilles cpr- neufes, comme de celles de l’orme & de l’ortie. Ces efpeces de chenilles épineufes n’avoient point encore paru alors. Les papillons fortent en été des crilhlidcs dans lelquellcsel¬ les le font transformées. Enfin les papillons que je voyois volerau commencement d’Avril,étoientceuxmêmes que j’avois trouvés pendant l’hiver, renfermés dans des creux d’arbres. Ayant ouvert un de ces papillons femelles * au mois cf Avril, je lui trouvai le ventre rempli d’œufs. D’où il paroît que ce papillon , qui devoit être né en Juillet, avoit différé fa ponte jufques après l’hiver, fuis doute, parce qu’il n’avoit pas été plutôt en état de la flaire. Ainfi quoique les œufs de quantité d’efpeces de papillons puil- fent relier pendant tout l’hiver expofés aux injures de l’air fans en fouffrir, d’autres œufs demandent à être con- fervés pendant tout l’hiver dans le corps même du pa¬ pillon. EXPLICATION DES FIGURES DU SECOND MEMOIRE . Planche I. I , A Figure i , cft celle d’une efpecede chenille Jievre;' celle-ci ell toute noire , & d’un très-beau noir, elle a feu¬ lement la tête rougeâtre, ou prefque rouge. Tom. i. pl. i. Fig. 16. on a une autre chenille lievre qui eff toute ronfle, d’un roux un peu brun. On en trouve encore une autre dont les poils l’ont prefque noirs, 6 c qui tout du long du dos a une raye d’un jaune obfcur. Ces trois che¬ nilles vivent des mêmes plantes, elles ont les poils dis¬ tribués de la même manière. Elles marchent avec une égale vîteffe : elles entrent toutes trois en terre pour fe mettre en coque; leurs crifitlides font fembiables, & elles des Insectes. II. Mcm. 109 donnent des papillons entre lefquels on ne trouve que des différences peu fenfibles, comme quelques petites variétés dans la diflribution des points noirs qui font fur leurs ailes. La Figure 2 , efl celle d’une coque de terre, faite en terre par une chenille lievre. La Figure 3 , efl celle d’une crifalide d’une chenille lievre, elle efl d’un noir luifant ; elle efl comme entaillée en a a. La Figure 4, efl celle d’une phalène femelle, fortie d’une crifalide, telle que celle de la Figure 3 , elle ell de la j. e claffe. Ce papillon a des antennes à barbes de plumes , & n’a point de trompe. La Figure 5 , repréfente un papillon mâle II, ee , forti d’une crifalide lievre & pofé fur une femelle pour s’ac¬ coupler avec elle, q , la partie poflérieure du corps delà femelle. La figure 6, fait voir du côté du ventre les phalènes m⬠les & femelles, que la Figure aff J3.o. Mem a JU l'Hu PP' * PI. 7. fig. 1 .tftfddfd. 130 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRÈ au moins e(l il confiant que le bout de la tige que le nicî enveloppe, le deffeche & ne pouffe plus. Elles cherchent à rendre faciles tous les chemins qui vont de leur nid jufqu’aux endroits où elles s’en éloignent le plus. Nous pavons nos grands chemins, elles tapilfent les leurs. Si on y regarde de près, on obfervera que toutes les avenues du nid font couvertes de toiles de foye * ; la principale tige en efl ordinairement enveloppée tout au tour fur une longueur de plus d’un pied au-deffous du nid, & quelquefois elle en efi recouverte en partie beaucoup plus loin; en un mot, depuis le nid jufqu ou les chenilles vont manger, 011 trouve des traces de loye. Les chemins par lefquels elles doivent retourner font donc toujours marqués, & il leur eft plus facile de marcher, de fe cramponner fur des feuilles & fur des tiges tapiffées de foye, que fur des tiges & des feuilles nues. Ces chenilles font peut-être celles à qui des feuilles de. plus de différentes eljîeces d’arbres & d’arbriflcaux font bonnes, comme je l’ai dit ailleurs. Dans nos jardins c’eft principalement fur les poiriers & fur les pommiers qu’el- îcs s’établiffent, & dans la campagne c’efl principalement fur les chefnes, fur les ormes & fur l’aubefpine; mais elles s’accommodent des feuilles de beaucoup d’autres ef- peces d’arbres & d’arbr if féaux; elles aiment fort les feuil¬ les dérober. Quelquefois elles attaquent même les fruits; je les ai vû manger de petits abricots verds & de peti¬ tes poires vertes. Dans certaines années elles détruifent beaucoup plus de feuilles qu’on ne croit, & beaucoup plus que je 11e le croyois avant que de les avoir obfervées pendant les mois d’Août & de Septembre de certaines années extrêmement féches. J’ai fouvent entendu mettre fur le compte de la chaleur & de la féchereffe le pitoya¬ ble état où étoient les bayes & les arbres de la campagne. des Insectes. III. Mem. 131 de ce que leurs feuilles tomboient, ou de ce qu’ils n’en avoient que de defféchées, pendant que ce defordre ne devoit être attribué qu’aux jeunes chenilles de cette efi- pece, qui s’étoient trop multipliées. Nous avons fait re¬ marquer quelles ne mangent que la fubftance de la par¬ tie fupérieure de la feuille, une feuille qui a été ainfi mal¬ traitée n’eft pas long-temps à le lécher totalement, mais comme elle 11’a rien perdu de fa forme, on la croit une feuille qui a été brûlée par l’ardeur du Ibleil. 1! y a quel¬ quefois des arbres qui, pendant que ceux des environs font verds, n’ont que des feuilles lèches, plufieurs paquets d’œufs qui y ont été dépofés fourni fient plus de chenil¬ les qu’il n’en faut pour les réduire en cet état au bout de quelques termines. Qu’on examine avec une loupe ces feuiiles defféchées, il fera aifé de reconnoître quelles ont été rongées par les chenilles. Pendant que lafurface inférieure paraîtra telle que doit l’être celle de toute feuille féche, on verra que la furface fupérieure a été creufée en une infinité d’endroits, qu’elle eft comme fculptée. Dans deux voyages que je fis de Paris en bas Poitou au commencement de Septembre en 13730. & 1731. j’ob- fervai depuis Paris jufqu’à Tours que tous les chefnes, foit grands, foit petits, avoient été attaqués par ces che¬ nilles ; c’étoit fur tout à leurs plus hautes branches, à celles de leurs têtes quelles s’étoient adrefiees. Les grands chefnes ifolés, ceux qui étoient rafiemblés en futaye, les taillis de chefnes de quelque âge qu’ils fulfent, enfin tous ceux des forêts avoient confiammcnt les feuiiles de leurs fommités abfolument féches ; il fembloit,& quin’auroit pas fçû combien notre efpece de chenille fe multiplie, & combien elle fait de ravages, n'aurait pas héfité à croire que quelque vent brûlant avoit réduit en cet état les feuilles Rij ï 3 2 MEMOIRES POUR L’H I S T 0 I R E des têtes des arbres dans cette étendue de pays; on eût pourtant été em barra (Té à expliquer pourquoi les têtes des freines, celles des heftres , cciies des peupliers 6c de divers autres arbres voifins de ces chcmes, étoient reliées fraîches & vertes. Dans certains cantons les bay es qui Lor- doient les chemins n’aveient pas une femile qui ne fût féchc. Les nids des chenilles n’étoient pas cbfhciies à trou¬ ver fur ces bayes 6c fur ces arbres (i maltraités, on en voyoit de fort proches les uns des autres. Depuis Tours jufques au fond du Poitou les chômes avoient été plus épargnés, on en troilvoit beaucoup quin’avoient aucune feuille féche, 6c les autres n’avoient de defféebées que celles de quelques branches. Ces nids font des retraites où nos chenilles ne man¬ quent pas de fe rendre dans des temps de grofles pim es; elles s’y renferment quand le foleil eft trop ardent, elles y paffent une partie de la nuit; de forte qu’il y a des heu¬ res où elles font toutes dedans le nid, 6c il n’y en a gué- res où on n’y en trouve quelques-unes. Elles s’y rendent pour fe repofer, pour fe mettre à l’abri des injures de Pair, 6c elles en Portent pour aller chercher de la nourri¬ ture. II leur eft furtout néceffaire dans les temps où elles ont à changer de peau, c’eft toûjours dans le nid quelles quittent celle dont elles ont à fe défaire; auffi les trouve- t-on remplis de vieilles dépouilles ; les chenilles y font en fûreté pendant un temps ailes critique, 6c elles ne s’expofent à l’air que quand leur nouvelle peau self fuf- fifamment affermie. Dès que les froids commencent à fe faire fentir elles fe renferment toutes dans leur nid pour y paffer l’hiver, 6c cela quelquefois avant la fin de Septembre, ou au moins, dès le commencement d’Oélobre. Pendant tout l’hiver elles y l'ont immobiles; un peu recourbées en arc; fi on des Insectes. III. Mem. 13 3 Ses en retire, elles Semblent incapables de le donner au¬ cuns mouvemens & véritablement mortes; mais (1 on les tient un peu dans la main, ou qu’on les échauffe, de quelque façon que ce loit, elles le redrefîent & le met¬ tent à marcher. Dans ce pays elles ne commencent à fortir de leur nid que vers la fin de Mars, ou dans les premiers jours d’Avril ; en 173 a. je n’en ai point vû qui l’ayent quitté avant le 3 1. Mars. Le Thermomètre dont j’ai expliqué la conftruéhon dans les Mémoires de l’Académie de 1730. étoit monté ce jour là à treize degrés & demi au-deflus du terme de la congélation. A leur première lortie elles s’arrangent les unes auprès des autres fur la furfàce exté¬ rieure du nid, elles le couvrent entièrement d’un côté; elles parodient ne chercher d’abord qu’à retirer le grand air. Le même jour néantmoins, ouïe jour fuivant, elles vont chercher de la nourriture ; elles doivent avoir grand befoin d’en prendre après un jeûne qui a duré plus de fix mois, car quand elles fe font une fois renfermées, elles cefi'ent ablolument de manger. Il paroît au refie que c’efl le degré de chaleur qui a duré un certain temps qui les détermine à prendre l’effor. Ce n’ell point, ou ce ne paroît point être la connoiflance qu’elles ont qu elles trouveront des alimens, qui en dé¬ cide. J’ai vû des rofiers qui avoient des feuilles plus de trois femaines avant que nos chenilles euflent tenté leur première fortie du nid qu’elles s’étoient fait fur ces ar- brifTeaux; & j’ai vû d’autres chenilles de cette elpece, hors de ceux qu’elles s’étoient faits fur des chefnes, plus de quinze jours avant que les boutons de ces arbres corn- mençaffent à s’entr’ouvrir. Celles qui ont paffé l’hiver dans mon cabinet, dans les nids que j’y avois portés, en font lôrties à peu près en même - temps que celles des 1^4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE champs font forties des leurs. Alors elles ne fçavent point, ou elles noient point aller chercher de la nourriture au loin , celles qui fortoient de leur nid dans mon cabinet, Toit à Paris, foit à la campagne, ne s’en éloignoient que de quelques pieds ; elles n’avoient pas le courage d’aller chercher dans les jardins, qui étoient très-proches, de quoi vivre; après avoir parcouru les environs de leur nid, elles revenoient s’arranger deflus,& périIfoient defoiblefTe au bout de quelques femaines. Il en peut donc périr beau¬ coup à la campagne, de celles qui ont fait leur nid furies arbres dont les feuilles viennent plûtard que celles des ar¬ bres de même efpece qui feront dans le même bois ou dans les environs. Il y a des chefnespar exemple, dont les feuilles fe développent quinze jours à trois lemaines plû¬ tard que celles des autres. Les chenilles dont les nids lont fur des chefnes avancés, & celles dont les nids font fur des chefnes tardifs fortant en même temps, celles des derniers doivent périr quelquefois. Quelque nombre qu'il puiffe en périr par cette caufe, il paraîtra qu’il n’en périt pas encore à beaucoup près a (Tés pour diminuer le nombre de ces in¬ fectes, qui maltraitent fi forties arbres de tant d’efpeces. Pendant l’hiver il fe fait apparemment très-peu de tranfpiration dans nos chenilles, elles n’ont pas hefoin que des alimens réparent ce qu’elles perdent par cette voye; mais l’air devenu plus chaud les Lit tranfpirer da¬ vantage , & elles fentent alors le befoin quelles ont de prendre de la nourriture. Le premier ou le fécond jour tfe leur fortie, elles vont chercher les feuilles des envi¬ rons, eiles les rongent; alors les feuilles font tendres, auflî ne s en tiennent-elles pas, comme elles faiîoient en au¬ tomne, à détacher feulement la fubilance de leur partie fupérieure, elles les percent d’outre en outre, elles épar¬ gnent au plus les plus greffes fibres. Enfin à mcfurc que des Insectes. III. Mem . 135 ces feuilles deviennent plus fermes, nos chenilles devien¬ nent plus fortes , aufft par la fuite mangent-elles indifiinc- tement toutes les parties de la feuille. Ce n’eft auffi qu’au printemps qu’on remarque bien le clefordre quelles font, parce qu’alors elles dépouillent les arbres de leurs feuilles; elles 11e leur avoient pourtant fait guéres moins de mal dès la fin de l’été, mais c’efi un mal, comme je l’ai dit, qu’on met moins alors fur leur compte, parce quelles laiflent les feuilles dans leur entier, 8 c qu’011 penfe que c’efi la féchcrefie qui a fait périr la plupart de celles qui n’ont perdu le beau verd, que parce que la moitié de leur fubftancea été mangée par nos petits infeéles. Après avoir mangé elles reviennent fur leur nid, 8 c Ci 1 air efi doux elles le placent fur fa furface extérieure les unes auprès des autres, elles s’y tiennent en repos 8 c comme immobiles. Mais lorfque l’air devient froid, ou qu'il tombe de la pluye abondamment, elles rentrent dans leur retraite. Quand elles fe renferment à la fin de l’automne, elles font extrêmement petites ; elles lortent au moins auffi petites au printemps, mais alors leur volume croît affez vite. Leur nid plein de dépouilles 8 c d’excremens n’au- roit plus allés de capacité pour les contenir; plufieurs des portes, les plus intérieures fur tout ceffent même d’ê¬ tre proportionnées à la groffeur de leur corps: à mefure qu’elles croiffent, elles longent donc à étendre l’enceinte tic leur nid , elles ajoutent tout autour de nouvelles toi¬ les. Les efpaces renfermez entre l’ancien nid 8 c les nou¬ velles toiles leur fourniffent de nouveaux logemens, donc elles augmentent encore le nombre par la fuite en filant encore d’autres toiles. C’eft dans ces nouveaux loge¬ mens dont elles augmentent encore le nombre, qu’elles fe rendent toutes les fois quelles veulent fe tenir tranquilles. i36 Mémoires pour l’Histoire fe mettre à l’abri des injures de l’air, ou enfin lorfqu’el- les ont à changer de peau; elles quittent celle de l’hiver peu de jours après leur première ïortic. Enfin, après avoir changé de peau plufieurs fois, le temps de leur difperfion arrive; à quelque heure, loit du jour, l'oit de la nuit qu’on obl'erve alors les nids, on les trouve abandonnés ; h on les déchire, on ne rencon¬ tre dans leur intérieur que des dépouilles & des excre- mens, & l'ouvent des inlcéles de diverfes efpeces qui s’en l'ont emparés. C’efl: dans les premiers jours du mois de Mai qu’on commence à voir de ces chenilles une à une, ou parpetites troupes dans des endroits fort éloignés des nids, aulfi n’en ont elles plus de commun. Les araignées font un des infeéles à qui il arrive le plus fouvent de s’emparer des nids qui ont été abandon¬ nés par nos chenilles. Que cela eût conduit quelqu’un qui n’a pas alfés fuivi la formation des nids, à les prendre pour l’ouvrage des araignées, on ne pourroit lui repro¬ cher qu’un jugement trop précipité. Mais on auroit peine à croire que dans un ficelé auffi éclairé que le nôtre, il y eût quelqu’un qui a prétendu donner des obfervations fur les infeéles, & fur les moyens de les faire périr, qui fur ce qu’il a trouvé des araignées dans ces nids eût lait les araignées meres des chenilles. Ce fait curieux fe trouve dans le journal de Verdun de Mars 173-ppag. 163. Là on veut enfeigner un moyen de détruire nos chenilles, & on dit, qu’entre les chenilles il y en a qui viennent d’œufs pondus par des papillons, & les autres d’œufs pondus par des araignées de terre. Ces araignées, dit-on, montent fur les arbres, ellesy mangent cette bave luilante que les lima¬ çons lailfent fur tous les endroits où ils palfent, & c’efl de quoi elles font leur foye. Elles filent aux bouts des bran¬ ches, elles depofent des œufs dans des nids d oit l'ortent des Insectes. III. Ment. i37 les chenilles qu’on voit au printemps. Ce n’eft pas pour ré¬ futer ces faits que je les rapporte, mais c’eft pour faire voir qu’il y a encore plus d’ignorance dans notre ficelé qu’on 11e le croiroit, & qu’on y ofe rapporter comme des obfer- vations,des imaginations éloignées de toute vraifemblance. Ne femble-t-il pas que l’auteur ait vu des araignées man¬ ger la bave des limaçons, & qu’il fçache bien qu’elles ont befbin de cet aliment pour faire leur foyeî rien n’eft pour¬ tant plus éloigné du vrai ,& même du vraifemblable. Mais pour revenir à nos chenilles, depuis leur difper- fion, elles ont encore à changer une fois de peau ; pour y parvenir, elles filent chacune en particulier, ou peu cnfemble, de petites toiles pour y cramponner leurs pieds, ce qui, comme nous l’avons expliqué ailleurs, leur donne beaucoup de facilite à fe tirer de leur dépouille. Quelques- unes étendent cette toile d’un des bords d’une feuille à fbn bord oppofé; une feule, & quelquefois quatre à cinq fe placent en deffous de la toile, entre elle & la feuille; d’autres fe contentent de couvrir de toile quelque lige d’arbre, quelques branches,des vingtaines & quelquefois davantage y travaillent en commun, & s’y accrochent les unes auprès des autres. Le temps de cette dernière muë eft pour elles un temps bien dangereux; pendant l’é¬ tat de foiblefTe où il les met, elles ne font pas auffi bien deffenduës contre les injures de l’air, qu’elles l’étoient dans les muës précédentes, pendant celles-ci elles étoient bien à couvert dans un nid compofé d’un grand nombre de toiles très-ferrées. Des pluyes froides qui tombèrent les 10. 1 1. & 12. de Mai de 1732. & quelques autres qui tombèrent plus tard & dont on fe plaignoit, nous faifoient alors un bien auquel on ne penfoit pas ; nos che¬ nilles s’étoient multipliées à un point qui devoit donner, & qui avoit donné au public de jufies allarmes; il 11c Tome IL . S 138 Mémoires pour l’Histoire fembloit pas que les feuilles des nos arbres puffent fuffiré pour les nourrir; & c’eût été bien pis pour l’année fui- vantc, fi celles qui exifcoient eufTent multiplié dans la même proportion qu’avoient multiplié celles de 1731. c’eût été un fléau , plus grand peut-être, que tout ce que l’hifloire nous rapporte de ceux des fauterelies. La fage prévoyance du Parlement & fon amour pour le bien pu¬ blic ne lui permirent pas de regarder avec indifférence l’avenir que les chenilles fembioient nous préparer. Au commencement de 1732. il rendit un arrêt pour obliger d’écheniller les arbres. Cet arrêt quoique général contre les chenilles, ne regardoit que celles dont nous parlons, ce font les feules dans ce pays dont les nids paroiffent aflés fur les arbres en hiver pour qu’on puiffe les trouver fans avoir befoin de chercher beaucoup, les feuis qui pour être trouvés, 11e demandent pas les yeux d’un obier va¬ leur. Tout ce que la prudence humaine pouvoit alors or¬ donner de mieux , étoit affairement de faire écheniller les arbres, mais les piuyes froides qui tombèrent vers la mi-Mai firent plus que n’auroit pu faire tout le peuple du royaume , quand il fe feroit réuni pour travailler félon les louables intentions du Parlement. On peut parvenir à écheniller les arbres des jardins, ceux qui font plantés en allées & même en bofquets; mais comment feroit-011 venu à bout dxcheniüer des forets d’une grande éten- due où il n’y avoit pas un pied d’arbre, foit de taillis, ioit de haute futaye , qui ne fût extrêmement chargé de nids de chenilles l Les piuyes froides dont je viens de parler, firent donc ce que les hommes n’auroient pu faire. J’en avois beaucoup efperé, & je fus attentif à oblerver ce quelles produiraient; je voyois chaque jour que dans ces petits tas de chenilles qui s’étoient réunies pour cou¬ vrir de foye quelque tige d’arbre ou quelques feuilles pour / DES I N S E C T E S. 11 F Mem . 139 fe dépouiller, il y en avoit piufieurs dont ic corps de- venoit flafque; leurs fibres n’avoient plus de redore; le corps de ces chenilles s’allongcoit beaucoup, & per- doit de fa groffeur & de fa rondeur; elles periffoient en- fuite. De jour en jour la mortalité devenoit plus confi- dérable. Enfin la quantité de chenilles de cette efipecc que les pluyes firent périr, efi innombrable. Ces chenilles, dont tous les arbres étoient couverts, devinrent fi rares en moins de dix à douze jours, qu’il me falloit quelque¬ fois en chercher fur piufieurs arbres pour en trouver une feule. Depuis cette grande & heureufe mortalité, ces chenilles ont peu multiplié; il y en a eu fi peu en 1733, en 173.3. & en 1735, que s'il n’y en avoit jamais da¬ vantage dans d’autres années, le nom de communes leur eut été mal donné. Dans toutes les années où ces chenilles fe feront beau¬ coup multipliées , on ne peut pas efperer que les pluyes froi¬ des tomberont auffi à propos qu’elles tombèrent en 1732. & s’il y a quelque efpece de ces infeéîes à qui nous devions déclarer la guerre, c’eft à celle-ci ; toutes les autres efpeces de chenilles enfemble ne confomment peut-être pas autant de feuilles qu’elle en confomme feule. 11 fcmble donc qu’il feroit à défiler qu’on pût l’empêcher de fe multiplier trop. De tous les moyens qui dépendent de nous, celui de détruire leurs nids, ce qu’on appelle écheniller, efi af- fûrement le plus fur; mais tandis qu’011 n’y travaillera que par l’amour du bien public & pour prévenir un mal éloigné, on y travaillera avec peu de fucccs. Pour faire agir le commun des hommes il faut un motif d’intérêt particulier Sc la vûë d’un bien préfent. Si on pouvoit donner quelque valeur à ces nids, fi on ctoit parvenu à en pouvoir faire quelque ufage qui les fît entrer dans le commerce, on s’attrouperoit alors dans les campagnes S ij 140 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pour en aller ramaffer. Les toiles qui les compofent font fortes ; ne pourroit-on point les carder pour en faire au moins des efpeccs de houates de foyeî c’eft ce qui mé¬ rite d’être éprouvé. Ce feroit apurement le meilleur moyen d’empêcher ces chenilles de fe multiplier trop, que d’avoir trouvé un objet d’intérêt qui portât à dé¬ truire leurs nids. On m’a a duré que les chardonnerets travaillent pen¬ dant l’hiver à nous délivrer de cette efpece de chenille, qu’on avoit obl'ervé qu’ils déchiraient leurs nids à force de les becqueter. Lorlqu’un nid ell ouvert, un chardon¬ neret y peut faire un grand ravage, il peut avaler un grand nombre de ces chenilles, qui ne font pas plus grof- ies que des grains de bled. Il eft vrai que les chenilles velues ne font pas celles que les oifeaux cherchent ordi¬ nairement : mais on n’eft pas difficile fur le choix des alimens dans un temps de difette, dans un temps de fa¬ mine; & l’hiver eft ce temps pour les oifeaux. Pendant que ces chenilles font très-petites, malgré les différentes couches de toiles qui compofent leurs nids, elles reftent très-expofées aux rigueurs de l’hiver. Car après tout, un nid attaché à des branches , qui n’ont plus de feuilles, & autour duquel l’air circule librement de tous côtés, ne doit pas être long-temps à prendre dans tout fon intérieur le degré du froid de l’air qui l’envi¬ ronne. Ces chenilles alors extrêmement petites, qui par là fembleroient être très-delicates, doivent donc être af- fés fortes pour refifter au froid. J’ai été curieux d’éprou¬ ver quel étoit le degré de celui qu’elles pouvoient loû- tenir, & fur tout, quel degré de froid étoit capable de les faire périr. Ce feroit au moins une petite confolation, pendant que l’hiver nous fait fentir un froid trop rude, que de fçavoir qu’il nous délivre d’infeétes qui fe font des Insectes. III . Mem . 14 1 trop multipliés, & qui auraient dépouillé nos arbres au printemps & à la fin de l’été. Mais les expériences que j’ai faites m’ont appris que nous n’avons rien à efperer dans ce pays pour la deftruélion de cette efpece de che¬ nilles, du froid de nos plus terribles hivers, quelles font en état de réfifter à un froid plus grand que celui de I 7 ° 9 - On fçait comment on peut faire de la glace en toute faifon , en entourant de glace mêlée avec des fels le vafe mince dans lequel efi l’eau qu’on veut faire geler. Les phyficiens fçavcnt de plus que le degré de froid qu’on peut produire par des mélanges convenables de glace & de certains fels, efi très-fupérieur au degré de froid de l’eau qui commence à fie geler. Le Thermomè¬ tre dont j’ai donné la confiruéfion dans les Mémoires de l’Académie de 1730. aurait dû defeendre par le plus grand froid de 1709. environ à quatorze degrés & un quart au-deffous du terme où commence la congélation de l’eau. Vers la fin de Février & pendant les premiers jours de Mars , j’ai placé un Thermomètre au milieu d’un mélange de glace pilée & de Ici marin : la liqueur du Thermomètre efi defeenduë à quinze degrés, c’eft à-dire, environ trois quarts de degrés au-defious du terme où le plus grand froid de 1709. l’eût fait defeendre. Dans le même temps que j’enfonçai mon Thermomètre dans ce mélange de fel & de glace, j’y enfonçai un petit tube de verre dans lequel j’avois mis fept à huit de nos petites chenilles; il étoit fcellé par le bout inférieur, & fon bout fupérieur qui reftoit au-deiïus de la glace , étoit ouvert, je l’y laifîai pendant près d’une demi-heure. Lorfque je retirai les petites chenilles du tube dans lequel elles avoient fouffert un froid exceffif, elles parurent mor¬ tes : je les échauffai peu à peu en commençant par les S iij 142 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE mettre dans de la glace ordinaire; en moins d'1111 quart d’heure elles furent en état de me faire voir qu’elles étoient en vie; elles le remuèrent, elles marchèrent. Le jour fuivant je les mis encore à une épreuve plus rude; j’entourai le tube de verre dans lequel je les avois fait entrer, d’un mélange de glace & de lei gemme qui fit dèfcendre la liqueur du Thermomètre à plus de dix-fept degrés au-deflous delà congélation. Dans cette fécondé épreuve , les petites chenilles eurent donc à foütenir un degré de froid de près de trois degrés plus grand que celui de 1y09.il ne les fit point périr. Le palfage lubit d’un air alfés temperé , ( car lorfque je faifois ces expérien¬ ces , la liqueur du Thermomètre étoit environ à huit ou neuf degrés au-deffus de la congélation,) le pafiage, dis- je, d’un air temperé à un air d’un froid fi excelïif, devoit Ie à celui qu’y eût fait une petite pierre, ou un petit bâton qui y feroit tombé ; que dans cet état cependant elles étoient en vie, & qu’elles en avoient donné des preu¬ ves inconteftables lorfqu’il les avoit échauffées, qu’elles avoient marché. Ce feroit un étonnant prodige, fi un infeéte dont le fang, dont toutes les liqueurs auroientété gelées , revenoit à la vie, ce feroit là une vraye reiurrcc- tion ; car lorfque toute circulation, tout mouvement des des Insectes. III . Mem . 145 liqueurs eft arrêté, l'animal eft un animal mort ; du moins 11’avons nous pas d’autre idée de l’état de mort. J’ai cru devoir éprouver h les chenilles dont les liqueurs avoient été véritablement gelées, reviendrorent, pour ainfi dire, à la vie. Nos chenilles communes ne font pas les feules fur fefquelles j’aie fait des épreuves. J’ai voulu fçavoir fi celles de diverfes autres efpeces étoient en état de fou tenir un auffi grand froid. Une de celles dont j’ai voulu éprouver la force contre le froid, efl la chenille du pin, dont nous parlerons bientôt, Si de celles qui étoient nées, Si qui avoient crû fur les arbres de cette cipece dans les landes de Bordeaux. J’en ai mis quelques-unes dans un tube de verre •& je leur ai fait fouffrir, comme aux commu¬ nes, le froid de quinze degrés au-deffous de la con¬ gélation. Lorfque je les ai retirées du tube elles étoient roides, dures comme de la pierre, ou comme la glace la plus dure. J ’en ai coupé quelques-unes comme 011 cou¬ pe une pierre tendre; tout leur intérieur étoit parfaite¬ ment gelé : auffi ai-je eu beau réchauffer celles que j a- vois lailTées entières, elles ne font point revenues à la vie, elles étoient trop bien mortes. Un degré de froid fort inférieur à celui qui ne peut rien fur les communes, fuffit donc pour faire périr celles du pin. Dans d’autres expériences, un degré de dix à onze de¬ grés de froid a fuffi fur ces dernieres. J’en ai tiré du tube qui y avoient foûtenu huit à neuf degrés de froid, qui avoient déjà quelque roideur, qui, en tombant dans une taffe de porcelaine , y faifoient du bruit; & qui après avoir- été tenues quelque temps dans un air temperé, ont donné des fignes de vie, Si ont bientôt repris leur ancienne vi¬ gueur. Mais ces chenilles n’avoient pas été gelées à fond. Quoiqu’elles euffent un certain degré de roideur en for- tant du tube, elles avoient encore un degré de foupleffe. 144 Mémoires pour l’Histoire Les endroits prefles cedoient Ions le doigt, ce qui n’ar- rivoit pas à celles qui avoient été glacées à fond, & qui avoient péri. Peut-être même, que le peu de roideur quelles avoient, ne venoit que d’une vapeur qui s’étoit congelée autour, d’elles, d’une vapeur femblable à celle qui fe gele fur la lurface extérieure du vafe dans lequel eft con¬ tenu le mélange de fel & de glace. Ce qu’il y a de certain, c’eft que je n’ai point vu de che¬ nilles qui aient été véritablement gelées, dont les liqueurs foient devenues glace, qui ne foient péries. Des que tout mouvement de leurs liqueurs a été arrêté, ç’ont été des chenilles parfaitement mortes, comme tout autre animal dans pareil cas feroit un animal mort. Mais il relie toujours ici des faits finguliers, c’elt que malgré le peu de chaleur qui eft dans le corps de certaines efpc- ces de chenilles, pendant qu’elles femblent devoir être très-délicates, parce qu’elles l'ont extrêmement petites , les liqueurs qui rempiiffent leurs vailfeaux ne peuvent être gelées par un degré de froid plus conftdérable que ceux de nos plus rudes hivers. Qu’il y a des efpecesde chenil¬ les beaucoup plus grandes, & en apparence plus fortes, dont les liqueurs peuvent être gelées par un degré de froid très-inférieur à celui qui n’ôte rien à la liquidité de la liqueur des autres. Les el'peccs de fang, les liqueurs qui circulent dans les vailfeaux de différentes efpeces de chenilles, font donc les unes par rapport aux au¬ tres , ce qu’eft de l’efprit de vin, ou une eau-de-vie très-forte par rapport à une eau-de-vie extrêmement foi- ble. Celle-ci fera durcie, réduite en glace par un degré de froid beaucoup inférieur à un autre degré de froid, au milieu duquel une eau-de-vie très-forte confervera toute fa liquidité. Il efl connu que le mouvement de l’eau eft un obftacle à fa des Insectes. III. Aient. 145 à fîi congélation ; un eau tranquille, celle d’un folle, d’un étangfegele,pendant que l’eau d’une rivière conferve fa liquidité; plus un torrent eft rapide, & moins le froid a de prife déifias pour le geler. Si la circulation des liqueurs de nos petites chenilles communes étoit plus rapide que la cir¬ culation des liqueurs des chenilles du pin, de celafeul, il faudrait plus de froid pour fixer les premières dans leurs ca¬ naux, que pour fixer les fécondés dans les leurs ; mais cette caule 11’a point, ou a peu de part à l'effet que nous con- fidérons. J’ai coupé la tète à trois de nos petites che¬ nilles, je les ai miles dans un tube de verre, avec d’au¬ tres de leur efpece qui étoient en vie & bien faines; j’ai enfoncé le tube dans un mélange de glace & de fel, qui a fait delcendrela liqueur du Thermomètre à i 5. degrés au- delfousde la congélation. Quand j’ai retiré les chenilles de ce tube, celles qui avoient eu la tète coupée étoient fou- pies & molles comme les autres, leurs liqueurs n’avoient point été glacées. D’où il fuit que ces liqueurs n’ont pas befoin pour conferver leur liquidité contre un degré de froid de quinze degrés au-delfous de la congélation , d’ê¬ tre dans le mouvement d’une circulation rapide. Nous 11e font mes pas étonnés que des liqueurs inflammables eu Ipiritueufes, &que des liqueurs chargées de lels refiflent à de très-grands froids fans fe geler, nous en avons cent & cent exemples ; mais il nous doit paraître bien fingu- licr qu’une liqueur qui n’efi nullement inflammable, qui nous parait très - infipide & toute aqueulè, qu’une telle liqueur, dis*-je, que le fang de quelques eljieccs de che¬ nilles , puifle conferver fa liquidité contre de très-grands froids. Cette liqueur n’elt donc pas aulfi fimple que nous la feraient juger les épreuves auxquelles nous nous tenons ordinairement pour connoître la nature des liqueurs. Tome II . T 146 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Le fang des grands animaux, celui des oifeaux, celui des quadrupèdes, & le nôtre même, fe coagulent aifément ; outre cela, ils font bien plus aifément convertis en glace que le fang des infeéles. Le fang d’un pigeon qu’on a fait couler tout chaud dans un tube de verre, a été réduit en glace très-dure, parmi degré de froid de 7. à 8. degrés au- defïbus de la congélation, & eût pu être gelé par un moin¬ dre froid. Le fang d’un agneau a foûtenu làns fe geler, trois degrés de froid, mais un froid de cinq degrés l’a converti en glace. Les grands animaux ont dans leurs corps une chaleur & un principe de chaleur qui ne fe trou¬ vent pas dans ceux des infeéles. Les grands animaux n’a- voient donc pas befoin d’avoir un lang qui fe gelât aufli difficilement que fe geîe le fang des infeéles. Celui qui a fait les infeéles, femble auffi avoir con- ffitué leur fang différemment félon qu’ils dévoient être expofés à fouffrif de plus grands ou de moindres froids. Nous avons vu ailleurs, que quantité d’efpeces d'infeéles, après avoir vécu fous la forme de chenilles, paffenttout 1 hiver fous celle de crifalides, & qu’il y a des crifalides qui pendant cette rude faifon font attachées contre des murs, contre des entablemensd’édifices, & contre des branches d’arbre,& qui y font nuës, c’eft-à-dire, qu’elles ne font point couvertes par une coque, foit defoye, foit de quel¬ que autre matière. Telle ellla crifalide de la plus belle des chenilles du chou, & telles font quantité d’autres crifalides du genre de celles qui ont l’induftrie de fe fufpendre au moyen d’une ceinture de fils de foye. J’ai fait fouffrir à plufieurs de ces crifalides de très-grands degrés de froid, des froids déplus de 1 5 à 16 degrés au deffous de la con¬ gélation, fans qu’elles fe foient gelées. Nousfçavons que d’autres crifalides paffent l’hiver affés avant en terre; là elles ne font pas expofées à un auffi grand froid que des Insectes. III. Mem. 147 celles qui font de toutes parts à l’air. J’ai fait fouffrir un froid de fept à huit degrés au-deffous de la congélation à quelques-unes de celles qui fe tiennent en terre ; il a fuffi pour les faire périr. Ainfi les infeéles qui refient ex- pofés à de grands froids, font en état de les braver. Ceux qui font plus fenfibles aux impreffions du froid, agiffent comme s’ils prévoyoient celui qui doit regner pendant l’hiver fur la furface de la terre, & auquel ils ne pour- roientpas réfîfier: je dis qu’ils agiffent comme s’ils le pré¬ voyoient, parce que ce ne fontpas les approches de l’hi¬ ver, ou le froid aéluel qui les dé-terminent à entrer en terre ; nous avons vu qu’il y a des chenilles qui s’y en¬ foncent dans les mois de Juillet &d’Août, 6c d’autres mê¬ me dès le commencement du printemps. Peu de temps après y être entrées , elles s’y transforment en crifalides; éccen’efi que l’année fuivanteque le papillon fort de cha¬ cune de ces crifalides. Mais pour reprendre l’hifioire de nos chenilles de l’efpece appellée la commune, depuis le commencement de Juin jufques vers la fin du même mois, elles vivent folitaires, 6c ce n’eft que vers le commencement de ce¬ lui de Juillet qu’elles fongent à fe faire des coques pour y prendre la forme de crifalides. Leurs coques font affés groffiérement faites *; elles font d’une foye brune; leur tiffu efi fi lâche qu’il n’empêche point de voir finfeéle qui y efi renfermé ; elles font fouvent fur une feuille de quelque arbre, comme de chefne, d’orme, de poirier, écc. Ce que la chenille fait de mieux, c’eft qu’elle courbe de telle forte la feuille vers le côté où doit être la co¬ que, que la portion de cette coque qui refte à décou¬ vert , efi: fouvent affés petite. Quelquefois deux ou trois chenilles commencent leurs coques fi proche les unes des autres, qu’elles font obligées de les achever en commun ; * Tcm. 1. p L JJ. fs- 9 - * PI. f.f 4. 5. & 6 . 0 148 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE alors deux ou trois crifalides font renfermées fous une même enveloppe. Après être reftées dans leurs coques pendant quelques jours, elles fe transforment en une crifalide qui n’a rien ■ a de remarquable, & de laquelle le papillon * fort au bout de dix-huit à vingt jours ; de forte que , comme nous 1 a- vons dit, c’efi vers la fin de Juillet que les papillons ve¬ nus de ces chenilles commencent à être communs; c’efi: alors qu’ils font des œuls qu’ils couvrent de poils, comme nous l’avons expliqué dans le Mémoire précèdent. Les chenilles en éclofènt vers la fin de Juillet ou dans les premiers jours d’Août. On pourroit commencer à faire la guerre à ces che¬ nilles avant qu’elles nous euffent encore fait de mal,pen¬ dant qu’elles font encore dans les œufs. Les papillons ne prennent aucun foin de cacher les nids où ils font ren¬ fermés, puifqu’ils les biffent expofés fur le deffus des feuilles. C’cft une cliaffe qu’on pourroit faire au moins dans les jardins, & qui conferveroit à leurs arbres bien des feuilles, que ces chenilles font périr avant la fin de 1 * /. / ete. Nous avons excité à chercher à faire ufage de la foye des toiles des nids de ces chenilles; il feroit plus aifé de mettre à profit celle de leurs coques; elle cft extrême¬ ment douce au toucher,elle efl fine, & ne laiffe pas d’a¬ voir de la force, & peut-être plus qu il n’en faut pour foûtenir des cardes. J’en ai tord pour en faire de petits brins de la groffeur de ceux de foye à coudre, qui m’ont paru être auffi forts qu’il en efibefoin.il 11c feroit pas poffi- ble de la devider, parce qu’elle efi trop lâche & trop mêlée dans le tifTu de la coque ; fa couleur efi un brun caffié. 11 efi vrai que chaque coque 11e contient qu’une quantité de foye allés petite, mais auffi 11e coûtcroit-ellc d’autre des Insectes. 111 . Mem . 149 foin que celui de la ramaffer, 6 c dans les années où ces chenilles ont multiplié, on pourroit du matin au foir, faire une grande récolté de ces coques dans des taillis & dans d’autres endroits. Les forêts de pins nourriffent des chenilles * d’une au- * pi, 7 . ^ tre efpece, qui partent une grande partie de leur vie en 3 - focieté, & qui paroiflent plus dignes d’attention que les precedentes, parla quantité 6 c la qualité de la foye dont ert fait le nid quelles habitent en commun. Je ne me fuis pas trouvé à portée de les obl’erver fur les lieux où elles s’élèvent, mais j’ai été mis en état de les fuivre à Paris, par M. Raoul, Confeiller au Parlement de Bor¬ deaux, qui a beaucoup de goût pour les obfervations d hif- toire naturelle. Il m écrivit à la fin de l’année 173 1. que fur les pins de fon pays on trouvoit des nids de chenilles * * PI, 3. fig. qui étoient fort communs en certaines années, & qui 1 ’ quelquefois étoient plus gros que la tête d’un homme; qu’il avoit remarqué que la foye de ces nids étoit forte 6 c blanche. Une lettre écrite conjointement par deux étu- dians en medecine à Montpellier, 6 c imprimée dans la même ville en 1710. fur la foye des chenilles du pin, m’avoit donné envie depuis long-temps de connoître cette foye,& les chenilles à qui elle cfl due. En faifant réponle à M. Raoul, je le priai de m’envoyer un nid de ces chenilles; il eut l’obligeante attention de me le faire peu attendre, il m’en envoya un parle premier courrier qui partit après l’arrivée de celui par qui ma lettre lui avoit été apportée. Le temps où je le lui avois demandé, étoit celui où les chenilles d’unnids’y font retirées pour y palfer l’hiver; le nid arriva àbon port,& les chenilles dont il étoit peuplé ne parurent avoir fouffert aucunement pour être venues en porte. Elles étoient en û bon état que plulieursfortirent bientôt du nid, parce que je l’ayois U I50 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE mis dans un cabinet où le printemps leur fembla être revenu. Je les portai enfuite dans un endroit plus froid, elles rentrèrent dans le nid, & n en fortirent que quand l’air fut réellement devenu plus doux. Je voulus alors les nourrir, mais je ne pus avoir des feuilles des pins fur lefquels elles vivent ; ce fut inutilement que je leur prefentai des feuilles d’if, des feuilles d’epicia, & d’au¬ tres feuilles que je jugeois les plus analogues à celles qui me manquoient. Elles périrent toutes fucçefïïvem'ent deux à trois femaines après que la douceur de la faifon les eut invité àfortir, c’elt-à-dire, avant la fin de Mars. Nous verrons pourtant bientôt qu’il n’eft pas fur qu’elles foient péries de faim. M. Raoul m’a fait le plaifir de me ren¬ voyer plulicurs de ces nids les années fuivantes, autant que je lui en ai demandé. Je ne doute point que cette efpece de chenille ne foit îa même que celle dont il s’agit dans la lettre imprimée des deux étudians de Montpellier, que j’ai citée ci- delfus. IJ n’eft pas néceffaire d’avertir que cette chenille n’a pas une fingularitéque ces étudians lui ont attribuée, celle de ne fe jamais transformer en papillon, celle de faire des œufs pendant qu’elle eft chenille. Ce feroit là un grand prodige dans l’hifioire des infeéles. Mais ce fait qui eft rap¬ porté dans la lettre, comme le feroit un fait qui n’auroit rien de merveilleux, n’y eft appuyé par aucunes obferva- tions ; on entrevoit feulement quelques circonftances qui ont pu jetter dans l’erreur ceux qui l’ont écrit, & qui ayant d’autres objets d’étude, n’avoient pas eu le temps de s’in- ftruire de l’hiftoire des infedles. Mais l’effentiei de cette let¬ tre eft i’obfervation qu’elle a annoncée, fçavoir que la foye de ces chenilles eft très-forte, qu’elle peut être cardée, & qu : ’on devroit d’autant plus longer à la faire ramalfer dans les forêts de pins, que les nids y font fouyent très-communs. des Insectes. III . Mem . 151 qu’il y a de ces nids plus gros que la tête d’un homme , ôi. que de tels nids fourniroient beaucoup de foye. Quelque envie que nous ayons de louer la foye de ces chenilles ,& quelque envie que nous ayons qu’on en fade ufage, nous devons pourtant avertir qu’elle ne tient pas tout ce qu’elle promet. M. Raoul, pour me furpren- dre par une galanterie de celles auxquelles il me croit le plus fenfible, fit ramaffer beaucoup de cette foye dans le deffein de la faire préparer, & de m’en faire faire une paire de bas; une Dame fe chargea de ce foin. Pour ache¬ ver de nettoyer la foye, elle la ht bouillir dans de l’eau avec un peu de favon ; au bout de deux minutes la foye ne fut plus en état detre mife en œuvre, elle fe trouva toute brifée. M. Raoul ayant foupçonné que les léls du favon pouvoienttrop fur cette foye, il en ht bouillir d’autre dans de l’eau feule : cette fécondé foye fut bientôt réduite dans l’état de la première. De-là, il paroît que h on vou- loit la mettre en œuvre, il faudroit bien fe donner de garde de la faire bouillir pour la teindre, il faudroit l’em¬ ployer avec fa couleur naturelle, ou la teindre prefque à froid. J’ai répété l’expérience de M. Raoul, fur une ahés petite quantité de cette foye, mais qui a fuffi pour m’ap¬ prendre, que pour peu que cette foye foit tenue dans l’eau bouillante, elle devient foible& caffante. Il femble donc que l’eau la dilfout ; ce qui nous invite à faire de nouvelles expériences, pour voir h dans la nature il y a une foye que l’eau bouillante peut dilfoudre. Une pareille foye auroit peut-être des utilités pour la compofition de ces vernis flexibles, & de ces étoffes d’une fabrique tout-à- fait hnguliére, à la recherche defquelles nous avons été invités dans letroihéme mémoire du premier volume*, * Tom. 1 . par les obfervations que nous a fournies la matière à foye, contenue encore dans les vaifïeaux de l’infeéïe. 152 MEMOIRES POUR L’HlSTOÎRE Le nid dont j’ai fait graver la figure, pl. 8. fig. 1. ctoit un des plus petits, il n’avoit que huit pouces de longueur, 6c quatre pouces de diamètre à l'on gros bout ; mais les plus grands nids, & les plus petits lont faits fur le même modèle. Leur figure eft toujours à peu près celle d’un cône renverfé, ou pour parler moins noblement, & en don¬ ner une plus jade idée, le nid reflcmble à une efpecede petit balay compofé de beaucoup de feuilles étroites, telles que font celles du pin ; des toiles de foyes les ont forcées à prendre cette difpofition , dans laquelle elles les maintiennent. En quelques endroits de la furface exté¬ rieure , ces toiles font minces, mais dans d’autres endroits elles font affés épaifles pour empêcher de voir les feuilles quelles enveloppent. Tout l’intérieur du nid ed rempli de * pi. 9. fig. toiles dirigées en différcns feus * qui forment divers loge- mens pour les chenilles, mais tous ces logemens fe com¬ muniquent apparemment comme ceux de notre commu¬ ne. Quelquefois on peut remarquer dans le gros bout du * pi. 8 . fig. une ouvertureen forme d’entonnoir *, d’environ quatre [ .(Sc2. lignes de diamètre, entouréedetoilesplus épaides que cel¬ les des autres endroits: c’ed là la grande entrée du nid, mais ce 11’edpas la feule. J’en ai obfcrvé fur ce même bout deux ou trois autres plus petites, confiantes delà même manière. La principale entrée n’ed pas condammcnt dans le même endroit. Ce qui mérite le plus d’attention dans ces nids, c’ed afiurement la quantité de leur foye. Toutes les chenilles du pinforties des œufs d’un même papillon, travaillent apparemment de concert comme nos communes,à fefaire un nid peu de temps après qu’cllcsfont nées. Elles le font d’abord afi'ez petit, proportionné à leur propre grandeur; àmefure qu’elles groffifient elles en aug¬ mentent l’cnccinte; en filant de nouvelles toiles , elles for¬ cent de nouvelles feuilles à s’y réunir. Ce n’cd guércs que vers des Insectes. III . Mem . 153 vers la Touflaintsque ces nids font ailes gros pour le faire remarquer. Aufli les chenilles qui les conftruifent & qui les habitent, ne nailfent que vers le commencement d’Oc- tobre: j’en juge par le temps où les papillons lontlortis des crilalides, dans lelquelles des chenilles de cette elpece s’étoient transformées , & par le temps où ces papillons ont pondu. M. Raoul a oblervé que les chenilles éta¬ blies dans un même nid , en fortent toutes à la file en¬ viron vers le foleil levant, pour aller chercher de la p⬠ture; une trace de foye qui forme une eljiece de ruban étroit, car il n’a qu’une ligne de large, marque la route qu’elles fuivent pour s’éloigner de leur nid, elles y re¬ viennent par la même route deux heures après en être forties : ce temps leur fuffit pour leur repas; les heures peuvent pourtant n’en être pas toujours fi réglées, & va¬ rier félon les temps & les faifons. Je reçus dans le com- mencementde Février, un nid de ces chenilles que M. Raoul m’avoit envoyé. M. Bernard de Jufîieu fit porter dans une ferre du jardin du Roy, une caiffe où étoit un jeune pin, j’attachai le nid de chenilles contre une des branches de ce pin ; les chenilles avoient paffé dans un climat temperé, Si d’une température affés confiante ; ce¬ pendant on 11eles vit point, ou on en vit peu hors de leur nid pendant le jour, mais on eut affés de preuves qu’el- les en fortoient la nuit pour aller manger, par la quantité de feuilles qui parurent rongées, & par la quantité d’ex- cremens qui fut répandue fur la furface de la terre de la caiffe. Pendant les jours très-froids, & pendant les grandes pluyes , celles qui font dans les forêts ne s’avifent pas de lortir de leur nid; elles ne font pas capables de foûtenir un froid aulfi rude que celui que peuvent fouffrir nos communes. Nous avons ditei-deffus, qu’un froid de huit Tome IL , V 154 - MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE à neuf degrés au-deffous de la congélation, eft capable de les rendre dures comme de la glace, de geler leurs liqueurs, 6c par conféquent de les faire périr; d’où il femble qu’on peut conclurre que dans les Landes de Bordeaux, le froid de 1709. n’a pas été comme à Paris,d’environ 14. degrés 6 c un quart au-deffous de la congélation ; toutes les chenilles du pin y feroient péries, 6 c il auroit fallu du temps pour que le pays en eût été peuplé par des papillons venus de pays plus chauds. Car ceux-ci ne font pas de grands voya¬ geurs, ils n’entreprennent pas des voyages tels que ceux des hirondelles , 6 c ceux de tant d’autres oifeaux de paffage. Ces chenilles ont pris tout leur accroiffement avant la fin de Décembre, 6 c peut-être plutôt. Celles des nids qui m’ont été envoyés au commencement de Janvier, étoient fenfiblement aufli grandes que celles des nids qui m’ont été envoyés dans les mois de Février 6 c de * PI. 7. fig. Mars. Quand la chenille a toute fa grandeur + , elle n’eft guéres plus grande 6 c plus greffe que les chenilles que nous avons priées pour celles de grandeur médiocre. Elle eft velue, fa peau eft noire, elle paraît en une infinité d’endroits au travers des poils. Ceux du deffus du corps font feuille-morte, ôc ceux des côtés font blancs. Sa tête eft ronde 6 c noire; elle a feize jambes, dont les mem- braneufes font armées de demi couronnes de crochets; celles-ci 6 c les écailleufes font feuille-morte ; la peau du ventre eft rafe, d’un mauvais blancheâtre qui a une legerc teinte de feuHIe-morte. Ses poils ne partent nulle part de tubercules, ils tirent leur origine de la peau même. Pour frire entendre comment ils font arrangés fur le dos, il faut expliquer une particularité qu’ofFre la partie fupé- rieure des huit anneaux qui fuivent les trois premiers. Cette particularité , digne d’être remarquée , m’avoit échappé les premières fois que j’eus de ces chenilles ; elle des Insectes. III. Mem. 155 futobfervée par M. lle du**. Pendant quelle étoit occupée à en defîiner une, elle remarqua fur la partie la plus élevée de chaque anneau * une enceinte ovale, formée par un re¬ bord, paruneefpece de cordon bien marqué quis’élevoit ‘ un peu au-deffus du reffe de la peau, 6c dans l’enceinte du¬ quel il y avoit une cavité. Le petit diamètre de lovai eff dans leiènsde la longueur de la chenille ., Sc plus grand ou plus petit lélon les mouvemens qu’elle fe donne, c’eff- à-dire, que ce cordon formoit un oval , tantôt plus 6c tantôt moins ouvert. Quelquefois lovai étoit fermé *; un des côtés de l’enceinte venoit s’appliquer fur l’autre. Les poils feuille-morte font difpofés autour du cordon de cet oval, &lui font prefque perpendiculaires en cer¬ tains temps. Quand la chenille eft en repos , les poils qui paroiffent partir de la partie du rebord la plus proche de la tête, fe dirigent vers la tête ; ceux qui partent de la partie oppofée, tendent vers le derrière; 6c ceux qui partent d’auprès des bouts, s’inclinent vers les côtés. Les poils blancs ne font point mêlés avec les poils feuille-morte; ils l'ortent immédiatement de la peau, 6c plus que d’ailleurs du milieu de la circonférence de cha¬ que anneau, un peu au-deffus des jambes. Là il y a de chaque côté fur chaque anneau, des poils qui forment une touffe, mais cette touffe n’a point un tubercule pour bafe. Pour revenir à la petite cavité renfermée par un rebord, M i,e du * * y obferva encore une particularité : le dedans étoit rempli d’une matière comme cotonneufe, qui étoit formée de poils courts *. Pendant que la che¬ nille fedonnoit des mouvemens, qu’elle ouvroit 6c qu’elle 5 fermoit cette efpece de ftigmate , de petits floccons de ce coton s’élevoient au-deffus des bords de la cavité; ilspa- roiffoient 11 ’être plus adhérents au corps. Auffi bientôt étoient-ils pouffes horsde l’enceinte, 6c quelquefois même Vij * pi. 7. fig. * Fig. 6. * PI. 7.%. 15 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE ils éroient dardés dehors à quelque hauteur. Lorfque M lle du * * voulut me faire voir le jeu de ces fioccons, aucune des chenilles que je lui avois remifes , ne voulut le montrer. Celles qu elle avoit eues venoient de for- tir de leur nid pour la première fois depuis leur arri¬ vée. J’eus quelque temps après un nouveau nid de ces chenilles , elles en fortirent, je fus attentif à les obfer- ver, & je vis le jeu des fioccons de poils cotonneux. Ap¬ paremment que les poils courts, renfermés dans la petite enceinte, tiennent peu enfemble lorfque la chenille com¬ mence à quitter fon nid; que les mouvements qu’elle fe donne, achèvent de les détacher, & que ces mouvemens font même capables de les darder en l’air. Auffi quelques jours après cjue ces chenilles ont com¬ mencé à lortir de leur nid, il ne paroît plus de poils dans ces enceintes, ou au plus, il en paroît une petite touffe à chaque bout del’oval intérieur. On voit alors une partie de la méchanique qui peut aider à les faire fortir, & mê¬ me à les faire fauter : car dans certains momens, on voit que la partie du milieu de l’enceinte s’élève en pyramide bien au-deffus des rebords de lovai. J’ai fait périr de ces chenilles dans l’efprit de vin, il s’efl élevé beaucoup de greffes bulles d’air de chacune de ces efpeces de fligmates du deffus du dos : l’air auroit- il là de plus grandes iffuës qu’ailleurs ! Cette chenille jette quelquefois par le derrière une eau claire qui n’a aucune odeur,elle n’a rien de commun avec fes excremens , qui font des grains durs & jaunâtres, ou verdâtres. J’ai parlé ci-devant d’un nid de ces chenilles que j’a- vois mis fur un petit pin dans une ferre du jardin du Roy; au bout de quelques jours on en trouva quelques- unes de mortes , & on n’en trouva plus, ni dans le nid, ni des Insectes. III . Alan . 157 fur le pin ; ce qui laiffa dans l’incertitude fur ce qu’elles étoicnt devenues. J’en reçûs un autre nid les premiers jours de Mars, que je fis porter au jardin du Roy. Celui- ci fut attaché aux branches d’un pin qui étoità découvert, c’eft-à-dire, hors des ferres. Au bout de deux jours, tou¬ tes les chenilles de cette nichée difparurent encore ;heu- reufement que j’en avois gardé une vingtaine dans un grand poudrier ; je leur avois donné des feuilles de pin , dont elles n’avoient tenu aucun compte, il ne me parut pas quelles y eulfent touché ; enfin vers le iy. e Mars toutes les chenilles du poudrier difparurent. Comme il étoit couvert & rempli de terre en partie, il ne me fut pas difficile de deviner où elles s’étoient retirées, & où pouvoiem avoir été celles des nids portés au jardin du Roy. Il étoit hors de doute, que celles de mon poudrier ctoient entrées en terre; j’attendis quelques jours à les y chercher; vers le 20. du même mois, ayant remué la terre, j’en trouvai une qui avoit encore fa forme de che¬ nille. Je crus devoir attendre jufques au 29. à fouiller plus avant ; alors je trouvai les coques quelles avoient filées en terre , & dans lefquelles elles s’étoient transfor¬ mées en crifalides. Quoique ces coques * euffentété faites en terre, la terre * pi. g.%. n’entroit pour rien dans leur compofition , chacune d’el- 3 - les étoit de pure foye. La quantité de foye qui eft em¬ ployée à la confiruire, ne répond pas à la facilité qu’a la chenille de filer, & à la dépenlê quelle a faite en foye dans les temps précedens ; le tiffu de la coque eft à la vérité ferré, mais peu épais ; il eft flexible fous les doigts. En 1734. M. Raoul m’écrivit, que le 26. de Mars on avoit encore trouvé, dans les bois, des nids peuplés de ces chenilles, que le 30. du même mois on n’en pouvoit pas trouver une feule. Dans deux jours } toutes celles qui y üj 158 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE refioientavoient difparu, & il y en a qui difparoifTent ap¬ paremment plutôt, & qui peuvent cefier plutôt de man¬ ger, puifque celles qui m’avoient été envoyées vers la lin de Février, n’ont pas mangé jufques au quinze de Mars , temps où elles font entrées dans la terre du poudrier , où je les avois renfermées. M. Raoul donna vers la fin de Février à M. Cardoze, Doéteur en Medecine, un nid de ces chenilles; M. Cardoze le renferma dans une boifie avec des feuilles, qui s’y delfechérent ; les chenil¬ les ne parurent pas y avoir touché. Il attendit au 2. Avril à ouvrir la boifie en prefence de M. Raoul, 8 c ils virent quelles étoient forties du nid, qu’elles s’étoient filé des coques d’une foye blanche, 8 c qu’elles s’étoient transfor¬ mées en crilalides dans ces coques. Ainfi ces chenilles, comme la plûpart de celles qui aiment à s’enfoncer en terre pour lé métamorphofer, fe métamorphofent néant- moins , quoique la terre leur manque. La crilalide de cette chenille du pin*, efi de la cou¬ leur la plus ordinaire aux crilalides , d’un brun maron, mais fa forme a quelque chofe de particulier ; fa partie antérieure * efi pointue, 8 c beaucoup plus pointue que la pofiérieure ; celle-ci efi arrondie , 8 c a deux courts cro- *chets *; dans les crilalides des autres chenilles, c’eft le bout pofiérieur qui efi pointu , 8 c l’antérieur qui efi arrondi. Ce n’a été que vers la fin de Juillet que les papillons , de mon poudrier * ont quitté l’état de crilalide, qu’ils font fortis de terre. Le fond de la couleur de leurs ailes fupérieures, efi un gris qui n’efi pas de la même nuance fur celles de tous ces papillons; le gris de celles de quel¬ ques-uns, efi un gris-blanc-cendré; le gris de celles de quelques autres, efi un gris-brun; des rayes brunes tranf- verfales, trèsondées,&des taches brunes font diftribuées fur ce fond : le delfous des mêmes ailes efi tout gris ; les des Insectes. III . Mem . 159 deux côtés des ailes inférieures font d’un gris clair, d’un gris prefque blanc. Ce papillon qui n’a rien dans les couleurs de fes ailes de propre à le faire bien diftinguer de mille autres, a deux particularités qui ne permettent pas qu’on le confonde avec aucun de ceux que j’aioblérvés julques ici. La pre¬ mière , & feulement remarquable dans les femelles de cette elpece, c’eft que fur la partie fupérieure de leur corps près du derrière, il y a une plaque brune, plus re¬ levée que ce qui l’entoure, & un peu luifante *; le relie du corps elt velu & feuille-morte. La couleur, la forme, 6 c le luifant de cette efpece de plaque arrêtèrent mon attention la première fois que je la vis. Jetenois une épin¬ gle à la main, avec laquelle je la touchai, pour examiner fi firudure. Le frottement de l’épingle produifit un petit ipedacle qui me furprit; fur le champ je vis une nuée de petites paillettes qui fe détacha. Ces paillettes s’épar¬ pillèrent de toutes parts, quelques-unes furent comme dardées en haut, d’autres fur les côtés; mais le fort de la nuée fut de celles qui tombèrent doucement par terre. Chacun de ces corps que j’appelle des paillettes, font des James * extrêmement minces , qui ont quelque relfem- blance avec les poulfiéres des ailes des papillons, mais qui font bien autrement grandes ; quelques-unes ont plus d’u¬ ne ligne 6c demie de longueur, 6c les plus courtes ont une ligne. Leur figure efi celle d’efpeces de palettes ; un de leurs bouts efi pointu; c’efl celui qui efi: piqué dans la peau : de- là elles vont en s’élargifiant, en prenant un peu de rondeur jufques à leur autre bout qui efi arrondi, 6 c l’endroit où elles font le plus larges. Là leur largeur efi à peu près égale à la moitié de leur longueur. Elles ne font pas abfolument planes, elles font courbées de manière que celle de leurs faces qui efi la plus proche * PI. 8.%. 8. ee. * PI. 8. fig. * PI. 8. fi 8. & ii. * Fig. I ï6o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE du corps du papillon, eft un peu concave, 6 c par con- féquent la face lupérieure & oppofée eft convexe, g. La plaque élevée * qui fe fait remarquer fur le derrière de ces papillons, eft donc un amas , 6 c un amas pro¬ digieux de ces cfpeces d'écailles en forme de palettes ; en frottant à diverles reptiles cette plaque avec la pointe d’une épingle ou celle d’un canif, on peut faire tomber plufieurs fois des pluyes de ces écailles : on eft étonné qu’il puiffe yen avoir autant d’entaffées dans un li petit efpace ; mais c’eft quelles font extrêmement minces: elles font par confequent légères; d’où il arrive, que pour peu qu il y ait d’agitation dans 1 air, elle fuffit pour en faire élever affés haut un grand nombre, & pour en dil- perfer beaucoup d’autres de différents côtés , indépen¬ damment de celles qui tombent par terre. Si on obferve avec la loupe la plaque formée de i. toutes ces petites écailles *, on voit quelles font po- fées en recouvrement les unes lur les autres , mais de façon que l’inférieure ne déborde de prefque rien la fu- périeure. Je ne fçais s’il y a des papillons mâles de cette cfpece furie derrière defquels on trouve cette plaqued’écailles, mais je ne l’ai trouvée à aucun de ceux qui l'ont nés chés moi, 6 c je l’ai vûë à toutes les femelles. Celles-ci ont bien l’air d’en faire quelque ufage pour envelopper leurs œufs : ces écailles ainfi placées fur le derrière, 6 c fi ailées à détacher , ont une forte d’analogie avec les poils en- taffés autour du derrière de certains papillons, & que nous leur avons vû mettre en œuvre avec tant d’adreffe. Mais les papillons des chenilles du pin n’ont point vou¬ lu pondre chés moi, 6 c par confequent, ils ne m’ont point appris s’ils emploient ces écailles pour couvrir leurs œufs, ni ce qu’ils font de tant d’écailles raffemblées autour des Insectes. III. Mem. 1 61 autour de leur derrière , qui ne leur ont pas été don¬ nées & placées là pour être inutiles. Une autre particularité de ces papillons, tant les mâles que les femelles, c’dl la ftrudlure du devant de leur telle * : ils parodient avoir deux barbes feinblables à celles entre iefquelles elt roulée la trompe de plufieurs papillons de di- verlês efpeces ; mais fi on oblerve l’efpace compris entre ces barbes, on le trouve autrement conflruit que dans les papillons qui ontunetrompe, & qu’il ne Tell dans ceux qui n’en ont point, ou au moins defenbble. Dans ces derniers cet efpace a une rondeur telle que doit l’avoir un fufeau de fphere, une côte de melon ; mais dans nos papillons de la chenille du pin , cet efpace elt rempli par cinq gradins écailleux & pôles dans une efpece degoutiére écaillcufe; les gradins s’élèvent julquesau-delfus du bord de la gou- tiére; le dernier elt creufé vers Ion milieu , de forte qu’il forme deux efpeces de cornes. A quoi l'ert à ce papillon d’avoirainfi le devant de la tête en gradins écailleux! c’elt ce que j’ignore. Nous avons admiré dans le Mémoire précèdent l’art avec lequel le papillon femelle * de la chenille livrée arrange fes œufs, comment ils font enchâlfés dans une gomme pour former une efpece de bague , ou de bralfelet autour d’une petite branche d’arbre *. Il y a de ces papillons qui pondent à peu près en même temps que quelques-uns des papillons de la commune; cependant les chenilles éclofent des œufs de ces derniers environ quinze jours après qu’ils ont été pondus, au lieu que les chenilles ne fortent des œufs de nos bralfeletsqu’après l’hiver. La nature nous offre une infinité de ces variétés. Ces braffelets ne font pas auffi ailés à appercevoir que le font les nids de commune. Les jardiniers, qui pour tailler leurs arbres fruitiers, font obligés de donner un coup d’œil, au moins fur tous les rejettons, Tome II . X * PI. 8. fi*. 10 . * PI. 4. fig. * PI. 4. fig. l6l MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE fur toutes les petites branches, les rencontrent pourtant affez fouventfur l’arbre qu’ils taillent ; leur jolie forme ne leur fait pas trouver de grâce à leurs yeux ; ils fçavent que de chacun de ces braffelets, il doit fortir une nombreufe famille de chenilles. Ceux qui en donnent le moins, en donnent environ 200. & il y en a d’où il en fort plus de 3 50. Les chenilles de cette efpece font auffi de celles qui vivent en focieté pendant une partie de leur vie, & qui fe difperfent lorfque le temps de filer leur coque appro¬ che. Tout ce qu elles offrent de plus remarquable de¬ puis le temps de leur difperfion , jufqu’à ce qu’elles ayent pris la forme de papillon , & que ces papillons ayent fait leurs œufs, a été rapporté dans les Mémoires préccdens. Pour avoir leur hifloire complette, nous n’avons donc à les luivre que depuis leur naiffance jufqu’au temps de leur féparation. Danstout cet intervalle elles nous fourniront peu de faits finguliers. Ce qu’elles m’ont fait voir de plus amufant, c’efl combien ellesont à travailler pour naître, pour percer leur coque. Ce que nous en allons rapporter fera dit pour les chenilles de prefque toutes les autres efpeces. En 1732- ce fut le 3. & le 4. Avril que je vis naître les premières livrées. Lebraffelet de leurs œufs entouroit une branche de rofier ; la liqueur de mon thermomètre s’éleva ces jours-là à 3 heures après midi à 14. degrés au-deffus de la congélation. J’ai vu naître d’autres chenilles de la même efpece, dans la même année, plus de trois femaines P k is tard , dont les braffelets étoient autour de jets de pefehers; ainfi les œufs d’où les chenilles font éclofes les premières , & qui apparemment avoient été pondus les premiers, étoient fur un rofier qui pouffe des feuilles bien plutôt que le pefeher. La prévoyance de l’efpece de pa¬ pillon qui fait les braffelets iroit-elle jufques-là ! Ceux des Insectes. III. Mem . 16 $ qui font leurs œufs de meilleure heure choifiroient- ils entre les arbres qui peuvent fournir des feuilles propres à nourrir les chenilles qui en fortiront, les arbres qui ont des feüilles les premiers l Outre tant d’arbres fruitiers dont les livrées rongent les feuilles, elles rongent celles du faille, celles de forme; j’ai auffi trouvé des braffelets au¬ tour de petites branches de faule 6c d’orme. Si les chenilles de ces derniers braffelets avoient paru au jour aulfi-tôt qu’y paroifTent celles du braffeletdu rofier, elles n’auroient pû trouver des feuilles que long-temps après leur naiffance, elles feraient péries de faim , car elles mangent 6c en ont apparemment befoin, le jour même qu’elles font nées , 6c ce n’efl que long-temps après leur naiffance qu’elles oient s’éloigner de l’arbre où efl leur nid. Lorfque nous avons décrit l’arrangement de ces œufs, 6 c la figure de chacun en particulier, nous avons fait re¬ marquer que le bout de l’œuf qui efl fur le contour exté¬ rieur du braffelct, a une forte de petit couvercle * . Quand il chenille qui efl renfermée dans l’œuf efl devenue affez J forte , elle perce avec une de fes dents le couvercle ; toutes ne le percent pas au même endroit, mais ordinairement c’efl entre le bord 6c le milieu. Le trou efl d’une grandeur proportionnée à celle de l’inflrument qui l’a ouvert, c’efl- à-dire qu’il laiffe feulement fbrtir en dehors la pointe de la dent ; mais dès que ce trou efl ouvert la petite chenille efl en état de travailler avec fuccès à l’aggrandir , 6c à fe faire un pafîàge par où tout fon corps puiffe fortir. Elle faifit entre la pointe de la dent qui s’cfl élevée au- deffus du couvercle , 6c la dent qui efl refiée au-deffous, unepetite portion de ce couvercle, elle la coupe 6c ladéta- che;ainfifucceffivement 6ccontinuellement, elle détache, elle ronge de petites portions du couvercle pour aggran- dir l’oiiverture commencée. Les portions qu’elle détache ï 64 Mémoires pour l’Histoire à chaque fois font plus petites qu’on ne fçauroit l’imaginer, j’ai obfervé avec plaifir en donnant à mes yeux le fe- cours d’une loupe forte, les chenilles qui étoient occupées à ce travail ; il a fallu que quelques-unes ayent haché pen¬ dant une matinée entière, avant que d’être parvenues à faire une ouverture dont le diamètre fût égal à celui de leur petite tête. D’autres pourtant en viennent à bout dans deux heures. Dès quelles font parvenues à faire paffer leur tête par cette ouverture, elles font en état de fe tirer alfez vite de leur prifon ; elles font lortir leurs deux premières jambes écailleufes , elles les cramponnent fur les bords de l’ouverture, & au moyen de ce point d’appui. Si des efforts faits pour avancer, elles font bientôt paroître en dehors la partie du corps à laquelle tiennent les quatre autres jambes écailleufes, & elles achèvent avec leur fe- cours de fe tirer de la coque de l’œuf; elles lé pol'ent fur le hralfelet, &y relient tranquilles les unes auprès des autres. Leurs poils qui étoient prelfés & couchés pendant qu’elles étoient dans l’œuf, fe redrelfcnt; ceux qu’elles ont alors font extrêmement grands par rapport à la grandeur de leur corps, confidérablcment plus grands dans ce rap¬ port , que ceux qu’elles auront après avoir changé de peau. Ordinairement il fe pafle deux jours avant que toutes celles d’une même bague foient nées. Celles qui font éclolès le matin, dès l’après midi du même jour ou au plus tard le jour fuivant, vont chercher de la nourriture; elles attaquent les feuilles qui ne com¬ mencent qu’à pointer, & fi les feuilles ne paroiffent pas encore, & que l’arbre ait des Heurs,elles ne les épargnent pas ; je leur ai vu bien maltraiter des fleurs de pelcher. Quoiqu’elles fe tiennent alfez proches les unes des autres pendant qu’elles mangent, elles fe difperfent plus alors que ne font les communes ; elles ne s’arrangent pas avec DES INSECTES. III. Meill. 16 5 autant d’ordre les unes auprès des autres. Chacune attaque la feuille par un endroit différent du bord, car elles la mangent dans toute fon épaiffeur. M. de Maupertuis qui a des yeux excellens & éclairés, & auxquels rien n’échappe de ce que les infcéïes offrent déplus digne d’être vu, a oblervé des chenilles nées d’œufs fphériques & couleur de nacre, qui 11e fe contcntoient j>as d’avoir fait à leurs œufs une ouverture capable de les laiffer fortir. Après être forties de leur coque, après s’en être même éloignées, elles revenoient deffus pour la ronger; la coque de leur œuf leur fourniffoit leur premier aliment, & cela pendant plus de deux jours quelles la rougeoient à plufïeurs reprifes; elles ne laiffoientde chaque coque que la petite calotte qui étoit collée contre la feuille. J’ai lieu de croire que plufïeurs efpeces de chenilles s’occupent ainfi après leur naiffance, à ronger leur coque, parce que j’ai oblervé que d’œufs de diverfes efpéces qui avoient été fphériques , il ne refloit qu’une petite calotte atta¬ chée contre la feuille, ou contre le corps fur lequel l’œuf avoit été collé. A peine nos petites chenilles livrées, nos petites che¬ nilles des bagues ont-elles ceffé de manger, qu’elles s’occupent à filer; elles travaillent de concert à des toiles qu’elles étendent aux angles d’où partent les rejettons qui leur fourniffent des feuilles. Ces toiles tiennent plu- fieurs feuilles liées enfemble, & ce font les feuilles affujet- tiesparles toiles quelles mangent par préférence. Quand un bouquet de feuilles & celles qui font aux environs font rongées, elles vont plus loin filer de nouvelles toiles au¬ près des feuilles qu’elles fe propofent de manger dans la fuite. C’eft dans ces mêmes toiles qu’elles cramponnent leurs pieds toutes les fois quelles ont à changer de dé¬ pouille. Ces toiles les mettent à l’abri dans les temps de X iij 166 MEMOIRES POUR CHlSTOIRE pluye, & elles fe tiennent aufîi fous ces toiles pendant que le loleil efl le plus ardent, & dans la plupart des temps où elles ne mangent pas. Quand elles font devenues fortes, quand elles ont acquis plus de la moitié de la longueur à laquelle elles doivent parvenir, elles fe retirent plusrare- ment dans ces efpeces de nids. Dans leurs temps de repos, elles fe couchent les unes auprès des autres fur quelque branche, leur corps n’eft pas toujours alors en ligne droite, celui de plufieurs appliquées les unes auprès des autres, eft en quelque forte ondé, ce qui donne une forme affés finguliere à toute la plaque de chenilles. Ce quelles font voir de plus remarquable dans ces temps de repos, fur-tout lorfqu’il frit chaud, & ce qui ne leur eft pas commun avec beaucoup d’autres chenilles, ce font des efpeces de coups de tête, extrêmement brufques, quelles donnent en l’air, tantôt à droit & tantôt à gauche, tantôt en haut, & tan¬ tôt en bas : il fembleroit qu’elles feroient en colere & qu’elles voudraient frapper ; ce n’eft pourtant que l’air qu’elles frappent; la partie antérieure de leur corps le meut alors avec la tête. Elles fe féparent les unes des autres quel¬ ques femaines avant que de fonger à faire leurs coques. On ne les trouve plus alors qu’une à une. Cette chenille que nous nommons la livrée, Goedaert la nomme la biberonne’, il a remarqué qu’au lieu que les feuilles fuffifent aux autres pour aliment & pour boiffon, celle-ci boit volontiers les gouttes d’eau qu’elle trouve fur les feuilles mêmes. Je ne crois pourtant pas qu’il lui arrivât de périr faute de boire ; j’en ai gardé pendant long¬ temps dans des poudriers où je leurdonnois fimplement à manger, & qui y ont fort bien vécu; les feuilles humi¬ des en general font même contraires aux chenilles. Des flics épanchés de la plante fur laquelle des chenilles vivent, ne font pas une liqueur infipide, comme l’efl l’eau. des Insectes. III . Aient . 167 & peuvent être plus de leur goût. Auffi ai-je déjà fait oblerver dans un autre endroit, que les grandes & belles chenilles du titimale à port de cyprès boivent avide¬ ment le lait cauftique qui s’épanche des tiges brifées de cette plante. La plupart des chenilles femblent tirer leur véritable aliment du fuc dont les feuilles font péné¬ trées ; les excremens de celles qui mangent beaucoup, ne font que des feuilles macérées; il fcmble qu’elles rejettent tout ce que la feuille a de folide, 6 c que leur eftomach 6 c leurs inteflins n’ayent fait qu’en exprimer le fuc qui y ctoit contenu. Les efpeces de chenilles dont nous venons de parler, 6 c qui paffent une grande partie de leur vie en focieté , donnent des papillons noéîurnes ; il y a de femblables fo- cietésfpour un temps feulement, de chenilles d’où fortent des papillons diurnes. Quelques efpeces de chenilles épi- neufes de l’ortie, font de ce nombre, Sc entr’autres celle * que nous avons décrite en expliquant la caufe de la dorure des crifalides; fa couleur eft d’un verd foncé avec des rayes brunes marquetées de verd. Leurs ouvrages en commun fe réduifent à des toiles femblables à celles dont la livrée nous a donné occafion de parler. Nous nous arrêterons davantage à fhiftoire d’une che¬ nille un peu plus petite que les precedentes *, 6 c qui donne aulfi un papillon diurne; on la trouve dans les prai¬ ries vers la fin de Septembre, mais elle y efl encore plus aifée à trouver vers le milieu d’Oélobre. Dans le befoin elle mange des feuilles des gramens des prés, mais elle aime encore mieux leplantin, 6 c fur-tout celui à feuilles étroites. Quand on commence à voir de ces chenilles, elles font d’une couleur de maron ; par la fuite après avoir mué, elles font d’un très-beau noir, 6 c leur tête devient rouge. Elles femblent épineufes, elles fontpourtant comme * Tom. 1. pi. 2.6. fg. & 5. * PI. 9.%. z. 168 Mémoires pour l’Histoire une dafie moyenne entre celle des épineufes &. celle * Pi- 9 - üo- 3 * ({es velues ; leur corps eft couvert de mammelons charnus * qui font autant de petites pyramides coniques, difpofées par rangs comme le font les épines ou les tubercules des autres chenilles. De petits poils pofés alfez proches les uns des autres , font implantés dans ces pyramides char¬ nues, & s’élèvent parallèlement à l’axe de la pyramide. Sa pointe eft elle-même chargée de pareils poils; il n’y en a point ou peu fur le refte du corps de ces chenilles. Quoique leurs focietés ne foient pas bien nombreufes, car je ne les ai jamais trouvées de plus d’une centaine de chenilles, les endroits où elles le font établies font ailés à reconnoître ; on voit dans des prairies certaines touffes pi.ç, fig.7. d’herbes* qui font recouvertes de toiles blanches, qu’on eft d’abord porté à prendre pour des toiles d’araignées; mais quand on les regarde de plus près,on connoît qu’elles ont été faites par d’autres ouvrières, & pour d’autres ufages. Ce font des efpeces de tentes, au-delfous defquclles nos chenilles mangent, fe repofent & changent de peau tou¬ tes les fois qu’elles ont à en changer. La difpofition de ces toiles n’a rien de régulier : il y en a de pofées en divers fens, & plufieurs les unes fur les autres; la figure de la touffe d’herbe, la direction des branches qu’elle jette, décide de la difpofition des toiles, qui fouvent vont de¬ puis les feuilles qui s’élèvent le plus, jufqu a celles qui font les plus proches de la furface de la terre. Le gros de la malfe approche pourtant, pour l’ordinaire, de la figure pyramidale. L’intérieur eft comme partagé par plufieurs cloilons, en différents logemens qui s’élargiffent en s’ap¬ prochant de la bafe. Ce qui a été renfermé fous une telle tente de figure très-irréguliére, ou, 11 l’on veut, fous plu¬ fieurs tentes raffemhlées les unes auprès des autres, eft deftiné à la pâture de nos chenilles. Quand des Insectes. III. Mem. 169 Quand elles ont rongé toutes ces feuilles, ou ce quelles avoient chacune de meilleur & de plus tendre, elles aban¬ donnent ce premier camp pour en aller établir un autre fur une touffe d’herbe plus fraîche; elles n’y tranlportent pas leurs tentes, mais elles s’y en font de nouvelles. Leurs différents campemens font ailés à retrouver, fouvent on voit quatre à cinq touffes d’herbe éloignées les unes des autres d’un pied ou deux, encore couvertes de toiles en affez mauvais état, & étendues au deffus de feuilles très- mal traitées. Lorfqu’elles fe préparent à changer rie peau, & fur-tout lorfqu’elles fentent les approches de l’hyver, elles fe font un logement plus folide dans l’intérieur de la principale tente. Les toiles de la tente font minces, & fouvent affez tranlparentes pour laiffer voir les feuilles au deffus def- quelies elles font tendues; mais le logement intérieur que Jes chenilles lé font, foit pour y changer de peau, loit pour y paffer l’hyver, eff compolé d’une toile plus forte, plus épaiffe, & affez opaque pour ne laiffer aucunement voir celles qu’elle couvre. Cette dernière toile forme une efpece de bourfe *, c’eft-à-dire que fa figure eff arrondie, * pi. 9. fig. & que l’intérieur de la cavité n’eft partagé par aucune I0 ' çloifon. Les chenilles font les unes fur les autres dans cette bourfe; chacune y eff roulée, elles font auffi de cel¬ les qui fe roulent volontiers. Dans le temps où elles font occupées à manger, fi on en veut prendre quelque une, & qu’on touche, avant que de la prendre, les feuilles dont elle eff proche, auffitoff elle fe laiffe tomber * ; la Fig- 8. plupart de les voifines en font de même, elles tombent roulées, & paroiffent comme mortes. En 1731. j’apportai de Reaumur, c’eft-à-dire du fond du bas Poitou, plufieurs de ces bouffés dans lefquelles des chenilles s etoient renfermées pour paffer l’hiver. Je les mis Tome II. . Y 170 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE clans mon jardin de Paris, & je les y laiffai pendant l’hiver fur le gazon. Elles commencèrent à fortir de leurs nids dès la lin de Février, ou au plus tard vers les premiers jours de Mars 1732. c’efï-à-cîire qu’elles en fortirent un mois avant le tems où les chenilles appellées commu¬ nes fortent des leurs; auffi les premières trouvent- elles des feuilles de gramen & de plantin , lorfque les autres ne trouveroient pas-encore des feuilles d’arbres. Dès que celles d’une bourfeou d’un nid en furent for- îies, elles fe mirent à hier , elles reprirent les pratiques qu’elles avoient fuivies avant l’hiver ; elles couvrirent de toiles les plantes des feuilles delquelles elles vouloient fe nourrir. Elles fe firent des tentes de foyequi fervofent à ies défendre contre la pluye. C’efl fur-tout pendant que ie foleil brilloit, quelles travailloient à étendre & à fortifier ces tentes. Elles fe réfervent dans les toiles diverles ouver¬ tures dirigées obliquement, par où elles peuvent rentrer fous leurs tentes, ou en fortir. Pendant cîes nuits douces du mois de Mars, je les ai vûës fouvent hors de la tente, attachées les unes auprès des autres, & même les unes fur les autres contre une tige de gramen; mais quand les nuits font froides, elles ne reffent pas ainfi expofées aux injures de l’air. J’avois mis à deffein plufîeurs bourfes ou niefs de ces chenilles les uns auprès des autres. Les chenilles de ces différens nids fe réunirent pour travailler enfemble à une même tente; ainfi ce ne font pas feulement celles d’une même famille qui font difpofées à vivre enfemble. Pour raffembler différentes familles en une même focieté, il ne faut que des circonffances qui y foient favorables. Entre ces chenilles d’un même nid, il y en avoit vers ie y. Avril qui étoient près de la moitié plus petites que ies autres. Une remarque que nous ayons faite ailleurs * des Insectes. III. Metn. 171 difpofe à croire que ce pouvoient être celles qui dévoient donner des papillons mâles. Je n’ai point obfervé dans l’année dont je parle, c’eft-à-dire après l’hiver, quelles ayent changé de peau avant le 10. Avril : alors en deux ou trois jours de temps toutes fe dépouillèrent. Vers le 17. Avril elles fe difperférent, elles abandonnèrent leur tente,fins longer à s’en faire une nouvelle, chacune alla de fon côté pour vivre en particulier & fe préparer à la métamorphofe. Ces chenillesfont de celles qui, pour fe métamorphofer, fe pendent par les dernières jambes la tête en embas, com¬ me nous l’avons expliqué dans le x. me Mémoire du tome I. La crifaiide * qui fort du fourreau de chenille, fe pend dans * PI. 9. %. le même endroit avec la rappe quelle a à fon derrière. L’in- w 5 • feéte efi relié chez moi environ cinq femaines fous cette forme de crifaiide, avant que de paraître fous celle de pa¬ pillon. Les papillonsde ces chenillesfont diurnes; ils font de médiocre grandeur, mais très-jolis. Le delfus de leurs ailes,c’ell-â-dire les furfaces qui font cachées lorfqu’ils les tiennent droites, elt d’un aurore pâle, mais le delfous des ailes ou les furfaces qui font en vue, lorfque le papillon les tient droites, elt plus varié; l’aurore éc un blanc jaunâtre y forment des bandes femblables à celles du point de Hongrie; du noir& du brun qui pointillent chacune de ces bandes, y font des ondes &diverfesautres figures dont le travail plaît aux yeux. Nous avons vu que communément nos focietés de che¬ nilles ne font qu’une même famille,elles font compofées des chenilles forties des œufs pondus par un même papil¬ lon , & dépofés dans un même tas. On pourrait croire que c’elt une régie générale pour les chenilles qui fortent d’œufs dépofés les uns auprès des autres, que toutes celles qui naiffent enfemble continuent d’y vivre. Mais fi on fuit les S7- MEMOIRES POUR LHlSTOIRE ïiiftoiresdes chenilles de diverfes efpeces, on reconnoîtra que ce ne II pas cette circonftance qui décide de leur façon de vivre, que les unes naiffent avec un efprit de focieté que les autres n’ont pas. Pour le prouver, nous n’a¬ vons qu’à finir l’hiftoire de la chenille à oreilles, de l’orme * Ta- I & du chêne*, que nous avons donnée prefqu’en entier dans PL 2+.fig. différens Mémoires, & qu’à la comparer avec celle de la 1 • commune. Les papillons femelles des chenilles de l’une & * '• % de l’autre efpece *, arrangent leurs œufs avec le même FJ.'j. %. art, ils les raffemblent dans un nid bien rembourré de poils , & bien couvert de poils par deffus. Les petites chenilles quifortentdes œufs du papillon de la commune, travaillent de concert aux mêmes ouvrages pendant la plus grande partie de leur vie, elles habitent enfemhle; au lieu que dès que les chenilles à oreilles font nées, dès qu elles font forties de leurs nids, elles fedifperfent chacune de Ion côté, elles ne travaillent en commun à aucun ouvrage. A la vérité les chenilles du papillon de la commune naif¬ fent en été,& les autres ne naiffent qu’au printemps; mais le temps de la naiffance n’efl pas ce qui donne bel prit de fociété; les chenilles du papillon de la livrée ne lor- tent, comme les dernieres, de leurs œufs qu’au printemps, & elles vivent cependant en focieté. En 1731. ce fut le 20. Avril, que je vis fortir de leurs nids les chenilles à oreilles, aux environs de Charenton ; le thermomètre ne monta cependant ce jour - là qu’à 1 3. degrés au deffus de la congélation ; la chaleur avoit été plus grande quelques jours auparavant; mais le 19. il avoit plu abondamment. La pluyequi contribue tant au prompt accroiffemcnt des feuilles, influeroit-elle fur la naiffance des chenilles, les détermineroit-elle à percer leurs coques & à en fortir î J’en avois plufieurs nids quiavoienü paffé l’hiver dans mon cabinet, ces chenilles n’y naquirent des Insectes. III. Mcm. 173 dans la même année, qu’un jour plus tard que celles des nids de la campagne. Les œufs qui les renferment ont la figure d’un fromage d’Hollande, dont le milieu d’un des bouts eft un peu enfoncé. Nous avons vû que les chenilles li¬ vrées percent un des bouts de leur œuf, celui qui eft le plus gros; c’eft-là quelles s’ouvrent une porte. Nos che¬ nilles à oreilles n’ouvrent point leur coque à un de fes bouts, elles percent quelque part le contour du corps de l’œuf; ce qui convient à la pofition où elles font dans l’œuf, car elles y font roulées parallèlement à fes bouts En naiffant, elles font couleur d’ambre, & dans moins de vingt quatre heures elles deviennent d’un noir couleur de fuye. EXPLICATION DES FIGURES DU TROISIEME MEMOIRE. Planche VI. La Figure 1, eft celle d’un nid de ces chenilles de 1 efpece appellée la commune. Son enveloppe extérieure eft faite de quelques feuilles de chêne courbées & tenues enfem- blepardes toiles minces de foye blanche. a b c p f c, ce nid. En c , font des queues de feuilles détachées de leur tige; d , la tige. p pp, diverfès portes ou ouvertures par lefquelles les chenilles peuvent entrer dans le nid & en fortir. La Figure 2, reprefente une coupe du nid de la figure 1 , faite par un plan, ou plûtôt par un cout.au qui a paffé par b f, fig. 1. b /, Figure 2, fait voir la coupe de ce nid, où paroiffent les contours formés par des toiles & par des Xüj 174- Mémoires pour l’Histoire feuilles , & qui renferment les enceintes qui fer¬ vent à loger les chenilles alors très-petites. La figure 3, elt la partie b f e a b , de la figure i, qui a été feparée de la partie b f, de la figure 2. 1 b f, & b, f, figures 2, & 3, font voir des coupes tranfverfales de ce nid. a i bki a, Figure 3, marquent une coupe faite pa¬ rallèlement à la longueur du même nid. La Figure 4. efi celle d’une portion d’une coupe du même nid, faite par un plan parallèle à la longueur du nid, ou à la tige d, figures i,& 2. Cette portion de coupe eft groffie au microfcope, pour faire voir les chenilles dans leurs logemens. e, efi: un endroit, une partie d’une loge qui eft rem¬ plie d’excremens. La Figure 5;, efi celle d’une portion de la coupe b f, figure 2, groffie au microfcope pour rendre plus diftincfts les contours des différentes enceintes dans lefquellcs les chenilles font logées. Planche VII. La Figure 1, efi celle d’un nid de chenilles de l’ef- pece appellée la commune, de forme différente de celui de la planche 6, fig. 1. Dans la compofition du nid de cette planche, entrent différentes feuilles de pommier ou de poirier, qui partent de différentes tiges. Les endroits de ces feuilles qui paroiffent blancs, font recouverts par des toiles qui fervent à les contenir dans les places où elles font. d dd, tt , marquent de petites branches & une tige, qui font blanchies, parce qu’elles font auffi ta- piffées de toiles. des Insectes. III Ment. 173 La Figure 2.reprefente une feuille fur laquelle des che¬ nilles nouvellement nées font arrangées parallèlement les unes aux autres; elles avancent dans le meme ordre vers la pointe f Le parenchime de la partie p qp. de la feuille a été mangé par ces chenilles. La Figure 3 , efl celle d’une de ces chenilles qui vivent en focieté fur le pin. La Figure 4, efl cellede la coupe d’un anneau de cette chenille, prife fur un de ceux qui cà fa partie fupérieure a cette efpece de fligmate qui n’a rien de commun avec ceux qui fervent à la refpiration. Les deux Ievres/w font rapprochées l’une contre l’autre dans cette figure. La Figure 5, fait voir le fligmate feul ; on y voit les deux îevres/ &. 7 U écartées l’une de l’autre. Dans la cavité qui efl entre elles, il paroît de la matière cotonneufe. Dans la Figure 6, les deux Ievres font plus allongées 6c plus rapprochées l’une de l’autre. Dans la Figure 7, les deux Ievres font écartées , & le duvet qui étoit entr elles, fîg. a été emporté. Planche VIII. La Figure 1, eft: celle d’un nid de ces chenilles qui vi¬ vent en focieté fur le pin. Il a été dcfîïné plus petit que i’original quiavoit huit pouces de longueur & quatre pou¬ ces de diamètre à fa bafe, & qui cependant étoit un des plus petits; les feuilles de pin qui le forment, font liées par des fils de foye. E, efl la grande ouverture par laquelle les chenilles entrent dans le nid. La Figure 2, efl celle d’une portion du nid de la fi¬ gure 1. On a cherché à y rendre plus lenfible la grande entrée du nid E , & une autre entrée plus petite e. On voit que la grande entrée efl un entonnoir formé par des ïj6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE toiles dont les fils font difpofés circulairement. La Figure 3 , eft celle d’une coque dans laquelle line chenille du pin s’efl; transformée en crifalide. La coque eft ici plus tranfparente qu’elle ne l’eft naturellement. Les Figures 4. & 5 , font celles de la crifalide de la che¬ nille du pin, vûë du côte du ventre. Dans la Figure 4., la crifalide eft deflmée plus grande que nature; il yen a qui font même plus petites que celle de la Figure 5. a le bout antérieur de la crifalide qui eft pointu, c c, deux cro¬ chets qui font au bout poftérieur; celui-ci eft beaucoup plus gros que l’antérieur, ce qui eft remarquable. La Figure 6 , repréfente le papillon femelle de la che¬ nille du pin dans l'on attitude ordinaire. La Figure 7, fait voir le même papillon du côté du ventre. La Figure 8, le montre par defius, ayant fes ailes écar¬ tées du corps, e e, eft cette portion du corps qui eft cou¬ verte d écaillés qui y tiennent peu. La Figure 9, eft celle du papillon mâle, dont la femelle eft repréfentée dans les figures précédentes. La Figure 10, eft celle de la tête d’un des papillons des figures précédentes, repréfentée très en grand & vue par devant. On s’eft propofé de rendre fenfibles ces efpe- ces de gradins écailleux qui font difpofés les uns au-defliis des autres entre les yeux & plus haut. La Figure 1 1, fait voir en grand la partie poftérieure du défiais du corps, qui eft marquée e e, fig. 8, pour montrer la difpofition des couches d’écailles qui fe trouvent fur cette partie. La Figure 1 z, eft très en grand, celle d’une des écailles arrangées par lits dans la fig. 11. Planche des Insectes. III Mon. 17 y Planche IX. La Figure 1, eft celle de la coupe d’un nid des che¬ nilles du pin reprérenté pl. 8. fig. i. Cette coupe a été faite parallèlement au bout, en quelque endroit bh, de lafig. i ,de lapl. 8. La couronneccc, qui fait la principale enceinte de cette coupe, eft extrêmement fournie delbye, & de foye nette qui remplit tous les intervalles que les feuilles lailfent entr elles. On voit dans l'intérieur diverfes cavités féparées par des cloifons; ces cavités font les logc- mens des chenilles. Le nombre de ces logemens eft plus grand qu’il ne paroît ici. Les cloilons qui les Icparent font de foye qui eft cachée en partie par des grains verdâtres, qui ont été dépolës deflus cette lbye. Ces grains font les excremens des chenilles. La Figure 2, eft celle d’une de ces chenilles qui vit en focieté dans les prairies, parvenue à toute la grandeur. La Figure 3 , fait voir en grand une des houpes de poils de cette chenille. Tous les poils s’élèvent & partent d’un mammelon charnu de figure conique. La Figure q., montre la crifalide de la chenille de lafig. 2, du côté du dos, & pendue à une petite branche. La Figure 5 , montre la même crifalide du côté du ventre. Celles de ces deux figures font plus grandes que nature. La Figure 6, eft celle du papillon diurne qui fort des crifalides précédentes. Ce papillon eft refté chés moi près d’un mois & demi en crifalide. La Figure 7, repréfente un nid habité par deschenillcs telles que celles de la figure 2, mais jeunes Si petites , & telles quelles font dans le mois d’Oélobre. La Figure 8, eft celle d’une de ces petites chenilles du Tome IL . Z 178 Mémoires pourl’Histoire nid, fig-7- roulée comme elles fe roulent, dès qu’on veut les toucher. La Figure 9,eft celle d’un mammelon charnu de cette petite chenille , chargé de poils & repréfenté plus grand que nature. La Figure io, eft celle d’une de cesbourfesde foye blanche, dans laquelle ces petites chenilles paffent l’hiver, entaffées les unes fur les autres. On a coupé la bourfe en b b b , & on a enlevé la partie du tiflu de la foye qui ache- voit de la fermer, pour mettre à découvert les chenilles qui eu remplirent l’intérieur. Pt û pa^f.178 jyfeni.'x.. Ut ÏJfLst. JUs huettey 77>/n \ Smionsu? des Insectes. IV. Mem. 197 quoique le nombre des efpeces de ces dernières foit le plus petit; car jene comtois aucune elpece de chenilles raies dont l'attouchement foit à craindre. Il n’y a même que peu de chenilles velues qui faflent élever la peau, & encore ne m’ont-elles paru le faire que quand elles font prêtes à muer, qui cil le-temps où leurs poils tiennent peu. Le vrai eft pourtant qu’on n’eft pas trop obligé de îçavoir tout cela, & que dès qu’il cil fur qu’il y a des efpe¬ ces de chenilles qui peuvent nous faire quelque mal, on n’a pas tort d’être en garde contre toutes. 11 y a plus, c’cft que la chenille la plus commune de toutes, qui en porte le nom, celle qu’on trouve par-tout, eft une de celles qui eft à craindre, quand elle eftprès de changer de dépouille. Nous devons pourtant adjoûterpour la défenfe de nos chenilles, que tant qu’elles marchent fimplement fur la main, ou fur quelqu’autre endroit de notre peau , il eft rare qu’elles y occalionnent quelqu’éicvûre ; elles n’y en produifent que quand leur dos, ou un de leurs côtés ont été appliqués & preftes contre la peau, comme il arrive a celles qui fe lont engagées fous un mouchoir de col, fous le col d’une chemife, ou qui ont été trop preffées par la manche d’une chemife , dans laquelle elles étoient entrées. Il faut pourtant avouer qu’il y en a qui en certains temps font même à craindre, lorfqu’on ne frit que les obferver de près, quoiqu’on ne les touche pas. Elles font pour ainli dire, entourées d’une atmofphére dans laquelle voltigent de petits poils courts, & qui font comme au¬ tant de petft dards qui pénétrent dans la peau, pour peu qu’ils viennent à la toucher. Les chenilles qui vivent en fi grandes focietés fur le pin * , dont nous avons * PI.7. fîg. 3, parlé dans le Mémoire précèdent, font de celles que je Êfois entourées d’une atmofphére fi propre à exciter des B bit] ip8 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE demangeaifons ; il m’eft arrivé bien des fois d’en fen tir,après les avoir confiderées de près, fans les avoir maniées. Auiïi avons-nous vû dans le Mémoire précèdent qu’elles ont fur leur dos des efpeccs de figurâtes, différais de ceux par lefquels elles refpirent l’air; rn PL . i± pag ■ L2,oS Æem 4 de l.Tlurt dej Iruœtzj . Tom 2 _j yf urU>rLn£Ou. Scidjr Jminsua 4- Stltlf < 0 ® ; ri. il f>txa a jVtm & l'ffut du Irutvlts ‘jj. 200 des Insectes. V.Mem. CINQUIEME MEMOIRE. DE LA MECRAN!QUE. Avec laquelle diverfes efpecesde chenillesplient, roulent éf lient des feuilles de plantes êf d’arbres, & fur-tout celles du chêne. I L y a des chenilles qu’on trouve fouvent en grand nombre fur le même arbre, fur la même plante, que nous ne lai dons pas de regarder comme folitaires, parce quelles ne font point d’ouvrages en commun, que les tra¬ vaux des unes n influent point fur ceux des autres; elles vivent en compagnie, comme fi elles étoient feules; telles font les chenilles dont le maronnier d’inde ed quelquefois tout couvert, celles qui mangent les choux, &c. Mais il yen a qui font bien plus folitaires, elles fe font fucccffivcmcnt plufieurs habitations, où elles fè tiennent renfermées, fans le mettre à portée de communiquer avec les autres, tant qu’eliesfont chenilles. C’ed dans cettegrandefolitude que vivent prefque toutes celles qui plient, ou qui roulent des feuilles pour s’y loger ; & toutes celles qui lient enfcmble plufieurs feuilles pour les réunir dans un paquet, vers le centre duquel elles fe tiennent. Il ne faut point avoir fait une étude particulière de fhidoire naturelle, pour avoir vu dans des jardins, dans des bois, des feuilles hmplement courbées, d’autres pliées en deux, d’autres roulées plufieurs fois fur elles-mêmes. Si d’autres ramaffées plufieurs enfemble dans un paquet informe; & pour avoir remarqué que ces feuilles font te¬ nues dans ces différens états par un grand nombre de fils. Nos poiriers, nos pommiers, nos grofeillers, nos Tome IL . D d 210 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE rofiers, 6 c bien d’autres arbres 6 c d’autres arbriffeaux, 6 i même de (impies plantes mettent chaque jour fous nos yeux de ces fortes de feuilles. On a pu encore obferver que ia cavité que ces feuilles renferment, eflfouvent occupée par un infeéte,& ordinairement par une chenille. Le chêne, le meilleur de tous les arbres pour nos ufages, & le plus amufant pour un naturalifte, ch aufli de tous les arbres celui où l’on voit plus de feuilles pliées 6 c roulées ; on y en apperçoitqui le (ont avec une régularité qui donne envie de fçavoir comment des infeélespeuvent venir à bout de les contourner de la forte. Ce font des chenilles folitaires qui font ces fortes d’ouvrages. J’ai cherché à découvrir la méchanique à laquelle elles ont recours pour les exécu¬ ter : je vais expliquer celle qu’elles m’ont larde voir, & ce fera avoir expliqué celle dont le fervent quantité d’au¬ tres infeéles, qui, comme les chenilles, fçavent filer, pour exécuter des ouvrages du même genre, mais moins parfaits. Après que nous aurons expliqué comment elles roulent les feuilles, le travail de les contourner, celui de les plier en deux, 6 c celui d’en réunir ou d’en lier plu- lieurs dans un même paquet, ne demanderont pas que nous nous y arrêtions long-temps. Si l’on confidére les feuilles des chênes vers le milieu du printemps , lorfqu elles fe font entièrement dévelop¬ pées & étendues, on en apperçoit plufieurs roulées de différentes manières, toutes capables de leur attirer de l’attention. La partie fupérieure du bout des unes paroît. avoir été ramenée vers le défions de la feuille, pour y dé¬ crire le premier tour d’une fpirale qui cnlùite a été re¬ couvert de plufieurs autres tours fournis par des roule- mens fucceflifs, 6 c pou fies quelquefois jufqu’au milieu *PI. 13.%. delà feuille, & quelquefois par delà*. Nos doigts ne pourroiem mieux faire pour rouler régulièrement une DES I N S E C T E S. V. Aient. 2 1 1 feuille, que ce qu’on voit ici ; les oublis 11e font pas mieux roulés. Le centre du rouleau elt vuide, c’elt un tuyau creux, dont le diamètre elt proportionné à celui du corps d’une chenille qui l’habite, & qui l’a fait pour l’habiter. D’autres feuilles des mêmes arbres, ( mais le nombre de celles-ci ell plus petit), font roulées vers le deffus, com¬ me les premières le font vers le delfous. D’autres en grand nombre font roulées vers le delfous de la feuille, comme les premières, mais dans des direétions totalement diffé¬ rentes. La longueur, ou l’axe des premiers rouleaux,efl perpendiculaire à la principale côte & à la queue de la feuille, la longueur de ceux-ci eft parallèle a la même côte *. Le roulement de celles-cy n’ell; quelquefois pouffé * PI - 1 3 - que jufqua la principale nervure, & quelquefois la lar¬ geur entière de la feuille ell roulée *. Les axes ou Ion- * Pl. , gueurs de divers autres rouleaux font obliques à la prin- cipale nervure, leurs obliquités varient fous une infinité d’angles, de façon néantmoins que l’axe du rouleau pro¬ longé, rencontre ordinairement la principale nervure du côté du bout de la feuille. Quoique la furface des rou¬ leaux loit quelquefois très-unie, & telle que la donne celle d’une feuille allés lilfe, il y en a pourtant qui ont des iné¬ galités, des enfoncemens, tels que les donnerait une feuille chiffonnée. Quelquefois plufieurs feuilles font employées à Lire un feul rouleau *. * PI, 14. fj g , De pareils ouvrages ne feraient pas bien difficiles à 8 ' faire à qui a des doigts; mais les chenilles 11’ont ni doigts, ni parties qui femblent équivalentes. D’ailleurs avoir roulé les feuilles, c’elt avoir fait au plus la moitié de la befogne, il faut les contenir dans un état d’où leur raifort naturel tend continuellement à les tirer. La méchanique à laquelle les chenilles ont recours, pour cette fécondé partie de l’ou¬ vrage , efl ailée à obferver. O11 voit des paquets de fis D dij * PI. T 3 . fi J . & 2 . /< lo, ire. 212 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE attachés par un bout à la furface extérieure ciu rouleau , g. & par l’autre, au plat de la feuille *. Ce tout autant de ■> liens, autant de petites cordes qui tiennent contre le ref- fort de la feuille. 11 y a quelquefois plus de dix à douze de ces liens rangés à peu près fur une même ligne, lorf- quele dernier tour d’un rouleau a à peu près la longueur, ou feulement la largeur entière de la feuille. Chaque lien clt un paquet de fils de loye blanche, prefïesles uns contre les autres , mais qu’on juge pourtant tous lèparés. On imagine alfés que ces petits cordages font fuffïlans pour conferver à la feuille la forme de rouleau ; mais il ne m’a pas paruauffi ailé de deviner comment la chenille lui donnoit cette forme, comment & dans quel temps elle attachoit les liens. Tout cela m’a femblé dépendre de bien de petites manoeuvres que j’ai eu très envie de fça- voir,& qu’on ne pouvoir apprendre qu’en les voyant pra¬ tiquer par l’infeéle même. Il n’y avoit guéres d’apparence d’y parvenir, en obtenant les chenilles fur les chênes qu’elles habitent; le moment où elles travaillent n’efl pas facile à laitir, &. la prelènce d’un fpeclateur ne les excite pas au travail. J’ai tenté un moyen qui m’a mieux réufTi que je ne l’efperois. J’ai piqué dans un grand vafe plein de terre humide, des branches de chêne, fraîchement cal- fées ; j’ai diftribué fur leurs feuilles quantité de chenilles que j’avois tirées des rouleaux qu’elles s’étoient déjà faits. Par bonheur elles fou firent impatiemment d’être à décou¬ vert; fçaveijt- elles quelles courent alors rifque de devenir la proye des oilèaux! ou fi elles tentent qu’elles ont be- l'oin d'être à l’abri des impreffions du grand air; car tou¬ tes les rouleufes font des chenilles rates. Quoi qu’il en loir, elles le font miles à travailler dans mon cabinet & tous mes yeux, comme elles l’euffent fait en plein bois. Ordinairement c'eft le deffus de la feuille quelles des Insectes. V Mem. 2 13 roulent vers le défions ; mais les unes commencent le rouleau par le bout même de la feuille *, & les autres par une des dentelures des côtés *. Les rouleaux commences de la première façon, fe trouvent perpendiculaires à la principale côte, & ceux qui font commencés de la fécon¬ de, lui font ou parallèles, ou inclinés. Quelque platte que paroiffe une feuille, lors même que la fürface iupé- rieureeft concave, il efl rare que le bord, ou que quelque endroit du bord d’une de l'es dentelures ne loit point un peu recourbé en deffous ; quelque petite que foit l'é¬ tendue de la partie recourbée, & quelque petite que foit fa courbure, ç’cn efl allés pour donner prife à la chenille, pour la mettre en état de commencer à contourner la feuille, & de la contourner enfuite autant qu’il lui plaira. Des fils pareils à ceux qui maintiennent la feuille dans la figure de rouleau, fervent à la lui faire prendre. Ce n’efl qu’en la tirant fucceffivement en différens endroits avec de petites cordes, quelle vient à bout de fa plier en une efpece defpirale qui a quelquefois cinq à lix tours qui tournent autour du même centre. Notre chenille ayant doncchoifi un endroit où le bord de la feuille efl tant foit peu recourbé en-deffous, elle s’y établit, & commence à travailler *. Alors fa têtefe donne des mouvemens alternatifs très-prompts; elle décrit alter¬ nativement des efpeces d’arcs en des fens oppofés, com¬ me le font ceux des vibrations d’un pendule. Le milieu defon corps, ou quelqu’endroit plus proche du derrière, efll’efpece de centre fur lequel la tête & la partie du corps à qui elle tient, fe meuvent. La tête va s’appliquer con¬ tre le deffous de la feuille, tout près du bord *, & de-là elle va s’appliquer le plus loin quelle peut aller du côté de la principale nervure *. Elle retourne fur le champ d’où elle étoit partie la première fois, & revient de même D d iij * PI. ! 3. fîg. 6 . * Fig' S* * PI. 13.%. 5 - * Fig- S-e» * Fig. j. /, 2 1 + MEMOIRES POUR L’HISTOIRE enfuite retoucher une fécondé fois l'endroit le plus éloigné du bord. Ainfi continuë-t-elle à lé donner de fuite plus de deux à trois cens mouvemens alternatifs ; c’eft-à dire, à filer autant de fils; car chaque mouvement de tête , chaque allée produit un fil, 6c chaque retour en produit un autre, que la chenille attache par chaque bout aux endroits où fit tête paroît s’appliquer. Chacun de ces fils eft tendu depuis la partie recourbée de la feuille, jufqu a 1a partie plane; il lert, ou doit fervir à tirer la première vers la fé¬ conde; tous ces fils enfemble doivent faire une elpecede lien. Ils ne partent pas tous d’un même point, les lurfa- ces fur lefquelles ils font appliqués, foit du côté du bord de la feuille, foit du côté oppofé, approchent quelque- « Pt. 13. Gg. fois de la circulaire, 6c ont près d’une ligne de diamètre *. 1 ■ lo ‘ La.chenille même n’en colle pas un grand nombre en- deffous près du bord de la feuille Bicn-tôt elle en colle quelques-uns contre le bord même, 6c ceux quelle file peu après, elle les attache à la furface fupérieure,à lave- *pig. j, 0 ' rité à une petite diftance du bord*. Ce premier paquet de fils donne déjà une augmentation de courbure à la feuille vers le deffous; une partie fenfible paroît fè replier. L’endroit même du bord auquel le paquet de fils eft atta¬ ché, eft plus recourbé que ceux qui le fuivent, qui ten¬ dent à fie redreffer; mais bientôt une plus longue portion va fe replier. Le premier lien ayant été affés fourni de fils, la chenille va en commencer un autre à deux ou trois lignes de diftance du précèdent. Pour former celui-ci, elle fait une manœuvre précifément pareille à celle qu’elle a employée pour le premier, qui a auffi un effet pareil ; îa partie qui eft entre le premier lien 6c le fécond, fe re¬ courbe plus qu’elle ne faifoit, 6c ce qui eft par de là le nouveau lien commence à fe recourber, 6c fe recourbera davantage, lorfque la chenille aura filé plus loin un troi- lîéme lien fiemblabie aux précedens, des Insectes. V. Mem. 215 L’étenduë de la partie qui doit former le premier tour du rouleaun’eft pas grande; il en eft ici commune d’un papier qu’on roule, en commençant à le rouler par un de fes angles; auffi trois à quatre paquets de fils fufiifent pour donner la courbure à tout ce premier tour. C’efl encore au moyen de pareils fils, de pareils liens , que le fécond tour doit être tortillé *. Il faut tirer vers 13-fi*, le deffous de la feuille , une portion de fa furface fupé- 7 ‘ rieure, fuffifamment diftante de celle qui a été roulée ; c’efl-à-dire, qu’il faut que chaque nouveau lien foit atta¬ ché par un bout à une partie de la feuille plus éloignée du bord, & que par l’autre bout, il foit attaché plus près de la principale nervure, ou de la queue de la feuille. En un mot, des paquets de fils arrangés au-deffus de ceux du premier tour, comme ceux du premier l’ont été, doi¬ vent produire un effet femblable; & comme les premiers ont fait faire à la feuille un premier, ou environ un pre¬ mier tour de lpirale, de même les autres lui en feront faire un fécond ou partie d’un fécond, & ainfi de tours en tours. L’effet néantmoins de ces paquets de fils , leur entier ufage, n’eft pas encore affez clair, à beaucoup près: on voit bien, comme nous l'avons vû d’abord, qu’ils fervent à tenir la feuille roulée; mais quoique je viffe la feuille fe courber de plus en plus, à inclure qu’un nouveau lien fe finilfoit, j’avoue que je n’appercevois pas la caufe du roulement. Le paquet n’efl que l’affemblage des fils filés fucceffivement. Dans l’inflant que chaque fil vient de fortir de la filière, pendant qu’il eft encore moi , pour ainfi dire ,l’infeéle l’applique contre la feuille, il eft affés gluant pour s’y coller: il peut bien avoir été tiré droit d’une partie de la feuille à l’autre, mais il ne fçauroit avoir été affés tendu pour faire un effort capable de ra¬ mener une des deux parties de la feuille vers l’autre. 21 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Je fçais que ce fil, quoiqu extrêmement délié, a quelque force; je l’ai vu en bien des circonfiances, fufpendre la chenille ; n l’air, mais il n’a pas été poffible, que quand il a été attaché, il ait été attaché avec le degré de tenfion né- cefîaire pour forcer une des parties d’une feuille à s’ap¬ procher de l’autre. Si après avoir été lilé, il f'e raccour- ciffoiten léchant, ce raccourcifîement le mettroit en état d’agir; mais où peut aller le raccourcifTement d’un fil fi court! Combien icroit petite la courbure qu’il pourroit donner à la feuille ! Une force plus puiffante agit aufh contr’clle, c’efl une grande partie du poids de la chenille, & ce n’a été qu’a- près avoir vû cet infèéle faire fouvent de pareils ouvra¬ ges, que j’ai apperçû tout l’artifice de fa méchanique. Il dépend de la flruélure de chaque paquet défis, de chaque lien. Nous avons confderé d’abord chaque lien comme formé défis à peu près parallèles ; mais à prefent ,pour nous en faire une idée plus exaéie, nous devons le regarder comme compofé de deux plans de fis pofés l’un au-defîus * F / l ^'no' '^ e l’autre *. Tous les fis du plan fupérieur croient ceux &pl. i\. fig.’ du plan inférieur; la manœuvre de l’infèéle m’en a con- 1 - vaincu; les fis eux-mêmes obfervés à la loupe dévoient me le faire voir ; enfin un paquet confderé à la vue fim- ple fuffifoit pour découvrir cette flruélure qui m’avoit échappé. Il efl plus large à l’un & à l’autre de fes bouts, *PI. 13. fig. qu’il ne l’eft au milieu *; le nombre des fis du milieu cfl .1. X2. 1,0. p OU ÿj ant égal à celui des fils des bouts. Pourquoi y oc¬ cupent-ils moins de place! c’ell qu’ils y font plus ferrés les uns contre les autres, c’efl qu’ils s’y croifènt. Regar¬ dons donc chaque lien comme compofé de deux plans de iils qui fe croifènt; fuivons la chenille pendant quelle ■file ceux de chacun de ces plans, & nous découvrirons le double ufage de ccs deux plans, de ces deux eipcces de toile. des Insectes. V . Mem . 2 17 toile. Les fils du premier plan étant tous attachés à peu près parallèlement ies uns aux autres, comme on le voit en no *; la chenille pafie de l’autre côté pour filer ceux du fécond plan Im *. Pendant quelle file, elle ne peut aller de / en m , fans pafTer fur les fils no, & loin ce cher¬ cher à les éviter, en lbutenant Ion corps 6c fa tète plus haut, on voit là tète 6c une partie de Ion corps s’appli¬ quer fur le plan no, fig. 4 .. & le prefTer. Les fils de ce pian font une efpece de toile, ou de chaîne de toile ca¬ pable de foûtenir cette preffion; ils tirent par confequent les deux parties delà feuille, l'une vers l’autre. Celle qui efl près du bord cède, le rapproche de l’autre; la feuiile fè courbe. Il n’eft pius queluon que de lui conferver la courbure qu’elle vient de prendre, & c’efi à quoi fert le nouveau fil que la chenille attache. Chacun de ces fils , comme je l’ai déjà fait remarquer, efi capable de foûtenir un effort auffi confidérable que celui que la feuille fait contre lui, puifqu’il peut foûtenir une chenille en l’air. Il fuit de ce que nous venons de dire, que les fils de la couche fupérieure font les Jéuls qui l'oient tendus, que ceux de la couche inférieure deviennent lâches; c’efi auffi ce qu’on peut remarquer, en obfervant le paquet avec attention. La même difpofition de fils qui s’obfervc dans les deux différentes couches d’un même lien, doit fe trouver, & le voit bien plus aifément dans les liens des différens tours comparés les uns aux autres. Quand la feuille ne fait en¬ core qu’un tour de fpirale , les liens qui retiennent ce tour font tendus, au moins leur partie fupérieure l’efl. Mais quand la même feuille a fait par fon roulement , un fécond tour, ce ne font plus que les derniers liens qui retiennent ce tour, qui font tendus; tous ceux qui ai- rêtoient d’abord le tour précèdent, font lâches, ils ne Tome 11 . , E Q Pî. 14. fig. * F'g- 3’ 2 18 Mémoires pour l'Histoire * PL 14.% produifent aucun effet *. Si on appuyé légèrement fur 9‘ n0 >P r • ceux du fécond tour avec une pi urne, on voit que la feuille cft tirée par cette preffion ; mais quoiqu’on appuyé da¬ vantage fur ceux du premier tour, l’aétion ne paffe pas jufqua la feuille; auffi la vûë feule apprend qu’ils font comme fîottans. Il n’y a donc que les liens du dernier tour, ou plutôt que les his des couches lupéricures des liens du dernier tour, qui confervent la courbure de la feuille. Une chenille qui a à rouler une feuille de chêne épaiffe, dont les nervures font groffes, pourrait ne pas filer des fils affés forts pour tenir contre la raideur des principales nervures, & fur tout de celle du milieu; mais elle içait les rendre fouples: elle ronge en trois à quatre endroits différais, ce que ces nervures ont d’épaiffeur de plus que le refie de la feuille. Les endroits ainfi rongés n’ont qu’une petite étendue, ils m’ont paru fe trouver où la feuille doit être pliée, pour recommencer à faire un nouveau tour. Quand la chenille, après avoir roulé une portion de la feuille, parvient à un endroit où il y a une dentelure qui déborde beaucoup par-delà le refie , il arrive que les fils quelle attache au bout de cette dentelure, au lieu de la rouler, la plient; cette portion ne fe courbe que vers le commencement du pli ; le refie conferve une figure à peu près plane. Si la chenille donnoit à toute cette partie de la feuille une égale courbure, une égale rondeur, com¬ me elle l’a fiait aux parties quelle a cy-devant roulées, & qui étoient d’une moindre étendue, le vuide du rouleau aurait là beaucoup plus de diamètre qu’il n’en a ailleurs, il n’auroit plus les proportions commodes à finfeéle. Après avoir obfewé une de ces grandes dentelures de feuille qu’une chenille avoit prefque pliée à plat, j’ai vu dans la fuite que la chenille en formoit un tuyau d’un dia¬ mètre auffi petit que celui des autres endroits, &un tuyau D E S ï N S E C T E S. V Aient. 2 I 9 très-bien arrondi. Pour cela elle a beloin d’avoir recours à deux manœuvres différentes. 1.° Elle raccourcit la par¬ tie pliée, elle en retranche, pour ainfi dire, tout ce qu’elle a de trop d étendue, fans en rien couper néantmoins ; elle en attache une portion à plat contre la feuille par un millier de fils. z°. Ce qui relte libre eft trop applati, c’clt à coups de tète qu’il m’a paru qu’elle l’arrondïffoit. J’ai vu des chenilles renfermées dans ces endroits trop appla- tis, qui agitoient leur tête vivement 6e alternativement en deslèns contraires; à chaque mouvement la tête frappoit contre les parois, elle donnoit des efpeces de petits coups de marteau dont on entendoitle bruit. Au relte, quand la chenille a fini le premier tour du rouleau , elle travaille prefqua moitié à couvert. Le bout replié ne touche jamais entièrement la partie de la feuille fur laquelle il a été ramené; outre que fouvent il n’eft pas courbé autant qu’il le faudrait pour cela, c’cft que les bords font dentelés, 6e laifîent des paflages au corps flexible de l'infecte. La chenille le lèrt de ces partages pour faire jortir la moitié de Ion corps ou plus, lorlqu’eile file les liens qui attachent le milieu du troifiéme ou du quatrième tour. Les ouvertures tles bouts lui don¬ nent une libre l’ortie pour les liens qui font plus près des bouts; le derrière relte dans l’intérieur du rouleau pen¬ dant que la tête va filer auffi loin quelle peut atteindre*, *pi. ,,, ce qui la mené alfés près du milieu du rouleau. 7 * Outre les liens qui font tout du long du dernier tour du rouleau, l’infeèfe a fouvent beloin d’en mettre aux deux bouts, ou au moins à un des bouts; mais ils font tellement clifpofés, qu’ils ne lui ôtent pas la liberté de fortir de l’intérieur de ce rouleau, 6e d’y rentrer C’elt-là fon domicile, c’elt une elpece de cellule cylindrique qui ne reçoit le jour que par les deux bouts; 6e ce quelle a 220 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE de commode, c’efl que Tes murs fourniffent la nourriture à l’animal qui l’habite. Cette chenille vit de feuilles de chêne; étant à couvert, elle les ronge à fon ailé 6c en fureté ; elle commence par ronger le bout qui a été con¬ tourné le premier , 6c de fuite elle mange tout ce qui a été tortillé, au dernier tour près. Auffide quatre à cinq tours que failoit une feuille roulée par-delà le milieu , ou même entièrement roulée, fou vent on ne retrouve plus que le dernier tour. Quelquefois j’ai trouvé que le rouleau avoit été formé *PI. 14. fig. de deux, ou de trois feuilles roulées félon leur longueur*; 7.cv ù. & j’ai vu enfuite que la feuille ou les feuilles qui en avoient occupé le centre, avoient été prelqu’entiérement mangées, il n’en reftoit que les plus greffes fibres. J ai vû des chenilles , qui en faifant leur rouleau, ne laiffoient pas de manger; elles, dreffoi en t en même temps les en¬ droits qui le feraient mal-aifément pliés, elles les ron- geoient. * Cette induflrieufe 6c laborieufe chenille * efl de celles O /V A A/ 1 f + .tig. 2.3! qui font au-deffous de la grandeur médiocre : elle efi raie; 4 " ^ 5 - elle a feize jambes, dont les jambes membraneufes font ter¬ minées par des couronnes complexes de crochets. Sa cou¬ leur efi d’un gris ardoifé, quelquefois elle parait pourtant d’un brun verdâtre ; mais je crois que c’eft quand elle efi: bien faoulée de feuilles. Peut-être aufiï que fa couleur paraît différente après des changemens de peau ; car elle en change fans doute plufieurs fois, les dépouilles qu’on trouve dans les rouleaux le prouvent. Elle efi d’une ex¬ trême vivacité ; pour peu qu’on la touche, on la voit fe remuer en différens fens avec une grande vitefTe^ faire 4. ‘faire à fon corps des ondulations *. Un des bouts du rouleau efl; l’ouverture par où elle jette fes excremens, qui font de petits grains noirs, 6c à •peu près ronds. des Insectes. V. Mem. 221 Une partie d’une feuille, ou même unefeuillede chêne entière, ne feroit pas une provifion fuffifante pour la nour¬ riture de notre chenille pendant toute fa vie; elle fe fait un nouveau rouleau quand elle en a befoin. Après y avoir vécu en chenille, elle s’y métamorphofe en crifa- iide, 6c enfuite en papillon. Le dernier rouleau* que ces chenilles fe font, diffère quelquefois un peu des autres, les tours en font moins ferrés; l'infecte devenu plus gros, a befoin d’un plus grand logement. Chaque tour de ce dernier rouleau n’eft pas attaché par des liens diftribués d’efpace en elpa- ce ; des fils un peu écartés les uns des autres, mais qui régnent depuis un bout jufqu’à l’autre, le retiennent *; c’eft uneefpece de toile fine, dont la force n’efi pas équi¬ valente à celle des cordages employés cy-devant. Il fem- hle que finleéte fçache proportionner la force qu’il em¬ ployé à la réfiftance qu’il a à vaincre. Plus le diamètre des tours eft petit, 6c plus le reffort de la feuille agit pour la redreffer, auffi efi-ce fur-tout le dernier tour qui n’efi: tenu que par la toile dont nous parlons. Dans la fabrique de cette elpece de toile, on obferve la même méchanique que nous avons remarquée dans celle des liens : elle eft de même compofée de deux plans de fils qui fe croifent très vifiblement; ceux dedeffous fervent à tirer la feuille, à la courber pendant que l’infede s’appuye deiïus, 6c qu’il file ceux du plan fupérieur qui doivent fixer la courbure. C’eft dans ces mêmes étuis où nos chenilles ont vécu 6 c crû , qu’elles fe transforment en crifalides *. La peau des crifalides eft molle 6c tendre dans les premiers mo- mens de la transformation, quoique par la fuite elle de¬ vienne féehe 6c dure; l’attouchement de la feuille feroit trop rude pour cette peau, lorfqu’elle ne yient que d’être E e iij * PL i j. fi». * PL ij. fig- i-ff- *PL ij. %. 3. & * PL i j. fig i. c. 222 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE dégagée de defTous l’enveloppe de chenille. 11 femble que l’infeéle ait prévu qu’il avoit à craindre cette incom¬ modité ; car lorfque le temps de la première métamor- phofe approche , il tapiffe l’intérieur du rouleau d’une légère couche de fils de foye, dont l’attouchement eff plus doux que celui de la furface raboteufe de la feuille. Enfin , à lctat de crifalide, doit lucceder celui de pa¬ pillon. Je ne fçais j)oint affés précifément la durée du temps pendant lequel l’infeéle conferve la forme de cri- fiilide, mais il ne m’a pas paru qu’elle fût de plus de trois femaines. Quand le papillon a commencé à brifer ion en¬ veloppe 6c à s’en tirer, il avance vers un des bouts du rouleau, 6c c’efl dans l’ouverture meme de ce bout, qu’il achevé de fortirde fon fourreau; les frottemens du con¬ tour de cette ouverture contre le fourreau l’arrêtent *, 6c donnent plus de facilité au papillon de s’en dégager, 6c de le iaiffer en arriére. Dès qu'il efi en liberté, il n'a plus qu’à donner le temps à fes ailes d’achever de fc dévelop¬ per, après quoi il eft en état de prendre l’effor. Si on examine dans le mois de Juillet, 6c même avant la mi- Juin, les rouleaux de nos feuilles du chêne , il y en aura peu à qui on ne trouve un fourreau de crifalide qui eft relié à un de fes bouts, 6c cela parce que les papillons en font fortis. La couleur des ailes fupérieures de ces papillons efl compofée de différentes nuances de brun jaunâtre, les unes plus foncées, les autres plus claires, mêlées par des * U-1 s• %. efpeces de taches qui font un agréable effet *. Les mêmes 5> y- c ! len jj| es en donnent de deux groffeurs différentes. Les plus petits, félon l’analogie ordinaire , devroient être les mâles; j’en ai pourtantvû d’accouplés qui ne différoient pas confidérablement en grolfeur. Pendant leur accou¬ plement , ils font placés derrière contre derrière, ayant des Insectes. V. Mcm. 22 3 h tête tournée vers des côtés oppofés : ce font des plnlenes à antennes à filets graines N à trompe, & qui iont du genre de ceux que nous avons nommés larges d’épaules. Au refte, l’efpece de chenille grife, ou d’un gris ver¬ dâtre , dont nous avons parlé julqu’ici, n’efi pas la feule qui roule des feuilles de plantes & d’arbres, ni même la feule qui roule des feuilles de chêne. J’ai oblervé d’autres efpeces, loit un peu plus groffes,lbit plus petites, qui rou¬ lent aulfi les feuilles de ce dernier arbre; entre celles-ci j’en ai obferve d'entièrement vertes, de verdâtres, & de diverlcs autres couleurs. 11 y en a une qui roule fort ar- tiftement les feuilles d’orme*, qui ne diffère guéres , ni par la grandeur, ni par fa couleur, de notre habile rouleufe des feuilles de chêne. Mais comme toutes ces diverlès efpeces n’ont point d’art différent de celui que nous avons luivi julqu’ici, & que leurs rouleaux ne font pas toujours aulfi bien faits que ceux que nous avons dé¬ crits, elles n’ont rien qui doive nous arrêter. Les plantes, comme les aibres & les arbrifieaux, ont leurs rouieules. Il y en a même plufieurs qui mangent les feuilles de l’ortie, après les avo.r n ulées. Nous avons déjà parléd’unedes rouleufes de cette plante * ,qui feren¬ ferme dansunecoque avant l’hiver, d’où le papillon * ne fort que dans le mois de Juin fuivant; & nous avons fait remarquer que cette chenille conferve la forme de che¬ nille dans fa coque pendant huit à neuf mois. Une autre efpecede rouieulè alfés commune fur l’ortie eftd’un verd céladon *; elleelt un peu tranfparente&rafe;elle a feule¬ ment quelques poils courts & blancs. Elle a feize jambes, dont les membraneules font faites en jambes de bois,& ont des couronnes de crochets prefque complettes. Plufieurs de ces chenilles fe font miles en crifalidcs chés moi vers le * PI. I 6. fîg. 5.)-. * Toin. I. PL 99- fë- j 6. * Tom. 7 . PI- 49- fs- îy.àe j S. * PI. 19. fîg» 1. 224 , MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE fi g . commencement de Juillet dans une coque*qu’elles avoient filée contre les parois du poudrier, & qu elles avoient recou¬ verte de feuilles d’ortie. Les premiers jours d’Août il elt l'orti de chaque coque un papillon de la fécondé clafie des pha¬ lènes , 6c du genre de celles qui portent leurs ailes en toit • 4- très fur-abaifie*. La couleur des ailes de ce papillon pa- roît au premier coup d’œil d’un blanc jaunâtre, avec quel¬ ques ondes plus jaunâtres que le refie; mais fi on regarde fies aîies de près, 'fur-tout lorfqu’elles font fuffifamment éclairées, elles femblent de vrayes opales ; elles font voir les mêmes variétés de couleurs qu’on trouve à ces pierres précieuiès. En général prefque toutes les rouleufes font d’une très- grande vivacité. Dès qu’on les touche, elles le donnent des mouvemcnsfi prompts 6c fi différens en tous lèns, qu’elles femblent être en convulfiôn. Toutes les efpeces de rou - leufes dont nous venons de parler, font de la clafie des chenilles à feize jambes, mais du deuxième genre princi¬ palement , ou de celui que nous avons compolédes che¬ nilles dont les jambes intermédiaires font terminées par des couronnes complettes de crochets. I! y a une roulcufe qui ,quoiquedesplus petites, mérite que nous en fafiions une mention particulière, elle ne fi: pourtant remarquable ni par fa couleur, ni par fa figure. Elle efi rafe, d’un blanc verdâtre, fa peau efi prefque tranl- parente; à la loupe, on lui trouve trois à quatre points noirs fur le bord du premier anneau, qui lui font un petit collier; elle a toute la vivacité des autres rouleufes. Celle-ci efi de la troifiéme clafie , c’eft-à-dire de celle des chenilles à quatorze jambes, ou feulement à fix membra- neufes, dont elle n’en a aucune lur le 9, le 1 o, 6c le 11 .* anneau. L’ofeille efi fa plante; la manière dont elle rou¬ le une portion d’une feuille d’ofeille, çfi digne d’être connue. des Insectes. V. Mem. 22 5 connue. Le rouleau 11’a pourtant rien de fingulier dans fa forme, c’efl une efpece de pyramide conique, compofée * PI - 1 s de cinq à hx tours qui s’enveloppent les uns les autres *; 1 l ’ ' mais c’eft la pofition de ce rouleau qui efl hnguliérc. II efl planté fur la feuille comme une quille. Outre le tra¬ vail de contourner la feuille, qui efl commun à cette che¬ nille avec celles dont nous avons parlé, elle en a donc un particulier, qui efl celui de dreffer le rouleau, de le poler perpendiculairement fur la feuille. Pour voir com¬ ment elle y parvient, je n’ai eu befoin que d'employer le petit expédient dont je m’étois fervi pour voir opérer les chenilles du chêne. J’ai planté dans un pot plein de terre un pied d’ofeille, fur lequel j’ai mis plufieurs che¬ nilles tirées de leurs rouleaux; elles 11’ont pas fait plus de façon de fe mettre à l’ouvrage devant moi,qu’en avoient fait les chenilles du chêne; je 11’ai pas eu un quart-d’heure à attendre pour les voir travailler. Au refie, c’efl dans le mois de Septembre que je les ai obfervées : alors j’en ai trouvé beaucoup, & même dans le mois d’Oélobre; mais je n’en ai pas encore vû dans d’autres faifons. La pofition que cette chenille veut donner, Si qu’elle a apparemment befoin de donner à fon rouleau, ne lui permet pas de rouler la feuille telle quelle la trouve. Elle coupe une bande, une lanière de cette feuille* , mais elle ne l’en détache pas entièrement. La plus grande lar¬ geur de la bande coupée * formera la hauteur du rouleau. Si fa longueur fournira * à tous les tours qui doivent s’y trouver. Cette lanière efl prife à peu près parallèlement à à la côte, ou groffe nervure. La chenille commence donc par entailler la feuille dans une direélion à peu près per¬ pendiculaire à la principale nervure * ; ordinairement elle ne pouffe pas cette entaille auffi avant qu’il feroit nécef- faire, fi elle vouloit que la lanière eût par tout une égale Tome IL . F f * FiV. lcd. * b c. * c d. * Fig. 13 2i6 Mémoires pour l’Histoire largeur; elle tient l'on bout un peu moins large que le relie. Après avoir entaillé la feuille félon une diredion perpendiculaire à la côte, elle la coupe félon une direction prefque parallèle à cette même côte, & c’efl cette der¬ nière coupe qui détache une bande du relie de la feuille. La chenille n’attend pas à commencer à rouler cette bande de feuille jufqu’à ce qu’elle l’ait coupée & féparée du relie dans toute 1 a longueur, il ne lui feroit pas aulli facile alors de la contourner, la bande ne feroit pas alfés fixe. Dès que l’entaille tranfverfale a été faite, la chenille commence à contourner la pointe de la partie qui cil entre l’entaille & le pédicule, ou la queue de la feuille; elle atta- * Pl. ij.fig. che des fils par un de leurs bouts à cette pointe*, & par 1 {'/' l’autre bout, fur la fur face de la feuille *. C’cfl en les char- •T ^ » géant du poids de tout fon corps, manœuvre équivalente à celle que nous avons déjà vû pratiquer, qu’elle oblige cet angle, cette pointe à fe recourber.On voit quelque¬ fois la chenille ayant le milieu du corps fur quelques fils, & la tête & le derrière en embas, comme pofée fur une *. PI fit , < ou plufieurs cordes, où elle feroit en équilibre *. 14 -ff ° Quand ce bout s’efl contourné, elle commence à couper la feuille dans une direction parallèle à la côte; il n’efl pas béloin de dire que fes dents font ici l’office de cifeau. A rnefure qu’une portion de la lanière a été déta¬ chée, la chenille la roule, & en même temps elle re- dreffeun peu le rouleau quelle commence à former; de forte qu’à rnefure que le rouleau devient compofé de plus de tours, il le redreffe davantage, & quand il a fon dernier tour, il rcflc peu à faire à l’inleéle, pour achever de le redrefficr. L’artifice au moyen duquel la chenille le redreffe peu à peu , à rnefure quelle le forme, confifle dans une traélion oblique, à laquelle nous aurions re¬ cours, fi nous voulions élever perpendiculairement une •des Insectes. V. Aient. 227 pyramide, ou un obeiifque qui ferait très incliné à fho- rifon. Elle attache des fils par un de leurs bouts vers le milieu de ce rouleau, & même plus proche de fa partie fupérieure, & elle attache les autres bouts de ces mêmes fils le plus loin qu’elle peut fur le pian de la feuille; elle charge enfuite ces fils du poids de tout fon corps. On voit allés que l'effort de cette charge tend à rcdrelfcr le rouleau fur fa bafe. Quand il efl fini , il n’elî pas loin d’être pôle h plomb fur la feuille. On remarque pour¬ tant que la chenille achevé de lui frire prendre une po- fition bien perpendiculaire , en fe plaçant dans le vuidc qui efl: à fon centre, quelle le poulfe alors, quelle lui donne même des coups qui forcent l’axe à s’éloigner du côté vers lequel il indinojt. Cette chenille, comme celles dont nous avons parlé, mange tout 1 intérieur de fon rouleau : c’efi aufïi dans l’intérieur du même rouleau qu elle fe file une petite co¬ que mince, dont le tilfu cil ferré, & de foye blanche. Elle s’y transforme dans une crifaiide fur laquelle prefque toutes les parties du papillon font ailées à reconnoître; elles y paroiffent prefque détachées les unes des autres. Le papillon ne reliequ’environ quinze jours, ou au plus trois femaines fous la forme de crifaiide. J’en ai eu qui font fortis de leurs coques le 17. Oélobre. Ils font du genre de ceux dont les ailes, après s’être appliquées tout du long du corps à la manière de celles des oifeaux , s’é¬ lèvent au-deffus du derrière, pour y former une eij^ece de qucuë qui a quelque reffemblance avec celle des coqs. Iis ont des antennes à grains, qu’ils portent tantôt en avant, & tantôt couchées fur leur corps, alors elles vont prefque jufqu’aubout des ailes. La couleur du delfus des ailes lupérieures, efl un brun qui vû au foieil, femble tout pointillé d’or ; le delfous des mêmes ailes a un petit rebord blanc. F f ij 223 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Notre petite chenille de l’ofeille n’efl pas la feule qui fçache cette façon de rouler, ou elle ne roule pas feule¬ ment des feuilles d’ofeille. M. Bernard de Juffieu m’a donné depuis peu, en Septembre, des feuilles étroites de perficaire, qui avoient été coupées en lanière d’un côté. Cette lanière avoit été roulée , & le rouleau avoit été pofé perpendiculairement au plan de la feuille. Il y a encore une efpece de rouleau fait par une che¬ nille du chêne, qui par faconflruélion mérite que nous en difions quelque chofe. Il eff petit, la chenille le forme d’une partie de la feuille qui elt comprife entre deux décou- * PI - r 4 -%- pures, elle contourne cette partie en manière de cornet*. Elle àjufle une autre portion de la feuille contre la bafe ou le gros bout de ce cornet, pour en boucher l’ouverture. Divers liens de fils qu’on voit en dehors fervent , & à tenir le cornet roulé, & à le tenir appliqué contre la par¬ tie de la feuille qui le ferme. L’intérieur de ce rouleau eft occupé par une chenille à feize jambes , dont la peau efi tranfparente & blanche par tout , excepté tout du long du milieu du corps, où il paroît une raye brune qui peut n’être produite que par la couleur des matières con¬ tenues dans l’efiomach & dans les intefiins. Il nous relie à parler des chenilles qui, au lieu de rouler les feuilles , fe contentent de les plier: le nombre de ces pïieufes cil encore plus grand que celui des rouleulès; leurs ouvrages font plus fimples , mais il y en a qui malgré leur fimplicité, nêîaiffent pas deparoître indufirieux. Le chêne nous offre encore de ces fortes d’ouvrages. On voit de les * Pi. 16. fig. feuilles dont le bout a été ramené vers le deffous *; il y a été 7> aiU appliqué & affujetti prefque à plat, il ne refîe d’élévation fenfblequ a l’endroit du pli. J’ai obfervéde ces feuilles, où tout le contour de la partie pliée étoit logé dans une efpece de rénure que la chenille avoit creufée dans plus des Insectes. V. Mem. 229 de la moitié de l’épaiffeur de la feuille. Sur d’autres feuil¬ les du même arbre, on voit que de leurs grandes dente¬ lures ont été pliées de même en deffous*. * Fig ? La plupart des autres arbres nous offrentauffi des feuilles pliées par les chenilles, mais il n’y en a point où on en puif- fe oblerver plus commodément que fur les pommiers , ils en ont de toutes elpeces à nous faire voir; de feule¬ ment pliées en partie, je veux dire de Amplement cour¬ bées^; de pliées entièrement, jeveuxdireoù la partie pliée * PJ.*i6.fig. a été ramenée à plat fur une autre partie de la feuille*; 11 ‘ de courbées, de pliées vers le deffus, de courbées, ou pliées vers le deffous. Entre ces dernières, le pommier mê¬ me en a qui ont une Angularité que je n’ai obfcrvée fur au¬ cune de celles des autres arbres, que fur les feuilles du A- guier. Tout autour du bord delà dentelure de la partie re¬ pliée, il y a un bourlct comme cotonneux *, qui eft pourtant * pi. , 7 . de foye d’un jaune pâle; il s’élève d’environ une ligne 3 - au-deffus de la partie qu’il entoure; il la borde, comme feroit un cordonnet, il a plus d epaiffeur que de largeur. Au lieu que les chenilles rouleufes habitent des rou¬ leaux, les plieufes fe tiennent dans une efpece de boiAe plate, elles n’y ont pas un grand efpace, mais il eft pro¬ portionné à la grandeur & à la groffeur de leur corps ; or¬ dinairement elles font des plus petites chenilles. Chacune eft bien clofe dans cette elpece d’étui plat, oudeboifte; il refte pourtant quelquefois une ouverture à chaque bout, mais à peine ces ouvertures font-elles fenftbles*. Elles fe '7. %• renferment ainft pour fe nourrir à couvert : mais A elles 3 '“ a ' rougeoient, comme font les rouleufes, l’épaiffeur entière de la feuille , leurs elpeces de boiftes feroient bientôt tout à jour; au lieu que tant (pi'elles y demeurent, jamais on n’y voit de trous. Leur goût, & peut-être leur prévoyance les porte à ne manger qu’une partie de 1 epaiffeur de la E f iij * PI. 17. 3 * 25O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE feuille. Celles qui plient les feuilles en deffous, épargnent; la membrane qui en fait le delLus. Les unes 6c les autres n’attaquent point les nervures 6c les fibres un peu grades. Elles fçavcnt ne détacher que la fubftance la plus molle, le parenchime qui eft renfermé dans le rézeau fait par l’entrelacement ries fibres. Auffi la ftruélure de ce rézeau • eft-elle bien plus fenfible dans les endroits où ces che¬ nilles ont rongé, que dans les autres endroits. Celles qui habitent des feuilles bien pliées, commen¬ cent à ronger la fubftance de la feuille à un des bouts de l’é¬ tui; la partie qui a été rongée la première, eft celle fur la¬ quelle elles dépofent leurs excremens. Elles continuent de ronger en avançant vers l’autre bout, mais elles ont la propreté d’aller jetter leurs excremens dans l’endroit où font les premiers ; ainfi ils fe trouvent accumulés à un coin ,& jamais il n’y en a d’épars. C’eft au moins ce qu’ob- fervent régulièrement les chenilles de nos pommiers, dont %. les étuis font bordés d’un bourlct, ou cordon foyeux *. On voit avec plaifir,manger celles qui fe contentent de courber des feuilles, fur-tout fi on les confidére à la loupe. On remarque avec quelle adreffe 6c avec quelle vîteffe elles découpent une partie de i’épaiffeur de la feuille. Leur tête eft un peu inclinée vers un côté, afin appa¬ remment qu’une feule de leurs dents perce d’abord une petite portion de la fubftance de la feuille , que les deux dents ferrées l’une contre l’autre dans le moment fuivant, fçavent détacher. Les coups de dents fe fuccédent avec une vîteffe prodigieufe, 6c à mefure qu’ils font réitérés , le rézeau formé par les fibres, fe découvre, il devient di- ftinél dans les endroits où auparavant il étoit à peine fenfible. Ce n’eft que par petites aires que La fubftance de la feuille eft emportée. Ces chenilles qui fe contentent de courber les feuilles, DESlNSECTES. K Mem. 23 ï font celies qu’on peut plus aifément obferver clans leur travail, il eh le plus fimple de ceux de ce genre ; il fuffira pourtant de l’avoir détaillé, pour avoir donné une idée de tous les autres. Une petite chenille d’un verd clair, dont chaque anneau eh chargé de plusieurs petits grains noirs, eh des plus commode à fuivre; elle aime à ron¬ ger le dehus delà feuille de pommier, éc par conféquent elle doit plier la feuille, ou ramener la dentelure de quel- qu’endroit de fes bords vers le dehus. Elle fe contente de faire décrire un arc tantôt plus , tantôt moins courbe à la partie qu’elle contourne * ; mais jamais elle ne la con¬ tourne au point de ramener une partie de fos bords à tou¬ cher le dehus de la feuille. Elle ne craint point la pre- fcnee du fpeélateur, elle plie la feuille fur la main , s’il tient fa main en repos. Une de ces chenilles étant pofée fur le deffus d’une feuille platte de pommier, n’eh donc pas long-temps fans travailler à donner à une portion de cette feuille la courbûre qu’elle lui veut. Entre les difîé- rens endroits des bords de la feuille, il y en a toujours qui s’élèvent plus que les autres ; c’eh à un de ceux-là quelle s’adrefie; elle s’en approche à une dihance con¬ venable, ôc fe fixant fur fon derrière & furies anneaux qui en font proches, elle porte fa tête fur le bord de la feuille, 6 c de-là la ramène fur le plat de la feuille du côté de la principale nervure*; elle file de fuite plufieurs fils paral¬ lèles les uns aux autres, qui font partie d’une pièce de toile qu’elle va étendre *. Nous n’avons confidéré la feuille que comme à peu près platte, ainfi les fils qui viennent d’être filés ne lônt appliqués contre cette feuille que par leurs bouts, le rehe de leur longueur eh en l’air. La chenille monte fur ces fils *, qui chargés de l'on poids, forcent le bord de la feuille * H . 16 . fig. 11. * PI. 17.%; * PI. 17. %, 1. 2]2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE à s’approcher de la principale nervure. Les nouveaux fils que la chenille file en cette pohtion, maintiennent le bord de la feuille dans le commencement de la courbure quelle a prife. En étendant enluite cette toile, & mar-- chant defius à mefure qu’elle l’étend, la chenille force toujours de plus en plus la feuille à fe plier. Cette mé- chanique efi bien fimple, & ne mériteroit pas de nous arrêter, après en avoir vu pratiquer une équivalente par nos rouleufes; mais le fupplément qu’il refie à y ajouter, ne doit pas être paffé fous filence. Les lils qui compofent la toile n’ont qu’une longueur proportionnée aux arcs que la tête de la chenille peut décrire, étant fixée fur une portion de l'on corps. Si au moyen de cordes fi courtes, & dirigées comme elles le font, la chenille forçoit la feuille à lé courber entièrement, la feuille ainfi courbée décrirait une circonférence d’un très petit rayon , telles que font celles des premiers tours de certains rouleaux ; mais la courbure qu’elle veut, & qu’elle a befioin de don¬ ner à cette partie de la feuille, doit être celle d’un cercle, ou d’une autre courbe d’un plus grand rayon. Pour par¬ venir à la lui donner, elle ne continue pas à la tirer par des cordes fi courtes, ou dont les directions foient fi in¬ clinées. Après avoir filé une certaine étendue de toile , elle cefie de fuivre la même ligne, elle vient fe placer plus près de la grofic nervure*, & là elle commence à filer les fils d’un nouvelle toile*; elle colle un des bouts de • chacun des nouveaux fils à la toile précédente*, & l’autre bout de ces fils, le plus près qu’elle peut atteindre de la principale nervûre, ou même par-delà : ce qui produit le même effet que fi elle augmentoit près d’une fois la lon¬ gueur des premières cordes. Elle monte alors fur ce nou¬ veau plan, & fe place vers l’endroit où les deux pièces D E S I N S E C T E S. V. Mcm. 2} 5 de toiles ont été réunies. Là placée, elle attache des fils au bord de la feuille, & vers la principale nervure ; elle file une nouvelle toile; à cette nouvelle toile elle attache bientôt les fils d’une autre, qui croifent ceux de la précé¬ dente: & ainfi de fuite elle continue à faire courber la feuille, mais doucement, & fans rendre fa courbure con- fidérable. Des plans de toile s’élèvent donc fucceffive- ment les uns au-dcffus des autres; & quand la chenille a avancé l'on ouvrage,elle paroît, par rapport à la furface de fa feuille, comme fur un échaliàut. Elle ne fe tient pourtant pas toujours fur ces plans de toiles, de temps en temps elle en defcend, & vient fur. la furface de la feuille: quelquefois c’eff pour s’y repofer en mangeant ; quelquefois on l’y voit la tête levée agiter avec vîteffe les premières jambes: elles lui fervent alors demains pour brilèr les toiles des plans inferieurs, qui 11e peuvent plus que l’incommoder , lorfqu’eile veut marcher fur la feuille, Si qui peuvent même s’oppofer à l’effet quelle a à faire produire aux toiies des plans fupérieurs. Ces chenilles, comme je l’ai affés dit, fe contentent de courber une portion de la feuille; mais celles quiache- vent de la plier, ne commencent pas leur ouvrage autre¬ ment. Elles commencent par faire prendre delà courbure à la partie qui doit être ramenée à plat; & quand elle en a pris fuffifamment, la chenille pafle fous le plan de toile qui la tient courbée, de au-deffous de ce plan elle en file d’autres fucceffivement, qui font tous de plus proches en plus proches du pli de la partie recourbée. L’effet de ceux- ci dépend de leur pofition. N’en confidérons qu’un, fça- voircelui qui fuit immédiatement l’extérieur. D’un côté les bouts de les fils, au lieu d’être attachés à la dentelure, le font un peu au-deffous, & par l’autre bout ils font attachés à la partie de la feuille correfpondante : d’où il eft clair Tome 11. ; G g * PI. I 4. b. *Fig. 234 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE que quand la chenille charge ce pian de fils, cette toile, elle force à s’approcher l’une de l’autre les deux parties de la feuille. Elle les forcera à s’approcher encore davantage, & elle les conduira à s’appliquer l’une contre l’autre, en filant une troifiéme,& enluite, s’il en eft befoin, une qua¬ trième couche de fils , dont les bouts fe trouveront tou¬ jours attachés plus près de l’endroit où doit être le pli. Les couches de fils, les toiles qui precedent la dernière filée ne produifent prefque plus d’effet. Les fils des pre¬ mières toiles le trouvent en dehors de la dentelure, & la che¬ nille y pouffe ceux des toiles qui la fuivent. De là il arrive que ces fils lâches & entrelacés, étant pouffés par- delà le • bord tle la partie pliée*, forment une elpece de bourlet b qui fembie avoir été fait avec plus d’artifice qu’il ne l’a été*. La chenille qui fait ainfi un bourlet autour de la feuille quelle a pliée, eft rafe, d’un jaune pâle, ou d’une couleur de karabé très-claire. Elle eft de latroïfiéme claffe, c’eft- à-dire qu’elle n’a que fix jambes intermédiaires , Si que la première paire de ces jambes n’eft léparée de la der¬ nière paire des écailleufes, que par deux anneaux. On trouve fur le figuier une chenille qui , comme celle du pommier, entoure d’un bourlet cotonneux de foye le bord de la partie de la feuille qu’elle a repliée, mais ce bourlet eft plus mince que celui des feuilles de pom¬ miers. Les feuilles pliées par la plupart des autres elj)eces de chenilles n’ont point ce bourlet. On 11’en voit point, par exemple, autour de la partie de la feuille du châtai¬ gnier qui a été pliée par une chenille d’un blanc verdâtre, tranfparente , Si groffe par rapport à fa longueur, qui eft peu au-deffous de la longueur moyenne. Au refte , quelle que foit la pofition de la feuille, fa chenille fait toujours le même ulàge du poids de fon corps pour la courber ou plier. Si une feuille eft pofée DES ÏNSECTES. V. Mem. 23 5 horifbntalement , &que la chenille la courbe endefius , alors le plan des fils eft plus élevé que la fiurface de la feuille, & la chenille va fie mettre furie deffus de cette toile. Mais fi la chenille roule la feuille en deffous, le plan de chaque toile eft plus fias que celui de la feuille, &. la chenille charge cette toile, tantôt enfe pofitnt fiurla furface inté¬ rieure, & elle efi alors dans une fituation naturelle; tan¬ tôt en fe mettant à la renverfe fur la furface extérieure, & tenant fes jambes cramponnées dans les fils de la toile. II y en a même qui ne travaillent à plier les feuilles de chêne, qu’en fe tenant cramponnées de la forte. Des circonftances déterminent quelquefois des che¬ nilles qui plient ordinairement des feuilles en deffous, à les plier en delfus, elles profitent des difpofitions qu’a la feuille à fe contourner plus d’un côté que de i’autre : c’eft ce que m’ont fait voir celles que j’ai fait travailler chés moi; ainfi il ne leur eft pas abfolument effentiel de ronger la feuille par une de fes furfaces plutôt que par l’autre. Il y a des feuilles de chêne qui font pliées, comme nous l’avons déjà dit, par le moyen de liens de fils, pareils à ceux qu’em- ployent les rouleufes*; maison trouve affés ordinaire- * Ptiô.fig. ment dans l’intérieur du pli ,des toiles, qui ont apparent- ment fervi à achever d’approcher les deux parties l’une de l’autre. Toutes ces chenilles fe métamorphofent en des pa¬ pillons, très-petits pour la plupart, ce qui m’a fait négli¬ ger de les faire graver. Diverfes elpeces d’araignées courbent auffi des feuilles, d’autres les plient, & d’autres les affemblent en paquet. Ce que nous avons vû pratiquer aux chenilles , met allés au fait des différentes manières dont s’y peuvent prendre les araignées, qui font de maîtreffes fileufes. Quantité de chenilles, quoiqu’aufîi petites que celles G S h 236 Mémoires pour l’Histoire dont nous venons de parler, ne le contentent pas de rouler ou de plier une feule feuille, elles en réunilfent plufieursdansun même paquet. On trouve de ces paquets fur prefque tous les arbres & fur tous les arbriffeaux, corn- pôles de feuilles alfés différemment arrangées, & prefque toujours irrégulièrement : elles font attachées les unes contre les autres, dans les endroits par où la chenille a eu plus de ficilité à les obliger à fe toucher. Cette chenille nichée vers le milieu de ce paquet, fe trouve à couvert & environnée de toutes parts d’une bonne provifion d’a- limens convenables. On voit fréquemment fur les poi¬ riers de ces paquets de feuilles, qui relfemblent alfés aux nids des chenilles communes , à cela près qu’ils ne font pas couverts de toiles; quelques fils feulement font employés pour les contenir. Chacun des paquets de feuilles qu’on obferve fur le poirier, la ronce, l’épine, &c. efl ordinaire¬ ment habité par une petite chenille raie à feize jambes , dont les intermédiaires font terminées par des couronnes complexes de crochets. Cette chenille elt fouvent d’un brun caffé, groffe par rapport à fa longueur, fon derrière elt un peu - pointu. * Pi. 19. fig. Les paquets faits fur le rofier * font fouvent compofés 6 ‘ de plufieurs feuilles, chacune pliée en deux, & appliquées * Fig, y. les unes fur les autres allés exactement *. La chenille brune &. raie qui les a réunies, s’y elt prife avant qu’elles fe fulfent développées. Elle perce ordinairement toutes les feuilles qui font appliquées ainh les unes contre les autres quelque part vers leur milieu, & autour des ouver¬ tures des trous elle dilpofe des Lis qui les tiennent là affujetties les unes contre les autres. Elle mange enfuite à fon ailé les portions des feuilles de ce paquet qui font le plus de fon goût. Mais en paquets de feuilles, je 11e fçais rien de fi bien des Insectes. V. Mem. 2 j 7 fait que ceux que l’on trouve fur certaines elpeces de faules,- & fur-tout fur une efpece d’ozier. Les feuilles longues & étroites de l’arbre & de l’arbrificau en queftion, font très- propres à s’ajufter parallèlement les unes aux autres; c’efi même la direélion qu’elles ont au bout de chaque tige, quand elles ne fe font pas entièrement développées *. Une el'pece de petite chenille raie à feize jambes, dont le fond de la couleur cft brun & tacheté de blanc , & dont nous avons déjà parlé à l’occalion de la ftruclure des coques les plus finguliéres*, lie ces feuilles les unes contre les au¬ tres, & en fait des paquets où elles font fouvent très-bien étendues & très-bien arrangées. Sa méchanique n’a pour¬ tant rien ici de bien remarquable, elle fait précifément ce que nous ferions en pareil cas; elle dévidé un fil au¬ tour des feuilles qui doivent être tenues enlcmblc,depuis un peu au-delTus de leur queue, jufqu’à une afies petite diftance de leur pointe. Elle a trouvé les feuilles prefque couchées les unes auprès des autres, elle a eu peu à les rapprocher; les tours du fil qui les maintiennent font très-proches les uns des autres. Les plus jolis de ces paquets font ceux qui font faits fur une efpece d’ozier *, dont le bord des feuilles forme en certains temps, fçavoir, avant quelles fe foient déve¬ loppées, des cordons gaudronnés *; la face de chaque feuille fur laquelle font ces cordons, efi en dehors du paquet compofé d’un grand nombre de pareilles feuilles; ce qui le fait paroître un ouvrage très-travaillé. La fur- face unie & convexe de chaque feuille efi tournée vers le centre du paquet; tout du long du milieu de ce pa¬ quet, il y a une efpece de tuyau creux, dans lequel la chenille fe tient, elle ronge les feuilles & les parties tics feuilles qui en font proches. Mais ce quelle mange d’abord, & ce femble, par G g iij *PI. iS.fig, 1. & 2. * Tom. 1. PL 39- S- <1? 6. * PI 18. %. * Fig. 3. * PI. 16 * PI. 16 J. * PI. 16 <*• «PI. i 9 - 2 3 B MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE prévoyance , c’eft l’œilleton du bout de la tige qui fe trouve renfermé vers le commencement du paquet : fi elle laiffoitcet œilleton fain, il pourroit le développer, s’éten¬ dre vers le centre du paquet; le paquet pourroit être dé¬ fait, & les fils qui le tiennent feroient bientôt brifés, fi le bout de la tige s’étendoit , groffiffoit, ou s’il pouffoit des feuilles; mais la chenille, en rongeant fa pointe, le met hors d’état de croître & de pouffer rien en dehors. . fig. Une autre efpece de chenille lieufe * qui aime le fenouil, & qui vit de fes fleurs, fait encore un affés joli ouvrage dans ce genre. Cette chenille eft raie, tranlparente, & d’une couleur d’olive un peu brun. Elle a feize jambes. On la trouve dans les mois de Juin, de Juillet &d’Août. La difpofition des fleurs du fenouil n’a pas beloin d’être expliquée ; on fçait qu’un grand nombre de pédicules chargés de bouquets y forment une efpece de parafol. Les bouquets les plus proches du centre font portés par des pédicules plus courts que ceux des bouquets de la circonférence. Notre chenille lie enfemble tous les bou- . fig. quels qui font vers le centre *; elle les réunit dans un tas, au milieu duquel elle fe loge. Jai eu de ces chenilles qui fe font fait des coques dans le poudrier où je les avois renfermées dans le mois d’Août, d’où le papillon n’elt forti que vers les premiers jours de May de l’année fui- . fig. vante. C’eft une petite phalene * à antennes à filets coni¬ ques , & qui a une trompe ; elle porte fes ailes à la manière de celles des oifeaux. La partie antérieure du deffus de fon corps, & du deffus des ailes fupérieures, efl d’un blanc jau¬ nâtre ; le refte des mêmes ailes efl d’un brun prefque noir. Une des premières lieufes de feuilles qui paroiffent au printemps, & qui efl extrêmement commune,c’en eft une qui raffemble en paquet les feuilles qui fe trouvent au 9 - fi g* bout des jets ou des pouffes du chêne *. Ce paquet efl DES ï nsectes. V. Mem. 2 3 9 quelquefois affésgros, mais d’ailleurs fa forme irrégulière n’eftpas propre à s’attirer de l’attention. Si on le défait, on y trouve pourtant une particularité qu’on peut obfer- ver en quelques autres paquets de feuilles , mais qui ne fe rencontre dans aucun de ceux dont nous avons parlé. Le centre du paquet eH occupé par un tuyau de foye blanche*, dans lequel la chenille rentre toutes les fois qu’elie fent qu’il fe fait quelque mouvement extraordi¬ naire autour des feuilles qu’elle a réunies; du moins tou¬ tes les fois qu’on les écarte pour mettre le tuyau à dé¬ couvert, la chenille fe cache dans ce tuyau: elle n’a pas belbin d’en fortir entièrement pour ronger les feuilles , elle les a miles li fort à fa portée, qu’elle peut attaquer plufieurs de celles qui font le plus loin, pendant que fa partie pof érieure relie dans le tuyau. Cette chenille * elt raie & de la claffe de celles à feize jambes, elle ef encore de celles dont les jambes font ter¬ minées par une couronne de crochets , fans être faites en jambes de bois. Le fond de fa couleur ef brun caffé; elle a trois rayes blanches, une tout du long du deffus du corps, & une tout du long de chaque côté. Il y a des taches plus claires dans leur brun ; mais la difpofition de ces taches , la nuance même du brun le trouvent fort différentes dans ces chenilles prifes à différais âges, & dans des temps qui précèdent, & qui fuivent la mue. Lescrifalides dans lefquelles elles fe transforment font fouvent fufpenduës à un des côtés du paquet *; elles ont à leur derrière deux crochets * qui font engagés en des fils de foye, & qui luffifent pour les loûtenir en l’air. J’ai eu un papillon * d’une de ces crilalides vers le 20 Juin, & je crois qu’il étoit refé fous la forme de crifa- hde depuis environ le iy. de May. Il a des antennes à blets grainés , & une trompe ; il porte fes ailes prefque ’ Fig. 1 *Pï. 19. *Fig. 10. * Fig. 11 * Fig, 13 24 0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE parallèles au pian de pofition. Une couleur de tabac, & une couleur d’un bianc-fale ou grilatre font les deux qui dominent fur le deffus de fes ailes fupérieures ; ces cou¬ leurs font mêlées cnfemble , & nuées de façon à former *FU 14.. l ^ c jolies bandes de point de Hongrie. La tête eft * ex¬ trêmement velue; vue de face, elle a quelqu’air de celle d’un hibou. Le papillon qui eft repreienté dans la plan¬ che eft une femelle. J’ai donné ci-devant les rouleufes pour des chenilles qui vivent dans une parfaite folitude; c’eft la régie géné¬ rale , à laquelle pourtant j’ai trouvé quelques exceptions. * PI. 17. fïg. Ayant déplié & étendu des rouleaux de feuilles de liias *, s* au lieu d’une feule chenille que je croyois y voir, j’ai vu qu’ils en renfermoient quelquefois plus d’une douzaine; & pour le moins j’ai trouvé cinq à fix chenilles dans cha¬ que rouleau. Elles n'ont pas la vivacité ordinaire aux autres rouleufes. Leur grandeur eft au-deffous de la mé- *?!. 17.%. diocre*, elles font raies & traniparentes; leur peaublan- 6 . cheâtre a quelquefois une légère teinte de verd. Elles font de la troifiéme claffe, d’une des claffes de celles qui n’ont que quatorze jambes, fçavoir fix intermédiaires , dont la première paire n’eft léparée de la dernière paire tles écailleufes que par deux anneaux fans jambes. Leurs rouleaux font des mieux faits, foit parce qu’elles font des rouleufes très-adroites, foit parce que les feuilles de lilas dont la tiffure eft lifte & affés égale par tout, font des plus ailées à rouler. Conftamment c’eft le deffus de la feuille qui forme le deffus du rouleau, la pointe a été ramenée vers le deffous, pour faire un premier tour de fpirale, qui par la fuite fe trouve enveloppé par environ trois tours; les deux bouts de ces rouleaux font fermés. Les rouleufes du chêne mangent toute la lubftance cle la partie roulée. Avec le temps elles réduifent un rouleau qui des Insectes. V Mem. 241 qui avoit quatre à cinq tours de fpirale à n’en avoir qu’un feul. Nos chenilles du lilas ont beau ronger, leur rouleau conferve tous fcs tours, parce quelles le contentent de manger une partie du parenchime de la partie roulée; elles commencent par manger celle du premier tour, & de tour en tour, elles détachent celui de tout ce qui a été roulé ; alors le rouleau a la couleur d’une feuille fanée, mais encore humide. Les chenilles que j’ai ti¬ rées de leurs étuis, & que j’ai miles fur de nouvelles feuilles, fe font contentées de ramener le bout de celles- ci furie de (Tous, de plier la feuille par le bout; elles ont mangé le parenchime de cette elpece de boifte platte, comme elles mangeoient auparavant celui du rouleau. Quand elles veulent fe transformer en crilalicles, elles abandonnent le rouleau, elles fe diiperfent, elles pafïent fur d’autres feuilles plattes ; chacune s’y fixe dans l’en¬ droit qui lui convient; elle oblige la partie fur laquelle elle sert arrêtée, à fe courber ; elle lui fait faire un pli, & c’efi dans ce pli qu’elle fe file une coque de foye *. Quel- * El. 17. fîg. ques-unes ont filé leur coque chés moi dans l’angle fait 7 * par les parois du poudrier & le fond. Vers la mi-Août, c’elt-à-dire, environ trois femaines après que ces chenilles eurent fait leurs coques, il fortit de chaque coque une petite phalene * de la fécondé * Fig. 8. 9. claife, & du genre de celles dont le port des ailes eften & I0, queue de coq. Quand elle eft en repos, elle s’appuye fur le derrière, fa partie antérieure efi élevée, & foûtenue fur fes jambes, mais de manière quelle femble n’en avoir que quatre en tout*, parce que les deux dernières de cha- * Fig. 8. que côté font appliquées l’une contre l’autre , elles fem- I0 * blent n’en faire qu’une. Le déifias de leurs ailes fupérieures eft richement coloré; il eft rempli de taches d’une nuance de bronze qui approche de l’or, mêlées avec des taches Tome IL , H h 242 MEMOIRES POUR L’HiSTOïRE d'un blanc argenté, & avec d’autres d’un beau noir. Les ailes inférieures font d’une couleur ardoifée; elles font frangées. Des rouieufes fort adroites s’établiffent aufll en com¬ mun fur les feuilles du troène. Les rouleaux qu’elles 1 PI 16 forment font ordinairement appiatis*; mais d’ailleurs ils 9. J font très-bien faits. Leur applatilfement vient de ce que les chenilles veulent qu’ils loient exactement fermés par *cd. les deux bouts; chaque bout * eft appliqué exactement, & alfujetti contre le bord de la feuille. Cet encore ici le deffiis qui et ramené vers le delfous, & tous les tours du rouleau font maintenus par des liens de fils, confiruits avec la méchaniquc que nous avons expliquée, en parlant des autres liens. Ces rouieufes font de la meme date que celles du lilas; elles n’ont de même que quatorze jambes, & ditribuées de la même manière; leur couleur, comme celle des autres, et un verd blanchâtre; mais elles font plus petites. Leurs focietés font communément moins nombreufes ; je n’ai jamais trouvé de rouleau habité par plus de fix de ces chenilles, & fouvent je n’y ai trouvé que deux à trois chenilles. Elles ne mangent que le pa- renchime du ddfous de la feuille, ou du cê>té de la feuille qui fait l’intérieur du rouleau. Je les ai vû travail¬ ler avec bien de l’activité à rouler de concert une feuille, mais leurs manœuvres ne m’ont rien offert d’ailleurs qui demande d’être rapporté. Si on eût voulu s’attacher dans ce Mémoire, à cara- ctérifer toutes les différentes elpeccs de chenilles qui rou¬ lent, qui plient, qui affemblent en paquet, qui collent enfemble des feuilles, on lui eût donné 1 étendue d’un petit volume. Dans les bornes où on le refferre, il ne laiffe pas d’être propre à donner une idée de la prodi- gieufe quantité des elpeccs de petites chenilles, puifqu’il des Insectes. V. Mem. 24.3 y a tant d’efpeces différentes de celles feulement qui ont recours aux jnduffiies que nous avons expliquées. Enfin ce ne font pas les feules chenilles qui roulent les feuilles, qui les plient, & qui les mettent en paquets. On peut remarquer fouvent que les fommités, les bouts des jets de différens arbres & de différentes plantes , font plus gonflés qu’ils ne fembleroient le devoir être *; les * P!. i8.fig, feuilles qui les terminent y font réunies en un paquet, 9 ‘ fans être pourtant liées enfemble par des fils. On trouve fouvent de ces paquets au bout des tiges de quelques ef- peces de véronique; mais ils ne font plus communs nulle part qu’aux bouts des jets de faille. Si on écarte les feuilles de faulequi s’enveloppent les unes les autres,* on trouve * Fig. ro. cntr’elles des fourmifiiéres de petits vers rouges *, oblongs * Fig. n. & &fans jambes, qui ont deux crochets au bout de la tête. I2 * Il ferait àfouhaiter que ces vers puffent donner une belle & bonne teinture rouge; car il neferoit pas difficile de faire des récoltes de ces fortes devers. Ils le filent chacun une petite coque de foye blanche , ordinairement entre les feuilles mêmes du paquet, lorfqu’ils doivent fubir leur première métamorphofe. Après s’être métamorphofés pour la fécondé fois dans cette petite coque, ils en for- tent fous la forme d’une petite mouche, dont le corps efl d’un verd doré. Mais nous aurons occafion ailleurs de parler plus au long des feuilles réunies par différentes efpeces de vers. Il nous refie même à décrire bien des efpeces de rouleaux faits encore avec plus d’induftrie que ceux des chenilles, & pour d’autres ufages, par des infecfles de différentes claffes; des rouleaux faits par des mouches, & d’autres faits par des fearabés. H h ij 244 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE explication des figures DU CINQUIEME MEMOIRE. Planche XIII. La Figure i, repréfente une feuille de chêne roulée perpendiculairement à la côte ou principale nervûre de la feuille. A A, le rouleau. I o, lo, &c. marquent quelques- uns des liens qui afïujettilTent le dernier tour du rouleau. N, la principale nervûre de la feuille. Le deffus de la. feuille a été roulé vers le dcffous; c’eft-à-dire que la partie platte de la feuille qui eff ici en vue, en eft le delîous. La Figure 2, fait voir une feuille roulée parallèlement à la principale nervûre, & jufqifà cette nervûre. R 1 fenx 5. L-Jiut Jj* lrutctzs Tbi F* /ÿ F F, *■ S . V •Sctzfj.' F, «?■ F y 10 FU. u des Insectes. VI. Menu 253 SIXIEME M E MO 1 RE. DE QUELQUES ESPECES DE CHENILLES Remarquables , foit par leurs attitudes, foit par leurs fort nés,foi t par lafigure de quelqu’une de leurs parties. Ous avons cru devoir réunir dans un même Me- 1 ^ moire , des chenilles de genres éè même de chiffes différentes, qui fans être des claffes des arpenteulcs, ont des attitudes ou des formes par lefquelles elles peuvent s’attirer notre attention. Des caractères pris de ce qui efl le plus effentiel aux infectes, ne font pas toujours auffi propres à nous les faire reconnoître, que le font certaines variétés, qui, quoique légères en elles-mêmes, font cependant frappantes pour nous. Le troène qui efl un arbriffeau affés commun dans les bayes, 6c qu’on plante même dans les jardins, à caufede les grappes de fleurs blanches, nourrit de les feuilles une des plus grandes chenilles rafes à feize jambes*, dont les *pi, membraneufes n’ont que des demi-couronnes de cro- -• chets. Elle a trois pouces 6c quelques lignes de long, lorfqu’elle efl étendue. Lapofition* dans laquelle elle refle *Fi s plus volontiers, lorlqu’elle ne mange point, lui doit faire donner le nom de Sphinx. Elle tient quelque branche bien Lai fie avec les crochets de lès jambes membraneufes, la partie du corps qui répond à ces jambes, efl prefque parallèle à cette branche; mais la partie antérieure efl redreflee, 6. à peu près perpendiculaire à la même branche. Elle paffe tranquillement des demi-heures, ôc quelquefois des, I i iij 254 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE heures clans cette attitude. Un jardinier du jardin du Roy» que M. Bernard de Julïïeu avoit cliargé de me ramaffêr de ces chenilles, étoit choqué de i’air de fuffifancequ’elles paroifloient avoir dans cette attitude. 11 diloit que ces chenilles étoient bien orgueilleufes : il n’a voit point vû d’autres chenilles porter comme celles-ci leur tête haute. Au relie, fi elles connoilfoient leur beauté, elles au- roient de quoi être hères ; leur couleur n’elt pourtant prefque que du verd, mais c’eh du plus beau verd de Lor¬ raine. Ce qui fait leur plus grand ornement, ce font des efpeces de boutonnières, dont elles ont fept de chaque côté; elles font pofées obliquement fur les anneaux;leurs figures font celles d’un oval fi allongé, que leurs deux bouts font pointus. Une moitié de chacune deces bou¬ tonnières, de chaque oval, l’antérieure cil d’un très-beau gris de lin, & l’autre moitié cil d’un beau blanc. Le bout inférieur de chaque boutonnière a une efpece de queue, formée par une fie de quatre petits points circulaires & blancs. Leurs higmates,qui font alfés petits, font jaunes. Les bouts des jambes écailfeufes font bruns. Le contour du devant de la tête eh bordé d’un cordon d’un beau noir; le relie de la tête ch verd. Cette chenille porte fur le pénultième anneau une corne qui eh courbée vers le derrière. Tout le défais de cette corne eh d’un beau noir luifint, le dehous eh d’un jaune verdâtre, excepté auprès du bout, qui eh entière¬ ment noir. On ne trouve Ces chenilles dans toute leur grandeur, que vers la hn d’Août ; aulfi n’ai-je eu les papillons, des œufs defquels elles nailfent, que vers la hn de Juin, ou vers le commencement de Juillet. Elles font grandes mangeufes, & ce qu’elles mangent eh employé à les faire des Insectes. VI.Mem. 255 croître en peu de temps. Quoique de toutes les feuilles, celles du troène foient le plus de leur goût, elles man¬ gent dans le beioin les feuilles de divers lilas. Dans le jardin du Roy, elles rongent celles du lilas à feuilles de troène; mais lorfque les feuilles de troène & celles de lilas qui leur reffemblcnt, m ont manqué, je leur ai don¬ né des feuilles de lilas de Perle, & même de celles de lilas ordinaire, dont elles fe font accommodées. Les chenilles qui portent une corne fur le derrière, en changent quand elles changent de peau ; elles biffent une corne fur leur dépouille; & elles en ont une fèmbla- ble à l’autre fur leur nouvelle peau. Comment étoit pla¬ cée cette dernière corne, avant que la chenille fe défitdè la première! était-elle couchée lous la peau, comme le font les poils dont une chenille doit paraître couverte*, ou la nouvelle corne étoit-clle logée dans l’ancienne I C’eft une queflion que nos chenilles du troène m’ont mis en état de décider. J’en obfervai une qui étoit dans le travail du changement de peau; quand elle fe fut prefque tirée de celle dont elle vouloit le défaire, quand après en avoir fait fortir toute fa partie antérieure, & même toutes les jambes membraneufes, & qu’en obligeant la vieille peau de fe pliffcr, elle l’eut pouffée jufques auprès du derrière, dans I mitant enfin où tout ce qui lui refîoit de plus difficile à faire, étoit de fe tirer de la partie de la dépouille où étoit la corne ; je coupai cette corne affiés près de fa baie avec des cifeaux. La chenille acheva de fe dépouiller; mais elle parut avec une corne mutilée , avec une corne à qui il manquoit la moitié de fa lon¬ gueur. En coupant la vieille corne, j'avois donc coupé la nouvelle; & par eonféquent celle ci étoit alors conte¬ nue dans l’ancienne, comme dans un fourreau. J’ai eu une autre preuve prelqu’auffi décifive du meme fait, en * Tome /. Mémoire 2)6 Mémoires Pour l'Histoire obfervant les cornes qui avoient été laiffées fur des dé¬ pouilles; j’ai vu quelles étoiçnt creufesy & que leurs pa¬ rois étoient a des minces. La corne que j’avois coupée, lailfa échapper beaucoup de liqueur, autant qu’en eût laide échapper en pareil cas, quelque partie charnue de la chenille. Ccd depuis le premier jufqu’afl i y Septembre, que les chenilles du troène que j’ai nourries fe font mifes en crifa- lides. Quand le temps de leur transformation approche, leurs couleurs s’altèrent ; elles ont quelquefois alors de .grandes & vilaines plaques de taches brunes, il femble qu’elles fefoient falies; alors elles parodient inquiètes; elles marchent continuellement, comme fi elles cherchoient quelque choie; elles cherchent une terre convenable, dans laquelle elles pudfent entrer, pour y perdre leur forme, prendre celle de crifaiide. J’en obfervai une qui entra en terre, & oui en fortit plufieurs fois pendant vingt-quatre heures; elle y rclloit quelquefois cachée une heure ou deux, après quoi je la voyois reparoître. Je penfai que la terre du poudrier n’étoit pas telle que la chenille vouloir ; cette terre étoit lèche, je la mouillai ; aulh-tôt qu’elle eut été mouillée, la chenille s’enfonça dedans , s’y couvrit , & n’en cil pas fortie depuis. Ces chenilles ont plus befoin que bien d’autres, de trouver une terre fraîche. J’ai tiré de terre plufîeurs des crilalides , dans lefquelies elles s’ctoient transformées, & je ne les ai jamais trouvé renfermées dans une coque bien liée par des fils, à peine ai-je obfcryé quelques fils, qui n’auroient pas fuffi pour foûtenir des grains d’une terre féche. 11 faut donc que la terre dans laquelle elles entrent, jfoit affés humide pour que les parois de la cavité qu’elles s’y creufient, paillent fe foûtenir prefque d’cllcs-mêmcs. des Insectes. VI. Mem. 257 La chenille paroît ne fe donner de peine que pour bien battre 6c bien unir les parois de la cavité où la crilàlide reliera logée. Les crilalides dans lefqueîles ces chenilles fe transfor¬ ment, font affés grandes, & d’une grandeur proportionnée à celle de la chenille*; elles font de celles qui font re- *PI. 20.%. marquables par une efpece de nez, par une partie qui part 3 * du gros bout, 6c qui fe plie, pour venir lè coucher du côté du ventre. Leur couleur ed des plus ordinaires aux crifalides, c’ed une efpece de couleur de marron. Le papillon * fe défait de l’enveloppe de crifalide, 6c *PI,2 0 . fig. fort de terre vers le commencement de Juillet : il edde la première clalfe des noéturnes ; fes antennes font de celles que nous avons nommées des antennes prifmati- ques. 11 ed du genre de ceux dont les ailes lai dent le dediis du corps prefqu’entiérement à découvert. Le dédias de fon corps ed audi ce qu’il a de plus beau; plus de la moitié de la partie fupérieure de chaque anneau ed couleur de rôle nuée : les anneaux font pourtant féparés les uns des autres par un bordé noir, 6c il y a une légère raye noire, qui s’étend prefque du corcelet jufqu’au derrière. Le delfus du corcelet femble couvert d’un beau velours noir à longs poils ; mais fes côtés font gris de lin. Les antennes font blanches. Les ailes de dedous beaucoup plus courtes que les fupérieures, font les mieux colorées ; un rouge couleur de rofe, dont les nuances font variées, y domine. Il y a de plus fur chaque aile in¬ férieure deux à trois rayes d’un beau noir, à peu près parallèles à la bafe. Le dedus des ailes fupérieures a plus de brun ; mais il a audi des ondes rougeâtres, 6c des ta¬ ches ondées d’un beau noir. La trompe de ce papillon ed logée entre deux épaides barbes, ou cloifons barbues. Cette partie de la crilàlide. Tome IL . K k 2)8 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE qui a l’air d’une efpece de nez, ed apparemment fétui où ces deux barbes font renfermées. Les fix premières jambes des chenilles, celles que nous avons nommées des jambes écaiileufes , font femblables, au moins dans la même chenille. M. deMaupertuis m’a *PI. 20. fig. remis une petite chenille * , qui mérite que nous en di- 5 - fions un mot, parce qu’elle ed jufqu’ici la feule à qui j’aye vû des jambes écaiileufes de druélure différente. Ses quatre premières jambes font faites comme celles de * Fig. j. i. toutes les autres chenilles; mais les deux autres*, celles de la troifiéme paire, ont une figure qui leur cd propre. En s’approchant de leur bout, elks s’élargiffent, & elles grof- fiffent. Là elles ont un air charnu, elles reffemblent en * Fig. (i.bbc. quelque forte à un poing fermé *. Cette maffe qui ed comme le pied, ou la main de la chenille, ed terminée c ' par deux courts crochets*. Au rede, ces deux jambes qui fembleroient devoir être les plus lourdes, font les plus agiles & les plus aélives : la chenille en fait grand ufage, pour arranger les fils des petites toiles dans lefqueiles elle fe tient fouvent. Elle n’a d’ailleurs rien de remarqua¬ ble; fà couleur ed verte; je l’ai nourrie de feuilles de char¬ mille. Elle en plia une dans laquelle elle fila une coque, où elle fe transforma en crifalide; je n’ai pas encore eu le papillon qui doit fortir de cette crifalide. La druélure particulière de fa cinquième & de fa fixiéme jambe n’a- voit pas échappé à M. de Maupertuis; c’ed même cette druélure qui le détermina à prendre la chenille & à me l’apporter. * PI. 20. Une chenille * à feize jambes & de médiocre gran- *** deur, qui ed des demi-raies, c’ed-à-dire qui n’a gué- res de poils que fur les côtés, mérite pourtant par la fi¬ gure de fes poils, de n’être pas laiffée dans l’oubli. Si on i’obfervc à la loupe, on lui en trouve de deux fortes; les *PI. 20. %. 16 . * Fi g- >7- * Fi' r . 18. Fig. r des Insectes. VI. Mem . 259' uns font de la figure la plus fimple, femblabics à des che¬ veux très-fins; les autres relfemblent à ces poulfiéresqui couvrent lesaîles des papillons, à cela près qu’ils ont de longues queues *; c’efl-à-dire que chacun de ces poils s evafe près de fou bout, Si s’y termine par une efpece de palette, dont le bord efi dentelle. Du milieu du bout de quelques-unes de ces palettes*, fort une aflcs longue pointe. Outre ces poils en palettes, on en voit d’autres qui l'ont faits en fer de pique *;c’efl-à-dire, qu’après s’être ren¬ flés infenfiblementà une allés petite diffancede leur bout, ils diminuent infenfiblement pour fe terminer en pointe. Les touffes compofées des poils en cheveux, des poils en piques, Si des poils en palettes,forment de jolis bouquets *, dans lefquels les poils en palettes imitent les fleurs. C’eftdans le mois d’Oétobre qu’on m’apporta la che¬ nille qui a de fi jolis poils; elle mange les feuilles du pom¬ mier. Elle porte fur le pénultième anneau une corne charnue allés courte. De chacun de les anneaux, au- delfus des jambes, il part un appendice charnu, qui fe dirige horilbntalement, & qui efl chargé de poils. Les deux derniers appendices, ceux du premier anneau , for¬ ment deux efpeces d’oreilles à la chenille. Le fond de la couleur efl un gris-blanc, fur lequel un brun prefque noir forme des taches ondées en point de Hongrie. Elle reflemble par fes couleurs Si leurs diftributions à cette chenille que nous avons appellée iichennée *. Elle a péri chés moi avant que de s’être transformée en crifalide. Une chenille du chêne * de grandeur médiocre, dont * pi. , 0 .fîg. tout le corps efl d’un beau jaune, Si qui a feulement 7 - deux légères rayes formées par de petites taches brunes, efl encore plus ailée à diflinguer de bien d’autres par fon attitude, que par les couleurs. Sa tête qui eflaffès grolTe Si rougeâtre, efl prefque toujours pofée contre un des Kk ij y * 7om. I. P /• J 2. fig. I .if 2. z 6 o MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE côtes du corps , vis-à-vis les anneaux qui féparent les quatre paires de jambes intermédiaires des trois paires de jambes écaitieufes. Les anneaux de cette chenille font comme ridés. J’ai eu deux années de fuite quelques- unes de ces chenilles , qui fe font fait des coques vers la fin de May, dans lefquelles les crilàiides ont péri. Ces * PI- 20. fig. coques * font d’une foye brune, d’un tilfu ferré, Si ont une figure qui leur cil particulière; leur haie eft une ef- pece d’oval dont les bouts font aigus. La coque s’élève fur cette baie, en fe rétréci liant & s’applatiftant de plus en plus, comme une efpece de bonnet qu’on tiendrait ouvert au¬ tour de fon bord, & qu’on aurait applati au-deiïùs, jufqu a obliger les deux faces oppofées à lé toucher, avant l’en¬ droit où elles fe rencontrent pour former la partie fupé- rieure du bonnet. * Fig. 9 . Une autre chenille du chêne, afiés petite * , car elle eft au plus de celles de médiocre grandeur, a une atti¬ tude qui m’a paru plus finguiiére que .l’attitude de la chenille précédente; la fienne lemble beaucoup plus for¬ cée; elle lui eft pourtant fi naturelle, qu’elle la prend dès qu’elle cefte de manger , Si qu’elle la conferve dans tous les temps où elle ne mange pas. La partie fupérieure de fon * Fig. 10.& dos eft alors concave. Si fa tête eft renverfée furie dos *, comme le ferait celle d’un animal à quatre pieds, qui fe¬ rait renverfée Si pofée par-delà les épaules. Dans cette attitude bizarre, ce font les fix jambes écaiileufes qui font les parties du corps les plus élevées & entièrement en l’air; elle refte des heures entières très-tranquille dans cette po- fition finguiiére. La couleur dominante de cette chenille eft le verd , celui du dos eft blancheâtre. Si celui du refte du corps eftaftes beau; elle a pourtant une ligne bleu⬠tre tout du long du dos. Elle porte fur le pénultième anneau deux dpeces de cornes charnues, ou de tubercules DES I N S E C T E S. VI. Mem. z 6 1 à peu près coniques, pofées à côté l’une de l’autre,dont ie bout fupérieur eft moufle, ou arrondi : ces deux cornes font d’un afles beau rouge. Tout du long du corps, peu au - defliis des jambes, elle a de chaque côté une étroite raye citron, coupée de diflance en diftance par de petites taches en partie rouges, & en partie noires. Lesfix jambes écailleufes font rouges, les bouts des jam¬ bes membraneufes font de la même couleur. Sa tête eft verte , ronde, & grofle par rapport à la grofleur du corps. C’efl vers le i y. de Septembre que j’ai trouvé la pre¬ mière chenille de cette efpece que j’aye vue; elle étoit déjà afles grande. Le 6. Octobre, elle prit des grains de terre fur la furface de celle qui étoit dans le poudrier; elle les lia enfemble, & s’en fit une coque *, dans laquelle *Pf.io. %. elle fe renferma. J’ai eu de ces chenilles qui ont fait leur l ~‘ coque plus tard. J’ai auflï rencontré furie tilleul deux chenilles qui me parurent fi fembiables aux précédentes, que je les crus être de la même efpece. Comme les autres, elles mangèrent les feuilles de chêne que je leur donnai ; mais quand elles eurent à choifir, elles préférèrent les feuilles de tilleul à celles du chêne. Une de ces chenilles, de verte quelle étoit, devint d’un jaune rougeâtre; la raye étroite qui étoit tout du long du dos, prit un rouge pourpre; de chaque côté de cette raye le jaune étoit lavé, fur une afles grande largeur, d’une teinte rouge; le toutenfemblefaifoit une chenille bien colorée. Elle fe fit, comme celles que j’avois nourries de feuilles de chêne, une coque de grains de terre liés enfemble, & elle fe la fit fur la furfacedela terre. De la crifalide de cette dernière chenille, j’ai eu dans le mois de Mars un papillon *, qui efl né plûtôt qu’il * i> K k iij * PI. 22 8 . » Fig, 9 ï !. * Fig. '262 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE m’auroit dû, parce que la crilalide avoit paffé une bonne partie de l’hiver dans une ferre chaude du Jardin du Roy. Au refte il n’a rien par lui-même de propre à lui attirer de l’attention ; il eft de la fécondé claffe des phalènes ; fa trompe eft jaunâtre , 6c forme au moins trois tours de fpi- rale; il porte fes ailes en toit élevé fur le corps. La cou¬ leur du delfus des fupérietires eft plus rougeâtre que le canelle; on n’y voit point de taches bien marquées, 011 diftingue feulement diverfes nuances de rougeâtre ; le delTous des mêmes ailes, 6c celui des ailes inférieures, eft d’1111 jaunâtre plus clair. Ce papillon étoit femelle, il a pondu un bon nombre de petits œufs, prefque blancs 6c prefque fphériqucs. Les feuilles de fofier franc, de i’ofier le plus propre à lier les cerceaux, font la nourriture d’une eljjece de %. chenille * qui varie plus fes attitudes, que les chenilles des efpeces précédentes ne varient les leurs, 6c qui n’en a guéres que de finguliéres; car il eft rare de la voir allongée, comme le font les chenilles ordinaires ; elle ne i’eft pas même dans le temps quelle mange. On a repréfentédans la pl. 22. ftg. 9, 10, i 1,6c 12. quelques-unes de fes atti¬ tudes; mais il y auroit eu de quoi remplir cette planche en entier, fi on eût voulu y montrer toutes celles qu’elle fait voir. Quelquefois elle tient fà tête plus élevée que & fon derrière *, Quelquefois c’eft fon derrière qu’elle tient plus élevé que fa tête*. Affés fouvent fon derrière 6c fa tête font les deux parties de fon corps les plus élevées ; quelquefois la tête , le milieu du corps 6c le derrière font élevés , ces parties font des angles avec les autres. Il eft rare de la voir , fans que fon corps ait des inflexions dans un plan perpendiculaire à celui de pofition; le corps, fait toujours une efpece de ziczac, 6c dans différens temps un ziczac différent ; le nom de ziczac peut donc être des Insectes. VI Mem. 263 donné à bon titre à cette chenille, & à celles qui lui reffeinblent. Quand elle tient fon derrière élevé *, fes deux jambes pofiérieures lui font une efpece de queue fourchue. Le devant de fa tête efl plat; la partie fupéricure efi lin peu refendue. Elle porte deux efpeces de cornes char¬ nues, la plus grande & la plus proche de la tête, efl fur le cinquième anneau; la fécondé, qui part de la bafe de celle-ci, eft fur l’origine du fixiéme anneau ; les conca¬ vités de l’une Sc de l’autre font tournées vers le derrière. Leur figure eft celle d’une vrayc corne, elles fe terminent par une pointe affés fine ; la chenille les releve tantôt plus & tan¬ tôt moins : elle peut auffi les allonger jufqu’à un certain point, ôc les raccourcir jufqu a les faire difoaroître; elles dif- paroiffent prelqu'entièrement quand la chenille s’allonge *, * n-, î. ce qui efi pour elle une fituation affés rare. Quelquefois elle les laiffe fimplement tomber fur fon corps; elles font alors peu tendues & flafques. Elle a fur le derrière une troifiéme corne charnue plus courte que les précédentes. Cette chenille efi rafe; le fond de fa couleur efi une agathe vineufe. Dans certains temps, depuis la tête juf¬ qu a la première corne elle a une raye d’un noir velouté, & dans d’âutres temps la même raye efi olive. Le bout de la première corne a un peu de jaune ; la corne du derrière efi auffi teinte en jaune fur les deux côtés exté¬ rieurs; le refie de cette corne efi noir ou agathe. Les cô¬ tés de la tête font quelquefois d’un beau noir ; la partie de la tête, qui efi en goutiére, efi jaune. Mais il y a des variétés dans les couleurs des parties dont nous venons de parler, & dans celles de quelques taches ou ondes qui fe trouvent fur d’autres endroits du corps. J’ai eu à la fois trois de ces chenilles, dont la plus groffe pouyoit être niife au rang des chenilles de grandeur 264 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE moyenne. Les derniers jours de Septembre elle fe fila une coque defoye, affés mince, qu’elle couvrit légère¬ ment de grains de terre; mais elle eut la précaution de la poferfur la furface de la terre du poudrier, & d attacher defTus quelques feuilles d’ofier. La crifalide dans laquelle ♦ PI.aa.fig. elle fe transforma*, 11’avoit rien de fmgulier; le bout du derrière étoit pourtant moins pointu, plus moufle que ne l’eft le bout du derrière de la plupart des crifalides. Deux papillons, tous deux mâles, font nés de deux crifalides des chenilles précédentes vers la mi-Mars, dans la ferre chaude du Jardin du Roy. Ce papillon * efl de la , -_ cinquième claffe des phalènes, il a des antennes à barbes, & n’a pour toute trompe que deux petits corps blancs, qui 1e courbent plutôt qu’ils ne fe roulent; il eh du genre de ceux qui font comme enfellés, & dont les ailes font difpoféesen toit, dont la bafe eh étroite. Son corcclet efl très-velu , fes jambes font auffi très-veluës: fes couleurs tiennent de celles de la chenille; il en a de brunes qui tirent fur des couleurs d’agathes, plus Sc moins rouge⬠tres; dans le brun du corcelet, il y a des veines noires: près du bord extérieur du defTus de chaque aile fupé- rieure, il y a une longue tache blanche ; d’autres endroits font d’uneagathe pâle. Près de la bafe de l’aile, fe trouve une tache blancheâtre bordée de brun. Les deux côtés des ailes inférieures, & le deffous des fupérieures, font d’un gris-blancheâtre qui a peu de taches. Des poils gris forment une elpece de queue fourchue au derrière de ce Nous avons compofé une claffe de chenilles , la quatrième, de celles qui n’ont que quatorze jambes ; elles ont à l’ordinaire les fix écailleufes, & elles en ont huit membraneufes placées comme les jambes intermé¬ diaires des chenilles de la première clafTe; mais les deux poflérieures des Insectes. VI. Mem. 265 poftérieures leur manquent. De toutes les chenilles, ce font celles dont les formes s’écartent le plus des formes des chenilles que nous voyons ordinairement; le derrière de celles-ci eft à peu près delà même groffeur que le refte du corps, au lieu que la partie poftérieure de nos che¬ nilles de la quatrième claffe fe termine en pointe. La fi¬ gure de leur corps tient de celle du corps des poiffons. Elles portent à leur derrière une efpece de queue , les unes l’ont fimple*, les autres font fourchue*.La plupart *PI- 22.% de ces chenilles font aufîi finguliérespar leurs attitudes, t P V-> r % que par leurs formes ; on n’en connoît encore que peu i.&f.&pf d’efpeces, 6c les individus de chaque efpece font rares ; 22, l,& - je n’ai trouvé que peu de chenilles de chacune de ces " efpeces finguliéres. On a déjà des figures gravées de quel¬ ques-unes de celles que j’ai vues, dans Goedaert, dans M. c Merian, 6c dans Albin, mais elles fe font préfentées en petit nombre a ces auteurs, comme à moi, 6c les fi¬ gures qu’ils nous en ont données ne font pas allés cor- reêtes. La plus grande que j’ai eue de celles de cette claffe *, * PI. 2 r. fig. fut trouvée fur des feuilles de faule le 20. Juillet. Dans l '~' les attitudes raccourcies qui lui font ordinaires,elle a près de deux pouces de long jufqu a l’anus, 6c fans com¬ prendre fbn efpece de queue fourchue. Sa partie anté¬ rieure eft confidérablement plus groffe que celle des au¬ tres chenilles de même longueur, ou même des chenil¬ les beaucoup plus longues. II ne lui arrivoit que très-ra¬ rement de marcher 6c d’avoir le corps étendu. Sa tête n’eft pas groffe, quelquefois elle la retire en deffous du premier anneau à un tel point, qu’elle paroît une chenille fans tête*. Ce premier anneau eft charnu, 6c eftconftruit + Fig. 1. de manière, que lorfque la chenille redreffe fa partie antérieure, 6c qu’elle retire moins fa tête que dans le cas Tome IL . L 1 * PI. 2 I. 3 * 266 Mémoires pour l'Histoire dont nous venons de parler, la tête femble logée dans une H- efpece de capuchon * ; ou, fi l’on veut, les rebords charnus de la cavité dans laquelle elle cil logée, l’entourent comme les coëffes de taffetas noir que portent les Dames d’un certain âge , & qu’elles lient fous la gorge, entourent leur vifage ; il ne manque à la reflemblance que le nœud & les pendans de la coëffe qui lé trouvent au-deffous de la gorge. La partie charnue &extérieure eft tirée quarrément comme le font quelquefois les coëffes auxquelles nous la comparons. Lorfque cette chenille me fut rcmife, fa couleur do¬ minante étoit un verd céladon ; elle a de chaque côté une raye blanche qui n’cft pas tirée en ligne droite, eüe eft comme compoléc de trois lignes différentes, qui à leur rencontre forment des angles. Le premier angle dont la cavité eft tournée vers les jambes, 11’a pas fon fommet fort loin de la paitie fupérieure du dos, & il eft à peu près à la jonction du q.. c & du y. c anneau. La cavité du fécond angle eft tournée vers le dos, & fon fommet eft à la jon¬ ction du y. c & du 8 . c anneau ; c’cft l’endroit où chaque raye blanche defeend le plus bas; de-là elle remonte peur rencontrer prefque celte du côté oppofé fur le derrière. La partie fupérieure du corps comprife entre ces deux rayes, n’eft pas du même verd que le refte, il eft fouetté de blanc. Mais ce que cette chenille a de mieux coloré , c’eft le contour & une grande partie de l’intérieur de la cavité dans laquelle la tête eft logée, qui font d’un très- beau couleur de rôle; de chaque côté vers le haut de la partie que nous confidérons, elle a deux petites taches noi¬ res & bien circulaires. Son corps, comme celui des poiffons,diminué infenfi- blement de groffeur julqu a fon extrémité. De l’extrémi¬ té du corps part une efpece de queuë compofée de deux des Insectes. VI. Mem. 2 67 tuyaux* un peu plus gros à leur origine qu’à leur autre *pj. 2j.Bg. bout. La chenille les redrefle tantôt plus Si tantôt moins *• & 3 - c à fa volonté, & elle leur fait faire un angle plus ou moins ouvert ; quelquefois elle les applique li exactement l’un contre l’autre, qu’ils ne parodient qu’un feu! Si même corps; c’ell ce qu’on voit clans la fig. 2. qui repréfente une des attitudes allez ordinaires à cette chenille. Après, avoir mangé tout ce qui ell de part & d’autre de la grolfe côte d’une feuille de làule, elle le pend la tcte embas, & tient cette côte bien ferrée entre toutes fes jambes; cette côte ell alors pour elle une corde. Quand la chenille ell dans cette pofition, elle réünit l’un contre l’autre les deux tuyaux de là queuë. Ces tuyaux font des parties très-remarquables; un des deux * étoit un peu plus court que l’autre dans la premié- * Fig. 1. & re chenille que j’ai eue,mais j’cn ai eu une autre où ils c ‘ étoient tous deux également longs. J’ai trouvé cette der¬ nière, quoyque déjà grande, un mois plutôt que l’autre. Dans certains temps la chenille faifoit fortir par le plus long tuyau, une corne charnue* d’un diamètre propor- *Fig. i./v. tionné à celuy du tuyau. Tantôt elle faifoit fortir une plus grande, Si tantôt une plus petite portion de cette corne; elle lui donnoit différentes courbures ; quelquefois elle la jcttoit en arriére, & quelquefois du côté de la tête *. La * pi. 22. fig. iubftance de cette corne ell analogue à celle des cornes des 1 • limaçons ;& la méchanique quifert à l’allonger & à la rac¬ courcir,à la faire fortir foit en entier, foit en partie, femble être la même d’où dépendent les allongemens Si les rac- courciffemens de celles des limaçons; je veux dire que lorfque la chenille raccourcit fa corne, elle fait rentrer la partie fupérieure dans l’inférieure, à mefure quelle fait rentrer cette dernière dans le tuyau. Quoique je 11’aye vû fortir la corne que d’un des L 1 ij * PI. 2 I. * Fi S- 4-. 268 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE tuyaux, il n’y a pas de doute que l’autre tuyau ne foiï fourni d’une corne femblabie; mais il ne piaiioit pasfou- vent à la chenille de me faire voir même celle qu’elle m’a montrée. Le premier jour pourtant elle la faifoit lortir prefque toutes les fois que je i’incommodois. Le jour fui vaut la chenille fe laifloit louvent tourmenter, lans me lamontrer. Enfin dans la fuite, j’avoisbeau la chicanncr, l’irriter, elle ne me la faifoit plus voir. Les principaux ufa- ges de cette corne me font peut-être inconnus , tout ce que j’en fçais, c’eft que la chenille s’en fort pour ch aller les mouches, dont elle n’a peut-être que trop lieu de crain¬ dre les piquûres, puifqu’il peut y en avoir des cl'peces qui cherchent à aller dépofor leurs œufs dans fon corps , comme tant de mouches dépofont les leurs dans le corps d’un grand nombre d’efpeccs de chenilles. Dans un mo¬ ment où celle ci étoit fur une table, une mouche vint fe pofer fur Ion corps; dans fondant la chenille fit fortir une corne avec vîteffo , & elle la dirigea vers l’endroit où étoit la mouche, comme fi elle eût voulu lui donner un coup de ce petit fouet : la mouche partit dans fondant. Quelquefois la portion de la corne que la chenille fais fig. fortir efi toute couleur de pourpre * ; mais quand elle en fait fortir une plus grande longueur, la partie la plus f/i. pioche du tuyau * eft verdâtre. On arepréfonté dans la fig. q. le derrière de cette che¬ nille grofli à la loupe, afin de faire mieux voir la ftruélure des cornes écailiéufos, ou des tuyaux qui fervent d’étuis aux cornes cbarnuës; ils font folides; je les ai toujours vii droits à cette chenille, & à toutes celles de la même claffo que j’ai eues; quoiqu’une figure de M. e Merian où line chenille de lamêmeefpece eft représentée, leur don¬ ne des inflexions: leursfurfaces,fur-tout du côté du dos, font hériffoes defpeces d’épines arrangées fur des cercles des Insectes. VI. Man. 269 qui font affés proches les uns des autres. On voit dans cette même ligure le chaperon * qui couvre l’anus de * la chenille, & deux petites cornes charnues * qui partent 4 de deffous le chaperon. * Les jambes membraneufes de cette chenille n’ont que des demi-couronnes de crochets; les écaiileufes font d’un blanc verdâtre, fur lequel trois à quatre rayes noires font difpofées comme autant de jarretières. Le ventre de la chenille cil du même verdque celui des côtés, il a feule¬ ment de plus deux longues taches de figure irrégulière , & de couleur de pourpre, pofees entre le derrière tk la dernière paire des jambes membraneufes. Je n’eus la peine de faire nourrir cette chenille que fix jours, pendant lefquefs elle mangea très-bien. Le vers les onze heures du matin, je remarquai que l'on verd étoit devenu terne, et comme làli ; vers les deux heures après midi du même jour, il n’y avoit plus aucuns vefli- ges de couleur verte fur fa peau. A cette couleur en avoit fucccdé une d’un brun rougeâtre ; mais les en¬ droits que nous avons dit être blancs ou couleur de rofe, avoient confervé à peu près leur première couleur. La chenille qui jufques-là avoit été tranquille, devint inquiète, elle montoit au haut du poudrier, elle defccncloit enfuite, elle alloit de droite à gauche, de gauche à droite; elle relia ainli dans uneagitation continuelle jufqu’à cinq heu¬ res du foir; enfin elle fe fixa. Goedaert nous a donné l’hifloire de la même chenille dans le 3/ volume de l’é¬ dition françoife de iyoi. pag. 5. On l’y appelle un ver. Il nous y apprend que lorfqu’elle fut près de fe métamor- phofer, il la mit dans un verre qu’il avoit rempli en partie de terre, & qu’il mit dans le même verre de petits morceaux de bois de faule, dont elle fe fervit pour fe faire une coque plus dure que le faule même. Je me rappeilai * PI. 2 I. 6. a bd. 270 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE que j’avois lu ce fait clans Goedaert, & je voulus voir fi ma chenille, comme la fienne, ferait d’humeur de fe con- ftruire une coque avec du bois. Il y avoit dans le pou¬ drier de petites branches de faille dont elle avoit mangé les feuilles, mais elle ne me paroiffoit tenir aucun compte de ces branches, elle ne cherchoit point à les ronger. Je crus lui devoir préfenter du bois plus ailé à mettre eu œuvre, qu’un bois verd. Je coupai à peu près quarré- ment un morceau de bois de chêne devenu tendre, parce ig. qu’il commençoit à fe pourrir * ; je le jettai dans le pou¬ drier; la chenille fe glilfa entre la terre & ce morceau de bois, & ce fut là quelle fe fixa. Je vis enfuite quelle foûlevoit le morceau de bois, éé pendant qu’elle le tenoit élevé avec fou dos, fia tête prenoit de petits grains de terre; elle les îioit enfemble avec des fils; & ainfi fuccel- ' fivement elle rempliffoit tout le contour du vuide qui étoit entre la l'urface de la terre, & celle du morceau de bois foûlevé. Cet efpace étant rempli, la chenille élevoit davantage le morceau de bois ; ainfi la bafe du petit mur qu’elle avoit bâti fe trouvoiten l’air: alors elle travailloit à remplir l’efpacc qui étoit entre le bas de ce mur & la terre, comme elle avoit fait la première fois. On voit bien que le but de ce travail étoit de faire les parois, les murs de la coque. Quand, à plufieurs reprifes, le bois eut été autant foûlevé qu’il falloit pour fournir à la capa¬ cité de cette coque, je ne vis plus travailler la chenille , l’ouvrage quelle avoit fait la cachoit à mes yeux. Je la crus uniquement occupée alors à fortifier l’intérieur de la coque, à y adjouter de nouvelles couches de terre; je l’y laillài tranquille, & ce 11efut qu’au bout de troisfemaines que je tirai la coque de là place, pour l’ouvrir & en ôter Ja crifalide que je comptois y trouver. Ce fut alors que je reconnus qu’il n’y avoit que l’enveloppe extérieure, & des Insectes. VI. Menu 271 line allés mince enveloppe, qui fut de terre; tout le relie avoit été bâti avec de la lciure fine que la chenille avoit dé¬ tachée du morceau de bois que je lui avois fourni : elle avoit creulé ce morceau de bois pour en avoir de petits fragmens; elle avoit fait de la terre le folié, car la cavité qu’elle avoit crcufée dans le morceau de bois, pour con¬ traire les parois de la coque, fervoit elle-même a former une partie de la capacité delà coque *. Les grains de fciù- * PI.21. fîg. rc qui compofoient le corps de la coque, étoicnt h bien 7 ‘ unis enfemble, qu'ils fcmbioient être les parties d’un mê¬ me morceau de bois de tiffure très-ferrée; en un mot, un bois plus dur, qui réfiftoit plus au couteau, que le boisa la vérité un peu tendre, duquel les grains avoient été déta¬ chés. Je n’ai pû voir fi c’eft avec des fils de foye quelle avoit li bien lié les grains de bois, comme je lui avois vu lier avec ces bis des grains de terre, mais au moins paroît-il certain que c’ell avec de la liqueur propre à faire de la foye, qu'ils étoicnt attachés enfemble. Quoi que Goedaert ait dit pour un femblable cas, on ne fera pas difpofe à croire que la lueur de la chenille ait fourni la matière qui faifoit la liaifon de ces grains. Une autre chenille de la même efpeceque j’eus l’année fuivante, fe conllruifit aulfi fa coque * de la fciûre qu’elle * Fi s- 8. c. détacha d’un morceau de bois tendre que j avois mis dans le poudrier où je la tenois. La cavité quelle creufadans ce bois en enlevant des fragmens, forma une partie de la coque ; mais au lieu que la première chenille s’etoit glilfée fous le morceau de bois, quelle l’avoit foulcvé, & qu’elle avoit formé la première enceinte de fa coque avec des grains de terre liés enfemble par des fils de foye, cette der¬ nière s’établit fur la furfàce fupérieure du morceau de bois ; elle commença par filer une épaifie toile, faite d’u¬ ne groffe foye , cette toile forma l’enveloppe extérieure 2 .yz MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de la partie de la coque qui devoit le trouver au-défiais du bois; & c’ell fous cette première enveloppe , qu’elle en fit une féconde, folide & dure avec de la Iciûre, dont tous les grains étoient parfaitement unis les uns aux autres. La crifaiide de cette chenille * efî du nombre de celles qui font remarquables par un double rang d’épines, qui fe trouve à la jonéîion de chaque anneau. Les épines font couchées parallèlement à la longueur du corps, de dirigées vers le derrière, ainli elles permettent à la crifa- lide, ou au papillon qui fe tire du fourreau de crifaiide, d’aller en avant; mais fi la crifaiide, ou le fourreau de crifaiide étoient pou (Tés en arriére, comme il peut arri¬ ver , lorfque le papillon fait des efforts pour paroître au jour, la crifaiide feroit arrêtée par ces épines. J’ai eu le papillon d’une de ces chenilles vers la mi-Mars, après avoir laiffé la crifaiide pendant près d’un mois dans la ferre du Jardin du Roy, & j’en ai eu un autre dès le 2 i Décembre , dont la crifaiide avoit été portée dans la même ferre le 2 1 Novembre. Cette féconde crifaiide avoit joui plutôt que la première d’un air chaud, &même d’un air plus chaud que celui dans lequel la première s etoit trouvée. L’un & l’autre papillon étoient mâles, & de la cinquième claffe des nodturnes *. Ce papillon porte de très-belles antennes à barbe, & il n’a pour toute trompe que deux petits filets blancs prefqu’imperceptibles. Il difpofe les ailes en toit ; le deffus des fupérieures efi blanc, piqué de points noirs, avec des veines noires, & quelques-unes jaunâtres; le defTous & le deffus des ailes inférieures effc blanc, & n’a que deux taches noires & quelques - unes brunes. Si 011 fe rappelle combien efî folide & dure la coque que fè conftruit la chenille qui donne ce papillon, qu’elle efî / D E S I N S E C T E S. VI. Ment. 273 eftuneelpece cle petite boiftede bois, & que je papillon qui naît dans cette coque 11’a que les mêmes organes que nous avons vûs aux autres, on fera porté à juger que l’ou¬ vrage de percer une pareille coque eft au-dcftus de les for¬ ces: mais apparemment que pour y parvenir il n’a pas be- foin d’autant de vigueur qu’il iefemble,il 11’a peut-être à agir que contre une coque aftes tendre. La chenille a lié enfemble les grains de bois avec une efpece de colle ; le papillon a apparemment une provifton fufhftante d’une liqueur propre à délayer la colle de l’endroit où il veut s’ouvrir un palfage. La nature de cette liqueur doit être finguliére ; je n’ai pas pu faire des expériences néceflaircs pour me la faire connoître ; mais celles que j’ai faites m’ont appris que cette liqueur n’eft ni purement aqueufe, ni inflammable, ou quelle n’eft pas telle que de l’efprit de vin. J’ai mis dans l’eau pure & dans l’efprit de vin affoibü, des portions de ces coques, elles ne s’y font point diiïoutes , elles 11e s’y font qu’un peu ramollies. J’ai eu trop peu des chenillesdecetteefpece, pouravoir pû faifirle moment où le papillon fortoit de fa coque, pour avoir pu m affiner qu’il jette la liqueur dont je viens de parler , & pour en examiner la qualité. J’ai été obligé même de tirer une de ces crifalides de fa coque, pour la faire deffmer. C’eftdans une des ifles de Charenton, derrière mon jardin, qu’on me trouva la première des chenilles du faule, dont je viens de parler. L’après-midi du même jour une nombreufe compagnie le rendit avec moi dans la même ifle; nous y vifitâmes avec grand foin les branches des fiules, fans parvenir à trouver aucune chenille de l’efpece decelie qui m’avoit été apportée; mais nous en trouvâmes une de la même claffe & du même genre, mais probable¬ ment d’une autre efpece *. En un mot, une qui ne diffère * PI - 2 -- fig. Tome II. .Mm 274 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE de l’autre que par Tes couleurs, &. parce qu’elle eft plus petite, quoiqu’elle l'oit encore une grande & fur-tout une groflè chenille. D’ailleurs les attitudes qui rendent l’autre remarquable, iont au tîî les attitudes ordinaires. Les cô¬ tés & le delfous de Ion ventre font du verd céladon, qui colore les mêmes parties de l’autre chenille; elle a aulîï de chaque côté la même raye blanche qui y fait des an¬ gles femblabies à ceux qu elle fait fur les côtés de l’autre ; mais de l’angle du milieu du corps il part une raye blan¬ che qui va le rendre près de la baie de la leconde des jambes intermédiaires de ce côté, entr’elle & la troifiéme. La partie fupérieure du corps comprife entre les deux rayes blanches en ziczac , elt d’une couleur canelle, au lieu que dans l’autre chenille cette même partie eÜ d’un verd fouetté de blanc ; l’intérieur de l’efpece de capuchon, ou de coëffe, dans laquelle la tête cft fouvent logée, efl encore couleur de rofe. Cette chenille avoit, comme l’autre , line queue four¬ chue formée par deux tuyaux qui étoient les étuis de deux * ^ cornes *. Un de ces étuis étoii plus long que l’autre, & ce n’a été encore que du plus long que j’ai vu fortirpîufeurs fois une corne. L’étui, le tuyau le plus long de celle-ci, étoit celui de la droite, au lieu que le plus long de l’autre, étoit celui de la gauche. Après que cette chenille eût bien mangé pendant huit à dix jours les feuilles de faule dont je ne la laiffois pas manquer, elle parut fè difpofer à fe mettre en crifalide; mais elle périt avant que d’avoir pu y parvenir, & avant même que d’être parvenuë àfe faire une coque. J’ai eu encore depuis une chenille de la même cfpece qui a péri fans faire fa coque; cette dernière me fut donnée par M. de Maupertuis avec deux autres de la première efpece; il les avoit trouvées toutes trois fur des laules. des Insectes. VI Mem . 275 Toutes les chenilles de la quatrième ciafie n’ont pourtant pas des attitudes finguliéres; j’en ai eu deux d'une petite elpece, trouvées à Reaumur fur lofer franc par M. Bazin, vers le commencement de Septembre, Si que j’ai nour¬ ries de feuilles de cet arbriffeau, qui fe tenoient ordi¬ nairement comme les chenilles des elpeces les plus com¬ munes. Ces petites chenilles * font remarquables parla *B. 22-%. longueur de leur queue fourchue*, qui égale au moins J Fi ^ celle des deux tiers de leur corps. C’eff unegrande affaire pour elles lorfqu’elles muent, que de^piitter la dépouille de leur queue; j’en ai vu périr une qui avoit tiré fa tète de fon vieux crâne, Si qui avoit dégagé tout Ion corps de là vieille peau, parce quelle ne put venir à bout de tirer là queue de Ion enveloppe: une autre a mué plus heureulèment chés moi, deux fois endifférens temps. Cette elpece de chenille eff encore caracfférilée par deux elpeces d’oreilles * quelle porte en oreilles de chat ; * Fi S- 3- chaque oreille eff pourtant un petit corps cylindrique qui 1 e termine par une pointe, Si il tire fon origine du pre¬ mier anneau. Ces chenilles n’ont point l’elpece de ca¬ puchon ou de coëffe charnue qui entoure le plus loin eut la tête de celles dulaule. Leur tète eff extrêmement greffe. Si fi grolfe, que quand la chenille la porte horilontale- ment, on la prendroit pour une elpece de corcelet, & on ne prendroit pour la tete, que la partie où les dents font attachées. Après la fécondé muë, fes côtés Si le deffous du ven¬ tre étoient d’un verd prefque citron, Si le deffùs du corps étoit prefque couvert d’une grande tache d’un brun fon¬ cé , de la figure d’une elpece de lozange, dont le grand diamètre étoit dirigé fuivant la longueur du dos : en d’au¬ tres temps de petites taches jaunes ont paru dans la tache brune. La tête Si la partie antérieure Si fupérieure l'ont brunes. M m ij 2 y 6 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE Les deux tuyaux qui forment fa queue , font encore les étuis de deux cornes que j’ai vû fortir de l’un & de l’autre; mais les cornes n’alloient pas loin par-delà l’étui ; elles étoient blancheâtres. Ces chenilles font péries chés moi avant que de s’être mifes en crilàlides. Le chêne m’a fourni encore une chenille de la claffe ♦ PI.22. fig. de celles qui ont quatorze jambes*, & à qui les deux î- poflérieures manquent , mais d’un genre particulier , & très - aile à diftinguer des genres précedens. Celle-ci a * Fig. 4. & une queue *, mais cette queuë eft Simple; quoiqu’elle pa- î’ c. roilfe faite d’un de ces tuyaux qui fervent d’étui à une corne, j’ai lieu de croire que ce n’eft pas l'on ufage ; ja¬ mais je n’en ai vû fortir de corne charnue, & le bout même du tuyau m’a paru fermé. Celle-ci c ft encore lin— guliére par Ion attitude la plus ordinaire, qui doit lui faire donner le nom de cheval marin. Dans l’attitude dont nous parlons, elle reïïêmble beaucoup à l’inlééfe de mer à qui les naturalises ont donné ce nom; là tête defcend alors plus bas qu’elle ne defcend dans la fig. q. pl. 22. Sa couleur eft feuille-morte, mais elle a diffé¬ rentes nuances de cette couleur fur différens endroits de fon corps. De la partie Supérieure de fon quatrième an¬ neau, il s’élève une pyramide charnue qui fe termine par deux pointes, parce que fon bout Supérieur eft refendu; la partie Supérieure de la tête eft auffi refendue. Dans les premiers jours d'Oétobre cette chenille s’at¬ tacha au couvercle du poudrier dans lequel je l’avois mife; elle s’y renferma dans une coque de foye jaune affés fournie de fais, mais d’un tiffu lâche. La crifàlide, au lieu d’un papillon, n’a donné qu’une longue mouche, dans la¬ quelle s’étoit transformé le ver qui avoit mangé l’inté¬ rieur de cette crifalide. Vers la mi-Juin, on m’a trouvé fur l’aubepine une DES Insectes. VI. Mem. 277 chenille du même genre que la précédente, & qui lui reffembloit alTés par fes couleurs*. J’ai pourtant recon¬ nu qu’elle étoit d’une efpece différente, parce qu’elle a fur le dos deux tubercules coniques en manière de cor¬ nes, placés dans le même endroit où l’autre chenille a un feui tubercule refendu. Auffi cette chenille de l’é¬ pine s’eft - elle conftruit avant la fin de Juin une coque très-différente de celle que fe conftruifit la chenille du chêne; elle lui a donné une figure conique *; elle l’a recouverte de feuilles d’épine; elle en a fait le tiffu très- ferré & d’unel'oye brune; fur ce tiffu ferré on voit des efpeces de cordons de foye, qui imitent les greffes fibres ou les greffes nervures des feuilles. Vers la fin de Juillet il eft forti de cette coque une petite phalene dont les ailes étoient dérangées lorfque je la vis. Leur couleur & celle du corps étoient blancheâtres; du reftece papillon ne me parut avoir rien de remarquable. EXPLICATION DES FIGURES DU SIXIEME MEMOIRE. Planche XX. La Figure 1, efi celle d’une chenille du troëne, repré- fentée dans l’attitude qui lui mérite le nom de fphinx. La Figure 2, eft celle de la même chenille étendue. La Figure 3, eft celle de la crilalicie de la chenille repré- fentée fig. 1. & 2. La Figure q, eft celle du papillon qui fort delà crifalide de la fig. 3. repréfenté ayant lès ailes écartées du corps. La Figure 5, repréfente une petite chenille dont les Mm iij PI. 22. fig. ' Fig. 7 . c. 278 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE jambes de la t roi berne paire i, ne font pas lemblables à celles des deux premières paires. La Figure 6, fait voir en grand une des jambes de la figure 5. qui ne font pas lemblables à celles qui les précèdent, a, la partie de la jambe qui s’attache au corps. b b, la partie de la jambe qui eft très-renflée, c, deux cro¬ chets par lefquels la jambe ou le pied eft terminé. La Figure 7, efl celle d’une chenille du chêne, repré- fentée dans l’attitude qui lui efl le plus ordinaire; c’eft- à-dire ayant toujours fa tête appliquée contre un de l'es côtés. La Figure 8, fait voir la coque quefe conflruit la che¬ nille de la fig. j.-pourfe métamorphofer en crifalide. Les Figures 9, 10, &. 1 1, repréfentent une même che¬ nille, qui vit des feuilles du chêne & de celles du tilleul. Dans la figure 9, elle efl étendue, comme les chenilles les plus communes le font ordinairement. Les figures 10, & 1 1, la font voir dans l’attitude où elle eft dans tous les temps de repos, ayant la tète plus ou moins renverfée fur le dos. La Figure 12, eft celle de la coque que fe fait la che¬ nille des figures précédentes, en liant enfemble des grains de terre. La Figure 13, eft celle du papillon qui vient de la chenille des fig. 9, io,& 11. La Figure 14, eft celle d’une chenille à demi-velue, qui a des poils d’une figure finguliére. La Figure 1 5,eft celle d’une touffe dcsdifférens poils de cette chenille ; cette touffe eft vûë à la loupe. La Figure 16, eft celle d’un des poils de cette chenille. des Insectes. VI. Mem. 279 de ceux qui fe terminent par une palette ; il cfl vu au microfcope. La Figure 17, eft celle d’un des poils, vu encore au microfcope. Une pointe fort du milieu du boid de la palette de celui-ci. La Figure 18, eft celle d’un poil de la même chenille, gro(Ti encore par le microfcope ; il eft de ceux qui lont faits en fer de pique. Planche XXI. La Figure 1, eft celle d’une chenille de la quatrième claffc, qui vit fur lefaule ; elle eft représentée dans l’attitude où elle fcmble être fans tête, parce qu’elle a retiré la fienne fous le premier anneau, ec , les cornes écailleufès qu’elle porte au derrière, ou plus exactement, les étuis des deux cornes charnues, f g, la partie d’une corne charnue que cette chenille a fait fortir de l’étui e. Il refte enco¬ re dans cet étui une portion de corne charnue, plus longue que celle qui en eft dehors. La chenille peut jetter cette corne de différais côtés ; au lieu qu elle la jette ici par-delà fon derrière, elle la peut jetter du côté de fa tête, jufqu’affés près de laquelle elle la peut por¬ ter; d’où il eft aifé de juger de la longueur que la chenille peut donner à cette corne. La Figure 2, eft celle de la même chenille vue du côté du ventre, la tête embas, & qui fe tient cramponnée fur une petite branche de faule, dont elle a mangé toutes les feuilles, r, cette branche de faule qui paffe tout du long du milieu du ventre de la chenille, ec, les deux cornes écailleufes qui font appliquées l’une contre l’autre. La Figure 3, repréfente la même chenille dans une 2 8 o MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE attitude, & dans une pofition où elle laiffe voir fa tête, quoiqu’elle loit logée dans une efpece de capuchon char¬ nu. ec, Tes deux cornes écailleufes. La Figure 4, eft celle du bout du derrière de la che¬ nille des figures précédentes, grofli à la loupe, q, cha¬ peron charnu qui recouvre l’anus. rf } deux efpeces de petites cornes charnues qui partent de deflous l’anus, cc, les cornes écailleufes qui font hériflees d’épines, ou depi- quans. fhg, corne charnuë, efpece de fouet charnu qui eft forti de l’étui c. La partie fh, eft verdâtre, & la par¬ tie hg, eft pourpre. La Figure 5, eft celle de la crifalide de cette chenille, yûë du côté du ventre. La Figure 6, repréfente un morceau de bois un peu pourri b da, au-deffous duquel & dans lequel la chenille fit la coque, cc, la coque, ff, quelques feuilles de faule. La Figure 7, fait voir le morceau de bois de la fig. 6. retourné, & la coque ouverte, a b, la furface du morceau de bois, q, partie de la coque qui eft dans le morceau de bois qui a été creufé. La Figure 8, eft celle d’une autre coque c , faite fur le deffus d’un morceau de bois. L’ouverture o, qui paroît à cette coque, eft celle par laquelle lepapillon eft forti.Ces coques font auffi dures, & plus dures que le bois dont elles font faites. Les petits fragmens de bois qui lescom- pofent font exactement appliqués & collés les uns contre les autres. La Figure 9, eft celle du papillon vu par deffus, & dont les ailes fupérieures laiffent à découvert une partie des in¬ férieures. La Figure 1 o, fait voirie même papillon de côté. Planche des Insectes. VI Ment . 2 81 Planche XXII. La Figure 1, efl celle d’une chenille du huile, du meme genre que la chenille qui efl gravée pl. 2 1. hg. 1. & 2. mais eile efl plus petite , & probablement d’une autre elpece ; il fe pourrait pourtant faire .quelle ne différât de l’autre qu’en léxe. L’attitude finguliére dans laquelle elle efl re- préfentée, efl commune à ces deuxefpeces de chenilles. e, c, fescornes écailleufes. fg, corne charnue quelle fait fortir pour s en lervir comme d’un fouet , pour chaffer les mouches qui fe pofent fur fon dos. L’ufage de cette partie efl plus important qu’il ne le paroît ; .combien de chenilles de toutes elpeces périffent chaque année, ou ne parviennent pas à fe métamorphofer en crifàlides, ou en papillons, parce quelles ne peuvent pas chaffer les mou¬ ches qui viennent fe pofer fur leur corps! C’efl ce que nous verrons dans le onzième Mémoire. La Figure 2, efl celle de la meme chenille de la fg. i.vuë par deffus, & repréfentéeétendue, &marchantcomme les chenilles ordinaires. la tete. c,e, les étuis de fes cornes charnues. La Figure 3,efl encore celle d’une chenille de la qua¬ trième claffe, qui a au derrière deux longues cornes c,c, qui font les étuis de cornes charnues. Elle vit fur lofer, & efl très-petite. 00, elpeces d’oreilles de chat qu’a cette chenille. La Figure q, eft encore celle d’une chenille deîaqua- triéme claffe, mais d’un autre genre que celles dont 011 vient de parler. c,fi queuë qui n’eftpoint fourchue; elle ne fert point d’étui à une corne charnue. Cette chenille efl celle que j’appelle le cheval marin. Elle prend des atti¬ tudes dans lefquclles elle reffemble plus à ce petit animal Tome IL . N n 282 MEMOIRES POUR L'HîSTOIRE de mer, qu’elle 11’y reffemble dans celle de cette fig. 4. La Figure 5, eft celle de la même chenille étendue,& & qui montre fa tête. La Figure 6, eft celle d’une chenille du même genre que celle des fig. 4. que j’ai trouvée fur l’aubépine. La Figure y, eft celle d’une feuille d’aubépine, fur la¬ quelle eft la coque conique c , que la chenille de la fig. 7. y avoit filée. Les Figures 8, 9, 10, 11 & 12, repréfentent, en diffé¬ rentes attitudes, cette chenille de Tôlier que nous nom¬ mons le ziczac. La Figure 13 , eft la crifaiide de cette chenille vue du côté du ventre. La Figure 14, repréfente le papillon delà chenille zic¬ zac , vû de côté, portant fes ailes en toit. La Figure 1 5, repréfente le même papillon de la figure précédente, vûpar deffus le dos. Ses antennes paroiffent dans cette fig. 1 5. La Figure 16, comme la fig. 14, fait voirie papillon de côté, mais dans une attitude où il redrcffe fies ailes, qui laiiïent alors fon coips à découvert. O11 peut remar¬ quer dans les trois figures précédentes, que ce papillon eft de ceux qui ont les jambes extrêmement velues. St*rj? mvea.iL \ fmu?nneau. ifcu.li? n.>w* F'u,.r . urt IL i des Insectes. VIL Mem. 2 83 SEPTIEME MEMO IR E. DE QUELQUES PAPILLONS SINGULIERS, S Ç A V O I R, Du papillon paquet de feuilles féches , du papillon à tète de mort, dp des petits papillons de l’éclair dp du chou. A La fuite des chenilles finguliéres par leurs formes, ou par leurs attitudes, nous croyons pouvoir don¬ ner place à un a des grand papillon noélurne, qui n’eft pas remarquable par la beauté de fes couleurs; il efrtout brun ; mais il efi remarquable par la figure fous laquelle il paroît lorfqu il eft en repos; il femble alors un véritable paquet de feuilles féches*. Tout concourt à faire pren¬ dre cette idée à qui le voit pour la première fois ; fa couleur eft précifément le brun un peu rougeâtre d’une feuille d’orme féche. Ses ailes fupérieures qui couvrent tout le corps, au-deffus duquel elles forment un toit, ont des nervures qui par leur efpece de relief & par leur difpofition imitent fort celles des feuilles ; leur con¬ tour fupérieur elt dentelé *, comme l’eft celui de plufieurs feuilles. Les ailes inférieures * débordent beaucoup les fupérieures, & ont de même & la couleur & les ner¬ vures & les dentelures des feuilles. En devant de la tête, il a une efpece de bec pointu * formé par les deux barbes, ou tiges barbues, qui fe réunifient - là l’une contre l’au¬ tre ; elles femblent être le bout du pédicule d’une des feuilles. Les antennes * couchées lur chaque côté du corcclet, & qui vont jufqua l’origine des ailes, paroi fient N n ij * Pi. 23. fîg. 1. & * Fig. 1. & 4 - ff * cae. *p. * b c. 284 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE être la continuation du pédicule d’une feuille. Enfin, fans expliquer davantage lur quoi la reffemblance eft fon¬ dée, il eft lur que quand on voit ce papillon, & qu’on ne fçait pas qu’il eft un papillon , on le regarde fans fie douter qu’il en foit un. Je préfentai le poudrier où il y en avoit un, à plufieurs perfonnes dont les yeux font ac¬ coutumés à oblcrvcr les productions de la nature; je leur demandai ce qu’elles voyoient ; & après avoir bien re¬ gardé Si bien vû, elles me répondirent que ce que je leur rnontrois étoit un paquet de feuilles féches; c’eft aulll le nom qui doit lui refter. Ce papillon, fingulier par fit forme, n’eft pas extrê¬ mement rare dans ce pays ; mais comme de tous les noélurnes il eft peut-être un des plus tranquilles pen¬ dant le jour, & que quand il eft tranquille on le prend pour toute autre chofc que pour un papillon , il n’eft pas étonnant qu’on ne le trouve pas dans la campagne. La chenille d’où il vient ne cherche pointa cacher la coque quelle fie fait pour fie transformer ; cette coque eft fort longue , Si fouvent pointuë à un des bouts à tel point, que fi l’autre bout étoit plus applati, elle auroit une fi- * Pl.23.fig.. gnre à peu près conique *. Labafie de la coque eft d’une 5> fioye grifâtre, mais des poils entrent dans fa compofition ; fion tiffu eft médiocrement épais & ferré ; auffii n’eft-elle pas dure; mais fon intérieur eft entièrement poudré d’une djaece de farine qui bouche les vuides que les fils lai fient entr’eux. Cette poudre blanche s’y trouve en auffi grande & plus grande quantité, que la poudre jaune dans les * Tome I. coques des chenilles appellées livrées *. La crifiiiide elle- jufvunes '^ m< -' me ^ ont - :l forme n’a rien de fingulier. Si dont la couleur propre eft fiemblable à celle du commun des crifalides, a fies anneaux tant du cè>té du dos, que du * Fig. c. & côté du ventre, entièrement blancs*. O11 voit qu’ils ne 7 " des Insectes. VIL Mem. 285 doivent leur blancheur qu’à une couche de farine dont ils font couverts. La chenille avant que de le transfor¬ mer en crilàlide , jette apparemment une affés grande quantité d'une bouillie blanche par faillis, comme la chenille livrée jette une efpece de bouillie jaune. Eile en enduit probablement les parois de là coque , com¬ me l’autre enduit les parois de la fienne , de la bouillie jaune. Cette bouillie le lèche, & devient une poudre blanche qui s’attache au corps de la crilàlide encore humide, lorfqu’etle vient de fedéfaire de Ion fourreau de chenille , & lorfque les mouvemens qu’elle fe donne alors lui font toucher les parois de la coque. Voilà ce que l’a¬ nalogie nous conduit à, juger de l’origine de cette poudre. Je tirai une de ces crilàlidcs de la coque vers le 1 y. Juillet. Quelques jours auparavant un des papillonspaquet de feuilles lèches ètoit déjaforti chésmoi delà fienne. Le tiedus du corcelet de cette crilàlide ètoit fendu*; je crus * PI- 23 que le papillon alloït en fortir fur le champ, néantmoins 6 ' le jour luivant il ètoit encore renfermé fous fon enve¬ loppe de crilàlide. Je craignis alors qu’il n’eût pas eu la force de s’en tirer, & qu’il ne fût près d’y périr. J’entre¬ pris, pour ainft dire, cet accouchement; j’emportai peu à peu par pièces tout l’habit de crilàlide, & je parvins à en dépouiller entièrement le papillon, fans lui avoir fait aucun mal. Dégagé defes enveloppes, il parut libre & vi¬ goureux. Pendant cette opération, je me confirmai ce que ) avoisdéja vû,& que j’ai rapporté ailleurs, que chacune des parties extérieures du papillon a des enveloppes parti¬ culières, pendant qu’il eft fous la forme de crilàlide. Je vis très - diftinéiement les efpeces de gaines d’où je tirai les antennes*. Le papillon que je venois de mettre au jour, *pig. g. quoique fort, reda plus d’une heure fans que les ailes pa¬ nifient fe développer; je croyois 1’ayoir fût naître trop Nmij 286 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tôt; mais au bout de ce temps les ailes commencèrent àfe piiffer, à le chiffonner, c’elt à-dire, à le déployer, comme nous avons expliqué que lé déployent celles des Tom. /. autres papillons *. Elles prirent leur véritable forme, & le Mém. 14.. papillon le mit dans fou attitude lingulicre. Celui-ci * Pi. 23. fi . étoit un mâle *, qui ne différoit de la femelle, qu’en ce 4 - qu’il étoit plus petit, & en ce que fur le brun de feuille lèche de fes ailes, il y avoit des ondes noires qui n’é- toient pas fur les ailes de la femelle. J’ai eu les œufs de trois de ces papillons femelles, mais qui n’ont point donné de chenilles, parce qu’ils n’avoient pas été fécondés par l’accouplement. Ce lont de petites * Fig. 13. & boules*, dont la couleur dominante eft un bleu tel que 16 ‘ celui qui a été un peu trop épargné fur la fayence. Deux bouts oppolés font d’un brun noir, & deux ou trois cer¬ cles du même brun parallèles entr’eux, & parallèles à ces bouts, entourent l’œuf, & le rendent un très - joli œuf, qui femble être de fayence. Le papillon paquet de feuilles féches appartient h la cinquième ciaffe des phalène^ ; il n’a point de trompe fenfiblc, & il a des antennes à barbe, fl vient d’une des * Fig. 10. plus grandes chenilles de ce pays *, elle a jufqu’à quatre pouces de longueur, & environ fept lignes de diamètre; on en trouve de plus petites, qui font celies apparent- .. ment qui donnent des papillons mâles. C’ell dans nos jardins qu’il faut chercher ces chenilles, elles vivent des feuilles de poirier, & de celles rie pefeher. Celle que j’ai fait repréfenter pl. 23. fig. 10. m’avoit été donnée par M. du Elamel, & elle lui avoit été envoyée pour moi par M. de Nainviliiers fon frere, qui l’avoit trouvée fur un pefeher de fon château de Nainviliiers, près Pluviers. Dès que je l’eus reçue, je lui donnai des feuilles de poirier qu’elle parut trou¬ ver très-bonnes. M. de la Hire grand aüronome & grand des Insectes. VIL Mem. 287 géomètre, étoit encore un attentif obfervateur Je toutes les productions de la nature; il a ramafle avec loin pen¬ dant plufieurs années les chenilles des environs de 1 Of> lérvatoire; il tenoit un journal où il décrivoit celles qu’il avoit trouvées; il fçavoitdefliner& même peindre, à côté de la courte defcription il elquilbit l’infeéfe. Ce manuf- crit de M.de la Hire a palfé dans les mains de M. du Fay , qui me l’a remis. Il y eft fait mention de la chenille du pa¬ pillon paquet de feuilles lèches. M. de la Hire dit qu’on lui en apporta une le 20. Juin 1688. qui avoit près de quatre pouces de longueur, qu’on avoit prife fur un poirier dé bergamotte dont elle mangeoit les feuilles. Quelques jours plus tard on lui apporta quatre chenilles de la même clpecc, mais un peu moins grandes, dont trois avoient été trouvées fur un poirier, &la quatrième fur un pefcher. Cette grande chenille eft de îaclalfede celles à leize jam¬ bes , & peut être placée parmi les demi-velues. Sa couleur dominante elt un gris de fouris , qui tire un peu fur le cen¬ dré, qui tient moins de l’ardoifé que le gris de fouris ordi¬ naire, c’ell la couleur du defliis Je fon corps. Le delfous, le ventre elt d’un feuille-morte mêlé avec des taches d’un brun plus foncé. Elle porte fur le pénultième anneau une corne * alfés courte, & de fubftance charnue. Plufieurs * PI - 2 3 -%* I O. C* particularités peuvent aider à faire reconnoître cette che¬ nille. Dans la ligne qui marque la féparation de la partie fupéricure, & de la partie inférieure, il part de chaque an¬ neau un appendice charnu *, dirigé perpendiculairement à * FFF ■ &c - la longueur du corps, & terminé par une pointe moufife. A fia bafe, cet appendice a moins d épaiffeur que de largeur, Ion contour eft bordé d’aftes grands poils roux : de pareils poils partent aufli du corps dans les intervalles des appendi¬ ces. Les deux appendices* les plus proches de la tête,ont *°o>- quelqu’air de deux oreilles. Les poils du deiïùs du corps 288 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE font courts, on neJes voit bien qu’à ia loupe. Elle en a pourtant de plus longs, Sc qu’elle ne montre qu’en certains temps, qui font très-propres à la caraétérifer; c’eft princi- * Pi. 23. fig. paiement à la jonction du premier anneau * avec ie lecond. 10. a . j{« Fi». qu’ils fe trouvent; il y en a aulli de ceux dont je veux par- * l' 1er, à la jonction du fécond anneau * avec le troiliéme. Quand la chenille courbe fa partie antérieure embas, les jonctions de fespremiers anneaux,qui ibnt cachées lorfque la chenilleeft Amplement étendue, font alors à découvert; elles lé font remarquer parleur couleur, qui eft d’un bleu Toncé, mais beau. C’eft alors aulli que parodient des poils * Fig. 11. de même couleur, & de figure finguliére *. La partie par laquelle ils fe terminent, relTemblcroit très-bien à un fer de I3 , pique, fi elle étoit aulfi platte, mais elle elt pins renflée *. A la jonélion du premier anneau il y a une frange de pa¬ reils poils: elle elt cachée quand les anneaux font autant appliqués l’un contre l’autre, qu’ils peuvent l etrc,& elle eft à découvert quand les anneaux s’écartent l’un de l’autre. Il y a encore de ces poils finguliers, mais en moindre quantité, à la jonction du fécond anneau avec le troifiéme. Entre les deux anneaux dont je viens de parler, il y a encore d’autres poils d’une fîruéture particulière , Si qui m’ont échappé pendant que j’obfervois la chenille vivante. Ceux en forme de pique s’étoient apparemment làifis de toute mon attention. C’elt dans la première enveloppe de la coque que j’ai trouvé les poils de la fécondé efpcce, Si leur couleur bleue, comme celle des poils en fer de pique, me perfuade qu’ils font auffi placés dans les jon¬ ctions du premier anneau avec le fécond, Si du fécond avec le troifiéme. Ces nouveaux poils, font des poils * Fig. 12. compofés* ; ils font desefpeces de poils en plume , ou en duvet, ou, plus exactement, ils font un paquet de poils, qui a tantôt la forme d’un petit balay , tantôt celle d’une * PI. 23. fig. I 2. Fig- I 4 " Des Insectes. VII. Al cm. 289 d’une palme *. Deux taclies blanches de figure triangu¬ laire le font remarquer fur la partie Jupérieure du fécond anneau. On apperçoit de plus fur la partie fupérieure c!e chaque anneau deux tubercules roux, chargés chacun de poils de médiocre grandeur. A la jonélion des anneaux, il y a des efpeces de cordons charnus, qui 11e font pas fi diflinélsà beaucoup près fur les anneaux des autres che¬ nilles. La tête eu bleuâtre , & paroîtroit bleue, fi elle n’étoit pas garnie de quantité de poils roux. La peau de cette chenille mérite d’être obfcrvée à la loupe, elle ne paroît qu’un rézeau*. Sa tiffure eftfembla- ble à celle d’une éponge fine. On trouve auffi la chenille de ce papillon parmi les infeeles d’Angleterre, qu’AIbin adonnés au public. Dans la même planche où il a repréfenté la chenille, il y a auffi repréfenté ion papillon dans une attitude affés finguliére, dans laquelle il a cependant l’air d’un papillon, & qui n’efl pas celle qui lui clt le plus ordinaire. Entre les papillons que nous avons cités pour exemple deceux qui appartiennent à la première claffe des phalènes, efl celui qu’on appelle à tête de mort *, parce que la trille figure de cette tête fe trouve affés bien deffinée fur fon corcelet. Lorfqu’on confidére ce papillon *, on efl frappé 2. de cette reflemblance.;& nous avons dit que lepeupled’une * Pi. 24-fig. grande Province du Royaume nel’avoit que trop remarqué; que le peuple de Bretagne efl allarmé dans les années où il voit de ces papillons. Il les regarde comme les avant-cou¬ reurs de maladies épidémiques & peflifentielles. Un Curé de Bretagne l’a décrit, ce papillon, dans le Mercure de France, Juillet 1730. comme revêtu de tout ce qu’une pompe funèbre offre de plus trille, les ailes lui ont paru marquetées comme une efpece de drap mortuaire. Mal- heureufement ce papillon a encore une fingularité qui a Tome II . Oo * Ton. T. 2C)0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE concouru avec l’autre, à le faire prendre pour un préfage funelte. Des riens font capables de faire de grands dérange- mens dans des imaginations qui aiment .à s’effrayer. Les papillons, au moins tous ceux que je comtois, font les plus muets de tous les animaux; s'ils font du bruit, ce n’cft qu’avec leurs ailes, & cela pendant qu’ils volent. Celui- ci dans le temps qu'il marche, a un cri qui a paru funèbre au moins effil le cri d’une bonne ante de papillon, s’il gé¬ mit des malheurs qu’il annonce. Ce cri, aurefte, mérite d’être examiné par les phyficiens; dès qu’il ell particulier aune efpcce de papillon, il demanderoit feul que nous re- priffionsi hilloire de celle-ci, que nous n’avons qu’ébau¬ chée dans le i. vol. Ment. 7. Le cri de notre papillonclt affés fort& aigu; il a quelque reffemblance avec celui des fouris , mais il eft plus plaintif; il a quelque chofe de plus lamentable. C’eft fur-tout lorlque le papillon marche,ou qu’il fe trouve mal à fon aile, qu’il crie ; il crie dans les pou¬ driers , dans les boiftes où on le tient renfermé ; les cris redoublent lorfqu’on le prend, & il ne ccffe de crier tant qu’on le tient entre les doigts. En général il fait grand ufa- ge de la faculté de crier, que la nature lui a accordée. Nous ne connoiffons point encore d’infeéïcs qui ayent l’organe de la voix. S’ils nous font entendre des Ions,, des bruits qui imitent ceux de la voix, ces fons font pro¬ duits par les frottemens réitérés de quelques-unes de leurs parties extérieures contre quelques autres de ces mêmes parties. J’ai déjà dit dans le mémoire cité ci-deffus, que le cri de notre papillon n’eft pas dû à une autre caulê. J’ai dit dans le même Mémoire, que j’ignorois quelles étoient les parties qui, par leur frottement, preduifeient ce bruit, j’ai eu depuis occafion de l’examiner fur piu- fieurs de ces papillons. 11 m’a été ailé de reeonnoître que les frottemens des ailes les unes contre les autres, des Insectes. VIL Mem. 29 1 que les frottemens des ailes contre Je corps, ou contre le corcelct , & qu’enfin les frottemens du corps contre le corcelet, ni ceux tic quelques anneaux les uns contre les autres, n’avoient aucune part à ce cri. Les efpeces de cris connus d’un grand nombre d infectes, comme ceux de certaines fautereiles, ceux tles grillons, ceux des cigales, ceux de plufieurs fearabés de difiérens genres, lont dus à quelques-uns des frottemens que je viens d’indiquer. Mais j’avoisbeau tenir les ailes, le corps & le corcelet du pa¬ pillon afïlijettis, il n’en crioit pas moins, il n’en crioit même que plus fort. De tous les infectes il eft celui qui feroit le plus propre à faire prendre fon cri pour une vé¬ ritable voix; car le cri paroît partir du même endroit d’où partent ces fortes de ions. La trompe eft, à proprement parler, la bouche du papillon; fa trompe de celui-ci eft cpaift'e, & ailes courte, elle forme au plus deux tours de fpiraie; elle eft logée entre deux barbes, entre deux tiges barbuës. C’eft de l’endroit où eft placée la trompe , que fort le cri ; c’eft de quoi il m’a été ailé de m’aftùrcr : il me l’a été en même temps de reconnoitre qu’il étoit produit par les frottemens des tiges barbuës*contrc la trompe.Cha- cune d’elles eft un cordon plus large qu’épais, une efpece de lame qui fe termine par un pédicule dont l’infertion Si l’attache font dans le deftous de la tête. Ces lames font pofées de chan; la courbûre d’un de leurs côtés eft telle que ce côté s’applique exactement contre la tête le long de laquelle la lame s’élève; ainli ce côté, qui eft, à pro¬ prement parler, l’intérieur, eft concave, pendant que le côté extérieur eft convexe. Ces lames font deux cloifons, entre lefquelles la trompe eft logée ; elles font exactement appliquées contre la tête, mais ce 11’eft qu’à leur origine qu’elles lui font adhérentes. Un des bouts du rouleau formé parla trompe, eft touché par une de ces cloifons. Si l’autre l’eft par l’autre. O o ij * PI. 24. fîg. 7. b b. * PI. 2J r . flg. 6 . ;. * Fig. 7. b b. 292 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRÊ Pendant que jetenoisle papillon affujetti, pendant qu’il crioit le plus fort qu’il lui étoit poffibie, j’ai pallé une épingle dans le centre du rouleau, j’ai étendu la trompe*. Quand la trompe a été bien étendue, quand elle n’a plus été entre les cloifons barbues, le papillon a été en¬ tièrement muet, il n’a pas fait entendre le moindre cri. J’ai enluite abandonné la trompe à elle-même; elle s’eft roulée fur le champ , le rouleau s’eli logé entre les bar¬ bes , 6c fur le champ la voix 6c la forte voix elt revenue au papillon. Pour m’affûrer plus pohtivement que ce n’é- toit pas de la trompe que ce bruit partoit ( car roulée, elle en auroit pu faire un quelle ne failoit pas étant étendue ) ; j’ai palfé l'épingle fous les deux bouts fupé- rieurs des cloifons barbues, c’eft- à-dire entre ces cloi¬ fons 6c la tête * : en éloignant enluite 1 épingle de la tête, je tirois les deux barbes en-devant, je les éloignois de la trompe, je mettois à découvert les deux bouts de fon rouleau. Quand donc les bouts de la trompe n’étoient plus ni cachés, ni touchés par les cloifons barbues, le papillon ne faifoit plus entendre de cri. Enfin j’ai écarté de la tête une feule cloifon , 6c j’ai Jaiffé l’autre en place, je n’ai découvert qu’un bout de la trompe; le cri alors a continué, mais il a été plus foible , moins fourni. Il efl donc certain que c’eft 6c de la trompe 6c des deux barbes entre Jefquclles elle cft, que dépend le cri de ce papillon, 6c dès qu’on fçait que cela doit être, on voit en partie comment cela eft; on eft attentif à obfervcr les barbes, 6c on remarque que pendant que le papillon crie, elles ont chacune des mouvemens affés prompts qui les éloignent un peu , 6c qui les rapprochent alternativement du rouleau. Elles fe meuvent parallèlement à elles-mê¬ mes en avançant vers le milieu de la tête, 6c enluite en s’en écartant un peu. Voilà les mouvemens néceffaires / d e.s. Insectes. VII. Alem . 293 pour produire les frottemens d’où naît le cri. Le vrai eft néantmoins, que j’ai inutilement tenté de frotter une épingle contre un des bouts du rouleau de la trompe, je ne fuis point parvenu à produire de cri ; mais apparemment que le papillon ménage mieux les fret' temens que je n’ai fçu les ménager. J’aurois été difpofé à croire que l’air, pour produire ce bruit, demandoit à être renfermé entre les cloifons & la trompe, fi le bruit ne fe fût pas fait entendre lorfque je tenois une des lames éloignée de la tromj)e. Au-deflous de la trompe à fon origine, il y a une membrane tendue qui peut bien avoir part au bruit. Je ne me lafferai point de répéter que nous devons nous attendre que dans les plus petits fujets, il refiera toujours quelque choie que nous ignorerons. La membrane dont nous venons de parler, paroît per¬ cée au -deffous de la trompe, de deux trous dont l’ulàge m’efl abfolument inconnu. La trompe de notre papillon à tête de mort, n’eft pas faite comme les trompes longues & plaites par lefquelles pafîe le fuc nourricier,& par lefquelles le papillon refpire l’air. Ces groffes trompes ne ferviroient- clles que de conduit au fuc des plantes, les deux trous don- neroient ils entrée ou fortie à l’air dans le corps du papillon! Nous avons dans ce pays des phalènes dont les ailes ont plus de furface que celles de la phalene à tête de mort; mais je 11e crois pas que nous en ayons dont le corps ait plus de volume & de maffe. Ses couleurs dominantes font un brun noir & le feuille-morte; fa tête eft noire; fes antennes font de celles que nous avons appelléesprif- matiques. Leur port a été mal repréfenté dans la fig. 2. pl. ]q. tome I. Le papillon avoit perdu les bennes lorfqu’on iedeffina; leur direction eft fou vent plus perpendiculaire à la longueur du corps* du papillon , qu’elle ne l’eft dans ia fig. 4. pl. 24. Une de leurs faces la plus large, eft * PI. 24.. s- 294 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE couverte de poils très-courts, diipolës fur différentes li¬ gnes, comme les dents des limes, appellées râpes; cette même face eft quelquefois blancheâtre ou jaunâtre,le refte eft brun, excepté la pointe de l’antenne qui eft blancheâtre. Toutes les parties du corps, & fur-tout le ventre & le cor- celet font bien fournis de poils ; le deffus du corcelet eft d’un noir, ou plutôt d’un gris de maure-velouté ; mais la tache qui fournit le fondée les contours de la figure de la %. tête de mort *eft feuille-morte, & ce l'ont des points & de petits traits noirs qui achèvent de deffiner la figure de cette efjaecc de tête fur le fond feuille-morte. Tout du long du corps régné une large raye d’un violet prefque noir; les endroits de chaque anneau , fur ldqucis cette raye ne paffe point, font feuille-morte ; il v a encore du noir fur les côtés, & il y en a encore dans le creux du filion formé parla jonction de chaque anneau; ce nëft que là qu’on voit du noir fur le ventre, tout le refte eft feuille-morte. Le deffous du corcelet,édes poils qui font fur la partie fupérieure des jambes ou fur les cuifles, font àuffi e!e cette couleur ; mais le refte des jambes eft noir & poin¬ tillé de jaune. Le fond de la couleur du deffus des ailes fu- périeures eft encore un gris demaure-nué : dans quelques endroits il v a des ondes & des taches d’un velouté noir, j mais les taches & les ondes qui s’y font le plus remarquer, font celles qui font jaunâtres. Le deffous de ces mêmes ailes eft feuille-morte, mais vers la bafe ce feuille-morte eft rayé de noir; une raye noirepofée un peu plus près de la bafe que de l’origine de l’aîle, part du côté exté¬ rieur, & va prefque jufqu’au côté intérieur. Le fond de ja couleur des ailes inférieures eft encore un jaune feuille- morte, fur lequel fe trouvent deux raves noires à peu près parallèles à la bafe de l’aile,*celle qui en eft la plus proche eft dentelée. des Insectes. VIL Mem. 295 C’ell encore de M. du Hamel que j’ai eu les premières chenilles*, defquelles font venus ch es moi des papillons à tête de mort. Il m’en donna à la lois kpt de cette clpece, que M. Ton frere avoit trouvées à la Terre de Nainviiliers lur un jafmin, des feuilles duquel elles le nourrifloient. Lorfque je les reçus, le 16. Juillet, le temps où elles dé¬ voient le métamorphofer étoit prochain , ainlî leurs cou¬ leurs pouvoient être altérées ; cependant un beau jaune d’une nuance plus haute que le citron, étoit étendu fur prel- quetout leur corps ; elles avoient de chaque côté fur leurs anneaux, excepté fur les trois premiers, une de ces longues taches en manière de boutonnière , & pofées oblique¬ ment, dont chacune etoit d’un beau verd; leur moitié la plus proche de la tête étoit pourtant d’un verd plus pâle que l’autre. La partie fupérieure de tous les anneaux qui avoient des boutonnières, étoit picquée de points d’un verd prefque noir, mais les trois premiers anneaux étoient purement jaunes.Le devant de la tête étoit du même jaune que le relie, mais il étoit bordé de chaque côté d’une bande d’un brun prefque noir. Cette dernière couleur étoit aulfi celle des jambes écailleufcs. La corne * que cette chenille portelur Ion derrière, eli remarquable parla cour¬ bure, elle fe tortille vers le deffus du corps, comme les queues de quelques chiens. Vûë à la loupe, elle femble faite de l’alfembiage de quantité de petites rocailles. Ces chenilles ne touchèrent point aux feuilles de jaf¬ min que je leur offris, le temps où elles n’avoient plus befoin de manger étoit arrivé; aulfi dès la nuit fuivante elles entrèrent dans la terre qui remplilfoit en partie les grands poudriers où je les avois renfermées; peut-être pourtant qu’elles ne la trouvèrent pas d’une confilîance convenable; deux revinrent fur la furface, elles y relièrent tranquilles; & enfin le zq. Juillet elles s’y transformèrent 2C)G MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE * PL 24. %. eil crifaiides *, &les autres apparemment perdirent leurs 3 ' formes de chenille, à peu près dans le même temps, dans les coques qu elles s’étoient faites en terre, & de terre. La foye 11'entre pour rien ou pour peu dans la compofition de ces coques, dont l’intérieur a le liffe & le poli d’une terre humilie qui a été bien applanie. Quoique j’euffe attendu des papillons à tète de mort de ces chenilles, quand j’eus vu leurs crifaiides, je ans qu elles étaient celles de quelqu autre papillon. Celui à tête de mort a une greffe trompe & affés courte, & la trompe qui étoit étendue fur chacune de ces crifaiides , paroil- foit aulfi longue & auffi effilée que les trompes plattes qui fe roulent en un grand nombre de tours. De ces crifaiides fortirent pourtant des papillons à tête de mort & à greffes trompes ék. affés courtes; mais apparemment que lorlque la trompe fe tire de fes enveloppes, elle le raccourcit , & qu’elle groffit de ce dont elle devient plus courte. Ces papillons font nés chés moi à Paris, entre le 5. Septembre & le 29. Oélobrc, pendant que j’en étois ab- fent. En Poitou où j’étoisalors, & où on m’avoit appor¬ té une grofîè coque de terre , dans laquelle étoit une crifalide de la même chenille, le papillon en fortit les premiers jours d’Oélobre. C’cfl auffi vers la fin de Sep¬ tembre & au commencement d’Oélobre que l’on trouve de ces papillons. Ils entrent affés volontiers dans les ap¬ partenions; ils volent avec grand bruit, & je fiçais des Cou- Vensoù toutes les Religi eu fies d’un même dortoir, ont été très-efirayées par un feu! de ces papillons qui s’étoit avifé d’y venir voler. Les chenilles du papillon à tète de mort, qui fe font transformées en crifaiides vers la fin de Juillet, donnent donc ce papillon dans la même année, vers la fin de Septembre. Aucuns de ces papillons n’a pondu des œufs chés moi, peut-être ne les pondent-ils qu après la fin de l’hiver. Les des Insectes, VIL Mem. 297 Le s papillons à tête de mort ne paroi lient pas feulement dans les différentes provinces du Royaume, des pays plus froids & des pays plus chauds peuvent leur convenir. Les planches d’Albin apprennent qu’on les voit en Angle¬ terre. M. le Marquis de Gaumont, connu par l'on goût pour les arts, les fciences, & les belles lettres, m’a en¬ voyé d’Avignon la chenille de laquelle vient ce papillon; il l’avoit trouvée fur ie jafmin, des feuilles duquel elle fait fon aliment ordinaire. J’ai reçu d’Egypte plufieurs de ces papillons, qui y avoient été pris par M. G ranger, que nous avons déjà eu occafion de citer. Mais de tous les pays où il vole, la Bretagne cil peut-être le feul où on fe foit avilé de le craindre, ou il jette la confternation dans l’efprit du peuple,&où on le regarde comme un avant-coureur de maladies funeftes. Lame ne peut que trop fur le corps en quelques circoiîffances ; elle peut lui donner des diipofl- tions, ou au moins augmenter celles qu’il a aux maladies, dont elle craint vivement qu’il ne foit attaqué. Mais com¬ ment guérir le peuple d’un préjugé qu’il a une fois reçu! il fe tranlmet depereen fis. Le peuple ne lit point. On au- roit beau dire à celui de Bretagne, que le papillon à tête de mort n’eft nulle part ailleurs de mauvais augure; que l’ar¬ rangement des taches qui font fur l'on corcelet ne lignifie rien; on auroit beau lui expliquer la caiifephyfiquede l'on cri, de long-temps il ne regarderoit ce papillon avecautant d’indifférence que les autres papillons. Les erreurs popu¬ laires tiennent trop bien. Dans lafeconde partiede 1 extrait que les Journalilles de Trévoux ont donné du premier vo¬ lume de ces Mémoires*, ils nous offrent des motifs pour îidoucir les regrets que nous pourrions avoir de nous trou¬ ver dans l’impuiffance de diffiper de tels préjugés; & qui plus cff,des motifs capables de retenir ceux qui feraient en état d’éclairer le peuple, de le defabufer fur la caufe de Tom s il. . P p * Mémoires pour l’hiftoiie des Sciences & des beaux Arts. Juillet 1735. page 1261. 298 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE certains phénomènes qui l’effrayent. Dans le dernier Mé¬ moire du premier volume de cet ouvrage pag. 667. j’ai dit qu’on ne croiroitpas que des excrémens de papillons f uffcnt capables de remplir les peuplesde terreur, qu’ils l’ont pour¬ tant fait, & qu’ils le feront encore apparemment: qu’entre les pluyes de fang que les hiftoriens nous ont rapportées comme d’effrayans prodiges, il y en a eu qui n’étoient au¬ tre choie que les excrémens rouges, qui avoient été dépo- fés par un grand nombre de papillons : qu’une prétendue pluye de fang tomba à Aix, & aux environs, vers le com¬ mencement du mois de Juillet i 608. & qu’heureufement il y avoit à Aix un Philofophe.M. de Peirefc, qui prouva démonftrativement que cette pluye,qui avoit été regardée comme l’ouvrage du diable p,&c. appendices quelle a de chaque côté. 00, les deux premiers qui lui font deux elpeces d’oreilles, c, corne charnue. La Figure 11, repréfente en grand, la portion fupé- rieure de la jonéfion de deux anneaux, prile en a, & fait Voiries poils qui s’y trouvent. La Figure 12, eft en grand lin des poils en figure de branche de palmier, qui fe trouvent dans les jonctions des anneaux a & b, fig. 1 o. La Figure 13, reprélente encore en grand des poils en forme de fer de pique, tels que font la plupart rie ceux qui font dans les jonélions des anneaux a & b, fig. 10. La Figure iq., eft celle d’une portion de la peau de la chenille fig. 10, vûë à la loupe , alors elle paroît un rézeau. La figure 1 5, eft celle d’un tas d’œufs du papillon, fig. ï,2&3. La Figure 1 6, repréfente deux de ces œufs plus grands que nature. Planche XXIV. La Figure 1, eft celle de la chenille qui donne le pa¬ pillon à tête de mort, c , la corne tortillée quelle porte fur le derrière. La figure 2, eft celle de la crifidide dans laquelle fe trans¬ forme la chenille de la fig. 1. vûë du côté du ventre. La Figure 3, eft celle de la crifalide fig. 2, vûë du côté du dos. 320 Mémoires pour l’Histoire La Figure 4, eft celle du papillon à tête de mort, vu du côté du ventre. La Figure 5, repréfente le papillon à tête de mort; ayant fes ailes lupérieures écartées de déifias fon corps,& qui laiflent les inférieures à découvert. La Figure 6 , eft celle de la partie antérieure du papillon à tête de mort; fa trompe t, efl tenue déroulée par une épingle, & alors il ne fait plus entendre de cri. La Figure 7, eft la même partie antérieure du papillon de la ligure 6 ; mais dans la lig. 7, les deux barbes b, font tenues éloignées delà trompe par une épingle, & c’cft encore une cireonftance qui rend ce papillon muet. La Figure 8, fait voir le deftous d’une des ailes fupé- rieures. Planche XXV. La Figure 1, eft celle d’une feuille d’éclair, vûë par def- fous. p, un de ces papillons qui vivent fur cette efpece de feuille, itt, divers tas d’œufs dépofés par ces petits papillons, q, chenilles, ou crilalides lbrties de ces œufs. La Figure 2, repréfente en grand une portion de feuille d’éclair, à peu près ronde, autour de laquelle font arran¬ gés les œufs, dans lefquels confifte la ponte d’un des pe¬ tits papillons. La Figure 3, eft celle d’une chenille fortied’un des petits œufs fig. 2. Elle eft ici confidérablement groffie. La Figure 4, eft celle de la chenille fig. 3, devenue plus grande. La Figure 5, repréfente la chenille des deux figures précédentes, dans un temps où elle a changé fa figure ovale en une figure pointue par un bout. La Figure 6 , eft celle de la crifalide dans laquelle la çhenille de la figure 5. s’eft transformée. La des Insectes. VIL Mem. 321 La Figure 7, efi celle d’un fourreau de crifalide, duquel îe papillon s’eft tiré. La figure de cette dépouille cfl plus groffie que les figures précédentes. La fente par laquelle le papillon fort, efi à la partie fupérieure. Quand le papillon a été forti, les deux parties du fourreau , qui avoient été écartées, fc font rapprochées l’une de l’autre, & ont fermé l’ouverture qui avoit donné paffage au papillon. La figure 8, efi celle de la dépouille fig. 7. qui n’efi: pas entière; le papillon, en fortant, a fait tomber deux pièces, qui font refiées à la fig. 7. La Figure 9, efi celle du papillon de l’éclair, groffi,& \'û par defius. La Figure 10, efi celle du même papillon, groffi, & vû par deffous. Dans la Figure 1 1, le papillon de l’éclair efi beaucoup plus groffi que dans les figures précédentes. La Figure 12, repréfente le même papillon ayant fes ailes écartées du corps, les fupérieures y laiffent les infé¬ rieures à découvert. La Figure 13, fait voir le même papillon par deffous.’ Dans la Figure 14, il efi vû par deffous &de côté, fa trompe t, en efi plus aifée à diftinguer. Dans la Figure 15 , il efi vû de côté & par defius, i! tient fa trompe piquée en /. La Figure 1 6, repréfente, en très-grand, la partie arté- rieure de ce papillon, vûë par deffous. En o , efi l’origine de la trompe, oe, efi Ictui de la trompe, t, efi la trompe. La Figure 17, repréfente encore en très-grand, bipar¬ tie antérieure de ce papillon, vûë de côté, & ctla pour rendre fenfibles les deux taches brunes ï, m, qui fembient être deux yeux, t, la trompe. La Figure 18, efi celle d’un des vers qui mangent les Tome IL . S fi 322 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE chenilles, & les crifalides du papillon de l’éclair. Ce ver eft beaucoup grofîi dans cette figure. Dans la Figure 19, le ver cft occupé à manger une chenille, ou crifalide a. La Figure 20, eft celle de ce ver vû au microf- cope. iïi, &c. Tes fix jambesécailleufes. Divers tubercules charnus fe font remarquer fur fon corps. Un grand poil part de chacun de ces tubercules, aaa, &c. marquent quelques-uns des appendices charnus qui partent de cha¬ que anneau. pp, les deux appendices poftérieurs qui ont une figure diff érente de celle des autres, & qui, avec le grand poil auquel ils fervent de bafe, forment une efpece de queue au ver ; les appendices des côtés ont auffi des poils, mais moins grands. La Figure 21, efl celle du fearabé, dans lequel le ver des figures précédentes fe transforme. Quoiqu’il foit pe¬ tit dans cette figure 21, il y eft pourtant plus grand que nature. funonneau >Jcufp der 1ru têtu. Tant. Fl ; y r>a 1 .W*n ' .6- /J7^r ./r., Jn,tries 7mi 2 -; ¥Aw v f"r r 7 ! ~ > r m »ï /"/ Fia S ■ ■■w mam ^■Cv'M/44t Pt ii f> .'2J jVem 7 Je Cnùrl. Je* Insr.-ttJ T*m. ■ . / 5 B Fty £ 0 /V Fy 9 & 1 *$* t /y. ji I F V V Fù.i 7; S ô 330 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE chenilles différemment colorées, dont nous avons parlé ci-deffus, ont etc très-fcmblables; j’ai trouvé au plus des différences extrêmement légères dans les nuances des cou- leurs.Mais ceux qui fontfortis de plus grandes chenilles, Si de chenilles qui avoient été mieux nourries, étoient plus grands que ceux qui font fortis de chenilles plus pe¬ tites. Nous avons déjà fait graver un papillon de cette ef- pece, tome 1. pl. 19. fig. z. nous l’avons donné pour exemple des phalènes qui portent fur le corcelet Si lurlc corps des efpeccs de huppes de poils, qui peuvent être prifès pour des caractères génériques, ou au moins pour des caraétéres d’efpeces. fig. Ce papillon * eft de la fécondé claffe des noClurnes , & du genre de ceux qui, lorfqu ils font en repos, portent leurs ailes en un toit dont la bal'e eft affés large. Si qui fe termine par une vive arrête au - deffus de la partie poftérieure du corps. Nous avons négligé dans le pre¬ mier volume, de faire remarquer que les deux ailes fu- péricures ne fe rencontrent pas fur la partie antérieure du corps, Si nous n’y avons pas déterminé affés précilément la pofition des huppes. La première eft placée fur leeor- celct, Si eft en gouttière tournée vers la tète. La fécondé eft fur le premier anneau, Si faite auffi en gouttière, mais dont la concavité eft tournée vers le derrière. Outre ces deux grandes huppes, il y en a encore deux plus petites fig. fur les anneaux fuivans. Ce papillon *, quoique brun, a i 9 ‘ une forte de beauté; du rougeâtre,du jaunâtre, du gris, & du brun différemment combinés, & nués, compolcnt le brun du deffus des ailes fupérieures, qui eft une cfpece d’agate ; mais ce qui le fait le plus remarquer fur ces mêmes ailes, c’eft une tache qui a quelque chofe de la figure d’un y ; elle eft d’un jaune brillant, qui tire fur l’or pâle. Le deffous des quatre ailes eft d’un gris plus des Insectes. VIII. Æn. 33 1 brun que le cendre, & n’offre aucune tache remarquable. Cette couleur clt aulfi celle du corps & du dclTus des ailes inférieures; mais on voit de plus fur celles-ci une bande brune & large qui les borde, & qui fc noyé vers le milieu de l’aîle, avec le gris. Quoique ce papillon ait tous les caractères des noctur¬ nes, ou phalènes, il n’eft peut-être pas de papillon diurne qui vole plus conflammcnt & plus continuellement en plein jour. On le voit tantôt fc foutenir au-delfus des Heurs,dans lefqucllcsil plonge fa trompe, tantôt fc pofer auprès de la fleur, pour enfoncer dedans fa trompe plus à Ion ailé, & en puifer plus tranquillement le lue ; alors il redrefle fes ailes*,il les tient élevées. Jamais pourtant il ne les redreffe autant que les papillons diurnes redref- fent les leurs ; jamais les deux fupérieures ne fe trou¬ vent appliquées l’une contre l’autre, au-deffus du corps. Si pendant le jour il paroît un papillon diurne, il mon¬ tre pendant la nuit les inclinations des noefurnes. Il con¬ tinue* de voler fur les fleurs, lorfque le foleil a pâlie au- deffous de notre horifon , c’efl-à-dire, dans un temps où tous les papillons diurnes font en repos. J’ai eu de ces noefturnes chés moi dans des poudriers, où ils ne commençoient à voltiger que le foir ; ils y étoient fou- vent déterminés par une lumière qui venoit à paroître. De-Ià nous voyons que les papillons noefturnes ne font pas ceux qui ne volent jamais pendant le jour, mais ceux qui voient pendant la nuit. Je ferois même difpofé à croire, que c’eft pendant la nuit que ceux de nos chenilles à douze jambes s’accouplent; car quoique j’en aye obfervé cette année des milliers, je n’en ai jamais vu deux ac¬ couples. Les parties au moyen defquelles le mâle fe joint à la femelle, font très - femblables à celles des mâles de Tti, * PI 26. Fg. 8. & 9. * PI. 26. fi ll.f. * Fig. 1 O. / * Fig. I p>p- * Fig. P P- 332 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE quelques autres papillons noélurnes qui font gravées pi. 3. g. fig. 1 &2. Il a au derrière un crochet * avec lequel il peut harponner, pour ainli dire, le derrière de la femelle. 11 ’ L peut le faifir en fui te avec deux lames écaiileufes *, toutes deux armées de crochets. Enfin la partie qui caraélérife véritablement le mâle, cil figurée & placée comme elle l’cfi dans d’autres papillons. Mais il a près du derrière du c ‘ côté du ventre, deux jolies houppes de poils * qui lui font une parure fingulicrement placée, & qu’il ne montre apparemment que quand il veut s’accoupler. J’avois vû des centaines de ces papillons, je les avois pris & maniés fans avoir jamais apperçu ni dû appercevoir les jolies houp¬ pes dont je parle. Je m’avilâi de prelfer entre deux doigts le derrière d’un mâle, pour l’obligera me montrer les parties qui lui font nécelfaires pour l’accouplement: la preflion força le derrière à s’allonger. Dès que le derrière fut allongé, je vis paraître dans un clin d’œil deux houp¬ pes hémifphériques, auffi fournies de poils, & de poils aulfi bien arrangés que deux houppes le peuvent être. J’augmentai un peu la prelfion, les deux houppes fe réu¬ nirent, elles n’en formèrent plus qu’une plus greffe, & : 1. encore très-bien faite*. Je ceffai de prelfer le derrière; fur le champ le derrière fe raccourcit, & la houppe com- pofée, les deux houppes difparurent. Je pris plaifir pen¬ dant quelque temps à les faire reparaître & difparoître. Pour voir la mécanique d’où tout cela dépend , il faut commencer par prelfer très-legerement le derrière, & n augmenter la prelfion que peu à peu. Le dernier anneau dont le bout cil chargé des parties propres au mâle,quoi- qu’alfés long, dans l’état ordinaire ell entièrement logé fous celui qui le précédé, comme un des tuyaux d’une lu¬ nette raccourcie, l’eftdans un autre tuyau plus large. Lors même que le dernier anneau ell entièrement rentré fous des Insectes. VIII. Man. 333 le pénultième, mais fur-tout lorfqu’une foible preliion commence à i’cn faire fortir, on diftingue ics deux bouts de deux paquets de poils *. Si on augmente la preliion, * PI. -6.fig. le dernier anneau fort davantage, & alors les deux paquets I2 ' PF ‘ de poils font plus à découvert *. On voit qu’ils font l’un * Fig. 13. & l’autre plus larges qu’épais, quoiqu’ils ayentune épaif- p p ' feur fenfble. Les poils qui les compofent lont droits, bien appliqués & étendus les uns fur les autres; leur cou¬ leur elt roulfe. Il y a une petite féparation entre deux pa¬ quets, dans la ligne du milieu du ventre; le bord extérieur de chacun d’eux eltalfés près d’un des côtés. En conti¬ nuant de prelfer davantage, ou, ce qui elt la même choie, en obligeant le dernier anneau de fortir prefqu’cntiére- ment de delfous le pénultième, on oblige les deux paquets de poils à paraître à découvert dans prefquc toute leur longueur*: leurs poils ont environ deux lignes de long. * Fig. 14. Les paquets relient toujours plats, mais ils commencent vv- à fe redreffer, c’elt-à-dire, qu’ils ne font plus couchés comme ils l’étoient ci-devant, fur le derrière, ils s’en éloignent. Qu’on donne alors un degré de preliion de plus, les deux paquets de poils fe renverlent, leurs bouts s’éloignent davantage du corps *. Enfin fi alors on prelfe * Fig. ij, un peu davantage, dans un clin d’œil les deux paquets rp ' s’épanouilfent comme une fleur; tous les poils s’arrangent comme des rayons dirigés vers le centre d’une fphére, & alors paroiIFent deux touffes bien faites * : les bouts des * Fig. 10, poiis de l’une rencontrent, ou croifent un peu les bouts IF ‘ des poils de l’autre vers le milieu du ventre. Si la prelfion elt poulfée plus loin, les deux aigrettes fe confondent, & n’en compofent plus qu’une *. * Fig. 13. Pendant que ces poils forment deux houppes, & pen¬ dant que la prelfion leur conferve cet arrangement quelle leur a fait prendre, fi on les emporte par un frottement T t iij *-PI. 26.fi a 6. te. * Fig. 17. t * Fig. 1 PP- 334 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ieger, on verra clairement pourquoi on oblige les poils à fe difpofcrcn houppe, lorfqu’on force le derrière à s’al¬ longer. Dès qu’on aura emporté les poils par le frotte¬ ment, on mettra à découvert deux petits tubercules d’un g- brun rougeâtre, & hémifphériques *. Une forte louppe fera découvrir fur ces tubercules les petits trous dans ief- quels les poils étoient piqués. Il n’eft plus étonnant que des poils plantés perpendiculairement fur une lurface fphé- rique, fe difpofent fphériquement, ou en houp]>e,dès qu’ils font libres, c’elt-à-dire, dès que laportion defphére dans laquelle un de leurs bouts eff engagé., fe trouve fortie de deffous l’anneau , fous lequel elle étoit logée. Quand cette portion fphérique rentre fous l’anneau, les poils font obligés de le coucher les uns fur les autres, de fe mettre en paquet. Il y a plus encore, ces deux tubercules, ces deux mammellons ne font fphériques, que tant que la preflicn dure; j’ai obfervé que dès quelle ceffe, ils deviennent t. concaves * ; ce qui étoit en dehors, ce qui formoit leur convéxité,rentre en dedans, 6 c dès lors on voit que les poils doivent fe réunir dans une efpece de faifeeau. Quand on pouffe loin la preffion, on rapproche les deux tuber- 1. cilles, 8 c on oblige les deux houppes à fe confondre *. L’état dans lequel nous avons mis le derrière du pa¬ pillon par la preffion, efl l’état où le papillon le met, lorf- qu’il cherche à s’accoupler; alors il fait fans cloute paroî- tre les deux jolies houppes, ou les deux houppes réunies en une. Mais de quel ufage lui font-elles pendant l’ac¬ couplement ! On voit bien quelles font des efjieces de couffins, au moyen defquels le ventre du mâle preffe plus mollement celui de la femelle; mais n ont-elles point d’autres ufages î c’cft fur quoi nous ne fçaurions pro¬ noncer. Le derrière de la femelle * cfl fait à peu près comme * Fig. 1 Q> des Insectes. VIII . Mem . 33y celui de diverfes autres femelles de papillons noéturncs ; l’anus * eft au bout d’une elpece de tuyau membraneux ; * PI. 26.%. ce tuyau eft renfermé dans une elpece d’étui, formé par Iy> a% deux lames courbes, écailleufes& pointues par leur extré¬ mité *. Ces deux lames peuvent s’écarter l’une de l’autre, *//, comme les lames lemblables à celles-ci, dont d’autres pa- pillons nous ont donné occafion de parler. C’eft à l’or¬ dinaire par l’anus que les œufs fortent. La fente * deftinée * à recevoir la partie du mâle qui féconde les œufs, eft à quelque diftancede l’anus; elle n’efl pas faite encroiflant, comme elle l’eft dans plufieurs elpeces de papillons fe¬ melles, elle fuit une partie du contour d’un anneau. Entre le derrière & cette fente, mais tout près de la fente, eft; une tache brune *; fi on la touche avec la pointe d’un *e. canif, on reconnoît quelle eft écailleufe. Les femelles ont-elles été plus fécondes qu’à l’ordinaire en 1734.. ou en 1735 ! car comment les chenilles qui fortent de leurs œufs, & qui m’ont paru être des che¬ nilles alfés rares pendant plufieurs années, font-elles de¬ venues fi communes dans les mois de Juin &. de Juillet 173 5 ! Qu’eft-ce qui a pû occafionncr une fi étonnante multiplication 1 Dans la campagne, les jardiniers & les payfans n’ont pas été embarraffés à en afftgner la caufe ; cette multiplication a été l’effet d’un fort. Dans quel¬ ques endroits, on m’a affuré avoir vû le vieux foldat qui avoit jetté ce fort. Dans d’autres endroits, on a vû la laide & méchante vieille qui avoit opéré tout le mal. De telles multiplications font des efpeces de prodiges, dont les caufes ne femblent pas devoir être cherchées dans les loix ordinaires de la nature. Si cependant nous faifons attention qu’en douze mois il y a au moins deux géné¬ rations des papillons qui produifent ces chenilles, de fi nous nous rappelions la grande fécondité de prefque tous 3 36 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE les papillons femelles, ce qui nous paroîtra la véritable merveille, c’cR que les plantes de nos jardins & de nos campagnes ne l'oient pas autant, ou plus ravagées tous les ans par ces chenilles , quelles font etc en 1735. Nous admirerons avec quelle lagcffe, & quelle prévoyance tout a dû être combine, pour que ces fortes d’infecles nous nuififfent fi rarement. Nos arpenteufes à douze jam¬ bes, qui défoioient les jardins & les campagnes dans les mois de Juin & de Juillet, font devenues des papillons dans le mois d’Aout; ces papillons ont fait leurs œufs, & de ces œufs, font éclofes des chenilles femblables à celles que j'ai trouvées en hiver fur la chicorée, éé déjà grandes. Ces chenilles qui ont pallé l’hiver, font donc en état de fe transformer en crilàlides dans le mois d’A- vril. Les papillons de ces chenilles paroiffent au mois de Mai, &. des œufs qu'ils pondent, naiffent des chenilles qui rongent nos légumes en Juin & en Juillet, & qui lont transformées en papillons au mois d’Aout. Nous axons donc au moins chaque année deux générations de ces pa¬ pillons, & de leurs chenilles. Les papillons femelles font des œufs en forme de boutons, & très-joliment fculptés; ils font petits, le corps de la femelle en doit contenir un grand nombre. Quoique quelques-unes ayent commencé leur ponte dans les poudriers où je les avois renfermées, elles ne ly ont pas finie; ainfi je 11’ai pu m affiner exa¬ ctement du nombre d’œufs de chacune. Mais quand nous fuppoferons quelles en font autant, à peu près, que les papillons femelles des vers à foye, c’efl-à-dire,environ 400, peut-être ne fuppoferons-nous rien de trop. Sup- pofons encore que le nombre des femelles cil égal à celui des mâles. Si dans un affés grand jardin il n’y avoit que vingt chenilles de ces papillons,diflribuéesfur différentes plantes, elles y feroient fi rares, qu’on auroit peine, après bien des Insectes. VIII. Man. 337 bien des recherches, à y en trouver une. Cependant h ces chenilles fe transformoient en papillons, & que tous les ceufsdes papillons femelles vinfïent à bien; fi les chenilles fortics de ces œufs fe transformoient toutes, à leur tour, en papillons au mois de Mai de l’année fuivante, & fi les œufs des femelles de ces dernières donnoient encore tous des chenilles; ce jardin dans lequel il n’y avoit eu que vingt chenilles au mois de Juillet, en auroit huit cens mille au mois de Juin de l’année fuivante, & par confis¬ quent beaucoup plus qu’il n’en faudrait pour y faire de terribles ravages. Le calcul en efl fimplc. Des vingt papil¬ lons de la première année, il y en a eu dix qui ont fait chacun 400 œufs. Ils ont donc produit 4000 chenilles, dans la fuppofition que tous les œufs ont réuffi. Ces4000 chenilles qu’on fuppofe s’être transformées au printemps en 4000 papillons, ont donné 2.000 papillons femelles, chacun defquels a pondu 400 œufs. Voilà donc 800000 œufs, defquels un pareil nombre de chenilles doit fortir. Il s’agit donc moins d’expliquer pourquoi il a paru tant de nos chenilles des légumes en 1735. que pourquoi il en paraît fi peu dans les autres années. Un autre Mé¬ moire de ce volume nous fera connoître les ennemis com¬ muns à toutes les efpeces de chenilles , & les ennemis particuliers à certaines efpeces; nous y verrons quelles en ont tant, qu’il efl furprenant qu’ils 11e parviennent pas à les détruire toutes. D’ailleurs elles font fu jettes à des maladies, qui caufent parmi elles de grandes morta¬ lités. Il 11’y auroit pas de juflice à exiger que nous afîi- gnaffions bien précifément pourquoi certaines maladies régnent parmi les chenilles, pendant que nous fçavonsfi peu les caufes des maladies épidémiques qui attaquent les hommes, & même les caufcs de leurs maladies ordinaires. Il nous fuffit, ce me femble , pour n eue pas furpris de Tome II. . V 11 33B Mémoires pour l’Histoire ce que nos chenilles fe font fi fort multipliées en 173 J. de fçavoir qu’il y a des années qui peuvent être laines aux chenilles & aux papillons, & qu’il peut arriver que ces mêmes années l'oient mal laines aux infecftes qui leur font la guerre. Lorfque ces deux circonftances le réunif¬ ient, & apparemment elles fe font réunies en 1735, la multiplication de certaines efpcces de chenilles doit nous paraître étonnante. Enfin ce qui efl arrivé cette année nous authorife à prédire, que de temps en temps il doit y avoir des années où des chenilles qui avoient paru rares jufques-Ià, paraîtront en nombre prodigieux, &cela doit fur-tout arriver à des efpeces dont il y a deux géné¬ rations dans une année. Le froid du mois de Décembre 1734. & celui des mois de Janvier & Février 1735. ont été allés médiocres, nos chenilles des légumes n’ont donc pas eu beaucoup à fou fi* frir pendant l’hiver, elles ont mangé & crû pendant cette faifon ; la plûpart font parvenues à devenir des papillons au printemps 1733. aufïi étois-je furpris dans le mois de May, devoir beaucoup plus de ces papillons que je n’en avois vû jufqu’alors; mais je n’avois pas prévu que les che¬ nilles qui fortiroient des œufs de ces papillons, trouve¬ raient une année aulfi favorable à leur accroilfement, que cette année l’a été. Quand ces chenilles fe font multipliées jufqu’à un cer¬ tain point, on a beau leur faire la chalfe, on ne fçauroit fuffire à les détruire. Nous avons tâché de décrire leur papillon de manière à le faire reconnoître, & il ferait à fouhaiter que les jardiniers le connuffcnt bien. Dans les années 011 il en paraîtra beaucoup, fur-tout dans le mois d’Août, ils ne perdraient pas leur temps, s’ils s’occupoient à les prendre. En tuant alors deux papillons, ils détrui- ïoient la fcmence de 80000 chenilles pour le mois de des Insectes. VIII. Aient . 339. Juin de l’année fuivante. Leur peine ne feroit pas même mal employée dans le mois de May, puifqué chaque pa-, pillon femelle tué alors, les délivrerait d’environ q.00 che¬ nilles pour le mois de Juin fuivant. Parmi leurs outils, les jardiniers devraient avoir des filets tels que ceux qui font repréféntés dans la Vignette de ce volume; & fans au¬ tant de fatigues & de travail qu’ils en ont à bêcher & à ar- rofer, iis travailleraient plus utilement pour leurs jardins, fi tous les jours pendant une heure ou line demi-heure, vers le midv, ils le divertiffoient à chaffer aux papillons. Combien fauveroient-ils de choux, par exemple, en pre¬ nant les deuxefpeces de papillons blancs, & diurnes,dont les chenilles vivent des feuilles de cette plante ! Le mal que les chenilles des légumes ont fait dans nos jardins & dans nos champs, eff afîurément très-réel ; mais efl-il bien fiir quelles foient capables de produire encore un mal plus grand , qu elles foient une efjiecc de poifon , & qu’elles ayent empoifonné des hommes qui en ont mangé, en mangeant des falades, ou de la foupeî eh-il bien fur même en général qu’il y ait des chenilles venimeufesi Le quatrième Mémoire nous a ap¬ pris, qu’entre les chenilles velues, il y en a qui dans cer¬ tains temps laifTent tomber leurs poils; que ces poils s’en¬ gagent dans notre peau , & y caufent des demangeaifons ciblantes, pareilles à celles qui font excitées par les poils dont font couvertes les gonfles de certaines fèves de l’A¬ mérique, qu'on appelle des pois grattés. On ne dit point que ces gouffes font venimeulcs, on ne doit pas dire non plus que les chenilles qui produifent fur notre peau un effet femblable à celui de ces gouffes, le font: L’averfion qu’on a pour les chenilles en général, 6c l’idée qu’on s’eff Lite de leur venin , ont pourtant bien l’air de tirer leur origine des demangeaifons que quelques cbenilie-s 340 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE excitent dans notre peau. Nous avons vu néantmoins dans le quatrième Mémoire, qu’aucune des chenilles rafes n’eft capable de produire de pareilles demangeaifons;que toutes ces dernières peuvent être touchées impunément. On peut manier tant qu’on voudra nos chenilles des lé¬ gumes , lans craindre qu’elles caufent la moindre éléva¬ tion, la moindre rougeur, la moindre cuiflonà la peau; en un mot, on peut les toucher avec grande confiance comme toutes les autres elpeces de chenilles rafes. De ce que les chenilles peuvent être touchées fans rifque, il ne s’enfuit nullement quelles ne loient pas ca¬ pables d’empoifonner, fi elles paffent cuites ou crues dans i’eftomach. On peut manier l’arfenic, & bien d’autres poifons ; mais les preuves qu’on a rapportées des mauvais effets que ces chenilles font capables de produire dans notre intérieur, ne font pas fuffifantes pour les rendre re¬ doutables. Quelques perfonnes le font trouvées mal après un fouper, & d’autres après un dîner, & cela eft arrivé dans un temps où les chenilles étoient très - communes, dans un temps où on ne parloit que de chenilles ; on a cru alors bien deviner la caufe de ces maladies fubites, en les attribuant à des chenilles qui avoient été dans la fa- lade & dans la foupe, mais qu’on n’y a pas vues; car fi on les eût vues, on ne les eût pas mangées. La maladie n’a été attribuée à aucun des autres mets qui ont été fer- vis, & on n’a pas imaginé que la difpofjtion de quelqu’un pût être telle, qu'après avoir dîné oufoupé, & peut-être trop, il pût être malade. Quelque perfuadé que je fois qu’on pourroit faire manger fins rifque des chenilles à des hommes, je n’ai pourtant pas cru que cette expérience fût du nombre de celles qu’il eft permis de tenter : mais il n’cft peut-être pas befoin de la faire, elle a apparemment été faite & réfute des Insectes. VIII. Mem. 341 bien des fois. Il n’eft perfonne peut-être à qui il n’arrive chaque année, plufieurs fois, de manger de la foupe dans laquelle des chenilles ont cuit. Quand les Cuifiniéres &. les Cuifiniers apporteroient beaucoup plus d attention à éplucher les herbes qu’ils n’y en apportent, il feroitpref- qu’impoffible qu’ils ne truffent fouvent au pot avec i’o- feille, avec la laitue, avec la poirée, &c. de petites che¬ nilles qui fe trouvent fur ces plantes. En mangeant de la falade il doit fouvent arriver qu’on mange une petite che¬ nille cachée dans un cœur de laitue, qu’on en mange de cachées fous les replis de quelques feuilles. Qucft-ce qui porte à croire que les chenilles des plantes & des fruits font plus dangereuses que les vers des fruits & des plantes! Combien mange-t-on de vers en mangeant des bigareaux ! ces vers ne font aucun mal à ceux qui les ont avalés. Nous verrons dans un autre Mémoire que de véritables chenilles vivent dans l’intérieur des prunes, des châtaignes, des poires, des pommes, des navets, &c. il arrive quelque¬ fois que l’on mange, fans le vouloir, de ces petites che¬ nilles , & il n’arrive point qu’on en foit incommodé. Mais nos chenilles des légumes, nos chenilles à douze jambes ne feroient-clles point plus dangereufes que les autres ! rien ne conduit à le penfer. Les oifeaux de bien des efpeces les trouvent très-bonnes, & en prennent le plus qu’ils peuvent; elles font fort du goût des moineaux; les oifeaux domcfliques, comme les poules, ne les épar¬ gnent pas. Combien de chenilles des légumes ont dû être mangées cette année par les moutons, les vaches, les bœufs, les chevaux, &c. Ilyavoit des cantons où ilétoit prefqu’impofhble que ccs animaux fe rempliffent l’eflo- mach d’herbes, fans y Lire entrer beaucoup de chenilles, car ils n’épluchent pas les herbes qu’ils mangent. Tel âne en broutant un feul chardon, a dû avaler des centaines de chenilles. V u iij * 342 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Les infcéles qui font fû rement venimeux, qui nous empoifonnent par Jeurs piquûres, peuvent être mangés & digérés lans nous faire du mal ; la chair des viperes elt mê¬ me reconnue pour un aliment utile, capable de rétablir la lânté dans certaines circonftances. Redi nous a appris quon peu,. manger du pain bien humeélé de cette li¬ queur même de la vipère, dans laquelle réfide tout le venin de ce reptile redoutable, fans en fentir le moindre effet. L’araignée eff un des infeéîes contre lequel on elt le plus prévenu; on conte dans chaque pays des hiffoi- res de gens empoifonnés, pour en avoir avalé quelqu’une; cependant M. de la Hire le fils, celui qui fucceda à la place d’aftronome de fon pere , m’a alluré qu’il avoit connu une demoifelle qui mangeoit des araignées, qui, quand elle fe promenoit dans les ailées d’un jardin , n’en voyoit aucune quelle ne prît, & quelle ne croquât fur le champ. Nous fortunes peu familiarifés avec les infeéîes,& nous fçavons qu’il y a des circonffances, où quelques-uns font capables de nous faire du mal, ç’en eft alfés pour nous les faire craindre prefque tous, 6c en tout temps. Si les greffes chenilles raies devenoient auffi communes dans ce pays, que le font les fauterelles en quelques autres, 6c fur-tout fi elles devenoient communes dans une année de famine , peut-être que les payfans mangeraient en France les chenilles, comme on mange les fauterelles en Afrique. Que fçait-on fi elles ne feraient pas regardées par la fuite, comme un mets agréable 6c faini Plufieurs efpcces de vers fe nourriffent & croiffent dans l’intérieur du bois de différens arbres ; il y a de ces vers de differentes groffeurs, on en trouve affés communément d’auffi gros que ie petit doigt ; & il y en a de beaucoup plus gros. La plupart ont le corps ras 6c blanc, ils font pefans 6c des Insectes. VIII. Mem. 343 lourds, ceux qui ont été tirés de leurs trous, peuvent à peine fe traîner fur leurs anneaux; ils ont enfin un air fort dégoûtant. Si on condamnoit quelqu’un à manger une chenille rafe ou un de ces vers du bois, il fe détermineroit apparemment pour la chenille. Cependant Pline nous ap¬ prend liv. 17. chap. 24. que les Romains avoient mis ces vers au nombre des animaux qu’ils engraifioient avec de ia farine, pour les fervir fur leurs tables, comme des mets fort recherchés & fort délicats. Après avoir parlé des vers qui attaquent les arbres, Jam quidem, dit-il, & in hoc luxu- 7l(i efe cœgit ,prœgrandefque roborum dclicatiore finit incibo , cojjos vocant : nique etiatn farina faginati là quoque a hiles Jiunt. Les ouvriers qui fendent des chênes, & fur tout de vieux chênes, feroient aujourd’huy inutilement attentifs à ramafferles vers qui s’y trouvent, c’cfi un gibier dont ils n’auroient pas le débit. Ælien liv. 14. chap. 1 3. nous parle d’un Roy des Indes, qui au lieu des fruits qu’on fervoic aux Grecs au delfert, faifoit fervir un ver rôti qui naît fur line plante ; Indorum Rex fecundis menfs, & bellarïis non iifdem deleâatur qui bus Grccci, qui palmarum pumilarum fruâus cxpetunt ; ai ille vermem querndam in planta quadarn nafcentem fecundis menfs igné toflurn adhibet, fuaviffimum quidem ilium, ut Indi aiunt, & eorum qui gufaverunt non- nulli a fer un t. Mais fans remonter à des temps fi éloignés, des vers d’une groffeur énorme, qui fe transforment enfuitedans les plus gros fearabés qui nous foient connus, ces vers, dis-je, vivent dans l’intérieur de quelques arbres de nos Illes de l’Amérique. On y fait rôtir ces vers, on les man¬ ge, & il y a des gens qui les trouvent fucculents. Loin de déclamer avec Pline contre le luxe de la table, qui avoit conduit les Romains à engraiffer les vers des chênes , il me paroît très à fouhaiter qu’un pareil goût pût 344 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE nous venir, que nous devinffions aulfi friands de ces vers que l’étoient les Romains. Les vers qui le transforment en hanetons ordinaires, ceux qui fe transforment dans les fcarabés monoceros, font blancs, gras & dodus, comme ceux du chêne, & ils feraient peut être d’auffi bons plats. Si on en étoit venu à les fervir en entremets, on ferait chercher ces vers fous terre, comme on y cherche les truffes; on les chercherait dans les couches de fumier, on en diminuerait ainfi confidérablement le nombre, 6c ils ne nous nuiraient plus autant qu’ils font, foit fous la forme de vers, l'oit fous celle de fcarabés. Avec le temps nous pouvons guérir notre imagination, nous pouvonsl’accoiitumcr à voir, fans répugnance, des objets contre lefquels elle le révoltoit; & cela, quand en nous familiarifant avec ces objets, nous venons à recon- noître, que non - feulement ils ne font pas à craindre , mais qu’ils peuvent même faire fur nos léns des impref- fions agréables. On s’efl accoutumé à manger les gre¬ nouilles, les ferpens, les lézards; en différentes Provinces du Royaume, on n’a aucun dégoût pour les limaçons, foit de terre, foit de mer. Les huîtres paroiffent bien dégoûtantes à qui les voit pour la première fois; peut-être que celui qui en a mangé le premier, y a été forcé par une preffante faim. Si en défaifant une perdrix, ou un poulet cuits très à propos, & d’ailleurs très-appétiffans,on trouve dans leur intérieur quelques reffes d’intelfins, en Voilà affés, pour que des gens même médiocrement dé¬ licats, ayent de la répugnance à manger de cette perdrix, de ce poulet. Cependant les inteflins des bécaffes, remplis de tous leurs excremens ne nous dégoûtent point; nous nous fomnaes accoutumés à les voir fans averfion, parce que l’expérience nous a appris qu’ils ont un goût agréable. Laiffons pourtant les chenilles, en partage aux oifèaux, auxquels Des Insectes. VIII. Mem. 345- auxquels la nature paon les avoir principalement delti- nées ; elles leur l'ont, nécefiaires, elles en nourrifîcnt bien des elpeces', &. elles ieroient afin rément pour nous une très- imnvanè reïlource. Mais concluons au moins de tout ce qui vient détre dit, que nous avons tort de les redouter tant, que quand des hazards feroient entrer dans notre elîomuch des alimtns afFailbnnés, pour ainfi dire, du lue des chenilles, nous n’aurions aucune fuite fâcheufe à en craindre; qu'il eft probable que des chenilles entières &. même vivantes pourroient être conduites dans notre cfîo- mach comme elles Font été en 1735. dans les eftomachs de tant de bœufs, de chevaux, de moutons, d’ânes, &c. fins que nous en loufFriffions plus que ces animaux en ont loufFert. Quoiqu’il y ait des vers, & même plufieurs elpeces de vers qui vivent dans nos intcfhns & dans diffé¬ rentes parties de iiotre corps, une chenille qui y feroit parvenue fans êtrebleffée, ypériroit bien vite, non-feule¬ ment parce que les alimens convenables lui manqueroient, mais lur-Jout parce qu’elle ne feroit pas en état de loûte- nir la chaleur d’un tel climat; elle y feroit d’ailleurs bien¬ tôt noyée. EXPLICATION DES FIGURES D U HUITIEME ME MO IR E. Planche XXVI. L Es Figures 1, 2 & 3, repréfentent trois chenilles à douze jambes, de celles qui ont fait tant de ravages dans les légumes en 1735. Les chenilles des fig. 1 & 2, font étendues, & celle de la fig. 3, efl difpofée à marcher à la manière des arpenteufes. On peut remarquer dans les tein¬ tes des rayes des chenilles de ces trois figures, des variétés; Tome II . X x 3 p6 Mémoires pour l’Histoirë on en trouve de telles & de plus grandes entre les che* nilles de cette efpece. La Figure q. & la figure J, font celles d’une crifalide d’une des chenilles de la figure precedente. Elic efi vûë de côté, fig. 4; & de face, & par de (fous lig. j. t, marque l’endroit où la trompe lé recourbe. La Figure 6, cfl celle du papillon de la chenille des lé¬ gumes , ou de la chenille des fig. 1, 2 & 5. Il efi repréfenté dans cette figure ayant les ailes fupérieurcs écartées du corps,& qui laiffent les inférieures à découvert. La Figure 7, efi celle du papillon de la figure 6, vit par deffoiis. La Figure 8, repréfente encore le même papillon, ayant fes ailes droites, comme il les porte lorlqu’il fuccelcs fleurs. Ici fa trompe t , efi; déroulée. Le papillon de cette figure efi: la femelle. La Figure 9,efi encore celle d’un papillon de la chenille des légumes, ayant fes ailes redreffées, 8 c plus redreffées que les ailes de celui de la fig. 8. Celui de la fig. 9,efi un mâle. La Figure 10, repréfente le bout du derrière du papillon mâle de la figure précédente, vû du côté du ventre, & grofii à la loupe, & dans l’état où il efi lorfque la prefiion fies doigts l’a forcé de s’allonger & de montrer les deux houppes de poils, pp, les deux houppes de poils. Il les deux lames entrelefquclles l’anus efi placé, vues par leur tranche; elles font chargées de quantité de poils. La Figure 1 1, montre le derrière du papillon dans lin inftant où la prefiion a plus agi defius, que fur celui qui efi repréfenté fig. 1 o. Alors les deux houppes pp, font des Insectes. VIII. Mem. 347 réunies en une. Dans cette même figure, dont le bout eft un peu forcé, on voit un crochet, c, celui avec lequel le mâle cramponne la femelle, a, cfi l’anus, m, la partie qui caraétérife lemâle, qui ici ne commence qu'à paraître, & qui pourrait être beaucoup plus allongée. La Figure 12, fait voir du côté du ventre, comme les précédentes, le bout du derrière du papillon, mais dans 1 in- fiantoùil n’a été prclfé que très-legérement. pp les bouts des deux paquets de poils, qui doiv eut former les houppes. Dans la Figure 1 3, on voit le derrière du papillon, que la preffion a forcé de devenir plus allongé qu’il nel’eft dans la figure 1 2. Aufti les deux paquets de poils p,p, qui doi¬ vent faire les houppes, font plus à découvert. Dans la Figure 14, les deux paquets de poils pp, font encore plus fortisde delTous le pénultième anneau, qu’ils 11e le font dans la fig. 13. lis commencent à s’éloigner du derrière. Dans la Figure 1 5, les deux paquets de poils pp com¬ mencent à fie renverser, & font tout près de former cha¬ cun une houppe, telle que celles de la fig. 10. La Figure 16, repréfente le derrière du papillon qui, par la preffion, a été mis dans le même état que celui de la figure 10, mais à qui on a enlevé, par le frottement, les poils des houppes. Les deux tubercules héinifphéri- quesr/, qui ci-devant étoient chargés de poils, ont été mis à découvert. La Figure 17, repréfente les deux tubercules tt, de la figure précédente, dans l’inftant où il font devenus con¬ caves; leur convexité eft rentrée en dedans lorlque la prelfion a ceflé. Xx ij 34-8 Mémoires pour l’Histoire La Figure 18, eft, en grand, celle d’un des poils donc font compofés les paquets & les houppes des figures precedentes. La Figure 19, repréfente le derrière de la femelle, grofti au microlcope,& vû du côté du ventre, <7, l'anus. Il, les deux lames écailleufes. e, la plaque écailleufe qui eft au-deftus de l’ouYerture qui reçoit la partie du mâle. o, cette ouverture. PL 2. 6. /ytLcr . 3y.3 Pllem . S. de L Pfià t.dc<] Itutecaé TT i Fuj . 2 Pu,. 3 Fi er a Fu, .y Fu 7 . _z^” Fu, j. o Fie. jl . f F x 9 if [/«.T/I/T 'JV< t ÿju 2 ' / I D es Insectes. IX. A fan. 349 N EU VI E'ME AIE MO IRE. DES ARPENTEUSES A DIX JAMBES; Et de quelle manière les chenilles fçavent Je defcendre èf fe remonter par le moyen d’un fil. T Outes les arpenteufes qui 11’ont que dix jambes, c’eft-à-dire , celles qui n'ont que deux jambes inter¬ médiaires , vivent folitaires; je n’en connois point du moins, qui fe tiennent & qui travaillent enfemble. Si la claffe de celles à douze jambes eff peu nombreufe en ef- peces, en revanche la claiïe de celles-ci l’efl prodigieufe- ment. Nous ne pouvons refufer un Mémoire aux efpcces qui lui appartiennent; il deviendrait un volume, fi nous voulions nous arrêter à dépeindre toutes celles que nous avons vues, qui ne doivent pourtant être qu’une très- petite partie de celles qui exiflent : mais nous nous bor¬ nerons à donner des idées générales des variétés qu’elles, offrent, & à rapporter ce que quelques-unes nous ont fait voir de particulier. D’ailleurs les chenilles de cette chiffe font communément allés petites; dans ce pays, il eff rare de trouver de grandes arpenteufes; il y en a pourtant beau¬ coup qui ont plus d’un pouce de longueur, ou qui excé¬ dent cette longueur, que nous avons déterminée pour celle des chenilles de grandeur médiocre : mais quoi¬ que longues, elles parodient petites, parce qu’elles lont communément très - effilées, leur corps a peu de dia¬ mètre, il n’eft pas fait lur les proportions fur iefquelles les corps des autres ont été faits. Telle chenille à lèize X x iij K> * PI. 2 . 7 . *P 1 . 27. 7 * 35O MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE ïambes fera aulïi greffe qu’une arpenteufe qui fera deux ou trois fois plus longue quelle ne i’ell. II.y a pourtant des arpenteufes faites fur des proportions qui s’éloignent moins de celles du corps des autres chenilles, c’elt même de-là que nous croyons devoir tirer des caractères des claffes fubordonnées , ou des genres premiers d’arpen- teules. Nous compoferons le premier de ces genres, des arpenteules dont le corps eftàpeu près conformé comme fig. celui du commun des autres chenilles *; de forte que forf- ^ qu’elles font en repos, le premier coup d’œil n’apprend point qu elles font des arpenteufes. Pour les reconnoître, il faut voir leur allure, ou, après les avoir renverfées,ob- ferver le nombre de leurs jambes. Les divifions de leurs anneaux font fenfibles; ils lèmblent mollets & charnus, ils n’ont point un air de dureté & de roideur qu’ont ceux des autres. Les arpenteufes de ce premier genre rongent les feuilles de tous les arbres les plus communs dans ce pays, dès qu’elles commencent à pouffer, les feuilles des chênes, celles des ormes, celles des charmes, celles des hêtres, celles des érables , celles des noifetiers, celles des aubépines. Si c. Il elt pourtant rare d’en voir furies arbres qu elles ont déjà très-maltraités, Si fur iefqucls elles font encore; les feuilles mêmes qu’elles mangent, fervent à les cacher. La plupart ignorent néantmoins l’art de les rouler, de les plier, de les raffembler en un même paquet; elles 11’ont point recours à ces procédés induftrieux, que nous avons vu pratiquer par tant d’autres chenilles dans le V. c Mémoire. L’expédient dont elles fe fervent, elt plus fimplc, & efl le meilleur de tous, fi elles ne fe propofent que «le fe cacher à nos yeux, de façon que rien ne les décéle. Elles fe tiennent entre deux feuilles appliquées à plat l’une fur fig- l’autre en entier, ou en partie *. Ces feuilles font retenues des Insectes. IX. Mem. 3 51 en cet état par des dis de loye collés contre les deux fur- faces qui le touchent; leurpofition n’a rien qui détermine i’obfcrvateur le plus attentif à les confidérer ; elles lont placées, l’une par rapport à l’autre, comme le font mille autres feuilles qui ne doivent leurs filiations qu’au hazard. Mais ce qui diftingue les feuilles entre lefquelles les che¬ nilles ont été, c’eft quelles font percées, découpées Sc rongées ; qu’on les fépare doucement, on appercevra quelles font tenues l’une contre l’autre par îles fais. Si elles ne font pas encore trop mangées, on trouvera entre les parties qui fe touchent, & qui n’ont point été attaquées, on trouvera, dis-je, la chenille qui cfl pliée prefqu’en deux, ayant la tète aidés proche du derrière *. 11 n'eff pas particulier à ces feules arpenteufes de fe ca¬ cher entre deux feuilles qu’elles ont afîujettics à plat l’une contre l’autre ; il y a des chenilles à feize jambes à qui cette rufe n’efl pas inconnue. Le maronnier de nos jar¬ dins m’a fait voir une de ces dernières qui y a recours. Elle efi verte, prefqu’aufTi longue que les chenilles de médiocre grandeur, mais elle eft menue par rapport à fa longueur. Scs anneaux font comme fëparés par des entailles aidés con- fidérables; des huit jambes intermédiaires ont des couron¬ nes de crochets complettes. Toutes les arpenteufes qui attachent deux feuilles à plat dune fur l’autre, font rafes ; les efpeces les plus communes font d’un verd un peu pâle, d’un verd qui tire fur le céla¬ don, plufieurs ont des rayes blanches qui fuivent la lon¬ gueur du corps. Ces rayes font fouvent très-étroites, ce ne font prefque que des lignes; quelques-unes n’en ont que trois, d’autres que quatre, d’autres que cinq,& d’autres en ont un plus grand nombre. Il y en a qui entre deux rayes blanches font piquées de points noirs, arrangés eux-mêmes fur deux lignes, de façon que ceux d’une ligne font vis-à- vis les intervalles de ceux de l'autre ligne. * P!. 2 7 - fij 11 . * Fig. 9. 10. 352 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE J’ai nourn dans des poudriers de ces arpenteulès d’un verd céladon, cjui ont d’étroites & légères rayes bianches, decelles qui en ont trois, de celies qui en ont quatre, & de celles qui en ont cinq; & j'en ai nourri qui avoient été prîtes tur différens arbres, lur le chêne, fur le tiiieul, fur l’orme femelle, fur la charmille, lur 1 viable & tur le noiie- tier. j en ai renfermé quelques-unes vers le 1 y Avril, & les autres quelques jours plus tard. Toutes font entrées en terre pour s’y faire chacune une coque* compofée degrains de terre liés par des fils de foye. Quelques-unes y ont travaillé dès le commencement de May; les plus pareffeufès ne fe font cachées fous terre que vers le 1 5 & le 18. du mê¬ me mois. Les papillons n etoient pas encore fortis de terre le 12. Novembre, & je les trouvai toi s nés, & même morts le 24. Décembre. La fin de Novembre, ou le commen¬ cement de Décembre ne font pas des temps 011 les autres papillons naiffent; peut-être aufîi que ceux là n’ont paru fi tard au jour, que parce que la terre dans laquelle ils étoient,ne pouvoir être échauffée par les rayons du loleil. Les poudriers où étoient les crilalides, avoient pâlie 1 été dans un lieu allés frais. Les papillons de diverles autres arpenteufes, dont nous parlerons dans la fuite, font nés chés moi dans le même temps. Quoi qu’il en foit du temps où ces papillons doivent fe tirer de leurs fourreaux de crifâlides dans l’ordre natu¬ rel , ceux que je trouvai dans cinq poudriers différens, & qui étoient venus de chenilles qui avoient vécu des feuilles de cinq différens arbres, & de chenilles qui avoient en- tr’elles quelques variétés, tous ces papillons, dis-je, me parurent aufîi femblables que le peuvent être ceux de mê¬ me efpcce. Ils étoient tous des noefurnes *. La couleur du deffus des ailes fupérieures efl un gris cendré; on apper- coit cependant''des ondes formées par des nuances de gris Des Insectes. IX. Mem. 353 gris plus brun , & rie gris plus clair. Le deffous des quatre ailes ell d’un gris plus uniforme, on n’y apperçoit point, ou peu de taches & d’ondes. Legris du defïusdes ailes d’un de ces papillons, venu d’une chenille du noifetier, avoit un peu plus de jaunâtre que celui des autres; il y avoit auffi des paj)iüons dont le gris étoit plus brun que celui des au¬ tres; mais toutes ces variétés lont fi légères, qu’elles ne méritent pas que nous nous y arrêtions. Ils ont tous de petites trompes blanches qui nefe rou- ientqu’un tour, ou un tour & demi. Leurs antennes re¬ gardées attentivement, ou avec une loupe quigrofïit peu, parodient être de celles que nous avons nommées à bar¬ bes *; obfcrvées avec une loupe qui groffit davantage, elles * PL 2 7 - %• rcffemblent à certaines palmes *. Mais h on les voit avec “' Fj i ^ une loupe extrêmement forte, ou avec un microfcope , on reconnoît que leurs barbes ne font que des affembla- ges de poils, que des bouquets, ou des aigrettes de jaoils *, * Fig. 14,, Itruélure différente de celle que nous avons vûëjufqu ici aux véritables antennes à barbes. Dans celles-ci la tige principale a d’autres petites tiges difpofées comme les dents des peignes, & qui quelquefois rcffemblent à ces fortes de dents, qui quelquefois ne font pas chargées de poils ; fou- vent au contraire ces dents, ces petites tiges, ces groffes barbes portent des poils. La tige des antennes* de nosder- *Fig. 14.. niers papillons n’a point de ces barbes, ou de ces dents , elle eit (ïmplement chargée de touffes, ou d’aigrettes de poils ; ce qui fait un caraétére fort différent, auquel on pourrait avoir recours, h pour bien diflinguer les papillons les uns des autres, on ne voyoit point d’inconvénient à employer de fortes loupes. Toutes les arpenteufes dont le corps eft un peu appiati, & qui ont une forme affés femblable à celle des chenilles ordinaires, nefe tiennent pourtant pas entre deux feuilles Tome IL . Y y ffS ■' * PI. 28. fi 3 - * Fig. 1 * Fig. 4. * Fig. * Fig. 5 3 54 MEMOIRES POUR L’ HISTOIRE appliquées l’une contre l’autre. Telles font deux chenilles s- dont l’une a été trouvée fur le frêne *, & l’autre fur le tilleul*; toutes deux font d’un alfez beau verd; mais ce qu’elles ont de plus remarquable, c’elt une raye d’un violet clair qui régné tout du long de leur dos ; elle eft faite de diverfes croix mifes bout à bout , dont quelques-unes font fembiables aux croix de Lorraine, d’autres aux croixd’Ar¬ chevêques; je veux dire qu’elles ont quatre bras différem¬ ment difpofés fur chaque croix, quelques-unes en ont jufiqua fix. Je nefçais fi les deux chenilles dont je parle, font les mêmes; celle du frêne eh périe dans Ion poudrier, mais celle du tilleul entra en terre vers la mi-May, elle s’y fit une coque de terre*, dont elle tapiffa l’intérieur d’une épaiffe couche de foye. Ce fut encore entre le 1 z & le 24. de Décembre que laphalene fioriit de cette coque, & je ne l’ai vûë que morte. Elle a une trompe ordinaire qui fe '• roule plufieurs tours * ; les antennes font à filets coniques ; le delfous de les quatre ailes cft d’un gris cendré; le deffus des fupérieures a auffi cette couleur, mais diverfes nuances de gris y tracent des ondes légères *. Onpourroit mettre dans un fécond genre, des arpen- teufes qu’011 reconnoît pour telles au premier coup d’œil, quoiqu’on apperçoive les féparations de leurs anneaux ; mais ces féparations n’y font pas auffi marquées qu’elles le font fur les chenilles du premier genre d’arpente ufes, Sc qu’elles le font fur les chenilles à fèize jambes; leur corps plus arrondi & plus allongé que celui du commun des che¬ nilles , & qui a quelque chofe de plus roide, eh ce qui les fait juger des arpenteufes'& qui les fait diflinguer de celles du premier genre, dont le corps eh auffi court par rapport à là groffeur , que l’efi celui des autres chenilles. D’un très-grand nombre d’efpeces qui appartiennent à ce fécond genre, nous n’en confidérerons actuellement des Insectes. IX. Mem. 3 5 3 qu’une feule, qui mérite cette diftinétion par la manière dont le papillon qu’elle donne, porte fes ailes. Cette ar- penteufe * vit fur le genêt; je l’y ai trouvée vers la mi- Odobre, alors elleavoit pris tout fon accroifTement; la couleur dominante eü un verd brun, affés femblable à celui de la plante dont elle fe nourrit. Elle a de chaque côté, tout du long du corps, une étroite raye jaune. Elle fe tier/t aflës lôuvent allongée & étendue fur les branches de ge¬ nêt, attitude fi ordinaire au commun des chenilles, mais ou il efl rare de voir les autres arpenteufes. Vers la fin d’Oélobre elle entra en terre, & s’y transforma en une cri- fàlidequi ne m’offrit rien de particulier. Après que cette crifalide eût paffé plus d’un mois dans la ferre du Jardin Roy , il en fortit les premiers jours de Mars, un papillon * dont la claffeîie pourroit être déterminée par la méthode de M. Ray. Par fes antennes, qui font de vrayes & de belles antennes à barbes, il appartiendroit aux phalènes, & par le port de fes ailes il devrait être mis au nombre des papillons diurnes. Il les tient conflamment toutes quatre perpendiculaires au plan depohtion,& toutes quatre auffi appliquées les unes contre les autres , que le font celles des papillons diurnes de nos premières claffes. Mais fi on s’en tient à la première notion qui a fait diftinguer les papillons en diurnes & en noétumes,& à celle dont je n’ai pas cru qu’on dut 1e départir, la place de ce papillon doit être parmi les noéturnes. Les noef urnes doivent être ceux qui ne volent que pendant la nuit, ou au moins qui volent pendant la nuit. Ceiui de notre arpenteufe du genêt fe tenoit tranquille dans l'on poudrier pendant que le foleil étoit au-defTus de notre horilon, mais dès que le foleil étoit couché, dès qu’on avoit beloin de lumières, & qu’on les apportoit, je le voyois s’agiter dans fon poudrier, voler de toutes parts pour chercher à s’échapper. Y y ij *PI. aS.fig. 7 ' * Fig. 8.& 9 - * PI.2S.fig. S. * Fig. 9 - 356 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Ce papillon nous fournit au moins le caraélére d’un nouveau genre de phalène de la quatrième claffe, car avec fes antennes à barbes, il aune longue trompe bien roulée. Il n’y reliera pas l'eul apparemment de l'on genre, on trou¬ vera dans la fuite d’autres papillons qui demanderont à être placés avec lui. Quoiqu’il porte les ailes auffi perpendiculaires au plan de pofition, & auffi appliquées les unes contre les autres, que le font celles des papillons diurnes des premières claffes, fon port d’ailes a pourtant quelque choie de dif¬ férent de celui des autres : les ailes inférieures de plu- fieurs diurnes le recourbent pour embraffer le corps par deffious, pour couvrir le ventre; les ailes inférieures des autres fe recourbent pour embralfcr le deffius du corps, pour le couvrir; d’autres ont peut-être leurs ailes ffinpic- ment appliquées contre les cotés du corps : au lieu que le côté extérieur de chaque aile inférieure de notre pha¬ lène efl appliqué fur la ligne du dos, ou du milieu du corps. Dans Ion attitude la plus ordinaire, dans celle où il relie pendant la plus grande partie du jour, l’aile inférieure & qui ell alors l’extérieure, couvre prefqu’en entier l’aile fupérieure du même côté *, qui ell alors l’intérieure, de forte qu’il 11e paroît qu’une très-petite partie de cette der¬ nière. Quelquefois, & cela lorfqu’il marche, ou qu’il fe prépare à marcher, il élevé davantage fes ailes fupérieures, il y en a alors une plus grande portion à découvert *. Ses ailes inférieures femblent avoir des cannelures très- marquées & dirigées du fommet vers la bafe, mais dans le vrai, c’ell qu elles ont des rayes qui paroiffient avoir plus de relief quelles n’en ont réellement, parce quelles font d’un jaunâtre prcfque blanc, & que le relie ell brun & même prefque noir. Ce brun ou ce noir ell pourtant piqué de points jaunâtres. Le deffious ou le côté de l’aile fupérieure D E S I N S E C T E S. IX. Mem. 3 57 qui touche l'aile inférieure ou extérieure, cft un aurore piqué de noir. Jamais je 11e lui ai vû ouvrir les ailes, & les tenir horifontalement, aulfi n’a-t-il été repréfenté dans l’attitude de la figure 10. que pour faire voir le deffus de fes quatre ailes. Le defiiis des fupérieures * ert d’un allés bel aurore; leur baie ell; bordée par une bande noire ; le côté extérieur de la même aile a un étroit bordé noir. Le delTus de chaque aile inférieure * cil un aurore très-piqué de noir, & eli bordé de noir. Les arpenteufés dont on peut faire un troifiéme genre, font celles qui font très-bien nommées des arpenteufes en bâton; leur corpsparoît fouvent avoir la roideur d’un brin de bois, & lorlqu’il en a la couleur, comme l’a ce¬ lui deplufieurs de ces chenilles, on les prend,au premier coup d’œil, pour de petits bâtons. Les féparations de leurs anneaux ne font point fenfibles , on a allés de peine à les appercevoir, même lorfqu’on cherche avec attention à ies obferver. Si le terme d’infeéles étoit pris à la rigueur, s’il ne fignifioit, comme dans fa première inftitution, que les petits animaux, dont différentes portions du corps font dillinguées par des efpeces d’incilions, ces arpenteufes de la troifiéme clalfene devroient pas être mifes au rang des infeéâes; mais nous avons averti dès le premier Mémoire du tome premier, que le terme d’mfeéies a àprefent une fignification bien plus étendue. Entre les arpenteufes qui ont la roideur d’un bâton, les unes femblent des bâtons affés lilfes *, & les autres ont des tuberofités qui les font paroitre des bâtons raboteux *. Outre les variétés confidérables qui font entre les pro¬ ductions de la nature de tout genre, il y a, comme nous l’avons déjà remarqué ailleurs, une infinité de nuances de ces variétés, qui font que des genres & des efpeces diffé¬ rentes le rapprochent extrêmement les uns des autres, & * PI. 28. fig. * Fig. 1 o. //. * PI. 27. dg. 1 5.6c PI.29. %• 7 * * PI. 2 y. fïg. 1 7 * 'PI. 28. G î 1 , 12 i3- *PI. 27. fi 17.&PI.2: fig. 15. 3 5 B MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE qui font qu’ici on fera quelquefois embarraffé à déterminer fl une arpenteufe doit être mile dans le fécond ou dans le troifléme genre. Ils contiennent chacun un grand nom¬ bre d’efpeces; il vaut mieux inviter à les obferver, que de s’arrêter à décrire leurs différences , qui feraient fouvent très difficiles à déterminer ; fouvent elles ne confident que dans les couleurs ou dans des arrangemens différens des mêmes couleurs. Le blanc & ie noir de la gravure ne fçau- roient guéres aider à faire entendre ces fortes de variétés, c’eft tout ce que pourrait le pinceau le plus délié ôc qui fçauroit le mieux employer & combiner les couleurs. Celles qu’on trouve à plus d’efpeces font des nuances de jaune & des nuances de brun de couleur de bois, plus claire ou plus foncée ; le brun cft la couleur dominante de quelques-unes, le jaune cft la couleur qui domine plus fur queiques-autres; tantôt ces couleurs font diflribuées par rayes longitudinales, tantôt par rayes tranfverfales , ce qui efl plus rare. La mê¬ me arpenteufe a fouvent différentes nuances de brun 6c de jaune; quelquefois le brun & le jaune font mêlés par ondes, comme le font les couleurs de ces taffetas qu’on nomme flambés, ou comme celles des taffetas qu’on appelle lachi- nés. Il y en a deplufieurs autres couleurs, de toutes vertes , de toutes jaunes , de toutes brunes , de noires, d’un noir de fuye, de toutes blanches d’un affés beau blanc, & qui a peu de verdâtre; d’autres tirent fur l’agate, furie violet. Mais ce que nous venons d’indiquer fuffit pour faire entrevoir qu'il y a un prodigieux nombre d’efpeces de ces chenilles. Quelques efpeces pourtant nous fourniffent des varié¬ tés, par lefquelles il efl plus ailé de les diffinguer, que par celles des couleurs; quelques-unes ont fur leur corps des & tubercules de groffeur fenfible *; les plus gros font quel¬ quefois difpolés de manière qu’ils forment une ou plu- 8 . fleurs efpeces de boffes à i’arpenteufe * ; les unes ont plus, des Insectes. IX. Mem. 359 les autres ont moins de ces tubercules fur leurs anneaux. Si les unes en ont fur plus, & les autres fur moins d’an¬ neaux. Je n’en connois encore aucune efpece qui foit vé¬ ritablement velue, mais entre celles qui ont des tubercu¬ les, quelques-unes ont quelques poils fenfibles* qui par¬ tent immédiatement de leur peau, & ordinairement c’eft proche de la tête. La peau de quelques-unes eft comme un chagrin ex¬ trêmement fin , comme compofée par des filions tirés lon¬ gitudinalement & tranfverfaiement, & qui fe croifent à angles droits. Le déifias du corps de queiqucs-autresa une infinité de cannelures tranfverfiiles, des efpeces de cor¬ dons*; on ne les voit bien qu’à la loupe fur le corps de quelques - unes , comme fur celui d’une arpenteufe en bâton qui vit fur le gramen, qui eft d’un joli gris-blanc, nué, qui tire fur la couleur de la cendre *. Ce qui doit encore aider à les diftinguer les unes des autres, & ce qui pourrait fournir les caracfléres de quel¬ ques genres premiers, ce font les variétés qui fe trouvent dans les formes des têtes ; il y en a de formes arrondies , de prefque fphériques; d’autres plus écrafées, plus appla- ties, n’ont que la partie fupérieure un peu convexe, n’ont que le crâne arrondi ; leur figure fe rapproche plus de celle de la tête des quadrupèdes *. D’autres ont le devant de la tête plat*, leur tête femble faite d’une portion d’une elpece de difque afifés mince, dont un des plans fait le devant de la tête, & l’autre en fait le derrière, de façon que ces deux plans font perpendiculaires à celui fur lequel la chenille eft étendue; ces fortes de têtes tiennent plus de celles des hommes, que de celles des quadrupèdes. Entre les têtes de cette dernière forme, il y en a de plus ou de moins applaties, & il y en a dont la partie fupérieure eft plus ou moins échancrée *. *pr. 28.%. 12. 1 . 27. fig. p!, '30.6g. 1. 176c 1 8. d’une arpenteulècn bâton raboteux qui vit de feuilles de chêne , mais on eût rempli la planche en en¬ tier défigurés différentes de cette chenille, fi 011 y eût voulu faire voir toutes les attitudes extraordinaires dans lefquelles elle aime à fe mettre 6c à relier pendant long¬ temps comme morte. Elle eft d’une couleur de bois affés brune des Insectes. IX. Mem. 3 6 1 brune, mais veinée. Les deux figures gravées montrent la dii'pofition des différents tubercules qui fie trouvent fur fion corps; elles peuvent au ffi apprendre que les deux jambes écailleufès de la troifiéme paire partent d’une partie charnue qui faille du côté du ventre, ce qui leur eft particulier. C’eften Oétobre que j’ai eu cette chenille, elle ne s’eft transformée en crifalide que dans le mois de Novembre, & je n’en ai pas encore eu le papillon. Dans toutes les autres chenilles, dans les chenilles à feize jambes, par exemple, il y a quelqu’inégaiité de gran¬ deur entre les anneaux qui compofent le corps; les plus proches de la tête font ordinairement plus courts que ceux qui font près du derrière: mais cette inégalité n’efl rien en comparaifon de celle qui eft entre ceux des arpenteu- fes. Les termes des anneaux font à la vérité difficiles à voir dans les arpenteufes en bâton , mais avec la loupe on di- flingue fort bien leurs fîigmates; on leur en trouve neuf de chaque côté, comme à toutes les autres chenilles , & les fîigmates étant obfervés, aident à reconnoître les anneaux, car il n’y a que le dernier, le troifiéme & le fécond qui man¬ quent de fîigmates. Par-là on voit que les arpenteufes, comme les autres chenilles, ont douze anneaux, mais on voit en même temps que fix de ces anneaux qui feroient mis bout à bout, fçavoir les trois premiers & les trois der¬ niers, égaleraient à peine en longueur un de ceux du mi¬ lieu du corps. Les trois premiers font bien déterminés par les trois premières paires de jambes, & les trois derniers le font par l’anus & par deux fîigmates de chaque côté. Il y a de ces chenilles qui 11e mangent que pendant la nuit, mais la plupart mangent pendant le jour, & font gran¬ des mangeufes, ce qui eft ordinaire à toutes les chenilles qui 11e font pas long-temps à prendre leur accroiffcment. On trouve des arpenteufes, comme des autres chenilles. Tome IL . Z z 3 6i Mémoires pour l’Histoire dans toutes les faifons de l’année, & on en trouve fur toutes fortes d’arbres Si de plantes ; mais il n’y a aucun temps où on en rencontre autant fur les arbres, qu’au printemps, alors les chênes, les ormes, les érables, les char¬ mes, Sic. font bien peuplés de celles des deux derniers genres, Si nous avons déjà dit qu’ils le lont aufït de celles du premier. Il y en a des efpeces qui font particulières à quelques-uns de ces arbres, & il y en a qui font commu¬ nes à plufieurs. Mais lorfque le printemps eft doux, tant d’efpeces de chenilles qui habitoient ces arbres Si diffé- rens arbriffeaux, difparoiffent vers le 15 de May; elles font alors déjà parvenues à leur parfait accroiffement, & elles fe font déjà transformées en crifalides. La plupart de ces arpenteufes fi communes au prin¬ temps, entrent en terre pour s’y faire une coque, dans laquelle elles perdent leur forme pour prendre celle de crifalide. Pour avoir ignoré qu’elles ont befoin de s’en¬ foncer en terre, j’ai nourri inutilement pendant une an¬ née , une grande quantité d’efpeces différentes de ces che¬ nilles; prefque toutes périrent dans les poudriers où je les îenois, quand le temps de faire leurs coques fut arrivé. Mais depuis que j’ai été in fruit qu’il faut toujours mettre de la terre dans les poudriers où l’on nourrit des chenilles, donton ne connoit pas encore le génie, depuis que j’en ai mis dans ceux où vivoient les arpenteufes, j’ai eu les papil¬ lons de la plupart de ces efpeces de chenilles, que j’ai pris foin de faire nourrir. Les coques qu’elles fe font en terre n’ont rien de particulier, elles font conapofées de différens grains de terre liés par des fils de foye, d’une manière qui a efié affés expliquée dans le tome I. Mémoire xni. Il y en a pourtant des efpeces qui fe font des coques dans des feuilles pliées ou raffemblées en paquet ; telle efi, par exemple, une petite arpenteufe brune en bâton, de des Insectes. IX. Mem. 363 l’ofciile, qui contourne une feuille de cette plante, dans laquelle elle fc die une petite coque de love blanche. D’autres, après avoir contourné une feuille fe conten¬ tent de difpofèr quelques fils dans fa cavité, qui ne forment pas, à proprement parler, une coque, mais qui fuffifent pour empêcher de tomber la chenille & enfuite la crifalide. Une arpenteufe du frêne * dont les anneaux font un peu * PI. 29.%. plus marqués que ceux des véritables arpenteufesen bâton, 6> 7> mais dont le corps paroît fouvent auffi roide que celui de ces dernières, nous donnera un exemple de celles qui fe transforment au milieu de la cavité d’une feuille roulée, fans s’y faire une vraie coque*. J’ai eu cette chenilleenco- * Fig. 10; re petite, avant la fin de May ; elle mange peu, auffi croît- elle lentement. Elle ne s’eft trouvée en état de faire fa co¬ que que vers le 10. Oéfobre. Il eft vray qu’elle avoit eu à foûtenir un allés long jeûne, qu’elle ne fe feroit pas preferit ; petite encore, elle fut oubliée pendant près de trois femaines. Pendant tout ce temps on la laiffa avec des feuilles qui furent bientôt fi dures, qu’elle 11’auroit pu les entamer. Mieux nourrie dans la fuite, elle parvint à être une affez grande arpenteufe. Le devant de fa tête efl pref- que plat * ; la couleur de prefque tout fon corps efl un jaune * p: 0 ._ citron ; elle a feulement une raye rougeâtre tout du long du ventre; elle a encore un peu de rougeâtre auprès de la tête & auprès des premières jambes. Mais ce qui peut le plus aider à la faire reconnoître, c’efl que fon derrière fe termine par une efpece de fourche formée par deux cor- nesprefque charnues, dirigées ordinairement dans la ligne de la longueur du corps *. Ces cornes font des appendi- * Fig. 8. rri ces des jambes poflérieures, dont la direction elf loti vent perpendiculaire ou inciinéeà la leur. Elles fervent autant à la chenille pour fe cramponner,qu’y pourraient fervirdeux jambes de plus bien armées de crochets. La chenille faifit, Z z ij * PI. 29.fi?. 6 . * F«g« 7* * Fig. 10 . * Fig. 11 ,12 & 13. *Fïg. 12. 364. MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tient ferré entre les bouts de ces deux cornes, tantôt le bord d’une feuille *, & tantôt la principale côte de cette feuille. Cette chenille efl du nombre des arpenteufes qui m’ont le plus fait admirer leur force prodigieufe : je l’ai quelquefois vu foutenir horifontalement toute la partie de fon corps qui efl depuis la tête jufqu’aux jambes inter¬ médiaires*, c’efl-à-dire, prefque tout fon corps, pen¬ dant pîufieurs minutes de fuite. Elle fe transforma en crifalide dans le rouleau d’une feuille de frêne* vers le 10. Oélobre; le papillon * parut au jour vers le commencement de Novembre, & il ne pé¬ rit qu’au bout d’un mois. Il a une trompe logée entre deux cloifons barbues, qui forment au bout de la tête uneefpe- cedebec; fes antennes font à filets coniques, c’efl-à-dire, qu’il efl de la fécondé claffe des phalènes. Quand il efl en repos, il porte fes ailes horifontalement ; la couleur qui domine fur le deffus des fupérieures efl un affés beau verd, des nuances plus claires & plus brunes de verd, du noir & un blanc jaunâtre y font employés pour former une efpece de point d’Hongrie. Tous les deffous des ailes font d’un blanc jaunâtre, ou d’un jaune extrêmement pâle; la bafe des ailes inférieures efl bordée d’un petit trait noir ; il y a auffi des points noirs jettés fur ces mêmes ailes. Quand le papillon marche, il lui arrive fouvent de redrefferfes ailes *. Nous avons affés parlé dans le Mémoire xi. du tome premier, de l’art qu’ont certaines chenilles à feize jambes, defe foutenir en l’air par le moyen d’une ceinture, d’un cordon de fils qui leur entoure le corps, & qui foûtient en- fuite la crifalide dans laquelle elles fe transforment. Cette adroite façon de fe fufpendre n’efl pas inconnuë à toutes les arpenteufes. J’en trouvai fur le chêne vers le commen¬ cement d’Oélobre, qui étoient d’un beau verd, ayant feu¬ lement de chaque côté une étroite & légère raye citron. Le DES I N S E C T E S. IX. Mcm. 3 6 5 devant de leur tête étoit très-plat, d’ailleurs elles n’avoient rien de remarquable. Mais elles me parurent dignes d’at¬ tention, lorfque quelques jours après, je vis la crilalide dans laquelle une de ces chenilles s’étoit transformée *; je vis quelle étoit accrochée par le derrière, contre le couvercle du poudrier, & retenue horifontalement par un lien de fils defoye*. J’eus peu après dans une pareille attitude &fem- blablementfoûtenuë, une chenille de la même efpecequife préparait à la transformation *. Les manœuvres auxquelles elles dévoient avoir eu recours pour fc lier, n’étoient pas ce que j etois curieux de fçavoir ; nous avons affés fuivi ail¬ leurs * celles que différentes chenilles employent pour y parvenir; mais j etois très-curieux de fçavoir de quelle clafle ferait le papillon qui fortiroit de cette crilalide. Jufques là je n avois point vû d’arpenteufe qui donnât un papillon diurne, & je ne fçache pas qu’on en ait vû. Toutes étoient connues pour en donner de noéf urnes. J ufques-làauffi tou¬ tes les chenilles que j’avois vû fe fufpendre par un lien qui fufpend auffi leurs crifalides,m’avoient donné des papillons diurnes ; & on avoit cru que des crifalides ainfi fufpenduës, il en devoit conftamment fortir des papillons diurnes. Ainfi une des deux réglés générales devoit ici être démentie, foie que le papillon fût diurne, foit qu’il fût noéturne. Pour avoir plutôt ce papillon fi attendu, je portai dans le mois de Janvier les crifalides dans la ferre la plus chaude du Jardin du Roy. D’une d’elles il fortit le 12. Mars un papillon qui m’apprit que la règle qui veut que les chenilles qui fe lient donnent des papillons diurnes, étoit celle dont la généra¬ lité étoit détruite par notre arpenteufe verte du chêne. Son papillon étoit un noéturnede la quatrième claffe*. Il porte des antennes à barbes, & il a une trompe jaunâtre qui fe roule en plufieurs tours; il eftdu quatrième genre de port d’aîles; les iupérieures étenduës horifontalement laiffent Z z iij * Pi. 2 9. fîg, 2 . * l. * Fig. 1. Tcm. I. Mcm. 11. *Fig. 3.&4J * Totn . . pl. 22 . Jîl 3 & 4 - * PI. 29. fi 5. a. * b . * bd . 366 Mémoires pour l’Histoire ies inférieures prefqu entièrement à-découvert. La couleur du delfus de toutes ies quatre eft un jaune très-pâle , lavé de rougeâtre en quelques endroits, &. fur-tout près du fbm- met des ailes fupérieures ; à quelque diftance de-là elles font par-tout piquées de points bruns; ces points plus fer¬ rés les uns auprès des autres vers le milieu de la longueur de chaque aile, y forment une raye qui les traverfe toutes quatre. 11 a des ergots ou de longs piquans aux jambes. Les jambes des papillons qui ont de ces l'ortes d’ergots, ne font pas velues comme celles à qui elles manquent,elles paroiffent plus lèches que les autres. On pourrait aulîi a])peller les unes des jambes feches, & les autres des jambes grades ou velues. La crifalide d’où fort ce papillon eft verte; elle a feule¬ ment du côtédu ventre, près delà tête, mois petits points noirs qui y deflinent une elpece de vifage. Ce qu’elle a de plus particulier, c’elt que le gros bout, celui qui eft arrondi dans les crifalides ordinaires des phalènes, eft ap- plati ; Ion contour eft ovale, & de chaque côté de cet ovale 1 il y a une petite éminence * qui faille plus que le refte. Ces ?• éminences femblent demander qu’on mette ces crifalides dans la clalfe des angulaires, fi 011 n’aime mieux en frire une clalfe particulière. Quoique cette phaleneait des antennes à barbes, elles différent des autres antennes à barbes dont nous avons parlé jufqu’ici, parce que la principale tige de l’antenne g. n’en eft chargée que depuis fa baie * jufqu’un peu au-def- fus du milieu de fa longueur *. La partie fupérieure de cette tige * en eft entièrement dépourvûë, comme il pa¬ raît dans la fig. 5. Mais on verra encore mieux cette ftru- cture dans l’antenne d’une autre phalène où elle eft à peu près la même, & dont nous avons fait faire une figure beau¬ coup plus grande. des Insectes. IX. Mem. 3 67 Dans cette dernière figure *, la partie fupérieure de là * PI. 29. tige efl fimplcment compofée d’efpeces de vertèbres arti - lJ r db ' culées les unes au bout des autres, comme le font celles qui composent quelques-unes des antennes que nous avons nommées des antennes coniques & grainées. De chacune des vertébrés du refie de la tige * il part de chaque coté une * ha. longue barbe, bordée d’un côté de poils bien allignés Si. pôles proche les uns des autres. Le bout de chacune de ces barbes efi terminé par deux ou trois poils plus longs, plus gros Si plus roides que les autres, ils paroi fient de petites épines. Une articulation vôifine de la baie * man- * c < que de barbes; on n’en trouve point non plus d’un côté à quelques - unes de celles qui en font proches ; mais du même côté les articulations qui précèdent, jettent des barbes plus longues que les ordinaires. Le papillon à qui appartient cette antenne*,efi, comme * Pi. 29. fig. le précèdent, de la quatrième clafîc des phalènes, il a de 10 même une trompe qui fait plufieurs tours fur elle-même; il a auffîle port d’aîles du quatrième genre ; fes ailes fiu- périeures, qui font toujours parallèles au plan depofition, îaiflent les inférieures beaucoup à découvert. Mais le con¬ tour delà bafe de ces dernières fembleroit demander que tous fêsrpapillons noélurnes qui ont des ailes faites fur le même modèle, fufient mis dans un genre particulier. La 'baie des inférieures femble formée par deux lignes courbes qui fe joignent vers le milieu de cette bafe & y font une elpece de pointe ou de queuë *. Plufieurs autres phalènes * Fig. 15; qui ont cette pointe vers le milieu de la bafe de leurs ailes ' 6 , & lJr inférieures, appartiendraient à ce nouveau genre. Au refte, quoique le papillon que nous examinons n’ait prefque qu’une feule couleur, il efi un très-joli papillon ; les deux côtés des quatre ailes font d’un bleu tendre. Celui du défions des ailes efi plus pâle que celui de leur defllis. 368 Mémoires pour l’Histoire qui efi un bleu célefie très-éclatant ; il y a dans cette cou¬ leur quelque chofe de nacré, de luifant, qui lui donne une vivacité que n’a pas le bleu ordinaire. Le corps du papil¬ lon efi d’un blanc - bleuâtre & argenté. Il vient d’une pe- * Pi. 29. fig. tite arpenteufe * que j’ai trouvée fur la ronce vers le com- I9< mencement d’Oélobre, & encore fur le chêne vers la fin du même mois; elle efi verte, mais ce qui la caraélérile, c’efi que tout du long du dos, elle a fur chaque anneau un point rouge; fa tête eft de celles dont le delfus efi le plus refendu. Celles que j’ai eues fe font métamorpholées en crifalides avant la fin de Novembre. Les crifâlides étoient foûtenuës en l’air par un fi petit nombre de fils, & fi écar¬ tés les uns des autres, que ion ne/çauroit donner le nom de coque à leuraffemblage. Le bout antérieur de ces cri- * Fig. 18. c. falides efi échancré en cœur *, J’en portai une vers la fin de Janvier dans la ferre chaude du Jardin du Roy; le pa¬ pillon en fortitle 3 ou le 4. de Mars. Nous avons cru devoir négliger de faire deffiner quanti¬ té de différentes arpenteufes, de celles dont on trouve le plus au printemps fur les arbres les plus communs en ce pays, comme le chêne, la charmille, l’érable, le tilleul, &c. La couleur principale de ces chenilles, efi une couleur de bois plus ou moins brune, & plus ou moins rougeâtre, qui efi mêlée avec du jaune en plus ou moins grande quan¬ tité, & diftribué de différentes manières fur différentes chenilles. Ces variétés de couleurs ne feroient pas aifées à repréfenter en petit ; nous négligeons même d’en don¬ ner des defcriptions qui pourroient être cnnuyeufes, & qui n’apprendroient rien qu’on crût devoir retenir; d’ailleurs nous ne fommes point fuis que ces variétés foient des va¬ riétés d’cfpeces. Mais nous n’avons pas négligé de nourrir dans des poudriers différens celles de ces chenilles fur lef- quelies les difiributions des couleurs étoient différentes, & celles des Insectes. IX . Mem . 3 6 9 celles que nous avions trouvées fur des arbres ou fur des arbriffeaux différais. Toutes ces arpenteuies dont les for¬ mes tiennent de celles en bâton , ou qui font de vrayes ar- , penteufes en bâton, font entrées en terre, 6c s’y font miles en crifalides avant la lin de May; leurs papillons ne font éclos qu’entre le 12. de Novembre 6c le 24. de Décem¬ bre, peut-être parce que je leur avois fait paffer l’été dans un endroit alfés frais. Ils appartiennent à la fixiéme clalfe des phalènes, à cette claffe linguliéredont les papillons fe¬ melles reffemblent fi peu aux papillons mâles de la même claffe, ou aux autres papillons, qu’on les méconnoît pour des papillons. Toutes les femelles paroiffent dépourvues d’aîles, ou celles qu’elles ont ne femblent être que des moi¬ gnons d’ailes * ; quelques-unes font fi courtes qu’on 11e les * P!. 5 o. apperçoit qu’avec le fecours de la loupe. Un peintre qui a 8 - 9- 1 9 - &c * beaucoup de goût 6c de talent pour donner des portraits des papillons, qui élevedes chenilles pour avoir leurs pa¬ pillons 6c pour les peindre, avoit été fort furpris que des crifalides de quelques arpenteuies qui s’étoient métamor- phofées chés lui,il fûtforti desinfeclesqui relîêmbloicnt li peu aux papillons; iln’avoit pas même foupçonné que ce puffent être des papillons auxquels les ailes manquoient, ou des papillons réduits à n’en avoir que d’extrêmement petites. Les corps * de ces papillons à ailes fi courtes ai- * Fig- 3 . doientcncore à le tromper, ils n’ont pas précifément les formes 6c les proportions des corps des autres papillons ; auffi les regardoit-il comme ces infedies dont nous parle¬ rons dans la fuite, qui s’introduilent petits dans les chenilles, qui les dévorent, 6cqui en fortent grands après avoir confu- mé toute leur fubfiftance intérieure, ou celle des crifalides. Entre les papillons fans ailes qui viennent de diffé¬ rentes efpeces d’arpenteufes , il y a des variétés & même confidérables, telles que font celles qui fe trouvent entre Tome 11 . . A a a * 37 ° Mémoires Pour l’Histoire les papillons ailés. Nous donnerons ici quelques exemples de ces variétés, & nous nous fixerons d’abord aux papil- * PI. 30. fig. Ions fansaîles qui viennent d’arpenteufes*,qui ont du jaune ** combiné avec une couleur de bois. Une arpenteufe du chêne dont le deffus du corps eft d’une couleur de bois un peu rougeâtre, fur laquelle font tirées des veines & des ondes jaunes, & dont les côtés font jaunes, m’a donné un de ces papillons, qui au premier coup d’œil ont beau¬ coup moins de reftemblance avec un papillon qu’avec » Fig. 8. des infeéles de diverfcs autres claires *. Ses ailes font fi peu fenfibles, qu’011 ne verroit pas qu’il en a , fi on ne cher- choit à les voir avec une loupe; les deux fupérieures cou- * Fig. 9.7 mn. vrent les inférieures par deffus *. D’ailleurs c’efl un affés joli infeéte, fon corps plus large par rapporta fon épaiffeur & à fa longueur, que ne l’efl celui des papillons ordinaires, eft régulièrement tigré; le fond de fa couleur efi un cha¬ mois, fur lequel des taches d’un beau noir font diftribuées avec une forte de régularité; les plus grandes de ces taches font fur le dos : il efi tigré jufqu’au bout des jambes & juf- qu’au bout des antennes ; les fiennesfont à filets coniques. Au refie, ce papillon doit toutes les couleurs de fon corps à celles des écailles dont il efi couvert, & qui rcffem- blent aux écailles des ailes des autres papillons. Il en a de différentes figures; les unes vues au microfcope paroiffent * Fîg. 14,. des tridents * ; les autres ne font prefque que des bidents *; *F«g- 15- d’autres font fimplement refendues comme les bâtons *Fjc. d’écrans*. Le bout du derrière de ces papillons * efi ter- * Fig. 13. miné par une efpece de mammelon très-chargé de poils, qu’il allonge de temps en temps, comme d’autres phalè¬ nes allongent le leur pour faire leurs œufs. Je ne fçais s’il cftné en Novembre ou en Décembre, mais il eftoit en¬ core en vie le 26. de ce dernier mois. Ce papillon eft de ceux qui n’ont point de véritable des Insectes. IX. Mem. 371 trompe, de trompe qui fe roule. La Tienne eft compofée de deux parties qui, appliquées l’une contre l’autre, for¬ ment une efpece de triangle ifofcéle *; enfcmble elles * pj , 0 compofent une efpece de langue femblable à celle des n-f.fig.12. ferpents; elle eft placée entre deux barbillons* qui ne fe tI redreffent point en haut. Une arpenteufe que j’ai nourrie des feuilles de l’épine, fur lefquelies elle avoit été trouvée, depuis le 28. Avril jufqu’au 28. May quelle entra en terre, étoit auiïi de celles dont la couleur de bois eft la couleur dominante. Le def- fus de fon corps étoit pourtant plus rougeâtre que le ma* ron, & fcs cotez étoient jaunes. Cette chenille m’adonné aufti un papillon fans ailes, qui ne différoit pas fenfible- ment de celui que je viens de décrire , dont les antennes & la partie qui tient lieu de trompe, étoient femblablement conftruites. J’ai eu un femblable papillon, mais dont la partie qui tient lieu de trompe étoit plus petite que celle des papillons précédons, d’une arpenteufe du tilleul cou¬ leur de bois, qui avoit fur le corps plufieurs rayes jaunes & longitudinales. Une arpenteufe du chêne d’une couleur de bois, qui différoit de la première dont nous avons parlé, en ce quelle n’avoit du jaune que fur les cotez, m’a en¬ core donné un papillon fans ailes, femblable aux précé¬ dons, mais plus petit. Tous ces papillons font nez entre le ia.&lezq.. Décembre, & leurs chenilles étoient en¬ trées en terre avant la fin de May; les crifalicles avoient été gardées dans un lieu affez frais. Entre ces papillons fans ailes, même entre ceux qui pa- roiffent femblables au premier coup d’œil, il y en a pour¬ tant qui font de différens genres, & qui même ont des caractères qui femblent demander qu’on les mette dans différentes elaffes. Il m’en eft né un dans le même temps que les précédons, qui, comme eux, avoit le corps couleur A a a ij * PL30. fi 17, 18 1 19. * m m *Fl'g. 20. ? Fig. 2. * Fig. 12. * Fig. 3./. * « 372 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE cîc chamois & tigre de noir, mais un peu moins régu- g . liérement *; il en difxéroit encore en ce qu’il avoit des & ailes un peu plus fenfibles *. Mais ce qui mettoit une dif¬ férence effentielle entre lui 6c les autres, c’eil qu’il avoit une véritable trompe, qui failoit au moins deux tours de * u ipirale *. Il venoit d’une arpentcule du noifetier,de cou¬ leur de bois, comme les précédentes, qui avoit du jaune cliftribué à peu près comme il l’eft fur quelques-unes des autres , elle avoit pourtant plus de jaune. J’ai eu les papillons mâles de quelques-unes de ces chenilles,& entrautres de celles du noifetier; loit qu’ils ne foient pas fi vivaces que leurs femelles, foit qu’ils ful- fent nés un peu j)lûtôt, je les ai trouvé tous morts le 24.. Décembre : ce qui me lailfe quelqu’incertitude fur le port de leurs ailes, qui m’a paru pourtant devoir être parallèle au plan de pofition. La couleur du deffus des ailes fupé- rieures * elt entre la couleur de bois 6c la couleur fauve, fur laquelle ils ont des ondes noires 6c des points noirs. Leur corps efî tigré de noir 6c de fauve en difïérens en¬ droits , comme l’eft celui de leurs femelles. Quelques-uns n’avoient point de véritable trompe, ils 11’avoient que cette eipece de langue triangulaire compofée de deux picces*. J’ai négligé d’obferver fi le mâle venu de cette arpenteufe du noifetier, dont la femelle fans ailes avoit une trompe,, avoit auffi une trompe fèmblable à celle de la femelle. Les antennes de cespapillons paroiffent encore des an¬ tennes à barbes, mais le microfcope fait voir qu’elles font des antennes à houppes de poils différentes de celles des antennes dont nous avons déjà parlé dans ce Mémoire : les bouquets de poils * femblent partir d’une tige * chargée elle-même de poils, & compofée de poils plus courts; les plus longs forment des efpeccs de balays, de goupillons : il y en a qui imitent ees fouets qui ont un très-grand nom¬ bre de brandies. des Insectes. IX. Mem. 377 Les papillons fortent de toutes ces crifalidcs par l’ou¬ verture qui eft Lite par la piece de la poitrine qui a été dé¬ tachée *, il ne m’a pas paru que les fourreaux lé fendillent * PI. 30. lurle corcelct. Mais ce qui m’a paru plus fingulier, c’eft 7 ' °‘ que les crifalidcs d’où fontforties des femelles fans ailes, avoient ces deux endroits plus élevés, qui dans les autres crifalidcs couvrent les ailes. Une allés grande arpenteufe trouvée fur la jacée le 26. Juin, entra en terre trois à quatre jours après. Tout Ion corps étoit d’une couleur de citron pâle. Un papillon *, * Pi. 31. fig. de ceux qui ont les ailes fi courtes qu’ils paroiflent en man- 7< & quer, fortit de terre & apparemment de la crifalide, vers le 8. Février de l’année fuivante, environ quinze jours après que la crifalide eût été portée dans une ferre chaude du Jar¬ din du Roy. De tous les papillons à allés comme man¬ quées, que je comtois, c’clt le plus joli. Ses anneaux font d’un brun prefque noir; mais ce qui l’orne extrêmement, c’eft que ces mêmes anneaux font bordés de poils couleur de rôle très-prelïès les uns contre les autres; les contours de fes courtes ailes font bordés de poils de même couleur, très - longs par rapport à la longueur des ailes ; enfin fon ventre eft fi couvert de ces poils couleur de rofe, qu’ils ne permettent pas de voir les anneaux. Ses antennes font à filets coniques,& bien recouvertes d écaillés. Je 11’ai pu ni lui trouver une trompe, ni même bien reconnoître la figure des barbes, parce qu’en-defious de la tête, il a un toupet de poils couleur de rofe, qui cou¬ vre la place que les barbes devraient occuper. Nous avons fait repréfenter dans le tome ï. pl. 4. fig. 1 o. une grande & belle arpenteufe de l’abricotier. Au premier coup d’œil elle paroît toute entière d’un rouge qui tire fur le violet; regardée plus attentivement, en voit que fa cou¬ leur eft compofée d’un violet rougeâtre mêlé par ondes & A aaiij * PI. 3 i. fig ç. & io. * m m, n. 374 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE par veines longitudinales avec un rouge qui n’eh pas bien vif; elle a fur le premier anneau, tout près de la tête, un petit collier d’un beau jaune ; elle a auffi lur chaque anneau deux ou trois petites taches d’un jaune couleur d’or. Après que je l’eus nourrie pendant plus d’un mois,& qu’elle eutpris chés moi tout Ion accroilfement ( car je l’avois eue très- petite) elle entra en terre le 8. de Juillet. Le papillon fortit de terre le 8. Février; fa crilalide avoit été mile trois femaincs auparavant dans la ferre chaude du Jardin du • Roy. Ce papillon * étoit une de ces femelles qui n’ont que des elpeces d’aîles manquées ; les fiennes * étoient pourtant plus grandes & plus aifées à reconnoître pour des ailes, que celles des papillons dont nous avons parlé ci- devant. Le delfus de Ion corps eft très-couvert de poils; fa couleur eft un gris-brun, qui vu dans certains feus, pa- roît olivâtre. Le corceiet elt chargé de poils bien plus longs que ceux du relie du corps, & parmi lefquels il y en a de blancs; auffi le gris du corceiet eh-il plus blancheâtre que celui des autres endroits, il a auffi des poils roux. Le fond de la couleur de fes étroites & courtes ailes eh du noir, fur lequel il y a des écailles blanches; lcdehbusdii corps eh un peu plus bancheâtrc que le delfus. Ses antennes font à filets coniques. En la place de la trompe, il n’a que deux petits corps blancs trop courts pour fe rouler. Cette phalene a pondu quantité d’œufs verds& de fi¬ gure ordinaire. Pour les conduire hors de fon corps elle allongeoit fon derrière, elle en faifoitfortir une partie char¬ nue qui alors étoit prefqu’auffi longue que le rehe ducorps; elle étoit compofée de trois à quatre tuyaux, qui, comme ceux des lunettes, pouvoient rentrer les uns dans les au¬ tres. Quand ils étoient mis les uns au bout des autres, il y avoit dans le dernier une file de trois cà quatre œufs, mais i! n’y en avoit point dans les autres tuyaux. Je n’ai point eu le Des Insectes. IX. Mem. 373 papillon mâle. Les fig. 1 1, 1 2 & 13. pl. 3 1. font celles de divers poils, 011 de ces écailles à longue queue qui couvrent le corcelet de ce papillon. Les lig. ip & 1 5. font celles de quelques écailles de les aîles. Au relie, il y a des arpenteufes dont le papillon, com¬ ine celui de quelques chenilles à feize jambes, ne relie pas long-temps fous les enveloppes de la crifalide; jai eu une arpenteufo en bâton, de l’érable, de moyenne gran¬ deur, qui étoit toute verte & d’un beau verd ; elle le trans¬ forma en crifalide le 21. Juin fans entrer en terre. Le pa¬ pillon* parut au jour le premier Juillet; il cil delà fécondé *pj. 31.%. * cJalfe des phalènes. Sa trompe blanche fe roule au moins l6 - trois à quatre tours ; fes antennes font à blets coniques. Il eh du quatrième genre, ou du genre de ceux dont les aîles fupérieures lailfentles inférieures prefqu’entiérement à découvert; le delfus de toutes les quatre cffc un blanc jaunâtre, lavé légèrement de rougeâtre. Des taches brunes forment fur toutes les quatre une raye alfés large, qui eft plus proche de leur bafe, que de leur fommet; d’autres taches brunes plus légères contribuent avec la raye précé¬ dente, à rendre ces aîles des aîles agréablement marquetées. La plupart des arpenteufes qui font fur des feuilles, fe lailfent tomber lorfque la main qui les veut prendre,agite les feuilles fur lefqueiles elles font; foit quelles y fulfent en repos, foit qu’elles y fulfent en mouvement, loit qu’el¬ les y fulfent occupées à manger, elles fe jettent à bas de la feuille pour le fauver. Néantmoins elles 11e tombent pas ordinairement à terre ; il y a une corde prête à les fbûtenir en l’air *, & une corde quelles peuvent allonger à leur gré. * p; £< r . Cette corde n’ell qu’un fil très-fin, mais qui a de la force de relie pour porter une chenille. Nous avons alfés dit que celles-ci doivent leur nom à la façon dont elles marchent, quelles femblent mefurer avec leur corps le ç^emia 376 Mémoires pour l’Histoire qu’elles parcourent, comme un arpenteur toife le terreîn avec une chaîne. Piufieurs de ces arpenteufes que j’ai fait marcher fur ma main ou lur des plans où il m’étoit très- aifé de les obferver, m’ont fait voir de plus quelles laiftent fur un fil la mefure du chemin qu’elles ont parcouru; je veux dire qu’en chaque endroit où la tête s’arrête, elle m’a paru attacher un fil. La tête fe porte-t-elle auffi loin en avant qu’il eft néceflaire pour faire un pas,pendant quelle avance il fe dévide de la filière une longueur de fil égale à celle dont la tête a avancé. La tête fe fixe-t-elle pour finir fon pas, elle attache le bout de ce fil dans l’endroit où elle s’arrête une fécondé fois, & ainfi de fuite la trace du chemin de la chenille eft marquée par un fil. Si elle agit ainfi, ce n’eft pas pour marquer l'on chemin, ni pour le mefurer, ni pour le retrouver; les chenilles de ceselpeces ne retournent pas aux endroits quelles ont quittés, comme font nos che- nillesde focieté: mais ce fil qui fe trouve toujours attaché aftes près rie l’endroit où eft la chenille, & qui par fon autre bout tient à la filière, a un autreufàge aiiç à reconnoître. Toutes les fois que la chenille tombe de deft'us une feuille, foit volontairement, foit involontairement, une petite corde eft toujours prête & difpofée pour la fou tenir en l’air; la chenille ne court point rifquc de tomber jufqua terre. Nos arpenteufes ne fe fervent pas feulement d’une fera- bîable corde pour fe fufpendre un peu au-dciïous d’une feuille, elles s’en fervent pour delcendre des plus hauts arbres, & pour remonter jufqu’àla cime de ces mêmes arbres ; une chenille fçait defeendre du plus haut chêne, du plus haut orme jufqua terre, & elle y fçait remonter par une voye plus courte & plus commode que celle qu’elle feroit obligée de fuivre en marchant. Les petites manœu¬ vres auxquelles elles ont recours pour aller ainfi de haut en bas, ou de bas en haut, au moyen d’une efpecc de corde, méritent. DESÏNSECTES. IX. Mem. 377 méritent affinement que nous nous arrêtions à les exami¬ ner, d’autant plus que quoique ces faits foient connus, les procédés qu’ils exigent n’ont pas été expliqués. Piufieurs autres chenilles que les arpenteufes les l'çavent mettre en pratique, mais les arpenteufes font celles qui y ont plus fouvent recours, & qu’il eh plus ailé de déterminer à ces fortes d’aélions. Dès que la chenille eh fufpenduc par un fil qui tient par un bout à une feuille, à une tige d’arbre, & par l’autre à la filière, c’eft-à-dire à la liqueur vifqueufe contenue dans la filière6c dans les réfervoirs àfoye, il n’eh pas étonnant que ce fil s’allonge, que de nouvelle liqueur l’oit conti¬ nuellement tirée hors des réfervoirs & de la filière; le poids de la chenille eh une force plus que fuffifante pour cela. Tout ce qui fembleroit être à craindre, c’eh que le fil ne s’allongeât trop vite, 6c que la chenille tombât plutôt à terre quelle n’y defeendît; c’eh-à-dire qu’elle ne vînt frap¬ per la terre avec tout le poids de fon corps & la vîteffe ac- qtiife. Mais ce que nous devons remarquer d’abord, 6e mê¬ me admirer , c’eh que la chenille eh maîtreffe de ne pas defeendre trop vite'; elle defeend à piufieurs reprifes ; elle s’arrête en l’air quand il lui plaît. Ordinairement elle ne defeend de fuite que d’un pied de haut au plus, &. quel¬ quefois d’un demi pied, ou que de quelques pouces; après quoi elle fait une paufe plus ou moins longue à fa volon¬ té. Ainfi elle arrive à terre fans jamais la frapper rudement, parce que jamais elle n’y tombe de bien haut. Il fembleroit que dès qu’un poids tire fur le fil de foye auquel il eh attaché, & que l’autre bout de fil tient à la fi¬ lière, une nouvelle portion de fil devroit fortir à chaque im fiant de la filière : la manœuvre que nous examinons, nous apprend néantmoins que tant que le poids n’eh que ce¬ lui du corps de la chenille, elle eh maîtreffe d’empêcher Tome IL , B b b 378 Mémoires pour l’Histoire de nouvelle matière vilqueufe de paffer par la filière ; doù il. paroît que cette filière eft mufculeufe, que Ion bec, au moins , a un fplnnéïer qui peut preficr la partie du fil qui eft dans Ion ouverture, Si l’y arrêter. Ceci ous aj prend encore un autre fait.c’eftque la matière viiqueufieq i loi me le fil de ieye, eft devenue fil de foye , a pris de h. confi¬ ftance avant que d’être l'ortie de la filière, puilqüelap; i tie qui vient d arriver dans l’ouverture de lafiliere, eft tu état de foûtenir le corps de la chenille en 1 air. La liqueur s’eft donc defféchée en partie en faifànt un fi court trajet, elle a acquis le degré de confiftance néceffaire pour loûtenir lepoids delà chenille; je dis ledégré de confiftance néceft- faire pour foûtenir le poids de la chenille, parce que fi une force plus grande, comme celle des doigts, tire la che¬ nille en bas, alors on contraint une nouvelle portion de fil àfortir de la filière; le. fphinélcr rie fon ouverture n’a de force , & n’a belbin d’en avoir, que pour tenir contre le poids de la chenille. Le meme fil qui a fervi à notre chenille pour defeen- dre du haut d’un arbre, lui 1ère aulfi pour y remonter. Une corde qui a des nœuds dèfpace en efpace, ou meme line corde fins nœuds devient une cfipece d échelle pour des hommes exercés à la manœuvre de grimper. Le fil de noftrechenille eft aulfi pour elle une échelle; mais la mé- chanique par laquelle elle fie remonte le long de Ion fil, eft tout à fait différente de celle de l'homme qui grimpe le long d’une corde. Piufieurs efpeces tle chenilles peu¬ vent nous faire voir' cette méchanique, mais les arpcntcu- fes en bâton & un peu greffes, font celles qu’il eft le plus ailé d’obliger d’y avoir recours, Si celles que j’ai le plus obferxées pendant qu elles la pratiquoient. Quand on prend une de ces arpenteufes, on peut appercevoir le fil qui tient à là filière; qu’on faififfe ce fil entre deux doigts. des Insectes. IX. Mem . 379 & qu’on fà/Fe tomber la chenille dedeiïus le corps où elle étoitpolëe, ellefe trouve en l’air pendue au fil. Si alors om f'ecoue lefil,c’cft-ù-dire,fi on élevé & abaifîe brufquement la main à diverfes reprifes, le fil s’allonge, la chenille def- cend plus bas; fi on latiroit en bas avec l’autre main, on produirait le même effet, mais on courrait plus de rifque de rompre le fil. Qu’enfiuite on laiffe la chenille tranquille, ordinairement on la voit fur le champ travailler à fe remon¬ ter le long du fil, & elle s’y remonte vite. C’eft une ma¬ nœuvre qu’on lui fait recommencer autant de fois qu’on veut, & qu’il faut lui faire recommencer pluûeurs fois, pour voir comment elle l’exécute, & pour s’afïïirer qu’on a bien vû, parce que tous les mouvemcns font plus prompts qu’on ne les voudrait. Si pourtant on fatigue une chenille à force de l’obliger de fe remonter un grand nombre de fois, on ralentit l'on activité. Pourfè remonter elle faifit le fil entre les deux dents, le plus haut qu’elle peut le prendre*; auffi-tôt fa tête fe con- * PI. 31. fi; tourne, fe courbe d’un côté *, & cela de plus en plus *, 2 ' elle fëmble defeendre au-deffotis de la dernière des jambes écailleufesqui eft du même côté. Le vrai efi pourtant, que ce n’eft pas la tête qui defeend, l’endroit du fil quelle tient faifi efi un point fixe pour elle & pour tout le refie du corps ; c’eft la partie du dos qui répond aux jambes écail- leufes que la chenille recourbe en haut, par confisquent ce font les jambes écailleufes & la partie à qui elles tien¬ nent, qui remontent alors *. Quand celles de la dernié- *Fig.4..&; re paire fe trouvent au - deffus des dents de la chenille , une de ces jambes, celle qui efi du côté \ers lequel la tête efi inclinée, faifit le fil & l’amène à la jambe correfpon- dante qui s’avance pour prendre ce même fil. 11 n’eft pas aifé de voir laquelle des deux le retient, mais dès qu’on fuppofe la partie du fil qui étoit auprès de la tête, faille & Bbbij * F‘g- 3 * *Fig-4..& 5. 380 MEMOIRES POUR L'HlSTOlRE tenue par les dernières jambes écailleufes, il efi clair que voilà un nouveau point fixe. Si la tête alors le rcdrefle, ce qu’elle ne manque pas de faire dans l’inftant,elle eften état d’aller faifir le fil entre lés dents, dans 1111 endroit plus élevé que celui où elle l’avoit pris d’abord, ou, ce qui eft la même chofe, la tête & par conféquent tout le corps de la chenille le trouve remonté d’une hauteur égale à la longueur du fil qui efi entre l’endroit où les dents l’avoient fiaili la première fois, & celui où elles le faififfent la fé¬ condé fois. Voilà, pourainfi dire, le premier pas fait en haut. A peine efi-il achevé que la chenille en fait un fé¬ cond; elle fe recourbe élu côté oppolé à celui où elle s’étoit recourbée la première fois; la dernière des jambes écailleulcs de ce même côté vient accrocher le fil, quand elle s’en trouve à portée; la jambecorrefpondante fe pre- fente pour lui aider à le prendre ou à le tenir; la tête fe redrefie enfuite; & ainfi la même manœuvre fe répété, la tête s’inclinant alternativement de l’un & de l’autre côté , & fe redrefTant lorfque le fil a été l'aifi par les dernières jambes, & cela julqu’à ce que la chenille foit arrivée afics près des doigts par lefquels nous avons fait tenir le bout du fil, pour pouvoir monter defitis ces doigts & y marcher. J’ai cru voir des chenilles dont la tête devenoit inclinée toujours vers le même côté,&paroifloit fe remonter par le côtéoppofé, c’efi-a-dire des chenilles qui fcmbloient dé¬ vider le fil en écheveau autourde leurs fix jambes écailleu- fes, mais je n’ai jamais été bien fur d’avoir vu cette manœu¬ vre. Il arrive fouvent à la chenille de pirouetter fur le fil qui la tient fufpcnfiuë, & ces pirouettemens peuvent faire qu’on fe méprenne fur le côté vers lequel la tête fe trouve au -deffous des jambes , ils peuvent faire croire quelle s’efi courbée toujours vers le même côté, quoiqu’elle fe foit courbée vers un autre côté. Des Insectes. IX. Mem. 3 S1 Si on faifit la chenille qui cd arrivée à Ton ternie, au plan fur lequel elle peut marcher, on lui voit un paquet de fils mêlés, entre les quatre dernières jambes écailleufes. Ce paquet ed plus ou moins gros, félon qu’elle s’ed plus ou moins remontée ; tous les tours du fil qui le conipo- fent font mêlés. Auffi la chenille n’en tient-elle aucun compte ; dès qu’elle peut marcher, elle s’en défait, elle en débarrafïe fes jambes, & elle le laide avant que de faire un premier, ou au plus un fécond pas. Chaque fois donc quelle fe remonte il lui en coûte la corde dont elle s’ed fèrvie pourfe remonter, mais c’eft une dépende à laquelle elle fournit tant quelle veut ; elle a en elle-même lafource de la matière nécedaire à la compodtion du fil, & c’eft unefource où ce qui en a été tiré, 1e répare continuelle¬ ment. D’ailleurs la façon du fil lui coûte peu, audi avons- nous vu que les arpènteufes font d peu ménagères de ce fil, que la plupart en laident fur tous les chemins quelles parcourent. EXPLICATION DES FIGURES DU NEUVIEME MEMOIRE. Planche XXVII. LEs Figures i, 2, 3, 4. & j, appartiennent au huitième Mémoire. La Figure 1, ed celle d’une arpenteufe à douze jam¬ bes, ou une de celles que nous avons nommées chenilles des légum s. Celle-ci ed toute verte, & polée ici fur un inorceau de feuille du chou fur lequel ellevivoit. La Figure 2, ed celle de la coque dans laquelle la che¬ nille de la dg. 1. s’ed renfermée. La Figure 3 , repréfente une chenille de même cou- Jeu; r & de même genre au moins que celle de la hg. 1, Bbb iij 382 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE mais une chenille plus grande. Elle a été trouvée fur la jacobéc ; on la voit ici au travers d’une coque mince quelle fila contre les parois du poudrier. Les Figures 5, lont celles du papillon de la che¬ nille de la fig. 3, femblable à tous ceux que donnent les chenilles à douze jambes qui mangent les légumes. Il efl représenté dans l’attitude qui lui efl ordinaire lorfqu’il efl en repos. La figure 4, montre prefque tout le dcfliis de fies ailes fupérieures. La figure y, dans laquelle il n’eft vû que de côté, fait mieux voir le bout du toit aigu que fes ailes forment au-defliis de fon derrière, h, ï, k, lés huppes. La Figure 6, efi celle d’une arpenteufe à dix jambes , & de celles du premier genre de ces arpenteufes, c’eft-à-dire de celles dont les anneaux font aulfi diflinéls que ceux des chenilles à feize jambes. La Figure 7, repréfente deux feuilles d’érable appli¬ quées l’une fur l’autre, comme fi le hazard les y avoir placées. Elles font pourtant liées rime contre l’autre, Sc elles cachent une chenille telle que celle de la fig. 6. fp, une des feuilles d’érable, rq, l’autre feuille. La Figure 8, repréfente la feuille d’érable r q, de la fi¬ gure précédente, de deiïus laquelle la feuille fp, a été ôtée. Sur la feuille de cette figure 8, la chenille efl à découvert, & pliée en deux comme il lui efl a fies ordinaire de fe plier. La Figure 9, efl celle du papillon de la chenille des fi¬ gures 6 &8,vu par-defliis. La Fig. 1 o, efl celle du meme papillon, vû par deflous. La Figure 1 1, efl celle de la coque d’où efl forti le pa¬ pillon des figures 9 & 10, de la coque conflruite de grains de terre par la chenille de la fig. 6. La Figure 12 , repréfente une portion d’une antenne du papillon fig. 9 & 10, groflie à la loupe. La Figure 13, repréfente une partie de l’antenne delà figure 12, mais plus groflie. des Insectes. IX. Mem. 3 8 5 La Fig. 14., montre encore une plus petite portion de ï antenne des figures précédentes, mais encore plus grolfie. La Figure i 5. elt celle d’une arpenteufe du chcne, de figure de bâton. Les taches quelle afur Ion corps ne font dans certains temps que de fimplcs taches, mais dans d’au¬ tres temps elles tout des tubercules. Près de la dernière paire des jambes, il y a une ceinture faite de pareils tu¬ bercules. La Figure 1 6, repréfente en grand la tête de l’arpen- teufe de la fig. i 5 ; elle donne un exemple de tete platte par devant, & dont le haut elt refendu. Les Figures 17&. 1 8, repré.entent une même arpenteufe à dix jambes, en deux différentes attitudes; elle en prend des plus bizarres & de très - différentes ; mais toûjours a t-eiie l’air d un morceau de bois raboteux. Planche XXVIII. La Figure 1, elt celle d’une arpenteufe de la claffe de celles dont les anneaux font diltinôU 7 -3yo. ACe/n F u?.4 F u Fui 8 Ï'uj JO 11<7 jS PL.n8.peu}. 3qo . Plfej'rL y. < 2 d ISLit. de<) Iruect&f. 2b m. z } F uj io Fut i J'inicnn<*iu Flj. JJ PL.So. pciq .Soo ûfâenz,. y. J^e. L'ELut- de* Irufentâ^r .~Tom. 2, Fu,.3 Fij.â ifûncnntxut Jeu!/ Pt. 3j pay- 3f?o. Man. y. de l'uùt.^dsj- IruecteJ.Tom i firrLorirtMXU. \JhuJp Pt .*/ /»■>■/ -W Mon .A- i'UÛt.j&rÙUKUs.T* •**+ ' des Insectes. X. Mem. 3 9 1 »:-+ D 1 X 1 E M E M E M O I R E. DES CHENILLES AQUATIQUES. L ES plus communes & les plus connues des efpeces d’animaux qui fe tiennent fous les eaux, ont des for¬ mes très-différentes de celles des animaux qui habitent la terre. Le nombre des efpeces des premiers égale & furpafle peut-être celui des efpeces des autres. Combien y a-t-il d’elpeces de poi lions connues, & combien y en a-t-il plus d’elpeces que nous ne connoiffons point ! Mais il y a fous les eaux quantité d’efpeces d’animaux, finguiiércs en cela même que leurs formes extérieures fe rapprochent beaucoup de celles des animaux terrefhes. Comme fi les eaux cependant n’étoient pas peuplées d’affés de ditiérens animaux qui leur font propres, on a voulu quelles en euf- fent précifémentde tous les genres que nous trouvons fur terre. On a donné à quelques-uns des leurs le nom de va¬ ches, de veaux, de loups, de renards, de chiens de mer, &c. On a voulu trouver de véritables reffemblances entre plu- fieurs de ces animaux de mer & ceux de terre de même nom. On a été julqu’à voir des hommes marins, & qui plus elt, des évêques marins, à qui même on a vu faire des aétions épifcopales; avant que de fe replonger fous l’eau, ils ont donné la bénédiction aux matelots auxquels ils s’étoient montrés. Entre les animaux aquatiques con¬ nus , l’hippopotame elt peut-être le feul qui ait une vraye reffemblance avec nos grands quadrupèdes. A l’égard des hiftoires des hommes marins, quelque bien circonftanciées 59 2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE qu elles ayent été, elles n ont encore été reçues pour vraies que par des gensexceffivement crédules. Ce qui efl plus certain , c’cft que les eaux peuvent nous offrir des infectes de tous ou de prefque tous les genres de ceux que nous trouvons fur terre; la fuite de cette hi- itoire fera connoître des fearabés , des punaifes , des tei¬ gnes, desmittes, des vers, des limaçons d’eau, &c. qui ont les caraétércs propres aux genres de ces infeétes qui • vivent fur terre. Elle nous fera connoître quantité d’efpe- ces d’infeétes qui naiffent & qui croiffent fous les eaux, qui y changent de forme, & qui après s’être métamorpho- fés pour la dernière fois, deviennent des habitans delà terre & de l’air,deviennent des infeétes à qui 1 eau efl en- fuite redoutable. C’eft dans les eaux qu’ont pris tout leur accroilfemcnt un grand nombre d’efpcccs de mouches , foit à deux ailes, foit à quatre ailes, qui volent dans nos campagnes. Nous allons commencer à donner des exem¬ ples de ces infeétes qui, après être nés & avoir crû dans l’eau, en fortent pour n’y plus rentrer, en fuivant l’ori¬ gine de quelques papillons qui s’élèvent fous les eaux , & qui n’en fortent qu'après s’ètre tirés de leurs dépouilles de crifalides ; ils nous feront voir fous les eaux des che¬ nilles & des crifalides femblables à celles que nous n’avons encore vu vivre que fur terre. Les infeétes aquatiques font communément plus diffi¬ ciles à trouver que ceux qui fè tiennent fur terre, &. leur hiftoire efl prefque toujours plus difficile à fuivre que celle des autres. Quoique je n’aye encore obfervé que peu d’ef- peces de chenilles d’eau , il ne s’enfuit donc aucunement que les eaux foient extrêmement pauvres en infeétes de ce genre. J’ai trouvé il y a plufieurs années des coques defoye attachées contre des pierres qui étoient au fond de.gran¬ des rivières, & contre d’autres pierres qui étoient dans de des Insectes. A r , Mem. 3 9 3 petits courans. Ayant ouvert de ces coques, il y en a eu qui m’ont fait voir une chenille qui y étoit renfermée, & il y en a eu d’autres où j’ai mis à découvert la crifalide qui y étoit contenue. Mais deux efpeces de chenilles que j’ai eu la facilité de mieux fuivre, fuffîront pour apprendre que quoiqu’on regarde ces infeéles comme propres à la terre, il y en a qui le font à l’eau ; les deux efpeces même dont je veux parler méritent une place parmi les chenilles induftrieufès. La première de ces chenilles appartient à la claffe des infeéles qui font remarquables par l’art qu’ils ont de le faire des fourreaux, des efpeces d habits, & que nous com¬ prendrons dans la fuite tous le nom général de teignes. Dans un endroit du Bois de Boulogne, peu éloigné de Longchamp, efl une grande mare que je n’ai jamais vu féche pendant l’été : elle a fouvent été le terme de ma promenade. Elle cil entourée de très-hauts chênes. Une plante du genre nommé par les Botan ifles potamogeron , & l’elpece de ce genre qui efl le potamogeton foliislatisJplen- dennbus. C. B. pin. 193. cette plante, dis-je, croit dans la mare du Bois de Boulogne. Ses feuilles * luifantes & * P! - aufîi grandes que celles du laurier ou de l’oranger,& plus épaiffes & plus charnues, font étendues fur la lurface de l’eau. Ayant fait arracher plufieurs de ces feuilles vers la mi-Juin, fur le defFous d’une des premières que je confi- dérai, je vis une élévation dont le contour étoit ovale *, & * F) ‘g qui étoit formée par une portion d’une feuiiie de même eljx'ce. Un morceau de feuille dont le contour avoit quel¬ que régularité, ainfi appliqué fur une feuille entière, qui y faifoit une hoffe & qui y étoit bien attaché, devoit y avoir été mis pour quelque deflein; quelqu’un inflruit du gé¬ nie des infeéles, & attentif à l’oblèrver, ne pouvoit douter que ce 11e fût là l’ouvrage de quelqu’un d’eux. Je tirai Tome IL * Dd d 39+ Mémoires pour l’Histoire doucement la piece de rapport, & je reconnus que des iicns de foye étoient attachés à tout fon contour. Je for¬ çai les liens, je foûlevai un des bouts, & je vis une cavité dans laquelle une chenille étoit logée. Il ne falloir qu’a¬ voir trouvé cette première chenille pour en trouver beau¬ coup d’autres de même efpece. Je fis amener au bord de l’eau, autant que l’on put, de feuilles &dc tiges de po- tamogeton ; & j’eus bientôt plus d’une centaine de loges, dont les unes étoient habitées par des chenilles , & les autres l'étaient par des crifalides. Enfin quelques-unes de ces loges me firent voir des particularités que la pre¬ mière ne m’avoit pas montrées. Non-feulement je re¬ trouvai plufieurs feuilles de potr.mogeton fur lefquelles une 32. fig. portion ovale de feuille failoit une bofie*, je trouvai de Q ^ véritables coques de figure ovale & applatie *, formées de & 5. c. ’ + deux morceaux de feuille, égaux & fiemblables, appliqués l’un contre l’autre, & qui tous deux étant un peu con¬ vexes vers le dehors, renfermoient une cavité qui étoit le logement d’une chenille ou d’une crifalide ; en un mot, c’étoient des coques faites de deux pièces égales & fem- blabies, proprement attachées l’une contre l’autre, & qui fembioient fuppofer bien de l’adreffc & de l’intelligence dans finfeéïe qui les avoit ainfi difpofées pour s’y mettre à couvert. Quelques - unes de ces coques étoient atta¬ chées par un endroit de leur bord perpendiculairement contre le deffous d’une feuille; d’autres l’étoient contre la * Fi». 2 & queue d’une autre feuille *; les unes étoient attachées par W>* un de leurs bouts, & les autres par des endroits pris à diffe¬ rentes cl i flan ces des bouts. * Fig. 1. Lachenille * qui fçait faire de ces fortes de coques efl rafè, prefque tout fon corps ell blanc, &. d’un blanc qui a du îuifant. Si on l’obferveà la loupe, on lui trouve quelques poils qui font blancs eux-mêmes; la partie fupérieurc des D E s I N s E c T E s. X. Alem. 395 deux ou trois premiers anneaux a une teinte de brun. La tête qui eft affés petite, eft brune. Quand il plaît à la chenille, elle la fait rentrer plus d a moitié fous le premier anneau, comme fous un capuchon. Laclaflc des chenilles à laquelle celle-ci appartient, eft la claffc de celles qui ont feize jambes, dont les huit inter¬ médiaires ont des couronnes de crochets complettes. Ces dernières jambes font très-courtes, même lorique la che¬ nille en fait ufage pour marcher ; la couronne de crochets qui les borde eft même alors ovale; quand elles font dans l’inadion, la couronne de crochets eft fi allongée & li ré¬ trécie, qu’elle ne fembie faite que de deux rangs de cro¬ chets appliqués l’un contre l’autre. Il ne manque enfin à cette chenille aquatique aucun des caractères des chenilles terreftres. Elle a, comme elles, des ftigmates fur les côtés, elle en a le même nombre, & ils y font difpofés de la même manière. Scs ftigmates diffé¬ rent pourtant un peu par leur figure, de ceux des autres chenilles; vus à la loupe *, ils paroiffent de petits mam-*pf. 32 . %. melons qui s’élèvent fur la peau , & qui font percés à leur 7 -f- bout. Du refte, leur ufage eft le même que celui ries au¬ tres ftigmates. Pour m’en convaincre & pour fçavoir fi cette chenille, qui eft toujours fous l’eau, reftpiroit l’air, au moins par les endroits par iefquels les chenilles terreftres le refpirent, j’ai huilé les ftigmates; la chenille aparufoû- tenir mieux cette opération, que les chenilles ordinaires ne la foutiennent ; elle a pourtant expiré en moins d’un quart- d’heure. Les ftigmates des chenilles aquatiques doivent être aufti plus à l’épreuve des liquides,que ne le font les ftigmates des chenilles qui vivent au milieu de l’air. Quoique les chenilles du potamogeton foient toujours au milieu de l’eau, je ne crois pas qu’elles doivent être miles au rang des poiftons, au rang des animaux qui Dddij 3 $6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE refpirent beau. Elles ont un art qui ma paru remarquable, c'eft de fe tenir dans l’eau fans que la plus grande partie de leur corps l'oit mouillée. J’ai nourri & élevé chés moi de ces chenilles dans des vafes pleins d’eau. J’ai tiré de l’eau des coques qui n etoient faites que de deux pièces PI. 22. fig. égales de potamogeton , collées l’une contre l’autre *, 6c même j’ai tiré de l’eau de ces coques immédiatement après * Pjg- 4- 1. avoir vu qu’une chenille avoit frit l'ortir fa tête * 6c fes pre¬ miers anneaux en dehors; tantôt j’ai écarté les deux pièces l’une de l’autre, 6c tantôt j’ai coupé la coque tranfverlale- ment, 6c je n’ai jamais trouvé d’eau dans Ion intérieur ; le corps de i’infeéîey étoit toujours à fec. Cette chenille qui vit au milieu de l’eau a donc l’art d’y tenir fon corps dans line cavité pleine cl air ; la tête fçait l'ortir de cette cavité 6c y rentrer fans donner de paffiage à l’eau. Quand la tête lbrt de la coque, l’anneau qui eft dans l’ouverture fait l’office d’un bouchon qui la remplit alfés exactement, 6c quand la tète rentre, l’ouverture qui lui a donné paffiage fe referme: les bords de la coque qui avoient été écartés, font rame¬ nés l’un lur l’autre tant par leur propre reffort que par celui des fils qui les alfujettiffient enfemble. Tout cela cft ailé à imaginer, mais il ne paroit pas poffiblequela chenille empêche l’eau d’entrer dans la coque qu’elle fe confiant, il faut donc qu elle fçache encore l’en faire lortir. Imagine- roit - on que lorfque la coque efi finie, elle la tranfporte fur la furface de l’eau au-deffius de quelque plante, quelle donne le temps à l’eau qu’elle contient & qui ne s’attache pasà une feuille fi lilfe, de s’égoûterî Cet expédient pour- roit fervir pour les coques mobiles, pour celles que la chenille peut tranfporter, mais il en faut un autre pour les coques qui ne font Elites que d’une pièce rapportée Fig.^.dd. contre une feuille entière de potamogeton * qui tient à la tige de la plante, 6c qui par conséquent efi toujours. des Insectes A". Mem . 3 97 plongée dans l’eau. Cette chenille peut pourtant fe tenir dans l’eau immédiatement ,& cela lui arrive au moins tou¬ tes les fois qu’elle a bel'oin de lé faire une coque, & elle s'en fait plufieurs dans fa vie. Elle proportionne fon loge¬ ment à la grandeur de fon corps. J’ai trouvé les petites ou les jeunes chenilles logées dans des coques, qui dans le fe ns où elles avoient le plus de diamètre, n’avoient que deux lignes, & on trouve des coques qui ont plus de quinze à feizc lignes de longueur. Pour lé faire une nouvelle coque la chenille fe cram¬ ponne contre le delfous d’une feuille de potamogeton. Avec les dents elle perce quelque part cette feuille, & elle la ronge cnluite peu à peu en fuivant la ligne courbe que doit avoir le contour de la piece quelle veut déta¬ cher. Si on confidére les feuilles de potamogeton, on en trouvera plufieurs entaillées*comme fi on les eût per¬ cées avec avec un grand emporte-piece; il y en a dont *PI. 32. %. un feul morceau a été ôté, & il y en a dont deux 6 c quel¬ quefois trois morceaux ont été détachés. Quand la chenille a coupé, comme dans une pièce de drap, un morceau de feuillede grandeur & de ftgureconve- nable, elle a la moitié de l’étoffe néceffaire pourfe faire un fourreau ; elle faifit cette piece avec les dents, elle latranf- porte quelque part ou fous un autre endroit du deffous de la même feuille *, ou fous le deffous d’une autre feuille *; elle l’arrête 6 c l’attache dans la place qui lui a paru convena- * Fls< 3> dcL ble. Mais il efl à remarquer quelle l’y pôle de façon que le deffous du morceau, le côté qui étoit le deffous de la feuille entière, efl tourné vers le deffous de la nouvelle feuille, de forte que les parois intérieures de la coque font toujours faites de la furface du deffous de deux portions defeuillle. La chenille efl déterminée à en uler conflamment ainfi par une bonne railon ; quoique les feuilles du potamogeton Ddd iij 1 . a. * Fig. 2. le. 398 Mémoires pour l’Histoire l'oient affés planes, elles font un peu concaves en-deffous; ainfi les delfous de deux portions de feuilles étant tournés l’un vers l’autre, quoique les bords de l’un l’oient appli¬ qués contre les bords de l’autre, il relie entr’eux une ca¬ vité qui fera le logement de la chenille; cette cavitéferoit plus difficile à ménager file delfus d’une feuille étoit ap¬ pliqué contre le delfous de l’autre. Quelquefois la chenille fc contente d’attacher la pièce contre le delfous de la feuille fur laquelle elle fa appli¬ quée, elle l’y alfujettit tout autour avec des fils d’une loye blanche; je veux dire que quelquefois elle ne cherche pas à fe faire une coque qu’elle puilfe tranfporter, & cela lorfqu’elle fe fait un logement dans un temps où elle eft près de fe transformer en crilàlide. Alors elle file dans la cavité renfermée par les portions de feuilles, une coque *PI. 32. fig. affés mince, mais dont le tiffu efl très-ferré *. Là elle le renferme pour ne plus paroître que Ions la forme de pa¬ pillon; eile s’y transforme bientôt en crifaiide. Dans ccttc coque de foye qui fert d’enveloppe immédiate à la cri- fiilide, il n’y a point du tout d’eau; cependant la coque de feuilles, doublée de foye, a été conftruite fous l’eau,& n’a pu être tirée de delfous l’eau; ceci prouve encore que la chenille a un art particulier & pour chaffer l’eau d’en¬ tre les feuilles quand elle y efl entrée, & pour empêcher i’eau quelle a chaffée d’y rentrer. Quanti la chenille qui a tranfporté & pofé un morceau de feuille contre une autre feuille, n’elt pas prête à fe transformer en crilàlide, elle fonge à fe frire une coque, un logement qu’elle puilfe porter par-tout où elle aura envie d’aller. Elle commence par arrêter légèrement, par faufiler, pour ainfî dire, la pièce contre la feuille en¬ tière; elle lailfe apparemment tout autour entre la feuille & la pièce, d’intervalles en intervalles, mais affés proches des Insectes. A". Man. 399 les uns des autres, des endroits par où elle peut faire fortir fa tète. Ce qui ell de fur, c’ell que la picce qu’elle a atta¬ chée lui fert de modèle pour en couper une égale & fem- blable dans la dernière feuille*. Ce font ces deux pièces *p t ^ enfemble qui font un habit complet; la chenille achevé de les alfembler très-bien dans leur contour, excepté à un des bouts où les deux moitiés de la coque relient lim- plement appliquées l’une contre l’autre; là elles peuvent s’écarter l une de l’autre toutes les fois que la tête de l’in- feéte * fait effort pour fortir; & il y a bien des temps où * Fig. 4./, non-feulement la tète, mais où les premiers anneaux avec les jambes écailleufes, font en dehors de la coque. Lorfque la chenille veut changer de place, c’ell avec fes jambes écailleufes, cramponnées fur quelque feuille ou fur quelque tige de plante, qu’elle le tire en avant; les jam¬ bes membraneufes cramponnées contre les parois inté¬ rieures de la coque l’obligent à fuivre la partie antérieure du corps, à inclure que cette partie avance. La chenille fait aulfi fortir là tète de la coque toutes les fois qu’elle veut manger *; elle n’attaque ordinairement * Fig. 4. t. avec les dents que le parenchime d’un des côtés de la feuille; ces feuilles qui font épaiffes en fourniffent beau¬ coup. J ai vu fouvent que les deux côtés de la feuille avoient cté mangés, il ne reftoit qu’une membrane blanchâtre qui occupe naturellement le milieu de l’épaiffeur tic cette feuille; tout ce qu’il y avoit eu de fubflance graffe & verte fur cette membrane avoit été emporté. La quantité tl’ex- cremens d’un brun verdâtre qui le raffemblent au fond des poudriers dans lefquels on tient ces chenilles avec une fuffifante quantité de feuilles, prouve qu’elles man¬ gent beaucoup. Au relie, tant que la chenille a à croître, fon logement n’ell précifément compofé que de deux morceaux de * PI. 3 2. fig. 6 . * Fig. 8 & 9. * Fig. 10. * Fig. I I. 400 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE feuilles collés i’un contre l’autre par leurs bords, mais elle le tapifîe, elle lé fait une coque de foye blanche * lorfque le temps de la transformation approche. La crilalide * dans laquelle elle le métamorpholé efl lcmblable aux crifalides terreflres les plus communes, aux plus communes de celles d’où lortent des papillons noélurnes; elle n’a de particulier que le relief de lés Ih'gmates *. Elle en a trois à quatre de chaque côté qui font plus élevés que ceux de la chenille, chacun d’eux efl une elpece de petit mammeion prefque cylindrique, dont le bout eh arrondi & percé. Je n’ai point faifi le papillon dans le temps qu’il fortoit de fa dépouille, mais on imagine affés que dès qu’il s’en cil tiré il va fe polér fur quelque feuille au - delîus de la furface de l’eau, & que c’ell là que lés ailes fe développent & fe lèchent. Je connoiffois déjà les papillons de ces chenilles aqua¬ tiques, avant que de les avoir vu paroître dans les poudriers pleins d’eau où j’avois nourri les chenilles. Dans le temps où la mare du Bois de Boulogne me fournilfoit beaucoup de ces chenilles & de leurs crifalides, je voyois voler fur l’eau , lé polér fur les feuilles du potamogeton & y relier tranquilles quantité de phalènes * de la même elpece , qu’il étoit naturel de croire les phalènes de ces chenilles. Elles fe pofent ayant les ailes prefqu’horifontales, ou dif- pofées en toit fort écrafé. Ce font d’affés jolies phalè¬ nes qui ont des antennes à filets grainés' & une trompe. Le fond du delfus & du déifions de leurs quatre ailes ell un gris de perle qui ell divifé en taches de diverfes figures, les unes prefque rondes, les autres allongées & de figure irrégulière; ce gris de perle, dis-je, ell divifé en taches par un iizéré feuille-morte, qui lui-même ell couché par taches en quelques endroits. Le feuille-morte du deffous des ailes efl plus brun que celui du delfus. En des Insectes. X. Menu 401 Endeflous, & près des bords de plu fieurs feuilles de potamogeton, j’ai trouvé de petites plaques minces d’une matière vifqueufe, dans lefquelles étoient de petits œufs jaunâtres * mais plus tranfpÜrens que ceux des papillons * PI ,, fo , ordinaires. Je les foupçonnai être les œufs pondus par ces 12. papillons, & mon foupçon a été vérifié par un papillon de cette elpece né chés moi. Je ne l’eus pas plutôt tiré de défiais la lurface de l’eau pour le mettre à lèc, qu’il pondit contre les parois du poudrier dans lequel je le renfermai, des œufs lemblables à ceux dont j’avois vû des plaques attachées contre des feuilles de potamogeton. Le papillon dont je parle, quoique femelle, étoit allés petit, & beau¬ coup plus petit que d’autres que j’ai eus des chenilles aqua¬ tiques de la même plante; ce qui me difpofe à croire que cette plante nourrit deux elpeces de chenilles alfés fem- blablcs, & qui donnent des papillons qui ne différent fenhblement qu’en grandeur. Le papillon, pour cacher fes œufs, a une adrelfe pareille à celle qu’a la chenille pour fe couvrir. Chaque plaque d’œufs eff prefque tou¬ jours couverte par un morceau de feuille de potamoge¬ ton, ou par un petit paquet de feuilles de lentilles aquati¬ ques, collé contre le tas d’œufs. Je n’ai pû examiner d’afi- fés près ces papillons pendant qu’ils pondent leurs œufs, pour voir comment ils parviennent à les recouvrir ainfi. Avant la fin de Juillet, ou vers le commencement d’Aout les petites chenilles éclofent des œufs ; elles ne font pas plûtôt nées que chacune fonge à fe faire un fourreau précifément femblable à ceux des plus grandes. On voit alors de très-petits morceaux de feuilles de potamogeton collés fur des feuilles entières; fi on leve chacun de ces petits morceaux, on ne manque pas de trouver une che¬ nille deffous. Le potamogeton nourrit encore une efpece de chenilles Tome II. • Lee 402 MEMOIRES POUR LHîSTOIRE cliijerente de celle dont nous avons parlé jufqu’ici, & à peu près de même grandeur, mais plus ronde & d’une couleur différente; elle eft d’un brun verdâtre. Je l’ai trouvé recouverte par divers petits morceaux de,feuilles de potamogeton, de figure irrégulière, attachés contre une grande feuille de la même plante. Le logement de cette chenille efi informe & greffier, fi on le compare à celui de la première. Je n’ai point eu le papillon dans lequel fe transforme cette nouvelle chenille, c’eft vers le commencement d’Août que je l’ai vue. Dès que nous fçavons qu’il y a des chenilles aquatiques, il efi à préfumer qu’il y en a des efpeces qui fe nourriffent de certaines efpeces de plantes aquatiques par préférence, & qui ne touchent pas à plufieurs autres, comme certai¬ nes efpeces de chenilles terrefires ne tirent leurs alimens que de certaines plantes terrefires. Une nouvelle eipece de chenille aquatique que nous voulons faire connoitre, fervira à le prouver. Une des plus petites plantes efi la lentille aquatique; fes feuilles prefque rondes n’ont gu ères plus de diamètre que la tète d’une greffe épingle; là tige n’efi qu’un filet délié. Les eaux qui croupiffent font fou- vent couvertes de cette plante qui forme un beau tapis verd fur leur face. En-deffous des tapis de cette lentille aquatique, on trouve une chenille * plus petite que celles dont nous avons parlé cy-deffus, & qui de même efi raie; ce n’efi qu’avec le fecours de la loupe,qu’on lui découvre quelques poils. Le fond de fa couleur efi un brun un peu olive, fur lequel des teintes de fuye ou de bifire font éten¬ dues. Ces teintes font plus fortes fur le deffusdes premiers anneaux que fur lereftedu corps. Sa tête efi petite,& d’un blanc jaunâtre ou d’une couleur plus claire que celle du corps; la chenille la cache fou vent en grande partie fous le premier anneau, qui efi luifant & comme écailleux. Elle DES I N S E C T E S. X. Mem. 405 efl delaclafle des chenilles àlèize jambes, dont les îniit intermédiaires ont des couronnes de crochets complettes. 11 faut la loupe pour bien voir les fligmates qui font très- petits. Les deux premières chenilles de cette efpece que j’ai vues, me furent apportées parM. l’Abbé Noilet qui, en donnant les foins aux infeéles de mes petites ménageries, a pris beaucoup de goûta les obferver, & qui a un grand talent pour découvrir ceux qui font le mieux cachés. Les deux chenilles qu’il m’apporta le 4. Mayétoient chacune dans une efpece de petite malfc de feuilles de lentilles *, *PI. 32.%, Ces maffes confiderées de plus près étoient des coques d’une l'oye blanche, recouvertes de toutes parts de petites feuilles. J’ai trouvé depuis piulïeurs chenilles de la même efpece, & je les ai toujours trouvées dans de pareilles co- ques. Je fendis la coque,d’une des deux premières que j’a- vois eues, pour en tirer la chenille & la faire deffiner ; je mis cette chenille dans une foûcoupe pleine d’eau. Pen¬ dant tout le temps qu’on la delfina, elle refia fur la furface de l’eau , loit qu’elle fût trop légère pour s’enfoncer fous l’eau, foit qu’elle craignit de s’y enfoncer lorfqu’elleétoit nuë. Cette chenille & les autres que nous avons décrites, quoiqu'aquatiques, fçavent très-mal nager. Après que cette chenille eût été deffinée, je la jettai dans un poudrier plein d’eau dont la furface étoit couverte de feuilles de lentilles. Je jettai aulfi auprès d’elle le relie de l’elpece de tuyau d’où je Pavois tirée, qui avoit été rac¬ courci & fendu. Sur Je champ elle entra dans ce relie in¬ forme de tuyau , & elle travailla aufli - tôt à le réparer , à l’allonger, en un mot, à iè faire un logement affés fpa- cieux & folide. Elle fortoit en partie de Ion fourreau dé¬ labré ; la tête alloit faifir quelquefois une feule feuille , quelquefois une plante entière de lentille; elle retournoit * PI. 32. fig. 16 6c j 7. 404 Mémoires pour l’Histoire enluite en arriére êc entraînoit avec elle la feuille ou la plante de lentille ; elle l’appliquoit contre les débris de l'on ancien fourreau; elle l’y aflujettifToitpar le moyen deplu- fieurs fils de foye. L’inftant d’après elle refortoit pour aller chercher, faifir 6c amener de nouveaux matériaux. Quand elle eut affemblé affés de feuilles en défiais, elle forçoit les autres à del'cendre fous beau. Elle eut ainfi achevé en peu la carcafie, pour ainfi dire, de Ion édifice, car les feuilles ne furent d’abord ajufiées 6c afifemblées que grof- fiérement, elles laiffoient des vuides entr’elles. La che¬ nille longea eniuite à perfectionner ion ouvrage, ellefiiiioiî; paffcr fa tête dans les vuides quiétoient entre les feuilles; elle arrangeoit mieux ces feuilles ; elle les rapprochoit les unes des autres; 6c elle reinplifloit le peu d’elpace qui pouvoit être entr’elles, par un tilfu de foye qu’on voyoit très bien avec la loupe. Enfin quand elle fut contente de fon ouvrage, elle conduifit le fourreau dans lequel elle étoit, auprès des parois du poudrier; elle fixa avec des fils de foye un des bouts de fon logement contre l’endroit des parois qu’il touchoit. Elle ne fut pas long - temps à s’y transformer en une crifalide qui ne m’a rien fait voir de particulier. L’autre chenille, celle dont je n’avoispas dé¬ fait la coque, fe métamorphofa deux ou trois jours plutôt que la précédente. D’une de ces deux crifalides, jenefçais pas de laquelle, il fortit le 5. Juin un papillon noCturne*, qui ne différait en rien d’effentiel de tant de phalènes qui viennent des chenilles qui vivent fur terre.'Il a des anten¬ nes à filets grainés, une trompe logée 6c roulée entre deux barbes. Quand il efi en repos, fes ailes forment un toittrès- écrafé , 6c dont la bafe efi large. Son corps, les deux côtés de fes ailes inférieures , 6 c fe deffous des fupérieures font d’un beau blanc qui a quelque chofe d’argenté. Le fond de la couleur du deffus des ailes fupérieures efi plus gris de des Insectes. X. Mem. 405 perle que blanc ; & l'ur ce fond font joliment diftribuées des taches d’un brun-clair & jaunâtre. EXPLICATION DES FIGURES DU DIXIEME MEMOIRE. Planche XXXII. La Figure 1, eft celle d’une chenille aquatique qui vit de feuilles de potamogeton. La Figure 2, eft celle d’une feuille de potamogeton. La partie qui rempliftoit le vuide marqué a, a été détachée & emportée par une chenille qui l’a employée à faire la moitié de Ion fourreau. En be, on voit un fourreau com¬ plet & prefque détaché de la feuille. Lapiece be, qui eft en vue, eft femblable à celle qui rempliftoit l’elpace a. En c, eft un fourreau plus petit que le précèdent be, attaché par un bout contre la queue de la feuille. La Figure 3, eft encore celle d’une feuille de potamo¬ geton , fur laquelle un morceau d’une autre feuille dd, a été tranfporté & collé pour faire une coque; mais la partie fur laquelle eft polée la piece d d, n’a pas encore été coupée. La Figure 4, fait voir une chenille qui a fait fortir fa tê¬ te t de fon fourreau, & qui mange un morceau de feuille de potamogeton. La Figure 5,repréfente un fourreau c, de chenille,dont la figure eft un peu différente de celle des fourreaux des figures précédentes, qui eft attaché contre le pédicule p, d’une feuille. La Figure 6, laifte voir une crifalide, ou une chenille prête à lé transformer, au travers de la coque de foye Eeeiij 406 MEMOIRES POUR L’Hl'STOIRE blanche qu’elle s’eh lilée. 11 ne relie qu’une des moitiés du fourreau de feuille ff; l’autre moitié a été emportée pour mettre la coque de foyeà découvert. La Figure y, eh, en grand, une portion d’un anneau de la chenille de la hg. i, lùr laquelle paroît leliigmate f. Les Figures 8 & 9, font celles de la crilalide de la che¬ nille hg. 1, vûë du côté du ventre hg. 8. & de côté hg. 9. La Figure 10, efl celle d’une portion d’anneau grolhe de la crilalide, fur laquelle eh un higmate f. La Figure 1 1, eh celle du papillon qui fort de la crifa- lide, hg. 8 & 9, vu par delfus. La Figure 12, eh celle d’un morceau de feuille, fur le¬ quel le papillon de la hgure précédente a laiffé fes œufs en o. La Figure 1 3, eh celle delà chenille aquatique qui fe nourrit de feuilles de lentille aquatique. Les Figures 14 & 1 5,repréfentent des coques ou four¬ reaux faits de feuilles de lentilles par la chenille de la hgure précédente. Les Figures 16 & 17, font celles du papillon de la che¬ nille de la hg. 13. vu par deffus hg. 16. & par deffous hg. 17. _ n Mt". ■ | W /.iy 4.06 .Va <«5r / If ut Jsj huedu Tfirt des Insectes. XL Mem. 407 4 , : 4 , •*"* -* - 4 , 4,4r4,4, 4- 4, 4 / ■ty'ty •* 4 , 4/ 4 / 4 , 4 , 444 , 4,44 4 , 4 , Ç ..^ ONZIEME MEMOIRE. DES DIFFERENTES ESPECES D’ENNEMIS DES CHENILLES- Q Uand la nature a rendu certains genres d’animaux prodigieufemcnt féconds , elle a pris loin en même temps d’empêcher que malgré leur grande fécondité, ils 11e le multipliaffent trop. Elle a produit d’autres animaux pour les détruire; c’eft-à dire quelle a rendu extrême¬ ment fécondes les efpeces qui étoient deftinées à en nour¬ rir beaucoup d’autres; ainfi les chenilles (ont deftinées à nourrir quantité d elpeces de grands & de petits animaux. Elles-ont un prodigieux nombre d’ennemis; les uns les mangent toutes entières, ils 11’en font qu’une bouchée; les autres les hachent, les rongent; d’autres les luccent peu à peu, & ne les font pas moins périr. Quelquegrand que l'oit le nombre de leurs defiruéleurs, on le trouve peut-être encore trop petit, lorfqii’on voit quelles dé-** pouillent les arbres & les arbriffeaux de nos jardins & de nos campagnes, de leurs feuilles, quelles mangent nos légumes; 011 efl peu touché alors de tout ce que nous avons pu rapporter à leur éloge; il y a long temps quelles ne font pas aimées, & nous n’aurons pas fait changer les fentimens qu’on avoit pour elles. On nous fçauroit plus de gré fi nous donnions des receptes lures pour les détruire, qu’on ne nous en fçaura de toutes les merveilles que nous en avons rapportées. On efl fi indifpofé contr’elles, qu’on les détruiroit toutes volontiers fur le champ , h on en étoit maître. Quelques réflexions fur nos propres intérêts. / 40 3 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE arrêteraient néantmoins les effets de cette haine. Si nous aimons à voir les arbres de nos jardins & de nos bois ornés de feuilles, nous aimons à voir fur ces mêmes arbres des oifeaux, dont le chant & le ramage nous plailènt. Nous aurions peine à nous réfoudre à dépeupler nos bois de roffi- gnols& de fauvettes,& de cent autres elpeces d'oileaux, moins grands muliciens, mais dont les chants variés & les gazouiliemensnous amufent& nous égayent, ou nous por¬ tent à de douces rêveries : faifons périr toutes les chenilles, & nous nous priverons bientôt de la plupart de ces efpe- ces d’oileaux. Tout a été affûrémentbien fait, bien com¬ biné, mais nous ne voyons pas les rapports que tant d’êtres différens ont les uns avec les autres; ces rapports n’en font pas moins réels & moins néceffaires, pour être fou- vent très-éloignés. En fuppofant que nous lommes le centre de tout, que tout fe rapporte à nous, comme nous aimons à le penfer, nous ne Içavons pas voiries relations utiles, mais un peu éloignées que peuvent avoir avec nous certains êtres que nous ne connoiffons que par des relations plus prochaines, & qui nous font quelquefois nuifibles. $$ M. Bradley Profeffeur de Botanique dans l’univerfité de Cambridge, a inféré dans fon traité général de l’Agri- *â general culture & du Jardinage *, une lettre qu’il affûre lui avoir trealifeofhuf- été écrite, & dans laquelle on prend la défenfe des oifeaux contre ceux qui lé plaignent du mal qu’ils font aux jar¬ dins. L’Auteur de la lettre y prouve qu’ils leur font beau¬ coup de bien en détruifant les infeéles nuifibles. Il y prouve qu’une feule paire de moineaux quia des petitsà nourrir, détruit dans une femaine 3360 chenilles. Voici le calcul qu’il en donne. Il prétend avoir obfervé que chaque moineau qui a des petits, entre vingt fois par heure dans le nid pour y porter la béquée ; le pere & la mere l’y portent tour canary ana gardening. Imprimé à Londres en iyz6. des Insectes. XL Mem. 409 tour-à-tour. Voilà donc quarante béquées portées par heure; & luppofant que les. moineaux portent la béquée chaque jour pendant douze heures, voilà 480 béquées portées par jour; & dans une femaine, fept fois 480 bé¬ quées, ou 3360 béquées; c’elt-à-dire 3360 chenilles, fi chaque béquée a été d’une chenille. Mais le moineau porte auffi d ans Ion nid des papillons, ce qui vaut bien des che¬ nilles , pour diminuer le nombre même des chenilles dans un jardin. Enfin lorlqu’ils ne portent pas des chenilles, ils portent des araignées, des vers, &c. Nous avons dit ailleurs que les nids des chenilles appel- lées les communes, font une rcfiource pendant l'hiver, pour les chardonnerets, qu’ils les dépiécent avec leur bec pour parvenir à trouver les petites chenilles qui y font renfermées. îi eft vrai pourtant que la plupart des oilêaux 11e mangent pas volontiers les chenilles velues; mais tous les papillons font fort du goût de ceux qui aiment les chenilles raies, & les velues, comme les autres, devien¬ nent papillons par la fuite. Les papillons & les chenilles font peut-être de trop grands animaux, ou font au moins des animaux que n’ai¬ ment pas certains oifeaux qui prennent plus volontiers des mouches & des moucherons. Les chenilles, & les plus velues fervent cependant à nourrir ces mêmes oifeaux, au goût dcfquels elles ne font pas, & qui ne les mangent jamais. Cefont-là de ces rapports qui, quoiqu’alfés pro- > chains, font déjà éloignés pour nous. Les chenilles font néceffaires pour faire croître, pour fournir de leur propre fubftance de quoi vivre à un très-grand nombre d’efpeces de vers qui fe transforment en mouches & en mouche¬ rons, que les oifeaux fçavent très: bien attraper & avaler. On a remarqué avant nous que fi les rolfignols, que fi les hirondelles paroilfent au printemps dans ces pays. Tome Jl< . Fff 4-10 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ce n’eft pas une température d’air plus douce, comme plus douce,qui les y attire; ils arrivent chés nous quand iis peuvent y trouver de quoi vivre; ils nous abandonnent pour retourner dans d’autres climats, lorfqueles alimens convenables commencent à leur manquer. Les hiron¬ delles ne trouvent plus affés de moucherons vers le milieu de l’automne. Les infeétes qui font du goût des roflïgnols leur manquent apparemment de meilleure heure. Ce que nous avons dit des vers & des moucherons, peut être dit d’infeéïes de divers autres genres, & d’alimens de toutes autres natures qui amènent chés nous d’autres oifeaux, même pour y palier l’hiver. J’ai vû les bords de la mer fepeupler en certains cantons du Poitou, de canards, de harcelles & de beaucoup d’autres oifeaux marécageux, vers la fin de l’automne, parce que les marais des environs font remplis d’une plante grade, qui appartient, je crois, au genre des kalis, dont les feuilles font rondes, & qu’on y appelle de la roujfiere; elle eft alors en graine, & elle y relie tout l'hiver. De vraies nuées de ces oifeaux viennent toutes les nuits manger cette plante. Les bécalfes trou¬ vent apparemment des vers de terre en plus grande quan¬ tité & plus aifément pendant l’hiver, tant qu’il ne gele pas, que pendant l’été; alors il arrive plus fouvent aux vers de fortir de leurs trous. Si les chenilles nous font du mal,elles nous donnent des dédommagemens. D’ailleurs, pour prendre un peu leur défenfe, on a pour elles une haine trop générale qui enveloppe des milliers d’djieces d’innocentes avec quel¬ ques efpeces de coupables. Les Mémoires précédais ont du donner idée d’un prodigieux nombre d’efpcces de che¬ nilles qui fe trouvent dans ce pays ; cependant il n’y en a peut-être pas une douzaine d’efpeces qui nous loient incommodes. Si on nous délivroit, i.° de celle que nous des Insectes. XI Mem. 41 \ avons nomme la commune, 2. 0 de celieà oreilles, 3. 0 c!e la livrée, 4. 0 de la petite chenille qui vit en focieté fur les pommiers, 5. 0 de celle qui vit fur l’abricotier & divers au¬ tres arbres, Si qui a un mammelon charnu fur le dos, 6.® de la chenille lievre, y.° de qiielques dpeccs de chenilles du chou , 8.° de celles des légumes, &dans certaines années de quelques autres efpeces qui fe multiplient plus que de coutume, affurément il ne relierait pas dans cepaysafies de chenilles pour entretenir l’averfion qu’on a pour elles; celles qui paroitreient fur nos plantes Si fur nos arbres n’y feraient pas de dégât fenfibie, & fourniraient un Ipeéiacle agréable aux yeux curieux. Mais l’ordre établi par la nature exige qu’il y en ait des efpeces qui multiplient beaucoup, qui nous procurent à nous-mêmes des agrémens qui nous coûtent une grande quantité de feuilles d’arbres Si de plantes. Ces chenilles, comme nous l’avons déjà dit, fervent à élever des mou¬ ches & des moucherons, & d’autres infectes de différais genres. En fuivant dans ce Mémoire les principales efpeces d’infectes qui font une cruelle guerre aux chenilles, nous allons entamer i’hiftoire des vers, celle des mouches, celle des fearabés, Si c. avant que d’avoir même fini celle îles papillons & des chenilles : cette cfpecc de dérange¬ ment elt une fuite de la méthode pour laquelle nous nous fommes déclarés dans le premier Mémoire du tome I. Le vrai ordre, celui qui nous a paru préférable, eff celui qui eff le plus propre à faire retenir les faits, à donner pour eux plus d’intérêt, & qui conduit le plus à les vérifier les cb- fervateurs qui en feront tentés. Ce que quantité de vers, de mouches Si d’autres infectes ont de plus propre à les graver dans notre fouvenir, c’eff qu’ils font des deftruéteurs de chenilles. C’eff d’ailleurs en obfervant les chenilles, qu’on Fffij *PÏ. 33. j. 412 MEMOIRES POUR L/HlSfOIRE obferve tout ce qui a rapport à ces vers. Enfin en obfer- vant ies chenilles, il faut être inflruit de tous les faits qu’elles nous donnent occafion de voir; d’autant plus qu’il eft bon d’offrir quelque dédommagement au curieux qui a nourri pendant long-temps une chenille, à qui cette che¬ nille a quelquefois donné une crifalide, de laquelle,au lieu du papillon qu’il en attendoit, il ne voit fortir qu’une mou¬ che, ou que des moucherons. Nous n’avons peut-être que trop cherché à jufiifier la place que nous donnons à ce Mémoire, auffi comptons-nous que ce que nous ve¬ nons de dire , fera dit pour d’autres cas fcmblablesqui fe prélentcront dans la fuite. La maxime fi fouvent citée contre nous, qu’il n’y a que l’homme qui faffe la guerre à l’homme, que les animaux de même cl'pece s’épargnent, a affurément été avancée & adoptée par gens qui n’avoient pas étudié les infeétes. Leur hiftoire nous fera voir en plus d’un endroit,que ceux qui font carnaciers en mangent fort bien d’autres de leur elpece quand ils ie peuvent. Mais ce qui eft pis & particu¬ lier à quelques chenilles, c’eft que, quoique faites, ce femble, pour vivre de feuilles, quoiqu’elles les aiment & qu’elles en biffent leur nourriture ordinaire, elles trouvent la chair de leurs compagnes un mets préférable, elles s’en¬ tre-mangent quand elles le peuvent. Il n’y a pourtant fig- qu’une feule efpece de chenilles * qui vit fur le chêne, qui m’ait encore donné occafion de faire cette remarque; elle 11’a d’ailleurs rien qui la fît juger d’un fi mauvais naturel ; elle paroît auffi douce qu’aucune chenille que cefoit;elle n’a ni air de férocité, ni grande activité. Elle efl delà pre¬ mière chiffe; elle a feize jambes à demi-couronnes de cro¬ chets; elle eft très-rafe, à peine la loupe fait-elle apperce- voir quelques poils fur fon corps. Le fond de fa couleur eft noir, ou brun-noir; elle eft parée par trois rayes d’un des Insectes. XI. Mem. 413 beau jaune, dont l’une régné tout du long du dos; cha¬ que côté a une pareille raye htuée au-defliis de la ligne des fligmates. J’avois mis une vingtaine de chenilles de cette efpece dans un poudrier; 011 avoit Je même loin de les nourrir, que de nourrir celles de plu fieu rs autres efpeces, c’eft-à* dire, de leur donner des feuilles de chêne nouvelles, dès que celles qu elles avoient commençoient à fe faner. On remarqua que le nombre de ces chenilles diminuoit jour¬ nellement : on ne trouvoit pas cependant les cadavres des mortes. Cette obfervation rendit plus attentif à les exa¬ miner, & l’on vit que lorfque quelqu’une d’elles * rencon¬ trait une de lès compagnes*, elle tâchoit delà faifir avec fes dents, vers les premiers anneaux; quelle lui faifoit des bleffures mortelles, fi l’attaquée ne fe dégageoit par de prompts efforts, avant que d’avoir reçu des coups de dents. Les chenilles qui ont été percées quelque part périffent, & fi elles ne périffent pas fur le champ, bientôt au moins elles deviennent très-foibles; ainfi l’attaquante, la meur¬ trière le trouvoit bientôt maîtreffe de fa proye. Quand elle ne pouvoit plus lui échapper, elle lafucçoit &laron- geoit tranquillement. Celles qui attaquoient, paroiffoient toujours les plus fortes, elles ne s’adreffoient apparem¬ ment qu’à celles dont elles connoiffoient l’état de foibleffe, peut-être qu’à cellesque l’approche de la mue rendoit lan- guiffantes. Ce qui efl de lûr, c’elf que de mes vingt che¬ nilles & plus il ne m’en refia qu’une, qui fut deffmée pen¬ dant quelle mangeoit la dernière de les camarades. Elle y étoit fi acharnée qu’elle fe laiffa tirer du poudrier fans abandonner fa proye , à laquelle elle refia attachée ; elle continua de fuccer & de manger pendant tout le temps qui fut employé à la deffmer. Ce ne font pourtant que les parties intérieures qu’elles mangent, elles laiffent non- Fffiij * PI. 33.%» I. a. * b • 414* MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE feulement la tête 6c les jambes, elles lailîent même toute la peau. Le cadavre alors eft réduit à peu de chofe, 6c c’efl ce qui empêchoit de trouver dans le poudrier ceux des chenilles qui avoient été mangées, parce qu’on croyoit devoir y trouver des chenilles mortes, ayant la forme 6c la grandeur des vivantes. Celle qui m’étoit reliée, périt fans fe transformer en crifalide. M. e Merlan affike qu’elle a vu aufli des chenilles à tubercules , qui font celles que nous avons fait repré- fenter tome I. pi. 49. fig. 1, ou celles de la pl. 50. fig. 1. qui s’entre-mangeoient, mais j’ai nourri de ces der¬ nières chenilles, fins les avoir vu fe traiter avec une pa¬ reille barbarie. Pour l’ordinaire les chenilles 11’ont pas à s’entre-re- douter ; non - feulement celles de la même efpece 11e le font point de mal les unes aux autres, celles d’efpeces différentes vivent enfemble très - pacifiquement dans le même endroit, dans le même poudrier. Aulfi ont-elles alfés d’ennemis contre lefquels elles font hors d’état de fe dé¬ fendre ; plufieurs efpeces de vers les rongent toutes vivan¬ tes; les uns fe tiennent en partie furie corps delà chenille même, ils le percent 6c le fuccent. D’autres vivent dans l’intérieur de la chenille, ils y font fi bien cachés, qu’on ne foupçonneroit pas quelquefois qu’une chenille qui en aie corps farci, en eût un feul; elle paroît fe porter à mer¬ veilles; fon extérieur n’eft en rien changé, malgré les vers qui dévorent continuellement fes parties intérieures. O11 peut divifer ces vers qui mangent les chenilles, comme les chenilles mêmes, en vers qui vivent en focieté, & en vers foiitaires. Ils doivent tous fubir une métamor- phofe. J’appelle vers qui vivent en focieté, ceux qui fe tiennent en bon nombre dans le corps d’une chenille, 6c qui en fortent enfemble pour fe métamorphofer les uns D E S I N S E C T E S. XI. Mem. 4 I 5 auprès tics autres. Les vers iolitaires font ceux dont on ne peut trouver qu’un ou deux dans le corps d’une chenille. Il y en aplufieurs efpeces, tant de ceux qui vivent en fo- cieté, que des iolitaires. Il y en a de l’une & de l’autre clafle qui i'e filent des coques de foye pour fie transformer, Si d’autres qui fe transforment fans fe renfermer dans des coques. Les chenilles de la plus belle des efpeces qui s’élèvent fur le chou , font de toutes les chenilles celles à qui il efl plus ordinaire de nourrir dans leur intérieur des vers de la claife de ceux qui vivent en focicté, & fur-tout d’en nour¬ rir de ceux des efpeces qui fçavent fe filer de très-jolies coques de foye qu'ils attachent les unes auprès des autres. Ce font ceux qui en ont impofé à plus de Naturalises. Goedaert & beaucoup d’autres avant lui ont regardé ces vers comme les vrais enfans des chenilles; ils ont cru même voir que la chenille s’intéreffoit pour fes enfans nouvelle¬ ment nés, que dès qu’ils étoient fortis de fou coips elle filoit pour les envelopper de foye. Au lieuqu’unechenille n’auroit dû, pour ainfi dire,enfanter qu’une crifalide, ils croyoient qu’il lui arrivoit quelquefois d’enfanter des vers. Mais comme ces vers étoient confidérablement plus petits que la crifalide, ils imaginoient apparemment que la che¬ nille qui auroit dû produire une grolfe crifalide qui fe lè- roit transformée en un grand papillon, ne produiloit quel¬ quefois que des vers qui fe transformoient en de petites mouches, mais qu’en revanche elle produiloit un grand nombre de ces vers. Quoique des apparences grolîiéres ayent pu favorifer cette idée, il feroit cependant étonnant quelle eût pû être reçue, fi l’on ne fçavoit qu’il y a eu des temps où on ad- mettoit les faits ,& où on en tiroit des confcquences trop légèrement. N’auroit -on pas trouvé du ridicule à faire 4 ï6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE accoucher une chatte tantôt de cinq àfix chats,& tantôt d’une centaine defourisî Mais quand on n’a pas des idées affés phiiofophiques, quand on ne voit pas bien que le grand & le petit ne font que des chofes relatives, les diffé¬ rences du petit au grand en impofent aifément ; ce qu’on ne croirait pas poflible dans les grands animaux, on le croit pofhble dans des animaux beaucoup plus petits. S’il eût plû à l’Auteur de la nature de faire des chats auffi petits que les chenilles, ils engendreraient aulfi confamment, auffi invariablement des chats de leur elpece, que les grands chats en engendrent de la leur. Nos chenilles d’ailleurs font dans un état d’enfmce, elles ne produifent pas même des chenilles. L’ordre établi par rapport à elles, c’efl qu’il en doit fortir une crifaiide qui fe transforme en papillon. Les vers qui paroi ffent naître des chenilles , n’ont pas trompé les oblervateurs qui avoient de plus jufles idées de l’invariabilité des productions de la nature, tels qu’ont été Swammerdam, Leeuwenhoek, Vallifnieri, &c. 11 a dû pa¬ raître certain que les vers qui s’étoient élevés dans le corps des chenilles, qui en fortoient, & qui fe transformoient enfuiteen mouches ou en moucherons, dévoient leur nailfancc à des mouches ou à des moucherons fembla- bles à ceux fous la forme defquels ils dévoient paraître un jour. Sur quoi feulement il pouvoit y avoir de l’incertitude, c’elt fur la manière dont ces vers étoient entrés dans le corps de la chenille. i.°. Doit-on croire que les œufs dans lefquels ils ont été contenus, avoient été dépofés fur une feuille , & qu’ils avoient paffé dans les inteflins de la chenille lorfqu’elle avoit mangé inconfidérement les por¬ tions de la feuille à laquelle ils étoient attachés ! 2. 0 Ou doit- on penfer que la mouche a dépofé fimplemcnt l'es œufs fur le corps de la chenille, à peu près comme les mou¬ ches ordinaires laiflent les leurs fur la viande ! 3° Enfin la mouche D E S I N S E C T E S. XL Mem. 417 la mouche a-t-elle quelqu’induftrie particulière pour mettre lès œufs hors de tout rifque, pour empêclier que la che¬ nille ne s’en puiffe défaire, & pour les faire éclore fûrement! La nature a appris à nos mouches, comme elle l’a appris aux autres animaux, les moyens les plus fûrs de perpétuer leur elpece,& elle a appris des moyens différens à des mou¬ ches d’efpcces différentes. Vers la fin d’Aout je vis fur une des belles chenilles du chou une petite mouche, qui me pa¬ rut femblable à celles qui étoient nées chés moi, de vers quiavoient crû dans des chenilles de la même efpece; fou corps étoit d’un beau verd doré ; elle portoit les ailes ho- rifontalement, mais de façon quelles fe croifoient: la fu- périeure cachoit prefqu’en entier l’inférieure. Je fus at¬ tentif à l’obferver; pour le faire même plus à monaife, je détachai doucement du relie de la feuille la portion fur la¬ quelle étoit la chenille. La petite mouche fe trouvoit bien où elle étoit, elle étoit où elle vouloit être, auffi y rella- t-elle ; elle me permit de l’obferver autant que je le fou- haitai, même avec une loupe affés forte. Occupée d’au¬ tres foins, elle ne paroiffoit pas fonger à moi; quelquefois elle marchoit fur le corps de la chenille, mais feulement pour changer de place; elle fe fixoit enfuite. Je vis que lorfqu’elle étoit en repos, elle faifoit fortir de fonderrière une efpece d’aiguillon très-fin & prefqu’auffi long que tout fon corps ; elle en piquoit la pointe dans le corps de la chenille; elle l’y enfonçoit peu à peu jufqu’à y faire entrer l’aiguillon tout entier. La chenille louffroit affés patiemment cette piquûre, quelquefois pourtant elle fe donnoit des mouvemens, dont la petite mouche ne pa¬ roiffoit pas s’inquiéter. La petite mouche retirait enfuite fon aiguillon pour l’enfoncer affés près de l’endroit d’où elle l’avoit retiré. Après avoir fait là quelques piquûres, ellechangeoit de place pour aller ailleurs en faire d’autres. Tome II. ■ G g g 418 Mémoires pour l’Histoire Il me parut qu’elle choififfoitpar préférence les jonélions des anneaux; c’eft près de la jonction du huitième avec le neuvième & de celle du neuvième avec le dixiéme, qu’elle enfonça fon aiguillon en différcns endroits & à différen¬ tes reprifes. Il n’étoitpas mal-aifé de deviner à quoi tendoient tou¬ tes ces piquûres; la mouche ne cherchoit pas à piquer la chenille, pour la piquer, précifément pour lui fairedu mal. Les aiguillons que les infeéïes portent au derrière ne font point des organes au moyen defquels ils prennent de la nourriture; mais on fçait que les efpeces d’aiguillons que quelquesmns portent au derrière, fervent apercer les corps dans lefquels ils veulent dépofer leurs œufs, & font déplus, les canaux qui conduifent les œufs dans les trous qu’ils ont percés. Cette efpece de fabre ou d’épée dontle der¬ rière de piufieurs efpeces de fauterclles femelles eft armé, nous donnera occafion ailleurs d’expliquer comment elles s’en fervent pour cacher leurs œufs fous terre. Il y a donc tout lieu de croire que chaque fois que la petite mouche enfonçoit fon aiguillon dans le corps de la chenille, elle y dépofoit un œuf qui devoit être couvé par une chaleur douce, qui le feroit bientôt éclore ; & que dèsquel’infeéîe feroit forti de l’œuf, il trouveroit une nourriture conve¬ nable; qu’il n’auroit qu’à fuccer ou qu’à ronger les parties de la chenille. La profondeur à laquelle les œufs étoient dépolés, les mettoit en fureté, elle étoit telle que la che¬ nille pouvoit changer de peau , fans que les œufs piaffent être rejettés avec la dépouille. J’eus foin de nourrir cette chenille, & je comptois qu’elle nourrirait elle-même piufieurs vers; elle ne me pa¬ rut pas moins vigoureufe que les autres de fon efpece. Au bout de dix à douze jours elle fe transforma en crifalide; mais de jour en jour je vis dépérir cette crifalide, & il n’y en des Insectes. XL Mem. 419 avoit pas quatre quelle étoit née, que je trouvai tout Ion intérieur mangé par des vers, à qui peut-être elle ne donna pas alfés d alimens, car iis ne parvinrent pas à lé trans¬ former en mouches. J1 arrive tantôt que les vers fortcm du corps de la che¬ nille, & tantôt qu’ils fortent de celui de la crilalide, & cela félon que i’accroiffement de la chenille étoit plus ou moins avancé, lorfque les œufs ont étédépofés dans fon corps. Vers le commencement de Décembre 1733. je trouvai fur des choux un alfés bon nombre de leurs plus belles chenilles; j’en mis plus d’une trentaine dans un même poudrier; elles me donnèrent desoccafionsde relied’ob- ferver comment les vers fortent du corps des chenilles. Plus de vingt-cinq de ces trente le trouvèrent en être pleines. Les premières coques de vers que je vis auprès d’une de ces chenilles, du corps de laquelle les vers étoient fortis,m’a¬ vertirent d’être attentif à ofaferver s’il n’en fortiroit point de quelqu’une des autres chenilles. Dès le lendemain vers le midi, j’apperçûsun petit tubercule blancheâtre fur un des côtés d’une de ces chenilles. Ce tubercule avoit quelqu’air d’une jambe membraneufe, mais polée dans un endroit où il ne doit pas y en avoir. Je foupçonnai que cetub#- cule étoit un ver, & bientôt je vis que ç’en étoit un. Le tubercule s’éleva de plus en plus, prelque perpendiculaire¬ ment à la furface de la peau ; je le vis enfuitefe raccourcir un peu pour s’allonger bientôt davantage, & s’élever da¬ vantage au-deffus de la peau. Enfin je ne fus pas long-temps fans voir une fécondé inégalité s’élever fur un autre endroit du même côté de la chenille; la peau venoit d’être percée là par un autre ver: ainfifucceffivement elle fe trouva cri¬ blée des deux côtés par différens vers *. II en lortit d’un * côté quatorze à quinze, & quinze à lèize de l'autre côté, & cela dans moins d’une demi - heure. C’étoit à force de • * G g g ij 420 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE raccourci flemens & d’ailongemens fucceflîfs qu’ils parvc- noient chacun à avancer en dehors de la chenille. Enfin ils parvinrent tous à fe tirer de fou corps, & allèrent fie placer auprès de fies côtés. Pendant cette cruelle opération, la chenille étoit tran¬ quille, elle fembloit morte, elle ne letoit pourtant pas. Quand elle fut délivrée de tant d’ennemis élevés dans Ion propre corps, elle fe courba plufieurs fois, elle fe donna divers mouvemens, elle marcha même un peu, mais elle périt au bout de quelques jours. Les vers ne fortirent de quelques-unes de ces chenilles, qu’après qu’elles fe furent liées, comme nous l’avons expli- * Tom. l. quéailleurs*,pour fe transformer en crifalides. Quelques- , unes même malgré toutes les playes qui leur avoient été j 2. ° faites pour donner des fiorties à tant de vers, fe métamor- phoférenten crifalides, mais en crifalides qui périrent bien¬ tôt. Enfin ce fut des crifalides mêmes que fortirent d’au¬ tres vers de la même efpcce, mais ces dernières crifalides, comme celles des chenilles criblées, ne donnèrent point de papillons. Ce font au refie des obfervations qui feront aifées à faire, dès qu’on voudra prendre des chenilles du chou de l’efpece dont nous venons de parler, dans le temps où elles font proches de leur transformation. Rien n’eft plus ordinaire que d’en trouver qui ont le corps plein de vers. Pendant l’automne 1735. c’eft-à-dire vers la fin de Sep¬ tembre, & dans le commencement d’Otfiobre, j’ai ouvert un grand nombre de ces chenilles; communément de 23. à 24 chenilles que j’ouvrois, je n’en trouvois qu’une ou deux qui n’eu fient pas le coips rempli de vers. Ainfi gé¬ néralement parlant, il n’y a peut-être pas la dixiéme ou la vingtième partie de ces chenilles qui parvienne à fe trans¬ former en papillons. J ï &. 16 . * F‘g- i 3 & 14. * 73w. Alun. J v. 1 . * Tome 1. Alan. Xii. nourriture, & fur laquelle elles périffôient à la fin. Mais j en ai vu d’autres qui au bout d’un jour ou deux fe tiraient de defiTus la coque, elles n’alloient pas loin,& mouroient en peu de jours. Ce font encore de petites mouches qui fortent de ces dernières coques,mais que j’ai négligé de décrire , & de faire deffiner lorfque je les ai eues. D’autres vers, dont i! n’y en a encore qu’un, ou au plus que deux qui fe nourri fient dans le corps de la même che¬ nille, après lavoir percée, marchent, ou plutôt fe traînent pour fe rendre fur quelque Quille ou fur quelque tige voifi- ne,& pour filer une coque très-bien faite, qui n’ell prefque qu un cylindre arrondi par les deux bouts *. Le lifiu de ces dernières coques eft ferré; mais ce qu’elles ont de plus re¬ marquable, c’efi quelles font de deux couleurs, elles font noires & blanches. Le milieu de quelques - unes cfi en¬ touré d’une bande bien blanche, qui dans tout Ion con¬ tour a une largeur à peu près égale; la coque eft là comme ceinte par un ruban blanc, & tout le relie eft noir ou brun. D’autres, outre la bande blanche du milieu, en ont une de même couleur près de chaque bout *. D’autres n’ont que les deux bandes blanches pofées près des bouts, l’entre-deux eft brun, avec des marques blanches diftribuées irrégulièrement. On doit avoir envie de fçavoir,& il doit paraître de la difficulté à expliquer comment le ver par¬ vient à faire ces ctiïlributions, foit régulières, foit irrégu¬ lières, de noir & de blanc. Nous avons expliqué ailleurs* d’où les chenilles tirent leur foye, comment eft faite, & où eft placée la filière par où la foye fort, & comment elles fe fabriquent des coques de pure foye *. Tous lesvers dont nous avons parlé juf- qu’ici, ont leur filière placée, comme celle des chenilles, fur la lèvre inférieure. La foye qui lort par cette filière. des Insectes. XL Mem. 43 5 vient de même de réfervoirs contenus dans la capacité du ventre. Nous avons vû auffi que la matière propre à for¬ mer la foye contenue dans les réfervoirs de la chenille, efi quelquefois de deux couleurs ou de différentes nuances de la même couleur, & que dc-là il arrive que l’extérieur d’une coque cil quelquefois de foye blanche, ou d’un blanc jaunâtre, & que l’intérieur de la même coque efi d’un très-beau jaune; la matière qui efi vers le milieu du réfervoir n’eft tirée en fils que quand la portion de matière foyeufequi la précédé a été toute filée. Si la variété de la diftribution du noir & du blanc de nos coques de vers dépendoit précifément de cette caufe, ilfàudroit que cer¬ taines portions de la matière à foye fuffent alternative¬ ment blanches & d’autres alternativement noires, mais avec des variétés incomparablement plus grandes que celles que la coque même nous fait voir; je veux dire que pour faire une coque qui a trois bandesbianches & le refie brun, il ne fuffiroit pas qu’il y eût dans le réfervoir à foye cinq portions de matière, trois blanches & deux noires diftri- buées comme le blanc & le noir de la coque ; & cela par¬ ce que chaque zone de la coque efi faite à bien des repri- fes, peut-être à plus de vingt. Il faudrait donc qu’il y eût plus de cent diftributions alternatives de matière blan¬ che & de matière noire dans les réfervoirs, & quelles y fuffent dans les proportions qui doivent fournir aux ban¬ des; qu’il y eût alternativement comme de petits pelotons de foye blanche & de petits pelotons de foye noire, & que î’infeéle les employât avec un choix pareil à celui d’une ouvrière en tapifièrie, qui employé des laines de dif¬ férentes couleurs. II n’y a ici ni autant d’art de la part de l’infeéle, ni autant de préparatifs faits par la nature, que l’extérieur de ces coques femble en demander : tout fe réduit à ce que le Iii ij 436 Mémoires pour l'Histoire ver peut faire la coque de foye de deux couleurs, en ce que la foye qui fort la première de la filière eft blanche, Si a une circonftance de plus, qui eft celle qui donne le dé¬ nouement; fçavoir que quand le ver commence l'a coque, la folidité de Ion ouvrage exige qu’il donne plus d ’épaifteur à certains endroits qu’à d’autres. Le milieu d’une coque commencée doit, par exemple, être foûtenu par un cerceau de foye plus épais que le relie; il eft bon que d’autres par¬ ties de la même coque, ou de quelques autres coques, ayent chacune une efpece de pareil cerceau près de chaque bout. Suppofons que la portion de la matière des réfervoirs qui devient de la foye, ne peut fuffire qu’à ébaucher ainh la coque, quelle ne fçauroit fournir la foye nécelfairepour lui donner l’épailfeur convenable, Si que le relie de la ma¬ tière contenue dans les réfervoirs à foye , donne de la foye brune. Cela fuppofé, tout l’intérieur de la coque fera brun ; l’extérieur de la coque paraîtra à peu près de ce brun dans les endroits qui ne font faits que d’un rézeau de foye blanche, mince & tranfparent ; mais la coque paraîtra toujours blanche dans les endroits qui ont de¬ mandé à être fortifiés par des couches de foye plus épaiffes, & allés épailfes pour être opaques. Il cil ailé de fe convaincre que c’eft de-Jà que dépend la variété des couleurs extérieures des coques dont nous parlons. Si on en ouvre une, on voit que les couches intérieures font brunes. On en a une preuve bien plus décifive, fi on ratifie avec la pointe d’un canif quelque portion d’un endroit blanc, Si qu’on enleve partie de là foye; la portion qu’on gratte devient brune à mefure qu’on ôte ce quelle avoit de plus d’épaifleur que les autres en¬ droits. Lorfqu’on a ouvert une de ces coques, on remarque aifément que tout ce qui eft brun eft fait de plufieurs des Insectes. XL Mew. 437 couches qui peuvent être réparées les unes des autres ; elles font prodigieufement minces, auffi font elles faites d’une fove fi fine, que les yeux armés d’une forte loupe, ne peuvent s’affûrer quelles lont tiffuës ; j’en douterois prelque, fi je n’avois mis des vers dans lanéceffité de filer, pour boucher les ouvertures que j’avois faites à tics coques de cette efpece, dans lefquelles ils s'étoient renfermés. Mais auffi leuribye a un brillant dont celui d’aucun de nos tifiiis de loye nefçauroit approcher; c’efi un éclat pareil à celui des vernis ou des corps durs les mieux polis. J’ai trouvé de ces coques rayées tranfverfalement de blanc 6c de noir, qui étoient attachées à quelques-unes des plus belles des chenilles du chou, 6c aux corps de quelques autres chenilles que j’ai nourries; mais où j’en ai trouvé le plus, ç’a été dans le commencement d’Obtobre fur des branches de genêt. Les vers qui avoicnt confiruit les coques étoient fans doute fortis de chenilles qui vivent fur cet arbriiïeau. Je ne fuis parvenu à voir les vers qu’après avoir ouvert leurs coques: ils étoient plus raccourcis que dans leur état na¬ turel; leur blanc étoit verdâtre. Ils palfent l’hiver dans leur coque (ans fe métamorphofer, 6c alors ils font prefque verts. Je ne leur ai point vu de jambes bien marquées, je doute pourtant s’ils n’en ont point. Les jambes fem- blent être alfés différentes des ftigmates, pour qu’on ne les prenne pas les unes pour les autres; on voit pourtant du côté du ventre fur chacun des deux premiers anneaux, deux petites éminences noires qui ont l’air ou de ftigmates, ou de jambes naturellement très-courtes, qui fe feroiènt retirées en dedans; on voit auffi du côté du ventre fur le pénultième anneau 6c fur celui qui le précédé, deux fem- blabfes éminences noires. Mais ce qui les feroit jugerplûtôt des ftigmates que des jambes, c’eft que les deux premiers anneaux, outre les deux éminences dont nous avons parlé, I i i iij * Tom. j PL 43. fn 3Jc*uf ’ • . • des Insectes. XII. Ment. 467 DOUZIEME MEMOIRE. DES CHENILLES QUI VIVENT DANS LES TIGES, LES BRANCHES, ET LES RACINES DES PLANTES ET DES ARBRES; Et des chenilles, & de quelques vers qui vivent dans l'intérieur des fruits. A Près avoir vu * combien d’ennemis attaquent Si détruifent les chenilles, on craindra peut-être moins qu’elles ne fe multiplient exce/fivement, Si on fera peut- être moins fâché de voir qu’il nous refle encore à en faire connoître beaucoup d’efpeces. C’efl fur les plantes & fur les arbres que vivent les chenilles que nous avons fuivies cy-devant; pour l’ordinaire, elles mangent leurs feuilles; quelques-unes même rongent leurs fleurs; d’autres n’épar¬ gnent pas leurs fruits; enfin, ce font leurs racines que d’au¬ tres attaquent : mais beaucoup d’autres chenilles vivent dans l’intérieur même de différentes parties des arbres Sc des plantes. Là elles nefont point expolées à nos regards. La peau de ces dernières chenilles, louvent plus tendre que celle des autres, n’efl pas auffi en état de réhfler à l’aélion de l’air; fi elle y étoit expofée, elle fedeffécheroit trop. Cachées dans défi obfcures retraites,elles font ce¬ pendant fouvent attaquées par les mêmes vers, ou par des vers femblables à ceux qui attaquent celles qui vivent a découvert. Nous avons déjà parlé dans le vu.® Mémoire N n n ij * AJém. xi. 4 68 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE * Tom. I. du tome î. pag. 309. d’une chenille * qui fe tient dans PLl 7 -fi,a-'- l’intérieur des branches de chêne & dorme, & ordinaire¬ ment dans l’aubier ; elle préféré même aux autres les bran¬ ches qui commencent à fe carier, quoiqu’elle perce,quand il le faut, le bois le plus dur. C’elt une des plus grandes & des plus grolfes chenilles que nous connoillions;ellea le delfus du corps lilfe& rouge, ou rougeâtre. M. Bazin en a trouvé une autre efpece à Reaumur, qui avoit la peau jaunâtre & pointiilée de brun. J’ai eu, il y a long-temps, une grolfe phaleneque je négligeai alors de décrire & mê¬ me de garder, venue d’une chenille qui avoit vécu dans l’intérieur de la tige très-làinc d’un jeune pommier en plein vent. De la fciûre que je voyois lortir journellement par tin trou dont l’ouverture étoit à la furface extérieure de l’écorce, m’avertit qu’il y avoit un infeéte qui hachoit les fibres intérieures. Perfuadé qu’il n’acheveroit pas fes jours dans la tige du pommier, j’attachai un lac de toile contre cette tige, de manière que l’infecfiene pouvoit fortir par l’ouverture par laquelle il jettoit la fciûre, fans entrer dans lefac; aulfi au bout de quelques femaines, trouvai-je dans ce fac une grolfe phalène d’un blanc-grifâtre, autant que je puis m’en fouvenir. ^ PI. 38. fig. Mais j’ai mieux obfervé une autre efpece de papillon* ^ qui vient aulfi d’une chenille qui fe nourrit du bois de l’intérieur des branches du pommier. Vers la fin de May, je reçus de M. Baron , Médecin à Luçon, deux morceaux de branches de pommier de la grolfeur du doigt, dans chacune defquelles une chenille de même efpece s’étoit 2 - établie. Elles avoient creufé * les branches, elles y avoient fait un long tuyau qui n’étoit couvert que par l’écorce, 6 c par une couche de bois alfés mince. Je n’eus pas la peine de tirer une de ces chenilles de fa longue cellule, je l’en > Fig. 1. trouvai dehors lorfqu’elle m’arriva. Elles font raies *, & des Insectes. XII. Alem. 4.69 un peu plus grandes que celles de médiocre grandeur. Prel- que tout leur corps eft d’un jaune de karabé, & piqué de points d’un brun-noir. Leur partie antérieure & leur partie poftérieure font d’un brun prefque noir & luifant. De-là il arrive que lorfque la chenille elt dans une attitude où elle ne montre pas lès jambes, on ne fçait auquel des deux bouts elt la tête; le dernier anneau qui eft comme écail¬ leux, a prefqu’autant l'air de tête, que l’autre bout où elle eft réellement. Le premier anneau, celui auquel la tête tient, eft écailleux, & plus large qu’aucun des autres, ce qui eft contraire à ce qui s’obferve dans le commun des es¬ pèces de chenilles, dont le premier anneau eft le plus étroit. Celle-ci a feize jambes, dont les membraneufes ont des couronnes de crochets,prelquecomplettes. Sa tête& fon premier anneau font fouvent un angle obtus ,avec le refte du corps. J’emportai une partie du bois qui couvroit fa chenille, qui n’avoit point quitté fon logement *, & cela julqu’à ce que je puflfe voir la partie antérieure de cette chenille; & que je pulfe reconnoître qu’elle étoit femblable à celle que je viens de décrire. A peine eut-elle été mile à découvert, qu’elle travailla a le cacher. Elle détacha de lafciûre avec fes dents qui font très-tranchantes; elle apporta les grains détachés, aux bords del’ouveiturequej’avois faite * ; elle les y lia avec de la foye; & enfin, au bout de quelques heures fa cellule fut clofe. Dans la même cellule elle le fila, peu de jours après, une coque entourée de fciure, dans laquelle elle fe métamorphofa en crifalide. Dans les premiers jours d’Août, le papillon * fortitde cette crifalide ; c’eft un noéturne qui a des antennes à filets grainés; & qu’on mettra dans la troifiéme clalfe des pha¬ lènes, fi on juge à propos d’accorder à cette clalfe,pour débaralfer la féconde déjà très-chargée, les papillons qui * Pf. 38.%, 2 .ooff. * Fîg- 470 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ont des trompes très-petites & différentes des autres. Celle de cette phalène ell compofée de deux filets jaunes écartés l’un de fautre, & qui ne m’ont pas paru propres à fe réu¬ nir; il femble qu’au défaut d’une trompe bien lenfible, le papillon en ait deux très - déliées & d’une longueur médiocre. Il porte les ailes en toit, dont la bafe efi: affés étroite; elles lui donnent un air plus allongé, que ne l’a le commun des papillons noélurnes; elles font étroites pro¬ portionnellement à leur longueur. Le delTus des fupérieu- resparoit, au premier coup d’œil, blanc & piqué de points noirs. Mais fi on les regarde de plus près, on trouve que plufieurs endroits ont une légère teinte de jaunâtre, & on reconnoît que les taches qui fembloient noires, font d’un verd-foncé, & cependant alfés beau. Tout le corpsprefque eft d’un autre verd-foncé, d’un verd-foncé qui a du bleu⬠tre; les anneaux font bordés de blanc. Les taches qui font fur le corcelet, font noires. Les jambes font de cette der¬ nière couleur. Le papillon que j’ai eu étoit femelle, il fit beaucoup Pi. jS.fig. d’œufs*, de véritable figure d’œufs, & d’un jaune pâle. & 6 ’ Au bout, & en - dehors de la coque que l’infeéle s’efi: Fig.a.^. faite dans le bois, il lailfe fa dépouille de crifalide *. On voit fur cette crifalide des épines dirigées vers la queue, comme on en voit fur la crifalide de la grofie chenille qui vit dans l’intérieur du chêne & de l’orme. Ces épines per¬ mettent à la crifalide d’aller en avant, mais elles l’arrêtent quand quelque force la pouffe en arriére. M. Bernard de Julfieu m’a donné depuis peu, une branche de troène, dans laquelle s’étoit établie & avoit crû une chenille qui m’a paru fi femblable à celle dont nous venons de parler, que je la crois de mêmeefpece. Entre les chenilles qui vivent de bois, il y en a à qui les bois de différentes elpeces d’arbres conviennent, comme entre des Insectes. XII. Mem. 471 celles qui mangent des feuilles, il y en a qui mangent celles de plantes d’efpeces différentes. J’ai trouvé,en hiver, entrel ecorce& l’aubier de forme, une chenille dont le corps étoit menu par rapport à fa lon¬ gueur, alors elle étoit plus petite que celles de médiocre grandeur: j’ignore fi elle 11e feroit pas devenue beaucoup plus grande; elle a péri chésmoi; elle étoit grifàtre; elle avoit quelques poils difperfés ça & là. Comme il n’y a que des hazards affés rares qui puiffent mettre à portée de nos yeux les chenilles qui vivent dans l’intérieur des troncs & des branches d’arbres, plufieurs de leurs efpeces peuvent nous être inconnues, & peut-être le feront-elles encore long-temps. Mais d’autres chenilles fe tiennent dans des tiges & dans des racines dont les fibres font plus ailées à couper que celles des tiges d’orme, de chêne, de pommier, &c. & qu’il nous arrive plus fouvent de brifer. Dans des tiges defcrophulaire, dans des racines d’orobante, j’ai eu des chenilles qui m’ont paru parfaite¬ ment fcmblables entr’elles, & femblabies à des chenilles * * PL 39 qui fe tiennent dans les tiges des laitues & des chicons ; toutes les trois m’ont paru être de la même efpece. 11 y a des années où ces chenilles fe multiplient beaucoup dans les laitues, elles les font périr avant qu’elles aycnt eu le temps de pommer. Ordinairement cette chenille perce la tige * affés près de l’origine des racines : à mefure qu’elle * Fig. 1. mange, elleaggrandit fon logement. Elleeft extrêmement vive, elle a, au moins, toute la vivacité des rouleufes; là grandeur eft au-deffous de la médiocre. Sa peau eh très- tranfparente& blancheâtre,mais quatre tubercules bruns*, * Fig. 3. difpofés fur la partie fupérieurc de chaque anneau, font paroître cette chenille grife. Deux des tubercules * font * plus gros que les deux autres*. Un poil part de chacun *»#. d’eux, Cette chenille a feize jambes , dont les membraneufss ■* PI. 39.fi 4 - 472 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ont des couronnes de crochets complettes. Quand elle marche, on croit voir une fécondé peau, une peau inté¬ rieure qui gliffe fur l’extérieure. Il n’y auroit guéres de chenille, au travers des peaux & des chairs de laquelle il fût plus aile de voir ce qui fe paffe dans l’intérieur, h fa vivacité permettoit de l’obferver à l’aile. Tout ce qu’elle a de différemment coloré dans fon intérieur, paroît fur fon extérieur, & y fait des taches. J’ai eu de ces chenilles qui ont quitté les tiges de laitues où elles avoient crû, vers le commencement de Juin; elles fe font fait d’affés mau- vaifes coques de terre, dans lefquelles elles ont péri fans me donner de papillon ; peut-être parce que j’ai laiffé trop dcffécher la terre dans laquelle elles étoient. Mais une chenille très-femblahle aux précédentes, & qui m’a paru être de la même efpece, quoiqu’elle eût été trou¬ vée dans une racine de fcrophulaire, m’a donné un papil- g. lonnoélurne *. 11 parut le 17. Août dans le poudrier où la chenille avoit été mifele 27. May, avec la racine dans la¬ quelle elle étoit logée. Ce papillon eft de la cinquième claffe des phalènes, fes antennes ont de chaque côté des barbes dont la figure approche de celle de longues dents de feie, dont la pointe auroit été un peu arrondie; quelques poils partent de cette pointe de la barbe. Cette phalene n’a point de trompe. Elle eft du genre de celles dont les ailes forment un toit bien arrondi & à bafe étroite. Son corcelet très-velu, eft d’un gris afles blancheâtre. L’origine de l’aile eft de cette dernière couleur; une grande partie de cha¬ que aile eft remplie par une tache triangulaire qui a un de lès angles vers le milieu du deffus du corps, lorfque le papillon eft en repos; la portion antérieure de ce triangle eft d’un brun un peu rougeâtre, fa portion poftérieure fe nue infenfiblementde couleurs plus claires; le reftede l’aile çftplus brun; d’où il arrive que la bande qui eft à la bafe de des Insectes. XII. Mem. 473 i’aîlc fcmble une pièce appliquée contre ce qui précédé. Dans le commencement d’Oétobre, M. de Villars, Doéleuren Médecine, m’apporta encore à Reaumur une chenille * qu’il avoit trouvée dans une tige d’enula campana. * PI. 39. %. Je fendis cette tige * en deux, peu à peu, pour parvenir s ' à mettre la chenille à découvert fans la bleffer. Elle étoit de la même claffe que les précédentes, c’eft-à-dire, à feize jambes, dont les membraneufes avoientdes couronnes de crochets complettes; mais elle en étoit une efpece diffé¬ rente, qui d’ailleurs n’avoit rien de remarquable. Sa tête & fon premier anneau étoient d’un brun noir & luifànt ; le refte du corps étoit d’un blancheâtre qui avoit une teinte de couleur d’olive. Elle étoit raie; on pouvoit pourtant, avec une forte loupe, remarquer de chaque côté, fur cha¬ que anneau, deux poils noirs qui paroiffoient partir d’un petit tubercule noir. Cette chenille, par rapport à fa lon¬ gueur, eff plus groffeque celles dont nous venons de parler. C’cfl dans la moelle de la tige quelle habitoit, &q u’elle s étoit creufé un canal*; & c’eft cle cette moelle qu’elle *Fig. 6 . co. fe nourriffoit. Après qu’elle eût été deffinée, je rejoignis les deux parties de la tige que j’avois féparées l’une de l’autre; je les liai enfemble, & je remis la chenille dans fon ancienne habitation ; elle n’y fut pas long-temps, fans con¬ tinuer de la creufer, elle apporta des fragmens de moelle au bord du trou, elle y jetta auffi des excremens. Ces di¬ vers grains furent liés avec des fils, & formèrent un bou¬ chon de plufieurs lignes d epaiffeur. La nature en formant les cellules dans Icfquclles font contenues les graines d’une efpece de chardon,en ra Am¬ biant ces cellules les unes auprès des au très, pour en com- pofer une forte de tête * longue & ronde, & enfin, en * Fig. § les hériffant de longues pointes qui n’ont qu’un certain degré de roidcur, nous a préparé des inftrumens très-utiles Tome II. • O o o 4.74 Mémoires pour l’Histoire pour la perfection de nos draps. Les têtes de ce chardon, nommé chardon-à-bonnetier , font des efpeces de cardes, auxquelles l’art auroit peine à parvenir à en faire de fembla- *PI. 39.6g. blés, ou d équivalentes. Une petite chenille rafe* & blan¬ che, à feize jambes, dont les intermédiaires ont des cou¬ ronnes de crochets complexes, fe tient volontiers dans Je * Fig. 8. centre de ces têtes de chardons *; elle mange une forte de moelle qui s y trouve ; elle y file ; elle s’y transforme en cri- falide. La chenille ne le borne pourtant pas à habiter cette tête, fouvent elle creufe la tige qui la porte, fur une lon¬ gueur de fept à huit pouces ou plus. Elle mange la moelle qui occupe l’intérieur de cette tige, comme elle a mangé celle de la tête. La première chenille de cette cfpece que j’ai vûë, me fut montrée par M. de Villars, & depuis j’en ai trouvé un grand nombre en 173 7 dans le moisdOélobre. Dans près de la moitié des têtes de chardon que j’ouvrois, je trouvois une de ces chenilles. Je n’ai pourtant pas en¬ core eu leurs papillons, mais j’ai aéTuellement plufieurs chenilles en bon état, qui me les feront voir apparemment, avant que ce volume paroiffe. Le peu d’exemples que nousvenons de citer,fuffit pour prouver que l’intérieur des tiges des plantes & des arbres doit être rongé par bien des efpeces de chenilles différen¬ tes qui ne nous font pas connues. Ces mêmes tiges font rongées par quantité d’efpeccs de fauffes chenilles, & par quantité d’efpeces de vers dont nous parlerons dans d’au¬ tres temps. On n’a pas befoin d’être favorifé du hazard pour par¬ venir à trouver un grand nombre d’infeeftes de différentes efpeces qui croiffent cependant dans l’obfcurité, & ca¬ chés de toutes parts, comme ceux des tiges & des branches des plantes & des arbres ; & qui doivent nous fembler bien pourvûs de meilleurs alimens. Des fruits de tant d’efpeces. des Insectes. XII. Mem. 4 dont le goût nous plaît, ne nous ont pas été accordés à nous feuls ; la nature a voulu que des infeétes de difïerens genres les partageaient avec nous. Des infe&es croiffent dans l’intérieur de la plupart de nos fruits. Des poires, des pommes, des prunes, &c. qui font plutôt à maturité que les autres fruits des mêmes arbres, tombent tous les ans dans nos jardins ;& ces fruits ne font devenus plus précoces que les autres fruits de leurefpece, Si ne font tombés que parce que quelqu’infeéîe a crû dans leur intérieur. On ac- eufe fouvent des vents froids de faire tomber au printemps les fruits avant qu’ils ayent eu le temps de groffir, peu de temps après qu’ils ont été noués, & on les en accule quel¬ quefois avec raifon; mais très-fouvent les fruits qui ne font prefque que noués, tombent comme ceux qui font plus près d’avoir acquis leur véritable groffeur, parce que des in¬ fectes ont pénétré dans leur intérieur, Si s’en font nourris. C’eft fur le compte de ces infectes qu’on devrait mettre ce qu’on met à tort furie compte du froid, ou, félon le langage ordinaire, furie compte des mauvais vents. Enfin, les plus inaportans de nos fruits, ceux qui font la bafe de nos alimens, ne font pas encore en fûreté après que la récolte en a été faite. On ne fçait que trop que nos bleds de toutes efpeces, nos fromens, nos feigles, nos orges, Sic. font quelquefois confommés dans les greniers par des infeétes. Ceux qui fe trouvent dans les fruits foit verds, foit à maturité, de nos arbres fruitiers, dans les poires, les pom¬ mes, les prunes, &c. font nommes des vers, Si on appelle les fruits où ils font logés des fruits verreux. Mais, comme nous en avons déjà averti ailleurs, s il y a de ces imèétes qui font des vers, c’ell - à - dire qui lé doivent transfor¬ mer en mouches, ou en fearabés, il y en a, & en grand nombre, qui font des chenilles. J’ai ouvert beaucoup de Ooo ij 4 y 6 Mémoires pour l’Histoire P!. 38. fig. petites poires * qui étoient tombées peu après avoir été 1 & 12. nouées, & j’ai trouvé dans l’intérieur de chacune une faufie * Fig. 13. chenille *, c’eft-à-dire un infcéïe qui a plus de jambes que les chenilles, auxquelles il reiïemble d’ailleurs , & qui doit devenir une mouche à quatre ailes. M. Grandjean ayant ouvert de ces memes poires, & lui étant arrivé d’é- craferde ces faufles chenilles, remarqua qu’écralées, elles ont une véritable odeur d’amandes amères. Lorfque les fleurs de plufieurs poiriers étoient à peine développées, j’ai vu fouvent de petites mouches aller deflùs. Entre ces mou¬ ches il y en avoit à quatre ailes, d’un genre dont nous par- * Fig. 14.. lcrons ailleurs au long*. Les femelles portent au derrière une l'cie d’une ftruélure tout-à-fait admirable, mais qu’il n’eft pas temps de décrire, avec laquelle elles font des en¬ tailles dans les corps danslefquels elles veulent dépoferleurs œufs. Ce font des mouches de cette efpece qui font caule que tant de nos fruits tombent peu après qu’ils ont été noués. La queuë du fruit dont la fùbftance intérieure eft rongée, fc defféche & fe détache de la branche; le fruit tombe parterre; & c’eft ce qui convient à la faufle chenille qui a crû dans fon intérieur. Alors elie eft prête à fe mé¬ tamorphoser, & pour fe métamorphofer, elle fort de la poire, & entre en terre, où elle fe fait une petite coque, de laquelle l’infccftefort quelquefois dèsl’été, fouslaforme d’une mouche à quatre ailés, pareille à celles qu’on avoit vu au printemps fe tenir fur les fleurs du poirier. O11 fait périr les mouches qui nous incommodent dans nos apparte¬ nons , en mêlant de i’arfénic, ou quelqu’autre poifon avec de l’eau fucrée, ou quelque firop que les mouches aiment. On fauveroit bien des fruits , fi dans le temps où les arbres font en fleur, on mettoit fur chaque arbre un petit vafe rempli d’un mets empoifonné, dont les mou¬ ches à quatre ailes, qui viennent de faufles chenilles, fuffent des Insectes XII. Mem. 477 friandes. C’eft une expérience que je n ai pas encore fui vie, & qui mérite de 1 être. M. Redi nous a appris il y a long-temps, que les vers* * PI. 3 8. flg. fi ordinaires dans les efpeces tle cerilés douces, & lur-tout ' 9 ‘ dans celles que nous appelions des bigareaux *, fe trans- * F; , , & forment en mouches. 18. 0 L’infeéle qui fait le plus de ravages dans nos greniers, efl une efpece de petit lcarabé qui y ronge les grains, & fous cette forme, & fous celle de ver qu’il a avant fa mé- tamorphofe. Mais de tous les infeéïes qui s’élèvent dans nos fruits, ceux auxquels nous nous arrêterons dans ce Mémoire,font ceux qui appartiennent aux claffes des chenilles, nous re¬ mettons à un autre temps à parler des autres. Comme entre les chenilles qui vivent de feuilles, les unes rongent celles de certaines plantes, ou de certains arbres, auprès defquels d’autres chenilles mourroient de faim, de même certaines efpeces de chenilles mangent des fruits qui ne convien- droient pas à celles de piufieurs autres efpeces. Celles qui s’élèvent dans les poires périroient apparemment dans les noifettes, & réciproquement celles qui croiffent dans les noifettes, périroient dans les poires. Nos différentes efpeces de fruits ne font pas pourtant auffi généralement attaquées par les chenilles, que le font les feuilles; je ne fçais s’il y a des feuilles de quelque plante qui foient épargnées par les chenilles, mais il y a des efpe¬ ces de fruits dans ce pays, dans lefquels elles ne s’élèvent point du tout, ou très-rarement. Il neferoit pas plusaifé de donner la raifon pourquoi certaines efpeces de fruits font épargnées, pendant que d’autres efpeces font mal¬ traitées, que de rendre raifon pourquoi les feuilles de chou font plus attaquées parles chenilles, que les feuilles de la poirée : pourquoi beaucoup plus d’infeéles vivent fur le Ooo iij 478 Mémoires pour l’Histoire chêne, que fur le tilleul. Celui qui a fait tant de merveilleux ouvrages, l’a voulu ainfi, mais nous ne fçavons pas pour¬ quoi il la voulu. Les prunes font très-fujettes à être verreu - fes, une efpece de petite chenille croît dans leur intérieur. Je n’ai jamais trouvé de pêche dans laquelle il y eut une chenille, ou un ver qui s’y fût élevé. Je n’en ai jamais vu auffi dans les abricots. On trouve quelques infeéles dans ces derniers fruits, fçavoir des perce-oreilles,des mille-pieds, mais ils s’y introduifent par des ouvertures que le fruit leur a offertes dans des endroits où il s’eft crevé, ou dans des en¬ droits où il a été rongé par des limaçons, ou par d’autres infeéles. Aucun infeéle, que jefçache, ne s’élève dans l’in¬ térieur des grains de rai fin; il ne s’en éleve point ordinai¬ rement dans les amandes communes, & il y en a beaucoup qui croiffent dans les amandes des noilèttes. Dans les fruits où je n’ai pas trouvé d’inffétes, & où on n’en trouve pas ordinairement, il yen peut naître néantmoins dans des cas extraordinaires. Dans les Mémoires manuferits de M. de la Hire, il eh fût mention d’une petite chenille verte, d’en¬ viron quatre lignes de long,& à feize jambes, qu’il trouva dans un abricot le 9. Août; elle fe fila le 1 3. une petite coque de foye blanche qu’il perdit. Les abricots dévoient commencer à paffer lorfque M. de la Hire trouva cette chenille ; elle pouvoit être entrée dans un abricot entre- ouvert. Les années où il y a le moins de fruits, font celles où l’on croit qu’il yen a plus de verreux, & on ne manque pas de s’en plaindre. Quoique la quantité des vers & des che¬ nilles ne foit pas plus grande dans ces années fiériles en fruits, que dans des années abondantes, fi elle efi la même, li la caufe qui a fait périr les fruits n’a point diminué le nombre des mouches & despapillons dont les petits doivent croître dans les fruits, le nombre des vers & des chenilles des Insectes. XII. Mem. 479 des fruits doit paraître plus grand; quoiqu’il ne le foit pas réellement, il i’efl proportionnellement à la quantité des fruits de cette année. Carfi dans une année fertile en poires, de lix poires on en trouve une attaquée par des vers, ou par des chenilles, dans une année où il n’y aura que le* tiers des poires qu’il y avoit dans l’année que nous avons prife pour exemple, de deux poires on en trouvera une gâtée par les vers, ou par les chenilles, fi la quantité des vers & des chenilles efl: la même qu’elle étoit clans l’année trois fois plus abondante en fruits. Nous avons vû plus d’une fois que les papillons ne jet¬ tent pas leurs œufs à l’avanture; leur principale attention, s’il efl permis de parler ainfi, eft de les dépofer dans des endroits tels que les chenilles qui en doivent fortir, puifïent trouver, dès i’inftant de leur naiflance, des alimens conve¬ nables & tout prêts. Ainfi les papillons dont les chenilles doi¬ vent fe nourrir de fruits, collent leurs œufs fur des fruits, fouvent fi jeunes que les petales de la fleur ne font pas en¬ core tombées, & c’eft quelquefois entre les petales mêmes qu’ils les laiffent contre ce piftile, qui efl l’embrion du fruit. Les chenilles qui ne font pas long-temps à éclore, dès leur naiffance fe trouvent placées fur un fruit tendre quelles percent aifément, elles s’introduifent dans l'on intérieur ; là elles le trouvent au milieu des alimens quelles aiment, & bien à couvert. L’endroit même par où elles font entrées fe referme quelquefois de façon, qu’il efl difficile, ou même impoffi- ble de retrouver le petit trou qui leur a donné paflage. Les chenilles qui vivent dans les fruits, font communé¬ ment petites, bien au-deffous de celles de grandeur mé¬ diocre. Je n’en ai jamais vû qu’une de grandeur médiocre * * pi - 4 o- %• qui fut trouvée chés moi à Reaumur, au commencement d’Oétobre, dans une gonfle d haricots à maturité &prefque 480 Mémoires pour l’Histoire féclie. L’endroit par où cette chenille, grofTe par rapport à la capacité du lieu ouelleétoit logée, s’étoit introduite, neparoilToit pas; elle étoitfans doute extrêmement petite lorlqu’elle avoit pénétré dans la gonfle. Elle en avoit man- *gé toutes les fèves, à une près dont il ne relfoit pas grand- chofe. La goulTe étoit pleine d’excrémens rougeâtres un • peu humides. J entrouvris une autre goulTe * qui avoit toutes Tes fèves, 6 c je mis la chenille fur cette gonfle. Dans l’inflant elle fit entrer fa tête 6 c fes premiers anneaux * dans la gouffe; elle lailfa en-dehors 6 c étendit le relie de Ion corps qui en étoit la plus longue partie. Ainfipofée, elle demeura tranquille, comme morte pendant plus de trois heures, pendant lefquelles onladelfina. J’étois incertain fi elle refioit volontairement dans cette fituation, fi elle n’y étoit point retenue, contre fon gré, par le relfort des deux moitiés de la goulTe; mais elle m’apprit qu’elle y étoit libre, lorlque je vins à la toucher; elle changea déplacé, 6 c elle me permit de voir que pendant que fon corps avoit été en repos, fes dents avoient beaucoup agi. Je vis qu’une fève d’haricot, la plus proche de la queuë de la goulTe, celle fur laquelle la tête étoit appliquée, avoit été mangée en partie; il relloit au plus les deux tiers de fa longueur, & il y avoit bien la moitié de cette fève de mangée, parce que le bout entamé avoit été creufé *. Dans le mouvement que fit la chenille, elle fe retourna bout pour bout, Sc elle alla attaquer la fève la plus proche de la pointe ou extré¬ mité de la goulTe; eile la rongea encore pendant quelques heures, au bout defquelies elle l’avoit mis dans l’état où elle avoit mis la première. Cette chenille cil rafe, elle a pourtant quelques poils alTés courts, écartés les uns des autres, qui partent chacun d’un petit tubercule. Elle a feize jambes dont les membra- neufes 6 c intermédiaires n’ont que des demi-couronnes de crochets, des Insectes. XII. Mem. 481 crochets. Eiie paroît brune au premier coup d’œil; fi on l’obferve avec plus d'attention, on diftingue tout du long du dos une raye d’un verd prefqu’olive, qui ell fuivie de chaque côté de rayes moins bien terminées, dans lefquelles il y a du rougeâtre vineux; furie relie du corps, & fous le ventre, les couleurs mêlées diverfement enlemblepar des efpeces d’ondes, font du brun clair, du verdâtre, &. du brun vineux. Celle que j’avois mile avec une goulfe d’haricot dans un poudrier alfés mal couvert, s’en échappa pendant la nuit, je la retrouvai un jour après fur une table de ma chambre, dans laquelle elle avoit fait apparemment bien du chemin. Je lui offris des haricots, lbit dans lesgouffes, foit hors des gonfles, auxquelles elle ne daigna pas toucher; ce n’étoit pas ce qu’elle cherchoit. Mais j’avois pourvu à fes befoins aéluels, en mettant de la terre dans le fond du poudrier où je la renfermai avec des haricots. Après avoir marché fur la terre pendant moins d’un quart -d’heure, clic entra dedans, & s’y cacha; & c’efl fous cette terre qu’elle fe transformaen crifalide; mais le papillon périt fans pouvoir fe tirer de fes enveloppes. J’ai eu l’hiftoire plus complette d’une autre efpece de chenille qui fe tient dans les goulfes du bagnaudier, & qui vit des grains qui y font renfermés. Cette chenille * eft du genre de celles à qui leur figure a fait donner le nom de ' ' chenilles cloportes. Sa couleur ell un olive brun ; ledeflus du corps ell jafpé par des taches rougeâtres. Elle a feize jambes. Quatre chenilles de cette efpece me furent en¬ voyées de Luçon par M. Baron. Elles fe portoient alfés bien à leur arrivée à Paris, mais je crus quelles pouvaient avoir faim , parce que les gonfles du bagnaudier s’étant deflechées totalement, les graines s’étoient au moins defle- chées en partie. N’ayant pas de graines fraîches de cette Tome IL • P P P * PI. 38. fig. 8 . * Tom . 1 Mém. xi. - Fig. 9 * Fig. I 482 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE plante, que je puffe leur offrir fur le champ, je leur donnai des pois verds; elles s’en accommodèrent très-bien; elles ■ les creuférent pour en ronger l’intérieur *. Deux de ces chenilles s’attachèrent au bout de quelques jours contre les parois du poudrier, avec un lien de foye, de la même ma¬ nière que s’attachent les autres chenilles cloportes, dont nous avons parié ailleurs *, lorlqu’elles veulent fe métamor- . phofer. Elles fe transformèrent aufli en des crifalides * fem- blables à celles des autres chenilles cloportes, c’elt-à-dire en des crifalides à peu près également grolfes par les deux bouts, & qui fe trouvèrent foûtenuës par les liens que les chenilles avoient filés. Un papillon iortit de chacune de ces crifalides, l’un le 14. & l’autre le 16.d’Août ; c’étoit le 2. & le y que les crifalides s’étoient dépouillées de leur peau de chenille. >. Le papillon * que donne cette chenille, elt de la pre¬ mière dalle des diurnes; il a fix jambes femblables, fur lef- quelles il fe pofe; il elt d’une grandeur au-deffous de la mé¬ diocre. Quand il elt en repos, il tient les ailes perpendi¬ culaires au plan de pofition. Le côté des fupérieures, qui paroît alors & qui en elt le deffous, elt d’un gris médiocre¬ ment brun, fur lequel font des ondes d’un gris plus clair ik prefque d’un cendré blanc; il y a aulfi de petites ondes jaunâtres près de la joneftion de la bafe avec le côté exté¬ rieur. Chaque aîle inférieure a deux veux dont le centre elt noir, & qui font bordés à moitié du côté extérieur, par une petite bande brillante, & de la couleur d’un or pâle; leur autre.moitié, ou l’intérieure a un bordé plus large, de couleur feuille-morte, & fins brillant. Le dclîus des quatre ailes elt d’un beau violet, bordé du côté de la bafe par un îrait noir qui elt fiiivi d’une petite frange grife. Le delfus de chaque aîle inférieure a de plus deux taches noires, qui font l'envers des deux yeux qu’elles ont fur la face oppoféc. des Insectes, XII. Mem. 4S3 Les pois font très-fujetsà être rongés par un ver qui le transforme en un fcarabé qu’on nomme cojfôti en plufieurs provinces du Royaume; nous en parlerons plus au long, îorfque nous en ferons à l’hiftoire des fcarabés. Nous di¬ rons feulement que les coffons 11e fortent que des pois lccs; mais que les pois verds, les pois renfermés dans des gouttes encore vertes 6c moins renflées quelles ne le doivent de¬ venir, font mangés par une petite chenille, bien plus ordi¬ nairement que les haricots 6c les graines du bagnaudier ne le font par les chenilles de grandeur médiocre, dont nous venons de parler. Sans avoir vû la chenille, dès qu’on a ouvert une goufle, on apprend quelle en renferme une, lorfqu auprès de quelqu’un des pois, on apperçoit de petits grains noirs ou grilatres; ce font les excrémens quelle lie ordinairement enfemble avec des fils del'oyc. Elleafeizc jambes; elle eft blancheâtre, ou d’un blanc verdâtre, < 5 c piquée de points noirs. Quand elle a pris tout fonaccroif- fement, elle eft encore très-petite. Elle fort alors delà goufle des pois. Quelques - unes fe font filé à fieur de terre, contre la furfàce du poudrier où je les tenois, de petites coques d’un tilfu très-ferré, 6c d’un brun couleur de cafte. Je 11e fuis point parvenu à voir les papillons qui auraient dulortir des coques. Je dirai encore un mot de certains vers fans jambes, qu’on trouve quelquefois dans les gouftes de pois verds, 6c qu’on trouve dans quelques-unes en très-grand nombre. Ilslont très-petits, à peine leur corps a-t-il un diamètre égal à celui d’une épingle de grofleur médiocre, 6c leur longueur eft proportionnée à leur grofleur, ellen’eftguéres que d’une ligne,ou d’une ligne 6c demie. On voit quelquefois plufieurs centaines de ces vers dans la goufle qu’on vient d ouvrir. Ils font blancs; ils font afles femblabies, au premier coup d’œil, aux vers de la viande; ils rampent de meme; mais ils Ppp.j 484 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE fçavent plus que ramper, ils fçavent fauter, & faire des l'auts qui les élevent d’un pouce ou deux, & qui les portent à trois ou quatre pouces de l’endroit d’où ils font partis. Après avoir ouvert plufieurs goulfcs qui en étoient peu¬ plées , en peu d’infants, j’ai quelquefois vu tous les papiers blancs qui étoient fur mon bureau, couverts de ces vers qui avoient fauté delfus. Quand on lesoblerve, ils montrent la méchaniquepar laquelle ils viennent à bout de faire de fi grands l'auts. Le ver qui fe prépare à en faire un, femble plus tranquille que les autres; peu à peu il approche fou derrière de la tète, élevant le relie du corps au - delfus du ni an quelatète &la queue touchent feules alors. Enfin il donne à fon corps la figure d’un cerceau prefque complet. Alors le reffort cil bandé, & il efl prêt à agir ; le ver s’élève en l’air,comme s’y élevcroit en pareil cas un brin (le baleine plié en cerceau, qui poferoit par les deux bouts feulement fur un plan. Je n’ai point encore eu les mouches dans lel- quelles j’ai lieu de croire que ces vers fe transforment. Leur propre peau leur fert de coque pendant qu’ils font en nymphes. Ii m’a paru que c’cfl de la gouffe même du pois qu’ils tirent la fubflance dont ils fe nourriffent. Ils fortent de la gouffe pour fe transformer. Les petites chenilles des pois ne cherchent point, non plus que celles des gouffes d haricots, & des gouffes de ba- gnaudier,à fe cacher dans le fruit quelles mangent, elles en font dehors en partie; elles font affés bien cachées par la gouffe qui renferme ces grains: mais les chenilles qui mangent des fruits qui ne font pas renfermés dans des gouffes, fe tiennent toujours dans l’intérieur du fruit. Les chenilles des pommes, par exemple, ne fortent des pom¬ mes que lorfqu’elles font prêtes à fe métamorphofer, Si quand elles en fortent, c’eft pour n’y jamais rentrer. Ces chenilles. Si généralement toutes celles que j’ai trouvées des Insectes. XII. Mem. 485 dans les différentes efpeces de fruits, font raies, elles ont au plus quelques poils dilperlés fur leur corps. Si les poils n’ont été accordés aux animaux que pour les couvrir,une épaiffe fourrure feroit très-inutile à des chenilles qui doi¬ vent croître dans des endroits bien clos. D’ailleurs leurs habitations font étroites & humides, leurs poils y feroient toujours mouillés & expofés à frotter contre les parois de la cavité. Toutes celles que j’ai obfervées ont feize jambes, dont les membraneufes ont des couronnes de crochets complettes. Quelques-unes montrent très-peu leurs jam¬ bes membraneufes, même pendant quelles marchent. On feroit tenté de leur en croire autant que d’anneaux, de prendre pour des jambes membraneufes, des appendices qui l'ont pofés de chaque côté vers la partie inférieure de chaque anneau, & qui paroiffent alors plus longs que dans d’autres temps. Les chenilles des pommes * Sc celles des prunes font * PI- 40. fig. fouvent prefque rouges, d’un rouge d’une nuance beau- 2 * coup plus haute que la couleur de chair. Il y en a d’une couleur plus pâle dans les mêmes fruits. Celles des poires font ordinairement plus blanchcâtres, & celles de quel¬ ques autres fruits, comme celles des noifettes, font ordi¬ nairement blanches, ou prefque blanches. Malgré ces petites variétés, on feroit porté à regarder ces chenilles comme étant toutes de même efpece; des alimens différens pourroient bien donner divérfès teintes à leur peau. Les variétés fpécifîques qui peuvent être en¬ tre de fi petits animaux, ne font pas aiféesà fàifir; mais on conclut fûrement qu’ils font de différentes efpeces, quand on obferve des différences dans leurs procédés,& fur-tout quand, après les avoir fuivis jufqu a leur dernière transformation, on voit que des chenilles fembîables en apparence, donnent des papillons qui ont entreux des différences fenfibles. P p p iij # PI. 39.fi 9 - 486 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Une remarque qui ne doitpasêtre obmife,&que Redis faite il y a long-temps, par rapport aux vers des cerifes, c’efl que dans chaque fruit on ne trouve jamais, ou prefque jamais, qu’une chenille. Une greffe pomme de rambour pourroit cependant fournir de la nourriture de refte à plu— fieurs chenilles, telles qu’eft la feule qu’on trouvefouvent dans fon intérieur. Quelquefois pourtant j’ai rencontré dans un fruit beaucoup plus petit qu’une pomme, dans un gland, deux infeéles, mais l’un ctoit une chenille, & l’au¬ tre un ver. Les meres papillons portent - elles l’attention jufqu a 11e laiffer qu’un leui œuf fur chaque pomme l veulent-elles donner un fruit tout entier à chacun de leurs petits! craignent-elles que deux jeunes chenilles qui au- roient à fepartager une pomme, ne lenffent pas en bonnes fœurs, qu’elles ne fe filfent la guerre, ou au moins qu’elles ne s’incommodaffent mutuellement ! Ce n’efl pas même affés de l’attention de la mere, dont nous venons de par¬ ier, il faut encore celle des autres meres papillons de la même efpece. Pourquoi une autre femelle ne feroit-elle pas invitée par la pomme bien conditionnée, fur laquelle la première a laiffé un œuf, à y venir placer un des liens! Le papillon commence-t-il par examiner s’il n’y apasdéja un œuf fur cette pomme ! Tout cela a pourtant l’air très-vrai-femblable, & je fuis bien difpofé à le croire vrai, par rapport à quelques infe¬ éles , mais il ne l’efl pas par rapport à tous. J’ai beaucoup fuivi une petite chenille * qui vit dans les grains de différens bleds, & principalement dans les grains d’orge. Nous don¬ nerons fon hiftoire dans un moment. Le papillon femelle qui vient de cette efpece de chenille, laiffe un paquet d’œufs, peut-être de vingt ou trente, fur chaque grain d’or¬ ge ; c’eft ce que m’ont fait voir non-feulement les papil¬ lons qui font éclos dans des poudriers, mais ce que m’ont des Insectes. XII. Metn. 487 fait voir également ceux qui font nés dans les greniers. Il ell donc fûr au moins que la prévoyance de ce papillon 11e mérite pas les éloges que nous avons foupçonné être dûs à celle de quelques autres papillons; car que deviennent les petites chenilles qui éclolênt furie même grain! La pre¬ mière qui y naît s’empare-t-elie de l’intérieur du grain, & quand elle en a line fois pris pofTciTion, les autres qui naif- fent enfuite ont-elles la difcrétion de ne pas faire de tenta¬ tives pour pénétrer dans ce même grain ! ou, la première défend-elle le grain dont elle sert emparée ! Les grains dont nous parlons, ont un endroit plus tendre que le relie, & il y a grande apparence que la jeune chenille qui a à per¬ cer le grain d’orge, fçait choifir cet endroit. En ce cas il ell ailé à la chenille qui ne s’ell pas encore logée, devoir fi celui des grains qui ell le plus à fa bienféance, n’efl point déjà occupé, & la chenille qui s’y ell logée, doit être en état d’en garderies avenues. Au relie, il y a grande apparence que dans certaines circondances il y a des guerres, & des guerres très-meur¬ trières , pour s’alfurer la paifible polfelTion d’un grain d’or¬ ge,plus important pp.urchacune.de nos chenilles, que ne le font pour nous les plus riches héritages; & je puis avoir £tit naître beaucoup de pareilles guerres. Dans des pou¬ driers, où j’ai tenu des grains d’orge, dans lefquelsde nos chenilles s’étoient nichées, des papillons font nés; ils ont fait des œufs en un nombre qui devoit furpafïêr beaucoup celui des grains entiers qui redoientdanslc mêmepoudrier. Suppofons, & nous ne fuppoferons rien de trop, qu’il y a eu tel cas où les papillons ont Lit un nombre d’œufs qui furpaffoit lîx à fept fois celui des grains, ou, ce qui ell la même choie, qu’il ell né à peu près fept fois plus de che¬ nilles qu’il n’y avoit de grains: il y a donc eu fix à fept fois plusd’habitans qu’il n’y avoit d’endroits pour les loger. 438 Mémoires pour l’Histoire Tous les grains le font trouvés occupés, mais il n y a eu dans chaque grain qu’une feule chenille. Chaque chenille qui efl reliée en poffeiïion d’un grain, a donc dû, l’une portant l’autre, avoir à défendre lbn grain contre cinq à jfix chenilles. Peut-être y auroit-il moyen de voir de tels combats, quelque petits que loientles infectes qui fe les livrent; mais j’ai négligé de faire les obfervations qui au- roient pu m’apprendre fi une chenille qui s efl rendue maîtreffe du grain, peut s’y maintenir, ou li une autre chenille ne pénétre pas dans fon habitation & ne vient pas à bout de fy égorger. Mais fuivons fhiltoirc de cette dernière efpece de peti- • fig* tes chenilles *. Si nous l’avons nommée la chenille de forge, ce n’efl pas, comme nous en avons averti, que l’orge foit le feul de nos grains qu’elle aime. Dans un pou¬ drier où ces chenilles dévoient lé transformer en papillons, j’ai mis un mélange de grains de froment & de grains d’orge. L’année fuivante il y a eu des chenilles & dans les grains d’orge, & dans les grains de froment; mais il m’a paru que ceux d’orge étoient plus de leur goût que les autres. Chacune de ces chenilles ne nous coûte dans fa vie qu’un grain de bled quelconque* celui dans lequel elle s’efl: introduite, peu après être l'ortie de l’œuf, contient la provifion de farine néceffaire pour la nourrir, jufqu’à ce qu’elle ait pris tout fon accroiiTemcnt, & quelle foit en état de fe transformer. C’efl dans ce grain même quelle devient crifalide, & l’infeéle n’en fort que fous la forme lS - de papillon *. Dans ce dernier état il ne fait plus de mal au bled, il efl incapable de le ronger; ainfi ces chenilles nous en quittent à meilleur marché que les petits fearabés que nous nommons des charençons ; ceux-ci, comme nous le verrons dans leur hifloire, fous leur première forme, fous leur forpie de ver, mangent auffl chacun leur grain de bled, des Insectes. XII. Mem. 489 de bled, & devenus charençons ils percent encore le bkd 6 i le rongent; généralement parlant même ces chenilles font moins communes que les charençons. Il y a encore une autre chenille qui fait beaucoup de ravages dans les greniers, & qui eft plus connue que la precedente; on les peut aifément diftinguer l’une de l’autre. La dernière ne fè tient pas dans les grains de bled, elle les ronge fins fc renfermer dedans; elle en attaque plufieurs dans la vie,par¬ ce quelle ne s’embarraffe pas de manger chaque grain en entier: enfin dans les endroits où elle s’eft établie, les grains font liés enfemble par des fils de foye. Lceuwenhcek a déjà donné beaucoup d’obfervations fur cc-tte dernière chenille, ce qui ne nous empêchera pas de rapporter les nôtres dans Un autre temps, dans celui où nous donnerons l’hifloire des teignes & des fauifes teignes. Les trois efpeces d’infedles les plus redoutables pour nos greniers, dans ce pays, font donc les charençons, les fauffes teignes, ou ces chenilles qui lient enfembleles grains de bled, & enfin les petites chenilles qui fe logent dans les grains mêmes. Celles-ci nous font du mal avec moins de fracas, des tas de froment & des tas d’orge peuvent en être remplis, fans qu’on s’apperçoive qu’il yen ait une lêule qui les ronge. Les grains dans lefquels elles font lo¬ gées, & dont elles ont dans certains temps mangé toute la fu b dance, paroilfent tels que les autres, ils n’en font en rien différens à l’extérieur, parce qu’ellesen ont épar¬ gné l’écorce. Mais qu’on preffe entre deux doigts dif¬ férens grains, on difîinguera aiiement ceux qui font ha¬ bités, de ceux qui ne le font pas. On reconnoîtra même, jufqu a un certain point, 1 âge de la chenille qui eft dans le grain. Si le grain cède de toutes parts fous le doigt qui le preffe, il renferme une chenille qui a pris tout fonaccroif- fement, ou la crifàlide de cette chenille. S il y a feulement Tome IL . Q 490 Mémoires pour l’Histoire quelqu’endroit du grain qui fe lailfe applatir, la chenille n’a pas encore mangé toute la fuMance intérieure du grain, elle a encore à croître. Les grains qui ne font point habités, font durs de toutes parts. On voit pourtant que ce genre d’épreuve a des limites, & que dans le grain qui ne ren- fermeroit qu’une chenille naifiante, il ferait difficile de reconnoître qu’elle y efilogée, en lé contentant de preiïér le grain, ou il faudroit le tâter avec des inftrumens plus fins & plus durs que les doigts. Cette petite chenille * efi très-raie Si toute blanche, fa tête feule efi un peu brune; elle a feize jambes dont les huit intermédiaires Si membraneufes ne font que de petits bou¬ tons , Si fi petits qu’on ne les apperçoit qu’avec une forte loupe. Avec le fecours du même infiniment, le bout de ces mêmes jambes m’a paru bordé d’un cordon brun qui m’a femblé une couronne complette de crochets. Un grain de bled ou un grain d’orge contient la jufie provifion d’alimens néceffiaire pour faire vivre Si croître cette chenille depuis fa naiffance jufqu a fia transformation. Si l’on en ouvre un qui renferme une de ces chenilles prête à fe métamorphofer, on voit qu’il n’a plus précifément que l’écorce; toute fa lubftance farineufe a été mangée. Dans la cavité qu’occupe alors la chenille, & qui efi le plus grand logement qu’elle ait eu de fa vie, on trouve quelques petits grains bruns ou jaunâtres, qui font des excrémens. Si on ouvre un grain habité par une plus jeune & plus petite chenille, on trouve qu’il refie plus ou moins de la fubfiance du grain à confommcr, félon la gran¬ deur de la chenille. Mais ce qui efi plus à remarquer, c’efi que dans ce dernier on trouve au moins autant, Si peut- être plus d’excrémens, & d’excrémens plus gros qu’on n’en trouve dans le grain occupé par une chenille plus avancée en âge. Ils font même d’une couleur plus claire, plus des Insectes. XII. Mem. 491 blancheâtre, & iis ont fouvent une rondeur propre à les faire prendre pour de petits œufs. Si on fe rappelle à prê¬ tent que le grain n’a aucune ouverture fenfible, aucune ou¬ verture par où la chenille puiftè jetter lès excrémens de¬ hors, on en conciliera que dans les commencemens elle vit avec peu d’œconomie, & que par la fuite elle envient à remanger ce qu’elle avoit déjà mangé, & peut-être à le remanger plus d’une fois. Ainli toute la farine de ce grain eft employée à faire croître les parties de la chenille, ex¬ cepté le peu qui refte d’excrémens bruns. Nous parlerons ailleurs de quelques autres infeéles qui fontpalTcr les mê¬ mes matières par leur corps plus d’une fois. Quand notre chenille a confommé toute la fubftance de Ion grain, elle travaille à fe filer une coque de fin e blanche ; les parois intérieures du grain même fervent à foûtenir cette coque, qui femble n’être faite que pour les tapiffer. La toile mince, mais ferrée, qui forme cette coque, ne fuit pourtant pas par-tout les contours de la cavité, elle fe foutient feule vers un des côtés. Là, il y a un petit retranchement *, une cloifon qui partage la cavité félon la longueur du grain, en deux parties inégales. Le plus petit réduit cft deftiné à contenir les excrémens; c’eft- là que la chenille les a tous poulfés, elle ne veut pas être renfermée avec eux. On voit mieux ce petit réduit dans les grains de fro¬ ment, que dans ceux d’orge. J’y ai toujours trouvé la ca¬ vité du grain divifée, comme une trop grande chambre le feroit,en deux pièces plus petites par une cloifon; une des deux pièces, celle où la chenille doit fe transformer, eft pourtant de quelque chofe plus grande que l’autre. Tout du long de chaque grain de froment, fur la furface la plus platte, il y a une rainure, une efpcce de goutiére *. La cloifon de foye * qui divife le grain en deux, eft attachée Qqq'i * pi . 3 9 . fg. I J. C,d. * Fig. 17. c, *cd. 1 492' MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE dans l’intérieur du grain tout du long de cette rainure, & partage le grain en deux, comme le partagerait un plan que l’on aurait fait palier par cette rainure, & conduit j ufqu a la face oppofée. La peau du grain pénétre là plus avant qu'ailleurs dans la fubfcance farineufe, elle y fait tout du long une languette qui cft un appui commode pour la toile, & dont la chenille fçait profiter. Comme la coulifTe n’efl jamais exactement au milieu du grain, fa cavité efl divifée en deux parties inégales par la toile. La plus grande picee efl occupée par la chenille, ou par la crifalide. Le côté de la toile qui fe trouve dans le logement de la che¬ nille, efl net. Plufieurs grains d’excrémens font attachés contre l’autre côté. Pour bien voir cette petite cloilôn & les deux cavités qu’elle fépare, on coupera un grain de bled îranlverfalement près de Ion bout le plus pointu; fi oïl. coupe enfuitele même grain tranfverfàlement près de fon gros bout, près de celui fur la convexité duquel les cnfans croyent voir une face humaine, hacloilon fera moinsaifée à.diflinguer, mais on n’y verra pas moins fon ufage;une des parties de la feélion paraîtra remplie de petits grains, cntaffés les uns fur les autres, & il n’y en aura aucun fur le refie de la même feélion. Les excrémens ont été amon¬ celés par la chenille dans le bout de la cavité qui en peut contenir davantage. Je ne fçais pas précifément combien la chenille refîe dans fa coque avant que d’y perdre fa forme ; ce que je fçais, c’efl que vers la fin de Novembre, j’ai trouvé encore plufieurs chenilles dans des grains, & qu’au printemps je liai prefque trouvé que des crifalides. La décifion de cette queflion n’cfl pas bien importante, & ce qui la rendrait difficile, à moins qu’on ne prît des précautions dont elle ne vaut peut-être pas la peine, c’eft qu’il y a de ces che¬ nilles qui naifTent beaucoup plûtôt que les autres, parce des Insectes. XII. Mem. 493 que les œufs, d’où elles font foriies, ont été pondus de meilleure heure. C’eft vers le commencement de May que j’ai d’abord eu le plus de ces papillons dans les poudriers. Une autre année je les ai eus dans le mois de Juin; j’en ai eu quel¬ ques-uns dans le mois de Novembre, quoiqu’ils 11e puif- fcnt vivre que deux ou trois femaines au plus. Le papillon lé tire de fes enveloppes de crifaîide dans le grain meme, duquel il fort par un petit trou rond *, qui * PI - 39 - %•> eft percé dans un des côtés, ordinairement plus près du ' ' ' petit bout que du gros bout de ce grain; il n’y a cepen¬ dant rien de confiant fur cela. Sur quelques-uns des grains, d’où le papillon cil forti, on voit encore une petite piece bien ronde qui 11e tient au grain que par une portion de fa circonférence qui n’a pas plus d’étendue qu’un cheveu n’a de diamètre. La petite piece ronde eft précifément ia portion de la peau qui a été coupée circulairement. J’ai été fort embarralTé pour expliquer comment le papil¬ lon, qui n’a pour inftrumens que fes jambes, fa trompe & fes yeux, pouvoit détacher une telle piece de l’écorce dure & écailleufe d’un grain d’orge. Cet ouvrage me pa- roilïoit au-delTus de fes forces, & je ne pouvois faire, & je n’avois fait que de mauvais raifomiemens fur la manière dont il y parvenoit. Pendant que M. ile * * * delhnoit les coupes de ces grains, pour faire voir les cîoifons de foye qui partagent en deux cavités, ceux dont tout l’in¬ térieur a été rongé, elle eut befoin de couper quelques- uns de ces grains pour mieux voir & revoir leurs cîoifons; elle en coupa par préférence de ceux qui étoient percés. Elle ne vouloit pas fans néceiïité s’expofer à couper le corps d’une chenille en deux, & je lui avois débité comme un principe fur, que dans tous les grains fur lefquels il y avoit un trou ouvert,il n’y avoit plus ni chenille, ni crifaîide, Qqqiij 494* MEMOIRES POUR L’HISTOIRE ni papillon. Le hazartl voulut pourtant qu’en coupant des grains percés, elle coupât une chenille, & ce hazardmême lui arriva deux fois ; elle me fit voir ce qui lui étoit arrivé. Il n’en failoit pas davantage pour me faire penfer que l’infecte fous la forme de chenille, pendant qu’il a des dents qui lui manqueront lorfqu’il fera papillon, a la pré¬ voyance de s’en l'ervir pour le faire une ouverture,qui lui fera abfolument ncceffaire lorfqu’il fera devenu papillon. Jcpenfai donc que c'étoit la chenille qui perçoit le grain de bled. Le vrai cft que les grains que j’avois ouverts ci- devant, & dans chacun de/quels j’avois trouvé une che¬ nille qui avoit filé fa coque, ne m’avoient pas paru percés ; mais tout ce que je crus en devoir conclurre, c’eft que quoique ces grainsfuffent réellement percés, ils n’avoient pas dû le paraître à qui nefoupçonnoit pas qu’ils le fuf¬ fent; que l’infeéle qui avoit fongé à faire un ouvrage qui lui ferait néceffaire, pendant qu’il ferait papillon , avoit fait enforte que ce même ouvrage ne l’incommodât pas, pendant qu’il refier oit fous la forme de chenille, & fous celle de crifalide; qu’en un mot la chenille avoit coupé avec fes dents tout le contour de la piece, qui,étant em¬ portée, laifferoit une ouverture fuffilànte au papillon pour fortir du grain, mais quelle avoit eu l'attention de laiffer cette piece en fa place, quelle y ctoit refiée comme une porte dans fi baye ; au moyen de quoi la coque étoit clofe tant que finfeéle l’habitoit ; & le plus petit effort du papil¬ lon devoir fuffire pour lui ouvrir une porte; qu’il n’auroit qu’à pouffer la piece circulaire qui bouchoit le trou, pour la foûîever. Toutes ces conjeélurcs furent bien-tôt vérifiées ; j’obfêrvai avec une loupe quantité de grains qui ne mon¬ traient point de trou, & je vis diflinélcment fur chacun, le contour de la piece qui étoit coupée. Cette piece fermoit bien le trou, mais il mctoit aifé de le faire paraître, en des Insectes. XII. Mem. 495 élevant la piece avec la pointe d’une épingle. Des accidens peuvent faire tomber cette pièce, fur-tout fi on remue les grains, & ccd apparemment quelqu’accident qui i’avoit fait tomber de ces grains, fur lefquels M. IJç * * * avoir vu des trous, & dans lefquels elle avoir trouvé des chenilles. Ce petit papillon * eft de la fécondé claffe des phale- * pi. 39 . Cp# nés. Il a une trompe & des antennes à filets graines. 11 lÿ - porte fes ailes parallèles au plan de pofition ; le côté inté¬ rieur d’une des liipéricures étant appliqué contre le côté intérieur de l’autre aile fupérieure. Le deffus de celles-ci eft d’un canelle extrêmement clair, & a du luifant; leur cleffous, & le deffous & le deffus des ailes inférieures font plus-blanchcâtres, plus gris. Le côté intérieur * des ailes * Fig. 21. inférieures eft bordé d’une frange de poils très-longs, & qui l'ont plus longs que par-tout ailleurs à la jonétion de ce côté avec la baie. Cette aile eft étroite par rapport à fa longueur. Un des caraélcres des plus marqués de ce papillon peut être pris de la figure & de la grandeur des deux barbes ou cloifons barbues * entre lefquelles fh trompe eft logée;ellcs * Fig. 19.ee. font de celles dont nous avons parlé tome 1. Mém. vii. pag. 3 1 5. qui en fie recourbant, s’élèvent au-deffus de la tê¬ te, & qui fie terminent chacune de manière que cette tête paroît porter deux cornes fcmblabies aux cornes de bélier. L’amour de la liberté n’empêche pas ceux de ces papil¬ lons qui naiffent dans d’affés petits poudriers, de s’y accou¬ pler. Pendant l’accouplement leurs corps font fur une mê¬ me ligne, & leurs têtes font tournées vers des côtés op- pofiés. Les ailes de l’un recouvrent alors une grande partie des ailes de l’autre. Si on prend une femelle entre les doigts, & qu’on lui preffelc bout du derrière, on l’oblige de s’allonger à un point, où il a lui fèul autant de longueur qu’en atout le corps dans l’état naturel. Le bout de cette 49 6 Mémoires pour l’Histoire partie allongée eft fanus, par l’ouverture duquel les œufs îprtent. A la bail de cette même partie, en-deffous, on peut diftinguef une autre ouverture ronde qui eft celle qui eft de- ftinée à lailfer palier la partie du mâle qui féconde les œufs. Ces papillons reftent long-temps accouplés , au moins pendant plufieurs heures. Quand l’accouplementefl fini, la femelle fonge bien-tôt à le délivrer de les œufs. Nous avons déjà dit qu’elle a l’attention de les dépofer fur un grain de bled; elle y choilit ordinairement la place où ils font le plus en fureté, où ils font moins expolés à être détachés par les frottemens, lorfqu’il arrive à l’endroit du tas où efl le grain, de s’ébouler. C’eft dans la petite rai- »Pi. 39. fo. nure *, qui eft tout du long du grain, quelle les niche les J -• r - uns auprès des autres à la file, ou dans tut petit tas oblong. Je n’ai pas alfés fuivi ces œufs pour fçavoir précifément 3 e nombre de jours, au bout duquel chaque petite chenille fort du fien; ce qui feroit plus curieux à fçavoir, comme je l’ai déjà dit, c’eft ce que deviennent toutes les chenilles nées fur un grain qui ne peut fuffire qu’à en nourrir une. Mais ce qu’on aimeroit mieux fçavoir encore, apparem¬ ment c’eft le moyen de détruire ces chenilles. Nous n’éxa- minerons les expédiens qui nous ont paru les meilleurs pour défendre nos bleds contre ces inleéîes, que dans le temps où nous donnerons l’hiftoire des charençons. Ces chenilles ne font pas pourtant fans ennemisqui en font périr beaucoup, mais ils n’en font pas périr autant que nous voudrions. Sous la forme de chenille, & fous celle decrifalide, ces infeeftes font expolés à être mangés par de très-petits vers qui, après avoir crû à leurs dépens, le transforment en moucherons dans le grain de bled. J’ai trouvé quelquefois plus de quinze à vingt petites mouches prêtes à fortir du grain de bled, dans lequel je eomptois trouver une chenille, ou une crifalide. des Insectes. XII. Mem. 497 J’ai eu beau examiner avec la loupe des grains de fro¬ ment ou des grains d’orge dans lefquels il y avoit de ces petites chenilles, je ne luis point parvenu à appercevoir i endroit par où la chenille étoit entrée dans le grain : quand elley entre elle eftbien petite, un trou très - petit HifHt pour fui donner pafTage. Je crois pourtant qu’on le verroit s’il étoit percé fur le corps du grain, où il elt lifté & luifant ; mais les bouts du grain, fur-tout à chaque extrémité de la cannelure, ont de petites inégalités; on y voit fouvent de petits feuillets détachés en partie; là, 1 écorce dure eft com¬ me enlevée; c’eft probablement là que la chenille s’intro¬ duit dans le grain. AL Baron Médecin à Luçon ayant eu un gros tas d’orge mangé par ces chenilles, voulut au moins lé dédommager de ce quelles lui coûtoient, enles obtenant, & en me faifant le plaifirde m’en envoyer; il les a obfer- vées avec attention, il a très-bien vû les œufs des papillons, l’endroit où ils les dépotent; & il croit, ce qui n’eft pas fans probabilité, que l’endroit même par où le germe doit for- tir , eft celui que la petite chenille choifit pour pénétrer dans le grain, que c’eft l’endroit le plus tendre, & qu’elle y trouve uneefpece de canal. Si ce feu! endroit peut don¬ ner un paffage facile pour y entrer, la chenille qui s’eft éta¬ blie dans un grain, eft en état d’en défendre les avenues contre celles qui voudroient la déloger. La vie d’un infeétequi eft toujours renfermé dans l’in¬ térieur d’un fruit, ne fçauroit nous fournir beaucoup de faits, auffi en avons nous peu à rapporter des chenilles qui vivent dans les pommes, dans les poires, dans les prunes, &c. Tout ce quelles font, c’elt de manger, de rejetter des excrémens, & de filer. 11 femble qu elles ne filent alors que pour lier enfcmble les grains de leurs excrémens : ainfi affujettis les uns contre les autres, large; fes quatre dernieres jambes ont de longs ergots. A la vûë fimple la partie antérieure & une allés grande por¬ tion des ailes fupérieures font d un gris clair; la partie po- fiérieure & le contour extérieur des ailes efi brun; le gris- clair efi pourtant féparé en deux par une bande brune ti¬ rée tranfverfalement. Lorfqu’on confidére le gris-clair à la loupe*, ilparoîtcompofé débandes tranfverlàles, ondées * I0, Rrrij 500 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE en point d’Hongrie, dans lefquelles il entre du jaunâtre & du brun. Le brun a aufîi du jaunâtre, trois à quatre taches de cette dernière couleur, y l'ont difpofées fur une ligne qui a la courbure delà baie de l’aile. Les feuilles du même arbre, du même pommier, four- nilfcnt de la nourriture à des chenilles d’elj)eces differen¬ tes; il n’y auroit rien de bien fingulier quand les mêmes fruits, les mêmes pommes ferviroient à nourrir des che¬ nilles de différentes efpeces ; & cela elt probablement ainff J’ai examiné le fontl du poudrier dans lequel j’avois mis des pommes de rambour avec leurs chenilles, j’ai, dis-je » examiné le fond du poudrier vers le 20. Novembre, & j’y ai trouvé une coque attachée contre un morceau de pom¬ me delféché. Une chenille étoit dans cette coque fous fa première forme, elle 11e s’étoit pas encore métamorpho- féeen crilalide; elle n’avoit point la couleur rougeâtre de celles qui avoient été renfermées le même jour, elle étoit piquée de points noirs allignés. Cette différence de cou¬ leur ne feroit pas bien décifive pour prouver la différence d efpece., elle pourrait être la fuite d’une longue diette ; mais ce qui paroît plus décifif, c’eft qu’entre des chenilles renfermées le même jour 17. Juillet, les unes font deve¬ nues papillons avant la fin d’Aout, & une autre étoit en¬ core chenille vers la fin de Novembre. Si des chenilles de différentes efpeces peuvent s’élever dans le même fruit, il peut fe faire auffi que des chenilles, de même efpece s’élèvent dans des fruits différens; que comme les mêmes chenilles peuvent vivre des feuilles de, poirier, de pommier & de prunier, &c. une même efpece de chenilles vive dans les poires, dans les pommes & dans les prunes. La chenille rougeâtre des pommes, que nous- avons décrite cy-deffus, eft très - femblable à une che¬ nille qu’on trouve dans les prunes, & à une qu’on trouve des Insectes. Mem. XII. 501 dans les poires. Toutes les trois fe font fait des coquesde foye blanche, & les ont attachées dans des endroits fem- blables. On ne peut pourtant pas aflurer que ces trois che¬ nilles font de la même efpece, il faudroit avoir comparé enfemble leurs papillons, & des hazards qui ont empêché cl eclorre chés moi les papillons des chenilles des poires & des prunes, font caille que je ne puis décider cette que- ftion, peut-être la décidera-t-on dans la fuite. Une obfer- vation rappotée dans le manufcrit de M. de la Hire, pa¬ raît prouver que ces chenilles, malgré leurs reffemblances, font de différentes efpeces. Le ay. Août il trouva dans une poire de bon-chrêtien une chenille longue de fcpt à huit lignes, qu’il dit être de couleur de chair falie ; elle fe Lia une coque compoféed’un peu de foye, &delafciûre quelle détacha de la boîte dans laquelle il l’avoit renfer¬ mée. Le 2 y. Juin de l’année fuivanteelle avoit encore fa, forme de chenille qu’elle étoit près île perdre; car le 4. Juillet il fortit de la coque un papillon d’un gris mul'c, dont le bout des ailes tiroit furie doré. Ce papillon de la chenille de la poire de bon-chrêtien étoit donc autrement coloré que celui de la chenille de la pomme île rambour. Il avoit, comme l’autre, des ergots aux jambes, c’étoient des papillons vifiblement différais, venus de chenilles qui nous pouvoient paraître femblables. Mais nos propres oblèrvations fuffilent au moins pour établir que, quoique nous 11e foyons point frappés des différences qui font entre les chenilles de différais fruits, elles peuvent être d’efpeces différentes. Les glands font fujets à être mangés par deux fortes d’infeétes , par un ver blanc à tête écaiileufe, &.par une chenille à feize jambes, qui efl rougeâtre, & fouvent d’un rouge plus haut que la. couleur de chair, ainfi que l’eft celui des chenilles des pommes, des poires & des prunes. Quelques-unes pourtant. R rr iij 50 Z MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE des chenilles du gland ont leur partie antérieure grifâtre. Ces chenilles, qui ont beaucoup de reffemblance avec celles des pommes, fe transforment en un papillon qui eft différent de celui des chenilles des pommes. Il en eft encore des infeétes qui vivent dans le gland, comme de ceux qui vivent dans les autres fruits, ils aiment, comme je fai déjà dit, à y vivre feuls. J’ai ouvert bien des centaines de glands verreux, & il ne m’eft jamais arrivé de trouver dans le même gland deux chenilles, ou deux vers; il m’eft arrivé quelquefois, mais bien rarement, de trouver dans le même gland une chenille de un ver. Dans ce dernier cas, le ver& la chenille avoient crû enfemble dans le même fruit ; pourquoi deux chenilles ou deux vers n’y pourroient-ils pas vivre enfemble \ Ceci fembie confirmer ce que nous avons foupçonné cy-dcffus, que chaque papillon des chenilles du gland. Si que chaque mouche des vers de ce fruit ne laiffent qu’un œuf fur le jeune fruit, & qu’ordinairement le papillon diftinguenon- feulement des autres, les jeunes glands fur lelquels un autre papillon adéjadépofé un œuf, qu’il n’yenlaiffe pas un des liens, mais qu’il reconnoît même les glands fur lefquels un œuf a été attaché par une mouche, & que la mouche fçait voir fi quelque papillon n’a point laiffé un œuf fur le gland où elle veut pondre. Il y a telle chenille auffi qui n’a pas trop d’un gland île médiocre grolfeur. J’ai ouvert des glands qui étoient remplis d’cxcrcmens, & dont prefque toute la fubfiance avoit été mangée. J’en ai ouvert d’autres dont il n’y avoit que le tiers de mangé. Entre les infeéles de même efpecc, comme entre les au¬ tres animaux, il y en a qui ont un plus grand appétit, ou plus de befoin que les autres. C’eft vers la fin de Septembre que les glands habités par des chenilles, ou par des yers, commencent à tomber. des Insectes. XII. Mem. 505 Si on obferve ceux qui iont alors à terre, on les trouve pour la plûpart percés par un trou bien rond *; c’eft l’ou- *pi. 4 o. fi», verture que l’inTecfte s’elt faite pour en fortir. Si le trou n’y 1 paroît pas encore, on pourraappercevoir fouvent un petit endroit dont la couleur efl plus brune que celle du relie, & un endroit qui a un peu plus de relief, c’eft précifément celui où il y aura bien-tôt un trou; la chenille travaille à le percer. Le trou par où la chenille ou le ver fortent du fruit, n’efl pas, comme on le pourroit croire, celui par lequel ils y font entrés, mais aggrandi à un point convenable. Le trou par lequel chaque chenille & chaque ver fort du gland, efl différemment placé fur différens glands ; mais ja¬ mais il n’efl percé dans la partie du gland qui efl contenue dans le calice. L’infèéte agit comme il agiroit , s’il avoit vifité les dehors du gland, comme s’il avoit appris que s’il perçoit le gland près de fa baie, il auroit enfuite à percer un calice aufïi dur, &. plus dur que le glandmême. Si les en¬ droits qui commencent à fe deffécher font ceux où il lui efl plus ailé d’ouvrir un trou rond, il cfl déterminé par-là à ne pas percer la partie du gland qui étant moins expoféc aux imprefîions de l’air, refie fraîche pendant plus long¬ temps; cette dernière étant plus tendre, réfifleroit pourtant moins aux dents de l’infeéle. Si on tire ce gland de fon ca¬ lice, on apperçoit fur quelqu’endroit de la partie qui y étoit logée, une petite tache, un petit point brun ou noirâtre, d’autant plus ailé à diflinguer, que la partie du gland où il efl, & qui a toujours été enveloppée, efl blancheâtre. Cette petite tache, ce point efl la petite cicatrice de l’ou¬ verture par laquelle f infecte cfl entré dans le gland. Ce qui en convainc, c’eft qu’on la trouve à tous les glands verreux, & qu’on ne la trouve point aux autres. Sur les parois intérieures du calice, on voit la même cicatricule. * Fl. 40. ^ Fig. 1 4 -é * Fig. 1 j 504 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE celle du calice efl pofée immédiatement fur celle du gland. O11 apperçoit encore cette petite cicatrice fur les parois ex¬ térieures du calice. Tout cela apprend que finfeéfe, pour pénétrer dans le fruit, en a percé le calice. Qu’on n’en con¬ clue pourtant rien contre le génie de l’iniecte nouvelle¬ ment né; tout ce qu’on doit en conclurre, c’eft qu’il s’efl introduit dans le gland qui étoit très-petit, qu’il s’y eft introduit dans le temps où le gland étoit renfermé de tou¬ tes parts.dans fon calice: alors pour parvenir dans 1 inté¬ rieur du gland , il étoit de toute néceffité de percer le calice. Dans le commencement d’Oélobre j’ai renfermé dans de grands poudriers , des glands dont chacun avoit une chenille, ou un ver. Les versée les chenilles en font fortis quelques jours après. Les vers fe font tous enfoncés dans la terre que j’avois eu foin de mettre dans le poudrier. Quelques chenilles font au(fi entrées en terre, mais moins ! s- avant. Elles fe font chacune filé une coque * ; les unes l’ont attachée contre la furface du poudrier, foit un peu au-deffus, foit un peu au-deffous de la furftee de la ter¬ re ; les autres ont attaché les leurs contre des glands qui étoient fur la terre ; d’autres les ont filées fur la terre même. Quelques-unes des coques qui étoient appliquées contre les parois du poudrier, étoient de pure foye; prefque tou¬ tes les autres étoient recouvertes de petits grains déterré h. engagés dans la foye *. La foye de toutes ces coques étoit brune. Les papillons * ne font fortis des coques dans lefquellcs les chenilles s’étoient renfermées, que vers la fin de Juillet. Us font delà fécondé claffe des phalènes; ils portent leurs ailes horifontaiement; le deffus des fupérieures n’a pas de couleurs remarquables, celfequi dominée!! un grifiitre for¬ mé par différentes nuances de brun plus ou moins clair. Les des Insectes. XII. Mem. 505 Les châtaignes font un des fruits des plus fujets à être attaqués par les chenilles. Dans certaines années où les châtaigniers promettent la plus abondante récolte, ils ne nous tiennent pas ce qu’ils nous avoient promis; leurs fruits tombent de bonne heure, avant que d’être à matu¬ rité , 6 c il n’en refie prefque pas fur les arbres qui achè¬ vent d’y meurir. Les châtaignes*, qu’011 trouve alors tom- * P!. 4c. bées , font applaties & ridées, 6c comme mal nourries. Leur 1 û ' chiite prématurée, qui arrive dans le mois de Septembre, ne pourrait guéres être attribuée aux gelées, auffi nos payfans tic certains cantons du bas-Poitou la mettent furie compte des brouillards; ils appellent brime, les brouillards qu’on nomme, en terme de marine,brume, 6c ils difent que les châtaignes ont été brimées, lorfqu’ils voyait tomber en trop grande quantité, ces fruits, dont la récolte cfl pour eux un objet important. Mais tant de châtaignes ne tombent alors que parce que l’année a été trop féconde en papillons qui ont fiit leurs œufs fur ces mêmes châtaignes, dès quelles ont commencé à paraître. J’ai ouvert & fait ouvrir bien des centaines de ces châtaignes, qu’on prétendoit être tombées parce que les brouillards les avoientgâtées, mais j’ai vû que c’étoit aux chenilles,& non aux brouillards, qu’il falloit s’en prendre. Dans l’intérieur de chaque châtaigne, ou j’ai trouvé une chenille, ou j’ai trouvé une grande quantité d’excremens, & peu de la fubftance du fruit de rcfle. Cette chenille* qui s’élève dans les châtaignes,eft en- *Fig. i~. core de la première claffe, ou de celles à feize jambes, 6c du genre de celles dont les intermédiaires ont des cou¬ ronnes de crochets complettes. Elle n’a d’ailleurs rien de remarquable; elle eft rafe comme les autres chenilles des fruits; fa tête eft brune, 6c fon corps eft blancheâtre; elle a feulement fur le corps une affés grande tache brune de figure irrégulière 6c peu confiante; celte tache eft due Terne 11 . .S fl' * PI. 4.0. fii 1 8 • * Fig. 1 50 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE probablement à la couleur Je quelqu'une des parties inté¬ rieures qu paroît au travers du tranfparent de la peau. Après avoir crû dans la châtaigne, cette chenille la perce, comme font, en pareil cas, la plupart des autres chenilles des fruits; elle en fort, & va fe hier une coque *. Celles que j’ai renfermées dans des poudriers ont attaché leurs coques contre les parois de ces vales. Leur tiffu eh ferré, & la foye eft d’un brun couleur de maron , ou de celui de coque de châtaignes, mais la foye elt recouverte par une enveloppe de grains de terre. La plupart auffi ont fait leur coque lous terre, mais quelques-unes l’ont faite deux ou trois lignes au-deffus de la furface de la terre. Cel¬ les-là même ont employé des grains de terre pour en for¬ mer la couche extérieure. De chacune de ces coques, il i- eh lorti, vers la fin de May, un petit papillon noéturne * qui a des antennes à filets grainés, d’une médiocre lon¬ gueur. Il porte l’es ailes fupérieures en toit arrondi. Elles font brunes, piquées, vers le milieu du deffusdu corps,de quelques points grifâtres. Il y a auffi trois points de cette dernière couleur qui font comme placés aux trois angles d’un triangle ifolcéle. Le corps& les ailes inférieures lont d’un gris cendré. Ce papillon a une trompe qui ne fè roule guéres qu’un tour. Malgré la dureté de leurs enveloppes les parties de divers fruits ne font pas affés défendues contre les chenilles & les vers de certaines efpeces. Ces enveloppes font percées, foit par la mere de i’infeéte, foitpar l’infeéîe naiffant, dans un temps où elles font tendres. L’amande d’une noifette donne un logement à un ver qui la mange, long-temps avant que fa coque foit devenue ligneufe; à la vérité lorf- que le ver ou la chenille veut fortir du fruit, il eh obligé de percer une coque dure, mais alors il a pris tout fon ac- croiffement, fcs dents font devenues affés fortes pour agir des Insectes. XII. Mem. 507 avec fucçès contre les murs de la prifon. La dureté des co¬ ques des noifettes n’efl rien en comparaifon de celle des noyaux de dattes qui font aulfi durs, ou plus durs qu’au¬ cuns noyaux connus; j’ai eu une chenille qui avoit crû dans un de ces noyaux, & qui ne devoit en être l’ortie que long¬ temps après qu’il eût pris toute là dureté. Cette chenille me fut donnée par M. deMaupertuis. Parmi plusieurs dat¬ tes, venues ici du Levant, il en ohlervaune dans laquelle une chenille étoit actuellement entre la chair du fruit & le noyau, & qui y filoit. Elle étoit ailes femhlable à celles de nos pommes, de nos châtaignes, &c. mais un peu plus grande. Je mis, à la hn de Juillet, la datte, dans laquelle elle étoit, dans un poudrier couvert de papier; elle étoit prête alors à fe métamorphofer en crilaiide. Entre ie 8. Sep¬ tembre & la fin d Octobre, temps où j’étois abfent de Paris, il lortit un papillon * de la crilaiide de cette chenille, * PI. 38,%. que je trouvai mort a mon retour. 11 étoit d’une grandeur l6 ‘ au-delfous de la médiocre, quoique plus grand que ceux des chenilles de nos pommes. Sa couleur, tant fur les ailes, que fur le corps, étoit uniforme; cetoit un Lrun clair, & bronzé, ou luifant. Il me fut permis alors d examiner fon habitation, & je reconnus que c’etoit dans le noyau de la datte * que l’infeéte avoit crû fous la forme de che- * Fig. i 5 . nille. Ce noyau étoit percé d’un trou* de diamètre pro- * portionné à celui du corps de la chenille. En faifant en¬ trer une épingle dans ce trou, on pouvoit saffûrer que toute la fubflance, tendre renfermée fous une fi dure en¬ veloppe, avoit été confommée par la chenille, & quelle n’y avoit lailfé que fes excrémens. Après être fortie du noyau, entre ce noyau & la chair du fruit, elle avoit filé un paquet de fils blancs écartés les uns des autres, au centre duquel elle s’étoit fait une coque de foye de même cou¬ leur, & d’un tiffu médiocrement ferré. Je trouvai dans cette Sffij 50S MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE coque la dépouille de crifâlide qui n’avoit rien de parti¬ culier. Au refie, en voilà affés pour faire connoître le génie des chenilles qui s’élèvent dans les fruits; nous ennuyerions fürement, fi nous nous arrêtions à fuivre plus d’efpeces de ces infeéles, qui n’ont entr’elles que des variétés légè¬ res pour nous, & qui n’ont que des procédés femblabies à ceux que nous avons rapportés. EXPLICATION DES FIGURES DU DOUZIEME MEMOIRE. Planche XXXVIII. L A Figure i, efl celle d’une chenille qui vit dans l’in¬ térieur des branches de pommier, & dans celles de troène, r, fa tête, a, plaque écailleuie qui recouvre le premier an¬ neau. e, autre plaque écailleuie qui recouvre le dernier anneau, de qui lailfe incertain à quel bout efl la tête de la chenille, dans les temps où la chenille ne la montre pas, comme elle fait dans cette figure. La Figure 2, repréfente une partie d’une branche de pommier, dans laquelle la chenille delà figure 1, a vécu 6 c s’efl métamorpholéc. obf, fbdo, marquent la partie de la branche, dont une portion a été enlevée pour mettre à découvert la cavité que la chenille y avoit creufée. d, four¬ reau de la crifâlide, qui a été laiffé dans le bout de la co¬ que, lorfque le papillon s’en efl tiré, ff, bb, portion de la coque faite de fciûre de bois. Une partie de cettefciûr zff, bouchoit un trou qui étoit dans cet endroit de la branche. La Figure 3, efl celle du papillon de la chenille pré¬ cédente , vu par deffus. des Insectes. XII Mem. 309 La Figure q, eft celle du même papillon, vû par deffous. La Figure 5, eft celle dun petit tas d’œufs pondus par le papillon des figures précédentes. La Figure 6, eft celle d’un des œufs du tas precedent , grofii à la loupe. La Figure 7, eft celle d’une chenille cloporte, qui fe tient dans les goulfes du bagnaudier, & qui en mange les graines. La Figure 8, efi celle d’un pois qui fut rongé par une chenille à qui les graines du bagnaudier manquoient. La Figure 9, efi; celle de la crifalide de la chenille de la % 7 - _ La F igure 1 o, efi; celle du papillon forti de la crifalide precedente. La Figure 11, repréfente une jeune poire de virgou- leufe dans laquelle vit une faufle chenille. Les petits grains bruns, amoncelés en e, font les excrémeus que l’infecte a fait fortir hors de la poire. La Figure 12, fait voir une autre petite poire de vir- gouleufe qui efi rongée intérieurement par une faufle che- ni Ile. L’ouverture o, par laquelle elle fait fortir fes excré- mens, efi mile ici à découvert. La Figure 13, efi celle de la faufle chenille d’une des poires reprélentées cy-deiïus. La Figure iq, efi celle de la petite mouche dans la¬ quelle fe transforme la faufle chenille delà figure 13. La Figure 1 5, efi celle d’un noyau de datte percé en o. La Figure 16, efi celle du papillon dont la chenille efi fortie par l'ouverture o, du noyau de datte de la figure précédente , après avoir vécu Sc crû dans ce noyau. La Figure 17, efi celle d’un bigarreau. La Figure 18, efi celle du même bigarreau ouvert, qui a un ver en u. S ff iij 5 iO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La Figure 19, efl celle du ver du bigarreau, un peu grolIi. La Figure 20, & la Figure 21, font celles delà ccque du ver du bigarreau; cette t oque ell faite de la propre peau du ver. La figure 20, la reprélente de grandeur naturelle, 6 la figure 21, la reprélente grolbe au microfcope. La couleur de cette coque efl un blanc-jaunâtre, au lieu que celle des coques des autres vers ell pour l’ordinaire une couleur de maron, ou même plus foncée. Les vers des bi¬ garreaux entrent en terre pour le mettre en coque. La Figure 22, efl cellede lamouche du verdu bigarreau, de grandeur naturelle; & la ligure 23, ell celle de la même mouche groïïie au microlcope. Cette mouché n’a que deux ailes marquées tranfverfalement de taches brunes. Redi a donné la vraye image de la difpofition, de la li¬ gure, & même de la couleur de ces taches, en les compa¬ rant à celles des plumes des ailes des éperviers. Le gris brun ell la couleur dominante du corps de la mouche & de fou corcelet; fur le bout fupérieur de ce dernier, il y a une tache d’un beau jaune; l’entre-deux des yeux ell prefque de ce même jaune. Les yeux font verds, & les jambes font d’un jaune pâle. Ce n’elt que vers la lin du printemps que cette mouche le tire de fa coque. Elle faute; elle a encore quelques autres particularités qui nous obligeront d’en par¬ ler dans d’autres temps. Planche XXXIX. La Figure 1, repréfente une laitue qui a été arrachée de terre. La tige de cette laitue a un trou en o, qui efl l’ouvrage d’une chenille qui ronge l’intérieur de cette mê¬ me tige. La Figure 2, efl celle d’une chenille qui vit dans l’in¬ térieur des tiges des laitues. DES I N S E C .T E S. XII. Mcm. 5 1 , La Figure 3, fait voir, en grand, la portion fupérieure d’un anneau de la chenille précédente. t,t, deux grands tubercules de l’anneau, u, u, deux tubercules plus petits que les précédais, p, poil qui part de chaque tuber¬ cule. La Figure 4, eft celle du papillon d une chenille qui vit dans les racines de la fcrophulaire, & qui eft lemblabie à ia chenille des racines de laitues de la fi g. 2. La Figure 5, eft celle d’une chenille trouvée dans l’in¬ térieur d’une tige d'enula campana. La Figure 6, eft une moitié delà tige d'enula campana, dans laquelle vivoit la chenille delafig. précédente, a b, a b, marquent la partie ligneufe de cette tige, c d, une cavité creulëe dans la moelle. La Figure 7, eft celle d’une chenille qui fe tient dans les têtes & dans les tiges du chardon à bonnetier. La Figure 8, eft celle d’une moitié de tête d’un chardon à bonnetier. La cavité qui eft au milieu eft le principal logement de la chenille; elle l’allonge cependant en creu- fant la tige t. La Figure 9, eft celle d’une chenille qui fe tient princi¬ palement dans les grains d’orge. La Figure 10, eft celle de la même chenille, groffie à la loupe. La Figure 11, eft celle d’un grain d’orge, vu du côté arrondi. 0, y marque une ouverture par laquelle eft forti un petit papillon, dont la chenille a crû dans l’intérieur du grain. La Figure 12, fait voir le grain d’orge du côté où il a une cannelure. La Figure 13, eft celle d’un grain d’orge groiïi à la loupe. Une partie de fon écorce a été emportée en pr, pour mettre à découvert une portion delà cavité qui a étc 512 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE creufée par une petite chenille. Cette portion de cavité qui paroît ici,ch remplie des excrémens delà chenille. Les Figures 14. & 15, repréfentent les deux parties d’un grain d’orge coupé tranfverfalement , & dans lequel une chenille avoit filé l'a coque pour fe métamorphofer en crifalide. cd, cloifon faite d’un tilTu deloye, qui partage en deux, depuis un bout du grain julqu a l’autre , la cavité qui a été creufée dans fon intérieur, n, la portion de la cavité, le logement qui eh occupé par la chenille ou par la crifalide. e, la portion de la cavité dans laquelle les ex¬ crémens font renfermés. Ils neremplilfent pas cette cavité en entier, aulfi n’en voit-on en e, que dans la fig. 1 j. La Figure 1 6, eh celle d’un grain de froment,où une de nos chenilles s’eh logée. La Figure 17, reprélente un grain de froment coupé tranfverfalement, pour montrer la languette c , qui part de la cannelure, & qui pénétre ahës avant dans l’intérieur du grain. Cette languette fert d’appui à une cloifon plus complette, que la chenille conhruit. La Figure 18, eh celle du papillon de la chenille de Forge. La Figure 19, repréfente, en grand, la partie antérieu¬ re de ce papillon, a, a, les antennes, c, c, deux eijjcces de cornes formées par les cloifons barbues, par les cloifons de la trompe. La Figure 20, eh celle d’une des ailes fupérieures du papillon, grolîie à la loupe. La Figure 21, eh celle d’une des ailes inférieures du même papillon , vûë à la loupe. Planche XL. La Figure 1, fait voir la moitié d’une pomme dans la¬ quelle vit une chenille, c , cette chenille, eee, partie des excrémens des Insectes. XII. Mem. s i, excrémens qui ont été laiffés, & liés enlemble par la che¬ nille dans les endroits quelle a rongés, o, ouverture à l’exté¬ rieur de la pomme, par laquelle la chenille en fort, & par laquelle elle fait fortir, quelque temps auparavant, lés excrémens. La Figure 2, eft celle de la chenille qui elî dans la pom¬ me fig. 1 . La Figure 3, repréfente, en grand, la tête de cette che¬ nille, vue par defîus. dd, les dents. La Figure 4, repréfente la même tête, en grand, vue par défions, dd, les dents, f la filière. La Figure y, eft celle de la filière, vûë féparément. f efpece de bec par lequel la foye en fort. La Figure 6, eft celle d’une dent vue par deflous. La Figure 7, repréfente, en grand, une des jambes membraneules de cette chenille. /, la partie qui eft adhé¬ rente au corps, p, le pied, le bout qui eft entouré d’une couronne complette de crochets. La Figure 8, eft celle de la coque de foye que s’eft filée la chenille de la fig. 2, pour fe transformer en cri- falide. Les Figures 9 & 10 font celles du papillon dans le¬ quel fe métamorphofe la chenille de la fig. 2. Il eft beau¬ coup plus grand que nature dans la fig. 10, & feulement un peu plus grand que nature dans la fig. 9. La Figure 1 1, eft celle d’une goufte d haricots entrou¬ verte, &. dans laquelle une chenille c, a introduit fa partie antérieure t, pour manger une des fèves de cette goufte. La Figure 1 2, eft celle d’une fève dont le bout a été rongé Si creufé par la chenille de la figure précédente. La Figure 13, eft celle d’un gland dont une chenille, ou un ver eft forti par l’ouverture circulaire marquées. La Figure 14, repréfente une coque g h, fabriquée par Tome IL . T1 1 514 Mem. pour l'Hist. des Ins. XII. Mem. une chenille' des glands, hd, eft la dépouille de crifalitîc que le papillon a laifïee au bout de la coque qu’il apercée, pour paraître au jour. La Figure i 5, eft celle d’un papillon d’une chenille des glands. La Figure 16, fait voir une châtaigne ridée, & telle que font fouvent celles dans l’intérieur defquelles il y a ame chenille. 0, ouverture par laquelle la chenille eftfortie de la châtaigne. La Figure 17, eft celle de la chenille des châtaignes. La Figure 1 8, eft celle d’une coque que s’étoit filée la chenille de la fig. 17. Cette coque eft vûë par le côté qui étoit attaché contre le poudrier. La Figure 19, eft celle du papillon de la chenille des châtaignes. Fin du Tome fécond. TL 3S ,ù. l&ù r d&, Ins <*£ctzj Ton. . ’z, . Fu ?. 7 Fia 8 JtuUr • . • \ V V ■ \v ' '' V ' \ À V.v \\ \'v '• \ , ' \ w\\\l \V\V\\\' r-\V-' \ \ . ft Y<\ A.' ' - ' ' \Y\\ ' ' S y Y. \. \ V V' ■ . ' v N ■ . ■ \Y N V I \ i : .S ' , ' • • AV i ( ■ ' \ \\ v-;v \, m > \ ■ \ .■ii, > H ' i i ’ i I ; î i